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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 9 octobre 1991 - Vol. 31 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Doyon): Donc, la commission recommence ses travaux. Il s'agit de poursuivre le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts déposée à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): L'ordre du jour est connu. Il a été distribué. Notre premier groupe est le Centre des auteurs dramatiques.

Avant de commencer, avec votre permission, Mme la ministre et MM. de l'Opposition, j'aimerais exprimer, au nom de la commission parlementaire, nos sincères condoléances à l'occasion du décès de la mère de l'un de nos membres, M. Daniel Bradet, dont la mère est décédée hier. Il sera sûrement absent des travaux de la commission pour quelques jours. Alors, au nom de nous tous, nous lui offrons nos plus sincères condoléances.

Donc, je souhaite la bienvenue au Centre des auteurs dramatiques, qui est représenté par M. René Gingras, M. René Daniel ainsi que M. Robert Gurik. Je leur demande tout simplement de se présenter et de procéder, selon les règles qui sont les nôtres, c'est-à-dire environ un quart d'heure, une quinzaine de minutes, est consacré à la présentation de leur mémoire et... Oui?

M. Godin:... je me trompe.

Le Président (M. Doyon): Ah bon! Alors, les choses vont...

M. Godin: Mais vous avez un visage qui n'est pas inconnu grâce au programme...

Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, il y a une erreur sur le document qui m'a été remis. Je m'excuse. Vous rectifierez les choses lors de la présentation. Alors, une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Après ça, la conversation s'engage avec les membres de la commission parlementaire pour le restant du temps. Vous avez la parole.

Centre des auteurs dramatiques M. Gingras (René): René Gingras.

Le Président (M. Doyon): Bonjour. M. Gurik (Robert): Robert Gurik.

M. Dubois (René-Daniel): René-Daniel Dubois.

Le Président (M. Doyon): Bonjour.

M. Gingras: Le mémoire que nous présentons à la commission a été rédigé pour le compte du Centre des auteurs dramatiques, le CEAD, qui regroupe les auteurs dramatiques québécois et qui a pour mandat de soutenir le développement de notre dramaturgie et d'assurer sa diffusion nationale et internationale. Mon nom est René Gingras et je suis auteur dramatique, président en titre du conseil d'administration du CEAD.

M. Gurik: Mon nom est Robert Gurik. J'ai été l'un des fondateurs du CEAD il y a 26 ans. Je suis membre du conseil d'administration de l'AQAD, l'Association québécoise des auteurs dramatiques, association soeur du CEAD destinée, en vertu du mandat qui lui est reconnu par la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, à étudier, défendre et aider à voir se développer les intérêts économiques, sociaux et moraux des auteurs dramatiques. Nous avons demandé à René-Daniel Dubois, président de l'AQAD, de rédiger ce mémoire au nom de nos deux organismes parce que...

M. Gingras: Le texte que nous vous lisons ce matin ne se retrouve pas tel quel dans les pages de notre mémoire. Nous avons préféré attendre d'être face à vous pour vous expliquer pourquoi notre mémoire a pris la forme dans laquelle vous l'avez lu. Notre mémoire est un texte à facettes. Il est composé de neuf textes ou extraits de texte écrits depuis deux ans. Sur des modes divers, ces textes traitent de trois thèmes: le désespoir, la solidarité et la révolte.

Désespoir, d'abord. Notre désespoir ne porte pas uniquement sur la situation des artistes de chez nous, mais il s'exprime en parlant d'abord des artistes de chez nous et de la place qui leur est réservée. Notre désespoir monte du fossé, du gouffre, du canyon qui se creuse chaque jour davantage entre, d'un côté, le courage individuel de millions de nos concitoyennes et concitoyens, ce courage quotidien qui est nécessaire, ne serait-ce que pour vivre un jour de plus dans l'abattoir à espoir qu'est devenu l'Occident triomphateur en général et le puits sans fond qu'est notre pays en particulier et, de l'autre côté, la barbarie de ce monde, barbarie particulièrement synthétique

et sensible dans les grands appareils collectifs: État, partis politiques, syndicats, organes de presse et de communication.

M. Dubois: Dans un restaurant, une femme mange calmement, assise, seule à sa table. Tout à coup, elle se lève et, en poussant un hurlement, elle renverse sa table et toutes les autres et gifle, et griffe, et pleure tellement, et hurie tellement qu'on ne lui voit plus les yeux. Elle n'a plus, en guise de visage, qu'une bouche qui hurle de terreur. On appelle la police, bien sûr, et une ambulance. On la maîtrise, on lui fait une piqûre ad hoc, la sangle sur une civière et on l'emporte quelque part hors de vue. On écrit sur le rapport: crise d'angoisse.

Si devant une scène aussi forte, aussi immédiate, aussi ravageuse, personne parmi ceux et celles qui travaillent dans ce restaurant, y mangent ce midi-là, ni les policiers, ni les ambulanciers, si personne n'est effleuré par la nécessité de s'interroger non pas sur le symptôme que présente cette femme, mais sur l'origine de ce symptôme, devant l'attitude de tout ramener au symptôme, donc, plutôt qu'à sa cause, nous croyons avoir raison de penser qu'aucune de ces personnes ne se posera non plus cette question le jour où ce sera leur femme à eux, leur mari à eux, leur fils ou leur fille à eux, leur mère ou leur père à eux qui, à son tour, pétera au "fret".

Une civilisation dans laquelle personne ne se demande quel est le sens humain de la souffrance de cette femme, par opposition au seul sens techniquement médical, ne mérite pas le nom de civilisation. Quels que soient le nombre et la qualité des gadgets dont on dispose dans un tel monde, il en est un de barbarie, d'une barbarie sans fond, un monde gris dans lequel le meurtre est une technicalité et l'horreur un phé-nomème parmi d'autres, tous équivalents.

Comprenez-nous bien. Nous n'évoquons pas un retour à l'âge des cavernes, puisque l'homme des cavernes s'est posé la question du sens et c'est pourquoi il s'est mis à parler puis à peindre et à sculpter, puis à frapper sur des objets pour produire des rythmes qui exprimaient ses questions. Comprenez-nous bien. C'est de Ja barbarie qu'est la négation de ce qu'a été l'humanité depuis son apparition que nous venons vous parler aujourd'hui. Notre désespoir est celui de ceux et de celles qui sont témoins de l'émergence d'une telle barbarie et sont tantôt gagnés par elle et tantôt saisis par le souvenir de ce qu'était l'état humain. Notre désespoir devant vous, ce matin, est celui de cette femme attachée à qui on enfonce des valiums entre les dents.

Le rapport Arpin est une bible pour les adorateurs du néant. Nous n'avons pas besoin d'un rapport médical disant que notre pays se fout de ses propres questions. Nous avons besoin que quelqu'un se lève et dise: De quoi parlez- vous? Parce que le hurlement de cette femme éveille en lui l'écho de sa douleur à lui, cette douleur qu'il lutte si fort pour enfouir, jour après jour, cette douleur qu'il gèle tous les jours à la "coke" et au Drambuie, qu'il tente d'oublier en se concentrant sur le compte à rebours des jours qui le séparent de sa prochaine partie de golf ou en se concentrant sur le cours du yen.

M. Gurik: Notre solidarité, elle, est avec la douleur de cette femme. Peut-être bien que nous, artistes, sommes un paquet d'imbéciles parce que, quand la scène se produit, nous ne l'aidons pas, cette femme, et ne comprenons pas non plus tout de suite ce qui la déchire. Nous reculons jusqu'au mur et restons le dos appuyé contre lui, les yeux ronds et, pendant qu'on la pique, nous nous enfuyons par la porte des cuisines pour aller vomir nos crêpes dans la ruelle.

Notre solidarité, c'est que nous allons rester hantés par cette bouche et nous allons y penser nuit et jour, en rêver. Pour arriver à constituer un visage à partir de cette bouche, nous allons y chercher les yeux et tenter de lire ce qui s'y exprime. Nous considérons que cette tâche d'archéologues de la douleur, de la joie aussi et des espoirs, ce qu'il en reste, est une tâche devant laquelle il nous est impossible de nous défiler.

Habituellement, donc, nous nous préoccupons peu de ce qu'il y aura dans le rapport de la police et des ambulanciers. Mais le jour où on nous dit que nous devrions prendre des valiums parce que nous sommes un peu dérangeants avec nos discours sur les femmes qui hurlent, parce que les femmes qui hurlent, bon, ça se soigne et puis si ça ne se soigne pas, ça s'assomme ou ça se tire à la carabine et que la même thérapie est valable pour nous, ce jour-là, parce que nous avons un peu l'expérience du décryptage, nous voyons venir et nous disons: Si vraiment nous y sommes acculés: Attention! Ce que j'ai à la main s'appelle une chaise et c'est la seule façon que j'ai de te retarder de me faire la piqûre. C'est de reconduire ma chaise jusqu'à ta tête. Tu as intérêt à porter une tuque en acier.

Nous ne voulons pas du rapport Arpin, ni de rien de ce qui se trouve dans ces pages, parce que ses prémisses, la base de l'articulation de la simili-pensée qu'on y trouve, c'est que rêver au yen, rêver aux ambulances ou rêver aux hurlements de cette femme, c'est du pareil au même: faux, faux jusqu'à la moelle.

M. Gingras: Notre révolte, enfin, naît le jour où quelqu'un se lève à nouveau en hurlant dans un restaurant et que nous reculons encore une fols jusqu'au mur, parce que nous sommes, encore plus que la première fois, glacés de terreur parce que, cette fois-ci, nous entendons tout de suite les mots dans le cri et voyons tout de suite les yeux au fond de la gorge. Cette fois-ci, nous n'avons même pas la force de fuir.

Un policier nous aperçoit et reconnaît ce que nous avons dans les yeux. Il marche doucement vers nous en murmurant de petites phrases apaisantes parce que ce qui a terrorisé les clients et les serveurs, ce que la piqûre fait taire, ce n'est pas que le cri de la femme, c'est d'abord l'écho de ce cri à l'intérieur de tous ceux et de toutes celles qui ont assisté à la scène. Cette femme et son cri, les clients s'en foutent, mais le cri en eux, il n'est pas question qu'ils l'entendent.

Si l'artiste, là, contre le mur, a l'écho de ce cri-là dans son regard, ça lui prend une piqûre lui aussi parce que, lui, s'il s'ouvre la trappe, ça va faire écho encore plus fort, parce que le bouchon de la femme a sauté par inadvertance, malgré elle, à son corps défendant, Justement parce qu'à force de ne rien vouloir savoir on finit nécessairement par sauter. Mais l'artiste, lui, pris avec cet écho immense qu'il a été forcé d'entendre, lui, il sait de quoi il s'agit. Il connaît le sens du cri. Danger pour vous!

M. Gurik: Le problème réel de la culture et des arts au Québec n'est pas l'argent. L'argent est le symptôme. C'est vrai qu'il en manque horriblement. Nous le disons dans le mémoire. Par plusieurs aspects, ce pays qui se prétend une nation riche et développée traite l'art et la culture comme le ferait un pays du tiers monde.

Il y a une différence essentielle. Chez eux, dans les pays sous-développés, c'est par nécessité; chez nous, c'est par choix. Eux, c'est parce qu'ils sont pauvres et nous, c'est parce que nous voulons devenir des barbares, les plus grands qu'il y ait jamais ou.

La solidarité des artistes québécois dépasse donc nos frontières. Nous devons aujourd'hui refuser de parler avec vous de piqûres et de civières pour parler du cri, parce que si nous ne le faisons pas nous disons à nos camarades de cette planète qui vivent dans l'horreur de la pauvreté que, le jour où ils arriveront à manger à leur faim, il leur faudra commander un stock de seringues avec leur pizza. C'est l'horreur totale.

M. Dubois: II aurait été plus simple de venir vous voir avec une liste d'épicerie et de vous dire: II nous faut 12 théâtres "all dressed" pour manger ici et 4 compagnies de tournées mi-maigres pour emporter. Ça n'aurait pas été faux, mais ne parler que de ça aurait noyé le poisson. 12 théâtres et 4 compagnies de tournées, même mi-maigres, ce serait certainement beaucoup et nous avons immensément besoin de payer notre loyer et de manger aussi, soit dit en passant, mais, si nous ne pouvons les obtenir qu'au prix d'accepter de ne plus entendre les femmes qui hurlent dans les restaurants, ça ne nous intéresse pas.

En fait, à ce prix-là, il serait plus intéressant que vous fermiez le ministère. Au moins, les choses seraient claires parce que notre problème avec vous, ce n'est que subsidiairement l'argent. C'est d'abord le mensonge. Le policier ou l'ambulancier qui marche vers la personne qui hurle en plaçant les mains en avant et en disant doucement: Tout va bien aller, tout va bien aller, avec une bouteille de pilules dans sa poche, cette personne ment. Elle ment peut-être pour la bonne cause. Peut-être. Notre problème, c'est qu'ici la bonne cause et ses fondements n'ont jamais été discutés, que ça ouvre la porte à tous les abus et que les abus devant une porte ouverte n'ont pas l'habitude de rester sur le seuil les mains croisées sur le ventre. Ce que vous représentez nous glace d'effroi.

L'an dernier, dans le mémoire remis par les gens de théâtre à la commission Bélanger-Cam-peau, nous faisions une analyse de la réalité du Québec par opposition à l'analyse des innombrables discours vides comme des ballons qui se multiplient chez nous plus vite que les lapins, pour arriver à cette conclusion: Le Québec est en train de se suicider. Si de nombreux habitants de chez nous se reconnaissent dans cette femme qui perd son couvert et se met à hurler en battant des bras, le Québec, lui, dans son ensemble, c'est à la fois la femme, les clients et les serveurs et les outils collectifs du Québec; les syndicats, la classe politique, la fonction publique, ce sont les flics et les ambulanciers qui entrent. Ils entrent dans le restaurant avec la ferme intention de ne rien y apprendre, de ne rien y entendre, "frets" comme des plaques d'acier et le revolver à la main au cas où la seringue ne suffirait pas cette fois-ci.

M. Gurik: Nous vous jurons qu'il n'y a aucune différence entre les visages des policiers et des ambulanciers qui entrent dans le restaurant et celui des femmes et des hommes politiques de la commission Bélanger-Campeau quand nous leur avons dit: Le Québec est en train de mourir. Mourir de peur, ce n'est pas une expression; c'est une réalité concrète, c'est la nôtre. Leurs yeux disaient: Vous autres, ça vous prend une valium. Nous sommes à même de reconnaître, à ces cris silencieux de haine glacée, de savoir pourquoi les mains se plaquent sur les oreilles et comment s'y prendre pour ne rien entendre de ce qui se passe à deux pas, parce que nous savons pourquoi le cri de la femme est terrorisant.

Nous ne sommes différents ni de la femme, ni des flics, ni des serveurs, ni des clients. À une chose près, nous ne voulons pas d'un monde dans lequel le sentiment d'être un humain est une maladie.

M. Gingras: Selon nous, le fait que la classe politique québécoise n'accepte de se pencher pour la première fois sur l'art et la culture qu'en se servant du rapport Arpin comme prétexte, place cette commission sur le même plan qu'au moins

deux autres événements du Québec moderne: la crise d'octobre et le référendum de 1980.

On dit de cette commission qu'elle est le signe du politique se mettant au service de la culture. Faux. C'est encore une fois le politique voulant mettre la culture au pas. Ce n'est pas du délirant rapport Arpin dont il est essentiellement question ici, mais du rapport Allaire. Mais revenons à la crise d'octobre et au référendum. Octobre 1970 a été un moment fort en ceci que s'est exprimé à cette époque tout le mépris des classes politiques québécoises et canadiennes pour le peuple qu'elles prétendent représenter.

Le mépris mais aussi la peur. Il a suffi du débordement de rage de quelques individus à peine organisés pour que l'Etat semble trembler sur ses fondements, ce qui est assez amusant pour peu que l'on place ce tremblement en regard de l'autorité paternaliste dont l'État québécois prétend faire montre. Cet amusement a cessé à la mort d'un homme et la révolte a été évacuée parce que nous avons tous eu peur des conséquences de nos actes. En octobre 1970, nous avons accepté d'avoir peur de nous-mêmes.

En 1980, nous avons accepté que nous étions incapables de comprendre ce que nous sommes. Il faut que d'autres le pensent pour nous et plus ceux qui parlent sont méprisants et plus nous sommes enclins à leur donner raison. Aujourd'hui, cette commission est celle qui va officialiser notre marche vers le suicide. Le document qui sortira de vos travaux sera l'équivalent de la lettre qu'on laisse sur sa table de chevet au moment de s'ouvrir les veines.

M. Gurik: Nous comprenons votre peur parce qu'elle est aussi la nôtre. Mais vous refusez d'entendre lorsque nous vous disons qu'il faut plonger dans sa peur, il faut faire face à ce qui nous terrorise. Autrement, la peur nous bouffe et nous tue.

M. Dubois: Le Québec a fait la Révolution tranquille puis il a décidé de disparaître tranquillement. Nous venons vous dire que vous avez maintenant sur les bras une guerre civile tranquille.

Il existe un très très vieux livre chinois appelé le "Yi king". On y lit que les révolutions politiques sont choses extrêmement graves, que l'on doit engager seulement quand il n'existe plus d'autre issue. Nous sommes d'accord. C'est pourquoi nous avons attendu si longtemps. Mais c'est bel et bien dans une situation sans issue que nous sommes.

Nous ne venons pas déclarer la guerre. Nous venons vous dire qu'elle est déjà commencée. Libre à vous de croire écarter le problème en nous classant parmi les énervés. Il est de la nature même de notre fonction d'être légèrement en avance sur les événements. Libre à vous de croire faire disparaître la réalité en assassinant ou en écartant celui qui apporte la nouvelle.

Notre but aujourd'hui n'est pas de livrer une bataille de mots, mais de faire en sorte qu'une bataille de sang ne devienne pas nécessaire.

N'attendez pas d'avoir la preuve de ceci. Il est quelque chose de bien plus dangereux qu'une femme qui hurle: c'est une femme dont le hurlement ne franchit pas les lèvres parce que, elle, quand le barrage se rompt, ce ne sont pas les tables qu'elle renverse.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Alors, bienvenue. Vous représentez deux organismes que je respecte beaucoup. Effectivement, vous nous parlez avec énormément de pessimisme et j'essaie de comprendre. De nature, que voulez-vous, il y en a qui sont peut-être plus optimistes.

Et là je vais vous poser la question qui est dans votre mémoire. Vous nous demandez de vous la demander. Je vous la demande parce que... Et je comprends la démarche depuis 30 ans. Je pense qu'on est tous un peu aussi impatients vis-à-vis de cette démarche-là en se disant: Comment se fait-il que les gens ne comprennent pas l'importance de la culture, de la création? (10 heures)

Je suis un peu moins sévère sur le jugement. Je pense qu'il y a des choses qui ont été faites. Au niveau de la société môme - Je ne parle même pas du gouvernement - et de l'évolution de la société, je vais vous poser la question que vous demandez de vous poser dans votre document: De quoi parlez-vous?

M. Dubois: Ce dont nous partons, ce que nous disons au début du texte, nous parlons de trois choses. On parle de désespoir, de solidarité et de révolte. De là où nous nous tenons, c'est-à-dire en contact avec des jeunes et des moins jeunes auteurs, acteurs, metteurs en scène - ça, c'est pour notre secteur d'activité, mais aussi on est en contact avec des peintres, des musiciens, toutes sortes de gens - l'atmosphère qui règne dehors, c'est un désespoir total. Les gens, dans mon milieu, n'y croient plus, ne croient pfus aux promesses.

Je suis aussi, par nature, et la plupart de mes camarades, je crois, sont aussi par nature optimistes. Mais il y a un moment où, quand le réel ne raisonne pas face à cet optimisme-là, ce n'est plus de l'optimisme dont il s'agit. Notre expérience nous dit que cette commission n'a pas pour but d'améliorer la situation des artistes. Cette commission a pour but de rapatrier des sommes d'Ottawa en se servant de la culture comme d'un prétexte pour utiliser cet argent à d'autres fins. Nous en sommes convaincus et il n'y a rien qui nous permet de douter que c'est ça le but, que c'est ce qui va arriver et que nous allons encore servir de tapis. Pour les gens, pour les jeunes et les moins jeunes...

Je vous parle même de gens qui sont dans le milieu depuis 30 ans. M. Gurik, qui est à ma gauche, a été un des fondateurs du CEAD en 1926. Dans nos discussions, le texte que nous vous lisons - ce n'est pas un texte qui a été écrit dans la solitude et sur un coup de tête - de nombreux auteurs se sont penchés dessus, s'y sont reconnus quand il a été présenté, quand je l'ai rédigé, que je l'ai présenté à ces auteurs et qu'on l'a discuté. Je leur ai dit: Ne vous sentez absolument pas obligés, parce que je l'ai écrit, de m'envoyer le lire. Et ils ont dit: Tu vas y aller et vous allez y aller, nous trois qui sommes ici, parce que ce cri est aussi le nôtre.

Si nous sommes pessimistes, c'est qu'il y a présentement une épidémie de pessimisme au Québec et nous croyons qu'il vaut aussi la peine de se pencher dessus. Ce que nous demandons, pour l'heure, ce qui nous semble la première condition sine qua non à remplir, c'est que quelqu'un, quelque part au Québec, se lève, que nous pourrions qualifier ainsi, un Malraux ou une Malraux, quelqu'un qui serait l'écho des trois points dont nous venons de parler à l'intérieur de l'appareil politique et de l'appareil étatique. Si cette condition-la n'est pas remplie, si nous n'entendons pas qu'il y a un écho, non pas sur le comment - on en parle dans notre mémoire, il y a un texte qui s'appelle le syndrome de Po-lonius où on dit: II y a une façon de tout réduire et de tout vider; c'est de tout le temps parler rien que du comment, ce que fait, exceptionnellement d'ailleurs, le rapport Arpin, et ce texte-là avait été écrit avant que le rapport Arpin soit rédigé.

Si on ne parle que du comment, on se goure complètement. C'est ce qu'on a fait depuis 30 ans. Là, il faut parler du quoi. C'est ce que nous tentons de faire ce matin, dans le texte, l'exemple qu'on vous donne en parlant de cette femme. Ce n'est pas seulement des technicalités. Les technicalités sont aussi essentielles, mais on s'est dit qu'on préférait mettre l'accent sur ce dont on vous parle ce matin parce qu'on s'est dit qu'il y en aurait d'autres qui viendraient pour vous parler des technicalités. Donc, il fallait, nous, aller où on trouve que ça urge pour l'heure, si vous me passez l'expression.

Ce qu'il nous faut... Parce que si vous permettez, Mme la ministre, j'élaborerais un petit peu sur ce concept de Malraux. Ce n'est pas évidemment seulement une personne. Il s'agit d'une personne qui se lève, mais ce qui nous intéresse, c'est ce que nous trouvons urgent, c'est ce qui implique le fait qu'une telle personne puisse se lever. Ça signifie d'abord que cette personne doit être appelée. André Malraux a été appelé par le général de Gaulle. Ça signifie donc qu'au sommet de l'État il devrait y avoir une réelle prise en considération de l'importance de ce qu'on appelle les arts et la culture. Un. Présentement, on ne constate rien de tel.

Deux, il faudrait que cette personne, pour que ce soit elle qui soit appelée, ait autour d'elle ce qu'on pourrait appeler une constellation de forces, c'est-à-dire qu'a l'intérieur de son parti et à l'intérieur de l'État, il y ait suffisamment de répondants pour que cette personne ait pu grandir à l'intérieur de son parti et de l'État pendant que des gens sauraient que sa préoccupation c'est d'être l'écho, d'être le tambour dont je parlais, qui résonne sur les préoccupations de l'ordre de ce qu'on vient d'évoquer, de la métaphore de cette femme qui crie. C'est ce que ça...

Il faut le Malraux mais il faut aussi, bien sûr, ce que ça présuppose qu'un tel Malraux advienne. Pour nous, c'est la condition sine qua non et c'est la chose qui nous semble la plus importante, c'est-à-dire quelqu'un qui est touché d'abord par le cri de cette femme plutôt que sur les technicalités de comment on va le raconter.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir à une remarque que vous avez faite tantôt, vous savez, procéder à cette commission et entendre des gens parce que, finalement, effectivement, on est tous ici pour discuter ensemble dans le seul but de dire parce qu'on veut régler une question constitutionnelle... Je pense qu'on l'a dit: il y a d'autres tribunes pour ça et, honnêtement, ce n'est pas l'objectif. Il y aurait autre chose, d'autres tribunes, d'autres façons de le faire. L'exercice ici, c'est justement pour écouter les gens et aussi essayer de s'exprimer et de dialoguer, point final à la ligne. C'est ça le but et l'objectif.

Maintenant, qu'on revienne à l'origine même. Il y a des points qui sont quand même intéressants. Vous savez, on regarde, nous, de notre côté aussi, toute l'évolution parce que vous parlez de l'État, vous parlez... Bon. L'État, c'est souvent le reflet... En fait, ce n'est pas souvent... c'est le reflet d'un peuple. On est ici, on représente des gens et, bien souvent, on est là aussi pour essayer de mettre des choses de l'avant et d'amener les choses avec nous, mais il faut aussi que les gens que l'on représente suivent. Moi, j'aimerais...

Vous savez, vous parlez, à un moment donné, dans votre premier document, vous dites: En 1960, la culture a été très importante; maintenant, on la met au même niveau que le social et l'économique. Parlez-moi de l'évolution, parce que vous percevez... Nous, on voit une évolution. On voit une évolution des gens autour, que ce soit dans les centres, en région, partout, qui, finalement, non seulement parlent pour la culture, mais s'aperçoivent de l'importance. Il y a évolution. Il y a 30 ans, il n'y en avait pas. Il y a évolution. Mais, en tout cas, vous sentez une espèce d'évolution contraire à ce que nous, on perçoit. Est-ce que j'ai raison de dire ça ou si, finalement, ma lecture est incorrecte?

M. Dubois: C'est que je crois, qu'il faut discerner deux choses. Nous croyons que, dans la situation que nous décrivons, les individus artistes et les regroupements d'artistes, effectivement, sont dans une urgence plus grande que jamais. C'est ce que, dans le document que nous avons lu à Samson, Bélair, Deloitte et Touche, on appelait le complexe d'Astérix. Un peu d'humour. Et ça fait créer, c'est-à-dire que ce dont on parle, la révolte, n'est-ce pas, ça peut faire créer. Ça, c'est sûr que c'est très présent, qu'il y a un très fort mouvement de création. Mais justement, parmi les composantes de ce qui fait créer, c'est aussi le découragement face à la façon dont les choses vont et ce foisonnement de la culture s'est fait - je vous le dis comme bien du monde le pensent - non seulement souvent sans l'appui de l'État, mais parfois contre, contre l'esprit qui règne dans ses rouages.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, au départ, je m'en voudrais de ne pas souligner la densité et la profondeur quand même de l'analyse avec un ton incisif que je connais bien, et percutant même. Mais je ne partage pas ce verdict extrêmement négatif que vous portez à l'égard des politiciens, qui n'ont jamais une très très bonne cote, ça va de soi, mais quand même, et du contenu du rapport Arpin comme tel.

Vous avez des phrases qui sont passablement dures. Vous parlez de désespoir. On a l'impression que vous êtes en train de nous en fournir un peu. À la page 60, je vous cite: "Le résultat de notre erreur est celui-ci: du fait de notre naïveté, nous avons nourri l'argumentation qui va permettre au gouvernement du Québec de rapatrier d'Ottawa les sommes que cette capitale dépense au Québec pour les arts et la culture. Les bienfaits de ce rapatriement se feront sentir chez les artistes du Québec par l'entremise de ce qu'on appelait autrefois le ministère du Bien-être social, auquel ceux d'entre nous qui y auront bientôt droit, plus nombreux encore aujourd'hui, s'adresseront."

Vous êtes en train de me dire que le rapatriement des responsabilités fédérales qui ne se font pas, et vous devez l'admettre, M. Dubois, en fonction des intérêts spécifiques du Québec... Vous venez du théâtre. Vous savez que le théâtre se meurt. Vous jugez justifiable que l'on dépense 450 000 000 $ pour un musée des civilisations dont vous en avez payé au moins 33 %, alors que le théâtre se meurt... Alors, vous êtes en train de me dire que la question du rapatriement des responsabilités fédérales, c'est ramené par les politiciens québécois à des préoccupations techno-bureaucratiques et vous doutez que les sommes rapatriées servent au soutien des arts et de la culture. Pourquoi? Douter qu'on ne le fasse pas, n'est-ce pas douter de votre peuple et douter de vous-mêmes en même temps?

M. Dubois: Si vous permettez, ce n'est pas tout à fait dans ces termes-là que nous doutons. Ce que nous croyons, nous avons dit - et le milieu du théâtre a dit, l'an dernier, dans le mémoire qu'il a remis à Bélanger-Campeau - que l'ensemble du milieu théâtral se montrait favorable à l'indépendance et, notamment donc, évidemment, au rapatriement des pouvoirs en ce qui concerne les arts et la culture, dans la mesure où l'État québécois décidera de faire quelque chose avec ces pouvoirs, donc, et où ça s'inscrira dans un projet. La raison pour laquelle nous refusons de parler...

D'ailleurs, je vais répondre là et, après ça, je ne répondrai pas à d'autres questions sur le sujet parce qu'on est en train de noyer le poisson. Lisez les journaux depuis le début de cette commission. On est en train de noyer le poisson. Alors, je réponds une fois et, après ça, on se tait sur le sujet. On est en train d'utiliser la culture comme on fait depuis 30 ans, comme un symbole, c'est-à-dire qu'on agit sur la culture à la place d'agir ailleurs, à la place du geste réel qu'on devrait poser et en faisant servir la culture à quelque chose dont ce n'est pas nécessairement l'unique fonction de servir. On est en train de faire un symbole là-dessus et la raison pour laquelle de nombreux artistes sont en désaccord avec le rapatriement dans les conditions actuelles, parce qu'on en parle en soi, ce qui, selon nous, ne tient pas debout, ça devrait ... dans un projet global.

Là, on nous fait supporter, à nous, les risques de ce projet global dans des conditions telles qu'il nous faut, effectivement, douter même de la volonté, non pas seulement d'utiliser ces pouvoirs, mais même d'améliorer les conditions à l'intérieur du Québec. Il y a eu tellement de promesses depuis 30 ans qui n'ont jamais été tenues. Pourquoi est-ce que vous ne commencez pas par tenir vos promesses avant de nous promettre un char et une barge dont tout ce que nous sommes sûrs, c'est qu'il y a un "bill" attaché après. Ce qu'on sait, c'est qu'on va avoir le "bill". Les promesses, on ne les aura pas; on a déjà donné. Voilà!

M. Boulerice: Si je vous comprends bien, vous nous dites qu'il y a des actions immédiates, enfin immédiates dans leur application ou dans leur élaboration, qui n'ont pas été faites, qui auraient dû être faites et c'est ceci qui vous permet de juger de la bonne volonté des politiciens de faire de ce rapatriement quelque chose d'utile pour la culture et non pas se servir de la culture.

M. Dubois: Si c'était si important, comment se fait-il que l'analyse que nous avons faite l'année dernière dans le mémoire du CQT est

possible? Comment se fait-il que le mot "culture" apparaisse si rarement dans les documents internes du Parti québécois? Ah! je ne parle même pas du Parti libéral. Comment se fait-il que le mot "art" n'y apparaisse pour ainsi dire jamais? C'est juste ça sur quoi on s'interroge. Tout à coup, il y a un intérêt immense. On veut bien, mais là, cette fois-ci, on fait... Mettons une garantie minimale sur la table, et il n'y en a pas. On nous répond par des jugements moraux.

On nous dit qu'on est des pas fins, qu'on ne fait pas les bonnes affaires et qu'on trahit notre peuple. Pourquoi, tout à coup, c'est nous qui trahissons notre peuple? Ça a été ça. Ce jeu-là, on joue à ça depuis 30 ans. On en a marre! On en a d'autant plus marre que nos camarades sont sur le bien-être social pendant que ces beaux discours-là se déroulent et qu'ils sont obligés pour survivre de se prêter à des programmes comme PAIE et des affaires dans ce genre-là, qui sont de l'autoexploitation éhontée, encouragée par l'État qui, de cette façon, fait baisser les chiffres de son chômage. La culture, on s'en fout. Nous en avons marre de servir de tapis. Nous vous disons: Si vous voulez avoir notre appui à partir de maintenant, du côté de notre peuple, on l'est. Du côté des partis, c'est une autre affaire. Il va falloir que vous mettiez quelque chose sur la table, et du concret. Excusez-moi, j'ai tendance à m'emporter dans certaines circonstances, dont celle-ci. (10 h 15)

M. Boulerice: Le contraire m'eût déçu!

M. Dubois: Je vous remercie.

M. Boulerice: Et quand vous parlez de concret, sans vous faire répéter ce que vous avez déjà dit, de façon d'ailleurs aussi incisive, éloquente et passionnée, c'est quoi?

M. Dubois: Malraux.

M. Boulerice: Oui, mais le moule est brisé.

M. Dubois: Non, s'il est brisé, on passe à l'anglais demain parce que ça ne sert à rien, la comédie qu'on joue depuis 30 ans, et on dépense des fortunes folles à faire accroire qu'on veut parler français. Nous l'avons dit à Bélanger-Campeau l'an dernier. Si ce pays n'a pour objectif que la langue, si notre culture, c'est rien que notre langue puis qu'il n'y a aucune résonnance spécifique derrière cette langue, donc, si nous parlons français pour dire la même chose que les Américains, mais avec un beau petit accent "cute", ça ne nous intéresse pas. Ça coûte beaucoup trop cher. Passons à l'anglais, devenons efficaces.

Si c'est l'argent qui nous intéresse, parlons d'argent, si ce n'est que ça. Si nous sommes un peuple de la culture et des lave-vaisselle, parlons lave-vaisselle, mais arrêtons de niaiser avec la "puck". Ça fait 30 ans qu'on niaise avec. Ça suffit. Parlons des vrais enjeux. Ou bien on croit que la vie a un sens, que la culture, c'est quelque chose qui est l'émanation de quelque chose que certaines civilisations ont appelé l'âme. C'est ça, ça existe. C'est de ça qu'on parle. Si on veut parler de fonctionnalité, de rendement, O. K., on va parler de ça. Mais, à ce moment-là, parlons-en en anglais. Un discours en français demande entre 9 % et 12 % plus de caractères qu'en anglais. Ça coûte cher parler français. Ce que nous croyons, c'est que le fait de parler français, comme on le fait présentement, la façon dont le discours sur la langue et la culture du Québec s'articule, est un leurre. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas quelque chose de réel. Nous disons que nous nous masquons un rêve réel au Québec, que le rêve réel des Québécois et des Québécoises, c'est de devenir des Américains et qu'on n'ose pas le nommer à haute voix, parce que, ne le nommant pas à haute voix, ça nous permet de maintenir une illusion que nous pourrions continuer à être francophones dans l'empire américain, ce qui est une impossibilité.

Mais ce que nous faisons, ce faisant, c'est que nous marchons vers le suicide collectif. Nous sommes en marche. Nous avons dit, il y a deux ans, aux gens de Samson, Bélair: II est trop tard, il faut reculer les montres. Nous sommes deux ans plus tard et, pendant ces deux années-là, ça n'a parlé que de tableaux, ça n'a parlé que de chiffres. On se retrouve avec cette chose étonnante et amusante, si on a assez de recul, qui est le rapport Arpin, qui est le "truck" de citrouilles sur le sundae de ce qui s'est fait depuis 30 ans. Non seulement ça ne recule pas par rapport au trajet qui est enclenché depuis 30 ans, ça s'accélère. Ça s'accélère et ça s'approfondit.

M. Boulerice: Est-ce que je saisis bien une partie de votre argumentation, M. Dubois, en disant: Oui, vous n'êtes pas contre le rapatriement? Vous vous êtes déjà prononcé. Mais vous ne jugerez du bien-fondé de ce rapatriement que dans la mesure où on vous déposera, d'abord, une politique des arts, de la culture et de la communication - moi, j'ajoute "communication", je trouve que c'est indissociable - mais qu'on n'aille pas le quantifier en disant: Ça doit avoir la même place que...

Un peu pour exemple, quand on parle du 1 %, je dis: Non, on doit cesser de parler du 1 %. La culture, c'est 100 %, la création au Québec. Est-ce que je décode bien?

M. Dubois: Ce qui est certain, c'est que je ne prononcerai ici aucune phrase qui à la fois contiendrait le segment rapatriement et à la fois, à l'autre bout, contiendrait soit le mot "oui", soit le mot "non"; aucune. "Tapon" mais pas fou.

M. Boulerice: Dans mon pays natal, on disait: "Fou mais pas écarté".

M. Dubois: Je vous ai dit: Nous... Pardon?

M. Boulerice: Dans mon pays natal, on disait: "Fou mais pas écarté".

M. Dubois: Parce que le poisson est en train de se noyer. Il y avait un petit passage... D'ailleurs, je vais vous le lire de vive voix parce qu'on l'a enlevé pour être sûr d'arriver dans nos temps. Il y avait un petit bout qu'on a enlevé où on disait: Le noyage de poissons, nous laissons ça à d'autres parce qu'il y a des spécialistes très efficaces pour ça dans notre pays. Nous savons qu'ils sont très occupés ces temps-ci, mais on n'est pas pressés. Mais ils sont très occupés. Nous savons qu'ils ne se jouent pas dans le nez. Ils sont en train de les noyer. Ça se noie par pleins aquariums.

Nous ne tenons pas à être de ces poissons-là ou, en tout cas, on va essayer de retarder le moment autant que possible parce que, très sincèrement - et, là, je ne parle pas au nom des organismes, c'est mon point de vue personnel - je pense qu'il est trop tard. Je pense que c'est foutu.

Cela dit, ça ne signifie pas que je vais arrêter. Je crois que quelqu'un qui apprend qu'il est comdamné à mort, le temps qu'il lui reste jusqu'au moment du décès, ça fait partie de sa vie. Je vais continuer à lutter pour qu'il reste quelque chose de la mémoire de ce que mon peuple a été avant de se noyer dans son lave-vaisselle. Je vais lutter aussi longtemps que je vais pouvoir. Non seulement ça, mais si, à un moment donné, je dois parler anglais pour essayer d'expliquer en anglais ce que ces mots français voulaient dire dans le temps, je le ferai. L'essentiel, c'est la mémoire de ce peuple-là. Elle n'est pas rose, mais elle est aussi rose, il y a aussi des petites taches roses. Mais présentement, là, c'est l'horreur.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Verchères, une courte question.

Mme Dupuis: M. le Président, ce n'est pas une question. Mais comme je vous comprends, pour être artiste moi-même, ce que M. Gingras a dit tantôt, c'est exactement ce que vivent les artistes depuis des générations. Au Québec, on respecte les oeuvres d'art, ça fait bien, mais on méprise les artistes à tous points de vue. Ça, il faut se le dire, il faut le reconnaître. Alors que c'est par leurs produits qu'on peut connaître le degré d'évolution d'un peuple, et ce n'est pas compris encore! On fait des promesses qu'on ne respecte pas. On promet 1 % au niveau des financiers et ce n'est jamais respecté. Je les comprends. Je les trouve un peu durs en rejetant globalement. Moi, ce que je vous demanderais, c'est de nous apporter... Il n'y a pas de moyens concrets, vous avez raison. Si on veut parler côté positif, il n'y aurait pas lieu que vous nous apportiez des moyens concrets, dire: On veut ceci, on veut cela pour cette année, par étapes, si vous voulez? Mais, là, ça ressemble au "Refus global" de Paul-Émile Borduas. Je ne vous dis pas que ça n'a pas été très efficace, le "Refus global" de Paul-Émile Borduas, mais n'y aurait-il pas lieu de mettre un peu de positif en suggérant, en proposant des moyens concrets? Mais je vous comprends très bien lorsque vous parlez de la langue d'un peuple. Moi, lorsque j'étais au niveau de la maîtrise, on m'a dit que l'âme, en théorie, ça n'existait pas et j'ai dit: Vous n'avez rien compris parce que l'âme d'un peuple, c'est les arts et la culture.

Le Président (M. Doyon): Brève réponse, compte tenu du temps, malheureusement.

M. Dubois: Brève réponse. La raison pour laquelle nous ne répondrons pas en termes d'épicerie, c'est que nous savons que c'est la liste d'épicerie qui va devenir l'objet. Nous le savons par expérience. Voilà pourquoi nous disons: Notre liste d'épicerie, c'est que nous voulons que, s'il y a un De Gaulle dans ce pays, il appelle le Malraux de ce pays et que chacun fasse sa job. Si le ballon qu'on envoie, c'est une liste d'épicerie, nous savons que ça va être là-dessus que ça va chipoter et ça va être... Les cheveux vont être coupés en huit. Il y a des gens de grand talent pour faire ça ici. On en rencontre régulièrement. Ce que nous disons, c'est que nous vous lançons le ballon. C'est votre problème parce que nous, nos problèmes, on en a assez, merci beaucoup. C'est le vôtre. La politique, dans notre régime, c'est votre responsabilité. Faites-la.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots de conclusion.

M. Boulerice: II n'est pas facile de n'avoir que quelques secondes quand on a mon ami Dubois devant moi. C'est notre responsabilité, oui. Faites-la. On va la faire, mais je n'ai jamais cru... et ce sera ma conclusion. Vous dites: S'il y a un De Gaulle, qu'il appelle un Malraux. On n'est pas la France; on est le Québec. Il y aura peut-être un X qui appellera un Y, mais il y a un vieux principe en pédopsychiatrie qui dit qu'on ne se compare qu'avec soi-même. Donc, je vais appeler avec vous qu'il y ait un X qui appelle un Y, mais je pense qu'on fait une erreur de vouloir calquer sur un autre modèle en espérant un De Gaulle, président de la république du Québec, appelant un Malraux québécois. Il pourra peut-être y avoir, je ne sais pas, moi... Je ne le dis pas pour vous flatter. Le président de la république pourra peut-être appeler un Dubois,

mais je ne pense pas que Dubois soit Malraux. Ce serait non pas pour diminuer Malraux, mais pour vous dire que deux personnalités qui sont tout à fait différentes et qui peuvent arriver à des réalisations importantes et intéressantes... mais je ne crois pas au calque et c'est peut-être le grand défaut du Québec que d'avoir toujours cherché des referents et surtout des referents auprès de plus grands, plus gros et plus forts, alors qu'il y a bien des exemples...

Le Président (M. Doyon): M. le député, s'il vous plaît.

M. Boulerice: ...originaux de pays à la même taille et au même contexte que nous.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Messieurs, vous savez que vous êtes à peu près, dans tous les groupes qu'on entend à date ou qu'on a entendus, les seuls qui avez parié ici, à votre façon, de l'origine et non pas des symptômes, enfin, ce que vous nous dites ou communément ce que vous avez dit tantôt: la liste d'épicerie.

Effectivement, on en est là à parler de l'origine. Mais moi, je vais vous dire une chose, c'est qu'à notre façon à nous il y a des gens qui y croient encore, il y a des gens qui savent et qui comprennent aussi l'urgence. Il y a des gens qui, par les moyens qu'ils ont, essaient justement de parer à cette urgence. Tantôt vous nous disiez: On sent que la mort s'en vient. Moi, je vais vous dire une chose de la part des gens qui m'entourent et qui y croient: Nous, on ne veut pas mourir. Alors, c'est pour ça cette discussion.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, ceci termine le temps qui vous était alloué, malheureusement. Il me reste à vous remercier bien sincèrement. Je pense que votre message était vigoureux, a été compris, a été reçu. Les résultats, vous en jugerez vous-mêmes. Alors, ça a été un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.

M. Dubois: Merci.

Le Président (M. Doyon): Vous permettant de vous retirer, j'inviterais maintenant l'Association québécoise des salons du livre, représentée par M. Gérard Pourcel, si le document que j'ai devant moi est exact, de bien vouloir prendre place en avant, de bien vouloir s'installer et de nous présenter peut-être la personne qui l'ac compagne. Vous connaissez nos règles. Vous prenez un quart d'heure environ pour faire votre présentation; le reste du temps est consacré à une discussion avec vous entre les membres de la commission. Alors, si vous prenez moins de temps pour votre mémoire, c'est plus de temps qu'il reste aux membres de la commission. Vous faites comme vous voulez. Si vous présentez un résumé, c'est à votre choix. Vous avez donc la parole.

Association québécoise des salons du livre

M. Pourcel (Gérard): Parfait. Merci beaucoup. Celui qui m'accompne c'est Denis Lebrun, qui est directeur général du Salon du livre de Québec et membre du conseil d'administration de l'AQSL

Mme la ministre, mesdames, messieurs, les membres de l'AQSL vous remercient évidemment de pouvoir nous entendre. Avant peut-être de cerner ce qu'est l'AQSL, donc, l'Association québécoise des salons du livre, peut-être qu'il serait bon de définir très succinctement ce qu'est un salon du livre. Un salon du livre, c'est une manifestation professionnelle périodique qui a pour but de faire connaître la production des livres intéressant une communauté culturelle, donc, la nôtre.

Au service à la fois des exposants, éditeurs et distributeurs, des auteurs, des visiteurs, un salon du livre est une source d'information privilégiée d'enseignement, un facteur aussi d'innovation, un marché d'affaires, un média pour le développement du livre et de la lecture. La mission d'un salon du livre et de tous les salons du livre du Québec est donc de mettre en contact le plus de personnes possible avec le maximum de livres, donc, viser toutes les couches de la société, les jeunes et les moins jeunes, les lecteurs et les non-lecteurs, parce qu'il y a une partie de gens qui visitent les salons du livre qui sont des non-lecteurs. L'AQSL réunit donc en association les neuf salons du livre du Québec. Par ordre chronologique: le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Estrie, Rimouski, Montréal, la Côte-Nord, Trois-Rivières, l'Outaouais, Québec et l'Abitibi-Témiscamingue. (10 h 30)

Ce qui fait un peu la force de notre association, je dirais, c'est notre unité, c'est la réunion d'organismes qui ont un point commun: la promotion du livre et de la lecture. Ce qui fait aussi notre force, c'est peut-être notre disparité, parce que chaque salon du livre prend la place qui lui revient dans chaque région et chaque salon s'enrichit aussi des différences des autres. L'AQSL développe aussi des stratégies communes à tous les salons quant à la promotion, aussi quant à certaines règles de déontologie que nous respectons, quant aux relations avec le ministère des Affaires culturelles. Voici donc un peu, d'une manière très succincte, la présentation des Salons du livre et de l'Association qui les regroupe.

Mais permettez-nous, peut-être plus avant, de rentrer dans la spécificité des salons du livre. Comme nous sommes différents en étant tous pareils, si vous me permettez de paraphraser

Albert Jacquard, je prendrai différents éléments des différents salons sans pour autant forcément référer à des exemples particuliers.

La structure de financement d'un salon du livre. Et là, effectivement, on est dans la cuisine, on va parler cuisine. Il y a d'abord les subventions: gouvernement du Québec, donc le ministère des Affaires culturelles, c'est un contrat de trois ans; on a été d'ailleurs un des premiers à en bénéficier. Le gouvernement fédéral, soit le Conseil des arts, soit le ministère des Communications, entre 12 % et 44 % à peu près. La municipalité de résidence du salon est aussi une source de financement, mais pas pour tous les salons. Par exemple, à Montréal, on ne reçoit pas une cent de la ville, alors que le Salon du livre de Montréal verse des taxes à la ville.

Enfin, il y a aussi des moyens de fonctionner à peu près comme tout le monde dans la culture, ce sont des projets spéciaux, des PDE, article 25, PSR, et nous sommes passés à peu près maîtres dans la pratique de l'utilisation de ce genre de programme. Cependant, de tels projets ne sont pas récurrents, et il faut faire preuve d'imagination pour en bâtir d'autres. Et, par ailleurs, le personnel que nous avons formé par ces programmes peut très rarement être réembauché par la suite et nous perdons donc chaque année une expertise.

Il y a comme autre source aussi les commandites. Les commandites, ça va de 4 % à 25 % des revenus pour les salons et la course aux commanditaires demande de développer aussi une expertise, de préparer des dossiers et, si vous me permettez l'expression un peu triviale, mais tout de même imagée, quelquefois on est dans un panier de crabes. Non seulement nous sommes en compétition avec nos collègues du domaine culturel et nos amis de la culture, mais nous sommes aussi en compétition avec des organismes sportifs, avec des organismes de charité et d'entraide qui, pour différentes raisons, ont quelquefois une oreille plus attentive, bénéficient d'une oreille plus attentive auprès des commanditaires que la culture ou le livre en particulier.

Et si certaines commandites sont relativement payantes - ça arrive - il n'est pas rare aussi d'échanger quatre trente-sous pour une piastre, et nous l'avions dit, d'ailleurs, dans de précédents rapports. Sans compter des commanditaires qui se retirent - évidemment, ça arrive - au bout parce qu'il y a une faillite, parce qu'ils ne sont plus là et il n'y a aucune raison. Et, bien que nous essayons d'obtenir des contrats de trois ans, certains brisent leur contrat et, évidemment, de toute manière on ne peut absolument pas aller rechercher cet argent-là. J'avais envie de dire que l'entreprise de séduction recommence chaque année et prend évidemment beaucoup d'énergie.

Quant aux revenus directs, autre source, troisième source de financement des salons du livre, on retrouve la location des stands qui sont entre 50 et 550, en gros. Le coût d'entrée: entre 2 $ et 5 $, coût d'entrée dont il faut déduire, d'ailleurs, 7 % de TPS, 10 % de taxe d'amusement, et sans doute bientôt 8 % de TVQ, à partir de 1992. Donc, évidemment, il n'en reste pas lourd. On ne peut augmenter ces deux sources de revenus, pour plusieurs raisons. Parce que nous voulons conserver un accès facile à la culture et qui ne soit pas un accès uniquement pour les riches. Et, entre parenthèses, le coût de 5 $, qui est le maximum de nos salons du livre, est bien inférieur à tout ce qui peut exister de salons, de l'automobile, de l'agriculture ou autres.

Le personnel des salons du livre se constitue de permanents; la situation varie de un à deux permanents à temps plein à deux ou trois personnes payées 15 semaines, voire 20 semaines, mais qui continuent bénévolement de travailler pour poursuivre évidemment les dossiers. Autour de ce petit noyau, c'est le domaine de la générosité et du bénévolat. Les membres du conseil d'administration prennent des dossiers de financement, des dossiers tels que des comités d'auteurs ou toute autre tâche multiple. Il y a aussi le personnel bénévole, quelques dizaines dans certains salons, jusqu'à plus d'une centaine dans d'autres salons. Le Salon de l'Outaouais est remarquable en ce domaine-là. Les tâches vont tout simplement de l'adressage et du collage d'enveloppes, ou du collage d'affiches, à la rédaction de cahiers spéciaux, au "booking" d'auteurs - pardonnez-moi le mot anglais - dans les médias, avant le salon, à transporter des tables, des chaises, à remplacer des exposants dans leur stand, à piloter des auteurs dans différentes stations de radio, de télévision, dans les écoles, les cégeps et les universités, entre autres. Il y a quelques années, en offrant le salaire minimum à notre personnel bénévole, nous avons fait un calcul de la masse salariale qu'il représentait; ça comptait 179 000 $ de masse salariale que nous aurions investie. Les chiffres sont déjà vieux, et le bénévolat, évidemment, s'est accru.

Une telle structure pour cinq jours d'exposition! direz-vous. Ça paraît évidemment démesuré. En réalité, les cinq jours d'exposition d'un salon du livre, ce n'est que la pointe de l'iceberg. L'exposition, la location de stands, l'aménagement de ceux-ci dans un centre de congrès, d'exposition est la tâche la plus facile, la plus aisée et celle qui demande le moins de temps. Avant tout, un salon du livre, c'est un vaste programme d'animation qu'il faut préparer des mois à l'avance. Ce sont des débats qu'il faut organiser avec des auteurs sur des thèmes particuliers. Ce sont des personnes-ressources qu'il faut contacter pour diriger ces débats; certaines sont payées, d'autres sont évidemment bénévoles. Si vous me permettez une comparaison, c'est pratiquement une émission "Apostro-

phe" qu'il faut alimenter pendant cinq jours consécutifs, si on veut que le public revienne.

Il faut créer l'événement autour du livre pour que les journalistes en parlent car, évidemment, nous n'avons pas les budgets nécessaires pour acheter toute la publicité. Comme on n'a pas l'argent pour la publicité, on crée l'événement. Ce sont des organismes tels les médias, les cercles de presse, les associations professionnelles du livre, les regroupements de conseillers pédagogiques, les bibliothécaires, les professeurs qu'il faut mettre en contact avec des auteurs, des éditeurs, des représentants et des distributeurs; c'est dans ce sens-là que nous sommes un média. Favoriser de tels contacts nécessite évidemment de tenir constamment à jour des listes de journalistes, de directeurs d'école, de conseillers pédagogiques, etc. Et nous devons évidemment être aussi informés des derniers mouvements du monde de l'édition.

Parallèlement à ça, c'est toute une sensibilisation à la lecture que nous effectuons auprès des jeunes et que nous devons organiser. Des programmes d'animation à l'intérieur même du salon du livre doivent être mis en place. L'information doit être acheminée dans toutes les écoles. Des réservations de visites doivent être prises. Des enquêtes auprès des enseignants, pour répondre à leurs besoins, doivent être menées et analysées. Certains salons débordent même géographiquement du lieu où se tient l'événement.

Permettez que je fasse référence, peut-être, à la dernière édition du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, celui que je connais peut-être le mieux et qui s'est tenu il y a une quinzaine de jours. Il y avait 18 rencontres d'écrivains en dehors du salon, dans les écoles secondaires, dans les cégeps, dans les universités, de Saint-Félicien à Chicoutimi; ça fait un rayon de 200 kilomètres. Des récitals de poésie se sont tenus dans les bars des villes de la région, avec des gens tels Gaston Miron, Denise Desautels, Geneviève Letarte. Et ce n'est pas le seul cas du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il se passe la même chose, par exemple, au Petit Champlain, lors du Salon du livre de Québec. Mon collègue ne me contredira pas.

Toute cette énergie est mise aussi à la rédaction de cahiers spéciaux pour mettre en évidence les auteurs, ou alors à la rédaction de brochures ou de magazines que nous consacrons aux écrivains dans des salons du livre, autant de publications, d'ailleurs, que nous essayons d'autofinancer car, évidemment, nous courons toujours les commanditaires. Certains salons élargissent même leur mandat dans le temps en s'inscrivant dans des campagnes de promotion du livre et de la lecture auprès des organismes scolaires, auprès des bibliothèques, des BCP, tout au long de l'année. Certains créent même d'autres événements tel un gala du livre. Tout au long de l'année, les salons du livre demeurent une structure d'appui pour le milieu du livre, soit donnent un coup de main à un éditeur qui veut remettre à jour ses listes ou faire une tournée d'auteurs; soit une école veut inviter un auteur, et elle se réfère à nous pour avoir des renseignements; ou, alors, on donne aussi des coups de main à des journalistes qui recherchent un auteur ou quelque chose.

Par ailleurs, les neuf salons du livre du Québec font, tout le temps, au Québec, dans nos neuf régions respectives, pendant 15 jours à 3 semaines, que l'on parle plus de livres que de tout autre chose et que le sport en particulier. Ce qui fait que, grâce aux salons du livre, dans tout le Québec, on parle, à un endroit, en ce moment, plus de livres que de sport et je pense qu'en ce moment, c'est en Estrie. Ensuite, nous rejoignons aussi, ce qui est très important, une population à peu près de 20 % à 25 % qui affirme ne fréquenter que très rarement les bibliothèques et les librairies. Et notre mandat, à ce moment-là, est donc important.

Après cette présentation très succincte de ce qui se fait dans les salons du livre, permettez-moi d'en référer à ce qui est communément appelé le rapport Arpin. Les déclarations de principe et de constat sont encourageantes pour trois raisons. On parle de l'importance de la culture sur la société, de la démocratisation de la culture et du rôle de l'État dans le domaine culturel. L'AQSL ne peut, évidemment, qu'applaudir à l'importance accordée à la lecture en citant brièvement quelques passages du rapport. "La lecture [...] - et je cite - s'adresse à l'intelligence, au goût, au désir et au plaisir. Elle est un préalable à la vie intellectuelle et à la vie culturelle active [...] C'est par la lecture que le tout jeune [...] développe son imaginaire [...] Et c'est ainsi que la lecture [...] devient pour le plus jeune la vraie porte d'entrée dans le monde [...] de la culture." Évidemment, nous ne pouvons être que tout à fait d'accord avec cette façon de voir.

Nous nous réjouissons aussi du constat concernant "le monde québécois du livre qui a atteint - dit-on dans le rapport - sa maturité et connaît un essor considérable" car l'essor des salons du livre au Québec reflète le développement de l'édition, puisque les salons du livre en sont en quelque sorte le reflet du développement de l'édition dans un lieu donné. Cependant, il y a une situation alarmante. Nos motifs de réjouissance s'arrêtent là. Déplorons aussi le fait que chez les élèves l'intérêt à l'écriture tombe de 59.8 % en troisième année à 34,4 % en sixième année et que l'intérêt de la lecture chute de 71.9 % en troisième année à 54 % en sixième année. Déplorons aussi que les jeunes du secondaire lisent peu de livres et que la lecture tient une place fort mince dans leur emploi du temps. Déplorons aussi la pauvreté de nos bibliothèques publiques et l'indigence de nos bibliothèques scolaires. Déplorons également les effets néfastes

de la taxe fédérale sur les produits et services sur le livre et déplorons enfin que dans la proposition Arpin les salons du livre ne sont cités qu'une seule fois et dans un seul paragraphe et dans un graphique montrant l'évolution de la fréquentation des établissements culturels, laissant croire que la fréquentation des salons du livre a nettement diminué entre 1983 et 1989 alors que c'est le contraire. La question n'était pas la même en 1983 qu'en 1989. Elle était beaucoup plus restrictive en 1989, ce qui explique ce graphique.

Il faut reconnaître que sans l'aide initiale aussi du ministère des Affaires culturelles le réseau du salon du livre du Québec ne serait pas ce qu'il est devenu. Il faut admettre que sans le système des contrats de trois ans plusieurs salons n'auraient pu survivre. Il faut également souligner que c'est le ministère des Affaires culturelles, avec, bien sûr, l'appui des organisateurs, qui a fortement incité les salons du livre à adopter leur style en accordant une très large part à l'animation culturelle.

Sur la proposition des implications sur les salons, les subventions du ministère des Affaires culturelles sont évidemment particulièrement nécessaires. Il faut maintenant se poser la question: Quelles seraient les conséquences sur le développement des salons du livre si certaines mesures préconisées par le groupe-conseil passaient? Notons tout d'abord que le total des subventions accordées aux neuf salons est passé de 332 000 $, en 1984-1985, à 350 088 $ en 1988 et 1989, soit une augmentation de 18 000 $ pour l'ensemble, ce qui ne correspond pas évidemment à l'ajustement au coût de la vie. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas de mode d'indexation établi à la subvention triennale du ministère des Affaires culturelles, ce serait important que cette indexation devienne en quelque sorte notre police d'assurance-vie au salon du livre. Pour renverser cette tendance, nous appuyons donc fortement les recommandations 11 et 14 qui prévoient l'indexation et l'ajustement budgétaire des ententes triennales. (10 h 45)

Je voudrais aussi aborder l'approche géographique du rapport Arpin qui nous semble erronée, partielle et même dangereuse pour la culture. Privilégier Montréal et Québec et ensuite représenter les régions comme un troisième pôle, un espace indéfini où sont déterminés quelques îlots de population est une erreur de géographie humaine. Les régions sont des indentités propres. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean est un bassin homogène, l'Estrie aussi et je ne ferai pas la géographie du Québec. Évidemment, nous sommes moins nombreux qu'à Montréal, en région, comme les Montréalais sont nettement moins nombreux que les Parisiens, et ce n'est pas une raison pour ne pas avoir une identité culturelle au Québec.

De cette représentation déformée de notre réalité géographique et humaine découlent des recommandations néfastes pour la culture en général. Les régions ne sont pas et ne doivent pas être passives dans leur consommation culturelle en attendant qu'on leur envoie ce qui se fait de mieux en métropole. La consommation de biens culturels n'est pas assurée du succès, d'ailleurs, si ces biens sont exclusivement extérieurs à la région. Il y a des exemples de produits culturels pourtant de qualité, importés de Québec ou de Montréal, qui n'ont pas connu de succès en région. Nombre de personnes aussi vont voir un ballet, vont écouter un concert, vont lire un livre parce qu'elles connaissent un de leurs proches impliqués dans cette création. Même si certaines créations régionales ne sont pas toutes de calibre international, elles n'en restent pas moins des portes d'entrée collatérales à la consommation culturelle pour nombre de personnes qui auraient peur d'aborder la culture par la nef centrale et les grandes orgues montréalaises. Le sentiment d'appartenance à une communauté régionale est important pour le développement des habitudes à consommer la culture.

Quant aux créateurs, il faut reconnaître que les régions génèrent de nombreux artistes qu'on retrouve plus tard en métropole ou à l'étranger. Les régions sont des bancs d'essai hautement nécessaires à la création culturelle et rien n'empêche de produire et d'exporter à partir d'une région. Et je pense en particulier aux Éditions JCL qui rayonnent à partir de Chicou-timi, aux Écrits des Forges qui rayonnent à partir de Trois-Rivières, et il y a plein d'autres exemples ainsi.

À notre avis, c'est une erreur de penser que l'axe d'exportation de nos produits culturels et de la sélection de ceux-ci va des régions à Montréal, et de là vers Paris. Actuellement, le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean vient de créer un axe Jonquière-Saint-Étienne qui semble efficace; l'ouverture des gens, des Français en région est beaucoup plus grande à la culture québécoise que l'ouverture des Parisiens, et je pense que je ne vous l'apprendrai pas. Un axe Bordeaux-Québec est en train de naître, est en train de se développer aussi; l'Outaouais développe un axe avec les régions frontalières de France, donc près de la Franche-Comté et de la Suisse. Il y a d'autres exemples d'axes interrégionaux et, on en a tous parlé, même Le Devoir a été particulièrement sévère, je pense à "La fabuleuse histoire de notre royaume" qui a fait un axe entre le Saguenay et la Normandie.

Donc, une perception erronée du fait culturel, de la culture en région et de son impact a aussi des incidences malheureuses sur les recommandations du rapport Arpin quant au financement des arts. Préconiser une Intervention forte de l'État dans les grands centres, à l'endroit des grandes institutions, et laisser aux municipalités le financement de la culture en région est dangereux. Premièrement, il y a

nombre d'organismes culturels qui ont un rayonnement régional; c'est le cas des salons du livre ou des orchestres symphoniques, par exemple. Et il n'y a pas de structure correspondante capable de les financer; les MRC n'ont pas cette latitude.

Dans un second temps, bien que les municipalités fassent de plus en plus d'efforts pour aider la culture, il faut remarquer que les charges sont de plus en plus lourdes et, souvent aussi, les villes n'ont pas de politique culturelle identifiant très bien le rapport culture, sports et loisirs. Et I'aréna est souvent beaucoup plus pesante que la bibliothèque.

Le Président (M. Doyon): M. Pourcel, je me vols dans l'obligation... Vous avez très largement dépassé le temps qui vous était alloué. À moins que les membres de la commission souhaitent que vous terminiez et il ne restera à peu près plus de temps pour discuter avec vous. Le président va se conformer au désir de la commission. Si vous pouvez résumer peut-être pour terminer.

M. Pourcel: Oui. Merci. Donc, la culture francophone au Québec ne pourra vraiment se développer que si nous avons des régions cul-turellement fortes et énergiquement soutenues par le gouvernement du Québec. Une telle volonté est le seul moyen de préserver la recherche et l'émergence de formes nouvelles d'art, y compris en région. Et c'est valable évidemment pour tous les salons du livre aussi. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Pourcel. Tout simplement pour rappeler que votre mémoire, bien sûr, a été distribué; les membres de la commission ont pu en prendre connaissance. Alors, prenez pour acquis que même la partie que vous n'avez pu livrer a été regardée et examinée. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Pourcel. Il y a une chose que je voudrais quand même rétablir au niveau des salons du livre. Je pense qu'on en avait même parlé ensemble quand on s'était vus la dernière fois. D'abord, vous vous êtes arrêté au niveau de votre subvention en 1989-1990, je crois, mais il y a eu une augmentation significative en 1990-1991 et 1991-1992 et un réajustement au niveau de la subvention de l'ordre de 150 000 $ pour 1990-1991 et indexation en 1991-1992. Alors, je veux quand même remettre en...

M. Pourcel: Je suis d'accord avec vous.

Mme Frulla-Hébert: Maintenant, il y a une chose qui, finalement, m'a chicotée un petit peu dans votre mémoire. À la page 21, vous dites: "remettre le financement des salons du livre aux municipalités constitue leur arrêt de mort pur et simple", et vous en avez parlé. Moi, je voulais juste savoir... Parce qu'on parle beaucoup de partenariat avec divers intervenants, on parle beaucoup d'implication des municipalités et je pense que ce que vous dites, c'est important. Vous craignez... Enfin, vous semblez craindre une mainmise des municipalités. Pourquoi cette crainte au niveau des municipalités, d'une part? Deuxièmement, parce que vous travaillez beaucoup, vous, au niveau des salons avec les municipalités, est-ce que le partenariat fonctionne bien ou c'est dû à un manque de compréhension?

M. Pourcel: Mme la ministre, il n'y a pas une crainte. Nous travaillons avec les municipalités et les municipalités soutiennent, de plus en plus d'ailleurs, les événements culturels et les salons du livre. Cependant, le problème que nous vous exposons, c'est que... Dans le rapport Arpin, on préconise que la culture en région doit être beaucoup plus soutenue par les municipalités et que l'État doit être beaucoup plus présent à Montréal et Québec. Or, si cette recommandation devient effective, une municipalité n'est pas capable de soutenir un organisme régional. Par exemple, le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean réside à Jonquière, mais il a une incidence régionale sur tout le Saguenay-Lac-Saint-Jean et je ne pense pas qu'on puisse demander aux villes voisines, d'une part, de financer le Salon du livre parce que, elles aussi, elles ont des organismes sur leur propre territoire qu'elles ont à financer. Deuxièmement, le fait d'aller puiser une fois de plus dans les municipalités, la charge est déjà très lourde pour elles. Dans un troisième élément, c'est que la notion de politique culturelle dans les municipalités est encore une notion fort jeune, pour ne pas dire floue, dans la majorité des cas.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que je pense que vous partez d'une prémisse qui n'est pas tout à fait... En tout cas, selon les intervenants qui sont venus, évidemment, nous voir à cette commission, par exemple Serge Turgeon, nous allons avoir M. Gilles Bélanger qui a représenté d'ailleurs aussi les régions au sein du groupe-conseil - l'affirmation de dire: Bien, on appuie sur Montréal et Québec, et les régions, qu'elles se débrouillent, en fait, ce n'est pas ça du tout. Je ne pense pas que c'était la nature même des recommandations du rapport. Qu'on parle de Montréal, Québec et les régions, ce qui avait été perçu comme étant une espèce de bloc monolithique, en parlant des régions en général, c'est peut-être une question d'interprétation et de mauvais rendu peut-être, mais, chose certaine, c'est que ça n'a pas été Montréal, Québec, et les régions, on décharge aux municipalités. Donc, partant, l'État - d'ailleurs, on le fait par des ententes triennales - va toujours rester très très présent.

Je voulais juste revenir à ce que vous dites: Bien, les autres municipalités, il y a les grosses qui paient et les autres n'ont pas, finalement, à

contribuer, les plus petites. Pourquoi? Les petites aussi bénéficient du rayonnement de certaines activités ou de plusieurs activités culturelles. Alors, pourquoi... Les petites, à leur mesure, aussi petites soient-elles en termes d'aide, pourquoi on balaie ça en disant: Bien, c'est juste les grosses; les petites, elles, ne peuvent pas payer?

M. Pourcel: Ce n'est même pas le rapport petites et grosses. C'est la ville où se retrouve le salon du livre qui va financer. La ville voisine, elle, va avoir un orchestre symphonique ou va avoir une troupe de théâtre et va d'abord, normalement, financer sa propre troupe de théâtre, même si la troupe de théâtre, évidemment, fait une tournée en région. Et aussi, le budget des municipalités n'est pas quelque chose d'éminemment extensible et là aussi elles font face à des problèmes de financement. Je ne pense pas forcément que ce soit de la mauvaise foi ou de la mauvaise volonté de la part des municipalités, mais c'est quelque chose que nous n'arriverons sûrement pas, disons, à vendre. SI vous me permettez le terme, je ne vendrai pas le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean à M. Blackburn de Chicoutimi. Je n'y arriverai pas. Et puis je ne suis pas défaitiste, pas du tout, croyez-le.

Mme Frulla-Hébert: II y a une question de bibliothèque aussi à Chicoutimi.

M. Pourcel: Je ne vous le fais pas dire, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ça aussi, on a de la misère à vendre ça. Il y a eu plusieurs intervenants, dont l'UNEQ, qui nous ont demandé de faire plus de place à la littérature québécoise et d'accentuer aussi sa promotion. Dans vos salons, quelle est la place de notre littérature au niveau des salons? Est-ce qu'il y a une place privilégiée, d'une certaine façon? Est-ce que vous vous donnez ça comme mandat et comment peut-on faire aussi pour aider au niveau de la promotion en termes de moyens? Vous le faites, là, vous le vivez.

M. Pourcel: Dans les salons, Mme la ministre, la part du livre québécois est évidemment prépondérante. Quand le livre... Et là, c'est un peu l'éditeur qui décide quoi apporter, c'est évident, mais c'est le salon du livre qui décide quel auteur inviter. Et lors de tous les salons du livre, la place des auteurs québécois est absolument énorme. On les retrouve à tous les niveaux. Et, tout à l'heure, je prenais exemple qu'ils se déplacent. On les envoie dans les collèges, dans les universités, dans les écoles et c'est le moyen pour les jeunes d'être sensibilisés à la littérature de chez nous. Et vraiment, elle est majoritaire. Dans certains salons, on a un ou deux invités étrangers, ce qui est aussi nécessaire, parce que je pense qu'il faut que nous puissions comparer notre littérature et notre création littéraire à celle des autres.

Mme Frulla-Hébert: Si on vient aux écoles, encore une fois, la semaine dernière, on a beaucoup parlé de l'importance au niveau du réseau scolaire et de l'éducation pour l'apprentissage de la culture et de notre culture. Au niveau des écoles, le réseau scolaire, au niveau du Salon du livre, par exemple, participe-t-ll pleinement, d'une part? Et, deuxièmement, est-ce que vous y voyez aussi un accroissement? Est-ce qu'il y aurait des choses à faire à ce niveau-là?

M. Pourcel: il y a un accroissement, oui. C'est très difficile. La machine scolaire est une très grosse machine, très difficile à pénétrer, il ne faut pas se le cacher. Il y a plusieurs éléments. Premier élément, un élève peut venir au salon du livre et c'est l'émerveillement un peu qui... Je parle plus des élèves du primaire qui voient qu'on fait une fête aux livres, alors que leurs bibliothèques sont assez tristounettes, généralement, sauf exception.

Un deuxième élément, c'est de pouvoir envoyer des auteurs dans les écoles. Et, récemment, par exemple, nous avons envoyé des auteurs dans des écoles. Mais les Salons du livre ont payé le déplacement de l'auteur, ont payé l'hébergement de l'auteur et paient aussi les cachets pour pouvoir défrayer l'auteur qui s'en va dans l'école. Aller chercher, disons, un peu d'argent dans le milieu scolaire est vraiment extrêmement difficile. On veut effectivement favoriser le développement du goût de la lecture dans les salons du livre, parce que nous sommes un peu les seuls, dans le monde culturel, à présenter la culture comme une jouissance alors que, dans le milieu scolaire, on présente, que ce soit la littérature, que ce soit la musique, comme des apprentissages et, donc, le milieu culturel nous le présente d'une autre manière. Et si nous voulons vraiment le présenter comme une jouissance qui va rester après qu'on aura quitté l'école, il faut que nous fassions ces investissements. Mais je vous dis: Actuellement, les salons du livre financent le ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Pourcel, je pense que les salons du livre sont évidemment - je les fréquente, vous le savez bien - un outil important dans la promotion du livre et, forcément, dans la promotion de la lecture. Ça permet des avantages drôlement intéressants aux éditeurs, libraires, etc. Mais là où ça devient encore même plus intéressant, c'est un point de contact qui s'établit, un point de contact vraiment privilégié entre l'auteur et les lecteurs. Et, ça, c'est assez

intéressant. (11 heures)

Vous avez souligné d'emblée les effets négatifs de la TPS fédérale sur le livre. Déjà jeudi, Mme la ministre nous a annoncé que l'application de la TVQ québécoise serait suspendue pour une autre année consécutive. Mais, comme vous avez fait référence à certains salons où il y a une tarification d'entrée, j'aimerais vous rappeler que dans très exactement 10 semaines, au plus tard, il y aura 27,5 % de taxe pour entrer dans un salon du livre qui aura eu l'idée - mais est-ce qu'on peut faire autrement? - de charger un prix d'entrée. Donc, celui qui est à 5 $, bien, il y aura quelque chose comme 1,30 $ de taxe d'ajouté sur les 5 $. Est-ce que ce sont des mesures incitatives? Je pense que ce sont plutôt des mesures que j'oserais qualifier de répressives dans le cas de la fréquentation.

Ceci dit, vous en avez parlé vous aussi, plusieurs groupes en ont parlé, elle fait partie de bien des discours dans le domaine de la culture, c'est la formule des ententes triennales. Nous, on souhaite que le ministre élargisse cette mesure à bien des organismes, comme instrument, justement, qui permettrait de stabiliser la situation des groupes. Dans quelle mesure - j'aimerais ça avoir un exemple concret - ça vous permettrait d'assurer une meilleure planification de vos activités? Par exemple, un budget triennal vous permettrait-il une planification triennale en disant: Cette année, on met l'accent sur telle chose; l'année prochaine, on consolide et, l'année suivante, déjà, on amorce un autre virage dans la conduite de notre salon du livre?

M. Pourcel: Oui. De toute évidence, c'est quelque chose qui nous aide parce que nous savons, d'une année à l'autre, à quoi nous en tenir. Ça nous aide du point de vue tout simplement de nos organismes financiers, les banques ou les caisses populaires, purement, parce qu'à ce moment-là on est capables d'avoir une marge d'emprunt puisque la subvention s'en vient. Étant donné que la subvention n'arrive pas toujours en début d'exercice de salon, ça nous permet donc d'avoir de l'argent frais et de travailler. Ça, c'est pour !e côté le plus terre à terre.

Dans un deuxième élément, ça nous permet aussi de prévoir, par exemple, d'assainir. Supposons qu'un salon ait une situation financière difficile, ce qui n'est pas un cas unique et extraordinaire, compte tenu un peu des revenus que nous avons. Ça permet, une année, de dire: Bon, cette année, on fait tel programme. On essaie d'assainir les finances. L'an prochain, on va pouvoir passer peut-être à l'achat d'ordinateurs pour être un peu plus performants. On va pouvoir mettre plus d'argent sur la présence d'auteurs, on va pouvoir mettre plus d'argent dans le scolaire. On se donne régulièrement, dans les salons, des plans de deux ans, trois ans ou voire cinq ans. Le fait d'avoir cette entente triennale est vraiment, j'allais dire, un ballon d'oxygène hautement nécessaire et nous avons été, je le reconnais, Mme la ministre, les salons du livre, un peu privilégiés de ce côté-là, compte tenu que les autres ne l'avaient pas. Je ne pense pas que ce soit un privilège, c'est une nécessité, mais, compte tenu du contexte, ça pouvait paraître un privilège.

M. Boulerice: Par quels moyens peut-on bonifier la situation actuelle?

M. Pourcel: Pardon?

M. Bouierice: J'ai dit: Par quels moyens concrets peut-on bonifier la situation actuelle?

M. Pourcel: Les salons du livre. Je pense qu'il y a un sous-financement des salons du livre, compte tenu du travail qui y est fait. Les salons ont évolué énormément, tous, dans leur ensemble, et sont passés de cinq jours d'exposition à des événements culturels complets qui rayonnent dans toute une région. Ils sont devenus aussi des événements qui sont permanents, compte tenu que nous nous impliquons dans d'autres choses. Je ne pense pas qu'on le fasse pour le plaisir de développer. C'est parce que le besoin est là et nous le ressentons. Le besoin est là parce qu'il y a un problème de bibliothèques au Québec. Il y a un problème de bibliothèques scolaires; il suffit juste d'aller les voir. Et si, nous, nous ne sommes pas là, je pense qu'il va y avoir un trou énorme. Nous sommes là aussi pour épauler constamment plein de gens du milieu. C'est assez étonnant de voir le nombre d'enseignants ou de conseillers pédagogiques qui téléphonent dans les salons du livre en disant; Qu'est-ce que tu penses de cet auteur? Qui est-ce que je pourrais faire venir? On répond assez souvent à ce genre de questions au cours de l'année.

M. Boulerice: Vous avez fait état d'une chute du goût du livre chez les jeunes entre la troisième et la sixième année. Je pense que tous conviennent de l'importance de développer, chez les jeunes, le goût de la lecture, mais comment expliquer cette diminution du goût de la lecture entre la troisième et la sixième année? Comment l'expliquer et est-ce que vous avez une idée comment contrer ce phénomène négatif, en définitive?

M. Pourcel: Comment l'expliquer? Je me référerais aux chiffres qui sont dans le rapport Arpin. Comment l'expliquer? Je pense que, d'abord, ce n'est peut-être pas à moi non plus de l'expliquer. Je pense qu'il y a des éléments qui sont autres que du domaine des salons du livre. Bon, l'enseignement, je n'ai pas à juger; la télévision, je n'ai pas à juger non plus, etc.

Comment le contrer? Je pense qu'il faut effectivement nous donner les moyens de pouvoir entrer dans les écoles, de pouvoir aller chercher les jeunes et leur offrir quelque chose.

Je vais vous donner un exemple très simple: Cette année, nous avions invité Mariesol, qui est l'illustratrice de Ginette Anfousse, auteure, La courte échelle. Là, on était capable de l'envoyer. Nous avions organisé des choses dans les écoles; simplement, nos finances à nous, le salon du livre, ne nous permettaient plus de donner le cachet à Mariesol. Bon, bien là, on était arrivés au maximum de nos possibilités parce que nous voulions avoir un équilibre budgétaire. Nous avons donc demandé à des écoles 200 $ pour une journée et Mariesol voyait donc deux fois trois groupes ou trois fois deux groupes pour 200 $. Ces 200 $ ont été la pierre d'achoppement. Si nous en avions eu peut-être un peu plus, effectivement, Mariesol serait allée dans les écoles rencontrer les tout-jeunes en tant qu'illustratrice de sa mère pour la collection prestigieuse qu'est la collection de La courte échelle et les jeunes auraient bénéficié de cet apport-là.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M. le député.

M. Boulerice: Une des recommandations centrales du rapport Arpin, je ne vous apprends rien, M. Pourcel, porte sur le rapatriement des responsabilités fédérales en matière de culture et d'art pour que le Québec devienne le véritable maître d'oeuvre de la politique culturelle sur son territoire. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette recommandation si je vous dis que les fonds fédéraux seront réinjectés dans la même proportion par le ministère québécois de la culture?

M. Pourcel: La réponse, je vais vous la lire, elle est dans le rapport. Donc, je suis le représentant d'un groupe. Je ne peux pas faire de réponse personnelle, je ne peux que vous lire le texte qui est là et qui est très court: "II faut enfin considérer un autre facteur en ce qui concerne les subventions. Si l'on examine l'ensemble des subventions reçues par un salon du livre, on constate qu'un pourcentage non négligeable pouvant aller jusqu'à 25 % dans certains cas provient du gouvernement fédéral. Dans le cas de rapatriement, il faudra donc prévoir une compensation pour le manque à gagner en subvention à recevoir et prévoir un mécanisme de compensation de la part du ministère des Affaires culturelles ou du futur ministère de la culture."

Le Président (M. Doyon): Merci. Quelques mots de remerciement, si vous le désirez, M. le député.

M. Boulerice: Oui. M. Pourcel, très briève- ment, pour vous dire qu'au moment où les ventes périclitent de 20 % à 30 % et que bien des librairies sont menacées, que des éditeurs, d'ailleurs, qui viendront nous apprendront avec tristesse qu'ils risquent de fermer, à l'exception de l'abolition des taxes néfastes, "scélérates", avait dit d'ailleurs notre ami Pierre Tisseyre, je pense que le meilleur incitatif à la reprise, ce sont les salons du livre, et comptez sur notre appui.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, messieurs, aussi pour la qualité de votre présentation. En fait, plusieurs groupes sont venus pour nous parler de \a promotion du livre, de l'incitation à la lecture et nos actions, effectivement, nos ententes avec vous et notre effort aussi pour assurer une pérennité, une situation très forte au niveau des salons du livre le prouvent. Continuez aussi votre bon travail. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci au nom des membres de la commission parlementaire. Ceci termine le temps qui nous était alloué pour l'Association québécoise des salons du livre. Vous permettant de vous retirer, je demanderais aux représentants de la Communauté urbaine de Montréal ainsi que du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal de bien vouloir s'avancer pour prendre place.

Je constate qu'ils sont installés. Je les informe que les mêmes règles s'appliquent: une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, après ça, la conversation s'engage pour le restant du temps, soit les trois quarts d'heure avec les membres de la commission. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et nous serons prêts à vous écouter après que vous ayez bien voulu vous présenter. Vous avez la parole.

Communauté urbaine de Montréal et Conseil des arts de la Communauté

M. Hamelin (Michel): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous présenter, à mon extrême droite, Mme Louise Sicuro, directrice générale par Intérim du Conseil des arts; M. Gilles Lefebvre, président du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal; à ma gauche, M. Claude Vézina, conseiller technique au bureau du président.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

M. Hamelin: M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, c'est avec beaucoup de plaisir que la Communauté urbaine de Montréal et le Conseil des arts de la Communauté vous remercient d'avoir l'occasion de vous présenter ce matin le mémoire qu'ils ont

élaboré conjointement sur la proposition de politique de la culture et des arts actuellement sous étude par votre commission.

M. Gilles Lefebvre, le président du Conseil des arts de la Communauté, fera état des principales recommandations contenues dans notre mémoire. En guise d'introduction, je tiens à rappeler que le développement culturel et la promotion des arts sont au coeur de la mission de la Communauté urbaine de Montréal qui est de promouvoir la qualité de vie pour les citoyens et les citoyennes de son territoire. La Communauté urbaine de Montréal comprend les 29 municipalités situées sur l'île de Montréal, l'île Bizard et l'île Dorval, et elle regroupe une population d'environ 1 800 000 personnes.

Les responsabilités de la Communauté s'exercent principalement dans les domaines de l'évaluation foncière, du transport en commun, de la sécurité publique, de l'environnement, de l'aménagement du territoire, de la promotion économique, en plus, évidemment, du développement culturel. Le principal outil à la disposition de notre administration régionale pour remplir notre mission en matière de culture est le Conseil des arts de la Communauté qui, depuis 1980, est rattaché aux structures de la Communauté urbaine de Montréal. Il convient de signaler que le Conseil a succédé au Conseil des arts de la région métropolitaine de Montréal qui avait été mis sur pied en 1956 par la ville de Montréal. C'est donc de longue date que les élus municipaux de notre territoire appuient concrètement le secteur des arts et soutiennent le travail des artistes.

Notre Conseil des arts est composé de 22 membres nommés par le Conseil de la Communauté dont la moitié provient du milieu des arts et l'autre moitié du milieu socio-économique. Le mandat du Conseil des arts consiste à harmoniser, coordonner et encourager les initiatives d'ordre artistique et culturel sur le territoire de la Communauté. À cet égard, il doit désigner les associations, compagnies, regroupements ou manifestations artistiques ou culturelles qui méritent de recevoir un appui financier et déterminer le montant de ces subventions. Au cours des dernières années, et je pense que ceci est très important, le fonds mis à la disposition du Conseil des arts par la Communauté a connu une croissance marquée. Il est passé de 2 500 000 $ en 1986 à plus de 8 500 000 $ en 1991. Une hausse très substantielle de 6 000 000 $ en cinq ans.

Cette croissance reflète la priorité que les élus de la Communauté accordent à ce champ d'intervention et soutient le dynamisme et la créativité des artistes et des compagnies artistiques sur notre territoire. En 1991 seulement, des subventions ont été versées à plus de 200 organismes artistiques professionnels. Et je pense qu'il convient de souligner aussi que le budget ou la portion qui est réservée à l'administration est très légèrement supérieure à 10 %, ce qui est un excellent rendement de la part du Conseil des arts.

Le rapport Arpin mentionne la possibilité que les communautés urbaines et les municipalités régionales de comté soient appelées à jouer un rôle accru dans la perspective de la mise en place de véritables actions de décentralisation qui seraient conduites par le ministère des Affaires culturelles. Toute proposition en ce sens devra toutefois faire l'objet de discussions approfondies avec les autorités locales et régionales, discussions qui devront permettre d'identifier tous les aspects de ce nouveau partage des responsabilités dont, bien évidemment, les questions financières.

Je me permettrai également de vous souligner l'importance que les élus de la Communauté attachent à la diffusion du produit culturel sur notre territoire. Les programmes mis en oeuvre par le Conseil des arts, tels Jouer dans l'île et Exposer dans l'île, illustrent avec pertinence . cette priorité. Nous estimons, en effet, que l'accessibilité à une production culturelle et artistique de qualité professionnelle doit être favorisée et encouragée. Dans cette perspective, la question des équipements requis pour desservir adéquatement le bassin de population de la région de Montréal et, plus particulièrement, du territoire de la Communauté devra faire l'objet d'une attention toute particulière au cours des prochaines années. (11 h 15)

Avant de passer la parole à M. Lefebvre, je tiens également à mentionner que la Communauté urbaine de Montréal, par le biais des actions de coopération et d'échange entreprises avec d'autres régions à travers le monde, entend favoriser le rayonnement international des artistes et de la production artistique émanant de son territoire et, pourquoi pas, du Québec tout entier. Ainsi, un volet spécifique portant sur la culture a été ajouté à l'entente de coopération qui lie la Communauté et le Conseil régional de l'Île-de-France - c'est-à-dire la région de Paris - entente de coopération qui a été signée en 1984, l'entente de base. Nous contribuons ainsi à confirmer le rôle de la région de Montréal à titre de métropole culturelle sur le plan mondial.

Je demanderais maintenant à M. Gilles Lefebvre, le président du Conseil des arts de la Communauté, de présenter les faits saillants du mémoire qui vous est soumis.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Lefebvre, on va vous entendre.

M. Lefebvre (Gilles): Merci. M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés membres de la commission de la culture, la Communauté urbaine de Montréal et le Conseil des arts de la Communauté ont pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport du groupe-conseil sur la

politique culturelle du Québec présidé par M. Roland Arpin. Rendue publique en juin dernier, cette proposition de politique de la culture et des arts interpelle l'ensemble des intervenants assumant des responsabilités en matière de développement culturel et met de l'avant une démarche de réflexion stimulante afin de relever le défi d'assurer à la culture et aux arts la priorité qui leur revient.

En guise d'avant-propos, je suis heureux que le mot "arts" figure dans le titre de la proposition Nous sommes un organisme dont la mission première est d'aider et de diffuser les activités artistiques; c'est la raison pour laquelle le mot "arts" dans l'énoncé de politique culturelle est d'une importance capitale.

Prenant pour acquis que vous avez déjà pris connaissance de notre mémoire, je me permettrai de le résumer d'après l'ordre de la table des matières pour vous permettre de mieux suivre mes propos et, au besoin, de les compléter, en référence aux paragraphes non cités. Je passe également sous silence les pages consacrées à l'histoire et à l'évolution du Conseil des arts dont le mandat est d'harmoniser, de coordonner et d'encourager les initiatives d'ordre artistique ou culturel sur le territoire des 29 municipalités de la Communauté urbaine de Montréal.

En deuxième partie du mémoire, quatre grandes orientations susceptibles de guider les plans d'action annuels, telles que présentées dans la proposition, font déjà partie de notre mandat, à savoir: favoriser la création; assurer la stabilité des organismes culturels, accroître l'action internationale; développer et maintenir au Québec la compétence professionnelle dans le domaine culturel. Trois principes de base sont énoncés: création et interprétation: base de toute vie culturelle; Montréal, métropole culturelle; diversification des sources de financement et gestion des programmes d'appui aux arts.

En référence au premier principe, création et interprétation: base de toute vie culturelle, la mission du Conseil des arts est de favoriser la création dont le médium est l'artiste créateur et interprète duquel découle la viabilité des industries culturelles. Cependant, l'aide aux industries culturelles ne doit absolument pas concurrencer l'aide aux artistes et aux organismes artistiques professionnels. Il nous semble primordial qu'une aide financière, qu'elle provienne d'un ministère de la culture ou d'un conseil des arts, se consacre prioritairement aux arts.

En référence au second principe énoncé, Montréal, métropole culturelle, il est évident que les municipalités doivent être considérées comme des partenaires privilégiées au chapitre du développement et de la diffusion des arts et de la culture. Le Conseil des arts appuie le principe des trois grands pôles de création et de diffusion des arts et de la culture au Québec, soit: Montréal, la métropole; Québec, la capitale; et notre interprétation de l'ensemble régional va dans l'esprit que la ministre a exprimé tout à l'heure, c'est-à-dire que nous considérons que chaque région a la même importance et que nous devons les servir avec énormément de sensibilité à ces questions régionales. Mais il faut surtout que le gouvernement du Québec accorde à Montréal et à sa région métropolitaine la place privilégiée qui lui revient parce qu'elle est un carrefour artistique et culturel de grande importance qui, comme on le souligne dans la proposition, conditionnera dans une large mesure l'avenir du Québec. Nous acceptons avec joie de considérer que le dossier culturel soit un élément moteur à l'intérieur d'une stratégie que le gouvernement du Québec pourrait avoir à l'endroit de la métropole, tel que suggéré dans la recommandation 39. Cela ne peut que régir la volonté du Conseil des arts de jouer un rôle capital au titre du développement des arts et de la culture sur notre territoire.

Pour ce qui est du troisième principe touchant la diversification des sources de financement et la gestion des programmes d'appui aux arts, il est clair que, si l'on souhaite relever avec succès le défi de maintenir et de développer la région de Montréal comme métropole culturelle, des sources de financement substantielles doivent être disponibles principalement de la part du gouvernement du Québec. Les budgets des municipalités dont la part est réservée aux arts ont leur limite. Certains diront qu'on entretient deux thèses sur le financement des arts dans ce rapport Arpin. Une première hypothèse en ce qui concerne le partage des responsabilités entre les gouvernements locaux et le ministère des Affaires culturelles; une seconde sur la centralisation de tous les pouvoirs à Québec par le biais d'un rapatriement en provenance d'Ottawa. Il faudra départager et il sera souhaitable de préciser.

Mais, à l'instar d'un grand nombre d'artistes, l'on s'inquiète de ce qu'il adviendra de la liberté de l'artiste advenant un rapatriement complet des pouvoirs décisionnels en ce qui a trait au financement des arts. Une centralisation globale des pouvoirs à Québec soulève des doutes quant à un éventuel guichet unique où les artistes et les organismes artistiques devraient s'adresser.

Quels que soient les changements éventuels qui seront apportés au partage des responsabilités entre les différents paliers de gouvernement, il convient de protéger la liberté des créateurs et des interprètes afin de leur donner accès à toute forme de financement qu'ils jugeront nécessaire pour l'épanouissement de leur art. Cela implique également le respect de l'autonomie dont les conseils des arts doivent continuer à jouir.

En troisième partie, nous parlons du rôle accru que le Conseil des arts est en mesure de jouer, tant pour le développement des disciplines artistiques que pour le développement des publics

sur l'ensemble du territoire. Depuis 1988, notre direction des relations avec les municipalités entretient des rapports constants avec ces municipalités du territoire et nos récentes visites dans la majorité d'entre elles ont favorisé un rapprochement indispensable au succès de nos enjeux. On constate l'appui que la plupart des maires apportent au personnel de la culture et le rôle des bénévoles sans qui nombre d'activités n'auraient probablement jamais vu le jour. Il est essentiel que toutes ces ressources humaines se sentent soutenues par une politique de la culture et des arts qui saura les reconnaître par un appui financier approprié.

Nous croyons qu'un réseau de conseils des arts régionaux à travers le Québec serait souhaitable et permettrait de rendre de plus grands services aux artistes. Le principe du "arm's length" utilisé par divers conseils des arts au pays, et le Conseil des arts du Canada est particulièrement célèbre à ce point, a su prouver que la liberté d'action ainsi consentie favoriserait les relations avec les artistes.

Sur le plan international, l'entente entre la Communauté urbaine de Montréal et le Conseil régional de l'Île-de-France offre l'occasion de promouvoir le travail de création des organismes que le Conseil des arts subventionne. Par exemple, la fondation Jean-Pierre Perreault donnera le coup d'envoi des échanges culturels entre la communauté et l'Île-de-France lors des représentations qu'elle donnera, fin novembre à Paris. Cette initiative n'aurait pu se concrétiser sans la collaboration de tous les paliers gouvernementaux, dont le ministère des Affaires culturelles du Québec. Sa structure, ses programmes et ses activités, ses membres et son personnel de même que la proximité des milieux artistique et municipal sont tous des éléments clés qui ajoutent à l'impact majeur du Conseil des arts et de sa maison sur le développement des arts et de la culture sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal.

En quatrième partie, nous vous faisons part des enjeux majeurs et constants: d'abord, augmenter l'accessibilité aux arts pour tous; soit par nos programmes de décentralisation Jouer dans l'île, Exposer dans l'île et le projet de l'implantation de l'Orchestre métropolitain dans les municipalités, puis par l'expertise que nous avons apportée aux municipalités afin qu'elles se dotent de lieux adéquats et qu'elles améliorent les équipements qu'elles possèdent déjà. À cet égard, nous croyons fermement qu'une infrastructure régionale d'équipements culturels ne serait, en aucun cas, en contradiction avec l'amélioration d'un réseau national d'équipements. En effet, il est essentiel que les municipalités, à l'aide d'un réseau régional d'équipements, puissent répondre de manière adéquate aux besoins des organismes artistiques professionnels qui souhaitent s'y produire.

Il nous apparaît urgent, à un niveau national, et pour le prestige international de Montréal, de Québec, du Canada, que l'un des meilleurs orchestres symphoniques au monde, celui de Montréal, puisse se produire le plus tôt possible dans une salle qui lui soit propre.

La Maison-Théâtre pour l'enfance et la jeunesse est essentielle au succès de notre second enjeu, enjeu qui a pour titre: Les jeunes publics: le public de demain. Fort des études antérieures existantes sur le sujet, le Conseil des arts a créé un comité ad hoc formé de quelques-uns de ses membres qui ont préparé un plan d'action. Récemment approuvé, ce programme d'action est déjà en route. Il devrait permettre d'améliorer la situation actuelle concernant les activités professionnelles artistiques destinées aux jeunes publics. Pour rendre à bon port cet enjeu, on insiste sur l'importance d'une concertation entre tous les partenaires concernés: municipalités, commissions scolaires, ministères de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, ministère des Affaires culturelles et, bien sûr, organismes artistiques intéressés. Le Conseil des arts croit qu'il est de son devoir d'y contribuer de manière directe.

Vous avez lu nos conclusions. Je vous en ferai grâce, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait que chacune des parties de ce mémoire répond à des recommandations spécifiques de la proposition de politique de culture et des arts du groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin. Chacune des parties répond à ces recommandations dans la mesure où on fait état de ce que nous avons déjà accompli ou sommes en voie de réaliser dans le sens même de ce qui est recommandé. En un mot, nous vous disons que nous sommes tout à fait disposés à partager l'expérience et l'expertise que le Conseil de la Communauté urbaine de Montréal a acquise au cours des années par ses programmes de soutien à la création et à la diffusion.

Je résumerai donc ces conclusions en vous disant que le Conseil des arts et la Communauté urbaine de Montréal offrent au gouvernement du Québec et au ministère des Affaires culturelles toute leur collaboration dans la mise en place de la politique de la culture et des arts, laquelle fait l'objet des travaux de la présente commission.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Lefebvre. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bien d'abord, premièrement, madame, messieurs, bienvenue. J'apprécie aussi cette offre de collaboration. D'ailleurs, je tiens à souligner que nous avons toujours une excellente collaboration avec vous. Au niveau du soutien que vous apportez aux arts, bien évidemment, pour la seule année 1991, le Conseil des arts de la CUM a soutenu plus de 200 artistes et organismes artistiques et a accordé... J'ai ici des subventions totalisant 5 800 000 $. Donc, évidem-

ment, ce n'est pas que des paroles mais aussi... 8 500 000 $, plutôt... ce n'est pas que des paroles mais aussi des actions concrètes qui ont été mises de l'avant.

Je suis contente aussi, M. Lefebvre, que vous soyez ici parce que j'aimerais qu'on parle, justement, de conseils des arts. Vous avez été aussi fortement impliqué au niveau du Conseil des arts à Ottawa. Plusieurs groupes sont venus nous voir et nous parier en bien du fonctionnement du Conseil des arts. La différence, finalement, entre le fonctionnement du Conseil des arts et celui que nous avons ici, c'est-à-dire au ministère même... Par contre, nous procédons, de part et d'autre, sous forme et sous système de jurys, donc, on n'est pas plus impliqués dans le choix d'artistes au niveau des subventions, autant au niveau des organismes, ça, c'est des jurys de pairs. Il semblerait qu'au niveau des conseils des arts on voit cette formule-là d'une façon moins méfiante, plus positive. Pariez-nous un peu de ça, comment ça fonctionne, la différence du Conseil des arts à partir de ce que vous faites présentement et de ce que vous avez vécu antérieurement versus ce qu'on fait, nous.

Le Président (M. Doyon): M. Lefebvre. (11 h 30)

M. Lefebvre (Gilles): Ce que je fais présentement, comme président du Conseil des arts de la Communauté urbaine, ressemble encore plus à ce que j'ai fait antérieurement comme directeur associé du Conseil des arts du Canada, bien sûr. Mais parallèlement au Conseil des arts du Canada, à Ottawa, vous aviez le ministère des Communications qui, lui, se réserve aussi des possibilités d'aider les arts directement. Et le Conseil des arts du Canada, lui, avec son autonomie, est perçu par les artistes comme étant beaucoup plus libre et beaucoup plus précis dans ses choix face à l'aide aux artistes, et, là-dessus, je crois que c'est important. C'est également vrai à Montréal, avec notre Conseil des arts; nous avons une autonomie qu'on nous reconnaît et notre Conseil peut prendre ses décisions sur l'attribution des subventions directement aux organismes artistiques. Et cela, je crois que ça soulage les gouvernements plus que ça ne les embête. Là aussi, si vous me demandez ce que j'ai vécu, Je crois que, dans beaucoup de cas, beaucoup d'hommes politiques étalent particulièrement heureux de respecter cette autonomie du Conseil des arts.

Mme Frulla-Hébert: M. Lefebvre, au niveau de l'autonomie, d'une part, la façon de procéder au ministère, et ce, depuis toujours, c'est finalement un peu un fonctionnement qui est similaire, comme je le disais tantôt, c'est-à-dire attribution, mais par des jurys, jurys de pairs, c'est-à-dire qu'on ne se mêle jamais, mais jamais, de qualifier ou de juger de culture, que ce soit au niveau du contenu ou que ce soit au niveau de l'organisme. Dites-moi alors pourquoi cette perception. Quand on est directement à l'intérieur même d'un ministère, même fonctionnement, on a une perception de dirigisme; quand c'est au niveau d'un conseil des arts qui est à l'extérieur, mais qui relève quand même d'un ministère ou d'un organisme, là, on a une perception, finalement, d'une objectivité, disons, plus grande. D'où provient cette perception?

M. Lefebvre (Gilles): J'aurais peut-être envie de vous répondre: Tout simplement parce que les membres du Conseil des arts ne vont pas en élection. Alors, ce n'est pas une question de vote pour eux et les décisions qu'ils prennent, ils les prennent à travers le résultat que leur personnel leur apporte sur l'évaluation que les jurys ont fait des demandes.

Sur le côté des jurys, vous avez raison. Sans doute que le ministère des Affaires culturelles prend toutes les dispositions possibles pour éviter qu'une telle perception soit faite, que telle et telle subvention soit donnée à un organisme parce que... Je crois que ces cas-là ne se posent pas dans le cas des grandes institutions comme l'Orchestre symphonique de Montréal ou les Grands ballets, ou les grandes institutions artistiques, mais ça se pose peut-être au niveau des subventions dans le cas des individus, dans le cas de troupes naissantes ou dans le cas de... Alors, je ne le sais pas. Je veux simplement dire que le principe des conseils des arts, une fois appliqué, rend les artistes plus libres dans leur accès ou dans leurs demandes de subventions. Ça, c'est ce que j'ai perçu non seulement ici, mais en Grande-Bretagne également, si vous voulez, tandis qu'ici, au Québec, on a plutôt adopté un système français où le ministère de la Culture a son mot à dire très directement sur toutes les décisions de subventionnement à ses organismes.

Par contre, je risquerais de dire ici également que j'utilise à l'occasion le mot "semi-étatisation" et je crois effectivement que, dans le cas d'organismes où c'est récurrent, tous les ans, ils vont revenir parce que ce sont des formations qu'on ne veut pas voir disparaître tels la symphonie de Montréal, voyez-vous? Alors, je crois que le mot "semi-étatisation" pourrait rendre service surtout s'il y avait une indexation et que ces groupes pouvaient, année après année, savoir qu'ils vont pouvoir suivre le courant et traiter les musiciens d'une façon égale, si vous voulez, à d'autres fonctionnaires puisque ces gens-là, nous en avons besoin pour interpréter les grandes oeuvres.

Mme Frulla-Hébert: Le rapport Arpin a proposé aussi autant que possible, à ce qu'on me disait, d'éviter ce qu'on appelle le saupoudrage. Certains organismes aussi nous ont fait part, , durant l'année que j'y étais, c'est-à-dire depuis l'année dernière, on parie beaucoup de ça aussi,

de saupoudrage, et on nous dit qu'il faudrait peut-être consolider versus saupoudrer. La question est là. Comment procédez-vous justement au Conseil des arts au niveau du saupoudrage, chez vous, au niveau des subventions? Est-ce que vous procédez de cette façon ou si, finalement, vous parlez plus de consolidation?

M. Lefebvre (Gilles): C'est sûrement un mot qui a attiré l'attention, "saupoudrage". "Consolidation" est un mot qui est plus réel. C'est que notre Conseil des arts doit vraiment étudier une possibilité de consolider la survie de certains des organismes, éviter justement de donner des sommes insignifiantes à certains groupes naissants qui n'ont pas encore toutes les garanties d'avenir souhaitées sur le plan professionnel. Alors, c'est dans cet esprit-là, je pense, qu'on peut consolider, mais II faut absolument éviter d'empêcher la créativité en freinant les véritables créateurs qu'on pourra discerner à travers nos artistes du Québec. Alors, comment éviter le saupoudrage? Je crois qu'il faudra toujours un capital-risque dans ce domaine comme il y en a dans les industries.

Mme Frulla-Hébert: M. Hamelin, comment voyez-vous l'implication municipale dans la vie culturelle au cours des prochaines années? On parle beaucoup de partenariat. Vous avez dit tantôt: II faut s'asseoir ensemble et regarder s'il y a plus à faire aussi, évidemment sans jamais parler de délestage de la part de l'État, au contraire, mais voir si les municipalités sont intéressées à travailler avec nous justement et voir si nos moyens sont en synergie; si on fait la même chose, il y a duplication. Mais comment voyez-vous ça?

M. Hameiin: Mais, avant de répondre, vous nous avez dit qu'il n'était pas question de délestage de l'État, au contraire. Moi, je vous dirais, au contraire, on vient de vivre des délestages qui nous font très mal et c'est pourquoi la principale recommandation à caractère politique si l'on veut, c'est que, s'il y a décentralisation, nous sommes prêts à étudier la décentralisation. Je pense qu'il est reconnu que les administrations locales, à plusieurs égards ou dans certains domaines bien précis, sont mieux à même de répondre aux besoins locaux et, à ce moment-là, nous sommes prêts à travailler avec les autorités gouvernementales, à étudier des formes de décentralisation, mais après justement des études approfondies et des ententes qui vont clairement définir les responsabilités de chacun et la façon d'y arriver. Et je ne vois pas pourquoi dans le domaine culturel ça ne pourrait pas se faire. Ça se fait dans d'autres domaines, avec la ville de Montréal, en particulier, au niveau des affaires sociales, avec la communauté au niveau de l'inspection des aliments. Alors, il y a une foule de secteurs où les rapports se font de façon tout à fait excellente et où on arrive, d'un commun accord, à établir des programmes. Alors, on ne voit pas pourquoi dans le domaine culturel ça ne serait pas possible, sauf que les municipalités dans leur ensemble deviennent de plus en plus méfiantes face à des situations qui se passent dans d'autres domaines que le milieu culturel.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Hamelin. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le président, pour ne pas dire M. notre président - je parle du président du Conseil et, forcément, cela s'adresse à vous, M. Lefebvre, puisque Mme la ministre et moi-même avons la qualité ou, je ne sais, peut-être le défaut d'être Montréalais; par les temps qui courent, vous savez, on nous taxe de bien des impérialismes, à Montréal - Mme Sicuro, M. Vézina. Première chose, la mémoire étant une faculté qui oublie, j'ai bien apprécié que vous fassiez mention de la maison de l'Orchestre symphonique de Montréal. Les plans étaient faits, la levée de terre était faite, c'était sur le quadrilatère Berry-UQAM. Malheureusement, ça a été la première décision du gouvernement libéral, en 1985, de complètement abandonner ce dossier. Je prendrai toujours à témoin mon collègue, le député de LaFontaine, nous, dans l'est, c'est les fermetures d'usines, mais le développement culturel, on écope. Donc, il n'était peut-être pas mauvais de le rappeler.

Pour ce qui est de votre mémoire comme tel, vous exprimez vous aussi, sauf avec, forcément, plus de nuances, vos inquiétudes dans l'éventualité où le Québec rapatrierait l'ensemble des responsabilités fédérales sous prétexte que le principe du guichet unique priverait les artistes d'une plus grande liberté d'action. Je vous avoue que ce discours-là m'étonne. Quand c'est centralisé à Ottawa, mon Dieu, ce n'est pas inquiétant. Quand c'est centralisé à Québec, je ne sais pas si c'est le syndrome Katanga qui menace le Québec, mais là ça devient toujours inquiétant que ça soit centralisé à Québec. Est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'en mettant sur pied des organismes subventionnaires québécois qui respecteraient le principe dont tout le monde se réclame, depuis les débuts de la commission, du "arm's length", sur le modèle, justement, du Conseil des arts d'où vous venez, pour gérer ces programmes québécois de soutien, en intégrant, forcément, intégralement les budgets récupérés d'Ottawa, ça nous permettrait de diminuer les inquiétudes des organismes culturels, tout en leur permettant d'économiser beaucoup de temps et d'énergie, plutôt que d'aller frapper à une porte, deux portes et trois portes?

Ne vaut-il pas mieux une porte accueillante que de jouer, comme disait M. Turgeon, la schizophrénie des portes entrebaillées, sans savoir si elles s'ouvriront?

M. Lefebvre (Gilles): Je suis tenté de vous dire que, si vous avez lu les remarques des artistes qui ont eu des craintes à cet effet, c'est justement parce qu'ils veulent protéger l'organisme qui a été le plus important pour le développement culturel au Canada et au Québec, le Conseil des arts du Canada. Et je fais une différence, et je l'ai faite tout à l'heure dans ma réponse à Mme Frulla-Hébert, entre le ministère des Communications, les fonds qui y sont, et l'autonomie du Conseil des arts qui a ses fonds propres pour s'occuper de l'évolution culturelle à travers tout le pays. Et quand, plus loin dans le mémoire, on propose un réseau de conseils des arts, c'est justement parce que tous ces artistes vont se sentir, si vous voulez, à part égale face à ces conseils des arts régionaux ou de Montréal ou provinciaux et puis d'Ottawa.

Et puis, je pense que... N'oubliez pas que c'est dans le contexte de la multiciplicité des sources de financement, la diversification des sources de financement. Je ne peux pas faire abstraction de mon passé et me souvenir que j'étais à la table qui a décidé de la création d'un ministère des Affaires culturelles aux côtés de M. Lesage, il y a beaucoup d'années. J'y étais. Et j'étais un de ceux qui voulaient un ministère des Affaires culturelles Par ailleurs, avant l'arrivée du ministère des Affaires culturelles, le mouvement que je dirigeais alors, les Jeunesses musicales du Canada, avait accès à des fonds du ministère de l'Éducation, des fonds du ministère de la Chasse et de la Pêche, etc. Et à partir du jour où on a tout centralisé dans un seul ministère et qu'on ne lui a pas donné les budgets pour appuyer notre action, nous avons eu des difficultés. Et je crois vraiment qu'il faut laisser un champ très vaste de la multiplication des possibilités d'accès, diversification des sources de financement dans le cas des arts et de la culture. Et si un artiste canadien du Québec prend son envol, il peut avoir ces fonds qui l'aident ici et il a accès à un autre fonds qui l'aidera aussi. Et combien d'entre eux ont eu accès comme ça à plusieurs fonds qui ont fait qu'ils sont devenus de réputation mondiale. Alors, c'est un peu cet aspect-là que je traite dans ce mémoire pour le Conseil des arts.

M. Boulerice: Mais si on multiplie les sources d'accès indépendantes donnant des garanties, à l'intérieur d'un rapatriement québécois, quelle inquiétude peut-il y avoir? Trouvez-vous normal que le Conseil des arts dispose de sommes qui influencent la culture québécois de façon plus grande, en définitive, que le budget du ministère des Affaires culturelles, comme tel?

M. Lefebvre (Gilles): II faudrait voir...

M. Boulerice: Et la culture faisant l'objet d'un rapatriement de la part...

M. Lefebvre (Gilles): Je vous avoue qu'il faudrait voir...

M. Boulerice: ...de toutes les formations politiques présentes en ce Parlement, sauf quelques députés excentriques.

M. Lefebvre (Gilles): Écoutez, je répète simplement notre phrase. Quels que soient les changements éventuels qui seront apportés au partage des responsabilités entre les divers paliers de gouvernement, il convient de protéger la liberté. C'est dans cet esprit-là et, puis, on verra, parce que...

M. Hamelin: C'est évident que, si la liberté est protégée, que les accès sont aussi multiples qu'ils le sont actuellement, la situation est différente. Ce qui est rapporté ici, ce sont des préoccupations de nombreux artistes, parce que le Conseil des arts est en contact avec ces nombreux artistes. Comme il est bien souligné, quelle que soit l'issue des débats autres que ces débats-là, il nous apparaît et II apparaît important aux artistes d'avoir une diversité. Maintenant, que cette diversité soit à l'intérieur du Québec ou de la région montréalaise, je pense qu'on n'a aucun problème avec ça. C'est une inquiétude qui est soulevée tout simplement.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la députée de Verchères m'a demandé la parole. Une brève question, le temps est déjà terminé, malheureusement. (11 h 45)

Mme Dupuis: Monsieur, au sujet des inquiétudes que vous laissez paraître dans le rapport, elles sont même très bien énoncées, moi, en tant qu'artiste, ça m'amène à me poser des questions. Comment peut-on croire qu'en rapatriant, ici, cette liberté n'existera plus, en supposant qu'elle existe au Conseil des arts du Canada? Là, je pense qu'il y aurait à établir un parallèle entre la forme d'art proposée, la promotion d'une certaine forme d'art... Tout le monde sait dans le milieu artistique, et moi pour y avoir oeuvré pendant 20 ans, qu'Ottawa, que le Conseil des arts fait la promotion d'une certaine forme d'art et que d'autres formes d'art, d'autres expressions - je pense au niveau de la peinture ou de la sculpture - n'étaient pas acceptées, et on savait pertinemment que cette forme d'art là n'aurait jamais de subvention du Conseil des arts.

Le Président (M. Doyon): M. Lefebvre, une brève réponse, s'il vous plaît.

M. Lefebvre (Gilles): J'aurais besoin de beaucoup plus de preuves que ce qui est porté à mon attention après la vie que j'ai menée. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, ceci

termine le temps qui, malheureusement, nous est alloué. Je demanderais à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Malheureusement, le temps manque et Dieu seul sait que le sujet aurait été vaste. J'aurais aimé vous demander quel rôle pouvait jouer le Conseil des arts - je parle du vôtre - au chapitre de la gestion des nouveaux programmes régionaux d'appui aux arts avec le ministère. Disons, en guise de remerciement, que j'attendrai avec beaucoup d'impatience le rapport que vous avez commandé et qui sera divulgué très bientôt sur les jeunes publics, parce que je pense que c'est un élément essentiel dans le développement et la promotion des arts et de la culture au Québec. Alors, j'espère que vous ne nous laisserez pas sur notre appétit trop longtemps, M. Hamelin, M. Lefebvre.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci M. Hamelin, M. Lefebvre, vous tous, et merci aussi de l'appui. Vous savez, je comprends qu'il y a quand même une certaine réticence au niveau des municipalités, quand on parle de partenariat, mais je tiens quand même à rappeler que le partenariat, au niveau du ministère des Affaires culturelles et des municipalités, a toujours été extrêmement positif et nous voulons vraiment continuer en ce sens. Alors, merci beaucoup et, s'il vous plaît, continuez votre implication.

Le Président (M. Doyon): Merci. Au nom des membres de la commission, merci de votre présentation. Je regrette que le temps n'ait pas été plus long, mais les exigences sont ainsi. Vous permettant de vous retirer, je vais maintenant offrir aux représentants de la ville de Sherbrooke de bien vouloir s'avancer et de prendre place à la table des invités. Donc, en réitérant mon invitation de bien vouloir prendre place pour que nous puissions continuer nos travaux, je souhaite la bienvenue aux gens qui représentent la ville de Sherbrooke. Ils sont plusieurs à être présents. M. le maire est ici, je pense. Oui, bonjour, M. le maire. Je demanderai à M. le maire de bien vouloir présenter tes gens qui l'accompagnent. Ensuite, nous allons procéder...

M. Gervais (Paul): D'accord.

Le Président (M. Doyon): ...à vous écouter selon les règles que vous connaissez déjà. Vous avez la parole.

Ville de Sherbrooke

M. Gervais: M. le Président, j'aimerais présenter Mme Lise Drouin-Paquette, à ma droite, conseillère à la ville de Sherbrooke et qui est responsable du dossier culturel; également, immédiatement à ma gauche, M. Claude Métras, président de la Société de développement culturel; M. Georges Comtois, directeur général de ladite société; à mon extrême droite, M. Marc Latendresse, chef de la division de la culture à la ville de Sherbrooke, et M. Claude Castonguay, président du Comité culturel de la ville de Sherbrooke.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous tous. Vous avez la parole.

M. Gervais: Merci. Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter. Vous remercier pour nous donner l'occasion de vous faire part de nos commentaires concernant une proposition de politique de la culture et des arts et vous féliciter pour avoir engagé le Québec tout entier à la définition d'une politique culturelle globale, un projet très important et d'une grande envergure.

Avant de s'engager directement dans le vif du sujet qui nous préoccupe, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous indiquer que Sherbrooke est une ville centrale de 75 000 habitants dans un environnement urbain de 125 000 habitants. Sherbrooke vient d'adopter sa seconde politique culturelle, laquelle développe une approche globale et intégrée visant le développement du loisir culturel; le développement des secteurs des arts d'interprétation, des arts visuels, des lettres, du patrimoine et des institutions muséologiques; et le développement des équipements culturels sur son territoire. Sherbrooke, en plus du loisir culturel, accompagne conjointement avec votre ministère le développement des artistes, des créateurs, des organismes artistiques et des institutions culturelles ayant un rayonnement régional et, dans certains cas, national.

Sherbrooke reconnaît le Comité culturel de sa ville comme une instance consultative sur la culture, ainsi que comme une instance de concertation, de promotion, de recherche et de développement dans ce domaine sur son territoire. Sherbrooke est associée à six autres villes pour le fonctionnement d'une société de développement culturel, organisme voué à l'aspect économique du développement culturel, dont la mise en marché des produits culturels locaux sur le territoire de la région sherbrookoise et du Québec. Sherbrooke consacre plus de 2 % de son budget municipal à la culture. Ces 2 % représentent quelque chose comme 2 100 000 $ au niveau du budget de fonctionnement de la ville. Ça exclut la contribution d'au-delà de quelque 200 000 $ que Sherbrooke verse à la Société de développement culturel. Ça exclut également les sommes d'argent en termes d'immobilisations. Donc, les 2 % sont très importants et je pense

que la contribution financière de la ville de Sherbrooke au niveau de la culture est nettement importante. Alors, Sherbrooke, Mme la ministre, entend poursuivre son action en ce sens, c'est-à-dire réaliser son projet culturel en assumant un leadership fort assorti d'un haut niveau de concertation avec ses partenaires locaux.

Ce que nous comprenons de la proposition de politique de la culture et des arts. A la lecture de cette proposition du groupe-conseil, nous en comprenons les fondements suivants:

Que le gouvernement du Québec vise un projet global en matière culturelle, lequel nécessiterait la contribution directe des municipalités dans un partenariat le plus engageant possible;

Que le gouvernement du Québec et les municipalités placent la culture au même niveau que l'économique et le social;

Que le gouvernement du Québec et les municipalités prennent les mêmes moyens que l'économique et le social pour assurer un plein développement de la culture.

Que le gouvernement du Québec et les municipalités appliquent le principe d'une maîtrise d'oeuvre unique dans le domaine culturel, à l'avantage de leur clientèle respective.

Que le gouvernement du Québec et les municipalités se partagent la clientèle culturelle du Québec, à savoir, pour le gouvernement du Québec, artistes et créateurs d'intérêt national, organismes artistiques d'intérêt national et institutions culturelles nationales. Pour les municipalités, artistes et créateurs d'intérêt régional, organismes artistiques d'intérêt régional, institutions culturelles régionales.

Que le gouvernement du Québec consacre Montréal comme foyer de création et pôle culturel; il fait de Québec un pôle privilégié de développement culturel.

Que le gouvernement du Québec se définit une mission de soutien et de développement face à sa clientèle cible en fonction de laquelle il rationalisera ses dépenses.

Que le gouvernement du Québec amorce un retrait face à l'ensemble régional, sauf en matière d'accessibilité en région à des produits de Montréal, de Québec, d'autres régions ou de l'extérieur.

Que le gouvernement du Québec invite les municipalités à augmenter leur contribution pour leur nouvelle clientèle afin d'assurer le succès de la réalisation du projet global.

Que le gouvernement du Québec laisse le soin aux municipalités de définir leur projet culturel. Pour ce faire, le gouvernement du Québec envisage une forme de décentralisation, projet en réflexion et à définir notamment avec les municipalités.

Ce que nous en pensons. Comme nous l'avons déjà mentionné dans notre introduction, Sherbrooke est en accord avec le principe que la culture soit considérée au même titre que l'économique et le social. D'ailleurs, nous nous sommes engagés depuis 1983 à consacrer les moyens nécessaires à son développement et ce, au rythme de notre milieu et de ses ressources. Nous souscrivons également à l'idée que Sherbrooke soit un partenaire du gouvernement du Québec afin d'actualiser le développement culturel sur son territoire en sachant que ce développement a un effet direct sur la région sherbrookoise et l'Estrie.

Toutefois, il nous apparaît difficile d'accepter l'approche proposée pour actualiser le partenariat dans l'accomplissement du projet culturel du Québec. Définir tous les paramètres d'intervention au niveau national allant même jusqu'à circonscrire la clientèle dite nationale. Isoler Québec et Montréal en leur attribuant un rôle déterminant pour l'industrie culturelle, mais combien incomplet pour un projet culturel global au Québec. Imputer aux municipalités le financement du développement culturel en région tout en voulant poursuivre une réflexion sur la décentralisation.

Tout cela nous laisse croire, Mme la ministre, que la proposition du groupe-conseil est une demi-proposition. Autant le discours, les intentions, les actions, les structures sont clairs lorsque l'on parle d'intervention nationale, autant cela reste à définir pour les autres régions qui touchent, ne l'oublions pas, plus de 50 % de la population du Québec. On devrait retrouver dans une proposition complète la reconnaissance de toute la vie culturelle incluant les régions. Cette reconnaissance est fondamentale. Elle doit figurer parmi les orientations les plus importantes d'une véritable politique culturelle. Elle doit être la première pierre d'assise d'un véritable partenariat.

L'industrie culturelle nationale, il faut s'en occuper, et l'approche proposée est cohérente et laisse entrevoir un avenir prometteur, mais ce n'est pas un objectif, c'est un moyen pour atteindre le plein épanouissement culturel du Québec. Et, même à cela, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Pour qu'une industrie culturelle s'active et soit florissante elle doit être supportée non seulement par une consommation grandissante, mais surtout par une activité culturelle sous-jacente et présente dans tout le Québec. La politique culturelle du Québec doit clairement favoriser ce phénomène et c'est dans ce sens que doit être établi un véritable partenariat avec les municipalités.

En somme, le gouvernement du Québec doit reconnaître et s'engager à soutenir financièrement les municipalités qui investissent dans le développement culturel régional en harmonie avec la politique culturelle du Québec. Le gouvernement doit prendre cet engagement face à toutes les régions du Québec.

Comment Sherbrooke envisage les bases de ce partenariat et de la décentralisation. Par la reconnaissance du gouvernement du Québec et

des municipalités de l'apport Important des artistes, créateurs, organismes artistiques, Institutions culturelles en région au projet culturel du Québec.

Par la reconnaissance du gouvernement du Québec et des municipalités d'un plan de financement conjoint traitant de l'incidence d'un retrait total ou partiel dans le développement culturel en région, notamment la question de la taxe d'amusement; de plus, ce plan serait assorti de dispositions incitatives au niveau fiscal pour encourager le secteur privé à investir de plus en plus dans la culture et les arts.

Par la reconnaissance de certaines municipalités en région - dans chacune des régions - susceptibles d'avoir une action culturelle signifiante pour la région et pour le Québec.

Par la reconnaissance de ces municipalités comme maître-d'oeuvre de leur développement culturel et que celui-ci s'inscrive dans une politique culturelle globale.

La reconnaissance des municipalités maîtres d'oeuvre est assortie d'une condition principale, à savoir que la municipalité concernée ait une politique culturelle en harmonie avec le projet culturel du Québec. Des conditions spécifiques doivent aussi être rencontrées par cette politique culturelle pour qu'elle comprenne: une politique de reconnaissance claire des artistes, créateurs, organismes artistiques, et institutions culturelles régionales; des programmes d'assistance à cette même clientèle; des actions de mise en marché des produits culturels au niveau local, régional et national; une ou des ententes au niveau local avec les médias afin de promouvoir le produit culturel régional; une ou des ententes avec la ou les commissions scolaires au niveau local afin d'harmoniser les actions d'éducation avec la diffusion auprès de la clientèle jeunesse; une table de concertation permanente favorisant un dialogue constant entre le milieu culturel concerné, les élus, les fonctionnaires ainsi que les partenaires associés au plan culturel de la municipalité; un plan d'équipement culturel permettant à la fols de servir la clientèle de la municipalité pour des fins de production et de diffusion, de recevoir la diffusion d'autres produits régionaux et nationaux, cela en harmonie avec un plan d'équipement culturel national. (12 heures)

Mme la ministre, s'il est vrai que la politique culturelle est un véritable projet de société, elle doit intégrer la dimension régionale. S'il est vrai que les municipalités, du moins certaines, sont interpellées comme partenaires à la réalisation du projet culturel du Québec, il est fondamental que le ministère des Affaires culturelles maintienne son financement en région et que les règles du jeu du partenariat soient très claires avant l'adoption de la politique culturelle du Québec. Le danger de la demi-proposition, c'est qu'elle entraîne une politique incomplète. La réalité régionale fait partie du destin culturel du Québec. Un véritable projet culturel doit desservir l'intérêt de toute la population.

Enfin, avant de procéder à l'adoption de la politique culturelle du Québec, un comité de travail doit être mis sur pied. Ce comité doit être composé de représentants du gouvernement et de représentants municipaux. Les municipalités représentées doivent être majoritairement celles qui s'investissent à l'heure actuelle dans le développement culturel régional. Ce comité doit être mandaté pour développer le projet de décentralisation et l'intégrer, le cas échéant, à la politique culturelle. En participant à un tel comité, soyez assurée, Mme la ministre, que Sherbrooke sera heureuse d'apporter sa contribution au projet culturel du Québec.

En complétant, j'aimerais vous référer à l'annexe du document pour illustrer la vitalité culturelle de Sherbrooke. Sherbrooke compte quatre compagnies professionnelles de théâtre, deux compagnies professionnelles de danse, un orchestre symphonique, un orchestre de jeunes, un orchestre de chambre, six choeurs et ensembles vocaux, un ensemble de musique nouvelle, une association d'auteurs, un regroupement d'artistes professionnels, et j'en passe, une salle de spectacle majeure qui est a l'Université de Sherbrooke, le Musée de la nature et de l'environnement, le Musée des beaux-arts, une galerie d'art, un centre d'artistes, une bibliothèque municipale moderne. Tout ça pour démontrer la très grande préoccupation et l'investissement de Sherbrooke au niveau de la culture. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais maintenant demander à Mme la ministre de bien vouloir prendre la parole. Pour 15 minutes, Mme la ministre?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, M. le maire. D'abord, bienvenue à vous tous. Je me rappelle, quand j'ai commencé ma tournée, j'ai commencé par chez vous. Évidemment, c'est assez stimulant parce que, effectivement, votre ville est une des villes les plus Impliquées dans le développement culturel, au niveau de sa région et au Québec. Je veux en profiter aussi pour féliciter le Centre culturel de Sherbrooke qui a reçu le titre, hier, de diffuseur de l'année, par l'ADISQ, titre très convoité; alors, vous leur remettrez aussi mes sincères félicitations.

Je veux vous féliciter aussi au niveau du mémoire parce que le mémoire nous apporte des moyens extrêmement concrets au niveau du partenariat qu'on peut développer entre le ministère, donc le gouvernement du Québec, et les municipalités, spécialement au niveau des régions. On en a beaucoup parlé - la semaine dernière, aussi, on a touché ça - des régions ou des villes qui seraient des pôles culturels, des

pôles culturels importants dans les réglons. Quel serait le rôle et les responsabilités de ces pôles culturels dans certaines régions? Je me souviens, le maire d'Amos nous avait parlé de ça aussi, pour sa région, en disant: Notre ville s'implique beaucoup - et, effectivement, ils font beaucoup - on devrait être pôle culturel et considéré comme pôle culturel pour la région, de telle sorte qu'on puisse rayonner, que notre action soit moteur au niveau de la région.

Une voix: Claude.

M. Castonguay (Claude): Si vous permettez, Mme la ministre... Je pense, et vous l'avez clairement indiqué, qu'à partir du moment où il y a un noyau dynamique d'organismes et d'individus supportés par une structure mettant de l'avant le développement culturel le rayonnement de ces structures-là ou de ces organismes-là dépasse largement le territoire d'une ville-centre. Maintenant, pour répondre plus précisément à votre question: Comment ça peut-il se développer? ]e pense que - et je n'inventerai rien ici - ça ne peut se développer qu'en concertation et avec des assises importantes auprès des organismes et des artistes de Sherbrooke et de la région. Il faut que la ville exerce un leadership en matière culturelle par son intervention non seulement budgétaire mais par son intervention en termes de développement. Un exemple facile, c'est celui de s'investir au niveau d'une société de développement culturel. Mon collègue pourra vous en parler. Ça nous permet d'aller chercher des projets du type de l'Orchestre mondial des Jeunesses musicales, ce qui n'est quand même pas peu dire. Ce n'est pas évident que l'on peut aller chercher rapidement, je dirais, un organisme comme ça pour venir avoir sa résidence d'été à Sherbrooke. Ça s'est fait parce qu'il y a eu de la concertation, parce qu'il y a eu la Société de développement culturel qui voit à cette préoccupation-là, ça s'est fait aussi parce qu'il y a beaucoup de bénévoles qui croient aussi au développement culturel et à son impact.

Mme Frulla-Hébert: Je veux revenir un peu justement à la Société de développement culturel. Parlez-moi donc un peu de votre façon de procéder?

M. Castonguay: M. Métras.

M. Métras (Claude): Mme la ministre, la Société de développement culturel, c'est sûr, est à la veille de célébrer sa première année d'existence. La façon de procéder est simple: C'est que, par la ville-centre de Sherbrooke, les municipalités environnantes ont été sollicitées à participer, d'abord pécuniairement parlant, en mettant un pourcentage de leur budget à l'intérieur de cette société de développement économique qui, elle-même, a donné des mandats à trois sociétés, soit: la société culturelle, la société touristique et la société industrielle.

La société culturelle a un but: c'est de réunir ces sept municipalités en leur faisant des propositions de projets culturels économiquement rentables; le premier projet - on en a plusieurs, mais le premier projet - réalisable et d'envergure de chapeau régional était la proposition de faire venir à Sherbrooke l'Orchestre mondial des Jeunesses musicales. Or, cette proposition, dont vous connaissez tous les détails, permet de canaliser pour une grande région un projet qui aura une reconnaisance nationale et internationale. Donc, ça permet de faire connaître l'engouement des gens, comme le disait si bien M. Castonguay, des bénévoles de la grande région sherbrookoise qui ont encouragé - prenons le volet musical seulement - déjà un orchestre symphonique, un orchestre de chambre, un ensemble musica-nova, des ensembles à vent, un choeur symphonique qui célèbre cette année sa 53e année d'existence, quant à l'Orchestre symphonique, qui a réussi à progresser d'une façon extraordinaire par l'Intérêt et l'engouement des gens.

Ce que la Société de développement culturel va stimuler c'est ce statut d'économie à l'intérieur de projets culturels, de faire voir à toute une population régionale qu'il est important pour une région, si elle s'attache à sa vie culturelle qui, d'abord, prend soin de la qualité de vie, prend soin de l'intérêt des bénévoles qui vont être canalisés à l'intérieur de projets dont la rentabilité va être assurée... Cela permet une visibilité régionale d'un élément très important dans la vie de tous les Québécois, c'est-à-dire l'élévation d'esprit, le projet de cohésion de mettre ensemble des groupements qui vont être enthousiastes vis-à-vis de leur région. Si la Société réussit ces premiers pas là, je pense que nous avons mis ensemble des municipalités qui verront d'un bon oeil le fait d'avoir un chapeau régional qui permette justement un éventail de services à être installés.

Mme Frulla-Hébert: On se souvient, on a eu une présentation extrêmement intéressante d'ailleurs la semaine dernière parce que cette façon de faire est aussi exportable à travers d'autres régions au niveau du Québec. Vous êtes un regroupement de plusieurs municipalités, on en a parlé la semaine passée, selon vous et selon votre expérience après un an, est-ce que c'est une solution à apporter à certaines - il faut le dire - guerres de clocher? C'est-à-dire que nous, le problème que nous avons souvent, c'est, finalement, de maximiser, si l'on veut, l'utilisation des équipements culturels mais dans une grande région donnée. Et souvent, évidemment, chacun veut son équipement à lui, ce qui nous crée des problèmes majeurs. Donc, est-ce que, justement, cette collaboration, cette façon d'agir est la solution à cette compétition?

M. Gervais: Si vous permettez, d'abord, la Société de développement économique - on va le prendre dans son sens le plus large - regroupe sept municipalités. Évidemment, c'est une première année d'opération. Il y aura des bilans à faire, des ajustements à faire. Mais je pense que c'est une solution intéressante à envisager à moyen et même à long terme dans le sens que tout le monde connaît un peu et est sensible au problème des villes-centres qui disent que, finalement, les villes-centres ont fourni les services aux citoyens des villes de banlieue, Ils ne payent pas pour, c'est la population de la ville-centre qui paye tous les services. Donc, ce qui est important, c'est finalement la reconnaissance par les villes de banlieue de dire: Oui, au niveau de la culture ou au niveau du développement économique en général, la contribution de la ville-centre est importante et c'est important aussi que les villes de banlieue acceptent de contribuer financièrement au développement économique dans la région à laquelle elles sont associées. Mais c'est bien sûr que les musées qui sont Implantés dans la ville de Sherbrooke, la salle majeure de diffusion qui est l'Université de Sherbrooke, les acquis sont là et je ne pense pas qu'il y ait de bataille de territoire à ce niveau-là. Mais je pense que déjà d'associer des gens de villes de banlieue au développement et à la promotion, ils se sentent impliqués et je pense qu'ils vont accepter davantage de contribuer eux autres aussi. Et ça me semble important, sauf que ça a pour effet de multiplier des structures et je ne vous cacherai pas qu'il y a le Conseil de la culture, la Société de développement culturel, il y a le Comité culturel de la ville de Sherbrooke, est-ce que...

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on a besoin de tout ça, M. le maire?

M. Gervais: Disons que ce n'est pas évident.

Mme Frulla-Hébert: Parce qu'effectivement, vous savez, il y a des structures...

M. Gervais: Mais je vous laisse le soin de juger.

Mme Frulla-Hébert: Non, mais il y a des structures...

M. Gervais: Mais ce n'est pas évident.

Mme Frulla-Hébert: ...qui ont été mises en place parce que les besoins étaient là. Évidemment, quand les besoins... La société évolue, les besoins aussi changent. On ne parlait pas, justement, de sociétés de développement incluant la culture, il y a cinq ans. On parle de regroupements de municipalités, on parle de partenariat. Les municipalités réalisent aussi de plus en plus qu'investir dans la culture c'est aussi très bon, c'est un excellent véhicule pour les municipalités. Alors là, c'est différent, le contexte change.

M. Gervais: C'est différent... Disons que, pour Sherbrooke et les villes de banlieue, je pense qu'on peut assumer notre propre développement culturel. Mais, par rapport à Mégantic et aux régions un peu plus éloignées de la grande région sherbrookoise, est-ce que c'est nécessaire? Là, je n'ai pas à répondre. Mme Thibault est sûrement mieux placée que moi pour répondre à une telle question. Mais Sherbrooke peut s'assumer...

Mme Frulla-Hébert: D'accord.

M. Gervais: ...elle-même avec les villes de banlieue pour son développement culturel.

Mme Frulla-Hébert: Tantôt, on discutait avec M. Lefebvre, de la Communauté urbaine de Montréal, des conseils des arts. Ils avaient aussi une proposition, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir, mettons... Par exemple, nous sommes le ministère le plus décentralisé dans l'appareil gouvernemental. On parle énormément de décentralisation justement pour être plus près et plus à l'écoute des besoins de la clientèle. Est-ce qu'une formule conseil des arts, par exemplo, versus décentralisation du ministère, c'est-à-dire vraiment avoir ce qu'on appelle la politique du "arm's length", parce qu'on la regarde de très très près, serait préférable? Donc, des conseils des arts régionaux?

Une voix: Marc ou Claude?

M. Castonguay: Si vous me le permettez, Mme la ministre, finalement, une approche de type conseil des arts, c'est une approche structurelle qui peut avoir des bénéfices dans la mesure où c'est vraiment sous-tendu par une concertation, dans la mesure où c'est vraiment sous-tendu par une préoccupation de soutien et de développement des groupes et des artistes professionnels en région.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le député de Sherbrooke, vous avez demandé la parole, d'après ce que je peux voir.

M. Hamel: Oui. Peut-être, monsieur...

Le Président (M. Gobé): Auparavant, je dois vous avertir que vous n'êtes pas membre de cette commission. Je demande le consentement de mes collègues, en vertu de l'article 132, pour que vous puissiez vous adresser... Mais on comprend que, votre maire étant là, on ne pourrait, sans faire preuve d'inélégance, vous le refuser.

M. Boulerice: On ne peut pas empêcher un

coeur d'aimer!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député.

M. Hamel: Merci, honorables députés.

Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole. Il reste quelques minutes.

M. Hamel: Ce sera très bref. Oui. Écoutez, d'abord, vous comprendrez ma très grande fierté de voir les représentants de la ville de Sherbrooke, le maire et ses principaux collaborateurs et collaboratrices, conseillères municipales, venir nous présenter ce mémoire. Vous avez vu, dans l'annexe qui termine ce mémoire, à quel point notre ville est dynamique et a une vitalité culturelle remarquable.

Ceci étant dit, une simple question. Je voudrais savoir dans quelle mesure la Société de développement culturel veut faire de la place ou dans quelle proportion le mécénat privé peut-il se glisser dans une structure comme celle-là? (12 h 15)

M. Gervais: Au niveau des sociétés, il y a la Société de développement économique où siègent des politiciens, mais au niveau des sociétés de développement de l'industrie, culture et tourisme, ce sont des bénévoles, ce sont des gens du milieu qui composent les conseils d'administration, qui prennent les décisions et qui font en sorte d'assurer le développement économique de la région. Disons, M. le député Hamel, que je pense qu'au niveau du secteur privé, à Sherbrooke, le secteur privé appuie beaucoup le développement culturel de la ville; je pense, entre autres, à Raymond Chabot Martin Paré qui investit au-delà de 150 000 $ par année dans le développement culturel et à la firme Malette Maheu qui a présenté d'ailleurs un rapport la semaine dernière sur l'impact économique de la culture. Donc, il y a également d'autres organismes qui investissent au niveau du développement culturel. Alors, je pense que les sociétés de développement culturel, le noyau est composé de gens de la région, des sept villes, et c'est eux autres qui assurent, dans le fond, les décisions.

M. Métras: Si vous me permettez d'ajouter, M. le maire. La Société de développement culturel, ne serait-ce que dans le projet actuel, comme exemple, de l'Orchestre mondial, va aller chercher une part aussi importante, sinon même plus, que celle qui est demandée aux trois paliers de gouvernement, c'est-à-dire provincial, municipal et fédéral. Et, actuellement, notre enjeu, c'est d'essayer de ne pas briser l'harmonie qui existe dans le milieu des commanditaires privés pour que tous les organismes qui vont chercher des sous pour un support ne soient pas divisés, à savoir doit-on engager un organisme... L'Orchestre mondial, disons, qui va avoir un chapeau très large, par rapport à l'Orchestre symphonl-que, l'Orchestre des jeunes, l'Orchestre de chambre, le Musée des sciences naturelles, le Musée des beaux-arts. Nous recherchons des partenaires privés à un niveau national et même international. Donc, déjà les gens d'affaires sont sensibilisés. On n'évitera pas, c'est bien sûr, la grande région sherbrookoise pour une aide particulière, mais c'est dans l'esprit de la société de regarder que, si c'est économiquement rentable, c'est bien sûr que ça ne sera pas économiquement rentable uniquement par les paliers de gouvernement. Il va falloir que ça le soit par la participation du public à tous les niveaux: étudiants, etc., en montant et aussi par la recherche de commanditaires majeurs dans le privé qui va prendre ce noyau culturel ou ce créneau culturel comme vous utilisez ici pour en faire justement un élément publicitaire. M. le maire a permis de mentionner la Société dont je fais partie, Raymond Chabot Martin Paré, qui a pris une initiative en s'associant à la ville de Sherbrooke d'abord dans des concerts-midi, sur la place de la Cité, en faisant des vernissages, en participant par du personnel à tous les organismes culturels qui sont implantés dans Sherbrooke. C'était dans deux volets: stimuler l'intérêt des gens vis-à-vis de la culture, maintenir une qualité de vie excellente au milieu culturel et, deuxièmement, en avoir des retombées économiques pour elle-même. Je pense que ça, il y a moyen de le faire avec un partenariat dont M. le maire parlait tantôt.

Le Président (M. Gobé): Merci. Vous avez terminé, M. le député de Sherbrooke?

M. Hamel: Oui.

Le Président (M. Gobé): C'est bien. Je vais maintenant passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M. le député.

M. Boulerice: M. le Président, merci. M. le maire, Mme la conseillère, messieurs, au départ, je dois vous dire que Sherbrooke, capitale régionale, Sherbrooke, cité universitaire, je comprends que vous ayez qualifié le rapport Arpin de demi-proposition. Mol, je dirais demi-portion, au niveau de la place des régions. Effectivement, les régions peuvent être autre chose que le réceptacle de productions montréalaises ou de productions québécoises comme telles. Je pense que la création culturelle régionale, elle doit être reconnue et soutenue et je pense que les régions doivent effectivement être partie prenante de toute politique culturelle. Ceci, je le dis, M. le maire, puisque je suis peut-être député montréalais, mais je suis natif de la région de Lanaudiè-re, d'une belle ville, sans doute la plus belle

après la vôtre, ça va de soi, Joliette. Même à 70 kilomètres de Montréal, cette ville n'a jamais voulu se laisser satelliser au niveau culturel. Elle avait des ressources, elle avait des compétences, elle les a développées. Je pense qu'elle est... Je ne sais pas s'ils vont venir, je le souhaiterais bien, mais, avec Sherbrooke, je pense que ça serait une force de frappe au niveau du développement en région.

Ceci dit, j'en al plusieurs. Donc, je vais accélérer pour pouvoir vous les poser. Chat échaudé craint l'eau froide, dit le vieux dicton, M. le maire. Est-ce que c'est possible d'envisager sérieusement une implication accrue des municipalités en matière de développement culturel sans transfert de ressources financières ou sans les ressources de la taxe d'amusement?

M. Gervais: À Sherbrooke, en tout cas, je pense... Le message important que je veux vous livrer, c'est qu'il ne faut pas qu'il y ait d'autres délestages. Sur le plan financier, si Québec transfère des responsabilités, mais ne transfère pas l'argent équivalent aux responsabilités, j'ai l'Impression que ça va avoir un phénomène de découragement pour les villes qui s'impliquent déjà de façon majeure. Je pense que Sherbrooke s'implique de façon majeure dans le développement de la culture et je pense que si le gouvernement du Québec - je le dis très franchement - nous laisse tomber, ça va avoir un effet de découragement important non seulement au niveau de la ville, mais au niveau également des autres organismes qui nous soutiennent.

M. Boulerice: Un de vos collègues, M. le maire - je ne me souviens plus si c'est votre collègue de Trois-Rivières ou d'Amos - disait: II y a des municipalités qui font des efforts, des municipalités qui consentent à des investissements, etc. Il disait: Mais, par contre, sans vouloir blâmer et donner des noms, il y a des municipalités qui sont un peu assises sur leur fauteuil et attendent. Et ce maire avançait une hypothèse qui, personnellement, n'est pas sans me séduire, en disant: Oui, mais donnez donc une prime au rendement - peut-être une formule polie pour dire: Aide-toi, le ciel t'aidera - à des municipalités qui consentent à des efforts. Et, dans le cas de votre ville, c'est manifeste.

M. Gervais: C'est un peu ça qu'on dit, M. le député. À Sherbrooke, on est prêts à... Déjà, on s'aide beaucoup. Et je pense qu'il pourrait y avoir une espèce de prime au rendement pour les municipalités qui font des efforts importants au niveau de la culture. C'est un peu aussi le message qu'on laisse dans le rapport. Et ça vous rejoint.

M. Boulerice: Au-delà d'une politique globale des arts et de la culture - je dis arts et culture parce que j'essaie de respecter la gram- maire française - est-ce qu'il y aurait des mesures très concrètes immédiates qu'on pourrait adopter et qui seraient utiles pour le développement culturel dans une capitale régionale et une région comme la vôtre?

M. Castonguay: Je pourrais vous répondre très rapidement pour vous dire que des mesures du type ententes municipales globales au niveau de l'Intervention ministérielle en matière culturelle sur notre territoire, ce serait bénéfique. Ça nous permettrait de voir à plus long terme.

M. Boulerice: Oui. Et, dans le cas de vos institutions comme telles, parce que vous en avez une liste drôlement impressionnante pour une ville de... Vous êtes à quoi, 80 000?

M. Gervais: Disons 80 000 de population, mais on exclut toujours la clientèle étudiante de l'Université de Sherbrooke qui regroupe à peu près 10 000 ou 12 000 étudiants, 9 mois par année. Mais, dans les statistiques, on ne les a pas, malheureusement.

M. Boulerice: Dans le cas des institutions que vous avez, est-ce qu'il y aurait des actions immédiates qui peuvent être entreprises, mais qui ne nécessitent pas nécessairement d'attendre l'éventuelle politique culturelle globale?

M. Latendresse (Marc): Certainement au niveau du patrimoine, il y a des politiques sectorielles qui doivent être mises en place de façon à ce que ces institutions-là poursuivent leur action à ce niveau-là. Mais tout est enclenché, actuellement, dans le sens que les institutions sherbrookoises qui sont engagées dans le développement culturel sont quand même dans un réseau de discussions et d'ententes sectorielles avec le ministère à ce moment-ci. Mais pour nous, à Sherbrooke, à l'avantage du développement culturel, des artistes, des créateurs de la région, sur la base de la politique culturelle que fa ville a adoptée en 1981, on est convaincus qu'une entente MAC-villes qui s'inscrit dans le cadre d'un plan de développement culturel centré sur des objectifs et non pas sur des objets précis et pointus va permettre à la ville de Sherbrooke de faire ses choix et d'établir son action stratégique conséquente à l'avantage, ne l'oublions pas, parce qu'on parle toujours d'eux, à l'avantage des artistes, des créateurs, des organismes culturels sur le territoire.

M. Boulerice: Comment assurez-vous une meilleure concertation des actions des municipalités et du réseau scolaire en matière de soutien aux organismes culturels et la gestion des équipements culturels, chez vous?

M. Castonguay: Je peux répondre partiellement pour vous dire qu'il y a un certain nombre

d'ententes qui sont en train de se faire au niveau de Sherbrooke, comme municipalité, et au niveau de ce qu'on appelle les équipements culturels scolaires. Je peux vous signaler que, dans le cadre de l'élaboration de notre politique, on est allés dans le milieu. On a sollicité des mémoires et je peux vous signaler qu'à la fois l'Université et le collège de Sherbrooke ont manifesté leur intérêt. Pour ce qui est du collège, c'était de rendre accessible sa salle de spectacle, et même il était prêt à la céder à la ville. Le Centre culturel a déposé un projet d'une salle additionnelle. Au niveau des commissions scolaires, on est à finaliser les termes d'une entente pour faire en sorte que les équipements dont elles disposent puissent être accessibles dans une perspective d'échange avec des équipements dont la municipalité peut disposer et ce, au moindre coût pour les deux parties. On ne cherche pas, ni une partie ni l'autre, à faire des sous par rapport à ça. On cherche davantage une meilleure utilisation des équipements.

M. Boulerice: Quelles sont les relations - je vois votre SDRS et d'autres organismes que vous vous êtes donnés - que vous vous avez avec le Conseil de la culture de l'Estrie?

M. Métras: Actuellement, nous avons, au niveau du conseil de la Société de développement culturel, une représentante, Mme Diane Coderre, qui siégeait comme membre de la Société de développement culturel, afin d'assurer une cohésion avec l'information qu'eux possèdent et les projets que nous voulons mettre de l'avant. Cette situation-là existe, comme je vous le dis. Après une année d'exercice, on peut difficilement poser un jugement sur l'avantage ou le désavantage de les avoir avec nous; par contre, l'avantage que j'y vois c'est de posséder l'information afin de ne pas manquer de projets majeurs. Comme on dit toujours, dans notre société, c'est toujours le projet culturel qui doit être économiquement rentable. Donc, il faut regarder les projets qui sont peut-être en veilleuse par le Conseil de la culture et qui pourraient prendre un envol grâce à notre expertise et notre possibilité de susciter un financement particulier ou gouvernemental pour aider ce projet particulier à prendre un envol national ou international. Nous avons déjà des projets qui nous sont suggérés. Ils font partie maintenant de la grille d'analyse. Qu'adviendra-t-il de la collaboration entre ces deux institutions? Je pense que c'est à voir suivant ce que le ministère des Affaires culturelles décidera de donner comme vocation au Conseil de la culture dans l'avenir. Mais les municipalités ont décidé, elles, de prendre en main une cohésion au niveau de l'entente régionale.

M. Boulerice: Une autre des failles que je vois au rapport Arpin est d'avoir complètement fait abstraction des communications qui sont Indissociables du développement culturel et de la diffusion de l'oeuvre et des produits. Sherbrooke a été un grand centre de production télévisuelle. Ça en est où maintenant chez vous? Ça a diminué? Ça a stagné? Ça s'est amplrfié? J'ai bien peur que ma troisième option, malheureusement, soit fausse.

M. Comtois (Georges): Bien écoutez, le secteur des communications... À Sherbrooke il n'y a quand même pas de commune mesure avec d'autres réalités. Nous avons quand même un quotidien francophone et un quotidien anglophone, trois chaînes de télévision, des bandes MA, des bandes MF, etc., sauf que comme partout ailleurs l'industrie elle-même est en train de se rationaliser. On assiste à beaucoup de fusions. On a vu Pathonic avec le réseau TVA, on le voit au niveau de la radiodiffusion. Nous souhaitons conserver des entreprises de production télévisuelles fortes en région et nous tentons de le stimuler, mais nous faisons face à un contexte qui est extrêmement difficile dans le cadre de rationalisation. On pense à l'impact qu'a eu la fermeture de Radio-Québec. Dans certaines régions, notamment dans l'Estrie, ça a eu un Impact très dur sur l'industrie de la production télévisuelle. Il nous reste quelques producteurs télé Indépendants, dont un qui a réussi cet été à vendre à la programmation nationale de Radio-Québec une production mais ça lui a pris trois ans à la placer.

C'est un contexte difficile. Nous souhaitons ardemment conserver ces atouts-là que sont les industries de communication dans notre région. Il y a quand même beaucoup à faire pour quand même les assister dans cette démarche-là. Cependant, on doit dire également que la politique de développement culturel de la ville s'intéresse à toutes les questions de la promotion, de l'information, des communications. Nous avons certaines ententes-cadres avec certains médias où nous insistons plus particulièrement sur leur rôle dans la diffusion de l'information culturelle, mais tout ça, c'est dans un contexte peut-être un peu partiel. Le contexte n'est pas facile de ce côté-là.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député.

M. Boulerice: Bien, en conclusion, M. le maire, madame, messieurs, la fréquence de comparution - entre guillemets, le mot "comparution", vous comprendrez - de maires à la commission de la culture ça toujours été minime. Mais je dois vous avouer que je suis très heureux depuis de début de cette commission de vous entendre vous, comme d'avoir entendu le

maire de Québec, le maire de Trois-Rivières, le maire d'Amos, et je sais qu'il y en aura d'autres qui vont suivre.

Oui, on demande aux municipalités, mais demander aux municipalités nous a probablement peut-être fait oublier un plan, qu'il y avait des municipalités qui déjà avaient commencé. Donc, c'est plutôt le contraire, c'est elles qui sont en demande et non pas nous qui sommes en demande envers elles. Mais je retiens une chose, les municipalités ont le goût, les municipalités ont senti l'importance, d'une part, du développement culturel, II va de soi, mais du développement économique, toute la facette touristique. On est en situation de monopole, comme nous en faisait référence d'ailleurs un groupe de la Montérégie cette semaine. Mais il n'est pas question, dans ce domaine, de délestage, je retiens bien le mot que vous avez employé, M. le maire. Alors, je vous remercie beaucoup. Bon retour dans votre belle région, où nous étions d'ailleurs mes collègues du Parti québécois lundi et mardi.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Et rapidement, M. le député de Sherbrooke, un mot de remerciement à vos commettants de votre comté. Par la suite, je passerai la parole à Mme la ministre.

M. Hamel: Écoutez, je pense que tout a été dit. On a démontré avec une très grande pertinence notre volonté très ferme de continuer à progesser et l'exemple de Sherbrooke est justement celui qui fait qu'on était déjà à l'avant-garde, et on veut continuer avec les meilleurs moyens possible. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sherbrooke. Mme la ministre, très rapidement.

Mme Frulla-Hébert: Bien évidemment...

Le Président (M. Gobé): Non. Alors, prenez le temps que ça prend.

Mme Frulla-Hébert:... nous aussi, merci d'avoir répondu à l'appel. Effectivement, les villes, spécialement les villes convaincues, ont bien répondu; on va les entendre et c'est un plaisir parce que, effectivement, cette approche de partenariat, nous, on y tient. On veut la cultiver, le faire de façon extrêmement positive et fructueuse. Encore une fois, merci pour ce mémoire, parce qu'il apporte des solutions qui sont tangibles et, je dois vous le dire, des solutions - nous allons vous revenir au mois de novembre - que nous voulons mettre de l'avant.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le maire, ainsi que les gens qui vous accompagnent, nous nous remercions. Ceci met fin à votre intervention, et je vais donc suspen- dre les travaux jusqu'à cet après-midi 14 heures en cette salle.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise 14 h 10)

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît! La commission de la culture reprend maintenant ses consultations sur la proposition de politique de la culture et des arts. J'inviterais les intervenants suivants à bien vouloir se présenter en avant. Il s'agit du groupe Carbone 94...

Des voix: 14.

Le Président (M. Gobé):... 14- pardon -représenté par Mme Danièle de Fontenay et M. Gilles Maheu. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, déjà que nous sommes en retard, suite à l'arrivée tardive de quelques personnes...

Mesdames et monsieur, bonjour. Vous avez la parole pour 10, 15 minutes à peu près, car nous sommes déjà en retard. Sans plus tarder, je vais vous laisser commencer votre présentation. Vous vous présentez, vous vous identifiez.

Carbone 14

M. Maheu (Gilles): Oui. Je suis Gilles Maheu, du groupe Carbone 14; Danièle de Fon-tenay, directrice générale, et Clothilde Cardinal, son adjointe.

Le Président (M. Gobé): Très bien.

M. Maheu: Mme la ministre, Mme la sous-ministre, M. le Président, M. le vice-président, Mmes et MM. les membres de la commission de la culture, bonjour! Nous éviterons de relire le mémoire que vous avez déjà sous les yeux. Par contre, je tiens à repréciser notre volonté ici de parler de culture et, particulièrement, de recherche et de création.

En effet, c'est sur la base de ses 15 années d'expérience concrète et profonde des arts de la scène au Québec et à l'étranger et en tant qu'acteur majeur du développement de la création théâtrale québécoise que Carbone 14 a tenu à participer à cette importante commission de la culture. Cette commission revêt une importance capitale, étant donné l'état grave et critique dans lequel se trouvent aujourd'hui la recherche et la création. Cela peut paraître paradoxal, alors qu'on assiste au florissement de beaux succès en danse, en théâtre, en musique ou au cirque. C'est oublier que ces succès sont le résultat de plus de 20 ans d'efforts collectifs. C'est vouloir oublier surtout que ce bel édifice de la créativité repose sur des bases qui sont minées par le manque flagrant de subsides qui va

croissant d'année en année, bref, par l'absence d'une vision politique à long terme.

À l'image de la société dans laquelle elle s'enracine, la création québécoise a fait des pas de géant et a parcouru en quelques décennies ce que d'autres sociétés ont mis des siècles à bâtir. Elle a réussi aujourd'hui à conquérir une place chez elle auprès d'un public qui s'y reconnaît, mais aussi sur la scène internationale où elle promène avec succès l'image d'un Québec moderne et contemporain. Mais cette croissance est d'autant plus fragile qu'elle a été rapide, et cette fragilisation est encore accrue par l'internationalisation des marchés et par l'absence chronique de soutien consistant de la part de l'État. Pourtant, sans la création d'aujourd'hui, est-il nécessaire de rappeler qu'il n'y aura pas de culture de demain? La création est l'oxygène de la culture sans laquelle cette dernière est vouée à une mort certaine comme il existe des langues mortes, des cultures mortes.

À ce titre, la création joue un rôle fondamental, crucial, ce qu'a su souligner le rapport Arpin. Ce qui nous préoccupe maintenant, ce sont les moyens concrets de donner à cette création la capacité de s'épanouir avec force et de continuer à se renouveler avec originalité, car nous sommes obligés de constater que cette création, que l'on sort en habit du dimanche pour aller compétionner à l'étranger dans de belles salles de 1200 places, est encore reléguée ici, chez elle, au statut d'intermédiaire, qu'elle est forcée de travailler dans des fonds de cour, dans des garages, avec les moyens du bord et des équipements désuets et insuffisants. Il est étonnant que le public québécois consente encore à payer 22 $ ou 25 $ pour aller s'asseoir sur des chaises de bois dans des salles, tantôt glaciales, tantôt surchauffées. Jusqu'à quand aura-t-il ce courage? Jusqu'à quand lui fera-t-on comprendre indirectement que la création, ça ne vaut pas grand-chose?

Selon l'expression d'un de mes collègues, ce n'est ni en mendiant ni en martyr que Carbone 14 demande aux décideurs de décider si les créateurs ont une place dans la société québécoise et, si oui, de prendre les moyens pour leur accorder un appui dans la mesure de leur force et de leur vitalité. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors merci, monsieur... Est-ce que votre témoignage est terminé? Votre présentation est finie?

M. Maheu: Oui.

Le Président (M. Gobé): Prêt à commencer la discussion?

M. Maheu: Pardon?

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé votre présentation?

M. Maheu: Oui.

Le Président (M. Gobé): Merci. Alors, Mme la ministre, pour une quinzaine de minutes.

Mme Frulla-Hébert: Alors, bonjour! Ça me fait plaisir que vous soyez ici. Vous savez, vous avez fait votre marque, tant ici qu'à l'étranger, par vos activités aussi de recherche. Vous avez imposé un style, un style qui était nouveau. On en a parié énormément aussi, la semaine dernière - et c'est venu à plusieurs reprises - le fait qu'il manquait de fonds au niveau de la recherche et développement. Par exemple, dans le domaine scientifique, on parlait énormément de recherche, de développement et des fonds. Quand on parle de création, il ne faut pas se tromper. Nous, évidemment, on va subventionner soit des organismes, soit des créateurs par l'aide aux artistes, mais on n'a pas de fonds spécifique au niveau de recherche et développement, justement pour aider ceux qui veulent pousser plus loin, aller plus loin. Par contre, vous vous êtes bien développé sans cela. On regarde évidemment face au futur. Est-ce que, pour vous, ça aurait été plus facile d'avoir un fonds de ce qu'on appellerait recherche et développement créatif, et j'en passe, que de vous développer ou d'imposer un nouveau style, si on veut, par les moyens qui existent déjà?

Mme de Fontenay (Danièle): En fait, ce que je pense, c'est qu'il faudrait que les programmes soient adaptés à la vocation des organismes qui font de la recherche et de la création; c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement en faisant un programme différent, mais en considérant que la recherche, par définition, prend du temps. Donc, en termes de pression, de durée que ça prend pour réaliser un spectacle, quand on part d'une page blanche, les contraintes sont différentes du moment où on part, par exemple, d'un texte et qu'on monte un texte de répertoire. Il est évident qu'il faut prendre en considération la notion de temps, quand on parle de recherche et de création. C'est reconnu dans le domaine scientifique et ça devrait l'être aussi dans le domaine de l'art.

Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord. Maintenant, dans votre présentation initiale, vous parliez aussi de consolidation des organismes. Il y a un grand débat présentement au niveau du saupoudrage versus la consolidation de ce qui existe déjà. La semaine dernière, un des intervenants nous a dit: Si vous êtes capable de régler ne serait-ce que ce débat, ce grand débat, ou, enfin, d'en arriver à un certain consensus, vous aurez déjà fait un grand pas. Je suis d'accord avec ça.

D'un côté, on dit: Le saupoudrage encourage la création. De l'autre, on se dit: Bien, il y a eu beaucoup de développement de fait et, main-

tenant, on se doit de consolider, de marier... Par exemple, il y a d'autres façons dont on peut se servir pour favoriser le développement. Il semblerait que vous optiez finalement pour cette méthode, c'est-à-dire de couper un peu le saupoudrage et de consolider. Est-ce bien...

Mme de Fontenay: C'est-à-dire que, si je peux me permettre, on peut me corriger, mais il est évident que, dans la situation d'anémie dans laquelle se trouve en ce moment le milieu de la création, le saupoudrage ne fonctionne plus. C'est-à-dire qu'à la limite c'est aussi bien les faibles que les forts qui vont disparaître et on risque de ruiner tous les efforts collectifs depuis des décennies en très peu de temps. On ne peut plus se passer la bouteille de sérum l'un et l'autre; tantôt un une année, tantôt c'est l'autre; la chaise musicale, une augmentation, pas d'augmentation, gelé. On ne peut pas faire du développement et de la recherche, on ne peut pas même consolider un langage qui, en plus, se trouve maintenant très jeune encore pourtant à compétitionner sur la scène internationale dans des conditions aussi aléatoires. Dans ce sens-là, nous sommes tout à fait contre le saupoudrage. S'il n'y a pas d'augmentation manifeste du budget de la culture, il faut, à ce moment-là, que le gouvernement fasse des choix et "focusse" là où il lui semble qu'il y a des priorités.

Mme Frulla-Hébert: J'aimerais qu'on parle aussi au niveau de la diffusion. Vous êtes connus au niveau international, même souvent plus qu'au Québec. Je ne parle pas de la région de Montréal, mais au niveau de la province. Parlez-moi donc un peu de la diffusion et des problèmes de diffusion ici, au Québec, pour des gens qui, comme vous, présentent un spectacle ou, enfin, de la création qui est nouvelle. Nous avons reçu, la semaine dernière, des gens justement du RIDEAU et ils ont aussi... On sait qu'on a un problème de diffusion, au Québec, on ne s'en cachera pas. J'aimerais savoir comment vous le vivez, ce problème-là, parce que ce n'est pas normal qu'un de nos grands organismes soit reconnu plus... enfin, soit plus connu au niveau international qu'il ne l'est dans toute la région du Québec.

Mme de Fontenay: On a déjà tourné plus. En 1982 et 1983, on tournait davantage au Québec. Il s'est produit, je pense, une succession de circonstances, aussi bien au niveau du marché, de l'économie, peut-être aussi de fatigue des diffuseurs locaux qui ont essayé d'être très dynamiques pendant un certain temps. Mais ils sont pris avec des contraintes. Ils sont condamnés au succès tout le temps. Donc, à un moment donné, ce que l'on voit tourner au Québec, en règle générale, c'est la variété, c'est du théâtre d'été, des choses plus faciles. Le nouveau théâtre, par définition, la nouvelle danse font peur aux diffuseurs en région qui ont l'impression que le public n'est pas prêt à les accueillir ou qui ont peur de prendre des risques financiers trop grands, que leur organisme ne leur permet pas d'encourir. Alors, on est aux prises avec, d'une part, des diffuseurs craintifs, très, très pris à la gorge financièrement, et aussi, il faut le souligner, des équipements, des salles un peu désuètes ou des salles qui sont très grandes, donc qui ne permettent qu'un show par soir. Par exemple, un "one-night stand", on joue une soirée et on part, ce qui revient très, très cher pour un spectacle qui prend deux jours de montage, par exemple. Donc, il y a des problèmes d'équipement et il y a des problèmes... Je pense que les diffuseurs sont aux prises avec des problèmes assez considérables. C'est très regrettable parce que, effectivement, c'est aussi, je pense, le cas du jeune théâtre, le théâtre pour jeune public, on tourne plus à l'étranger que chez nous.

Mme Frulla-Hébert: Mais comment on fait? C'est parce que, quelque part, les diffuseurs spécialement, les gens disent: Notre public n'est pas prêt. Mol, je l'ai entendu partout quand je suis allée en tournée et je pense que ça dépasse aussi ne serait-ce que la grandeur des salles. C'est vraiment une conviction profonde qu'ils ont que le public n'est pas prêt. Bon. Alors, d'un côté, on dit: Le public n'est pas prêt, on ne leur présente pas, mais le public ne sera jamais prêt si on ne leur présente pas non plus. Comment on fait, finalement, pour arriver à bout de ça?

Mme de Fontenay: Je pense que ce n'est pas vrai que le public n'est pas prêt en région. On regarde tous la même télévision, on regarde tous les mêmes émissions, les mêmes vidéoclips, les gens vont voir les mêmes films. Qu'on habite à Chicoutimi ou qu'on habite à Montréal, il n'y a pas des années-lumière entre ces gens-là. Ce n'est pas vrai que le public n'est pas prêt. La preuve, c'est que, chaque fois que, nous, on a joué en région, les salles se sont remplies et même en 1982, 1983, c'était le cas avec "L'homme rouge", c'était le cas avec "Le voyage immobile", ça a été le cas avec "Pain blanc" qu'on a joué deux semaines à Québec, à La Bordée, ça a été plein. Alors, je ne crois pas du tout à cet argument-là.

M. Maheu: Vous savez, si on peut manger la nouvelle cuisine en région, je pense...

Mme Frulla-Hébert: Voilà!

M. Maheu: ...qu'on peut manger le nouveau théâtre et la nouvelle danse. Je crois que le Québec a beaucoup évolué, mais il y a... C'est un ensemble de circonstances, c'est sûr. Au moment aussi où les téléviseurs ont une très grande force de frappe... Par exemple, "Le dortoir" a été

filmé, il va passer à la télévision, ça va ouvrir les yeux à un certain nombre de personnes sur ce type de théâtre, mais je crois que c'est à la fois des risques des diffuseurs... Mol, je crois que le public, finalement, suit toujours. On le volt à Victorlavllle avec la nouvelle publique... il y a des zones de public, mais il faut que les diffuseurs prennent des risques et il faut que les gouvernements, bien sûr, appuient. Tout ça relève d'un ensemble de décisions à prendre, évidemment d'un ensemble d'argent à Injecter dans la culture.

Mme Frulla-Hébert: Justement, vous nous suggériez, à un moment donné, qu'on devrait subventionner - parce qu'on parle justement d'implication - d'abord des créateurs plutôt que des organismes. Maintenant, d'un côté, vous êtes un organisme. J'essaie de savoir comment on concilie ça et vraiment comment on fait pour concilier les deux parce que, évidemment, on aide. Il y a des programmes d'aide, justement, à la création, d'une part et, deuxièmement, évidemment, on aide les organismes, comme on le fait avec vous et avec d'autres. Mais j'essaie de voir où...

Mme de Fontenay: Peut-être qu'on peut clarifier un petit peu ce que l'on veut dire. Ce qu'on a essayé de faire ici, c'est vraiment de promouvoir la création comme étant la pierre d'achoppement, et au coeur d'une politique de la culture. Pour qu'il y ait création, il faut qu'il y ait un créateur. Ce n'est pas un conseil d'administration, ce n'est pas un comptable, ce n'est pas une secrétaire, au départ, que ça prend pour qu'il y ait création, c'est un créateur.

Donc, ce que l'on veut dire, au fond, c'est qu'il faut d'abord identifier les créateurs. Si ces créateurs font partie d'un organisme, tant mieux. Enfin, à ce moment-là, on subventionne aussi un organisme. Le jour où le créateur n'est plus là, la question qu'on se pose, c'est: Y a-t-il matière à subventionner un organisme où il n'y a plus d'âme créatrice? Et cela arrive. Gilles pourrait disparaître. Il n'y a qu'un metteur en scène, un seul directeur artistique à Carbone 14. À ce moment-là, on pourrait très bien se -poser la question de la raison de durée de Carbone 14. Pourquoi continerait-on? Évidemment, on peut mettre une annonce dans le journal. Mais ce n'est pas comme ça qu'on voit la chose. Est-ce que ça..

Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a une différence, finalement, entre des organismes qui sont issus du talent d'un créateur, comme Gilles, avec vous, et d'autres. Je reviens à Jean Duceppe qui, lui, ne créait pas, mais qui, lui, a interprété et l'organisme peut très bien continuer, si on veut, sans la...

Mme de Fontenay: Oui, c'est un organisme différent. Ceci dit, nous, on est vraiment dans ce qu'on appelle la recherche et la création. Il y a donc un mandat, une vocation artistique très claire, orientée sur l'écriture, enfin, le développement d'une nouvelle écriture scénlque, un travail sur le corps de l'acteur. Donc, là, c'est clair. C'est un peu différent d'un organisme où on a un directeur artistique qui, en fait, compose une saison avec différents metteurs en scène ou différentes pièces de répertoire. Dans le cas de la recherche et la création, c'est forcément toujours lié à un leader et à une âme créatrice. Donc, c'est un peu de cela qu'on parle.

M. Maheu: Ce qui est terrible et épuisant, à la longue, c'est de constater que ceux qui investissent à long terme dans la recherche et la création, une nouvelle écriture, et qui se confinent à un travail légitime de troupe et de groupe sont presque toujours confinés à du théâtre de poche en termes d'équipement et marginalisés. J'ai déjà eu l'occasion de manifester publiquement mon désarroi face à certains fonctionnaires sur le sujet, et ça, malgré une reconnaissance de publics, de critiques québécois et internationaux.

Il y a quelque chose d'humiliant, à la fin, là-dedans. Des gars comme Edouard Lock, qui fait un travail remarquable, il travaille toujours dans un loft. Je vois Jean-Claude Gallotta, qui est Français, qui fait un travail dans la même zone. Il est directeur d'une maison de la culture. Il a d'immenses studios en France. Vous allez dire: Le Québec, ce n'est pas la France. Il y en a plusieurs en France, peut-être, qui pourraient en avoir un ici. Cette situation-là, je pourrais vous en citer plusieurs exemples. Ce qui fait aussi que beaucoup de gens qui, il y a 10 ou 15 ans, ont été les têtes dirigeantes de ce qu'on appelait la création collective et le théâtre se retrouvent aujourd'hui célèbres à cause de mises en scène dans ce qu'on appelle les grands théâtres, au TNM, etc. Je pense à Lorraine Pintal qui a toujours son groupe de la Rallonge. De lutter toujours, c'est une situation que je trouve frustrante, finalement. Est-ce qu'il faut aller dans les grands organismes publics, comme Robert Lepage est aujourd'hui à Ottawa, pour avoir des conditions de travail qui soient légitimes et à la mesure de nos talents? C'est ça, le problème.

Mme Frulla-Hébert: On en avait discuté ensemble et on parlait du besoin d'un centre de production. On est en train de regarder ça sérieusement. Mais mis à part les installations que nous avons présentement, selon vous, finalement, les installations qui existent, qui sont là, sont-elles adéquates? Je ne parle pas où vous êtes. Il y a un problème de relocalisation, ça, on en a discuté, mais je parie de l'ensemble, si on regarde au niveau de l'ensemble, parce qu'on a investi. C'est parce que je reviens à ce

que vous disiez. En province, on a investi quand même beaucoup au niveau d'un réseau de salles de spectacle. On part de rien, mais, là, il y a des manques. J'ai souvent l'impression qu'on se dote d'une infrastructure culturelle ou, enfin, d'un lieu de diffusion, et le jour où on l'a - le lieu de diffusion - parce qu'il faut mettre beaucoup de partenaires ensemble, tout ça, et on n'a pas ça du jour au lendemain, évidemment, on dirait que c'est dépassé parce que, effectivement, il y a une autre tendance qui est train de se faire. Là, le lieu, il est soit trop grand ou pas adéquat. Alors, là, II faut suivre l'autre. Comment on fait? Comment on fait, finalement, pour mieux planifier? Comment on fait? (14 h 30)

Mme de Fontenay: C'est vrai que c'est un difficile problème, mais je pense qu'on ne peut pas se tromper. Si on regarde le paysage des équipements culturels existants à Montréal en ce moment, par exemple, on ne peut pas se tromper en disant qu'il y a un manque de salles intermédiaires. C'est-à-dire qu'à Montréal on a quelques grandes salles, à partir de 700 jusqu'à 1200 ou 2000 places à Wilfrid-Pelletier, sinon, on tombe tout de suite dans la zone des tout petits théâtres avec un maximum de 100 ou 150 places qui ont été faits par le milieu lui-même, construits avec les moyens du bord, à la sueur de bras et qui, deux ans plus tard, se retrouvent à être inadéquats en termes de services d'incendie, de ci, de ça. Bon. Ça s'est fait tout seul. Alors, on a beaucoup de petites salles comme ça. On a quelques grandes salles, mais des salles intermédiaires, il en manque. Je pense que, là-dessus, on ne peut pas se tromper, il y a un manque flagrant. Des spectacles qui, dans une salle de 150 places, ne font pas leurs frais, ne sont pas rentables parce que le plateau coûte plus cher en partant, même s'il a vendu tous ses billets, ces salles-là ne peuvent pas se déplacer dans quelque chose d'intermédiaire, c'est-à-dire 450, 500 places. Il est obligé, à ce moment-là, de considérer la possibilité de s'en aller dans une salle où, là, on parle de 800, 900 places. Les seules salles accessibles, au fond, c'est quoi, qu'on peut réserver deux ans d'avance? C'est Maisonneuve qui coûte une fortune et qu'il faut vraiment alors là réserver deux ans à l'avance parce que c'est tout réservé, ou Wilfrid-Pelletier, mais ça n'a pas de bon sens, c'est un saut qui n'est pas du tout organique. Je pense qu'à ce niveau-là on ne peut pas se tromper, à Montréal, c'est définitif, le manque est là.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. C'est malheureusement tout le temps qui vous était imparti, Mme la ministre. Je me dois, selon notre règlement, de passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, critique officiel de l'Opposition en matière d'affaires culturelles. Vous avez la parole, M. le député.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Je regrette que la ministre n'ait pas pu bénéficier plus longtemps de l'expertise de Sainte-Marie-Saint-Jacques, mais... Ha, ha, ha! Je voudrais, Mme de Fontenay, Mme Cardinal et M. Maheu, qu'on revienne sur la notion de saupoudrage. J'évite la boutade que je voulais faire en disant: Vous avez fait "Le dortoir" et les politiciens appellent le parlement le collège, mais rassurez-vous, on ne va pas vous endormir cet après-midi.

Quand on parle de saupoudrage et que vous dites: II faudrait y mettre fin, ne voyez-vous pas là une espèce de danger de déboucher sur une certaine institutionnalisation d'organismes avec un frein inévitablement sur le développement de nouveaux organismes, voire même l'existence d'organismes actuels? Si on allait freiner le saupoudrage, compte tenu d'une espèce de fond de teint très académique qui peut exister quelquefois au ministère, vous auriez peut-être été un organisme qui n'aurait jamais rien eu. J'ai un peu cette crainte-là. Quand on dit qu'on y met fin, c'est à partir de quel critère objectif? Ce n'est pas facile. Juste pour compléter ma question, ne pensez-vous pas qu'au contraire on devrait peut-être prévoir des programmes d'aide spécifique au développement, mais disons qu'on le ferait sur des créneaux bien identifiés, par exemple, un organisme qui a un rayonnement international, quelque chose comme ça?

Mme de Fontenay: Vous allez en revenir au même problème, c'est-à-dire le saupoudrage, est-ce que ça risque de freiner l'émergence d'une relève, par exemple, de nouveaux organismes, de nouveaux créateurs? La question se pose maintenant, d'ores et déjà et en dépit du saupoudrage qui continue d'avoir lieu, puisqu'il n'y a pas d'argent. N'ayant pas d'argent, le ministère des Affaires culturelles est de plus en plus une caserne de pompiers où on éteint les feux et où les créateurs sont quand même de plus en plus de grands brûlés. Alors, le saupoudrage existe, il a lieu et ça ne solutionne pas le problème d'entonnoir, de telle sorte que les nouveaux organismes ou les jeunes créateurs ont toutes les difficultés du monde à s'y frayer un chemin. Donc, est-ce qu'on a l'argent pour satisfaire toute la demande? Moi, j'entends circuler des chiffres. On me dit: Pour l'instant, le ministère des Affaires culturelles, avec le budget dont il dispose, répond à 20 % des besoins. Est-ce qu'on peut imaginer, dans le contexte économique dans lequel nous sommes, la situation économique du pays et aussi le passé, que le ministère des Affaires culturelles va augmenter son budget de 80 % pour satisfaire toutes les demandes? Moi, je pense que c'est utopique. On peut rêver, mais moi, je ne rêve pas et je me dis qu'à ce moment-là, s'il n'a pas les moyens de répondre à toute les demandes, il faut absolument encoura-

ger, "focusser", développer une politique où, effectivement, on va pouvoir trouver de l'argent pour de nouveaux créateurs, de nouveaux organismes, de nouvelles... Mais là, comme c'est là, c'est... D'un côté, il faut consolider et, si on consolide tout le monde, il n'y a plus d'argent pour les jeunes. Ça ne marche plus, là. Il faut faire des choix, c'est ce qu'on dit. Ce n'est pas facile.

M. Boulerice: II fallait vraiment être de la rue Fullum pour connaître l'allusion aux casernes de pompiers.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Vous avez parlé tantôt que des diffuseurs avaient des réticences à amener à l'extérieur ce que vous faites. Et je pense, d'ailleurs, que ce que vous faites, vous l'avez bien exprimé: vous avez développé la spécificité d'un langage québécois non verbal. Je pense que vous êtes très bien décrits, juste par cet en-tête là. Dans le rapport Arpin, on évacue complètement tout le domaine des communications, au complet, pas juste dans le sens télévisuel, mais toutes les techniques comme telles. Au niveau de la télévision comme telle, est-ce que vous croyez que la programmation reflète véritablement la diversité de l'expression de la culture québécoise? J'ai un petit peu le principe, moi, la culture... L'expression fait peut-être bébête, mais j'ai toujours dit que c'était comme la saucisse Hygrade: plus le monde en mange, plus il l'aime, plus il l'aime, plus il en mange.

Mme de Fontenay: Moi, à ce niveau-là, non, je trouve que... Et c'est très regrettable parce que je crois que les organismes de télévision d'État ont un mandat culturel aussi et ne reflètent pas du tout la variété et la richesse de ce qui se fait en création, au Québec. C'est très regrettable. On le voit aussi au niveau, par exemple, de la couverture qui est donnée aux événements artistiques, à la télévision; c'est extrêmement pauvre. Et, d'année en année, on voit disparaître des émissions extrêmement bien faites, éclairées comme, par exemple, "Lumières", à Radio-Québec, qui était une émission culturelle fort intéressante, pas démagogique, bien faite; elle a disparu. Ce sont les premières émissions qu'on coupe, en règle générale. Alors, à ce niveau-là, ma réponse serait non.

M. Maheu: Et ça n'arrive pas avec le sport, même si le stade se vide et que les Canadiens sont de plus en plus pourris, mais, la culture, toujours, ça arrive. Ce qui est terrible, c'est que des groupes comme nous, pour apparaître à la télévision, devons passer par l'étranger, encore une fois, ailleurs au pays. En Ontario, "Le dortoir" a été subventionné par l'Ontario pour revenir ici, chez soi.

M. Boulerice: Une autre question, parce que je crois que mon collègue, le député de Mercier, veut vous interroger. On s'entend, on veut une politique culturelle québécoise qui va toucher les organismes, etc. Mais est-ce qu'il y a, d'après vous, spécifiquement attachées à votre spécificité, des mesures qui seraient urgentes et qui pourraient être prises sans qu'on ait à attendre l'élaboration d'une politique culturelle?

Mme de Fontenay: Bien, oui. Enfin, je pense que, là-dessus, on y travaille en ce moment. Il y a deux choses, c'est-à-dire avoir une politique, une relation qui nous permette de planifier et de développer nos activités sur plus que "à la saison", c'est-à-dire qu'on travaille encore à la pièce.

M. Boulerice:...

Mme de Fontenay: Chaque année, on refait des budgets, des demandes sans savoir ce qui va advenir de ces budgets et de ces demandes. On a toujours l'impression d'être... À nouveau, on recommence à la case départ; chaque saison, on recommence à la case départ. Il faut, pour pouvoir planifier, surtout maintenant avec des projets tels qu'on en a, par exemple, avec l'international où quelquefois il faut planifier deux ans d'avance... Par exemple, l'exposition internationale de Seville s'est engagée comme coproducteur sur la prochaine création, nous a donné carte blanche et pour ça nous donne, injecte dans la création chez nous plus de 80 000 $. Il faut qu'on puisse, nous, savoir si on va avoir les moyens et les budgets pour accoter des propositions comme celle-là. Donc, il y a des choses simples, des engagements sur un plan quinquennal - triennal, même je trouve ça court - des engagements quinquennaux, qu'on sache où on s'en va, qu'on puisse planifier, et aussi des programmes adaptés à la notion de création, qui prend du temps. C'est-à-dire qu'il y a une telle pression en théâtre. En danse, je pense qu'on a commencé à reconnaître que les chorégraphes ne peuvent pas pondre un spectacle tous les ans en six mois, et puis bon chaque année. Je pense que ça, on est en train de le comprendre. En théâtre, c'est très difficile. La notion n'est pas encore passée, mais je pense que, pour la recherche et la création, ça devrait se comprendre, donc ne pas mettre les créateurs sous pression et, à un moment donné, presser le citron jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. C'est détruire des efforts, ça.

L'autre chose, je dirais, enfin, en ce qui nous concerne, nous, plus particulièrement, mais je pense que ça concerne sûrement d'autres groupes aussi, c'est d'avoir des équipements et des outils qui nous permettent de travailler dans des conditions qui correspondent à la maturité artistique où on est maintenant et qui correspondent aussi au public qu'on s'est acquis au

Québec. C'est-à-dire que nous sommes fatigués de refuser du public. C'est absurde, dans une condition où les budgets sont de plus en plus petits, de ne pas pouvoir continuer à développer notre public. Donc, ça veut dire un outil de travail à la mesure.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Mercier, vous avez quelques minutes pour prendre la parole.

M. Godin: Mme de Fontenay, M. Maheu, bienvenue dans la maison dite du peuple. M. Maheu, j'aimerais savoir, parce que votre réponse aura des répercussions sur les politiques gouvernementales éventuelles, si la création, le phénomène de la création, si mystérieux, en fin de compte, n'importe qui... Ce n'est pas assez fort?

M. Maheu: ...si le domaine de la création...

M. Godin: Je veux savoir si, dans le cas de

Carbone 14, la création se fait au moment des répétitions, ce qui entraînerait le gouvernement à doter Montréal et le Québec d'un plus grand nombre de centres de répétition, ou si ça se fait sur un bureau avec un crayon et une feuille de papier.

M. Maheu: Dans mon cas à moi, c'est sûr qu'il y a un travail de gestation qui est intellectuel et cérébral, avant. Mais la vraie création, ça se fait avec les acteurs, avec les danseurs, dans le lieu de travail et dans le matériau d'improvisation avec les danseurs et les acteurs. C'est là que ça se passe. Je pense que je ne suis pas le seul à travailler comme ça. Donc, ces conditions-là, ce laboratoire-là, ces salles de répétition là, elles doivent être bien équipées ou équipées dans le sens de nos besoins de création. Ce qui était certains besoins il y a 10 ans, ce ne sont plus les mêmes besoins aujourd'hui. Je donne un autre exemple, de nouveau, Edouard Lock qui a répété, qui a fait une première en Europe dernièrement et qui a dû obtenir, juste à la dernière minute, avant de faire sa première au Théâtre de la ville, quelques semaines de répétition à Ottawa dans la grande salle, quelques semaines à Angers, pour sortir de son studio, pour avoir des cintres, pour avoir un équipement qui fasse qu'au moment où il arrive à la première et qu'il est attendu il soit prêt... Gallotta n'a pas ce problème-là. Il n'a pas besoin d'aller emprunter des salles ailleurs, des équipements ailleurs.

Alors, c'est sûr qu'on peut faire ça un certain temps. On a de l'énergie, etc. Mais on peut s'user à faire ça aussi et, quelquefois, devenir désabusé de la création.

M. Godin: M. le Président, j'ai eu mes deux réponses. Ça donne à croire que, ce qui manque à Montréal, c'est beaucoup plus des salles de répétition équipées et prêtes à servir à des vraies répétitions presque générales beaucoup plus que le saupoudrage, non pas que le saupoudrage soit totalement inutile, mais beaucoup plus que le saupoudrage de quelques milliers de dollars aux artistes, aux créateurs comme vous, à moins que vous ne vous me disiez que les deux sont absolument essentiels pour que Gilles Maheu ne crève pas de faim dans sa chambre.

M. Maheu: C'est sûr que notre politique sur le saupoudrage, on l'a dit, si l'État est prêt à investir 80 000 000 $ ou 100 000 000 $, il n'y aura plus de problème de saupoudrage. Il pourra aider les organismes importants et aussi la relève, ce qui est absolument essentiel. Effectivement, on aurait pu, nous aussi, ne pas se développer si on n'avait pas eu un peu d'argent. Mais, ceci dit, on le fait toujours à bout de bras et tous les créateurs vont vous dire la même chose. C'est sûr qu'il y a eu des coups de main qui nous ont été donnés et je remercie tous ceux qui l'ont fait, mais, au Québec, on travaille souvent à bout de bras, et ça, on ne peut pas tenir ce rythme-là éternellement. C'est ça, je pense, qu'il faut comprendre. Pour ça, si on n'a pas les sommes importantes et massives pour faire de cette culture une chose importante dans la société, il faudra faire des choix et arrêter le saupoudrage.

M. Godin: Ou alors en faire avec de la grosse poudre, si on peut dire.

Des voix: Ha! ha! ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Mercier. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre mot de conclusion.

M. Boulerice: Merci d'être venus puisque vous êtes, dans le domaine que vous représentez, les premiers à intervenir, c'est-à-dire véritablement au niveau du travail expérimental. C'est inévitable pour la culture et c'est également une question de sous. On y investit, on n'y investit pas! À ceux qui disent que c'est du capital de risque, moi, je réponds toujours qu'on a risqué 500 000 000 $ pour sauver Dome Petroleum qui, veux veux pas, est morte une année après. Alors, capital de risque, on le fait dans la culture ou dans Dome Petroleum? C'est un choix de société qu'il faut faire. La question en reste là.

Vous avez parlé de 80 000 000 $ de plus, c'est ce qui manque pour obtenir le 1 %. Il y a un budget, en avril ou en mai. On a peut-être des espoirs. Je ne sais pas, la ministre pourrait peut-être y répondre. Elle nous a dit oui, pour la TVQ sur le livre, on peut peut-être avoir l'engagement solennel finalement du 1 % cet après-midi, je le souhaiterais bien, de façon à ce qu'il y ait le vrai saupoudrage.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le

député. Je vais maintenant céder la parole, pour un mot de conclusion aussi, à Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Encore une fois, vous savez, ce que j'ai apprécié le plus, c'est quand même votre pragmatisme. On répond à 25 % de la demande. Je ne pense pas, je ne pense pas que vous seriez d'accord qu'on réponde à 100 % de la demande parce qu'il y a vraiment des choses... Effectivement, oui, on a besoin de plus. Non, je ne peux m'engager. Mais on est à l'heure des choix, par exemple. On est à l'heure des choix et on est aussi au temps où on doit penser à la recherche et développement au niveau créatif et se donner la chance comme société et t'espace d'avoir cette recherche et développement, ce créneau.

Autre chose, évidemment, pour vous dire que tout le projet de centre de production n'est pas abandonné, au contraire. Nous allons continuer à travailler avec vous sur ce point.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Mesdames et monsieur, merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention. Je vais donc vous demander de bien vouloir vous retirer. J'inviterais le groupe suivant, les représentants de Bell Canada, à bien vouloir se présenter. Pour ce faire, je vais suspendre les travaux pendant une minute.

(Suspension de la séance à 14 h 50)

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, nous allons maintenant reprendre nos travaux. La commission est prête à entendre les représentants de la société Bell Canada qui est représentée, si je ne me trompe pas, par M. Claude Beauregard, vice-président adjoint aux affaires publiques - bonjour, M. Beauregard...

M. Beauregard (Claude): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): ...et par Mme Thérèse Chartier, chef, affaires publiques.

Mme Chartier (Thérèse): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme

Chartier. Je ne sais pas quel est le porte-parole des deux, mais vous pouvez commencer la présentation de votre mémoire.

Bell Canada

M. Beauregard: Merci. Mme la ministre, M. le Président de la commission, Mmes et MM. membres de la commission, c'est avec plaisir que nous comparaissons devant votre commission. À vrai dire, nous ne nous attendions pas nécessairement à être convoqués, mais nous tenions beaucoup à déposer un certain nombre de réflexions et considérations, suite à la parution du rapport Arpin. Effectivement, je suis accompagné par ma collègue, Mme Chartier, qui, le cas échéant, pourrait vous donner plus de précisions sur notre modus operandi en ce qui concerne les activités philanthropiques et le support aux arts et à la culture, notamment.

Notre mission chez Bell, et nous en sommes très fiers, est d'aider les gens à communiquer et à gérer l'information. Mais, pour y arriver, nous avons aussi des valeurs et des engagements envers nos clients, nos employés, nos actionnaires et envers la société, dont celui de contribuer à l'épanouissement des collectivités que nous desservons, ceci étant explicitement dans nos valeurs et nos engagements. Notre engagement envers les communautés s'actualise par l'engagement communautaire de centaines, pour ne pas dire de milliers d'employés de Bell Canada au Québec. Il se traduit aussi par un support financier aux organismes privés, publics et parapublics, notamment dans le domaine des arts et de la culture, car les arts et la culture sont Importants en soi et contribuent môme à l'économie à plus d'un titre: qualité de vie dans un milieu qui facilite à la compagnie le recrutement de personnels qui sont intéressés à oeuvrer dans des milieux qui sont socio-économiquement et culturellement dynamiques et activités culturelles qui contribuent, en tant que telles, comme entreprises culturelles, à l'activité économique d'un milieu. L'une et l'autre de ces dimensions contribuent à rendre l'environnement dans lequel oeuvrent les entreprises plus propice à la bonne marche des affaires; ça nous paraît tout à fait légitime et c'est bien ainsi.

Le support aux arts et à la culture chez Bell, nous l'avons maintenu même en période difficile, dans les années 1982 et 1983, alors que la portion de notre budget de philanthropie attribuée aux arts et à la culture était de l'ordre de 10 %, alors qu'en moyenne période, si on regardait la décennie, elle a été plutôt de l'ordre de 13 %, ce qui est à peu près dans la norme des entreprises à travers le Canada, mais avec un ajout intéressant depuis 1986, où nous avons voulu souscrire à un projet particulier qui a été de s'associer aux établissements du Conservatoire de musique du Québec pour mettre sur pied les concerts Bell que nous voyions comme une occasion non seulement, par le biais de bourses, de faciliter la relève, mais une occasion particulière de donner à des musiciens de connaître les conditions véritables d'une activité professionnelle, d'une troupe professionnelle, d'un orchestre professionnel qui voyage à travers différentes régions du Québec et qui s'est même produit effectivement à Ottawa. Donc, depuis 1986, la part de notre budget vouée au domaine

culturel s'élève maintenant... est plutôt de l'ordre d'à peu près 21 %.

Nous croyons chez Bell qu'il serait dans l'intérêt, bien que nous reconnaissions que ce soit difficile - nous avons vu certaines allusions dans le rapport Arpin - qu'il y aurait lieu probablement d'obtenir un support peut-être plus systématique de la part de la petite et moyenne entreprise, en province comme à Montréal ou à Québec, bien que nous reconnaissions que ce soit plus difficile, la raison étant qu'à nos yeux la part que les grandes entreprises y consacrent est probablement plafonnée, à ce moment-ci.

Dans l'intérêt peut-être de réserver un peu plus de temps à la discussion, je n'ai pas l'intention, effectivement, de lire le mémoire que nous vous avons fait parvenir. Cependant, en relisant, hier soir, et le rapport Arpin et notre mémoire, jusqu'à tard dans la nuit, je me suis rendu compte quand même que, dans notre mémoire, on avait mis de l'avant pas moins que 25 ou 26 remarques ou considérations. Peut-être que, rapidement, je vais vous les énumérer.

Nous disions, par exemple, que Bell Canada souscrivait à l'approche générale pragmatique du rapport Arpin, mais nous estimions toutefois que cette intervention qui est prévue dans le rapport Arpin doit absolument éviter le double piège du dirigisme et de la bureaucratie. Bell Canada considère que la vitalité de la culture et des arts ne passe pas par un accroissement de l'effectif et des ressources internes d'un ministère de la culture et que ce dernier doit à tout prix éviter de se transformer en ministère de la "kulture" avec un K, si vous voulez. En fait, nous ne sommes pas certains de bien aimer l'expression d'un ministère de la culture. À tout événement - et j'apporterais un bémol à ce qui était dans le texte du mémoire que nous vous faisions parvenir - j'avoue qu'à la relecture, justement hier soir, on peut peut-être être assez rassuré quand on considère les propos tenus aux pages 180 à 186 du rapport, où on voit qu'en fait l'approche n'est peut-être pas aussi dangereusement bureaucratique qu'on aurait pu le croire, mais je crois sincèrement que ce qui a pu faire obstacle... J'ai cru, en suivant les débats dans les journaux, que ce qui a pu en inquiéter plus d'un est peut-être la formulation qu'on trouve à la page 187 du rapport où on définit le maître d'oeuvre et où on dit que le maître d'oeuvre signifie celui qui conçoit et dirige les activités dans le domaine culturel. Je crois que ça a pu en inquiéter plus d'un et c'est peut-être ça, à la réflexion, peut-être six semaines après, qui nous aurait amenés à indiquer qu'on redoutait peut-être une approche un peu bureaucratique ou trop dirigiste.

En ce qui concerne le développement des arts et de la culture, Bell Canada souscrit entièrement au parallèle qui est tracé entre la création dans le domaine culturel et la recherche et développement dans le développement tech- nologique. Il y aura peut-être des analogies et des modalités éventuellement en intervention qui pourraient en tenir compte.

Quant aux recommandations 3 et 6, si la création est considérée comme de la R-D, Bell est d'avis que la politique d'aide de l'État doit s'orienter vers ta mise au point d'incitatifs fiscaux qui laissent libres les industries culturelles et ne les soumettent pas au contrôle qualitatif exclusif de l'État. Ce dernier, qui devrait continuer à avoir recours à des jurys indépendants lorsqu'il s'agit d'accorder une aide financière directe, doit aussi être en mesure de s'assurer que ses instances ne constituent pas des cercles fermés, des coteries. Pour tout jury d'importance, il conviendrait d'y prévoir la présence de quelques membres ne provenant pas du Québec. On entendait l'interlocuteur qui nous a précédés ici, à la table, indiquer comment la réputation dont certaines de nos entreprises culturelles jouissent à l'étranger et qui ne sont pas nécessairement toujours reconnues ici au Québec, et je pourrais parler d'expérience personnelle dans ces matières, laisse songeur. Donc, nous croyons qu'il serait prudent, il serait intéressant, utile d'ajouter à des jurys québécois une présence étrangère, surtout quand il s'agit, en tout cas, d'allocations ou de décisions substantielles.

On reconnaît aussi que, à la différence du domaine scientifique et technologique, le domaine artistique et culturel - on l'entendait encore avant mol ici - est caractérisé par la présence de nombreux créateurs innovateurs individuels. Cet environnement est souvent fragile et nécessite une intervention adaptée, et nous n'y excluons pas chez Bell la possibilité, à ce moment-là, d'une aide financière directe à titre d'encouragement à la création de la part de l'État.

À la recommandation 3 qui traite de la culture comme un investissement à moyen et à long terme, nous croyons qu'il convient d'établir un portefeuille équilibré comportant des valeurs sûres, attestées en l'occurrence par le goût du public, mais aussi des valeurs comportant un facteur de risque comme en amènent les entreprises d'avant-garde et les formes d'art moins familières au grand public comme, par exemple, la danse classique. (15 heures)

En ce qui regarde les recommandations 5 et 7, Bell Canada est d'accord avec la nécessité d'éviter le saupoudrage et verrait bien que les projets retenus le soient en concertation avec le milieu artistique et culturel ainsi que l'entreprise privée, si celle-ci est concernée, en particulier, peut-être pour aider à déterminer ce qui, dans une sous-région donnée, mérite, entre guillemets, d'être supporté si tant est qu'il y a des choix à effectuer.

La recommandation 11. La garantie triennale des aides financières consenties aux organismes

culturels représente assurément un pas dans la bonne direction. Si on veut responsabiliser les organismes culturels sur le plan financier, il faut leur donner les moyens d'une saine gestion et donc leur permettre de pratiquer un minimum de planification. Par contre - et ceci tempérerait, je crois, les élans de la recommandation 9 du rapport Arpin - le ministère devrait résister à la tentation d'indexer de façon automatique au coût de la vie les budgets alloués à la culture. La responsabilisation des organismes culturels implique de leur part un effort pour rationaliser leur gestion et accroître leur productivité. Bell Canada est d'avis que la planification permettra de réduire certains coûts et d'améliorer l'efficacité générale des organismes.

En regard de la recommandation 38c, Bell Canada estime contre-indiquée l'extension obligatoire au secteur privé du programme du 1 %. Cette mesure apparaîtrait comme une taxe déguisée, alors qu'il conviendrait plutôt d'utiliser certaines mesures telles que les incitatifs fiscaux pour amener les entreprises, et notamment la grande entreprise à intégrer les éléments constitutifs de ce programme dans sa politique interne.

En ce qui concerne l'accès à la vie culturelle, nous constatons que le rapport Arpin ne vise pas la dimension proprement scientifique et technologique de la culture. Cette détermination fonctionnelle, en quelque sorte, de la culture est parfaitement défendable, à condition que la promotion de la culture scientifique et technique soit l'objet d'une priorité gouvernementale relevant d'autres ministères que celui de la culture. Ainsi, Bell Canada est d'avis, par exemple, que la création d'un musée de la science et de la technologie à Montréal devrait être une priorité du gouvernement québécois.

Aux recommandations 48 et 52, nous disons être d'accord pour que l'accès aux organismes culturels en région soit encouragé. Nous croyons aussi, en regard de la recommandation 52, qu'il y a lieu d'encourager tout particulièrement la mobilité interrégionale des artistes. Il est indispensable que les différentes régions du Québec soient considérées comme autant de publics différents à toucher par les artistes, au lieu de tout concentrer sur Montréal et Québec. Les artistes issus des régions ne doivent pas y être cantonnés, mais devraient, au contraire, pouvoir se produire ailleurs au Québec, au Canada et à l'étranger.

En regard de la recommandation 56, qui vise l'organisation d'une société pour la promotion des arts et de la culture sur le modèle de la société pour la promotion des sciences et de la technologie, nous croyons que c'est une initiative bienvenue et qu'elle pourrait effectivement favoriser l'accès à la culture.

Aux recommandations 57 à 65, il est vu que le ministère de l'Éducation a très certainement un rôle indispensable à jouer dans le développe- ment de la culture. Mais, là encore, Bell Canada est d'avis qu'il n'appartient pas au ministère de l'Éducation de gérer directement ou indirectement des programmes d'aide culturelle.

Par contre, il pourra s'avérer nécessaire de mettre au point, au niveau universitaire, dans le domaine de l'éducation, des mécanismes de parteneriat avec le milieu artistique et culturel, comme ça se passe déjà dans le programme de recherche et développement entre l'université et l'entreprise privée. Et, en ceci, nous pouvons dire notre accord avec la recommandation qu'on retrouve à la page 91 du rapport Arpin.

La recommandation 62 qui touche, entre autres, la lecture, nous croyons, chez Bell Canada, que le développement de la culture comme fondement de la culture générale doit être favorisé par tous les moyens. Les entreprises constatent régulièrement l'importance de communications écrites, correctes et efficaces, notamment en ce qui regarde leur développement logique.

Aux recommandations 66 et 68, la formulation de certaines recommandations laisse présager une approche bureaucratique de la politique culturelle. Mais, peut-être en relisant hier soir le rapport Arpin, je me vois forcé d'y apporter un bémol. Je pense que c'est peut-être une perception un peu injuste parce qu'on y parle d'une planification stratégique et c'est bien, mais à condition qu'on ne voie pas que c'est essentiellement là que ça se passe.

En ce qui regarde la recommandation 68, nous croyons que la mobilisation des partenaires extérieurs au gouvernement dont il y est fait mention, ça représente, à nos yeux, un point critique de la politique culturelle québécoise, et nous espérons qu'à l'instar de Bell, grand nombre d'entreprises y souscriraient. J'estime aussi, à la relecture du rapport et, notamment, de la page 221, qu'il est peut-être un peu injuste de laisser entendre, comme on le faisait ici, qu'on a manqué un peu d'imagination dans les modalités de participation de l'entreprise privée à la politique culturelle. Il y a, effectivement, plusieurs pistes, en tout cas, plusieurs jalons qui sont établis à la page 221 du rapport, et nous voyons très bien qu'on pourrait peut-être s'aventurer un peu plus loin en termes pratiques, mais, enfin, la pierre d'assise est là.

Enfin, il importe, d'après nous, qu'après arbitrage entre priorités et programmes gouvernementaux, dans le contexte d'un nécessaire contrôle des dépenses publiques, tout accroissement éventuel de l'enveloppe budgétaire affectée aux Affaires culturelles devrait profiter à peu près exclusivement au milieu culturel et aux organismes qui en émanent et non au budget de fonctionnement du ministère.

Nous avons remarqué aussi la possibilité d'un transfert des responsabilités et des moyens du ministère vers les municipalités et nous croyons que c'est indiqué, surtout dans la mesure

où il sera accompagné d'une redistribution des fonds publics au profit des administrations municipales dans ce domaine.

Enfin, à la recommandation 82, nous croyons vraiment que l'Observatoire des politiques culturelles, tel qu'il est décrit, nous apparaît comme une création plutôt bureaucratique et redondante. Rien, nous semble-t-il, dans la mission proposée pour l'Observatoire qui ne saurait être effectué par l'Institut de recherche sur la culture ou encore par une ou plusieurs universités.

La recommandation 94, demander l'exclusion totale du gouvernement fédéral de ce domaine, revient, à notre avis, à renoncer prématurément à tout espoir d'harmonisation. Il nous apparaît plus judicieux de mettre en oeuvre des mécanismes de coordination entre gouvernements, tout en établissant que le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la culture devrait être essentiellement le maintien d'institutions nationales comme, par exemple, les musées nationaux.

La politique culturelle, telle que définie dans la proposition, ne nous paraît pas explorer les voies d'une coopération souhaitable, l'État fédéral ne devant pas être privé, selon nous, de la possibilité de doter le Canada d'un certain nombre d'institutions culturelles nationales sans avoir pour autant à intervenir dans les affaires des provinces.

Finalement, pour l'essentiel, les rôles, les partenariats proposés pour les divers intervenants à la page 33 du rapport nous paraissent justes et pertinents.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Beauregard. Vous avez vu que j'ai laissé passer un peu le temps, car vos recommandations semblaient assez intéressantes. Par contre, je vais devoir limiter un peu le temps de discussion, juste pour vous en avertir. Maintenant, Mme la ministre, si vous voulez commencer.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Beauregard. Premièrement, je voudrais encore vous remercier personnellement de la participation de votre entreprise, Bell Canada, évidemment, au niveau des concerts Bell et de la tournée Bell. Honnêtement, ces concerts, évidemment, portent votre nom, mais n'existeraient pas sans vous. Pour avoir assisté à plusieurs d'entre eux, la salle est toujours pleine. C'est un encouragement à la relève et à ces jeunes musiciens qui ont travaillé et qui travaillent très fort au niveau du conservatoire. Nous aimerions signer une entente triennale pour ces concerts. C'est à notre tour. Mais, encore une fois, vraiment un gros merci au niveau de cette participation.

Ce qui m'amène à vous demander la question: Qu'est-ce qui vous fait choisir, vous, Bell Canada? Vous êtes impliqué beaucoup dans le domaine culturel, que ce soit au niveau du festival Juste pour rire, par exemple, au niveau de la diffusion populaire, dans la musique. Qu'est-ce qui vous fait choisir un organisme versus un autre?

M. Beauregard: Peut-être que Mme Chartier pourrait répondre à ça, ce qui nous fait choisir un organisme plutôt qu'un autre.

Mme Chartier: Bien, c'est-à-dire un organisme ou vous voulez dire un créneau plutôt qu'un autre?

Mme Frulla-Hébert: Ou un événement.

Mme Chartier: Un organisme à l'intérieur de la musique, par exemple? Ce qu'on essaie de faire, c'est d'être équitable envers l'ensemble du domaine culturel et on donne un support dans le domaine du théâtre, dans le domaine de la danse. Le fait d'avoir choisi, par exemple, les concerts Bell, comme l'expliquait M. Beauregard, d'une part, c'est que ça relève un peu de ce qu'on se donne comme politique de supporter, d'un côté, la relève, parce qu'on encourage les jeunes à poursuivre, et aussi contribuer au maintien de la musique, par exemple.

M. Beauregard: Et des autres arts, je dirais. Évidemment, on est un peu comme vous, dans une position de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes. Effectivement, les instruments pour discriminer ne sont pas faciles. Je ne vous cacherai pas que - et, ça, ça peut être intéressant, parce que c'est typique de ce qui se passe dans la mouvance des milieux d'affaires - il n'y a pas de doute qu'il y a des retours d'ascenseur. Si, par exemple, un collègue du président de Bell à Hydro, à Alcan ou chez IBM, Lavalln ou SNC a supporté une activité artistique, s'en est fait le promoteur et a obtenu le concours de Bell, quand chez nous le président de Bell, à un moment donné, estimera valable telle entreprise, il va solliciter ses collègues. Donc, il se crée... Parfois, autrement dit, il y a une solidarité des milieux d'affaires qui fait qu'on s'entraide pour maintenir un certain support.

C'est un facteur indiscutable, et on peut même imaginer à la limite qu'il vous entraînerait des difficultés dans le sens suivant. C'est qu'à un moment donné un chef d'entreprise quelconque va être séduit par une nouvelle initiative, va s'en faire le promoteur, va trouver des collègues dans d'autres entreprises qui vont y souscrire, et voilà une créature qui apparaît dans le tableau tout d'un coup et qui va sans doute vouloir émerger à votre budget. Je ne sais pas ce que ça soulève comme problème chez vous, mais ça fait peut-être partie, dans une certaine mesure, d'un libre marché.

Mme Frulla-Hébert: Ça arrive tous les jours. Ce qui m'amène à une deuxième question: Corn-

ment fait-on, parce qu'effectivement il y a des créatures qui, à un moment donné, émergent et sont souvent des initiatives d'amis personnels... C'est très bien parce que ça profite au développement quand même, ça fait développer la culture quand même, mais il y aurait aussi des réseaux parallèles - c'est parce que je l'ai dans la tête - qui font en sorte que, si on mettait tout le monde ensemble à travailler vers un but commun, on ne multiplierait pas non plus les demandes, on ne multiplierait pas non plus les organismes. Ça crée des duplications, veux veux pas.

Comment fait-on alors, de notre part, parce que vous parlez du ministère comme étant un coordonnateur, justement au niveau de l'entreprise privée, pour essayer de rassembler ces forces-là, de telle sorte qu'on travaille vers un même objectif et non pas qu'on développe à gauche et à droite des objectifs qui font en sorte que nous, on a toujours le problème en bout de ligne?

M. Beauregard: C'est-à-dire que là-dessus - j'ai oublié de le mentionner; Mme Chartier aurait pu le mentionner aussi - nous demandons toujours de quelqu'un qui nous sollicite de nous fournir des états financiers, un peu d'information sur son organisation et, inévitablement, le fait qu'un organisme soit ou non subventionné par votre ministère est une donnée valable et d'intérêt pour nous. Ça ne veut pas dire qu'on refuserait systématiquement d'apporter le support à une entreprise naissante qui n'est pas déjà subventionnée, mais, règle générale, la grande majorité des organismes que nous supportons à l'occasion de levées de fonds ou des demandes annuelles sont déjà des organismes subventionnés par votre ministère qui ont besoin d'un peu d'aération additionnelle pour prendre du développement.

Donc, de ce point de vue là, je crois que c'est la même chose chez la plupart des grandes entreprises. Il n'y a peut-être pas autant d'amateurisme ou d'aventuriers qu'on pourrait le croire qui vont trouver une source de financement. Alors, il y a au moins ceci. On fait la même chose dans le domaine de l'éducation ou autre, on est très conscients de ne pas faciliter la venue d'organismes qui constitueraient des boulets par la suite et avec qui on ne saurait trop que faire.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. J'ai trouvé intéressante votre recommandation à 94. C'était un peu ça, d'ailleurs, qui mettait fin à votre intervention et je me permettrai de la reprendre. Vous dites: "Bien que le domaine culturel soit vaste, comme l'affirme la proposition de politique de la culture et des arts, demander l'exclusion totale du gouvernement fédéral de ce domaine revient à renoncer prématurément à tout espoir d'harmonisation. Il apparaît plus judicieux de mettre en oeuvre des mécanismes de coordination entre gouvernements, tout en établissant que le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la culture devrait être essentiellement le maintien d'institutions nationales comme, par exemple, des musées nationaux."

J'aimerais que vous élaboriez un peu plus sur ça parce que vous avez passé assez rapidement et ça semble recouper un certain nombre de questions ou de préoccupations que différents milieux de la culture font valoir actuellement, c'est-à-dire: Oh là! avant d'exclure totalement l'intervention canadienne dans le domaine de la culture, allons-y doucement, il y a eu là des avantages. Il y a là peut-être des inconvénients, mais ce n'est pas tout blanc ou tout noir. Là, je crois que vous avez pris un paragraphe assez important.

M. Beauregard: Oui. Écoutez, nous comprenons fort bien les inquiétudes que les artisans du milieu culturel, les artistes eux-mêmes peuvent avoir, les inquiétudes face à un transfert de juridictions assez massif, comme il semblerait, de mémoire en tout cas, dans le rapport Allaire ou des positions gouvernementales assez largement mises de l'avant, ne serait-ce qu'au titre de ballon d'essai. Il y a là une intention affirmée de vouloir rapatrier carrément la juridiction sur la culture. (15 h 15)

Ce que nous disons ici, c'est qu'il se pourrait fort bien... je ne crois pas que ce soit un inconvénient que la juridiction sur la culture comme telle soit de juridiction provinciale, ce qui supposerait des transferts probablement assez importants. Mais ce que nous disons, c'est que ça nous parait inconcevable que, dans un pays, il n'y ait pas d'institutions nationales, que ce soit de grands musées ou d'autres institutions, mais pas nécessairement une politique de support aux artistes du pays, comme ça se fait par le Conseil des arts. Remarquez que nous n'avons pas une compétence terrible en la matière.

C'est probablement de propos délibéré que nous avons formulé la recommandation dans le sens de dire: Écoutez un peu, ça nous parait en tout cas carrément inconcevable que le Canada, comme tel, même si la culture devenait de juridiction exclusivement provinciale, que le pays qui s'appelle le Canada n'ait pas de grandes institutions, certains musées nationaux, par exemple, ou des choses de ce genre-là. On ne s'est pas penchés... Et je vous avoue que nous n'aurions pas d'opinion à formuler sur des instruments culturels comme Radio-Canada ou des choses comme ça. Ce n'est pas à ça nécessairement que nous pensions, mais certainement... Autrement dit, on ne voyait pas de contre-indication à un rapatriement de la juridiction sur la culture par les gouvernements provinciaux ou par le Québec en tout cas, en l'occurrence.

Le Président (M. Gobé): Vous êtes certainement au courant que la Communauté économique européenne s'est dotée d'une institution de promotion de la culture et qu'elle intervient régulièrement dans différents programmes nationaux, c'est-à-dire qu'on voit très bien, à l'occasion, des sommes d'argent de la Communauté économique européenne, du conseil des arts qui seront envoyées à Avignon, au Festival, à d'autres organismes ou organisations ou à d'autres grands événements à caractère culturel, à la condition que ça représente un peu le patrimoine européen. Est-ce que vous pensez que ce genre d'intervention pourrait être encore le rôle du gouvernement fédéral, d'une nouvelle union économique?

M. Beauregard: C'est certainement concevable, mais compte tenu de la situation particulière du Québec, notamment, il vaudrait mieux que cette harmonisation provienne plutôt d'un souci de mise en commun, d'avoir une nécessité à la base plutôt qu'un pouvoir d'intervention systématique. Mais remarquez que je suis conscient... nous sommes conscients que ça demeure discutable. Il y a un peu de zones grises. Ce qu'on essaie de dire, c'est: De grâce, pas de "fiat", en termes d'une juridiction, et les choses deviennent étanches, et on cesse de se parler. Ce sera certainement à l'avantage du Québec comme du Canada qu'il y ait là un minimum d'harmonisation et de collaboration, quels que soient les résultats de discussions constitutionnelles.

Le Président (M. Gobé): J'aurais un exemple un peu particulier. Vous savez qu'à Paris il y a une maison canadienne des arts qui est près des Invalides, dans ce coin-là. Advenant que Québec rapatrierait l'ensemble de sa juridiction en matière de culture et d'arts, on se retrouverait dans le contexte suivant où le Canada, qui a sa maison à Paris, ferait la promotion, dans sa maison de la culture canadienne qui comprend, me semble-t-il, le côté anglophone, mais aussi le côté francophone, parce que d'autres provinces comme le Nouveau-Brunswick ou les Franco-Ontariens, au Manitoba, ont des francophones... Je ne vois pas comment le Canada, même si Québec avait juridiction sur sa propre culture francophone, abandonnerait de faire la promotion de la culture francophone canadienne.

Alors, est-ce qu'on devrait, à ce moment-là, avoir deux organismes qui feraient la promotion de la culture québécoise francophone et une maison du Canada à côté ou quelques rues plus loin? Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un danger d'éparpillement des ressources, un peu? Elles sont rares. Tout le monde dit qu'il n'y a pas assez d'argent, quelque part. Est-ce qu'il n'y a pas...

M. Beauregard: Écoutez, non. Pourvu qu'il y a une harmonisation adéquate, je ne crois pas. Je ne verrais pas que les provinces se mettent à faire toutes uniquement et séparément leur promotion, leurs activités culturelles, sans qu'on ne voie pas... On peut imaginer, par exemple, que le Canada pourrait très bien supporter une grande compagnie de danse classique. Qu'il y ait une compagnie canadienne de danse, ça ne m'apparaît pas du tout inconcevable. Dans certains domaines, il y a bien, après tout... Les Ballets africains, je crois, si je ne m'abuse, émanent de plus d'un État africain. J'Imagine mal des visiteurs étrangers qui viendraient au Canada, qui demanderaient à voir des grandes institutions nationales et qu'on dirait: On regrette, en ce qui concerne les musées, il faut aller voir le Musée du Québec, le musée de l'Ontario... On doit avoir de grandes institutions qui refléteront la réalité canadienne.

Le Président (M. Gobé): On pourrait aller aussi loin que la chose suivante. Une compagnie théâtrale ou de danse ontarienne, donc canadienne francophone, qui recruterait des danseurs ou des artistes francophones au Québec se ferait subventionner par le Conseil des arts du Canada et le Québec, qui aurait sa pleine juridiction sur la culture, se verrait dans la situation où ses propres artistes se feraient subventionner par des troupes, entre parenthèses, étrangères, en tout cas, à ce moment-là, en termes de culture. Le Canada devient une institution un peu étrangère. Vous ne trouvez pas qu'il y aurait là un paradoxe un peu... À moins de fermer les frontières, vraiment là closes, et dire: Tout ce qui est francophone, vous n'avez pas le droit d'aller dans les troupes...

M. Beauregard: Ah non!...

Le Président (M. Gobé): ...ontariennes ou au Nouveau-Brunswick.

M. Beauregard: ...et attention. J'oserais croire que, si le Québec avait juridiction sur la culture, ce ne serait pas que pour le développement de la culture française, francophone. Ce serait le développement de la culture au Québec toutes dimensions. Il ne faudrait certainement pas la concevoir comme étant strictement la promotion de la culture en langue française ou par des artistes de langue française. Je crois que jamais le Québec n'envisagerait une chose pareille.

Le Président (M. Gobé): M. Beauregard, je vous remercie. C'est tout le temps qui m'était imparti comme président et je dois maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, comme chacun le sait, vient de la pépinière ou du creuset culturel du Québec, le comté de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Bell m'échappe, malheureusement, M. Beauregard, mais on finira bien par modifier les frontières dans ma circonscription. Une première chose. Il faut dire que la Communauté économique européenne n'est pas une fédération comme la Fédération canadienne; c'est une confédération d'États souverains. Alors, c'est une distinction que le président de la commission, malheureusement, n'a pas établie au départ de son intervention.

Ceci dit, M. Beauregard, j'aimerais connaître votre opinion. Compte tenu des récentes offres fédérales où Radio-Canada, CRTC, ONF, Téléfilm, musées nationaux, Conseil des arts, etc., restent sous juridiction fédérale, compte tenu de cela, compte tenu du rapport Arpin dont vient de se dissocier, j'ai l'impression, le président de la commission, qu'est-ce qui reste comme transfert possible au Québec? Tous les leviers demeurent à Ottawa. Qu'est-ce qu'il y a de transférable maintenant? Le papier à en-tête?

M. Beauregard: Écoutez, je ferais commencer une distinction en ce qui concerne la juridiction sur les communications, télécommunications. Il y a toujours la difficulté qu'au niveau du CRTC, actuellement, il a à la fois juridiction sur des instruments de communication, au sens culturel du terme, et des entreprises beaucoup plus à teneur technologique comme les télécommunications. Le mandat est différent ici au Québec où vous avez un ministère des Affaires culturelles, d'une part, et un ministère des Communications, d'autre part.

Donc, j'écarterais d'emblée les considérations sur la juridiction sur les télécommunications bien que tout le monde le reconnaisse -Mme Hébert était au ministère des Communications - il est bien sûr que les télécommunications, en termes d'instruments de développement économique, sont extrêmement importantes et, bien sûr, technologiquement parlant, sous-tendent d'autres activités du domaine social et culturel. Mais, néanmoins, ce sont deux dossiers et deux questions qui peuvent très bien être dissociées. Pour ce qui concerne la culture, je vous le signalais, je regrette de ne point avoir d'opinion sur ce qu'il faut faire de Radio-Canada. Je vous avoue que je n'en sais rien et je ne suis malheureusement pas en mesure de me prononcer là-dessus.

Pour ce qui est de ce qui est offert dans les propositions, effectivement, c'est un volet qui ne semble pas extrêmement développé et je suppose qu'il y aura des précisions à venir au cours des travaux de la commission Castonguay-Oobbie. Il y aura certainement des interventions gouvernementales et autres qui chercheront peut-être à avoir plus de précisions, à savoir si l'absence d'une ouverture très marquée dans ce domalne-là signifie, par exclusion, qu'il n'en est pas question ou si c'est simplement, au contraire, quelque chose sur lequel on n'avait pas encore arrêté une ligne de pensée tout à fait définitive, au niveau du gouvernement fédéral.

M. Boulerice: Ceci dit, vous souhaitez que l'on encourage la vie culturelle en région, mais en même temps vous insistez pour que l'on évite le saupoudrage et, cette fois-ci, c'est saupoudrage géographique. Alors, est-ce que vous ne craignez pas qu'en évitant le saupoudrage l'on risque de favoriser la concentration des ressources dans certaines régions, alors que d'autres seront moins bien servis et que la vie culturelle de ces régions ira en s'appauvrissant comme ils s'appauvrissent à tous égards, faute, justement, de soutien financier adéquat à leurs organismes culturels? C'est un problème que connaît très bien M. le président de la commission, c'est le tragique problème de la région Nord-Pas-de-Calais, où sa seule chance de survie est le développement culturel, actuellement.

M. Beauregard: Là-dessus, je ne sais pas si ça serait présomptueux de dire que nous avons, par analogie, en tout cas, cette problématique à l'intérieur même d'une entreprise comme Bell Canada. On se pose assez régulièrement la question - Mme Chartier en sait quelque chose - à notre comité des contributions. Chez Bell Canada, nous nous adonnons à une certaine forme de saupoudrage, mais pas saupoudrage... Nous le faisons plutôt au sens de tenir compte de la réalité québécoise et nous aidons financièrement dans tous les milieux où nous sommes présents. Qu'il s'agisse du festival de folklore de Drummondville, du Festival d'été de Lanaudière ou de l'exposition à l'été à Trois-Rivières. Donc, nous saupoudrons dans une certaine mesure. Autrement dit, nous ne concentrons pas nos contributions seulement aux grands centres métropolitains de Montréal et de Québec ou encore à des institutions hautement reconnues. Nous faisons une certaine diffusion.

Notre lecture du rapport Arpin est à l'effet qu'il entretient, je pense, la même dynamique tout en mettant un poids important au rôle dévolu à Montréal et à Québec. Il reconnaît comme une composante globale les régions. Je pense que la façon d'éviter le saupoudrage serait justement, comme nous le suggérons, peut-être de faire en sorte que se développe dans ces régions-là un minimum de consensus sur ce qui mérite, entre guillemets, de voir le jour et d'être soutenu régionalement à l'intérieur d'une certaine assiette régionale.

Chez nous, par exemple, nous distribuons un budget de l'ordre d'à peu près un peu moins de 200 000 $ dans ce que nous appelons nos districts, de telle sorte qu'à Chicoutimi, à Sherbrooke, à Granby ou ailleurs le directeur du district peut disposer localement, je ne sais pas moi, de 20 000 $ ou à peu près à redistribuer, tout en nous dirigeant à l'administration régionale des demandes considérables souvent dans le

domaine de la santé, par exemple, où il peut y avoir la campagne d'un hôpital ou autrement dont le district ne peut pas s'acquitter. Mais les entreprises culturelles du milieu, sauf quand elles prennent une certaine ampleur - je donnerais entre autres le festival de folklore de Drummondville comme un bon exemple où l'apport de Bell à titre de commanditaire va être assez substantiel...

Enfin, j'ai oublié de mentionner un point qui peut être important. Dans les montants de contribution que nous faisons et les pourcentages dont je vous ai parlé, ça n'inclut pas les entreprises à caractère purement promotionnel où l'entreprise y va pour des considérations commerciales d'abord, mais où les retombées sont intéressantes en termes de support aux arts et à la culture. Je fais allusion, par exemple, à des choses comme le festival Juste pour rire, le Festival international de théâtre ou des choses comme ça. Est-ce que ça répond à votre question, M. Boulerice?

M. Boulerice: Oui, mais on va poursuivre, M. Beauregard. Sans faire de la maïeutique avec vous, est-ce que vous n'êtes pas en train de me dire que vous souhaiteriez, dans le cas des régions, qu'elles soient dotées d'une enveloppe autonome gérée par elles-mêmes?

M. Beauregard: C'est intéressant. Je n'y avais pas pensé. Je ne me permettrais pas de le suggérer comme ça tout à fait spontanément, mais ça mériterait peut-être examen, peut-être pas d'une façon aussi systématique, mais il me semble que Mme la ministre voudrait se saisir d'une recommandation comme ça. Il y aurait peut-être lieu, effectivement, de voir si on ne peut pas penser à des choses comme ça. Je n'ai pas d'opinion précise. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est ce que je fais chez Bell.

M. Boulerice: Bien alors, M. Beauregard, cela peut peut-être vous étonner, mais vous n'êtes pas si éloigné du Parti québécois que cela. Ça fait partie de notre programme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ceci dit avec beaucoup d'amitié, on se connaît depuis longtemps. Vous souhaitez que l'aide à la création soit davantage orientée à partir d'incitatifs fiscaux plutôt que par des subventions. Est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite à ce niveau-là?

M. Beauregard: Écoutez, nous avons dit, par ailleurs... On n'est peut-être pas d'une cohérence parfaite. On a indiqué qu'en ce qui concerne le support à la création nous reconnaissions qu'il y avait un rôle certainement direct de l'État là-dessus. Je pense que c'est quelque part dans notre mémoire où on dit que, dans le cas de l'aide à la création, vous avez affaire souvent à des artistes un peu isolés et qu'on ne peut, par conséquent, ne pas les subventionner par un organisme existant. Qu'un support à la création puisse venir du ministère, oui.

D'un autre côté, dès lors, en tout cas, que... Et, même, ça pourrait s'appliquer à des artistes individuels, s'il y avait des incitations fiscales, par exemple, de l'ordre... comme ce qu'on fait dans le domaine de la recherche et développement, tout à fait dans le sens de ce que vos interlocuteurs de Carbone 14 un peu plus tôt signalaient en disant: Des compagnies de ce type-là qui s'adonnent à la création, il y aurait peut-être lieu d'avoir des incitations fiscales autres que la simple déduction pour fins philanthropiques, un peu comme certains régimes fiscaux ont été établis pour aider les entreprises où vous avez, comme dans le cadre du REA, par exemple, des déductions accélérées à 150 %, par exemple, pour fins fiscales, des choses comme ça. Il y aurait peut-être une voie à explorer de ce côté. (15 h 30)

M. Boulerice: M. Beauregard, il y a un mécénat qui se développe - bon, certains pourraient être tentés de dire lentement - mais moi, je dis qu'il se développe quand même au rythme normal compte tenu de l'état où nous étions, disons, je ne sais pas, moi, il y a 15 ans, 20 ans. C'est une tradition qui est quand même nouvelle dans notre société, comparé à d'autres sociétés européennes, ou même si on regarde nos voisins du Sud. Quand vous parlez de l'implication des entreprises, donc, du mécénat d'entreprises, vous le faites via le biais de la fiscalité, qui est effectivement un levier extrêmement intéressant, et vous annoncez, sans être précis - et c'est là que je vais vous demander de l'être - qu'on devrait jouer encore davantage le levier de la fiscalité. Alors, est-ce que vous avez des mesures concrètes, nouvelles à suggérer à ce niveau-là?

M. Beauregard: II pourrait peut-être y avoir - ce n'est pas dans notre mémoire puis je vous avoue que c'est plutôt en réponse à votre provocation que je l'émets - un régime semblable un peu aux SPEQ, ces organismes régionaux qu'on... Non, c'est des fois à l'échelle de la province. La Chambre de commerce, je pense, de la province de Québec avait été pour quelque chose dans l'établissement de ce mécanisme-là, au fond, constituer des espèces de sociétés de capital de risque pour fins de compagnies culturelles.

Est-ce qu'elles y ont accès à l'heure actuelle? Je vous avoue que je n'en suis pas certain. Est-ce qu'il y a un lieu où des Initiatives culturelles peuvent trouver l'équivalent des capitaux de risque? Je ne le crois pas et il y aurait peut-être lieu d'y penser. C'est un des mécanismes auxquels je pense, en tout cas.

M. Boulerice: À la provocation, vous me

cédez l'occasion d'une autre, M. Beauregard. Le vice-président de la commission et député de Shefford revient d'Autriche où "culture", forcément, en langue allemande, commence par un k. Il pourra vous dire que le mot "culture" en Autriche a une résonnance et une consonnance extrêmement fortes. Là, vous parlez de capital de risque. Que répondez-vous, M. Beauregard, face au mécénat, puisque votre puissante entreprise y participe, que le mécénat agit, mais toujours dans la culture avec non pas un k, mais un grand C, que le mécénat ne va jamais vers le capital de risque? Et pour cela, mol, j'en prends... j'utilise toujours plutôt un exemple, l'exemple dit des Foufounes électriques. Aux lieux de la contreculture, à Montréal - je vous épargnerai la circonscription - jamais on n'a bénéficié de mécénat, à l'exception d'une brasserie qui a trouvé son avantage dans le décapsulage, mais les jeunes peintres, par contre, entre guillemets, qualifiés de farfelus à l'époque sont maintenant dans les galeries prestigieuses. Donc, on reproche souvent cela au mécénat, qu'il est culture avec un grand C.

M. Beauregard: D'accord. Je dirai là-dessus que, en ce qui concerne l'expérience de Bell en tout cas, ce n'est pas tout à fait exact. Cependant, dans nos critères pour subventionner et pour supporter une entreprise culturelle ou autre, il y a toujours l'intérêt de ne pas choquer nos actionnaires. On hésiterait à supporter un organisme - et c'est vrai dans le domaine social comme dans le domaine culturel - un organisme qui serait susceptible, à un moment donné, de faire les manchettes d'une façon très péjorative parce que c'est quand même l'argent des actionnaires que nous utilisons en l'occurrence, dans un service public comme nous, également de nos abonnés et clients. Donc, on hésite à commettre des sommes dans des choses pour lesquelles on pourrait nous reprocher ne pas faire bon usage des fonds de la compagnie.

Cependant, bien qu'il y ait ce critère, donc, d'une acceptabilité de l'entreprise en question par le public en général, on s'est toujours réservé une marge de manoeuvre pour encourager des choses nouvelles, des initiatives, et je vous dirai que, pratiquement dès l'origine, par exemple, de la Ligue nationale d'improvisation, nous avons été un des trois ou quatre supporteurs majeurs. Ça ne disposait pas, à ce moment-là, d'une auréole particulière ni d'une consécration quelconque.

Donc, dans le cas de Bell Canada, je peux vous assurer qu'il y a une partie... Je me référerais à la partie de notre mémoire où on fait allusion à ce que j'appellerais un portefeuille équilibré. Mais je sais qu'il y a des entreprises qui hésiteront peut-être à s'aventurer le moindrement. Mais dans le cas de chez nous, encore une fois, nous croyons avoir un portefeuille équilibré.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: En conclusion, très brièvement, c'est la ministre qui, malheureusement, a essuyé tous les torts pour ce qui est des Parfaits salauds, sauf que mon collègue le député de La-Fontaine était témoin avec moi, à La Rochelle cet été, que les Parfaits salauds ont quand même fait un tabac, pour employer le langage du métier, aux Francofolies de La Rochelle. Alors, choquer vos nobles sociétaires et vos abonnés, eh bien moi, j'accepte bien d'être choqué en tant qu'utilisateur de Bell et actionnaire très très minoritaire.

Bon, alors, écoutez, je vais vous remercier, M. Beauregard. C'est dommage! J'aurais aimé aborder avec vous tout le volet de l'éducation, compte tenu de vos antécédents dans ce domaine. Je vous remercie, Mme Chartier, et peut-être rappeler au bénéfice de tous la petite conversation que nous avions en aparté où c'était ce chef du Nouveau Parti démocratique canadien qui parlait d'institutions comme la vôtre en les traitant de "corporate bums". Moi, je disais que dans le domaine de la culture vous êtes quand même devenus des "corporate chums". Et je vous invite à poursuivre, M. Beauregard. Encore une fois, merci. Merci, Mme Chartier.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, avant que vous fassiez un petit mot de conclusion, j'aimerais juste reprendre une petite remarque que mon collègue et ami le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a faite. Ce n'était pas le président de la commission qui s'est dissocié du rapport Arpin; c'est simplement qu'il s'interrogeait sur certains aspects de ce rapport. Pour m'en dissocier, je réserve mon jugement pour la fin de cette commission, après avoir entendu tout le monde. Ceci étant dit, Mme la ministre, je vous passe la parole pour votre conclusion à vous aussi.

Mme Frulla-Hébert: M. Beauregard, Mme Chartier, d'abord, évidemment, on essaie d'inciter le partenariat le plus possible. Il y aura d'autres grandes entreprises. On a eu Québec-Téléphone, la semaine dernière, qui, comme vous, participe à plusieurs niveaux au développement culturel. Ce que l'on retient aussi, c'est cette implication qui n'est pas seulement dans les grands centres, mais aussi au niveau des régions. Encore une fois on a besoin de vous. Il y a certaines suggestions qui seront regardées, surtout au plan de la fiscalité, pour voir ce que l'on peut faire. Mais, évidemment, le mécénat est tellement important parce que, veux veux pas, tout ce partenariat entre l'entreprise privée et le gouvernement, et aussi les municipalités, doit être encore plus fort et serré pour justement être à la mesure de nos ambitions. Alors, merci encore d'être ici.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Beauregard, Mme Chartier, au nom des membres de cette commission, je vous remercie. Ceci met fin à votre intervention. Je vais donc maintenant appeler le groupe suivant, qui est le Conseil régional de la culture de la Côte-Nord. Je vais suspendre les travaux une minute afin qu'il puisse prendre place. Par la suite, mon collègue et ami le député de Louis-Hébert prendra ma place pour la fin de la journée à cette présidence.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue aux membres du Conseil régional de la culture de la Côte-Nord. Je vois qu'ils sont déjà installés en avant. Je leur indique les règles qui nous gouvernent - elles sont connues: une quinzaine de minutes pour la présentation de votre mémoire; après ça, la conversation, la discussion s'engage avec les membres de la commission pour le reste du temps. Je vous suggère de faire les présentations et, après ça, de procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire.

Nous vous écoutons. Vous avez la parole.

Conseil régional de la culture de la Côte-Nord

Mme Arseneault (Denise): Alors, je suis Denise Arseneault, présidente du Regroupement des diffuseurs de spectacles de la Côte-Nord. J'ai, à ma droite, Jean-Roch Gagnon, qui est le directeur de la BCP de la Côte-Nord et président du Regroupement des bibliothèques publiques de la Côte-Nord; à l'extrême droite, Réal Canuel, le directeur général du Conseil régional de la culture de la Côte-Nord; à ma gauche, M. Richard Fortin, porte-parole du Regroupement des troupes de théâtre professionnelles de la Côte-Nord; et, à l'extrême gauche, Morel Thé-riault, qui est producteur d'une troupe de théâtre à Baie-Comeau qui s'appelle La Chant'Amuse.

Le Président (M. Doyon): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je voudrais excuser mon collègue Ghislain Maltais, qui est député de Saguenay, qui devait être ici cet après-midi. Il m'avait indiqué son intention de venir vous rencontrer. Sa mère est décédée hier matin. Alors, vous voudrez probablement vous joindre à nous pour lui offrir nos plus sincères condoléances, tout en comprenant les circonstances qui l'empêchent d'être avec nous. Vous avez la parole.

Mme Arseneault: Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, nous parta- geons la volonté exprimée par l'ensemble des intervenants culturels au Québec de mettre en place une véritable politique sur la culture. Afin de concrétiser cette affirmation, la politique sur la culture devra permettre de hisser la culture au premier plan des préoccupations de l'État, s'appuyer sur la dynamique de toutes les régions du Québec en reconnaissant leur singularité et leur apport à l'enrichissement de la culture nationale et internationale, et confirmer le droit des citoyens et citoyennes de toutes les régions du Québec, sans discrimination, à la vie culturelle dans toutes ses composantes.

Afin d'appliquer ce droit, nous croyons que l'État doit, d'une part et principalement - on ne lira pas tous les devoirs - particulièrement reconnaître qu'une région-ressource comme la Côte-Nord, malgré son éloignement des grands centres et parce que éloignée des grands centres, a droit à des services culturels de qualité. Ces services culturels doivent s'articuler autour d'équipements professionnels et s'appuyer sur une vie culturelle où les créateurs ont la possibilité de produire et de diffuser leurs créations Ici et ailleurs.

L'État doit reconnaître également, financièrement, le droit des milieux culturels de la Côte-Nord à disposer d'organismes régionaux les regroupant, permettant le partage de l'expertise et la réalisation de projets collectifs. Or, bien que la plupart des propositions du groupe-conseil semblent être susceptibles de permettre cette dynamique, il n'en demeure pas moins que l'ensemble comporte pour une région comme la nôtre des signes avant-coureurs de recul. On sent dans le rapport Arpin une atmosphère centralisatrice.

La culture, en région excentrique - c'est le cas de la Côte-Nord... On ne vous lira pas tout ce que c'est que la région Côte-Nord. Pour ceux et celles qui la connaissent plus ou moins bien, on a pris soin de joindre une carte en annexe.

Très rapidement, on peut vous dire que la Côte-Nord s'étend sur 1300 kilomètres le long de la côte du Saint-Laurent, entre Tadoussac et Blanc-Sablon. On peut dire que la région de la Côte-Nord, c'est trois régions dans une, à savoir par la route, d'une part, où on peut faire de Tadoussac à Havre-Saint-Pierre; d'autre part, par voie aérienne ou encore par voie maritime, on peut faire Havre-Saint-Pierre jusqu'à Blanc-Sablon et, bien entendu, les fameuses villes nordiques, à savoir Fermont et Schefferville.

On pourrait également vous dire qu'un billet d'avion de Baie-Comeau à Blanc-Sablon coûte 1100 $. Vous savez aussi bien que moi combien coûtent les billets d'avion pour aller un peu partout dans le monde ou au Canada. On peut vous dire également que nous avons quatre langues chez nous, alors, à savoir le français, l'anglais, dans 13 localités, le montagnais, dans 8 réserves, et le naskapi, dans une réserve. Ce sont nos particularités chez nous.

L'investissement personnel, le fort appui du milieu et une aptitude hors du commun - d'ailleurs, c'est propre aux développeurs de régions éloignées - de faire beaucoup avec peu expliquent en grande partie que, malgré le manque d'appui des paliers provincial et fédéral, les créateurs et organismes d'ici réussissent à développer une vie culturelle originale et stimulante qui rayonne aux plans national et international.

Sur le plan de la création, par exemple, on remarque la présence d'une soixantaine de créateurs professionnels en métiers d'art, en arts visuels, en littérature, en théâtre et en musique. Ceux-ci travaillent individuellement ou à l'intérieur d'organismes, notamment en arts d'interprétation. D'ailleurs, les organismes culturels sont dispersés à la grandeur de la Côte-Nord. On les retrouve dans les secteurs de la muséologie, de la diffusion de spectacles, du théâtre, des métiers d'art, des arts visuels, de l'enseignement de la musique, de la danse, de l'histoire du patrimoine et, bien naturellement, dans le domaine de la littérature. Ces organismes, au nombre d'une centaine, opèrent sur une base locale. Leur gestion repose presque exclusivement sur des bénévoles, sauf dans certains cas, dont celui des bibliothèques publiques autonomes.

Du côté des équipements, une grande année, 1991, les infrastructures de production sont inexistantes. Celles de diffusion se limitent à un musée à Sept-îles, à des bibliothèques, à quelques centres d'interprétation et à deux salles de spectacle à Baie-Comeau et Sept-îles en construction depuis 1991.

En ce qui regarde les ressources financières, notons que moins de 1 % du budget de transfert du ministère des Affaires culturelles a été versé sur la Côte-Nord au cours de l'année 1989-1990, alors que la population représente 1,6 % de celle du Québec. Si nous ajustions les budgets de transfert sur le pourcentage de la population, l'enveloppe régionale passerait de 1 500 000 $, à 2 500 000 $. Cet écart entraîne le questionnement suivant: Recevons-nous notre juste part de l'État? Quel niveau de développement culturel aurions-nous atteint si cet écart financier n'avait pas existé? N'ayant pu bénéficier de ces ressources, serons-nous de nouveau pénalisés par une politique culturelle reposant sur la philosophie d'intervention développée par le groupe-conseil du rapport Arpin? Qu'advien-dra-t-il des enveloppes régionales qui ont permis depuis 10 ans l'émergence d'une vie culturelle dans notre région?

Une région comme la Côte-Nord, dont la vie culturelle est nécessairement assujettie à des conditions d'existence propres aux régions excentriques, est très vulnérable à l'application d'une politique dont les prémisses reposeraient sur des paramètres établis en fonction de Montréal et de Québec.

Par exemple, les impacts sur le financement.

Le rapport souligne de façon très signifiante le rôle et l'impact de deux centres urbains majeurs: Montréal, la métropole, et Québec, la capitale. Nous croyons qu'une trop grande polarisation du financement dans les grands centres aura pour résultat de désavantager les régions. Pour nous, il n'est pas certain que les municipalités et l'entreprise privée sont prêtes à compenser le retrait du ministère des Affaires culturelles des secteurs les plus vulnérables.

Une des orientations Importantes suggérées par le groupe-conseil est de soutenir prioritairement les grandes institutions nationales, les compagnies hautement performantes et tout ce qui est de nature à avoir un rayonnement national et international. Or, la plupart des organismes concernés se trouvent principalement dans les grands centres. Le groupe-conseil affirme que ces organismes souffrent d'un sous-financement de la part de l'État. Il suggère donc la rationalisation des budgets des Affaires cuftureiies afin d'augmenter son soutien à ces organismes. Pour ce faire, il propose différents moyens, dont concentrer financièrement le rôle prépondérant de Montréal et de Québec; établir des évaluations nationales des organismes subventionnés par le ministère des Affaires culturelles; susciter un accroissement des contributions des municipalités.

Une telle dynamique entraînera inévitablement une baisse du soutien financier du ministère des Affaires culturelles dans notre région. Nous savons que le développement culturel de la Côte-Nord est véritablement apparu quand l'État a décidé d'implanter des directions régionales avec des programmes de soutien qui ont permis d'augmenter la qualité professionnelle des interventions. Indépendamment des réalisations de très bonne qualité produites sur la Côte-Nord dans tous les domaines de la vie culturelle, la plupart des organismes sont jeunes et ne disposent pas des moyens et des conditions prévalant généralement dans les grands centres. Ils seront donc marginalisés lors des évaluations dites nationales, car on ne tiendra probablement pas compte des conditions très particulières dans lesquelles ils travaillent.

On semble vouloir démontrer que les grandes institutions devraient être financées pour venir porter la culture partout au Québec, alors que nous croyons que nos institutions régionales (musées, diffuseurs et autres) devraient être financées pour établir leur propre programmation de spectacles et d'expositions, parce que plus proches du consommateur. Le désengagement financier de l'État serait suivi du déplacement des sphères de décision des régions vers le central.

Même s'il est bien connu que les relations des clientèles avec les directions régionales sont parfois épiques, qu'en serait-il avec des dossiers traités par des fonctionnaires détachés de nos réalités régionales? Les régions devraient alors

se tourner vers les municipalités et l'entreprise privée pour relever le défi du développement culturel. À ce moment, il faut quand même se poser la question suivante: Si le ministère des Affaires culturelles se retire des régions et que les municipalités et le secteur privé ne s'impliquent pas davantage, qui va soutenir l'émergence d'artistes et de créateurs? Car, en ce qui regarde l'implication des municipalités et du secteur privé, il nous semble présomptueux de vouloir faire des choix en supposant que la facture sera nécessairement assumée.

Notre vie culturelle, chez nous. Alors, les impacts que le groupe-conseil a soulevés dans notre région, ça a été un vent de scepticisme. De nouveaux scénarios de modes de distribution des subventions envisagés au ministère des Affaires culturelles ou déjà en application ont démontré à une partie de nos clientèles que les tendances en cours ont comme conséquence de réduire le soutien financier déjà considéré comme minimal. Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de demander de soutenir des organismes qui comportent des carences artistiques et administratives chroniques, mais bien d'émettre un signal clair à ceux qui font oeuvre de pionniers dans le domaine et la consolidation de la vie culturelle dans une région considérée comme marginale par la majeure partie des Québécois. On oublie de prendre en considération les conditions particulières d'action dans une région comme la nôtre. Les créateurs en région doivent participer à dynamiser la culture globale du Québec.

Or, l'impact de plusieurs recommandations centralisatrices inquiète les professionnels de la Côte-Nord. Les créateurs concourent avec les autres intervenants régionaux, principalement les diffuseurs, à tramer le grand tissu national qui supporte la consommation des arts au Québec. Enlever le soutien à la création en région, c'est concourir à introduire dans un milieu un sentiment d'impuissance, de morosité et de frustration. Nous croyons que la' création en région est essentielle à la bonne santé culturelle du Québec. C'est une question d'estime de soi nationale.

Les créateurs sont, en bonne partie, employés par des organismes culturels, notamment ceux du secteur des arts d'interprétation, lis sont donc directement affectés par la politique ou pratique administrative affectant ces organismes. Cet aspect demeure peu visible dans le rapport du groupe-conseil. Il ne suffit pas d'énoncer qu'on souhaite supporter l'excellence et l'innovation. Si les artistes ne sont pas employés, leur statut ainsi que leur conditions socio-économiques demeurent on ne peut plus précaires.

Du côté de l'impact social et économique, il est généralement admis que la vie culturelle, avec ses activités de diffusion, constitue une composante majeure de la qualité de vie d'une collectivité. La vie culturelle a des conséquences inévitables sur l'attrait de notre région pour les entreprises qui doivent compter sur des ressources humaines qualifiées dans des domaines de pointe. De plus, la contribution de la culture à l'industrie touristique ne fait pas de doute.

En ce qui regarde un véritable partenariat culturel, nous croyons qu'il devrait être clairement établi qu'en premier lieu les créateurs et les promoteurs culturels sont les véritables experts et initiateurs de la vie culturelle.

Nous allons immédiatement dans les recommandations qui sont au nombre de 12 et toutes très importantes. Une politique de la culture et des arts au Québec devrait s'appuyer sur les dynamiques culturelles de toutes les régions du Québec; reconnaître le grand apport des régions à l'enrichissement de la vie culturelle du Québec; admettre, en ce qui concerne la création, qu'aucune région ne peut prétendre à un rôle prépondérant; introduire des principes de modulation à l'avantage des régions; prévoir des budgets de base significatifs pour chaque région excentrique. Ces budgets devraient être réservés et disponibles tout au cours de l'année financière et être protégés par l'inflation; accorder la gestion de ce budget régional à la direction régionale du ministère des Affaires culturelles. Le mode de gestion devrait permettre l'implication des partenaires financiers du ministère et des milieux culturels; garantir que le ministère des Affaires culturelles ne puisse se retirer d'un secteur d'activité présentement soutenu financièrement sans qu'il se soit assuré qu'un partenaire accepte d'en prendre la relève; exiger que tout exercice d'évaluation nationale tienne compte des réalités régionales et que toute recommandation découlant de ces évaluations soit l'objet d'une étude d'impact rendue publique dans chaque région concernée avant d'être mise en application; suggérer l'élaboration d'un programme permettant aux organismes culturels d'Inciter financièrement la relève à venir ou revenir en région à la fin de sa formation académique; instituer un poste d'ombudsman de la culture contrôlant les relations entre le ministère des Affaires culturelles et les milieux culturels; associer les partenaires financiers du ministère et les milieux culturels à l'élaboration et à l'évaluation des programmes de soutien; et, enfin, reconnaître financièrement la mission des conseils régionaux de la culture en région excentrique.

En conclusion, le Québec d'hier sans politique culturelle ne s'est jamais limité qu'à une métropole et une capitale. Nous vous invitons à élargir cette vision en envisageant le Québec culturel de demain comme une symbiose de toutes les régions du Québec. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Arseneault. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bonjour Mme Arseneault, bonjour à vous tous. La dernière fois qu'on s'est rencontrées, c'était chez vous. J'ai

trouvé aussi très intéressant de prendre - on a eu notre première discussion ensemble - conscience du mémoire qui regroupe la position d'une centaine d'intervenants de chez vous. Je voulais souligner cette initiative. J'aimerais qu'on revienne à cette perception au niveau des régions, Montréal et Québec. Je pense que ce serait ridicule de penser que la culture puisse se développer sans chacune de ces régions distinctes, autant qu'il serait ridicule de penser que Montréal n'est pas une métropole et Québec n'est pas une capitale. Et ça, on s'entend là-dessus.

Maintenant, quand vos parlez de l'engagement de l'État... Vous avez parié de l'engagement de l'État, effectivement. Ce sont des villes qui sont neuves. Elles ont aussi un dynamisme qui est relativement jeune plutôt chez vous. Je me dis: l'État s'est quand même impliqué. Il y a une décentralisation du ministère. Ça, je vais y revenir parce que c'est important au niveau de notre planification future. Ça, c'est une chose. Deuxièmement, on a été quand même conscients du manque en termes d'infrastructures. La preuve, entre autres, la salle de concert de Baie-Comeau et celle de Sept-îles que je viens d'annoncer chez vous qui sont quand même des équipements de 8 000 000 $ puis de 10 000 000 $...

Mais est-ce que ces équipements-là, d'une part, c'est trop gros? Est-ce que ce sont des équipements qui sont appropriés? Je vous le demande parce que l'intervention de Carbone 14 m'a fart réfléchir, dans un sens où on nous demande des infrastructures. Finalement, on vient à bout de mettre tous les partenaires ensemble. Ça prend du temps; on les a, on dote les régions de ces infrastructures-là qui sont des infrastructures de pointe et à plusieurs millions de dollars. Je veux juste savoir si les infrastructures qu'on est en train de construire sont des infrastructures qui sont appropriées aux besoins du milieu, d'abord, et aux besoins de la population.

Mme Arseneault: Bien, définitivement, ces infrastructures-là étaient des besoins et, pour savoir que les deux salles vont contenir quelque 800 places à Sept-îles et 850 à Baie-Comeau, ça répond à un besoin chez nous. Pour faire la diffusion présentement dans des conditions, écoutez, où on installe des chaises de métal à chaque fois que nous recevons un spectacle d'ordre national, ce qu'on appelle le TPQ, la troupe de Jean Duceppe ou quoi que ce soit, nous avons présentement une moyenne de 350 à 400 personnes au niveau du théâtre.

Lorsqu'on parie de variétés, de bonnes variétés, c'est sûr qu'on frappe, nous autres aussi, quelquefois, des mauvais soirs. Mais lorsqu'on parle de variétés qui vont bien, des Luc de Larochellière, des groupes de ce style-là - on ne parlera pas des Céline Dion, parce que ça fait les arenas présentement pour des questions de production - nous avons, à l'heure actuelle, 600 billets vendus régulièrement. C'est la capacité maximale de nos salles, toujours comme je vous dis, avec des chaises de métal, tout le monde en rangée d'oignon et personne ne peut plus ou moins bien voir et plus ou moins bien entendre.

Depuis plusieurs années, pour être dans la diffusion depuis 15 ans, on nous dit régulièrement, les gens: On a arrêté d'aller voir du théâtre; on a arrêté d'aller voir des beaux spectacles parce qu'on est dans des conditions plus ou moins bonnes. Nous savons que, chez nous, sur la Côte-Nord, nous avons quand même des salaires dans la bonne moyenne. Nous traversons des difficultés aussi au niveau de différentes entreprises et industries, mais quand même nos gens seraient capables, demain matin, de s'offrir les billets pour venir voir les spectacles parce que je sais que, dans le rapport RIDEAU, on soulevait un peu ce point-là. Mais chez nous, le point qu'ils soulevaient, ce sont les mauvaises conditions de réception des spectacles. Donc, nos salles de 800 et de 850 devraient se remplir assez facilement, tout en faisant un bon travail de développement et de concertation. (16 heures)

Mme Frulla-Hébert: Au niveau, finalement, du développement de vos artistes spécifiquement locaux... Parce que c'est ça, finalement, on parie de régions. On ne veut pas être que réceptacle, dans le fond. Comme on en avait discuté, effectivement, les gens veulent produire, veulent se montrer, veulent aussi s'exporter dans d'autres centres du Québec et aussi internationalement, et ils y ont droit. Au niveau, justement, de cette production locale, en termes de conditions de milieu, est-ce que c'est suffisant ou, enfin, est-ce que les conditions, ne serait-ce qu'avec ces ajouts de ces infrastructures-là et de ce qui existe actuellement... Est-ce que vous êtes dans la bonne mesure, en fait, pour assurer ce développement-là?

Mme Arseneault: Oui et non. C'est-à-dire que lorsqu'on parie de formation, par exemple, chez nous, il y a des carences assez importantes. Si je pense à la musique, par exemple, chez nous, il n'y a pas de conservatoire de musique, du tout, du tout. Certains parents qui peuvent se payer ces choses-là ont traversé dans l'est du Québec pour aller à Rimouski chercher des services de formation musicale de pointe, que j'appellerais. On est plus ou moins, à l'heure actuelle, dans de bonnes dispositions financières et de bonnes dispositions aussi d'échanges pour pouvoir faire venir les professeurs chez nous. C'est trop dispendieux.

À l'heure actuelle, les programmes du ministère des Affaires culturelles ne facilitent pas ça, on en a déjà parié. Par exemple, au niveau de nos orchestres à cordes, de notre groupe polyphonique ou de nos musiciens - les gens, à l'heure actuelle - le programme des

Affaires culturelles ne répond pas à ce genre de programme où on pourrait aller chercher des services dans l'est du Québec ou encore au Saguenay-Lac-Saint-Jean où il y a des professionnels en musique qui pourraient nous donner des services, à un moment donné, de plus haut calibre, parce qu'on est rendu là. On devient saturé, à ce moment-là.

Nos jeunes qui veulent faire soit de la danse, de la musique, du théâtre ou des trucs à plus haut niveau sont obligés de s'en aller excessivement jeunes de chez nous. On peut sortir des exemples comme Gérald Lévesque ou Marie-Josée Simard qui ont dû, malheureusement, quitter la Côte-Nord à 10 ou 12 ans pour être capables d'aller chercher leur formation parce que chez nous on n'était pas capable de la leur offrir.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, on en vient aux relations entre chez vous et les grands centres parce que, quelque part dans fa spécialisation, on ne peut pas doter partout tout le monde d'équipements ou, enfin, d'enseignement même très, très spécialisé. C'est difficile. C'est difficile d'avoir des ressources. Les ressources existantes sont souvent concentrées. Même au niveau du Québec il n'y en a pas à ce point-là. J'essaie de voir ce serait quoi, le mécanisme à développer pour aider justement les gens de chez vous en relation avec les grands centres.

Mme ArseneauH: Vous avez raison, madame. On ne veut pas avoir, demain matin, une structure de béton avec un conservatoire de musique, à Baie-Comeau; ce serait utopique et ce serait charrier. Ce qu'on aimerait avoir, c'est la possibilité d'entreprendre des programmes d'échanges, à un moment donné, où, par exemple, les professeurs du Conservatoire de Rimouski pourraient venir chez nous, peut-être une fois par mois, des choses comme ça, mais qu'on ait accès à ces programmes où on peut faire venir ces professeurs-là. C'est ça, à l'heure actuelle, qui est très, très difficile, chez nous. Quand les gens font les demandes de subvention au ministère des Affaires culturelles, il y a toujours une espèce de case, à un moment donné, où il est impossible d'entrer pour pouvoir avoir accès à ces programmes-là.

C'est dans ce sens-là que, chez nous, on dit qu'on est une région excentrique et qu'il faudrait avoir des programmes appliqués. C'est dans ce sens-là, à un moment donné, de voir à... On n'a pas le choix, on est pris pour aller dans les autres régions. Quand je dis "on est pris"... C'est-à-dire qu'on n'est pas si malheureux que ça, sauf que... Qu'on nous donne la possibilité de le faire et qu'on nous donne les moyens de le faire. À l'heure actuelle, quand on regarde soit l'École de musique de Sept-îles ou celle de Baie-Comeau, tout leur argent passe uniquement pour les cours de base de musique. Quand elles viennent pour monter d'un cran ou monter d'un niveau, elles n'ont plus d'argent, elles sont limitées, à ce moment-là. Elles ne peuvent pas faire venir les professeurs de Rimouski parce qu'on ne leur permet pas d'avoir accès à des frais de transport, par exemple, à l'intérieur d'un programme de soutien. C'est dans ce sens-là qu'il faudrait regarder ça de plus près avec les directions régionales.

Mme Frulla-Hébert: Ce dont vous me partez, finalement, ce sont des programmes... Au lieu d'avoir des programmes... Les programmes ont été faits de telle sorte qu'il fallait développer le Québec, donc... On pourrait avoir des programmes maintenant qui sont modulés et beaucoup plus souples et appropriés aux besoins des régions distinctes, dans le fond.

Alouette. Vous savez, les grandes entreprises telles que Alouette veulent justement améliorer la qualité de vie pour leurs employés et... Est-ce que ces entreprises-là participent - parce qu'elles sont là, elles sont aidées aussi à s'établir dans les différentes régions, elles sont aidées par le gouvernement... Est-ce qu'elles redonnent ou est-ce que vous le sentez qu'elles redonnent à la population, justement, en termes de développement au niveau de la qualité de vie, donc directement associé à la culture?

Mme ArseneauH: Je vais laisser la parole à Réal Canuel, le directeur du Conseil régional de la culture, parce qu'il est au courant justement de la compagnie Alouette et des efforts.

M. Canuel (Réal): Bon, je pourrais peut-être parler aussi un petit peu des autres compagnies, mais pour ce qui est d'Alouette, en particulier... C'est parce que le cas est... Bon, l'entreprise est toujours en construction et comme le directeur des relations publiques nous le disait: Écoutez, on va vous aider un peu, mais attendez qu'on coule notre premier lingot. Là, on pourra s'impliquer davantage.

Mais il y a une implication importante dépendant de la compagnie. La Compagnie de papier à Baie-Comeau investit, bon an, mal an, 100 000 $, 150 000 $ dans la culture dans la région de Baie-Comeau. C'est une somme qu'on considère quand même comme considérable. Plus récemment, on a mené une campagne de levée de fonds pour le projet de l'histoire de la Côte-Nord en collaboration avec l'Institut québécois de recherche sur la culture. On est allé chercher au-dessus de 350 000 $, les entreprises, les municipalités, les institutions.

Encore plus récemment... On est présentement en train de coordonner avec l'École supérieure de danse une tournée de 24 jours de la troupe Le jeune ballet du Québec dans six villes de la région, incluant une des villes nordiques dont on a parlé plutôt, Fermont, et on a obtenu, de la part des trois compagnies

minières et de la Compagnie de papier, des commandites équivalant à peu près à 20 000 $. Alors, il y a vraiment une contribution. C'est nouveau pour nous, par exemple, ce genre de démarche là. On n'avait pas l'habitude d'approcher les compagnies - il y avait une certaine crainte - pour des sommes qu'on trouvait quand même assez importantes. On se demandait, bon... On était un peu intimidés. Là, cette étape-là est franchie et on est très encouragés par les résultats et je pense qu'on va poursuivre cette démarche-là. On a comme l'impression qu'on va atteindre... On va avoir des développements intéressants.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Verchères.

Mme Dupuis: Oui, bonjour madame. Bonjour messieurs. Vous avez parlé tantôt du problème de la formation artistique, qu'ils devaient s'éloigner un peu ou aller dans d'autres centres pour acquérir une formation dans le domaine des arts. Maintenant, êtes-vous en mesure de me dire, lorsqu'ils ont leur formation, s'ils viennent s'installer dans la région ou s'ils doivent s'éloigner au point de venir à l'université à Montréal ou des choses comme ça? Est-ce qu'ils retournent ou si ça se vide complètement de tout son bassin de créateurs, de son potentiel de créateurs?

M. Fortin (Richard): Je pourrais répondre, madame.

Mme Arseneault: Richard est...

M. Fortin: En général, évidemment, c'est sûr que pour aller chercher une formation académique ou autre - professionnelle - II faut sortir de la région. Maintenant, certains et certaines reviennent pour essayer de tenter des aventures d'installation, d'établissement. On a vu le cas d'une troupe à Sept-îles, l'an dernier, qui a essayé de s'installer. On a vu le cas de la troupe avec laquelle je travaille, La Chant'Amu-se, où des gens sont allés étudier à l'extérieur, sont revenus, ont implanté une compagnie de création qui se spécialisait particulièrement en comédie musicale, etc.

Évidemment, les marchés de ces régions-là sont en plein développement. On a des résultats déjà satisfaisants à certains égards, mais il reste que de travailler... C'est déjà difficile, à Montréal et à Québec, pour les compagnies de couvrir leur année, de faire travailler leurs artistes toute l'année, de les faire vivre. Il y en a qui vivent, qui réussissent à s'en sortir honorablement et même très honorablement. Mais on sait bien que la plupart des artistes au Québec ont de la difficulté à avoir un niveau de vie appréciable et équitable. Alors, c'est d'autant plus difficile dans les régions éloignées.

Évidemment, nous, par notre pratique d'une dizaine d'années de productions professionnelles, on rencontre toujours les mêmes difficultés quand on se lance dans des nouvelles productions. On est toujours emballés, on a toujours un peu de difficulté à garder nos artistes chez nous, que ce soient des acteurs, des comédiens, des comédiennes, des auteurs, parce que, évidemment, il faut qu'ils vivent et on ne peut pas les faire vivre toute l'année. Si on pouvait, chez nous, dans notre région, avoir un programme, une souplesse à faire revenir des artistes pour travailler chez nous pendant... On monte un spectacle qui va être joué 35 ou 40 représentations. Bien, un jeune comédien ou une jeune comédienne qui est à Montréal aimerait avoir un premier rôle chez nous plutôt que de ne pas en avoir à Montréal ou de jouer le valet à Montréal ou à Québec. Alors, si on pouvait les faire revenir, si on avait une possibilité d'aide... On essaie bien d'obliger les médecins à revenir en région, pourquoi on n'essaierait pas de faire revenir des artistes?

Mme Dupuis: C'est ce que je voulais vous entendre dire.

M. Fortin: Je veux dire, il y a quelque chose, il y a une analogie à faire là-dedans. Ce sont des professionnels que les régions ont quand même donnés, d'une certaine façon. Alors, on pourrait avoir un juste retour. Mais c'est difficile de les faire revenir parce que les périodes de répétition, ça coûte cher. On ne les paie pas pendant ce temps-là. On les paie quand on est en représentation, etc.

Mme Dupuis: Une aide dans ce sens-là, une politique incitative, croyez-vous que ça aiderait vraiment?

M. Fortin: Du retour des artistes en région?

Mme Dupuis: Du retour des artistes en région. Là, il pourrait se créer une dynamique.

M. Fortin: Mais oui, il se créerait certainement une dynamique parce que l'artiste reviendrait chez lui pour faire sa pratique. C'est ça. Comme on dit, nous autres, on ne prétend pas pouvoir les engager à l'année, mais combien d'artistes viendraient prendre des contrats dans les régions? Il y en a plusieurs qui viendraient contractuellement. Ils retourneraient après ça à Montréal. Ils arriveraient avec un curriculum vitae et ils diraient: Bien, j'ai joué un premier rôle, 35 représentations. Ce n'est pas tous les jeunes qui sortent qui ont des premiers rôles et des emplois.

Mme Dupuis: Maintenant, au niveau du produit livré, vous créez une pièce de théâtre. Est-ce que c'est identifiable à la région? Est-ce

que ce produit-là pourrait se promener en région et apporter quelque chose, une image de la Côte-Nord qu'on ne connaît pas forcément très bien, un produit que je qualifierais peut-être un peu de chez nous? Et ce n'est pas dit que ça ne deviendra pas international. Je pense à Gilles Vignault lorsqu'il nous a chanté Natashquan, c'était très régional. C'était très québécois et il a su en faire une chanson et, finalement, un thème international pour se faire connaître au niveau international.

M. Fortin: Nous autres, chez nous, on fait des créations en comédie musicale depuis quelques années. On a fait des choses et, la plupart du temps, les spectateurs de l'extérieur qui ont vu nos productions, souvent les Européens, entre autres, ont été étonnés de voir ce qu'on faisait, parce qu'il ne s'en fait pas beaucoup chez eux de ce genre de spectacle là. Pour plusieurs de nos créations, on part du lieu et on s'inspire de situations régionales sans tomber, évidemment, dans le folklore. Ce n'est pas du folklore. C'est actuel, c'est contemporain, c'est énergique, c'est dynamique. Ça joue chez nous, ça ne sort pas. Ça pourrait sortir, parce que les étrangers qui les voient les apprécient et nous le disent. Alors, on se dit: Si, eux, qui n'ont quand même pas l'air à être des crétins... Quand on leur parle après la représentation, ils nous disent: Votre spectacle, on en a vu d'autres, et ci, et ça. Votre spectacle est très intéressant et vous auriez intérêt à le promener. Oui, on aurait intérêt à le promener, mais il n'y a pas de créneaux pour faire sortir les productions régionales.

Mme Dupuis: Selon vous, avec une politique dans ce sens-là, est-ce qu'il pourrait se créer une dynamique interrégionale?

M. Fortin: On le souhaite, madame. C'est ce qu'on souhaite. On a des réunions au Conseil québécois du théâtre et on essaie. On a organisé un comité des régions et tout le monde se dit: Bien, oui, on serait prêts à sortir certaines de nos créations, certaines de nos productions, mais par où on va les sortir? On le sait bien... SI on veut parler du Théâtre populaire du Québec, le TPQ, c'est une compagnie qui est supportée, c'est une compagnie qui a beaucoup d'expérience, qui est bien administrée, qui a une bonne direction artistique et tout ça. Elle-même a de la difficulté à boucler son budget. Alors, comment voulez-vous que des petites compagnies de région arrivent à le faire mieux que ces compagnies-là? À un moment donné, il va falloir réfléchir à savoir de quelle façon... (16 h 15)

Le RIDEAU a développé un système de diffusion nationale, au Québec, avec des réseaux dans différentes régions. Peut-être que ça va être le canal pour que les productions se promè- nent interrégionalement. Peut-être qu'il va falloir trouver un diffuseur national qui se soit spécialisé dans le théâtre ou dans le spectacle, je ne le sais pas. C'est à construire, mais c'est sûr qu'il va falloir y arriver d'ici quelques années, sinon, à un moment donné, les productions régionales vont s'essouffler puis vont disparaître.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député.

M. Boulerice: Au moment où le rapport Arpin s'interroge dangereusement, à mon point de vue, sur la pertinence du maintien des conseils régionaux de la culture, j'aimerais, quant à moi, vous réitérer mon appui inconditionnel sur le maintien de tous les conseils régionaux de la culture, lis devraient être des interlocuteurs privilégiés du ministère. Les directions régionales du ministère que nous avons instaurées, nous, à l'époque, à mon point de vue doivent prendre des décisions, mais toujours en demandant l'avis et la recommandation des conseils régionaux de la culture. Pas de politique régionale de la culture sans ces deux prémisses, a mon point de vue.

Maintenant, il y a une question que j'aimerais bien vous poser. Je l'aime tellement que je vais la poser, d'ailleurs. Pourriez-vous expliquer au bénéfice des membres de cette commission, pourquoi la diversification des sources de financement ça ne peut pas être possible dans votre région?

M. Thériault (Morel): Pourquoi la diversification des sources de financement ne peut pas être possible? Je dois avouer que je ne saisis pas très bien le sens de votre question. Je pense que dans les régions il peut y avoir une forme, en tout cas, de diversification. C'est sûr qu'on ne peut pas aller à l'extrême, mais encore pendant un bout de temps on peut diversifier, on peut aller chercher encore un peu d'argent dans le milieu, on peut aller chercher... Là où on va devenir limité, c'est évidemment que... Les municipalités en premier lieu, leur pouvoir de payer va devenir de moins en moins évident. En tout cas, c'est ce qu'on nous dit.

Au niveau du secteur privé, les entreprises privées dans les réglons excentriques comme la nôtre ne peuvent pas supporter seulement la culture ou mettre énormément d'argent là-dedans, il faut aussi qu'elles maintiennent un milieu culturel amateur fort autour de nous autres. Donc, elles ont déjà beaucoup d'argent à envoyer dans ces secteurs-là. Je pense qu'on va atteindre notre limite assez rapidement. Pendant quelques années, on peut encore aller chercher un peu d'argent, encore un peu plus que ce qu'on touche présentement. Mais je pense que ça ne peut définitivement pas se réaliser sans avoir toujours une aide du gouvernement provincial, ne serait-ce que, comme l'a souligné le monsieur de Bell Canada qui est passé avant nous, les entreprises

comme la Reynolds ou la Q & O ont besoin d'une reconnaissance, ont besoin que les organismes professionnels soient reconnus par un ministère, qui est le ministère des Affaires culturelles, avant même qu'ils décident eux-mêmes d'investir dans ces organismes-là.

M. Boulerice: Pour quelqu'un qui n'avait pas tellement bien saisi la question, je trouve que vous avez une bonne réponse. Vous avez fait allusion tantôt au diffuseur national. Si, dans le rapport Arpin, il y a beaucoup d'hérésies, il y par contre une faille immense qui est celle d'avoir complètement évacué tout l'immense domaine des communications et, forcément, par ricochet, celui de la télédiffusion. Ça se vit comment chez vous l'absence d'antenne régionale? Vous avez vu le saccage de Radio-Canada qui a été précédé d'ailleurs, à partir de 1986, par le saccage de Radio-Québec. Il n'y a plus rien, il n'y a plus de diffuseur et il n'y a plus non plus d'endroit d'apprentissage pour des techniciens de la télédiffusion dans vos régions. Donc, comment pouvons-nous parler à un député de l'Outaouais ou de Montréal de la production culturelle de la Côte-Nord alors qu'il n'y a personne qui peut la véhiculer par le moyen le plus efficace qu'est la télévision et qu'il n'y a même pas personne pour la faire opérer maintenant? Comment vivez-vous ce drame? Je vais employer le mot.

M. Thériault: En partant, je pense que vous avez les bonnes prémisses, mais je pense qu'on peut aller plus loin que ça aussi. Pour une région qui est de la grandeur de fa Côte-Nord, avoir une télévision régionale c'est aussi un besoin essentiel. En tout cas, c'était un besoin essentiel comme vous l'avez souligné - dans le cas de Radio-Canada c'est vraiment dommage que ce soit parti - mais ne serait-ce que pour se donner des nouvelles d'une ville à l'autre, de voir dans le bulletin régional des nouvelles de ce qui se produit, de ce qui se fait au niveau culturel à Sept-Îles, à Port-Cartier, à Havre-Saint-Pierre. Toute cette partie-là présentement est complètement escamoté. Même dans la région, si on n'avait pas d'organismes régionaux qui se réunissent une, deux ou trois fois par année, on n'aurait même pas de nouvelles les uns des autres.

Il y a aussi Radio-Québec, qui, je pense, ne produit pas suffisamment. Avec les moyens qu'ils ont à Sept-îles, je pense qu'ils n'ont pas le choix non plus et ils ne sont pas à la veille de l'avoir. Ils devraient produire des émissions avec un contenu artistique régional. Ça devrait être une des missions de Radio-Québec, ça je pense que c'est définitif. En tout cas, dans les régions c'est essentiel, normalement. C'est même une question... un principe général qui devrait être accepté que tout le monde devrait comprendre.

Le Président (M. Doyon): M. le député, en terminant, une dernière question.

M. Boulerice: Très brièvement. Donc, à ce moment-ci, est-ce que vous êtes d'accord avec mon énoncé à moi qu'on devrait plutôt avoir un ministère des arts, de la culture et des communications, que la radio-télévision nationale relève de ce ministère et ait pour mandat la promotion et la diffusion de la culture québécoise? Le premier volet de la question. Le deuxième: Êtes-vous, par conséquent, favorables au rapatriement des responsabilités fédérales au Québec?

Mme Arseneault: Pour le premier volet de votre question, définitivement, moi, j'endosse ça. Pour rajouter à ce que M. Morel Thériault disait, je prends un endroit comme Baie-Comeau, par exemple, où on a une radio locale et un journal local. Alors, pas besoin de vous dire que ça travaille plus ou moins bien et tout le reste, vous le savez aussi bien que nous ce qui s'est passé avec Radio-Canada et Radio-Québec.

Pour le deuxième volet de votre question, quand on pense à nos créateurs on est un petit peu sceptique parce qu'on sait ce qui se passe chez nos créateurs, qu'ils ont besoin des sous à l'heure actuelle, pour ne pas dire du fric qui vient du Conseil des arts. Pour également dire la même chose que le monsieur de Bell Canada disait: Pour des grandes institutions, également, je crois qu'il faut un chapeau canadien au-dessus de ça.

C'est sûr que, comme disait si bien des gens bien caractéristiques de Natashquan, quand on a fait l'exercice de consultation... Qu'est-ce qu'ils pensaient du rapport Arpin? Ils ne reçoivent rien, eux autres. Ça fait qu'ils ont dit: Nous autres on ne reçoit rien. Rien, plus rien, c'est rien. Si ça nous enlève des choses, ça ne nous enlève rien non plus. C'est très typique des gens de là. Puis à l'heure actuelle le Conseil des arts, c'est un peu ça chez nous. Je dis bien que c'est un peu ça. Il y a quelques domaines dans lesquels on les voit et où ils vont mettre de l'argent, particulièrement au niveau des bibliothèques, des salons du livre ou des choses comme ça, mais ils sont plus ou moins présents en région. Mais, vous savez, on est loin de Québec et de Montréal, alors imaginez-vous d'Ottawa.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Arseneault. M. le député, un bref mot de remerciement, si vous voulez bien.

M. Boulerice: Oui, très bref. Merci. Je pense que vous avez illustré, on ne peut plus éloquemment mais tristement parce que c'est la réalité, ce que c'est la culture en région et ce travail véritablement de missionnaire que vous faites. J'ose espérer que l'élaboration d'une politique reviendra sur sa décision et que les conseils de la culture seront renforcés.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci d'abord de cette consultation et de représenter à peu près tous les milieux. Évidemment, les directions régionales - on a fini de les décentraliser, on est le ministère le plus décentralisé maintenant au gouvernement - sont là justement parce qu'elles doivent être près du milieu et finalement pouvoir subvenir aux besoins du milieu approprié. Je prends bonne note de la modulation des programmes, comme on en avait discuté ensemble, parce qu'effectivement les programmes sont lourds, sont rigides. Alors, ça fait partie de la réflexion globale. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci d'être venus nous voir et de nous avoir entretenus de votre vue des problèmes de la culture sur la Côte-Nord. En vous permettant de vous retirer et en vous souhaitant bon voyage de retour - je sais que ce n'est pas à la porte - je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des câblodistributeurs du Québec de bien vouloir s'avancer et prendre place en avant. Je voudrais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue. Vous êtes ici depuis un bon moment. Vous connaissez la façon de procéder de cette commission. Vous voudrez bien vous présenter aussitôt que vous aurez la parole et procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire pour une quinzaine de minutes, après quoi vous pourrez discuter avec les membres de cette commission pour le temps qu'il restera. Vous avez la parole.

Association des câblodistributeurs du Québec

M. Roberge (Jacques): Merci. Mme la ministre, Mme la députée, M. le député, membres de la commission parlementaire des affaires culturelles chargée d'élaborer une politique sur la culture du Québec, à titre de président de l'ACQ, l'Association des câblodistributeurs du Québec, je suis heureux d'être ici pour présenter le fruit de la réflexion des membres de l'ACQ. Je suis accompagné de M. Michel Desrosiers, à ma droite complètement, directeur de la programmation de Cogeco Rimouski et vice-président de l'Association des programmateurs en télédistribution du Québec, l'APTQ, ainsi que de M. François-Pierre Le Scouarnec, directeur général de l'ACQ, à ma droite immédiate. Notre présentation s'amorcera par un portrait de l'industrie de la télédistribution au Québec, puis, par la suite, M. Le Scouarnec vous fera part des commentaires de l'ACQ.

L'ACQ est un organisme à but non lucratif voué à la promotion des intérêts de l'industrie de la télédistribution au Québec. Créée en 1974, elle regroupe aujourd'hui 75 compagnies de câblodistribution rassemblant plus de 1 600 000 abonnés, soit 98 % des usagers du câble au

Québec.

Depuis ses débuts en 1952, l'industrie de la télédistribution n'a cessé d'évoluer. Les premiers systèmes de câblodistribution n'avaient qu'une seule fonction: la distribution de signaux sonores et visuels. C'est en 1961 que les premières chaînes communautaires virent le jour. Les compagnies de câblodistribution consacrent un minimum de 5 % de leurs revenus totaux au fonctionnement de ces chaînes dont les opérations reposent en grande partie sur le travail de milliers de bénévoles. Le travail communautaire des stations locales fait de l'entreprise de câblodistribution un acteur Important, sur le plan créatif, dans plusieurs villes au Québec.

La télédistribution constitue un important moyen de diffusion de la culture. Chaque semaine, le Québécois moyen écoute 27 heures de télévision. Que l'on pense au cinéma, au théâtre ou à la culture, il faut admettre que rares sont ceux qui consacrent autant de temps à un loisir ou à une activité culturelle. La télévision est un média en soi, mais elle est aussi un média qui renseigne sur les médias. On y parle des livres à lire, des pièces de théâtre à voir, des films à visionner et des disques à écouter. C'est donc l'ensemble des médias et de la vie culturelle québécoise qui profitent de la télédistribution.

La câblodistribution a aussi rendu la culture accessible en régions éloignées. On n'a qu'à penser à la Gaspésie où le câble est le moyen d'accès privilégié de la culture. Il est incontestable que les câblodistributeurs de l'Est québécois et d'autres régions éloignées ont permis à leurs clients d'avoir accès à une vie culturelle qui leur aurait échappé. Sans les câblodistributeurs, la télévision communautaire n'aurait aucun support. Ces stations sont très écoutées, mais, en plus, elles constituent une pépinière pour les techniciens, les comédiens, les réalisateurs et pour l'ensemble des artisans de la télévision. (16 h 30)

Actuellement, de nombreux élèves de la télévision communautaire évoluent dans les grands réseaux de télévision canadienne et québécoise. Il en va de même pour les services spécialisés. S'il n'en était du câble qui fournit la masse critique d'abonnements requis pour financer leurs activités, ces réseaux n'existeraient pas.

Le canal Famille tire l'ensemble de ses revenus des abonnements du câble. Le Réseau des sports couvre plusieurs activités sportives québécoises. MusiquePlus collabore avec plusieurs stations de la télévision communautaire pour obtenir leurs vidéoclips. L'accès de la majorité des téléspectateurs à la câblodistribution est le seul garant de la diversité de la programmation offerte aux Québécois.

La satisfaction de la clientèle passe aussi par des améliorations technologiques. La compression des signaux permettra une augmentation du nombre de stations, et l'interdiction procurera un accès sélectif de programmation aux clients

de câblodistributeurs. Les câblodistrlbuteurs sont à un carrefour technologique. Une nouvelle ère de croissance s'annonce. Les câblodistributeurs relèveront ce nouveau défi, ils ne pourront cependant pas assumer seuls la croissance de cette très importante industrie culturelle. Ces infrastructures sont onéreuses. L'autoroute électronique, l'adressibilité, l'interdiction et l'implantation de la nouvelle fibre optique imposeront des investissements majeurs.

La câblodistribution se définit comme un pilier de la vie culturelle québécoise. À titre de diffuseur et de producteur, nous croyons que les câblodistributeurs devraient obtenir l'immunité fiscale qui a récemment été accordée à l'industrie du livre. L'ACQ veut favoriser la diffusion des biens culturels et appuie la création des programmes d'aide à l'industrie pour développer la télévision communautaire pour supporter l'expansion des systèmes de câblodistribution dans les zones non desservies et pour augmenter la pénétration. De plus, l'ACQ soutient la proposition de baisse des taxes.

Les membres de l'ACQ sont préoccupés par le piratage de leurs services; ceci ayant un impact direct sur les productions, privées des sommes perçues pour les droits d'auteur. L'ACQ recommande une plus grande sensibilisation à ce problème.

L'ACQ reconnaît l'importance d'études qui porteraient sur le domaine culturel et remarque la pertinence de projets portant sur les technologies interactives et transactionnelles à des fins éducatives et culturelles. L'ACQ estime que de telles études peuvent être réalisées sans la création d'un observatoire des industries de la culture.

Enfin, l'Association des câblodistributeurs du Québec appuie les initiatives de concertation et, reconnaissant l'interaction entre divers champs d'intervention et la diversité des besoins, favorise une approche multidisciplinaire qui tienne compte des demandes des consommateurs. Maintenant, je vais céder la parole à M. Le Scouarnec.

M. Le Scouarnec (François-Pierre): Mme la ministre, mesdames, messieurs. L'industrie de la câblodistribution est intrinsèquement liée à la culture et aux arts. En ce qui concerne la diffusion, elle continuera d'être à l'écoute des goûts de la clientèle dans la mesure où les nouvelles technologies contribueront à augmenter le choix et demeurera soucieuse de répondre à de nouvelles demandes. Comme productrices, les compagnies de télédistribution ont été des lieux d'apprentissage de plus d'une génération de vldéastes. Au cours des ans, les chaînes communautaires ont conquis leurs armes. Elles sont, en plusieurs milieux, au coeur de la vie culturelle locale. Enfin, elles offrent des productions dont la qualité est maintenant reconnue.

Au plan créatif, avec des investissements majeurs au Québec en nouvelles technologies, l'industrie a propulsé le Québec à l'avant-garde dans un nouveau champ culturel pour mettre sur le marché un nouveau médium dont l'exploration du potentiel n'en est qu'à ses débuts. L'industrie de la câblodistribution favorise la création culturelle, le déploiement de plusieurs formes d'expression et, comme la télévision, l'évolution de nouveaux référants culturels.

Au-delà de ses qualités de diffuseur et de producteur de produits culturels, un des chefs de file de l'industrie de la câblodistribution québécoise met à la disposition de plus de 100 000 foyers un outil interractif qui change la relation classique entretenue avec l'écran. Avec le système interractif commercialisé sous le nom de Vidéoway et la télévision transactionnelle, la câblodistribution élargit les concepts de communication et de culture. En effet, là où l'image-écran remplace le papier, ces nouvelles technologies appliquées entre autres à des fins culturelles et éducatives transforment le média et changent la relation de l'être à la machine, créant ainsi un nouveau champ de recherche universitaire, l'ergonomie cognitive.

J'aimerais pouvoir passer maintenant aux commentaires plus ciblés qu'entend faire l'ACQ sur le rapport Arpin et j'aimerais commencer par certaines remarques générales. On a mentionné un peu plus tôt que les Québécois passent en moyenne 27 heures par semaine à écouter la télévision, en grande partie, dans plus de 70 % des cas, via la télédistribution. Il est quand même surprenant que dans le rapport Arpin on fasse fort peu état de la télédiffusion et encore moins de la télédistribution. Peut-être faut-il s'en attribuer la faute, peut-être devrions-nous être un peu plus présents.

Néanmoins, on remarque que, lorsqu'on parle des effectifs des associations culturelles, on ne mentionne pas au rapport l'Association des programmateurs de télédistribution du Québec ni l'Association des câblodistributeurs. Quand on parle de droits d'auteur, on ne mentionne pas la contribution des câblodistributeurs qui s'élèvera à environ 13 000 000 $ cette année. Quand on parle de télé communautaire, on ne parle pas des fonds de plus de 20 000 000 $ qui seront injectés cette année et, lorsqu'on se limite à parler d'une corporation de télé communautaire, on se limite à 230 000 abonnés alors que le paysage représente plus de 1 500 000 abonnés qui ont accès à la télé communautaire.

Là où il nous semble encore plus gênant de remarquer certaines omissions, c'est, au chapitre du financement, un tableau éloquent, à la page 237, qui n'inclut pas le secteur privé ni le secteur communautaire et qui se concentre sur les contributions publiques qui sont quand même importantes, il taut le reconnaître. Un détail à remarquer dans le tableau qui est présenté, le Québec contribue pour 47 % des dépenses totales et le gouvernement fédéral 31 %, ces montants

excluant Radio-Québec et Radio-Canada, pour une raison qui n'est pas donnée. Cependant, si on devait inclure ces chaînes, les montants totaux seraient de 733 000 000 $ pour le fédéral et de 482 000 000 $ pour le Québec, renversant les proportions. On ne comprend pas qu'on puisse éliminer ainsi les chaînes publiques de la contribution culturelle. Ceci dit, permettez-moi de passer aux commentaires en tant que tels. On entend principalement se prononcer sur les aspects de la politique qui touchent de très près les champs d'intérêt des câblodistributeurs.

Au chapitre de la création. Les entreprises de câblodistribution sont souvent le point d'entrée de plusieurs artisans dans le monde de la télévision. À ce titre, aussi bien qu'en tant que diffuseurs, les entreprises de câblodistribution consacrent beaucoup de ressources humaines et financières en formation. L'ACQ, ainsi, supporte toute initiative visant à augmenter les ressources financières pour la production communautaire, que ce soit par la baisse des taxes imposées aux télédistributeurs ou par des programmes destinés aux câblodistributeurs pour la production locale et communautaire. L'ACQ estime que les employés d'entreprises de télédistribution doivent avoir accès à des programmes de formation adaptés aux besoins spécifiques de l'industrie.

Au chapitre du financement. L'industrie de la câblodistribution est le diffuseur culturel de premier ordre dans la majorité des foyers québécois. Avec une moyenne d'écoute de 27 heures par semaine, la télévision constitue le bien culturel le plus consommé. Or, le système de radiodiffusion connaît des problèmes de financement. Les entreprises de télédistribution reconnaissent leur responsabilité et versent plusieurs millions de dollars par an en droits de retransmission. Le non-abonnement et le piratage des services de télédistribution sont liés aux questions économiques. Au coeur du système de diffusion culturelle, l'industrie de la télédistribution appuie la réduction des taxes sur les biens culturels en y incluant les services de câblodistribution.

Le financement des chaînes spécialisées est entravé par le fait des activités criminelles de personnes qui violent la loi C-40 sur la radiodiffusion en captant des signaux sonores et visuels sans payer de droits de retransmission, en utilisant des décodeurs illégaux ou en se branchant sur un système de télédistribution sans en acquitter les droits. L'ACQ désire que les autorités gouvernementales préoccupées par les droits d'auteur sensibilisent leurs collègues du ministère du Procureur général dans le but d'amener la population à réaliser l'impact du vol de services.

Les systèmes interactifs et transactionnels instaurent un nouveau dialogue entre le diffuseur et l'individu. Outil d'apprentissage et de création, la relation de passivité face au téléviseur change.

Elle est annonciatrice de générations futures qui rejetteront le médium classique de leurs parents tout comme ceux-ci remettent les productions en noir et blanc. Des sommes importantes ont déjà été investies pour développer les technologies interactives, pour créer des logiciels et pour produire des émissions interactives. Ces nouvelles technologies requièrent la participation de plusieurs créateurs. L'implantation de telles technologies transformeront le paysage culturel et permettront l'exploration de moyens de communication et d'oeuvres conçues et réalisées au Québec. L'ACQ estime que les technologies interactives et transactionnelles constituent un sujet d'importance pour les industries culturelles et que leur développement doit être soutenu par les instances éducatives et culturelles.

Au chapitre de la sous-consommation. L'industrie de la câblodistribution est présente partout au Québec sauf dans certaines régions rurales où les coûts d'infrastructures sont trop élevés pour y déployer des services. Le ministère des Communications du Québec estime que moins de 30 000 foyers n'ont pas accès aux services de télédistribution. Donc, l'ACQ encourage la création de programmes visant à réduire les coûts d'expansion de réseaux en zones non desservies. Elle sollicite l'appui des instances gouvernementales pour faciliter l'accès - et, lorsque approprié, la propriété ou la copropriété - aux structures de soutènement pour le développement des réseaux et l'utilisation de droits de passage à un coût abordable pour les consommateurs.

Au chapitre de la gestion. L'industrie de la télédistribution a un impact important sur le milieu culturel. L'industrie a réussi, au cours des ans, à augmenter le choix offert là où les conditions géographiques et environnementales ne le permettent pas, à améliorer de façon sensible la programmation communautaire en la rendant accessible au plus grand nombre, à développer une industrie qui exporte son savoir-faire en matière de télédistribution et à innover en offrant des productions et un réseau fondés sur l'interactivité.

L'ACQ encourage la création de groupes multidisciplinaires qui contribuent à la concertation tant au plan interministériel qu'au niveau des groupes de discussions entre l'industrie culturelle, au sens large, le gouvernement du Québec et ses répondants. L'ACQ appuie les buts décrits de l'Observatoire des politiques culturelles, mais réserve son support à la création d'une structure autonome qui semble aller à rencontre d'une gestion efficace des fonds publics.

Enfin, un dernier commentaire concernant le développement en région. Il est triste de remarquer que le rapport Arpin ne mentionne rien sur le développement des réseaux de télédistribution, alors que, dans la majorité des régions éloignées, c'est par la porte d'entrée principale des activités culturelles qu'ils leur sont seuls

accessibles. Enfin, à une proposition moins importante, mais qui apparaît dans le rapport, à savoir la déconcentration de la Direction générale des médias du ministère des Communications vers le ministère des Affaires culturelles ou ministère de la culture, nous pourrions sûrement appuyer un tel déménagement, dans la mesure où, au ministère des Communications, il resterait des experts pour le volet télécommunication qui concerne les télédistributeurs. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. Comme le soulignait le rapport Arpin, les entreprises de télévision communautaire sont devenues des éléments importants du caractère et du développement distincts au Québec, surtout avec le retrait, on se rend compte, des grandes chaînes privées; en termes de dynamisme, au niveau d'une région, vous êtes extrêmement importants.

Vous parlez des 5 % du budget. C'est-à-dire que vous dites que les compagnies de câblodis-tribution consacrent environ 5 % de leurs revenus totaux au fonctionnement des chaînes communautaires. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, au niveau des 5 %, ce qui est dévolu à la diffusion des arts et de la culture, proprement dite?

M. Le Scouarnec: Je cède la parole à monsieur.

M. Desrosiers (Michel): Au niveau du Québec, on a une étude qui date de mars 1990 et qui nous donne des chiffres là-dessus. C'est une étude qui a été faite par l'Association canadienne de télévision par câble, mais où on retrouve des régions, dont le Québec. Et, au Québec, selon un échantillonnage quand même représenté, la diffusion d'art et de spectacles sur des réseaux de télévision communautaire représente 12,7 % de la programmation totale de la télévision communautaire. Ces 12,7 % viennent en second lieu. Le seul créneau de diffusion ou de sujets qui peut être plus important au niveau du Québec toujours sont les affaires publiques, style compte rendu de réunions de conseils municipaux et d'affaires publiques où les caméras de la télévision communautaire sont souvent les témoins très actuels de la vie économique et sociale d'un milieu. Ça, ça représente 36,8 %. (16 h 45)

Le deuxième créneau qui est occupé, c'est arts et spectacles. La diffusion des arts et des spectacles locaux et régionaux occupe 12,7 % du total des émissions diffusées. Et ça, ce sont des chiffres qui datent de mars 1990. Cette tendance-là, compte tenu de la disparition des médias traditionnels des régions au Québec, tend à augmenter compte tenu que la télévision communautaire est très souvent le seul média qui est accessible aux artistes locaux et régionaux pour se faire connaître, pour se faire valoir, aussi pour apprendre une certaine expertise du monde de la télévision. Avant de rêver de faire "Les Beaux Dimanches", Céline Dion a peut-être occupé aussi un temps d'antenne dans une télévision communautaire au Québec. Sûrement, à ce moment-là, que les employés de ces chaînes de télévision communautaire sont des coordon-nateurs, sont des spécialistes dans leur domaine et sont des gens qui encadrent le travail des bénévoles et des gens qui participent à la vie de la télévision communautaire.

Donc, à ce titre-là, le premier maillon de la chaîne, pour un artiste, c'est souvent la télévision communautaire. Dans les grandes villes, c'est vrai, mais, en région, c'est encore plus vrai. Mais, pour répondre plus spécifiquement à votre question, c'est 12,7 %, pour des chiffres qui relèvent du mois de mars 1990 et pour le Québec.

Mme Frulla-Hébert: 12,7 % de la programmation. M. Chagnon était ici la semaine dernière et on a discuté tous ensemble des nouvelles technologies. Lui-même parlait de... Quand on parle de réglementation, la réglementation actuelle, même, serait dans peu de temps désuète - il parlait de télévision à la carte... Elle l'est déjà avec la télévision interactive, comme vous l'avez mentionné. Cette nouvelle technologie, parlez-nous de son influence, de son influence future aussi au niveau des régions. Si on parle, par exemple, de la télévision interactive, évidemment, il faut se la payer et, deuxièmement, ce ne sont pas tous les foyers qui y ont accès. Alors, comment voyez-vous ça, le développement des nouvelles technologies, plus spécifiquement en région?

M. Roberge: Est-ce que vous parlez de compression ou d'interdiction?

Mme Frulla-Hébert: Non, non. Je parle du développement, tout simplement, des...

M. Roberge: La compression, ça permet, dans le cas qu'on regarde aujourd'hui, de prendre jusqu'à huit canaux de télévision et de les insérer dans la même largeur de bande à l'intérieur de laquelle fonctionne un canal aujourd'hui. Donc, on aurait... On multiplierait par 8 le nombre de canaux actuel et, si on multiplie par 8, on pourrait avoir accès à pas loin de 500 canaux au Québec. Maintenant, pour élaborer ça, c'est évident que, si on a plus de capacités, II faut qu'il y ait une déréglementation quelque part.

Mme Frulla-Hébert: Mais présentement, au niveau de la câblodistribution, je pense qu'il y a 88 % des gens du Québec - est-ce que c'est exact? - qui sont câblés. Je me souviens de mes

chiffres de l'année passée, là.

M. Roberge: Le nombre d'abonnés câblés? C'est plus fort dans le rural, mais on parle d'environ 76 %.

Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a 76 % de la population du Québec qui est présentement câblée.

M. Roberge: Oui, c'est ça.

M. Le Scouarnec: II y en a plus qui sont câblés. On parie d'abonnés, on ne parle pas... Vous ne pariez pas tout à fait de la même chose.

Mme Frulla-Hébert: Non, non, mais c'est ça, là.

M. Le Scouarnec: L'accès est presque universel. Il y a à peine 30 000 foyers qui n'ont pas accès au câble du tout, qui sont dans les... dans le cinquième rang.

Mme Frulla-Hébert: C'est ce que je disais, aussi.

M. Le Scouarnec: Mais, autrement, on rejoint pratiquement tout le monde. Et pour répondre... élaborer un petit peu sur votre question, vous parliez d'interactivité. C'est sûr que l'avenir du câble va porter sur l'interconnexion de certains réseaux, va devoir pouvoir compter sur des communications interréseaux et ça, ça va exiger des infrastructures différentes, des investissements majeurs. C'est pourquoi, quand on parle d'interactivité en régions éloignées, par exemple, chez des télédistributeurs qui ne sont pas affiliés à Vidéotron, eh bien, il faudra d'abord des ententes et, par la suite, il faudra favoriser technologiquement ce processus-là, ce qui est quand même assez exigeant.

Mme Frulla-Hébert: Je vais empiéter un peu... Vous avez mentionné, d'ailleurs... Bon, on parie du rapport Arpin au niveau des communications. C'est sûr qu'ici, au Québec, on a deux ministères. Il y a le ministère des Communications et il y a le ministère des Affaires culturelles. C'est une situation assez unique et on n'a pas résolu cette fusion-là en 30 ans, ni d'un côté ni de l'autre. C'est resté... Bon.

Quand on parle de réglementation - on y touche, à la réglementation, on y a touché ensemble l'année passée - et on parle de ce développement de nouvelles technologies, on parle aussi des réseaux avec la fibre optique qui offrent des possibilités énormes, etc. Au niveau de la réglementation, est-ce qu'à ce niveau-là... Quand on parle de ramener ici, si on veut, les pouvoirs et la réglementation et le contrôle de cette réglementation, ici au Québec, et exclusivement au Québec, comment voyez-vous ça avec les développements de la nouvelle technologie, avec l'interactivité, l'interconnexion, etc.?

M. Le Scouarnec: La position des membres de l'ACQ là-dessus c'est que tout en reconnaissant les besoins du Québec qui sont clairement exprimés depuis plusieurs décennies en matière intergouvernementale et tout en reconnaissant les récentes offres du gouvernement fédéral, II nous apparaît opportun de souligner que ce qui compte le plus pour nous, c'est qu'il n'y ait qu'un seul palier de juridiction. Nous n'avons pas senti chez nos membres le besoin d'Indiquer quel palier, pour la bonne raison que nous représentons un ensemble d'entreprises dont certaines opèrent en région uniquement ou dans de petites circonscriptions alors que d'autres ont des intérêts pancanadiens et même pan nord-américains. J'espère que ça puisse répondre à votre question.

Mme Frulla-Hébert: II y a toujours eu, effectivement... Il y a eu cette demande, je me souviens aussi l'année passée, d'avoir justement une juridiction pour ne pas aller cogner à plusieurs portes. Bon. Ca, c'est une chose. Maintenant, quand on parie de... Je veux revenir aussi aux nouvelles technologies appliquées pour fins éducatives et culturelles qui transforment la télévision, parce que c'est majeur. Vous êtes au courant... On écoutait M. Chagnon la semaine dernière et, effectivement, la télévision telle qu'on la connaît présentement n'existera plus ou enfin à peu près plus. Enfin c'est ce que vous prévoyez, je pense. Les développements sont même hors de notre pensée.

Il y a aussi un nouveau champ de recherche universitaire qui s'ouvre et on appelle celui... ce qu'on appelle l'ergonomie cognitive, au niveau de cette recherche-là justement pour pouvoir voir l'application et cette facilité entre l'homme... l'interaction entre l'homme et la machine. Dans un premier temps, est-ce que vous pouvez illustrer de façon concrète, par des exemples, quelles sont les applications faites au domaine des arts et de la culture de ces nouvelles technologies? Aussi, comment se font les relations entre l'industrie et la recherche universitaire? On sait, là - vous en avez touché un mot tantôt - qu'il y a aussi tout un domaine au niveau des recherches universitaires. Je me souviens aussi l'année passée on y participait au niveau de certains fonds de recherche pour pousser ça plus loin. Où est-ce qu'on en est?

M. Le Scouarnec: II y a certains membres chez nous, mais bien sûr vous savez que, dans le portrait québécois de la télédistribution, il y a principalement six grandes compagnies et trois d'entre elles se démarquent du fait qu'elles ont plus de 200 000 abonnés chacune, à savoir Cogeco, CF Câble et Vidéotron.

Il est entendu que la recherche dont on

parie, ce sont plutôt ces grandes compagnies qui ont les moyens de pouvoir les commanditer et qui font toutes sortes de tests sur le terrain. Nous ne faisons pas ces recherches-là à l'Association même. Ce que moi j'en sais, puisque les compagnies le font souvent dans un esprit tout à fait sain de compétition et nous livrent les résultats souvent par la suite, c'est qu'effectivement l'ergonomie cognitive est étudiée dans un contexte pédagogique, donc à des fins éducatives principalement, et non pas à des fins culturelles au sens étroit du terme culturel.

Cependant, il est clair que, si vous traversez un territoire où la technologie interactive est déjà disponible, vous pouvez observer que cette technologie pourrait s'appliquer à autant de fins culturelles que possible. Je pense qu'il y ira simplement du domaine de la demande du consommateur pour certains de ces produits-là. Alors, on offre déjà des spectacles interactifs. On a vu, à la suite de la diffusion du spectacle de Céline Dion en interactivité, quelque chose comme 4500 appels le lendemain matin. Alors, c'est assez significatif du phénomène.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. Merci, madame. M. le député de Sainte-Ma-rie-Salnt-Jacques.

M. Boulerice: M. Roberge, M. Desrosiers et, quant à vous, M. Le Scouarnec, je ne sais pas si l'Ontario a commencé à pratiquer la politique Trudeau par la déportation des non-anglophones mais je suis heureux de vous voir de retour au Québec après un exil torontois de quelques années.

Dans les câblos du Québec, donc... Lors d'une entrevue en 1989, Roger Jauvln disait, et je vais me permettre de le citer: L'hybridation des technologies par l'intégration en cours des réseaux et des services pose des défis, tant au plan des systèmes physiques qu'au plan des contenus. Il faut cesser de penser "hardware" pour agir en fonction du "software". En effet, c'est dans les contenus que se trouve l'avenir, et à ces contenus participent les industries culturelles.

Vous aviez raison, tantôt, quand vous pariiez de la télévision qui est la force principale d'orientation et de direction de tout l'audiovisuel et des industries du son qui comptent pour plus de 85 %, je crois, du temps dit culturel quotidien des Québécois. Donc, l'audiovisuel totalise, je crois, 46 % de l'activité économique globale des industries culturelles, ce qui est énorme, et ce même audiovisuel est responsable pour au moins 66 % des revenus totaux des membres de l'Union des artistes. C'est énorme. Et sans vouloir m'engager dans une lutte de chiffres avec vous, on pourra comparer les nôtres... Votre proportion, tantôt, pour le Canada, à mon point de vue, apparaît inexacte. Elle est de 57 %, soit 967 000 000 $. Enfin, on en rediscutera tantôt.

De toute façon, c'est un marché de 1 700 000 000 $.

À partir de ces prémisses, on a le rapport Arpin, là. Je ne sais pas où est ma copie, mais, de toute façon, à force de le lire, je finis par le connaître par coeur. Est-ce qu'on peut vraiment parier d'une politique culturelle quand on a oublié ce pan aussi important - p-a-n, j'entends bien - des communications et quand on pense aussi - la ministre y a fait brièvement allusion tantôt - à tout ce que ça va amener comme changements technologiques? Demain matin, pensons à la télévision haute définition, numérisation de l'image et du son, les télévidéothèques. Vous savez qu'on assistera, prochainement, à la mort des salles de cinéma conventionnelles. Le film 35mm, c'est terminé, hein! On passera au vidéo bientôt, là-dedans, avec la télévision haute définition. Alors, pour revenir... Est-ce que vous pensez qu'on peut discuter sérieusement d'une politique des arts et de la culture? Arts et culture sont indissociables, mais je pense qu'on ne peut pas mettre culture sans mettre communication.

M. Le Scouarnec: Disons qu'il est clair... Il faut quand même reconnaître les antécédents de Mme la ministre qui vient d'un milieu de communications, qui a déjà une très grande sensibilité aux enjeux que nous représentons. Alors, je fais confiance quand même à Mme la ministre pour intégrer sa propre expérience au rapport Arpin. Quant au rapport lui-même, il est clair qu'il nous semble, comme je l'ai dit tout à l'heure, surprenant qu'il omette un secteur qui nous semble, à nous aussi, fort important. À ce titre-là, il y a sûrement moyen, effectivement, de faire une politique, mais en tenant compte de l'apport des gens qui se trouvent dans ce domaine, qui contribuent autant à la vie culturelle des Québécois.

M. Boulerice: Certains ont dit que, pour le bien-être des communications, elle aurait dû y rester, mais, moi, je suis content de l'avoir aux Affaires culturelles. Par quelles mesures concrètes peut-on, à votre avis, accroître la production des télévisions communautaires qui sont dans certaines régions, notamment... Vous êtes de la Côte-Nord, je crois, monsieur?

M. Desrosiers: Rimouski.

M. Boulerice: Rimouski. Enfin, le Bas-du-Fleuve... qui sont le seul média audiovisuel à traiter, d'une part, des réalités locales et régionales, parce qu'il y a eu la fermeture de la majorité des antennes de Radio-Québec dans les années 1986. Après ça, on a continué le massacre à la scie et c'est Radio-Canada qui y est passée. On me disait que la création d'un emploi dans le domaine de la télévision communautaire, ça tournait aux alentours de 8000 $ à 10 000 $,

alors que ça coûte 400 000 $ pour un emploi dans le nucléaire.

M. Desrosiers: De façon à favoriser l'expansion de la programmation communautaire, disons qu'il y a déjà des acquis. Le rapport Arpin parle de 30 corporations de télévision communautaire - et je reviens juste faire une petite parenthèse là-dessus - qui sont en grande partie subventionnées par les entreprises de câble. Ça, je pense que ça mérite d'être dit. On parle seulement de 30 entreprises corporatives à but non lucratif, mais, en grande partie, qui tirent leurs revenus d'entreprises de câblodistribution. Si on revient, disons, à l'ensemble de l'effort de la programmation communautaire qu'il y a au Québec, donc incluant ces corporations-là, on se dit qu'il y a l'effort de la câblodistribution qui est fait, ce qui représente 5 % des revenus bruts de l'entreprise sur le service de base. Donc, déjà comme secteur d'entreprise, on a un soutien réel à l'effort de programmation. (17 heures)

La programmation communautaire est une télévision participative qui demande la participation du milieu, qui demande au milieu aussi de s'y impliquer. C'est une forme de financement. Mais, à un moment donné, compte tenu que les télévisions communautaires sont appelées à devenir des télévisions locales dans bien des régions au Québec, on va devoir encore une fois diversifier ou consolider leurs assises financières. Et, là-dessus, je pense que l'industrie du câble fait plus que son devoir. Ce qu'il va falloir, c'est que des instances décisionnelles comprennent.

Il y a quelques années, on a compris qu'il fallait que la télévision communautaire ait un certain accès à la commandite de prestige. Après quelques années d'application, on se rend compte que la commandite de prestige dans une télévision communautaire, ça ne veut pas dire grand-chose. Donc, il va falloir revoir cet aspect-là de la réglementation et, à ce moment-là, mieux comprendre. L'annonceur qui peut se servir d'une télévision communautaire ne veut pas avoir une commandite de prestige, il veut avoir une commandite, carrément, pour annoncer son produit parce qu'il s'attaque à un petit marché.

Ça, c'est un aspect des revenus supplémentaires qui peuvent être injectés dans la programmation communautaire, puis je pense que si on avait aussi une politique culturelle au Québec qui permettait de vraiment reconnaître le premier maillon de la chaîne qu'est la télévision communautaire dans les régions, dans les localités et aussi l'interaction qui pourrait se développer entre ces différentes télévisions communautaires, si on avait un soutien, qui pourrait être gouvernemental et privé ou gouvernemental... La formule est fort probablement à développer. Il va falloir que ce soit défini à un moment donné, de façon à ce qu'on ait définitivement: un, une reconnaissance; deux, un soutien, pour que ces télévisions-là, chacun dans leur petite localité... Des fois on parle de télévision communautaire dans des localités de 2000 résidents, des fois on parle de télévision communautaire dans des bassins comme Montréal, de 2 000 000 d'habitants. Donc, il faut ajuster les politiques en conséquence et il faut surtout avoir un soutien.

L'entreprise du câble a comme vocation de faire la programmation communautaire, mais ce n'est pas sa seule vocation. Ça, c'est un mandat qui appartient à la câblodistribution, mais il ne faut pas qu'elle soit seule à l'accomplir, compte tenu que c'est une télévision participative et que c'est une télévision qui se doit d'être représentative de son milieu au niveau économique et aussi au niveau culturel, donc, par un élargissement des politiques pour avoir un accès plus intéressant au marché publicitaire. Il y a déjà eu beaucoup de discours à l'effet qu'il ne fallait pas morceler l'assiette publicitaire. Je ne crois pas que les télévisions communautaires morcelleraient l'assiette publicitaire des télévisions traditionnelles alors que celles-ci se retirent des régions; deuxièmement, je pense qu'il devrait y avoir au niveau culturel des politiques qui permettent de maintenir, de soutenir et surtout d'initier de nouveaux projets dans la vie culturelle des milieux puis des régions éloignées.

M. Boulerice: Le câble fait une transmission image-son, mais il fait également une transmission uniquement son. Donc, il y a également la radio communautaire comme telle que vous véhiculez puisque, grâce à elle, je peux capter CIBL et vous connaissez le succès phénoménal de CIBL. Ces exemples-là ne suffisent-ils pas d'après vous pour sensibiliser à l'effet qu'ils ont un produit qui est de qualité et qui répond aux besoins des gens? Ecoutez, quand une radio communautaire demande 10 000 $ à ses auditeurs et en recueille 35 000 $ à la fin de semaine, c'est parce qu'il y a un degré de satisfaction, un peu comme PBS.

M. Le Scouarnec: Si je pouvais ajouter aux commentaires de Michel Desrosiers, bien sûr, il y a des questions de financement, mais ce ne sont pas les questions principales. S'il devait y avoir des programmes qui étaient dirigés vers la radio ou la télévision communautaire, je pense qu'il appartient à la personne responsable devant le CRTC pour l'instant de savoir comment ces fonds devraient être attribués. Ça peut être un terrain fort miné que d'aller directement donner des subventions à des groupes communautaires en leur disant par la suite: Allez utiliser votre télé ou votre radio communautaire. Le responsable, sur le plan juridique, de la diffusion demeure quand même celui qui produit et, dans ce cas-ci, c'est le câblodistributeur pour la télé et ce sont les radios communautaires licenciées.

Un autre point peut-être plus pratique au niveau communautaire serait d'encourager et

d'avoir des programmes de formation destinés aux intervenants dans le domaine communautaire. On remarque comment, depuis les années soixante et soixante-dix, la télé et la radio communautaires ont fait des bonds gigantesques en termes de qualité. Il ne faut pas se leurrer, c'est en grande partie dû au fait que les intervenants sont de mieux en mieux formés généralement par le système d'éducation qui a quand même beaucoup évolué depuis ce temps-là. Il n'est pas rare maintenant de voir des gens qui ont des diplômes de cégep et d'université animer des émissions à la radio et à la télé communautaires. Et ce qui nous manque à ce moment-ci, c'est une formation encore plus pointue dans le sens communautaire et qui reconnaît les caractéristiques propres à la production locale et communautaire. Ce serait une erreur d'utiliser ce que sont ces bancs d'essai pour plusieurs et d'en faire, par exemple, un réseau provincial. Il faut les garder comme bancs d'essai, mais avec des gens mieux formés.

M. Boulerice: Vous considérez la radio et la télévision communautaires comme un élément essentiel du paysage audiovisuel québécois. Mais il y a un problème, M. Le Scouarnec, c'est les licences. Les licences viennent du ministère fédéral des Communications, le CRTC. Donc, la question que je vais vous poser... Vous me voyez venir, c'est inévitable.

M. Le Scouarnec: Bien sûr.

M. Boulerice: Est-ce que vous êtes en faveur du rapatriement de tous les pouvoirs pour le Québec quant à la culture et aux communications, pouvoirs que réclament à la fois ma formation politique et le rapport Allaire, de la formation de Mme la ministre?

M. Le Scouarnec: Je ne veux pas faire de gymnastique...

M. Boulerice: M. le président me dit que c'est un projet. Nous, c'est une décision; eux, c'est un projet. Mais, enfin, peu importe, là.

M. Le Scouarnec: Bien sûr, mais, sans faire de gymnastique intellectuelle trop prononcée, disons que, si je reprends les éléments que j'ai énoncés plus tôt, il est clair que les câblodistri-buteurs ont eu beaucoup de peine à fonctionner, il y a de cela quelques années, avec deux paliers de juridiction différents. Ça a été très pénible pour plusieurs d'entre eux d'aller chercher les licences à Ottawa pour certaines choses, et à Québec pour d'autres. Le message que nous avons, c'est qu'il nous faut aller chercher toutes les licences au même endroit. Or, ce que l'on a vu, les propositions fédérales les plus récentes, c'est qu'il semblait n'y avoir aucune ouverture pour une dévolution de pouvoirs dans ce sens-là. Et on se demande, sans faire de préférence pour le fédéral ou le provincial - on désire n'avoir qu'un seul palier de juridiction - comment un pourrait continuer de gérer le spectre, par exemple, alors que tous les autres éléments tomberaient ailleurs. Et là, ça nous apparaît inconciliable avec les besoins de la câblodistribu-tion.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député...

M. Boulerice: J'allais lui demander s'il avait une préférence, malgré tout.

M. Le Scouarnec: J'imagine que nos membres ont plusieurs préférences et il faudra aller sonder les coeurs un par un. C'est fort long, je n'ai pas fait le tour moi-même.

Le Président (M. Gobé): Sur ce, je vous remercie. Alors, M. le député de Sainte-Ma-rle-Saint-Jacques, c'étaient là vos conclusions?

M. Boulerice: Bien non, dire que M. Le Scouarnec pratique aussi bien la diplomatie que l'audiovisuel, mais ce n'est pas un grief que je lui fais, et simplement dire - je suis persuadé que Mme la ministre va être d'accord avec moi - que c'est vraiment dommage que le temps nous limite puisque, s'il y a un domaine essentiel dans l'élaboration d'une politique des arts et de la culture, c'est d'aborder tout ce domaine des communications. Mais je suis persuadé qu'on aura d'autres forums d'échanges à ce niveau-là, du moins je le souhaite ardemment. Je vous remercie M. Roberge, M. Desrosiers, M. Le Scouarnec.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le député, et non pas le président mais le député que je suis vous répondrait, pour votre programme, qu'il est lui aussi un projet qui risque, si vous restez dans l'Opposition la prochaine fois, de demeurer un projet.

M. Boulerice: Ah monsieur, même si les journaux sont taxés par votre gouvernement, lisez les sondages.

Le Président (M. Gobé): Ceci étant dit, le président reprend la parole et demande à Mme la ministre de bien vouloir faire un mot de conclusion.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie. On va suivre la situation de très près parce que, à 26 heures en moyenne par semaine, c'est le véhicule non seulement de communication, mais au niveau culture, au niveau éducation, donc la qualité et le contenu, qui nous est finalement dévolu, là, non pas cette surveillance mais le suivi de la qualité du contenu qui nous intéresse. Évidemment, c'est capital. Alors, effectivement, quand nous allons élaborer cette

politique, tout comme avec le ministère de l'Éducation, le ministère des Communications est un intervenant important avec lequel on travaille et c'est sûr que vous serez appelés toutefois à vous prononcer et à collaborer.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Messieurs, je vous remercie. Ceci met fin à votre intervention et j'inviterai sans plus tarder les représentants de la Cinémathèque québécoise à bien vouloir venir prendre place en avant. Et, pour ce faire, je vais suspendre les travaux pour une demi-minute.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprisée 17 h 12)

Le Président (M. Doyon): Je vois que nos invités sont installés en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Je leur donne le temps de s'identifier et de procéder à la lecture ou au résumé de leur mémoire pour 10, 15 minutes. Après ça, on engage une discussion avec vous, des deux côtés de la table, pour le temps qu'il reste. Vous avez dès maintenant la parole.

Cinémathèque québécoise

M. Saint-Germain (Marcel): Merci. Je suis vice-président du conseil de la Cinémathèque québécoise. Mon nom est Marcel Saint-Germain. J'ai à ma gauche la directrice à la gestion, Mme Stéphane Leclerc, et à ma droite, le directeur à la conservation, M. Robert Daudelin.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Saint-Germain: Merci. Je remercie la commission de nous permettre de venir ici présenter notre mémoire que nous lui adressions le 17 septembre dernier. Je préfère le lire parce que, en résumant, je risquerais d'en oublier des éléments essentiels.

Une politique de la culture et des arts au Québec ne peut être définie sans la prise en compte du rôle essentiel que joue une institution comme la Cinémathèque québécoise dans un domaine où elle occupe une place unique, d'envergure nationale, la situant d'emblée parmi les organismes culturels de première importance.

Créée en 1963, la Cinémathèque bénéficia d'une reconnaissance progressive de la part du gouvernement québécois. En 1978, la Cinémathèque paraphait avec le gouvernement une entente-cadre selon laquelle le Québec lui conférait de facto un statut national. L'État québécois allait plus loin en 1983 en faisant de la Cinémathèque québécoise la cinémathèque reconnue en vertu de la Loi sur le cinéma.

Corporation privée sans but lucratif, la

Cinémathèque québécoise est issue du milieu et regroupe aujourd'hui plus de 600 membres représentant tous les secteurs de l'industrie du cinéma et de la télévision avec lesquels elle entretient des liens permanents.

Je voudrais rappeler à la commission la mission de la Cinémathèque québécoise qui est de promouvoir la culture cinématographique, de créer des archives de cinéma, d'acquérir et de conserver des films ainsi que toute la documentation qui s'y rattache, de projeter les films et exposer les documents de façon non commerciale, dans un but historique, pédagogique et artistique.

Il existe peu de véritables cinémathèques dans le monde. On les reconnaît à la richesse et à la nature des collections qu'elles possèdent, aux actions qu'elles prennent pour les mettre en valeur, aux gestes qu'elles posent pour les rendre accessibles à la population. À la fois archives du film et musées du cinéma, les vraies cinémathèques préservent, restaurent et diffusent le patrimoine cinématographique de leur pays et du monde entier.

La grande majorité d'entre elles sont membres de la Fédération Internationale des archives du film connue sous le nom de la FIAF, une organisation internationale qui fêtait son cinquantième anniversaire de fondation en 1988. La Cinémathèque québécoise est l'un des deux membres canadiens de la FIAF. Comme il est très rare qu'un pays compte plus d'une cinémathèque membre, le Québec doit être fier de posséder une telle institution dont l'expertise est mondialement reconnue.

Durant les années de son existence, la Cinémathèque québécoise a développé ses collections, ouvert largement au public sa documentation, contribué, par ses projections, ses publications et ses acquisitions, à la promotion de la culture cinématographique et à la défense et à l'illustration du cinéma québécois, et a accentué son rayonnement ici et à l'étranger. Elle est en outre la seule cinémathèque au monde à se spécialiser en cinéma d'animation.

Les collections de la Cinémathèque québécoise sont impressionnantes: plus de 25 000 films, dont 8000 sont du Québec et 4000 d'animation, et le reste sont des films canadiens et étrangers; 13 000 affiches de cinéma; 300 000 photographies; 500 appareils anciens (la seule collection du genre au Canada); des centaines d'objets divers (maquettes, costumes, etc.); 7000 scénarios, 40 000 livres, 450 titres de périodiques et plus de 100 000 dossiers sur le cinéma et la télévision. Ces collections sont conservées dans des entrepôts qui répondent aux standards techniques internationaux les plus élevés. L'importance des collections aussi bien que la qualité des services de la Cinémathèque québécoise sont universellement reconnus.

Toutefois, le rapport Arpin, s'il constate avec raison que des institutions culturelles connaissent des difficultés et qu'elles ont grand

besoin de stabilité financière, ne recommande la restauration des assises budgétaires que des organismes de diffusion et de création. Les institutions qui se consacrent à la conservation aussi bien qu'à la diffusion ne manqueront pas d'être renversées, c'est le moins qu'on puisse dire, par l'irresponsabilité d'une telle recommandation. Nous croyons qu'omettre la nécessité de stabilité dans les domaines de la conservation constitue une carence grave.

Je sais que certains ici connaissent le rapport Arpin par coeur, mais si on se reporte à la page 21, au dernier paragraphe, il est dit: "Une attention particulière doit en outre être accordée à certains grands organismes qui constituent l'épine dorsale de l'organisation culturelle du Québec. Des mesures précises pourront alors être proposées pour assurer leur dynamisme et leur stabilité." Nous osons espérer que la Cinémathèque s'inscrit à l'intérieur de cette dynamique.

Et également à la page 66, deuxième paragraphe, II est dit: "Dans l'octroi de ses subventions, le gouvernement, comme les entreprises privées, d'ailleurs, devrait prendre soin de favoriser d'abord la continuité et la stabilité." Encore une fois, nous espérons, par ces allusions, que la Cinémathèque soit incluse dans cette dimension.

Malgré tout ce que nous venons de décrire, la Cinémathèque est (imitée dans la manière de remplir et d'actualiser toutes les facettes de son mandat. Autrement dit, nous ne pouvons fournir qu'une réponse partielle à l'une des finalités que dégage le rapport Arpin: favoriser l'accès à la vie culturelle. Par exemple, nous souhaiterions décentraliser nos activités pour répondre aux demandes des quatre coins du Québec qui se font de plus en plus nombreuses et pressantes, et développer un partenariat dynamique avec les intervenants régionaux afin de diffuser et donner accès au patrimoine cinématographique dont nous sommes dépositaires.

D'autre part, certains secteurs de la production québécoise ancienne, notamment celle produite dans les régions, sont insuffisamment répertoriés et restaurés. Nos collections actuelles ont besoin d'un rattrapage qui leur assure une représentativité équilibrée dans l'espace et dans le temps, et un degré d'inventaire et de restauration qui optimise leur richesse. Mais nous n'avons pas les moyens. Or, si dans de nombreux domaines, comme les sciences, les beaux-arts et l'ethnologie, il existe au Québec plusieurs institutions dont les mandats se complètent sinon se recoupent, il n'y a qu'une cinémathèque. Cela entraîne des obligations particulières que nous serions heureux de combler à condition que nous recevions l'assistance financière indispensable pour le faire. Le rapport Arpin fixe souvent haut la barre; nous ne craignons pas de tels défis, mais nous maintenons qu'il faut doter ces objectifs de stratégies pour réussir. L'énoncé d'intentions qu'on y retrouve devrait se combiner à l'énoncé de moyens.

Pour faire face au développement technologique, aux mutations qu'ont connues les pratiques des cinéastes et au besoin de conservation et de mise en valeur d'un domaine connexe à celui qu'elle occupait traditionnellement, la Cinémathèque couvre depuis quelques années le champ de l'image électronique (télévision, vidéo et nouvelles images). De ce côté, nos collections ne se comparent, ni en richesse, ni en nombre, avec nos collections films, mais nous sommes conscients que tout un pan de la culture cinématographique se retrouve dans ce domaine. La responsabilité nous revient d'y intervenir parce que cela s'inscrit dans le prolongement logique de notre mission et dans les attentes manifestées par plusieurs de nos membres. Conscients de l'urgence et de la nécessité, nous avons d'ailleurs posé des gestes concrets dans ce sens sans pour autant en avoir les moyens adéquats.

Malgré tout ce qui précède, il y a une urgence: doter le Québec d'un musée de l'image en mouvement. Et, avec ses collections, son expertise, sa reconnaissance internationale, la Cinémathèque québécoise est celle qui peut mener à bien un tel projet intégrateur qui, non seulement viendra couronner des années de patients efforts, mais surtout répondra à un besoin éclatant: rendre enfin les collections accessibles au grand public.

L'élargissement du mandat de (a Cinémathèque au domaine des images électroniques est une nécessité qui va de pair avec la création du musée. Ainsi, la Cinémathèque-musée jouera pleinement son rôle et répondra aux besoins du Québec dans le domaine de l'image en mouvement; elle collera à la réalité quotidienne des Québécois où cinéma et télévision se complètent.

L'heure est à l'ouverture et à l'accessibilité. La Cinémathèque québécoise réaffirme avec force qu'un tel musée constitue le meilleur moyen d'ouvrir ses activités et ses collections à un public plus large. Ainsi, la mémoire sera l'assise du rêve et de l'action.

Ce musée, à nul autre pareil au Canada - il y en a d'ailleurs très peu au monde - se veut avant tout un musée interdisciplinaire car son objet impose une telle perspective. En effet, le cinéma, la télévision, la vidéo et les nouvelles images possèdent plusieurs facettes qui placent de facto le musée dans une catégorie à part: ifs ont à la fois une dimension artistique, scientifique, technique et civilisationnelle. Ce décloisonnement confirme le rôle de témoin et de véhicule des mutations culturelles que veut jouer le musée de l'image en mouvement.

Il faut qu'une politique culturelle fasse preuve d'ouverture par rapport à ce domaine où se mêlent art et loisir, technique et sociologie, et qu'en conséquence elle reconnaisse cette réalité multiforme où la culture nationale vient s'articuler à des pratiques universelles; un tel

geste aura certainement un effet d'entraînement sur tous les partenaires qui ont manifesté leur volonté de s'engager dans l'aventure du musée de l'image en mouvement.

Je voudrais rappeler aux membres de la commission la recommandation 39, qui est à la page 167 du rapport Arpin, où le musée de l'image en mouvement s'y inscrit très bien. C'est concernant Montréal. Il est recommandé que dans la stratégie du gouvernement à l'endroit de la métropole le dossier culturel soit considéré comme un élément moteur.

En conclusion, la proposition de politique de la culture et des arts résume l'essentiel de sa démarche par cinq verbes d'action: reconnaître, stabiliser, développer, irradier, mobiliser, qui trouvent de façon frappante leur écho dans le message que nous vous adressons aujourd'hui.

Reconnaître l'importance de la culture cinématographique et la Cinémathèque québécoise-musée de l'image en mouvement principal vecteur archivistique et muséal dans ce domaine comme une institution d'envergure nationale.

Stabiliser et consolider ses assises budgétaires afin de lui permettre de remplir adéquatement son mandat. Le Québec ne peut plus laisser en suspens la question du sous-financement de ses institutions culturelles.

Développer l'institution par la création d'un musée de l'image en mouvement qui élargisse son champ d'activité et rende accessibles ses collections a la population.

Irradier en favorisant l'accès, sur tout le territoire québécois, aux oeuvres cinématographiques nationales et internationales, et à la documentation les concernant, en créant le musée de l'image en mouvement dont la réputation s'étendra bien au-delà de nos frontières.

Mobiliser à la fois nos partenaires et la population. Par son membership, la Cinémathèque québécoise jouit de l'appui de l'ensemble de la profession. Elle ouvre également ses portes à de nombreuses manifestations qui comptent sur son appui. Elle réussit enfin une percée dans l'entreprise privée pour diversifier son financement.

En résumé, nous souhaitons que la politique culturelle québécoise marie les impératifs de la conservation des oeuvres à la nécessité de leur accessibilité et de leur diffusion, et nous estimons que nos activités actuelles et nos projets d'ouverture correspondent parfaitement à un tel objectif. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Germain. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue directement de Montréal sous la pluie. C'est ça, comme le disait M. Saint-Germain.

M. Saint-Germain: Ça prend un certain courage!

Mme Frulla-Hébert: Pardon?

M. Saint-Germain: Ça prend un certain courage, quand même, sous la pluie!

Mme Frulla-Hébert: Ah, ça prend un certain courage! La semaine dernière, nous avons parlé, précisément avec la Bibliothèque nationale, du manque, si on veut, au niveau du rapport, quant aux organismes qui se concentrent, entre autres, sur la conservation. Et je veux seulement vous dire que, dans mon esprit, la fonction de conservation est majeure dans l'élaboration d'une politique culturelle. Mais je voudrais aborder avec vous certains sujets. D'abord, au niveau du rayonnement, vous parlez du rayonnement non seulement immédiat, c'est-à-dire dans les grands centres, mais aussi du rayonnement au niveau d'autres centres, diverses régions. Est-ce que vous avez des suggestions là-dessus ou des recommandations? Parce qu'on parle du futur musée de l'image en mouvement. On pense qu'il y a des gros investissements, évidemment, au niveau gouvernemental et, tout comme avec les autres musées, entre autres, on va demander une participation assez grande au niveau des musées pour - comme on le dit si bien des fois - se faire pardonner de demander autant. Parce que c'est sûr que, nous, il faut payer non seulement le service de la dette, mais l'hypothèque chaque année ainsi que le fonctionnement, ce qui fait qu'à chaque fois qu'une grande institution nationale s'établit c'est quand même énormément de sous et récurrents aussi, chaque année.

Alors, au niveau de ce rayonnement de la cinémathèque en région, parlez m'en donc un peu.

M. Saint-Germain: Actuellement, la Cinémathèque québécoise, comme vous avez pu l'entendre tantôt, à la lecture du mémoire, dispose d'une collection assez impressionnante de films, de livres, de documents. Et cette documentation, ces livres et ces films sont actuellement accessibles à très peu de gens, parce que nous ne sommes pas équipés, sauf notre salle de 194 places ou 193, M. le directeur. Nous n'avons pas de lieu capable de recevoir des masses de personnes.

Maintenant, le rayonnement en région demande également à la cinémathèque des ressources à la fois humaines et des ressources financières; c'est-à-dire partir et aller projeter un film ou des films en région demande quand même du personnel, demande également un budget assez important. Aller - je vais céder la parole dans quelques instants à mon collègue, Robert Deaudelin, qui a vécu ce type d'expérience - en région organiser, je ne sais pas, un festival de cinéma de répertoire pendant trois jours demande beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent. Faire des copies de film aujourd'hui peut coûter 4000 $ à 5000 $ à chaque fois qu'on

fait une copie.

Alors, le rayonnement en région est faisable dans la mesure où il y a une augmentation des ressources humaines et une augmentation des ressources financières. Je vais passer la parole à Robert qui pourra vous donner plus de détails à ce sujet.

Ml. Daudelin (Robert): J'aurais une remarque préalable. Dans le rapport Arpin, il y a un paragraphe qui touche très bien cette question-là. C'est quand il fait mention de la nécessité d'un véritable réseau culturel. Et, nous, ça fait déjà plusieurs années qu'on a été amenés à penser en ces termes-là du fait de notre déception des opérations ponctuelles qu'on menait. On avait des demandes de Chicoutimi, Sherbrooke, Rimouski, puis, on arrivait, mais toujours de façon très limitée, à répondre à ça. Il y a un cinéaste qui était notre invité à Montréal, qu'on arrivait à amener à Chicoutimi pour 24 ou 48 heures. Puis, après ça, on ne retournait pas à Chicoutimi pendant un an et demi ou deux ans. (17 h 30)

Et les gens en région eux-mêmes étaient déçus de ça. Et, nous, on restait beaucoup sur notre appétit face à cette espèce de saupoudrage ponctuel dépendant de la force de la demande. Ça fait déjà un moment, donc, qu'on dit, chaque fois qu'on parle avec nos correspondants à travers le Québec, qu'il faut trouver une solution à plus long terme par rapport aux demandes répétées sur ce terrain-là. Mais, quand on dit ça, on pense essentiellement aux projections puis-qu'au niveau de la conservation des films, là, il n'y a pas de problème. Évidemment, la production étant massivement concentrée autour de Montréal, c'est plus simple d'y répondre. Mais, ceci dit, on offre les mêmes services à des cinéastes de la région de Québec, notamment, mais des cinéastes d'Abitibi aussi profitent des mêmes services techniques et selon la même gratuité que les cinéastes de la région métropolitaine. Ça, c'est donc, à toutes fins utiles, réglé.

En ce qui concerne la documentation, le centre de documentation, lui aussi, offre déjà un certain nombre de services téléphoniques ou par courrier à travers le Québec. Bon. Nos collègues de la Côte-Nord étaient là tout à l'heure. Je pourrais citer devant eux l'exemple des ciné-clubs de cette région-là qui préparent leur documentation en nous envoyant périodiquement leur programme en début de saison. On leur bâtit des dossiers d'information qu'on leur poste et ils peuvent néanmoins profiter de la documentation qui est disponible à la Cinémathèque.

Là où les demandes viennent plus souvent et là où nos réponses sont beaucoup plus modestes, c'est au niveau des projections. Quand les gens pensent à la Cinémathèque, ils pensent surtout à voir des films sur un écran et surtout des films anciens ou à tout le moins des films qui ne sont plus en distribution sur le territoire québécois. Et ça, c'est de plus en plus dramatique puisque la vie des films, depuis l'avènement de la vidéo, est de plus en plus courte et que les films n'existent de plus en plus qu'en copies 35 millimètres, donc projetables presque essentiellement dans des salies commerciales ou dans quelques campus de cégep ou d'université.

Et, face à ça, la seule solution, c'est de bâtir un réseau qui s'appuie sur des ressources aussi bien financières qu'humaines qu'on n'a pas actuellement. Parce que quand Marcel évoquait le problème du coût des copies, qui est un problème très réel, ce problème-là se double du problème du droit sur les copies. Parce que c'est très bien de dire: On a plus de 25 000 titres dans la collection. Et c'est formidable qu'une cinémathèque, sur un territoire relativement restreint comme le Québec, ait réussi à rassembler autant de titres en moins de 30 ans, mais ces titres-là, on en est les dépositaires, on n'en est pas les propriétaires au sens légal du terme. Et même si on a, dans certains cas, deux ou trois copies d'un classique français ou américain, on ne peut absolument pas dire à quelqu'un qui nous écrit de Chicoutimi: On vous envoie une copie par le prochain autobus. C'est beaucoup plus complexe que ça. Et pour solutionner ces différents problèmes-là, ça supposerait un service particulier qui ne fait que ça, à la Cinémathèque.

On a toujours rêvé, par exemple, et j'en ai parlé régulièrement avec des collègues du ministère des Affaires culturelles... L'image rêvée, c'est de prendre un professeur de cégep qui enseigne déjà le cinéma et d'obtenir, de son cégep ou du ministère de l'Éducation, qu'il soit mis en disponibilité pendant deux ans pour bâtir avec nous un projet comme ça, quelqu'un qui travaillerait déjà en région, qui connaît les besoins, qui sait comment ça se passe en région, qui bâtirait avec nous ce programme-là. Nous, on assurerait l'encadrement technique et historique par rapport au programme et, après ça, ça deviendrait accessible.

Mme Frulla-Hébert: Donc, ça, c'est au niveau de l'action en région. Au niveau de l'internationalisation, aussi, vous êtes associés, je pense, à la Fédération internationale des archives du film de Belgique - c'est ça - et à l'Association des cinéastes d'animation. Vous siégez aussi au conseil comme représentant canadien. Parlez-moi donc du rayonnement, justement, de la Cinémathèque au niveau international.

M. Daudelin: Vous me faites un cadeau en me posant cette question-là parce qu'à ce chapitre-là la Cinémathèque, plutôt modeste il y a 20 ans, très rapidement s'est inscrite dans un réseau international, très rapidement, vis-à-vis de la Fédération internationale des archives du film, par exemple, a été une archive très active. Je ne veux pas ramener ça à une histoire personnelle mais, moi, je siège au comité direc-

teur de la Fédération depuis 1975, j'en ai été le secrétaire général pendant six ans et je préside la Fédération en question depuis un peu plus de trois ans, maintenant. Mais, au delà de cette incidence, à travers ce lieu de rencontre extrêmement important pour les cinémathèques, la Cinémathèque québécoise a trouvé là un canal extrêmement important pour alimenter ses collections, amener au Québec des oeuvres du patrimoine cinématographique international auquel on n'avait pas accès avant. Un volet international de nos collections, notamment toute l'époque du cinéma muet, ce qu'on a comme richesse dans nos collections tient beaucoup à notre présence à la FIAF et au programme d'échanges qu'on a avec les archives membres de la FIAF.

Mais, inversement, par rapport au cinéma québécois, ça a été une très heureuse conjoncture ça parce que ces échanges-là, dans beaucoup de cas, nous ont permis de déposer dans des grandes collections à Berlin, Moscou, Paris, New York, Toulouse - il y a maintenant une vingtaine d'archives sûrement à travers la planète avec lesquelles on a des échanges - de déposer dans ces archives-là des films québécois. Encore il y a 10 jours, on envoyait à la cinémathèque française à Paris quatre ou cinq longs métrages québécois: "Les vautours", de Labrecque; "Le crime d'Ovide Plouffe", d'Arcand. C'est des politiques, ça, très normalisées maintenant à la Cinémathèque et qui font que le cinéma québécois, très concrètement, avec des copies dans des collections, est présent dans des grandes collections à travers la planète.

Au niveau des publications, on a toujours pratiqué le même type d'échanges et les publications de la Cinémathèque se retrouvent partout à travers le monde du fait de ces échanges-là, mais c'est plus que nos publications, parce qu'il y a des publications, comme le Dictionnaire du cinéma québécois, qu'on a diffusées à travers le réseau des archives, ou, autre exemple, les programmes des festivals qui se tiennent périodiquement à la Cinémathèque, on les poste à travers la planète chaque année également.

Donc, la présence du Québec, du cinéma québécois, des cinéastes québécois a beaucoup bénéficié de l'activité, de la présence très active de la Cinémathèque à la FIAF, entre autres lieux.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Une première question que je vais vous poser. J'en avais préparé trois là, mais j'ai plutôt le goût de vous poser celle-ci. Bon, vous faites partie de ce que j'appelle le grand réseau de la mémoire, et c'est très important. Puis je vais vous poser la question intrinsèque là, fondamentale, aucun des groupes n'y a échappé, mais je vais quand même actualiser. Il y a quelques mois, Radio-Canada se départissait, mais de façon vraiment on ne peut plus odieuse, de plusieurs dizaines de milliers de disques 78 tours, sans aucun archivage. Je veux dire, s'il y avait la notion dans notre droit criminel de crime culturel, je pense qu'il faudrait peut-être inclure ceci. Et je sais pertinemment qu'on a détruit énormément de films à Radio-Canada, d'émissions des toutes premières époques, etc. Est-ce que l'ONF est en train de faire la même chose? Je ne le sais pas là, je ne suis pas à l'Intérieur de cette boîte-là. Mais ce sont des organismes fédéraux, et des organismes fédéraux pour lesquels le Québec n'a absolument aucune juridiction. Mais ils sont par contre, compte tenu de leur chapeau fédéral, détenteurs d'une production, d'une création culturelle qui est québécoise. On ne peut pas intervenir. Le seul moyen d'intervenir, c'est que nous ayons pleine et entière juridiction sur ces organismes. On a appelé ça ici: rapatriement des pleins pouvoirs.

Au niveau de la Cinémathèque, pour vous, c'est quelque chose que vous supportez entièrement ou vous avez des réserves?

M. Saint-Germain: II n'y a aucun doute que ce que vous venez de dire au sujet d'archives, pas seulement à Radio-Canada, mais également dans les réseaux privés de télévision, est peut-être pour nous, de la Cinémathèque, qui sommes conscients de l'Importance de la mémoire de l'image, peut-être un des actes les plus désolants. Je n'emploie pas un autre mot que "désolant". J'ai personnellement - dans une autre vie - récemment eu le privilège de fouiller dans des archives à Radio-Canada pour chercher des documents audiovisuels humoristiques, et j'ai eu l'affreuse surprise de constater jusqu'à quel point on avait carrément fait disparaître des années. J'appellerais ça des années-lumière, quand on parle de cinéma. C'est très désolant.

Maintenant, bien sûr que le pouvoir du Québec dans ce domaine n'est pas là présentement. Est-ce que si le Québec avait eu ce pouvoir rien ne se serait effacé? On est en pleine hypothèse, je n'en sais rien. Pour l'avenir, nous, de la Cinémathèque, vous le savez très bien, les membres de la commission, que nous dépendons de trois sources de financement dont, principalement, le gouvernement du Québec. Si je regarde les subventions que nous recevons, je crois que c'est plus de 70 % de nos subventions qui viennent du gouvernement du Québec. Mais, par contre, nous recevons également des subventions du Conseil des arts du Canada ainsi que du Conseil des arts de la région métropolitaine de Montréal. L'idéal, ce serait probablement d'avoir une seule source de financement, d'aller à un seul endroit, un peu comme le disait un prédécesseur, ici, d'avoir une seule licence, d'avoir un seul lieu où demander. Ce qui nous importe, nous, c'est d'arriver avec une subvention suffisante pour faire en sorte que la Cinémathèque puisse assurer sa pérennité et sa permanence.

M. Boulerice: Oui, M. Daudelin.

M. Daudelin: Je voudrais juste compléter, M. Boulerice, à deux niveaux. D'une part, la Cinémathèque québécoise que vous recevez aujourd'hui s'est appelée, jusqu'en 1970 ou 1971, la Cinémathèque canadienne. Quand il y a eu ce changement de nom, l'assemblée générale qui a approuvé ça l'a fait avec une volonté très précise de définir un territoire de travail où les responsabilités de la Cinémathèque devenaient lourdes, c'est-à-dire qu'on désignait bien le territoire dont le patrimoine nous incombait et il fallait sauvegarder ce patrimoine-là. Notre mandat, depuis ce temps-là, a été très rigoureux, ce qui fait que, pour revenir à vos exemples concrets, qui sont très pertinents, l'Office national du film, par exemple, où la première vraie génération de cinéastes québécois a fait ses premiers films, c'est sûr que ça nous importait beaucoup. Effectivement, ce n'est pas en termes de juridiction qu'on peut intervenir dans un lieu comme ça, mais ça s'est fait au niveau des individus et même au niveau institutionnel, jusqu'à un certain point, parce que, au-delà du fait que beaucoup de cinéastes travaillant à l'ONF nous ont déposé très régulièrement des films, l'ONF, comme Institution, notamment à l'occasion de notre 25e anniversaire, comme geste, comme cadeau d'anniversaire nous avait remis toute la production de l'animation française depuis que l'ONF existait, ce qui était un cadeau assez copieux. Donc, il y a des gestes de cette nature-là.

Avec Radio-Canada, c'est beaucoup plus complexe parce qu'il s'agit de télévision. Il s'agit, à partir d'une certaine époque, de 1963, 1964, de supports vidéo dont on connaissait mal la nature et qui se sont avérés des supports extrêmement fragiles de sorte que, quand on a commencé à vouloir les protéger, ils étaient, dans bien des cas, déjà détruits ou en partie effacés. Puis, est intervenue, à travers ça, la loi fédérale sur les archives, ce qui fait que Radio-Canada, comme l'ONF, est automatiquement, en principe, en tout cas, archivée par les Archives nationales du Canada. C'est sûr qu'il y a tous ces facteurs-là et, par rapport à Radio-Canada, les petits morceaux d'histoire de la télévision canadienne, au Québec, ou québécoise dans le réseau Radio-Canada qu'on a pu sauver, c'est ce qui s'est fait sur film au début de la télévision dans des petites sociétés de production qui produisaient à l'extérieur de Radio-Canada. Ça, on a quelques éléments de ces créneaux-là, mais on admet que c'est malheureusement assez symbolique.

M. Boulerice: Est-ce que nos lois protègent bien? On a parlé, là, de sociétés, peu importe leur statut, mais au niveau des collections privées, est-ce que nos lois nous protègent bien contre, appelons-le, le saccage culturel, la disparition?

M. Daudelin: Les lois nous protègent. La Loi québécoise sur le cinéma nous protège relativement bien dans le sens que, dans l'article 7, elle fait obligation à tout producteur, au Québec, d'accepter qu'une copie soit tirée pour fins de dépôt, pour fins de conservation à la Cinémathèque, si la Cinémathèque québécoise décide de lui en faire la demande. Et cet article-là s'accompagne, depuis déjà quatre ou cinq ans, d'une subvention spéciale qui est maintenant de l'ordre de 100 000 $, qui nous permet, à toutes fins pratiques, de tirer des copies de tous les longs métrages de la production québécoise à mesure qu'ils se produisent et d'un bon nombre, d'un échantillon très respectable de la production de courts métrages. Donc, de ce point de vue, c'est assez rassurant et, comme on a pu faire des coupes, dans le passé, je pense que notre bilan est assez positif. (17 h 45)

Là où c'est plus inquiétant, et votre exemple de 78 tours de Radio-Canada recoupe ça aussi, c'est la production étrangère qui fait aussi partie de notre héritage culturel. Les Québécois voient plus d'images importées que d'images produites chez eux, comme à peu près tout le monde à travers la planète désormais. Or, ces images-là nous échappent beaucoup. C'est notamment le cas très ironique du cinéma américain. Vous disiez: Radio-Canada a détruit des 78 tours. À Montréal, chaque semaine, on détruit plusieurs centaines de copies, dans bien des cas flambant neuves, de films américains parce que, comme vous le savez, les États-Unis considèrent, dans le cas du cinéma, que le Québec ou le Canada dans son ensemble fait partie du marché domestique et, conséquemment, ne font pas de dépôt ici. On a essayé par toutes les portes, même avec des interlocuteurs qui étaient très accueillants; on n'a jamais réussi à percer cette muraille-là. Donc, on sait que chez Victoria Shipping, à Montréal, il y a un "container" qui ne désemplit pas. Il y a beaucoup de films là-dedans qui peuvent disparaître sans que ça ne nous fasse trop de peine mais, par contre, il y a des films très estimables qui devraient rester ici parce que des milliers de Québécois vont les avoir vus et dans 50 ans, quand on va vouloir évoquer le succès d'un film américain que tout le Québec a vu, il n'y aura plus de trace pour l'évoquer. Ça va être des souvenirs ou une mention dans un écrit, mais le film comme tel ne sera pas resté sur le territoire québécois.

M. Boulerice: Brièvement, puisque je sens que le président va jouer du couperet, et c'est le rôle odieux de sa fonction, parlez-moi du musée de l'image en mouvement. Je vous avoue que je trouve l'Idée extrêmement séduisante, mais ce serait quoi pour vous?

M. Saint-Germain: Je la trouve tellement séduisante que je vais confier la parole à ma voisine de gauche, qui en est un peu la maîtresse d'oeuvre chez nous à la cinémathèque.

Mme Leclerc (Stéphane): C'est beaucoup dire.

M. Saint-Germain: C'est beaucoup dire, mais c'est vrai.

Mme Leclerc: Donc, je vais être très brève moi aussi. Vous pourrez, si vous le voulez, poser d'autres questions. C'est un musée qui s'intéresse au cinéma, à la télévision et à la vidéo et, comme on dit, aux nouvelles technologies de l'image. Donc, l'expression "image en mouvement" essaie de recouvrir l'ensemble des oeuvres produites par ces différentes techniques et c'est un musée qui est interdisciplinaire, c'est un musée extrêmement contemporain. Dans le mémoire, on dit qu'il y en a très peu au monde; c'est vrai, il y en a un à Londres, un à New York présentement et, nous, on est à l'avant-garde de ce mouvement-là, si on peut s'exprimer ainsi, puisque nous ambitionnons de réaliser un pareil musée. Il n'y en a aucun au Canada actuellement. Il y en a deux dans le monde que l'on connaît présentement. On sait que la cinémathèque française a également un projet.

Donc, c'est un musée qui est multidis-ciplinaire dans ce sens qu'il s'adresse à la fois au grand public et aux cinéphiles. Ce musée-là essaiera de rejoindre beaucoup plus de monde, comme le mémoire s'emploie à le dire à plusieurs reprises. J'espère que je réponds suffisamment. Peut-être que Marcel, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Saint-Germain: J'ajouterais qu'il est interdisciplinaire. Je répète un peu ce qui a été dit dans le mémoire, c'est qu'il est a la fois scientifique, technique, artistique et il touche la civilisation. Aussi, ce qui est très important, c'est que c'est le seul avenir que nous voyons maintenant à la Cinémathèque, c'est-à-dire que la Cinémathèque dispose, on l'a dit tantôt, de 25 000 films, dispose d'une documentation phénoménale qui est, en fait, accessible à peu de gens, à des professionnels, à ceux qui viennent, comme nous l'avons dit dans le dernier rapport annuel. Il y a eu 4500 lecteurs qui sont venus au centre de documentation de la ' Cinémathèque cette année. Vous vous imaginez, un musée de l'image en mouvement qui aurait une salle de lecture aussi où tous les documents seraient accessibles. Quand vous pensez simplement à l'exposition des affiches de cinéma qui fait rage, vous allez dans n'importe quelle capitale dans le monde actuellement et on les vend. On en a des milliers à la Cinémathèque. En fait, ce dont nous disposons à la Cinémathèque doit être montré, doit être vu, doit être senti, il doit y avoir une interaction, ça doit être accessible au grand public. C'est un peu dommage... pas dommage, c'est un peu ironique. Habituellement, on construit des musées et, ensuite, on dépense des millions pour y accrocher quelques oeuvres, plusieurs oeuvres même; dans notre cas, nous avons les oeuvres, elles sont là, mais il n'y a pas de lieu, il n'y a pas de public.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Germain. En guise de conclusion, quelques mots de remerciement, M. le député.

M. Boulerice: Très brièvement, merci. De toute façon, nous sommes voisins. Vous avez toujours la délicatesse de m'inviter à chacune de vos manifestations. Quand il n'y a pas d'activités parlementaires, vous comprendrez que c'est très rapide de continuer le boulevard de Maisonneuve et m'y rendre. L'exposition sur les affiches était effectivement très belle. Je dis que notre commission a des mandats dits de surveillance. Il ne faut pas prendre le mot au pied de la lettre. Je crois que ça serait intéressant que l'on revoie les gens de la Cinémathèque qui pourraient nous parler plus longuement de leurs réalisations et de celles futures. Mais, ce que je retiens aussi, c'est que, bon, il ne faut pas prendre le mot, encore là, plus qu'il ne le faut. La Cinémathèque souhaiterait d'être le plus grand vldéoclub, le plus grand cinéma et la plus grande bibliothèque spécialisée dans le domaine du film qu'on aurait au Québec. C'est ça votre musée de l'image en mouvement. On va en rediscuter bientôt.

M. Saint-Germain: J'espère.

M. Boulerice: M. Saint-Germain, Mme Leclerc, M. Daudelin, si le président me le permet, juste une petite blague. Vous avez fait allusion à une vie passée; compte tenu des blagues atroces que vous avez faites sur ce personnage, vous avez remarqué que la députée de Verchères n'a pas dit un mot.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, à vous maintenant.

Mme Frulla-Hébert: Merci de votre présentation. Vous savez que le musée, de toute façon, nous tient à coeur. Et, effectivement, on est en train d'attacher les ficelles, comme je vous l'avais promis l'année dernière. Ceci dit, je pense que ce serait un très grand apport pour Montréal que d'avoir une institution de ce genre qui est, en fait, presque unique au monde, certainement unique au Canada, et vous le savez, vous avez notre support et notre appui. Il s'agit juste maintenant, chacun de son côté, de faire nos devoirs.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la

ministre. Aux gens qui ont bien voulu nous faire part de leur point de vue en ce qui concerne la Cinémathèque, if me reste à vous remercier au nom des parlementaires, vous souhaitant un bon voyage de retour et vous permettant maintenant de vous retirer, merci beaucoup.

La commission va maintenant entendre le dernier groupe pour cet après-midi. Il s'agit du Conseil des monuments et sites du Québec. Je les invite à bien vouloir s'avancer et à prendre place à la table qui vient d'être quittée par les gens de la Cinémathèque.

Maintenant que vous avez pu vous installer - je sais que vous êtes ici depuis quelques minutes - je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Vous connaissez la façon dont nous procédons. Nous allons procéder de la même façon avec vous. Je vous signale en passant que le mémoire que vous avez remis au Secrétariat des commissions a été distribué à tous les parlementaires, a fait l'objet de lecture et d'examen de la part de ces mêmes parlementaires, et particulièrement de la part de Mme la ministre et du critique officiel de l'Opposition. Si vous voulez procéder par voie de résumé, libre à vous. Donc, vous disposez de 10, 15 minutes pour nous faire part de votre point de vue et ensuite la discussion commencera avec vous autres. Vous avez la parole.

Conseil des monuments et sites du Québec

Mme Gagnon-Pratte (France): Mme la ministre, je fais remarquer en passant que le mémoire a été déposé il y a quelques secondes.

Le Président (M. Doyon): Un nouveau mémoire?

Mme Gagnon-Pratte: C'est le mémoire. L'autre était un exposé des positions qu'on nous a demandé au début. Le mémoire est dans vos mains à la minute actuelle. SI vous voulez suivre le cheminement de notre philosophie, vous l'avez dans vos mains.

Le Président (M. Doyon): Juste pour les fins du Journal des débats, vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent, Mme la présidente, s'il vous plaît?

Mme Gagnon-Pratte: Certainement. A ma gauche, M. Paul Trépanler, rédacteur en chef du magazine "Continuité". À ma droite, Mme Denise Plché, urbaniste, professeur à l'École d'architecture; M. Georges Guimond, ingénieur, membre du conseil d'administration du Conseil des monuments et sites du Québec, et M. André Bergeron, restaurateur en oeuvres d'art, membre du conseil d'administration du Conseil des monuments et sites du Québec, et mol-même.

Le Président (M. Doyon): Merci.

Mme Gagnon-Pratte: Le Conseil des monuments et sites du Québec a été créé en 1975 comme organisme privé afin de promouvoir l'étude et de favoriser la conservation et la mise en valeur des monuments et des sites ainsi que d'éveiller et de développer l'intérêt des autorités et de la population du Québec à l'égard de leurs monuments et de leurs sites passés et présents. Les domaines auxquels le Conseil s'Intéresse sont définis dans ses statuts. Ils comprennent, outre les monuments d'intérêt historique, archéologique, esthétique et ethnographique, immeubles par nature ou destination, les sites d'art et d'histoire, les sites archéologiques et les centres urbains anciens.

Aujourd'hui, les objectifs du Conseil se sont élargis à l'ensemble du champ patrimonial. Le Conseil des monuments et sites du Québec fait la promotion du patrimoine, de sa connaissance, de sa conservation et de sa mise en valeur, et il oeuvre à éveiller et à développer l'intérêt des autorités et de la population du Québec à l'égard de leur patrimoine.

Le Conseil des monuments et sites du Québec considère le rapport Arpin comme une étape importante en vue de l'établissement d'une politique culturelle au Québec. Nous donnons notre accord de principe aux trois finalités de la politique culturelle qui sont de développer le domaine des arts et de la culture, de favoriser l'accès à la vie culturelle et d'accroître l'efficacité de l'intervention du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle.

Vouloir intégrer la culture dans le quotidien des Québécois et de l'appareil gouvernemental au même titre que les dimensions sociales et économiques nous semble un défi très mobilisateur et plein de promesses pour l'avenir. Toutefois, le Conseil des monuments et sites du Québec reste très perplexe devant le renversement soudain de l'Interprétation du concept de culture dans les orientations du rapport Arpin. Dans sa forme actuelle, ce rapport nous paraît être davantage une proposition de politique des arts et des lettres qu'une véritable politique de la culture.

Pour le Conseil des monuments et sites du Québec, les orientations proposées à l'intérieur de chacune des trois finalités sont intéressantes, mais nettement insuffisantes puisqu'elles ne considèrent que les activités reliées à la création et négligent, par exemple, la création du cadre bâti. On semble rapidement oublier que la création d'aujourd'hui, le patrimoine au futur, provient d'une façon ou d'une autre du patrimoine du passé, passé. Si la situation des arts et des industries culturelles est pénible, que dire alors de la situation des intervenants en patrimoine. L'urgence existe également dans ce secteur car le manque de planification imposé par des conditions financières pénibles ne nous permet que des actions à court terme. Aucune stabilité n'existe à l'heure actuelle et la planification à long terme

essentielle en matière de patrimoine est tout à fait impossible dans ce contexte.

Maintenir la compétence professionnelle dans le domaine de la culture signifie qu'il faut accroître l'accessibilité à la formation et au perfectionnement pour tous les gestionnaires et les intervenants culturels, aussi bien en création, en muséologie qu'en patrimoine. Un faible niveau de rémunération, question intimement liée au financement des organismes, ne facilite en rien leur développement harmonieux. Assurer la continuité devient donc difficile en raison du taux de roulement élevé des personnels. Dans un tel contexte, même les meilleures initiatives s'épuisent. Le pouvoir attractif de ce secteur, au niveau de l'emploi, est également très faible en raison du sous-financement chronique et de la quantité parfois phénoménale de bénévolat que la pratique du patrimoine impose au candidat éventuel.

Par exemple, en aparté, vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement fédéral, lorsqu'il a fondé l'organisme qui ressemble au Conseil des monuments et sites du Québec, la Fondation canadienne pour la protection du patrimoine, la dotait d'un fonds de 13 000 000 $. Vous n'êtes pas sans savoir que le financement global du Conseil des monuments et sites du Québec, qui oeuvre à la grandeur du territoire, n'atteint même pas 200 000 $ par année. (18 heures)

L'idée d'établir un réseau culturel sur l'ensemble du territoire est a priori intéressante et le rapport Arpin souligne l'inégale répartition des ressources et des organismes culturels au Québec. Nous émettons cependant de nombreuses réserves quant au découpage proposé qui semble suggérer que Montréal crée le contenu, Québec le pense et que l'ensemble régional, quant à lui, constitue le réceptacle de la création. Concevoir les régions comme un ensemble homogène nous semble inapproprié. Encore ici, le réseau culturel projeté s'intéresse davantage aux activités de création artistique, lettres et arts. La façon dont le rapport met l'accent sur le développement spécifique des arts à Montréal et à Québec n'est certainement pas appropriée en matière de cadre de vie et de patrimoine. Ces notions sont essentiellement civiques et démocratiques. Montréal et Québec ont, bien sûr, leur spécificité, mais comme toutes les autres collectivités du Québec.

Quant au développement de l'éducation culturelle, le Conseil des monuments et sites du Québec est d'avis que le ministère des Affaires culturelles doit veiller au développement des arts à l'école, mais également à l'éducation et à la sensibilisation des jeunes au patrimoine et à l'histoire. Plus les jeunes seront éveillés tôt à leur environnement culturel, plus les efforts visant à une véritable démocratisation culturelle auront des chances d'aboutir. Pour favoriser l'accès à la culture dans le domaine, par exem- ple, du cadre bâti, il faut le conserver, le développer, l'habiter. Favoriser l'accès à la culture, c'est aussi éduquer autant les élus et les promoteurs que les citoyens. La perte des savoirs en matière de conservation du patrimoine et de création du cadre bâti est telle, au Québec, que seule une réflexion collective nous permettra de réapprivoiser l'art d'aménager notre milieu de vie.

Il nous faut donc prendre conscience, comme peuple, que tout ce qui disparaît aujourd'hui contribue a effacer lentement mais sûrement notre mémoire collective. C'est pourquoi la diffusion des connaissances sur le patrimoine et l'histoire devrait s'effectuer en collaboration étroite entre le ministère de l'Éducation, le ministère des Communications et Radio-Québec, ainsi qu'après consultation des organismes concernés en patrimoine.

Le Conseil est en accord avec le rapport Arpin lorsque ce dernier suggère l'élaboration de politiques en vue d'accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle. Nous croyons qu'une politique de la culture, pour être opérationnelle, devrait être composée d'un ensemble de politiques sectorielles. Tous les champs de la culture doivent être concernés par ces politiques sectorielles, sans restrictions. Le secteur du patrimoine doit lui-même englober de nombreux volets, tels le cadre de vie bâti et naturel, les monuments et les sites, l'archéologie, l'ethnologie et tout le vaste champ du patrimoine intangible.

Dans le rapport Arpin, page 167, on lisait: 'Toute cette richesse conservée dans les musées, dans les quartiers anciens, dans l'histoire, dans les bibliothèques et aux archives représente un gisement exceptionnel. Cette mémoire du patrimoine, c'est la culture matérielle qui traverse les âges pour être transmise à nos enfants."

Ce paragraphe extrait du rapport semble suggérer que la culture matérielle se préserve de façon spontanée. Hélas, tous les matériaux constitutifs des biens patrimoniaux sont constamment soumis à un processus de dégradation inexorable en l'absence de mesures de conservation appropriées. Le Conseil des monuments et sites du Québec est d'avis que l'omission des questions liées à la conservation constitue un oubli majeur pour une politique de la culture. De par son rôle actuel, le ministère des Affaires culturelles possède une responsabilité nationale d'assurer vie aux témoignages qui font de nous une société distincte. En ce sens, le Conseil des monuments et sites voudrait insister pour que le ministère des Affaires culturelles reprenne la gestion en maître d'oeuvre de tout l'environnement bâti et naturel de la province de Québec. La récente loi 43 sur les politiques du ministère des Affaires culturelles qui se délestait de ses responsabilités en faveur des municipalités a eu des répercussions extrêmement graves sur l'ensemble du patrimoine québécois.

L'ensemble des recommandations n'est pas de nature, d'autre part, à soutenir l'épanouissement culturel en matière de patrimoine bâti et naturel ni en matière d'architecture, de design urbain et d'urbanisme. On semble prendre pour acquis que notre patrimoine artistique, architectural, urbain, ethnologique, archéologique et archMstique reçoit un traitement permettant à la population québécoise de connaître son histoire. La réalité est toute différente.

Une politique culturelle doit nécessairement inclure une politique de la conservation et se situer à l'Intersection de la majeure partie des politiques sectorielles devant être développées par le ministère des Affaires culturelles. La conservation possède un volet important en tout ce qui touche le patrimoine tangible ainsi que pour tout ce qui touche les activités de diffusion et d'interprétation. Pourquoi ne pas l'associer également à tout ce qui sera demain patrimoine, en y incluant la création artistique. La conservation devrait constituer un ciment, un dénominateur commun pour tout ce que le Québec a produit, crée actuellement et créera dans le futur. Loin d'être la responsabilité d'un seul organisme, les objectifs de conservation devraient être une seconde nature lors de toute activité qui implique le ministère des Affaires culturelles.

La conservation du patrimoine est l'oeuvre de centaines de citoyens qui y consacrent toutes leurs énergies, mais la politique de rationalisation semble viser les grandes institutions. Or, l'expérience du milieu de la conservation du patrimone montre bien l'intérêt et la nécessité du travail fait à la base dans les différents coins du Québec. Il faut trouver les moyens de soutenir ce travail. Sans politique de conservation, on assiste à l'apparition d'un mystère de l'immédiat culturel, sans profondeur dans le passé et sans perspective d'avenir. Il faut élargir la conception de la culture et, surtout, élargir les perspectives d'un ministère de la culture à autre chose que la bonne gestion des programmes de soutien à certains types de créateurs et à certaines organisations culturelles.

Pour le Conseil des monuments et sites du Québec, il est impératif, tel que le suggère le rapport Arpin, que le gouvernement considère la culture comme un élément moteur du développement collectif et qu'il imprègne toute son action de cette conviction. Le ministère des Affaires culturelles devra cependant associer à toute politique culturelle dont le développement serait axé uniquement sur le contenu du rapport Arpin des projets de politiques de patrimoine, de muséologie et de conservation qui seraient, eux aussi, soumis à un vaste exercice de consultations et d'audiences publiques, comme dans le cas présent.

Agir autrement pour le ministère des Affaires culturelles consisterait à nier une partie importante de ce cadre de vie qui devient de plus en plus précieux parce que de plus en plus menacé. Parler de patrimoine, de monuments et sites en 1991, ce n'est pas parler uniquement de ceintures fléchées et de raquettes. C'est avant tout parler d'un vaste réseau d'institutions, de sociétés, d'organismes composés de gens bien vivants et qui possèdent une vision particulière d'une société en voie de se redéfinir. Il importe de se rappeler que ce n'est qu'une petite partie de ce que nous considérons comme important aujourd'hui qui sera préservée dans le futur.

Nos objectifs culturels sont donc futiles s'ils ne s'accompagnent pas de mesures concrètes, destinées à optimiser la préservation de cet héritage du passé dont nous avons aujourd'hui la plus grande responsabilité. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci madame. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Pratte. Bienvenue. Je voudrais vous rassurer, d'ailleurs, que, dans mon esprit, le patrimoine architectural et naturel fait autant partie de la politique globale sur la culture que la danse, la musique, récriture. Il y a une chose qu'on peut apprendre, par exemple, du Canada anglais et vous avez raison, toute la question de "heritage", "heritage fund", "heritage"... Les fondations, c'est beaucoup plus dans leurs moeurs - de toute façon, s'il y en a qui peuvent nous le dire, c'est bien vous - qu'ici, au Québec, où c'a été longtemps... On a parlé longtemps, finalement, de vieilles pierres... On n'a pas ce sentiment - je pense qu'on le développe maintenant de plus en plus - et on n'avait pas cette histoire, cet historique de préservation ou de conservation. On vient de voir... la Cinémathèque, c'est la même chose. Détruire des émissions de télé, ça n'a pas de bon sens. C'était aussi notre patrimoine, et on ne les a plus. Ça, évidemment, ce sont des organismes tels que le vôtre qui font en sorte que les gens soient très conscients.

Je vais faire une mise au point, par exemple. La loi 43, dont vous parlez, a modifié la Loi sur les biens culturels par l'ajout tout simplement d'un nouveau chapitre qui permet aux municipalités de s'impliquer dans le domaine de la protection du patrimone. D'aucune manière la loi n'a constitué une quelconque délégation des pouvoirs du MAC vers les municipalités. C'est parce que, de plus en plus, maintenant, on parle de partenariat. On veut que les gens aussi embarquent, parce que, encore là, on parlait de la tendance chez nos amis anglophones qui parlent de "heritage"; bien, quelque part, ça vient toujours d'en haut et ce n'est jamais à partir de la volonté populaire et des instances, aussi, qui sont très près des... ou encore plus près des citoyens québécois. Si on ne fait pas tout ça tous ensemble, en bout de ligne, on n'arrivera jamais à développer, justement, ce sentiment d'importance. Donc, ce n'est pas du tout un délestage de pouvoirs ou une délégation de

pouvoirs, au contraire, c'est de leur permettre, aux municipalités, d'être partenaires avec nous.

Dans ce sens, on a signé à peu près 400 ententes avec les municipalités et il y a des municipalités qui s'impliquent. Je suis d'accord avec vous, mais, autant dans le cas des bibliothèques que dans d'autres cas, il y a des municipalités qui s'impliquent moins. Mais on aperçoit aussi un changement de mentalité au niveau des maires et des municipalités qui fait que la culture, maintenant, pour eux... Donc, préservation du patrimoine, muséologie, etc., deviennent importantes. Mais moi, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus parce que, un moment donné...

En tout cas, dans ce qu'on avait, avant, comme documentation, vous avez porté un jugement global qui est dur sur les municipalités et je voudrais qu'on s'y arrête. J'aimerais savoir, cette préoccupation à l'égard des municipalités se fonde sur quelle problématique? Nous, on veut pousser les municipalités à s'embarquer et à être conscientes de leur patrimoine. À ce moment-là, c'est le partenariat. Mais vous semblez réticents face à ça, ou enfin dû peut-être à des expériences antérieures, mais j'aimerais qu'on en parle.

Mme Gagnon-Pratte: Je voudrais expliquer, Mme la ministre, que nous avons chaque année 150 dossiers de protection du patrimoine dans les municipalités et, à la base de tous nos dossiers, ce sont les maires qui ne connaissent pas la loi sur le patrimoine, qui ne connaissent pas leurs devoirs et qui mettent le point de vue économique bien auparavant de conserver des anciennes maisons. Vous avez le cas, récemment, à Pont-Rouge, où une maison ancestrale a été démolie pour faire un Jean Coutu et vous avez cet exemple qui se répète, non pas dans les grandes villes, bien que ça arrive constamment... Vous pensez à l'église St. Patrick's à Québec qui a été remplacée par l'îlot Saint-Patrick devant votre ministère. Mais, dans toutes les municipalités, je crois que les maires considèrent qu'il est de leur devoir, en matière de patrimoine, non pas de mettre en valeur leur église, mais de prendre les monuments qu'ils ont, comme une église, un presbytère, et de les rendre économiquement viables en les démolissant ou en les transportant. On a eu un patrimoine à roulettes assez important, où les maires ont déménagé les maisons ancestrales en dehors de leurs villages pour ne pas avoir à s'en préoccuper. Nous avons eu aussi un patrimoine qui a été totalement détruit, dans la province de Québec, récemment, dans les cinq dernières années, de façon vraiment sauvage par les maires qui considéraient qu'ils avaient besoin d'espace pour mettre des Jean Coutu, des McDonald's et, surtout, des caisses populaires neuves et des stationnements.

Pourquoi nous sommes peut-être assez agressifs? C'est que nous vivons journalièrement ce problème puisque de toute la province nous avons 150 dossiers en cours et si je vous envoyais copie des 150 dossiers... Je crois, d'ailleurs, que vous avez copie de presque toute ma documentation.

C'est navrant de voir comme les maires ne sont pas conscients de leurs responsabilités, comme si la loi 43 leur avait été offerte, mais sans préalable, sans législation appropriée, sans mesures de contrôle et sans moyens financiers, peut-être, pour mettre en valeur le patrimoine et non pas le détruire. Je crois que la plupart des maires, sauf quelques-uns... Je dirais au maximum un dixième des maires sont conscients de la responsabilité qui leur incombe maintenant de protéger leur patrimoine. Pour eux, protéger leur patrimoine, ce n'est pas protéger les choses intéressantes, les points de vue, les sites naturels ou les bâtiments d'intérêt patrimonial, c'est plutôt mettre en valeur leur village de façon économique. Je crois qu'il y a un très gros problème d'éducation à faire auprès des municipalités.

Mme Frulla-Hébert: Mme Courchesne me disait qu'on met 11 000 000 $ par année, au niveau de la restauration du patrimoine, excluant Québec et Montréal, donc les deux grands centres parce que Québec, évidemment, c'est assez spécial, et Montréal aussi. Mais est-ce que vous y voyez une évolution? Vous savez, on a des demandes, nous, d'une part. Deuxièmement, on est aussi protecteurs dans un sens où, bien souvent, on a énormément de pressions de la part du milieu, de la part de nos collègues aussi, qui, eux, ont des pressions de la part du milieu. On s'oppose, bon, parce que telle maison est classée ou, enfin, en voie de classement, etc., et ce n'est pas toujours facile non plus de notre côté. Mais il me semble qu'on voit quand même une certaine évolution dans la mentalité. Vous savez, la mentalité des maires change au fur et à mesure que la mentalité des gens change aussi, là. Mais est-ce que je me leurre? Nous, je sais qu'on sent ça, mais, évidemment, dans certaines municipalités plus que d'autres. (18 h 15)

Mme Gagnon-Pratte: Je crois que les municipalités où les gens sont plus sensibles à leur patrimoine, peut-être que le patrimoine est plus visible et plus actuel. Cependant, ce que les maires ne comprennent pas, c'est que mettre en valeur le patrimoine, ce n'est pas nécessairement y investir de grandes sommes d'argent. Je pense que Mme Piché, qui est spécialiste en urbanisme, pourrait peut-être vous répondre autant que mol sur ce sujet.

Mme Piché (Denise): Le rapport Arpin a ouvert une avenue intéressante en amenant la question du cadre de vie, la question du patrimoine dans quelques pages, dans la section qui parle de favoriser l'accès à la culture. Je pense que, dans les pages que M. Arpin a probablement écrites lui-même, il y a quand même un constat

assez important sur l'état du cadre de vie comme un élément de culture.

Il faut dire qu'au Québec toute la question de l'aménagement, de la création et de la conservation du cadre bât) est une question qui est gérée par les lois qui relèvent plus du ministère des Affaires municipales, par les lois sur l'aménagement du territoire. En quelque sorte, c'est comme si, dans le passé, la question culturelle de création et de conservation, de mise en valeur du cadre bâti n'avait pas été considérée comme étant très importante. Ça a comme été un élément relativement absent des politiques culturelles. Alors, dans le rapport Arpin, on voit la porte s'ouvrir d'une certaine façon, mais, en même temps, on voit aussi que l'ensemble des recommandations du rapport n'ont pas été relues à la lumière de cet élément important de la culture qu'est le cadre culturel de vie, tel qu'il est appelé dans le rapport.

Alors, ça serait important de revoir, d'une certaine façon, si l'ensemble des mesures qui sont proposées dans le rapport sont susceptibles, d'une certaine façon, d'améliorer ces deux pans très importants de la culture. On pense que, dans une certaine mesure, le soutien aux artistes, le soutien aux industries culturelles, tout ça a été pensé en fonction des arts et des lettres, beaucoup plus qu'en fonction de ces deux aspects dont nous parlons aujourd'hui.

Il faut dire aussi que du côté des municipalités les gens ont été formés dans ce que j'appellerais des politiques d'aménagement de type planification. Ce qui a été important, depuis une trentaine d'années, avec la modernisation, ça a été les réseaux de services aux municipalités, les autoroutes, les aqueducs, etc. Là, maintenant, c'est l'environnement. Dans tout ça, la part du milieu de vie comme milieu culturel, ça n'a pas beaucoup de place. Il y a une perte de savoir absolument énorme au Québec sur le plan de l'aménagement des villes, sur le plan de ce que c'est qu'une forme urbaine, ce que c'est qu'une rue, ce que c'est qu'une place publique, ce que c'est qu'un monument, un quartier ancien qui est vécu parce qu'un monument ancien - et ça, c'est peut-être le danger dans les municipalités - c'est qu'on voit les monuments comme des lieux à muséifier. On connaît ce qui est arrivé à la place Royale à Québec. Le patrimoine bâti est un patrimoine habité. S'il n'est pas habité, il n'est plus partie du patrimoine vivant dans lequel nous vivons. Donc, c'est assez important de considérer aussi cet aspect actif du patrimoine. C'est avantageux de voir que le rapport Arpin le met sur la table, mais, d'un autre côté, l'ensemble des mesures qui sont proposées ne sont pas de nature à venir enrichir les municipalités d'une nouvelle vision culturelle à l'heure actuelle. Il y a beaucoup de réflexion à faire autour de ces deux questions-là.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Comme on dit aux amis: Vous arrivez tard et vous partirez trop tôt. Je suis vraiment heureux de vous accueillir. Je vais juste, très brièvement, vous dire quelque chose. La responsable du dossier patrimoine - je veux dire, à mon bureau, puisque, n'étant pas ministre, je n'ai pas de cabinet, donc, vous vous doutez bien qu'elle est bénévole, cette personne - me trace le portrait suivant.

Au cours des dernières années, plusieurs initiatives ont été menées à bien, laissant présager une amélioration de la situation en matière de sauvegarde et de diffusion du patrimoine. Plusieurs étapes ont été franchies depuis 10 ans, notamment dans le domaine des inventaires, mais, outre quelques exceptions, la situation va de mal en pis dans la majorité des villes et villages québécois. Les pertes sont énormes à tout point de vue: paysages saccagés, immeubles mutilés, artefacts brûlés, traditions orales oubliées. De plus, il faut passer à l'étape suivante, soit la protection et la restauration si l'on veut éviter que le macroinventaire du ministère des Affaires culturelles ne devienne, à la fin de ce siècle, un ramassis de belles photos nostalgiques. A-t-elle raison ou a-t-elle tort?

Mme Gagnon-Pratte: Je crois que c'est un portrait peut-être un peu négatif, mais très réaliste de la situation actuelle. Tout l'aspect visuel de la société distincte est en train de disparaître à tout jamais. Dans tous les villages, vous perdez ce qui faisait de Québec cette chose qui nous rend Québécois et que tous les touristes étrangers viennent voir. Ils ne viendront pas voir le McDonald's et la nouvelle caisse populaire. Ils aiment beaucoup mieux voir un cadre bâti qui reflète une société québécoise qui est tout à fart différente des autres sociétés en Amérique du Nord par ses composantes architecturales, par son savoir, par sa façon de vivre autant que par son langage. Je crois que l'ensemble de tout ça fait de nous une société distincte et quelque partie que nous laissons au hasard ou que nous perdons en cours de route diminue de beaucoup l'apport que nous pouvons avoir comme société distincte dans le monde.

C'est pour ça que la vision des maires... Dans un contexte économique extrêmement dur pour les maires, c'est certain que la perception de la conservation leur apparaît comme un éléphant blanc alors que conserver un presbytère, comme certaines municipalités l'ont fait, incorporant à l'intérieur même une caisse populaire, est souvent beaucoup moins coûteux que de démolir le presbytère et, après, de construire une caisse populaire entièrement neuve. C'est ce discours qu'il est très difficile d'Inclure dans la programmation d'éducation envers les gens en poste dans les mairies parce qu'ils sont absolument obnubilés par ce désir économique de

rentabiliser leurs espaces, ce qui est compréhensible. Alors, le ministère des Affaires culturelles, depuis quelque temps, fait la promotion de la conservation du patrimoine et c'est très important.

M. Boulerice: Dans le musée des horreurs qu'on décrit, Mme Pratte, mon Dieu, démolition du vieux couvent de Montmagny avec aucune punition envers le maire qui l'a faite... Le seul édifice d'architecture Art déco qui existait dans le centre-ville est de Montréal était Radio Shack et Burger King. Rappelez-vous la bataille que nous avons dû mener pour sauver ce théâtre, Ici, qui est le seul exemplaire de style Beaux-arts qui existe dans la ville de Québec. On pourrait en citer plusieurs de ces cadavres, malheureusement, que l'on traîne.

Mme Pratte, la question que j'aimerais vous poser... Premièrement, on parle de patrimoine, donc on parle de mémoire, et je pense que la vérité a ses droits en ce Parlement. Depuis le 3 décembre 1985, ce gouvernement nous promet une nouvelle politique sur les biens culturels. J'attends toujours et j'emploie toujours cette expression: J'ai l'impression d'être un réparateur de Maytag. Les grandes lois structurelles, on ne les voit pas venir. Mais, pour satisfaire vos aspirations, je retrouve là-dedans... Si le Québec, la politique ne vient pas, je vais vous en proposer une, moi: si on avait une société du patrimoine, une société qui demeure le maître d'oeuvre et la coordonnatrice de toutes les réalisations bien qu'elle puisse s'adjoindre d'autres paliers de gouvernement aux différents objectifs. Elle serait autonome dans son fonctionnement, aurait le mandat de tenir des audiences publiques, et cette société agirait en lieu et place de la présente Commission des biens culturels, assumerait les responsabilités et détiendrait les pouvoirs attribués au ministère actuellement. Il y a des commissions régionales qui représentent le milieu et qui l'assistent dans son travail. Je pourrais continuer là... Quand on parle de patrimoine, on parle de patrimoine agricole, horticole. On lui donne plusieurs sens: patrimoine humain, donc technologie, anthropologie, archéologie, architecture. La dimension naturelle - biologie, géologie, écologie - et industrielle aussi, avec les technologies, recherche scientifique, mise en marché. Est-ce que cela répondrait aux attentes de votre Conseil?

Mme Gagnon-Pratte: J'ajouterais que, pour répondre à nos attentes, il y aurait trois points extrêmement importants: législation, financement et représentation. Je crois que Mme Piché peut ajouter les considérations.

Mme Piché: Je pense qu'il faudrait aussi songer très sérieusement...

M. Boulerice: Elle vient de me donner raison. Je m'excuse, madame. Allez-y. Non, mais je trouve très...

Le Président (M. Doyon): Vous avez la parole, Mme Piché.

Mme Piché: ...penser à réfléchir sur une politique sectorielle de cadre de vie du patrimoine et cadre de vie dans la mesure où une société comme celle que vous proposez va être comme un cataplasme d'une certaine façon et permettre de sauver in extremis - ce que font tous les organismes engagés dans la sauvegarde du patrimoine dans le moment - certains éléments du patrimoine. Mais, pour vraiment sauver l'ensemble du patrimoine, il va falloir développer une politique très cohérente qui harmonise d'une certaine façon le patrimoine déjà acquis avec le patrimoine en voie de création parce que les villes, les ensembles se développent de façon constante. Donc, il faut faire jouer les deux ensemble. C'est une politique qui doit être réfléchie et englober les deux parties. Donc, d'une certaine façon, une société comme celle que vous proposez va servir les mêmes fins que tous les organismes, peut-être avec des pouvoirs plus grands que les organismes qui investissent déjà dans ce secteur-là. Peut-être faudrait-il des moyens très diversifiés pour arriver à sauver le patrimoine.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Piché. Mme la députée de Verchères, vous aviez un question...

M. Boulerice: Juste une petite seconde. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Boulerice: Elle a également le mandat de procéder à l'inventaire complet des biens culturels immobiliers ainsi que des arrondissements historiques sur tout le territoire. Elle va même jusqu'à dire qu'après cet inventaire la société, de concert avec les organismes, procède à la sélection des biens et arrondissements naturels à protéger et à mettre en valeur. Les propriétaires seront consultés, mais la société pourra intervenir sans leur accord s'ils s'y refusent.

M. Gobé: M. le Président. J'ai une question à vous poser.

Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député.

M. Gobé: Ça me fait plaisir d'être ici pour écouter les gens, mais je me demandais si on n'était pas en audience publique pour discuter du rapport Arpin, et là on discute du programme du Parti québécois. À moins que mon grand ami, André, ait l'intention de substituer le programme du PQ au rapport Arpin, je pense qu'on devrait peut-être revenir au rapport Arpin.

M. Boulerice: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Le message a été passé, je pense que...

M. Boulerice: Non, non...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le député.

M. Boulerice: Bien écoutez, si le député nous reproche d'avoir des idées et de les soumettre aux gens qui sont concernés, Je trouve qu'il est mesquin. Qu'il se trouve des idées et moi, je n'aurai aucune objection à ce qu'il leur soumette.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Verchères. Vous aviez une question, rapidement, compte tenu du temps.

Mme Dupuis: Mme Gagnon-Pratte, ce que vous énumérez, ce dont vous faites mention dans votre mémoire, je pense qu'on a à le vivre. Moi, j'ai eu à le vivre dans mon comté, avec une petite municipalité où les maires étaient déchirés entre la position de sauver un monument historique ou pas. Ce qui les a fait reculer, parce qu'il y avait un petit noyau de citoyens qui ne voulaient pas et qui avaient peur de l'avalanche de taxes qui arrivaient, et tout... D'autre part, dans d'autres secteurs, d'autres petites municipalités disent: Oui, mais lorsque c'est classé monument historique, ça coûte deux fois plus cher à rénover.

Devant ces faits-là que l'on vit presque à tous les jours, surtout si nous sommes dans un secteur riche en patrimoine... C'est le cas dans mon comté, le comté de Verchères. Forcément, on a la rivière Richelieu, et on sait très bien que les rivières se sont développées... bon. Ce sont des lieux privilégiés sur leurs rives au niveau du patrimoine. Ceci étant dit, selon vous, une législation plus sévère ou une réglementation, sans étouffer la marge de manoeuvre des petites municipalités, au moins pour le protéger temporairement, en attendant qu'on ait une politique plus active dans ce sens - c'est peut-être des fonds - que ce soit mieux reconnu, une législation plus sévère accompagnée d'une réglementation, croyez-vous que ça pourrait aider, du moins temporairement, sans qu'il ne soit classé? Par exemple, qu'une municipalité ne puisse pas s'arroger, se permettre de démolir un monument historique qui est reconnu comme ayant une valeur historique sans qu'il ne soit classé...

Le Président (M. Doyon): Mme la députée, rapidement.

Mme Gagnon-Pratte: Sans que le monument ne soit déclaré historique, il y a des choses extrêmement intéressantes dans tous les villages qui sont détruites journallèrement par les maires ou par les propriétaires, par défaut de connaître leur patrimoine, de connaître ce qu'ils ont entre les mains. Je crois qu'une certaine législation est extrêmement importante, mais aussi une connaissance de ce que c'est qu'un monument. Un monument historique, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui a 100 ans d'existence. Un monument dans le journalier, c'est la façon dont les rues se sont construites et non pas...

Récemment, je suis allée en Gaspésie et de chaque côté de la route nationale - par exemple, à Carieton, où j'ai passé des heures délicieuses quand j'étais toute petite - on a pavé jusqu'au bord des maisons la route nationale. Alors, la route nationale est déjà grande, et la route est pavée en plus jusqu'au bord des maisons pour mettre les autos l'hiver. Mais ça, c'est une perte d'un patrimoine extraordinaire. C'est un cadre de vie qui est complètement détruit et c'est quelque chose qui a été légiféré par le maire qui a décidé qu'il donnait la permission de mettre de l'asphalte partout. C'est des gestes comme ça.

Détruire toute la bordure d'arbres le long d'une route nationale est aussi grave que de laisser démolir un presbytère dans certains villages où la vision du village était faite de tous ces éléments du patrimoine qui sont importants.

Le Président (M. Doyon): Mais..

Mme Dupuis: Le côté éducatif, je pense que c'est indéniable. On sait que l'éducation c'est long. C'est une question de générations. Entretemps, il peut se perdre des richesses énormes, puis il peut être trop tard.

Mme Gagnon-Pratte: II n'y a qu'une législation...

Mme Dupuis: Est-ce que vous auriez un moyen rapide, concret? Ce serait de la sensibilisation, une campagne de sensibilisation ou quoi... que vous auriez à nous proposer de façon concrète, immédiate?

Mme Gagnon-Pratte: Je vais vous donner un exemple concret pour terminer. Le Conseil des monuments et sites a un magazine qui s'appelle "Continuité". Le magazine publie régulièrement. Il est aidé par le ministère des Affaires culturelles. Il publie à 7000 exemplaires. Si on pouvait trouver un financement intéressant, on pourrait publier à 20 000 exemplaires. Ce magazine se promène dans toutes les régions de la province et fait la promotion du patrimoine québécois. Je crois qu'il a des résultats extraordinaires puisque le magazine couvre une région par numéro. Je crois que c'est la diffusion des connaissances au niveau de la base, non pas des grandes théories, mais quelque chose qui diffuse une connaissance

au niveau des enfants ou au niveau des gens ordinaires qui, tout à coup, leur met la puce à l'oreille. Ils réalisent que le patrimoine, finalement, c'est le cadre visuel de la société distincte, c'est tout ce qui nous entoure et c'est ce qu'il faut préserver. C'est une question d'éducation à la base et je crois que c'est l'affaire du ministère et de chacun des Québécois qui habitent la province.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Si vous vous voulez, quelques mots.

M. Boulerice: Pardon. Oh! je m'excuse, j'ai...

Le Président (M. Doyon): Alors, en son nom, je vous remercie.

M. Boulerice: Voilà!

Le Président (M. Doyon): Je pense que le message a été bien entendu. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie tous. Vous savez, nous, on a privilégié, on privilégie aussi l'approche de sensibiliser plutôt qu'imposer parce qu'il faut, quelque part, que ça vienne du citoyen, que ça vienne des municipalités. Donc, encore là, pédagogie, pédagogie, d'une part. Deuxièmement, se doter des moyens aussi pour en faire de la pédagogie, si je vous entends bien. Troisièmement, évidemment, les fonds que nous avons présentement et dont nous dotons le patrimoine, on en est conscients et, des fois, on s'imagine que, bon, ce sont juste des coups d'épée dans l'eau, on ne finit jamais. Alors, s'il y a une meilleure façon de les utiliser, de les gérer, eh bien, on est ici pour ça et nous, on est prêts à tout remettre... Évidemment, c'est ce qu'on fait d'ailleurs, on remet tout en question.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.

M. Boulerice: M. Arpin étant fort sur les slogans, il aurait pu en avoir un délicieux pour vous qui est: "Donnons un avenir à notre passé."

Le Président (M. Doyon): Alors, sur ces belles paroles, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 33)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue ce soir et la commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux dans le cadre de la consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts. Nous allons entendre ce soir... Je ferai un bref rappel de notre ordre du jour. À 20 h, le Conseil des métiers d'art du Québec; à 20 h 45, les représentants de la ville de LaSalle; à 21 h 30, la Société de développement des périodiques culturels québécois. Nous ajournerons aux alentours de 22 h 15. Alors, sans plus attendre, je demanderai au premier groupe de se présenter, de bien vouloir venir nous... Ah! Vous êtes déjà arrivés. Alors, très bien! Je vais vous demander de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent.

Conseil des métiers d'art du Québec

Mme Lemieux-Bérubé (Louise): Bonsoir, Mme la ministre. Madame, MM. les députés et membres de la commission, je vais tout d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent: Guy Simoneau, qui est un céramiste; Jean-Pierre Tremblay, qui est directeur général de la corporation; Elizabeth Marier, qui est une artiste du verre, une artisane du verre, et Patrick Cordier, qui est un joaillier. Je suis présidente du Conseil des métiers d'art et tisserande. Je vais tout de suite vous présenter notre mémoire. En fait, nous allons passer d'une façon sommaire les grands points de notre mémoire.

Le Président (M. Gobé): Vous avez 15 minutes pour ce faire et après ça, nous ferons la discussion...

Mme Lemieux-Bérubé: C'est bien.

Le Président (M. Gobé): ...15 minutes avec Mme la ministre et 15 minutes avec MM. les représentants de l'Opposition officielle.

Mme Lemieux-Bérubé: Très bien. Les artistes en métiers d'art. La noblesse d'une activité artistique, l'importance du talent d'un artiste et l'impact du métier même de l'artiste se définissent le plus souvent par rapport à des modèles d'excellence. C'est ainsi que l'on réfère à la langue de Molière ou à la musique de Mozart. C'est ainsi que l'on peut parler du métier d'art de Stradivarius. Dans chacune des sphères, tous n'atteignent pas le même niveau d'excellence, mais l'Important est surtout de situer et de définir notre propos. Notre domaine à nous, ce sont les métiers d'art.

Quand on parle de Stradivarius, on parle de celui qui a influencé la forme du violon, de celui qui a choisi et transformé le bois, fait des recherches sur les vernis, de celui qui a développé son réseau de vente, qui a formé des artisans, des apprentis dont certains sont même devenus célèbres, de celui qui a assuré de l'emploi local, qui a développé la notoriété de son pays ou de sa ville.

Quand on parle du métier de l'artisan, du

métier d'art, c'est de cela que l'on parle. Cela peut s'appliquer, entre autres, à des joailliers, à des céramistes, à des ébénistes, à des tisserands. Les maîtres de chez nous s'appellent Georges Delme, Armand Brochard, Micheline Beauchemin, Mariette Rousseau-Vermette, Léo Gervais, Maurice Savoie et combien d'autres. À travers les temps, ils ont tous en commun cette caractéristique fondamentale des métiers d'art, c'est-à-dire d'être à la fois ceux qui conçoivent la forme, ceux qui transforment les matériaux et qui réalisent l'oeuvre, ceux qui gèrent l'atelier, ceux qui peuvent former des apprentis. En soi, le métier d'art est probablement celui qui exige le plus d'aptitudes et de connaissances diverses et spécialisées chez un même individu.

Que l'on parle de lutherie de Crémone, de la céramique de Sèvres, du verre de Murano, on parle d'artisans, de métiers d'art et aussi de sociétés évoluées, de sociétés qui, sans être des superpuissances, ont développé une notoriété mondiale en misant en grande partie sur leurs artisans. Il y a eu le miracle italien, il peut y avoir le miracle québécois, la façon québécoise. C'est à cela que la société québécoise peut s'attendre de ses artisans et c'est à cela que nos artisans aspirent.

La proposition Arpin manifeste un certain effort pour essayer de faire plaisir au domaine des métiers d'art par une ou deux petites allusions bien charmantes dans le texte. Mais le document véhicule encore son lot d'incompréhension et parfois même de préjugés qui touchent à l'essentiel, ce qui augure mal pour notre domaine si on ne parvient pas à corriger le tir. Ainsi, dans l'identification des composantes de la culture, les métiers d'art n'apparaissent toujours pas d'une façon spécifique. Lorsqu'on en fait la remarque à certains membres du groupe Arpin, ils s'indignent. Ils nous répondent: Vous êtes partout, vous êtes dans les arts visuels, vous êtes dans les industries culturelles, dans le patrimoine. Mais notre réponse à eux, c'est: Quand on est partout de cette façon, on n'est finalement nulle part.

Nous avons trop connu, dans notre histoire, ce que cela veut dire, être partout de cette façon. Il suffit, en effet, que les goûts et les intérêts de certains décideurs, à quelque niveau que ce soit, ne concordent pas avec la réalité des métiers d'art et, finalement, on ne se retrouve nulle part.

Or, pour nous, il est temps de passer à autre chose qu'à ce débat minimal de la simple reconnaissance. Les lois sur le statut de l'artiste reconnaissent des domaines à inscrire clairement dans les composantes de la culture qui serviront de référence à une politique des arts et de la culture. Parmi ces domaines, figurent de façon spécifique celui des métiers d'art. Nous recommandons donc que la reconnaissance spécifique des métiers d'art soit inscrite de façon claire dans la prochaine politique des arts et de la culture.

M. Simoneau (Guy): Une vision stratégique, un projet global et son organisation. Dans la proposition Arpin, on dit: "La qualité d'une politique culturelle globale se vérifie par sa capacité à demeurer, pendant plusieurs années, un point de référence et à inspirer des plans d'action sectoriels." Voilà exactement pourquoi nous croyons essentiel de définir une vision stratégique. C'est ce que nous avons fait dans le domaine des métiers d'art quand nous avons basé notre plan de développement sur une vision stratégique qui dit que, d'ici la fin de la décennie, des oeuvres des artisans québécois de tous les métiers seront bien diffusées et reconnues dans toutes les régions du Québec et dans toutes les grandes capitales du monde.

Voilà une vision claire, concise, qui génère et englobe tous les défis, tant au Québec que sur le plan international, parce que pour réaliser une telle vision il faut organiser la diffusion partout à travers le monde, il faut que la production, le support à la production soit bien organisé. Il faut que la création soit encouragée.

Notre problème majeur, nous vous l'avons souligné, c'est, semble-t-il, d'avoir précédé une politique culturelle, puisque cette vision a trouvé bien des difficultés sur son passage pour pouvoir se réaliser. À preuve, les chiffres que nous vous présentons, qui démontrent qu'en 10 ans le domaine des métiers d'art n'a absolument pas évolué au niveau des montants bruts qui ont été investis par le ministère des Affaires culturelles puisqu'en 1980 c'était de l'ordre de 2 000 000 $ et en 1989-1990 c'était de l'ordre de 2 000 000 $.

Alors, quand on considère l'évolution, finalement, de l'art constant, on se rend compte que, d'une certaine manière, les métiers d'art sont un peu synonyme de désinvestissement. Nous vous soulignons également toute la partie de l'ensemble des investissements publics qui sont de l'ordre de 905 000 000 $ au Québec et pour lesquels les métiers d'art n'ont accès qu'à à peine 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, ce qui ne représente même pas 1 % de l'ensemble de ces budgets-là. Nous ne sommes pas contre les investissements qui se font dans les autres domaines, dans les autres secteurs, nous sommes tout simplement contre le fait d'être maintenus dans l'ornière de la non-reconnaissance et du désinvestissement.

Mme Lemieux-Bérubé: Voilà pour l'introduction à la fois de visions et de chiffres. Nous passons maintenant au chapitre premier où nous voulons revenir sur la réalité de création, production et gestion de l'artisan. Pour bien comprendre et bien s'orienter, il faut avant tout saisir la réalité professionnelle de l'artisan. Je le répète, une caractéristique fondamentale des métiers d'art, c'est le fait que l'artisan soit à la

fois le concepteur, le producteur et le diffuseur de ses oeuvres, autant de la gestion et de la vente de ses oeuvres. Voilà ce qui est loin d'une oeuvre musicale qui est créée par un compositeur, produite dans une salle et vendue par un système de billetterie. C'est aussi loin, c'est aussi différent d'une oeuvre littéraire qui est créée par un écrivain, produite par un éditeur et diffusée commercialement dans une librairie ou non commercialement dans une bibliothèque. Nous touchons ici un aspect fondamental qui doit absolument être bien compris et considéré dans la préparation d'une politique culturelle.

Cette caractéristique fondamentale a présidé à la réorganisation du Conseil qui a dû penser à un concept de développement et d'organisation évitant à l'artisan l'éparpillement dans l'accessibilité des services et favorisant une approche d'intégration verticale. Il faut se rappeler que le Conseil des métiers d'art est le fruit d'une fusion d'un grand nombre de corporations professionnelles à travers le Québec, de corporations d'artisans à travers le Québec, qui, maintenant, fait le Conseil des métiers d'art et qui doit, de toute façon, continuer à donner des services à travers tout le Québec. En métiers d'art, les trois compétences sont exercées, je le rappelle, par le même individu. Il faut que l'organisation qui lui procure ses services soit conçue sur un même modèle pour être vraiment adaptée à sa réalité. On pourrait dire que la synergie de l'individu est respectée dans la synergie du groupe. Nous espérons que la commission parlementaire saura le comprendre et appuyer la démarche globale du développement du Conseil des métiers d'art. (20 h 15)

Maintenant, pour revenir à l'artisan et à son volet de création, le soutien à la création. Au niveau de la création, nous sommes d'accord avec l'ensemble des recommandations du rapport. Nous insistons toutefois sur la nécessité de porter attention aux procédures et critères d'accès des programmes ministériels: la possibilité d'entrée continue et la formule de sélection doivent être conçues pour répondre aux vrais besoins. Il faut également prévoir qu'un lien et un suivi rapides puissent exister entre l'aide à la création et le support à la production. Par exemple, un artisan peut avoir besoin simultanément de résoudre un problème de design et un problème technologique. Or, s'il doit solliciter de l'aide de deux programmes différents, parfois aussi de deux ministères différents, et avec des procédures d'entrée différentes, on comprend qu'il devienne alors difficile et parfois impossible de faire mieux, autrement et plus tôt que la concurrence internationale.

M. Simoneau: Concernant maintenant les aspects de l'industrie culturelle dans la proposition Arpin, on fait allusion à ce qui s'appelle le positionnement des conglomérats. Si on revient, nous, sur l'aspect où l'artisan est à la fois concepteur, producteur et gestionnaire, ce sont finalement les caractéristiques de toutes les grandes entreprises qui produisent sur le marché. C'est contre ça, particulièrement celles qui font des produits de haut de gamme, que les artisans doivent lutter. Évidemment, aucun des artisans ne peut se donner un département de design, un département de production ou de financement. Quelle est la solution face à ce problème-là pour concurrencer? C'est précisément de se donner une association, un regroupement d'entreprises qui, lui, peut se donner un service de recherche, un service de production et un service de vente. C'est exactement sous ce modèle-là que le Conseil des métiers d'art s'est bâti avec une association de base et des compagnies associées, de sorte qu'on se retrouve avec un concept qui se rapproche beaucoup de ce qu'on peut appeler un conglomérat, mais, finalement, qui est au service de l'ensemble des artisans qui sont partout dispersés à travers le Québec.

Toujours au niveau des industries culturelles, on vous rappelle certains chiffres qui sont très significatifs, à savoir, par exemple, que dans le domaine de la bijouterie la production canadienne est de l'ordre de 880 000 000 $, ce n'est pas peu et c'est aussi créateur d'emplois. Le Québec et l'Ontario produisent ensemble 660 000 000 $, dont 580 000 000 $ en Ontario. Alors, il y a comme un écart assez important et on réalise qu'il y a beaucoup de travail à faire sur la notion d'industrie culturelle qui peut aller jusqu'à la notion d'édition et de sous-traitance.

Toujours sous le volet Industrie culturelle, il y a le cas SOGIC que nous présentons dans notre mémoire et qui réfère à l'expérience malheureuse vécue par le domaine des métiers d'art avec la SOGIC alors que, précisément, il y a peine une dizaine d'années, une entente avec Industrie et Commerce et le ministère des Affaires culturelles avait permis de lancer un ensemble de services reliés finalement à la production et à la diffusion. L'arrivée de la SODICC dans le temps et, ensuite, de la SOGIC, a fait complètement mal aboutir l'ensemble des projets qui avaient été mis en place par le domaine des métiers d'art.

Tous ces points nous amènent à dire que nous n'avons pas besoin de superstructure du type SOGIC ni de nouvelles superstructures. Ce dont on a besoin, et c'est très clair pour nous à partir des constats et de l'organisation qu'on a, c'est d'investissements dans les infrastructures qui ont été créées par les artisans et pour les artisans et qui, à ce titre-là, correspondent à une notion très importante signalée dans la proposition Arpin, celle d'être enracinés dans le milieu. Il y a donc lieu de proposer, entre autres, que le Conseil des métiers d'art en plus d'être reconnu comme association professionnelle du domaine soit également reconnu comme regroupement d'entreprises et regroupement ma-

nufacturier aux fins d'application des programmes relevant des ministères à vocation économique. C'est une ouverture que nous voulons sur le ministère de l'Industrie et du Commerce, sur l'OPDQ et ce genre de ministère-là.

Mme Lemieux-Bérubé: Sur le plan international, être reconnus et diffusés dans toutes les grandes capitales du monde, voilà bien un volet majeur de notre vision stratégique. Cela reflète toute l'importance que nous accordons au positionnement international au cours des prochaines années. Nous avons quelques expériences saisissantes. Par exemple, lors d'une exposition à New York, lors d'une foire importante, nous étions dans un petit stand du Québec, tout à côté de la Grande-Bretagne qui, à elle seule, alignait une cinquantaire de stands de "craft" - métiers d'art - et une cinquantaine d'autres stands de cadeaux. Vous voyez le déséquilibre et le côté négatif, finalement, de la présence du Québec à cette foire.

Une voix: Juste pour un pays?

Mme Lemieux-Bérubé: Oui, juste pour un pays. Il faut avoir aussi participé à des expositions à Los Angeles avec un budget de 2000 $ rapaillés à droite et à gauche pour s'apercevoir que, malgré tout, la création et les produits du Québec sont en demande, sont très estimés, très recherchés, mais il faut faire des efforts inouïs pour percer, sortir du Québec et prendre une place ailleurs. Nous avons été tentés de conclure des ententes de réciprocité avec des salons à Francfort, à Milan et à Paris mais, sans le sou, nous avons dû abandonner ces projets.

Donc, il y a des priorités à questionner. Nous comprenons l'importance des grandes expositions que le Québec met de l'avant, mais le déséquilibre est tellement grand entre les deux réalités qu'il faudra peut-être combler le déséquilibre ou réajuster les priorités. Pour établir un certain équilibre, nous ne souhaitons pas nécessairement une baisse des fonds investis dans les grandes expositions, mais plutôt une augmentation dans ce qui serait investi pour les créateurs québécois.

Si la proposition Arpin veut être logique en parlant de rationalisation et de priorisation, il faudra éventuellement comprendre que la priorité doit être accordée à développer la notoriété internationale des artistes et artisans québécois. Tant qu'à voir grand, voyons grand, mais pour nos propres créateurs en premier.

Sur le plan national, il nous apparaît que le métier d'art mérite une institution nationale. Voici deux pistes urgentes à travailler. Tout d'abord, une Maison des métiers d'art. Nous insistons sur la nécessité de corriger au plus tôt l'erreur monumentale commise au début des années 1980 en fermant la Centrale d'artisanat, une institution qui avait 30 ans d'existence et qui était un point de référence en matière de métiers d'art au Québec. Une nouvelle Maison des métiers d'art avec la nouvelle image des métiers d'art, une propriété de l'association professionnelle, et gérée par elle, s'impose de toute urgence. C'est un projet rassembleur, revalorisant, souhaité par les artisans depuis des années et même recommandé dans le rapport Price Waterhouse qui a été déposé récemment.

Une autre façon de développer sur le plan national serait le mailtage, le maillage avec l'entreprise privée. On pense aux compagnies Bell ou Hydro, par exemple, avec qui, au-delà des commandites, on pourrait développer un maillage d'images, dans un premier temps, et aussi des projets de services de cadeaux d'affaires, par exemple, un champ extrêmement vaste et très prometteur en chiffre d'affaires.

On peut aussi penser à des maillages d'institutions et d'associations culturelles. Ainsi, trouvons-nous tout à fait désolant que des infrastructures comme des musées d'État soient totalement fermées à une politique d'utilisation des locaux. Il faudrait vous raconter plein d'histoires sur des demandes faites à nos grands musées, les grandes salles d'exposition et le peu d'attrait que les métiers d'art ont connu à travers les années. Or, il nous apparaît important qu'une association du domaine, comme le Conseil des métiers d'art du Québec, puisse profiter d'ententes formelles pour l'utilisation régulière de certains espaces afin de bâtir une programmation d'expositions qui pourraient, d'ailleurs, être itinérantes selon les besoins.

M. Simoneau: Maintenant, les plans triennaux. C'est fou ce qu'on trouve de qualités aux plans triennaux de ce temps-ci. On en entend parler partout. On peut dire que, sur ce plan-là, les métiers d'art sont à l'avant-garde. Par contre, le plan triennal qui a été mis en place par le Conseil des métiers d'art et qui - le premier - se termine cette année, pourrait, peut-être, plutôt être appelé un plan que nous subissons puisqu'au lieu d'être un plan de développement, comme il était conçu, c'est devenu un carcan compte tenu que l'on réalise qu'à la fin de la troisième année les budgets qui ont été prévus et qui ont été donnés dans le cadre de ce plan triennal n'ont été que de l'ordre de 33% du plan de développement qui était prévu. Alors, quand vous prévoyez un plan de développement qui ne vous permet que de passer de 1,3% du budget du MAC à 2,25% du budget du MAC, et que vous en recevez 33%, vous demeurez dans les chiffres de désinvestissement dont on parlait tout à l'heure.

Si c'est ça les plans triennaux dont on parle dans la proposition Arpin, si c'est ça les plans triennaux dont on parle pour sortir le milieu culturel des problèmes de planification et de développement, on peut dire que chez nous c'est plutôt un désastre. Ce qui est le pire dans

tout ça, c'est que, ce plan de développement, qui avait été prévu avec des services accrus directement aux artisans, ne se réalisant pas dans son ensemble, ce sont encore une fois les artisans qui écopent parce qu'ils ne peuvent pas recevoir les services prévus au niveau du support à l'entreprise, au niveau de la communication-marketing et de tout un ensemble de services, finalement, de diffusion commerciale et non commerciale.

Il est évident que nous sommes d'accord avec l'évolution du financement des organismes, mais il faudra que les ressources suivent.

Mme Lemieux-Bérubé: Le développement des compétences professionnelles. Au début des années quatre-vingt, le milieu des métiers d'art a réussi à obtenir des trois ministères, le MAC, le ministère de l'Éducation et le ministère de la Sécurité du revenu, la signature d'un plan national de formation. Ça a pris cinq ans pour que se réalise une des principales recommandations de ce plan, c'est-à-dire le démarrage du DEC. C'est maintenant parti. Cette année, une première cohorte d'étudiants obtiendront leur diplôme DEC. Mais c'est cinq ans durant lesquels chacun des ministères a géré le dossier selon ses propres priorités, sans jamais avoir... jamais d'après un échéancier interministériel concerté, adapté aux problématiques de développement dans notre domaine. Pendant ce temps-là, Stradivarius se meurt.

Nous voulons un réseau d'écoles-ateliers avec un mandat d'école nationale. Nous voulons sensibiliser les jeunes aux valeurs sociales de la pratique professionnelle des métiers d'art. Nous refusons le désengagement et le désinvestisse-ment amorcés par les ministères sur l'éducation artistique des jeunes et sur le développement des compétences artistiques professionnelles québécoises.

Maintenant, au chapitre 2, nous allons passer rapidement à l'accès à la culture. Notre vision stratégique dit: "Que les oeuvres des artisans soient reconnues et diffusées dans toutes les régions du Québec." Nous sommes parfaitement d'accord avec l'importance des villes de Montréal et de Québec. D'ailleurs, le Conseil des métiers d'art y tient un salon d'hiver à Montréal et d'été à Québec. À ce chapitre-là, nous voulons aussi développer, avec les municipalités, des ententes. Si on se rappelle bien que Crémone, Sèvres, Murano sont des villes, eh tout cas, qui ont été marquées par les arts avant même les noms de leur pays... Donc, du travail à faire avec les municipalités.

Le réseau des régions spécifiques. Nous reconnaissons la spécificité de chacune des régions et le Conseil supporte aussi des actions dans certaines régions du Québec. Nous voulons les poursuivre.

M. Simoneau: Toujours pour compléter sur ce plan, il est important de rappeler que, si nous avons des salons, des expositions, nous n'avons toujours pas de centre d'exposition, pas de Maison des métiers d'art, pas de boutique corporative, pas de réseau de boutiques accréditées, pas de galerie, encore pas d'équipement et pas de ressources pour en développer.

Au niveau de la promotion. Dans la question de l'accès, le domaine des métiers d'art est un domaine qui est sous-médiatisé par rapport à plusieurs autres secteurs. Dans la proposition Arpin, on dit: "Le temps est donc venu d'agir sur la demande. Les industries culturelles [...] affrontent ainsi sur leur propre marché une concurrence internationale." Évidemment, je veux dire, dans notre cas, concernant le libre-échange et tout, ça fait des années et des années que les produits des métiers d'art, finalement, sont concurrencés sur leur propre marché. C'est une réalité avec laquelle on vit.

En considérant cette importance de la promotion, un plan de communication-marketing a été élaboré, il y a déjà quatre ans. Toute la mise en place de ce plan a été insérée dans la première entente triennale pour fins de négociations. Il a été refusé de sorte qu'actuellement on continue à prendre du retard et on continue de favoriser l'implantation des produits étrangers sur le propre territoire du Québec.

Mme Lemieux-Bérubé: Au chapitre 3, on parle d'accroître l'efficacité du gouvernement et de ses partenaires. Une ligne directe entre les ministres et le milieu artistique.

Les institutions dites "nationales" et les sociétés d'État sont rattachées directement au ministre auquel elles ont un accès direct tout en gardant leur autonomie. Les artistes et leur association, eux, sont casés dans une boîte et doivent s'adresser à une multitude de boîtes pour pouvoir faire valoir leurs besoins et leur plan d'action. Quant à l'autonomie, ils ont celle de leur boîte. Voilà un grand problème.

Transférer l'argent directement au lieu de l'action. En fait, on discute de tout cela à un moment bien stratégique car, s'il est une tendance qu'il faut arrêter, c'est l'obésité endogène du système. La volonté de M. Gérald Tremblay de relancer l'économie en se préoccupant de la dynamique des ressources humaines, la préoccupation du Forum sur l'emploi sont toutes des manifestations que nous trouvons très positives. Mais personne ne touche à un autre très grand problème, c'est l'engouffrement de l'argent par et dans le système public.

Donc, nous reprenons dans ce texte tout le transfert de l'argent directement aux associations ou bien au lieu du travail des artistes.

M. Simoneau: Donc, il y a une solution: les associations mandataires. Avec les lois sur le statut de l'artiste, on s'est donné des associations, on a reconnu une association du domaine.

Maintenant, il faut entrer au niveau des mandats, au niveau de l'action. Il faut se rappeler que les chartes qui ont été acceptées par les commissions de reconnaissance, dont celle du Conseil des métiers d'art, prévoient toute une série de possibilités pour que l'association puisse même devenir une société de développement. Il faut donc, à l'étape actuelle, prévoir que ces associations deviennent des associations mandataires et responsables du développement. (20 h 30)

J'aimerais, avant d'arriver à la conclusion, rappeler deux éléments importants pour qu'ils soient inscrits. D'abord, celui de l'État diffuseur. On parle souvent du 1 % au niveau architecture, il faut désormais parler aussi du 1 % au niveau de l'aménagement. Les artisans produisent et restaurent des meubles, produisent des produits qui peuvent servir de vitrail, de céramique et qui peuvent servir dans l'ensemble des politiques d'achat du gouvernement. Le simple budget de 1 % d'acquisition au niveau de l'aménagement et, déjà, plusieurs artisans pourraient vivre très bien de leur métier et aussi, au niveau des organismes de diffusion, pourraient jouer un rôle important.

Également, sur le plan patrimoine, se préoccuper que, au niveau du marché de la restauration, les compétences québécoises soient priorisées et qu'on prévoie développer ce marché en tenant compte, justement, du développement des compétences québécoises.

Le Président (M. Gobé): Alors, rapidement, en conclusion parce que...

Mme Lemleux-Bérubé: En conclusion, nous envisageons un nouveau contrat social entre l'État et le milieu artistique. Bien sûr, nous appuyons la vision de Mme Frulla-Hébert ou du rapport Arpin qui voit en la culture un pilier important de développement avec l'économie et le social. Nous rappelons aussi les déclarations de M. Gérald Tremblay, ministre du MIC, qui inclut déjà le culturel comme étant aussi important que l'économie et le social.

Les artisans, leur regroupement, leur vision et leurs revendications depuis des années trouvent leur écho dans le discours combiné des deux ministres, Mme Frulla-Hébert et M. Gérald Tremblay. Héritiers du passé, les artisans façonnent aussi la société de demain. Leur regroupement permet la synergie nécessaire à une action solidaire de développement, d'envergure à s'imposer dans le contexte de la mondialisation. Nous sommes de culture et d'économie. Nous sommes chaînons de l'organisation et des valeurs sociales. Nous sommes l'autre modèle de développement de l'emploi et de l'entrepreneurship. Nous sommes des compétences sur lesquelles il faut miser. Avec nous, l'heure n'est plus à l'oubli ni à l'hésitation; elle est à la reconnaissance et à l'investissement.

M. Bourassa, Mme Frulla-Hébert, M. Trem- blay et vous, tous les autres élus de ce gouvernement, nous vous disons: Cette fois, agissez vite et fort! Vous avez le pouvoir et l'occasion de changer quelque chose de fondamental dans l'évolution de la société québécoise. Ne ratez pas cette occasion!

On cite déjà deux modèles de contrat, de chez Sammi-Atlas et Marine Industrie. Il est temps d'en signer un troisième - un contrat social - dans le domaine culturel. Pour les métiers d'art, vous n'avez qu'à fixer le rendez-vous. Nos forces vives sont prêtes pour qu'à la fin de la décennie les oeuvres d'artisans québécois soient bien diffusées et reconnues dans toutes les régions du Québec et dans toutes les grandes capitales du monde.

Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la ministre, il reste quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci et bienvenue ce soir. Le ministère a été longtemps le principal intervenant gouvernemental à supporter ce secteur d'activité culturelle. Je vais vous dire, quand vous me parlez d'une association... Vous dites, si je me réfère au plan: Donner à l'association 3 000 000 $ à gérer, c'est la seule façon pour rejoindre l'artisan. Je vais vous le dire tout de suite, j'ai des problèmes avec ça parce que l'objectif premier, pour nous, c'est de rejoindre l'artisan, d'améliorer sa condition de vie, de lui permettre de diffuser et de faire connaître son art. Maintenant, vous me parlez d'une Maison. Ça, c'est un projet structurant, j'aime ça. Il y a une chose que je veux vous demander là-dessus, par exemple. C'est que vous parliez de la Centrale d'artisanat en 1980 et, maintenant, vous parlez de la Maison des métiers d'art. Qu'est-ce qui fait... C'est quoi, la différence entre un versus l'autre? Après ça, je vais vous parler de l'évolution au niveau des métiers d'art et de la perception au niveau des gens.

Mme Lemieux-Bérubé: La Centrale d'artisanat était un lieu de diffusion, de vente, en fait. On vendait les produits de l'époque. La Maison des métiers d'art, pour nous, c'est un regroupement de services, c'est une vitrine. Bien sûr, on voudrait continuer la question vente et diffusion. Donc, c'est une boutique, c'est une galerie des métiers d'art. Il n'en existe aucune à Montréal. Ce sont des stands - comme si on avait un salon permanent - loués à des artisans, par exemple. Ce sont aussi les bureaux de la corporation, ce sont aussi, fort possiblement, des regroupements d'écoles-ateliers existantes qui, dans un ou deux ans, auront des baux à signer. Ce sont des ateliers-résidences pour les artisans. C'est toute la Maison qui regroupe un ensemble de services: production, création-production, vente et diffusion. Tout sous un même toît.

Mme Frulla-Hébert: Ils sont réellement en région. Comment ça fonctionne? On a parlé beaucoup de développement régional, d'une part-Vôtre action, finalement, versus les artisans en région? Si on allait dans ce sens-là, d'un projet qui est structurant et, à partir de ça, le moins d'administration et de structure possible, de telle sorte que l'argent qui est investi va directement aux artisans par le biais aussi d'une vitrine, d'un projet qui est très dynamique et moteur. Quel serait son rayonnement en région si c'est situé à Montréal?

Mme Lemieux-Bérubé: Son rayonnement en région? Je vais parler, tout d'abord, comment, en région, on voit les choses et...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

Mme Lemieux-Bérubé: En région, actuellement, depuis la disparition des corporations - et je pense que c'était une bonne chose à faire - les artisans, parfois d'une façon volontaire, ont développé des activités, des expositions, soit des salons comme celui qu'on connaît à Montréal, mais plus petits, soit des expositions d'excellence. On en connaît dans l'Outaouais, en Montérégie, au Saguenay, par exemple. Les régions les plus dynamiques, finalement, mettent sur pied des activités. La Maison des métiers d'art à Montréal, ce serait la vitrine québécoise des métiers d'art. Donc, les artisans, en faisant la location de stands ou en amenant leurs produits, les produits de grand marché ou les produits d'excellence, seraient présents. Ce serait le produit de l'artisan. L'artisan ne serait pas physiquement présent, mais ses produits seraient représentés et ça permettrait aussi de développer tout le secteur qui est à peine effleuré actuellement, dont on parlait tantôt, le cadeau d'entreprise, par exemple. C'est aussi une salle de montre donc, de tous les produits québécois pour développer l'excellence, la vente de produits d'excellence, le cadeau d'entreprise, finalement la diffusion. Mais, il y a aussi les écoles-ateliers. Un certain nombre d'écoles-ateliers seraient prêtes à collaborer à un projet de la sorte. Les artisans, les étudiants des écoles-ateliers viennent de différentes régions aussi. Il n'y a pas des écoles dans chacune des régions du Québec. Il y a deux grands pôles, Montréal et Québec. En fait, ce serait une façon aussi de servir les régions.

M. Simoneau: Je pourrais peut-être compléter aussi en disant qu'il est important de ne pas concevoir la Maison des métiers d'art comme seule mais, justement, dans un plan d'ensemble. Je rappelle ici le travail au niveau d'un plan de communication qui prévoit, par exemple, la mise en place d'une marque de commerce ou d'un label de qualité qui permettrait, à ce moment-là, de travailler à bâtir un réseau de boutiques accré- ditées en région éventuellement, soit des boutiques corporatives, soit des boutiques privées avec une formule d'accréditation qui pourrait être adaptée à l'une ou à l'autre formule. Alors, à ce moment-là, finalement, on multiplie beaucoup l'impact visuel, l'impact image et l'impact de référence face aux produits.

Mme Frulla-Hébert: Ça aiderait, finalement, à changer... Dans un sens, ça aide aussi à changer l'image parce qu'il y a une question - là, je reviens à mon ancien métier - d'image et de marketing au niveau des métiers d'art. C'est que vous avez évolué et la qualité des produits a évolué. Je ne sais pas, mais ma perception, c'est que les gens n'ont pas évolué à la même vitesse que vous l'avez fait.

M. Simoneau: C'est ça, et c'est pour ça... C'est là l'importance du... Ce qu'on vous disait tout à l'heure, c'est que le domaine des métiers d'art n'étant pas médiatisé, on n'a pas un MusiquePlus. On dit, dans notre mémoire que pour nous, la Maison des métiers d'art combinée au plan de communication, c'est notre MusiquePlus à nous autres. On n'a pas non plus, si vous remarquez, de presse spécialisée comme dans le domaine du livre, comme dans le domaine des arts visuels, dans le domaine du cinéma. Alors, il faut vraiment bâtir à partir de notre réalité un concept, finalement, de diffusion et de promotion de l'image qui soit particulier aux métiers d'art.

Mme Lemieux-Bérubé: Le fait que les artisans en région soient diffusés dans la Maison des métiers d'art, ils trouveraient leur notoriété augmentée en région aussi.

Mme Frulla-Hébert: Enfin, merci.

M. Simoneau: C'est la pierre de base pour l'international.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je me dois de passer maintenant la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de communautés culturelles-pardon. M. le député de...

M. Boulerice: Le monde de la culture est une gigantesque communauté...

Le Président (M. Gobé): ...Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole. Excusez mon lapsus.

M. Boulerice: Non, je vais reprendre. Le monde de la culture, c'est une grande communauté sauf qu'il y a un de ses membres qui a été oublié. Il le déplore amèrement. Ce n'est pas une consolation, mais vous n'êtes malheureusement pas les seuls, hein? N'avez-vous point dit,

dans votre mémoire, que vous étiez absents du rapport Arpin?

M. Simoneau: Ahoui!

M. Boulerice: Je vous dis: Malheureusement, vous n'êtes pas les seuls.

M. Simoneau: Ahbon!

M. Boulerice: D'où, peut-être, le nombre impressionnant d'intervenants. Je pense qu'il y a un Salon des refusés pour le rapport Arpin. J'ai remarqué certains éléments mais j'irais à une question. J'ai peut-être deux éléments qui sont intéressants. Vous m'avez parlé de bannir les préjugés à l'égard de la production artisanale. Effectivement, je pense qu'il y a un effort - je vais employer le mot latin, là - de marketing. C'est, malheureusement, encore cantonné. Enfin, je ne veux pas être méchant puisque c'est ma circonscription. Des fois, ça fait un petit peu Plateau-Mont-Royal 1970 dans l'image des gens alors que c'est tout à fait le contraire quand on regarde la production québécoise. Elle est extrêmement d'avant-garde. Je pense qu'il y a effectivement un travail de sensibilisation et qu'il devrait y avoir un certain support pour valoriser cette image-là. Quand vous parlez de prix, ça, je pense que ça rejoint un petit peu la notion européenne qu'on trouve en France qui est assez intéressante. D'autre part, vous parlez d'utiliser des espaces des institutions nationales. Vous parlez musées, Place des Arts, Grand Théâtre. Est-ce que vous avez déjà fait des approches?

M. Simoneau: Oui, il y a déjà eu des demandes et des approches qui ont été faites à ce sujet-là. Un simple exemple. Le Grand Prix des métiers d'art qui va être remis demain. Il y a eu des demandes de faites pour qu'il soit inséré à l'intérieur, par exemple, de la programmation du Musée des beaux-arts. Il y a un appui intéressant qui est venu de certaines personnes, mais on a su, quand c'est arrivé au comité de sélection ou d'évaluation, que, semble-t-il, les métiers d'art n'avalent pas d'affaire à être dans le Musée des beaux-arts. Il y a des commentaires qu'on se fait faire souvent sur la pertinence ou pas des métiers d'art dans certains musées et, là-dessus, on ne veut pas parler que des musées. Quand on parlait de la Place des Arts ou d'autres places de ce type, c'est excessivement difficile. On peut trouver effectivement quelqu'un, à un moment donné, qui va être ouvert, mais cela se ferme tout de suite. Il peut y avoir des accidents de parcours. A un moment donné, si vous faites un relevé, vous allez probablement trouver parfois une exposition ou une boutique, mais ce sont ce qu'on appelle des accidents de parcours. Ce n'est pas avec cela que tu peux planifier une programmation, une promotion, fi- nalement, autour des artisans québécois.

M. Boulerice: À la page 14 de votre mémoire, et là je vais vous citer: "En ce qui nous concerne, la SOGIC n'a cessé d'être un désastre. " Fermons les guillemets. Ce n'est pas la première fois que j'entends cela. Depuis... même avant l'ajournement de la session qui reprendra mardi... je pense que le mot SOGIC est sur toutes les lèvres, mais pas dans les termes les plus élo-gieux. Il y a des sorties fréquentes dans les journaux. C'est plus fort que nous. On voit la SOGIC dans notre soupe tous les jours. J'aimerais cela que vous m'en parliez un petit peu plus à fond.

M. Simoneau: Sur la question de la SOGIC, quand on a rédigé notre mémoire, vous remarquez qu'on ne savait pas ce que c'était pour les autres domaines. On sait que la SOGIC est très préoccupée du cinéma et des arts de la scène. On présumait donc que les autres domaines avaient des bons services. Il reste qu'au niveau des métiers d'art, pour nous, on le dit, c'est un désastre. Au début de la création de la SODICC, qui devait avoir un mandat de développement, II y a un accent qui a été mis, à un moment donné, sur l'évolution de certains ateliers. Mais, étant donné qu'il n'y avait pas le même accent qui était mis sur des outils de diffusion - même, au contraire, à ce moment-là, le gouvernement avait fermé la Centrale - cela a été un total débalancement. Ensuite, on a commencé à travailler avec eux sur un projet qui est la Société de mise en marché et, au mois de janvier, ils ont tiré la "plug" de façon sauvage. Ils se sont remboursés leur marge de crédit sur le dos des artisans. Cela nous fait plaisir de le dire, ici, parce que nous avons trouve que c'était une mesure absolument, en bon québécois, dégueulasse.

M. Boulerice: Combien? Votre collègue a cité le chiffre.

M. Tremblay (Jean-Pierre): En fait, le groupe d'artisans de la Société de mise en marché des métiers d'art a enregistré une perte de 95 000 $, ce qui correspond à peu près aux chiffres de l'implication de la SOGIC, c'est-à-dire que la SOGIC avait un capital-actions rotatif de l'ordre de 125 000 $, si le directeur peut le... C'était une garantie. Ce jour-là, on est venu nous dire que c'était fini, qu'on n'y croyait plus, au bout de cinq ans, au développement de Société de mise en marché. Cela a été fini. Nous, on est restés avec nos pertes, tous et chacun.

Mme Lemieux-Bérubé: Je voudrais ajouter que, en ce qui nous concerne, le problème de la SOGIC et de la Société de mise en marché c'est qu'au départ il y avait un plan de société de

mise en marché qui allait faire de l'institutionnel, du gros et du détail. La SOGIC n'a jamais voulu aller ailleurs que dans le gros. À partir de ce moment-là, le gros ce n'était pas assez. La SOMART a connu des difficultés, d'où les problèmes qui ont augmenté d'année en année malgré une augmentation dans le gros. Mais, comme les deux autres volets qu'on avait mis de l'avant n'étaient pas développés...

M. Simoneau: On peut résumer une situation qui est assez spéciale du côté des métiers d'art. Il y a eu une étude, au début, à la fin des années soixante-dix - une étude de M. L'Allier - qui avait démontré que la Centrale d'artisanat, pour ce qui est de ses boutiques, était rentable. Il y avait un problème au niveau de certains mandats, mais la Centrale d'artisanat était rentable. Elle a quand même été fermée. Ce que le rapport disait, c'était de consolider les boutiques de détail et, pour ce qui est du gros - parce qu'on parlait à ce moment-là de la diffusion aux grossistes - le rapport prévoyait qu'il faudrait un investissement de l'ordre de 2 000 000 $ sur une période de cinq ans pour développer ça. Grosso modo, une fois que la centrale a été fermée, on a tenté, nous autres, de repartir une société de mise en marché qui aurait prévu l'ensemble des volets. Mais, je veux dire, l'expérience confirme que l'estimé de 2 000 000 $ sur cinq ans pour lancer le gros était réaliste. Mais on vient se faire fermer au moment où il y avait 1 200 000 $ de chiffre d'affaires. Or, on s'aperçoit que, si on combine la Centrale, la Société de mise en marché et le groupe CMAQ, vous avez absolument tous, mais absolument tous les éléments qui sont nécessaires pour développer les métiers d'art pour les 30, 40, 50 prochaines années. Mais on n'a jamais été capable, dans le domaine des métiers d'art, de les mettre ensemble. On n'a jamais été capable, et c'est pour ça qu'on revient toujours avec la vision stratégique, avec le plan de développement. Il y a toujours eu, à une époque ou à une autre, quelqu'un qui,' n'ayant pas cette vision, étant cantonné dans le court terme, a trouvé le moyen de faire tirer la "plug", de faire torpiller quelque chose. On le vit encore de toute façon, de façon quasiment quotidienne.

Alors, c'est ça le drame d'une partie importante du domaine des métiers d'art, cette impossibilité, finalement, d'avoir un plan qui se tient puis dans lequel on investit de façon continue.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. On va essayer maintenant de conclure. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Bon. Vous semblez... Là, je ne peux pas poser de question, je suis obligé de vous remercier. Vous semblez critique-

Le Président (M. Gobé): Mais... Une courte question rapide...

M. Boulerice: Bien, vous semblez critique pour ce qui est de la formule des ententes triennales...

M. Simoneau: Bien oui, on est critique sur la formule des ententes triennales. Quand vous faites une présentation ou un exercice de plan triennal très sérieux, finalement, avec une évolution sur trois ans, parce que c'est un plan triennal... On présume qu'un plan triennal, c'est un plan de développement, qu'au départ on a 33 % de ce qui est demandé, que la deuxième année on a encore le même montant et que la troisième année on a encore le même montant... Qu'est-ce qui se produit? C'est qu'il y a des éléments qui sont mis en place la première année, la deuxième année et on arrive à la troisième année avec la non-évolution, finalement, du plan triennal. À ce moment-là, on entre dans le déficit et on devient des mauvais gestionnaires. Là-dessus, on rejoint encore une des remarques du rapport Arpin: cette caractéristique de l'ensemble des organismes du milieu d'être considérés comme des mauvais gestionnaires alors qu'en réalité on est obligés de faire des miracles à tous les jours pour Atre capables de maintenir un seuil de développement potable, dans des conditions absolument médiocres.

M. Boulerice: Oui, mais à ça je répondrai toujours que, si l'État gérait ses finances comme les artistes gèrent, avec énormément de prouesses, leur maigre budget, l'État ferait probablement moins de déficits. Bon. Ceci dit, avant de subir un deuxième rappel du président, je vais vous remercier d'être venus. Je vous remercie aussi pour le mémoire assez fouillé que vous avez présenté. Il ne faudrait pas oublier non plus la pochette extrêmement intéressante que vous avez également incluse à l'intérieur de l'envoi. Si c'était possible d'en avoir quelques copies, j'aimerais bien sensibiliser mes collègues. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Frulla-Hébert: Merci. D'une part, merci de votre présentation. Deuxièmement, avec Mme Courchesne, évidemment, que vous connaissez bien, et M. Chaput, vous allez travailler justement à remettre tout ça dans la bonne perspective avec votre présidente. Vous avez un projet, finalement, sur la table que je trouve mobilisateur, que je trouve dynamique. Je vous le dis ici, comme je l'ai mentionné avant, je vous encourage fortement à travailler en fonction de ça et probablement aussi, à revoir l'ensemble de . notre approche globale au niveau des métiers d'art.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Messieurs et mesdames, merci beaucoup. Ceci met fin à votre intervention et vous pouvez maintenant vous retirer. Je vais donc suspendre les travaux pour une minute afin de permettre aux représentants de la ville de LaSalle de bien vouloir se présenter en avant. Alors, la commission est suspendue pour une minute.

(Suspension de la séance à 20 h 50)

(Reprise à 20 h 51)

Le Président (M. Gobé): La commission reprend ses travaux. Nous allons entendre les représentants de la ville de LaSalle qui est de la circonscription de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, si je comprends bien, elle est représentée par M. Henri Lolselle, président de la Commission de développement culturel. Bonjour M. Lolselle, bonsoir plutôt. Mme Louise L. Bérubé, conseillère municipale, bonsoir madame. Mme Rachel Laperrière, directrice du service de la culture, bonsoir madame.

Alors, vous pouvez maintenant commencer votre exposé. Je présume que c'est la personne du milieu qui va faire l'exposé? Alors, madame, nous sommes tout ouïe, nous vous écoutons.

Ville de LaSalle

Mme Lemleux-Bérubé: Merci. Je n'ai pas changé de chapeau parce que je n'en avais pas, mais c'est tout comme. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, chers membres de la commission, au nom du maire de LaSalle, le Dr Michel Leduc, du conseil municipal et des 76 000 habitants de la ville de LaSalle, nous sommes très heureux, ce soir, de vous présenter notre mémoire et de féliciter la ministre des Affaires culturelles du gouvernement du Québec. Nous voulons la remercier d'une façon toute particulière. Nous remercions aussi le gouvernement du Québec pour l'affirmation qu'il fait de l'importance des arts et de la culture dans notre société québécoise en tenant cette commission parlementaire.

Je vais vous faire un rapide historique de ce que fait la ville de LaSalle en matière culturelle. La ville de LaSalle a créé en 1984 un service de la culture. La ville de LaSalle a construit une bibliothèque en 1984 aussi. Elle a inauguré un centre culturel où se trouve un théâtre, une petite salle de spectacle de 160 places. La ville de LaSalle, en 1986, a conclu une entente avec le cégep André-Laurendeau pour la diffusion de spectacles à plus large public. La ville de LaSalle a embauché à la direction du service de la culture une gestionnaire culturelle, affirmant ainsi la volonté du conseil municipal d'aller de l'avant dans le développement culturel. En 1986, la ville de LaSalle exprimait son attachement aux arts et à la création à titre d'hôte d'une troupe de théâtre professionnel sur son territoire. En 1989 et 1990, des travaux de mise en valeur du moulin Fleming de la ville de LaSalle se succédèrent. En 1988, la ville créait sa commission de développement culturel et adoptait un peu plus tard la politique de développement culturel et un plan d'action de développement quinquennal.

Au cours des dernières années, la ville de LaSalle a assisté à l'implantation de plusieurs sculptures majeures dans les parcs de son territoire. La ville de LaSalle ne prétend aucunement servir d'exemple, mais elle peut afficher le partenariat qu'elle a développé avec le ministère des Affaires culturelles au cours des dernières années. Ce partenariat est né d'une forte volonté politique à la ville qui était consciente d'un risque réel, d'une volonté politique et d'une grande collaboration des intervenants du ministère. Je voudrais, à ce moment-ci, remercier tous les intervenants avec qui nous avons travaillé au ministère.

Nous entendons aujourd'hui traiter du rôle du gouvernement du Québec, du ministère des Affaires culturelles et du rôle des municipalités, de même que la nécessaire démarche qu'il faudra faire ensemble pour articuler le développement culturel du Québec sur des bases solides et claires. Le rapport du groupe Arpin, Une politique de la culture et des arts, nous a permis de réfléchir particulièrement au nouveau partenariat qu'il nous faudra établir et aux structures qui devront servir.

Première recommandation. Pour une politique des arts et de la culture. Que le gouvernement du Québec élabore et propose une politique des arts et de la culture afin de développer le domaine des arts et de la culture, de favoriser l'accès à la vie culturelle, d'accroître l'efficacité de l'intervention et de la concertation de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle, en fait, tel que recommandé dans le rapport. Il est fondamental, pour le Québec, que l'État initie l'organisation de la démarche. Il est aussi fondamental que soit enfin affirmé publiquement le rôle et l'importance des arts et de la culture dans notre société. Cette affirmation oblige à des énoncés, à la planification des Investissements, à la définition des rôles des nombreux intervenants et au développement de stratégies et de plans.

Deuxième recommandation. Les principes fondamentaux de la politique. La ville de LaSalle reconnaît les trois principes fondamentaux sur lesquels repose l'ensemble du texte de la proposition Arpin, c'est-à-dire que la culture est un bien essentiel; que la dimension culturelle est nécessaire à la vie en société au même titre que les dimensions sociales et économiques et que le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la personne. C'est pourquoi l'activité culturelle doit être accessible à l'ensemble des citoyens et

que l'État a le devoir de soutenir et de promouvoir la dimension culturelle.

La troisième recommandation. La responsabilité du gouvernement du Québec. Que le gouvernement du Québec se reconnaisse une responsabilité fondamentale en matière de recherche, de développement, de soutien à la production et à la diffusion artistique et culturelle en vertu de son pouvoir de redistribution de la richesse et de sa position privilégiée à l'échelle nationale et internationale, tel qu'affirmé par voie de résolution lors du dernier congrès de l'Union des municipalités du Québec.

La municipalité est, à n'en pas" douter, depuis quelques années, un partenaire important du gouvernement du Québec pour le développement culturel. Cependant, l'État ne doit pas renoncer à sa responsabilité fondamentale en matière d'art et de culture. C'est l'État qui doit voir à l'affirmation et au développement de notre personnalité artistique et culturelle en tant que peuple. Les villes doivent particulariser les expressions de ces arts ou de cette culture localement, en fait, y donner un caractère local. La ville de LaSalle soutient, par ailleurs, que, pour répondre aux besoins grandissants des Québécois, nous devrons nous répartir les rôles, travailler ensemble avec les artistes, mais nous devons compter sur tous les pouvoirs que l'État pourrait nous donner.

La quatrième recommandation. Le rôle du ministère des Affaires culturelles. Que le gouvernement du Québec reconnaisse l'importance de son rôle en matière culturelle, qu'il confirme le statut de bien essentiel de la culture dans le contexte géopolitique où nous vivons et assure le leadership du ministère des Affaires culturelles dans ce secteur, en lui octroyant une part plus importante de son budget et en lui donnant des ressources et des pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de son mandat. Enfin, que son importance soit confirmée et que ses pouvoirs soient élargis. La ville de LaSalle estime que le total du soutien consenti aux arts et à la culture doit être accru et utilisé plus efficacement. Le gouvernement doit y consentir une part importante de son budget, plus importante qu'il ne l'a fait dans le passé. En plus des budgets, notre ministère des Affaires culturelles doit avoir les ressources et les pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses mandats. La solution du ministère de la Culture, telle qu'énoncée dans le rapport, facilitera sûrement l'exercice de ses pouvoirs horizontaux dans la structure gouvernementale et aidera la réalisation de certaines actions de concertation.

La cinquième recommandation. Les municipalités, partenaires du gouvernement. Que le gouvernement du Québec considère et reconnaisse la municipalité comme un partenaire majeur de développement et de diffusion des arts et de la culture. Que le gouvernement s'engage et s'associe au monde municipal pour fixer les paramè- tres des implications et engagements, de même que du financement dans le cadre d'une politique culturelle et artistique bien définie. Que le gouvernement crée un cadre organisationnel réel au sein duquel les municipalités participeront aux recommandations qui orienteront le développement culturel des prochaines années, de même que l'organisation des leviers financiers permettant à chacun d'assumer pleinement son rôle. En fait, on parle de relations municipalités-ministère ou gouvernement, non pas une municipalité à la fois au gouvernement ou au ministère, mais autour d'une table.

Il y a tout le danger de la décentralisation amorcée par le gouvernement du Québec et le spectre d'un délestage des responsabilités du gouvernement vers les villes. Le contenu du rapport Arpin concernant l'accroissement de l'implication financière des villes dans le soutien aux arts et à la culture ajoute un élément de plus au péril que vivent certaines villes, même actuellement. À cause du contexte économique et fiscal, la plupart ne peuvent, en aucun cas, disposer des moyens nécessaires à la prise en charge de responsabilités additionnelles dans ce domaine, ayant déjà bien souvent des difficultés à faire face au présent. Il est donc essentiel que le gouvernement du Québec et les villes harmonisent leurs actions.

Il faut à tout prix que le gouvernement reconnaisse l'importance du partenariat avec les villes en redéfinissant avec elles leur rôle dans le soutien à la cause des arts. Cela se fera si les villes disposent d'une tribune où elles pourront établir et maintenir conjointement avec l'État un réel partenariat. Enfin, c'est de cette façon que chaque ville verra sa démarche propre respectée ou se spécialiser. Nous exprimons ici l'opinion partagée autour d'une table où nous siégeons, l'association Les Arts et la Ville, et qui a été longuement discutée à cette association.

Le rapport Arpin est muet sur l'organisation du partenariat villes-gouvernement du Québec. Il nous semble essentiel que cette lacune soit corrigée dans les faits et que cette tribune soit créée donnant ainsi aux villes le lien de pouvoir et d'expression relié à leur rôle dans le domaine.

La sixième recommandation. Le plan d'action. Que le ministère des Affaires culturelles réalise un plan d'action triennal où seront prévues les applications des responsabilités tant financières qu'organisationnelles, qui découleront de la concertation des différents partenaires au sein de l'organisme dont il a été question dans la recommandation précédente. Ce plan devra tenir compte de l'état de l'avancement du développement culturel dans l'ensemble des municipalités du Québec et de la capacité de chacune de s'adapter aux nouvelles tendances quant à leur rôle en matière d'arts et de culture. (21 heures)

Nous avons dit plus haut que toutes les villes ne sont pas au même point de développe-

ment culturel. Afin d'organiser le développement des actions d'une façon harmonieuse, le gouvernement ne doit pas uniquement prévoir l'adoption d'une politique des arts et de la culture, mais il est aussi essentiel que cette politique soit suivie de plans d'action concrets où sera prévue et définie chacune des responsabilités.

La septième recommandation, c'est la concertation avec les villes sur IHe de Montréal. Que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse la particularité du statut des villes qui, comme la ville de LaSalle, sont situées en périphérie de Montréal et font partie de la Communauté urbaine. Qu'il assimile celles-ci au pôle culturel qu'est Montréal. En conséquence, compte tenu de l'importance des rôles du Conseil des arts de la Communauté urbaine et des villes de ITle de Montréal dans le développement culturel de la métropole culturelle du Québec, que le ministère suscite la création et participe aux travaux d'un organisme de concertation des intervenants culturels de IHe de Montréal afin d'orchestrer le développement culturel sur tout le territoire de la Communauté urbaine.

Je pourrais donner en exemple toute la question des lieux de diffusion des arts de la scène. On entend parier de multiples projets de développement de salles de spectacle, par exemple. Je pense qu'il faut insister sur une concertation dans tout le territoire de la grande région de Montréal pour enfin réaliser un réseau planifié de grandes, moyennes et petites salles des arts d'interprétation. Il est essentiel que le ministère des Affaires culturelles suscite la création et participe donc aux travaux d'un organisme de concertation où sont invités le Conseil de la Communauté urbaine de Montréal et les villes de 111e de Montréal, de même que des organismes représentant les artistes afin de se concerter et de collaborer ensemble pour orchestrer le développement culturel sur tout le territoire de la communauté.

En huitième recommandation, sur l'éducation et l'initiation aux arts et à la culture, que le gouvernement du Québec affirme, dans sa politique des arts et de la culture, l'importance de l'éducation et de l'initiation culturelle et artistique dans le milieu scolaire et que le ministère de l'Éducation, même de l'Enseignement supérieur, dispose des ressources favorisant l'apprentissage des arts et le développement de la culture des élèves, des étudiants qui lui sont confiés. Que le ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Éducation se concertent pour l'établissement des actions à accomplir au cours des prochaines années et que ce plan fasse partie intégrante du plan d'action du gouvernement qui découlera de l'adoption d'une politique. En fait, le modèle d'un ministère de la culture pourrait fort bien être en meilleure position pour réaliser un tel plan. Or, chacun le sait, le développement des marchés ne se fait que par la sensibilisation des jeunes publics. La culture personnelle prend sa source dans l'apprentissage scolaire. Les loisirs de l'adulte s'initient à l'école, chez l'enfant. En conséquence, des générations de consommateurs de biens culturels et des spectateurs seront à jamais irrécupérables si des actions ne sont pas entreprises à court terme. Le gouvernement du Québec doit donc amener le ministère de l'Éducation à retrouver sa mission éducative en matière d'arts et de culture. Nous proposons que le ministère des Affaires culturelles travaille en concertation avec celui-ci pour établir les actions à accomplir. La ville de LaSalle tient à faire remarquer au gouvernement que certaines de ces actions pourraient être accomplies en concertation avec les municipalités et les commissions scolaires. Il y a déjà des projets de maillage entre les municipalités, les commissions scolaires et les réseaux des cégeps, autant pour la diffusion, pour tenir des activités soit éducatives pour les jeunes publics, mais c'est à développer venant des différents ministères.

En conclusion, au niveau des municipalités, le climat est à l'insécurité parmi les administrations municipales. À l'heure où la demande croît pour des services artistiques et culturels dans toutes les villes du Québec, à l'heure où chacune d'elles est de plus en plus convaincue de son rôle en cette matière et de la nécessité d'y donner suite budgétairement parlant, à l'heure où la réforme fiscale qui oppose les villes au gouvernement du Québec contraint les villes à des compressions budgétaires dont les premiers effets seront sans doute souvent des compressions dans les services de programmes culturels et artistiques...

Donc, la ville de LaSalle a démontré, au cours des dernières années, qu'un partenariat MAC-villes est possible. Nous avons encore des projets et ces projets sont possibles dans la mesure où le ministère maintient son aide aux municipalités, où le gouvernement continue d'affirmer le rôle du ministère des Affaires culturelles en matière de développement. Nous avons un projet de valorisation de l'héritage patrimonial doublé du développement d'un attrait touristique sur un site important de notre ville et de toute l'île de Montréal: l'aménagement du parc des Rapides. Nous aurons besoin du ministère des Affaires culturelles pour mener à bien ce projet.

Nous voulons travailler à l'intégration des communautés culturelles pour l'amélioration du cadre de vie. Nous avons besoin que le ministère des Affaires culturelles s'y intéresse. Nous voulons continuer notre action en matière d'art public et établir des programmes d'intégration des arts publics à l'architecture et au territoire. Nous voulons le faire en concertation avec le ministère des Affaires culturelles, le CACUM et les organismes représentant les artistes. En fait, ce ne sont là que quelques-uns de nos projets. De toute évidence, le travail amorcé a une suite déjà planifiée et attendue. Le gouvernement du

Québec doit entendre par là que le partenariat s'est installé et que les deux partenaires doivent rester impliqués pour qu'il soit encore question de partenariat. La ville de LaSalle remercie la ministre et les membres de cette commission de l'avoir entendue et souhaite que le mémoire soit source d'inspiration au gouvernement pour la réalisation d'une prochaine politique.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Bérubé. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Évidemment, ça me fait un plaisir plus que marqué de vous avoir ici avec moi, ce soir. Votre mémoire est d'une qualité remarquable. Il apporte un point de vue particulier et des recommandations qui sont tangibles et intéressantes pour nous, bien sûr, spécialement au niveau du partenariat villes-ministère des Affaires culturelles.

Vous avez une ville qui comporte un caractère particulier parce qu'il y a plusieurs communautés culturelles, un bon bassin de francophones, bassin d'anglophones, italophones et autres communautés culturelles. Donc, finalement, une espèce de tissu social qui représente un peu celui de Montréal, mais, finalement, concentré.

J'aimerais savoir qu'est-ce qui a servi d'élément déclencheur, compte tenu d'une ville qui s'appelait, à l'époque, une ville-dortoir, pour qu'elle s'investisse plus à fond dans le domaine culturel et qu'elle décide aussi, par exemple, de créer un service culturel autonome.

Mme Lemieux-Bérubé: C'est une volonté politique de faire en sorte que les citoyens développent un sentiment d'appartenance à la ville, et ça se fait de multiples façons. La ville a investi beaucoup d'énergie dans l'environnement, par exemple, la nature. Je pense que les gens connaissent très bien l'implication de la ville de LaSalle en matière de recyclage, par exemple, ou de protection des berges. Le développement culturel allait s'ajouter au bien-être des citoyens. Il nous apparaissait important de rejoindre les citoyens et de sentir qu'ils pouvaient consommer, à LaSalle, les arts et la culture, donc ne pas simplement venir à LaSalle pour y dormir, mais vraiment jouir en tout temps, sur notre territoire, des différents volets des arts et de la culture. Ça faisait partie de toute cette idée de bien-être, de faire en sorte qu'on est bien chez nous, à LaSalle.

La création d'un service de la culture était une préoccupation. À l'époque, il y avait la bibliothèque, il y avait un service des loisirs qui faisait un peu de tout. Au service des loisirs, on faisait surtout du sport, mais aussi plein de petites activités à caractère culturel. Il y avait la bibliothèque qui était dirigée par une bibliothécaire. Nous, on s'est dit: On va faire faire aux loisirs certains développements en matière de loisir et un service de la culture aurait comme mission de s'occuper du développement de la bibliothèque, mais de tous les autres services en art et relatifs aux arts et à la culture, qui n'existaient pas du tout à LaSalle. SI on avait laissé au service des loisirs ce développement, on n'avait pas là les gens compétents dans ce domaine. Ils étaient compétents en loisirs, mais ils n'étalent pas compétents en ce domaine. La création du service de la culture nous a permis d'aller chercher une gestionnaire culturelle qui pouvait à la fois s'occuper de la bibliothèque, mais aussi amorcer tout le développement arts et culture. Je pourrais peut-être laisser Rachel continuer.

Mme Frulla-Hébert: En même temps, j'aimerais... On a rencontré plusieurs villes - et il y en a d'autres, d'ailleurs, qui vont se présenter ici, à la commission - mais, à part la Communauté urbaine de Montréal qu'on a vue ce matin, la ville de Montréal viendra la semaine prochaine, la ville de Québec et d'autres, Sherbrooke, Amos, bon. Vous êtes une ville qui êtes finalement intégrée à la Communauté urbaine. Quelles sont finalement vos relations avec le CACUM, le Conseil des arts de la Communauté urbaine? Comment ça fonctionne? Parce que vous êtes tellement proche, tellement à côté.

Deuxièmement, comment fait-on pour développer ses intérêts propres quand les gens sont à 10 minutes de tous les grands théâtres, finalement, que ce soit le cinéma, la Place des Arts, les grands organismes de Montréal?

Mme Laperrière (Rachel): Les relations avec le Conseil des arts de la Communauté urbaine, on pourrait les définir de la façon suivante: le Conseil des arts, actuellement, a un rôle de développeur, un rôle de sensibilisateur. Il l'a fait par l'établissement de programmes qui sont principalement des programmes de tournées. Bien sûr, le Conseil des arts, dans ses relations avec les municipalités, vise une chose: c'est que les villes fassent des activités culturelles. Et les activités culturelles nous sont proposées dans des programmations qui circulent de municipalité en municipalité. Donc, nous sommes, d'une certaine façon, des clients du Conseil des arts de la Communauté urbaine.

Par contre, le Conseil des arts n'a pas devant lui une clientèle qui est égale, c'est-à-dire qu'il y a certaines municipalités qui sont rendues plus loin, il y a des municipalités qui ont une population qui est plus nombreuse et il y a Montréal parmi ces municipalités-là. Donc, on ne peut pas dire que la clientèle est homogène pour le Conseil des arts de la Communauté urbaine et que ça facilite ses actions. On parle, nous, de concertation avec le Conseil des arts, non pas pour contester le rôle du Conseil des arts sur ITIe de Montréal; je pense qu'il est

excessivement important, on le dit dans notre mémoire. Sauf que le Conseil des arts n'est pas seulement un organisme de programmes pour les municipalités, c'est avant tout un organisme d'aide à des organismes d'artistes. Alors, il y a, dans l'île de Montréal, des développements au niveau des organismes culturels, il y a des développements avec les municipalités, il y a du développement qui se fait par le ministère des Affaires culturelles, par le Conseil des arts de la Communauté urbaine, à travers toutes sortes de programmes. Et on sent, nous, la nécessité que tous ces gens-là se rencontrent pour harmoniser autant les programmes d'aide aux compagnies artistiques que les lieux de diffusion et que la possibilité d'établir des programmes pédagogiques dans les municipalités en harmonisation avec les commissions scolaires, par exemple, et avec les compagnies théâtrales. Si on parle de programmes pédagogiques en théâtre, on peut faire des programmes pédagogiques en patrimoine. Je pense qu'il y a toutes sortes de possibilités qui peuvent s'articuler autour du rôle de développeur du Conseil des arts et autour du rôle de responsable du développement d'un sentiment d'appartenance locale des municipalités. Le ministère est un partenaire parce que lui aussi est un subventionneur de ces compagnies théâtrales, de ces villes-là, pour le développement culturel. Je pense que, tout ça mis ensemble, ça devrait contribuer à faire une harmonisation du développement pour les prochaines années.

Quant à la particularisation des services dans une ville qui doit finalement nous différencier de ce qui se passe à Montréal, à 10 minutes du centre-ville, effectivement, je pense que c'est une espèce de tour de force d'essayer de percevoir quels sont les besoins des citoyens. On a fonctionné beaucoup par essais erreurs, mais je crois qu'on a découvert certains filons qui sont intéressants. Je pense, par contre, qu'on n'ira jamais contre le fait - et on ne veut pas aller contre le fait non plus - que Montréal, c'est vraiment le centre nerveux de l'action au niveau de la création au Québec. On ne veut pas "du-plicater" des services qui sont offerts là, mais on veut donner des services aux citoyens de la ville de LaSalle, sur leur territoire, pour vraiment faire en sorte qu'ils ne soient pas des citoyens de seconde zone, leur donner des activités culturelles pour leurs enfants, des activités culturelles à eux, qu'ils soient des personnes de l'âge d'or ou des travailleurs, leur donner une bibliothèque municipale bien articulée, autant qu'ailleurs et leur donner aussi des spectacles qui viennent en tournée, leur donner un centre patrimonial comme il y en a ailleurs. Enfin, leur donner, à eux, un portrait particulier, si on veut, un cliché particulier LaSallois de ce qu'est une culture québécoise. Alors, on particularise en donnant un vernis LaSallois aux événements qu'on organise.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau des... Parce que, évidemment, on revient aux communautés culturelles. On en a beaucoup parlé... La semaine dernière, on pariait d'intégration, en fait, de pluriculturalisme versus l'expression, à l'époque, de multiculturalisme. On pariait, finalement, de trouver des moyens pour que les gens se sentent bien dans leur pays d'adoption, mais adoptent aussi la culture de ce pays d'adoption. Vous vivez des situations qui sont tout à fait par-ticulières parce que... Autant vous avez des italophones parfaitement intégrés depuis longtemps, bon, après ça, II y a les Portugais, il y a finalement les Grecs. On en a de toutes sortes: anglophones, francophones. Au niveau de l'intégration et au niveau de l'action culturelle, est-ce que c'est une façon de les intégrer et est-ce qu'il y a des choses particulières que vous faites? (21 h 15)

Mme Lemieux-Bérubé: On trouve très difficile de rejoindre les différentes communautés culturelles. Je pense que, l'erreur principale, c'est de toutes les mettre dans le même bain. Les communautés culturelles, elles sont diverses. Les Grecs et les Asiatiques ne parient pas le même langage, ils n'ont pas les mêmes aspirations. Lors du 75e anniversaire de la ville de LaSalle, on avait fait certaines activités pour ces communautés et ça n'avait pas très bien fonctionné. Je pense qu'il y a des erreurs de comportement que nous avons, nous, les Québécois, face aux communautés. On a, d'autre part, une expérience heureuse qu'on a faite, l'année dernière. On a monté une exposition où on a mis en exemple, où on montre une production d'un vieux Polonais qui avait des trésors de son pays qu'il avait réalisés lui-même, mais aussi d'autres trésors qu'il avait chez lui. On a mis ça en parallèle avec une artiste, une jeune artiste, aussi - en fait, ce n'était pas polonais, c'était lettonien - subventionnée par le ministère, le Conseil des arts du Canada, et qui, en même temps, dans la même salle, avait donc sa vision aujourd'hui de son pays à travers sa production contemporaine très d'avant-garde et, en même temps, ce monsieur qui avait tous les trésors de son pays et qu'il avait même, à un certain moment, réalisés lui-même. On avait mis ça en même temps. Donc, c'est une nouvelle communauté qui est venue, ce soir-là, dans notre salle d'exposition et qui a découvert notre salle de spectacle, notre salle d'exposition et qui a été enchantée. On a commencé à parier avec eux et je me suis dit: Ça, c'est un modèle peut-être à réaliser. En même temps des jeunes artistes qui sont de différentes souches, des communautés qui sont présentes sur notre territoire, mettre ça ensemble avec d'autres LaSallois, d'autres Québécois, faire des jumelages aussi de communautés québécoises francophones avec d'autres... Mais c'est un projet à la fois, je pense, qu'il faut faire.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, madame. Cela va finir... Avant de passer la parole à mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, j'aurais peut-être un petit commentaire à faire, non pas comme président de cette commission, mais comme député de LaFontaine de l'est de Montréal que je suis. C'est avec une certaine envie que je vous entends parier. Vous avez parlé de bibliothèque, de maison de la culture, de proximité de 10 minutes des équipements du centre-ville comme la Place des Arts et autres. Vous avez parlé de Montréal qui est le centre de développement de la culture. Moi, je suis un Montréalais. Je ne suis pas un LaSallois. Je ne suis pas un citoyen de la ville d'Anjou, je suis un vrai Montréalais qui paye ses taxes à Montréal. Je suis à 45 minutes de la Place des Arts quand les routes n'ont pas des trous pour que je puisse m'y rendre. Il n'y a pas de métro, il n'y a pas l'autobus. Il y a 43 000 habitants dans mon quartier de Rivière-des-Prairies. Il n'y a pas de bibliothèque. On a encore un minibus comme dans les années cinquante, où les gens font la queue une fois tous les quinze jours pour obtenir leurs livres. Vous me permettrez de dire que vous êtes certainement très chanceux, dans votre quartier, dans votre ville de LaSalle, et que les gens de l'est de Montréal doivent vous envier. Ça m'amène à vous poser une question. Est-ce que vous ne pensez pas qu'au lieu de continuer à concentrer des grands équipements culturels au centre-ville, qui servent, après tout, à une élite, en général, qui a les moyens de se les permettre, d'y aller, d'acheter des billets à 10 $, 15 $, 20 $, on ne devrait pas plutôt renforcer le réseau des équipements culturels populaires, accessibles à tous les gens, les jeunes, les personnes âgées? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a là un paradoxe où on est à l'époque où on construit des grands équipements très chers et où des populations qui, d'ailleurs, n'ont pas les moyens de se les payer, n'en ont pas à leur propre niveau?

Mme Laperrière: II y a une chose qui est certaine, c'est qu'on n'aura jamais fait assez en matière de développement culturel et qu'il y aura toujours des trous à combler, mais particulièrement, je pense qu'un des domaines où il faut continuer d'être vigilant et d'investir, c'est dans le domaine des bibliothèques publiques et des réseaux des maisons de la culture. Nous avons un centre culturel, qui a aussi une vocation communautaire, qui est un peu une maison de la culture, un peu sur le modèle de celle de Montréal. Je pense que ces endroits-là sont les endroits où il y a vraiment le plus de travail qui se fait pour le développement de la culture au Québec. Malheureusement, on est encore loin de dire que chaque citoyen, dans chaque petite municipalité et même à Montréal, a une bibliothèque pas loin de chez lui. Même qu'il y a des endroits dans les municipalités où il n'y en a pas. Au Québec, on est encore des tiers-mondistes, en matière de bibliothèques et de maisons de la culture. Je pense que tout le monde est au courant. Malheureusement, c'est comme ça. Ce n'est pas faute d'avoir prêché pour la valeur des bibliothèques publiques au Québec au cours des récentes années, sauf qu'il y a encore de l'ouvrage à faire effectivement. Ça rejoint beaucoup notre préoccupation qu'on a de développer de nouveaux secteurs, de nouveaux marchés. Les bibliothèques publiques sont utiles pour développer des marchés. Les petites salles de spectacle dans les quartiers sont utiles aussi, autant pour les enfants que pour tout le monde, mais particulièrement... Si on cible la clientèle des enfants, les enfants vont tous à la bibliothèque publique, ou presque. Ils commencent à y aller avec l'école, à faire des visites scolaires. Donc, c'est évident que c'est la vocation la plus fondamentale pour les municipalités en premier, en matière culturelle. Mais il y a beaucoup d'autres vocations qui sont à ajouter par-dessus. Il ne faut pas négliger les autres aspects non plus.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame. J'étais un peu sur le temps du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, alors je vais maintenant lui passer la parole.

M. Bouierice: Je n'ai aucune objection, M. le Président. Nous sommes les gardiens de l'est de Montréal. Donc, je ne vous en tiendrai pas rigueur. Mme Laperrière, Mme Bérubé, M. Lolselle, vous me permettrez de vous dire que je regrette beaucoup l'absence de M. le maire Leduc, mais je comprends ses nombreuses obligations. Sauf que cela aurait été pour moi un plaisir de le revoir.

Je vais immédiatement aller vers vous, Mme Bérubé, en vous disant que, tantôt, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai accueilli l'artiste. Maintenant, j'ai devant moi la politicienne. Je dois vous avouer qu'arts, culture et politique peuvent effectivement faire un mariage. Il semble très heureux, dans votre cas. Mais je vais poser inévitablement cette question à la conseillère municipale, donc à la politicienne. Vous avez vécu, comme élue municipale, une décision unilatérale du gouvernement, votée au Conseil des ministres, sur une réforme fiscale brisant le pacte de 1980 qui avait été signé avec les municipalités. Donc, des charges fiscales inattendues que vous devrez assumer, que vous avez déjà commencé à assumer et que vous devrez commencer à assumer dé façon beaucoup plus dramatique, dans les semaines ou les mois à venir, au niveau du transport notamment, etc. Je vois que votre municipalité s'en tire quand même honorablement bien, dans le domaine. Je crois que c'est autour de 3,1 % ou 3,2 %. Les pourcentages étant ce qu'ils valent, c'est quand même indicatif d'un effort senti de la part de la ville

de LaSalle. Comment pouvez-vous vivre une politique de la culture où on demande plus aux municipalités, si on n'y Injecte pas de l'argent nouveau, qu'on leur demande d'aller puiser, comme on dit en bon québécois, dans les poches des contribuables?

Mme Lemieux-Bérubé: Je vous répondrai que, effectivement, ie temps actuel est extrêmement difficile pour demander aux municipalités d'injecter davantage d'argent dans le domaine culturel ou même d'amorcer, pour certaines municipalités, un développement culturel.

A la ville de LaSalle, tout d'abord, on a une longueur d'avance. On estime qu'on a une longueur d'avance. La ville aussi est en bonne santé financière. C'est sûr que c'est difficile. La ville aura à faire des coupures ou à augmenter la charge fiscale des citoyens, je pense les deux. La façon dont je le vois, l'an prochain ou les prochaines années, c'est qu'il y aura des coupures, mais dans différents services. Il y en aura sûrement un peu en culturel, si on regarde le plan quinquennal qu'on a développé, mais il y en aura aussi dans d'autres services. C'est pour ça que je répète l'importance de conserver un partenariat ministère des Affaires culturelles-municipalités si on veut penser, d'une façon sérieuse, à un développement, à une amorce ou à une continuation d'un développement culturel dans l'ensemble des municipalités.

J'assistais, la semaine dernière ou il y a quelques semaines, à une table de préparation du mémoire de l'Union des municipalités. C'est extrêmement difficile actuellement de dire aux municipalités: Faites du développement culturel. C'est très, très, très difficile, je l'avoue.

M. Boulerice: Vous êtes bien consciente, Mme Bérubé - de toute façon, le contraire m'étonnerait - de ce que vous venez de dire. C'est extrêmement Important. C'est qu'il y a un document qui s'appelle le rapport Arpin, qui a été commandé par le ministre et qui dit: Oui, avec les municipalités, demain, nous ferons ci, nous ferons ça, etc. Mais là vous êtes en train de me dire que, compte tenu des actions récentes du gouvernement au niveau de la fiscalité municipale, loin de regarder demain, ces actions feront en sorte que, déjà, vous allez commencer à régresser, au niveau culturel. Déjà, vous allez être obligés à des coupures, je veux dire, c'est extrêmement dramatique.

Mme Lemieux-Bérubé: Des coupures sur notre plan de développement. Non pas des coupures sur l'action qu'on mène actuellement, mais sur un plan quinquennal qu'on devra ralentir, comme dans d'autres services de notre municipalité.

M. Boulerice: C'est tout aussi tragique.

Mme Lemieux-Bérubé: Oui.

M. Boulerice: C'est tout aussi tragique.

Mme Lemieux-Bérubé: Hé oui!

M. Boulerice: Donc, vous acquiescez à cette... Bon. Premièrement, il n'est pas question de délestage. Vous êtes d'accord pour un partenariat, mais partenariat, écoutez, vous allez y fournir. Donc, vous êtes d'accord avec l'assertion - je ne me souviens plus si c'est M. le maire de Trois-Rivières ou le maire d'Amos - qui disait: II devrait y avoir une prime à l'encouragement. Les municipalités qui, comme la vôtre, font des efforts, se donnent des politiques, se donnent les structures nécessaires, devraient être encouragées, comparativement, peut-être, à des municipalités pour qui même les incitatifs n'ont rien fait.

Mme Laperrière: Je ne sais pas si certaines villes doivent être encouragées, et d'autres laissées pour compte. Je crois qu'il est important que se discute ce partenariat gouvernement du Québec et municipalités. Je crois qu'il est important que se crée un endroit - et là nous avons été un peu nébuleux en le nommant "tribune", cadre organisationnel - où les municipalités soient écoutées et aient la possibilité de dire au gouvernement le type de relation qu'elles veulent établir avec lui pour le développement de la culture au Québec. Je crois qu'il est important que se fasse cette définition des rôles d'une façon mutuelle, c'est-à-dire qu'on soit assis à la même table, qu'on se parle, pour que toutes les municipalités soient capables d'exprimer leur volonté au gouvernement du Québec et non pas subir un délestage de responsabilités de la part du gouvernement. Ce qu'on veut, c'est établir un réel partenariat et participer à l'établissement de ce partenariat dans un organisme - soyons créateurs - il faudra faire comme les artistes, inventer peut-être ce type d'organisme là, lui trouver un nom, en trouver une formule. Le rapport Arpin pariait d'une commission consultative sur la culture; j'en ai discuté avec M. Arpin, quand on l'a récemment rencontré à LaSalle, et je lui ai posé la question: Est-ce que c'est une tribune, ça, où les villes pourraient éventuellement avoir une place et avoir un rôle? Et ça nous semblait à tous deux - et je pense que c'était aussi le cas de toute l'assemblée - ça nous semblait faible. Ça nous semblait faible parce que c'est une commission consultative sur la culture, en fait; les villes auraient alors un rôle uniquement consultatif. Il n'y a pas vraiment de lieu qui a été créé et qui est recommandé dans la politique pour que les villes puissent énoncer leur capacité de développement et qu'elles négocient avec le gouvernement, finalement, ce qu'elles pourront faire dans les prochaines années. Je crois que le fart que ce soit

absent du rapport Arpin, de l'avis même de M. Arpin, à qui nous en parlions, il disait que ça devrait être corrigé. En fait, il faudrait prévoir un endroit d'échanges. M. Arpin me disait qu'il était pour en parler à la ministre, et nous, on disait qu'on en parlerait à notre député; alors, on en parlera à la même personne.

M. Boulerice: II y a eu une table d'échanges entre les municipalités et le Québec, qui s'appelait Québec-municipalités, la table de concertation. Elle portait sur les partages fiscaux. Mais là je vous comprends: Chat échaudé craint l'eau froide. Vous êtes bien d'accord pour participer à une table de concertation, d'implication des municipalités dans le développement culturel, sauf que, si je vous ai bien compris, vous posez une condition de base qui est: Oui, mais cela ne se fera pas à nos frais exclusivement. C'est bien ça que vous dites?

Mme Laperrière: C'est ça. Je pense que c'était unanime. Les municipalités étaient unanimes là-dessus, au colloque Patrimoine et Culture de l'Union des municipalités du Québec. Je pense que c'est ce qu'on entend régulièrement de la part des municipalités. Notre opinion en tant que représentants de la ville de LaSalle ne diffère pas de l'opinion même des membres de Les Arts et la Ville. Les Arts et la Ville, c'est une association qui est composée de représentants, autant conseillers municipaux que gestionnaires municipaux et représentants d'organismes culturels, donc les regroupements d'artistes. Tous étaient Unanimes pour dire, eux aussi, la même chose. Et là-dedans, dans Les Arts et la Ville, dans cette association, on y regroupe les villes qui, quand même, sont les plus importantes en matière de développement culturel au Québec. Je pense à Québec, Laval, Montréal, Sherbrooke, Chicoutimi, etc. (21 h 30)

M. Boulerice: Si vous me permettez, M. le Président, une. brève question avant que nos invités puissent prendre congé. Bon. Alors, nous vivons en communauté. La Communauté urbaine de Montréal, c'est plusieurs municipalités. Il y a effectivement un Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal. S'il doit y avoir un développement, il doit être harmonieux. Je pense que l'exemple que citait M. le député de LaFontaine, tantôt, est vraiment patent. Pourquoi telle chose dans telle partie de l'île et, par contre, pénurie dans l'autre? Non pas que je veuille dire que ce soit la surabondance dans le cas de LaSalle. Vous êtes bien portants, mais vous n'êtes pas en Rolls-Royce, disons, pour employer une expression populaire. Alors, quelle structure, d'après vous, pourrait assurer une meilleure concertation des intervenants de l'Île pour que le développement culturel qu'on souhaite soit vraiment présent sur l'ensemble du territoire?

Mme Lemieux-Bérubé: C'est une structure à créer, où siégeraient des gens de la Communauté urbaine, des représentants d'un certain nombre de municipalités et des représentants d'artistes aussi et du ministère. C'est une structure à créer. Elle n'existe pas et il n'y a pas de modèle que je pourrais citer. C'est à créer, et c'est une table où, justement, il faut planifier la répartition des équipements culturels majeurs et les autres moins d'envergure. Mais il faut faire une planification autant sur les équipements que sur le développement de la programmation.

Mme Laperrière: Je sais que c'est une idée qui a voyagé un peu dans les couloirs, au ministère des Affaires culturelles de ta région de Montréal, pendant quelques années. C'est difficile de créer une structure comme ça, parce que ça réunit des gouvernements ayant un pouvoir différent sur un même territoire. L'harmonisation des programmes, ce n'est pas facile, même à l'intérieur d'un ministère, alors, avec plusieurs régions, ce n'est pas facile. Donc, réunir, pour faire une concertation, des éléments aussi disparates, ça ne sera pas simple. Mais je pense qu'à l'heure actuelle, à une époque où il faut rationaliser nos opérations, où il faut les rendre pertinentes à tout prix, parce que l'argent est rare et, quand il est dépensé, il faut qu'il serve au maximum, c'est une condition sine qua non pour le développement de la région de Montréal dans les prochaines années.

M. Boulerice: Si on me le permet, juste une toute petite question...

Le Président (M. Gobé): Allez-y, faites, oui, oui.

M. Boulerice:... à M.Loiselle. M. Loiselle, je vois que vous êtes président de la Commission de développement culturel pour la ville de LaSalle, ça va de soi. Combien de municipalités membres de la Communauté urbaine se sont donné des commissions de développement culturel?

M. Loiselle (Henri): Je ne pourrais pas répondre vraiment à cette question. J'en connais quelques-unes: Montréal, Laval, LaSalle. Après ça, je ne peux pas vous donner plus d'implications, excepté que je trouve que c'est un instrument très important dans une ville. À LaSalle, la commission, c'est tous des bénévoles de différents... des représentants du cégep, de la commission scolaire, des arts, du centre culturel et ainsi de suite, qui donnent leur opinion. C'est là qu'on a fait notre plan quinquennal. Il y a aussi, dans la commission, des membres de la Chambre de commerce et... Ça donne des partenariats avec des industries et des commerces à LaSalle. On parle à toute heure qu'on manque d'argent Ici, qu'on manque d'argent là. On est obligé d'aller vers les industries et les commer-

ces de LaSalle pour qu'ils puissent investir dans les arts et la culture.

M. Boulerlce: Mme Bérubé, Mme Lapierre, M. Loiselle, merci. M. Loiselle, vous avez peut-être aussi, par inadvertance, répondu à la question. Si toutes les villes, si plusieurs avaient des commissions de développement culturel, il y aurait sans doute eu une rencontre des présidents, donc on le saurait s'il y en avait. J'ai bien l'impression qu'il n'y en a pas beaucoup. Je vais m'attrister qu'il n'y en art pas beaucoup, mais me réjouir qu'il y en ait une à LaSalle, la ville qui fait partie de la circonscription de ma collègue. Je pense qu'elle à, elle aussi, ses objets de fierté. Je ne vais pas être mesquin et jaloux.

M. Loiselle: Dans nos municipalités, ça prend une volonté politique si on veut vraiment faire le développement culturel aussi. Ça prend une volonté politique du parti municipal en place pour le faire. Si on n'a pas la volonté politique, c'est beaucoup plus difficile à développer, je peux vous dire ça. Quand vous avez une volonté politique du conseil municipal, c'est encore difficile. Vendre les arts, c'est difficile, mais, quand vous avez une volonté politique, ça va mieux.

M. Boulerice: Je ne veux pas me mêler d'élections municipales. Je vais vous demander de transmettre mes amitiés à M. le maire Leduc.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député.

Votre remarque sur la création d'un comité intermunicipal au niveau de Montréal qui verrait à répartir les équipements culturels m'a amené à penser à une situation qui s'est produite dernièrement. Il est vrai que le besoin crée la nécessité. Il s'est créé, il y a à peu près un an et demi, la régie intermunicipale des déchets. Il s'est trouvé que les villes de Montréal ne savaient plus quoi faire avec leurs déchets, il fallait trouver des solutions. Alors, en dedans d'un an et demi, ils ont réussi à s'organiser, à créer un organisme permanent et à trouver du financement. Et Ils ont décidé d'envoyer toutes les poubelles et l'Incinérateur dans l'est de Montréal pour être brûlées.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Je préférerais plutôt que vous vous organisiez - c'est un message que j'envoie aux gens de la ville de LaSalle qui sont sûrement solidaires des gens de l'est, comme d'habitude - que vous créiez un organisme culturel qui verrait à envoyer, en dedans d'une année et demie, une bibliothèque, une maison de la culture, des salles de spectacle dans l'est de Montréal. Alors, ceci étant dit, ce n'est pas votre faute. J'ai apprécié que votre témoignage permette de mettre l'éclairage sur ce côté-là. Jusqu'à maintenant, on a entendu des groupes d'artistes, des historiens... Vous êtes probablement les premiers qui, au niveau municipal, touchaient d'aussi près ces réalités qui concernent les gens, tous les jours. Et la culture avec un grand A - parce que, selon moi, elle commence à l'école - elle commence aussi dans la vte de tous les jours lorsqu'on va à la bibliothèque, lorsqu'on va à la maison de la culture. Je crois qu'il serait illusoire de penser, dans notre société, qu'on va transmettre la culture ou le goût de la culture aux gens si on n'a pas des équipements adéquats et la disponibilité proche et facile d'accès pour les gens. J'ai beaucoup apprécié votre témoignage.

Maintenant, peut-être Mme la ministre, en terminant...

Mme Frulla-Hébert: Évidemment, on pariait de volonté... Volonté au niveau de la ville. Je tiens à souligner aussi, pour le député de LaFontaine, que c'est notre maire qui est président de la régie des déchets.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Oui, c'est vrai. Je dois dire, d'ailleurs, que j'ai eu, cette semaine, un éloquent témoignage de solidarité. Votre maire a appuyé une résolution de la Conférence des maires de banlieue qui recommande l'installation de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans le quartier Rivière-des-Prairies. Ça a été adopté à l'unanimité et votre maire était un des promoteurs de cette résolution, m'a-t'on dit.

Une voix:...

Le Président (M. Gobé): Alors, vous lui transmettrez mes remerciements. Je sais que vous étiez au courant, madame, comme conseillère municipale. Ça a été débattu à votre conseil municipal, déjà.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous dire que ce n'est pas que les déchets et pour vous dire qu'évidemment, quand une ville est pionnière en matière d'environnement, pionnière en matière de culture, c'est sûr que le développement qui est pris par la municipalité, les élus municipaux et aussi le milieu, évidemment, ça va plus rapidement.

Quant à nos ententes, je veux seulement préciser, parce qu'on a parlé beaucoup de bibliothèques dans l'est, etc., il y a effectivement une entente qui a été signée avec Mme Bacon et le maire Doré, où le ministère des Affaires culturelles, à coups de plusieurs dizaines des millions de dollars, prenait tout le fonctionnement et aussi l'entretien des grands organismes qui sont à Montréal. La ville a décidé, elle, de s'occuper de ses maisons de la culture et des

bibliothèques, et c'est comme ça que le partage s'est fait. Alors, c'est seulement pour clarifier la situation. Nous ne subventionnons aucune bibliothèque dans la ville de Montréal, à part la Bibliothèque nationale, les grosses bibliothèques centrales et aussi tous les gros organismes.

Le Président (M. Gobé): Si mon collègue de l'Opposition le permet, son consentement pour qu'on dépasse l'heure. Parce qu'on se retrouve devant un dilemme, madame - et vous n'en êtes pas responsable, loin de moi l'idée de vous l'imputer... On se retrouve dans le dilemme suivant: c'est qu'une bibliothèque d'Outremont - les citoyens ne l'ont pas voulue, c'est vrai - était prête à être subventionnée de l'ordre de 700 000 $ alors qu'elle est située à trois minutes de la Place des Arts qui est sur le territoire de Montréal, et le ministère était prêt à la subventionner. Montréal-Est, LaSalle, Lachine, Dorval, lorsqu'elles demandent des bibliothèques, ont droit à des subventions alors que leurs citoyens jouissent des mêmes facilités montréalaises, que ce soit la Place des Arts, enfin, tous les grands centres qui, eux, sont payés à la ville. Paradoxalement, nos quartiers ne peuvent pas avoir de subvention. La ville de Montréal, étant une ville qui connaît un degré de pauvreté très important avec des problèmes structurels très importants, a des difficultés à subvenir aux besoins culturels. Les gens nous le disent quand ils viennent ici: On coupe, en général, la culture avant de couper autre chose. Là, on n'a pas coupé chez nous, ce n'est même pas Investi. Je trouve un peu paradoxal que, parce qu'on est sur le territoire de Montréal, les citoyens n'aient pas accès aux mêmes services que les gens qui sont dans les banlieues. On est sur la même He ensemble.

Mme Lemieux-Bérubé: C'était peut-être une erreur, dans le temps, et on pourrait dire peut-être encore une erreur, aujourd'hui, de penser à une île, une ville. C'est peut-être mieux d'avoir plusieurs municipalités et de faire du développement dans chacune des municipalités que de penser avoir une seule grande ville.

Le Président (M. Gobé): Oui. Parce que si Rivière-des-Prairies n'avait pas été annexée à Montréal, il y a une quinzaine d'années, nous serions éligibles pour avoir une bibliothèque subventionnée par notre bon gouvernement et les gens, au lieu d'attendre un autobus dans la "slush", l'hiver, dans la glace, le froid et la pluie, avec leurs enfants, pour avoir un livre, ils auraient une belle bibliothèque.

Mme Frulla-Hébert: Donc, un gros merci. Et moi, la suggestion, c'est de faire pression auprès de votre maire. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais maintenant appeler le groupe suivant, qui est la Société de développement des périodiques culturels québécois.

Alors, mesdames et messieurs, la commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. Nous allons entendre la Société de développement des périodiques culturels québécois qui est représentée par M. Guy Marchamps, président - bonsoir, M. Marchamps - Mme Alyne LeBel, administratrice - bonsoir, madame - Mme Francine Bergeron, directrice générale - bonsoir, madame - et j'aperçois une autre personne.

M. Lemaire (Marc): Je suis Marc Lemaire, administrateur de la SODEP.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, monsieur. Donc, vous pouvez dès maintenant commencer la présentation de votre mémoire, pour une quinzaine de minutes.

Société de développement des périodiques culturels québécois

M. Marchamps (Guy): Mme la ministre des Affaires culturelles, membres du comité, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous donner l'opportunité de nous exprimer Ici, de donner notre point de vue sur la proposition de politique de la culture et des arts.

Donc, la SODEP, la Société de développement des périodiques culturels québécois, existe depuis 1978 et, dès sa fondation, l'amélioration des conditions de publication et de diffusion des revues culturelles a fait partie intégrante de son mandat. Aujourd'hui, nous poursuivons notre objectif avec la SODEP qui regroupe maintenant près d'une cinquantaine d'éditeurs et d'éditrices de périodiques, et nous désirons plus que jamais oeuvrer au niveau du développement et de la commercialisation des revues.

Partenaire essentiel des autres associations du milieu de l'édition, la SODEP représente ses membres auprès des institutions gouvernementales, scolaires, publiques et privées. Elle se veut de plus en plus un agent de promotion important entre les éditeurs et les éditrices et le public lecteur.

La SODEP joue un rôle de premier plan quant au rayonnement des périodiques culturels. C'est ainsi qu'elle participe, entre autres, activement aux divers salons et foires du livre et du périodique, tant au Québec qu'à l'étranger. Ces manifestations sont un des véhicules privilégiés pour assurer aux revues une meilleure visibilité.

Alors, ça, c'était la présentation, donc, de notre société que j'ai abrégée un peu. Passons maintenant au mémoire comme tel.

La création culturelle: en a-t-on pour notre argent? Financer la création culturelle pour une société signifie se verser à elle-même les fonds

dont elle a besoin pour exprimer et développer son identité dans ce qu'elle a de plus intime et de plus fondamental. Il fallait rappeler cette évidence dès le point de départ, car, dans la plupart des propos et des débats qui entourent cette question, on traite la production culturelle uniquement comme une industrie ordinaire, une sorte de secteur mou de l'économie, un groupe d'intérêts particulier auquel l'État consentirait quelques cadeaux.

Il est primordial d'insister sur ces deux caractéristiques majeures de l'activité culturelle, soit la société et l'économie, par rapport à l'ensemble des réalités socio-économiques. Ses retombées sont d'un caractère collectif et elles se répartissent sur une longue période. (21 h 45)

L'oeuvre est individuelle, mais les efforts mis à la réaliser et à en assurer la production matérielle bénéficient de l'énergie et de l'opiniâtreté de nombreuses personnes et le processus a, dès le départ, un caractère social qui culmine avec son entrée dans le circuit de production. Lorsque, créateurs ou non, nous demandons à une énième tasse de café de nous procurer un surcroît d'énergie ou, tout au moins, de nous en donner l'impression, le produit bénéficie directement et exclusivement à la personne qui a déboursé des sous pour l'obtenir. Une personne qui entre en contact avec une oeuvre de création y trouve un renouvellement de sa sensibilité, un bagage d'idées et d'images dont elle sera désormais porteuse et agente de diffusion. Elle seule a payé son livre ou son billet d'admission, mais tout le patrimoine culturel dans lequel s'inscrit cette oeuvre vient de s'enrichir. Et cet enrichissement se prolonge dans le temps, bien au-delà de l'année fiscale et de ses règles comptables. La réception de l'oeuvre culturelle a un caractère social qui ne cadre pas avec la façon habituelle de percevoir les phénomènes de consommation.

Il ne faut pas oublier qu'un exemplaire d'une revue culturelle, un numéro donc, a à peu près 2, 6 lecteurs. Donc, il y a un effet multiplicateur dans le fait de lire ces numéros-là qui sont dans les maisons, qui entrent dans les foyers. Ils sont lus par au moins 2, 6, parfois 3 personnes. Et on peut penser qu'il y a environ 100 000 de tirage par année, pour les revues culturelles, c'est quand même important.

Grandeurs et misères de notre cheminement culturel collectif. Fraîchement sortis d'un passé où d'autres urgences empêchaient de traiter la culture comme une priorité, nous voici confrontés à une explosion médiatique qui concurrence la culture sur le terrain du temps libre et du spectacle, avec des ressources techniques et financières d'une supériorité incommensurable, jouant sans retenue sur la facilité intellectuelle et autres séductions. C'est ici que le terme "industries culturelles" prête à confusion. On y englobe dans une même logique et une même philosophie de financement une production commerciale disposant d'un capital considérable pour saturer une demande préexistante, et une création au sens strict, c'est-à-dire qui vise à faire quelque chose de rien, quelque chose dont la mission propre est de générer par ses oeuvres une demande nouvelle, d'entraîner la pensée et l'imaginaire dans de nouvelles explorations, de faire donc du développement. Évidemment, une commandite au Festival de l'humour rejoint un plus large créneau qu'une annonce dans un périodique culturel. Nous ne blâmons pas ta population d'avoir besoin, par moments, de se détendre en riant sans se poser de questions, ni les commerçants de placer leur budget de publicité là où leur message a des chances de toucher davantage de consommateurs. Nous constatons simplement qu'il est souverainement naïf de viser à ce que ce mode de financement soit aussi le moyen capable d'assurer la viabilité des oeuvres d'aujourd'hui équivalentes à ce que fut le "Misanthrope" de Molière à son époque. Soyons justes. En tant que classique, cette pièce attire aujourd'hui une certaine publicité de prestige, mais faut-il signaler qu'à sa création elle n'était pas un classique, pas plus que la peinture de Van Gogh ou les poèmes de Nelligan.

Les périodiques culturels: catalyseurs. Le rôle des périodiques culturels a toujours été très important au Québec. Certaines revues ont cristallisé des moments forts et il ne serait pas exagéré d'affirmer que, pour certains, "Cité libre" symbolise la lutte au duplessisme comme "Parti pris" a marqué le coup d'envoi de la volonté d'indépendance au Québec, au cours de la période contemporaine. Au cours du XXe siècle, des revues comme "Le Nigog", "Liberté", "Mainmise", pour prendre des exemptes éparpillés et promouvant des idéologies différentes, ont été les catalyseurs de mouvements et de phénomènes sociaux importants. Il ne faut pas oublier aussi qu'au XIXe siècle ce sont les revues qui sont au départ de la littérature, c'est-à-dire en 1860 avec l'abbé Casgrain et Octave Crémazie, ici, à Québec, donc avec les revues "Les Soirées canadiennes" ou "Le Foyer canadien". C'est là que la littérature a pris naissance, au fond, dans ces discussions-là, dans ces critiques qu'il y avait dans ces revues-là. Il ne faut pas oublier aussi qu'avant 1945, avant la guerre, l'édition au Québec, ce qui se passait au niveau littéraire, ce n'était pas beaucoup dans l'édition. Il n'y avait pas beaucoup de maisons d'édition qui étaient très structurées, mais ça se passait beaucoup dans les revues, c'est-à-dire qu'au niveau intellectuel on échangeait beaucoup dans les revues. Donc, la revue a souvent été le banc d'essai de nombreux talents. Ça, il ne faut pas l'ignorer.

De manière générale, l'industrie du magazine a connu une expansion considérable au cours des dernières années et les revues spécialisées, notamment, se sont multipliées. Dans ce contexte, le marché des périodiques culturels a su prendre la place qui lui revenait et son rayonne-

ment auprès du public lecteur n'est plus à démontrer. La liste des membres de la Société de développement des périodiques culturels québécois dénote l'importance des périodiques. Pour la seule région de Montréal, on en compte plus d'une trentaine. Pour la région de Québec, une dizaine. Pour l'ensemble du Québec, plus d'une cinquantaine. Leur dynamisme compte pour beaucoup dans la vitalité de la vie culturelle québécoise.

Selon l'étude de M. Pouliot, "Le comportement culturel des Montréalais en matière d'activités culturelles", publiée par le ministère des Affaires culturelles en 1985, 6 résidents sur 10, 57,9 % de la région montréalaise, lisent des revues très souvent et assez souvent. De ce nombre, près de 10 % déclarent lire assez et très souvent des revues culturelles, indique une étude de marché réalisée par la firme Boisvert, Mizo-guchi et Associés, en 1989, pour le compte de notre société et de la Commission d'initiative et de développement culturels de la ville de Montréal. Malgré cela, elles sont encore relativement peu connues du grand public, comme le relève chaque année le passage de la SODEP dans les différents salons du livre. Dans les universités et les cégeps, les étudiants n'ont souvent même jamais vu les différents périodiques culturels.

Un parent très très très pauvre. Malgré l'importance de la littérature, elle est, somme toute, laissée pour compte par nos gouvernements. Le ministère des Affaires culturelles du Québec administre un budget de 262 000 000 $. La littérature ne reçoit en tout et pour tout que 0,5 % alors que, par exemple, le théâtre en récolte 6,8 %, la musique, 5,6 % et la danse, 2,7 %. Ce peu de considération pour la production d'imprimés se décèle malheureusement fortement dans le rapport Arpin. Il faut ajouter, pourtant, que la lecture est le moyen le plus démocratique de se cultiver dans notre société, et un des moyens les moins chers aussi.

Alors, notre réaction au rapport. L'édition de revues et de livres doit-elle être incluse dans les sports ou l'industrie papetière? L'impression qui s'en dégage est celle d'une tendance à la généralité. Si nous sommes relativement satisfaits du contenu du rapport, nous sommes pourtant déçus de ses recommandations. Malgré la présence de tableaux pourtant éclairants, le rapport arrive rarement à toucher la cible en son centre, à l'exception de la SOGIC où les recommandations sont claires et spécifiques. Dans les autres domaines, on se contente plus souvent qu'autrement de formuler des demandes qui ressemblent à des voeux pieux. Des exemples? Prenons les bibliothèques. Proposer que - et je cite - "l'État reconnaisse l'importance fondamentale du livre et de la lecture et qu'en conséquence il consolide les politiques et les programmes actuels de soutien", c'est aussi efficace que de souhaiter qu'un jour l'État protège nos forêts et veille à leur reboisement. À notre avis, une proposition qui aurait demandé que l'État, avec la collaboration des municipalités, se dote d'un plan quinquennal pour atteindre le même investissement per capita que l'Ontario, en ce qui concerne les budgets des bibliothèques minicipales, aurait été autrement plus contraignant. Au Québec, les municipalités consacrent 15,98 $ par personne dans le fonctionnement des bibliothèques publiques alors que les municipalités ontarlennes versent 29,93 $, et ça, c'est dans le rapport Arpin, à la page 251.

La proposition de taxe de vente québécoise n'est pas plus convaincante. Pourquoi réduire la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les biens culturels de 8 % à 3 %? Pourquoi pas à 2 %, 7 % ou rien du tout?

Le retrait du gouvernement fédéral du champ culturel afin que le ministère des Affaires culturelles en devienne, et je cite encore le rapport Arpin: "le seul maître d'oeuvre" apparaît inquiétant quand on constate que le rapport Arpin accorde une place infime aux éditeurs de revues culturelles et de livres. De plus, la liste exhaustive des organismes culturels qui oeuvrent au Québec ne dénombre même pas les maisons d'édition et les éditeurs de revues culturelles. Y figuraient pourtant les 50 organismes musicaux, les 145 musées privés, les 91 compagnies théâtrales, les 15 compagnies de danse, les 75 centres artistiques autogérés, les 121 lieux historiques, les 900 bibliothèques et les 180 galeries commerciales.

Si la fabrication d'oeuvres littéraires coûtait aussi cher à nos gouvernements que les budgets nécessaires au maintien de nos troupes de théâtre ou à celui de nos orchestres symphoni-ques, peut-être les organismes subventionneurs nous accorderaient-ils une attention plus respectueuse que celle qu'ils nous marquent aujourd'hui. Qu'est-ce donc qu'un texte littéraire imprimé sur du papier recyclé en comparaison des mille et un artifices de vidéo-clips? Si peu, qu'on oublie presque d'en parler dans un rapport où, pourtant, la littérature devrait tenir une place de choix.

Le Président (M. Gobé): Avez-vous terminé?

M. Marchamps: Non, j'achève. Des fondements intéressants. Sur plusieurs points, nous sommes cependant en accord avec le rapport du groupe-conseil présidé par M. Roland Arpin. Comme on le dit à la page 31, et je cite: "Le temps est venu de considérer la culture comme une mission essentielle de l'État." Ce n'est cependant pas une affirmation très nouvelle. C'est ce que disait déjà un administrateur du ministère des Affaires culturelles, M. Guy Frégault, qui était là de 1961 à 1966. Dans son livre "Chroniques des années perdues", M. Frégault nous raconte ses déceptions devant ce perpétuel problème du ministère: bonne volonté, mais pas de moyens. Est-ce que cela a vraiment changé? Il semble donc que, depuis la création

de ce ministère, l'État, principal moteur du dynamisme culturel, après les créateurs, ait toujours tergiversé et remis à demain - est-ce à dire aujourd'hui? - son devoir.

Seul l'État peut se permettre d'investir à long terme dans l'âme d'un peuple. "Les trésors moraux fondamentaux de l'esprit, au moins dans ce qu'ils ont de plus essentiel, ne dépendent pas de la puissance économique", nous dit le grand écrivain russe Dostoïevski. Ce n'est pas là le langage des financiers, on le sait, qui s'attendent toujours à trouver du profit le plus rapidement possible.

Sur la scène internationale, une promotion accrue des produits culturels québécois. Comme le recommande le rapport, nous nous attendons à ce que le gouvernement mette beaucoup plus en valeur qu'il ne le fait la production culturelle québécoise dans sa promotion du Québec sur la scène internationale. Et je peux vous dire, en tant que membre du comité d'éditeurs pour les foires à l'étranger, que la demande effectivement est très grande; je peux le constater chaque année, à Bruxelles, à Paris, à Genève, la demande est très grande, mais, malheureusement, on n'a pas les moyens d'accéder à cette demande-là. Cela ne semble pourtant pas acquis. Pour ne donner qu'un exemple, dans une récente entrevue radiophonique, le haut fonctionnaire responsable de la préparation du kiosque québécois à l'Exposition internationale de Seville, en Espagne, en 1992, soulignait que l'accent serait mis sur l'économie et que, s'il était question de culture, ce serait seulement sous l'angle de l'économie.

Rationaliser la distribution de subventions selon quels critères? La diversité culturelle est un signe de bonne santé et il faut encourager, dans le respect de chaque médium, la création qui est au coeur de la culture. Nous croyons que chaque organisme culturel est essentiel. Avec un budget accru, indexé annuellement, ces organismes donneront leur plein rendement sans signe d'essoufflement. Nous croyons que ce serait une grave erreur, sous prétexte de rationalisation budgétaire, de regrouper des organismes qui ne défendent pas les mêmes droits ou ne diffusent pas dans les mêmes circuits. Ce serait faire plus de tort que de bien. Comme le dit le rapport du groupe-conseil, ce n'est pas parce qu'un art comme la danse est moins populaire qu'il faut pour autant lui donner des miettes. Au contraire, c'est le devoir de l'État d'y subvenir substantiellement afin que l'héritage et la richesse de cet art ne se perdent. Il y a une notion de musée vivant qu'il faut avoir constamment en tête. Ce qui fait partie de notre institution muséologique n'a pas pris naissance dans de tels lieux. C'est sur les scènes, dans les studios, dans les revues et les galeries que s'expérimente le chef-d'oeuvre de demain. (22 heures)

On ne peut nier l'enrichissement que nous apporte le Musée d'art contemporain, mais cela n'empêche pas une petite galerie de Rimouski ou un centre culturel à Trois-Rivières, par exemple, d'être d'une importance capitale pour la vie culturelle québécoise. Si nous élaborons une politique culturelle en commençant par parler de coupures dans les organismes qui déjà existent par la grande volonté et l'énergie souvent bénévole de ses membres, nous faisons fausse route.

Alors, nos recommandations. Illustrer une philosophie par des politiques concrètes. D'abord et avant tout, nous attendons des gestes qui nous démontreraient que la culture constitue pour le gouvernement un dossier vraiment important et non seulement un argument de négociation constitutionnelle. 1° Une réflexion approfondie de la place de la littérature et de son développement dans une politique culturelle québécoise. L'absence de cette réflexion dans la proposition actuelle de politique de la culture et des arts est intolérable et inacceptable. Si, comme il est mentionné à la page 19 du document, quatre caractéristiques générales semblent devoir colorer ce projet culturel, il devra être enraciné, dynamique, complet et ouvert, nous dit-on. La littérature devra y retrouver la place qui lui revient. 2° Une meilleure assurance que le transfert du fédéral au provincial soit bénéfique aux milieux culturels. Les débats du gouvernement québécois avec le fédéral ne s'accordent pas avec nos priorités. Quelles protestations, quelles pressions l'État québécois a-t-il déployées pour tenter de dissuader le pouvoir central de taxer revues et livres et de réduire les subventions à Postes Canada permettant d'offrir aux livres et revues des tarifs postaux avantageux? Comment réagit-il ou ne réagit-il pas au fait que, dans la deuxième ronde de négociations sur le libre-échange, les États-Unis aient obtenu qu'on remette sur la table les produits culturels? Par contre, il nous faut préciser que, malgré la tiédeur bien connue des convictions fédéralistes dans notre milieu, les tentatives de rapatrier à Québec les mandats et budgets du Conseil des arts sont loin de susciter notre enthousiasme. Pour ce faire, il faudrait d'abord obtenir des garanties que les programmes actuellement gérés par ce Conseil seraient au minimum maintenus intégralement et qu'ils demeureraient aussi préservés des ingérences politiques qu'ils le sont jusqu'à maintenant. Pour résumer, les prérogatives fédérales que le gouvernement québécois conteste sont celles qui nous ont plutôt donné satisfaction, et nous n'avons pas de support de Québec contre les politiques fédérales qui nous pénalisent. Donc, avant de rapatrier les budgets du Conseil des arts, il faudrait peut-être que le gouvernement tienne son engagement du 1 % à la culture. 3° Une plus grande présence de la publicité gouvernementale dans nos pages. Des publications culturelles comme les nôtres sont prêtes, dans la

mesure du possible, à diversifier leurs sources de financement, ce qui inclut le recours à davantage de revenus publicitaires. Il faut cependant être réaliste en la matière. Pour la publicité strictement commerciale, nos tirages modestes sont dissuasifs pour un grand nombre de fabricants et de commerçants et ils reçoivent nos sollicitations comme une demande de mécénat déguisée. Par contre, notre public lecteur représente une tranche de la population particulièrement active, influente, impliquée dans la société. Il s'agit d'agents multiplicateurs pour toute question d'intérêt public et il serait normal de voir s'accroître dans nos pages la publicité gouvernementale, surtout celle qui vise à faire connaître de nouveaux programmes, de nouvelles lois et de nouveaux services gouvernementaux. 4° Un effort de diffusion des imprimés culturels en région. Nous faisons des efforts pour améliorer notre présence en région où sévit un sous-équipement dramatique du réseau des bibliothèques publiques et où la fragilité du commerce du livre est encore plus tangible. Nous visons à être lus et non à être subventionnés pour écrire des textes sans lecteurs. Nous supportons donc ardemment toute démarche qui améliorerait l'accessibilité aux imprimés culturels en région. 5° Des bibliothèques mieux subventionnées et tenues d'acheter des produits culturels québécois. Il nous semble toujours inadmissible qu'un pays comme le nôtre, et cela vaut autant pour le Québec que pour le Canada anglais, accorde la priorité aux productions venues d'ailleurs plutôt qu'à celles imprimées sur place. Si on a réglementé le contenu canadien et québécois à la radio, pourquoi n'en ferait-on pas de même dans les bibliothèques? Certains pays obligent les bibliothèques et même les libraires à acheter toute la production nationale, et s'en portent très bien. C'est le cas de la Suède, dont les politiques en matière de culture devraient nous inspirer. Si les bibliothèques achetaient tous les titres publiés en littérature québécoise, cela permettrait à l'édition littéraire d'être assurée d'un nombre de ventes minimum, ce qui lui accorderait une certaine sécurité financière. Or, non seulement les bibliothèques sont-elles financièrement démunies et proportionnellement moins nombreuses qu'en Ontario, mais elles achètent massivement les best-sellers et les traductions publiées en France, de sorte qu'une bonne partie du maigre budget alloué aux bibliothèques sert à grossir les revenus des éditeurs étrangers. 6° Aucune taxe sur les produits culturels. Naturellement, vous n'êtes pas sans savoir que les taxes nuisent beaucoup aux produits culturels. En tout cas, nous, dans le secteur des périodiques culturels, on peut dire qu'au niveau des abonnements, de la vente en kiosque et de la publicité - parce que, quand on vend de la publicité, il y a des taxes aussi - ça ne nous aide pas du tout. Déjà, une revue de l'association est disparue et il y en a une dizaine qui sont dans une situation précaire. Alors, on tue la relève littéraire de demain en la taxant. Je vais aller plus vite. 8° Diriger le support financier directement à la production culturelle - nous sommes rendus à la huitième recommandation. La tendance est forte à réduire le support financier allant directement à la production culturelle et à rémunérer plutôt bien la nouvelle meute de conseillers en gestion venant de l'entreprise privée et chargés de nous apporter leur expertise. Un très petit nombre d'entre eux ont démontré une compétence réellement applicable aux produits culturels. Lorsque nous comparons le standard de rémunération aux conditions de travail des écrivains et des artistes en général, nos réactions vont de la rage au rire devant l'absurde et l'Invraisemblable de cette situation. Nous estimons que l'existence de ces étoiles filantes traduit un désengagement de l'État, de son rôle de coordination et d'harmonisation que lui seul peut assumer. 9° et - je termine là-dessus - assumer, au ministère des Affaires culturelles, les moyens de base pour fonctionner adéquatement. Le ministère des Affaires culturelles est sous-équipé, y compris en ressources humaines. Au moment où nous rédigeons ce mémoire, nous attendons depuis des mois la désignation d'un fonctionnaire qui serait l'interlocuteur officiel des périodiques culturels. Alors, nous trouvons ça inadmissible. Et je termine là-dessus.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mar-champs, c'était fort intéressant, c'est pour ça que j'ai laissé passer le temps. Je trouvais que ça valait la peine que vous puissiez expliquer votre mémoire au complet. En plus, c'est la fin de la soirée, vous avez attendu longtemps pour passer. Alors, j'ai jugé pertinent, étant donné l'intérêt que votre mémoire semblait susciter parmi les membres de cette commission, de vous laisser aller. Cela réduit d'autant, par exemple, le temps de discussion des membres. Aussi, sans plus tarder, je demanderais à Mme la ministre de bien vouloir vous adresser la parole, pour quelques instants.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, je vous remercie de votre mémoire. Je me demande, d'une certaine façon, vos relations, finalement, avec le ministère... Votre dernière recommandation qui dit que, évidemment, c'est inadmissible, mais personne au gouvernement ne semble partager notre impatience en fonction de quelqu'un qui s'occupe justement des périodiques. Là, j'ai fait sortir, parce que... Il y a eu une dame, Hélène Pagé, il y a quatre ans, Hélène Vachon, quatre ans auparavant, Andrée Ruel, l'année dernière et Hélène Vachon qui est là, qui est revenue et qui est une personne-ressource pour vous.

M. Marchamps: En tout cas, à moins que je ne me trompe... Est-ce que Hélène Vachon s'occupe spécialement de périodiques culturels?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Il y a toujours eu quelqu'un pour s'occuper des périodiques. C'est un fait à noter parce que ça dénote peut-être la relation que vous avez avec le ministère, si on a une personne responsable et que vous n'êtes pas au courant.

M. Marchamps: Mme Bergeron pourrait peut-être vous répondre là-dessus.

Mme Bergeron (Francine): Je sais qu'en attendant que quelqu'un soit nommé officiellement Mme Vachon s'occupe du dossier des périodiques. Mme Vachon s'est occupée du dossier des périodiques, il y a bien des années. Il y a eu beaucoup de personnes qui ont changé... On a été pendant une période de temps, dernièrement, où on a eu quelqu'un du ministère des Communications qui avait été prêté au ministère des Affaires culturelles pour s'occuper du dossier des périodiques. Cette personne-là est restée en poste un mois, un mois et demi. Elle a été retournée au ministère des Communications. Au ministère des Affaires culturelles, on nous a dit que, probablement, Mme Vachon s'occuperait du dossier des périodiques en attendant qu'on trouve quelqu'un, mais que c'était pour elle, comme c'était le cas de Mme Andrée Ruel qui a été notre Interlocutrice pendant un an, une surcharge de travail. C'est pour ça que Mme Ruel a demandé de ne plus s'occuper du dossier des périodiques, parce qu'elle n'avait pas le temps d'y consacrer toute l'énergie nécessaire. Donc, le dossier des périodiques se promène, depuis quelque temps, d'une personne à l'autre. On nous avait promis qu'il y aurait quelqu'un qui s'occuperait précisément du dossier des périodiques. C'est à Mme Vachon qu'on a redemandé de s'occuper encore de ce dossier, puisqu'elle s'en était occupé il y a bien des années. Ce sont les dernières nouvelles que le ministère des Affaires culturelles nous a données.

Mme Frulla-Hébert: En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a toujours eu quelqu'un qui s'en est occupé. Que quelqu'un s'occupe de ça à temps plein... Vous savez qu'on s'administre, nous, avec 9,7 % du budget global, ce qui est relativement petit. La moyenne est de 13 % au niveau des ministères et, dans l'entreprise privée, c'est à peu près 11 %. Ce qui fait, évidemment, qu'on essaie de maximiser au niveau des ressources pour pouvoir remettre, justement, le plus possible dans le milieu.

Vous parliez, à un moment donné, d'améliorer la diffusion des périodiques culturels et des livres québécois. Comment voyez-vous, justement, cette façon ou, en fait, comment pourrait-on améliorer la diffusion, d'une part? Deuxièmement, j'aimerais savoir aussi comment vous fonctionnez au niveau de la distribution.

M. Marchamps: Bien, les éditeurs de périodiques culturels font principalement affaire avec un distributeur qui se spécialise dans ce domaine, c'est Diffusion Parallèle. Donc, lui, il distribue les revues à la grandeur du Québec. Quand on parle de diffusion, on aimerait que cette diffusion aille aussi dans les pays francophones, dans les pays qui sont ouverts à cette culture. Moi, comme je vous le disais tout à l'heure, j'ai fait l'expérience dans ces foires à l'étranger. Il y a une demande. Donc, il faudrait établir une infrastructure, mais comment? C'est un grand problème. Donc, il faudrait investir beaucoup de sous probablement.

Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que la distribution, au Québec, est répartie surtout au niveau des grands centres? Je donne un exemple. Le Devoir a des problèmes de distribution. Son grand problème, Lise Bissonnette me l'a dit, c'est vraiment un problème de distributiom et, finalement, de demande, d'une certaine façon, au niveau des régions. Est-ce que vous avez le même problème?

M. Marchamps: Bien, c'est sûr qu'il y a un problème à ce niveau-là, mais il y a aussi qu'on participe aux salons du livre en région. Ça, c'est une manière, pour nous, d'aller en région. On essaie, enfin, de participer le plus possible aux salons en région. C'est une manière, pour nous, d'être visibles. Ces moyens-là, est-ce qu'ils sont assez efficaces? Je ne le sais pas. Je pense que non.

Mme Bergeron: Ce n'est pas tout d'aller en région une fois par année, lors d'un salon du livre. Il faut aussi que les gens des régions puissent trouver facilement nos revues. Effectivement, il y a un problème de distribution. La SODEP, comme telle, n'a jamais eu le mandat de faire la distribution. C'est pour ça que c'est un distributeur, qui s'appelle Diffusion Parallèle, qui s'occupe de la distribution et qui est spécialisé dans la distribution des revues à faible tirage. Par faible tirage, nous, on entend jusqu'à 10 000 exemplaires, contrairement à un distributeur comme Benjamin qui distribue des revues à gros tirage par rapport à un autre. Il y aurait effectivement moyen d'améliorer notre présence en région. Un exemple. Nous avons actuellement un projet avec la Cl DEC, la Commission d'initiative et de développement culturels de la ville de Montréal, pour faire connaître les revues auprès du public lecteur. Entre autres, un des volets de ce projet-là a été que la ville de Montréal a payé la fabrication de présentoirs qui sont installés dans les différentes bibliothèques sur le territoire de l'île de Montréal, évidemment, puisque c'est un projet de la CIDEC. On pourrait

avoir ce même type de projet à travers le Québec, à travers le réseau des bibliothèques municipales; il y aurait aussi moyen de rendre la présence des revues beaucoup plus efficace dans les réseaux de distribution, dans les librairies dans certaines régions. (22 h 15)

Le Président (M. Gobé): Madame.

Mme Bergeron: Le distributeur a des problèmes lui aussi; même s'il travaille avec Diffusion Parallèle, il reste que, couvrir le territoire du Québec, c'est problématique.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, Mme la ministre. Je souhaite avoir des présentoirs dans la bibliothèque de Rivière-des-Prairies, un jour. Maintenant, je passerai la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Je ne vous en tiens pas rigueur, M. Marchamps, mais plus de temps est passé à la présentation, je vous le dis sans méchanceté, d'un texte que nous avions déjà lu, plus court est le temps d'intervention... Enfin, on ira à l'essentiel.

La première chose, je dois quand même vous donner mon point de vue, je ne crois pas que la culture constitue pour ce gouvernement - et je parle bien du gouvernement actuel - un simple argument de négociation constitutionnelle. Je pense que la culture est un dossier fondamental. Je pense que des gens peuvent peut-être avoir des critiques sur la façon dont le dossier a été conduit, mais je pense qu'il est essentiel et important - ce n'est malheureusement pas le temps que nous avons qui me permet d'aller plus à fond - que le Québec récupère tous les pouvoirs dans le domaine de la culture.

C'est un fait qu'il n'y a jamais suffisamment d'argent, mais je vais donner juste un petit exemple bébête: 450 000 000 $ pour le Musée des civilisations à Ottawa. Vous vous imaginez, en tant que contribuable québécois, la part que vous avez payée de ces 450 000 000 $. Est-ce que, d'après vous, c'était une préoccupation essentielle, dans le développement de la culture pour le Québec, d'avoir ce Musée des civilisations? Je pense qu'avec les garanties nécessaires cet argent aurait peut-être été beaucoup mieux investi justement dans le domaine de la littérature qui est un des parents pauvres de la culture québécoise. Donc, il y a un pouvoir de dépenser fédéral immense, mais qui nous échappe parce qu'eux, ils établissent des priorités qui ne sont pas nécessairement les nôtres.

Vous avez un deuxième exemple que je vais donner. La ministre actuelle n'en était pas tellement contente, mais elle est liée par la solidarité gouvernementale, et ça, que voulez-vous, notre système l'oblige. Les millions d'an- noncés par le fédéral pour un musée du rire n'étaient pas nécessairement une priorité culturelle du Québec. Mais, quand on a un pouvoir de dépenser illimité, on se fait imposer des priorités qui ne sont pas nécessairement les nôtres. Alors, moi, je vous dis que ce n'est pas un argument de négociation constitutionnelle, c'est un véritable argument de savoir qui sera véritablement le maître d'oeuvre, au Québec, au niveau de la culture.

M. Marchamps: Pour l'instant, en tout cas, on ne peut pas abonder dans ce sens parce que, comme on le dit dans le rapport, rien ne nous dit que cet argent-là va vraiment aller aux créateurs et n'ira pas encore dans les trottoirs, etc. On ne peut pas abonder dans ce sens-là. Comme on l'a dit tout à l'heure, quand le gouvernement tiendra sa promesse de 1 %, peut-être qu'on pourra être d'accord pour rapatrier ces sommes-là, mais, pour l'instant, non.

M. Boulerice: Écoutez, moi, je ne suis pas responsable du problème de crédibilité du gouvernement actuel quant à sa promesse du 1 %. Là-dessus, je vais me décharger. Je n'irai pas plus loin dans ma solidarité de parlementaire.

Mais, sur un autre aspect de votre mémoire, bon, ça, je suis entièrement d'accord avec vous, les efforts de pénétration des périodiques culturels québécois dans cet immense marché qui s'appelle la francophonie, eh bien, le résultat est lamentable. Il est lamentable parce que je pense qu'on n'a pas fait les efforts requis - et Dieu seul sait que c'est un bassin immense - et, après ça, il faut faire attention s'il y a un hégémonisme culturel américain quand on va dans un - comment ça s'appelle, cette série de magasins où on achète tout là...

M. Marchamps: La FNACQ.

M. Boulerice: Pas la FNACQ , la Maison de la presse internationale, voilà, où on voit une profusion de magazines américains - puis j'y reviendrai tantôt - mais, par contre, où il y a aussi une profusion de magazines français. Mais essayez, à Paris, de trouver quelque chose et c'est le grand désert, vous n'en avez pas. Je pense que, là-dessus, vous ciblez quand même quelque chose d'important. Il y a un marché potentiel. Si on inclut francophonie à francophilie, c'est un marché potentiel 450 000 000 de personnes pour nous. C'est beau rêver de conquérir le Japon, mais je pense que ce n'est pas demain la veille; commençons par conquérir ce marché à double volet. Déjà, c'est un avancement.

Ce qui retient le plus mon attention, c'est à la page 15, quand vous parlez de la taxe sur les produits culturels. Ça, je suis entièrement d'accord avec vous. Vous dites: "Les gouvernements vont faire du profit sur le dos d'une

industrie qui n'a décidément pas besoin d'être vampirisée. On ne peut à la fois soutenir la culture et la taxer."

M. Marchamps: II y a une incohérence que tout le monde peut relever très facilement.

M. Boulerice: Voilà! Alors, écoutez, vous avez les tarifs postaux du gouvernement fédéral, vous avez la TPS fédérale. Contrairement aux livres, les périodiques culturels sont quand même dans des conditions de fragilité, compte tenu de notre marché intérieur et, actuellement, de l'absence de débouchés vers les marchés extérieurs. Moi, je trouve... J'avais parlé d'obsèques de l'édition québécoise; on n'en est pas encore à l'enterrement, mais on prépare activement les funérailles quand on écoute les libraires, quand on entendra les éditeurs. Dans le cas des périodiques culturels, j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu plus.

M. Marchamps: Effectivement, avec ce qui va se passer à Postes Canada - on va faire des coupures dans les tarifs du livre - nous, on pense qu'il y a une vingtaine de revues...

Mme Bergeron: 26 revues qui seront touchées.

M. Marchamps: ...26 qui vont être touchées par ces coupures-là. Donc, tout ça ajouté aux taxes que nous subissons, c'est absolument catastrophique. Donc, je pense qu'il y a un trou au niveau des postes, un trou de deux ans où...

Mme Bergeron: Je peux peut-être expliquer un petit peu pour vous donner quelques précisions. C'est un dossier qui est assez complexe. Le ministère des Communications a annoncé, il y a quelques années, qu'il allait se retirer progressivement de la subvention postale. Il donnait un montant spécifique à Postes Canada. Ça a comme effet que le courrier de deuxième classe est touché.

Il y a deux genres de codes, le code 3 et le code 4, au courrier de deuxième classe, et il y a le tarif livres. Les revues membres de l'association utilisent soit le tarif enregistré de deuxième classe, code 3 ou code 4, ou le tarif livres parce que les revues qui ont le format livres et qui, avant, utilisaient le tarif livres ont eu comme un passe-droit et peuvent encore utiliser le tarif livres. Le ministère des Communications a annoncé que, à partir de mai 1992, donc qui s'en vient très prochainement, il y a une catégorie, c'est-à-dire le courrier de deuxième classe, code 4, qui va disparaître. Il y a 26 de nos revues qui, présentement, utilisent ce tarif postal.

Il y aura des programmes de remplacement, mais les programmes de remplacement seront en vigueur uniquement en mai 1994. Donc, il y a une espèce de trou de deux ans où 26 des revues de l'association, selon la liste que le Conseil des arts du Canada nous a envoyée, vont se retrouver à payer le plein tarif, c'est-à-dire les tarifs commerciaux en vigueur, l'envoi de première classe finalement, pendant une période de deux ans. Il y a une seule catégorie, ceux qui sont du code 3 qui sont exemptés et qui bénéficieront de la subvention postale jusqu'en mai 1994 et des programmes de remplacement par après. Pour faire la différence entre le 3 et le 4, les revues qui sont sous le code 3, c'est les revues qui ont 50 % de leur tirage payés, tandis que celles qui se retrouvent sous le code 4, c'est celles qui ont moins de 50 % du tirage payés, c'est-à-dire que les revues commerciales comme telles se retrouvent essentiellement au code 3 puisqu'ils envoient une grosse partie de leur tirage par la poste.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

M. Boulerice: Au niveau des abonnements, les effets que ça a chez vous.

Mme LeBel (Alyne): En fait, ce qu'il faut signaler, c'est que c'est une attaque sur quatre fronts que subissent les périodiques culturels, à l'heure actuelle. C'est une attaque, d'abord, parce que les ventes de publicité ont diminué et que c'est un contexte de récession important qu'on a vécu et qui a touché les périodiques et livres de façon particulière. On peut penser à une diminution, pour l'année 1990, de l'ordre de 30 % à 35 %, une diminution de publicité, de vente de publicité, de même que de ventes en kiosque. Notre principal distributeur nous dit que les diminutions de ventes, cette année, sont de l'ordre de 20 %.

Pour ce qui est des abonnements, il n'y a pas de chiffres de connus parce que, vous savez, c'est un domaine où les éditeurs sont assez jaloux de leurs données, et il y aura l'attaque de la poste, ce qui fait donc une attaque sur quatre fronts que devront affronter les périodiques pour l'année 1992-1993. Je pense que, comme l'a expliqué tout à l'heure Guy, c'est la relève de demain dans le domaine de la littérature et des lettres au Québec qui se forme habituellement dans ce creuset-là. Il y a là une question qui doit préoccuper absolument les élus, les hommes et les femmes politiques de cette province, parce qu'il me semble que, d'abord, la proportion qui est accordée au livre, dans son ensemble, est vraiment infime. Du reste, sur les périodiques comme tels, on n'a pas entendu... Évidemment, je vous signalerai - et ça, ça a été dit, mais pas très fort, l'année dernière - qu'au moment de la constitution du lobby du livre comme tel on était exclu; les gens du livre n'ont pas voulu que le monde des périodiques culturels soit associé à leur démarche parce que ça risquait d'introduire de la confusion et de nuire à l'ultime but qui était, évidemment, l'abolition de la TPS comme telle. Moi, j'aimerais bien savoir si on va devoir,

comme périodiques, subir le même manège cette année avec la TVQ qui est à nos portes pour 1992.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.

M. Boulerice: Je crois que la question est adressée à la ministre.

Le Président (M. Gobé): Malheureusement, son temps est écoulé.

M. Boulerice: Allons-nous exempter les périodiques culturels de la taxe alors que, pour vous, ce n'est pas une question de développement, c'est une question de survie...

Mme LeBel: Ou de mort.

M. Boulerice: ...ou de mort, à très brève échéance, et qu'on ne peut essayer de soutenir et de taxer en même temps? Je pense que la réponse lui appartient. Elle aura droit au mot de la fin comme tel, mais j'ose espérer que ça ne sera pas un mot de la fin pour les périodiques culturels.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le...

M. Boulerice: J'ajouterai même que nous sommes probablement un des seuls pays au monde où le droit à l'information est taxé puisque nous avons des taxes sur les journaux.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. C'était là votre mot final, si je comprends bien. Mme la ministre, peut-être pour le mot de la fin.

Auparavant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez dit tout à l'heure que le Musée des civilisations, à Ottawa, avait coûté 400 000 000 $. Ça m'a fait un peu sursauter. Est-ce qu'il n'est pas situé à Hull, ce musée-là?

M. Boulerice: Pardon?

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'il n'est pas situé dans la ville de Hull?

M. Boulerice: Qu'ils l'aient situé n'importe où!

Le Président (M. Gobé): Non, mais Hull est une ville québécoise.

M. Boulerice: Oui...

Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre, vous avez la parole.

M. Boulerice: ...mais, je veux dire, si son contenu est cucul, ce n'est pas ma faute.

Le Président (M. Gobé): Non, c'est juste parce que j'avais cru comprendre que c'était à Ottawa, Ontario.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci de votre présentation. Périodiques et journaux relèvent, premièrement, du ministère des Communications. C'est sûr que, à ce niveau-là, taxes ou pas taxes, c'est le ministre des Finances qui a la décision ultime. Je sais que l'an dernier, par contre, nous avons, au niveau des périodiques culturels, réajusté la subvention de 100 000 $ justement pour contrer l'effet de la TPS, entre autres, quand on a vu que les périodiques ainsi que les journaux - mais, dans notre cas, c'était vous au niveau des périodiques, nous, au niveau du livre - n'avaient pas été exemptés. Donc, on a contribué pour finalement diminuer cet impact. Évidemment, nous verrons ça cette année. Chose certaine, c'est qu'aider à la diffusion - on n'a pas eu la chance de parler de l'obligation, au niveau des bibliothèques d'acheter les titres québécois, il y en a beaucoup, mais il faudrait y voir. Alors, chose certaine, c'est qu'on est très... spécialement au niveau de la présentation. Au niveau des postes, je dois vous dire que j'en avais entendu parler, mais je n'étais pas au fait. Alors, nous allons regarder ça de très, très, très près au niveau de la situation.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Ceci met fin à nos auditions d'aujourd'hui. Je tiens à vous remercier d'être venus ce soir, si tard, nous faire part de vos idées, de vos remarques et de vos suggestions. Soyez assurés que la commission et les membres en tiendront compte. Alors, maintenant, vous pouvez vous retirer. Je vais en profiter pour ajourner les travaux de cette commission à demain matin, 9 h 30, en cette salle. Bonne soirée, bonne nuit à tout le monde!

(Fin de la séance à 22 h 30)

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