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(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission va continuer ses travaux et procéder à la
consultation qu'elle a commencée il y a deux jours par la tenue
d'auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts
telle que déposée à l'Assemblée nationale le 14
juin dernier.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le secrétaire.
Je ne ferai pas la lecture de l'ordre du jour, il a été
distribué aux parlementaires. Nous allons essayer de suivre l'horaire le
plus exactement possible de façon à finir à une heure
acceptable ce soir. Nous allons suivre les mêmes règles qu'hier,
c'est-à-dire un quart d'heure de présentation, après
ça, le reste du temps est partagé entre les deux formations
politiques pour discuter avec nos invités.
Je vois que nos invités qui représentent l'Association des
libraires du Québec sont déjà en place. Je leur souhaite
la bienvenue. Je les invite à se présenter - si M. Caza est ici,
que je ne connais pas - M. Caza à peut-être présenter les
gens qui l'accompagnent et, dès après ça, à faire
la présentation de votre mémoire selon les règles que j'ai
indiquées. Vous avez la parole, M. Caza.
Association des libraires du Québec
M. Caza (Gérald G. ): Merci, M. le Président. Je
vais vous présenter, premièrement, Mme Louise P. Rochon,
directrice générale de l'Association des libraires du
Québec; M. Guy Beaulieu, directeur du bureau à l'Association; M.
Marc-André Dandurand et M. Yves Dulude.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Caza: Premièrement, on remercie la commission et le
ministère des Affaires culturelles de nous fournir cette occasion de
présenter nos remarques et nos suggestions quant à une politique
globale du livre, une politique culturelle globale. Si vous le permettez, nous
ne lirons pas le mémoire au complet; on va peut-être soulever
uniquement quelques points en quatre ou cinq minutes qui vont résumer,
pour gagner du temps peut-être au niveau d'un échange des
questions qui pourront survenir à ce moment-là.
Premier élément qu'on doit mentionner et qu'on veut
souligner d'une façon manifeste, c'est l'approbation par l'Association
des libraires du Québec de l'ensemble des recommandations qui ont
été faites par le groupe-conseil. Notre réflexion nous
amène à nous situer en regard d'une politique globale de la
culture en prenant pour acquis que cette politique globale va faciliter le
développement de notre secteur de l'industrie qu'est le livre, le livre
étant considéré pour nous comme un support majeur au
niveau du développement de la culture, tant au niveau de
l'échange des idées que de l'acquisition de connaissances.
Notre recherche a visé à identifier une action
concrète qui permettrait à notre secteur de l'industrie de
travailler dans le sens d'un renouveau de la culture au Québec, tel que
décrit au niveau du rapport de la commission. Concrètement, nous
identifions un manque flagrant au niveau de notre industrie en ce qui concerne
les moyens d'information quant à la chose du livre, c'est-à-dire
l'information des publications québécoises, l'information qui
serait exportable concernant l'édition au Québec, cette
édition-là étant mal identifiée à l'heure
actuelle parce que ne comportant pas de banque de données
complète.
Nous croyons que pour être capables de réaliser notre
travail d'une façon professionnelle, d'une part, le premier
élément, le premier besoin de l'ensemble de l'industrie, en nous
référant tout autant au niveau des bibliothèques, des
éditeurs, des distributeurs et des consommateurs principalement, c'est
le besoin d'une banque de données informatisée moderne,
complète pour tous les livres de langue française. Cet
instrument-là est considéré comme fondamental pour aboutir
à une gestion moderne de l'industrie et, plus particulièrement,
à une gestion moderne de la référence et de l'information
pour la diffusion du livre auprès des citoyens.
Le deuxième élément dans cette recherche de
professionnalisme est d'aboutir à une formation continue et
professionnelle des gens qui travaillent au sein de l'industrie du livre. Par
le passé, nous avons bénéficié d'un programme de
formation par le biais du Séminaire de librairie, qui est un cours qui
s'étale sur trois semaines annuellement. Nous croyons qu'à
l'heure actuelle nous en sommes rendus, après 10 ans, à devoir
penser à une formation qui est plus exhaustive, qui s'étalerait
sur un cours Intégré de formation de niveau collégial, qui
s'étalerait sur une période de trois ans et qui aurait un tronc
commun avec des disciplines comme la bibliothé-conomie, des
diplômes aussi de recherche et
documentation, ce cours étant une nécessité de
façon à alimenter l'industrie en personnel professionnel et
à développer cette branche-là au niveau de la recherche,
au niveau aussi de la mise en pratique de moyens modernes de gestion.
Dans un contexte où la culture doit se renouveler, où elle
doit être accessible à toute la population, l'autre
élément qui est essentiel, une fols qu'on dispose des outils et
du personnel professionnel, c'est véritablement une campagne de
promotion et de sensibilisation de la population à la lecture, tout
particulièrement aux niveaux primaire et secondaire, mais aussi une
campagne de promotion qui viserait à rejoindre l'ensemble de la
population et à rendre manifeste l'importance d'une documentation, d'un
suivi, tant sur le plan économique que social, pour développer
une agressivité au niveau de notre action comme communauté.
Cette campagne de promotion nationale devrait être prise en charge
par un maître d'oeuvre efficace et absolument volontaire au niveau des
objectifs. Nous croyons qu'à l'heure actuelle on pourrait tout aussi
bien développer des campagnes de promotion du type que d'autres
industries ont développées, que ce soit Bell Canada, que ce soit
les campagnes pour le lait ou pour les notaires, qui sont des campagnes
nationales et qui permettent de sensibiliser l'ensemble de la population.
Ces campagnes de promotion et de sensibilisation à la lecture
devraient s'appuyer aussi sur une plus grande disponibilité de budgets
des bibliothèques tant publiques que scolaires pour renouveler leurs
collections qui laissent à désirer. Il y a des secteurs de la
population qui, par le passé, n'ont pas été rejoints au
niveau du service. On pense, entre autres, à des secteurs qui sont la
base même du développement économique. On retrouve dans
très peu de bibliothèques publiques, par exemple, l'ensemble des
instruments qui seraient nécessaires pour donner une information
pertinente et immédiate tant aux chefs d'entreprise de la petite que de
la moyenne entreprise; rendre accessible une documentation qui serait une
stimulation à la créativité, à l'Innovation au
niveau du développement tant économique que social et
culturel.
À notre avis, l'élaboration d'un plan global de la
culture, d'une politique globale de la culture rendrait enfin possible
d'appliquer certaines lois qui existent déjà depuis des
années, mais qui sont appliquées sans nécessairement se
référer à un cadre global qui est majeur en termes
d'orientation. L'élaboration d'une telle politique de la culture
entraînerait sans doute, nous l'espérons, une application ferme et
constante des lois qui régissent les secteurs de développement
culturel, entre autres au niveau de la loi 51.
Un élément au niveau concret qui nous apparaît aussi
majeur: dans la dernière année, le gouvernement du Québec,
par le biais du minis- tère des Affaires culturelles, a
été le ou un maillon excessivement important qui a permis de ne
pas taxer le livre sur le plan provincial. Cette lutte que nous avons
entreprise la dernière année de façon à faire
disparaître la taxe fédérale sur le livre n'est pas
terminée, les objectifs ne sont pas encore atteints, ce n'est pas encore
complété. Nous croyons que le maître d'oeuvre, dont on
parle au niveau du plan de la politique, devrait être le ministère
de la culture au Québec et qu'une intervention encore plus forte, encore
plus insistante auprès du gouvernement fédéral pourrait
permettre, par le biais de la normalisation des taxes prévues pour le
début de l'année 1992, de libérer enfin le secteur du
livre d'une taxe pénalisante et qui diminue l'accessibilité de la
lecture au Québec.
Finalement, notre approche vise à rendre l'industrie
compétitive, par le biais des éléments qu'on vient de
mentionner au niveau des moyens et des ressources dont on veut se doter et pour
lesquelles nous travaillons déjà d'arrache-pied, à rendre
compétitif notre secteur de l'industrie québécoise avec
les autres nations étrangères qui constituent à 70 %, 75 %
la source d'approvisionnement en livres au Québec. Nous devons retrouver
notre indépendance au niveau de la diffusion et de la promotion de la
lecture et, un des éléments fondamentaux à ce
niveau-là, c'est la connaissance de notre propre industrie et des
instruments qui vont rendre accessible à tous et chacun l'information
concernant la production québécoise. Merci. Je crois que
ça résume bien notre mémoire.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Premièrement, je vous souhaite
la bienvenue. Le premier groupe le matin, on est frais et dispos. C'est vrai
qu'on a travaillé très fort ensemble au niveau de la taxe sur le
livre. Il y a eu des reportages faits aussi sur l'impact de coûts
justement ajoutés sur les livres qui sont des impacts directs au niveau
des ventes. Après quelques mois, bon, la nôtre ne s'est pas
appliquée. La TPS s'applique. Il y a aussi un programme d'aide au niveau
de la Banque fédérale de développement, un programme
fédéral au niveau de l'aide à l'édition, je crois,
parce que, au niveau fédéral, leur philosophie était: On
laisse la taxe, donc pas d'exemptions, excepté qu'on va donner de
l'aide.
Ma question a deux volets. Premièrement, après plusieurs
mois - la taxe a été imposée en janvier - est-ce qu'il y a
une espèce de normalisation de tout ça et est-ce que l'effet de
la taxe est aussi évident qu'on te disait ou qu'il était au
début? Autrement dit, est-ce que les gens se sont habitués
à payer ce pourcentage de plus?
Et, deuxièmement, les programmes fédéraux d'aide
aux livres, à l'édition, etc., est-ce que,
nous, au Québec, dans notre marché à nous,
ça aide, est-ce que ça vous aide?
M. Caza: Au niveau - je vais essayer de répondre dans
l'ordre - de l'effet de la taxe et de la question de la normalisation, pour
nous, il n'y a rien de changé depuis le mois de janvier au niveau des
effets. C'est les mêmes qui perdurent. On a fait des enquêtes
auprès de l'ensemble de nos libraires, des librairies
agréées au Québec - la dernière en date est de la
fin avril - où on constatait, à ce moment-là, des
diminutions de chiffre d'affaires variant de 5 % à 20 % selon les
régions. Et il y a certaines régions que c'a été
davantage que ça.
Au niveau des effets auprès de la clientèle
générale, de la population en général, c'est le
genre de chiffres qu'on retrouve dans l'ensemble des librairies. On ne peut pas
mettre, évidemment, et on ne se prendra pas à ce jeu-là de
dire: C'est entièrement dû à la TPS, bien sûr. Mais
la TPS, comme telle, est la cause de bien d'autres maux qui les uns les autres
s'additionnent et aboutit qu'on connaît actuellement une baisse de
l'ordre de 10 % à 20 %, d'une façon assez constante,
d'achalandage en librairie. Et ça, c'est large dans le sens où
les gens viennent moins en librairie, ce qui est une habitude qui a
été très très longue à créer, de se
tenir à l'affût des nouvelles parutions.
Alors, l'effet de la taxe actuellement est désastreux. Au niveau
des collectivités, des institutions qui achètent les volumes, on
connaît aussi une baisse sensible à ce niveau-là, un retard
à dépenser les budgets. Il y avait eu un devancement de
dépenses dans les mois de novembre, décembre, l'an passé,
où les gens, pour éviter la TPS, avaient dépensé
rapidement leur budget, ce qui a créé un creux à ce
niveau-là. Depuis le mois de janvier, donc, ça a
été très lent, au niveau de la dépense publique,
pour acquérir des volumes, et ce n'est pas véritablement repris
encore à l'heure actuelle.
Au niveau des programmes fédéraux d'aide à
l'édition, comme telle, les libraires, on n'a pas accès à
ce genre d'aide. Ce que l'on constate davantage, à l'heure actuelle,
chez les éditeurs, ce sont des diminutions de programmes d'impression,
des diminutions du nombre des volumes imprimés pour une parution, pour
tenir compte de la baisse des ventes du livre au Québec, et une
difficulté. Les distributeurs, les éditeurs reçoivent le
retour de notre piètre performance au niveau des ventes des derniers
mois, compte tenu des règles de fonctionnement qu'on a au Québec
au niveau des retours d'office. C'est maintenant qu'eux constatent à
quel point on n'a pas vendu dans les six derniers mois, puisqu'on retourne les
volumes maintenant, les invendus. La situation est assez précaire
à ce niveau-là. On entend des hurlements, dans certaines
zones.
Mme Frulla-Hébert: Remarquez que c'est aussi une tendance
sur tous les marchés de ce temps-là. On regarde les ventes en
général, les ventes au détail, et c'est sûr qu'en
période de récession, effectivement, les gens achètent
moins. Par contre, il s'agit de savoir - c'est difficile à savoir -
est-ce qu'on attribue une partie de ça, justement, à la condition
économique que l'on vit actuellement et l'autre partie directement
imputable à l'augmentation?
M. Caza: Je crois qu'il y a eu une publicité autour de
toute cette question-là. Le livre est quand même fort dispendieux
au Québec à l'heure actuelle. La constatation qu'on est
porté à faire aussi, c'est: comparativement à 1981,
où on n'a pas connu une baisse de chiffre d'affaires lors de la
récession du type que l'on connaît là... Au contraire,
même, parce que, 1981, il y avait non seulement un statu quo, un maintien
des ventes, mais, à certains moments de cette
récession-là, on a connu des augmentations. Compte tenu que les
gens ne dépensaient pas à d'autres niveaux, il y a eu une
clientèle constante au niveau de la librairie dans ces
années-là. On dit que la récession, à l'heure
actuelle, est du même type; par contre, elle nous a touchés, cette
fois-ci, d'une façon aussi importante que les autres secteurs de
l'industrie, effectivement. La petitesse des budgets gouvernementaux, qui ont
été mis pour compenser la récession à l'heure
actuelle, ne permet pas de compenser ce manque de clientèle là.
Toutes les commissions scolaires coupent, par exemple, leur budget, doivent
assumer des déficits et ainsi de suite. C'est à tous les niveaux.
Ça se répercute immédiatement à ces
niveaux-là. Le livre n'ayant jamais été taxé alors
que les autres activités qu'on a connues, comme la récession en
1981... Cette année, le livre est taxé en plus, alors on est
portés à considérer que c'est un élément
majeur au niveau de la réaction de la population.
Mme Frulla-Hébert: Remarquez que vous avez probablement
raison. On pense au consommateur qui achète un ou deux livres, mais il y
a aussi tout l'effet de la taxe sur ceux qui achètent à grand
volume, les commissions scolaires, les bibliothèques, etc.
Effectivement, c'est Intéressant de savoir... Parce que, finalement,
c'était selon nos analyses, qui étaient des estimés, dans
le fond, et on s'aperçoit que les analyses, finalement, sont justes. (10
heures)
Je voudrais revenir à deux choses. D'abord, cette campagne de
promotion dont vous parlez. Bon, promotion en général - si je
vous entends bien - de la lecture, et j'aimerais aussi qu'on parle un peu de la
promotion au niveau des livres québécois. Au niveau de la
lecture, campagne de promotion en général. Vous parliez
finalement d'avoir une espèce de regroupement, de faire une
espèce de grande campagne de promotion et de sensibilisation. Les
bibliothèques
aussi en parlaient pour attirer les gens maintenant, les ramener
à la lecture, ces jeunes qui sont souvent beaucoup plus attirés
maintenant aussi par les médias électroniques, bon. Est-ce que
ça serait possible aussi de penser à des partenaires? Vous pariez
de Bell, vous pariez du Bureau laitier. Le Bureau laitier, Bell... Le Bureau
laitier, je le connais très bien, ce sont chacun des partenaires qui
forment le Bureau laitier, donc les agriculteurs et tout ça, qui donnent
une partie, qui mettent un certain pourcentage, si on veut, pour justement
participer aux campagnes de promotion. Bell, évidemment, c'est une
entreprise indépendante. Est-ce que ça serait possible de penser,
justement, à une espèce de partenariat global? SI la campagne de
promotion est une campagne de promotion, de sensibilisation et
d'intérêt aux livres, donc ça profite à tout le
monde. Ça profite aux libraires qui les vendent, ça profite aux
librairies qui reçoivent plus de clientèles, donc eux sont
intéressés aussi à acheter des collections, les
municipalités évidemment embarquent là-dedans. Est-ce que
c'est possible de penser justement à un vaste mouvement où tout
le monde participe?
M. Caza: Absolument. Je pense que c'est faisable. Il y a un
exemple qu'on vient de vivre dans la dernière année par le biais,
par exemple, de la coalition du livre, pour la défense du livre contre
la taxe qui illustre bien que le milieu peut se regrouper et travailler dans ce
sens-là.
Au niveau de notre profession, il y a énormément de
travail qui se fait à ce niveau-là, tant par les éditeurs
que les distributeurs, que les libraires, par exemple, dans chacune des
régions, pour faire connaître des choses. Par contre, c'est un
travail qui est très sectorisé. C'est chaque
élément, chaque intervenant qui va seul. Il y a besoin de
leadership à assurer là-dedans, d'un maître d'oeuvre et de
la participation d'autres gens qui sont Intéressés. On a un petit
marché. De regrouper ou d'amasser les sommes nécessaires pour une
campagne nationale du même type que le lait, la consommation au niveau du
lait et la consommation au niveau du livre au Québec, on ne va pas
chercher les mêmes pourcentages de montants qu'on peut mettre dans la
promotion.
Mme Frulla-Hébert: Seulement, juste pour revenir, parce
que vous avez donné vous-même l'exemple, quand vous vous
êtes regroupés tous ensemble justement pour la coalition pour la
défense du livre, tout le monde était là-dedans. Il y
avait les imprimeurs, il y avait les éditeurs, tout le monde
était embarqué. Cette campagne-là a été
quand même d'une notoriété énorme. Le monde en
pariait, bon! Il ne serait pas possible de procéder de la même
façon, c'est-à-dire que, si les imprimeurs embarquent, bien,
évidemment, ils embarquent à un coût
préférentiel, etc., de telle sorte que tous ensemble...
M. Caza: Dans une campagne de promotion comme celle dont on
parle, je pense qu'il est excessivement Important qu'on ait des intervenants,
par exemple comme les gens du ministère de l'Éducation, qui
soient partie prenante d'une campagne de promotion de ce type-là, qu'on
ait les différents niveaux, autant au niveau des bibliothèques
publiques, qui, évidemment, ne peuvent pas investir
énormément dans une campagne de promotion puisqu'elles
détiennent leur budget déjà des fonds publics. Ce
travail-là d'amasser l'ensemble des gens et de faire une campagne qui ne
soit pas, excusez le terme, trop commerciale, orientée sur les
intérêts de ceux qui paient le plus, mais d'avoir une campagne
nationale, dans ce sens-là, ça prend un maître d'oeuvre qui
va chapeauter un ensemble et qui va permettre d'avoir une visée qui va
rejoindre l'ensemble des Québécois et non pas uniquement
l'intérêt, par exemple, qui pourrait se prendre dans un secteur ou
dans un autre. À certains moments, on a besoin d'un genre de leadership
de ce type-là.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous voyez cette
maîtrise d'oeuvre faite, d'une certaine façon, par le
gouvernement? Je vous le demande directement parce que les journées
passent et que, de plus en plus, se dessine, je dirais - c'est difficile de
voir ça dans le milieu - une espèce de consensus où on dit
au gouvernement: Écoutez bien, à cause justement du
fonctionnement même de l'appareil gouvernemental... Moi, je veux bien. Si
c'était juste de moi, je gérerais tout ça comme une
entreprise privée et ça irait probablement beaucoup plus vite et
mieux, excepté que tu ne peux pas. Il faut que tu gères des fonds
publics et... Bon. À cause justement de cette structure d'appareil
gouvernemental, quel que soit le système, ça va toujours exister.
On dit là: Fonctionnarisme, dirigisme de loin, "arm's length"
-là, c'est le nouveau mot. Moi, je suis d'accord avec ça. Le plus
loin possible. C'est pour ça que je vous le demande directement. Est-ce
que ça devrait être le gouvernement ou le gouvernement devrait
tout simplement être là pour écouter? Si vous avez besoin
du ministère de l'Éducation ou si quoi que ce soit, alors, nous,
on coordonne. D'être une espèce de coordonnateur-rassembleur ou si
le gouvernement, dans ce cas, devrait être le maître d'oeuvre et
dire: La lecture c'est important, et: Bon, là, on chapeaute tout
ça et on prend tout ça sur nos épaules?
M. Caza: Avec une politique de développement culturel, la
participation gouvernementale à ce niveau-là d'une promotion de
la lecture, je pense qu'elle doit être, d'une part, financière et
non pas nécessairement demander uniquement à l'industrie de
former la population sur un plan culturel en le défrayant à 100
%, puisque c'est un objectif national, à ce moment-là, qui
dépasse les objectifs commerciaux, que d'inciter a la
lecture. Tel qu'on en parie dans le rapport de la commission, les jeunes
lisent de moins en moins et écoutent de plus en plus de musique
étrangère; il n'y a pas uniquement un intérêt
purement économique d'impliqué à ce
niveau-là...
Mme Frulla-Hébert: Absolument.
M. Caza:... il y a un intérêt de formation, et je
pense que le gouvernement, c'est important qu'il participe à ce
niveau-là. Mais on pense plus à des équipes restreintes de
gens, de professionnels qui peuvent démarrer une campagne de ce
type-là, encadrés ou appuyés par les gens de l'industrie
et le gouvernement pour avoir des résultats.
Le terme qui nous a le plus frappés et qui est le plus important,
à notre sens, au niveau de la commission, c'est "mise en commun". Ce
qu'on fait chacun de tous les côtés... parce que le
ministère a des programmes d'aide aussi à la promotion de la
lecture, à la publicité de l'édition. Il y a des sommes
d'argent énormes qui se dépensent à tous les niveaux, que
ce soit au niveau de l'informatique dans toutes les bibliothèques, dans
tous les secteurs, ou de la promotion comme telle. Il faut aboutir à
mettre ça en commun pour avoir les ressources suffisantes pour faire
quelque chose de solide et qui va durer, alors que, là, on
dépense les mêmes sommes, mais dans des gestes isolés qui
n'ont pas le même impact. Il doit y avoir une volonté de mise en
commun à ce niveau-là.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. Je voudrais juste revenir
aussi à la promotion du livre, surtout à la promotion du livre
québécois. On a entendu, la première journée, les
représentants de l'UNEQ qui ont aussi exprimé les
difficultés pour eux non seulement d'être publiés, mais
d'être promus. Quand le livre québécois, par exemple,
arrive chez vous, chez les libraires, est-ce qu'il y a cette espèce
d'obligation de lui donner toute la place, une espèce de place
privilégiée pour justement permettre à notre
littérature québécoise de mieux se vendre?
M. Caza: Formellement, je crois que l'ensemble des libraires au
Québec donnent le maximum de place et de visibilité aux
publications québécoises. Par contre, il faut constater que l'on
est noyés sous l'avalanche des publications et des mises en place de
livres étrangers et de livres québécois. Il y a des
pratiques de fonctionnement, au niveau des librairies, qui vont attirer
l'attention sur certains ouvrages. Là-dessus, on ne s'entend pas tous au
niveau d'une approche de marketing ou de mise en marché; il n'y a pas
une seule recette. Certains éditeurs vont nous demander de ne pas trop
insister pour dire que c'est québécois - des fois, ça fait
moins vendre - de ne pas trop attirer l'attention sur le fait que c'est
québécois, qu'il faudrait que ce soit comme la littérature
étrangère. Il y a différentes opinions à ce
niveau-là.
Je pense qu'en fonction de la demande de la clientèle aussi les
libraires mettent une insistance à présenter, à diffuser
le livre québécois dans leur librairie, selon les espaces dont
ils disposent. L'espace dont on dispose aussi, on doit le rentabiliser. Donc,
il y a un roulement important qui se fait là. Le commentaire ne se veut
pas cynique du tout, mais j'aimerais y répondre comme ça. Je ne
connais aucun libraire au Québec qui va cacher des livres de
littérature québécoise en arrière pour ne pas les
vendre si la clientele les demande. C'est un équilibre entre les deux
qui se fait.
Mme Frulla-Hébert: Excepté - je suis certaine que
M. Godin va probablement reprendre là-dessus - qu'on sait aussi
très bien qu'attirer, attiser la curiosité, ça aide aussi
à créer une demande.
M. Caza: Oui. Il y a un équilibre, par contre, qui doit se
faire au niveau des espaces dont on dispose, dépendamment de
l'importance de la librairie. Avec la loi 51, chacun des libraires doit
recevoir au moins toutes les parutions québécoises de 25 maisons
d'édition et les avoir en place pendant au moins une période de 4
mois. Si la loi est respectée - et ce n'est pas nous qui devons
vérifier si elle l'est ou pas partout, ça relève du
ministère - si cela est respecté, je pense que l'incitation est
là et que ce travail-là se fait.
Maintenant, ce n'est peut-être jamais assez, ni pour le libraire
ni pour certains éditeurs qui aimeraient une beaucoup plus grande
visibilité. Au niveau de la visibilité, il faut rechercher aussi
une plus grande information sur le livre québécois. Vous avez des
statistiques à ce niveau-là, au niveau des journaux: quelle est
la place, par exemple, dans les journaux, qu'occupe le livre
québécois comparativement au livre étranger? Et ça
vient jouer aussi.
En librairie, en moyenne 30 % de notre chiffre d'affaires, c'est du
livre québécois. Je suis convaincu que, dans la majorité
des librairies, on va donner 40 %, 50 % de l'espace d'affichage pour le livre
québécois, ce qui ne correspond pas nécessairement
même à la vente. Il doit se maintenir un travail dans ce
sens-là, mais iI doit être renforcé par les médias,
il doit être renforcé aussi par une information qui ne circule pas
assez. On n'a pas, à ce jour, les libraires, une information rapide de
ce qui paraît, de ce qui s'en vient ou même de ce qui est sorti. Il
n'y a pas de banque de données à ce niveau-là.
Mme Frulla-Hébert: Oui. C'est ça. J'y reviens
là, à la banque des données.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la ministre. Vous avez dépassé de quelques minutes.
Mme Frulla-Hébert: O.K. Vite, vite. Excusez-moi. Vite,
vite. La banque de données. Depuis 5 ans, 88 librairies des 214
librairies agréées - parce que je me suis fait sortir les
chiffres - ont bénéficié du programme qui est mis en place
pour acquérir des logiciels de gestion comptable ou de gestion de leur
stock, donc pour être capables de recevoir cette fameuse banque, ce que
vous demandez ià, avec raison, la banque de données.
Il y a aussi une banque de données au niveau des volumes
français, Electre, et je pense qu'il y a un projet présentement
en cours avec notre Bibliothèque nationale pour voir si on peut inclure
à l'Intérieur de ça aussi toutes les données au
niveau des livres québécois, ce qui n'existe pas
présentement.
Mais, justement, parce que des librairies...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: ...le sont et d'autres ne le sont pas,
est-ce que c'est possible de penser à une application de
l'informatisation?
Le Président (M. Doyon): Une brève réponse,
M. Caza.
M. Caza: Une brève réponse. Je crois qu'une banque
de données disponible auprès des usagers québécois
entraînerait rapidement l'informatisation de l'ensemble des
éléments du secteur.
Mme Frulla-Hébert: Ah! c'est l'inverse. Bon.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Caza. M. le
député de Mercier ou de Sainte-Marie-Saint-Jacques? M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le président Caza, Mme Rochon, M. Dulude,
M. Dandurand, M. Beaulieu, vous avez remarqué que j'étais
accompagné par un éditeur et un écrivain. Je pense que
c'est utile pour ie dossier qu'on défend.
Talleyrand disait: Vaut mieux se rétracter et s'en attribuer tous
les mérites que de persister et être vaincu. Lorsque nous avons
lancé cette guerre "Taxer le livre, c'est imposer l'ignorance", je pense
qu'on a réussi une mobilisation sans précédent au
Québec, et c'était heureux. Le gouvernement du Québec
s'est rétracté, s'en est attribué tous les mérites
et j'en suis content parce qu'il savait que s'il persistait, il serait vaincu.
Ce n'est malheureusement pas le cas du gouvernement fédéral, avec
M. Beatty, qui a la prétention de venir nous dire qu'il va sauver la
culture québécoise alors, justement, qu'il taxe et qu'il
préside aux obsèques de l'édition québécoise
au rythme où ça va. (10 h 15)
C'est beau, une commission parlementaire, M. Caza, c'est très
intéressant, une commission parlementaire. Mais, quand on regarde la
situation, vous parlez de l'édition, vous avez rencontré beaucoup
de... Il y a d'ailleurs eu beaucoup de mariages forcés chez les
éditeurs. Ce n'était pas des mariages d'amour ces derniers temps.
Il y a des éditeurs qu'on connaît bien, et je vais en citer un: M.
de Roussan, qui a commencé à éditer bien avant que je sois
né et qui viendra, dans quelques jours ou quelques semaines, nous dire
que, dans six mois, il ferme. C'est une perte. Quand de Roussan ferme, c'est un
pape de la culture québécoise. Au niveau du livre d'art et
surtout de la peinture - parce que je vois les gens du Conseil de la peinture -
s'il y a quelqu'un qui a fait beaucoup au Québec, c'est M. de Roussan.
Mais dans six mois, il met la clé sur la porte. Et mon collègue
et ami, le député de Mercier, pourra vous parler de la
création littéraire québécoise qui est
drôlement secouée aussi actuellement.
Donc, je vous dis: C'est beau une commission parlementaire, mais si ce
n'est qu'un "placotlng club", ça ne fera pas avancer les choses. Donc,
je vous parle à vous, mais je me tourne et j'adresse ma question
à Mme la ministre. Est-ce que la ministre peut s'engager ici,
aujourd'hui, à cette commission de la culture, que ie livre sera
exempté, encore cette année, par le gouvernement du
Québec? Si on n'a pas de réponse, cette commission est un
"placotlng club".
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Voilà. En tant que
président, je dois signaler aux membres de la commission que cette
commission vise à faire une consultation avec des gens qui ont des
choses à nous dire sur des sujets sur lesquels ils peuvent se prononcer.
Ce n'est pas une étude de projet de loi où on peut interroger la
ministre sur ses intentions, sur l'interprétation de tel article. Ce
n'est pas la façon de faire et ce n'est pas la façon dont j'ai
l'intention de diriger cette commission. La question, d'après ce que je
peux voir, s'adresse à la ministre. Elle n'est pas à propos dans
les circonstances. Ce n'est pas ie bon forum. La session commence dans une
semaine, les questions pourront être adressées durant la
période de questions. Alors, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, si vous avez des questions à poser à
nos invités, Je vous invite à le faire.
M. Boulerice: Ce n'est pas à propos de
s'assurer de votre survie, paraît-il, dans le cadre de cette
commission. Ceci dit...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous invite à ne pas critiquer la
décision de la présidence. Si vous avez à la mettre
en...
M. Boulerice: Je ne critique pas, je répète vos
propos, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député, vous
n'avez pas à critiquer d'aucune façon, ni directement ni
indirectement, la décision que je viens de prendre. Je vous invite
à poser des questions à nos invités qui sont ici pour
ça et vous devez le faire selon les règles que j'indique.
M. Boulerice: Vous m'avez dit, M. le Président, que ce
n'était pas à propos. J'acquiesce, je répète vos
propos. Voilà!
Le Président (M. Doyon): Alors, procédez. M.
Boulerice: Mon seigneur est bien bon! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Nous irons, compte tenu de l'absence de...
Le Président (M. Doyon): M. le député, si
vous voulez que nous continuions cette commission dans l'atmosphère
où elle s'est déroulée jusqu'à maintenant, je vous
invite à changer d'attitude dès maintenant. Vous avez la parole
et procédez selon les règles qui sont les nôtres. Il n'y a
pas de bonté là-dedans. Il y a tout simplement des règles
auxquelles vous êtes soumis comme tout le monde.
M. Boulerice: Mais j'aurai toujours l'attitude qui me vient de ma
passion pour ce dossier. Ceci dit, M. Caza - vous avez été
témoin, vous avez enregistré - je vais vous poser une autre
question. Vous parlez du renforcement de la loi 51 qui a été, je
crois, une loi très utile au Québec. Mais en parlant de
renforcement, la question que je vais vous poser est: Quelles mesures
concrètes peut-on adopter pour renforcer cette loi qui a permis, je le
répète, l'établissement et le maintien de librairies en
région, là où c'est le plus fragile? Le plus fragile. Et
il n'y a pas une grande abondance dans le rapport Arpin, commandé par la
ministre, pour ce qui est des régions.
M. Caza: Au niveau de la loi 51, quand nous affirmons que nous
croyons qu'avec une politique culturelle ça va permettre de renforcer la
loi, c'est dans le sens où la loi comporte des objectifs, entre autres
ceux que vous avez mentionnés, qu'il y ait des librairies dans
l'ensemble des régions du Québec, qu'il y ait une règle de
fonctionnement qui permette d'équilibrer les rapports entre chacun des
secteurs de l'industrie. Notre avis est qu'une politique culturelle nationale
ou québécoise va permettre de resituer cette loi-là, ne
serait-ce que pour les usagers et les gens qui doivent la faire appliquer, dans
un contexte plus global qui devrait permettre, à ce moment-là, un
renforcement et une meilleure compréhension de la loi quant à son
application.
Dans des exemples concrets, parce qu'on a dit qu'on recherchait des
applications concrètes, au niveau de certaines Interprétations de
la loi quant à l'application, par exemple, des remises et des liens
commerciaux entre les différents intervenants, il y a du travail
à faire à ce niveau-là quant a son application. Il y a
aussi que la loi a été faite dans un contexte, il y a 10 ans,
lorsqu'elle a été modifiée, où, entre autres,
était prévue une augmentation substantielle des budgets des
bibliothèques à travers le Québec, chose qu'on a connue
partiellement, mais pas de façon à compenser certains secteurs de
vente en librairie, comme le manuel scolaire qui est tombé en
marché libre à ce moment-là, et aussi d'amener à
combler un trou dans la loi qui a été souligné, à
savoir que, pour l'importation de volumes en provenance de tous les pays
à travers le monde, la loi prévoit des tabelles fixant le prix au
Québec quant à la distribution.
Il y a un trou dans la loi en ce sens que, du côté des
autres provinces canadiennes, il n'y a pas de tabelles, ce qui permet, par
exemple, aux autres provinces d'avoir des politiques de vente au Québec
qui sont complètement indépendantes de la loi 51, alors que tous
les autres pays dans le monde sont sujets à l'application de notre loi,
ce qui entraîne même certains départs d'éditeurs qui
trouvent plus avantageux de nous fournir des livres de l'Ontario pour
éviter ou passer à côté de cette loi-là. Dans
ce sens-là, on croit qu'une politique ferme va entraîner certaines
révisions et permettre de fonctionner à ce niveau-là.
Et si vous me permettez, au niveau de l'affirmation que le milieu
canadien ne connaît pas du tout nos us et coutumes au Québec, il y
a un exemple qui est la campagne Minute Maid-Coca-Cola, qui vient de
démarrer au niveau du reste du Canada et à laquelle on n'a pas pu
se joindre, finalement, puisqu'on a été rejoints au début
de juillet, six mois après que le côté anglophone ait
été réglé. On nous demandait en dedans de six
semaines d'embarquer dans une campagne qui ne respecte pas du tout nos us et
coutumes au niveau du fonctionnement économique et les gens,
passé la frontière québécoise, ne connaissent pas
du tout comment fonctionne l'industrie du livre au Québec. Alors, la
campagne nationale Coca-Cola va se faire campagne nationale...
Une voix: Anglophone.
M. Caza:... anglophone, hors Québec.
M. Boulerice: M. Caza, une dernière question, pour ma
part. Compte tenu que la loi sur les bibliothèques a été
effacée du feuilleton de l'Assemblée nationale, que le rapport
Sauvageau est sur les tablettes, que le rapport Mittermeyer sur les
bibliothèques scolaires est également sur les tablettes, que le
maire de Québec est venu nous dire hier qu'il songeait fort
probablement, compte tenu du dumping qui se fait au niveau des
municipalités, à fermer des succursales de la Bibliothèque
de Québec, qui est une des très belles bibliothèques, je
me pose la question: Par quels moyens concrets va-t-on assurer la promotion de
la lecture à l'école, puisque c'est une de vos grandes
préoccupations?
M. Caza: II est encore tôt ce matin. Alors, on est en
forme, on n'est pas dans une approche de panique, mais la situation est
paniquante, je vous le concède. Au Québec, la situation au niveau
du livre est paniquante. Ce qui se passe au niveau des municipalités
à l'heure actuelle - c'est tout aussi vrai au niveau des commissions
scolaires dans chacune de ces municipalités-là - laisse entrevoir
une période très difficile au niveau de la diffusion et de la
promotion du livre cette année, tout particulièrement, parce que
tout le monde est en train de réajuster des choses à ce
niveau-là. Par contre, il nous reste un coin d'optimisme: cette
commission parlementaire, ce projet de politique culturelle au Québec,
les efforts qui sont consacrés à ce niveau-là et ce qu'on
lit, ce qu'on croit, jusqu'à preuve du contraire, que ça va
déboucher très rapidement sur une action concrète du
gouvernement au niveau autant du secteur du livre, des bibliothèques, de
l'industrie comme telle. Je pense qu'à l'heure actuelle, s'il y a
quelqu'un qui n'est pas conscient au Québec de la difficulté dans
laquelle se trouve le secteur du livre, il ne le sera jamais; c'est foutu
à ce moment-là. Mais, nous, on entretient un certain optimisme
à ce niveau-là, compte tenu des demandes et des occasions qui
sont présentées aux différents secteurs de l'industrie de
venir présenter leur point de vue, que ça puisse déboucher
très rapidement sur une action concrète.
M. Boulerice: M. Caza...
Le Président (M. Doyon): II reste trois minutes. Je
voudrais peut-être donner la parole au député de Mercier,
à moins que vous vous entendiez entre vous. Je ne pourrai pas prolonger.
M. le député de Mercier.
M. Godin: M. le Président, trois minutes, c'est vraiment
insuffisant pour un éditeur? un bibliophage et un auteur. Non seulement
je ne peux pas partager ce qui n'existe pas, mais j'avais quand même
commencé à souhaiter que la générosité
proverbiale de l'autre côté me donne la permission de continuer
au-delà des limites prescrites.
M. Caza, d'abord, une question. Il y a plusieurs années, il y a
eu une politique d'achat imposée à des commissions scolaires et
autres groupes dans les librairies du Québec. Madame, approchez-vous,
vous allez peut-être m'entendre mieux. Madame, derrière, dit
qu'elle ne m'entend pas.
Une voix: On va hausser le volume, madame.
M. Godin: Est-ce que les effets de cette politique-là se
font sentir encore aujourd'hui?
M. Caza: Absolument, M. Godin. Ça, cette
politique-là, je crois que ça serait invivable au niveau des
librairies agréées. On fermerait nos portes.
M. Godin: Deuxième question. Moi, sur la rue Mont-Royal
où j'habite, II y a deux sortes de débit pour l'imprimé.
Il y a la librairie de seconde vente, de revente, qu'on appellerait, en bon
québécois, de deuxième main, et, tout à
côté, il y a la librairie traditionnelle, Champigny et autres,
pour ne pas la nommer. Et, entre les deux, il y a les tabagies où on a
le livre américain, qui est placé en étalage en vertu du
vieux principe du "block booking". Si tu prends Penthouse, tu auras droit
d'avoir toute cette liste de bouquins américains, les livres de poche,
etc. Et, là, les livres se vendent moins de 3 $. Tandis que, dans les
librairies, la Biblairie de Sherbrooke, par exemple, ou Champigny ou Gallimard,
il y a peu de livres d'un prix inférieur à 15 $.
D'autre part, vous l'avez dit tout à l'heure, au Québec,
le livre est retourné à l'éditeur après trois mois,
comme les tomates carrées américaines qu'on retourne je ne sais
pas où après très peu de jours. Ce que les Français
appellent des primeurs. Et, moi, j'ai toujours déploré que le
livre québécois, qui sort à une date x, trois mois
après, il revienne à l'éditeur ou au distributeur et que,
là, le distributeur, lui, ADP ou d'autres, retranche des avances
déjà faites à l'éditeur, des montants fort
importants qui font que l'éditeur se sent comme vous. Je ne sais pas si
ça porte panique, mais il se sacre à l'eau quasiment de
désespoir.
Alors, il y a eu, à une époque, le rapport de
Grandpré qui condamnait les pratiques des distributeurs
américains de livres de poche et de revues à gros tirage,
Penthouse et autres revues, qui, à une époque, faisaient crier
les ligues du Sacré-Coeur - je ne sais pas si vous vous en souvenez - et
qui aujourd'hui passent inaperçues ou presque.
J'aimerais savoir si vous croyez qu'une intervention gouvernementale,
encore une fois,
contre, je dirais, les empires américains installés dans
le domaine des tabagies au Québec et qui les occupent
littéralement comme une terre conquise, si vous croyez qu'une
intervention à cet égard favoriserait un peu d'espace
supplémentaire pour le livre québécois au détriment
de ce qu'on appelle le "pulp magazine" et le "pulp publication"
américains ou si ça vous semble totalement inimportant parce que
le marché de vos livres à vous n'est pas là.
M. Caza: Je crois que l'intervention dont vous parlez à ce
niveau-là est importante. Même si la majorité des
librairies québécoises ne tiennent pas ces livres-là,
comme vous le mentionniez tantôt, entre une librairie de solde ou de
deuxième main et une librairie traditionnelle, on va trouver un endroit
où ces volumes-là se vendent. La petitesse de notre
marché, effectivement, entraîne une très grande
difficulté à faire diminuer des prix. Compte tenu du nombre
d'exemplaires parus, on ne peut pas faire baisser les prix de la même
façon chez les éditeurs. (10 h 30)
Ce que vous mentionniez au niveau des retours de nouveautés qui,
dans... on dit trois mois, mais, ordinairement, c'est plus quatre mois qui doit
se faire, ce qui est quand même un temps très court. C'est souvent
au moment où on retourne les volumes qu'on commence enfin à en
parler dans les Journaux. C'est là comme problème aussi.
C'est-à-dire que le libraire, s'il veut être capable de financer
et se garder des liquidités va devoir avoir un certain roulement au
niveau des nouveautés.
Par contre, la culture ne se fait pas que dans la nouveauté,
effectivement. Par les temps qui courent, il est excessivement difficile de
maintenir des collections de fonds dans les librairies. Il faut faire attention
pour ne pas aboutir à n'avoir au Québec que des "fast books" -
prêtez-moi l'expression - où on ne tiendra plus le fonds, les
classiques ou ce qui est nécessaire, en termes de
référence, mais que la nouveauté qui sort et qui est
conservée quatre mois et, ensuite, remplacée par d'autres. Je
pense que le rôle du libraire se situe aussi au niveau de la
disponibilité; il doit rendre accessibles les ouvrages majeurs, les
ouvrages de référence et tout particulièrement au niveau
de la littérature québécoise.
Une intervention du gouvernement qui m'apparaît appropriée,
c'est, entre autres, au niveau de la promotion. La promotion semble toujours
insuffisante au niveau de notre propre littérature, quoi que
l'éditeur investisse. Et il investit forcément en fonction des
marges de profit qu'il peut obtenir avec ses ventes, mais c'est toujours
insuffisant. À ce niveau-là, je crois qu'une intervention
gouvernementale peut faciliter une plus grande visibilité, encore, du
livre québécois, une plus grande promotion de la
littérature québécoise, mais en ajoutant juste- ment ce
manque à gagner que connaissent les éditeurs par la faute de la
petitesse de leur marché. SI on était 50 000 000, comme en
France, on n'aurait pas de problème de promotion de notre
littérature au Québec. Avec 6 000 000, et quand on sait qu'il y
en a 50 % seulement qui lisent d'une façon régulière,
ça fait un très petit marché, donc très peu
d'argent disponible pour pousser cette promotion-là.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Caza. Mme la ministre,
en terminant.
Mme Frulla-Hébert: M. Caza, M. Dulude, M. Dandurand, M.
Beaulieu, Mme Rochon, d'une part, je vous remercie. Vous savez que le livre,
pour nous, c'est l'élément important et essentiel.
Évidemment, on se retrouve en présence d'un
poète-écrivain-éditeur et d'un comédien quand les
caméras sont là. Je veux vous dire ceci, c'est que le livre ne
sera pas taxé...
M. Godin: Je demande à la ministre de retirer ses paroles
et je veux lui dire qu'elle devrait suivre des cours, elle aussi; ce serait
peut-être, des fois, meilleur.
Le Président (M. Doyon): Alors, II n'y a pas... Mme la
ministre, en terminant, rapidement s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: Le livre ne sera pas taxé, je
l'ai dit et je l'ai répété. Quant aux mesures, finalement,
que nous allons prendre suite à cette commission parlementaire,
justement pour s'assurer qu'il y a, au plan de la nouvelle technologie, d'une
part, et, deuxièmement, au plan aussi de la promotion du livre... Alors,
nous allons travailler ensemble. Et je pense sincèrement qu'il y a des
pistes, justement, non seulement à exploiter, mais qu'il faut le faire
rapidement. Alors, merci de votre présence et vous pouvez être
assurés de notre soutien.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, M. Caza.
Merci aux gens qui vous accompagnent. Nous avons amplement
dépassé le temps qui nous était alloué.
Une voix:...
Le Président (M. Doyon): Nous sommes obligés de...
M. le député, je pense que j'ai été très bon
prince en permettant un dépassement considérable du temps qui
était alloué. Il ne faudrait quand même pas abuser. Alors,
merci beaucoup, M. Caza.
M. Boulerice: On devrait peut-être vous appeler
monseigneur, si vous êtes bon prince.
Le Président (M. Doyon): M. le député, soyez
au moins poli, si vous ne pouvez pas faire
plus que ça. Merci beaucoup, M. Caza.
M. Boulerice: La commission va être longue si vous la
commencez sur ce ton.
Le Président (M. Doyon): Bien, je pense que vous partez
sur un mauvais pied.
M. Boulerice: Bon. On va continuer à faire "cute".
Le Président (M. Doyon): Alors, j'inviterais maintenant la
Société de la Place des Arts de Montréal à bien
vouloir prendre place en avant, à la table de nos invités.
M. Boulerice: Suspension de trois minutes.
Le Président (M. Doyon): Alors, je demanderais à
nos invités de bien vouloir prendre place en avant. À l'ordre,
s'il vous plaît! Mme la ministre, je vous invite à vous approcher
parce que... Alors, suspension pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 39)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses
travaux. J'invite la Société de la Place des Arts de
Montréal, qui est déjà devant nous, à faire les
présentations d'usage, c'est-à-dire que les deux personnes qui
sont nos invités veuillent bien se présenter pour les fins de la
transcription de nos débats au Journal des débats et,
ensuite, procéder à la présentation du mémoire pour
une quinzaine de minutes, après quoi on va discuter avec vous pour le
temps qu'il restera sur les trois quarts d'heure. On est d'accord? Mme
Touchette, M. Morin, bienvenue! À vous la parole.
Société de la Place des Arts de
Montréal
Mme Touchette (Danièle): Merci, M. le Président.
Sans plus tarder, si vous voulez bien, je vais présenter le
mémoire que la Société de la Place des Arts de
Montréal a préparé pour cette commission parlementaire. M.
le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, mesdames et
messieurs, il y a déjà assez longtemps que les
Québécois souhaitent se doter d'une politique culturelle. Mme la
ministre, vous avez non seulement compris l'importance d'une telle politique,
mais vous avez aussi compris l'urgence d'agir.
Lors des débats qui ont présidé à la
création du ministère des Affaires culturelles, le premier
ministre, Jean Lesage, déclarait: "Le gouvernement ne crée pas la
culture et le gouvernement ne la dirige pas non plus. Le gouvernement cherche
tout simplement à créer le climat qui facilite
l'épanouissement des arts".
Aujourd'hui, 30 ans plus tard, la proposition de politique de la culture
et des arts donne tout son sens à ces intentions et nous en sommes
ravis. Est-elle complète? Sûrement pas. Est-elle perfectible? Sans
aucun doute. Mais une chose est certaine: elle pose les bonnes questions et
nous indique des voies à poursuivre mais qui restent à être
précisées. Plus que jamais, et ce, compte tenu du contexte
économique et social, les partenaires culturels doivent déployer
tous leurs moyens afin d'accomplir leur mission. Ne lâchons pas
maintenant. Il faut se doter d'une politique culturelle dans les meilleurs
délais et se maintenir dans l'action avec force et vision; voilà
le défi que nous devons relever.
La Place des Arts est justement tournée vers l'action. Et notre
action s'inscrit dans une mission qui se lit comme suit: Place des Arts est une
institution publique nationale qui a pour mission de promouvoir les arts de la
scène et de rendre possible en ces lieux la tenue de spectacles.
Cette mission est à la fois vaste, multl-dimensionnelle et bien
définie quant à notre champ d'intervention. Aussi, notre propos
d'aujourd'hui s'en tiendra-t-il à commenter les éléments
de la proposition qui sont en rapport direct avec le champ d'action de la Place
des Arts, au service des arts de la scène depuis plus de 28 ans. De ce
point de vue, la lecture et l'analyse de la proposition pour une politique de
la culture et des arts mettent en relief notamment cinq éléments
fondamentaux qui sont également les principales balises de l'action de
la Place des Arts, à savoir: 1° favoriser la création; 2°
accroître l'ouverture au monde et l'action internationale; 3° assurer
la stabilité des organismes culturels; 4° favoriser la diffusion;
5° favoriser la recherche et le développement.
Voyons en premier lieu, si vous le voulez bien, la création.
"Faire mieux, autrement, et plus tôt. C'est la triple et implacable loi
de la concurrence" - voir page 61 du rapport Arpin. Voilà en deux lignes
l'essence même de la proposition de politique au regard de la
création. Nous partageons entièrement ce point de vue et nous
l'appuyons sans réserve. Nous sommes convaincus de l'obligation que nous
avons de susciter la convergence des auteurs, des concepteurs et des
interprètes et aussi de créer un climat propice à la
stimulation et à la mise en commun de recherches et
d'expérimentation en ce domaine.
Un ordre nouveau se dessine. Le décloisonnement des secteurs
économiques, l'effondrement des barrières géographiques
par le fait du libre-échange Canada-Etats-Unis ainsi que par l'effet de
l'Europe de 1992, l'interpénétration des systèmes
économiques qui suivra celle des systèmes politiques de l'Europe
de l'Est, tous ces développements récents suscitent un nouveau
comportement dans une fonction exportatrice.
Des réseaux nouveaux irradient les réseaux traditionnels
de communication, alors que l'on assiste à une planétarisation
des valeurs. Demain, afin d'éviter l'écueil de la banalisation,
il faudra de plus en plus compter sur la différence, le produit
inédit, le produit de qualité et l'avant-garde. Seule une
vitalité créatrice doublée d'une capacité
d'innovation peuvent amener à relever les défis artistiques
d'aujourd'hui et de demain. il en est de la création artistique comme de
la création industrielle. C'est un chemin difficile et pavé
d'écuells, mais nous devons le parcourir. Ce net parti pris pour la
création appelle, entre autres, un programme de recherche couplé
à un programme financier pour le supporter, sans quoi les efforts de nos
créateurs seront vains. À titre d'exemple, en 1988, Place des
Arts créait un fonds de production dont le but était de permettre
la création d'oeuvres québécoises. C'est ainsi que, de
concert avec les intervenants du milieu culturel et du milieu des affaires,
furent créés, produits et présentés Gala, Rabelais,
ainsi de suite, et, bientôt, Titom" de Gilles Vigneault et Marcel
Sabourin.
Pour réaliser ce type de projets, il nous faut constituer des
syndicats financiers. Or, les dispositions législatives nous
empêchent d'être aussi efficaces que nous le souhaiterions puisque
nous ne pouvons compter sur les surplus de la Société pour
alimenter normalement un fonds de production, nous permettant ainsi d'augmenter
notre nombre d'interventions et de mieux les planifier dans le temps.
Deuxièmement, l'action internationale. Il ne fait aucun doute
dans notre esprit que la concurrence énorme que nous livrent les grandes
productions étrangères peut effectivement constituer une menace
sérieuse pour l'industrie culturelle québécoise, mais on
ne doit pas la craindre pour autant. Au contraire, nous devons y faire face en
offrant un produit culturel en mesure de lui répondre et, par
surcroît, en tirer profit. Nous croyons que notre politique culturelle ne
doit pas se refuser à l'importation de produits étrangers, quelle
qu'en soit l'envergure. Nous devons même la susciter dans une certaine
mesure, et ce, pour des raisons d'ordre culturel, d'une part, et pour des
raisons d'ordre économique, d'autre part.
En effet, la confrontation avec les produits étrangers permet au
consommateur de spectacles de développer son jugement critique et
d'être ainsi plus apte à apprécier nos produits
québécois. Les produits étrangers peuvent, d'autre part,
stimuler notre propre industrie à créer et à mettre en
marché des produits de même qualité, nous permettant ainsi
d'établir notre action internationale sur la base de la
réciprocité. Tel est le cas du Ballet national de Hongrie pour
lequel une entente portant sur cinq ans prévoit la présentation
de cette troupe au Canada et, inversement, la présentation d'une troupe
québécoise en Hongrie. D'autre part, la location de nos salles
pour des productions majeures venant de l'extérieur devrait
entraîner des revenus non négligeables permettant ainsi
d'appliquer la théorie des vases communicants avec des partenaires
québécois.
Troisièmement, la stabilité des organismes culturels.
Consciente de l'apport capital de ses clients-utilisateurs,
préoccupée par leur vulnérabilité économique
et inquiète de la diminution de leur nombre, la Place des Arts s'est
donné comme principale orientation celle de renforcer sa fonction de
soutien aux clients-utilisateurs. Aussi, sommes-nous rassurés de
retrouver au rapport Arpin toute une série de recommandations ayant pour
effet d'assurer la stabilité et l'épanouissement des organismes
culturels. Le rapport du groupe-conseil soulève, à juste titre,
la nécessité de consolider nos organismes culturels et celle de
procéder à la mise en commun du savoir-faire et à la
création de conglomérats pour l'exportation.
En effet, peut-on lire dans le rapport à la page 65, les
organismes culturels, même les plus importants, comme le
Théâtre du Nouveau-Monde ou l'Orchestre symphonique de
Montréal, sont des organisations de petite taille qui entrent à
peine dans le groupe des PME. En d'autres termes, nos plus gros sont encore des
infiniment petits dans l'univers économique. Aussi, à l'instar
des membres du groupe-conseil, notre opinion est à l'effet que la
consolidation de nos entreprises doit être à l'ordre du jour.
Il nous apparaît nécessaire de donner plus de force
à nos entreprises culturelles. Nous irions même jusqu'à
favoriser les regroupements d'entreprises, si cela s'avérait
nécessaire, pour en faire des organisations plus fortes, plus stables et
plus prospères. Plusieurs moyens d'action sont proposés à
cette fin dans le rapport Arpin. D'autres moyens peuvent aussi servir cette
cause primordiale, mais la mise en commun de ressources et les économies
d'échelle qui en résultent constituent, à notre avis, une
des clés de la réussite. En même temps, il nous
apparaît fondamental, ainsi que d'ailleurs le propose le rapport Arpin,
que les organismes culturels, grands et petits, puissent appuyer leur
développement et leur réussite sur des engagements financiers
soutenus, uniformes, récurrents et prévisibles au-delà
d'une année ou deux, comme cela est présentement le cas.
Quatrièmement, favoriser la diffusion. Enfin, nous croyons qu'il
est de notre devoir d'attirer l'attention de cette commission sur la
prolifération des projets de construction de salles de spectacles sur
l'île de Montréal et en périphérie. Cela laisse
perplexe alors même que le budget-temps que le consommateur consacre aux
activités culturelles rétrécit et que certaines
disciplines sont en déclin. L'étalement urbain en matière
démographique n'appelle pas nécessairement un étalement
culturel qui ne saurait à son tour qu'exercer une pression additionnelle
sur
nos organismes culturels déjà suffisamment
hypothéqués de toute part. Ceci étant dit, nous croyons
qu'au lieu d'ajouter à la concurrence, les subventionneurs devraient
s'assurer que chaque intervention s'appuie sur des orientations précises
et bien ciblées. Ainsi, en octobre 1990, il n'y avait pas moins de 19
000 nouveaux fauteuils projetés pour la seule région du Grand
Montréal.
Cinquièmement, la recherche et le développement. La
recherche et le développement constituent à nos yeux l'un des
éléments les plus importants de cette proposition de politique de
la culture et des arts. C'est, dit-on dans le rapport, essentiel à la
continuité car cela représente un investissement dans les
produits et marchés de demain. C'est de l'investissement à long
terme. Dans l'accomplissement de son rôle de promoteur des arts de la
scène, l'action de la Place des Arts s'harmonise avec celle que le
groupe-conseil recommande au gouvernement puisque Place des Arts a
effectivement pris le parti d'activer la recherche et le développement
de nouveaux produits et de nouvelles clientèles. Il appert urgent de
déployer un créneau d'expertise additionnelle en ce qui a trait
aux technologies nouvelles, et ce, pour des motifs d'excellence, de
rentabilité économique et d'adaptation liés aux tendances
du marché. Nous deviendrons très rapidement des dinosaures des
arts de la scène à moins que nous ne nous engagions
immédiatement, et avec force, dans le développement des
technologies nouvelles, notamment: diffusion par satellite, laser, graphisme
électronique et télématique. Déjà, nous
avons mis sur pied un comité technologique formé
d'universitaires, de producteurs et de spécialistes des technologies.
(11 heures)
La recherche et le développement passent obligatoirement par les
nouvelles technologies, ce qui requiert des Investissements financiers
importants. Aussi, croyons-nous que le ministère des Affaires
culturelles doit intervenir auprès des autres ministères pour
identifier et mobiliser toutes les ressources disponibles au sein de l'appareil
de l'État dont pourront bénéficier la recherche et le
développement au service des créateurs, des artistes et des
producteurs.
D'autre part, nous devons, cela va de soi, consolider nos acquis, mais
notre développement passe également par la recherche de nouveaux
publics. Parmi ceux-ci, la jeunesse représente un bassin potentiel de
fréquentation très important, tant auprès des spectateurs
que des créateurs. Nous devons donc être en mesure de motiver les
jeunes à la dimension culturelle par des efforts systématiques et
soutenus. D'autre part, n'oublions pas que plus du tiers de la population de
Montréal est composée d'immigrants récents. On ne peut
ignorer ce fait. On doit en faire un de nos principaux axes de
développement et prendre collectivement les moyens les plus opportuns
pour bien traduire cette réalité.
En conclusion, la proposition de politique de la culture et des arts
fait ressortir avec force l'importance de l'État dans le soutien et le
développement de la culture. Elle suggère à cette fin que
le MAC soit doté d'un mandat lui assurant une plus grande
autorité et la capacité de mener efficacement une action
horizontale, et qu'il se définisse de plus en plus comme un
ministère d'intervention.
Nous comprenons que cette intervention veut dire, dans les faits,
susciter de nouveaux partenariats, donc de nouveaux partenaires, de nouvelles
formes de partenariat, et, dans bien des cas, réapprendre à
travailler ensemble et de façon concrète. Ainsi défini,
nous croyons qu'il est essentiel, voire même fondamental, que le MAC soit
interventionniste puisqu'il s'agit d'interventions fertiles, celles qui
permettent de mobiliser, de susciter la mise en place des conditions
économiques et sociales qui permettront à leur tour le
développement et le plein épanouissement des arts, des artistes
et des producteurs.
À cet effet, qu'il nous soit permis de mettre en relief
l'importance du mariage culture et tourisme, et ce, notamment dans le cas de
Montréal qui, dans son processus de relance, a besoin de rayonner. Or,
ce rayonnement passe par une image d'excellence. Rien n'empêche que la
Place des Arts et les autres institutions culturelles montréalaises
soient porteuses au premier plan de cette image à l'échelle
nationale et internationale.
En terminant, nous formulons un voeu. Une politique culturelle est
à nos yeux un tout indissociable. Il est important qu'elle soit
Implantée dans toutes ses dimensions, mais par dessus tout, ce qui nous
apparaît fondamental, c'est d'agir tout de suite, de mettre en oeuvre
dès aujourd'hui les moyens d'action nécessaires pour que la
politique culturelle ne demeure pas un exercice intellectuel. Fort
heureusement, nous ne partons pas de zéro, bien au contraire; beaucoup
se fait déjà, mais beaucoup reste à faire. Il nous faut
accélérer le rythme et donner encore plus de force à nos
actions. La Place des Arts, une place ouverte à la création, est
investie d'une mission qui converge parfaitement avec ses intentions. Par
surcroît, son plan de développement s'inscrit en totale harmonie
avec plusieurs des recommandations contenues à la proposition de
politique.
Mme la ministre, adopter une politique culturelle au Québec
n'aura certes pas pour effet de régler tous les problèmes des
Québécois, qu'ils soient d'ordre constitutionnel,
économique ou social. Néanmoins, nous sommes persuadés que
la réalisation d'une politique culturelle servira de toile de fond
à leur règlement. Merci de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente.
La présentation a pris 20 minutes, il reste 25 minutes. J'informe cette
commission que
j'ai l'intention de m'en tenir strictement au partage du temps, tel que
prévu dans l'entente et sur l'horaire. Donc, pour éviter des
difficultés, le temps venu, je devrai interrompre les intervenants.
À la fin des interventions, il y aura des remerciements et uniquement
des remerciements à nos invités de façon à ne pas
engager de débat et à ne pas prolonger. Je veux que ces choses
soient très claires et je verrai à les mettre en pratique, comme
président. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Morin et Mme
Touchette-Robitaille. Je voudrais d'abord relever certaines choses qui sont
ici, dans le mémoire. Par exemple, votre mémoire fait
référence, entre autres, à la recherche d'un nouveau
public dans une perspective d'accroître l'accessibilité. Il fait
aussi mention, finalement, d'une espèce de politique au niveau de
l'éclatement, c'est-à-dire d'accueillir pour que, nous, on puisse
y aller. Compte tenu des marchés, de ce qui se passe
présentement, parce qu'on en a parlé beaucoup... Hier,
l'organisme RIDEAU est venu et on parlait de garage versus aider à la
production. Quel est l'impact, selon vous, des grands spectacles tels "les
Misérables" ou "le Fantôme de l'Opéra", ces spectacles
internationaux sur le marché québécois qui attirent
énormément de clientèles, et ce, à fort prix?
Est-ce qu'il y a un impact direct dans notre marché, d'une part?
Et, deuxièmement, ce sont des grands spectacles internationaux; on ne
peut pas en priver la population non plus, mais ces spectacles-là
mobilisent aussi beaucoup en termes de temps, si on veut, certains locaux qui
existent justement à Montréal, qui sont là pour les
recevoir. Alors, est-ce qu'il y a un impact direct, négatif ou
positif?
Mme Touchette: Je vois deux volets à votre question, Mme
la ministre. Tout d'abord, vous parliez de la jeunesse et, ensuite, vous
parliez des impacts des grands spectacles sur les autres spectacles. Je
répondrai, si vous voulez bien, à la première partie. Je
demanderais à M. Morin, directeur général, de
répondre à la deuxième partie.
Nous constatons, effectivement, une baisse d'assistance pour plusieurs
des salles, qu'il s'agisse de la Place des Arts ou d'autres salles à
Montréal. Je pense qu'il s'agit même d'un phénomène
nord-américain qui, d'une part, est dû à un contexte
économique difficile et, d'autre part, aussi à des changements
d'habitudes chez le consommateur où la participation active est beaucoup
plus Importante. Et aussi, la présence du vidéo a beaucoup
gâté le spectateur qui, maintenant, peut effectivement entendre
une excellente cassette de Pavarotti chez lui, dans le confort de son foyer,
après une grande journée de travail.
Force nous est de constater cet état de choses. Le contexte
économique ne demeurera pas éternellement, nous le souhaitons,
autant dans les arts que sur le plan économique. Mais je pense qu'il est
essentiel de développer la nouvelle clientèle, notamment les
jeunes, puisque ces jeunes seront le public de demain et également les
futurs auteurs et compositeurs de demain. Donc, il est très important de
développer la jeunesse côté salle et la jeunesse
côté scène afin que, dans 10 ans, dans 20 ans, il y ait une
interaction extrêmement positive, d'une part, de la part du public, pour
encourager les créateurs et, d'autre part, pour que ces mêmes
créateurs aient un public constant.
Et nous avons en ce sens développé plusieurs actions.
Depuis déjà deux ans, nous avons lancé un vaste programme
jeunesse pour encourager les jeunes, pour les aider à assister aux
spectacles par le biais de certains billets gratuits qui sont offerts notamment
aux jeunes qui étudient au niveau supérieur en musique,
théâtre, et ainsi de suite. Nous avons récemment
formé un conseil d'administration junior pour leur permettre de se
familiariser également avec l'administration des grandes salles.
Et nous pensons également qu'il est très important de
considérer ce nouveau visage de Montréal puisque Montréal
a maintenant un visage très différent. Il y a
énormément d'immigrants récents. Et nous avons, depuis
deux ans, mis également sur pied des événements à
caractère international pour encourager ces gens à
fréquenter, à assister aux spectacles et également
à participer à la vie culturelle qui est la réalité
de 1991. En ce qui concerne l'impact des très grands spectacles sur nos
salles, je demanderais à M. Guy Morin, directeur général,
de bien vouloir répondre à cette question.
M. Morin (Guy): M. le Président, brièvement. Les
grands spectacles qui viennent maintenant à Montréal et
bientôt à Québec - je l'espère, puisqu'il en est
question - ont certainement un impact. D'une part, il faut vous dire, à
titre d'exemple, que, pour un spectacle comme "le Fantôme de
l'Opéra", qui prend l'affiche pour une période d'au-delà
de 100 jours - plus de trois mois - au-delà de 35 % à 40 % des
billets sont achetés par des gens qui viennent de l'extérieur du
Montréal métropolitain. Donc, sur un plan touristique, c'est
très important. Un fort pourcentage de ce pourcentage-là vient
des États périphériques au Québec, du nord-est, des
États de la Nouvelle-Angleterre, de l'Ontario, ainsi de suite. Alors,
c'est un facteur très important et nous souhaitons bien que ça
puisse se continuer sur ce plan-là.
Dans l'ensemble, si on regarde la population qui achète, c'est,
bien sûr, une clientèle qui fréquente déjà
nos salles de spectacles, mais, pour un grand nombre aussi, il s'agit de
spec-
tateurs qui viendront pour la première fois à la Place des
Arts et, dans bien des cas, pour la première fois assister à un
grand spectacle, et là, c'est une ouverture qui est intéressante.
Que nous prenions la porte de gauche ou la porte de droite, ce qui compte,
c'est d'entrer dans la salle. Et nous, nous avons un espoir qu'ils puissent y
revenir pour d'autres types de spectacles, que ce soit de musique symphonique,
de danse ou d'opéra, etc.
Maintenant, la rentabilité de ces projets-là, sans
être acquise, semble excellente. Ce sont des spectacles très
dispendieux, bien sûr, mais qui rapportent des revenus aussi pour des
salles comme la Place des Arts. Et, avec cette rentabilité - on en parle
dans le mémoire - s'applique le principe des vases communicants, ou
devrait s'appliquer le principe des vases communicants. Les surplus
réalisés avec de tels projets, si ces surplus-là ne s'en
vont pas dans le fonds général de la Place des Arts ou dans le
fonds consolidé de la province, en d'autres mots, si nous pouvons
utiliser ces surplus pour pouvoir aider à la création d'oeuvres
québécoises, nous aurons, avec le temps, graduellement et
rapidement, des fonds Importants pour être capables de développer
des produits québécois. Si, d'autre part, nous prenons ces
fonds-là pour couvrir les dépenses de la Société ou
encore les retourner au gouvernement du Québec sur une base annuelle,
bien là, on aura simplement la difficulté qui est celle que nous
avons depuis déjà quelques années.
Un dernier mot sur ça, puisque nous sommes au chapitre des grands
projets, c'est que ces grands projets là, bien sûr, prennent de la
place. Il faut avoir des produits québécois, et c'est avec
l'argent de ces spectacles-là que nous les ferons; je viens de le
mentionner, c'est ce que j'appelle le principe des vases communicants. Mais il
faut aussi avoir un type de réciprocité. On pourrait avoir,
année après année, de Londres, de Paris ou de New York, de
grands spectacles. Mais, un jour ou l'autre, et dès maintenant, il faut
mettre le pied dans la porte et négocier des ententes avec les
producteurs étrangers, ententes par lesquelles on aura, nous aussi, des
spectacles québécois, des spectacles canadiens qui iront à
l'étranger. Ce n'est guère facile. Nous n'avons pas encore
beaucoup l'habitude. Nous devons admettre que nous sommes encore en culottes
courtes par rapport au Metropolitan, par rapport au Covent Garden ou par
rapport aux plus grandes salles ou groupes au monde.
Mais, néanmoins, on vient de le mentionner au mémoire
aussi, on prend le Ballet de Hongrie, par exemple, où, dans l'entente,
on dit: Vous allez prendre une troupe canadienne. Est-ce qu'on enverra I Musici
là-bas ou les Grands Ballets canadiens ou Vertigo? Je ne sais pas. Nous
avons cinq ans pour envoyer une troupe en Hongrie. Mais ça fait partie
des ententes. Si le groupe de New York ou de Toronto revenait
régulièrement avec de grandes productions, genre "le
Fantôme de l'Opéra", on a déjà posé la
question: Qu'est-ce que vous allez prendre en retour? Et la réponse est
simple: Donnez-nous le produit, nous allons le présenter. Mais
donnez-nous le produit. Pour ça, il faut produire des choses
d'excellence, de haut calibre, malheureusement très souvent
dispendieuses. Et pour arriver à faire ça, on a besoin de sous.
Alors, voilà la réponse.
Mme Frulla-Hébert: Alors, ce que vous suggérez, de
façon concrète, c'est que les surplus, qui proviennent justement
de ces grandes productions de l'extérieur, servent soit pour de la
recherche-développement au niveau de notre propre produit ou aussi pour
nous aider à exporter les produits que nous avons...
M. Morin (Guy): Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...ce qui veut dire une modification de
la Loi sur la Place des Arts?
M. Morin (Guy): Est-ce que je peux répondre, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Oui, allez, M. Morin, oui. (11 h
15)
M. Morin (Guy): Merci. J'ai l'exemple de la production qui
viendra dans le temps des fêtes à Montréal, à Ottawa
et probablement à Québec en janvier, qui est une production de
Gilles Vi-gneault. Bon. C'est une petite production magnifique, madame;
gardez-vous au moins un soir avec vos enfants, il faut voir ça. Et vous
aussi, M. Boulerice. Ha, ha, ha! Ceci étant dit, c'est une petite
production, ça, alors ça coûte 200 000 $, mettons 200 000 $
à 225 000 $ par rapport à une grosse production comme "le
Fantôme de l'Opéra" qui coûte 7 500 000 $. C'est tout petit,
mais c'est magnifique quand même. Mais il faut l'investir, ce
montant-là. Il faut le prendre quelque part. Le prend-on dans le budget
d'opération d'une société ou dans un fonds affecté
à de telles fins, avec l'espoir, bien sûr, qu'il soit rentable et
sur une période donnée? Bien, les autres sociétés
investissent là-dedans, comme une entreprise dans la haute technologie
va amortir son nouveau produit sur une période de 5 ans ou 10 ans; c'est
le même raisonnement, effectivement. Alors, pour Titom" - ça
s'appelle "Titom", cette magnifique comédie musicale -nous, on a dit: On
va les investir, les 200 000 $, et on va les amortir sur 5 ans. Mais on est
obligés de les prendre à même notre budget
d'opération. On ne les prend pas dans un fonds parce que ce
fonds-là n'a pas été créé de façon
officielle. Voilà. Et ils pourraient venir des surplus venant du
"Fantôme" ou des "Misérables", ces choses-là.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, cette façon de faire
répondrait probablement à la critique de quelques producteurs
québécois qui disent: On a beau créer, on n'a pas de salle
- enfin à Montréal - où se produire.
M. Morin (Guy): Mme la ministre, des salles, il y en a à
Montréal. Bien sûr, on veut les meilleures salles aux meilleures
dates. Je peux louer le 23 septembre, à chaque année, à 50
producteurs. Il y a moins de producteurs qui veulent louer le 23 juillet.
Mme Frulla-Hébert: Oui. C'est ça. M. Morin
(Guy): Bien sûr, on veut...
Mme Frulla-Hébert: Évidemment, au temps de
pointe.
M. Morin (Guy):... toujours avoir les meilleures dates. Le
problème, ce n'est pas la disponibilité des salles, ce sont les
budgets. Parce que, quand on fait une production, si on fait une production
normale, ça va monter à 750 000 $, mettons. Alors 750 000 $, le
secteur privé n'a pas... et ne peut pas prendre ce genre de risque
là.
Mme Frulla-Hébert: Rapidement, une question. Justement,
RIDEAU, hier, nous a suggéré d'insister sur l'apport des grandes
sociétés telles que vous, telles que le
Grand-Théâtre ici, pour, justement, aider en région, en
disant que nos grandes sociétés, évidemment, nous
demandent un effort financier assez grand au niveau du gouvernement, donc que
ces grandes sociétés là devraient aider à rendre la
culture plus accessible en région. Comment voyez-vous ça, ce
rôle-là? Est-ce que c'est possible pour vous de jouer un
rôle semblable?
Mme Touchette: En fait, oui, il s'agit d'un rôle de
diffusion nationale, tout d'abord, mais on en revient quand même encore
à une question de fonds pour diffuser les produits. J'aimerais juste
souligner peut-être une petite clarification. Nous parlions tout à
l'heure des 7 000 000 $ de fonds de production ou du coût de production,
plutôt, pour "le Fantôme" versus les 200 000 $ de "Titom". C'est
que, dans le cas du "Fantôme", nous n'avons aucun risque financier. Nous
sommes strictement locateurs de salle. Donc, nous n'avons aucun, aucun risque,
alors que, dans le cas de la production de "Titom", nous devons engager une
somme pour réaliser cette production. Donc, c'est le principe des vases
communicants dont parlait M. Morin.
Donc, Mme la ministre, réaliser cette diffusion à
l'échelle nationale, c'est pensable. Nous avons même
considéré changer, d'une certaine façon, la vocation du
Café de la Place, qui est un théâtre plutôt
intimiste, avec peu de décors, peu de personnages, donc facile à
déplacer en termes de coûts, mais encore faut-il que nous ayons
les moyens pour produire ce genre d'événement et le distribuer ou
le promener à travers les principaux centres de la province. Donc, avec
des moyens possibles, qui ne sont pas nécessairement des moyens
additionnels mais des moyens dus à une bonne gestion face à, par
exemple, des revenus additionnels lors d'une location intéressante, si
ces surplus pouvaient demeurer à la Société, bien
sûr que nous pourrions, dans un cadre quinquennal, sur trois ans, sur
cinq ans, penser à établir ce genre d'action et le planifier
d'avance et non pas à la pièce.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme la Présidente, M. le directeur
général, chers amis, la prédécesseure de la
prédécesseure de l'actuelle ministre avait saisi un surplus
budgétaire de 500 000 $ du musée d'Art contemporain et avait
forcément réduit la subvention en conséquence. Par contre,
en parallèle, on avait épongé un déficit de 3 500
000 $ au musée des Beaux-Arts. Ça m'ap-paraissait être une
pénalité pro forma et une récompense au
délinquant.
Vous avez eu, à la Place des Arts, une initiative on ne peut plus
heureuse en 1988 lorsque vous avez créé votre fonds de production
en vue justement de permettre la création d'oeuvres
québécoises. Si je comprends bien, la loi actuelle vous
empêche de faire davantage dans la mesure où vous ne pouvez pas
compter sur vos surplus d'opération pour financer ce fonds. La voie est
où? On doit procéder le plus rapidement possible par une
modification de la loi. Je vous informe que ce Parlement ne s'épuise pas
à voter des lois sur la culture; 5 depuis 1985. On a quelquefois l'air
un peu de réparateurs de Maytag tellement on est inactifs. Ou bien, vous
risquez peut-être de sombrer dans la tentation d'être
délinquants vous aussi et de faire un déficit, ce qui est le
meilleur moyen de conserver votre argent.
Mme Touchette: M. le directeur général.
M. Morin (Guy): Écoutez, Mme la ministre de
l'époque, Mme Bacon, avait autorisé la création d'un fonds
au montant de 500 000 $. Elle l'avait autorisé par la voie d'une lettre
officielle, mais ça ne nous permettait pas, d'une année à
l'autre, avec les surplus de la Place des Arts, si surplus il y avait, de
rouler ces surplus-là dans un fonds de production, ayant bien sûr
une limite. Il n'était pas question de rouler entièrement les
surplus mais d'en rouler une partie. C'est une question de
légalité et la loi, les dispositions législatives ne le
permettent pas présentement.
Nous avons des discussions avec le ministère des Affaires
culturelles depuis déjà un bon moment à l'effet de pouvoir
un jour ou l'autre ouvrir la loi et, en l'ouvrant, elle sera ouverte sur
d'autres sujets également. Il nous apparaît certainement
intéressant, pour ne pas dire nécessaire, que la loi soit
ouverte, tout au moins sur ce point-là, parce qu'un fonds de 500 000 $
ne s'épuise pas en l'espace de 2 mois, mais s'épuise quand
même rapidement. Maintenant, ce fonds-là, il faut se rappeler que
ce n'est pas un fonds qui servira à de la subvention. C'est un fonds qui
va servir à de l'Investissement, ce qui est bien différent.
Alors, si le fonds a 5 000 000 $ ou 10 000 000 $, nous allons Investir dans les
productions, dans la création et, par la suite, les productions.
Certaines de ces productions connaîtront du succès, d'autres pas.
C'est la loi de la moyenne. Si l'on se compare à l'industrie du film, on
devrait faire bien, mais, s'il y a des retours, ça alimentera le fonds,
contrairement à une subvention.
Alors, tout ce qu'on demande, c'est le pouvoir d'avoir ce
fonds-là et d'y rouler une partie des surplus annuels de la Place des
Arts. Je ne peux pas demander ça à Mme la ministre, mais je sais
que nous avons déjà des discussions à ce
sujet-là.
M. Boulerlce: Moi, je n'ai pas le droit de lui poser de
questions, mais vous le pouvez. Il y a eu un précédent hier,
alors vous avez toute la latitude.
Le Président (M. Ooyon): C'est le président qui
décide de ce genre de choses, M. le député.
M. Boulerice: La présidence impériale! Vous
soulevez une question fondamentale à la page 9, c'est celle de
l'importance des nouvelles technologies de communication. Le rapport Arpin,
malheureusement, n'est pas allé aussi loin que je l'aurais
souhaité. Les organismes interviennent et, d'ailleurs, des membres du
groupe Arpin l'introduiront à leur propre compte, ce qui est heureux.
Donc, vous avez soulevé à la page 9 l'importance des nouvelles
technologies de communication et leur incidence sur les arts de la
scène. Vous avez parlé de laser, de télématique, de
graphisme électronique, et on pourrait poursuivre tellement la panoplie
est vaste et même insoupçonnée aujourd'hui par rapport
à ce que ce sera demain. Vous insistez sur la nécessité
d'Investir des sommes et vous employez bien le mot "considérables" en
recherche et développement. La question que j'aimerais vous poser,
c'est: De quelle façon le ministère peut-il vous apporter un
soutien concret à cet égard? Par quel moyen ou quelle
formule?
M. Morin (Guy): M. le Président, lorsque je me
réfère, à ce moment-ci, à de nouvelles
technologies, je pense, bien sûr, à des ministères
habilités à supporter, à aider, à nous fournir leur
expérience dans ce domaine-là: l'Industrie et Commerce, par
exemple, le ministère de l'Éducation, pour en citer un
deuxième, et ainsi de suite. Je ne suis pas familier avec tous les
rouages gouvernementaux, les rôles mais les mandats de chacun des
ministères, et ce n'est certes pas au ministère des Affaires
culturelles qu'on a une expertise en matière de nouvelles technologies
ni des fonds pour développer les nouvelles technologies.
Chose certaine - on le mentionne dans notre mémoire et Je me
permets de le dire à la commission, Ici - c'est que nos grands centres
seront des dinosaures d'Ici 10 ans si on n'introduit pas de nouvelles
technologies. On est en retard sur le sport professionnel d'à peu
près 20 ans à ce sujet-là. C'est peut-être un peu
terre à terre ce que je vais dire, mais on présente des combats
de boxe via satellite au centre Paul-Sauvé à Montréal
depuis 15 ans, en direct de Las Vegas, sur écran géant. C'est un
début de haute technologie, mais c'est pour Illustrer que... Et ce
n'était pas nécessaire parce que, depuis la guerre, les billets
se vendaient tout seuls. Ce n'était pas nécessaire d'avoir de
l'électronique dans les hôtels pour avoir des billetteries
électroniques. Ce n'était pas nécessaire d'avoir des
écrans géants. Ce n'était pas nécessaire d'avoir
des opérations satellites. Tout ceci n'était pas
nécessaire; on vivait des années d'abondance sur le plan de la
billetterie.
Maintenant, depuis 3, 4 ou 5 ans, tel n'est plus le cas et on doit
réagir rapidement pour faire le rattrapage, d'une part, peut-être
sauter des générations sur le plan technologique - H y a des
générations à sauter - et arriver aux meilleures
installations technologiques. Et les centres qui ont de l'avenir, les centres
bien organisés à ce sujet-là feront beaucoup et mieux,
ça c'est évident, et les autres se verront en difficulté
rapidement.
M. Boulerice: Vous avez parlé de votre recherche de
nouveaux publics et vous faites mention des jeunes. Je m'efforce de faire un
certain travail avec les écoles de ma circonscription, notamment les
classes d'arts plastiques, de façon à ce que les professeurs
amènent les enfants dans l'atelier d'un peintre, d'un graveur, d'un
sculpteur, qu'ils ne voient pas uniquement le produit fini mais ce qu'est le
travail de réalisation de cette oeuvre.
Donc, est-ce que chez vous, à la Place des Arts, dans le cadre de
ces activités pour les jeunes, vous avez les moyens de les familiariser
avec la Place des Arts? Je ne le sais pas, moi, je vous donne un exemple:
peut-être, avant un spectacle, des visites d'écoliers
derrière les coulisses, la régie technique, tout l'envers du
décor, comme on dit.
Mme Touchette: Oui. Nous avons, depuis
plusieurs années, un programme d'animation assez poussé,
que vous connaissez sûrement, M. Boulerice, et qui permet à bien
des jeunes, lors de la tenue de spectacles, le midi, bien souvent à des
prix extrêmement réduits, de se faire expliquer le spectacle. Le
spectacle est très court. On l'arrête, on explique les mouvements,
le choix de la musique, l'interprétation des gestes. Entre autres
choses, ceci s'adresse non seulement à la danse, mais à
l'opéra, à la musique.
Nous avons également, l'an dernier, et ce, toujours dans le but
de ce grand programme jeunesse que nous avons démarré,
cédé la salle à l'Orchestre métropolitain lorsqu'il
y a eu pour 2 jours 2 jeunes musiciens, un jeune violoniste de 12 ans et un
jeune pianiste de 12 ans, qui étaient excellents, soit dit en passant,
donc des jeunes jouant pour des jeunes, et nous avons accueilli les
écoles. Le tout était subventionné par Alcan. Il y avait
des boîtes à lunch de Culinar. Cette année, nous aidons
l'Orchestre symphonique également en lui cédant la salle lors de
matinées qui s'adresseront à des jeunes. Nous essayons par tous
les moyens possibles, évidemment, d'aider le milieu scolaire à
s'intéresser. Ce n'est pas toujours facile parce que c'est un milieu qui
est extrêmement complexe. C'est une lourde machine, mais nous sommes en
contact et nous sommes particulièrement en contact, comme je le disais
tout à l'heure, au niveau des étudiants de niveau
supérieur, qu'il s'agisse de Lionel-Groulx ou de Saint-Hyacinthe, de
Concor-dia, du module théâtre de l'UQAM, du Conservatoire de
musique et ainsi de suite, où nous avons des interventions au niveau de
ces jeunes, de plus en plus. (11 h 30)
Nous avons lancé un concours d'arts graphiques. Nous planifions
avoir des bourses pour les jeunes. Ce genre de projet pourrait fort bien
être piloté par ce conseil d'administration junior dont je vous ai
annoncé un peu plus tôt la formation, que nous avons
rencontré pour la première fois la semaine dernière et qui
est formé d'un représentant de chacune de ces institutions; elles
sont au nombre de neuf. Ils se sont vu soumettre un problème et un
projet dont ils soumettront la solution au conseil d'administration même
de la Place des Arts. Nous espérons ainsi que, par des jeunes, nous
pourrons trouver des intérêts pour d'autres jeunes.
M. Boulerice: Je vais être franc, je le savais, Mme
Touchette, mais je trouvais important que vous le disiez vous-même pour
prouver que, parce que certains le pensent, la Place des Arts n'est qu'une
boîte où on met quelque chose, il y a des gens qui entrent. Je
sais qu'il se fait beaucoup de choses en parallèle.
Une dernière question. RIDEAU nous en a parlé en
identifiant des publics, l'impact de la TPS, l'impact de la TPS provinciale qui
s'en vient et de la taxe de 10 %. Donc, très bientôt, dans
quelques semaines tout au plus, 27, 5 % de taxes sur toute manifestation
culturelle. Ça veut dire quoi pour la Place des Arts?
Mme Touchette: Ça veut dire beaucoup. Je demanderais
à M. Morin, qui est très près de la question, d'y
répondre.
M. Morin (Guy): Pour la Place des Arts même, ça veut
dire beaucoup, mais ça veut dire davantage pour le public.
L'inaccessibilité va être évidente, apparente. Que
voulez-vous, si vous prenez un billet de 50 $ et que vous y ajoutez 27 %,
ça veut tout dire. Et si vous multipliez par 2, lorsque vous sortez
à 2 personnes, on voit déjà... Et le tout s'applique,
incluant la taxe provinciale, à compter du 1er janvier. On voit
déjà la chute des ventes des billets à compter du 1er
janvier de façon dramatique. Il faut arrêter de se conter des
histoires. La baisse est à peu près de 15 % depuis un an, la
moyenne, la baisse, 15 %. Mais 15 %, très souvent, c'est ce qui permet
à une société, quelle que soit la société,
Grands Ballets ou un groupe de théâtre, une troupe de
théâtre, ces 15 % là, c'est ce qui fait qu'ils peuvent
arriver ou ne pas arriver. S'ils perdent ces 15 % d'assistance, ça
devient dramatique. Et, à compter de janvier, le poids de ces taxes va
mettre en péril nombre d'entreprises.
Nous avons abordé ça par la bande ici, dans le
mémoire, en disant qu'il va falloir consolider des entreprises, qu'il va
falloir leur donner des structures plus fortes. Nous n'avons pas le pouvoir
d'agir en matière fiscale. Ce n'est pas le rôle de la Place des
Arts, mais notre recommandation, tout au moins, au comité, est
d'espérer que la politique prévoira de favoriser tout au moins
des regroupements pour avoir des entreprises plus fortes pour être
capables de faire face à ces choses-là.
Il faut se rappeler qu'à Montréal, parce que je ne peux
pas parler pour Québec, il faut parler de 27 % et quelques
poussières. Si vous vous en allez à Toronto avec le même
billet, ça coûte infiniment meilleur marché parce que vous
n'avez pas la taxe d'amusement et que vous n'avez pas la TVQ. Vous n'avez que
la TPS. Le citoyen de Toronto, même s'il subit les foudres et les effets
de la récession, est quand même bien nanti, aussi bien nanti
qu'à Montréal, paie moins cher en taxation et beaucoup moins cher
qu'à Montréal. Ça ne veut pas dire que les
Montréalais iront à Toronto pour autant, mais ça veut dire
que nous sommes pénalisés au Québec, et notamment à
Montréal, avec cette taxe municipale épouvantable qui n'est pas
ristournée au milieu culturel. Je veux bien, un jour, qu'elle soit
ristournée, on en parle abondamment. Mais on peut bien les ristourner
aux maisons de la culture, c'est très valable, c'est dans le
réseau culturel, ça, mais ce n'est pas ristourné à
sa source. À sa source, ce serait ristourné aux producteurs qui
produisent des spectacles ou aux
amphithéâtres et aux salles de spectacles qui les
présentent. Ça permettrait de générer de nouvelles
activités. Mais si on ne fait rien sur le plan de la taxation, les 15 %
de perte d'assistance que nous avons connus cette année vont continuer,
l'hémorragie va se continuer. Je ne sais pas jusqu'où nous irons,
mais moi, qui suis un vieux de la vieille dans ce domaine-là et qui
assistais encore à un concert de l'Orchestre symphonique de
Montréal avant-hier soir, où jamais je n'ai vu à
l'Orchestre symphonique de Montréal des sections complètes vides,
bien, j'ai vu ça mardi soir. Et ça, c'est un signe des temps. Il
va falloir réagir, et rapidement, parce que la facture va augmenter et
je ne sais pas qui va payer la facture.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Morin. Quelques mots de
remerciement, si vous le désirez, M. le député.
M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, Mme Touchette, M. Morin. Je
retiens que vous êtes d'accord pour une politique de la culture, mais
qu'il y a des actions ponctuelles à être mises sur place
immédiatement, sinon nous courons à certains désastres
dans certains secteurs. Je vous remercie de votre présence et bonne
continuité. J'espère que M. Morin restera directeur
général, mais qu'il ne renoncera pas à son ambition
d'être chef d'orchestre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: On vous le souhaite, M. Morin. Mme
Touchette-Robltallle, deux mots pour vous dire qu'il est inacceptable de taxer
la culture à 25 %. Nous y travaillons très fort
présentement avec le ministre des Affaires municipales et le ministre
des Finances. Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, de la part
des membres de la commission. Tout en vous permettant de vous retirer et en
vous remerciant en même temps, j'inviterais le groupe suivant, il s'agit
du Conseil de la peinture, à bien vouloir prendre place en avant,
à la table de nos invités.
Je vois que Mme Joubert et Mme Pelletier sont en avant. Elles sont ici
depuis un bon moment. Les règles sont connues. Pour ne pas perdre de
temps, je les invite à se présenter tout d'abord et, ensuite,
à faire soit la lecture ou le résumé de leur
mémoire! Donc, vous avez la parole.
Conseil de la peinture du Québec
Mme Joubert (Suzanne): Alors, j'ai à ma droite Mme
Hélène Pelletier, vice-présidente du conseil des peintres
du Québec, et je suis
Suzanne Joubert. Je ne fais pas partie de leur conseil d'administration,
mais on m'a demandé de m'occuper de ce mémoire.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Joubert: Nous ne doutons pas de la bonne foi des producteurs
du rapport Arpin, tout omme nous sommes convaincus de l'énergique
sincérité de Mme la ministre Frulla-Hébert. Nous saluons
de plus quelques points nouveaux et notoires dans le projet de politique
culturelle qui nous a été soumis, tels que la reconnaissance de
la primauté de la création, bien que sa rentabilité ne
soit pas toujours évidente à court terme, la volonté de
mettre la culture au rang des priorités de l'État, avec un budget
en conséquence, et la reconnaissance officielle des regroupements
professionnels d'artistes à titre de partenaires des services culturels
gouvernementaux, ce qui devrait normalement se concrétiser,
croyons-nous, par la présence de représentants directs des
artistes au sein des comités de ces services. Mais vous comprendrez que
nous ressentions en même temps un mélange d'exaspération et
de scepticisme devant notre énième mémoire,
rédigeant encore une fois notre réponse à des propositions
gouvernementales qui reprennent, nous sommes néanmoins heureux de le
constater, nombre des recommandations formulées par le Rassemblement des
artistes en arts visuels à la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec.
Le conseil des peintres du Québec fête cette année
son 25e anniversaire, c'est dire qu'il a presque le même âge que le
ministère des Affaires culturelles, et si nous ne nions pas qu'il y ait
eu progrès au long de ces 25 années, nous nous souvenons
amèrement aussi de tant de reculs qui suivirent de modestes
avancées, de tant de commissions, de rapports et de mémoires plus
ou moins sans lendemain: mémoire à la commission Rioux sur
l'enseignement des arts en 1967; mémoire au sujet des droits d'auteur en
1973; mémoire sur la politique culturelle de la ville de Montréal
en 1981; mémoire présenté à ta commission
parlementaire sur la culture en 1985 et, en 1991, mémoire conjoint des
différents conseils des artistes en arts visuels à la commission
Bélanger-Campeau. Et cela, sans parler des documents que nous avons
également dû préparer, à l'occasion, pour intervenir
au palier fédéral de gouvernement qui vous fait
compétition sur le plan culture, entre autres.
Que dire encore quand on a déjà tant dit? Faut-il rappeler
de nouveau que les artistes en arts visuels, et les peintres en particulier,
pratiquent un métier solitaire, parmi les moins
rémunérateurs qui soient, et qu'ils doivent
généralement, comme le reconnaît le rapport Arpin,
pratiquer, au moins à temps partiel, un second métier pour
arriver à survivre. Michel Ragon, le grand critique d'art
français des
années cinquante, soixante, devenu romancier depuis, a
écrit, et je cite: "Aucun autre milieu ne peut aligner autant
d'Individus qui se privent de tout pour réaliser leur idéal".
À partir de là, quelle disponibilité nous
reste-t-il, je vous le demande, pour rédiger bénévolement
des mémoires incessants à chaque changement de gouvernement, de
ministre ou de conjoncture politique? En 1985, nous étions ici,
j'étais ici moi-même d'ailleurs, devant ce même
gouvernement, à présenter un mémoire parmi tant d'autres,
dont les résultats collectifs n'ont pas dû être bien
considérables puisque les budgets consacrés à l'aide
à la création ont plutôt diminué qu'augmenté
depuis, que les associations d'artistes sont toujours aussi
financièrement vulnérables, que nous n'avons toujours ni
sécurité au travail, ni pension de retraite, ni statut fiscal
approprié, tant et si bien que nous songeons à boycotter
bruyamment le prochain rapport du genre et sa commission parlementaire si le
gouvernement ne donne pas suite à celui-ci, car, pour l'instant et
depuis longtemps, ce sont tes artistes qui subventionnent la culture de leurs
propres petits deniers et de leur vie toute entière pour le plus grand
prestige des gouvernements et le bonheur du public.
Notre légitime colère épanchée, nous avons
choisi de relever brièvement trois points en particulier de votre
rapport, tout en les appuyant de solutions pratiques qui restent à
être développées avec notre collaboration puisque nous
serons désormais des partenaires.
Au chapitré 1, "Développer le domaine des arts et de la
culture",, beaucoup d'insistance est mise sur le droit d'auteur, à
distinguer, dans notre cas, du droit moral ou des cachets d'exposition. Ce
droit d'auteur, nous en reconnaissons certes l'Importance, mais II ne
représente pas, il s'en faut de beaucoup, le premier mode de financement
des artistes en arts visuels. Il ne nous rapporte pour l'instant que des
broutilles, d'autant que, dans la conjoncture actuelle, il semble même
que son application ait des effets négatifs sur la représentation
par des revues, aux budgets toujours de plus en plus limités, des
oeuvres protégées par les sociétés de perception.
S'avéreraient plus immédiatement efficaces l'assouplissement du
régime fiscal qui nous a retiré récemment le droit
d'étaler sur plusieurs années le revenu d'une année
exceptionnelle subséquente, la plupart du temps, à un projet
public, une année exceptionnelle souvent encadrée d'une
série d'années de vaches maigres; la reconnaissance d'un statut
fiscal particulier aux artistes qui ne peuvent se comporter comme des PME et
mettent le plus souvent de très longues années à
enregistrer quelques profits et, surtout, l'exemption de taxes sur la
première vente d'une oeuvre d'un artiste québécois vivant;
enfin, tel que vous le recommandez vous-mêmes, l'application de mesures
fiscales d'exemption aux particuliers pour l'achat d'oeuvres d'artistes
québécois vivants.
Il ne faut pas oublier non plus que les artistes en arts visuels sont
toujours complètement démunis d'un régime de
sécurité au travail et de rentes ou pension, que les associations
professionnelles devraient pouvoir administrer si leur revenu et leur
stabilité leur permettaient d'embaucher le personnel nécessaire.
Ces deux points-là - c'est juste une petite parenthèse -
l'application de mesures fiscales d'exemption aux particuliers et la question
des régimes de sécurité et rentes, il en était
déjà question en 1985, dans cette salle. (11 h 45)
Alors, pour revenir à la question des taxes, il faut bien voir
que la TPS et la TVQ exercent d'aussi effroyables ravages sur les ventes
d'oeuvres d'art contemporaines québécoises que sur les ventes de
livres. C'est taxer la culture dans les deux cas et contribuer à
détruire d'une main ce que l'on prétend soutenir de l'autre.
L'hécatombe a été telle parmi les galeries d'art, dans le
cours de 1990-1991, qu'il est devenu difficile pour celles qui survivent de
risquer une exposition solo, même pour un artiste réputé,
et qu'il se trouve actuellement, à Montréal comme ailleurs, une
foule d'artistes qui ont perdu leur marchand et que les galeries subsistantes
ne peuvent absorber.
Au chapitre 2, "Favoriser l'accès à la vie culturelle",
nous constatons tous, n'est-ce pas, que le futur public éclairé
des artistes québécois devrait se former à l'école
puisqu'il est irréaliste d'attendre cela de toutes les familles. Or,
nous ne croyons pas un seul instant à ce qu'on appelle
l'intégration des arts dans les diverses autres matières du
programme, par des professeurs aussi pleins de bonne volonté que
dépourvus de connaissances ou d'aptitudes artistiques sérieuses.
Nous avons eu le temps d'en voir les résultats. Nous préconisons
à la place deux choses: l'affichage sur les murs des écoles de
reproductions modestes d'oeuvres d'art de tous les temps,
québécoises comprises évidemment, pour lesquelles il
pourrait exister une collection centrale et un système de
rotation...
Le Président (M. Gobé): Je vais vous demander de
conclure votre présentation, madame, parce que nous allons devoir
commencer les discussions.
Mme Joubert: J'achève. Je vais aller vite.
Deuxièmement, nous recommandons absolument, à défaut de
professeurs et de cours spécialisés, le contact entre les
élèves et les professionnels du monde des arts. Comme les budgets
sont serrés et les horaires aussi, nous pensons qu'on pourrait
s'inspirer du système d'artistes en résidence, pratiqué
avec succès dans un certain nombre d'écoles de l'Ontario, et du
programme dit "Des artistes créateurs dans les écoles", de la
même province. Nous nous tenons prêts à vous renseigner avec
précision sur ce sujet.
Hors des écoles devrait s'ajouter, pour l'information du public
en général, la multiplication dans les lieux publics de vitrines
ou autres facilités d'exposition pour la présentation d'oeuvres
québécoises contemporaines. C'est du côté du Japon
qu'il faut regarder pour ça.
Et, finalement, au chapitre 3, "Accroître l'efficacité du
gouvernement et de ses partenaires". Eh bien, une longue expérience de
la compétition que se livrent les deux paliers de gouvernement,
provincial et fédéral, sur le plan culturel, compétition
dont nous sommes les otages, l'évidence de la disproportion des moyens
financiers actuels en présence, et la conviction que la culture
spécifique d'une société distincte ne peut être
comprise et défendue que par elle-même nous conduisent à
préconiser le rapatriement intégral et rapide, par le
gouvernement du Québec, de toutes les compétences en
matière de culture et de communications et, bien entendu, les sommes
d'argent qui vont avec.
Des médias québécois renforcés d'autant
pourraient ainsi devenir des partenaires extrêmement Importants pour la
promotion de notre culture. Sans cette mesure, nous croyons qu'il n'y aura
jamais d'efficacité réelle pour le Québec.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, madame.
Mm* Joubsrt: Et nous verrons se reproduire - j'espère que
vous me poserez la question - bien des hontes du genre de l'exposition "Songs
of Experience" qui avait un titre français, "Chants
d'expérience". Voilà, j'espère que vous lirez.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Cela met fin
à votre présentation. Je demanderais à Mme la ministre des
Affaires culturelles de bien vouloir maintenant prendre la parole...
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, mesdames...
Le Président (M. Gobé): ...pour un temps de 10
minutes, madame, s'il vous plaît.
Mme Frulla-Hébert: II faut tenir le temps. Bienvenue,
mesdames. Ça me fait plaisir de vous recevoir. J'étais un peu
surprise. On est quand même... Surtout provenant de l'entreprise
privée, quand on entend les gens dire: On présente, on
présente, on présente, et puis il n'y a rien qui aboutit. D'un
autre côté - c'est vrai que ça fait un an que je suis en
poste ici, aux Affaires culturelles - c'est un peu décourageant. Et fait
à noter... parce que, des fois, c'est difficile pour vous autres de voir
l'impact. On dit: On présente énormément de choses et on
dirait qu'il n'y a rien qui aboutit. Mais fait à noter, c'est
qu'après votre présentation au niveau de la commission -
c'était la commission parlementaire, à l'époque, sur le
statut de l'artiste - la ministre de l'époque, Mme Bacon, a
doublé immédiatement le budget de l'aide aux artistes, en plus
d'instaurer la fameuse compensation aux artistes qui exposent. Cette
année, on a augmenté le budget de 300 000 $ exactement parce que,
oui, il y a une sensibilité à la condition de l'artiste. On sait
que ce n'est pas facile. Mais il y a eu des choses immédiates qui ont
été faites. Peut-être pas à la mesure de nos
ambitions, j'en suis, mais il y a des choses immédiates. Tout simplement
pour vous dire que, non, vous n'êtes pas ici pour rien; non, vous ne vous
présentez pas pour rien et, oui, c'est important d'avoir un dialogue, et
un dialogue constant. Parce que, veux veux pas, on est pris, nous, avec toute
l'infrastructure gouvernementale qui fait en sorte que, oui, c'est un carcan
difficile, quels que soient les gouvernements. C'est bon aussi qu'on ait
officiellement - parce qu'on peut en avoir officieusement - aussi ces
rencontres avec la clientèle, de telle sorte que c'est noté aussi
officiellement.
Ceci dit, je voudrais revenir au niveau de la création et de la
notion de la création. Je le demande à toutes les organisations.
Dans le rapport Arpin, on parle de création et de la notion de
créateur. C'est Important, parce que c'est le principe même.
L'UNEQ, par exemple, l'Union des écrivains, a un petit peu réagi
à ça, en disant: Le créateur, c'est celui qui part de
rien. C'est lui, le créateur, celui qui part du néant, celui qui
part de rien. Les autres sont des interprètes, sans
dévaloriser la fonction. Mais est-ce que vous êtes d'accord
avec ta notion de création telle que définie dans le rapport
Arpin?
Mme Joubert: Je serais sans doute assez d'accord avec les
écrivains, avec peut-être un tout petit peu plus de modestie.
Parce que ce n'est pas vrai qu'on part de rien. On part toujours de toutes
sortes de choses qui nous ont entourés et précédés.
Je crois que le créateur, c'est celui qui finalise l'invention,
finalement, à partir, bien entendu, d'un support, d'un support qui vient
de partout. Ce n'est pas vrai qu'on travaille à partir de rien. Je ne
sais pas si ma réponse vous satisfera.
Mme Frulla-Hébert: C'était juste, finalement, la
différence entre le créateur et celui qui interprète.
Mme Joubert: Voyez-vous, dans notre milieu des artistes en arts
visuels, les interprètes sont rares.
Mme Frulla-Hébert: Oui, d'accord. La notion
elle-même, elle est pour nous quand même Importante.
Mme Joubert: Mme Pelletier.
Mme Pelletier (Hélène): Je voudrais
spécifier
qu'on fait toujours l'erreur de considérer l'artiste en arts
visuels au même titre que tous les autres artistes. Alors que,
celui-là, ce qui le différencie, c'est qu'il est un chercheur, il
doit investir dans sa propre entreprise. Il est chercheur et il est un
travailleur autonome. Alors, il n'a pas qu'un papier et un crayon à
s'acheter pour travailler. En plus de son génie, il doit acheter des
équipements. C'est souvent un gagne-petit. Ça, on en parle
rarement. C'est un travail autonome qui doit fournir de lui-même parce
qu'il n'y a personne qui veut investir dans une aussi petite entreprise. C'est
à ce moment-là que l'artiste s'inquiète avec le rapport
Arpin. On parle de l'investissement au niveau du chercheur, c'est-à-dire
de tout ce que le gouvernement donne comme subsides à l'aide à la
création. Mais, compte tenu des demandes et du peu d'élus qui
passent par des jurys ou des concours, 11 y a peu de gens qui reçoivent
des sous finalement, qui reçoivent des aides. Parce qu'il y a beaucoup
de demandes et qu'il y a peu d'élus au niveau de la recherche, parce que
l'artiste est vraiment un chercheur.
Mme Frulla-Hébert: On revient beaucoup à la
recherche et développement. On en a beaucoup parlé. Chaque jour,
ça revient, un fonds de recherche et développement. La plupart
des disciplines, à date, semblent le demander. Comment voyez-vous
ça, la création, dans votre discipline à vous, d'un fonds
de recherche et développement? Parce que, effectivement, vous soulevez
un bon point. Les budgets ont doublé et maintenant triplé depuis,
excepté que... C'est vrai que vous achetez des matériaux. Alors,
l'impact est peut-être moins tangible. Mais si on parle d'un fonds de
recherche' et développement, comment le verriez-vous, ce
fonds-là?
Mme Joubert: Comment le financerions-nous? Surtout, à
partir de quoi? Nous n'avons pas le genre de gains de la Place des Arts. Dans
la majorité des cas - je suis sûre que vous connaissez les
chiffres, Mme la ministre - les frais de production des artistes sont souvent
tellement proches et même parfois dépassent leurs rentrées.
Où va-t-on le prendre, ce fonds de production? D'une certaine
manière...
Mme Frulla-Hébert: Non, provenant de nous là.
Excusez-moi, je vais m'expliquer. Si, nous, on décidait finalement
d'investir dans un fonds de recherche et de développement, est-ce que
vous l'appliqueriez aux nouvelles méthodes, aux nouvelles...
Mme Joubert: Je pense que l'aide à la création,
c'est un fonds. Le programme d'aide à la création, c'est,
à toutes fins pratiques, un fonds de recherche et de
développement avec un système de jury par les pairs. Bref,
peut-être encore là, jamais rien n'est parfait, mais c'est
peut-être encore la meilleure manière de distribuer
équitablement et démocratiquement les fonds. Tant qu'un artiste
n'a pas eu une bourse pour un projet et tant qu'il n'a pas
réalisé un projet, vous savez, c'est un peu comme Gaétan
Boucher, cette fameuse caricature - je ne me rappelle plus, au moment où
il avait gagné - qui nous le montrait disant: Dire que, la semaine
dernière, on ne m'aurait pas donné un billet de métro pour
me rendre à l'entraînement. Et c'est vrai. Il faut d'abord que
l'artiste fasse ses preuves pour qu'on veuille Investir. C'est les 20
premières années qui sont les plus dures dans la carrière
d'un artiste. D'où l'importance, en attendant, des subventions que je
qualifierais d'indirectes, celles qui peuvent venir par le biais d'exemptions
fiscales aux particuliers. C'est tellement important, ça. Ça fait
longtemps qu'on en parle. Ça serait bien si vous réussissiez
ça. Ça n'a pas été réussi encore.
Mme Frulla-Hébert: Pour vous, ça serait le plus
important, dans le fond...
Mme Joubert: Ça serait considérable.
Mme Frulla-Hébert: Parce que le ministre des Finances,
oui, ce n'est pas...
Mme Joubert: Mais évidemment, là, il est important
de dire: II faut que ce soient des artistes québécois, oui, mais
vivants. On ne parle pas de Krieghoff. Bon. Première chose. Et le statut
fiscal approprié qui aiderait aussi, c'est des subventions indirectes
qui aideraient un artiste... Par exemple, la question de l'étalement du
revenu, ça, c'est un drame pour nous autres. Moi, j'ai même... Je
connais des exemples que je pourrais vous donner. Un artiste fait, une certaine
année - des fois, la seule dans sa carrière - 40 000 $ parce
qu'il a eu un gros contrat public. C'est la seule fois de sa vie qu'il a vu 40
000 $ parce que, le reste du temps, son revenu se tient entre 7000 $ et 18 000
$. Là, il fait 40 000 $. Tout de suite, impôt. On ne peut pas
étaler le revenu en question. Mais, l'année d'avant, il a fait
7000 $ et, l'année d'après, il en a fait 8000 $. Et 40 000 $, on
lui coupe la tête tout de suite. Ça, c'est assez dramatique.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez
terminé? Très bien. Je vais maintenant passer la parole à
M. le porte-parole de l'Opposition officielle et député de
Sainte-Marli-Saint-Jacques. Vous avez la parole.
M. Boulerice: Heureux de saluer votre présidence, M. le
député de LaFontaine. Nous passons de l'autocratie à la
république. Ce n'est pas mauvais pour les travaux de cette commission.
Mme Joubert, Mme Pelletier, Vous êtes du Conseil de la peinture. Vous
venez d'un milieu pour lequel j'ai un faible. Le directeur de ma
banque dit plutôt que j'ai des faiblesses, mais tant qu'il me
conserve ma marge de crédit, j'oublie ce qu'il me dit. Vous avez
touché des choses extrêmement vraies et que je peux mesurer. Bon.
Ça agace, mais, que voulez-vous, c'est comme ça. Ce n'est quand
même pas de ma faute si Graff est dans ma circonscription. Ce n'est quand
même pas de ma faute si Michel Tétreault est dans ma
circonscription. Ce n'est quand même pas de ma faute si je suis ami avec
Lorraine Palardy, si... 3 Points avec Eric Devlin, c'est un endroit que je
fréquente. Et ça, vous avez raison, nous sommes en train de
mettre en péril les galeries d'art, comme tantôt vos
collègues libraires disaient qu'on est en train de mettre en
péril les librairies et les éditeurs. (12 heures)
Vous l'avez dit, il y a les effets néfastes de la TPS et de la
TVQ, ce qui est extrêmement dramatique. Vous avez parlé de
l'artiste qui crée son oeuvre. Il paie 17 % de taxes sur l'achat de son
matériel, donc il doit la vendre plus cher. La vendant plus cher,
l'Imposition est plus forte. C'est vicieux comme cercle.
Mme Joubert: II ne peut pas vendre plus cher.
M. Boulerlce: II essaie quand même, pour essayer d'amortir,
mais je suis d'accord avec vous, Mme Joubert, il préfère, dans le
contexte actuel, réduire sa marge de profit qui est déjà
presque Insignifiante, en se disant: Bien, au moins, je vais vendre. Au moins,
Je vais vendre. Je pense que c'est un peu beaucoup demander.
Une question que j'aimerais vous poser: D'après vous, est-ce
qu'il faut attendre l'établissement d'une politique culturelle au
Québec pour avoir des mesures plus efficaces que le droit d'auteur pour
les artistes en arts visuels?
Mme Joubert: Vous me posez une question à laquelle je
peux... Vous savez, pour nous, hier aurait été
préférable à demain. Mais comment puis-je répondre
à votre question? Parce que j'avoue ne pas connaître les
méandres des gouvernements. Je sais seulement que j'étais Ici en
1985 et que nous avions parlé des mêmes choses avec Mme Bacon, qui
m'a écoutée avec beaucoup de sympathie et de gentillesse, mais
que je suis encore là, six ans plus tard, à parler des
mêmes choses.
M. Boulerice: II n'y avait pas de politique culturelle au
Québec, lorsque vous êtes venue pour le statut de l'artiste.
L'Assemblée nationale a voté deux lois. Est-ce que vous croyez
qu'il nous faut absolument une politique culturelle avant d'établir une
loi d'assouplissement du régime fiscal et la reconnaissance d'un statut
fiscal particulier pour l'artiste?
Mme Joubert: Vous me posez une question qui n'est pas de mon
ressort. Moi, je voudrais que ça existe et que ça ait
existé hier. Mais je ne connais pas les méandres gouvernementaux
pour s'y rendre. Est-ce que vous avez une meilleure réponse, Mme
Pelletier?
Mme Pelletier: Oui. Une politique culturelle, on aimerait bien!
On aurait bien aimé aussi, II y a 10 ou 20 ans. Mais, vous savez, quand
on en est à des problèmes de nécessité, on ne pense
pas à une infrastructure ou à dès choses aussi
sophistiquées qu'une politique à venir. L'artiste maintenant, qui
est un simple chercheur, a des difficultés à diffuser.
Tantôt, vous me pariiez de l'artiste qui peut reprendre ses frais en
vendant plus cher, mais on ne peut même pas vendre nos oeuvres maintenant
puisque, au niveau de la diffusion, il y a un énorme problème. Je
ne sais pas si les gens des galeries ou des musées sont venus, mais
c'est très difficile pour les artistes de produire, de diffuser leur
oeuvre; maintenant, c'est presque impossible. Plusieurs ont été
pris le doigt dans la porte avec des faillites. Les artistes ont perdu des
tableaux, et je vous en passe. Mais on est un peu blasé de toutes ces
consultations. Nous, les artistes, on voudrait bien qu'il y en ait une
politique, mais on vient juste faire un cri d'alarme un peu, parce que c'est
pénible.
M. Boulerice: Mme Joubert, Mme Pelletier, au risque de vous
agacer un peu, est-ce que vous croyez qu'il nous faille absolument adopter une
politique culturelle pour le Québec avant d'abolir la taxe de vente sur
les oeuvres?
Mme Joubert: Moi, je vais vous répondre dans la pratique.
SI ça prend beaucoup de temps à mettre sur pied une politique
culturelle et que les mesures que nous avons demandées, un statut fiscal
particulier, qu'il y ait un statut fiscal qui prenne en considération
nos circonstances, les exemptions d'impôt aux particuliers pour l'achat
d'oeuvres québécoises... Personne n'a eu l'air de remarquer que
nous avons demandé l'exemption totale de toute forme de taxe pour la
première vente d'une oeuvre qu'un artiste québécois vend.
Si ça prend beaucoup de temps avant que ces mesures-là soient
appliquées, eh bien! vous allez vous retrouver avec un monde de la
culture, un monde des arts visuels - on est ici pour les peintres au niveau des
arts visuels - détruit ou dont il ne restera qu'une petite partie. On ne
peut pas attendre.
M. Boulerice: Mme Joubert, l'amateur et le modeste collectionneur
va vous dire qu'en tant que législateur, le mardi 16, le ministre des
Finances peut se lever en Chambre, faire une déclaration
ministérielle et annoncer qu'il n'y a pas de taxe de vente sur les
oeuvres.
Mme Joubert: Ce serait superbe! Mardi,
dites-vous? Je vais être devant mon appareil. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Boulerice: II pourrait le faire. Il s'agirait que, mardi, la
ministre des Affaires culturelles dépose le projet de loi 001
annonçant qu'il y a un assouplissement du régime fiscal et la
reconnaissance du statut fiscal particulier.
Mme Joubert: Et ce serait superbe.
M. Boulerice: Alors, oui, je veux une politique culturelle, mais
ma crainte, Mme Joubert - et je ne sais pas si vous la partagez, et
vous-même, Mme Pelletier - est que, oui, on va finir par en faire une...
à moins qu'on ne soit tous idiots dans ce pays, et j'en doute. Je ne nie
pas les efforts que la ministre fait. Elle n'a peut-être pas toute l'aide
nécessaire au niveau de son gouvernement, mais, moi, j'essaie de lui
apporter la mienne en tout cas; ç'a réussi quelques fois. On a eu
une belle complicité dans le livre, et je ne suis pas gêné
de le dire. Mais, moi, j'ai peur que l'on oublie des mesures concrètes
qui influencent le quotidien, le vécu de l'artiste, du créateur,
alors qu'on peut le faire rapidement. On ne va pas me faire croire que, dans ce
ministère sur Grande-Allée, il n'y a pas, quelque part, 58
rapports qui nous permettraient d'établir une politique
d'étalement fiscal. Je serais curieux d'aller fouiller là-dedans.
J'aurai peut-être une chance un jour, mais... en tout cas. Mais
j'espérais que la loi vienne avant.
Mme Joubert: II y aurait une chose bien intéressante
là. Ce serait donc merveilleux, mardi. Si ça arrivait, il y
aurait peut-être un effet... Peut-être, je ne dis pas... Il y
aurait soit un effet d'entraînement, soit un effet de honte. Parce que
n'oubliez pas qu'en tant qu'artiste on n'est pas soumis seulement au
système fiscal du Québec. On est également soumis au
système fiscal fédéral, qui n'est pas une graine plus
généreux. Dans le cas de la TVQ, par exemple, sur les livres, si
le livre est exempté de la TVQ ou, enfin, de la taxe
québécoise, c'est déjà beaucoup et, à ce
moment-là, le gouvernement fédéral suit ou ne suit pas; de
toute façon, s'il ne suit pas, c'est un peu honteux et, s'il suit, tant
mieux pour les libraires. Et la même chose se passerait peut-être
parce que n'oubliez pas que c'est toujours sur deux fronts que ça se
joue, cette affaire-là. Je dois dire que, pour l'instant, le
Québec n'est pas en avance; il n'est pas en avant. Ce serait bien s'il
l'était, Mme Hébert, ça vous ferait une belle plume
à votre chapeau, mais il y aurait un exemple à donner du point de
vue québécois.
M. Boulerice: Mme Joubert, Mme Pelletier, pour conclure, parce
que le temps est limité, qu'est-ce que vous penseriez d'un REART, d'un
régime d'épargne-art où on jouerait le jeu de la
fiscalité? On le fait pour de grandes entreprises, mais on pourrait
peut-être inciter - je vais employer l'expression habituelle - le
Québécois moyen, le jeune qui n'a peut-être pas toutes les
ressources financières, en lui disant: À l'achat d'une oeuvre, il
y a une déduction fiscale possible. Croyez-vous que ça
permettrait d'augmenter... On peut pirater l'idée si on veut, et j'en
serais très content. Ça permettrait, d'une part, d'augmenter le
nombre de ventes, et c'est normal qu'un artiste vende; ce n'est pas
péché. Il ne faut pas dire: L'argent, c'est mauvais. Il faut
qu'il vive.
Une voix:...
M. Boulerice: Ça permettrait également d'initier
à la peinture des gens qui nécessairement n'ont peut-être
pas les moyens d'investir 700 $ ou 800 $, parce que c'est à peu
près le prix moyen des oeuvres actuellement. Et ça nous
permettrait éventuellement d'en arriver à l'établissement
d'une espèce de commission des valeurs mobilières, mais pour
l'art. On pourrait même pousser ça plus loin. Je pense qu'on
pourrait même en arriver à créer au Québec - et,
là, on serait en avance sur tout le monde, on serait le seul pays au
monde à avoir ça - une bourse des arts, mais bourse des arts dans
son sens anglophone de "stock exchange for the arts". Qu'est-ce que vous
penseriez d'une idée comme celle-là? On n'a pas besoin d'une
politique. On pourrait voter ça rapidement.
Mme Joubert: C'est peut-être applicable, mais, moi,
j'aimerais beaucoup... Il y a un projet auquel je tiens
énormément, et j'aurais bien aimé que vous me posiez la
question, au sujet de la sécurité au travail et...
M. Boulerice: Je viens de vous la poser, madame.
Mme Joubert: Vous me la posez. Alors, vous me l'avez
posée. Je vous remercie. C'est un sujet qui nous tient
énormément à coeur. Le monde du spectacle est un peu mieux
organisé sur ce plan-là. Imaginez-vous donc qu'à Toronto -
alors il faut se dépêcher si on veut être en avant - il est
question d'ouvrir une maison pour les artistes en arts visuels
âgés; alors une maison de retraite avec des ateliers, etc. Mais,
n'oubliez pas, il n'y a pas de sécurité au travail. Si un artiste
en arts visuels a un handicap subit et permanent, s'il ne s'est pas muni
lui-même d'une assurance, il n'a rien; ça n'existe pas
l'assurance-chômage pour les artistes. La plupart d'entre nous ont des
emplois à temps partiel parce qu'on veut produire. Bon. On ne peut pas
avoir trois emplois, ce n'est pas possible. Et un emploi à temps
partiel, bien, ça n'apporte pas ou à peu près pas ou,
enfin, seulement des broutilles du côté de
l'assurance-chômage, à peu près rien
côté pension de retraite. On aura 80 $ par mois quand on sera
vieux, comme pension de retraite. Je ne sais pas ce qu'on va faire avec
ça. Et ça, c'est quelque chose pour lequel il faut vraiment
s'asseoir pour en discuter avec des avocats, comment on fait. Il ne faut pas
qu'il y ait de passe-droits sociaux. Il faut que les artistes cotisent comme
tout le monde, mais cotisent à leur échelle. Il faudrait qu'il y
ait... Il n'y a pas d'employeur là. Est-ce que le gouvernement
accepterait d'intervenir dans ce domaine-là, de jouer le rôle de
l'employeur du point de vue des cotisations? Ça, ça fait
déjà... La dernière fois, c'est il y a six ans qu'on a
parlé de ça ici et, croyez-le ou non, ça avait fait
beaucoup de bruit. On en avait parlé jusque sur le réseau
national de télévision, enfin canadien de
télévision. Ça n'a pas donné grand-chose.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Jou-bert. Si vous le
désirez, M. le député, quelques mots...
M. Boulerice: Très brièvement, M. le
Président. Mme Joubert, Mme Pelletier, j'ai presque le goût de
vous dire que je souhaite que ce soit la dernière fois qu'on se
rencontre dans le contexte d'une commission parlementaire où on demande,
mais j'aimerais bien vous revoir dans le cadre d'une commission parlementaire
où on vous offrira un REART, où on vous offrira un statut fiscal
particulier, un assouplissement du régime fiscal. On m'a dit
tantôt que j'étais comédien, donc je partage cette vie
d'artiste. Ce sera toujours un perpétuel combat, mais je vois qu'il y a
deux femmes d'énergie qui étaient devant nous aujourd'hui.
J'étais heureux de vous entendre. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Encore une fois, je vous
remercie aussi, comme vous le dites si bien, de cette patience, malgré
le fait que ça rapporte aussi des résultats. Je voudrais vous
faire remarquer... On a parlé beaucoup de fiscalité. On va la
regarder de près parce qu'on sait qu'il y a là un filon,
excepté qu'effectivement ça relève du ministère des
Finances. Donc, il y a, de notre part à nous aussi, preuve qu'on peut le
faire avec une équité parce qu'il y a d'autres groupes aussi
d'ailleurs qui peuvent revendiquer la même chose. Alors, c'est
l'éternel problème du ministre des Finances qui, d'ailleurs,
existait à l'époque de l'autre gouvernement. À ce que je
sache, ils n'ont pas enlevé la taxe de vente sur les arts non plus.
Alors, on va essayer de le regarder de très, très près.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Joubert: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Joubert. Merci
beaucoup, Mme Pelletier.
Mme Joubert: M. le Président... Le Président (M.
Doyon): Oui
Mme Joubert: ...à vous, cette fois. Deux artistes en arts
visuels sont ici et regardent les deux bouquets de fleurs artificielles
fanées que vous avez dans votre dos, et on n'en revient pas. (12 h
15)
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Joubert: On se dit: Avec tous les artistes qu'il y a au
Québec, vous pourriez certainement faire mieux que ça.
Le Président (M. Doyon): C'est pour permettre aux
députés de continuer de ressortir dans le décor,
madame.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Le message, bien
entendu, on le transmettra au président de l'Assemblée nationale.
Vous avez parfaitement raison. Maintenant, c'est au tour du Mouvement
international pour une nouvelle muséologie de bien vouloir s'avancer
pour nous faire leur présentation.
J'invite donc M. Rivard et Mme Céré à bien vouloir
prendre place, ce qu'ils font. Je ne perdrai pas de temps à leur
indiquer comment on procède, de façon à ce que nous
puissions les écouter dès maintenant. Je leur donne donc la
parole dès ce moment, leur indiquant que les règles ordinaires
vont s'appliquer dans le cadre que j'ai indiqué tout à l'heure.
Alors, M. Rivard ou Mme Céré, vous avez la parole.
Mouvement international pour une nouvelle
muséologie
M. Rivard (René): Bonjour, Mme la ministre, que je ne vois
plus...
Le Président (M. Doyon): Elle est juste là.
M. Rivard (René): ...M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Elle a lu votre mémoire,
monsieur.
M. Rivard (René): Bon. Les membres québécois
du Mouvement international pour une nouvelle muséologie ont
décidé de présenter un rapport pour faire,
peut-être, contrepoids ou, en tout cas, pour faire
réfléchir sur une dimension qui nous semble un peu absente de la
politique, c'est-à-dire du rapport de M. Arpin. Le MINOM,
pour ceux qui aimeraient le savoir, est un mouvement, donc n'est pas une
institution. Nous sommes membres et nous parlons ici à titre de membres.
Il n'y a pas de président, nous n'avons pas de structure
organisationnelle de ce genre. Le Mouvement a été
créé au Québec en 1984 et il préconise que les
populations prennent part activement au développement culturel.
Premièrement, à notre avis, la véritable politique
de la culture et des arts doit s'inscrire dans un projet de
société et refléter tous les aspects culturels de la
population québécoise. Notre premier point, c'est que, dans le
document "Une politique de la culture et des arts", une grande partie de la
population du Québec est oubliée ou, à tout le moins,
n'est ' pas mentionnée. Je parle ici de tous les groupes de
néo-Québécois qui enrichissent notre
société. Je parle aussi des groupes autochtones que nous
côtoyons depuis près de 500 ans sans oser véritablement les
connaître. Donc, la proposition de politique fait abstraction des
communautés ethniques, des premières nations et d'une strate
très nombreuse et importante de notre société, une strate
qui n'est pas organisée, qui est fluide d'une certaine façon,
qui, au plan culturel, n'a pas de porte-parole puissant et n'a pas de place non
plus dans les médias. Donc, nous aimerions que la future politique de la
culture tienne compte de ces groupes populaires, de ces groupes de
néo-Québécois et de ces groupes autochtones.
Deuxièmement, nous croyons que la proposition de politique est
énoncée comme s'il n'y avait au Québec qu'une seule
culture, c'est-à-dire la culture savante et la culture élitaire -
je n'ai pas mentionné élitiste - et une culture de nivellement
qui se concocte et se fabrique, un peu comme s'est fabriquée aussi cette
proposition de politique, par les grandes institutions artistiques et
éducatives. Pourtant, les fondements mêmes de notre culture n'en
sont pas issus. Notre culture populaire, cette culture du quotidien ou ce que
d'autres appellent la culture des autres, constitue notre véritable
incubateur culturel, c'est-à-dire un lieu constamment en mouvement et en
évolution, un lieu d'où sont sortis nos grands artistes, nos
penseurs, nos hommes d'affaires, nos politiciens. C'est un peu à la
défense de cette culture du quotidien que le Mouvement international
pour une nouvelle muséologie présente ce rapport. Autrement dit,
il dit qu'il n'y a pas seulement la culture dominante, celle des riches et des
instruits, qui doit être présentée dans cette politique. Il
dit aussi que, tout comme le rapport dit: "Une politique de la culture et des
arts", mais que, dans toutes les têtes de chapitre qui suivent, on dit
qu'il faut maintenir les arts et la culture, à notre avis, ce document
est une politique des arts plus spécifiquement et non pas une politique
culturelle.
Si on regarde, par exemple, dans d'autres domaines les politiques
culturelles qui ont été élaborées, par exemple par
la Suède, la politique culturelle de la Suède tient sur un
côté de cette page. Elle est en neuf points. Je pense qu'elle
offre là toutes sortes de mécanismes et de possibilités
pour différents groupes populaires de se prendre en main et de se
développer culturel-lement. Nous croyons, de plus, que les solutions
économiques sont souvent et la plupart du temps trouvées dans les
solutions qui sont intégrées à la culture même des
populations. C'est pour ça que nous croyons que la politique culturelle
devrait reconnaître la culture du quotidien, la culture du Québec
et favoriser les possibilités, ou les organismes, ou les gens qui
travaillent à ce niveau par une action culturelle concertée au
niveau des localités, au niveau des régions et au niveau
même des quartiers urbains, avec les groupes et uniques et avec les
populations autochtones, etc.
Donc, la politique culturelle ne doit pas uniquement se concentrer sur
le développement des arts, mais aussi sur la culture tout court et son
développement, en se rappelant évidemment que, peut-être
là, on trouvera des solutions à notre développement
global. Je vais passer la parole à Mme Céré pour continuer
la lecture de notre mémoire.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Céré.
Mme Céré (Maude): Avant de continuer la lecture,
j'aimerais peut-être me présenter, parce que vous allez
probablement me revoir bientôt avec un autre chapeau.
Le Président (M. Doyon): Ça nous fera plaisir.
Mme Céré: Je suis directrice du Conseil culturel de
la Montérégie, mais ce n'est pas à ce titre aujourd'hui
que je présente une partie du mémoire. J'ai oeuvré pendant
six ans à la création, en tant qu'animatrice et directrice de
l'Écomusée de la Haute-Beauce. J'ai aussi travaillé
pendant un an à l'Écomusée de Saint-Constant, avant
d'être directrice générale. Je continue à oeuvrer
à titre de conférencière, conseillère et même
bénévole auprès de plusieurs organismes au Québec
et un petit peu à l'étranger aussi. Notamment, je suis
conseillère de l'écomusée de Acadia, à
l'île-du-Prince-Édouard aussi. Alors, c'est davantage à ce
titre-là.
Comme le disait M. Rivard tantôt, nous représentons un
mouvement. Ce n'est pas un organisme. Alors, nous sommes plusieurs au
Québec à défendre ce type de position là.
J'aimerais souligner que, dans la salle, il y a également M. Pierre
Myrand, qui est président du Mouvement international pour une nouvelle
muséologie, dont le siège social est à Montréal, et
qui a été créé au Québec en i984. Depuis,
chaque année, il y a des ateliers internationaux qui se tiennent un peu
partout dans le monde. Il y a également M. Cyril Simard qui est
président
de la Commission des biens culturels, mais qui aussi est
président de l'Économusée de la papeterie Saint-Gilles,
qui est un autre organisme qui découle de cette philosophie de la
nouvelle muséologie.
J'entre maintenant dans la poursuite de notre mémoire. Alors, la
proposition de la politique de juin 1991 semble s'articuler autour d'une
dialectique unique, celle de la création et de la diffusion. Ça
me rappelle que ce rapport Arpin fait suite aussi au rapport Coupet sur le
financement des arts qui, lui, parlait de la dialectique offre et demande.
Alors, on tourne toujours... C'est finalement à peu près
synonyme. Les artistes sont seuls, semble-t-il, mandatés pour
créer. On leur en donne les moyens, mais peut-être pas - je veux
dire, à la lumière de ce que madame vient de nous dire
tantôt - autant qu'on croit. La population ne fait que consommer cette
culture ainsi créée et diffusée. Tout le domaine de
l'action culturelle semble avoir été
délibérément écarté de cette
proposition-là.
Il y a énormément de gens qui, chaque année,
sortent de nos universités et font de l'action culturelle. Que l'on
pense à des historiens de l'art, enfin à des gens qui sont en
animation culturelle, en développement, en géographie, en
anthropologie, en ethnologie. Enfin, il y a toute une multitude de disciplines,
de gens qui oeuvrent au développement culturel à travers le
Québec. Mais ces professionnels et ces consultants-là ne semblent
pas être intégrés à la politique, à la
proposition de politique de M. Arpin.
Tout le domaine du développement culturel, à l'exception
des arts savants, semble aussi avoir été mis sous le boisseau.
Alors, du développement culturel, il s'en fait un peu partout.
Évidemment, nous, on parle de nouvelle muséologie, mais on sait
qu'il y en a aussi dans toutes sortes d'autres disciplines. Récemment,
un diffuseur de spectacles dans une région me disait que, lui, son
action culturelle fait que, son public, il le travaille. Quand il reçoit
une pièce compliquée, difficile d'accès, qui vient de
Montréal, il reçoit en proportion trois fois plus de public que
pour cette même pièce jouée à Montréal.
Alors, il y a toute une opération, une action culturelle en profondeur
qui se fait notamment dans les régions, même dans les
régions de Montréal, parce qu'à travers les quartiers on
sait qu'il y a aussi ce type d'action culturelle qui est mené.
Nous, du MINOM, sommes d'avis qu'une réelle politique de la
culture, en plus d'encourager la recherche et la création artistique -
évidemment qu'on n'est pas contre, et c'est tout à fait normal -
doit aussi se préoccuper du développement culturel complet de
l'ensemble de la population. Récemment, lors d'un congrès de
l'Union des producteurs agricoles, M. Fernand Dumont nous rappelait que le
développement des régions rurales du Québec et le
développement du
Québec profond, des 60 % de la population qui ne consomme pas le
produit culturel qu'on leur offre, donc ce développement-là doit
passer par la culture. Alors, ce n'est pas uniquement une culture savante, mais
c'est une culture en profondeur qu'il faut travailler et permettre de se
développer.
Souvent aussi, il y a la notion d'association de ce développement
- et, de plus en plus, c'est fréquent - dans le concept de
développement durable. Je pense que M. Rivard va vous en parler un peu
tantôt, mais toutes les régions, lors de la commission
Bélanger-Campeau, en ont parlé, les actes du colloque en
Abitibi-Témis-camingue sur le développement en région. On
sait que le développement économique ne passe pas uniquement par
des notions environnementales, sociales, mais aussi culturelles. Et ça
doit se faire en parallèle. Et ça, on rejoint le rapport Arpin
qui dit que, normalement, la culture doit être aussi importante que le
social et l'économie.
Nous croyons que plusieurs groupes peuvent se prendre en main et
atteindre de hauts niveaux de culture, que ce soit chez les peuples
autochtones, chez les groupes ethniques ou encore au sein des villages, de
petites villes ou de quartiers des grandes villes. D'ailleurs, plusieurs de ces
prises en ' charge sont maintenant reconnues comme des modèles au niveau
international. Encore là, le rapport Arpin, quand il parle de
l'internationalisme dans son rapport, c'est surtout pour aider les grands
organismes, les grandes vedettes, les grandes institutions. Mais il faut dire
que, depuis une dizaine d'années, au niveau de la nouvelle
muséologie, le Québec est un modèle dans le monde. Nous
sommes branchés avec plusieurs pays et continents. Je pense qu'il y a
juste l'Asie avec laquelle on n'a pas encore établi de contacts. Nous
travaillons étroitement avec les pays d'Afrique, d'Europe, il va sans
dire, mais aussi d'Amérique du Nord et un petit peu d'Amérique du
Sud. Récemment, nous avons fait des contacts avec l'Australie, aussi.
Alors, que l'on pense à la Maison du Fier-Monde à
Montréal, qui oeuvre depuis 1980, je crois, qui n'a toujours pas obtenu
sa reconnaissance, que l'on parle de l'Écomusée de la
Haute-Beauce et que l'on parle maintenant des maisons de la transmission, au
concept muséal qui a été développé chez les
Inuit à Nunavik.
J'aimerais peut-être vous donner quelques exemples de ce qui peut
se faire, justement, quand on parle de nouvelle muséologie. Je vais
parler peut-être de l'Écomusée de la Haute-Beauce, quoique
je crois que le groupe sera invité. Mais il reste que
l'Écomusée de la Haute-Beauce, quand on a commencé en
1979-1980, il n'y avait aucun organisme culturel... Le premier était
à Québec ou à Sherbrooke. Il y avait le musée
minéralogique à Thetford. Il n'y avait pas de
bibliothèque, absolument rien. Alors, quand on s'est implanté, en
travaillant étroitement avec la population, en concevant,
réalisant, animant et
finançant les expositions, on a parti... donc à
travailler, les professionnels, étroitement avec la population pour
faire des expositions qui sont reconnues, par les professionnels, de calibre
professionnel. D'autre part, récemment, on a mis en contact l'art actuel
avec les populations et 5000 visiteurs, en une fin de semaine, au Symposium
d'arts visuels à Saint-Honoré ont pu... Donc, les artistes de
facture traditionnelle, amateurs ont côtoyé des grands artistes
d'art actuel de la région et venus de l'étranger.
Il y a également toute la prise en charge au niveau de
l'écologie, de l'environnement et de l'économie. Actuellement on
fait face, dans cette région-là, à un problème
grave. La compagnie Domtar veut démolir un boisé qui est le coeur
de cette région-là et on sait maintenant qu'il y a 40 000
visiteurs qui parcourent les sept équipements permanents de
l'Écomusée de la Haute-Beauce, donc qui a été
créé avec l'impulsion et les sous de la région,
évidemment du ministère, mais beaucoup et grandement grâce
à l'opération des populations. Alors, les populations se sont
sensibilisées et c'est vraiment là que la nouvelle
muséologie entre en ligne de compte parce qu'on ne travaille pas
uniquement à la mise en valeur esthétique du patrimoine, mais
à la mise en valeur du patrimoine vivant, des paysages naturels, enfin,
et à la prise en charge... Et on sait que le développement social
et économique de la région en dépend. Alors, c'est toute
une action concertée qui se développe.
Ce travail de longue haleine, de pénétration en profondeur
des populations, nous apparaît extrêmement important. Il y a
plusieurs cas au Québec - on ne peut pas tous les citer - qui auraient
intérêt à être reconnus. Actuellement, il n'y a que
l'Écomusée de la Haute-Beauce qui est reconnu comme musée
accrédité. Les autres éco-musées ont maintenant un
épuisement et s'essouffle, depuis une dizaine d'années. Je pense
à l'Écomusée de la Vallée de la Rouge, à
l'Écomusée des Deux-Rives. On vient d'avoir - M. Khelfa de Sorel
va s'en rendre compte - de subir un échec assez dramatique dans la
région de Tracy au sujet du projet d'écomusée. Et on se
rend compte qu'il y a eu des blocages systématiques aussi de la part du
ministère pour ne plus développer ce type de muséologie
là. On a davantage inciter les gens à proposer des projets de
type interprétatif plutôt que vraiment l'implication des
populations dans un territoire éclaté. (12 h 30)
Donc, si on revient au texte, la politique culturelle doit faire
reconnaître par le ministère non seulement les créateurs et
diffuseurs de haute culture, mais également les professionnels oeuvrant
en action culturelle et en développement, notamment en région.
Elle doit aussi faire reconnaître tous les organismes populaires et,
encore là, notamment peut-être ceux qui oeuvrent au niveau du
patrimoine vivant, ce patrimoine qui est souvent laissé pour compte.
C'est d'autant plus facile de reconnaître le patrimoine bâti parce
que c'est visible, c'est visuel, mais tout le patrimoine de la transmission
orale, la mémoire collective, les savoirs: le savoir-faire, le
savoir-vivre des gens, ça aussi ça doit être mis en valeur
et protégé parce qu'on subit un envahissement culturel, comme
vous le savez, et d'autant plus que cette culture doit être mise en
valeur, protégée et aussi prise en charge par les populations
elles-mêmes, donc tous ces organismes qui travaillent d'arrache-pied pour
sensibiliser culturellement leur milieu, pour développer des projets en
évolution avec les populations qu'ils desservent, pour faire en sorte
que la population soit actante plutôt que subissante.
Quatrièmement, nous voulons porter à l'attention de la
commission parlementaire le nouveau découpage de la cartographie
culturelle du Québec telle qu'elle est énoncée et trop
souvent sous-entendue dans la proposition du groupe-conseil. Établie
d'en haut, cette cartographie nous semble totalement désincarnée
des réalités de création, de production et de diffusion en
région. Elle nous apparaît illusoire et ne mène à
rien d'autre qu'à la domination d'une élite montréalaise
sur le reste du Québec. Cette cartographie est d'autant plus surprenante
que le ministère achève la décentralisation de son
appareil en région et qu'il préconise, tout comme la proposition
de politique, une plus grande implication des municipalités dans le
domaine culturel. Les municipalités et les régions devront-elles
oeuvrer seulement au niveau de la diffusion, alors que toute la création
sera concentrée dans le quadrilatère culturel de Montréal?
Cela ressemble étrangement à un "Golden Square Mile" du monde de
l'art. Il faut se rappeler que les régions, notamment par l'exercice
heureux des sommets économiques, avaient pris l'habitude de
déterminer clairement et de façon réaliste leurs
priorités en matière de développement culturel
régional.
Compte tenu des acquis décentralisateurs déjà en
place, la politique culturelle du Québec doit permettre aux
régions de conserver et même d'accroître leur marge de
manoeuvre dans le choix des organismes qu'elles veulent reconnaître et
subventionner, d'autant plus qu'on sait que la politique culturelle qu'on
s'apprête à adopter va donner le ton à la politique du
patrimoine et des musées qu'on attend depuis cinq ans. Et nous nous
inquiétons, parce que, établir d'en haut une liste de qui sera
reconnu ou pas reconnu... Je sais que, par exemple, l'Écomusée de
la Haute-Beauce, dans ce contexte-là, ne serait plus reconnu. On l'a
été, mais on ne le serait plus. Je dis encore "on" comme si j'y
étais, je m'en excuse, mais... Alors, c'est ne plus permettre
l'émergence d'organismes qui vont s'occuper de ce type de patrimoine
étroitement lié à la population.
Elle doit donc favoriser non seulement la diffusion de la culture en
région, mais aussi la création culturelle et artistique à
tous les niveaux. De plus, elle doit assurer des soutiens et des budgets
suffisants aux organismes oeuvrant dans des contextes
décentralisés de création, de diffusion, d'animation et,
évidemment, d'action culturelle.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Céré.
Merci.
Mme Céré: M. Rivard?
Le Président (M. Doyon): Est-ce que ça termine
votre présentation?
M. Rivard (René): Je peux conclure peut-être
qu'à l'instar de plusieurs pays, notamment de la Suède qui se
dotait, il y a près de 20 ans, d'une politique culturelle exemplaire, le
Québec devrait se doter d'une politique de la culture qui soit à
la fois simple, globale, souple et efficace; une politique
décentralisatrice qui laisse aux organes et aux programmes
gouvernementaux, ainsi qu'aux diverses instances régionales et
municipales, le soin d'assurer le soutien et le développement; une
politique basée sur beaucoup plus que la dialectique
création-diffusion afin que la culture des Québécois soit
autre chose que de la culture savante et pas seulement des consommations
culturelles, des industries culturelles ou des affaires culturelles. Seulement
à ce moment-là, nous, lorsque ce sera fait, nous aimerions que le
ministère devienne un ministère de la Culture.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rivard. Mme la
ministre, vous avez une dizaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Rivard, Mme
Céré. Je veux revenir sur tout ce concept de nouvelle
muséologie. C'est un concept qui m'enthousiasme; M. Simard est là
d'ailleurs pour en témoigner au niveau des économusées,
par exemple. Et il y a aussi des écomusées; on est à la
veille d'en accréditer un en novembre prochain si tout va bien. Mais je
veux revenir là-dessus. Vous avez dit à un moment donné:
Ah! je sais qu'il y a deux ans le ministère ne poussait pas. Le
ministère a arrêté au niveau de l'accréditation tout
simplement parce qu'on s'est dit: II faut consolider ce qu'on a
déjà. Bon, deux ans plus tard, et on va le voir au cours de la
discussion, on dit: Faites attention au saupoudrage. On a une politique
muséale, on l'a en main, il faut retravailler certaines choses parce que
ce n'est pas tout à fait exact, mais, quand même, elle est
à la veille, on veut passer à travers l'exercice mais, encore
là, on fait: Attention, il y a des manques de ressources énormes
en ce qui existe déjà. Il y a des musées qui sont des
coquilles vides, en région aussi, beaucoup de bénévolat,
peu de personnel - dans ce qu'on a développé, là -
qualifié. Alors on se dit: Avant d'en développer d'autres, il
faudrait peut-être consolider ceux qu'on a. Comment concilier cette
demande, d'une part, avec toute cette dynamique qui est assez extraordinaire de
rapprochement de la culture à l'intérieur même de la
société - les économusées qui deviennent
autosuffisants -comment on fait pour rapprocher les deux?
Mme Céré: Par rapport au financement, vous voulez
dire, notamment?
Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est-à-dire par rapport
à la demande où on nous dit: Faites attention au saupoudrage.
Bon, il faut consolider ce qu'on a, donc ne vous embarquez pas dans d'autres
concepts pour nous appauvrir et appauvrir tout le monde dans le fond.
Ça, c'est une chose. Et comment on fait pour dire: Bien là, il y
a des nouvelles tendances qui sont intéressantes à exploiter,
mais on ne veut pas non plus partir dans une nouvelle tendance et se retrouver
à la fin et dire qu'on n'est pas capable de les financer?
M. Rivard (René): En fait, c'est la même
problématique que les budgets de recherche et développement en
milieu industriel. Je pense qu'il faudrait consacrer un pourcentage x à
la recherche et développement, R & D, et, à mon avis, aux
écomusées; pas seulement aux écomusées
institutionnalisés, mais aux initiatives d'action culturelle au niveau
des quartiers, au niveau des petites villes. Parce que ça n'a pas besoin
de prendre le nom d'ecomusée ou de nouvelle muséologie; tout
groupe populaire qui veut se prendre en main, qui veut reprendre ses pouvoirs
qu'il avait délégués, en fait peut-être pas
officiellement, à des professionnels, qui veut les reprendre pour se
doter d'outils d'identification, d'identité culturelle, mais aussi se
doter d'outils qui vont faire qu'il va progresser vers un développement
culturel et économique, parce que je pense que les deux sont intimement
liés. Je pense qu'il faudrait qu'au niveau des budgets il y ait cette
part à vouer à la recherche et au développement de
nouvelles avenues par rapport au patrimoine qui est en train de se construire
dans le moment, et aussi aux arts actuels.
Elle mentionnait le phénomène de cet été,
à Saint-Honoré-de-Shenley, dans ce tout petit village où
on a fait une véritable galerie d'art, mais c'étaient 23 ou 24
galeries de maison qui sont devenues des lieux d'exposition pour des artistes
de Montréal, mais aussi pour des artistes locaux et régionaux. Et
je pense que ça, ça devrait être aidé, parce que
c'est une recherche nouvelle, à mon avis, de contact public avec les
arts visuels. Mais on pourrait faire la même chose... parce que la
politique culturelle doit aussi s'occuper de musique. Je suis musicien de
formation et il y aurait toutes sortes d'autres avenues possibles dans
ce domaine au niveau de la musique et au niveau du théâtre.
Regardez les théâtres d'été, ce qu'ils ont fait. Ils
ont rapproché énormément le théâtre,
peut-être à travers du vaudeville ou, enfin, des comédies
un peu légères, mais remarquez son évolution dans les
dernières années, comment la qualité et comment aussi
l'éducation du public change maintenant; le public demande des oeuvres
théâtrales qui sont beaucoup plus sérieuses, tout en
étant drôles, peut-être. Alors, je pense qu'au niveau
patrimoine on pourrait faire la même chose.
Mme Frulla-Hébert: Je veux développer un peu ce que
vous dites, parce que la recherche et développement, évidemment,
ça revient continuellement. Les théâtres
d'été, par exemple, je reprends juste votre exemple, ne sont pas
subventionnés, c'est-à-dire...
M. Rivard (René): Oui, je le sais.
Mme Frulla-Hébert: ...que ce sont des
théâtres qui sont populaires, bon, et qui s'autofinancent..
Prendre la recherche et le développement d'une part, le principe de
recherche et développement, il y a une certaine capacité de payer
de l'État. Veux veux pas, là, dans n'importe quel système,
il y a une certaine capacité de payer de l'État. Est-ce que c'est
possible de penser à donner de l'argent pour inciter, si on veut, ce jet
et aussi mettre tout le monde ensemble, donc inciter cette pulsion mais ne pas
être obligé quand même d'être là,
récurrent, année par année, au niveau du fonctionnement?
C'est ça qui nous tue.
M. Rivard (René): Oui.
Mme Frulla-Hébert: Parce que ce qui arrive, c'est que cet
argent qui est là, année par année, gelé, nous
empêche bien souvent évidemment de le reprendre et de le
réinvestir dans la recherche et le développement.
M. Rivard (René): Oui
Mme Frulla-Hébert: Et ce n'est pas vrai, dans n'importe
quel système, ce n'est pas vrai que l'argent va être
illimité, que ce soit dans un Québec souverain ou dans un nouveau
fédéralisme; moi, je n'y crois pas. Alors, comment fait-on?
M. Rivard (René): Je suis d'accord avec ça. C'est
que, là, vous parlez de budgets qui deviennent forcément
institutionnalisés. À mon avis, des programmes, par exemple,
comme l'aide au patrimoine, qui ont été des projets... Regardez
ce que ça a fait dans les 10 dernières années, ces projets
d'initiative et d'aide au patrimoine; à mon avis, ça a fait
beaucoup de choses. Ça a d'ailleurs créé des nouveaux
mouvements et tout ça. Peut-être qu'il y aurait lieu de ne pas
s'embarquer justement dans des programmes de subvention continus, mais,
à travers des normes qui pourraient être différentes pour
ces organismes-là, de créer ou de continuer certains programmes
d'aide à des initiatives culturelles locales et populaires. Je suis un
peu anti-institution là, alors... Par contre, les gens d'institutions
pourraient peut-être dire: Non, il faut absolument avoir des budgets de
fonctionnement.
Mme Céré: J'aimerais peut-être
répondre à votre question par deux aspects: D'abord, il y a un
déséquilibre. Là, il y a des sociétés
d'État qui sont extrêmement riches. Je pense notamment au
Musée de la civilisation, enfin aux grands musées du
Québec. Je pense qu'à date il y a 4 500 000 $ pour tous les
musées accrédités en région, alors que, pour un
seul musée, le Musée de la civilisation, je crois que c'est 33
000 000 $ par année là. Je me trompe peut-être de 1 000 000
$ ou de 2 000 000 $, mais il y a quand même un
déséquilibre, il y a quand même une injustice, à
notre avis. Tous ceux qui oeuvrent en région, on trouve difficile
d'accepter cette situation-là. D'abord, il pourrait y avoir, à
mon avis, une meilleure répartition à ce niveau-là, parce
que la civilisation, elle est partout au Québec, elle n'est pas
qu'à Québec, et on sait qu'il y a beaucoup de difficultés
à travailler avec le Musée de la civilisation en région,
il y a plusieurs cas qui ne font pas leurs preuves à ce moment-ci.
L'autre aspect, c'est une vision de société, à mon
avis, parce que le développement culturel... Si on veut que les
régions se vident, on va les vider; il n'y aura plus que Montréal
au Québec. Décider de développer les régions du
Québec, c'est mettre en place des organismes et encourager ces
organismes-là au développement culturel, parce qu'ils contribuent
aussi à la dimension sociale et économique des régions. Ce
que vous appelez, vous, le saupoudrage, nous on trouve que ce n'est pas assez;
on en voudrait plus. Effectivement, vous, vous voyez ça, parce que vous
avez la globalité du Québec à subventionner, à
financer; nous, on pense qu'il faut quand même aider. C'est un choix de
société; on peut dire qu'on met tout sur les grandes
institutions, les grandes sociétés d'État, les grands
organismes nationaux et qu'on ne met à peu près rien en
région, en confiant ça aux municipalités. C'est un choix.
Mais nous, on pense que l'autre choix, ce serait de vraiment le
répartir, cet argent-là, à travers tout le Québec.
S'il y avait notamment des écomusées, des
économusées ou toutes sortes d'autres actions prises en charge
par les populations, imaginez ce que serait le développement du
Québec d'ici quelques années. Et je pense que c'est une
volonté politique, sociale et une vision du Québec que, nous,
on
propose et qu'on vous demande évidemment d'entériner.
Mme Frulla-Hébert: Mais il y aussi des concepts qui sont
nouveaux. Nos grandes institutions, elles sont là pour avoir justement
une vision à portée internationale; ça prend des grandes
institutions. Hier, j'écoutais le maire L'Allier parler de Québec
capitale. Québec capitale, Musée du Québec, Musée
de la civilisation, ça prend aussi des grandes institutions et ça
prend des initiatives pour justement rapprocher la culture de la
société, pour regrouper aussi, aller chercher les
communautés culturelles ou ceux qui tissent aussi notre tissu culturel
québécois. Je pense que c'est une juste mesure entre les deux,
mais il y a des concepts aussi, tels les économusées, qui sont
des concepts où on aide au départ et qui, après ça,
ont trouvé une façon de s'autofinancer. Il faudrait
peut-être regarder aussi cette avenue. (12 h 45)
M. Rivard (René): Mais, moi, je pense que les grandes
institutions devraient aussi regarder à leurs dépenses, notamment
au niveau des coûts d'exposition, par exemple. Si le Musée de la
civilisation prend de 250 $ à 300 $ du pied carré pour faire une
exposition, moi, je dis qu'il est capable d'en faire a des coûts beaucoup
moindres qui pourraient donc permettre à certains fonds de s'en aller...
Et, là, je ne parle pas de qualité, parce que la qualité
et le génie, souvent, sont créés par un manque de moyens.
Si je regarde ce que le Centre national d'exposition de Suède fait
à tous les ans avec 65 personnes, où ils développent au
moins 400 expositions itinérantes, où ils en font circuler
à peu près 4000 pour une population de 8 500 000, ici, au
Québec, avec nos 40, 50 expositions qui circulent et un budget à
peu près équivalent, on n'arrive pas en productivité,
à mon avis, à ce qu'on pourrait arriver. Et, là, je pense
qu'il y a des choix qui sont à faire au niveau institutionnel et au
niveau du ministère.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rivard. M. le
député.
M. Boulerice: Mme Céré, M. Rivard, d'une part,
rassurez-vous, je ne suis pas, je ne me sens pas heurté par
"élite montréalaise", je suis de Lanaudière, d'abord. La
deuxième chose, je vous remercie d'avoir parlé de Maison du
Fier-Monde qui est une bataille de six ans déjà. La ministre a
dît: "... en novembre si", et j'ai bien enregistré le "si". Mais
je suis quand même reconnaissant que vous ayez fait mention du travail
extraordinaire... Et mon collègue, le député de
LaFontaine, et moi sommes très agacés que, nous, dans l'est de
Montréal, notre lot, ce soit les fermetures d'usines et non pas le
développement culturel. Le fait que vous veniez ici et que vous parliez
de nous à travers cet écomusée, je pense que c'est un
encouragement à poursuivre la lutte commune qu'on a tous les deux.
J'ai l'impression qu'on ne comprend pas la notion
d'écomusée. J'ai l'impression qu'on ne comprend pas cette notion
de nouvelle muséologie. Tantôt on a dit: C'est rapprocher la
population de la culture. L'écomusée, pour moi, c'est cette
nouvelle muséologie. Vous me direz si je me trompe, Mme
Céré, M. Rivard. Pour moi, c'est de dire à la population:
C'est vous la culture. C'est vous la culture! C'est l'identité, c'est
des racines, c'est de revivre un vécu. Ce n'est pas passif, c'est au
contraire très actif, et c'est le centrer sur l'individu. Et
après une oeuvre qu'il a produite, quand la muséologie
traditionnelle vous montre l'oeuvre, après vous dites: Bien,
c'était un tel, un tel.
Et quand vous en parlez, moi, je reprends ce que nous ont dit, hier,
l'Association touristique... enfin une association qui disait que le
Québec était dans une situation de monopole et que son meilleur
vendeur, c'était sa culture. Et la culture québécoise,
c'est quoi? Mais c'est ce que nous sommes, c'est ce que nous avons
été à différentes tranches de notre histoire. Ce
n'est pas uniquement ce que nous étions en 1608, lors de la fondation de
Québec, ou en 1759, pour les Plaines d'Abraham, mais c'est ce que nous
étions comme classe ouvrière, avec l'écomusée du
Fier-Monde. Ça m'apparaît extrêmement important. Et, moi, je
suis en train de me dire que cette notion de nouvelle muséologie, c'est
probablement le créneau le plus fort qui peut exister quand on veut
parler d'une véritable politique de développement culturel en
région, parce qu'il n'y aura pas un Musée des beaux-arts de 450
000 000 $, comme il y a eu le Musée des civilisations à Hull; il
n'y en aura pas un à Rimouski. Mais, à côté de
Rimouski, il y a le dernier exemplaire, avec tout l'équipement, d'une
tannerie, ce que c'était une tannerie au Québec, et c'est
menacé de disparition. Est-ce que je me trompe dans ma conception de la
nouvelle muséologie et est-ce que je me trompe en disant que c'est un
des créneaux les plus forts dans le développement culturel des
régions où ils ne sont pas que des réceptacles mais des
créateurs? Et c'est alentour de ça aussi que doit s'articuler une
grande partie de l'économie récréotouristique culturelle
des régions.
Mme Céré: Je pense que vous ne vous trompez pas
beaucoup. Je pourrais peut-être juste préciser certains autres
aspects de l'écomuséolo-gie. On dit souvent que les
écomusées, ce sont des musées éclatés,
décentralisés, qui n'ont pas nécessairement un symbole
physique comme on voit le musée, habituellement, avec ses quatre murs.
Donc, c'est un musée éclaté et décentralisé,
le musée pour tous et par tous. C'est un musée qui à la
fois présente le passé, le présent et le futur, autant
à travers l'homme, la nature
que les industries. C'est un peu dans l'esprit de
l'écosystème de... Mon Dieu! je ne me rappelle pas le nom du
philosophe. Alors, je m'excuse, j'ai un blanc.
Donc, c'est une vision globale qui se fait auprès et avec les
gens entièrement. C'est tout à fait une autre approche. Les gens
s'investissent à la fois dans la recherche, dans l'animation, dans les
techniques d'exposition. Ils se forment constamment. On donne des cours de
formation à ces gens-là. Ils en suivent, ils se
développent et, par eux-mêmes, de plus en plus, prennent en charge
des responsabilités. Ils font évidemment des expositions, parce
que la muséologie est davantage axée... c'est le mode
d'expression visuelle par excellence, mais il y a toute une autre série
d'actions, de prise en charge du développement avec d'autres partenaires
en région, notamment au niveau économique, environnemental,
social. Juste un cas: on s'occupe des décrocheurs à
l'Écomusée de la Haute-Beauce. Alors, ça, c'est une
problématique qui est assez pertinente dans cette
région-là du pays.
Il y a toutes sortes de sujets, de volets. Il n'y a pas de limites.
Donc, la muséologie dite conventionnelle va davantage mettre en valeur
les objets, aura une notion esthétisante plutôt qu'une notion
socialisante, ce qui serait le lot des écomusées. Je ne sais pas
si ça complète ou...
M. Boulerice: Donc, cette nouvelle muséologie, elle est
plus pédagogique, elle est plus didactique que la muséologie
traditionnelle.
Mme Céré: Oui. Ce que je voudrais, pour ne pas
aussi qu'il y ait... On pourrait souvent l'associer au loisir culturel. Mais,
c'est plus que ça. Je pense que les gens qui oeuvrent au sein de
l'écomusée... Moi, pendant les six ans où j'ai
été là, j'ai bâti, avec la population, 70
expositions. Certaines étaient permanentes, d'autres temporaires
à travers différents lieux du territoire. On a créé
des exhibits de plein air. On a créé des centres
d'interprétation. Toutes ces expositions-là ont été
entièrement faites, conçues, réalisées et
animées par la population. C'est devenu une intégration de vie
culturelle. Ce n'était pas: Ça, on va faire ça
après les heures de travail, c'était devenu...
En 1982, dans une opération sur l'ensemble du territoire, il y a
260 personnes qui ont travaillé à travers tout le territoire,
dans tous les processus de la mise en place du musée sur le territoire
à travers notre programme d'exhibits de plein air, par exemple. Je ne
sais pas s'il y a beaucoup d'exemples comme ça. C'est une action qui
n'est pas comparable, ce que le musée à caractère
régional peut faire.
Si on revient par rapport à Montréal, il y a des
régions dans Montréal aussi - et c'est pour ça qu'on les
inclut, les quartiers défavorisés de
Montréal - où travaillent l'Écomusée de la
Maison du Fier-Monde, l'Atelier d'histoire Hochela-ga-Maisonneuve, qui est le
quartier voisin. Ils font ce genre de travail là, et ça devrait
être soutenu davantage. C'est comme s'il y avait une espèce de
mépris par rapport à la culture savante. On dit: On s'occupe des
gens qui ne sont pas professionnels, qui ne sont donc pas compétents. Et
je pense qu'il faut donner la parole à ces gens-là. Il faut
donner les moyens aux professionnels qui travaillent étroitement avec
cette population-là, parce que je vous assure que ça prend
énormément de notre santé physique et émotive pour
faire ce genre de travail là. Et je pense qu'on doit les soutenir. C'est
sûr qu'il y a des types de programmes ponctuels qui pourraient être
adaptés, mais je pense qu'il y a quand même des organismes qui
devraient pouvoir atteindre un budget de fonctionnement récurrent et
régulier.
M. Boulerice: Bien écoutez, je me demande pourquoi on
tarde à le reconnaître au Québec, parce que cet
été, durant mes vacances, moi, j'ai discuté avec un groupe
qui s'appelle Césam à Paris, qui avait un mandat très
clair et très précis du ministère de la Solidarité,
et ils avaient comme action de base que la revitalisation des quartiers
défavorisés devait passer par le développement
culturel.
Mme Céré: C'est actuellement le discours
international. À l'écomusée, à l'époque
où j'y étais, je recevais 370 professionnels a travers le monde
entier qui venaient à l'écomusée. Ils venaient à
Montréal et ils venaient à Québec, mais ils venaient
à l'Écomusée de la Haute-Beauce, que ce soient des
géographes, des gens du développement régional, des
maires, des anthropologues, des ethnologues, des gens du tourisme, des gens, en
fait, de toutes les disciplines. Ils venaient constater cette
expérience-là au Québec et voulaient la transposer chez
eux. Et c'est vraiment une tendance générale. On va vers
ça. Il s'agit que ça soit reconnu quand même au niveau de
l'État, mais on ne peut pas juste faire de la culture par en haut. Elle
doit être ramifiée. Ça a l'air d'être un vieux
discours des années soixante, des années des hippies, si on peut
dire, mais il est remis à la mode avec la notion de développement
durable, par exemple. Et je pense qu'on l'a réactualisé.
Ça ne fait plus fleur bleue du tout. Et les gens qui s'assoient à
la table pour discuter à la fois de problématique de coupe de
bois d'une forêt qui va mettre en péril les paysages culturels de
cette région-là, bien je pense qu'il y a tout un pas qui a
été fait. Il y a 10 ans, on n'aurait pas pu le faire.
Aujourd'hui, ça se fait; on s'assoit et on négocie avec la
Domtar, et la Domtar la fait, la négociation, parce qu'elle se rend
compte que, si elle ne la fait pas, c'est son image publique, à elle
aussi, qui va être mise en péril. Alors, je pense
qu'il y a une tendance vers ça; il s'agirait qu'elle soit
davantage reconnue, à notre avis.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le
député, en terminant.
M. Boulerice: En terminant, M. Rlvard, Mme Céré,
merci, mais j'en retiens, à moins, encore là, que je ne me
trompe, que le développement culturel en région, mais dans le
sens de production, d'animation, doit nécessairement passer par de
nouvelles avenues qui sont celles que vous venez de nous exprimer.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Qui, Mme Céré, je
relève seulement ce que vous disiez tantôt: il semble que ce n'est
pas reconnu. Ce n'est pas que ce n'est pas reconnu, au contraire, c'est
toujours et avant tout... Vous étiez ici ce matin. Si vous aviez
été ici hier et avant-hier... C'est toujours une question de
sous. Il n'y a pas un groupe qui s'est présenté ici sans demander
davantage. On avoue nous-mêmes une sous-capitalisation de nos
infrastructures. Alors, je veux juste vous rassurer dans ce sens où,
effectivement, la culture commence par le citoyen, on en est tous très
conscients.
C'est pour ça que j'ai finalement, avec un peu d'insistance,
trouvé des façons de faire pour que, oui, on puisse le faire et
se développer, mais, oui, quelque part où on peut aussi ensemble
faire profiter des sommes qui sont là. Mais ce n'est pas un manque, si
on veut, on y croit, à ce concept-là, et ce n'est pas le fait
qu'on le considère moins, si on veut, que la culture élitiste, au
contraire.
Le Président (M. Doyon): Merci. Merci beaucoup, M. Rivard,
merci beaucoup, Mme Céré. Donc, nous suspendons nos travaux
jusqu'à 14 heures alors que nous recevrons les représentants de
l'Union des artistes.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 14 h 11)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture poursuit donc ses travaux. Notre
horaire prévoit que le premier groupe cet après-midi est celui de
l'Union des artistes. Je vois qu'ils sont déjà à la table
de nos invités. Je leur souhaite la bienvenue. Bonjour, M. Turgeon,
bonjour, M. Demers, M. Gauthier, je ne sais trop, et Mme Pinson-nault. Les
règles veulent que vous ayez environ 15 minutes pour faire la
présentation de votre mémoire ou un résumé. Et,
après ça, la conversation s'engage pour le temps qui reste entre
vous et les représentants des partis politiques, ici à la table.
Je devrai m'en tenir à l'horaire strict, ce que j'ai indiqué ce
matin, compte tenu du nombre de mémoires que nous avons à
entendre, et je me verrai dans l'obligation de rappeler l'heure. Sans plus de
délai, vous avez donc la parole et nous vous écoutons avec
attention.
Union des artistes
M. Turgeon (Serge): Je vous remercie, M. le Président. Mme
la ministre, M. le représentant de l'Opposition en matière
culturelle, Mmes, MM. les députés, l'Union des artistes vous
remercie d'avoir accepté de l'entendre à ces audiences qui,
à ce moment-ci de l'histoire du Québec et du Canada,
revêtent une importance tout à fait particulière. Comment,
en effet, soustraire du débat constitutionnel une question aussi
fondamentale que la culture, une notion bien difficile à définir
et qui demeurera toujours une idée à la fois confuse et
contradictoire? On peut cependant dire sans trop se tromper que la culture,
ça tient à la fois de la tradition et de la modernité.
C'est tout ce que nous décidons de garder d'un passé, parce que
nous le sentons bien accordé à notre âme et à notre
coeur d'aujourd'hui, et c'est aussi tout l'effort que nous mettons dans
l'imaginaire d'aujourd'hui pour répondre à une nouvelle
civilisation.
Et je dirais que la culture, c'est la Science et c'est l'Art, avec un
grand S et un grand A, pour mieux comprendre le monde et pour mieux l'habiter.
La culture, c'est en somme notre façon d'être, notre façon
de vivre à nous. La culture, c'est une façon de parler, c'est une
façon de comprendre et c'est une façon de juger. Elle n'est pas
sans influence sur nos comportements les plus fondamentaux. Voilà
pourquoi nos enjeux culturels sont étroitement lies à nos enjeux
collectifs.
Cela dit, l'Union des artistes s'étonne et se réjouit
à la fois. Il y a de quoi s'étonner à la pensée
qu'une société qui continue de se définir pour
elle-même et certainement pas contre les autres n'ait pas encore
dégagé son espace véritable et ne se soit pas encore
donné une véritable politique culturelle qui affirme que tout ce
qu'est une société, c'est aussi tout ce qu'elle veut être,
sans pour autant s'enfermer dans quelque définition que ce soit. Mais il
y a de quoi se réjouir de voir qu'enfin, après 30 ans d'existence
d'un ministère qui devait se faire l'âme de notre peuple, pour
reprendre la très belle expression des créateurs de ce
ministère, on songe à l'élaboration d'une telle
politique.
Le rapport Arpin, qui propose une politique de la culture et des arts et
sur lequel j'ai eu le privilège de travailler avec d'autres camarades de
différents secteurs de la vie culturelle et artistique du Québec,
n'est pas un document de quelque parti politique que ce soit. C'est un rapport
qui vous a été remis, Mme la ministre, et qui
s'adresse d'abord et surtout à votre gouvernement et au premier
ministre. C'est un rapport qui interpelle le pouvoir politique, mais aussi
toute la société dans laquelle nous évoluons, dans
laquelle nous vivons, dans laquelle nous faisons des affaires, dans laquelle
nous faisons des enfants et dans laquelle nous transmettons à la fois et
nos joies et nos peines.
Le rapport que, moi, j'ai signé et auquel l'organisme que je
préside souscrit en grande partie, considérant qu'il s'agit
d'abord et avant tout d'un document de base qui doit nous mener encore plus
haut, encore plus loin, le rapport que, moi, j'ai signé dit qu'il est
plus que temps que l'on confère à la culture le statut et la
place qui lui reviennent dans une société toute jeune et toute
déterminée à se doter d'un pays. Et n'ayons pas peur de ce
mot. C'est donc dire que, désormais, la culture au Québec doit se
retrouver là où se discutent les grands enjeux de ce qui reste
à faire et à créer.
Ce rapport Arpin dit qu'au coeur d'un projet de société
que nous devrons bien nous donner un jour il faut mettre le projet culturel et
qu'au coeur de ce projet culturel il y a la création que nous devrons
favoriser de toutes les façons. Ce rapport dit au gouvernement du
Québec que, dans une société aussi vulnérable que
la nôtre - même pas 7 000 000 d'habitants - il y va de sa
responsabilité d'assumer un véritable leadership en mettant
chacun et chacune, institutions, sociétés ou simples individus,
devant ses responsabilités culturelles et en faisant en sorte que tout
le champ du Québec soit fertile à la création, mais sans
devoir s'ingérer ou se mettre lui-même le nez dans la
création. La création est l'affaire des seuls créateurs,
mais il y va certainement de la responsabilité de l'État de faire
en sorte que la terre d'ici soit bonne à la création, à sa
production et à sa diffusion. Ce n'est que cela que suggère le
rapport Arpin, mais c'est tout cela. Cette proposition s'inscrit donc dans le
cheminement d'un Québec à créer, quel que soit le statut
constitutionnel pour lequel il optera.
Mais l'Union des artistes que je préside et que nous dirigeons
depuis maintenant plus de six ans souhaite qu'on aille plus loin et qu'on dise
plus clairement les choses. Les positions affirmées par l'Union des
artistes émanent directement de son dernier congrès d'orientation
et s'appuient, pour ce qui est de la question constitutionnelle, non seulement
sur la volonté de ce congrès, mais aussi sur les résultats
d'un référendum tenu auprès de tous ses membres et suivant
lequel plus de 90 % d'entre eux se sont prononcés en faveur de la
souveraineté du Québec. En ce sens, l'Union des artistes, qui
représente tous les artistes interprètes du Québec, n'a
jamais dévié de sa logique et de sa cohérence. C'est ainsi
que, pour l'Union des artistes, le projet culturel des Québécois
reste intimement lié à l'usage et au rayonnement de la langue
française, usage que nous proposons de généraliser partout
chez nous, et notamment au sein des technologies de communication et
d'information.
Le Québec de demain ne se fera pas non plus sans l'apport de ses
nouveaux immigrants et de ses concitoyens québécois de langue
anglaise et, en ce sens, une politique d'intégration à la culture
québécoise s'impose pour ceux à qui nous donnons asile et
une autre s'impose, de reconnaissance et de respect des droits de nos
compatriotes anglophones, dans un esprit d'équité et
d'ouverture.
Quant à la souveraineté politique du Québec, c'est
pour nous un état naturel. Les dernières propositions
fédérales en matière de culture, propositions que vous
avez énergique-ment rejetées, Mme la ministre, de même que
l'Opposition officielle, démontrent clairement que, dans la logique
pancanadienne, les Canadiens anglais ont compris qu'en reconnaissant la nature
distincte de notre culture il leur faudrait accorder au Québec le
pouvoir politique allant de pair, et ils ont dit: Non! Le Québec, en
conséquence, doit donc assumer une fois pour toutes les
conséquences de sa spécificité et occuper de
manière définitive son espace mental, culturel,
géographique, politique et économique, et les
responsabilités culturelles sont énormes puisque c'est la culture
qui définit une société par rapport à une autre et
qui fait que les peuples affirment leur identité et polarisent la
solidarité nationale qui les unit.
Voila pourquoi il ne faut plus que la main droite ignore ce que fait la
main gauche. Voilà pourquoi nous disons qu'un système
bicéphale, qui n'engendre qu'une invraisemblable confusion, devient
préjudiciable à une vie culturelle saine: Mais, devant des choix
fondamentaux qui restent à faire, les créateurs ont le droit
d'exiger des garanties, et il est du devoir des politiques de les leur
confirmer. Le gouvernement, ou tout parti politique qui aspire à devenir
ce gouvernement, doit tout de suite, à notre sens, affirmer que le
rapatriement des pouvoirs ne se fera pas sans que les ressources et les fonds
qui les accompagnent soient affectés en totalité au soutien de
notre vie culturelle.
En d'autres mots, si le Québec devait accéder à la
souveraineté, les créateurs et tout le peuple du Québec
seraient en droit de s'attendre à ce que tout l'argent actuellement
investi par l'un et l'autre gouvernement dans la culture
québécoise soit minimalement réinvesti dans cette
même culture. Mais il faudra aller encore plus loin, et plus loin que ne
va la proposition du rapport Arpin. Il faudra procéder à
l'intégration structurelle du domaine des arts, de la culture et des
communications et, pour ce faire, l'État québécois devra
se doter d'un véritable ministère des arts, de la culture et des
communications et décentraliser vers les municipalités
régionales et les communautés urbaines
plusieurs volets de la question des arts et de la culture, afin de
rapprocher celles-ci des artistes et des publics et permettre ainsi
l'éclosion des traits régionaux de la culture
québécoise, tout cela en reconnaissant à Montréal
son rôle de métropole du Québec, une métropole qui
doit avoir du souffle et savoir donner le ton, et à Québec son
rôle de capitale, et donc de carrefour culturel.
D'une véritable politique culturelle pourra découler
ensuite un véritable plan d'action, pas autrement. Mais celui-ci ne
saurait tarder. Tout l'univers des arts d'interprétation vit des moments
difficiles, dans le contexte d'une crise économique qui est au fond une
crise de valeurs, de valeurs culturelles, et qui s'ajoute à la
précarité déjà légendaire des conditions de
vie des artistes interprètes.
Le Québec en soi est porteur de culture. Les créateurs
d'ici sont reconnus partout dans le monde, sauf très souvent,
hélas, chez eux. La danse, chez nous, est toujours laissée pour
compte. Pourquoi? C'est honteux, c'est irresponsable. Le chant lyrique souffre
de l'absence d'orientation et de structures fermes. Le théâtre
souffre d'instabilité chronique, faute d'un financement
approprié. Quant à la télévision, au cinéma
et à la vidéo, il faut bien reconnaître qu'Ottawa est
devenu le grand maître de l'audiovisuel en s'appropriant presque tout le
domaine des communications, et bien souvent malgré la volonté du
Québec. Et ainsi, Québec a perdu le contrôle de ses
industries culturelles au profit d'Ottawa, ce qui fait notamment que
l'importance de Montréal comme centre principal de création et de
production audiovisuelles a été considérablement
réduite, d'où perte de milliers d'emplois pour les artistes,
artisans et techniciens montréalais et québécois. On l'a
souvent dit, l'artiste et le créateur sont la pierre angulaire de toute
véritable politique culturelle. Alors, quoi de plus logique que
d'adopter et appliquer une charte québécoise des arts et de la
culture, légitimant ce droit fondamental des citoyens et des artistes
à la vie culturelle et à ses conditions inhérentes?
Quant au financement, il importe de bien affirmer que, comme pour tous
les pays de la taille du Québec, le financement des arts et de la
culture ne saurait se passer du soutien de l'État. Il faudra donc
prévoir d'accroître la contribution de l'État et aller bien
au-delà d'un symbolique et maigre 1 %. Mais il y a aussi une limite
à payer de l'État et, pour cela, il importe de diversifier les
sources de financement. Il faudrait discuter et non pas imposer, mais discuter
de la contribution des municipalités, du secteur privé et des
individus, et cela ne pourra bien se faire que dans une relation de
partenariat. Nous considérons en outre que les oeuvres et
l'accessibilité en art ne doivent pas être taxées et, en
conséquence, que les instances gouvernementales doivent mettre fin
à cette pratique qui empêche la consommation des choses de l'art
et de l'esprit.
L'Union des artistes tend aujourd'hui la perche au gouvernement et aux
intervenants économiques et sociaux afin de libérer l'artiste de
cet état de dépendance et de quémandage perpétuels.
Pourquoi ne pas créer une sorte de fonds inspiré du Fonds de
solidarité de la FTQ, une formule qui aurait l'avantage d'assurer aux
investisseurs, sous forme d'avantages sociaux, un rendement sur le capital
investi, de générer un roulement financier dans le milieu
culturel et, enfin, de partager avec d'autres intervenants que l'État le
financement de la culture? Mais, en aucun cas, entendons-nous bien, cela ne
devra servir de prétexte à l'État pour se
désengager et réduire son soutien à la culture.
En conclusion, M. le Président, tout est possible aujourd'hui
pour le Québec, même de se prendre lui-même en main. Son
développement économique et social passe d'abord et avant tout
par son développement culturel et, en conséquence, nous disons
que la culture doit être au coeur du projet de société
qu'élaborent présentement les Québécois, qu'au
coeur de ce projet culturel la création doit être favorisée
et recevoir toutes les ressources nécessaires à son
épanouissement, que l'État doit exercer, par
l'intermédiaire de son ministère des arts, de la culture et des
communications, un leadership, en précisant avec eux le rôle des
partenaires et en assurant la coordination de leur action. Et, enfin, nous
recommandons que l'État, à titre d'initiateur et d'organisateur
veille, en se gardant bien d'intervenir dans la création, à
assurer la fertilité de l'espace culturel québécois. Je
vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tur-geon. Merci, M. le
président. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
Ça me fait plaisir d'accueillir ici les différents dirigeants de
l'Union des artistes. Je veux aussi remercier M. Turgeon, personnellement, sur
l'implication quant à la rédaction du rapport Arpin.
M. le Président, je voudrais me concentrer sur la mission de
cette commission, c'est-à-dire sur les moyens que doit se donner, comme
on disait tantôt, notre société pour nous assurer d'une
culture québécoise qui soit riche de ses particularités
dans un Québec de demain. Et je reprends la perche dont vous parliez,
que vous venez de nous mentionner, c'est-à-dire que je me joins à
vous aussi pour rassembler le monde, qu'il soit économique, municipal,
et que tous ensemble on puisse finalement s'attabler, mettre les
problèmes sur la table et ensuite élaborer cette politique
culturelle tant attendue. Parce que, effectivement, comme vous le dites, M.
Turgeon, une politique culturelle, oui, le maître d'oeuvre se doit
d'être l'État, mais il faut aussi que les Québécois
y participent, et ce, de très
près.
Je veux revenir, M. Turgeon, puisque vous étiez aussi coauteur
avec les autres membres du conseil... Vous dites dans votre mémoire:
"L'État doit orienter la culture... " On nous a fait part de cette
crainte du dirigisme de l'État. Vous-même, vous avez dit: "...
sans diriger la culture". J'aimerais que vous élaboriez cette
pensée; j'aimerais que vous explicitiez aussi ce qui est écrit
dans le rapport Arpin puisque, tout à coup, il y a eu un vent disant:
Oh! l'Étatveut diriger, l'État veut fonctionnariser, ce
qui n'était pas, je pense, au départ, l'objet du tout.
M. Turgeon: Effectivement. Et moi, je vous assure, Mme la
ministre, que je n'ai jamais signé un rapport qui favoriserait un tel
dirigisme. Je crois malheureusement qu'on a beaucoup critiqué le rapport
Arpin, mais sans l'avoir lu dans le fond des choses. On a souvent
regardé des mots en leur donnant un sens premier et rien d'autre. Quand
on dit que le gouvernement du Québec doit assumer la maîtrise
d'oeuvre, qu'il doit diriger et veiller, ça veut dire qu'il doit faire
en sorte que les trois pôles de la chaîne culturelle soient
respectés, c'est-à-dire la création, la production et la
diffusion; c'est ça que ça veut dire. Ça ne veut jamais
dire que le gouvernement doit avoir droit de vie ou de mort sur tel ou tel
créateur, sur telle ou telle création. Jamais le rapport Arpin ne
dit ça. Et je vous souligne, Mme la ministre, que, dans ce même
rapport, quelques lignes plus loin que ce que vous mentionnez, on dit justement
qu'une véritable politique de la culture et des arts ne devra jamais
être le seul fait d'un ministère de la Culture et que les
créateurs doivent aussi s'impliquer là-dedans, et que c'est
ensemble qu'on pourra élaborer une telle politique. D'où la
proposition, dans ce rapport, de créer une sorte de comité
consultatif et un observatoire - c'est ça que ça veut dire - pour
prendre constamment le pouls de ce qui se passe dans le milieu et faire
ensemble les choses, ensemble.
Mme Frulla-Hébert: M. Turgeon, l'observatoire, cette
implantation de l'observatoire, finalement, a souvent été
interprétée comme une fonctionnarisation, un autre organisme qui
chapeaute, alourdit le processus. Parce qu'il faut quand même être
honnête, on doit souvent frapper à plusieurs portes pour
bénéficier de programmes et d'aide; on essaie d'ailleurs
d'alléger le processus. Parlez-nous de l'observatoire.
M. Turgeon: Bien, l'observatoire, c'est très simple: en
quelques mots, c'est qu'on a besoin de se donner des outils. On est en
compétition, compétitivité partout, avec le monde. On a
besoin de se donner des outils dans cette industrie qu'est la chose culturelle;
on a besoin de savoir quelles sont les tendances du public, quels sont les
rapports entre public et créateurs; on a besoin de tout ça. On a
besoin de savoir ce qui se passe ailleurs, etc. On a besoin d'observer, c'est
ça que ça veut dire. Donnons-nous ces moyens-là. On a
besoin d'un véritable institut de recherche qui soit relié aux
choses de la culture et des arts. C'est ça essentiellement le principe.
Ce n'est pas d'alourdir une machine, c'est tout simplement d'orienter les
outils que nous avons peut-être mais dont on se sert mal en ce moment, de
les réorienter finalement pour qu'ils génèrent un petit
peu d'imagination et d'efficacité. (14 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Dans votre mémoire, vous
reprenez aussi un peu ce qui a été écrit dans le rapport
Arpin en parlant de Montréal, Québec et les régions. Je
reviens d'une tournée régionale que j'ai faite durant tout
l'été et c'est sûr que, quand on arrive dans les
régions, on nous dit: On nous traite comme un bloc monolithique. On
n'est pas "des régions"; au contraire, chacune a sa personnalité.
Les gens ont été assez véhéments là-dessus.
Mais vous le reprenez dans le mémoire.
M. Turgeon: On reprend le terme, mais, ça, peut-être
qu'effectivement on n'a pas encore trouvé le bon terme. Je comprends, si
vous voulez, la susceptibilité - je mets ce mot-là entre
guillemets - des gens des régions. On parle de Montréal.
Montréal, c'est la métropole du Québec. Montréal,
ça doit donner, ça doit créer le mouvement très
souvent. Les régions ont besoin d'une métropole forte, elles ne
doivent pas l'oublier. Ce n'est pas parce qu'on va donner aux régions
qu'il faudra enlever à Montréal. Il faut donc maintenir vraiment
le rôle de Montréal métropole. Québec, la capitale,
doit devenir, et je souscris tout à fait en cela aux propos du maire
L'Allier hier, un véritable carrefour culturel.
Les régions. L'Union des artistes le dit depuis assez longtemps,
les créateurs ont le droit de vivre de ce qu'ils sont et de ce qu'ils
produisent là où ils sont, en région. On ne doit jamais
vider une région de ses créateurs. Il faudra s'asseoir ensemble.
Il faudra départager ensemble les pouvoirs et les
responsabilités. Et si vous voulez me permettre, je vais reprendre une
citation de Fernand Dumont, Fernand Dumont qui disait ceci: "À quoi
pourrait conduire un réaménagement des structures si les
régions se vident de leurs ressources créatrices et si elles sont
dépourvues des moyens par lesquels s'affirment les styles de vie et
s'alimentent les enracinements. " C'est ça qu'il faut comprendre. Les
régions ont leur personnalité. Chaque région doit pouvoir
ressortir pour ce qu'elle est, mais encore faut-il qu'elles participent toutes
et que tout le Québec participe au même projet, d'où
l'importance d'avoir une vraie politique culturelle à laquelle tout le
monde va adhérer, et de cette politique culturelle découlera donc
un plan
d'action qui vaut pour les régions comme pour les secteurs des
arts.
Mme Frulla-Hébert: Vous avez parlé aussi dans votre
mémoire d'une intervention législative pour protéger notre
identité culturelle dans le contexte nord-américain. Hier matin,
M. Chagnon, de Vidéotron, est venu nous dire que les
développements technologiques des prochaines années, et
ça, dans un avenir très, très rapproché, rendront
caducs toutes les réglementations du CRTC. Il parlait de
télévision à la carte. Il parlait beaucoup plus de contenu
et de divers contenus que d'une réglementation demandant ou donnant un
certain pourcentage sur ce qui doit être diffusé et ne pas
être diffusé. Alors, sa théorie, lui, est dans un sens non
pas d'une réglementation mais de beaucoup plus se préparer vers
l'internationalisation, parce que, si on ne le fait pas, les autres vont le
faire chez nous, dans notre marché.
M. Turgeon: Je pense que M. Chagnon a certainement raison quand
il dit qu'on s'en va vers ça et que c'est ce qui nous attend, mais, moi,
je dirais qu'à ce moment-là voilà le beau plaidoyer en
faveur du fait qu'il faut intégrer à la culture toutes les
communications. Notre culture va passer par là. Il faut non pas se
fermer à ça, il va falloir s'ouvrir à cette nouvelle
technologie, à ces nouveaux marchés, mais il faut faire en sorte
de ne pas tomber dans le piège de l'uniformisation, de l'uniformisation
culturelle et je dirais même de l'uniformisation culturelle
internationale. Et la seule façon de nous protéger de ça,
parce que c'est fondamental pour ce que nous sommes, la seule façon,
c'est de posséder nous-mêmes tous les leviers qui nous permettrons
de le faire et de posséder nous-mêmes la complète
maîtrise d'oeuvre en matière culturelle et des communications. Et
c'est pourquoi l'Union des artistes insiste là-dessus. On ne peut pas
dissocier les champs de la culture et des communications.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
LaFontaine, vous avez une question.
M. Gobé: Oui, M. le Président. M. Turgeon, à
vous écouter parler avec grande véhémence, on pourrait
être impressionné sur le ton, mais il y a quand même des
choses qu'il faut remettre en évidence. Vous avez peut-être
écouté le chef de l'Opposition, M. Parizeau, faire son discours
d'ouverture mardi matin. Si, toutefois, vous ne l'avez pas
écouté, peut-être que vous avez lu les journaux et que vous
avez pu voir l'essentiel de ses déclarations. Et, si j'ai bien compris
et si je l'ai bien lu, j'ai vu que M. Parizeau, dans son discours, avait
mentionné que le Conseil des arts du Canada et que les politiques
canadiennes en matière de culture n'avaient pas desservi le
Québec et même que le Québec avait été assez
bien servi. Quand on sait que M. Parizeau a pour vocation la séparation
du Québec, on peut comprendre que, dans le même souffle, il
demande quand même le rapatriement et les sommes qui vont avec. Je ne
partage pas son opinion mais je le comprends.
Mais vous, là, vous venez de dire le contraire. Depuis 10
minutes, vous dites qu'il faut rapatrier ça, que ça va bien,
qu'Ottawa a pris le contrôle et qu'on a besoin de tous ces
leviers-là nous-mêmes. D'abord, je considère qu'on peut
partager votre opinion ou ne pas la partager. Moi, je partagerais plus celle de
M. Parizeau, de ce côté-là. Maintenant, j'ai l'impression
qu'avant de dire des choses comme ça, de faire accroire ou croire aux
gens que la politique fédérale ou que le gouvernement du Canada a
mal servi les Québécois en matière de culture, il faut
faire attention. Il y a peut-être des problèmes, il y a
peut-être des difficultés, il y a sûrement des choses
à corriger, mais de là à lancer des cris d'alarme comme
vous l'avez fait, je crois que ça frise un petit peu
l'irresponsabilité. Quand on voit les arts, aujourd'hui, au
Québec, au Canada, et qu'on voit l'impact que le gouvernement du Canada
a eu, on se rend compte que ce n'était pas si mauvais. Alors, je vous
pose la question: Le croyez-vous vraiment? Ou alors vous défendez une
idéologie politique et, à ce moment-là, je trouve
ça dommage parce que ce n'est peut-être pas l'endroit ou le forum
pour ce faire.
M. Turgeon: M. le député, avec tout le respect que
j'ai pour vous, je ne sais pas si vous avez vraiment compris les
déclarations de M. Parizeau. Moi, je n'ai pas compris ça tout
à fait dans ce sens-là.
M. Gobé: Vous prendrez les journaux.
M. Turgeon: Bien que, si ce qu'il a dit, c'est que les
institutions fédérales avaient bien servi le Québec et le
Québec culturellement, je suis le premier à le reconnaître,
à reconnaître l'apport...
M. Gobé: Bon.
M. Turgeon: Mais là, vous allez me laisser aller jusqu'au
bout. ...à reconnaître l'apport de Radio-Canada, l'apport de
l'Office national du film, l'apport, en ce moment, de Téléfilm
Canada, c'est très bien.
Ce que je dis, c'est qu'il y a eu les belles années de
Radio-Canada, il y a eu les belles années de l'Office national du film
et, ça, il faut que vous en soyez conscient. À l'époque
où le mandat de ces organismes culturels en était un
d'identité nationale, ça allait très bien. Et les
créateurs québécois ont fait aussi Radio-Canada.
Est-ce que c'est Radio-Canada qui a fait des Jean Duceppe, qui a fait
des René Lévesque ou est-ce que ce n'est pas plutôt des
Jean Duceppe et des René Lévesque qui ont fait Radio-Canada?
Parce que du côté du Canada anglais, vous aviez la même
machine, vous aviez les mêmes sommes d'argent, même davantage, et
ça n'a pas donné du tout les mêmes retombées.
Mais là où les choses ont commencé à changer
de sens, c'est quand le mandat de ces institutions est devenu un mandat
d'unité nationale. Et c'est là où on fausse les choses, et
c'est là où c'est une vue de l'esprit de penser que le
Québec et le Canada anglais peuvent être unis à ce niveau
de la pensée et de la culture; ce n'est pas vrai. Et si c'est ça
qu'on veut continuer de maintenir avec les institutions
fédérales, en leur permettant non seulement d'entrer ici et
d'investir dans des champs de juridiction qui, très souvent,
appartiennent au Québec, mais en leur permettant également de
légiférer, je dis que c'est là où le bât
blesse parce que les objectifs sont différents, les visions sont
différentes et les visions étant différentes, les
visées sont différentes.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tur-geon. Le temps
étant écoulé pour le parti ministériel, je me dois
de passer la parole au représentant de l'Opposition, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Turgeon, M. Demers, Mme Pinsonnault, une
observation. Au départ, vous avez interpellé les deux formations
politiques majeures du Québec; je me permettrai, moi, de donner la
réponse quant à ma formation politique. D'une part, dans votre
mémoire, je vois avec beaucoup de satisfaction que vous proposez la
création d'un ministère des arts, de la culture et des
communications, qui est une proposition que j'ai fait adopter par le
congrès de mon parti et qui est là. Et vous savez que, dans notre
tradition, nous sommes, au gouvernement, liés par le programme du parti.
Qu'il soit voté le samedi ou le dimanche, tout le monde est
présent et tout le monde suit le programme après. Et il y avait
également d'ajouté que tous les budgets actuellement
affectés dans ces secteurs, au niveau fédéral, seront
intégralement rapatriés et affectés aux mêmes
secteurs lorsqu'ils seront sous plein contrôle québécois.
Et ceci a été voté, j'aimerais vous le dire, à
l'unanimité.
Ceci dit, M. Turgeon, vous avez parlé de Radio-Canada. Vous
êtes sans doute au courant de cette note de service du 30 septembre
à tous les journalistes, réalisateurs de l'information radio et
télévision, et je me permets de vous en donner quelques lignes:
"II faut donner des informations pertinentes sur les positions tenues par les
analystes et commentateurs. Si un invité a pris publiquement position
sur la question débattue, que le public en soit informé. Si un
politicologue est un souverainiste actif, on ne doit pas le présenter
simplement comme un professeur de sciences politiques. Si un commentateur est
un partisan connu de l'unilinguisme, que cette donnée fasse partie de la
présentation. " Et je pourrais poursuivre en vous donnant un autre
exemple que ne pratiquent plus certains pays: "Les émissions d'affaires
publiques doivent refléter le Canada comme nation et évoquer les
avantages sociaux, économiques, culturels et politiques apportés
à chacun d'entre nous au fil des ans par l'appartenance à la
communauté canadienne. "
Mais c'est précédé, M. Turgeon, par un paragraphe:
"Nous vous informons, par la même occasion, que le Centre des
données compilera. des relevés de façon à nous
permettre de suivre la bonne marche du débat selon les principes
généraux qui nous gouvernent". Ici Radio-Pravda.
Et à cette commission, hier, on a qualifié la
volonté québécoise de rapatrier tous les pouvoirs dans le
domaine de la culture de tentation totalitaire. On a parlé de dirigisme.
Vous avez fait partie de la commission Bélanger-Campeau, vous avez fait
partie de la commission Arpin. Vous connaissez le rapport Allaire du Parti
libéral. Vous connaissez, j'espère, le programme du Parti
québécois. Avez-vous vu, dans aucun de ces documents, cette
volonté - c'est tellement difficile à prononcer que c'est
impossible de l'appliquer - totalitaire de la part des Québécois,
quelle que soit leur formation politique? Avez-vous senti ce dirigisme? Je ne
crois pas que vous auriez signé un document dirigiste, vous l'avez bien
dit tantôt.
Et comment expliquer aussi, M. Demers, que certains organismes
culturels, que vous connaissez bien, s'opposent au rapatriement des
responsabilités fédérales par méfiance et craignent
du dirigisme d'un ministère québécois des Affaires
culturelles?
M. Demers (Serge): Écoutez, M. le député, je
pense que le milieu culturel, dans son ensemble, est un milieu qui, je dirais
par tradition, a vécu dans l'insécurité. C'est un milieu
qui s'est développé à bout de bras, qui fait des
débats constamment pour sa survie. On sait que les industries
culturelles - et ce sont les chiffres de l'UNESCO - dès qu'il n'y a pas
un bassin de population de 15 000 000 - et c'étaient des chiffres d'il y
a déjà une dizaine d'années - ont besoin de l'État
justement pour être en mesure de s'épanouir et de se
développer.
Donc, ça a créé, dans certains milieux et dans
certaines strates, je dirais, du milieu culturel, certains réflexes. Et
je ne vous cacherai pas que, dans certaines catégories de producteurs,
notamment dans le domaine du cinéma, on peut dire facilement que ces
gens-là sont un peu les enfants gâtés du système. Il
faut savoir qu'on a retiré des fonds à Radio-Canada pour les
donner soi-disant à des producteurs indépendants.
Ça fait longtemps, nous, qu'on aimerait avoir un certain bilan de
cette opération pour voir qu'est-ce que ça a donné
effectivement dans les faits, eu égard aux objectifs qui étaient
sur la table au moment où on a décidé d'aller dans cette
direction.
On a toujours été favorables à la production
indépendante, mais on a toujours cru qu'il fallait se donner une
politique pour être en mesure de bâtir des industries de production
qui, à un moment donné, pourraient voler de leurs propres ailes
en capitalisant, en se développant comme n'importe quel autre type
d'entreprise. Or, dans les faits, ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas
allé tout à fait dans cette direction-là. Et, depuis
déjà quelques décennies, on constate qu'il y a des gens
qui sont abonnés au système et qui, finalement, gèrent
dans le privé des fonds publics dans le domaine de la production.
Quand on voit le rôle qu'a pris le fédéral,
particulièrement dans le domaine du cinéma et de la production
indépendante télévisuelle, bien je pense qu'on ne peut pas
se surprendre qu'il y ait certaines réactions de gens qui peuvent voir
peut-être leur statut actuel et leurs avantages actuels possiblement
menacés. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Alors, les fonds de
Téléfilm étant là, on est un peu insecure et on
réagit, je pense, dans certains cas avec honnêteté, et on
s'interroge. On a besoin de garanties. Et je pense que ce que M. Turgeon
disait, c'est qu'on doit avoir, de la part des partis politiques et du
gouvernement, ces garanties-là à l'effet que ce qui est acquis va
demeurer acquis pour la communauté. Cependant, je ne vous cacherai pas
qu'il y a quelques personnes qui utilisent ces interrogations légitimes
à d'autres fins, et lorsqu'on parle d'idéologie, aux fins
d'autres idéologies, dont l'idéologie fédéraliste,
et je pense qu'il y a eu un peu une manipulation à travers tout ce
débat-là. (14 h 45)
M. Boulerice: Quels sont les avantages dont pourraient
bénéficier les Québécois et les organismes
culturels d'ici d'un rapatriement des responsabilités
fédérales tout en reconnaissant, comme nous, que le Québec
ne pourra obtenir sa souveraineté culturelle qu'en accédant'
à la souveraineté politique d'abord? M. Beatty a
été clair. Il n'a pas été question de céder;
il veut protéger la culture québécoise.
M. Turgeon: Justement, je pense que c'est ça qui est
important. Il faut bien voir ce qu'a dit M. Beatty, et je comprends le Canada
anglais de réagir comme ça. M. Beatty est venu d'ailleurs ici
même, à Québec, dire que le Québec est une
région comme les autres. M. Beatty est venu expliquer pourquoi, dans les
propositions fédérales, on ne pouvait pas en donner davantage
pour la culture. Et ça se comprend, la culture, c'est le ciment des
choses. C'est ça qui va le maintenir, le Canada anglais, et puis on
l'espère. Et c'est ce que je vous disais tantôt, c'est une vue de
l'esprit de penser que ce même ciment va pouvoir nous tenir tous à
l'intérieur de ce rêve - entre guillemets - canadien. C'est
là où le bât blesse.
M. Demers: Écoutez, moi, je siège à la
Conférence canadienne des arts dont je suis le vice-président.
J'ai participé ce printemps à une assemblée annuelle
à Saskatoon. À fa Conférence canadienne des arts, il y a
les représentants de la communauté culturelle à travers
tout le Canada et des représentants aussi des producteurs à
travers tout le Canada. Il s'est dégagé à notre
assemblée un consensus que je partage entièrement, à
savoir: Au Canada anglais, on a besoin que le fédéral joue un
rôle déterminant dans le domaine culturel. Mais le Canada anglais
- et à l'assemblée de Saskatoon, on a été
très clair - accepte que, pour le Québec, il en soit autrement et
la résolution qui a été adoptée à ce
moment-là était très claire: Les Québécois
peuvent décider de ce qu'ils ont besoin et de ce qu'ils souhaitent comme
politique culturelle ou comme rapatriement éventuel au niveau des
pouvoirs en matière culturelle. Mais, en ce qui concerne le reste du
Canada, la communauté dit: Écoutez, nous, on pense que le
fédéral a un rôle important à jouer.
En d'autres termes, qu'on se définisse pour nous-mêmes, ifs
acceptent ça et ils considèrent ça normal, mais, eux, ont
des besoins spécifiques qui ne sont pas à l'encontre des
nôtres et ils sont prêts à respecter nos aspirations et nos
besoins. Je pense que, si la direction politique du pays à Ottawa
était aussi ouverte d'esprit que l'a été la
communauté culturelle au moment où on a fait ce
débat-là, ça fait longtemps qu'on serait passé
à autre chose et qu'on aurait réussi à régler nos
problèmes.
M. Turgeon: En somme, il faut aller au bout de la logique de la
spécificité québécoise. Et c'est ça que nous
sommes venus dire aujourd'hui.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, tout en vous rappelant que, malheureusement, il reste à peine
quelques minutes. M. le député.
M. Godin: M. le Président, je me souviens d'avoir vu ces
mêmes personnes lorsque le gouvernement libéral a fait adopter le
statut de l'artiste il y a plus d'un an, si je me souviens bien. Je me souviens
que la ministre était accompagnée du ministre du Revenu et
qu'à l'époque, il y avait sur la table deux grandes pistes de
solution, M. le Président - même si ça ne veut rien dire,
des pistes de solution, les solutions ne laissent pas de pistes, à ma
connaissance, à moins qu'elles ne marchent; je vole ça à
mon président, comme formule - et qu'à l'époque
donc il avait beaucoup été question de l'étalement
des revenus des artistes, peintres, écrivains ou autres qui ont des prix
littéraires importants, et que, dès le lendemain, un
comité au Revenu et aux Finances se mettait en marche pour proposer aux
artistes une solution fiscale à leur problème.
J'aimerais poser deux questions là-dessus, M. le
Président. Est-ce que vous avez déjà eu d'autres
échos de ce comité-là depuis le jour où il devait
se réunir de toute urgence jusqu'à maintenant?
M. Turgeon: Alors...
M. Godin: Et deuxième question, si vous permettez: Est-ce
que les problèmes mentionnés à l'époque sont encore
les mêmes?
M. Turgeon: Alors, M. Godin, je pense que - vous l'avez un peu
souligné et nous l'avons dit à l'époque - un grand pas a
été accompli avec le dépôt et l'adoption de cette
loi sur le statut de l'artiste. La loi sur le statut de l'artiste devait avoir
un corollaire évident qui était au niveau fiscal. A ce
moment-là, un comité s'est effectivement réuni et,
à ce moment-là, une réglementation a été
changée, au niveau du gouvernement du Québec, en matière
fiscale. Cependant, une réglementation, c'est une réglementation,
et ça peut être changé et modifié n'importe quand.
Le souhait de l'Union des artistes, c'est de faire en sorte que la Loi sur les
impôts soit amendée maintenant, puisqu'une telle loi
reconnaît le statut spécifique des gens de la culture et des arts.
Et, là-dessus, nous continuons à travailler et les choses
avancent. Mais vous savez, ce sont les états d'esprit qu'il faut amener
à se modifier et ça, c'est ce qu'il y a de plus long à
faire dans une société, je pense. Mais les choses sont en voie,
on est toujours en discussion, mais il n'y a pas, à l'heure actuelle,
pour répondre à votre question, effectivement, de proposition
concrète sur la table d'amendements à la Loi sur les
impôts.
Autre chose, et qui ne facilite guère les choses, et notamment au
point de vue fiscal, c'est qu'il faut un petit peu adapter notre
réalité ici à celle d'Ottawa. Et du côté
d'Ottawa, ça n'a pas encore beaucoup bougé. Bien qu'il y ait,
depuis des années, un projet de loi sur la table sur le statut de
l'artiste, je vous rappelle qu'à cette heure-ci ce projet de loi n'est
toujours pas adopté. Voyez-vous l'embêtement qu'on retrouve
toujours à être à cheval sur deux juridictions, cette
histoire de chevauchement toujours à devoir essayer d'obtenir d'un bord;
et, là, on n'a pas la même chose de l'autre côté, on
est en déséquilibre, on s'en va le chercher. On nous force
quasiment à tenir des comportements de schizophènes et de
schizophrénie avancée dans bien des cas. C'est ça que l'on
dénonce. Quand le Québec aura un objectif précis et qu'on
se ralliera à cet objectif, parce que c'est un gain de
société et de collectivité, je pense qu'on aura
résolu bien des problèmes.
M. Deniers: Si vous permettez, j'aimerais ajouter un commentaire
là-dessus. Je pense qu'on a toujours dit qu'on considérait la loi
sur le statut de l'artiste comme la pierre angulaire d'un édifice
à construire. Et, évidemment, il y a des amendements à la
loi du revenu, à la Loi sur les impôts qui, pour nous autres, sont
très importants, je dirais même capitaux pour nos membres. Mais,
dans d'autres lois, dans d'autres secteurs aussi, il y a des
aménagements qui s'avèrent importants. Je pense, entre autres,
à toute la réglementation de la santé et
sécurité au travail, pour faire en sorte que nos membres, qui ont
maintenant un statut, puissent aussi bénéficier de la protection
qui est accordée aux salariés via la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Je pense aussi
à toute la problématique qui est autour du revenu et de
l'assurance-chômage, où là aussi il y a un travail
énorme à accomplir parce que, encore une fois, on est
défavorisés.
Je vous donnerais un simple exemple. En 1991, au moment où on se
parle, les femmes artistes interprètes qui, à un moment
donné, se retrouvent enceintes n'ont pas le droit, comme future maman,
de bénéficier des prestations d'assurance-chômage au
même titre que n'importe quelle femme salariée dans notre
société. Et on est en 1991. Alors, il y a encore beaucoup de
travail à accomplir. On pousse et il arrivera peut-être un moment
donné où on deviendra impatient et on devra réagir
peut-être avec plus de véhémence. Mais il y a
énormément de choses fondamentales à régler
encore.
Le Président (M. Ooyon): Merci. Malheureusement le
temps...
M. Godin: Ma dernière question n'a pas eu sa
réponse.
Le Président (M. Doyon): Oui, je comprends.
M. Godin: Est-ce que les conditions financières des
artistes justifieraient encore aujourd'hui des modifications majeures à
la Loi sur les impôts...
M. Turgeon: Définitivement.
M. Godin: ...ou si elle a été tellement
améliorée que ce n'est plus fa peine d'en parler?
M. Turgeon: Non, non! Il y a eu un pas de fait, mais un pas ce
n'est qu'un pas. Je veux dire qu'il faut aller plus loin et qu'il y a encore
beaucoup à faire là-dessus. Ça, c'est certain.
M. Godin: Merci.
M. Demers: Et si vous parlez d'étalement, M. Godin, c'est
d'autant plus important qu'on vit une récession et qu'en période
de récession nos industries sont touchées actuellement gravement,
que ce soit dans le domaine de la télévision, du cinéma,
des annonces commerciales; partout. Et, par conséquent, toute la
signification d'un étalement au niveau de l'impôt prendrait
beaucoup de substance dans un contexte de récession où nos
membres voient, dans beaucoup de cas, leurs revenus diminuer de façon
assez drastique.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Godin: J'ai eu mes réponses, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Je m'en réjouis.
M. Godin: Et la ministre aussi.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots de remerciement,
brièvement.
M. Boulerice: Bien, tout simplement pour dire à M.
Turgeon, à M. Demers et à Mme Pinsonnault que l'Union des
artistes est toujours constante dans son raisonnement et surtout son
cheminement. Elle est d'accord qu'il n'y aura pas de pleine et entière
souveraineté culturelle sans souveraineté politique pour le
Québec et que, loin d'y voir un dirigisme, au contraire, cela pourrait
être - parce que les Québécois sont capables de
s'administrer autant que les autres sans dirigisme, au contraire avec beaucoup
de générosité - un Québec culturellement beaucoup
plus fort et beaucoup plus prolifique qu'actuellement. Je vous remercie de
votre participation et, sans aucun doute, d'autres discussions amèneront
une nouvelle rencontre.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, un gros merci. Vous
savez, malgré tout, malgré certaines divergences, on remarque
toujours l'action positive et aussi constructive de votre organisation. Je
pense que la question a été posée hier et qu'on doit
encore la poser, c'est-à-dire: Quelle est la place que l'État
veut accorder à sa culture et quelle est la place que les
Québécois veulent accorder à leur culture? Merci.
M. Turgeon: J'aimerais ajouter, si vous me permettez en
terminant, que ce que fait le rapport Arpin, c'est qu'il interpelle le pouvoir
politique et on espère qu'il va répondre.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président.
Merci beaucoup, M. le directeur général, Mme Pinsonnault. Alors,
tout en vous permettant de vous retirer de la table, j'invite les
représentants de la ville de Trois-Rivières à bien vouloir
prendre place.
Sans plus de retard, je souhaite la bienvenue à M. le maire de
Trois-Rivières, ainsi qu'à... Je pense qu'il y a M. Gamelin avec
lui et M. Lahaye. Si vous voulez bien présenter les gens qui vous
accompagnent, M. le maire, et, après ça, nous allons
procéder dès maintenant, selon les règles que vous
connaissez. Vous avez donc la parole.
Ville de Trois-Rivières
M. Leblanc (Guy): Ici, à ma gauche, M. le conseiller Alain
Gamelin, qui est également président du comité consultatif
sur la culture, et M. François Lahaye, qui est directeur de tout
l'aspect culturel des services culturels de la ville de
Trois-Rivières.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, soyez
les bienvenus.
M. Leblanc: Merci beaucoup. M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les commissaires, je veux d'abord remercier bien
sincèrement les membres de cette commission de nous donner aujourd'hui
l'occasion de développer notre point de vue en regard de la
présente proposition de politique culturelle. Nous nous
réjouissons d'abord de voir le gouvernement s'engager dans une telle
démarche fondamentale et nous voulons féliciter les auteurs de la
proposition présentée à Mme la ministre des Affaires
culturelles. Ce document vient éclairer notre réflexion
collective d'une lecture de la situation qui nous paraît à la fois
lucide et réaliste. Si la culture est l'âme d'un peuple, il
importe pour nous que le peuple de toutes les parties d'un territoire ait des
chances égales d'accéder à la culture. Pour ce faire, il
nous semble primordial que des foyers d'ébullition culturelle soient
reconnus et entretenus en dehors des grands centres.
Vous avez reçu et sans doute lu le mémoire de la ville de
Trois-Rivières intitulé "Les capitales régionales: des
partenaires privilégiés". Ce mémoire, comme vous l'avez
remarqué, réagit très favorablement à l'invitation
des auteurs de la proposition, en ce qui a trait à un nouveau
partenariat entre les intervenants du domaine culturel. Oui, notre
municipalité veut discuter de nouveau partage des
responsabilités; oui, Trois-Rivières veut continuer de jouer un
rôle de leader du développement culturel dans son milieu
régional, mais, comme nous l'écrivions dans notre mémoire,
pour nous, ce nouveau partage des responsabilités, cette
redéfinition de notre rôle, voire même une amplification de
notre leadership dans le milieu vont de pair avec la reconnaissance d'un
concept essentiel, celui de capitale
régionale. (15 heures)
Permettez-moi de prendre les quelques minutes qui me sont
accordées pour vous préciser ce que signifie pour nous cette
réalité de capitale régionale au regard de la dynamique
culturelle de notre milieu. Comme nous l'expliquions dans notre document, une
ville comme Trois-Rivières assume, en tant que capitale
régionale, la responsabilité d'infrastructures dont le
rayonnement déborde largement le territoire de sa municipalité.
Mais quel est ce territoire? Pour nous, c'est l'aire de rayonnement de
Trois-Rivières en matière culturelle qui rejoint Gron-dines
à l'est, Louiseville à l'ouest, englobe Nicolet et
Bécancour au sud et touche, au nord, des populations aussi
éloignées que les résidents de La Tuque pour certaines
manifestations.
Si on considère seulement l'environnement immédiat de
Trois-Rivières, on trouve donc plus de 131 000 personnes, soit
près de trois fois la population de la capitale régionale
elle-même. Or, il se trouve que la majorité des
événements, organismes, structures et attraits à
caractère culturel de cette région sont localisés à
Trois-Rivières: orchestre symphonique, les ateliers Silex, Presse
papier, Papyrus, Les écrits des Forges, la bibliothèque
municipale avec ses collections importantes, la revue Lé Sabord, les
centres d'exposition tels que la Galerie du parc, le musée
Pierre-Boucher, la salle Raymond-Lasnier du centre culturel, les galeries
privées, la salle de spectacles J.-A.-Thompson, celle du centre culturel
et du réseau privé, libraires et disquaires.
De plus, les principales maisons d'enseignement de la région sont
concentrées à Trois-Rivières, que ce soient les
collèges et l'université, le conservatoire de musique,
l'École des Petits chanteurs. Toutes ces institutions contribuent aussi
et ainsi au foisonnement culturel de Trois-Rivières. Ajoutons le prix
littéraire de Trois-Rivières, une distinction régionale
attribuée par la ville en collaboration avec l'université, le
cégep et la société des écrivains de la Mauricie.
Voilà donc un portrait sommaire de notre ville en tant que creuset
culturel actif.
Soulignons également que Trois-Rivières, la
deuxième ville plus ancienne de l'Amérique, offre un attrait
patrimonial hors du commun. Son arrondissement historique, qui rejoint en
intérêt, toutes proportions gardées, bien sûr, ceux
de Montréal et de Québec, témoigne d'éloquente
façon de la présence française en Amérique.
À ce titre, H fait partie du patrimoine national.
Enfin, il importe de rappeler quelques-uns des événements
culturels majeurs de notre milieu qui ont tous cours dans nos murs: Festival
des Trois-Rivières, Symposium de sculpture, Festival international de la
poésie, Biennale de céramique. Notons, enfin, qu'un nouveau
pôle d'attraction devrait s'ajouter à cette liste avec
l'avènement, nous le souhaitons très prochain, du Musée
des arts et de la tradition populaire. Donc, à l'exception du Centre
culturel de Shawinigan et du Musée des religions de Nicolet, on peut
affirmer que la quasi-totalité des infrastructures de diffusion
culturelle, des événements et des organismes prennent place et
ont lieu sur le territoire de la municipalité de Trois-Rivières.
Et, il est évident que ces attraits bénéficient à
une population plus vaste qu'aux seuls citoyennes et citoyens de
Trois-Rivières. Or, ce sont ces derniers qui soutiennent de leurs taxes
ces organisations et ces équipements de diffusion.
Les chiffres de fréquentation des diverses manifestations
décrites plus haut indiquent clairement qu'elles touchent une importante
clientèle régionale. C'est ce que démontrent les
statistiques de la bibliothèque municipale de Trois-Rivières
ainsi que des sondages effectués auprès du public du Festival des
Trois-Rivières et des utilisateurs de la salle J.-A.-Thompson. Dans ce
dernier cas, les études révèlent que seulement 55 % de la
clientèle provient de Trois-Rivières. Pour ce qui est du
Festival, la proportion baisse à 45 %. Il est tout à fait
plausible d'appliquer un tel ratio à des événements comme
la Biennale de céramique et le Festival international de la
poésie.
Il convient aussi de souligner que Trois-Rivières contribue, en
entretenant des structures d'accueil de qualité professionnelle,
à la vitalité d'un important réseau national de diffusion.
Il s'agit d'un apport de première valeur au rayonnement et à la
viabilité de la création québécoise.
Il est évident que seules des structures d'accueil de
qualité comme la salle J.-A.-Thompson, par exemple, peuvent permettre la
circulation des productions d'envergure. Comme ces productions ont souvent
profité de subventions gouvernementales, la simple cohérence veut
que l'on soutienne la qualité des ressources techniques et humaines
à l'intérieur du réseau de diffusion, de manière
à assurer le meilleur retour sur l'investissement. De fait, la
qualité du réseau de diffusion permet les tournées, donc
la multiplication des représentations et, par conséquent, une
meilleure rentabilité pour la production. Les infrastructures d'accueil
favorisent également l'accès à la culture pour les
populations hors grands centres. C'est donc grâce aux infrastructures
soutenues par les capitales régionales que s'opère la symbiose
souhaitée par le rapport Arpin entre les grands centres et l'ensemble
régional. Parce que la plus grande partie de l'activité
culturelle de la région se déroule sur leur territoire, les
citoyens de la capitale régionale doivent assumer seuls les coûts
reliés à ces activités. Pourtant, la population
environnante profite également de ces activités, sans en payer
toute la facture.
Le citoyen de la capitale régionale paie donc, à trois
reprises, pour un même service. Comme les autres utilisateurs, il paie,
première-
ment, son billet d'entrée. Ensuite, comme les autres
contribuables, il défraie sa part des subventions gouvernementales,
mais, et c'est ce qui est important pour nous, il est seul à contribuer
d'une troisième façon, c'est-à-dire par ses taxes
municipales. A cet égard, vous me permettrez de souligner que l'effort
des contribuables trifluviens à la cause culturelle est vraiment
remarquable. Le budget municipal alloué à la culture - et on
parle évidemment uniquement de culture et non de socio-culturel - est
passé de 1 200 000 $ en 1988 à près de 2 000 000 $ en
1990.
L'affectation culturelle représentait 2,9 % du budget en 1988,
elfe a atteint 3,95 % en 1990. En ce qui concerne l'évaluation
foncière, la part du budget consacrée à la culture se
chiffrait à 10,87 $ du 100 $ d'évaluation en 1988, pour atteindre
16,42 $ en 1992. Les budgets d'opération des principales infrastructures
indiquent des déboursés considérables couverts par les
seuls revenus des taxes municipales de la capitale régionale.
Les subventions du ministère des Affaires culturelles, par
ailleurs, totalisaient 176 000 $ l'année dernière, soit 9,11 %
seulement de l'engagement municipal total. Soulignons de plus que l'abolition
de la taxe d'amusement au profit de la TVQ privera la municipalité de sa
seule possibilité de toucher directement l'utilisateur non
résident et, à ce moment-là, on parle d'environ 225 000 $
annuellement. Il s'agissait là d'un bel exemple de répartition
des coûts rendue possible grâce au pouvoir supralocal du
gouvernement.
En résumé, nous voulons, Mme la ministre, Mmes, MM. les
commissaires, vous faire bien saisir la portée de l'action
spécifique de la capitale régionale dans le domaine culturel:
premièrement, contribution à la collectivité
régionale en tant que carrefour de la création et de la
diffusion; deuxièmement, contribution à la collectivité
québécoise dans son ensemble par son arrondissement historique et
par son soutien à la diffusion de la culture nationale et,
troisièmement, aménagement d'un milieu de vie, d'un environnement
permettant ou favorisant de maintenir ou de développer des
créateurs et des créations de niveau supérieur.
Pour ces raisons, nous estimons indispensable que le gouvernement
identifie clairement les capitales régionales comme des partenaires
privilégiés du développement culturel et nous souhaitons
à cet égard une reconnaissance politique au plus haut niveau.
Cette reconnaissance permettra de créer un véritable partenariat
impliquant la négociation de mandats précis. L'engagement du
gouvernement dans un tel processus nous paraît essentiel parce qu'il est
le seul à exercer son pouvoir sur l'ensemble des contribuables d'une
région. Il est donc le seul à pouvoir mettre en place des
mécanismes har-monisateurs capables d'assurer un partage plus
équitable des responsabilités et des coûts. Non seulement
le gouvernement a-t-il le pouvoir de réaliser une telle reconnaissance,
il en a aussi le devoir puisqu'il s'agit d'un moyen privilégié
pour atteindre l'objectif primordial de rendre la culture accessible à
toutes les citoyennes et à tous les citoyens du territoire
québécois.
Nous réitérons, en terminant, notre détermination
à jouer pleinement notre rôle de leader du développement
culturel dans notre milieu régional. Trois-Rivières a
déjà pris des initiatives importantes, elle en a soutenu d'autres
émanant des créateurs de son milieu. La reconnaissance de son
statut de capitale régionale et de partenaire privilégié
lui permettra d'accentuer ce rôle et de devenir un véritable foyer
régénérateur de la culture régionale et nationale.
Merci de votre bonne attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, M. Gamelin et M. Lahaye,
bienvenue. Si votre présence ici me fait tant plaisir, c'est qu'on se
rappelle la première fois qu'on avait, cet été,
réuni tous les milieux culturels pour justement les rencontrer et voir
à leurs besoins. Vous impressionnez aussi par votre dynamisme, le
dynamisme de votre ville autour de cette cause, cette grande cause
culturelle.
Hier, nous recevions la visite, aussi, du maire d'Amos. On
s'aperçoit que, de plus en plus, maintenant, les villes embarquent. Le
maire d'Amos, lui, parlait de culture de survie parce que la culture, chez lui,
c'était finalement le gage du sentiment d'appartenance pour les gens de
la région. J'aimerais ça que vous nous développiez cette
notion de capitale régionale. Est-ce que votre proposition, votre
suggestion irait jusqu'à ce qu'on puisse confier formellement les
responsabilités en matière de développement culturel? Il y
a une place, aussi, dans le rapport Arpin, et c'a été même
aussi repris avant, en ce qui concerne le rapport Coupet, en disant: On
pourrait, ensemble, gérer un fonds pour justement être encore plus
près des besoins de la clientèle.
M. Leblanc: Vous me parlez du maire d'Amos, dont je n'ai pas
entendu l'intervention. Il dit que, pour lui, c'est une question de survie,
mais je pense que c'est une question de survie pour la culture
québécoise où qu'elle soit, où qu'on veuille la
faire rayonner. Chez nous, on a toujours eu, peut-être aussi à
cause de l'histoire de notre ville, du passé glorieux et de l'avenir
brillant qui attend Trois-Rivières, ce creuset au niveau de la
création et des créateurs.
On est un milieu qui est avantagé et désavantagé en
même temps parce qu'on est entre les deux grands pôles qui exercent
un attrait certain. Et c'est pourquoi on insiste sur
ce rôle de capitale régionale. Et tout au long du rapport
Arpin, et dans des parties encore plus spécifiques, on parle de
synergie. C'est dans ce sens-là qu'on voit vraiment notre rôle,
accentué par des relations spécifiques et directes entre, nous le
souhaitons, le prochain ministère de la culture et la ville de
Trois-Rivières comme capitale régionale, mais comme capitale
culturelle aussi.
Dans le rapport Arpin, on nous parle des villes de groupe 1, à un
moment donné, qui recouvrent à peu près les capitales
régionales. On parle de Sherbrooke, on parle de villes qui ont
déjà, qui jouent déjà un rôle dans leur
région comme pôle. Et, nous croyons fermement que ça serait
finalement reconnaître peut-être de façon formelle ce
rôle qui est déjà joué par les capitales
régionales, où sont concentres les équipements, bien
sûr, mais surtout les créateurs qui sont en région, qui
sont hors Montréal et Québec.
Mme Frulla-Hébert: Comment faire, M. le maire, pour...
Parce qu'il y a eu une plainte à un moment donné où on
disait: II y a certaines municipalités, justement les grandes
municipalités, celles que vous appelez capitales régionales, qui
investissent, qui se dotent maintenant de politique culturelle, qui veulent
travailler - on travaille ensemble sur des ententes MAC-villes triennales - et
d'autres municipalités qui se fient bien souvent - et corrigez-moi si
j'ai tort - sur ces grandes capitales régionales en se disant: Bien, ils
vont prendre soin des équipements, ils investissent dans les
équipements. Nous, évidemment, on a d'autres
préoccupations. Il faut comprendre aussi qu'il y a plusieurs petites
municipalités qui n'ont pas les fonds - on considère ça -
même pas pour investir un tout petit pourcentage, ne serait-ce que pour
donner un coup de main. Est-ce que c'est possible d'inciter ces gens-là
ou si c'est tout simplement parce qu'ils n'en ont pas les moyens et qu'il ne
faut pas y penser?
M. Leblanc: Je pense qu'on en a toujours les moyens. Il y a
peut-être aussi que, les capitales régionales jouant un
très grand rôle et peut-être occupant toute la place, les
municipalités limitrophes ou qui entourent ces capitales-là se
sont peut-être habituées à la facilité de voir la
capitale prendre le leadership, investir, faire les gestes, poser les gestes et
investir les montants nécessaires.
Et, nous, on voyait comme moyens, parce que vous nous pariez de
moyens... On pense, par exemple, à la réforme de M. Ryan au
niveau municipal. Il nous parle de transport en commun et décide
d'enlever certaines subventions, mais de donner une chance aux villes qui
donnent le service non pas seulement à leurs citoyens, mais qui
profitent également aux gens, aux localités limitrophes, de dire:
Bien, on va prendre un 30 $ sur les permis de conduire, mais sur un bassin de
population donné. Et nous, on voyait qu'on pourrait également...
D'ailleurs, dans le rapport Arpin, on dit que, dans la TVQ, il pourrait
peut-être y avoir un certain pourcentage qui soit remis dans le budget de
la culture.
Et, nous, on voyait possiblement ce même type de
prélèvement sur une taxe qui serait perçue sur une
région, qui pourrait être redonnée à la capitale
régionale pour justement, sans être obligés de faire des
discussions interminables - on parle du pouvoir supralocal dont le gouvernement
dispose - rétablir l'équilibre, confirmer le rôle de
capitale et, je dirais, développer ces autres foyers. Parce que on ne
peut pas penser seulement aux grands foyers culturels de Montréal et de
Québec. Il faut également en développer d'autres en
support et en synergie, si on la veut véritable, cette synergie.
Mme Frulla-Hébert: Une question. Vous savez, maintenant
vous êtes à vous doter d'une politique culturelle. Vous soutenez
aussi des organismes que, nous, on soutient. Est-ce qu'il y a lieu à une
meilleure harmonisation? Vous savez, avant, nous étions quand même
très présents. Les municipalités, on se reporte à
il y a 15 ans, quand je parlais à des directeurs de BCP un peu partout
à travers le Québec, il y en a un qui me disait... Moi,
j'arrivais et le maire d'une certaine municipalité, à
l'époque, me disait: Écoutez, moi, je n'ai jamais lu puis je ne
suis pas mort. (15 h 15)
On a beaucoup changé depuis 15 ans. Les villes se dotent, et la
vôtre, Sherbrooke est venue hier, des représentants de la
région... et, là, on s'aperçoit que les villes parlent de
politique culturelle, on sent le besoin de créer justement cette
appartenance. Est-ce qu'il y aurait lieu à une meilleure harmonisation,
finalement, entre ce que vous faites et, maintenant, ce que nous faisons pour,
justement, faire profiter davantage le milieu?
M. Leblanc: C'est évident que, quand on dit qu'on trouve
que la lecture que les gens qui ont écrit le rapport Arpin font de la
situation est lucide et qu'elle correspond à la réalité,
ce n'est pas seulement des formules vagues de politesse, c'est parce qu'on fait
également, nous aussi, la même constatation dans notre milieu. Au
niveau de l'harmonisation, on a déjà commencé à
travailler dans le même sens que le rapport Arpin le souhaite et dont
vous nous avez entretenu quand vous êtes venus chez nous. On commence
justement, nous aussi, à signer des ententes avec des regroupements, des
artistes ou des événements chez nous sur une période de
trois ans, pour leur faciliter la tâche, pour qu'ils puissent planifier
et parce qu'il faut le voir aussi comme... Ce n'est pas seulement du folklore;
il faut faciliter la tâche de tous ces créateurs, de
tous ces gens qui s'impliquent, qui ne comptent pas les heures, ni le
temps ni l'énergie qu'ils mettent dans leur création ou dans des
organismes comme le festival de la poésie. Il faut, à ce
moment-là, absolument avoir plus de synergie pour éviter qu'on se
fasse jouer l'un contre l'autre ou encore qu'on arrive en compétition
l'un contre l'autre.
Maintenant, quand je vois "synergie", je veux bien qu'on s'en tienne au
mot "synergie" et non pas qu'on tombe dans un centralisme où, si vous ne
passez pas par une porte, il n'y a plus rien de possible pour la culture dans
votre milieu. Je pense qu'il faut rester avec une structure plus efficiente,
mais qui doit demeurer quand même flexible, et c'est dans ce
sens-là que j'aime bien le terme "synergie". Mais je ne vois pas une
seule porte d'entrée qui ferait que, si vous ne pouvez pas vous cadrer
dans ces normes, vous ne pouvez plus exister culturellement ou vous ne pouvez
plus avoir accès à des subventions, mais que, nous, on s'adapte
et qu'on fasse chacun un bout de chemin dans ce sens-là, moi, je suis
entièrement d'accord.
Indépendamment de la politique qui en découlera, nous
sommes déjà prêts à faire ce geste-là, qu'il
soit englobé dans une politique ou qu'il soit sur une base, je dirais,
purement au niveau des bonnes relations qu'on pourrait développer avec
vos représentants en région. Mais, en l'officialisant,
peut-être que ça faciliterait l'ouverture de représentants
politiques de niveau municipal qui seraient peut-être moins sensibles
à la culture et à tout ce qu'elle peut représenter pour la
survie du peuple québécois.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, je vais vous poser la
question qu'on nous pose aussi ici, en commission parlementaire, quelquefois:
Pourquoi une politique culturelle? On s'est développé, à
date. On n'a pas eu besoin de ça. Alors pourquoi tout à coup une
politique culturelle?
M. Leblanc: Je pense que, premièrement, ce n'est pas tout
à coup ni tout d'un coup parce que ça prend assez de temps.
Mme Frulla-Hébert: On nous dit ça à
nous.
M. Leblanc: Non, non, je sais ce qu'on vous dit, très
bien, et c'est à eux que je réponds. Je pense que ça fait
partie d'un cheminement où on s'aperçoit que nos interventions
à la pièce, nos interventions seulement suite aux demandes qu'on
peut nous faire sont peut-être, pas seulement peut-être, mais sont
sûrement à courte vue et ne favorisent pas ce grand
développement de la culture que souhaite le rapport Arpin qui, je dois
l'avouer, m'a sensibilisé aussi encore plus, même si
j'étais déjà vendu à la culture, qui m'a
sensibilisé encore davantage, spécialement quand on parle de la
relation horizontale qu'il devrait y avoir avec tous les autres
ministères; nous, on veut développer exactement cette même
approche avec vraiment un développement horizontal dans toute la ville,
avec les commissions scolaires, même si ce n'est pas déjà
réglé aux niveaux plus élevés, avec
l'université, avec le Séminaire de Trois-Rivières, etc.
C'est dans ce sens-là que, nous, on voit vraiment la politique, parce
que la politique, on ne la voit pas comme juste une brique, mais on la voit
comme de nouvelles ouvertures, de nouvelles possibilités pour nos
créateurs en région de réaliser ce qu'ils font et surtout
d'y faire participer la population, les investisseurs privés, mais aussi
tous les gens qui ont soif de culture même s'ils ne sont pas à
Montréal et à Québec. Pour nous, c'est très
important.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le maire, je vais me réjouir. C'est
très rare, dans une commission de la culture, que l'on voit trois maires
arriver: le maire d'Amos, le maire de Québec et le maire de la ville de
Trois-Rivières. J'ose espérer - je n'ai pas vu l'agenda - que le
maire de Montréal y sera.
M. le maire, j'ai toute une question à vous poser. Vous allez
dire: Pour sa première question, il est peut-être un peu
agressant. Mais n'y voyez pas de malice de ma part. Je ne comprends pas, M.
Leblanc, que vous acceptiez la recommandation 99 du rapport Arpin au sujet de
la TVQ. Elle est libellée comme suit: "Que la taxe de vente du
Québec serve notamment à soutenir la culture et que, pour ce
faire, elle soit réduite à 3 % sur les biens culturels; qu'une
partie de la TVQ, 1,5, soit appliquée sur les médias
consacrés à des entreprises culturelles et à des
initiatives visant à stimuler la demande". Alors, M. le maire, que M.
Morin, le directeur général de la Place des Arts, alors que M.
Lahaye, qui est immédiatement à votre droite géographique,
il faut s'entendre, nous ont expliqué, hier, que la taxe provoquait une
baisse de fréquentation. La recommandation 99... Il est prouvé,
la taxe, actuellement, de 17 % et qui serait de 27 %... Enfin, toute taxe
provoque une baisse. Donc, on leur dit: Écoutez, on va vous taxer de
façon à ce que vous en demandiez plus alors que vous allez en
voir moins.
M. Leblanc: C'est la fin de votre question? M. Boulerice:
Oui, j'attends votre réponse. M. Leblanc: O.K. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Leblanc: Oui, alors, je pense qu'il faut se rappeler que j'ai
dit: Comme ce moyen-là, et
non pas que j'endossais ce moyen-là, et ça n'a jamais
été, parce qu'on a quand même beaucoup travaillé
avant de... Et on travaille sur notre politique. On n'a jamais dit qu'on
endossait ce moyen de fonctionner. Quand on dit: Comme ce moyen-là,
c'est qu'on se place à titre de capitale régionale et qu'on dit:
Bon... Parce que je pense que c'est peut-être plus facile au niveau du
gouvernement de dire: Bon, on prend la notion de capitales régionales.
Comment, maintenant, on peut les financer? Bien, si, nous autres, on dit: Ce
qui, déjà, se perçoit chez nous, si on en retrouve une
partie comme on en retrouvait une partie à l'époque de la taxe
d'amusement, nous, ce serait un moyen sur lequel on pourrait compter, qui ne
serait pas sujet aux aléas de politiques ou de coupures par la suite, et
les gens pourraient retrouver une partie de ce qu'ils ont versé. Mais ne
prenez pas ça comme un endossement. De toute façon, qui endosse
paye, alors il faut faire attention.
M. Boulerice: M. le maire, je n'ai pas posé la question au
maire de la capitale nationale, je n'ai pas posé la question au maire
d'Amos, mais je vais vous la poser puisque vous êtes effectivement une
capitale régionale d'importance. Il y en a peut-être deux autres
qui ont l'étendue de la vôtre, peut-être Sherbrooke, pour
l'Estrie, et Chicoutimi, pour le Saguenay. Donc, vous êtes aussi...
Certes, Trois-Rivières est une ville d'industries, de commerces, mais
c'est une ville d'institutions, puisque ce sont des grandes capitales
régionales, donc d'institutions, d'équipements. Alors, la
question que je veux vous poser, et je pense que c'est vous qui allez
probablement peut-être me donner la réponse: Comment permettre une
meilleure concertation entre les municipalités et les milieux scolaires
- le milieu scolaire dans son sens très générique - au
chapitre du soutien aux organismes culturels et a la gestion des
équipements culturels?
M. Leblanc: Bon. Je peux parler surtout pour notre ville, dans un
premier temps, parce qu'on a déjà commencé des discussions
avec des présidents de commissions scolaires, des directeurs de
cégeps et des représentants d'université. C'est qu'on se
retrouve tous avec des salles de spectacles, salles de
répétition, seulement au niveau des équipements.
Après ça, on peut parler des équipements de sonorisation,
d'éclairage. On peut parler de toutes les ressources humaines que les
institutions scolaires ont, tant cégeps qu'université,
qu'institutions privées. On peut parler de tous nos équipements
à nous et des ressources humaines que nous avons également.
Alors, plutôt, je dirais, que de se multiplier de façon à
retrouver les mêmes services dans chacune des petites tours d'ivoire, si
on veut, c'est qu'on , veut ouvrir plus grandes les portes. Par exemple, le
cégep pourrait se spécialiser plus dans la danse,
l'université plus dans le théâtre, Trois-Rivières
plus dans d'autres types de manifestations culturelles, et que les
équipements qui doivent rendre plus efficaces ou plus performants - on
parle au niveau sonorisation et éclairage - soient plus
dédiés, mais qu'on en ait une salle dans la ville plutôt
qu'en avoir trois à peu près équipées. Alors, c'est
dans ce sens-là qu'on voit la synergie parce que tout le monde, tant au
niveau de l'éducation que des villes, on fait face à des besoins
toujours grandissants, des ressources qui sont déjà... en tout
cas des revenus qu'on tire des mêmes payeurs de taxes qui sont
peut-être à leur maximum. On essaie de faire plus avec ce qu'on a
déjà et de rentabiliser les équipements qui sont
déjà en place, sans nécessairement compter sur le pouvoir,
à Québec, mais en se débrouillant en région. C'est
ce qu'on fait dans le moment.
M. Boulerice: Très brièvement, parce qu'il y a un
digne fils de Trois-Rivières qui veut intervenir, qui est mon
collègue de Mercier. Cette concertation, si je vous ai bien compris, M.
le maire, vous ne voulez pas qu'elle soit encadrée par des règles
venant de Québec, mais en disant: Laissez-nous, nous en région,
nous débrouiller au niveau de la concertation, on est capables de la
faire.
M. Leblanc: C'est-à-dire qu'on le fait. M. Boulerice:
Vous le faites, mais...
M. Leblanc: Et les régions ont toujours été
habituées à se débrouiller. Ce qu'on demande aujourd'hui
du pouvoir central, c'est: Aidez-nous à continuer dans ce
sens-là. On parle souvent au gouvernement, on dit: Laissons l'entreprise
privée se débrouiller; on va, des fois, la soutenir. C'est un peu
la même chose. Je pense que, par rapport à un supragouvernement
qui est peut-être mieux équipé, on est peut-être des
structures plus légères qui sont plus flexibles, qui peuvent
apporter des résultats grandement, mais on a besoin, bien sûr, de
ressources, et c'est un peu le cri du coeur de la capitale
régionale.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Oui, M. le Président, merci. M. le maire et vos
accompagnateurs - sans penser à la musique - votre ville s'est fait
connaître dans le reste du Québec par un slogan qui disait: "Le
pont, il nous le faut et enfin nous l'aurons". Nous, les péquistes, on
dit: La souveraineté, il nous la faut et "betôt" nous l'aurons -
sans allusion politique, Mme la ministre, je sais que vous n'aimez pas
ça. Alors, vous avez parlé tout à l'heure, très
brièvement et en surface, un peu du Musée de la civilisation que
vous attendez pour bientôt. Je souhaite qu'on puisse di-
re - parce que c'est une collection qui m'est très chère,
étant un grand ami de Robert-Lionel
Séguin: Le musée, il nous le faut et enfin nous l'aurons.
Par ailleurs, il y a un bémol à ce musée, c'est que les
frais, Mme la ministre, les frais, pour le musée, la deuxième
année, il y a des frais de...
Une voix: Fonctionnement.
M. Godin: ...fonctionnement, le ministère n'a pas les
moyens pour l'instant de les payer parce qu'il y a trop de musées au
Québec, si on peut dire, y compris le musée de Saint-Lin,
où il y a les vieux vêtements de Laurier, et éventuellement
le musée Trudeau, où il y aura ses vestes indiennes. Alors,
est-ce que la ville de Trois-Rivières peut envisager défrayer une
partie des frais de fonctionnement de ce musée-là pour s'assurer
que ce ne soit pas un fardeau tellement lourd pour le ministère qu'il ne
puisse pas aller de l'avant dans ce dossier-là? À moins d'avoir,
de la part dudit musée et de la ville de Trois-Rivières,
j'imagine, certaines garanties que le financement va venir, comme pour le
festival mondial de la poésie de Trois-Rivières, d'entreprises
locales, de la municipalité, entre autres, ce qui va garantir
l'implantation beaucoup plus rapide du musée, m'a-t-on dit au
ministère. Alors, je pose la question: Est-ce que la ville de
Trois-Rivières peut envisager défrayer une partie des
dépenses? Ça va se chiffrer, je pense, madame, à 3 000 000
$...
Mme Frulla-Hébert: Les dépenses de fonctionnement,
oui. (15 h 30)
M. Godin: ...par année. Donc, il faudrait que la ville,
déjà, planifie. Et moi, comme j'ai déjà couvert,
à Trois-Rivières, les séances du conseil dans le temps de
M. Paradis, M. J.A. Montgrain et vos prédécesseurs illustres,
dans la réunion préparatoire à la séance publique,
j'aimerais que vous preniez toutes les garanties pour que le ministère
ne se sente pas alourdi d'autant par des frais de fonctionnement d'un
musée qui risque de devenir une attraction au moins aussi importante
dans la région en question, qui est la mienne, que le fameux village
d'Emilie qui, entre vous et moi, n'est pas comparable d'aucune manière
avec ce musée-là, même si on peut dire que le village
d'Emilie se situe un peu dans la perspective culturelle du musée, qu'on
pourrait appeler, amicalement, le musée Séguin. Je vous pose la
question en espérant une réponse qui facilite le travail de la
ministre auprès de ses collègues du Conseil des ministres.
M. Leblanc: M. le député, je suis content,
d'ailleurs, de vous saluer.
M. Godin: Vous n'êtes pas sous serment ici.
M. Leblanc: Ha, ha, ha! Non, c'est pire, il faut signer un
chèque. Alors, je suis content de voir que tant le Parti
québécois que le gouvernement au pouvoir semblent s'entendre pour
doter Trois-Rivières d'un musée qui sera d'envergure nationale.
On parle d'un musée des arts et de la tradition. C'est probablement,
peut-être, un fait unique qu'une ville, qu'une collectivité,
qu'une communauté possède déjà sa collection, et
pas n'importe laquelle, parce que c'est sûrement unique en
Amérique du Nord comme collection et ce qui est mieux, c'est que cette
collection relate tout le passé des Québécois, comment
nous avons vécu au jour le jour, pas seulement les grandes batailles
mais les petites batailles de tous les jours. Pour nous, on conçoit que
c'est, et je pense également pour la ministre et pour vous, M. le
député, vraiment une collection et un musée qui seront
d'envergure nationale. C'est certain que la ville de Trois-Rivières va
faire son effort. On a déjà promis des exemptions de taxes. On
pariait de 5 ans, on serait prêt à aller possiblement
jusqu'à 10 ans et on parle que ça recouvre des montants qui
pourraient être de l'ordre de plusieurs millions de dollars dont la ville
pourrait ainsi faire bénéficier l'organisation et la corporation
du musée.
Maintenant, pour connaître les budgets d'opération, j'ai
mentionné tout à l'heure que nous étions à 3,95 %
de notre budget et c'est un montant qu'on doit considérer comme un
effort très honnête; très honnête, compte tenu des
obligations des villes-centres qui, vous le savez, se départissent
tranquillement de leur population, mais augmentent leurs implications et
conservent les mêmes obligations. Alors, il y aura peut-être des
choix à faire à ce moment-là.
Le Président (M. Doyon): M. le maire, en terminant... Oui,
si vous voulez, M. le député.
M. Godin: ...pour des raisons affectives évidentes. M. le
maire, donc, on peut dire: Notre musée, il nous le faut et enfin nous
l'aurons.
M. Leblanc: De tout coeur.
M. Godin: Avec l'appui de la ministre, au moins moral, parce que
je sais que, moralement, elle est tout à fait d'accord. Quand au reste,
c'est à vous de la convaincre, M. le maire.
M. Leblanc: Ça me fera plaisir.
M. Boulerice: Par tous les moyens possibles.
M. Godin: En tout cas, pour connaître les villes où
il y a des musées et que des musées, comme Washington, les
hôtels ne désemplissent pas, à Washington, de la
clientèle des musées. Et si vous voyiez la rue où il y a
tous ces musées-là, le Musée de l'Aviation, etc., etc.,
etc., j'en passe et des meilleurs... Je suis sûr qu'un musée
comme celui-là va être un capital extrêmement
important pour le Québec et Trois-Rivières et va devenir un lieu
de recherche, à mon avis, international parce que, pour avoir vu le
musée analogue en France, c'est plein de monde tout le temps, parce que,
vous avez raison, c'est par les outils qu'a ramassés Robert-Lionel
Séguin qu'on peut le mieux lire et comprendre l'histoire du
Québec.
M. Leblanc: Quand on parle de culture, je pense que ça
fait partie intégrante et intrinsèque de ce que nous sommes
aujourd'hui. Et c'est dans ce sens-là que le gouvernement aura
également des décisions à prendre; vous mentionnez qu'il y
a des musées qui n'ont seulement que le titre de musée mais pas
vraiment de contenu. Nous, au contraire, on a le contenu, il nous manque le
contenant et l'opération.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, en
terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci énormément d'avoir
accepté notre invitation. Vous savez que les gens de
Trois-Rivières continuent à influencer énormément
le domaine culturel, non seulement par notre illustre collègue, mais
aussi par ma sous-ministre ici, qui était originaire de
Trois-Rivières, voisine de notre collègue quand elle avait sept,
huit ans. Alors, merci encore et, encore une fois, vous êtes un exemple,
M. le maire. Merci.
M. Leblanc: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire.
Merci à vos collaborateurs. . M. Leblanc: M. le Président,
merci beaucoup, aux commissaires aussi.
Le Président (M. Doyon): En vous laissant le temps de vous
retirer, je demanderais au prochain groupe de bien vouloir s'approcher de la
table. Il s'agit du Regroupement des bibliothèques centrales de
prêt du Québec. Il est représenté par M. Mandeville,
Mme Desruisseaux et par MM. Boivin et Fink. Je vois qu'ils sont
déjà en avant; ils étaient déjà avec nous
depuis un certain temps. Les règles sont connues; vous disposez d'une
quinzaine de minutes et, après ça, la discussion s'engage, pour
le temps qu'il reste, d'une façon équivalente entre les deux
parties. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous demande de vous
présenter et de commencer dès maintenant votre
présentation ou votre résumé de mémoire, comme vous
voudrez.
Regroupement des bibliothèques centrales de
prêt du Québec
M. Mandeville (Normand): Alors, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. membres de la commission. Je vous remercie, au nom des 11
bibliothèques centrales de prêt de la province et de leurs 7000
bénévoles, de nous offrir l'opportunité de vous
présenter notre éclairage sur le projet de politique culturelle
du Québec. L'à-propos de l'énoncé et surtout de
l'adoption d'une politique culturelle pour le Québec nous apparaît
évident; les enjeux constitutionnels le démontrent. La
spécificité québécoise ne se fonde-t-elle pas en
majeure partie sur sa culture distincte? Le peuple québécois est
présentement en processus de rédaction des plus importantes pages
de son histoire et d'aucuns, autour de cette table, conviendront que le
chapitre portant sur le cadre de vie culturel occupera une place
prépondérante et déterminante dans la fresque historique
que liront les générations futures. M. le Président, je
peux continuer pareil? Oui? Ça fait chic de dire ça.
M. le Président, je voudrais, en passant, féliciter Mme la
ministre pour sa prise de position dernièrement, face aux propositions
fédérales; on ne pouvait attendre moins de la part de notre
ministre. Parmi les centaines de définitions de la notion de culture,
nous souscrivons, à titre de praticiens, à celle, ou plutôt
à l'approche du groupe-conseil présidé par M. Arpin,
puisqu'elle a permis de proposer des gestes concrets appliqués au
développement de la culture et de l'action culturelle, une politique
culturelle globale qui saura encadrer, pour les 10 prochaines années,
nous dit-on, nos choix en regard du développement culturel. Nous avons
compris, M. le Président, que le défi que nous propose M. Arpin
en est un de vision et de prospective afin d'apprécier l'environnement
culturel québécois des années 2000 et, en
conséquence, il nous faut poser, au cours des prochains mois, des
prochaines années, des gestes déterminants et, dans certains cas,
éclatants pour atteindre les résultats escomptés.
M. le Président, la lecture du mémoire du Regroupement des
BCP du Québec a permis sans aucun doute à ceux et à celles
qui l'ont lu d'apprécier toute la dynamique des institutions culturelles
régionales que sont les bibliothèques centrales de prêt.
Elles forment le plus vaste réseau de diffusion de biens et services
culturels dans la région du Québec parce qu'elles pratiquent
l'addition et le partage des ressources en vue de favoriser une
accessibilité élargie et permanente en milieu à faible
densité de population. C'est précisément en vertu de ce
mandat que les bibliothèques centrales de prêt sont
stimulées par la portée des grandes orientations du projet
culturel québécois proposé par M. Arpin.
De l'orientation visant l'accès à la vie culturelle, les
bibliothèques centrales de prêt y souscrivent d'emblée, M.
le Président. Toutefois, elles ne partagent pas la vision polarisante
des espaces culturels retenus, soit Montréal, Québec,
les régions. Il est vrai que les régions ont besoin de
Montréal et de Québec, mais il est aussi vrai, et il ne faudrait
pas l'oublier, que Montréal et Québec ont besoin des
régions. Le projet qu'on nous propose laisse pour compte la
ruralité et l'isolement de centaines de communautés, 1360
exactement, qui, en régions périphériques, regroupent plus
de la moitié des populations régionales. Les BCP
perçoivent une marginalisation de ces espaces culturels, ce qui serait
un appauvrissement non seulement pour les régions elles-mêmes,
mais pour le Québec tout entier. Peut-on imaginer l'expression de la
culture québécoise sans des Vigneault, des Leclerc, des
Beauchemin, des Fortin, des Lemieux, des Bour-gault et tant d'autres issus des
régions du Québec? Pourtant, M. le Président, le rapport
Arpin est éloquent. Citons la page 41: "Une politique culturelle pour
une société démocratique n'a de sens que si elle s'adresse
à l'ensemble des citoyens et propose des mesures qui, tout en assurant
la qualité d'une vie culturelle intense, rendent celle-ci accessible au
plus grand nombre." Et la page 195: "...l'important est de donner aux gens,
là où ils travaillent et où ils vivent, la culture de ce
qu'ils font, de ce qu'ils sont, de là où ils sont." Et encore:
"La culture nous aide à apprivoiser l'espace où nous sommes dans
l'univers." Cet espace, M. le Président, là où ils sont,
c'est pour des centaines de milliers de Québécois, des milieux
ruraux et isolés. C'est, surtout en ces milieux qu'interviennent les
BCP, qu'elles expriment leur dynamisme dans le soutien au développement
culturel par le biais de leurs bibliothèques publiques
affiliées.
Comme l'exprimait si bien la sous-ministre des Affaires culturelles, Mme
Courchesne, lors de l'ouverture du forum de l'ADIBIPUQ, les
bibliothèques publiques sont le moteur du développement culturel
du Québec. Une affirmation qui ne saurait être plus authentique,
plus perspicace, plus véritable qu'en milieu rural et isolé. (15
h 45)
M. le Président, dans une perspective de voie à emprunter
pour les 10 prochaines années, le ministère des Affaires
culturelles peut-il se permettre de sous-utiliser plus longuement le potentiel
de ce vaste réseau de diffusion culturelle que forment les BCP, pour
élargir l'accessibilité à la chose culturelle? À
moins de transformer radicalement les réalités d'aujourd'hui et
de demain, les bibliothèques publiques sont et seront virtuellement les
seuls foyers culturels permanents en mesure de diffuser des biens et services
culturels dans nos villages et nos paroisses. Si les bibliothèques
publiques doivent se restreindre à leur mission traditionnellement
reconnue, la dimension culturelle des milieux qu'elles desservent sera
essentiellement limitée à la lecture, et rien d'autre.
L'accès équitable aux biens et services culturels à
tous les citoyens et citoyennes du Québec n'exige-t-il pas la
reconnaissance et le soutien d'un rôle élargi des foyers culturels
que sont nos bibliothèques publiques? À notre avis, c'est le
moyen à privilégier pour relever le défi de la diffusion
culturelle, selon l'étalement de la population en région.
De toute évidence M. le Président, les BCP souscrivent au
rapport Arpin qui énonce, en page 157, que "la situation de la lecture
chez les jeunes et celle d'une certaine pauvreté de nos
bibliothèques publiques - c'est M. Arpin qui dit ça - devraient
faire partie des dossiers prioritaires". Cette pauvreté, M. le
Président, elle est plus que certaine, elle est alarmante. Dans le
contenu de nos bibliothèques, c'est la pauvreté des collections,
c'est le vieillissement des volumes, c'est l'absence de diversité, de
ressources adaptées aux lecteurs d'aujourd'hui et de demain, c'est la
sous-utilisation des nouvelles technologies de l'information par les
bibliothèques affiliées aux BCP. À moins d'investissements
significatifs, pour ne pas dire considérables, dans les collections, nos
bibliothèques seront en état de choc avant le milieu de cette
décennie. C'est peut-être des choses qui sont dures, mais il faut
les dire.
Depuis la publication du rapport de la Commission d'étude sur les
bibliothèques publiques du Québec en 1987, le ministère a
mené plusieurs études qui ont suscité plusieurs attentes
dans le milieu. Où en sommes-nous avec le projet de loi sur les
bibliothèques publiques, le plan de développement? Le
Regroupement des BCP, M. le Président, croit que la plus grande lacune
de la proposition du groupe-conseil, c'est l'évacuation du
bénévolat culturel. Comment peut-on ignorer 7000 femmes et
hommes, 7000 bénévoles dans le seul réseau des BCP? Sans
le soutien constant d'une action bénévole, l'accessibilité
aux produits culturels sera irrémédiablement réduite,
voire même anéantie, particulièrement dans les milieux
à faible densité de population. Le bénévolat
constitue l'un des principaux partenaires de l'État et des organismes
qu'il soutient. Lorsqu'il dispose de moyens d'action, de motivation et de
valorisation, le bénévolat culturel permet à la population
d'agir elle-même sur son environnement culturel.
Disposant d'une formation adaptée à ses besoins et
à ses limites, le bénévole culturel peut agir localement
comme multiplicateur des organismes, telles les BCP, à titre de
gestionnaire, d'animateur, d'éducateur culturel. Le
bénévolat culturel, c'est l'expression d'une action culturelle
par les citoyens, pour les citoyens, un partenariat indispensable en
région.
M. le Président, les BCP et leur vaste réseau peuvent agir
également comme partenaires des institutions régionales et
nationales pour diffuser des activités et services culturels
adaptés au profil de nos villes et de nos villages et paroisses. Le
réseau de BCP offre aussi un tremplin privilégié, une
clientèle inexploitée aux artistes, créateurs et
créatrices de la relève: 900
foyers culturels, 1 200 000 consommateurs de produits culturels. N'y
a-t-il pas là un marché potentiellement lucratif pouvant soutenir
l'émergence de nos grands artistes et créateurs? En terminant, M.
le Président...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît.
M. Mandeville:... le Regroupement des BCP sait fort bien que les
bibliothèques sont quelque peu noyées dans cette politique de la
culture et des arts. Cependant nous croyons que celles-ci sont la base de toute
activité culturelle. M. le Président, la proposition
présentée par le groupe-conseil Arpin est un outil fort important
et bien reçu par les BCP. Cependant, à notre avis, II aurait
été presque parfait si on y avait mis autant de temps à
parler de bibliothèques qu'on en a mis à parler de
musées.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mandeville. Juste
avant de passer la parole à Mme la ministre pour la discussion, il y a
des gens qui sont assis à côté de vous qui n'ont pas
été identifiés pour les fins de l'enregistrement. Si, des
fois, vous aviez à parler, peut-être vous présenter
à ce moment-là. D'accord? Alors, maintenant, Mme la ministre des
Affaires culturelles, vous avez la parole pour une quinzaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: M. Mandeville, Mme Desruisseaux, M.
Boivin, M. Fink, vous avez apporté, je pense, deux points très
importants. Le premier point, c'est, finalement, tout le rôle des
bénévoles. Tout comme vous, on remarque et je remarque aussi
presque l'absence, au niveau du rapport Arpin, de tout ce réseau de
bénévoles. Je pense que, dans le cas des BCP, c'est plus de 1500
heures, et même on me dit 15 000 heures que les bénévoles
donnent. C'est sûr que, s'il fallait payer tous ces gens-là, ce
serait totalement impossible. Alors donc, il faut le souligner. Et on sait que,
dans le contexte du loisir, par exemple, ça, ça a
été mentionné aussi dans la tournée, on me disait:
Les bénévoles sont reconnus. Et nous, en culture, les
bénévoles le sont moins, parce qu'il y a chez vous et il y a
aussi les autres secteurs.
Comment faites-vous pour mousser justement ce travail des
bénévoles? Souvent on dit: Bien le bénévolat se
meurt, mais pas dans votre secteur en tout cas. Alors, comment faites-vous
justement pour mousser ce travail-là?
M. Mandeville: C'est une question fort difficile à
répondre. Nous essayons, au niveau de chacune des municipalités,
et nous essayons, disons, au niveau des 11 BCP, de sensibiliser, de
rencontrer... Nous avons des rencontres de secteurs, nous avons des rencontres
avec certaines bibliothèques. Nous les rencontrons et disons qu'à
l'occasion nous soulignons les 10 ou 15 ans de travail de
bénévolat. Et, vous savez, nous en avons beaucoup chaque
année et nous essayons de ne pas manquer une occasion. Je crois aussi
que, dans les milieux, parce que, nous, nous couvrons des municipalités
en bas de 5000, et, dans certains milieux, vous savez, des municipalités
qui ont 300, 400 et 500 de population, des fois moins de 300, à ce
moment-là, la bibliothèque et le ou la bénévole qui
est là, c'est la vie de ce village-là, ce qui fait que le ou la
bénévole prend énormément d'importance face
à sa population. Je pense que c'est peut-être le point.
Mme Frulla-Hébert: Une question de valorisation. Vous
parliez d'élargir le rôle des bibliothèques afin de
créer un véritable réseau de diffusion à
caractère multisectoriel. Vous dénoncez vous-même la
pauvreté des collections et les retards là-dessus du
Québec par rapport à la moyenne canadienne, je vais revenir
à ça. Ma première question: Par cet
élargissement-là que vous demandez, est-ce que vous ne craignez
pas que ça entraîne une négligence de la vocation
première, c'est-à-dire d'amener finalement la lecture directement
au milieu?
M. Mandeville: Vous savez, depuis la création des BCP,
toutes ces choses-là, nous les avons faites et nous étions
obligés de les faire. Nous étions obligés de les
faire.
Mme Frulla-Hébert: II n'y a pas de choix.
M. Mandeville: Je ne sais pas... Si vous parlez de Blanc-Sablon
ou si vous parlez de Val-Paradis, chez nous, à ce moment-là, nous
sommes obligés, dans ces milieux-là, d'apporter une aide au
développement culturel, et c'est peut-être la seule vie, la seule
voie que ces populations ont. Maintenant, vous savez que le rôle de la
bibliothèque, traditionnellement reconnu, est à changer. La
bibliothèque, maintenant, ce n'est plus le livre
empoussiéré. Alors, vous avez des moyens électroniques,
vous avez différentes choses. Vous avez raison de poser la question.
Maintenant, il faut aussi entrer dans la technologie.
Mme Frulla-Hébert: Pour vous, finalement, c'est comme...
Et c'est vrai, on voit l'évolution des bibliothèques maintenant
qui sont de vrais centres socio-culturels. C'est...
M. Mandeville: Ce sont des foyers culturels.
Mme Frulla-Hébert: Ce sont des foyers culturels.
M. Mandeville: Pour nous, ici, à un moment donné,
nous avons des foyers culturels. Vous savez que vous avez une exposition
itinérante. On vous envoie - le Musée national des arts, par
exemple - une sculpture. On vous dit: Si vous voulez la recevoir, ayez
un dégagement de 25 pieds autour. Eh bien, à Blanc Sablon, les 25
pieds, écoutez!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mandeville: Mais c'est ça. Ce n'est pas adapté
à nos besoins.
Mme Frulla-Hébert: Oui, ça, on l'a entendu pas mal,
surtout quand je me suis promenée en région. Il y a des gens
justement qui représentent les grands musées, etc., à qui
on veut poser certaines questions. M. Mandeville, pour ne pas dire M. le maire,
il y a quelques questions ici que j'aimerais vous poser là-dessus.
Effectivement, il y a notre Loi sur les bibliothèques et surtout le plan
d'action. Vous savez comme moi qu'on ne peut pas vraiment l'impliquer sans
s'asseoir avec les diverses municipalités et, finalement, ensemble,
déterminer où on en est et jusqu'où on veut se rendre.
Ceci dit, vous déplorez encore une fois la pauvreté des
collections, et j'en suis. Vous donnez là-dessus toute la
responsabilité à l'État et, d'un autre côté,
il faut que je vous pose la question: La municipalité en elle-même
n'aurait pas une responsabilité, aussi petite soit-elle? Je comprends
que les petites municipalités n'ont pas les sous pour vraiment
supporter. Ça, je comprends ça. Mais il y a certaines
municipalités, vous le savez comme moi, qui ne participent pas ou qui ne
veulent pas participer. De moins en moins, Dieu merci! mais, encore là,
il y a du travail de pédagogie à faire. Est-ce qu'il y a une
façon, selon vous, premièrement, de convaincre les
municipalités? Et, deuxièmement, le rôle des
municipalités aussi à l'intérieur même du
système des BCP.
M. Mandeville: Vous poser la question et vous répondre,
moi, j'aurais peur de m'enfarger parce que je suis maire de municipalité
et préfet de MRC. Ça me met dans l'eau bouillante, là.
Des voix: Ha, ha, ha! (16 heures)
M. Mandeville: Je peux vous dire une chose concernant des BCP, et
ça ne serait peut-être pas partagé par mes commettants de
l'autre côté. Tout d'abord, soyons clairs, je pense que le
ministère des Affaires culturelles a assez bien traité ses BCP,
ses bibliothèques. Ce n'est pas que tout est mal. Correct? Maintenant,
il faudrait aussi que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse
que les municipalités, depuis quatre ou cinq ans, ont
énormément investi. Puis, surtout à l'heure actuelle,
où il y a certains autres défis, je pense que les
municipalités changent leur mentalité. Autrefois, il y avait le
loisir qui comptait, mais c'était le loisir sportif. Aujourd'hui, la
vapeur est remplacée parce qu'il y a certaines municipalités qui
veulent même vendre, à un moment donné, leur aréna.
Elles disent: On va vous passer ça au culturel, nous autres, on n'en a
plus besoin. Et je les comprend aussi. Les municipalités fournissent
également dans les locaux, dans le fonctionnement des
bibliothèques. Une petite région, l'Abitibi, l'an dernier, a
fourni 200 000 $. Les municipalités ont fourni 200 000 $ pour
l'entretien, pour leur bibliothèque. C'est un apport important. Qu'il y
ait certaines municipalités qui ne fassent pas leur effort, d'accord, et
que les villes disent: Nous autres, on fait notre effort, on donne, à un
moment donné, tant, c'est peut-être vrai, mais enlevez le salaire
des professionnels qui sont là et faites l'équilibre; à ce
moment-là, vous allez vous apercevoir que les petites
municipalités font aussi leur effort.
Je pense qu'il faut établir un partenariat sincère, il
faut l'établir avec le gouvernement et ne pas arriver avec des normes,
imposer des normes. Ça, ça ne fonctionnera pas. Mais si vous
arrivez avec un dialogue pour faire comprendre, je pense, à un moment
donné, que les municipalités vont embarquer.
Mme Frulla-Hébert: Les gens sont prêts. Une chose
que je voulais vous demander aussi, avant de terminer, la Loi sur les
bibliothèques, il y a le plan d'action. À l'intérieur
même de ce plan d'action, évidemment, quand tout ça a
été formulé et en collaboration, on nous a demandé
aussi une certaine tarification. Il y en a qui demandaient une certaine
tarification. Ça peut vous toucher, vous aussi. Alors, tout ça,
on doit s'asseoir, justement, ce qu'on devrait faire au mois de novembre,
à la table Québec-municipalités sur la culture.
Mais, entre-temps, le maire d'Amos, hier, je lui ai dit: Bien,
tarification, est-ce qu'on devrait déterminer ce qu'on doit tarifer?
Parce que vous parlez d'accessibilité, hein? et la culture se doit
d'être accessible. D'un autre côté, on nous dit: Certains
services devraient être tarifés parce que ça nous
permettrait, à nous, d'avoir des revenus pour réinjecter, il faut
s'assurer que ce soit réinjecté. Parfait.
Tout en parlant au maire d'Amos, celui-ci nous dit: Mêlez-vous de
vos affaires; nous autres, on va tarifer et on va savoir où et quand
tarifer et, si on se trompe, on va se faire taper sur les doigts
nous-mêmes, on n'a pas besoin du gouvernement pour nous dire où on
va tarifer chez nous, dans nos bibliothèques. C'est un point de vue
aussi. Moi, je le partage pour les grosses villes, et tout ça, ça
va bien. Mais est-ce que vous y voyez un danger, d'abord, à la
tarification au niveau de l'accessibilité et, deuxièmement,
à laisser la liberté, si on veut, de le faire selon,
évidemment, divers services, parce que, comme vous le dites, ce n'est
plus seulement le livre, mais il y a divers autres services qui coûtent
aussi de l'argent?
M. Mandeville: Voyez-vous, actuellement, on veut tarifer un peu
partout. Je ne vois pas pourquoi on serait exempts de ce
côté-là, du niveau culturel. Moi, je ne serais pas aussi
drastique que le maire d'Amos, M. Brunet, mais je dirais: Laissez donc
ça, permettez... D'ailleurs, ça se fait actuellement et c'est
tarifé. Je pense que c'est une tarification qui est beaucoup plus
symbolique, du moins pour les BCP; c'est une tarification qui est symbolique,
qui donne de l'importance aux gestes posés. C'est symbolique
actuellement et je pense qu'il n'y aura pas une municipalité, qu'il n'y
aura pas une bibliothèque qui va aller imposer, dans la
municipalité, une tarification qui va avoir pour effet de
désengager, à un moment donné, ses lecteurs et ses
lectrices. C'est sa clientèle. Autrement, s'il y a une grosse
tarification, elle va perdre ses lecteurs. Moi, je pense qu'on devrait laisser
ça aux municipalités.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Mandeville.
Merci, Mme Ja ministre. Je vais maintenant demander à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, qui est porte-parole
officiel de l'Opposition en matière de culture, de bien vouloir prendre
la parole. M. le député.
M. Boulerice: M. le Président, j'aurais presque le
goût de dire: Gaudeamus, habemus textum. Mais il y a des choses
là-dedans et je vous écoutais, M. Mandeville, M. le maire, M. le
préfet même, je crois?
M. Mandeville: Non, je suis président du Regroupement des
BCP aujourd'hui.
M. Boulerice: D'accord. Une première remarque. Au moment
où tous s'entendent et, d'ailleurs, je trouvais le document d'un
stalinisme... À la page 157: "II serait pour le moins contradictoire de
laisser anéantir des années d'effort. À l'automne 1990, le
ministère des Affaires culturelles a exercé un leadership
décisif dans la grande coalition qui s'est mobilisée sous le
thème "Taxer les livres, c'est imposer l'ignorance". " Bon, ça,
on en reparlera. Mais, au moment où tout le monde vient ici, M.
Mandeville, et demande de détaxer la vente du livre, vous, comme le
maire d'Amos, me parlez de taxer le prêt de livres. Je vous avoue que
j'ai un peu de difficultés à accepter ce principe-là. Ceci
dit, on pourra peut-être faire les discussions. Je ne vous dis pas que je
suis campé, mais je n'ai pas de préjugé favorable au
départ. Je n'ai pas de préjugé favorable au
départ.
La question que je me pose, c'est que vous vous refusez à la
lecture optimiste du rapport Arpin à l'égard des
bibliothèques publiques. Vous parlez, vous, de pauvreté des
collections, de retard quant aux nouvelles technologies, de maintien du
sous-développement de nos bibliothèques par rapport à la
moyenne canadienne. Je vous trouve, mon Dieu! drôlement pessimiste,
presque déconnecté de la réalité, M. Mandeville.
Moi, j'observe tout à fait autre chose. Ça va très bien.
Écoutez, ça va tellement bien que, lorsque je suis arrivé
ici comme député et immédiatement nommé comme
porte-parole de ma formation pour les arts et la culture, le premier budget
qu'on a voté, il y avait une coupure de 4 000 000 $ pour les
bibliothèques. Il y avait de l'argent de trop. La deuxième
année, Mme Bacon a coupé 3 000 000 $ pour les
bibliothèques. Il y avait encore beaucoup trop d'argent pour les
bibliothèques. 7 000 000 $ en deux ans. Il y a eu le rapport Mittermeyer
sur les bibliothèques scolaires. Écoutez, ça devait
être un mauvais négatif, on l'a mis sur les tablettes. Il y a eu
le rapport Sauvageau. Il devait être dans la même erreur que nous
tous puisqu'on l'a mis sur les tablettes, le rapport Sauvageau. Et on a
même vu apparaître, gaudeamus, au feuilleton de l'Assemblée
nationale, une Loi sur les bibliothèques publiques. Mais une bonne
journée, il y avait un avis du leader de la majorité en Chambre
nous annonçant que c'était retiré du feuilleton. Alors, je
ne comprends pas votre lecture pessimiste du rapport Arpin, lecture optimiste,
dis-je, plutôt, du rapport Arpin à l'égard des
bibliothèques publiques. Comprenez que c'est un portrait-charge.
M. Mandeville: Est-ce que c'est une question que vous posez?
M. Boulerice: Oui.
M. Mandeville: Moi, je ne voudrais pas prendre ceci, ce fait,
pour faire de la politique. Je serais mal vu. Cependant, on peut vous dire
qu'on adhère, disons, à l'analyse que le rapport Arpin fait: Nos
bibliothèques, actuellement, nos collections sont pauvres. On vous dira
tantôt pourquoi nos collections sont pauvres. Et moi, de me comparer avec
l'Ontario, quand même je suis un petit peu plus en bas de la norme,
ça me convient, mais, quand je me compare avec Terre-Neuve, par exemple,
que je suis en bas de Terre-Neuve, ça je ne l'accepte pas. Maintenant,
là vous entrez dans un domaine, disons, peut-être plus technique
et je demanderai ici au secrétaire du Regroupement, M. Boivin, de
pouvoir répondre à cette question.
Le Président (M. Gobé): M. Boivin, vous avez la
parole.
M. Boivin (Richard): M. Boulerice, je pense, le président
du Regroupement n'a jamais dit qu'il était pour taxer la
fréquentation, le prêt des BCP. Ce que M. Mandeville a dit, c'est
une situation de fait que la majorité des bibliothèques ont des
frais d'inscription ou des frais
symboliques. C'est ça. Donc, il n'était pas question, pour
le Regroupement des BCP, de changer son orientation. On est pour la
gratuité, il va de soi.
Quant à: On ne partage pas, c'est-à-dire ce que le rapport
Arpin dit, le peu qu'il dit des bibliothèques... Il énonce la
pauvreté des collections. Si on atteignait la moyenne nationale,
ça nous prendrait presque 1 300 000 volumes de plus de disponibles dans
le réseau des BCP. Multipliez ça par 22 $, c'est le coût
que le Conseil du trésor attribue pour les volumes. Si on atteignait la
parité avec les bibliothèques autonomes, les bibliothèques
urbaines, il nous faudrait 500 000 volumes de plus dans les
bibliothèques centrales de prêt actuellement.
Les collections des BCP, plusieurs datent de 15, 20 ans. Il faut savoir
qu'au Québec, la lecture, c'est aussi de la lecture de consommation. Ce
n'est pas juste de la lecture de conservation. Il faut avoir Scarlett, c'est
important. Pour garder la fréquentation des réseaux, il faut
aussi avoir des ouvrages de référence. Donc, on a une carence
dans la disponibilité, mais on a aussi un vieillissement des collections
qui commence à se faire sentir. Naturellement, ce vieillissement
n'apparaît pas immédiatement dans les chiffres. Vous savez comme
moi - vous les fréquentez, les bibliothèques, les librairies - on
va pour un premier choix de lecture. Si on ne trouve pas le premier choix et
qu'on aime lire, on prend le deuxième choix de lecture et il y en a qui
vont prendre le troisième choix, et, si vous êtes vraiment
quelqu'un qui lit n'importe quoi, vous allez vous rendre au quatrième
choix. Mais on a de moins en moins de premiers choix de lecture dans nos
bibliothèques. De plus en plus, nos usagers doivent se contenter d'un
deuxième choix.
Naturellement, on est conscients du problème du
développement des collections et les municipalités, depuis
quatre, cinq ans, ont fait un effort pour se doter de collections locales. Mais
si les municipalités augmentent leur part au niveau des collections
locales, il est important aussi que le ministère des Affaires
culturelles maintienne la valeur du remplacement des collections. Vous savez
qu'indexer de 5 % un budget de collections, c'est l'indexation selon
l'inflation, moyenne. Mais le coût des livres, juste au niveau de la TPS,
pour une BCP moyenne, ça représente, avec le retour, parce qu'on
paie 3,5 %, 15 000 $ à 20 000 $ de moins de pouvoir d'achat des volumes.
Donc, on partage avec le rapport Arpin le diagnostic que les collections sont
faibles.
Ce qu'on trouve, c'est que le rapport Arpin a une certaine, entre
guillemets, complaisance, en laissant croire que la situation des
bibliothèques est réglée au Québec. On attend
toujours la loi, on attend toujours le plan de développement. Je crois
et mes collègues aussi croient que le partenariat dans les
bibliothèques centrales de prêt avec les municipalités
rurales, on n'a pas attendu les colloques de l'UMQ, on n'a pas attendu la
réforme Ryan, ça se pratique depuis 25 ans, le partenariat pour
le développement des bibliothèques.
M. Boulerice: Allez-vous, M. Boivin, convenir avec moi que,
compte tenu des coupures drastiques qui ont eu lieu en 1986 et en 1987, compte
tenu des retards constatés par Mitter-meyer et Sauvageau, de la
non-déposition d'une loi sur les bibliothèques, si on attend
l'énoncé d'une politique culturelle pour le Québec avant
d'avoir une loi sur les bibliothèques, on risque d'atteindre un point de
non-retour tellement la situation se dégrade, tellement elle est
dégradée? On est à Terre-Neuve, M. Mandeville l'a dit.
Bon, je ne veux pas aller dans les blagues de "newfie", mais ce n'est pas la
comparaison la plus flatteuse pour nous.
M. Boivin: C'est certain qu'une loi, c'est important; surtout
quand la loi date de 25 ans, de 22, 23 ans, c'est important une révision
de la loi. Mais une loi sans programme, une loi sans accroissement de l'effort
financier, nous, on peut se priver d'une loi encore. Ce qu'on a besoin de
connaître actuellement, c'est le programme que propose le
ministère, parce que la loi est accompagnée d'un programme
quinquennal de développement des bibliothèques publiques. Et
cette attitude attentiste présentement, on attend pour savoir ce qu'on
va faire au niveau de la formation de nos 7000 bénévoles, parce
qu'on est censé avoir un programme de formation national pour les
bénévoles. On attend pour savoir si le développement des
collections locales des municipalités, il va y avoir un encouragement,
un incitatif à demander aux municipalités de développer
davantage des collections permanentes dans leurs bibliothèques. C'est
plutôt actuellement l'attente du plan quinquennal que l'attente de la loi
qui rend le milieu nerveux, parce que ce qu'on veut savoir, en fait, c'est,
pour les prochaines années, le type de partenariat qu'on va avoir
à développer avec les municipalités. Est-ce que le
programme de formation, ils vont assumer 50 % des coûts? Qui va en
être le maître d'oeuvre? Est-ce que ça va être le
ministère des Affaires culturelles? Est-ce qu'il va le
déléguer aux bibliothèques centrales de prêt? Et
c'est ces hésitations-là qui font qu'on est obligés
d'attendre. Mais on comprend très bien, on a compris que la Loi sur les
bibliothèques publiques pouvait faire partie d'un plus grand tout, qui
est une politique culturelle. Mais, comme vous le dites si bien, c'est une
question de calendrier pour la loi, mais pour le programme, on aimerait en
connaître au plus tôt la politique, l'orientation du
ministère des Affaires culturelles.
M. Boulerice: Est-ce que vous convenez que,
dans le rapport Arpin, le fait de ne pas avoir joint les communications
handicape drôlement l'élaboration d'une politique des arts et de
la culture, et notamment dans ce secteur extrêmement névralgique
qui est la lecture, quand on a pu voir dans certains pays, l'utilisation de la
télématique, etc. - et c'est dommage qu'on n'ait pas avec nous M.
Chagnon, de Vidéotron, il pourrait vous parler de la petite pointe de
l'iceberg qu'on voit comparée à ce qui arrivera demain - qu'on
risque peut-être de passer à côté si on ne fait pas
la jonction entre ces deux secteurs, et surtout le deuxième étant
technologiquement dans un développement incroyable?
M. Mandeville: Moi, je voudrais dire une chose. Ce qui me choque
le plus dans le rapport Arpin, c'est le peu de place qu'il fait aux
bibliothèques. J'ai dit en boutade tantôt qu'on parlait de
musées; à quasiment toutes les pages on a parlé de
musées. Mais on ne parle pas de bibliothèques, aussi peu que
point, si peu que point; Moi, je pense que ça dénote quelque
chose et d'autant plus que, parmi les membres de la commission qui
étaient là, ou du Groupe-conseil, je ne sais pas qui il y avait
des bibliothèques. On n'a même pas voulu rencontrer, on n'a
même pas rencontré le Regroupement des bibliothèques.
M. Boulerice: Ah oui?
M. Mandeville: Même pas. Alors, vous avez tout ça.
Et, à la question précise que vous posez, oui, il est temps de
prendre le tournant technologique, il est temps et il est grand temps.
M. Boulerice: M. Mandeville, je vais vous poser une
dernière question. C'est une question facile, mais la réponse est
fondamentale. Dans de petites communautés, dans de petites
localités, dans de petits villages disséminés à
travers le Québec et, notamment, dans les régions, qu'est-ce qui
est le pivot culturel, dans ces localités?
M. Mandeville: Actuellement, c'est la bibliothèque. C'est
la bibliothèque.
Le Président (M. Gobé): Merci.
M. Mandeville: Et on a au-delà de 860 municipalités
comme ça sur 1565. On en a plus que la moitié.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. Mandeville. C'est
là votre dernier mot, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Boulerice: Oui, en assurant M. Mandeville, Mme Desruisseaux,
M. Boivin et M. Fink, qui est de l'Abitibi-Témiscamingue, je crois, une
région assez dynamique même si on la dit éloignée,
de la vigilance de l'Opposition pour ce qui est des bibliothèques. Je me
permettrais, comme dernier mot, de vous dire: Je suis de l'école
Vaugeois.
Le Président (M. Gobé): Sur ces bonnes paroles, je
vais maintenant passer la parole à Mme la ministre pour la
conclusion
Mme Frulla-Hébert: Deux minutes. M. Mandeville, Mme
Desruisseaux, M. Boivin, M. Fink, je sais que les gens du rapport Arpin n'ont
pas rencontré le Regroupement, mais il y avait eu un document
d'orientation, par exemple, qui les guidait. De toute façon, vous avez
vu notre action au niveau de la taxe sur le livre, c'est parce qu'on prend la
lecture au sérieux.
Effectivement, et je le dis une fois pour toutes, la Loi sur les
bibliothèques ainsi que le plan d'action n'ont pas été
déposés l'année dernière tout simplement parce
qu'il faut s'asseoir avec les municipalités et, l'an dernier, vous savez
comme moi que c'était assez difficile de le faire. Alors, on s'attend
à le faire d'ici novembre et, à ce moment-là, on va
pouvoir mettre tout le plan, qui est déjà là, mais le
déposer. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. Sur ce, je vous remercie et ceci met fin à votre
témoignage. Aussi, je vous demanderais de vous retirer et j'appellerais
le groupe suivant qui est Québec-Téléphone, afin qu'il
prenne place. Je suspends une minute afin que les gens puissent se retirer et
que les autres prennent place.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Gobé): Alors, tout le monde est
autour de la table. Nous allons maintenant commencer avec
Québec-Téléphone représentée par M. Ghislain
Bouchard. Est-ce exact? Bonjour, M. Bouchard.
M. Bouchard (Ghislain): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Vous avez maintenant la
parole pour une quinzaine de minutes.
Québec-Téléphone
M. Bouchard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la
ministre. Bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir, au nom de
Québec-Téléphone, de commenter brièvement devant
cette commission le judicieux travail de prospective, le rapport Arpin, visant
à définir une véritable politique culturelle pour le
Québec.
Québec-Téléphone, comme vous le savez sans doute,
est le plus important télécommunica-teur sous juridiction
québécoise, opérant dans
40 % du territoire de la province de Québec situé en
milieu urbain et rural, plus particulièrement, oserais-je dire, rural.
Depuis plus de 20 ans, nous contribuons à la promotion des arts, entre
autres en reproduisant, sur nos annuaires téléphoniques, des
tableaux de peintres québécois, et nous distribuons
également ces tableaux-là gratuitement comme affiches, et je dois
vous dire que nous en distribuons actuellement environ 12 000 annuellement.
Dans le domaine de la musique, nous offrons des bourses d'études aux
élèves de conservatoire, nous parrainons aussi divers concours de
musique, ralliements chorals, concerts d'orgue et autres. Pour tout dire, le
tiers des fonds que Québec-Téléphone attribue à ses
programmes de mécénat social est destiné aux arts et
à la culture, la moyenne nationale, comme vous le savez, de l'engagement
du secteur privé à ce chapitre étant d'environ 14 % pour
1990.
Dans notre territoire de desserte, l'expression artistique coule de
source. Elle s'est toujours manifestée en étroite harmonie avec
l'environnement, car il est impossible de résister à l'influence
des forces naturelles qui façonnent nos manières de vivre. Nous
avons donc lu avec beaucoup d'intérêt la proposition de politique
de la culture et des arts sur laquelle nous exprimons ici notre avis,
évidemment sur certains des points spécifiques n'ayant pas la
compétence pour commenter toutes les recommandations du rapport Arpin.
Ce document dont nous louons la justesse et la clarté atteste, selon
nous, un exercice de discernement qui fait honneur à l'administration
publique québécoise. Nous y trouvons des axes importants de
réflexion et un riche inventaire de recommandations qui rejoignent
substantiellement nos propres perceptions.
Dans le cadre de ce bref témoignage, nous allons respecter
l'architecture du document en soulignant, pour plusieurs de ses parties, les
idées maîtresses que nous recevons avec le plus vif
intérêt. Nous accompagnons notre propos de quelques
recommandations, avec l'espoir de baliser, voire même d'enrichir quelque
peu, la mise en oeuvre de ce vigoureux plan d'ensemble.
Le rapport du groupe-conseil sur la politique culturelle reconnaît
la création comme le fondement de la culture et de la vie des arts. Nous
ratifions ce constat car la création nous apparaît comme la seule
ressource renouvelable qui soit de nature à résoudre la plupart
de nos problèmes de société. Le poids des contraintes
matérielles déroute, hélas, plusieurs artistes qui doivent
s'écarter souvent de leur objectif premier, produire de la
beauté. Même si les vrais créateurs ont l'habitude de
subordonner le profit à l'expression de leur sensibilité
personnelle, il ne faut pas abuser de leur tolérance à
l'instabilité financière. La proposition no 3 de
considérer les industries culturelles, aux fins de l'aide
gouvernementale, comme bénéficiaires des créneaux de
recherche et développement nous apparaît séduisante. La
perspective d'investissements à moyen et long terme est une avenue
intéressante même si une telle approche économique n'est
pas exempte de danger. Le risque le plus plausible, selon nous, est
l'incitation à la production de masse qui ne rallierait que les
promoteurs d'un art utilitaire ou de simple copie.
On ne pourra jamais évaluer la somme des heures que chaque
artiste consacre à apprivoiser son médium, à surmonter
l'isolement d'une pratique solitaire au nom d'un grand idéal de plaisir
partagé. Aussi, nous apparaît-il important de garantir à
ceux et celles qui affichent une telle persévérance tout
l'encouragement que mérite leur investissement dans la production
culturelle.
Ce n'est pas faire injure à la pureté des actes de
création que d'admettre en filigrane la nécessité d'une
gestion rigoureuse des actifs et d'un marketing intelligent. Chaque oeuvre qui
arrive sur le marché est assujettie à des pressions
concurrentielles avant de s'imposer comme le choix véritable d'un
consommateur déjà très sollicité.
L'équilibre à maintenir entre l'offre et la demande
suppose une intense concertation entre les organismes culturels qui, dans
l'élaboration de leur programmation ou de leur campagne d'abonnement,
doivent tenir compte de la capacité d'accueil du public et des limites
de son budget.
Comme complément à la recommandation no 6 qui
prévoit la conduite de certaines études pour discerner et suivre
l'évolution des goûts et des attentes des divers publics, nous
estimons utile de proposer une harmonisation conjointe des calendriers de
spectacles par leurs différents producteurs dans chacune des
régions du Québec afin que l'attention des usagers de
manifestations culturelles ne soit pas sollicitée à outrance,
comme c'est le cas en certains endroits de la province à certaines
périodes de l'année. Ce que nous voulons dire par ceci, c'est que
dans une ville comme Rimouski où, évidemment, il y a des troupes
de théâtre de passage, des concerts et autres activités
culturelles, il peut arriver qu'une même semaine il y ait deux ou trois
spectacles, et même un même soir, ce qui, évidemment, fait
en sorte, à ce moment-là, que certains des spectacles ne peuvent
avoir lieu parce qu'on a mal planifié. Et la clientèle, de toute
façon, est relativement réduite, et c'est la même
clientèle qui assiste au fur et à mesure des spectacles chez
nous.
Le ressourcement professionnel est une activité capitale.
Revitaliser les rapports humains et accroître les échanges est une
bonne façon de contrer l'impression de stagnation qui guette les
artistes les plus sujets à l'isolement. Il importe donc de rendre plus
accessibles les stages de formation en plusieurs disciplines et des voies de
perfectionnement tout aussi diversifiées. À ce su\et, nous
appuyons sans réserve les recomman-
dations touchant l'identification des besoins, l'harmonisation des
programmes et le concept de la formation continue.
De même, nous souscrivons d'emblée à la
recommandation no 32 visant une action concertée des cégeps et
des universités pour assurer le développement harmonieux de la
formation des gestionnaires de la culture. Si nous voulons que les
créateurs accèdent à plus de maîtrise et d'autonomie
financière, nous nous devons d'encourager le rapprochement entre deux
mondes, celui de l'art et celui de la gestion.
Les diplômés de nos écoles d'administration qui
possèdent en principe les compétences requises pour gérer
des entreprises artistiques se sont jusqu'à maintenant tenus à
l'écart de ce secteur d'activité, et ce, malgré
l'effervescence d'une industrie culturelle qui génère des
retombées économiques toujours croissantes. Il y a là,
selon nous, de toute évidence une anomalie à corriger.
On pourrait, à titre d'exemple, familiariser les étudiants
en beaux-arts avec les principes et les méthodes de l'administration et,
dans la même mesure, assurer aux futurs gestionnaires des cours
spécialisés en gestion des arts. À défaut d'oeuvrer
ensuite en ce secteur d'activité, ces personnes, ces nouveaux
gestionnaires et administrateurs seront capables d'intégrer à la
culture de leur entreprise la dimension artistique.
Le deuxième chapitre de la proposition de politique, qui
développe le thème de l'accès des citoyens à la vie
culturelle, détermine une gamme de recommandations particulières
à trois pôles sociologiques importants: Montréal,
Québec et l'ensemble des régions. Les propositions 49 à 51
visant les activités et services à promouvoir dans l'ensemble des
régions nous semblent très opportuns, mais cependant incomplets.
S'il est tout à fait justifié d'encourager la libre circulation
en province des activités culturelles qui reflètent les valeurs
et la sensibilité des grands centres, il n'est certes pas
nécessaire de se doter à grands frais d'équipements haut
de gamme destinés à satisfaire par moments seulement les
exigences techniques de plus en plus grandes des groupes de passage, alors que
les infrastructures en place, améliorées à ce
moment-là s'il le faut, peuvent satisfaire pleinement l'expression
courante et prioritaire de l'énergie créatrice du milieu
régional qui les entretient.
Dans une société qui devient plus rationnelle dans ses
choix, plus exigeante quant à l'efficacité, plus consciente aussi
de la précarité de ses moyens, faut-il mettre l'accent sur une
culture d'emprunt, déjà très largement
véhiculée par les médias de masse, ou favoriser
l'exploitation d'un génie propre qui ne tarde jamais à refaire
surface pour peu qu'on le sollicite avec confiance? La réponse à
cette question aura une influence déterminante sur le mode d'allocation
et d'aménagement des ressources artistiques en chacun de nos milieux de
vie.
À notre avis, il n'existe pas, dans le territoire que nous
desservons, de modèle uniforme de développement culturel, car les
valeurs et les normes, les expériences et les traditions sont
très différentes d'un endroit à un autre. La culture en
région nous semble donc un phénomène pluriel qu'on
pourrait facilement trahir à trop vouloir le réduire en
données homogènes.
Nous tenons cependant à donner notre entier appui à la
recommandation no 52 visant à faciliter les échanges
interrégionaux en matière de manifestations d'artistes et
d'organismes à l'échelle du Québec. Nous attribuons
à cette idée un grand pouvoir de renouveau, tant par la mise en
commun des talents et compétences que par le bon accueil de la
créativité d'autrui.
Le troisième chapitre de la proposition de politique,
consacré à la gestion de la mission culturelle de l'État,
éclaire d'une lumière nouvelle le champ des relations à
promouvoir entre la culture et les autres aspects de la vie collective.
L'approche intégrée que préconise le groupe-conseil quant
à l'orientation des politiques gouvernementales nous semble de bon
augure. Nous sommes en effet solidaires de la volonté de créer
des ponts entre les missions sociale, économique et culturelle de
façon à ce que le domaine artistique ne soit pas un cul-de-sac ou
une voie secondaire, mais un échangeur stratégique, un carrefour
d'audace et d'innovation.
Pour que la création et la diffusion de l'art rejoignent le plus
grand nombre possible de citoyens dans leur expérience quotidienne, il
faut que l'État donne à sa mission culturelle le caractère
d'activité vitale pour la collectivité. Dans cette foulée,
la bienveillance de l'État envers les créateurs ne sera plus
perçue comme un cadeau ou un privilège, mais comme un devoir
envers des multiplicateurs d'influence qui entretiennent l'hygiène
morale de la société.
Nous endossons la recommandation no 74 en faveur de la création
d'un ministère de la Culture et nous espérons que cette instance
saura coordonner avec imagination et audace l'action des nombreux intervenants
du monde de la culture de manière à atténuer le
chevauchement apparent de leur action.
Au sujet du financement de l'activité artistique, nous nous
rallions totalement à la volonté exprimée par le
groupe-conseil d'inciter et d'encourager tes entreprises à investir de
plus en plus dans la culture. Le nombre d'administrations qui soutiennent
l'initiative artistique ne cesse de croître au Québec et chacune
définit sa manière propre et son créneau particulier. Il
importe d'enrichir la fécondité de ce partenariat.
Nous croyons, à Québec-Téléphone, que
l'apport des milieux de travail à la dynamique culturelle doit
s'enrichir de dimensions nouvelles au-delà de la simple contribution
financière. L'engagement de gestionnaires dans le soutien administratif
des organismes, le bénévolat tech-
nique, le prêt de locaux ou d'équipements, l'aide à
la diffusion sont autant de manifestations d'un intérêt
sincère pour la culture. Mais j'ose affirmer que cet encouragement doit
refléter des valeurs authentiques bien appuyées par la
collectivité. Un souci de pérennité peut toutefois
conduire les organisateurs de grandes manifestations populaires à
perpétuer des formules d'animation socio-culturelle qui ont perdu de
leur intérêt. Quand l'essoufflement se propage, quand le
bénévolat s'estompe, on voit disparaître peu à peu
des traditions que l'on estimait bien ancrées. Il ne faut pas
s'étonner outre mesure de cet émondage qui nous apparaît
tout à fait normal.
Plusieurs organismes culturels de nos milieux se croient tenus de
favoriser la croissance de leurs activités, mais ces mouvements se
heurtent tôt ou tard à des barrières insurmontables. C'est
le cas de certains festivals artistiques de province qui aspirent à un
rayonnement international. Pour s'assurer la participation de juges et de
critiques de l'extérieur, les organisateurs engagent des dépenses
toujours croissantes sans pour autant recruter un public plus large, celui qui
se trouve uniquement dans les grands centres, par exemple. Plusieurs
commanditaires du secteur privé ont tendance, et nous-mêmes
agissons ainsi, à suspendre alors leur appui à de bonnes
idées dont la mise en valeur dépasse la capacité d'accueil
et d'encadrement des milieux qui les soutiennent. Je suis porté à
conclure que nos visées culturelles dans les milieux à taille
humaine doivent être constamment proportionnées à nos
besoins.
Au nom de Québec-Téléphone, je vous remercie
d'avoir pris la peine d'entendre notre mémoire.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Bouchard.
Je vais maintenant passer la parole à M. le député de
Charlevoix qui va discuter avec vous de votre présentation. Je vous
rappellerai que vous avez 10 minutes, M. le député de Charlevoix,
parce que nous avons dépassé un peu le temps. J'ai laissé
M. Bouchard terminer la présentation de son mémoire. Donc, je
vais être obligé de prendre un peu de temps de chacun de nos deux
côtés. Le mémoire était tellement intéressant
que j'ai jugé utile de vous laisser le lire jusqu'à la fin.
Une voix:...
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, mon cher
ami.
M. Bradet: Merci, M. le Président. M. Bouchard, je
voudrais vous remercier de votre présentation. Je suis très
heureux, avec l'ensemble de mes collègues de cette commission, de
constater l'importance et la diversité du mécénat que vous
exercez dans le domaine des arts et de la culture, surtout en région.
Cette sensibilité, je pense, dont vous faites preuve à
l'égard de la réalité et des besoins culturels hors des
grands centres mérite d'être soulignée, d'autant plus
qu'à la page 1 de votre mémoire, en fin de paragraphe, on dit:
"Le tiers des fonds que Québec-Téléphone attribue à
ses programmes de mécénat social est destiné aux arts et
à la culture, la moyenne nationale de l'engagement du secteur
privé à ce chapitre étant de 14 %." Alors, c'est tout
à votre honneur. Je ne peux que vous féliciter et vous encourager
à continuer dans cette voie.
Ma première question concerne précisément cet item
du mécénat. Vous nous proposez d'inciter et d'encourager des
entreprises à investir de plus en plus dans la culture. Quels sont les
moyens concrets que vous proposez pour encourager le mécénat des
entreprises à l'égard des arts et de la culture? En somme,
faites-vous une différence entre commandite et
mécénat?
M. Bouchard: Je pense, effectivement, qu'il pourrait y avoir des
mesures fiscales; on en parle dans le rapport Arpin. N'étant pas un
spécialiste en cette matière, je n'ai pas voulu commenter et dire
que nous exigions que cela se fasse. C'est quand même, je pense, un moyen
incitatif, à ce moment-là, pour les entreprises à faire du
mécénat. Cependant, ce qui m'apparaît le plus important,
quant à moi... Je dois vous avouer que, parfois, on peut faire des
choses qui ne coûtent pas très cher. Toutes les grandes
entreprises, effectivement, ont des collections de peinture, ne serait-ce que
pour décorer les bureaux de la direction. Nous avons jugé
opportun, parce que nous devons publier un annuaire téléphonique
à chacune des années, de prendre une des toiles de notre
collection et de la reproduire sur l'annuaire téléphonique.
Ça ne nous coûte rien de plus pour la confection de l'annuaire
téléphonique, ou simplement quelques milliers de dollars pour le
traitement de séparation de couleurs de ces toiles-là, et
ça permet à 350 000 reproductions de ces toiles, sur nos
annuaires, de circuler. Je pense que les entreprises doivent effectivement,
dans la conduite de leurs activités, essayer d'intégrer le plus
possible toute la gestion des affaires culturelles à leur quotidien, ne
serait-ce que de trouver des choses qui peuvent être faites qui ne
coûtent rien de plus. Pourquoi, à l'intérieur des rapports
annuels des diverses entreprises qui doivent en produire, n'y aurait-il pas une
reproduction d'une toile d'un artiste québécois, ou d'une
sculpture, ou autre chose? Je pense donc que c'est par l'imagination des
entreprises, sur des dépenses qu'elles sont tenues de faire de toute
façon, que l'entreprise pourrait le mieux développer son
expertise pour aider à promouvoir la culture au Québec.
M. Bradet: M. Bouchard, j'aimerais que vous
nous éclairiez au sujet d'une de vos propositions parlant d'une
action concertée des cégeps et des universités quant au
développement de la formation des gestionnaires de la culture. Cette
formation, à votre avis, devrait-elle s'adresser aux seuls futurs
gestionnaires des arts ou devrait-elle également inclure l'ensemble des
étudiants des différentes disciplines artistiques?
M. Bouchard: II nous apparaît clair que la formation
devrait, effectivement, inclure l'ensemble des étudiants et, à
titre d'ancien président de commission scolaire durant une douzaine
d'années, vous me permettrez de dire qu'il m'apparaît
excessivement important qu'il y ait, dès le niveau primaire, un travail
de fait auprès des jeunes. Et, à titre de président,
ancien également, du Musée de Rimouski, nous avions
développé un genre de partenariat entre le Musée
régional de Rimouski et la commission scolaire pour que les jeunes ne
soient pas déconcertés par l'art. C'est notre clientèle de
demain. Et si les personnes qui, à Rimouski, ont entre 35 et 50 ans, par
exemple, ou au-delà, ne vont pas au musée, probablement que leurs
enfants et leurs petits-enfants iront. Il m'apparaît qu'il est
excessivement important que l'on essaie de trouver, non pas toujours des moyens
qui vont coûter plus cher, mais des moyens pour développer la
concertation à ce niveau-là. Lorsque je dis qu'il est important
également que les étudiants, qui seront des gestionnaires
ultérieurement ou des professionnels, bénéficient de ces
cours-là, c'est qu'il m'apparaît, à ce moment-là,
que ces gens-là, lorsqu'ils auront à prendre des
décisions, pourront effectivement les teinter le plus possible avec une
dimension artistique et un soutien à la culture, comme je le disais tout
à l'heure, dans des activités quotidiennes que, de toute
façon, ils doivent faire.
Le Président (M. Gobé): Vous avez
terminé,
M. le député de Charlevoix? Alors, il vous reste deux
minutes, madame, sur le temps du député de Charlevoix.
Mme Frulla-Hébert: J'aimerais, M. Bouchard, juste...
Une voix:...
Mme Frulla-Hébert: J'ai vu certains sourires, en plus de
ça, derrière. Vous dites, à la page 7 de votre
mémoire: "...on peut se demander s'il est vraiment nécessaire de
se doter à grands frais d'équipements haut de gamme
destinés à satisfaire par moments les exigences techniques de
plus en plus grandes des groupes de passage". Pourriez-vous juste expliquer un
peu plus? Parce que, nous, on investit à grands frais dans les
équipements haut de gamme, les demandes sont là, partout.
M. Bouchard: Bon. Ce que je veux dire par cette phrase-là,
c'est évidemment qu'il est impensable qu'il y ait à Rimouski une
Place des Arts ou un Grand-Théâtre de la même dimension que
ça peut exister ici, à Québec, ou à
Montréal. Et, évidemment, dans d'autres milieux encore plus
restreints que ne l'est Rimouski au niveau de la population, si nous faisons
des investissements dans des édifices haut de gamme, que nous
qualifions, pour, à ce moment-là, peut-être accueillir et
justifier le haut de gamme pour quatre, cinq ou six manifestations par
année, est-ce que cela est nécessairement correct? C'est la
question que nous posons.
Mme Frulla-Hébert: C'est la question de l'utilisation. (16
h 45)
M. Bouchard: Évidemment, si l'État ou les
municipalités peuvent le payer... Mais jusqu'où - on l'a
discuté beaucoup à Rimouski, M. Tremblay le sait également
- jusqu'où la population de Rimouski est-elle prête à
investir dans un règlement d'emprunt et à payer des taxes
ultérieurement pour la construction d'une salle qui coûterait x
millions de dollars? Jusqu'où doit-on aller? Et doit-on toujours se
permettre... Un exemple qui me vient à l'esprit, c'est la salle de
Baie-Comeau. Heureusement pour les gens de Baie-Comeau, j'en suis, si on peut
avoir ça partout. Mais, si je ne m'abuse, Hydro-Québec a investi
quelque 4 000 000 $ à 5 000 000 $ dans cette salle-là.
Mme Frulla-Hébert: 5 000 000 $.
M. Bouchard: Je me pose des questions. Si on peut le faire, tant
mieux. Je serais entièrement d'accord. Mais, évidemment, comme
administrateur d'une entreprise dont, en plus, le taux de rendement est
réglementé, nous sommes habitués à donner le
maximum avec le minimum.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bouchard. Merci,
Mme la ministre. Je dois maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Bouchard, comme entrée en matière,
je vous dirai qu'au mois d'avril j'ai décidé de
précéder ma collègue, vis-à-vis et néanmoins
amie, et d'aller dans votre région où j'ai rencontré
différents intervenants du milieu de la culture: le Conseil
régional, le directeur du musée, etc. Je pense que
l'honnêteté doit prévaloir, j'ai entendu des commentaires
extrêmement élogieux quant à l'implication de
Québec-Téléphone. Je pense qu'il faut le dire. Je remarque
d'ailleurs que vous êtes sous juridiction québécoise.
Enfin, je le savais, mais j'ai trouvé ça intéressant que
vous le disiez. Vous n'avez pas l'air de vous trop, trop mal porter. Les
tenants de la double juridiction en prennent peut-être
pour leur rhume en vous voyant. Vous n'avez pas l'air trop magané
d'être sous une seule juridiction.
M. Bouchard: Je ne commenterai pas là-dessus, si ça
ne vous fait rien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je ne sais pas si je l'ai lu comme il faut,
à la page 9, vous dites, M. Bouchard: "Nous croyons à
Québec-Téléphone - qui est peut-être l'embryon du
Québec-Télécom, on ne sait pas - que l'apport des milieux
de travail à la dynamique culturelle doit s'enrichir de dimensions
nouvelles au-delà de la simple contribution financière.
L'engagement de gestionnaires dans le soutien administratif des organismes, le
bénévolat technique, le prêt de locaux ou
d'équipements, l'aide à la diffusion sont autant de
manifestations d'un intérêt sincère pour la culture. "
C'est-à-dire qu'il y a pratique, si vous voulez, de prêt de
cadres, de gestionnaires de la part de Québec-Téléphone
auprès des organismes culturels.
M. Bouchard: Effectivement, ce que nous encourageons chez nos
gestionnaires à Québec-Téléphone, et dans la
dimension la plus large possible, effectivement, puisque nous avons des
personnes qui, à l'intérieur de l'entreprise, ne sont pas
considérées comme des gestionnaires, étant, par exemple,
des installateurs-réparateurs qui peuvent être maire de leur
municipalité, nous encourageons notre personnel à adhérer
à divers organismes et à y oeuvrer. Et lorsque nous parlons de
cet engagement, nous sommes fiers que nos gens apportent leur expertise dans
les divers milieux, incluant celui de la culture et des arts.
Quand on parle de bénévolat technique, de prêt de
locaux, il nous arrive... et je vais encore donner des exemples quand
j'étais président de la corporation du Musée de Rimouski.
Si je parlais avec ce chapeau-là, je dirais qu'on manquait absolument
d'argent. Il fallait encore faire preuve d'une plus grande imagination. Mais
nous avons eu des expositions qui étaient montées pour le
musée par d'anciens employés de
Québec-Téléphone, qui allaient bénévolement
aider à monter l'exposition. Ce sont des choses du genre que j'indique,
à ce moment-là, lorsque je parle de prêt de locaux, de
prêt d'équipements. Je pense que les entreprises peuvent, à
ce moment-là, non seulement penser toujours dire: Je vais vous donner
1000 $, je vais vous donner 5000 $, ou 200 $, ou peu importe, mais
également, avec leur service d'imprimerie, à un moment
donné, aider une corporation sans but lucratif à faire un
dépliant publicitaire ou à faire autre chose. Donc, ce que nous
voulons encourager, c'est de demander aux entreprises et que les entreprises
soient incitées à faire preuve d'ingéniosité dans
les moyens. Ce n'est pas uniquement une question de remise d'argent.
M. Boulerice: Je vous avoue que je trouve que c'est effectivement
une avenue intéressante. Mais, voyez-vous, dans la circonscription que
je représente, M. Bouchard, j'ai Molson O'keefe, c'est gros, FUR
Macdonald, Gaz Métropolitain, je peux vous en nommer plusieurs, qui sont
de puissantes sociétés, avec des revenus, etc. Donc, quand on
parle de mécénat, bien oui, la première chose qu'on
demande, effectivement, c'est des sous, sauf qu'il a d'autres façons
d'aider, au même titre que dans nos bureaux respectifs de
députés. On va voir le député de
Marguerite-Bourgeoys, il dit: Je n'ai peut-être pas de sous, mais je
pourrais peut-être vous donner des services, ce qui est une formule qui
est avantageuse. Alors, moi, j'ai, au niveau du mécénat, dans ma
circonscription, un bassin drôlement important. Par contre, chez vous,
vous êtes pratiquement tout seul. Vous me parliez de Baie-Comeau
où il y a l'équivalent, peu importe quelle est sa sphère
d'activité; en Abitibi, iI n'y en a qu'un seul; au Lac-Saint-Jean, c'est
Alcan; tandis que nous, à Montréal, dans un grand centre urbain -
et même, à ce niveau-là, je suis en train de me demander si
Québec capitale n'est pas défavorisée, elle aussi, par
rapport au grand centre urbain de Montréal - il y a l'abondance, on peut
aller frapper à 15, 20, 30 portes, les compagnies d'assurances, les
mutuelles, les banques, en veux-tu en v'Ià, comme on dit en bon
québécois.
Alors, quand on parle du mécénat d'entreprises qui se
cultive au Québec, qui se cultive d'ailleurs de plus en plus, moi, il y
a toujours deux choses qui m'inquiètent. Je dis oui au
mécénat et je vais faire tout pour l'inciter, mais il y a deux
choses qui m'inquiètent, M. Bouchard, et j'aimerais entendre vos
commentaires là-dessus, puisque vous le vivez. Qu'est-ce qu'on fait en
région quand il n'y en a qu'un seul, mécène? La seule
porte où je peux aller frapper, si je suis un Rimouskois, c'est chez
vous, vous êtes le seul. Ce n'est pas facile, facile. Bon,
peut-être celle-là, et je formulerai l'autre dans deux
secondes.
M. Bouchard: C'est évident que c'est un problème
que nous vivons quotidiennement que vous soulevez. Il faut quand même
essayer, je pense, à ce moment-là, et c'est ce que nous
réussissons parfois à faire avec d'autres entreprises - je pense
aux grandes entreprises qui sont sur la Côte-Nord, que ce soit la
Reynolds, que ce soit la Compagnie de papier Québec et Ontario... Il
s'est développé, entre nos entreprises, des contacts à cet
égard et il peut, effectivement, survenir que nous devions unir nos
efforts. Il est évident, si on comparait les budgets dont.
Québec-Téléphone peut disposer au niveau des dons et de sa
politique de mécénat,
que c'est très, très, très mince. Même si
nous consacrons une enveloppe importante de notre portefeuille, si l'on veut,
à cet égard-là, c'est mince comme montant global.
Ça ne se compare pas à ce que peut faire Hydro-Québec,
Bell Canada ou les grandes compagnies d'assurances dont vous parliez tout
à l'heure. Mais je pense également que, même s'il est exact
qu'il y a peu d'entreprises dans le territoire où nous opérons,
dont le siège social s'y situe, il n'en demeure pas moins que les
grandes banques, les compagnies d'assurances auxquelles vous faites
référence viennent opérer dans ces territoires-là
et qu'elles font de l'argent. Il m'apparaît très important que les
groupes chez nous, dans le territoire où nous opérons,
s'adressent également à ces entreprises-là, même si
leur siège social est à l'extérieur du territoire
d'opération, et ces entreprises-là devraient, à ce
moment-là, dans leur mission sociale, accepter qu'une partie de l'argent
y retourne. D'ailleurs, Hydro-Québec, chez nous à Rimouski, qui
n'a quand même pas un bureau extraordinairement important, consacre des
montants d'argent, pour le secteur du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie,
relativement importants. On est en contact quotidien avec eux et on le sait.
C'est l'entreprise qui est aussi sollicitée que nous dans le territoire,
à Rimouski.
M. Boulerice: M. Bouchard, comme me faisait remarquer avec humour
mon collègue, le député d'Ungava: Hydro-Québec
prend son eau dans ma circonscription, mais le robinet d'argent coule dans la
tienne. Je pense que la dimension que vous apportez est importante.
Toujours dans le mécénat d'entreprises, M. Bouchard, moi,
j'ai une autre, je ne sais pas si je dois dire inquiétude ou
désolation, enfin vous jugerez après l'expression que je vais en
faire. C'est bien entendu que, quand il y a une grande fête sous la
présidence d'honneur du ou de la députée, on ne hait pas
ça être assis à la table d'honneur, hein? Alors, moi, je
dis que l'entreprise qui donne, parce qu'elle donne quand même des sous,
est portée très souvent - et j'ai vécu des
expériences - à aller vers un produit haut de gamme, un produit
de grande visibilité. Bon. Je ne veux pas être mesquin envers
certaines compagnies, donc je ne donnerai pas de noms, mais je vois les
compagnies subventionner les Grands Ballets canadiens; c'est chic, c'est beau
et on est en smoking ce soir-là. Par contre, il y a une petite
troupe qui fait du théâtre expérimental et qui fait du
théâtre expérimental pour femmes. Ils sont venus me voir en
disant: On voudrait faire une petite levée de fonds. Je ne vous dirai
pas ce que j'avais dans les mains quand je suis allé solliciter: d'un
côté, j'avais le billet, mais, de l'autre, j'avais autre chose.
Ça, c'était moins "glamour", il y avait moins de propension
à aller vers cela. Je me dis: Si on va vers un mécénat qui
n'est pas sensible à cette autre réalité de l'expression
culturelle qui est...
Il y a peut-être les grandes institutions, mais il y a
peut-être celles qui seront les grandes institutions dans 5 ans, dans 10
ans, dans 15 ans. On fait peut-être fausse route. Comment faire pour
sensibiliser le mécénat d'entreprises à des
activités, je ne dis pas bas de gamme, là, mais des
activités, mettons, entre guillemets, moins "glamour"?
M. Bouchard: Ce n'est pas une question qui est à
l'extérieur du rapport Arpin que vous soulevez parce qu'à
l'intérieur du rapport on parle, à un moment donné, de
saupoudrage et qu'on devrait possiblement cesser ça et avoir plus
d'argent pour des choses qui le méritent plus. Il est difficile de
concilier les deux choses, mais je pense qu'il est important, au sein des
entreprises, d'analyser ce qui en est. Je vais vous donner l'expérience
que je connais la mieux, c'est celle de chez nous. Si nous sommes en mesure de
subventionner un concert de l'Orchestre symphonique de Québec à
Rimouski, qui, autrement, ne viendrait pas si nous ne la subventionnions pas,
et probablement à peu près personne d'autre que nous ne peut le
faire à Rimouski, si nous avons ce rôle-là, je crois que
nous avons également l'obligation de consacrer des montants d'argent
à des ensembles qui sont beaucoup plus petits. Je vais vous donner un
exemple. Nous avons subventionné l'ensemble Fleuriault, M. Tremblay le
connaît sûrement, à Rimouski, qui est un petit ensemble
vocal de quatre personnes qui ont fait une tournée dans le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, qui a été
financée par Québec-Téléphone. Nous avons
financé ce même groupe-là à la période des
fêtes pour aller dans les foyers de personnes âgées. Donc,
je ne sais pas si c'est parce que nous sommes plus près de la
population, n'étant pas encore des super-entreprises dont vous semblez
avoir la vision en tête, mais je pense qu'il est possible de marier les
deux choses, et ça m'apparaît dans le rôle social de
l'entreprise de le faire également. Ce n'est pas facile, par contre.
M. Boulerice: Ce n'est pas facile, oui. J'ai l'impression que le
président va me sonner la cloche bientôt.
Le Président (M. Gobé): II vous reste quelques
secondes, M. le député.
M. Boulerice: Quelques secondes. Je vous dirai tout simplement,
M. Bouchard, que j'ai énormément apprécié votre
participation à cette commission, l'échange que nous avons eu,
mon collègue de Charlevoix, Mme la ministre et moi. C'est bien entendu
que je vais me servir de la transcription des débats puisque ce que vous
venez de dire est enregistré, et les gens moins sensibles que vous que
je connais à Montréal se feront servir votre argumentaire en
disant: Bien, s'il y a des gens sensibles à Rimouski, il devrait
y en avoir en région métropolitaine, et, effectivement:
Renversez donc la tuyauterie; si l'eau est prise dans Chibougamau, ne faites
pas couler uniquement en région métropolitaine. Encore une fois,
merci, M. Bouchard, et au plaisir de vous revoir à Rimouski
bientôt.
M. Bouchard: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Mme Frulla-Hébert: Merci, monsieur...
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez
la parole.
Mme Frulla-Hébert:... par dessus mon président, on
est délinquant à cinq heures.
M. Boulerice: C'était le "fun". C'est bon, ça.
Le Président (M. Gobé): Comme d'habitude.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bouchard. Évidemment,
il y a toute cette histoire de la salle de concert chez vous. Alors, on verra
ça. Finalement, espérons que nous pourrons continuer ce
partenariat.
M. Bouchard: Souhaitons-le. Mme Frulla-Hébert:
Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Bouchard.
Merci, Mme la ministre. Ceci met fin à votre présentation. Je
vous demanderai de vous retirer et au prochain groupe de bien vouloir se
présenter. Il s'agit de l'Ordre des architectes du Québec. Pour
ce faire, je suspends les travaux une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 1 )
(Reprise 17h 2)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, bonsoir, bon après-midi. Nous allons maintenant entendre
l'Ordre des architectes du Québec et je vais vous nommer, ça va
aller plus vite. Si vous voulez, identifiez-vous au fur et à mesure pour
que celui qui fait la transcription en haut puisse vous reconnaître si
vous intervenez. M. Bernard McNamara, président?
M. McNamara (Bernard): M. le Président, j'aimerais
présenter les membres de notre groupe, si vous me le permettez.
Le Président (M. Gobé): Oui, faites-le.
Allez-y.
Ordre des architectes du Québec
M. McNamara: Tout d'abord, M. le Président, Mme la
ministre et mesdames et messieurs membres de cette commission, nous tenons
à vous remercier de votre invitation. Les membres de notre groupe. En
fait, à partir de ma gauche, je vous présente M. Jean-Pierre
Hardenne, diplômé de l'École nationale supérieure
des arts visuels de Cambre en Belgique. M. Hardenne est directeur et fondateur
du département de design de l'Université du Québec
à Montréal. M. Jean-Louis Robillard; en plus de pratiquer
l'architecture, M. Robillard est professeur fondateur du programme de design de
l'environnement de l'Université du Québec à
Montréal, cofondateur de la revue Architecture Québec et
président initiateur des Archifêtes des années
quatre-vingt. À ma droite, Mme Josette Michaud, vice-présidente
de l'Ordre des architectes du Québec. En plus de pratiquer
l'architecture, Mme Michaud est l'auteure de plusieurs publications sur
l'architecture. M. Pierre Thibault, membre du bureau de l'Ordre des architectes
du Québec; en plus de pratiquer l'architecture, M. Thibault est
professeur à l'École d'architecture de l'Université Laval
et est membre du Conseil des monuments et sites historiques. Le dernier et non
le moindre, M. Jean-Marie Roy. M. Roy et son étude se sont
distingués à plusieurs reprises en recevant la médaille du
gouverneur général du Canada en 1967 et en 1985, la
médaille du mérite de l'Ordre des architectes du Québec en
1989 et le prix d'excellence en architecture de l'Ordre des architectes du
Québec en 1985. M. Roy a aussi été président du
conseil d'administration du Musée du Québec de 1984 à
1989.
M. le Président, j'aimerais tout d'abord vous présenter
rapidement nôtre corporation professionnelle.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, monsieur, mais
le temps, incluant votre témoignage, est parti depuis 17 heures. Alors,
si vos présentations sont longues, vous pourriez peut-être manquer
tout à l'heure de temps pour expliquer votre mémoire.
M. McNamara: Nous avons essayé de planifier assez bien
notre présentation de manière à ce que nous ne manquions
pas de temps.
Le Président (M. Gobé): Je comprends. C'est parce
que je ne voudrais pas que vous pensiez qu'au moment où vous allez
commencer votre mémoire, le temps part. C'est dès le
début. Allez-y, continuez.
M. McNamara: Alors, l'Ordre des architectes du Québec a
été fondé en 1890 et regroupe 2500 architectes et à
peu près 1000 stagiaires qui pratiquent l'architecture dans le secteur
privé
autant que dans le secteur public. Depuis 1974, date de la fondation de
l'Office des professions, l'OAQ a pour fonction d'assurer la protection du
public dans la production de notre environnement construit. L'Office des
professions est certes l'instance toute désignée pour encadrer
les activités de l'Ordre des architectes du Québec, mais nous
croyons toutefois que le ministère des Affaires culturelles est pour
nous l'interlocuteur privilégié pour affirmer et
développer l'aspect culturel de l'architecture.
Depuis une décennie, l'Ordre des architectes du Québec a
réalisé certains événements pour démontrer
l'importance culturelle de l'architecture, que ce soient les Archifêtes
des années quatre-vingt, ou le Congrès mondial de l'Union
internationale des architectes en 1990, année de notre centenaire, ou
les publications que l'Ordre a présentées en 1983 au premier
ministre de l'époque, l'honorable René Lévesque, "Vers une
politique de l'architecture", ou le document "Pour une politique de
l'architecture" présenté aux Affaires culturelles en janvier
1990.
Suite à la parution du rapport Arpin en juillet dernier, l'OAQ a
déposé un mémoire, car l'OAQ est convaincu qu'il est de
son devoir de s'impliquer dans ce débat, d'autant plus que le rapport
Arpin a relégué l'architecture au second plan. Nous voulons donc
aujourd'hui vous sensibiliser à une reconnaissance de l'architecture
comme production culturelle et vous faire part de nos attentes.
Le mémoire que nous vous avons déposé
réaffirme et développe les positions de l'Ordre des architectes
du Québec à partir de trois thèmes fondamentaux. Je
demanderai à mon collègue, M. Jean-Louis Robillard, de vous les
présenter, et, par la suite, à Mme Josette Michaud de vous faire
part de nos recommandations.
M. Robillard (Jean-Louis): En fait, le mémoire que nous
déposons a trois objectifs. Le premier, c'est de rappeler au
ministère des Affaires culturelles que l'architecture fait partie
intégrante de la culture, ce que le rapport Arpin n'a pas fait.
Le deuxième objectif aussi, c'est de rappeler au ministère
des Affaires culturelles que cette décennie a été
déclarée décennie du développement culturel par
l'UNESCO et que le Québec, en 1990, lors du congrès de l'Union
internationale des architectes, a initié, a été
initiateur, en tout cas, d'une déclaration qui s'est appelée
"Déclaration de Montréal", qui a été
approuvée par 80 pays, pour développer des politiques nationales
d'architecture. Nous croyons que le ministère des Affaires culturelles
doit assurer le suivi d'un tel engagement.
Enfin, nous voulons convaincre le ministère des Affaires
culturelles, puisque cela n'a pas été possible depuis 10 ans
d'interventions ponctuelles, que le dossier architecture est de son ressort et
qu'il doit en assumer le leadership auprès de l'ensemble des instances
gouvernementales. Cette responsabilité est d'autant plus urgente que le
gouvernement n'a pas considéré essentiel qu'il y ait un ou des
ministères nommément responsables de l'aménagement du
territoire, de la ville ou de l'habitation.
Il va sans dire que nous savons déjà que les sommes qui
pourraient être consacrées à cette responsabilité
sont déjà dans les poches de plusieurs autres organismes qui
gèrent présentement le parc immobilier, par exemple, du
gouvernement, c'est-à-dire la SIQ, et d'autres organismes qui, autant
que des ministères, gèrent des programmes de construction
absolument considérables.
Le premier thème de l'architecture et de la société
québécoise, c'est très facile à expliquer: toute
société est productrice d'architecture et, en même temps,
celle-ci est son reflet, un reflet qui est celui de son histoire, celui de son
évolution et celui de cette sensibilité à son milieu. En
ce sens-là, je crois que ça serait bien difficile de vous dire
que la maison québécoise, qui est connue internationalement, nous
a reflétés et implique, et imprime notre appartenance à un
lieu, mais aussi à nos institutions du Régime français;
l'extraordinaire patrimoine que nous avons développé, et qui est
le patrimoine victorien, a saisi tout à fait le caractère
québécois, ce caractère exubérant du peuple
québécois. Et cette série d'exemples vient jusqu'aux
années soixante, au moment de la Révolution tranquille, où
l'architecture s'est développée au Québec et s'est
affirmée: dans le métro de Montréal, dans les
églises du Lac-Saint-Jean, et jusqu'à l'Expo 67 qui a
été la plus grande manifestation d'accueil d'une architecture de
qualité, et pas seulement un accueil de production internationale, mais
une production à laquelle nous avons bien contribué.
Je dois dire - c'est une sorte d'aparté mais qui est essentiel
aussi - que nous avions aussi un personnage politique qui s'est appelé
Jean Drapeau, qui a cru à l'architecture comme étant une valeur
fondamentale dans le développement et dans l'expression de ce que nous
avions à dire.
Malgré ces moments privilégiés, on pourrait quand
même questionner que l'architecture soit reconnue comme une valeur
culturelle de premier plan au Québec. La population y voit d'abord un
patrimoine et c'est à peu près la seule chose qu'elle y
reconnaît puisqu'on le "propagande", surtout sur l'aspect touristique.
Les élus et les dirigeants ont plus peur que n'importe qui des
architectes, vous le savez, puisqu'on pose des pièges économiques
qui semblent très difficiles à solutionner. Il va sans dire que
le Stade tout comme le Palais des congrès ont été des
exemples vibrants. Et, ce qui est même plus désolant, c'est que
même l'élite artistique intellectuelle du Québec ne croit
pas que l'architecture a cette
prépondérance culturelle.
Il y a une priorité qui est culturelle, mais il y a une
priorité sociale, au même titre que l'éducation et la
santé qui ont été les deux grands sujets de la naissance
du Québec moderne; la priorité sociale de l'architecture et de
('"habité" n'a pas été prise en compte par le
gouvernement. C'est donc dire que nous demandons, et nous demanderons, de
reconnaître le statut d'intérêt public de l'architecture au
même titre que l'éducation et la santé.
C'est assez facile, aussi, de dire que l'architecture est une production
culturelle puisque, quotidiennement, la culture matérielle de notre
peuple, qui comprend tous nos objets, notre architecture et nos espaces, est
complètement le fruit de notre sensibilité et de notre
appréhension du monde et, en même temps, nous donne la
possibilité d'exprimer cet élément de distinction que tout
le monde cherche. L'exemple des pays Scandinaves, dont l'échelle
démographique est très semblable à celle du Québec,
nous a prouvé que le meuble Scandinave, je dirais même le produit,
le bois de teck des années cinquante, a fait partie d'une
définition très claire de ce qu'était la Scandinavie pour
nous, c'est-à-dire que ce sont des producteurs de mobilier de
qualité. Aujourd'hui, IKEA a pris la suite, par exemple.
Les Pays-Bas, sur le plan de l'architecture et surtout sur le plan de
l'habitation, ont montré à quel point ils avaient même
consacré certains coûts de projets d'habitation pour loger des
artistes et inclure déjà un aspect qui était comme un
mécénat culturel à l'intérieur même de
projets dont l'échelle est primordiale, est considérée
comme primordiale aux Pays-Bas.
Parlons des grands travaux du président Mitterrand. C'est bien
certain que la France vit une explosion économique importante, mais
aussi une explosion architecturale d'autant plus importante que, maintenant,
après 20 ans, elle devient presque "préséante" sur le plan
mondial avec un programme de concours d'architecture publique, avec des grands
travaux qui, bien certainement, devraient aussi peut-être nous qualifier.
Ça ne veut pas nécessairement dire qu'il faut absolument un
président pour des grands travaux, vous savez. C'est absolument
important de penser que cette production culturelle doit maintenant devenir la
mission. L'architecture a trois composantes, c'est bien certain. Elle est
économique et technique; elle résout ces
problèmes-là. De toute façon, à travers le
Québec, on a presque l'exemple que c'est d'abord cet aspect-là
qui est solutionné.
Il y a aussi les préoccupations sociales. Il va sans dire que,
tant sur le plan du logement que sur le plan de la répartition ou des
problèmes qui sont causés maintenant par l'accroissement des
banlieues, l'aménagement du territoire et les problèmes de
l'environnement, qui sont tout aussi reliés, c'est évident que
l'architecture doit résoudre ces choses-là. Mais si on n'y ajoute
pas et qu'on n'appuie pas sur... si on n'insiste pas sur l'aspect culturel que
cette architecture permet de reconnaître comme étant un
élément fondamental, Je crois qu'on n'appellera plus ça de
l'architecture, on va appeler ça de la construction, du bâtiment,
et on a énormément d'industries qui s'en occupent d'ores et
déjà. (17 h 15)
II faut donc penser qu'il faudra une reconnaissance nationale et
internationale de notre architecture et, pour ce faire, il va falloir que ce ne
soit pas simplement en attendant de reconnaître le nom de Moshe Safdie
pour Habitat 67 que ce sera le cas ou le temps de le faire. Il est bien certain
que, si on prenait les tours de la ville de Montréal depuis 12 ans,
toutes les tours à bureaux qui ont poussé, et qu'on essayait de
savoir en quoi, à travers les publications internationales, elles ont
quelque chose de marquant, je serais fort surpris que vous ou nous puissions en
nommer. Les gens viennent de partout et disent: Ah bon! Il y a beaucoup de
tours; mais ça s'arrête là. Et c'est assez marrant parce
qu'un petit bâtiment - je dirais petit, mais peut-être fort
important pour nous - le Centre canadien d'architecture, a montré qu'en
très peu de temps il pouvait obtenir une reconnaissance internationale.
Il y a quelque chose qui se passe. Il y a quelque chose dans le processus qui
doit être compris et c'est pourquoi nous sommes ici.
En tant qu'architecture et création, il va sans dire, que ce soit
par Michel-Ange - le dôme de Saint-Pierre - jusqu'à Le Corbusier,
Frank Lloyd Wright ou Mies van der Rohe dont on a les bâtiments,
l'architecte est quand même connu et peut être reconnu comme un
créateur. Ce n'est pas le cas au Québec. Et il n'y a aucun
programme d'aide qui nous permette de penser qu'au-delà du marché
et de la commande un peu aléatoire dont nous sommes tributaires il y a
une aide de reconnaissance de cet élément créatif. Il n'y
a que le Conseil des arts du Canada qui a un programme de subvention à
l'architecture.
Je crois que le premier objectif du rapport Arpin était de
favoriser la création. C'est bien certain qu'en termes d'architecture
nous demandons la même chose. En ce sens, nous avons malheureusement
été surpris que le mot architecture soit trop, et presque
seulement relié à la notion de patrimoine, qu'il soit aussi
délayé dans l'expression "cadre culturel de vie", ce qui ne veut
absolument pas dire ce que la réalité de l'architecture
d'aménagement du territoire est, mais au contraire, c'est une notion qui
a permis au rapport Arpin de nous reléguer aux oubliettes dans un projet
à long terme.
En ce qui nous concerne, au-delà du patrimoine, il y a
l'architecture contemporaine d'aujourd'hui. Il y a le besoin de l'architecture
du Québec de s'exprimer. On a un immense retard et on a besoin,
maintenant, d'une pollti-
que de l'architecture, mais nous sommes bien d'accord que cette
politique de l'architecture doit d'abord commencer par une place dans la
politique de la culture du Québec.
Je crois que Mme Michaud pourra maintenant...
Le Président (M. Gobé): Oui, nous vous rappelons
que votre temps est maintenant écoulé et que vous êtes sur
le temps de chacun des deux partis. Alors, cela va limiter d'autant les
discussions que nous aurons après. Vous pouvez y aller pareil,
madame.
Mme Michaud (Josette): C'est un bâillon?
Le Président (M. Gobé): Non. C'est les
règles établies par les membres de cette commission pour les 260
groupes qui vont venir témoigner.
Mme Michaud: . J'essaierai d'être brève. On aura
compris, au ton que nous tenons ici, que nous ne tolérons plus - et
c'est ce que nous sommes venus dire ici - d'être relégués
dans l'oubli, encore pire dans l'indifférence du gouvernement qui n'a
prononcé le mot "architecture" dans le rapport Arpin que deux fois. Et
ce que nous venons réclamer ici, c'est une déclaration
d'intérêt public de l'architecture comme production culturelle.
Quand je parle de déclaration, je ne parle pas d'une déclaration
qu'on peut rejeter, comme une déclaration d'amour, mais d'une
déclaration qui implique le gouvernement et qui le responsabilise comme
l'impliquera peut-être une déclaration d'indépendance.
Quand le gouvernement aura déclaré d'intérêt public
l'architecture, il devra se rendre compte qu'il a une responsabilité
face à sa production architecturale, de la même manière
qu'il reconnaît qu'il a une responsabilité face à
l'industrie et au commerce. Je crois que c'est le fondement de tout ce que nous
demandons.
La première décision qu'aura à prendre le
gouvernement après qu'il se sera responsabilisé sera de
créer, à l'intérieur de l'actuel ministère des
Affaires culturelles, une instance décisionnelle d'importance, tout
à fait distincte de la Direction du patrimoine et entièrement
dédiée à l'architecture. Je m'explique ici. On comprend
très bien, à l'intérieur du ministère des Affaires
culturelles, qu'il y a une distinction entre la création et la
préservation des oeuvres. On ne confond pas les musées et la
production des arts visuels, mais il semble qu'on confonde très bien
l'architecture, sa production, avec sa conservation qui est la conservation du
patrimoine. C'est pourquoi nous réclamons la création d'une
instance décisionnelle distincte à l'intérieur du
ministère.
Nous voulons aussi des programmes d'aide et de soutien à
l'architecture, de la même manière qu'il y en a pour les autres
arts. En ce moment, seul le gouvernement du Canada a des programmes distincts
qui reconnaissent les productions des architectes d'aujourd'hui; j'en appelle
au Prix du gouverneur général du Canada.
Nous voulons aussi une aide directe aux publications. Le gouvernement de
la province a montré de façon très éloquente toute
la confiance qu'il a dans les publications par rapport au patrimoine. Il tient
des collections exceptionnelles depuis une quinzaine d'années - et
même la toute récente qui a été faite la semaine
dernière - qui sont magnifiques. Le gouvernement montre qu'il a
confiance que la publication aide à la préservation, mais on veut
maintenant qu'il montre qu'il a confiance que des publications aideront
à la création architecturale. Nous voulons un soutien à
nos revues d'architecture. Nous voulons un soutien à nos expositions.
Nous voulons aussi des créations de prix d'architecture que le
gouvernement se refuse à tenir et que l'Ordre des architectes est
obligé de tenir à bout de bras, lui-même, parce que
personne ne s'y intéresse. Nous voulons une participation du
gouvernement, immédiate.
À long terme, nous sommes entièrement d'accord avec la
commission Arpin. Nous croyons que le futur ministère de la Culture
pourra avoir un rayonnement horizontal et pourra avoir une incidence sur les
autres niveaux de gouvernement pour qu'enfin on ait une politique
intégrée d'architecture.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, madame.
Mme Michaud: J'ai terminé.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé?
Oui?
Mme Michaud: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
Mme la ministre, vous avez la parole, il reste, dans votre cas, à
peu près une dizaine de minutes.
Mme Frulla-Hébert: Alors, bonsoir à tous. J'ai
été sensibilisée, en me promenant dans les régions
- dans les régions et partout au Québec, quand on inaugure des
projets, que ce soient des salles ou quoi que ce soit, on vient aussi beaucoup
en contact avec les concepteurs-artisans de ces projets - aussi à cette
demande. Et je vous comprends, parce que, effectivement, quand on parle, on a
souvent tendance... Quand on regarde dans l'ensemble, c'est tellement ferme, on
a tendance à vouloir associer architecture avec patrimoine. Si je vous
comprends bien, c'est tout simplement de dissocier les deux et d'avoir,
justement, un intérêt. Parce que le jour où le
ministère des Affaires culturelles, évidemment,
consacre l'intérêt, à ce moment-là, c'est
sûr qu'on consacre la création architecturale, et tout s'ensuit.
Là-dessus, je vous comprends.
Vous nous adressez quand même plusieurs demandes pour faire la
promotion de la pratique architecturale, mais ce mandat-là et aussi
celui de l'Ordre des architectes... Pour ma bonne compréhension,
expliquez-moi comment on peut être complémentaire. Vous savez, il
y a beaucoup de groupes qui vont... De toute façon, on en a pour le
mois. Il y a des groupes qui sont ici et qui... Ce matin, par exemple, un
groupe regroupant tous les artistes en arts visuels nous arrive et nous dit:
Vous savez, madame, on va peut-être gagner 40 000 $ par année
juste une fois dans notre vie. Il y a d'autres groupes aussi qui ont
énormément de besoins. Ils ont des besoins. Et le pire, c'est
que, bien souvent, le potentiel, évidemment, il est quand même
assez limité. Alors, dans un cas comme le vôtre, au niveau de
votre association, comment fait-on pour vous aider? Comment fait-on pour
être complémentaire? Finalement, comment... Le gouvernement, on
est là, on vous écoute. On est là à vous
écouter parce qu'on comprend l'acte créatif. Mais comment fait-on
maintenant pour vous aider?
M. McNamara: On avait émis plusieurs recommandations dans
notre mémoire. Si vous me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Allez-y.
M. McNamara: ...je demanderais à mon collègue, M.
Jean-Pierre Hardenne, de les commenter.
M. Hardenne (Jean-Pierre): Par toute une série de
décisions qui ont tendance à soutenir quelque chose qui doit
être là. Je crois que la mauvaise vision que nous avons du domaine
de l'architecture, en général, c'est que ça brasse
énormément d'argent et que, dans le fond, ça pourrait
fonctionner tout seul. Je crois que ça a été très
clairement dit. Si on laisse les forces vives du marché fonctionner, on
atteint en général la qualité d'un bâtiment qui se
construit, mais rarement une qualité architecturale. Il y a toute une
série de mesures que le futur ministère de la Culture pourrait
prendre, qui sont des mesures d'encouragement et de soutien en partenariat avec
l'industrie privée et l'Ordre des architectes. Je crois qu'il y a une
série de mesures qui ont été testées dans
différents pays, qui sont des mesures aujourd'hui bien connues et qui
permettent de soutenir l'architecture pour qu'elle puisse déboucher.
Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Pourriez-vous, dans le
concret, nous donner...
M. Hardenne: Un exemple précis.
Mme Frulla-Hébert: ...un exemple, s'il vous
plaît?
M. Hardenne: Prenons l'exemple de la mission
interministérielle pour la qualité de l'architecture en France
qui a organisé, au cours de l'année 1990-1991, 1200 concours
d'architecture sur le territoire français. Toute infrastructure publique
ou relevant des autorités locales, de plus de 1000 mètres
carrés, est obligatoirement sujette à concours, concours qui est
un concours restreint. Ils ont fait, au cours d'à peu près 5 ou 6
années, toute une série d'expériences et ils en sont
arrivés au fait qu'ils faisaient un appel général, ouvert
d'ailleurs à toutes les nationalités, où ils
reçoivent, pour un programme donné, disons 100 envois. Tous ces
envois sont colligés par un jury et on demande à 4 ou 5
équipes, rémunérées à un taux minimum, qui
est celui de l'effort réel consenti par ces gens pour oeuvrer, de
participer à un concours sur le programme donné. Il y a un
lauréat et le lauréat construit.
Au début, ça a été très difficile en
France. Aujourd'hui, les pouvoirs publics se sont rendu compte de trois choses,
c'est qu'une politique de l'architecture et une politique de concours sont
rentables économiquement, sont rentables cul-turellement et - là,
c'est à vous que je m'adresse - sont aussi rentables politiquement.
Parce que tous les maires des villes, tous les ministres se sont rendu compte
qu'inaugurer un bâtiment architectural qui a une caution nationale et
internationale est un plus pour l'élu mais aussi pour l'ensemble de la
collectivité.
Et nous avons, à ce moment-là, une série d'autres
exemples. On pourrait en prendre en Suède, on pourrait en prendre en
Hollande, mais je crois qu'on avait aussi fait référence à
des exemples qui sont peut-être de grands exemples, entre autres les
travaux du président. Il faut quand même reconnaître,
rappelons-le, que les travaux du président, reliés au
président Mitterrand sont, pour fa plupart, des oeuvres faites par des
architectes étrangers et non français. Il y a donc là une
ouverture sur le monde absolument extraordinaire qui permet d'une part la
reconnaissance d'une qualité architecturale mais aussi la reconnaissance
d'une société qui permet de les accepter. Je crois qu'il y a
là un double jeu. Mais revenons à des choses beaucoup plus
simples.
Je vais prendre un autre exemple qui est l'Ordre des architectes de la
région "rhônale". Il y a, aujourd'hui, 2500 architectes,
exactement le même nombre d'architectes que nous avons au Québec.
Ils ont fait, dans l'année 1990-1991, 150 concours d'architecture,
concours, donc, qui ont permis d'une part de publiciser un programme, qui ont
permis à une série de jeunes architectes d'avoir leur
première commande et, en même temps - et ça, ça nous
semble essentiel parce que je crois que c'est un objectif qui est en
général sous-jacent à toutes les politiques
parcellaires d'architecture qu'on retrouve dans les différents pays,
qu'ils soient européens ou même asiatiques - qui expriment la
volonté de sensibiliser les donneurs d'ouvrage. Parce que, au moment
où on parvient à sensibiliser les donneurs d'ouvrage au fait que
la qualité architecturale paye, il y a une espèce de
fonctionnement et d'entraînement qui permet que, doucement, je dirais,
une sensibilité architecturale se diffuse dans la société,
et tout le monde est demandeur d'architecture. Et je crois que ça ne
peut se faire... Ça se faisait traditionnellement à travers ce
qu'on pourrait appeler la commande du pouvoir personnel, que ce soit le roi ou
le président; je crois que, dans le cas de Québec, ça ne
peut être soutenu que par le pouvoir public.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
madame?
Mme Frulla-Hébert: Non, juste une minute. Le rôle
des divers paliers... C'est-à-dire que, par exemple, vous avez
donné l'exemple de M. Drapeau. Bon. Alors, les villes, souvent, veulent
avoir et garder ce pouvoir, justement, de travailler avec ces artisans, de
choisir ces artisans et d'être maîtres d'oeuvre et... Bon. Alors,
comment on concilie ça? Comment on concilie le rôle du
gouvernement du Québec, des municipalités? Parce que ça ne
changera pas, ça non plus. Il faut les amener avec nous. On parle de
plus en plus de partenariat. Je pense que c'est la clé, de toute
façon, pour les années quatre-vingt-dix et deux mille. Alors,
comment on fait? (17 h 30)
M. Hardenne: La meilleure façon de concilier, c'est
à partir d'une incitation de votre part qui déboucherait sur une
certaine obligation d'avoir affaire à une pratique qui est en
général la pratique la plus courante, qui est celle du concours,
mais qu'après chacun des paliers organisera à partir de
règles générales. Ça, ça me semble
essentiel. Mais je crois que l'incitatif ne peut venir que de vous.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci.
Le Président (M. Gobé): Vous devez terminer, Mme la
ministre?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Mais là...
Le Président (M. Gobé): Ah oui! Bien, moi, j'aurais
peut-être eu une petite question. Oui, je pense qu'il nous reste encore
une quinzaine de minutes.
M. Boulerice: Si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, mon cher.
M. Boulerice: Juste très brièvement, avant de
poursuivre et de retrouver nos interlocuteurs, j'aimerais, si vous me
permettez, saluer la présence à notre Assemblée nationale
de militaires vétérans de Thasal, l'armée
israélienne, qui sont à leur première visite au
Québec et qui tenaient à voir notre Assemblée nationale.
Alors, si vous permettez, je les saluerai de notre part à tous en leur
disant dans leur langue:... Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député. Je vous remercie d'avoir fait ça au nom de tous
les parlementaires. On leur souhaite la bienvenue, nous aussi, comme à
tous les gens qui sont ici à cette commission d'ailleurs, vous
êtes tous bienvenus. Ça me fait plaisir de voir que des citoyens
s'intéressent à ce qui se passe dans ce Parlement. Il arrive
qu'à l'occasion il y ait moins de monde et, là, nous sommes
choyés parce que les tribunes sont pleines et je pense que ça
prouve la qualité des intervenants au niveau de cette commission.
J'écoutais parler tout à l'heure monsieur, là-bas,
son nom m'échappe maintenant, M. Hardenne, si je ne me trompe pas? Vous
parliez des concours étrangers. C'est vrai qu'à Paris, si on
regarde actuellement - vous avez pris la France comme exemple, il y a d'autres
pays - le nouvel Opéra Bastille, je pense que c'est fait par un
Canadien. On regarde la pyramide du Louvre, je pense que c'est un Japonais,
quelque chose comme ça, non?
M. Hardenne: C'est un Américain d'origine chinoise.
Le Président (M. Gobé): C'est ça, d'origine
chinoise, oui. Alors, dès qu'on est un peu loin, on perçoit les
choses avec une petite nuance. C'est parce que, là, on parle de culture
québécoise nationale, qui est une spécificité. On
conçoit tous qu'au niveau de la langue on a une particularité,
ici, en Amérique du Nord, qui fait qu'on ne pense peut-être pas
tout à fait... on ne lit pas tout à fait les mêmes livres
que nos collègues, nos voisins canadiens du reste du Canada ou
même des États-Unis, et c'est un peu ça qu'on appelle cette
culture québécoise. Donc, notre philosophie n'est pas la
même, nos pièces de théâtre ne sont pas les
mêmes; nous, c'est Molière, eux, c'est Shakespeare. Enfin, chacun
peut avoir sa diversité. Mais, en termes d'architecture, je pense que
c'est vous-même qui l'avez un peu confirmé. Je m'interroge,
à savoir c'est quoi la spécificité
québécoise? Comment peut-on parler de culture
québécoise en architecture, alors que ça semble
plutôt être mondial, cette affaire-là? Et la preuve, c'est
que les concours que les Français - qui sont assez
généralement protectionnistes chez eux, dans leurs choses - eux,
font très souvent pour les grands travaux, ce sont des gens d'origine
étrangère qui les gagnent. Alors, y a-t-il vrai-
ment un créneau national dans l'architecture?
M. Hardenne: Totalement, M. le Président, mais...
Le Président (M. Gobé): En termes de culture, je
parle, hein.
M. Hardenne: C'est une question extrêmement, je dirais,
difficile, dans le sens où... Je vais prendre un exemple, je crois que
c'est ce qu'il y a de plus simple. C'est comme si, il y a 10 ans, avant
l'effort majeur du ministère des Affaires culturelles pour le soutien
à la danse au Québec, on s'était au préalable
posé la question: Qu'est-ce que la danse québécoise? Je
crois que, dans 20 ans, on ne l'aurait pas encore définie. Je crois que
le ministère des Affaires culturelles a fait ce qu'il fallait faire; il
a soutenu la danse au Québec et je crois qu'aujourd'hui l'expression
québécoise à travers un médium, une
création, qui est la danse, a son originalité, sa
spécificité reconnue par l'ensemble des autres
sociétés et qu'elle est effectivement le reflet de notre
sensibilité, d'un terroir, d'une façon de voir le monde. Mais
poser la question au préalable, je crois que c'est se donner., en fin de
compte, c'est se mettre dans une situation où on ne peut pas donner de
réponse. Je crois que l'architecture québécoise se fera en
se faisant.
Le Président (M. Gobé): C'est parce que plus
personne ne va nier dans cette salle que l'architecture fait partie des arts,
en effet...
M. Hardenne: Totalement.
Le Président (M. Gobé): ...et je pense qu'au fond
les gens qui penseraient ça n'aurait pas affaire à cette table,
d'ailleurs. D'après moi, c'est plutôt un art international, il me
semble. On voit M. Le Corbusier qui est allé à... je crois que
c'est à Brasilia qu'il a fait une partie d'une ville du Brésil et
les gens ne pensaient pas que c'était l'art français.
C'était lui, c'était Le Corbusier. Chacun a sa
spécificité. Est-ce que ce n'est pas plutôt la
sensibilité de l'individu, quelle que soit la latitude à laquelle
il vit? Picasso était d'origine espagnole, Léonard de Vinci,
Italien de Gênes a vécu en France très longtemps, et
pourtant... Je pense même qu'il y a un conflit entre les Français
et les Italiens; il y en a qui disent: Bien, vu qu'il a vécu à
Amboise, 11 est un peu Français, et d'autres disent: II est Italien.
Est-ce que l'architecture, à vouloir trop la régionaliser, on ne
risque pas... pas d'étouffer, mais de... pas de réduire non plus,
de... de limiter?
M. McNamara: M. le Président, je pourrais vous
suggérer un autre de mes collègues qui désirerait
s'exprimer sur cette question.
Le Président (M. Gobé): Oui, si vous voulez,
oui.
M. McNamara: M. Roy.
M. Roy (Jean-Marie): Vous savez, oeuvrer en architecture durant
l'ère contemporaine, c'est assez particulier pour chaque pays qui a
à le faire parce que chaque pays a un patrimoine à conserver et
le développement de ce patrimoine-là doit se faire, d'une
certaine façon, du bout des doigts. On a beau faire une opération
monstre pour conserver le patrimoine, et ça se fait bien au
Québec, si on se laisse enterrer par une architecture qui
l'écrase, on manque notre coup avec le patrimoine. Je vois l'exemple de
IHe d'Orléans qui a perdu tout ce qu'elle avait, depuis 20 ans, avec des
mesures tout à fait bien pensées. Il n'y en a plus d'île
d'Orléans. Le patrimoine de l'île d'Orléans, il est parti
à cause de l'injection d'une nouvelle architecture. Or, la nouvelle
architecture, c'est celle qui respecte le passé et qui va tranquillement
vers l'avenir. Elle peut avoir une odeur internationale, mais avec une
pensée nationale. C'est sûr que les méthodes, les
écoles, elles s'internationalisent, mais il peut y avoir un ton, une
couleur qui est nationale. Mais surtout, la couleur qui existe, c'est celle qui
respecte le passé, notre passé à nous.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie.
M. Thibault (Pierre): Peut-être dans la même veine,
juste une minute.
Le Président (M. Gobé): Rapidement, parce que mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques s'impatiente. Mais allez-y, je
vous en prie.
M. Thibault: Enfin, là-dessus, je crois qu'on a l'exemple
des pays Scandinaves. Eux aussi ont, par exemple, l'utilisation du bois, des
matériaux qui sont propres à des régions données.
Ce qui arrive ici, ce qu'on demande... C'est qu'on ne prend pas le temps, on ne
donne pas le rôle de créateur à l'architecte. On lui fait
faire des projets à la va-vite et cette réflexion - on parlait de
la danse - donc, cet encouragement à penser ce que serait une
architecture québécoise... Justement, on fait
référence à IHe; II faut donc intégrer une
architecture contemporaine, mais qui soit respectueuse de notre environnement,
de nos matériaux, qu'on puisse travailler avec ça plutôt
que de faire parfois des copies de projets internationaux sans
intérêt.
Alors, on a à développer ici, je crois, le rôle de
créateur de l'architecte et à donner ce qu'on demande, enfin les
mesures nécessaires pour que ce rôle-là soit
valorisé. Et, malheureusement, le gouvernement, actuellement, dans la
méthode de sélection de ses professionnels, néglige
complètement, banalise... On ne choisit jamais un architecte à
cause de ses talents de
créateur, mais peut-être parce qu'il est capable de
répondre aux autres. On parlait des quatre dimensions essentielles. Pour
la dimension technique et le budget, ça, on a des bonnes équipes;
mais s'il est temps de faire de la création, au niveau créatif et
au niveau social, il y a des lacunes fondamentales. Donc, l'exemple des
missions interministérielles, c'était peut-être pour
guider, pour conseiller aux municipalités et aux ministères de
choisir des équipes compétentes qui sont imaginatives, qui ne
feront pas que répéter des solutions qu'on a déjà
vues, sans imagination. Je crois qu'on a, ici, tout un potentiel qui ne demande
qu'à être mis de l'avant.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. J'aurais
aimé parler plus longtemps avec vous, mais peut-être en d'autres
lieux parce que, là, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques a certainement des questions très
intéressantes. Je me souviens de l'avoir vu, cet été, en
Europe, nous faire des leçons d'architecture dans la ville de La
Rochelle. Alors, M. le député, vous avez la parole.
M. Boulerice: Écoutez, on n'en est pas à une ou
deux minutes près. De toute façon, les parlementaires peuvent
parler tant qu'ils veulent dans ce Parlement, il est peut-être temps que
les architectes fassent entendre leur voix. Juste à titre d'information,
le groupe qui était ici tantôt était conduit, certes,
peut-être par un officier de réserve, mais architecte de
formation. J'ai bien hâte d'entendre ses commentaires sur vos propos.
Ça va vous paraître bizarre, mais je ne vais probablement
pas vous poser des questions, ou peut-être une toute petite. Je vais
peut-être plutôt aller vers des commentaires. De toute
façon, si je vous posais des questions, je risquerais une sanction
incroyable qui me viendrait d'une architecte très connue, que vous
connaissez bien, qui est une amie personnelle. Si elle m'entendait vous poser
des questions, je risquerais peut-être d'avoir la réplique
cinglante: Mais, cher André, vous n'avez rien compris à mon
discours depuis 10 ans. Je ne voudrais pas avoir cette sanction.
Lorsque j'ai lu votre mémoire et que j'ai forcément appris
votre présence, il y a deux phrases qui me sont revenues en tête.
La première... Je ne me souviens pas de son nom, mais il est le
chroniqueur d'architecture au New York Times. Il disait: C'est le
bâtiment qui, d'abord, anime la rue. Et quand on se promène dans
notre belle ville de Montréal, je ne vois pas grande animation au niveau
du bâtiment. Et quand je regarde les constructions récentes...
vous y avez fait allusion peut-être avec plus de délicatesse que,
moi, j'en aurai. Je me rappelle cette phrase de Raoul Castro qui, lui, disait:
II n'y a pas de démocratie possible quand c'est laid. Et je vous avoue
que je suis inquiet de la démocratie dans bien des quartiers de
Montréal, parce que je trouve que, malheureusement, c'est laid. C'est
très laid.
Vous avez fait allusion, effectivement, à de grands travaux.
L'Amérique a développé une autre culture, d'autres
attitudes. Nos chefs d'État laissent je ne sais quoi comme
postérité. Les présidents des républiques en
Europe, ou certains monarques, eux, laissent la Grande Arche, l'Arche de la
Défense, Beaubourg, qui a été l'objet d'une
polémique incroyable à l'époque.. Je me souviens d'avoir
participé non pas à des discussions mais à des batailles
de rue, à savoir si c'était beau ou si c'était laid, mais
c'est encore là, et c'est très visité.
Donc, l'architecture, oui, c'est un art. C'est probablement l'art le
plus quotidien, parce qu'on habite tous quelque part. Et on sort de l'endroit
qu'on habite pour travailler dans un autre endroit qu'on doit habiter.
Maintenant, architecture, design, tout ça c'est connexe pour moi.
Corrigez-moi si je fais une hérésie, mais, souvent, on se
retrouve dans un bâtiment qui, comme je vous le disais, selon la
conception de ce chroniqueur, n'anime pas la rue; il n'est pas habité,
même s'il y a des personnes qui sont à l'intérieur. Moi, je
trouve ça triste, mais enfin, bon.
Ceci dit, vous demandez des choses. Je les ai devant moi. Vous demandez
qu'il y ait une sensibilisation, qu'on reconnaisse l'architecture comme une
composante majeure de notre culture et qu'on prenne les mesures
nécessaires pour assumer son développement. On peut aimer ou ne
pas aimer, mais quand on est à Montpellier, on voit.... On peut ne pas
aimer Bofill. Il y a même eu des phrases méchantes disant que
c'était post-Adrien et pré-Mussolini. Mais on sent qu'il y a eu
quand même une préoccupation de la part du
député-maire, polémiste, mais ça fait
peut-être son charme, il y a eu une préoccupation d'architecture.
Il y a eu une préoccupation d'architecture dans cette ville. Et,
effectivement je trouve qu'on ne l'a pas ici. Elle est bien difficile. Je suis
capable, dans certaines villes, puisque je suis maniaque d'art déco, de
vous dire: Oui, cet édifice-là a été construit par
Untel, etc., mais je vous avoue que ça m'est bien difficile de le faire
à Montréal, à l'exception de deux endroits. Et vous en
avez énuméré un d'ailleurs, qui est celui dans le
Vieux-Port, Habitat 67. C'est probablement un des seuls et un des rares
à Montréal qu'on est capables véritablement d'identifier.
Bon, on ne fera pas injure au Centre canadien d'architecture là, mais
c'est là.
Ceci dit, moi, je vous l'ai dit, je ne vous poserai peut-être pas
de questions, mais j'irais plutôt de commentaires. Cette
préoccupation, elle est là. À l'époque où ma
formation politique était au gouvernement, elle n'a peut-être pas
répondu, on n'a sans doute pas répondu à cette
préoccupation. Mais, comme je dis, je n'étais pas
député, je ne suis pas là pour gérer le
passé mais bien pour administrer l'avenir. Je vais prendre à
témoin mon collègue, on avait une résolution pour notre
congrès, qui était: Politique nationale d'architecture, et
relevant du ministère des Arts, de la Culture et des Communications.
Puis, vous savez, dans un congrès, il se passe la même chose qu'en
commission parlementaire. Le président dit: Fin de la période. Et
malheureusement, elle était l'avant-dernière. Je me sens
moralement obligé de la considérer comme étant
adoptée.
Alors, je vous dis que de toutes les recommandations que vous faites...
et cela est transcrit. Vous en recevrez une copie, donc vous pourrez venir me
le mettre sous le nez si jamais nous sommes appelés à former le
prochain gouvernement. Moi, pour employer cette mauvaise phrase en
français, j'achète les points que je trouve dans votre
mémoire sans aucune réserve, sans aucune réserve. (17 h
45)
Je disais que je ne vous poserais peut-être pas de questions,
juste une. Quand vous dites: "...Dissoudre l'architecture sous la notion vague
et globalisante de ce concept ou de la confondre avec le patrimoine" je
réponds, oui, parfait, sauf que doit-on estimer que le bâti
d'aujourd'hui sera le patrimoine de demain? Et si je regarde ce qu'on est en
train de bâtir aujourd'hui, est-ce que vous croyez qu'on aura besoin
d'une commission des biens culturels dans 50 ou 100 ans au Québec?
M. Hardenne: Je crois que si le futur ministère de la
Culture agit dans le sens où nous l'espérons, oui.
M. Boulerice: Sinon? M. Hardenne: Sinon, non.
M. Boulerice: M. le Président, il reste encore... S'il
reste quelque temps...
Le Président (M. Gobé): Je suis tout ouïe; je
vous écoute, mon cher.
M. Boulerice: ...je vous le remets pour ajouter autre chose. Moi,
je pense que j'ai fait mes couleurs et que j'ai fait surtout mon lit.
M. McNamara: On apprécie beaucoup la position, disons
officieuse, de la commission à ce point-ci. En fait, la réception
que vous faites de notre mémoire, on n'en demandait pas moins.
Évidemment, pour nous, c'est important que la création
architecturale soit reconnue comme faisant partie de notre culture, et de
là découlent une série de mesures. On a
énuméré certaines mesures dans notre mémoire. On a
parlé tantôt des concours qui sont un aspect, qui sont une de nos
recommandations qui, selon nous,
i peut améliorer énormément la
qualité de l'architecture. Il y en a d'autres, évidemment, qui
touchent peut-être un peu moins le ministère des Affaires
culturelles ou le futur ministère de la Culture, quand on parle
d'enseignement ou qu'on parle aussi d'assurer un certain leadership au point de
vue de l'ensemble des ministères au niveau de la production
architecturale au Québec. Est-ce que j'ai des confrères qui
veulent ajouter un mot là-dessus?
Le Président (M. Gobé): En conclusion, en
terminant, oui. Allez-y, rapidement.
M. Robillard: Sur ces points-là qui rejoignent, en fait,
les principaux objectifs qu'on avait énumérés dans un
document qui s'est appelé "Pour une politique d'architecture", II est
bien certain que c'est comme l'oeuf et la poule. Il faut former de bons
architectes pour qu'ils produisent une bonne architecture, et vice versa. Je
crois que ce qui est essentiel... et ce qu'on a eu de la difficulté
à considérer dans l'option du rapport Arpin, c'est le fait qu'il
n'y avait rien qui était traité en urgence ni qui devait
être, à court terme, pris comme une série de mesures.
Vous savez, c'est certain que c'est aussi un projet à très
long terme, cette politique de l'architecture. Avant de développer une
culture architecturale plus sensible au Québec, il est bien clair qu'on
doit aussi assurer une meilleure recherche dans le domaine de l'architecture,
autant théorique que pratique. On dort assurer une meilleure
éducation, on doit commencer surtout à sensibiliser la commande
gouvernementale parce que c'est elle qui constitue la plus grande commande; le
plus gros donneur d'ouvrage au Québec, c'est le gouvernement. Et
l'ensemble des centaines de millions de dollars, de milliards de dollars qui
sont consacrés aux bâtiments, pas juste aux bâtiments
justement, mais qui devraient être consacrés à
l'architecture, ça doit commencer maintenant. Et c'est sur ça
qu'on espère que la commission parlementaire, non seulement sera
d'accord avec nous, mais ne tergiversera pas trop par la suite pour mettre...
Donc, nous, on ne s'est pas fiés simplement à l'idée qu'on
attendait le ministère de la Culture, mais on est déjà
prêts à être partenaires avec le ministère des
Affaires culturelles existant.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, rapidement, s'il vous
plaît.
M. Boulerice: Oui. En terminant...
Le Président (M. Gobé): En terminant. Prenez votre
temps.
M. Boulerice: En terminant, mon collègue mais
néanmoins ami, même s'il est d'une autre
formation politique, a vanté, mais avec démesure, mes
qualités de professeur en architecture à La Rochelle. Je vais
quand même lui retourner une partie du compliment en disant qu'il
était un excellent élève. Et comme vous savez que
l'Hôtel-Dieu sera dans la circonscription qu'il représente, bien,
moi, si je me suis avancé pour ma formation politique, nous allons faire
une jonction tous les deux et nous assurer, mon collègue, le
député de LaFontaine, et moi, que, peu importe quel sera le
gouvernement en place, il y aura un concours d'architecture pour cet
hôpital et que ça ne sera pas un camp de concentration pour
malades.
Le Président (M. Gobé): Étant donné
que c'est une promesse, un engagement apolitique de mon collègue, je ne
peux qu'y souscrire. Ceci étant dit, je passe la parole à Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bon, finalement!
Le Président (M. Gobé): Elle veut un hôpital,
elle aussi, alors! Vous pouvez parler. Je pense qu'on a annoncé un
hôpital dans la ville de LaSalle bientôt; il y aura peut-être
là besoin d'un concours d'architecture aussi.
Mme Frulla-Hébert: Comme on dit toujours, un tiens vaut
mieux que deux tu l'auras. Je suis votre "tiens". Effectivement, je discutais
justement avec Mme Courchesne, ma sous-ministre qui est aussi urbaniste, et on
va regarder ça de très près au niveau du rôle
gouvernemental. Vous savez, ce que vous nous demandez au niveau des concours,
j'en suis parce que je partage l'avis - ce n'est pas toujours vrai - de mon
collègue, que c'est laid. Il y a beaucoup de choses qui sont très
laides et qui sont là souvent parce qu'on sauve des coûts;
ça a été fait ailleurs, donc on l'implante ici et,
effectivement, pour les coûts qu'on sauve, c'est des coûts qu'on
paie dans le futur. Mais ça bouleverse énormément la
structure. Ça bouleverse la structure municipale parce que les
municipalités sont très, très jalouses, et vous le savez.
Ça bouleverse aussi la SIQ, la Société d'habitation,
etc.
De toute façon, chose certaine, vous dites: On veut avoir
maintenant. On n'est pas ici pour donner maintenant, on est ici pour discuter.
Mais, chose certaine, ce que je peux vous dire maintenant, c'est qu'on va
regarder ça avec Mme Courchesne de très, très près
et voir d'abord ce qu'il y a à faire pour implanter. Ensuite, comme je
vous le dis, là, c'est toute une question de bouleversement, de
s'ingérer... et il faut voir aussi comment on le fait. Nous allons
travailler ensemble, et de très près, ça, je peux vous le
promettre.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme fa ministre.
Madame et messieurs... Oui, allons, pourquoi pas!
M. McNamara: Suite à l'allocution de Mme la ministre,
j'aimerais mentionner que l'Ordre des architectes offre son entière
collaboration pour établir une certaine politique de concours. Il faut
reconnaître qu'au Québec il y a eu quelques expériences qui
n'ont pas nécessairement eu les résultats escomptés et
qu'on a nos armes à faire dans ce domaine-là. Il faut voir
ça sur une période un peu plus longue que ce qui a
été fait par le passé. L'Ordre des architectes offre son
entière collaboration pour mener à bien une politique de concours
sérieuse et fonctionnelle, si on peut dire, où tous les
intervenants seraient satisfaits.
Le Président (M. Gobé): Au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous remercier, madame et messieurs. Votre
mémoire fut très intéressant et les interventions furent
fort amicales, je vous en remercie. Ceci met fin à votre intervention.
Je vais demander aux personnes suivantes de bien vouloir se présenter,
soit les représentants de la Conférence nationale des conseils
régionaux de la culture du Québec.
La commission de la culture va reprendre ses auditions. Maintenant, nous
allons entendre les gens de la Conférence nationale des conseils
régionaux de la culture du Québec. Je vous demanderai de bien
vouloir commencer votre présentation et de vous présenter. Vous
avez une quinzaine de minutes pour ce faire.
Conférence nationale des conseils
régionaux de la culture du Québec
M. Pilote (Bernard): Mme Rita Giguère, secrétaire
du conseil d'administration; M. Pierre Paquet, vice-président; M.
Normand Ferrier le Clerc, trésorier - j'avais de la difficulté
à trouver son poste - Mme Chantal Payeur, qui est la semi-permanente de
notre organisation, et M. Bernard Pilote, président de la
Conférence.
M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les
députés, Mme Courchesne, la Conférence nationale des
conseils régionaux de la culture se réjouit de l'importance, du
sérieux et des efforts déployés afin de doter enfin le
Québec d'une politique culturelle. Nous remercions cette commission de
nous recevoir aujourd'hui, nous permettant ainsi d'émettre notre point
de vue sur les effets que devrait avoir la future politique du
développement culturel régional.
Le rapport Arpin s'élabore autour de trois principes fondamentaux
avec lesquels nous sommes en accord: l'importance fondamentale de la culture au
sein d'une société, le droit à la vie culturelle et la
responsabilité de l'État à l'égard de la culture.
Ça ne soulève, en effet, aucun doute dans notre esprit.
Les conseils de la culture existent maintenant depuis plusieurs
années. Leur expérience les amène à formuler
certaines constatations et,
de là, à élaborer certains principes sur lesquels
doit reposer le développement régional.
Notre exposé d'aujourd'hui consiste essentiellement à
énoncer ce que nous considérons être les principes de base
à respecter pour un réel développement culturel
régional. Auparavant, mentionnons que notre réflexion s'appuie
sur trois postulats de base, trois affirmations, à notre avis
indissociables de l'idée de politique culturelle. Ce sont les suivants:
l'importance sociale de la culture doit se concrétiser par une
volonté étatique de la développer; la future politique
culturelle devra conséquemment être celle du gouvernement et non
celle d'un seul ministère; le développement de toutes les
régions est vital pour la société québécoise
et, finalement, le développement culturel d'une région est
intimement lié à son développement global, et nous
soutenons que la vitalité culturelle en est un des moteurs. Le
développement culturel doit donc être favorisé sur
l'ensemble du territoire québécois.
Permettez-moi maintenant de vous exprimer un peu ce qu'est la
Conférence des CRC. Alors, la Conférence des CRC regroupe 11
conseils régionaux de la culture répartis sur le territoire et
desservant l'ensemble des régions, à l'exception de I'île
de Montréal et I'île de Laval. D'après l'étude
effectuée en 1990 par la firme Multi-Réso, les conseils
régionaux de la culture regroupent 661 organismes culturels, 248
organismes non culturels, 1160 individus, artistes, artisans et travailleurs
culturels, sans compter les milliers de bénévoles qui contribuent
à la vie culturelle régionale.
Les principales fonctions des conseils de la culture sont de l'ordre du
rassemblement, de la représentation des intervenants culturels, de la
consultation, de la concertation menant au développement. Mais nous
laisserons aux conseils eux-mêmes le soin de vous exprimer plus à
fond leur rôle. La Conférence, quant à elle, est un lieu
d'échanges pour les conseils de la culture, un outil de
représentation, de défense du développement culturel
régional et des intérêts de ses membres, un lieu d'analyse
des dossiers nationaux influant sur le développement culturel
régional. (18 heures)
Nous croyons que le développement culturel des régions du
Québec est conditionnel à un soutien adéquat de la
dynamique création, production et diffusion. Selon nous, le
développement culturel du Québec doit favoriser le maintien, dans
les régions, des artistes matures. La création en région
doit être soutenue adéquatement. Les régions doivent
bénéficier d'une aide financière favorisant
l'émergence de la relève, de même que des conditions
favorables au perfectionnement de cette relève, des artistes matures et
des travailleurs culturels. La création et la production de
qualité existent dans toutes les régions, mais, actuellement, en
pratique, il n'y a que peu ou pas de circulation, de diffusion des produits
culturels régionaux, ni à l'intérieur d'une région,
ni interrégions et encore moins entre régions et grands centres
urbains. Les artistes professionnels des régions sont donc peu vus et,
de ce fait, peu connus et reconnus.
Par ailleurs, un préjugé courant à propos des
régions est à l'effet que les artistes, artisans et travailleurs
culturels y oeuvrant fassent surtout partie de la relève et, de ce fait,
seraient en voie d'obtenir la parfaite maîtrise de leur art ou
savoir-faire, bref leur maturité. Or, les régions du
Québec fournissent, il est vrai, une importante part de la
relève, mais il y a également des artistes reconnus, matures qui,
bon gré mal gré, ont choisi de créer et de demeurer en
région.
Qu'on se le dise une fois pour toutes, les différentes
disciplines artistiques se côtoient sur tout le territoire
québécois. De plus, la création, la production et la
diffusion du produit culturel sont trois aspects d'une même dynamique que
l'on est forcé de respecter dans son intégralité.
Favoriser l'un de ces aspects au détriment des autres serait un
véritable aveuglement. Les régions ne sont pas que des
réceptacles.
En ce qui concerne la diffusion, le réseau de diffusion, le
réseau des équipements culturels doit être
complété dans le respect des normes techniques professionnelles
et, notamment, en assurant au personnel professionnel y oeuvrant des conditions
de travail acceptables, et ce, partout sur le territoire. La mise en place d'un
réseau de diffusion à axes multiples est impérative afin
de favoriser l'expression artistique sur tout le territoire.
Nous croyons que le rôle des médias doit être
renforcé par le biais d'une production télévisuelle
régionale, par la programmation d'activités culturelles
régionales au centre et en région. Il suffit d'énoncer
certains faits pour que la situation s'éclaire d'elle-même: les
réseaux de télévision nationaux diffusent peu ou pas
d'information culturelle régionale; on constate une quasi-absence de
production télévisuelle régionale; il existe peu ou pas de
quotidiens régionaux. Les productions culturelles régionales font
donc souvent face à un désert médiatique. Elle sont peu
vues, mais if ne faut pas conclure pour autant à leur absence.
Quant au développement culturel des régions du
Québec, nous croyons qu'il repose sur la reconnaissance de leur
dynamisme, de leur vitalité respective, de leur
spécificité. En effet, les régions ne forment pas un bloc
monolithique et cela nous amène à aborder la question de la
spécificité régionale. Cette entité que l'on
appelle les régions ne constitue pas un bloc, non plus qu'une
troisième réalité. Il n'y a pas une, mais des
réalités régionales. Chaque région a ses
caractéristiques, ses besoins propres. Elles sont plus ou moins
densément peuplées, à proximité ou non des centres,
limitrophes a une autre province ou bien carrément en
périphérie. Certaines ré-
gions sont bien développées en rapport avec une discipline
et moins dans une autre. Bref, il ne peut y avoir de solution magique
applicable à toutes les régions.
Les conseils de la culture sont favorables à une politique
culturelle décentralisée permettant à tout le
Québec de se développer en matière culturelle. Ainsi, ils
adhèrent aux principes de développement régional
énoncés par le gouvernement en 1986 qui sont les suivants: le
développement des régions doit être le reflet des
préoccupations économiques, sociales, culturelles,
éducatives et politiques des communautés; le développement
des régions doit se fonder sur les dynamismes locaux; le gouvernement du
Québec est responsable des orientations nationales de
développement et il doit assurer à chacune des régions les
conditions minimales à leur développement; le
développement des régions doit reposer sur une
responsabilité partagée entre les régions et le
gouvernement et doit donc faire appel à une véritable
concertation.
La Conférence des conseils régionaux de la culture pense
que le gouvernement du Québec doit maintenir et renforcer le
réseau des conseils régionaux de la culture afin de favoriser la
concertation, le rassemblement des intervenants sur tout le territoire.
Pourquoi, nous direz-vous? Parce que les conseils régionaux de la
culture sont interpellés par des intervenants culturels et des
organismes professionnels qui veulent s'inscrire dans la dynamique
régionale de développement culturel, d'une part, et, d'autre
part, par les autres secteurs, économique, social, municipal, de leur
territoire qui ont besoin d'un interlocuteur culturel régional. Mais
voilà, il est très difficile, à l'heure actuelle, compte
tenu des faibles ressources financières des conseils, de répondre
convenablement à la fois à la concertation culturelle et à
la concertation sectorielle.
Le rôle-conseil des conseils de la culture doit être
renforcé de manière à assurer un lien étroit, un
suivi adéquat dans l'application de la politique, et ce, dans un souci
d'harmonisation entre celle-ci et les différentes
spécificités régionales.
En conclusion, si nous devions résumer en un mot l'esprit de
cette future politique culturelle dans l'intérêt national, ce
serait le mot "reconnaissance". D'une manière générale:
reconnaissance de l'importance sociale de la culture et de son
développement; reconnaissance du fait que le développement des
régions est vital pour l'ensemble du Québec; reconnaissance que
le développement culturel d'une région est lié au
développement global de celle-ci; reconnaissance que le
développement culturel nécessite des moyens financiers
conséquents; reconnaissance de l'existence, de la qualité, de la
nécessité de la vie culturelle en région; reconnaissance
de la nécessité d'agir maintenant. D'une manière
particulière: reconnaissance du fait que le développement
culturel d'une région doit impli- quer tous les acteurs sociaux pour
être viable; reconnaissance de la nécessité d'une
concertation de ces acteurs pour une action éclairée;
reconnaissance des conseils de la culture comme maîtres d'oeuvre de cette
concertation intersectorielle et interdisciplinaire en région;
reconnaissance de la complémentarité des fonctions des conseils
de la culture et des directions régionales du ministère des
Affaires culturelles; reconnaissance, enfin, du rôle-conseil des conseils
de la culture et de la responsabilité des milieux culturels
régionaux à l'égard du développement culturel de
leur région.
La question du développement culturel est indissociable de la
notion de développement global d'une société. Nous
soutenons que la vitalité culturelle d'une société est
l'un des moteurs de son développement. Nous allons même
jusqu'à affirmer que, sans culture, il n'y a pas de
société et pas de société sans culture. La culture
habite un territoire puisqu'elle est le fait d'une collectivité. La
responsabilité du gouvernement du Québec est donc de
développer culturel-lement le Québec sur l'ensemble de son
territoire et, conséquemment, d'assurer à chacune des
régions du Québec les conditions nécessaires à leur
développement global dont la culture est l'un des aspects fondamentaux.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez
la parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Nous, on s'est rencontrés
quand même à plusieurs reprises et, en faisant le tour, justement,
de toutes les régions, effectivement, on a discuté beaucoup
ensemble du fait ou, enfin, de l'énoncé - M. Turgeon a bien
expliqué que ce n'était pas l'intention vraiment, telle
qu'énoncée, mais ça ne fait rien, ça a
engendré la discussion et c'était sain - Montréal,
Québec et les régions. Donc, votre préoccupation, c'est
vraiment une préoccupation à l'égard du
développement régional et, effectivement, elle est juste.
Deux choses. Vous parlez des artistes de chez vous qui ne sont pas
très connus, c'est-à-dire de cet intermouvement, finalement,
c'est ça. Qu'est-ce que les conseils régionaux font face à
ça? Vous vous rencontrez ensemble, de par l'association, tout ça.
Est-ce qu'il y a des choses que vous faites ou que vous pouvez pousser pour
être très actifs dans ça?
Mme Giguère (Rita): En fait, les conseils régionaux
tentent, par tous les moyens, qu'il y ait une diffusion des produits culturels
dans leur région, dans un premier temps, de même qu'une diffusion
de la pratique artistique avec, évidemment, les moyens existant dans les
régions. Il y a certaines régions dont je suis, puisque je viens
du Bas-Saint-Laurent, qui se sont vu amputer dernièrement de certains
moyens de diffusion médiatique plus larges, telle, entre autres...
Mme Frulla-Hébert: Radio Canada.
Mme Giguère: ...en tout cas, la production
télévisée de Radio-Canada. Mais il y a, effectivement,
d'autres types de moyens. En termes de diffusion, il y a
énormément d'association entre les conseils de la culture et les
associations touristiques...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça que je vais vous
demander.
Mme Giguère: ...oui, pour effectivement faire une forme de
diffusion qui s'adresse à la fois au tourisme et à la population
en général. Il y a aussi certains conseils qui ont fait des
approches plus spécifiques avec l'ensemble des médias de leur
territoire pour faire en sorte qu'effectivement dans les médias
écrits, entre autres - parce que toutes les régions ont des
hebdos, c'est finalement les hebdos qui couvrent l'ensemble des régions
- il y ait une place plus grande de faite à ce qui se produit et ce qui
se fait dans les régions. Mais il y a quand même une énorme
difficulté que l'on a habituellement dans les régions,
particulièrement au niveau de certaines formes d'art et de certaines
formes d'art de pointe, parce qu'il n'y a pas de critiques d'art, ou
très peu, dans nos régions et ça cause un problème.
À un moment donné, les chroniqueurs culturels peuvent,
effectivement, parler d'un type de spectacle qui va avoir lieu ou d'une
exposition qui s'est tenue, mais, le plus souvent, on va tout simplement dire,
par rapport à une exposition, que, bon, les formes sont assez grandes,
qu'il y a beaucoup de couleurs ou... Ce n'est pas de la critique, finalement,
et c'est très difficile, à ce moment-là, pour les artistes
de se positionner et de se faire reconnaître même dans leur
région et, évidemment, encore plus dans les grands centres, parce
qu'ils n'arrivent pas avec des dossiers de presse vraiment très,
très bien fournis. C'est un problème qu'on n'a pas, je ne pense
pas, tout le monde, encore résolu, mais on a des tentatives dans ce
sens-là.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez de votre association avec
les associations touristiques. Hier soir, on recevait un groupe, en fait les
représentants de l'association, et il semble que les associations
touristiques... C'est drôle parce qu'ils nous ont dit, à un moment
donné, que, ah! ils réalisaient que la culture c'est très
important pour eux, et vice, versa, mais c'était comme... et ils
l'avouaient eux-mêmes, que ça n'a pas toujours été
évident. Et là les gens viennent pour voir des choses et,
évidemment, les équipements culturels, d'abord, les centres
d'interprétation, etc., ce sont des bons outils d'attrait. Comment
travaillez-vous avec les relations... Parce que eux nous ont exprimé non
seulement une ouverture, mais une volonté de travailler avec le monde
culturel
M. Ferrier le Clerc (Normand): J'ai le goût de vous
raconter une petite anecdote. J'ai été invité il y a
quelques années, trois ou quatre ans à peu près, avec le
directeur général de l'association touristique chez nous et le
directeur général, également, de l'association,
c'est-à-dire du regroupement des loisirs, à présenter la
région devant un groupe de quelques centaines de visiteurs
étrangers et, étant donné que le touriste, c'est important
- c'étaient des touristes - le représentant de l'association
touristique a parié le premier. Après ça, on a
parlé des loisirs. Quand est venu mon tour pour parler, présenter
les ressources de la région, j'ai été obligé
d'être confiné à dire qu'on avait une université, un
réseau scolaire important, des bibliothèques publiques et un
orchestre sym-phonique. C'est la seule chose que l'association touristique
n'avait pas mentionnée dans la présentation de la région.
Et, à part quelques petites montagnes et quelques grands lacs, parce que
la Mauricie a beaucoup de lacs et pas vraiment de grandes montagnes, la
pêche et la chasse, tout le reste qui constituait les attractions
touristiques de la région était des activités, y compris
le Festival mondial de. folklore qui est une attraction touristique,
évidemment, mais qui n'a rien à voir avec la culture. Alors, les
associations touristiques ne différencient pas - et le discours des
municipalités n'est pas plus élaboré non plus - toujours
ce qui est une qualité touristique d'un lieu donné et son
potentiel touristique. Alors, on est comme toujours à la remorque d'une
initiative, que ce soit le village d'Emilie avec ses 140 000 visiteurs, c'est
impressionnant et c'est fantastique parce qu'il y a un quotidien qui a
été raconté là, mais on peut
énu-mérer... Dans toutes les régions du Québec, il
y a des événements ou des lieux donnés qui sont
essentiellement des équipements touristiques, essentiellement des
équipements culturels ou des témoignages qui ont un potentiel
touristique énorme, mais la différence, dans notre
société, on ne la fait pas, ce n'est pas seulement l'association
touristique. (18 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Entre loisir, culture...
M. Ferrier le Clerc: Le loisir, c'est ça. La plus grande
carence à notre propre développement culturel est peut-être
la propre reconnaissance de notre culture.
Mme Frulla-Hébert: Ça, j'en suis. On a
rencontré, d'abord, quelques maires; moi, j'en ai rencontré
beaucoup, beaucoup; il y en a d'autres qui vont venir, de toute façon,
témoigner ici à la commission parlementaire. Les maires nous
disent que ça change, qu'avant le budget loisir et culture, d'ailleurs
qui est bien souvent tout mis ensemble, parce qu'ils ne voulaient pas montrer
qu'ils investissaient dans la culture... Mais, de plus en plus, ça
change. Il y a encore des toutes
petites municipalités qui sont peut-être encore un peu
inconfortables. On s'aperçoit, d'ailleurs, que la situation change aussi
avec la personnalité du maire en place. Donc, s'il y a une
volonté au niveau des associations touristiques, ils le réalisent
à un moment donné. Si, du côté des
municipalités aussi, il y a une évolution de pensée
à ce niveau-là, est-ce qu'on peut penser que votre rôle
à l'intérieur de ça, finalement d'essayer avec les
partenaires de former un groupe très représentatif... J'en viens
au dernier groupe que nous avons reçu hier soir, le Groupe Malette, au
niveau de la région de Sherbrooke, qui avait formé un groupe
extrêmement actif, une espèce de société qui
investissait autant au niveau économique, culturel, et tout était
très organisé. Est-ce que c'est pensable de voir le rôle
des CRC, par exemple, à l'intérieur d'une espèce de
société?
Mme Giguère: En fait, si on peut parler de ce qu'ont fait
les conseils de la culture depuis plusieurs années - et c'est ce vers
quoi on s'en va - c'est que, dans un premier temps, les conseils de la culture
en général ont plutôt concerté et consolidé
la vie culturelle dans leur région. Évidemment, c'est jamais
acquis pour la vie. Donc, ce sont toujours des actions qu'on doit continuer.
Mais, de plus en plus, il y a effectivement une sollicitation qui se fait de la
part d'autres secteurs d'activité dans une région donnée.
De plus en plus, on est appelés à siéger et à
collaborer et de très près et dans des actions très,
très concrètes, que ce soit avec des associations touristiques,
que ce soit avec les ORCD - on les appelle CRD, CRCD, peu importe - au niveau
de la région, ou encore avec d'autres groupes économiques et,
évidemment, avec les municipalités qui nous demandent,
finalement, de nous investir avec les groupes culturels au niveau d'actions de
plus en plus concrètes. Je pense, entre autres, justement, au niveau de
la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent où il y a eu des
études de marché de faites au niveau touristique et,
évidemment, la majorité des touristes s'y déplacent pour
les grands espaces et les paysages magnifiques, sauf que, le soir, ils veulent
faire quelque chose et ils veulent faire des choses culturelles. C'est ce qui a
probablement fait en sorte que de plus en plus - probablement qu'il y a
d'autres études de marché aussi ailleurs - les associations
touristiques veulent qu'il y ait un regroupement au niveau culturel et que,
finalement, la culture apparaisse non seulement dans la restauration ou encore
dans le fait qu'il y a des forfaits-ski ou qu'il y a des forfaits-voyage en
mer, et tout ça, mais que la culture soit prise en compte comme une
entité, comme une force dans une région donnée. On est
appelés effectivement, à un moment donné, par exemple,
à mettre de l'avant tout ce qui se produit au niveau des métiers
d'art dans une région ou encore à mettre de l'avant le
réseau patrimonial et muséal et à s'associer bien souvent,
parce qu'il y a une question de sous, à des entreprises privées
qui vont soutenir, finalement, la publicité et la promotion de ces
secteurs-là. Je pense que, dans toutes les régions, à
l'heure actuelle, il y a une série d'actions qui se font qui sont
sûrement fort différentes les unes des autres, mais dans ce
sens-là.
M. Pilote: En fait, il n'y a pas une région qui est
pareille. Chez nous, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
déjà depuis quatre, cinq ans que le Conseil régional de la
culture est représenté à une table avec les
différents conseils régionaux, dont l'association touristique
régionale à l'intérieur du Conseil régional de
concertation et de développement, on a déjà
enclenché beaucoup de projets ensemble, d'événements
majeurs dans le domaine des arts visuels qui sont publicises par les bulletins
ou par les guides de l'Association touristique. Donc, il y a déjà
passablement de collaboration chez nous, mais il n'y a pas une région au
Québec qui est identique. Le développement se fait par
escalier.
M. Paquet (Pierre): On vient d'entendre deux groupes qui nous ont
précédés et qui sont interreliés à l'action
et à la question que vous avez soulevées. On vient d'entendre le
secteur privé par Québec-Téléphone et on vient
d'entendre l'Ordre des architectes. Je pense que pour l'intérêt de
la société à avoir ses artisans et ses artistes dans les
régions représentés et à faire partie du
débat, c'est justement parce qu'on doit aussi aller dans le sens de
maintenir la qualité, maintenir l'innovation, maintenir également
l'intérêt des gens qui sont sollicités dans le privé
à investir à la fois en regard du visible, du connu, de
l'agréable, mais aussi un peu beaucoup de la recherche. Et dans les
régions, on est presque aussi bien équipé qu'à
Montréal pour pouvoir la faire, cette chose-là, par rapport
à la recherche. C'est plus difficile pour une petite troupe de danse qui
commence à Montréal de trouver des commandites. En tout cas, ce
n'est pas plus difficile en région qu'à Montréal. Dans ce
sens-là, c'est très important que> le monde culturel continue
d'être présent, représenté et ait droit de parole,
puisse s'asseoir avec les intervenants, qu'ils soient du tourisme, qu'ils
soient du secteur privé ou qu'ils soient des municipalités, pour
maintenir cet intérêt à la qualité, sinon on
risquerait de se retrouver avec une perte au niveau de la dynamique de
création.
Le Président (M. Gobé): Madame, malheureusement,
les 15 minutes qui vous étaient imparties sont terminées et je
dois maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Bouierice: Merci, M. le Président. La
première question que je veux vous poser: Avez-vous rempli votre
questionnaire et l'avez-vous posté?
Mme Giguère: C'est à dire? M. Pilote: Le
questionnaire de?
M. Boulerice: Bien, vous avez reçu un questionnaire pour
vous évaluer.
Mme Giguère: Oui, oui. Ça, on l'a fait avec
plaisir.
M. Pilote: Oui.
M. Boulerice: Merveilleux!
Mme Giguère: On était très contents de
participer à une évaluation. Vous parlez de l'évaluation
avec la firme Multi-Réso?
M. Pilote: L'évaluation qui s'est faite l'an dernier?
M. Boulerice: Non. Ça s'est fait au printemps, je
pense.
Mme Giguère: Non, non, non. L'an dernier.
M. Pilote: Non, c'est l'an dernier, la firme
Multi-Réso?
Une voix: Oui.
M. Pilote: Les conseils régionaux de la culture ont
participé avec empressement à cette évaluation parce qu'on
était évaluables. Alors, il n'y a pas de gêne. Moi, comme
enseignant, j'ai à évaluer mes étudiants et je pense qu'on
accepte très bien l'évaluation, et je pense que ça a
été même favorable à l'ensemble des conseils
régionaux.
M. Boulerice: Puis, quand on est évalués, on a une
note.
Mme Giguère: Ah oui!
M. Boulerice: Voilà. Alors, est-ce qu'on vous a dit que,
comme vous étiez bons, on cesserait de geler vos budgets et qu'il y
aurait une augmentation?
M. Pilote: On a eu une petite prime cette année, de 4,2 %.
Alors, c'était déjà mieux...
M. Boulerice: Ça compense le...
M. Pilote: ...que depuis les quatre ou cinq dernières
années où il y avait eu un gel des subventions à des
conseils régionaux.
M. Boulerice: Vous êtes toujours, compte tenu de l'indice
d'inflation, en déficit d'environ 16 % sur le budget.
Mme Giguère: La vie n'est pas facile. M. Boulerice:
Pardon?
Mme Giguère: Ce n'est pas facile parce que, effectivement,
il y a énormément d'attentes à la fois des milieux
culturels et, de plus en plus, je pense que c'est surtout... Les
conférences socio-économiques ont suscité
énormément d'attentes vis-à-vis des organismes comme les
nôtres, puisque ça a été un exercice très
intéressant, parce qu'on a pu y être présents au même
titre que d'autres secteurs. Ça nous a permis aussi de pouvoir discuter,
effectivement, avec l'ensemble des autres secteurs et ce n'est pas fini
même si, pour le moment, les conférences socio-économiques
sont comme en suspens. La complicité intersectorielle dans les
régions continue et tout le monde est en attente aussi du fameux rapport
Bernier. Mais il y a quand même des demandes assez précises en
provenance de tous les secteurs d'activité dans les régions pour
qu'il y ait effectivement une plus grande part de décisions qui
proviennent des régions et, dans cette optique-là, les conseils
de la culture sont considérés comme étant des partenaires
des autres secteurs d'activité.
M. Pilote: Évidemment, si on compare à d'autres
organismes dans nos collectivités, les conseils régionaux de la
culture sont sous-supportés dans le sens que la plupart des conseils
régionaux ont deux ou trois employés permanents, ce qui fait que
c'est des territoires immenses à couvrir, et le fait que vous releviez
ce point-là... C'est évident que - on l'avait d'ailleurs
indiqué dans notre mémoire - on a besoin de davantage de support
financier pour pouvoir alimenter nos régions.
M. Paquet: On n'a pas dit, nulle part, dans notre mémoire
qu'il y avait besoin de pas mal plus de sous au ministère des Affaires
culturelles, mais disons qu'on prend pour acquis que le rapport Arpin mentionne
ça quelque part. On connaît assez bien les besoins des artistes,
des artisans, des intervenants, on connaît aussi beaucoup l'implication
du personnel bénévole dans nos régions qui donne, et sans
compter, pour savoir que, s'il y a une augmentation substantielle, c'est un peu
tout le monde qui va devoir en avoir parce que c'est tout le monde qui est dans
cet état-là.
M. Boulerice: Une question à Mme Giguère. Vous
êtes du conseil régional du Bas-du-Fleuve.
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine avait demandé d'avoir son
propre conseil de la culture. Qu'est-ce qui est arrivé?
Mme Giguère: Bien, ils sont en train de le mettre en place
avec notre support. En fait, à l'heure actuelle, nous, on fonctionne en
assemblée générale, présentement, à la fois
avec les intervenants culturels du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et
des Îles-de-la-Madeleine. C'est une demande qui est sur la table depuis
trois ans, il y a eu des consultations et, présentement, il y une forme
de partenariat qui s'est instaurée avec le CRCD de la
Gaspésie-les Îles, la BCP de la Gaspésie - les Îles
et nous. Et, présentement, il y a un groupe de travail qui est à
monter tout un dossier qui sera acheminé d'ici le mois de
décembre à la ministre, Mme Frulla-Hébert, pour,
effectivement, combler ce besoin qu'a cette région d'avoir son
entité propre au niveau culturel.
M. Boulerice: Parce qu'on a donné une direction
régionale à Gaspé d'abord, puis, après, le Conseil
de la culture, potentiellement.
Mme Giguère: C'est-à-dire que la direction
régionale n'est pas implantée, non plus. À l'heure
actuelle, c'est la direction régionale qui a son siège social
à Rimouski qui couvre les deux régions.
M. Boulerice: Avez-vous demandé à la ministre
comment elle évalue le rapport Arpin par rapport à la dimension
régions, justement, dans ce rapport?
Mme Giguère: On a rencontré Mme la ministre en
tournée puis elle s'est montrée très favorable à ce
qu'effectivement il y ait une écoute plus grande au niveau des
régions. En tout cas, c'est ce qui est ressorti de la tournée
qu'elle a faite dans nos deux régions.
M. Boulerice: Donc, vous me dites qu'elle est insatisfaite de la
place que le rapport Arpin a faite aux régions.
Mme Giguère: J'espère! Ha, ha, ha!
M. Pilote: Elle a surtout sollicité nos avis, nous a
invité à l'exprimer nous-mêmes. Elle disait qu'elle avait
hâte d'entendre nos propos sur notre appréciation de cette absence
ou de cette présence, comme vous dites. Mais je pense que les conseils
ont déposé des mémoires et pourraient répondre
à son invitation personnelle et venir faire ça ici dans la forme
qu'ils estiment la meilleure, selon leur dynamique.
M. Boulerice: Quel commentaire formulez-vous à
l'égard de la recommandation du rapport Arpin qui vise à mettre
fin au saupoudrage?
Mme Giguère: Ça dépend ce qu'on entend par
saupoudrage. Si c'est effectivement de cesser de donner de très petites
sommes à un très grand nombre d'organismes, mais plutôt de
faire en sorte que les organismes qui reçoivent des montants d'aide
financière en reçoivent de façon adéquate, je pense
que nous sommes tout à fait en accord et toujours dans la mesure
où, dans notre philosophie, le ministère des Affaires
culturelles, à l'heure actuelle, n'a absolument pas un budget
adéquat pour desservir le Québec.
M. Boulerice: Ne trouvez-vous pas qu'il y a un danger dans votre
réponse?
M. Pilote: Par contre, il y a un danger à ça. C'est
qu'en voulant consolider les organismes en place, la relève peut
être négligée là-dedans. Alors, il faut quand
même avoir des nuances sur cet aspect-là.
M. Boulerice: Mais si je me servais de l'argument de Mme
Giguère en tant que ministre des arts et de la culture et que je disais:
Écoutez, vous donnez un petit peu à beaucoup, vous êtes
trop de conseils régionaux de la culture, on va diviser ça en
deux: la moitié s'en va, vous allez en avoir plus. Vous ne trouvez pas
qu'il y a un danger là-dedans? (18 h 30)
M. Ferrier le Clerc: C'est peut-être le gouvernement qui va
avoir un problème si les conseils disparaissent; ce n'est pas les
milieux culturels parce qu'ils vont se structurer n'importe comment. Faites ce
que vous voudrez, appelez ça des conseils de la culture ou autrement, il
y aura obligatoirement et vitalement, et c'est viscéral chez les
êtres humains, une volonté et un besoin de se regrouper sous
quelque forme que ce soit. Si vous faites un coup de crayon, si le gouvernement
décidait, par un coup de crayon, d'éliminer quelque chose, il va
apparaître 10 choses différentes après. C'était le
cas au moment de la création des conseils de la culture; il y avait
toutes sortes de structures qui essayaient d'émerger au niveau des
régions et des territoires. C'était variable d'une région
à l'autre, comme la dynamique des conseils actuels peut l'être.
Mais ce n'est peut-être pas en faisant disparaître les conseils de
la culture qu'on va améliorer le sort des artistes, de la
société et de la vie culturelle au Québec; c'est
peut-être en faisant évoluer les choses et les situations en
rapport avec l'actualité. Qn est né pour un besoin. Il y a
peut-être d'autres besoins aujourd'hui, mais ça ne veut pas dire
faire disparaître ce qu'on a.
M. Boulerice: J'ai joué l'avocat du diable. M. Ferrier
le Clerc: Oui, oui, oui.
M. Boulerice: Ce n'est pas dans mon intention puisqu'à la
page 156 du programme de ma formation politique, j'ai fait inclure, et je me
permets de vous le lire, au 2. 3: "Doter les
régions du Québec d'enveloppes budgétaires
autonomes et suffisantes afin de garantir leur autonomie d'intervention en
matière culturelle. On accordera aux conseils régionaux de la
culture des crédits de fonctionnement accrus. Ils deviendront des
interlocuteurs privilégiés. Les directions régionales des
ministères à vocation culturelle assumeront des
responsabilités supplémentaires avec l'autorité et le
budget requis, notamment quant aux investissements en infrastructures. Elles
seront alors tenues de demander l'avis des conseils régionaux de la
culture et de tenir compte de leurs recommandations." Maintenant, je pense que,
dans mon cas, ma position est claire à l'égard de votre
existence.
Mme Giguère: Alors, c'est très intéressant
et ce qui est surtout très important, je pense, c'est que, dans la
future politique culturelle du gouvernement, il y ait, effectivement, une
reconnaissance de la notion de territoire. Comme les conseils de la culture
sont des organismes qui oeuvrent, comme on le disait au début, dans le
domaine du développement culturel d'un territoire, effectivement, je
pense que les conseils sont des organismes qui, à l'heure actuelle, sont
peut-être sous-employés au niveau, finalement, de la
représentativité des demandes et des besoins des milieux
culturels. Dans la mesure où, effectivement, la politique
reconnaîtra la notion de territoire et le besoin qu'a l'ensemble des
Québécois d'avoir les ressources autant au niveau de la
formation, de la production, de la création que de la diffusion, je
pense que les conseils de la culture auront un rôle à jouer et
encore, même, un rôle plus grand que celui qu'ils ont joué
par le passé parce que, comme je vous le disais, les autres secteurs
d'activité tiennent à ce qu'il y ait un représentant
sectoriel culture, avec lesquels il puisse travailler au développement
régional dans son ensemble.
M. Boulerice: Une toute dernière question. Lorsque
j'étais dans votre capitale régionale, en avril ou en mai - je ne
me souviens plus - j'ai été longuement interrogé par les
médias - enfin, j'ai presque le goût triste de vous dire: Par ce
qui reste des médias électroniques. Est-ce que vous croyez que
c'est une grave lacune du rapport Arptn d'avoir complètement
évacué tout le domaine des communications comme tel? Et
souscrivez-vous à l'énoncé de ma formation, repris
d'ailleurs cet après-midi par l'Union des artistes, que nous devrions
avoir un ministère des arts, de la culture et des communications?
M. Ferrier le Clerc: On ne sait pas par...
Une voix: Ha, ha, ha! Moi, je sais que...
M. Ferrier le Clerc: Comme ancien jour- naliste, je peux vous
dire - je pense que Mme la ministre a fricoté avec ce
métier-là: Qui contrôle l'information, détient le
pouvoir. Alors, si on ne s'occupe pas des communications, on n'a pas le
goût du pouvoir, c'est sûr.
M. Boulerice: Mais si la culture contrôle les
communications, il y a peut-être des chances que la culture
bénéficie des communications.
Le Président (M. Gobé): Votre conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît!
M. Boulerice: Ma conclusion est que ça fait...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît!
M. Boulerice: ...mon Dieu! je ne sais pas, six ans que je suis
ici, ça fait six ans que je suis sur la même longueur d'onde avec
les conseils régionaux de la culture. Je peux leur donner l'assurance
que ce n'est pas demain la veille où je vais changer d'idée. Je
serai vigilant pour le temps qui reste et, j'ose espérer, très
actif avec votre vigilance, cette fois-ci, à vous pour le temps qui
suivra.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, le mot de la fin, s'il vous
plaît!
Mme Frulla-Hébert: D'ailleurs, merci à tous d'avoir
répondu à l'invitation. Finalement, comme je vous l'ai dit en
région et je le répète: Le rapport est la base de
discussion, le rapport Arpin. Ce n'est pas des promesses, on n'en fait pas.
Chose certaine, c'est que la reconnaissance des régions, comme l'a
exprimé le cosignataire du rapport Arpin, M. Turgeon, est quand
même là, est présente et, évidemment, étant
à la tête du ministère le plus décentralisé,
le plus régionalisé, ce n'est pas la veille, non plus, où
on va abandonner les régions, quand même. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, mesdames et messieurs. Ceci met fin à votre intervention.
M. Pilote: On vous remercie tous et on suivra de façon
très ponctuelle tout le déroulement de la commission.
Le Président (M. Gobé): Très bien, monsieur.
Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant appeler la Fédération
des sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean. Je vous demanderais de
prendre place dès maintenant afin que nous puissions commencer
l'audition.
(Suspension de la séance à 18 h 40)
(Reprise à 18 h 43)
Le Président (M. Gobé): La commission va maintenant
reprendre ses travaux et nous allons entendre la Fédération des
sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean qui est
représentée... Mme Marie Brassard, présidente,
peut-être voulez-vous présenter les gens qui vous
accompagnent?
Mme Brassard (Marie): Je vais plutôt laisser à M.
Roger Lajoie le soin d'intervenir maintenant.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Lajoie, nous vous
laissons...
Fédération des sociétés
d'histoire du Lac-Saint-Jean
M. Lajoie (Roger): Merci. M. le Président, Mme la
ministre, permettez que je me présente: Roger Lajoie. Je suis le
président de la Table de coordination régionale des archives
privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean, président également de
la Société d'histoire du Làc-Saint-Jean qui oeuvre sur le
territoire de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, de même que je suis
conseiller pédagogique en histoire à la commission scolaire du
Lac-Saint-Jean.
Mme Brassard, à ma droite, qui est journaliste à CBJ,
Radio-Canada, est également présidente de la
Société d'histoire et de généalogie de Dolbeau;
elle est la fondatrice du Centre d'archives Maria-Chapdelaine et elle
préside la Fédération des sociétés
d'histoire du Lac-Saint-Jean. À l'extrême droite, notre
collègue, M. Ghislain Gagnon, qui est fondateur de la
Société zoologique de Saint-Félicien, directeur de la
Fondation du jardin zoologique de Saint-Félicien et l'instigateur du
premier voyage de découverte du patrimoine au pays de l'Ashuapmuchuan,
qui a eu lieu il y a deux semaines; il est le président de la
Société d'histoire de Saint-Félicien et également
membre de la Table de coordination et de la Fédération des
sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean.
Donc, nous vous présentons un mémoire commun, conjoint, de
la Fédération des sociétés d'histoire et de la
Table de coordination régionale des archives privées. Le fruit de
nombreuses rencontres et de plusieurs années d'efforts a
été exprimé dans le mémoire dont nous allons vous
livrer le contenu. J'invite Mme Brassard à vous en lire le
préambule et l'introduction.
Le Président (M. Gobé): Madame.
Mme Brassard: Merci. La Table de coordination des archives
privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean a été
créée en 1990 et sa mission s'inscrit dans l'application de la
Loi sur les archives du Québec. À l'invitation de l'archiviste
régional, M. Laurent Thibeault, quelques dizaines de centres d'archives
privées et de sociétés d'histoire donnaient mandat
à cette table de coordination régionale: d'abord, de mettre en
place une structure et des mécanismes afin de conserver, de traiter et
de rendre accessibles à la population les archives privées
déjà recueillies; également de coordonner une recherche
régionale en vue de dresser l'inventaire des fonds d'archives non encore
protégés et, enfin, de développer une stratégie de
pénétration de l'ensemble du territoire - on parle du grand
ensemble Saguenay-Lac-Saint-Jean et Chibougamau-Chapais - afin de recueillir,
traiter et diffuser ce capital archivis-tique d'importance.
Le second intervenant aujourd'hui, c'est la Fédération des
sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean. C'est un regroupement
volontaire de six sociétés d'histoire, qui sont réparties
sur le territoire géographique du Lac-Saint-Jean, en vue de structurer
et de coordonner le développement de dépôts d'archives, de
centres de diffusion du patrimoine et de bibliothèques
généalogiques, dans le respect des orientations respectives de
ses sociétés membres. La Fédération des
sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean projette de déposer
un dossier d'admissibilité à l'agrément en décembre
prochain.
En préambule de notre mémoire, j'aimerais vous indiquer
des éléments majeurs qui ressor-tent. D'abord, la motivation de
nos organismes voués à la conservation du patrimoine
archivisti-que de toute une région a été mise à
rude épreuve suite à la lecture et à l'analyse de la
proposition de politique de la culture et des arts déposée par le
groupe-conseil présidé par M. Arpin. En dépit des efforts
considérables investis par tous les partenaires de nos réseaux,
force nous est d'admettre que l'ensemble des activités
économiques et culturelles reliées au patrimoine historique du
Québec est demeuré en dehors du champ d'expertise de la
commission Arpin.
Ignorer l'histoire et ses impacts sur la recherche et le
développement du Québec nous semble inadmissible, surtout dans
une démarche d'analyse des futures politiques de soutien à la
culture et aux arts.
Nous prenons à coeur, M. le Président, Mme la ministre,
notre rôle de porte-parole devant cette audience afin que toutes les
activités éducatives, socio-culturelles et économiques
issues du mouvement des sociétés d'histoire soient mieux connues
d'abord, puis soutenues de façon à accentuer leur rayonnement
dans les autres champs de l'activité humaine au Québec.
M. Lajoie: Je vais vous présenter le profil du
réseau régional des archives privées dans la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Cha-pais-Chibougamau également.
La création de la Table régionale de coordination des
archives privées permet de situer assez précisément
l'importance de développer, en complémentarité avec le
réseau des
Archives nationales du Québec, les services de cueillette et de
conservation, de traitement et de diffusion des archives privées.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le bureau régional des Archives
nationales du Québec jouit d'une grande notoriété et son
taux de fréquentation est en croissance. Compte tenu de son mandat, il
lui est cependant impossible de répondre aux attentes du secteur
privé. Cette préoccupation de conserver le patrimoine
archi-vistique s'est manifestée à titre précurseur avec la
naissance de la Société historique du Saguenay en 1934. La
présence d'institutions, tels l'Université du Québec
à Chicoutimi, les cégeps de Chi-coutimi et Jonquière, les
structures municipales et supramunicipales - MRC du Fjord-du-Saguenay et 15
municipalités - les organismes régionaux et locaux, et
d'importantes corporations privées constituent une ramification
déjà préoccupée de conservation des archives. Le
territoire du Saguenay est donc une terre déjà fertilisée
et la reconnaissance de la Société historique du Saguenay
à titre de premier centre d'archives privées agréé
de la région est venue confirmer cette vocation.
Au Lac-Saint-Jean, la doyenne des sociétés d'histoire, la
Société d'histoire du Lac-Saint-Jean, célébrera
cette année son 50e anniversaire, après avoir lutté au fil
des ans pour se tailler une place distincte sur le plan géographique.
Avec un support croissant du secteur municipal, Aima a su établir
solidement les bases d'un centre d'archives sous-régional et d'un
musée qui génèrent nombre d'initiatives socio-culturelles
et pédagogiques. Plus récemment, cinq nouvelles
sociétés d'histoire prenaient corps autour du Lac-Saint-Jean,
soit celles de Dolbeau, de Roberval, de Pointe-Bleue, de Saint-Félicien
et de Saint-Prime.
La même préoccupation de cueillette, de traitement et de
diffusion des archives privées anime les jeunes sociétés
qui, pour mieux coordonner leurs efforts, se regroupaient, en janvier dernier,
sous forme de fédération. De plus, la Fédération
entretient un lien avec le secteur Chibougamau-Chapais afin de favoriser la
prise en charge d'un noyau de soutien dans ce secteur.
La Fédération des sociétés d'histoire du
Lac-Saint-Jean se partage en trois entités l'ensemble du territoire
sous-régional, empruntant le découpage actuel des
municipalités régionales de comté. Le réseau des
MRC, avec leurs municipalités périphériques, est ainsi
sensibilisé aux notions de préservation du patrimoine
archivisti-que et le rayonnement sur l'ensemble du territoire permet de
rejoindre le secteur municipal, scolaire, les réseaux de la santé
ainsi que les grandes, moyennes et petites entreprises
génératrices de la majorité des fonds d'archives.
Voilà, Mme la ministre et M. le Président, l'exemple d'une
région qui se préoccupe de préserver son patrimoine
historique depuis nombre d'années et qui, réagissant à la
poussée de modernisation qui vient bouleverser les
procédés traditionnels de gestion des archives, se prépare
à assumer son rôle de protecteur de son patrimoine.
Le réseau des archives privées au Saguenay-Lac-Saint-Jean,
c'est plus de 1500 membres actifs et des milliers d'usagers qui
fréquentent régulièrement les centres de consultation. Ce
sont aussi les grandes sociétés, telle Alcan, les institutions
majeures, telles l'Université du Québec et les
congrégations religieuses solidement enracinées dans l'histoire
régionale. Notre réseau participe, de plus, à la
Fédération des sociétés d'histoire du Québec
et aux autres regroupements provinciaux.
Le rôle de protecteur du patrimoine historique est un fait, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui est connu et partagé tant par nos chefs de
file que par un large bassin de notre population. S'il est évident que
les centres d'archives privées ont consenti des efforts croissants afin
de protéger les archives régionales, le mouvement populaire a
indiscutablement démontré, par son intérêt et son
militantisme, sa préoccupation pour la protection du patrimoine en
posant des gestes concrets. Tous efforts réunis, Mme la ministre et M.
le Président, nous pouvons retrouver chez nous une démonstration
collective de la mission de conservation, de traitement, de consultation et de
diffusion de ce capital archivistique qui nous est propre.
Mme Brassard: Nous aimerions maintenant jeter un regard vers une
politique de développement en matière d'archives. Nos organismes
respectifs estiment périmée l'époque où l'on
traitait les historiens comme des marginaux aimant la poussière et
s'abreuvant d'une passion monastique axée plus sur l'occultisme que sur
la culture proprement dite.
Nous comptons dans nos rangs nombre de professionnels des sciences du
patrimoine, historiens, archivistes, ethnologues, archéologues,
généalogistes et enseignants, auxquels s'ajoutent des techniciens
compétents, des administrateurs intéressés et d'ardents
défenseurs des valeurs traditionnelles qui, tous ensemble, participent
à cette mission socio-culturelle. De plus, nous ne pouvons
négliger de souligner l'apport du bénévolat engagé
qui permet d'alimenter les organismes de défense du patrimoine, de
soutenir leurs actions et interventions. Enfin, à travers la pratique de
certains loisirs culturels spécialisés, telle la
généalogie, l'on découvre d'autres facettes qui illustrent
bien l'existence des vases communicants en matière de patrimoine
historique.
Or, les réseaux en pleine expansion sont privés d'une
reconnaissance au sein du réseau culturel au Québec et les
conséquences de ce manque de visibilité entraînent un
ralentissement de leur progression, pourtant souhaitée, au niveau des
services.
La première revendication des partenaires de la Table de
coordination des archives privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la
Fédération des sociétés d'histoire du
Lac-Saint-Jean est la suivante: Accorder au réseau des archives
privées un statut comparable à ceux de la muséologie, des
bibliothèques, de façon à leur permettre de
développer leurs services à la population en matière de
conservation, de traitement, de consultation et de diffusion des richesses
propres à l'histoire locale, régionale et provinciale.
Le manque de ressources permettant d'instaurer, de développer et
de rentabiliser progressivement certains services à la population vient
principalement de l'absence d'une politique de soutien à la
création d'emplois pour les professionnels aptes à oeuvrer au
sein de ce réseau. En conséquence, nous croyons opportun de
proposer à la commission cette deuxième recommandation: Soutenir
la création d'emplois pour les professionnels aptes à dynamiser
le réseau des archives privées, principalement en accordant des
crédits de 75 % des salaires la première année
d'embauché, 50 % la seconde et 25 % la troisième; une telle
mesure pourrait, selon nous, s'avérer un excellent stimulant à
l'acquisition des compétences dans ces champs de
spécialisation.
Pour survivre au cours des dernières années, nos
sociétés d'histoire et nos centres d'archives ont dû faire
appel à divers programmes fédéraux de création
d'emplois compte tenu des maigres enveloppes allouées par le
ministère des Affaires culturelles à son réseau
d'archives. Or, ces programmes ne satisfont pas à nos attentes en
matière de stabilisation des emplois et de développement de
services permanents. Nous croyons de première importance que la
commission renforce les crédits de base alloués au réseau
des archives privées et, en conséquence, nous proposons que les
programmes émanant du ministère des Affaires culturelles du
Québec soient bonifiés de façon à supporter les
efforts du milieu en matière de traitement des archives, de diffusion,
d'accès aux chercheurs et de promotion du patrimoine. Outre son
programme d'agrément, le gouvernement du Québec pourrait
établir un soutien de base dégressif afin de supporter la
croissance des centres d'archives en développement jusqu'à ce que
ces derniers atteignent leur autofinancement complet.
Fortement ancrés dans une région productive, innovatrice
et réputée comme une pépinière de talents dans
toutes les sphères de l'activité humaine, nous déplorons
avec une certaine frustration la notion de centralisation du domaine de la
culture et des arts.
Nous ne croyons pas que le développement culturel puisse se
générer de haut en bas, du pôle vers les
périphéries, sans créer une dichotomie profonde. Le
soutien à la créativité et l'accès aux services
doivent s'appliquer à tous les Québécois, sans
égard à leur situation géographique, si l'on veut
générer un courant proculturel actif. Se concentrer à
Montréal ou à Québec pour y soutenir la culture
créerait, à notre avis, un cercle vicieux qui viserait
l'aliénation des régions en leur ravissant
systématiquement tout leur potentiel initial.
Quel archiviste ou historien, ethnologue et autres spécialistes
pourraient résister au courant lucratif pour demeurer fidèle,
dans de telles conditions, à sa région d'origine? Bien qu'on
reconnaisse l'importance de centres de diffusion majeurs dans les grands
centres urbains, la Table de coordination des archives privées du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Fédération des
sociétés d'histoire du Lac-Saint-Jean s'opposent à
l'établissement d'une polarisation de la culture qui ne peut
qu'entraîner une sclérose progressive de toutes les initiatives en
provenance des régions. Une telle situation tendrait à affaiblir
le bassin de pourvoyeurs d'idées nouvelles et finirait par menacer
l'identité même des créateurs à l'échelle du
Québec. En conséquence, nous souhaitons que chaque région
dispose d'un droit fondamental de générer des initiatives
culturelles et que le gouvernement du Québec favorise, par la
création de structures décentralisées, l'éclosion
des talents et autres initiatives de création, de diffusion et de
manifestation propres à favoriser l'identité créatrice de
chacune des régions.
Pour permettre à la culture et aux arts de se développer
sans créer uns dépendance outran-cière face à
l'État, nous estimons souhaitable que des incitatifs fiscaux soient
accordés aux partenaires du secteur privé. Or, nous
considérons que l'impulsion ne peut provenir que du gouvernement si l'on
entend stabiliser les réseaux culturels. Une fois l'aide gouvernementale
obtenue, le soutien régional, sous-régional, municipal et
privé vient compléter l'apport à l'autofinancement des
réseaux. Dans le secteur des archives privées et de la
conservation du patrimoine historique, le partenariat proposé nous
semble réaliste et applicable. Compte tenu des efforts majeurs que le
milieu a déjà consentis pour créer et développer
ses services dans le passé, nous sommes à même d'identifier
clairement une carence sur le plan du soutien gouvernemental à titre de
support au développement et d'aide à la consolidation des
services, notamment en matière d'équipements de traitement, de
conservation et de consultation des fonds d'archives. (19 heures)
En conséquence, nous proposons que des programmes d'aide
spécifiques, reliés au domaine de l'archivistique, soient
créés, afin de permettre à tous les centres d'archives
d'avoir accès à des équipements techniques de traitement,
de conservation, de consultation des archives, et que le souci de rejoindre les
régions demeure une priorité gouvernementale
d'accessibilité à la culture pour tous les
Québécois. La mise en place d'incitatifs visant à
favoriser le partenariat privé avec les organismes privés est
donc souhaitable.
Le rôle de mise en valeur de l'histoire et du patrimoine que
jouent les sociétés d'histoire et les centres d'archives
privées au Québec pourrait s'orienter de façon permanente
vers le domaine de l'éducation. En effet, les divers spécialistes
qui oeuvrent dans ces champs de compétence pourraient de bon droit
assumer une vocation pédagogique auprès des clientèles
scolaires de tous les niveaux, considérant que les centres d'archives
demeurent les meilleurs lieux de diffusion de l'histoire qui soient. Il nous
apparaît nécessaire de suggérer à la ministre ce
rapprochement entre le secteur scolaire et le milieu des archives, car ce
jumelage permettrait d'établir les centres d'archives privées
à titre de laboratoires et d'y encourager les visites, la tenue de
cours, l'orientation vers la recherche et créerait un véritable
enracinement du fait historique dans la formation des jeunes.
En conséquence, nous recommandons que les centres d'archives
privées soient reconnus comme des lieux d'éducation en histoire
locale et régionale et qu'on y pratique des enseignements de type
laboratoire inclus aux activités d'apprentissage des programmes
académiques de niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. À
cet effet, qu'on reconnaisse la compétence des historiens, archivistes,
ethnologues et autres professionnels des sciences du patrimoine à titre
de ressources pédagogiques complémentaires au réseau
actuel de l'éducation.
Le Président (M. Gobé): Je vous demanderais de
commencer à faire votre conclusion, madame, s'il vous plaît, parce
que le temps coule, mais...
Mme Brassard: Nous y venons.
Le Président (M. Gobé): J'ai dit: Commencer
à la faire. D'accord.
Mme Brassard: Nous prétendons assumer le rôle de
gardien des archives québécoises en complémentarité
avec le réseau des Archives nationales du Québec sachant la
lourdeur de la tâche dévolue au système public eu
égard à l'évolution technologique et à la
multiplication des dossiers. Il nous apparaît important que la nouvelle
politique sur la culture et les arts accepte de prendre le virage du
développement des réseaux d'archives privées.
S'il est une région qui manifeste de façon concrète
son désir d'assumer ce rôle, nous en sommes les artisans et nous
avons le capital humain pour assurer cette responsabilité. Pour soutenir
cette volonté, il nous manque la reconnaissance, le soutien financier et
l'ouverture pédagogique.
M. Lajoie: Si vous me permettez, M. le Président, de
terminer brièvement la conclusion.
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y. Allez-y,
monsieur, assez rapidement, quand même, parce qu'on est... Mais
allez-y.
M. Lajoie: D'accord. Le rapport Arpin néglige de signaler
l'apport important en "membership" du réseau des archives privées
et des sociétés d'histoire. Dans la seule région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous regroupons plus de 1500 membres actifs et nos
professionnels appartiennent à des regroupements qui ont
été, eux aussi, ignorés du groupe-conseil - je ne vous en
fais pas la lecture. L'ère des archivistes effacés et des
historiens atemporels devrait laisser place à des gestionnaires
efficaces des archives privées, à des historiens
méthodiques, à des pédagogues soucieux de la portée
du message patrimonial, à des archéologues valorisés dans
leurs démarches de reconstitution du passé et à des
ethnologues plus accessibles sur les équipes multidisciplinaires en
diffusion, en muséologie, en vulgarisation.
Le développement des centres d'archives privées est, selon
nous, la PME de l'heure; elle assure la conservation d'un patrimoine qui ne
peut résister encore longtemps aux changements technologiques et dont le
réseau public ne peut prendre charge; elle crée et consolide des
centaines d'emplois.
Peut-on espérer une meilleure sensibilisation du gouvernement du
Québec face à son réseau d'archives privées, alors
que les programmes d'agrément commencent à peine à
démontrer leur efficacité? Nous le souhaitons, bien
évidemment, en soulignant à Mme la ministre que nulle politique
de la culture et des arts ne peut se concrétiser sans la connaissance
fondamentale de l'histoire et sans le respect constant de son patrimoine. C'est
à titre de fournisseur de cette matière culturelle essentielle au
développement et à l'expression de toutes les formes de
créativité que nous désirons obtenir une reconnaissance
officielle, assortie des supports qui garantiront le rayonnement
souhaité, dès à présent.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M.
Lajoie. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Moi, j'ai une question; le
député va en avoir une aussi. D'abord, il faut quand même
faire un rappel de tous les bénévoles qui travaillent et qui ont
travaillé dans ce secteur et, là-dessus, vous avez raison. Je
veux quand même rappeler, puis j'essaie de faire la part des choses...
Justement, je parlais à Mme Courchesne, parce qu'on a eu un incident au
niveau des archives, ce qu'on appelle le parapu-blic. Parce que ce n'est pas
évident; il faut, comme vous le disiez tantôt, que le
système d'éducation, les municipalités veuillent les
céder aussi. Ça, c'est autre chose. Nous, nos archives,
évidemment, sont cédées au centre d'Archives nationales.
Mais je veux rappeler qu'en 1989 le
MAC a adopté une politique ministérielle sur les archives
privées, vous en avez parlé tantôt. Il y a eu aussi un
règlement qui concernait les conditions d'agrément des centres
d'archives privées. Il y en a eu 10 qui ont été
agréés, il y en a six autres qui vont l'être et qui sont
à l'étude. Je voudrais que vous me précisiez deux choses.
D'abord, la reconnaissance du réseau d'archives dont vous parlez, est-ce
que c'est un prolongement de celui que le MAC est à mettre en place ou
s'il s'agit d'un autre projet?
Mme Brassard: Je pense, Mme la ministre, que le réseau de
développement des archives privées dans toutes les régions
du Québec est un réseau qui émerge d'associations sans but
lucratif. Le réseau peut se structurer de la façon suivante.
C'est que les organismes donnent naissance à des services de cueillette
d'archives, de traitement et de diffusion. Ces réseaux-là
progressent lentement, jusqu'au moment où ils peuvent aspirer au
programme d'agrément et, là encore, le programme étant
très contingenté et suffisamment sévère pour ne
laisser passer que les organismes vraiment professionnels; on peut penser que
le réseau d'archives privées, à son sens le plus large,
c'est-à-dire dans le sens où il rayonnerait sur l'ensemble du
territoire, mériterait d'être reconnu de telle sorte que le milieu
municipal et supramunicipal lui accorde son soutien, son intérêt
et une part de financement. Qu'on le reconnaisse comme étant un
réseau culturel collectif qui peut progresser et, par exemple, avec un
appui sur une base triennale, aspirer à devenir membre du réseau
des centres d'archives agréés, donc à atteindre par palier
le réseau officiel des centres d'archives privées. C'est un peu
la vision que, nous, on développe au Saguenay-Lac-Saint-Jean en faisant
progresser tranquillement une société d'histoire vers la
création d'un centre d'archives sous-régional. Et, ensuite, ces
centres d'archives, une fois outillés, équipés, pourront
aspirer à devenir agréés et donc à entrer dans le
réseau officiel qui était énoncé dans le programme
d'agrément.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Mme la
députée de Saint-Henri, vous avez démandé la
parole.
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Dans votre rapport,
à la page 6, à la deuxième proposition que vous faites
à Mme la ministre, le deuxième volet de votre proposition, au
sujet de l'autofinancement complet - ce sont des mots que les gouvernements
aiment bien entendre de temps à autre, l'autofinancement complet -
j'aimerais que vous puissiez un peu élaborer sur vos sources de revenus
afin d'arriver justement, éventuellement, à cet
autofinancement-là complet.
Le Président (M. Gobé): Madame, ou M. Lajoie,
oui.
M. Lajoie: Bien, comme on le propose ici, à la page 5, on
pense qu'un programme triennal d'aide régressive, à raison de 75
% des salaires qui pourraient être accordés la première
année, de 50 % la seconde et de 25 % la troisième, ça
donne quand même trois années pendant lesquelles la
société d'histoire ou le centre d'archives en question peut se
structurer, peut faire sa sensibilisation dans le milieu, puis, au bout de
trois ans, on estime que le milieu pourrait supporter entièrement ce
centre d'archives. Sinon, au point de départ, on pense que c'est
à peu près impossible, si on regarde la réalité
actuelle. Du jour au lendemain, on ne peut pas demander, par exemple, à
une municipalité de subventionner ou de financer à 100 % un
centre d'archives privées ou une société d'histoire parce
qu'il faut lui laisser le temps de faire ses preuves, notamment de
démontrer qu'un centre d'archives privées ou une
société d'histoire, ce n'est pas un club social. C'est une
institution, c'est même une industrie culturelle avec des
retombées économique, qui crée des emplois. C'est une
institution de services et ça prend quand même, estime-t-on, au
moins un bon trois ans pour sensibiliser le milieu à l'importance et
à la nécessité de s'impliquer. Parce que, souvent, les
municipalités vont nous demander - et là je parle d'exemples sans
donner de noms: Bon! démontrez-nous qu'une société
d'histoire, ça a un rôle à jouer dans la communauté
municipale ou dans la communauté régionale.
Démontrez-le-nous. On voudrait voir des chiffres, on voudrait que
ça ait de la visibilité, que ça paraisse que ça
fait partie vraiment de la vie économique du milieu. Je pense qu'en
trois ans ça devient possible. Je ne sais pas si ça répond
à votre question.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lajoie. Est-ce
que c'est l'essentiel de votre question?
Mme Loiselle: Oui.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
madame? Très bien. Alors, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole à votre tour.
M. Boulerice: Oui, merci, M. le Président. D'une part,
moi, je vous trouve très raisonnable. Je pense que ma collègue,
Mme la députée de Saint-Henri, vient de le dire, son autre
collègue député, sans doute, partage le même point
de vue. Vous dites: Oui, mais nous, on ne veut pas être tributaires de
vous ad vitam aeternam; donnez-nous le coup de pouce pour partir puis,
après ça, ne vous inquiétez pas, on se
débrouillera. C'est ce que vous dites, en des termes peut-être
plus raffinés que ceux que j'ai employés, mais c'est
essentiellement cela: Donnez-nous le coup de pouce pour partir. Est-ce que vous
êtes au courant, est-ce qu'il y a d'autres
sociétés semblables à la vôtre qui ont
commencé à s'implanter?
M. Lajoie: Semblable à la nôtre, à notre
Fédération des sociétés d'histoire, en termes de
fédération?
M. Boulerice: Oui. Il y a d'autres regroupements qui ont
commencé à se faire au niveau du Québec, à
l'exception du vôtre.
Mme Brassard: La Fédération des
sociétés d'histoire du Québec existe depuis nombre
d'années. Elle regroupe au moins 120 sociétés d'histoire
à l'échelle du Québec. Maintenant, le modèle du
Saguenay-Lac-Saint-Jean est un modèle qui est développé
depuis deux ans, avec un intérêt soutenu, puisqu'il tend à
développer d'abord l'autonomie du réseau, à le rendre
complémentaire au réseau des Archives nationales du
Québec, à circonscrire son action à titre d'intervenant
majeur pour conserver les fonds du secteur privé, et ils sont nombreux
dans une région comme la nôtre. Le réseau s'est
ramifié, en quelque sorte, sous un modèle de découpage du
territoire en MRC, puisque ça convenait bien à une espèce
d'ensemble naturel des collectivités. La présence de la
Société historique du Saguenay, depuis nombre d'années,
emprunte le modèle du découpage du territoire de la MRC du
Fjord-du-Saguenay et les autres sociétés d'histoire se sont
partagé le territoire sur le modèle du découpage des
MRC.
L'idée de se fédérer, de se regrouper pour
être en mesure de se développer de façon harmonieuse vient
évidemment de l'éclatement géographique, mais aussi d'un
esprit de concertation. Nous pensons qu'il est plus rationnel de tenter de
développer un réseau à partir d'un regroupement que de
rêver à obtenir des agréments, par exemple,
individuellement ou de demander beaucoup plus de support au
développement en se fractionnant. Nous croyons que le fait d'être
partenaire dans une démarche d'agrément, sur un territoire qui a
une configuration géographique éclatée, en forme de pointe
de tarte, qu'elle soit aux bleuets ou autre, nous permet de penser que nous
pourrons arriver à créer une concertation et, je pense, arriver
à atteindre vraiment nos objectifs, c'est-à-dire recueillir sur
l'ensemble de notre territoire les fonds d'archives qui sont actuellement en
danger, qui, à cause de l'évolution technologique, de
l'informatisation des bureaux, se jettent actuellement à la tonne. Et on
sait que, dans une région comme la nôtre, si on n'a pas
maintenant, au cours des cinq prochaines années, une offensive
très précise pour recueillir ces fonds-là, eh bien, le
capital de notre société s'en va graduellement aux poubelles ou
au recyclage, ce qui est encore peu considérer les informations qu'ils
contiennent sur le plan de l'histoire. (19 h 15)
M. Boulerice: Ah ça! madame, vous avez raison comme ce
n'est pas possible, malheureusement! Il y a bien des supports pour ce qui est
de la mémoire. Je vais vous donner juste un exemple. C'est dramatique!
J'ai quelqu'un à mon bureau qui agit très spécifiquement
à titre de conseiller là-dedans. Vous savez qu'à
Radio-Canada on a jeté je ne sais pas combien de dizaines de milliers de
78 tours. C'est épouvantable! Sans aucun archivage préalable.
Ça a été comme ça, à vau-l'eau. Je ne sais
même pas s'ils ont récupéré le prix du plastique; ce
serait une piètre consolation.
Et puisque vous êtes ici, et je suis assez content de vous voir,
j'aimerais ça qu'on déborde un petit peu. L'enseignement de
l'histoire au Québec, votre diagnostic, et un diagnostic en
médecine, vous savez qu'il y a toujours un pronostic après.
M. Lajoie: Je suis dans le milieu de l'éducation depuis 25
ans, ma formation est en histoire et j'ai enseigné l'histoire;
maintenant, je suis conseiller pédagogique en histoire, en
géographie et en économique également, puis, bon, je suis
impliqué au niveau de la Société d'histoire du
Lac-Saint-Jean comme président. Je dois vous faire une réponse
quand même courte parce que le temps nous manque, mais vous vous souvenez
en...
M. Boulerice: Oh! mais ce sujet est tellement d'importance
là.
M. Lajoie: D'accord. Vous vous souvenez qu'en 1974 on a fait le
constat qu'ici, au Québec, le cours d'histoire nationale du
Québec et du Canada n'était pas obligatoire et qu'il y avait au
moins 40 % à 50 % des jeunes qui faisaient tout leur cours primaire et
secondaire sans jamais voir un mot de leur histoire. Mais c'est lors d'une
motion à l'Assemblée nationale que cette obligation a
été instaurée en 1974. Il faut dire aussi que ça
s'inscrit dans le développement de nombreuses sciences qui se sont
retrouvées, à cause do leur importance, dans des programmes qu'on
a voulu insérer dans nos écoles, dans nos commissions scolaires
et qui, forcément, ont mis à la porte ou ont mis de
côté un certain nombre de cours dont l'histoire. Mais,
actuellement, je pense que l'histoire... Parce que c'est obligatoire, vous
savez, en deuxième secondaire, de même qu'en quatrième
secondaire, et même que le cours d'histoire du Québec et du
Canada, en quatrième secondaire, fait l'objet d'un examen du
ministère; chaque élève doit réussir cet examen
pour avoir son diplôme d'études secondaires. Donc, c'est dire
l'importance qu'on accorde à ce cours d'histoire. Alors, je dirais que
la situation, dans les écoles, du cours d'histoire s'est
améliorée, mais qu'il y a encore place à
amélioration parce que le cours d'histoire contemporaine, l'histoire
d'aujourd'hui, n'est pas obligatoire, de sorte que
nos jeunes sortent de l'école sans savoir ce qui se passe dans le
monde. Ils reçoivent beaucoup d'Information à la radio et
à la télévision sans savoir quoi faire avec cette
information-là. Il y a quand même place à
amélioration. Je demeure optimiste quant au cours d'histoire.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lajoie. Avant de
vous demander votre conclusion, M. le... Ah, vous avez terminé?
M. Boulerice: J'aurais eu juste une autre petite question
à poser...
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, faites.
M. Boulerice:... parce que, je l'ai dit, le sujet est tellement
d'importance. Là, vous me dites qu'on sort du niveau secondaire avec un
diplôme où il faut prouver qu'on sait que Jacques Cartier est
arrivé en 1534, Champlain en 1608, que Laviolette est passé par
Québec en 1632. Mais tout le bloc, je ne sais pas, moi, le bloc
après-guerre, le bloc récent, pour l'actualiser, le visualiser,
on est en train de me dire que les jeunes Québécois n'apprennent
pas, en sortant du secondaire, ce qui a été une période
quand même charnière dans notre histoire, la Révolution
tranquille, 1960.
M. Lajoie: Vous permettez?
M. Boulerice: Oui, je vous en prie.
M. Lajoie: Oui, ça fait l'objet, ça, du cours
d'histoire du Québec et du Canada. Pour être plus précis,
c'est le dernier chapitre qu'on appelle le module 7, puis, même,
ça fait l'objet d'examen, de questions lors de l'examen du
ministère à chaque mois de juin, et ça va, enfin,
jusqu'aux cinq dernières années. Alors, c'est pour vous dire que
ça va quand même assez loin. Ça veut dire qu'en juin
prochain les élèves peuvent être questionnés sur
l'histoire du Québec jusqu'en 1986.
Le Président (M. Gobé): Élection du
gouvernement libéral. Ha, ha, ha!
Mme Brassard: Si je peux apporter...
M. Boulerice: L'histoire ne peut pas qu'enseigner de bonnes
choses, hein? Ha, ha, ha!
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Lajoie: L'histoire doit enseigner autant que possible la
vérité. La vérité, bon...
Le Président (M. Gobé): L'histoire est
l'histoire.
M. Lajoie:... étant donné ce qu'elle est.
Mme Brassard: Elle est dans les documents. M. Lajoie: Elle
est dans les documents.
Le Président (M. Gobé): Et lorsqu'on fait de
l'histoire, on se rend compte que, très souvent, elle se
répète siècle après siècle et
décennie après décennie.
Mme Brassard: D'où l'importance de conserver nos sources
documentaires en histoire et en patrimoine pour pouvoir démontrer,
effectivement, qu'on ne réinvente rien, que les sociétés
évoluent, mais toujours à partir de leur fondement premier.
Le Président (M. Gobé): C'est cela.
Mme Brassard: L'histoire, c'est leur première
connaissance.
Le Président (M. Gobé): Avant de terminer, il y a
M. je député de Richelieu qui m'avait fait signe. Aviez-vous une
question, M. le député?
M. Khelfa: Oui, c'est juste...
Le Président (M. Gobé): Alors, faites. On
dépasse un peu le temps, mais, vous savez, avec le consentement de mon
collègue et de madame...
M. Khelfa:... une réaction en ce qui a trait à ce
que mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques mentionnait sur
l'enseignement de l'histoire. Je constate que vous êtes bien
informé et que vous avez donné la réplique exacte, mais
j'aimerais ajouter un point. Le régime pédagogique, avec le livre
vert et le livre orange, avec toute la consultation qui est sortie pour donner
à l'élève diplômé du secondaire des outils et
une connaissance de l'histoire, ça nous amène à une
réalité, que l'élève d'aujourd'hui sort avec plus
de connaissances de l'histoire du Québec et du Canada. Vous avez bien
mentionné, monsieur, l'importance de ce phénomène. En ce
qui a trait à l'histoire internationale, ça a été
décidé par les décideurs, à l'époque, en
1978, de mettre de côté l'histoire internationale pour approfondir
l'histoire du Canada et du Québec surtout. Est-ce que vous avez une
façon de trouver un trou dans la maquette des cours pour aider
l'élève à approfondir la connaissance de l'histoire
internationale?
M. Lajoie: Je vais vous répondre à deux niveaux.
Pour l'instant, c'est le pouvoir de chaque commission scolaire d'en
décider. Il y a une commission scolaire dans notre région, soit
Valin, où le cours d'histoire contemporaine, qui s'appelle "Le 20e
siècle, histoire et civilisation", est obligatoire pour tous les
élèves de cinquième secondaire. Mais je pense que cette
obligation devrait venir plutôt du ministère de
l'Éducation,
à mon avis, compte tenu de ce...
M. Khelfa: C'est dans le volet des cours optionnels.
M. Lajoie: Pardon?
M. Khelfa: Dans le volet des cours optionnels.
M. Lajoie: Oui. Il y a place dans la maquette. Ça aussi,
c'est basé sur le principe, vous savez... Tout dépend dans quelle
mesure l'on considère que le cours secondaire est un cours de formation
générale ou pas. Si c'est vraiment un cours
général, un cours de base, je dis que, dans cette
mesure-là, on est justifié de rendre obligatoire un cours
d'histoire contemporaine.
Le Président (M. Gobé): De toute façon, il
n'y a pas de culture sans histoire.
M. Lajoie: II n'y a pas de culture sans histoire.
M. Khelfa: Et sans histoire, sans culture.
Le Président (M. Gobé): Vous êtes
vous-même professeur d'histoire, M. le député, je pense,
hein?
M. Khelfa: Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, le mot de
la fin?
Mme Frulla-Hébert: Ah oui! On finit en beauté cette
semaine. On va regarder ça de près. Ce que j'ai compris, c'est
que vous avez de la difficulté à accéder au réseau
tout simplement parce qu'il manque de ressources. Vous savez, quand on
gère des fonds publics, lorsqu'on agrée, il faut être
certain que le centre d'archives ait toutes les compétences pour,
justement, bien fonctionner parce que, veux veux pas, un agrément,
après ça, au niveau du fonctionnement, coûte quand
même de l'argent au gouvernement. On va regarder, de toute façon,
une façon d'aider les centres à devenir éligibles à
l'agrément. C'est ce que je retiens, entre autres, de l'ensemble. On a
eu beaucoup de demandes au niveau des mesures fiscales. Alors, ça va
faire partie d'un ensemble global.
M. Lajoie: Merci. M. le Président, je ne veux pas voler la
vedette à Mme la ministre, mais est-ce que je pourrais...
Le Président (M. Gobé): Vous ne le pourriez
pas.
Mme Frulla-Hébert: Allez-y.
Le Président (M. Gobé): Le voudriez-vous que vous
ne le pourriez.
M. Lajoie: Vous permettez que je vous lise la conclusion que nous
avions prévue?
Le Président (M. Gobé): Si elle n'est pas trop
longue, avec plaisir.
M. Lajoie: D'accord. Si une région dite
éloignée comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean peut
imprégner un tel souffle à son réseau régional
d'archives et lui permettre d'émerger dans un contexte aussi difficile,
économiquement et culturellement parlant, les autres régions le
peuvent aussi, et nous oserions dire que c'est tout un réseau provincial
de quelque 120 sociétés d'histoire et centres d'archives
privées qui demeurent aujourd'hui en attente d'une reconnaissance
officielle et des appuis à leur développement. Ce vaste
réseau provincial dont nous faisons partie et auquel nous contribuons
sur le plan humain et financier est privé d'oxygène depuis trop
longtemps.
Nous souhaitons, Mme la ministre, M. le Président, que notre
intervention d'aujourd'hui qui se veut ouverte sur le dialogue puisse permettre
l'avancement de cette cause qui nous tient à coeur collectivement, celle
de la mise en valeur de notre patrimoine culturel.
Nous remercions le secrétariat de la commission de nous avoir
aidés également à présenter ce mémoire. Je
vous remercie au nom de mes collègues.
Le Président (M. Gobé): Nous vous remercions, nous
aussi. Vous avez vu qu'on a été un peu souples avec le temps,
mais, vu que vous venez de très loin, du Lac-Saint-Jean, et que vous
avez attendu toute la journée, j'ai jugé utile de laisser un peu
la rigueur de l'horaire. Je tiens à vous remercier de vous être
déplacés. Je vous souhaite un bon retour, ainsi qu'à tous
mes collègues qui rentrent dans leur comté maintenant. Je me dois
d'ajourner les travaux au mercredi 9 octobre 1991, à 9 h 30, en cette
salle. La commission est maintenant ajournée.
(Fin de la séance à 19 h 25)