Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Doyon): La séance est ouverte. La
commission poursuit le mandat qu'elle a entrepris la semaine dernière.
Il s'agit de procéder à une consultation générale
et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la
culture et des arts déposée à l'Assemblée nationale
le 14 juin dernier. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le secrétaire.
Je vais m'abstenir de faire lecture de l'ordre du jour pour indiquer dès
maintenant que nos premiers invités sont les représentants de
l'Orchestre symphonique de Montréal. Je leur souhaite, au nom de la
commission, la plus cordiale des bienvenues et je leur indique que nos
règles sont les suivantes: la présentation dure environ 15
minutes. Prenez pour acquis que, si votre mémoire a été
déposé en temps utile, il a été lu et
examiné par les membres de la commission. Si vous voulez en faire un
résumé, libre à vous. Ensuite, après ce quart
d'heure, la discussion s'engage pour le reste du temps avec les membres de la
commission, qui vous poseront des questions et vous demanderont des
éclaircissements ou discuteront tout simplement et échangeront
avec vous. Alors, vous avez la parole. Si vous voulez bien vous
présenter, s'il vous plaît.
Orchestre symphonique de Montréal
M. Brunet (Pierre): M. Pierre Brunet, président de
l'Orchestre symphonique de Montréal.
M. Spickler (Robert): Robert Spickler, directeur
général de l'Orchestre symphonique de Montréal.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Soyez les
bienvenus.
M. Spickler: Merci. M. le Président, effectivement, nous
ne ferons pas une lecture intégrale de l'ensemble du mémoire,
mais nous aimerions néanmoins en tirer certains extraits qui nous
apparaissent pertinents pour ouvrir le dialogue avec vous, si vous nous le
permettez.
Nous ne ferons pas, bien sûr, une présentation exhaustive
de l'Orchestre symphonique de Montréal. Je pense que l'organisme est
assez bien connu. Il faut savoir et se rappeler que l'Orchestre symphonique de
Montréal se classe maintenant parmi les 10 meilleurs et plus grands
orchestres au monde, et c'est très important de se le rappeler. On peut
attribuer ce succès, bien sûr, à Charles Dutoit qui, au
cours des 13 dernières années, a fait un travail absolument
incroyable et, bien sûr, à la qualité de nos 104 musiciens.
Nos succès se mesurent aussi par les nombreuses invitations que nous
recevons de nous produire sur les grandes scènes du monde et par quelque
30 prix internationaux que nous avons déjà reçus pour 50
enregistrements sur disque. Il est important de savoir que l'Orchestre
symphonique de Montréal est le plus grand vendeur de disques
numériques de musique symphonique au Japon et qu'il a récemment
remporté le Grand prix du disque du Japon.
Les succès internationaux sont couplés avec nos
performances ici même au Québec, particulièrement à
Montréal, bien sûr, où nous donnons plus de 100 concerts
par année et auxquels s'ajoutent une vingtaine durant
l'été. Et, au cours de la dernière année, c'est
plus de 600 000 personnes, autant à Montréal, au Québec,
au Canada que sur les grandes scènes du monde, qui ont assisté
à un concert de l'OSM.
Une réussite impressionnante comme celle-là fait, bien
sûr, de l'OSM une institution culturelle majeure. Cependant, il y a des
aspects peut-être un peu moins flamboyants qu'il faut rappeler.
Après 57 années d'existence, l'Orchestre symphonique de
Montréal vit la même fragilité et la même
vulnérabilité qu'au premier jour de sa fondation en 1934. C'est
un aspect, bien sûr, méconnu de la vie de l'Orchestre et ça
mérite peut-être qu'on s'y arrête quelques instants. Nous
croyons que la politique culturelle dont souhaite se doter le gouvernement du
Québec doit permettre à des organismes culturels majeurs, dont
l'OSM, de réaliser leur mandat artistique sur des bases solides, en plus
d'assurer leur stabilité à long terme. Nous souscrivons, bien
sûr, au postulat de base du rapport du groupe-conseil sur la politique
culturelle qui parle de la dimension culturelle essentielle à la vie de
notre société.
Le Québec est une société jeune et son
ministère des Affaires culturelles aussi, qui a tout juste 30 ans. Il
est né sous le signe de la nécessité et même de
l'urgence. Au cours de ces années, le MAC a fait un effort énorme
pour mettre en place des infrastructures, combler des retards,
développer la vie culturelle au Québec. Il s'est, à juste
titre, préoccupé des objectifs de développement. Mais, au
terme des trois décennies, nous croyons que le ministère doit
maintenant prendre le recul nécessaire et évaluer les
résultats de cette action-là. Il y a des assises,
maintenant, qui sont créées, il y a des traditions qui
existent. Le rôle de l'État, croyons-nous, à cet
égard, est appelé à évoluer. Tout en demeurant
ouvert à la création et au développement, nous croyons que
le ministère doit maintenant aussi favoriser de façon urgente la
consolidation des institutions qu'il a aidé à mettre sur pied et
dont les bases demeurent fragiles.
Après 30 ans de développement, donc, la politique de
très large ouverture du ministère l'a conduit à en faire
trop et trop peu à la fois. L'apparition d'organismes tout aussi
nombreux qu'éphémères a eu pour résultat, observe
d'ailleurs le groupe-conseil, et je le cite "que l'aide de l'État est
réduite inévitablement à une forme de saupoudrage qui se
révèle rapidement peu efficace pour le maintien des organismes
subventionnés et, en définitive, pour la qualité de la vie
culturelle. "
Nous croyons que l'OSM, comme d'autres organismes majeurs au
Québec, a fait les frais de cette politique. La brève analyse qui
suit sur l'évolution de la situation financière de l'OSM, que va
vous présenter maintenant M. Pierre Brunet, en témoigne.
M. Brunet: Merci. Je vais simplement vous résumer,
à travers mon objectivité connue comme président de
l'Orchestre symphonique de Montréal, ma perception de certains points
que j'aimerais mentionner en fonction d'une politique
générale.
D'abord, l'ordre de priorités des choses: s'assurer qu'il y a une
priorité de donnée à certains éléments plus
importants l'un que l'autre. Dans la nature, on reconnaît qu'il y a des
choses plus importantes que d'autres; donc, la même chose dans les
organismes culturels. Et, en même temps, le principe de
récompenser le bon management et le succès.
Si je fais une courte rétrospective monétaire de
l'Orchestre symphonique de Montréal, je vous dirais que, depuis 11 ans
que je participe à l'exécutif de cet Orchestre, le budget, il y a
11 ans, était de 3 900 000 $ de revenus, il est maintenant de 15 000 000
$ par année. Donc, une progression assez exceptionnelle et, en
même temps, grâce à 80 membres du conseil d'administration
et à plus de 200 bénévoles, nous avons réussi, en
dons, à aller chercher près de 2 600 000 $ par année.
C'est le seul organisme québécois qui réussit par une
longue marge à aller chercher beaucoup plus que d'autres grâce
à un travail acharné de beaucoup de personnes.
Si on le compare dans le contexte canadien, vous serez peut-être
surpris d'apprendre que l'Orchestre symphonique de Toronto, dans un milieu
beaucoup plus influent, si vous voulez, va chercher presque 1 000 000 $ de
moins que nous en dons et qu'il y a seulement deux organismes canadiens qui
vont chercher à peu près le même montant que nous, c'est le
Ballet national du Canada et le Canadian Opera Co. Donc, je pense qu'il faut
reconnaître que l'Orchestre symphonique de Montréal fait un boulot
exceptionnel de ce côté-là.
Deuxièmement, un management ou un exécutif qui a su, au
cours des années, garder des déficits en ligne de 200 000 $, 300
000 $ par année, même si cette année c'est un peu plus
difficile, si on regarde la période de 11 années: beaucoup de
sérieux en fonction de ça. Donc, la compétence que M.
Spickler vous mentionnait tantôt au point de vue de la réputation
de l'Orchestre également s'est fait sentir au cours des derniers 10 ans.
Il y a 10 ans, l'Orchestre symphonique de Montréal n'était pas du
tout connu.
Donc, conclusion à tout ça, le point que je veux faire,
c'est que, dans une politique générale, à cause du
succès de l'Orchestre, à cause du succès que nous avons eu
à aller chercher des dons, des commandites, des montants
supérieurs aux autres organismes culturels, d'une certaine façon
l'OSM n'a pas été récompensé par une politique pour
des montants concordants. Si je regarde les autres organismes culturels du
Québec, par exemple, qui, en moyenne, reçoivent 16 % de leurs
revenus totaux comme subvention, l'OSM reçoit 9 %. C'est
compréhensible par le succès qu'on a eu, mais, par contre, il y a
des organismes qui, peut-être avec moins de succès ou un moins bon
management, finissent par avoir plus à cause du manque de
succès.
Donc, je pense que les politiques devraient être
réajustées en fonction de deux points: le premier, s'assurer que
certains organismes culturels, tel l'OSM, qui sont d'intérêt
national, entre parenthèses, dans le sens qu'ils ont atteint un sommet
qu'il ne faut jamais perdre ou voir rebaisser, si l'on veut, parce que la
réputation internationale est telle qu'il est important de le conserver.
Et, deuxièmement, s'assurer que les politiques de subvention soient
biaisées, si on veut employer ce mot, en fonction du succès, ou
récompenser le succès ou récompenser, d'une certaine
façon, l'ensemble d'un bon management. C'est les deux points que je
voulais faire.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
M. Spickler: Pour compléter, M. le Président, nous
avons, dans notre mémoire, présenté deux recommandations
majeures visant à peut-être illustrer de façon
concrète notre appui à une des recommandations du rapport du
groupe-conseil relativement à la création de partenariat entre
l'État et le secteur privé dont, je pense, l'OSM est un exemple
éloquent. Nous croyons que, dans la situation actuelle, il existe au
Québec un certain nombre d'organismes culturels majeurs qui devraient
être nommés par l'État "institutions culturelles
nationales" et être dotés d'un appui de l'État suffisant
pour assurer un bon fonctionnement dans leurs opérations. Et c'est la
raison pour laquelle nous croyons - et
c'est là l'objet de notre première recommandation - que
des institutions culturelles nationales devraient être
créées par l'État du Québec afin de consolider le
travail des grands organismes culturels qui rendent des services dans le
développement de la culture au Québec.
La deuxième recommandation vise à bien indiquer que nous
ne voulons pas laisser l'État seul faire tout le travail et que l'OSM
doit continuer, et va continuer, à développer des modèles
de partenariat. Mais il faut pouvoir permettre à un orchestre comme le
nôtre, à une institution comme l'Orchestre symphonique de
Montréal, de le faire à long terme et non pas toujours d'aller de
crise économique en crise économique. À cet égard,
si l'État est en mesure de faire bénéficier de
crédits d'impôt allant jusqu'à 100 % et pour une
période de 10 ans les individus et les corporations qui verseraient des
dons aux institutions nationales pour qu'elles créent des fonds de
dotation, nous croyons qu'à long terme les revenus de ces fonds de
dotation, sans pour autant suppléer au rôle de l'État,
viendront à tout le moins combler les écarts qui seront toujours
existants dans les budgets d'opération de manière à venir
stabiliser les opérations à long terme d'institutions comme les
nôtres. Ce sont les deux recommandations majeures que nous avons
déposées.
Je voudrais simplement dire, en terminant, que nous croyons que ces
solutions-là doivent être étudiées très
rapidement. L'OSM vit en ce moment un état de crise grave et son avenir,
au moment où on se parle, est incertain. Si un organisme comme le
nôtre après 57 ans doit encore parler de sa fragilité et de
sa vulnérabilité, je ne pense pas à ce moment-ci que ce
soit extrêmement inspirant pour d'autres organismes artistiques qui nous
suivent et qui aspirent à un développement.
Alors, i'OSM connaît de grands succès. Montréal et
le Québec, en particulier, en sont extrêmement fiers, mais on est
venus aussi vous dire ce matin que les géants admirés ont des
pieds d'argile. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Spick-ler. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie, M. le
Président. Bienvenue, ce matin, M. Brunet, M. Spickler. M. Spickler, je
tiens à souligner votre participation au groupe-conseil Arpin puisque
vous y siégiez, d'une part, et, deuxièmement, à vous
remercier aussi de votre collaboration. Je sais que, pendant ces mois où
vous avez cogité ensemble, vous avez fait un très bon travail,
d'une part, mais je pense que c'a été aussi un travail assez
ardu. Alors, merci de votre support et de votre collaboration.
Vous dites aussi que le Québec est une société
jeune et que le MAC est né sous le signe de la nécessité,
même de l'urgence. On le voit et, effectivement, quand on a parlé
de nécessité, il y a 30 ans, il n'y avait rien, il n'y avait
aucun organisme, enfin, il n'y avait aucun réseau et le système
était très, très déficient.
J'aimerais revenir à certaines de vos recommandations et je
voudrais parler de Montréal aussi. D'une part, au niveau de l'Orchestre,
vous avez fait deux recommandations: la première, c'est la
désignation d'institutions culturelles à caractère
national. Autrement dit, ce que vous dites, c'est qu'il devrait y avoir des
institutions à caractère national financées directement
à ce titre et autres institutions. Maintenant, je vois
déjà, moi, la situation. C'est que ce que, nous, on peut
considérer naturellement comme des institutions à
caractère national, dans d'autres régions, évidemment, ce
sera la même chose et la discussion va revenir en disant: Bien, pourquoi
eux et pas nous? Bon. Alors, expliquez-nous un peu si cette mesure ferait en
sorte qu'il y ait comme deux paliers, si on veut, les institutions à
caractère national et les autres, pour éviter justement cette
perception.
M. Spickler: Strictement, Mme la ministre, sur le plan des
ressources, si le Québec reconnaissait - et ce n'est pas nous qui allons
faire les choix, c'est un privilège de ministre, ça, de faire les
choix et de l'État aussi - quelles sont ces institutions culturelles
nationales et si des crédits nouveaux sont débloqués pour
ces institutions. On sait que ce sont des institutions qui commandent des
crédits extrêmement importants. Si on leur développe et
qu'on leur assigne des crédits particuliers, nous, ce qu'on dit dans
notre mémoire, c'est que ça ne doit pas être pris à
même l'enveloppe budgétaire actuelle du ministère. Nous
croyons même, au contraire, que le ministère libérerait des
crédits actuels importants qu'il assigne à ces
organismes-là et pourrait s'en servir pour le développement, la
création et le soutien d'autres organismes. Actuellement, vous
dépensez énormément d'argent pour certaines grandes
institutions qui en commandent d'ailleurs plus que ça.
Il ne faut pas se leurrer, un orchestre comme le nôtre, ça
va toujours coûter de plus en plus cher. Si on n'a pas les moyens de se
stabiliser, autant par l'aide de l'État que par les systèmes de
partenariat que nous voulons développer, ça va aller de pis en
pis et on va aller de crise en crise. Nous croyons que, si l'État
reconnaît qu'il possède... Les Japonais, eux, appellent ça
des trésors nationaux. Appelons ça, ici, des institutions
nationales, mais, au Japon, ça existe aussi. En Europe, ça existe
aussi. En Angleterre, en France, en Suède, en Allemagne, il y a ces
organismes nationaux. Si l'État le reconnaît, il appartient
à l'État, de façon générale, de soutenir de
façon normale ces organismes-là avec de nouveaux crédits
et le ministère serait libéré d'une partie des
crédits importants qu'il consacre déjà à ces
organismes
pour rencontrer les autres objectifs qu'il a en matière de
développement, de soutien à la création et à la
recherche, et aussi à la consolidation d'organismes
intermédiaires.
Mme Frulla-Hébert: Qu'est-ce qui arrive dans un cas
semblable au niveau du financement privé? Est-ce qu'il y aurait un
risque, finalement, qu'on se dise: Bien, ce sont des institutions nationales
financées avec une enveloppe provenant directement, par exemple, du
Conseil du trésor? Je tiens à vous féliciter, d'ailleurs,
pour l'effort que vous faites, mais, dans cet effort aussi d'aller chercher
d'autres partenaires, est-ce qu'il n'y aurait pas un risque?
M. Spickler: Écoutez, on sait très bien que les
sommes qui seraient consenties ne viendraient pas rencontrer tous les besoins,
et vous me permettrez de prendre l'exemple d'un orchestre, celui de Boston.
Boston est un des meilleurs orchestres au monde. C'est le "success story" des
orchestres américains. Bien, il faut savoir que, l'an dernier,
l'Orchestre symphonique de Boston a eu un déficit d'opération de
4 000 000 $ sur un budget de 30 000 000 $; 13 % de son budget
déficitaires. Nous, on a un déficit important, mais c'est 8,5 %
de notre budget. Ça ne veut pas dire que Boston est mal
géré, mais Boston n'a pas les problèmes financiers que
nous avons parce qu'il est muni d'un fonds de dotation et les revenus de ce
fonds-là viennent équilibrer son budget.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne pense pas que la participation de
l'État doit être 100 % de nos opérations. Elle doit pouvoir
couvrir les opérations normales, mais il y aura toujours - passez-moi
l'expression - des intempéries qu'il faudra essayer d'atténuer,
des crises économiques comme celle qu'on a vécue récemment
et qu'on vit encore un peu, des chutes de public cycliques qui se produisent et
qui font que très rapidement, dans le cas d'un orchestre, on a des frais
fixes énormes, compte tenu du nombre de musiciens que nous avons
à rémunérer. Compte tenu de cela, on est facilement et
rapidement confrontés à ces déficits-là, de telle
sorte que c'est le cercle vicieux qui s'installe; on finit par avoir des
difficultés à opérer parce qu'on traîne des
déficits de plus en plus lourds. Ces fonds de dotation là
viendraient combler ou stabiliser un peu le fonctionnement de
l'organisation.
Donc, si des institutions nationales sont reconnues, nous croyons que
l'État doit faire en sorte aussi de créer et de signer
véritablement, et de façon concertée, un partenariat avec
le secteur privé en disant: Voilà, nous ferions notre part pour
protéger ces trésors nationaux là, à vous
également de faire la vôtre. Il y a des incitations, des mesures
fiscales qui devraient être données aux particuliers autant qu'aux
corporations pour leur permettre d'injecter des sommes dans ces fonds de
dotation là pour que, avec les années, ces fonds s'accumulant
là, les revenus tirés de ces fonds-là permettent de
stabiliser à long terme des organismes de la taille et de l'importance
de l'OSM.
Mme Frulla-Hébert: Par exemple, je veux parler des fonds
de dotation... Au niveau de - passez-moi l'expression - la classification des
organismes dits nationaux versus d'autres organismes qui auraient un autre
fonctionnement au niveau financier, qui statuerait? Parce que,
honnêtement, avec l'expérience et les gens qui viennent ici
à la commission s'exprimer - c'est ce qu'on voulait, d'ailleurs, c'est
pour ça que j'ai tenu une commission - on s'aperçoit que c'est
toujours extrêmement sensible et chacun, évidemment, défend
son organisme, et Dieu merci! Mais comment pourrait-on statuer qu'un organisme
soit un organisme dit national versus d'autres?
M. Spickler: II y a un certain nombre de critères qui sont
utilisés, bien sûr. Je pense qu'on peut parler de l'importance de
la contribution d'une institution ou d'un organisme culturel à la
culture québécoise et au rayonnement du Québec sur le plan
international; ce sont des critères de ça. L'impact auprès
des citoyens du milieu artistique qu'il défend, le rôle qu'il joue
dans la vie culturelle collective. Il y a un certain nombre de critères
qui doivent être établis et qui font que, lorsque l'État
nomme des institutions nationales, comme je disais tantôt, un peu comme
le Japon a ses trésors nationaux, c'est une célébration,
ça. Ce n'est pas fait antidémocrati-quement contre les
autres.
La tendance qu'on a actuellement, parce qu'on a fait beaucoup de
développement, c'est de s'assurer que tout le monde va être
traité de la même façon, de la même manière,
avec le même statut, ce qui fait qu'à force de le faire à
tout le monde on finit par ne satisfaire et n'aider personne. Je pense qu'au
contraire reconnaître qu'il y a des organismes qui ont atteint ces
niveaux-là, c'est précisément dire aux autres qui
continuent, c'est une émulation aussi: Voici, l'État
possède ses institutions culturelles nationales et ça n'a pas
pour effet de se faire au détriment des autres. Je pense qu'il faut que
ça soit fait de façon très positive. La
démocratisation à outrance est un des problèmes dans le
soutien aux arts. On veut aider tout le monde et bien faire tout le temps. On
n'a pas fini. Il y en a d'autres qui vont venir encore à la porte.
Alors, ce que nous disons, c'est qu'à force de vouloir aider tout le
monde de la même façon et de mieux faire, et de s'assurer que le
développement se continue sans arrêt, on finit par ne pas
régler un certain nombre de problèmes majeurs qui se posent
dès le départ. Il y a des organismes qui ont contribué
énormément qui demeurent extrêmement vulnérables et
qui coûtent de plus en plus cher à l'État, à cause
de ça.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais passer rapidement... En
tout cas, si on a le temps, je voudrais revenir sur le fonds de dotation que
peut-être mon collègue va reprendre, mais je veux parler de
Montréal aussi. À vous deux, M. Brunet aussi
particulièrement, puisque vous vous êtes occupé
évidemment de la Chambre de commerce de Montréal... On a beaucoup
entendu parler de Montréal. Effectivement, dans le libellé, si on
veut, du rapport Arpin, on parle de Montréal, on parte de Québec
et on parle des régions comme blocs. Alors, ça a
été interprété souvent en disant: Les
régions, c'est le reste. C'est Montréal et Québec. Ce qui,
selon M. Turgeon - et peut-être, M. Spickler, que vous pouvez,
finalement, le réitérer - n'était pas l'intention. Mais je
veux revenir à Montréal. Montréal donne toujours
l'impression d'être la plus choyée. Montréal donne toujours
l'impression d'avoir tout comparativement aux autres. Montréal donne
l'impression qu'il n'y a pas de problèmes dans le fond avec ces grandes
institutions. (10 heures)
Nous, on sait qu'à chaque fois qu'il y a un déficit,
à chaque fois qu'il arrive une crise économique, c'est un
problème énorme pour le MAC parce que, effectivement, là,
il faut compresser, il faut aller chercher des budgets et, souvent, on est
obligés de les prendre soit à même... ou de faire des
demandes au Conseil du trésor et ils ne sont pas prêts. Donc, le
fait de se doter d'institutions nationales, c'est quand même une bonne
voie. Mais je veux revenir à Montréal. Quelle est votre lecture
du Montréal culturel, au moment où on se parle, à l'heure
actuelle?
M. Spickler: Je vais laisser peut-être Pierre aussi
commenter, mais c'est clair que c'est le grand centre culturel du
Québec. Qu'on le veuille ou pas, la masse critique de la population est
là. La très grande majorité des activités de nature
culturelle se fait à Montréal. Un des problèmes qui fait
que Montréal n'a pas encore, à notre point de vue, le soutien
nécessaire, autant de la ville, ceci dit, que du Québec, qui
doivent se concerter beaucoup plus à cet égard-là, c'est
qu'on a malheureusement trop longtemps traité Montréal comme
étant une région, au même titre que d'autres
régions. Moi, je veux bien qu'on soit équitable à
l'endroit de l'ensemble des Québécois, c'est un principe
inaliénable. On a - le rapport Arpin le mentionne aussi - une sorte de
géographie extrêmement difficile. Mais il reste, néanmoins,
qu'on ne peut pas, non plus, reconnaître qu'il n'y a pas de
métropole. Montréal, ce n'est pas une région; c'est une
métropole et elle doit être traitée comme telle.
Ça ne veut pas dire que tous les privilèges doivent aller
à Montréal, mais la lecture que je fais en ce moment, c'est que
la masse critique d'organismes, la masse critique d'artistes qui y sont - on
parle de se doter de grands équipe- ments; Montréal a encore une
crise de logement d'équipements culturels aussi - fait que ça ne
m'apparaft pas encore être... L'énergie qui doit s'en
dégager sur le plan culturel ne fait pas encore de Montréal ce
qu'elle doit être aussi, c'est-à-dire la grande porte ouverte sur
le plan international, dans les échanges culturels et le rayonnement du
Québec. Cet aspect-là m'apparaît encore extrêmement
important à développer et c'est comme métropole que
Montréal doit être traitée et non comme une
région.
M. Brunet: C'a été bien dit. C'est difficile
d'ajouter à ça, mais peut-être dire que ça semble
être un éternel problème. Si on le regarde du
côté économique, il a toujours été dit que
Montréal est choyée quand on est en région et vice versa
quand Montréal va en région. La géographie du
Québec est ainsi faite, c'est que 50 % de la population demeure dans le
Montréal métropolitain et c'est un pôle d'attraction. Plus
Montréal fonctionne bien, plus la province va fonctionner. Donc, manque
de tradition culturelle des fois, mais, quand on compare avec les autres
villes, si on prend, par exemple, l'Orchestre symphonique, il y a une baisse
d'assistance, mais cette baisse d'assistance est internationale, universelle.
C'est la même chose à New York, c'est la même chose à
Boston, c'est la même chose en Europe. Mais est-ce qu'on l'attribue
à la qualité des enregistrements aujourd'hui à cause des
CD, des disques... Il y a un phénomène qui se passe en
fonction... Quand il y a une récession également, les
premières coupures des individus dans leur budget sont peut-être
du côté culturel, si on veut, en fonction de l'assistance aux
organismes culturels.
Je ne pense pas que Montréal soit pire que d'autres villes,
comparativement, mais, par contre, au Québec, on aura toujours le
syndrome de région versus Montréal. Il faudrait peut-être
se débarrasser de ça et voir que Montréal est quand
même un coeur important à cause de sa population.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez des baisses au niveau de
l'assistance etc., et, effectivement, il y a plusieurs organismes majeurs
à supporter à Montréal. Vous parliez du partenariat accru
avec la ville de Montréal. Finalement, la CUM était avec nous
hier; on va recevoir la ville de Montréal la semaine prochaine, je
pense. Comment augmenter cette concertation? On a, avec la ville de
Montréal, l'entente MAC-villes et on travaille très fort au
niveau des organismes. Il y a aussi une entente avec Montréal; elle
s'occupe de l'infrastructure de certains équipements, dont
bibliothèques, maisons de la culture, mais, nous, on prend le
fonctionnement, d'une part, et, deuxièmement, on s'occupe des grands
organismes de Montréal, tels la Place des Arts, les musées, etc.
Mais comment augmenter cette concertation? Comment faire justement pour que nos
efforts
soient en synergie et non pas parallèles?
M. Spickler: Nous sommes tous, d'ailleurs, encore en attente
d'une politique culturelle de la ville de Montréal. Ils ont eu des
auditions l'an dernier, il y a des recommandations qui sont sur la table. Nous
avons été informés que la ville réservait
jusqu'après sa présentation ici le dépôt d'une
politique culturelle. La ville de Montréal, historiquement, est toujours
un peu écartelée entre son mandat de servir des citoyens d'une
municipalité, celui d'être le centre régional le plus
important du Québec et celui, conséquem-ment, par la force de ses
activités et par le caractère très original au
Québec et à Montréal en particulier, d'être
extrêmement forte sur le plan culturel, d'être une porte
d'entrée internationale. Montréal est toujours
écartelée entre les décisions qu'elle doit prendre pour
servir ses citoyens au niveau local et la politique culturelle qui doit aussi
faire en sorte qu'elle doit être une métropole internationale. Je
pense que c'est à cet égard-là, parce que, lorsqu'elle
dessert bien et qu'elle rayonne bien de par le monde, cette ville-là,
elle sert aussi et fait bien rayonner le Québec. Je pense que c'est
surtout sur les mandats nationaux et internationaux du rôle de
Montréal sur le plan culturel qu'il devrait y avoir de meilleures
relations entre l'État et la ville de Montréal.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. J'ai bien
apprécié les distinctions que vous faites quant au rôle de
Montréal et aux problèmes qu'elle peut rencontrer dans
l'accomplissement de ses mandats envers les citoyens et les gros
équipements. Je disais hier à cette commission, à un autre
groupe qui était là, un peu le paradoxe dans lequel on se trouve.
On se trouve, à Montréal, avec de gros équipements qui
sont centraux, qui desservent toute la grande région, pas seulement
Montréal, même peut-être le Québec ou une grande
partie du Québec et, de l'autre côté, des quartiers
importants de la ville de Montréal comme Pointe-aux-Trembles,
Rivière-des-Prairies n'ont pas une infrastructure culturelle, pas de
bibliothèque, pas de maison de la culture. Je me demande si la culture,
ça ne commence pas déjà par le début, à la
base, en intéressant les citoyens et si on ne devrait pas, à ce
moment-là, peut-être, revoir un peu le mandat ou certaines
ententes qui ont été prises qui font que Montréal ne
reçoit pas d'aide des gouvernements pour développer ses
infrastructures de base envers les citoyens, comme les bibliothèques et
les maisons de la culture.
M. Brunet: C'est plus difficile pour nous de répondre
à cette question en fonction de notre mandat, à l'orchestre, qui
n'englobe pas toute la ville de Montréal.
M. Gobé: On n'a pas de salle de concerts dans l'est, par
exemple.
M. Brunet: Je comprends. Par contre, pour vous répondre et
pour répondre aussi en fonction d'une certaine responsabilité de
chacun de ces organismes, je vous mentionnerais que l'Orchestre symphonique de
Montréal fait beaucoup pour aller dans les régions, autour, et
fait beaucoup pour l'éducation. Je pense que Robert pourrait vous donner
les chiffres. Je n'ai pas les chiffres disponibles ici, mais le nombre
d'étudiants qui assistent aux matinées, avec des cours de
préparation, en fonction de toutes les écoles... Même le
ministre de l'Éducation a assisté à une de ces
représentations-là et, durant un morceau de Bach, il y a 700
étudiants qui se sont levés avec une flûte pour jouer en
même temps que l'Orchestre symphonique de Montréal. Il y a
beaucoup de choses qui se font le matin. Alors, la culture, c'est quelque chose
qui se communique et l'OSM se sent très responsable face à
ça et fait beaucoup de ce côté-là.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Brunet, M. Spickler, bienvenue! Merci pour ce
mémoire et, pourquoi pas, merci aussi pour la discographie que vous avez
incluse au mémoire. Je me suis aperçu qu'il en manque encore
beaucoup à ma collection; alors, je tenterai de m'y employer dans les
jours qui viennent. La fin de semaine qui vient est longue, donc, elle sera
propice pour aller chez Archambault, parce qu'il faut d'abord acheter dans sa
circonscription, M. le député de LaFontaine sera d'accord avec
moi.
Vous faites état, en dépit de votre progression et de vos
succès quand même remarquables, éloquemment remarquables,
autant à l'étranger qu'au Québec, d'une situation
financière précaire, d'un déficit accumulé de 2 000
000 $, malgré que vous ayez ramassé, l'an dernier, 3 000 000 $
auprès de votre public; alors que l'aide de l'État, elle, est
passée de 40 % à 20 % de vos revenus. La question que je me pose
est: Comment l'État peut-il contribuer à la stabilité
financière d'une grande institution culturelle comme la vôtre,
alors que, comme prime à l'excellence, on a déjà vu mieux?
Vous êtes, en quelque sorte, pénalisés par votre
succès. Si le public vous donne 3 000 000 $, c'est qu'il vous
apprécie. Mais, en contrepartie, l'aide de l'État diminue. C'est
presque vous dire: Mais ne ramassez pas!
M. Brunet: Dans ma présentation, tantôt, je disais
qu'une des priorités des politiques devrait être une certaine
récompense au management ou au succès d'une organisation en
fonction d'une
certaine reconnaissance. Il est évident que, si, au cours des
derniers 10 ans, le management de l'Orchestre avait été beaucoup
plus relax, pour prendre une expression entre parenthèses, ou
peut-être un petit peu plus fluent, à ce moment-là, on
aurait peut-être eu des déficits de 400 000 $ ou 500 000 $ et il y
aurait eu état de crise beaucoup plus tôt. On sait que, selon
l'expression de mon vieux grand-père qui disait toujours: C'est toujours
le cochon qui crie qui a la bouette, bien, à un moment donné,
c'est ça qui arrive. C'est ça qui est malheureux peut-être
dans une politique générale dans l'ensemble des derniers 10, 15
ans au Québec, c'est que les organismes qui ont parti quelque chose,
mais qui sont devenus en difficulté ont eu de l'aide pour éviter
la crise sans tenir compte des autres organismes qui, eux, faisaient quand
même un boulot assez exceptionnel.
Je pense que, en revenant à la discussion de tantôt,
à savoir s'il y a lieu de reconnaître certains organismes
d'intérêt national - et, c'est une discussion que Mme la ministre
nous amenait, il y a des dangers là-dedans - moi, je dirais oui, mais,
par contre, si on le fait avec un minimum d'institutions, je pense que
ça peut se faire. Ça peut être une voie ou une politique
assez précise d'encouragement aux organismes culturels qui ont
réussi à bien gérer leurs choses et à
connaître un certain succès.
M. Boulerice: II n'y a pas de prime à l'excellence. Vous
savez, il y a des épisodes un peu malheureux. Là, vous parlez
d'un fonds de dotation. Je vais vous donner l'exemple d'une autre institution
assez prestigieuse à Montréal, qui est le Musée d'art
contemporain qui, par une gestion aussi serrée que la vôtre, par
des efforts de financement, se retrouve avec un fonds de dotation de 500 000 $,
ce qui est merveilleux. Mais, en contrepartie, le ministère leur dit:
Bien oui, mais vous avez les 500 000 $. Alors, à ce moment-là, on
réduit le budget que l'État, normalement, leur accordait. C'est
un hold-up culturel à ce niveau-là et ce n'est pas incitatif,
c'est démoralisant pour une institution.
M. Brunet: Je crois qu'il y aurait lieu de s'entendre sur les
définitions. Vous avez raison, c'est peut-être de cette
façon-là, mais, nous, notre intention si on avait un fonds de
dotation, ce serait très clair. Le partenariat, prenons comme
hypothèse 50-50 et on ferait une définition très claire du
management. Le management du fonds de dotation pourrait être
indépendant de l'Orchestre et dire: II va servir pour telle, telle,
telle chose.
Au début, il y a cinq ans, quand nous avons pensé à
le partir, on voulait le faire en fonction de la Maison de la musique. C'est un
projet qu'on a mis de côté, qui est de côté
actuellement vu la récession, la période économique, mais
on penserait également à en faire un. Quand on a fait le tour de
l'ensemble des entreprises et des bienfaiteurs de l'Orchestre, on avait
identifié, à l'intérieur d'un mois, à peu
près l'équivalent de 15 000 000 $ qu'on pourrait avoir pour un
fonds de dotation. Je pense qu'on pourrait le revoir. Alors, si vous parlez
d'un partenariat, prenons un exemple. Si l'État mettait 10 000 000 $ et
l'entreprise privée et les individus 10 000 000 $ d'un coup sec, si ces
20 000 000 $ étaient investis, théoriquement, ils rapporteraient
2 000 000 $ par année. La stabilité financière de
l'Orchestre est là. Mais la définition à
l'intérieur du fonds de dotation doit être faite pour savoir
pourquoi on se sert de ces 2 000 000 $ là. Il faut bien le
définir.
M. Boulerice: Tout le monde s'entend pour soutenir la culture
alors qu'on la taxe. Le 1er janvier, tout billet pour un de vos concerts sera
taxé de 27,5 %. Je ne sais pas quel est actuellement l'état de
fréquentation de vos concerts, mais vous avez sans doute subi une
baisse, compte tenu de la TPS, compte tenu d'une récession qui est loin
d'être terminée et qui frappe durement. Là, vous serez, au
1er janvier, avec 27,5 % de taxes sur chaque billet. Et on peut se parler entre
nous; le prix des billets, c'est accessible à la classe moyenne, moyenne
supérieure etc., mais j'essaie, moi, de penser à un travailleur
dans ma circonscription qui a tout juste le salaire minimum et qui aimerait
bien entendre l'Orchestre symphonique. À 27,5 % de taxes sur un billet,
c'est presque prohibitif maintenant. Quels sont les impacts que ça a
chez vous actuellement, M. Spickler? (10 h 15)
M. Spickler: Taxes et autres situations économiques
actuellement ont pour effet qu'on peut dire qu'il y a une baisse
générale de public d'environ 10 %. Les concerts de l'Orchestre,
autour de 70 % de salle, c'est devenu entre 55 % et 60 % de salle en ce moment,
à ce point-là.
Vous parlez de 27,5 %. On peut en ajouter un autre 10 %. Il faut bien se
rappeler qu'on a aussi la taxe d'amusement, le droit sur les divertissements.
Il faut se rappeler aussi que nous avons une redevance à la Place des
Arts pour tout billet d'au-dessus de 10 $, ce qui fait que, quand on se fait
dire et par l'État et par notre conseil d'administration, tout à
fait légitimement: Nous avons besoin d'accroître aussi nos revenus
autonomes, au cours des trois dernières années, l'Orchestre a
accru le revenu net de ses billets d'environ 15 %, mais, en fait, ils auront
crû de 37,5 % au cours des trois dernières années. Alors,
c'est hors contrôle. C'est définitif que l'objectif est
d'être le plus démocratique, mais que l'Orchestre, qui est
subventionné par des fonds publics et qui a un mandat de desservir
l'ensemble de la population, finit par avoir un prix de billet qui ne sert pas
l'ensemble de la population, mais sert simplement ceux qui ont les moyens de le
payer, de plus en plus.
L'écart qu'il y avait il y a 10 ou 15 ans entre le prix d'un
billet à Montréal, à New York et dans les autres grandes
capitales était énorme et on disait: Ah oui! Mais, vous savez,
eux autres, ils le font; cet écart-là n'est plus aussi grand
qu'on le croit et, au cours des dernières années, le coût
des billets à New York n'a pas tellement augmenté, alors
qu'à Montréal et à Québec il augmente
considérablement. L'écart est maintenant extrêmement
réduit; ça devient prohibitif et vous avez tout à fait
raison de dire qu'on n'est plus en mesure de desservir la totalité de la
population.
M. Boulerice: Une dernière question parce que mon
collègue, le député de Mercier, aimerait beaucoup
échanger avec vous. Pour vos tournées qui vous mènent un
peu partout à travers le monde et, je pense, au Japon très
prochainement, non pas au Japon, en Suisse, je crois, plutôt, est-ce que
vous êtes satisfaits des efforts déployés par le
ministère des Affaires internationales et son réseau de
délégations?
M. Spickler: II n'y a pas beaucoup de délégations
du Québec partout dans le monde, mais je peux vous parler d'une
expérience récente cependant et en témoigner de
façon positive. Nous avons, l'été dernier, fait une
tournée en Amérique du Sud. Il y a une Délégation
du Québec à Caracas qui couvre littéralement toute
l'Amérique du Sud, et ils ont toute mon admiration parce que leur haut
degré de connaissance du territoire de l'Amérique du Sud et ce
qu'ils ont à desservir d'un seul bureau à Caracas est
énorme. Durant notre séjour là, la
Délégation du Québec tout comme celle du Canada ont
été présentes, ont bien aidé, soutenu,
supporté l'Orchestre et ça nous a été
extrêmement utile.
Là où le bât blesse, je dois vous dire cependant,
c'est que - et c'est aussi une des recommandations du rapport du groupe-conseil
- nous croyons et nous continuons de croire que le maître d'oeuvre en
matière de politique culturelle doit être le ministère des
Affaires culturelles, y inclus dans son volet international. On parlait de
partenariat; il y a un partenariat à créer aussi entre le
ministère des Affaires culturelles et celui des Affaires internationales
pour qu'il y ait une sensibilité à cet égard-là.
Quand nous tournons à travers le monde, on fait faire
énormément de millage au Québec. On porte dans notre nom
même le nom de la ville de Montréal et on est aussi un organisme
du Québec. Les milieux d'affaires, les milieux économiques
pourraient tirer profit énormément de la présence de
l'Orchestre dans certaines villes. Les triomphes qu'on connaît dans
certaines villes à l'extérieur du pays font en sorte qu'il est
possible de faire des affaires autant internationales que culturelles en
même temps, et même commerciales. Mais, malheureusement,
actuellement, ce n'est pas le cas.
Nous sommes, vous le savez, subventionnés aussi pour nos
tournées par le ministère des Affaires extérieures du
Canada et, eux, ils en font. Et on pense qu'à ce niveau-là le
ministère des Affaires internationales devrait, avec le ministère
des Affaires culturelles, renforcer sa position et son soutien international
aux activités d'organismes artistiques qui ont ce
rayonnement-là.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président, je vous remercie. M. Brunet,
j'ai une question à vous poser, et une seule, avec peut-être
quelques incises plus tard, dépendamment de votre réponse. Au
moment de mon agonie comme ministre des Affaires culturelles, il y avait des
réunions avec la ville de Montréal, l'Université du
Québec à Montréal, les Affaires culturelles, mes
fonctionnaires et puis, évidemment, l'Orchestre symphonique de
Montréal pour l'établissement, à Montréal, d'une
salle de concerts qui devait être située dans le stationnement de
Dupuis Frères à l'époque, donc au coin de Berri et
Sainte-Catherine.
J'aimerais que vous me fassiez le point, M. Brunet, sur l'état de
ce projet-là au moment où on se parle et les intentions de
l'Orchestre par rapport à ce projet-là qui, si je me souviens
bien, allait chercher un budget d'environ 80 000 000 $ de construction tout
simplement et qui faisait saliver les promoteurs de Montréal, entre
autres, M. Gaucher qui est connu de vous, j'imagine, autant que de moi, et dont
l'implantation était destinée à rehausser
l'activité dans l'est de Montréal encore plus qu'elle ne l'est
maintenant. J'aimerais savoir, donc, de vous, M. Brunet, et de vous, M.
Spickler, où en est l'état des choses au sujet de ce projet.
Le Président (M. Doyon): Je suis obligé de vous
demander de faire rapidement, M. Brunet ou M. Spickler, compte tenu que le
temps est malheureusement déjà écoulé. Vous avez la
parole.
M. Brunet: Très rapidement. Nous sommes devenus des
experts en salles de concerts. Nous avons des plans pour à peu
près une dizaine de salles de concerts parce qu'il y a eu plusieurs
projets au cours des années, dont celui que vous mentionnez. Les raisons
pour lesquelles Berri-De Montigny a été mis de côté,
c'est qu'il n'y avait pas moyen de s'entendre sur la qualité
intérieure. La coquille pour la musique, comme c'était la
promotion d'un groupe qui voulait construire, c'était l'une des raisons
principales. Par la suite, récemment, c'est-à-dire il y a deux
ans, nous avons repris le tout et, vu la situation économique qui est la
récession actuellement, on a décidé de mettre ça de
côté temporairement.
C'est quelque chose qui va revenir dans le temps.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots maintenant.
M. Boulerice: Oui. Merci, M. Brunet; merci, M. Spickler. Pour ce
qui est de cette maison, je vous avoue que j'aurais bien aimé la voir.
On aurait peut-être pu travailler les plans. Elle avait l'avantage
d'être à la fois dans ma circonscription et dans l'est de
Montréal, ce qui réjouit le député de LaFontaine et
moi-même. Merci de votre participation. Je vais me permettre une simple
allusion. Je n'irai pas plus loin puisque ce sont des problèmes qui vous
concernent, vous, d'abord et avant tout. J'ose espérer que les petites
dissidences qu'il y a actuellement au niveau de l'Orchestre se
résoudront le plus rapidement possible de façon à ce que,
malheureusement, on ne vive pas avec l'Orchestre symphonique de Montréal
les affreux problèmes qu'on a vécus avec l'Orchestre symphonique
de Québec. On n'a pas les moyens de se payer une dégradation d'un
organisme extrêmement prestigieux et probablement un des meilleurs
ambassadeurs du Québec. Je vous remercie de votre présence et de
votre participation.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. Brunet et M. Spickler,
évidemment, merci de votre participation. L'Orchestre, c'est la
fierté des Québécois, la fierté de Montréal
aussi et c'est évident, comme le disait aussi mon collègue, que
votre problème est mon problème. Si on peut en arriver à
une solution de telle sorte qu'on puisse assurer la santé
financière des grands organismes sans pour autant pénaliser le
ministère, parce que le système fait que c'est ce qui se passe
maintenant, on va travailler ensemble pour trouver une solution parce qu'on en
est tous pénalisés. Vous l'êtes, nous le sommes et,
évidemment, ceux que l'on aide le sont aussi.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il
me reste, comme président de la commission, à vous remercier
d'être venus nous rencontrer. Vous auriez beaucoup à dire, j'en
suis sûr. J'arrive de Vienne et je rencontrais le directeur artistique du
Festival de Salzbourg et on discutait de la possibilité pour votre
orchestre de faire un tour là-bas. Ils sont extrêmement
intéressés. Je leur ai remis deux disques. Les grandes
institutions nationales à Vienne, évidemment, sont là
depuis longtemps. C'est une solution qu'ils ont adoptée avec de fort
bons résultats. La ville de Vienne a un rôle prédominant
dans toute la vie culturelle autrichienne et l'Autriche s'en porte très
bien. Il y a toutes sortes de leçons peut-être à tirer. Il
ne faudrait peut-être pas réinventer la roue constamment. Il y a
peut-être moyen d'aller trouver des façons de faire qui ont fait
leurs preuves ailleurs et c'est pour ça que je suis allé
là-bas. J'aurais pu en discuter longtemps, mais le temps nous manque
pour les parlementaires et pour moi aussi. Alors, je vous remercie et je vous
dis: Au revoir et bonne chance.
J'inviterais maintenant la Fédération d'art dramatique du
Québec à bien vouloir prendre place en avant. C'est leur tour de
nous présenter leur mémoire. Alors, en souhaitant la bienvenue
à nos invités, je les invite, sans plus de retard, compte tenu
que nous avons un horaire à respecter, qui est extrêmement
serré. Je rappelle à tous les membres de la commission qu'il est
essentiel que nous nous en tenions à l'horaire; autrement, on n'en
sortira pas. Nous avons 238 mémoires à entendre. C'est une
tâche considérable et le président a l'odieux de rappeler
cette exigence constamment.
Une voix: On vous pardonne.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Donc, vous êtes ici depuis le début de nos
travaux. Vous connaissez nos règles. Vous vous présentez. Vous
avez une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre
"rapport" ou un résumé que vous voudrez bien faire et,
après ça, la conversation s'engage avec les membres de la
commission. Donc, si vous voulez bien vous présenter et procéder.
Merci.
Fédération d'art dramatique du
Québec
M. Bergman (Michael): Merci beaucoup. Bonjour aux membres de la
commission, M. le Président, Mme la ministre. Je suis Me Michael
Bergman, président du conseil d'administration de notre
fédération. J'ai avec moi, à ma droite, M. Guy Rodgers,
directeur général, Mme Claire Shapiro, membre du conseil
d'administration, et Mme Pauline Abarca, aussi membre du conseil
d'administration.
Comme vous le savez, nous sommes une fédération d'artistes
de théâtre anglophones au Québec. Nous sommes heureux
d'être ici pour participer au développement et au processus
d'établir une structure culturelle au Québec vers le prochain
siècle. À cet égard, le rapport Arpin est une
première étape pour réviser les structures soit
législatives, soit institutionnelles, soit politiques de la culture au
Québec. Nous sommes ici afin de participer fortement à ce
processus.
La révision des politiques implique, à mon avis, deux
choses: une certaine philosophie, une certaine théorie des arts et de la
culture et, en même temps, une deuxième chose très
importante, des structures pratiques, c'est-à-dire la fondation, le
regroupement des activités culturelles au niveau gouvernemental et sans
doute la question des subventions et des programmes économiques
pour soutenir la culture québécoise.
Sur le plan de la philosophie, nous sommes heureux qu'Arpin reconnaisse
l'importance primordiale de la culture comme une des trois fondations d'une
société harmonieuse et riche. Mais nous sommes un peu inquiets
à la lecture des 113 recommandations d'Arpin parce que, parmi ces
études et ces recommandations, il semble que nos membres soient
oubliés, sinon perdus. Nous sommes, évidemment, partie d'une
culture minoritaire au Québec, c'est-à-dire la culture
anglophone, mais néanmoins québécoise. (10 h 30)
Arpin parle de l'intérêt national du Québec dans le
domaine culturel. Nous sommes d'accord que la culture est dans
l'intérêt national du Québec, mais nous voulons être
une partie de cet intérêt national. Nous voulons contribuer
à toute la richesse culturelle du Québec et, pour ça, il
faut reconnaître sur le plan de la philosophie que les cultures
minoritaires québécoises sont partie intégrale de
l'intérêt national du Québec, parce que, sans une telle
base de philosophie, c'est très difficile de planifier des structures
législatives et politiques, des plans pragmatiques pour le
développement et l'épanouissement de la culture
québécoise dans toutes ses faces. C'est pourquoi, dans notre
mémoire, nous avons quelques recommandations sur le plan
législatif pour faire en sorte que nous reconnaissions que nous sommes
une partie importante des activités culturelles
québécoises.
Sur le plan pratique, on a, évidemment, la fameuse question du
financement. C'est sûr que la première façon, le premier
moyen gouvernemental de soutenir les arts et la culture, c'est par voie d'aide
financière. Toutes les institutions d'éducation, de formation,
toute la bonne foi, ça ne sert à rien s'il n'y a pas un mode de
financer la culture québécoise. Et la culture, évidemment,
ça, c'est un domaine public. C'est pourquoi le gouvernement et
l'Assemblée nationale ont raison, et ont l'obligation de financer
adéquatement la culture québécoise. À cet
égard, nous avons, évidemment, la question des programmes de
subventions économiques et aussi nous notons qu'Arpin recommande
quelques modes de procéder. La première chose qu'il recommande,
c'est le modèle de la République française,
c'est-à-dire l'intervention directe du gouvernement sur le plan
culturel. Il y a d'autres pays qui ont choisi d'autres modèles, soit
l'établissement des institutions indépendantes de tout
gouvernement pour décider quel groupe sera subventionné.
Évidemment, Arpin trouve ces autres modèles inacceptables dans
notre milieu. Mais, néanmoins, nous pensons qu'il faut réviser et
porter un deuxième coup d'oeil a ces modèles.
Le fameux Canada Council, le conseil des arts canadien, est un exemple
type où nous avons une institution indépendante du gouvernement
qui agit - c'est des normes établies par les artistes eux-mêmes -
sur une base d'objectivité qui donne suite à la phrase que
justice doit être faite et aussi sembler être faite. Ce n'est pas
pour dire que, dans l'état actuel, le gouvernement
québécois ou le ministère des Affaires culturelles est
arbitraire ou préférentiel à l'un ou l'autre des artistes
ou associations ou troupes d'artistes, mais c'est très important, si le
Québec veut reprendre la juridiction culturelle, qu'ayant, après
cette "repatriation", une seule juridiction culturelle
québécoise, cette juridiction soit exercée avec des
précautions et des institutions qui mesurent avec objectivité les
besoins professionnels des artistes québécois. En même
temps, s'il y a une "repatriation" de la juridiction, la question de l'argent
qui provient des coffrets fédéraux nous semble très
inquiétante; il faudrait que, par les formules qui seraient
utilisées, il y ait vraiment une base des niveaux d'argent
disponible.
Autre chose, sur le plan pratique, nous voulons des garanties, pour les
programmes qui nous concernent, c'est-à-dire les programmes qui
concernent les artistes anglophones, que nous serons représentés
sur les jurys, les comités d'évaluation, pour être
sûrs que nous ayons un échange d'idées sur les questions
financières, que nos intérêts seront
protégés, mais pour assurer aussi que nous serons jugés
par les mêmes bases professionnelles que notre homologue
franco-québécois.
Enfin, si je peux résumer, Arpin est une première
étape, mais c'était peut-être une étude trop mince
pour nos besoins comme une société culturelle. Nous avons une
stratégie pour le prochain siècle, une stratégie qui
regroupe les intérêts de tous les groupes culturels, soit
majoritaires ou minoritaires, québécois et des programmes d'aide
financière pour garantir notre développement.
Ayant fait ce petit résumé et quelques remarques
d'ouverture, nous sommes heureux de répondre à toutes vos
questions. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.
Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des
Affaires culturelles. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci d'être ici. Un des
éléments majeurs de votre mémoire concerne toute la
diversité culturelle de notre société
québécoise et la nécessité de la traduire dans une
politique, diversité culturelle d'autant plus vraie à
Montréal qu'ailleurs en province. Ils ont une grosse concentration
à Montréal et dans la région de Montréal. On en
discutait, d'ailleurs, hier soir avec des gens de la ville de LaSalle qui ont
aussi beaucoup de communautés culturelles, à l'intérieur
de la ville. J'aimerais savoir, en premier lieu - cette nécessité
de tenir compte de la diversité culturelle québécoise ne
fait pas de doute dans mon esprit - quels sont les aspects où nous
devrions nous améliorer en toute priorité
pour assurer, justement, un soutien approprié au
développement culturel de ces diversités. Encore là, hier
soir, on avait des témoignages où c'est relativement difficile de
rejoindre, c'est difficile de regrouper. Probablement aussi parce que les
masses de gens sont regroupées dans certaines poches de la ville, c'est
difficile d'embarquer, c'est difficile de regrouper. Ensuite, ensemble, on va
parler de ce que le rapport Arpin définissait au niveau de la culture
par rapport à l'intérêt national et le sentiment au niveau
de l'intérêt national. Mais, là, qu'est-ce qu'il faut
faire, justement, pour bien représenter les communautés et
attirer l'intérêt d'autres communautés culturelles,
spécialement dans la grande région de Montréal?
M. Bergman: À mon avis, si Arpin avait fait ses propres
travaux, il pourrait avoir une telle considération. C'est
peut-être facile, mais simple de poser la question: Qu'est-ce que c'est,
vos besoins? Comment peut-on, nous, identifier vos associations, vos groupes et
vos besoins? Une première étape, c'est un processus
éducatif pour rechercher exactement les besoins des groupes
minoritaires. J'imagine et je peux le dire de notre part que peut-être la
question était mal posée dans le passé, mais c'est,
premièrement, une question de ramasser les faits et l'information.
Évidemment, de notre côté, à la
Fédération d'art dramatique du Québec, nous sommes
très intéressés, nous sommes ici, mais je doute que tous
les autres associations ou groupes des cultures minoritaires aient aussi
connaissance que ce processus est en train, que nous sommes à l'heure
d'identifier nos besoins et de rapporter ces besoins à
l'Assemblée nationale, ainsi qu'au gouvernement québécois.
Travaillant ensemble, nous pourrons avoir avec ces renseignements une politique
stable pour établir et identifier les besoins et les ressources
nécessaires. J'espère que notre présence aujourd'hui est
une partie de ce processus.
Mme Frulla-Hébert: Oui, votre présence ici est
importante parce que ça va m'amener, justement, au deuxième
point. Vous savez, dans le rapport Arpin, on parle des artistes professionnels
en général. Dans votre mémoire, vous dites qu'on ne fait
pas assez état des artistes non francophones. Au niveau du rapport
Arpin, on ne faisait pas de catégories entre francophone et anglophone;
on parlait tout simplement des artistes professionnels du Québec.
Ceci dit, vous touchez aussi dans votre mémoire la question d'un
seul contrôle au niveau du financement. Vous dites aussi dans votre
mémoire que vous êtes préoccupés par les dangers que
poserait à la liberté de l'artiste le contrôle
centralisé du financement. J'aimerais que vous élaboriez
là-dessus. Par exemple, pour vous aider, si on avait ici ou si on
instituait ici - appelez-le comme vous voulez - disons, un conseil des arts
québécois qui, de par ses moyens, aiderait tous les groupes,
évidemment sans exception, parce que tout le monde fart partie, comme
vous l'avez si bien dit, du tissu culturel québécois; qu'on soit
des communautés culturelles, qu'on soit francophone, anglophone, on est
tous des Québécois faisant partie du tissu culturel
québécois et apportant à ce tissu culturel... S'il y
avait, finalement, un conseil québécois de telle sorte que les
artistes n'auraient pas à aller cogner à deux portes ou trois
portes, mais où tout serait regroupé à la même
place, est-ce que vous sentiriez cette même réticence au niveau de
la liberté de l'artiste?
M. Bergman: Vous avez raison quand vous dites qu'effectivement
tous les artistes québécois ont trois chances maintenant. Ils ont
une chance aux niveaux fédéral, québécois et
municipal. Par des bonnes chances, chaque palier aura ses propres
règles, pas des règles communes ou des standards communs. Si on
perd à l'étape québécoise, on a l'étape
fédérale ou l'étape municipale. Si nous avons une certaine
centrale pour tout financement, il me semble que l'échange entre ces
trois jeux ou ces trois lotos, si je peux dire, sera l'établissement des
organismes du financement parapublic, paragouvernemental, mais
indépendant, qui peut établir des normes professionnelles et
objectives, des standards agréables, faits en concertation avec tous les
artistes québécois. (10 h 45)
II faut connaître ce que c'est les normes et ce qu'est le
baromètre, en échange d'avoir un seul palier au lieu de trois. Je
parle seulement pour ma fédération, mais, à mon avis, tous
les artistes québécois sont inquiets des possibilités
financières. C'est très pratique ici. Ce n'est pas une grande
question constitutionnelle ou nationalistes contre fédéralistes,
c'est très, très simple et pratique ici. Sans connaître les
standards, quelles normes on doit accomplir pour être
subventionné, je pense que tout le monde aura des problèmes. D'un
autre côté, ça peut avoir un impact sur notre
problème d'identification des cultures minoritaires avec
l'intérêt national québécois, parce que,
d'après le rapport Arpin, on ne sait pas ces normes et standards.
Peut-être que les conclusions Arpin sont des questions, pas des
réponses, à un certain égard, et c'est normal pour tout
dossier comme tel.
M. Rodgers (Guy): Je voudrais rajouter quelques pensées,
après Michael. La première question est très importante.
Nous autres, on est des artistes professionnels, on est aussi anglophones. On
voudrait travailler. On reste au Québec, on vit au Québec parce
qu'on trouve le milieu culturel excitant, vivant. C'est une culture
mondialement connue et intéressante. C'est pour ça qu'on reste
ici. On ne reste pas ici pour être des anglophones. On ne se voit pas
vraiment
comme une communauté culturelle. On reconnaît qu'on est
minoritaires en tant qu'anglophones, mais on est ici pour être artistes.
On croit maintenant qu'on est jugés par des comités
d'évaluation comme des artistes. On est jugés sur le
sérieux de notre travail. On est satisfaits du système comme tel.
Ce qui nous inquiète dans le rapport Arpin, c'est l'équation:
langue égale culture. Si on travaille dans une autre langue, qu'est-ce
que ça veut dire? Chaque fois qu'on fait l'équation entre langue
et culture et qu'on parle de la culture, est-ce qu'on parle d'une culture qui
est uniquement francophone? Ça nous inquiète, ce n'est pas clair
du tout dans le rapport.
Pour la deuxième question, ce n'est pas encore clair comment un
nouveau système fonctionnerait. Le système Conseil des arts du
Canada, ministère des Affaires culturelles et les villes, ça
fonctionne bien. Pour remplacer ça, il faut que ce soit clair pour les
artistes que ça va fonctionner aussi bien ou mieux. Ce n'est pas du tout
clair. Alors, ça revient toujours à la même question. Tout
le processus s'est passé tellement vite qu'on ne comprend pas où
ça s'en va.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Tout simplement, une
spécification. Évidemment, le rapport Arpin est tout simplement
une base de discussion; un groupe indépendant donne une base de
discussion pour, justement, engendrer cette discussion à la commission
parlementaire et non pas faire venir des groupes et leur dire: Bon, parlez-moi
de la culture au Québec. On part de quelque chose. Mais le rapport ne se
voulait pas, non plus, la politique culturelle, au contraire. C'est justement
une base de discussion pour faire sortir ces inquiétudes et pour faire
sortir aussi les bons points, les points faibles et les points forts,
finalement, d'une réflexion faite par un groupe indépendant de
gens qui ont quand même beaucoup d'expérience. Mais ce n'est pas,
loin de là, la politique culturelle du Québec.
Mais ce que je comprends, c'est que vous nous dites: Le système,
présentement, est un système qui assure notre financement et,
même si on doit cogner à plusieurs portes, on a quand même
un certain financement garanti; si ce n'est pas d'une place, c'est d'une autre,
mais on peut jouer sur les trois paliers. Si on arrive avec un système
différent, il faut avoir des mesures garantissant, finalement, que ce
financement-là sera le même, sinon mieux, parce qu'on sait qu'on a
des besoins; donc, visons pour mieux.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mesdames et messieurs, I will go a few lines
in English and then switch to
French because what I want to say is very important.
I am glad you are here because I think that your Federation is coming
here with a more mature attitude than the Quebec English Publishers who came
last week, at the very beginning of this commission, telling us that we have
the totalitarian temptation, which was, to my standard, quite insulting. So, I
see, in your presentation, interrogations, questions, but everything is asked
in a climate that favours the dialogue. So, again, I am very pleased that you
are here today.
Je vais aller un peu dans le même sens que la ministre. Vous
n'avez pas d'inquiétude, mais vous avez effectivement des
interrogations. D'une part, la diversité des sources de financement n'a
rien à voir, à mon point de vue, avec la liberté de
création. C'est tout simplement les sous pour l'avoir. Il y a une porte
où il y a 5 $, il y a une porte où il y a 10 $ et il y a une
porte où il y a 40 $. Bien entendu qu'à la porte où il y a
5 $, bien, comme il y a des gens qui se sont présentés avant
vous, ça risque d'être épuisé. À celle
où il y a 10 $, vous frappez et on vous dit: Vous étiez
l'avant-dernier; si vous étiez venu une semaine plus tôt, vous
l'auriez eu. Et, là, vous arrivez à celle où il y a 40 $
et il en reste encore; donc, vous l'avez. S'il n'y a qu'un seul et unique
guichet et qu'on a 50 $, vous l'aurez.
Alors, voici la question que je veux vous poser. Si on vous donne les
garanties - et je pense que les artistes sont en droit de s'attendre à
avoir des garanties formelles - que toutes les sommes qui sont dévolues
au ministère fédéral des Communications et au
Secrétariat d'État font une traversée latérale, que
tous les budgets vont de façon intégrale au ministère de
la culture, donc vous avez le financement assuré. Le problème du
financement n'est pas qu'il y ait trois portes. C'est qu'il y ait l'argent
quand vous allez frapper. Si on vous donne les garanties que les sommes ne
seront pas trafiquées, elles seront au ministère de la culture ou
des arts ou des arts et de la culture. On peut parler 50 ans pour savoir quel
nom on va lui donner, mais le principal, ce sont les moyens qu'il y aura
à l'intérieur. Est-ce que cela vous satisfait? Et on le fait - je
m'excuse, M. Bergman - avec un organisme qui a fait quand même des
preuves, une structure dans le style Conseil des arts, mais toujours en
respectant ce principe très important du "arm's length".
M. Bergman: Jugez-nous comme nos homologues francophones.
Jugez-nous sur la même base, les mêmes normes professionnelles
comme tout le monde. Jugez-nous sur les mêmes besoins financiers. C'est
la seule chose que nous demandons, mais en reconnaissant qu'il y a une
diversité culturelle québécoise, que les circonstances des
Montréalais, c'est un peu différent des circonstances en
province, que les circonstances des
artistes anglophones ou d'autres artistes minoritaires sont un peu
différentes. Mais jugez-nous sur une base d'égalité. C'est
la seule chose que nous demandons. Peut-être que mon...
M. Rodgers: Oui, je voudrais rajouter quelques idées. Si
je comprends bien la question, pour le moment, on a construit des compagnies,
des institutions avec les financements qui existent. Alors, si on changeait
toutes les règles du jeu, on serait perdus pendant un temps. Pour
l'instant, purement au niveau financier, ce serait rassurant pour nous que
toutes les enveloppes soient transférées du fédéral
au provincial. Mais ça, c'est juste le côté argent. Il
reste toute la philosophie, tout le côté politique qui est plus
complexe. Mais, si je comprends la question, ça nous rassurerait sur la
question financière.
Mme Abarca (Pauline): J'aimerais ajouter quelque chose...
M. Boulerice: Si je vous comprends bien, M. Rodgers...
Le Président (M. Doyon): Oui, madame. Mme Abarca:
Oui, s'il vous plaît. M. Boulerice: Je m'excuse.
Mme Abarca: C'est bien. Merci, monsieur. Je pensais que vous
disiez: L'idée d'avoir un ministère, pour l'artiste, dans un
certain sens, c'est plus facile parce que, de cette façon, moi, je ne
dois pas écrire trois ou quatre "applications", parler, savoir qui pense
quoi, et c'est un jeu pour moi. C'est fatigant vraiment. Alors, j'aime
l'idée que vous proposez; s'il y a du financement pour faire ça,
c'est une excellente idée. Mais, en même temps, mes
préoccupations, c'est qu'on ait un jury, un conseil de gens des
différentes communautés ethniques. Par exemple, si, moi, je vous
présente une pièce et que je vous dis: Moi, je veux faire une
pièce de Molière et que mon collègue autochtone vous dit:
On va faire une pièce sur un homme qui s'appelle Running Bear, ça
a une sensibilité qui est difficile à comprendre. Alors, à
ce moment-là, dans les différents conseils, je sens qu'il y a
différents individus qui connaissent la réalité anglophone
bien plus que les autres. Même, par l'anglais, ils peuvent comprendre les
pièces quand je les monte, ils ont un peu une connaissance de la
réalité théâtrale, ils ont lu l'étude sur le
développement du théâtre anglophone à
Montréal, par exemple. Alors, ce serait ça ma
préoccupation, que vous ayez un conseil qui reflète bien tous les
artistes, toutes les préoccupations et les réalités qui,
comme vous l'avez peut-être lu dans notre étude, sont
différentes; comme le salaire des artistes anglophones, c'est
différent. Toutes ces sortes de choses sont bien, bien importantes.
Mais, en principe, c'est une bonne idée d'avoir une...
M. Boulerice: Juste une petite remarque. Vous avez dit que le
salaire des artistes anglophones est différent. Il est peut-être
différent, mais il n'est sans doute pas plus élevé que le
salaire des francophones. Mais c'est autre chose.
Mme Abarca: Ah oui! C'est sûr. Ce n'est pas suffisant,
c'est sûr.
M. Boulerice: Je veux vous donner un exemple pour expliquer ma
pensée. Je vous dis: Moi, personnellement, je ne suis pas partisan...
Premièrement, je trouve ça humiliant qu'un artiste
québécois, disons, d'origine arménienne, qui est peintre
et qui veut organiser une exposition de peinture parce qu'il a une belle
production, soit obligé d'aller frapper à la porte des
communautés culturelles. Vous savez: "Line number 3 and form the line."
Je trouve ça humiliant. Il fait partie de la culture
québécoise; il devrait s'adresser au ministère de la
culture. Je ne suis pas partisan qu'au ministère de la culture on
commence à dire dans les... Il devrait y avoir effectivement un reflet
de la composante québécoise, mais j'ai toujours peur des quotas.
Je vais vous donner un exemple et je me demande pourquoi le Québec ne
serait pas capable de parvenir à un tel état. Je vais vous donner
l'exemple que j'ai en tête et qui est probablement le plus percutant.
Tout le monde connaît le grand prix Eurovision de la chanson. C'est
quelque chose d'extraordinaire, c'est la consécration et, si on l'a
gagné et qu'on y est passé, on est assuré d'une
carrière immédiatement. L'an dernier, la chanteuse qui
représentait la France s'appelle Amina, ce qui va plaire à mon
collègue, le député de Richelieu. C'est une jeune
Française d'origine algérienne qui chante principalement en
arabe. Elle n'a pas demandé une subvention au ministère de
l'immigration et de l'Intégration. Elle n'a pas demandé de
subvention au ministère de la Culture d'Algérie, qui est le pays
de ses ancêtres, mais elle est allée comme tous au
ministère de la Culture et de la Communication de France et on lui a
dit: Mais oui, madame, voilà et vous allez à Eurovision. (11
heures)
Pourquoi? Parce qu'on a placé aussi des gens qui étaient
capables d'avoir cette ouverture et de dire: Mais il y a une importante
communauté arabe en France; ça fait partie maintenant de notre
bagage culturel. Donc, on a trouvé des gens à l'esprit ouvert. Si
on arrive à cela, peut-il y avoir des inquiétudes pour nos
compatriotes québécois qui chantent, qui jouent dans une autre
langue que le français? Vous avez remarqué que je n'ai pas
parlé d'Anglo-Québécois et d'allophones. J'ai hâte
qu'on enlève de notre vocabulaire ces distinctions.
Mme Abarca: Si je peux faire un commentaire, je suis
complètement d'accord avec vous. Je trouve votre pensée
très moderne et je suis complètement d'accord. Mais, en disant
ça, comme je vous dis, le problème, c'est que, quelquefois, quand
on va au Conseil, le ministre ou la personne qui est chargée de venir
voir les pièces qu'on fait en anglais ne parie pas anglais. C'est un
problème. C'est un texte, c'est basé sur la langue. Ce n'est pas
comme la danse. C'est basé sur la langue, le théâtre.
Alors, c'est important qu'il ait une connaissance un peu de mon travail, de ce
qu'on essaie de faire. C'est tout.
M. Boulerice: Donc, en définitive, il y a, disons,
certains mécanismes, je vais employer le mot, de management, à
savoir, employons l'expression américaine ou anglophone, "the right man
or the right woman at the right place" et, à partir de cela, on atteint
les objectifs que l'on s'est fixés. Ça vous convient?
Mme Abarca: Hum, hum!
M. Boulerice: D'accord. Juste une toute dernière...
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M.
le député.
M. Boulerice: ...petite question, M. le Président, parce
qu'on accuse un peu de retard. Bon, ils ont la gentillesse de m'inviter
régulièrement, donc je vais au Centaur Theatre. D'ailleurs, c'est
le Centaur Theatre qui a fait la seule pièce sur l'ancien premier
ministre, M. Lévesque. Étonnant, hein! Est-ce que, dans le cas
d'institutions culturelles qui s'expriment en anglais, la formule d'entente
triennale, de financement triennal leur permettrait de mieux stabiliser leurs
activités?
M. Rodgers: Je pense qu'en général toutes les
compagnies qui sont rendues au niveau du fonctionnement aimeraient bien le
fonctionnement triennal. Ça aide énormément à la
stabilité, aux planifications. Je pense que Claire et Pauline ont toutes
les deux quelques mots à ajouter, mais, pour moi, toutes les compagnies
souhaiteraient une politique comme ça.
Mme Abarca: Je suis d'accord.
Le Président (M. Doyon): M. le député...
Mme Abarca: Excusez.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame, allez.
Mme Abarca: Un dernier commentaire. Je voulais seulement dire que
c'est important que vous sachiez qu'on sent qu'on a une grande, grande
croissance du public anglophone, de l'intérêt pour le
théâtre et qu'on essaie aussi de faire des choses qui vont montrer
à nos gens anglophones la culture québécoise d'une
façon plus comprehensive. C'est le Centaur, vous me disiez, qui a fait
la pièce, mais il y a d'autres gens qui font ça aussi et des
pièces plus intéressantes que ça. Et c'est ça que
je vous dis. C'est tout.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député, en terminant.
M. Boulerice: Oui. Mme Abarca, Mme Shapiro, M. Rodgers, M.
Bergman, je ne dirai qu'une seule chose. Je crois que votre présence
à cette commission, le discours que vous avez tenu, les échanges
que nous avons eus avec vous, Mme la ministre et moi, sont, à mon point
de vue, et je ne crois pas exagérer, un moment que j'oserais même
qualifier d'historique.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je veux entériner, justement, ce
que mon collègue dit. Effectivement, on retient "communication accrue",
on le retient. On le reconnaît aussi, parce que les besoins sont
tellement grands qu'il faut toujours parer au plus pressant. Effectivement,
spécifiquement encore dans la région de Montréal, surtout,
il y a un manque de notre part au niveau des communications. Oui, on donne, on
contribue, mais ce n'est pas la même chose que de s'asseoir et de
communiquer. Alors, on prend bonne note de ça. Merci beaucoup de votre
présence.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Des voix:
Merci.
Le Président (M. Doyon): Maintenant qu'est terminée
la présentation que devait faire la Fédération d'art
dramatique du Québec, je demande à l'Association
québécoise des organismes régionaux de concertation et de
développement de bien vouloir s'avancer et de prendre place à la
table de nos invités.
Je leur souhaite donc la bienvenue. Je les vois dans la salle depuis
tout à l'heure; donc, ils savent comment nous procédons. Ils
disposeront d'une quinzaine de minutes et, après ça, la
conversation va s'engager avec eux. Si vous voulez bien, tout d'abord, vous
présenter et, ensuite, procéder à la lecture ou au
résumé de votre mémoire. Étant entendu que votre
mémoire a déjà été distribué et que
les membres de la
commission en ont déjà pris connaissance, libre à
vous de procéder comme vous voulez. Vous avez la parole.
AQORCD
Mme Griffin (Paillette): M. le Président, Mme la ministre,
Mmes et MM. les commissaires, permettez-moi de vous présenter les
personnes qui m'accompagnent. D'abord, mon nom, c'est Paulette Griffin. Je suis
présidente de l'Association québécoise des organismes
régionaux de concertation et de développement. À ma
gauche, M. Gilles Gagné qui, également, fait partie du même
organisme que moi et qui est aussi premier vice-président du Conseil de
la culture de l'Outaouais et qui siège aussi au niveau de ce qu'on
appelait autrefois l'ancien CRD. Alors, M. Gagné, et Normand
Thériault qui est le directeur général des organismes de
concertation.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Griffin: L'Association québécoise des
organismes régionaux de concertation et de développement remercie
chaleureusement la commission de la culture d'avoir accepté de recevoir
ses porte-parole pour entendre son point de vue sur la proposition de politique
de la culture et des arts qui vous a été formulée par un
groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin.
Il est utile de rappeler aux membres de cette commission que l'AQORCD
regroupe la plupart des organismes régionaux de concertation et de
développement, antérieurement connus sous le vocable de CRD,
lesquels poursuivent des objectifs de développement. Leur membership
comprend l'ensemble des intervenants politiques et socio-économiques de
leur région.
M. le Président, quand nous avons refermé le livre
intitulé "Une politique de la culture et des arts", nous avons ressenti
un certain malaise par rapport à plusieurs éléments de
problématique qui étaient exposés, ainsi qu'à la
formulation des orientations pour développer le domaine des arts et de
la culture, favoriser l'accès à la vie culturelle,
accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans
la gestion de la mission culturelle. Le malaise ressenti provenait du sentiment
que la vie culturelle québécoise n'avait de signification que
dans la mesure où l'on arrivait à la mettre en boîte - ceci
entre parenthèses - pour mieux la faire voyager partout au Québec
comme à l'étranger. Le défi qu'il nous restait à
relever se limitait à bien identifier, selon certains produits, la
forme, la taille, la couleur, le nom et le prix de chaque contenant.
L'impression que nous a laissée la lecture du document est que la
vie culturelle des 14 régions, que vous appelez le troisième
pôle, n'avait pas les standards de qualité requise pour qu'il soit
rentable de la mettre en boîte. Puis, après réflexion, nous
avons pensé que le document que nous venions de lire s'apparentait
davantage à une proposition de relance de l'industrie culturelle
montréalaise qu'à une véritable politique
panquébécoise de développement culturel.
Ceci dit, nous avons pris la décision de vous adresser un
mémoire dont voici les principaux éléments. Étant
donné la mission qui nous est confiée, à savoir la
défense des intérêts collectifs de chacune des
régions du Québec incluant les intérêts culturels,
nous avons choisi de commenter les orientations de la proposition qui
pourraient avoir des effets négatifs sur la qualité de vie
culturelle des diverses régions du Québec. Notre objectif est de
sensibiliser les concepteurs et décideurs de la future politique de la
culture et des arts à la nécessité d'y intégrer la
réalité et la richesse culturelle de chacune des régions
du Québec, ce qui assurerait l'épanouissement culturel de chacun
des citoyens du Québec, peu importent leurs régions
d'appartenance.
Dès lors, il est approprié de rappeler une succincte
évocation historique bien concrète. Les régions du
Québec ont la plupart du temps été insatisfaites des
politiques et programmes des divers ministères gouvernementaux
principalement à cause de leur insensibilité régionale. Le
Plan d'action en matière de développement régional, rendu
public en 1988, misait sur la modulation des programmes gouvernementaux pour
corriger la plupart des iniquités faites aux régions et
particulièrement celles qui sont les plus démunies. Or, les
ministères sectoriels, incluant celui des Affaires culturelles, n'ont
respecté que du bout des lèvres cette orientation dictée
par le Conseil des ministres lui-même et qui avait enthousiasmé le
ministre Marc-Yvan Côté, alors responsable du Développement
régional.
Nulle part dans le rapport du groupe-conseil on ne retrouve le concept
de la modulation des programmes pour prendre en compte les nombreuses
spécificités régionales. Beaucoup de régions et en
particulier celles qui sont les plus éloignées des grands centres
ne disposent pas encore de toutes les infrastructures de base
nécessaires à leur épanouissement socioculturel.
Au moment où le phénomène de la
régionalisation prend de plus en plus racine aux quatre coins du
Québec, le groupe-conseil demande expressément au gouvernement
d'axer désormais le développement des arts et de la culture
autour des deux principaux pôles urbains que sont Montréal et
Québec et, là même, il y a une nuance. Qu'il suffise de
rappeler à la commission de la culture que certains économistes,
Martin, Higgins, Raynauld, ont, dans le passé, préconisé
une telle approche de renforcement de la métropole et le temps nous a
démontré qu'ils avaient tort. Ni Montréal, ni les
régions n'en sont sorties gagnantes. Plusieurs pays européens ont
adopté une philosophie inverse au cours de la
dernière décennie et le temps est en train de leur donner
raison. L'approche européenne consiste plutôt à renforcer
les pôles et les sous-pôles régionaux pour que le vent
synergique souffle d'un bout à l'autre du pays.
On ne retrouve pas dans cette proposition une volonté
réelle d'associer tous les Québécois à ce nouveau
projet culturel. Le plus bel exemple pour illustrer ce phénomène
est celui de la stratégie qui fait de Montréal et de
Québec les deux pôles de la création, de la production et
de la diffusion dans le domaine des arts et de la culture au Québec,
alors que les 14 autres régions sont, à toutes fins pratiques,
identifiées à de simples contenants destinés à
recevoir le produit culturel de la métropole et de la capitale
québécoise. Une telle stratégie semble faire fi sciemment
des forces et potentiels des régions en matière de
développement culturel et artistique au Québec. Elle ne tient pas
compte, non plus, de l'échec encaissé par le concept du
développement polarisé, lequel privilégiait, en 1970, la
région de Montréal comme principal pôle de croissance
susceptible d'entraîner dans son sillage le développement de
l'ensemble des autres régions. Dans les faits, une grande partie de la
force de Montréal est tributaire du dynamisme de l'ensemble des
régions du Québec.
Par ailleurs, nous avons dénoncé dans notre mémoire
les orientations qui avaient pour effet de priver les régions d'outils
qu'elles possèdent déjà, entre autres, le 1 % et les
conseils régionaux de la culture, pour ensuite nous attaquer à
celles qui visent la décentralisation des pouvoirs au niveau des
municipalités. En principe, nous sommes d'accord avec la
décentralisation des pouvoirs, mais, compte tenu de la petite taille de
la grande majorité des municipalités, il est illusoire de penser
qu'elles auront les moyens d'intégrer cette responsabilité
additionnelle, d'autant plus qu'il n'est pas évident que le gouvernement
puisse leur fournir l'assistance nécessaire. C'est plutôt au
niveau du palier régional qu'il faut faire atterrir cette orientation,
comme l'a annoncé dernièrement le ministre Yvon Picotte en
matière de développement régional.
Parlons maintenant, si vous voulez bien, d'un élément
stratégique de cette proposition de politique culturelle, à
savoir, la pleine et entière souveraineté du Québec en
cette matière. Il est important d'y revenir, car nous voulons nous
assurer que notre message soit entendu correctement. En principe, nous sommes
d'accord, mais, dans la pratique, nous avons de sérieuses
réserves sur les modalités. En effet, dans l'hypothèse
où le Québec aurait gain de cause, nous ne sommes pas convaincus
qu'il consacrerait à la mission culturelle toutes les sommes
récupérées en compensations financières. (11 h
15)
Lors de la tenue des audiences de la commission Bélanger-Campeau,
nous avions livré le message suivant: "Le retour sur les interven- tions
des deux niveaux de gouvernement nous a fait encore mieux comprendre, si besoin
en était, que les outils du développement régional sont
restés ou bien à Québec ou bien à Ottawa - et que
ni l'un ni l'autre n'a réussi à faire servir au mieux les
pouvoirs dont il disposait. La seule issue possible, c'est que se
négocie un partage des pouvoirs et moyens d'intervention entre le
gouvernement et les régions. Un nouveau Québec plus autonome ne
doit pas se faire au détriment de l'émergence du Québec
des régions. "
Vous comprendrez que les régions n'ont aucune raison de supporter
une hypothèse de rapatriement qui établirait un état de
fait où elles deviendraient des laissées-pour-compte. Elles ne
peuvent, en aucun cas, cautionner une politique culturelle qui serait
suicidaire pour elles.
Dans le but de dresser une toile de fond aux recommandations qui sont
formulées plus bas, nous avons choisi de reproduire en introduction deux
énoncés que le conseil d'administration de l'AQORCD a
proposés à la réflexion des participants à notre
congrès de l'an dernier. Premièrement, la poursuite du
développement régional doit être centrée sur la
recherche de solutions aux besoins socio-économiques des personnes et
des collectivités. La concertation permanente entre le gouvernement du
Québec et les régions est essentielle dans la définition
des grandes politiques nationales ayant une incidence sur le
développement régional.
Par ailleurs, nous avons utilisé les cinq verbes d'action du
groupe-conseil pour regrouper quelques-unes des recommandations que nous avons
choisi de porter à votre attention.
D'abord, reconnaître. L'AQORCD recommande que le ministère
des Affaires culturelles reconnaisse que le développement culturel est
indissociable des activités des autres secteurs; que le ministère
reconnaisse les spécificités régionales et que ses
programmes soient modulés en conséquence.
Au niveau de la sensibilisation, l'AQORCD recommande que les programmes
actuels continuent de s'appliquer en région en tenant compte du principe
de la modulation.
Quand on parle de développer, l'AQORCD recommande que le
ministère s'inspire du modèle de développement de
l'organisation des sports professionnels en établissant en région
des clubs fermes ou pépinières pour favoriser l'éclosion
de talents locaux et régionaux; que tous les ministères qui
interviennent en région se préoccupent de la dimension culturelle
de leurs actions en concertation avec le milieu et le ministère des
Affaires culturelles.
Afin d'irradier, l'AQORCD recommande que le ministère consacre
autant d'efforts à diffuser les créations régionales qu'il
en mettra à diffuser celles des régions de Montréal et de
Québec.
Si on parle de mobiliser, l'AQORCD recommande que le ministère
mobilise les forces des conseils régionaux de la culture pour engager,
en
concertation avec les municipalités, le processus de la
décentralisation que lui recommande le groupe-conseil; que le
ministère fasse connaître les paramètres de cette
décentralisation et les moyens qui doivent y être associés
avant d'engager le processus.
En conclusion, au terme de cet exercice, l'AQORCD remercie la ministre
des Affaires culturelles, Mme Hébert, d'avoir pris l'initiative
d'enclencher cette démarche de planification dont les retombées
auront des effets bénéfiques, nous le souhaitons, pour l'ensemble
de la population québécoise. Il est cependant
espéré que la commission de la culture demandera au
ministère des Affaires culturelles du Québec de prendre en
sérieuse considération les lacunes soulevées par
l'Association québécoise des organismes régionaux de
concertation et de développement et les propositions qu'elle formule
pour les contrer.
En terminant, l'Association québécoise des organismes
régionaux de concertation et de développement souscrit
entièrement à la pensée de M. Augustin Girard quand il
écrit: "II faut surtout favoriser et accueillir la demande locale dans
son foisonnement hétéroclite [...] l'important est de donner aux
gens, là où ils travaillent et où ils vivent, la culture
de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont, de là où ils sont."
Comme dernier élément de réflexion, nous vous
proposons de partager le contenu de cette interrogation de Charles
Côté, dans son livre intitulé "Désintégration
des régions: le sous-développement durable au Québec":
"Est-il acceptable de ramener le Québec à la dimension d'une
fraction minuscule de son territoire habité en faisant comme si les
autres régions ne faisaient pas, au même titre, partie de
l'ensemble?"
Alors, je vous remercie de nous avoir entendus et nous sommes
prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Gobé): Très bien, madame.
Nous vous remercions, nous aussi, de nous avoir fait part de votre
mémoire. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre de
la culture.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Mme
Griffin, M. Gagné, M. Thériault, bienvenue. Deux
précisions, d'abord. La première, c'est qu'effectivement, dans le
rapport Arpin, on parle de la métropole, de la capitale et des
régions, probablement sans vraiment vouloir dire que les régions,
c'est un bloc monolithique - on s'en était parlé, d'ailleurs - et
que, finalement, les pôles d'attraction sont Montréal et
Québec. Je pense qu'on est mieux de parler de 16 régions
distinctes, une métropole et une capitale, parce qu'il y a une
métropole, il y a une capitale et il y a 16 régions ensemble qui
ont chacune leurs distinctions.
Deuxièmement, quand on parle de parents pauvres, il faut aussi
vous donner certaines précisions. C'est qu'à l'extérieur
de Montréal on dépense quand même au ministère des
Affaires culturelles plus de 100 000 000 $. Évidemment, il y a un
sous-financement d'à peu près tout, il n'y a pas un groupe qui
n'arrive en nous disant: On a besoin de sous, on a besoin de ci, on a pas
besoin de ça. Je ne pense pas que, demain matin, on va avoir 100 000 000
$ de plus, non plus, mais, d'une certaine façon, on essaie, en plus de
réaliser la sous-capitalisation, d'être plus efficace.
Ce qui m'amène à une question. Vous parlez de
décentralisation, une décentralisation à opérer.
Selon votre expérience, j'aimerais que vous m'en parliez un peu, cette
décentralisation s'opérerait vers qui? Est-ce que c'est une plus
grande décentralisation vers la municipalité, la MRC ou à
un niveau qui est régional? Mais comment ça pourrait-il
fonctionner? Vous savez, comme, nous, on gère des fonds publics, on se
doit d'être transparents, d'une part, et, deuxièmement, notre
grand objectif, c'est évidemment d'aider le développement
culturel, et ce, le mieux possible pour servir les régions, et ça
aussi, le plus efficacement possible.
Mme Griffin: Pour répondre à votre question,
d'abord, quand on parle de centralisation, ce que les régions veulent,
c'est être partie prenante au niveau des décisions,
considérant que les gens des régions connaissent bien leurs
problèmes. On sait, dans nos régions, où sont nos besoins,
puis comment on pourrait les régler. Je pense qu'ensemble on est
capables de faire des consensus maintenant et d'arriver à trouver des
solutions qui seraient acceptables et par les régions et par les
gouvernements, et qui ne coûteraient pas plus cher à l'État
pour être capable de donner une satisfaction ou en tout cas, faire en
sorte que les régions se développent. Maintenant, on sait
actuellement qu'on parle beaucoup de décentralisation. M. Picotte, dans
le rapport... Actuellement, est en cours le comité Bernier; on ne
connaît pas encore l'issue ou la réponse qui va sortir de ce
rapport-là, mais ce qu'on peut voir par les médias, c'est qu'il
va y avoir une certaine décentralisation où les gens des milieux
vont pouvoir intervenir dans les décisions.
Quand on parle de la culture, c'est la même chose parce que, dans
les régions, les conseils de la culture, bon, le ministère en
région sont capables de se concerter avec nous, on est capables de les
rencontrer, ils sont près de nous, ils connaissent aussi les
réalités des régions. Et on pense que, compte tenu qu'on
connaît les budgets qui sont là, on est capables d'intervenir,
tout en respectant des normes qui sont, quand même, peut-être
modulées dépendamment des besoins qu'on y retrouve.
Quand vous parlez des municipalités, moi, je
suis une élue municipale, je ne veux quand même pas faire
la chicane avec les élus municipaux, mais, en tant qu'élue
municipale, dans les petites municipalités, je ne pense pas qu'on puisse
penser, même si on y rêve, un jour avoir chacun chez nous notre
petit conseil de la culture. Ce n'est pas vrai. Il va falloir qu'ensemble
autour d'une grande région administrative - déjà,
ça se fait - que les municipalités qui composent les MRC soient
capables d'apporter ça à une table quelconque ou à une
instance régionale et de dire: Voici, chez nous, chez nous, chez nous,
ce qu'on pourrait faire et, dans l'ensemble d'une grande région, voici
les axes de développement qu'on devrait faire. Et on devra ensemble,
avec les MRC et avec les organismes régionaux, faire des concertations
et des consensus, puis faire des sacrifices aussi parce qu'on ne pourra pas
tout avoir, c'est évident. Mais peut-être que, quand on aura
fixé nos objectifs et priorisé des choses, c'est là-dessus
qu'on s'en ira. Quand on parle de décentralisation, c'est comme
ça. Alors, si quelqu'un de mes voisins veut répondre.
Mme Frulla-Hébert: Justement, vous nous informez, vous
nous dites que vous êtes une élue municipale. Il y a tout le
rôle des municipalités dans le développement culturel et un
partenariat, je ne dirais pas à bâtir parce que, avec le
ministère des Affaires culturelles, l'exemple des bibliothèques,
le partenariat est là. La décentralisation du ministère -
on parle maintenant de décentralisation au niveau du gouvernement - je
dois vous dire que, pour une fois, on est à l'avant-garde. Nous avons le
ministère le plus décentralisé du gouvernement au moment
où on se parie. Alors, s'il y a une décentralisation globale,
nous, on est prêts. Je pense que c'est dans notre mentalité, en
plus; on a terminé la décentralisation cette année et
c'est dans notre mentalité, en plus, justement, de travailler de
façon décentralisée parce que, nous, on y croit.
Mais je veux revenir aux municipalités. Vous dites, a un moment
donné, que les relations qui s'établiront avec les
municipalités court-circuiteront le palier régional. Est-ce que
c'est parce que vous jugez que les municipalités ne doivent pas
intervenir dans le développement culturel ou, finalement, si c'est un
rôle différent, en termes de partenariat, que vous leur
donnez?
Mme Griffin: Moi, je pense que les municipalités ont un
rôle de partenariat. La municipalité est la créature la
plus proche de ses citoyens. Les besoins sont là. La municipalité
seule ne peut pas faire ça. La municipalité a des
responsabilités face à sa culture, mais elle doit le faire en
concertation avec sa MRC, élargir son territoire, si on peut dire, au
niveau des problèmes de la région. Mais, pour être vraiment
capable d'asseoir des outils dans la région et de se donner une
qualité au niveau de la culture, on ne peut pas, non plus, rester au
niveau d'une seule MRC parce qu'on va vivre encore trop petit,
dépendamment du nombre de municipalités qu'on regroupe et de leur
taille. Ce qui veut dire qu'il faut agrandir un peu le cercle et c'est pour
ça qu'on le verrait plus au niveau d'une région
administrative.
D'ailleurs, dans la région administrative, on rencontre nos
élus des MRC, on rencontre nos préfets, on rencontre les maires
des municipalités plus urbaines. Alors, ces gens-là sont les
porte-parole de leurs citoyens et sont capables d'apporter ça autour
d'une table de concertation qui inclut d'autres personnes aussi, qui inclut la
culture, les loisirs, l'industrie et autres. Mais, quand on parle de culture,
ça veut dire que les municipalités apportent leur vision et on
est capable de faire un cheminement ensemble, de se donner des
priorités, des axes de développement au niveau de la culture.
Ça ne se passera peut-être pas chez nous, mais, si ça se
passe à Rivière-du-Loup, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait
pas quelque chose d'intéressant là. Je vais en
bénéficier. Et c'est comme ça qu'on doit se rejoindre et
s'entraider.
Mme Frulla-Hébert: Pensez-vous que, justement, en
créant cette décentralisation vers des instances
régionales... Il y a des villes, d'ailleurs, qui sont venues nous voir -
et il y en a plusieurs autres, d'ailleurs, qui vont venir - qui nous parlaient
d'être des pôles régionaux. Des villes qui sont
extrêmement - d'abord, des grosses villes - impliquées au niveau
culturel nous parlaient, nous suggéraient qu'il devrait y avoir, dans
ces regroupements, des pôles régionaux pilotés par une ou
des grosses villes et, évidemment, ce rayonnement serait très
bénéfique pour le développement culturel de cette
région-là. Est-ce que vous voyez ça comme ça?
M. Gagné (Gilles): C'est certain que, urt peu comme, par
rapport à l'ensemble de la province, Montréal, à ce
moment-là, constitue un pôle, dans chacune des régions,
c'est le cas aussi, mais ça doit être quand même fait avec
une volonté qui vient rejoindre l'ensemble des citoyens au niveau d'une
région. Quand, dans une grande ville, ils élaborent des
politiques culturelles ou, enfin, ce qu'ils font dans ce domaine-là,
mais s'en tiennent uniquement à leur ville, ce n'est pas suffisant. Mais
c'est certain qu'il y a des municipalités qui peuvent avoir des
rôles beaucoup plus importants, c'est-à-dire d'être des
locomotives pour le reste du développement culturel d'une région.
Ça, c'est certain, mais ça doit se faire avec tous les
partenaires, je crois.
Mme Frulla-Hébert: Ma dernière question, M. le
Président?
Le Président (M. Gobé): Allez-y (11 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Une petite. Tantôt, on
a eu des représentants de l'Orchestre sympho-nique de
Montréal et, effectivement, on est tous d'accord, comme je vous le
disais, on chemine vers 16 régions qui sont distinctes - est-ce que
c'est 16? Ce sera 13, dépendant s'il y aura une configuration
gouvernementale différente - spécifiques avec leurs besoins
spécifiques. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a deux
particularités aussi. Il y a une métropole, avec 50 % de la
population ou presque, et il y a une capitale. Il va falloir définir,
nous, à un moment donné. Est-ce que vous êtes en accord
avec ce constat?
M. Gagné: En fait, qu'il y ait, bien sûr, de
l'argent ou des moyens particuliers donnés pour à la fois la
métropole et la capitale, c'est tout à fait normal, ça,
c'est évident. Mais, peut-être que l'élément le plus
difficile dans le rapport Arpin, c'est de croire que c'est uniquement ces
pôles-là qui vont être des créateurs ou que la
production va originer de là et que les régions, elles, sont
là pour recevoir ce qui se fait particulièrement au niveau de la
métropole. Pour nous, c'est inacceptable parce que, de toute
façon, les artistes, même ceux qui se produisent à
Montréal, sont aussi, souvent, même très souvent,
originaires des régions. Alors, c'est plus pour qu'il puisse y avoir une
vie culturelle pour l'ensemble de la province. Mais c'est évident que
l'orchestre philharmonique qui peut avoir un rayonnement international, il a
plus de chances de se retrouver à Montréal que, je ne sais pas,
moi, à Cabano, par exemple, qui est la ville de Mme Griffin.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'est à votre
tour.
M. Boulerice: Mme Griffin, M. Gagné, M. Thériault,
oui, effectivement, je savais que vous veniez de Cabano, donc le
sous-développement permanent. Malheureusement, je pense que vous en
êtes au niveau du doctorat dans votre cas, compte tenu de la situation
extrêmement dramatique qui existe. Le livre, d'ailleurs, que vous avez
cité est passablement pessimiste. J'ose espérer qu'on pourra
faire changer le cours des choses; sinon, qu'est-ce que ça donne d'avoir
Québec comme capitale, donc la tête, Montréal, les poumons,
si les membres du corps sont atrophiés? Et je pense que c'est l'image la
plus évocatrice de la situation du Québec. Une tête qui
fonctionne, des poumons qui respirent, mais des membres atrophiés,
ça ne fait pas un corps tellement en santé.
À la page 9, vous parlez de la future politique, et vous mettez
"future" entre guillemets. Vous dites que le rapatriement de pouvoirs que l'on
souhaite voir dans la politique est "improbable ni prévisible dans un
horizon de temps clairement arrêté." Vous mettez en cause cette
prémisse qu'on récupérerait tous les pouvoirs, au niveau
de la culture, du gouvernement fédéral.
M. Thériault (Normand): Je pense que ce n'est pas qu'on
remet tellement ça en cause, c'est que...
M. Boulerice: Vous ne remettez pas le bien-fondé en cause,
mais vous dites: Jamais, ils ne nous les donneront.
M. Thériault: Si on ne va pas les chercher, si on n'est
pas capables d'aller les chercher, ils ne nous les donneront pas. Ils ne nous
feront pas de cadeau. C'est ça, en gros, qu'on vous dit. Ce n'est pas
vrai que le gouvernement fédéral va, demain matin, nous donner
pleins pouvoirs en culture, pleins pouvoirs en développement
régional, pleins pouvoirs ici, pleins pouvoirs là. Il va falloir
aller les chercher. Il y a une stratégie que les représentants
des différents secteurs ont adoptée lors de la commission
Bélanger-Campeau où chacun est venu dire, un peu pour son
secteur: Oui, on souhaiterait avoir les pleins pouvoirs. Il n'y en a pas
beaucoup qui ont osé dire: Pleins pouvoirs dans tout, pleine
souveraineté. Bon, beaucoup ont hésité à aller
jusque-là, c'est sûr.
Nous-mêmes, devant la commission Bélanger-Campeau, nous
avons dit qu'en matière de développement régional on
souhaitait les pleins pouvoirs au Québec. On le souhaite aussi pour la
culture, mais on a des inquiétudes quant aux modalités parce
qu'on a l'impression que, si ça se fait à la pièce,
justement, le Québec va être tenté d'utiliser les sommes
récupérées pour les affecter où bon lui semble,
sans la concertation des régions en particulier. On est inquiets
là-dessus parce qu'on souhaiterait qu'avant que ça se passe il y
ait vraiment une concertation gouvernement-régions pour s'entendre, pour
qu'on ait des garanties que, si ces pouvoirs-là sont rapatriés,
on ait en région notre part du gâteau et qu'on ait les pleines
sommes pour le secteur concerné. C'est ça, le message.
M. Gagné: En fait, c'est les mêmes
inquiétudes que pour, peut-être, des regroupements d'artistes dans
des secteurs particuliers. C'est d'être certains que, dans les
changements qui vont se produire, les régions deviennent aussi un des
partenaires dans le rapatriement de pouvoirs, mais avec une certaine
décentralisation pour permettre que tous les acteurs ou les personnes
impliqués puissent avoir, au fond, ce qui leur revient et ce qui doit
normalement être attribué pour permettre l'épanouissement
culturel.
M. Boulerice: Employons le mot; c'est le seul que je trouve et
disons qu'on va convenir de l'utiliser. Cette, disons, méfiance un peu
que
vous avez, elle ne naît pas de ce qu'ont vécu des
instruments extrêmement importants avec lesquels vous collaborez de
façon évidente, je le sais, qui sont les conseils
régionaux de la culture et qui, depuis 1985, voient un gel de leur
budget. Cette année, ils ont eu un petit quelque chose, mais ça
n'a pas effacé une perte de 20 % puisqu'on n'a pas indexé depuis
1985. On s'est même longuement interrogés si on devait les
maintenir. Et, dans le rapport Arpin, la place des conseils régionaux,
comme on dit en bon québécois, cherchez-la!
M. Thériault: On l'a soulevé dans notre
"rapport".
M. Boulerice: Alors, ce sont des éléments qui
entretiennent forcément, chez les gens des régions...
M. Thériault: De l'inquiétude.
M. Boulerice:... certaines appréhensions.
M. Thériault: Voilà!
Mme Griffin: Une grande inquiétude.
M. Boulerice: Une grande inquiétude. Donc, si je vous
comprends bien, ce que vous favorisez, c'est qu'il y ait des enveloppes
régionales réservées, protégées,
suffisantes, et vous dites bien... Et ça, c'est important que vous le
disiez à un député montréalais, sauf que, avant
d'être montréalais, on a été régionaux.
Mme Griffin: Voilà!
M. Boulerice: Alentour d'une table à Montréal,
demandez à ceux qui sont nés, "born and raised in
Montréal", comme on dit, de lever la main, on n'est pas nombreux. On
vient tous d'une région, donc nos racines sont encore là. Vous
dites: On est capables de s'arranger. Ça, je trouve ça
intéressant parce que je ne vois pas en vertu de quelle
prétention, comme député montréalais, je pourrais
aller vous dire, à vous les gens de Cabano: Eh bien, la culture et le
développement culturel chez vous, ça se fait par a, b, c et d.
C'est un peu prétentieux, ne trouvez-vous pas?
M. Thériault: D'accord.
M. Boulerice: Oui, Mme Griffin.
Mme Griffin: Quand on parle du pôle de Montréal,
qu'on parle de la métropole, qu'on parle des régions, ce n'est
pas qu'on veuille que Montréal ne fasse rien. Au contraire, il faut
qu'il se fasse des choses. À Québec aussi. Mais il ne faut pas
oublier les régions. Moi, je pense qu'il faut que Montréal soit
forte. On se rend compte aujourd'hui que Montréal est en train de se
désagréger, presque, avec des poches de pauvreté, et que
les régions s'en vont un peu chez le diable, comme on dirait par chez
nous. Qu'est-ce qu'on va faire devant cet état de fait?
Il faut changer les règles du jeu et les règles du jeu,
c'est qu'il faut que ce soit tout le monde qui participe maintenant au
développement du Québec, y compris les régions, y compris
la région de Montréal et de Québec. Mais, pour ça,
il faut avoir les outils pour le faire et l'un des outils, c'est aussi le
financement. Les municipalités, les régions sont prêtes
à faire des efforts; on en fait, d'ailleurs. Maintenant, si on est
capables, ensemble, de faire des choses, mais d'avoir voix au chapitre, je
pense qu'on peut trouver des solutions qui seraient fort intéressantes
pour le développement et de la région de Montréal sous
tous ses aspects et des 14 régions du Québec.
Alors, c'est là-dessus qu'on parle de décentralisation de
pouvoir de décision, avec des enveloppes qu'on connaît, une
harmonisation dans tout ça, et ça ne coûterait pas plus
cher au gouvernement du Québec, je ne le pense pas.
M. Boulerice: Et... Oui, je m'excuse. Allez-y.
M. Thériault: Je voudrais ajouter là-dessus qu'une
inquiétude qu'on a eue avec le rapport Arpin, c'est quand il parle
d'arrêter le saupoudrage. La lecture qu'on en a faite, c'est privons les
régions de leur enveloppe, puis concentrons à Montréal -
je caricature quand je dis ça, bien sûr - les budgets ou l'argent
dont on dispose. Compte tenu qu'on est en période difficile, que le
gouvernement a moins d'argent, utilisons le peu qui nous reste pour, au moins,
consolider Montréal et le reste, bien, ils attendront. C'est le message,
grosso modo, qu'on a retenu du rapport Arpin.
M. Boulerice: Vous avez bien raison. Qu'est-ce qui nous dit que
le prochain premier violon de l'Orchestre symphonique de Québec ou de
Montréal ne viendra pas du Conservatoire de musique de Rimouski?
Mme Griffin, vous êtes une élue municipale très
fortement préoccupée de développement régional,
mais je vois aussi, avec satisfaction, de culture. Est-ce qu'on peut dire que
vous opposez une fin de non-recevoir au ministère au niveau des
régions et des municipalités, si c'est pour être fait -
parce que tout le monde a vécu une expérience un peu dramatique -
en vertu du principe du délestage? On vous le donne, arrangez-vous avec,
mais il n'est pas question pour vous d'avoir le coffre à outils et
l'enveloppe qui l'accompagne.
Mme Griffin: Si on parle, de la façon dont on vient de le
connaître, d'un certain délestage au niveau des
municipalités... Dans nos régions,
quand on parie de décentralisation, on parie d'une
décentralisation après s'être concertés,
après avoir établi avec nos partenaires, qui sont le gouvernement
du Québec, qu'est-ce qu'on décentralise et quel partage on fait.
Mais, dans mon esprit, ce n'est pas un délestage de factures via les
régions et les municipalités parce qu'on n'a rien à dire
dans ça. Mais qu'on s'assoie à une table ensemble et qu'on se
concerte, qu'on décide ce qu'on va faire. Dans les régions et les
municipalités, c'est sûr qu'il y a une crainte. Quand on dit qu'un
chat échaudé en vaut je ne sais pas combien, mais, en tout cas,
plusieurs...
Une voix: Craint l'eau chaude.
Mme Griffin: Craint l'eau chaude, bon. Alors, c'est un peu
ça, mais...
M. Boulerice: L'eau froide.
Mme Griffin: L'eau froide.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouierice: II ne faut pas se tromper.
Mme Griffin: Je ne suis pas bonne dans mes affaires. Alors, ce
qu'on veut dire, au fond, c'est qu'au niveau du principe, au niveau du
désir de décentralisation, ça, c'est là. Si vous
étiez au congrès de l'UMRCQ la semaine dernière, ça
a été ça. Les gens sont d'accord, c'est la solution qu'on
entrevoit comme la meilleure, mais le délestage, il ne faudrait pas que
ça se passe comme ça.
M. Boulerice: Une toute dernière question, si vous me le
permettez. Je ne l'ai jamais posée et j'aimerais bien connaître
l'avis de gens comme vous. Il y a eu l'établissement de directions
régionales du ministère. Est-ce que ça a été
de la déconcentration ou si ça a été
véritablement de la décentralisation? Parce qu'il faut faire
attention; souvent, on parie, sous le vocable décentralisation, de ce
qui n'est, en définitive, que de la déconcentration.
M. Thériault: Effectivement, vous avez raison de soulever
ça parce que, justement, Mme Frulla-Hébert, tout à
l'heure, l'a évoqué. Elle a dit: Le ministère des Affaires
culturelles est le plus décentralisé des ministères. Si
elle parie des grandes institutions montréalaises,
québécoises ou d'autres institutions en région, c'est oui
parce qu'il y a des conseils d'administration dans ces organisations, dans ces
organismes-là, dans ces institutions. Mais si elle parie des directions
régionales du ministère, je dis: Non, ce n'est pas de la
décentralisation, c'est de la déconcentration.
On est inquiets là-dessus parce que le rapport Arpin, lui,
recommande que ce soient les fonctionnaires du ministère qui aillent
animer le milieu municipal pour répandre la bonne nouvelle, les
associer. Bien, moi, je peux vous dire une chose: Ils ont besoin d'être
armés, ces fonctionnaires-là, parce qu'ils vont se faire recevoir
avec une brique et un fanal dans plusieurs municipalités parce qu'on a
l'impression qu'ils vont arriver les mains vides. Ils n'auront rien à
mettre sur la table pour inciter les municipalités à en faire
plus en matière de développement culturel.
Et on dit aussi que c'est impensable de procéder de cette
façon-là, compte tenu que le phénomène de la
régionalisation au Québec s'en va de plus en plus vers une
réelle décentralisation des pouvoirs. Le plus bel exemple, c'est
ce que s'apprête à nous annoncer M. Yvon Picotte en matière
de développement régional. Depuis qu'il a mis sur pied, en
février dernier, ce groupe de sous-ministres qui doit y
réfléchir, il n'arrête pas de dire: Je veux une plus grande
responsabilisation des régions. Et pas au niveau des
municipalités comme telles en matière de développement
régional, mais au niveau du palier de la région administrative,
donc des 16 régions administratives du Québec. Alors, on trouve
un peu étonnant de voir dans le rapport Arpin qu'on passe par-dessus le
palier régional pour s'en aller directement faire de l'animation au
niveau des municipalités avec la direction régionale du
ministère. (11 h 45)
M. Boulerice: Juste une petite anecdote avant de terminer. Cet
énonce du ministre Picotte avait été énoncé
il y a très exactement cinq ans par M. Jolivet, député de
Laviolette et ancien ministre. M. Picotte lui avait dit: Écoutez, cette
idée est tellement farfelue, après tout le dégât que
vous avez causé. Et voilà que l'idée est bonne en 1991. On
va s'en réjouir. Vaut mieux qu'il se rétracte, qu'il s'en
attribue tous les mérites que d'avoir persisté et d'être
vaincu, comme vous l'avez dit si bien.
Je pense que c'est le temps de prendre congé de vous. Je vous
dirai que c'est fort probablement, depuis l'ouverture de cette commission, la
réflexion la plus structurée, la plus profonde et la plus
pertinente qui ait été faite au niveau du développement
culturel régional et du développement des régions. Je suis
rocardien de formation. Le développement culturel précède
le développement économique et le développement
industriel, et je pense que votre mémoire et la déclaration de
Mme Griffin sont des pièces essentielles à l'élaboration
d'une politique culturelle au Québec. Je vous remercie, Mme Griffin. Je
vous remercie, M. Gagné, M. Thériault, en espérant vous
voir à Rivière-du-Loup prochainement, parce qu'on va beaucoup
discuter de régions.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre,
en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Mme Griffin, M. Gagné, M.
Thériault, une précision à apporter. Vous aviez raison
quand vous parliez de déconcentration, pendant un bout de temps, mais il
faut quand même préciser que, depuis le mois d'avril, c'est une
décentralisation. Chacune des régions gère maintenant son
propre budget. Maintenant, vous allez me dire: II n'y en a pas assez. Mais il
n'y en a assez pour personne. Finalement, on est dans la portion de tous ceux
qui demandent plus d'investissements pour la culture. Une chose, c'est
sûr que notre action se fera, évidemment - comme je vous le dis,
nous, on est prêts - en harmonisation avec les actions gouvernementales.
On n'en sera que plus forts, mais, chose certaine, c'est que, puisqu'on a
maintenant procédé, justement, à cette gestion
régionale des budgets, on va continuer dans ce sens-là et nous
croyons fermement qu'il y a 16 régions distinctes, interactives.
Ça, il n'y a pas à en démordre.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Madame et messieurs, je tiens à vous remercier au nom des membres de
cette commission. Ceci met fin à votre intervention. Vous pouvez donc
maintenant vous retirer. Je vais appeler le groupe suivant, soit les
représentants de l'Opéra de Québec. Je leur demanderais de
bien vouloir prendre place devant cette table et nous allons tout de suite
reprendre les débats de cette commission. Alors, bonjour, messieurs,
bonjour, madame. Si je comprends bien, les gens qui sont devant nous sont M.
Paul Audet, président. Bonjour, M. Audet.
M. Audet (Paul-A.): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. Jean-Paul Cloutier,
trésorier.
M. Cloutier (Jean-Paul): C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Cloutier. M.
Pierre Lamontagne, administrateur.
M. Audet (Paul-A.): M. Lamontagne est absent, malheureusement. Il
a dû s'absenter.
Le Président (M. Gobé): M. Lamontagne est absent.
Mme Lise St-Onge, administratrice. Bonjour, madame. Il me fait plaisir de vous
accueillir ici. M. Guy Bélanger, directeur artistique et musical.
M. Bélanger (Guy): C'est ça.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M Bélanger.
Alors, vous pouvez commencer votre présentation sans plus attendre.
Opéra de Québec
M. Audet (Paul-A.): Alors, M. le Président, Mme la
ministre, messieurs, nous représentons la corporation de l'Opéra
de Québec, corporation qui a été mise sur pied en 1985,
à la demande du ministre des Affaires culturelles de l'époque. La
mission de la corporation de l'Opéra de Québec
spécifiée à ce moment-là était de
préparer, de présenter et de produire deux opéras majeurs
annuellement. Les sources de financement de cette société
d'opéra devaient être et sont encore, d'abord, le ministère
des Affaires culturelles du Québec - et je les nomme dans l'ordre
d'importance des subventions ou des montants impliqués -
deuxièmement, les recettes des salles; troisièmement, le Conseil
des arts du Canada; ensuite, la Fondation de l'Opéra de Québec;
la ville de Québec, et enfin, certaines commandites ad hoc qui viennent,
de temps à autre, apporter de l'eau au moulin, si vous voulez.
Cette société d'opéra, qui, à date, a rempli
sa mission, s'est inspirée de trois principes: d'abord, qualité
des spectacles. Qualité des spectacles, ça veut dire
qualité des artistes, qualité de la production, des
décors, de la salle, du choix des salles, de l'interprétation
musicale, etc.
Le deuxième principe, ça a été d'assurer ce
que j'appellerais la mission de Québec comme tremplin - Québec
devant servir de tremplin -pour la carrière de nos jeunes artistes, de
nos artistes qui sont en début de carrière ou d'autres qui
sortent à peine des conservatoires. Et les artistes, ça comprend
évidemment les chanteurs, puisqu'on parle d'art lyrique, mais aussi des
danseurs, des musiciens et tous les métiers connexes qui, dans l'ombre,
viennent s'ajouter et qui sont indispensables à la production de
spectacles d'opéra: les éclairagistes, les maquilleurs,
maquilleuses, les coiffeurs, etc. Tout ça fait partie d'une production
d'opéra et ces gens-là, nous les encourageons, nous leur servons
de tremplin et plusieurs, d'ailleurs, ont maintenant entrepris des
carrières à l'échelle nationale et même
internationale.
Le troisième principe, c'était et c'est encore
l'importance de Québec comme pôle de diffusion. Et je ferai
remarquer, M. le Président, que nous parlons, évidemment, ici,
d'opéra; ce n'est pas quelque chose qui peut se produire un peu partout
en province. Mais Québec tient à affirmer sa place, et c'est
reconnu par le rapport Arpin. Le rapport Arpin mentionne les pôles de
diffusion et mentionne particulièrement Québec. Là
où nous tenons à amplifier cette mention du rapport Arpin, c'est
que Québec... On mentionne Montréal, avec 3 500 000 de population
- Montréal, évidemment, est un centre majeur - et puis
Québec est mentionnée, mais toujours avec 300 000, 350 000 de
population. Alors, la ville de Québec, le centre, le pôle de
diffusion qu'est
Québec dessert une population qui dépasse de beaucoup les
limites corporatives de la ville de Québec et de sa banlieue.
Québec est un centre de diffusion qui rayonne sur tout l'est du
Québec et c'est extrêmement important lorsqu'on parle de
réalisation d'opéras. Et ceci, on doit en être conscients.
Si vous avez 50 % de la population de la province qui habite la grande
région de Montréal, il en reste quand même 50 % qui
habitent ailleurs que dans la région de Montréal. On doit garder
à l'idée que Québec, ce n'est pas un centre de 350 000 de
population, mais que ça dessert une population qui va chercher bien
au-delà de 1 500 000.
Alors, cette société d'opéra, humblement, pense
avoir réalisé les objectifs qu'on lui a donnés. Nos
collègues de l'OSM, ce matin, parlaient de récompense à la
bonne gestion, au - comment est-ce qu'ils l'appelaient? - le management, au bon
management? Alors, je crois que nous pouvons également réclamer
ce titre pour l'Opéra de Québec qui, comme notre mémoire
vous l'expose, a réussi, en dépit de la récession et de
facteurs négatifs, à terminer sa dernière année
fiscale sans déficit et, en même temps, à annuler, à
combler le déficit qui avait été accumulé. Alors,
nous avons rempli notre mission. Je crois que nous avons bien fait, mais on
voudrait faire davantage. On voudrait faire mieux encore. On nous demande
beaucoup. Il y a beaucoup de demandes pour une opérette, par exemple,
une troisième production, soit dans le cadre du carnaval, l'hiver, soit
dans le cadre du Festival d'été. Alors, tout ça, on
l'étudié présentement. Ça veut dire des budgets
supplémentaires importants et c'est pour réaliser mieux et
davantage que nous tournons les yeux vers vous, messieurs.
J'aimerais maintenant céder la parole à notre
trésorier qui est en même temps le président de la
Fondation de l'Opéra. Je n'ai pas besoin de faire l'éloge de la
Fondation de l'Opéra. S'il n'y avait pas eu la Fondation, je ne crois
pas qu'il y aurait eu de l'opéra à Québec. Alors, M.
Cloutier, si vous voulez parler de votre fondation, de notre fondation.
M. Cloutier: M. le Président, Mme la ministre et membres
de la commission, d'abord, vous dire le plaisir que j'ai à me retrouver
dans cette salle, dans ce milieu où j'ai oeuvré pendant 11 ans
comme député et comme ministre. Je constate toujours le
même sérieux. La sérénité, ça
dépend des intervenants, évidemment, qui sont ici. Quand ils sont
sereins, ça aide la commission à l'être
également.
Un petit mot de la Fondation. Il y aura 10 ans l'an prochain que la
Fondation a été mise sur pied, en pleine récession. Il
fallait avoir confiance, il fallait avoir de l'optimisme, mais je pense que la
suite a prouvé que nous avions raison de tenter cette aventure. Sauf
erreur, je pense que, dans le domaine culturel, il n'y avait pas de fondations
à ce moment-là. Nous étions, sinon la première, du
moins l'une des premières fondations à venir assurer une certaine
sécurité à un groupe culturel.
Nos objectifs étaient très précis; ils sont encore
les mêmes, d'ailleurs. Nous les amplifions en cours de route, au fur et
à mesure que nos moyens nous le permettent. D'abord, subventionner les
producteurs d'opéra; non seulement l'Opéra de Québec -
c'est notre intervenant majeur, bien sûr - mais les jeunes qui font des
spectacles d'opéra comme l'Atelier d'opéra de l'Université
Laval, le Conservatoire de musique de Québec et d'autres troupes, aussi,
qui font des productions d'opéra. Alors, donc, c'est notre premier
objectif et je pense qu'on l'a assumé pleinement puisqu'on a
redistribué - on ne le fabrique pas, l'argent, on le redistribue -
au-delà de 600 000 $ aux producteurs d'opéra.
Notre deuxième volet, c'est l'aide aux jeunes talents, la
relève du Québec. Ça, nous en sommes très fiers
parce que la Fondation de l'Opéra a contribué à faire
connaître, à encourager, à lancer dans la carrière
des jeunes de talent - je pourrais vous en nommer ici, vous en connaissez - par
des moyens comme la bourse, le prix Raoul-Jobin que l'on accorde à
l'élève à la suite d'un concours. Il y a
déjà huit lauréats et lauréates de
diplômés. C'est un prix de 4000 $, c'est quand même
important. Il y a aussi la formule des récitals d'opéra, ce qui
nous permet de donner non seulement des cachets, mais aussi des bourses aux
jeunes talents de la relève. (12 heures)
Je pense que c'est intéressant de mentionner ici qu'on a soumis
au président de l'Assemblée nationale, M. Saintonge, le projet de
venir faire ce genre de récital ici, dans le salon rouge - à
condition d'enlever les pupitres - en novembre, pour faire connaître aux
parlementaires les talents d'ici, les jeunes qui ont énormément
de talent. Alors, ce serait un récital de grands airs d'opéra et
M. Bélanger, notre directeur artistique, participerait. On pourrait
faire remettre des bourses par le premier ministre, les ministres, le chef de
l'Opposition et les représentants parlementaires, ici. Alors, c'est un
de nos projets.
Troisièmement, c'est le fonds de sécurité qu'on
accumule. La Fondation est là pour accumuler un fonds. J'entendais ce
matin l'importance qu'on attache, tous les groupes qui viennent ici, je pense,
à l'aspect financier. C'est sûr que l'Opéra de
Québec, sachant que la Fondation est là avec un fonds important,
qu'on veut rendre aussi plus important avec les années, se sent beaucoup
plus en sécurité. S'il arrivait des mauvais coups, s'il arrivait
des situations ou une production où le public ne répond pas, je
pense que la Fondation, avec son fonds de sécurité, peut rassurer
tout le monde, artistes, artisans et tous ceux qui oeuvrent dans le milieu de
l'opéra. Alors, ce sont, M. le Président, les trois objec-
tifs de la Fondation de l'Opéra qui va souligner l'an prochain
son dixième anniversaire. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cloutier.
Maintenant, nous allons entamer la discussion. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Audet, M. Cloutier, M.
Lamontagne, Mme St-Onge. Deux choses d'abord. L'Opéra de Québec,
on le sait, fait partie intégrante de la vie culturelle des gens de
Québec. À l'Opéra de Québec et à
l'Opéra de Montréal, on s'aperçoit maintenant de
l'engouement des gens pour cette forme d'art qui relie tout, autant art
dramatique que musique et voix. J'aimerais quand même vous poser deux
questions: une question au niveau de l'organisme même, et j'aimerais
aussi qu'on ait, un peu au niveau de Québec comme capitale à peu
près le même genre de discussion que nous avons eue avec les gens
de l'Orchestre symphonique ce matin.
Vous parlez de l'appui des pouvoirs publics. Vous voudriez, par la
quantité et l'ampleur de vos productions, participer au
développement du goût du public de Québec pour l'art
lyrique. Quelles sont les responsabilités que votre organisme voudrait
assumer pour favoriser le développement de nouveaux publics et, si on
peut parler d'un certain pourcentage budgétaire, quel pourcentage
budgétaire y attribueriez-vous? Parce qu'il y avait des
recommandations... Vous savez, il y a un an, quand le rapport Coupet est sorti,
on disait: On a développé, on a créé l'offre;
maintenant, il faut travailler sur la demande. Finalement, il faut travailler
sur les publics, aller les chercher, les développer. Alors, comment
voyez-vous ça, le développement de nouveaux publics à
partir de ce que vous avez vécu du début et de ce qu'il reste
à faire?
M. Audet (Paul-A. ): Voici, madame, nous avons mis sur pied un
comité de développement qui est présidé par un de
nos administrateurs, qui a déjà, avec l'aide d'une entreprise de
communication, fait des premières constatations pour cibler le
marché actuel et également celui que nous pourrions
espérer intéresser à l'art lyrique, à
l'opéra. Un des moyens qui est présentement en cours, c'est
d'organiser des choses qui sont moins lourdes, comme par exemple le
récital d'airs d'opéra qui a été mis sur pied. Nous
l'avons réalisé à l'église Saint-Roch
l'été dernier, dans le cadre du Festival d'été.
Ça a été couronné d'un très grand
succès. Notre directeur artistique a survécu à cette
expérience épouvantable dans une chaleur torride à
l'intérieur de l'église, mais nous avons, là,
touché un auditoire nouveau. Les récitals d'hiver,
également organisés par la Fondation, font partie de cette
tentative. Nous sommes encouragés présentement par Du Maurier
à essayer de trouver une méthode quelconque pour, justement,
répondre à votre demande, pour élargir le public. Et notre
espoir de réaliser une opérette, qui, je pense, s'adresse non
seulement à un public d'opéra, mais à un public beaucoup
plus large, fait partie de cette tentative-là.
Le Grand Théâtre de Québec a déjà en
main une étude importante que nous ne voulons pas doubler - c'est pour
ça que nous allons dans une autre direction, pour essayer d'accommoder
tout ça ensemble - qui indique que l'opéra a encore beaucoup de
défrichage à faire chez les jeunes, par exemple. Alors,
l'opérette - c'est un genre plus léger et ces jeunes-là
sont plus portés vers ce genre de musique - est peut-être quelque
chose qui répondrait à cette attente.
Je ne sais pas si Guy aurait... Comme directeur artistique, il
connaît la musique beaucoup mieux que moi. Peut-être qu'il aurait
quelque chose à ajouter. Guy.
M. Bélanger (Guy): Oui, bien sûr. Alors, au niveau
du développement culturel, il est évident que l'approche que nos
deux grands orchestres symphoniques ont choisie, c'est-à-dire celle de
présenter des matinées symphoniques, avec de larges explications
sur les instruments, les formes musicales, le travail strictement musical,
permet, comme on a dit tout à l'heure, à 6000 ou 7000, je ne sais
pas combien, ou 8000 personnes de jouer, par exemple, de la flûte
accompagnées du grand orchestre, sur un travail de préparation.
Donc, ça touche l'éducation, c'est clair. On ne peut pas
séparer culture et art de l'éducation, à mon avis, c'est
très simple. Mais, c'est peut-être plus facile.
Par contre, en ce qui nous concerne, je pense qu'il serait souhaitable
qu'on puisse arriver un jour, par exemple... Bon, voici, nous donnerons en
octobre prochain "La Flûte enchantée. " Eh bien, qu'il y ait une
distribution formée, par exemple, d'étudiants du conservatoire,
peut-être avec un jeune metteur en scène, l'orchestre même
du conservatoire, qui fasse une présentation pour les jeunes aussi.
Qu'on ait des matinées d'opéra.
Évidemment, comme M. Audet l'a spécifié, le
spectacle qui s'appelle opéra, l'événement de monter un
opéra ne peut pas se faire au coin d'une rue. Il faut un
théâtre. Il faut une infrastructure culturelle qui est
dispendieuse, qui est lourde, des machinistes, tout l'équipement. C'est
un spectacle large, il est donc coûteux. Et, dans le cadre d'une
production pour des matinées, c'est compliqué parce que, comme
vous le savez, nous ne sommes pas propriétaires du théâtre.
Le théâtre est là comme équipement culturel. Je me
réfère ici au principe européen où, eh bien, ce
sont les maisons d'opéra qui sont propriétaires du
théâtre. On peut affecter le temps du théâtre comme
on veut. Mais, ici, on ne peut pas. Vous avez la variété qui se
donne, vous avez toutes sortes d'activités rattachées au
théâtre. Alors, le
temps d'emploi est très dispendieux et fort restreint. C'est un
peu compliqué de le faire.
Et faire, par exemple, de l'opéra de chambre avec des petites
troupes, il y a des avantages; il y a aussi des inconvénients. C'est que
ça ne donne pas l'ampleur tout le temps de ce qu'est l'opéra. Il
y a des moyens d'y arriver, mais ça impliquerait des sources
financières et, là, il faudrait adjoindre l'Éducation
parce que la culture n'est pas seulement, à mon avis, du ressort du
ministère des Affaires culturelles. L'Éducation devrait...
À mon avis, on néglige ce rôle du ministère de
l'Éducation et de l'éducation dans son ensemble. Il faudrait
qu'il y ait un partenariat, à mon avis, une volonté. Enfin, dans
le genre de démonstration que nous pouvons faire, il faut que
l'Éducation soit comprise.
Alors, disons que ce n'est pas inclus dans notre "rapport" en tant que
tel, parce que nous n'avons pas actuellement le financement. Pour
répondre, Mme la ministre, à votre question: Qu'est-ce que nous
pourrions faire pour aller plus loin? compte tenu des sommes dont nous
disposons, il faudrait avoir une assiette budgétaire
supplémentaire pour structurer, justement, cette façon d'aller
plus loin dans l'approche avec les jeunes, dans l'approche avec
l'éducation, donc avec l'enseignement aussi aux jeunes. Et ça,
ça ouvre une porte, en même temps, sur un autre problème
qui est celui de l'éducation musicale. Et je crois que ce n'est pas dans
le sens de l'étude de cette commission.
M. Audet (Paul-A.): Si vous me permettez, Mme la ministre et M.
le Président, j'ajouterais simplement ceci. C'est que, dans cet effort
pour élargir l'auditoire et participer à l'éducation,
l'Opéra de Québec a été très heureux de
fournir gratuitement aux étudiants de Laval, le printemps dernier, les
surtitres pour l'opéra qu'ils ont monté, qui était "La
Flûte enchantée". Nous le présentons à la fin du
mois, on vous invite cordialement. Mais nous avons fourni aux étudiants
les surtitres, ce qui est une autre manière, encore, d'intéresser
davantage à cet art parce que, quand on comprend ce qui se fait, ce qui
se passe devant soi, on est plus intéressés.
M. Bélanger (Guy): Oui, voilà. Et peut-être
une dernière chose, c'est qu'on essaie actuellement... Le facteur prix,
on en a parlé, on parle du prix des billets, de la condition
économique, de la récession. Pour certaines
représentations qui sont bien définies, nous offrons des billets
à prix réduit pour les étudiants qui le veulent bien;
c'est presque le quart du prix. Quand on sait que, quelquefois, même des
étudiants sont prêts à payer des sommes assez fabuleuses
pour aller voir certains spectacles autres que les nôtres! Oui, eh bien,
je pense que ça fait partie de nos efforts. Je pense que ça peut
aider à répondre à votre question dans le sens de ce que
nous pouvons faire actuellement avec les ressources dont nous disposons. Je
pense que ça permet, en tout cas, à ceux qui le veulent, bien
sûr... On ne peut pas forcer les gens à aimer l'opéra, mais
on peut leur montrer ce que c'est. C'est un goût, c'est une culture,
c'est une sensibilité. C'est ça qu'il faut développer,
d'où la qualité de vie.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de laisser les prix
à un quart du billet, bon. Effectivement, il y a un lien à
établir avec tout le système d'éducation, on le sait,
ça a été dit et je suis certaine que ça va
continuer à être mentionné. On a reçu la
Fédération des cégeps. On va recevoir d'autres
universités, etc. Mais, avec le fait de laisser le prix à un
quart du billet, par exemple, est-ce qu'il y a une possibilité ou une
ouverture au niveau des différents collèges, cégeps,
commissions scolaires, pour qu'eux s'organisent, dans le cadre d'un programme,
que ce soit un programme même pas d'enseignement musical, mais
d'enseignement d'histoire, d'enseignement du français, pour dire: Bon,
bien, partait, ce sera une de nos soirées, une de nos sorties. Dans un
sens, bon, les billets sont moins chers; c'est sûr que l'étudiant
va défrayer le billet, mais le billet est beaucoup moins cher et
peut-être que le réseau peut payer le transport. Est-ce que c'est
possible? Est-ce que ça se fait ou si on nous dit que c'est impossible
dans le cadre de l'enseignement?
M. Bélanger (Guy): Je peux vous dire que, très
curieusement, ça rejoint, encore là, la dimension des
régions. J'ai trouvé, d'ailleurs, très intéressant
d'assister au débat que nous avons eu l'occasion d'entendre tout
à l'heure au niveau des régions. Je vous citerai simplement un
exemple qui vient un petit peu ponctuer cet élément. Il y a une
école, dans la région de Trois-Rivières - je ne la citerai
pas pour ne pas gêner, mais on devrait peut-être le faire puisque
c'est une initiative extraordinaire - où il y a un professeur - et ce
n'est pas un professeur de musique, c'est un professeur titulaire de toutes les
matières - qui, lui, a monté, et pendant plusieurs années,
toujours avec ses élèves dans le cadre probablement des arts
plastiques autant que de la musique puisque l'opéra touche tous les
arts... Opéra vient du latin opus, operis qui veut dire oeuvre;
ça veut dire synthèse de tous les arts connus et même,
maintenant, on ajoute le septième art, comme vous le savez. C'est une
synthèse d'histoire; la littérature, la musique, les arts
plastiques, le visuel, la danse, tout y est, jusqu'au cinéma. Alors,
c'est très riche comme tissu culturel. Donc, ce professeur, avec ses
élèves du primaire - et, selon moi, c'est au primaire que la
semence doit être lancée; au secondaire, c'est trop tard, c'est au
primaire qu'il faut travailler parce que, là, il n'y a pas les
frontières, les oeillères que l'on connaît - dans le
déroulement de son année, a bien préparé les
élèves à
l'écoute. Entre autres, ça a commencé avec
l'année "Carmen". Bon, ça a permis de parler un petit peu de
géographie, de l'Espagne, de parier de tous les aspects. Il y a
l'histoire. Il a parlé de tout. Bon. Il y a une scène qui se
passe, évidemment, avec le toréador. Alors, qu'est-ce qu'un
toréador? Qu'est-ce que c'est, cette histoire-là? Il greffait
très subtilement au phénomène de l'opéra une foule
d'autres aspects culturels, et ça s'est terminé avec des
auditions, bien sûr.
Ces élèves sont venus en autobus de Trois-Rivières.
Tout le monde a payé les billets. C'était en accord avec les
parents. Ils sont venus assister à la représentation et, à
la suite de la représentation, on leur a permis d'exprimer, au moyen de
dessins ou de textes, ce qu'on voulait dire, comment on avait perçu la
chose. Et ils nous ont envoyé des lettres que les enfants avaient
écrites, des textes à la suite de ça. C'était
très émouvant de voir comment ces enfants-là avaient
été très loin dans la compréhension et dans
l'acceptation de l'opéra, jusqu'au plus profond d'eux-mêmes,
comment ils avaient été émus par la chose parce que,
là, on les avait cultivés - je prends le terme; je ferai une
parenthèse tout à l'heure face au rapport parce qu'il y a des
choses que j'aimerais dire - on les avait préparés, on les avait
amenés à ça. Ils sont arrivés et le spectacle a
été comme une récompense, comme une apothéose, et
je suis certain que, pour ces jeunes, le mot "opéra" ne sera jamais
négatif. On peut aimer ou ne pas aimer, mais sans avoir vraiment senti
le langage de l'opéra. Ces gens-là ont quelque chose de plus que
les autres, vous voyez?
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de Trois-Rivières.
Quand on est passionné, on en parle. Est-ce qu'à Québec -
Québec, c'est à côté - il y a eu les mêmes
ouvertures et les mêmes efforts des différents réseaux
scolaires de Québec ou de Sainte-Foy, des régions environnantes?
(12 h 15)
M. Audet (Paul-A.): Il y a quelques écoles qui le font,
mais je voudrais dire que, malheureusement, ce sont toujours les mêmes.
Il y a trois ou quatre écoles. Il y en a une de Lévis. Je ne suis
pas en mesure de vous donner les noms, malheureusement, mais il y en a une de
la Rive-Sud, de Lévis, et trois ou quatre de Québec, mais ce sont
toujours les mêmes. Ça dépend probablement de
l'intérêt des professeurs de ces classes-là.
Une voix: De la motivation.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. Le problème,
c'est que tout dépend aussi de l'intérêt des individus
enseignant ou encore c'est qu'il n'y a pas de programmes qui sont
spécifiques à l'appréciation de l'art. On les force
à apprendre la musique; on les force à apprendre les arts
plastiques, mais ce n'est pas ça. Il n'y a rien, il n'y a pas de cours
ou de programme au niveau de l'appréciation, tout simplement, puisque
l'art doit se vivre.
Autre chose aussi, avant de terminer. L'implication des diverses
municipalités, l'implication de la ville, par exemple. Vous parlez de
nouveaux projets. Nous, on s'est embarqués dans un nouveau projet; la
ville a dit: On s'embarque. Bon. Est-ce qu'il y a aussi une
réceptivité au niveau de cette forme d'art, j'imagine, au niveau
de la ville et au niveau des diverses municipalités environnantes?
M. Audet (Paul-A.): La ville de Québec,
présentement, est dans d'excellentes dispositions, de même que la
Communauté urbaine qui, elle, souscrit à la Fondation.
M. Cloutier: Oui. On a présenté un dossier il y a
quelques années à la Communauté urbaine pour sensibiliser
davantage les villes qui étaient un petit peu plus réticentes.
Elles n'ont pas toutes le même désir d'implication. Mais on a
réussi et, chaque année maintenant, la Communauté urbaine
de Québec s'implique dans l'opéra. Pour revenir un petit peu sur
ce qui s'est dit cet avant-midi, c'était intéressant du point de
vue des municipalités, mais au niveau régional, moi, j'ai
vécu des expériences où c'était important d'agir au
niveau de la MRC de la région parce que, on a tous les interlocuteurs.
Ils ont des dossiers en commun. Alors, la Communauté urbaine de
Québec, les MRC, c'est intéressant et c'est
bénéfique de les sensibiliser en groupe parce qu'on n'a pas
à répéter vis-à-vis de chacune de ces
municipalités tout l'effort de persuasion.
Il y a, dans les municipalités et dans les MRC, des leaders et il
faut les rencontrer et les convaincre. Moi, je vais vous donner
l'expérience, disons, que j'ai vécue sur la Côte-du-Sud
aussi. Des villes comme Montmagny, comme L'Islet, comme La Pocatière ont
beaucoup d'influence au sein de leur MRC. Alors, il faut les voir
personnellement, si vous voulez, pour les convaincre de l'importance du dossier
qu'on va soumettre, après ça, à l'ensemble. Mais le
travail, c'est eux autres qui le font et c'est eux autres qui le continuent au
sein du groupe. Alors, notre intervention de persuasion doit se faire à
deux niveaux; il s'agit, pour nous, de repérer qui sont les leaders au
niveau régional, de leur faire une présentation, de les
convaincre et, après ça, je pense que ça a un effet
d'entraînement et de multiplication.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cloutier. Cela
met fin à votre intervention. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Mme la ministre, M. le Pré-
sident, Mme St-Onge, M. Bélanger, vous connaissez
l'intérêt que le chef de ma formation politique porte à
l'opéra, alors, je vais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...à la fois me faire plaisir et, je vais
vous l'avouer, me positionner. Mon questionnement va un peu sortir de
l'orthodoxie du questionnement qu'on a habituellement depuis le début de
notre commission. En premier, je vais faire une brève observation. Vous
avez fait état d'un projet dont vous avez discuté avec le
président Saintonge. À titre de membre du Bureau de
l'Assemblée nationale, je ne pense pas dévoiler de secret en vous
disant qu'on était vraiment très enthousiastes et très
heureux à l'idée que l'Assemblée nationale, qui est une
salle des fêtes, en définitive, tellement elle est belle, puisse
servir à des manifestations culturelles et non pas uniquement politiques
comme telles. Je pense que l'Assemblée nationale doit être le
centre de toute la vie sous tous ses aspects au niveau du Québec. Donc,
pour vous dire que la seule chose que nous espérons maintenant, c'est la
concrétisation le plus rapidement possible de ce projet enthousiasmant
qu'on nous a présenté.
La deuxième chose, et c'est là où je voulais en
venir quand je vous ai parlé de sortir de l'orthodoxie du questionnement
habituel, je lisais qu'à la page 3 vous dites: "À remarquer que
la ville de Québec n'est pas, à proprement parler, une ville
d'affaires et que, partant, il est impossible de compter sur l'appui financier
d'un nombre important de grandes entreprises. Le mécénat en est
surtout un d'individus et de petites et moyennes entreprises. La base de
l'Opéra de Québec est avant tout populaire - ce qui est
extraordinaire - d'où, peut-être - et là, je pense que vous
aviez raison d'insister - besoin encore plus grand d'un apport des pouvoirs
publics."
C'est la première fois que je vais avoir, probablement,
l'occasion d'en discuter avec quelqu'un et devant témoins en plus, ce
qui est intéressant. On a donné à cette ville le statut de
capitale. Certains ambitionnent qu'elle soit une capitale nationale. Il n'en
demeure pas moins qu'elle est quand même une capitale. Elle est la
"vieille capitale", comme on l'appelle très affectueusement, et cette
capitale a des institutions culturelles qui sont prestigieuses: un orchestre
symphonique, l'Opéra, etc. Êtes-vous capables de m'expliquer
d'où vient cette espèce d'incapacité chronique - et
j'insiste sur les mots "incapacité chronique" - de l'État
québécois à se servir de ses grandes institutions
culturelles dans sa capitale? En exemple, on a reçu je ne sais pas
combien de conférences prestigieuses: le Sommet de la francophonie; nous
avons déjà reçu l'assemblée générale
des parlementaires de langue française, ça regroupe 42 ou 47
pays; nous recevons régulièrement des chefs d'État: de
mémoire, le président Mitterrand, le président Reagan, la
reine Béatrice de Hollande. Et, quand vous êtes chef
d'État, chef de gouvernement, monarque, si vous allez en Hollande, vous
allez passer obligatoirement par le Concertgebouw. Si vous allez à
Londres, vous allez être au Royal Albert Hall. Si vous allez en Union
soviétique, vous passerez obligatoirement par le Bolchoï, mais
jamais, chez nous, enfin, à ma connaissance - si jamais je me trompe, de
grâce, dites-le-moi - on ne s'est servi de nos grandes institutions
culturelles et on n'a offert à nos visiteurs quelque chose. Je trouve
que c'est petit, misérabiliste, et je pourrais employer je ne sais
combien de qualificatifs. Mais c'est un circuit, un trajet obligatoire. Je vous
ai nommé deux, trois, quatre pays, mais c'est obligatoire. Pouvez-vous
penser à la visite d'un chef d'État en France, quel que soit son
pays d'origine, sans qu'on l'amène à l'Opéra Garnier ou
qu'on l'amène au nouvel Opéra de la Bastille? Mais, chez nous, on
ne se sert absolument pas de ce que nous possédons de riche dans notre
capitale. Ça vient d'où? On n'a pas cette culture? Mais, si on ne
l'a pas, qu'est-ce que ça prend pour nous la donner? Moi, je trouve
ça lamentable.
M. Audet (Paul-A.): M. Boulerice, je pense que, pour
répondre à une question semblable, personne ne pourrait
être plus qualifié qu'un ancien ministre. Jean-Paul?
M. Cloutier: D'abord, c'est très intéressant, ce
que vous soulevez en ce moment, cette jonction entre le politique et le
culturel, si vous voulez, à l'occasion des grandes visites que l'on
reçoit ici, à Québec, et ça ne va pas en diminuant,
ça peut aller en augmentant. Je voudrais vous mentionner qu'on a fait
une expérience, nous, de la Fondation de l'Opéra. Durant le
Sommet de la francophonie, ici à Québec, on a
présenté au Grand Théâtre un récital
d'opéra d'envergure, avec tous les lauréats et les
lauréates du prix Raoul-Jobin, le choeur de l'Opéra et
l'Orchestre symphonique.
Le seul point où on n'a pas réussi, je pense, c'est a
déplacer des délégations qui étaient ici, à
Québec, à cette occasion, pour les amener au Grand
Théâtre. Évidemment, il y avait probablement des
problèmes de sécurité, qu'on nous a dit, mais je pense
qu'à ce moment-là notre difficulté - et je le sais, j'ai
beaucoup participé, j'ai été un des instigateurs de cet
événement: l'organisation de cet événement culturel
a été donnée, si ma mémoire est bonne, à des
gens de l'extérieur du gouvernement, qui, je pense, n'y ont pas vu toute
l'importance que, nous, on y attachait. Parce qu'on aurait été
fiers de faire connaître à ces délégations de tous
les pays francophones la qualité de l'Orchestre symphonique ici,
à Québec, la qualité du choeur de l'Opéra, et
ça, je pense qu'on n'a pas besoin de faire une longue
démonstration. Tous les
artistes étrangers qui viennent ici, qui viennent de l'Europe,
qui viennent des États-Unis, qui viennent jouer un rôle à
l'Opéra, un rôle majeur, sont surpris de la qualité du
choeur de l'Opéra de Québec.
Et nos jeunes artistes, les jeunes solistes de l'Opéra, on n'a
pas besoin d'en parler longuement, je pense que le talent est là. Mais
cette expérience-là pourrait se répéter beaucoup
plus et je suis très heureux que... Je pense que la ministre serait
prête, de ce côté-là, à collaborer. Et, nous,
notre collaboration est acquise pour essayer de voir de quelle façon
ça pourrait se concrétiser. Évidemment, il y a deux
opéras par année; il y a huit soirs. Ce n'est pas facile,
là, de combiner la visite des chefs d'État, comme un pays, une
maison d'opéra qui fonctionne continuellement comme le Met, si on veut.
Mais, toutes proportions gardées, je pense qu'il y aurait lieu de faire
beaucoup plus sous cet aspect et, nous, on serait fiers de collaborer à
cette jonction du culturel et du politique.
M. Boulerice: Que mon collègue, le député de
LaFontaine, me corrige si je me trompe, le service DVO, des visites
officielles, en France, relève forcément du Quai d'Orsay, mais il
y a obligatoirement un représentant du ministère de la Culture.
Et on doit absolument s'assurer que, lorsque M. le ministre Cloutier arrive en
France, eh bien, il y ait un contenu culturel à sa visite. Et je l'ai
vécu dans les missions, moi, où on voit vraiment cette insistance
de la part des Européens à nous montrer ce qu'ils ont. Je suis
bien d'accord avec vous que, forcément, on ne peut pas agencer une
visite officielle en fonction d'un calendrier de productions, mais, comme on
dit en bon québécois, selon l'expression populaire, il y a
toujours moyen de moyenner. Donc, ces choses-là devraient être
faites.
Je crois que M. Bélanger brûle de rajouter, mais je pense
que, dans le temps, il me restera suffisamment d'espace pour ma deuxième
question.
M. Bélanger (Guy): Bien oui. C'est parce qu'il y a quelque
chose que je veux ajouter, qui touche le rapport, mais pour un petit peu
compléter ça, je fais une parenthèse, quand même,
sur l'à-propos de la culture face à la diplomatie, par exemple,
des pays d'Europe. Il ne faut pas oublier qu'on est un peuple européen
de source et de racines. Avant 350, 400 ans, notre histoire, c'était
l'histoire de la France, de l'Italie, dépendant de nos origines. Nous
sommes un peuple européen. Je pense que, comme peuple
québécois, il faudra qu'on redéfinisse certaines choses en
partant de nos sources, de nos racines, pour savoir où on va maintenant.
Et je veux compléter le sens de mon intervention comme ceci. Bon, on
nous demande une réflexion, donc, sur le rapport de M. Roland Arpin qui
a fait un travail formidable et, justement, c'en est un qui a été
dans sa vie très préoccupé par l'éducation
puisqu'il a été lui-même mêlé à des
maisons d'enseignement majeures, sa formation de sous-ministre des Affaires
culturelles l'a démontré, et maintenant par le Musée.
Donc, il cumule un peu tout ça, son goût et sa nature.
J'aurais aimé, dans le cadre d'un rapport comme celui-là,
qu'on essaie de définir, en partant... Peut-être que d'autres vous
l'ont dit; malheureusement, je n'ai pas pu suivre tous les débats parce
que ce matin, je me suis sauvé des répétitions de "La
Flûte enchantée" pour venir ici. Je devrais être en train de
répéter, mais, enfin, on a fait une parenthèse. J'aurais
aimé, et peut-être que ça peut s'ajouter aux trois... Vous
savez, au tout début, quand on dit: "La culture est un bien essentiel et
la dimension culturelle est nécessaire à la vie en
société, au même titre que les dimensions sociale et
économique" il y a là un principe. "Le droit à la vie
culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi
l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des
citoyens," un deuxième principe majeur. Bon, ce n'est pas
nécessaire que je les cite tous.
Mais, avant de citer les principes, je crois qu'il aurait
peut-être fallu - et ça pourra s'ajouter si vous en décidez
ainsi - essayer de définir ces trois mots: politique, culture et art,
dans le sens de la construction que nous avons ici. Et je
réfléchissais à ça parce qu'il y a des
réponses qui vont sortir de ça. Politique, dans son emploi ici,
ce n'est pas le sens premier. C'est déjà un sens figuré.
Ça vient du grec "polis" qui veut dire ville et, au début,
ça voulait dire administration d'une ville. Alors, ici, on parle de
politique; il y a un sens d'administration, mais ce n'est pas rattaché
à la ville. Ça peut être rattaché aux citoyens, par
extension, à une communauté plus qu'à une ville. On a un
deuxième mot qui est ambigu: culture. Ça vient de cultura, en
latin, qui veut dire agriculture. Il y a un lien, donc, avec culture; ça
veut dire qu'il y a des choses qu'il faut connaître. Avant de cultiver il
faut savoir que la plante va pousser, il faut savoir quelle plante va
naître. La culture a un sens de culte aussi. Il y a un lien qui peut se
faire, mais à la connaissance. Et le troisième mot, art, lui
aussi, a un sens un peu ambigu. Art veut dire façon de faire.
Alors, on parle de la culture québécoise; moi, je pense
qu'on devrait parler de la culture du Québécois. Et, pour parler
de ça, eh bien, politique dans le sens d'administration; culture dans le
sens de connaissance, donc éducation; art dans le sens de façon
de faire. Alors, tout ça regroupe le passé, nos sources, nos
origines. Le présent, c'est ce que nous allons essayer de faire et la
création, c'est le futur, c'est l'avenir. C'est ce que l'on fera, compte
tenu de ce que nous aurons gardé. Vous savez, plus simplement, la
culture qu'est-ce que c'est? C'est ce à quoi on tient, une fois qu'on a
fait l'élagage de nos
explorations dans le passé et de nos sens.
Alors, l'opéra, et je termine là-dessus, c'est pour
ça que, moi, j'y ai consacré ma vie, je me dis: C'est un art de
culture et c'est un art qui nous attache à nos sources qui sont les
sources européennes; donc, art de vivre, donc, façon
d'être, façon de penser, raffinement. Quand on reçoit nos
diplomates, bien sûr que j'aimerais qu'on en soit fiers. M. Cloutier l'a
évoqué, au fameux Sommet de la francophonie en 1987, on
était fiers d'être québécois, d'avoir ces jeunes
artistes. Où on est moins fiers, et je terminerai là-dessus,
c'est quand on fait des cérémonies pour la fête nationale,
mais, très curieusement, l'OSM n'y est pas, l'OSQ non plus,
l'Opéra de Montréal non plus, comme si ce monde culturel ne
faisait pas partie de la vie québécoise. Et c'est ce qui
m'attriste le plus, parce que je travaille beaucoup avec les jeunes qui sont
talentueux et je comprends mal qu'on soit toujours comme un ballon à
part. Non, le Québécois aime chanter, le Québécois
aime la voix. Il faut démystifier les choses, et c'est ce pourquoi on
produit et c'est ce que l'on veut faire: développer cette qualité
de vie à Québec.
Alors, les moyens, écoutez, on a les moyens que l'on
décide. On a la société que l'on veut, on a la population
que l'on veut, qu'on mérite. Ça, ce sera à définir.
Mais je crois que le but, ici, de cette réflexion - et, je le dis,
ça me touche beaucoup, évidemment, ça me passionne, tout
ça - il faudrait qu'on essaie d'abord de définir les choses
plutôt que d'essayer d'aller s'arracher une assiette budgétaire
définitivement soit par le Conseil des arts... Le Conseil des arts ne
fait pas bien son travail et... C'est vrai qu'il y a des choses qui ne
fonctionnent pas, mais je crois que, si on veut aller plus loin autant dans la
mécanique administrative, et en cela les liens sont compliqués,
que politique - c'est le premier mot de cette étude, politique - il
faudra d'abord savoir ce que l'on veut comme individus. Un
Québécois, qu'est-ce que c'est? La culture non pas
québécoise, mais du Québécois me semblerait un
point beaucoup plus important actuellement. Et comment on pourra y arriver?
Moi, je suis un producteur d'opéra, mais je sais que l'éducation,
c'est ça qui manque. Il y a quelque chose parce que, si on veut aller
plus loin... Les gens de l'OSM disaient: Oui, on a des problèmes. Les
gens viennent moins aux concerts de l'OSM...
Le Président (M. Gobé): Malheureusement, M.
Bélanger, je vais devoir vous arrêter, mais c'est fort
intéressant.
M. Bélanger (Guy): C'est mon défaut.
Le Président (M. Gobé): Je pense que vous avez le
mérite de soulever un certain nombre de questions qui sont,
d'après moi, très intéressantes pour les membres de cette
commission. Vous parliez d'histoire, aussi. Il faut savoir d'où on
vient. Mais, pour la gouverne de mon collègue, le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, lorsqu'il parle des gouvernements et de leur
action dans la diplomatie, sur les artistes, il faut se rappeler que les
gouvernants, de tout temps, ont été les protecteurs des artistes.
Que ce soit Athènes, les Égyptiens, la Grèce, plus
près de nous, Charlemagne à la fin du premier millénaire,
François 1er avec la Renaissance, on se rappelle qu'il a fait venir
Léonard de Vinci, dans ce temps-là, et combien d'autres, Louis
XIV, enfin. Alors, c'est une tradition européenne, en effet, culturelle,
qui est non pas de voir les arts comme une business, mais comme quelque chose
qui sort de l'esprit, qui enrichit l'homme et l'humanité, et ils se
sentaient obligés d'en être les protecteurs, à ce
moment-là. M. le député de Sainte-Marie, sans vouloir
prendre votre temps encore plus, je vous laisserai conclure.
M. Boulerice: Je dois conclure, mais ce que vient de nous lancer
comme message le président est qu'il faut retrouver nos racines, c'est
important. J'aurais voulu vous interroger sur les effets désastreux de
la taxe de 27,5 % qui vous frappera à partir...
M. Bélanger (Guy): II est trop tard.
M. Boulerice: Oui, mais le drame, c'est que j'ai peur qu'il soit
trop tard pour l'opéra, la journée où ça tombera.
Mais je ne vous reprocherai pas, M. Bélanger, d'avoir eu beaucoup de
sensibilité, beaucoup de passion. Si on n'en a pas, on n'a rien à
faire dans le domaine de la culture. Je vous saluerai en vous rappelant cette
phrase de Nietzsche qui disait, à propos de la musique: "Sans elle, la
vie serait une erreur". Donc, donnons-nous comme prochain rendez-vous, au plus
tard "La Flûte enchantée" et sans doute une autre discussion avant
"La Flûte enchantée". Merci de votre présence, M. le
ministre, M. le président, Mme St-Onge, M. Bélanger, au plaisir
de vous revoir très bientôt.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de
remerciement, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci à vous tous. D'abord,
deux points. Le premier, j'aurais voulu le faire tantôt, sur place: avant
de dire que, quand les dignitaires viennent, la culture n'y est pas, je veux
vous informer, entre autres, que demain la reine du Danemark vient. Je
l'accompagne. Nous allons au Musée de la civilisation, au Musée
du Québec, pour terminer évidemment demain soir puisqu'elle doit
quitter très tôt samedi matin. Le président de la Hongrie
vient samedi prochain et nous serons à la Place des Arts...
M. Boulerice: il ne peut pas être le prési-
dent de la Hongrie.
Mme Frulla-Hébert: ...au ballet. M. Val My Féaux,
de la Belgique vient et nous l'avons invité - on va voir si c'est
possible - à venir tout simplement nous jaser en commission
parlementaire. Donc, dire que la culture est absente au niveau des grandes
rencontres diplomatiques, je pense que les temps changent et ce n'est pas tout
à fait le cas.
Maintenant, un défi à vous tous, ainsi qu'à M. le
ministre, le projet dont vous avez parlé et que vous concoctez avec M.
Saintonge m'intéresse fortement, alors je vous offre toute ma
collaboration. Et je pense que ce serait une excellente idée, soit en
novembre ou en décembre pendant la session intensive, ça
calmerait les esprits. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la
ministre. M. Audet, M. Cloutier, madame, M. Bélanger, ça nous a
fait plaisir de vous recevoir à cette commission. On a
dépassé un peu le temps, mais c'était fort
intéressant. On l'a pris sur l'heure de notre lunch et ça nous a
fait plaisir. Alors, je vous remercie et je suspends les travaux de cette
commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 39)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président (M. Ooyon): La commission de la culture
reprend donc ses travaux. Nous allons continuer le mandat qui nous a
été donné par l'Assemblée. Et, pour commencer, nous
allons entendre le Centre canadien d'architecture. Je demanderais à Mme
Phyllis Lambert de bien vouloir s'avancer. Bonjour! Veuillez prendre place en
avant. Nous allons procéder comme nous l'avons fait jusqu'à
maintenant: il y a trois quarts d'heure qui sont prévus pour la
rencontre que nous avons avec vous; un quart d'heure étant
consacré à la présentation de votre mémoire ou
à un résumé que vous voudrez bien faire; ensuite, la
conversation s'engage avec les membres de la commission pour le temps qui
reste. Si vous voulez bien vous présenter maintenant, Mme Lambert, ainsi
que les gens qui vous accompagnent, pour les fins du Journal des
débats, vous avez dès maintenant la parole.
Centre canadien d'architecture
Mme Lambert (Phyllis): Merci beaucoup et bonjour. Merci de
m'avoir invitée à prendre la parole devant la commission. Je
prends la parole pour le Centre canadien d'architecture. Et je veux
présenter mes deux compagnons: Mme Wendy Reid, qui est tout à
fait à droite, qui est le directeur adjoint responsable des affaires
publiques dans les programmes éducatif et culturel au centre, et M. Yves
Savoie, qui est chef des services de financement.
Ma présentation devant cette commission portera sur quelques
idées maîtresses de notre mémoire et sur l'architecture qui
est une composante majeure de notre culture, sujet sur lequel nous n'avons pas
encore élaboré et dont je parlerai aujourd'hui devant la
commission. Je vais procéder par certains titres.
Le premier, c'est le MAC, puissant, mais non centralisateur. Tout
d'abord, nous voulons affirmer que nous sommes d'accord avec le rapport Arpin,
selon lequel le Québec a besoin d'un ministère des Affaires
culturelles puissant. Cependant, nous ne croyons pas que la centralisation des
pouvoirs, comme le préconise le rapport Arpin, soit
bénéfique, tout au contraire. Le MAC devrait avoir toute latitude
pour assurer l'application de politiques adéquates et avoir accès
à suffisamment de ressources pour soutenir la création
artistique.
Il importe, en effet, de se préoccuper d'abord des artistes et de
leurs créations, et non des fonctionnaires. Nous devons appuyer les
artistes là où ils sont, dans leur milieu. La dynamique vient
d'eux et non des structures administratives, surtout si celles-ci sont
imprégnées de dirigisme. Les choix centralisateurs du
groupe-conseil vont à rencontre d'un développement viable et
dynamique de la culture québécoise et nuisent à
l'épanouissement des créateurs. D'abord, ces choix
étouffent la culture et, fait plus regrettable encore, ils la politisent
inévitablement.
Deuxièmement, les régions. Le rapport Arpin s'étend
sur la notion des métropoles comme locomotives du développement
culturel à partir desquelles les régions s'alimenteraient.
À notre avis, cette structure statique et dirigiste ne peut créer
un climat propice pour les régions. De plus, elle renie le
caractère distinct des régions et ne reconnaît pas leur
apport essentiel au développement culturel de Québec. Enfin, de
tels choix n'encouragent pas la participation du secteur privé, des
municipalités ou d'autres partenaires. Au contraire, le modèle
évident est celui d'une écologie de la culture, un modèle
qui ne se veut pas unidirectionnel, mais où toutes les institutions
s'alignent d'une façon réciproque.
Troisièmement, pour une culture forte partout au Québec.
Nous sommes convaincus qu'il est essentiel d'avoir une structure
perméable à travers laquelle on pourrait tirer parti
d'initiatives privées qui, à leur tour, stimuleraient les forces
créatrices et l'identité culturelle dans les régions et
dans l'ensemble du Québec. Ainsi, le MAC servirait de catalyseur,
puisqu'il appuierait les initiatives venant des milieux artistiques. Le
ministère des Affaires culturelles doit donner aux créateurs et
créatrices, à leurs institutions et aux promoteurs de projets les
outils nécessaires qui leur permettront de constituer un
réseau,
d'échanger des idées et des services. Le MAC doit aussi
s'assurer que les promoteurs et artistes ont les coudées franches
lorsqu'il s'agit de créer, mais, en même temps, il doit se montrer
équitable en appuyant les initiatives valables. À titre
d'exemple, mentionnons le projet de la Société des musées
québécois: grâce à une subvention et à
l'appui des spécialistes du Réseau canadien d'information sur le
patrimoine, la Société a créé un module afin
d'appuyer l'enregistrement des collections très importantes des
musées québécois de petite et de moyenne envergure.
Voilà un exemple d'une initiative prise par un réseau
d'institutions québécoises qui a pu se concrétiser
grâce à l'aide du gouvernement.
Quatrièmement, le partenariat. Comme il est dit dans le rapport
Coupet et dans notre mémoire, il importe d'élargir fe
partenariat, mais beaucoup plus qu'on ne le préconise dans le rapport
Arpin. Le partenariat ne doit surtout pas être une porte de sortie pour
le MAC. Le partenariat n'élimine en aucune façon l'urgente
nécessité pour le ministre de combler les lacunes en
matière d'équipement et de budgets de fonctionnement.
Après avoir produit tant d'études, nous devons passer à
l'action. Faut-il rappeler qu'un grand nombre d'institutions muséales
manquent de soutien, que l'accréditation de plusieurs institutions
tarde? Le CCA n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ces institutions et
établissements ne peuvent compter sur l'appui au fonctionnement du MAC,
faute de critères transparents et de ressources qui permettraient de le
faire.
C'est en s'appuyant sur des initiatives privées et locales, et en
favorisant le partenariat que le MAC permettra l'épanouissement des
forces créatrices et aidera les artistes, leurs institutions et les
promoteurs à constituer des réseaux à l'échelle
régionale, nationale et internationale. Les relations, les
échanges et un dialogue outre-frontières assureront l'essor d'un
Québec fort sur les plans culturel et artistique. Cette approche
dynamique évitera au Québec de se replier sur lui-même.
Nous avons plusieurs exemples où le Québec a
rayonné sur le plan international et de l'enrichissement que cela
apportait de part et d'autre. À titre d'exemple, j'aimerais mentionner
la participation officielle du Canada à la Cinquième exposition
internationale d'architecture de la Biennale de Venise le mois dernier. La
présentation de l'exposition du Centre canadien d'architecture à
cet événement démontre l'importance capitale d'avoir des
échanges entre les artistes, entre les institutions, d'avoir
d'excellentes relations avec les divers paliers de gouvernement et les
entreprises si nous voulons que les artistes québécois aient la
place qu'ils méritent sur la scène mondiale.
Faut-il rappeler l'importance de la continuité et de la rigueur?
Des interventions spo-radiques et un saupoudrage des effectifs ne fa- vorisent
aucunement la consolidation de ce qui est acquis. Beaucoup de projets entrepris
et laissés en plan nous ont fait perdre des acquis trop précieux.
Nous devons donc implanter une politique qui assure aux artistes et
institutions créatrices de tous les horizons des perspectives d'avenir
intéressantes. Prenons, par exemple, la pratique des concours
d'architecture, qui s'est développée depuis une dizaine
d'années en France et qui a permis à ce pays de conquérir
une place internationale en matière de production architecturale de
qualité. Il est important de se rendre compte, dans le cadre de cette
commission aujourd'hui, que ces concours sont gérés par une
supraagence qu'on a nommée la Mission interministérielle pour la
qualité des constructions publiques.
Cinquièmement, l'art de l'architecture. Le rapport Arpin ne
touche qu'en passant à la question de l'architecture et, pourtant,
l'architecture est au coeur de notre vie quotidienne puisqu'elle en est le
cadre. Tout le monde naît dans un bâtiment, tout le monde vit dans
un bâtiment, tout le monde meurt dans un bâtiment. Et, pourtant,
nous n'avons pas cette compréhension profonde de l'art de
l'architecture. Nous parlons ici de culture architecturale et non de
l'architecture comme produit de consommation. La connaissance de l'architecture
au sens le plus large du terme est la connaissance de la civilisation; elle
exige une grande maîtrise du savoir humaniste.
Au Québec, nous n'avons pas encore une culture de l'architecture.
Nous n'avons pas non plus de méthode suivie et rigoureuse pour sauver
notre patrimoine et insérer des éléments nouveaux dans nos
villes. La ville qui est pour tous les architectes, les autres artistes, les
historiens, les philosophes, les scientifiques et tous ceux qui militent pour
préserver le patrimoine, le lieu de prise de conscience et d'action.
Au Québec, trop de ce qui a été construit avec tant
de fierté a disparu sous le pic des démolisseurs.
Malheureusement, la plupart des villes et villages québécois
n'ont pu échapper au ravage. Il est triste de voir que le tissu urbain
et la structure sociale ont été détruits
aveuglément parce que l'incidence de l'architecture et son rôle
dans la société demeurent méconnus.
Pour faire connaître la culture architecturale,
premièrement, il est indispensable d'insérer l'architecture au
programme d'études des niveaux primaire et secondaire. Nos enfants
doivent comprendre ce que c'est que d'habiter dans la ville. Ils doivent
apprendre le vocabulaire de l'architecture, comprendre ses murs, ses formes,
ses décors, ses espaces publics et privés, ses symboles, bref
tout ce qui est indispensable à leur bien-être physique et
intellectuel. Deuxièmement, nos écoles d'architecture et
d'aménagement doivent élargir leurs vues intellectuelles et
sociales. Les programmes universitaires de préservation du patrimoine
commencent à peine.
On enseigne depuis peu de temps l'histoire et la théorie de
l'architecture. La plupart des étudiants sont en effet obligés de
compléter leur formation au plus haut niveau à l'étranger.
Troisièmement, la connaissance du milieu est tout aussi urgente. Les
architectes, comment peuvent-ils bâtir quelque chose de significatif dans
leur ville s'ils ne connaissent pas les idées génératrices
de la forme urbaine et de son histoire? Même à cela, peuvent-ils
vraiment faire quelque chose de valable si les citadins ne disposent d'aucun
moyen adéquat pour comprendre leur cadre de vie? La publication de
journaux, d'articles dans la presse, de livres sur l'architecture et
l'aménagement paysager à travers le monde a augmenté
prodigieusement au cours des dernières 10 années. Au
Québec, on peut compter sur les doigts de la main les ouvrages critiques
et analytiques sur l'architecture écrits à partir de documents
originaux.
Quant au public, il doit participer activement au débat sur
l'architecture si nous voulons que les architectes jouent honnêtement
leur rôle. Au cours des années soixante-dix, période
marquée par la destruction massive des villes en Amérique du Nord
et partout dans le monde, il y a eu nombre de débats à la radio
et à la télévision sur l'architecture. Depuis,
l'architecture est rarement la cause de débats dans le milieu
électronique. Par exemple, l'un des outils les plus propices à
véhiculer les programmes architecturaux, une émission très
étudiée pour les enfants, "Robin et Stella", vient d'être
retirée de la programmation de Radio-Québec.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'une architecture en communion avec le
monde plus vaste des idées internationales, mais qui soit
également enracinée dans les valeurs de sa propre
collectivité. Pour être en contact avec le "village global" de
Marshall McLuhan, nous avons besoin de réseaux de communications
adéquats. Il faut que l'architecture soit le fruit d'un large consensus
et résulte d'un choix éclairé.
Or, il faut assurer l'enseignement de l'architecture à nos
enfants, aux universitaires et au grand public. Pour que s'engage un
débat multidisciplinaire sur la ville et les valeurs sociales, il faut
promouvoir la culture architecturale; il faut que tous participent à la
prise de conscience collective et il faut absolument que l'architecture soit
une composante de la politique sur la culture et les arts que déposera
bientôt le ministère des Affaires culturelles.
Un Québec économiquement fort n'est pas viable sans une
compréhension profonde de sa société. Le culte du
passé ne signifie pas qu'il faille s'en tenir à la compilation de
données historiques. Il doit nous permettre, entre autres, de comprendre
l'environnement culturel dans lequel nous vivons. C'est en redécouvrant
le passé que nous pourrons jeter les bases de l'avenir. Pour que le
Québec soit distinct, il faut que les institutions culturelles arrivent
à un consensus pour susciter la créativité. Nous devons
donc mettre la priorité sur l'éducation et les arts, ce qui
permettra aux artistes québécois de jouer le rôle qui leur
revient sur le plan international. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Lambert. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Bienvenue. Je tiens
à souligner ici, Mme Lambert, votre très grande implication
culturelle. On parle beaucoup de partenaires, on parie beaucoup de
mécénat, je pense que vous êtes "la" mécène
au Québec et, pour cela, je voulais le souligner publiquement. Vous avez
toujours eu à coeur le patrimoine, l'architecture en soi. Mais
j'aimerais, avant d'aborder ce domaine de l'architecture - parce que,
effectivement, on en a parlé avec l'Ordre des architectes, mais on n'en
a pas beaucoup parlé - revenir à un point dans votre
présentation.
Vous parlez de l'importance d'échanges au niveau des artistes et
des institutions au niveau international pour justement pouvoir en
bénéficier et se ressourcer de l'extérieur. Vous avez
aussi, au niveau de votre mémoire, parlé du fait que plus il y a
de partenaires, plus la culture a des chances de mieux se développer. Ce
qui nous amène à penser: Selon vous et selon votre
expérience, au niveau des partenaires que nous avons -
évidemment, c'est le fédéral, le provincial, le municipal
et le privé; au moment où on se parle, ce sont les quatre
partenaires - est-ce que le système, tel qu'il se définit
présentement, avec des modifications évidemment, fonctionne bien?
Ce qui me ramène à mon ouverture, quand vous parlez
d'échanges au niveau international. Le système, tel qu'on le
connaît maintenant, avec le Québec intervenant, le
fédéral intervenant, est-ce que c'est un système qui
assure aussi mieux, si on veut, selon vous toujours, les échanges aux
niveaux internationaux? La facilité, si on veut...
Mme Lambert: Laissez-moi commencer par dire: Je crois qu'il y a
cinq partenaires, il y a les villes aussi.
Mme Frulla-Hébert: Oui, mais c'est ça que j'ai dit,
les municipalités. J'ai mentionné le fédéral, le
provincial, les municipalités et le privé.
Mme Lambert: Les municipalités. Pardon. Alors, j'ai mal
compté.
Mme Frulla-Hébert: D'accord.
Mme Lambert: Je crois que le système qui existe a beaucoup
de failles, qu'il pourrait être mille fois mieux. En marge, il pourrait
être augmenté évidemment avec des fonds, tout
ça,
mais je crois qu'il n'y a pas grand-chose qui, au fond, encourage en ce
moment. Il y a quand même une entente qui a été faite avec
le Québec et le New Hampshire, aux États-Unis. Il y a aussi
l'entente qui vient d'être faite, qui a été faite par
Marcel Masse, effectivement, entre le Québec, le Canada, au fond, et la
France. Et je crois que votre ministère est en train de faire des
ententes avec la France et l'Europe. Ça, c'est très important; il
faut avoir des intervenants en Europe. Et puis, je crois que les pays
européens ont des programmes tout à fait intéressants,
où on fait des tournées des artistes, des effectifs, des gens
dans les musées, dans les réseaux en France. Ça, c'est
primordial, c'est le face-à-face qui est très important. Il faut
connaître ça. Yves, vous voulez ajouter quelque chose? (14 h
30)
M. Savoie (Yves): Je crois, dans le texte de Mme Lambert et du
Centre canadien d'architecture, que l'importance qu'elle voit, c'est qu'il y
ait plusieurs intervenants: qu'il y ait des intervenants au plan
fédéral, qu'il y ait des interventions par le provincial et que,
dans l'éventualité d'une refonte, finalement, d'un nouveau
Québec, d'un transfert de juridiction ou de l'indépendance, cette
dualité-là soit maintenue, que le ministère des Affaires
culturelles ne s'approprie pas la seule et unique responsabilité en
matière de culture. L'important, aux yeux des représentants du
Centre canadien d'architecture, c'est qu'il y ait une pluralité
d'interventions, de mécanismes, de politiques et d'appuis
financiers.
Mme Lambert: O.K. Je veux ajouter à ça que, si nous
refusons de jouer à ce jeu, il faut rétablir un équilibre
où on s'assurerait de la diversité, c'est-à-dire qu'il y
ait des sources de fonds, des politiques et des interventions, toutes ces
choses, pas uniquement de l'argent. L'argent amène, évidemment,
un intérêt énorme, mais c'est les politiques et les
interventions qui comptent aussi. Et puis, c'est cette diversité qui
permet de briser le carcan de la dépendance et d'affirmer la
liberté. Alors, pour moi, d'avoir une seule source, c'est le
néant, c'est vraiment impossible. Et le plus de sources qu'on a... Je
sais qu'il y a des gens qui ont peur du privé, mais plus vous en avez...
Si vous avez une trentaine d'intervenants et que vous en perdez un ou deux,
vous pouvez toujours en chercher d'autres, mais, si vous en avez un ou deux, le
résultat est évident.
Mme Frulla-Hébert: II y a, évidemment, deux
théories. On dit: Bon, parfait - et c'est celle qui, finalement, est
véhiculée dans le rapport Arpin - ce serait important d'avoir ou
de rapatrier tous les pouvoirs en matière de culture ici, au
Québec, pour mieux se développer. C'en est une. Il y a une autre
théorie - on l'a entendue au niveau des divers intervenants - qui dit:
Bien, finalement, qu'on se coordonne mieux.
Premièrement, qu'on regarde et qu'on répare les torts ici
au Québec d'abord; deuxièmement, qu'on se coordonne mieux, mais,
effectivement, il nous faut des garanties et plusieurs sources valent mieux
qu'une, en termes de garanties. Est-ce que, finalement, c'est la théorie
que vous prônez?
Mme Lambert: Je ne vois pas comment on peut s'assurer -
premièrement, ce que le fédéral fait, le
fédéral le fait - qu'on va avoir le Conseil des arts, l'Office
national du film. Il y a des tas d'organismes comme ça qui sont d'une
grande importance. Et je sais que beaucoup d'intervenants, qui ont parlé
devant cette commission de cette problématique, ont peur de ne pas
récupérer ça. Et, en plus de ça, on ne peut pas...
Je vais utiliser un mot anglais, parce que c'est un concept intéressant:
"You cannot bargain".
Mme Frulla-Hébert: Yes, well that is it.
Mme Lambert: O.K.? Ça, c'est très important. Et
puis, comment va-t-on s'assurer aussi qu'on va avoir l'argent? Est-ce que ce
n'est pas une idée d'aller chercher l'argent chez le
fédéral pour en avoir plus ici? Je ne comprends pas. Je crois que
ça va desservir la communauté. Mais ce n'est pas uniquement le
fédéral; il faut aller chercher les fonds dans beaucoup d'autres
directions. Je me répète.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à parler
des municipalités aussi. Dans le mémoire que nous avons, vous
semblez un peu sceptique au niveau de la collaboration des
municipalités. Évidemment, dépendant aussi de nos
expériences, ça fait en sorte qu'on croit aux
municipalités ou, enfin, au partenariat des municipalités ou non.
Parlez-nous donc un peu de ça, parce que, selon vous, plus il y a de
partenaires, mieux c'est. Parfait, ça va, mais les municipalités
sont aussi un partenaire important, que ce soit au niveau patrimonial, que ce
soit au niveau du développement culturel en général.
Est-ce que vous y croyez, vous, à l'implication des
municipalités? Et, là, je reviens plus spécifiquement au
niveau du patrimoine et au niveau de l'architecture.
Mme Lambert: Je suis tout à fait contente de parler de
ça. J'ai dit dans mon "rapport", je veux le réaffirmer maintenant
et je le dis dans mon discours, qu'il ne faut pas que le ministère des
Affaires culturelles ne prenne pas les responsabilités. Il ne faut pas
faire de pelletage, O.K.? Pour les villes, pour n'importe qui. D'un autre
côté, au point de vue des villes, les villes, comme vous le savez
très bien, sont les créatures des provinces. Les villes ont deux
moyens d'aller chercher de l'argent: elles ont le moyen des taxes
foncières, elles ont le moyen des taxes d'amusement. Je ne sais pas si
c'est tombé ou
non, on m'a parlé de ça un peu. Dans tous les cas, tous
les deux nuisent à la culture. Les taxes foncières, parce que,
premièrement, c'est le seul moyen, ça nuit à la culture,
puis, en plus de ça, les villes n'ont pas le contrôle sur les
fonds qu'elles ramassent. Il faut que ça aille ici, puis ça
revient à la province.
Je sais que le ministère des Affaires culturelles est en train de
faire un excellent travail: aller en région, avoir des bureaux
régionaux, mais il y a un grand problème là-dedans. Vous
savez, la culture ça se prend lentement. Ce n'est pas d'un jour à
l'autre. Alors, qu'est-ce que vous faites à Longueuil, par exemple,
quand vous avez un bâtiment, le foyer Saint-Antoine, à
sauvegarder? Et puis, le milieu qui habite autour, il y a une grande population
qui comprend l'importance de cette culture, de ce patrimoine. Et nous tous,
à Québec, ça nous importe parce que, si on reste juste
avec un monument au centre d'une ville ou quelque chose comme ça, on n'a
pas une culture, on a vraiment des expositions de bâtiments, et
ça, ce n'est pas une culture vivable. Alors, qu'est-ce que vous faites
quand le maire d'une ville comme Longueuil ne veut pas protéger le
patrimoine, n'utilise pas les outils qui sont donnés dans les
régions?
Je ne dis pas pour ça qu'il faut évincer ce
système, qu'il ne faut pas le garder, mais il faut chercher des moyens,
il faut regarder toutes les problématiques qui vont exister. Et puis,
moi, j'ai très peur du renforcement de l'économie qui va venir
bientôt, parce que c'est toujours le renforcement de l'économie
qui, vraiment, va à rencontre aussi du patrimoine, parce que tout le
monde veut prendre les meilleures places. Alors, on débâtit des
bâtiments magnifiques ou des rangées de bâtiments, tout un
quartier, et on remplace ça par quelque chose d'autre. Il faut
sauvegarder ça.
Et à Montréal, où nous avons notre bureau du
patrimoine, même quand le ministère des Affaires culturelles avait
en main les outils pour classer des bâtiments, on a cessé de les
classer. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais, pendant les années
soixante-dix, on classait, on classait et puis, par la suite, on ne classait
plus. C'est un grand problème parce qu'il y a beaucoup de quartiers,
beaucoup de secteurs qui ne sont pas protégés à
Montréal et vous avez des problèmes d'insertion. Je crois qu'on
n'a pas gagné encore. Il n'y a pas vraiment d'installée au
Québec l'idée qu'il y a des quartiers, il y a des milieux qui
sont sacrés, qu'il faut vivre avec et qu'il faut composer avec.
Regardez Paris. On fait les quartiers nouveaux en dehors de Paris. On
fait la même chose à Washington. On fait la même chose
à Lucerne. Vous savez, il y a des moyens de faire ça et il faut
renforcer ce que nous avons.
Le Président (M. Doyon): Dernière question,
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. On parle de moyens. L'Ordre des
architectes nous a parlé aussi du patrimoine habité. On a
parlé beaucoup de pédagogie. Il faut faire de la
pédagogie. Parce que, veux veux pas - et vous avez raison - si, nous, on
a la possibilité de classer et qu'un maire décide de
détruire durant la nuit, nos seuls choix sont de poursuivre. Et,
là, vous pouvez vous imaginer, on peut poursuivre à travers le
Québec. C'est une méthode qui est coercitive versus une
méthode incitative.
Comment on fait pour continuer à pousser, c'est-à-dire
continuer une action qui est beaucoup plus pédagogique et encourager,
par la population aussi, ce patrimoine habité, ce patrimoine vivant?
Parce qu'il semble que c'est ça aussi. On classe et ça reste
là au lieu de l'habiter, de le faire vivre, finalement. Ça arrive
très souvent, spécialement dans certaines régions qui sont
peut-être un peu plus éloignées.
Mme Lambert: Ça prend beaucoup de moyens et c'est
interrelié. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est toute une gamme
d'actions qu'il faut. J'ai parlé d'éducation. Il faut, d'une
façon ou d'une autre, que nous arrivions à mettre dans les
écoles des programmes pour que... Dans l'arithmétique, on peut
parler de l'architecture, dans la géographie, dans tous les cours de
base des étudiants, on peut le faire. Il faut avoir des cours
formalisés aussi sur l'architecture.
Au niveau de nos écoles d'architecture, je dois dire qu'au
Québec elles ne se comparent pas très bien mondialement.
Là, c'est aussi un grand problème. Il n'y a pas une culture... On
commence juste - j'ai dit ça dans ma présentation - à
avoir certains cours, dans les programmes de deuxième et de
troisième cycles, d'histoire de l'architecture. On fait juste commencer
à la comprendre.
Les publications. Le ministère, par la CBC, a publié ce
livre, cette série "Les chemins de la mémoire". Important,
très, très important. C'est très important pour nous,
c'est très important pour l'exportation, pour qu'on ait la fierté
de nous-mêmes. Il faut aussi des livres qui explicitent ces
bâtiments, dans tout le contexte historique et intellectuel, et le lien
avec les lois. Il y a toute une richesse. C'est juste à un petit niveau.
Il y a beaucoup à faire.
J'ai parlé de la télévision, j'ai parlé de
ce programme télévisé qui est très
recherché. On peut aussi arriver a avoir des modules sur l'architecture.
C'est une question... Plus on va, plus on... Moi, j'apprends tous les jours.
Chaque fois que je fais une nouvelle intervention, je vois quelque chose de
plus que je peux ajouter. Je comprends plus ce qu'on a à faire. Je
comprends qu'il faut toujours commencer avec ce qu'on a. Et puis, c'est de
là qu'on invente. Ce n'est pas en implantant quelque chose de
l'exté-
rieur et puis le mettre en place. Il faut cet enracinement, mais
profond. Il faut comprendre ce que c'est le système cadastral de la
ville, ça explique énormément de choses. Il faut le
sauvegarder. Et je peux sortir des milliers d'exemples, mais ce n'est pas la
place pour le faire.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Lambert, Mme Reid, M. Savoie, heureux de vous
accueillir en cette commission. Dans le rapport Arpin, j'ai toujours dit qu'il
y avait certaines hérésies et, malheureusement, de graves oublis,
et des oubliés. Vous avez fait état, Mme Lambert, puisque vous
êtes directeur du Centre canadien d'architecture, de toute cette notion
de l'architecture. J'ai eu l'occasion d'en parler avec l'Ordre des architectes.
On a oublié un immense volet, extrêmement important et vraiment en
synergie avec les arts et la culture, qui est tout le domaine des
communications. Et, parmi les oubliés, il y avait les régions. Et
j'ai pu remarquer, avec beaucoup de satisfaction, que vous venez de leur
apporter aujourd'hui un appui non équivoque, un appui de taille, et
ça, j'en suis très heureux.
On vous décrit comme un mécène. Il y a des
mécènes par bonne conscience, il y a des mécènes
par conviction. Je pense que votre passé et ses réalisations font
que vous êtes mécène, mais mécène de
conviction. Vous avez effectivement donné au Québec, donné
à Montréal un extraordinaire musée, et surtout un centre
de documentation impressionnant, unique au monde. Je pense qu'il était
de bon aloi, Mme Lambert, que vous glissiez que ce centre n'a encore aucune
reconnaissance de la part du ministère. Je trouve ça un peu
navrant. (14 h 45)
Ceci dit, j'ai remarqué dans votre mémoire, à la
page 5 et à la page 8, deux phrases extrêmement marquantes, que
j'aimerais vous entendre développer, et je les cite. Vous dites: "Le
ministère a de grands pas à faire pour qu'on lui reconnaisse la
crédibilité nécessaire faisant de lui l'un des trois
vecteurs de décision politique." Et, en page 8, allusion encore
là aussi au rapport Arpin, vous dites: "Nous devons éviter la
tromperie des mots, l'euphorie des envolées rhétoriques. Cette
politique culturelle doit se donner les moyens de ses ambitions." J'aimerais
vous entendre développer là-dessus, Mme Lambert.
Mme Lambert: Je crois qu'il faut passer à l'action, il ne
faut pas dire qu'on a du beau et toutes ces choses-là. Il faut
s'appliquer avec rigueur. Nous avons tous une construction énorme
à faire. J'ai parlé des documents, des connaissances, mais il
nous faut former les gens, il faut former les structures pour faire une
culture. Je vais prendre encore un exemple. En
France, à Paris, il y a un endroit qui s'appelle l'Arsenal. C'est
un outil fantastique où on peut voir ce qui se passe, les nouveaux
bâtiments, à Paris, dans les quartiers, et puis on voit l'histoire
derrière. Alors, ici, nous n'avons pas de documents, nous n'avons pas
cette profondeur des documents. Ça va nous prendre 10 ans à le
faire, vous savez, mais on va le faire. Il faut le faire.
Je vois même le soin de nos documents. Essayez de voir, de trouver
des documents sur Expo 67. Essayez de trouver des documents originaux de
Montréal XVIIIe. J'en parle parce que nous faisons une exposition, vous
le savez, pour le 350e. Vous voyez l'état dans lequel les documents se
trouvent, ils ne sont pas protégés. Nous avons les Archives
nationales du Québec à Montréal. En Europe, on n'a pas
ça; on n'a pas de documents comme ça parce qu'il y a eu trop de
guerres et de feux. Nous avons eu des feux, aussi. Ces documents tellement
précieux sont dans le sous-sol d'un endroit où il fait trop chaud
ou il fait trop froid; ils vont passer en poudre. Et ce n'est pas parce qu'on
prend des photocopies de ces documents qu'on peut s'assurer de la
continuité.
Qu'est-ce que nous avons comme bibliothèques? Les
bibliothèques, à Montréal, est-ce une exagération
de dire que c'est une pitié? Nous n'avons rien, nous n'avons pas une
culture de bibliothèque, nous n'avons pas les outils. Et, d'abord, au
point de vue d'autres formes d'éducation, des musées, regardez
une ville comme Basel, une ville qui a à peu près la même
taille que Montréal, la richesse des musées dans tous les
endroits.
Depuis quelques années, on commence à le faire. Regardez
la façon dont nous faisons les compétitions, les concours
d'architecture que nous faisons. J'ai pris l'exemple de la France, mais nous
n'avons pas une culture pour le faire. On le fait d'une façon une fois
et puis on laisse tomber. Tout ce qu'on a fait, tous les moyens qu'on a pris,
on les perd et puis il faut recommencer. C'est ça, c'est une perte
d'énergie, d'un côté, une perte de formation et puis aussi
un manque d'outils, et un manque de sauvegarde des outils.
M. Boulerice: Mme Lambert, il y a un rapport Arpin. La ministre,
après les auditions - nous recevons 265 groupes - ira à ses
devoirs, les présentera au Conseil des ministres, reviendra à ses
devoirs, présentera encore, dans une autre commission parlementaire, un
énoncé de politique qui devra être corrigé,
remontré au Conseil des ministres pour finalement déboucher sur
une politique culturelle du Québec.
Mais, pour emprunter à ce type de "soap opera" américain,
"As Time Goes By", quels seraient, d'après vous, les gestes concrets
qu'il nous faudrait poser en regard des artistes qui sont les piliers de la
culture au Québec et qui
n'ont pas besoin d'attendre qu'on ait une politique de la culture?
Mme Lambert: Alors, il faut, évidemment, établir
certains moyens et puis faire un rattrapage énorme sur ce que nous
avons. J'ai parlé juste avant, en répondant à votre
dernière question, de certaines choses qui nous manquent terriblement.
On n'a pas besoin d'une politique culturelle pour faire quelque chose pour les
archives, parce que ça, c'est des documents des biens culturels. On n'a
pas besoin d'une politique culturelle pour trouver un moyen de sauvegarder les
bâtiments, les oeuvres architecturales dans les villes où les
maires ne veulent pas le faire. D'ailleurs, je crois qu'il y a une politique
sur le patrimoine qui est prête à sortir; on pourrait la sortir et
on peut faire un débat là-dessus. Je crois qu'il y a beaucoup
d'outils sur la culture qui sont depuis des années sur les tablettes du
ministère et qu'on pourrait mettre en marche. Je crois qu'il faut
laisser les gens agir et il faut quand même avoir une certaine vision de
ce qu'on va faire, et puis bâtir ça année par année,
décennie par décennie.
M. Boulerice: Vous partez beaucoup de patrimoine et vous avez
à votre actif certaines réalisations, notamment, le fameux Milton
Park, quartier qu'on a réussi à sauver à Montréal,
sinon, il aurait été sous le pic des démolisseurs. Vous
êtes très critique à l'égard du ministère
face à ses actions au niveau de la préservation du patrimoine.
Vous avez parlé d'Amqui; je pourrais vous parler de la démolition
du couvent de Montmagny, où on a fait une réunion du conseil
municipal le samedi et les bulldozers arrivent quelques minutes
après.
Est-ce que vous seriez d'accord avec la création d'une
société des biens patrimoniaux qui serait totalement
indépendante du ministère, mais qui aurait les pouvoirs et qui
gérerait le dossier du patrimoine au Québec?
Mme Lambert: Ça me semble intéressant,
évidemment. Mais la chose que je trouve intéressante dans
ça, c'est de ne pas avoir les interactions entre tout le monde;
c'est-à-dire que nous le faisons tous entre nous et, de temps en temps,
quand il y a un feu quelque part, on court l'éteindre, mais nous n'avons
pas le temps de construire. Alors, si on avait quelque chose comme ça
où il y aurait quand même... Je m'arrête, parce que je pense
que c'est un peu comme ça en France, au fond. Il y a quand même le
Comité du patrimoine de la France réunie. Il y a la même
chose pour les musées réunis. Tout le monde vient autour de la
table. Il y a le même pot d'argent; tout le monde décide comment
ça va se répartir entre les musées; pas uniquement les
musées à Paris, mais les musées en région. Alors,
je crois que ce pourrait être quelque chose comme ça. Pour
ça, il faut quand même une administration permanente, mais je
crois que ça donnerait beaucoup plus de moyens d'avoir des liens entre
les gens. Nous avons un tout petit peu ça avec la Société
des musées québécois, mais ce n'est pas épanoui
encore. Pour la structure, je ne sais pas exactement. Mais je crois que tout ce
qu'on peut faire pour interagir et élargir la perspective de chaque
personne et de chaque institution, ça irait dans la bonne direction
parce que, effectivement, la chose qui nuit aussi, c'est de ne pas avoir ces
liens entre les gens et de les avoir uniquement au niveau gouvernemental.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Une
dernière question, en terminant, M. le député.
M. Boulerice: Une dernière et très brève
question, Mme Lambert. Le 1 %, certains disent que c'est un faux débat
que de parler du 1 %. Mais on sait fort bien que la culture nécessite
des investissements. Et j'emploie bien le mot "investissement" puisque l'argent
mis dans la culture n'est pas une perte; c'est un investissement qui enrichit
l'ensemble d'une collectivité. Votre position à ce niveau?
Mme Lambert: Comme vous savez, quand j'étais avec la
Conférence canadienne des arts, section québécoise, j'ai
travaillé avec tous les regroupements là-dessus. Et 1 %,
peut-être on utilisait ça parce qu'il fallait avoir un focus, mais
est-ce que c'était 1 %, est-ce que ce n'était pas 2 %, est-ce que
c'est 3 %? C'est-à-dire qu'il faut décider quelle est la place
que la culture doit avoir dans notre société. Est-ce que c'est
quelque chose d'important? À cette époque-là, il fallait
mettre une moyenne. Il y a de la culture un peu partout. Il y a beaucoup de
façons de ramasser l'argent que nous avons aussi. Je crois qu'il y a
beaucoup à faire. Je crois que les moyens, c'est essentiel. On ne peut
pas faire ce qu'il y a à faire sans une base établie d'argent.
Ça, c'est évident. On ne peut pas faire un bon bâtiment si
on ne peut pas mettre des matériaux qui vont durer 100 ans et plus de
100 ans.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, Mme Lambert, merci de
votre grande implication culturelle. Vous avez raison, vous savez, on n'a pas
besoin de politique culturelle pour agir sur certains dossiers qui sont
ponctuels. Au contraire, on n'a pas l'intention d'attendre la politique
culturelle pour le faire. On a besoin d'argent; ça, vous avez raison. On
a besoin d'une politique culturelle, par exemple, pour changer la loi sur le
ministère, pour former ou décentraliser
au maximum, pour trouver des mécanismes extrêmement souples
pour justement servir mieux notre clientèle et le faire par
priorités, soit priorités à court, moyen et long terme. De
ça, on en a besoin parce que, évidemment, nous passons, mais les
institutions restent. Merci, Mme Lambert.
Mme Lambert: Merci, Mme Hébert.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Lambert. M.
le député, un mot? Merci beaucoup.
Tout en vous donnant le temps de vous retirer de la table, je
demanderais peut-être aux représentants de la ville de
Drummondville de bien vouloir se préparer. C'est maintenant à eux
d'être entendus par la commission. J'invite les représentants de
la ville de Drummondville à bien vouloir prendre place en avant, s'il
vous plaît. Sans plus de préambule, je leur dis de bien vouloir
faire les présentations et de commencer soit la lecture ou le
résumé de leur mémoire. Vous avez la parole.
Ville de Drummondville
Mme Ruest-Jutras (Francine): Mme la ministre, MM. les
parlementaires, c'est avec plaisir que les autorités de la ville de
Drummondville ont répondu à l'invitation que nous avait
lancée Mme Liza Frulla-Hébert lors d'une visite qu'elle avait
effectuée à Drummondville dans une des industries culturelles les
plus progressistes, soit Disques Améric.
Je vous fais la présentation des membres qui m'accompagnent cet
après-midi. Vous avez M. Noël Sylvain, qui est président de
la corporation du Centre culturel de Drummondville, qui est également le
P.-D.G. de l'Union-Vie, une compagnie qui est étroitement
associée au développement culturel chez nous; René
Frechette, qui est le directeur artistique de la compagnie Mackinaw, qui est
une troupe folklorique. Vous avez également M. Maurice Rhéaume,
qui est le directeur général du Festival mondial de folklore de
Drummondville; Mme Normande Letellier, qui est une consultante à
l'emploi d'une firme, Le Chaînon manquant, qui a rédigé,
qui a colligé les réflexions d'un groupe d'étude, qui
constituent notre "rapport", et qui a également piloté une
étude sur les retombées économiques du secteur culturel
chez nous, de même que M. Roland Janelle, qui est le directeur
général du centre culturel. Alors, en fonction des questions qui
seront posées par la suite, chacun pourra répondre aux
différentes interventions.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue! (15 heures)
Mme Ruest-Jutras: Merci. Alors, je ne vous ferai pas la lecture,
bien sûr, du "rapport" dont vous avez pris connaissance. Je voudrais
simple- ment vous dire que c'est un "rapport" qui est issu des discussions
d'une table de concertation où on a retrouvé ensemble les gens du
milieu culturel drummondvillois, des gens d'affaires. On y retrouvait la
Chambre de commerce, Disques Améric, l'Union-Vie, des gens aussi du
secteur de l'éducation tant public que privé, les gens de la MRC
de Drummond, le député provincial et, bien entendu, des
représentants de la ville de Drummondville.
Je vous dirai au départ qu'on a fait nôtre
l'énoncé d'un principe fondamental qu'on retrouve dans le rapport
Arpin, qui est: "La culture est un bien essentiel et la dimension culturelle
est nécessaire à la vie en société, au même
titre que les dimensions sociale et économique; le droit à la vie
culturelle fait partie des droits de la personne et c'est pourquoi
l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des
citoyens." Par voie de conséquence, "l'État a le devoir de
soutenir et de promouvoir la dimension culturelle de la société,
en utilisant des moyens comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et
promouvoir les dimensions sociale et économique de cette même
société." On espère, bien sûr, que le gouvernement
fera siens ces principes fondamentaux avec tout ce que cela implique et
ça implique - et on va entrer tout de suite dans le vif du sujet - des
moyens financiers pour mettre en application une politique de
développement culturel.
Tout à l'heure, on a fait référence au 1 %. Le 1 %,
ce n'est pas une panacée, mais c'est probablement un objectif minimal
qu'il faut se fixer. Si on regarde le cheminement des pourcentages du budget
québécois qui ont été investis au niveau de la
culture, on s'aperçoit qu'au cours des 10 dernières années
on n'a pas encore réussi à atteindre cet objectif minimal.
Pourquoi est-ce qu'on parle de ça, une municipalité? C'est parce
que, chez nous, c'est 5 % - M. le député le sait très bien
- de notre budget qui est dévolu à la promotion et au
développement du secteur culturel. Ce n'est donc pas étonnant que
Drummondville ait gagné, cette année, le prix Rideau pour
l'apport exceptionnel que nous faisons au chapitre de la diffusion des arts en
région. Nous considérons donc qu'il faut mettre les moyens pour
faire du développement culturel, comme il faut mettre les moyens pour
protéger l'environnement ou pour nous doter de politiques de loisir
adéquates.
Pourquoi on met 5 % de notre budget? Parce qu'on y croit, au secteur
culturel, parce que, chez nous, c'est vraiment fonction des besoins et aussi
fonction d'une réalité. Je dis fonction d'une
réalité. On a voulu aller vérifier sur le terrain si,
effectivement, ce secteur d'activité là était
générateur de retombées économiques importantes. On
a donc jugé à propos, en collaboration avec le MAC, le secteur
privé, la MRC de faire une étude sur les retombées
économiques de la culture parce que c'est
souvent ce qui permet à un gouvernement de vendre ça
auprès des payeurs de taxes.
Cette étude, elle s'est avérée concluante et elle
nous signalait, entre autres choses, que le secteur culturel de la
région de Drummondville avait généré en 1990 des
revenus de plus de 40 000 000 $, que ses dépenses d'opération
étaient de l'ordre de plus de 34 000 000 $, tandis que ses
dépenses d'immobilisation s'élevaient à près de 8
000 000 $. Chez nous, ce secteur crée un total de 883 emplois
composés de 689 emplois directs et de 194 indirects. Chaque dollar
d'effet direct génère 0,8 $ d'effet indirect.
Je vous dirai que nous avons également, cette année,
remporté la palme d'un nouveau concours organisé par
l'Association des manufacturiers québécois, qui est le prix de la
ville industrielle de l'année. Pourquoi je vous parle de ça
maintenant? C'est parce que je pense qu'on a su faire une jonction harmonieuse
entre le développement économique et le développement
culturel. Dans la promotion, dans la recherche de nouvelles entreprises, nous
utilisons la force de notre secteur culturel pour vendre à des
entreprises l'idée de venir s'implanter chez nous.
Le rapport Arpin souligne qu'il peut y avoir, effectivement, un lien
intéressant à faire entre l'implantation d'usines ou
l'établissement de sièges sociaux avec la vigueur, la
vitalité d'une vie culturelle intense dans une municipalité et la
disponibilité des équipements qu'on y retrouve. Je vous avoue que
cet arrimage-là, chez nous, on le fait et ça donne des
résultats qui sont très positifs, sauf qu'il faut se rendre
à une évidence aussi: à 5 % de notre budget, je pense
qu'on pourra difficilement faire plus. Si on investit aussi massivement, c'est
parce que - et vous retrouvez ça dans notre "rapport" - la richesse et
la diversité du milieu culturel drummondvillois sont assez fantastiques.
On en fait état pendant au moins 14 pages de notre "rapport".
On vous le mentionne de façon assez exhaustive parce qu'on
déplore le fait que, dans le rapport Arpin, on parle beaucoup de
Montréal et de Québec. On a fait référence aux
régions, tout à l'heure, en semblant évacuer toute la
vitalité culturelle qu'on peut retrouver dans les régions. On n'a
rien contre les grands centres. On veut bien que Montréal prenne toute
la place qui lui revient. C'est le coeur du Québec. La métropole
doit avoir une vitalité culturelle majeure. Mais faire des
régions, particulièrement comme Drummondville. Parce qu'on parle
un petit peu des pôles régionaux, mais on évacue des villes
comme la nôtre. On ne veut absolument pas être laissés pour
compte, d'autant qu'on fait, je pense, largement notre part.
De toute cette dynamique culturelle drum-mondvilloise a
émergé un créneau qui nous est particulier, qui nous est
propre, un créneau d'excellence qui est celui du patrimoine, celui de
folklore. On a chez nous notre troupe folklorique
Mackinaw, qui a été la bougie d'allumage de cet
événement qui est reconnu comme un événement majeur
maintenant, qui est le Festival mondial de folklore où on accueille
chaque année une vingtaine de troupes qui viennent des quatre coins du
monde et où défilent, soit via nos spectacles en salle ou encore
sur les scènes extérieures, plus de 650 000 spectateurs. Donc,
c'est assez exceptionnel.
L'émergence de ce créneau-là s'inscrit dans la
continuité de la vie culturelle qu'on retrouve chez nous et qui a
débuté, il y a déjà quelques années, avec la
venue du centre culturel qui, chez nous, est une véritable maison de la
culture où on loge tous nos groupes culturels locaux. Ce qui fait que le
centre, chez nous, ce n'est pas un monument, ce n'est pas un
éléphant blanc; ça fait partie vraiment du paysage
drummondvillois. C'est tellement ancré qu'il ne viendrait pas à
l'idée des payeurs de taxes chez nous de critiquer l'effort financier
que fait la municipalité.
Cette notion, donc, de patrimoine vivant qui nous est propre, on ne la
retrouve pas dans le rapport Arpin. Il s'agit pour nous d'une lacune importante
qu'il faudrait voir à combler.
J'en arrive tout de suite aux recommandations que nous avons jugé
pertinent de faire, qui découlent donc de constats que nous faisons sur
le terrain. Je vous les lis l'une après l'autre en y apportant des
commentaires au fur et à mesure.
Alors, ce qu'on y lit, c'est: "Considérant la vigueur et la
diversité de la vie culturelle à Drummondville - on pourra y
revenir tout à l'heure, lors de la période de questions -
considérant le fait que la ville de Drummondville injecte 5 % de son
budget dans ce secteur et qu'elle pourra difficilement faire plus, cet effort
financier étant déjà remarquable - on pense qu'on est
crédibles lorsqu'on parle de développement culturel; on ne vient
pas quêter ici des choses, on vient chercher un véritable
partenariat - considérant que Drummondville et sa région ont su
développer un créneau d'excellence, celui du patrimoine..." C'est
tellement vrai que nous avons fait faire une étude de
développement touristique pour identifier de grands axes de
développement et l'axe particulier qu'on y retrouvait, c'était
culture et patrimoine.
Alors, ce qu'on voudrait voir, ce qu'on voudrait retrouver dans une
politique de développement culturel globale, mais aussi avec des
incidences particulières à notre région, c'est "de
reconnaître la région de Drummondville comme pôle culturel
important au Québec et d'y affecter les budgets nécessaires". Je
le répète: On n'a rien contre les grands centres, mais il nous
apparaît tout à fait invraisemblable de ne pas tenir compte de
milieux qui se sont pris en charge depuis longtemps pour créer une
vitalité culturelle chez eux. "De faire reconnaître et de
protéger l'unicité de ses infrastructures et
événements spé-
ciaux concernant le patrimoine." Alors, on se réfère, bien
sûr, au Village québécois d'antan. C'est sûr que
c'est un équipement patrimonial qui traite de la période allant
de 1810 à 1910. Si on retrouve à l'intérieur du territoire
québécois plusieurs équipements de ce type-là, je
pense que ça va les affaiblir les uns et les autres. On se
réfère également à cet événement
qu'est le Festival mondial de folklore. Je vous dirai que la ville investit
beaucoup dans cet équipement et dans cet événement. C'est
plus de 140 000 $ que nous mettrons cette année pour le Village
québécois et plus de 220 000 $ pour le Festival. C'est donc un
effort important que font les contribuables chez nous.
On voudrait, de façon générale, que le patrimoine
vivant soit considéré, donc, tout l'aspect folklore, au
même titre que le patrimoine architectural. On voudrait que Drummondville
soit désignée comme capitale nationale du folklore, question
d'asseoir un créneau qui nous est propre. On veut voir se créer
un véritable partenariat avec les municipalités dans la mise en
place d'une politique de la culture, après consultation et en
concertation avec ces dernières. Vous savez que la réforme Ryan
fait que les municipalités sont un peu craintives par rapport à
une possibilité de désengagement ou de délestage de la
part du gouvernement. On a parlé beaucoup de faire avec; on parle de
faire plus avec moins. Nous, ce qu'on voudrait, c'est faire ensemble. On pense
que c'est la voie de l'avenir. On est prêt à faire notre part. On
le démontre, mais on voudrait vraiment être
considérés comme des partenaires importants et non pas comme des
créatures. On sait qu'on est des créatures du gouvernement, mais
on pense qu'on a notre mot à dire dans le développement
culturel.
Je parlais de désengagement au niveau de la bibliothèque.
Le rapport Arpin parle de l'importance de la lecture, de l'importance du
réseau des bibliothèques publiques, mais la participation
financière gouvernementale au niveau de la bibliothèque
municipale va en diminuant depuis 1986. Comme on veut maintenir un niveau
d'excellence par rapport à ce volet-là de l'activité
culturelle, on pense qu'il y a là des choses importantes à
faire.
On demande aussi de sensibiliser les MRC à l'importance de la
culture et de favoriser la signature d'ententes intermunicipales quant à
l'utilisation des équipements à vocation culturelle. Nous, on est
la municipalité centrale d'une MRC de 25 petites municipalités.
Ça fait qu'on supporte seuls les coûts d'opération
d'équipements majeurs et ça accroît, bien sûr, le
fardeau fiscal de nos contribuables. Tout ça s'inscrit dans une
problématique d'équité fiscale.
On voudrait vous voir appuyer les compagnies culturelles en
région dans leurs projets de reconnaissance et de développement.
Mackinaw, qui est avec nous cet après-midi, vous le savez, madame,
voudrait bien avoir une troupe professionnelle. C'est un groupe qui a
déjà - et c'est très rare pour une troupe en région
- une troupe de spectacle, une troupe de relève et qui a
également une école. On voudrait, finalement, vous voir inciter,
par voie fiscale, les entreprises privées et les particuliers à
investir dans le secteur des arts et de la culture. Alors, c'est en gros
l'essentiel de notre "rapport". (15 h 15)
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
Mme Ruest-Jutras: On sera disponibles pour des questions.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Jut ras. Ça me
fait d'autant plus plaisir de vous accueillir que je suis allée
plusieurs fois chez vous et ce qui m'a frappée, c'était cette
démonstration de l'implication municipale dans le domaine culturel, ce
dynamisme, le dialogue aussi que vous avez entre le milieu culturel, le monde
des affaires, le milieu de l'éducation, les instances régionales,
le bureau de votre député. Enfin, c'est un exemple parfait de
synergie au niveau des efforts et je tiens à vous en
féliciter.
Si vous me le permettez, M. le Président, parce que je suis
certaine que le député de la place va vouloir parler, je voudrais
revenir au principe du pôle de la région. Plusieurs villes nous
ont parlé, et des villes qui s'impliquent aussi, qu'effectivement, dans
une dérégionalisation, il devrait y avoir certaines villes
considérées comme des pôles et que ces villes-là,
justement par leur statut, viendraient à bout de rayonner suffisamment
au niveau de la région de telle sorte que l'implication d'autres
municipalités qui sont peut-être soit un peu plus
réticentes ou plus petites d'abord - oui, mais il y en a aussi encore
qui sont un peu plus réticentes - cela ferait en sorte que cette
implication-là serait beaucoup plus facile à aller chercher si on
avait certaines villes identifiées dans un cadre de
décentralisation, donc, régional. Finalement, on en arriverait
peut-être à l'objectif visé qui est d'activer ce dynamisme
culturel partout, partout au Québec.
Mme Ruest-Jutras: Je ne sais pas ce que ça pourrait avoir
comme impact au niveau de la participation financière des
municipalités de la MRC de Drummond, mais je pense que, lorsqu'on
demande à être reconnu comme un pôle culturel important, ce
qu'on demande, c'est simplement de reconnaître la réalité.
Dans le rapport Arpin, on parle de Montréal, on parle de Québec;
il y en a un petit peu pour les capitales régionales. Les régions
administratives, quant à nous, en tout cas, ne reflètent pas
nécessairement la réalité telle qu'on la vit. Dans la
Mauricie, les Bois-Francs, Drummond, c'est assez évident. Lorsqu'on
regarde la région du coeur du Québec, je pense que
Drummondville, de par sa situation géographique, de par son dynamisme
aussi qui transpire pas seulement au niveau culturel, mais à maints
égards dans bien des secteurs d'activité, c'est une région
quasi et Drummondville devrait, bien sûr, être reconnue.
Toute la problématique de la participation financière des
municipalités périphériques par rapport à un
pôle central urbain fort, c'est un débat qui dure depuis un bout
de temps, qui se fait à l'intérieur des deux unions municipales,
de toute façon. Comment on peut les amener à participer à
l'opération ou encore aux immobilisations d'équipements majeurs
ou encore d'événements qui, pour la région, sont moteurs
d'activités économiques aussi? On n'a pas encore trouvé la
solution tant qu'elles sentiront qu'elles peuvent très bien profiter de
ces choses-là sans avoir à mettre la main dans leur poche.
Je pense que c'est comme ça que les choses vont se passer. On
essaie de leur vendre une participation au Festival, par exemple. Pour la
très, très grande majorité d'entre elles, c'est peine
perdue même si elles profitent de toute cette mouvance artistique
là qui est chez nous pendant 10 jours. On va tenter de leur vendre un
engagement au niveau du Village québécois qui est un site
patrimonial majeur au Québec. Elles n'en sentiront pas la pertinence
puisqu'on prend sur nous de faire vivre cet équipement-là. Mais
ce qu'on lance un peu aussi, c'est un cri d'alerte en disant: On est rendus
à un point où on voit difficilement comment, à partir des
nouvelles responsabilités qui vont nous être imparties, on va
pouvoir faire plus que ce qu'on fait déjà.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des
façons de faire? D'abord, premièrement, est-ce qu'il y a une
évolution au niveau de ces mentalités-là? C'est la
question que je pose aux diverses villes dans les diverses régions.
Plusieurs me disent: Oui, maintenant, il y a une espèce de pression qui
est en train de se faire, une pression sociale qui fait en sorte que le
culturel devient important, autant qu'à l'époque le loisir et le
sport l'étaient. Là, il y a une espèce de priorité
mise sur le culturel.
Est-ce que dans votre région, près de chez vous, on sent
ça? Est-ce qu'on sent une évolution ou si, finalement, c'est la
même chose, certaines villes extrêmement actives et d'autres, bien
évidemment, qui profitent de l'activité et du dynamisme de ces
villes-là?
Mme Ruest-Jutras: Je dirais que, oui, il y a une évolution
des mentalités et que progressivement, il y a une prise de conscience,
de la part des élus municipaux, de l'importance qu'on doit accorder
collectivement au développement culturel. Mais c'est souvent ce que
j'appellerais un support moral et ça ne se traduit pas toujours par une
contribution en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais enfin,
c'est déjà un premier pas, remarquez. Si ces
municipalités-là, qui, auparavant, étaient
complètement étrangères au développement culturel,
en arrivent à penser qu'elles doivent faire leur part et trouver
ça important, c'est un pas de franchi, mais qui est dû en grande
partie, je pense, aux efforts que, collectivement, la communauté
drummondvilloise a faits pour promouvoir ce secteur-là d'activité
humaine.
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement
pour que M. le député de Drummond puisse intervenir? M. le
député de Drummond.
Une voix: Consentement.
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président, et je
remercie mes collègues. Parler de la région de Drummond en ce qui
concerne les arts et la culture, je pense que c'est constater qu'une des
faiblesses qui a été signalée même dans le
mémoire, c'est qu'il faut tenir compte des régions. Parce que si
vous avez un milieu où c'est pris en main, qui a osé utiliser la
culture comme étant une amélioration de sa qualité de vie,
c'est la grande région que j'ai le plaisir de représenter
à l'Assemblée nationale.
Beaucoup de choses ont été soulignées avec
justesse. On a misé sur le patrimoine vivant. Dans l'exposé
précédent, on reconnaissait l'importance de protéger le
côté architectural. Or, vous avez le Village
québécois d'antan qui est reconstitué à partir de
bâtiments d'origine. Mais, comme l'a si bien souligné Mme la
mairesse aussi, il y a un caractère d'unicité et je pense qu'on
doit s'attacher à ce contexte-là que, dû à
l'étroitesse du marché québécois, si on laisse se
créer un musée patrimonial qui va couvrir la période 1810
à 1910, à ce moment-là, on met en danger tous les efforts
qui ont été mis par la collectivité.
J'aurais beaucoup de questions, mais je vais essayer de faire une
synthèse rapide en disant: Ce qui est unique, M. le Président,
à Drummond, c'est la complicité qu'il y a eu entre les
différents paliers gouvernementaux et aussi le milieu privé. Je
pense que c'est quelque chose, là, qui est une nécessité
pour nous et, définitivement, il faudra reconnaître le patrimoine
vivant à l'intérieur de la prochaine politique.
Alors, vu que vous me permettez une question seulement, M. le
Président, je dois m'adresser à quelqu'un qui vient du
privé et qui a fait beaucoup pour le milieu. Dans le mémoire, on
recommande d'utiliser beaucoup la voie fiscale pour inciter davantage, autant
les individus que les entreprises, à collaborer. Or, ma question
s'adresserait à M. Sylvain. M. Sylvain, on est à la veille... Le
ministre des Finances, dans quelques semaines, se penchera sur le prochain
budget du Québec. Si vous étiez le ministre des Finances,
qu'est-ce que vous proposeriez, dans votre budget, à la
collectivité québécoise au niveau d'une réforme
fiscale aidant l'encouragement du développement des arts et de la
culture au Québec?
Le Président (M. Doyon): M. Sylvain.
M. Sylvain (Noël): Ah, c'est un grande question! Mais je me
référerais au rapport Samson, Bélair, etc., à la
page 193 et aux pages suivantes, où on donne un exemple d'un fonds
régional pour le développement des arts et de la culture, ' d'un
fonds tripartite alimenté en partie par les municipalités, par le
ministère et par les entreprises privées. En tout cas, nous, nous
souscrivons à cette idée-là.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme la mairesse et ceux qui vous accompagnent,
bienvenue et heureux de vous revoir. Je me trouvais dans votre ville, ce
dimanche fatidique, il y a déjà quelques années. Plusieurs
maires de municipalité sont venus, Mme Jutras, et dans cette
espèce de palmarès des municipalités qu'on est en train de
dresser, si ça peut être rassurant pour vous, valorisant,
forcément pour notre collègue, votre député, vous
êtes la municipalité qui, à date, cote le plus haut, 5 % de
son budget. Je pense que c'est loin d'être négligeable. Au
contraire, c'est exemplaire jusqu'à date. Bon. Je ne sais pas si
d'autres municipalités arriveront avec des pourcentages plus
élevés, mais disons que, selon l'expression populaire, vous
êtes "top one" au "hit parade" des municipalités, au moment
où on se parle.
Vous avez parlé, dans votre mémoire, sur le ton de
vraiment je déplore, de l'absence de recommandations sur les
bibliothèques publiques et les BCP. Dieu seul sait qu'en région
la bibliothèque est, 9 fois sur 10, le centre culturel. Dans le cas d'un
territoire où les superficies sont quand même assez vastes, la
bibliothèque centrale de prêt est probablement le seul contact
qu'on puisse établir avec le livre. La situation dans votre
région et, notamment dans votre ville, se situe à quel niveau
actuellement?
Mme Ruest-Jutras: Le constat qui avait été fait,
lorsqu'on parlait de la BCP, c'est qu'elle n'offrait même pas de services
à 10 municipalités de la MRC. Je disais tout à l'heure
qu'on est 25 municipalités dans la MRC. Il y en a 10 qui ne
bénéficient même pas de ça. Ça veut dire a
peu près presque 20 000 personnes qui n'ont pas accès à
cette ressource-là qui est quand même minimale. Nous, à
Drummondville, on a une bibliothèque qui est une belle
bibliothèque. C'est une bonne bibliothèque dans laquelle on
investit, la ville, près de 900 000 $ par année. C'est
beaucoup.
Je soulignais tout à l'heure le fait que, bon, on se retrouve au
niveau de l'acquisition de volumes, périodiques, tout ça, dans
une politique d'appariement, ce qui oblige les municipalités à
faire un effort financier important pour procéder à l'acquisition
de volumes. Une bibliothèque, c'est d'abord des livres. Donc, il faut
offrir cette ressource-là à nos citoyens. Mais c'est au chapitre
peut-être des dépenses d'opération que la contribution du
ministère semble vouloir se ratatiner un petit peu comme une peau de
chagrin, et je pense qu'il va falloir qu'il y ait là peut-être une
révision de ce qui se passe actuellement. (15 h 30)
Tout le volet de la lecture dans l'activité humaine, c'est
quelque chose de fondamental. On dit souvent qu'un livre, c'est le meilleur ami
que quelqu'un peut avoir. Peut-être qu'il y aurait moins de
désoeuvrement ou de désespérance, entre autres, chez les
personnes âgées si elles avaient pris tôt le goût de
la lecture. On essaie, chez nous, en tout cas, d'accueillir le plus tôt
possible les jeunes dans notre bibliothèque par la mise en place
d'animation qui vise particulièrement les jeunes. On a fait des heures
du conte, on essaie de leur faire prendre rapidement contact avec cette
ressource-là du milieu. On investit massivement dans nos collections
jeunesse justement pour que ça devienne quelque chose
d'intéressant, en prenant pour acquis qu'un jeune qui développe
le goût de la lecture rapidement continuera à s'intéresser
à ça. Mais les BCP, nous, ça ne nous touche pas comme
tels. Pour les municipalités de la périphérie, pour
certaines municipalités de la MRC, le service ne les rejoint même
pas encore.
Peut-être ouvrir sur les bibliothèques, sur quelque chose
dont je n'ai pas fait mention tout à l'heure. Lorsqu'on retrouve un
pôle central qui a un équipement majeur comme la
bibliothèque de Drummondville, on voit mal comment le gouvernement
pourrait subventionner de façon assez massive l'implantation d'une
bibliothèque dans une municipalité qui est à la
périphérie de nous autres: 200 000 $ ou 250 000 $ pour construire
une bibliothèque, alors que c'est là peut-être qu'on
devrait inciter cette municipalité-là à faire une entente
intermunicipale avec la ville-centre. Il n'est pas question de distance. On est
sur la même rue et on est dans des municipalités
différentes. On sait comment ont été créées
les municipalités au Québec. On en connaît le nombre assez
effarant, bon. C'est peut-être un des leviers dont dispose le
gouvernement pour inciter une municipalité à signer avec sa
voisine une entente intermunicipale et, à ce moment-là, à
donner à la municipalité qui déjà a un
équipement qui est important des moyens supplémentaires pour la
faire grossir.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, vous aviez une question.
M. Godin: M. le Président, oui, une. Mme la mairesse,
comme nous sommes de vieux amis, je vais me permettre de me faire l'avocat du
diable. Est-ce que vous ne craignez pas que le Festival mondial de folklore,
qui est une réussite exceptionnelle, ne masque certains défauts
d'activités culturelles autres? Est-ce que la salle dont vous parliez
tout à l'heure sert à d'autres spectacles que le Festival mondial
de folklore qui est, je pense, dans le colisée? Je crains, moi, je le
dis souvent... J'ai longtemps été à Drummondville,
à l'époque où j'avais une copine à Drummondville,
Mlle Laferté, la petite-fille d'Hector Laferté, et j'ai rarement
vu des activités... À l'époque, je pense qu'il n'y avait
même pas de cinéma, encore moins de ciné-club. J'y suis
retourné après, à cause du festival de folklore, en tant
que ministre des Affaires culturelles. J'avais beaucoup apprécié
le spectacle parce que c'était effectivement exceptionnel.
Maintenant, ce que je crains en vous écoutant, vous dites: II y a
5 % à la culture. Une grande partie va probablement au Festival mondial
de folklore. Là, vous dites une phrase qui m'inquiète. Vous
dites: On est tellement rendus haut dans le pourcentage que je doute qu'on en
ait pour autre chose.
Alors, est-ce qu'il y a une troupe de théâtre à
Drummondville, comme dans d'autres villes de la région?
Mme Ruest-Jutras: On avait une troupe de théâtre
jeunesse qui, malheureusement, n'opère plus. Mais n'ayez crainte quant
au nombre d'activités qu'on retrouve sur la scène du centre
culturel. M. Janelle, qui est ici, pourra vous dire ce qui se passe. Mais qu'il
suffise de savoir qu'il y a deux ans on a gagné le Félix du
diffuseur de l'année au Gala de l'ADISQ, ce qui, je pense,
témoigne de tout ce qui se fait chez nous en termes de diffusion de
spectacles. On a le plus haut ratio événements-population dans
les salles de spectacle au Québec. Donc, c'est que ça roule et
que les gens sont intéressés à aller voir ce qui se
produit sur la scène du centre culturel.
Maintenant, si on n'a pas de troupe de théâtre, on a des
troupes de folklore, on a des chorales, on a une académie de ballet, on
a une école de musique qui est au centre culturel et qui est à la
fine pointe de l'enseignement. On a une guilde des artistes qui expose, parce
qu'on a aussi une galerie d'art au centre culturel. On a un regroupement
d'artisans. On a même fait, à l'occasion du 175e anniversaire de
Drummondville, la première d'une biennale en sculpture où on
avait des sculpteurs qui venaient de l'étranger même. On remet
ça sur la planche à dessin l'an prochain. Ça va devenir
une activité récurrente. On a intégré ces oeuvres
d'art là au patrimoine, je veux dire, à l'environnement urbain.
Non, on n'a pas de ciné-club, mais, par ailleurs, on a un cinéma
maintenant qui produit du cinéma de répertoire aussi.
Je pense qu'on est chanceux pour un petit milieu, parce que
Drummondville, c'est 37 000 de population. La MRC, c'est autour de 78 000. On
est chanceux, et ça frappe les gens qui viennent s'implanter chez nous,
cette richesse, cette vitalité, cette diversité de la vie
culturelle. Je laisserai peut-être Roland Janelle vous parler, entre
autres, de ce qu'on a fait avec notre centre culturel qui est vraiment devenu
une maison de la culture parce qu'on est, je pense, une des rares villes
à avoir aménagé des locaux justement pour nos groupes
culturels.
Le centre culturel est géré par une corporation
indépendante, mais à laquelle on demande - et c'est quasi de
façon péremptoire - de loger gratuitement ces groupes-là
pour faire en sorte qu'il y ait toujours une dynamique, il y ait toujours une
vie qui se passe à l'intérieur de cette maison de la culture,
même lorsqu'il n'y a pas de spectacles qui se produisent sur
scène. Alors, je vais laisser...
M. Janelle (Roland): O.K., merci. Oui, effectivement, ce que dit
Mme Jutras, c'est la réalité de tous les jours dans ce
bâtiment que nous appelons le centre culturel. Depuis les années
soixante-dix, cette politique et cette orientation d'accueillir les
participants à l'activité culturelle dans ce bâtiment qui
s'appelle le centre culturel, on n'y a jamais dérogé.
D'année en année, ça augmente, il se crée beaucoup
d'intérêt. Aller au centre culturel, c'est devenu aussi naturel
maintenant que d'aller à l'aréna au hockey. Permettez-moi de vous
dire qu'il y a autant d'inscriptions chez les jeunes dans les activités
qui les concernent qu'il y en a au hockey mineur chez nous à
Drummondville. Je pense que la comparaison dit tout, effectivement.
M. Godin: Je vous ferai remarquer que je n'ai eu pas une
réponse, mais plusieurs réponses qui confirment que Drummondville
n'est pas seulement axée sur le festival de folklore et que tout son
budget serait consacré à cette seule activité, mais qu'au
contraire il y a un feu d'artifice, pour reprendre l'expression de M. Rozon,
d'activités autour du centre culturel, avec le budget de 5 % plus
quelques autres contributions, j'imagine, à d'autres
activités.
Mme Ruest-Jutras: Quand on dit...
Le Président (M. Doyon): En terminant, madame, le temps
est... Allez, nous vous écoutons. Vous avez la parole.
Mme Ruest-Jutras: Quand on dit 5 % de notre budget, ce n'est pas
5 % pour le festival, c'est 5 %...
M. Godin: Non, je le sais bien.
Mme Ruest-Jutras: ...pour nos équipements. C'est
ça. Alors, strictement pour le centre culturel, par exemple, c'est 465
000 $ qu'on va donner pour faire en sorte qu'au niveau de la diffusion des arts
en région il y ait quelque chose d'intéressant. On subventionne
de façon récurrente aussi nos groupes culturels. On va faire des
choses de façon, ponctuelle avec eux, mais on s'assure que tous les
créneaux de la vie culturelle bénéficient d'un support de
la municipalité. Alors, le folklore oui, mais aussi le chant, la danse,
la sculpture. C'est ça qui fait que ça bouge bien et qu'il y a
constamment de nouvelles propositions qui nous sont faites pour soutenir le
milieu. Lui-même, il est en effervescence.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la mairesse. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être quelques
mots de remerciement, si vous voulez.
M. Boulerice: Oui, en vous disant, Mme la mairesse, que, en tout
cas, moi j'ai retenu une chose, qu'il est nécessaire
inévitablement que les régions gèrent leur culture. Je
pense que vous l'avez dit et je pense que votre ville, donc, et sa
région nous ont montré qu'elles avaient des voies et des moyens.
D'ailleurs, il y a ce prix que je connais bien que vous avez reçu. Donc,
je pense que c'est un témoignage, effectivement, très
éloquent. Les régions sont très oubliées dans le
rapport Arpin. Encore là, j'ose espérer que l'expérience
véhiculée par votre ville comme celle des autres villes,
même si les pourcentages sont moindres, pourra quand même influer
sur la place que l'on va donner aux régions. Pour rappeler une phrase
d'une de mes collègues: Si Québec est la tête et
Montréal est les poumons, si on se retrouve avec un corps dont les
membres sont atrophiés, il n'y a pas grand vie possible. Transposons-le
au niveau de la culture et ça donnerait le même portrait aussi
désastreux. Je vous remercie beaucoup, Mme Jutras et vos
collègues qui vous accompagnaient.
Le Président (M. Doyon): Je permettrai maintenant
peut-être au député de Drummond de remercier, au nom de Mme
la ministre, nos invités.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Alors, je pense que,
Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission, vous avez eu seulement
un pâle reflet de ce qu'est la vie culturelle dans Drummond. Je vous
invite à venir nous visiter et je suis convaincu que vous allez me
permettre ce petit message, parce que ça va peut-être combler
aussi les inquiétudes de mon collègue de Mercier. Hier, on avait
le bonheur d'annoncer qu'il y aura, au manoir Trent, peut-être
l'exposition la plus importante au niveau international, regroupant un des
sculpteurs fameux de France. Alors, cette exposition-là débutera
en mai, ce qui vous montre quand même le dynamisme de notre
région. On continue à aller de l'avant. Le folklore est un des
pivots, mais aussi le centre culturel et tout ce qui gravite alentour du
centre, avec la complicité du milieu privé, du milieu
gouvernemental, fait en sorte qu'on a drôlement changé la
qualité de vie au courant des décennies.
Félicitations à tous les partenaires du milieu de
Drummondville et à nous, maintenant, du côté
gouvernemental, de faire que vos préoccupations soient comblées
à l'intérieur d'une politique qui comble les régions. Vous
pouvez compter, comme toujours, sur la collaboration de votre
député. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Je vous remercie au nom de la commission et vous souhaite
un bon voyage de retour. Je vous laisse le temps peut-être de vous
retirer. J'invite maintenant le Regroupement des professionnels de la danse du
Québec à bien vouloir prendre place en avant.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs.
Bonjour, madame. Si vous voulez vous présenter, ainsi que les gens qui
vous accompagnent, nous allons pouvoir commencer l'audition.
Regroupement des professionnels de la danse du
Québec
M. Perreault (Jean-Pierre): Alors, nous sommes le Regroupement
des professionnels de la danse du Québec. J'aimerais d'abord
présenter Mme Jeanne Renaud, chorégraphe, Prix du Québec
en 1989, prix Denise-Pelletier. À mon extrême droite, M. Vincent
Warren, ex-danseur, ex-président du Regroupement des professionnels de
la danse et professeur de ballet; à l'extrême gauche, Sylvain
Lafortune, premier danseur aux Grands Ballets canadiens et
vice-président du Regroupement des professionnels de la danse du
Québec; à ma gauche, Gaétan Patenaude, directeur
général du Regroupement des professionnels de la danse du
Québec, et moi-même, Jean-Pierre Perreault, chorégraphe,
directeur artistique et président du Regroupement.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour et bienvenue
parmi nous. Vous pouvez maintenant commencer votre présentataion.
M. Perreault: Merci. Je vais tout d'abord passer la parole
à M. Gaétan Patenaude qui va faire un exposé des
principales recommandations contenues dans le mémoire que nous avons
présenté à la commission. Gaétan. (15 h 45)
M. Patenaude (Gaétan): Merci, Jean-Pierre. M. le
Président, Mme la ministre et membres de la commission, le
mémoire que nous vous présentons aujourd'hui s'intitule: "Sur la
voie tranquille
d'une révolution culturelle, un nouveau contrat social se
profile". Cette voie tranquille, nous la voyons comme un carrefour où se
rencontrent le milieu des arts et la population du Québec, aidés
en cela par l'État du Québec, pour favoriser un dialogue
constructif et dynamique pour assurer l'épanouissement de notre
société.
C'est un volumineux mémoire que l'on aurait voulu plus bref,
mais, à la suite du dépôt du rapport Arpin, on s'est bien
rendu compte que le mémoire présenté au groupe Arpin ne
suffisait pas, que l'envergure du rapport commandait une analyse
détaillée et une réflexion approfondie pour nous assurer
une rencontre de premier plan avec ce rendez-vous historique. La façon
dont le rapport est écrit et son contenu nous laissent présager
une nouvelle révolution au Québec, une révolution
culturelle. C'est ce qu'une lecture attentive du rapport Arpin nous laisse
entrevoir. Et c'est également ce dont a besoin, un besoin vital, non
seulement le milieu des arts, mais également la culture au
Québec. Le présent mémoire n'est pas une apologie de la
danse, mais bien une analyse qui veut donner un cadre général
à l'intérieur duquel nous voulons voir s'inscrire une politique
sectorielle pour la danse.
On parlait de dialogue, tout à l'heure. On a deux
éléments: d'une part, le développement des arts; de
l'autre, l'accès à la production des arts. Dans la
première section du rapport, on parle de droit à la
création et au développement des arts, un droit fondamental. On
souligne une réalité extrêmement importante,
c'est-à-dire un développement asymétrique entre les
disciplines. Il est important de le bien prendre en compte parce que ça
suppose une intervention qui n'est pas uniforme pour l'ensemble des disciplines
artistiques, mais qui prend en compte le développement
asymétrique, c'est-à-dire inégal, et qui prend en compte
le processus différent dans chacune des disciplines.
Pourquoi asymétrie? Quatre causes sont identifiées par les
auteurs du rapport, c'est-à-dire évolution spécifique des
oeuvres, faible population et vaste territoire pour le Québec et le fait
qu'il y ait une intervention d'ensemble inexistante par le gouvernement du
Québec; finalement, on parle de concilier la planification et la
liberté de création et de choix des artistes, donc, un
équilibre très difficile et pourtant extrêmement
important.
On identifie quatre orientations principales pour réaliser un
projet culturel qui se veut enraciné, dynamique, complet et ouvert. Ces
quatre éléments sont: favoriser la création, assurer la
stabilité des organismes culturels, accroître l'action
internationale, développer et maintenir au Québec la
compétence professionnelle dans le domaine culturel. On souligne, dans
le chapitre pour favoriser la création, une réalité
extrêmement importante. On parle de sensibilisation et d'éducation
aux arts, qui se sont développées de façon peu
homogène au Québec. On souligne que le théâtre, par
rapport à la danse, est beaucoup plus avancé pour des raisons
historiques; il y a des retards qui devront être corrigés.
Lorsqu'on parle d'initiation aux arts, récemment, dans le
quotidien Le Devoir, on parlait de "macédoine" à
l'école, une approche où on voit une espèce de
prolifération sans approche structurée et où on voit
l'apologie de l'expression individuelle hissée au rang fondamental,
plutôt que de voir l'épanouissement de l'individu encadré
en relation avec les arts professionnels. Je pense qu'il y a un travail
à faire de ce côté-là.
Pour assurer le développement des arts, il est fondamental de
stabiliser les organismes, donc, de leur donner un soutien constant et
modulé en fonction de leurs besoins évolutifs. Bien sûr, si
on veut assurer le développement des arts au Québec, il faut
maintenir et développer la compétence professionnelle, et
ça se fait de deux façons. D'une part, en assurant un
développement et une formation professionnelle de base et, d'autre part,
en assurant une formation continue, une chose qui est dans le discours, mais
qu'on arrive difficilement à traduire dans la réalité.
À titre d'exemple, on peut voir comment sont modulés nos
programmes de formation professionnelle ou d'aide au développement de
l'emploi qui sont, en général, des programmes à courte
vue, qui sont plus souvent des soustracteurs de chômeurs que de
véritables développeurs de main-d'oeuvre et d'emplois.
Au niveau de la formation professionnelle de base, on souligne, dans le
rapport, une inadéquation entre la formation, d'une part, et le
développement économique du marché du travail. Donc, je
pense qu'il y a un examen à faire entre le nombre d'artistes qui sont
amenés sur le marché du travail et la capacité d'accueil
du marché, non pas dans le sens d'un contingentement, mais, je pense,
dans le sens de travailler au développement du marché du
travail.
On souligne également dans le rapport la formation en art dans
les écoles privées. Comme on le sait, récemment, la
commission de l'éducation examinait un projet de loi sur l'enseignement
privé et, à ce titre, nous avons fait une représentation
auprès du ministre, M. Pagé, à l'effet de se poser des
questions, à savoir, si on envoie les écoles dites de culture
personnelle à l'Office de protection du consommateur, si on va tout
simplement transférer la juridiction sans se préoccuper de la
qualité de l'enseignement. Lorsqu'on sait que l'enseignement de la
danse, ce n'est pas la coiffure et qu'on peut défaire des dos, je pense
que couper des cheveux croche, ça repousse, mais de défaire une
colonne vertébrale, ça n'a pas la même implication.
L'État a une responsabilité de préservation de
l'intégrité physique et psychologique des enfants qui suivent des
cours.
L'amélioration des conditions de la pratique
des métiers artistiques. On identifie dans le rapport les droits
d'auteur. On sait la problématique du chorégraphe:
comparativement, par exemple, à l'écrivain, pour qui, lorsqu'il
écrit son oeuvre, elle est fixée, donc protégée de
facto par la Loi sur le droit d'auteur, le chorégraphe, lui, en
créant son oeuvre, ne la fixe pas, puisque c'est une oeuvre qui est sur
scène avec des danseurs; donc, on peut imaginer la difficulté de
la fixer, ça suppose un autre élément. Il y a très
peu de revenus de droits d'auteur en chorégraphie. Donc, sans dire qu'il
ne faut pas continuer le travail de protection des droits d'auteur en
chorégraphie, il faut continuer, oui, mais en même temps ne pas
imaginer que c'est - le revenu du chorégraphe est actuellement en
moyenne de 800 $ par année, selon les dernières statistiques -
avec ça qu'on va corriger la situation.
L'amélioration des conditions de la pratique des métiers
suppose une organisation des milieux et il ne faudrait pas croire que, par
exemple - la loi sur le statut de l'artiste, qui a été
adoptée par le gouvernement du Québec, est une première et
nous en saluons notre gouvernement - c'est simplement avec la loi structurante
qu'on va arriver à faire en sorte que les artistes, danseurs et
chorégraphes du domaine subventionné, donc, de la danse de
création, vont demander aux compagnies de danse qui les embauchent
d'augmenter ou de leur donner des meilleures conditions, alors qu'on sait
très bien que les compagnies sont, au fond, des gestionnaires des
subventions et que le véritable producteur au sens où nous
l'entendons, c'est-à-dire celui qui prend les risques, c'est
l'État.
Donc, si on imagine améliorer les conditions de travail dans le
domaine de la danse sans que l'État y joue un premier rôle au
départ, on se leurre à ce niveau-là. Donc, pour y arriver,
oui, l'État doit intervenir et, en même temps, il faut adopter une
mesure qui fasse qu'on accroisse les opportunités d'emploi, en
même temps qu'on travaille sur le développement de la
clientèle, c'est-à-dire le public, pour faire en sorte que, dans
un court terme, on se retrouve avec un équilibre entre les contributions
de l'État et le financement par la voie du guichet.
Une dimension qui est mentionnée, on parle d'organisation des
milieux artistiques et on sait que l'amélioration des conditions
d'exercice des métiers dans notre société s'est beaucoup
faite, si on prend l'exemple des secteurs des affaires sociales et de
l'éducation, par les fameux fronts communs. Donc, des actions des
groupes organisés qui ont réussi, par leur force
organisée, à déstabiliser le gouvernement et à
forcer des investissements accrus.
Vous êtes tous conscients des démarches, depuis 1986, de la
Coalition du monde des arts et des affaires culturelles qui a revendiqué
l'augmentation ou l'investissement par l'État de 1 % pour le
ministère des Affaires culturelles. Sous toutes réserves, cette
dynamique visait à cons-cientiser le gouvernement à l'importance
d'accroître les investissements dans le secteur culturel et je pense que
la réponse, l'invitation qui nous est faite de définir une
politique va beaucoup plus loin que 1 %.
Ceci dit, qu'est-ce qui est arrivé dans cette dynamique? Nous
avons vu un des joueurs, un des associés de la Coalition, jouer seul,
faire son lobby avec succès et convaincre la classe politique d'investir
dans un temple du rire. L'investissement consenti correspond à environ
quatre fois le budget des Affaires culturelles pour la danse.
Évidemment, c'est un investissement de plusieurs paliers de
gouvernement. Nous ne sommes pas à remettre en question le projet. Nous
sommes simplement à dire: "Juste pour rire", est-ce que c'est le
rôle de l'État de subventionner l'humour, alors que les
enveloppes, nous dit-on, rétrécissent? Est-ce que c'est dans
l'ordre des priorités de l'État de subventionner l'humour?
Les moyens de favoriser l'exercice du droit à l'activité
culturelle. L'un des grands objectifs de la Révolution tranquille
était la modernisation de notre société, la
démocratisation de l'accès aux services sociaux et
éducatifs, de même que l'émancipation économique et
sociale des Québécois. Sur le plan sociologique, les
transformations vécues au sein de la société
québécoise sont nécessairement teintées d'une
dimension culturelle. De toute évidence, la présence et la
qualité de la pratique artistique et de l'activité culturelle se
sont largement répandues et, dans certaines régions ou villes,
profondément enracinées, comme en donnait l'exemple la ville de
Drummondville, tout à l'heure. Toutefois, les progrès sensibles
des 30 dernières années ne sauraient nous faire oublier les
disparités criantes qu'il nous est possible de constater quotidiennement
dans les rues du centre-ville de Montréal entre les différentes
composantes sociales. Tout comme il est possible de constater un
développement asymétrique entre les disciplines artistiques, il
nous est possible de constater un développement asymétrique entre
nos concitoyens et nos régions.
L'amorce tranquille d'une nouvelle révolution au Québec
devrait logiquement faire passer la culture au rang de troisième axe de
l'action de l'État en matière de développement. Si le
secteur des arts et de la culture recherche la reconnaissance par l'État
de son rôle et, par voie de conséquence, demande à
l'État de soutenir ses actions et ses projets, c'est parce qu'il croit
vital pour la société québécoise que la culture
irradie les couches sociales et teinte l'ensemble des activités de la
société. Tout comme les recherches de pointe ne sont accessibles
qu'à un groupe d'initiés, mais tout de même essentielles au
développement de la société; tout comme il existe des
personnes aptes à traduire dans un langage simple des
réalités
complexes, nous croyons que les oeuvres les plus difficiles
d'accès peuvent devenir des expériences esthétiques et
émotives d'une grande richesse si elles sont introduites au public
visé d'une façon adéquate.
Par ailleurs, il restera toujours une part de mystère, de
merveilleux et d'inconnu dans les oeuvres artistiques qui demanderont un effort
de la part des spectateurs, des lecteurs, des auditeurs. Nous pouvons constater
des variations sur le plan de la qualité des productions offertes en
raison des talents variables des artistes; il en est de même du
degré d'ouverture et du niveau de compréhension des citoyens.
C'est pour ces raisons que le défi que sous-tend la réalisation
d'un vértable projet culturel est de réduire les
disparités sociales, de favoriser un épanouissement des individus
et de préserver les fondements et le caractère de la
société québécoise. Cette affirmation peut sembler
ambitieuse, voire idéaliste; elle n'en traduit pas moins un profond
sentiment d'urgence et un cri de ralliement pour que nous puissions contrer le
dérapage et le désarroi de plus en plus visible d'un trop grand
nombre de nos concitoyens, tout en préservant et en mettant en valeur la
richesse collective que constituent nos artistes.
En guise de constat, les moyens, maintenant, pour favoriser ce dialogue
entre les artistes, la communauté artistique et les citoyens du
Québec. On parle - et nous appuyons - d'établir un réseau
sur l'ensemble du territoire. Dans le rapport Arpin, on situe trois grands
pôles, c'est-à-dire Montréal, la métropole,
Québec, la capitale, et un ensemble régional. La reconnaissance
sociologique qui est traduite par le rapport Arpin est courageuse, puisque nier
que Montréal soit une métropole et un grand centre, ce n'est pas
aider le développement régional. Je pense que ce qu'il faut
arriver à faire, c'est prendre en compte et faire en sorte que le
développement que Montréal peut apporter au Québec
favorise l'ensemble du territoire québécois. (16 heures)
Dans les recommandations qui touchent le Grand Montréal, un
silence redoutable qui nous inquiète. Nulle part il n'est question de la
problématique réelle du réseau de diffusion à
Montréal - des salles existantes ou à réaliser - de la
problématique de leur accessibilité, du mode de financement des
immobilisations et du fonctionnement des salles. Un rôle tenu sous
silence, celui de la Place des Arts qui, en 1964, alors qu'elle était
inaugurée, était considérée comme la salle des
autres. Le texte que nous avons fait publier dans Le Devoir en
décembre dernier posait la question: Quel est le rôle de la Place
des Arts? Et nous pourrions l'étendre au Grand Théâtre de
Québec. Alors, on demandait à cette commission d'examiner
publiquement ce rôle dans l'esprit du rapport Arpin, c'est-à-dire
du développement des arts et de l'accessibilité de ces arts
à la clientèle et à la population québé-
coise.
Tout ce qui est sur la question régionale sera traité un
petit peu plus loin.
On identifie - et nous sommes tout à fait d'accord - les
médias électroniques et les hautes technologies comme
éléments de soutien et de diffusion large des arts. Nos
réserves. Au niveau de la télévision, on parle beaucoup
d'émissions culturelles. On parle très peu d'émissions
artistiques. Lorsqu'on préparait notre intervention, on se disait:
À Radio-Canada, si on avait un FM de la télévision, ce
serait extraordinaire. La radio FM est considérée comme une des
meilleures radios au monde. La télévision est populaire.
Malheureusement, on a une mauvaise conception de la popularité,
c'est-à-dire le nivellement par le bas. Je pense qu'il faudrait qu'on
fasse entrer dans nos télévisions publiques cette notion d'art et
d'excellence.
La troisième analyse du rapport Arpin est la gestion de la
mission culturelle et sa relation avec les partenaires de l'État. On
identifie cinq grands verbes pour résumer cette proposition. Un des plus
importants est celui de reconnaître le statut des arts, ce qui veut dire
pour l'État situer la culture au plus haut niveau des
préoccupations de l'État, faire de la culture un des trois
vecteurs de toutes les grandes décisions du gouvernement,
reconnaître aux arts un véritable statut de service
d'éducation et d'épanouissement de tous les citoyens. Les autres
verbes sont stabiliser, développer, irradier, mobiliser. Comme on peut
le constater, c'est d'une véritable révolution culturelle qu'il
est question et, si toutes ces actions étaient réalisées,
le Québec serait doté pour son entrée dans le
troisième millénaire d'une puissante et solide assise sociale et
culturelle.
Dans les moyens pour actualiser la politique, on parle de créer
un observatoire des politiques culturelles. À cet égard, nous
sommes en défaveur. Nous croyons que, plutôt que de demander
à une structure nouvelle d'analyser, d'étudier, de faire le bilan
de l'impact de la politique culturelle, de son actualité et de ses
retombées positives ou négatives, on doit plutôt...
Ça, c'est un des paradoxes du rapport Arpin. D'un côté, on
propose la création d'un observatoire et, en même temps, on
reconnaît un rôle extraordinaire aux associations professionnelles.
On parle de les consolider. Mais pourquoi ne pas les consolider en leur donnant
des vrais mandats, en reconnaissant l'expertise qu'elles ont et en s'appuyant
sur les ressources professionnelles et les élus de ces associations pour
jouer un rôle avec le ministère, avec le gouvernement?
Au niveau d'un conseil consultatif, nous sommes d'accord, mais dans la
mesure où il est formé d'experts et où on étudie la
relation qu'il pourrait avoir avec les associations. La question
névralgique du rapport a deux niveaux. D'une part, la maîtrise
d'oeuvre du ministère en matière de politique culturelle et la
fameuse
question cruciale qui est débattue ailleurs présentement
par deux autres commissions, le partage des pouvoirs, la question
constitutionnelle et la culture. À ce niveau, sans vouloir
évacuer le débat, nous croyons que, plutôt que de passer
par le rapatriement des pouvoirs en matière culturelle et de l'argent,
et d'ouvrir à nouveau un front hypothétique sur le partage des
pouvoirs avec les risques d'affrontements entre le fédéral et le
provincial, le Québec a déjà la capacité d'inscrire
dans son action et d'occuper tout le territoire qu'il est en mesure d'occuper
sans accepter le statu quo.
La question constitutionnelle sera à débattre. Nous ne
sommes pas là pour prendre position pour le Québec. Nous sommes
là pour dire: Les arts et la culture sont prioritaires. C'est de
ça qu'il est question. La question constitutionnelle, oui, il y a une
politique dite nationale au gouvernement canadien et c'est cette politique qui
doit être actualisée en tenant compte des caractéristiques
spécifiques du Québec, en tenant compte des priorités du
Québec et, le cas échéant, les citoyens du Québec
seront appelés à se prononcer sur le meilleur arrangement
constitutionnel ou à opter pour un autre statut pour le
Québec.
Et, bien sûr, lorsqu'on parle du gouvernement
fédéral et lorsqu'on regarde le projet de proposition qui est
soumis par le groupe Arpin, on se dit: On a une vision horizontale du
développement de la culture pour le Québec, donc une vision
où le gouvernement devrait intégrer à son action
l'ensemble des composantes de son gouvernement pour que la culture en soit
teintée. Donc, c'est le troisième axe, le troisième
vecteur de l'action du gouvernement. Et, tout d'un coup, on se retourne vers
Ottawa et là on rapatrie selon les icônes que sont les grandes
agences fédérales. Est-ce qu'on peut considérer que la
politique culturelle, si elle est horizontale pour le Québec, serait
verticale pour Ottawa? Dans le contexte où les appropriations pour ces
agences sont annuelles et par le Parlement, imaginons que, demain matin, le
gouvernement fédéral décrète: urgence nationale,
rapatriez pour le Québec les agences mais vous n'avez plus d'argent
parce que, là, on est en déficit national et il y a urgence.
Scénario hypothétique, mais...
Un autre élément qui nous apparaît important de
souligner: la culture comme instrument de liaison entre les communautés.
Si on fait sur le dos de la culture un rapatriement de pouvoirs, le risque est
grand qu'on coupe des ponts entre des amitiés historiques, des
amitiés artistiques, et ça, c'est extrêmement
dangereux.
La question des municipalités et du développement
régional. Cette question détaillée dans notre
mémoire est extrêmement délicate et ce qui nous
apparaît important, c'est non pas de considérer le
développement régional comme quelque chose d'inférieur,
mais de voir le développement des arts en région et l'acces-
sibilité en région aux activités professionnelles. Dans la
mesure où on mêle régionalisme et développement des
arts, on se fourvoie. Je pense qu'il faut poser le problème juste: le
développement des arts en région, avec la logique qui voudrait
peut-être qu'on donne plus pour assurer à des artistes
professionnels en région une prime à l'éloignement, comme
on a pour les gens qui travaillent à Sept-îles ou à la Baie
James.
En conclusion, le simple fait d'évoquer la possibilité que
le Québec amorce une révolution culturelle et que celle-ci puisse
donner lieu à l'adoption d'un nouveau contrat social entre l'État
et ses partenaires suscite des attentes profondes de la part de ces derniers,
mais également un vif espoir que cette révolution culturelle
complète, pour l'entrée dans le troisième
millénaire, la modernisation du Québec.
Dans le contexte d'une récession économique et de
l'insécurité sociale qu'elle engendre, et dans le cadre de la
crise constitutionnelle qui confronte le Québec et le Canada, le
défi lancé à la classe politique et aux gestionnaires de
l'État est de taille. Toutefois, non seulement les enjeux pour le
développement de la société québécoise
justifient-ils qu'ils fassent preuve de courage et de vision, mais la
légitimité même des revendications traditionnelles du
Québec le commande. Les enjeux que sous-tend la mise en chantier de la
proposition de politique des arts et de la culture sont simples. Il s'agit de
faire du Québec un territoire où il est possible d'exercer, dans
des conditions de dignité, son droit à la création et au
développement de son imaginaire et où il est possible aux
citoyens de toutes origines et de toutes conditions d'exercer un droit
universellement reconnu d'accès à l'activité
culturelle.
Si le défi à relever soulève des attentes et des
espoirs, il comprend également des écueils redoutables si
l'opération n'est pas amorcée en gardant à l'esprit ce que
sont les objectifs premiers: le développement des arts et de la culture
pour assurer l'essor de la société québécoise. Ce
faisant, nous nous assurerons que les démarches à entreprendre
pour repartager les responsabilités du développement des arts et
de la culture au Canada et au Québec et pour transférer les
sommes correspondantes ne conduiront pas à des affrontements
stériles entre les différents paliers de gouvernement.
Le plus grand écueil qui guette le Québec, si le
défi de faire de la pratique des arts et du développement
culturel une priorité de société n'est pas
réalisé, c'est la perte de confiance des artistes et des
professionnels de la culture dans la capacité de notre
société, et de sa classe politique, de véritablement
assumer son caractère distinct d'une façon constructive et de
l'affirmer positivement au reste du monde.
À cet égard, permettez-nous de citer un extrait de
"À l'aube du XXIe siècle, le Québec se prépare-t-il
une culture à blanc? Une culture à blanc, c'est ce qui guette le
Québec du prochain
millénaire si celui-ci ne prend pas les dispositions pour
s'assurer que nos créateurs et nos interprètes trouvent ici non
seulement les ressources nécessaires pour poursuivre leurs recherches et
leur travail de création, mais également un territoire propice
pour les accueillir. Le danger qui nous guette - et peut-être qu'il est
déjà là - si nous ne préparons pas les adultes de
demain à une intégration organique de l'activité
créatrice dans la société québécoise, c'est
la fuite de nos meilleures ressources vers les centres de production artistique
d'envergure internationale, c'est la pénétration profonde des
productions étrangères standardisées, et c'est
l'appauvrissement de la dimension créatrice des composantes de notre
société." Comme en témoigne-Le Président (M.
Gobé): M. Patenaude, je vous demanderais de bien vouloir conclure,
car vous dépassez déjà le temps. Devant
l'intérêt de votre mémoire, j'ai laissé aller, sauf
que, là, je vous demanderais de...
M. Patenaude: Je vous remercie. Deux petites lignes...
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, je vous en
prie.
M. Patenaude: Notre participation et la richesse de notre
délégation, les forces vives qui la composent, qu'elle
représente dans notre milieu, témoignent de notre confiance dans
le processus démocratique et dans la capacité de nos institutions
et de nos élus à faire preuve d'ouverture et de
sensibilité à l'égard de ce qui pourrait s'avérer
un rendez-vous crucial à ne pas manquer avec l'Histoire, celui de
l'affirmation culturelle du Québec et de l'adoption d'un modèle
de développement spécifiquement québécois.
Nous attendons donc de nos élus qu'ils et elles prennent les
décisions susceptibles de stabiliser le cadre de développement
des arts et de la culture au Québec, et nous leur offrons toute notre
collaboration afin que ce projet de révolution culturelle favorise d'une
façon large et constante la liberté d'expression. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude. Et,
sans plus attendre, je vais maintenant passer la parole à Mme la
ministre, en vous rappelant, madame, que nous avons dépassé, donc
de restreindre un petit peu le temps qui vous est alloué.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci et bienvenue à
tous. Merci, M. Patenaude. Vous m'avez enlevé les mots de la bouche;
quand on parle des forces vives de la danse au Québec, vous êtes
ici devant nous. Et je vous remercie aussi de l'analyse approfondie de la
proposition de politique de la culture et des arts. Vous avez mis en
lumière des choses qui sont très intéressantes.
Maintenant, justement parce que le temps file, je vais passer
directement à certaines questions. Au niveau de la danse, j'aimerais
parler du public. D'un côté, on parle d'une diminution du public
intéressé à la danse au Québec. Dites-moi si j'ai
raison dans mon constat. D'un autre côté, on vient de terminer le
festival de la nouvelle danse, grand succès.
Parlez-nous de ce développement des nouveaux publics au
Québec et sur la scène internationale, mais principalement ici,
au Québec.
M. Patenaude: Je vais laisser notre président
répondre à cette question. Jean-Pierre.
M. Perreauit: Oui, effectivement, il y a eu la croissance d'un
public. Il y a une effervescence énorme dans le milieu, qui a
été suivie par une augmentation du public à
Montréal. Il faut faire attention quand on regarde quelque chose comme
le Festival international de la nouvelle danse, qui a rempli des salles
à 95 %, le Québec adore les festivals. Si on fait un festival de
la saucisse, on va manger de la saucisse toute la semaine avec un grand
plaisir. Il faut faire attention à ça.
En réalité, le public n'a pas été bâti
comme il se devrait, autant à Montréal qu'en région, et
surtout en région. À Montréal, c'est un problème;
il y a un problème d'éducation, mais il y a aussi un
problème d'infrastructures. Pendant des années, les troupes sont
allées d'un hangar à l'autre. Nous n'avions pas d'endroits pour y
amener la danse de façon régulière. Quand la danse arrive
d'une façon tellement sporadique, ce n'est pas possible de créer
une habitude face à un public. (16 h 15)
En région, il n'y a pas de structures, mais surtout il y a un
écart énorme entre les attentes du public et ce qu'a vu le
public, le contact qu'il a eu avec la danse et ce qui se fait en danse au
niveau de la création. Nous avons des troupes qui diffusent
énormément au niveau international. On joue dans un petit
théâtre à Montréal et on joue dans les grandes
maisons d'opéra en Europe. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas
d'éducation qui a été faite. Il n'y a pas de
pénétration profonde et réelle. On commence à
éduquer et à aller chercher un public à partir do la base,
et ça se fait en longueur. Ça ne se fart pas avec de la
publicité; ça se fait par des moyens et des initiatives qui sont
basés sur le concret et le contact d'un individu qui est le public avec
un autre individu qui est le créateur.
Mme Frulla-Hébert: Par exemple, au niveau pratique et
concret, on a parlé beaucoup du système d'éducation, on a
parlé beaucoup de l'utilisation, justement, de nos institutions ou de
nos organismes, de nos forces créatrices pour
justement aller chercher le jeune public, l'enfant qui part dans le
système scolaire. Mais, encore une fois, pour cette initiation, pour
initier ces jeunes et, finalement, bâtir un public au niveau de la danse,
entre autres, quelles seraient les suggestions, selon vous, selon votre
expérience?
M. Perreauit: C'est de pouvoir avoir des contacts directs, de
pouvoir créer des résidences dans les régions, de pouvoir
s'assurer que les troupes ne vont pas tout simplement un soir dans une ville et
repartent le lendemain matin. Il faut pouvoir construire à mesure qu'on
est là. Ce qui est malheureux chez nous, c'est que, les villes
étant relativement petites, on arrive dans des villes où il n'y a
pas de milieu professionnel; donc, il n'y a pas de continuité entre une
troupe qui est en tournée et autre chose. Je ne peux pas vous dire
exactement tout ce qu'il y a à faire, il y a tellement à faire
parce que rien n'a jamais été fait. La diffusion de la danse au
Québec, c'est Montréal en ce moment. On ne peut même pas
venir à Québec. Je n'ai jamais dansé à
Québec avec ma compagnie. Je peux aller en Europe, pas à
Québec, parce que le Grand Théâtre de Québec,
ça ne nous est pas encore ouvert.
Le problème, c'est qu'il n'y a rien qui a été fait.
On encourage un peu la tournée et, ensuite, les tournées se font
devant des salles vides. Mais, il faudrait s'asseoir. Parce que, là, on
parle d'une politique culturelle, mais il y a des politiques sectorielles qui
doivent être fartes et, pour ça, on doit s'asseoir; il y a un gros
travail à faire entre le milieu et les organismes correspondants au
niveau des gouvernements, mais il faut s'asseoir avec nous pour le faire, parce
qu'on n'arrivera pas avec des recettes miracles.
C'est certain que, en ce moment, la dichotomie entre le degré de
sophistication de la création et où en est le milieu,
l'écart est tellement large qu'on se lève le matin et on se dit:
Mais qu'est-ce que je fais là? Est-ce que je suis un objet de luxe ou
quelqu'un qui est complètement en dehors de son milieu? Parce que, si on
est ici, c'est par choix, mais on veut aussi correspondre à quelque
chose de réel, de tangible. La création, c'est le rêve,
mais pas sans la vie quotidienne et le contact qu'on a avec la population. On
ne crée pas pour créer. On ne crée pas non plus juste pour
aller se promener à travers le monde. On aimerait ça pouvoir
rester chez nous. Et, en ce moment, c'est de plus en plus tentant de rester
à l'extérieur; on a de moins en moins le goût de revenir.
Essayez de nous garder ici et, pendant que vous ferez une politique culturelle,
pensez que c'est des individus qui font la culture.
Mme Frulla-Hébert: Mais, je veux seulement vous rassurer
là-dessus: une politique culturelle, ce sont des grands
énoncés, tout simplement, comme je disais, pour changer les lois,
etc., mais tous les plans d'action qui sont sectoriels seront commencés,
d'ailleurs, très rapidement. On en a déjà. Une politique
culturelle, c'est pour le futur, c'est pour vraiment dire au peuple
québécois: Qu'est-ce que vous voulez en termes de culture?
Qu'est-ce que vous voulez investir? Et soyons sérieux. C'est ça,
dans le fond, ce qui n'empêche pas un plan d'action. Un plan d'action se
travaille avec le milieu, il ne se travaille pas dans les grandes instances et
au niveau des fonctionnaires.
Rapidement, M. Lafortune, vous êtes un jeune danseur qui
êtes parmi la relève des Grands Ballets; vous parliez des jeunes,
vous parliez aussi, finalement, de cette séparation entre le public,
d'un côté, et où en est rendue la création, de
l'autre. Vous qui êtes parmi la relève, comment voyez-vous
ça, l'avenir des jeunes dans la danse, au Québec?
M. Lafortune (Sylvain): Je pense que le contact avec la danse
doit être au niveau des médias, mais je pense aussi à un
contact direct, comme on en a parlé avant. Je pense que la danse devrait
être accessible non seulement comme forme d'art privilégiée
de quelques professionnels, mais en tant que pratique à plusieurs
niveaux, pas nécessairement seulement pour créer une
relève, ce qui serait une façon de le faire, mais aussi pour
créer un public. Je pense que le meilleur public, ce sera celui qui aura
goûté à la danse personnellement. Je pense qu'il y aurait
du travail à faire pour apporter la danse. Par exemple, s'il y a des
compagnies qui sont en tournée, ce serait excellent aussi d'avoir un
contact avec les étudiants dans les écoles, comme ça
arrive, malheureusement, trop peu souvent. Mais il y a eu, en tout cas, des
occasions en tournée, où on a rencontré les
étudiants dans les écoles et c'est toujours, pour eux, une
introduction à la danse qui est excellente pour la formation d'un
public. Je pense que c'est le genre d'intervention qui pourrait être
développé à grande échelle.
Mme Frulla-Hébert: Juste une petite. Au niveau de la
formation, vous nous avez dit, à un moment donné - c'est
écrit dans le mémoire - M. Patenaude: II s'agit de savoir
maintenant le nombre ou, enfin, sans contingenter, de regarder le nombre de
personnes que l'on forme versus le potentiel. Ça veut dire quoi,
ça, au juste? Vous dites "sans contingenter". Effectivement, on ne peut
pas contingenter, non plus, le talent et le développement de ce
talent-là. Par contre, il y a des déceptions aussi, souvent, en
bout de ligne, autant au niveau de la musique qu'au niveau de la danse ou du
théâtre. Comment voyez-vous ça? Comment peut-on faire les
deux: aucun contingentement d'un côté, mais, de l'autre
côté, on dit: Faites attention au niveau des gens que l'on
développe?
M. Patenaude: Peut-être qu'on peut contingenter si c'est la
façon de le faire, si c'est nécessaire. Prenons, par exemple,
l'enseignement de la danse à l'école. L'université forme
des enseignants pour enseigner aux jeunes en milieu scolaire. On sait qu'aux
niveaux primaire et secondaire il y a des difficultés, il y a des
contraintes qui devraient faire l'objet d'un examen. Je pense qu'on doit se
poser... On n'a qu'à regarder les contraintes que l'on donne à
nos organismes artistiques. On est constamment en contrainte: il faut
équilibrer les budgets, on a des ressources limitées, il faut
courir après les différentes sources de revenus. Et, en
même temps, on a l'impression qu'il y a des endroits où il n'y a
pas d'analyse, où il n'y a pas de règles. On a, par exemple, des
universités où on forme et on forme, et il n'y a pas
d'adéquation avec le marché du travail. Soit qu'on
développe le marché du travail, ce qui serait une réponse
positive au contingentement, ou bien qu'on... Je pense qu'on doit faire
l'adéquation entre les deux. On ne peut pas tout simplement
développer et ne pas se poser de questions sur la sortie.
On le fait en médecine, on dit: II y a tant de médecins.
Plutôt que de contingenter, on va avoir une politique proactive pour la
présence de médecins en région. Peut-être qu'on
pourrait avoir des développements. Quand on parle d'une harmonisation de
la politique gouvernementale, si le ministère de l'Éducation
favorise la formation de professeurs pour enseigner à l'école, il
faudrait peut-être que le ministère de l'Éducation favorise
aussi l'entrée des professeurs à l'école, pour que ce ne
soient pas des gens non spécialistes.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude. Je me
dois maintenant de passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition
officielle, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour une
dizaine de minutes parce que nous sommes vraiment en retard.
M. Boulerice: M. le Président, effectivement, porte-parole
de l'Opposition officielle pour les arts et la culture, membre du conseil
d'administration d'une troupe de danse contemporaine, "subventionneur" comme
député, mécène à l'occasion, lorsque mes
fins de mois ne sont pas trop difficiles, donc, je peux vous dire qu'entre nous
je pense que le contact peut être direct. Ma première question va
aller à M. Patenaude, en disant: Mais est-ce que vous étiez
sérieux tantôt ou si c'était sur un mode grammatical
acceptable, celui de l'ironie, cet enthousiasme du garde rouge qui soulignait
l'arrivée imminente de la grande révolution culturelle? La
ministre étant habillée de rouge, je me dis: Ça y est,
elle va être Mme Mao des arts, demain. Elle s'est retrouvée,
malheureusement, en prison.
Mais tous les points que vous avez développés
après, M. Patenaude, sont des choses que je vous ai entendu dire lors de
la commission sur le statut de l'artiste, qui ne sont pas, aujourd'hui,
réglées et qui, pour la plupart, ne demandent pas
l'élaboration d'une grande politique culturelle. Ce sont des gestes
législatifs ou administratifs extrêmement concrets qu'il resterait
à poser, mais qui ne l'ont pas été.
J'étais un peu débalancé par votre entrée en
matière à ce niveau-là et, après, il y a cette
notion qui, moi, m'a heurté aussi: quand on regarde le rapport Arpin, je
veux dire que vous n'êtes pas les favorisés à
l'intérieur de cela. C'est une révolution où vous ne serez
pas parmi la garde montante. C'est un rapport qui privilégie
l'institutionnel, beaucoup. Vous l'avez lu autant, sinon plus que moi parce que
c'est votre fonction première. Et après... Là, je vais
aller quand même à des questions.
Bon! Oui, il y a le débat constitutionnel comme tel, mais
personnellement je n'accepte pas de dire que, lorsque le Québec se bat,
c'est des affrontements stériles, mais, quand Ottawa vient fouiller dans
nos affaires, bien, là, mon Dieu, ils sont purs. Vous avez entendu, les
régions sont venues tantôt en nous disant: Donnez-nous l'argent,
on est capables de s'occuper de nos choses. Ils ont confiance en
eux-mêmes. Si on dit: Bien oui, mais c'est dangereux et risqué
pour nous, le Québec, qu'on ait tous les pouvoirs et tout l'argent,
c'est, au départ, manquer de confiance en nous-mêmes. Si, moi, je
me bats pour qu'on enlève une taxe sur les livres, est-ce que c'est
stérile alors que le fédéral les taxe? Comme disait M.
Beatty, il veut protéger la culture québécoise. Il a la
devise des compagnies de finance: "Je veux votre bien et je l'aurai." Alors, je
pense qu'il faut être prudents à ce niveau-là et il n'est
pas du tout question de briser des liens et des amitiés. Si on a fait
allusion à un continent, il n'y aura pas de muraille qui va nous
séparer.
Ceci étant dit - puisque je voulais quand même me soulager,
et on ne le fait que devant des gens qu'on aime bien; les autres, on les ignore
- vous parlez de l'utilisation de la télévision comme instrument
supplémentaire de diffusion des arts vivants. Mais, par contre, je
retrouve un petit peu plus loin que vous avez des appréhensions quant
à la possibilité de fusionner le ministère des Affaires
culturelles et le ministère des Communications. 85 % du temps culturel
québécois se passe à la télévision, vous le
savez autant que moi. Si on veut diffuser nos produits culturels... De la danse
contemporaine, entre moi et vous, à Radio-Canada et à
Radio-Québec, ça ne court pas les rues, hein? C'est quand, la
dernière année où vous en avez vu? Au moins deux ans,
peut-être. Non, je ne comprends pas votre appréhension. Vous
parliez d'un FM de la télévision. S'il y a une gamme assez
diversifiée dans la radio d'État en France, avec France-Musique,
France-Culture, France Info ou France-Inter, c'est que ça relève
du ministère de la
Culture et de la Communication. Je ne comprends pas votre
appréhension au moment où la culture pourrait s'approprier le
plus gigantesque appareil de diffusion qui peut exister.
M. Patenaude: Beaucoup de questions.
M. Boulerice: Vaste programme, aurait dit de Gaulle, oui.
M. Patenaude: Je ne répondrai pas, je pense, à
toutes. Premièrement, nous sommes la bande des cinq. La Bande des Quatre
n'était pas dans la garde-robe quand on a écrit le
mémoire. C'est sûr qu'à l'heure où on est les
statues tombent. Lénine disait qu'à chaque fois qu'il parlait il
le faisait à un cran plus élevé. Vous avez entendu, je
pense qu'on est à un cran plus élevé et, là, on est
au moment où on attend de l'État des gestes. On n'attend plus de
nous d'écrire des mémoires; je pense qu'ils sont écrits,
je pense que vous les avez tous reçus. Vous en avez des piles. Je pense
qu'on est prêts pour une politique des arts. Ce que l'on dit: Pas de
croisade de rapatriement. N'ouvrons pas des fronts qui sont déjà
assez chatouilleux. Actions prioritaires pour le développement des arts,
des professions artistiques et si, c'est l'axe, après, il y a des
éléments et, à travers d'autres démarches, je pense
qu'il peut y avoir des éléments. (16 h 30)
Quand on parle des craintes, ce n'est pas nous qui l'avons
inventée, la fuite dans les journaux sur la politique
québécoise des communications. Est-ce que, entre le
ministère des Affaires culturelles québécois et le
ministère des Communications, on est en train de se battre pour garder
ses chasses-gardées, ou bien le gouvernement du Québec... Et
c'est ça qui nous a inquiétés; on laisse au gouvernement
actuel le soin de gérer ces dossiers, mais ce qu'on dit, nous, c'est
qu'on voit les pièges et on veut s'en préserver. Quand vous dites
la danse, oui, mais il n'y aura pas de priorité à la danse s'il
n'y a pas déjà une priorité aux arts au gouvernement. M.
Perreault.
M. Perreault: Quand nous avons parlé de l'accès aux
communications, à la télévision, c'était beaucoup
plus parce que, pour nous, c'est seulement une partie du problème. On
n'y voit pas un créneau autant de diffusion que d'éducation,
finalement. Pour nous, nos problèmes sont beaucoup plus au niveau des
trois axes, création, diffusion, éducation du public, et la
production. Ça, ce sont nos problèmes urgents et
immédiats, et c'est ceux auxquels on fait face dans le quotidien. Donc,
c'est ce à quoi nous voulons donner priorité. Les autres moyens,
c'est ce qui va permettre que la création demeure intelligente.
Ce qu'on veut, c'est que le gouvernement ou les gouvernements
reconnaissent l'intelligence, le besoin d'intelligence d'un peuple et la place
que les artistes ont dans cette société-là. Les
gouvernements sont très contents quand on s'en va à
l'étranger et qu'on représente le pays. On prend beaucoup de
place. Le Québec est un des plus gros exportateurs de danse. C'est
incroyable, c'est rare, mais ce n'est pas reflété dans notre
quotidien quand on fait encore nos décors nous-mêmes et qu'on ne
peut même pas se payer un camionneur. Et c'est ça, la
réalité au Québec, c'est celle dans laquelle on vit.
On dit: II y a une urgence et regardez-nous, ne jouez pas. Nous, le jeu
politique, c'est en tant que citoyens qu'on le vit. En tant qu'artistes, on vit
des choses très concrètes. On vit avec des artistes autour de
nous qui sont très pauvres. On joue avec le fait qu'on ne peut plus
rêver, qu'on doit tout simplement s'ancrer et faire de l'administration
et de la gestion en tant qu'artistes. C'est ça, notre problème.
Alors, c'est de ça qu'on veut parler et on veut une concertation
à ce niveau-là.
Tout le grand débat, moi, je vais vous dire franchement, je n'ai
pas eu le temps de le suivre au complet, parce que j'ai des problèmes de
créateur, parce que c'est dur de créer ici, d'être un
créateur dans une société comme la nôtre. Et
ça vient de haut, ça, dans le gouvernement. On n'a pas un
leadership politique, et je parle de tous les partis qui ont donné
l'exemple, qui amène le peuple québécois et le peuple
canadien - parce que ce n'est pas plus drôle de l'autre côté
de la frontière - à favoriser la culture. Et c'est là
qu'est le débat. Donc, dans tout ce travail-là, ce n'est pas
de... Quand on a regardé, nous, le rapport Arpin, on l'a regardé
au niveau du futur. On ne l'a pas regardé pour savoir: est-ce que le
partage de la tarte était égal? Je ne suis pas d'accord avec vous
quand vous dites... Parce que je crois, à la lecture du rapport Arpin,
qu'il ne favorise pas que les institutions. Je crois qu'il faut faire une
lecture à un niveau un petit peu plus élevé que ça
et regarder les choses d'une façon beaucoup plus globale.
M. Patenaude: Peut-être une réponse
complémentaire, M. Boulerice.
M. Boulerice: Oui, allez-y.
Le Président (M. Gobé): C'est parce que...
M. Patenaude: Très brève, sur cette question.
Le Président (M. Gobé): Très brève,
s'il vous plaît, oui.
M. Patenaude: Moi, d'après la lecture que j'en ai faite
à plusieurs reprises, je n'ai pas trouvé dans le rapport Arpin
une démonstration éloquente du rapatriement des pouvoirs, la
justification. Ce que j'ai trouvé de très éloquent,
c'est la maîtrise d'oeuvre par le gouvernement du Québec. Et
ça, je pense qu'on a actuellement tous les moyens pour occuper tout le
territoire dans ce créneau-là et, à ce moment-là,
le gouvernement fédéral n'aura pas d'autre choix que de
coopérer avec le Québec sur l'établissement des
priorités, et ces priorités-là, ça émane du
milieu des arts et de la culture.
M. Boulerice: Bien, mon attitude n'est peut-être pas aussi
élevée que le souhaite M. Per-reault, mais, moi, je vous dis
qu'il ne peut pas y avoir de maîtrise d'oeuvre. Je peux vous confier la
maîtrise d'oeuvre de la maison que je veux construire, mais si je vous
dis: Je regrette, tu ne touches pas aux sous, je me demande ce que vous allez
faire comme maîtrise d'oeuvre. Ce que j'essaie de vous faire comprendre,
c'est que... Je ne dis pas qu'il ne se fait que de mauvaises choses, au
fédéral, c'est faux. Mais on nous entraîne très
souvent dans des choses que vous avez vous-mêmes dénoncées,
et ça, je suis entièrement solidaire de ma collègue, la
ministre, dans cette histoire de musée du rire.
J'ai toujours parlé de vous comme étant les sans-abri de
la culture. Je ne l'ai jamais dit de façon méchante, mais je
voulais exprimer une réalité qui est la vôtre. Les 20 000
000 $ qui ont été investis là-dedans, le Québec
avait un revolver sur la tempe de la part du fédéral, devant tout
un parterre, et c'était face à la ministre
québécoise: Si tu ne le mets pas, toi, tu as l'air d'une "cheap".
Est-ce que c'est ça qu'on veut se donner comme maîtrise d'oeuvre,
à savoir que, nous, on n'injectera pas là où on a
établi nos priorités?
Je peux bien dire que la danse est l'objectif premier de ma politique,
mais si je n'ai pas les moyens de ma politique... Et vous savez que les moyens,
ça consiste dans les sous, vous faisiez partie du 1 %. Alors, nous, on
les veut tous, ces sous; c'est dans ce sens-là.
M. Patenaude: M. Boulerice, la réponse est assez claire.
Nous ne disons pas le statu quo, nous disons: Les garde-fous, les voici. S'il y
a une politique nationale dans un contexte où on demeure une
fédération, nous disons: Voici les garde-fous de la politique
nationale, qui n'a pas toujours servi le Québec. Voici les balises: le
respect de la distinction spécifique et culturelle du Québec.
Voici le développement professionnel et artistique que nous attendons.
Je pense qu'il y a des paramètres à l'intérieur d'un
régime dans lequel nous nous trouvons. Si le Québec, en tant
qu'entité, décide, si les citoyens du Québec
décident, à ce moment-là, si c'est ça - parce qu'on
n'a pas de boule de cristal, personne - que sera l'avenir constitutionnel du
Québec, si on a pris nos choses en main sur le plan des arts, bien,
là, le rapatriement ou le réaménagement des rapports et
des finances, bien, on aura déjà, nous... Je pense qu'il y a un
travail à faire de ce côté-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Patenaude, M. le
député, malheureusement, on a dépassé de beaucoup.
Si vous voulez remercier, nous allons terminer.
M. Boulerice: Bon, bien, en guise de remerciement et de
conclusion, en définitive, peu importe le statut constitutionnel, ce que
les gens de la danse nous disent: Après notre 396e mémoire, nous
sommes toujours dans la même situation et, comme on dit en latin, "enough
is enough", assez est assez, pour ce qui est de la danse. C'est bien cela?
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je dois maintenant
accélérer un peu et demander à Mme la ministre de bien
vouloir remercier le groupe, elle aussi.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Grand merci de vous être
tous déplacés. Je pense que vous avez raison: il y a d'autres
tribunes, ici, pour parler de constitution. Nous sommes ici pour régler
nos affaires, entre nous; je pense que c'est important. On a des lacunes et on
est ici pour les exprimer. Et, dans le fond, vous savez, une politique
culturelle, c'est un contrat culturel entre l'État, c'est-à-dire
son peuple et sa culture. C'est pour ça qu'on essaie d'en faire plus.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mesdames et messieurs, au nom des membres de cette commission, je tiens
à vous remercier; votre mémoire fut fort intéressant,
très d'actualité. On a dépassé un peu le temps,
mais je pense que ça valait la peine et je tiens à vous remercier
de l'avoir présenté. Ceci met fin à votre
témoignage, à votre prestation, et vous pouvez maintenant vous
retirer. J'appellerai par la suite les représentants du
Théâtre Périscope.
Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir de vous
accueillir. On s'excuse de vous recevoir un peu en retard, mais vous avez pu
voir que le groupe auparavant avait tellement de choses à nous dire. On
espère qu'il en sera de même pour vous, tout en essayant de tenir
l'horaire pareil. Alors, si vous voulez vous présenter et, par la suite,
vous pourrez commencer votre présentation.
Productions Les Gros Becs, Théâtre
Blanc,
Théâtre de la Commune,
Théâtre Niveau Parking,
Théâtre Périscope et
Théâtre Repère
M. Gilbert (Bernard): D'abord, le mémoire que nous venons
déposer et défendre ici aujourd'hui est présenté
par six organismes: Produc-
fions Les Gros Becs, Théâtre Blanc, Théâtre de
la Commune, Théâtre Niveau Parking, Théâtre
Périscope et Théâtre Repère. Louise Allaire,
à l'extrême gauche, représente le Théâtre
Blanc, Jacques Lessard représente le Théâtre Repère,
Diane Lavoie représente Productions Les Gros Becs, et moi, Bernard
Gilbert, je représente, donc, le Théâtre
Périscope.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, et vous
pouvez y aller.
M. Gilbert: Mme la ministre, membres de ta commission, bonjour
à vous. Quand le gouvernement du Québec a annoncé son
intention de tenir cette commission parlementaire, nous avons
décidé d'emblée d'y participer, de faire entendre notre
voix, celle d'organismes en théâtre, compagnies, diffuseurs, celle
des individus aussi qui participent à la vie théâtrale de
Québec par le biais des organismes signataires. Une telle occasion de
discourir sur la place publique de ce qui nous tient tant à coeur, notre
métier, notre passion pour le théâtre, une telle occasion
est rare. Nous tenons donc d'abord - cela est de circonstance - à
remercier le gouvernement et la ministre des Affaires culturelles, Mme
Frulla-Hébert, de nous donner cette opportunité.
L'objectif premier et fondamental de notre mémoire est de
transmettre un réquisitoire pour la création. Nous insisterons
donc ici aujourd'hui sur cet aspect de la vie culturelle dans ses multiples
dimensions qui impliquent la recherche personnelle des artistes, la conception
et la réalisation de spectacles, ainsi que leur diffusion, autant
locale, nationale qu'internationale. La question que sous-tend notre propos est
claire et nous attendons que la politique culturelle y réponde sans
ambiguïté: L'État québécois est-il maintenant
prêt à faire le pas requis pour concrétiser les besoins
essentiels des artistes et de notre peuple, pour la culture et les arts, avec
les moyens adéquats?
Les six signataires du présent mémoire couvrent l'ensemble
de la chaîne de production en arts d'interprétation, plus
précisément en théâtre. Quatre sont des compagnies
de théâtre: Théâtre Blanc, Théâtre de la
Commune, Théâtre Niveau Parking et Théâtre
Repère; les deux autres signataires, Productions Les Gros Becs et
Théâtre Périscope, sont des diffuseurs
spécialisés. Théâtre Périscope est
propriétaire d'un immeuble situé en haute ville de Québec
qui abrite une salle polyvalente pouvant accueillir entre 100 et 260
spectateurs. Les six organismes signataires y ont leurs bureaux. Le fait
d'habiter sous un même toit a motivé, au premier chef, la
rédaction de ce mémoire. Ajoutons enfin que les six organismes
ici représentés partagent une autre particularité qui nous
importe beaucoup: le bassin d'artistes et d'artisans qui travaillent pour nos
organismes est constitué, pour une large part, de jeunes professionnels.
Cela explique, notamment, que nous accompagnent cet après-midi les
étudiants du Conservatoire d'art dramatique de Québec; ils
vivront, eux aussi, avec les retombées de la politique culturelle du
Québec.
Nous parlerons maintenant des orientations générales de la
proposition de politique de la culture et des arts. Il importe donc, d'abord,
de souligner que nous sommes pour le principe défendu dans la
proposition. Développer les arts et la culture, favoriser l'accès
à la vie culturelle, accroître l'efficacité du gouvernement
et de ses partenaires sont à nos yeux des balises conséquentes
pour une politique culturelle. Passant des principes aux applications, nous
devons malheureusement émettre de sérieux doutes quant aux
orientations générales de la proposition. Que l'État
québécois doive exercer un leadership fort dans le
développement culturel - page 179 - est une évidence, sinon une
tautologie. Cela dit, la façon dont s'exercera ce leadership, telle que
surtout décrite dans le chapitre 3 de la proposition, ne laisse pas de
soulever plusieurs interrogations sérieuses.
Le rapatriement est sûrement un des éléments majeurs
qui nous préoccupe ici. Nous sommes pour le principe du rapatriement. En
effet, les choix concernant la culture québécoise doivent
être déterminés par le Québec. Le discours que
sous-tend la proposition de politique de la culture et des arts éveille
cependant de grandes craintes quant à ses orientations
générales. (16 h 45)
Le rapatriement met en veilleuse l'importance historique capitale des
institutions fédérales quant au développement culturel.
Pendant plusieurs années et souvent encore aujourd'hui, c'est le soutien
apporté par le Conseil des arts du Canada, Radio-Canada et d'autres qui
a permis de développer plusieurs secteurs de création. Nous
prendrons ici pour exemple la question de la diffusion du théâtre.
L'aide à la tournée fournie par le Québec est
extrêmement limitée. La capacité du réseau des
équipements de diffusion sur le territoire québécois et
l'extrême réticence des diffuseurs à prendre des risques
limitent la circulation du théâtre dit de création, que
nous représentons plus précisément ici, à quelques
villes. Considérant l'état du réseau et les conditions de
diffusion, une tournée québécoise, par exemple, pour le
Théâtre Repère, se limiterait ainsi à Québec,
Montréal et Ottawa vu la proximité du Centre national des arts et
son Théâtre français. Et j'ai bien parlé d'une
tournée québécoise. La majeure partie des revenus de
tournées des compagnies de Québec provient de la diffusion au
Canada et à l'étranger et, nous le savons pertinemment, ces
tournées sont financées par l'Office des tournées du
Conseil des arts du Canada, par le Secrétariat d'État et par le
ministère fédéral des Relations extérieures.
Comment la proposition de politique de la culture et des arts
propose-t-elle de compenser
cette perte en termes de rayonnement, de diffusion, de revenus de
tournées advenant le rapatriement des pouvoirs publics? D'où
proviendra le manque à gagner en termes de revenus de fonctionnement?
Qu'arrivera-t-il pendant l'éventuelle période de transition? Le
document n'apporte pas de réponse. Ne nous le cachons pas: le peu
d'implication historique des gouvernements en matière culturelle est,
à nos yeux, contrebalancé par la présence d'un palier
décisionnel supplémentaire qui est présentement le
gouvernement fédéral. Devant le manque scandaleux de ressources
et le manque de volonté du Québec, il ne faut pas
s'étonner que les artistes craignent la disparition de ce double
guichet.
La création. La liberté de l'acte créateur est un
prérequis absolu pour assurer la production d'un art riche et novateur.
Or, comment la mise en place d'un ministère de la culture, telle que
recommandée par la proposition, garantira-t-elle cette autonomie? Les
choix ministériels en termes de programmes de consolidation
financière, tels que proposés par le groupe-conseil, auront-ils
comme effet d'encarcaner les structures de création, de production et de
diffusion? Le développement culturel repose déjà entre les
mains des fonctionnaires, pour une large part, entre les mains d'une ministre,
entre les mains du Conseil des ministres qui a choisi depuis 30 ans de dire non
à la culture, sinon pour cette commission. La création
deviendra-t-elle maintenant une denrée partisane? Sera-t-elle
déterminée par l'État à son profit, au
détriment des artistes? Il ne saurait être question d'accepter
pareille éventualité.
Ces craintes ne sont pas que réactions paranoïaques. Nous
fondant sur l'historique de l'engagement culturel du gouvernement et sur la
place du ministère des Affaires culturelles au sein du gouvernement,
nous arrivons à la conclusion que les politiciens du Québec n'ont
jamais fait la preuve qu'ils sont capables d'assumer un tel rôle
vis-à-vis la culture. La culture intéresse-t-elle les
politiciens? Il n'est que de constater l'état des lieux et les
conditions dans lesquelles pratiquent les artistes pour, malheureusement,
deviner une réponse négative. Le peu d'empressement
manifesté par le Parti libéral du Québec face à la
question du 1 % - une promesse, à ce qu'on se rappelle - nous oblige
aussi à répondre non à cette question.
Lisant la proposition, les propos relatifs à la consolidation des
structures existantes et à la restauration d'assises financières
solides sont, certes, les bienvenus. Par contre, dès que l'on quitte le
domaine facilement identifiable, et confortable, des organismes
déjà reconnus, les recommandations formulées ravivent nos
craintes.
La relève est, au premier chef, touchée par les choix qu'a
faits le groupe-conseil. Recoupant une double réalité, ce terme
englobe tout autant les jeunes achevant leur formation et qui enta- ment une
carrière professionnelle que les nouveaux organismes. La relève
est aussi formée des artistes qui, individuellement ou en groupe,
annoncent un potentiel de renouvellement du discours artistique. Le constat qui
apparaît à la lecture de la proposition est troublant: le secteur
qui aura le plus à pâtir de la rationalisation proposée
est, certes, celui de la relève. Nous ne pouvons cautionner cette
hypothèse. Il est culturellement suicidaire de couper l'accès aux
subventions pour les tenants de la relève et pour tous ceux et celles
qui font de l'expérimentation un objectif de travail. Que l'on pense
à Robert Lepage, à Edouard Lock, à René Lussier,
les membres de cette commission devront bien admettre une chose: personne
n'aurait pu goûter le fruit de leur travail s'il n'y avait pas eu de
place pour la relève au moment où, jeunes à leur tour, ils
ont bousculé les conventions de leurs disciplines respectives.
Ce que la proposition définit comme du "saupoudrage"
mérite, par ailleurs, certains éclaircissements. Il faut savoir,
en effet, que l'obtention pour un artiste, un jeune organisme ou un
regroupement ponctuel d'une petite subvention constitue souvent un signe
d'encouragement important, au même titre qu'une bonne réponse du
public. Ces subventions, victimes attendues de la rationalisation
proposée, garantissent le renouvellement du bassin de professionnels et,
de facto, le renouvellement du discours artistique. Lorsque la proposition
parle d'éviter le saupoudrage, cette affirmation ne sera admissible que
le jour où on fournira les moyens adéquats à tous les
organismes dont la mission est reconnue par leurs pairs, incluant la
relève. Autrement, le développement artistique du Québec
se heurtera bientôt à un douloureux cul-de-sac.
Parlons maintenant de théâtre. Les six organismes
signataires éprouvent des difficultés en termes de financement.
Notre évolution en est ralentie, confinée à la stagnation;
dans certains cas, cela est carrément contreproductif. Des
investissements majeurs sont requis pour maintenir le niveau de production
artistique, pour améliorer les conditions de travail des artistes et des
gestionnaires, pour améliorer la diffusion locale, nationale et
internationale, ainsi que pour développer les outils adéquats de
commercialisation.
La proposition reprend plusieurs demandes maintes fois formulées
et défendues par le milieu théâtral, que ce soit lors des
congrès québécois du théâtre, par le biais du
Conseil québécois du théâtre ou encore, pour nous,
par le biais de la table de théâtre du Conseil de la culture de la
région de Québec. Plusieurs de ces demandes ont été
maintes fois expliquées, réitérées. Certaines
datent de plusieurs années. Elles ont trait au financement, à la
diffusion, aux lieux de théâtre, aux conditions de la pratique
artistique.
Bien que les titulaires du ministère aient
reconnu, à l'occasion et en partie, le bien-fondé de ces
revendications, il faut noter que la situation d'ensemble du
théâtre ne s'est guère améliorée ces
dernières années. Assez que nous nous demandons comment une
politique pourrait réussir mieux, nonobstant les discours et les
promesses. Ne nous le cachons pas: la majorité des problèmes
reposent sur la réalité financière des organismes, dans le
manque chronique de fonds dévolus au théâtre comme à
l'ensemble de la culture, des lettres et des arts.
Le deuxième chapitre de la proposition: "Favoriser l'accès
à la vie culturelle", traite, entre autres, de la distribution
territoriale de la culture et des arts. Ce faisant, le groupe-conseil
procède à une division des fonctions culturelles entre
Montréal, Québec et ce qu'on nomme l'ensemble régional.
Les remarques qui suivent s'adressent plus particulièrement au statut
recommandé pour la capitale.
Depuis déjà plusieurs années, les artisans de la
région de la capitale revendiquent des efforts concertés pour que
Québec soit reconnue comme pôle national de production. Leur
emboîtant le pas, le congrès québécois du
théâtre de 1990, comme l'Union des artistes ont adopté des
résolutions revendiquant que Québec puisse développer ses
capacités de production et soit reconnue, à juste titre, comme un
centre de premier ordre. Cela voudrait dire y faciliter l'implantation
d'industries culturelles, notamment des producteurs audiovisuels ayant
accès à des créneaux réputés nationaux. Cela
voudrait dire aussi le retour de facilités de production dans la
capitale pour Radio-Québec et la mise en place de mécanismes
permettant aux artistes de Québec de se faire mieux connaître sans
devoir déménager à Montréal.
Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de
faire votre conclusion parce que le temps qui vous est imparti pour votre
présentation achève et, après, nous pourrons discuter.
S'il vous plaît.
M. Gilbert: Uniquement pour me retrouver...
Le Président (M. Gobé): Prenez votre temps quand
même, là, allez-y.
M. Gilbert: Avant de parler des questions de financement, ouvrons
une parenthèse - le financement sera la dernière
parenthèse avant de conclure - sur la vie associative régionale.
Il importe, en effet, pour nous, ici, de soulever une question lourde de
conséquences, qui se trouve dans le rapport, et que nous devons
réfuter. Cette question concerne les conseils de la culture. La
proposition établit, ce qui est fort surprenant, que les directions
régionales du ministère des Affaires culturelles
dédoubleraient les conseils régionaux de la culture. Cette
assertion est fausse dans la mesure où, au contraire, les conseils
régionaux de la culture sont souvent les seuls interlocuteurs
outillés pour recevoir et questionner les volontés
ministérielles. En ce qui concerne les signataires du présent
mémoire, le fait de participer aux travaux du Conseil de la culture de
la région de Québec constitue un aspect nécessaire du mode
de relations entretenu avec les instances gouvernementales. Nous demandons donc
que la politique culturelle du Québec engage le ministère des
Affaires culturelles à compléter et renforcer le réseau
des conseils de la culture.
Ce qui devrait advenir de cette proposition de politique de la culture
et des arts. Tentée par le coup d'éclat, la mondialisation et la
culture-spectacle, la vision proposée par le groupe-conseil s'appuie
principalement sur les secteurs mieux intégrés au système
économique québécois. La politique favoriserait donc les
institutions nationales, les industries culturelles et l'action internationale
qui deviendraient les locomotives pour l'ensemble de la vie des arts, des
lettres et de la culture, des leviers qui tireraient, en quelque sorte, la
culture vers le progrès.
Pour nous, c'est exactement dans le sens inverse que devrait agir une
politique culturelle efficace. C'est d'abord à la base que les mesures
doivent agir, là où les jeunes apprennent, et puis dans la
création et la production devenues matures, dans les centres et
organismes de notre gabarit, où oeuvrent d'ailleurs la très
grande majorité des créateurs professionnels. La culture doit
être poussée vers sa maturité. Le réseau culturel,
dont tant d'éléments sont interreliés, doit en toute
logique développer d'abord des assises solides.
Nous appuierons une politique de la culture, des lettres et des arts
à la condition expresse et inaliénable qu'elle garantisse,
chèques à l'appui, que le financement des créateurs et des
organismes les regroupant sera, selon leurs propres besoins, adéquat
pour assurer leur consolidation et le développement continu. De
même, nous l'appuierons si le gouvernement s'engage, jouant à fond
le jeu du rapatriement, à déléguer, moyens à
l'appui, des pouvoirs réels aux régions et municipalités.
De plus, nous adhérerions plus facilement à cette proposition si
le gouvernement s'engageait formellement à créer un conseil des
arts du Québec, correctement doté, qui jouirait de toute
l'autonomie requise pour jouer ce rôle de soutien aux arts et aux
lettres. Le respect des créateurs et des structures qu'ils ont
inventées pour pratiquer leur art en marge du libre marché milite
pour une telle alternative. Pour ce qui est des industries culturelles, elles
devraient relever des programmes réguliers d'aide à l'entreprise
et à l'industrie, ceux du ministère de l'Industrie et du Commerce
et de la Société de développement industriel, dans la
mesure où ces programmes deviennent accessibles et ouverts aux
entreprises culturelles.
Le statut particulier de notre réalité en
tant que peuple, peut-être bientôt en tant que pays, devrait
motiver au premier chef nos dirigeants à comprendre l'importance de bien
doter la culture, cela sans considération partisane dictée par le
débat constitutionnel actuel. Ce n'est, d'ailleurs, pas tant une
question politique qu'une question d'émotion, de fierté,
d'appartenance, et nous croyons sans peine que l'ensemble de nos concitoyens
voterait en ce sens. Notre passion est contagieuse, nous en avons l'intime
conviction.
Beaucoup plus qu'on ne l'y invite dans la proposition de politique
culturelle dont nous discutons aujourd'hui, le gouvernement doit s'engager. Cet
engagement doit être indéfectible, inaliénable, au
même titre que doit être indéfectible l'engagement du
gouvernement pour le Québec. Il y va non seulement de notre
développement culturel, mais aussi de notre survie nationale.
Nous sommes tous disponibles pour répondre à vos
questions.
Le Président (M. Gobé): Très bien, M.
Gilbert. Je vais maintenant demander à Mme la ministre de la culture de
discuter avec vous, pour une dizaine de minutes, madame.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. M. Gilbert, vous tous, je vous
remercie d'être ici. Je pense qu'on est d'accord avec la place
prépondérante que le rapport Arpin veut donner à la
culture, comme base de discussion. Mais, je ne peux pas faire autrement - et
c'est rare que je le dis, hein - que vous dire que je suis déçue,
déçue et un peu déprimée. Dans un sens, vous parlez
des politiciens, de la non-volonté de l'État, bon. Moi, je veux
bien, là, accepter tout ça, excepté que dans la mesure
où on a augmenté pour le théâtre... En 1986, le
budget était de 4 600 000 $ pour l'aide au théâtre; en
1991, à 8 500 000 $, sans compter l'aide aux artistes, un budget de 5
000 000 $, et l'aide à la relève, un budget de 5 000 000 $. Il y
a eu le comité Action-théâtre; on s'est rencontres au mois
d'avril, on a demandé un rapport pour juin. Déjà, les
moyens sont débloqués au niveau de la promotion. On a
acheté le Théâtre Périscope à 90 %, on leur a
donné cette année 75 000 $ au niveau des rénovations.
Quelque part, je peux comprendre qu'il n'y a rien qui s'est fait, mais il y a
tout de même un peu qui s'est fait.
M. Gilbert: Je ne dis pas qu'il n'y a rien qui s'est fait, Mme la
ministre, il faudrait faire attention. On pourrait faire aussi la liste de
toutes les subventions qui ont été attribuées aux
organismes culturels et on serait conscients qu'il y a quelque chose qui se
fait et qui existe. Sauf que ce que, nous, on doit admettre, c'est que ce n'est
pas encore suffisant.
Mme Frulla-Hébert: Ah, bien, là!
M. Gilbert: Je pourrais aussi vous donner des chiffres. Est-ce
qu'on peut concevoir qu'une entreprise comme le Périscope, qui a quand
même un fonctionnement annuel, qui diffuse plus de 150
représentations théâtrales par année, qui a besoin
pour son fonctionnement de 6 permanents, ne puisse leur allouer, en tout et
pour tout, que la somme, en salaires, de 120 000 $? Est-ce que vous croyez que
ce sont des moyens qui nous permettent, de façon conséquente,
d'assurer le développement de l'équipement qu'on a entre les
mains, d'assurer le développement du théâtre et la
diffusion du théâtre de création à Québec?
Est-ce que vous croyez que ça nous donne les moyens suffisants,
l'expertise et l'expérience suffisantes pour pouvoir
générer, en termes de mise en marché, de
commercialisation, ce que nous devrions faire? (17 heures)
Mme Frulla-Hébert: Écoutez, j'avoue que, quand vous
dites: On n'en a pas assez, c'est correct, ça. Je comprends. On est tous
ici pour ça. On est tous ici, aussi, pour discuter à savoir s'il
y a des choses à améliorer; sinon, on n'aurait pas eu de
commission parlementaire et on aurait continué à garder... On
ouvre la boite et on dit: Qu'est-ce qui ne va pas? tout le monde ensemble.
C'est juste cette non-confiance... Honnêtement, à 17 heures, cette
non-confiance, je trouve ça un petit peu difficile à prendre.
Je veux revenir aussi au niveau de Québec capitale. Je voudrais
en parler, moi, de la ville de Québec, l'aide aussi au niveau de la
municipalité, au niveau de la diffusion et au niveau des salles. Comment
ça fonctionne ici au niveau de Québec, au niveau de la capitale,
au niveau des municipalités? Comment la voyez-vous, cette vie
culturelle, ici, dans cette région?
M. Gilbert: Ce qu'on peut dire de la capitale, c'est que, s'il
n'y avait pas la municipalité de Québec, il n'y aurait rien
d'autre. Il s'agit de voir, et M. L'Allier lui-même est le premier
à le dire, que dans le moment - et on le constate tous avec lui - si la
ville de Québec ne faisait rien, il n'y a personne qui ferait
grand-chose. La Communauté urbaine de Québec fait peu, sinon pour
quelques institutions, mais probablement qu'elle le fait dans les limites qu'on
veut bien lui donner. Mais, là encore, il faut concevoir que - et
ça, c'est une question difficile qu'on vit ici à Québec -
le rapport de force qui oppose en général Québec aux
municipalités de ceinture, au sein de la Communauté urbaine de
Québec, rend très difficile pour M. L'Allier et les gens qui
travaillent avec lui, de défendre les dossiers culturels. On parle du
conseil des arts de la Communauté urbaine de Québec depuis 1969,
date de la création de la Communauté urbaine de Québec,
mais il n'y a rien sur la table encore qui nous laisse présager qu'on va
avoir quelque chose. Lorsqu'on entend M. L'Allier lui-même dire que la
réforme Ryan
l'obligera peut-être à diminuer son engagement pour la
culture et alors qu'on entend un ancien ministre des Affaires culturelles
parler, donc, quelqu'un d'éminemment sensibilisé, il faut
constater que ce n'est pas de ce côté-là qu'on va obtenir
la manne, et que la manne va pouvoir tomber du ciel.
Mme Frulla-Hébert: On va parler de la manne. La
consolidation versus le saupoudrage. On s'est rencontrés, on avait
parlé de saupoudrage. Le saupoudrage, ce n'est pas le fait de dire: On
arrête d'en donner, au contraire. C'était, je pense, une
discussion que nous avions eue, tout le groupe, en disant: Qu'est-ce qu'on
fait? Est-ce qu'il faut continuer de développer ou enfin d'encourager
les nouvelles initiatives, quelles qu'elles soient, ou se dire - et ça,
c'est la question que j'ai lancée au milieu - pendant un certain temps:
Peut-être qu'il y a eu quand même assez ou beaucoup de
développement, on devrait consolider? Je repose la question, sachant que
les fonds, même s'il nous en manque et qu'on essaie d'en avoir plus, il
va toujours en manquer. On ne répondra jamais à 100 % à la
demande. Parce que, si on répond à 100 %, l'année
d'après, ça sera 120 % par rapport aux 100 %. Il va toujours y
avoir... Alors, compte tenu d'un contexte réaliste, est-ce qu'on
devrait, pour un bout de temps, dire: Consolidons, pour l'instant. Il y eu des
belles iniatives et on consolide; on fait un petit ménage et,
après ça, on continuera de se développer.
M. Lessard (Jacques): Si vous voyez la consolidation comme une
façon, par exemple, de donner plus de moyens aux troupes de
théâtre qui travaillent ici à Québec, dans le sens
où elles pourront engager les gens qui sortent de notre école,
dans le sens où elles pourront donner des distributions qui ont de
l'allure, oui, certes. Mais il y a aussi un aspect, je crois, de choix. Il y a
des choix à faire, il y a un courage et ce n'est pas moi qui vais le
donner aux responsables, à ceux qui regardent nos dossiers. Il y a des
choix à faire. On pourrait en discuter longuement. Ce n'est pas le but
ici de notre intervention. Il y a une question de courage artistique à
certains niveaux décisionnels qu'il faut qu'il se prenne, vraiment.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que, vous savez, le
problème que nous avons, c'est que, aux nouvelles émergences, on
ne peut pas dire non et on veut aider, d'une part. Peut-être - je dis
bien "peut-être" - qu'on serait mieux d'encourager plus le maillage.
Déficits, d'autre part, imprévus. Donc, on aide aux
déficits imprévus et quelque part ça force la machine.
Ça nous force aussi. Ce qui fait que c'est difficile de toujours aider
ceux - comme vous en parliez tantôt, au niveau des ressources et tout
ça - qui en ont vraiment besoin. Parce que, à un moment
donné, un an, quelqu'un fait un déficit et oups! on éteint
le feu. Et, veux, veux pas, les fonds ne seront pas illimités pour faire
ça, non plus. On prend certaines décisions; par exemple, au
niveau de la Quinzaine, on en a pris une décision, ce qui
n'empêche pas le développement d'un autre événement
semblable, mais dans un contexte différent.
Mme Lavoie (Diane): Mme la ministre, ce qu'il est important de
comprendre, à mon avis, des fois, c'est qu'on va se retrouver d'une
façon ou d'une autre dans une situation très douloureuse à
court terme, à moyen terme, si on n'y voit pas maintenant. Chaque fois
que j'entends des créateurs venus ici, on nous dit: On crée et on
a du génie. Et tout le monde dit: Oui, c'est vrai, on est tellement
beaux et tellement fins à l'extérieur, et on a de la
difficulté ici. Évidemment que votre ministère, depuis
quelques années - parce qu'il y a des gens brillants qui y travaillent
aussi - a fait faire des efforts aux politiciens et a travaillé pour que
ces créateurs-là aient le moyen de créer. Ce n'est pas
encore idéal, et ça ne le sera jamais, c'est clair, mais
ça va augmenter.
L'autre problème, j'en entends parler ici depuis le début.
Comment diffuse-t-on notre produit, chère madame? D'abord, ça
coûte cher, on ne peut rencontrer personne, on n'a pas de place.
Évidemment qu'il y a une priorité qui s'annonce, et elle est
très grave. Si Bernard parlait tantôt du double guichet des
Canadiens - et je parle de tout ce qui est en dehors du Québec, de l'est
à l'ouest - c'est évidemment pour la petite et la moyenne troupe
de théâtre professionnelle, de musique, de danse quelquefois - un
mosus de guichet, Mme la ministre, parce que, un, 20 % à 50 % des
revenus des troupes qui sont subventionnées et qui travaillent ici,
ça vient du Canada. Donc, c'est acheté, payé,
organisé, subventionné. Ça, madame, c'est un marché
que nous avons développé à bout de bras,
c'est-à-dire que c'est l'investissement de nous, ça. On l'a
investi ailleurs qu'ici parce qu'on n'était pas capables, Mme la
ministre, de l'investir ici, on n'en avait pas, d'oreille, ici.
Par ailleurs, les gens du ministère nous disaient:
Développez-le, votre maudit marché, faites quelque chose!
Où est-ce qu'elles étaient, nos portes, hein? Du
côté du Canada et, maintenant, du côté des
États-Unis qui viennent de faire une frontière de protection.
Alors, là, on va se retrouver avec un problème, madame, qui fait
qu'à moyen terme, qu'on se sépare, qu'on ne se sépare pas,
le jour où le Québec va dire: Je rapatrie mes pouvoirs, il y a un
contexte socio-affectif politique qui va se développer ailleurs et ces
troupes-là n'auront plus 20 % à 50 % de leur guichet
subventionné par le Conseil des arts pour aller voir les gens,
là-bas. Les liens sont créés - ils en ont parlé -
dans la danse, c'est vrai. Mais, pendant ce temps-là, nous autres,
est-ce qu'on va l'avoir développé en deux ans, notre
réseau de diffusion pour les faire travailler, ces gens-là? Je ne
parle même plus de la relève, je ne parle même plus des
créateurs qui s'en viennent, je parle de ceux qui existent maintenant.
Vous allez donc vous trouver avec un déficit pour ces
compagnies-là qui sont professionnelles, un déficit
d'opération. Même si vous leur donnez 20 % de plus pour leurs
créations, elles vont avoir 50 % de revenus de moins parce qu'elles ne
l'auront plus, ce marché-là.
Alors, vous me parlez de priorités, regardons, voyons ce qui se
fait. Qu'est-ce que ça veut dire? À partir de maintenant,
où est-ce qu'on les met, les priorités? C'est évident
qu'à moyen terme, Mme la ministre, nous allons trouver le moyen de
balancer la création, nous allons trouver le moyen de balancer
l'investissement. Le saupoudrage va probablement diminuer. Mais, dans les cinq
années, les dix années qui s'annoncent, il ne sera même pas
question de réfléchir sur le saupoudrage, madame, ça va
être: Comment va-t-on faire pour que ces troupes-là puissent
circuler? Au Périscope, chez nous - je parle: Périscope adulte,
théâtre professionnel, enfant, jeunesse, de mon bord - j'ai de la
difficulté à les engager. Les troupes qui viennent, chez elles,
ce ne sont pas des mauvaises troupes. Au contraire, ce sont des troupes qui
font des tournées internationales, comme chez nous. Eh bien, elles ont
de la difficulté à payer la location parce que le taux de
rentabilité est très bas. Bien, qu'est-ce que ça va faire,
ça, dans trois ans? Ça va être les mêmes troupes,
mais elles n'auront même plus le moyen de venir chez nous. Ou vous allez
sur-subventionner les gens pour qu'ils achètent les spectacles ou vous
allez subventionner la troupe pour qu'elle vienne. Alors, à court et
à moyen terme, la job, Mme la ministre, elle va être de regarder
ça à la base, ce que ça veut dire et, après
ça, de regarder comment on va évaluer le reste.
J'ai trouvé ça drôle, Mme la ministre, que vous ayez
sauté sur l'implication des villes et des municipalités. Vous
savez, il faut toujours regarder d'où vient le regard bienveillant.
Quand le fédéral a eu un meilleur regard bienveillant sur les
arts pour le Québec, c'est parce qu'on était les meilleurs, de
toute façon, il n'y en avait pas ailleurs au Canada, quasiment.
Maintenant, ça s'est développé dans le reste du Canada. Il
ne faut pas se fermer les yeux, là. Ils sont bons à Toronto, ils
sont bons à Vancouver et ça s'en vient bon un peu partout. Donc,
le besoin qu'ils auront de notre culture, je ne suis pas certaine que ça
va être comme ça dans les 10 prochaines années. Alors,
quand le regard bienveillant vient du fédéral au début,
là, le provincial se réveille. Ça vous choque quand on
parle des politiciens, Mme la ministre, mais...
Mme Frulla-Hébert: Non.
Mme Lavoie: ...le regard bienveillant vient d'en haut, aussi.
Mme Frulla-Hébert: Mais fartes attention parce que ce
n'est pas une question...
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, la parole
est à madame et quand elle aura fini...
Mme Frulla-Hébert: Non, mais attendez une seconde, je veux
juste...
Mme Lavoie: Non, non, c'est correct.
Mme Frulla-Hébert: Le regard, ce n'est pas ça.
C'est juste quand on parle, vous semblez avoir dans le ton une certaine
méfiance quand ce n'est pas ça. Effectivement, on est là
et on essaie d'aider. Les moyens sont limités, on est tous conscients de
ça, et on en souffre tous, nous les premiers, parce qu'on voudrait en
donner plus.
Mme Lavoie: Je le sais.
Une voix: II faudrait un exemple.
Mme Frulla-Hébert: Le partenariat avec les
municipalités, on le travaille, on le développe. On va avoir un
autre problème au niveau de la fiscalité, ça va être
une autre grande discussion qu'il va falloir entreprendre. Et effectivement ce
n'est pas facile, je pense, dans aucun contexte. Et, que ce soit d'un
côté ou de l'autre, on a toujours essayé, dans une
société jeune, de développer. Où je vous rejoins,
au fur et à mesure qu'on a cette discussion ensemble - et c'est pour
ça qu'elle est bonne, parce que ce n'est pas évident - c'est vrai
qu'au niveau de l'implication du fédéral il faut s'assurer et
avoir les garanties - si jamais - de rapatrier les sous parce que sans finances
pas de gestion. Alors, il faut absolument s'assurer... Et ça, il va
falloir l'analyser de très près, et aussi le développement
de marchés, et ça, c'est un nouveau point que vous apportez.
Effectivement, il est à considérer fortement.
Mme Lavoie: Rien que pour finir un petit peu...
Le Président (M. Gobé): En terminant, madame, parce
que c'est tout le temps qui reste.
Mme Lavoie: Oui, rien que pour finir. Quand je parle du regard
bienveillant, c'est évident que la petite municipalité de
comté ne peut pas avoir un regard si bienveillant que ça, puisque
l'exemple n'est pas venu de haut encore. Québec se réveille comme
ville, finalement, aux arts. On le sait bien. Alors, il y a une
maturité, mais il faut être vraiment très vigilants de la
part du provincial, autant que de notre part, les artistes.
Et c'est pour ça que la maturité, elle se crée,
elle n'arrive pas comme ça.
Le Président
(M. Gobé): Merci, madame.
C'était là tout le temps qui vous était
imparti.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la
parole.
M. Boulerice: Oui. Non, c'était bien amorcé; le
drame, c'est que la plus grande frustration, si c'est l'argent à
quelques endroits, c'est également le temps. Au début, deux
interventions. La première est pour vous remercier du ton, de la
fermeté et surtout de la clarté de votre énoncé
quand est venu le temps de parler des conseils de la culture et de l'appui
inconditionnel que vous leur accordez. Ça fait six ans que je me bats en
ce Parlement pour qu'ils survivent. Je suis heureux de voir que, bon,
j'étais peut-être tout seul ici sur le terrain, mais qu'il y en
avait d'autres en arrière qui pensaient la même chose que moi.
C'est réconfortant de temps en temps pour un politicien de dire qu'il y
en a quelques-uns en arrière qui pensent la même chose.
La deuxième, ça, je suis d'accord avec vous, la notion de
l'État architecte, ça me fatigue un peu. Vous avez parlé
de la création d'un conseil des arts pour le Québec. Juste une
petite anecdote, il a été aboli l'an passé, parce que vous
saviez qu'il existait au Québec.
M. Gilbert: Oui, il était encore dans l'organigramme du
ministère dans un petit coin caché.
M. Boulerice: J'avais dit à la ministre: Bien oui, il n'a
peut-être pas servi, mais on serait mieux de le garder, tout d'un coup
qu'on en a besoin un jour. Alors, on va être obligés de revoter la
loi. Bon, paradoxe de la politique, me direz-vous. Ceci dit, vous parlez de
Québec capitale. Oui, Québec est une capitale et, ce matin, je ne
sais pas si vous étiez ici, mais les gens de l'Opéra de
Québec étaient ici. Ils disaient que Québec n'était
pas une ville d'affaires, entre guillemets. Au mètre carré, les
sièges sociaux, à Québec, il n'y en a pas beaucoup. Ce
n'est pas la plus forte densité, mais au mètre carré, par
contre, les ministères, ça il y en a. Donc, il y a une
présence énorme de l'État et l'Opéra mettait en
garde au niveau du financement, d'une part, contre le délestage face aux
municipalités et, deuxièmement, le mécénat. Le
mécénat existe, mais il a ses limitations. Vous, vous le vivez
comment, ici à Québec?
M. Gilbert: Bien, le financement privé est, en
général, de toute façon, une source de revenus assez
limitée pour un organisme culturel comme le nôtre, d'autant plus
que, si on parle des six organismes signataires ici, si on excepte le
Théâtre Repère, aucun ou à peu près d'entre
nous n'a une visibilité ou un prestige fort ou d'envergure, disons,
nationale. Il est clair que, pour obtenir de l'entreprise privée une
forme de mécénat ou des sommes suffisantes pour nous permettre de
couvrir les besoins que l'on pourrait avoir, les démarches, les
ressources, les moyens que l'on doit y consentir sont énormes et, en
général, sont assez difficiles à obtenir. (17 h 15)
Ceci dit, il faut voir aussi, justement, comme vous le dites, que le peu
de sièges sociaux que l'on trouve ici, à Québec, donnent
des limites qui sont, évidemment, encore plus restreintes aux
possibilités du financement privé. Lorsqu'on se rend compte que
quatre ou cinq grandes institutions existant ici, à Québec, vont
chercher déjà une large part de cette manne, je vois mal comment
les six organismes ici représentés pourraient concurrencer,
disons, le Festival d'été de Québec ou même
l'Opéra ou l'Orchestre symphonique, bien qu'il y ait, il ne faut pas non
plus se le cacher, un potentiel, qui n'est pas énorme, en collecte de
fonds et en commandites pour les organismes ici, à Québec. C'est
sûr que ça ne pourra jamais remplacer la part du financement
public et le mécénat individuel. Bien, si on considère le
prix que les gens paient pour leurs spectacles, puisque, nous, on fait des
activités à guichets, il est évident qu'il est très
aléatoire de croire que le public pourrait vouloir donner plus pour des
activités culturelles pour lesquelles il paie déjà,
disons, 17 $ à 18 $ du billet, plus le double en frais de gardienne, de
stationnement, etc.
M. Boulerice: II y avait une formule d'incitatif au
mécénat qui était intéressante et qui avait
été lancée par Clément Richard, qui était
l'appariement. C'était 1 $ dans 1 $. Mme Bacon l'avait réduit
à 0,50 $ pour 1 $, mais, après ça, ça a
été aboli. Est-ce que vous avez profité de cette forme
d'appariement?
M. Gilbert: Moi, j'en ai profité, à ce
moment-là, pour les organismes dans lesquels j'étais et qui
n'étaient aucun des six qui sont ici aujourd'hui. Je pense qu'il est
clair... On se rappelle pourquoi Mme Bacon avait dû couper de 1 $
à 0,50 $ la participation.
M. Lessard: Je m'excuse, mais je voudrais intervenir. Je ne
trouve pas ça très important par rapport à l'intervention
que nous faisons, qui est centrée sur la création, M. Boulerice,
je vous le rappellerai. C'est une question qui est mineure dans l'instant,
parce que, dans le plaidoyer que nous faisons présentement, on demande
à cette commission de se pencher sur le fait que la création,
c'est l'âme d'un peuple, de se pencher sur le fait que, si on n'encourage
pas d'abord les créateurs dans une ville et même dans une province
où l'art est très jeune encore, si on ne donne pas un premier
regard important sur ça, on passe à côté de
nous-mêmes. Moi, je le sais,
au Repère, lorsque nous jouons dans un autre pays et que je suis
reçu à la Maison du Québec à Londres, par exemple,
et qu'on me dit: On est fiers de vous, c'est de l'âme
québécoise qu'on est fiers. Je dois insister sur le fait que
notre plaidoyer, bien plus que les petits détails qu'on soulève
de financement, c'est de dire: On donne une chance aux créateurs, au
silence nécessaire pour que les créateurs puissent créer.
On donne un appui inconditionnel pour que notre culture devienne vie, prenne
racine. Et ça, c'est plus important que tout, pour moi qui suis un
créateur.
M. Boulerice: Mais je peux vous répondre oui. Je vous
donne un appui inconditionnel à la création. S'il n'y a pas de
création, il n'y a pas de culture. Mais, après vous avoir dit un
beau oui sympathique, la tape dans le dos, ma photo avec vous que je vais
mettre dans mon envoi sans adresse, comme député, ça
paraît bien, vous allez me demander autre chose. Vous allez quand
même me demander des sous.
M. Gilbert: Ce que je vous demanderais aussi, ce serait
peut-être de donner l'exemple en tant que politicien. Je pensais à
cela, tout à l'heure, quand Mme Frulla-Hébert pariait. Il y a
quelque chose qui m'étonne de façon absolument invraisemblable.
Je travaille au Périscope depuis près de trois ans maintenant.
Comment se fait-il que je n'aie jamais eu conscience qu'un
député, politicien de ma nation, veuille venir assister à
un spectacle donné chez nous, que ce soit "La Trilogie des dragons", le
grand succès que l'on vient d'avoir, ou le spectacle d'une jeune
compagnie de création? Où est l'intérêt premier s'il
n'est pas même chez l'individu? Là, on entre dans le noeud du
débat. Moi, c'est cet exemple-là que je veux. Je veux que les
gens qui sont au pouvoir et qui décident d'agir pour la culture,
eux-mêmes adhèrent à cette culture. Et je ne fais pas de
jugement de personnalité, ici. C'est juste un fait étonnant.
M. Boulerice: Là-dessus, je suis entièrement
d'accord avec vous. Si vous me l'adressez à moi, attention, il y a
libelle diffamatoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Des fois, je peux être bien
déguisé. Les gens de ma circonscription que vous connaissez,
Licorne, Espace libre, etc., je vais les faire comparaître comme
témoins. Mais ce que vous dites, effectivement, est vrai et, si Mme la
ministre a trouvé dur ce qui a été dit par rapport aux
politiciens, moi, je dis: Oui, il y a des fois des choses dures à
prendre, mais je pense que ça fait partie du métier au même
titre que vous, des fois, la réponse de la salle n'est pas ce que vous
souhaitez, les applaudissements ne sont pas ce que vous auriez
espéré.
Mais je pense qu'effectivement il faudrait peut-être faire une
sociologie de l'homme politique québécois et une sociologie du
Québec. Comment se fait-il qu'on n'ait pas développé les
mêmes comportements qu'on peut avoir développés ailleurs,
effectivement? Je sais que je souffre toujours par comparaison - mais il faut
quelquefois se regarder soi-même - quand je vais en Europe, de voir
l'importance que le député-maire de la ville accorde à me
montrer sa maison de la culture, son musée de, son église du
Xllle... Remarquez que des églises du Xllle, on n'en a peut-être
pas beaucoup au Québec, mais il y a quand même plusieurs choses.
Et ça, c'est un fait que la sensibilisation, elle ne fait que commencer.
Pourquoi n'a-t-elle pas commencé avant? Moi, je me dis: On pourrait
peut-être faire l'anthologie du passé, mais je me rattache
toujours à cette phrase de Vigneault qui dit: S'il y a eu du temps
perdu, "il n'y a plus de temps à perdre."
Le Président (M. Gobé): Est-ce là votre
conclusion, M. le député?
M. Boulerice: Oui, c'est ça qui est frustrant. Mais si,
après cette commission, et ce sera ma conclusion, vous ne sentez pas que
cela change au niveau des politiciens, rappelez-vous que les votes sont aux
politiciens ce que les applaudissements sont aux artistes. Quand on en manque,
on finit par être un peu déprimé ou on finit par quitter
comme tel.
Mais il y a quand même une question fondamentale. Oui, moi, je
suis d'accord, il faut établir la culture en disant: C'est un des trois
vecteurs, mais quand on a décidé, au Québec, que la
santé, c'était très important, que l'éducation,
c'était très important, on n'a pas lésiné. La
santé, c'est 14 000 000 000 $. L'éducation, c'est quoi, chers
collègues? 7 000 000 000 $, 8 000 000 000 $, 9 000 000 000 $
peut-être. La culture, actuellement, c'est 280 000 000 $ et quelques. Eh
bien, veux veux pas, il va falloir faire un choix, parce que je peux vous
donner un contexte, un climat dans lequel la création sera
favorisée, mais si je ne peux vous soutenir financièrement,
à ce moment-là votre création va être dans les
conditions qui ne sont pas optimales. Et c'est faux que l'on crée mieux
lorsqu'on est pauvre, isolé dans un taudis. Ce n'est pas vrai,
ça.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Le choix restera à faire pour nous
après, mais je vous le dis, à un mauvais spectacle il y a une
sanction, on n'applaudit pas. Il y a des sanctions pour les hommes politiques
également.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
Mme la ministre, un mot de remerciement...
M. Boulerice: I! y a des femmes politiques, il ne faut pas que je
sois sexiste.
Le Président (M. Gobé): ...aux représentants
du théâtre, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Merci encore. Merci de votre
présence. Écoutez, la seule chose qu'on peut vous dire, c'est
qu'on essaie de toute notre force de se doter, en fait... Comme je vous le
disais tantôt, ce n'est pas de se doter d'une politique, ça a
l'air gros; c'est d'essayer de faire comprendre aux Québécois,
parce que c'est là que ça commence - quand vous parlez de la
fréquentation de vos théâtres, c'est là aussi que
ça commence, chez le Québécois - en 1991 que nous avons
fait un grand chemin et qu'il nous en reste à faire, et d'aller chercher
aussi au niveau du Québécois l'engagement et de là, par le
fait même, l'engagement du gouvernement et l'engagement de
l'État.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Au
nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier.
Ça a aussi un petit peu dépassé le temps, mais ça a
été très intéressant. Je crois qu'après
quelques semaines de cette commission on entend maintenant des groupes qui
parlent vrai, comme on dit. Ce n'est pas toujours plaisant pour les
politiciens, mais on n'est pas là pour que vous nous fassiez plaisir,
mais pour vous écouter, pour dialoguer avec vous. Je pense que c'est
ça, la démocratie, et je pense qu'on remplit notre mission en le
faisant. Alors, je vous remercie et vous pouvez maintenant vous retirer.
Ça met fin à votre audition.
Une voix: Merci.
M. Boulerice: S'il a parlé vrai, c'est un socialiste.
Le Président (M. Gobé): J'appelle maintenant les
représentants de la ville de Lévis, afin qu'ils prennent place et
je céderai la place à mon collègue et ami, le
député de Louis-Hébert.
Le Président (M. Doyon): Donc, nous reprenons nos travaux
avec les représentants de la ville de Lévis, qui sont ici pour
nous présenter leur mémoire. Il y a trois personnes qui sont
devant nous. Je les invite à se présenter et à commencer
dès maintenant la lecture ou le résumé de leur
mémoire pour que nous puissions discuter avec elles Vous avez la
parole.
Ville de Lévis
M. Samson (Clément): Merci, M. le Président. Mon
nom est Clément Samson. Je suis conseiller municipal à la ville
de Lévis. M. le maire n'a pu assister étant retenu ailleurs.
À tout événement, je voudrais quand même vous
présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M.
Robert Martel, directeur du service de l'urbanisme de la ville de Lévis,
et, à ma droite, M. Philippe Meurant, agent de développement
économique pour notre ville.
La présentation de notre mémoire se fera comme suit,
c'est-à-dire que ce sera la lecture du mémoire, très court
mémoire, d'ailleurs, parce que le mémoire est concentré
sur un point bien précis, comme vous avez certainement pu en prendre
connaissance. Et je me permettrai peut-être certains commentaires.
La ville de Lévis a pris connaissance de la proposition de
politique de la culture et des arts présentée au mois de juin
dernier à Mme Liza Frulla-Hébert, ministre des Affaires
culturelles, par le groupe-conseil sur la politique culturelle du
Québec, que présidait M. Roland Arpin, un document où est
notamment souligné le devoir qui incombe à l'État en
matière de soutien et de promotion de la dimension culturelle au
Québec.
Tout en regrettant que le rapport déposé par le
groupe-conseil ne fasse pas a ce niveau plus ample état du patrimoine
architectural québécois et des moyens permettant de restaurer et
préserver plus avant cet héritage collectif, la ville de
Lévis abonde dans le sens de la recommandation formulée en la
matière par le groupe-conseil - et cette recommandation, je comprends
qu'elle s'applique à Montréal, mais je vais vous dire que
j'aimerais bien qu'elle s'applique parfois aussi à d'autres villes -
à savoir "que le patrimoine architectural fasse l'objet de conservation,
de mise en valeur et de développement, et que les ententes à
cette fin continuent à se développer." Là, j'arrête
ici juste avant de vous parler du problème de la ville de Lévis.
En somme, on vous présente notre problème à nous.
Il faut se replacer à l'époque, en 1860. Pour votre
information, et peut-être que vous le savez, la ville de Lévis
était la troisième ville d'importance au Québec.
Après Montréal, Québec, c'était la ville de
Lévis parce que Lévis se développait à
l'époque où le pont n'était pas construit. Le chemin de
fer du Grand Tronc passait chez nous. La construction navale se faisait chez
nous. Tant et si bien que Lévis a connu ses heures de gloire.
Et puis, là-dessus, j'ai retrouvé une revue où on
rapporte une décision du conseil municipal en 1879. Et ça se lit
comme suit: "Une requête de F.-X. Lemieux et 46 autres citoyens demande
à ce que la corporation veuille bien mettre un homme de police pour
surveiller tous les jours et, entre autres, jours de marché, dans la
Côte du Passage, près de M. Edouard Brochu et M. Bolduc, maison de
pension, afin de rétablir l'ordre." Et le commentaire est le suivant:
"À cette époque, il faut dire, la Côte du Passage
bourdonnait d'animation. Ce que les citoyens réclamaient du conseil de
ville, c'était de pouvoir
emprunter sans heurt cette côte qui, bordée de part et
d'autre de commerces, reliait la haute ville et la basse ville. Certains jours,
les travailleurs des entrepôts de transbordement des chantiers navals ou
des installations ferroviaires près du quai, les marins et les voyageurs
en transit et les Lévisiennes venues faire leurs achats y formaient un
véritable essaim d'humains." En somme, c'est simplement vous
décrire très sommairement ce dont pouvait avoir l'air
Lévis il y a 100 ans. Et, nous, on se retrouve aujourd'hui avec un
patrimoine architectural un peu particulier. On a un immense quartier du XIXe
siècle. Je reviens maintenant à mon mémoire.
Le territoire de la ville de Lévis renferme, en effet, un
patrimoine bâti de première importance évalué
à plusieurs centaines d'édifices; le chiffre, 1270
édifices. Et, d'ailleurs, le ministère des Affaires culturelles,
dans les trois dernières années, avait aidé la ville
à colliger tous les bâtiments qui ont un certain caractère
patrimonial. Il y a, chez nous, 1270 bâtiments. Et je continue.
Actuellement, chez nous, il n'y a que six bâtiments qui sont
protégés, soit par la Loi sur les biens culturels du
Québec ou par la Loi sur les parcs historiques nationaux du Canada. Il y
a la maison Alphonse Desjardins, la maison Louis-Fréchette, le Centre
communautaire de Lauzon, la chapelle Saint-François-Xavier, la chapelle
Sainte-Anne, et le Fort no 1 de la Pointe-Lévy. (17 h 30)
Et, quand on regarde de près quels sont les bâtiments
patrimoniaux vraiment bien protégés, la maison Desjardins est
prise en charge par le Mouvement Desjardins, le Centre communautaire de Lauzon,
la chapelle Saint-François-Xavier et la chapelle Sainte-Anne sont pris
en charge par la ville, et, finalement, le Fort no 1 appartient au gouvernement
canadien. Il ne reste, en somme, qu'une seule maison qui est actuellement en
voie d'être reconnue, à savoir la maison Louis-Fréchette de
l'écrivain qui a vécu chez nous, M. Frechette. C'est donc dire le
nombre élevé d'immeubles patrimoniaux et d'intérêt
qui seront tôt ou tard appelés à disparaître ou
à être gravement altérés si rien n'est fait pour les
préserver à temps, voire les restaurer pour les plus anciens et
les plus dégradés.
Le programme d'aide à la restauration des biens patrimoniaux
administré par le ministère des Affaires culturelles du
Québec requiert, en effet, dans sa forme actuelle, qu'un bien immobilier
d'intérêt patrimonial soit officiellement classé comme tel
en vertu de la Loi sur les biens culturels pour que son propriétaire
puisse bénéficier d'une quelconque aide financière de la
part du gouvernement du Québec dans le cadre d'une opération
visant à le restaurer. À défaut d'être
classé, ce bien doit être situé dans une zone
décrétée "arrondissement historique" par les
autorités concernées pour donner droit à l'obten- tion
d'une contribution financière à ce niveau.
Dans le cas de la ville de Lévis, comme nous l'avons vu, seuls
quelques éléments du patrimoine bâti, à savoir 6 sur
1270... Et je conviens avec vous que les 1270 n'ont pas tous le même
caractère que la maison Alphonse-Desjardins peut avoir chez nous, mais,
à tout événement, il y a quand même des
éléments patrimoniaux intéressants parmi ces
bâtiments. En somme, ce qu'on voudrait, ce seraient des mesures
particulières visant à préserver leur intérêt
patrimonial pour avoir été déclarés soit
éligibles au programme de subvention précité ou encore
être propriété du gouvernement fédéral. C'est
actuellement les seules protections qu'on a.
Les autorités de la ville proposent donc au ministère des
Affaires culturelles du Québec la mise sur pied d'un nouveau programme
d'aide financière a la restauration d'immeubles d'intérêt
patrimonial, programme en vertu duquel le ministère des Affaires
culturelles pourrait s'engager à soutenir financièrement, dans
leurs travaux de restauration, les propriétaires de biens patrimoniaux
et d'intérêt reconnus comme tels par le ministère sur
proposition de la municipalité. La liste présentée dans
notre mémoire, qui est issue d'une compilation dont je vous ai fait part
tout à l'heure, n'en révèle que certains et,
déjà, vous avez des bâtiments de grande importance.
Dans le cadre de la définition de son plan d'urbanisme
actuellement en voie d'adoption, la ville de Lévis a, en effet,
désigné comme "zones à rénover", au chapitre des
territoires d'interventions particulières identifiés à son
plan des affectations du sol, un certain nombre de secteurs de son territoire
auxquels s'ajoute la zone de la rue Saint-Laurent qui est sur le bord du
fleuve, celle d'où on voit Québec sous son plus bel angle.
Pour tous les immeubles situés dans ces secteurs
désignés, qui correspondent aux secteurs les plus anciens et les
plus détériorés du territoire de notre ville, les
autorités municipales s'engagent à analyser la faisabilité
d'un programme d'aide financière sous la forme d'un crédit de
taxes foncières restant à définir et d'aide technique
visant à encourager les propriétaires fonciers concernés
à rénover leurs bâtiments, tout en conservant, s'il y a
lieu, la valeur patrimoniale de ceux-ci. Soit dit en passant, pour ce qui est
des crédits de taxes, il faut se dire que tout ce qu'on ferait - parce
que ça fait partie des pouvoirs qui sont impartis aux
municipalités - c'est de dire: Bien, écoutez, pour votre
rénovation patrimoniale, la plus-value qui est due à votre
surcoût c'est-à-dire la proportion qui équivaut à la
survalue de votre immeuble, on ne l'impose pas pendant trois ans. Mais c'est
à peu près tout ce qu'on peut faire si ce n'est intervenir
directement, ce que la ville, dans le contexte actuel, n'a pas les moyens de
faire.
Dans le cas où le ministère des Affaires
ulturelles agréerait à la proposition de la ville quant
à la mise sur pied d'un nouveau programme de rénovation
patrimoniale, les autorités municipales souhaiteraient que les immeubles
situés dans les zones désignées ci-avant puissent en
priorité bénéficier de ces aides financières,
particulièrement les immeubles à vocation résidentielle.
Parce qu'il est bien évident qu'une personne qui est propriétaire
d'un immeuble qui a un caractère patrimonial, quand elle veut le
protéger, elle doit elle-même investir de sa propre bourse des
sommes importantes quand on veut garder le caractère patrimonial.
Impliquée actuellement dans le processus d'adoption de son plan
d'urbanisme, la ville de Lévis reconnaît l'importance de la
donnée culturelle, tout autant que la nécessité de
définir des priorités d'intervention dans le domaine de la
culture et de l'action culturelle au Québec, raisons pour lesquelles
elle entend faire connaître son point de vue sur une des composantes
majeures de cette action, à savoir la protection et la
préservation du patrimoine bâti québécois, au moment
où se fait jour une réflexion devant conduire à
l'application et à la formulation de mesures concrètes et
pratiques à ce dessein par le biais de notre plan d'urbanisme.
C'est, en somme, le commentaire de la ville de Lévis qui, par
rapport peut-être à d'autres interventions qui ont
précédé, est plus pointu et qui ne porte que sur un
aspect, à savoir une suggestion qui est faite à la politique
culturelle d'y ajouter la protection du patrimoine architectural. Je vous
remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci, M. Samson.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci. M. Samson, bienvenue. Vous
savez, le Conseil des monuments et sites et aussi Mme Phyllis Lambert nous
parlaient qu'ils ont un peu une méfiance par rapport aux
municipalités en ce qui a trait au patrimoine. Par contre, votre
municipalité est très impliquée, très à
l'avant-garde, effectivement parce que vous avez une histoire riche, mais vous
avez cette conscience de votre passé et de vos biens patrimoniaux.
Comment peut-on s'organiser pour que ce soit contagieux? C'est-à-dire
quels moyens peut-on prendre pour encourager les municipalités
environnantes à avoir le même intérêt ou un
intérêt similaire?
M. Samson: C'est-à-dire que chez nous on a un peu
d'histoire et c'est cette histoire-là qui nous encourage à
conserver l'histoire. Bien entendu que d'autres villes, des villes qui sont
nées plus récemment, n'ont peut-être pas la riche histoire,
je me permets de le dire, que, nous, on a. De quelle façon l'encourager?
Je vais vous dire, actuellement, c'est peut-être les programmes de
subvention. J'ai entendu les autres commentaires que vous avez faits en disant:
Bien, écoutez, nous, on est limités dans notre capacité de
payer. Ça, je vous comprends parce que, nous aussi, on l'est et on l'est
d'autant plus qu'un de vos collègues nous a transféré des
taxes, si bien qu'on est obligés aujourd'hui de taxer davantage nos gens
si on veut rejoindre les deux bouts. Je vais vous dire, on opère
actuellement avec peu de marge de manoeuvre. Nous, comme tels, on ne peut pas
s'impliquer là-dedans et on se retrouve conscients qu'on a plus de 1000
immeubles qui ont un certain caractère patrimonial, du plus au moins
important, mais, quand même, on en a beaucoup chez nous. Puis, dans la
grande région de Québec, là, j'entends la très
grande région de Québec, après Québec, c'est nous
qui avons, si on veut, la concentration patrimoniale architecturale la plus
forte. Si on intervient ici, c'est peut-être dû au fait que,
justement, on a ça chez nous. De quelle façon les gens pourraient
le faire? Bien, s'ils en ont chez eux, peut-être sont-ils sensibles
à ça.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous seriez d'accord
à avoir une politique d'architecture chez vous, par exemple?
M. Samson: Une politique d'architecture, dites-vous?
Mme Frulla-Hébert: Des concours d'architecture au niveau
des constructions, par exemple?
M. Samson: C'est-à-dire qu'on a même pensé,
en termes de rénovation, à lancer des concours...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
M. Samson: ...pour stimuler chez nous, si on veut, la
préservation du patrimoine. Mais, je vais vous dire, encore là,
on pense à accorder des crédits de taxes à ceux qui
voudront rénover en protégeant le caractère patrimonial de
leurs immeubles. Mais on peut difficilement aller au-delà de ça;
sinon, on augmente nos dépenses. Là, tout simplement, c'est qu'on
refuse d'augmenter nos revenus pendant quelques années, le temps que la
loi nous permet de le faire, mais on fait ce qu'on peut, écoutez, parce
que, chez nous, la concentration est forte. Peut-être qu'ailleurs elle ne
l'est pas, mais chez nous elle l'est, forte. Je vais vous donner un simple
exemple qu'on a actuellement. Nous sommes en discussion avec votre
ministère pour relocaliser notre bibliothèque centrale et le
Collège de Lévis nous a offert sa chapelle; chapelle qui, soit
dit en passant, est tout un monument. Puis, là, la ville est face
à cette offre, alors que, nous, on avait déjà pensé
construire une bibliothèque neuve. Bien des membres du conseil sont
actuellement enclins à penser que la seule façon de sauvegarder
du
patrimoine, c'est d'y investir directement. En tout cas, c'est un
problème qu'on a actuellement à Lévis et probablement que
bientôt une telle demande va se retrouver sur votre bureau à cet
effet-là. On veut sauvegarder notre patrimoine et puis la façon
qu'on a de le faire, c'est de prendre les moyens qu'on a à ce
moment-là. Actuellement, on a un programme de bibliothèque
municipale; on est à 47 % de la norme. On veut aller dans le sens du 100
% et, pour ce faire, au lieu de faire une construction neuve, peut-être
serons-nous portés à investir dans du vieux, mais avec tous les
problèmes que cela occasionne, parce que construire dans du vieux, ce
n'est pas nécessairement la solution la moins coûteuse.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Boulerice: Oui. M. Samson, M. Martel, M. Meurant, je ne vais
quand même pas m'attris-ter de voir devant moi un conseiller municipal,
assisté d'un agent de développement économique, donc,
l'intérêt culturel versus l'économie, qui viennent devant
nous et qui ont des préoccupations au niveau du patrimoine. Je dois vous
avouer que la proposition que vous faites comme telle, ça m'est,
à ce moment-ci, peut-être un peu difficile de l'évaluer, de
vous dire oui, de vous dire non. De toute façon, même si je vous
disais oui, ce n'est pas moi qui suis ministre, c'est ma collègue qui
prend la décision. Mais, d'une part, là, comme je vous le disais,
je pense que c'est quand même intéressant de voir une ville venir
très spontanément nous parler de patrimoine, puisque, bon, il y a
eu certaines récriminations à l'effet que, dans le rapport Arpin,
on n'avait pas donné au patrimoine toute la place nécessaire,
etc.
La question que j'aimerais vous poser, c'est que l'administration
municipale de Lévis, les élus, semblent, pas semblent, de toute
évidence, ont cette préoccupation-là. Mais est-ce que vous
pouvez me dire si elle est partagée par la population? Parce que,
très souvent, dans le classement, M. Samson, il y a malheureusement
quelquefois peu d'intérêt, sinon presque une réticence, de
la part du propriétaire.
M. Samson: Je vais vous dire que, là-dessus, j'ai une
réponse très fraîche, à savoir les audiences
publiques qu'on a eues sur notre consultation pour le plan d'urbanisme. On
vient de refaire tout l'exercice en entier et on a un chapitre VI qui s'appelle
"Patrimoine" et qui porte exactement sur ce dont je viens de vous parler. Et on
a un autre chapitre, le chapitre II, qui en parle également, à
savoir que, chez nous, on a peut-être une municipalité avec de
vieux et très beaux édifices, mais ce sont des édifices
qui commencent à prendre de l'âge. Je prends l'exemple que je vous
donnais tout à l'heure, la chapelle du Collège de Lévis.
Si la ville ne la prend pas - et, écoutez, c'est deux fois grand comme
cette salle ici, l'intérieur de la chapelle, et c'est grandiose, avec
les dorures et tout ce que vous voudrez - c'est les démolisseurs qui
vont la prendre. Elle est dans cet état-là actuellement et tout
est à refaire en termes de fenestration, de toiture; donc, on s'embarque
dans de gros travaux si on décide de prendre cette direction-là.
Mais, pour répondre précisément à votre question,
oui, notre population... Et je vais vous dire, les audiences publiques ont eu
lieu deux soirs, il n'y a pas si longtemps, il y a deux semaines...
Une voix: Les 11 et 12 septembre.
M. Samson: ...les 11 et 12 septembre, et la population a
très bien répondu à ça. Nos préoccupations
sont bien ancrées dans la population et ce n'est pas simplement au
conseil municipal; des groupes de pression qui font partie de notre milieu se
sont montrés même plus préoccupés que le conseil,
pour certains, en regard du patrimoine bâti.
M. Boulerice: II y a une conscience. Juste une dernière
brève question, M. Samson: Cette chapelle dont vous parlez, bon, j'ai vu
l'extérieur. Parce que vous avez dit que c'est à partir de
Lévis qu'on a la plus belle vue de Québec, j'ai pris l'habitude,
depuis un certain temps, de ne plus traverser le pont lorsque j'arrive de
Montréal, mais de prendre le traversier; c'est effectivement superbe. On
devrait charger une taxe, d'ailleurs, pour ceux qui veulent aller voir
Québec de Lévis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Est-ce que... Pardon?
Mme Frulla-Hébert: On demeure à Lévis pour
voir Québec!
M. Boulerice: Oui, c'est ce que je dis à votre
député, d'ailleurs: C'est Lévis qui permet à
Québec d'être vue. Est-ce que cette chapelle-là a fait
l'objet de classement, comme telle? (17 h 45)
M. Samson: Elle n'a pas fait l'objet de classement et c'est un
des exemples, un des très, très nombreux exemples.
Écoutez, dans le mémoire que vous avez, elle est, je pense, au
huitième rang, ici. On dit: Collège de Lévis et la
chapelle est un de ces éléments-là. L'Université du
Québec à Rimouski, qui est maintenant installée chez nous,
a fait en sorte qu'on a rénové une autre partie de ce
collège-là, mais je vais vous dire, par exemple, que tout le
reste du collège mériterait aussi d'être
rénové parce que c'est vraiment... Si vous avez vu la chapelle,
vous avez vu le bâtiment qui s'y rattache et c'est le collège qui
est, lui aussi, très beau.
M. Boulerice: Pour ce qui est de la chapelle, j'ai vu la
structure extérieure, mais je ne peux pas me prononcer sur
l'intérieur. Ce qu'il me reste à vous souhaiter, M. Samson, c'est
que peut-être une équipe du patrimoine du ministère
pourrait aller voir - la ministre y a peut-être répondu
tantôt; Je répète peut-être ses propos - cette
chapelle-là et, si, effectivement, elle a les éléments
patrimoniaux utiles, eh bien, il y aura deux députés pour vous
appuyer et une ministre pour sanctionner. Merci de votre participation.
M. Samson: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: On la connaît, la chapelle...
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur. Oui avant de...
Rapidement.
M. Cooke (Robert): Oui. C'est pour répondre à la
question de Mme la ministre qui nous demandait comment faire pour encourager
d'autres municipalités à aller dans le même sens, dans la
protection et la mise en valeur du patrimoine. Nous oserions proposer
d'encourager d'abord les municipalités qui sont prêtes à
faire un bout de chemin dans la protection et la mise en valeur du patrimoine
pour donner le goût aux autres municipalités d'emboîter le
pas. Nous, à Lévis, nous avons appris par l'exemple, avec toutes
les préoccupations de protection et de mise en valeur que nous avons
vues sur la rive nord, à Québec notamment, qui donnent le
goût à une municipalité qui est de l'autre
côté du fleuve de faire la même chose avec son patrimoine et
de miser sur ce patrimoine pour développer un autre aspect de son
économie, soit le développement touristique. C'est dans ce sens
que nous voulons aller dans les prochaines années. Nous sommes
conscients que nous avons une échelle moins importante que Québec
au niveau du patrimoine en termes de nombre, oui, mais aussi d'importance de
chacun des bâtiments.
Par contre, nous sommes un deuxième palier d'intervention au
niveau de la protection et de la mise en valeur du patrimoine, ce qui va faire
peut-être en sorte que des municipalités moins importantes se
soucieront davantage de leur propre patrimoine et ne démoliront pas, les
samedis et les soirées, leur patrimoine immobilier.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Une voix: Une bonne suggestion!
Mme Frulla-Hébert: Oui, bonne suggestion. On pourrait
probablement aussi regarder avec vous la possibilité d'une entente
MAC-villes au niveau du patrimoine. Je n'ai qu'à vous féliciter
de cette conscience que vous avez de votre passé et à vous
encourager à continuer. Effectivement, nous sommes prêts à
vous encourager à continuer aussi. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au
nom de la commission, il me reste à vous remercier. Le voyage est moins
long pour vous que pour d'autres, alors...
M. Boulerice: J'espère que vous venez par le
traversier.
Le Président (M. Doyon): J'en étais convaincu.
Alors, merci beaucoup de votre présentation. Je suis sûr que vos
remarques ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds.
C'est maintenant au tour du dernier groupe pour cette semaine, le
Conseil de la culture de l'Est du Québec, de nous faire sa
présentation. Dès que nos invités de Lévis auront
quitté la table de nos invités, je demanderai aux
représentants du Conseil de la culture de l'Est du Québec de bien
vouloir prendre place, de s'avancer et de s'installer.
Je leur souhaite la bienvenue. Je sais qu'ils sont avec nous depuis un
certain temps. On va procéder de la même façon. Vous vous
présentez; ensuite, vous faites soit la lecture ou le
résumé de votre mémoire et, après ça, la
conversation s'engage entre vous et les membres de la commission. Vous avez
donc la parole.
Conseil de la culture de l'Est du
Québec
Mme Lévesque (Loraine): M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, j'aimerais tout d'abord vous
présenter les porte-parole du Conseil de la culture de l'Est du
Québec. Il s'agit de François Lachapelle, membre du conseil
d'administration et directeur du Musée régional de Rimouski;
Benoit Vaillancourt, membre du conseil d'administration et directeur
général du Théâtre Les Gens d'en Bas; Ginette
Lepage, agente de développement au Conseil de la culture de l'Est du
Québec; Rita Giguère, directrice générale du
Conseil de la culture de l'Est, et moi-même, Loraine Lévesque,
présidente du Conseil et présidente de l'École de musique
du Bas-Saint-Laurent.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
Mme Lévesque: Merci, monsieur. Dans l'Est du
Québec, le Conseil de la culture est né officiellement en 1976
d'une volonté des artistes
et organismes culturels de la région de se doter d'un
regroupement, d'une structure de concertation et de représentation forte
dont le mandat premier visait le développement culturel de la
région.
Le membership du Conseil est essentiellement composé de
professionnels issus du milieu culturel. Le Conseil de la culture de l'Est
couvre deux régions administratives, soit le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, lesquelles totalisent 14 MRC fort
différentes les unes des autres. Soulignons que seulement 6 des 200
municipalités de l'Est ont une population supérieure à
5000 habitants, ce qui n'est pas sans influencer grandement notre mode de
fonctionnement.
Afin de maximiser nos interventions en tenant compte à la fois de
nos ressources humaines et financières, de même que de cette
dispersion de population sur un aussi vaste territoire grand comme la Suisse,
nous avons mis en place des réseaux et des regroupements dans les
différents secteurs d'activité culturelle et nous avons donc
très rapidement privilégié une démarche
intégrant les dimensions sectorielles et territoriales.
Pour nous, la présentation d'un mémoire devant une
commission parlementaire sur la culture est un moment important. Toutefois, la
réflexion que nous soumettons à votre attention s'inscrit, en ce
qui nous concerne, dans un processus enclenche au sein même de notre
organisation depuis quelques années. Le Conseil de la culture de l'Est
entreprenait dès 1988 une large tournée de consultation des
milieux culturels actifs dans les 14 MRC de son territoire, soit de La
Pocatière aux Îles-de-la-Madeleine, et l'un des thèmes
abordés concernait les rôles et mandats d'un conseil de la culture
dans les années quatre-vingt-dix. Le rapport déposé en
juin dernier par le groupe Arpin nous fournissait donc une occasion
supplémentaire d'approfondir cette réflexion en tentant d'y lier
ce qui, jusqu'ici, a toujours eu tendance à s'opposer, à savoir
une vision à la fois sectorielle et territoriale des arts et de la
culture au Québec.
Nous reconnaissons que les éléments de réflexion
présentés dans notre mémoire proposent un changement
radical quant à la philosophie de gestion jusqu'ici
privilégiée au sein du gouvernement québécois.
Cependant, le moment est on ne peut mieux choisi ici pour partager un
questionnement qui, nous le souhaitons, se poursuivra. L'angle que nous avons
favorisé dans notre mémoire est donc celui des grands principes
de base d'une véritable politique des arts et de la culture au
Québec. En d'autres mots, ce que nous proposons, c'est une philosophie
de gestion qui s'appuie sur les trois notions suivantes:
l'équité, l'importance des pairs et un partenariat
véritable.
Pour un projet de société. Le Conseil est en accord avec
le principe de base de conférer à la culture le statut de mission
essentielle de l'État. Nous croyons que, pour conférer à
la culture ce statut de mission essentielle, la volonté gouvernementale
devra être présente dans les sphères d'activité
directement et indirectement interpellées par l'application d'une
politique culturelle. À l'heure actuelle, le leadership du
ministère des Affaires culturelles auprès des autres
ministères québécois nous apparaît plutôt
faible. Nous recommandons que soient élaborés, à
l'intérieur même de la politique des arts et de la culture, les
principes régissant les liens interministériels d'un
ministère responsable des arts et de la culture.
Pour un Québec des régions maintenant. Nous appuyons sans
réserve le principe fondamental portant sur le droit à la vie
culturelle comme faisant partie des droits de la personne et devant être
accessible à l'ensemble des citoyens. Ce principe est primordial dans
l'élaboration d'une véritable politique. Cependant, plusieurs
lacunes apparaissent dans l'application des orientations
privilégiées. Le territoire québécois est beaucoup
plus diversifié que ne le laisse entendre la proposition du groupe
présidé par M. Arpin. Il se compose de régions qui
recèlent leur propre réalité et spécificité
aux plans social, économique, politique et culturel. Nous croyons que le
Québec réel est constitué de régions réelles
au sens du sentiment d'appartenance et de la dynamique propre que chaque partie
du territoire québécois a développés.
Pour une vision dynamique du développement culturel du territoire
québécois. Au plan économique, on parle de
développement qui repose sur l'interaction entre les secteurs primaire,
secondaire et tertiaire d'activité. Au plan des arts et de la culture,
la synergie entre les fonctions de formation, création, production et
diffusion est tout aussi essentielle. Notre région revendique la
reconnaissance du développement culturel en termes de renforcement de
cette synergie des fonctions de formation, création, production et
diffusion. Ce modèle est à coup sûr plus complexe puisqu'il
doit s'élaborer en fonction non pas d'une seule réalité
culturelle, mais bien de plusieurs réalités spécifiques
à interrelier, contribuant ainsi à la multiplication des effets.
La proposition de politique, telle que formulée par le groupe Arpin,
tend à réduire la vie culturelle des régions à un
rôle passif de consommation. Il faut pourtant, dans une politique
visionnaire, contrer cette tendance.
Recommandations revues et corrigées. La recommandation 39
devient: Que le dossier culturel soit considéré comme un
élément moteur du développement partout au Québec.
La recommandation 40 devient: Que soit reconnue et développée la
dimension culturelle des régions du Québec tout en reconnaissant
à Montréal le rôle de métropole culturelle. Un
ajout: Que soit reconnues et soutenues les fonctions de formation,
création, production et diffusion partout où elles se manifestent
sur le territoire québécois.
Un autre ajout: Que le soutien soit accordé en tenant compte des
conditions spécifiques liées à la territorialité,
et ce, dans le but de favoriser la meilleure équité pour les
milieux concernés. Et la recommandation 49 devient: Que le réseau
des équipements soit graduellement complété, qu'y soit
soutenue la présence de professionnels pour qu'on puisse y organiser des
activités culturelles adéquates et recevoir des artistes de toute
provenance.
M. Vaillancourt (Benoit): La création, comme fondement de
la vie culturelle. Considérer la culture comme un bien essentiel et la
dimension culturelle comme nécessaire à la vie en
société au même titre que les dimensions sociale et
économique, voilà un principe sur lequel il a été
facile de faire l'unanimité tout comme de vouloir développer le
domaine des arts et de la culture. Cependant, certaines recommandations
formulées nous posent problème. En effet, comment peut-on
recommander un soutien prioritaire à la création si dans un
même souffle on recommande une rationalisation budgétaire dans ce
même secteur? Pourtant, tous s'entendent pour dire que l'État doit
consacrer davantage de budget à la culture. Nous recommandons que le
ministère responsable des arts et de la culture, en partenariat avec les
pairs, détermine les organismes et les institutions admissibles à
l'aide gouvernementale et les critères en définissant les
modalités d'application.
À l'orientation d'assurer la stabilité des organismes
culturels, nous devrions ajouter les observations et les orientations
suivantes: Que soient favorisés le développement, l'expansion et
l'émergence d'organismes culturels sur tout le territoire. Que soit
accentuée la circulation des produits culturels à
l'intérieur même du marché québécois.
Pour une responsabilité partagée. Nous sommes d'accord
avec le fait que l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la
dimension culturelle de la société en utilisant des moyens
comparables à ceux qu'il prend pour soutenir et promouvoir les
dimensions sociale et économique de cette même
société. Dans la mesure où le sens des "moyens
comparables" signifie l'investissement monétaire et le soutien technique
d'un appareil administratif à la réalisation de politiques
claires et partagées par l'ensemble de la société, nous
n'avons pas de problème. Ce qui nous préoccupe, c'est la
philosophie de gestion en vigueur au gouvernement. Nous souhaitons fortement un
changement majeur à ce niveau.
La présence des pairs dans les jurys n'est pas suffisante. Le
ministère responsable devrait, de plus, être redevable aux pairs
de ses prises de position, de l'élaboration de ses politiques et, par
conséquent, les y associer étroitement. Nous recommandons que le
ministère responsable de la politique des arts et de la culture soit
reconnu comme le maître d'oeuvre auprès des autres
ministères et qu'il partage cette responsabilité en reconnaissant
le pouvoir des pairs pour tout ce qui concerne l'élaboration des
politiques, l'expertise et le soutien à l'évaluation. (18
heures)
Pour un véritable partenariat, maintenant. Dans la mesure
où l'on veut que le développement culturel devienne le projet de
la société québécoise, il nous semble primordial
d'associer le plus grand nombre possible d'institutions, d'organisations et les
divers paliers gouvernementaux non seulement au soutien financier de la culture
et des arts, mais surtout au partage des objectifs à atteindre. Or, la
notion de partenariat véhiculée tout au long du document du
groupe-conseil nous est apparue être une notion strictement liée
au financement. Contrairement à l'approche centralisatrice que nous
propose le groupe-conseil Arpin, nous pensons que seule une approche
décentralisée permettra de faire en sorte que s'effectue un
nouveau partage des responsabilités. De plus, un ministère
responsable aurait intérêt à miser sur ses alliés
naturels que sont les regroupements et associations culturels.
Deux types d'interventions complémentaires sont à associer
dans une démarche d'application d'une politique des arts et de la
culture: d'une part, les organismes responsables de la vie associative
disciplinaire et, d'autre part, les organismes responsables de la vie
associative régionale, soit les conseils régionaux de la
culture.
Nous recommandons que le partenariat au niveau culturel dépasse
le seul aspect financier pour y inclure le partage des objectifs et des
responsabilités, et ce, dans son rapport avec les municipalités
et les entreprises privées, et que, dans le partenariat culturel
à développer, la vie associative disciplinaire et la vie
associative régionale soient reconnues comme des partenaires de
première ligne.
Mme Lévesque: Maintenant, pour un conseil régional
de la culture partenaire du développement régional. Dans la
vision présentée tout au long de notre mémoire, une
politique des arts et de la culture pour le Québec doit fonder ses
assises sur le renforcement des fonctions de formation, création,
production et diffusion partout sur le territoire, et ce, en s'appuyant sur un
véritable partenariat.
En région, la même dynamique se doit d'être
préservée. Il y a donc nécessité que le
ministère responsable profite de l'expertise que détient le
conseil de la culture. En fait, l'implication du Conseil de la culture de l'Est
du Québec au plan régional, si elle se manifeste au départ
par un travail de concertation, l'amène à exercer une
fonction-conseil réclamée par les différents partenaires
du milieu, qu'il s'agisse de municipalités, d'institutions scolaires ou
d'organismes socio-économiques.
Cette fonction-conseil, à l'origine, s'exer-
çait principalement auprès du ministère des
Affaires culturelles. Depuis 1986, aucun mécanisme officiel ne lui
permet d'assumer cette fonction auprès du ministère. Le
ministère responsable de l'application d'une politique des arts et de la
culture se priverait d'un partenaire de première ligne si cette
situation devait perdurer.
Maintenant, pour l'avenir. Le recrutement, la consultation, la
concertation et la recherche ne sont jamais acquis et demandent un travail
assidu. De plus, la conjoncture du développement régional
commande que le secteur culturel agisse au même titre que les autres
secteurs d'activité. La notion de regroupement prend donc de plus en
plus d'importance et les conseils de la culture devront, dans un avenir
prochain, disposer des moyens nécessaires pour accentuer leur
association aux différents partenaires régionaux.
Depuis plusieurs années, les régions ont
développé des contrats avec le gouvernement
québécois et le gouvernement canadien. Ce sont les
ententes-cadres. Un type d'entente similaire pourrait s'appliquer sur le plan
culturel. Les objectifs de développement culturel d'une région
devraient, évidemment, s'insérer dans le cadre de politiques
sectorielles québécoises et tenir compte des grands objectifs de
la politique des arts et de la culture.
Nous recommandons que les conseils régionaux de la culture soient
reconnus pour leur rôle-conseil et leurs fonctions de
représentation, consultation, concertation et recherche, et qu'ils
soient soutenus en ce sens; que les régions se dotent d'une politique de
développement culturel régional fondée sur le dynamisme
des intervenants locaux et régionaux, basée sur des programmes
correspondant à leur véritables besoins et tenant compte de la
spécificité des régions afin d'obtenir une meilleure
cohérence entre le national et le régional. Les situations
géographiques et le développement économique sont des
facteurs influençant le développement culturel
régional.
Voilà donc les éléments essentiels de notre
réflexion qu'il nous importait de partager avec vous. Il faut
également signaler que l'étroitesse de l'échéancier
entre le dépôt officiel du rapport du groupe-conseil et la date
limite pour soumettre un mémoire aura été, pour plusieurs
intervenants dans notre région, un empêchement à prendre
formellement position. C'est le cas, entre autres, de quelques
municipalités de l'Est qui nous ont contactés à ce sujet.
Quant à nous, cet échéancier serré nous a
amenés à cibler très étroitement notre intervention
à ce qui nous paraît minimalement essentiel à
l'élaboration d'une politique des arts et de la culture au
Québec. Nous avons donc l'espoir que cette réflexion
s'approfondisse en se poursuivant. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie. Je vous remercie
d'être ici aussi et d'avoir attendu. Je reçois avec beaucoup
d'intérêt toutes les remarques que les différents groupes
nous apportent et je suis prête à considérer tous les
points de vue qui nous sont communiqués, dans le but, évidemment,
de doter le Québec d'une politique de la culture et des arts. J'aimerais
prendre, quand même, certains points basés sur votre
expérience. On a beaucoup parlé des régions, de
régionalisation et de décentralisation surtout. Le
ministère, comme je le disais ce matin, est celui qui est le plus
décentralisé au Québec et on peut bien parler de
décentralisation; au lieu d'être déconcentré, il est
vraiment décentralisé, puisque depuis le mois d'avril les
régions gèrent leur budget. Ceci dit, j'aimerais qu'on pousse un
peu sur cette décentralisation. Quel serait le modèle
idéal? Est-ce que des villes comme pôle culturel principal de par
leur rayonnement créeraient un dynamisme chez les autres
municipalités? Est-ce que vous vous êtes penchés
là-dessus?
M. Vaillancourt: Vous parlez du modèle idéal d'une
politique culturelle au Québec ou d'un fonctionnement...
Mme Frulla-Hébert: Non, de la décentralisation au
niveau des régions.
M. Vaillancourt: De la décentralisation? Mme
Frulla-Hébert: Oui. M. Vaillancourt: D'accord.
Mme Giguère (Rita): Je peux y aller un peu
là-dessus, parce que disons que dans la région on a
commencé à y réfléchir, compte tenu du fameux
rapport Bernier qui, semble-t-il, commence peut-être à circuler.
M. Picotte en a parlé quelques fois. Qui va faire quoi? Entre les mains
de qui le pouvoir d'une région pourrait-il se retrouver? Je ne suis pas
certaine qu'il y ait des réponses qui conviennent de la même
manière à toutes les régions à l'heure actuelle.
D'après ce que j'ai pu comprendre aussi, il y a quand même des
idéologies partagées à ce niveau-là, que ce soit ce
qui est mis de l'avant par l'UMQ vs l'UMRCQ vs l'UPA vs l'AQORCD que vous avez
entendue ce matin. Ce qu'on peut dire, c'est que je pense que ça serait
intéressant de poursuivre la réflexion avec les
éléments dynamiques de différentes régions à
ce niveau-là.
Mais, en ce qui nous concerne, nous, au niveau culturel, on a
commencé à avoir des liens beaucoup plus suivis avec d'autres
partenaires régionaux, particulièrement dans le cadre des sommets
socio-économiques. Et on s'est rendu compte, bien souvent, de l'ampleur
de l'ignorance des autres secteurs d'activité de ce qui se passait au
niveau culturel et surtout de la
dynamique qui avait cours au niveau culturel.
Je pense qu'il y aurait moyen, au niveau culturel, de faire en sorte
qu'il y ait des prises de position régionales, à partir,
évidemment, d'une étude de situation, à partir aussi du
fait qu'on "prioriserait" des actions et qu'on serait capables d'établir
un plan de travail sur trois ans ou sur cinq ans, selon le cas, et qu'on
négocie par la suite, soit au niveau de la région, soit au niveau
national, tout en tenant compte, évidemment, de ce qui doit
prévaloir au niveau sectoriel des activités culturelles au niveau
de l'ensemble du Québec. C'est que, finalement, les prises de position
des régions pour se développer culturellement seraient aussi en
lien avec ce qui se fait au niveau de l'ensemble du territoire. Tout ça
pourrait, effectivement, s'insérer, dans un avenir plus ou moins
près, à ce qui va se passer dans les autres secteurs
d'activité au niveau de ce que plusieurs commencent déjà
à appeler les conférences régionales.
Mme Frulla-Hébert: Qu'est-ce que vous penseriez, par
exemple, de l'idée... On a beaucoup véhiculé l'idée
des conseils des arts. Il y a beaucoup de critiques au niveau du conseil des
arts aussi à Ottawa, mais ce que les gens apprécient au niveau du
Conseil des arts, c'est cette distance, dans le fond, qui existe entre le
milieu et le ministère. À un conseil des arts, finalement, les
décisions se prennent sous forme de jury, comme au ministère,
mais il semble que cette distance est appréciée. Qu'est-ce que
vous penseriez de conseils des arts régionaux, par exemple? Est-ce que
ça aurait du sens ou si c'est trop de structures et c'est encore trop
lourd?
M. Lachapelle (François): Si vous permettez, je vais
répondre à cette question. Le Conseil des arts n'a pas à
traiter avec les questions qui sont d'ordre régional. Le Conseil des
arts est strictement disciplinaire, donc sectoriel, et il n'a à traiter
que des questions de l'excellence artistique. Le Conseil des arts n'a pas
à traiter le développement d'une région. C'est un conseil
des arts, ça n'a pas une vocation ministérielle.
Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais c'est parce qu'il y a eu
une suggestion où on parlait d'implanter des conseils des arts
régionaux, tout simplement, de fonctionnement autonome; un conseil des
arts, mais au niveau des différentes régions, par exemple.
M. Lachapelle: Personnellement, ce n'est pas une proposition sur
laquelle je serais peut-être positif. Je pense qu'il y a
énormément de problématiques sur lesquelles un
ministère a à se pencher et sur lesquelles un conseil des arts
n'a pas à se pencher. Et l'une d'elles, et peut-être une de celles
qui nous importent le plus en ce moment, est la problématique du
développement de la région, du rayonnement de certaines
institutions, organismes ou artistes créateurs de cette
région-là sur le plan national et international.
Je pense qu'un conseil des arts régional pourrait peut-être
à long terme provoquer un certain ghetto. Je crois que, s'il y a un
point sur lequel nous nous entendons tous, au Conseil de la culture de l'Est du
Québec, c'est de ne pas créer des mécanismes qui
créeraient ce phénomène de ghetto là, mais de bien
voir toute action ministérielle agir sur peut-être un axe vertical
et un axe horizontal où il y a mon père, à moi, comme
directeur de musée, et d'autres directrices de musée, ou Benoit
Vaillancourt, au plan régional. Quand je parle de formation, de
développement professionnel, par exemple, au niveau de certaines
problématiques propres à la région de Rimouski ou du
Bas-Saint-Laurent, mon collègue, c'est Benoit. Quand je parle de
formation professionnelle, de certaines fonctions muséales, je parle,
à ce moment-là, à des collègues qui sont des
directrices ou des directeurs d'autres musées.
Je crois que des conseils des arts régionaux, à moins
qu'il y ait un mécanisme en plus... Et ce n'est peut-être pas ce
qui nous intéresse ici, quand on parle de rendre un petit peu plus
efficace une administration publique, de rajouter des structures. Je crois
qu'il y a des structures en ce moment qui peuvent devenir excessivement
efficaces au plan régional.
Mme Frulla-Hébert: En fait, ce ne serait pas d'en ajouter,
ce serait...
M. Lachapelle: Non, ce ne serait peut-être pas
l'idée.
Mme Frulla-Hébert: ...de les transformer. On ne parle pas
d'ajouter, du tout, du tout. Dans le domaine de la formation, vous dites,
à la page 6 de votre mémoire, qu'il est "primordial de permettre
à des professionnels de dispenser en région* une formation de
qualité." Est-ce que vous pourriez expliquer davantage votre point de
vue sur la question de la formation, justement, en nous indiquant comment vous
voyez le rôle des divers ministères à ce
niveau-là?
M. Vaillancourt: II y a deux choses dont on parle. Vous parlez de
notre recommandation sur les réseaux d'équipements et tout
ça. Il y a deux choses. Il y a, d'abord, la reconnaissance du
travailleur culturel. Quand on parle d'un réseau d'équipements,
habituellement, on pense à des bâtisses. Pour nous, c'est plus que
des bâtisses, ce sont aussi les gens qui sont à
l'intérieur, qui les gèrent, qui leur donnent vie et qui font que
ces lieux-là deviennent des stimulants dans la communauté.
Ça, c'est une chose. C'est la reconnaissance du travailleur culturel,
qu'il soit créateur, producteur, diffuseur ou formateur.
Après ça, on entre dans les besoins de formation. Les
besoins de formation, il y en a deux sortes. Il y a ceux des artisans de la
culture eux-mêmes, donc, en termes de perfectionnement, en termes
d'avancement, et il y a les besoins de formation dans la société.
On a entendu les gens de la danse, on a entendu les gens du
théâtre, on pourrait entendre les gens de la musique classique et
tout ça. Nous sommes une société qui a un urgent besoin de
formation artistique et culturelle.
Depuis plusieurs années, pour toutes sortes de raisons plus ou
moins valables, certaines très valables, d'autres moins, on a un mode de
fonctionnement qui fait qu'un professeur de mathématiques, par exemple,
va se retrouver à enseigner la musique au primaire. Il y a là
tout un besoin de faire du ménage là-dedans et que des personnes
compétentes enseignent les arts dès le plus bas niveau, ne
serait-ce que pour donner un vrai goût des arts aux enfants. (18 h
15)
Pour ce qui est des rapports interministériels, là, il y a
toute la question du fédéral, du provincial et entre les
ministères. Et ça, ça répond en partie aussi
à une question qui a été souvent posée aujourd'hui,
à savoir: Pourquoi une politique culturelle au Québec? Un des
aspects, à mon avis, c'est pour que justement le gouvernement
québécois fasse sien ce voeu d'une société
culturelle et que le ministère des Affaires culturelles puisse donc
avoir une emprise sur les autres ministères. Et là on parlera de
formation et on parlera de transport et autres.
Mais, pour aller un peu plus loin dans les rapports entre
ministères et entre gouvernements, Ginette, ici, est notre
spécialiste de la formation puisqu'elle travaille à ce
dossier-là dans le quotidien et elle a probablement des choses à
ajouter.
Mme Lepage (Ginette): Bien, ce que je voulais...
Le Président (M. Doyon): En quelques mots, s'il vous
plaît, compte tenu du temps qui s'écoule.
Mme Lepage: Pardon?
Le Président (M. Doyon): En quelques mots, s'il vous
plaît.
Mme Lepage: Je vais faire ça vite, vite. En fait, c'est
ça, c'est qu'il faut distinguer les trois niveaux. Il y a la formation
à l'école, il y a la formation perfectionnement et il y a
l'initiation. Nous, on dit: Oui, le perfectionnement des ressources
professionnelles dans une région, c'est quelque chose de
précieux. Ce qu'on dit aussi, c'est: Oui, dans les écoles, il y a
de l'enseignement des arts. On sait que ça fait des années que
tout le monde critique l'enseignement des arts ou la place qu'il occupe dans
les écoles. Malgré les beaux programmes, il y a des applications
difficiles. Ce qu'on dit, c'est que, s'il y avait des ressources
professionnelles, des artistes en exercice qui pouvaient donner cette
formation-là, ce serait génial.
Et la troisième chose qui est très importante en
région éloignée, c'est l'initiation. Chez nous, on a un
noyau d'écoles de musique et de camps musicaux qui sont très
importants et ce que ça crée au niveau de la synergie des
fonctions dont on parle dans le document, en termes de formation,
création, production, diffusion, c'est inimaginable. Ça
crée des emplois. Ça permet à des musiciens de travailler
dans leur discipline, tout en donnant des activités de concert en se
produisant en public. Ça amène toute une foule de gens à
s'intéresser aux activités de diffusion des spectacles. Et je
vais m'arrêter là parce que je pourrais en parler pendant une
demi-heure encore.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je m'excuse là. Le travail en commission
parlementaire est sans doute le plus valorisant pour un parlementaire, mais je
dois vous avouer que c'est le plus fatigant puisqu'on doit être en
état d'alerte intellectuelle constant. Donc, excusez si j'ai
bâillé un peu. Écoutez, heureux de vous revoir, ça
va de soi. Je ne vous referai pas le discours sur la place des régions,
sur l'importance des conseils régionaux pour l'excellente raison que je
n'ai pas changé d'idée depuis ma rencontre à Rimouski. Je
suis toujours sur mes positions. Vous les avez ramenées à juste
propos - enfin, je dis que vous les avez ramenées, pas
nécessairement les miennes, mais disons qu'on avait ceci en commun - et
vous insistez parce que, effectivement, le rapport Arpin ne donnait pas aux
conseils régionaux de la culture la place qu'on leur souhaitait
mutuellement.
Cela dit, j'aurais deux questions particulières à vous
poser. La première, vous parlez de rétablir et soutenir la
production télévisuelle régionale. Bon, la
démonstration n'est pas à faire. Bien de vos collègues qui
sont venus nous l'ont faite en disant que le drame, c'est qu'il n'y avait plus
de production. Le drame qui découle du premier drame est que les
régions ont perdu aussi ou sont en train de perdre l'expertise et les
techniciens de production. Donc, on se retrouve dans un état de reprise
à zéro. Ça c'est toujours plus pénible que de faire
un certain rattrapage. Repartir le compteur à zéro, c'est
toujours un petit peu plus difficile. Et, quand vous parlez de rétablir
et de soutenir la production télévisuelle régionale, vous
dites de faire une large place aux arts et à la culture dans la
programmation de la télévision publique.
Nous, on avance - quand je dis nous, je
parle de ma formation politique - plutôt la création d'un
ministère des arts, de la culture et des communications - parce que,
dans le rapport Arpin, tout le volet communications, malheureusement, est
absent - en disant que la radiotélévision doit relever de ce
ministère, que c'est la seule façon, d'après nous, de
réussir à avoir un certain contrôle - quand je parle de
contrôle, je parle d'un contrôle "soft" là, vous comprenez
l'expression - si l'on veut que notre télévision soit axée
sur la diffusion de nos produits culturels. Alors, j'aimerais connaître
votre opinion. Est-ce que vous soutenez cette position que, nous, nous
avançons ou bien non?
M. Lachapelle: Moi, je pense que la réponse à cette
question est assez simple. Quand on parle de télévision, on ne
parle pas seulement de diffusion. Un des gros problèmes du rapport
Arpin, c'est de prendre la région comme étant un
réceptacle de productions faites au central, qu'il soit à
Québec, à Montréal, à Toronto ou à
Vancouver, lorsqu'on parle de télévision.
Le rôle d'une télévision ou de la présence
d'une chaîne et d'un réseau de chaînes à
l'intérieur d'une région n'amène pas que la diffusion des
produits de Montréal vers Rimouski ou des produits culturels de Rimouski
vers Montréal. Elle amène aussi une production à Matane,
à Gaspé ou à Rimouski. Elle amène une production
qui permet à plusieurs secteurs de la vie artistique, donc, à
plusieurs créateurs de différentes disciplines artistiques ou
à plusieurs professionnels, si l'on parle de techniciens de
différents secteurs qui sont reliés à ce genre de
productions là, d'être là et, donc, de participer au
développement culturel. Si un ministère ou une ministre, a comme
objectif de développer d'une manière équitable une
production culturelle sur l'ensemble du territoire québécois, ce
ministère doit s'arranger pour qu'il y ait non seulement
réception, mais aussi production, création, diffusion. Alors,
c'est en ce même sens qu'on vous répond à la question pour
ce qui est de la télédiffusion ou de la radio, des médias
en général.
Mme Giguère: J'aimerais dire aussi que, dans notre
première prise de position au tout début du mémoire, ce
qu'on dit, c'est qu'on aimerait, effectivement, qu'un des principes qui
sous-tend le rapport Arpin, c'est-à-dire une politique pour un
gouvernement... En fait, ce qu'on discute depuis le début, ce n'est pas
une politique pour un ministère; c'est une politique pour un
gouvernement. Dans cette optique-là, on se dit que, peu importe la
mécanique, de qui relèveront ou pas les communications, il faut
qu'il y ait un ministère à quelque part - appelons-le comme on
voudra, à part de ça, on ne fera pas de guerre sémantique
ici - qu'il s'appelle ministère de la culture ou des arts et de la
culture, peu importe.
On dit que ce ministère devrait avoir des responsabilités
horizontales beaucoup plus fortes qu'il peut en avoir maintenant. Même
s'il voulait en avoir, il est dans l'incapacité d'en avoir et on peut
donner plein d'exemples là-dessus dans nos régions: que ce soit
au niveau du loisir culturel où on estime que le MLCP, à l'heure
actuelle, ne joue pas véritablement son rôle, quand même le
ministère des Affaires culturelles actuel voudrait intervenir, il n'en a
pas la possibilité; que ce soit le ministère des Transports qui
démolit des ponts couverts, le ministère des Affaires culturelles
n'est pas... L'exemple d'Amqui qui a été apporté par Mme
Lambert, je le connais un peu. Que ce soit les communications, à l'heure
actuelle, Radio-Québec, ça ne relève pas du
fédéral, ça relève de Québec et la
production de Radio-Québec chez nous, on a la nette impression d'avoir
énormément perdu.
Alors, on se dit: Dans le fond, ce qui est important c'est que les
ministères qui ont des actions à incidence directe ou indirecte
au niveau culturel devront être redevables d'un ministère
responsable et, avant de prendre des actions du genre, avoir au moins des
discussions, sinon autre chose, avec un ministère responsable des arts
et de la culture. C'est ça qu'on trouve primordial.
M. Boulerice: D'accord. Je n'ai peut-être pas
été très précis dans ma question, Mme
Giguère, M. Lachapelle. Nous, on a fait le constat: nos voisins du Sud,
bon, ils ont des défauts, mais ils ont quand même des
qualités. C'est le pays où il y a la plus grande consommation de
produits culturels domestiques au monde. Les Américains consomment
américain à une proportion effarante, peut-être un peu
trop! Pardon?
Mme Giguère: Je dis: Des hot-dogs aussi.
M. Boulerice: Oui, des hot-dogs aussi. Mais, au niveau du produit
culturel, ils consomment d'abord et avant tout américain dans une
proportion de... Écoutez, vous savez 98,7 % des films à la
télévision américaine sont des films américains;
même pas des films britanniques, ni australiens, etc. Donc, c'est un
puissant moyen de diffusion des produits culturels.
On dit toujours que la culture doit se battre et doit se battre. Alors,
je me dis: C'est beau se battre, mais il faudrait peut-être essayer
d'avoir la meilleure arme possible. À date, dans la diffusion - quand je
dis diffusion, je ne dis pas uniquement l'émetteur central de
Montréal - l'arme la plus efficace est la télévision. Ce
qu'on voit aujourd'hui n'est rien à comparer à ce qu'on va voir
demain. Il serait peut-être intéressant que la culture s'approprie
ce véhicule extraordinairement puissant qui va nous permettre de
développer des habitudes de consommation culturelle. On va montrer ce
que les gens de
Rimouski produisent et les gens de votre région sauront ce qui se
passe beaucoup mieux. Et, après ça, pour les béotiens de
Montréal ou de Québec, on saura peut-être mieux ce qui se
passe à Rimouski. Et au lieu d'aller - je ne sais pas, moi - à
une compétition de planche à voile de Newport, Rhode Island, on
serait peut-être plus tentés - pour faire une image
grossière - d'aller voir le festival de jazz de Rimouski qui prend quand
même ses lettres de noblesse, le festival du jeune cinéma aussi
qui est drôlement intéressant, mais qui a fait l'objet uniquement
de deux petits flashes de 30 secondes, gentils, mignons comme tout, à
Télé-Métropole.
M. Vaillancourt: Vous avez tout à fait raison quand vous
dites qu'il est important que les médias - on parle de
télévision, puis vous parlez de radio et on peut parler de
journaux aussi - véhiculent notre culture. Vous prenez l'exemple
américain et il est très bon, effectivement. Il faut voir comment
fonctionne la société américaine, le chauvinisme
américain aussi. Ça a du bon comme ça a du mauvais.
Ça a du bon, dans ce cas-là, parce qu'ils disent: On va vendre
nos choses. C'est donc un point de vue de société
américaine et c'est un point de vue d'État et non pas seulement
d'un ministère. Là-bas, on ne se pose pas la question, à
savoir: Est-ce que ça doit être tel ministère ou tel autre?
On dit: En tant qu'État, on intervient comme ça et on
défend notre culture, ce qu'on est. On revient, donc, à ce qu'on
disait tout à l'heure: II faut que l'État québécois
soit fier et conscient de sa culture, et que le principal ministère
responsable ait donc un peu d'ascendant sur les autres ministères.
Le ministère a des alliés là-dessus et ce sont,
justement, les organismes culturels, les groupes culturels, les travailleurs
culturels qui font le développement terrain de la culture. Le
ministère a donc tout avantage à s'associer et à s'appuyer
sur ces organisations, qu'elles soient nationales ou régionales, pour
être plus fort et pouvoir avoir... Vous partiez de votes tout à
l'heure. J'ai compris que vous parliez aussi de crédibilité
politique. Un ministère qui s'appuierait, donc, sur ces travailleurs et
sur leurs associations aurait derrière lui un vaste mouvement de gens
qui l'appuieraient dans ses démarches auprès des autres
ministères. Alors, ça, c'est quelque chose de très
important et c'est là qu'on dit justement que le partenariat doit
être plus que seulement financier. Il doit aussi reposer sur un
échange d'expertises et sur une capacité à utiliser ces
expertises-là.
J'en profiterais pour - vu que je suis sur ma lancée - dire deux
mots sur les municipalités, parce qu'on en a parlé tout à
l'heure. Il faut être prudent: il y a des municipalités qui sont
très intéressantes, mais je pense que j'ai suffisamment de doigts
dans une main pour compter le nombre de municipalités au Québec
qui ont une politique de développement culturel. On n'avait pas
d'exemple à leur donner, nous-mêmes, en tant que
société, étant donné qu'on avait des programmes,
mais pas vraiment de grandes politiques. Il y en a très peu.
Dans le climat actuel, leur cour est pleine, pour prendre cette image,
leur cour est pleine et, à chaque fois qu'on leur parle de quelque
chose, ils disent: Combien ça coûte? Très peu de
municipalités savent comment elles interviendraient. Si, comme dans le
rapport Arpin, on leur dit: Prenez donc la création, prenez donc la
production, par exemple, si elle est d'envergure dite régionale et
assumez ça à même vos budgets, elles ne sont pas
prêtes à ça. C'est même parfois contradictoire avec
leur début de vision culturelle, puisque ça commence d'abord par
un souci d'accessibilité, le souci que la plus grande quantité de
citoyens aient accès à tel ou tel type de services culturels.
Alors, entrer dans les secteurs plus de pointe que sont la
création et la production ferait, je pense, avorter les projets de
création. Ce serait vraiment les tuer a la base. Il faut commencer, avec
les municipalités, par dire: En tant que société
québécoise, nous avons cette vision du développement de
notre culture. Voulez-vous qu'on travaille avec vous pour regarder ce que
ça pourrait être chez vous...
Le Président (M. Doyon): En terminant, s'il vous
plaît, M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt: ...avec votre expertise? Et, pour faire
ça, il y a des complices un peu partout dans les régions.
Le Président (M. Ooyon): Merci. M. le
député, quelques mots de remerciement.
M. Boulerice: Bon, je vais demander une petite minute, M. le
Président, ayant été gentil envers le député
de Drummond tantôt.
Le Président (M. Doyon): Vous ne gardez pas vos dettes
longtemps.
M. Boulerice: Bien non. La lancée de M. Vaillancourt
m'empêche d'aller dans les filets de M. Lachapelle. J'aurais aimé
parler du musée, mais juste une brève question. Votre conseil
régional préconise la formule de contrats de région via le
développement d'une conférence régionale. Mais, à
ce que je retiens de ma visite chez vous, vous l'avez presque amorcée,
chez vous, cette conférence-là.
Mme Giguère: Bien, c'est-à-dire qu'au niveau du
développement général dans son ensemble, du
développement général global, oui et non.
C'est-à-dire qu'il y a des choses qui sont amorcées au niveau des
différents secteurs par rapport à des réflexions, mais
tout est lié à des
contrats spécifiques qu'on peut développer. En ce qui nous
concerne, c'est une question de ressources, de ressources humaines et
financières, si on veut faire du travail qui a de l'allure, à un
moment donné.
En passant, j'aimerais beaucoup dire que, de toutes mes années de
travail, même si celles que j'accomplis actuellement au Conseil de la
culture sont très enrichissantes, ce sont les plus frustrantes parce
qu'on a peu de moyens. On a connaissance de tous les besoins et les
idées, ça ne manque pas, on est très nombreux et
très nombreuses autour des tables, mais on a très peu de moyens.
C'est la même chose au niveau des contrats de région, je dirais,
plus culturels. Quand on a réussi à faire des choses qui
étaient très intéressantes et qu'on a poussées
très loin comme, entre autres, tout le plan de développement des
équipements culturels dont les deux régions se sont servies pour,
justement, les conférences socio-économiques - c'est pour
ça, d'ailleurs, je pense, que les deux ont été très
performantes au niveau de l'acquisition d'équipements culturels - c'est
parce qu'on a eu de l'aide financière spéciale pour pouvoir le
faire.
Il faut faire de la recherche, il faut faire des études pour
arriver à cibler ce qui est le plus pertinent, en plus de continuer
toujours la concertation. Laissez-moi vous dire - et vous devez en savoir
quelque chose - que de la concertation, ce n'est pas toujours gagné et
il faut souvent discuter longtemps avant d'arriver à des
décisions qui ne plairont peut-être pas toutes à M. et Mme
Tout-le-Monde, mais qui vont répondre au plus grand nombre, à une
majorité, en tout cas, des personnes avec qui on discute habituellement.
Pour avoir un contrat de plan, comme ça s'appelle en France, ou un
contrat de région - comme on pourrait les appeler plutôt, en ce
qui nous concerne - lié au secteur culturel, bien, ça prendrait
des engagements formels financiers après avoir fait tout le processus
d'étude, de recherche, de discussions, d'échanges avec
différents partenaires. On a peut-être fait des choses dans
certains secteurs, de façon minime, mais pas à cette
échelle-là. On n'a pas les moyens.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Boulerice: Là, il va me demander de vous remercier.
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Boulerice: Ce que je vais faire, mais ce que je voulais vous
amener à dire, et vous y êtes arrivée, peut-être pas
jusqu'au bout, mais enfin, c'est que les conseils régionaux ont une
pratique de concertation avec les organismes, qu'ils soient scolaires,
municipaux, etc. Donc, ce que j'allais dire, c'est que la proposition que vous
faites, que vous soyez l'organisme de concertation au niveau régional,
n'est pas farfelue. Elle est appuyée par une expérience que vous
avez, en tout cas, une expérience qu'au départ, moi, je vous
reconnais.
Bien, M. Lachapelle, on va discuter de musées peut-être par
téléphone. Ah non! C'est vrai, je retourne dans votre
région prochainement. Alors, on parlera du musée et on parlera
d'autres choses. Alors, Mme Lévesque, Mme Giguère, Mme Lepage, M.
Lachapelle et M. Vaillancourt, merci de votre présence chez nous et bon
succès. La relance des régions passe par le développement
culturel, j'en suis persuadé.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bien, je me joins aussi à mon
collègue pour vous remercier de votre présence.
Évidemment, Mme Giguère, vous savez, en parlant de frustration,
vous n'êtes pas la seule. Alors, on la partage, on se comprend.
Effectivement, il y a beaucoup de choses à faire et, malheureusement,
les ressources sont limitées. Ceci dit, croyez-nous sincères
quand on voit et qu'on considère l'importance des régions, leur
développement et aussi leurs distinctions à chacune. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Il me
reste donc, au nom de la commission, à remercier le Conseil de la
culture de l'Est du Québec d'avoir bien voulu se déplacer pour
venir nous rencontrer. Bon voyage de retour. J'ajourne donc les travaux de
cette commission à 15 h 30, après les affaires courantes du mardi
15 octobre.
(Fin de la séance à 18 h 36)