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(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Doyon): Donc, la commission recommence
ses travaux. Il s'agit de poursuivre le mandat qui nous a été
confié par l'Assemblée nationale de procéder à une
consultation générale et tenir des auditions publiques sur la
proposition de politique de la culture et des arts déposée
à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. M. le
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): L'ordre du jour est connu. Il a
été distribué. Notre premier groupe est le Centre des
auteurs dramatiques.
Avant de commencer, avec votre permission, Mme la ministre et MM. de
l'Opposition, j'aimerais exprimer, au nom de la commission parlementaire, nos
sincères condoléances à l'occasion du décès
de la mère de l'un de nos membres, M. Daniel Bradet, dont la mère
est décédée hier. Il sera sûrement absent des
travaux de la commission pour quelques jours. Alors, au nom de nous tous, nous
lui offrons nos plus sincères condoléances.
Donc, je souhaite la bienvenue au Centre des auteurs dramatiques, qui
est représenté par M. René Gingras, M. René Daniel
ainsi que M. Robert Gurik. Je leur demande tout simplement de se
présenter et de procéder, selon les règles qui sont les
nôtres, c'est-à-dire environ un quart d'heure, une quinzaine de
minutes, est consacré à la présentation de leur
mémoire et... Oui?
M. Godin:... je me trompe.
Le Président (M. Doyon): Ah bon! Alors, les choses
vont...
M. Godin: Mais vous avez un visage qui n'est pas inconnu
grâce au programme...
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, il y a
une erreur sur le document qui m'a été remis. Je m'excuse. Vous
rectifierez les choses lors de la présentation. Alors, une quinzaine de
minutes pour la présentation de votre mémoire. Après
ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission
parlementaire pour le restant du temps. Vous avez la parole.
Centre des auteurs dramatiques M. Gingras (René):
René Gingras.
Le Président (M. Doyon): Bonjour. M. Gurik (Robert):
Robert Gurik.
M. Dubois (René-Daniel): René-Daniel Dubois.
Le Président (M. Doyon): Bonjour.
M. Gingras: Le mémoire que nous présentons à
la commission a été rédigé pour le compte du Centre
des auteurs dramatiques, le CEAD, qui regroupe les auteurs dramatiques
québécois et qui a pour mandat de soutenir le
développement de notre dramaturgie et d'assurer sa diffusion nationale
et internationale. Mon nom est René Gingras et je suis auteur
dramatique, président en titre du conseil d'administration du CEAD.
M. Gurik: Mon nom est Robert Gurik. J'ai été l'un
des fondateurs du CEAD il y a 26 ans. Je suis membre du conseil
d'administration de l'AQAD, l'Association québécoise des auteurs
dramatiques, association soeur du CEAD destinée, en vertu du mandat qui
lui est reconnu par la Loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma,
à étudier, défendre et aider à voir se
développer les intérêts économiques, sociaux et
moraux des auteurs dramatiques. Nous avons demandé à
René-Daniel Dubois, président de l'AQAD, de rédiger ce
mémoire au nom de nos deux organismes parce que...
M. Gingras: Le texte que nous vous lisons ce matin ne se retrouve
pas tel quel dans les pages de notre mémoire. Nous avons
préféré attendre d'être face à vous pour vous
expliquer pourquoi notre mémoire a pris la forme dans laquelle vous
l'avez lu. Notre mémoire est un texte à facettes. Il est
composé de neuf textes ou extraits de texte écrits depuis deux
ans. Sur des modes divers, ces textes traitent de trois thèmes: le
désespoir, la solidarité et la révolte.
Désespoir, d'abord. Notre désespoir ne porte pas
uniquement sur la situation des artistes de chez nous, mais il s'exprime en
parlant d'abord des artistes de chez nous et de la place qui leur est
réservée. Notre désespoir monte du fossé, du
gouffre, du canyon qui se creuse chaque jour davantage entre, d'un
côté, le courage individuel de millions de nos concitoyennes et
concitoyens, ce courage quotidien qui est nécessaire, ne serait-ce que
pour vivre un jour de plus dans l'abattoir à espoir qu'est devenu
l'Occident triomphateur en général et le puits sans fond qu'est
notre pays en particulier et, de l'autre côté, la barbarie de ce
monde, barbarie particulièrement synthétique
et sensible dans les grands appareils collectifs: État, partis
politiques, syndicats, organes de presse et de communication.
M. Dubois: Dans un restaurant, une femme mange calmement, assise,
seule à sa table. Tout à coup, elle se lève et, en
poussant un hurlement, elle renverse sa table et toutes les autres et gifle, et
griffe, et pleure tellement, et hurie tellement qu'on ne lui voit plus les
yeux. Elle n'a plus, en guise de visage, qu'une bouche qui hurle de terreur. On
appelle la police, bien sûr, et une ambulance. On la maîtrise, on
lui fait une piqûre ad hoc, la sangle sur une civière et on
l'emporte quelque part hors de vue. On écrit sur le rapport: crise
d'angoisse.
Si devant une scène aussi forte, aussi immédiate, aussi
ravageuse, personne parmi ceux et celles qui travaillent dans ce restaurant, y
mangent ce midi-là, ni les policiers, ni les ambulanciers, si personne
n'est effleuré par la nécessité de s'interroger non pas
sur le symptôme que présente cette femme, mais sur l'origine de ce
symptôme, devant l'attitude de tout ramener au symptôme, donc,
plutôt qu'à sa cause, nous croyons avoir raison de penser
qu'aucune de ces personnes ne se posera non plus cette question le jour
où ce sera leur femme à eux, leur mari à eux, leur fils ou
leur fille à eux, leur mère ou leur père à eux qui,
à son tour, pétera au "fret".
Une civilisation dans laquelle personne ne se demande quel est le sens
humain de la souffrance de cette femme, par opposition au seul sens
techniquement médical, ne mérite pas le nom de civilisation.
Quels que soient le nombre et la qualité des gadgets dont on dispose
dans un tel monde, il en est un de barbarie, d'une barbarie sans fond, un monde
gris dans lequel le meurtre est une technicalité et l'horreur un
phé-nomème parmi d'autres, tous équivalents.
Comprenez-nous bien. Nous n'évoquons pas un retour à
l'âge des cavernes, puisque l'homme des cavernes s'est posé la
question du sens et c'est pourquoi il s'est mis à parler puis à
peindre et à sculpter, puis à frapper sur des objets pour
produire des rythmes qui exprimaient ses questions. Comprenez-nous bien. C'est
de Ja barbarie qu'est la négation de ce qu'a été
l'humanité depuis son apparition que nous venons vous parler
aujourd'hui. Notre désespoir est celui de ceux et de celles qui sont
témoins de l'émergence d'une telle barbarie et sont tantôt
gagnés par elle et tantôt saisis par le souvenir de ce
qu'était l'état humain. Notre désespoir devant vous, ce
matin, est celui de cette femme attachée à qui on enfonce des
valiums entre les dents.
Le rapport Arpin est une bible pour les adorateurs du néant. Nous
n'avons pas besoin d'un rapport médical disant que notre pays se fout de
ses propres questions. Nous avons besoin que quelqu'un se lève et dise:
De quoi parlez- vous? Parce que le hurlement de cette femme éveille en
lui l'écho de sa douleur à lui, cette douleur qu'il lutte si fort
pour enfouir, jour après jour, cette douleur qu'il gèle tous les
jours à la "coke" et au Drambuie, qu'il tente d'oublier en se
concentrant sur le compte à rebours des jours qui le séparent de
sa prochaine partie de golf ou en se concentrant sur le cours du yen.
M. Gurik: Notre solidarité, elle, est avec la douleur de
cette femme. Peut-être bien que nous, artistes, sommes un paquet
d'imbéciles parce que, quand la scène se produit, nous ne
l'aidons pas, cette femme, et ne comprenons pas non plus tout de suite ce qui
la déchire. Nous reculons jusqu'au mur et restons le dos appuyé
contre lui, les yeux ronds et, pendant qu'on la pique, nous nous enfuyons par
la porte des cuisines pour aller vomir nos crêpes dans la ruelle.
Notre solidarité, c'est que nous allons rester hantés par
cette bouche et nous allons y penser nuit et jour, en rêver. Pour arriver
à constituer un visage à partir de cette bouche, nous allons y
chercher les yeux et tenter de lire ce qui s'y exprime. Nous considérons
que cette tâche d'archéologues de la douleur, de la joie aussi et
des espoirs, ce qu'il en reste, est une tâche devant laquelle il nous est
impossible de nous défiler.
Habituellement, donc, nous nous préoccupons peu de ce qu'il y
aura dans le rapport de la police et des ambulanciers. Mais le jour où
on nous dit que nous devrions prendre des valiums parce que nous sommes un peu
dérangeants avec nos discours sur les femmes qui hurlent, parce que les
femmes qui hurlent, bon, ça se soigne et puis si ça ne se soigne
pas, ça s'assomme ou ça se tire à la carabine et que la
même thérapie est valable pour nous, ce jour-là, parce que
nous avons un peu l'expérience du décryptage, nous voyons venir
et nous disons: Si vraiment nous y sommes acculés: Attention! Ce que
j'ai à la main s'appelle une chaise et c'est la seule façon que
j'ai de te retarder de me faire la piqûre. C'est de reconduire ma chaise
jusqu'à ta tête. Tu as intérêt à porter une
tuque en acier.
Nous ne voulons pas du rapport Arpin, ni de rien de ce qui se trouve
dans ces pages, parce que ses prémisses, la base de l'articulation de la
simili-pensée qu'on y trouve, c'est que rêver au yen, rêver
aux ambulances ou rêver aux hurlements de cette femme, c'est du pareil au
même: faux, faux jusqu'à la moelle.
M. Gingras: Notre révolte, enfin, naît le jour
où quelqu'un se lève à nouveau en hurlant dans un
restaurant et que nous reculons encore une fols jusqu'au mur, parce que nous
sommes, encore plus que la première fois, glacés de terreur parce
que, cette fois-ci, nous entendons tout de suite les mots dans le cri et voyons
tout de suite les yeux au fond de la gorge. Cette fois-ci, nous n'avons
même pas la force de fuir.
Un policier nous aperçoit et reconnaît ce que nous avons
dans les yeux. Il marche doucement vers nous en murmurant de petites phrases
apaisantes parce que ce qui a terrorisé les clients et les serveurs, ce
que la piqûre fait taire, ce n'est pas que le cri de la femme, c'est
d'abord l'écho de ce cri à l'intérieur de tous ceux et de
toutes celles qui ont assisté à la scène. Cette femme et
son cri, les clients s'en foutent, mais le cri en eux, il n'est pas question
qu'ils l'entendent.
Si l'artiste, là, contre le mur, a l'écho de ce
cri-là dans son regard, ça lui prend une piqûre lui aussi
parce que, lui, s'il s'ouvre la trappe, ça va faire écho encore
plus fort, parce que le bouchon de la femme a sauté par inadvertance,
malgré elle, à son corps défendant, Justement parce
qu'à force de ne rien vouloir savoir on finit nécessairement par
sauter. Mais l'artiste, lui, pris avec cet écho immense qu'il a
été forcé d'entendre, lui, il sait de quoi il s'agit. Il
connaît le sens du cri. Danger pour vous!
M. Gurik: Le problème réel de la culture et des
arts au Québec n'est pas l'argent. L'argent est le symptôme. C'est
vrai qu'il en manque horriblement. Nous le disons dans le mémoire. Par
plusieurs aspects, ce pays qui se prétend une nation riche et
développée traite l'art et la culture comme le ferait un pays du
tiers monde.
Il y a une différence essentielle. Chez eux, dans les pays
sous-développés, c'est par nécessité; chez nous,
c'est par choix. Eux, c'est parce qu'ils sont pauvres et nous, c'est parce que
nous voulons devenir des barbares, les plus grands qu'il y ait jamais ou.
La solidarité des artistes québécois dépasse
donc nos frontières. Nous devons aujourd'hui refuser de parler avec vous
de piqûres et de civières pour parler du cri, parce que si nous ne
le faisons pas nous disons à nos camarades de cette planète qui
vivent dans l'horreur de la pauvreté que, le jour où ils
arriveront à manger à leur faim, il leur faudra commander un
stock de seringues avec leur pizza. C'est l'horreur totale.
M. Dubois: II aurait été plus simple de venir vous
voir avec une liste d'épicerie et de vous dire: II nous faut 12
théâtres "all dressed" pour manger ici et 4 compagnies de
tournées mi-maigres pour emporter. Ça n'aurait pas
été faux, mais ne parler que de ça aurait noyé le
poisson. 12 théâtres et 4 compagnies de tournées,
même mi-maigres, ce serait certainement beaucoup et nous avons
immensément besoin de payer notre loyer et de manger aussi, soit dit en
passant, mais, si nous ne pouvons les obtenir qu'au prix d'accepter de ne plus
entendre les femmes qui hurlent dans les restaurants, ça ne nous
intéresse pas.
En fait, à ce prix-là, il serait plus intéressant
que vous fermiez le ministère. Au moins, les choses seraient claires
parce que notre problème avec vous, ce n'est que subsidiairement
l'argent. C'est d'abord le mensonge. Le policier ou l'ambulancier qui marche
vers la personne qui hurle en plaçant les mains en avant et en disant
doucement: Tout va bien aller, tout va bien aller, avec une bouteille de
pilules dans sa poche, cette personne ment. Elle ment peut-être pour la
bonne cause. Peut-être. Notre problème, c'est qu'ici la bonne
cause et ses fondements n'ont jamais été discutés, que
ça ouvre la porte à tous les abus et que les abus devant une
porte ouverte n'ont pas l'habitude de rester sur le seuil les mains
croisées sur le ventre. Ce que vous représentez nous glace
d'effroi.
L'an dernier, dans le mémoire remis par les gens de
théâtre à la commission Bélanger-Cam-peau, nous
faisions une analyse de la réalité du Québec par
opposition à l'analyse des innombrables discours vides comme des ballons
qui se multiplient chez nous plus vite que les lapins, pour arriver à
cette conclusion: Le Québec est en train de se suicider. Si de nombreux
habitants de chez nous se reconnaissent dans cette femme qui perd son couvert
et se met à hurler en battant des bras, le Québec, lui, dans son
ensemble, c'est à la fois la femme, les clients et les serveurs et les
outils collectifs du Québec; les syndicats, la classe politique, la
fonction publique, ce sont les flics et les ambulanciers qui entrent. Ils
entrent dans le restaurant avec la ferme intention de ne rien y apprendre, de
ne rien y entendre, "frets" comme des plaques d'acier et le revolver à
la main au cas où la seringue ne suffirait pas cette fois-ci.
M. Gurik: Nous vous jurons qu'il n'y a aucune différence
entre les visages des policiers et des ambulanciers qui entrent dans le
restaurant et celui des femmes et des hommes politiques de la commission
Bélanger-Campeau quand nous leur avons dit: Le Québec est en
train de mourir. Mourir de peur, ce n'est pas une expression; c'est une
réalité concrète, c'est la nôtre. Leurs yeux
disaient: Vous autres, ça vous prend une valium. Nous sommes à
même de reconnaître, à ces cris silencieux de haine
glacée, de savoir pourquoi les mains se plaquent sur les oreilles et
comment s'y prendre pour ne rien entendre de ce qui se passe à deux pas,
parce que nous savons pourquoi le cri de la femme est terrorisant.
Nous ne sommes différents ni de la femme, ni des flics, ni des
serveurs, ni des clients. À une chose près, nous ne voulons pas
d'un monde dans lequel le sentiment d'être un humain est une maladie.
M. Gingras: Selon nous, le fait que la classe politique
québécoise n'accepte de se pencher pour la première fois
sur l'art et la culture qu'en se servant du rapport Arpin comme
prétexte, place cette commission sur le même plan qu'au moins
deux autres événements du Québec moderne: la crise
d'octobre et le référendum de 1980.
On dit de cette commission qu'elle est le signe du politique se mettant
au service de la culture. Faux. C'est encore une fois le politique voulant
mettre la culture au pas. Ce n'est pas du délirant rapport Arpin dont il
est essentiellement question ici, mais du rapport Allaire. Mais revenons
à la crise d'octobre et au référendum. Octobre 1970 a
été un moment fort en ceci que s'est exprimé à
cette époque tout le mépris des classes politiques
québécoises et canadiennes pour le peuple qu'elles
prétendent représenter.
Le mépris mais aussi la peur. Il a suffi du débordement de
rage de quelques individus à peine organisés pour que l'Etat
semble trembler sur ses fondements, ce qui est assez amusant pour peu que l'on
place ce tremblement en regard de l'autorité paternaliste dont
l'État québécois prétend faire montre. Cet
amusement a cessé à la mort d'un homme et la révolte a
été évacuée parce que nous avons tous eu peur des
conséquences de nos actes. En octobre 1970, nous avons accepté
d'avoir peur de nous-mêmes.
En 1980, nous avons accepté que nous étions incapables de
comprendre ce que nous sommes. Il faut que d'autres le pensent pour nous et
plus ceux qui parlent sont méprisants et plus nous sommes enclins
à leur donner raison. Aujourd'hui, cette commission est celle qui va
officialiser notre marche vers le suicide. Le document qui sortira de vos
travaux sera l'équivalent de la lettre qu'on laisse sur sa table de
chevet au moment de s'ouvrir les veines.
M. Gurik: Nous comprenons votre peur parce qu'elle est aussi la
nôtre. Mais vous refusez d'entendre lorsque nous vous disons qu'il faut
plonger dans sa peur, il faut faire face à ce qui nous terrorise.
Autrement, la peur nous bouffe et nous tue.
M. Dubois: Le Québec a fait la Révolution
tranquille puis il a décidé de disparaître tranquillement.
Nous venons vous dire que vous avez maintenant sur les bras une guerre civile
tranquille.
Il existe un très très vieux livre chinois appelé
le "Yi king". On y lit que les révolutions politiques sont choses
extrêmement graves, que l'on doit engager seulement quand il n'existe
plus d'autre issue. Nous sommes d'accord. C'est pourquoi nous avons attendu si
longtemps. Mais c'est bel et bien dans une situation sans issue que nous
sommes.
Nous ne venons pas déclarer la guerre. Nous venons vous dire
qu'elle est déjà commencée. Libre à vous de croire
écarter le problème en nous classant parmi les
énervés. Il est de la nature même de notre fonction
d'être légèrement en avance sur les
événements. Libre à vous de croire faire disparaître
la réalité en assassinant ou en écartant celui qui apporte
la nouvelle.
Notre but aujourd'hui n'est pas de livrer une bataille de mots, mais de
faire en sorte qu'une bataille de sang ne devienne pas nécessaire.
N'attendez pas d'avoir la preuve de ceci. Il est quelque chose de bien
plus dangereux qu'une femme qui hurle: c'est une femme dont le hurlement ne
franchit pas les lèvres parce que, elle, quand le barrage se rompt, ce
ne sont pas les tables qu'elle renverse.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Alors, bienvenue. Vous
représentez deux organismes que je respecte beaucoup. Effectivement,
vous nous parlez avec énormément de pessimisme et j'essaie de
comprendre. De nature, que voulez-vous, il y en a qui sont peut-être plus
optimistes.
Et là je vais vous poser la question qui est dans votre
mémoire. Vous nous demandez de vous la demander. Je vous la demande
parce que... Et je comprends la démarche depuis 30 ans. Je pense qu'on
est tous un peu aussi impatients vis-à-vis de cette
démarche-là en se disant: Comment se fait-il que les gens ne
comprennent pas l'importance de la culture, de la création? (10
heures)
Je suis un peu moins sévère sur le jugement. Je pense
qu'il y a des choses qui ont été faites. Au niveau de la
société môme - Je ne parle même pas du gouvernement -
et de l'évolution de la société, je vais vous poser la
question que vous demandez de vous poser dans votre document: De quoi
parlez-vous?
M. Dubois: Ce dont nous partons, ce que nous disons au
début du texte, nous parlons de trois choses. On parle de
désespoir, de solidarité et de révolte. De là
où nous nous tenons, c'est-à-dire en contact avec des jeunes et
des moins jeunes auteurs, acteurs, metteurs en scène - ça, c'est
pour notre secteur d'activité, mais aussi on est en contact avec des
peintres, des musiciens, toutes sortes de gens - l'atmosphère qui
règne dehors, c'est un désespoir total. Les gens, dans mon
milieu, n'y croient plus, ne croient pfus aux promesses.
Je suis aussi, par nature, et la plupart de mes camarades, je crois,
sont aussi par nature optimistes. Mais il y a un moment où, quand le
réel ne raisonne pas face à cet optimisme-là, ce n'est
plus de l'optimisme dont il s'agit. Notre expérience nous dit que cette
commission n'a pas pour but d'améliorer la situation des artistes. Cette
commission a pour but de rapatrier des sommes d'Ottawa en se servant de la
culture comme d'un prétexte pour utiliser cet argent à d'autres
fins. Nous en sommes convaincus et il n'y a rien qui nous permet de douter que
c'est ça le but, que c'est ce qui va arriver et que nous allons encore
servir de tapis. Pour les gens, pour les jeunes et les moins jeunes...
Je vous parle même de gens qui sont dans le milieu depuis 30 ans.
M. Gurik, qui est à ma gauche, a été un des fondateurs du
CEAD en 1926. Dans nos discussions, le texte que nous vous lisons - ce n'est
pas un texte qui a été écrit dans la solitude et sur un
coup de tête - de nombreux auteurs se sont penchés dessus, s'y
sont reconnus quand il a été présenté, quand je
l'ai rédigé, que je l'ai présenté à ces
auteurs et qu'on l'a discuté. Je leur ai dit: Ne vous sentez absolument
pas obligés, parce que je l'ai écrit, de m'envoyer le lire. Et
ils ont dit: Tu vas y aller et vous allez y aller, nous trois qui sommes ici,
parce que ce cri est aussi le nôtre.
Si nous sommes pessimistes, c'est qu'il y a présentement une
épidémie de pessimisme au Québec et nous croyons qu'il
vaut aussi la peine de se pencher dessus. Ce que nous demandons, pour l'heure,
ce qui nous semble la première condition sine qua non à remplir,
c'est que quelqu'un, quelque part au Québec, se lève, que nous
pourrions qualifier ainsi, un Malraux ou une Malraux, quelqu'un qui serait
l'écho des trois points dont nous venons de parler à
l'intérieur de l'appareil politique et de l'appareil étatique. Si
cette condition-la n'est pas remplie, si nous n'entendons pas qu'il y a un
écho, non pas sur le comment - on en parle dans notre mémoire, il
y a un texte qui s'appelle le syndrome de Po-lonius où on dit: II y a
une façon de tout réduire et de tout vider; c'est de tout le
temps parler rien que du comment, ce que fait, exceptionnellement d'ailleurs,
le rapport Arpin, et ce texte-là avait été écrit
avant que le rapport Arpin soit rédigé.
Si on ne parle que du comment, on se goure complètement. C'est ce
qu'on a fait depuis 30 ans. Là, il faut parler du quoi. C'est ce que
nous tentons de faire ce matin, dans le texte, l'exemple qu'on vous donne en
parlant de cette femme. Ce n'est pas seulement des technicalités. Les
technicalités sont aussi essentielles, mais on s'est dit qu'on
préférait mettre l'accent sur ce dont on vous parle ce matin
parce qu'on s'est dit qu'il y en aurait d'autres qui viendraient pour vous
parler des technicalités. Donc, il fallait, nous, aller où on
trouve que ça urge pour l'heure, si vous me passez l'expression.
Ce qu'il nous faut... Parce que si vous permettez, Mme la ministre,
j'élaborerais un petit peu sur ce concept de Malraux. Ce n'est pas
évidemment seulement une personne. Il s'agit d'une personne qui se
lève, mais ce qui nous intéresse, c'est ce que nous trouvons
urgent, c'est ce qui implique le fait qu'une telle personne puisse se lever.
Ça signifie d'abord que cette personne doit être appelée.
André Malraux a été appelé par le
général de Gaulle. Ça signifie donc qu'au sommet de
l'État il devrait y avoir une réelle prise en
considération de l'importance de ce qu'on appelle les arts et la
culture. Un. Présentement, on ne constate rien de tel.
Deux, il faudrait que cette personne, pour que ce soit elle qui soit
appelée, ait autour d'elle ce qu'on pourrait appeler une constellation
de forces, c'est-à-dire qu'a l'intérieur de son parti et à
l'intérieur de l'État, il y ait suffisamment de répondants
pour que cette personne ait pu grandir à l'intérieur de son parti
et de l'État pendant que des gens sauraient que sa préoccupation
c'est d'être l'écho, d'être le tambour dont je parlais, qui
résonne sur les préoccupations de l'ordre de ce qu'on vient
d'évoquer, de la métaphore de cette femme qui crie. C'est ce que
ça...
Il faut le Malraux mais il faut aussi, bien sûr, ce que ça
présuppose qu'un tel Malraux advienne. Pour nous, c'est la condition
sine qua non et c'est la chose qui nous semble la plus importante,
c'est-à-dire quelqu'un qui est touché d'abord par le cri de cette
femme plutôt que sur les technicalités de comment on va le
raconter.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une remarque
que vous avez faite tantôt, vous savez, procéder à cette
commission et entendre des gens parce que, finalement, effectivement, on est
tous ici pour discuter ensemble dans le seul but de dire parce qu'on veut
régler une question constitutionnelle... Je pense qu'on l'a dit: il y a
d'autres tribunes pour ça et, honnêtement, ce n'est pas
l'objectif. Il y aurait autre chose, d'autres tribunes, d'autres façons
de le faire. L'exercice ici, c'est justement pour écouter les gens et
aussi essayer de s'exprimer et de dialoguer, point final à la ligne.
C'est ça le but et l'objectif.
Maintenant, qu'on revienne à l'origine même. Il y a des
points qui sont quand même intéressants. Vous savez, on regarde,
nous, de notre côté aussi, toute l'évolution parce que vous
parlez de l'État, vous parlez... Bon. L'État, c'est souvent le
reflet... En fait, ce n'est pas souvent... c'est le reflet d'un peuple. On est
ici, on représente des gens et, bien souvent, on est là aussi
pour essayer de mettre des choses de l'avant et d'amener les choses avec nous,
mais il faut aussi que les gens que l'on représente suivent. Moi,
j'aimerais...
Vous savez, vous parlez, à un moment donné, dans votre
premier document, vous dites: En 1960, la culture a été
très importante; maintenant, on la met au même niveau que le
social et l'économique. Parlez-moi de l'évolution, parce que vous
percevez... Nous, on voit une évolution. On voit une évolution
des gens autour, que ce soit dans les centres, en région, partout, qui,
finalement, non seulement parlent pour la culture, mais s'aperçoivent de
l'importance. Il y a évolution. Il y a 30 ans, il n'y en avait pas. Il y
a évolution. Mais, en tout cas, vous sentez une espèce
d'évolution contraire à ce que nous, on perçoit. Est-ce
que j'ai raison de dire ça ou si, finalement, ma lecture est
incorrecte?
M. Dubois: C'est que je crois, qu'il faut discerner deux choses.
Nous croyons que, dans la situation que nous décrivons, les individus
artistes et les regroupements d'artistes, effectivement, sont dans une urgence
plus grande que jamais. C'est ce que, dans le document que nous avons lu
à Samson, Bélair, Deloitte et Touche, on appelait le complexe
d'Astérix. Un peu d'humour. Et ça fait créer,
c'est-à-dire que ce dont on parle, la révolte, n'est-ce pas,
ça peut faire créer. Ça, c'est sûr que c'est
très présent, qu'il y a un très fort mouvement de
création. Mais justement, parmi les composantes de ce qui fait
créer, c'est aussi le découragement face à la façon
dont les choses vont et ce foisonnement de la culture s'est fait - je vous le
dis comme bien du monde le pensent - non seulement souvent sans l'appui de
l'État, mais parfois contre, contre l'esprit qui règne dans ses
rouages.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le Président, au départ, je
m'en voudrais de ne pas souligner la densité et la profondeur quand
même de l'analyse avec un ton incisif que je connais bien, et percutant
même. Mais je ne partage pas ce verdict extrêmement négatif
que vous portez à l'égard des politiciens, qui n'ont jamais une
très très bonne cote, ça va de soi, mais quand même,
et du contenu du rapport Arpin comme tel.
Vous avez des phrases qui sont passablement dures. Vous parlez de
désespoir. On a l'impression que vous êtes en train de nous en
fournir un peu. À la page 60, je vous cite: "Le résultat de notre
erreur est celui-ci: du fait de notre naïveté, nous avons nourri
l'argumentation qui va permettre au gouvernement du Québec de rapatrier
d'Ottawa les sommes que cette capitale dépense au Québec pour les
arts et la culture. Les bienfaits de ce rapatriement se feront sentir chez les
artistes du Québec par l'entremise de ce qu'on appelait autrefois le
ministère du Bien-être social, auquel ceux d'entre nous qui y
auront bientôt droit, plus nombreux encore aujourd'hui,
s'adresseront."
Vous êtes en train de me dire que le rapatriement des
responsabilités fédérales qui ne se font pas, et vous
devez l'admettre, M. Dubois, en fonction des intérêts
spécifiques du Québec... Vous venez du théâtre. Vous
savez que le théâtre se meurt. Vous jugez justifiable que l'on
dépense 450 000 000 $ pour un musée des civilisations dont vous
en avez payé au moins 33 %, alors que le théâtre se
meurt... Alors, vous êtes en train de me dire que la question du
rapatriement des responsabilités fédérales, c'est
ramené par les politiciens québécois à des
préoccupations techno-bureaucratiques et vous doutez que les sommes
rapatriées servent au soutien des arts et de la culture. Pourquoi?
Douter qu'on ne le fasse pas, n'est-ce pas douter de votre peuple et douter de
vous-mêmes en même temps?
M. Dubois: Si vous permettez, ce n'est pas tout à fait
dans ces termes-là que nous doutons. Ce que nous croyons, nous avons dit
- et le milieu du théâtre a dit, l'an dernier, dans le
mémoire qu'il a remis à Bélanger-Campeau - que l'ensemble
du milieu théâtral se montrait favorable à
l'indépendance et, notamment donc, évidemment, au rapatriement
des pouvoirs en ce qui concerne les arts et la culture, dans la mesure
où l'État québécois décidera de faire
quelque chose avec ces pouvoirs, donc, et où ça s'inscrira dans
un projet. La raison pour laquelle nous refusons de parler...
D'ailleurs, je vais répondre là et, après
ça, je ne répondrai pas à d'autres questions sur le sujet
parce qu'on est en train de noyer le poisson. Lisez les journaux depuis le
début de cette commission. On est en train de noyer le poisson. Alors,
je réponds une fois et, après ça, on se tait sur le sujet.
On est en train d'utiliser la culture comme on fait depuis 30 ans, comme un
symbole, c'est-à-dire qu'on agit sur la culture à la place d'agir
ailleurs, à la place du geste réel qu'on devrait poser et en
faisant servir la culture à quelque chose dont ce n'est pas
nécessairement l'unique fonction de servir. On est en train de faire un
symbole là-dessus et la raison pour laquelle de nombreux artistes sont
en désaccord avec le rapatriement dans les conditions actuelles, parce
qu'on en parle en soi, ce qui, selon nous, ne tient pas debout, ça
devrait ... dans un projet global.
Là, on nous fait supporter, à nous, les risques de ce
projet global dans des conditions telles qu'il nous faut, effectivement, douter
même de la volonté, non pas seulement d'utiliser ces pouvoirs,
mais même d'améliorer les conditions à l'intérieur
du Québec. Il y a eu tellement de promesses depuis 30 ans qui n'ont
jamais été tenues. Pourquoi est-ce que vous ne commencez pas par
tenir vos promesses avant de nous promettre un char et une barge dont tout ce
que nous sommes sûrs, c'est qu'il y a un "bill" attaché
après. Ce qu'on sait, c'est qu'on va avoir le "bill". Les promesses, on
ne les aura pas; on a déjà donné. Voilà!
M. Boulerice: Si je vous comprends bien, vous nous dites qu'il y
a des actions immédiates, enfin immédiates dans leur application
ou dans leur élaboration, qui n'ont pas été faites, qui
auraient dû être faites et c'est ceci qui vous permet de juger de
la bonne volonté des politiciens de faire de ce rapatriement quelque
chose d'utile pour la culture et non pas se servir de la culture.
M. Dubois: Si c'était si important, comment se fait-il que
l'analyse que nous avons faite l'année dernière dans le
mémoire du CQT est
possible? Comment se fait-il que le mot "culture" apparaisse si rarement
dans les documents internes du Parti québécois? Ah! je ne parle
même pas du Parti libéral. Comment se fait-il que le mot "art" n'y
apparaisse pour ainsi dire jamais? C'est juste ça sur quoi on
s'interroge. Tout à coup, il y a un intérêt immense. On
veut bien, mais là, cette fois-ci, on fait... Mettons une garantie
minimale sur la table, et il n'y en a pas. On nous répond par des
jugements moraux.
On nous dit qu'on est des pas fins, qu'on ne fait pas les bonnes
affaires et qu'on trahit notre peuple. Pourquoi, tout à coup, c'est nous
qui trahissons notre peuple? Ça a été ça. Ce
jeu-là, on joue à ça depuis 30 ans. On en a marre! On en a
d'autant plus marre que nos camarades sont sur le bien-être social
pendant que ces beaux discours-là se déroulent et qu'ils sont
obligés pour survivre de se prêter à des programmes comme
PAIE et des affaires dans ce genre-là, qui sont de l'autoexploitation
éhontée, encouragée par l'État qui, de cette
façon, fait baisser les chiffres de son chômage. La culture, on
s'en fout. Nous en avons marre de servir de tapis. Nous vous disons: Si vous
voulez avoir notre appui à partir de maintenant, du côté de
notre peuple, on l'est. Du côté des partis, c'est une autre
affaire. Il va falloir que vous mettiez quelque chose sur la table, et du
concret. Excusez-moi, j'ai tendance à m'emporter dans certaines
circonstances, dont celle-ci. (10 h 15)
M. Boulerice: Le contraire m'eût déçu!
M. Dubois: Je vous remercie.
M. Boulerice: Et quand vous parlez de concret, sans vous faire
répéter ce que vous avez déjà dit, de façon
d'ailleurs aussi incisive, éloquente et passionnée, c'est
quoi?
M. Dubois: Malraux.
M. Boulerice: Oui, mais le moule est brisé.
M. Dubois: Non, s'il est brisé, on passe à
l'anglais demain parce que ça ne sert à rien, la comédie
qu'on joue depuis 30 ans, et on dépense des fortunes folles à
faire accroire qu'on veut parler français. Nous l'avons dit à
Bélanger-Campeau l'an dernier. Si ce pays n'a pour objectif que la
langue, si notre culture, c'est rien que notre langue puis qu'il n'y a aucune
résonnance spécifique derrière cette langue, donc, si nous
parlons français pour dire la même chose que les
Américains, mais avec un beau petit accent "cute", ça ne nous
intéresse pas. Ça coûte beaucoup trop cher. Passons
à l'anglais, devenons efficaces.
Si c'est l'argent qui nous intéresse, parlons d'argent, si ce
n'est que ça. Si nous sommes un peuple de la culture et des
lave-vaisselle, parlons lave-vaisselle, mais arrêtons de niaiser avec la
"puck". Ça fait 30 ans qu'on niaise avec. Ça suffit. Parlons des
vrais enjeux. Ou bien on croit que la vie a un sens, que la culture, c'est
quelque chose qui est l'émanation de quelque chose que certaines
civilisations ont appelé l'âme. C'est ça, ça existe.
C'est de ça qu'on parle. Si on veut parler de fonctionnalité, de
rendement, O. K., on va parler de ça. Mais, à ce
moment-là, parlons-en en anglais. Un discours en français demande
entre 9 % et 12 % plus de caractères qu'en anglais. Ça
coûte cher parler français. Ce que nous croyons, c'est que le fait
de parler français, comme on le fait présentement, la
façon dont le discours sur la langue et la culture du Québec
s'articule, est un leurre. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas quelque chose de
réel. Nous disons que nous nous masquons un rêve réel au
Québec, que le rêve réel des Québécois et des
Québécoises, c'est de devenir des Américains et qu'on
n'ose pas le nommer à haute voix, parce que, ne le nommant pas à
haute voix, ça nous permet de maintenir une illusion que nous pourrions
continuer à être francophones dans l'empire américain, ce
qui est une impossibilité.
Mais ce que nous faisons, ce faisant, c'est que nous marchons vers le
suicide collectif. Nous sommes en marche. Nous avons dit, il y a deux ans, aux
gens de Samson, Bélair: II est trop tard, il faut reculer les montres.
Nous sommes deux ans plus tard et, pendant ces deux années-là,
ça n'a parlé que de tableaux, ça n'a parlé que de
chiffres. On se retrouve avec cette chose étonnante et amusante, si on a
assez de recul, qui est le rapport Arpin, qui est le "truck" de citrouilles sur
le sundae de ce qui s'est fait depuis 30 ans. Non seulement ça ne recule
pas par rapport au trajet qui est enclenché depuis 30 ans, ça
s'accélère. Ça s'accélère et ça
s'approfondit.
M. Boulerice: Est-ce que je saisis bien une partie de votre
argumentation, M. Dubois, en disant: Oui, vous n'êtes pas contre le
rapatriement? Vous vous êtes déjà prononcé. Mais
vous ne jugerez du bien-fondé de ce rapatriement que dans la mesure
où on vous déposera, d'abord, une politique des arts, de la
culture et de la communication - moi, j'ajoute "communication", je trouve que
c'est indissociable - mais qu'on n'aille pas le quantifier en disant: Ça
doit avoir la même place que...
Un peu pour exemple, quand on parle du 1 %, je dis: Non, on doit cesser
de parler du 1 %. La culture, c'est 100 %, la création au Québec.
Est-ce que je décode bien?
M. Dubois: Ce qui est certain, c'est que je ne prononcerai ici
aucune phrase qui à la fois contiendrait le segment rapatriement et
à la fois, à l'autre bout, contiendrait soit le mot "oui", soit
le mot "non"; aucune. "Tapon" mais pas fou.
M. Boulerice: Dans mon pays natal, on disait: "Fou mais pas
écarté".
M. Dubois: Je vous ai dit: Nous... Pardon?
M. Boulerice: Dans mon pays natal, on disait: "Fou mais pas
écarté".
M. Dubois: Parce que le poisson est en train de se noyer. Il y
avait un petit passage... D'ailleurs, je vais vous le lire de vive voix parce
qu'on l'a enlevé pour être sûr d'arriver dans nos temps. Il
y avait un petit bout qu'on a enlevé où on disait: Le noyage de
poissons, nous laissons ça à d'autres parce qu'il y a des
spécialistes très efficaces pour ça dans notre pays. Nous
savons qu'ils sont très occupés ces temps-ci, mais on n'est pas
pressés. Mais ils sont très occupés. Nous savons qu'ils ne
se jouent pas dans le nez. Ils sont en train de les noyer. Ça se noie
par pleins aquariums.
Nous ne tenons pas à être de ces poissons-là ou, en
tout cas, on va essayer de retarder le moment autant que possible parce que,
très sincèrement - et, là, je ne parle pas au nom des
organismes, c'est mon point de vue personnel - je pense qu'il est trop tard. Je
pense que c'est foutu.
Cela dit, ça ne signifie pas que je vais arrêter. Je crois
que quelqu'un qui apprend qu'il est comdamné à mort, le temps
qu'il lui reste jusqu'au moment du décès, ça fait partie
de sa vie. Je vais continuer à lutter pour qu'il reste quelque chose de
la mémoire de ce que mon peuple a été avant de se noyer
dans son lave-vaisselle. Je vais lutter aussi longtemps que je vais pouvoir.
Non seulement ça, mais si, à un moment donné, je dois
parler anglais pour essayer d'expliquer en anglais ce que ces mots
français voulaient dire dans le temps, je le ferai. L'essentiel, c'est
la mémoire de ce peuple-là. Elle n'est pas rose, mais elle est
aussi rose, il y a aussi des petites taches roses. Mais présentement,
là, c'est l'horreur.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Verchères, une courte question.
Mme Dupuis: M. le Président, ce n'est pas une question.
Mais comme je vous comprends, pour être artiste moi-même, ce que M.
Gingras a dit tantôt, c'est exactement ce que vivent les artistes depuis
des générations. Au Québec, on respecte les oeuvres d'art,
ça fait bien, mais on méprise les artistes à tous points
de vue. Ça, il faut se le dire, il faut le reconnaître. Alors que
c'est par leurs produits qu'on peut connaître le degré
d'évolution d'un peuple, et ce n'est pas compris encore! On fait des
promesses qu'on ne respecte pas. On promet 1 % au niveau des financiers et ce
n'est jamais respecté. Je les comprends. Je les trouve un peu durs en
rejetant globalement. Moi, ce que je vous demanderais, c'est de nous
apporter... Il n'y a pas de moyens concrets, vous avez raison. Si on veut
parler côté positif, il n'y aurait pas lieu que vous nous
apportiez des moyens concrets, dire: On veut ceci, on veut cela pour cette
année, par étapes, si vous voulez? Mais, là, ça
ressemble au "Refus global" de Paul-Émile Borduas. Je ne vous dis pas
que ça n'a pas été très efficace, le "Refus global"
de Paul-Émile Borduas, mais n'y aurait-il pas lieu de mettre un peu de
positif en suggérant, en proposant des moyens concrets? Mais je vous
comprends très bien lorsque vous parlez de la langue d'un peuple. Moi,
lorsque j'étais au niveau de la maîtrise, on m'a dit que
l'âme, en théorie, ça n'existait pas et j'ai dit: Vous
n'avez rien compris parce que l'âme d'un peuple, c'est les arts et la
culture.
Le Président (M. Doyon): Brève réponse,
compte tenu du temps, malheureusement.
M. Dubois: Brève réponse. La raison pour laquelle
nous ne répondrons pas en termes d'épicerie, c'est que nous
savons que c'est la liste d'épicerie qui va devenir l'objet. Nous le
savons par expérience. Voilà pourquoi nous disons: Notre liste
d'épicerie, c'est que nous voulons que, s'il y a un De Gaulle dans ce
pays, il appelle le Malraux de ce pays et que chacun fasse sa job. Si le ballon
qu'on envoie, c'est une liste d'épicerie, nous savons que ça va
être là-dessus que ça va chipoter et ça va
être... Les cheveux vont être coupés en huit. Il y a des
gens de grand talent pour faire ça ici. On en rencontre
régulièrement. Ce que nous disons, c'est que nous vous
lançons le ballon. C'est votre problème parce que nous, nos
problèmes, on en a assez, merci beaucoup. C'est le vôtre. La
politique, dans notre régime, c'est votre responsabilité.
Faites-la.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots de conclusion.
M. Boulerice: II n'est pas facile de n'avoir que quelques
secondes quand on a mon ami Dubois devant moi. C'est notre
responsabilité, oui. Faites-la. On va la faire, mais je n'ai jamais
cru... et ce sera ma conclusion. Vous dites: S'il y a un De Gaulle, qu'il
appelle un Malraux. On n'est pas la France; on est le Québec. Il y aura
peut-être un X qui appellera un Y, mais il y a un vieux principe en
pédopsychiatrie qui dit qu'on ne se compare qu'avec soi-même.
Donc, je vais appeler avec vous qu'il y ait un X qui appelle un Y, mais je
pense qu'on fait une erreur de vouloir calquer sur un autre modèle en
espérant un De Gaulle, président de la république du
Québec, appelant un Malraux québécois. Il pourra
peut-être y avoir, je ne sais pas, moi... Je ne le dis pas pour vous
flatter. Le président de la république pourra peut-être
appeler un Dubois,
mais je ne pense pas que Dubois soit Malraux. Ce serait non pas pour
diminuer Malraux, mais pour vous dire que deux personnalités qui sont
tout à fait différentes et qui peuvent arriver à des
réalisations importantes et intéressantes... mais je ne crois pas
au calque et c'est peut-être le grand défaut du Québec que
d'avoir toujours cherché des referents et surtout des referents
auprès de plus grands, plus gros et plus forts, alors qu'il y a bien des
exemples...
Le Président (M. Doyon): M. le député, s'il
vous plaît.
M. Boulerice: ...originaux de pays à la même taille
et au même contexte que nous.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Messieurs, vous savez que vous
êtes à peu près, dans tous les groupes qu'on entend
à date ou qu'on a entendus, les seuls qui avez parié ici,
à votre façon, de l'origine et non pas des symptômes,
enfin, ce que vous nous dites ou communément ce que vous avez dit
tantôt: la liste d'épicerie.
Effectivement, on en est là à parler de l'origine. Mais
moi, je vais vous dire une chose, c'est qu'à notre façon à
nous il y a des gens qui y croient encore, il y a des gens qui savent et qui
comprennent aussi l'urgence. Il y a des gens qui, par les moyens qu'ils ont,
essaient justement de parer à cette urgence. Tantôt vous nous
disiez: On sent que la mort s'en vient. Moi, je vais vous dire une chose de la
part des gens qui m'entourent et qui y croient: Nous, on ne veut pas mourir.
Alors, c'est pour ça cette discussion.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre.
Alors, ceci termine le temps qui vous était alloué,
malheureusement. Il me reste à vous remercier bien sincèrement.
Je pense que votre message était vigoureux, a été compris,
a été reçu. Les résultats, vous en jugerez
vous-mêmes. Alors, ça a été un plaisir de vous
recevoir. Merci beaucoup.
M. Dubois: Merci.
Le Président (M. Doyon): Vous permettant de vous retirer,
j'inviterais maintenant l'Association québécoise des salons du
livre, représentée par M. Gérard Pourcel, si le document
que j'ai devant moi est exact, de bien vouloir prendre place en avant, de bien
vouloir s'installer et de nous présenter peut-être la personne qui
l'ac compagne. Vous connaissez nos règles. Vous prenez un quart d'heure
environ pour faire votre présentation; le reste du temps est
consacré à une discussion avec vous entre les membres de la
commission. Alors, si vous prenez moins de temps pour votre mémoire,
c'est plus de temps qu'il reste aux membres de la commission. Vous faites comme
vous voulez. Si vous présentez un résumé, c'est à
votre choix. Vous avez donc la parole.
Association québécoise des salons du
livre
M. Pourcel (Gérard): Parfait. Merci beaucoup. Celui qui
m'accompne c'est Denis Lebrun, qui est directeur général du Salon
du livre de Québec et membre du conseil d'administration de l'AQSL
Mme la ministre, mesdames, messieurs, les membres de l'AQSL vous
remercient évidemment de pouvoir nous entendre. Avant peut-être de
cerner ce qu'est l'AQSL, donc, l'Association québécoise des
salons du livre, peut-être qu'il serait bon de définir très
succinctement ce qu'est un salon du livre. Un salon du livre, c'est une
manifestation professionnelle périodique qui a pour but de faire
connaître la production des livres intéressant une
communauté culturelle, donc, la nôtre.
Au service à la fois des exposants, éditeurs et
distributeurs, des auteurs, des visiteurs, un salon du livre est une source
d'information privilégiée d'enseignement, un facteur aussi
d'innovation, un marché d'affaires, un média pour le
développement du livre et de la lecture. La mission d'un salon du livre
et de tous les salons du livre du Québec est donc de mettre en contact
le plus de personnes possible avec le maximum de livres, donc, viser toutes les
couches de la société, les jeunes et les moins jeunes, les
lecteurs et les non-lecteurs, parce qu'il y a une partie de gens qui visitent
les salons du livre qui sont des non-lecteurs. L'AQSL réunit donc en
association les neuf salons du livre du Québec. Par ordre chronologique:
le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Estrie, Rimouski, Montréal, la
Côte-Nord, Trois-Rivières, l'Outaouais, Québec et
l'Abitibi-Témiscamingue. (10 h 30)
Ce qui fait un peu la force de notre association, je dirais, c'est notre
unité, c'est la réunion d'organismes qui ont un point commun: la
promotion du livre et de la lecture. Ce qui fait aussi notre force, c'est
peut-être notre disparité, parce que chaque salon du livre prend
la place qui lui revient dans chaque région et chaque salon s'enrichit
aussi des différences des autres. L'AQSL développe aussi des
stratégies communes à tous les salons quant à la
promotion, aussi quant à certaines règles de déontologie
que nous respectons, quant aux relations avec le ministère des Affaires
culturelles. Voici donc un peu, d'une manière très succincte, la
présentation des Salons du livre et de l'Association qui les
regroupe.
Mais permettez-nous, peut-être plus avant, de rentrer dans la
spécificité des salons du livre. Comme nous sommes
différents en étant tous pareils, si vous me permettez de
paraphraser
Albert Jacquard, je prendrai différents éléments
des différents salons sans pour autant forcément
référer à des exemples particuliers.
La structure de financement d'un salon du livre. Et là,
effectivement, on est dans la cuisine, on va parler cuisine. Il y a d'abord les
subventions: gouvernement du Québec, donc le ministère des
Affaires culturelles, c'est un contrat de trois ans; on a été
d'ailleurs un des premiers à en bénéficier. Le
gouvernement fédéral, soit le Conseil des arts, soit le
ministère des Communications, entre 12 % et 44 % à peu
près. La municipalité de résidence du salon est aussi une
source de financement, mais pas pour tous les salons. Par exemple, à
Montréal, on ne reçoit pas une cent de la ville, alors que le
Salon du livre de Montréal verse des taxes à la ville.
Enfin, il y a aussi des moyens de fonctionner à peu près
comme tout le monde dans la culture, ce sont des projets spéciaux, des
PDE, article 25, PSR, et nous sommes passés à peu près
maîtres dans la pratique de l'utilisation de ce genre de programme.
Cependant, de tels projets ne sont pas récurrents, et il faut faire
preuve d'imagination pour en bâtir d'autres. Et, par ailleurs, le
personnel que nous avons formé par ces programmes peut très
rarement être réembauché par la suite et nous perdons donc
chaque année une expertise.
Il y a comme autre source aussi les commandites. Les commandites,
ça va de 4 % à 25 % des revenus pour les salons et la course aux
commanditaires demande de développer aussi une expertise, de
préparer des dossiers et, si vous me permettez l'expression un peu
triviale, mais tout de même imagée, quelquefois on est dans un
panier de crabes. Non seulement nous sommes en compétition avec nos
collègues du domaine culturel et nos amis de la culture, mais nous
sommes aussi en compétition avec des organismes sportifs, avec des
organismes de charité et d'entraide qui, pour différentes
raisons, ont quelquefois une oreille plus attentive, bénéficient
d'une oreille plus attentive auprès des commanditaires que la culture ou
le livre en particulier.
Et si certaines commandites sont relativement payantes - ça
arrive - il n'est pas rare aussi d'échanger quatre trente-sous pour une
piastre, et nous l'avions dit, d'ailleurs, dans de précédents
rapports. Sans compter des commanditaires qui se retirent - évidemment,
ça arrive - au bout parce qu'il y a une faillite, parce qu'ils ne sont
plus là et il n'y a aucune raison. Et, bien que nous essayons d'obtenir
des contrats de trois ans, certains brisent leur contrat et, évidemment,
de toute manière on ne peut absolument pas aller rechercher cet
argent-là. J'avais envie de dire que l'entreprise de séduction
recommence chaque année et prend évidemment beaucoup
d'énergie.
Quant aux revenus directs, autre source, troisième source de
financement des salons du livre, on retrouve la location des stands qui sont
entre 50 et 550, en gros. Le coût d'entrée: entre 2 $ et 5 $,
coût d'entrée dont il faut déduire, d'ailleurs, 7 % de TPS,
10 % de taxe d'amusement, et sans doute bientôt 8 % de TVQ, à
partir de 1992. Donc, évidemment, il n'en reste pas lourd. On ne peut
augmenter ces deux sources de revenus, pour plusieurs raisons. Parce que nous
voulons conserver un accès facile à la culture et qui ne soit pas
un accès uniquement pour les riches. Et, entre parenthèses, le
coût de 5 $, qui est le maximum de nos salons du livre, est bien
inférieur à tout ce qui peut exister de salons, de l'automobile,
de l'agriculture ou autres.
Le personnel des salons du livre se constitue de permanents; la
situation varie de un à deux permanents à temps plein à
deux ou trois personnes payées 15 semaines, voire 20 semaines, mais qui
continuent bénévolement de travailler pour poursuivre
évidemment les dossiers. Autour de ce petit noyau, c'est le domaine de
la générosité et du bénévolat. Les membres
du conseil d'administration prennent des dossiers de financement, des dossiers
tels que des comités d'auteurs ou toute autre tâche multiple. Il y
a aussi le personnel bénévole, quelques dizaines dans certains
salons, jusqu'à plus d'une centaine dans d'autres salons. Le Salon de
l'Outaouais est remarquable en ce domaine-là. Les tâches vont tout
simplement de l'adressage et du collage d'enveloppes, ou du collage d'affiches,
à la rédaction de cahiers spéciaux, au "booking" d'auteurs
- pardonnez-moi le mot anglais - dans les médias, avant le salon,
à transporter des tables, des chaises, à remplacer des exposants
dans leur stand, à piloter des auteurs dans différentes stations
de radio, de télévision, dans les écoles, les
cégeps et les universités, entre autres. Il y a quelques
années, en offrant le salaire minimum à notre personnel
bénévole, nous avons fait un calcul de la masse salariale qu'il
représentait; ça comptait 179 000 $ de masse salariale que nous
aurions investie. Les chiffres sont déjà vieux, et le
bénévolat, évidemment, s'est accru.
Une telle structure pour cinq jours d'exposition! direz-vous. Ça
paraît évidemment démesuré. En
réalité, les cinq jours d'exposition d'un salon du livre, ce
n'est que la pointe de l'iceberg. L'exposition, la location de stands,
l'aménagement de ceux-ci dans un centre de congrès, d'exposition
est la tâche la plus facile, la plus aisée et celle qui demande le
moins de temps. Avant tout, un salon du livre, c'est un vaste programme
d'animation qu'il faut préparer des mois à l'avance. Ce sont des
débats qu'il faut organiser avec des auteurs sur des thèmes
particuliers. Ce sont des personnes-ressources qu'il faut contacter pour
diriger ces débats; certaines sont payées, d'autres sont
évidemment bénévoles. Si vous me permettez une
comparaison, c'est pratiquement une émission "Apostro-
phe" qu'il faut alimenter pendant cinq jours consécutifs, si on
veut que le public revienne.
Il faut créer l'événement autour du livre pour que
les journalistes en parlent car, évidemment, nous n'avons pas les
budgets nécessaires pour acheter toute la publicité. Comme on n'a
pas l'argent pour la publicité, on crée
l'événement. Ce sont des organismes tels les médias, les
cercles de presse, les associations professionnelles du livre, les
regroupements de conseillers pédagogiques, les bibliothécaires,
les professeurs qu'il faut mettre en contact avec des auteurs, des
éditeurs, des représentants et des distributeurs; c'est dans ce
sens-là que nous sommes un média. Favoriser de tels contacts
nécessite évidemment de tenir constamment à jour des
listes de journalistes, de directeurs d'école, de conseillers
pédagogiques, etc. Et nous devons évidemment être aussi
informés des derniers mouvements du monde de l'édition.
Parallèlement à ça, c'est toute une sensibilisation
à la lecture que nous effectuons auprès des jeunes et que nous
devons organiser. Des programmes d'animation à l'intérieur
même du salon du livre doivent être mis en place. L'information
doit être acheminée dans toutes les écoles. Des
réservations de visites doivent être prises. Des enquêtes
auprès des enseignants, pour répondre à leurs besoins,
doivent être menées et analysées. Certains salons
débordent même géographiquement du lieu où se tient
l'événement.
Permettez que je fasse référence, peut-être,
à la dernière édition du Salon du livre du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, celui que je connais peut-être le mieux et qui
s'est tenu il y a une quinzaine de jours. Il y avait 18 rencontres
d'écrivains en dehors du salon, dans les écoles secondaires, dans
les cégeps, dans les universités, de Saint-Félicien
à Chicoutimi; ça fait un rayon de 200 kilomètres. Des
récitals de poésie se sont tenus dans les bars des villes de la
région, avec des gens tels Gaston Miron, Denise Desautels,
Geneviève Letarte. Et ce n'est pas le seul cas du Salon du livre du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, il se passe la même chose, par exemple, au Petit
Champlain, lors du Salon du livre de Québec. Mon collègue ne me
contredira pas.
Toute cette énergie est mise aussi à la rédaction
de cahiers spéciaux pour mettre en évidence les auteurs, ou alors
à la rédaction de brochures ou de magazines que nous consacrons
aux écrivains dans des salons du livre, autant de publications,
d'ailleurs, que nous essayons d'autofinancer car, évidemment, nous
courons toujours les commanditaires. Certains salons élargissent
même leur mandat dans le temps en s'inscrivant dans des campagnes de
promotion du livre et de la lecture auprès des organismes scolaires,
auprès des bibliothèques, des BCP, tout au long de
l'année. Certains créent même d'autres
événements tel un gala du livre. Tout au long de l'année,
les salons du livre demeurent une structure d'appui pour le milieu du livre,
soit donnent un coup de main à un éditeur qui veut remettre
à jour ses listes ou faire une tournée d'auteurs; soit une
école veut inviter un auteur, et elle se réfère à
nous pour avoir des renseignements; ou, alors, on donne aussi des coups de main
à des journalistes qui recherchent un auteur ou quelque chose.
Par ailleurs, les neuf salons du livre du Québec font, tout le
temps, au Québec, dans nos neuf régions respectives, pendant 15
jours à 3 semaines, que l'on parle plus de livres que de tout autre
chose et que le sport en particulier. Ce qui fait que, grâce aux salons
du livre, dans tout le Québec, on parle, à un endroit, en ce
moment, plus de livres que de sport et je pense qu'en ce moment, c'est en
Estrie. Ensuite, nous rejoignons aussi, ce qui est très important, une
population à peu près de 20 % à 25 % qui affirme ne
fréquenter que très rarement les bibliothèques et les
librairies. Et notre mandat, à ce moment-là, est donc
important.
Après cette présentation très succincte de ce qui
se fait dans les salons du livre, permettez-moi d'en référer
à ce qui est communément appelé le rapport Arpin. Les
déclarations de principe et de constat sont encourageantes pour trois
raisons. On parle de l'importance de la culture sur la société,
de la démocratisation de la culture et du rôle de l'État
dans le domaine culturel. L'AQSL ne peut, évidemment, qu'applaudir
à l'importance accordée à la lecture en citant
brièvement quelques passages du rapport. "La lecture [...] - et je cite
- s'adresse à l'intelligence, au goût, au désir et au
plaisir. Elle est un préalable à la vie intellectuelle et
à la vie culturelle active [...] C'est par la lecture que le tout jeune
[...] développe son imaginaire [...] Et c'est ainsi que la lecture [...]
devient pour le plus jeune la vraie porte d'entrée dans le monde [...]
de la culture." Évidemment, nous ne pouvons être que tout à
fait d'accord avec cette façon de voir.
Nous nous réjouissons aussi du constat concernant "le monde
québécois du livre qui a atteint - dit-on dans le rapport - sa
maturité et connaît un essor considérable" car l'essor des
salons du livre au Québec reflète le développement de
l'édition, puisque les salons du livre en sont en quelque sorte le
reflet du développement de l'édition dans un lieu donné.
Cependant, il y a une situation alarmante. Nos motifs de réjouissance
s'arrêtent là. Déplorons aussi le fait que chez les
élèves l'intérêt à l'écriture tombe de
59.8 % en troisième année à 34,4 % en sixième
année et que l'intérêt de la lecture chute de 71.9 % en
troisième année à 54 % en sixième année.
Déplorons aussi que les jeunes du secondaire lisent peu de livres et que
la lecture tient une place fort mince dans leur emploi du temps.
Déplorons aussi la pauvreté de nos bibliothèques publiques
et l'indigence de nos bibliothèques scolaires. Déplorons
également les effets néfastes
de la taxe fédérale sur les produits et services sur le
livre et déplorons enfin que dans la proposition Arpin les salons du
livre ne sont cités qu'une seule fois et dans un seul paragraphe et dans
un graphique montrant l'évolution de la fréquentation des
établissements culturels, laissant croire que la fréquentation
des salons du livre a nettement diminué entre 1983 et 1989 alors que
c'est le contraire. La question n'était pas la même en 1983 qu'en
1989. Elle était beaucoup plus restrictive en 1989, ce qui explique ce
graphique.
Il faut reconnaître que sans l'aide initiale aussi du
ministère des Affaires culturelles le réseau du salon du livre du
Québec ne serait pas ce qu'il est devenu. Il faut admettre que sans le
système des contrats de trois ans plusieurs salons n'auraient pu
survivre. Il faut également souligner que c'est le ministère des
Affaires culturelles, avec, bien sûr, l'appui des organisateurs, qui a
fortement incité les salons du livre à adopter leur style en
accordant une très large part à l'animation culturelle.
Sur la proposition des implications sur les salons, les subventions du
ministère des Affaires culturelles sont évidemment
particulièrement nécessaires. Il faut maintenant se poser la
question: Quelles seraient les conséquences sur le développement
des salons du livre si certaines mesures préconisées par le
groupe-conseil passaient? Notons tout d'abord que le total des subventions
accordées aux neuf salons est passé de 332 000 $, en 1984-1985,
à 350 088 $ en 1988 et 1989, soit une augmentation de 18 000 $ pour
l'ensemble, ce qui ne correspond pas évidemment à l'ajustement au
coût de la vie. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas de mode d'indexation
établi à la subvention triennale du ministère des Affaires
culturelles, ce serait important que cette indexation devienne en quelque sorte
notre police d'assurance-vie au salon du livre. Pour renverser cette tendance,
nous appuyons donc fortement les recommandations 11 et 14 qui prévoient
l'indexation et l'ajustement budgétaire des ententes triennales. (10 h
45)
Je voudrais aussi aborder l'approche géographique du rapport
Arpin qui nous semble erronée, partielle et même dangereuse pour
la culture. Privilégier Montréal et Québec et ensuite
représenter les régions comme un troisième pôle, un
espace indéfini où sont déterminés quelques
îlots de population est une erreur de géographie humaine. Les
régions sont des indentités propres. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean
est un bassin homogène, l'Estrie aussi et je ne ferai pas la
géographie du Québec. Évidemment, nous sommes moins
nombreux qu'à Montréal, en région, comme les
Montréalais sont nettement moins nombreux que les Parisiens, et ce n'est
pas une raison pour ne pas avoir une identité culturelle au
Québec.
De cette représentation déformée de notre
réalité géographique et humaine découlent des
recommandations néfastes pour la culture en général. Les
régions ne sont pas et ne doivent pas être passives dans leur
consommation culturelle en attendant qu'on leur envoie ce qui se fait de mieux
en métropole. La consommation de biens culturels n'est pas
assurée du succès, d'ailleurs, si ces biens sont exclusivement
extérieurs à la région. Il y a des exemples de produits
culturels pourtant de qualité, importés de Québec ou de
Montréal, qui n'ont pas connu de succès en région. Nombre
de personnes aussi vont voir un ballet, vont écouter un concert, vont
lire un livre parce qu'elles connaissent un de leurs proches impliqués
dans cette création. Même si certaines créations
régionales ne sont pas toutes de calibre international, elles n'en
restent pas moins des portes d'entrée collatérales à la
consommation culturelle pour nombre de personnes qui auraient peur d'aborder la
culture par la nef centrale et les grandes orgues montréalaises. Le
sentiment d'appartenance à une communauté régionale est
important pour le développement des habitudes à consommer la
culture.
Quant aux créateurs, il faut reconnaître que les
régions génèrent de nombreux artistes qu'on retrouve plus
tard en métropole ou à l'étranger. Les régions sont
des bancs d'essai hautement nécessaires à la création
culturelle et rien n'empêche de produire et d'exporter à partir
d'une région. Et je pense en particulier aux Éditions JCL qui
rayonnent à partir de Chicou-timi, aux Écrits des Forges qui
rayonnent à partir de Trois-Rivières, et il y a plein d'autres
exemples ainsi.
À notre avis, c'est une erreur de penser que l'axe d'exportation
de nos produits culturels et de la sélection de ceux-ci va des
régions à Montréal, et de là vers Paris.
Actuellement, le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean vient de
créer un axe Jonquière-Saint-Étienne qui semble efficace;
l'ouverture des gens, des Français en région est beaucoup plus
grande à la culture québécoise que l'ouverture des
Parisiens, et je pense que je ne vous l'apprendrai pas. Un axe
Bordeaux-Québec est en train de naître, est en train de se
développer aussi; l'Outaouais développe un axe avec les
régions frontalières de France, donc près de la
Franche-Comté et de la Suisse. Il y a d'autres exemples d'axes
interrégionaux et, on en a tous parlé, même Le Devoir
a été particulièrement sévère, je pense
à "La fabuleuse histoire de notre royaume" qui a fait un axe entre le
Saguenay et la Normandie.
Donc, une perception erronée du fait culturel, de la culture en
région et de son impact a aussi des incidences malheureuses sur les
recommandations du rapport Arpin quant au financement des arts.
Préconiser une Intervention forte de l'État dans les grands
centres, à l'endroit des grandes institutions, et laisser aux
municipalités le financement de la culture en région est
dangereux. Premièrement, il y a
nombre d'organismes culturels qui ont un rayonnement régional;
c'est le cas des salons du livre ou des orchestres symphoniques, par exemple.
Et il n'y a pas de structure correspondante capable de les financer; les MRC
n'ont pas cette latitude.
Dans un second temps, bien que les municipalités fassent de plus
en plus d'efforts pour aider la culture, il faut remarquer que les charges sont
de plus en plus lourdes et, souvent aussi, les villes n'ont pas de politique
culturelle identifiant très bien le rapport culture, sports et loisirs.
Et I'aréna est souvent beaucoup plus pesante que la
bibliothèque.
Le Président (M. Doyon): M. Pourcel, je me vols dans
l'obligation... Vous avez très largement dépassé le temps
qui vous était alloué. À moins que les membres de la
commission souhaitent que vous terminiez et il ne restera à peu
près plus de temps pour discuter avec vous. Le président va se
conformer au désir de la commission. Si vous pouvez résumer
peut-être pour terminer.
M. Pourcel: Oui. Merci. Donc, la culture francophone au
Québec ne pourra vraiment se développer que si nous avons des
régions cul-turellement fortes et énergiquement soutenues par le
gouvernement du Québec. Une telle volonté est le seul moyen de
préserver la recherche et l'émergence de formes nouvelles d'art,
y compris en région. Et c'est valable évidemment pour tous les
salons du livre aussi. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Pourcel. Tout
simplement pour rappeler que votre mémoire, bien sûr, a
été distribué; les membres de la commission ont pu en
prendre connaissance. Alors, prenez pour acquis que même la partie que
vous n'avez pu livrer a été regardée et examinée.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Pourcel. Il y a une chose que
je voudrais quand même rétablir au niveau des salons du livre. Je
pense qu'on en avait même parlé ensemble quand on s'était
vus la dernière fois. D'abord, vous vous êtes arrêté
au niveau de votre subvention en 1989-1990, je crois, mais il y a eu une
augmentation significative en 1990-1991 et 1991-1992 et un réajustement
au niveau de la subvention de l'ordre de 150 000 $ pour 1990-1991 et indexation
en 1991-1992. Alors, je veux quand même remettre en...
M. Pourcel: Je suis d'accord avec vous.
Mme Frulla-Hébert: Maintenant, il y a une chose qui,
finalement, m'a chicotée un petit peu dans votre mémoire.
À la page 21, vous dites: "remettre le financement des salons du livre
aux municipalités constitue leur arrêt de mort pur et simple", et
vous en avez parlé. Moi, je voulais juste savoir... Parce qu'on parle
beaucoup de partenariat avec divers intervenants, on parle beaucoup
d'implication des municipalités et je pense que ce que vous dites, c'est
important. Vous craignez... Enfin, vous semblez craindre une mainmise des
municipalités. Pourquoi cette crainte au niveau des
municipalités, d'une part? Deuxièmement, parce que vous
travaillez beaucoup, vous, au niveau des salons avec les municipalités,
est-ce que le partenariat fonctionne bien ou c'est dû à un manque
de compréhension?
M. Pourcel: Mme la ministre, il n'y a pas une crainte. Nous
travaillons avec les municipalités et les municipalités
soutiennent, de plus en plus d'ailleurs, les événements culturels
et les salons du livre. Cependant, le problème que nous vous exposons,
c'est que... Dans le rapport Arpin, on préconise que la culture en
région doit être beaucoup plus soutenue par les
municipalités et que l'État doit être beaucoup plus
présent à Montréal et Québec. Or, si cette
recommandation devient effective, une municipalité n'est pas capable de
soutenir un organisme régional. Par exemple, le Salon du livre du
Saguenay-Lac-Saint-Jean réside à Jonquière, mais il a une
incidence régionale sur tout le Saguenay-Lac-Saint-Jean et je ne pense
pas qu'on puisse demander aux villes voisines, d'une part, de financer le Salon
du livre parce que, elles aussi, elles ont des organismes sur leur propre
territoire qu'elles ont à financer. Deuxièmement, le fait d'aller
puiser une fois de plus dans les municipalités, la charge est
déjà très lourde pour elles. Dans un troisième
élément, c'est que la notion de politique culturelle dans les
municipalités est encore une notion fort jeune, pour ne pas dire floue,
dans la majorité des cas.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que je pense que vous
partez d'une prémisse qui n'est pas tout à fait... En tout cas,
selon les intervenants qui sont venus, évidemment, nous voir à
cette commission, par exemple Serge Turgeon, nous allons avoir M. Gilles
Bélanger qui a représenté d'ailleurs aussi les
régions au sein du groupe-conseil - l'affirmation de dire: Bien, on
appuie sur Montréal et Québec, et les régions, qu'elles se
débrouillent, en fait, ce n'est pas ça du tout. Je ne pense pas
que c'était la nature même des recommandations du rapport. Qu'on
parle de Montréal, Québec et les régions, ce qui avait
été perçu comme étant une espèce de bloc
monolithique, en parlant des régions en général, c'est
peut-être une question d'interprétation et de mauvais rendu
peut-être, mais, chose certaine, c'est que ça n'a pas
été Montréal, Québec, et les régions, on
décharge aux municipalités. Donc, partant, l'État -
d'ailleurs, on le fait par des ententes triennales - va toujours rester
très très présent.
Je voulais juste revenir à ce que vous dites: Bien, les autres
municipalités, il y a les grosses qui paient et les autres n'ont pas,
finalement, à
contribuer, les plus petites. Pourquoi? Les petites aussi
bénéficient du rayonnement de certaines activités ou de
plusieurs activités culturelles. Alors, pourquoi... Les petites,
à leur mesure, aussi petites soient-elles en termes d'aide, pourquoi on
balaie ça en disant: Bien, c'est juste les grosses; les petites, elles,
ne peuvent pas payer?
M. Pourcel: Ce n'est même pas le rapport petites et
grosses. C'est la ville où se retrouve le salon du livre qui va
financer. La ville voisine, elle, va avoir un orchestre symphonique ou va avoir
une troupe de théâtre et va d'abord, normalement, financer sa
propre troupe de théâtre, même si la troupe de
théâtre, évidemment, fait une tournée en
région. Et aussi, le budget des municipalités n'est pas quelque
chose d'éminemment extensible et là aussi elles font face
à des problèmes de financement. Je ne pense pas forcément
que ce soit de la mauvaise foi ou de la mauvaise volonté de la part des
municipalités, mais c'est quelque chose que nous n'arriverons
sûrement pas, disons, à vendre. SI vous me permettez le terme, je
ne vendrai pas le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean à M.
Blackburn de Chicoutimi. Je n'y arriverai pas. Et puis je ne suis pas
défaitiste, pas du tout, croyez-le.
Mme Frulla-Hébert: II y a une question de
bibliothèque aussi à Chicoutimi.
M. Pourcel: Je ne vous le fais pas dire, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ça aussi, on a de la
misère à vendre ça. Il y a eu plusieurs intervenants, dont
l'UNEQ, qui nous ont demandé de faire plus de place à la
littérature québécoise et d'accentuer aussi sa promotion.
Dans vos salons, quelle est la place de notre littérature au niveau des
salons? Est-ce qu'il y a une place privilégiée, d'une certaine
façon? Est-ce que vous vous donnez ça comme mandat et comment
peut-on faire aussi pour aider au niveau de la promotion en termes de moyens?
Vous le faites, là, vous le vivez.
M. Pourcel: Dans les salons, Mme la ministre, la part du livre
québécois est évidemment prépondérante.
Quand le livre... Et là, c'est un peu l'éditeur qui décide
quoi apporter, c'est évident, mais c'est le salon du livre qui
décide quel auteur inviter. Et lors de tous les salons du livre, la
place des auteurs québécois est absolument énorme. On les
retrouve à tous les niveaux. Et, tout à l'heure, je prenais
exemple qu'ils se déplacent. On les envoie dans les collèges,
dans les universités, dans les écoles et c'est le moyen pour les
jeunes d'être sensibilisés à la littérature de chez
nous. Et vraiment, elle est majoritaire. Dans certains salons, on a un ou deux
invités étrangers, ce qui est aussi nécessaire, parce que
je pense qu'il faut que nous puissions comparer notre littérature et
notre création littéraire à celle des autres.
Mme Frulla-Hébert: Si on vient aux écoles, encore
une fois, la semaine dernière, on a beaucoup parlé de
l'importance au niveau du réseau scolaire et de l'éducation pour
l'apprentissage de la culture et de notre culture. Au niveau des écoles,
le réseau scolaire, au niveau du Salon du livre, par exemple,
participe-t-ll pleinement, d'une part? Et, deuxièmement, est-ce que vous
y voyez aussi un accroissement? Est-ce qu'il y aurait des choses à faire
à ce niveau-là?
M. Pourcel: il y a un accroissement, oui. C'est très
difficile. La machine scolaire est une très grosse machine, très
difficile à pénétrer, il ne faut pas se le cacher. Il y a
plusieurs éléments. Premier élément, un
élève peut venir au salon du livre et c'est
l'émerveillement un peu qui... Je parle plus des élèves du
primaire qui voient qu'on fait une fête aux livres, alors que leurs
bibliothèques sont assez tristounettes, généralement, sauf
exception.
Un deuxième élément, c'est de pouvoir envoyer des
auteurs dans les écoles. Et, récemment, par exemple, nous avons
envoyé des auteurs dans des écoles. Mais les Salons du livre ont
payé le déplacement de l'auteur, ont payé
l'hébergement de l'auteur et paient aussi les cachets pour pouvoir
défrayer l'auteur qui s'en va dans l'école. Aller chercher,
disons, un peu d'argent dans le milieu scolaire est vraiment extrêmement
difficile. On veut effectivement favoriser le développement du
goût de la lecture dans les salons du livre, parce que nous sommes un peu
les seuls, dans le monde culturel, à présenter la culture comme
une jouissance alors que, dans le milieu scolaire, on présente, que ce
soit la littérature, que ce soit la musique, comme des apprentissages
et, donc, le milieu culturel nous le présente d'une autre
manière. Et si nous voulons vraiment le présenter comme une
jouissance qui va rester après qu'on aura quitté l'école,
il faut que nous fassions ces investissements. Mais je vous dis: Actuellement,
les salons du livre financent le ministère de l'Éducation.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Pourcel, je pense que les salons du livre
sont évidemment - je les fréquente, vous le savez bien - un outil
important dans la promotion du livre et, forcément, dans la promotion de
la lecture. Ça permet des avantages drôlement intéressants
aux éditeurs, libraires, etc. Mais là où ça devient
encore même plus intéressant, c'est un point de contact qui
s'établit, un point de contact vraiment privilégié entre
l'auteur et les lecteurs. Et, ça, c'est assez
intéressant. (11 heures)
Vous avez souligné d'emblée les effets négatifs de
la TPS fédérale sur le livre. Déjà jeudi, Mme la
ministre nous a annoncé que l'application de la TVQ
québécoise serait suspendue pour une autre année
consécutive. Mais, comme vous avez fait référence à
certains salons où il y a une tarification d'entrée, j'aimerais
vous rappeler que dans très exactement 10 semaines, au plus tard, il y
aura 27,5 % de taxe pour entrer dans un salon du livre qui aura eu
l'idée - mais est-ce qu'on peut faire autrement? - de charger un prix
d'entrée. Donc, celui qui est à 5 $, bien, il y aura quelque
chose comme 1,30 $ de taxe d'ajouté sur les 5 $. Est-ce que ce sont des
mesures incitatives? Je pense que ce sont plutôt des mesures que
j'oserais qualifier de répressives dans le cas de la
fréquentation.
Ceci dit, vous en avez parlé vous aussi, plusieurs groupes en ont
parlé, elle fait partie de bien des discours dans le domaine de la
culture, c'est la formule des ententes triennales. Nous, on souhaite que le
ministre élargisse cette mesure à bien des organismes, comme
instrument, justement, qui permettrait de stabiliser la situation des groupes.
Dans quelle mesure - j'aimerais ça avoir un exemple concret - ça
vous permettrait d'assurer une meilleure planification de vos activités?
Par exemple, un budget triennal vous permettrait-il une planification triennale
en disant: Cette année, on met l'accent sur telle chose; l'année
prochaine, on consolide et, l'année suivante, déjà, on
amorce un autre virage dans la conduite de notre salon du livre?
M. Pourcel: Oui. De toute évidence, c'est quelque chose
qui nous aide parce que nous savons, d'une année à l'autre,
à quoi nous en tenir. Ça nous aide du point de vue tout
simplement de nos organismes financiers, les banques ou les caisses populaires,
purement, parce qu'à ce moment-là on est capables d'avoir une
marge d'emprunt puisque la subvention s'en vient. Étant donné que
la subvention n'arrive pas toujours en début d'exercice de salon,
ça nous permet donc d'avoir de l'argent frais et de travailler.
Ça, c'est pour !e côté le plus terre à terre.
Dans un deuxième élément, ça nous permet
aussi de prévoir, par exemple, d'assainir. Supposons qu'un salon ait une
situation financière difficile, ce qui n'est pas un cas unique et
extraordinaire, compte tenu un peu des revenus que nous avons. Ça
permet, une année, de dire: Bon, cette année, on fait tel
programme. On essaie d'assainir les finances. L'an prochain, on va pouvoir
passer peut-être à l'achat d'ordinateurs pour être un peu
plus performants. On va pouvoir mettre plus d'argent sur la présence
d'auteurs, on va pouvoir mettre plus d'argent dans le scolaire. On se donne
régulièrement, dans les salons, des plans de deux ans, trois ans
ou voire cinq ans. Le fait d'avoir cette entente triennale est vraiment,
j'allais dire, un ballon d'oxygène hautement nécessaire et nous
avons été, je le reconnais, Mme la ministre, les salons du livre,
un peu privilégiés de ce côté-là, compte tenu
que les autres ne l'avaient pas. Je ne pense pas que ce soit un
privilège, c'est une nécessité, mais, compte tenu du
contexte, ça pouvait paraître un privilège.
M. Boulerice: Par quels moyens peut-on bonifier la situation
actuelle?
M. Pourcel: Pardon?
M. Bouierice: J'ai dit: Par quels moyens concrets peut-on
bonifier la situation actuelle?
M. Pourcel: Les salons du livre. Je pense qu'il y a un
sous-financement des salons du livre, compte tenu du travail qui y est fait.
Les salons ont évolué énormément, tous, dans leur
ensemble, et sont passés de cinq jours d'exposition à des
événements culturels complets qui rayonnent dans toute une
région. Ils sont devenus aussi des événements qui sont
permanents, compte tenu que nous nous impliquons dans d'autres choses. Je ne
pense pas qu'on le fasse pour le plaisir de développer. C'est parce que
le besoin est là et nous le ressentons. Le besoin est là parce
qu'il y a un problème de bibliothèques au Québec. Il y a
un problème de bibliothèques scolaires; il suffit juste d'aller
les voir. Et si, nous, nous ne sommes pas là, je pense qu'il va y avoir
un trou énorme. Nous sommes là aussi pour épauler
constamment plein de gens du milieu. C'est assez étonnant de voir le
nombre d'enseignants ou de conseillers pédagogiques qui
téléphonent dans les salons du livre en disant; Qu'est-ce que tu
penses de cet auteur? Qui est-ce que je pourrais faire venir? On répond
assez souvent à ce genre de questions au cours de l'année.
M. Boulerice: Vous avez fait état d'une chute du
goût du livre chez les jeunes entre la troisième et la
sixième année. Je pense que tous conviennent de l'importance de
développer, chez les jeunes, le goût de la lecture, mais comment
expliquer cette diminution du goût de la lecture entre la
troisième et la sixième année? Comment l'expliquer et
est-ce que vous avez une idée comment contrer ce phénomène
négatif, en définitive?
M. Pourcel: Comment l'expliquer? Je me référerais
aux chiffres qui sont dans le rapport Arpin. Comment l'expliquer? Je pense que,
d'abord, ce n'est peut-être pas à moi non plus de l'expliquer. Je
pense qu'il y a des éléments qui sont autres que du domaine des
salons du livre. Bon, l'enseignement, je n'ai pas à juger; la
télévision, je n'ai pas à juger non plus, etc.
Comment le contrer? Je pense qu'il faut effectivement nous donner les
moyens de pouvoir entrer dans les écoles, de pouvoir aller chercher les
jeunes et leur offrir quelque chose.
Je vais vous donner un exemple très simple: Cette année,
nous avions invité Mariesol, qui est l'illustratrice de Ginette
Anfousse, auteure, La courte échelle. Là, on était capable
de l'envoyer. Nous avions organisé des choses dans les écoles;
simplement, nos finances à nous, le salon du livre, ne nous permettaient
plus de donner le cachet à Mariesol. Bon, bien là, on
était arrivés au maximum de nos possibilités parce que
nous voulions avoir un équilibre budgétaire. Nous avons donc
demandé à des écoles 200 $ pour une journée et
Mariesol voyait donc deux fois trois groupes ou trois fois deux groupes pour
200 $. Ces 200 $ ont été la pierre d'achoppement. Si nous en
avions eu peut-être un peu plus, effectivement, Mariesol serait
allée dans les écoles rencontrer les tout-jeunes en tant
qu'illustratrice de sa mère pour la collection prestigieuse qu'est la
collection de La courte échelle et les jeunes auraient
bénéficié de cet apport-là.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M.
le député.
M. Boulerice: Une des recommandations centrales du rapport Arpin,
je ne vous apprends rien, M. Pourcel, porte sur le rapatriement des
responsabilités fédérales en matière de culture et
d'art pour que le Québec devienne le véritable maître
d'oeuvre de la politique culturelle sur son territoire. Est-ce que vous
êtes d'accord avec cette recommandation si je vous dis que les fonds
fédéraux seront réinjectés dans la même
proportion par le ministère québécois de la culture?
M. Pourcel: La réponse, je vais vous la lire, elle est
dans le rapport. Donc, je suis le représentant d'un groupe. Je ne peux
pas faire de réponse personnelle, je ne peux que vous lire le texte qui
est là et qui est très court: "II faut enfin considérer un
autre facteur en ce qui concerne les subventions. Si l'on examine l'ensemble
des subventions reçues par un salon du livre, on constate qu'un
pourcentage non négligeable pouvant aller jusqu'à 25 % dans
certains cas provient du gouvernement fédéral. Dans le cas de
rapatriement, il faudra donc prévoir une compensation pour le manque
à gagner en subvention à recevoir et prévoir un
mécanisme de compensation de la part du ministère des Affaires
culturelles ou du futur ministère de la culture."
Le Président (M. Doyon): Merci. Quelques mots de
remerciement, si vous le désirez, M. le député.
M. Boulerice: Oui. M. Pourcel, très briève- ment,
pour vous dire qu'au moment où les ventes périclitent de 20 %
à 30 % et que bien des librairies sont menacées, que des
éditeurs, d'ailleurs, qui viendront nous apprendront avec tristesse
qu'ils risquent de fermer, à l'exception de l'abolition des taxes
néfastes, "scélérates", avait dit d'ailleurs notre ami
Pierre Tisseyre, je pense que le meilleur incitatif à la reprise, ce
sont les salons du livre, et comptez sur notre appui.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, messieurs, aussi pour la
qualité de votre présentation. En fait, plusieurs groupes sont
venus pour nous parler de \a promotion du livre, de l'incitation à la
lecture et nos actions, effectivement, nos ententes avec vous et notre effort
aussi pour assurer une pérennité, une situation très forte
au niveau des salons du livre le prouvent. Continuez aussi votre bon travail.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci au nom des membres de la
commission parlementaire. Ceci termine le temps qui nous était
alloué pour l'Association québécoise des salons du livre.
Vous permettant de vous retirer, je demanderais aux représentants de la
Communauté urbaine de Montréal ainsi que du Conseil des arts de
la Communauté urbaine de Montréal de bien vouloir s'avancer pour
prendre place.
Je constate qu'ils sont installés. Je les informe que les
mêmes règles s'appliquent: une quinzaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire et, après ça, la
conversation s'engage pour le restant du temps, soit les trois quarts d'heure
avec les membres de la commission. Je vous souhaite la plus cordiale des
bienvenues et nous serons prêts à vous écouter après
que vous ayez bien voulu vous présenter. Vous avez la parole.
Communauté urbaine de Montréal et
Conseil des arts de la Communauté
M. Hamelin (Michel): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de vous présenter, à mon extrême droite, Mme Louise
Sicuro, directrice générale par Intérim du Conseil des
arts; M. Gilles Lefebvre, président du Conseil des arts de la
Communauté urbaine de Montréal; à ma gauche, M. Claude
Vézina, conseiller technique au bureau du président.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
M. Hamelin: M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM.
les députés, c'est avec beaucoup de plaisir que la
Communauté urbaine de Montréal et le Conseil des arts de la
Communauté vous remercient d'avoir l'occasion de vous présenter
ce matin le mémoire qu'ils ont
élaboré conjointement sur la proposition de politique de
la culture et des arts actuellement sous étude par votre commission.
M. Gilles Lefebvre, le président du Conseil des arts de la
Communauté, fera état des principales recommandations contenues
dans notre mémoire. En guise d'introduction, je tiens à rappeler
que le développement culturel et la promotion des arts sont au coeur de
la mission de la Communauté urbaine de Montréal qui est de
promouvoir la qualité de vie pour les citoyens et les citoyennes de son
territoire. La Communauté urbaine de Montréal comprend les 29
municipalités situées sur l'île de Montréal,
l'île Bizard et l'île Dorval, et elle regroupe une population
d'environ 1 800 000 personnes.
Les responsabilités de la Communauté s'exercent
principalement dans les domaines de l'évaluation foncière, du
transport en commun, de la sécurité publique, de l'environnement,
de l'aménagement du territoire, de la promotion économique, en
plus, évidemment, du développement culturel. Le principal outil
à la disposition de notre administration régionale pour remplir
notre mission en matière de culture est le Conseil des arts de la
Communauté qui, depuis 1980, est rattaché aux structures de la
Communauté urbaine de Montréal. Il convient de signaler que le
Conseil a succédé au Conseil des arts de la région
métropolitaine de Montréal qui avait été mis sur
pied en 1956 par la ville de Montréal. C'est donc de longue date que les
élus municipaux de notre territoire appuient concrètement le
secteur des arts et soutiennent le travail des artistes.
Notre Conseil des arts est composé de 22 membres nommés
par le Conseil de la Communauté dont la moitié provient du milieu
des arts et l'autre moitié du milieu socio-économique. Le mandat
du Conseil des arts consiste à harmoniser, coordonner et encourager les
initiatives d'ordre artistique et culturel sur le territoire de la
Communauté. À cet égard, il doit désigner les
associations, compagnies, regroupements ou manifestations artistiques ou
culturelles qui méritent de recevoir un appui financier et
déterminer le montant de ces subventions. Au cours des dernières
années, et je pense que ceci est très important, le fonds mis
à la disposition du Conseil des arts par la Communauté a connu
une croissance marquée. Il est passé de 2 500 000 $ en 1986
à plus de 8 500 000 $ en 1991. Une hausse très substantielle de 6
000 000 $ en cinq ans.
Cette croissance reflète la priorité que les élus
de la Communauté accordent à ce champ d'intervention et soutient
le dynamisme et la créativité des artistes et des compagnies
artistiques sur notre territoire. En 1991 seulement, des subventions ont
été versées à plus de 200 organismes artistiques
professionnels. Et je pense qu'il convient de souligner aussi que le budget ou
la portion qui est réservée à l'administration est
très légèrement supérieure à 10 %, ce qui
est un excellent rendement de la part du Conseil des arts.
Le rapport Arpin mentionne la possibilité que les
communautés urbaines et les municipalités régionales de
comté soient appelées à jouer un rôle accru dans la
perspective de la mise en place de véritables actions de
décentralisation qui seraient conduites par le ministère des
Affaires culturelles. Toute proposition en ce sens devra toutefois faire
l'objet de discussions approfondies avec les autorités locales et
régionales, discussions qui devront permettre d'identifier tous les
aspects de ce nouveau partage des responsabilités dont, bien
évidemment, les questions financières.
Je me permettrai également de vous souligner l'importance que les
élus de la Communauté attachent à la diffusion du produit
culturel sur notre territoire. Les programmes mis en oeuvre par le Conseil des
arts, tels Jouer dans l'île et Exposer dans l'île, illustrent avec
pertinence . cette priorité. Nous estimons, en effet, que
l'accessibilité à une production culturelle et artistique de
qualité professionnelle doit être favorisée et
encouragée. Dans cette perspective, la question des équipements
requis pour desservir adéquatement le bassin de population de la
région de Montréal et, plus particulièrement, du
territoire de la Communauté devra faire l'objet d'une attention toute
particulière au cours des prochaines années. (11 h 15)
Avant de passer la parole à M. Lefebvre, je tiens
également à mentionner que la Communauté urbaine de
Montréal, par le biais des actions de coopération et
d'échange entreprises avec d'autres régions à travers le
monde, entend favoriser le rayonnement international des artistes et de la
production artistique émanant de son territoire et, pourquoi pas, du
Québec tout entier. Ainsi, un volet spécifique portant sur la
culture a été ajouté à l'entente de
coopération qui lie la Communauté et le Conseil régional
de l'Île-de-France - c'est-à-dire la région de Paris -
entente de coopération qui a été signée en 1984,
l'entente de base. Nous contribuons ainsi à confirmer le rôle de
la région de Montréal à titre de métropole
culturelle sur le plan mondial.
Je demanderais maintenant à M. Gilles Lefebvre, le
président du Conseil des arts de la Communauté, de
présenter les faits saillants du mémoire qui vous est soumis.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Alors, M. Lefebvre, on va vous entendre.
M. Lefebvre (Gilles): Merci. M. le Président, Mme la
ministre, MM. les députés membres de la commission de la culture,
la Communauté urbaine de Montréal et le Conseil des arts de la
Communauté ont pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du
rapport du groupe-conseil sur la
politique culturelle du Québec présidé par M.
Roland Arpin. Rendue publique en juin dernier, cette proposition de politique
de la culture et des arts interpelle l'ensemble des intervenants assumant des
responsabilités en matière de développement culturel et
met de l'avant une démarche de réflexion stimulante afin de
relever le défi d'assurer à la culture et aux arts la
priorité qui leur revient.
En guise d'avant-propos, je suis heureux que le mot "arts" figure dans
le titre de la proposition Nous sommes un organisme dont la mission
première est d'aider et de diffuser les activités artistiques;
c'est la raison pour laquelle le mot "arts" dans l'énoncé de
politique culturelle est d'une importance capitale.
Prenant pour acquis que vous avez déjà pris connaissance
de notre mémoire, je me permettrai de le résumer d'après
l'ordre de la table des matières pour vous permettre de mieux suivre mes
propos et, au besoin, de les compléter, en référence aux
paragraphes non cités. Je passe également sous silence les pages
consacrées à l'histoire et à l'évolution du Conseil
des arts dont le mandat est d'harmoniser, de coordonner et d'encourager les
initiatives d'ordre artistique ou culturel sur le territoire des 29
municipalités de la Communauté urbaine de Montréal.
En deuxième partie du mémoire, quatre grandes orientations
susceptibles de guider les plans d'action annuels, telles que
présentées dans la proposition, font déjà partie de
notre mandat, à savoir: favoriser la création; assurer la
stabilité des organismes culturels, accroître l'action
internationale; développer et maintenir au Québec la
compétence professionnelle dans le domaine culturel. Trois principes de
base sont énoncés: création et interprétation: base
de toute vie culturelle; Montréal, métropole culturelle;
diversification des sources de financement et gestion des programmes d'appui
aux arts.
En référence au premier principe, création et
interprétation: base de toute vie culturelle, la mission du Conseil des
arts est de favoriser la création dont le médium est l'artiste
créateur et interprète duquel découle la viabilité
des industries culturelles. Cependant, l'aide aux industries culturelles ne
doit absolument pas concurrencer l'aide aux artistes et aux organismes
artistiques professionnels. Il nous semble primordial qu'une aide
financière, qu'elle provienne d'un ministère de la culture ou
d'un conseil des arts, se consacre prioritairement aux arts.
En référence au second principe énoncé,
Montréal, métropole culturelle, il est évident que les
municipalités doivent être considérées comme des
partenaires privilégiées au chapitre du développement et
de la diffusion des arts et de la culture. Le Conseil des arts appuie le
principe des trois grands pôles de création et de diffusion des
arts et de la culture au Québec, soit: Montréal, la
métropole; Québec, la capitale; et notre interprétation de
l'ensemble régional va dans l'esprit que la ministre a exprimé
tout à l'heure, c'est-à-dire que nous considérons que
chaque région a la même importance et que nous devons les servir
avec énormément de sensibilité à ces questions
régionales. Mais il faut surtout que le gouvernement du Québec
accorde à Montréal et à sa région
métropolitaine la place privilégiée qui lui revient parce
qu'elle est un carrefour artistique et culturel de grande importance qui, comme
on le souligne dans la proposition, conditionnera dans une large mesure
l'avenir du Québec. Nous acceptons avec joie de considérer que le
dossier culturel soit un élément moteur à
l'intérieur d'une stratégie que le gouvernement du Québec
pourrait avoir à l'endroit de la métropole, tel que
suggéré dans la recommandation 39. Cela ne peut que régir
la volonté du Conseil des arts de jouer un rôle capital au titre
du développement des arts et de la culture sur notre territoire.
Pour ce qui est du troisième principe touchant la diversification
des sources de financement et la gestion des programmes d'appui aux arts, il
est clair que, si l'on souhaite relever avec succès le défi de
maintenir et de développer la région de Montréal comme
métropole culturelle, des sources de financement substantielles doivent
être disponibles principalement de la part du gouvernement du
Québec. Les budgets des municipalités dont la part est
réservée aux arts ont leur limite. Certains diront qu'on
entretient deux thèses sur le financement des arts dans ce rapport
Arpin. Une première hypothèse en ce qui concerne le partage des
responsabilités entre les gouvernements locaux et le ministère
des Affaires culturelles; une seconde sur la centralisation de tous les
pouvoirs à Québec par le biais d'un rapatriement en provenance
d'Ottawa. Il faudra départager et il sera souhaitable de
préciser.
Mais, à l'instar d'un grand nombre d'artistes, l'on
s'inquiète de ce qu'il adviendra de la liberté de l'artiste
advenant un rapatriement complet des pouvoirs décisionnels en ce qui a
trait au financement des arts. Une centralisation globale des pouvoirs à
Québec soulève des doutes quant à un éventuel
guichet unique où les artistes et les organismes artistiques devraient
s'adresser.
Quels que soient les changements éventuels qui seront
apportés au partage des responsabilités entre les
différents paliers de gouvernement, il convient de protéger la
liberté des créateurs et des interprètes afin de leur
donner accès à toute forme de financement qu'ils jugeront
nécessaire pour l'épanouissement de leur art. Cela implique
également le respect de l'autonomie dont les conseils des arts doivent
continuer à jouir.
En troisième partie, nous parlons du rôle accru que le
Conseil des arts est en mesure de jouer, tant pour le développement des
disciplines artistiques que pour le développement des publics
sur l'ensemble du territoire. Depuis 1988, notre direction des relations
avec les municipalités entretient des rapports constants avec ces
municipalités du territoire et nos récentes visites dans la
majorité d'entre elles ont favorisé un rapprochement
indispensable au succès de nos enjeux. On constate l'appui que la
plupart des maires apportent au personnel de la culture et le rôle des
bénévoles sans qui nombre d'activités n'auraient
probablement jamais vu le jour. Il est essentiel que toutes ces ressources
humaines se sentent soutenues par une politique de la culture et des arts qui
saura les reconnaître par un appui financier approprié.
Nous croyons qu'un réseau de conseils des arts régionaux
à travers le Québec serait souhaitable et permettrait de rendre
de plus grands services aux artistes. Le principe du "arm's length"
utilisé par divers conseils des arts au pays, et le Conseil des arts du
Canada est particulièrement célèbre à ce point, a
su prouver que la liberté d'action ainsi consentie favoriserait les
relations avec les artistes.
Sur le plan international, l'entente entre la Communauté urbaine
de Montréal et le Conseil régional de l'Île-de-France offre
l'occasion de promouvoir le travail de création des organismes que le
Conseil des arts subventionne. Par exemple, la fondation Jean-Pierre Perreault
donnera le coup d'envoi des échanges culturels entre la
communauté et l'Île-de-France lors des représentations
qu'elle donnera, fin novembre à Paris. Cette initiative n'aurait pu se
concrétiser sans la collaboration de tous les paliers gouvernementaux,
dont le ministère des Affaires culturelles du Québec. Sa
structure, ses programmes et ses activités, ses membres et son personnel
de même que la proximité des milieux artistique et municipal sont
tous des éléments clés qui ajoutent à l'impact
majeur du Conseil des arts et de sa maison sur le développement des arts
et de la culture sur le territoire de la Communauté urbaine de
Montréal.
En quatrième partie, nous vous faisons part des enjeux majeurs et
constants: d'abord, augmenter l'accessibilité aux arts pour tous; soit
par nos programmes de décentralisation Jouer dans l'île, Exposer
dans l'île et le projet de l'implantation de l'Orchestre
métropolitain dans les municipalités, puis par l'expertise que
nous avons apportée aux municipalités afin qu'elles se dotent de
lieux adéquats et qu'elles améliorent les équipements
qu'elles possèdent déjà. À cet égard, nous
croyons fermement qu'une infrastructure régionale d'équipements
culturels ne serait, en aucun cas, en contradiction avec l'amélioration
d'un réseau national d'équipements. En effet, il est essentiel
que les municipalités, à l'aide d'un réseau
régional d'équipements, puissent répondre de
manière adéquate aux besoins des organismes artistiques
professionnels qui souhaitent s'y produire.
Il nous apparaît urgent, à un niveau national, et pour le
prestige international de Montréal, de Québec, du Canada, que
l'un des meilleurs orchestres symphoniques au monde, celui de Montréal,
puisse se produire le plus tôt possible dans une salle qui lui soit
propre.
La Maison-Théâtre pour l'enfance et la jeunesse est
essentielle au succès de notre second enjeu, enjeu qui a pour titre: Les
jeunes publics: le public de demain. Fort des études antérieures
existantes sur le sujet, le Conseil des arts a créé un
comité ad hoc formé de quelques-uns de ses membres qui ont
préparé un plan d'action. Récemment approuvé, ce
programme d'action est déjà en route. Il devrait permettre
d'améliorer la situation actuelle concernant les activités
professionnelles artistiques destinées aux jeunes publics. Pour rendre
à bon port cet enjeu, on insiste sur l'importance d'une concertation
entre tous les partenaires concernés: municipalités, commissions
scolaires, ministères de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur, ministère des Affaires culturelles et, bien sûr,
organismes artistiques intéressés. Le Conseil des arts croit
qu'il est de son devoir d'y contribuer de manière directe.
Vous avez lu nos conclusions. Je vous en ferai grâce, mais
j'aimerais attirer votre attention sur le fait que chacune des parties de ce
mémoire répond à des recommandations spécifiques de
la proposition de politique de culture et des arts du groupe-conseil
présidé par M. Roland Arpin. Chacune des parties répond
à ces recommandations dans la mesure où on fait état de ce
que nous avons déjà accompli ou sommes en voie de réaliser
dans le sens même de ce qui est recommandé. En un mot, nous vous
disons que nous sommes tout à fait disposés à partager
l'expérience et l'expertise que le Conseil de la Communauté
urbaine de Montréal a acquise au cours des années par ses
programmes de soutien à la création et à la diffusion.
Je résumerai donc ces conclusions en vous disant que le Conseil
des arts et la Communauté urbaine de Montréal offrent au
gouvernement du Québec et au ministère des Affaires culturelles
toute leur collaboration dans la mise en place de la politique de la culture et
des arts, laquelle fait l'objet des travaux de la présente
commission.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Lefebvre. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bien d'abord, premièrement,
madame, messieurs, bienvenue. J'apprécie aussi cette offre de
collaboration. D'ailleurs, je tiens à souligner que nous avons toujours
une excellente collaboration avec vous. Au niveau du soutien que vous apportez
aux arts, bien évidemment, pour la seule année 1991, le Conseil
des arts de la CUM a soutenu plus de 200 artistes et organismes artistiques et
a accordé... J'ai ici des subventions totalisant 5 800 000 $. Donc,
évidem-
ment, ce n'est pas que des paroles mais aussi... 8 500 000 $,
plutôt... ce n'est pas que des paroles mais aussi des actions
concrètes qui ont été mises de l'avant.
Je suis contente aussi, M. Lefebvre, que vous soyez ici parce que
j'aimerais qu'on parle, justement, de conseils des arts. Vous avez
été aussi fortement impliqué au niveau du Conseil des arts
à Ottawa. Plusieurs groupes sont venus nous voir et nous parier en bien
du fonctionnement du Conseil des arts. La différence, finalement, entre
le fonctionnement du Conseil des arts et celui que nous avons ici,
c'est-à-dire au ministère même... Par contre, nous
procédons, de part et d'autre, sous forme et sous système de
jurys, donc, on n'est pas plus impliqués dans le choix d'artistes au
niveau des subventions, autant au niveau des organismes, ça, c'est des
jurys de pairs. Il semblerait qu'au niveau des conseils des arts on voit cette
formule-là d'une façon moins méfiante, plus positive.
Pariez-nous un peu de ça, comment ça fonctionne, la
différence du Conseil des arts à partir de ce que vous faites
présentement et de ce que vous avez vécu antérieurement
versus ce qu'on fait, nous.
Le Président (M. Doyon): M. Lefebvre. (11 h 30)
M. Lefebvre (Gilles): Ce que je fais présentement, comme
président du Conseil des arts de la Communauté urbaine, ressemble
encore plus à ce que j'ai fait antérieurement comme directeur
associé du Conseil des arts du Canada, bien sûr. Mais
parallèlement au Conseil des arts du Canada, à Ottawa, vous aviez
le ministère des Communications qui, lui, se réserve aussi des
possibilités d'aider les arts directement. Et le Conseil des arts du
Canada, lui, avec son autonomie, est perçu par les artistes comme
étant beaucoup plus libre et beaucoup plus précis dans ses choix
face à l'aide aux artistes, et, là-dessus, je crois que c'est
important. C'est également vrai à Montréal, avec notre
Conseil des arts; nous avons une autonomie qu'on nous reconnaît et notre
Conseil peut prendre ses décisions sur l'attribution des subventions
directement aux organismes artistiques. Et cela, je crois que ça soulage
les gouvernements plus que ça ne les embête. Là aussi, si
vous me demandez ce que j'ai vécu, Je crois que, dans beaucoup de cas,
beaucoup d'hommes politiques étalent particulièrement heureux de
respecter cette autonomie du Conseil des arts.
Mme Frulla-Hébert: M. Lefebvre, au niveau de l'autonomie,
d'une part, la façon de procéder au ministère, et ce,
depuis toujours, c'est finalement un peu un fonctionnement qui est similaire,
comme je le disais tantôt, c'est-à-dire attribution, mais par des
jurys, jurys de pairs, c'est-à-dire qu'on ne se mêle jamais, mais
jamais, de qualifier ou de juger de culture, que ce soit au niveau du contenu
ou que ce soit au niveau de l'organisme. Dites-moi alors pourquoi cette
perception. Quand on est directement à l'intérieur même
d'un ministère, même fonctionnement, on a une perception de
dirigisme; quand c'est au niveau d'un conseil des arts qui est à
l'extérieur, mais qui relève quand même d'un
ministère ou d'un organisme, là, on a une perception, finalement,
d'une objectivité, disons, plus grande. D'où provient cette
perception?
M. Lefebvre (Gilles): J'aurais peut-être envie de vous
répondre: Tout simplement parce que les membres du Conseil des arts ne
vont pas en élection. Alors, ce n'est pas une question de vote pour eux
et les décisions qu'ils prennent, ils les prennent à travers le
résultat que leur personnel leur apporte sur l'évaluation que les
jurys ont fait des demandes.
Sur le côté des jurys, vous avez raison. Sans doute que le
ministère des Affaires culturelles prend toutes les dispositions
possibles pour éviter qu'une telle perception soit faite, que telle et
telle subvention soit donnée à un organisme parce que... Je crois
que ces cas-là ne se posent pas dans le cas des grandes institutions
comme l'Orchestre symphonique de Montréal ou les Grands ballets, ou les
grandes institutions artistiques, mais ça se pose peut-être au
niveau des subventions dans le cas des individus, dans le cas de troupes
naissantes ou dans le cas de... Alors, je ne le sais pas. Je veux simplement
dire que le principe des conseils des arts, une fois appliqué, rend les
artistes plus libres dans leur accès ou dans leurs demandes de
subventions. Ça, c'est ce que j'ai perçu non seulement ici, mais
en Grande-Bretagne également, si vous voulez, tandis qu'ici, au
Québec, on a plutôt adopté un système
français où le ministère de la Culture a son mot à
dire très directement sur toutes les décisions de
subventionnement à ses organismes.
Par contre, je risquerais de dire ici également que j'utilise
à l'occasion le mot "semi-étatisation" et je crois effectivement
que, dans le cas d'organismes où c'est récurrent, tous les ans,
ils vont revenir parce que ce sont des formations qu'on ne veut pas voir
disparaître tels la symphonie de Montréal, voyez-vous? Alors, je
crois que le mot "semi-étatisation" pourrait rendre service surtout s'il
y avait une indexation et que ces groupes pouvaient, année après
année, savoir qu'ils vont pouvoir suivre le courant et traiter les
musiciens d'une façon égale, si vous voulez, à d'autres
fonctionnaires puisque ces gens-là, nous en avons besoin pour
interpréter les grandes oeuvres.
Mme Frulla-Hébert: Le rapport Arpin a proposé aussi
autant que possible, à ce qu'on me disait, d'éviter ce qu'on
appelle le saupoudrage. Certains organismes aussi nous ont fait part, , durant
l'année que j'y étais, c'est-à-dire depuis l'année
dernière, on parie beaucoup de ça aussi,
de saupoudrage, et on nous dit qu'il faudrait peut-être consolider
versus saupoudrer. La question est là. Comment procédez-vous
justement au Conseil des arts au niveau du saupoudrage, chez vous, au niveau
des subventions? Est-ce que vous procédez de cette façon ou si,
finalement, vous parlez plus de consolidation?
M. Lefebvre (Gilles): C'est sûrement un mot qui a
attiré l'attention, "saupoudrage". "Consolidation" est un mot qui est
plus réel. C'est que notre Conseil des arts doit vraiment étudier
une possibilité de consolider la survie de certains des organismes,
éviter justement de donner des sommes insignifiantes à certains
groupes naissants qui n'ont pas encore toutes les garanties d'avenir
souhaitées sur le plan professionnel. Alors, c'est dans cet
esprit-là, je pense, qu'on peut consolider, mais II faut absolument
éviter d'empêcher la créativité en freinant les
véritables créateurs qu'on pourra discerner à travers nos
artistes du Québec. Alors, comment éviter le saupoudrage? Je
crois qu'il faudra toujours un capital-risque dans ce domaine comme il y en a
dans les industries.
Mme Frulla-Hébert: M. Hamelin, comment voyez-vous
l'implication municipale dans la vie culturelle au cours des prochaines
années? On parle beaucoup de partenariat. Vous avez dit tantôt: II
faut s'asseoir ensemble et regarder s'il y a plus à faire aussi,
évidemment sans jamais parler de délestage de la part de
l'État, au contraire, mais voir si les municipalités sont
intéressées à travailler avec nous justement et voir si
nos moyens sont en synergie; si on fait la même chose, il y a
duplication. Mais comment voyez-vous ça?
M. Hameiin: Mais, avant de répondre, vous nous avez dit
qu'il n'était pas question de délestage de l'État, au
contraire. Moi, je vous dirais, au contraire, on vient de vivre des
délestages qui nous font très mal et c'est pourquoi la principale
recommandation à caractère politique si l'on veut, c'est que,
s'il y a décentralisation, nous sommes prêts à
étudier la décentralisation. Je pense qu'il est reconnu que les
administrations locales, à plusieurs égards ou dans certains
domaines bien précis, sont mieux à même de répondre
aux besoins locaux et, à ce moment-là, nous sommes prêts
à travailler avec les autorités gouvernementales, à
étudier des formes de décentralisation, mais après
justement des études approfondies et des ententes qui vont clairement
définir les responsabilités de chacun et la façon d'y
arriver. Et je ne vois pas pourquoi dans le domaine culturel ça ne
pourrait pas se faire. Ça se fait dans d'autres domaines, avec la ville
de Montréal, en particulier, au niveau des affaires sociales, avec la
communauté au niveau de l'inspection des aliments. Alors, il y a une
foule de secteurs où les rapports se font de façon tout à
fait excellente et où on arrive, d'un commun accord, à
établir des programmes. Alors, on ne voit pas pourquoi dans le domaine
culturel ça ne serait pas possible, sauf que les municipalités
dans leur ensemble deviennent de plus en plus méfiantes face à
des situations qui se passent dans d'autres domaines que le milieu
culturel.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Hamelin. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le président, pour ne pas dire M. notre
président - je parle du président du Conseil et,
forcément, cela s'adresse à vous, M. Lefebvre, puisque Mme la
ministre et moi-même avons la qualité ou, je ne sais,
peut-être le défaut d'être Montréalais; par les temps
qui courent, vous savez, on nous taxe de bien des impérialismes,
à Montréal - Mme Sicuro, M. Vézina. Première chose,
la mémoire étant une faculté qui oublie, j'ai bien
apprécié que vous fassiez mention de la maison de l'Orchestre
symphonique de Montréal. Les plans étaient faits, la levée
de terre était faite, c'était sur le quadrilatère
Berry-UQAM. Malheureusement, ça a été la première
décision du gouvernement libéral, en 1985, de complètement
abandonner ce dossier. Je prendrai toujours à témoin mon
collègue, le député de LaFontaine, nous, dans l'est, c'est
les fermetures d'usines, mais le développement culturel, on
écope. Donc, il n'était peut-être pas mauvais de le
rappeler.
Pour ce qui est de votre mémoire comme tel, vous exprimez vous
aussi, sauf avec, forcément, plus de nuances, vos inquiétudes
dans l'éventualité où le Québec rapatrierait
l'ensemble des responsabilités fédérales sous
prétexte que le principe du guichet unique priverait les artistes d'une
plus grande liberté d'action. Je vous avoue que ce discours-là
m'étonne. Quand c'est centralisé à Ottawa, mon Dieu, ce
n'est pas inquiétant. Quand c'est centralisé à
Québec, je ne sais pas si c'est le syndrome Katanga qui menace le
Québec, mais là ça devient toujours inquiétant que
ça soit centralisé à Québec. Est-ce que vous ne
reconnaissez pas qu'en mettant sur pied des organismes subventionnaires
québécois qui respecteraient le principe dont tout le monde se
réclame, depuis les débuts de la commission, du "arm's length",
sur le modèle, justement, du Conseil des arts d'où vous venez,
pour gérer ces programmes québécois de soutien, en
intégrant, forcément, intégralement les budgets
récupérés d'Ottawa, ça nous permettrait de diminuer
les inquiétudes des organismes culturels, tout en leur permettant
d'économiser beaucoup de temps et d'énergie, plutôt que
d'aller frapper à une porte, deux portes et trois portes?
Ne vaut-il pas mieux une porte accueillante que de jouer, comme disait
M. Turgeon, la schizophrénie des portes entrebaillées, sans
savoir si elles s'ouvriront?
M. Lefebvre (Gilles): Je suis tenté de vous dire que, si
vous avez lu les remarques des artistes qui ont eu des craintes à cet
effet, c'est justement parce qu'ils veulent protéger l'organisme qui a
été le plus important pour le développement culturel au
Canada et au Québec, le Conseil des arts du Canada. Et je fais une
différence, et je l'ai faite tout à l'heure dans ma
réponse à Mme Frulla-Hébert, entre le ministère des
Communications, les fonds qui y sont, et l'autonomie du Conseil des arts qui a
ses fonds propres pour s'occuper de l'évolution culturelle à
travers tout le pays. Et quand, plus loin dans le mémoire, on propose un
réseau de conseils des arts, c'est justement parce que tous ces artistes
vont se sentir, si vous voulez, à part égale face à ces
conseils des arts régionaux ou de Montréal ou provinciaux et puis
d'Ottawa.
Et puis, je pense que... N'oubliez pas que c'est dans le contexte de la
multiciplicité des sources de financement, la diversification des
sources de financement. Je ne peux pas faire abstraction de mon passé et
me souvenir que j'étais à la table qui a décidé de
la création d'un ministère des Affaires culturelles aux
côtés de M. Lesage, il y a beaucoup d'années. J'y
étais. Et j'étais un de ceux qui voulaient un ministère
des Affaires culturelles Par ailleurs, avant l'arrivée du
ministère des Affaires culturelles, le mouvement que je dirigeais alors,
les Jeunesses musicales du Canada, avait accès à des fonds du
ministère de l'Éducation, des fonds du ministère de la
Chasse et de la Pêche, etc. Et à partir du jour où on a
tout centralisé dans un seul ministère et qu'on ne lui a pas
donné les budgets pour appuyer notre action, nous avons eu des
difficultés. Et je crois vraiment qu'il faut laisser un champ
très vaste de la multiplication des possibilités d'accès,
diversification des sources de financement dans le cas des arts et de la
culture. Et si un artiste canadien du Québec prend son envol, il peut
avoir ces fonds qui l'aident ici et il a accès à un autre fonds
qui l'aidera aussi. Et combien d'entre eux ont eu accès comme ça
à plusieurs fonds qui ont fait qu'ils sont devenus de réputation
mondiale. Alors, c'est un peu cet aspect-là que je traite dans ce
mémoire pour le Conseil des arts.
M. Boulerice: Mais si on multiplie les sources d'accès
indépendantes donnant des garanties, à l'intérieur d'un
rapatriement québécois, quelle inquiétude peut-il y avoir?
Trouvez-vous normal que le Conseil des arts dispose de sommes qui influencent
la culture québécois de façon plus grande, en
définitive, que le budget du ministère des Affaires culturelles,
comme tel?
M. Lefebvre (Gilles): II faudrait voir...
M. Boulerice: Et la culture faisant l'objet d'un rapatriement de
la part...
M. Lefebvre (Gilles): Je vous avoue qu'il faudrait voir...
M. Boulerice: ...de toutes les formations politiques
présentes en ce Parlement, sauf quelques députés
excentriques.
M. Lefebvre (Gilles): Écoutez, je répète
simplement notre phrase. Quels que soient les changements éventuels qui
seront apportés au partage des responsabilités entre les divers
paliers de gouvernement, il convient de protéger la liberté.
C'est dans cet esprit-là et, puis, on verra, parce que...
M. Hamelin: C'est évident que, si la liberté est
protégée, que les accès sont aussi multiples qu'ils le
sont actuellement, la situation est différente. Ce qui est
rapporté ici, ce sont des préoccupations de nombreux artistes,
parce que le Conseil des arts est en contact avec ces nombreux artistes. Comme
il est bien souligné, quelle que soit l'issue des débats autres
que ces débats-là, il nous apparaît et II apparaît
important aux artistes d'avoir une diversité. Maintenant, que cette
diversité soit à l'intérieur du Québec ou de la
région montréalaise, je pense qu'on n'a aucun problème
avec ça. C'est une inquiétude qui est soulevée tout
simplement.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la
députée de Verchères m'a demandé la parole. Une
brève question, le temps est déjà terminé,
malheureusement. (11 h 45)
Mme Dupuis: Monsieur, au sujet des inquiétudes que vous
laissez paraître dans le rapport, elles sont même très bien
énoncées, moi, en tant qu'artiste, ça m'amène
à me poser des questions. Comment peut-on croire qu'en rapatriant, ici,
cette liberté n'existera plus, en supposant qu'elle existe au Conseil
des arts du Canada? Là, je pense qu'il y aurait à établir
un parallèle entre la forme d'art proposée, la promotion d'une
certaine forme d'art... Tout le monde sait dans le milieu artistique, et moi
pour y avoir oeuvré pendant 20 ans, qu'Ottawa, que le Conseil des arts
fait la promotion d'une certaine forme d'art et que d'autres formes d'art,
d'autres expressions - je pense au niveau de la peinture ou de la sculpture -
n'étaient pas acceptées, et on savait pertinemment que cette
forme d'art là n'aurait jamais de subvention du Conseil des arts.
Le Président (M. Doyon): M. Lefebvre, une brève
réponse, s'il vous plaît.
M. Lefebvre (Gilles): J'aurais besoin de beaucoup plus de preuves
que ce qui est porté à mon attention après la vie que j'ai
menée. Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, ceci
termine le temps qui, malheureusement, nous est alloué. Je
demanderais à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques
de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Malheureusement, le temps manque et Dieu seul sait
que le sujet aurait été vaste. J'aurais aimé vous demander
quel rôle pouvait jouer le Conseil des arts - je parle du vôtre -
au chapitre de la gestion des nouveaux programmes régionaux d'appui aux
arts avec le ministère. Disons, en guise de remerciement, que
j'attendrai avec beaucoup d'impatience le rapport que vous avez commandé
et qui sera divulgué très bientôt sur les jeunes publics,
parce que je pense que c'est un élément essentiel dans le
développement et la promotion des arts et de la culture au
Québec. Alors, j'espère que vous ne nous laisserez pas sur notre
appétit trop longtemps, M. Hamelin, M. Lefebvre.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci M. Hamelin, M. Lefebvre, vous
tous, et merci aussi de l'appui. Vous savez, je comprends qu'il y a quand
même une certaine réticence au niveau des municipalités,
quand on parle de partenariat, mais je tiens quand même à rappeler
que le partenariat, au niveau du ministère des Affaires culturelles et
des municipalités, a toujours été extrêmement
positif et nous voulons vraiment continuer en ce sens. Alors, merci beaucoup
et, s'il vous plaît, continuez votre implication.
Le Président (M. Doyon): Merci. Au nom des membres de la
commission, merci de votre présentation. Je regrette que le temps n'ait
pas été plus long, mais les exigences sont ainsi. Vous permettant
de vous retirer, je vais maintenant offrir aux représentants de la ville
de Sherbrooke de bien vouloir s'avancer et de prendre place à la table
des invités. Donc, en réitérant mon invitation de bien
vouloir prendre place pour que nous puissions continuer nos travaux, je
souhaite la bienvenue aux gens qui représentent la ville de Sherbrooke.
Ils sont plusieurs à être présents. M. le maire est ici, je
pense. Oui, bonjour, M. le maire. Je demanderai à M. le maire de bien
vouloir présenter tes gens qui l'accompagnent. Ensuite, nous allons
procéder...
M. Gervais (Paul): D'accord.
Le Président (M. Doyon): ...à vous écouter
selon les règles que vous connaissez déjà. Vous avez la
parole.
Ville de Sherbrooke
M. Gervais: M. le Président, j'aimerais présenter
Mme Lise Drouin-Paquette, à ma droite, conseillère à la
ville de Sherbrooke et qui est responsable du dossier culturel;
également, immédiatement à ma gauche, M. Claude
Métras, président de la Société de
développement culturel; M. Georges Comtois, directeur
général de ladite société; à mon
extrême droite, M. Marc Latendresse, chef de la division de la culture
à la ville de Sherbrooke, et M. Claude Castonguay, président du
Comité culturel de la ville de Sherbrooke.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous tous.
Vous avez la parole.
M. Gervais: Merci. Mme la ministre, mesdames et messieurs les
députés, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier et de vous
féliciter. Vous remercier pour nous donner l'occasion de vous faire part
de nos commentaires concernant une proposition de politique de la culture et
des arts et vous féliciter pour avoir engagé le Québec
tout entier à la définition d'une politique culturelle globale,
un projet très important et d'une grande envergure.
Avant de s'engager directement dans le vif du sujet qui nous
préoccupe, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous indiquer
que Sherbrooke est une ville centrale de 75 000 habitants dans un environnement
urbain de 125 000 habitants. Sherbrooke vient d'adopter sa seconde politique
culturelle, laquelle développe une approche globale et
intégrée visant le développement du loisir culturel; le
développement des secteurs des arts d'interprétation, des arts
visuels, des lettres, du patrimoine et des institutions muséologiques;
et le développement des équipements culturels sur son territoire.
Sherbrooke, en plus du loisir culturel, accompagne conjointement avec votre
ministère le développement des artistes, des créateurs,
des organismes artistiques et des institutions culturelles ayant un rayonnement
régional et, dans certains cas, national.
Sherbrooke reconnaît le Comité culturel de sa ville comme
une instance consultative sur la culture, ainsi que comme une instance de
concertation, de promotion, de recherche et de développement dans ce
domaine sur son territoire. Sherbrooke est associée à six autres
villes pour le fonctionnement d'une société de
développement culturel, organisme voué à l'aspect
économique du développement culturel, dont la mise en
marché des produits culturels locaux sur le territoire de la
région sherbrookoise et du Québec. Sherbrooke consacre plus de 2
% de son budget municipal à la culture. Ces 2 % représentent
quelque chose comme 2 100 000 $ au niveau du budget de fonctionnement de la
ville. Ça exclut la contribution d'au-delà de quelque 200 000 $
que Sherbrooke verse à la Société de développement
culturel. Ça exclut également les sommes d'argent en termes
d'immobilisations. Donc, les 2 % sont très importants et je pense
que la contribution financière de la ville de Sherbrooke au
niveau de la culture est nettement importante. Alors, Sherbrooke, Mme la
ministre, entend poursuivre son action en ce sens, c'est-à-dire
réaliser son projet culturel en assumant un leadership fort assorti d'un
haut niveau de concertation avec ses partenaires locaux.
Ce que nous comprenons de la proposition de politique de la culture et
des arts. A la lecture de cette proposition du groupe-conseil, nous en
comprenons les fondements suivants:
Que le gouvernement du Québec vise un projet global en
matière culturelle, lequel nécessiterait la contribution directe
des municipalités dans un partenariat le plus engageant possible;
Que le gouvernement du Québec et les municipalités placent
la culture au même niveau que l'économique et le social;
Que le gouvernement du Québec et les municipalités
prennent les mêmes moyens que l'économique et le social pour
assurer un plein développement de la culture.
Que le gouvernement du Québec et les municipalités
appliquent le principe d'une maîtrise d'oeuvre unique dans le domaine
culturel, à l'avantage de leur clientèle respective.
Que le gouvernement du Québec et les municipalités se
partagent la clientèle culturelle du Québec, à savoir,
pour le gouvernement du Québec, artistes et créateurs
d'intérêt national, organismes artistiques d'intérêt
national et institutions culturelles nationales. Pour les municipalités,
artistes et créateurs d'intérêt régional, organismes
artistiques d'intérêt régional, institutions culturelles
régionales.
Que le gouvernement du Québec consacre Montréal comme
foyer de création et pôle culturel; il fait de Québec un
pôle privilégié de développement culturel.
Que le gouvernement du Québec se définit une mission de
soutien et de développement face à sa clientèle cible en
fonction de laquelle il rationalisera ses dépenses.
Que le gouvernement du Québec amorce un retrait face à
l'ensemble régional, sauf en matière d'accessibilité en
région à des produits de Montréal, de Québec,
d'autres régions ou de l'extérieur.
Que le gouvernement du Québec invite les municipalités
à augmenter leur contribution pour leur nouvelle clientèle afin
d'assurer le succès de la réalisation du projet global.
Que le gouvernement du Québec laisse le soin aux
municipalités de définir leur projet culturel. Pour ce faire, le
gouvernement du Québec envisage une forme de décentralisation,
projet en réflexion et à définir notamment avec les
municipalités.
Ce que nous en pensons. Comme nous l'avons déjà
mentionné dans notre introduction, Sherbrooke est en accord avec le
principe que la culture soit considérée au même titre que
l'économique et le social. D'ailleurs, nous nous sommes engagés
depuis 1983 à consacrer les moyens nécessaires à son
développement et ce, au rythme de notre milieu et de ses ressources.
Nous souscrivons également à l'idée que Sherbrooke soit un
partenaire du gouvernement du Québec afin d'actualiser le
développement culturel sur son territoire en sachant que ce
développement a un effet direct sur la région sherbrookoise et
l'Estrie.
Toutefois, il nous apparaît difficile d'accepter l'approche
proposée pour actualiser le partenariat dans l'accomplissement du projet
culturel du Québec. Définir tous les paramètres
d'intervention au niveau national allant même jusqu'à circonscrire
la clientèle dite nationale. Isoler Québec et Montréal en
leur attribuant un rôle déterminant pour l'industrie culturelle,
mais combien incomplet pour un projet culturel global au Québec. Imputer
aux municipalités le financement du développement culturel en
région tout en voulant poursuivre une réflexion sur la
décentralisation.
Tout cela nous laisse croire, Mme la ministre, que la proposition du
groupe-conseil est une demi-proposition. Autant le discours, les intentions,
les actions, les structures sont clairs lorsque l'on parle d'intervention
nationale, autant cela reste à définir pour les autres
régions qui touchent, ne l'oublions pas, plus de 50 % de la population
du Québec. On devrait retrouver dans une proposition complète la
reconnaissance de toute la vie culturelle incluant les régions. Cette
reconnaissance est fondamentale. Elle doit figurer parmi les orientations les
plus importantes d'une véritable politique culturelle. Elle doit
être la première pierre d'assise d'un véritable
partenariat.
L'industrie culturelle nationale, il faut s'en occuper, et l'approche
proposée est cohérente et laisse entrevoir un avenir prometteur,
mais ce n'est pas un objectif, c'est un moyen pour atteindre le plein
épanouissement culturel du Québec. Et, même à cela,
ce n'est que la pointe de l'iceberg. Pour qu'une industrie culturelle s'active
et soit florissante elle doit être supportée non seulement par une
consommation grandissante, mais surtout par une activité culturelle
sous-jacente et présente dans tout le Québec. La politique
culturelle du Québec doit clairement favoriser ce
phénomène et c'est dans ce sens que doit être établi
un véritable partenariat avec les municipalités.
En somme, le gouvernement du Québec doit reconnaître et
s'engager à soutenir financièrement les municipalités qui
investissent dans le développement culturel régional en harmonie
avec la politique culturelle du Québec. Le gouvernement doit prendre cet
engagement face à toutes les régions du Québec.
Comment Sherbrooke envisage les bases de ce partenariat et de la
décentralisation. Par la reconnaissance du gouvernement du Québec
et
des municipalités de l'apport Important des artistes,
créateurs, organismes artistiques, Institutions culturelles en
région au projet culturel du Québec.
Par la reconnaissance du gouvernement du Québec et des
municipalités d'un plan de financement conjoint traitant de l'incidence
d'un retrait total ou partiel dans le développement culturel en
région, notamment la question de la taxe d'amusement; de plus, ce plan
serait assorti de dispositions incitatives au niveau fiscal pour encourager le
secteur privé à investir de plus en plus dans la culture et les
arts.
Par la reconnaissance de certaines municipalités en région
- dans chacune des régions - susceptibles d'avoir une action culturelle
signifiante pour la région et pour le Québec.
Par la reconnaissance de ces municipalités comme
maître-d'oeuvre de leur développement culturel et que celui-ci
s'inscrive dans une politique culturelle globale.
La reconnaissance des municipalités maîtres d'oeuvre est
assortie d'une condition principale, à savoir que la municipalité
concernée ait une politique culturelle en harmonie avec le projet
culturel du Québec. Des conditions spécifiques doivent aussi
être rencontrées par cette politique culturelle pour qu'elle
comprenne: une politique de reconnaissance claire des artistes,
créateurs, organismes artistiques, et institutions culturelles
régionales; des programmes d'assistance à cette même
clientèle; des actions de mise en marché des produits culturels
au niveau local, régional et national; une ou des ententes au niveau
local avec les médias afin de promouvoir le produit culturel
régional; une ou des ententes avec la ou les commissions scolaires au
niveau local afin d'harmoniser les actions d'éducation avec la diffusion
auprès de la clientèle jeunesse; une table de concertation
permanente favorisant un dialogue constant entre le milieu culturel
concerné, les élus, les fonctionnaires ainsi que les partenaires
associés au plan culturel de la municipalité; un plan
d'équipement culturel permettant à la fols de servir la
clientèle de la municipalité pour des fins de production et de
diffusion, de recevoir la diffusion d'autres produits régionaux et
nationaux, cela en harmonie avec un plan d'équipement culturel national.
(12 heures)
Mme la ministre, s'il est vrai que la politique culturelle est un
véritable projet de société, elle doit intégrer la
dimension régionale. S'il est vrai que les municipalités, du
moins certaines, sont interpellées comme partenaires à la
réalisation du projet culturel du Québec, il est fondamental que
le ministère des Affaires culturelles maintienne son financement en
région et que les règles du jeu du partenariat soient très
claires avant l'adoption de la politique culturelle du Québec. Le danger
de la demi-proposition, c'est qu'elle entraîne une politique
incomplète. La réalité régionale fait partie du
destin culturel du Québec. Un véritable projet culturel doit
desservir l'intérêt de toute la population.
Enfin, avant de procéder à l'adoption de la politique
culturelle du Québec, un comité de travail doit être mis
sur pied. Ce comité doit être composé de
représentants du gouvernement et de représentants municipaux. Les
municipalités représentées doivent être
majoritairement celles qui s'investissent à l'heure actuelle dans le
développement culturel régional. Ce comité doit être
mandaté pour développer le projet de décentralisation et
l'intégrer, le cas échéant, à la politique
culturelle. En participant à un tel comité, soyez assurée,
Mme la ministre, que Sherbrooke sera heureuse d'apporter sa contribution au
projet culturel du Québec.
En complétant, j'aimerais vous référer à
l'annexe du document pour illustrer la vitalité culturelle de
Sherbrooke. Sherbrooke compte quatre compagnies professionnelles de
théâtre, deux compagnies professionnelles de danse, un orchestre
symphonique, un orchestre de jeunes, un orchestre de chambre, six choeurs et
ensembles vocaux, un ensemble de musique nouvelle, une association d'auteurs,
un regroupement d'artistes professionnels, et j'en passe, une salle de
spectacle majeure qui est a l'Université de Sherbrooke, le Musée
de la nature et de l'environnement, le Musée des beaux-arts, une galerie
d'art, un centre d'artistes, une bibliothèque municipale moderne. Tout
ça pour démontrer la très grande préoccupation et
l'investissement de Sherbrooke au niveau de la culture. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais
maintenant demander à Mme la ministre de bien vouloir prendre la parole.
Pour 15 minutes, Mme la ministre?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. le maire. D'abord,
bienvenue à vous tous. Je me rappelle, quand j'ai commencé ma
tournée, j'ai commencé par chez vous. Évidemment, c'est
assez stimulant parce que, effectivement, votre ville est une des villes les
plus Impliquées dans le développement culturel, au niveau de sa
région et au Québec. Je veux en profiter aussi pour
féliciter le Centre culturel de Sherbrooke qui a reçu le titre,
hier, de diffuseur de l'année, par l'ADISQ, titre très
convoité; alors, vous leur remettrez aussi mes sincères
félicitations.
Je veux vous féliciter aussi au niveau du mémoire parce
que le mémoire nous apporte des moyens extrêmement concrets au
niveau du partenariat qu'on peut développer entre le ministère,
donc le gouvernement du Québec, et les municipalités,
spécialement au niveau des régions. On en a beaucoup parlé
- la semaine dernière, aussi, on a touché ça - des
régions ou des villes qui seraient des pôles culturels, des
pôles culturels importants dans les réglons. Quel serait le
rôle et les responsabilités de ces pôles culturels dans
certaines régions? Je me souviens, le maire d'Amos nous avait
parlé de ça aussi, pour sa région, en disant: Notre ville
s'implique beaucoup - et, effectivement, ils font beaucoup - on devrait
être pôle culturel et considéré comme pôle
culturel pour la région, de telle sorte qu'on puisse rayonner, que notre
action soit moteur au niveau de la région.
Une voix: Claude.
M. Castonguay (Claude): Si vous permettez, Mme la ministre... Je
pense, et vous l'avez clairement indiqué, qu'à partir du moment
où il y a un noyau dynamique d'organismes et d'individus
supportés par une structure mettant de l'avant le développement
culturel le rayonnement de ces structures-là ou de ces
organismes-là dépasse largement le territoire d'une ville-centre.
Maintenant, pour répondre plus précisément à votre
question: Comment ça peut-il se développer? ]e pense que - et je
n'inventerai rien ici - ça ne peut se développer qu'en
concertation et avec des assises importantes auprès des organismes et
des artistes de Sherbrooke et de la région. Il faut que la ville exerce
un leadership en matière culturelle par son intervention non seulement
budgétaire mais par son intervention en termes de développement.
Un exemple facile, c'est celui de s'investir au niveau d'une
société de développement culturel. Mon collègue
pourra vous en parler. Ça nous permet d'aller chercher des projets du
type de l'Orchestre mondial des Jeunesses musicales, ce qui n'est quand
même pas peu dire. Ce n'est pas évident que l'on peut aller
chercher rapidement, je dirais, un organisme comme ça pour venir avoir
sa résidence d'été à Sherbrooke. Ça s'est
fait parce qu'il y a eu de la concertation, parce qu'il y a eu la
Société de développement culturel qui voit à cette
préoccupation-là, ça s'est fait aussi parce qu'il y a
beaucoup de bénévoles qui croient aussi au développement
culturel et à son impact.
Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir un peu justement
à la Société de développement culturel. Parlez-moi
donc un peu de votre façon de procéder?
M. Castonguay: M. Métras.
M. Métras (Claude): Mme la ministre, la
Société de développement culturel, c'est sûr, est
à la veille de célébrer sa première année
d'existence. La façon de procéder est simple: C'est que, par la
ville-centre de Sherbrooke, les municipalités environnantes ont
été sollicitées à participer, d'abord
pécuniairement parlant, en mettant un pourcentage de leur budget
à l'intérieur de cette société de
développement économique qui, elle-même, a donné des
mandats à trois sociétés, soit: la société
culturelle, la société touristique et la société
industrielle.
La société culturelle a un but: c'est de réunir ces
sept municipalités en leur faisant des propositions de projets culturels
économiquement rentables; le premier projet - on en a plusieurs, mais le
premier projet - réalisable et d'envergure de chapeau régional
était la proposition de faire venir à Sherbrooke l'Orchestre
mondial des Jeunesses musicales. Or, cette proposition, dont vous connaissez
tous les détails, permet de canaliser pour une grande région un
projet qui aura une reconnaisance nationale et internationale. Donc, ça
permet de faire connaître l'engouement des gens, comme le disait si bien
M. Castonguay, des bénévoles de la grande région
sherbrookoise qui ont encouragé - prenons le volet musical seulement -
déjà un orchestre symphonique, un orchestre de chambre, un
ensemble musica-nova, des ensembles à vent, un choeur symphonique qui
célèbre cette année sa 53e année d'existence, quant
à l'Orchestre symphonique, qui a réussi à progresser d'une
façon extraordinaire par l'Intérêt et l'engouement des
gens.
Ce que la Société de développement culturel va
stimuler c'est ce statut d'économie à l'intérieur de
projets culturels, de faire voir à toute une population régionale
qu'il est important pour une région, si elle s'attache à sa vie
culturelle qui, d'abord, prend soin de la qualité de vie, prend soin de
l'intérêt des bénévoles qui vont être
canalisés à l'intérieur de projets dont la
rentabilité va être assurée... Cela permet une
visibilité régionale d'un élément très
important dans la vie de tous les Québécois, c'est-à-dire
l'élévation d'esprit, le projet de cohésion de mettre
ensemble des groupements qui vont être enthousiastes vis-à-vis de
leur région. Si la Société réussit ces premiers pas
là, je pense que nous avons mis ensemble des municipalités qui
verront d'un bon oeil le fait d'avoir un chapeau régional qui permette
justement un éventail de services à être
installés.
Mme Frulla-Hébert: On se souvient, on a eu une
présentation extrêmement intéressante d'ailleurs la semaine
dernière parce que cette façon de faire est aussi exportable
à travers d'autres régions au niveau du Québec. Vous
êtes un regroupement de plusieurs municipalités, on en a
parlé la semaine passée, selon vous et selon votre
expérience après un an, est-ce que c'est une solution à
apporter à certaines - il faut le dire - guerres de clocher?
C'est-à-dire que nous, le problème que nous avons souvent, c'est,
finalement, de maximiser, si l'on veut, l'utilisation des équipements
culturels mais dans une grande région donnée. Et souvent,
évidemment, chacun veut son équipement à lui, ce qui nous
crée des problèmes majeurs. Donc, est-ce que, justement, cette
collaboration, cette façon d'agir est la solution à cette
compétition?
M. Gervais: Si vous permettez, d'abord, la Société
de développement économique - on va le prendre dans son sens le
plus large - regroupe sept municipalités. Évidemment, c'est une
première année d'opération. Il y aura des bilans à
faire, des ajustements à faire. Mais je pense que c'est une solution
intéressante à envisager à moyen et même à
long terme dans le sens que tout le monde connaît un peu et est sensible
au problème des villes-centres qui disent que, finalement, les
villes-centres ont fourni les services aux citoyens des villes de banlieue, Ils
ne payent pas pour, c'est la population de la ville-centre qui paye tous les
services. Donc, ce qui est important, c'est finalement la reconnaissance par
les villes de banlieue de dire: Oui, au niveau de la culture ou au niveau du
développement économique en général, la
contribution de la ville-centre est importante et c'est important aussi que les
villes de banlieue acceptent de contribuer financièrement au
développement économique dans la région à laquelle
elles sont associées. Mais c'est bien sûr que les musées
qui sont Implantés dans la ville de Sherbrooke, la salle majeure de
diffusion qui est l'Université de Sherbrooke, les acquis sont là
et je ne pense pas qu'il y ait de bataille de territoire à ce
niveau-là. Mais je pense que déjà d'associer des gens de
villes de banlieue au développement et à la promotion, ils se
sentent impliqués et je pense qu'ils vont accepter davantage de
contribuer eux autres aussi. Et ça me semble important, sauf que
ça a pour effet de multiplier des structures et je ne vous cacherai pas
qu'il y a le Conseil de la culture, la Société de
développement culturel, il y a le Comité culturel de la ville de
Sherbrooke, est-ce que...
Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on a besoin de tout
ça, M. le maire?
M. Gervais: Disons que ce n'est pas évident.
Mme Frulla-Hébert: Parce qu'effectivement, vous savez, il
y a des structures...
M. Gervais: Mais je vous laisse le soin de juger.
Mme Frulla-Hébert: Non, mais il y a des structures...
M. Gervais: Mais ce n'est pas évident.
Mme Frulla-Hébert: ...qui ont été mises en
place parce que les besoins étaient là. Évidemment, quand
les besoins... La société évolue, les besoins aussi
changent. On ne parlait pas, justement, de sociétés de
développement incluant la culture, il y a cinq ans. On parle de
regroupements de municipalités, on parle de partenariat. Les
municipalités réalisent aussi de plus en plus qu'investir dans la
culture c'est aussi très bon, c'est un excellent véhicule pour
les municipalités. Alors là, c'est différent, le contexte
change.
M. Gervais: C'est différent... Disons que, pour Sherbrooke
et les villes de banlieue, je pense qu'on peut assumer notre propre
développement culturel. Mais, par rapport à Mégantic et
aux régions un peu plus éloignées de la grande
région sherbrookoise, est-ce que c'est nécessaire? Là, je
n'ai pas à répondre. Mme Thibault est sûrement mieux
placée que moi pour répondre à une telle question. Mais
Sherbrooke peut s'assumer...
Mme Frulla-Hébert: D'accord.
M. Gervais: ...elle-même avec les villes de banlieue pour
son développement culturel.
Mme Frulla-Hébert: Tantôt, on discutait avec M.
Lefebvre, de la Communauté urbaine de Montréal, des conseils des
arts. Ils avaient aussi une proposition, c'est-à-dire qu'au lieu
d'avoir, mettons... Par exemple, nous sommes le ministère le plus
décentralisé dans l'appareil gouvernemental. On parle
énormément de décentralisation justement pour être
plus près et plus à l'écoute des besoins de la
clientèle. Est-ce qu'une formule conseil des arts, par exemplo, versus
décentralisation du ministère, c'est-à-dire vraiment avoir
ce qu'on appelle la politique du "arm's length", parce qu'on la regarde de
très très près, serait préférable? Donc, des
conseils des arts régionaux?
Une voix: Marc ou Claude?
M. Castonguay: Si vous me le permettez, Mme la ministre,
finalement, une approche de type conseil des arts, c'est une approche
structurelle qui peut avoir des bénéfices dans la mesure
où c'est vraiment sous-tendu par une concertation, dans la mesure
où c'est vraiment sous-tendu par une préoccupation de soutien et
de développement des groupes et des artistes professionnels en
région.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le
député de Sherbrooke, vous avez demandé la parole,
d'après ce que je peux voir.
M. Hamel: Oui. Peut-être, monsieur...
Le Président (M. Gobé): Auparavant, je dois vous
avertir que vous n'êtes pas membre de cette commission. Je demande le
consentement de mes collègues, en vertu de l'article 132, pour que vous
puissiez vous adresser... Mais on comprend que, votre maire étant
là, on ne pourrait, sans faire preuve d'inélégance, vous
le refuser.
M. Boulerice: On ne peut pas empêcher un
coeur d'aimer!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député.
M. Hamel: Merci, honorables députés.
Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole. Il
reste quelques minutes.
M. Hamel: Ce sera très bref. Oui. Écoutez, d'abord,
vous comprendrez ma très grande fierté de voir les
représentants de la ville de Sherbrooke, le maire et ses principaux
collaborateurs et collaboratrices, conseillères municipales, venir nous
présenter ce mémoire. Vous avez vu, dans l'annexe qui termine ce
mémoire, à quel point notre ville est dynamique et a une
vitalité culturelle remarquable.
Ceci étant dit, une simple question. Je voudrais savoir dans
quelle mesure la Société de développement culturel veut
faire de la place ou dans quelle proportion le mécénat
privé peut-il se glisser dans une structure comme celle-là? (12 h
15)
M. Gervais: Au niveau des sociétés, il y a la
Société de développement économique où
siègent des politiciens, mais au niveau des sociétés de
développement de l'industrie, culture et tourisme, ce sont des
bénévoles, ce sont des gens du milieu qui composent les conseils
d'administration, qui prennent les décisions et qui font en sorte
d'assurer le développement économique de la région.
Disons, M. le député Hamel, que je pense qu'au niveau du secteur
privé, à Sherbrooke, le secteur privé appuie beaucoup le
développement culturel de la ville; je pense, entre autres, à
Raymond Chabot Martin Paré qui investit au-delà de 150 000 $ par
année dans le développement culturel et à la firme Malette
Maheu qui a présenté d'ailleurs un rapport la semaine
dernière sur l'impact économique de la culture. Donc, il y a
également d'autres organismes qui investissent au niveau du
développement culturel. Alors, je pense que les sociétés
de développement culturel, le noyau est composé de gens de la
région, des sept villes, et c'est eux autres qui assurent, dans le fond,
les décisions.
M. Métras: Si vous me permettez d'ajouter, M. le maire. La
Société de développement culturel, ne serait-ce que dans
le projet actuel, comme exemple, de l'Orchestre mondial, va aller chercher une
part aussi importante, sinon même plus, que celle qui est demandée
aux trois paliers de gouvernement, c'est-à-dire provincial, municipal et
fédéral. Et, actuellement, notre enjeu, c'est d'essayer de ne pas
briser l'harmonie qui existe dans le milieu des commanditaires privés
pour que tous les organismes qui vont chercher des sous pour un support ne
soient pas divisés, à savoir doit-on engager un organisme...
L'Orchestre mondial, disons, qui va avoir un chapeau très large, par
rapport à l'Orchestre symphonl-que, l'Orchestre des jeunes, l'Orchestre
de chambre, le Musée des sciences naturelles, le Musée des
beaux-arts. Nous recherchons des partenaires privés à un niveau
national et même international. Donc, déjà les gens
d'affaires sont sensibilisés. On n'évitera pas, c'est bien
sûr, la grande région sherbrookoise pour une aide
particulière, mais c'est dans l'esprit de la société de
regarder que, si c'est économiquement rentable, c'est bien sûr que
ça ne sera pas économiquement rentable uniquement par les paliers
de gouvernement. Il va falloir que ça le soit par la participation du
public à tous les niveaux: étudiants, etc., en montant et aussi
par la recherche de commanditaires majeurs dans le privé qui va prendre
ce noyau culturel ou ce créneau culturel comme vous utilisez ici pour en
faire justement un élément publicitaire. M. le maire a permis de
mentionner la Société dont je fais partie, Raymond Chabot Martin
Paré, qui a pris une initiative en s'associant à la ville de
Sherbrooke d'abord dans des concerts-midi, sur la place de la Cité, en
faisant des vernissages, en participant par du personnel à tous les
organismes culturels qui sont implantés dans Sherbrooke. C'était
dans deux volets: stimuler l'intérêt des gens vis-à-vis de
la culture, maintenir une qualité de vie excellente au milieu culturel
et, deuxièmement, en avoir des retombées économiques pour
elle-même. Je pense que ça, il y a moyen de le faire avec un
partenariat dont M. le maire parlait tantôt.
Le Président (M. Gobé): Merci. Vous avez
terminé, M. le député de Sherbrooke?
M. Hamel: Oui.
Le Président (M. Gobé): C'est bien. Je vais
maintenant passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition
officielle en matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M. le
député.
M. Boulerice: M. le Président, merci. M. le maire, Mme la
conseillère, messieurs, au départ, je dois vous dire que
Sherbrooke, capitale régionale, Sherbrooke, cité universitaire,
je comprends que vous ayez qualifié le rapport Arpin de
demi-proposition. Mol, je dirais demi-portion, au niveau de la place des
régions. Effectivement, les régions peuvent être autre
chose que le réceptacle de productions montréalaises ou de
productions québécoises comme telles. Je pense que la
création culturelle régionale, elle doit être reconnue et
soutenue et je pense que les régions doivent effectivement être
partie prenante de toute politique culturelle. Ceci, je le dis, M. le maire,
puisque je suis peut-être député montréalais, mais
je suis natif de la région de Lanaudiè-re, d'une belle ville,
sans doute la plus belle
après la vôtre, ça va de soi, Joliette. Même
à 70 kilomètres de Montréal, cette ville n'a jamais voulu
se laisser satelliser au niveau culturel. Elle avait des ressources, elle avait
des compétences, elle les a développées. Je pense qu'elle
est... Je ne sais pas s'ils vont venir, je le souhaiterais bien, mais, avec
Sherbrooke, je pense que ça serait une force de frappe au niveau du
développement en région.
Ceci dit, j'en al plusieurs. Donc, je vais accélérer pour
pouvoir vous les poser. Chat échaudé craint l'eau froide, dit le
vieux dicton, M. le maire. Est-ce que c'est possible d'envisager
sérieusement une implication accrue des municipalités en
matière de développement culturel sans transfert de ressources
financières ou sans les ressources de la taxe d'amusement?
M. Gervais: À Sherbrooke, en tout cas, je pense... Le
message important que je veux vous livrer, c'est qu'il ne faut pas qu'il y ait
d'autres délestages. Sur le plan financier, si Québec
transfère des responsabilités, mais ne transfère pas
l'argent équivalent aux responsabilités, j'ai l'Impression que
ça va avoir un phénomène de découragement pour les
villes qui s'impliquent déjà de façon majeure. Je pense
que Sherbrooke s'implique de façon majeure dans le développement
de la culture et je pense que si le gouvernement du Québec - je le dis
très franchement - nous laisse tomber, ça va avoir un effet de
découragement important non seulement au niveau de la ville, mais au
niveau également des autres organismes qui nous soutiennent.
M. Boulerice: Un de vos collègues, M. le maire - je ne me
souviens plus si c'est votre collègue de Trois-Rivières ou d'Amos
- disait: II y a des municipalités qui font des efforts, des
municipalités qui consentent à des investissements, etc. Il
disait: Mais, par contre, sans vouloir blâmer et donner des noms, il y a
des municipalités qui sont un peu assises sur leur fauteuil et
attendent. Et ce maire avançait une hypothèse qui,
personnellement, n'est pas sans me séduire, en disant: Oui, mais donnez
donc une prime au rendement - peut-être une formule polie pour dire:
Aide-toi, le ciel t'aidera - à des municipalités qui consentent
à des efforts. Et, dans le cas de votre ville, c'est manifeste.
M. Gervais: C'est un peu ça qu'on dit, M. le
député. À Sherbrooke, on est prêts à...
Déjà, on s'aide beaucoup. Et je pense qu'il pourrait y avoir une
espèce de prime au rendement pour les municipalités qui font des
efforts importants au niveau de la culture. C'est un peu aussi le message qu'on
laisse dans le rapport. Et ça vous rejoint.
M. Boulerice: Au-delà d'une politique globale des arts et
de la culture - je dis arts et culture parce que j'essaie de respecter la gram-
maire française - est-ce qu'il y aurait des mesures très
concrètes immédiates qu'on pourrait adopter et qui seraient
utiles pour le développement culturel dans une capitale régionale
et une région comme la vôtre?
M. Castonguay: Je pourrais vous répondre très
rapidement pour vous dire que des mesures du type ententes municipales globales
au niveau de l'Intervention ministérielle en matière culturelle
sur notre territoire, ce serait bénéfique. Ça nous
permettrait de voir à plus long terme.
M. Boulerice: Oui. Et, dans le cas de vos institutions comme
telles, parce que vous en avez une liste drôlement impressionnante pour
une ville de... Vous êtes à quoi, 80 000?
M. Gervais: Disons 80 000 de population, mais on exclut toujours
la clientèle étudiante de l'Université de Sherbrooke qui
regroupe à peu près 10 000 ou 12 000 étudiants, 9 mois par
année. Mais, dans les statistiques, on ne les a pas,
malheureusement.
M. Boulerice: Dans le cas des institutions que vous avez, est-ce
qu'il y aurait des actions immédiates qui peuvent être
entreprises, mais qui ne nécessitent pas nécessairement
d'attendre l'éventuelle politique culturelle globale?
M. Latendresse (Marc): Certainement au niveau du patrimoine, il y
a des politiques sectorielles qui doivent être mises en place de
façon à ce que ces institutions-là poursuivent leur action
à ce niveau-là. Mais tout est enclenché, actuellement,
dans le sens que les institutions sherbrookoises qui sont engagées dans
le développement culturel sont quand même dans un réseau de
discussions et d'ententes sectorielles avec le ministère à ce
moment-ci. Mais pour nous, à Sherbrooke, à l'avantage du
développement culturel, des artistes, des créateurs de la
région, sur la base de la politique culturelle que fa ville a
adoptée en 1981, on est convaincus qu'une entente MAC-villes qui
s'inscrit dans le cadre d'un plan de développement culturel
centré sur des objectifs et non pas sur des objets précis et
pointus va permettre à la ville de Sherbrooke de faire ses choix et
d'établir son action stratégique conséquente à
l'avantage, ne l'oublions pas, parce qu'on parle toujours d'eux, à
l'avantage des artistes, des créateurs, des organismes culturels sur le
territoire.
M. Boulerice: Comment assurez-vous une meilleure concertation des
actions des municipalités et du réseau scolaire en matière
de soutien aux organismes culturels et la gestion des équipements
culturels, chez vous?
M. Castonguay: Je peux répondre partiellement pour vous
dire qu'il y a un certain nombre
d'ententes qui sont en train de se faire au niveau de Sherbrooke, comme
municipalité, et au niveau de ce qu'on appelle les équipements
culturels scolaires. Je peux vous signaler que, dans le cadre de
l'élaboration de notre politique, on est allés dans le milieu. On
a sollicité des mémoires et je peux vous signaler qu'à la
fois l'Université et le collège de Sherbrooke ont
manifesté leur intérêt. Pour ce qui est du collège,
c'était de rendre accessible sa salle de spectacle, et même il
était prêt à la céder à la ville. Le Centre
culturel a déposé un projet d'une salle additionnelle. Au niveau
des commissions scolaires, on est à finaliser les termes d'une entente
pour faire en sorte que les équipements dont elles disposent puissent
être accessibles dans une perspective d'échange avec des
équipements dont la municipalité peut disposer et ce, au moindre
coût pour les deux parties. On ne cherche pas, ni une partie ni l'autre,
à faire des sous par rapport à ça. On cherche davantage
une meilleure utilisation des équipements.
M. Boulerice: Quelles sont les relations - je vois votre SDRS et
d'autres organismes que vous vous êtes donnés - que vous vous avez
avec le Conseil de la culture de l'Estrie?
M. Métras: Actuellement, nous avons, au niveau du conseil
de la Société de développement culturel, une
représentante, Mme Diane Coderre, qui siégeait comme membre de la
Société de développement culturel, afin d'assurer une
cohésion avec l'information qu'eux possèdent et les projets que
nous voulons mettre de l'avant. Cette situation-là existe, comme je vous
le dis. Après une année d'exercice, on peut difficilement poser
un jugement sur l'avantage ou le désavantage de les avoir avec nous; par
contre, l'avantage que j'y vois c'est de posséder l'information afin de
ne pas manquer de projets majeurs. Comme on dit toujours, dans notre
société, c'est toujours le projet culturel qui doit être
économiquement rentable. Donc, il faut regarder les projets qui sont
peut-être en veilleuse par le Conseil de la culture et qui pourraient
prendre un envol grâce à notre expertise et notre
possibilité de susciter un financement particulier ou gouvernemental
pour aider ce projet particulier à prendre un envol national ou
international. Nous avons déjà des projets qui nous sont
suggérés. Ils font partie maintenant de la grille d'analyse.
Qu'adviendra-t-il de la collaboration entre ces deux institutions? Je pense que
c'est à voir suivant ce que le ministère des Affaires culturelles
décidera de donner comme vocation au Conseil de la culture dans
l'avenir. Mais les municipalités ont décidé, elles, de
prendre en main une cohésion au niveau de l'entente
régionale.
M. Boulerice: Une autre des failles que je vois au rapport Arpin
est d'avoir complètement fait abstraction des communications qui sont
Indissociables du développement culturel et de la diffusion de l'oeuvre
et des produits. Sherbrooke a été un grand centre de production
télévisuelle. Ça en est où maintenant chez vous?
Ça a diminué? Ça a stagné? Ça s'est
amplrfié? J'ai bien peur que ma troisième option,
malheureusement, soit fausse.
M. Comtois (Georges): Bien écoutez, le secteur des
communications... À Sherbrooke il n'y a quand même pas de commune
mesure avec d'autres réalités. Nous avons quand même un
quotidien francophone et un quotidien anglophone, trois chaînes de
télévision, des bandes MA, des bandes MF, etc., sauf que comme
partout ailleurs l'industrie elle-même est en train de se rationaliser.
On assiste à beaucoup de fusions. On a vu Pathonic avec le réseau
TVA, on le voit au niveau de la radiodiffusion. Nous souhaitons conserver des
entreprises de production télévisuelles fortes en région
et nous tentons de le stimuler, mais nous faisons face à un contexte qui
est extrêmement difficile dans le cadre de rationalisation. On pense
à l'impact qu'a eu la fermeture de Radio-Québec. Dans certaines
régions, notamment dans l'Estrie, ça a eu un Impact très
dur sur l'industrie de la production télévisuelle. Il nous reste
quelques producteurs télé Indépendants, dont un qui a
réussi cet été à vendre à la programmation
nationale de Radio-Québec une production mais ça lui a pris trois
ans à la placer.
C'est un contexte difficile. Nous souhaitons ardemment conserver ces
atouts-là que sont les industries de communication dans notre
région. Il y a quand même beaucoup à faire pour quand
même les assister dans cette démarche-là. Cependant, on
doit dire également que la politique de développement culturel de
la ville s'intéresse à toutes les questions de la promotion, de
l'information, des communications. Nous avons certaines ententes-cadres avec
certains médias où nous insistons plus particulièrement
sur leur rôle dans la diffusion de l'information culturelle, mais tout
ça, c'est dans un contexte peut-être un peu partiel. Le contexte
n'est pas facile de ce côté-là.
M. Boulerice: D'accord.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député.
M. Boulerice: Bien, en conclusion, M. le maire, madame,
messieurs, la fréquence de comparution - entre guillemets, le mot
"comparution", vous comprendrez - de maires à la commission de la
culture ça toujours été minime. Mais je dois vous avouer
que je suis très heureux depuis de début de cette commission de
vous entendre vous, comme d'avoir entendu le
maire de Québec, le maire de Trois-Rivières, le maire
d'Amos, et je sais qu'il y en aura d'autres qui vont suivre.
Oui, on demande aux municipalités, mais demander aux
municipalités nous a probablement peut-être fait oublier un plan,
qu'il y avait des municipalités qui déjà avaient
commencé. Donc, c'est plutôt le contraire, c'est elles qui sont en
demande et non pas nous qui sommes en demande envers elles. Mais je retiens une
chose, les municipalités ont le goût, les municipalités ont
senti l'importance, d'une part, du développement culturel, II va de soi,
mais du développement économique, toute la facette touristique.
On est en situation de monopole, comme nous en faisait référence
d'ailleurs un groupe de la Montérégie cette semaine. Mais il
n'est pas question, dans ce domaine, de délestage, je retiens bien le
mot que vous avez employé, M. le maire. Alors, je vous remercie
beaucoup. Bon retour dans votre belle région, où nous
étions d'ailleurs mes collègues du Parti québécois
lundi et mardi.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Et rapidement, M. le
député de Sherbrooke, un mot de remerciement à vos
commettants de votre comté. Par la suite, je passerai la parole à
Mme la ministre.
M. Hamel: Écoutez, je pense que tout a été
dit. On a démontré avec une très grande pertinence notre
volonté très ferme de continuer à progesser et l'exemple
de Sherbrooke est justement celui qui fait qu'on était
déjà à l'avant-garde, et on veut continuer avec les
meilleurs moyens possible. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sherbrooke. Mme la ministre, très
rapidement.
Mme Frulla-Hébert: Bien évidemment...
Le Président (M. Gobé): Non. Alors, prenez le temps
que ça prend.
Mme Frulla-Hébert:... nous aussi, merci d'avoir
répondu à l'appel. Effectivement, les villes, spécialement
les villes convaincues, ont bien répondu; on va les entendre et c'est un
plaisir parce que, effectivement, cette approche de partenariat, nous, on y
tient. On veut la cultiver, le faire de façon extrêmement positive
et fructueuse. Encore une fois, merci pour ce mémoire, parce qu'il
apporte des solutions qui sont tangibles et, je dois vous le dire, des
solutions - nous allons vous revenir au mois de novembre - que nous voulons
mettre de l'avant.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le maire, ainsi que les gens qui vous accompagnent, nous nous remercions. Ceci
met fin à votre intervention, et je vais donc suspen- dre les travaux
jusqu'à cet après-midi 14 heures en cette salle.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise 14 h 10)
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît! La
commission de la culture reprend maintenant ses consultations sur la
proposition de politique de la culture et des arts. J'inviterais les
intervenants suivants à bien vouloir se présenter en avant. Il
s'agit du groupe Carbone 94...
Des voix: 14.
Le Président (M. Gobé):... 14- pardon
-représenté par Mme Danièle de Fontenay et M. Gilles
Maheu. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
déjà que nous sommes en retard, suite à l'arrivée
tardive de quelques personnes...
Mesdames et monsieur, bonjour. Vous avez la parole pour 10, 15 minutes
à peu près, car nous sommes déjà en retard. Sans
plus tarder, je vais vous laisser commencer votre présentation. Vous
vous présentez, vous vous identifiez.
Carbone 14
M. Maheu (Gilles): Oui. Je suis Gilles Maheu, du groupe Carbone
14; Danièle de Fon-tenay, directrice générale, et
Clothilde Cardinal, son adjointe.
Le Président (M. Gobé): Très bien.
M. Maheu: Mme la ministre, Mme la sous-ministre, M. le
Président, M. le vice-président, Mmes et MM. les membres de la
commission de la culture, bonjour! Nous éviterons de relire le
mémoire que vous avez déjà sous les yeux. Par contre, je
tiens à repréciser notre volonté ici de parler de culture
et, particulièrement, de recherche et de création.
En effet, c'est sur la base de ses 15 années d'expérience
concrète et profonde des arts de la scène au Québec et
à l'étranger et en tant qu'acteur majeur du développement
de la création théâtrale québécoise que
Carbone 14 a tenu à participer à cette importante commission de
la culture. Cette commission revêt une importance capitale, étant
donné l'état grave et critique dans lequel se trouvent
aujourd'hui la recherche et la création. Cela peut paraître
paradoxal, alors qu'on assiste au florissement de beaux succès en danse,
en théâtre, en musique ou au cirque. C'est oublier que ces
succès sont le résultat de plus de 20 ans d'efforts collectifs.
C'est vouloir oublier surtout que ce bel édifice de la
créativité repose sur des bases qui sont minées par le
manque flagrant de subsides qui va
croissant d'année en année, bref, par l'absence d'une
vision politique à long terme.
À l'image de la société dans laquelle elle
s'enracine, la création québécoise a fait des pas de
géant et a parcouru en quelques décennies ce que d'autres
sociétés ont mis des siècles à bâtir. Elle a
réussi aujourd'hui à conquérir une place chez elle
auprès d'un public qui s'y reconnaît, mais aussi sur la
scène internationale où elle promène avec succès
l'image d'un Québec moderne et contemporain. Mais cette croissance est
d'autant plus fragile qu'elle a été rapide, et cette
fragilisation est encore accrue par l'internationalisation des marchés
et par l'absence chronique de soutien consistant de la part de l'État.
Pourtant, sans la création d'aujourd'hui, est-il nécessaire de
rappeler qu'il n'y aura pas de culture de demain? La création est
l'oxygène de la culture sans laquelle cette dernière est
vouée à une mort certaine comme il existe des langues mortes, des
cultures mortes.
À ce titre, la création joue un rôle fondamental,
crucial, ce qu'a su souligner le rapport Arpin. Ce qui nous préoccupe
maintenant, ce sont les moyens concrets de donner à cette
création la capacité de s'épanouir avec force et de
continuer à se renouveler avec originalité, car nous sommes
obligés de constater que cette création, que l'on sort en habit
du dimanche pour aller compétionner à l'étranger dans de
belles salles de 1200 places, est encore reléguée ici, chez elle,
au statut d'intermédiaire, qu'elle est forcée de travailler dans
des fonds de cour, dans des garages, avec les moyens du bord et des
équipements désuets et insuffisants. Il est étonnant que
le public québécois consente encore à payer 22 $ ou 25 $
pour aller s'asseoir sur des chaises de bois dans des salles, tantôt
glaciales, tantôt surchauffées. Jusqu'à quand aura-t-il ce
courage? Jusqu'à quand lui fera-t-on comprendre indirectement que la
création, ça ne vaut pas grand-chose?
Selon l'expression d'un de mes collègues, ce n'est ni en mendiant
ni en martyr que Carbone 14 demande aux décideurs de décider si
les créateurs ont une place dans la société
québécoise et, si oui, de prendre les moyens pour leur accorder
un appui dans la mesure de leur force et de leur vitalité. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors merci, monsieur...
Est-ce que votre témoignage est terminé? Votre
présentation est finie?
M. Maheu: Oui.
Le Président (M. Gobé): Prêt à
commencer la discussion?
M. Maheu: Pardon?
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé
votre présentation?
M. Maheu: Oui.
Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, Mme la
ministre, pour une quinzaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Alors, bonjour! Ça me fait
plaisir que vous soyez ici. Vous savez, vous avez fait votre marque, tant ici
qu'à l'étranger, par vos activités aussi de recherche.
Vous avez imposé un style, un style qui était nouveau. On en a
parié énormément aussi, la semaine dernière - et
c'est venu à plusieurs reprises - le fait qu'il manquait de fonds au
niveau de la recherche et développement. Par exemple, dans le domaine
scientifique, on parlait énormément de recherche, de
développement et des fonds. Quand on parle de création, il ne
faut pas se tromper. Nous, évidemment, on va subventionner soit des
organismes, soit des créateurs par l'aide aux artistes, mais on n'a pas
de fonds spécifique au niveau de recherche et développement,
justement pour aider ceux qui veulent pousser plus loin, aller plus loin. Par
contre, vous vous êtes bien développé sans cela. On regarde
évidemment face au futur. Est-ce que, pour vous, ça aurait
été plus facile d'avoir un fonds de ce qu'on appellerait
recherche et développement créatif, et j'en passe, que de vous
développer ou d'imposer un nouveau style, si on veut, par les moyens qui
existent déjà?
Mme de Fontenay (Danièle): En fait, ce que je pense, c'est
qu'il faudrait que les programmes soient adaptés à la vocation
des organismes qui font de la recherche et de la création;
c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement en faisant un
programme différent, mais en considérant que la recherche, par
définition, prend du temps. Donc, en termes de pression, de durée
que ça prend pour réaliser un spectacle, quand on part d'une page
blanche, les contraintes sont différentes du moment où on part,
par exemple, d'un texte et qu'on monte un texte de répertoire. Il est
évident qu'il faut prendre en considération la notion de temps,
quand on parle de recherche et de création. C'est reconnu dans le
domaine scientifique et ça devrait l'être aussi dans le domaine de
l'art.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord. Maintenant, dans votre
présentation initiale, vous parliez aussi de consolidation des
organismes. Il y a un grand débat présentement au niveau du
saupoudrage versus la consolidation de ce qui existe déjà. La
semaine dernière, un des intervenants nous a dit: Si vous êtes
capable de régler ne serait-ce que ce débat, ce grand
débat, ou, enfin, d'en arriver à un certain consensus, vous aurez
déjà fait un grand pas. Je suis d'accord avec ça.
D'un côté, on dit: Le saupoudrage encourage la
création. De l'autre, on se dit: Bien, il y a eu beaucoup de
développement de fait et, main-
tenant, on se doit de consolider, de marier... Par exemple, il y a
d'autres façons dont on peut se servir pour favoriser le
développement. Il semblerait que vous optiez finalement pour cette
méthode, c'est-à-dire de couper un peu le saupoudrage et de
consolider. Est-ce bien...
Mme de Fontenay: C'est-à-dire que, si je peux me
permettre, on peut me corriger, mais il est évident que, dans la
situation d'anémie dans laquelle se trouve en ce moment le milieu de la
création, le saupoudrage ne fonctionne plus. C'est-à-dire
qu'à la limite c'est aussi bien les faibles que les forts qui vont
disparaître et on risque de ruiner tous les efforts collectifs depuis des
décennies en très peu de temps. On ne peut plus se passer la
bouteille de sérum l'un et l'autre; tantôt un une année,
tantôt c'est l'autre; la chaise musicale, une augmentation, pas
d'augmentation, gelé. On ne peut pas faire du développement et de
la recherche, on ne peut pas même consolider un langage qui, en plus, se
trouve maintenant très jeune encore pourtant à
compétitionner sur la scène internationale dans des conditions
aussi aléatoires. Dans ce sens-là, nous sommes tout à fait
contre le saupoudrage. S'il n'y a pas d'augmentation manifeste du budget de la
culture, il faut, à ce moment-là, que le gouvernement fasse des
choix et "focusse" là où il lui semble qu'il y a des
priorités.
Mme Frulla-Hébert: J'aimerais qu'on parle aussi au niveau
de la diffusion. Vous êtes connus au niveau international, même
souvent plus qu'au Québec. Je ne parle pas de la région de
Montréal, mais au niveau de la province. Parlez-moi donc un peu de la
diffusion et des problèmes de diffusion ici, au Québec, pour des
gens qui, comme vous, présentent un spectacle ou, enfin, de la
création qui est nouvelle. Nous avons reçu, la semaine
dernière, des gens justement du RIDEAU et ils ont aussi... On sait qu'on
a un problème de diffusion, au Québec, on ne s'en cachera pas.
J'aimerais savoir comment vous le vivez, ce problème-là, parce
que ce n'est pas normal qu'un de nos grands organismes soit reconnu plus...
enfin, soit plus connu au niveau international qu'il ne l'est dans toute la
région du Québec.
Mme de Fontenay: On a déjà tourné plus. En
1982 et 1983, on tournait davantage au Québec. Il s'est produit, je
pense, une succession de circonstances, aussi bien au niveau du marché,
de l'économie, peut-être aussi de fatigue des diffuseurs locaux
qui ont essayé d'être très dynamiques pendant un certain
temps. Mais ils sont pris avec des contraintes. Ils sont condamnés au
succès tout le temps. Donc, à un moment donné, ce que l'on
voit tourner au Québec, en règle générale, c'est la
variété, c'est du théâtre d'été, des
choses plus faciles. Le nouveau théâtre, par définition, la
nouvelle danse font peur aux diffuseurs en région qui ont l'impression
que le public n'est pas prêt à les accueillir ou qui ont peur de
prendre des risques financiers trop grands, que leur organisme ne leur permet
pas d'encourir. Alors, on est aux prises avec, d'une part, des diffuseurs
craintifs, très, très pris à la gorge
financièrement, et aussi, il faut le souligner, des équipements,
des salles un peu désuètes ou des salles qui sont très
grandes, donc qui ne permettent qu'un show par soir. Par exemple, un "one-night
stand", on joue une soirée et on part, ce qui revient très,
très cher pour un spectacle qui prend deux jours de montage, par
exemple. Donc, il y a des problèmes d'équipement et il y a des
problèmes... Je pense que les diffuseurs sont aux prises avec des
problèmes assez considérables. C'est très regrettable
parce que, effectivement, c'est aussi, je pense, le cas du jeune
théâtre, le théâtre pour jeune public, on tourne plus
à l'étranger que chez nous.
Mme Frulla-Hébert: Mais comment on fait? C'est parce que,
quelque part, les diffuseurs spécialement, les gens disent: Notre public
n'est pas prêt. Mol, je l'ai entendu partout quand je suis allée
en tournée et je pense que ça dépasse aussi ne serait-ce
que la grandeur des salles. C'est vraiment une conviction profonde qu'ils ont
que le public n'est pas prêt. Bon. Alors, d'un côté, on dit:
Le public n'est pas prêt, on ne leur présente pas, mais le public
ne sera jamais prêt si on ne leur présente pas non plus. Comment
on fait, finalement, pour arriver à bout de ça?
Mme de Fontenay: Je pense que ce n'est pas vrai que le public
n'est pas prêt en région. On regarde tous la même
télévision, on regarde tous les mêmes émissions, les
mêmes vidéoclips, les gens vont voir les mêmes films. Qu'on
habite à Chicoutimi ou qu'on habite à Montréal, il n'y a
pas des années-lumière entre ces gens-là. Ce n'est pas
vrai que le public n'est pas prêt. La preuve, c'est que, chaque fois que,
nous, on a joué en région, les salles se sont remplies et
même en 1982, 1983, c'était le cas avec "L'homme rouge",
c'était le cas avec "Le voyage immobile", ça a été
le cas avec "Pain blanc" qu'on a joué deux semaines à
Québec, à La Bordée, ça a été plein.
Alors, je ne crois pas du tout à cet argument-là.
M. Maheu: Vous savez, si on peut manger la nouvelle cuisine en
région, je pense...
Mme Frulla-Hébert: Voilà!
M. Maheu: ...qu'on peut manger le nouveau théâtre et
la nouvelle danse. Je crois que le Québec a beaucoup
évolué, mais il y a... C'est un ensemble de circonstances, c'est
sûr. Au moment aussi où les téléviseurs ont une
très grande force de frappe... Par exemple, "Le dortoir" a
été
filmé, il va passer à la télévision,
ça va ouvrir les yeux à un certain nombre de personnes sur ce
type de théâtre, mais je crois que c'est à la fois des
risques des diffuseurs... Mol, je crois que le public, finalement, suit
toujours. On le volt à Victorlavllle avec la nouvelle publique... il y a
des zones de public, mais il faut que les diffuseurs prennent des risques et il
faut que les gouvernements, bien sûr, appuient. Tout ça
relève d'un ensemble de décisions à prendre,
évidemment d'un ensemble d'argent à Injecter dans la culture.
Mme Frulla-Hébert: Justement, vous nous suggériez,
à un moment donné, qu'on devrait subventionner - parce qu'on
parle justement d'implication - d'abord des créateurs plutôt que
des organismes. Maintenant, d'un côté, vous êtes un
organisme. J'essaie de savoir comment on concilie ça et vraiment comment
on fait pour concilier les deux parce que, évidemment, on aide. Il y a
des programmes d'aide, justement, à la création, d'une part et,
deuxièmement, évidemment, on aide les organismes, comme on le
fait avec vous et avec d'autres. Mais j'essaie de voir où...
Mme de Fontenay: Peut-être qu'on peut clarifier un petit
peu ce que l'on veut dire. Ce qu'on a essayé de faire ici, c'est
vraiment de promouvoir la création comme étant la pierre
d'achoppement, et au coeur d'une politique de la culture. Pour qu'il y ait
création, il faut qu'il y ait un créateur. Ce n'est pas un
conseil d'administration, ce n'est pas un comptable, ce n'est pas une
secrétaire, au départ, que ça prend pour qu'il y ait
création, c'est un créateur.
Donc, ce que l'on veut dire, au fond, c'est qu'il faut d'abord
identifier les créateurs. Si ces créateurs font partie d'un
organisme, tant mieux. Enfin, à ce moment-là, on subventionne
aussi un organisme. Le jour où le créateur n'est plus là,
la question qu'on se pose, c'est: Y a-t-il matière à
subventionner un organisme où il n'y a plus d'âme
créatrice? Et cela arrive. Gilles pourrait disparaître. Il n'y a
qu'un metteur en scène, un seul directeur artistique à Carbone
14. À ce moment-là, on pourrait très bien se -poser la
question de la raison de durée de Carbone 14. Pourquoi continerait-on?
Évidemment, on peut mettre une annonce dans le journal. Mais ce n'est
pas comme ça qu'on voit la chose. Est-ce que ça..
Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a une différence,
finalement, entre des organismes qui sont issus du talent d'un créateur,
comme Gilles, avec vous, et d'autres. Je reviens à Jean Duceppe qui,
lui, ne créait pas, mais qui, lui, a interprété et
l'organisme peut très bien continuer, si on veut, sans la...
Mme de Fontenay: Oui, c'est un organisme différent. Ceci
dit, nous, on est vraiment dans ce qu'on appelle la recherche et la
création. Il y a donc un mandat, une vocation artistique très
claire, orientée sur l'écriture, enfin, le développement
d'une nouvelle écriture scénlque, un travail sur le corps de
l'acteur. Donc, là, c'est clair. C'est un peu différent d'un
organisme où on a un directeur artistique qui, en fait, compose une
saison avec différents metteurs en scène ou différentes
pièces de répertoire. Dans le cas de la recherche et la
création, c'est forcément toujours lié à un leader
et à une âme créatrice. Donc, c'est un peu de cela qu'on
parle.
M. Maheu: Ce qui est terrible et épuisant, à la
longue, c'est de constater que ceux qui investissent à long terme dans
la recherche et la création, une nouvelle écriture, et qui se
confinent à un travail légitime de troupe et de groupe sont
presque toujours confinés à du théâtre de poche en
termes d'équipement et marginalisés. J'ai déjà eu
l'occasion de manifester publiquement mon désarroi face à
certains fonctionnaires sur le sujet, et ça, malgré une
reconnaissance de publics, de critiques québécois et
internationaux.
Il y a quelque chose d'humiliant, à la fin, là-dedans. Des
gars comme Edouard Lock, qui fait un travail remarquable, il travaille toujours
dans un loft. Je vois Jean-Claude Gallotta, qui est Français, qui fait
un travail dans la même zone. Il est directeur d'une maison de la
culture. Il a d'immenses studios en France. Vous allez dire: Le Québec,
ce n'est pas la France. Il y en a plusieurs en France, peut-être, qui
pourraient en avoir un ici. Cette situation-là, je pourrais vous en
citer plusieurs exemples. Ce qui fait aussi que beaucoup de gens qui, il y a 10
ou 15 ans, ont été les têtes dirigeantes de ce qu'on
appelait la création collective et le théâtre se retrouvent
aujourd'hui célèbres à cause de mises en scène dans
ce qu'on appelle les grands théâtres, au TNM, etc. Je pense
à Lorraine Pintal qui a toujours son groupe de la Rallonge. De lutter
toujours, c'est une situation que je trouve frustrante, finalement. Est-ce
qu'il faut aller dans les grands organismes publics, comme Robert Lepage est
aujourd'hui à Ottawa, pour avoir des conditions de travail qui soient
légitimes et à la mesure de nos talents? C'est ça, le
problème.
Mme Frulla-Hébert: On en avait discuté ensemble et
on parlait du besoin d'un centre de production. On est en train de regarder
ça sérieusement. Mais mis à part les installations que
nous avons présentement, selon vous, finalement, les installations qui
existent, qui sont là, sont-elles adéquates? Je ne parle pas
où vous êtes. Il y a un problème de relocalisation,
ça, on en a discuté, mais je parie de l'ensemble, si on regarde
au niveau de l'ensemble, parce qu'on a investi. C'est parce que je reviens
à ce
que vous disiez. En province, on a investi quand même beaucoup au
niveau d'un réseau de salles de spectacle. On part de rien, mais,
là, il y a des manques. J'ai souvent l'impression qu'on se dote d'une
infrastructure culturelle ou, enfin, d'un lieu de diffusion, et le jour
où on l'a - le lieu de diffusion - parce qu'il faut mettre beaucoup de
partenaires ensemble, tout ça, et on n'a pas ça du jour au
lendemain, évidemment, on dirait que c'est dépassé parce
que, effectivement, il y a une autre tendance qui est train de se faire.
Là, le lieu, il est soit trop grand ou pas adéquat. Alors,
là, II faut suivre l'autre. Comment on fait? Comment on fait,
finalement, pour mieux planifier? Comment on fait? (14 h 30)
Mme de Fontenay: C'est vrai que c'est un difficile
problème, mais je pense qu'on ne peut pas se tromper. Si on regarde le
paysage des équipements culturels existants à Montréal en
ce moment, par exemple, on ne peut pas se tromper en disant qu'il y a un manque
de salles intermédiaires. C'est-à-dire qu'à
Montréal on a quelques grandes salles, à partir de 700
jusqu'à 1200 ou 2000 places à Wilfrid-Pelletier, sinon, on tombe
tout de suite dans la zone des tout petits théâtres avec un
maximum de 100 ou 150 places qui ont été faits par le milieu
lui-même, construits avec les moyens du bord, à la sueur de bras
et qui, deux ans plus tard, se retrouvent à être inadéquats
en termes de services d'incendie, de ci, de ça. Bon. Ça s'est
fait tout seul. Alors, on a beaucoup de petites salles comme ça. On a
quelques grandes salles, mais des salles intermédiaires, il en manque.
Je pense que, là-dessus, on ne peut pas se tromper, il y a un manque
flagrant. Des spectacles qui, dans une salle de 150 places, ne font pas leurs
frais, ne sont pas rentables parce que le plateau coûte plus cher en
partant, même s'il a vendu tous ses billets, ces salles-là ne
peuvent pas se déplacer dans quelque chose d'intermédiaire,
c'est-à-dire 450, 500 places. Il est obligé, à ce
moment-là, de considérer la possibilité de s'en aller dans
une salle où, là, on parle de 800, 900 places. Les seules salles
accessibles, au fond, c'est quoi, qu'on peut réserver deux ans d'avance?
C'est Maisonneuve qui coûte une fortune et qu'il faut vraiment alors
là réserver deux ans à l'avance parce que c'est tout
réservé, ou Wilfrid-Pelletier, mais ça n'a pas de bon
sens, c'est un saut qui n'est pas du tout organique. Je pense qu'à ce
niveau-là on ne peut pas se tromper, à Montréal, c'est
définitif, le manque est là.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. C'est
malheureusement tout le temps qui vous était imparti, Mme la ministre.
Je me dois, selon notre règlement, de passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, critique officiel de
l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M.
le député.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Je
regrette que la ministre n'ait pas pu bénéficier plus longtemps
de l'expertise de Sainte-Marie-Saint-Jacques, mais... Ha, ha, ha! Je voudrais,
Mme de Fontenay, Mme Cardinal et M. Maheu, qu'on revienne sur la notion de
saupoudrage. J'évite la boutade que je voulais faire en disant: Vous
avez fait "Le dortoir" et les politiciens appellent le parlement le
collège, mais rassurez-vous, on ne va pas vous endormir cet
après-midi.
Quand on parle de saupoudrage et que vous dites: II faudrait y mettre
fin, ne voyez-vous pas là une espèce de danger de
déboucher sur une certaine institutionnalisation d'organismes avec un
frein inévitablement sur le développement de nouveaux organismes,
voire même l'existence d'organismes actuels? Si on allait freiner le
saupoudrage, compte tenu d'une espèce de fond de teint très
académique qui peut exister quelquefois au ministère, vous auriez
peut-être été un organisme qui n'aurait jamais rien eu.
J'ai un peu cette crainte-là. Quand on dit qu'on y met fin, c'est
à partir de quel critère objectif? Ce n'est pas facile. Juste
pour compléter ma question, ne pensez-vous pas qu'au contraire on
devrait peut-être prévoir des programmes d'aide spécifique
au développement, mais disons qu'on le ferait sur des créneaux
bien identifiés, par exemple, un organisme qui a un rayonnement
international, quelque chose comme ça?
Mme de Fontenay: Vous allez en revenir au même
problème, c'est-à-dire le saupoudrage, est-ce que ça
risque de freiner l'émergence d'une relève, par exemple, de
nouveaux organismes, de nouveaux créateurs? La question se pose
maintenant, d'ores et déjà et en dépit du saupoudrage qui
continue d'avoir lieu, puisqu'il n'y a pas d'argent. N'ayant pas d'argent, le
ministère des Affaires culturelles est de plus en plus une caserne de
pompiers où on éteint les feux et où les créateurs
sont quand même de plus en plus de grands brûlés. Alors, le
saupoudrage existe, il a lieu et ça ne solutionne pas le problème
d'entonnoir, de telle sorte que les nouveaux organismes ou les jeunes
créateurs ont toutes les difficultés du monde à s'y frayer
un chemin. Donc, est-ce qu'on a l'argent pour satisfaire toute la demande? Moi,
j'entends circuler des chiffres. On me dit: Pour l'instant, le ministère
des Affaires culturelles, avec le budget dont il dispose, répond
à 20 % des besoins. Est-ce qu'on peut imaginer, dans le contexte
économique dans lequel nous sommes, la situation économique du
pays et aussi le passé, que le ministère des Affaires culturelles
va augmenter son budget de 80 % pour satisfaire toutes les demandes? Moi, je
pense que c'est utopique. On peut rêver, mais moi, je ne rêve pas
et je me dis qu'à ce moment-là, s'il n'a pas les moyens de
répondre à toute les demandes, il faut absolument encoura-
ger, "focusser", développer une politique où,
effectivement, on va pouvoir trouver de l'argent pour de nouveaux
créateurs, de nouveaux organismes, de nouvelles... Mais là, comme
c'est là, c'est... D'un côté, il faut consolider et, si on
consolide tout le monde, il n'y a plus d'argent pour les jeunes. Ça ne
marche plus, là. Il faut faire des choix, c'est ce qu'on dit. Ce n'est
pas facile.
M. Boulerice: II fallait vraiment être de la rue Fullum
pour connaître l'allusion aux casernes de pompiers.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Vous avez parlé tantôt que des
diffuseurs avaient des réticences à amener à
l'extérieur ce que vous faites. Et je pense, d'ailleurs, que ce que vous
faites, vous l'avez bien exprimé: vous avez développé la
spécificité d'un langage québécois non verbal. Je
pense que vous êtes très bien décrits, juste par cet
en-tête là. Dans le rapport Arpin, on évacue
complètement tout le domaine des communications, au complet, pas juste
dans le sens télévisuel, mais toutes les techniques comme telles.
Au niveau de la télévision comme telle, est-ce que vous croyez
que la programmation reflète véritablement la diversité de
l'expression de la culture québécoise? J'ai un petit peu le
principe, moi, la culture... L'expression fait peut-être
bébête, mais j'ai toujours dit que c'était comme la
saucisse Hygrade: plus le monde en mange, plus il l'aime, plus il l'aime, plus
il en mange.
Mme de Fontenay: Moi, à ce niveau-là, non, je
trouve que... Et c'est très regrettable parce que je crois que les
organismes de télévision d'État ont un mandat culturel
aussi et ne reflètent pas du tout la variété et la
richesse de ce qui se fait en création, au Québec. C'est
très regrettable. On le voit aussi au niveau, par exemple, de la
couverture qui est donnée aux événements artistiques,
à la télévision; c'est extrêmement pauvre. Et,
d'année en année, on voit disparaître des émissions
extrêmement bien faites, éclairées comme, par exemple,
"Lumières", à Radio-Québec, qui était une
émission culturelle fort intéressante, pas démagogique,
bien faite; elle a disparu. Ce sont les premières émissions qu'on
coupe, en règle générale. Alors, à ce
niveau-là, ma réponse serait non.
M. Maheu: Et ça n'arrive pas avec le sport, même si
le stade se vide et que les Canadiens sont de plus en plus pourris, mais, la
culture, toujours, ça arrive. Ce qui est terrible, c'est que des groupes
comme nous, pour apparaître à la télévision, devons
passer par l'étranger, encore une fois, ailleurs au pays. En Ontario,
"Le dortoir" a été subventionné par l'Ontario pour revenir
ici, chez soi.
M. Boulerice: Une autre question, parce que je crois que mon
collègue, le député de Mercier, veut vous interroger. On
s'entend, on veut une politique culturelle québécoise qui va
toucher les organismes, etc. Mais est-ce qu'il y a, d'après vous,
spécifiquement attachées à votre
spécificité, des mesures qui seraient urgentes et qui pourraient
être prises sans qu'on ait à attendre l'élaboration d'une
politique culturelle?
Mme de Fontenay: Bien, oui. Enfin, je pense que,
là-dessus, on y travaille en ce moment. Il y a deux choses,
c'est-à-dire avoir une politique, une relation qui nous permette de
planifier et de développer nos activités sur plus que "à
la saison", c'est-à-dire qu'on travaille encore à la
pièce.
M. Boulerice:...
Mme de Fontenay: Chaque année, on refait des budgets, des
demandes sans savoir ce qui va advenir de ces budgets et de ces demandes. On a
toujours l'impression d'être... À nouveau, on recommence à
la case départ; chaque saison, on recommence à la case
départ. Il faut, pour pouvoir planifier, surtout maintenant avec des
projets tels qu'on en a, par exemple, avec l'international où
quelquefois il faut planifier deux ans d'avance... Par exemple, l'exposition
internationale de Seville s'est engagée comme coproducteur sur la
prochaine création, nous a donné carte blanche et pour ça
nous donne, injecte dans la création chez nous plus de 80 000 $. Il faut
qu'on puisse, nous, savoir si on va avoir les moyens et les budgets pour
accoter des propositions comme celle-là. Donc, il y a des choses
simples, des engagements sur un plan quinquennal - triennal, même je
trouve ça court - des engagements quinquennaux, qu'on sache où on
s'en va, qu'on puisse planifier, et aussi des programmes adaptés
à la notion de création, qui prend du temps. C'est-à-dire
qu'il y a une telle pression en théâtre. En danse, je pense qu'on
a commencé à reconnaître que les chorégraphes ne
peuvent pas pondre un spectacle tous les ans en six mois, et puis bon chaque
année. Je pense que ça, on est en train de le comprendre. En
théâtre, c'est très difficile. La notion n'est pas encore
passée, mais je pense que, pour la recherche et la création,
ça devrait se comprendre, donc ne pas mettre les créateurs sous
pression et, à un moment donné, presser le citron jusqu'à
ce qu'il n'y ait plus rien. C'est détruire des efforts, ça.
L'autre chose, je dirais, enfin, en ce qui nous concerne, nous, plus
particulièrement, mais je pense que ça concerne sûrement
d'autres groupes aussi, c'est d'avoir des équipements et des outils qui
nous permettent de travailler dans des conditions qui correspondent à la
maturité artistique où on est maintenant et qui correspondent
aussi au public qu'on s'est acquis au
Québec. C'est-à-dire que nous sommes fatigués de
refuser du public. C'est absurde, dans une condition où les budgets sont
de plus en plus petits, de ne pas pouvoir continuer à développer
notre public. Donc, ça veut dire un outil de travail à la
mesure.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député de Mercier, vous avez quelques minutes pour prendre la
parole.
M. Godin: Mme de Fontenay, M. Maheu, bienvenue dans la maison
dite du peuple. M. Maheu, j'aimerais savoir, parce que votre réponse
aura des répercussions sur les politiques gouvernementales
éventuelles, si la création, le phénomène de la
création, si mystérieux, en fin de compte, n'importe qui... Ce
n'est pas assez fort?
M. Maheu: ...si le domaine de la création...
M. Godin: Je veux savoir si, dans le cas de
Carbone 14, la création se fait au moment des
répétitions, ce qui entraînerait le gouvernement à
doter Montréal et le Québec d'un plus grand nombre de centres de
répétition, ou si ça se fait sur un bureau avec un crayon
et une feuille de papier.
M. Maheu: Dans mon cas à moi, c'est sûr qu'il y a un
travail de gestation qui est intellectuel et cérébral, avant.
Mais la vraie création, ça se fait avec les acteurs, avec les
danseurs, dans le lieu de travail et dans le matériau d'improvisation
avec les danseurs et les acteurs. C'est là que ça se passe. Je
pense que je ne suis pas le seul à travailler comme ça. Donc, ces
conditions-là, ce laboratoire-là, ces salles de
répétition là, elles doivent être bien
équipées ou équipées dans le sens de nos besoins de
création. Ce qui était certains besoins il y a 10 ans, ce ne sont
plus les mêmes besoins aujourd'hui. Je donne un autre exemple, de
nouveau, Edouard Lock qui a répété, qui a fait une
première en Europe dernièrement et qui a dû obtenir, juste
à la dernière minute, avant de faire sa première au
Théâtre de la ville, quelques semaines de répétition
à Ottawa dans la grande salle, quelques semaines à Angers, pour
sortir de son studio, pour avoir des cintres, pour avoir un équipement
qui fasse qu'au moment où il arrive à la première et qu'il
est attendu il soit prêt... Gallotta n'a pas ce
problème-là. Il n'a pas besoin d'aller emprunter des salles
ailleurs, des équipements ailleurs.
Alors, c'est sûr qu'on peut faire ça un certain temps. On a
de l'énergie, etc. Mais on peut s'user à faire ça aussi
et, quelquefois, devenir désabusé de la création.
M. Godin: M. le Président, j'ai eu mes deux
réponses. Ça donne à croire que, ce qui manque à
Montréal, c'est beaucoup plus des salles de répétition
équipées et prêtes à servir à des vraies
répétitions presque générales beaucoup plus que le
saupoudrage, non pas que le saupoudrage soit totalement inutile, mais beaucoup
plus que le saupoudrage de quelques milliers de dollars aux artistes, aux
créateurs comme vous, à moins que vous ne vous me disiez que les
deux sont absolument essentiels pour que Gilles Maheu ne crève pas de
faim dans sa chambre.
M. Maheu: C'est sûr que notre politique sur le saupoudrage,
on l'a dit, si l'État est prêt à investir 80 000 000 $ ou
100 000 000 $, il n'y aura plus de problème de saupoudrage. Il pourra
aider les organismes importants et aussi la relève, ce qui est
absolument essentiel. Effectivement, on aurait pu, nous aussi, ne pas se
développer si on n'avait pas eu un peu d'argent. Mais, ceci dit, on le
fait toujours à bout de bras et tous les créateurs vont vous dire
la même chose. C'est sûr qu'il y a eu des coups de main qui nous
ont été donnés et je remercie tous ceux qui l'ont fait,
mais, au Québec, on travaille souvent à bout de bras, et
ça, on ne peut pas tenir ce rythme-là éternellement. C'est
ça, je pense, qu'il faut comprendre. Pour ça, si on n'a pas les
sommes importantes et massives pour faire de cette culture une chose importante
dans la société, il faudra faire des choix et arrêter le
saupoudrage.
M. Godin: Ou alors en faire avec de la grosse poudre, si on peut
dire.
Des voix: Ha! ha! ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Mercier. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre mot de conclusion.
M. Boulerice: Merci d'être venus puisque vous êtes,
dans le domaine que vous représentez, les premiers à intervenir,
c'est-à-dire véritablement au niveau du travail
expérimental. C'est inévitable pour la culture et c'est
également une question de sous. On y investit, on n'y investit pas!
À ceux qui disent que c'est du capital de risque, moi, je réponds
toujours qu'on a risqué 500 000 000 $ pour sauver Dome Petroleum qui,
veux veux pas, est morte une année après. Alors, capital de
risque, on le fait dans la culture ou dans Dome Petroleum? C'est un choix de
société qu'il faut faire. La question en reste là.
Vous avez parlé de 80 000 000 $ de plus, c'est ce qui manque pour
obtenir le 1 %. Il y a un budget, en avril ou en mai. On a peut-être des
espoirs. Je ne sais pas, la ministre pourrait peut-être y
répondre. Elle nous a dit oui, pour la TVQ sur le livre, on peut
peut-être avoir l'engagement solennel finalement du 1 % cet
après-midi, je le souhaiterais bien, de façon à ce qu'il y
ait le vrai saupoudrage.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Je vais maintenant céder la parole, pour un
mot de conclusion aussi, à Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Encore
une fois, vous savez, ce que j'ai apprécié le plus, c'est quand
même votre pragmatisme. On répond à 25 % de la demande. Je
ne pense pas, je ne pense pas que vous seriez d'accord qu'on réponde
à 100 % de la demande parce qu'il y a vraiment des choses...
Effectivement, oui, on a besoin de plus. Non, je ne peux m'engager. Mais on est
à l'heure des choix, par exemple. On est à l'heure des choix et
on est aussi au temps où on doit penser à la recherche et
développement au niveau créatif et se donner la chance comme
société et t'espace d'avoir cette recherche et
développement, ce créneau.
Autre chose, évidemment, pour vous dire que tout le projet de
centre de production n'est pas abandonné, au contraire. Nous allons
continuer à travailler avec vous sur ce point.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mesdames et monsieur, merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention.
Je vais donc vous demander de bien vouloir vous retirer. J'inviterais le groupe
suivant, les représentants de Bell Canada, à bien vouloir se
présenter. Pour ce faire, je vais suspendre les travaux pendant une
minute.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 51)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, nous allons maintenant reprendre nos travaux. La
commission est prête à entendre les représentants de la
société Bell Canada qui est représentée, si je ne
me trompe pas, par M. Claude Beauregard, vice-président adjoint aux
affaires publiques - bonjour, M. Beauregard...
M. Beauregard (Claude): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): ...et par Mme
Thérèse Chartier, chef, affaires publiques.
Mme Chartier (Thérèse): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme
Chartier. Je ne sais pas quel est le porte-parole des deux, mais vous
pouvez commencer la présentation de votre mémoire.
Bell Canada
M. Beauregard: Merci. Mme la ministre, M. le Président de
la commission, Mmes et MM. membres de la commission, c'est avec plaisir que
nous comparaissons devant votre commission. À vrai dire, nous ne nous
attendions pas nécessairement à être convoqués, mais
nous tenions beaucoup à déposer un certain nombre de
réflexions et considérations, suite à la parution du
rapport Arpin. Effectivement, je suis accompagné par ma collègue,
Mme Chartier, qui, le cas échéant, pourrait vous donner plus de
précisions sur notre modus operandi en ce qui concerne les
activités philanthropiques et le support aux arts et à la
culture, notamment.
Notre mission chez Bell, et nous en sommes très fiers, est
d'aider les gens à communiquer et à gérer l'information.
Mais, pour y arriver, nous avons aussi des valeurs et des engagements envers
nos clients, nos employés, nos actionnaires et envers la
société, dont celui de contribuer à
l'épanouissement des collectivités que nous desservons, ceci
étant explicitement dans nos valeurs et nos engagements. Notre
engagement envers les communautés s'actualise par l'engagement
communautaire de centaines, pour ne pas dire de milliers d'employés de
Bell Canada au Québec. Il se traduit aussi par un support financier aux
organismes privés, publics et parapublics, notamment dans le domaine des
arts et de la culture, car les arts et la culture sont Importants en soi et
contribuent môme à l'économie à plus d'un titre:
qualité de vie dans un milieu qui facilite à la compagnie le
recrutement de personnels qui sont intéressés à oeuvrer
dans des milieux qui sont socio-économiquement et culturellement
dynamiques et activités culturelles qui contribuent, en tant que telles,
comme entreprises culturelles, à l'activité économique
d'un milieu. L'une et l'autre de ces dimensions contribuent à rendre
l'environnement dans lequel oeuvrent les entreprises plus propice à la
bonne marche des affaires; ça nous paraît tout à fait
légitime et c'est bien ainsi.
Le support aux arts et à la culture chez Bell, nous l'avons
maintenu même en période difficile, dans les années 1982 et
1983, alors que la portion de notre budget de philanthropie attribuée
aux arts et à la culture était de l'ordre de 10 %, alors qu'en
moyenne période, si on regardait la décennie, elle a
été plutôt de l'ordre de 13 %, ce qui est à peu
près dans la norme des entreprises à travers le Canada, mais avec
un ajout intéressant depuis 1986, où nous avons voulu souscrire
à un projet particulier qui a été de s'associer aux
établissements du Conservatoire de musique du Québec pour mettre
sur pied les concerts Bell que nous voyions comme une occasion non seulement,
par le biais de bourses, de faciliter la relève, mais une occasion
particulière de donner à des musiciens de connaître les
conditions véritables d'une activité professionnelle, d'une
troupe professionnelle, d'un orchestre professionnel qui voyage à
travers différentes régions du Québec et qui s'est
même produit effectivement à Ottawa. Donc, depuis 1986, la part de
notre budget vouée au domaine
culturel s'élève maintenant... est plutôt de l'ordre
d'à peu près 21 %.
Nous croyons chez Bell qu'il serait dans l'intérêt, bien
que nous reconnaissions que ce soit difficile - nous avons vu certaines
allusions dans le rapport Arpin - qu'il y aurait lieu probablement d'obtenir un
support peut-être plus systématique de la part de la petite et
moyenne entreprise, en province comme à Montréal ou à
Québec, bien que nous reconnaissions que ce soit plus difficile, la
raison étant qu'à nos yeux la part que les grandes entreprises y
consacrent est probablement plafonnée, à ce moment-ci.
Dans l'intérêt peut-être de réserver un peu
plus de temps à la discussion, je n'ai pas l'intention, effectivement,
de lire le mémoire que nous vous avons fait parvenir. Cependant, en
relisant, hier soir, et le rapport Arpin et notre mémoire,
jusqu'à tard dans la nuit, je me suis rendu compte quand même que,
dans notre mémoire, on avait mis de l'avant pas moins que 25 ou 26
remarques ou considérations. Peut-être que, rapidement, je vais
vous les énumérer.
Nous disions, par exemple, que Bell Canada souscrivait à
l'approche générale pragmatique du rapport Arpin, mais nous
estimions toutefois que cette intervention qui est prévue dans le
rapport Arpin doit absolument éviter le double piège du dirigisme
et de la bureaucratie. Bell Canada considère que la vitalité de
la culture et des arts ne passe pas par un accroissement de l'effectif et des
ressources internes d'un ministère de la culture et que ce dernier doit
à tout prix éviter de se transformer en ministère de la
"kulture" avec un K, si vous voulez. En fait, nous ne sommes pas certains de
bien aimer l'expression d'un ministère de la culture. À tout
événement - et j'apporterais un bémol à ce qui
était dans le texte du mémoire que nous vous faisions parvenir -
j'avoue qu'à la relecture, justement hier soir, on peut peut-être
être assez rassuré quand on considère les propos tenus aux
pages 180 à 186 du rapport, où on voit qu'en fait l'approche
n'est peut-être pas aussi dangereusement bureaucratique qu'on aurait pu
le croire, mais je crois sincèrement que ce qui a pu faire obstacle...
J'ai cru, en suivant les débats dans les journaux, que ce qui a pu en
inquiéter plus d'un est peut-être la formulation qu'on trouve
à la page 187 du rapport où on définit le maître
d'oeuvre et où on dit que le maître d'oeuvre signifie celui qui
conçoit et dirige les activités dans le domaine culturel. Je
crois que ça a pu en inquiéter plus d'un et c'est peut-être
ça, à la réflexion, peut-être six semaines
après, qui nous aurait amenés à indiquer qu'on redoutait
peut-être une approche un peu bureaucratique ou trop dirigiste.
En ce qui concerne le développement des arts et de la culture,
Bell Canada souscrit entièrement au parallèle qui est
tracé entre la création dans le domaine culturel et la recherche
et développement dans le développement tech- nologique. Il y aura
peut-être des analogies et des modalités éventuellement en
intervention qui pourraient en tenir compte.
Quant aux recommandations 3 et 6, si la création est
considérée comme de la R-D, Bell est d'avis que la politique
d'aide de l'État doit s'orienter vers ta mise au point d'incitatifs
fiscaux qui laissent libres les industries culturelles et ne les soumettent pas
au contrôle qualitatif exclusif de l'État. Ce dernier, qui devrait
continuer à avoir recours à des jurys indépendants
lorsqu'il s'agit d'accorder une aide financière directe, doit aussi
être en mesure de s'assurer que ses instances ne constituent pas des
cercles fermés, des coteries. Pour tout jury d'importance, il
conviendrait d'y prévoir la présence de quelques membres ne
provenant pas du Québec. On entendait l'interlocuteur qui nous a
précédés ici, à la table, indiquer comment la
réputation dont certaines de nos entreprises culturelles jouissent
à l'étranger et qui ne sont pas nécessairement toujours
reconnues ici au Québec, et je pourrais parler d'expérience
personnelle dans ces matières, laisse songeur. Donc, nous croyons qu'il
serait prudent, il serait intéressant, utile d'ajouter à des
jurys québécois une présence étrangère,
surtout quand il s'agit, en tout cas, d'allocations ou de décisions
substantielles.
On reconnaît aussi que, à la différence du domaine
scientifique et technologique, le domaine artistique et culturel - on
l'entendait encore avant mol ici - est caractérisé par la
présence de nombreux créateurs innovateurs individuels. Cet
environnement est souvent fragile et nécessite une intervention
adaptée, et nous n'y excluons pas chez Bell la possibilité,
à ce moment-là, d'une aide financière directe à
titre d'encouragement à la création de la part de
l'État.
À la recommandation 3 qui traite de la culture comme un
investissement à moyen et à long terme, nous croyons qu'il
convient d'établir un portefeuille équilibré comportant
des valeurs sûres, attestées en l'occurrence par le goût du
public, mais aussi des valeurs comportant un facteur de risque comme en
amènent les entreprises d'avant-garde et les formes d'art moins
familières au grand public comme, par exemple, la danse classique. (15
heures)
En ce qui regarde les recommandations 5 et 7, Bell Canada est d'accord
avec la nécessité d'éviter le saupoudrage et verrait bien
que les projets retenus le soient en concertation avec le milieu artistique et
culturel ainsi que l'entreprise privée, si celle-ci est
concernée, en particulier, peut-être pour aider à
déterminer ce qui, dans une sous-région donnée,
mérite, entre guillemets, d'être supporté si tant est qu'il
y a des choix à effectuer.
La recommandation 11. La garantie triennale des aides financières
consenties aux organismes
culturels représente assurément un pas dans la bonne
direction. Si on veut responsabiliser les organismes culturels sur le plan
financier, il faut leur donner les moyens d'une saine gestion et donc leur
permettre de pratiquer un minimum de planification. Par contre - et ceci
tempérerait, je crois, les élans de la recommandation 9 du
rapport Arpin - le ministère devrait résister à la
tentation d'indexer de façon automatique au coût de la vie les
budgets alloués à la culture. La responsabilisation des
organismes culturels implique de leur part un effort pour rationaliser leur
gestion et accroître leur productivité. Bell Canada est d'avis que
la planification permettra de réduire certains coûts et
d'améliorer l'efficacité générale des
organismes.
En regard de la recommandation 38c, Bell Canada estime
contre-indiquée l'extension obligatoire au secteur privé du
programme du 1 %. Cette mesure apparaîtrait comme une taxe
déguisée, alors qu'il conviendrait plutôt d'utiliser
certaines mesures telles que les incitatifs fiscaux pour amener les
entreprises, et notamment la grande entreprise à intégrer les
éléments constitutifs de ce programme dans sa politique
interne.
En ce qui concerne l'accès à la vie culturelle, nous
constatons que le rapport Arpin ne vise pas la dimension proprement
scientifique et technologique de la culture. Cette détermination
fonctionnelle, en quelque sorte, de la culture est parfaitement
défendable, à condition que la promotion de la culture
scientifique et technique soit l'objet d'une priorité gouvernementale
relevant d'autres ministères que celui de la culture. Ainsi, Bell Canada
est d'avis, par exemple, que la création d'un musée de la science
et de la technologie à Montréal devrait être une
priorité du gouvernement québécois.
Aux recommandations 48 et 52, nous disons être d'accord pour que
l'accès aux organismes culturels en région soit encouragé.
Nous croyons aussi, en regard de la recommandation 52, qu'il y a lieu
d'encourager tout particulièrement la mobilité
interrégionale des artistes. Il est indispensable que les
différentes régions du Québec soient
considérées comme autant de publics différents à
toucher par les artistes, au lieu de tout concentrer sur Montréal et
Québec. Les artistes issus des régions ne doivent pas y
être cantonnés, mais devraient, au contraire, pouvoir se produire
ailleurs au Québec, au Canada et à l'étranger.
En regard de la recommandation 56, qui vise l'organisation d'une
société pour la promotion des arts et de la culture sur le
modèle de la société pour la promotion des sciences et de
la technologie, nous croyons que c'est une initiative bienvenue et qu'elle
pourrait effectivement favoriser l'accès à la culture.
Aux recommandations 57 à 65, il est vu que le ministère de
l'Éducation a très certainement un rôle indispensable
à jouer dans le développe- ment de la culture. Mais, là
encore, Bell Canada est d'avis qu'il n'appartient pas au ministère de
l'Éducation de gérer directement ou indirectement des programmes
d'aide culturelle.
Par contre, il pourra s'avérer nécessaire de mettre au
point, au niveau universitaire, dans le domaine de l'éducation, des
mécanismes de parteneriat avec le milieu artistique et culturel, comme
ça se passe déjà dans le programme de recherche et
développement entre l'université et l'entreprise privée.
Et, en ceci, nous pouvons dire notre accord avec la recommandation qu'on
retrouve à la page 91 du rapport Arpin.
La recommandation 62 qui touche, entre autres, la lecture, nous croyons,
chez Bell Canada, que le développement de la culture comme fondement de
la culture générale doit être favorisé par tous les
moyens. Les entreprises constatent régulièrement l'importance de
communications écrites, correctes et efficaces, notamment en ce qui
regarde leur développement logique.
Aux recommandations 66 et 68, la formulation de certaines
recommandations laisse présager une approche bureaucratique de la
politique culturelle. Mais, peut-être en relisant hier soir le rapport
Arpin, je me vois forcé d'y apporter un bémol. Je pense que c'est
peut-être une perception un peu injuste parce qu'on y parle d'une
planification stratégique et c'est bien, mais à condition qu'on
ne voie pas que c'est essentiellement là que ça se passe.
En ce qui regarde la recommandation 68, nous croyons que la mobilisation
des partenaires extérieurs au gouvernement dont il y est fait mention,
ça représente, à nos yeux, un point critique de la
politique culturelle québécoise, et nous espérons
qu'à l'instar de Bell, grand nombre d'entreprises y souscriraient.
J'estime aussi, à la relecture du rapport et, notamment, de la page 221,
qu'il est peut-être un peu injuste de laisser entendre, comme on le
faisait ici, qu'on a manqué un peu d'imagination dans les
modalités de participation de l'entreprise privée à la
politique culturelle. Il y a, effectivement, plusieurs pistes, en tout cas,
plusieurs jalons qui sont établis à la page 221 du rapport, et
nous voyons très bien qu'on pourrait peut-être s'aventurer un peu
plus loin en termes pratiques, mais, enfin, la pierre d'assise est
là.
Enfin, il importe, d'après nous, qu'après arbitrage entre
priorités et programmes gouvernementaux, dans le contexte d'un
nécessaire contrôle des dépenses publiques, tout
accroissement éventuel de l'enveloppe budgétaire affectée
aux Affaires culturelles devrait profiter à peu près
exclusivement au milieu culturel et aux organismes qui en émanent et non
au budget de fonctionnement du ministère.
Nous avons remarqué aussi la possibilité d'un transfert
des responsabilités et des moyens du ministère vers les
municipalités et nous croyons que c'est indiqué, surtout dans la
mesure
où il sera accompagné d'une redistribution des fonds
publics au profit des administrations municipales dans ce domaine.
Enfin, à la recommandation 82, nous croyons vraiment que
l'Observatoire des politiques culturelles, tel qu'il est décrit, nous
apparaît comme une création plutôt bureaucratique et
redondante. Rien, nous semble-t-il, dans la mission proposée pour
l'Observatoire qui ne saurait être effectué par l'Institut de
recherche sur la culture ou encore par une ou plusieurs universités.
La recommandation 94, demander l'exclusion totale du gouvernement
fédéral de ce domaine, revient, à notre avis, à
renoncer prématurément à tout espoir d'harmonisation. Il
nous apparaît plus judicieux de mettre en oeuvre des mécanismes de
coordination entre gouvernements, tout en établissant que le rôle
du gouvernement fédéral dans le domaine de la culture devrait
être essentiellement le maintien d'institutions nationales comme, par
exemple, les musées nationaux.
La politique culturelle, telle que définie dans la proposition,
ne nous paraît pas explorer les voies d'une coopération
souhaitable, l'État fédéral ne devant pas être
privé, selon nous, de la possibilité de doter le Canada d'un
certain nombre d'institutions culturelles nationales sans avoir pour autant
à intervenir dans les affaires des provinces.
Finalement, pour l'essentiel, les rôles, les partenariats
proposés pour les divers intervenants à la page 33 du rapport
nous paraissent justes et pertinents.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M.
Beauregard. Vous avez vu que j'ai laissé passer un peu le temps, car vos
recommandations semblaient assez intéressantes. Par contre, je vais
devoir limiter un peu le temps de discussion, juste pour vous en avertir.
Maintenant, Mme la ministre, si vous voulez commencer.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Beauregard.
Premièrement, je voudrais encore vous remercier personnellement de la
participation de votre entreprise, Bell Canada, évidemment, au niveau
des concerts Bell et de la tournée Bell. Honnêtement, ces
concerts, évidemment, portent votre nom, mais n'existeraient pas sans
vous. Pour avoir assisté à plusieurs d'entre eux, la salle est
toujours pleine. C'est un encouragement à la relève et à
ces jeunes musiciens qui ont travaillé et qui travaillent très
fort au niveau du conservatoire. Nous aimerions signer une entente triennale
pour ces concerts. C'est à notre tour. Mais, encore une fois, vraiment
un gros merci au niveau de cette participation.
Ce qui m'amène à vous demander la question: Qu'est-ce qui
vous fait choisir, vous, Bell Canada? Vous êtes impliqué beaucoup
dans le domaine culturel, que ce soit au niveau du festival Juste pour rire,
par exemple, au niveau de la diffusion populaire, dans la musique. Qu'est-ce
qui vous fait choisir un organisme versus un autre?
M. Beauregard: Peut-être que Mme Chartier pourrait
répondre à ça, ce qui nous fait choisir un organisme
plutôt qu'un autre.
Mme Chartier: Bien, c'est-à-dire un organisme ou vous
voulez dire un créneau plutôt qu'un autre?
Mme Frulla-Hébert: Ou un événement.
Mme Chartier: Un organisme à l'intérieur de la
musique, par exemple? Ce qu'on essaie de faire, c'est d'être
équitable envers l'ensemble du domaine culturel et on donne un support
dans le domaine du théâtre, dans le domaine de la danse. Le fait
d'avoir choisi, par exemple, les concerts Bell, comme l'expliquait M.
Beauregard, d'une part, c'est que ça relève un peu de ce qu'on se
donne comme politique de supporter, d'un côté, la relève,
parce qu'on encourage les jeunes à poursuivre, et aussi contribuer au
maintien de la musique, par exemple.
M. Beauregard: Et des autres arts, je dirais. Évidemment,
on est un peu comme vous, dans une position de ne pas pouvoir répondre
à toutes les demandes. Effectivement, les instruments pour discriminer
ne sont pas faciles. Je ne vous cacherai pas que - et, ça, ça
peut être intéressant, parce que c'est typique de ce qui se passe
dans la mouvance des milieux d'affaires - il n'y a pas de doute qu'il y a des
retours d'ascenseur. Si, par exemple, un collègue du président de
Bell à Hydro, à Alcan ou chez IBM, Lavalln ou SNC a
supporté une activité artistique, s'en est fait le promoteur et a
obtenu le concours de Bell, quand chez nous le président de Bell,
à un moment donné, estimera valable telle entreprise, il va
solliciter ses collègues. Donc, il se crée... Parfois, autrement
dit, il y a une solidarité des milieux d'affaires qui fait qu'on
s'entraide pour maintenir un certain support.
C'est un facteur indiscutable, et on peut même imaginer à
la limite qu'il vous entraînerait des difficultés dans le sens
suivant. C'est qu'à un moment donné un chef d'entreprise
quelconque va être séduit par une nouvelle initiative, va s'en
faire le promoteur, va trouver des collègues dans d'autres entreprises
qui vont y souscrire, et voilà une créature qui apparaît
dans le tableau tout d'un coup et qui va sans doute vouloir émerger
à votre budget. Je ne sais pas ce que ça soulève comme
problème chez vous, mais ça fait peut-être partie, dans une
certaine mesure, d'un libre marché.
Mme Frulla-Hébert: Ça arrive tous les jours. Ce qui
m'amène à une deuxième question: Corn-
ment fait-on, parce qu'effectivement il y a des créatures qui,
à un moment donné, émergent et sont souvent des
initiatives d'amis personnels... C'est très bien parce que ça
profite au développement quand même, ça fait
développer la culture quand même, mais il y aurait aussi des
réseaux parallèles - c'est parce que je l'ai dans la tête -
qui font en sorte que, si on mettait tout le monde ensemble à travailler
vers un but commun, on ne multiplierait pas non plus les demandes, on ne
multiplierait pas non plus les organismes. Ça crée des
duplications, veux veux pas.
Comment fait-on alors, de notre part, parce que vous parlez du
ministère comme étant un coordonnateur, justement au niveau de
l'entreprise privée, pour essayer de rassembler ces forces-là, de
telle sorte qu'on travaille vers un même objectif et non pas qu'on
développe à gauche et à droite des objectifs qui font en
sorte que nous, on a toujours le problème en bout de ligne?
M. Beauregard: C'est-à-dire que là-dessus - j'ai
oublié de le mentionner; Mme Chartier aurait pu le mentionner aussi -
nous demandons toujours de quelqu'un qui nous sollicite de nous fournir des
états financiers, un peu d'information sur son organisation et,
inévitablement, le fait qu'un organisme soit ou non subventionné
par votre ministère est une donnée valable et
d'intérêt pour nous. Ça ne veut pas dire qu'on refuserait
systématiquement d'apporter le support à une entreprise naissante
qui n'est pas déjà subventionnée, mais, règle
générale, la grande majorité des organismes que nous
supportons à l'occasion de levées de fonds ou des demandes
annuelles sont déjà des organismes subventionnés par votre
ministère qui ont besoin d'un peu d'aération additionnelle pour
prendre du développement.
Donc, de ce point de vue là, je crois que c'est la même
chose chez la plupart des grandes entreprises. Il n'y a peut-être pas
autant d'amateurisme ou d'aventuriers qu'on pourrait le croire qui vont trouver
une source de financement. Alors, il y a au moins ceci. On fait la même
chose dans le domaine de l'éducation ou autre, on est très
conscients de ne pas faciliter la venue d'organismes qui constitueraient des
boulets par la suite et avec qui on ne saurait trop que faire.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
J'ai trouvé intéressante votre recommandation à 94.
C'était un peu ça, d'ailleurs, qui mettait fin à votre
intervention et je me permettrai de la reprendre. Vous dites: "Bien que le
domaine culturel soit vaste, comme l'affirme la proposition de politique de la
culture et des arts, demander l'exclusion totale du gouvernement
fédéral de ce domaine revient à renoncer
prématurément à tout espoir d'harmonisation. Il
apparaît plus judicieux de mettre en oeuvre des mécanismes de
coordination entre gouvernements, tout en établissant que le rôle
du gouvernement fédéral dans le domaine de la culture devrait
être essentiellement le maintien d'institutions nationales comme, par
exemple, des musées nationaux."
J'aimerais que vous élaboriez un peu plus sur ça parce que
vous avez passé assez rapidement et ça semble recouper un certain
nombre de questions ou de préoccupations que différents milieux
de la culture font valoir actuellement, c'est-à-dire: Oh là!
avant d'exclure totalement l'intervention canadienne dans le domaine de la
culture, allons-y doucement, il y a eu là des avantages. Il y a
là peut-être des inconvénients, mais ce n'est pas tout
blanc ou tout noir. Là, je crois que vous avez pris un paragraphe assez
important.
M. Beauregard: Oui. Écoutez, nous comprenons fort bien les
inquiétudes que les artisans du milieu culturel, les artistes
eux-mêmes peuvent avoir, les inquiétudes face à un
transfert de juridictions assez massif, comme il semblerait, de mémoire
en tout cas, dans le rapport Allaire ou des positions gouvernementales assez
largement mises de l'avant, ne serait-ce qu'au titre de ballon d'essai. Il y a
là une intention affirmée de vouloir rapatrier carrément
la juridiction sur la culture. (15 h 15)
Ce que nous disons ici, c'est qu'il se pourrait fort bien... je ne crois
pas que ce soit un inconvénient que la juridiction sur la culture comme
telle soit de juridiction provinciale, ce qui supposerait des transferts
probablement assez importants. Mais ce que nous disons, c'est que ça
nous parait inconcevable que, dans un pays, il n'y ait pas d'institutions
nationales, que ce soit de grands musées ou d'autres institutions, mais
pas nécessairement une politique de support aux artistes du pays, comme
ça se fait par le Conseil des arts. Remarquez que nous n'avons pas une
compétence terrible en la matière.
C'est probablement de propos délibéré que nous
avons formulé la recommandation dans le sens de dire: Écoutez un
peu, ça nous parait en tout cas carrément inconcevable que le
Canada, comme tel, même si la culture devenait de juridiction
exclusivement provinciale, que le pays qui s'appelle le Canada n'ait pas de
grandes institutions, certains musées nationaux, par exemple, ou des
choses de ce genre-là. On ne s'est pas penchés... Et je vous
avoue que nous n'aurions pas d'opinion à formuler sur des instruments
culturels comme Radio-Canada ou des choses comme ça. Ce n'est pas
à ça nécessairement que nous pensions, mais
certainement... Autrement dit, on ne voyait pas de contre-indication à
un rapatriement de la juridiction sur la culture par les gouvernements
provinciaux ou par le Québec en tout cas, en l'occurrence.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes
certainement au courant que la Communauté économique
européenne s'est dotée d'une institution de promotion de la
culture et qu'elle intervient régulièrement dans
différents programmes nationaux, c'est-à-dire qu'on voit
très bien, à l'occasion, des sommes d'argent de la
Communauté économique européenne, du conseil des arts qui
seront envoyées à Avignon, au Festival, à d'autres
organismes ou organisations ou à d'autres grands
événements à caractère culturel, à la
condition que ça représente un peu le patrimoine européen.
Est-ce que vous pensez que ce genre d'intervention pourrait être encore
le rôle du gouvernement fédéral, d'une nouvelle union
économique?
M. Beauregard: C'est certainement concevable, mais compte tenu de
la situation particulière du Québec, notamment, il vaudrait mieux
que cette harmonisation provienne plutôt d'un souci de mise en commun,
d'avoir une nécessité à la base plutôt qu'un pouvoir
d'intervention systématique. Mais remarquez que je suis conscient...
nous sommes conscients que ça demeure discutable. Il y a un peu de zones
grises. Ce qu'on essaie de dire, c'est: De grâce, pas de "fiat", en
termes d'une juridiction, et les choses deviennent étanches, et on cesse
de se parler. Ce sera certainement à l'avantage du Québec comme
du Canada qu'il y ait là un minimum d'harmonisation et de collaboration,
quels que soient les résultats de discussions constitutionnelles.
Le Président (M. Gobé): J'aurais un exemple un peu
particulier. Vous savez qu'à Paris il y a une maison canadienne des arts
qui est près des Invalides, dans ce coin-là. Advenant que
Québec rapatrierait l'ensemble de sa juridiction en matière de
culture et d'arts, on se retrouverait dans le contexte suivant où le
Canada, qui a sa maison à Paris, ferait la promotion, dans sa maison de
la culture canadienne qui comprend, me semble-t-il, le côté
anglophone, mais aussi le côté francophone, parce que d'autres
provinces comme le Nouveau-Brunswick ou les Franco-Ontariens, au Manitoba, ont
des francophones... Je ne vois pas comment le Canada, même si
Québec avait juridiction sur sa propre culture francophone,
abandonnerait de faire la promotion de la culture francophone canadienne.
Alors, est-ce qu'on devrait, à ce moment-là, avoir deux
organismes qui feraient la promotion de la culture québécoise
francophone et une maison du Canada à côté ou quelques rues
plus loin? Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un danger
d'éparpillement des ressources, un peu? Elles sont rares. Tout le monde
dit qu'il n'y a pas assez d'argent, quelque part. Est-ce qu'il n'y a pas...
M. Beauregard: Écoutez, non. Pourvu qu'il y a une
harmonisation adéquate, je ne crois pas. Je ne verrais pas que les
provinces se mettent à faire toutes uniquement et
séparément leur promotion, leurs activités culturelles,
sans qu'on ne voie pas... On peut imaginer, par exemple, que le Canada pourrait
très bien supporter une grande compagnie de danse classique. Qu'il y ait
une compagnie canadienne de danse, ça ne m'apparaît pas du tout
inconcevable. Dans certains domaines, il y a bien, après tout... Les
Ballets africains, je crois, si je ne m'abuse, émanent de plus d'un
État africain. J'Imagine mal des visiteurs étrangers qui
viendraient au Canada, qui demanderaient à voir des grandes institutions
nationales et qu'on dirait: On regrette, en ce qui concerne les musées,
il faut aller voir le Musée du Québec, le musée de
l'Ontario... On doit avoir de grandes institutions qui refléteront la
réalité canadienne.
Le Président (M. Gobé): On pourrait aller aussi
loin que la chose suivante. Une compagnie théâtrale ou de danse
ontarienne, donc canadienne francophone, qui recruterait des danseurs ou des
artistes francophones au Québec se ferait subventionner par le Conseil
des arts du Canada et le Québec, qui aurait sa pleine juridiction sur la
culture, se verrait dans la situation où ses propres artistes se
feraient subventionner par des troupes, entre parenthèses,
étrangères, en tout cas, à ce moment-là, en termes
de culture. Le Canada devient une institution un peu étrangère.
Vous ne trouvez pas qu'il y aurait là un paradoxe un peu... À
moins de fermer les frontières, vraiment là closes, et dire: Tout
ce qui est francophone, vous n'avez pas le droit d'aller dans les
troupes...
M. Beauregard: Ah non!...
Le Président (M. Gobé): ...ontariennes ou au
Nouveau-Brunswick.
M. Beauregard: ...et attention. J'oserais croire que, si le
Québec avait juridiction sur la culture, ce ne serait pas que pour le
développement de la culture française, francophone. Ce serait le
développement de la culture au Québec toutes dimensions. Il ne
faudrait certainement pas la concevoir comme étant strictement la
promotion de la culture en langue française ou par des artistes de
langue française. Je crois que jamais le Québec n'envisagerait
une chose pareille.
Le Président (M. Gobé): M. Beauregard, je vous
remercie. C'est tout le temps qui m'était imparti comme président
et je dois maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, comme chacun le sait, vient de la
pépinière ou du creuset culturel du Québec, le
comté de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Bell m'échappe, malheureusement, M.
Beauregard, mais on finira bien par modifier les frontières dans ma
circonscription. Une première chose. Il faut dire que la
Communauté économique européenne n'est pas une
fédération comme la Fédération canadienne; c'est
une confédération d'États souverains. Alors, c'est une
distinction que le président de la commission, malheureusement, n'a pas
établie au départ de son intervention.
Ceci dit, M. Beauregard, j'aimerais connaître votre opinion.
Compte tenu des récentes offres fédérales où
Radio-Canada, CRTC, ONF, Téléfilm, musées nationaux,
Conseil des arts, etc., restent sous juridiction fédérale, compte
tenu de cela, compte tenu du rapport Arpin dont vient de se dissocier, j'ai
l'impression, le président de la commission, qu'est-ce qui reste comme
transfert possible au Québec? Tous les leviers demeurent à
Ottawa. Qu'est-ce qu'il y a de transférable maintenant? Le papier
à en-tête?
M. Beauregard: Écoutez, je ferais commencer une
distinction en ce qui concerne la juridiction sur les communications,
télécommunications. Il y a toujours la difficulté qu'au
niveau du CRTC, actuellement, il a à la fois juridiction sur des
instruments de communication, au sens culturel du terme, et des entreprises
beaucoup plus à teneur technologique comme les
télécommunications. Le mandat est différent ici au
Québec où vous avez un ministère des Affaires culturelles,
d'une part, et un ministère des Communications, d'autre part.
Donc, j'écarterais d'emblée les considérations sur
la juridiction sur les télécommunications bien que tout le monde
le reconnaisse -Mme Hébert était au ministère des
Communications - il est bien sûr que les
télécommunications, en termes d'instruments de
développement économique, sont extrêmement importantes et,
bien sûr, technologiquement parlant, sous-tendent d'autres
activités du domaine social et culturel. Mais, néanmoins, ce sont
deux dossiers et deux questions qui peuvent très bien être
dissociées. Pour ce qui concerne la culture, je vous le signalais, je
regrette de ne point avoir d'opinion sur ce qu'il faut faire de Radio-Canada.
Je vous avoue que je n'en sais rien et je ne suis malheureusement pas en mesure
de me prononcer là-dessus.
Pour ce qui est de ce qui est offert dans les propositions,
effectivement, c'est un volet qui ne semble pas extrêmement
développé et je suppose qu'il y aura des précisions
à venir au cours des travaux de la commission Castonguay-Oobbie. Il y
aura certainement des interventions gouvernementales et autres qui chercheront
peut-être à avoir plus de précisions, à savoir si
l'absence d'une ouverture très marquée dans ce domalne-là
signifie, par exclusion, qu'il n'en est pas question ou si c'est simplement, au
contraire, quelque chose sur lequel on n'avait pas encore arrêté
une ligne de pensée tout à fait définitive, au niveau du
gouvernement fédéral.
M. Boulerice: Ceci dit, vous souhaitez que l'on encourage la vie
culturelle en région, mais en même temps vous insistez pour que
l'on évite le saupoudrage et, cette fois-ci, c'est saupoudrage
géographique. Alors, est-ce que vous ne craignez pas qu'en
évitant le saupoudrage l'on risque de favoriser la concentration des
ressources dans certaines régions, alors que d'autres seront moins bien
servis et que la vie culturelle de ces régions ira en s'appauvrissant
comme ils s'appauvrissent à tous égards, faute, justement, de
soutien financier adéquat à leurs organismes culturels? C'est un
problème que connaît très bien M. le président de la
commission, c'est le tragique problème de la région
Nord-Pas-de-Calais, où sa seule chance de survie est le
développement culturel, actuellement.
M. Beauregard: Là-dessus, je ne sais pas si ça
serait présomptueux de dire que nous avons, par analogie, en tout cas,
cette problématique à l'intérieur même d'une
entreprise comme Bell Canada. On se pose assez régulièrement la
question - Mme Chartier en sait quelque chose - à notre comité
des contributions. Chez Bell Canada, nous nous adonnons à une certaine
forme de saupoudrage, mais pas saupoudrage... Nous le faisons plutôt au
sens de tenir compte de la réalité québécoise et
nous aidons financièrement dans tous les milieux où nous sommes
présents. Qu'il s'agisse du festival de folklore de Drummondville, du
Festival d'été de Lanaudière ou de l'exposition à
l'été à Trois-Rivières. Donc, nous saupoudrons dans
une certaine mesure. Autrement dit, nous ne concentrons pas nos contributions
seulement aux grands centres métropolitains de Montréal et de
Québec ou encore à des institutions hautement reconnues. Nous
faisons une certaine diffusion.
Notre lecture du rapport Arpin est à l'effet qu'il entretient, je
pense, la même dynamique tout en mettant un poids important au rôle
dévolu à Montréal et à Québec. Il
reconnaît comme une composante globale les régions. Je pense que
la façon d'éviter le saupoudrage serait justement, comme nous le
suggérons, peut-être de faire en sorte que se développe
dans ces régions-là un minimum de consensus sur ce qui
mérite, entre guillemets, de voir le jour et d'être soutenu
régionalement à l'intérieur d'une certaine assiette
régionale.
Chez nous, par exemple, nous distribuons un budget de l'ordre d'à
peu près un peu moins de 200 000 $ dans ce que nous appelons nos
districts, de telle sorte qu'à Chicoutimi, à Sherbrooke, à
Granby ou ailleurs le directeur du district peut disposer localement, je ne
sais pas moi, de 20 000 $ ou à peu près à redistribuer,
tout en nous dirigeant à l'administration régionale des demandes
considérables souvent dans le
domaine de la santé, par exemple, où il peut y avoir la
campagne d'un hôpital ou autrement dont le district ne peut pas
s'acquitter. Mais les entreprises culturelles du milieu, sauf quand elles
prennent une certaine ampleur - je donnerais entre autres le festival de
folklore de Drummondville comme un bon exemple où l'apport de Bell
à titre de commanditaire va être assez substantiel...
Enfin, j'ai oublié de mentionner un point qui peut être
important. Dans les montants de contribution que nous faisons et les
pourcentages dont je vous ai parlé, ça n'inclut pas les
entreprises à caractère purement promotionnel où
l'entreprise y va pour des considérations commerciales d'abord, mais
où les retombées sont intéressantes en termes de support
aux arts et à la culture. Je fais allusion, par exemple, à des
choses comme le festival Juste pour rire, le Festival international de
théâtre ou des choses comme ça. Est-ce que ça
répond à votre question, M. Boulerice?
M. Boulerice: Oui, mais on va poursuivre, M. Beauregard. Sans
faire de la maïeutique avec vous, est-ce que vous n'êtes pas en
train de me dire que vous souhaiteriez, dans le cas des régions,
qu'elles soient dotées d'une enveloppe autonome gérée par
elles-mêmes?
M. Beauregard: C'est intéressant. Je n'y avais pas
pensé. Je ne me permettrais pas de le suggérer comme ça
tout à fait spontanément, mais ça mériterait
peut-être examen, peut-être pas d'une façon aussi
systématique, mais il me semble que Mme la ministre voudrait se saisir
d'une recommandation comme ça. Il y aurait peut-être lieu,
effectivement, de voir si on ne peut pas penser à des choses comme
ça. Je n'ai pas d'opinion précise. Tout ce que je peux vous dire,
c'est que c'est ce que je fais chez Bell.
M. Boulerice: Bien alors, M. Beauregard, cela peut
peut-être vous étonner, mais vous n'êtes pas si
éloigné du Parti québécois que cela. Ça fait
partie de notre programme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ceci dit avec beaucoup d'amitié, on se
connaît depuis longtemps. Vous souhaitez que l'aide à la
création soit davantage orientée à partir d'incitatifs
fiscaux plutôt que par des subventions. Est-ce que vous pourriez
être un peu plus explicite à ce niveau-là?
M. Beauregard: Écoutez, nous avons dit, par ailleurs... On
n'est peut-être pas d'une cohérence parfaite. On a indiqué
qu'en ce qui concerne le support à la création nous
reconnaissions qu'il y avait un rôle certainement direct de l'État
là-dessus. Je pense que c'est quelque part dans notre mémoire
où on dit que, dans le cas de l'aide à la création, vous
avez affaire souvent à des artistes un peu isolés et qu'on ne
peut, par conséquent, ne pas les subventionner par un organisme
existant. Qu'un support à la création puisse venir du
ministère, oui.
D'un autre côté, dès lors, en tout cas, que... Et,
même, ça pourrait s'appliquer à des artistes individuels,
s'il y avait des incitations fiscales, par exemple, de l'ordre... comme ce
qu'on fait dans le domaine de la recherche et développement, tout
à fait dans le sens de ce que vos interlocuteurs de Carbone 14 un peu
plus tôt signalaient en disant: Des compagnies de ce type-là qui
s'adonnent à la création, il y aurait peut-être lieu
d'avoir des incitations fiscales autres que la simple déduction pour
fins philanthropiques, un peu comme certains régimes fiscaux ont
été établis pour aider les entreprises où vous
avez, comme dans le cadre du REA, par exemple, des déductions
accélérées à 150 %, par exemple, pour fins
fiscales, des choses comme ça. Il y aurait peut-être une voie
à explorer de ce côté. (15 h 30)
M. Boulerice: M. Beauregard, il y a un mécénat qui
se développe - bon, certains pourraient être tentés de dire
lentement - mais moi, je dis qu'il se développe quand même au
rythme normal compte tenu de l'état où nous étions,
disons, je ne sais pas, moi, il y a 15 ans, 20 ans. C'est une tradition qui est
quand même nouvelle dans notre société, comparé
à d'autres sociétés européennes, ou même si
on regarde nos voisins du Sud. Quand vous parlez de l'implication des
entreprises, donc, du mécénat d'entreprises, vous le faites via
le biais de la fiscalité, qui est effectivement un levier
extrêmement intéressant, et vous annoncez, sans être
précis - et c'est là que je vais vous demander de l'être -
qu'on devrait jouer encore davantage le levier de la fiscalité. Alors,
est-ce que vous avez des mesures concrètes, nouvelles à
suggérer à ce niveau-là?
M. Beauregard: II pourrait peut-être y avoir - ce n'est pas
dans notre mémoire puis je vous avoue que c'est plutôt en
réponse à votre provocation que je l'émets - un
régime semblable un peu aux SPEQ, ces organismes régionaux
qu'on... Non, c'est des fois à l'échelle de la province. La
Chambre de commerce, je pense, de la province de Québec avait
été pour quelque chose dans l'établissement de ce
mécanisme-là, au fond, constituer des espèces de
sociétés de capital de risque pour fins de compagnies
culturelles.
Est-ce qu'elles y ont accès à l'heure actuelle? Je vous
avoue que je n'en suis pas certain. Est-ce qu'il y a un lieu où des
Initiatives culturelles peuvent trouver l'équivalent des capitaux de
risque? Je ne le crois pas et il y aurait peut-être lieu d'y penser.
C'est un des mécanismes auxquels je pense, en tout cas.
M. Boulerice: À la provocation, vous me
cédez l'occasion d'une autre, M. Beauregard. Le
vice-président de la commission et député de Shefford
revient d'Autriche où "culture", forcément, en langue allemande,
commence par un k. Il pourra vous dire que le mot "culture" en Autriche a une
résonnance et une consonnance extrêmement fortes. Là, vous
parlez de capital de risque. Que répondez-vous, M. Beauregard, face au
mécénat, puisque votre puissante entreprise y participe, que le
mécénat agit, mais toujours dans la culture avec non pas un k,
mais un grand C, que le mécénat ne va jamais vers le capital de
risque? Et pour cela, mol, j'en prends... j'utilise toujours plutôt un
exemple, l'exemple dit des Foufounes électriques. Aux lieux de la
contreculture, à Montréal - je vous épargnerai la
circonscription - jamais on n'a bénéficié de
mécénat, à l'exception d'une brasserie qui a trouvé
son avantage dans le décapsulage, mais les jeunes peintres, par contre,
entre guillemets, qualifiés de farfelus à l'époque sont
maintenant dans les galeries prestigieuses. Donc, on reproche souvent cela au
mécénat, qu'il est culture avec un grand C.
M. Beauregard: D'accord. Je dirai là-dessus que, en ce qui
concerne l'expérience de Bell en tout cas, ce n'est pas tout à
fait exact. Cependant, dans nos critères pour subventionner et pour
supporter une entreprise culturelle ou autre, il y a toujours
l'intérêt de ne pas choquer nos actionnaires. On hésiterait
à supporter un organisme - et c'est vrai dans le domaine social comme
dans le domaine culturel - un organisme qui serait susceptible, à un
moment donné, de faire les manchettes d'une façon très
péjorative parce que c'est quand même l'argent des actionnaires
que nous utilisons en l'occurrence, dans un service public comme nous,
également de nos abonnés et clients. Donc, on hésite
à commettre des sommes dans des choses pour lesquelles on pourrait nous
reprocher ne pas faire bon usage des fonds de la compagnie.
Cependant, bien qu'il y ait ce critère, donc, d'une
acceptabilité de l'entreprise en question par le public en
général, on s'est toujours réservé une marge de
manoeuvre pour encourager des choses nouvelles, des initiatives, et je vous
dirai que, pratiquement dès l'origine, par exemple, de la Ligue
nationale d'improvisation, nous avons été un des trois ou quatre
supporteurs majeurs. Ça ne disposait pas, à ce moment-là,
d'une auréole particulière ni d'une consécration
quelconque.
Donc, dans le cas de Bell Canada, je peux vous assurer qu'il y a une
partie... Je me référerais à la partie de notre
mémoire où on fait allusion à ce que j'appellerais un
portefeuille équilibré. Mais je sais qu'il y a des entreprises
qui hésiteront peut-être à s'aventurer le moindrement. Mais
dans le cas de chez nous, encore une fois, nous croyons avoir un portefeuille
équilibré.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: En conclusion, très brièvement, c'est
la ministre qui, malheureusement, a essuyé tous les torts pour ce qui
est des Parfaits salauds, sauf que mon collègue le député
de La-Fontaine était témoin avec moi, à La Rochelle cet
été, que les Parfaits salauds ont quand même fait un tabac,
pour employer le langage du métier, aux Francofolies de La Rochelle.
Alors, choquer vos nobles sociétaires et vos abonnés, eh bien
moi, j'accepte bien d'être choqué en tant qu'utilisateur de Bell
et actionnaire très très minoritaire.
Bon, alors, écoutez, je vais vous remercier, M. Beauregard. C'est
dommage! J'aurais aimé aborder avec vous tout le volet de
l'éducation, compte tenu de vos antécédents dans ce
domaine. Je vous remercie, Mme Chartier, et peut-être rappeler au
bénéfice de tous la petite conversation que nous avions en
aparté où c'était ce chef du Nouveau Parti
démocratique canadien qui parlait d'institutions comme la vôtre en
les traitant de "corporate bums". Moi, je disais que dans le domaine de la
culture vous êtes quand même devenus des "corporate chums". Et je
vous invite à poursuivre, M. Beauregard. Encore une fois, merci. Merci,
Mme Chartier.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, avant que vous fassiez un petit mot de
conclusion, j'aimerais juste reprendre une petite remarque que mon
collègue et ami le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a
faite. Ce n'était pas le président de la commission qui s'est
dissocié du rapport Arpin; c'est simplement qu'il s'interrogeait sur
certains aspects de ce rapport. Pour m'en dissocier, je réserve mon
jugement pour la fin de cette commission, après avoir entendu tout le
monde. Ceci étant dit, Mme la ministre, je vous passe la parole pour
votre conclusion à vous aussi.
Mme Frulla-Hébert: M. Beauregard, Mme Chartier, d'abord,
évidemment, on essaie d'inciter le partenariat le plus possible. Il y
aura d'autres grandes entreprises. On a eu
Québec-Téléphone, la semaine dernière, qui, comme
vous, participe à plusieurs niveaux au développement culturel. Ce
que l'on retient aussi, c'est cette implication qui n'est pas seulement dans
les grands centres, mais aussi au niveau des régions. Encore une fois on
a besoin de vous. Il y a certaines suggestions qui seront regardées,
surtout au plan de la fiscalité, pour voir ce que l'on peut faire. Mais,
évidemment, le mécénat est tellement important parce que,
veux veux pas, tout ce partenariat entre l'entreprise privée et le
gouvernement, et aussi les municipalités, doit être encore plus
fort et serré pour justement être à la mesure de nos
ambitions. Alors, merci encore d'être ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Beauregard, Mme Chartier, au nom des membres de cette commission, je vous
remercie. Ceci met fin à votre intervention. Je vais donc maintenant
appeler le groupe suivant, qui est le Conseil régional de la culture de
la Côte-Nord. Je vais suspendre les travaux une minute afin qu'il puisse
prendre place. Par la suite, mon collègue et ami le député
de Louis-Hébert prendra ma place pour la fin de la journée
à cette présidence.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je souhaite la bienvenue aux membres du Conseil régional de
la culture de la Côte-Nord. Je vois qu'ils sont déjà
installés en avant. Je leur indique les règles qui nous
gouvernent - elles sont connues: une quinzaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire; après ça, la
conversation, la discussion s'engage avec les membres de la commission pour le
reste du temps. Je vous suggère de faire les présentations et,
après ça, de procéder à la lecture ou au
résumé de votre mémoire.
Nous vous écoutons. Vous avez la parole.
Conseil régional de la culture de la
Côte-Nord
Mme Arseneault (Denise): Alors, je suis Denise Arseneault,
présidente du Regroupement des diffuseurs de spectacles de la
Côte-Nord. J'ai, à ma droite, Jean-Roch Gagnon, qui est le
directeur de la BCP de la Côte-Nord et président du Regroupement
des bibliothèques publiques de la Côte-Nord; à
l'extrême droite, Réal Canuel, le directeur général
du Conseil régional de la culture de la Côte-Nord; à ma
gauche, M. Richard Fortin, porte-parole du Regroupement des troupes de
théâtre professionnelles de la Côte-Nord; et, à
l'extrême gauche, Morel Thé-riault, qui est producteur d'une
troupe de théâtre à Baie-Comeau qui s'appelle La
Chant'Amuse.
Le Président (M. Doyon): Alors, je vous souhaite la
bienvenue. Je voudrais excuser mon collègue Ghislain Maltais, qui est
député de Saguenay, qui devait être ici cet
après-midi. Il m'avait indiqué son intention de venir vous
rencontrer. Sa mère est décédée hier matin. Alors,
vous voudrez probablement vous joindre à nous pour lui offrir nos plus
sincères condoléances, tout en comprenant les circonstances qui
l'empêchent d'être avec nous. Vous avez la parole.
Mme Arseneault: Mme la ministre, M. le Président, Mmes,
MM. les députés, nous parta- geons la volonté
exprimée par l'ensemble des intervenants culturels au Québec de
mettre en place une véritable politique sur la culture. Afin de
concrétiser cette affirmation, la politique sur la culture devra
permettre de hisser la culture au premier plan des préoccupations de
l'État, s'appuyer sur la dynamique de toutes les régions du
Québec en reconnaissant leur singularité et leur apport à
l'enrichissement de la culture nationale et internationale, et confirmer le
droit des citoyens et citoyennes de toutes les régions du Québec,
sans discrimination, à la vie culturelle dans toutes ses
composantes.
Afin d'appliquer ce droit, nous croyons que l'État doit, d'une
part et principalement - on ne lira pas tous les devoirs -
particulièrement reconnaître qu'une région-ressource comme
la Côte-Nord, malgré son éloignement des grands centres et
parce que éloignée des grands centres, a droit à des
services culturels de qualité. Ces services culturels doivent
s'articuler autour d'équipements professionnels et s'appuyer sur une vie
culturelle où les créateurs ont la possibilité de produire
et de diffuser leurs créations Ici et ailleurs.
L'État doit reconnaître également,
financièrement, le droit des milieux culturels de la Côte-Nord
à disposer d'organismes régionaux les regroupant, permettant le
partage de l'expertise et la réalisation de projets collectifs. Or, bien
que la plupart des propositions du groupe-conseil semblent être
susceptibles de permettre cette dynamique, il n'en demeure pas moins que
l'ensemble comporte pour une région comme la nôtre des signes
avant-coureurs de recul. On sent dans le rapport Arpin une atmosphère
centralisatrice.
La culture, en région excentrique - c'est le cas de la
Côte-Nord... On ne vous lira pas tout ce que c'est que la région
Côte-Nord. Pour ceux et celles qui la connaissent plus ou moins bien, on
a pris soin de joindre une carte en annexe.
Très rapidement, on peut vous dire que la Côte-Nord
s'étend sur 1300 kilomètres le long de la côte du
Saint-Laurent, entre Tadoussac et Blanc-Sablon. On peut dire que la
région de la Côte-Nord, c'est trois régions dans une,
à savoir par la route, d'une part, où on peut faire de Tadoussac
à Havre-Saint-Pierre; d'autre part, par voie aérienne ou encore
par voie maritime, on peut faire Havre-Saint-Pierre jusqu'à Blanc-Sablon
et, bien entendu, les fameuses villes nordiques, à savoir Fermont et
Schefferville.
On pourrait également vous dire qu'un billet d'avion de
Baie-Comeau à Blanc-Sablon coûte 1100 $. Vous savez aussi bien que
moi combien coûtent les billets d'avion pour aller un peu partout dans le
monde ou au Canada. On peut vous dire également que nous avons quatre
langues chez nous, alors, à savoir le français, l'anglais, dans
13 localités, le montagnais, dans 8 réserves, et le naskapi, dans
une réserve. Ce sont nos particularités chez nous.
L'investissement personnel, le fort appui du milieu et une aptitude hors
du commun - d'ailleurs, c'est propre aux développeurs de régions
éloignées - de faire beaucoup avec peu expliquent en grande
partie que, malgré le manque d'appui des paliers provincial et
fédéral, les créateurs et organismes d'ici
réussissent à développer une vie culturelle originale et
stimulante qui rayonne aux plans national et international.
Sur le plan de la création, par exemple, on remarque la
présence d'une soixantaine de créateurs professionnels en
métiers d'art, en arts visuels, en littérature, en
théâtre et en musique. Ceux-ci travaillent individuellement ou
à l'intérieur d'organismes, notamment en arts
d'interprétation. D'ailleurs, les organismes culturels sont
dispersés à la grandeur de la Côte-Nord. On les retrouve
dans les secteurs de la muséologie, de la diffusion de spectacles, du
théâtre, des métiers d'art, des arts visuels, de
l'enseignement de la musique, de la danse, de l'histoire du patrimoine et, bien
naturellement, dans le domaine de la littérature. Ces organismes, au
nombre d'une centaine, opèrent sur une base locale. Leur gestion repose
presque exclusivement sur des bénévoles, sauf dans certains cas,
dont celui des bibliothèques publiques autonomes.
Du côté des équipements, une grande année,
1991, les infrastructures de production sont inexistantes. Celles de diffusion
se limitent à un musée à Sept-îles, à des
bibliothèques, à quelques centres d'interprétation et
à deux salles de spectacle à Baie-Comeau et Sept-îles en
construction depuis 1991.
En ce qui regarde les ressources financières, notons que moins de
1 % du budget de transfert du ministère des Affaires culturelles a
été versé sur la Côte-Nord au cours de
l'année 1989-1990, alors que la population représente 1,6 % de
celle du Québec. Si nous ajustions les budgets de transfert sur le
pourcentage de la population, l'enveloppe régionale passerait de 1 500
000 $, à 2 500 000 $. Cet écart entraîne le questionnement
suivant: Recevons-nous notre juste part de l'État? Quel niveau de
développement culturel aurions-nous atteint si cet écart
financier n'avait pas existé? N'ayant pu bénéficier de ces
ressources, serons-nous de nouveau pénalisés par une politique
culturelle reposant sur la philosophie d'intervention développée
par le groupe-conseil du rapport Arpin? Qu'advien-dra-t-il des enveloppes
régionales qui ont permis depuis 10 ans l'émergence d'une vie
culturelle dans notre région?
Une région comme la Côte-Nord, dont la vie culturelle est
nécessairement assujettie à des conditions d'existence propres
aux régions excentriques, est très vulnérable à
l'application d'une politique dont les prémisses reposeraient sur des
paramètres établis en fonction de Montréal et de
Québec.
Par exemple, les impacts sur le financement.
Le rapport souligne de façon très signifiante le
rôle et l'impact de deux centres urbains majeurs: Montréal, la
métropole, et Québec, la capitale. Nous croyons qu'une trop
grande polarisation du financement dans les grands centres aura pour
résultat de désavantager les régions. Pour nous, il n'est
pas certain que les municipalités et l'entreprise privée sont
prêtes à compenser le retrait du ministère des Affaires
culturelles des secteurs les plus vulnérables.
Une des orientations Importantes suggérées par le
groupe-conseil est de soutenir prioritairement les grandes institutions
nationales, les compagnies hautement performantes et tout ce qui est de nature
à avoir un rayonnement national et international. Or, la plupart des
organismes concernés se trouvent principalement dans les grands centres.
Le groupe-conseil affirme que ces organismes souffrent d'un sous-financement de
la part de l'État. Il suggère donc la rationalisation des budgets
des Affaires cuftureiies afin d'augmenter son soutien à ces organismes.
Pour ce faire, il propose différents moyens, dont concentrer
financièrement le rôle prépondérant de
Montréal et de Québec; établir des évaluations
nationales des organismes subventionnés par le ministère des
Affaires culturelles; susciter un accroissement des contributions des
municipalités.
Une telle dynamique entraînera inévitablement une baisse du
soutien financier du ministère des Affaires culturelles dans notre
région. Nous savons que le développement culturel de la
Côte-Nord est véritablement apparu quand l'État a
décidé d'implanter des directions régionales avec des
programmes de soutien qui ont permis d'augmenter la qualité
professionnelle des interventions. Indépendamment des
réalisations de très bonne qualité produites sur la
Côte-Nord dans tous les domaines de la vie culturelle, la plupart des
organismes sont jeunes et ne disposent pas des moyens et des conditions
prévalant généralement dans les grands centres. Ils seront
donc marginalisés lors des évaluations dites nationales, car on
ne tiendra probablement pas compte des conditions très
particulières dans lesquelles ils travaillent.
On semble vouloir démontrer que les grandes institutions
devraient être financées pour venir porter la culture partout au
Québec, alors que nous croyons que nos institutions régionales
(musées, diffuseurs et autres) devraient être financées
pour établir leur propre programmation de spectacles et d'expositions,
parce que plus proches du consommateur. Le désengagement financier de
l'État serait suivi du déplacement des sphères de
décision des régions vers le central.
Même s'il est bien connu que les relations des clientèles
avec les directions régionales sont parfois épiques, qu'en
serait-il avec des dossiers traités par des fonctionnaires
détachés de nos réalités régionales? Les
régions devraient alors
se tourner vers les municipalités et l'entreprise privée
pour relever le défi du développement culturel. À ce
moment, il faut quand même se poser la question suivante: Si le
ministère des Affaires culturelles se retire des régions et que
les municipalités et le secteur privé ne s'impliquent pas
davantage, qui va soutenir l'émergence d'artistes et de
créateurs? Car, en ce qui regarde l'implication des municipalités
et du secteur privé, il nous semble présomptueux de vouloir faire
des choix en supposant que la facture sera nécessairement
assumée.
Notre vie culturelle, chez nous. Alors, les impacts que le
groupe-conseil a soulevés dans notre région, ça a
été un vent de scepticisme. De nouveaux scénarios de modes
de distribution des subventions envisagés au ministère des
Affaires culturelles ou déjà en application ont
démontré à une partie de nos clientèles que les
tendances en cours ont comme conséquence de réduire le soutien
financier déjà considéré comme minimal.
Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de demander de soutenir des organismes
qui comportent des carences artistiques et administratives chroniques, mais
bien d'émettre un signal clair à ceux qui font oeuvre de
pionniers dans le domaine et la consolidation de la vie culturelle dans une
région considérée comme marginale par la majeure partie
des Québécois. On oublie de prendre en considération les
conditions particulières d'action dans une région comme la
nôtre. Les créateurs en région doivent participer à
dynamiser la culture globale du Québec.
Or, l'impact de plusieurs recommandations centralisatrices
inquiète les professionnels de la Côte-Nord. Les créateurs
concourent avec les autres intervenants régionaux, principalement les
diffuseurs, à tramer le grand tissu national qui supporte la
consommation des arts au Québec. Enlever le soutien à la
création en région, c'est concourir à introduire dans un
milieu un sentiment d'impuissance, de morosité et de frustration. Nous
croyons que la' création en région est essentielle à la
bonne santé culturelle du Québec. C'est une question d'estime de
soi nationale.
Les créateurs sont, en bonne partie, employés par des
organismes culturels, notamment ceux du secteur des arts
d'interprétation, lis sont donc directement affectés par la
politique ou pratique administrative affectant ces organismes. Cet aspect
demeure peu visible dans le rapport du groupe-conseil. Il ne suffit pas
d'énoncer qu'on souhaite supporter l'excellence et l'innovation. Si les
artistes ne sont pas employés, leur statut ainsi que leur conditions
socio-économiques demeurent on ne peut plus précaires.
Du côté de l'impact social et économique, il est
généralement admis que la vie culturelle, avec ses
activités de diffusion, constitue une composante majeure de la
qualité de vie d'une collectivité. La vie culturelle a des
conséquences inévitables sur l'attrait de notre région
pour les entreprises qui doivent compter sur des ressources humaines
qualifiées dans des domaines de pointe. De plus, la contribution de la
culture à l'industrie touristique ne fait pas de doute.
En ce qui regarde un véritable partenariat culturel, nous croyons
qu'il devrait être clairement établi qu'en premier lieu les
créateurs et les promoteurs culturels sont les véritables experts
et initiateurs de la vie culturelle.
Nous allons immédiatement dans les recommandations qui sont au
nombre de 12 et toutes très importantes. Une politique de la culture et
des arts au Québec devrait s'appuyer sur les dynamiques culturelles de
toutes les régions du Québec; reconnaître le grand apport
des régions à l'enrichissement de la vie culturelle du
Québec; admettre, en ce qui concerne la création, qu'aucune
région ne peut prétendre à un rôle
prépondérant; introduire des principes de modulation à
l'avantage des régions; prévoir des budgets de base significatifs
pour chaque région excentrique. Ces budgets devraient être
réservés et disponibles tout au cours de l'année
financière et être protégés par l'inflation;
accorder la gestion de ce budget régional à la direction
régionale du ministère des Affaires culturelles. Le mode de
gestion devrait permettre l'implication des partenaires financiers du
ministère et des milieux culturels; garantir que le ministère des
Affaires culturelles ne puisse se retirer d'un secteur d'activité
présentement soutenu financièrement sans qu'il se soit
assuré qu'un partenaire accepte d'en prendre la relève; exiger
que tout exercice d'évaluation nationale tienne compte des
réalités régionales et que toute recommandation
découlant de ces évaluations soit l'objet d'une étude
d'impact rendue publique dans chaque région concernée avant
d'être mise en application; suggérer l'élaboration d'un
programme permettant aux organismes culturels d'Inciter financièrement
la relève à venir ou revenir en région à la fin de
sa formation académique; instituer un poste d'ombudsman de la culture
contrôlant les relations entre le ministère des Affaires
culturelles et les milieux culturels; associer les partenaires financiers du
ministère et les milieux culturels à l'élaboration et
à l'évaluation des programmes de soutien; et, enfin,
reconnaître financièrement la mission des conseils
régionaux de la culture en région excentrique.
En conclusion, le Québec d'hier sans politique culturelle ne
s'est jamais limité qu'à une métropole et une capitale.
Nous vous invitons à élargir cette vision en envisageant le
Québec culturel de demain comme une symbiose de toutes les
régions du Québec. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Arseneault.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bonjour Mme Arseneault, bonjour
à vous tous. La dernière fois qu'on s'est rencontrées,
c'était chez vous. J'ai
trouvé aussi très intéressant de prendre - on a eu
notre première discussion ensemble - conscience du mémoire qui
regroupe la position d'une centaine d'intervenants de chez vous. Je voulais
souligner cette initiative. J'aimerais qu'on revienne à cette perception
au niveau des régions, Montréal et Québec. Je pense que ce
serait ridicule de penser que la culture puisse se développer sans
chacune de ces régions distinctes, autant qu'il serait ridicule de
penser que Montréal n'est pas une métropole et Québec
n'est pas une capitale. Et ça, on s'entend là-dessus.
Maintenant, quand vos parlez de l'engagement de l'État... Vous
avez parié de l'engagement de l'État, effectivement. Ce sont des
villes qui sont neuves. Elles ont aussi un dynamisme qui est relativement jeune
plutôt chez vous. Je me dis: l'État s'est quand même
impliqué. Il y a une décentralisation du ministère.
Ça, je vais y revenir parce que c'est important au niveau de notre
planification future. Ça, c'est une chose. Deuxièmement, on a
été quand même conscients du manque en termes
d'infrastructures. La preuve, entre autres, la salle de concert de Baie-Comeau
et celle de Sept-îles que je viens d'annoncer chez vous qui sont quand
même des équipements de 8 000 000 $ puis de 10 000 000 $...
Mais est-ce que ces équipements-là, d'une part, c'est trop
gros? Est-ce que ce sont des équipements qui sont appropriés? Je
vous le demande parce que l'intervention de Carbone 14 m'a fart
réfléchir, dans un sens où on nous demande des
infrastructures. Finalement, on vient à bout de mettre tous les
partenaires ensemble. Ça prend du temps; on les a, on dote les
régions de ces infrastructures-là qui sont des infrastructures de
pointe et à plusieurs millions de dollars. Je veux juste savoir si les
infrastructures qu'on est en train de construire sont des infrastructures qui
sont appropriées aux besoins du milieu, d'abord, et aux besoins de la
population.
Mme Arseneault: Bien, définitivement, ces
infrastructures-là étaient des besoins et, pour savoir que les
deux salles vont contenir quelque 800 places à Sept-îles et 850
à Baie-Comeau, ça répond à un besoin chez nous.
Pour faire la diffusion présentement dans des conditions,
écoutez, où on installe des chaises de métal à
chaque fois que nous recevons un spectacle d'ordre national, ce qu'on appelle
le TPQ, la troupe de Jean Duceppe ou quoi que ce soit, nous avons
présentement une moyenne de 350 à 400 personnes au niveau du
théâtre.
Lorsqu'on parie de variétés, de bonnes
variétés, c'est sûr qu'on frappe, nous autres aussi,
quelquefois, des mauvais soirs. Mais lorsqu'on parle de variétés
qui vont bien, des Luc de Larochellière, des groupes de ce
style-là - on ne parlera pas des Céline Dion, parce que ça
fait les arenas présentement pour des questions de production - nous
avons, à l'heure actuelle, 600 billets vendus
régulièrement. C'est la capacité maximale de nos salles,
toujours comme je vous dis, avec des chaises de métal, tout le monde en
rangée d'oignon et personne ne peut plus ou moins bien voir et plus ou
moins bien entendre.
Depuis plusieurs années, pour être dans la diffusion depuis
15 ans, on nous dit régulièrement, les gens: On a
arrêté d'aller voir du théâtre; on a
arrêté d'aller voir des beaux spectacles parce qu'on est dans des
conditions plus ou moins bonnes. Nous savons que, chez nous, sur la
Côte-Nord, nous avons quand même des salaires dans la bonne
moyenne. Nous traversons des difficultés aussi au niveau de
différentes entreprises et industries, mais quand même nos gens
seraient capables, demain matin, de s'offrir les billets pour venir voir les
spectacles parce que je sais que, dans le rapport RIDEAU, on soulevait un peu
ce point-là. Mais chez nous, le point qu'ils soulevaient, ce sont les
mauvaises conditions de réception des spectacles. Donc, nos salles de
800 et de 850 devraient se remplir assez facilement, tout en faisant un bon
travail de développement et de concertation. (16 heures)
Mme Frulla-Hébert: Au niveau, finalement, du
développement de vos artistes spécifiquement locaux... Parce que
c'est ça, finalement, on parie de régions. On ne veut pas
être que réceptacle, dans le fond. Comme on en avait
discuté, effectivement, les gens veulent produire, veulent se montrer,
veulent aussi s'exporter dans d'autres centres du Québec et aussi
internationalement, et ils y ont droit. Au niveau, justement, de cette
production locale, en termes de conditions de milieu, est-ce que c'est
suffisant ou, enfin, est-ce que les conditions, ne serait-ce qu'avec ces ajouts
de ces infrastructures-là et de ce qui existe actuellement... Est-ce que
vous êtes dans la bonne mesure, en fait, pour assurer ce
développement-là?
Mme Arseneault: Oui et non. C'est-à-dire que lorsqu'on
parie de formation, par exemple, chez nous, il y a des carences assez
importantes. Si je pense à la musique, par exemple, chez nous, il n'y a
pas de conservatoire de musique, du tout, du tout. Certains parents qui peuvent
se payer ces choses-là ont traversé dans l'est du Québec
pour aller à Rimouski chercher des services de formation musicale de
pointe, que j'appellerais. On est plus ou moins, à l'heure actuelle,
dans de bonnes dispositions financières et de bonnes dispositions aussi
d'échanges pour pouvoir faire venir les professeurs chez nous. C'est
trop dispendieux.
À l'heure actuelle, les programmes du ministère des
Affaires culturelles ne facilitent pas ça, on en a déjà
parié. Par exemple, au niveau de nos orchestres à cordes, de
notre groupe polyphonique ou de nos musiciens - les gens, à l'heure
actuelle - le programme des
Affaires culturelles ne répond pas à ce genre de programme
où on pourrait aller chercher des services dans l'est du Québec
ou encore au Saguenay-Lac-Saint-Jean où il y a des professionnels en
musique qui pourraient nous donner des services, à un moment
donné, de plus haut calibre, parce qu'on est rendu là. On devient
saturé, à ce moment-là.
Nos jeunes qui veulent faire soit de la danse, de la musique, du
théâtre ou des trucs à plus haut niveau sont obligés
de s'en aller excessivement jeunes de chez nous. On peut sortir des exemples
comme Gérald Lévesque ou Marie-Josée Simard qui ont
dû, malheureusement, quitter la Côte-Nord à 10 ou 12 ans
pour être capables d'aller chercher leur formation parce que chez nous on
n'était pas capable de la leur offrir.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, on en vient aux relations
entre chez vous et les grands centres parce que, quelque part dans fa
spécialisation, on ne peut pas doter partout tout le monde
d'équipements ou, enfin, d'enseignement même très,
très spécialisé. C'est difficile. C'est difficile d'avoir
des ressources. Les ressources existantes sont souvent concentrées.
Même au niveau du Québec il n'y en a pas à ce
point-là. J'essaie de voir ce serait quoi, le mécanisme à
développer pour aider justement les gens de chez vous en relation avec
les grands centres.
Mme ArseneauH: Vous avez raison, madame. On ne veut pas avoir,
demain matin, une structure de béton avec un conservatoire de musique,
à Baie-Comeau; ce serait utopique et ce serait charrier. Ce qu'on
aimerait avoir, c'est la possibilité d'entreprendre des programmes
d'échanges, à un moment donné, où, par exemple, les
professeurs du Conservatoire de Rimouski pourraient venir chez nous,
peut-être une fois par mois, des choses comme ça, mais qu'on ait
accès à ces programmes où on peut faire venir ces
professeurs-là. C'est ça, à l'heure actuelle, qui est
très, très difficile, chez nous. Quand les gens font les demandes
de subvention au ministère des Affaires culturelles, il y a toujours une
espèce de case, à un moment donné, où il est
impossible d'entrer pour pouvoir avoir accès à ces
programmes-là.
C'est dans ce sens-là que, chez nous, on dit qu'on est une
région excentrique et qu'il faudrait avoir des programmes
appliqués. C'est dans ce sens-là, à un moment
donné, de voir à... On n'a pas le choix, on est pris pour aller
dans les autres régions. Quand je dis "on est pris"...
C'est-à-dire qu'on n'est pas si malheureux que ça, sauf que...
Qu'on nous donne la possibilité de le faire et qu'on nous donne les
moyens de le faire. À l'heure actuelle, quand on regarde soit
l'École de musique de Sept-îles ou celle de Baie-Comeau, tout leur
argent passe uniquement pour les cours de base de musique. Quand elles viennent
pour monter d'un cran ou monter d'un niveau, elles n'ont plus d'argent, elles
sont limitées, à ce moment-là. Elles ne peuvent pas faire
venir les professeurs de Rimouski parce qu'on ne leur permet pas d'avoir
accès à des frais de transport, par exemple, à
l'intérieur d'un programme de soutien. C'est dans ce sens-là
qu'il faudrait regarder ça de plus près avec les directions
régionales.
Mme Frulla-Hébert: Ce dont vous me partez, finalement, ce
sont des programmes... Au lieu d'avoir des programmes... Les programmes ont
été faits de telle sorte qu'il fallait développer le
Québec, donc... On pourrait avoir des programmes maintenant qui sont
modulés et beaucoup plus souples et appropriés aux besoins des
régions distinctes, dans le fond.
Alouette. Vous savez, les grandes entreprises telles que Alouette
veulent justement améliorer la qualité de vie pour leurs
employés et... Est-ce que ces entreprises-là participent - parce
qu'elles sont là, elles sont aidées aussi à
s'établir dans les différentes régions, elles sont
aidées par le gouvernement... Est-ce qu'elles redonnent ou est-ce que
vous le sentez qu'elles redonnent à la population, justement, en termes
de développement au niveau de la qualité de vie, donc directement
associé à la culture?
Mme ArseneauH: Je vais laisser la parole à Réal
Canuel, le directeur du Conseil régional de la culture, parce qu'il est
au courant justement de la compagnie Alouette et des efforts.
M. Canuel (Réal): Bon, je pourrais peut-être parler
aussi un petit peu des autres compagnies, mais pour ce qui est d'Alouette, en
particulier... C'est parce que le cas est... Bon, l'entreprise est toujours en
construction et comme le directeur des relations publiques nous le disait:
Écoutez, on va vous aider un peu, mais attendez qu'on coule notre
premier lingot. Là, on pourra s'impliquer davantage.
Mais il y a une implication importante dépendant de la compagnie.
La Compagnie de papier à Baie-Comeau investit, bon an, mal an, 100 000
$, 150 000 $ dans la culture dans la région de Baie-Comeau. C'est une
somme qu'on considère quand même comme considérable. Plus
récemment, on a mené une campagne de levée de fonds pour
le projet de l'histoire de la Côte-Nord en collaboration avec l'Institut
québécois de recherche sur la culture. On est allé
chercher au-dessus de 350 000 $, les entreprises, les municipalités, les
institutions.
Encore plus récemment... On est présentement en train de
coordonner avec l'École supérieure de danse une tournée de
24 jours de la troupe Le jeune ballet du Québec dans six villes de la
région, incluant une des villes nordiques dont on a parlé
plutôt, Fermont, et on a obtenu, de la part des trois compagnies
minières et de la Compagnie de papier, des commandites
équivalant à peu près à 20 000 $. Alors, il y a
vraiment une contribution. C'est nouveau pour nous, par exemple, ce genre de
démarche là. On n'avait pas l'habitude d'approcher les compagnies
- il y avait une certaine crainte - pour des sommes qu'on trouvait quand
même assez importantes. On se demandait, bon... On était un peu
intimidés. Là, cette étape-là est franchie et on
est très encouragés par les résultats et je pense qu'on va
poursuivre cette démarche-là. On a comme l'impression qu'on va
atteindre... On va avoir des développements intéressants.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Verchères.
Mme Dupuis: Oui, bonjour madame. Bonjour messieurs. Vous avez
parlé tantôt du problème de la formation artistique, qu'ils
devaient s'éloigner un peu ou aller dans d'autres centres pour
acquérir une formation dans le domaine des arts. Maintenant,
êtes-vous en mesure de me dire, lorsqu'ils ont leur formation, s'ils
viennent s'installer dans la région ou s'ils doivent s'éloigner
au point de venir à l'université à Montréal ou des
choses comme ça? Est-ce qu'ils retournent ou si ça se vide
complètement de tout son bassin de créateurs, de son potentiel de
créateurs?
M. Fortin (Richard): Je pourrais répondre, madame.
Mme Arseneault: Richard est...
M. Fortin: En général, évidemment, c'est
sûr que pour aller chercher une formation académique ou autre -
professionnelle - II faut sortir de la région. Maintenant, certains et
certaines reviennent pour essayer de tenter des aventures d'installation,
d'établissement. On a vu le cas d'une troupe à Sept-îles,
l'an dernier, qui a essayé de s'installer. On a vu le cas de la troupe
avec laquelle je travaille, La Chant'Amu-se, où des gens sont
allés étudier à l'extérieur, sont revenus, ont
implanté une compagnie de création qui se spécialisait
particulièrement en comédie musicale, etc.
Évidemment, les marchés de ces régions-là
sont en plein développement. On a des résultats
déjà satisfaisants à certains égards, mais il reste
que de travailler... C'est déjà difficile, à
Montréal et à Québec, pour les compagnies de couvrir leur
année, de faire travailler leurs artistes toute l'année, de les
faire vivre. Il y en a qui vivent, qui réussissent à s'en sortir
honorablement et même très honorablement. Mais on sait bien que la
plupart des artistes au Québec ont de la difficulté à
avoir un niveau de vie appréciable et équitable. Alors, c'est
d'autant plus difficile dans les régions éloignées.
Évidemment, nous, par notre pratique d'une dizaine
d'années de productions professionnelles, on rencontre toujours les
mêmes difficultés quand on se lance dans des nouvelles
productions. On est toujours emballés, on a toujours un peu de
difficulté à garder nos artistes chez nous, que ce soient des
acteurs, des comédiens, des comédiennes, des auteurs, parce que,
évidemment, il faut qu'ils vivent et on ne peut pas les faire vivre
toute l'année. Si on pouvait, chez nous, dans notre région, avoir
un programme, une souplesse à faire revenir des artistes pour travailler
chez nous pendant... On monte un spectacle qui va être joué 35 ou
40 représentations. Bien, un jeune comédien ou une jeune
comédienne qui est à Montréal aimerait avoir un premier
rôle chez nous plutôt que de ne pas en avoir à
Montréal ou de jouer le valet à Montréal ou à
Québec. Alors, si on pouvait les faire revenir, si on avait une
possibilité d'aide... On essaie bien d'obliger les médecins
à revenir en région, pourquoi on n'essaierait pas de faire
revenir des artistes?
Mme Dupuis: C'est ce que je voulais vous entendre dire.
M. Fortin: Je veux dire, il y a quelque chose, il y a une
analogie à faire là-dedans. Ce sont des professionnels que les
régions ont quand même donnés, d'une certaine façon.
Alors, on pourrait avoir un juste retour. Mais c'est difficile de les faire
revenir parce que les périodes de répétition, ça
coûte cher. On ne les paie pas pendant ce temps-là. On les paie
quand on est en représentation, etc.
Mme Dupuis: Une aide dans ce sens-là, une politique
incitative, croyez-vous que ça aiderait vraiment?
M. Fortin: Du retour des artistes en région?
Mme Dupuis: Du retour des artistes en région. Là,
il pourrait se créer une dynamique.
M. Fortin: Mais oui, il se créerait certainement une
dynamique parce que l'artiste reviendrait chez lui pour faire sa pratique.
C'est ça. Comme on dit, nous autres, on ne prétend pas pouvoir
les engager à l'année, mais combien d'artistes viendraient
prendre des contrats dans les régions? Il y en a plusieurs qui
viendraient contractuellement. Ils retourneraient après ça
à Montréal. Ils arriveraient avec un curriculum vitae et ils
diraient: Bien, j'ai joué un premier rôle, 35
représentations. Ce n'est pas tous les jeunes qui sortent qui ont des
premiers rôles et des emplois.
Mme Dupuis: Maintenant, au niveau du produit livré, vous
créez une pièce de théâtre. Est-ce que c'est
identifiable à la région? Est-ce
que ce produit-là pourrait se promener en région et
apporter quelque chose, une image de la Côte-Nord qu'on ne connaît
pas forcément très bien, un produit que je qualifierais
peut-être un peu de chez nous? Et ce n'est pas dit que ça ne
deviendra pas international. Je pense à Gilles Vignault lorsqu'il nous a
chanté Natashquan, c'était très régional.
C'était très québécois et il a su en faire une
chanson et, finalement, un thème international pour se faire
connaître au niveau international.
M. Fortin: Nous autres, chez nous, on fait des créations
en comédie musicale depuis quelques années. On a fait des choses
et, la plupart du temps, les spectateurs de l'extérieur qui ont vu nos
productions, souvent les Européens, entre autres, ont été
étonnés de voir ce qu'on faisait, parce qu'il ne s'en fait pas
beaucoup chez eux de ce genre de spectacle là. Pour plusieurs de nos
créations, on part du lieu et on s'inspire de situations
régionales sans tomber, évidemment, dans le folklore. Ce n'est
pas du folklore. C'est actuel, c'est contemporain, c'est énergique,
c'est dynamique. Ça joue chez nous, ça ne sort pas. Ça
pourrait sortir, parce que les étrangers qui les voient les
apprécient et nous le disent. Alors, on se dit: Si, eux, qui n'ont quand
même pas l'air à être des crétins... Quand on leur
parle après la représentation, ils nous disent: Votre spectacle,
on en a vu d'autres, et ci, et ça. Votre spectacle est très
intéressant et vous auriez intérêt à le promener.
Oui, on aurait intérêt à le promener, mais il n'y a pas de
créneaux pour faire sortir les productions régionales.
Mme Dupuis: Selon vous, avec une politique dans ce
sens-là, est-ce qu'il pourrait se créer une dynamique
interrégionale?
M. Fortin: On le souhaite, madame. C'est ce qu'on souhaite. On a
des réunions au Conseil québécois du théâtre
et on essaie. On a organisé un comité des régions et tout
le monde se dit: Bien, oui, on serait prêts à sortir certaines de
nos créations, certaines de nos productions, mais par où on va
les sortir? On le sait bien... SI on veut parler du Théâtre
populaire du Québec, le TPQ, c'est une compagnie qui est
supportée, c'est une compagnie qui a beaucoup d'expérience, qui
est bien administrée, qui a une bonne direction artistique et tout
ça. Elle-même a de la difficulté à boucler son
budget. Alors, comment voulez-vous que des petites compagnies de région
arrivent à le faire mieux que ces compagnies-là? À un
moment donné, il va falloir réfléchir à savoir de
quelle façon... (16 h 15)
Le RIDEAU a développé un système de diffusion
nationale, au Québec, avec des réseaux dans différentes
régions. Peut-être que ça va être le canal pour que
les productions se promè- nent interrégionalement.
Peut-être qu'il va falloir trouver un diffuseur national qui se soit
spécialisé dans le théâtre ou dans le spectacle, je
ne le sais pas. C'est à construire, mais c'est sûr qu'il va
falloir y arriver d'ici quelques années, sinon, à un moment
donné, les productions régionales vont s'essouffler puis vont
disparaître.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le
député.
M. Boulerice: Au moment où le rapport Arpin s'interroge
dangereusement, à mon point de vue, sur la pertinence du maintien des
conseils régionaux de la culture, j'aimerais, quant à moi, vous
réitérer mon appui inconditionnel sur le maintien de tous les
conseils régionaux de la culture, lis devraient être des
interlocuteurs privilégiés du ministère. Les directions
régionales du ministère que nous avons instaurées, nous,
à l'époque, à mon point de vue doivent prendre des
décisions, mais toujours en demandant l'avis et la recommandation des
conseils régionaux de la culture. Pas de politique régionale de
la culture sans ces deux prémisses, a mon point de vue.
Maintenant, il y a une question que j'aimerais bien vous poser. Je
l'aime tellement que je vais la poser, d'ailleurs. Pourriez-vous expliquer au
bénéfice des membres de cette commission, pourquoi la
diversification des sources de financement ça ne peut pas être
possible dans votre région?
M. Thériault (Morel): Pourquoi la diversification des
sources de financement ne peut pas être possible? Je dois avouer que je
ne saisis pas très bien le sens de votre question. Je pense que dans les
régions il peut y avoir une forme, en tout cas, de diversification.
C'est sûr qu'on ne peut pas aller à l'extrême, mais encore
pendant un bout de temps on peut diversifier, on peut aller chercher encore un
peu d'argent dans le milieu, on peut aller chercher... Là où on
va devenir limité, c'est évidemment que... Les
municipalités en premier lieu, leur pouvoir de payer va devenir de moins
en moins évident. En tout cas, c'est ce qu'on nous dit.
Au niveau du secteur privé, les entreprises privées dans
les réglons excentriques comme la nôtre ne peuvent pas supporter
seulement la culture ou mettre énormément d'argent
là-dedans, il faut aussi qu'elles maintiennent un milieu culturel
amateur fort autour de nous autres. Donc, elles ont déjà beaucoup
d'argent à envoyer dans ces secteurs-là. Je pense qu'on va
atteindre notre limite assez rapidement. Pendant quelques années, on
peut encore aller chercher un peu d'argent, encore un peu plus que ce qu'on
touche présentement. Mais je pense que ça ne peut
définitivement pas se réaliser sans avoir toujours une aide du
gouvernement provincial, ne serait-ce que, comme l'a souligné le
monsieur de Bell Canada qui est passé avant nous, les entreprises
comme la Reynolds ou la Q & O ont besoin d'une reconnaissance, ont
besoin que les organismes professionnels soient reconnus par un
ministère, qui est le ministère des Affaires culturelles, avant
même qu'ils décident eux-mêmes d'investir dans ces
organismes-là.
M. Boulerice: Pour quelqu'un qui n'avait pas tellement bien saisi
la question, je trouve que vous avez une bonne réponse. Vous avez fait
allusion tantôt au diffuseur national. Si, dans le rapport Arpin, il y a
beaucoup d'hérésies, il y par contre une faille immense qui est
celle d'avoir complètement évacué tout l'immense domaine
des communications et, forcément, par ricochet, celui de la
télédiffusion. Ça se vit comment chez vous l'absence
d'antenne régionale? Vous avez vu le saccage de Radio-Canada qui a
été précédé d'ailleurs, à partir de
1986, par le saccage de Radio-Québec. Il n'y a plus rien, il n'y a plus
de diffuseur et il n'y a plus non plus d'endroit d'apprentissage pour des
techniciens de la télédiffusion dans vos régions. Donc,
comment pouvons-nous parler à un député de l'Outaouais ou
de Montréal de la production culturelle de la Côte-Nord alors
qu'il n'y a personne qui peut la véhiculer par le moyen le plus efficace
qu'est la télévision et qu'il n'y a même pas personne pour
la faire opérer maintenant? Comment vivez-vous ce drame? Je vais
employer le mot.
M. Thériault: En partant, je pense que vous avez les
bonnes prémisses, mais je pense qu'on peut aller plus loin que ça
aussi. Pour une région qui est de la grandeur de fa Côte-Nord,
avoir une télévision régionale c'est aussi un besoin
essentiel. En tout cas, c'était un besoin essentiel comme vous l'avez
souligné - dans le cas de Radio-Canada c'est vraiment dommage que ce
soit parti - mais ne serait-ce que pour se donner des nouvelles d'une ville
à l'autre, de voir dans le bulletin régional des nouvelles de ce
qui se produit, de ce qui se fait au niveau culturel à Sept-Îles,
à Port-Cartier, à Havre-Saint-Pierre. Toute cette
partie-là présentement est complètement escamoté.
Même dans la région, si on n'avait pas d'organismes
régionaux qui se réunissent une, deux ou trois fois par
année, on n'aurait même pas de nouvelles les uns des autres.
Il y a aussi Radio-Québec, qui, je pense, ne produit pas
suffisamment. Avec les moyens qu'ils ont à Sept-îles, je pense
qu'ils n'ont pas le choix non plus et ils ne sont pas à la veille de
l'avoir. Ils devraient produire des émissions avec un contenu artistique
régional. Ça devrait être une des missions de
Radio-Québec, ça je pense que c'est définitif. En tout
cas, dans les régions c'est essentiel, normalement. C'est même une
question... un principe général qui devrait être
accepté que tout le monde devrait comprendre.
Le Président (M. Doyon): M. le député, en
terminant, une dernière question.
M. Boulerice: Très brièvement. Donc, à ce
moment-ci, est-ce que vous êtes d'accord avec mon énoncé
à moi qu'on devrait plutôt avoir un ministère des arts, de
la culture et des communications, que la radio-télévision
nationale relève de ce ministère et ait pour mandat la promotion
et la diffusion de la culture québécoise? Le premier volet de la
question. Le deuxième: Êtes-vous, par conséquent,
favorables au rapatriement des responsabilités fédérales
au Québec?
Mme Arseneault: Pour le premier volet de votre question,
définitivement, moi, j'endosse ça. Pour rajouter à ce que
M. Morel Thériault disait, je prends un endroit comme Baie-Comeau, par
exemple, où on a une radio locale et un journal local. Alors, pas besoin
de vous dire que ça travaille plus ou moins bien et tout le reste, vous
le savez aussi bien que nous ce qui s'est passé avec Radio-Canada et
Radio-Québec.
Pour le deuxième volet de votre question, quand on pense à
nos créateurs on est un petit peu sceptique parce qu'on sait ce qui se
passe chez nos créateurs, qu'ils ont besoin des sous à l'heure
actuelle, pour ne pas dire du fric qui vient du Conseil des arts. Pour
également dire la même chose que le monsieur de Bell Canada
disait: Pour des grandes institutions, également, je crois qu'il faut un
chapeau canadien au-dessus de ça.
C'est sûr que, comme disait si bien des gens bien
caractéristiques de Natashquan, quand on a fait l'exercice de
consultation... Qu'est-ce qu'ils pensaient du rapport Arpin? Ils ne
reçoivent rien, eux autres. Ça fait qu'ils ont dit: Nous autres
on ne reçoit rien. Rien, plus rien, c'est rien. Si ça nous
enlève des choses, ça ne nous enlève rien non plus. C'est
très typique des gens de là. Puis à l'heure actuelle le
Conseil des arts, c'est un peu ça chez nous. Je dis bien que c'est un
peu ça. Il y a quelques domaines dans lesquels on les voit et où
ils vont mettre de l'argent, particulièrement au niveau des
bibliothèques, des salons du livre ou des choses comme ça, mais
ils sont plus ou moins présents en région. Mais, vous savez, on
est loin de Québec et de Montréal, alors imaginez-vous
d'Ottawa.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Arseneault. M. le
député, un bref mot de remerciement, si vous voulez bien.
M. Boulerice: Oui, très bref. Merci. Je pense que vous
avez illustré, on ne peut plus éloquemment mais tristement parce
que c'est la réalité, ce que c'est la culture en région et
ce travail véritablement de missionnaire que vous faites. J'ose
espérer que l'élaboration d'une politique reviendra sur sa
décision et que les conseils de la culture seront renforcés.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci d'abord de cette
consultation et de représenter à peu près tous les
milieux. Évidemment, les directions régionales - on a fini de les
décentraliser, on est le ministère le plus
décentralisé maintenant au gouvernement - sont là
justement parce qu'elles doivent être près du milieu et finalement
pouvoir subvenir aux besoins du milieu approprié. Je prends bonne note
de la modulation des programmes, comme on en avait discuté ensemble,
parce qu'effectivement les programmes sont lourds, sont rigides. Alors,
ça fait partie de la réflexion globale. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci
d'être venus nous voir et de nous avoir entretenus de votre vue des
problèmes de la culture sur la Côte-Nord. En vous permettant de
vous retirer et en vous souhaitant bon voyage de retour - je sais que ce n'est
pas à la porte - je demanderais maintenant aux représentants de
l'Association des câblodistributeurs du Québec de bien vouloir
s'avancer et prendre place en avant. Je voudrais tout d'abord vous souhaiter la
bienvenue. Vous êtes ici depuis un bon moment. Vous connaissez la
façon de procéder de cette commission. Vous voudrez bien vous
présenter aussitôt que vous aurez la parole et procéder
à la lecture ou au résumé de votre mémoire pour une
quinzaine de minutes, après quoi vous pourrez discuter avec les membres
de cette commission pour le temps qu'il restera. Vous avez la parole.
Association des câblodistributeurs du
Québec
M. Roberge (Jacques): Merci. Mme la ministre, Mme la
députée, M. le député, membres de la commission
parlementaire des affaires culturelles chargée d'élaborer une
politique sur la culture du Québec, à titre de président
de l'ACQ, l'Association des câblodistributeurs du Québec, je suis
heureux d'être ici pour présenter le fruit de la réflexion
des membres de l'ACQ. Je suis accompagné de M. Michel Desrosiers,
à ma droite complètement, directeur de la programmation de Cogeco
Rimouski et vice-président de l'Association des programmateurs en
télédistribution du Québec, l'APTQ, ainsi que de M.
François-Pierre Le Scouarnec, directeur général de l'ACQ,
à ma droite immédiate. Notre présentation s'amorcera par
un portrait de l'industrie de la télédistribution au
Québec, puis, par la suite, M. Le Scouarnec vous fera part des
commentaires de l'ACQ.
L'ACQ est un organisme à but non lucratif voué à la
promotion des intérêts de l'industrie de la
télédistribution au Québec. Créée en 1974,
elle regroupe aujourd'hui 75 compagnies de câblodistribution rassemblant
plus de 1 600 000 abonnés, soit 98 % des usagers du câble au
Québec.
Depuis ses débuts en 1952, l'industrie de la
télédistribution n'a cessé d'évoluer. Les premiers
systèmes de câblodistribution n'avaient qu'une seule fonction: la
distribution de signaux sonores et visuels. C'est en 1961 que les
premières chaînes communautaires virent le jour. Les compagnies de
câblodistribution consacrent un minimum de 5 % de leurs revenus totaux au
fonctionnement de ces chaînes dont les opérations reposent en
grande partie sur le travail de milliers de bénévoles. Le travail
communautaire des stations locales fait de l'entreprise de
câblodistribution un acteur Important, sur le plan créatif, dans
plusieurs villes au Québec.
La télédistribution constitue un important moyen de
diffusion de la culture. Chaque semaine, le Québécois moyen
écoute 27 heures de télévision. Que l'on pense au
cinéma, au théâtre ou à la culture, il faut admettre
que rares sont ceux qui consacrent autant de temps à un loisir ou
à une activité culturelle. La télévision est un
média en soi, mais elle est aussi un média qui renseigne sur les
médias. On y parle des livres à lire, des pièces de
théâtre à voir, des films à visionner et des disques
à écouter. C'est donc l'ensemble des médias et de la vie
culturelle québécoise qui profitent de la
télédistribution.
La câblodistribution a aussi rendu la culture accessible en
régions éloignées. On n'a qu'à penser à la
Gaspésie où le câble est le moyen d'accès
privilégié de la culture. Il est incontestable que les
câblodistributeurs de l'Est québécois et d'autres
régions éloignées ont permis à leurs clients
d'avoir accès à une vie culturelle qui leur aurait
échappé. Sans les câblodistributeurs, la
télévision communautaire n'aurait aucun support. Ces stations
sont très écoutées, mais, en plus, elles constituent une
pépinière pour les techniciens, les comédiens, les
réalisateurs et pour l'ensemble des artisans de la
télévision. (16 h 30)
Actuellement, de nombreux élèves de la
télévision communautaire évoluent dans les grands
réseaux de télévision canadienne et
québécoise. Il en va de même pour les services
spécialisés. S'il n'en était du câble qui fournit la
masse critique d'abonnements requis pour financer leurs activités, ces
réseaux n'existeraient pas.
Le canal Famille tire l'ensemble de ses revenus des abonnements du
câble. Le Réseau des sports couvre plusieurs activités
sportives québécoises. MusiquePlus collabore avec plusieurs
stations de la télévision communautaire pour obtenir leurs
vidéoclips. L'accès de la majorité des
téléspectateurs à la câblodistribution est le seul
garant de la diversité de la programmation offerte aux
Québécois.
La satisfaction de la clientèle passe aussi par des
améliorations technologiques. La compression des signaux permettra une
augmentation du nombre de stations, et l'interdiction procurera un accès
sélectif de programmation aux clients
de câblodistributeurs. Les câblodistrlbuteurs sont à
un carrefour technologique. Une nouvelle ère de croissance s'annonce.
Les câblodistributeurs relèveront ce nouveau défi, ils ne
pourront cependant pas assumer seuls la croissance de cette très
importante industrie culturelle. Ces infrastructures sont onéreuses.
L'autoroute électronique, l'adressibilité, l'interdiction et
l'implantation de la nouvelle fibre optique imposeront des investissements
majeurs.
La câblodistribution se définit comme un pilier de la vie
culturelle québécoise. À titre de diffuseur et de
producteur, nous croyons que les câblodistributeurs devraient obtenir
l'immunité fiscale qui a récemment été
accordée à l'industrie du livre. L'ACQ veut favoriser la
diffusion des biens culturels et appuie la création des programmes
d'aide à l'industrie pour développer la télévision
communautaire pour supporter l'expansion des systèmes de
câblodistribution dans les zones non desservies et pour augmenter la
pénétration. De plus, l'ACQ soutient la proposition de baisse des
taxes.
Les membres de l'ACQ sont préoccupés par le piratage de
leurs services; ceci ayant un impact direct sur les productions, privées
des sommes perçues pour les droits d'auteur. L'ACQ recommande une plus
grande sensibilisation à ce problème.
L'ACQ reconnaît l'importance d'études qui porteraient sur
le domaine culturel et remarque la pertinence de projets portant sur les
technologies interactives et transactionnelles à des fins
éducatives et culturelles. L'ACQ estime que de telles études
peuvent être réalisées sans la création d'un
observatoire des industries de la culture.
Enfin, l'Association des câblodistributeurs du Québec
appuie les initiatives de concertation et, reconnaissant l'interaction entre
divers champs d'intervention et la diversité des besoins, favorise une
approche multidisciplinaire qui tienne compte des demandes des consommateurs.
Maintenant, je vais céder la parole à M. Le Scouarnec.
M. Le Scouarnec (François-Pierre): Mme la ministre,
mesdames, messieurs. L'industrie de la câblodistribution est
intrinsèquement liée à la culture et aux arts. En ce qui
concerne la diffusion, elle continuera d'être à l'écoute
des goûts de la clientèle dans la mesure où les nouvelles
technologies contribueront à augmenter le choix et demeurera soucieuse
de répondre à de nouvelles demandes. Comme productrices, les
compagnies de télédistribution ont été des lieux
d'apprentissage de plus d'une génération de vldéastes. Au
cours des ans, les chaînes communautaires ont conquis leurs armes. Elles
sont, en plusieurs milieux, au coeur de la vie culturelle locale. Enfin, elles
offrent des productions dont la qualité est maintenant reconnue.
Au plan créatif, avec des investissements majeurs au
Québec en nouvelles technologies, l'industrie a propulsé le
Québec à l'avant-garde dans un nouveau champ culturel pour mettre
sur le marché un nouveau médium dont l'exploration du potentiel
n'en est qu'à ses débuts. L'industrie de la
câblodistribution favorise la création culturelle, le
déploiement de plusieurs formes d'expression et, comme la
télévision, l'évolution de nouveaux
référants culturels.
Au-delà de ses qualités de diffuseur et de producteur de
produits culturels, un des chefs de file de l'industrie de la
câblodistribution québécoise met à la disposition de
plus de 100 000 foyers un outil interractif qui change la relation classique
entretenue avec l'écran. Avec le système interractif
commercialisé sous le nom de Vidéoway et la
télévision transactionnelle, la câblodistribution
élargit les concepts de communication et de culture. En effet, là
où l'image-écran remplace le papier, ces nouvelles technologies
appliquées entre autres à des fins culturelles et
éducatives transforment le média et changent la relation de
l'être à la machine, créant ainsi un nouveau champ de
recherche universitaire, l'ergonomie cognitive.
J'aimerais pouvoir passer maintenant aux commentaires plus ciblés
qu'entend faire l'ACQ sur le rapport Arpin et j'aimerais commencer par
certaines remarques générales. On a mentionné un peu plus
tôt que les Québécois passent en moyenne 27 heures par
semaine à écouter la télévision, en grande partie,
dans plus de 70 % des cas, via la télédistribution. Il est quand
même surprenant que dans le rapport Arpin on fasse fort peu état
de la télédiffusion et encore moins de la
télédistribution. Peut-être faut-il s'en attribuer la
faute, peut-être devrions-nous être un peu plus
présents.
Néanmoins, on remarque que, lorsqu'on parle des effectifs des
associations culturelles, on ne mentionne pas au rapport l'Association des
programmateurs de télédistribution du Québec ni
l'Association des câblodistributeurs. Quand on parle de droits d'auteur,
on ne mentionne pas la contribution des câblodistributeurs qui
s'élèvera à environ 13 000 000 $ cette année. Quand
on parle de télé communautaire, on ne parle pas des fonds de plus
de 20 000 000 $ qui seront injectés cette année et, lorsqu'on se
limite à parler d'une corporation de télé communautaire,
on se limite à 230 000 abonnés alors que le paysage
représente plus de 1 500 000 abonnés qui ont accès
à la télé communautaire.
Là où il nous semble encore plus gênant de remarquer
certaines omissions, c'est, au chapitre du financement, un tableau
éloquent, à la page 237, qui n'inclut pas le secteur privé
ni le secteur communautaire et qui se concentre sur les contributions publiques
qui sont quand même importantes, il taut le reconnaître. Un
détail à remarquer dans le tableau qui est
présenté, le Québec contribue pour 47 % des
dépenses totales et le gouvernement fédéral 31 %, ces
montants
excluant Radio-Québec et Radio-Canada, pour une raison qui n'est
pas donnée. Cependant, si on devait inclure ces chaînes, les
montants totaux seraient de 733 000 000 $ pour le fédéral et de
482 000 000 $ pour le Québec, renversant les proportions. On ne comprend
pas qu'on puisse éliminer ainsi les chaînes publiques de la
contribution culturelle. Ceci dit, permettez-moi de passer aux commentaires en
tant que tels. On entend principalement se prononcer sur les aspects de la
politique qui touchent de très près les champs
d'intérêt des câblodistributeurs.
Au chapitre de la création. Les entreprises de
câblodistribution sont souvent le point d'entrée de plusieurs
artisans dans le monde de la télévision. À ce titre, aussi
bien qu'en tant que diffuseurs, les entreprises de câblodistribution
consacrent beaucoup de ressources humaines et financières en formation.
L'ACQ, ainsi, supporte toute initiative visant à augmenter les
ressources financières pour la production communautaire, que ce soit par
la baisse des taxes imposées aux télédistributeurs ou par
des programmes destinés aux câblodistributeurs pour la production
locale et communautaire. L'ACQ estime que les employés d'entreprises de
télédistribution doivent avoir accès à des
programmes de formation adaptés aux besoins spécifiques de
l'industrie.
Au chapitre du financement. L'industrie de la câblodistribution
est le diffuseur culturel de premier ordre dans la majorité des foyers
québécois. Avec une moyenne d'écoute de 27 heures par
semaine, la télévision constitue le bien culturel le plus
consommé. Or, le système de radiodiffusion connaît des
problèmes de financement. Les entreprises de
télédistribution reconnaissent leur responsabilité et
versent plusieurs millions de dollars par an en droits de retransmission. Le
non-abonnement et le piratage des services de télédistribution
sont liés aux questions économiques. Au coeur du système
de diffusion culturelle, l'industrie de la télédistribution
appuie la réduction des taxes sur les biens culturels en y incluant les
services de câblodistribution.
Le financement des chaînes spécialisées est
entravé par le fait des activités criminelles de personnes qui
violent la loi C-40 sur la radiodiffusion en captant des signaux sonores et
visuels sans payer de droits de retransmission, en utilisant des
décodeurs illégaux ou en se branchant sur un système de
télédistribution sans en acquitter les droits. L'ACQ
désire que les autorités gouvernementales
préoccupées par les droits d'auteur sensibilisent leurs
collègues du ministère du Procureur général dans le
but d'amener la population à réaliser l'impact du vol de
services.
Les systèmes interactifs et transactionnels instaurent un nouveau
dialogue entre le diffuseur et l'individu. Outil d'apprentissage et de
création, la relation de passivité face au
téléviseur change.
Elle est annonciatrice de générations futures qui
rejetteront le médium classique de leurs parents tout comme ceux-ci
remettent les productions en noir et blanc. Des sommes importantes ont
déjà été investies pour développer les
technologies interactives, pour créer des logiciels et pour produire des
émissions interactives. Ces nouvelles technologies requièrent la
participation de plusieurs créateurs. L'implantation de telles
technologies transformeront le paysage culturel et permettront l'exploration de
moyens de communication et d'oeuvres conçues et réalisées
au Québec. L'ACQ estime que les technologies interactives et
transactionnelles constituent un sujet d'importance pour les industries
culturelles et que leur développement doit être soutenu par les
instances éducatives et culturelles.
Au chapitre de la sous-consommation. L'industrie de la
câblodistribution est présente partout au Québec sauf dans
certaines régions rurales où les coûts d'infrastructures
sont trop élevés pour y déployer des services. Le
ministère des Communications du Québec estime que moins de 30 000
foyers n'ont pas accès aux services de télédistribution.
Donc, l'ACQ encourage la création de programmes visant à
réduire les coûts d'expansion de réseaux en zones non
desservies. Elle sollicite l'appui des instances gouvernementales pour
faciliter l'accès - et, lorsque approprié, la
propriété ou la copropriété - aux structures de
soutènement pour le développement des réseaux et
l'utilisation de droits de passage à un coût abordable pour les
consommateurs.
Au chapitre de la gestion. L'industrie de la
télédistribution a un impact important sur le milieu culturel.
L'industrie a réussi, au cours des ans, à augmenter le choix
offert là où les conditions géographiques et
environnementales ne le permettent pas, à améliorer de
façon sensible la programmation communautaire en la rendant accessible
au plus grand nombre, à développer une industrie qui exporte son
savoir-faire en matière de télédistribution et à
innover en offrant des productions et un réseau fondés sur
l'interactivité.
L'ACQ encourage la création de groupes multidisciplinaires qui
contribuent à la concertation tant au plan interministériel qu'au
niveau des groupes de discussions entre l'industrie culturelle, au sens large,
le gouvernement du Québec et ses répondants. L'ACQ appuie les
buts décrits de l'Observatoire des politiques culturelles, mais
réserve son support à la création d'une structure autonome
qui semble aller à rencontre d'une gestion efficace des fonds
publics.
Enfin, un dernier commentaire concernant le développement en
région. Il est triste de remarquer que le rapport Arpin ne mentionne
rien sur le développement des réseaux de
télédistribution, alors que, dans la majorité des
régions éloignées, c'est par la porte d'entrée
principale des activités culturelles qu'ils leur sont seuls
accessibles. Enfin, à une proposition moins importante, mais qui
apparaît dans le rapport, à savoir la déconcentration de la
Direction générale des médias du ministère des
Communications vers le ministère des Affaires culturelles ou
ministère de la culture, nous pourrions sûrement appuyer un tel
déménagement, dans la mesure où, au ministère des
Communications, il resterait des experts pour le volet
télécommunication qui concerne les
télédistributeurs. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Comme le soulignait le
rapport Arpin, les entreprises de télévision communautaire sont
devenues des éléments importants du caractère et du
développement distincts au Québec, surtout avec le retrait, on se
rend compte, des grandes chaînes privées; en termes de dynamisme,
au niveau d'une région, vous êtes extrêmement
importants.
Vous parlez des 5 % du budget. C'est-à-dire que vous dites que
les compagnies de câblodis-tribution consacrent environ 5 % de leurs
revenus totaux au fonctionnement des chaînes communautaires. Est-ce que
vous êtes en mesure de nous dire, au niveau des 5 %, ce qui est
dévolu à la diffusion des arts et de la culture, proprement
dite?
M. Le Scouarnec: Je cède la parole à monsieur.
M. Desrosiers (Michel): Au niveau du Québec, on a une
étude qui date de mars 1990 et qui nous donne des chiffres
là-dessus. C'est une étude qui a été faite par
l'Association canadienne de télévision par câble, mais
où on retrouve des régions, dont le Québec. Et, au
Québec, selon un échantillonnage quand même
représenté, la diffusion d'art et de spectacles sur des
réseaux de télévision communautaire représente 12,7
% de la programmation totale de la télévision communautaire. Ces
12,7 % viennent en second lieu. Le seul créneau de diffusion ou de
sujets qui peut être plus important au niveau du Québec toujours
sont les affaires publiques, style compte rendu de réunions de conseils
municipaux et d'affaires publiques où les caméras de la
télévision communautaire sont souvent les témoins
très actuels de la vie économique et sociale d'un milieu.
Ça, ça représente 36,8 %. (16 h 45)
Le deuxième créneau qui est occupé, c'est arts et
spectacles. La diffusion des arts et des spectacles locaux et régionaux
occupe 12,7 % du total des émissions diffusées. Et ça, ce
sont des chiffres qui datent de mars 1990. Cette tendance-là, compte
tenu de la disparition des médias traditionnels des régions au
Québec, tend à augmenter compte tenu que la
télévision communautaire est très souvent le seul
média qui est accessible aux artistes locaux et régionaux pour se
faire connaître, pour se faire valoir, aussi pour apprendre une certaine
expertise du monde de la télévision. Avant de rêver de
faire "Les Beaux Dimanches", Céline Dion a peut-être occupé
aussi un temps d'antenne dans une télévision communautaire au
Québec. Sûrement, à ce moment-là, que les
employés de ces chaînes de télévision communautaire
sont des coordon-nateurs, sont des spécialistes dans leur domaine et
sont des gens qui encadrent le travail des bénévoles et des gens
qui participent à la vie de la télévision
communautaire.
Donc, à ce titre-là, le premier maillon de la
chaîne, pour un artiste, c'est souvent la télévision
communautaire. Dans les grandes villes, c'est vrai, mais, en région,
c'est encore plus vrai. Mais, pour répondre plus spécifiquement
à votre question, c'est 12,7 %, pour des chiffres qui relèvent du
mois de mars 1990 et pour le Québec.
Mme Frulla-Hébert: 12,7 % de la programmation. M. Chagnon
était ici la semaine dernière et on a discuté tous
ensemble des nouvelles technologies. Lui-même parlait de... Quand on
parle de réglementation, la réglementation actuelle, même,
serait dans peu de temps désuète - il parlait de
télévision à la carte... Elle l'est déjà
avec la télévision interactive, comme vous l'avez
mentionné. Cette nouvelle technologie, parlez-nous de son influence, de
son influence future aussi au niveau des régions. Si on parle, par
exemple, de la télévision interactive, évidemment, il faut
se la payer et, deuxièmement, ce ne sont pas tous les foyers qui y ont
accès. Alors, comment voyez-vous ça, le développement des
nouvelles technologies, plus spécifiquement en région?
M. Roberge: Est-ce que vous parlez de compression ou
d'interdiction?
Mme Frulla-Hébert: Non, non. Je parle du
développement, tout simplement, des...
M. Roberge: La compression, ça permet, dans le cas qu'on
regarde aujourd'hui, de prendre jusqu'à huit canaux de
télévision et de les insérer dans la même largeur de
bande à l'intérieur de laquelle fonctionne un canal aujourd'hui.
Donc, on aurait... On multiplierait par 8 le nombre de canaux actuel et, si on
multiplie par 8, on pourrait avoir accès à pas loin de 500 canaux
au Québec. Maintenant, pour élaborer ça, c'est
évident que, si on a plus de capacités, II faut qu'il y ait une
déréglementation quelque part.
Mme Frulla-Hébert: Mais présentement, au niveau de
la câblodistribution, je pense qu'il y a 88 % des gens du Québec -
est-ce que c'est exact? - qui sont câblés. Je me souviens de
mes
chiffres de l'année passée, là.
M. Roberge: Le nombre d'abonnés câblés? C'est
plus fort dans le rural, mais on parle d'environ 76 %.
Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a 76 % de la population du
Québec qui est présentement câblée.
M. Roberge: Oui, c'est ça.
M. Le Scouarnec: II y en a plus qui sont câblés. On
parie d'abonnés, on ne parle pas... Vous ne pariez pas tout à
fait de la même chose.
Mme Frulla-Hébert: Non, non, mais c'est ça,
là.
M. Le Scouarnec: L'accès est presque universel. Il y a
à peine 30 000 foyers qui n'ont pas accès au câble du tout,
qui sont dans les... dans le cinquième rang.
Mme Frulla-Hébert: C'est ce que je disais, aussi.
M. Le Scouarnec: Mais, autrement, on rejoint pratiquement tout le
monde. Et pour répondre... élaborer un petit peu sur votre
question, vous parliez d'interactivité. C'est sûr que l'avenir du
câble va porter sur l'interconnexion de certains réseaux, va
devoir pouvoir compter sur des communications interréseaux et ça,
ça va exiger des infrastructures différentes, des investissements
majeurs. C'est pourquoi, quand on parle d'interactivité en
régions éloignées, par exemple, chez des
télédistributeurs qui ne sont pas affiliés à
Vidéotron, eh bien, il faudra d'abord des ententes et, par la suite, il
faudra favoriser technologiquement ce processus-là, ce qui est quand
même assez exigeant.
Mme Frulla-Hébert: Je vais empiéter un peu... Vous
avez mentionné, d'ailleurs... Bon, on parie du rapport Arpin au niveau
des communications. C'est sûr qu'ici, au Québec, on a deux
ministères. Il y a le ministère des Communications et il y a le
ministère des Affaires culturelles. C'est une situation assez unique et
on n'a pas résolu cette fusion-là en 30 ans, ni d'un
côté ni de l'autre. C'est resté... Bon.
Quand on parle de réglementation - on y touche, à la
réglementation, on y a touché ensemble l'année
passée - et on parle de ce développement de nouvelles
technologies, on parle aussi des réseaux avec la fibre optique qui
offrent des possibilités énormes, etc. Au niveau de la
réglementation, est-ce qu'à ce niveau-là... Quand on parle
de ramener ici, si on veut, les pouvoirs et la réglementation et le
contrôle de cette réglementation, ici au Québec, et
exclusivement au Québec, comment voyez-vous ça avec les
développements de la nouvelle technologie, avec l'interactivité,
l'interconnexion, etc.?
M. Le Scouarnec: La position des membres de l'ACQ
là-dessus c'est que tout en reconnaissant les besoins du Québec
qui sont clairement exprimés depuis plusieurs décennies en
matière intergouvernementale et tout en reconnaissant les
récentes offres du gouvernement fédéral, II nous
apparaît opportun de souligner que ce qui compte le plus pour nous, c'est
qu'il n'y ait qu'un seul palier de juridiction. Nous n'avons pas senti chez nos
membres le besoin d'Indiquer quel palier, pour la bonne raison que nous
représentons un ensemble d'entreprises dont certaines opèrent en
région uniquement ou dans de petites circonscriptions alors que d'autres
ont des intérêts pancanadiens et même pan
nord-américains. J'espère que ça puisse répondre
à votre question.
Mme Frulla-Hébert: II y a toujours eu, effectivement... Il
y a eu cette demande, je me souviens aussi l'année passée,
d'avoir justement une juridiction pour ne pas aller cogner à plusieurs
portes. Bon. Ca, c'est une chose. Maintenant, quand on parie de... Je veux
revenir aussi aux nouvelles technologies appliquées pour fins
éducatives et culturelles qui transforment la télévision,
parce que c'est majeur. Vous êtes au courant... On écoutait M.
Chagnon la semaine dernière et, effectivement, la
télévision telle qu'on la connaît présentement
n'existera plus ou enfin à peu près plus. Enfin c'est ce que vous
prévoyez, je pense. Les développements sont même hors de
notre pensée.
Il y a aussi un nouveau champ de recherche universitaire qui s'ouvre et
on appelle celui... ce qu'on appelle l'ergonomie cognitive, au niveau de cette
recherche-là justement pour pouvoir voir l'application et cette
facilité entre l'homme... l'interaction entre l'homme et la machine.
Dans un premier temps, est-ce que vous pouvez illustrer de façon
concrète, par des exemples, quelles sont les applications faites au
domaine des arts et de la culture de ces nouvelles technologies? Aussi, comment
se font les relations entre l'industrie et la recherche universitaire? On sait,
là - vous en avez touché un mot tantôt - qu'il y a aussi
tout un domaine au niveau des recherches universitaires. Je me souviens aussi
l'année passée on y participait au niveau de certains fonds de
recherche pour pousser ça plus loin. Où est-ce qu'on en est?
M. Le Scouarnec: II y a certains membres chez nous, mais bien
sûr vous savez que, dans le portrait québécois de la
télédistribution, il y a principalement six grandes compagnies et
trois d'entre elles se démarquent du fait qu'elles ont plus de 200 000
abonnés chacune, à savoir Cogeco, CF Câble et
Vidéotron.
Il est entendu que la recherche dont on
parie, ce sont plutôt ces grandes compagnies qui ont les moyens de
pouvoir les commanditer et qui font toutes sortes de tests sur le terrain. Nous
ne faisons pas ces recherches-là à l'Association même. Ce
que moi j'en sais, puisque les compagnies le font souvent dans un esprit tout
à fait sain de compétition et nous livrent les résultats
souvent par la suite, c'est qu'effectivement l'ergonomie cognitive est
étudiée dans un contexte pédagogique, donc à des
fins éducatives principalement, et non pas à des fins culturelles
au sens étroit du terme culturel.
Cependant, il est clair que, si vous traversez un territoire où
la technologie interactive est déjà disponible, vous pouvez
observer que cette technologie pourrait s'appliquer à autant de fins
culturelles que possible. Je pense qu'il y ira simplement du domaine de la
demande du consommateur pour certains de ces produits-là. Alors, on
offre déjà des spectacles interactifs. On a vu, à la suite
de la diffusion du spectacle de Céline Dion en interactivité,
quelque chose comme 4500 appels le lendemain matin. Alors, c'est assez
significatif du phénomène.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. Merci,
madame. M. le député de Sainte-Ma-rie-Salnt-Jacques.
M. Boulerice: M. Roberge, M. Desrosiers et, quant à vous,
M. Le Scouarnec, je ne sais pas si l'Ontario a commencé à
pratiquer la politique Trudeau par la déportation des non-anglophones
mais je suis heureux de vous voir de retour au Québec après un
exil torontois de quelques années.
Dans les câblos du Québec, donc... Lors d'une entrevue en
1989, Roger Jauvln disait, et je vais me permettre de le citer: L'hybridation
des technologies par l'intégration en cours des réseaux et des
services pose des défis, tant au plan des systèmes physiques
qu'au plan des contenus. Il faut cesser de penser "hardware" pour agir en
fonction du "software". En effet, c'est dans les contenus que se trouve
l'avenir, et à ces contenus participent les industries culturelles.
Vous aviez raison, tantôt, quand vous pariiez de la
télévision qui est la force principale d'orientation et de
direction de tout l'audiovisuel et des industries du son qui comptent pour plus
de 85 %, je crois, du temps dit culturel quotidien des Québécois.
Donc, l'audiovisuel totalise, je crois, 46 % de l'activité
économique globale des industries culturelles, ce qui est énorme,
et ce même audiovisuel est responsable pour au moins 66 % des revenus
totaux des membres de l'Union des artistes. C'est énorme. Et sans
vouloir m'engager dans une lutte de chiffres avec vous, on pourra comparer les
nôtres... Votre proportion, tantôt, pour le Canada, à mon
point de vue, apparaît inexacte. Elle est de 57 %, soit 967 000 000 $.
Enfin, on en rediscutera tantôt.
De toute façon, c'est un marché de 1 700 000 000 $.
À partir de ces prémisses, on a le rapport Arpin,
là. Je ne sais pas où est ma copie, mais, de toute façon,
à force de le lire, je finis par le connaître par coeur. Est-ce
qu'on peut vraiment parier d'une politique culturelle quand on a oublié
ce pan aussi important - p-a-n, j'entends bien - des communications et quand on
pense aussi - la ministre y a fait brièvement allusion tantôt -
à tout ce que ça va amener comme changements technologiques?
Demain matin, pensons à la télévision haute
définition, numérisation de l'image et du son, les
télévidéothèques. Vous savez qu'on assistera,
prochainement, à la mort des salles de cinéma conventionnelles.
Le film 35mm, c'est terminé, hein! On passera au vidéo
bientôt, là-dedans, avec la télévision haute
définition. Alors, pour revenir... Est-ce que vous pensez qu'on peut
discuter sérieusement d'une politique des arts et de la culture? Arts et
culture sont indissociables, mais je pense qu'on ne peut pas mettre culture
sans mettre communication.
M. Le Scouarnec: Disons qu'il est clair... Il faut quand
même reconnaître les antécédents de Mme la ministre
qui vient d'un milieu de communications, qui a déjà une
très grande sensibilité aux enjeux que nous représentons.
Alors, je fais confiance quand même à Mme la ministre pour
intégrer sa propre expérience au rapport Arpin. Quant au rapport
lui-même, il est clair qu'il nous semble, comme je l'ai dit tout à
l'heure, surprenant qu'il omette un secteur qui nous semble, à nous
aussi, fort important. À ce titre-là, il y a sûrement
moyen, effectivement, de faire une politique, mais en tenant compte de l'apport
des gens qui se trouvent dans ce domaine, qui contribuent autant à la
vie culturelle des Québécois.
M. Boulerice: Certains ont dit que, pour le bien-être des
communications, elle aurait dû y rester, mais, moi, je suis content de
l'avoir aux Affaires culturelles. Par quelles mesures concrètes peut-on,
à votre avis, accroître la production des
télévisions communautaires qui sont dans certaines
régions, notamment... Vous êtes de la Côte-Nord, je crois,
monsieur?
M. Desrosiers: Rimouski.
M. Boulerice: Rimouski. Enfin, le Bas-du-Fleuve... qui sont le
seul média audiovisuel à traiter, d'une part, des
réalités locales et régionales, parce qu'il y a eu la
fermeture de la majorité des antennes de Radio-Québec dans les
années 1986. Après ça, on a continué le massacre
à la scie et c'est Radio-Canada qui y est passée. On me disait
que la création d'un emploi dans le domaine de la
télévision communautaire, ça tournait aux alentours de
8000 $ à 10 000 $,
alors que ça coûte 400 000 $ pour un emploi dans le
nucléaire.
M. Desrosiers: De façon à favoriser l'expansion de
la programmation communautaire, disons qu'il y a déjà des acquis.
Le rapport Arpin parle de 30 corporations de télévision
communautaire - et je reviens juste faire une petite parenthèse
là-dessus - qui sont en grande partie subventionnées par les
entreprises de câble. Ça, je pense que ça mérite
d'être dit. On parle seulement de 30 entreprises corporatives à
but non lucratif, mais, en grande partie, qui tirent leurs revenus
d'entreprises de câblodistribution. Si on revient, disons, à
l'ensemble de l'effort de la programmation communautaire qu'il y a au
Québec, donc incluant ces corporations-là, on se dit qu'il y a
l'effort de la câblodistribution qui est fait, ce qui représente 5
% des revenus bruts de l'entreprise sur le service de base. Donc,
déjà comme secteur d'entreprise, on a un soutien réel
à l'effort de programmation. (17 heures)
La programmation communautaire est une télévision
participative qui demande la participation du milieu, qui demande au milieu
aussi de s'y impliquer. C'est une forme de financement. Mais, à un
moment donné, compte tenu que les télévisions
communautaires sont appelées à devenir des
télévisions locales dans bien des régions au
Québec, on va devoir encore une fois diversifier ou consolider leurs
assises financières. Et, là-dessus, je pense que l'industrie du
câble fait plus que son devoir. Ce qu'il va falloir, c'est que des
instances décisionnelles comprennent.
Il y a quelques années, on a compris qu'il fallait que la
télévision communautaire ait un certain accès à la
commandite de prestige. Après quelques années d'application, on
se rend compte que la commandite de prestige dans une télévision
communautaire, ça ne veut pas dire grand-chose. Donc, il va falloir
revoir cet aspect-là de la réglementation et, à ce
moment-là, mieux comprendre. L'annonceur qui peut se servir d'une
télévision communautaire ne veut pas avoir une commandite de
prestige, il veut avoir une commandite, carrément, pour annoncer son
produit parce qu'il s'attaque à un petit marché.
Ça, c'est un aspect des revenus supplémentaires qui
peuvent être injectés dans la programmation communautaire, puis je
pense que si on avait aussi une politique culturelle au Québec qui
permettait de vraiment reconnaître le premier maillon de la chaîne
qu'est la télévision communautaire dans les régions, dans
les localités et aussi l'interaction qui pourrait se développer
entre ces différentes télévisions communautaires, si on
avait un soutien, qui pourrait être gouvernemental et privé ou
gouvernemental... La formule est fort probablement à développer.
Il va falloir que ce soit défini à un moment donné, de
façon à ce qu'on ait définitivement: un, une
reconnaissance; deux, un soutien, pour que ces
télévisions-là, chacun dans leur petite localité...
Des fois on parle de télévision communautaire dans des
localités de 2000 résidents, des fois on parle de
télévision communautaire dans des bassins comme Montréal,
de 2 000 000 d'habitants. Donc, il faut ajuster les politiques en
conséquence et il faut surtout avoir un soutien.
L'entreprise du câble a comme vocation de faire la programmation
communautaire, mais ce n'est pas sa seule vocation. Ça, c'est un mandat
qui appartient à la câblodistribution, mais il ne faut pas qu'elle
soit seule à l'accomplir, compte tenu que c'est une
télévision participative et que c'est une
télévision qui se doit d'être représentative de son
milieu au niveau économique et aussi au niveau culturel, donc, par un
élargissement des politiques pour avoir un accès plus
intéressant au marché publicitaire. Il y a déjà eu
beaucoup de discours à l'effet qu'il ne fallait pas morceler l'assiette
publicitaire. Je ne crois pas que les télévisions communautaires
morcelleraient l'assiette publicitaire des télévisions
traditionnelles alors que celles-ci se retirent des régions;
deuxièmement, je pense qu'il devrait y avoir au niveau culturel des
politiques qui permettent de maintenir, de soutenir et surtout d'initier de
nouveaux projets dans la vie culturelle des milieux puis des régions
éloignées.
M. Boulerice: Le câble fait une transmission image-son,
mais il fait également une transmission uniquement son. Donc, il y a
également la radio communautaire comme telle que vous véhiculez
puisque, grâce à elle, je peux capter CIBL et vous connaissez le
succès phénoménal de CIBL. Ces exemples-là ne
suffisent-ils pas d'après vous pour sensibiliser à l'effet qu'ils
ont un produit qui est de qualité et qui répond aux besoins des
gens? Ecoutez, quand une radio communautaire demande 10 000 $ à ses
auditeurs et en recueille 35 000 $ à la fin de semaine, c'est parce
qu'il y a un degré de satisfaction, un peu comme PBS.
M. Le Scouarnec: Si je pouvais ajouter aux commentaires de Michel
Desrosiers, bien sûr, il y a des questions de financement, mais ce ne
sont pas les questions principales. S'il devait y avoir des programmes qui
étaient dirigés vers la radio ou la télévision
communautaire, je pense qu'il appartient à la personne responsable
devant le CRTC pour l'instant de savoir comment ces fonds devraient être
attribués. Ça peut être un terrain fort miné que
d'aller directement donner des subventions à des groupes communautaires
en leur disant par la suite: Allez utiliser votre télé ou votre
radio communautaire. Le responsable, sur le plan juridique, de la diffusion
demeure quand même celui qui produit et, dans ce cas-ci, c'est le
câblodistributeur pour la télé et ce sont les radios
communautaires licenciées.
Un autre point peut-être plus pratique au niveau communautaire
serait d'encourager et
d'avoir des programmes de formation destinés aux intervenants
dans le domaine communautaire. On remarque comment, depuis les années
soixante et soixante-dix, la télé et la radio communautaires ont
fait des bonds gigantesques en termes de qualité. Il ne faut pas se
leurrer, c'est en grande partie dû au fait que les intervenants sont de
mieux en mieux formés généralement par le système
d'éducation qui a quand même beaucoup évolué depuis
ce temps-là. Il n'est pas rare maintenant de voir des gens qui ont des
diplômes de cégep et d'université animer des
émissions à la radio et à la télé
communautaires. Et ce qui nous manque à ce moment-ci, c'est une
formation encore plus pointue dans le sens communautaire et qui reconnaît
les caractéristiques propres à la production locale et
communautaire. Ce serait une erreur d'utiliser ce que sont ces bancs d'essai
pour plusieurs et d'en faire, par exemple, un réseau provincial. Il faut
les garder comme bancs d'essai, mais avec des gens mieux formés.
M. Boulerice: Vous considérez la radio et la
télévision communautaires comme un élément
essentiel du paysage audiovisuel québécois. Mais il y a un
problème, M. Le Scouarnec, c'est les licences. Les licences viennent du
ministère fédéral des Communications, le CRTC. Donc, la
question que je vais vous poser... Vous me voyez venir, c'est
inévitable.
M. Le Scouarnec: Bien sûr.
M. Boulerice: Est-ce que vous êtes en faveur du
rapatriement de tous les pouvoirs pour le Québec quant à la
culture et aux communications, pouvoirs que réclament à la fois
ma formation politique et le rapport Allaire, de la formation de Mme la
ministre?
M. Le Scouarnec: Je ne veux pas faire de gymnastique...
M. Boulerice: M. le président me dit que c'est un projet.
Nous, c'est une décision; eux, c'est un projet. Mais, enfin, peu
importe, là.
M. Le Scouarnec: Bien sûr, mais, sans faire de gymnastique
intellectuelle trop prononcée, disons que, si je reprends les
éléments que j'ai énoncés plus tôt, il est
clair que les câblodistri-buteurs ont eu beaucoup de peine à
fonctionner, il y a de cela quelques années, avec deux paliers de
juridiction différents. Ça a été très
pénible pour plusieurs d'entre eux d'aller chercher les licences
à Ottawa pour certaines choses, et à Québec pour d'autres.
Le message que nous avons, c'est qu'il nous faut aller chercher toutes les
licences au même endroit. Or, ce que l'on a vu, les propositions
fédérales les plus récentes, c'est qu'il semblait n'y
avoir aucune ouverture pour une dévolution de pouvoirs dans ce
sens-là. Et on se demande, sans faire de préférence pour
le fédéral ou le provincial - on désire n'avoir qu'un seul
palier de juridiction - comment un pourrait continuer de gérer le
spectre, par exemple, alors que tous les autres éléments
tomberaient ailleurs. Et là, ça nous apparaît inconciliable
avec les besoins de la câblodistribu-tion.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député...
M. Boulerice: J'allais lui demander s'il avait une
préférence, malgré tout.
M. Le Scouarnec: J'imagine que nos membres ont plusieurs
préférences et il faudra aller sonder les coeurs un par un. C'est
fort long, je n'ai pas fait le tour moi-même.
Le Président (M. Gobé): Sur ce, je vous remercie.
Alors, M. le député de Sainte-Ma-rle-Saint-Jacques,
c'étaient là vos conclusions?
M. Boulerice: Bien non, dire que M. Le Scouarnec pratique aussi
bien la diplomatie que l'audiovisuel, mais ce n'est pas un grief que je lui
fais, et simplement dire - je suis persuadé que Mme la ministre va
être d'accord avec moi - que c'est vraiment dommage que le temps nous
limite puisque, s'il y a un domaine essentiel dans l'élaboration d'une
politique des arts et de la culture, c'est d'aborder tout ce domaine des
communications. Mais je suis persuadé qu'on aura d'autres forums
d'échanges à ce niveau-là, du moins je le souhaite
ardemment. Je vous remercie M. Roberge, M. Desrosiers, M. Le Scouarnec.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député, et non pas le président mais le
député que je suis vous répondrait, pour votre programme,
qu'il est lui aussi un projet qui risque, si vous restez dans l'Opposition la
prochaine fois, de demeurer un projet.
M. Boulerice: Ah monsieur, même si les journaux sont
taxés par votre gouvernement, lisez les sondages.
Le Président (M. Gobé): Ceci étant dit, le
président reprend la parole et demande à Mme la ministre de bien
vouloir faire un mot de conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie. On va
suivre la situation de très près parce que, à 26 heures en
moyenne par semaine, c'est le véhicule non seulement de communication,
mais au niveau culture, au niveau éducation, donc la qualité et
le contenu, qui nous est finalement dévolu, là, non pas cette
surveillance mais le suivi de la qualité du contenu qui nous
intéresse. Évidemment, c'est capital. Alors, effectivement, quand
nous allons élaborer cette
politique, tout comme avec le ministère de l'Éducation, le
ministère des Communications est un intervenant important avec lequel on
travaille et c'est sûr que vous serez appelés toutefois à
vous prononcer et à collaborer.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Messieurs, je vous remercie. Ceci met fin à votre intervention et
j'inviterai sans plus tarder les représentants de la
Cinémathèque québécoise à bien vouloir venir
prendre place en avant. Et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux pour
une demi-minute.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprisée 17 h 12)
Le Président (M. Doyon): Je vois que nos invités
sont installés en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur donne le
temps de s'identifier et de procéder à la lecture ou au
résumé de leur mémoire pour 10, 15 minutes. Après
ça, on engage une discussion avec vous, des deux côtés de
la table, pour le temps qu'il reste. Vous avez dès maintenant la
parole.
Cinémathèque
québécoise
M. Saint-Germain (Marcel): Merci. Je suis vice-président
du conseil de la Cinémathèque québécoise. Mon nom
est Marcel Saint-Germain. J'ai à ma gauche la directrice à la
gestion, Mme Stéphane Leclerc, et à ma droite, le directeur
à la conservation, M. Robert Daudelin.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Saint-Germain: Merci. Je remercie la commission de nous
permettre de venir ici présenter notre mémoire que nous lui
adressions le 17 septembre dernier. Je préfère le lire parce que,
en résumant, je risquerais d'en oublier des éléments
essentiels.
Une politique de la culture et des arts au Québec ne peut
être définie sans la prise en compte du rôle essentiel que
joue une institution comme la Cinémathèque
québécoise dans un domaine où elle occupe une place
unique, d'envergure nationale, la situant d'emblée parmi les organismes
culturels de première importance.
Créée en 1963, la Cinémathèque
bénéficia d'une reconnaissance progressive de la part du
gouvernement québécois. En 1978, la Cinémathèque
paraphait avec le gouvernement une entente-cadre selon laquelle le
Québec lui conférait de facto un statut national. L'État
québécois allait plus loin en 1983 en faisant de la
Cinémathèque québécoise la
cinémathèque reconnue en vertu de la Loi sur le
cinéma.
Corporation privée sans but lucratif, la
Cinémathèque québécoise est issue du milieu
et regroupe aujourd'hui plus de 600 membres représentant tous les
secteurs de l'industrie du cinéma et de la télévision avec
lesquels elle entretient des liens permanents.
Je voudrais rappeler à la commission la mission de la
Cinémathèque québécoise qui est de promouvoir la
culture cinématographique, de créer des archives de
cinéma, d'acquérir et de conserver des films ainsi que toute la
documentation qui s'y rattache, de projeter les films et exposer les documents
de façon non commerciale, dans un but historique, pédagogique et
artistique.
Il existe peu de véritables cinémathèques dans le
monde. On les reconnaît à la richesse et à la nature des
collections qu'elles possèdent, aux actions qu'elles prennent pour les
mettre en valeur, aux gestes qu'elles posent pour les rendre accessibles
à la population. À la fois archives du film et musées du
cinéma, les vraies cinémathèques préservent,
restaurent et diffusent le patrimoine cinématographique de leur pays et
du monde entier.
La grande majorité d'entre elles sont membres de la
Fédération Internationale des archives du film connue sous le nom
de la FIAF, une organisation internationale qui fêtait son
cinquantième anniversaire de fondation en 1988. La
Cinémathèque québécoise est l'un des deux membres
canadiens de la FIAF. Comme il est très rare qu'un pays compte plus
d'une cinémathèque membre, le Québec doit être fier
de posséder une telle institution dont l'expertise est mondialement
reconnue.
Durant les années de son existence, la Cinémathèque
québécoise a développé ses collections, ouvert
largement au public sa documentation, contribué, par ses projections,
ses publications et ses acquisitions, à la promotion de la culture
cinématographique et à la défense et à
l'illustration du cinéma québécois, et a accentué
son rayonnement ici et à l'étranger. Elle est en outre la seule
cinémathèque au monde à se spécialiser en
cinéma d'animation.
Les collections de la Cinémathèque
québécoise sont impressionnantes: plus de 25 000 films, dont 8000
sont du Québec et 4000 d'animation, et le reste sont des films canadiens
et étrangers; 13 000 affiches de cinéma; 300 000 photographies;
500 appareils anciens (la seule collection du genre au Canada); des centaines
d'objets divers (maquettes, costumes, etc.); 7000 scénarios, 40 000
livres, 450 titres de périodiques et plus de 100 000 dossiers sur le
cinéma et la télévision. Ces collections sont
conservées dans des entrepôts qui répondent aux standards
techniques internationaux les plus élevés. L'importance des
collections aussi bien que la qualité des services de la
Cinémathèque québécoise sont universellement
reconnus.
Toutefois, le rapport Arpin, s'il constate avec raison que des
institutions culturelles connaissent des difficultés et qu'elles ont
grand
besoin de stabilité financière, ne recommande la
restauration des assises budgétaires que des organismes de diffusion et
de création. Les institutions qui se consacrent à la conservation
aussi bien qu'à la diffusion ne manqueront pas d'être
renversées, c'est le moins qu'on puisse dire, par
l'irresponsabilité d'une telle recommandation. Nous croyons qu'omettre
la nécessité de stabilité dans les domaines de la
conservation constitue une carence grave.
Je sais que certains ici connaissent le rapport Arpin par coeur, mais si
on se reporte à la page 21, au dernier paragraphe, il est dit: "Une
attention particulière doit en outre être accordée à
certains grands organismes qui constituent l'épine dorsale de
l'organisation culturelle du Québec. Des mesures précises
pourront alors être proposées pour assurer leur dynamisme et leur
stabilité." Nous osons espérer que la Cinémathèque
s'inscrit à l'intérieur de cette dynamique.
Et également à la page 66, deuxième paragraphe, II
est dit: "Dans l'octroi de ses subventions, le gouvernement, comme les
entreprises privées, d'ailleurs, devrait prendre soin de favoriser
d'abord la continuité et la stabilité." Encore une fois, nous
espérons, par ces allusions, que la Cinémathèque soit
incluse dans cette dimension.
Malgré tout ce que nous venons de décrire, la
Cinémathèque est (imitée dans la manière de remplir
et d'actualiser toutes les facettes de son mandat. Autrement dit, nous ne
pouvons fournir qu'une réponse partielle à l'une des
finalités que dégage le rapport Arpin: favoriser l'accès
à la vie culturelle. Par exemple, nous souhaiterions
décentraliser nos activités pour répondre aux demandes des
quatre coins du Québec qui se font de plus en plus nombreuses et
pressantes, et développer un partenariat dynamique avec les intervenants
régionaux afin de diffuser et donner accès au patrimoine
cinématographique dont nous sommes dépositaires.
D'autre part, certains secteurs de la production
québécoise ancienne, notamment celle produite dans les
régions, sont insuffisamment répertoriés et
restaurés. Nos collections actuelles ont besoin d'un rattrapage qui leur
assure une représentativité équilibrée dans
l'espace et dans le temps, et un degré d'inventaire et de restauration
qui optimise leur richesse. Mais nous n'avons pas les moyens. Or, si dans de
nombreux domaines, comme les sciences, les beaux-arts et l'ethnologie, il
existe au Québec plusieurs institutions dont les mandats se
complètent sinon se recoupent, il n'y a qu'une
cinémathèque. Cela entraîne des obligations
particulières que nous serions heureux de combler à condition que
nous recevions l'assistance financière indispensable pour le faire. Le
rapport Arpin fixe souvent haut la barre; nous ne craignons pas de tels
défis, mais nous maintenons qu'il faut doter ces objectifs de
stratégies pour réussir. L'énoncé d'intentions
qu'on y retrouve devrait se combiner à l'énoncé de
moyens.
Pour faire face au développement technologique, aux mutations
qu'ont connues les pratiques des cinéastes et au besoin de conservation
et de mise en valeur d'un domaine connexe à celui qu'elle occupait
traditionnellement, la Cinémathèque couvre depuis quelques
années le champ de l'image électronique
(télévision, vidéo et nouvelles images). De ce
côté, nos collections ne se comparent, ni en richesse, ni en
nombre, avec nos collections films, mais nous sommes conscients que tout un pan
de la culture cinématographique se retrouve dans ce domaine. La
responsabilité nous revient d'y intervenir parce que cela s'inscrit dans
le prolongement logique de notre mission et dans les attentes
manifestées par plusieurs de nos membres. Conscients de l'urgence et de
la nécessité, nous avons d'ailleurs posé des gestes
concrets dans ce sens sans pour autant en avoir les moyens adéquats.
Malgré tout ce qui précède, il y a une urgence:
doter le Québec d'un musée de l'image en mouvement. Et, avec ses
collections, son expertise, sa reconnaissance internationale, la
Cinémathèque québécoise est celle qui peut mener
à bien un tel projet intégrateur qui, non seulement viendra
couronner des années de patients efforts, mais surtout répondra
à un besoin éclatant: rendre enfin les collections accessibles au
grand public.
L'élargissement du mandat de (a Cinémathèque au
domaine des images électroniques est une nécessité qui va
de pair avec la création du musée. Ainsi, la
Cinémathèque-musée jouera pleinement son rôle et
répondra aux besoins du Québec dans le domaine de l'image en
mouvement; elle collera à la réalité quotidienne des
Québécois où cinéma et télévision se
complètent.
L'heure est à l'ouverture et à l'accessibilité. La
Cinémathèque québécoise réaffirme avec force
qu'un tel musée constitue le meilleur moyen d'ouvrir ses
activités et ses collections à un public plus large. Ainsi, la
mémoire sera l'assise du rêve et de l'action.
Ce musée, à nul autre pareil au Canada - il y en a
d'ailleurs très peu au monde - se veut avant tout un musée
interdisciplinaire car son objet impose une telle perspective. En effet, le
cinéma, la télévision, la vidéo et les nouvelles
images possèdent plusieurs facettes qui placent de facto le musée
dans une catégorie à part: ifs ont à la fois une dimension
artistique, scientifique, technique et civilisationnelle. Ce
décloisonnement confirme le rôle de témoin et de
véhicule des mutations culturelles que veut jouer le musée de
l'image en mouvement.
Il faut qu'une politique culturelle fasse preuve d'ouverture par rapport
à ce domaine où se mêlent art et loisir, technique et
sociologie, et qu'en conséquence elle reconnaisse cette
réalité multiforme où la culture nationale vient
s'articuler à des pratiques universelles; un tel
geste aura certainement un effet d'entraînement sur tous les
partenaires qui ont manifesté leur volonté de s'engager dans
l'aventure du musée de l'image en mouvement.
Je voudrais rappeler aux membres de la commission la recommandation 39,
qui est à la page 167 du rapport Arpin, où le musée de
l'image en mouvement s'y inscrit très bien. C'est concernant
Montréal. Il est recommandé que dans la stratégie du
gouvernement à l'endroit de la métropole le dossier culturel soit
considéré comme un élément moteur.
En conclusion, la proposition de politique de la culture et des arts
résume l'essentiel de sa démarche par cinq verbes d'action:
reconnaître, stabiliser, développer, irradier, mobiliser, qui
trouvent de façon frappante leur écho dans le message que nous
vous adressons aujourd'hui.
Reconnaître l'importance de la culture cinématographique et
la Cinémathèque québécoise-musée de l'image
en mouvement principal vecteur archivistique et muséal dans ce domaine
comme une institution d'envergure nationale.
Stabiliser et consolider ses assises budgétaires afin de lui
permettre de remplir adéquatement son mandat. Le Québec ne peut
plus laisser en suspens la question du sous-financement de ses institutions
culturelles.
Développer l'institution par la création d'un musée
de l'image en mouvement qui élargisse son champ d'activité et
rende accessibles ses collections a la population.
Irradier en favorisant l'accès, sur tout le territoire
québécois, aux oeuvres cinématographiques nationales et
internationales, et à la documentation les concernant, en créant
le musée de l'image en mouvement dont la réputation
s'étendra bien au-delà de nos frontières.
Mobiliser à la fois nos partenaires et la population. Par son
membership, la Cinémathèque québécoise jouit de
l'appui de l'ensemble de la profession. Elle ouvre également ses portes
à de nombreuses manifestations qui comptent sur son appui. Elle
réussit enfin une percée dans l'entreprise privée pour
diversifier son financement.
En résumé, nous souhaitons que la politique culturelle
québécoise marie les impératifs de la conservation des
oeuvres à la nécessité de leur accessibilité et de
leur diffusion, et nous estimons que nos activités actuelles et nos
projets d'ouverture correspondent parfaitement à un tel objectif.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Germain. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie et je vous souhaite la
bienvenue directement de Montréal sous la pluie. C'est ça, comme
le disait M. Saint-Germain.
M. Saint-Germain: Ça prend un certain courage!
Mme Frulla-Hébert: Pardon?
M. Saint-Germain: Ça prend un certain courage, quand
même, sous la pluie!
Mme Frulla-Hébert: Ah, ça prend un certain courage!
La semaine dernière, nous avons parlé, précisément
avec la Bibliothèque nationale, du manque, si on veut, au niveau du
rapport, quant aux organismes qui se concentrent, entre autres, sur la
conservation. Et je veux seulement vous dire que, dans mon esprit, la fonction
de conservation est majeure dans l'élaboration d'une politique
culturelle. Mais je voudrais aborder avec vous certains sujets. D'abord, au
niveau du rayonnement, vous parlez du rayonnement non seulement
immédiat, c'est-à-dire dans les grands centres, mais aussi du
rayonnement au niveau d'autres centres, diverses régions. Est-ce que
vous avez des suggestions là-dessus ou des recommandations? Parce qu'on
parle du futur musée de l'image en mouvement. On pense qu'il y a des
gros investissements, évidemment, au niveau gouvernemental et, tout
comme avec les autres musées, entre autres, on va demander une
participation assez grande au niveau des musées pour - comme on le dit
si bien des fois - se faire pardonner de demander autant. Parce que c'est
sûr que, nous, il faut payer non seulement le service de la dette, mais
l'hypothèque chaque année ainsi que le fonctionnement, ce qui
fait qu'à chaque fois qu'une grande institution nationale
s'établit c'est quand même énormément de sous et
récurrents aussi, chaque année.
Alors, au niveau de ce rayonnement de la cinémathèque en
région, parlez m'en donc un peu.
M. Saint-Germain: Actuellement, la Cinémathèque
québécoise, comme vous avez pu l'entendre tantôt, à
la lecture du mémoire, dispose d'une collection assez impressionnante de
films, de livres, de documents. Et cette documentation, ces livres et ces films
sont actuellement accessibles à très peu de gens, parce que nous
ne sommes pas équipés, sauf notre salle de 194 places ou 193, M.
le directeur. Nous n'avons pas de lieu capable de recevoir des masses de
personnes.
Maintenant, le rayonnement en région demande également
à la cinémathèque des ressources à la fois humaines
et des ressources financières; c'est-à-dire partir et aller
projeter un film ou des films en région demande quand même du
personnel, demande également un budget assez important. Aller - je vais
céder la parole dans quelques instants à mon collègue,
Robert Deaudelin, qui a vécu ce type d'expérience - en
région organiser, je ne sais pas, un festival de cinéma de
répertoire pendant trois jours demande beaucoup d'énergie et
beaucoup d'argent. Faire des copies de film aujourd'hui peut coûter 4000
$ à 5000 $ à chaque fois qu'on
fait une copie.
Alors, le rayonnement en région est faisable dans la mesure
où il y a une augmentation des ressources humaines et une augmentation
des ressources financières. Je vais passer la parole à Robert qui
pourra vous donner plus de détails à ce sujet.
Ml. Daudelin (Robert): J'aurais une remarque préalable.
Dans le rapport Arpin, il y a un paragraphe qui touche très bien cette
question-là. C'est quand il fait mention de la nécessité
d'un véritable réseau culturel. Et, nous, ça fait
déjà plusieurs années qu'on a été
amenés à penser en ces termes-là du fait de notre
déception des opérations ponctuelles qu'on menait. On avait des
demandes de Chicoutimi, Sherbrooke, Rimouski, puis, on arrivait, mais toujours
de façon très limitée, à répondre à
ça. Il y a un cinéaste qui était notre invité
à Montréal, qu'on arrivait à amener à Chicoutimi
pour 24 ou 48 heures. Puis, après ça, on ne retournait pas
à Chicoutimi pendant un an et demi ou deux ans. (17 h 30)
Et les gens en région eux-mêmes étaient
déçus de ça. Et, nous, on restait beaucoup sur notre
appétit face à cette espèce de saupoudrage ponctuel
dépendant de la force de la demande. Ça fait déjà
un moment, donc, qu'on dit, chaque fois qu'on parle avec nos correspondants
à travers le Québec, qu'il faut trouver une solution à
plus long terme par rapport aux demandes répétées sur ce
terrain-là. Mais, quand on dit ça, on pense essentiellement aux
projections puis-qu'au niveau de la conservation des films, là, il n'y a
pas de problème. Évidemment, la production étant
massivement concentrée autour de Montréal, c'est plus simple d'y
répondre. Mais, ceci dit, on offre les mêmes services à des
cinéastes de la région de Québec, notamment, mais des
cinéastes d'Abitibi aussi profitent des mêmes services techniques
et selon la même gratuité que les cinéastes de la
région métropolitaine. Ça, c'est donc, à toutes
fins utiles, réglé.
En ce qui concerne la documentation, le centre de documentation, lui
aussi, offre déjà un certain nombre de services
téléphoniques ou par courrier à travers le Québec.
Bon. Nos collègues de la Côte-Nord étaient là tout
à l'heure. Je pourrais citer devant eux l'exemple des ciné-clubs
de cette région-là qui préparent leur documentation en
nous envoyant périodiquement leur programme en début de saison.
On leur bâtit des dossiers d'information qu'on leur poste et ils peuvent
néanmoins profiter de la documentation qui est disponible à la
Cinémathèque.
Là où les demandes viennent plus souvent et là
où nos réponses sont beaucoup plus modestes, c'est au niveau des
projections. Quand les gens pensent à la Cinémathèque, ils
pensent surtout à voir des films sur un écran et surtout des
films anciens ou à tout le moins des films qui ne sont plus en
distribution sur le territoire québécois. Et ça, c'est de
plus en plus dramatique puisque la vie des films, depuis l'avènement de
la vidéo, est de plus en plus courte et que les films n'existent de plus
en plus qu'en copies 35 millimètres, donc projetables presque
essentiellement dans des salies commerciales ou dans quelques campus de
cégep ou d'université.
Et, face à ça, la seule solution, c'est de bâtir un
réseau qui s'appuie sur des ressources aussi bien financières
qu'humaines qu'on n'a pas actuellement. Parce que quand Marcel évoquait
le problème du coût des copies, qui est un problème
très réel, ce problème-là se double du
problème du droit sur les copies. Parce que c'est très bien de
dire: On a plus de 25 000 titres dans la collection. Et c'est formidable qu'une
cinémathèque, sur un territoire relativement restreint comme le
Québec, ait réussi à rassembler autant de titres en moins
de 30 ans, mais ces titres-là, on en est les dépositaires, on
n'en est pas les propriétaires au sens légal du terme. Et
même si on a, dans certains cas, deux ou trois copies d'un classique
français ou américain, on ne peut absolument pas dire à
quelqu'un qui nous écrit de Chicoutimi: On vous envoie une copie par le
prochain autobus. C'est beaucoup plus complexe que ça. Et pour
solutionner ces différents problèmes-là, ça
supposerait un service particulier qui ne fait que ça, à la
Cinémathèque.
On a toujours rêvé, par exemple, et j'en ai parlé
régulièrement avec des collègues du ministère des
Affaires culturelles... L'image rêvée, c'est de prendre un
professeur de cégep qui enseigne déjà le cinéma et
d'obtenir, de son cégep ou du ministère de l'Éducation,
qu'il soit mis en disponibilité pendant deux ans pour bâtir avec
nous un projet comme ça, quelqu'un qui travaillerait déjà
en région, qui connaît les besoins, qui sait comment ça se
passe en région, qui bâtirait avec nous ce programme-là.
Nous, on assurerait l'encadrement technique et historique par rapport au
programme et, après ça, ça deviendrait accessible.
Mme Frulla-Hébert: Donc, ça, c'est au niveau de
l'action en région. Au niveau de l'internationalisation, aussi, vous
êtes associés, je pense, à la Fédération
internationale des archives du film de Belgique - c'est ça - et à
l'Association des cinéastes d'animation. Vous siégez aussi au
conseil comme représentant canadien. Parlez-moi donc du rayonnement,
justement, de la Cinémathèque au niveau international.
M. Daudelin: Vous me faites un cadeau en me posant cette
question-là parce qu'à ce chapitre-là la
Cinémathèque, plutôt modeste il y a 20 ans, très
rapidement s'est inscrite dans un réseau international, très
rapidement, vis-à-vis de la Fédération internationale des
archives du film, par exemple, a été une archive très
active. Je ne veux pas ramener ça à une histoire personnelle
mais, moi, je siège au comité direc-
teur de la Fédération depuis 1975, j'en ai
été le secrétaire général pendant six ans et
je préside la Fédération en question depuis un peu plus de
trois ans, maintenant. Mais, au delà de cette incidence, à
travers ce lieu de rencontre extrêmement important pour les
cinémathèques, la Cinémathèque
québécoise a trouvé là un canal extrêmement
important pour alimenter ses collections, amener au Québec des oeuvres
du patrimoine cinématographique international auquel on n'avait pas
accès avant. Un volet international de nos collections, notamment toute
l'époque du cinéma muet, ce qu'on a comme richesse dans nos
collections tient beaucoup à notre présence à la FIAF et
au programme d'échanges qu'on a avec les archives membres de la
FIAF.
Mais, inversement, par rapport au cinéma québécois,
ça a été une très heureuse conjoncture ça
parce que ces échanges-là, dans beaucoup de cas, nous ont permis
de déposer dans des grandes collections à Berlin, Moscou, Paris,
New York, Toulouse - il y a maintenant une vingtaine d'archives sûrement
à travers la planète avec lesquelles on a des échanges -
de déposer dans ces archives-là des films
québécois. Encore il y a 10 jours, on envoyait à la
cinémathèque française à Paris quatre ou cinq longs
métrages québécois: "Les vautours", de Labrecque; "Le
crime d'Ovide Plouffe", d'Arcand. C'est des politiques, ça, très
normalisées maintenant à la Cinémathèque et qui
font que le cinéma québécois, très
concrètement, avec des copies dans des collections, est présent
dans des grandes collections à travers la planète.
Au niveau des publications, on a toujours pratiqué le même
type d'échanges et les publications de la Cinémathèque se
retrouvent partout à travers le monde du fait de ces
échanges-là, mais c'est plus que nos publications, parce qu'il y
a des publications, comme le Dictionnaire du cinéma
québécois, qu'on a diffusées à travers le
réseau des archives, ou, autre exemple, les programmes des festivals qui
se tiennent périodiquement à la Cinémathèque, on
les poste à travers la planète chaque année
également.
Donc, la présence du Québec, du cinéma
québécois, des cinéastes québécois a
beaucoup bénéficié de l'activité, de la
présence très active de la Cinémathèque à la
FIAF, entre autres lieux.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Une première question que je vais vous
poser. J'en avais préparé trois là, mais j'ai plutôt
le goût de vous poser celle-ci. Bon, vous faites partie de ce que
j'appelle le grand réseau de la mémoire, et c'est très
important. Puis je vais vous poser la question intrinsèque là,
fondamentale, aucun des groupes n'y a échappé, mais je vais quand
même actualiser. Il y a quelques mois, Radio-Canada se
départissait, mais de façon vraiment on ne peut plus odieuse, de
plusieurs dizaines de milliers de disques 78 tours, sans aucun archivage. Je
veux dire, s'il y avait la notion dans notre droit criminel de crime culturel,
je pense qu'il faudrait peut-être inclure ceci. Et je sais pertinemment
qu'on a détruit énormément de films à Radio-Canada,
d'émissions des toutes premières époques, etc. Est-ce que
l'ONF est en train de faire la même chose? Je ne le sais pas là,
je ne suis pas à l'Intérieur de cette boîte-là. Mais
ce sont des organismes fédéraux, et des organismes
fédéraux pour lesquels le Québec n'a absolument aucune
juridiction. Mais ils sont par contre, compte tenu de leur chapeau
fédéral, détenteurs d'une production, d'une
création culturelle qui est québécoise. On ne peut pas
intervenir. Le seul moyen d'intervenir, c'est que nous ayons pleine et
entière juridiction sur ces organismes. On a appelé ça
ici: rapatriement des pleins pouvoirs.
Au niveau de la Cinémathèque, pour vous, c'est quelque
chose que vous supportez entièrement ou vous avez des
réserves?
M. Saint-Germain: II n'y a aucun doute que ce que vous venez de
dire au sujet d'archives, pas seulement à Radio-Canada, mais
également dans les réseaux privés de
télévision, est peut-être pour nous, de la
Cinémathèque, qui sommes conscients de l'Importance de la
mémoire de l'image, peut-être un des actes les plus
désolants. Je n'emploie pas un autre mot que "désolant". J'ai
personnellement - dans une autre vie - récemment eu le privilège
de fouiller dans des archives à Radio-Canada pour chercher des documents
audiovisuels humoristiques, et j'ai eu l'affreuse surprise de constater
jusqu'à quel point on avait carrément fait disparaître des
années. J'appellerais ça des années-lumière, quand
on parle de cinéma. C'est très désolant.
Maintenant, bien sûr que le pouvoir du Québec dans ce
domaine n'est pas là présentement. Est-ce que si le Québec
avait eu ce pouvoir rien ne se serait effacé? On est en pleine
hypothèse, je n'en sais rien. Pour l'avenir, nous, de la
Cinémathèque, vous le savez très bien, les membres de la
commission, que nous dépendons de trois sources de financement dont,
principalement, le gouvernement du Québec. Si je regarde les subventions
que nous recevons, je crois que c'est plus de 70 % de nos subventions qui
viennent du gouvernement du Québec. Mais, par contre, nous recevons
également des subventions du Conseil des arts du Canada ainsi que du
Conseil des arts de la région métropolitaine de Montréal.
L'idéal, ce serait probablement d'avoir une seule source de financement,
d'aller à un seul endroit, un peu comme le disait un
prédécesseur, ici, d'avoir une seule licence, d'avoir un seul
lieu où demander. Ce qui nous importe, nous, c'est d'arriver avec une
subvention suffisante pour faire en sorte que la Cinémathèque
puisse assurer sa pérennité et sa permanence.
M. Boulerice: Oui, M. Daudelin.
M. Daudelin: Je voudrais juste compléter, M. Boulerice,
à deux niveaux. D'une part, la Cinémathèque
québécoise que vous recevez aujourd'hui s'est appelée,
jusqu'en 1970 ou 1971, la Cinémathèque canadienne. Quand il y a
eu ce changement de nom, l'assemblée générale qui a
approuvé ça l'a fait avec une volonté très
précise de définir un territoire de travail où les
responsabilités de la Cinémathèque devenaient lourdes,
c'est-à-dire qu'on désignait bien le territoire dont le
patrimoine nous incombait et il fallait sauvegarder ce patrimoine-là.
Notre mandat, depuis ce temps-là, a été très
rigoureux, ce qui fait que, pour revenir à vos exemples concrets, qui
sont très pertinents, l'Office national du film, par exemple, où
la première vraie génération de cinéastes
québécois a fait ses premiers films, c'est sûr que
ça nous importait beaucoup. Effectivement, ce n'est pas en termes de
juridiction qu'on peut intervenir dans un lieu comme ça, mais ça
s'est fait au niveau des individus et même au niveau institutionnel,
jusqu'à un certain point, parce que, au-delà du fait que beaucoup
de cinéastes travaillant à l'ONF nous ont déposé
très régulièrement des films, l'ONF, comme Institution,
notamment à l'occasion de notre 25e anniversaire, comme geste, comme
cadeau d'anniversaire nous avait remis toute la production de l'animation
française depuis que l'ONF existait, ce qui était un cadeau assez
copieux. Donc, il y a des gestes de cette nature-là.
Avec Radio-Canada, c'est beaucoup plus complexe parce qu'il s'agit de
télévision. Il s'agit, à partir d'une certaine
époque, de 1963, 1964, de supports vidéo dont on connaissait mal
la nature et qui se sont avérés des supports extrêmement
fragiles de sorte que, quand on a commencé à vouloir les
protéger, ils étaient, dans bien des cas, déjà
détruits ou en partie effacés. Puis, est intervenue, à
travers ça, la loi fédérale sur les archives, ce qui fait
que Radio-Canada, comme l'ONF, est automatiquement, en principe, en tout cas,
archivée par les Archives nationales du Canada. C'est sûr qu'il y
a tous ces facteurs-là et, par rapport à Radio-Canada, les petits
morceaux d'histoire de la télévision canadienne, au
Québec, ou québécoise dans le réseau Radio-Canada
qu'on a pu sauver, c'est ce qui s'est fait sur film au début de la
télévision dans des petites sociétés de production
qui produisaient à l'extérieur de Radio-Canada. Ça, on a
quelques éléments de ces créneaux-là, mais on admet
que c'est malheureusement assez symbolique.
M. Boulerice: Est-ce que nos lois protègent bien? On a
parlé, là, de sociétés, peu importe leur statut,
mais au niveau des collections privées, est-ce que nos lois nous
protègent bien contre, appelons-le, le saccage culturel, la
disparition?
M. Daudelin: Les lois nous protègent. La Loi
québécoise sur le cinéma nous protège relativement
bien dans le sens que, dans l'article 7, elle fait obligation à tout
producteur, au Québec, d'accepter qu'une copie soit tirée pour
fins de dépôt, pour fins de conservation à la
Cinémathèque, si la Cinémathèque
québécoise décide de lui en faire la demande. Et cet
article-là s'accompagne, depuis déjà quatre ou cinq ans,
d'une subvention spéciale qui est maintenant de l'ordre de 100 000 $,
qui nous permet, à toutes fins pratiques, de tirer des copies de tous
les longs métrages de la production québécoise à
mesure qu'ils se produisent et d'un bon nombre, d'un échantillon
très respectable de la production de courts métrages. Donc, de ce
point de vue, c'est assez rassurant et, comme on a pu faire des coupes, dans le
passé, je pense que notre bilan est assez positif. (17 h 45)
Là où c'est plus inquiétant, et votre exemple de 78
tours de Radio-Canada recoupe ça aussi, c'est la production
étrangère qui fait aussi partie de notre héritage
culturel. Les Québécois voient plus d'images importées que
d'images produites chez eux, comme à peu près tout le monde
à travers la planète désormais. Or, ces images-là
nous échappent beaucoup. C'est notamment le cas très ironique du
cinéma américain. Vous disiez: Radio-Canada a détruit des
78 tours. À Montréal, chaque semaine, on détruit plusieurs
centaines de copies, dans bien des cas flambant neuves, de films
américains parce que, comme vous le savez, les États-Unis
considèrent, dans le cas du cinéma, que le Québec ou le
Canada dans son ensemble fait partie du marché domestique et,
conséquemment, ne font pas de dépôt ici. On a essayé
par toutes les portes, même avec des interlocuteurs qui étaient
très accueillants; on n'a jamais réussi à percer cette
muraille-là. Donc, on sait que chez Victoria Shipping, à
Montréal, il y a un "container" qui ne désemplit pas. Il y a
beaucoup de films là-dedans qui peuvent disparaître sans que
ça ne nous fasse trop de peine mais, par contre, il y a des films
très estimables qui devraient rester ici parce que des milliers de
Québécois vont les avoir vus et dans 50 ans, quand on va vouloir
évoquer le succès d'un film américain que tout le
Québec a vu, il n'y aura plus de trace pour l'évoquer. Ça
va être des souvenirs ou une mention dans un écrit, mais le film
comme tel ne sera pas resté sur le territoire
québécois.
M. Boulerice: Brièvement, puisque je sens que le
président va jouer du couperet, et c'est le rôle odieux de sa
fonction, parlez-moi du musée de l'image en mouvement. Je vous avoue que
je trouve l'Idée extrêmement séduisante, mais ce serait
quoi pour vous?
M. Saint-Germain: Je la trouve tellement séduisante que je
vais confier la parole à ma voisine de gauche, qui en est un peu la
maîtresse d'oeuvre chez nous à la cinémathèque.
Mme Leclerc (Stéphane): C'est beaucoup dire.
M. Saint-Germain: C'est beaucoup dire, mais c'est vrai.
Mme Leclerc: Donc, je vais être très brève
moi aussi. Vous pourrez, si vous le voulez, poser d'autres questions. C'est un
musée qui s'intéresse au cinéma, à la
télévision et à la vidéo et, comme on dit, aux
nouvelles technologies de l'image. Donc, l'expression "image en mouvement"
essaie de recouvrir l'ensemble des oeuvres produites par ces différentes
techniques et c'est un musée qui est interdisciplinaire, c'est un
musée extrêmement contemporain. Dans le mémoire, on dit
qu'il y en a très peu au monde; c'est vrai, il y en a un à
Londres, un à New York présentement et, nous, on est à
l'avant-garde de ce mouvement-là, si on peut s'exprimer ainsi, puisque
nous ambitionnons de réaliser un pareil musée. Il n'y en a aucun
au Canada actuellement. Il y en a deux dans le monde que l'on connaît
présentement. On sait que la cinémathèque française
a également un projet.
Donc, c'est un musée qui est multidis-ciplinaire dans ce sens
qu'il s'adresse à la fois au grand public et aux cinéphiles. Ce
musée-là essaiera de rejoindre beaucoup plus de monde, comme le
mémoire s'emploie à le dire à plusieurs reprises.
J'espère que je réponds suffisamment. Peut-être que Marcel,
vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Saint-Germain: J'ajouterais qu'il est interdisciplinaire. Je
répète un peu ce qui a été dit dans le
mémoire, c'est qu'il est a la fois scientifique, technique, artistique
et il touche la civilisation. Aussi, ce qui est très important, c'est
que c'est le seul avenir que nous voyons maintenant à la
Cinémathèque, c'est-à-dire que la
Cinémathèque dispose, on l'a dit tantôt, de 25 000 films,
dispose d'une documentation phénoménale qui est, en fait,
accessible à peu de gens, à des professionnels, à ceux qui
viennent, comme nous l'avons dit dans le dernier rapport annuel. Il y a eu 4500
lecteurs qui sont venus au centre de documentation de la '
Cinémathèque cette année. Vous vous imaginez, un
musée de l'image en mouvement qui aurait une salle de lecture aussi
où tous les documents seraient accessibles. Quand vous pensez simplement
à l'exposition des affiches de cinéma qui fait rage, vous allez
dans n'importe quelle capitale dans le monde actuellement et on les vend. On en
a des milliers à la Cinémathèque. En fait, ce dont nous
disposons à la Cinémathèque doit être montré,
doit être vu, doit être senti, il doit y avoir une interaction,
ça doit être accessible au grand public. C'est un peu dommage...
pas dommage, c'est un peu ironique. Habituellement, on construit des
musées et, ensuite, on dépense des millions pour y accrocher
quelques oeuvres, plusieurs oeuvres même; dans notre cas, nous avons les
oeuvres, elles sont là, mais il n'y a pas de lieu, il n'y a pas de
public.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Germain. En guise
de conclusion, quelques mots de remerciement, M. le député.
M. Boulerice: Très brièvement, merci. De toute
façon, nous sommes voisins. Vous avez toujours la délicatesse de
m'inviter à chacune de vos manifestations. Quand il n'y a pas
d'activités parlementaires, vous comprendrez que c'est très
rapide de continuer le boulevard de Maisonneuve et m'y rendre. L'exposition sur
les affiches était effectivement très belle. Je dis que notre
commission a des mandats dits de surveillance. Il ne faut pas prendre le mot au
pied de la lettre. Je crois que ça serait intéressant que l'on
revoie les gens de la Cinémathèque qui pourraient nous parler
plus longuement de leurs réalisations et de celles futures. Mais, ce que
je retiens aussi, c'est que, bon, il ne faut pas prendre le mot, encore
là, plus qu'il ne le faut. La Cinémathèque souhaiterait
d'être le plus grand vldéoclub, le plus grand cinéma et la
plus grande bibliothèque spécialisée dans le domaine du
film qu'on aurait au Québec. C'est ça votre musée de
l'image en mouvement. On va en rediscuter bientôt.
M. Saint-Germain: J'espère.
M. Boulerice: M. Saint-Germain, Mme Leclerc, M. Daudelin, si le
président me le permet, juste une petite blague. Vous avez fait allusion
à une vie passée; compte tenu des blagues atroces que vous avez
faites sur ce personnage, vous avez remarqué que la
députée de Verchères n'a pas dit un mot.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, à vous maintenant.
Mme Frulla-Hébert: Merci de votre présentation.
Vous savez que le musée, de toute façon, nous tient à
coeur. Et, effectivement, on est en train d'attacher les ficelles, comme je
vous l'avais promis l'année dernière. Ceci dit, je pense que ce
serait un très grand apport pour Montréal que d'avoir une
institution de ce genre qui est, en fait, presque unique au monde, certainement
unique au Canada, et vous le savez, vous avez notre support et notre appui. Il
s'agit juste maintenant, chacun de son côté, de faire nos
devoirs.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la
ministre. Aux gens qui ont bien voulu nous faire part de leur point de
vue en ce qui concerne la Cinémathèque, if me reste à vous
remercier au nom des parlementaires, vous souhaitant un bon voyage de retour et
vous permettant maintenant de vous retirer, merci beaucoup.
La commission va maintenant entendre le dernier groupe pour cet
après-midi. Il s'agit du Conseil des monuments et sites du
Québec. Je les invite à bien vouloir s'avancer et à
prendre place à la table qui vient d'être quittée par les
gens de la Cinémathèque.
Maintenant que vous avez pu vous installer - je sais que vous êtes
ici depuis quelques minutes - je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues.
Vous connaissez la façon dont nous procédons. Nous allons
procéder de la même façon avec vous. Je vous signale en
passant que le mémoire que vous avez remis au Secrétariat des
commissions a été distribué à tous les
parlementaires, a fait l'objet de lecture et d'examen de la part de ces
mêmes parlementaires, et particulièrement de la part de Mme la
ministre et du critique officiel de l'Opposition. Si vous voulez
procéder par voie de résumé, libre à vous. Donc,
vous disposez de 10, 15 minutes pour nous faire part de votre point de vue et
ensuite la discussion commencera avec vous autres. Vous avez la parole.
Conseil des monuments et sites du
Québec
Mme Gagnon-Pratte (France): Mme la ministre, je fais remarquer en
passant que le mémoire a été déposé il y a
quelques secondes.
Le Président (M. Doyon): Un nouveau mémoire?
Mme Gagnon-Pratte: C'est le mémoire. L'autre était
un exposé des positions qu'on nous a demandé au début. Le
mémoire est dans vos mains à la minute actuelle. SI vous voulez
suivre le cheminement de notre philosophie, vous l'avez dans vos mains.
Le Président (M. Doyon): Juste pour les fins du Journal
des débats, vous voulez bien présenter les gens qui vous
accompagnent, Mme la présidente, s'il vous plaît?
Mme Gagnon-Pratte: Certainement. A ma gauche, M. Paul
Trépanler, rédacteur en chef du magazine "Continuité".
À ma droite, Mme Denise Plché, urbaniste, professeur à
l'École d'architecture; M. Georges Guimond, ingénieur, membre du
conseil d'administration du Conseil des monuments et sites du Québec, et
M. André Bergeron, restaurateur en oeuvres d'art, membre du conseil
d'administration du Conseil des monuments et sites du Québec, et
mol-même.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Gagnon-Pratte: Le Conseil des monuments et sites du
Québec a été créé en 1975 comme organisme
privé afin de promouvoir l'étude et de favoriser la conservation
et la mise en valeur des monuments et des sites ainsi que d'éveiller et
de développer l'intérêt des autorités et de la
population du Québec à l'égard de leurs monuments et de
leurs sites passés et présents. Les domaines auxquels le Conseil
s'Intéresse sont définis dans ses statuts. Ils comprennent, outre
les monuments d'intérêt historique, archéologique,
esthétique et ethnographique, immeubles par nature ou destination, les
sites d'art et d'histoire, les sites archéologiques et les centres
urbains anciens.
Aujourd'hui, les objectifs du Conseil se sont élargis à
l'ensemble du champ patrimonial. Le Conseil des monuments et sites du
Québec fait la promotion du patrimoine, de sa connaissance, de sa
conservation et de sa mise en valeur, et il oeuvre à éveiller et
à développer l'intérêt des autorités et de la
population du Québec à l'égard de leur patrimoine.
Le Conseil des monuments et sites du Québec considère le
rapport Arpin comme une étape importante en vue de
l'établissement d'une politique culturelle au Québec. Nous
donnons notre accord de principe aux trois finalités de la politique
culturelle qui sont de développer le domaine des arts et de la culture,
de favoriser l'accès à la vie culturelle et d'accroître
l'efficacité de l'intervention du gouvernement et de ses partenaires
dans la gestion de la mission culturelle.
Vouloir intégrer la culture dans le quotidien des
Québécois et de l'appareil gouvernemental au même titre que
les dimensions sociales et économiques nous semble un défi
très mobilisateur et plein de promesses pour l'avenir. Toutefois, le
Conseil des monuments et sites du Québec reste très perplexe
devant le renversement soudain de l'Interprétation du concept de culture
dans les orientations du rapport Arpin. Dans sa forme actuelle, ce rapport nous
paraît être davantage une proposition de politique des arts et des
lettres qu'une véritable politique de la culture.
Pour le Conseil des monuments et sites du Québec, les
orientations proposées à l'intérieur de chacune des trois
finalités sont intéressantes, mais nettement insuffisantes
puisqu'elles ne considèrent que les activités reliées
à la création et négligent, par exemple, la
création du cadre bâti. On semble rapidement oublier que la
création d'aujourd'hui, le patrimoine au futur, provient d'une
façon ou d'une autre du patrimoine du passé, passé. Si la
situation des arts et des industries culturelles est pénible, que dire
alors de la situation des intervenants en patrimoine. L'urgence existe
également dans ce secteur car le manque de planification imposé
par des conditions financières pénibles ne nous permet que des
actions à court terme. Aucune stabilité n'existe à l'heure
actuelle et la planification à long terme
essentielle en matière de patrimoine est tout à fait
impossible dans ce contexte.
Maintenir la compétence professionnelle dans le domaine de la
culture signifie qu'il faut accroître l'accessibilité à la
formation et au perfectionnement pour tous les gestionnaires et les
intervenants culturels, aussi bien en création, en muséologie
qu'en patrimoine. Un faible niveau de rémunération, question
intimement liée au financement des organismes, ne facilite en rien leur
développement harmonieux. Assurer la continuité devient donc
difficile en raison du taux de roulement élevé des personnels.
Dans un tel contexte, même les meilleures initiatives s'épuisent.
Le pouvoir attractif de ce secteur, au niveau de l'emploi, est également
très faible en raison du sous-financement chronique et de la
quantité parfois phénoménale de bénévolat
que la pratique du patrimoine impose au candidat éventuel.
Par exemple, en aparté, vous n'êtes pas sans savoir que le
gouvernement fédéral, lorsqu'il a fondé l'organisme qui
ressemble au Conseil des monuments et sites du Québec, la Fondation
canadienne pour la protection du patrimoine, la dotait d'un fonds de 13 000 000
$. Vous n'êtes pas sans savoir que le financement global du Conseil des
monuments et sites du Québec, qui oeuvre à la grandeur du
territoire, n'atteint même pas 200 000 $ par année. (18
heures)
L'idée d'établir un réseau culturel sur l'ensemble
du territoire est a priori intéressante et le rapport Arpin souligne
l'inégale répartition des ressources et des organismes culturels
au Québec. Nous émettons cependant de nombreuses réserves
quant au découpage proposé qui semble suggérer que
Montréal crée le contenu, Québec le pense et que
l'ensemble régional, quant à lui, constitue le réceptacle
de la création. Concevoir les régions comme un ensemble
homogène nous semble inapproprié. Encore ici, le réseau
culturel projeté s'intéresse davantage aux activités de
création artistique, lettres et arts. La façon dont le rapport
met l'accent sur le développement spécifique des arts à
Montréal et à Québec n'est certainement pas
appropriée en matière de cadre de vie et de patrimoine. Ces
notions sont essentiellement civiques et démocratiques. Montréal
et Québec ont, bien sûr, leur spécificité, mais
comme toutes les autres collectivités du Québec.
Quant au développement de l'éducation culturelle, le
Conseil des monuments et sites du Québec est d'avis que le
ministère des Affaires culturelles doit veiller au développement
des arts à l'école, mais également à
l'éducation et à la sensibilisation des jeunes au patrimoine et
à l'histoire. Plus les jeunes seront éveillés tôt
à leur environnement culturel, plus les efforts visant à une
véritable démocratisation culturelle auront des chances
d'aboutir. Pour favoriser l'accès à la culture dans le domaine,
par exem- ple, du cadre bâti, il faut le conserver, le développer,
l'habiter. Favoriser l'accès à la culture, c'est aussi
éduquer autant les élus et les promoteurs que les citoyens. La
perte des savoirs en matière de conservation du patrimoine et de
création du cadre bâti est telle, au Québec, que seule une
réflexion collective nous permettra de réapprivoiser l'art
d'aménager notre milieu de vie.
Il nous faut donc prendre conscience, comme peuple, que tout ce qui
disparaît aujourd'hui contribue a effacer lentement mais sûrement
notre mémoire collective. C'est pourquoi la diffusion des connaissances
sur le patrimoine et l'histoire devrait s'effectuer en collaboration
étroite entre le ministère de l'Éducation, le
ministère des Communications et Radio-Québec, ainsi
qu'après consultation des organismes concernés en patrimoine.
Le Conseil est en accord avec le rapport Arpin lorsque ce dernier
suggère l'élaboration de politiques en vue d'accroître
l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la
mission culturelle. Nous croyons qu'une politique de la culture, pour
être opérationnelle, devrait être composée d'un
ensemble de politiques sectorielles. Tous les champs de la culture doivent
être concernés par ces politiques sectorielles, sans restrictions.
Le secteur du patrimoine doit lui-même englober de nombreux volets, tels
le cadre de vie bâti et naturel, les monuments et les sites,
l'archéologie, l'ethnologie et tout le vaste champ du patrimoine
intangible.
Dans le rapport Arpin, page 167, on lisait: 'Toute cette richesse
conservée dans les musées, dans les quartiers anciens, dans
l'histoire, dans les bibliothèques et aux archives représente un
gisement exceptionnel. Cette mémoire du patrimoine, c'est la culture
matérielle qui traverse les âges pour être transmise
à nos enfants."
Ce paragraphe extrait du rapport semble suggérer que la culture
matérielle se préserve de façon spontanée.
Hélas, tous les matériaux constitutifs des biens patrimoniaux
sont constamment soumis à un processus de dégradation inexorable
en l'absence de mesures de conservation appropriées. Le Conseil des
monuments et sites du Québec est d'avis que l'omission des questions
liées à la conservation constitue un oubli majeur pour une
politique de la culture. De par son rôle actuel, le ministère des
Affaires culturelles possède une responsabilité nationale
d'assurer vie aux témoignages qui font de nous une société
distincte. En ce sens, le Conseil des monuments et sites voudrait insister pour
que le ministère des Affaires culturelles reprenne la gestion en
maître d'oeuvre de tout l'environnement bâti et naturel de la
province de Québec. La récente loi 43 sur les politiques du
ministère des Affaires culturelles qui se délestait de ses
responsabilités en faveur des municipalités a eu des
répercussions extrêmement graves sur l'ensemble du patrimoine
québécois.
L'ensemble des recommandations n'est pas de nature, d'autre part,
à soutenir l'épanouissement culturel en matière de
patrimoine bâti et naturel ni en matière d'architecture, de design
urbain et d'urbanisme. On semble prendre pour acquis que notre patrimoine
artistique, architectural, urbain, ethnologique, archéologique et
archMstique reçoit un traitement permettant à la population
québécoise de connaître son histoire. La
réalité est toute différente.
Une politique culturelle doit nécessairement inclure une
politique de la conservation et se situer à l'Intersection de la majeure
partie des politiques sectorielles devant être développées
par le ministère des Affaires culturelles. La conservation
possède un volet important en tout ce qui touche le patrimoine tangible
ainsi que pour tout ce qui touche les activités de diffusion et
d'interprétation. Pourquoi ne pas l'associer également à
tout ce qui sera demain patrimoine, en y incluant la création
artistique. La conservation devrait constituer un ciment, un
dénominateur commun pour tout ce que le Québec a produit,
crée actuellement et créera dans le futur. Loin d'être la
responsabilité d'un seul organisme, les objectifs de conservation
devraient être une seconde nature lors de toute activité qui
implique le ministère des Affaires culturelles.
La conservation du patrimoine est l'oeuvre de centaines de citoyens qui
y consacrent toutes leurs énergies, mais la politique de rationalisation
semble viser les grandes institutions. Or, l'expérience du milieu de la
conservation du patrimone montre bien l'intérêt et la
nécessité du travail fait à la base dans les
différents coins du Québec. Il faut trouver les moyens de
soutenir ce travail. Sans politique de conservation, on assiste à
l'apparition d'un mystère de l'immédiat culturel, sans profondeur
dans le passé et sans perspective d'avenir. Il faut élargir la
conception de la culture et, surtout, élargir les perspectives d'un
ministère de la culture à autre chose que la bonne gestion des
programmes de soutien à certains types de créateurs et à
certaines organisations culturelles.
Pour le Conseil des monuments et sites du Québec, il est
impératif, tel que le suggère le rapport Arpin, que le
gouvernement considère la culture comme un élément moteur
du développement collectif et qu'il imprègne toute son action de
cette conviction. Le ministère des Affaires culturelles devra cependant
associer à toute politique culturelle dont le développement
serait axé uniquement sur le contenu du rapport Arpin des projets de
politiques de patrimoine, de muséologie et de conservation qui seraient,
eux aussi, soumis à un vaste exercice de consultations et d'audiences
publiques, comme dans le cas présent.
Agir autrement pour le ministère des Affaires culturelles
consisterait à nier une partie importante de ce cadre de vie qui devient
de plus en plus précieux parce que de plus en plus menacé. Parler
de patrimoine, de monuments et sites en 1991, ce n'est pas parler uniquement de
ceintures fléchées et de raquettes. C'est avant tout parler d'un
vaste réseau d'institutions, de sociétés, d'organismes
composés de gens bien vivants et qui possèdent une vision
particulière d'une société en voie de se redéfinir.
Il importe de se rappeler que ce n'est qu'une petite partie de ce que nous
considérons comme important aujourd'hui qui sera préservée
dans le futur.
Nos objectifs culturels sont donc futiles s'ils ne s'accompagnent pas de
mesures concrètes, destinées à optimiser la
préservation de cet héritage du passé dont nous avons
aujourd'hui la plus grande responsabilité. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci madame. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Pratte. Bienvenue. Je
voudrais vous rassurer, d'ailleurs, que, dans mon esprit, le patrimoine
architectural et naturel fait autant partie de la politique globale sur la
culture que la danse, la musique, récriture. Il y a une chose qu'on peut
apprendre, par exemple, du Canada anglais et vous avez raison, toute la
question de "heritage", "heritage fund", "heritage"... Les fondations, c'est
beaucoup plus dans leurs moeurs - de toute façon, s'il y en a qui
peuvent nous le dire, c'est bien vous - qu'ici, au Québec, où c'a
été longtemps... On a parlé longtemps, finalement, de
vieilles pierres... On n'a pas ce sentiment - je pense qu'on le
développe maintenant de plus en plus - et on n'avait pas cette histoire,
cet historique de préservation ou de conservation. On vient de voir...
la Cinémathèque, c'est la même chose. Détruire des
émissions de télé, ça n'a pas de bon sens.
C'était aussi notre patrimoine, et on ne les a plus. Ça,
évidemment, ce sont des organismes tels que le vôtre qui font en
sorte que les gens soient très conscients.
Je vais faire une mise au point, par exemple. La loi 43, dont vous
parlez, a modifié la Loi sur les biens culturels par l'ajout tout
simplement d'un nouveau chapitre qui permet aux municipalités de
s'impliquer dans le domaine de la protection du patrimone. D'aucune
manière la loi n'a constitué une quelconque
délégation des pouvoirs du MAC vers les municipalités.
C'est parce que, de plus en plus, maintenant, on parle de partenariat. On veut
que les gens aussi embarquent, parce que, encore là, on parlait de la
tendance chez nos amis anglophones qui parlent de "heritage"; bien, quelque
part, ça vient toujours d'en haut et ce n'est jamais à partir de
la volonté populaire et des instances, aussi, qui sont très
près des... ou encore plus près des citoyens
québécois. Si on ne fait pas tout ça tous ensemble, en
bout de ligne, on n'arrivera jamais à développer, justement, ce
sentiment d'importance. Donc, ce n'est pas du tout un délestage de
pouvoirs ou une délégation de
pouvoirs, au contraire, c'est de leur permettre, aux
municipalités, d'être partenaires avec nous.
Dans ce sens, on a signé à peu près 400 ententes
avec les municipalités et il y a des municipalités qui
s'impliquent. Je suis d'accord avec vous, mais, autant dans le cas des
bibliothèques que dans d'autres cas, il y a des municipalités qui
s'impliquent moins. Mais on aperçoit aussi un changement de
mentalité au niveau des maires et des municipalités qui fait que
la culture, maintenant, pour eux... Donc, préservation du patrimoine,
muséologie, etc., deviennent importantes. Mais moi, j'aimerais que vous
élaboriez là-dessus parce que, un moment donné...
En tout cas, dans ce qu'on avait, avant, comme documentation, vous avez
porté un jugement global qui est dur sur les municipalités et je
voudrais qu'on s'y arrête. J'aimerais savoir, cette préoccupation
à l'égard des municipalités se fonde sur quelle
problématique? Nous, on veut pousser les municipalités à
s'embarquer et à être conscientes de leur patrimoine. À ce
moment-là, c'est le partenariat. Mais vous semblez réticents face
à ça, ou enfin dû peut-être à des
expériences antérieures, mais j'aimerais qu'on en parle.
Mme Gagnon-Pratte: Je voudrais expliquer, Mme la ministre, que
nous avons chaque année 150 dossiers de protection du patrimoine dans
les municipalités et, à la base de tous nos dossiers, ce sont les
maires qui ne connaissent pas la loi sur le patrimoine, qui ne connaissent pas
leurs devoirs et qui mettent le point de vue économique bien auparavant
de conserver des anciennes maisons. Vous avez le cas, récemment,
à Pont-Rouge, où une maison ancestrale a été
démolie pour faire un Jean Coutu et vous avez cet exemple qui se
répète, non pas dans les grandes villes, bien que ça
arrive constamment... Vous pensez à l'église St. Patrick's
à Québec qui a été remplacée par
l'îlot Saint-Patrick devant votre ministère. Mais, dans toutes les
municipalités, je crois que les maires considèrent qu'il est de
leur devoir, en matière de patrimoine, non pas de mettre en valeur leur
église, mais de prendre les monuments qu'ils ont, comme une
église, un presbytère, et de les rendre économiquement
viables en les démolissant ou en les transportant. On a eu un patrimoine
à roulettes assez important, où les maires ont
déménagé les maisons ancestrales en dehors de leurs
villages pour ne pas avoir à s'en préoccuper. Nous avons eu aussi
un patrimoine qui a été totalement détruit, dans la
province de Québec, récemment, dans les cinq dernières
années, de façon vraiment sauvage par les maires qui
considéraient qu'ils avaient besoin d'espace pour mettre des Jean Coutu,
des McDonald's et, surtout, des caisses populaires neuves et des
stationnements.
Pourquoi nous sommes peut-être assez agressifs? C'est que nous
vivons journalièrement ce problème puisque de toute la province
nous avons 150 dossiers en cours et si je vous envoyais copie des 150
dossiers... Je crois, d'ailleurs, que vous avez copie de presque toute ma
documentation.
C'est navrant de voir comme les maires ne sont pas conscients de leurs
responsabilités, comme si la loi 43 leur avait été
offerte, mais sans préalable, sans législation appropriée,
sans mesures de contrôle et sans moyens financiers, peut-être, pour
mettre en valeur le patrimoine et non pas le détruire. Je crois que la
plupart des maires, sauf quelques-uns... Je dirais au maximum un dixième
des maires sont conscients de la responsabilité qui leur incombe
maintenant de protéger leur patrimoine. Pour eux, protéger leur
patrimoine, ce n'est pas protéger les choses intéressantes, les
points de vue, les sites naturels ou les bâtiments d'intérêt
patrimonial, c'est plutôt mettre en valeur leur village de façon
économique. Je crois qu'il y a un très gros problème
d'éducation à faire auprès des municipalités.
Mme Frulla-Hébert: Mme Courchesne me disait qu'on met 11
000 000 $ par année, au niveau de la restauration du patrimoine,
excluant Québec et Montréal, donc les deux grands centres parce
que Québec, évidemment, c'est assez spécial, et
Montréal aussi. Mais est-ce que vous y voyez une évolution? Vous
savez, on a des demandes, nous, d'une part. Deuxièmement, on est aussi
protecteurs dans un sens où, bien souvent, on a énormément
de pressions de la part du milieu, de la part de nos collègues aussi,
qui, eux, ont des pressions de la part du milieu. On s'oppose, bon, parce que
telle maison est classée ou, enfin, en voie de classement, etc., et ce
n'est pas toujours facile non plus de notre côté. Mais il me
semble qu'on voit quand même une certaine évolution dans la
mentalité. Vous savez, la mentalité des maires change au fur et
à mesure que la mentalité des gens change aussi, là. Mais
est-ce que je me leurre? Nous, je sais qu'on sent ça, mais,
évidemment, dans certaines municipalités plus que d'autres. (18 h
15)
Mme Gagnon-Pratte: Je crois que les municipalités
où les gens sont plus sensibles à leur patrimoine,
peut-être que le patrimoine est plus visible et plus actuel. Cependant,
ce que les maires ne comprennent pas, c'est que mettre en valeur le patrimoine,
ce n'est pas nécessairement y investir de grandes sommes d'argent. Je
pense que Mme Piché, qui est spécialiste en urbanisme, pourrait
peut-être vous répondre autant que mol sur ce sujet.
Mme Piché (Denise): Le rapport Arpin a ouvert une avenue
intéressante en amenant la question du cadre de vie, la question du
patrimoine dans quelques pages, dans la section qui parle de favoriser
l'accès à la culture. Je pense que, dans les pages que M. Arpin a
probablement écrites lui-même, il y a quand même un
constat
assez important sur l'état du cadre de vie comme un
élément de culture.
Il faut dire qu'au Québec toute la question de
l'aménagement, de la création et de la conservation du cadre
bât) est une question qui est gérée par les lois qui
relèvent plus du ministère des Affaires municipales, par les lois
sur l'aménagement du territoire. En quelque sorte, c'est comme si, dans
le passé, la question culturelle de création et de conservation,
de mise en valeur du cadre bâti n'avait pas été
considérée comme étant très importante. Ça a
comme été un élément relativement absent des
politiques culturelles. Alors, dans le rapport Arpin, on voit la porte s'ouvrir
d'une certaine façon, mais, en même temps, on voit aussi que
l'ensemble des recommandations du rapport n'ont pas été relues
à la lumière de cet élément important de la culture
qu'est le cadre culturel de vie, tel qu'il est appelé dans le
rapport.
Alors, ça serait important de revoir, d'une certaine
façon, si l'ensemble des mesures qui sont proposées dans le
rapport sont susceptibles, d'une certaine façon, d'améliorer ces
deux pans très importants de la culture. On pense que, dans une certaine
mesure, le soutien aux artistes, le soutien aux industries culturelles, tout
ça a été pensé en fonction des arts et des lettres,
beaucoup plus qu'en fonction de ces deux aspects dont nous parlons
aujourd'hui.
Il faut dire aussi que du côté des municipalités les
gens ont été formés dans ce que j'appellerais des
politiques d'aménagement de type planification. Ce qui a
été important, depuis une trentaine d'années, avec la
modernisation, ça a été les réseaux de services aux
municipalités, les autoroutes, les aqueducs, etc. Là, maintenant,
c'est l'environnement. Dans tout ça, la part du milieu de vie comme
milieu culturel, ça n'a pas beaucoup de place. Il y a une perte de
savoir absolument énorme au Québec sur le plan de
l'aménagement des villes, sur le plan de ce que c'est qu'une forme
urbaine, ce que c'est qu'une rue, ce que c'est qu'une place publique, ce que
c'est qu'un monument, un quartier ancien qui est vécu parce qu'un
monument ancien - et ça, c'est peut-être le danger dans les
municipalités - c'est qu'on voit les monuments comme des lieux à
muséifier. On connaît ce qui est arrivé à la place
Royale à Québec. Le patrimoine bâti est un patrimoine
habité. S'il n'est pas habité, il n'est plus partie du patrimoine
vivant dans lequel nous vivons. Donc, c'est assez important de
considérer aussi cet aspect actif du patrimoine. C'est avantageux de
voir que le rapport Arpin le met sur la table, mais, d'un autre
côté, l'ensemble des mesures qui sont proposées ne sont pas
de nature à venir enrichir les municipalités d'une nouvelle
vision culturelle à l'heure actuelle. Il y a beaucoup de
réflexion à faire autour de ces deux questions-là.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Comme on dit aux amis: Vous arrivez tard et
vous partirez trop tôt. Je suis vraiment heureux de vous accueillir. Je
vais juste, très brièvement, vous dire quelque chose. La
responsable du dossier patrimoine - je veux dire, à mon bureau, puisque,
n'étant pas ministre, je n'ai pas de cabinet, donc, vous vous doutez
bien qu'elle est bénévole, cette personne - me trace le portrait
suivant.
Au cours des dernières années, plusieurs initiatives ont
été menées à bien, laissant présager une
amélioration de la situation en matière de sauvegarde et de
diffusion du patrimoine. Plusieurs étapes ont été
franchies depuis 10 ans, notamment dans le domaine des inventaires, mais, outre
quelques exceptions, la situation va de mal en pis dans la majorité des
villes et villages québécois. Les pertes sont énormes
à tout point de vue: paysages saccagés, immeubles mutilés,
artefacts brûlés, traditions orales oubliées. De plus, il
faut passer à l'étape suivante, soit la protection et la
restauration si l'on veut éviter que le macroinventaire du
ministère des Affaires culturelles ne devienne, à la fin de ce
siècle, un ramassis de belles photos nostalgiques. A-t-elle raison ou
a-t-elle tort?
Mme Gagnon-Pratte: Je crois que c'est un portrait peut-être
un peu négatif, mais très réaliste de la situation
actuelle. Tout l'aspect visuel de la société distincte est en
train de disparaître à tout jamais. Dans tous les villages, vous
perdez ce qui faisait de Québec cette chose qui nous rend
Québécois et que tous les touristes étrangers viennent
voir. Ils ne viendront pas voir le McDonald's et la nouvelle caisse populaire.
Ils aiment beaucoup mieux voir un cadre bâti qui reflète une
société québécoise qui est tout à fart
différente des autres sociétés en Amérique du Nord
par ses composantes architecturales, par son savoir, par sa façon de
vivre autant que par son langage. Je crois que l'ensemble de tout ça
fait de nous une société distincte et quelque partie que nous
laissons au hasard ou que nous perdons en cours de route diminue de beaucoup
l'apport que nous pouvons avoir comme société distincte dans le
monde.
C'est pour ça que la vision des maires... Dans un contexte
économique extrêmement dur pour les maires, c'est certain que la
perception de la conservation leur apparaît comme un
éléphant blanc alors que conserver un presbytère, comme
certaines municipalités l'ont fait, incorporant à
l'intérieur même une caisse populaire, est souvent beaucoup moins
coûteux que de démolir le presbytère et, après, de
construire une caisse populaire entièrement neuve. C'est ce discours
qu'il est très difficile d'Inclure dans la programmation
d'éducation envers les gens en poste dans les mairies parce qu'ils sont
absolument obnubilés par ce désir économique de
rentabiliser leurs espaces, ce qui est compréhensible. Alors, le
ministère des Affaires culturelles, depuis quelque temps, fait la
promotion de la conservation du patrimoine et c'est très important.
M. Boulerice: Dans le musée des horreurs qu'on
décrit, Mme Pratte, mon Dieu, démolition du vieux couvent de
Montmagny avec aucune punition envers le maire qui l'a faite... Le seul
édifice d'architecture Art déco qui existait dans le centre-ville
est de Montréal était Radio Shack et Burger King. Rappelez-vous
la bataille que nous avons dû mener pour sauver ce théâtre,
Ici, qui est le seul exemplaire de style Beaux-arts qui existe dans la ville de
Québec. On pourrait en citer plusieurs de ces cadavres, malheureusement,
que l'on traîne.
Mme Pratte, la question que j'aimerais vous poser...
Premièrement, on parle de patrimoine, donc on parle de mémoire,
et je pense que la vérité a ses droits en ce Parlement. Depuis le
3 décembre 1985, ce gouvernement nous promet une nouvelle politique sur
les biens culturels. J'attends toujours et j'emploie toujours cette expression:
J'ai l'impression d'être un réparateur de Maytag. Les grandes lois
structurelles, on ne les voit pas venir. Mais, pour satisfaire vos aspirations,
je retrouve là-dedans... Si le Québec, la politique ne vient pas,
je vais vous en proposer une, moi: si on avait une société du
patrimoine, une société qui demeure le maître d'oeuvre et
la coordonnatrice de toutes les réalisations bien qu'elle puisse
s'adjoindre d'autres paliers de gouvernement aux différents objectifs.
Elle serait autonome dans son fonctionnement, aurait le mandat de tenir des
audiences publiques, et cette société agirait en lieu et place de
la présente Commission des biens culturels, assumerait les
responsabilités et détiendrait les pouvoirs attribués au
ministère actuellement. Il y a des commissions régionales qui
représentent le milieu et qui l'assistent dans son travail. Je pourrais
continuer là... Quand on parle de patrimoine, on parle de patrimoine
agricole, horticole. On lui donne plusieurs sens: patrimoine humain, donc
technologie, anthropologie, archéologie, architecture. La dimension
naturelle - biologie, géologie, écologie - et industrielle aussi,
avec les technologies, recherche scientifique, mise en marché. Est-ce
que cela répondrait aux attentes de votre Conseil?
Mme Gagnon-Pratte: J'ajouterais que, pour répondre
à nos attentes, il y aurait trois points extrêmement importants:
législation, financement et représentation. Je crois que Mme
Piché peut ajouter les considérations.
Mme Piché: Je pense qu'il faudrait aussi songer
très sérieusement...
M. Boulerice: Elle vient de me donner raison. Je m'excuse,
madame. Allez-y. Non, mais je trouve très...
Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole, Mme
Piché.
Mme Piché: ...penser à réfléchir sur
une politique sectorielle de cadre de vie du patrimoine et cadre de vie dans la
mesure où une société comme celle que vous proposez va
être comme un cataplasme d'une certaine façon et permettre de
sauver in extremis - ce que font tous les organismes engagés dans la
sauvegarde du patrimoine dans le moment - certains éléments du
patrimoine. Mais, pour vraiment sauver l'ensemble du patrimoine, il va falloir
développer une politique très cohérente qui harmonise
d'une certaine façon le patrimoine déjà acquis avec le
patrimoine en voie de création parce que les villes, les ensembles se
développent de façon constante. Donc, il faut faire jouer les
deux ensemble. C'est une politique qui doit être réfléchie
et englober les deux parties. Donc, d'une certaine façon, une
société comme celle que vous proposez va servir les mêmes
fins que tous les organismes, peut-être avec des pouvoirs plus grands que
les organismes qui investissent déjà dans ce secteur-là.
Peut-être faudrait-il des moyens très diversifiés pour
arriver à sauver le patrimoine.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Piché. Mme la
députée de Verchères, vous aviez un question...
M. Boulerice: Juste une petite seconde. Le Président
(M. Doyon): Oui.
M. Boulerice: Elle a également le mandat de
procéder à l'inventaire complet des biens culturels immobiliers
ainsi que des arrondissements historiques sur tout le territoire. Elle va
même jusqu'à dire qu'après cet inventaire la
société, de concert avec les organismes, procède à
la sélection des biens et arrondissements naturels à
protéger et à mettre en valeur. Les propriétaires seront
consultés, mais la société pourra intervenir sans leur
accord s'ils s'y refusent.
M. Gobé: M. le Président. J'ai une question
à vous poser.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Gobé: Ça me fait plaisir d'être ici pour
écouter les gens, mais je me demandais si on n'était pas en
audience publique pour discuter du rapport Arpin, et là on discute du
programme du Parti québécois. À moins que mon grand ami,
André, ait l'intention de substituer le programme du PQ au rapport
Arpin, je pense qu'on devrait peut-être revenir au rapport Arpin.
M. Boulerice: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Le message a été
passé, je pense que...
M. Boulerice: Non, non...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député.
M. Boulerice: Bien écoutez, si le député
nous reproche d'avoir des idées et de les soumettre aux gens qui sont
concernés, Je trouve qu'il est mesquin. Qu'il se trouve des idées
et moi, je n'aurai aucune objection à ce qu'il leur soumette.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Verchères. Vous aviez une question, rapidement, compte tenu du
temps.
Mme Dupuis: Mme Gagnon-Pratte, ce que vous
énumérez, ce dont vous faites mention dans votre mémoire,
je pense qu'on a à le vivre. Moi, j'ai eu à le vivre dans mon
comté, avec une petite municipalité où les maires
étaient déchirés entre la position de sauver un monument
historique ou pas. Ce qui les a fait reculer, parce qu'il y avait un petit
noyau de citoyens qui ne voulaient pas et qui avaient peur de l'avalanche de
taxes qui arrivaient, et tout... D'autre part, dans d'autres secteurs, d'autres
petites municipalités disent: Oui, mais lorsque c'est classé
monument historique, ça coûte deux fois plus cher à
rénover.
Devant ces faits-là que l'on vit presque à tous les jours,
surtout si nous sommes dans un secteur riche en patrimoine... C'est le cas dans
mon comté, le comté de Verchères. Forcément, on a
la rivière Richelieu, et on sait très bien que les
rivières se sont développées... bon. Ce sont des lieux
privilégiés sur leurs rives au niveau du patrimoine. Ceci
étant dit, selon vous, une législation plus sévère
ou une réglementation, sans étouffer la marge de manoeuvre des
petites municipalités, au moins pour le protéger temporairement,
en attendant qu'on ait une politique plus active dans ce sens - c'est
peut-être des fonds - que ce soit mieux reconnu, une législation
plus sévère accompagnée d'une réglementation,
croyez-vous que ça pourrait aider, du moins temporairement, sans qu'il
ne soit classé? Par exemple, qu'une municipalité ne puisse pas
s'arroger, se permettre de démolir un monument historique qui est
reconnu comme ayant une valeur historique sans qu'il ne soit
classé...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée,
rapidement.
Mme Gagnon-Pratte: Sans que le monument ne soit
déclaré historique, il y a des choses extrêmement
intéressantes dans tous les villages qui sont détruites
journallèrement par les maires ou par les propriétaires, par
défaut de connaître leur patrimoine, de connaître ce qu'ils
ont entre les mains. Je crois qu'une certaine législation est
extrêmement importante, mais aussi une connaissance de ce que c'est qu'un
monument. Un monument historique, ce n'est pas nécessairement quelque
chose qui a 100 ans d'existence. Un monument dans le journalier, c'est la
façon dont les rues se sont construites et non pas...
Récemment, je suis allée en Gaspésie et de chaque
côté de la route nationale - par exemple, à Carieton,
où j'ai passé des heures délicieuses quand j'étais
toute petite - on a pavé jusqu'au bord des maisons la route nationale.
Alors, la route nationale est déjà grande, et la route est
pavée en plus jusqu'au bord des maisons pour mettre les autos l'hiver.
Mais ça, c'est une perte d'un patrimoine extraordinaire. C'est un cadre
de vie qui est complètement détruit et c'est quelque chose qui a
été légiféré par le maire qui a
décidé qu'il donnait la permission de mettre de l'asphalte
partout. C'est des gestes comme ça.
Détruire toute la bordure d'arbres le long d'une route nationale
est aussi grave que de laisser démolir un presbytère dans
certains villages où la vision du village était faite de tous ces
éléments du patrimoine qui sont importants.
Le Président (M. Doyon): Mais..
Mme Dupuis: Le côté éducatif, je pense que
c'est indéniable. On sait que l'éducation c'est long. C'est une
question de générations. Entretemps, il peut se perdre des
richesses énormes, puis il peut être trop tard.
Mme Gagnon-Pratte: II n'y a qu'une législation...
Mme Dupuis: Est-ce que vous auriez un moyen rapide, concret? Ce
serait de la sensibilisation, une campagne de sensibilisation ou quoi... que
vous auriez à nous proposer de façon concrète,
immédiate?
Mme Gagnon-Pratte: Je vais vous donner un exemple concret pour
terminer. Le Conseil des monuments et sites a un magazine qui s'appelle
"Continuité". Le magazine publie régulièrement. Il est
aidé par le ministère des Affaires culturelles. Il publie
à 7000 exemplaires. Si on pouvait trouver un financement
intéressant, on pourrait publier à 20 000 exemplaires. Ce
magazine se promène dans toutes les régions de la province et
fait la promotion du patrimoine québécois. Je crois qu'il a des
résultats extraordinaires puisque le magazine couvre une région
par numéro. Je crois que c'est la diffusion des connaissances au niveau
de la base, non pas des grandes théories, mais quelque chose qui diffuse
une connaissance
au niveau des enfants ou au niveau des gens ordinaires qui, tout
à coup, leur met la puce à l'oreille. Ils réalisent que le
patrimoine, finalement, c'est le cadre visuel de la société
distincte, c'est tout ce qui nous entoure et c'est ce qu'il faut
préserver. C'est une question d'éducation à la base et je
crois que c'est l'affaire du ministère et de chacun des
Québécois qui habitent la province.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Si vous vous voulez,
quelques mots.
M. Boulerice: Pardon. Oh! je m'excuse, j'ai...
Le Président (M. Doyon): Alors, en son nom, je vous
remercie.
M. Boulerice: Voilà!
Le Président (M. Doyon): Je pense que le message a
été bien entendu. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie tous. Vous savez,
nous, on a privilégié, on privilégie aussi l'approche de
sensibiliser plutôt qu'imposer parce qu'il faut, quelque part, que
ça vienne du citoyen, que ça vienne des municipalités.
Donc, encore là, pédagogie, pédagogie, d'une part.
Deuxièmement, se doter des moyens aussi pour en faire de la
pédagogie, si je vous entends bien. Troisièmement,
évidemment, les fonds que nous avons présentement et dont nous
dotons le patrimoine, on en est conscients et, des fois, on s'imagine que, bon,
ce sont juste des coups d'épée dans l'eau, on ne finit jamais.
Alors, s'il y a une meilleure façon de les utiliser, de les
gérer, eh bien, on est ici pour ça et nous, on est prêts
à tout remettre... Évidemment, c'est ce qu'on fait d'ailleurs, on
remet tout en question.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.
M. Boulerice: M. Arpin étant fort sur les slogans, il
aurait pu en avoir un délicieux pour vous qui est: "Donnons un avenir
à notre passé."
Le Président (M. Doyon): Alors, sur ces belles paroles, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 33)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue ce soir et la commission de la
culture va maintenant reprendre ses travaux dans le cadre de la consultation
générale sur la proposition de politique de la culture et des
arts. Nous allons entendre ce soir... Je ferai un bref rappel de notre ordre du
jour. À 20 h, le Conseil des métiers d'art du Québec;
à 20 h 45, les représentants de la ville de LaSalle; à 21
h 30, la Société de développement des périodiques
culturels québécois. Nous ajournerons aux alentours de 22 h 15.
Alors, sans plus attendre, je demanderai au premier groupe de se
présenter, de bien vouloir venir nous... Ah! Vous êtes
déjà arrivés. Alors, très bien! Je vais vous
demander de vous présenter et de présenter les gens qui vous
accompagnent.
Conseil des métiers d'art du
Québec
Mme Lemieux-Bérubé (Louise): Bonsoir, Mme la
ministre. Madame, MM. les députés et membres de la commission, je
vais tout d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent: Guy
Simoneau, qui est un céramiste; Jean-Pierre Tremblay, qui est directeur
général de la corporation; Elizabeth Marier, qui est une artiste
du verre, une artisane du verre, et Patrick Cordier, qui est un joaillier. Je
suis présidente du Conseil des métiers d'art et tisserande. Je
vais tout de suite vous présenter notre mémoire. En fait, nous
allons passer d'une façon sommaire les grands points de notre
mémoire.
Le Président (M. Gobé): Vous avez 15 minutes pour
ce faire et après ça, nous ferons la discussion...
Mme Lemieux-Bérubé: C'est bien.
Le Président (M. Gobé): ...15 minutes avec Mme la
ministre et 15 minutes avec MM. les représentants de l'Opposition
officielle.
Mme Lemieux-Bérubé: Très bien. Les artistes
en métiers d'art. La noblesse d'une activité artistique,
l'importance du talent d'un artiste et l'impact du métier même de
l'artiste se définissent le plus souvent par rapport à des
modèles d'excellence. C'est ainsi que l'on réfère à
la langue de Molière ou à la musique de Mozart. C'est ainsi que
l'on peut parler du métier d'art de Stradivarius. Dans chacune des
sphères, tous n'atteignent pas le même niveau d'excellence, mais
l'Important est surtout de situer et de définir notre propos. Notre
domaine à nous, ce sont les métiers d'art.
Quand on parle de Stradivarius, on parle de celui qui a influencé
la forme du violon, de celui qui a choisi et transformé le bois, fait
des recherches sur les vernis, de celui qui a développé son
réseau de vente, qui a formé des artisans, des apprentis dont
certains sont même devenus célèbres, de celui qui a
assuré de l'emploi local, qui a développé la
notoriété de son pays ou de sa ville.
Quand on parle du métier de l'artisan, du
métier d'art, c'est de cela que l'on parle. Cela peut
s'appliquer, entre autres, à des joailliers, à des
céramistes, à des ébénistes, à des
tisserands. Les maîtres de chez nous s'appellent Georges Delme, Armand
Brochard, Micheline Beauchemin, Mariette Rousseau-Vermette, Léo Gervais,
Maurice Savoie et combien d'autres. À travers les temps, ils ont tous en
commun cette caractéristique fondamentale des métiers d'art,
c'est-à-dire d'être à la fois ceux qui conçoivent la
forme, ceux qui transforment les matériaux et qui réalisent
l'oeuvre, ceux qui gèrent l'atelier, ceux qui peuvent former des
apprentis. En soi, le métier d'art est probablement celui qui exige le
plus d'aptitudes et de connaissances diverses et spécialisées
chez un même individu.
Que l'on parle de lutherie de Crémone, de la céramique de
Sèvres, du verre de Murano, on parle d'artisans, de métiers d'art
et aussi de sociétés évoluées, de
sociétés qui, sans être des superpuissances, ont
développé une notoriété mondiale en misant en
grande partie sur leurs artisans. Il y a eu le miracle italien, il peut y avoir
le miracle québécois, la façon québécoise.
C'est à cela que la société québécoise peut
s'attendre de ses artisans et c'est à cela que nos artisans
aspirent.
La proposition Arpin manifeste un certain effort pour essayer de faire
plaisir au domaine des métiers d'art par une ou deux petites allusions
bien charmantes dans le texte. Mais le document véhicule encore son lot
d'incompréhension et parfois même de préjugés qui
touchent à l'essentiel, ce qui augure mal pour notre domaine si on ne
parvient pas à corriger le tir. Ainsi, dans l'identification des
composantes de la culture, les métiers d'art n'apparaissent toujours pas
d'une façon spécifique. Lorsqu'on en fait la remarque à
certains membres du groupe Arpin, ils s'indignent. Ils nous répondent:
Vous êtes partout, vous êtes dans les arts visuels, vous êtes
dans les industries culturelles, dans le patrimoine. Mais notre réponse
à eux, c'est: Quand on est partout de cette façon, on n'est
finalement nulle part.
Nous avons trop connu, dans notre histoire, ce que cela veut dire,
être partout de cette façon. Il suffit, en effet, que les
goûts et les intérêts de certains décideurs, à
quelque niveau que ce soit, ne concordent pas avec la réalité des
métiers d'art et, finalement, on ne se retrouve nulle part.
Or, pour nous, il est temps de passer à autre chose qu'à
ce débat minimal de la simple reconnaissance. Les lois sur le statut de
l'artiste reconnaissent des domaines à inscrire clairement dans les
composantes de la culture qui serviront de référence à une
politique des arts et de la culture. Parmi ces domaines, figurent de
façon spécifique celui des métiers d'art. Nous
recommandons donc que la reconnaissance spécifique des métiers
d'art soit inscrite de façon claire dans la prochaine politique des arts
et de la culture.
M. Simoneau (Guy): Une vision stratégique, un projet
global et son organisation. Dans la proposition Arpin, on dit: "La
qualité d'une politique culturelle globale se vérifie par sa
capacité à demeurer, pendant plusieurs années, un point de
référence et à inspirer des plans d'action sectoriels."
Voilà exactement pourquoi nous croyons essentiel de définir une
vision stratégique. C'est ce que nous avons fait dans le domaine des
métiers d'art quand nous avons basé notre plan de
développement sur une vision stratégique qui dit que, d'ici la
fin de la décennie, des oeuvres des artisans québécois de
tous les métiers seront bien diffusées et reconnues dans toutes
les régions du Québec et dans toutes les grandes capitales du
monde.
Voilà une vision claire, concise, qui génère et
englobe tous les défis, tant au Québec que sur le plan
international, parce que pour réaliser une telle vision il faut
organiser la diffusion partout à travers le monde, il faut que la
production, le support à la production soit bien organisé. Il
faut que la création soit encouragée.
Notre problème majeur, nous vous l'avons souligné, c'est,
semble-t-il, d'avoir précédé une politique culturelle,
puisque cette vision a trouvé bien des difficultés sur son
passage pour pouvoir se réaliser. À preuve, les chiffres que nous
vous présentons, qui démontrent qu'en 10 ans le domaine des
métiers d'art n'a absolument pas évolué au niveau des
montants bruts qui ont été investis par le ministère des
Affaires culturelles puisqu'en 1980 c'était de l'ordre de 2 000 000 $ et
en 1989-1990 c'était de l'ordre de 2 000 000 $.
Alors, quand on considère l'évolution, finalement, de
l'art constant, on se rend compte que, d'une certaine manière, les
métiers d'art sont un peu synonyme de désinvestissement. Nous
vous soulignons également toute la partie de l'ensemble des
investissements publics qui sont de l'ordre de 905 000 000 $ au Québec
et pour lesquels les métiers d'art n'ont accès qu'à
à peine 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, ce qui ne représente
même pas 1 % de l'ensemble de ces budgets-là. Nous ne sommes pas
contre les investissements qui se font dans les autres domaines, dans les
autres secteurs, nous sommes tout simplement contre le fait d'être
maintenus dans l'ornière de la non-reconnaissance et du
désinvestissement.
Mme Lemieux-Bérubé: Voilà pour
l'introduction à la fois de visions et de chiffres. Nous passons
maintenant au chapitre premier où nous voulons revenir sur la
réalité de création, production et gestion de l'artisan.
Pour bien comprendre et bien s'orienter, il faut avant tout saisir la
réalité professionnelle de l'artisan. Je le répète,
une caractéristique fondamentale des métiers d'art, c'est le fait
que l'artisan soit à la
fois le concepteur, le producteur et le diffuseur de ses oeuvres, autant
de la gestion et de la vente de ses oeuvres. Voilà ce qui est loin d'une
oeuvre musicale qui est créée par un compositeur, produite dans
une salle et vendue par un système de billetterie. C'est aussi loin,
c'est aussi différent d'une oeuvre littéraire qui est
créée par un écrivain, produite par un éditeur et
diffusée commercialement dans une librairie ou non commercialement dans
une bibliothèque. Nous touchons ici un aspect fondamental qui doit
absolument être bien compris et considéré dans la
préparation d'une politique culturelle.
Cette caractéristique fondamentale a présidé
à la réorganisation du Conseil qui a dû penser à un
concept de développement et d'organisation évitant à
l'artisan l'éparpillement dans l'accessibilité des services et
favorisant une approche d'intégration verticale. Il faut se rappeler que
le Conseil des métiers d'art est le fruit d'une fusion d'un grand nombre
de corporations professionnelles à travers le Québec, de
corporations d'artisans à travers le Québec, qui, maintenant,
fait le Conseil des métiers d'art et qui doit, de toute façon,
continuer à donner des services à travers tout le Québec.
En métiers d'art, les trois compétences sont exercées, je
le rappelle, par le même individu. Il faut que l'organisation qui lui
procure ses services soit conçue sur un même modèle pour
être vraiment adaptée à sa réalité. On
pourrait dire que la synergie de l'individu est respectée dans la
synergie du groupe. Nous espérons que la commission parlementaire saura
le comprendre et appuyer la démarche globale du développement du
Conseil des métiers d'art. (20 h 15)
Maintenant, pour revenir à l'artisan et à son volet de
création, le soutien à la création. Au niveau de la
création, nous sommes d'accord avec l'ensemble des recommandations du
rapport. Nous insistons toutefois sur la nécessité de porter
attention aux procédures et critères d'accès des
programmes ministériels: la possibilité d'entrée continue
et la formule de sélection doivent être conçues pour
répondre aux vrais besoins. Il faut également prévoir
qu'un lien et un suivi rapides puissent exister entre l'aide à la
création et le support à la production. Par exemple, un artisan
peut avoir besoin simultanément de résoudre un problème de
design et un problème technologique. Or, s'il doit solliciter de l'aide
de deux programmes différents, parfois aussi de deux ministères
différents, et avec des procédures d'entrée
différentes, on comprend qu'il devienne alors difficile et parfois
impossible de faire mieux, autrement et plus tôt que la concurrence
internationale.
M. Simoneau: Concernant maintenant les aspects de l'industrie
culturelle dans la proposition Arpin, on fait allusion à ce qui
s'appelle le positionnement des conglomérats. Si on revient, nous, sur
l'aspect où l'artisan est à la fois concepteur, producteur et
gestionnaire, ce sont finalement les caractéristiques de toutes les
grandes entreprises qui produisent sur le marché. C'est contre
ça, particulièrement celles qui font des produits de haut de
gamme, que les artisans doivent lutter. Évidemment, aucun des artisans
ne peut se donner un département de design, un département de
production ou de financement. Quelle est la solution face à ce
problème-là pour concurrencer? C'est précisément de
se donner une association, un regroupement d'entreprises qui, lui, peut se
donner un service de recherche, un service de production et un service de
vente. C'est exactement sous ce modèle-là que le Conseil des
métiers d'art s'est bâti avec une association de base et des
compagnies associées, de sorte qu'on se retrouve avec un concept qui se
rapproche beaucoup de ce qu'on peut appeler un conglomérat, mais,
finalement, qui est au service de l'ensemble des artisans qui sont partout
dispersés à travers le Québec.
Toujours au niveau des industries culturelles, on vous rappelle certains
chiffres qui sont très significatifs, à savoir, par exemple, que
dans le domaine de la bijouterie la production canadienne est de l'ordre de 880
000 000 $, ce n'est pas peu et c'est aussi créateur d'emplois. Le
Québec et l'Ontario produisent ensemble 660 000 000 $, dont 580 000 000
$ en Ontario. Alors, il y a comme un écart assez important et on
réalise qu'il y a beaucoup de travail à faire sur la notion
d'industrie culturelle qui peut aller jusqu'à la notion d'édition
et de sous-traitance.
Toujours sous le volet Industrie culturelle, il y a le cas SOGIC que
nous présentons dans notre mémoire et qui réfère
à l'expérience malheureuse vécue par le domaine des
métiers d'art avec la SOGIC alors que, précisément, il y a
peine une dizaine d'années, une entente avec Industrie et Commerce et le
ministère des Affaires culturelles avait permis de lancer un ensemble de
services reliés finalement à la production et à la
diffusion. L'arrivée de la SODICC dans le temps et, ensuite, de la
SOGIC, a fait complètement mal aboutir l'ensemble des projets qui
avaient été mis en place par le domaine des métiers
d'art.
Tous ces points nous amènent à dire que nous n'avons pas
besoin de superstructure du type SOGIC ni de nouvelles superstructures. Ce dont
on a besoin, et c'est très clair pour nous à partir des constats
et de l'organisation qu'on a, c'est d'investissements dans les infrastructures
qui ont été créées par les artisans et pour les
artisans et qui, à ce titre-là, correspondent à une notion
très importante signalée dans la proposition Arpin, celle
d'être enracinés dans le milieu. Il y a donc lieu de proposer,
entre autres, que le Conseil des métiers d'art en plus d'être
reconnu comme association professionnelle du domaine soit également
reconnu comme regroupement d'entreprises et regroupement ma-
nufacturier aux fins d'application des programmes relevant des
ministères à vocation économique. C'est une ouverture que
nous voulons sur le ministère de l'Industrie et du Commerce, sur l'OPDQ
et ce genre de ministère-là.
Mme Lemieux-Bérubé: Sur le plan international,
être reconnus et diffusés dans toutes les grandes capitales du
monde, voilà bien un volet majeur de notre vision stratégique.
Cela reflète toute l'importance que nous accordons au positionnement
international au cours des prochaines années. Nous avons quelques
expériences saisissantes. Par exemple, lors d'une exposition à
New York, lors d'une foire importante, nous étions dans un petit stand
du Québec, tout à côté de la Grande-Bretagne qui,
à elle seule, alignait une cinquantaire de stands de "craft" -
métiers d'art - et une cinquantaine d'autres stands de cadeaux. Vous
voyez le déséquilibre et le côté négatif,
finalement, de la présence du Québec à cette foire.
Une voix: Juste pour un pays?
Mme Lemieux-Bérubé: Oui, juste pour un pays. Il
faut avoir aussi participé à des expositions à Los Angeles
avec un budget de 2000 $ rapaillés à droite et à gauche
pour s'apercevoir que, malgré tout, la création et les produits
du Québec sont en demande, sont très estimés, très
recherchés, mais il faut faire des efforts inouïs pour percer,
sortir du Québec et prendre une place ailleurs. Nous avons
été tentés de conclure des ententes de
réciprocité avec des salons à Francfort, à Milan et
à Paris mais, sans le sou, nous avons dû abandonner ces
projets.
Donc, il y a des priorités à questionner. Nous comprenons
l'importance des grandes expositions que le Québec met de l'avant, mais
le déséquilibre est tellement grand entre les deux
réalités qu'il faudra peut-être combler le
déséquilibre ou réajuster les priorités. Pour
établir un certain équilibre, nous ne souhaitons pas
nécessairement une baisse des fonds investis dans les grandes
expositions, mais plutôt une augmentation dans ce qui serait investi pour
les créateurs québécois.
Si la proposition Arpin veut être logique en parlant de
rationalisation et de priorisation, il faudra éventuellement comprendre
que la priorité doit être accordée à
développer la notoriété internationale des artistes et
artisans québécois. Tant qu'à voir grand, voyons grand,
mais pour nos propres créateurs en premier.
Sur le plan national, il nous apparaît que le métier d'art
mérite une institution nationale. Voici deux pistes urgentes à
travailler. Tout d'abord, une Maison des métiers d'art. Nous insistons
sur la nécessité de corriger au plus tôt l'erreur
monumentale commise au début des années 1980 en fermant la
Centrale d'artisanat, une institution qui avait 30 ans d'existence et qui
était un point de référence en matière de
métiers d'art au Québec. Une nouvelle Maison des métiers
d'art avec la nouvelle image des métiers d'art, une
propriété de l'association professionnelle, et
gérée par elle, s'impose de toute urgence. C'est un projet
rassembleur, revalorisant, souhaité par les artisans depuis des
années et même recommandé dans le rapport Price Waterhouse
qui a été déposé récemment.
Une autre façon de développer sur le plan national serait
le mailtage, le maillage avec l'entreprise privée. On pense aux
compagnies Bell ou Hydro, par exemple, avec qui, au-delà des
commandites, on pourrait développer un maillage d'images, dans un
premier temps, et aussi des projets de services de cadeaux d'affaires, par
exemple, un champ extrêmement vaste et très prometteur en chiffre
d'affaires.
On peut aussi penser à des maillages d'institutions et
d'associations culturelles. Ainsi, trouvons-nous tout à fait
désolant que des infrastructures comme des musées d'État
soient totalement fermées à une politique d'utilisation des
locaux. Il faudrait vous raconter plein d'histoires sur des demandes faites
à nos grands musées, les grandes salles d'exposition et le peu
d'attrait que les métiers d'art ont connu à travers les
années. Or, il nous apparaît important qu'une association du
domaine, comme le Conseil des métiers d'art du Québec, puisse
profiter d'ententes formelles pour l'utilisation régulière de
certains espaces afin de bâtir une programmation d'expositions qui
pourraient, d'ailleurs, être itinérantes selon les besoins.
M. Simoneau: Maintenant, les plans triennaux. C'est fou ce qu'on
trouve de qualités aux plans triennaux de ce temps-ci. On en entend
parler partout. On peut dire que, sur ce plan-là, les métiers
d'art sont à l'avant-garde. Par contre, le plan triennal qui a
été mis en place par le Conseil des métiers d'art et qui -
le premier - se termine cette année, pourrait, peut-être,
plutôt être appelé un plan que nous subissons puisqu'au lieu
d'être un plan de développement, comme il était
conçu, c'est devenu un carcan compte tenu que l'on réalise
qu'à la fin de la troisième année les budgets qui ont
été prévus et qui ont été donnés dans
le cadre de ce plan triennal n'ont été que de l'ordre de 33% du
plan de développement qui était prévu. Alors, quand vous
prévoyez un plan de développement qui ne vous permet que de
passer de 1,3% du budget du MAC à 2,25% du budget du MAC, et que vous en
recevez 33%, vous demeurez dans les chiffres de désinvestissement dont
on parlait tout à l'heure.
Si c'est ça les plans triennaux dont on parle dans la proposition
Arpin, si c'est ça les plans triennaux dont on parle pour sortir le
milieu culturel des problèmes de planification et de
développement, on peut dire que chez nous c'est plutôt un
désastre. Ce qui est le pire dans
tout ça, c'est que, ce plan de développement, qui avait
été prévu avec des services accrus directement aux
artisans, ne se réalisant pas dans son ensemble, ce sont encore une fois
les artisans qui écopent parce qu'ils ne peuvent pas recevoir les
services prévus au niveau du support à l'entreprise, au niveau de
la communication-marketing et de tout un ensemble de services, finalement, de
diffusion commerciale et non commerciale.
Il est évident que nous sommes d'accord avec l'évolution
du financement des organismes, mais il faudra que les ressources suivent.
Mme Lemieux-Bérubé: Le développement des
compétences professionnelles. Au début des années
quatre-vingt, le milieu des métiers d'art a réussi à
obtenir des trois ministères, le MAC, le ministère de
l'Éducation et le ministère de la Sécurité du
revenu, la signature d'un plan national de formation. Ça a pris cinq ans
pour que se réalise une des principales recommandations de ce plan,
c'est-à-dire le démarrage du DEC. C'est maintenant parti. Cette
année, une première cohorte d'étudiants obtiendront leur
diplôme DEC. Mais c'est cinq ans durant lesquels chacun des
ministères a géré le dossier selon ses propres
priorités, sans jamais avoir... jamais d'après un
échéancier interministériel concerté, adapté
aux problématiques de développement dans notre domaine. Pendant
ce temps-là, Stradivarius se meurt.
Nous voulons un réseau d'écoles-ateliers avec un mandat
d'école nationale. Nous voulons sensibiliser les jeunes aux valeurs
sociales de la pratique professionnelle des métiers d'art. Nous refusons
le désengagement et le désinvestisse-ment amorcés par les
ministères sur l'éducation artistique des jeunes et sur le
développement des compétences artistiques professionnelles
québécoises.
Maintenant, au chapitre 2, nous allons passer rapidement à
l'accès à la culture. Notre vision stratégique dit: "Que
les oeuvres des artisans soient reconnues et diffusées dans toutes les
régions du Québec." Nous sommes parfaitement d'accord avec
l'importance des villes de Montréal et de Québec. D'ailleurs, le
Conseil des métiers d'art y tient un salon d'hiver à
Montréal et d'été à Québec. À ce
chapitre-là, nous voulons aussi développer, avec les
municipalités, des ententes. Si on se rappelle bien que Crémone,
Sèvres, Murano sont des villes, eh tout cas, qui ont été
marquées par les arts avant même les noms de leur pays... Donc, du
travail à faire avec les municipalités.
Le réseau des régions spécifiques. Nous
reconnaissons la spécificité de chacune des régions et le
Conseil supporte aussi des actions dans certaines régions du
Québec. Nous voulons les poursuivre.
M. Simoneau: Toujours pour compléter sur ce plan, il est
important de rappeler que, si nous avons des salons, des expositions, nous
n'avons toujours pas de centre d'exposition, pas de Maison des métiers
d'art, pas de boutique corporative, pas de réseau de boutiques
accréditées, pas de galerie, encore pas d'équipement et
pas de ressources pour en développer.
Au niveau de la promotion. Dans la question de l'accès, le
domaine des métiers d'art est un domaine qui est
sous-médiatisé par rapport à plusieurs autres secteurs.
Dans la proposition Arpin, on dit: "Le temps est donc venu d'agir sur la
demande. Les industries culturelles [...] affrontent ainsi sur leur propre
marché une concurrence internationale." Évidemment, je veux dire,
dans notre cas, concernant le libre-échange et tout, ça fait des
années et des années que les produits des métiers d'art,
finalement, sont concurrencés sur leur propre marché. C'est une
réalité avec laquelle on vit.
En considérant cette importance de la promotion, un plan de
communication-marketing a été élaboré, il y a
déjà quatre ans. Toute la mise en place de ce plan a
été insérée dans la première entente
triennale pour fins de négociations. Il a été
refusé de sorte qu'actuellement on continue à prendre du retard
et on continue de favoriser l'implantation des produits étrangers sur le
propre territoire du Québec.
Mme Lemieux-Bérubé: Au chapitre 3, on parle
d'accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires.
Une ligne directe entre les ministres et le milieu artistique.
Les institutions dites "nationales" et les sociétés
d'État sont rattachées directement au ministre auquel elles ont
un accès direct tout en gardant leur autonomie. Les artistes et leur
association, eux, sont casés dans une boîte et doivent s'adresser
à une multitude de boîtes pour pouvoir faire valoir leurs besoins
et leur plan d'action. Quant à l'autonomie, ils ont celle de leur
boîte. Voilà un grand problème.
Transférer l'argent directement au lieu de l'action. En fait, on
discute de tout cela à un moment bien stratégique car, s'il est
une tendance qu'il faut arrêter, c'est l'obésité
endogène du système. La volonté de M. Gérald
Tremblay de relancer l'économie en se préoccupant de la dynamique
des ressources humaines, la préoccupation du Forum sur l'emploi sont
toutes des manifestations que nous trouvons très positives. Mais
personne ne touche à un autre très grand problème, c'est
l'engouffrement de l'argent par et dans le système public.
Donc, nous reprenons dans ce texte tout le transfert de l'argent
directement aux associations ou bien au lieu du travail des artistes.
M. Simoneau: Donc, il y a une solution: les associations
mandataires. Avec les lois sur le statut de l'artiste, on s'est donné
des associations, on a reconnu une association du domaine.
Maintenant, il faut entrer au niveau des mandats, au niveau de l'action.
Il faut se rappeler que les chartes qui ont été acceptées
par les commissions de reconnaissance, dont celle du Conseil des métiers
d'art, prévoient toute une série de possibilités pour que
l'association puisse même devenir une société de
développement. Il faut donc, à l'étape actuelle,
prévoir que ces associations deviennent des associations mandataires et
responsables du développement. (20 h 30)
J'aimerais, avant d'arriver à la conclusion, rappeler deux
éléments importants pour qu'ils soient inscrits. D'abord, celui
de l'État diffuseur. On parle souvent du 1 % au niveau architecture, il
faut désormais parler aussi du 1 % au niveau de l'aménagement.
Les artisans produisent et restaurent des meubles, produisent des produits qui
peuvent servir de vitrail, de céramique et qui peuvent servir dans
l'ensemble des politiques d'achat du gouvernement. Le simple budget de 1 %
d'acquisition au niveau de l'aménagement et, déjà,
plusieurs artisans pourraient vivre très bien de leur métier et
aussi, au niveau des organismes de diffusion, pourraient jouer un rôle
important.
Également, sur le plan patrimoine, se préoccuper que, au
niveau du marché de la restauration, les compétences
québécoises soient priorisées et qu'on prévoie
développer ce marché en tenant compte, justement, du
développement des compétences québécoises.
Le Président (M. Gobé): Alors, rapidement, en
conclusion parce que...
Mme Lemleux-Bérubé: En conclusion, nous envisageons
un nouveau contrat social entre l'État et le milieu artistique. Bien
sûr, nous appuyons la vision de Mme Frulla-Hébert ou du rapport
Arpin qui voit en la culture un pilier important de développement avec
l'économie et le social. Nous rappelons aussi les déclarations de
M. Gérald Tremblay, ministre du MIC, qui inclut déjà le
culturel comme étant aussi important que l'économie et le
social.
Les artisans, leur regroupement, leur vision et leurs revendications
depuis des années trouvent leur écho dans le discours
combiné des deux ministres, Mme Frulla-Hébert et M. Gérald
Tremblay. Héritiers du passé, les artisans façonnent aussi
la société de demain. Leur regroupement permet la synergie
nécessaire à une action solidaire de développement,
d'envergure à s'imposer dans le contexte de la mondialisation. Nous
sommes de culture et d'économie. Nous sommes chaînons de
l'organisation et des valeurs sociales. Nous sommes l'autre modèle de
développement de l'emploi et de l'entrepreneurship. Nous sommes des
compétences sur lesquelles il faut miser. Avec nous, l'heure n'est plus
à l'oubli ni à l'hésitation; elle est à la
reconnaissance et à l'investissement.
M. Bourassa, Mme Frulla-Hébert, M. Trem- blay et vous, tous les
autres élus de ce gouvernement, nous vous disons: Cette fois, agissez
vite et fort! Vous avez le pouvoir et l'occasion de changer quelque chose de
fondamental dans l'évolution de la société
québécoise. Ne ratez pas cette occasion!
On cite déjà deux modèles de contrat, de chez
Sammi-Atlas et Marine Industrie. Il est temps d'en signer un troisième -
un contrat social - dans le domaine culturel. Pour les métiers d'art,
vous n'avez qu'à fixer le rendez-vous. Nos forces vives sont
prêtes pour qu'à la fin de la décennie les oeuvres
d'artisans québécois soient bien diffusées et reconnues
dans toutes les régions du Québec et dans toutes les grandes
capitales du monde.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la
ministre, il reste quelques minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci et bienvenue ce soir. Le
ministère a été longtemps le principal intervenant
gouvernemental à supporter ce secteur d'activité culturelle. Je
vais vous dire, quand vous me parlez d'une association... Vous dites, si je me
réfère au plan: Donner à l'association 3 000 000 $
à gérer, c'est la seule façon pour rejoindre l'artisan. Je
vais vous le dire tout de suite, j'ai des problèmes avec ça parce
que l'objectif premier, pour nous, c'est de rejoindre l'artisan,
d'améliorer sa condition de vie, de lui permettre de diffuser et de
faire connaître son art. Maintenant, vous me parlez d'une Maison.
Ça, c'est un projet structurant, j'aime ça. Il y a une chose que
je veux vous demander là-dessus, par exemple. C'est que vous parliez de
la Centrale d'artisanat en 1980 et, maintenant, vous parlez de la Maison des
métiers d'art. Qu'est-ce qui fait... C'est quoi, la différence
entre un versus l'autre? Après ça, je vais vous parler de
l'évolution au niveau des métiers d'art et de la perception au
niveau des gens.
Mme Lemieux-Bérubé: La Centrale d'artisanat
était un lieu de diffusion, de vente, en fait. On vendait les produits
de l'époque. La Maison des métiers d'art, pour nous, c'est un
regroupement de services, c'est une vitrine. Bien sûr, on voudrait
continuer la question vente et diffusion. Donc, c'est une boutique, c'est une
galerie des métiers d'art. Il n'en existe aucune à
Montréal. Ce sont des stands - comme si on avait un salon permanent -
loués à des artisans, par exemple. Ce sont aussi les bureaux de
la corporation, ce sont aussi, fort possiblement, des regroupements
d'écoles-ateliers existantes qui, dans un ou deux ans, auront des baux
à signer. Ce sont des ateliers-résidences pour les artisans.
C'est toute la Maison qui regroupe un ensemble de services: production,
création-production, vente et diffusion. Tout sous un même
toît.
Mme Frulla-Hébert: Ils sont réellement en
région. Comment ça fonctionne? On a parlé beaucoup de
développement régional, d'une part-Vôtre action,
finalement, versus les artisans en région? Si on allait dans ce
sens-là, d'un projet qui est structurant et, à partir de
ça, le moins d'administration et de structure possible, de telle sorte
que l'argent qui est investi va directement aux artisans par le biais aussi
d'une vitrine, d'un projet qui est très dynamique et moteur. Quel serait
son rayonnement en région si c'est situé à
Montréal?
Mme Lemieux-Bérubé: Son rayonnement en
région? Je vais parler, tout d'abord, comment, en région, on voit
les choses et...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Mme Lemieux-Bérubé: En région, actuellement,
depuis la disparition des corporations - et je pense que c'était une
bonne chose à faire - les artisans, parfois d'une façon
volontaire, ont développé des activités, des expositions,
soit des salons comme celui qu'on connaît à Montréal, mais
plus petits, soit des expositions d'excellence. On en connaît dans
l'Outaouais, en Montérégie, au Saguenay, par exemple. Les
régions les plus dynamiques, finalement, mettent sur pied des
activités. La Maison des métiers d'art à Montréal,
ce serait la vitrine québécoise des métiers d'art. Donc,
les artisans, en faisant la location de stands ou en amenant leurs produits,
les produits de grand marché ou les produits d'excellence, seraient
présents. Ce serait le produit de l'artisan. L'artisan ne serait pas
physiquement présent, mais ses produits seraient
représentés et ça permettrait aussi de développer
tout le secteur qui est à peine effleuré actuellement, dont on
parlait tantôt, le cadeau d'entreprise, par exemple. C'est aussi une
salle de montre donc, de tous les produits québécois pour
développer l'excellence, la vente de produits d'excellence, le cadeau
d'entreprise, finalement la diffusion. Mais, il y a aussi les
écoles-ateliers. Un certain nombre d'écoles-ateliers seraient
prêtes à collaborer à un projet de la sorte. Les artisans,
les étudiants des écoles-ateliers viennent de différentes
régions aussi. Il n'y a pas des écoles dans chacune des
régions du Québec. Il y a deux grands pôles,
Montréal et Québec. En fait, ce serait une façon aussi de
servir les régions.
M. Simoneau: Je pourrais peut-être compléter aussi
en disant qu'il est important de ne pas concevoir la Maison des métiers
d'art comme seule mais, justement, dans un plan d'ensemble. Je rappelle ici le
travail au niveau d'un plan de communication qui prévoit, par exemple,
la mise en place d'une marque de commerce ou d'un label de qualité qui
permettrait, à ce moment-là, de travailler à bâtir
un réseau de boutiques accré- ditées en région
éventuellement, soit des boutiques corporatives, soit des boutiques
privées avec une formule d'accréditation qui pourrait être
adaptée à l'une ou à l'autre formule. Alors, à ce
moment-là, finalement, on multiplie beaucoup l'impact visuel, l'impact
image et l'impact de référence face aux produits.
Mme Frulla-Hébert: Ça aiderait, finalement,
à changer... Dans un sens, ça aide aussi à changer l'image
parce qu'il y a une question - là, je reviens à mon ancien
métier - d'image et de marketing au niveau des métiers d'art.
C'est que vous avez évolué et la qualité des produits a
évolué. Je ne sais pas, mais ma perception, c'est que les gens
n'ont pas évolué à la même vitesse que vous l'avez
fait.
M. Simoneau: C'est ça, et c'est pour ça... C'est
là l'importance du... Ce qu'on vous disait tout à l'heure, c'est
que le domaine des métiers d'art n'étant pas
médiatisé, on n'a pas un MusiquePlus. On dit, dans notre
mémoire que pour nous, la Maison des métiers d'art
combinée au plan de communication, c'est notre MusiquePlus à nous
autres. On n'a pas non plus, si vous remarquez, de presse
spécialisée comme dans le domaine du livre, comme dans le domaine
des arts visuels, dans le domaine du cinéma. Alors, il faut vraiment
bâtir à partir de notre réalité un concept,
finalement, de diffusion et de promotion de l'image qui soit particulier aux
métiers d'art.
Mme Lemieux-Bérubé: Le fait que les artisans en
région soient diffusés dans la Maison des métiers d'art,
ils trouveraient leur notoriété augmentée en région
aussi.
Mme Frulla-Hébert: Enfin, merci.
M. Simoneau: C'est la pierre de base pour l'international.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
me dois de passer maintenant la parole à M. le porte-parole de
l'Opposition officielle en matière de communautés
culturelles-pardon. M. le député de...
M. Boulerice: Le monde de la culture est une gigantesque
communauté...
Le Président (M. Gobé):
...Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole. Excusez mon lapsus.
M. Boulerice: Non, je vais reprendre. Le monde de la culture,
c'est une grande communauté sauf qu'il y a un de ses membres qui a
été oublié. Il le déplore amèrement. Ce
n'est pas une consolation, mais vous n'êtes malheureusement pas les
seuls, hein? N'avez-vous point dit,
dans votre mémoire, que vous étiez absents du rapport
Arpin?
M. Simoneau: Ahoui!
M. Boulerice: Je vous dis: Malheureusement, vous n'êtes pas
les seuls.
M. Simoneau: Ahbon!
M. Boulerice: D'où, peut-être, le nombre
impressionnant d'intervenants. Je pense qu'il y a un Salon des refusés
pour le rapport Arpin. J'ai remarqué certains éléments
mais j'irais à une question. J'ai peut-être deux
éléments qui sont intéressants. Vous m'avez parlé
de bannir les préjugés à l'égard de la production
artisanale. Effectivement, je pense qu'il y a un effort - je vais employer le
mot latin, là - de marketing. C'est, malheureusement, encore
cantonné. Enfin, je ne veux pas être méchant puisque c'est
ma circonscription. Des fois, ça fait un petit peu Plateau-Mont-Royal
1970 dans l'image des gens alors que c'est tout à fait le contraire
quand on regarde la production québécoise. Elle est
extrêmement d'avant-garde. Je pense qu'il y a effectivement un travail de
sensibilisation et qu'il devrait y avoir un certain support pour valoriser
cette image-là. Quand vous parlez de prix, ça, je pense que
ça rejoint un petit peu la notion européenne qu'on trouve en
France qui est assez intéressante. D'autre part, vous parlez d'utiliser
des espaces des institutions nationales. Vous parlez musées, Place des
Arts, Grand Théâtre. Est-ce que vous avez déjà fait
des approches?
M. Simoneau: Oui, il y a déjà eu des demandes et
des approches qui ont été faites à ce sujet-là. Un
simple exemple. Le Grand Prix des métiers d'art qui va être remis
demain. Il y a eu des demandes de faites pour qu'il soit inséré
à l'intérieur, par exemple, de la programmation du Musée
des beaux-arts. Il y a un appui intéressant qui est venu de certaines
personnes, mais on a su, quand c'est arrivé au comité de
sélection ou d'évaluation, que, semble-t-il, les métiers
d'art n'avalent pas d'affaire à être dans le Musée des
beaux-arts. Il y a des commentaires qu'on se fait faire souvent sur la
pertinence ou pas des métiers d'art dans certains musées et,
là-dessus, on ne veut pas parler que des musées. Quand on parlait
de la Place des Arts ou d'autres places de ce type, c'est excessivement
difficile. On peut trouver effectivement quelqu'un, à un moment
donné, qui va être ouvert, mais cela se ferme tout de suite. Il
peut y avoir des accidents de parcours. A un moment donné, si vous
faites un relevé, vous allez probablement trouver parfois une exposition
ou une boutique, mais ce sont ce qu'on appelle des accidents de parcours. Ce
n'est pas avec cela que tu peux planifier une programmation, une promotion, fi-
nalement, autour des artisans québécois.
M. Boulerice: À la page 14 de votre mémoire, et
là je vais vous citer: "En ce qui nous concerne, la SOGIC n'a
cessé d'être un désastre. " Fermons les guillemets. Ce
n'est pas la première fois que j'entends cela. Depuis... même
avant l'ajournement de la session qui reprendra mardi... je pense que le mot
SOGIC est sur toutes les lèvres, mais pas dans les termes les plus
élo-gieux. Il y a des sorties fréquentes dans les journaux. C'est
plus fort que nous. On voit la SOGIC dans notre soupe tous les jours.
J'aimerais cela que vous m'en parliez un petit peu plus à fond.
M. Simoneau: Sur la question de la SOGIC, quand on a
rédigé notre mémoire, vous remarquez qu'on ne savait pas
ce que c'était pour les autres domaines. On sait que la SOGIC est
très préoccupée du cinéma et des arts de la
scène. On présumait donc que les autres domaines avaient des bons
services. Il reste qu'au niveau des métiers d'art, pour nous, on le dit,
c'est un désastre. Au début de la création de la SODICC,
qui devait avoir un mandat de développement, II y a un accent qui a
été mis, à un moment donné, sur l'évolution
de certains ateliers. Mais, étant donné qu'il n'y avait pas le
même accent qui était mis sur des outils de diffusion -
même, au contraire, à ce moment-là, le gouvernement avait
fermé la Centrale - cela a été un total
débalancement. Ensuite, on a commencé à travailler avec
eux sur un projet qui est la Société de mise en marché et,
au mois de janvier, ils ont tiré la "plug" de façon sauvage. Ils
se sont remboursés leur marge de crédit sur le dos des artisans.
Cela nous fait plaisir de le dire, ici, parce que nous avons trouve que
c'était une mesure absolument, en bon québécois,
dégueulasse.
M. Boulerice: Combien? Votre collègue a cité le
chiffre.
M. Tremblay (Jean-Pierre): En fait, le groupe d'artisans de la
Société de mise en marché des métiers d'art a
enregistré une perte de 95 000 $, ce qui correspond à peu
près aux chiffres de l'implication de la SOGIC, c'est-à-dire que
la SOGIC avait un capital-actions rotatif de l'ordre de 125 000 $, si le
directeur peut le... C'était une garantie. Ce jour-là, on est
venu nous dire que c'était fini, qu'on n'y croyait plus, au bout de cinq
ans, au développement de Société de mise en marché.
Cela a été fini. Nous, on est restés avec nos pertes, tous
et chacun.
Mme Lemieux-Bérubé: Je voudrais ajouter que, en ce
qui nous concerne, le problème de la SOGIC et de la
Société de mise en marché c'est qu'au départ il y
avait un plan de société de
mise en marché qui allait faire de l'institutionnel, du gros et
du détail. La SOGIC n'a jamais voulu aller ailleurs que dans le gros.
À partir de ce moment-là, le gros ce n'était pas assez. La
SOMART a connu des difficultés, d'où les problèmes qui ont
augmenté d'année en année malgré une augmentation
dans le gros. Mais, comme les deux autres volets qu'on avait mis de l'avant
n'étaient pas développés...
M. Simoneau: On peut résumer une situation qui est assez
spéciale du côté des métiers d'art. Il y a eu une
étude, au début, à la fin des années soixante-dix -
une étude de M. L'Allier - qui avait démontré que la
Centrale d'artisanat, pour ce qui est de ses boutiques, était rentable.
Il y avait un problème au niveau de certains mandats, mais la Centrale
d'artisanat était rentable. Elle a quand même été
fermée. Ce que le rapport disait, c'était de consolider les
boutiques de détail et, pour ce qui est du gros - parce qu'on parlait
à ce moment-là de la diffusion aux grossistes - le rapport
prévoyait qu'il faudrait un investissement de l'ordre de 2 000 000 $ sur
une période de cinq ans pour développer ça. Grosso modo,
une fois que la centrale a été fermée, on a tenté,
nous autres, de repartir une société de mise en marché qui
aurait prévu l'ensemble des volets. Mais, je veux dire,
l'expérience confirme que l'estimé de 2 000 000 $ sur cinq ans
pour lancer le gros était réaliste. Mais on vient se faire fermer
au moment où il y avait 1 200 000 $ de chiffre d'affaires. Or, on
s'aperçoit que, si on combine la Centrale, la Société de
mise en marché et le groupe CMAQ, vous avez absolument tous, mais
absolument tous les éléments qui sont nécessaires pour
développer les métiers d'art pour les 30, 40, 50 prochaines
années. Mais on n'a jamais été capable, dans le domaine
des métiers d'art, de les mettre ensemble. On n'a jamais
été capable, et c'est pour ça qu'on revient toujours avec
la vision stratégique, avec le plan de développement. Il y a
toujours eu, à une époque ou à une autre, quelqu'un qui,'
n'ayant pas cette vision, étant cantonné dans le court terme, a
trouvé le moyen de faire tirer la "plug", de faire torpiller quelque
chose. On le vit encore de toute façon, de façon quasiment
quotidienne.
Alors, c'est ça le drame d'une partie importante du domaine des
métiers d'art, cette impossibilité, finalement, d'avoir un plan
qui se tient puis dans lequel on investit de façon continue.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. On va
essayer maintenant de conclure. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Bon. Vous semblez... Là, je ne peux pas
poser de question, je suis obligé de vous remercier. Vous semblez
critique-
Le Président (M. Gobé): Mais... Une courte question
rapide...
M. Boulerice: Bien, vous semblez critique pour ce qui est de la
formule des ententes triennales...
M. Simoneau: Bien oui, on est critique sur la formule des
ententes triennales. Quand vous faites une présentation ou un exercice
de plan triennal très sérieux, finalement, avec une
évolution sur trois ans, parce que c'est un plan triennal... On
présume qu'un plan triennal, c'est un plan de développement,
qu'au départ on a 33 % de ce qui est demandé, que la
deuxième année on a encore le même montant et que la
troisième année on a encore le même montant... Qu'est-ce
qui se produit? C'est qu'il y a des éléments qui sont mis en
place la première année, la deuxième année et on
arrive à la troisième année avec la non-évolution,
finalement, du plan triennal. À ce moment-là, on entre dans le
déficit et on devient des mauvais gestionnaires. Là-dessus, on
rejoint encore une des remarques du rapport Arpin: cette caractéristique
de l'ensemble des organismes du milieu d'être considérés
comme des mauvais gestionnaires alors qu'en réalité on est
obligés de faire des miracles à tous les jours pour Atre capables
de maintenir un seuil de développement potable, dans des conditions
absolument médiocres.
M. Boulerice: Oui, mais à ça je répondrai
toujours que, si l'État gérait ses finances comme les artistes
gèrent, avec énormément de prouesses, leur maigre budget,
l'État ferait probablement moins de déficits. Bon. Ceci dit,
avant de subir un deuxième rappel du président, je vais vous
remercier d'être venus. Je vous remercie aussi pour le mémoire
assez fouillé que vous avez présenté. Il ne faudrait pas
oublier non plus la pochette extrêmement intéressante que vous
avez également incluse à l'intérieur de l'envoi. Si
c'était possible d'en avoir quelques copies, j'aimerais bien
sensibiliser mes collègues. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Merci. D'une part, merci de votre
présentation. Deuxièmement, avec Mme Courchesne,
évidemment, que vous connaissez bien, et M. Chaput, vous allez
travailler justement à remettre tout ça dans la bonne perspective
avec votre présidente. Vous avez un projet, finalement, sur la table que
je trouve mobilisateur, que je trouve dynamique. Je vous le dis ici, comme je
l'ai mentionné avant, je vous encourage fortement à travailler en
fonction de ça et probablement aussi, à revoir l'ensemble de .
notre approche globale au niveau des métiers d'art.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Messieurs et mesdames, merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention
et vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais donc suspendre les travaux pour
une minute afin de permettre aux représentants de la ville de LaSalle de
bien vouloir se présenter en avant. Alors, la commission est suspendue
pour une minute.
(Suspension de la séance à 20 h 50)
(Reprise à 20 h 51)
Le Président (M. Gobé): La commission reprend ses
travaux. Nous allons entendre les représentants de la ville de LaSalle
qui est de la circonscription de Mme la ministre des Affaires culturelles.
Alors, si je comprends bien, elle est représentée par M. Henri
Lolselle, président de la Commission de développement culturel.
Bonjour M. Lolselle, bonsoir plutôt. Mme Louise L. Bérubé,
conseillère municipale, bonsoir madame. Mme Rachel Laperrière,
directrice du service de la culture, bonsoir madame.
Alors, vous pouvez maintenant commencer votre exposé. Je
présume que c'est la personne du milieu qui va faire l'exposé?
Alors, madame, nous sommes tout ouïe, nous vous écoutons.
Ville de LaSalle
Mme Lemleux-Bérubé: Merci. Je n'ai pas
changé de chapeau parce que je n'en avais pas, mais c'est tout comme.
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, chers membres de la
commission, au nom du maire de LaSalle, le Dr Michel Leduc, du conseil
municipal et des 76 000 habitants de la ville de LaSalle, nous sommes
très heureux, ce soir, de vous présenter notre mémoire et
de féliciter la ministre des Affaires culturelles du gouvernement du
Québec. Nous voulons la remercier d'une façon toute
particulière. Nous remercions aussi le gouvernement du Québec
pour l'affirmation qu'il fait de l'importance des arts et de la culture dans
notre société québécoise en tenant cette commission
parlementaire.
Je vais vous faire un rapide historique de ce que fait la ville de
LaSalle en matière culturelle. La ville de LaSalle a créé
en 1984 un service de la culture. La ville de LaSalle a construit une
bibliothèque en 1984 aussi. Elle a inauguré un centre culturel
où se trouve un théâtre, une petite salle de spectacle de
160 places. La ville de LaSalle, en 1986, a conclu une entente avec le
cégep André-Laurendeau pour la diffusion de spectacles à
plus large public. La ville de LaSalle a embauché à la direction
du service de la culture une gestionnaire culturelle, affirmant ainsi la
volonté du conseil municipal d'aller de l'avant dans le
développement culturel. En 1986, la ville de LaSalle exprimait son
attachement aux arts et à la création à titre d'hôte
d'une troupe de théâtre professionnel sur son territoire. En 1989
et 1990, des travaux de mise en valeur du moulin Fleming de la ville de LaSalle
se succédèrent. En 1988, la ville créait sa commission de
développement culturel et adoptait un peu plus tard la politique de
développement culturel et un plan d'action de développement
quinquennal.
Au cours des dernières années, la ville de LaSalle a
assisté à l'implantation de plusieurs sculptures majeures dans
les parcs de son territoire. La ville de LaSalle ne prétend aucunement
servir d'exemple, mais elle peut afficher le partenariat qu'elle a
développé avec le ministère des Affaires culturelles au
cours des dernières années. Ce partenariat est né d'une
forte volonté politique à la ville qui était consciente
d'un risque réel, d'une volonté politique et d'une grande
collaboration des intervenants du ministère. Je voudrais, à ce
moment-ci, remercier tous les intervenants avec qui nous avons travaillé
au ministère.
Nous entendons aujourd'hui traiter du rôle du gouvernement du
Québec, du ministère des Affaires culturelles et du rôle
des municipalités, de même que la nécessaire
démarche qu'il faudra faire ensemble pour articuler le
développement culturel du Québec sur des bases solides et
claires. Le rapport du groupe Arpin, Une politique de la culture et des arts,
nous a permis de réfléchir particulièrement au nouveau
partenariat qu'il nous faudra établir et aux structures qui devront
servir.
Première recommandation. Pour une politique des arts et de la
culture. Que le gouvernement du Québec élabore et propose une
politique des arts et de la culture afin de développer le domaine des
arts et de la culture, de favoriser l'accès à la vie culturelle,
d'accroître l'efficacité de l'intervention et de la concertation
de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle, en fait, tel que
recommandé dans le rapport. Il est fondamental, pour le Québec,
que l'État initie l'organisation de la démarche. Il est aussi
fondamental que soit enfin affirmé publiquement le rôle et
l'importance des arts et de la culture dans notre société. Cette
affirmation oblige à des énoncés, à la
planification des Investissements, à la définition des
rôles des nombreux intervenants et au développement de
stratégies et de plans.
Deuxième recommandation. Les principes fondamentaux de la
politique. La ville de LaSalle reconnaît les trois principes fondamentaux
sur lesquels repose l'ensemble du texte de la proposition Arpin,
c'est-à-dire que la culture est un bien essentiel; que la dimension
culturelle est nécessaire à la vie en société au
même titre que les dimensions sociales et économiques et que le
droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne. C'est
pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à
l'ensemble des citoyens et
que l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension
culturelle.
La troisième recommandation. La responsabilité du
gouvernement du Québec. Que le gouvernement du Québec se
reconnaisse une responsabilité fondamentale en matière de
recherche, de développement, de soutien à la production et
à la diffusion artistique et culturelle en vertu de son pouvoir de
redistribution de la richesse et de sa position privilégiée
à l'échelle nationale et internationale, tel qu'affirmé
par voie de résolution lors du dernier congrès de l'Union des
municipalités du Québec.
La municipalité est, à n'en pas" douter, depuis quelques
années, un partenaire important du gouvernement du Québec pour le
développement culturel. Cependant, l'État ne doit pas renoncer
à sa responsabilité fondamentale en matière d'art et de
culture. C'est l'État qui doit voir à l'affirmation et au
développement de notre personnalité artistique et culturelle en
tant que peuple. Les villes doivent particulariser les expressions de ces arts
ou de cette culture localement, en fait, y donner un caractère local. La
ville de LaSalle soutient, par ailleurs, que, pour répondre aux besoins
grandissants des Québécois, nous devrons nous répartir les
rôles, travailler ensemble avec les artistes, mais nous devons compter
sur tous les pouvoirs que l'État pourrait nous donner.
La quatrième recommandation. Le rôle du ministère
des Affaires culturelles. Que le gouvernement du Québec reconnaisse
l'importance de son rôle en matière culturelle, qu'il confirme le
statut de bien essentiel de la culture dans le contexte géopolitique
où nous vivons et assure le leadership du ministère des Affaires
culturelles dans ce secteur, en lui octroyant une part plus importante de son
budget et en lui donnant des ressources et des pouvoirs nécessaires
à l'accomplissement de son mandat. Enfin, que son importance soit
confirmée et que ses pouvoirs soient élargis. La ville de LaSalle
estime que le total du soutien consenti aux arts et à la culture doit
être accru et utilisé plus efficacement. Le gouvernement doit y
consentir une part importante de son budget, plus importante qu'il ne l'a fait
dans le passé. En plus des budgets, notre ministère des Affaires
culturelles doit avoir les ressources et les pouvoirs nécessaires
à l'accomplissement de ses mandats. La solution du ministère de
la Culture, telle qu'énoncée dans le rapport, facilitera
sûrement l'exercice de ses pouvoirs horizontaux dans la structure
gouvernementale et aidera la réalisation de certaines actions de
concertation.
La cinquième recommandation. Les municipalités,
partenaires du gouvernement. Que le gouvernement du Québec
considère et reconnaisse la municipalité comme un partenaire
majeur de développement et de diffusion des arts et de la culture. Que
le gouvernement s'engage et s'associe au monde municipal pour fixer les
paramè- tres des implications et engagements, de même que du
financement dans le cadre d'une politique culturelle et artistique bien
définie. Que le gouvernement crée un cadre organisationnel
réel au sein duquel les municipalités participeront aux
recommandations qui orienteront le développement culturel des prochaines
années, de même que l'organisation des leviers financiers
permettant à chacun d'assumer pleinement son rôle. En fait, on
parle de relations municipalités-ministère ou gouvernement, non
pas une municipalité à la fois au gouvernement ou au
ministère, mais autour d'une table.
Il y a tout le danger de la décentralisation amorcée par
le gouvernement du Québec et le spectre d'un délestage des
responsabilités du gouvernement vers les villes. Le contenu du rapport
Arpin concernant l'accroissement de l'implication financière des villes
dans le soutien aux arts et à la culture ajoute un élément
de plus au péril que vivent certaines villes, même actuellement.
À cause du contexte économique et fiscal, la plupart ne peuvent,
en aucun cas, disposer des moyens nécessaires à la prise en
charge de responsabilités additionnelles dans ce domaine, ayant
déjà bien souvent des difficultés à faire face au
présent. Il est donc essentiel que le gouvernement du Québec et
les villes harmonisent leurs actions.
Il faut à tout prix que le gouvernement reconnaisse l'importance
du partenariat avec les villes en redéfinissant avec elles leur
rôle dans le soutien à la cause des arts. Cela se fera si les
villes disposent d'une tribune où elles pourront établir et
maintenir conjointement avec l'État un réel partenariat. Enfin,
c'est de cette façon que chaque ville verra sa démarche propre
respectée ou se spécialiser. Nous exprimons ici l'opinion
partagée autour d'une table où nous siégeons,
l'association Les Arts et la Ville, et qui a été longuement
discutée à cette association.
Le rapport Arpin est muet sur l'organisation du partenariat
villes-gouvernement du Québec. Il nous semble essentiel que cette lacune
soit corrigée dans les faits et que cette tribune soit
créée donnant ainsi aux villes le lien de pouvoir et d'expression
relié à leur rôle dans le domaine.
La sixième recommandation. Le plan d'action. Que le
ministère des Affaires culturelles réalise un plan d'action
triennal où seront prévues les applications des
responsabilités tant financières qu'organisationnelles, qui
découleront de la concertation des différents partenaires au sein
de l'organisme dont il a été question dans la recommandation
précédente. Ce plan devra tenir compte de l'état de
l'avancement du développement culturel dans l'ensemble des
municipalités du Québec et de la capacité de chacune de
s'adapter aux nouvelles tendances quant à leur rôle en
matière d'arts et de culture. (21 heures)
Nous avons dit plus haut que toutes les villes ne sont pas au même
point de développe-
ment culturel. Afin d'organiser le développement des actions
d'une façon harmonieuse, le gouvernement ne doit pas uniquement
prévoir l'adoption d'une politique des arts et de la culture, mais il
est aussi essentiel que cette politique soit suivie de plans d'action concrets
où sera prévue et définie chacune des
responsabilités.
La septième recommandation, c'est la concertation avec les villes
sur IHe de Montréal. Que le ministère des Affaires culturelles
reconnaisse la particularité du statut des villes qui, comme la ville de
LaSalle, sont situées en périphérie de Montréal et
font partie de la Communauté urbaine. Qu'il assimile celles-ci au
pôle culturel qu'est Montréal. En conséquence, compte tenu
de l'importance des rôles du Conseil des arts de la Communauté
urbaine et des villes de ITle de Montréal dans le développement
culturel de la métropole culturelle du Québec, que le
ministère suscite la création et participe aux travaux d'un
organisme de concertation des intervenants culturels de IHe de Montréal
afin d'orchestrer le développement culturel sur tout le territoire de la
Communauté urbaine.
Je pourrais donner en exemple toute la question des lieux de diffusion
des arts de la scène. On entend parier de multiples projets de
développement de salles de spectacle, par exemple. Je pense qu'il faut
insister sur une concertation dans tout le territoire de la grande
région de Montréal pour enfin réaliser un réseau
planifié de grandes, moyennes et petites salles des arts
d'interprétation. Il est essentiel que le ministère des Affaires
culturelles suscite la création et participe donc aux travaux d'un
organisme de concertation où sont invités le Conseil de la
Communauté urbaine de Montréal et les villes de 111e de
Montréal, de même que des organismes représentant les
artistes afin de se concerter et de collaborer ensemble pour orchestrer le
développement culturel sur tout le territoire de la
communauté.
En huitième recommandation, sur l'éducation et
l'initiation aux arts et à la culture, que le gouvernement du
Québec affirme, dans sa politique des arts et de la culture,
l'importance de l'éducation et de l'initiation culturelle et artistique
dans le milieu scolaire et que le ministère de l'Éducation,
même de l'Enseignement supérieur, dispose des ressources
favorisant l'apprentissage des arts et le développement de la culture
des élèves, des étudiants qui lui sont confiés. Que
le ministère des Affaires culturelles et le ministère de
l'Éducation se concertent pour l'établissement des actions
à accomplir au cours des prochaines années et que ce plan fasse
partie intégrante du plan d'action du gouvernement qui découlera
de l'adoption d'une politique. En fait, le modèle d'un ministère
de la culture pourrait fort bien être en meilleure position pour
réaliser un tel plan. Or, chacun le sait, le développement des
marchés ne se fait que par la sensibilisation des jeunes publics. La
culture personnelle prend sa source dans l'apprentissage scolaire. Les loisirs
de l'adulte s'initient à l'école, chez l'enfant. En
conséquence, des générations de consommateurs de biens
culturels et des spectateurs seront à jamais
irrécupérables si des actions ne sont pas entreprises à
court terme. Le gouvernement du Québec doit donc amener le
ministère de l'Éducation à retrouver sa mission
éducative en matière d'arts et de culture. Nous proposons que le
ministère des Affaires culturelles travaille en concertation avec
celui-ci pour établir les actions à accomplir. La ville de
LaSalle tient à faire remarquer au gouvernement que certaines de ces
actions pourraient être accomplies en concertation avec les
municipalités et les commissions scolaires. Il y a déjà
des projets de maillage entre les municipalités, les commissions
scolaires et les réseaux des cégeps, autant pour la diffusion,
pour tenir des activités soit éducatives pour les jeunes publics,
mais c'est à développer venant des différents
ministères.
En conclusion, au niveau des municipalités, le climat est
à l'insécurité parmi les administrations municipales.
À l'heure où la demande croît pour des services artistiques
et culturels dans toutes les villes du Québec, à l'heure
où chacune d'elles est de plus en plus convaincue de son rôle en
cette matière et de la nécessité d'y donner suite
budgétairement parlant, à l'heure où la réforme
fiscale qui oppose les villes au gouvernement du Québec contraint les
villes à des compressions budgétaires dont les premiers effets
seront sans doute souvent des compressions dans les services de programmes
culturels et artistiques...
Donc, la ville de LaSalle a démontré, au cours des
dernières années, qu'un partenariat MAC-villes est possible. Nous
avons encore des projets et ces projets sont possibles dans la mesure où
le ministère maintient son aide aux municipalités, où le
gouvernement continue d'affirmer le rôle du ministère des Affaires
culturelles en matière de développement. Nous avons un projet de
valorisation de l'héritage patrimonial doublé du
développement d'un attrait touristique sur un site important de notre
ville et de toute l'île de Montréal: l'aménagement du parc
des Rapides. Nous aurons besoin du ministère des Affaires culturelles
pour mener à bien ce projet.
Nous voulons travailler à l'intégration des
communautés culturelles pour l'amélioration du cadre de vie. Nous
avons besoin que le ministère des Affaires culturelles s'y
intéresse. Nous voulons continuer notre action en matière d'art
public et établir des programmes d'intégration des arts publics
à l'architecture et au territoire. Nous voulons le faire en concertation
avec le ministère des Affaires culturelles, le CACUM et les organismes
représentant les artistes. En fait, ce ne sont là que
quelques-uns de nos projets. De toute évidence, le travail amorcé
a une suite déjà planifiée et attendue. Le gouvernement
du
Québec doit entendre par là que le partenariat s'est
installé et que les deux partenaires doivent rester impliqués
pour qu'il soit encore question de partenariat. La ville de LaSalle remercie la
ministre et les membres de cette commission de l'avoir entendue et souhaite que
le mémoire soit source d'inspiration au gouvernement pour la
réalisation d'une prochaine politique.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme
Bérubé. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, ça me fait un
plaisir plus que marqué de vous avoir ici avec moi, ce soir. Votre
mémoire est d'une qualité remarquable. Il apporte un point de vue
particulier et des recommandations qui sont tangibles et intéressantes
pour nous, bien sûr, spécialement au niveau du partenariat
villes-ministère des Affaires culturelles.
Vous avez une ville qui comporte un caractère particulier parce
qu'il y a plusieurs communautés culturelles, un bon bassin de
francophones, bassin d'anglophones, italophones et autres communautés
culturelles. Donc, finalement, une espèce de tissu social qui
représente un peu celui de Montréal, mais, finalement,
concentré.
J'aimerais savoir qu'est-ce qui a servi d'élément
déclencheur, compte tenu d'une ville qui s'appelait, à
l'époque, une ville-dortoir, pour qu'elle s'investisse plus à
fond dans le domaine culturel et qu'elle décide aussi, par exemple, de
créer un service culturel autonome.
Mme Lemieux-Bérubé: C'est une volonté
politique de faire en sorte que les citoyens développent un sentiment
d'appartenance à la ville, et ça se fait de multiples
façons. La ville a investi beaucoup d'énergie dans
l'environnement, par exemple, la nature. Je pense que les gens connaissent
très bien l'implication de la ville de LaSalle en matière de
recyclage, par exemple, ou de protection des berges. Le développement
culturel allait s'ajouter au bien-être des citoyens. Il nous apparaissait
important de rejoindre les citoyens et de sentir qu'ils pouvaient consommer,
à LaSalle, les arts et la culture, donc ne pas simplement venir à
LaSalle pour y dormir, mais vraiment jouir en tout temps, sur notre territoire,
des différents volets des arts et de la culture. Ça faisait
partie de toute cette idée de bien-être, de faire en sorte qu'on
est bien chez nous, à LaSalle.
La création d'un service de la culture était une
préoccupation. À l'époque, il y avait la
bibliothèque, il y avait un service des loisirs qui faisait un peu de
tout. Au service des loisirs, on faisait surtout du sport, mais aussi plein de
petites activités à caractère culturel. Il y avait la
bibliothèque qui était dirigée par une
bibliothécaire. Nous, on s'est dit: On va faire faire aux loisirs
certains développements en matière de loisir et un service de la
culture aurait comme mission de s'occuper du développement de la
bibliothèque, mais de tous les autres services en art et relatifs aux
arts et à la culture, qui n'existaient pas du tout à LaSalle. SI
on avait laissé au service des loisirs ce développement, on
n'avait pas là les gens compétents dans ce domaine. Ils
étaient compétents en loisirs, mais ils n'étalent pas
compétents en ce domaine. La création du service de la culture
nous a permis d'aller chercher une gestionnaire culturelle qui pouvait à
la fois s'occuper de la bibliothèque, mais aussi amorcer tout le
développement arts et culture. Je pourrais peut-être laisser
Rachel continuer.
Mme Frulla-Hébert: En même temps, j'aimerais... On a
rencontré plusieurs villes - et il y en a d'autres, d'ailleurs, qui vont
se présenter ici, à la commission - mais, à part la
Communauté urbaine de Montréal qu'on a vue ce matin, la ville de
Montréal viendra la semaine prochaine, la ville de Québec et
d'autres, Sherbrooke, Amos, bon. Vous êtes une ville qui êtes
finalement intégrée à la Communauté urbaine.
Quelles sont finalement vos relations avec le CACUM, le Conseil des arts de la
Communauté urbaine? Comment ça fonctionne? Parce que vous
êtes tellement proche, tellement à côté.
Deuxièmement, comment fait-on pour développer ses
intérêts propres quand les gens sont à 10 minutes de tous
les grands théâtres, finalement, que ce soit le cinéma, la
Place des Arts, les grands organismes de Montréal?
Mme Laperrière (Rachel): Les relations avec le Conseil des
arts de la Communauté urbaine, on pourrait les définir de la
façon suivante: le Conseil des arts, actuellement, a un rôle de
développeur, un rôle de sensibilisateur. Il l'a fait par
l'établissement de programmes qui sont principalement des programmes de
tournées. Bien sûr, le Conseil des arts, dans ses relations avec
les municipalités, vise une chose: c'est que les villes fassent des
activités culturelles. Et les activités culturelles nous sont
proposées dans des programmations qui circulent de municipalité
en municipalité. Donc, nous sommes, d'une certaine façon, des
clients du Conseil des arts de la Communauté urbaine.
Par contre, le Conseil des arts n'a pas devant lui une clientèle
qui est égale, c'est-à-dire qu'il y a certaines
municipalités qui sont rendues plus loin, il y a des
municipalités qui ont une population qui est plus nombreuse et il y a
Montréal parmi ces municipalités-là. Donc, on ne peut pas
dire que la clientèle est homogène pour le Conseil des arts de la
Communauté urbaine et que ça facilite ses actions. On parle,
nous, de concertation avec le Conseil des arts, non pas pour contester le
rôle du Conseil des arts sur ITIe de Montréal; je pense qu'il
est
excessivement important, on le dit dans notre mémoire. Sauf que
le Conseil des arts n'est pas seulement un organisme de programmes pour les
municipalités, c'est avant tout un organisme d'aide à des
organismes d'artistes. Alors, il y a, dans l'île de Montréal, des
développements au niveau des organismes culturels, il y a des
développements avec les municipalités, il y a du
développement qui se fait par le ministère des Affaires
culturelles, par le Conseil des arts de la Communauté urbaine, à
travers toutes sortes de programmes. Et on sent, nous, la
nécessité que tous ces gens-là se rencontrent pour
harmoniser autant les programmes d'aide aux compagnies artistiques que les
lieux de diffusion et que la possibilité d'établir des programmes
pédagogiques dans les municipalités en harmonisation avec les
commissions scolaires, par exemple, et avec les compagnies
théâtrales. Si on parle de programmes pédagogiques en
théâtre, on peut faire des programmes pédagogiques en
patrimoine. Je pense qu'il y a toutes sortes de possibilités qui peuvent
s'articuler autour du rôle de développeur du Conseil des arts et
autour du rôle de responsable du développement d'un sentiment
d'appartenance locale des municipalités. Le ministère est un
partenaire parce que lui aussi est un subventionneur de ces compagnies
théâtrales, de ces villes-là, pour le développement
culturel. Je pense que, tout ça mis ensemble, ça devrait
contribuer à faire une harmonisation du développement pour les
prochaines années.
Quant à la particularisation des services dans une ville qui doit
finalement nous différencier de ce qui se passe à
Montréal, à 10 minutes du centre-ville, effectivement, je pense
que c'est une espèce de tour de force d'essayer de percevoir quels sont
les besoins des citoyens. On a fonctionné beaucoup par essais erreurs,
mais je crois qu'on a découvert certains filons qui sont
intéressants. Je pense, par contre, qu'on n'ira jamais contre le fait -
et on ne veut pas aller contre le fait non plus - que Montréal, c'est
vraiment le centre nerveux de l'action au niveau de la création au
Québec. On ne veut pas "du-plicater" des services qui sont offerts
là, mais on veut donner des services aux citoyens de la ville de
LaSalle, sur leur territoire, pour vraiment faire en sorte qu'ils ne soient pas
des citoyens de seconde zone, leur donner des activités culturelles pour
leurs enfants, des activités culturelles à eux, qu'ils soient des
personnes de l'âge d'or ou des travailleurs, leur donner une
bibliothèque municipale bien articulée, autant qu'ailleurs et
leur donner aussi des spectacles qui viennent en tournée, leur donner un
centre patrimonial comme il y en a ailleurs. Enfin, leur donner, à eux,
un portrait particulier, si on veut, un cliché particulier LaSallois de
ce qu'est une culture québécoise. Alors, on particularise en
donnant un vernis LaSallois aux événements qu'on organise.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des... Parce que,
évidemment, on revient aux communautés culturelles. On en a
beaucoup parlé... La semaine dernière, on pariait
d'intégration, en fait, de pluriculturalisme versus l'expression,
à l'époque, de multiculturalisme. On pariait, finalement, de
trouver des moyens pour que les gens se sentent bien dans leur pays d'adoption,
mais adoptent aussi la culture de ce pays d'adoption. Vous vivez des situations
qui sont tout à fait par-ticulières parce que... Autant vous avez
des italophones parfaitement intégrés depuis longtemps, bon,
après ça, II y a les Portugais, il y a finalement les Grecs. On
en a de toutes sortes: anglophones, francophones. Au niveau de
l'intégration et au niveau de l'action culturelle, est-ce que c'est une
façon de les intégrer et est-ce qu'il y a des choses
particulières que vous faites? (21 h 15)
Mme Lemieux-Bérubé: On trouve très difficile
de rejoindre les différentes communautés culturelles. Je pense
que, l'erreur principale, c'est de toutes les mettre dans le même bain.
Les communautés culturelles, elles sont diverses. Les Grecs et les
Asiatiques ne parient pas le même langage, ils n'ont pas les mêmes
aspirations. Lors du 75e anniversaire de la ville de LaSalle, on avait fait
certaines activités pour ces communautés et ça n'avait pas
très bien fonctionné. Je pense qu'il y a des erreurs de
comportement que nous avons, nous, les Québécois, face aux
communautés. On a, d'autre part, une expérience heureuse qu'on a
faite, l'année dernière. On a monté une exposition
où on a mis en exemple, où on montre une production d'un vieux
Polonais qui avait des trésors de son pays qu'il avait
réalisés lui-même, mais aussi d'autres trésors qu'il
avait chez lui. On a mis ça en parallèle avec une artiste, une
jeune artiste, aussi - en fait, ce n'était pas polonais, c'était
lettonien - subventionnée par le ministère, le Conseil des arts
du Canada, et qui, en même temps, dans la même salle, avait donc sa
vision aujourd'hui de son pays à travers sa production contemporaine
très d'avant-garde et, en même temps, ce monsieur qui avait tous
les trésors de son pays et qu'il avait même, à un certain
moment, réalisés lui-même. On avait mis ça en
même temps. Donc, c'est une nouvelle communauté qui est venue, ce
soir-là, dans notre salle d'exposition et qui a découvert notre
salle de spectacle, notre salle d'exposition et qui a été
enchantée. On a commencé à parier avec eux et je me suis
dit: Ça, c'est un modèle peut-être à
réaliser. En même temps des jeunes artistes qui sont de
différentes souches, des communautés qui sont présentes
sur notre territoire, mettre ça ensemble avec d'autres LaSallois,
d'autres Québécois, faire des jumelages aussi de
communautés québécoises francophones avec d'autres... Mais
c'est un projet à la fois, je pense, qu'il faut faire.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, madame. Cela
va finir... Avant de passer la parole à mon collègue, le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, j'aurais peut-être un
petit commentaire à faire, non pas comme président de cette
commission, mais comme député de LaFontaine de l'est de
Montréal que je suis. C'est avec une certaine envie que je vous entends
parier. Vous avez parlé de bibliothèque, de maison de la culture,
de proximité de 10 minutes des équipements du centre-ville comme
la Place des Arts et autres. Vous avez parlé de Montréal qui est
le centre de développement de la culture. Moi, je suis un
Montréalais. Je ne suis pas un LaSallois. Je ne suis pas un citoyen de
la ville d'Anjou, je suis un vrai Montréalais qui paye ses taxes
à Montréal. Je suis à 45 minutes de la Place des Arts
quand les routes n'ont pas des trous pour que je puisse m'y rendre. Il n'y a
pas de métro, il n'y a pas l'autobus. Il y a 43 000 habitants dans mon
quartier de Rivière-des-Prairies. Il n'y a pas de bibliothèque.
On a encore un minibus comme dans les années cinquante, où les
gens font la queue une fois tous les quinze jours pour obtenir leurs livres.
Vous me permettrez de dire que vous êtes certainement très
chanceux, dans votre quartier, dans votre ville de LaSalle, et que les gens de
l'est de Montréal doivent vous envier. Ça m'amène à
vous poser une question. Est-ce que vous ne pensez pas qu'au lieu de continuer
à concentrer des grands équipements culturels au centre-ville,
qui servent, après tout, à une élite, en
général, qui a les moyens de se les permettre, d'y aller,
d'acheter des billets à 10 $, 15 $, 20 $, on ne devrait pas plutôt
renforcer le réseau des équipements culturels populaires,
accessibles à tous les gens, les jeunes, les personnes
âgées? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a là un
paradoxe où on est à l'époque où on construit des
grands équipements très chers et où des populations qui,
d'ailleurs, n'ont pas les moyens de se les payer, n'en ont pas à leur
propre niveau?
Mme Laperrière: II y a une chose qui est certaine, c'est
qu'on n'aura jamais fait assez en matière de développement
culturel et qu'il y aura toujours des trous à combler, mais
particulièrement, je pense qu'un des domaines où il faut
continuer d'être vigilant et d'investir, c'est dans le domaine des
bibliothèques publiques et des réseaux des maisons de la culture.
Nous avons un centre culturel, qui a aussi une vocation communautaire, qui est
un peu une maison de la culture, un peu sur le modèle de celle de
Montréal. Je pense que ces endroits-là sont les endroits
où il y a vraiment le plus de travail qui se fait pour le
développement de la culture au Québec. Malheureusement, on est
encore loin de dire que chaque citoyen, dans chaque petite municipalité
et même à Montréal, a une bibliothèque pas loin de
chez lui. Même qu'il y a des endroits dans les municipalités
où il n'y en a pas. Au Québec, on est encore des tiers-mondistes,
en matière de bibliothèques et de maisons de la culture. Je pense
que tout le monde est au courant. Malheureusement, c'est comme ça. Ce
n'est pas faute d'avoir prêché pour la valeur des
bibliothèques publiques au Québec au cours des récentes
années, sauf qu'il y a encore de l'ouvrage à faire effectivement.
Ça rejoint beaucoup notre préoccupation qu'on a de
développer de nouveaux secteurs, de nouveaux marchés. Les
bibliothèques publiques sont utiles pour développer des
marchés. Les petites salles de spectacle dans les quartiers sont utiles
aussi, autant pour les enfants que pour tout le monde, mais
particulièrement... Si on cible la clientèle des enfants, les
enfants vont tous à la bibliothèque publique, ou presque. Ils
commencent à y aller avec l'école, à faire des visites
scolaires. Donc, c'est évident que c'est la vocation la plus
fondamentale pour les municipalités en premier, en matière
culturelle. Mais il y a beaucoup d'autres vocations qui sont à ajouter
par-dessus. Il ne faut pas négliger les autres aspects non plus.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
J'étais un peu sur le temps du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, alors je vais maintenant lui passer la parole.
M. Bouierice: Je n'ai aucune objection, M. le Président.
Nous sommes les gardiens de l'est de Montréal. Donc, je ne vous en
tiendrai pas rigueur. Mme Laperrière, Mme Bérubé, M.
Lolselle, vous me permettrez de vous dire que je regrette beaucoup l'absence de
M. le maire Leduc, mais je comprends ses nombreuses obligations. Sauf que cela
aurait été pour moi un plaisir de le revoir.
Je vais immédiatement aller vers vous, Mme Bérubé,
en vous disant que, tantôt, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai
accueilli l'artiste. Maintenant, j'ai devant moi la politicienne. Je dois vous
avouer qu'arts, culture et politique peuvent effectivement faire un mariage. Il
semble très heureux, dans votre cas. Mais je vais poser
inévitablement cette question à la conseillère municipale,
donc à la politicienne. Vous avez vécu, comme élue
municipale, une décision unilatérale du gouvernement,
votée au Conseil des ministres, sur une réforme fiscale brisant
le pacte de 1980 qui avait été signé avec les
municipalités. Donc, des charges fiscales inattendues que vous devrez
assumer, que vous avez déjà commencé à assumer et
que vous devrez commencer à assumer dé façon beaucoup plus
dramatique, dans les semaines ou les mois à venir, au niveau du
transport notamment, etc. Je vois que votre municipalité s'en tire quand
même honorablement bien, dans le domaine. Je crois que c'est autour de
3,1 % ou 3,2 %. Les pourcentages étant ce qu'ils valent, c'est quand
même indicatif d'un effort senti de la part de la ville
de LaSalle. Comment pouvez-vous vivre une politique de la culture
où on demande plus aux municipalités, si on n'y Injecte pas de
l'argent nouveau, qu'on leur demande d'aller puiser, comme on dit en bon
québécois, dans les poches des contribuables?
Mme Lemieux-Bérubé: Je vous répondrai que,
effectivement, ie temps actuel est extrêmement difficile pour demander
aux municipalités d'injecter davantage d'argent dans le domaine culturel
ou même d'amorcer, pour certaines municipalités, un
développement culturel.
A la ville de LaSalle, tout d'abord, on a une longueur d'avance. On
estime qu'on a une longueur d'avance. La ville aussi est en bonne santé
financière. C'est sûr que c'est difficile. La ville aura à
faire des coupures ou à augmenter la charge fiscale des citoyens, je
pense les deux. La façon dont je le vois, l'an prochain ou les
prochaines années, c'est qu'il y aura des coupures, mais dans
différents services. Il y en aura sûrement un peu en culturel, si
on regarde le plan quinquennal qu'on a développé, mais il y en
aura aussi dans d'autres services. C'est pour ça que je
répète l'importance de conserver un partenariat ministère
des Affaires culturelles-municipalités si on veut penser, d'une
façon sérieuse, à un développement, à une
amorce ou à une continuation d'un développement culturel dans
l'ensemble des municipalités.
J'assistais, la semaine dernière ou il y a quelques semaines,
à une table de préparation du mémoire de l'Union des
municipalités. C'est extrêmement difficile actuellement de dire
aux municipalités: Faites du développement culturel. C'est
très, très, très difficile, je l'avoue.
M. Boulerice: Vous êtes bien consciente, Mme
Bérubé - de toute façon, le contraire m'étonnerait
- de ce que vous venez de dire. C'est extrêmement Important. C'est qu'il
y a un document qui s'appelle le rapport Arpin, qui a été
commandé par le ministre et qui dit: Oui, avec les municipalités,
demain, nous ferons ci, nous ferons ça, etc. Mais là vous
êtes en train de me dire que, compte tenu des actions récentes du
gouvernement au niveau de la fiscalité municipale, loin de regarder
demain, ces actions feront en sorte que, déjà, vous allez
commencer à régresser, au niveau culturel. Déjà,
vous allez être obligés à des coupures, je veux dire, c'est
extrêmement dramatique.
Mme Lemieux-Bérubé: Des coupures sur notre plan de
développement. Non pas des coupures sur l'action qu'on mène
actuellement, mais sur un plan quinquennal qu'on devra ralentir, comme dans
d'autres services de notre municipalité.
M. Boulerice: C'est tout aussi tragique.
Mme Lemieux-Bérubé: Oui.
M. Boulerice: C'est tout aussi tragique.
Mme Lemieux-Bérubé: Hé oui!
M. Boulerice: Donc, vous acquiescez à cette... Bon.
Premièrement, il n'est pas question de délestage. Vous êtes
d'accord pour un partenariat, mais partenariat, écoutez, vous allez y
fournir. Donc, vous êtes d'accord avec l'assertion - je ne me souviens
plus si c'est M. le maire de Trois-Rivières ou le maire d'Amos - qui
disait: II devrait y avoir une prime à l'encouragement. Les
municipalités qui, comme la vôtre, font des efforts, se donnent
des politiques, se donnent les structures nécessaires, devraient
être encouragées, comparativement, peut-être, à des
municipalités pour qui même les incitatifs n'ont rien fait.
Mme Laperrière: Je ne sais pas si certaines villes doivent
être encouragées, et d'autres laissées pour compte. Je
crois qu'il est important que se discute ce partenariat gouvernement du
Québec et municipalités. Je crois qu'il est important que se
crée un endroit - et là nous avons été un peu
nébuleux en le nommant "tribune", cadre organisationnel - où les
municipalités soient écoutées et aient la
possibilité de dire au gouvernement le type de relation qu'elles veulent
établir avec lui pour le développement de la culture au
Québec. Je crois qu'il est important que se fasse cette
définition des rôles d'une façon mutuelle,
c'est-à-dire qu'on soit assis à la même table, qu'on se
parle, pour que toutes les municipalités soient capables d'exprimer leur
volonté au gouvernement du Québec et non pas subir un
délestage de responsabilités de la part du gouvernement. Ce qu'on
veut, c'est établir un réel partenariat et participer à
l'établissement de ce partenariat dans un organisme - soyons
créateurs - il faudra faire comme les artistes, inventer peut-être
ce type d'organisme là, lui trouver un nom, en trouver une formule. Le
rapport Arpin pariait d'une commission consultative sur la culture; j'en ai
discuté avec M. Arpin, quand on l'a récemment rencontré
à LaSalle, et je lui ai posé la question: Est-ce que c'est une
tribune, ça, où les villes pourraient éventuellement avoir
une place et avoir un rôle? Et ça nous semblait à tous deux
- et je pense que c'était aussi le cas de toute l'assemblée -
ça nous semblait faible. Ça nous semblait faible parce que c'est
une commission consultative sur la culture, en fait; les villes auraient alors
un rôle uniquement consultatif. Il n'y a pas vraiment de lieu qui a
été créé et qui est recommandé dans la
politique pour que les villes puissent énoncer leur capacité de
développement et qu'elles négocient avec le gouvernement,
finalement, ce qu'elles pourront faire dans les prochaines années. Je
crois que le fart que ce soit
absent du rapport Arpin, de l'avis même de M. Arpin, à qui
nous en parlions, il disait que ça devrait être corrigé. En
fait, il faudrait prévoir un endroit d'échanges. M. Arpin me
disait qu'il était pour en parler à la ministre, et nous, on
disait qu'on en parlerait à notre député; alors, on en
parlera à la même personne.
M. Boulerice: II y a eu une table d'échanges entre les
municipalités et le Québec, qui s'appelait
Québec-municipalités, la table de concertation. Elle portait sur
les partages fiscaux. Mais là je vous comprends: Chat
échaudé craint l'eau froide. Vous êtes bien d'accord pour
participer à une table de concertation, d'implication des
municipalités dans le développement culturel, sauf que, si je
vous ai bien compris, vous posez une condition de base qui est: Oui, mais cela
ne se fera pas à nos frais exclusivement. C'est bien ça que vous
dites?
Mme Laperrière: C'est ça. Je pense que
c'était unanime. Les municipalités étaient unanimes
là-dessus, au colloque Patrimoine et Culture de l'Union des
municipalités du Québec. Je pense que c'est ce qu'on entend
régulièrement de la part des municipalités. Notre opinion
en tant que représentants de la ville de LaSalle ne diffère pas
de l'opinion même des membres de Les Arts et la Ville. Les Arts et la
Ville, c'est une association qui est composée de représentants,
autant conseillers municipaux que gestionnaires municipaux et
représentants d'organismes culturels, donc les regroupements d'artistes.
Tous étaient Unanimes pour dire, eux aussi, la même chose. Et
là-dedans, dans Les Arts et la Ville, dans cette association, on y
regroupe les villes qui, quand même, sont les plus importantes en
matière de développement culturel au Québec. Je pense
à Québec, Laval, Montréal, Sherbrooke, Chicoutimi, etc.
(21 h 30)
M. Boulerice: Si vous me permettez, M. le Président, une.
brève question avant que nos invités puissent prendre
congé. Bon. Alors, nous vivons en communauté. La
Communauté urbaine de Montréal, c'est plusieurs
municipalités. Il y a effectivement un Conseil des arts de la
Communauté urbaine de Montréal. S'il doit y avoir un
développement, il doit être harmonieux. Je pense que l'exemple que
citait M. le député de LaFontaine, tantôt, est vraiment
patent. Pourquoi telle chose dans telle partie de l'île et, par contre,
pénurie dans l'autre? Non pas que je veuille dire que ce soit la
surabondance dans le cas de LaSalle. Vous êtes bien portants, mais vous
n'êtes pas en Rolls-Royce, disons, pour employer une expression
populaire. Alors, quelle structure, d'après vous, pourrait assurer une
meilleure concertation des intervenants de l'Île pour que le
développement culturel qu'on souhaite soit vraiment présent sur
l'ensemble du territoire?
Mme Lemieux-Bérubé: C'est une structure à
créer, où siégeraient des gens de la Communauté
urbaine, des représentants d'un certain nombre de municipalités
et des représentants d'artistes aussi et du ministère. C'est une
structure à créer. Elle n'existe pas et il n'y a pas de
modèle que je pourrais citer. C'est à créer, et c'est une
table où, justement, il faut planifier la répartition des
équipements culturels majeurs et les autres moins d'envergure. Mais il
faut faire une planification autant sur les équipements que sur le
développement de la programmation.
Mme Laperrière: Je sais que c'est une idée qui a
voyagé un peu dans les couloirs, au ministère des Affaires
culturelles de ta région de Montréal, pendant quelques
années. C'est difficile de créer une structure comme ça,
parce que ça réunit des gouvernements ayant un pouvoir
différent sur un même territoire. L'harmonisation des programmes,
ce n'est pas facile, même à l'intérieur d'un
ministère, alors, avec plusieurs régions, ce n'est pas facile.
Donc, réunir, pour faire une concertation, des éléments
aussi disparates, ça ne sera pas simple. Mais je pense qu'à
l'heure actuelle, à une époque où il faut rationaliser nos
opérations, où il faut les rendre pertinentes à tout prix,
parce que l'argent est rare et, quand il est dépensé, il faut
qu'il serve au maximum, c'est une condition sine qua non pour le
développement de la région de Montréal dans les prochaines
années.
M. Boulerice: Si on me le permet, juste une toute petite
question...
Le Président (M. Gobé): Allez-y, faites, oui,
oui.
M. Boulerice:... à M.Loiselle. M. Loiselle, je
vois que vous êtes président de la Commission de
développement culturel pour la ville de LaSalle, ça va de soi.
Combien de municipalités membres de la Communauté urbaine se sont
donné des commissions de développement culturel?
M. Loiselle (Henri): Je ne pourrais pas répondre vraiment
à cette question. J'en connais quelques-unes: Montréal, Laval,
LaSalle. Après ça, je ne peux pas vous donner plus
d'implications, excepté que je trouve que c'est un instrument
très important dans une ville. À LaSalle, la commission, c'est
tous des bénévoles de différents... des
représentants du cégep, de la commission scolaire, des arts, du
centre culturel et ainsi de suite, qui donnent leur opinion. C'est là
qu'on a fait notre plan quinquennal. Il y a aussi, dans la commission, des
membres de la Chambre de commerce et... Ça donne des partenariats avec
des industries et des commerces à LaSalle. On parle à toute heure
qu'on manque d'argent Ici, qu'on manque d'argent là. On est
obligé d'aller vers les industries et les commer-
ces de LaSalle pour qu'ils puissent investir dans les arts et la
culture.
M. Boulerlce: Mme Bérubé, Mme Lapierre, M.
Loiselle, merci. M. Loiselle, vous avez peut-être aussi, par
inadvertance, répondu à la question. Si toutes les villes, si
plusieurs avaient des commissions de développement culturel, il y aurait
sans doute eu une rencontre des présidents, donc on le saurait s'il y en
avait. J'ai bien l'impression qu'il n'y en a pas beaucoup. Je vais m'attrister
qu'il n'y en art pas beaucoup, mais me réjouir qu'il y en ait une
à LaSalle, la ville qui fait partie de la circonscription de ma
collègue. Je pense qu'elle à, elle aussi, ses objets de
fierté. Je ne vais pas être mesquin et jaloux.
M. Loiselle: Dans nos municipalités, ça prend une
volonté politique si on veut vraiment faire le développement
culturel aussi. Ça prend une volonté politique du parti municipal
en place pour le faire. Si on n'a pas la volonté politique, c'est
beaucoup plus difficile à développer, je peux vous dire
ça. Quand vous avez une volonté politique du conseil municipal,
c'est encore difficile. Vendre les arts, c'est difficile, mais, quand vous avez
une volonté politique, ça va mieux.
M. Boulerice: Je ne veux pas me mêler d'élections
municipales. Je vais vous demander de transmettre mes amitiés à
M. le maire Leduc.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député.
Votre remarque sur la création d'un comité intermunicipal
au niveau de Montréal qui verrait à répartir les
équipements culturels m'a amené à penser à une
situation qui s'est produite dernièrement. Il est vrai que le besoin
crée la nécessité. Il s'est créé, il y a
à peu près un an et demi, la régie intermunicipale des
déchets. Il s'est trouvé que les villes de Montréal ne
savaient plus quoi faire avec leurs déchets, il fallait trouver des
solutions. Alors, en dedans d'un an et demi, ils ont réussi à
s'organiser, à créer un organisme permanent et à trouver
du financement. Et Ils ont décidé d'envoyer toutes les poubelles
et l'Incinérateur dans l'est de Montréal pour être
brûlées.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Je
préférerais plutôt que vous vous organisiez - c'est un
message que j'envoie aux gens de la ville de LaSalle qui sont sûrement
solidaires des gens de l'est, comme d'habitude - que vous créiez un
organisme culturel qui verrait à envoyer, en dedans d'une année
et demie, une bibliothèque, une maison de la culture, des salles de
spectacle dans l'est de Montréal. Alors, ceci étant dit, ce n'est
pas votre faute. J'ai apprécié que votre témoignage
permette de mettre l'éclairage sur ce côté-là.
Jusqu'à maintenant, on a entendu des groupes d'artistes, des
historiens... Vous êtes probablement les premiers qui, au niveau
municipal, touchaient d'aussi près ces réalités qui
concernent les gens, tous les jours. Et la culture avec un grand A - parce que,
selon moi, elle commence à l'école - elle commence aussi dans la
vte de tous les jours lorsqu'on va à la bibliothèque, lorsqu'on
va à la maison de la culture. Je crois qu'il serait illusoire de penser,
dans notre société, qu'on va transmettre la culture ou le
goût de la culture aux gens si on n'a pas des équipements
adéquats et la disponibilité proche et facile d'accès pour
les gens. J'ai beaucoup apprécié votre témoignage.
Maintenant, peut-être Mme la ministre, en terminant...
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, on pariait de
volonté... Volonté au niveau de la ville. Je tiens à
souligner aussi, pour le député de LaFontaine, que c'est notre
maire qui est président de la régie des déchets.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Oui, c'est vrai. Je dois
dire, d'ailleurs, que j'ai eu, cette semaine, un éloquent
témoignage de solidarité. Votre maire a appuyé une
résolution de la Conférence des maires de banlieue qui recommande
l'installation de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans le quartier
Rivière-des-Prairies. Ça a été adopté
à l'unanimité et votre maire était un des promoteurs de
cette résolution, m'a-t'on dit.
Une voix:...
Le Président (M. Gobé): Alors, vous lui
transmettrez mes remerciements. Je sais que vous étiez au courant,
madame, comme conseillère municipale. Ça a été
débattu à votre conseil municipal, déjà.
Mme Frulla-Hébert: Pour vous dire que ce n'est pas que les
déchets et pour vous dire qu'évidemment, quand une ville est
pionnière en matière d'environnement, pionnière en
matière de culture, c'est sûr que le développement qui est
pris par la municipalité, les élus municipaux et aussi le milieu,
évidemment, ça va plus rapidement.
Quant à nos ententes, je veux seulement préciser, parce
qu'on a parlé beaucoup de bibliothèques dans l'est, etc., il y a
effectivement une entente qui a été signée avec Mme Bacon
et le maire Doré, où le ministère des Affaires
culturelles, à coups de plusieurs dizaines des millions de dollars,
prenait tout le fonctionnement et aussi l'entretien des grands organismes qui
sont à Montréal. La ville a décidé, elle, de
s'occuper de ses maisons de la culture et des
bibliothèques, et c'est comme ça que le partage s'est
fait. Alors, c'est seulement pour clarifier la situation. Nous ne
subventionnons aucune bibliothèque dans la ville de Montréal,
à part la Bibliothèque nationale, les grosses
bibliothèques centrales et aussi tous les gros organismes.
Le Président (M. Gobé): Si mon collègue de
l'Opposition le permet, son consentement pour qu'on dépasse l'heure.
Parce qu'on se retrouve devant un dilemme, madame - et vous n'en êtes pas
responsable, loin de moi l'idée de vous l'imputer... On se retrouve dans
le dilemme suivant: c'est qu'une bibliothèque d'Outremont - les citoyens
ne l'ont pas voulue, c'est vrai - était prête à être
subventionnée de l'ordre de 700 000 $ alors qu'elle est située
à trois minutes de la Place des Arts qui est sur le territoire de
Montréal, et le ministère était prêt à la
subventionner. Montréal-Est, LaSalle, Lachine, Dorval, lorsqu'elles
demandent des bibliothèques, ont droit à des subventions alors
que leurs citoyens jouissent des mêmes facilités
montréalaises, que ce soit la Place des Arts, enfin, tous les grands
centres qui, eux, sont payés à la ville. Paradoxalement, nos
quartiers ne peuvent pas avoir de subvention. La ville de Montréal,
étant une ville qui connaît un degré de pauvreté
très important avec des problèmes structurels très
importants, a des difficultés à subvenir aux besoins culturels.
Les gens nous le disent quand ils viennent ici: On coupe, en
général, la culture avant de couper autre chose. Là, on
n'a pas coupé chez nous, ce n'est même pas Investi. Je trouve un
peu paradoxal que, parce qu'on est sur le territoire de Montréal, les
citoyens n'aient pas accès aux mêmes services que les gens qui
sont dans les banlieues. On est sur la même He ensemble.
Mme Lemieux-Bérubé: C'était peut-être
une erreur, dans le temps, et on pourrait dire peut-être encore une
erreur, aujourd'hui, de penser à une île, une ville. C'est
peut-être mieux d'avoir plusieurs municipalités et de faire du
développement dans chacune des municipalités que de penser avoir
une seule grande ville.
Le Président (M. Gobé): Oui. Parce que si
Rivière-des-Prairies n'avait pas été annexée
à Montréal, il y a une quinzaine d'années, nous serions
éligibles pour avoir une bibliothèque subventionnée par
notre bon gouvernement et les gens, au lieu d'attendre un autobus dans la
"slush", l'hiver, dans la glace, le froid et la pluie, avec leurs enfants, pour
avoir un livre, ils auraient une belle bibliothèque.
Mme Frulla-Hébert: Donc, un gros merci. Et moi, la
suggestion, c'est de faire pression auprès de votre maire. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais
maintenant appeler le groupe suivant, qui est la Société de
développement des périodiques culturels
québécois.
Alors, mesdames et messieurs, la commission de la culture va maintenant
reprendre ses travaux. Nous allons entendre la Société de
développement des périodiques culturels québécois
qui est représentée par M. Guy Marchamps, président -
bonsoir, M. Marchamps - Mme Alyne LeBel, administratrice - bonsoir, madame -
Mme Francine Bergeron, directrice générale - bonsoir, madame - et
j'aperçois une autre personne.
M. Lemaire (Marc): Je suis Marc Lemaire, administrateur de la
SODEP.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, monsieur. Donc,
vous pouvez dès maintenant commencer la présentation de votre
mémoire, pour une quinzaine de minutes.
Société de développement des
périodiques culturels québécois
M. Marchamps (Guy): Mme la ministre des Affaires culturelles,
membres du comité, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord vous
remercier de nous donner l'opportunité de nous exprimer Ici, de donner
notre point de vue sur la proposition de politique de la culture et des
arts.
Donc, la SODEP, la Société de développement des
périodiques culturels québécois, existe depuis 1978 et,
dès sa fondation, l'amélioration des conditions de publication et
de diffusion des revues culturelles a fait partie intégrante de son
mandat. Aujourd'hui, nous poursuivons notre objectif avec la SODEP qui regroupe
maintenant près d'une cinquantaine d'éditeurs et
d'éditrices de périodiques, et nous désirons plus que
jamais oeuvrer au niveau du développement et de la commercialisation des
revues.
Partenaire essentiel des autres associations du milieu de
l'édition, la SODEP représente ses membres auprès des
institutions gouvernementales, scolaires, publiques et privées. Elle se
veut de plus en plus un agent de promotion important entre les éditeurs
et les éditrices et le public lecteur.
La SODEP joue un rôle de premier plan quant au rayonnement des
périodiques culturels. C'est ainsi qu'elle participe, entre autres,
activement aux divers salons et foires du livre et du périodique, tant
au Québec qu'à l'étranger. Ces manifestations sont un des
véhicules privilégiés pour assurer aux revues une
meilleure visibilité.
Alors, ça, c'était la présentation, donc, de
notre société que j'ai abrégée un peu. Passons
maintenant au mémoire comme tel.
La création culturelle: en a-t-on pour notre argent? Financer la
création culturelle pour une société signifie se verser
à elle-même les fonds
dont elle a besoin pour exprimer et développer son
identité dans ce qu'elle a de plus intime et de plus fondamental. Il
fallait rappeler cette évidence dès le point de départ,
car, dans la plupart des propos et des débats qui entourent cette
question, on traite la production culturelle uniquement comme une industrie
ordinaire, une sorte de secteur mou de l'économie, un groupe
d'intérêts particulier auquel l'État consentirait quelques
cadeaux.
Il est primordial d'insister sur ces deux caractéristiques
majeures de l'activité culturelle, soit la société et
l'économie, par rapport à l'ensemble des réalités
socio-économiques. Ses retombées sont d'un caractère
collectif et elles se répartissent sur une longue période. (21 h
45)
L'oeuvre est individuelle, mais les efforts mis à la
réaliser et à en assurer la production matérielle
bénéficient de l'énergie et de l'opiniâtreté
de nombreuses personnes et le processus a, dès le départ, un
caractère social qui culmine avec son entrée dans le circuit de
production. Lorsque, créateurs ou non, nous demandons à une
énième tasse de café de nous procurer un surcroît
d'énergie ou, tout au moins, de nous en donner l'impression, le produit
bénéficie directement et exclusivement à la personne qui a
déboursé des sous pour l'obtenir. Une personne qui entre en
contact avec une oeuvre de création y trouve un renouvellement de sa
sensibilité, un bagage d'idées et d'images dont elle sera
désormais porteuse et agente de diffusion. Elle seule a payé son
livre ou son billet d'admission, mais tout le patrimoine culturel dans lequel
s'inscrit cette oeuvre vient de s'enrichir. Et cet enrichissement se prolonge
dans le temps, bien au-delà de l'année fiscale et de ses
règles comptables. La réception de l'oeuvre culturelle a un
caractère social qui ne cadre pas avec la façon habituelle de
percevoir les phénomènes de consommation.
Il ne faut pas oublier qu'un exemplaire d'une revue culturelle, un
numéro donc, a à peu près 2, 6 lecteurs. Donc, il y a un
effet multiplicateur dans le fait de lire ces numéros-là qui sont
dans les maisons, qui entrent dans les foyers. Ils sont lus par au moins 2, 6,
parfois 3 personnes. Et on peut penser qu'il y a environ 100 000 de tirage par
année, pour les revues culturelles, c'est quand même
important.
Grandeurs et misères de notre cheminement culturel collectif.
Fraîchement sortis d'un passé où d'autres urgences
empêchaient de traiter la culture comme une priorité, nous voici
confrontés à une explosion médiatique qui concurrence la
culture sur le terrain du temps libre et du spectacle, avec des ressources
techniques et financières d'une supériorité
incommensurable, jouant sans retenue sur la facilité intellectuelle et
autres séductions. C'est ici que le terme "industries culturelles"
prête à confusion. On y englobe dans une même logique et une
même philosophie de financement une production commerciale disposant d'un
capital considérable pour saturer une demande préexistante, et
une création au sens strict, c'est-à-dire qui vise à faire
quelque chose de rien, quelque chose dont la mission propre est de
générer par ses oeuvres une demande nouvelle, d'entraîner
la pensée et l'imaginaire dans de nouvelles explorations, de faire donc
du développement. Évidemment, une commandite au Festival de
l'humour rejoint un plus large créneau qu'une annonce dans un
périodique culturel. Nous ne blâmons pas ta population d'avoir
besoin, par moments, de se détendre en riant sans se poser de questions,
ni les commerçants de placer leur budget de publicité là
où leur message a des chances de toucher davantage de consommateurs.
Nous constatons simplement qu'il est souverainement naïf de viser à
ce que ce mode de financement soit aussi le moyen capable d'assurer la
viabilité des oeuvres d'aujourd'hui équivalentes à ce que
fut le "Misanthrope" de Molière à son époque. Soyons
justes. En tant que classique, cette pièce attire aujourd'hui une
certaine publicité de prestige, mais faut-il signaler qu'à sa
création elle n'était pas un classique, pas plus que la peinture
de Van Gogh ou les poèmes de Nelligan.
Les périodiques culturels: catalyseurs. Le rôle des
périodiques culturels a toujours été très important
au Québec. Certaines revues ont cristallisé des moments forts et
il ne serait pas exagéré d'affirmer que, pour certains,
"Cité libre" symbolise la lutte au duplessisme comme "Parti pris" a
marqué le coup d'envoi de la volonté d'indépendance au
Québec, au cours de la période contemporaine. Au cours du XXe
siècle, des revues comme "Le Nigog", "Liberté", "Mainmise", pour
prendre des exemptes éparpillés et promouvant des
idéologies différentes, ont été les catalyseurs de
mouvements et de phénomènes sociaux importants. Il ne faut pas
oublier aussi qu'au XIXe siècle ce sont les revues qui sont au
départ de la littérature, c'est-à-dire en 1860 avec
l'abbé Casgrain et Octave Crémazie, ici, à Québec,
donc avec les revues "Les Soirées canadiennes" ou "Le Foyer canadien".
C'est là que la littérature a pris naissance, au fond, dans ces
discussions-là, dans ces critiques qu'il y avait dans ces
revues-là. Il ne faut pas oublier aussi qu'avant 1945, avant la guerre,
l'édition au Québec, ce qui se passait au niveau
littéraire, ce n'était pas beaucoup dans l'édition. Il n'y
avait pas beaucoup de maisons d'édition qui étaient très
structurées, mais ça se passait beaucoup dans les revues,
c'est-à-dire qu'au niveau intellectuel on échangeait beaucoup
dans les revues. Donc, la revue a souvent été le banc d'essai de
nombreux talents. Ça, il ne faut pas l'ignorer.
De manière générale, l'industrie du magazine a
connu une expansion considérable au cours des dernières
années et les revues spécialisées, notamment, se sont
multipliées. Dans ce contexte, le marché des périodiques
culturels a su prendre la place qui lui revenait et son rayonne-
ment auprès du public lecteur n'est plus à
démontrer. La liste des membres de la Société de
développement des périodiques culturels québécois
dénote l'importance des périodiques. Pour la seule région
de Montréal, on en compte plus d'une trentaine. Pour la région de
Québec, une dizaine. Pour l'ensemble du Québec, plus d'une
cinquantaine. Leur dynamisme compte pour beaucoup dans la vitalité de la
vie culturelle québécoise.
Selon l'étude de M. Pouliot, "Le comportement culturel des
Montréalais en matière d'activités culturelles",
publiée par le ministère des Affaires culturelles en 1985, 6
résidents sur 10, 57,9 % de la région montréalaise, lisent
des revues très souvent et assez souvent. De ce nombre, près de
10 % déclarent lire assez et très souvent des revues culturelles,
indique une étude de marché réalisée par la firme
Boisvert, Mizo-guchi et Associés, en 1989, pour le compte de notre
société et de la Commission d'initiative et de
développement culturels de la ville de Montréal. Malgré
cela, elles sont encore relativement peu connues du grand public, comme le
relève chaque année le passage de la SODEP dans les
différents salons du livre. Dans les universités et les
cégeps, les étudiants n'ont souvent même jamais vu les
différents périodiques culturels.
Un parent très très très pauvre. Malgré
l'importance de la littérature, elle est, somme toute, laissée
pour compte par nos gouvernements. Le ministère des Affaires culturelles
du Québec administre un budget de 262 000 000 $. La littérature
ne reçoit en tout et pour tout que 0,5 % alors que, par exemple, le
théâtre en récolte 6,8 %, la musique, 5,6 % et la danse,
2,7 %. Ce peu de considération pour la production d'imprimés se
décèle malheureusement fortement dans le rapport Arpin. Il faut
ajouter, pourtant, que la lecture est le moyen le plus démocratique de
se cultiver dans notre société, et un des moyens les moins chers
aussi.
Alors, notre réaction au rapport. L'édition de revues et
de livres doit-elle être incluse dans les sports ou l'industrie
papetière? L'impression qui s'en dégage est celle d'une tendance
à la généralité. Si nous sommes relativement
satisfaits du contenu du rapport, nous sommes pourtant déçus de
ses recommandations. Malgré la présence de tableaux pourtant
éclairants, le rapport arrive rarement à toucher la cible en son
centre, à l'exception de la SOGIC où les recommandations sont
claires et spécifiques. Dans les autres domaines, on se contente plus
souvent qu'autrement de formuler des demandes qui ressemblent à des
voeux pieux. Des exemples? Prenons les bibliothèques. Proposer que - et
je cite - "l'État reconnaisse l'importance fondamentale du livre et de
la lecture et qu'en conséquence il consolide les politiques et les
programmes actuels de soutien", c'est aussi efficace que de souhaiter qu'un
jour l'État protège nos forêts et veille à leur
reboisement. À notre avis, une proposition qui aurait demandé que
l'État, avec la collaboration des municipalités, se dote d'un
plan quinquennal pour atteindre le même investissement per capita que
l'Ontario, en ce qui concerne les budgets des bibliothèques minicipales,
aurait été autrement plus contraignant. Au Québec, les
municipalités consacrent 15,98 $ par personne dans le fonctionnement des
bibliothèques publiques alors que les municipalités ontarlennes
versent 29,93 $, et ça, c'est dans le rapport Arpin, à la page
251.
La proposition de taxe de vente québécoise n'est pas plus
convaincante. Pourquoi réduire la taxe de vente du Québec (TVQ)
sur les biens culturels de 8 % à 3 %? Pourquoi pas à 2 %, 7 % ou
rien du tout?
Le retrait du gouvernement fédéral du champ culturel afin
que le ministère des Affaires culturelles en devienne, et je cite encore
le rapport Arpin: "le seul maître d'oeuvre" apparaît
inquiétant quand on constate que le rapport Arpin accorde une place
infime aux éditeurs de revues culturelles et de livres. De plus, la
liste exhaustive des organismes culturels qui oeuvrent au Québec ne
dénombre même pas les maisons d'édition et les
éditeurs de revues culturelles. Y figuraient pourtant les 50 organismes
musicaux, les 145 musées privés, les 91 compagnies
théâtrales, les 15 compagnies de danse, les 75 centres artistiques
autogérés, les 121 lieux historiques, les 900
bibliothèques et les 180 galeries commerciales.
Si la fabrication d'oeuvres littéraires coûtait aussi cher
à nos gouvernements que les budgets nécessaires au maintien de
nos troupes de théâtre ou à celui de nos orchestres
symphoni-ques, peut-être les organismes subventionneurs nous
accorderaient-ils une attention plus respectueuse que celle qu'ils nous
marquent aujourd'hui. Qu'est-ce donc qu'un texte littéraire
imprimé sur du papier recyclé en comparaison des mille et un
artifices de vidéo-clips? Si peu, qu'on oublie presque d'en parler dans
un rapport où, pourtant, la littérature devrait tenir une place
de choix.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous
terminé?
M. Marchamps: Non, j'achève. Des fondements
intéressants. Sur plusieurs points, nous sommes cependant en accord avec
le rapport du groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin. Comme
on le dit à la page 31, et je cite: "Le temps est venu de
considérer la culture comme une mission essentielle de l'État."
Ce n'est cependant pas une affirmation très nouvelle. C'est ce que
disait déjà un administrateur du ministère des Affaires
culturelles, M. Guy Frégault, qui était là de 1961
à 1966. Dans son livre "Chroniques des années perdues", M.
Frégault nous raconte ses déceptions devant ce perpétuel
problème du ministère: bonne volonté, mais pas de moyens.
Est-ce que cela a vraiment changé? Il semble donc que, depuis la
création
de ce ministère, l'État, principal moteur du dynamisme
culturel, après les créateurs, ait toujours tergiversé et
remis à demain - est-ce à dire aujourd'hui? - son devoir.
Seul l'État peut se permettre d'investir à long terme dans
l'âme d'un peuple. "Les trésors moraux fondamentaux de l'esprit,
au moins dans ce qu'ils ont de plus essentiel, ne dépendent pas de la
puissance économique", nous dit le grand écrivain russe
Dostoïevski. Ce n'est pas là le langage des financiers, on le sait,
qui s'attendent toujours à trouver du profit le plus rapidement
possible.
Sur la scène internationale, une promotion accrue des produits
culturels québécois. Comme le recommande le rapport, nous nous
attendons à ce que le gouvernement mette beaucoup plus en valeur qu'il
ne le fait la production culturelle québécoise dans sa promotion
du Québec sur la scène internationale. Et je peux vous dire, en
tant que membre du comité d'éditeurs pour les foires à
l'étranger, que la demande effectivement est très grande; je peux
le constater chaque année, à Bruxelles, à Paris, à
Genève, la demande est très grande, mais, malheureusement, on n'a
pas les moyens d'accéder à cette demande-là. Cela ne
semble pourtant pas acquis. Pour ne donner qu'un exemple, dans une
récente entrevue radiophonique, le haut fonctionnaire responsable de la
préparation du kiosque québécois à l'Exposition
internationale de Seville, en Espagne, en 1992, soulignait que l'accent serait
mis sur l'économie et que, s'il était question de culture, ce
serait seulement sous l'angle de l'économie.
Rationaliser la distribution de subventions selon quels critères?
La diversité culturelle est un signe de bonne santé et il faut
encourager, dans le respect de chaque médium, la création qui est
au coeur de la culture. Nous croyons que chaque organisme culturel est
essentiel. Avec un budget accru, indexé annuellement, ces organismes
donneront leur plein rendement sans signe d'essoufflement. Nous croyons que ce
serait une grave erreur, sous prétexte de rationalisation
budgétaire, de regrouper des organismes qui ne défendent pas les
mêmes droits ou ne diffusent pas dans les mêmes circuits. Ce serait
faire plus de tort que de bien. Comme le dit le rapport du groupe-conseil, ce
n'est pas parce qu'un art comme la danse est moins populaire qu'il faut pour
autant lui donner des miettes. Au contraire, c'est le devoir de l'État
d'y subvenir substantiellement afin que l'héritage et la richesse de cet
art ne se perdent. Il y a une notion de musée vivant qu'il faut avoir
constamment en tête. Ce qui fait partie de notre institution
muséologique n'a pas pris naissance dans de tels lieux. C'est sur les
scènes, dans les studios, dans les revues et les galeries que
s'expérimente le chef-d'oeuvre de demain. (22 heures)
On ne peut nier l'enrichissement que nous apporte le Musée d'art
contemporain, mais cela n'empêche pas une petite galerie de Rimouski ou
un centre culturel à Trois-Rivières, par exemple, d'être
d'une importance capitale pour la vie culturelle québécoise. Si
nous élaborons une politique culturelle en commençant par parler
de coupures dans les organismes qui déjà existent par la grande
volonté et l'énergie souvent bénévole de ses
membres, nous faisons fausse route.
Alors, nos recommandations. Illustrer une philosophie par des politiques
concrètes. D'abord et avant tout, nous attendons des gestes qui nous
démontreraient que la culture constitue pour le gouvernement un dossier
vraiment important et non seulement un argument de négociation
constitutionnelle. 1° Une réflexion approfondie de la place de la
littérature et de son développement dans une politique culturelle
québécoise. L'absence de cette réflexion dans la
proposition actuelle de politique de la culture et des arts est
intolérable et inacceptable. Si, comme il est mentionné à
la page 19 du document, quatre caractéristiques générales
semblent devoir colorer ce projet culturel, il devra être
enraciné, dynamique, complet et ouvert, nous dit-on. La
littérature devra y retrouver la place qui lui revient. 2° Une
meilleure assurance que le transfert du fédéral au provincial
soit bénéfique aux milieux culturels. Les débats du
gouvernement québécois avec le fédéral ne
s'accordent pas avec nos priorités. Quelles protestations, quelles
pressions l'État québécois a-t-il déployées
pour tenter de dissuader le pouvoir central de taxer revues et livres et de
réduire les subventions à Postes Canada permettant d'offrir aux
livres et revues des tarifs postaux avantageux? Comment réagit-il ou ne
réagit-il pas au fait que, dans la deuxième ronde de
négociations sur le libre-échange, les États-Unis aient
obtenu qu'on remette sur la table les produits culturels? Par contre, il nous
faut préciser que, malgré la tiédeur bien connue des
convictions fédéralistes dans notre milieu, les tentatives de
rapatrier à Québec les mandats et budgets du Conseil des arts
sont loin de susciter notre enthousiasme. Pour ce faire, il faudrait d'abord
obtenir des garanties que les programmes actuellement gérés par
ce Conseil seraient au minimum maintenus intégralement et qu'ils
demeureraient aussi préservés des ingérences politiques
qu'ils le sont jusqu'à maintenant. Pour résumer, les
prérogatives fédérales que le gouvernement
québécois conteste sont celles qui nous ont plutôt
donné satisfaction, et nous n'avons pas de support de Québec
contre les politiques fédérales qui nous pénalisent. Donc,
avant de rapatrier les budgets du Conseil des arts, il faudrait peut-être
que le gouvernement tienne son engagement du 1 % à la culture. 3°
Une plus grande présence de la publicité gouvernementale dans nos
pages. Des publications culturelles comme les nôtres sont prêtes,
dans la
mesure du possible, à diversifier leurs sources de financement,
ce qui inclut le recours à davantage de revenus publicitaires. Il faut
cependant être réaliste en la matière. Pour la
publicité strictement commerciale, nos tirages modestes sont dissuasifs
pour un grand nombre de fabricants et de commerçants et ils
reçoivent nos sollicitations comme une demande de mécénat
déguisée. Par contre, notre public lecteur représente une
tranche de la population particulièrement active, influente,
impliquée dans la société. Il s'agit d'agents
multiplicateurs pour toute question d'intérêt public et il serait
normal de voir s'accroître dans nos pages la publicité
gouvernementale, surtout celle qui vise à faire connaître de
nouveaux programmes, de nouvelles lois et de nouveaux services gouvernementaux.
4° Un effort de diffusion des imprimés culturels en région.
Nous faisons des efforts pour améliorer notre présence en
région où sévit un sous-équipement dramatique du
réseau des bibliothèques publiques et où la
fragilité du commerce du livre est encore plus tangible. Nous visons
à être lus et non à être subventionnés pour
écrire des textes sans lecteurs. Nous supportons donc ardemment toute
démarche qui améliorerait l'accessibilité aux
imprimés culturels en région. 5° Des bibliothèques
mieux subventionnées et tenues d'acheter des produits culturels
québécois. Il nous semble toujours inadmissible qu'un pays comme
le nôtre, et cela vaut autant pour le Québec que pour le Canada
anglais, accorde la priorité aux productions venues d'ailleurs
plutôt qu'à celles imprimées sur place. Si on a
réglementé le contenu canadien et québécois
à la radio, pourquoi n'en ferait-on pas de même dans les
bibliothèques? Certains pays obligent les bibliothèques et
même les libraires à acheter toute la production nationale, et
s'en portent très bien. C'est le cas de la Suède, dont les
politiques en matière de culture devraient nous inspirer. Si les
bibliothèques achetaient tous les titres publiés en
littérature québécoise, cela permettrait à
l'édition littéraire d'être assurée d'un nombre de
ventes minimum, ce qui lui accorderait une certaine sécurité
financière. Or, non seulement les bibliothèques sont-elles
financièrement démunies et proportionnellement moins nombreuses
qu'en Ontario, mais elles achètent massivement les best-sellers et les
traductions publiées en France, de sorte qu'une bonne partie du maigre
budget alloué aux bibliothèques sert à grossir les revenus
des éditeurs étrangers. 6° Aucune taxe sur les produits
culturels. Naturellement, vous n'êtes pas sans savoir que les taxes
nuisent beaucoup aux produits culturels. En tout cas, nous, dans le secteur des
périodiques culturels, on peut dire qu'au niveau des abonnements, de la
vente en kiosque et de la publicité - parce que, quand on vend de la
publicité, il y a des taxes aussi - ça ne nous aide pas du tout.
Déjà, une revue de l'association est disparue et il y en a une
dizaine qui sont dans une situation précaire. Alors, on tue la
relève littéraire de demain en la taxant. Je vais aller plus
vite. 8° Diriger le support financier directement à la production
culturelle - nous sommes rendus à la huitième recommandation. La
tendance est forte à réduire le support financier allant
directement à la production culturelle et à
rémunérer plutôt bien la nouvelle meute de conseillers en
gestion venant de l'entreprise privée et chargés de nous apporter
leur expertise. Un très petit nombre d'entre eux ont
démontré une compétence réellement applicable aux
produits culturels. Lorsque nous comparons le standard de
rémunération aux conditions de travail des écrivains et
des artistes en général, nos réactions vont de la rage au
rire devant l'absurde et l'Invraisemblable de cette situation. Nous estimons
que l'existence de ces étoiles filantes traduit un désengagement
de l'État, de son rôle de coordination et d'harmonisation que lui
seul peut assumer. 9° et - je termine là-dessus - assumer, au
ministère des Affaires culturelles, les moyens de base pour fonctionner
adéquatement. Le ministère des Affaires culturelles est
sous-équipé, y compris en ressources humaines. Au moment
où nous rédigeons ce mémoire, nous attendons depuis des
mois la désignation d'un fonctionnaire qui serait l'interlocuteur
officiel des périodiques culturels. Alors, nous trouvons ça
inadmissible. Et je termine là-dessus.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mar-champs,
c'était fort intéressant, c'est pour ça que j'ai
laissé passer le temps. Je trouvais que ça valait la peine que
vous puissiez expliquer votre mémoire au complet. En plus, c'est la fin
de la soirée, vous avez attendu longtemps pour passer. Alors, j'ai
jugé pertinent, étant donné l'intérêt que
votre mémoire semblait susciter parmi les membres de cette commission,
de vous laisser aller. Cela réduit d'autant, par exemple, le temps de
discussion des membres. Aussi, sans plus tarder, je demanderais à Mme la
ministre de bien vouloir vous adresser la parole, pour quelques instants.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie de
votre mémoire. Je me demande, d'une certaine façon, vos
relations, finalement, avec le ministère... Votre dernière
recommandation qui dit que, évidemment, c'est inadmissible, mais
personne au gouvernement ne semble partager notre impatience en fonction de
quelqu'un qui s'occupe justement des périodiques. Là, j'ai fait
sortir, parce que... Il y a eu une dame, Hélène Pagé, il y
a quatre ans, Hélène Vachon, quatre ans auparavant, Andrée
Ruel, l'année dernière et Hélène Vachon qui est
là, qui est revenue et qui est une personne-ressource pour vous.
M. Marchamps: En tout cas, à moins que je ne me trompe...
Est-ce que Hélène Vachon s'occupe spécialement de
périodiques culturels?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Il y a toujours eu quelqu'un pour
s'occuper des périodiques. C'est un fait à noter parce que
ça dénote peut-être la relation que vous avez avec le
ministère, si on a une personne responsable et que vous n'êtes pas
au courant.
M. Marchamps: Mme Bergeron pourrait peut-être vous
répondre là-dessus.
Mme Bergeron (Francine): Je sais qu'en attendant que quelqu'un
soit nommé officiellement Mme Vachon s'occupe du dossier des
périodiques. Mme Vachon s'est occupée du dossier des
périodiques, il y a bien des années. Il y a eu beaucoup de
personnes qui ont changé... On a été pendant une
période de temps, dernièrement, où on a eu quelqu'un du
ministère des Communications qui avait été
prêté au ministère des Affaires culturelles pour s'occuper
du dossier des périodiques. Cette personne-là est restée
en poste un mois, un mois et demi. Elle a été retournée au
ministère des Communications. Au ministère des Affaires
culturelles, on nous a dit que, probablement, Mme Vachon s'occuperait du
dossier des périodiques en attendant qu'on trouve quelqu'un, mais que
c'était pour elle, comme c'était le cas de Mme Andrée Ruel
qui a été notre Interlocutrice pendant un an, une surcharge de
travail. C'est pour ça que Mme Ruel a demandé de ne plus
s'occuper du dossier des périodiques, parce qu'elle n'avait pas le temps
d'y consacrer toute l'énergie nécessaire. Donc, le dossier des
périodiques se promène, depuis quelque temps, d'une personne
à l'autre. On nous avait promis qu'il y aurait quelqu'un qui
s'occuperait précisément du dossier des périodiques. C'est
à Mme Vachon qu'on a redemandé de s'occuper encore de ce dossier,
puisqu'elle s'en était occupé il y a bien des années. Ce
sont les dernières nouvelles que le ministère des Affaires
culturelles nous a données.
Mme Frulla-Hébert: En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a
toujours eu quelqu'un qui s'en est occupé. Que quelqu'un s'occupe de
ça à temps plein... Vous savez qu'on s'administre, nous, avec 9,7
% du budget global, ce qui est relativement petit. La moyenne est de 13 % au
niveau des ministères et, dans l'entreprise privée, c'est
à peu près 11 %. Ce qui fait, évidemment, qu'on essaie de
maximiser au niveau des ressources pour pouvoir remettre, justement, le plus
possible dans le milieu.
Vous parliez, à un moment donné, d'améliorer la
diffusion des périodiques culturels et des livres
québécois. Comment voyez-vous, justement, cette façon ou,
en fait, comment pourrait-on améliorer la diffusion, d'une part?
Deuxièmement, j'aimerais savoir aussi comment vous fonctionnez au niveau
de la distribution.
M. Marchamps: Bien, les éditeurs de périodiques
culturels font principalement affaire avec un distributeur qui se
spécialise dans ce domaine, c'est Diffusion Parallèle. Donc, lui,
il distribue les revues à la grandeur du Québec. Quand on parle
de diffusion, on aimerait que cette diffusion aille aussi dans les pays
francophones, dans les pays qui sont ouverts à cette culture. Moi, comme
je vous le disais tout à l'heure, j'ai fait l'expérience dans ces
foires à l'étranger. Il y a une demande. Donc, il faudrait
établir une infrastructure, mais comment? C'est un grand
problème. Donc, il faudrait investir beaucoup de sous probablement.
Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que la distribution, au
Québec, est répartie surtout au niveau des grands centres? Je
donne un exemple. Le Devoir a des problèmes de distribution. Son
grand problème, Lise Bissonnette me l'a dit, c'est vraiment un
problème de distributiom et, finalement, de demande, d'une certaine
façon, au niveau des régions. Est-ce que vous avez le même
problème?
M. Marchamps: Bien, c'est sûr qu'il y a un problème
à ce niveau-là, mais il y a aussi qu'on participe aux salons du
livre en région. Ça, c'est une manière, pour nous, d'aller
en région. On essaie, enfin, de participer le plus possible aux salons
en région. C'est une manière, pour nous, d'être visibles.
Ces moyens-là, est-ce qu'ils sont assez efficaces? Je ne le sais pas. Je
pense que non.
Mme Bergeron: Ce n'est pas tout d'aller en région une fois
par année, lors d'un salon du livre. Il faut aussi que les gens des
régions puissent trouver facilement nos revues. Effectivement, il y a un
problème de distribution. La SODEP, comme telle, n'a jamais eu le mandat
de faire la distribution. C'est pour ça que c'est un distributeur, qui
s'appelle Diffusion Parallèle, qui s'occupe de la distribution et qui
est spécialisé dans la distribution des revues à faible
tirage. Par faible tirage, nous, on entend jusqu'à 10 000 exemplaires,
contrairement à un distributeur comme Benjamin qui distribue des revues
à gros tirage par rapport à un autre. Il y aurait effectivement
moyen d'améliorer notre présence en région. Un exemple.
Nous avons actuellement un projet avec la Cl DEC, la Commission d'initiative et
de développement culturels de la ville de Montréal, pour faire
connaître les revues auprès du public lecteur. Entre autres, un
des volets de ce projet-là a été que la ville de
Montréal a payé la fabrication de présentoirs qui sont
installés dans les différentes bibliothèques sur le
territoire de l'île de Montréal, évidemment, puisque c'est
un projet de la CIDEC. On pourrait
avoir ce même type de projet à travers le Québec,
à travers le réseau des bibliothèques municipales; il y
aurait aussi moyen de rendre la présence des revues beaucoup plus
efficace dans les réseaux de distribution, dans les librairies dans
certaines régions. (22 h 15)
Le Président (M. Gobé): Madame.
Mme Bergeron: Le distributeur a des problèmes lui aussi;
même s'il travaille avec Diffusion Parallèle, il reste que,
couvrir le territoire du Québec, c'est problématique.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, Mme
la ministre. Je souhaite avoir des présentoirs dans la
bibliothèque de Rivière-des-Prairies, un jour. Maintenant, je
passerai la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Je ne vous en tiens pas rigueur, M. Marchamps,
mais plus de temps est passé à la présentation, je vous le
dis sans méchanceté, d'un texte que nous avions
déjà lu, plus court est le temps d'intervention... Enfin, on ira
à l'essentiel.
La première chose, je dois quand même vous donner mon point
de vue, je ne crois pas que la culture constitue pour ce gouvernement - et je
parle bien du gouvernement actuel - un simple argument de négociation
constitutionnelle. Je pense que la culture est un dossier fondamental. Je pense
que des gens peuvent peut-être avoir des critiques sur la façon
dont le dossier a été conduit, mais je pense qu'il est essentiel
et important - ce n'est malheureusement pas le temps que nous avons qui me
permet d'aller plus à fond - que le Québec récupère
tous les pouvoirs dans le domaine de la culture.
C'est un fait qu'il n'y a jamais suffisamment d'argent, mais je vais
donner juste un petit exemple bébête: 450 000 000 $ pour le
Musée des civilisations à Ottawa. Vous vous imaginez, en tant que
contribuable québécois, la part que vous avez payée de ces
450 000 000 $. Est-ce que, d'après vous, c'était une
préoccupation essentielle, dans le développement de la culture
pour le Québec, d'avoir ce Musée des civilisations? Je pense
qu'avec les garanties nécessaires cet argent aurait peut-être
été beaucoup mieux investi justement dans le domaine de la
littérature qui est un des parents pauvres de la culture
québécoise. Donc, il y a un pouvoir de dépenser
fédéral immense, mais qui nous échappe parce qu'eux, ils
établissent des priorités qui ne sont pas nécessairement
les nôtres.
Vous avez un deuxième exemple que je vais donner. La ministre
actuelle n'en était pas tellement contente, mais elle est liée
par la solidarité gouvernementale, et ça, que voulez-vous, notre
système l'oblige. Les millions d'an- noncés par le
fédéral pour un musée du rire n'étaient pas
nécessairement une priorité culturelle du Québec. Mais,
quand on a un pouvoir de dépenser illimité, on se fait imposer
des priorités qui ne sont pas nécessairement les nôtres.
Alors, moi, je vous dis que ce n'est pas un argument de négociation
constitutionnelle, c'est un véritable argument de savoir qui sera
véritablement le maître d'oeuvre, au Québec, au niveau de
la culture.
M. Marchamps: Pour l'instant, en tout cas, on ne peut pas abonder
dans ce sens parce que, comme on le dit dans le rapport, rien ne nous dit que
cet argent-là va vraiment aller aux créateurs et n'ira pas encore
dans les trottoirs, etc. On ne peut pas abonder dans ce sens-là. Comme
on l'a dit tout à l'heure, quand le gouvernement tiendra sa promesse de
1 %, peut-être qu'on pourra être d'accord pour rapatrier ces
sommes-là, mais, pour l'instant, non.
M. Boulerice: Écoutez, moi, je ne suis pas responsable du
problème de crédibilité du gouvernement actuel quant
à sa promesse du 1 %. Là-dessus, je vais me décharger. Je
n'irai pas plus loin dans ma solidarité de parlementaire.
Mais, sur un autre aspect de votre mémoire, bon, ça, je
suis entièrement d'accord avec vous, les efforts de
pénétration des périodiques culturels
québécois dans cet immense marché qui s'appelle la
francophonie, eh bien, le résultat est lamentable. Il est lamentable
parce que je pense qu'on n'a pas fait les efforts requis - et Dieu seul sait
que c'est un bassin immense - et, après ça, il faut faire
attention s'il y a un hégémonisme culturel américain quand
on va dans un - comment ça s'appelle, cette série de magasins
où on achète tout là...
M. Marchamps: La FNACQ.
M. Boulerice: Pas la FNACQ , la Maison de la presse
internationale, voilà, où on voit une profusion de magazines
américains - puis j'y reviendrai tantôt - mais, par contre,
où il y a aussi une profusion de magazines français. Mais
essayez, à Paris, de trouver quelque chose et c'est le grand
désert, vous n'en avez pas. Je pense que, là-dessus, vous ciblez
quand même quelque chose d'important. Il y a un marché potentiel.
Si on inclut francophonie à francophilie, c'est un marché
potentiel 450 000 000 de personnes pour nous. C'est beau rêver de
conquérir le Japon, mais je pense que ce n'est pas demain la veille;
commençons par conquérir ce marché à double volet.
Déjà, c'est un avancement.
Ce qui retient le plus mon attention, c'est à la page 15, quand
vous parlez de la taxe sur les produits culturels. Ça, je suis
entièrement d'accord avec vous. Vous dites: "Les gouvernements vont
faire du profit sur le dos d'une
industrie qui n'a décidément pas besoin d'être
vampirisée. On ne peut à la fois soutenir la culture et la
taxer."
M. Marchamps: II y a une incohérence que tout le monde
peut relever très facilement.
M. Boulerice: Voilà! Alors, écoutez, vous avez les
tarifs postaux du gouvernement fédéral, vous avez la TPS
fédérale. Contrairement aux livres, les périodiques
culturels sont quand même dans des conditions de fragilité, compte
tenu de notre marché intérieur et, actuellement, de l'absence de
débouchés vers les marchés extérieurs. Moi, je
trouve... J'avais parlé d'obsèques de l'édition
québécoise; on n'en est pas encore à l'enterrement, mais
on prépare activement les funérailles quand on écoute les
libraires, quand on entendra les éditeurs. Dans le cas des
périodiques culturels, j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu
plus.
M. Marchamps: Effectivement, avec ce qui va se passer à
Postes Canada - on va faire des coupures dans les tarifs du livre - nous, on
pense qu'il y a une vingtaine de revues...
Mme Bergeron: 26 revues qui seront touchées.
M. Marchamps: ...26 qui vont être touchées par ces
coupures-là. Donc, tout ça ajouté aux taxes que nous
subissons, c'est absolument catastrophique. Donc, je pense qu'il y a un trou au
niveau des postes, un trou de deux ans où...
Mme Bergeron: Je peux peut-être expliquer un petit peu pour
vous donner quelques précisions. C'est un dossier qui est assez
complexe. Le ministère des Communications a annoncé, il y a
quelques années, qu'il allait se retirer progressivement de la
subvention postale. Il donnait un montant spécifique à Postes
Canada. Ça a comme effet que le courrier de deuxième classe est
touché.
Il y a deux genres de codes, le code 3 et le code 4, au courrier de
deuxième classe, et il y a le tarif livres. Les revues membres de
l'association utilisent soit le tarif enregistré de deuxième
classe, code 3 ou code 4, ou le tarif livres parce que les revues qui ont le
format livres et qui, avant, utilisaient le tarif livres ont eu comme un
passe-droit et peuvent encore utiliser le tarif livres. Le ministère des
Communications a annoncé que, à partir de mai 1992, donc qui s'en
vient très prochainement, il y a une catégorie,
c'est-à-dire le courrier de deuxième classe, code 4, qui va
disparaître. Il y a 26 de nos revues qui, présentement, utilisent
ce tarif postal.
Il y aura des programmes de remplacement, mais les programmes de
remplacement seront en vigueur uniquement en mai 1994. Donc, il y a une
espèce de trou de deux ans où 26 des revues de l'association,
selon la liste que le Conseil des arts du Canada nous a envoyée, vont se
retrouver à payer le plein tarif, c'est-à-dire les tarifs
commerciaux en vigueur, l'envoi de première classe finalement, pendant
une période de deux ans. Il y a une seule catégorie, ceux qui
sont du code 3 qui sont exemptés et qui bénéficieront de
la subvention postale jusqu'en mai 1994 et des programmes de remplacement par
après. Pour faire la différence entre le 3 et le 4, les revues
qui sont sous le code 3, c'est les revues qui ont 50 % de leur tirage
payés, tandis que celles qui se retrouvent sous le code 4, c'est celles
qui ont moins de 50 % du tirage payés, c'est-à-dire que les
revues commerciales comme telles se retrouvent essentiellement au code 3
puisqu'ils envoient une grosse partie de leur tirage par la poste.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame.
M. Boulerice: Au niveau des abonnements, les effets que ça
a chez vous.
Mme LeBel (Alyne): En fait, ce qu'il faut signaler, c'est que
c'est une attaque sur quatre fronts que subissent les périodiques
culturels, à l'heure actuelle. C'est une attaque, d'abord, parce que les
ventes de publicité ont diminué et que c'est un contexte de
récession important qu'on a vécu et qui a touché les
périodiques et livres de façon particulière. On peut
penser à une diminution, pour l'année 1990, de l'ordre de 30 %
à 35 %, une diminution de publicité, de vente de
publicité, de même que de ventes en kiosque. Notre principal
distributeur nous dit que les diminutions de ventes, cette année, sont
de l'ordre de 20 %.
Pour ce qui est des abonnements, il n'y a pas de chiffres de connus
parce que, vous savez, c'est un domaine où les éditeurs sont
assez jaloux de leurs données, et il y aura l'attaque de la poste, ce
qui fait donc une attaque sur quatre fronts que devront affronter les
périodiques pour l'année 1992-1993. Je pense que, comme l'a
expliqué tout à l'heure Guy, c'est la relève de demain
dans le domaine de la littérature et des lettres au Québec qui se
forme habituellement dans ce creuset-là. Il y a là une question
qui doit préoccuper absolument les élus, les hommes et les femmes
politiques de cette province, parce qu'il me semble que, d'abord, la proportion
qui est accordée au livre, dans son ensemble, est vraiment infime. Du
reste, sur les périodiques comme tels, on n'a pas entendu...
Évidemment, je vous signalerai - et ça, ça a
été dit, mais pas très fort, l'année
dernière - qu'au moment de la constitution du lobby du livre comme tel
on était exclu; les gens du livre n'ont pas voulu que le monde des
périodiques culturels soit associé à leur démarche
parce que ça risquait d'introduire de la confusion et de nuire à
l'ultime but qui était, évidemment, l'abolition de la TPS comme
telle. Moi, j'aimerais bien savoir si on va devoir,
comme périodiques, subir le même manège cette
année avec la TVQ qui est à nos portes pour 1992.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.
M. Boulerice: Je crois que la question est adressée
à la ministre.
Le Président (M. Gobé): Malheureusement, son temps
est écoulé.
M. Boulerice: Allons-nous exempter les périodiques
culturels de la taxe alors que, pour vous, ce n'est pas une question de
développement, c'est une question de survie...
Mme LeBel: Ou de mort.
M. Boulerice: ...ou de mort, à très brève
échéance, et qu'on ne peut essayer de soutenir et de taxer en
même temps? Je pense que la réponse lui appartient. Elle aura
droit au mot de la fin comme tel, mais j'ose espérer que ça ne
sera pas un mot de la fin pour les périodiques culturels.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le...
M. Boulerice: J'ajouterai même que nous sommes probablement
un des seuls pays au monde où le droit à l'information est
taxé puisque nous avons des taxes sur les journaux.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. C'était là
votre mot final, si je comprends bien. Mme la ministre, peut-être pour le
mot de la fin.
Auparavant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
vous avez dit tout à l'heure que le Musée des civilisations,
à Ottawa, avait coûté 400 000 000 $. Ça m'a fait un
peu sursauter. Est-ce qu'il n'est pas situé à Hull, ce
musée-là?
M. Boulerice: Pardon?
Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'il n'est pas
situé dans la ville de Hull?
M. Boulerice: Qu'ils l'aient situé n'importe
où!
Le Président (M. Gobé): Non, mais Hull est une
ville québécoise.
M. Boulerice: Oui...
Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre,
vous avez la parole.
M. Boulerice: ...mais, je veux dire, si son contenu est cucul, ce
n'est pas ma faute.
Le Président (M. Gobé): Non, c'est juste parce que
j'avais cru comprendre que c'était à Ottawa, Ontario.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci de votre
présentation. Périodiques et journaux relèvent,
premièrement, du ministère des Communications. C'est sûr
que, à ce niveau-là, taxes ou pas taxes, c'est le ministre des
Finances qui a la décision ultime. Je sais que l'an dernier, par contre,
nous avons, au niveau des périodiques culturels, réajusté
la subvention de 100 000 $ justement pour contrer l'effet de la TPS, entre
autres, quand on a vu que les périodiques ainsi que les journaux - mais,
dans notre cas, c'était vous au niveau des périodiques, nous, au
niveau du livre - n'avaient pas été exemptés. Donc, on a
contribué pour finalement diminuer cet impact. Évidemment, nous
verrons ça cette année. Chose certaine, c'est qu'aider à
la diffusion - on n'a pas eu la chance de parler de l'obligation, au niveau des
bibliothèques d'acheter les titres québécois, il y en a
beaucoup, mais il faudrait y voir. Alors, chose certaine, c'est qu'on est
très... spécialement au niveau de la présentation. Au
niveau des postes, je dois vous dire que j'en avais entendu parler, mais je
n'étais pas au fait. Alors, nous allons regarder ça de
très, très, très près au niveau de la
situation.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Ceci met fin à nos auditions d'aujourd'hui. Je tiens à vous
remercier d'être venus ce soir, si tard, nous faire part de vos
idées, de vos remarques et de vos suggestions. Soyez assurés que
la commission et les membres en tiendront compte. Alors, maintenant, vous
pouvez vous retirer. Je vais en profiter pour ajourner les travaux de cette
commission à demain matin, 9 h 30, en cette salle. Bonne soirée,
bonne nuit à tout le monde!
(Fin de la séance à 22 h 30)