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(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Doyon): A l'ordre, s'il vous plaît!
On était déjà dans l'ordre, ce qui facilite la tâche
du président. Nous avons quorum, donc la séance est ouverte. Le
mandat de la commission est déjà connu: il s'agit de
procéder à la consultation sur le rapport du groupe de travail
sur la culture de façon à dégager les grandes lignes de ce
qui sera éventuellement une politique de la culture. M. le
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. L'ordre du Jour a
été distribué à tous les parlementaires. Vous
m'exempterez d'en faire la lecture pour sauver un peu de temps. Le partage du
temps est le même qu'hier. Nous allons donc procéder dès
maintenant à l'audition du premier groupe. Il s'agit de la
Bibliothèque nationale du Québec qui est
représentée par M. Sauvageau que je vois ici, devant nous -
bonjour, M. Sauvageau - et par M. Théoret - bonjour M. Théoret.
Alors, il faut tout simplement vous présenter pour les fins du
Journal des débats. Vous disposez d'une quinzaine de minutes pour
faire votre présentation. Si vous voulez abréger les bravos,
ça laissera plus de temps pour les discussions. Le reste du temps va
être séparé également entre les deux formations
politiques qui vont engager le dialogue avec vous pour vous poser certaines
questions, demander certaines explications et éclaircissements. Vous
avez donc la parole.
Bibliothèque nationale du Québec
M. Sauvageau (Philippe): Merci, M. le Président. Alors,
suite à la publication du rapport Arpin, la Bibliothèque
nationale est très heureuse de pouvoir se faire entendre et de faire ses
commentaires sur le rapport. En premier lieu, II nous plaît de mentionner
que, dans l'ensemble, nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit et
plusieurs orientations suggérées et contenues dans le rapport
Arpin. il faut cependant constater que la thématique de la lecture et
son importance dans le développement culturel est quelque peu absente du
rapport Arpin, à notre avis. Pour nous, la langue prend une importance
capitale dans la société nord-américaine et,
conséquemment, l'écriture est une condition fondamentale à
l'expression et à la transmission de la culture. L'écrit est le
véhicule majeur du savoir. Pour nous, la lecture demeure une
activité culturelle de base. Or, le rapport Arpin passe à peu
près sous silence l'état et le devenir des institutions
importantes qui diffusent la lecture, comme les bibliothèques publiques
et la Bibliothèque nationale. On y fait cependant une exception
lorsqu'on recommande "que l'État, dans son effort pour rendre la culture
accessible à tous les Québécois, reconnaisse l'importance
fondamentale du livre et de la lecture et qu'en conséquence, il
consolide les politiques et les programmes actuels." C'est la seule
recommandation qui touche spécifiquement le domaine de la lecture.
Pour nous, il est absolument essentiel, par ailleurs, que l'État
assure et assume un leadership dans le champ de l'activité culturelle
sans pour autant se substituer aux organismes. Pour nous, il est rentable et
efficace de développer des partenariats entre le ministère des
Affaires culturelles et le milieu culturel, tout comme ça se fait dans
le domaine du patrimoine bâti.
Alors, pour nous, nous n'avons pas l'impression que le rapport Arpin
remet à l'État des mécanismes qui assureraient une sorte
de dirigisme étatique sur la culture. Au contraire, pour nous, le
rapport Arpin place le leadership de l'État dans le domaine culturel au
bon endroit et lui procure certains mécanismes susceptibles de lui
faciliter ce rôle, entre autres l'Observatoire culturel qui, à
notre avis, est une institution tout à fait importante, que ce soit
assumé par l'Institut québécois de recherche sur la
culture ou un organisme qui s'appelle l'Observatoire culturel.
Nous sommes d'accord aussi pour que l'État accorde une importance
majeure au patrimoine culturel, mais nous souhaiterions que le patrimoine
publié fasse l'objet d'une attention particulière pour sa
conservation et sa diffusion. Nous sommes d'accord aussi avec le rapport Arpin
concernant les commentaires formulés sur Québec, ville-capitale,
sur Montréal, pôle culturel, et sur l'importance que les
régions ne soient pas oubliées au niveau de l'accès aux
produits culturels.
Nous sommes aussi d'accord lorsqu'il recommande que le Québec
contrôle ses mécanismes de développement culturel et
rapatrie ses champs d'intervention. Il faut cependant admettre qu'un tel
rapatriement entraîne peut-être certains dangers pour le milieu
culturel. Qui, du Conseil du trésor ou du ministère des Affaires
culturelles, rapatriera les sommes d'argent récupérées,
s'il y a lieu?
La BNQ, quant à elle, est une institution responsable de la
conservation d'une partie, pour le moment, du patrimoine
québécois publié et de sa mise en valeur. Elle devrait
assumer un
leadership au sein des institutions documentaires en région et
à Montréal. En ce sens, elle pourrait être un partenaire
privilégié au niveau du développement culturel pour le
ministère des Affaires culturelles.
Elle devrait aussi sensibiliser les jeunes à la création
littéraire du Québec. Elle devrait développer des
stratégies de conservation des documents. La situation actuelle rend
impossibles de tels objectifs. Elle a besoin de regrouper ses collections,
d'avoir un espace de conservation et une chambre de désacidification, de
disposer de salles de lecture fonctionnelles pour ses usagers et, en somme,
elle a besoin d'un espace pour lui permettre de jouer véritablement son
rôle. À cet égard, je souligne l'écrit que l'on
retrouve à la page 68 du rapport Arpin, mais qui n'est pas dans ses
recommandations, et je cite: "Des investissements importants ont
été consentis ces dernières années pour doter les
institutions nationales d'équipements adéquats leur permettant de
bien exécuter leur mandat respectif et d'accroître leur
rayonnement au Québec et à l'extérieur. Seule la
Bibliothèque nationale demeure en attente d'une décision de
développement et de relocalisation qui lui permettra de jouer
véritablement son rôle. Le temps semble venu de passer à
l'étape de réalisation de ce projet et de terminer ainsi le
réseau des institutions nationales." Fin de la citation.
En somme, la Bibliothèque nationale du Québec
adhère dans l'ensemble à la proposition de politique de la
culture et des arts préparée par le groupe-conseil, sous la
présidence de M. Roland Arpin. La Bibliothèque nationale a choisi
d'insister sur l'importance de la lecture dans tout développement
culturel, réalité qu'aucun pays ne conteste par ailleurs. Elle
attire l'attention du gouvernement sur l'intérêt
stratégique de réaliser le projet de construction de la
Bibliothèque nationale du Québec, véritable clé de
voûte du réseau et du patrimoine publié. Je vous
remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci. Mme la
ministre, peut-être, si vous avez des questions ou des explications
à demander.
Mme Frulla-Hébert: D'abord, il me fait plaisir
d'accueillir M. Sauvageau et M. Théoret. Oui, j'aurais quelques
questions. La première, vous avez situé dans votre mémoire
la place de la Bibliothèque nationale à Montréal.
Effectivement, on va rencontrer d'autres groupes aujourd'hui qui vont
peut-être nous suggérer autre chose, alors j'aimerais que vous
puissiez élaborer là-dessus. Pourquoi est-ce si important que la
Bibliothèque soit située à Montréal versus
Québec, par exemple?
M. Sauvageau: II est évident qu'en général
les bibliothèques nationales se retrouvent dans la capitale du pays
concerné. Aux États-Unis, la Bibliothèque nationale n'est
pas à New York, elle est à Washington; au Canada, elle est
à Ottawa et non à Toronto. Le fait que la Bibliothèque
nationale du Québec soit à Montréal est une question tout
à fait circonstancielle; je pense qu'elle est liée au don que les
sulpiciens ont fait au gouvernement du Québec. Quels sont les avantages
qu'elle soit dans un endroit ou dans un autre? Il est évident que le
Bibliothèque nationale, compte tenu de son rôle documentaire, peut
être un élément dynamique dans une ville comme
Montréal et peut aussi être un élément qui, je
dirais, s'inscrit dans les richesses touristiques qu'on peut retrouver, parce
qu'on dit ici qu'on invite les touristes à visiter le patrimoine
bâti, mais on peut aussi intéresser les touristes au patrimoine
publié. Et on sait que Montréal, de ce
côté-là, évidemment, attire beaucoup plus de gens
qu'ailleurs, et il y a un bassin de population qui est plus important.
Alors, à la limite, la Bibliothèque nationale à
Montréal peut desservir une clientèle potentiellement plus
importante. Cependant, ses mécanismes d'intervention peuvent lui
permettre de desservir les clientèles quel que soit l'endroit où
elles se trouvent, de sorte que, la Bibliothèque nationale étant
à Québec, il n'y aurait pas nécessairement une grande
pénalité, sinon au niveau de la clientèle
immédiatement desservie sur un territoire donné.
Alors, compte tenu du bassin de population, compte tenu des Institutions
universitaires, compte tenu de l'attraction de Montréal sur le plan
touristique, compte tenu du rôle que la Bibliothèque peut jouer
dans ce milieu-là, il peut être préférable de la
laisser à Montréal. Mais, cependant, elle serait à
Québec et ce ne serait pas désastreux non plus.
Mme Frulla-Hébert: En fait, un peu dans le même
ordre d'idées, il n'y a pas de doute que la lecture, finalement, c'est
le fondement même de notre développement culturel et conserver le
patrimoine publié, c'est conserver notre histoire, donc, ce
domaine-là comporte une importance fondamentale pour nous, comme peuple
en développement. Vous, comme institution nationale, est-ce que vous
êtes capable, M. Sauvageau, de m'expliquer les liens que vous entretenez,
par exemple, avec les bibliothèques universitaires, les
bibliothèques publiques, les bibliothèques scolaires? Quel est le
rôle que vous jouez? Et, dans une politique culturelle, quand on parle de
développement... Vous parlez du développement de la lecture; on
va toucher ensemble un petit peu les bibliothèques, peut-être
juste pour dépasser un petit peu, mais je ne peux pas m'en
empêcher. Mais pour l'Instant, là, quel est le rôle dont se
voit dotée la Bibliothèque nationale?
M. Sauvageau: La question que vous posez suppose des
réponses tout à fait techniques. Par exemple, la
Bibliothèque nationale siège au niveau du sous-comité des
bibliothèques de la
CREPUQ, c'est-à-dire que nous siégeons sur un
comité qui regroupe l'ensemble des directeurs des bibliothèques
universitaires du Québec. Nous avons énormément
d'éléments ou de points de coopération. Exemple, nous
travaillons avec des manuels qui sont souvent en anglais, comme la
classification Dewey ou d'autres documents. Et la Bibliothèque nationale
du Québec, en général, compte tenu de son expertise sur le
plan humain, compte tenu de ses ressources documentaires aussi, est
mandatée pour prendre le leadership de la traduction de ces documents
qui servent à l'ensemble des bibliothèques au Québec. Une
bibliothèque publique ou universitaire seule, en général,
n'a pas les moyens et n'a pas les ressources humaines pour développer,
pour traduire ces documents.
C'est la Bibliothèque nationale, par exemple, qui sert de leader
au niveau des entrées de "catalographie", comme on l'appelle, par son
fichier-auteur. Ce qui veut dire que partout où vous allez, normalement,
au Québec, lorsque vous consultez le catalogue sur un auteur qui doit se
trouver dans la bibliothèque, il faut que l'entrée soit au
même endroit. C'est la Bibliothèque nationale qui, si vous voulez,
définit à quel endroit on doit retrouver tel ou tel auteur, donc
qui crée un fichier d'autorité pour l'ensemble des
bibliothèques du Québec.
C'est aussi, normalement, la Bibliothèque nationale qui peut
aider les institutions et qui représente, sur le plan international,
l'attribution d'un numéro qu'on appelle ISBN, pour les éditeurs,
les bibliothèques scolaires, publiques et universitaires, grâce
auquel on peut accéder au document lorsque la bibliothèque est
informatisée, par exemple. Lorsqu'une bibliothèque a un
système informatisé, une personne peut ou pourrait demander si la
bibliothèque possède tel document par ce numéro tout a
fait technique qui s'appelle ISBN. Et ça, c'est attribué par une
institution nationale qu'on appelle la Bibliothèque nationale, donc qui
aide aussi par le fait même les autres bibliothèques.
Au niveau de la conservation des documents, il y a très peu de
bibliothèques - et je pense qu'il n'y en a à peu près pas
- qui ont la préoccupation de conserver les documents, d'abord à
cause des coûts et à cause des mandats, surtout. C'est un mandat
exclusif, normalement, à une bibliothèque nationale, donc c'est
un service qu'elle rend, la conservation des documents. C'est un service
qu'elle peut rendre à l'ensemble des institutions
bibliothéconomiques ou documentaires sur le territoire du Québec.
Parce que dans les différentes régions on veut aussi, dans
certains cas, conserver les documents qui concernent la région et,
là, la Bibliothèque nationale peut aider.
Elle aide aussi les autres bibliothèques par l'expertise sur le
plan bibliothéconomique, enfin, de haut niveau. C'est souvent cette
institution-là ou son personnel qui siège sur les comités
pour rétablissement de normes. C'est la Bibliothèque nationale
qui établit et définit les normes "catalographiques" qui sont en
vigueur un petit peu partout.
Sur le plan tout à fait matériel, à partir du
moment où la bibliothèque est bien structurée, elle peut
entraîner et générer de fortes économies dans le
sens que chaque bibliothèque est obligée de prêter les
documents québécois qu'elle achète et, à ce
moment-là, le traitement technique coûte très cher dans une
bibliothèque; c'est-à-dire que le service au public est une chose
mais il faut cataloguer et traiter, et là c'est assez coûteux. Il
y a beaucoup d'employés ou de personnes qui travaillent à
ça, ce qui fait que la Bibliothèque nationale ayant un traitement
d'autorité, un traitement valable et de très bonne
qualité, de haut niveau, ce traitement-là peut être
distribué, peut être utilisé par l'ensemble des
bibliothèques, ce qui évite à ces bibliothèques, si
vous voulez, d'investir dans ce domaine-là aussi.
Mme Frulla-Hébert: Bon parfait, M. Sauva-geau, ça
va. Je vous écoute et, compte tenu du rôle de conservation du
patrimoine publié québécois, la question automatique qui
nous vient à l'esprit, évidemment, c'est: Quelle est la
différence entre votre rôle au niveau du patrimoine publié
québécois et celui de la Bibliothèque nationale du Canada?
Est-ce qu'il y a duplication?
M. Sauvageau: II y a effectivement une duplication. Notre
rôle est absolument le même, à quelques exceptions
près, c'est-à-dire qu'ils ont exactement le même mandat que
nous de conserver et de diffuser le patrimoine canadien, incluant tous les
documents publiés au Québec. La distinction majeure, c'est un
détail, c'est que la Bibliothèque nationale a confié aux
provinces le soin de conserver les journaux, la Bibliothèque nationale
ne conservant que les microfilms des journaux. Ce qui fait que, chez nous,
à la Bibliothèque nationale du Québec, nous conservons les
journaux dans leur intégralité et, dans d'autres provinces, ce
sont parfois des universités qui font ce travail-là. Sinon, les
mandats, les rôles sont exactement identiques. C'est un double emploi,
tant au niveau du travail que nous faisons qu'au niveau, aussi, des
partenaires, c'est-à-dire des éditeurs qui déposent deux
copies de leurs publications à deux endroits différents, la
Bibliothèque nationale du Canada et la Bibliothèque nationale du
Québec, avec tous les formulaires que ça suppose.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau des éditeurs,
évidemment, on parle de livres d'art, par exemple, de livres de
très grande valeur qu'ils doivent déposer et chez vous et
à la Bibliothèque nationale du Canada. Pour eux, disons que
ça représente quand même un certain avantage.
Mais, à part ça, pourquoi cette duplication? Si on parle
justement d'un juste partage des pouvoirs, ayant en tête une
volonté de non-duplication... enfin, c'est ce qu'on reçoit
d'Ottawa, c'est ce qu'on dit. Est-ce que c'est possible, finalement, en plus de
l'objectif global de maîtriser le développement de notre culture
ici - comme société, on ne peut plus se permettre cette
duplication-là - est-ce qu'on peut éviter cette
duplication-là dans différents domaines? Chez vous, comment
ça serait faisable?
M. Sauvageau: On pourrait éviter cette duplication dans la
mesure où la Bibliothèque nationale du Canada confie à la
Bibliothèque nationale du Québec le rôle qu'elle joue
déjà, c'est-à-dire qu'elle admette que la
Bibliothèque nationale du Québec joue déjà le
rôle de conservation et de diffusion du patrimoine documentaire
publié au Québec, ce qui ne se fait pas pour les autres
provinces, cependant. Dans les autres provinces, il n'y a pas de duplication,
c'est le Canada qui le fait pour l'ensemble des autres provinces. Le
Québec est le seul endroit où il y à une
Bibliothèque nationale. Donc, dans la mesure où nous faisons la
même chose, il y a un endroit où ça pourrait ne pas
être fait.
Le Canada pourrait prendre l'hypothèse suivante. Il pourrait
dire: Vous devriez fermer la Bibliothèque nationale du Québec
puisque nous le faisons déjà. À l'inverse, nous pouvons
dire à la Bibliothèque nationale du Canada: Tout ce qui concerne
le Québec, laissez donc tomber, nous nous en occupons. Et,
évidemment, ça coûte un certain montant d'argent pour nous
aussi. Le budget d'opération de la Bibliothèque nationale du
Canada est de 40 000 000 $ plus d'autres budgets pour des fins
particulières. Si on rapatrie... C'est-à-dire que, s'il y a 25 %
consacrés aux documents publiés au Québec, c'est autant
d'argent qui ne serait pas dépensé, qui serait
dépensé différemment ou qui serait rapatrié, si
vous voulez, s'il y avait un seul endroit où ça se ferait et
où le dépôt légal et la conservation de documents se
feraient.
C'est évident que c'est un cas où il y a nettement un
double emploi. Ce n'est pas tout à fait la même
problématique que des dossiers d'artistes où il y a des doubles
de subventions. Là, il y a dédoublement technique. Il y a deux
institutions qui font exactement la même chose. Au Québec, nous
faisons un peu plus parce que le Canada s'est délesté de certains
dossiers, très peu, cependant, comme par exemple la conservation des
journaux dans leur intégralité.
Mme Frulla-Hébert: II me reste quand même un petit
peu de temps; je veux déborder sur un mandat peut-être un peu plus
élargi. Vous parlez de la place de la lecture comme étant,
évidemment, un des facteurs les plus importants. Je sais que vous
êtes ici justement à titre de président- directeur
général de la Bibliothèque nationale, mais j'aimerais vous
demander une question quand même parce qu'il y a des groupes qui s'en
viennent et on va en discuter aussi.
M. Sauvageau, vous siégez, comme vous dites, vous avez une
Interrelation avec les bibliothèques publiques et scolaires. On a
implanté énormément de bibliothèques. On a
essayé de créer un réseau. Les bibliothèques que
l'on bâtit maintenant, que l'on construit sont aussi des centres sociaux
culturels. Il y a eu tout le phénomène des BCP. En termes de
bibliothèques, il y avait un rapport à un moment donné, la
semaine dernière dans Le Devoir; le portrait était
très noir au niveau des bibliothèques au Québec. Vous avez
le rapport Sauvageau; selon vous, est-ce qu'on est si mal pris que ça en
termes de bibliothèques au Québec?
M. Sauvageau: La réponse, malheureusement...
Mme Frulla-Hébert: Compte tenu d'où on partait.
Mais il faut le savoir. C'est pour mettre ça sur la table. Est-ce que la
vision est si noire? (10 heures)
M. Sauvageau: C'est-à-dire que, par rapport à la
situation qui date des premières bibliothèques en 1960, la
situation s'est nettement et grandement améliorée, il n'y a aucun
doute, en termes d'équipement, en termes de collections et, d'ailleurs,
en termes d'investissements des municipalités. La situation s'est
améliorée pour différentes raisons. Le gouvernement est
intervenu à plusieurs reprises par des programmes incitatifs, sauf que
nous avions dans ce domaine un retard énorme à reprendre. Je ne
sais pas si c'est à cause des mentalités mais nous avons un
retard énorme à reprendre par rapport, par exemple, aux provinces
anglophones, si l'on compare, et encore plus si l'on compare aux pays assez
évolués sur le plan culturel tels les pays Scandinaves ou encore
l'Angleterre et d'autres pays comme les États-Unis. Si nous nous
comparons à ces endroits-là, nous avons un
sous-développement des bibliothèques publiques, c'est
évident. En termes de nombre, en termes de mètres carrés
disponibles pour les usagers, en termes de collections de documents, en termes
de budget, c'est énorme; en termes de personnel, c'est tragique. Alors,
c'est évident que nous avons encore beaucoup de retard à
reprendre.
Évidemment, on peut dire: Est-ce que le gouvernement ne fait pas
assez et est-ce que les municipalités ne font pas assez? Il est
évident que certaines municipalités ne consacrent pas les efforts
qu'il faut à leur bibliothèque publique; ça, il n'y a
aucun doute. C'est-à-dire que, que, pour beaucoup de
municipalités, l'investissement qu'elles font dans le domaine des
bibliothèques publiques est relativement mineur, est moins Important, si
vous voulez, que dans
d'autres secteurs. Et, paradoxalement, les municipalités à
prédominance anglophone accordent des budgets très
élevés pour leurs bibliothèques. Je pense, si ma
mémoire est bonne, que la municipalité qui accorde le montant
d'argent le plus important, c'est la bibliothèque de Pointe-Claire, dans
la région de Montréal. Les municipalités anglophones
très importantes ont, en général, des bibliothèques
bien articulées au niveau municipal.
Donc, les municipalités n'accordent peut-être pas tout
l'intérêt qu'il faut. Pour moi, la lecture et la
bibliothèque publique sont aussi Importantes que l'éducation et
que les budgets que l'État accorde à l'éducation.
C'est-à-dire que c'est la seule institution qui reste disponible lorsque
les personnes ou les gens sortent des institutions d'enseignement. Et, comme
ils sortent de plus en plus tôt, dans certains cas, c'est important qu'il
y ait des institutions culturelles qui puissent continuer à les informer
et à les former.
Alors, en disant que toutes les municipalités n'accordent pas
l'importance qu'il faut, je dis aussi qu'il faut que le gouvernement attache
d'autant plus une importance particulière à ce secteur, si on
juge que ce secteur est important pour le développement culturel de la
société québécoise. Le leadership de l'État
en ce domaine est, à mon avis, absolument essentiel. Et ses politiques
incitatives dans le domaine des bibliothèques c'est assez amusant, parce
que c'est peut-être le secteur culturel où l'État a
amené les municipalités, par ses politiques, à investir
énormément dans un domaine culturel.
Le budget des municipalités, actuellement, pour les
bibliothèques, se chiffre à quelque 96 000 000 $; c'est le tiers
ou 30 %, quasiment, du budget de l'État. Les politiques incitatives que
vous avez développées ont amené les municipalités
aussi à investir beaucoup dans les bibliothèques. C'est un
secteur de partenariat où vous pouvez voir que, plus vous avez Investi
par des politiques directement incitatives - c'était relié
à l'effort fiscal de la municipalité, la subvention - plus les
municipalités ont suivi. Il y a très rarement d'autres
Institutions où les municipalités se sont impliquées de
cette façon-là, si on pense aux musées, si on pense aux
structures d'accueil et à d'autres structures culturelles; ce qui fait
que, en tout cas, dans le domaine des bibliothèques publiques, nous
avons pensé que l'État agissait très bien en agissant de
cette façon-là, en ayant de telles politiques Incitatives.
Dans le rapport qui a été publié sur les
bibliothèques publiques et qui s'appelle d'ailleurs "Une
responsabilité à partager", nous insistions sur l'importance pour
l'État de conserver le leadership et de conserver ce leadership autant
sur le plan financier que sur le plan professionnel, c'est-à-dire au
niveau de l'émission de normes pour les bibliothèques, et ainsi
de suite.
Mme Frulla-Hébert: Si on regarde en fonction des
années quatre-vingt-dix, l'accessibilité est maintenant à
95 %. Effectivement, il y a encore du chemin à faire. Certaines
municipalités aussi, préfèrent encore construire une
caserne de pompiers qu'une bibliothèque; des fois, on se fait dire
ça, mais de moins en moins. Qu'est-ce qu'il y a à faire? Il y a
eu la Loi sur les bibliothèques publiques et je dois avouer que j'ai mis
un frein parce qu'il fallait discuter à la table
Québec-municipalités. Maintenant, on se souvient de tout l'an
passé. On recommence les discussions cette année parce qu'il y
avait, au niveau de la loi, certaines propositions et il fallait s'asseoir
à la table avec les municipalités pour qu'ensemble, justement, on
continue ce partenariat. Selon vous, accessibilité à 95 %, oui,
mais qu'est-ce qu'il y a à faire maintenant? Est-ce que c'est travailler
au niveau des collections? Est-ce que c'est travailler... Où faudrait-il
mettre l'emphase?
M. Sauvageau: C'est en continuant à consolider les
équipements culturels, c'est-à-dire les bâtisses, les
bâtiments. Il y a des gens qui disent parfois: Ah! Investir dans des
édifices c'est peut-être inutile. C'est qu'il y a des secteurs
où c'est absolument essentiel, et un tas d'exemples pourraient le
démontrer. Si on prend l'exemple de Québec, la ville, sa
population est une des dernières populations qui fréquentait sa
bibliothèque. La bibliothèque de la ville de Québec
existait depuis plusieurs années. Elle disposait à
l'époque de quelque chose comme 2000 mètres carrés. Elle
venait au dernier rang pour l'utilisation de ses équipements de
bibliothèque dans la province de Québec. Est-ce que c'est parce
que les gens de Québec n'aimaient pas lire, n'avaient pas ce besoin,
étaient illettrés ou quoi? Ce n'était pas le cas. C'est
que les dispositions n'étaient pas - pourtant il y avait des succursales
- les dispositions physiques n'étaient pas importantes.
À partir du moment où la ville a accepté d'investir
dans ses équipements culturels, c'est-à-dire en construisant des
bibliothèques adéquates, modernes et contemporaines, tout
à coup, la même population a commencé à
fréquenter cette institution et il y a 45 % ou 35 % de la population qui
est devenue abonnée. Alors, c'est passé de 80 000 personnes qui
entraient à 1 300 000. Le fait d'avoir mis des équipements
adéquats, des bâtiments adéquats pour diffuser ce qu'on
appelle la lecture et tout ce qui l'entoure a amené la population
à y aller. Donc, il y a encore des municipalités où c'est
un besoin, cet équipement. C'est-à-dire que l'équipement,
les bâtiments qui sont disponibles pour la population sont insuffisants.
C'est un besoin. À mon avis, il faut que le gouvernement continue
à aider les municipalités qui construisent des
bibliothèques.
Deuxièmement, évidemment, il y a les collections et le
personnel. Et le personnel, là,
on parte du budget d'opération, c'est-à-dire qu'au niveau
des bibliothèques le personnel professionnel et le personnel tout court
est inférieur, par tête de population, à celui de la
majorité des bibliothèques qui existent en Amérique du
Nord, et inférieur de beaucoup. Donc, au niveau du personnel, et on
parle du budget d'opération à ce moment-là, II y a des
besoins criants.
Et ensuite, au niveau des collections, c'est évident que c'est la
matière première de la bibliothèque, et, quand on parle de
collections on sous-entend évidemment tous les supports. Maintenant, on
parle du document publié, on parle donc de volumes, de disques, de
vidéocassettes, on parle de l'ensemble de ce qu'on retrouve normalement
dans une bibliothèque publique. Alors, évidemment, il y a un
besoin assez important de ce côté-là aussi. C'est
évident que c'est la matière première. Et les
bibliothèques qui ont en général de bons
équipements et qui entraînent beaucoup de population n'ont jamais
assez de budget pour combler les collections qui pourraient répondre
à la population, il y a trop de demande. Ça crée une
demande telle que la bibliothèque ne peut plus suivre. Il sort un
volume, par exemple, québécois ou autre, un "best seller"; dans
chaque bibliothèque d'un réseau, il peut y avoir 80 ou 90
demandes dès la première semaine. C'est impossible de
répondre à la demande, ce qui fait que les collections deviennent
prioritaires à ce moment-là.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, la dernière
question. Vous avez abordé le fait du rapatriement de pouvoirs en
émettant aussi certaines réserves, c'est-à-dire cette
crainte, qui est aussi justifiée il faut le dire, des milieux qui,
justement, ont peur d'avoir une diminution en termes de financement versus une
augmentation due à un financement peut-être un peu mieux
planifié. Est-ce que c'est si important quand vous parlez de
rapatriement des pouvoirs? Selon vous et selon votre expérience, est-ce
qu'il y a une façon? Vous parlez de dédoublement direct entre vos
services et ceux de la Bibliothèque nationale. Ça, c'est un cas
où le peuple, qu'il soit québécois ou canadien, paie pour
des personnes...
M. Sauvageau: Deux services.
Mme Frulla-Hébert: ...de l'administration qui font deux
mêmes choses à la fois. J'aimerais ça que vous
élaboriez un petit peu votre pensée.
M. Sauvageau: Sur le danger... La question c'est le danger de
rapatrier?
Mme Frulla-Hébert: Soit sur le danger... Mais vous dites
que c'est important de rapatrier...
M. Sauvageau: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...finalement, tous les pouvoirs ici au
Québec, là. Vous mettez un bémol mais vous dites que c'est
Important. Alors...
M. Sauvageau: C'est Important oui, sauf que, comme vous le dites,
dans le cas de la Bibliothèque nationale c'est évident qu'il y a
un dédoublement. Donc, II y aurait une économie majeure à
faire. Dans d'autres cas - je pense aux craintes soulevées par les
cinéastes - il est Important aussi que ce soit le ministère des
Affaires culturelles qui soit le maître d'oeuvre et ait le leadership du
développement culturel au Québec. C'est évident que
lorsqu'on connaît les mécanismes gouvernementaux - je pense que ce
que je dis, ça vaut aussi pour d'autres ministères comme
l'Éducation - c'est évident que le Conseil du trésor est
très présent dans les dossiers. Et, souvent, le ministère
pourrait avoir un développement culturel précis, sauf que ses
orientations, ses développements sont freinés ou sont, je dirais,
troublés par des directives du Conseil du trésor qui, lui, a une
autre préoccupation qui est d'économiser et de faire en sorte que
les budgets s'équilibrent à la fin de l'année, compte tenu
des revenus et des dépenses.
Alors, c'est évident que lorsqu'on dit: On rapatrie quelque chose
et que... On a une expression. Souvent, on dit: Ça va au fonds
consolidé. Enfin, ça veut dire que ça disparaît un
peu partout dans le gouvernement. C'est évident que la personne qui
bénéficie... Il y a des programmes en cours actuellement. Je
pense à celui de prêts publics, par exemple, où les
écrivains québécois reçoivent une subvention pour
le prêt de leurs ouvrages dans les bibliothèques au Québec,
qui est géré par le fédéral et dont le budget est
de 5 000 000 $. C'est évident que, demain matin, si on dit que ce
programme-là sera dorénavant géré par le
Québec, il faudrait que les écrivains qui reçoivent
déjà ces subventions pour le prêt de leurs ouvrages dans
les bibliothèques continuent à recevoir ces mêmes
subventions, même si le programme est géré par le
Québec. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on
admet l'hypothèse qu'ils sont pénalisés au départ,
en disant: L'argent qu'on récupère, on met ça ailleurs ou
ça ne sert pas nécessairement à ce programme-là...
Je veux dire qu'on peut améliorer un programme.
Je ne veux pas dire nécessairement qu'il faut tout reprendre,
sauf que les sommes d'argent disponibles compte tenu du fait que, sur le plan
culturel, les sommes sont relativement minimes par rapport aux besoins, et
surtout dans un contexte où, en tout cas, à mon avis, le
développement culturel dans un endroit comme le Québec est
d'autant plus Important que nous sommes une société un peu
microscopique par rapport à l'ensemble nord-américain, II
faudrait qu'il y ait... Je ne sais pas de quelle façon ça
pourrait s'articuler, mais qu'on rassure les gens et qu'on dise: On veut bien
rapatrier, c'est sûr,
mais c'est pour un mieux-être du développement culturel
à long terme et à moyen terme.
Le Président (M. Doyon): M. Sauvageau, ceci termine le
temps qui était à la disposition de l'équipe
ministérielle. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. M.
Sauvageau, nous nous devions d'avoir un compatriote à vous et un
lettré quand il s'agit de s'adresser à fa Bibliothèque
nationale! Je fais allusion, vous le comprenez, à mon collègue le
député de Mercier...
Une voix: Né à Trois-Rivières.
M. Boulerice: M. Sauvageau, je pense que - et ce n'est pas par
flatterie; de toute façon, on ne s'attendait pas à moins - je
pense que c'est un modèle de mémoire. Je vous le dis. C'est
très clair dans ce que vous voulez faire. C'est très clair dans
le rôle que vous voulez jouer à l'intérieur d'une politique
culturelle et, moi, je souscris sans aucune réserve aux orientations de
votre mémoire parce que je crois effectivement que la
Bibliothèque nationale - entre parenthèses, d'ailleurs, je pense
que vous avez bien saisi toute la dimension que peut avoir le mot "nationale"
d'accolé à la Bibliothèque -donc, je pense que vous devez
avoir les moyens d'assumer ce mandat de gardien de la mémoire collective
québécoise et de sa production littéraire. Vous avez
d'ailleurs un mandat qui est incontournable au chapitre de la conservation, de
la diffusion de la culture québécoise comme composante du
réseau des institutions nationales.
Et, certes, la Bibliothèque nationale est située à
Montréal. Elle est située dans un quartier que je connais bien.
Je n'y ferai pas allusion de peur d'agacer certains de mes collègues,
mais par contre, vous avez... et, ça, contrairement, malheureusement, au
rapport Arpin - et c'est là que je me rattache quand je disais que vous
avez bien le sens de "national" - vous avez une sensibilité et vous vous
donnez très spontanément des obligations très strictes au
niveau des régions. Je vous avoue que c'était consolant, compte
tenu du vide qu'on retrouve ailleurs, de voir cette préoccupation que
vous avez chez vous.
Vous parlez même d'utilisation de systèmes de
télécommunication. C'est peut-être pertinent puisqu'on a M.
Chagnon qui est avec nous, M. Chagnon qui développe Vidéoway qui
est ce que j'appelle la télévision du troisième
millénaire. Et comme il me le disait tantôt: Ce n'est que la toute
petite pointe de l'Iceberg que l'on volt actuellement. Alors, je pense qu'il y
aurait probablement des choses à faire puisque c'est là,
malheureusement, une autre faille du rapport Arpin d'avoir complètement
exclu tout le secteur des communications dont l'Interrelation avec le monde des
arts et de la culture n'est vraiment plus à démontrer comme
telle. (10 h 15)
Ceci étant dit, dans votre mémoire - Mme la ministre vous
a interrogé là-dessus puisque vous l'avez annoncé - vous
proposez le rapatriement des responsabilités de la Bibliothèque
nationale du Canada, afin de mettre fin à ce que vous appelez un cas
typique de chevauchement, de dédoublement. La question que j'aimerais
vous poser, c'est: Comment pensez-vous que cela puisse se faire, M. Sauvageau,
à l'intérieur du régime fédéral, quand on
regarde le contenu des propositions fédérales, propositions
constitutionnelles qui réitèrent le mandat des organismes
fédéraux nationaux, dont la Bibliothèque nationale du
Canada, et, après ça, les intentions très claires du
ministre Beatty qui dit qu'il va protéger la culture
québécoise, comme si vous n'en étiez pas capables
vous-mêmes, au niveau du patrimoine littéraire et de la
conservation?
M. Sauvageau: C'est évident qu'en lisant le document
publié par le gouvernement fédéral, on y retrouve que le
gouvernement fédéral veut conserver la totalité des
institutions nationales et on cite nommément la Bibliothèque
nationale du Canada. Dans ce contexte-là, on pourrait dire au
départ que ce qu'on dit, c'est un voeu pieux dans le sens où le
gouvernement fédéral a déjà clairement
identifié ses intentions en disant: La Bibliothèque nationale,
ça nous concerne; les institutions nationales, ça nous concerne,
et on nomme la Bibliothèque nationale.
C'est évident qu'un tel rapatriement ne pourra se faire que dans
une conjoncture où le gouvernement du Québec négocie une
forme de rapatriement culturel et qu'il englobe dans cette
négociation-là les aspects qui concernent la Bibliothèque
nationale. Enfin, je veux dire que ça demande définitivement une
initiative du gouvernement québécois et il faut que le
gouvernement québécois prenne le leadership dans ce
secteur-là, si on veut qu'un jour cette partie ou ce rapatriement se
fasse. Du côté du gouvernement fédéral, sa position
est énoncée et claire. Alors, évidemment, du
côté du Québec, si le Québec veut rapatrier, il faut
donc que ce soit négocié collectivement au niveau du rapatriement
du champ culturel.
M. Boulerice: Ne trouvez-vous pas que c'est un petit peu - je
n'aime pas le mot parce que j'ai le goût de me battre à ce
niveau-là, avec vous, d'ailleurs - illusoire de demander à un
État unitaire tel que le Canada de dire qu'une partie des
responsabilités d'une de ses sociétés d'État ne
s'appliquera pas sur une partie de ce territoire qu'il veut bien unitaire?
Donc, on ne doit pas négocier mais exiger.
M. Sauvageau: Ha, ha, ha! Je vous avoue
que, rendu là, je ne sais pas. Je n'ai pas de commentaire sur
ça. Il est évident que, dans le cas précis de la
Bibliothèque nationale, c'est un dossier qui ne sera
définitivement pas facile, dans le sens où c'est un dossier
jalousement préservé, même au plan international.
M. Boulerice: Je reviendrai. Je crois que mon collègue, M.
Godin, désire vous poser une question.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Une ou deux, si vous permettez, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le
président-directeur général de la Bibliothèque
nationale du Québec, j'ai une question sur une des minorités
québécoises. Est-ce que les écrivains ou éditeurs
anglophones de Montréal se réfèrent spontanément
à votre Bibliothèque, à votre institution comme
étant leur Bibliothèque nationale à eux aussi, comme le
font les francophones, ou s'ils n'y pensent même pas?
M. Sauvageau: C'est-à-dire que c'est plus difficile,
effectivement. Notre mandat concerne la totalité du patrimoine
publié au Québec, donc incluant les publications des anglophones
comme des différents groupes ethniques. Je dirais que,
proportionnellement aux francophones, il faut faire autant d'efforts pour les
anglophones que pour les francophones pour amener les gens à
déposer leurs documents. Je dis "proportionnellement" parce qu'il y a
moins d'éditeurs... la production anglophone ou anglaise au
Québec ne dépasse pas 12 % ou 14 %, mais disons que ce n'est pas
un geste spontané, c'est rarement un geste spontané. Ce qui fait
qu'il faut faire un suivi, nous, auprès des éditeurs de langue
anglaise, comme d'ailleurs des éditeurs des différentes ethnies.
Même, plus on descend, plus on va dans les autres ethnies, plus c'est
complexe d'aller chercher les documents, c'est-à-dire que le fonds,
ça nous demande un suivi très précis.
M. Godin: Mais, dans votre mandat, M. le président, vous
considérez tout de même les auteurs anglophones du Québec
comme étant des auteurs appartenant au patrimoine national...
M. Sauvageau: Québécois.
M. Godin: ...québécois.
M. Sauvageau: Exact.
M. Godin: Y Inclus Mordecai Rlchler?
M. Sauvageau: Pardon?
M. Godin: Incluant Mordecai Richler?
M. Sauvageau: Ha, ha, hal Quelque part, dans un article que j'ai
lu, on dit que le bibliothécaire ne doit pas faire de
discrimination.
M. Boulerice: C'est lui qui se discrimine lui-même, de
toute façon, c'est connu.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Godin: Mais est-ce qu'on peut trouver, dans votre
Bibliothèque nationale, tous les auteurs du Québec, y indus les
anglophones, un poète comme John Glassco, un romancier comme Richler et
d'autres auteurs anglo-montréalais?
M. Sauvageau: Oui.
M. Godin: On trouve leurs oeuvres chez vous?
M. Sauvageau: Oui.
M. Godin: Donc, quelqu'un qui voudrait lire tout M. Richler en un
week-end pourrait le trouver chez vous?
M. Sauvageau: C'est ça.
M. Godin: Merci, ça répond à ma question. M.
le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
M. Boulerice: Pour le bénéfice de mes
collègues et de ceux qui, forcément, par la voie de la
retransmission nous écoutent, est-ce que vous pouvez faire le point sur
le projet de construction et en quoi cela permettrait à la
Bibliothèque nationale de mieux remplir sa mission à
l'égard des jeunes et des régions?
M. Sauvageau: La Bibliothèque nationale, comme le disait
le rapport Arpin, est la seule institution nationale pour qui on n'a pas
construit un édifice spécifiquement en fonction de ses besoins.
La Bibliothèque nationale, dès sa création, a
été logée dans un bâtiment et on disait aux gens de
la Bibliothèque nationale. Il n'y a pas de problème, nous allons
construire un bâtiment en fonction de vos besoins. Et il y a eu beaucoup
beaucoup de projets qui ont été soumis au gouvernement; il y a eu
beaucoup de choses qui ont été faites à ce
niveau-là sans jamais déboucher sur une action concrète de
la part du gouvernement, c'est-à-dire qu'on n'a jamais construit un
édifice qui réponde aux besoins de la Bibliothèque
nationale.
Le premier handicap, le handicap majeur, c'est au niveau de la
conservation des documents. Actuellement, nous avons des documents qui n'ont
jamais été lus et qui se détériorent quand
même, simplement à cause de la tempéra-
ture ou à cause des conditions atmosphériques. Au niveau
de la conservation, nous n'avons pas non plus de chambre de
désacidification ou de mécanismes qui permettent de sauvegarder
le papier, c'est-à-dire de sauvegarder certains papiers très
acides. Nous avons des espaces, mais qui sont très aléatoires.
D'ailleurs, c'a créé certains problèmes, à un
moment donné.
Depuis cette époque-là, la Bibliothèque nationale a
été logée dans des bâtiments loués, et on a
dit: On vous installe dans ces bâtiments-là. Nous avons des
documents, actuellement, à cinq endroits dans la ville de
Montréal. À tel point qu'il y a une année où, dans
un bâtiment qui était loué, sur la rive sud, le feu a pris
et fa Bibliothèque a perdu beaucoup de ses collections. Ce sont des
bâtiments qui ne répondent pas aux normes de
sécurité comme on devrait en avoir pour conserver ce patrimoine
publié.
J'ai fait allusion tantôt au patrimoine bâti parce qu'on
conserve beaucoup les monuments, on restaure les monuments, on restaure les
maisons, on restaure les ports, on restaure beaucoup de choses. Sauf que, dans
le cas de la Bibliothèque nationale ou dans le cas du patrimoine
publié, on n'a pas encore de politique de restauration de documents, ni
de politique qui fait que ces documents-là soient bien conservés.
Donc, un bâtiment permettrait de conserver adéquatement et
efficacement le patrimoine publié au Québec, de sorte qu'un jour,
si quelqu'un voulait accéder à ce patrimoine-là, il serait
encore disponible. Il ne serait pas détruit, il serait quelque part.
Deuxièmement, le patrimoine que nous avons est un patrimoine
parcellaire dans le sens où, actuellement, nous avons les documents
imprimés... Nous avons soumis un projet au gouvernement; Mme la ministre
a accepté volontiers les propositions de la Bibliothèque
nationale et elle s'est rendue au Conseil du trésor. Il s'agit
d'élargir le dépôt légal pour que les affiches, les
gravures, les cartes postales, les microfilms, beaucoup de documents
publiés soient à la Bibliothèque nationale.
Évidemment, avec une construction, avec un bâtiment
adéquat, nous pourrions exploiter ces documents-là de la
même façon que nous pourrions exploiter les documents
québécois actuels. C'est-à-dire que nous avons des livres
d'artistes actuellement, mais on ne peut pas les montrer; ils sont dans des
magasins de conservation. Tout ce patrimoine que nous avons, nous ne pouvons
pas l'exploiter non plus pour nos usagers, la clientèle, comme on le
fait à place Royale où on essaie, par des techniques d'animation,
d'exploiter des bâtiments, des maisons. On ne peut pas le faire avec les
documents publiés parce que nos espaces ne nous permettent pas de le
faire et nos collections sont réparties dans trois endroits. Donc, moins
d'efficacité pour la clientèle. Si vous faites une recherche et
que vous avez besoin... Il est possible que vous ayez besoin d'un volume, il
est possible que vous ayez besoin d'un périodique pour faire votre
recherche, et vous êtes obligé d'aller à trois places
différentes à Montréal, alors, évidemment, c'est
l'antidif-fusion du document imprimé et l'anticonsommation de ce type de
documents là. Donc, avec un bâtiment on pourrait mieux servir
notre clientèle.
Pour les jeunes, nous avons, en dépôt légal, tout le
patrimoine publié qui s'adresse aux jeunes. Nous ne pouvons actuellement
exploiter ce patrimoine-là, ni au niveau des éditeurs, ni au
niveau des illustrateurs, ni au niveau des personnes qui écrivent ces
documents. On ne peut pas avoir de rencontres, on ne peut pas avoir
d'activités liées à cette catégorie de
clientèle par rapport à ce qui est déposé à
la Bibliothèque nationale. Et vous savez que la Bibliothèque
nationale ne prête pas de documents; ce n'est pas la même
démarche que la bibliothèque publique, mais, à notre avis,
la Bibliothèque nationale a un rôle à jouer à ce
niveau-là.
Au niveau des régions, il y a des régions qui nous
demandent de collaborer. Actuellement, par exemple, à Québec,
nous avons des volumes qui sont intégrés dans une exposition qui
a lieu ici, dans la région, mais nous aimerions développer cette
activité-là. Nous avons des documents québécois.
Nous avons beaucoup de patrimoine important qu'on pourrait faire circuler,
montrer aux différentes régions et mettre à la disposition
des régions sauf qu'en ce moment ce n'est pas possible. On ne nous
donnera pas d'espace pour avoir ce type d'initiative.
Pour les collections, il y a un autre élément, c'est ce
qu'on appelle la numérisation des documents. Vous avez parlé
tantôt des régions. Il faut que le patrimoine soit logé
quelque part, c'est-à-dire qu'il soit physiquement quelque part. Le
problème, c'est toujours l'accessibilité. Par le prêt
interbibliothèque, si vous êtes à Chicoutimi, on pourrait
très bien vous envoyer par la poste, ou par autobus, à la limite,
un volume dont vous avez besoin rapidement. C'est une hypothèse. Et on
peut le faire par rapport au patrimoine québécois parce que,
normalement, nous possédons la totalité du patrimoine
publié du Québec. Sauf qu'il y a d'autres mécanismes, il y
a d'autres moyens maintenant, beaucoup plus rapides, qu'on appelle la
numérisation. Donc, par un terminal, vous êtes à
Chicoutimi, vous avez accès au texte d'un document que vous voulez lire.
Alors, ça aussi, ça prend une certaine forme d'installation, un
certain environnement physique, si vous voulez, qui nous permettrait de jouer
ce rôle-là à l'intention des régions.
Alors, dans le projet que nous avons soumis au ministère des
Affaires culturelles, nous prévoyons, je dirais par un support physique
approprié, donner de véritables services à la population
québécoise, à partir des ressources et des richesses que
recèle le patrimoine publié du Québec.
Le Président (M. Doyon): Merci M. Sauva-geau. M. le
député de Mercier, vous aviez une question?
M. Godin: Oui, une autre, oui. M. Sauva-geau, est-ce que la
Bibliothèque nationale canadienne a des mandats complémentaires
aux vôtres? Est-ce que vous avez des contrats de services dans un sens ou
dans l'autre, ou dans les deux sens, par lesquels contrats vous auriez
accès à des mandats qui sont les leurs mais qui sont utiles
à votre mandat général à vous?
M. Sauvageau: Nous avons un mandat que nous assumons, c'est assez
paradoxal, qui s'appelle l'ISBN, c'est-à-dire l'attribution du
numéro ISBN. Mais ce mandat, nous l'assommons... nous l'assumons,
c'est-à-dire... Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Vaste programme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Sauvageau:... nous l'assumons pour la totalité des
francophones du Canada, même s'ils ne demeurent pas au Québec. Et
ce mandat nous a été donné... nous l'avons
négocié et nous l'avons obtenu par un organisme international qui
gère l'ISBN à travers le monde. Nous avons récemment
amené la Bibliothèque nationale du Canada à respecter ce
mandat que nous avons eu d'un organisme international. Donc, l'ISBN, c'est un
mandat qui nous est donné par un organisme international, mais la
Bibliothèque nationale du Canada a accepté que nous assumions
maintenant le mandat comme on doit le faire, c'est-à-dire pour la
totalité de la production francophone au Canada.
Nous avons certains autres programmes à coûts
partagés comme le catalogage avant publication; c'est-à-dire que
nous faisons le travail pour la Bibliothèque nationale du Canada en ce
qui concerne tout le Québec et ils nous versent un certain montant pour
que nous assumions ce rôle-là, de la même façon
qu'ils le font en Ontario ou en Colombie-Britannique.
Alors, il y a des programmes comme ça, à coûts
partagés, et je peux vous dire que j'essaie le plus possible, quand je
peux, d'avoir des programmes de ce type parce que, évidemment, il y a
là des économies. Il faut le faire de toute façon.
Là, on le fait mais c'est financé par la Bibliothèque
nationale du Canada. Sauf que, pour le moment, ce sont les deux seuls
programmes. J'essaie d'en développer d'autres, mais ce sont les deux
seuls programmes conjoints que nous ayons. Et ça évite la
duplication dans le sens où nous le faisons pour le Québec et ils
achètent notre production. C'est-à-dire qu'ils la paient, mais on
le fait pour le Québec, attendu que nous sommes mieux placés pour
le faire.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sauvageau. (10 h
30)
M. Sauvageau: Ah!
Le Président (M. Doyon): Ceci, malheureusement, termine le
temps dont nous disposons. Je regrette d'avoir à vous interrompre, mais
les exigences de l'horaire m'obligent à le faire. Alors, tout en vous
remerciant et en vous disant que votre présentation a été
sûrement appréciée par les parlementaires, je laisserai
à Mme la ministre le soin de vous remercier formellement.
Mme Frulla-Hébert: M. Sauvageau, M. Théoret,
effectivement, on ne s'attendait pas à moins d'ailleurs, par la
qualité de votre mémoire. Surtout, je voudrais vous remercier
aussi, publiquement, pour le soutien que vous nous apportez et, aussi, une
sorte de conscience et de ces rôles-conseils que vous avez, notamment,
non seulement au niveau du patrimoine publié, mais au niveau de la
lecture et au niveau des bibliothèques.
Le projet de relocalisation, nous nous en sommes parlé, c'est
quand même un projet de 55 000 000 $. On le regarde ensemble à
fond; aussi avec la ville de Montréal. Effectivement, c'est un projet
qui est prioritaire, puisque retrouver notre patrimoine publié dans
plusieurs endroits différents freine évidemment
l'accessibilité. Nous sommes ici d'ailleurs pour parler de
l'accessibilité de la culture aussi, non pas une culture
cultivée, mais une culture aussi accessible. M. Sauvageau et M.
Théoret, merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Sauvageau, merci de votre participation. Je
regrette, j'aurais eu une autre question à vous poser qui est: Comment
se sent M. Sauvageau, auteur d'un rapport prestigieux sur les
bibliothèques du Québec qui, malheureusement, est encore sur les
tablettes?
Le Président (M. Doyon): La question ne pouvant
être répondue dans le cadre du temps qui nous est alloué,
il me reste à vous remercier aussi, M. Sauvageau, en vous priant de vous
retirer pour permettre à...
M. Boulerice:... pour une réponse.
M. Sauvageau: Nous vous remercions de nous avoir reçus et
d'avoir pris du temps comme ça pour nous écouteret
entendre, je dirais, nos commentaires sur le rapport Arpin et sur la
Bibliothèque nationale. Nous vous en sommes très
reconnaissants.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sauvageau. Merci
beaucoup, M. Théoret. Pendant que
vous vous retirez, je demande le consentement de cette commission pour
permettre le remplacement de Mme Dupuls (Verchères) par Mme Blackburn
(Chicoutimi). Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme Dupuls
(Verchères) soit remplacée par Mme Blackburn (Chicoutimi)? Alors,
il y a consentement au remplacement.
Groupe Vidéotron
C'est maintenant au tour du Groupe Vidéotron
représenté par M. André Chagnon, de venir nous
présenter son mémoire. Je l'invite à s'approcher. Je salue
donc M. Chagnon et je lui souhaite la bienvenue. Il connaît les
règles de la commission: une présentation d'une quinzaine de
minutes, ce qui permet aux deux formations d'échanger avec notre
invité. M. Chagnon, vous êtes connu, je vous souhaite la bienvenue
et je vous invite à commencer dès maintenant la
présentation de votre mémoire.
M. Chagnon (André): M. le Président, Mme la
ministre, mesdames, messieurs, mon nom est André Chagnon,
président du conseil d'administration et chef de la direction du Groupe
Vidéotron. Vidéotron est devenue, au fil des ans, une entreprise
de télédistribution et de télédiffusion de classe
mondiale. Les principales filiales de Vidéotron sont sa filiale
Vidéotron dans la télédistribution, le
télédiffuseur Télé-Métropole,
Vidéoway Communications, qui regroupe toutes les activités de
recherche et développement et de commercialisation de la technologie
Vidéoway, et Vidéotron International, qui chapeaute toutes les
activités internationales du Groupe Vidéotron, notamment en
Grande-Bretagne et au Maroc.
Permettez-moi de vous dire d'abord que Vidéotron accueille
favorablement le rapport Arpin et félicite la ministre pour son
leadership dans l'élaboration d'une politique culturelle
québécoise bien étoffée. Toutefois, à titre
de contribution additionnelle au débat, je voudrais sensibiliser le
gouvernement à l'importance de reconnaître et d'accepter le
rôle de la télévision comme intervenant de fait dans le
paysage culturel québécois.
La télévision québécoise a joué un
rôle de premier plan au milieu de la Révolution tranquille. Elle
demeure aujourd'hui, plus que jamais, un signe distincttf de notre
culture. Elle soutient une importante communauté artistique. La
télévision québécoise est appelée à
jouer un rôle capital dans le développement de notre culture.
C'est pourquoi la santé des télédiffuseurs publics et
privés est une donnée essentielle de toute stratégie
culturelle à long terme. Il faut s'en préoccuper.
Depuis 1986, au Québec, le paysage télévisuel a
été considérablement bouleversé par
l'arrivée de nouveaux services de programmation tels que
Télévision Quatre Saisons, MétéoMédia,
Musique Plus, Canal Famille, TV5, le Réseau des sports. Ainsi donc, le
nombre de convives qui se partagent l'assiette des revenus publicitaires a plus
que doublé en trois ans. Pendant la même période, la
Société Radio-Canada adoptait également une
stratégie commerciale fort agressive, concurrençant les
télédiffuseurs privés.
Compte tenu de la petite taille de notre marché, on avait
jusque-là atteint un certain équilibre financier, mais, avec
cette transformation de l'univers télévisuel en si peu de temps,
l'industrie a été totalement déséquilibrée.
La télévision conventionnelle au Québec est plus
menacée que jamais, à l'heure actuelle, tant par le risque d'une
perte d'auditoire que par la chute de ses revenus publicitaires vers des
concurrents. La stratégie du gouvernement, qui est d'assurer
l'accès à l'ensemble des citoyens, est sans doute menacée
aujourd'hui par toutes les tendances de télévision à
péage, à la carte et d'autres services qui seront mis en place
prochainement par livraison directement au foyer.
Il y avait le président de NBC qui, devant une commission
semblable à Washington, disait: La télévision de demain...
'Television of tomorrow will be pay television", disant que les trois grands
réseaux américains, demain, devront offrir une
télévision payante. Préoccupation de votre gouvernement:
Comment garantir l'accessibilité à tous les citoyens, dans un
cadre semblable?
Vidéotron estime qu'il est primordial d'identifier et de
développer rapidement des solutions aux problèmes sérieux
avec lesquels sont aux prises les télédiffuseurs, sans quoi nous
priverons notre société d'un maillon fort important de
l'infrastructure de diffusion et de promotion de notre culture.
La télévision interactive et la publicité
télévisuelle conventionnelle jumelée à une forme de
publicité sous forme multimédia sont, à mon avis, des
éléments de solution efficace et durable dans ce contexte. Ainsi,
Vidéotron recommande au gouvernement de soutenir comme une
activité de recherche et développement l'exploitation de
nouvelles technologies de télédistribution en tant que
véhicule de diffusion culturelle. Cette nouvelle technique inclut
notamment la télévision interactive où le Québec
s'est acquis et doit tout mettre en oeuvre pour conserver le leadership
mondial.
Également, l'industrie de la télédistribution
explore encore actuellement la possibilité d'offrir des services de
télévision à la carte. Des encouragements financiers et
fiscaux pourraient être consentis aux institutions et aux producteurs qui
mèneront des projets en ce sens.
En terminant, permettez-moi de vous rappeler que notre
télévision constitue un rempart culturel au même titre que
notre langue, nos institutions parlementaires et notre système
d'éducation. Voilà pourquoi il importe de reconnaître que
la santé des participants au système de radiodiffusion
québécois doit préoccuper les architectes de notre
politique de culture. Chez
Vidéotron, nous comprenons que les défis à relever
d'ici l'an 2000 sont grands. Notre espoir reste cependant celui de vous avoir
intéressés à les relever avec nous. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Chagnon. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. Chagnon, d'abord, bienvenue.
Ça me fait grand plaisir qu'on vous accueille ici aujourd'hui. Je
remercie aussi le Groupe Vidéotron de l'éclairage qu'il apporte
à cette commission sur tout l'apport des télédiffuseurs
sur la culture et aussi de l'appui que l'on donne, finalement, à
l'élaboration d'une politique culturelle.
Il y a plusieurs groupes, M. Chagnon, qui vont venir se présenter
ce mois-ci et il y a un point d'interrogation, je dirais,
général, que ce soit au niveau des gens du livre, des gens du
spectacle, des gens de théâtre qui nous disent que les
médias, de plus en plus, s'éloignent de la mission culturelle, en
ce sens: Oui, on y présente maintenant plus de téléromans,
c'est sûr, donc, on fait travailler des comédiens, mais de
l'information culturelle applicable, accessible - sans dire de
l'élttisme, mais de l'information culturelle, je reviens à "Bon
Dimanche", si je donne un exemple - on en a de moins en moins. Quel est le
rôle, pour vous, d'un télédiffuseur, dans les années
quatre-vingt-dix, justement, à cette promotion culturelle?
Effectivement, le Québécois moyen écoute la
télévision 26 heures, en moyenne, par semaine, ce qui est plus
que les heures, pour un enfant, sur un banc d'école. Donc, la
télévision est le moyen par excellence pour informer, pour
éduquer, pour divertir. Alors, dans les années quatre-vingt-dix,
compte tenu des problèmes, aussi, que vous vivez, comment voyez-vous
ça, comment voyez-vous cette évolution-là, s'il y en a
une?
M. Chagnon (André): Mme la ministre, je ne dois pas
être plus pessimiste. C'est pour ça que je soulignais tout
à l'heure le commentaire du président de la NBC comme quoi les
trois grands réseaux américains, par la fragmentation de
l'auditoire et de leurs revenus publicitaires, se demandent si, dans 10 ans, ce
ne sera pas une télévision à péage seulement
où les services seront offerts à la carte, avec cette
préoccupation d'accessibilité. Ici, au Québec, je pense
qu'on s'est assez bien tiré d'affaire pour un bon bout de temps. Nous
avons essayé des émissions qui ont été à
l'antenne pendant de nombreuses années et qu'il a fallu retirer.
À Télé-Métropole, comme exemple, on a dû
faire des coupures encore importantes, cette année, et essayer quand
même de sauver les éléments les plus importants de notre
production. On voit par les cotes d'écoute que, je pense bien, on
réussit quand même de peine et de misère. Mais, la bonne
volonté de vouloir faire des choses et les règles
économiques de financement d'une société privée,
les deux sont associées directement. On voit le problème qui est
créé, à l'occasion, lorsqu'un gouvernement décide
d'émettre des licences, d'autoriser de plus grands partenaires dans un
marché qui a une petite taille. On oublie trop souvent que, même
si on a des résultats extraordinaires au Québec, on est une
population de 6 000 000. On concurrence dans des modèles
américains de 250 000 000 ou du Canada globalement, de 30 000 000. C'est
un peu ce problème économique qui va être un
problème de cette décennie quatre-vingt-dix, qui va rendre de
plus en plus difficile aux entreprises privées de pouvoir continuer
à faire ce qu'elles avaient bien fait, je pense, dans le passé.
Je pense que c'est un message, aujourd'hui, que j'apportais plus qu'autre
chose, que, dans cette stratégie de votre gouvernement
d'accessibilité à tous les citoyens, la télévision
est un outil important. Vous nous faites indirectement le reproche qu'il y a
certains contenus qu'on a dû retirer de l'antenne; et c'a toujours
été une préoccupation économique. On savait que le
public souhaitait, notre maison, notre société souhaitait garder
ces contenus et d'autres types de contenus à l'écran. On sait que
c'est un moyen de masse pour rejoindre les plus grands auditoires, mais II y a
un équilibre financier qu'on ne réussit pas à
équilibrer.
Un autre gouvernement a émis trop de licences, a ajouté
trop de temps d'antenne disponible aux annonceurs qui, simultanément, se
déplacent des médias de masse vers d'autres médias
écrits pour rejoindre des publics cibles directement et avoir de
meilleurs retours sur leurs investissements. Quand on arrive dans cette
période-là simultanément, II y a plus de temps d'antenne
de disponible, moins de revenus publicitaires disponibles parce que les
tendances des annonceurs changent et on ne peut plus rejoindre et livrer aux
annonceurs les auditoires qu'on avait auparavant.
Tout ce qu'on a devant nous est encore plus préoccupant. La
télévision directe au foyer, c'est juste la question: Quand
est-ce que ça va arriver? Il y a un service américain qui promet
que, pour le début de 1992, II va y avoir 80 canaux de
télévision qui vont être livrés directement aux
foyers avec des petites soucoupes - ce ne sera plus des affaires de 15 pieds,
mais moins de 2 pieds de diamètre - et offriront tous les nouveaux
services, tous les nouveaux films qui arrivent sur le marché, à
peu près simultanément avec les clubs vidéo. Ça
fait qu'il y a un intérêt très grand pour ce type de
contenu. Ça veut dire, encore une fois, une fragmentation de
l'auditoire: fragmentation de l'auditoire, déplacement, encore une fois,
de l'assiette publicitaire. C'est un cercle vicieux que les radlodiffuseurs ont
devant eux, et les solutions ne sont pas faciles.
Mme Frulla-Hébert: On en parlait beaucoup, de toute
façon, de toute cette fragmentation-là, on se souvient, dans les
années quatre-vingt. On se souvient même... À
l'époque, j'étais à la direction marketing d'un des plus
gros annonceurs au Québec, voire même au Canada, où on
avait signifié, comme annonceur, l'avertissement à savoir que
l'assiette publicitaire ne grossirait pas. Elle serait tout simplement plus
fragmentée. Donc, il y avait des signes avant-coureurs de ça. Les
licences ont été données quand même. Je me souviens
aussi de la présentation, à l'époque, de
Télé-Métropole, de son réseau justement, pour dire
au CRTC: Attention, attention, danger! Donc, d'une part, oui, il y a eu des
avertissements et ce que vous prévoyiez, à l'époque,
arriva. D'autre part, on ne peut pas non plus, finalement, empêcher
l'évolution des technologies qui semblent aussi aller plus vite
même que nous ne pouvons les assimiler. Comment peut-on combiner
ça? Il y a des propositions, je le sais, faites au CRTC. Il y a ces
grandes commissions fédérales qui essaient de se pencher sur le
problème. Sans vouloir, moi non plus, être pessimiste, selon vous,
est-ce qu'il y a des solutions à ces problèmes-là? (10 h
45)
M. Chagnon (André): Je pense que oui. Je vais juste faire
le point sur les services spécialisés qui ont été
mis en place au Québec. Encore une fois, II y a un prix à payer
pour être francophone, avec la taille de notre marché, et ces
services devaient être absorbés par un service de base de la
câblodistribution. C'a été une nécessité et
ça ne peut pas être discrétionnaire. C'est un
problème qu'on doit vivre à cause de notre taille, mais le
problème est toujours présent. Nous, on croit, chez
Vidéotron, que Télé-Métropole a une chance de
passer et de reprendre sa rentabilité historique et le rôle
qu'elle a joué dans la communauté par, peut-être, la
technologie, cette fols-ci. Autant la technologie devient son concurrent,
autant la technologie va devenir son allié, je pense, dans les
années à venir. Je fais référence, naturellement,
à Vidéoway qui permet au radiodiffuseur, dans cette synergie avec
le câblodistributeur, d'aller plus loin qu'être un "broadcaster",
un radiodiffuseur a une seule fréquence. Par la technologie, maintenant,
on peut offrir au radiodiffuseur de multiples façons de rejoindre la
clientèle, pour que le téléspectateur devienne un
téléacteur.
Il y a eu d'excellents exemples qu'on a vus. Le spectacle de
Céline Dion, où le réalisateur devra en prendre un peu
pour son humilité, 85 % des 8500 personnes qui ont communiqué
avec nous après l'émission n'ont jamais regardé le canal
original qui avait été diffusé par Radio-Canada, mais les
trois choix supplémentaires qui étaient présentés
par des jeux de caméra ou de contenu; les nouvelles
présentées à Télé-Métropole à
18 heures et 23 heures, où on peut ajouter plus d'information, aller
plus en profon- deur, donner des choix au client. C'est un peu le choix, le
rôle actif qu'on peut donner, la valeur ajoutée qui peut
être donnée à des contenus
télédiffusés présentement et à des
coûts qui ne sont pas tellement élevés, qui peuvent
peut-être permettre au radiodiffuseur de maintenir ses auditoires ou
même d'aller chercher un peu plus d'auditoire. Le canal de sports RDS
nous disait que pour les 24 joutes de baseball qui ont été
diffusées en télévision interactive, cet
été, les audimètres Nielsen indiquaient 50 % de plus
d'écoute sur une joute de baseball interactive qu'une joute de baseball
traditionnelle qui était télévisée sur le
réseau. C'est des facteurs, des indices que peut-être il y a une
piste à travailler pour donner au radiodiffuseur plus de valeur à
son contenu qu'il diffuse présentement, mais ça n'apporte pas
encore toutefois sa rentabilité.
Je crois que la rentabilité, là où on peut aider et
les expériences qu'on a tentées présentement avec les
radiodiffuseurs, c'est que le message télévisé, qui dure
de 15 à 30 secondes... d'ajouter à ce moment-là, par un
concept multimédia, des banques d'information considérables
à l'annonceur. Je donne un exemple: que ce soit une compagnie, General
Motors, qui pourrait dire, après son message de 15 ou 30 secondes: Si
vous voulez plus d'information, Vidéoway plus, et vous tombez dans une
banque de données; selon votre centre d'intérêt, vous allez
demander de l'information sur le type de véhicule qui vous
intéresse, vous allez avoir des photos, vous allez avoir du son
numéralisé et vous allez avoir des banques de données qui
vont vous permettre de faire la recherche dans un produit qui peut vous
intéresser. Un autre produit peut inciter, à ce moment-là,
l'abonné qui aurait Vidéoway à compléter
peut-être une transaction, parce que le message de l'annonceur, encore
une fois, 15 ou 30 secondes, est trop court. Ça fait que si on peut lui
donner plus d'information, lorsque ça lui convient et à son
rythme, peut-être qu'il peut compléter, permettre d'agir suite
à ce message-là.
Ça fait qu'on pense qu'on a des solutions qu'on a initiées
il y a à peu près deux ans avec
Télé-Métropole. Radio-Canada s'implique
présentement. Radio-Québec regarde le dossier activement et
peut-être qu'on peut enrichir le contenu qui est diffusé
aujourd'hui. Ce qu'on voit aujourd'hui change de ce qui était hier. On
voit que la technologie peut apporter beaucoup de flexibilité et,
surtout, apporter beaucoup plus aux annonceurs. Peut-être que des budgets
qui avaient été déplacés vers des publics cibles
à l'extérieur du système de la télédiffusion
vont revenir chez les radiodiffuseurs et leur permettre d'avoir des revenus
à la taille qu'ils avaient auparavant et de continuer à maintenir
le rôle qu'ils jouaient dans le passé.
Mme Frulla-Hébert: Mais quand vous parlez justement de
Vidéoway, c'est sûr que, ça, ce
n'est pas gratuit. On parle d'accessibilité. Vidéoway,
évidemment, il faut s'abonner au câble. Il faut s'abonner aussi
à Vidéoway, ce qui fait qu'il y a une certaine partie de la
population, d'ailleurs, qui est prête et puis il y a une autre partie de
la population qui est peut-être plus difficile. Le budget est plus
serré et elle ne peut pas se le permettre.
Alors, est-ce que, justement, enrichir le contenu, intéresser
l'argent à revenir, ça solutionne aussi le problème de la
télévision publique accessible? Parce que c'est
inquiétant, ce que vous nous dites. S'il faut payer pour chacun de nos
services, effectivement, il y a un gros risque aussi que les gens qui ne
peuvent pas se payer ces services-là vont manquer, au niveau de la
culture, de l'information. On sait très bien aussi que la
télévision, pour créer un sentiment d'appartenance...
D'abord, on voit la bataille que le fédéral livre au niveau de
Radio-Canada. C'est assez clair que la télévision est un moyen
assez puissant.
Alors, est-ce que cette nouvelle technologie, ces investissements vont
permettre aussi à la télévision publique, accessible,
gratuite de rester telle qu'elle est?
M. Chagnon (André): Partiellement, oui. La
stratégie d'implantation de Vidéoway, à cause des
radiodiffuseurs, des fournisseurs de services, des vendeurs, notre
stratégie, c'est qu'il faudrait, au Québec,
pénétrer le marché au moins à 90 % pour avoir ces
masses critiques nécessaires à tous. Les masses critiques vont
permettre comme stratégie... c'est pour l'abonné maintenant, dans
le futur, qui va payer pour ces nouvelles technologies qui seront mises en
place. C'est que ce sera les revenus en amont des fournisseurs de services ou
des utilisateurs qui veulent rejoindre électroniquement cette
clientèle qui permettraient, à ce moment-là, de financer
la technologie qui sera mise en place. La câblodistribu-tion offrira
toujours des services de base et des services discrétionnaires. Mais on
prévoit que, d'ici peu de temps, il y aurait un service de base,
à quelques dollars par mois, qui donnerait accès à la
télévision locale. On parle des six grandes chaînes qui
sont distribuées ici sur la plupart de nos réseaux, chaînes
locales. Après, les autres services seraient à la carte. Mais,
c'est à cause de la stratégie que le radiodif-fuseur doit livrer
des masses critiques importantes... ça fait qu'il y aurait un service
d'entrée à la câblodistribution ou un petit câble, si
on peut lui donner un autre nom, qui serait quelques dollars par mois
seulement, mais qui donnerait accès au moins à toutes les
stations de télévision québécoises de base.
Après, les autres services deviendraient à la carte, sans aucun
doute.
Mme Frulla-Hébert: Comment voyez-vous, M. Chagnon, le
rôle de la câblodistribution en région? On
s'aperçoit, avec la fermeture, d'ail- leurs, de Radio-Canada, qu'il y a
un manque, un gros manque dans les régions. Je suis allée, quand
on a fait le tour, et, en tournée, on s'aperçoit que ça
fait mal. L'Information locale ne rentre plus et l'image qu'on projette dans
nos régions, c'est souvent une image provenant de Québec et de
Montréal, donc très peu de proximité. Comment voyez-vous
ça, la télévision en région, au niveau des services
publics? Est-ce que, effectivement, c'est tellement coûteux qu'on n'est
plus capable de la supporter, d'une part? Deuxièmement, comment
voyez-vous, à ce moment-là... Est-ce que le câble peut
reprendre un rôle plus spécifique pour combler ce manque en
région?
M. Chagnon (André): Le câble, dans l'ensemble, n'est
pas le contenu. C'est la préoccupation de base du départ. Quoique
Radio-Canada se soit retirée des régions, c'est un
problème financier, encore une fois. C'est pourquoi les autres
radiodiffuseurs privés, qui réussissent quand même à
avoir une présence locale, qui n'ont pourtant pas la mission de
Radio-Canada, font leur possible pour maintenir cette présence locale
pour l'information ou la diffusion de contenus culturels à l'occasion.
Mais c'est toujours un problème économique. Simultanément
- je n'ai pas complété tout à l'heure - les réseaux
vont avoir de plus en plus de capacités de distribution. À ce
moment-là, il va y avoir plus d'accès, mais qui va produire le
contenu? C'est toujours le contenu qui va coûter beaucoup plus que le
moyen de distribution.
D'ici cinq ans, tout probable, les réseaux câblés
auront des capacités de 150, 200 canaux. C'est juste l'infrastructure
qui, par la technologie, permet d'avoir beaucoup plus de facilité de
diffusion des contenus, mais le contenu doit être produit par quelqu'un.
Le problème, comme je l'explique aujourd'hui, c'est que les
chaînes privées n'ont plus les moyens financiers pour assurer
cette couverture. Je pense qu'ils font un effort considérable
aujourd'hui. Radio-Canada, qui quand même doit faire partie de sa
mission, s'est retirée des régions et les chaînes
privées sont encore présentes avec des moyens financiers qui sont
quand même très limités.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui nous amène à une
autre question. M. Beatty parlait à l'ACRTF lundi et, effectivement, il
disait qu'ensemble on va trouver une solution. Finalement, le ton est là
et c'est valable. On a vu aussi la réaction, que ce soit des directeurs
de certains réseaux radiophoniques ou télévisuels disant:
Nous, une réglementation, s'il vous plaît, pas deux. Et on semble
dire: Oui, à date, on a beaucoup de problèmes; par contre, on
peut peut-être s'organiser ensemble avec le CRTC. Est-ce que c'est
ça qu'on décode ou s'il faudrait aussi un changement majeur au
niveau de la compréhension de notre province - on est ici quand
même pour
parler de notre province - qui pourrait se traduire de façon
très différente que par un CRTC englobant finalement tout le
Canada? Parce que si on se réfère au passé, si on se
réfère aux représentations qu'on a faites, autant comme
annonceurs que comme des gens spécialisés dans la radio, dans la
télévision... Les craintes de ce qui arrive présentement
ont été mises sur la table, je me souviens très bien, en
1984, en 1985 et en 1986. Finalement, on a procédé pareil
à l'émission de nouveaux permis et on se retrouve exactement
à ce qu'on avait prévu. Alors, est-ce qu'il y aurait un
changement majeur au niveau justement de ce contrôle, cette
législation?
M. Chagnon (André): Je crois qu'aujourd'hui ce
problème-là, de tous les nouveaux permis qui ont
été émis depuis trois ans, une nouvelle licence d'une
chaîne de télévision en plus, c'est des étapes qui
ont été franchies et je pense qu'on ne retournera pas facilement
en arrière. Même si on retournait en arrière et qu'on
effaçait ces six licences qui ont été accordées par
le CRTC... je crois que c'est presque irrévocable. On a une protection
temporaire par la langue seulement. Toutes les technologies sont en place. Ce
n'est pas quelque chose dont les gens disent: II y a une nouvelle technologie
qui arrivera dans 5 ans ou dans 10 ans. Elles sont là, ces technologies,
aujourd'hui. Demain, une personne qui va chercher des programmes de
télévision, à cause de la multitude des services qui vont
lui être offerts, elle n'identifiera plus un réseau de
télévision, elle n'identifiera plus un canal de
télévision, mais elle va chercher dans son guide
électronique le type de contenu qu'elle veut obtenir. Par le type de
contenu, par l'acteur, par la période, ça ne se fera plus
à ce moment-là parce que le nombre de contenus doit être
disponible pour elle. Je vais à l'autre extrême, mais
l'extrême n'est pas loin. (11 heures)
Peut-être que, dans 10 ou 15 ans au maximum, avec la technologie
de la fibre optique que tout le monde souhaite mettre en place et qui va
arriver, à ce moment-là, la télévision à la
carte doit être disponible. Mais, télévision à la
carte, il n'y a plus de réseau. Il va y avoir peut-être 200
fournisseurs de contenus, puis un ou deux ou trois réseaux de
télévision locaux ou nationaux. Ils ne sont rien à
l'intérieur de tout ça. La télévision à la
carte dont tout le monde dit qu'elle va arriver avec la fibre optique, vous
choisissez exactement votre contenu et l'heure à laquelle vous voulez le
regarder. Il n'y a plus de réseau de télévision qui existe
dans un modèle semblable. Le réseau américain, ce n'est
rien qu'aujourd'hui, ce qu'il dit. La menace, ils l'avaient voilà 10
ans, mais ils ne l'ont pas senti venir à ce moment-là. Même
s'ils l'avaient vue venir, et ils le sentaient quand même, ils n'avaient
aucun élément technologique pour concurrencer les technologies.
Je pense que Vidéoway - je reviens encore - qui est peut-être un
élément, en tout cas, nous qui sommes propriétaires des
deux sociétés, on croit que
Télé-Métropole... Et on souhaite que Radio-Canada, qui a
un rôle qu'elle commence à jouer de plus en plus important dans
cette télévision interactive, mais surtout on souhaite
intéresser les annonceurs à revenir dans ce médium de
masse qui n'est disponible nulle part ailleurs. Mais, s'il n'y a pas quelque
chose qui se passe par la technologie, la technologie va éliminer les
réseaux de télévision d'ici 10 ou 15 ans. La technologie
va les dépasser complètement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chagnon. Je vais
maintenant permettre au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de
continuer la discussion.
M. Boulerice: M. Chagnon, vous représentez le monde des
communications, autant la ministre que moi-même avons beaucoup
d'intérêt et de préoccupations face à ce dossier.
Quand on parle communications, je me rappelle toujours - et je suis
persuadé que vous vous en rappelez, vous aussi - cette phrase
célèbre et merveilleuse du juge Côté qui avait dit:
Les communications, la voirie de l'intelligence. Aïe! Et quand je regarde
Vidéoway, d'ailleurs, je vois que cette voirie-là se construit
sûrement au Québec. Bon. J'aimerais peut-être en discuter
plus à fond. De tout façon, on a convenu que j'allais chez vous,
qu'on visitait et qu'on en reparlait. Donc, je vais aller directement au
mémoire sur un aspect parce que votre mémoire n'aborde pas cet
aspect, M. Chagnon. Sur la question du rapatriement des responsabilités
fédérales qui est proposé dans le rapport Arpin, est-ce
que, comme groupe majeur du secteur des communications et propriétaire
de Télé-Métropole - d'ailleurs mon voisin à 100
mètres sur le boulevard de Maisonneuve - vous êtes d'accord avec
la recommandation centrale du rapport qui... les pleins pouvoirs en culture? Et
est-ce que vous reconnaissez, qu'à défaut d'avoir les outils
nécessaires en matière de réglementation dans le secteur
de la télévision, le Québec est véritablement
privé d'un élément essentiel et, à mon point de
vue, fondamental pour toute politique culturelle?
M. Chagnon (André): Ce que j'ai mentionné tout
à l'heure, peut-être trop brièvement, mais je pense que
c'est irrévocable que même la juridiction fédérale
ne changera plus grand-chose au dossier. Il y a deux réseaux
parallèles qui se construisent présentement à la grandeur
de l'Amérique du Nord. Le Japon a déjà des avances, trois
ans sur nous. On parle de la fibre optique. Et ça, c'est dans 10 ans que
ça va tout être en place. À ce moment-là, tout va
être à la carte. Comment définir une politique
culturelle?
Est-ce que le Québécois va décider lui-même
ce qu'il veut regarder et quand il veut le regarder?
Le rôle du CRTC va être dépassé par ces
technologies. Le CRTC est préoccupé aujourd'hui, comme vous devez
l'être vous autres aussi. Il y a les satellites qui sont en haut et,
d'ici peu de temps, six mois à un an maximum, ils vont envoyer 80 canaux
de films récents qui vont débuter à toutes les 10 minutes,
que vous pouvez reprendre en tout temps. Toute la flexibilité, quand
vous avez été chercher une cassette dans un club vidéo.
Mais toutes ces technologies-là sont en place. C'est juste la question
de temps, deux ans pour un satellite. Il va tous nous inonder à la fin
du compte. Il n'y a pas de barrière électronique qui va freiner
ça. Les gens vont installer leur petite soucoupe. SKYPIK offre, en vente
présentement, l'équipement nécessaire pour recevoir leur
équipement. C'est développé. Ce n'est pas quelque chose
qui va arriver quelque part dans le temps.
La fibre optique, les deux grands réseaux de
téléphonie et la câblodistribution allongent à ce
moment-là leur réseau. Ils sont en place et la
téléphonie a toujours annoncé: Donnez-nous l'autorisation
de faire du vidéo, on ferait du vidéo "dial tone",
télévision complètement à la carte. Il n'y a plus
de réseau dans le modèle de télévision à la
carte. Vous savez, dans le monde, on a produit, je ne sais pas, 50 000 films.
Bien, vous choisissez quelque part le film qui peut vous intéresser,
à l'instant où vous êtes disponible pour le regarder. Il
n'y a plus de programmation, il n'y a plus de guide écrit comme on
connaît pour des programmes de télévision. Je dis que la
réglementation, le modèle qu'on a connu, aura très peu
d'influence pour les solutions à long terme.
Mme la ministre mentionnait que, voilà 10 ans, on disait aux
radiodiffuseurs: Ça s'en vient, cette fragmentation. Trois grands
réseaux américains ont parti de 85 % dans 10 ans pour tomber
à 48 %, les trois radiodiffuseurs ensemble. C'est considérable.
C'est seulement 10 ans. Puis, les 10 prochaines années, la technologie
va aller encore plus loin.
M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous, M. Chagnon,
qu'effectivement toutes les réglementations existantes vont être
caduques dans peu de temps. C'est un monde qui évolue - on va employer
l'expression - à la vitesse de l'image et du son. Mais, si nous devions
établir des réglementations en nous disant qu'elles ne sont pas
immuables, en fonction des nouveaux contextes que vous nous décrivez,
est-ce que ces réglementations sont des réglementations
fédérales, des réglementations pancanadien-nes ou si
ça devrait être des réglementations
québécoises, c'est-à-dire le contrôle de ces
réglementations-là, de façon à pouvoir servir notre
réalité à nous?
M. Chagnon (André): Je vais essayer de répondre
à votre question en disant que les technologies multiples qui arrivent
sur notre terrain ici, au Québec, vont dépasser les
modèles de réglementation qui ont été
utilisés dans le passé. Je pense que c'est simplement par des
sociétés sur place qui, par des technologies plus
compétitives encore que celles de leurs concur rents, que ce qu'ils vont
apporter, vont réussir à les concurrencer sur leur propre
terrain. Parce que Télé-Métropole ou Vidéotron ou
même Radio-Canada ont une force extraordinaire, ils sont locaux. On peut
faire des choses Ici qui intéres sent nos gens. Et on l'a vu dans notre
programmation. Ça fait que la concurrence étrangère va
rentrer avec tous ses contenus, mais qui ont une valeur nationale ou
internationale. Ceux qui sont ici, au Québec, il faut qu'ils apprennent
à se battre avec des outils plus performants que les leurs et à
mettre en place des contenus qui vont intéresser la population. On voit
nos radiodiffuseurs, le prix qu'on paie présentement, c'est notre
succès. Nos cotes d'écoute sont plus élevées que
n'importe quel autre radiodiffuseur au Canada et même aux
États-Unis, en proportion de notre population. Et demain, j'ai dit, on
va réussir encore si on a une technologie qui est supérieure
à celle de nos concurrents et qui a l'avantage de pouvoir personnaliser
nos services, être locale et offrir une plus grande diversité que
toutes les autres. Et je ne pense plus que c'est par la réglementation
que ça va se produire.
M. Boulerice: D'accord. Sur...
Le Président (M. Doyon): Pardon, M le
député, à moins que vous n'ayez une question en rapport
avec la précédente.
M. Boulerice: Oui, oui, et après ça mon
collègue interviendra. Sur l'importante question du financement de la
télévision, parce qu'elle est en crise, la
télévision, on le sait. À titre de propriétaire de
Télé-Métropole, vous appelez, d'une façon urgente,
des solutions au chapitre du partage de l'assiette publicitaire qui est un
élément essentiel, inévitablement, de la ren
tabilité des télédistributeurs. Votre mémoire parle
de clarifier, et rapidement, la mission de chacun des participants au
système et de procéder aux consolidations qui s'imposent. Est-ce
que vous pourriez peut-être être un petit peu plus explicite sur la
clarification des missions et sur la nature des consolidations que vous
proposez? Parce qu'on ne se le cachera pas, s'il n'y a pas une
télévision qui est en bonne santé, M. Chagnon, est-ce
qu'on peut parler de politique culturelle très claire?
M. Chagnon (André): Les solutions à court terme, on
parlait beaucoup plus... Je vais vous parler de stratégie d'une
politique de la culture
et des arts. On parie plus du moyen et du long terme. Pour le court
terme, les partenaires qui se partagent cette assiette publicitaire, il va
falloir qu'ils développent des stratégies pour rester en
affaires. Bien, là, c'est des négociations. C'est le bon sens,
quelque part, qu'à un moment donné les gens vont dire:
Peut-être qu'il y a intérêt à fusionner certaines
opérations. À date, ce qu'on a vu, c'a été des
coupures budgétaires qu'on voit chez des radiodiffuseurs parce qu'ils ne
réussissent pas à améliorer l'assiette publicitaire qui
leur est disponible et tous les mêmes intervenants sont toujours sur
place. Mais là, c'est les règles du marché qui existent.
Ce n'est plus, je pense, par réglementation, par décision
arbitraire qu'on va enlever des licences. Elles sont accordées. Il y a
peut-être des solutions que je ne connais pas, là. Mais des
décisions ont déjà été rendues et le court
terme va être vital pour la survie de beaucoup de ces
entreprises-là.
M. Boulerlce: D'accord. M. Godin.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président, M. Sauvageau... Pardon,
excusez-moi, M. Chagnon, de Vidéotron, moi, en tant que consommateur de
Vidéotron depuis des années, je vous rends hommage de mettre
à la disposition des Québécois qui sont affamés et
voraces de culture et d'information, aussi bien à l'heure du souper, les
chaînes NBC, ABC et CBS, un peu plus tard le canal 15 qui passe
également par votre réseau. Maintenant, je me souviens
très bien que, quand le groupe Pouliot a acheté CTV, les
concurrents comme vous et le milieu ont dit: Le gâteau est
déjà trop petit, on ne peut pas être cinq, on ne peut pas
être un de plus à table, il n'y aura plus de gâteau pour
personne. On constate aujourd'hui que TQS, comme il s'appelle maintenant, est
toujours là et qu'il nous fournit des nouvelles qui complètent
l'éventail des bulletins d'information que nous avons. Pour un
politicien, c'est important qu'il y en ait le plus possible, de ces genres
d'émissions là.
Votre pessimisme, M. Chagnon, me laisse un peu pantois. On a vu Quatre
Saisons inventer presque un nouveau marché: le marché du comique
avec "Rock et Belles Oreilles", et il est rentré dans le corps de
Radio-Canada, en particulier lors de la fin de l'année, avec le "show"
qu'on appelait "Bye Bye" à Radio-Canada et qui porte un autre nom
à Quatre Saisons, mais il leur a fait mal parce qu'ils n'avaient pas
leur imagination. Je m'étonne qu'un homme d'affaires comme vous et
également un créateur d'un nouveau réseau de
télévision et de nouvelles méthodes d'utilisation dans
ladite télévision soit si inquiet parce que je suis sûr -
je suis sûr, enfin, je présume - qu'il y aurait, au Québec,
un marché pour des émissions émanant des régions.
Mon comté est plein de gens qui viennent de partout dans le
Québec, les Îles-de-la-Madeleine, je me souviens qu'il y en a de
Chicoutimi et d'ailleurs et ils meurent d'envie d'avoir des nouvelles de leur
région. On sait que Radio-Canada, malheureusement, a dû fermer ses
postes régionaux, Radio-Québec aussi, ce qui contredit ce que
j'avance ici, mais je ne suis pas aussi pessimiste que vous. Je continue de
croire qu'une émission constituée de contenu des régions
pourrait attirer une clientèle importante à Montréal et
dans le reste du Québec. C'est pour cette raison que je suis moins
pessimiste que vous et que je suis sûr que, s'il y avait un autre poste
qui venait au monde, comme Quatre Saisons, s'il utilisait ses neurones au
maximum et toutes les ressources imaginables de personnes, de personnel, dans
l'ensemble du Québec, il pourrait survivre comme Quatre Saisons survit
également, à rencontre de toutes les prévisions, un peu
comme le Québec, si vous voulez.
Malgré les journaux, les pronostics, les prophéties, les
prémonitions des historiens et des politiciens anglophones de
l'époque, à Londres, j'entends, notamment Lord Durham, on est
toujours là. Et on veut encore que notre langue survive, même au
prix que ça voudra parce qu'on estime important de ne pas
disparaître comme d'autres groupes francophones en Amérique du
Nord, aussi bien dans la province voisine que dans la Louisiane, qui ont
été bouffés par la masse qui les entoure. Donc, on est
toujours là et je pense que c'est parce qu'on a de l'imagination, c'est
parce qu'on a su utiliser les instruments qu'on avait, notamment cette
Assemblée nationale ci, pour s'installer, faire des racines et se
développer plus, d'ailleurs, et mieux s'équiper que les Catalans
que j'ai visités il n'y a pas longtemps et qui, eux, aimeraient bien
avoir ce que le Québec a. Ils disent dans leur pays: Volen a statute,
nous voulons un statut. Le statut, c'est ce qu'on a ici, nous, à
l'Assemblée nationale, un budget considérable par rapport
à d'autres régions du monde qui sont peut-être autant des
nations que nous-mêmes. (11 h 15)
Donc, avec de l'imagination, je crois qu'il y a encore place autour de
la table pour des gens qui vont, eux aussi, bouffer le gâteau
partiellement. Moi, je suis plutôt un pessimiste de nature. Connaissant
votre intérêt pour tout ce qui est l'avenir, je me permets de vous
suggérer de regarder attentivement autour de vous ce qui peut être
fait pour aller chercher une clientèle neuve, et peut-être
même dont on ignore l'existence présentement. À Quatre
Saisons, ce qui me frappe, c'est qu'ils ont été chercher la
clientèle jeune. Je ne sais pas qui l'avait avant, mais on sait, on
devine et on présume qu'elle est là, à Quatre Saisons,
dans le vaste marché et la vaste clientèle générale
québécoise. Les jeunes ne sont pas à Radio-Canada, ils ne
sont pas non plus,
comme téléspectacteurs, à TVA. Ils sont à
Quatre Saisons. Il y a une clientèle pour d'autres genres de produits
que Quatre Saisons offre déjà. On a vu le très grand
succès de TV5. Je n'ai pas de chiffres par rapport au "rating" ou au
nombre de personnes qui regardent ces émissions-là. Vous avez
décrit - et ça m'impressionne favorablement - que, tôt ou
tard, on aura un catalogue et on appuiera sur un bouton et on pourra voir tel
reportage extraordinaire sur Michel-Ange ou sur les travaux de
réparation du plafond de la chapelle Sixtine, au Vatican,
dépendant de nos intérêts dans la vie ou des recherches que
l'on fait. C'est demain, ça, comme vous avez dit tout à
l'heure...
M. Chagnon (André): Je ne voudrais pas vous laisser
l'impression que, tout à l'heure, il y avait un vent de
créativité ou d'innovation dans les styles de contenus des Guy
Fournier à Quatre Saisons qui ont fait des choses extraordinaires. Mais
tout ça confirme le message que je voulais passer quand même. Je
ne veux pas faire l'autruche. Les talents sont là, les gens peuvent
développer des idées extraordinaires, mais ça prend des
moyens financiers pour réaliser des choses semblables. Quand Jean
Pouliot a laissé aller Guy Fournier avec toutes ses idées et la
qualité des programmes, la diversité des programmes qu'il a mis
en place, ce n'était pas de gaieté de coeur. C'est que,
financièrement, il n'était plus capable de suivre le concept
qu'il avait mis en place. Si l'on regarde depuis six mois, Quatre Saisons a
encore descendu de plusieurs crans sa programmation parce qu'il n'avait pas les
moyens financiers pour continuer. Les talents sont ici au Québec, autant
au niveau de la création, au niveau artistique. C'est simplement qu'il y
avait une préoccupation importante que je voulais exprimer.
Je crois qu'on a une solution. Je ne suis pas pessimiste puisque je suis
toujours actionnaire de Télé-Métropole, je suis aussi
engagé et on va trouver ensemble les solutions. Au Québec, il y a
toujours à faire la preuve qu'il faut être les meilleurs et se
battre avec des outils plus performants encore que ceux de nos concurrents. Je
crois qu'aujourd'hui on peut le réaliser. Vidéoway, pour moi, va
être la solution pour les radiodiffuseurs, pour les annonceurs qui
cherchent des auditoires, mais on a besoin de mettre en place des critiques de
masse. Les gens disent: Encore une fois, on dépasse par notre vision les
réalités économiques du Québec de penser qu'on va
mettre 2 000 000 de foyers québécois interreliés
électroniquement via un vidéoway pour donner cette masse critique
aux annonceurs et aux radiodiffuseurs.
C'est notre projet et on va essayer de se battre avec d'autres
partenaires pour le réaliser. Mais c'est par la technologie qu'on va
concurrencer les nouvelles technologies. Il y aura de la place pour les Quatre
Saisons, encore, à ce moment-là. Mais, aujourd'hui, la
technologie ne nous permet pas de rapatrier les revenus nécessaires
parce qu'elle n'est pas implantée en masse présentement pour
aller chercher les revenus nécessaires pour réaliser tous les
projets que vous venez de décrire qui étaient d'excellents
programmes. Ne vous en faites pas, nos créateurs québécois
en ont beaucoup encore de disponibles, mais c'est pour des
réalités économiques qu'ils ne sont pas
diffusés.
M. Boulerice: II y a vacance du pouvoir, pour l'instant.
M. Chagnon (André): Pardon?
M. Boulerice: Je dis: II y a vacance du pouvoir, là.
M. Godin: Est-ce qu'il y a un putsch?
M. Boulerice: II y a un putsch. Je me permettrai de demander au
Président, in absentia, si je ne pourrais pas poser une dernière
et petite question a M. Chagnon. M. Chagnon, je suis câblé.
M. Godin: Je n'ai pas terminé.
M. Boulerice: Ah, vous n'aviez pas terminé, je
m'excuse.
M. Godin: M. Eltsine, s'il vous plaît. Est-ce que je
peux...
Le Président (M. Gobé): Oui, je vous en prie.
J'étais en train de prendre des notes parce que j'avais mol-même
une petite question à poser, mais je pense que M. le
député de...
M. Godin: Pour terminer mon intervention, comme vous disiez tout
à l'heure, M. Chagnon, il y a assez de talent au Québec pour que
nous ne soyons jamais pris au dépourvu en ce qui concerne l'avenir. Moi,
je crois fondamentalement, vu mon métier et vu ce que j'observe depuis
des années, que, dans les domaines de la Constitution et de la
création, je peux vous dire que, si le Québec est encore
là, ce n'est pas à cause des "pousseux de crayon"
constitutionnels, c'est à cause des créateurs, des talents qui
sont passés par ici, créateurs techniques, créateurs en
peinture, en littérature, en théâtre, etc. C'est une source
inépuisable, c'est un filon inépuisable. La
télévision, d'ailleurs, l'a utilisé abondamment, sciemment
et avec succès.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. Ça a presque terminé le
temps...
M. Godin: J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de
Sainte-Marie-Saint-Jacques avait fait signe qu'il voulait intervenir.
Rapidement.
M. Boulerice: Une très, très brève question
à M. Chagnon, parce que je n'ai jamais eu la réponse, à
moins qu'elle n'ait été là et que je ne l'aie pas vue. Je
vous disais que suis câblé, comme la très grande
majorité des Québécois. Je vois PBS, je vois le 33, le 57,
mais j'ai été cruellement déçu de ne plus voir TV
Ontario, la télévision française de l'Ontario, qui
était une chaîne extrêmement intéressante. On en est
venu là comment?
M. Chagnon (André): Ça a été une
décision encore économique, suite à une décision du
gouvernement fédéral sur les droits d'auteur qui force les
câblodistributeurs - indirectement par leurs abonnés, mais ce
n'est pas des frais qui sont chargés aux abonnés - à
transférer aux États-Unis 80 % de ces droits d'auteur. Les
coûts pour acheminer le signal de TV Ontario au Québec... Il y
avait des coûts qui étaient tellement élevés pour
nous, à cause de cette loi. Mais ça a été TV
Ontario seulement. Ça aurait été possible, pour nous, de
le réaliser, mais c'est toutes les chaînes américaines qui
sont transportées simultanément qui apportaient des coûts
élevés. Ce sont tous des revenus de la câblodis-tribution
qui étaient déplacés vers les États-Unis, par cette
réglementation sur la retransmission des signaux éloignés.
C'est cette réglementation qui nous a forcés à retirer TV
Ontario. TV Ontario avait un autre problème particulier, c'est qu'il ne
souhaitait pas être distribué au Québec parce qu'il ne
voulait pas payer des droits supplémentaires, des droits d'auteur des
contenus qu'il achetait ou qu'il produisait lui-même. S'il devait
reconnaître publiquement que ses signaux étaient vendus au
Québec parce qu'il en retirait des revenus, il devait payer des frais
supplémentaires, et il ne le souhaitait pas. C'est toujours des
questions économiques qui reviennent, des fois.
M. Boulerice: Et des conflits de juridiction. D'accord, je vous
remercie beaucoup, M. Chagnon.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vu qu'on a
dépassé juste un petit peu... Je vois M. le député
de Saint-Hyacinthe qui me fait des signes. Sur le même sujet, M. le
député?
M. Messier: Oui, quant à parier de nos émissions
préférées.
Le Président (M. Gobé): Rapidement, en terminant.
Mais c'est intéressant, comme sujet, je pense.
M. Messier: Oui. Quant à parler de nos émissions
préférées, j'ai hâte de voir
Télé-Métropole prendre à son compte
l'émission "Sortir..." qui était animée par Mme Schneider.
Je pense que c'était une émission culturelle très
dynamique. J'ai hâte de revoir cette émission-là.
J'espère que vous allez la reprendre à votre compte.
Le Président (M. Gobé): Tout le monde ayant fait sa
programmation pour l'année...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Pour votre grille horaire, vous pouvez nous
consulter.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Vous pourrez en faire une
publicité, comme quoi l'Assemblée nationale a agréé
et recommande votre nouvelle programmation.
M. Boulerice: Pour dire comme les Français, on sponsorise
Télé-Métropole.
Le Président (M. Gobé): C'est cela, absolument.
Avant de terminer, Mme la ministre, peut-être un petit mot de
remerciement? Une conclusion?
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Chagnon, d'ailleurs un gros,
gros merci. Je pense que votre présentation nous a
éclairés, d'une part, parce qu'effectivement la création a
toujours sa place et le Québécois réagit fortement
à ce qui est d'ici, qui lui parle. Les cotes d'écoute, de toute
façon, démontrent cet engouement des Québécois vers
leur contenu québécois. Mais il ne faut quand même pas
minimiser aussi l'apport de la technologie. Ce que vous nous dites en disant:
II va falloir vraiment plus regarder les contenus qu'une réglementation
telle qu'on la connaît, mais vraiment plus mettre l'accent sur les
contenus, ça porte énormément à réflexion.
Ceci dit, vous pouvez dire à M. Chamberland que nous sommes ici des
futurs directeurs de la programmation, on peut l'aider. Merci, M. Chagnon.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. Merci, M. Chagnon. Ceci met fin à votre intervention.
M. Chagnon (André): Je pourrais peut-être, en
terminant, inviter, comme je l'ai déjà fait, inviter...
Le Président (M. Gobé): Si vous nous annoncez la
programmation, allez-y.
M. Chagnon (André): Oui. Je vais prendre note de vos
conseils. Mais si les membres de la commission souhaitaient voir une
démonstration
do tous les services Vidéoway actuels, mais surtout tout ce qui
est à venir prochainement, parce que, vous l'avez souligné tout
à l'heure, vous voyez juste la pointe de l'iceberg aujourd'hui, je pense
que vous seriez tous bienvenus. Ça nous fera plaisir de vous recevoir et
de vous donner tout le temps nécessaire.
Le Président (M. Gobé): Avec plaisir. Vous n'aurez
qu'à nous faire parvenir une petite invitation, et il nous fera plaisir
d'aller vous visiter. Merci, M. Chagnon.
M. Chagnon (André): Au revoir.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant
suspendre une minute, le temps d'accueillir le groupe suivant. Donc, la
commission suspend...
M. Boulerice: On va suspendre deux minutes pour des raisons
humanitaires.
Le Président (M. Gobé): Deux minutes, à la
demande de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et sur
consensus général. La séance est suspendue.
(Suspension de la séance à 11 h 26)
(Reprise à 11 h 29)
Le Président (M. Gobé): J'invite maintenant les
représentants du groupe du Soleil à bien vouloir prendre place.
C'est le groupe. Est-ce que c'est le Cirque ou le groupe?
M. David (Jean): M. le Président, c'est le groupe du
Soleil. Mais le groupe du Soleil, c'est notamment les productions du Cirque du
Soleil.
Le Président (M. Gobé): Très bien. Je
comprends, M. Jean David, que vous êtes le vice-président?
M. David: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, bienvenue
parmi nous.
M. David: Bonjour, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Une petite mise en garde
avant de commencer. Les travaux de la commission devront aller assez vite
maintenant, car nous sommes un peu en retard sur notre temps. Alors, je vous
demanderais, sans plus tarder, de faire votre présentation.
Après, nous dialoguerons avec Mme la ministre pour une dizaine de
minutes et avec notre collègue de l'Opposition pour, lui aussi, une
dizaine de minutes. Vous avez la parole, M. David.
Groupe du Soleil
M. David: Merci beaucoup. Premièrement, je voudrais
excuser l'absence de Guy Laliberté, notre président fondateur,
qui aurait bien aimé être ici aujourd'hui pour vous rencontrer et
vous faire part de nos réflexions sur le rapport Arpln. Malheureusement,
Guy est à l'étranger, pour faire changement un petit peu chez
nous. Donc, effectivement, je me présente. Mon nom est Jean David. Je
suis le vice-président communications marketing du Cirque du Soleil. Je
suis au Cirque du Soleil depuis les tout débuts, soit 1984. Le Cirque du
Soleil est une entreprise culturelle qui est née dans le cadre des
célébrations 1534-1984. À ce moment-là, nous avions
déposé un projet qui était de rendre itinérante une
fête foraine qui se déroulait, à l'époque, à
Baie-Saint-Paul, à 60 kilomètres d'ici à peu près.
Le Commissariat général nous avait accordé un contrat, si
vous voulez, d'à peu près 1 500 000 $.
Depuis, le Cirque du Soleil a évolué
énormément. Il s'est développé, il a pris beaucoup
d'expansion. D'une petite entreprise de 1 500 000 $, en 1984, alors que nous
étions avec à peu près 40 employés qui
étaient presque tous des surnuméraires, aujourd'hui, le Cirque du
Soleil, en 1991, a un chiffre d'affaires d'à peu près 22 000 000
$ et emploie à peu près 160 personnes, employés
permanents.
En 1984, le Cirque du Soleil recevait des subventions du gouvernement
pour une valeur d'à peu près 95 % de son budget
d'opération. Aujourd'hui, ces subventions représentent de 2,5 %
à 3 % de son budget d'opération. Le Cirque du Soleil s'est
produit, depuis 1984, dans les plus grandes villes nord-américaines. Je
vous passerai la nomenclature de ces villes-là. On s'est produit
également à Londres et à Paris, l'année
dernière. Nous venons également de parapher une entente avec un
groupe de presse japonais pour la présentation d'un superspectacle dans
les huit plus grandes villes japonaises, l'année prochaine. Ce qui veut
dire qu'en 1992 le Cirque du Soleil comptera donc, à ce
moment-là, 270 employés permanents.
La moyenne d'âge des employés au Cirque du Soleil, si c'est
Important pour vous, est d'à peu près 25 ans. Donc, les 160
personnes qui travaillent chez nous, la moyenne d'âge est à peu
près ça, 25 ans. C'était, en 1984, et c'est encore,
à mon avis, une entreprise jeunesse. Je suis un des plus vieux. Vous me
permettrez mes cheveux gris. C'est avec le temps que ça vient, et les
tournées.
Pour entrer rapidement dans le rapport Arpin, disons que, très
simplement, nous apprécions et nous sommes d'accord avec le souhait que
l'État québécois reconnaisse que la culture constitue une
dimension fondamentale de notre société au même titre que
l'économique et le social. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec
cette affirmation. Dans le même sens aussi, nous
mettons en question quand même... H y a certains aspects dans le
rapport sur lesquels nous nous posons certaines questions. Notamment, le fait
qu'il semble, dans le rapport, se dégager et qu'on mette l'emphase
beaucoup plus sur ce qu'on peut appeler la grande culture, soit les
musées, les bibliothèques, la musique symphoni-que, le ballet et
le théâtre.
À notre avis, il semble négliger des arts du type
plutôt populaire, soit la musique populaire, le film, le cirque comme tel
ainsi que les arts de la rue. Ça ne nous semble pas vraiment
présent. On a noté une certaine approche qui est empreinte de
dirigisme, une approche qui semble un peu bureaucratique de ce que doit
être la culture. Nous voudrions vous rappeler que la culture
québécoise est, avant tout, la propriété des
Québécois, premièrement, et que l'activité
culturelle est avant tout le fait de ses artisans, de ses créateurs et
de ses producteurs. Elle est également le reflet de la population. C'est
elle qui décide finalement ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, comme
M. Chagnon vous l'expliquait tout à l'heure, le "zlp-zap".
C'est enfin, quant à nous, l'approche générale du
rapport qui semble privilégier l'activité des Institutions
publiques et parapubli-ques. Il ne semble pas transparaître du rapport,
si vous voulez, la reconnaissance, notamment, du rôle crucial de
l'entrepreneurship, la contribution importante des entreprises privées,
leur place prédominante dans certains secteurs de la culture au
Québec et le besoin souvent très différent de ceux des
institutions.
Le Cirque du Soleil, nous avons nous-mêmes pris conscience
très rapidement que nous sommes une entreprise culturelle et le mot
"entreprise" a un sens qui est très réel, si vous voulez. C'est
ce qui a fait en sorte que nous avons pu mettre le pied dans la porte de
certains grands concours. Nous avons gagné notamment le Mercure de
l'entreprise de services en 1988 et nous avons été nommés
PME de l'année par l'Association des commissaires industriels du
Québec. On a littéralement mis le pied dans la porte de ce
qu'était la notion d'entreprise, de PME, d'économie et de gestion
de façon générale. On trouvait que c'était
important, qu'il fallait déborder, si vous voulez. La culture, c'est les
affaires quelque part aussi.
Ce que nous souhaitons finalement, par rapport au rapport Arpin surtout,
c'est qu'on reconnaisse de plein droit le domaine du cirque et ses
particularités au Québec dans l'ensemble de la culture, que le
cirque soit reconnu de plein droit, donc par la politique culturelle, que soit
reconnu également l'entrepreneurship qui prévaut actuellement et
qui a toujours prévalu. Disons que, sur un plan historique, on a fait
l'histoire. Donc, reconnaître cet entrepreneurship qui, pour nous, est
très important. Au même titre, reconnaître aussi le
caractère unique de ce qu'est devenu le domaine du cirque au
Québec, comme il n'existe à peu près nulle part ailleurs,
et qu'il n'existe pas, entre autres, au Canada.
De façon générale, nous sommes d'accord
également sur le fait qu'il faut soutenir le développement du
domaine du cirque au Québec. Entre autres, le rapport Arpin parle de
favoriser de façon générale la création. Nous
croyons qu'il devrait exister des programmes d'aide à la création
et qu'il faudrait rendre ces programmes accessibles aux entreprises et non pas
seulement à des créateurs isolés. C'est très
important pour les créateurs d'avoir accès à des
programmes de cet ordre, mais, pour les entreprises, c'est également
très important. Nous avons des besoins à ce chapitre. "Que les
activités des industries culturelles soient considérées,
aux fins de l'aide gouvernementale, au même titre que les
activités de recherche-développement qui
bénéficient de l'aide gouvernementale dans les domaines comme la
santé, l'éducation ou le design industriel". Nous sommes
parfaitement d'accord avec cette affirmation. Ce qu'on appelle le "R & D",
chez nous, c'est un aspect extrêmement important. On doit investir en
recherche et développement pour au moins 500 000 $ par année, si
vous voulez, au Cirque du Soleil, et ça, depuis plusieurs années.
C'est extrêmement important chez nous, c'est ce qui nous permet de
pouvoir innover. Cette recherche et ce développement se font tant au
niveau des talents qu'au niveau des techniques et même de la
formation.
Ce que nous souhaiterions, c'est que cette nouvelle politique culturelle
du Québec contribue à assurer la stabilité des
entreprises. C'est un facteur extrêmement important si on veut qu'elles
réussissent. Avant tout, si vous voulez, créer un environnement
économique qui soit favorable à leur développement, c'est
extrêmement important. Notamment, développer des programmes d'aide
financière qui reconnaissent concrètement la
nécessité d'investissements à moyen et à long
terme, donc d'investissements où on n'attend pas toujours une
rentabilité immédiate; la nécessité pour
l'État également de se considérer comme un partenaire qui
participe réellement aux risques aux côtés de l'entreprise
privée, parfois; que la majeure partie de l'activité de certaines
entreprises ayant atteint une certaine taille, comme c'est le cas pour le
Cirque du Soeil, se déroule forcément sur des marchés
étrangers.
Ce sont des particularités, si vous voulez, qui appellent des
considérations particulières quand vient le temps
d'étudier, en tout cas, finalement, de créer des programmes
d'aide ou de support à ces entreprises-là. En ce qui a trait
à la notion de favoriser l'activité internationale des
entreprises, nous sommes parfaitement d'accord. Dans le domaine du cirque,
notamment, nous en sommes un bon exemple, je crois.
Chez nous, il y a une notion qui est très importante, cette
notion de globalisation des
marchés dont tout le monde parie depuis plusieurs années.
On a compris un peu ce que c'était. On s'est dit: II y a une ouverture
qui est là. La terre de M. Chagnon qui est toute... 'The electronic
survival society", vous me pardonnerez l'expression anglaise. Tout est
interrelié, tout est interconnecté et il y a de la place pour -
effectivement, on parlait de contenu tout à l'heure - quelque chose qui
peut se véhiculer à travers tout ça.
Au Cirque du Soleil, nous, on considère que c'est
extrêmement important d'avoir des programmes d'aide qui soient
spécifiques à l'exportation des produits culturels
québécois. Il faut penser également à des
programmes d'investissement qui ont des portées à court, moyen et
long terme. La notion de risque, ici, entre en ligne de compte. Je vous
rappellerai qu'en 1987, lorsque nous avons fait notre entrée sur le
marché américain à Los Angeles, nous avons risqué 3
000 000 $. C'était un peu une espèce de quitte ou double,
ça passait ou ça cassait. Heureusement, ça a
passé.
Au même titre, au niveau de l'exportation des produits culturels,
il y a une notion de cible. Vous savez, il y a des besoins qui existent dans
les marchés extérieurs et nous, on a des produits d'ici qui sont
là. On aurait intérêt, je pense, ensemble, à mieux
cibler ces produits culturels qui sont appelés à être
exportés. Également, nous souhaitons utile de favoriser la
participation d'entreprises comme le Cirque du Soleil aux missions commerciales
générales d'entreprises québécoises à
l'étranger. Jamais au grand jamais quelqu'un ne nous a appelés,
ne nous a envoyé une lettre pour nous demander: Est-ce que vous seriez
intéressés à aller en Russie avec nous, il y a une
délégation commerciale qui part? Seriez-vous
intéressés à aller en Chine? Seriez-vous
intéressés à aller en Bulgarie, en Pologne, ou en
Angleterre?
Pourtant, ce sont des pays où nous avons des liens, des relations
et même, parfois, des opérations. Jamais personne ne nous a
appelés pour nous demander ça. Pourquoi? Parce qu'on est de la
culture, nous. On est quelque chose, quelque part, qui est mal défini,
qui est mal reconnu, je pense. Pourtant, nous sommes surtout et avant tout une
entreprise. Donc, il y a plus d'une dizaine de pays à travers le monde,
certains dont vous seriez surpris... Si je vous parlais de Cuba, entre autres,
on a d'excellentes relations avec Cuba. On prépare des trucs, on
prépare le futur, si vous voulez .
Quand on pense à la notion d'exportation, exporter des produits
culturels québécois, je peux vous dire qu'au Cirque du Soleil,
avec un chiffre d'affaires de 22 000 000 $, il y a 90 % de ce budget
d'opération qui provient de l'exportation. On considère que oui,
c'est vrai, le produit culturel québécois est exportable. Il y a
un marché pour ça.
Au même titre, également, il y a la notion de renforcer un
peu, si vous voulez, les délégations du Québec à
l'étranger. Elles font déjà un travail fantastique et
extraordinaire. C'est grâce à la délégation du
Québec à Los Angeles que nous avons pu être mis en contact
avec les gens du Los Angeles Festival à l'époque, mais il reste
quand même qu'il y a un petit effort à faire, je crois, de
conscientisation de ces gens-là au niveau du rôle, de ce que les
entreprises culturelles peuvent attendre d'eux par rapport à ce
marché qui est là.
Je peux vous dire que quand on arrive dans une ville
nord-américaine ou dans n'importe quelle ville à travers le
monde, qu'on arrive dans un bureau du Québec ou dans un consulat
canadien, si vous me permettez, souvent on nous présente le
représentant et l'attaché culturel. Bon, après deux
minutes, on dit: Merci beaucoup, nous voudrions rencontrer l'attaché qui
s'occupe des questions économiques. Cette personne-là est
intéressante, cette personne-là a des contacts. Elle
connaît le marché, elle connaît les leaders d'opinion,
finalement, qui sont là. Ce qui nous intéresse, c'est aussi de
parler à des chefs d'entreprise dans ces marchés-là.
Pourquoi? Parce qu'on a à créer, on a à construire, on a
à vendre.
Nous souhaitons également favoriser le développement de la
compétence professionnelle dans le domaine du cirque. Vous savez, le
Cirque du Soleil est devenu, avec les années, un des leaders mondiaux.
Nous sommes une espèce de référence, si vous voulez, sur
la planète, en ce qui a trait à ce qu'est maintenant le cirque,
comment est-ce qu'on doit le concevoir. À ce chapitre-là, la
demande est extrêmement forte.
Vous êtes au courant, nous allons au Japon l'année
prochaine. Nous sommes également en négociation pour retourner
sur le marché européen en 1992. La demande est extrêmement
forte On a besoin de ressources, vous savez. Une des questions que la
population, les gens, les médias nous posent tout le temps: Est-ce que
vous avez toujours au moins 50 % de contenu québécois ou
canadien? On se force. Vous savez, on travaille fort pour former des gens, pour
être capable d'avoir effectivement au moins ces 50 % de contenu, mais
c'est extrêmement difficile. Il y a une pénurie d'emplois dans le
domaine des arts de la rue et des arts du cirque actuellement à
Montréal.
Donc, favoriser le développement de la compétence
professionnelle et ce, autant au niveau artistique, si vous voulez, qu'au
niveau de la gestion, qu'au niveau de la production. Bien sûr, la notion
de cirque, comme telle, les arts du cirque demandent une espèce de
formation spécialisée. Par tradition, chez nous, c'est une
entreprise-jeunesse, nous avons été à même de former
énormément de gens à l'intérieur même de
l'entreprise.
Il y a l'École nationale de cirque également qui a une
vocation qui est très particulière.
Quant à nous, l'École nationale de cirque doit tenter de
répondre prioritairement aux besoins du milieu québécois
du cirque. Elle doit donc élaborer, à notre avis, ses programmes
et ses activités en concertation avec le milieu. La reconnaissance de
l'École nationale de cirque par le gouvernement doit s'accompagner de
moyens adéquats afin qu'elle soit réellement en mesure de remplir
sa mission. Enfin, nous croyons également que l'École nationale
de cirque ne suffit pas à combler l'ensemble des besoins divers de
formation dans le domaine du cirque au Québec. Une politique
conséquente de formation devra également favoriser la formation
en milieu de travail. Vous savez, comme principal employeur de ce qui se passe
dans le domaine du cirque au Québec et au Canada, nous savons exactement
ce dont le marché a besoin. Mais l'École nationale de cirque a
une vocation qui lui est propre. C'est une institution à part
entière qui est autonome et qui a sa propre mission. Nous respectons
cette mission-là, sauf que nous avons des besoins qui sont beaucoup plus
spécifiques, plus pointus, si vous voulez, en matière de
formation.
Nous sommes d'accord également pour favoriser l'accès aux
productions québécoises dans le domaine du cirque, favoriser
l'initiation de la jeunesse aux productions culturelles de façon
générale. Vous savez, on parle d'accessibilité, donc
rendre la culture, de façon générale, accessible à
cette jeunesse-là, donc mettre en place différents programmes
pour faciliter cette accessibilité-là, soit que les spectacles se
rendent en région, se rendent dans les écoles, qu'il y ait une
espèce de...
Il y a un problème de communication en ce qui a trait à la
culture et au monde de l'éducation, si vous voulez mon avis. Il n'y a
pas d'interrelation. La culture et les jeunes, c'est la musique, c'est la
radio, ce sont les médias électroniques qui sont là et qui
occupent tout le champ de la communication. Mais la culture, c'est beaucoup
plus que ça. D'après moi, il faut ouvrir cette notion de culture,
il faut l'élargir. Par rapport à la jeunesse, il y a une notion
de relève qui est extrêmement importante. Je vais vous faire un
aveu. Quant à moi, mon opinion, c'est que la plus grande richesse
naturelle du Québec, ce n'est pas les pâtes et papiers, ce n'est
pas l'hydroélectricité, c'est la jeunesse. Ce que vous faites
aujourd'hui, vous essayez de penser à ce qui s'en vient, à ce que
sera la génération future. Rappelez-vous toujours que c'est ce
que vous faites, finalement. Vous pensez à essayer de construire quelque
chose pour ces gens-là... M. le Président.
Le Président (M. Gobé): M. David, votre temps est
maintenant écoulé...
M. David: J'achève.
Le Président (M. Gobé): ... si vous voulez
rapidement conclure. Après, vous pourrez continuer la discussion avec
Mme la ministre. (11 h 45)
M. David: Je vais rapidement conclure. Je vais sauter
peut-être au... Le rôle de l'État, etc., je le passe sous
silence, vous lirez le rapport à ce sujet-là. Ce qui
m'intéresse le plus, c'est par rapport au financement. Nous demeurons
convaincus qu'une des façons les plus efficaces de soutenir la
consommation de spectacles, première source de financement de la
production et, en même temps, de faciliter l'accessibilité du
domaine culturel, c'est d'éliminer l'ensemble des taxes affectant le
spectacle, soit la taxe d'amusement, la TPS fédérale et la TVQ du
Québec.
Vous savez, le Québec se targue de vouloir être une
société distincte en Amérique du Nord. Le fait
français, c'est ici qu'il est généré, c'est d'ici
qu'il rayonne. Eh bien, oui, le Québec est effectivement une
société distincte dans le domaine culturel. Les produits
culturels québécois sont les plus taxés en Amérique
du Nord. Il semble que ça coûte cher, être une
société distincte, c'est peut-être le prix qu'il faut
payer. Il y a toujours des prix à payer un peu dans tout ça,
mais, quant à nous, c'est absolument aberrant.
De même, au niveau des mécanismes fiscaux, il en a
été question déjà dans le domaine du film, vous
savez, il y a moyen, quant à nous, d'inventer des mécanismes
fiscaux. Je sais qu'il y a des cadres supérieurs au gouvernement, il y a
des actuaires, des économistes qui seraient heureux, d'après moi,
de penser à des structures qui seraient plus adaptées, qui
seraient plus performantes en termes d'avantages qui pourraient être
offerts aux entreprises ou aux individus pour soutenir la culture de
façon générale.
Aussi, en ce qui a trait à la commandite... Vous savez que la
commandite fait un rôle extraordinaire, elle aide effectivement les
entreprises. Mais la commandite a tendance, si vous voulez... Vous
négociez avec des vice-présidents en marketing quand vous faites
de la commandite avec des entreprises privées. Ces gens-là vous
demandent des comptes, finalement, vous avez des comptes à rendre en ce
qui a trait à la performance des investissements qui sont faits chez
vous. Ça peut avoir des incidences au niveau de la culture, en termes de
contenu culturel. Il y a un article dans le Wall Street Journal, qui va
paraître bientôt, où on s'interroge actuellement sur le fait
que les dons, notamment les dons faits par les grandes entreprises, qui
étaient auparavant remis aux entreprises culturelles, aux grandes
institutions, vont maintenant pour le sida, les hôpitaux,
l'éducation parce qu'il y a des besoins réels et que, maintenant,
les grandes entreprises culturelles sont obligées de négocier
avec les vice-présidents en marketing.
Le Président (M. Gobé): M. David, nous allons
maintenant passer à l'autre partie.
M. David: Oui, je m'excuse si j'ai été un peu long,
j'ai essayé de...
Le Président (M. Gobé): Non, non, je vous en prie,
c'était d'ailleurs fortement intéressant.
M. David: Pourtant, vous savez, notre truc, je le trouve
très bref...
Le Président (M. Gobé): Non, non, j'ai
trouvé ça extrêmement intéressant et personne, ni
d'un côté ni de l'autre, n'a demandé à vous
interrompre. Donc, j'ai laissé aller les travaux sauf que, maintenant,
on doit quand même rentrer dans le cadre. Mme la ministre des Affaires
culturelles, pour une période de 10 minutes, tel que nous en avons
convenu.
Mme Frulla-Hébert: Ça nous fait plaisir de vous
accueillir ici. D'ailleurs, je voudrais vous féliciter pour la
qualité de votre mémoire et, aussi, effectivement, pour la
performance exceptionnelle du Cirque du Soleil depuis sa fondation. Vous avez
parlé d'être, et avec raison, de grands ambassadeurs culturels,
des grands ambassadeurs du Québec, dans le fond, au niveau international
puisque votre rayonnement déborde. D'ailleurs, on en a fait grandement
mention lors de votre entente avec un gros commanditaire pour retourner au
Japon.
Il y a des choses, par contre, que j'aimerais éclaircir et qui
m'ont peut-être un peu surprise. Votre organisation, vous
bénéficiez quand même d'une très grande croissance.
Je pense que vous allez passer de 160 à 200 employés d'ici l'an
prochain; ça mérite d'être souligné. Votre souci de
garder un minimum de 50 % de caractère québécois, ou
québécois et canadien, mérite aussi d'être
souligné.
Au cours des dernières années, vous avez reçu du
gouvernement des subventions qui s'élèvent à 2 400 000 $
et la SOGIC vous a accordé des garanties de prêts de l'ordre de 3
300 000 $ en 1991. Mais, d'un autre côté, dans votre
mémoire, vous dites que les programmes actuels du MAC sont un obstacle
à votre développement. Je vais vous dire que j'ai un peu de
difficulté avec ça. Je comprends que les programmes ne sont
peut-être pas adéquats. Vous me dites qu'il y a des choses
à faire au niveau du cirque, de l'acceptabilité du cirque.
Ça, je suis d'accord avec vous. Mais, on a quand même
contribué au développement du Cirque du Soleil, pas seul
évidemment, mais on a quand même été un artisan
aussi, j'ose croire, un peu important de votre développement. D'un autre
côté, vous dites: Bien, là, vous nous empêchez en
termes de développement... J'ai de la misère à concilier
les deux.
M. David: Mme la ministre, je pense qu'il faut lire ici que nous
ne parlons pas du ministère des Affaires culturelles, nous parlons de
façon générale. Vous savez quand... Je crois que c'est par
rapport au fait qu'on peut cogner à certaines portes parfois et,
à ces portes-là, les gens ne savent pas trop trop comment leur
programme peut s'insérer dans une entreprise ou dans un projet culturel.
On ne fait pas état spécifiquement, si vous voulez, du
ministère des Affaires culturelles du Québec. Je ne le mets pas
du tout en cause, je ne veux pas que vous puissiez interpréter que vous
êtes un obstacle à notre développement. Au contraire, le
ministère des Affaires culturelles a effectivement collaboré
grandement, et collabore toujours, d'ailleurs, à ce
développement-là. C'est strictement que l'ensemble des portes sur
lesquelles il faut cogner, par exemple, qui sont offertes... Parfois, il y a
des programmes qui sont plus ou moins clairs par rapport, si vous voulez,
à des besoins spécifiques qu'on peut avoir, mais pas le
ministère des Affaires culturelles comme tel, je ne peux pas vous...
Mme Frulla-Hébert: Vous avez lu vous aussi au niveau du
rapport Arpin, par exemple, le dirigisme et la fonctionnarisation. Quand on
parle aux intervenants - comme vous, nous on l'a reçu - on
s'aperçoit que la volonté, c'est justement l'inverse. Il va
falloir parler ensemble de ce que certains qualifient de saupoudrage -
ça, je mets ça de côté - mais, au niveau du
dirigisme et de la fonctionnarisation, j'aimerais savoir un peu pourquoi vous
avez senti ça, vous autres, dans votre entreprise?
M. David: Dans le rapport? C'est peut être à cause
du langage, vous savez. Il faut comprendre qu'on est des gens qui sont
très simples, des entrepreneurs, des gens qui ont les mains dedans
à tous les jours. Bon, il y a certains concepts avec lesquels on ne se
promène pas tout le temps. Le rapport Arpin semble faire
l'échafaudage, si vous voulez, d'une superstructure de quelque part qui
serait un superministère de la Culture et ça me semble
énorme. Ça semble un peu français en termes, l'image qu'on
peut en avoir. Ce n'est pas toujours intéressant, c'est un peu
péjoratif finalement.
Mme Frulla-Hébert: D'accord.
M. David: C'est dans ce sens-là qu'on a l'impression qu'H
y a une Immense bureaucratie qui va se mettre en place pour évaluer
finalement des projets et collaborer à des entreprises, ce qui n'est pas
le cas actuellement, ce qui n'existe pas. L'espèce de qualificatifs qui
ont pu être employés de façon générale, ils
sont strictement de par, je dirais, l'inconnu qui est mis en relief. Vous
savez, on se dit: Ça peut aller loin. Jusqu'où ça peut
aller? Quand un État décide de
grossir et de se fonctionnariser encore plus, bien, écoutez, le
passé ne nous dit pas que c'est quelque chose d'intéressant.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau de l'internationalisation,
par exemple, vous avez été très, très actifs sur la
scène internationale. Vous avez risqué, comme vous l'avez
mentionné tantôt, vous avez gagné le pari du risque, mais
de quelle façon? Je comprends, vous dites que, dans les
émissions, on devrait y être présent, etc. C'est une
excellente suggestion. D'ailleurs, le rapport Arpin en fait part. Mais est-ce
qu'il y a autre chose qui, en termes de soutien, pourrait aider les
entreprises? Ce que je sens - dites-moi si j'ai tort - c'est qu'on est
très près... Il semblerait, en tout cas, qu'on est près
des individus, on aide. Il y en a qui vont dire que ce n'est pas assez, mais,
quand même, on essaie d'être près. Je sens qu'au niveau des
entreprises il y a peut-être une espèce de frein, une
espèce d'éloigne-ment, là. Est-ce que j'ai raison de
penser ça? Au niveau de l'internationalisation, par exemple, est-ce que
ça se reflète au niveau de l'appui qu'on peut vous donner sur la
scène internationale?
M. David: Sûrement qu'il y a moyen de ...
Nous-mêmes... je peux vous dire qu'on se promène dans certaines
villes et qu'on voit des opportunités, des opportunités
d'affaires pour des produits culturels québécois. On les voit
passer. On voit des gens, des contacts, des leaders finalement dans les
milieux. On a l'impression parfois que telle troupe de théâtre qui
fait un truc qui serait exportable, s'ils étaient au courant de
ça, s'ils pouvaient leur parler, négocier, entreprendre une
discussion finalement, ils y auraient possiblement accès.
Il y a un support qui est là, à donner. Effectivement, au
niveau des délégations du Québec, il y a peut-être
moyen, je dirais, d'actualiser, de raviver un peu la notion de culture,
d'attaché culturel et d'attaché économique; les deux
devraient être mariés. L'attaché économique,
souvent, il n'a aucune idée, lui, qu'il peut aussi faire du lobbying
pour des entreprises culturelles. D'après moi, il faudrait raviver et
ranimer un peu ce qui se passe à ce niveau-là. C'est un des
meilleurs outils actuels qui existent. Je peux vous le dire parce qu'on
travaille beaucoup avec eux. Ils nous donnent un grand coup de main. On essaie
également de les aider dans leur travail au même titre. C'est un
des meilleurs outils, à ce stade-ci, qui existent.
Encore là, il y aurait lieu d'avoir une meilleure connaissance de
chacun des marchés. On pense à l'Europe de 1992, on abolit les
barrières tarifaires, mais il y a encore des barrières qui
restent; ce sont des barrières culturelles dans l'Europe de 1992.
Comment est-ce qu'on fait pour sauter par-dessus ces
barrières-là? Ça demande une réflexion, ça
demande des gens, ça demande des spécialistes, ça deman-
de des gens qui font de la mise en marché, notamment.
Mme Frulla-Hébert: Une autre question, aussi. On parlait
tantôt du fameux saupoudrage. Est-ce que le rôle qu'on devrait
avoir au niveau du gouvernement - vous l'avez vécu, vous - est-ce que
notre rôle devrait être un rôle d'appui, d'aide, de soutien
pour que les entreprises démarrent? Autant dans votre cas qu'au niveau
du Festival de jazz, par exemple, qu'au niveau du Festival juste pour rire,
notre proportion est faible par rapport à ce que les entreprises
maintenant bien connues peuvent aller chercher dans le marché. Donc, on
se retrouve à donner peut-être 5 %, 6 %. Est-ce que ce ne serait
pas mieux pour nous, à ce moment-là, de dire: Bien, là,
vous y allez, vous êtes capables d'y aller seuls. Donc, les 300 000 $
qu'on peut vous donner... Compte tenu des ressources, on va vous fournir des
ressources, comme vous dites, on va vous donner de l'appui au niveau
international, mais cet argent-là, on va le prendre et on va essayer
d'en faire démarrer d'autres ou d'en appuyer d'autres qui en ont le plus
grand besoin.
M. David: Oui, j'aime beaucoup votre question. Vous savez,
l'argent que vous nous donnez, que les autres ministères nous donnent,
il a des buts spécifiques, une fonction spécifique. Cette
fonction-là, chez vous, notamment, c'est beaucoup la formation, la
recherche et le développement. C'est là qu'on l'investit, parce
qu'on pense que c'est une donnée importante. Alors, à ce
moment-là, si vous ne le faites plus, il faudra que quelqu'un d'autre le
fasse. Nous sommes d'accord, si vous voulez, sur le principe de dire: Oui, on
peut envisager effectivement... on doit probablement envisager une
profitabilité qui fera qu'un jour, possiblement, on sera totalement
autonomes. Mais je pense qu'il y a encore du travail à faire, il y a un
chemin encore... Il faut traverser la rivière, je pense, il faut le
faire tous ensemble. Comme je vous le dis, l'argent est utilisé à
des fins spécifiques.
Il y a, par exemple, beaucoup plus que votre rôle. Votre
rôle a toujours été très important jusqu'à
date. Ce que, moi, j'aimerais voir comme rôle, c'est le rôle des
entreprises privées du Québec, des grandes entreprises et des PME
qui s'impliquent dans des entreprises culturelles, qui financent des projets
des entreprises culturelles, qu'elles fassent du saupoudrage dans leur
région, dans leur milieu. Pour ça, ça prendrait certaines
mesures fiscales pour les aider. Elles pourraient bien vous remplacer, à
ce moment-là. Elles pourraient prendre la relève dans bien des
choses. Mais il faut les encourager, il faut leur donner des mesures, quelque
chose, quelque chose qui soit un peu plus créatif que ce qu'on a pu voir
à date.
Mme Frulla-Hébert: Parfait! Brièvement,
parce que nous avons des représentants du monde de
l'éducation... Vous avez touché ça aussi en disant que
l'éducation - et ça va revenir, ça revient tous les jours
- semble, finalement, s'être éloignée. Oui, on montre aux
enfants: Veux, veux pas, tu apprends la musique selon cette façon.
Même si l'enfant n'aime pas ça, c'est ça pareil. Mais, tout
l'apprentissage culturel, il semble que ça manque maintenant.
Même, on va le voir dans le mémoire aussi, je pense qu'on en fait
aussi un constat. Mais vous, comme entreprise - qui est différente,
c'est frais, c'est différent, vous le mentionnez, vous aussi -
pouvez-vous juste élaborer là-dessus brièvement?
M. David: Oui, certainement. L'idée, c'est de rendre
accessible, d'élargir la notion de culture, si vous voulez, et de la
rendre accessible le plus possible. Entre autres, dans les écoles,
intégrer certains programmes à ce qui existe actuellement
à l'intérieur des commissions scolaires et, strictement, avoir
une meilleure communication de ce qu'est la culture, une meilleure diffusion,
comme telle, à l'intérieur même de ces
institutions-là, chez les jeunes, pour essayer de faire naître un
intérêt.
Vous savez, la relève dans le domaine culturel, il faut que
quelqu'un la prenne. Pour ça, pour prendre la relève, c'est
là que ça commence, dans le milieu. Quand vous regardez les gens
qui sont les dirigeants des grands festivals ou des grandes entreprises
culturelles d'aujourd'hui, ce sont tous des gens qui étaient hyperactifs
au cégep, au secondaire. C'étaient eux qui menaient le bal. Ils
organisaient tous les congrès, tous les "parties", tous les festivals,
toutes les danses et tout ce que vous voulez. Ce sont eux qui faisaient
ça, puis c'est vrai.
Qui est-ce qui fait ça maintenant, dans les cégeps et dans
les commissions scolaires? Cherchez-les! C'est mort, et ce sont les parents qui
vous disent ça. Oisons que ce n'est pas autant effervescent que
ça l'a déjà été. Il y a quelque chose qui ne
se passe pas. Il faudrait que ça se passe un peu, c'est là que
ça commence. L'avenir, c'est là qu'il se construit, ce n'est pas
ici. Dans le fond, c'est là que ça se passe. Alors, il faudrait
peut-être les regarder plus attentivement, jeter un coup d'oeil. Comment
est-ce qu'on peut les encourager, les aider? Ils ont une tête sur les
épaules. L'idée, c'est: Quels sont les moyens qu'on peut leur
fournir pour qu'ils s'en servent littéralement pour créer des
choses, innover, s'intéresser, aller au-delà? (12 heures)
Vous savez - je vais faire un aparté - on forme des
comédiens dans les conservatoires. Une chose qu'on ne leur montre pas,
par exemple, c'est comment s'administrer, comment se prendre en main. Quand ils
sortent de là, ils veulent jouer. Eh! Mon Dieu! Ils tombent bas.
Ça fait mal souvent. Il y en a beaucoup qui se ramassent sur le
bien-être social pendant longtemps avant d'en arriver à quelque
chose. Il faut qu'ils apprennent à se prendre en main, à se
mettre sur le marché. Ça, la mise en marché et le
théâtre, mon Dieu que ça a l'air loin. Mais, d'après
moi, en tout cas, ce genre de choses doit être fait.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Salnte-Marie-Saint-
Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition, vous avez la parole.
M. Boulerice: M. David, je m'en voudrais de ne pas vous
féliciter pour cette tournée au Japon qui vient de se
concrétiser. On vous décrivait comme ambassadeur. Je pense que le
terme n'est pas exagéré, sauf que, c'est bien entendu, je
souhaiterais qu'au lieu de vous donner uniquement des lettres de créance
on vous donne certaines traites bancaires aussi. Mais ça, on y
reviendra, au financement.
J'ai aimé, dans votre mémoire, que vous incluiez la notion
de culture populaire. Je vous avoue que, depuis les six ans que j'assume cette
fonction de porte-parole de l'Opposition pour les arts et la culture, j'ai
toujours été un peu agacé par le côté
superélitlsme et cette espèce de dédain à peine
camouflé qu'on peut avoir de certaines manifestations culturelles qui ne
se font pas en smoking ou sous de grands candélabres. Alors, à ce
moment-là, ça a une petite connotation. Je pense qu'il
était temps que quelqu'un le dise de façon ouverte et vous lavez
fait. Ça, je vous en félicite.
Quant aux autres éléments qui sont con tenus dans votre
mémoire, vous parlez des difficultés. C'est quoi les
difficultés particulières quant aux modalités de soutien
de la part de l'État dans le domaine très spécifique du
cirque?
M. David: Les difficultés qu'on peut avoir, finalement,
ça a pu être ou ça peut être, à la limite, de
reconnaître certains besoins. Vous savez, il y a des choses qu'on
voudrait faire, mais qu'on ne peut pas faire, que ce soit... Notamment, on a
des besoins qui sont énormes au niveau de la formation, j'en parlais
tout à l'heure. C'est un problème extraordinaire chez nous
actuellement parce que la demande est tellement forte et on refuse des
demandes. À tous les jours, je suis là, à mon bureau, en
train de dire: Non, je m'excuse; non, je m'excuse; non, je m'excuse. Pourquoi?
Parce qu'on n'a pas de ressources.
On n'a pas de ressources humaines, on n'a pas les bons techniciens que
ça nous prendrait parce qu'on les occupe, nous autres,
déjà à temps plein. On n'a pas les bons artistes, on n'a
pas les bons gestionnaires non plus parce qu'ils ne sont pas formés. Les
gens qui postulent des
emplois chez nous, on dirait qu'ils arrivent de "nowhere". Ils
rêvent tous un peu de venir travailler chez nous.
Entre autres, la formation est probablement un des aspects qui est le
plus crucial, je dirais, à ce niveau-là parce qu'il y a une
multitude d'opportunités économiques qui existent actuellement
à travers le monde, qu'on pourrait saisir, mais qu'on ne peut pas. IBM
me demande un spectacle particulier pour une présentation
particulière à Orlando au mois de mars, j'ai fait la même
chose pour Apple à un moment donné. On a des demandes de ce
type-là d'un peu partout, mais on ne sait pas à qui
référer ça. Il n'y a personne qui fait ça. Donc, il
y a des besoins qui sont là, mais qui ne sont pas comblés, si
vous voulez.
On a, nous, dans le passé et encore aujourd'hui, accès
à des programmes qui sont là. On les a construits, entre autres,
avec le ministère des Affaires culturelles. On a établi à
l'arraché, finalement, notre reconnaissance. Il y a des programmes qui
sont là et qu'on utilise. Mais, d'après moi, il y en a d'autres
aussi qui pourraient être créés pour répondre
à des besoins qui sont, comme ça, plus spécifiques. Que ce
soit au niveau de l'exportation... Vous savez, c'est le ministère des
Affaires internationales qui nous supporte le plus au niveau de l'exportation,
ils ont des programmes spécifiques, c'est leur job, c'est leur vocation,
c'est leur mission. Donc, chacun a sa mission. On a mis le pied dans la porte,
nous, au ministère de l'Industrie et du Commerce, on a vraiment mis le
pied dans la porte. Ils nous ont reconnu comme étant une entreprise
d'exportation. J'en suis fier, merci beaucoup. Je vais peut-être pouvoir
envisager l'accès à certains de leurs programmes, mais là
je commence à avoir accès à certains de leurs services.
Ils nous appellent plus régulièrement, ils nous invitent à
des trucs qu'ils font, quelque chose qu'ils n'avaient jamais fait dans le
passé. Jamais, une entreprise culturelle ne serait allée
là.
M. Boulerice: Ça représente effectivement une
avenue intéressante. Vous avez parlé des possibilités
réelles sur la scène internationale. Vous avez fait allusion
à l'aide de certains ministères, le ministère des Affaires
internationales...
M. David: Oui.
M. Boulerice: ...Industrie et Commerce qui, forcément, a
un volet commerce extérieur...
M. David: Le Tourisme également.
M. Boulerice: Le Tourisme, effectivement.
Mais, si on parlait de véritables programmes d'aide à
l'exportation adaptés à vos besoins, ils seraient comment, ces
programmes-là?
M. David: Vous me posez une grande question, M. le
député. Je ne vous dirai pas comment ils seraient. Je ne peux pas
vous répondre, je pense qu'il faudrait qu'on s'assoie puis qu'on en
discute. Il y a aussi d'autres gens chez nous qui participent au
développement de l'entreprise. Il y a plusieurs facettes, si vous
voulez. C'est une notion de mise en marché, finalement. Il faut trouver
un réceptable où il faut se produire. Il y a une structure
d'accueil à mettre en place. À ce moment-là, il faut
également avoir le bon produit qui peut aller au bon endroit. C'est
toute la chaîne de production qui est en cause à ce moment-ci.
Alors, comment est-ce que vous pouvez le mieux... quel serait peut-être
le programme idéal? Je pense que ça demanderait qu'on s'y penche
un peu plus sérieusement.
M. Boulerice: Vous avez beaucoup insisté au niveau de la
formation. Je pense que c'est capital dans ce domaine. Vous souhaitez
qu'au-delà de l'École nationale de cirque on favorise la
formation en milieu de travail, ce qui implique une concertation, d'une part,
avec l'école, ça va de soi, les cirques québécois
et le ministère. On peut l'envisager selon quelle modalité, cette
concertation nécessaire?
M. David: Bien, il y a certains programmes qui existent au
fédéral, je crois, ceux qui ont rapport à la
pénurie d'emplois, Emploi et Immigration, je pense, avec qui on en fait
actuellement. C'est plus, je dirais, en fonction des ressources. Quand vous
regardez le bassin de chômeurs qu'il y a en ville, par exemple, puis que
vous regardez l'intérêt que ces gens-là pourraient avoir,
qu'ils pourraient avoir, entre autres, à se recycler, puis quand vous
regardez les besoins qui vont exister sur le marché, il y a
peut-être un pas à faire entre ce chômage ou ce
bien-être social et, finalement, un produit fini qui se trouve à
être à l'intérieur d'une production comme telle.
Nous, on le fait, si vous voulez, on fait de la sélection
spécifique. On va chercher des individus qui sont soit sur le
chômage ou qui vendent des chaussures chez Bâta, au mail Champlain,
mais qui sont des anciens médaillés olympiques du Canada, vous
savez, les gymnastes, entres autres, des choses comme ça. On les prend
et on leur dit: Aimerais-tu ça faire du cirque? Tu pourrais être
un vrai gymnaste, puis tu vas donner 300 représentations par
année, tu vas gagner tant d'argent par année. Tu vas vivre une
aventure unique. Ils embarquent. Mais, nous autres, on paie pour ces
programmes-là, vous savez. Donc, on les prend dans un certain milieu. On
les forme, on les encadre, on leur donne une formation spécifique, et on
les intègre à des productions qu'on envoie sur le
marché.
Ce qu'on fait quand on signe avec le Japon puis qu'on essaie d'ouvrir
encore plus au niveau
de l'Europe, c'est d'essayer de leur garder des emplois qui vont
être... Au lieu de les engager pour deux ans, c'est de les engager pour
quatre ou six ans. C'est ça qu'on veut, leur créer un avenir
aussi. Après, ce sont les autres cirques dans le monde qui viennent les
chercher parce qu'ils sont devenus bons. Puis, ils ont un avenir.
M. Boulerice: Mme Blackburn, et je reviendrai.
Le Président (M. Gobé): Madame. Mme Blackburn:
Oui, très brièvement.
Le Président (M. Gobé): II reste quelques minutes,
d'ailleurs.
Mme Blackburn: En matière de formation professionnelle, il
y a un programme fiscal qui prévoit des crédits d'impôt
à la formation professionnelle pour l'entreprise. Est-ce que votre
entreprise est admissible à ce programme?
M. David: Je ne sais pas, madame, je ne peux pas vous
répondre. Je ne connais pas la nature exacte du programme. Je ne connais
pas les conditions d'éligibilité au programme. Je ne sais pas,
peut-être. Je suis certain que vous allez m'envoyer les formules
puis...
Mme Blackburn: II faudrait voir. C'est parce que je ne sais pas
si vous êtes admissible. Je sais que l'industrie de la construction en
est exclue. À présent, est-ce que les industries culturelles sont
accessibles?
Mme Frulla-Hébert: Elles ne sont pas exclues.
Mme Blackburn: Non? Parce qu'il faudrait peut-être voir.
C'est peut-être un manque d'information, à un moment
donné.
M. David: Vous savez, si les industries de la construction sont
exclues, nous autres, chez nous, il y a des électriciens, des soudeurs,
des plombiers, des menuisiers. Ça, j'en ai plein aussi comme
employés permanents. Ça fait que là, si je suis
exclu...
Mme Blackburn: Mais, là, on n'entend pas industries de la
construction dans ce sens-là. Ce sont vraiment des constructions
d'immeubles...
M. David: Des grosses comme des buildings. Je construis juste des
chapiteaux, madame.
Mme Blackburn: II faudrait voir, de toute façon...
M. David: Ça m'intéresse.
Mme Blackburn: Oui? Il me semble que ça devrait vous
intéresser.
M. David: Tout nous intéresse, vous savez. Mme
Blackburn: D'accord!
M. David: Non, c'est vrai, il existe quand même une
réalité. C'est que, nous autres, on a découvert, avec le
temps... On a fait l'inventaire d'à peu près tout ce qu'on
pouvait... Tout ce qui existait, on est rentré dedans. Il y a un
programme? On y va, on en a besoin, ça va nous aider, ça, on en a
besoin. On s'est aperçu que les gens étaient ouverts, ils
étaient intéressés. Puis, plus on a acquis une
notoriété qui était grande, plus ils étaient
intéressés encore. Il y en a qui nous appellent, même.
Mme Blackburn: II y a également des programmes de soutien
à la recherche. On ne dit pas qu'ils fonctionnent bien. On a
déjà eu de longs débats là-dessus. Mais, comme vous
parliez tout à l'heure de recherche - parce qu'il faut qu'il se fasse de
la recherche dans votre secteur aussi - est-ce que vous avez regardé de
ce côté-là aussi? Généralement, ils ne sont
pas très généreux. Tous les gouvernements,
indépendamment des gouvernements, ont quelque chose comme un
préjugé quand on parle de formation professionnelle et de
recherche dans vos milieux. Ce serait peut-être une piste à
explorer éventuellement.
M. David: Quand on parle de recherche également dans notre
milieu, ça, c'est encore pire, madame.
Mme Blackburn: C'est ça, la recherche, c'est encore pire.
Je suis certaine, je vois les gens qui examinent un projet de recherche dans
vos milieux, ce n'est pas évident.
M. David: Non, vous savez, il faut aller à Venise... Ce
n'est pas évident.
Mme Blackburn: Ça ne doit pas être
évident.
Le Président (M. Gobé): Madame, cela met
malheureusement fin à la période d'intervention.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion. Très rapidement, s'il vous
plaît!
M. Boulerice: Je vais profiter de la conclusion pour dire
à M. David que, moi qui demande à la ministre d'accorder les sous
nécessaires à un Incubateur culturel au niveau du centre-sud et
du Plateau-Mont-Royal, le plus bel
exemple qui pouvait se présenter devant nous, c'est le Cirque du
Soleil avec ses 160 employés. Donc, c'est la preuve qu'on peut
créer des emplois dans le domaine de la culture à un coût
beaucoup moindre que dans les alumineries.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, M. David, merci pour
votre présence. Il faut quand même le dire et le rappeler aux
députés que nous avons été très très
présents dans le développement de cette entreprise. Où
vous avez raison, c'est que l'entreprise culturelle c'est 65 000 emplois, 3 900
000 $ et on ne le répétera pas assez souvent. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. David, ceci met fin à votre intervention. Sans plus tarder, je
demanderai à la Fédération des cégeps de prendre
place. Je ne suspendrai pas les travaux pour ce faire car nous sommes
déjà en retard.
Si je comprends bien, la Fédération des cégeps est
représentée par M. Gaétan Boucher, directeur
général, Claude Boily, directeur général du
cégep de Saint-Laurent et M. Richard Drolet, directeur des services aux
étudiants. Est-ce exact?
Fédération des cégeps
M. Boily (Claude): M. Drolet, à ma droite, M. le
Président, et M. Boucher, à ma gauche. Je suis M. Boily.
Le Président (M. Gobé): M. Boily, c'est vous qui
allez faire la présentation?
M. Boily: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, sans plus tarder, si
vous voulez commencer, car nous sommes déjà un peu en retard.
M. Boily: Je vais essayer de gérer mon temps pour
faciliter la gestion de votre propre temps.
Le Président (M. Gobé): Merci, vous êtes
très aimable.
M. Boily: Comme je sais que vous avez lu le mémoire avec
suffisamment d'attention, pour nous permettre de nous faire entendre ce matin,
je tracerai très brièvement trois des problématiques que
nous avons soulevées suite à la lecture du rapport Arpin. Nous
avons décidé, M. le Président, de traiter le rapport Arpin
comme un objet important qui nous interpellait au niveau d'une réflexion
de notre rôle comme éducateurs au niveau collégial par
rapport à la culture et aux arts dans notre province.
Cette interpellation nous a amenés à une autocritique qui
met en valeur tant nos forces que des faiblesses aussi du système que
nous n'avons pas peur de mettre sur la table. Les forces du système
collégial sont d'abord d'être et de constituer pour le
Québec un acteur culturel important. Le choix du gouvernement de
disséminer à travers la province 46 institutions d'enseignement
collégial fait en sorte que partout dans les régions du
Québec, tout autant à Montréal que dans la ville de
Québec, se retrouvent des institutions qui ont souvent été
le moteur de développement culturel par croyance et par presque
substitution à des non-choix que des municipalités du temps ont
pu faire. C'est ainsi que dans les régions du Québec on a
retrouvé des salles culturelles, on a retrouvé du
théâtre, on a retrouvé sur le plan formel des institutions
qui ont bien servi la culture des citoyens. Ça, pour l'extérieur
de l'institution. À l'intérieur de nos institutions, les
collèges, il existe depuis fort longtemps une vie culturelle intense qui
a, comme le soulignait notre prédécesseur, permis à des
gens de développer des talents particuliers. Depuis quelques
années, on doit reconnaître que le ministère de
l'Enseignement supérieur, qui est notre bailleur de fonds, a reconnu en
standardisant un certain nombre de subventions cette réalité en
subventionnant, par exemple, le Festival de la danse, le Festival de la
musique, le Festival du théâtre, le Cégep en spectacle,
mais cela, après quelques années de débats où un
certain nombre de personnes ont pu se questionner sur la mission que les
collèges avaient dans le domaine culturel.
Il nous apparaît que la mission première des institutions
demeure une mission d'enseignement mais que, par ailleurs, nos milieux de vie
avec 130 000 jeunes et autant d'adultes, un nombre considérable
d'adultes qui sont présents, ne peuvent faire abstraction de la
réalité culturelle et artistique. À ce titre, les
cégeps affirment leur présence comme outil nécessaire de
développement de la culture au Québec, maintiennent leur
rôle actif, mais supportent l'idée du rapport Arpin, entre autres,
que mandat soit donné aux municipalités d'activer et de prendre
en charge l'animation culturelle de leurs citoyens. (12 h 15)
Nous ne voulons pas nous débarrasser d'un rôle que nous
avons joué jusqu'à ce jour, mais bien le partager avec les
municipalités qui, à nos yeux, nous apparaissent l'organisme qui
devrait prendre en charge cette responsabilité d'animation culturelle
des citoyens. Notre expertise et notre vécu pourront être utiles
et ce que nous disons aux membres de la commission, c'est que, si jamais une
municipalité, pour des raisons qui lui sont propres - et je n'entre pas
dans le champ du financement - décidait de ne pas jouer ce rôle de
prendre en charge l'animation culturelle et artistique de ses citoyens, et
qu'un
cégep se substituait en maintenant cette animation, il devrait
à ce moment-là, à tout le moins, être admissible au
financement du ministère des Affaires culturelles, ce qui n'est pas le
cas puisque, généralement, étant sous les fonds,
étant en fait... D'ailleurs, comme bailleur de fonds, le MESS... Nous
nous voyons refuser des subventions du ministère des Affaires
culturelles, et avec une certaine logique qui dit que, déjà, le
gouvernement investit au-delà de 1 000 000 000 $ dans les cégeps.
Alors, normalement, les fonds devraient suffire. C'est lorsque nous
dépassons la mission première de l'institution, non pas par
rapport a notre population interne, mais par rapport à la population
externe de nos collèges, que nous avons des problèmes de
financement.
Quant à la réalité culturelle de nos propres
élèves, de nos propres étudiants, elle est bien sûr
une réalité qu'il faut maintenir, et je dirais même
accroître, puisque de là va partir l'intérêt pour la
culture et les arts de nos citoyens de demain. Un problème majeur que
nous rencontrons à ce sujet, et nous l'avons souligné dans le
rapport lorsque nous parlons d'amateurs, de réseaux amateurs, le
Cégep en spectacle, les festivals collégiens, musique, art,
danse, théâtre et le reste, c'est la difficulté d'obtenir
des subventions pour que ce réseau amateur puisse faire appel à
des professionnels. C'est-à-dire qu'on peut, jusqu'à un certain
point, financer une opération x qui est une opération amateur,
tel un festival de danse ou un festival de théâtre, mais, lorsque
arrive le moment de défrayer les coûts des professionnels,
artistes ou comédiens, nous ne sommes admissibles à aucun
programme, de sorte qu'il y a deux solutions qui sont envisagées.
Malheureusement, celle qui est la plus fréquente, c'est celle qui fait
appel à la bourse des étudiants. Ils sont déjà
très pauvres et, par leurs frais afférents, ils viennent
contribuer à payer ou défrayer une partie des professionnels qui
viennent apporter leur expertise. La deuxième solution serait d'avoir un
programme qui nous permettrait de financer les professionnels qui viennent
aider le réseau amateur des collèges. C'est dans la même
ligne que le domaine des municipalités. À ce moment-la, il
faudrait que le ministère des Affaires culturelles nous reconnaisse
comme admissibles, même si nous sommes en éducation, à ce
type de programme-là.
Le rapport Arpin, à notre point de vue, a balayé
rapidement le phénomène de l'intercul-turel. Il est bien
sûr que pour les collèges de la région de Montréal
plus particulièrement, et pour le Québec en
général, nous parlons de 1 000 000 d'individus qui ne sont pas
nés au Québec. Parler de culture et ne pas parler de 20 % de
notre population et de stratégies à mettre en place pour que la
véritable intégration de ces gens qui nous viennent d'ailleurs
puisse se faire en faveur de la culture québécoise, en faveur de
la société d'accueil, c'est, à mon point de vue, laisser
un grand trou dans une politique qui veut parler de culture. Nous sommes
ouverts, avec l'expertise qui se développe graduellement, tant dans les
commissions scolaires que dans les collèges où, dans certains, le
pourcentage de néo-Québécois atteint 30 %, à
partager cette expertise et à aider le ministère des Affaires
culturelles à développer des stratégies à cet
effet.
Nous avons un problème particulier avec les métiers d'art.
Nous avons deux écoles de métiers d'art affiliées à
des collèges et la difficulté de perfectionnement - Mme Blackburn
parlait tout à l'heure de crédit d'impôt et de programme de
formation CFP et MMSR - nous avons là un cas typique de gens qui ne sont
pas admissibles à ce type de programme pour la simple raison qu'ils se
retrouvent souvent seuls comme artisans dans leur métier. Or, tous ces
programmes sont faits pour des ensembles, des groupes, des
agglomérations d'individus et, conséquemment, ils sont
laissés pour compte. Une fois que la formation initiale a
été donnée en termes de métier, ils sont
laissés pour compte. C'est comme s'ils n'avaient pas à se
maintenir à la fine pointe de leur métier en ayant accès
à du recyclage et du perfectionnement. Il y a là une carence qui,
à mon point de vue, devrait être corrigée pour permettre
aux artisans de pouvoir se maintenir à jour et éviter ce qu'on
vit actuellement, même la disparition de certains métiers d'art,
ce qui, à notre point de vue, est une perte importante pour la culture
québécoise.
Les programmes généraux, les programmes professionnels,
les programmes de métiers d'art. En regardant le rapport Arpin, nous
nous sommes questionnés sur la tendance que semble indiquer le rapport
Arpin par rapport à un choix que devrait faire l'État entre les
écoles nationales et l'enseignement professionnel, dans le domaine du
théâtre, par exemple. La question est posée. Notre
réponse n'est pas de dire: favoriser l'un au détriment de
l'autre, mais peut-être assurer une meilleure concertation pour
éviter, s'il y a lieu, des dédoublements, préciser le
mandat et les fonctions de chacun des niveaux pour la formation des artistes et
des comédiens. Nous croyons sincèrement que les collèges
ont leur place dans l'enseignement professionnel, mais nous sommes ouverts
à regarder si cette place devrait être modifiée pour tenir
davantage compte du rôle que doivent jouer les écoles nationales.
C'est pourquoi nous recommandons une concertation interministérielle qui
permettra de faire des échanges avec le secteur de
l'éducation.
En dernier lieu, M. le Président, le message est très
clair dans le rapport Arpin et nous sommes d'accord avec ce message que la
culture et les arts, ça part de l'école. C'est l'école
élémentaire, l'école secondaire, pour ne pas parler des
collèges et des universités, qui doivent asseoir ce goût,
cette richesse et cette attraction des citoyens de demain pour le
phénomène
artistique, pour les problèmes et les réalisations
artistiques et culturelles.
Dans les 20 dernières années, on doit reconnaître
à notre corps défendant que, parfois, nous avons adopté
l'attitude "sans sciences pures, pas de salut". Il est peut-être temps,
dans la lignée et la foulée du rapport Arpin, de
réaffirmer l'importance fondamentale des programmes des arts et des
programmes culturels et artistiques. Il est peut-être temps de porter le
message à nos étudiants que ce n'est pas un échec de ne
pas avoir réussi Maths 534, que ce n'est pas un échec de vie si
on est fort du côté de la créativité et des sciences
humaines, il est peut-être temps qu'avec le secondaire on puisse remettre
en valeur l'importance des programmes culturels et artistiques. Sans le faire
au détriment de l'importance du génie, des sciences comptables ou
des sciences pures, le faire au moins de façon équilibrée
pour reconnaître qu'une société a besoin de
créateurs, tant du côté de la recherche et de la
technologie que du côté de la culture et des arts. Alors, nous
nous Interpellons à cet effet-là et nous sommes heureux d'en
faire partager le souci aux membres de la commission.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Boily. Nous
allons maintenant passer à la période d'échange avec Mme
la ministre des Affaires culturelles pour une période de dix
minutes.
Mme Frulla-Hébert: D'abord, bienvenue, M. Boucher, M.
Boily, M. Drolet. M. Boily, je ne peux pas m'empêcher de vous dire que
vous devez faire quelque chose de bien au collège de Saint-Laurent
puisque mon fils, qui n'est pas le plus grand studieux en ville, est chez vous
pour la première année et que je le vois étudier a la
bibliothèque. Alors, je vous écoute parler et je me dis: Bon,
bien coudon, ça doit influencer en quelque part. Ce que je vais faire,
si vous me le permettez, M. le Président, à la demande de la
députée de Chlcoutimi, je vais lui passer la parole parce qu'elle
semble avoir un engagement à 12 h 30. Je reviendrai ensuite, si vous le
voulez bien et si vous me le permettez.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je remercie Mme la ministre. J'ai effectivement un
engagement, c'est un dîner officiel. Ils sont un peu plus difficiles
à arriver en retard. Je salue avec plaisir les représentants de
la Fédération des cégeps. Comme on le sait tous, c'est un
milieu que je connais assez bien. L'analyse que fait M. Boily sur l'importance
de l'enseignement des arts est partagée par plusieurs pays dans le
monde, parmi les plus prospères, qui établissent un rapport
direct entre l'enseignement et la pratique d'une discipline artistique et la
créativité dans tous les autres secteurs d'activité, y
compris au travail. Alors, où la recherche et les sciences sont
très avancées, généralement, il y a de solides
programmes de formation offerts dans les différentes disciplines
artistiques dans les écoles. Évidemment, ça va de soi que,
si vous offrez dans vos écoles les différentes disciplines
artistiques, vous allez par voie de conséquence vous créer ce que
j'appellerais une clientèle pour ces disciplines parce qu'elles
développent le goût d'aller voir des spectacles et d'y participer
à l'occasion.
Vous rappelez avec justesse la place et l'importance des cégeps
comme lieu d'animation et de formation. J'ai été
étonnée également au moment où j'ai lu le rapport
Arpin de ne pas le retrouver, d'autant plus que M. Arpin est issu de ce milieu.
J'ai été surprise qu'il ne se soit pas rappelé un peu de
son passé.
Vous faites un certain nombre de propositions. Vous dites que les
municipalités devraient être un lieu de coordination - en page 9
de votre mémoire - et ça revient souvent. D'ailleurs, ça
revient dans le rapport Arpin. Je pense qu'il va falloir qu'on parle...
Tantôt, il est certain que les municipalités vont nous en parler
du partage de l'assiette fiscale. Dans vos recommandations 11, 12, 13, 14 et 15
qui touchent un peu, beaucoup, la coordination et ces lieux qui devraient
être parties à cette coordination, est-ce que vous croyez que la
municipalité puisse devenir coordonateur, une espèce de
rassembleur entre les écoles, les collèges, le centre culturel
local, les bibliothèques, ainsi de suite? Est-ce que c'est la
municipalité qui devrait prendre le leadership en ces
matières?
M. Boily: À cela, je répondrai - peut-être
que mon collègue d'Édouard-Montpetit, M. Drolet, pourra ajouter -
que, dans un premier temps, les municipalités devront se mettre en
position d'accepter ce mandat recommandé si le gouvernement et le
ministère de la culture, tel qu'il serait créé, les
mandataient à cet effet. Il m'apparaît que c'est un
véritable effort de concertation. Je répondrais en deux points.
Là où certaines municipalités ont déjà pris
une forme d'initiative, elles devraient maintenir et garder cette initiative.
Le rôle des collèges serait - là où ce n'est pas le
cas - de susciter la prise en charge par la municipalité, mais elle
devrait être plutôt un acteur en concertation que le leader du
dossier. Il m'apparaît que la municipalité, dans ses assises et
ses responsabilités envers les citoyens, devrait être le leader de
ce dossier-là, les collèges, bien sûr, demeurant
maîtres d'oeuvre par rapport à leur clientèle interne dont
ils ont la responsabilité première, mais devenant un peu des
ressources et une expertise pour la municipalité, pour la
réalisation de son mandat.
M. Drolet, qui vit à Longueuil une expérience - le
cégep Édouard-Montpetit, ville de Longueuil - pourrait
peut-être élaborer là-dessus brièvement.
M. Drolet (Richard): Je voudrais simplement signaler que je pense
que ça devrait être un leadership partagé respectant les
compétences de chacun. Je voudrais illustrer ça d'une
façon concrète. Lundi soir, à la ville de Longueuil, il y
avait le vernissage de son concours Les Lauréats, qui est un
succès. Si jamais vous venez dans la région, je vous invite
à venir voir cette magnifique exposition. Elle est le résultat de
la collaboration du ministère des Affaires culturelles avec la ville et
le cégep. L'exposition a lieu dans le foyer du Théâtre de
la Ville, et c'est à l'intérieur du collège. Alors, je
trouve que nous sommes en train d'inventer une nouvelle forme de collaboration.
Ce qui m'apparaît important et ce que je veux dire... La culture,
à mon avis, c'est par contact que ça se passe et, si vous me
permettez, je vous dirais même par contagion. L'expérience que
j'ai auprès des étudiants, c'est qu'ils sont prêts a
embarquer dans beaucoup de choses, mais il y a une chose qu'ils veulent avoir,
c'est un simple principe élémentaire de pédagogie, c'est
l'exemple. Les programmes qui réussissent au collège, c'est quand
les étudiants se rendent compte que les éducateurs, les
administrateurs sont motivés; les étudiants embarquent. S'ils
sentent que, dans un projet particulier, on est moins fervent, ils reculent.
Là-dessus, on pourrait vous illustrer ça juste par rapport aux
frais afférents que le collège a doublés il y a quelques
années. On a essayé de convaincre les étudiants qu'ils
devaient apprendre à investir dans leur éducation et dans leur
culture. Alors, par rapport à ça, je pense que c'est un
leadership qui doit être partagé et il y a des choses à
développer, à inventer. (12 h 30)
Mme Blackburn: Bien. Vous faites une confession en disant que
vous avez peut-être un peu trop facilement emprunté le pas aux
tendances générales qui voudraient qu'on mette l'accent davantage
sur la formation en sciences en vous disant: II faudrait qu'on fasse plus de
place à l'enseignement des arts. Est-ce que c'est encore possible, dans
le curriculum des programmes actuels, de faire une place additionnelle à
l'enseignement des arts et chez vous, au cégep de Saint-Laurent? Parce
qu'il y a une longue tradition, une longue tradition d'enseignement, de
formation et d'animation dans les arts de la scène, en particulier le
théâtre. Et ça date du collège de Saint-Laurent qui
est devenu le cégep de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a encore beaucoup
de place faite à cette... Est-ce que cette tradition est toujours
très vivante et est-ce qu'il y a de la place dans le curriculum des
programmes pour faire de l'enseignement un peu plus dans ces domaines
artistiques?
M. Boily: Mme la députée de Chicoutimi, Mme
Blackburn, je suis heureux de vous dire que nous avons commencé cette
année la première année d'un programme
général en art dramatique. Donc, nous maintenons la tradition du
cégep de Saint-Laurent. Quant à votre question: est-ce que c'est
possible? je pense que tout est possible quand il y a une volonté, tant
de la part des éducateurs que de la part des politiciens qui
décident. Je vous dirai qu'en début de notre rapport nous
affirmons haut et clair que nous sommes d'accord avec l'importance que veut
donner le rapport Arpin, dans sa recommandation au gouvernement, de placer la
culture, au sens large du mot, sur le même pied que l'économique
et le social. Étant d'accord avec cela, le gouvernement prenant position
sur cette importance à accorder à la culture, les collèges
et les commissions scolaires devront, avec leur ministère, se rasseoir
pour dire: Comment va-t-on traduire cela dans nos propres programmes? Il me
semble qu'il y a moyen d'instaurer chez nos jeunes, dans notre programmation
mais, bien sûr, en éliminant ou en réduisant ce qu'on a pu
considérer comme une priorité plus grande, due aux 20
dernières années, qui était un peu contrastante avec les
collèges classiques qui avaient accordé beaucoup d'importance aux
professions libérales et aux professions généralistes...
Alors, il y a eu une espèce de pendule qui s'en est allé vers la
droite et qui a mis en évidence beaucoup l'enseignement technique et
l'enseignement scientifique, qui restent très importants, mais il faut
peut-être que le pendule revienne un peu pour rééquilibrer
et remettre en évidence, un peu à l'image d'un choix que le
gouvernement pourrait être appelé à faire, l'importance de
la culture et des arts dans le scolaire.
Mme Blackburn: Une dernière question et, ensuite, je
devrai quitter. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de
l'interculturalisme. Et là il m'est venu un flash, le multiculturalisme,
en me demandant: Est-ce que ça existe, le multiculturalisme?
M. Boily: Non, madame.
Mme Blackburn: Évidemment, vous faites
référence à la situation de Montréal et je dirais:
Montréal, Montréal l'île parce que c'est même
déjà moins vrai si on s'en va à Édouard-Montpe-tit,
bien qu'il commence à y avoir un peu plus d'immigrants sur la rive sud.
Et là vous dites, et c'est ce qui m'a fait sursauter, dans les
dernières phrases de ce paragraphe 1. 3 à l'interculturalisme:
"Qui crée, produit, diffuse? Pour qui? Avec qui? Qui forme-t-on aux arts
et à la culture? Et de quelle culture s'agit-ll?" Quand vous avez dit:
quelle culture? je me suis dit: II y a quelque chose qui ne va pas.
L'interculturalisme, je veux bien. On en a besoin. Il y a même des pays
où il y a un ministère d'intégration à
l'interculture, mais jamais les pays qui ont un ministère comme
ça ne se demandent quelle culture. La France a une culture qui s'appelle
française, l'Allemage,
allemande et ainsi de suite. Et je dois vous dire qu'à la
question je me suis dit: Dans ma région - et vous en savez quelque
chose, M. Boily -abordé sous cet angle-là, personne ne
s'interroge à savoir quelle culture chez nous. Il y a une culture et
elle est québécoise, dominée largement par la culture
française, franco-québécoise.
M. Boily: Votre remarque est très pertinente, Mme
Blackburn. Je vais vous dire pourquoi "quelle culture". Si la question est
posée, ce n'est pas parce que nous n'avons pas la réponse. C'est
parce qu'il y a des gens qui n'ont pas la réponse. Je présidais,
au niveau de la Fédération des cégeps, un comité
d'étude sur l'interculturel et un colloque qui s'est tenu à
Sherbrooke et nous avons affirmé très clairement que
s'intégrer à la culture, pour un immigrant ou un allophone, c'est
s'intégrer à la culture québécoise. Il n'y a aucun
doute que c'est une intégration à la culture
québécoise. Cependant, je pourrais, et ce n'est pas l'objet du
mémoire de la Fédération, juste vous répondre en
posant une question à laquelle je ne veux pas que vous répondiez,
et je ne voudrais surtout pas qu'elle soit traitée dans le cadre
nécessairement de notre mémoire. Si, par exemple, on regarde
actuellement le phénomène montréalais de certaines
écoles élémentaires où on retrouve 90 %
d'allophones et 10 % de gens nés au Québec, on a là un
phénomène par choix de... appelons ça, en termes
très québécois, de "busing" de concentration d'une
minorité, mais de concentration majoritaire dans une école
donnée par rapport à la population québécoise. Si
on se retrouve avec 90 % de minorité avec 10 % d'une majorité,
ça crée ou ça peut créer une forme de tension parce
que le 90 % peut développer un comportement de majorité alors
qu'il constitue une minorité au Québec et le 10 % qui, lui, est
majoritaire à l'extérieur peut se sentir, à juste titre,
insulté de se faire traiter comme une minorité dans une
école alors qu'il constitue la majorité.
C'est ce genre de réalités et de problèmes qui sont
encore là, qui n'ont pas été traités à fond,
qui fait qu'on dit qu'il faut, comme société, se donner
très clairement, dans toutes nos organisations, une réponse
très claire mais surtout des réalités très
concrètes qui disent que c'est à la culture
québécoise que l'intégration se fait.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Boily.
Cela met fin au temps qui était imparti à Mme la
députée de Chicoutimi. Nous vous remercions, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier et vous dire que je
m'excuse de ne pas entendre les interventions parce que je dois quitter. Je
reviendrai cet après-midi.
Le Président (M. Gobé): Je sais que vous avez un
engagement en plus de cela. Nous allons, sans plus tarder, retourner à
Mme la ministre de la culture pour une dizaine de minutes, vous aussi,
madame.
Mme Frulla-Hébert: M. Boily, je veux revenir au
phénomène du multiculturalisme. Effectivement, on s'en va dans
des secteurs, Nouveau-Bordeaux, par exemple, 90 % des écoles... On se
rend compte que les gens, les étudiants aussi, sont forcés de
parler français dans la classe et, à l'extérieur, ils
parlent anglais. Dans mon comté aussi, dans la ville de LaSalle, une
grosse majorité, 52 % d'anglophones et communautés culturelles.
De plus en plus, évidemment, tout ça va déboucher chez
vous.
On parle de programmes d'intégration. On a parlé des COFI,
ça, c'est de prendre des gens et, au moins, de les faire fonctionner
dans notre société. Par contre, l'intégration à la
culture francophone, elle semble se faire difficilement. On essaie d'implanter
des programmes et, je ne sais pas, ou ce n'est pas une priorité ou
ça ne leur parle pas, mais elle se fait difficilement.
Donc, au niveau des écoles et des cégeps, comment
voyez-vous ça? À part de forcer, est-ce qu'il y a des moyens
incitatifs pour justement intégrer ces gens d'autres communautés
plus facilement?
M. Boily: II y a beaucoup d'expériences qui se font et qui
sont positives. Je dirais que le premier moyen, c'est que l'immigrant ou la
personne qui est néo-québécoise sache très
clairement que notre identité culturelle est claire, affirmée, et
c'est celle qui est prédominante. À ce moment-là, il sera
invité à l'enrichir et à s'intégrer à cette
identité. Lorsqu'il existe une forme de préoccupation ou de
questionnement sur notre propre identité, l'immigrant dit: Bon, ma
culture est peut-être aussi bonne et pourquoi ce ne serait pas la mienne
qui serait mise en valeur?
C'est pour ça qu'on parle non pas de multiculturalisme - des
cultures l'une à côté de l'autre - mais d'interculturalisme
où, finalement, la culture québécoise marie graduellement
les cultures des immigrants pour s'enrichir et, en même temps, ne pas
perdre notre propre culture, mais dans un choix très clair, à
savoir que c'est la société d'accueil qui donne les orientations
culturelles, et non pas la société qui est accueillie.
Et généralement, lorsque ça se fait très
clairement, les immigrants et les allophones acceptent volontiers de partager
cela et considèrent ça tout à fait souhaitable et normal.
Mais ce n'est pas toujours ce qu'ils ont vécu. Je parlais tout à
l'heure... Ce n'est pas toujours ce qu'ils ont vécu comme image sociale
et... Ce n'est pas l'objet... Je ne suis pas ici comme politicien et je ne le
serai jamais non plus, mais
c'est l'objet de toutes les politiques.
Alors, je vais rester en éducation, et dire que les
éducateurs ont une responsabilité majeure d'amener les citoyens -
on en a 3500 chez nous; il y en a 130 000 dans les collèges mais sur
l'île de Montréal tout particulièrement - de demain
à vivre dans une société qui n'est pas composée
comme elle l'était il y a 20 ans, une société, donc,
où il y a de la diversité, mats une société
où cette diversité, tout en permettant la différence, met
aussi en évidence l'unicité de la culture
québécoise telle qu'elle est vécue par la majorité.
C'est ça, le rôle de l'éducateur.
Mme Frulla-Hébert: En fait, c'est ça, là. On
touche, finalement, tout le problème de l'immigration; les gens
émigrent au Canada et adoptent, pour améliorer leur condition de
vie, dans le fond... Et la nouvelle politique de l'immigration devrait au moins
aider ou...
M. Boily: Aider à ça.
Mme Frulla-Hébert: ...débuter pour aider justement
à ce problème. Je veux revenir... À la page 19 de votre
présentation, vous dites: Un examen approfondi doit être fait pour
que les arts et la culture soient valorisés dans le réseau
collégial; il faudra voir l'importance et la place du cégep
à... Il y a l'enseignement, il y a aussi l'enseignement des arts, etc.
Ça, c'est une chose. La sensibilisation. On parlait de nos
collèges, le collège classique - moi, j'ai été
à Basile-Mo-reau - donc chez vous aussi et, à l'époque, je
me souviens, au collège, on faisait du théâtre et tout
ça; les religieux nous l'implantaient bien. Et, tout à coup, il y
a eu la grande réforme et ça a un peu disparu, parce qu'il
fallait trouver des emplois, et les former et les former.
Je veux revenir maintenant non pas à l'enseignement des arts,
mais à la sensibilation. Chaque fois qu'on parle de sensibilisation dans
le milieu de l'éducation, on dit toujours: Ah bien là, ces
nouveaux programmmes, ça coûte cher. L'excuse qu'on a souvent du
monde de l'éducation, c'est de dire: Conventions collectives, il va
falloir ajouter des heures; c'est difficile. Vous semblez être un
réseau tellement fermé et rigide qu'il semblerait très,
très difficile, de l'extérieur toujours, de dire: Bien, pourquoi
on n'essaie pas ensemble d'intégrer, par exemple, la sensibilation aux
arts dans les cours de français, qui sont obligatoires à la base?
L'histoire, par exemple. Moi, je me souviens, j'ai appris l'histoire
jusqu'à ce qu'on arrête à la Première Guerre
mondiale. Par contre, j'étais très versée en latin et en
grec. Je comprends que tout est important, mais, d'un côté,
pourquoi, si on se donnait tous ensemble cet objectif-là de dire que
notre identité culturelle passe par une bonne connaissance de notre
culture... alors, pourquoi ne pas y travailler ensemble? Mais, de l'autre
côté, quand on ouvre le dialogue, ça semble tellement
lourd, tout ça, que... D'où doit venir la volonté?
M. Boily: Vous posez une bonne question, Mme la ministre. Je
pense que, quand vous demandez que le système officiel ou les programmes
comme tels, l'enseignement et la mission première du collège
comprennent l'importance d'intégrer cette notion de culture et d'arts,
on a beaucoup de chemin à faire là-dessus. Par ailleurs, je vous
dirai que, quand on a parlé tout à l'heure - et Richard pourrait
en parler - du réseau amateur, du parascolaire, de ce qui n'est pas dans
les programmes formels, il y a un foisonnement extraordinaire de
créativité, de vie artistique et culturelle qui ferait rougir de
honte beaucoup de nos collèges classiques d'autrefois, malgré ce
qu'on en pense. Il n'est peut-être pas connu autant que les gens...
Mme Frulla-Hébert: Non, effectivement.
M. Boily: ...pourraient le savoir, parce qu'il s'adresse plus
fréquemment à une clientèle interne, à une
clientèle privilégiée, mais il y a un foisonnement
extraordinaire de vie culturelle. Je dois cependant admettre très
volontiers que c'est en dehors de la programmation et de la formation
académique au sens le plus strict du mot.
Mme Frulla-Hébert: Je reviens à ma question:
Comment fait-on pour dire ensemble... Bon, parfait, nous, on développe,
là, on développe énormément d'infrastructures
culturelles. On a des musées; il y eu a un foisonnement dans la
région de Montréal; le Musée des beaux-arts va ouvrir, le
Musée d'art contemporain; le musée McCord, bon.
M. Boily: Le Musée d'art de Saint-Laurent...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça. On a des troupes de
théâtre, 90 troupes de théâtre professionnelles
subventionnées; il y en a 130 au programme. Alors, il y a foisonnement,
il semblerait que ça, ça se développe, d'une part, pour la
population, mais il semblerait que nos étudiants étudient le
français, etc., de l'autre côté. Et est-ce qu'on peut se
servir ensemble de tous nos outils, à l'Intérieur des
programmes?
M. Boily: Richard pourrait peut-être commenter, comme
directeur des services aux étudiants qui...
M. Drolet: À l'intérieur des programmes, oui, je
pense qu'il y a une marge et il y a déjà un grand travail qui se
fait. Je voudrais simplement illustrer, par exemple... Prenons l'exemple des
sciences politiques: Bon, avec ce qui vient de se passer en Russie, on a une
offre de quelqu'un qui était là et - pour ne pas le dire, il
était reporter pour Radio-Canada - qui nous offre de
venir rencontrer les étudiants; on contacte la responsable du
département des sciences politiques; et nous, on est prêts - quand
je dis "nous", c'est avec l'argent qui vient des étudiants pour les
frais spéciaux - à payer cette personne-là pour qu'elle
vienne rencontrer les étudiants qui sont en sciences politiques, mais on
y met une condition. Si on paie, il faut que ce soit ouvert à l'ensemble
des étudiants. Ça, ça existe déjà, mais on
ne va pas prendre le drapeau, chaque fois, pour dire: Vous savez, on collabore.
Bon. Ça, ça existe.
Une autre réalité. Les programmes académiques sont
très chargés. La réalité des étudiants, il y
a une espèce d'arrimage à faire, si on se réfère,
par exemple, à l'enquête qui a été faite à
travers le Canada il y a quelques années où, là-dedans, on
révélait quelles sont les sources de plaisir des jeunes, la
première source de plaisir, ce sont les amis. Ça ne devrait pas
nous surprendre. La deuxième source, c'est la musique. Je me souviens
très bien de M. Arpin, lorsqu'il était directeur
général du cégep de Maisonneuve. M. Arpin m'avait
donné une bonne grosse tape dans le dos en me disant: M. Drolet, je
trouve que dans mon cégep il manque de musique. Il avait raison.
Juste pour faire entrer la musique dans le collège - parce que
ça dérange, la musique, hein? Bon. La batterie... Nous avons un
atelier de batterie dans le collège qu'on déménage un peu
partout parce que ça dérange tout le monde. Les parents disent:
Tu as pratiqué dans le sous-sol un bout de temps, mais on ne veut plus,
va-t-en ailleurs, dans un coin tout seul. On a réussi à avoir un
atefier de batterie. Et, avec l'orchestre de la Montérégie qui
vient pratiquer dans le collège, on dit: Ça ne se peut pas qu'il
soit là et qu'il ne soit pas en contact avec les étudiants. La
semaine dernière, on a invité des jeunes de l'orchestre de la
Montérégie à venir jouer au café étudiant.
C'est une technique. Il faut les apprivoiser. Vous comprenez, on les
dérange. Ils sont en train de faire leurs travaux et tout à coup
on se met à jouer de la musique classique et on pense que c'est
essentiel qu'ils soient en contact avec ça. Il y a un mélange et,
là, il faut des sous parce que ces musiciens-là, il faut les
payer. Par rapport à ça, je pense que nous n'avons pas eu la
volonté commune de faire ça.
Prenons l'exemple de Cégeps en spectacle. Heureusement qu'il y a
eu un commanditaire, et je n'ai pas besoin de le nommer, tout le monde le
connaît, qui a investi beaucoup d'argent là-dedans. Mais, quand
j'essaie de faire le bilan, qu'est-ce que les collèges ont investi? La
part de bénévolat des professionnels qui travaillent en
animation, vous savez, c'est énorme. Il y a le temps où ils sont
payés, mais là-dedans, et c'est comme en arts et en culture, il y
a une partie de l'iceberg qui apparaît, qui est financée, et
l'autre est basée sur l'autofinancement, sur le dévouement et le
bénévolat. Par rapport à ça, moi, je pense qu'il y
a une conversion à faire. Il faut vraiment que toutes les
énergies des institutions convergent vers ça.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, Mme la
ministre, s'il vous plaît, parce que nous allons dépasser le
temps.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, on va continuer
la discussion après la commission parlementaire. Comme je vous dis, je
pense qu'il n'y a pas un groupe, que ce soit l'Union des écrivains, que
ce soit l'Association des sculpteurs, que ce soit le Cirque du Soleil, il n'y a
pas un groupe qui ne nous a pas rementionné, replanté le clou en
disant: L'éducation, l'éducation, ça commence là.
La seule chose que je puisse dire, c'est qu'on peut avoir toutes les
commissions parlementaires, on peut avoir toutes les bonnes intentions, il faut
que vous embarquiez avec nous. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame, merci,
messieurs. Ceci met fin aux travaux de notre commission. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous m'avez
regardé?
M. Boulerice: Brièvement, j'ai cédé mon
temps, vous le comprenez, à votre ancienne présidente, ma
collègue, députée de Chicoutimi. Rien n'était plus
naturel pour elle, mais... Je veux simplement vous dire que j'ai beaucoup
apprécié que vous réintroduisiez la notion des arts et des
lettres dans fa formation. Il ne faut surtout pas oublier que les pays de haute
technologie sont les pays de grandes civilisations. Indissociable.
Le Président (M. Gobé): Sur ces sages mots, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je me dois maintenant de
suspendre les travaux de notre commission à cet après-midi, 14
heures. Alors, bon appétit à tout le monde et la commission
suspend ses travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
(Reprise à 14 h 12)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons
continuer la consultation que nous avons commencée hier. Ça me
fait plaisir de souhaiter la bienvenue au maire de Québec, ancien
ministre des Affaires culturelles, auteur réputé du livre vert
sur la culture. Je ne sais pas à quel titre on le reçoit, je
pense que c'est comme maire de Québec, mais il pourrait être ici
à d'autres titres aussi. On lui souhaite la
bienvenue. On est prêt à l'écouter pour une
quinzaine de minutes avec les gens qui l'accompagnent qu'il va nous
présenter. Après, la discussion va s'engager pour le temps qui va
rester sur les trois quarts d'heure partagés de façon
égale entre les deux formations politiques, comme on l'a fait
jusqu'à maintenant. M. le maire.
Ville de Québec
M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, je voudrais vous
présenter mes collaborateurs, Mme Marie Leclerc, qui est
présidente du conseil municipal et responsable avec moi du dossier
culturel à la ville de Québec, à ma gauche; à ma
droite, M. Jacques Alméras, directeur général adjoint
responsable aussi, entre autres, du dossier du développement culturel,
et M. Michel Choquette, qui est le directeur du BAC de la ville de
Québec, qui est notre bureau d'intervention en matière
culturelle.
Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, je ne
vous lirai pas, vous vous en doutez bien, le texte que je vous ai remis et qui
est intitulé "Mémoire de la ville de Québec à la
commission parlementaire de la culture concernant la proposition pour une
politique de la culture et des arts". Ce texte d'une trentaine de pages est
plus précis, probablement mieux structuré que ce que je vais vous
dire parce qu'en une quinzaine de minutes il est assez difficile, à la
fois de résumer des interventions et de les traiter d'une façon
qui soit aussi froide que pourrait le requérir le contexte
budgétaire qui est toujours froid par définition mais qui, en
même temps, nous touche profondément quand il s'agit de
culture.
Je voudrais d'abord remercier et féliciter la ministre des
Affaires culturelles d'avoir pris l'initiative de mettre en marche ce processus
que certains, j'imagine, de ses collègues des deux côtés de
la Chambre pourront considérer comme un processus d'apprenti sorcier
parce qu'on ne sait pas sur quoi ça peut déboucher. Le risque
était là. Elle l'a pris et tout le message que l'on fait
aujourd'hui dans ce mémoire - et je présume que d'autres feront
la même chose - ce n'est pas un message qui vise à dire à
la ministre ou au ministère comment faire les choses et quoi faire, nous
voulons plutôt témoigner du fait que ce ministère doit
être perçu par le gouvernement comme quelque chose d'important,
d'important pour la communauté culturelle, d'important pour les
municipalités et d'important pour le gouvernement. Nous voulons donc,
dans ce message qui ne s'adresse pas comme tel au ministère - sauf que
le ministère est le messager qui doit le porter au gouvernement - nous
adresser avant tout au gouvernement parce que c'est à lui finalement que
les questions fondamentales du rapport Arpin s'adressent.
Dans le texte que je vous ai remis, il y a une mise en perspective qui
rappelle que, finale- ment, les discussions, les écritures, les textes,
les analyses, au fil des années, se sont suivis et qu'au fond la
question a toujours été évitée par les
gouvernements quels qu'ils soient, du côté du Parti libéral
comme du côté du Parti québécois: quelle est la
place que l'on doit donner à la culture dans le processus de
décision autant que dans le niveau stratégique de décision
du gouvernement au Québec? Au fil des années, il a
été question de langue. Les premiers discours de Jean Lesage,
c'était autour de la langue, la culture se résumait
essentiellement à la langue et aux arts puisque les arts étaient
au Secrétariat de la province. Le ministère s'est
créé sur le modèle français; pendant ce
temps-là, sur le modèle anglais, il y avait le Conseil des arts
à Ottawa. Mais, au fil des années, l'action du gouvernement en
matière culturelle, qu'on le veuille ou non, s'est cantonnée dans
un ministère qui, pour l'essentiel de sa vie et y compris quand
j'étais là, n'avait pas beaucoup de crédibilité
auprès du gouvernement et du Conseil du trésor.
Vous avez toujours eu des gens, fonctionnaires, élus,
députés, qui y croyaient et qui plaidaient pour la culture, mais
ce plaidoyer tombait souvent à faux parce qu'on le mettait en
concurrence avec la voirie, on le mettait en concurrence avec le
développement matériel du territoire.
Le ministère de l'Éducation s'obligeait à ramasser
à peu près tout ce qui bouge; il avait commandé
lui-même une étude sur l'enseignement des arts et, finalement, on
cantonnait au ministère une préoccupation qui doit, aujourd'hui
plus que jamais, infiltrer toute la pyramide décisionnelle du
gouvernement.
La question fondamentale que pose le rapport Arpin, c'est celle-ci:
Où est-ce que le gouvernement place la culture dans l'ordre de ses
préoccupations? Et, selon qu'on aura une réponse à cette
question, le reste de la démarche a un sens; selon qu'on n'a pas de
réponse à cette question, le reste de la démarche, avec
toute la bonne volonté que pourraient avoir les villes, les
organisations, le monde culturel, la ministre, le ministère, c'est
finalement du tâtonnement. Or, il y a dans le contexte une certaine
atmosphère empoisonnée, si je puis dire, parce qu'on fait un
débat qui est fondamental pour le Québec, qui l'a toujours
été et qui le sera toujours parce qu'il sera probablement
toujours à refaire. On le fait à un moment stratégique,
celui où le Québec doit se pencher, parce que les questions qu'il
a posées il y a plusieurs années lui reviennent maintenant au
sujet de sa place au Canada, mais on le fait - et c'est ça qui est
empoisonné - dans un contexte budgétaire, dans un contexte
où le gouvernement, pour toute une série de raisons, et quand je
dis "le gouvernement" je devrais dire les gouvernements depuis 25 ans se sont
placés, avec l'appui de la population, la volonté de la
population, dans la situation aujourd'hui d'avoir à couper lourdement
dans
bon nombre de dépenses, y compris dans des investissements, de
sorte que, si on voulait être mesquin, on pourait dire que le mandat du
gouvernement, à la ministre, c'est de trouver des fonds et d'envoyer la
culture quêter dans le milieu. Je connais assez la ministre et je connais
assez l'effort du ministère pour penser que même si le Conseil du
trésor avait eu, à un moment donné, l'Idée de lui
confier ce mandat, ce n'est pas celui-là qu'elle a retenu, et le
ministère n'a pas retenu ce mandat. Le ministère a profité
de l'occasion, et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, pour
amplifier le message que tous devraient vous passer ici: où placez-vous
la culture dans votre niveau de préoccupation? Peut-on, en même
temps dire, plaider la spécificité du Québec sans
reconnaître qu'au coeur de cette spécificité la
justification même c'est l'ensemble de notre capacité de
création, dans le domaine des arts comme dans le domaine des sciences?
Et, si tel est le cas, il faut avoir une action cohérente avec le
discours: le développement de cette spécificité que l'on
défend par ailleurs, que l'on veut voir inscrire dans des constitutions
suppose que l'on ne mette pas au même régime sec le monde de la
culture, au même régime où sont condamnées d'autres
sphères d'activité.
Il ne s'agit pas pour nous de remettre en question la
responsabilité du gouvernement dans la rationalisation de ses
dépenses. Comme municipalité, je peux vous dire qu'on a notre
tranche de l'addition et elle est assez épaisse, merci! Chez nous,
ça doit se traduire, cette addition de M. Ryan, par une analyse
budgétaire qui nous amène à considérer des
coupures, y compris dans notre activité culturelle, relativement
récente dans les villes. Québec est un cas à part, j'y
reviens dans une minute. Mais à cause des restrictions
budgétaires que nous impose le gouvernement en nous envoyant, par
exemple, la facture du transport en commun, quand on fait l'analyse
budgétaire, on se demande: Est-ce que c'est 20 % ou 60 % des patinoires
qu'on va fermer l'hiver prochain? Parce que les trottoirs on ne peut pas les
rouler, il faut les entretenir. On est obligé de se demander: Est-ce
qu'on va tous les déneiger dans le centre-ville ou est-ce qu'on va le
faire une année sur deux? C'est des questions qui ont l'air très
triviales, mesquines, j'imagine, pour les gens du Conseil du trésor, qui
sont habitués à des grands ensembles, mais les politiques
décidées en haut atterrissent toujours sur des pieds relativement
petits en bas et c'est ceux des contribuables qui sont lourdement
chargés. Le nerf de la guerre, dans la culture comme dans le reste, une
fois qu'on a posé la question: Où placez-vous la culture dans vos
préoccupations et comment faites-vous le lien entre la
spécificité et la culture? le nerf de la guerre c'est l'argent.
L'argent que l'État est prêt à Investir. Il ne s'agit pas
de dépenser, il ne s'agit pas de subventionner, il ne s'agit pas de
condescendre à aider la culture, c'est un inves- tissement fondamental
dans notre capacité de créer dans le domaine des arts, bien
sûr, vu qu'il s'agit ici de culture au sens peut-être plus
restreint, mais dans tous les domaines qui font appel à la
création et qui génèrent un produit différent de ce
qui peut se faire ailleurs.
Certes, l'entreprise privée peut faire plus, doit faire plus. Ce
n'est pas notre culture; chez les Anglo-Saxons ça l'est, pas chez nous.
Certes, le gouvernement fédéral dépense de l'argent et il
y aurait peut-être lieu de concerter davantage les actions de part et
d'autre. Certes, l'État, cependant, ne peut pas sortir de ce rôle
et ne peut pas s'imaginer que dans ce domaine comme dans les autres, dans le
contexte actuel, on puisse appliquer des slogans qui disent: Faire plus avec
moins, gérer la décroissance, etc. Ce n'est pas possible.
On a parlé du 1 % au niveau du monde de la culture.
C'était un chiffre balise, plutôt un chiffre symbole. Il ne faut
pas s'arrêter à ça parce que le 1 %, si on y met tout le
patrimoine, toutes les vieilles pierres, on l'atteint rapidement. Ce n'est pas
ça dont il s'agit. Au fond du compte, le 1 %, c'est de dire une
contribution minimale... La dîme, comme on disait à
l'église, la dîme à la culture, à la création
culturelle, à la capacité de créer, de diffuser,
d'exporter, la dîme dans ce que nous avons de différent.
Le rapport Arpin, je l'ai dit dans le texte, est un bon document parce
que, finalement, il n'a pas pour but, tel que je l'ai perçu, en tout
cas, de donner un gros livre de recettes. Ce n'est pas le livre de Jehane
Benoît à la ministre des Affaires culturelles pour savoir comment
gérer la culture. Ce n'est pas ça. C'est un document qui, partant
de quelques grands axes, dit au gouvernement: Vous devez vous faire une
idée précise sur ces questions-là, choisir les axes sur
lesquels vous allez agir et ensuite agir en conséquence. Et le rapport
Arpin pose la question. C'est pour ça que je ne voudrais pas entrer dans
le détail du rapport, sauf à l'occasion, dans une minute
aussi.
Le rapport Arpin dit: Les villes pourraient faire un effort
supplémentaire. Je pense, M. le Président, Mme la ministre, qu'on
ne peut pas généraliser. C'est vrai que certaines villes ne font
pas gros, beaucoup d'efforts pour la culture, comme certaines villes ne
faisaient pas beaucoup d'efforts pour la police, comme certaines villes ne font
pas beaucoup d'efforts pour le transport en commun, mais, de là à
généraliser, if y a une marge et je ne pense pas que ce soit, non
plus, votre objectif que d'avoir des politiques généralistes et
généralisantes dans ce domaine.
La ville de Québec, j'ai eu l'occasion de vous le dire, à
cause de sa nature, à cause de son rôle de capitale, ses citoyens,
les quelque 168 000 citoyens de la ville de Québec ont une charge
fiscale relativement importante destinée à l'action, à la
vie culturelles et au patrimoine. À peu près 4 % du budget de
fonctionnement de la
ville vont à des activités si on inclut le patrimoine.
C'est beaucoup d'argent. C'est beaucoup d'argent dans un contexte que je vous
ai décrit tout à l'heure et dans un contexte où, pour
arriver, on est obligé de regarder si on ne va pas fermer deux ou trois
succursales de nos bibliothèques, si on ne va pas réduire de 60 %
notre budget d'acquisition de livres même si pour 1 $ qu'on y met il y a
1 $ du ministère. Parce que, cette année, on a encore une coupure
de 100 000 $ dans les frais de fonctionnement de nos bibliothèques
après 75 000 $ l'an passé. On comprend tout ça. Le
résultat, cependant, est intangible, il est là. On doit se poser
ces questions-là. Chaque fois que la province investit dans le
Vieux-Québec, dans le patrimoine du Vieux-Québec, on a un accord
de 50 000 000 $, ville-ministères, ville-gouvernement du Québec,
un accord auquel on a travaillé tous les deux avec succès. Mais,
il faut bien le dire, chaque fois que la ville fait un effort, le même
effort, à 50 %, est fait par le gouvernement. S'il y a 1 $ du
gouvernement, il y a 1 $ de la ville. Mais 1 $ du gouvernement est
réparti sur 6 000 000 d'habitants, 1 $ de la ville est réparti
sur 170 000 habitants, c'est 43 pour 1. Chaque fois qu'il y a du curetage de
pierres à faire dans le Vieux-Québec, il faut que la ville en
nettoie 43 pour que le gouvernement en nettoie une. C'est lourd à
porter. Et ce n'est pas partagé par Sainte-Foy, ce n'est pas
partagé par Sillery. C'est partagé ni par la Communauté
urbaine ni par aucune des villes autour. Et, pourtant, tout le monde est fier,
dès qu'on a passé le pont, de dire: On est de Québec.
Tout le monde s'approprie cette ville, avec raison. Mais l'effort qu'on
doit faire, nous, est énorme. Il est énorme et il doit porter
largement sur le patrimoine. Et c'est là qu'on trouve que ça
blesse, parce que l'effort, une fois qu'il est fait là, on n'a plus cet
argent pour le mettre dans des fonctions qui sont, pour nous, tout aussi
importantes. La capacité de multiplier les points d'ancrage de la
création dans cette ville qu'on ne veut pas voir devenir une simple
ville de la consommation de la culture qui se fait ailleurs. Notre but, ce
n'est pas d'attacher nos artistes. Ce n'est pas de les enraciner dans
Québec pour les empêcher d'aller ailleurs. Mais c'est de pouvoir
avoir quelques foyers dans quelques disciplines qu'on pourrait
déterminer ensemble, quelques foyers de création qui font que
Québec est un lieu où on fait autre chose que de répondre
aux besoins immédiats de la communauté locale ou sous-locale,
mais un lieu d'exportation, un lieu de rayonnement.
Et on entre ici dans la fonction Québec ville-centre et
Québec ville-capitale. La fiscalité municipale, ce n'est pas le
lieu de faire le débat, mais vous la connaissez bien, M. le
Président, vous y avez travaillé à la Communauté
urbaine dans des conditions souvent difficiles, et je le reconnais - la
fiscalité municipale condamne les municipalités à la
concurrence. Lorsqu'une entreprise réussit à avoir sur son
territoire une institution ou une entreprise, elle garde les taxes. Exemple:
l'Université Laval. Est-ce que les gens parlent de l'Université
Laval de Sillery, l'Université Laval de Sainte-Foy ou de
l'Université Laval de Québec? L'Université Laval est au
coeur des préoccupations de cette ville. On est le principal partenaire
de l'Université de Laval, nous, la ville de Québec.
On a des ententes de plusieurs centaines de milliers de dollars avec
l'Université Laval dans le domaine de la culture, du patrimoine, etc.
Et, pourtant, tous les "en lieu" de taxes de l'Université Laval sont
payés à Sainte-Foy et à Sillery, sauf pour la parcelle qui
est ici, située dans le Vieux-Québec, l'École
d'architecture. On veut ramener des bouts de l'Université Laval dans le
centre-ville de Québec. On a vu le succès que ça avait
à Montréal. Les normes du ministère font que ce n'est pas
possible, ça coûte trop cher de se loger dans le
Vieux-Québec. On demande que le gouvernement reconnaisse au
ministère des Affaires culturelles cette responsabilité
d'être le cerveau qui permette d'articuler, de rendre cohérentes
les actions des divers ministères pour que, avec le même argent,
pour répondre aux mêmes demandes, s'il n'y a pas plus d'argent, on
ait une action multlpllca-trice, de nous aider à avoir des morceaux de
l'université qui reviennent dans Québec, de multiplier les
efforts pour avoir une masse critique culturelle, de faire en sorte que
Québec soit une destination de tourisme culturel, de tourisme
historique, que ce soit le lieu obligé d'une visite au moins pendant les
études secondaires de tous les étudiants qui, pendant deux ou
trois jours, viendraient prendre contact avec la vie politique et
parlementaire, avec les institutions religieuses et leur patrimoine, avec la
ville historique. Déjà, sur le plan de l'industrie touristique,
ce serait beaucoup pour nous.
Nous devons, à l'intérieur du plaidoyer culturel, parler
de la ville comme capitale culturelle. N'entrons pas dans le débat pour
savoir si c'est une capitale politique administrative; les opinions sont
variées là-dessus, c'est certainement administratif. Le parlement
n'est pas déménageable facilement. Une chose est sûre, je
pense, c'est que, pour les gens, Québec c'est la vieille ville
culturelle, c'est la ville où l'on vient se ressourcer, ce n'est pas une
ville concurrente avec Montréal. On ne vise pas la concurrence, on vise
la complémentarité. Mais on veut mettre en valeur ce qu'on a
d'original. Le Musée de la civilisation, en ce sens-là, est
devenu un des fleurons de l'action du ministère dans la ville.
Ce qu'on demande dans notre mémoire, c'est que le gouvernement
n'ait pas peur des mots, ne fasse pas d'autocensure dans le contexte des
discussions avec Ottawa et reconnaisse au Québec son caractère
spécifique autant qu'il
demande aux autres de le reconnaître. Que le gouvernement du
Québec se reconnaisse à lui-même et à sa
société l'ensemble des traits originaux et spécifiques
autant qu'il demande au reste du monde de les respecter. Mais plus, qu'il se
donne les moyens, non seulement de les faire reconnaître, mais de les
développer. Nous sommes ouverts à un partenariat. Le rapport
Arpin ouvre des pistes de ce côté-là. Nous sommes ouverts
à un partenariat qui va faire que chaque fois - et c'est ça mes
règles de fonctionnement, vu de mon point de vue en tout cas - que les
choses peuvent être faites dans les milieux, que ce soient les conseils
régionaux, que ce soient les organisations culturelles, laissez donc
faire les choses. Nous sommes là comme pouvoir public chacun à
notre niveau pour faire en sorte que les fonds de la collectivité, ceux
qu'on prend dans les taxes, soient dépensés selon des
règles connues et servent à amplifier la capacité du
milieu et non pas pour prendre la place du milieu.
C'est pourquoi on pense que chaque fois que le ministère pourra
céder sa place à d'autres sur le terrain, parce que d'autres
feront la démonstration et qu'on aura convenu qu'ils sont mieux
placés pour faire la chose, qu'on cède la place. Que le
ministère devienne véritablement ce cerveau de l'État en
matière de l'effort culturel de la collectivité par rapport
à elle-même, sans entrer dans un dirigisme qui est
dénoncé surtout dans le contexte de la culture anglo-saxonne dans
laquelle nous vivons. Nous sommes, nous voulons être des partenaires. (14
h 30)
Quand, dans la campagne électorale, on a mis de l'avant un
certain nombre d'images pour illustrer ce qu'on imaginait de Québec dans
l'avenir, j'ai employé une expression qui, pour moi aujourd'hui, est
encore plus vraie qu'auparavant. C'est une image, bien sûr, j'aurais pu
prendre le nom d'une ville japonaise, mais j'ai pris la ville de
Détroit, en disant: Dans le fond, la culture doit être à
Québec, comme ville et comme capitale, ce que l'automobile est à
Détroit. C'est-à-dire que le nom Québec doit sonner dans
notre collectivité haut et fort comme une ville de culture. Pas parce
que la culture ne peut pas vivre ailleurs. Parce que c'est la nature même
de cette ville, réceptacle de notre histoire, lieu de vie, lieu
d'accueil du parlement et du gouvernement. C'est ça qu'il faut mettre en
vedette. Et c'est ça qu'il faut mettre en valeur. Qu'on soit un
partenaire, qu'on développe cette originalité, que le
ministère fasse à la ville de Québec un statut
spécial, pas parce que c'est Québec, pas parce que c'est la plus
vieille ville, parce que c'est sa capitale et qu'il n'y en a qu'une.
Et qu'on développe à l'intérieur de ce statut les
institutions qui sont de nature capitale comme dans toutes les
villes-capitales, comme dans tous les pays où ça existe. À
ce moment-là, je pense qu'on aura fait beaucoup avec le même
argent. Il y a des choix à faire, les ressources sont limitées.
Je pense que le choix fondamental, il appartient au gouvernement et à
son plus haut niveau et, ensuite, que les ressources appropriées soient
données au ministère et que par lui ces ressources, dans leur
grande majorité, atteignent le milieu culturel d'une façon
stable, d'une façon qui ne soit pas remise en question année par
année par des budgets ou par des cadres budgétaires, mais d'une
façon stable visant essentiellement, à travers toutes les choses
à faire, à protéger, à amplifier et, finalement,
à propulser la capacité de création.
C'est ce que je retiens du rapport Arpin et, au nom de la ville, c'est
ce que je voulais vous dire ici avant de répondre, si vous en avez,
à vos questions. Le rapport Arpin pose des questions et, à mon
avis, elles se ramènent à une, c'est celle-là. Et il
décrit ensuite la façon de naviguer à l'intérieur
de l'action culturelle du gouvernement, mais il présume qu'avant d'agir,
qu'avant de faire des choix une réponse soit donnée par le
gouvernement à cette question. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, bienvenue.
Évidemment, le mémoire est assez extraordinaire. Je dois faire un
aveu aussi aux gens qui sont ici, aux gens qui nous écoutent. Bien
souvent, quand on est ministre des Affaires culturelles et que, des fois, les
journées sont longues, alors comme source de ressourcement, en fait, un
peu moteur dont on a souvent besoin, on prend le téléphone et...
J'appelle M. L'Allier parce que, comme vous pouvez le voir, ses propos sont
enthousiasmants et sont aussi très très construc-tifs.
Avant de commencer, de débuter, je voudrais souligner quelque
chose. M. le maire, je suis certaine que vous allez vous joindre à moi
pour souhaiter nos plus sincères sympathies au député de
Taschereau qui est notre adjoint parlementaire et dont le frère de 32
ans est décédé d'un cancer aujourd'hui. Alors, je pense
qu'ensemble et tous ensemble on pourrait lui envoyer en pensée, en fait,
nos plus sincères sympathies.
Ceci dit, M. le maire, vous savez, il y a plusieurs mémoires.
C'est une des plus grosses commissions parlementaires. Alors, comme vous dites,
c'est un sujet qui intéresse profondément la population
québécoise et, bien souvent, on ne lui donne pas suffisamment
d'importance non seulement au niveau du gouvernement, mais bien souvent au
niveau des médias, au niveau de la place elle-même de la culture.
Entre milieux culturels, ça va bien; quand on sort des milieux
culturels, c'est difficile. Beaucoup de gens viennent et vont venir au fur et
à mesure. Il y en a beaucoup qui nous disent qu'il n'y a rien ou
qu'il y a eu très peu de fait. Vous étiez là en
1976, vous avez fait un livre vert dont on a beaucoup parlé. Là,
on a amené aussi la population. Il y a le rapport Arpin et, là,
on ouvre à une grande discussion franche où on dit aux gens:
Exprimez-vous, ce que vous avez sur le coeur, on le met sur la table. C'est
difficile de trouver des consensus dans le milieu, on l'a vu hier. Les
écrivains disaient: Une source, on veut une source, ça doit
être au Québec, les pouvoirs. Les cinéastes nous disent:
Non - et il va y avoir d'autres groupes, aussi, qui vont nous dire non - c'est
bon d'en avoir deux, aussi. Ce qu'un ne fait pas, l'autre le fait. Donc,
consensus difficile à avoir.
Mais après toutes ces années, M. le maire, vous, en
observateur, dites-nous et dites-moi aussi, est-ce que vous avez l'impression
qu'il est possible de rallier autour d'un vaste projet culturel tout l'ensemble
de la communauté artistique? Parce que, on le sait, je le dis
publiquement, les fonds ne seront pas... En fait, il va y avoir quand
même une limite à ce qu'on va pouvoir donner, malgré qu'on
essaie et qu'on veuille, finalement, rallier toutes les forces pour aller
chercher, évidemment, le plus d'argent possible parce que, vous l'avez
dit, l'argent est le nerf de la guerre. Il y en a qui disent: La
souveraineté va tout régler. Mais c'est parce que...
Souveraineté... Est-ce qu'on peut s'assurer que les fonds vont
être là? Est-ce qu'on peut s'assurer que le Conseil du
trésor, effectivement, ne viendra pas, aussi, demander, comme M.
Parizeau le disait hier: Ce secteur mou... Il disait: II faut contribuer, comme
il le fait dans d'autres secteurs. Je ne pense pas que, ça, c'est la
seule solution non plus. Alors, ce que je vous demande, c'est: Après ces
années-là, est-ce que vous avez eu l'impression qu'il y a quand
même des choses ou plusieurs choses qui sont faites? Et est-ce que c'est
possible de rallier les divers partenaires, comme on le veut, à une
politique culturelle qui a des objectifs à court, à moyen et
à long terme?
Le Président (M. Doyon): M. le maire.
M. L'Allier: Mme la ministre, ma réponse va probablement
révéler mon âge parce que je vais remonter un peu plus
loin. Je pense que, depuis 20 ans, 25 ans, la place de la culture dans la
société, en termes de vocabulaire d'abord et en termes de champ
de préoccupation, a augmenté. Il n'y a pas si longtemps, avant
qu'il y ait la télévision, on connaissait peu les artistes. Il ne
se publiait pas grand-chose ici. Les politiques d'aide étaient à
l'édition et, dès que l'éditeur avait publié, il
mettait ça dans son sous-sol et c'était distribué deux ans
après dans les prix, à l'école, en fin d'année,
sans savoir exactement ce qu'on donnait. Au fil des années, on a vu les
municipalités, qui ne s'occupaient que d'égout et d'aqueduc,
commencer à s'occuper de loisirs. Une fois qu'on a eu fait le plein,
dans bien des cas, avec des équipements de loisir, le monde culturel a
poussé et, petit à petit, les municipalités ont mis le
pied dans rétrier de l'action culturelle. Et l'on s'est rendu compte que
les entreprises, qui faisaient des choix d'implantation, avaient, dans leurs
grilles d'analyse, la qualité de la vie culturelle d'un milieu
donné avant de décider d'aller là plutôt
qu'ailleurs. À partir du moment où on s'est rendu compte que
ça avait de la valeur pour les Japonais ou pour les autres, on a dit:
Ça en a peut-être aussi pour nous autres. De sorte que la place de
la culture s'est amplifiée. Le problème qui se pose, c'est que,
en même temps que cette place s'est amplifiée, on a trop
développé, au niveau du ministère, avec la
complicité et peut-être la mollesse du milieu qui ne pouvait
peut-être pas faire autrement, ce que j'appellerais le discours de
l'industrie culturelle. Tout ce qui n'était pas une industrie culturelle
demeurait les gugusses à Lapalme. C'étaient des choses sans
importance qui devaient prendre leur place, de sorte qu'on a beaucoup
valorisé les grands événements, parce qu'il y a un
côté industriel à la production, et on a valorisé
également les industries, ce qui pouvait survivre en matière de
disques, etc. Mais ça coûte très cher de valoriser
uniquement les industries culturelles. Et l'industrie culturelle n'est que le
résultat de toute une longue chaîne d'interventions qui vont de la
formation à la sensibilisation, à l'action, au suicide, à
l'occasion, d'artistes qui ne sont pas capables de survivre sur le plan
économique. Et, finalement, on arrive à produire des niveaux
industriels qui sont exportables. Je pense qu'il faut ressortir de ce
discours-là. Tout en ne niant pas l'importance d'avoir une industrie
culturelle, ramener la culture à ce que ça doit être dans
une société, non pas la préoccupation uniquement de
l'État, ça ne l'est pas, non pas la préoccupation d'un
ministère dans l'État, ça l'est maintenant, mais ça
doit sortir de ça et en faire un état d'esprit.
Je vais vous donner un exemple. Moi, j'ai vécu en Belgique comme
délégué du Québec et j'étais aussi
représentant du Québec dans le petit pays voisin qui s'appelle la
Hollande, les Pays-Bas. Le néerlandais est une langue parlée par
les Hollandais, point final à la ligne. Il n'y a personne d'autre
à travers le monde qui parle cette langue-là. Les
Néerlandais, à l'âge de 13, 14, 15 ans, deviennent
bilingues, trilingues, multilingues, mais on enseigne le néerlandais. On
ne s'excuse pas de parler néerlandais. La place de la culture dans cette
société est fantastique. C'est la société de
Rubens, de grands peintres et de grands artistes. La vie culturelle est intense
dans ce pays-là et c'est ça qui permet à cette
société d'apprendre une deuxième, troisième,
quatrième langue sans se faire écraser par la langue du voisin.
Au Québec - et c'est le dernier commentaire que je vous ferai, c'est une
impression - j'ai l'impression que, dans le discours à la
fois politique et dans le discours du milieu des affaires, on a, comme
dirait un chef politique libéral connu, un "double talk" de ce
côté-là. On dit oui à la culture, mais c'est en
même temps un handicap. Oui, à la culture, mais II faut
atténuer le côté handicap de la culture parce que notre
objectif c'est d'être compétitif sur le marché
américain.
Donc, la langue, qui est un élément de la culture, est
plutôt perçue comme un handicap par certains. Il faut sortir de
cette problématique qui ne nous amène à retenir dans la
culture que ce qui est une règle du marché, parce que, si le
Québec accepte de se placer dans les règles du marché, il
se condamne à la déchéance rapide. Il faut accepter que,
parce qu'on est juste 5 000 000 sur 250 000 000, l'effort de l'État pour
la culture doit être aussi important que celui qu'on fait pour se
chauffer. Parce qu'on est dans un pays froid, on dépense plus pour se
chauffer qu'à Miami. Il faut accepter que pour la culture c'est dans
l'essence même du Québec d'avoir à investir lourdement dans
la culture, dans l'éducation à la culture, dans la place de la
culture à l'école, dans la perméabilité des milieux
culturels, par le milieu scolaire, au niveau des communications, etc. Mais pas
en faire une activité artificielle qui, dès que l'État se
retire, s'effoire et tombe parce que la culture serait en permanence aux soins
intensifs. C'est sûr qu'on a un problème si c'est ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Le temps
s'écoule rapidement. Je vais devoir permettre au député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de continuer la discussion.
M. Boulerice: M. le Président, une commission comme
celle-ci est à la fois très intéressante, puisque c'est
une occasion privilégiée de vous voir, mais frustrante puisque
nous sommes malheureusement limités dans le temps. Mais je m'en voudrais
de ne pas saluer la pertinence d'analyse d'un homme qui, depuis 20 ans,
à divers niveaux, est au coeur des efforts de la société
québécoise pour se doter d'une véritable politique
culturelle. Et je remarque, M. le maire, le constat sombre que vous portez sur
l'exiguïté de la place qui est faite à la culture au sein de
l'État québécois depuis 30 ans et même au sein de la
population québécoise - je pense qu'il ne faut pas avoir peur de
se cacher - en dépit des efforts louables de divers ministres qui se
sont succédé.
Je suis d'accord avec vous. Je suis un peu agacé de cette vision
purement et j'ajouterais même bêtement "économiciste"
dès qu'on parle d'art et de culture. Certes, il a fallu employer le mot
"industrie" de la culture parce qu'il fallait persuader le contribuable qu'un
dollar investi dans ce domaine n'était pas donné en pure perte,
que ça créait des emplois, que ça faisait rouler des
choses. Mais, effectivement, se limiter au discours "économiciste"
commence à provoquer chez moi beaucoup d'agressivité si ce n'est
pas une certaine nausée, quand on sait pertinemment - petite anedocte -
que, mon Dieu, personne ne fait de gorges chaudes qu'on ait englouti comme dit
l'expression américaine, "down the drain" 500 000 000 $ pour sauver Dome
Petrolium, qui est mort de toute façon, alors qu'une ministre de la
culture "cheap" comme c'est pas possible a glosé lorsque 200 000 $
avaient été donnés à une chanteuse pour produire un
spectacle. Où sont les échelles de valeur dans un pays? Vous
posez bien la question.
Ceci étant dit, à la page 9 de votre mémoire, vous
posez la question fondamentale, et je cite: "L'État, à son plus
haut niveau et au coeur de ses choix, veut-il aller jusqu'au bout en ce domaine
de la logique que commande le plaidoyer en faveur de la reconnaissance de la
spécificité québécoise et du fait qu'elle est au
centre de nos potentiels de développement?" Pour vous, il est donc clair
qu'il ne peut pas y avoir une véritable société distincte,
une véritable politique de la culture sans que le Québec n'ait
les leviers et les pouvoirs inhérents et qui lui font défaut
actuellement, tous les pouvoirs.
Le Président (M. Doyon): M. le maire.
M. L'Allier: Je n'ai pas compris la question, c'est-à-dire
sur l'argent ou sur les pouvoirs?
M. Boulerice: Les pouvoirs. Tous les pouvoirs et tout l'argent,
il va de soi.
M. L'Allier: Je ne veux pas esquiver la question, bien qu'au
niveau municipal ce ne soit pas l'arène pour en débattre, mais je
pense que si on met de l'ordre dans notre propre maison avant de combattre pour
savoir qui va faire quoi ailleurs... C'est sûr que le gouvernement
fédéral a des interventions. Le texte - je vais vous faire une
confidence - que j'ai mis ici sur l'action du gouvernement
fédéral, c'est le même texte qu'en 1976 dans le livre vert.
Ça n'a pas changé, comme problématique. On ne va pas
essayer d'imaginer d'autre chose. Je l'ai mis là, en disant: Vous allez
voir comment ça demeure pertinent. Le texte qui est ici, où on
parle du gouvernement fédéral, l'action du gouvernement
fédéral, il y a trois ou quatre paragraphes, je ne me souviens
pas à quelle page, je les ai pris dans le livre vert. C'est le
même texte que j'ai mis là parce que ça n'a pas
changé. C'est exactement le même texte que j'avais
rédigé dans le temps, qui est là aujourd'hui. Mettons de
l'ordre dans notre maison, faisons en sorte que le milieu culturel ait
confiance dans l'État du Québec, c'est-à-dire confiance
dans la stabilité des sources, confiance dans la qualité des
choix, la pertinence des choix. Ensemble, on pourra passer à travers des
périodes difficiles sur le plan budgétaire. Mais souvent, ce qui
est mis en
question par le milieu, c'est la confiance. Est-ce qu'on peut faire
confiance? Alors que, du côté d'Ottawa, on a l'impression d'une
stabilité beaucoup plus grande de l'intervention même si, au total
des choses, elle est souvent politiquement biaisée à l'occasion,
pas nécessairement dans les petits choix mais dans les gros choix.
On dit: II y a le Conseil des arts au niveau fédéral.
Est-ce que ça doit exister? Tant que les statuts ne sont pas
changés, moi, je trouve qu'on n'aurait pas le droit de mettre de
côté de l'argent fédéral tant que les statuts, tant
que vous n'aurez par réglé ici, dans cette Assemblée qui
n'est pas la mienne, la question du Québec et du Canada. Nous, au niveau
municipal, s'il y a de l'argent fédéral qui passe pour un
musée, je vous assure qu'on va se battre pour aller le chercher. Et,
s'il y a de l'argent fédéral qui veut s'adresser à ma
communauté culturelle dans la ville de Québec, on va se battre
pour aller le chercher aussi parce qu'on ne peut pas cracher sur aucun dollar,
d'où qu'il vienne, aussi longtemps qu'il est destiné à la
culture et aussi longtemps que le prix à payer n'est pas une forme
d'aliénation fondamentale de ce que c'est. Si on nous demande de prendre
de l'argent fédéral pour faire des choses qui sont contre nature
par rapport à Québec, comme ville, comme capitale sur le plan
culturel, on ne le fera pas. Mais pour le reste, dans l'état actuel des
choses, c'est sûr que, si le Québec avait tous les pouvoirs, ce
serait mieux parce que, comme dans n'importe quel domaine, un maître
d'oeuvre c'est bien. (14 h 45)
Le danger, et c'est le danger que Mme la ministre connaît bien,
vient du fait que, si ça ne se fait pas dans un contexte
général, le gouvernement fédéral pourrait
être tenté, comme d'autres paliers de gouvernement l'ont fait
à notre endroit, de se délester de certaines charges à
caractère culturel, en disant: Vous les voulez, prenez-les, mais sans
mettre les budgets qui vont avec. Donc, on aurait des responsabilités et
on n'aurait pas l'argent pour s'en occuper. Le danger serait là. Il est
là. Parce qu'avec la responsabilité vient le fait que les
contribuables paient des taxes à Ottawa pour l'assumer. Si la
responsabilité vient, il faut que l'argent vienne avec. Là, on
l'aménagera avec la nôtre. Mais la responsabilité toute
nue, M. Ryan nous en envoie de ce temps-là, on ne trouve pas ça
drôle, on ne trouve pas ça drôle du tout parce que,
précisément, on a l'impression qu'on paye deux fois pour la
même chose: le transport en commun, je ne reviendrai pas
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier, vous aviez une question?
M. Godin: Non, c'est un commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Un commentai re.
M. Godin: Si on me permet. Au fond, ce qu'il faut, ce n'est pas
tellement une politique culturelle mais qu'aucun artiste au Québec ne
crève de faim; qu'il soit comédien, peintre. On parle de la
peinture dans les Pays-Bas. Rembrandt a fait un de ses tableaux, "La ronde de
nuit", parce qu'il y a une corporation qui lui a demandé de le peindre.
Je n'imagine pas la Chambre de commerce de Montréal ou de Québec
commander à un peintre du Québec un tableau les
représentant tous autour de la table où ils discutent de l'avenir
économique et financier de Montréal ou du Québec. Et,
pourtant, c'est ce qu'on faisait dans les Pays-Pays. C'est ce qui a permis
à Rembrandt de ne pas mourir de faim. Van Gogh, c'est autre chose, mais
il a eu son tour longtemps après sa mort. Comme disait Léo
Ferré: Ça se vend maintenant comme du cochon! Mais pourquoi Paris
est-elle devenue, pendant une longue période, la capitale de la peinture
européenne? Pourquoi Van Gogh a-t-il choisi Paris? Et pourquoi Picasso
a-t-il choisi Paris pour y vivre et pour développer son art? C'est parce
que les loyers étaient moins chers que partout ailleurs en Europe. Donc,
si on peut s'assurer qu'à Québec il y ait des loyers pas trop
chers dans des coins sympathiques, sûrement que des peintres d'on ne sait
où dans le monde vont venir s'installer à Québec parce que
la vie y est moins chère. Il n'y avait pas de politique culturelle ni de
peinture en France à l'époque, il y avait juste des loyers moins
chers autour de Montparnasse.
M. L'Allier: M. le Président, M. le député a
raison fondamentalement. Dans le fond, le rôle d'une ville pour ses
créateurs c'est de rendre le milieu accueillant, c'est de faire en sorte
que la vie y soit possible même si le produit, ultime-ment, doit se
vendre ailleurs. Pour illustrer ça, disons que faire un colloque sur le
théâtre ou sur la musique à Québec ça
coûte probablement moins cher a qualité de services égale
que si on est à Montréal; moins cher à Montréal
qu'à Toronto, moins cher à Toronto qu'à Vancouver et moins
cher à Vancouver qu'à New York. On a ce potentiel comme ville. On
doit rendre le milieu accueillant. Mais au bout du compte, derrière
ça, toujours derrière ça, la même question se pose:
II faudra toujours investir plus pour se garder à flot parce qu'on n'est
pas suffisamment nombreux pour générer nous-mêmes notre
marché culturel. Or, pour la vedette qui réussit à percer
à l'extérieur, il ne faudrait pas se faire d'illusions, il y a un
potentiel gaspillé considérable ici. Et, en ce sens-là, on
doit l'utiliser dans nos écoles. Comment faire pour ancrer la langue
française à l'école, pour faire en sorte qu'on ne soit pas
obligé de la calfeutrer à tout bout de champ? C'est de faire en
sorte que les enfants aillent
voir du théâtre, rencontrent des écrivains, parlent
avec eux. Que l'école et que le syndicat ouvrent l'école à
des gens du milieu culturel qui vont pénétrer les classes et qui
vont aller passer des heures, sortir des normes qui exigent qu'on ait au moins
15 ans d'expérience d'enseignement pour pouvoir mettre le pied dans une
classe. Faire que des peintres aillent parler avec les étudiants, des
musiciens, même ceux qui crèvent de faim, des architectes aussi,
des designers, des artistes.
Si on réussissait à se donner ça comme mouvement
culturel, je vous assure que, d'abord, on en ferait vivre des gens et,
deuxièmement, on aurait là une façon d'exprimer notre
différence, de montrer comment, pour nous, c'est important de toujours
bien réchauffer nos feux culturels pour se développer. On ne peut
pas se contenter d'être dans le train qui passe, qui est
nord-américain, et qui n'est pas le nôtre. Ce n'est pas parce
qu'on est contre, c'est parce qu'on est différents.
Je terminerai par une phrase qui m'a frappé, depuis quelques
années que je l'ai entendue, deux ans en tout cas, aux
États-Unis, par un Américain, en principe éduqué,
qui, dans une conversation en anglais, me dit: Mais pourquoi insistez-vous pour
continuer à parler le français au Québec? Dans son esprit,
c'était une obstination culturelle, un choix volontaire. On était
tous parfaitement anglophones, mais on s'obstinait, à chaque fois qu'on
voyait un Anglais, à parler le français devant lui! Quand je lui
ai dit qu'il y avait, ici, 70 % de la population qui ne parlaient pas autre
chose et que ça, ça représentait plusieurs milliers de
personnes, il m'a dit: Je ne savais pas ça. Un des rôles du
ministère des Relations internationales du Québec, qui vient de
déposer un gros livre blanc, c'est de s'assurer que ça se sache,
y compris dans les États limitrophes des États-Unis et si c'est
respecté chez eux... Mais pour que ce soit respecté par les
autres, il faut d'abord que, nous, on respecte ça et il faut qu'on
l'amplifie dans nos écoles. Moi, si j'avais à faire le tour de
tous les documents du passé, le plus important, je pense, celui qui a
été aussi peut-être le moins lu, ce n'est pas le livre vert
de 1976, c'est le rapport Rioux. C'est celui qui porte sur le positionnement de
fa culture dans le processus pédagogique du primaire au secondaire. Et
j'en suis devenu plus conscient depuis que je cohabite, comme maire de
Québec, avec le Musée de la civilisation qui s'est donné
comme vocation, à travers d'autres, d'être plus qu'un
musée, d'être un lieu d'éducation et qui innove de ce
côté-là. C'est extraordinaire. Le jour où tous nos
écoliers passeront par des institutions comme celles-là, et c'est
là que je reviens au rôle de la capitale... Ça s'adonne que
c'est à Québec. Tant mieux! On va essayer de les amener tous.
Aidez-nous à amener tous nos écoliers ici, trois ou quatre jours
par année.
Le Président (Ml. Doyon): Merci, M. le maire. En
remerciement, deux secondes, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Tempus fugit. J'aurais aimé vous demander,
M. le maire, si c'était applicable immédiatement, cette
implication des municipalités dans le contexte actuel, mais,
malheureusement, on ne vous donnera pas le temps de répondre. Mais je me
doute un peu de la réponse. Vous voulez sans doute négocier cette
implication des municipalités dans la culture et non pas subir ce qu'on
appelle, en vocabulaire usuel, un dumping de responsabilités. Je suis
persuadé que c'est la réponse que vous me donneriez.
M. L'Allier: Je dois dire, M. le Président, que j'ai
toujours perçu dans les relations qu'on a, à la ville, avec le
ministère... On n'est pas d'accord sur tout. Ce n'est pas grave,
ça. Le consensus, ce n'est pas une religion et une fin en soi, aussi
longtemps que c'est clair et qu'on se parle franchement. Mais j'ai toujours
perçu dans la volonté du ministère - je ne le dis pas par
flagornerie, je le dis parce que je le pense - une recherche de partenariat.
C'est ça qu'il faut développer. Il ne s'agit pas de peser l'un
sur l'autre et de se décharger de ses responsabilités. Soyons
partenaires et, moi, j'invite les ministères à l'être avec
les municipalités, mais à ne pas récompenser leur
turpitude. Ceux qui ne font rien ne doivent pas bénéficier de
subventions plus que ceux qui font quelque chose. Ça serait plutôt
le contraire. Faire en sorte que, lorsqu'un certain niveau d'investissement,
lorsqu'un certain niveau de choix est atteint à la hausse par une
municipalité, commence vraiment le partenariat où l'État
en met plus. Alors que la tendance traditionnelle des gouvernements, et
j'étais dedans, vous vous en souvenez, c'est toujours la même
chose: c'est que ceux qui font déjà un effort, on va leur dire:
Vous avez déjà beaucoup de choses et tous ceux qui ne font rien:
On va aller le faire à votre place. Ça, c'est encourager la
paresse au niveau culturel et il n'y a pas de place pour ça. Aidez ceux
qui font déjà le maximum et vous allez voir, les locomotives vont
prendre leur place sur les rails et on va avoir un vrai partenariat. Et c'est
vrai avec les municipalités, c'est vrai avec les associations, c'est
vrai avec les institutions. Il faut se sortir là aussi d'une chose que
le Conseil du trésor, malheureusement, toujours en disant qu'il ne le
fait pas, valorise, c'est: Si tu veux être récompensé par
les fonds publics, arrange-toi pour faire un déficit, sans ça, tu
n'auras pas d'aide.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous dites, M. le maire, c'est
souvent ce que certains de nos
organismes aussi nous disent, malheureusement. Vous savez, je ne peux
pas répondre à la grande question. J'aurais aimé, en 1990,
après 1976, pouvoir y répondre. La seule chose que je puis dire,
c'est que la démarche qui a été amorcée hier, c'est
une démarche qui est gouvernementale et qui, dans un certain sens,
prouve aussi l'intérêt du gouvernement pour la culture. Oui,
partenariat, oui, avec nos milieux, avec les municipalités - d'ailleurs,
je veux souligner la présence du maire d'Amos, ici, avec nous, et il y
en a d'autres aussi qui vont venir - et oui aussi avec le milieu
socio-économique. M. le maire, vous êtes à la hauteur de
vous-même. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
maire, au nom des parlementaires, il me reste à vous remercier. Le
message a été bien entendu. Et, tout en vous permettant de vous
retirer, je vais demander au groupe suivant de se préparer. Vous avez
peut-être une salutation à faire en partant?
M. L'Allier: Je voudrais vous remercier de nous avoir entendus,
vous souhaiter bonne patience, bonne chance et vous dire que je pense que la
majorité de ceux que vous allez entendre de ce côté-ci de
la tribune, Mme la ministre, vont vous offrir de vous aider à percer le
mur du son.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.
Nous avons, comme groupe suivant, l'École nationale de
théâtre du Canada. Je leur demande de bien vouloir s'approcher de
la table. Nous allons, sans délai, continuer nos travaux. Je leur
demande de prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue au nom des
parlementaires de cette commission. Ils sont ici depuis quelques minutes. Ils
savent comment nous procédons. Nous allons procéder de la
même façon avec eux: une quinzaine de minutes de
présentation et, après ça, le dialogue s'engage avec les
membres de la commission.
Je vois que Mme Mercure est ici. Je lui demande de bien vouloir
présenter les gens qui l'accompagnent aussi et de débuter,
dès maintenant, sa présentation.
École nationale de théâtre du
Canada
Mme Mercure (Monique): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames, messieurs, bonjour. Comme le président l'a dit, mon nom est
Monique Mercure. Je suis une actrice et je suis aussi membre du Bureau des
gouverneurs de l'École nationale de théâtre. Je suis
accompagné de M. Gilles Renaud, qui est acteur et directeur artistique
de la section française d'interprétation et d'écriture
dramatique. Il vous entretiendra du financement. Excusez-moi, non! Lui, son
intervention portera sur la formation en théâtre. Et je suis
accompagnée aussi de M. Simon Brault, qui est le directeur administratif
adjoint de l'École, qui vous parlera, lui, du financement de
l'activité culturelle.
Le Bureau des gouverneurs de l'École nationale, dont je fais
partie, est composé de 50 personnes provenant de toutes les
régions du Canada. Nous travaillons bénévolement et nous
sommes issus du milieu des affaires ou du milieu des arts de la scène.
Nous avons tous en commun l'amour du théâtre, bien sûr, et
la conviction que notre société a besoin d'une école
professionnelle supérieure, capable d'élever le talent à
la hauteur de l'art. L'École nationale de théâtre est une
institution unique au Québec, au Canada et, à certains
égards, dans le monde. Créée en 1960, l'École
nationale de théâtre ouvre ses portes à des jeunes en
provenance de toutes les régions du Québec et du Canada et qui
viennent à Montréal à l'École nationale pour
recevoir une formation avancée et spécialisée dans l'un ou
l'autre des divers aspects de la pratique théâtrale,
c'est-à-dire l'interprétation, l'écriture dramatique, la
mise en scène, la scénographie et les techniques de
scène.
Des artisans de la scène montrent leur métier. Des
praticiens viennent à l'école former de nouveaux praticiens.
C'est là la véritable originalité de l'École
nationale de théâtre. Elle fait partie du milieu plutôt que
d'en être un simple reflet. L'École nationale est une institution
culturelle qui se situe aux confins de l'enseignement, de la pratique, de la
création et de la diffusion du théâtre. Et je m'explique.
Elle est aux confins de l'enseignement, puisque nous sommes une école,
de la pratique, parce que notre enseignement est assuré par des
praticiens et elle est orientée sur la pratique. Elle est aussi
axée sur la création. L'École a toujours été
un centre de création. Elle a joué un rôle largement
reconnu et extrêmement important dans le développement et
l'affirmation de la dramaturgie québécoise et aussi de la
diffusion du théâtre. Nos enseignements aboutissent toujours
à la présentation de spectacles publics qui jouent à
guichet fermé la plupart du temps. L'École met aussi ses salles
à la disposition des troupes professionnelles à chaque fois que
c'est possible. (15 heures)
Les relations que notre institution entretient depuis 30 ans avec le
ministère des Affaires culturelles du Québec ont toujours
été à la mesure de la réalité que je viens
d'évoquer. Actuellement, l'équipe de l'École travaille
intensément avec celle du ministère à la
réalisation d'un projet soutenu par tous les milieux de Montréal,
et pour cause, la restauration et la mise en valeur du Monument national.
L'École nationale de théâtre se considère
interpellée par l'objet de cette commission parlementaire,
c'est-à-dire la proposition de politique de la culture et des arts
formulée par le groupe-conseil sous la présidence de M.
Roland Arpin. Le mémoire que vous avez devant vous résume
à grands traits ce qui nous préoccupe dans le cadre d'un
débat sur l'importance sociale de la culture et de l'action culturelle.
Ce qui sous-tend la proposition de politique de la culture est en rupture avec
un certain discours en faveur du désengagement de l'État par
rapport aux arts et à l'activité culturelle. Cela nous
apparaît à la fois réaliste et très
généreux.
En effet, particulièrement dans le domaine des arts vivants et
encore plus spécifiquement dans le cadre des activités de
formation, de perfectionnement, d'expérimentation et de création,
les subventions gouvernementales sont irremplaçables. Le financement de
l'activité artistique et culturelle doit être
considérablement accru. Qu'on sorte enfin du débat
piégé sur le prétendu partage des responsabilités
entre le secteur privé et l'État, voilà une très
bonne chose. Cependant, il ne faudrait pas qu'un nouveau débat sur le
partage des responsabilités entre le fédéral, le
Québec et les municipalités ait pour conséquence de
reporter encore des décisions urgentes en matière de financement
de pratiques en cours dans le secteur culturel. Mais, bien sûr, la
proposition du groupe-conseil va bien au-delà de la question vitale du
financement, il va sans dire.
Alors, mon collègue, Gilles Renaud, va aborder maintenant une
question soulevée dans le rapport, qui nous concerne directement, la
formation professionnelle en théâtre.
Le Président (M. Doyon): M. Renaud.
M. Renaud (Gilles): L'École nationale de
théâtre a un mandat, un système d'enseignement, un
rayonnement et des structures qui en font une institution à part dans le
réseau complexe et diversifié de la formation professionnelle en
théâtre. En effet, nous sommes une institution
spécialisée totalement axée sur l'enseignement des
différentes disciplines théâtrales, c'est-à-dire que
l'École nationale n'enseigne que les disciplines de
théâtre, contrairement aux universités ou aux
cégeps, par exemple, qui enseignent d'autres disciplines.
La formation que nous dispensons est axée sur la pratique
professionnelle par opposition à la formation partiellement
académique obligatoire dans les collèges et les
universités. Notre enseignement est fondé sur une approche
universelle, globale et intégrée de la pratique
théâtrale, c'est-à-dire qu'on reproduit, en fait, la
structure d'un vrai théâtre professionnel à
l'intérieur de nos productions et de notre enseignement. La formation de
nos élèves se fait dans le cadre d'une institution dite
"colingue", c'est-à-dire qu'il y a des sections anglaises et des
sections françaises qui fonctionnent de façon autonome et
parallèle sous un même toit.
Nous maintenons et renouvelons sans cesse une concentration permanente
des meilleurs pra- ticiens du théâtre en provenance de toutes les
régions du pays, comme de l'étranger. La recherche,
l'expérimentation et la création font partie intégrante de
notre activité d'enseignement. Nous sommes un centre de diffusion du
théâtre et de confrontation avec les publics actuels.
Nous considérons qu'un débat en profondeur sur la
formation professionnelle en théâtre est nécessaire et
utile. Cependant, il ne doit pas être mené avec la volonté
de trouver une formule qui élimine l'émulation entre
différentes approches et différentes institutions d'enseignement.
Dans ce domaine, comme dans tous les autres domaines de l'activitié
intellectuelle et culturelle, le monolithisme et la rigidité
orga-nisationnelle sont des éteignoirs.
Il faut, par ailleurs, éviter d'adopter un point de vue
d'économiste dogmatique en analysant le marché du travail. Si
l'offre, c'est-à-dire les gens de théâtre, est assez facile
à quantifier et à catégoriser, la demande l'est beaucoup
moins. Les statistiques sur la fréquentation des spectacles de
théâtre montrent que les Québécois vont de plus en
plus au théâtre, ce qui est encourageant. Cependant, la demande ne
se limite pas aux spectacles sur scène, loin de là et
heureusement. La demande pour des interprètes, des auteurs dramatiques,
des scénographes, des metteurs en scène, des techniciens de
scène et de plateau ne suit pas une courbe totalement prévisible
comme c'est le cas dans d'autres industries. Un parti pris concret de
l'État en faveur des arts et de la culture, par exemple, devrait avoir
un impact à long terme sur cette demande.
Aucune société ne devrait déplorer le fait qu'elle
a trop d'artistes. L'idée de contingenter leur nombre ne devrait
même pas nous effleurer l'esprit. Il faut faire le pari réaliste
que notre société aura toujours de plus en plus soif d'art, de
culture, de réflexion et d'imagination.
Je cède maintenant la parole à Simon Brault, qui abordera
certains aspects du problème financier de l'activité culturelle.
Merci.
Le Président (M. Doyon): M. Brault.
M. Brault (Simon): Comme on le dit dans le mémoire, on
souscrit, bien sûr, aux trois grandes finalités qui sous-tendent
toute la politique proposée dans le rapport, c'est-à-dire
développer le domaine des arts et de la culture, favoriser
l'accès à la culture et accroître l'efficacité de
l'intervention du gouvernement et de ses partenaires dans le champ
culturel.
C'est clair que, comme école de théâtre, on est
très préoccupés par tout ce qui concerne le soutien
à la création. On considère que ce qui est
mentionné dans le rapport Arpin concernant la rationalisation et
l'optimisation de l'intervention gouvernementale, ce qu'on appelle
communément "éviter le saupoudrage", c'est con-joncturellement
nécessaire, sauf qu'on s'interroge
sur le fait qu'une telle mesure puisse faire partie d'une politique
culturelle à long terme. C'est-à-dire que, s'il faut consolider
actuellement un certain nombre d'organismes, il serait dangereux de maintenir
cette politique de consolidation pendant une longue période parce que,
évidemment, on ne verrait pas ce qui naît et ce qui se
développe actuellement au Québec, et ce qui va naître et se
développer dans les prochaines années.
Par contre, on est, bien sûr, en accord avec les recommandations
du rapport qui proposent d'indexer les budgets des organismes culturels
existants. On considère en effet qu'une institution culturelle comme la
nôtre a ce qu'on pourrait appeler le droit au développement et que
ce droit au développement normal et sain, qui est reconnu à plein
d'autres institutions et organismes dans la société, on doit
aussi pouvoir en bénéficier et qu'il nous a été
nié assez généreusement dans les dernières
années.
On considère aussi que la recherche d'une plus grande
efficacité dans la gestion au niveau culturel ne peut pas et ne devrait
jamais être un objectif en soi, c'est-à-dire que cet objectif
d'efficacité dans la gestion est justifiable par, justement,
l'activité culturelle qui est indépendante des gestionnaires et
de l'État. On considère que, finalement, l'État peut jouer
un rôle majeur dans le développement et dans la promotion de la
culture, mais jamais l'État ni les gestionnaires ne pourront être
les décideurs ultimes de la culture ou même des initiateurs de
l'activité culturelle. On considère que l'État et ses
appareils peuvent répondre à des choix de société,
et le rapport Arpin est clairement un rapport qui va dans le sens de favoriser
ce type de choix là, en faveur de la culture, mais que cette
façon de répondre, finalement, aux besoins de la
société peut poser certaines interrogations et certaines
inquiétudes.
Nous partageons certaines des inquiétudes qui sont
soulevées actuellement dans le milieu par rapport au danger de
bureaucratiser à l'extrême des mécanismes d'intervention de
l'État, particulièrement au niveau du soutien à la
création. On voit aussi qu'il y a un certain danger actuellement dans le
débat, parce qu'on doit absolument réagir comme
société, de donner à l'État un pouvoir au niveau
culturel qui soit tel qu'on substitue un peu à l'activité
culturelle elle-même une culture d'État. Évidemment, aussi,
on a la même inquiétude que tout le monde par rapport à la
question du financement, c'est-à-dire qu'il y a un danger de rapatrier
des pouvoirs de dépenser et de se les voir détournés vers
d'autres besoins que doit combler l'État. Bien sûr, ces
dangers-là sont des dangers qui ne sont pas suffisamment importants,
puis qui ne devraient jamais être considérés comme
suffisamment importants pour évacuer le débat. Le débat
doit avoir lieu et on doit être capable de tenir compte des besoins qu'on
a comme orga- nisme culturel.
L'École nationale de théâtre a été
fondée il y a 30 ans. Elle a dû composer et elle compose chaque
jour avec des réseaux de subventions qui sont très difficiles et
très complexes et souvent anarchiques. Évidemment, à
l'École nationale, qui est une institution privée, on
reçoit des subventions du Conseil des arts du Canada, du
ministère des Communications du Canada, de huit provinces et de la ville
de Montréal. On est donc l'exemple parfait d'une créature
hybride, financée d'une façon absolument terrifiante. Ce qui est
certain, c'est que, malgré ça, on a réussi à
remplir notre mandat d'une façon qui est largement
appréciée et il nous semble important que, dans le débat
actuel, on soit capable de mener le débat, oui, sur le besoin ou non
d'un maître d'oeuvre unique, etc., mais effectivement, comme le disait M.
L'Allier avant nous, on ne peut cracher sur aucun dollar qui favorise le
développement de la culture. L'exemple du projet du Monument national
est un bon exemple qu'on pourrait évoquer plus tard.
On considère finalement - je termine - que le Québec a
toujours tiré profit et va toujours tirer profit de la présence
d'une institution comme l'École nationale de théâtre sur
son territoire. L'École nationale de théâtre est un
modèle de ce que le monde est en train de devenir. C'est une
école qui est décloisonnée, qui reçoit des gens du
pays, mais qui reçoit des gens qui viennent aussi du monde entier, et
une politique culturelle devrait reconnaître la nécessité
et le besoin d'une telle institution. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur.
Mme Mercure: Merci, M. le Président. Nous sommes
prêts maintenant à répondre aux questions que vous voudrez
bien nous adresser.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brault. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: II me fait plaisir de vous accueillir,
Mme Mercure, M. Brault et M. Renaud. Je voulais aussi souligner que M. Renaud,
comme directeur artistique, a annoncé hier... Vous avez annoncé
que vous quittiez l'École pour retourner à votre art. Je ne
voulais que souligner votre apport Important à l'École nationale
par votre dynamisme, le support aux étudiants. Évidemment,
ça nous fait de la peine que vous quittiez. Par contre, c'est sûr
qu'on vous retrouve ailleurs. Alors, on vous souhaite aussi la meilleure des
chances.
M. Renaud: Merci, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: J'aimerais parler un peu, justement,
avec vous de formation. On en a beaucoup discuté et on va en discuter
aussi
beaucoup à travers la commission. Ce matin, il y a eu la
Fédération des cégeps. On a discuté dans le
contexte scolaire où, là, on commence à donner des cours
d'art dramatique. Le directeur général des conservatoires est
avec nous aujourd'hui. On en parle partout. Pourriez-vous me dire comment on
peut nous assurer que tout travail, en fait, que tout ça se fasse en
synergie et qu'il n'y ait pas de dédoublement dans un système
versus l'autre? Est-ce que c'est possible?
M. Renaud: C'est-à-dire que, présentement, il y a
un organisme qui s'appelle le Conseil supérieur de la formation en art
dramatique qui essaie de mettre sur pied un programme d'enseignement, entre
autres, du théâtre, au niveau du secondaire, au niveau du
collégial et au niveau supérieur. Nous avons rencontré Mme
Robillard le printemps dernier pour lui faire part de notre étude. Je
pense que c'est plus au niveau des ministères - d'après moi - de
l'Éducation et des Affaires culturelles à voir à ce que
les programmes, entre autres, au secondaire et au collégial, soient la
suite l'un de l'autre pour arriver aux écoles supérieures qui
seraient les écoles existantes présentement. Est-ce que je
réponds à votre question?
Mme Frulla-Hébert: Oui, à une partie, parce que,
effectivement, on regarde maintenant de très près toute la
question de la formation, autant en art dramatique que formation musicale, de
telle sorte qu'on puisse donner une formation adéquate et soutenir,
finalement, cette formation à travers le Québec. Mais, selon
votre expérience à vous, présentement, au moment où
on se parle, par les étudiants que vous accueillez, parce que vous
donnez quand même une formation qui est très très globale,
c'est-à-dire dans plusieurs disciplines, est-ce que vous sentez aussi
qu'il y a un manque de coordination à travers tout ça? Vous
savez, un programme qui se donne d'une façon à telle place;
l'autre, évidemment, un autre genre dans le système
scolaire...
M. Renaud: C'est-à-dire, je pense qu'avant le
collégial il ne se donne rien de sérieux. Là, il y a deux,
trois projets-pilotes qui vont se faire, peut-être, dans certaines
écoles secondaires; entre autres, je crois que c'est à
Paul-Gérin-Lajoie, à Outremont, ils ont un projet-pilote. Mais,
avant le collégial, il ne se donne rien de sérieux. Même
nous - on est de niveau collégial, l'École nationale - on
reçoit des gens, parfois, qui sont un peu trop jeunes ou qui ne sont pas
prêts à entrer à l'École et on ne sait pas où
les envoyer en attendant. C'est-à-dire qu'il n'y a pas, par exemple, un
collégial général en théâtre, en art
dramatique. Alors, on les envoie en lettres, on les envoie en art. On ne sait
pas où les envoyer parce qu'il n'y a pas présentement de
programme préparatoire aux écoles supérieures en art, ce
qui existe en musique, par exemple, mais ce qui n'existe pas du tout en
théâtre, en art dramatique. (15 h 15)
Mme Frulla-Hébert: D'accord. À un moment
donné, vous avez mentionné toute la question du contingentement.
Effectivement, je pense qu'il n'y a rien de plus dangereux que de commencer
à essayer de contingenter, finalement, le talent, parce que c'est
ça dans le fond. Mais d'un autre côté, hier, on avait les
représentants de l'Université Laval, entre autres, qui nous
disaient: Nos jeunes nous disent aussi: Est-ce qu'on va avoir des
débouchés? Il semblerait que c'est une espèce de cercle
vicieux dans un sens où on ne contingente pas, donc, évidemment,
en bout de ligne, on fait place à l'excellence aussi parce que ceux qui
émergent doivent être très bons et on fournit aussi des
professionnels à plusieurs activités. Ça, c'est une chose.
Mais ceux qui veulent, qui veulent y aller, qui sont attirés, se disent:
Hum! est-ce qu'il y a des débouchés? Est-ce qu'il y a une
façon, finalement, de concilier les deux, sinon de dire: C'est le
marché, bon...
M. Renaud: Je pense que le marché s'agrandit
d'année en année. Quand je suis sorti de l'École nationale
en 1967, il y avait à peu près cinq ou six théâtres
professionnels. Il y en a près d'une centaine maintenant au
Québec. Bon, je ne sais plus, on avait des chiffres au niveau du
pourcentage d'artistes en 1968...
M. Brault: Oui, c'est ça. C'est quand même
étonnant, il y a 20 ans, en 1971, on dénombrait au Québec
290 acteurs et actrices professionnels. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, il y en
a 1400. C'est-à-dire qu'il y a eu une augmentation de presque 400 %.
Actuellement, quand on parle de contingentement et de professionnels, il sort
actuellement 60 élèves par année des écoles
supérieures, c'est-à-dire des conservatoires, cégeps et
École nationale de théâtre. De ces 60 personnes qui entrent
sur le marché du travail, statistiquement, depuis cinq ans, il y en a 25
qui abandonnent dans les premiers mois, qui quittent la carrière, qui
quittent la profession - c'est une industrie bizarre, l'industrie du
théâtre - et il y a seulement cinq retraits, ou morts ou
décès, par année. O.K. Donc, on se rend compte qu'il y a
un accroissement très important du bassin d'interprètes, si on
veut, sauf qu'effectivement ce que Gilles dit est tout à fait juste, on
a aussi une croissance constante du besoin d'interprètes au
Québec; il n'y en a jamais assez. On ne peut pas établir des
statistiques sur notre industrie comme on le fait pour d'autres industries.
Quand quelqu'un comme Roy Dupuis sort de l'École nationale et devient
une superstar en deux ans, parce qu'il arrive avec un casting qui
dépasse et qu'on ne rencontre pas dans le marché, ce
type-là déjoue toutes les statistiques. Et c'est presque la
nature de ce qu'on fait que de former des
gens qu'on ne peut pas rentrer dans les statistiques et dans les
modèles, ni au niveau de l'offre, ni au niveau de la demande. C'est pour
ça qu'on s'oppose un peu - et je suis d'accord avec ce que M. L'Allier
disait tantôt - on s'oppose vraiment à une approche
économiste, d'analyse de marché dans le cas du
théâtre, définitivement. Ce qui ne serait pas le cas, par
exemple, des techniciens de scène; ça, ce serait discutable.
C'est une autre chose. Mais des interprètes...
Mme Frulla-Hébert: M. Brault, autre chose aussi, c'est
parce que ça rejoint un peu la position du Conseil
québécois du théâtre. D'un autre côté,
on nous demande, même le Conseil québécois, avec
l'évaluation et tout ça... J'ai aimé à part
ça votre remarque disant: Bon, est-ce que saupoudrage... Je suis un peu
d'accord avec vous, il y a des temps d'arrêt, ensuite, il y a des temps
de développement et tout ça. Mais, toute cette question-là
de saupoudrage, on nous demande d'un côté d'arrêter de
saupoudrer et de consolider, autant les organismes nous le demandent que, en
fait, les divers secteurs, et, d'un autre côté, on dit: Allez, il
faut développer, développer, développer. Ce qui fait que,
quand on développe, il y a des nouvelles compagnies qui se forment. Des
nouvelles compagnies se forment, bon, à quelque part on est
obligé de les aider. Donc, on les aide. C'est ça, finalement, la
roue, hein? On saupoudre. Est-ce que vous avez une espèce de solution
à ça? Parce que, si on trouve la solution au saupoudrage et qu'on
a consensus là-dessus, déjà on fait un bon point.
M. Brault: Je ne peux pas prétendre qu'on a une solution,
mais c'est clair que c'est une question qui nous préoccupe beaucoup, sur
laquelle on réfléchit beaucoup. D'un côté, c'est un
peu normal que le CQT et des organismes comme le nôtre, qu'on pourrait,
sans vouloir insulter personne, appeler un peu "l'establishment" du
théâtre, c'est un peu normal qu'on demande qu'il y ait des
politiques de consolidation, des politiques d'indexation, qu'on ait le droit de
se développer. Mais, par ailleurs, c'est très conjoncturel et
c'est très important de s'assurer que... Nous, ce qu'on essaie de
développer, en tout cas à notre niveau, on essaie de faire en
sorte que l'École nationale - parce qu'on a beaucoup
d'équipements entre les mains, on a beaucoup d'expertise entre les
mains, on a des théâtres entre les mains - on essaie actuellement
d'accueillir le plus possible ceux qui créent et qui se
développent. C'est-à-dire qu'actuellement, à
Montréal, si vous voulez produire une pièce de
théâtre, vous êtes une jeune troupe, vous allez vous faire
refuser, par trois niveaux de gouvernement, les subventions parce que c'est une
première expérience. Qu'est-ce que vous faites pour produire un
spectacle? Actuellement, il y a des gens qui cognent à notre porte et
nous disent: Bon, prêtez-nous votre studio, prêtez-nous une salle,
prêtez-nous des ateliers pour construire les décors et tout
ça. Et on le fait et on considère que c'est notre mandat de le
faire parce qu'il faut qu'il y ait quelque part une première
représentation, une première manifestation pour qu'on soit
capable de noter ce qui existe. Et moi, je pense que c'est peut-être une
solution actuellement que d'obliger, jusqu'à un certain point, un
certain nombre de théâtres à avoir des auteurs en
résidence, une école de théâtre à accueillir,
justement, des premières créations, à faire en sorte que
les institutions qui existent, les organismes qui existent dans le milieu aient
aussi un rôle et une responsabilité par rapport à la
création. De la même façon que je suis d'accord sur le fait
que, si on augmente les subventions, on va demander des performances
administratives supérieures, je pense que, si on accorde des
subventions, on pourrait développer ce qu'on appelle un effet de levier
au niveau des subventions qui sont consenties. A mon avis, uniquement
éviter le saupoudrage à court terme, c'est une bonne mesure, mais
ce n'est définitivement pas une politique. Ça ne peut pas
être une politique à long terme parce que ce qu'on consolide
aujourd'hui risque de ne plus être à la fine pointe de la culture
dans cinq ans.
Mme Frulla-Hébert: Je veux juste toucher, parce que le
temps file, la question du "colin-guisme". Vous êtes, finalement, en soi
une institution unique parce que, effectivement, vous accueillez et vous avez,
en votre sein, finalement, des gens qui cohabitent, finalement des deux
cultures, anglophone et francophone. Comment ça se passe vraiment?
Est-ce que l'un peut influer sur l'autre, parce que c'est un modèle en
soi, ça aussi? Et on va avoir aussi des représentants -
d'ailleurs, ils sont ici avec nous - de la communauté anglophone qui
disent: Oui, on est capables, nous aussi, et on veut aussi ajouter à la
culture francophone, on a des choses à apporter. Alors...
M. Brault: Avant de dire comment ça se passe, j'aimerais
simplement donner quelques faits qui sont très étonnants. Depuis
trois ans, alors que le débat constitutionnel avec l'échec de
Meech et tout ça a été plutôt orageux et que le
Québec n'a pas nécessairement eu une bonne presse au Canada,
depuis trois ans, on a enregistré une augmentation constante des
demandes d'inscription du Canada anglais à Montréal, à
l'École nationale de théâtre. Pourquoi? Parce que je pense
que, pour les anglophones du Canada, de venir étudier à
Montréal, c'est un peu comme de venir étudier dans une ville
européenne au coeur de l'Amérique, jusqu'à un certain
point, c'est-à-dire que c'est reconnu à travers le Canada la
vitalité artistique de Montréal, particulièrement le
théâtre est très reconnu et très respecté
à travers le pays.
À l'intérieur de l'École, c'est clair que ce qui
existe maintenant, c'est effectivement des sections qui fonctionnent,
jusqu'à un certain point, en parallèle, qui partagent des
équipements communs, qui partagent aussi parfois une expertise commune,
comme il y a des professeurs en masque, en mouvement, et tout ça, qui
enseignent dans les différentes sections parce qu'il n'y a pas de
problème de langue comme en interprétation, en technique, et en
décor la même chose; en décor, on a une seule section avec
des Anglais et des Français. Et c'est clair qu'il y a constamment un
choc culturel, une émulation qui se joue entre les anglophones et les
francophones. Quand on lit tous les documents de l'École dans les 25
dernières années, la prise de position de l'École en
faveur du "colin-guisme", ce n'est une prise de position ni politique ni
philosophique. On a réussi à intégrer cette
réalité-là dans le système d'enseignement de
l'École et de voir constamment deux cultures qui se comparent et qui
fonctionnent... Je pense que, jusqu'à un certain point, si on
élève ça à un niveau supérieur, le
Québec, par rapport au reste du continent et par rapport au reste du
monde, est dans cette situation de...
Mme Frulla-Hébert: "Colinguistique". M. Brault:
..."colinguisme", si on veut. Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brault. Je vais
permettre maintenant au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de
continuer la conversation.
M. Boulerice: Oui. Mme Mercure, M. Renaud, M. Brault, je vais
débuter par une observation en page 3, ma satisfaction de lire ces
lignes-là: "Les mesures de soutien à la création nous
préoccupent tout particulièrement. En effet, les efforts de
rationalisation et d'optimisation de l'intervention gouvernementale
("éviter le saupoudrage") ne doivent surtout pas conduire à
négliger le soutien vital à apporter à
l'expérimentation et à la création." Je pense qu'il
était essentiel que cette balise-là soit clairement
définie et que des avertissements soient donnés. Je prends
toujours un exemple, ceux que j'appelle affectueusement "ces joyeux freaks",
qui, il y a sept ans, huit ans, peignaient aux Foufounes électriques, et
qui se retrouvent maintenant dans les galeries les plus prestigieuses et les
collections privées les plus riches. Je pense que vous avez bien saisi
le danger, effectivement, qu'il pourrait y avoir à brimer
l'expérimentation et la création qui sont essentielles,
d'ailleurs, dans le domaine de la culture. S'il n'y a pas
d'expérimentation, on s'en va à une institutionnalisation et
ça ne fait pas avancer.
Ma question est d'une autre nature. Je ne veux pas faire le divan avec
vous, mais vous semblez inquiets, voire même très inquiets, vous
vous interrogez sur les dangers d'une politique de la culture dans laquelle le
rôle omniprésent de l'État québécois...
où vous évoquez le spectre du dirigisme, de la bureaucratisation
et de la diminution des budgets. Je trouve que vous mettez beaucoup
d'inquiétudes, par contre, à ce niveau-là. Est-ce que vous
craignez un retour à la grande noirceur?
Mme Mercure: M. le député, je ne crois pas que nous
soyons terrorisés par ce que dit le rapport Arpin, mais, que nous soyons
inquiets, je pense que c'est une preuve de sagesse de notre part, parce qu'on
ne sait pas sur quoi va déboucher ce rapport. Ce rapport, qui est
très, très bien fait, que nous attendions - je félicite,
d'ailleurs, Mme la ministre de l'avoir commandé - mais comment sera-t-il
appliqué? Ça, je ne le sais pas. Je pense que M. Brault vous a
très bien expliqué en quoi consistaient nos inquiétudes.
Il n'en a pas fait un Bonhomme Sept Heures, il n'en a pas fait une chose qui
nous terrorise, bien au contraire. Mais je pense qu'il a très bien
expliqué quel était le dirigisme, et la centralisation est
toujours dangereuse en arts. N'oublions pas que c'est la liberté qui est
garante de la création. Sans liberté, il ne peut pas y avoir de
création. Les arts, le théâtre, la création est
garante de notre culture. Si nous ne créons pas, au théâtre
spécialement qui est l'art de la parole, c'est par le
théâtre que nous communiquons avec le public... Je disais à
mes collègues à midi: II n'y a pas de théâtre sans
acte théâtral. Pour faire du théâtre, il faut un
public, il faut une scène, des acteurs sur une scène, sans
ça le théâtre n'existe pas. Mais il est très
important dans notre pays que la création soit
privilégiée. Je pense que l'École nationale a fait en
sorte qu'au Québec, et je parle uniquement pour l'instant de
théâtre... Le théâtre, la dramaturgie
québécoise est devenue ce qu'elle est grâce à
l'École nationale de théâtre et à des merveilleuses
personnes comme le regretté André Pagé et sa... je ne sais
pas comment on dit, la personne qui lui a succédé, Michelle
Rossignol, et Gilles Renaud et Michel Garneau. L'École a diffusé,
justement, le travail des créateurs québécois en
théâtre.
Je vais répéter ce qu'a dit Simon. Simon a
été très clair et il parle beaucoup mieux que moi de
questions économiques et de questions politiques. Moi, je ne parle
qu'avec mon coeur et avec ma passion du théâtre. Et j'ai perdu le
fil de ce que je voulais dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Mercure: Non, non, c'est qu'à l'École, il a
raison, c'est un creuset. L'École est un creuset où on retrouve
toutes les techniques du théâtre, et sans faire de nombrilisme
puisque
nous sommes ouverts sur la profession, sur la vie culturelle du
Québec et, éventuellement, du Canada puisqu'il y a une section
anglaise dont Mme la ministre parlait... N'oublions pas qu'à
Montréal aussi il y a des anglophones qui viennent en grand nombre
s'inscrire à l'École et qui ont droit, évidemment,
à leur culture et à s'exprimer de leur façon; ils ont la
chance de le faire là. Bon, voilà, c'est tout, parce que j'ai
perdu le fil. Je n'ai pas l'habitude de faire des commissions
parlementaires.
M. Boulerice: Mais moi, Mme Mercure, j'aimerais vous faire une
gentille réprimande qui est: S'il vous plaît, ne dites pas que
vous, en tant que comédienne, ne pouvez pas parler d'économie et
d'administration et que l'on ne veut pas... parce que, de mon observation
depuis bien des années, si on gérait l'État comme on
gère certaines petites compagnies théâtrales avec le peu de
moyens qu'il y a, nos déficits seraient peut-être bien
moindres.
Mme Mercure: Vous avez bien raison, M. le député.
Vous avez bien raison. C'est admirable à quel point des
théâtres intermédiaires, par exemple, même des
théâtres institutionnalisés, lorsqu'ils veulent se
développer, n'ont pas les moyens... Ils n'ont pas les subventions qui
s'accroissent pour le développement et ça, il y a un mot pour
ça, M. Brault, je ne sais pas comment ça s'appelle, c'est le
développement, je crois?
M. Brault: Oui le droit au développement.
Mme Mercure: Le droit au développement.
C'est-à-dire qu'une compagnie qui change de théâtre, par
exemple, n'a pas les moyens de survivre une fois qu'elle a augmenté son
public, par exemple, ou que sa salle est plus grande. Et je vais parler du
Monument national. (15 h 30)
M. Brault: J'aimerais simplement dire un mot, par rapport
à votre remarque, M. le député, sur la question de ce
qu'on appelle la bonne gestion ou ce que je pourrais appeler la gestion pauvre
des organismes de théâtre, parce que c'est très connu. Tout
le monde sait que, dans le secteur du théâtre, on vit très
pauvrement, les salaires sont très bas, les conditions de travail sont
épouvantables et, à mon avis, ce n'est pas nécessairement
un modèle qu'on devrait projeter sur l'ensemble de la
société. Je suis un gestionnaire depuis 10 ans dans ce secteur
et, trop souvent, les gestionnaires de théâtre, on est
obligés de compter sur le prix très bas de la main-d'oeuvre des
acteurs, des créateurs, des concepteurs et on est obligés de
produire dans des conditions qui sont inacceptables pour le reste de la
société, par ailleurs. Je pense que ce qui est bon dans le
rapport Arpin, et c'est une chose très positive, c'est qu'on sort
effectivement de tout ce débat sur l'industrie culturelle, etc., qui est
un débat qui n'est pas nécessairement faux pour ce qui est une
industrie culturelle, mais la culture ne se résume pas aux industries
culturelles. Nous sommes particulièrement dans ce qu'on pourrait appeler
l'artisanat culturel au niveau du théâtre et il est important que
la société, que l'État, que tout le monde prenne
conscience que ce qui est fantastique, fascinant, merveilleux qui sort du
théâtre, ça doit être rémunéré
et correctement rémunéré. Je pense que le rapport Arpin,
et c'est la position que le gouvernement a prise dernièrement, que la
ministre a prise en tout cas, ça va dans ce sens-là et ça,
c'est très positif et c'est très rassurant pour les gens qui sont
dans le secteur théâtre. N'oublions pas qu'actuellement, à
Montréal et à Québec, il y a plein de
théâtres qui viennent d'être construits. On va
emménager, tout le monde, dans des nouveaux locaux, mais, maintenant, on
a à faire face à un autre niveau de gestion que celui qu'on a
connu dans le passé. On a des besoins et il va falloir que ces
besoins-là soient reconnus par la société et par son
gouvernement.
M. Boulerice: D'accord.
Le Président (M. Doyon): Merci. M le député
de Mercier.
M. Godin: Oui, M. le Président. Merci. Moi, il me vient
une question en écoutant Simon Brault. D'où vient le fric que...
Moi, je les vois entrer chez vous, les comédiens, parce que c'est dans
mon comté, l'École, où j'ai déjà
été, d'ailleurs. Est-ce que c'est le BS? Est-ce que c'est
l'assurance-chômage? Est-ce que c'est des "jobines", de la figuration?
Comment ils font pour ne pas crever de faim, pour se loger ou pour prendre une
bière une fois par 15 jours, mettons? D'où vient le fric, M.
Renaud - quand vous étiez jeune, vous, il y a quelques années
seulement?
M. Renaud: On n'a pas droit à l'assurance-chômage,
d'abord. Le BS, il y a une partie des jeunes qui sont parfois sur le BS. On
essaie de se faire offrir des bières quand on rencontre des
députés dans certaines brasseries!
Des voix: Ha, ha, hal
M. Renaud: Mais c'est, comme vous dites, les "jobines" et autre
chose. Il y en a plusieurs qui travaillent à faire toutes sortes de
choses plutôt qu'à faire leur métier en attendant d'avoir
des contrats. Il y a beaucoup de petites productions en théâtre,
de l'autogéré, tout ça. Alors, ils arrivent à
survivre. Quand un acteur ou une actrice est le moindrement connu, on commence
à faire un peu de télévision, on commence à gagner
un peu plus d'argent.
M. Godin: Plus concrètement encore, M.
Renaud, vous qui êtes passé par là sûrement,
quand le gouvernement ou les gouvernements ou la SOGIC libèrent des
fonds pour faire un film, est-ce que tous les gens de votre École et
d'ailleurs, enfin les comédiens qui n'ont pas des noms, des
carrières ou des réputations bannières, si on peut les
appeler comme ça, est-ce qu'ils envisagent ça comme étant
l'arrivée d'une espèce d'orage sur un sol desséché?
Le film de Gilles Carie, qu'il tourne avec Michèle Richard, quand il a
été annoncé qu'un film se tournait à
Montréal, est-ce qu'il y a des jeunes, des étudiants
comédiens, chez vous, qui ont dit: Tiens, voilà ma chance, je
vais aller frapper à la porte, puis peut-être bien qu'il va tomber
quelques canards - comme on dit maintenant à cause de la pièce de
monnaie - dans ma sébile? Juste pour faire comprendre...
M. Renaud: Oui.
M. Godin: ...au ministère des Affaires culturelles qu'il
faut que la SOGIC ait un budget augmenté, que Téléfilm
Canada ait un budget augmenté et qu'il se tourne de plus en plus de
films au Québec parce que les réalisateurs, plus ils en font,
meilleurs ils sont; les comédiens, plus ils jouent, moins ils
crèvent de faim et, un jour, ils paieront une bière à leur
député...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: ...à la brasserie Chez Baptiste.
M. Renaud: En fait, c'est sûr que le gros du travail
présentement se fait à la télévision,
c'est-à-dire dans des mini-séries comme "Les filles de Caleb",
"Lance et compte", ce qu'on vient de faire, "Montréal, ville ouverte" ou
"Scoop". Alors, ces séries-là emploient énormément
d'acteurs, de figurants. Ça, c'est toujours bienvenu. Si on parle du
théâtre, je ne connais personne qui a réussi. Je connais,
mais personne qui vit uniquement du théâtre en tant qu'acteur,
technicien de scène ou scénographe. Tout le monde est
obligé de gagner sa vie ailleurs, c'est-à-dire, je parle du
salaire minimum. Le théâtre ne permet pas à des artistes de
vivre. Alors, les artistes sont obligés d'aller faire autre chose.
M. Godin: Ça veut dire que le saupoudrage est absolument
essentiel.
M. Renaud: Le saupoudrage, oui. Moi aussi, pour en revenir
à ce que disait Simon...
M. Godin: Parce que, s'il tombe un grain de poudre dans
l'appartement presque désaffecté d'une jeune comédienne de
votre École, pour elle, c'est le Pérou, si on peut dire, sans
allusion politique.
M. Renaud: Oui, effectivement. C'est-à-dire que c'est
évident qu'il faut que les compagnies existantes puissent avoir des
espèces de garanties de survie. C'est important. C'est important pour
les créateurs, c'est important pour les directions artistiques de savoir
que, dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans, ils vont pouvoir faire un
autre spectacle. Ils peuvent penser à long terme. Je me souviens, entre
autres, de Gilles Pelletier, quand il était directeur de la Nouvelle
compagnie théâtrale, qui construisait ses saisons par bloc de cinq
ans. C'est-à-dire qu'on présente un Shakespeare. Alors, l'an
prochain, on présentera telle autre pièce ou telle autre qui
amène telle autre. On travaille comme ça à l'École
aussi, en formation. On les fait travailler tels types de théâtre
en première année pour qu'en troisième ils puissent jouer
tels types de spectacles.
Alors, c'est important qu'ils sachent, les directeurs des
théâtres institutionnalisés ou, en tout cas, officiels,
que, dans cinq ans, ils vont être encore là. Mais c'est important
aussi que des jeunes créateurs sachent qu'ils peuvent, dès
demain, commencer à élaborer un projet qui va avoir lieu dans
trois ans, dans deux ans ou dans un an. S'il n'y avait pas eu le saupoudrage,
Gilles Maheu ne serait pas là à tourner partout en Europe, Robert
Lepage ne serait pas là non plus à faire des mises en
scène au National, à Londres, puis à faire des spectacles
à Berlin et à Mexico et à amener ses spectacles. Ce sont
ces saupoudrages-là qui ont permis ça aussi, qui ont permis
à ces compagnies-là maintenant, à ces artistes-là
d'exister sur la scène internationale et sur la scène locale.
Mais, bien sûr, on pourrait nommer 25 compagnies qui ont commencé
par des saupoudrages et qui sont devenues des compagnies très
importantes. Alors, c'est évident. Je sais que ça risque
d'être un débat important, mais il faut y voir, c'est très
important.
Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur...
M. Godin: M. le Président, j'ai eu mes réponses et
encore mieux que je ne l'espérais.
M. Boulerice: Et vous aurez une bière. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Renaud.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots
de remerciements, le temps étant écoulé.
M. Boulerice: Oui. Eh bien! Mme Mercure, M. Brault, merci de
votre participation.
Une voix: Renaud.
M. Boulerice: Je m'excuse... Oui, c'est ça, j'ai bien dit:
M. Brault.
Une voix: M. Renaud.
M. Boulerice: Renaud? Non, non. J'ai salué M. Brault et je
voulais, en terminant, saluer M. Renaud - j'ai failli dire "Gilles";
j'espère qu'il aurait excusé cette familiarité - en lui
disant: À très bientôt! sur scène ou à
l'écran.
Le Président (M. Doyon): Très bien, merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, moi aussi, je me joins
à mes collègues pour vous remercier. Effectivement, vous dites:
Le saupoudrage, ça risque d'être un débat. C'est un
débat. Et c'est un débat, on est tordus d'une certaine
façon. Je pense qu'il y a une chose, par exemple. C'est le
développement aussi des publics et ça, ça commence
à l'école, ça commence jeune, parce qu'on a beau
développer, vous le savez comme moi, si les salles sont pleines à
50 % ou à 45 %, on fait tous face à des problèmes majeurs.
Merci, encore une fois, et bonne chance.
Des voix: Merci.
M. Boulerice: Et ne lâchez pas l'écriture
théâtrale. J'ai bien aimé quand François m'a
amené à l'école.
Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je vous
remercie en vous priant de bien vouloir vous retirer pour permettre au groupe
qui vous suit de prendre votre place. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre l'Association des éditeurs
anglophones. Je pense qu'ils sont présents dans la salle. Je les invite
à s'avancer, à bien vouloir prendre place à la table qui
leur est réservée. Je vois qu'il y a deux personnes. Je pense que
c'est M. Farkas et Mme Haughian. Une fois qu'ils auront pris place, je les
invite à se présenter et nous allons procéder de la
même façon que nous avons fait jusqu'à maintenant, soit une
quinzaine de minutes de présentation suivie d'un échange pour le
temps qu'il restera également à partager entre les deux
formations politiques. Nous sommes prêts à vous écouter,
vous avez la parole.
Association des éditeurs anglophones du
Québec
M. Farkas (Endre): Mme la ministre, membres de l'Assemblée
nationale, mesdames et messieurs, je vous remercie, au nom de l'Association des
éditeurs anglophones du Québec, de nous avoir invités
à participer à ce débat.
The Association of anglophone editors of Québec includes
publishers with very different individual aesthetics and a wide variety of
public views and political views. But, despite of this diversity or perhaps
because of it, we do have common concerns and criticisms of the recom-
mendations by the Arpin Commission. Our main concerns center on the
recommendations that total cultural powers, political and financial, be
transferred from Ottawa to Québec and this total control be administered
by a super ministry. We strongly oppose the recommendation that all and total
culture control be given over to Québec or any province for that matter.
We oppose this for a number of reasons.
First of all, we oppose it because it makes terrible business sense. The
presumption is that this transfer is one of the trade-offs for Québec
staying in Canada. If this is the case, then it puts Québec artists and
cultural industries at a great financial disadvantage. In this scenario, other
organizations from across Canada will have access to multiple sources, federal
and provincial, while we, in Québec, would have only one. It is bad
business for any business to be limited to one source of Investment. So why is
the publishing industry being asked to be so self-destructive? And we are
certain that the amount of total money that would be available for
Québec would in no way equal what the current combined federal and
provincial total equals. Right now, francophone publishing gets 42 % of all
federal funding. We think that Québec would be hard pressed to add that
much to its current contribution.
Aside from this and more importantly, we see great danger in this total
control because administrative structures are not value free. They reflect and
promote particular social and cultural values and aspirations. If we are
limited to one administrated bureaucracy, then we are in danger of having this
all powerful source dictate the production of culture: What is supported by
public funding? What is offered for sale? And what is distributed? The
long-term results of such control and approval are, on the one hand, a tendency
to produce a kind of cultural Pablum, baby food, and, on the other hand, a kind
of intellectual totalitarianism.
In the first instance, in a centrally funded and centrally controlled
environment, there would be great pressure on publishers to practice
self-censorsphip and not publish books that are politically or artistically
risky. In the second, artists or groups who do not belong to the power elite or
who dissent from its policies would not find funding for publication. This
results in the suppression of dissent, directly or indirectly, because
dissenting voices cannot reach an audience. It means control of what enters the
public consciousness, what enters the public discourse and what is attended to.
This is obviously very dangerous to the democratic principles which we all
value in a free society.
Our other concern is also related to freedom, it is the recommendation
that a super ministry should be set up to administrate the sole cultural body.
One does not have to have read Kafka's The Castle or George Orwell's
1984
to know that a super ministry spells super trouble. A super ministry is
the least feasible way to fund and promote arts production. The belief that a
single policy, strategy or program can support the diverse and varied
intellectual activity necessary to sustain the health and welfare of a society
is either naïve or ill-intentioned. (15 h 45)
Real intellectual and artistic work is dangerous to all regimes in power
because, by its nature, it must question everything. Therefore, in order to
allow the freedom necessary for this intellectual and creative work to go on,
we must have culture out of the hands of the government of the day as much as
possible. Rather than the creation of a super ministry, the AEAQ strongly
recommends the creation of an arm's length funding and administrative
organization. This organization would not be under the influence and pressure
of the government of the day. Rather, it be given the adequate funding and this
funding and its distribution be administered by people whose field of expertise
be that particular discipline and not the political ideology of the elected
government. Because parties come and go but the arts remain.
We also recommend that these arm's length bodies be decentralized so
that they be more sensitive and accessible to the artists and cultural
organizations of those regions and that input come from those who are the
clients rather than those who are the administrators.
We, as English language publishers, obviously have our own particular
concerns. We feel that through our books by Québec, Canadian and foreign
writers, we participate in the local, national and international market place.
We do this even though we are disadvantaged pertaining to having an easy access
to the provincial grants as our counterparts in the rest of the country.
We would like to see changes to the accessibility to the grants for
publishers so that it would be easier for us to qualify. We would like to see a
proper proportion of Quebec's publishing fund go to English language
publishers. We would also like to be recognized as vital contributors to the
cultural fabric of Québec and Canada. Your invitation today shows us
that you do see us as necessary contributors to that debate. We hope that your
actions will reflect that too. Thank you. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Farkas. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Farkas, bienvenue. Mme
Haughian, je ne sais pas si je...
M. Farkas: C'est Mme Haughian.
Mme Frulla-Hébert: Mme Haughian. Alors, bienvenue. Je suis
très très contente que vous soyez ici parce que c'est important,
d'ailleurs, ce dialogue-là. Il y a une crainte. You seem to be worried
about this super ministry. You seem to be worried about one administrative
power, in a certain way. You are not the only one that is worried about it. So,
you know, let us discuss it from your point of view.
In the other provinces, let us take Saskatchewan or Manitoba, they are
asking for almost total, I would say, total help and administrative power from
the federal, saying that their province is not, let us say... Saskatchewan, for
example, abolished its Ministry of Cultural Affairs. I think that there is only
Québec, and also Ontario, that has a strong... a strong will on the
cultural business and wants to develop itself as a province. The rest, you
know, the federal can do it. Here, of course, we have another vision because we
have, first of all, those both cultures and also intertwined cultures. One has
to give to the other. But can you tell me why the presence of those two sources
of financement, one federal and one provincial, sort of helps the liberty of
expression, and that only one would sort of, if I take it by the reverse, would
kill this liberty of expression?
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Haughian (Karen): II y a deux raisons. La première,
c'est certainement la liberté. Je pense qu'avec tout le monde qu'on a
entendu aujourd'hui, on a parlé de la liberté d'expression
artistique et, comme on demande d'avoir toujours ce qu'on appelle un "arm's
length body" qui juge si on arrête l'argent ou non, il y a toujours des
chances, il y a un risque que les gens de notre milieu vont dire dans un an:
Non, il n'y aura pas d'argent. Alors, si tout l'argent vient d'une source, on
est coupés, on peut faire faillite dans un an, parce que tout le monde
sait que c'est impossible de faire les arts, les industries culturelles sans un
peu de subventions.
Alors, si on peut demander à plus d'une source et,
idéalement, ce serait trois sources, municipale, provinciale et
fédérale, et même internationale...
M. Farkas: Elle peut être privée aussi.
Mme Haughian: Mais si on peut demander un peu de tout le monde au
lieu d'une source, ce serait beaucoup mieux.
Mme Frulla-Hébert: Vous parliez, à un moment
donné, d'aide. C'est sûr que, par la loi sur le
développement du livre, on aide aussi - c'est parce que le marché
est tellement petit - on aide, évidemment, les maisons d'édition
qui sont de propriété québécoise. On est en train
aussi de voir avec les médias, justement, à savoir: Est-ce que
ça reflète encore la réalité d'aujourd'hui? Mais,
pour l'instant, cette protec-
tion-là à cause, justement, du petit marché a fait
en sorte quand même qu'on a développé la chaîne, si
on veut, ce qu'on appelle, nous, la chaîne du livre. Alors, ça
explique un peu pourquoi les maisons qui sont de propriété ou en
partie de propriété américaine, si on veut, à ce
moment-là, évidemment, ne reçoivent pas d'aide. Quand
même, vous faites face à une autre problématique au niveau
du marché, c'est-à-dire, justement, cet influx de
littérature américaine qui vient ou, finalement, qui entre ici
à bon prix. Comment faites-vous pour essayer de survivre malgré
ça?
M. Farkas: We are an affiliate of the Association of Canadian
Publishers that has branches all across Canada and, at the federal level, we
are working to change, to have input into the policies that will allow a
healthy Canadian publishing industry. Here in Québec, we, the English
language publishers - and I have to stress that it is not English publishers,
we are English language publishers...
Mme Frulla-Hébert: Yes, that is true.
M. Farkas: We publish writers from other places, from other
languages. We are a very diverse group of publishers. We have difficulty,
because of where we are located, to have access to our market, because 80 %, if
not more, of our market is out there, and we feel that we need sources from
there to help us stay healthy. We also need sources, we need funding from
Québec. And some of the criteria that Québec has for
accessibility - we do not often meet or it is more difficult for us to meet
than others - one of the requirements is 15 titles by Québec authors and
that 15 titles by Québec authors makes it sometimes difficult for an
English language publishing house because it publishes authors from outside of
Québec.
Mme Haughian: There is one very odd aspect about anglo publishers
in Québec and that is that in every other region of Canada, there is a
regional market, but, for anglo publishers in Québec, our market has to
be outside. And yes, we try to compete in the rest of Canada and yes, we try to
compete in the American market, but within Canada, we can compete. Small
presses are the presses that are doing the research and development in this
country in terms of writing. In the United States, we have great difficulty
because we do not have the market base, we cannot make our books as cheaply as
they can, we pay higher prices for everything here and, then, we try to compete
with their books coming into Canada, and yes, it is very difficult. So, we do
not have the solid regional support of our market and we do not have a larger
market that we can compete in very well. So, yes, it is...
M. Farkas: We face all sorts of difficulties at all levels.
Mme Frulla-Hébert: Should we modify, then, in a certain
sense specifically, our law, and how, to include you? You see, the thing is...
You have now the new program by la Banque fédérale de
développement, announced, I think, a year and a half ago, by Mr. Masse,
to help the publishers. They kept their GST, we did not, and they said: We will
subvention, and we prefer having a more permanent way, knowing that subventions
sometimes are there and tomorrow they are not. So, we have a tendency to say:
O. K., well, fine. You know there is a program... For that you are right, there
is a program taking care of that market and we will take care of our own
because our market is so, so small and the problems that you are facing them
towards the States our writers are facing towards France. You know they are not
that open to greet us. So, what is the solution for you here, you know, for us
to help you?
Mme Haughian: First of all Is loosening the guidelines, that, in
comparison with the other provinces, Québec has very, very stringent
restrictions. 15 titles is very high unless it is open to other kinds of
titles.... Other provinces demand to have the ownership of the company within
the province and, yes, I think that it is absolutely crucial to protect the
industry from foreign interests. But they do not demand to have all of the
authors from that province. And one of the things that we need Francophones to
understand is that, yes, we publish Anglos and, yes, we publish Francophones in
translation. We do a lot of bridging from Québec to the outside world.
And, in order for a house... If there is a francophone author in Canada who
wants to be published, he or she will probably look for a publishing house
within Québec. If there is a quality anglophone author in Canada, he or
she will look anywhere in the country. We have to be able to compete in that
anglophone market. So we need to be able to attract excellent anglophone
authors. So, If we are limited to publishing québécois authors,
we cannot compete in our own milieu. So, that is one of the criteria that
really is blocking us.
Printing in Québec. Times are tough. Printers are suffering as
much as publishers are. They are competing for business. But Québec
publishers have got to be competitive. If their prices are not as good as an
Ontario printer or a Manitoba printer, we do not have the money to say: That
does not matter. You are from Québec, so we will buy "chez vous". What
we are getting from book sellers these days, we do not care if it is printed in
Canada. It is too expensive. So, a lot of Canadian publishers now are looking
at publishing, at printing In Taïwan, In Hong Kong, in the States.
Somebody has to stop
the trend.
M. Farkas: We would also like if there would be a support for the
infrastructures at the school levels. We would like to see libraries better
funded and asked to buy books from Canadian publishers or Québec
publishers rather than the possibility of buying around where it is possible
for libraries to buy books, Canadian books from an American distributor which
we get less percentage of if we get anything. O. K.
Also, I think that if the eligibility criteria was such that there would
be such things as far as we know, there is not a project grant system by which
publishing house can come on line, because to get 15 titles zap... to exist for
15 titles, it is difficult.
Mme Haughian: The other thing as we understand it, the grants,
and we are going by word of... because we never actually had any, is that
grants are based on the previous year's sales and projections of future sales.
And most of the litterary presses in Québec, of which the majority of
AEAQ members are, do not have the kind of sales figures that can even get them
entry level for grants from Québec. And, in our view, that is not really
seed money. We need the money to develop the market. We do not want a pat on
the back for having these great sales and, O. K., a certain percentage of that.
We will give it back to you so you can keep on doing it. What we are saying is
that we are struggling to survive. We are not making that kind of money yet. We
do not have profits.
Le Président (M. Doyon): Thank you very much. I will give
the occasion to the Member for Sainte-Marie-Saint-Jacques to continue the
conversation with you now. (16 heures)
M. Boulerice: Yes, and I will address in English so I will be
sure that you understand what I say. I do not question your coming here, this
is your right. So, I do not know in what context you used the word
"totalitarianism" a few seconds ago in your oral presentation. I said: I am
glad you are here and I said: I do not know in what context you used the word
"totalitarianism" in your oral presentation, but it is evident that is does not
exist, because you are here and free to express your feelings.
But, in your expression, there is lots of contradictions. You seem quite
bothered by a super ministry, but you ask for more controls about buying books.
That is what you just asked the Minister. If you are against a super ministry
in Québec, you will probably agree that we dismantle the federal
Ministry of Communications because it deals with arts, cultures,
communications, telecommunications, satellites, museums; this is quite a super
ministry that we have at the federal level. It should be dismantled, do not you
agree with that?
And you said that one source of financing is quite a problem. Great. You
have two sources of financing, but you have a GST on books. I know quite well
the dossier, I started the fight meanwhile that federal Ministry of
Communications has put millions on a Musée du rire and 450 000 000 $ for
the Museum of Civilization. This is an empty box for me. Great sight, but a
very cheap insight. Two sources of financing is a good guarantee that you are
going to get what you need? I just gave you an example that did not help. We
might ask for a third one and, then, why not a forth and a fifth?
M. Farkas: Well, I personally think the more is the better.
Getting back to your first point about totalitarianism, I said it could, it is
a possibility if you have only one funding source. That has often been the
reality in some cultures - one I have come from - where there has been a
control and therefore it resulted in a certain kind of... one kind of artistic
vision allowed.
Now, on behalf of the AEAQ, what we are saying is that we do not want
that; we would like to see as much decentralization. And when you talk about
the DOC and other things federal funding, there is a tendency to be arm's
length, they give the funding to an art's administrative body and, then, they
do whatever they do with the arts. I am not going to pass judgment on the
quality of what is inside the Musée de la civilisation. That is not my
field of expertise, but, as a publisher, I know that I would like to see as
diverse a publishing industry as possible. Also, knowing the reality that a
serious publishing is not often, rarely, a profitable matter, people who get
into publishing publish because they feel that they can contribute to a
cultural well-being of a society. When we ask for guidelines to be eased up
rather than more control put on it, we are asking that we may participate in
that process.
M. Boulerice: Mr. Farkas, I do not know what country you come
from, but you are now here, in Québec, and I do not think that anybody
can teach me lessons of democracy in this country. Fear of totalitarianism is
everywhere. So far, if we look through our history, I do not see it ever
present here. It is an argument that has always been used when we are dealing
or asking for more powers for Québec. There is two societies in Belgium,
which is a country I know quite well, the French and the Flemish. They have one
source of financing. And I do not think that the Flemish are out on the
streets, shouting against totalitarianism.
There are many minorities in other countries; there is a large Turkish
minority in Germany right now and, even if that country had for a certain time
a bad experience of totalita-
rianism, I do not think they are all on the streets, shouting out there.
It is just the same with France where there is a very large Arab-speaking
community. None, there, calls about those old fears. It is, to my standards,
the new argument used by opponents of Québec sovereignty. Years ago, it
was: Do not do that! It is going to be a ruin in terms of economy. Now, the new
trend is: Beware of the civil rights, beware of that cross temptation they
might have to get control over everything. My standards, Mr. Farkas,
abstraction about the work you are doing in your associations, your remarks and
what is written in it is an insult.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Mercier.
M. Boulerice:... against the GST. M. Farkas: May I respond
or...
Le Président (M. Doyon): Yes, Mr Farkas, go ahead!
M. Farkas: Yes sir, we are fighting against the GST. We have been
lobbying very hard at the federal level. We do not oppose it... we do oppose
it, we support Québec, we approve Québec not putting any taxes on
books. It is not that we are out on the streets, mounting barricades, we are
here in a Parliament, in a Chamber trying to present our concerns and as we
said in most of the brief that we presented it was about the notion of trying
to get multiple levels of funding going. We are not whining Anglos saying that
our rights are being trampled. We are speaking as publishers who have fears
about the nature of power.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Farkas. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Oui, M. le Président. D'abord, je dois remercier
l'Association des éditeurs anglophones d'exister parce qu'un de vos
membres, Guernica, va bientôt publier un de mes romans en traduction
anglaise. Alors, ce sera un bon test à faire. Est-ce qu'il y a un
intérêt, is there an interest for a separatist French writer
translated in English for the readers of The Gazette or any other... But
there is one thing in your remarks that made me very mad and I must tell you
that I am fed up with these fears of an orwellian society if Québec ever
becomes sovereign. I am 54 years old. I was a journalist... the same age than
you, I think.
M. Boulerice: Imprisoned by the Federal Government.
M. Godin: I was. This is my turn, my dear colleague, and the only
experiment I had with totalitarianism was with the federal level of government.
I was barred from CBC because of a remark I did about Prime Minister Trudeau at
that time, I was jailed. It Is not dreams; It is things I have lived through. I
was jailed by the damned RCMP, friends of all publishers of the world. So,
freedom of expression, In my case, was trampled upon by the Federal level of
government. And only then, so, I am not afraid of totalitarianism from
Québec but from the RCMP, from the Federal beast, when the beast does
not feel reassured by the events. Every time Québec moves, the beast
growls and it makes me very fearful because I know the beast and I know what it
can do to a simple publisher. And now, I know that I was jailed in 1970 because
I published some book by Pierre Vallières, which is a good case of
trampling freedom of expression, and trampling ideas, very well expressed by a
good writer who was translated and read in more than 20 countries, European and
in North America.
M. Farkas: You are talking of Pierre
Vallières's "Nègres blancs d'Amérique"? You are
mentioning Pierre Vallières1 book. Is that what you are
mentioning just now?
M. Godin: Yes. "White nigers of America". M. Farkas: Yes.
May I answer?
Le Président (M. Doyon): Yes, M. Farkas, if you have
something...
M. Godin: I am almost over, M. le Président.
M. Farkas: O. K.
Le Président (M. Doyon): Allez, M. le
député.
M. Godin: So, I am fed up with paranoia of my own publishers, my
own neighbours in the same riding where I live, because there is no basis, in
fact, to that paranoia in the recent years and even in the very past years.
There is only one writer who gave us an exemple in a recent article, but it was
coming from the years 1904 and 1911, which is not a very recent case of
totalitarianism. It is in the backstore of some Québec institutions, not
recent and not threatening. And anyone, M. Farkas... You are a publisher, so
you know the Importance of words and of books, as much as I do. Anyone talking
about totalitarianism now, in Québec, is possible. And let me tell you
something about the super ministry of Culture. With the tradition of the
Liberal Party, a government of slowness to do things, we will all be dead
before that ministry ever exists. We are not going to see It as long as we are
alive, M. Farkas, and Mme Haughian.
Le Président (M. Doyon): M. Farkas, for a short answer
because time is going away.
M. Farkas: O. K. Two things. In principle we are all opposed to
totalitarianisms, not one. It is not the privileged position or the possible
mental state of one. All, we oppose. Secondly, just a point of that Pierre
Vallières' book. If I am not mistaken, it was translated into English by
McClelland and Stewart and they received Canada council funding. So, I think
that there is, on that, particular example there was an openness by another
funding source that may have been opposed to the ideas involved in the book,
but, because there was that arm's length situation of the Canada council, it
provided funding for the existence of ideas that were not, maybe, popular, or
perhaps risky.
And just to close, I'd like to say that we want to be part of the
Québec cultural scene. We are part of the Québec cultural scene.
We have been part of the Québec cultural scene, and what we are asking
for is the ability or the means by which we can participate more fully.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Farkas. Un mot
de remerciement; le temps est terminé, M. le député.
M. Godin: Ce n'est pas un mot de remerciement, c'est un
commentaire.
Le Président (M. Doyon): Alors, comme vous voudrez, pour
terminer. (16 h 15)
M. Godin: The other case I experimented was with the National
Film Board. I worked on a film with Denys Arcand, the author of the "Decline of
the American Empire", which was nominated for an Oscar many years ago, and it
was the National Film Board who killed the film and it took every means to
prevent it from being circulated. It is only now, because the situation in the
textile industry for the workers has changed a lot, that they authorize the
circulation of the film.
So, as far as I am concerned, the federal system of this country is
always tempted by the same behaviour as the police or the government did in
your country of origin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Ceci termine l'intervention. Mme la ministre, un mot
peut-être, pour terminer.
Mme Frulla-Hébert: I would like to thank, really and
sincerely thank both of you. I know that some of us had quite tough
experiences. But, you see, this Parliamentary Commission is about people
expressing themselves, expressing their fears, expressing what they want, and
what not, in a climate of respect and openness. And perhaps that the Liberal
Party is slow, but it has a sense of democracy and respect. Thank you.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci, M.
Farkas, merci, Mme Haughian. Thank you for coming here. I will give you the
time now to leave the table so that the other people can take place.
J'inviterais maintenant les représentants de la ville d'Amos
à bien vouloir s'approcher. Bienvenue aux gens de la ville d'Amos,
bienvenue au maire Brunet. Je l'invite à présenter les gens qui
l'accompagnent. Les règles sont les mêmes, donc une quinzaine de
minutes pour procéder à la présentation, moins si vous le
pouvez. Ensuite, la discussion s'engage avec les deux formations politiques
selon les règles qui sont connues. M. le maire Brunet.
Ville d'Amos
M. Brunet (André): Mme la ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous
présente à ma droite, M. Réal Bordeleau, qui est le
directeur général de la ville, et, à ma gauche, M. Serge
Lamontagne, qui est directeur des loisirs de la ville d'Amos.
Je pense que notre mémoire situe un petit peu la ville d'Amos.
C'est une ville d'à peu près 14 000 habitants et c'est une ville
nordique. Les gens de Montréal se plaisent à croire que le
Père Noël passe l'été chez nous quand il n'est pas
présent dans le temps des fêtes. Donc, petite ville nordique, un
peu isolée dans le nord-ouest du Québec. On a tout
dernièrement rencontré la ministre lors de la présentation
d'un projet qui nous tenait à coeur, et je pense que c'est un projet
fort intéressant à Amos. Et Mme la ministre nous a
demandé, donc, de nous présenter ici aujourd'hui pour vous parler
de notre expérience. Je pense qu'on n'a de leçon à donner
à personne. On a une expérience à exprimer, et c'est dans
cette optique-là qu'on vient ici aujourd'hui, devant vous, pour vous
présenter le vécu qu'on a dans notre coin de pays.
À la lecture du rapport Arpin, nous, on constate que dans ce
rapport-là il est surtout question d'une certaine forme de culture. Pour
nous, la culture est beaucoup plus large, je pense, que ce qui est
traité à l'intérieur du rapport. La culture, pour nous, se
traduit par beaucoup de choses. On a donc chez nous un vécu au niveau
culturel qui, historiquement, je pense, est important. On est une région
éloignée, comme on le disait tantôt, et on a, je pense, un
rôle très grand à jouer au niveau culturel. Si on
écoute le rapport Arpin et si on prend au pied de la lettre certaines
recommandations, certaines grandes idées, on dit que la création
se fait dans les grands centres; et les régions, "les autres", comme le
dit le rapport Arpin, on est, nous, des endroits où on fait la
diffusion. Nous, on pense qu'il faut aller un petit peu plus loin que ça
et on le fait depuis longtemps, fort longtemps. On
va plus loin que ça chez nous.
Chez nous, en Abitibi, à Amos, on a, entre autres, une
cathédrale qui sert une fois par semaine, à peu près une
journée par semaine, à la diffusion de la religion. On ne voulait
pas, lorsqu'on a conçu et construit une salle de spectacle, faire une
deuxième cathédrale. On a donc conçu et construit une
salle de spectacle qui avait une utilité possible beaucoup plus large
que strictement de la diffusion de spectacles provenant d'ailleurs. On a donc
abordé, si vous voulez, et on l'a toujours abordée dans le
passé, la culture avec cette espèce de vision beaucoup plus
élargie. On a donc une salle de spectacle qui, depuis six ans, est en
nomination au Gala de l'ADISQ et qui a gagné un Félix comme
étant une des plus belles salles techniques au Québec. Je peux
vous le dire et je peux vous le prouver, ce n'est pas une des salles les plus
dispendieuses, sauf que c'était, à l'époque, une salle qui
avait été pensée, conçue pour rencontrer et faire
face à la largeur du spectre qu'on pense être celui de la
culture.
Pour nous, la culture, c'est aussi une exposition, c'est aussi un
spectacle d'amateurs, c'est aussi la présence d'enfants sur
scène, c'est aussi le théâtre amateur dans toute sa largeur
et c'est aussi des musiciens amateurs, etc. Donc, si on se contentait seulement
des spectacles professionnels - vous savez qu'on est parmi les 19 salles
majeures au Québec et qu'on reçoit donc un minimum de 30
spectacles par année - ça ferait 30 spectacles, point, à
la ligne. On serait même moins occupés que la cathédrale.
Donc, on a un spectre beaucoup plus large que celui-là et ça
n'empêche pas que nous ayons des artistes, qui ont, je pense, un
rayonnement international, qui proviennent des régions
éloignées comme les nôtres. Qu'on pense à Barbeau,
qu'on pense, tout dernièrement, à la découverte des
intellos de Montréal, M. Desjardins qui, pour nous, est connu depuis
longtemps.
On a donc, dans notre vision, cet aspect un petit peu du... Si on fait
la comparaison avec le milieu sportif, dans le milieu sportif, si vous voulez,
au niveau du hockey, il y a le hockey de la Ligue nationale - qu'on pense au
Canadien ou aux Nordiques - mais il y a aussi le hockey mineur,
c'est-à-dire les enfants qui apprennent au jour le jour ce qu'est le
hockey; et nous, on a à s'occuper, je pense, de cette partie-là.
On le fait et on va essayer de vous le démontrer.
Ce qu'on vit au niveau culturel depuis de nombreuses années,
c'est une culture qui est parachutée, ou dogmatique, de Québec ou
de Montréal. Enfin, on ne sait pas trop trop où c'est
cogité, mais des gens viennent fixer des paramètres, viennent
fixer des critères en disant: Ça, c'est la culture. Nous, on a
toujours eu cette vision qu'il fallait passer à travers ça. Je
vous donne un exemple.
J'ai parlé tantôt d'une maison de la culture qui contient,
entre autres, une bibliothèque, une salle d'exposition qui va être
réalisée, je pense, l'été prochain, et lorsque J'ai
demandé à mes gens de travailler sur ce projet-là, j'ai
dit: Ecoutez, ne regardez pas les normes. Regardez ce dont nous, on a besoin
comme bibliothèque, nous, ce dont on a besoin comme salle d'exposition.
Les gens de la ville ont regardé ça avec cette vision-là.
Il est arrivé, à la fin de l'exercice - parce qu'il fallait le
faire pour le présenter au ministère des Affaires culturelles -
qu'on compare par rapport aux normes; on arrivait, dans le cas de la
bibliothèque, à 146 % de la norme et, dans le cas de la salle
d'exposition, à 140 % de la norme. C'est comme ça partout.
Ça veut dire que, dans des cas, on va être à 60 % de la
norme et, dans d'autres cas, on est à 146 % de la norme. Pourquoi? Parce
que. chez nous, on fait de la culture ce que les gens veulent avoir comme
culture, et c'est ce qu'il faut, je pense, comprendre. Nous, on adapte la
culture à ce que les gens nous demandent d'avoir comme culture.
Je vous donne un exemple qu'on vit cette semaine même.
L'intégration culturelle, pour nous, elle est très large et je
vous donne l'exemple qui se passe cette semaine au niveau de la salle
d'exposition. On a une exposition actuellement où notre animatrice
culturelle reçoit, jour après jour, toutes les classes, de la
maternelle... Tout le niveau primaire passe à la salle d'exposition,
heure après heure, et notre animatrice est dans le milieu de la salle
à expliquer aux enfants l'exposition au complet, qui est autour d'eux.
Donc, je pense qu'on est impliqués à ce niveau-là. Pour
nous, ça aussi, ça fait partie de la culture et ça aussi,
c'est important de l'exercer chez nous, dans notre coin de pays.
Ça va plus loin, donc, cette culture adaptée. Quand je dis
que ça va plus loin, je pense à l'aspect tarification. On a le
goût, dans certaines activités, de tarifier et dans d'autres
activités de ne pas tarifier, mais on est toujours à la merci de
normes du gouvernement qui nous disent: Ah! ça, vous n'avez pas le droit
de faire des tarifs là-dedans; ça, vous avez le droit de faire
des tarifs là-dedans, etc. Ils viennent essayer de faire, je dirais, de
l'ingérence ou, à partir d'une idée globale, de venir nous
dire, dans notre coin, ce qui est bon et ce qui n'est pas bon pour notre
population.
Je peux vous dire, comme maire d'une petite ville de 14 000 habitants,
que quand on prend une décision qui n'est pas bonne pour la population,
on le sait assez rapidement. Je peux vous dire que ça se rend pas mal
plus vite qu'au bureau du PM. Dans le cas d'un maire d'une petite
municipalité, les nouvelles viennent vite et il ne faut pas prendre un
café au Tlm Horton trop longtemps, le matin, pour savoir exactement que
la décision qu'on a prise le lundi soir n'était pas bonne.
Donc, on est très près de notre population.
C'est le palier de gouvernement qui est le plus près de sa
population. On est donc conscients, énormément, quand on prend
une décision, des impacts que ça a sur notre population. Et
lorsqu'on essaie d'innover ou de trouver des méthodes nouvelles pour
faire des choses et qu'on dit: Bien, à ça, on va faire une petite
tarification qui va nous permettre, donc, de le faire, on se fait dire: Ah,
ça, ce n'est pas possible; vous ne pouvez pas. Si on vous donne une
subvention, vous ne pouvez pas faire de tarification là-dessus.
Je peux vous dire que... Je vais vous la donner, la norme de la ville
d'Amos. Moi, j'ai toujours considéré... Je peux vous dire que je
suis impliqué dans le milieu municipal. Mon père, il l'a
été pendant 17 ans, maire, et moi, je suis aujourd'hui maire et
j'ai été impliqué dans le milieu municipal depuis 11 ans
avant aujourd'hui. Je peux vous dire qu'on a donc, dans la famille, un
historique là-dessus et je continue donc à prôner ce qui a
toujours été prôné chez nous. Il doit y avoir un
équilibre entre la police et les loisirs. Drôle
d'équilibre, vous allez me dire, mais je peux vous dire que, si vous
diminuez le budget des loisirs, vous allez être obligés de monter
le budget de la police. Montez le budget de la police en masse, vous allez
pouvoir descendre le budget des loisirs, mais c'est un exercice
périlleux. On a toujours, donc, tenu dans le passé, à la
ville d'Amos, un équilibre entre le budget "loisirs" et le budget
"police". Et dans le budget "loisirs", on a un équilibre entre le budget
sportif et le budget culturel. J'écoutais le maire de Québec
tantôt qui disait qu'il consacrait 4 % de son budget à la culture.
À Amos, on consacre au-delà de 7 % à la culture. Donc, 7
plus 7, 14, ça fait "loisirs" et "police". C'est pour ceux qui veulent
faire des mathématiques.
Pour ce qui est des coûts récurrents, à Amos,
actuellement, 88 % des coûts récurrents sont absorbés par
la population et 12 % par le ministère des Affaires culturelles. Dans
ces 88 %, pour moi, dans ma tête, il y a deux sortes de taxes. Il y a une
taxe que tout le monde paie, qui est donc une participation au budget de la
ville qui vient servir au service des loisirs et il y a une taxe à
l'usager qu'on appelle, nous, la tarification. (16 h 30)
Tantôt, je parlais de la liberté au niveau de la
tarification, j'y reviens donc. On a déjà des tarifs qui nous
permettent de participer, si vous voulez, à l'ensemble des coûts
des loisirs chez nous. On a une partie de cette tarification-là que,
moi, j'appelle "taxe à l'usager", qui sert pour payer le coût des
loisirs qu'on a chez nous. On est à 62 $, 64 $ par habitant pour la
partie loisirs culturels chez nous, par rapport à 24 $ dans le cas de
l'ensemble de la province de Québec. On est donc, je dois vous dire, un
très mauvais exemple par rapport aux autres villes. Et quand on va
à l'UMQ, on essaie de ne pas trop en parler, parce qu'on passe pour les
méchants garçons et je vais vous dire un petit peu pourquoi.
J'ai rencontré les gens de l'UMQ parce qu'ils faisaient un
colloque la semaine dernière et j'étais avec des gens qui
venaient de tout près d'ici, au nord de Québec, de Charlesbourg
qui me racontaient... l'animateur culturel qu'il y avait là me racontait
que, là, ils essaient de faire un spectacle pour attirer plus de monde
que le Grand théâtre de Québec. J'ai dit: Écoute
bien, tu vas comprendre une chose. Je pense que tu fais de la culture de
compétition. Tu essaies de compétitionner avec ton voisin,
d'avoir un meilleur show que lui puis de l'emmener chez toi. Comprends bien ce
que je fais. Moi, je fais de la culture de survie. C'est ce qu'on fait dans
notre coin, de la culture de survie. C'est complètement
différent. J'étais à la même table que les gens de
Charlesbourg et de Laval, et c'était de la culture de
compétition. Ils ne parlaient que de compétition. Je suis
meilleur, je suis plus fin, j'ai le meilleur prix, etc., par rapport aux
villes, aux grosses villes.
Nous, on fait de la culture de survie. Pourquoi je dis une culture de
survie? Parce que, si on ne fait pas cette culture-là, si on ne
s'implique pas au niveau culturel, personne d'autre ne va le faire. Et, si
personne d'autre ne le fait, je peux vous dire qu'on va fermer la ville. C'est
une question de survie. On n'a pas le choix. L'Abitibi, si on ne lui donne pas
ce sens d'appartenance, si les gens ne sentent pas qu'ils ont une vie riche
entre eux, on va la fermer, l'Abitibi; on va faire du 6 à 8 comme ils
font à Radisson puis à LG 2 pour développer la Baie
James.
Il faut qu'on développe le sentiment d'appartenance des gens
à leur région, à leur ville, à leur coin de pays.
Et c'est dans ce sens-là que je dis qu'on fait de la culture de survie.
Je vous cite un exemple. On a la compagnie Donahue qui s'est installée
à Amos et les gens font venir des professionnels de partout au
Québec. S'ils veulent attirer des gens de Québec et de
Montréal, il faut donc que ces gens-là viennent habiter à
Amos. Et je peux vous dire que, si je posais la question ici, tout le monde me
dirait: Personne ne veut rester à Amos.
Il faut donc avoir quelque chose d'attractif. Il faut donc être
capables d'offrir un produit concurrentiel par rapport à la culture,
mais aussi il faut aller plus loin que ça. Il faut donner le sentiment
d'appartenance aux gens. On fait donc des interventions majeures au niveau de
ce sentiment d'appartenance des gens qu'on a dans notre ville, qu'on veut
garder et avec qui on veut aller plus loin. Aller plus loin avec eux...
j'aurais le goût de dire qu'on veut aller plus loin aussi avec le
ministère des Affaires culturelles.
Actuellement, il y a différents ministères
qui interviennent au niveau des subventions possibles dans le domaine du
loisir culturel. Vous avez le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Dans notre cas, chez nous, on a toujours compris que le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche devrait s'occuper
de chasse et de pêche, pas commencer à s'occuper de culture. Dans
notre cas, c'est clair, on veut un intervenant: le ministère des
Affaires culturelles. On ne veut pas parler de culture avec des gardiens, des
agents de la faune.
Donc, nous, on veut, c'est sûr, un intervenant. C'est clair. Et on
ne veut pas avoir à traiter avec différentes personnes. On veut
que cet intervenant-là comprenne ce qu'on fait et non l'inverse. On ne
veut pas que le ministère fasse des programmes puis que, nous, on essaie
de s'adapter aux programmes en faisant des contorsions épouvantables
puis en essayant de dire ce qui n'est pas tout à fait la
vérité dans nos présentations de documents. On veut faire
un partenariat avec lui. On veut aller plus loin avec le ministère des
Affaires culturelles.
Nous, on fait des choses chez nous qui sont particulières
à notre région, particulières à notre coin.
D'autres villes, d'autres régions vont faire d'autres choses. Nous, ce
qu'on veut, c'est une entente avec le ministère des Affaires
culturelles. On est prêts à négocier une entente de trois
ans, de cinq ans. Je sais que cinq ans, c'est peut-être un peu dur pour
ceux qui sont élus rien qu'à tous les quatre ans. Disons une
entente de trois ans avec le ministère des Affaires culturelles.
Une voix:...
M. Brunet: Un an, pas plus? Une entente de trois ans dans
laquelle on aurait une compréhension mutuelle.
Actuellement, on est jaugés. Ils viennent placer la jauge sur la
bibliothèque. Combien achetez-vous de livres? Ah, il y a des subventions
pour cette partie-là. Comment faites-vous telle affaire? Ah, il y a des
subventions pour cette partie-là. C'est comme ça qu'on est
jaugés, selon certaines normes qui sont des normes applicables à
tout le monde. On est jaugés de cette façon-là. Mais
jamais il n'a été considéré que la
bibliothèque de la ville d'Amos répondait à une demande au
niveau des écoles primaires. Ça veut dire que nous, on a une
approche au niveau de notre bibliothèque qui est que 50 % de notre
clientèle, c'est des écoles primaires. Ce n'est pas jaugé,
ça.
Chez nous, chaque année, l'ensemble des écoles viennent
pendant une semaine de temps faire une semaine culturelle dans notre salle de
spectacle. La salle de spectacle est fournie gratuitement avec les techniciens
- et, je peux vous dire, avec les effets théâtraux que vous pouvez
imaginer - à des enfants qui sont aux niveaux primaire et secondaire, et
950 artistes passent sur la scène avec le grand déploiement.
Cette semaine culturelle est très importante. Ça veut dire
qu'elle est préparée pendant six mois de l'année scolaire
et, là-dedans, vous avez l'aspect du français dans
l'éducation. Vous avez des enfants qui montent des pièces de
théâtre, qui écrivent des pièces de
théâtre et des enfants qui présentent un spectacle au
niveau de la sculpture, du dessin, etc. 950 artistes passent sur cette
scène-là pendant une semaine, mais, où on est
jaugés, c'est quand les gens disent: Combien de spectacles par
année avez-vous au niveau des professionnels? On dit 30. Ah! Parfait, on
vous subventionne pour 30 spectacles. On n'a aucunement, jamais,
considéré l'effort global qu'on fait, parce que, pour l'effort
global qu'on fait au niveau culturel, il y a des jauges qui sont valables,
à mon point de vue, peut-être pour une ville, peut être pour
deux villes, mais pas pour l'ensemble du Québec.
On aimerait être considérés pour l'effort global
qu'on fait. Je peux vous dire qu'on veut aller plus loin avec le
ministère des Affaires culturelles et que la participation actuelle de
12 % est vitale pour nous. Donc, le désengagement nous fait un peu peur
et on est prêts à aller plus loin, à avoir une plus grande
compréhension. Une plus grande compréhension va assurément
faire une plus grande confiance et je peux vous dire que vous pouvez rassurer
les fonctionnaires des Affaires culturelles: Les villes, on n'est pas
complètement des enfants; on est rendus des grands garçons, on
est capables de bien gérer nos choses et on sait ce que notre monde veut
avoir. C'est un peu le message que je voulais vous passer. J'attends donc vos
questions.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brunet. Il reste une
dizaine de minutes à chacune des formations politiques. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Brunet, M. Bordeleau et
M. Lamontagne. Effectivement, on s'est vus, ça ne fait pas longtemps, et
si je vous ai demandé d'être ici - et je vous remercie d'y
être - c'est parce que vous êtes effectivement, dans toute
l'espèce de cartographie municipale, un exemple en soi d'implication
culturelle.
Vous parlez de budget. À un moment donné, en faisant le
tour des régions, il nous est venu à l'idée de dire...
comme vous le faites, de demander aux municipalités de séparer,
de scinder le budget loisirs et culture. Vous, vous le séparez, mais
plusieurs municipalités ne le font pas et disent: Ça, c'est le
loisir. On en a parlé à l'UMQ et elle nous a dit: Ne faites pas
ça parce que si vous faites ça, des fois, notre population n'est
pas très d'accord qu'on investisse dans la culture. Alors, au niveau
loisirs, ça ne paraît pas trop et on fait ce qu'on veut. Mais il
semblerait
que, chez vous, ce n'est pas ça du tout.
M. Brunet: Non. Chez nous, ce n'est pas ça du tout et je
peux vous dire que c'est très complexe, effectivement, de s'y retrouver
dans les budgets de l'ensemble des municipalités du Québec, parce
que chacune a ses petites cachettes à gauche et à droite. Je peux
vous dire qu'il y a beaucoup de municipalités qui ont des corporations
indépendantes qui gèrent la bibliothèque, qui
gèrent leur salle d'exposition, etc.
Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, mais on a le
courage de nos gestes. C'est très bien identifié. On peut donc
retrouver la place qu'occupent les budgets de chacun des équipements
culturels qu'on possède. La bibliothèque y est entièrement
représentée, au niveau de la salle de spectacle de même, et
tous nos équipements culturels sont bien identifiés; et les gens,
je pense, sont bien conscients des sommes d'argent qu'on a investies dans la
culture. Je peux vous dire qu'il n'y a pas de honte à investir de
l'argent dans la culture. Les villes qui en ont peur, c'est parce qu'elles
n'ont pas tenté l'expérience de le faire. Je pense que les gens
comprennent quand on pose ce geste-là et les gens
l'apprécient.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, vous avez eu une
réunion il y a 15 jours, ensemble, à l'UMQ, où il s'est
parlé d'ailleurs de culture. Est-ce que ça s'est discuté?
Ça m'a inquiétée, les propos du maire de Charlesbourg qui
était convaincu de ça, lui. Est-ce que vous en avez
discuté? Est-ce que c'a été mis sur la table, ça?
Parce que dans la mesure où certains ont une réserve à
dire à la population, bon, bien, écoutez, voici la transparence:
on Investit dans la culture, voici pourquoi, alors, à ce
moment-là... C'est sûr que cette volonté d'investir dans la
culture part toujours, aussi, de la population. Si la population ne veut pas,
on gère quand même des fonds publics, l'argent des contribuables,
alors il faut trouver une façon d'intéresser, d'enthousiasmer la
population.
M. Brunet: II est difficile pour moi de jauger certaines
régions de la province. J'en ai discuté avec plusieurs maires
à différentes rencontres au niveau de l'UMQ. Effectivement, il y
a des maires pour qui investir dans la culture, pour eux, ce n'est pas
nécessairement politiquement bon. Est-ce qu'ils sont effectivement
allés jusqu'au bout de l'exercice, à savoir si c'est strictement
une idée qu'ils se font ou si c'est la réalité? Je peux
vous dire que, dans notre cas à nous, on n'a jamais eu de
difficultés avec ça. On n'a jamais eu de problèmes avec
ça, et notre population est en arrière de nous lorsqu'on
prépare et qu'on fait ces choses-là.
Pour ce qui est des autres maires, ils ont l'air - en tout cas,
d'après certaines discussions que j'ai eues, je peux vous le dire -
sincères lorsqu'ils disent qu'ils ne peuvent pas le placer dans leurs
budgets de façon apparente. Mais est-ce que c'est la
réalité? Je ne le sais pas. C'est difficile pour moi d'en parler.
Je peux vous dire que, quand vous m'avez demandé de venir devant la
commission, ici, et de parler de l'expérience de la ville d'Amos, je
n'ai pas hésité mais j'ai réfléchi au prix que je
vais payer pour ça parce que je suis une mauvaise expérience pour
l'ensemble des municipalités du Québec. Je suis un mauvais
exemple. Je suis le mouton noir.
Et c'est pour ça que je fais la différence. C'est que
nous, on a une culture de survie à faire et c'est ce qu'on fait.
D'autres régions ont d'autres types de culture à faire et ils
doivent faire d'autres choses. Mais nous, on a cette situation-là qu'il
faut vivre.
Mme Frulla-Hébert: M. le maire, je voudrais revenir
là-dessus. Vous dites que vous êtes, finalement, un mauvais
exemple. Il y a d'autres villes qui s'en viennent aussi: Drummondville,
Sherbrooke, Trois-Rivières, qui s'impliquent aussi On a entendu ce matin
le maire de Québec et le maire de Montréal, mais dans un sens
où on veut ouvrir... On entendait le maire de Québec aujourd'hui,
M. L'Allier, parler de partenariat dans la mesure où on veut ouvrir,
où les municipalités, maintenant, réalisent - et elles
sont plusieurs - que c'est aussi rentable d'investir dans nos
bibliothèques ou dans les salles de concert que de bâtir des
arenas qui sont maintenant vides. Quelques-unes, en tout cas, parce que, avec
le vieillissement de la population, finalement, ce n'est pas toujours...
l'aréna, ce n'est pas toujours la solution non plus.
J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi. À ce
moment-là, les villes qui s'impliquent, au contraire, devraient
être citées en exemple. Ceci ne veut pas dire que, de notre
côté, il va y avoir du délestage, au contraire.
Excepté qu'on parie de meilleur partenariat, on parle de mieux faire
fonctionner notre argent. Vous nous dites: Les programmes ne sont pas tout
à fait adaptés au niveau - et ça, j'en suis - des
différentes particularités des régions, parce que vous
faites des programmes globaux pour le Québec, et puis nous autres, des
fois, on ne passe pas là parce que l'amateur, chez nous, c'est souvent
le professionnel. On est en train de regarder tout ça, nous autres,
là. C'est ça que j'ai de la difficulté à
comprendre. Pourquoi cette mentalité-là?
M. Brunet: Je ne sais pas si c'est une mentalité qui, dans
le temps, est appelée à rester là ou à
évoluer. Je peux vous dire que dans le contexte actuel où, d'un
côté vous avez un ministre qui fait du délestage au niveau
municipal, qu'on ne nommera pas, - tout le monde, j'ai l'impression, est
capable de placer un nom - j'ai l'impression que vous avez un contexte qui est
un peu pourri; les relations provinciales et
municipales sont un peu maganées là-dessus. Et, quand vous
me parlez, donc, de partenariat, vous pariez de ce type de discussion
là. Je comprends pourquoi vous le faites, vous, et je comprends
pourquoi, moi, je suis intéressé à le faire. Mais je peux
comprendre aussi pourquoi, à un moment donné, d'autres maires
sont un peu réticents à aborder la discussion. C'est un contexte
qui va durer, espérons, pas trop longtemps, pour essayer de corriger la
situation. Mais, disons que, pour l'instant, il y a tout ce contexte-là
qui ne favorise pas cet échange-là. Je peux expliquer ça
en partie par ça. (16 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Vous pariiez des ententes MAC-villes.
Et, de plus en plus, nous, on commence avec tous les principes des ententes
triennales. Alors, c'est sûr que des ententes MAC-villes, nous, on en
développe. Il faut quand même prouver au Trésor que
ça marche, mais, nous autres, on y croit beaucoup. Dans un cas comme le
vôtre, par exemple, ou des régions, des villes, des
municipalités comme la vôtre, quel serait le contenu pour vraiment
vous aider, au niveau des MAC-villes?
M. Brunet: Je l'expliquais tantôt, l'effort global.
Ça veut dire qu'au lieu de placer les jauges à certains endroits
bien définis, par exemple: Combien de spectacles professionnels vous
présentez par année? 30? Parfait! Vous avez une subvention de x,
au lieu de présenter ça comme ça, nous, ce qu'on veut,
c'est discuter avec vous sur l'effort global que nous, on met, par exemple,
dans l'aspect culturel spectacle, au niveau de la salle d'exposition, dans
l'aspect éducatif, pour faire pénétrer, donc, les
expositions au niveau du monde, donc de voir ça de façon globale,
non parcellaire, non normative et non dogmatique. C'est là où on
n'en est pas.
Quand vous vous amenez en disant: La culture, vous savez, c'est
ça et c'est ça qu'il faut que vous fassiez, nous, on dit:
Écoutez, la culture, c'est aussi, peut-être, plus large que
ça et pour nous, dans notre contexte, la culture, ce n'est
peut-être pas le grand C, ce n'est peut-être pas une école
nationale de théâtre, parce qu'on ne peut pas avoir ça chez
nous. C'est autre chose chez nous, la culture, mais c'est aussi
intéressant, c'est aussi vivant et c'est aussi dynamique. Et, à
l'intérieur de ça, est-ce qu'on peut travailler ensemble? Est-ce
que vous pouvez nous encourager à travailler comme ça?
C'est dans ce sens-là qu'on veut un partenaire. On veut avoir un
meilleur dialogue, un meilleur échange, une meilleure
compréhension et une meilleure confiance mutuelle et, après
ça, à partir de là, dire: Écoutez, dans ces
programmes-là, nous, on est prêts à aller à 88 %.
Est-ce que vous êtes prêts à aller à 12 %
là-dedans? C'est un peu ce niveau de discussion qu'on veut avoir. On
veut arrêter que ce soit dogmatique et mis dans des créneaux. On
veut que ce soit vu de façon globale. Notre effort, il faut qu'il soit
considéré de façon globale.
Mme Frulla-Hébert: Une dernière question, M. le
Président?
Le Président (M. Doyon): Une dernière.
Mme Frulla-Hébert: Une toute dernière. Vous avez
parié tantôt des bibliothèques. Vous pariiez de
l'intégration des bibliothèques publiques et scolaires. On en a
inauguré une, d'ailleurs, si je ne me trompe pas, à Portneuf.
Effectivement, ça peut être aussi une... Ça vaut la peine,
vraiment, de regarder ça de très près. Il y a tout le
côté de la tarification. À un moment donné, il y a
eu un projet où on disait: Est-ce qu'il y aurait lieu d'imposer une
certaine tarification pour certains services dans les bibliothèques, qui
aiderait, qui allégerait aussi? Évidemment, ces sommes d'argent
seraient réinvesties, avec garantie de réinvestissement, mais
pourraient peut-être aider les partenaires au niveau des collections, des
livres, etc. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil ou...
M. Brunet: J'aurais tendance à vous dire, sur la
tarification, et je ne serais pas poli, mais j'aurais tendance à vous
dire: Ce n'est pas de vos affaires. Comprenez-vous? Aidez-nous...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Autrement dit...
M. Brunet:... faites de la...
Mme Frulla-Hébert:... je vous laisse... C'est la
même chose que pour les programmes normes. Autrement dit, on vous laisse
le champ libre et vous faites ce que vous voulez.
M. Brunet: Écoutez, on gère le sport depuis des
années avec une liberté de tarification. Ça veut dire que
je sais ce qu'il faut que je tarifie pour mon hockey mineur. Je sais ce qu'il
faut que je tarifie pour la bibliothèque. Je suis capable de faire
ça. Si je me trompe, je peux vous dire que je vais me faire taper sur
les doigts bien plus fort que vous, vous allez vous faire taper sur les doigts.
SI je me trompe, le matin, quand je prends mon café au Tim Horton, je
peux vous dire que je vais me faire taper en arrière de la tête;
c'est là que je vais me faire taper. Je comprends vite où je peux
tarifier et où je ne peux pas. Et vous, vous n'en avez aucune
espèce d'idée. Alors, quand vos fonctionnaires viennent me dire:
II faudrait que tu tarifies, là, on pourrait te permettre de tarifier,
je dis: Ce n'est pas de vos affaires. Comprenez-vous? Aidez-nous.
Entendons-nous sur des pourcentages et nous, on va gérer parce qu'on l'a
dans la face tous les matins. On est capables de
gérer ça.
Mme Frulla-Hébert: Ça, ça faisait partie
justement des lois sur les bibliothèques parce que, nous autres, on
prône l'accessibilité. Alors, c'est possible de dire: Bon,
parfait. Objectif: il faut que ce soit accessible. Deuxièmement, on
s'entend sur certains pourcentages ensemble. Mais là je vous parle de
villes qui, comme vous, avaient la maturité. Vous le savez et vous y
croyez. Mais, quand on tombe sur nos maires qui n'osent même pas dire
qu'ils investissent dans la culture, est-ce que c'est prudent de dire: Bon,
c'est parfait. On vous laisse la liberté et allez-y. Vous pouvez faire
la tarification que vous voulez. Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver
justement avec des maires qui disent: Hum! Une source de revenus, c'est
intéressant.
M. Brunet: Si vous faites des ententes MAC-villes, chaque cas va
être traité à son mérite et, dans mon cas, je vais
mériter que vous me fichiez la paix avec les tarifs. Dans d'autres cas,
ils ne le mériteront pas et vous vous impliquerez au niveau de la
tarification. Mais faites-le cas par cas au lieu de faire des normes qui
s'appliquent à tout le monde. Au Québec, on est des gens
différents selon les régions qu'on habite et on est capables
d'assumer des choses de façon différente. Vous en êtes
conscients qu'il y a des maires qui sont peut-être - je ne veux pas faire
de classification dans les maires - mais il y en a peut-être qui sont
prêts à le faire et il y en a d'autres qui ne sont pas prêts
à le faire. Ce que je dis: faites des ententes. Vérifiez le
sérieux de chacune des villes, négociez avec elles et
réglez ça avec elles. Mais ne le réglez pas de
façon générale, vous allez appliquer des remèdes de
cheval à des bien petits poneys.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le maire, bon, tout de suite au départ,
mon collègue, le député d'Abiti-bi-Ouest, M. Gendron m'a
prié de vous saluer et il a demandé que vous l'excusiez.
Malheureusement, c'a été vraiment impossible pour lui
d'être ici. Mais je sais qu'entre vous et le député le
contact est direct et constant. Donc, je ne me fais pas de souci à ce
niveau-là.
M. le maire, vous nous avez exprimé en des termes très
simples, colorés mais surtout très éloquents, ce que c'est
vraiment la réalité d'une ville, d'une région, je dirai
éloignée - non pas pour vous blesser, parce que vous savez que
ça me coûte plus cher d'aller en avion chez vous que d'aller
à Paris. Je trouve ça atroce mais c'est une triste
réalité qu'on vit; je pense qu'il ne pouvait pas y avoir
meilleure illustration. Et plus je vous entendais, plus je vous
écoutais, plus je me disais: C'est donc dommage qu'il n'ait pas fait
partie du comité Arpin. Parce que le rapport qu'on a, au niveau des
régions, ne serait pas aussi vide qu'il l'est actuellement. Vous
étiez en mesure d'apporter une expertise vraiment incroyable. Et
ça aurait été intéressant d'avoir un élu
municipal puisque, effectivement - et moi, je n'ai aucune gêne à
le dire - les gens les plus près des administrés sont,
effectivement, ceux qui exercent les fonctions de conseillers, de maires.
M. Brunet, on a bien compris aussi le message. J'aurai deux questions
pour vous, mais on a bien compris le message: les normes mur-à-mur, s'il
vous plaît, sortons-en. Vos exemples nous l'ont très
concrètement démontré, la bibliothèque, son
rôle à la bibliothèque, dans la ville d'Amos, c'est tout
à fait différent de celui de la bibliothèque au coin de
Sherbrooke et de La Visitation dans ma circonscription. Et ça, si on ne
s'inculque pas cette mentalité-là, effectivement, notre
mur-à-mur va faire en sorte qu'on va aller vers des échecs
incroyables. Alors, j'espère que le message est passé. En tout
cas, moi, je l'ai bien reçu.
Toujours à l'égard des régions, puisque vous
êtes un régional, avec tout ce que ça comporte de
difficultés, mais par contre de succès parce qu'il ne faut pas,
quand même, tenir un discours trop trop misérabiliste des
régions. M y a une identification. Il y a une appartenance. Il y a une
fierté, fierté de création, effectivement. Dans l'avion
hier soir j'avais deux de vos commettants dont l'un, d'ailleurs, le
père, a déjà été député. Vous
savez de qui je parle. Un personnage assez coloré. Alors, au niveau de
la région, vous semblez très critique quant au rôle un
petit peu réducteur que les régions ont; elles sont des
réceptacles uniquement des productions montréalaises, comme on le
retrouve dans le rapport Arpin. D'après vous, le rôle, la place,
disons, que la création régionale devrait avoir dans une
véritable politique culturelle, c'est laquelle?
M. Brunet: Je vous remercie de ces quelques fleurs que vous
m'avez lancées. Je peux vous dire aussi que Mme la ministre est
très sensible au niveau des régions; on a eu plusieurs rencontres
ensemble et je peux vous rassurer là-dessus. Mme la ministre, je pense,
a une compréhension des régions.
M. Boulerice: Mais elle est lente, a dit mon collègue.
M. Godin: Non, j'ai dit son gouvernement. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Brunet: Au niveau de ma présence sur le comité
Arpin, j'aurais peut-être aimé y être. Étant
donné que je suis un maire à temps plein
mais non rémunéré pour être à temps
plein, j'ai aussi une job à temps plein. J'aurais donc de la
difficulté à siéger à tous ces
organismes-là, ce que je ferais avec plaisir. Pour répondre
à votre question, effectivement, au niveau de la création, le
rapport Arpin, je pense qu'il parle de choses qui sont sensées Quand on
parle d'investir de l'argent dans la création dans des lieux comme
Montréal et Québec, je pense qu'on ne dit pas de blagues quand on
dit ça. C'est sûr que la création régionale de
l'Abitibi ne sera jamais représentative de ce qu'est le Québec en
général. Je pense qu'il faut donc consacrer des sommes d'argent
à de la création dans un milieu où on a une synergie,
où on est capables d'avoir un bouillon de culture important. Donc,
effectivement, ça doit être présent dans la
préoccupation du ministère des Affaires culturelles d'être
capable de générer et de maintenir ces centres
créatifs.
Ce que moi, je rajoute tout simplement, c'est que la création se
fait à différents niveaux. Elle se fait au niveau du
théâtre amateur, elle se fait au niveau des musiciens amateurs,
elle se fait... Ce que je dis, c'est que la culture au niveau de la
création, ce n'est pas nécessairement la fonction des petites
villes ou des villes et que c'est une bonne chose qu'elle soit
concentrée à des endroits où il y a des sommes d'argent
qui sont mises expressément pour la création qui va avoir un
rayonnement national et international. Mais, dans les régions comme les
nôtres, il doit rester, j'espère, un peu de sous pour maintenir un
milieu créatif.
Qu'on pense à des artistes, comme ceux dont j'ai parlé
tantôt: M. Desjardins, qui a été tout dernièrement
reconnu comme artiste, mais c'est un artiste d'Abitibi qui est... Nous, on le
connaît, depuis 10 ans, depuis 15 ans qu'on l'entend chanter;
Montréal vient de le découvrir. Maintenant, ils l'envoient en
France pour dire: Regardez, c'est ça, la culture
québécoise. Mais c'est, au départ, une culture d'Abitibi;
mais c'est une exception qui confirme la règle. C'est sûr qu'on ne
peut pas prétendre qu'on en a une cinquantaine comme ça; on a des
Diane Tell, on a des Barbeau, on a des Raoul Duguay. On n'en a pas, si vous
voulez... Donc, on doit effectivement faire des bouillons de culture à
des endroits. Mais la culture, c'est aussi des petites choses, des petits
gestes, et ça, on est capables de les faire et on les fait. Il faut donc
garder des sommes d'argent pour ces petites choses, ces petits gestes.
M. Boulerice: Deux autres brèves questions. Entre
parenthèses, pour ce qui est de Richard Desjardins, mon collègue,
le député de LaFon-taine, et moi étions aux Francofolies
de La Rochelle et soyez fiers de votre progéniture. Il a eu un
succès incroyable aux Francofolies de La Rochelle. M. le maire, est-ce
qu'une région comme la vôtre et une ville comme la vôtre,
souffrez de ne pas avoir la présence d'un diffuseur national?
M. Brunet: Dans quel sens?
M. Boulerice: Radio-Québec, Radio-Canada, il n'y a plus
d'antenne?
M. Brunet: Si on souffre de ne pas avoir ce type de diffuseur? Je
pense qu'on est bien couverts en termes de diffusion en Abltibi. C'est
sûr qu'on n'a pas une densité de population qui justifie
l'implantation de beaucoup de radiodiffuseurs, de télédifuseurs.
On en a, je pense, qui satisfont à nos besoins... M. Bordeleau, vous
vouliez parler? Bon, il y a un aspect régional qui est un
problème régional, c'est qu'il y a concentration,
c'est-à-dire qu'il y a deux diffuseurs majeurs en Abltibi, qui sont
situés, si vous voulez, à Rouyn et à Val-d'Or. Nous, on
est un peu en dehors de ce circuit-là - parce qu'on est quatre villes
importantes en Abltibi - mais pour ce qui est de la couverture en Abltibi, je
pense qu'à date, là, on n'a pas de difficultés majeures
à ce niveau-là. Je ne sais pas. M. Bordeleau, vous voulez
rajouter de quoi, je pense?
M. Bordeleau (Réal): Oui, je pourrais bien rajouter
là-dessus, si vous me le permettez, ayant été un membre du
défunt Comité régional de Radio-Québec de
l'Abitibi-Témiscamingue Le problème n'est pas au niveau de la
diffusion comme telle; Radio-Québec sort toujours... Le problème
est au niveau des sommes d'argent qui étaient disponibles à
Radio-Québec pour permettre la production locale. Ça, c'est
désespérant qu'on ait perdu Radio-Québec à ce
niveau-là, au niveau de la production locale qui a permis à des
réalisateurs, des équipes techniques de se former, etc.
Là-dessus, ça a été une perte énorme,
énorme, et c'est très dommage, ça, je pense qu'il faut le
reconnaître.
M. Boulerice: Ma question était dans ce
sens-là.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bordeleau. Je vais
devoir permettre à M. le député de Mercier de poser sa
question. Autrement, le temps s'écoule et il ne pourra pas le faire.
M. Godin: Merci, M. le Président. Je compterai
dorénavant sur vous pour me protéger de l'appétit vorace
de mon voisin...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Godin:... qui me rappelle un peu le maire de Québec, si
vous voulez.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Godin: M. le maire, je comprends mieux
l'ancien slogan qu'un de mes collègues, député,
disait à l'époque: "I must go to Amos".
Des voix: Ha, ha, ha!
(17 heures)
M. Godin: Vous avez, avec une intelligence remarquable des
enjeux, avec une simplicité, avec des formules claires aussi: culture de
survie et culture de compétition, ce qui tient plus à la
poésie qu'à la politique, je dirais, vous avez mis des mots
justes sur des situations compliquées. Quand je vois aussi qui vous
accompagne, Bor-deleau et Lamontagne, ça explique peut-être le
côté oxygène qui vous entoure par rapport à d'autres
avant vous qui nous ont presque gazés.
M. le maire, je suis tout à fait heureux de voir que la
collaboration entre vous et Mme la ministre et son ministère marche sur
des roulettes. Ça augure bien de l'avenir et surtout ça augure
bien du plaisir qu'on aura, dans l'avenir, à bâtir le
Québec ensemble, des maires comme vous, et des ministères comme
celui de Mme Hébert, des ministres comme elle sûrement. On aura
donc ce mandat très important. Si on le fait sur la même base et
avec des jauges, plutôt... Je me félicite d'avoir dit jauge et non
pas "gage", qui est probablement le mot que la majorité des
Québécois, maire ou pas maire, aurait utilisé. Mais moi,
en tant que spécialiste de la poésie et du vocabulaire,
j'apprécie les gens qui savent la valeur des mots. Vous êtes un de
ceux-là, et je vous rentre illico dans la société des
poètes du Québec.
En terminant, je souhaiterais que cette formule
géométrique que vous avez appliquée chez vous soit
transportable et transportée dans d'autres cités du
Québec, cités et villes du Québec, dans d'autres
régions. Je ne suis pas sûr, mais je vais poser une question.
Est-ce qu'il y a un ciné-club chez vous, M. le maire?
M. Brunet: Oui.
M. Godin: Je m'en doutais.
M. Brunet: On a un ciné répertoire chez nous. Je
peux vous dire que chez nous c'est des bénévoles qui sont
impliqués partout. Ça veut dire qu'on a des comités
bénévoles partout, et donc on a des gens qui sont
impliqués au niveau du ciné répertoire.
M. Godin: Donc, tous les domaines sont couverts, quoi. Vous avez,
avec Jacques Marchand, je pense, chez vous, un orchestre?
M. Brunet: Un orchestre symphonique dont plusieurs Amossois font
partie, oui.
M. Godin: C'est avec Jacques Marchand, ça? M. Brunet:
Oui.
M. Godin: C'était un de mes grands amis, dans le temps.
Alors, je me réjouis de voir que votre recette porte des fruits. Je
pense à Richard Desjardins, je pense à Jacques Marchand, et
ça confirme une de mes hypothèses par rapport à la
culture. Il ne faut pas trop l'aider. Il faut juste faire en sorte que la
clairière soit assez vaste pour que - ce qu'on appelle en arboriculture
les essences de lumière, ce qui peut s'appliquer aux artistes aussi -
les essences de lumière puissent pousser. Desjardins en est un exemple,
puis d'autres - Duguay - artistes créateurs d'Amos.
Il ne faut pas oublier non plus que l'édition, en France, se fait
dans des petites villes. Un des meilleurs éditeurs français
depuis 10 ans, s'appelle Actes Sud. Ses bureaux sont dans la ville d'Arles,
parce qu'il y avait une imprimerie à Arles qui était très
bien équipée, très compétente. Actes Sud a
décidé de déménager ses pénates de Paris
à Arles pour s'installer là et, de là, faire rejaillir sur
la francophonie toute entière, aussi bien à Montréal
qu'à Paris et ailleurs, des textes très bien... des grands
auteurs contemporains, mais surtout des livres d'une qualité
exceptionnelle.
Le Président (M. Doyon): M. le député, je
vais devoir vous signaler que nous avons dépassé le temps de cinq
minutes.
M. Godin: Oui, oui, vous avez raison.
Le Président (M. Doyon): II faudrait vous organiser avec
votre collègue pour la prochaine fois. Alors, en terminant, M. le
député.
M. Boulerice: On vit une belle
souveraineté-association.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: M. le maire, je voudrais vous remercier. Je ne vous
dis pas adieu, je vous dis au revoir. On prend rendez-vous
immédiatement. Je serai dans votre ville le 16 novembre, donc j'aimerais
bien voir ces réalisations d'Amos. Et peut-être sur un ton
d'humour, j'espère que votre fils n'a pas le goût de devenir
maire, sinon certains diraient que c'est totalitaire à Amos.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Enfin, merci beaucoup. Merci d'avoir
accepté l'invitation. Quand le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques sera là le 16, vous pourrez lui montrer aussi
l'emplacement du centre culturel, ça va lui faire plaisir. Merci, et
nous, évidemment, on se reparle.
Le Président (M. Doyon): Vous me permet-
trez de vous remercier aussi M. le maire au nom des parlementaires, et,
en vous permettant de vous retirer, je demanderai au groupe qui suit de bien
vouloir se préparer à prendre votre place.
M. Brunet: Je vous remercie de votre patience et de votre
compréhension.
Le Président (M. Doyon): M.le maire, merci
beaucoup. Maintenant, j'invite la Guilde des musiciens du Québec
à bien vouloir prendre place en avant. Maintenant que notre nouveau
groupe d'invités s'est approché de la table, je leur souhaite la
bienvenue et je leur demande de procéder à la présentation
des personnes qui les accompagnent. Je parle à la présidente, Mme
Fréchette, je pense, qui est devant moi.
Mme Fréchette (Gisèle): Oui.
Le Président (M. Doyon): Après ça, on va
procéder comme on a fait précédemment, selon les
mêmes règles. Vous étiez ici, vous les connaissez. Alors,
dès maintenant, je vous donne la parole.
Guilde des musiciens du Québec
Mme Fréchette: D'accord. Merci. Je suis accompagnée
de M. Pierre Lessard, vice-président pour la région de
Québec; M. Eric Lefebvre, à mon extrême gauche,
vice-président pour la région de Montréal; et de M. Gilles
Pelletier, secrétaire-trésorier.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
Mme Fréchette: Merci. M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs, au nom des 4000 musiciennes et musiciens
professionnels membres de la Guilde des musiciens du Québec, je
désire d'abord vous remercier de recevoir notre mémoire portant
sur la politique culturelle au Québec et de nous permettre de venir vous
le présenter aujourd'hui.
Nous affirmons, tout comme le groupe-conseil, que le financement des
arts relève de la responsabilité du gouvernement et que cette
participation financière est d'une absolue nécessité. Nous
sommes conscients que les artistes et l'industrie culturelle jouent un
rôle économique important dans notre société et que
l'État, en accordant des subventions et en participant au financement
des institutions et organismes culturels, accepte d'investir dans la culture au
même titre que dans l'industrie. Nous estimons, par contre, que les
différents paliers de gouvernement devraient abolir toute taxe
perçue sur les événements à caractère
culturel, plutôt que de se la disputer. Cela aiderait l'industrie et
élargirait l'accessibilité à la culture.
Nous émettons des réserves et des craintes devant la mise
sur pied d'une structure administrative tellement lourde et complexe, que
l'argent destiné aux artistes soit presque entièrement
accaparé par la gestion de ce que devrait être la culture, en
d'autres termes, que l'on accorde beaucoup d'argent pour penser l'art et
gérer les artistes et qu'il ne reste plus rien pour les artistes
eux-mêmes.
Nous redoutons, par le désir de cesser le saupoudrage,
l'amputation d'organismes musicaux et de volets artistiques importants dans la
réalité culturelle du Québec. L'élitisme
évoqué par le groupe-conseil n'ouvre-t-il pas la porte à
des influences arbitraires, assujetties à la vie politique, sans prendre
en considération l'évolution et la créativité
inhérentes à la vie culturelle? Sous quels critères de
sélection les artistes, institutions ou organismes culturels se
verront-ils octroyer le droit à la vie?
Afin de chercher à assurer un revenu dé cent aux artistes,
il faut, d'une part, élaborer des programmes d'aide ponctuelle, tels les
bourses de perfectionnement, de support à la promotion et autres, et
établir des avantages fiscaux permanents susceptibles d'augmenter le
revenu des artistes. D'autre part, le gouvernement doit stabiliser la situation
financière des institutions et organismes culturels en leur garantissant
une subvention pour au moins trois ans et en indexant cette subvention.
Nous considérons que le niveau d'excellence d'un artiste ne peut
pas être associé à son exportabilité et nous
insistons auprès des instances gouvernementales pour que cet
élément ne constitue pas un critère de base pour l'octroi
de subventions. La culture québécoise, c'est d'abord au
Québec que ça se vit. Cependant, il importe, bien sûr, que
le Québec puisse faire valoir ses artistes à l'étranger,
pour témoigner de la vitalité de sa culture, a la condition,
toutefois, que cette présence sur les marchés internationaux ne
comporte pas, en contrepartie, l'invasion de notre propre marché par des
artistes étrangers. L'étroitesse de notre bassin
démographique, donc, de notre marché, en diminue la
capacité d'absorption et en accentue la fragilité. Dans le
même sens, nous nous opposons à ce que la culture soit assujettie
à un quelconque libre-échange.
Pour conclure, nous alléguons que la vitalité de la
culture n'est assurée que si le pouvoir décisionnel en
matière de culture est assumé par les artistes eux-mêmes
avec le support gouverne mental. Il faut éviter qu'un dirigisme
bureaucratique ne provoque l'asphyxie de la culture. Pour nous, favoriser
l'épanouissement de la culture, c'est d'abord protéger et faire
vivre ses artistes. Merci de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme
Fréchette. Mme la ministre
Mme Fréchette: Bienvenue.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Frechette. Je dois vous dire
- et il faut que je le souligne - que votre mémoire est très
positif et rafraîchissant. Effectivement, il y a des craintes qui sont
soulevées, qui sont là et il faut en discuter. Mais vous l'avez
fait d'une façon très positive. Alors, pour nous, de notre
côté, évidemment, c'est encourageant.
C'est toute la question du dirigisme. Quand le rapport Arpin est sorti
en juin dernier, de prime abord, on n'a pas vraiment abordé cette
question-là, le dirigisme. Et, tout à coup, il y a eu une
espèce de vent. On s'est dit: Oh, L'État veut peut-être
diriger. Et, pourtant, ce n'est pas du tout l'intention... Ce n'était
pas l'intention, en fait... Les auteurs, selon leur expérience, ont
écrit, et je l'ai reçu comme vous, mais je sais pertinemment que
de par les gens qui sont là, les comédiens et tout ça,
qu'il n'y a pas pas l'intention du tout... Au contraire, c'est de dire à
l'État: Supportez, mais, s'il vous plaît, mêlez-vous, dans
un certain sens - comme M. le maire me le disait tantôt - de vos
affaires.
Alors, pourquoi avez-vous senti, avez-vous perçu qu'on voulait,
au contraire, peut-être plus diriger? On a parlé aussi de
fonctionnariser. Et, d'un autre côté, nous, au niveau du
ministère, en tout cas, on parle d'alléger les normes, ententes
triennales, parce qu'on trouve nous-mêmes le fonctionnement
extrêmement lourd.
Mme Frechette: C'est parce qu'on parle de programmes. On parle
d'entrer dans des cadres. On a peur du carcan, parce que la culture, c'est
d'abord de la spontanéité. Il faut laisser libre cours aux
différents organismes qui peuvent naître. On a actuellement des
orchestres régionaux qui sont partis. Alors, si ça n'entre pas
dans tel cadre, ils ne pourront pas rentrer dans les subventions ou si on
décide que, pour protéger un organisme peut-être plus
important à l'heure actuelle, on n'a plus d'argent pour ces
gens-là... C'est une espèce de choix qui serait fait par
l'État au lieu de se faire par le milieu d'une façon plus normale
comme ça se fait, en fait. Un organisme qui ne chemine pas dans le sens
de l'excellence, il ne pourra pas durer. Alors, si on ne peut pas... Si on
l'élimine au départ sans lui donner la possibilité de
vivre, c'est dangereux.
Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup parlé, hier et
aujourd'hui, de la méthode du Conseil des arts. Il y a eu beaucoup de
critiques sur le Conseil des arts. Et, là, tout à coup, on parle
du Conseil des arts comme étant la solution. Donc, il y a une
espèce de vent de positivisme qu'on reçoit. Mais je me souviens
très bien aussi que, l'année passée, plusieurs nous
disaient: Ne touchez pas à ça. Les gens là-dedans,
ça fait 20 ans qu'ils y sont puis c'est une espèce de club
fermé où on s'encourage soi-même. Ça, c'est une
chose. Et, au ministère, par exemple, ce n'est jamais le
ministère qui attribue. Les bourses sont toujours données aux
organismes par des pairs aux individus, par des pairs qui déterminent
aussi le montant de la bourse, parce qu'on essaie justement et on ne veut pas
s'immiscer dans le contenu. Je me souviens, il y a quelques mois,
moi-même, j'ai été prise jusque-là, parce qu'on
avait donné des bourses à un groupe de jeunes qui étaient
peut-être une petit peu plus frondeurs. Bon. Ça a fait le tour
à la radio, etc., mais on maintient cette politique-là de dire:
Jury, juré... par des pairs et on se tient loin. Mais est-ce que ce
fonctionnement-là satisfait? (17 h 15)
Mme Frechette: On n'est pas contre le fonctionnement dont vous
pariez. Dans le rapport Arpin, il n'est pas vraiment question de l'implication
du milieu. On en parle, on parle un peu de concertation, mais il n'est pas
vraiment question de ça, de l'implication comme telle du milieu et c'est
ce que nous, on veut éviter. On veut que le milieu soit là pour
prendre des décisions et que la possibilité de vivre soit offerte
à des gens qui ne sont pas à la mode du moment ou... Il y en a
peut-être qui le deviendront.
M. Pelletier (Gilles): Je pense qu'il y a également, tout
l'aspect de la révision des rôles des CRC vis-à-vis des
directions régionales du ministère, où au niveau du
rapport Arpin, il n'est pas clair le rôle qu'on veut laisser aux CRC et
donc à l'implication locale. Ça, c'est une des choses qui nous a
fait peur un peu.
Mme Frulla-Hébert: Je veux passer à autre chose
parce que le temps file. La formation musicale. On a un grand débat qui
est là et qui commence. Il y a une grosse analyse au niveau de la
formation musicale. Qui doit finalement s'occuper de formation musicale? Est-ce
que c'est le ministère des Affaires culturelles ou le ministère
de l'Éducation? Il y a déjà de la formation musicale
maintenant qui se donne. Les universités ouvrent des écoles.
C'est la même chose au niveau de l'art dramatique, d'ailleurs, à
savoir quel système est le mieux apte à prendre justement la
formation. Parlez-nous donc un peu des musiciens qui arrivent sur le
marché et qui sortent, toute l'histoire de la formation.
Mme Frechette: D'accord. Au niveau de l'éducation
musicale, il est clair que l'éducation musicale doit être
présente au primaire, au secondaire, au niveau collégial et
à l'université. En tout cas, pour nous, que les conservatoires
existent à côté, c'est un complément, ce n'est pas
une compétition.
On a pensé que tout ce qui devrait être enseignement des
arts, devrait être chapeauté par le ministère des Affaires
culturelles, peut-être pour mieux orienter les différentes
spécialités des institutions. Je pense que s'il y a une
diversité dans la façon d'enseigner, ça va juste
nourrir le niveau culturel pour alimenter davantage de nouvelles façons,
de nouveaux métiers, de nouvelles facettes de l'art. Je pense qu'il
n'est pas bon de normaliser qu'on enseigne au conservatoire exactement comme
à l'université. Je pense qu'au départ, le conservatoire a
le décloisonnement des matières et la possibilité de
prendre un enfant plus jeune qu'à l'université. Éliminer
le conservatoire n'est pas une solution et éliminer les
universités n'en est pas une non plus, parce qu'il peut y avoir aussi un
artiste qui va avoir commencé sérieusement un peu plus tard et
qui, lui, à travers le cheminement des cégeps et des
universités, va réussir à se produire aussi.
Mme Frulla-Hébert: Mais, sans parler d'élimination
soit de l'un ou de l'autre, on pourrait quand même parler, toujours en
travaillant en harmonie au niveau de la philosophie, si on veut... Le
système d'éducation, il faut l'admettre, en termes de structure,
est beaucoup plus apte à prendre l'enseignement et à le faire
évoluer que nous, d'une certaine façon, juste en termes de
structure.
Mme Frechette: Oui, mais on ne parie pas d'éliminer
l'enseignement dans les écoles. Il faut que ce soit là, mais
ça peut être chapeauté par des artistes et par le
ministère des Affaires culturelles. Ce qui dérange actuellement,
c'est l'espèce de compétition qu'il y a entre le ministère
de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles. À
chaque fois qu'il y en a un qui veut avancer un peu - en tout cas, c'est
l'impression qu'on en a - il y a une bataille de budgets, il y a une bataille
de personnes-ressources. Et c'est ce qui fait que l'enseignement perd le
contact avec le milieu après.
M. Pelletier: Je pense également que - dans le document on
a tenté d'être clair à ce niveau-là - il faut
éviter le plus possible que l'enseignement des arts aux niveaux primaire
et secondaire soit tributaire des budgets. Qu'il fasse donc partie d'un
programme qui soit implanté par le ministère des Affaires
culturelles auprès des écoles et que ce soit enseigné au
même titre que la langue et que les mathématiques. Actuellement,
les dangers qu'on a c'est qu'on élimine facilement l'enseignement des
arts pour préférer quelque chose d'autre. Mettre un cours de
gymnastique de plus parce que ça rentre mieux dans les budgets au niveau
secondaire, par exemple. Et ça, il faut éviter ça.
Notre recommandation à l'effet de mandater le ministère
des Affaires culturelles pour élaborer les programmes, c'est aussi le
moyen que les artistes ont, étant donné qu'on a plus d'influence
auprès du ministère des Affaires culturelles qu'au niveau du
ministère do l'Éducation. C'est la façon dont les artistes
auront peut être un certain contrôle sur ce qui sera
enseigné en art.
Mme Frechette: Le problème aussi qu'on a c'est que, depuis
les 20 dernières années, on a eu moins de constance au niveau de
l'Éducation On a eu, à un moment donné, un programme
très bien établi au primaire. On n'en avait pas au secondaire,
à ce moment-là. Ensuite, on en a eu au secondaire; on n'en avait
plus au primaire. On s'est retrouvé au niveau collégial à
recevoir des enfants qui étaient très bien préparés
et puis après ça on recevait des enfants qui... Ceux qui avaient
eu la chance de prendre des cours pri vés, ils étaient
admissibles, et les autres, on les perdait de vue parce qu'il n'y avait plus de
budgets dans les écoles secondaires pour continuer la poursuite de
l'enseignement avec une bonne qualité.
C'est sûr que c'est relié à une question de budget,
mais, quand on dit qu'on veut que ce soit chapeauté par le
ministère des Affaires culturelles, on veut en même temps que le
budget soit transféré aussi. C'est-à-dire si on
transfère les pouvoirs et qu'on n'a pas plus de moyens, ou on n'a pas au
moins les mêmes moyens, ça ne nous avancera pas.
Mme Frulla-Hébert: Une autre question À un moment
donné, vous dites dans votre mémoire - parce qu'on parle quand
même d'emploi aussi, autant dans l'enseignement qu'ailleurs -que vous
privilégiez des mesures de type fiscal à des mesures d'aide
directe. Comment conciliez-vous cette position avec la nécessité
de mettre en place des mesures qui favorisent la création et les
créateurs? Là, on a le soutien, on a laide à l'artiste,
etc.
M. Pelletier: Je pense qu'à ce niveau-là la grosse
différence c'est - où on le traite dans le document - qu'on parle
de deux choses tout à fait différentes. Je pense que,
effectivement, les bourses ou les subventions qui sont données
actuellement se doivent de demeurer pour faciliter la création de ces
choses-là. Mais, pour pouvoir demeurer artiste, Je pense qu'il y a un
phénomène qui est clair: II faut absolument que les artistes
aient des mesures fiscales qui les abritent. Par exemple, actuellement, on
parle dans le document - on y touche un peu - de la question de
l'étalement de l'impôt, qui a déjà été
permise pour les artistes, mais qui ne l'est plus actuellement.
Un compositeur, par exemple, peut avoir un engagement et écrire
une musique de film une année où il va faire peut-être 50
000 $, et l'an d'après il va faire 10 000 $. Il va être
très imposé l'année où il fait 50 000 $, mais il
n'aura aucune possibilité de récupérer l'argent
l'année où il en fait seulement 10 000 $. Ce serait des mesures
comme celle-là, je pense, sur lesquelles il faudrait insister. Mais je
ne pense pas qu'il faut mettre en opposition les subventions ot les
mesures fiscales.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme Frechette, messieurs. Mme Frechette,
heureux de vous accueillir en ce début de mandat pour vous, parce que
c'est quand même récent. Je crois bien vous l'avoir écrit.
En tout cas, je vous ai posé la question. Mes meilleurs voeux vous
accompagnent vous et vos collègues parce que ce n'est pas facile. C'est
exigeant. Je connais l'agenda de votre prédécesseur, alors je
m'imagine que le vôtre est identique, sinon supérieur.
Je suis heureux parce que déjà c'est amorcé. Moi je
veux profiter de votre présence justement pour faire le point sur la loi
sur le statut de l'artiste. On nous avait dit qu'on faisait du droit nouveau.
Je disais: II y a du beaujolais nouveau, on peut bien faire du droit nouveau.
C'est merveilleux. Je pense que, effectivement, on a adopté une loi
quoiqu'il a fallu rudement bagarrer avec la Guilde pour que la Guilde se sente
plus chez elle à l'intérieur de cette loi. Je ne vous ferai pas
tout l'historique de cela, mais une autre fois on pourra peut-être en
parler
Finalement, la loi est là. D'après vous, est-ce qu'elle
vous fournit vraiment la capacité réelle de négocier des
conditions de travail de vos membres avec l'ensemble des producteurs?
Mme Frechette: C'est un problème. On va présenter
des demandes d'amendement à la loi, mais il reste que c'est un
départ. Au moins, on a quelque chose. Je vais laisser parler le
vice-président de Montréal là-dessus.
M. Lefebvre (Éric): Présentement, effectivement, on
a une loi sur le statut de l'artiste qui permet d'établir un
régime de négociation entre certains producteurs et une
association reconnue. Il y a, dans cette loi-là, des incitatifs à
la négociation. On n'est peut-être pas suffisamment
élevés pour qu'on ait véritablement une négociation
imposée entre des producteurs et des musiciens. Vous avez une
association reconnue, des secteurs de négociation. Bon, l'Union des
artistes, sans doute, serait représentée pour les artistes, les
comédiens et les chanteurs et la Guilde des musiciens possiblement pour
tous ceux, en fin de compte, qui pratiquent l'art de la musique
instrumentale.
Mais, présentement, la loi est très timide face aux moyens
que l'association reconnue et les producteurs ont pour pouvoir
véritablement négocier des ententes collectives. C'est timide,
pour l'instant. Vous avez des... Il y a des législations du travail qui
sont beaucoup plus présentes dans le milieu et aussi qui ont des moyens
plus efficaces pour qu'une négociation puisse s'engager et que pour que
des conditions de travail puissent s'opérer, des conditions de travail
supérieures pour les artistes. Je pense, entre autres, au Code du
travail qui a des dispositions plus intéressantes, malgré que ses
dispositions s'appliquent aux salariés.
Mais ce qui est intéressant, évidemment, dans le cas de la
loi sur le statut de l'artiste, c'est qu'on permet à des entrepreneurs
indépendants de pouvoir s'associer, tout comme les salariés, avec
les mêmes avantages et aussi avec les avantages fiscaux qui
découlent de leur statut d'entrepreneur indépendant. Ça,
c'est un plus dans la loi. Par contre, il y a encore des moyens qui devraient
être mis de l'avant et qui seront présentés, d'ailleurs,
par notre organisation au ministère des Affaires culturelles, des
modifications à la loi pour qu'elle devienne plus présente dans
le milieu et plus efficace, tant pour les producteurs que pour l'association
reconnue.
Mme Frechette: Et plus applicable pour nous.
M. Boulerice: Et l'état des relations entre votre
organisme et la commission de reconnaissance, ça se passe bien?
Mme Frechette: Ça va bon train. M. Boulerice:
Ça va bon train. Des voix: Ça va bon train. M.
Boulerice: Molto voce. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre (Éric): Oui, effectivement, nous sommes
presque à l'étape finale de la reconnaissance,
c'est-à-dire qu'actuellement le secteur de négociation,
c'est-à-dire le cadre dans lequel s'effectueront les négociations
d'entente collective est déjà en place. Ce qui manque, c'est la
reconnaissance telle quelle de notre association, et il ne nous reste, en fin
de compte, qu'une formalité à observer pour que cette
reconnaissance soit octroyée.
M. Boulerice: D'accord.
M. Pelletier: Alors, si tout va bien, avant Noël, on devrait
être reconnus.
M. Boulerice: Pardon?
M. Pelletier: Si tout va bien, avant Noël, on devrait
être reconnus.
M. Boulerice: Bon enfin, il y aura au moins quelque chose sous
l'arbre cette année.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: On y a touché tantôt, mais j'ai
vraiment le goût d'y revenir parce que j'ai toujours tenté
d'être cohérent dans mes discours. J'ai toujours dit: Ah! le
statut de l'artiste, bravo! Mais attention! Le statut de l'artiste, ça
pourrait devenir une statue...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice:... si ce n'est pas suivi par un statut fiscal, pas
celui qui est dans la loi actuelle qui permet à un comédien des
choses peut-être importantes, mais quand même relativement
modestes...
Mme Fréchette: Et qui bougent d'une année à
l'autre.
M. Boulerice:... et qui bougent d'une année à
l'autre. Je veux dire: Bon, je vais déduire les photos pour mon
portefolio, etc. Je disais... Le vrai statut fiscal de l'artiste, puisque je ne
l'avais jamais caché... On m'avait sorti sur une période de cinq
ans - il va de soi, en cachant les noms pour respecter une certaine
confidentialité - les revenus de comédiens et de musiciens et
c'était, mon Dieu, l'électrocardiogramme de quelqu'un qui est sur
le bord de quitter doucement. Il y avait des lignes, à un moment
donné, très continues. C'était inquiétant comme
diagnostic quand on le regardait. Si je vous ai bien compris, il n'y a
absolument rien qui a été fait depuis cette adoption. Enfin, je
parle de l'adoption du statut comme tel, le statut juridique.
M. Pelletier: C'est-à-dire que, depuis l'adoption de la
loi, il a été reconnu d'emblée le statut de travailleur
autonome à une personne qui ferait partie d'une association qui serait
reconnue. Et il y a eu un bulletin d'interprétation du ministère
du Revenu à cet effet là. Mais, effectivement, il n'y a pas eu de
modifications réelles du régime fiscal pour les artistes. (17 h
30)
M. Boulerice:... Au-delà de... Attendez je vais essayer de
formuler ma question autrement. Quelles seraient, d'après vous, les
mesures, au-delà de l'étalement des revenus, qui pourraient
être envisagées pour véritablement conférer aux
artistes un statut fiscal beaucoup plus adapté qu'il l'est
actuellement?
M. Pelletier: II est clair, en ce qui concerne, par exemple, les
déductions qui sont permises pour un travailleur autonome sur ses
revenus d'enseignement, par exemple, je pense que... Vous y avez touché
tout à l'heure lorsque vous avez parlé avec les gens de
l'École nationale de théâtre, la problématique de
ceux qui sont à la fois des artisans, mais qui travaillent comme
serveurs dans les restaurants parce qu'ils n'ont pas le choix - il faut qu'ils
gagnent leur vie - ou qui font de l'enseignement, ce qui est le cas de
plusieurs musiciens. Actuellement les déductions permises pour un
travailleur autonome sont limitées au revenu qu'il gagne en tant
qu'artiste. Et, s'ils sont obligés de faire de l'enseignement pour
pouvoir combler leur revenu, à ce moment-là ils ne peuvent pas
déduire quoi que ce soit à ce niveau-là, il serait peut
être intéressant qu'on puisse revoir ça et mettre
l'ensemble du revenu des artistes et non pas seulement ce qui est lié
à une prestation artistique, mais ce qu'ils sont obligés de faire
pour gagner leur vie. Ça serait déjà un bon départ,
je pense.
Mme Fréchette: Et que les dépenses admissibles le
soient d'une façon un peu plus large, et que ça ne bouge pas
d'une année à l'autre, de telle sorte que si une année
c'est permis de déduire des traitements de physiothérapie ou de
massage en prévention de nos maladies industrielles qui sont souvent des
tendinites ou des problèmes de posture... Une année c'est permis,
l'année suivante ça ne l'est plus. Alors, l'année
où tu as tes reçus tu ne peux pas les utiliser, et l'année
où tu n'a pas de reçus, là, ils te le permettent. Alors,
c'est...
M. Boulerice: Ça entre dans cette vaste complexité
qu'on appelle la vie d'artiste.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Complexité que l'artiste n'a pas voulu
compliquer, mais qu'on lui complique volontairement. La question est
existentielle, puisqu'on a en mémoire la commission Bélanger
Campeau qui a quand même fait marque: déclaration du ministre
Beatty, rapport Allaire déposé au Parti libéral et
voté le samedi, je crois bien, si ma mémoire est bonne...
Une voix: En mars.
M. Boulerice:... en mars. Il y a la déclaration de la
ministre en disant que les propos de M. Beatty étaient totalement
inacceptables, lorsqu'il disait qu'il voulait protéger la culture
québécoise. Lui qui taxe le livre québécois se
permettait une bonne blague en disant... Il a comme devise: Je veux votre bien
et je l'aurai. La ministre s'est insurgée, sauf qu'il y a dans le
rapport Arpin, il y a dans le rapport Allaire, il y a dans la commission
Bélanger-Campeau, les intervenants du milieu culturel qui sont venus,
une donnée et je vais vous poser la question, à défaut que
la ministre vous l'ait posée: Est ce que vous êtes favorables au
rapatriement des responsabilités fédérales,
c'est-à-dire pouvoir et argent au niveau québécois?
J'éviterai le mot "provincial", il me blesse.
M. Pelletier: Pardon?
M. Boulerice: J'ai dit: J'éviterai le mot "provincial"
quand je parle du Québec, ce mot me blesse.
M. Pelletier: Je pense que la fin de tout dédoublement,
où l'argent se perd dans les infrastructures gouvernementales, nous
plaît si cet argent-là peut être retourné aux
artistes. C'est pour ça, je pense, que l'on parle dans notre document -
quand on parle de la possibilité du rapatriement - d'un guichet unique.
Quand on parle d'un guichet unique, on parle nécessairement d'une seule
structure, et donc on rapatrierait l'ensemble des fonds à
l'intérieur d'une seule structure et on ne se retrouverait pas à
un moment donné où on serait obligé de faire la parade
devant deux ministères ou deux ministres pour obtenir les mêmes
sommes d'argent. À ce niveau-là, on est d'accord avec tout effort
pour réduire le dédoublement au niveau des structures
gouvernementales, si cet argent-là peut être retourné aux
artistes. Sinon il va falloir faire très attention. Il ne faudrait pas -
et je pense qu'à ce niveau-là tout le monde est d'accord - qu'on
transfère les responsabilités sans transférer les sommes
d'argent qui viennent avec.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée de
Chicoutimi, il reste cinq minutes.
M. Boulerice: Juste une très brève remarque
à votre propos. Oui, volontiers, effectivement, avec les garanties, il
va de soi. C'est patent que cela vous éviterait des démarches
incessantes, alors que votre principale préoccupation doit être la
création.
M. Pelletier: Justement.
M. Boulerice: Je faisais du mauvais français, je disais:
Je veux qu'on soit créateur et non pas quêteur, et le
dédoublement force malheureusement les gens de votre profession à
jouer ces deux rôles, dont l'un est vraiment très
éprouvant.
M. Pelletier: Oui, effectivement.
M. Boulerice: Je vais laisser ma collègue...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: Bonjour. Merci, M. le Président. Vous
pariez de guichet unique, je suis heureuse, parce que - je le rappelle - la
commission Bélanger-Campeau a entendu des professeurs
d'université défendre jalousement le maintien des liens du
fédéralisme et évidemment la recherche et
développement à Ottawa de préférence, un peu,
peut-être, partagé avec le Québec, sous le simple argument
qu'il était mieux d'avoir deux lieux où aller chercher son bien
plutôt qu'un seul. Alors, je me suis demandé, à ce titre,
pourquoi on ne deviendrait pas Américains, parce qu'on en aurait
trois.
Alors, je suis heureuse de vous entendre là-dessus. Ça
l'air que vous manifestez une inquiétude que je retrouve dans tous les
groupes et avec raison. Vous dites: On est d'accord, rapatriez, mais
assurez-vous que si on rapatrie tout, et même si on devient souverain, on
n'y perdra pas au change, parce qu'on est déjà assez pauvres.
Là-dessus, je partage tout à fait votre inquiétude. Moi,
je me dis, il va falloir qu'on soit extrêmement vigilants au moment
où il va se faire des transferts. Et je souhaite qu'il s'en fasse. Si le
gouvernement actuel et les propos de la ministre - et je la crois
sincère - réclament la totalité des pouvoirs en ces
domaines et que l'Opposition fait la même chose, un jour, il y a
quelqu'un qui va comprendre.
Et vous revenez souvent... Je partage cet avis et je pense
qu'effectivement il faudra réajuster et revoir un peu le fonctionnement
de nos organismes subventionnaires. Moi, je suis de cet avis-là pour
avoir un peu observé le fonctionnement du Conseil des arts, un peu de
nos organismes, bien que je reconnais que la ministre a raison, son mode
d'attribution des fonds est particulièrement intéressant et il ne
semble pas, non plus, être partisan. Je connais assez bien son... Il
n'est pas très généreux parce qu'il est pauvre - ce n'est
pas compliqué - parce qu'il y a deux niveaux de gouvernement. On ne
cherche pas bien longtemps. Alors, quel serait, selon vous, l'organisme, la
structure qui permettrait et qui vous assurerait une répartition
à la fois équitable, juste et dynamique des fonds de soutien
à la création?
Mme Frechette: D'abord, que ça respecte les
disparités régionales et qu'il n'y ait pas trop de paliers entre
l'idée de départ et l'artiste, au bas. Très souvent c'est
ce qui se passe. On part avec une bien belle idée et là il y a
des gestionnaires qui se penchent là-dessus, qui étudient que
peut-être il vaudrait mieux... Et là il y a un autre qui
étudie encore et finalement, quand ça arrive à l'artiste,
il ne reste plus rien.
Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites c'est qu'il faudrait
diminuer la bureaucratie. Mais est-ce que vous dites également qu'il
faudrait qu'il y ait une décentralisation des pouvoirs vers les
régions de manière à ce que - il y a une enveloppe
régionale - on décide en région ou, encore, s'il faudrait
que ce soit centralisé?
Mme Frechette: II faut que ce soit... D'abord, une concertation,
c'est sûr, mais il faut qu'au départ l'idée soit claire de
ce qu'on veut faire. Et à partir du moment où on veut respecter
les régions, je pense qu'il faut arrêter de vouloir absolument
tout normaliser.
Mme Blackburn: Alors, finies les normes mur-à-mur et
édictées de Québec...
Mme Frechette: Les petits programmes dans lesquels on se
contorsionne pour rentrer. C'est embêtant pour rien et ça ne
répond pas à la vraie réalité culturelle.
Mme Blackburn: Vous avez raison. Je pense que ça doit
arriver dans toutes nos régions. Quand il y a un programme, que les gens
viennent nous voir et demandent: Est-ce qu'on peut avoir accès à
ce programme-là? je dis: Lisez-les et répondez ce qu'ils veulent
entendre. Et, après ça, vous ferez ce que vous voudrez. Je
m'excuse de le dire aussi... Vous devez dire la même chose chez vous.
C'est ça le problème avec les normes
Mme Frechette: Oui.
Mme Blackburn: J'ai dit: Vous avez vu le texte? Rentrez dans le
texte, après ça vous ferez ce que...
M. Pelletier: Si on regarde, actuellement, le Programme
d'assistance aux orchestres régionaux, si on l'appliquait à la
lettre, il n'y a pas grand orchestres qui seraient subventionnables. Je pense
que... On a rencontré les gens de l'Orchestre du Saguenay-Lac-Saint-Jean
la semaine dernière. Ils travaillent excessivement fort pour doter la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean d'un orchestre qui est viable. Prenons
l'exemple du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec le Quatuor Alcan qui est
subventionné, en grande partie, par Alcan, en région,
effectivement pour s'assurer qu'il y ait une vie culturelle qui puisse amener
des gens travailler dans cette région. Je pense que, si on applique trop
strictement des normes, cet orchestre-là ne pourrait pas vivre. Et je
pense que ça, c'est un danger.
Mme Blackburn: Je dois dire que le rapport Arpin, à cet
égard, n'est pas très généreux à l'endroit
des régions.
M. Pelletier: Nous, ce qui nous fait le plus peur, c'est les
reproductions mécaniques qu'on laisse sous-entendre dans le rapport
Arpin. Ce qu'on dit à ce niveau-là c'est qu'une reproduction
mécanique ne pourra jamais remplacer un artiste sur la scène.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Ça
épuise le temps qui était mis à notre disposition.
Quelques mots de remerciement peut-être du côté de
l'Opposition.
M. Boulerice: L'opinion de la Guilde est toujours une opinion
importante, et surtout qu'elle est toujours exprimée de façon
très claire. Alors, vous n'avez pas rompu avec la tradition. Nous sommes
très satisfaits de votre participation, et surtout à très
bientôt, mais n'oublions pas le cap du statut fiscal de l'artiste. C'est
beau une politique, mais il ne faudrait pas que ça soit une statue comme
le statut.
Le Président (M. Doyon): Merci, M le député.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Vraiment, merci à tous. On vous
a écoutés... Je parlais justement à Mme Courchesne, ma
sous-ministre, parce qu'il y a des suggestions qui sont très valables,
et ça ressort un peu partout finalement, allégement des normes...
Il faut comprendre aussi que les normes, ce n'est pas juste nous, c'est le
Conseil du trésor, malheureusement, mais un système est un
système: gestion des fonds publics, transpa rence... Bon. On l'a
vécu. Ils l'ont vécu. Mais on essaie quand même dans
l'ensemble... On va essayer d'alléger et puis aussi de
régionaliser notre aide. Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission je vous remercie, en vous priant de bien vouloir vous retirer de la
table pour permettre au groupe qui vous suit de prendre place. Merci de vous
être déplacés pour venir nous voir et présenter
votre mémoire.
Maintenant il nous reste un groupe à entendre avant d'aller
manger. C'est le Conseil permanent de la jeunesse. Je les invite à
s'avancer et à bien vouloir prendre place à la table de nos
invités.
Je souhaite la bienvenue aux deux personnes qui sont devant nous. Elles
sont ici depuis un certain temps, je les ai vues. Elles connaissent la
façon que nous avons de procéder. Vous vous présentez,
vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire la présentation de
votre mémoire et, à ce moment-là, on engage la discussion
avec vous pour le restant du temps. Vous avez donc la parole.
Conseil permanent de la jeunesse
M. Perreault (Alain): Merci, M. le Président D'abord,
j'aimerais rapidement présenter le Conseil permanent de la jeunesse. Le
Conseil a été créé en 1987 et a
débuté ses activités en 1988. Il est constitué de
15 jeunes et il est chargé de conseiller le premier ministre sur toute
question relative à la jeunesse.
Nous nous sommes donné au début de notre mandat, à
nous, la nouvelle équipe, en février 1991, une double mission. La
première mission était de défendre les
intérêts et les besoins de la jeunesse, et, deuxièmement,
de promouvoir lap port significatif des jeunes à l'évolution de
la société québécoise.
Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez de vous
interrompre juste un moment pour vous permettre de vous Identifier, pour les
fins
du Journal des débats.
M. Perreault: Très bien. Je m'excuse. Je suis donc Alain
Perreault. J'occupe la présidence du Conseil permanent de la jeunesse.
Je suis accompagné de Serge Fleury, qui est vice-président au
Conseil. Je dois excuser l'absence de Mme Marcia Pilote, qui est membre du
Conseil et également jeune artiste. On aurait beaucoup aimé
qu'elle soit là, mais elle est en tournage. Donc, elle n'a pas pu se
présenter.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Perreault: Au niveau des considérations
générales, j'aimerais expliquer que le Conseil, durant ses trois
premières années d'existence, a fait le tour du Québec, a
fait le tour également des besoins et des intérêts de la
jeunesse. On a observé que le constat est assez déplorable et que
l'intervention du gouvernement face à ce constat-là
nécessite une action énergique et concertée de tous les
intervenants. Donc, face à cette situation-là et face à
cette observation-là d'un manque de cohérence de l'intervention
gouvernementale à l'égard de la jeunesse, on se dit: Bien nous,
ce qu'il nous faudrait c'est une politique globale en matière de
jeunesse. On fait souvent référence, pour expliquer ce qu'on veut
dire par là, à ce qui est en train de se faire ici, une politique
en matière culturelle qui vise justement, je crois, à donner une
vision commune de ce que le Québec doit avoir en matière
culturelle.
Donc, on est vendu à l'idée d'une politique culturelle
pour concerter les actions et pour mieux utiliser les ressources qui sont mises
a la disposition de la population. C'est ça, principalement, les
considérations générales que je voulais apporter. Je passe
la parole à Serge Fleury, qui va aborder des considérations plus
spécifiques sur le rapport Arpin. (17 h 45)
M. Fleury (Serge): Oui, alors, le premier constat
général c'est qu'il y a, effectivement, un bon travail qui a
été opéré par le comité Arpin en termes de
survol horizontal, si on veut, des différents éléments de
la culture. Puisqu'on parle de la culture dans un sens très large, on
parle d'art, évidemment. On a même touché les aspects de
formation professionnelle et, évidemment, c'est des aspects auxquels
nous sommes particulièrement sensibles.
Par contre - et c'est peut-être un commentaire qui est assez
fondamental sur le document Arpin aussi - on parle de la création, on
parle de la formation, on parle de la diffusion et on trouvait, au Conseil,
qu'étaient peu présentes les personnes qui vivent cette
production-là, qui vivent cette formation-là, les personnes qui
doivent quotidiennement créer. D'ailleurs, je suis
particulièrement heureux d'avoir pu entendre d'autres intervenants qui
reprenaient un peu certains éléments de ce commentaire-là
en disant: Oui, mais, nous, comme créateurs, ou oui, mais, nous, comme
élus municipaux, nous avons à gérer quotidiennement
différents aspects de cette politique-là.
Si on le prend d'un point de vue jeunesse, on ne peut que constater
l'absence de la préoccupation jeunesse et de la préoccupation
relève et ce, malgré le grand questionnement du rapport Arpin qui
parle de planifier les dix prochaines années en matière
culturelle et auquel questionnement nous adhérons tout à fait. On
constate que la relève est toujours considérée comme une
abstraction très vaporeuse qui ne nous semble pas vraiment avoir
corps.
Dans ce sens-là aussi, en cherchant à préparer une
réflexion et un mémoire pour cette présente commission,
nous avons fait quelques recherches et on a été très
désagréablement surpris de constater que la place de la
relève était très mince puisqu'on parle souvent, au sein
du ministère des Affaires culturelles, d'une relève qui est
déjà constituée de jeunes professionnels artistes ou de
jeunes professionnels des domaines de l'art et de la culture. On se questionne
beaucoup à ce sujet-là parce qu'il nous semble important que le
Québec s'assure d'un bassin suffisant de relève, d'un bassin
suffisant, donc, de création. Les programmes, tels qu'ils sont
élaborés actuellement au sein du ministère des Affaires
culturelles, exigent souvent de deux à sept ans de réalisation
professionnelle pour être admissibles à un programme ou à
un autre et on devinera aisément que c'est forcément les jeunes
artistes qui sont ou qui risquent d'être pénalisés par de
telles mesures.
Dans ce sens-là, on souscrit, par contre, à certains
constats qui sont posés par le rapport Arpin, à savoir la
préparation du public. Évidemment, on ne peut pas envisager de
développer un secteur culturel et un secteur artistique sans,
concurremment à ça, développer des réflexes
importants au niveau du public en termes de marché, si on prend un terme
économique, et en termes aussi de... On parle de la terminologie de
recherche et développement en matière culturelle et en
matière artistique.
Nous, on croit que... Malgré que le saupoudrage peut sembler
défavorable, on croit qu'il doit y avoir un effort qui doit être
consenti, et de façon très large, particulièrement
auprès des jeunes qui n'ont pas encore un statut professionnel à
temps plein. Dans ce sens-là, il nous semble important - et c'est
mentionné dans le mémoire qu'on vous a soumis - d'établir
assez rapidement un diagnostic sur les besoins de la relève,
d'établir un constat aussi. On pourra mentionner, on pourra
répondre à cette affirmation-là qu'il y a, effectivement,
un certain clivage qui se fait et une certaine élimination naturelle,
une sélection naturelle qui s'opère, sauf que, peut-être -
et c'est une hypothèse qui n'est pas vérifiée, mais qui
est tout aussi valable
certainement que n'importe quelle autre - il y a aussi bon nombre de
pertes qu'on pourrait constater à travers un diagnostic comme
celui-là.
Donc, le sens du mémoire qu'on a soumis et le sens de
l'intervention qu'on veut présenter aujourd'hui visent - au contraire
peut-être, mais aussi en complément des interventions qui ont
été faites précédemment - à
développer un réflexe artistique et culturel qui soit vraiment
élargi, qui soit vraiment partagé par une population - et, dans
ce sens-là, on est d'accord avec le rapport Arpin - mais qui soit aussi
beaucoup plus élargi en matière de soutien à la
création. On croit que la création... Plus le bassin de la
création sera élargi, plus on sera en mesure d'avoir une culture
qui se relèvera, une culture qui nous sera propre, qui permettrait de
devenir et de jouer le rôle moteur qui est identifié, qui est
souhaité par le rapport Arpin et par la ministre des Affaires
culturelles. Donc, on se doit d'assurer un soutien qui dépasse, à
quelque part, un simple soutien individualisé ou un simple soutien
individuel.
On parle dans notre mémoire de lieux de création. C'est
peut-être une notion qui n'a pas tout à fait cours actuellement au
sein des pratiques culturelles. On parle beaucoup plus de lieux de diffusion.
Ils ont leur importance. On le reconnaît et, d'ailleurs, on souhaiterait
effectivement que ces lieux de diffusion là soient beaucoup plus
largement répandus. On croit également que, dans une optique de
préparation de la relève et dans une optique
d'élargissement de la culture, on se doit aussi de doter la
société québécoise d'un vaste réseau de
lieux de création.
J'appelle lieux de création des facilités qui pourraient
être tout simplement un atelier, qui pourraient être tout
simplement à l'intérieur d'équipements qui sont
déjà disponibles. On parie dans le mémoire soumis d'un
élargissement de mandat ou de vocation du côté des maisons
de la culture. On parie aussi d'un élargissement de ces
équipements à d'autres municipalités ou à d'autres
régions. On parle aussi de l'utilisation d'équipements qui sont
déjà en place, soit par le biais d'équipements municipaux.
On a entendu un peu plus tôt le maire de la ville d'Amos qui a
témoigné véritablement de la possibilité
très concrète d'une municipalité de s'impliquer à
différents niveaux, soit par le biais de partage d'équipements -
on pariait de partage de bibliothèques - mais je pense qu'on peut aussi
parler de partage d'autres types d'équipements. Et dans un but de
soutien à la création véritablement.
Je pense, et le Conseil est d'accord aussi... On est d'avis qu'un plus
large bassin de création est probablement garant d'une plus large
préoccupation à l'égard de la culture et des arts et,
donc, aura aussi l'effet d'entraînement souhaité quant à
l'accroissement de fréquentations des lieux culturels et des
activités culturelles aussi.
Un commentaire sur un autre niveau maintenant. On a fait mention un peu
plus tôt de la formation professionnelle des jeunes artistes. Nous
constatons d'un point de vue de jeunes et d'un point de vue de jeunes artistes
aussi qu'il est impératif, à ce niveau-là, qu'il y ait une
action énergique qui soit prise par le ministère des Affaires
culturelles. L'éclatement actuellement de... La multiplicité des
lieux de formation, certains niveaux de concurrence ou d'ambiguïté
quant aux équivalences entre les différents types d'écoles
et les différents types de programmes, les transitions possibles et les
juridictions mêmes d'une institution ou d'une autre, nous semblent
très pénalisants pour les jeunes qui tentent ou qui seraient
tentés de passer par ce cursus-là ou par cette démarche de
formation professionnelle, tout en reconnaissant, par contre - et je ne veux
pas minimiser non plus - qu'il y a toute une clientèle également
qui ne passe pas nécessairement par ces réseaux de formation et
qui peuvent avoir une production tout aussi valable. II doit y avoir, je crois,
une distinction entre une formation technique, une formation
préparatoire et tout un soutien au processus de création qui,
lui, on le comprend très aisément, n'est pas encadrable de
façon aussi stricte que la formation en elle-même.
Un autre élément qu'il nous semble important de mentionner
c'est tout ce qui est périphérique à l'intégration
professionnelle des jeunes. On l'a dit à quelques reprises, le
marché du Québec en matière culturelle et artistique est
un petit marché. Posons, au départ, qu'il nous semble que ce
marché n'a pas encore atteint son plein potentiel, donc, on va constater
qu'il est petit, mais il y a encore place à exploration et à
élargissement à ce niveau. Et, dans ce sens là, on rejoint
également des préoccupations du rapport Arpin.
Mais il nous semble essentiel aussi de forcer un peu l'imagination pour
développer une approche qu'on appelle périphérique
à la création et à l'activité artistiques. D'autres
intervenants ont parié, avant nous, d'élaborer et
d'élargir la présence de la culture et des arts au sein du milieu
scolaire au primaire, secondaire, collégial, à différents
niveaux. Il nous semble que cette approche devrait être favorisée
et devrait permettre une certaine mesure de perfectionnement, une certaine
mesure d'expérimentation de la part des jeunes artistes. Donc, il nous
semble que, malgré le fait que ces activités
s'inséreraient dans une structure éducative et dans un
système éducatif, il devrait y avoir une implication importante
du ministère des Affaires cul-turelles quant à
l'élaboration des programmes et quant au processus même de
dispensation de ces cours, de façon à éventuellement
pouvoir profiter de ce lieu-là pour peut-être offrir des
alterna-tives différentes et intéressantes à des jeunes
artistes qui souhaiteraient explorer, comme je le disais un peu plus tôt,
ou perfectionner leur technique peut-être par une approche comme
celle-là.
En conclusion ou en rappel peut-être sur ces
considérations-là, la diffusion plus large des produits culturels
et artistiques est essentielle, particulièrement pour les jeunes
artistes, on le mentionne dans notre mémoire. Souvent la
difficulté du jeune artiste ne réside pas dans sa capacité
de création ou sa capacité de production, son problème
majeur vient souvent du fait que ce jeune artiste n'a pas de nom avant lui, n'a
pas de réalisation professionnelle reconnue. Il n'a pas non plus encore
d'apport significatif au domaine artistique québécois
globalement.
Alors, il est très important de s'assurer d'une réelle
diffusion plus large et, dans ce sens-là, il devrait y avoir, à
notre avis, une attention particulière de portée aux initiatives
qui émanent des jeunes eux-mêmes et qui visent à
accroître cette diffusion-là. On pense, entre autres - et c'est
mentionné dans notre mémoire - à des alternatives du type
des activités de créativité: festivals de création
jeunesse, festivals Oxyjeunes, des activités de cet ordre-là, qui
malheureusement se retrouvent toujours entre 10 et 15 programmes, mais jamais
dans un, concrètement, pas plus au niveau du ministère des
Affaires culturelles qu'à aucune autre instance gouvernementale. Il nous
semble que, si on veut véritablement s'assurer de l'apport d'une
relève, on doit mettre sur pied des particularités et des
programmes particuliers qui ne demanderont pas à ces jeunes artistes des
réalisations, mais qui miseront plutôt sur le potentiel et sur
l'investissement que peuvent représenter la créativité
nouvelle et l'énergie nouvelle de ces jeunes-là.
En conclusion du commentaire, j'inviterais M. Perreault, en vous
rappelant certaines lignes nommément extraites du mémoire
soumis.
M. Perreault: Est-ce qu'il faut se surpendre du
désintérêt des jeunes à l'égard des produits
culturels québécois et à leur engouement envers les
produits étrangers? Au moment où on reconnaît qu'il y a une
absence de reconnaissance et de soutien propres aux lieux de création et
de diffusion jeunesse, également un éparpillement des
interlocuteurs, en passant par l'inaccessibilité des programmes offerts
aux jeunes artistes, ce qu'on dénote au Conseil, c'est une totale
absence dans le rapport Arpin de la relève et des jeunes artistes des
considérations gouvernementales jusqu'à ce jour.
Donc, ce qu'on croit qui devrait être adopté comme mesure,
c'est que... Le gouvernement québécois, par ses institutions
culturelles, doit reconnaître que l'essor de son affirmation culturelle
et artistique repose sur sa capacité à soutenir sa relève.
Le rapport Arpin doit être enrichi de façon à
intégrer explicitement ce volet essentiel à tous les niveaux de
ses recommandations. Toute politique culturelle devra essentiellement
reconnaître cet apport, sous risque de manquer l'objectif qu'elle s'est
donné de déterminer les principales voies que devront emprunter,
au cours des 10 prochaines années, ceux qui se consacrent au
développement de la culture et à l'action culturelle pour assurer
sa pérennité et son développement. Donc, c'était
l'essentiel des commentaires que l'on avait à faire sur le rapport
Arpin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Perreault et M. Fleury.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Perreault, et merci pour le
mémoire aussi. Il y a une chose, par exemple... À un moment
donné on se disait: Souvent dans le rapport Arpin, dans l'ensemble, on
parle beaucoup d'éducation et on s'est attardé beaucoup sur le
rôle du ministère de l'Éducation et du ministère des
Affaires culturelles. Par contre, je regardais chez nous, dans tous nos
programmes, il y a une place pour la relève. On donne à peu
près 5 000 000 $ par année au niveau de la relève. C'est
à part des programmes qui sont donnés à l'industrie du
disque, qui a des programmes spécifiques pour la relève, par
exemple: l'industrie du spectacle, qui a des programmes pour la relève,
jeunes compagnies théâtrales, qui, eux, engagent des jeunes et qui
ont des programmes pour la relève.
Il y a quand même des actions, au moment où on se parle,
qui sont faites pour encourager la relève. Il y a tout l'autre secteur
qui relève - le côté amateur, si vous voulez - du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et qui a aussi un
programme spécifique pour encourager l'amateurisme. Est-ce que ça
va là? Est-ce que ça devrait aller ailleurs? Ça, c'est
autre chose, mais, au moment où on se parle, il y a quand même
finalement une considération, si on veut, pour la relève.
Donc, est-ce que vous projetiez - parce que vous l'avez fait surtout en
critique du rapport Arpin, si on veut - la non-présence
spécifique? En termes de présence, comparativement à ce
qu'on fait ailleurs, c'est là. (18 heures)
M. Fleury: Ce qu'on constate - et j'en ai fait mention un peu -
c'est qu'il y a une certaine attention qui est accordée du
côté du ministère des Affaires culturelles, sauf qu'il y a
effectivement tout le statut de jeunes artistes professionnels qui souvent
cause problème, comme je le mentionnais. On exige entre deux et sept
années de réalisations professionnelles, ce qui fait qu'au sein
même de la définition de relève qu'on retrouve au
ministère des Affaires culturelles on parle de personnes
âgées de 35 ans et moins.
À notre avis, oui, effectivement, des gens qui sont à un
début de production, un début de carrière, ont besoin d'un
soutien particulier. On l'a mentionné. Effectivement, votre
ministère accorde des subventions, et les chiffres le
prouvent, en proportion importante à des gens qui sont
âgés de moins de 35 ans. Mais ce qu'on considère, nous,
c'est que, s'il y a autant de jeunes qui font des demandes, s'il y a autant de
jeunes qui sont subventionnés, c'est que, probablement, le besoin d'un
jeune artiste est beaucoup plus fort que le besoin d'un artiste qui est
établi.
Dans ce sens-là, vous avez mentionné aussi la question de
l'amateurisme versus le professionnalisme. Il a été
mentionné un peu plus tôt, par les gens de la Guilde des musiciens
et par d'autres intervenants aussi, la ligne ténue qui existe entre le
statut de professionnel et le statut ou le besoin, l'impératif de devoir
composer avec d'autres occupations pour pouvoir s'assurer une survie toute
élémentaire. Alors, le statut d'amateur et le statut de
semi-professionnel nous semblent créer une ambiguïté qui est
très importante et qui devrait être révisée et
étudiée par le ministère des Affaires culturelles, si on
veut véritablement atteindre les objectifs qui sont visés,
à savoir une réelle préparation et une réelle
diffusion de la relève.
Mme Frulla-Hébert: Si on parle de la formation. À
un moment donné, votre cinquième recommandation, vous demandez au
gouvernement de réviser les enseignememnts et programmes artistiques et
culturels offerts aux divers niveaux d'enseignement, qu'ils soient de niveau
collégial, universitaire, conservatoires, grandes écoles, pour
les adapter au nouveau contexte québécois. Est-ce que vous
êtes en mesure de nous expliquer le pourquoi de cette recommandation,
parce qu'on parle vraiment de formation, d'intégration au niveau de la
formation?
M. Fleury: Oui, c'est ça. Comme il a été
mentionné aussi, il y a, d'une part, un effort d'harmonisation entre les
dffférents programmes qui, à mon avis, est essentiel puisque,
comme il a été mentionné aussi un peu plus tôt, il
semble y avoir beaucoup de zones grises et il semble y avoir aussi beaucoup...
Comment pourrais-je dire? Un peu chacune des institutions, évidemment,
défend son caractère spécifique, sauf que, dans une
optique d'usager, dans une optique de futur professionnel qui désire
acquérir une formation, cette multiplicité-là crée
véritablement des distorsions - et je reprends là des termes qui
sont mentionnés dans le rapport - enfin, crée des distorsions qui
désavantagent les étudiants au moment du choix.
Donc, dans ce sens-là, effectivement, le gouvernement devrait
faire, d'une part, une révision de la carte des enseignements. D'autre
part, il devrait faire aussi peut-être un effort certain d'harmonisation
entre les programmes et devrait, à notre avis aussi - on pousse un peu
plus loin et je rejoins là le commentaire que je faisais plus tôt
- insister un peu plus aussi sur tout ce qui est périphérique aux
industries et à l'activité culturelle en tant que telles.
À notre avis, il y a encore là des champs qui ne sont pas ou peu
couverts et qui devraient permettre) justement peut-être de diversifier
le réel apport culturel par le biais, entre autres, d'une réforme
de l'enseignement à cet égard-là.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi de lieux et
équipements culturels. Vous dites que ceux qui sont existants ne sont
pas accessibles pour vous. Finalement, avec l'expérience que vous avez,
c'est quoi les principaux obstacles? Il y a des salles de spectacle dans les
cégeps, par exemple, ou il y a aussi des petites salles, mais il y en a
évidemment qui sont trop grandes. J'ai de la difficulté,
là, à saisir ce commentaire.
M. Fleury: II y a différents ordres de problèmes
à ce niveau-là, si on parle, par exemple, des cégeps.
Parlons tout simplement de la disponibilité régionale des
équipements. Les cégeps ont une certaine distribution
géographique, mais il y a aussi, comme le mentionnait le maire d'Amos un
peu plus tôt, je crois, des réalités
éloignées ou des réalités régionales qui
sont très différentes aussi, qui font que ces locaux-là ne
sont pas nécessairement accessibles à des fins purement
créatives.
On va requérir du jeune artiste une production, une
activité et on va même lui demander jusqu'à une certaine
rentabilité aussi que le jeune n'est peut-être pas en mesure,
à l'étape où il en est, d'assumer.
C'est également le problème auprès des salles
commerciales si on parle d'un milieu urbain ou urbanisé. C'est que,
effectivement, dans la mesure où ces locaux-là sont soumis aux
lois du marché, les jeunes qui désirent se produire là
doivent se soumettre à des activités, des activités
culturelles, mais dans une optique de rentabilisation, et ont peu d'espace de
création en tant que tel pour prévoir toutes les étapes
préalables.
Dans ce sens-là, j'ai pris des notes importantes concernant
l'École nationale de théâtre qui mentionnait qu'elle avait
comme préoccupation de rendre accessibles ses locaux aussi bien pour de
la création, de la production que la diffusion en tant que telle
d'activités culturelles. Je trouvais cette expérience-là
très intéressante et j'étais malheureusement surpris de
constater que ça semblait être un cas unique auprès des
différentes Instances culturelles ou des différentes structures
et équipements culturels du Québec.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, on me dit: II y a 60
centres, au niveau des arts visuels d'artistes intégrés, qui
regroupent aussi surtout des jeunes. Est-ce que ces centres d'artistes
intégrés, par exemple, est-ce que ça satisfait... Ce
fonctionnement-là, si on veut, est-ce que ça satisfait la
demande?
M. Fleury: Effectivement, ces centres-là ont une approche
qui est très intéressante dans la mesure où les jeunes
peuvent s'y insérer et c'est toujours le problème, et c'est une
partie aussi...
Mme Frulla-Hébert: Mais c'est géré par des
jeunes. C'est des jeunes pour des jeunes et géré par des
jeunes.
M. Fleury: Oui, c'est ça. Si on parle de ces
centres-là en particulier, il y a effectivement des initiatives qui sont
très intéressantes, sauf que c'est l'accessibilité
à ces locaux-là aussi qui fait problème dans bien des
cas.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. M. Perreault,
M. Fleury, bienvenue et félicitations pour être toujours
présents à tous les débats pour représenter les
jeunes. Je dois dire, que ce soit en commission ou que ce soit dans tous les
débats dans la société, à tous les niveaux, vous
êtes très présents. Je vais vous féliciter et vous
souhaiter bonne chance pour le forum Jeunes et Société en fin de
semaine. Je dois dire: Si vous êtes ici, vous êtes très
justifiés de l'être, puisqu'il va même y avoir un atelier
sur la culture et les valeurs des jeunes. Donc, on se rend compte que non
seulement vous connaissez bien votre milieu, mais que vous avez
étudié le sujet et vous allez l'approfondir en fin de semaine. On
va s'y voir, mais je vous souhaite d'avance bonne chance.
Vous êtes très préoccupés et avec raison de
la place des jeunes dans la culture comme vous l'êtes de la place des
jeunes dans la société. Quand on a lu le document... La couleur
des jeunes... La couleur de la jeunesse, noir sur blanc, on se rend compte
qu'il y a des préoccupations qui sont justement de faire une place aux
jeunes, mais faire surtout une place aux jeunes dans l'emploi. C'a toujours
été la place principale parce que si on veut que les jeunes
puissent participer à toutes les activités, que ce soit
culturelles ou autres, il faut leur donner la chance de travailler dans ce
milieu-là comme dans les autres.
Vous avez des préoccupations. Vous avez un texte qui est court,
mais a l'image des jeunes, clair et précis. Vous savez où vous
allez. On ne tourne pas autour du pot. On va exactement sur les points qui nous
concernent et vous allez sur l'éducation, la place des jeunes, les
débouchés, le soutien à la créativité,
à la création. Donc, finalement, vous touchez à l'ensemble
d'une façon très concise.
Quand vous touchez à la formation et à l'éducation
- et ça, c'est normal qu'on y tou- che - c'est la base même. Comme
vous avez déposé, il y a quelques mois, un document sur la
formation professionnelle, vous savez aussi là-dedans de quoi il en
retourne. Il va falloir se la poser, la question, comment, dans les
écoles, on fait en sorte que la culture, ce soit une
préoccupation, que ça devienne aussi un intérêt, un
espoir, une façon de vivre. Il y a des places où c'est un
ministère de l'éducation et des arts, de façon à ce
que ça soit tout à fait intégré.
Moi, j'ai hâte au jour où dans les institutions, pas dans
toutes, évidemment, mais dans les institutions où on enseigne
l'art, la musique, tout ce qui touche à la culture avec un grand c, on
ait des troupes de théâtre et on ait des orchestres. Ce n'est pas
normal que dans nos grandes écoles on ait tous une équipe de
football et une équipe de hockey, mais que, si on enseigne les choses
culturelles, on n'ait pas en même temps des troupes. Il y a disproportion
et, là, il y a absence d'intérêt, même s'il y a
enseignement. On enseigne parce que c'est dans un programme reconnu, mais on
n'a pas l'intérêt. D'après vous, comment on peut faire - M.
Fleury l'a expliqué en partie tantôt; j'aimerais ça qu'on
aille plus loin - comment on peut faire pour que dans les écoles, et pas
seulement à la fin dans les grandes écoles, où on doit
avoir une préoccupation de l'enseignement des arts, de la culture et de
la musique pour en faire des professionnels, mais faire en sorte que la culture
devienne un intérêt aussi important que l'économie et le
social, comme on le dit dans le rapport, dès le primaire et le
secondaire? Vous avez parlé tantôt d'utiliser la relève,
d'utiliser nos artistes. Comment de façon tangible peut-on faire
ça pour qu'à l'école ça devienne une obsession et
une façon de vivre?
M. Perreault: Je peux donner un élément de
réponse, Serge pourra compléter si je n'ai pas fait le tour de la
question. L'image que la culture a dans les écoles est probablement...
L'école, c'est une microsociété, finalement. Donc, ce qui
se reproduit dans l'école est probablement à l'image de ce qui se
reproduit dans la société. Ça fait longtemps qu'on parle
de culture. Maintenant, on dit qu'on va donner une politique culturelle. C'est
un message clair qu'on veut donner priorité à la culture. Donc,
probablement que l'impact d'un exercice comme celui-ci, ça peut
créer un certain intérêt dans la population et, par
conséquent, créer des retombées dans les
écoles.
Il y a des façons concrètes d'intéresser les jeunes
à la culture et ce n'est pas de faire une... L'intérêt que
les jeunes auront dans la culture est directement proportionnel à
l'intérêt que ceux qui vont enseigner vont lui donner et à
l'intérêt que le système d'éducation va apporter
à cette dimension-là. Donc, si on fait une heure par semaine de
culture et qu'on dit: Bon, c'est du bricolage, c'est des arts plastiques et que
ça
semble être vraiment parallèle et plutôt comme une
récréation, probablement que l'intérêt du jeune
à la culture sera d'autant moins important.
Si on accorde une place aussi importante à la culture qu'à
l'économie et au social dans les discours et dans les intentions
politiques, ça devrait se traduire dans les écoles. Il y a
différentes façons de le faire. C'est d'initier dès le
primaire les jeunes au théâtre par des ateliers, d'initier des
jeunes à des lectures qui vont les intéresser à la culture
ou par des textes qui vont les intéresser. Donc, il y a
différentes façons de le faire. On serait peut-être plus en
mesure de connaître les motivations et la façon de rejoindre les
jeunes dans trois mois, une fois qu'on aura fait le tour des colloques
régionaux qui se sont tenus dans le cadre du plan d'action Pagé.
On a l'intention d'être associés de près à ce
processus-là et on pourrait insérer, à l'intérieur
de notre consultation, des éléments qui nous permettent de voir
comment on pourrait améliorer la place de la culture dans les
écoles. À ce moment-là, on pourrait vous répondre
comment vraiment améliorer la culture dans les écoles.
M. Fleury: Peut-être un petit complément
d'information là-dessus. Ce qu'il est important de comprendre et ce
qu'il est important de bien avoir en tête, c'est qu'il faut rapprocher la
culture du quotidien. La culture a été longtemps une culture qui
avait une approche très élitiste. Maintenant, si on veut affirmer
une identité culturelle, on doit s'assurer que cette culture-là
colle vraiment à la peau des gens, au quotidien. Ça peut
être aussi simple que d'avoir une approche tout à fait
différente quand vient le moment de nommer un coin de rue, une place
publique ou un parc public. Combien de villages du Québec s'appellent
Saint ou Sainte quelque chose, alors qu'on ne sait même pas qu'est-ce que
ces saints-là ont fait. Si on reprenait un peu notre histoire nationale
et qu'on nommait ces places publiques là, ces rues-là, ces
parcs-là, ces villages-là du nom de personnes significatives ici,
on risquerait de créer un réflexe de curiosité,
d'intérêt à notre histoire, à notre culture,
à notre identité.
A partir de détails comme ceux-là et si, par exemple, dans
le domaine scolaire, on met au programme des écrits ou des productions
qui sont d'abord québécoises, évidemment, on crée
un réflexe qui est d'abord lié à l'identité et
à l'activité culturelle québécoises. On parlait un
peu plus tôt... Le maire d'Amos mentionnait que chez lui, chaque
année, chacune des classes du primaire ou du secondaire va passer une
semaine à la bibliothèque municipale. C'est des
éléments très concrets qui ne sont pas difficiles à
organiser et qui rapprochent la vie quotidienne de l'équipement qui est
disponible sur place. Pas besoin de chercher des solutions au bout de la rue.
Je pense que les solutions sont même plus près que ça.
Elles sont à côté de nous dans la mesure où on a
comme préoccupation de les rendre vraiment concrètes et surtout
collées à la réalité. (18 h 15)
M. Paré: Merci. Une autre question et on en a parié
presque avec tous les groupes depuis le début. Le rapport Arpin dit que
la culture doit avoir une place aussi importante que le secteur social et
économique. À mon avis, il y a une contradiction flagrante avec
une chose qu'on retrouve à l'intérieur de ces suggestions, c'est
de cesser le saupoudrage. Comment on peut en même temps dire que
ça doit être quelque chose de majeur, dire qu'il y a moins
d'argent, mais au lieu de demander qu'on investisse davantage. Le maire de
Québec le disait, ce matin, ce n'est pas une dépense, c'est un
Investissement. On n'a pas atteint le 1 %. Donc, au lieu de dire: II faut
investir plus parce que, effectivement, ça prend des grandes
institutions qui produisent et qui ont les moyens de produire, mais au lieu de
dire: On va aller chercher plus d'argent, ils semblent vouloir amener le
débat, soit les grands centres contre les régions, soit les
grandes associations contre les petits groupes. Diviser pour mieux
régner.
Donc, au lieu de donner plus d'argent et que le rapport dise: II faut
exiger du gouvernement plus d'argent, à la place, cessons le
saupoudrage, donc enlevons un fonds à quelques uns pour donner aux
autres, moi, je trouve ça inquiétant. Je regarde dans les
mémoires de groupes régionaux. On dit: La rationalisation du
financement public semble donc s'appliquer uniquement aux petites
organisations. Le mot "saupoudrage" désigne plutôt ces subventions
minimales indispensables. Si on les coupe, effectivement, ça veut dire
la disparition de groupes.
En même temps, bon, on le disait tantôt, d'autres groupes
avant disaient que ça va tuer les initiatives et les
expérimentations. Il va falloir se poser la question. Et moi, je vous la
retourne en vous disant: Vous n'avez pas l'impression, comme dans bien d'autres
domaines, d'autres secteurs, dès qu'on amène des compressions,
dès qu'on amène des coupures, dès qu'il y a des groupes
qui sont victimes, c'est toujours des groupes ou moins forts, ou naissants, ou
en région. Très souvent, les premières victimes, ce seront
encore les jeunes probablement.
M. Fleury: Effectivement, c'est le commentaire sur lequel
j'allais débuter. Il semble que c'est le lot de la jeunesse que
d'être toujours le dernier rentré et le premier sorti.
Malheureusement, si on veut postuler une politique culturelle qui vise le
développement, dans les dix prochai nés années, de la
culture et des arts du Québec, on se devra de miser sur cette
relève. Il y a un danger, je crois, à rationaliser à
outrance. Parce que, effectivement, le poids des chiffres nous dira que les
gens sont en régression démographi-
que. Les jeunes décrochent plus souvent qu'auparavant. Les jeunes
sont moins présents sur le marché du travail, donc, les jeunes
devraient être moins soutenus, alors que, dans les faits, il faut
absolument voir que le dynamisme culturel et artistique d'une nation va
toujours reposer de façon importante sur sa relève et sur les
nouveaux arrivants dans ce champ d'intervention.
Ceci étant dit, si on reprend le point du saupoudrage
ministériel, effectivement, je crois qu'il y a une réflexion
à avoir quant à la dispensation et la distribution des
subventions. Par contre - et c'est un peu ce qui nous accrochait les oreilles
à la lecture du rapport Arpin - c'est qu'il nous semblait que certains
milieux bien établis espéraient beaucoup que la rationalisation
se fasse en leur faveur ou, à tout le moins, qu'elle se fasse sans les
pénaliser. Évidemment, ce ne sont pas les jeunes qui sont
présents dans ces organisations-là. Alors, nous, ça nous
inquiète beaucoup. Par contre, on comprend qu'il doit y avoir une
certaine rationalisation et c'est un peu pour ça aussi que l'essentiel
de notre mémoire axait les recommandations sur le soutien à des
lieux de création et à des lieux de diffusion.
Si on veut éviter le saupoudrage, il faut peut-être
rationaliser la subvention individualisée pour plutôt la
transformer en équipement collectif qui sera accessible à une
population beaucoup large et qui sera donc rentable, entre guillemets, de
façon beaucoup plus élargie, beaucoup plus importante, puisqu'un
plus grand nombre de personnes pourront avoir accès à ces
mêmes équipements. Donc, pour un même montant investi,
plusieurs personnes en bénéficieront et pas uniquement les
créateurs, mais également le public.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi m'a demandé la parole. Mme la
députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais vous féliciter, parce que j'ai participé à
plusieurs commissions parlementaires et je suis toujours heureuse de retrouver
le Conseil permanent de la jeunesse. C'est parmi les seuls conseils
consultatifs qui ont le courage - et Dieu sait qu'ils n'ont pas plus de budget
que les autres; je sais qu'ils en ont même moins - le courage de venir en
commission parlementaire régulièrement et de dire aux adultes ce
qu'ils en pensent et de façon généralement bien sentie.
Alors, je suis toujours impressionnée et je vois que vous continuez la
tradition, et je vous en félicite.
J'ai comme vous constaté avec regret - parce qu'on avait
participé à une autre commission parlementaire sur le statut de
l'artiste où on avait parlé beaucoup de la relève et de
l'importance de soutenir la relève... À la lecture du rapport
Arpin, je suis obligée de constater qu'une fois qu'ils ont dit que le
ministère prête une attention particulière à la
relève, c'est tout ce qu'on trouve là-dedans. Je n'en revenais
pas. C'est à la page 60. Je me disais: Comment est-ce qu'on va se
construire, comment est-ce qu'on va construire et maintenir le
développement de la culture si on ne soutient pas la relève?
Moi, il y a là-dedans quelque chose qui sent le corporatisme. On
renforce les institutions, on les patente, on les organise; elles sont à
Québec et Montréal. Les jeunes ne sont pas dedans et les
régions non plus. C'est la première fois que je le dis, mais
j'étais déçue parce que je connais la composition du
comité, du groupe de travail.
Je reviens un peu sur une remarque de la ministre tout à l'heure
qui m'attriste un peu. Elle a dit à un autre groupe qui a
précédé, concernant le statut des amateurs, et elle dit:
relève du MLCP. Vous savez, je trouve ça... C'est quasiment
inacceptable. À sa face même, là, ça ne se soutient
pas longtemps. "La fabuleuse histoire d'un royaume", qui n'a pas droit à
vos subventions, qui relève du MLCP, est à peu près
à une centaine de représentations à Quatre Saisons, des
dizaines de milliers de spectateurs. Mais ce sont des amateurs. Ils ont
toujours quelques professionnels. Celui qui monte le spectacle a, à mon
avis, un statut professionnel; il n'est pas financé. Alors, je pense
qu'il y a à cet égard des choses à revoir
sûrement.
En ce qui concerne l'enseignement des arts, le problème, quand on
a introduit ça dans nos écoles, c'était conçu comme
une mode et non pas une action fondée sur une analyse rigoureuse des
effets et de la nécessité d'enseigner les arts dans les
écoles. Ce qui fait que cette mode-là a été
remplacée par la mode des sciences. Puis, là, on n'est pas plus
rationnel lorsqu'on préconise l'enseignement des sciences. Vous allez
nous voir faire un autre virage en U de la même façon.
J'espère qu'un jour on va arrêter ce genre d'espèce de mode
où on est comme des queues de veau. On s'en va dans la direction
où la mode nous amène sans autre réflexion. Un jour,
j'espère qu'on va avoir assez de stabilité, surtout par rapport
au réseau scolaire.
L'évaluation des initiatives des jeunes et des jeunes
créateurs est faite, et c'est normal, mais en même temps ça
a un travers. Elle est faite par les aînés qui ont
déjà leur propre conception de ce qui est artistique ou "dans le
vent", ce qui fait que... En même temps, quand ils évaluent ces
productions-là, ils les évaluent aussi comme de futurs
compétiteurs. Il ne faut jamais négliger ça.
Alors, moi, je me dis: Avez-vous réfléchi à ce qui
serait une modalité, une façon de faire, lorsqu'on parlera de
soutien à la relève, qui permette une évaluation...
Évaluation qui ne donne pas toutes les garanties, car il ne faudra pas
demander aux jeunes créateurs et novateurs de nous donner plus de
garanties quant aux
résultats de leur création qu'on en demande dans les
entreprises lorsqu'on finance de la recherche dite scientifique ou de la
recherche et développement. Parce qu'on sait que, dans le recherche, il
y a de l'aléatoire et on n'est pas... Si on était assuré
des résultats, c'est qu'on aurait déjà fini la
recherche.
Alors, comment est-ce qu'on pourrait structurer l'examen de ces
projets-là de manière, en même temps, à investir
dans les meilleurs - on veut toujours investir dans les meilleurs - mais, en
même temps, de le faire avec la plus grande ouverture d'esprit? Bien,
ça, je n'ai de garantie nulle pan".
Le Président (M. Doyon): Alors, brève
réponse, compte tenu du temps qui s'enfuit.
M. Fleury: Oui. Je dirais tout simplement que la personne qui
trouvera la réponse à cette question-là méritera
certainement un bon prix. Je crois, par contre, qu'une des façons
possibles d'envisager peut-être une évaluation qui tienne plus
compte des réelles capacités se situera vraiment dans la mesure
où, effectivement, il y aura une plus grande implication et une plus
grande présence du milieu et des régions à ces instances
d'évaluation.
On a parlé un peu plus tôt de régionalisation de
budgets ou de pratiques administratives. Il me semble que, effectivement, si on
veut sortir d'une optique de compétition par discipline, on devra
plutôt se fier aux spécificités d'une région ou d'un
milieu et, donc, au potentiel de développement et de création
dans une discipline donnée de ce propre milieu. Ce n'est pas la
panacée universelle, par contre, je pense que ça pourrait amener
des jalons intéressants. Certainement que si la recommandation un de
notre mémoire est acceptée, à savoir l'évaluation
de la situation de la relève, si cette évaluation-là est
faite, on pourra certainement dégager aussi les principaux obstacles et
les principaux ferments d'avenir à travers ce diagnostic. Certainement,
on sera plus en mesure, à ce moment-là, d'arriver avec des
propositions et des approches qui seraient plus appropriées à la
réalité de la jeune relève.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Fleury. Un mot de
remerciement, peut-être, M. le député.
M. Paré: Bien oui. Merci, et, comme disait ma
collègue, c'est vrai qu'on vous voit à toutes les commissions et
même en dehors, comme je le disais, sur tous les sujets qui sont
d'actualité. J'ai l'impression que les jeunes sont entre bonnes mains.
Bonne chance.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, nous aussi, de notre
côté, effectivement, je pense que c'est important. Vous savez,
tantôt, quand on parlait... Par exemple, on avait une tendance à
couper les budgets. Je peux vous rassurer là-dessus: au niveau de la
relève aux Affaires culturelles, il y a un engagement du premier
ministre qui a été pris face à la relève. Si on a
à couper, on n'a pas le droit dans nos budgets de couper dans la
relève pour l'instant.
Deuxièmement, bon point à noter. Au niveau du rapport
Arpin, il faut quand même dire aussi que le groupe a fait... J'ai
demandé d'être diligent et de ne pas... qu'on était, de
toute façon, pour explorer certaines choses. Donc, ils ont quand
même travaillé relativement très fort et aussi rapidement,
mais bon point, effectivement, extrêmement important aussi.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci
à M. Fleury ainsi qu'à M Perreault. Alors, au revoir. Nous allons
donc ajourner nos travaux jusqu'à 20 heures pour nous permettre d'aller
nous restaurer. Ajournement.
(Suspension de la séance à 18 h 26)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez maintenant prendre place à vos sièges, car la
commission de la culture va reprendre ses travaux. Je vous rappellerai
brièvement notre mandat qui est de tenir une consultation
générale sur la proposition de politique de la culture et des
arts au Québec, bien entendu.
Ceci étant dit, j'appellerai sans plus tarder le Regroupement des
artistes de jazz du Québec et, si j'en crois les renseignements que nous
avons eus comme communication, c'est Mme Carmelle Pilon, présidente, M.
Normand Tamaro, conseiller juridique, et M. Luc Bourgeois, administrateur.
Est-ce que c'est exact?
Mme Pilon (Carmelle): C'est exact.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que je dois
comprendre que c'est Mme Pilon qui va faire la présentation?
Mme Pilon: C'est exact.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Pilon, vous avez
maintenant la parole.
Regroupement des artistes de jazz du
Québec
Mme Pilon: Je vous remercie. Tout d'abord, on voudrait vous
remercier de nous avoir invités à discuter avec vous sur la
politique culturelle Ici, c'est M. Luc Bourgeois et M. Tamaro qui sont avec moi
ce soir.
Le Regroupement des artistes de jazz du Québec, ça ne doit
pas vous dire grand-chose. Ça a été fondé le 7
février dernier, mais c'est une idée qui a germé, en fait,
l'année dernière, à force de consultations auprès
des musiciens de ]azz du Québec. On avait fixé trois objectifs
qui étaient de former le Regroupement des artistes de jrzz et de faire
du recrutement de membres auprès des musiciens de jazz uniquement, de
faire un répertoire qui aurait pour but de répertorier l'ensemble
de ses artistes membres ainsi que les diffuseurs qui ont un
intérêt à faire du jazz, que ce soit du Québec, du
Canada ou de l'étranger, et des producteurs qui sont les maisons de
disques, les agents de spectacles, etc. Notre troisième objectif
était la création d'un centre de diffusion, de formation et de
création qui appartiendrait au Regroupement des artistes de jazz du
Québec et qui, finalement, servirait d'outil de promotion pour les
artistes du Grand Montréal. On s'est rendu compte qu'on devait passer
par d'autres petites choses pour réaliser ça. Alors, on a fait
faire une étude de marché qui devrait être disponible le 30
novembre, par la firme Culture inc.
On a eu la chance d'entendre Mme Frechette, de la Guilde des musiciens,
cet après-midi, et nos peurs rejoignent un peu les siennes quand elle
parle de petits organismes et de subventions aux artistes et tout ça.
Sur ce, je pense que je vais vous raconter une petite anecdote de
l'année dernière qui va vous donner un bon aperçu de
comment c'est quand on part un petit organisme. En fait, j'ai
décidé de partir le petit organisme et j'ai demandé une
subvention au ministère des Affaires culturelles, au Conseil des arts du
Canada et un peu partout. En fait, ma demande a été
déposée au ministère des Affaires culturelles à
Montréal et au bureau de la ministre. Mme la ministre a bien fait son
travail parce qu'elle l'a acheminée à Québec, mais
à Québec ils n'ont jamais reçu ma demande. Alors, ils
m'ont téléphoné et ils m'ont dit: Écoutez bien, ma
petite madame Pilon, le jazz, il est subventionné par le Festival de
jazz. Les associations sont subventionnées. On subventionne l'ADISQ et
autres et autres, et les autres compagnies de production de disques; on
subventionne un tel, un tel et un tel.
Je connais un peu les gens de ces conseils d'administration là.
Je trouve qu'ils se ressemblent pas mal. Ma demande a été
oubliée complètement, complètement, complètement.
On m'a dit: Non, mais où vous êtes allée chercher
ça, cette idée-là de faire un regroupement d'artistes de
jazz? Non, mais d'où vous sortez? On me demandait qui j'étais,
qu'est-ce que j'avais fait pour savoir si... En fait, on est
bénévole, on veut faire une activité culturelle pour le
jazz et c'est comme si c'était de trop. Personne ne s'est occupé
un peu de notre situation. Alors, depuis, on s'est pris en main et on est
rendus Ici. C'était juste une petite anecdote pour vous démontrer
que, quelquefois, quand on est un petit organisme qui veut partir, on a
beaucoup de difficultés. Alors, maintenant, je vais céder la
parole à M. Luc Bourgeois.
M. Bourgeois (Luc): Merci. En tant que musicien, ma perspective
dans tout ça, c'est une perspective de responsabilité envers la
culture ou de tenter de s'assurer qu'elle soit toujours là. Alors, je
vais tout simplement citer et peut-être rajouter quelques commentaires
d'extraits de notre mémoire.
Puisqu'une nouvelle génération commence à prendre
place dans la musique de jazz au Québec, nous ne croyons pas devoir
retourner à la façon de fonctionner d'avant, c'est-à-dire
qu'avant le jazz obtenait ses équipements culturels dans des
boîtes de nuit, c'est-à-dire un piano, une batterie et une
sonorisation minime. Les temps ont changé. Maintenant, le jazz est
effectivement subventionné et nos besoins sont différents,
urgents, et les musiciens, on en est de plus en plus conscients que les
prérequis artistiques et gestionnels sont de plus en plus
élevés.
Par rapport à la scène - je reviendrai à ce
point-là - on est d'accord avec la scène internationale,
particulièrement, on est d'accord avec le rapport Arpin concernant la
suggestion d'augmenter la représentation d'agents culturels à
l'étranger, mais, puisqu'il s'agira pour eux de vendre des artistes
d'ici, comment choisiront-ils ceux qu'ils veulent pousser à
l'étranger? Est-ce que ça va être selon les investissements
garantis de compagnies de disques? Est-ce que ça va être selon une
stratégie de marketing qui a rapport à plusieurs intervenants? En
fait, la question que je me pose, c'est à quel point ça va
être relié au milieu artistique, au milieu culturel d'où la
musique elle-même est issue.
Pour parler brièvement d'éducation, ça fait un peu
bizarre de parler d'institutionnalisation de l'éducation dans le milieu
du jazz parce que c'est une musique, si on connaît un peu son histoire,
qui a été essentiellement enseignée de bouche à
oreille, une tradition orale. Alors, je trouve qu'il est essentiel que les
institutions qui diffusent et enseignent le jazz puissent transmettre non
seulement la tradition, mais avoir le moyen, le désir de communiquer le
sens vivant de la continuité et le sentiment de la responsabilité
artistique devant l'avenir. Je crois que ça, ce n'est pas possible
simplement en donnant ou en mandatant les institutions comme des
universités ou des cégeps à enseigner le jazz. Il est
évident qu'il n'y a aucune école qui a réussi à
former entièrement un musicien de jazz. Le jazz est relié
à son milieu qui est tout à fait moins institutionnalisé
que les écoles et, dans cette perspective-là, je crois qu'il
faudrait continuer et peut-être élargir les sommes d'argent
disponibles à l'évolution du jazz dans le milieu même.
Je voudrais aussi parler du fait qu'on n'a pas d'endroit en tant que tel
où on puisse travailler, élaborer et perfectionner un art. Tous
ceux qui réussissent à le faire le font avec beaucoup de
difficulté. On n'a pas, par exemple, accès aux équipements
culturels qui sont effectivement existants. Dans ce sens-là, on est
d'accord avec la proposition du rapport Arpin de faire l'Inventaire des
équipements culturels du territoire québécois. Mais on
voudrait aussi qu'ils soient rendus plus accessibles. C'est-à-dire, il y
a plein de pianos, des pianos à queue, des locaux, que ce soit des
salles d'école ou des maisons de la culture qui sont fermées
pendant plusieurs heures, et on aimerait bien pouvoir peut-être avoir
accès à ces équipements-là pour aller
répéter, pour aller pratiquer, pour aller, finalement,
améliorer ce qu'on fait.
On est un peu méfiants face aux gros organismes culturels. Je
pense, entre autres, au Festival de jazz qui est reconnu et
félicité par le gouvernement, encouragé et
subventionné aussi. En tant que participant depuis plusieurs
années au Festival de jazz et en tant que quelqu'un qui est en contact
avec le milieu des artistes, on voit qu'il y a là - comment je pourrais
dire - une certaine incohérence entre le Festival, qui est amplement
subventionné, qui est un événement choc, à grand
déploiement - et c'est tant mieux - et la situation dans laquelle les
artistes de jazz se retrouvent quotidiennement.
D'un côté, le MAC sème un terrain très
propice à la culture du jazz, en supportant la création d'un des
événements de jazz majeurs de la planète et, de l'autre
côté, les artistes d'Ici, on est sans toit ni loi. Alors, on
trouve que le Festival de jazz et que les organismes qui le subventionnent ne
sont pas vraiment en contact avec le milieu, pour des raisons x, y ou z, et on
a vu les conditions dans lesquelles on travaille se détériorer
tandis que le Festival grossit.
Tout ce que je veux dire par rapport à ça, c'est que si le
Festival, l'entreprise culturelle et le festival culturel, qui sont des
promoteurs, veut utiliser le jazz et en faire une grande fête, on est
tout à fait d'accord, mais le ministère qui subventionne le
Festival devrait veiller à une certaine responsabilité face
à cette forme d'art. Comment je pourrais dire ça? Il ne faut pas
juste que ça soit un événement choc. Il faut que les
musiciens, les artistes qui y travaillent puissent vraiment et
profondément améliorer ce qu'ils font, avoir les outils pour
continuer et qu'il y ait un suivi, un effort soutenu.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que cela met fin
à votre présentation pour l'instant? On commence les discussions
avec Mme la ministre?
M. Tamaro (Normand): J'aurais peut-être un commentaire qui
est d'ordre juridique.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie.
M. Tamaro: Le rapport Arpin, personnellement en tout cas - et
l'avis est soutenu par le Regroupement - me semble énoncer une
abdication complète des compétences constitutionnelles
législatives québécoises. On dit: Le fédéral
doit insérer dans sa Loi sur le droit d'auteur les droits voisins.
À ma connaissance, les droits voisins ne sont pas des droits d'auteur
Les droits voisins ne sont pas une compétence constitutionnelle
exclusive fédérale. Je trouve assez bizarre, dans un rapport
où on a dos prétentions au rapatriement de compétences, de
trouver énoncées, à côté, des phrases qui
suggèrent de donner des compétences législatives qui
appartiennent au Québec, de les donner, de les prêter au
fédéral.
On a l'impression, à lire le rapport, que les subventions
viennent du Québec, que le salaire des créateurs vient du
fédéral. Le salaire du créateur, c'est le droit d'auteur,
ce sont les droits voisins. Le Québec a énormément de
compétences dans le domaine des droits voisins; on n'en fera pas une
liste. Il y a, dans le rapport, énumérée la question de
l'assurance-chômage des artistes. L'assurance-chômage a
déjà été donnée au fédéral
pour les travailleurs qu'on connaît L'assurance-chômage pourrait
exister de par la simple autorité du Québec en matière de
travail leurs culturels pour les travailleurs culturels.
La liste pourrait être longue. On suggère des droits de
copies privées énoncés par le législateur
fédéral. Il y en a déjà eu au Québec, copies
privées sur bandes vidéo. La mesure a été
retirée pour soulager les payeurs de taxes. L'argent n'a jamais
été redistribué. Maintenant, on dit: Le
fédéral devrait prévoir une taxe sur un droit de copies
privées. Mol, ce que je dis, c'est: Bravo si le fédéral le
fait, encore mieux si le Québec le fait et encore mieux si le
Québec réinstaure la taxe qui a déjà
été prélevée, qui n'a jamais été
redistribuée et qui devrait, cette fois, être redistribuée
aux créateurs.
Pourquoi parler de droits d'auteur et de droits voisins? Parce qu'on
parle de salaires. C'est toute la différence du monde entre le terme
"salaire" et le terme "subvention". Un salaire, en principe, est un acquis dans
notre société. Une subvention, ça se quémande. Tant
que les créateurs n'auront pas de salaire, ils devront toujours
s'agenouiller devant certains arbitres de l'art pour recevoir une subvention.
Quand on ne s'agenouillera pas, ce qu'on devra faire, c'est, comme c'a
été souligné plus tôt en après-midi, on devra
s'organiser pour rentrer dans le programme de subvention même si, en
principe, on ne cadre pas à l'intérieur. C'est ça, la
subvention, et c'est toute la différence du monde avec le salaire.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Me Tamaro. Je vais
donc maintenant passer la parole à Mme
la ministre de la culture pour une dizaine de minutes. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci d'être ici. Une
voix:...
Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'il y a des
musiciens dans cette salle?
Mme Frulla-Hébert: D'ailleurs, je dois vous dire que votre
rapport en soi était fort intéressant sur tout ce qui concerne
non seulement la condition, mais aussi l'historique au niveau du jazz. Je vais
revenir quand même aux droits d'auteur et aux droits voisins. Le rapport
Arpin, à l'esprit des auteurs qu'on a reçus, disait, d'une part,
dans le contexte actuel - après ça, il y a eu certaines
recommandations... Il faut quand même vous dire que dans le contexte
actuel, si on reste comme ça, les droits d'auteur et droits voisins au
niveau législatif, c'est le fédéral. Si le contrat se
change, alors, à ce moment-là, c'est différent. Mais au
moment où on se parle, de façon législative, droits
d'auteur et droits voisins relèvent du fédéral. On est
là, nous, pour s'assurer que nos auteurs québécois soient
bien représentés, mais toute cette partie-là des
législations relève du fédéral.
Ceci dit, effectivement, quand vous parlez de nouveaux organismes, c'est
sûr que les organismes, il y en a beaucoup qui cognent à nos
portes et il faut finalement voir à ce que oui, quelque part, d'un
côté, ce soit encouragé, mais, de l'autre, il y a un
certain cheminement à faire.
C'est sûr que, si c'était automatique, ce serait
peut-être plus agréable, mais, d'un autre côté, on
parlait tantôt... on a beaucoup parlé de saupoudrage. Il y a des
groupes qui nous disent: Arrêtez. D'autres nous disent: II faut
continuer. C'est un débat. Le débat est ouvert, il est ici, mais
il faut le vider, ce débat-là, parce qu'on a autant de pressions
pour nous dire d'arrêter que d'autres pour nous dire de continuer.
Mme Pilon: Mais l'unique regroupement des artistes de jazz du
Québec... Et quand on voit que ça ne se fait pas, en fait, quand
j'ai eu cette réponse-là, je n'ai pas arrêté comme
ça. Je ne sais pas si vous savez, mais j'ai réuni tous les gens
qui sont musiciens de jazz connus: Alain Caron, Lorraine Desmarais et tout
ça. Je leur ai demandé de me faire une lettre d'appui et je l'ai
"faxée" à Québec. Il y en avait 25 comme ça. Au
bout du fax, ils devaient être tannés d'en avoir des lettres
d'appui. Ça n'a jamais rien changé. En fait, on était
assez solide pour pouvoir avoir...
Ce que ça a donné actuellement, c'est que le
ministère des Affaires culturelles ne nous a pas donné un sou,
mais on a réussi à avoir de l'argent dans le cadre du Conseil des
arts, on va en avoir avec l'Office des tournées et on fait une
étude de marché avec la ville de Montréal.
Alors, à un moment donné, on se dit: C'est quoi qui se
passe? Pourquoi il faut autant de preuves de ça? Pourquoi est-ce que je
dépends d'une personne, une personne qui va décider ça au
bout parce que, sinon, je ne peux pas aller parlementer avec d'autres?
D'ailleurs, la personne, au bout, m'a dit: Quand vos demandes vont rentrer par
la porte d'en arrière, oubliez ça, ce qui veut dire que c'est par
votre porte, ça. C'est ça que je me fais dire. Alors, quand moi,
je me sens dépendante, quand je sens que les artistes, on essaie de se
regrouper ensemble, de former des associations et qu'on est dépendants
d'un fonctionnaire qui va dire non... Il n'avait même pas lu ma demande
de subvention; il ne l'a même pas passée en comité.
Alors, qu'on soit un nouvel organisme, oui, je veux bien et qu'on ait
fait nos preuves, oui, je veux bien, puis qu'on montre qu'on est beau, gentil
et intelligent et qu'on ne va pas dépenser l'argent à faire des
"pow-wow", oui, très bien, mais, quand on fait nos preuves, quand on est
avec des gens reconnus et que notre conseil d'administration est
étoffé, je me pose des questions. Quand on dit, dans le rapport
Arpin, qu'on va peut-être donner à des plus gros qui savent
très bien gérer leurs affaires et rendre un produit commercial,
je me demande: C'est quoi le commerce? Est-ce que c'est de la culture ou un
commerce qu'on fait uniquement?
Mme Frulla-Hébert: Écoutez, là, au niveau
des organismes, bon, il y a un cas, il y a des fois où on répond
plus vite et d'autres répondent plus lentement. Ça arrive. Bon,
c'est arrivé dans votre cas. Dire que les subventions partent
directement, non, là, je m'excuse. La plupart de l'aide se fait par jury
en général, jury au niveau des individus, jury au niveau des
organismes subventionnés, et ça ne passe pas directement.
Mme Pilon: Mais vous savez que le Québec est une petite
famille et que dans la culture on se connaît tous.
Mme Frulla-Hébert: C'est très vrai.
Mme Pilon: On tisse beaucoup de liens d'amitié et...
Mme Frulla-Hébert: Mais c'est parce que c'est la
même chose. À ce moment-là, ce que vous dites, c'est: On a
beaucoup parlé au niveau du Conseil des arts aussi. Le monde culturel
est une petite famille en général. Alors, c'est la même
chose. On essaie le plus possible d'éviter la subjectivité et
d'éviter spécialement aussi le dirigisme...
Mme Pilon: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...mais à quelque part,
si les pairs... Là, on essaie le mieux que l'on peut, sans dire
que le système est totalement infaillible, on essaie, en fait, de le
rendre le plus neutre possible.
Ceci dit, moi, je veux revenir à votre remarque. Vous dites les
grands événements, vous encouragez les grands
événements. La proportion, maintenant, au Festival de jazz, nos
subventions, c'est 6 % du budget total parce que, évidemment,
l'événement grossit, grossit. Ces
événements-là...
Vous avez mentionné tantôt: Oui, c'est la grande
fête, mais il ne semble pas pour vous y avoir les retombées
souhaitées, c'est-à-dire pas le suivi parce qu'il y a les Nuits
bleues à Québec, il y a le Festival de jazz à Rimouski,
mais parlez-moi donc un peu du Festival de jazz. Si on s'aperçoit...
"Juste pour rire", par exemple... Il y a l'école "Juste pour rire", etc.
Bon, c'est une façon aussi, là. Mais je veux juste que vous
élaboriez un peu là-dessus en disant... Effectivement, ils ont
une responsabilité. Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire
là-dessus?
Mme Pilon: En fait, au niveau de la responsabilité, en ne
dit pas qu'il est dans le mandat du Festival de jazz de faire de la formation,
de la création, produire des ateliers. On s'est donné comme
mandat, au Regroupement, de faire ça. Ce qu'on veut avoir, c'est un
soutien pour réaliser nos objectifs dans un terme de temps qui va
être important et qui va soutenir, finalement, tout le bouillon qui se
passe actuellement au niveau du jazz. On fait faire une étude de
marché qui va sortir bientôt parce qu'on sait intuitivement - et
on veut vérifier ces intuitions-là - que le jazz s'en vient de
plus en plus fort.
Il y a une compagnie de disques qui a endisqué 16 artistes du
Québec en jazz. Alors, on se dit qu'il se passe quelque chose,
là. Il faut saisir le moment où cette culture-là est en
bouillon. Le Festival de jazz, c'est sûr qu'il a aidé beaucoup
à développer chez le grand public, en fait, un peu
d'écoute de jazz. Mais on sait très bien que maintenant le public
n'achète pas ce qui est consommé, n'achète pas du jazz. Le
public achète un festival, comme on n'achète pas du
théâtre en allant au Festival de théâtre des
Amériques. Le public achète un festival.
C'est la façon de vendre des événements maintenant.
Alors, on n'est pas contre le Festival de jazz ni contre la façon dont
il est subventionné. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas envie de se faire
dire: Écoutez, nous autres, dans le jazz, là, on en donne au
Festival. Ça fait que vous autres, faites vos preuves.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi de la question de la
formation. Vous avez touché ça aussi. Vous voulez avoir une
meilleure complémentarité aussi entre l'école, d'une part,
et le milieu. C'est à quel niveau, là... la formation
doit-elle... parce qu'on a parlé beaucoup de formation aussi. À
quel niveau la formation doit-elle se réaliser, à ce
moment-là? Est-ce que c'est dans les écoles, est-ce qu'il y a des
échanges? Bon...
M. Bourgeois: Je crois que la formation au niveau de
l'école est définitivement valable, sauf qu'on voit bien qu'il
n'y a pas un musicien de jazz qui s'est formé simplement à
l'école. Par exemple, il y a des orchestres à Montréal,
que ce soit des "big bands" ou des petites formations, qui sont autant
d'écoles. C'est un réseau complémentaire où chaque
personne apprend, dépendant de son passage auprès d'un autre
musicien ou d'un autre professeur.
À ce niveau-là, le ministère des Affaires
culturelles aussi pourrait peut-être songer à inciter les
écoles à inviter, ou avoir plus d'ouverture. La Guilde aussi
parlait peut-être de chapeauter l'éducation, sans
nécessairement dire, là, si on est d'accord avec ça ou
pas, mais ça serait intéressant, effectivement, que le
ministère des Affaires culturelles puisse inviter, que ce soit des
musiciens d'autres régions du Canada ou de l'extérieur du Canada,
à venir donner des sessions, que ce soit d'un mois ou des sessions plus
approfondies. Voilà. (20 h 30)
C'est vraiment un réseau qui est plus global et très
diversifié que seulement ce qui se passe dans les écoles.
Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à une
autre question. À un moment donné, je lisais dans votre
mémoire... Vous parliez, finalement, des endroits où vous
pouviez... Finalement, on se rappelle Les nuits magiques, etc., il y a des
endroits qui étaient accessibles.
M. Bourgeois: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Puis là, à un moment
donné, vous dites: Bien, on voudrait avoir accès aussi aux lieux
culturels, aux lieux de diffusion. C'est la même chose, là. Il n'y
a pas... Ils ne sont pas accessibles?
M. Bourgeois: C'est-à-dire qu'ils sont accessibles. Si on
va jouer dans une maison de la culture, par exemple, ils sont accessibles
l'après midi pour le test de son et en soirée pour le concert. Le
reste du temps, ces endrolts-là ne sont pas accessibles. Aussi d'autres
endroits comme la Maison du Conseil des arts de la Communauté urbaine de
Montréal; elle n'est pas facilement accessible aux groupes de jazz. On
demande souvent à un groupe ou à un ensemble d'être un
organisme à but non lucratif. Mais quelqu'un qui dirige un groupe, par
exemple, ou un musicien qui a un besoin réel de préparer un
concert dans un mois doit faire une série de
répétitions et se retrouve souvent à devoir
répéter, je ne sais pas, à des endroits vraiment
désagréables. Le jazz, c'est une musique où la
qualité du son et de l'acoustique est vraiment nécessaire pour
rendre une improvisation ou rendre la qualité de la musique, enfin,
comme toute autre musique.
Donc, on a difficilement accès à ces lieux-là.
Pourtant, on ne demande pas non plus un support technique. On demande que
quelqu'un débarre la porte. On sait comment faire fonctionner une
console ou allumer les lumières. On n'a pas besoin de
l'éclairage. On a besoin de peu de choses, finalement, mais on n'y a pas
accès.
Et, si je peux revenir, est-ce que, moi, je peux vous poser une
question?
Mme Frulla-Hébert: Allez-y donc.
Le Président (M. Gobé): Oui, certainement, si
madame accepte d'y répondre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Bourgeois: O.K.
Merci.
Le Président (M. Gobé): On est là pour
favoriser la discussion et vous écouter, dans les limites du temps.
M. Bourgeois: Est-ce que, de la façon dont vous parliez
tout à l'heure, le Festival de jazz est mandaté par le
ministère des Affaires culturelles pour représenter les artistes
de jazz?
Mme Frulla-Hébert: Non, le Festival de jazz, pour bien
vous expliquer, comme d'autres festivals, a tout simplement un support.
Évidemment, il a eu un support au début, là, et là,
bien, les gens se sont développés, l'événement
s'est développé dans le cadre tout simplement d'un
événement majeur.
Par contre, où on voit... où l'idée... c'est parce
que l'idée chemine, là, et pourrait être aussi
intéressante... On aide l'événement au tout
début... Ça a été la même chose, on a eu la
discussion avec le Cirque du Soleil. En 1984, le Cirque du Soleil
débutait. Alors, t'as toujours ta petite subvention pour partir. Et
là, tout à coup, le produit était original, bon, et
là ça fait boule de neige. Alors, c'est sûr que, à
la fin, nous, comme au Cirque du Soleil maintenant, oui, on donne, mais
finalement c'est un montant tout petit par rapport à ce que le Cirque du
Soleil génère. La même chose pour le Festival de jazz. Mais
il y a des choses a regarder dans un sens où, bon... Ces gens-là,
une fois qu'ils ont eu l'aide et le support et qu'ils sont devenus maintenant
grands et forts, est-ce qu'ils ont aussi une... Puis il y en a qui le font
aussi, je ne dis pas qu'ils ne le font pas, là. Mais quelle est la
responsabilité de ces événements-là qui ont
été aidés? Il ne faut jamais oublier... Quand vous dites:
Oui, c'est difficile, c'est vrai. Mais ce sont des fonds publics. Si
c'était notre fonds, on irait peut-être souvent aussi,
là... Bon. On en donnerait peut-être à tout le monde ou
selon nos goûts, mais ce sont des fonds publics. En bout de ligne, il
faut quand même avoir toutes les réponses aux contribuables, etc.
Donc, t'as un système qui est lourd parce que, justement, on gère
l'argent du monde. Ce qui fait que ces gens-là qui ont profité
par, justement, l'argent du monde, n'auraient-ils pas aussi un devoir à
remettre aussi à la société, à aider à
développer? Alors, c'est une espèce de question qu'on pose et on
se dit qu'il y aurait peut-être aussi une interaction possible. Ce qui ne
veut pas dire que l'organisme en soi n'a pas - on va regarder ça de
près - à être subventionné, etc. Ce n'est pas
ça. Excepté que générer, si on veut, de
l'interaction...
M. Bourgeois: Aussi, est-ce qu'un organisme comme le Festival de
jazz - puisque c'est le seul exemple qu'on a dans le milieu du jazz, comme
événement, comme entreprise culturelle - est en mesure d'assumer
aussi cette responsabilité-là, dans le sens: À quel point
est-il branché avec les musiciens de jazz? Je peux vous dire que la
distance est très loin. On voit les responsables du Festival une fois
par année pour, on ne pourrait même pas dire négocier ni
les salaires ni les conditions dans lesquelles on travaille, qui ne sont pas
les plus revalorisantes. Enfin, ça, c'est une autre question.
Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça. Mais c'est aussi
la question qu'on se pose, finalement. C'est quoi, l'interrelation? C'est
sûr que, si l'événement est gros, il ne faut pas oublier
que ça prend aussi des gros événements moteurs pour faire
connaître et faire apprécier, créer un public.
M. Bourgeois: Oui.
Mme Frulla-Hébert: On parlait de créer un public,
de telle sorte que, effectivement, c'est une espèce de roue, ça.
Tu crées le public, le public achète, bon. Et tranquillement, tu
fais de la sensibilisation. Alors... Mais la question est bonne et
l'interrogation aussi, elle est bonne.
M. Bourgeois: Oui. D'ailleurs, le Festival a aidé, enfin,
les musiciens de mon âge, nous a intéressés et a
été... lorsque la passe pour les dix jours, deux concerts par
soir, était à un prix abordable. Ça a été
une école, dans la quatrième rangée, pour voir Miles
Davis, Herbie Hancock et les grands. Je veux dire que, ça, c'est une
école et c'est à ce niveau-là - je ne sais pas si vous
comprenez - où on sent que, vu que c'est une entreprise qui a
été subventionnée, il y a une responsabilité. Mais
maintenant, non seulement
on dit qu'il y a une responsabilité du gouvernement et de
l'entreprise culturelle, mais est-ce que le Festival est en mesure d'assumer
cette responsabilité-là aussi? Voilà! C'est là
où on veut en venir.
Le Président (M. Gobé): M. Bourgeois, Mme la
ministre, cela met fin au temps qui vous était alloué. Je vais
maintenant passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, vous allez voir, est non seulement un amateur
de jazz, mais un supporteur, d'après ce qu'on m'a dit, de tous les
groupes de jazz. Dans son coin, il y en a beaucoup, semble-t-il. Vous avez la
parole, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Non, bien, c'est ça. Le...
Le Président (M. Gobé): J'ai eu l'occasion d'aller
voir avec lui des spectacles de jazz.
M. Boulerice: Le président de la commission traduit le
malaise que je ressens qui est de parler de jazz avec vous ou bien de parier
des problèmes des "jazzmen" ou "jazzwomen", parce qu'il ne faut pas
être sexiste, mais je sais que les travaux de la commission commandent
d'abord et avant tout de parler du deuxième sujet. Mme la ministre,
tantôt, vous a dit avec candeur et humilité qu'elle avait appris
au niveau de l'historique. Je vais user de la même candeur et de la
même honnêteté en disant que certains éléments
aussi que j'ai appris, même si le président m'attribue des
connaissances que je n'ai peut-être pas autant... Et juste un petit mot,
vous avez quand même rendu hommage à ma gang de chums de CIBL
Ça, je vous en remercie. Il me fait plaisir de voir qu'il y a du monde
qui ne les oublie pas.
La première question que j'aimerais vous poser, forcément,
ce ne sera pas si vous êtes de Sainte-Marie-Saint-Jacques, il y a de
fortes chances. Êtes-vous accrédités auprès de la
commission de reconnaissance du statut de l'artiste?
Mme Pilon: La commission se réunit une fois par deux ans,
et on a été fondé en février. Alors, il faut
être représentatif de notre milieu et ainsi de suite. Alors,
ça viendra.
M. Boulerice: Donc, il faut attendre, oui. Mme Pilon: Ha,
ha, ha! On y a pensé.
M. Boulerice: Vous y avez pensé, oui. ... c'est important,
vous comprenez comme moi. Tantôt, vous avez parié de votre demande
et le traitement qu'elle a eu. Ça, je vous avoue que je suis un peu
sidéré de voir le traitement qu'on vous a réservé.
Et vous avez appris qu'il y avait des jurys, mais des jurys composés de
pairs. Est-ce que vous savez qui sont vos pairs dans le domaine du jazz...
Mme Pilon: Oui.
M. Boulerice:... au niveau des comités de
sélection? Et ça correspond bien à l'idée qu'on
doit avoir d'un pair?
Mme Pilon: P-a-i-rou père? M.Boulerice:
Voilà.
Mme Pilon: Ça dépend. En fait, ça correspond
à l'idée... C'est sûr que le milieu du jazz est petit et,
moi, je fais la représentation uniquement de jazz pour gagner ma vie. Je
suis gérante d'artistes, uniquement jazz. Alors, je connais beaucoup de
gens en jazz. C'est sûr que, sur les jurys, il y a des gens qui ont une
honnêteté tellement grande qu'ils ne nous disent pas qu'ils font
partie du jury ou, en fait, ils nous le disent, mais ils ne nous disent pas
vraiment qui a eu les bourses et pourquoi. Il y a des gens qui le font vraiment
au meilleur de leurs connaissances et il y en a d'autres, je ne suis pas
toujours convaincue. On peut même encore parler du Festival de jazz. Il y
a eu un jury, cette année, pour le prix de jazz Alcan C'étaient
tous des musiciens qui font du standard ou des journalistes qui
écrivent, qui favorisent un jazz dit standard, trio acoustique. C'est
sûr. on ne peut pas toujours être objectif. Alors, les pairs, oui,
on sait bien qui sont nos pairs.
M. Boulerice: Trois points. Vous semblez très critique
face au Festival international de jazz. J'ai l'impression qu'en fond de
scène vous leur reprochez d'être une grosse industrie, une grosse
machine qui semblerait peu faire pour le jazz d'ici. Je ne parle pas en termes
uniquement de composition, mais en termes d'interprétation, dans le sens
de nos musiciens de jazz. Est-ce que je me trompe dans cette perception?
Mme Pilon: Comme on disait tantôt, ça ne fait pas
partie de leur mandat de promouvoir le musicien de jazz. C'est, par contre, le
mandat du Regroupement des artistes de jazz de promouvoir le jazz pour en faire
plus au Québec. On sait que ce n'est pas leur mandat, au Festival, de
promouvoir les musiciens québécois. Mais, au nombre de
scènes extérieures qu'ils ont, on peut s'attendre, des fois,
à certaines conditions meilleures au niveau de la sonorisation,
même des salaires. Les salaires ne sont jamais à discuter. Je
pense que les artistes, en fait, les musiciens de jazz de Montréal ne
négocient pas les salaires. C'est ce salaire-là. Ça
s'arrête là. Sinon ils ne jouent pas. Alors là... M.
Bourgeois est musicien, peut-être qu'il pourra vous éclairer
davantage.
M. Bourgeois: Le Festival, voyez-vous, si je
prends mon point de vue à moi, ça a été une
chose merveilleuse qui est arrivée au Québec, qui m'a
peut-être donné trop d'Illusions, dans le sens de ce que ça
pourrait être au niveau culturel, au niveau de l'implication, au niveau
de la sélection des artistes invités de l'extérieur, au
niveau d'une dynamisation d'un milieu jazz à Montréal. Si je
regarde les quelques dernières années du Festival, les musiciens
locaux avaient accès à des scènes Intérieures, la
Bibliothèque nationale du Québec, avec des concerts avec
Radio-Canada; la dernière année que ça se passait, c'est
en 1989. Aussi, à force de nous mettre sur des scènes
extérieures, on s'habitue à offrir au public montréalais
un jazz gratuit pendant 10 jours, une fois par année. Ça ne nous
met pas - il faut bien se l'avouer - ça ne nous met pas
nécessairement devant le public acheteur. L'expérience du jazz se
vit habituellement dans une salle confortable, ça n'a pas besoin
d'être une grande salle, mais avec une sonorisation adéquate, un
piano bien accordé, un sonorisateur qui a des oreilles, etc. Mol,
ça ne me dérange pas de jouer sous une tente dehors. Ça me
dérange, par exemple, qu'on ne nous traite pas avec un certain... Je
veux dire, ils utilisent la musique pour d'autres fins. Ils utilisent le jazz
pour d'autres choses. Enfin, c'est ma perspective. Je ne veux pas non plus
parler au niveau de tous les musiciens, mais, globalement, il y a,
effectivement, une grosse insatisfaction chez les musiciens de jazz qui jouent
au Festival. Et pourquoi on le fait? Parce qu'on a le choix de le faire ou pas.
Dans mon groupe, j'ai demandé, on est passé au vote, la
majorité a gagné. Oui, c'est démocratique. Mais la plupart
des musiciens le font parce que c'est bon de se faire voir malgré tout
et d'être là. Plusieurs bons musiciens n'ont pas joué cette
année, ont décidé de s'éclipser.
M. Boulerice: M. Bourgeois, c'est justement là que je
voulais vous amener et vous y êtes allé assez facilement. Mais,
rassurez-vous, ce n'est pas un guet-apens. Je pense qu'il y a une certaine
critique de la gratuité du spectacle, quand je vous lis. En tout cas, je
l'ai décodé de cette façon. J'ai posé la question
à des intervenants précédents en racontant une anecdote.
Je prends une voiture-taxi pour aller dans un musée connu de
Montréal et le chauffeur me dit: Combien ça coûte pour
entrer là? Je lui dit: C'est gratuit, monsieur. Il me dit: Si c'est
gratuit, il ne doit pas y avoir grand-chose. Donc, il y a une connotation
où gratuité: basse gamme. C'est un débat, d'ailleurs, que
j'ai eu avec des animateurs culturels de la région Nord-Pas-de-Calais,
que connaît très bien le député de LaFontaine, qui
est une région extrêmement dynamique au niveau de la culture en
France, d'où il vient, d'ailleurs. Il est natif du Nord-Pas-de-Calais.
Il y a une critique très forte face à la gratuité en
disant qu'elle finissait non pas par servir, mais desservir l'artiste à
son art. Est-ce que vous partagez ce point de vue et le danger qu'on a à
donner gratuit, gratuit, gratuit? (20 h 45)
M. Bourgeois: Si c'est les concerts où j'ai moi-même
une expérience ou ce que je vois d'après les gens que je
côtoie, la personne qui paie, c'est évident que cette
personne-là va faire un effort pour écouter, a une volonté
de respect face à ça. C'est un geste gratuit où je mets au
même niveau ou à peu près le fait d'aller chercher un
laissez-passer, par exemple, avant une certaine heure. C'est la même
chose. Oui, c'est évident, je crois.
M. Boulerice: Ce n'est pas, comme on dit en bon
québécois, un "party" de bière.
M. Bourgeois: Le Festival de jazz, dans certains coins, à
certaines heures, c'est aussi un "party" de bière, si on vient au
festival, mais...
M. Boulerice: C'est une autre chose. Ça a
été un long débat lorsqu'il se tenait dans ma
circonscription électorale.
M. Bourgeois: C'est ça.
M. Boulerice: Vous parlez d'une politique de soutien au secteur
du jazz dans la politique culturelle que l'État québécois
veut se donner. Alors, si je vous disais: Les principaux éléments
sont: 1, 2, 3, 4, 5, ce seraient lesquels?
M. Bourgeois: Les principaux éléments de
soutien?
M. Boulerice: Oui.
M. Bourgeois: Ceux qui sont là présentement ou ceux
qu'on voudrait?
M. Boulerice: Non, ceux que vous souhaitez voir.
M. Bourgeois: Premièrement, ceux qui sont là en ce
moment sont nécessaires, il faut les maintenir, c'est-à-dire
l'aide à la création, les stages de perfectionnement dont...
Enfin, moi, j'ai pu bénéficier d'un stage de perfectionnement.
Ça a été ma première bourse et ça a
été bénéfique. Cet investissement-là, pour
un musicien, au niveau du jazz, c'est un milieu où on joue avec beaucoup
de personnes, où beaucoup de personnes sont impliquées dans des
projets. Une simple bourse, comme ça, de perfectionnement, va avoir un
rayonnement, en général, qui est beaucoup plus large. Ça
ouvre des portes de travail, ça nous fait engager des studios, l'argent
roule à d'autres niveaux. C'est-à-dire que 5000 $ investis vont
peut-être générer dans le cadre d'un projet en particulier,
que ce soit l'enregistrement d'un disque ou une série de concerts,
beaucoup
d'autres revenus pour d'autres personnes. Enfin, ça, on le sait
de toute façon. À part ça, les autres, je ne sais pas.
J'ai un peu un blanc. Peut-être que Normand ou Carmelle auraient des
points.
Le Président (M. Gobé): En terminant, parce que le
temps, malheureusement, coule et nous allons devoir...
Mme Pilon: En fait, il y a aussi la production de disques.
Actuellement, il y a des subventions qui sont accordées pour la
production de disques. Le jazz bénéficie d'avoir les deux tiers
des coûts de production comme subvention plutôt que d'avoir 50 %
comme le matériel qui se fait en musique dite populaire. Alors, on tient
à ce que soient maintenus ces programmes de subvention avec cette
particularité pour le jazz. Suite à ça, c'est sûr
que, si le Regroupement, d'ici quelques mois, a plus de 150 membres, on va
continuer à refaire toujours nos petites demandes dans les formulaires
pour avoir une aide de soutien, en fait, une aide financière de fonds de
roulement pour, au moins, la première et la deuxième
année.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Vous voyez, sans jeu de mots, il me fait "take
five". Donc, je suis obligé de conclure. Disons qu'on aura sans
doute...
Le Président (M. Gobé): Malheureusement,
mais...
M. Boulerice: Malheureusement, oui. Non, je pense que vous nous
avez apporté un éclairage assez intéressant dans le
domaine du jazz qui est probablement, peut-être, un peu
négligé ou minorisé comme tel, alors qu'effectivement il a
une importance énorme. Moi, je vous dis que je pense qu'il y aurait
peut-être avantage à ce qu'on se revoie. Je suis persuadé
que la ministre va être heureuse de vous revoir et moi également
Je pense qu'il y a sans doute des choses à faire, qui ne sont pas
nécessairement à grands frais, mais qui pourraient, au
départ, vous donner un coup de main pour une meilleure lancée.
Merci de votre présence. Je regrette que le temps file, mais que
voulez-vous!
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Avant de passer la parole
à Mme la ministre, j'aimerais, moi, vous faire part d'une petite
réflexion. Votre cas me fait penser un peu au cas semblable du Marathon
de Montréal. Vous vous souvenez que nous mettions beaucoup d'argent dans
le Marathon de Montréal, que je cours d'ailleurs, et, par contre, il y a
beaucoup de petits clubs, d'or- ganisations de jogging ou de coureurs qui, eux,
auraient peut-être eu besoin d'un peu d'aide et qui, parce qu'eux
étalent moins visibles, moins flamboyants que cette grande organisation
qu'était le Marathon, se trouvaient privés de fonds parce qu'on
subventionnait le Marathon et on pensait avoir bonne conscience à ce
faire. Sans vouloir comparer les choses, j'ai l'impression que c'est un petit
peu le cas dans lequel vous êtes. Peut-être que le Festival de jazz
fait un peu ombrage sur vous et peut-être que le vrai jazz, après
tout... Eux aussi le font, mais c'est peut-être vous les plus populaires.
Ceci étant dit, je passerai maintenant la parole à Mme la
ministre pour le mot de la fin ou...
Mme Frulla-Hébert: En fait, vous avez bien
résumé, M. le Président. Effectivement, on s'imagine
aussi, parce qu'il y a de grands événements tels que le Festival
de jazz, tels que les Nuits bleues, qu'on a aidés, cette année,
vraiment, à démarrer ou, enfin, encouragés parce qu'ils
faisaient face à des problèmes, tel aussi celui de Rimouski, on
s'imagine que, pour le reste... Oui, II y a les boîtes, donc, les gens
s'y débrouillent quand même relativement bien. Alors, nous
allons...
J'ai demandé, d'ailleurs, à Mme Courchesne de vous parler
tantôt, de voir ce qu'il en est. Chose certaine, par exemple, j'essaie de
mettre ça quand même au clair. Ce n'est pas vrai qu'il faut que
ça passe par moi, les subventions; on en a 4000 et puis, veux veux pas,
on n'arriverait pas, certain. Alors, Mme Courchesne va vous parler.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
pourrais vous donner un petit conseil pratique, c'est d'aller voir votre
député, dans ces cas-là. Vous allez voir que, parfois,
eux... Nous, on tes voit, les subventions. Je ne connais pas un
député qui, quel que soit le parti dans lequel II est, ne
s'intéresse pas à des groupes d'artistes ou autres lorsque c'est
justifié et lorsque le talent est là. Alors, ceci étant
dit, je vous remercie d'être venus devant nous ce soir. Je sais que c'est
un peu tard. On a apprécié votre prestation, elle était
très intéressante et rafraîchissante en même temps.
Alors, cela met fin à votre exercice et on vous souhaite un bon retour
à Montréal et merci beaucoup.
M. Bourgeois: Merci beaucoup. Mme Pilon: Merci beaucoup.
M. Tamaro: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant appeler
le groupe suivant, qui est les Associations touristiques régionales
associées du Québec. Je leur demanderais de bien vouloir prendre
place à la table. Alors, mesdames et messieurs, si vous
voulez bien regagner vos places, nous allons maintenant, sans plus
tarder, procéder à l'audition du groupe suivant: les Associations
touristiques régionales associées du Québec. Si j'en crois
les notes que j'ai devant moi, il est représenté par Mme Linda
Gallant, qui est la présidente - bonsoir, madame - et M. Réjean
Beaudoin, qui est directeur général. Lequel d'entre vous va faire
la présentation? C'est vous, madame. Alors, je vous invite dès
maintenant à commencer. Vous avez 10, 12 minutes, 15 minutes, là;
après ça, nous dialoguerons avec et la ministre et M. le
porte-parole officiel de l'Opposition en matière de culture, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vous pouvez commencer,
madame.
Associations touristiques régionales
associées du Québec
Mme Gallant (Linda): Alors, M. le Président, Mme la
ministre, dans le cadre de la consultation ayant trait au devenir culturel
québécois, il nous est très agréable de vous
soumettre le présent mémoire que vous avez en votre possession,
aux fins de vous souligner certaines dimensions touchant à la culture et
au tourisme québécois. SI nous procédons à la page
suivante, les Associations touristiques régionales associées du
Québec sont le regroupement des diverses associations et offices
régionaux de tourisme répartis sur le territoire
québécois. Fondée en 1981, l'ATRAQ, à partir de la
volonté de ses membres, coordonne la consultation, la confection et la
diffusion de dossiers provinciaux à caractère touristique
voués à bonifier continuellement le devenir de l'industrie
touristique au Québec. Chaque région est
représentée au conseil d'administration de notre organisme. Un
bureau de direction composé de cinq membres assure également les
fonctions de l'Association, dont le siège social est sis dans la ville
de Québec.
Le tourisme, une industrie d'avenir. Au tournant du siècle, le
tourisme sera le principal produit d'exportation à l'échelle
mondiale. Selon le Bureau international du travail, en 1990, entre 400 000 000
et 600 000 000 de touristes ont voyagé à travers le monde. Ce
chiffre était de 25 000 000 en 1950 et de 330 000 000 en 1985.
Au cours des années quatre-vingt-dix, les consommateurs seront
marqués par deux grands courants d'intérêt: le goût
de voyager, le tourisme, et le goût d'apprendre, la culture. Aussi, dans
cette foulée, les prévisionnistes extrapolent que le tourisme
mondial connaîtra un taux d'ascendance pouvant varier de 3 % à 6 %
annuellement d'ici 1995, suivi d'une vigueur équivalente jusqu'à
l'an 2000. Et nos voisins américains, a titre d'exemple, dont le
principal motif de déplacement à l'étranger est la
socio-culture, forment le plus important marché de consommation
touristique au monde, le Canada, le Québec, étant, et de loin,
leur premier choix de destination internationale.
À la page 2, l'importance économique du Québec
touristique. Le tourisme contribue à la dynamique économique du
Québec. La ventilation suivante en donne un aperçu: des recettes
touristiques globales de l'ordre de 4 100 000 000 $ en 1988; le tourisme se
situe au sixième rang des secteurs d'exportation du Québec; en
termes d'emplois, en 1989, on les évaluait à environ 73 300
exprimés en personnes-année: près de 250 000 emplois
québécois sont attribuables directement et indirectement à
l'activité touristique; des rentrées fiscales imposantes pour le
gouvernement du Québec de 620 000 000 $ en 1989. Globalement, la
socio-économie québécoise du tourisme est importante, mais
elle pourrait être beaucoup plus importante.
La performance de l'industrie québécoise du tourisme.
Malgré ses résultats actuels, l'industrie touristique du
Québec pourrait être nantie d'une meilleure performance. En 1989,
les Québécois voyageant au Québec ont
dépensé 1 400 000 000 $, soit 37 % de nos recettes touristiques.
Le poids de ce marché est à la baisse depuis quelques
années. Relativement au marché américain, la même
année, nos voisins du Sud ont dépensé touristiquement au
Québec 670 000 000 $, soit plus ou moins 340 000 000 $ en voyages
d'affaires - marché impératif - et seulement plus ou moins 330
000 000 $ comme touristes, au sens le plus propre du mot. Ce qui
représente une mince performance.
Quelques performances touristiques Québec, Ontario et Canada. En
1990, en pleine récession, l'Ontario attire 6 600 000 Américains
séjournant une nuitée et plus, soit une hausse de 9 % par rapport
à l'année 1989, tandis qu'au Québec, pour le même
type de visiteurs, le volume fut de 1 500 000, soit quatre fois moins, avec une
baisse de 4, 3 % comparativement à 1989. En fonction de ce
marché, il n'est pas vrai que l'Ontario est quatre fois mieux
situé que le Québec, qu'il a quatre fois plus d'attraits que
nous. Toutefois, une chose est vraie. Au cours de la décennie des
années quatre-vingt, le gouvernement ontarien avait investi 202 000 000
$ en publicité-promotion touristique, comparativement à 127 000
000 $ pour le gouvernement du Québec, une différence
marquée de l'ordre de 75 000 000 $.
À la page 4, vous avez d'autres comparaisons de performance. Si
on prend juste les recettes annuelles, le Québec est de 4 100 000 000 $,
l'Ontario est de 9 000 000 000 $, toujours en 1988, et le Canada de 24 000 000
000 $. En émettant l'hypothèse que le Québec atteigne la
moyenne canadienne relativement à ses recettes touristiques annuelles
per capita, les répercussions économiques seraient les suivantes:
des recettes touristiques supplémentaires annuelles de l'ordre de 2 000
000 000 $, 41 000 nouveaux emplois exprimés en personnes-année
seraient créés, un emploi égale 49 000 $ de recettes
touristiques,
plus ou moins 310 000 000 $ de plus par année sur le plan fiscal
pour le gouvernement du Québec. Le Québec, en utilisant des
méthodes et des moyens de pointe, a de bonnes chances de ravir le cap
des 7 000 000 000 $ et plus en recettes touristiques en l'an 2000; l'Ontario a
atteint ce stade en 1986.
Un autre fait. Outre la situation précitée, le taux moyen
d'occupation des lieux d'hébergement touristique du Québec se
situe, pour l'an 1990, à 46, 3 % alors qu'il était de 50, 8 % en
1989, soit un glissement de l'ordre de 2, 5 %. Et, pour chaque augmentation de
1 % de ce taux d'occupation, près de 1000 nouveaux emplois seraient
créés, pour moins... Je n'ai pas besoin de vous faire le
portrait. Ainsi, le Québec a un complexe touristique global produisant
ni plus ni moins à 48 % de sa capacité de production. Il y a un
"quali quanti" d'équipements touristiques en place pouvant accueillir de
nouvelles clientèles.
Tourisme et culture. À la fin du XVIIIe siècle, lorsque
les fils des familles riches d'Angleterre ont commencé à
parcourir touristique-ment "Le grand tour de France", ce sont les
éléments socioculturels du pays de Molière qui les
attiraient. Le tourisme a été, sans aucun doute, le premier
secteur à faire connaître la culture québécoise
à l'étranger. Selon une recherche publiée en 1974, il
appert que le premier touriste en Nouvelle-France, au sens moderne du mot, fut
M. Asseline de Ronval, un Dieppois, qui vint visiter notre pays en 1662. (21
heures)
La culture a toujours été un important motif de
déplacement touristique. C'est le type de tourisme qui offre l'occasion
de découvrir, de connaître le mode de vie, les moeurs,
l'architecture, la musique, la ou les religions d'un peuple, d'un milieu,
etc.
À l'échelle mondiale, la valeur et l'importance culturelle
du tourisme est reconnue depuis fort longtemps. Toutefois, c'est lors de la
Conférence des Nations Unies sur le tourisme et les voyages
internationaux qui a eu lieu à Rome, en août-septembre 1963, que
l'on a sanctionné ce fait: "La Conférence a vivement
insisté sur la valeur sociale et culturelle du tourisme; en effet, les
contacts internationaux qu'il a permis d'établir ont toujours
été l'un des principaux moyens de faire connaître d'autres
civilisations [... ] et elle a estimé qu'il fallait s'attacher
particulièrement à l'étude des facteurs culturels du
tourisme. "
En fonction du milieu québécois, certainement depuis le
début du XIXe siècle, les particularités socioculturelles
du Québec fascinent les Américains. À ce titre, le Dr
Benjamin Silliman, lors de sa visite au Québec à l'automne 1819,
soulignait: "First impression of Montréal. We mounted a steep slippery
bank, from the river, and found ourselves in one of the principal streets of
the city. It required no powerful effort of the imagination to conceive that we
were arrived in Europe. A town compactly built of stone, without wood or brick,
indicating permanency, and even a degree of antiquity, preventing some handsome
public and private buildings, an active and numerous population, saluting the
ear with two languages, but principally with the French - everything seems
foreign, and we easily feel that we are a great way from home. "
Tout le long du XIXe siècle et du XXe siècle, les guides
touristiques d'alors consultés démontrent clairement que l'offre
culturelle québécoise est prépondérante et
réclamée par les visiteurs. En 1943, M. Albert Tessier,
prêtre, mentionnait dans un précieux document: "Surtout! Dans
l'univers entier, le sort du tourisme est intimement lié à la
vigueur et à l'originalité de la civilisation particulière
à chaque peuple. C'est par ses différences ethniques et
artistiques surtout qu'un peuple attire les visiteurs. Les pays marqués
nettement par une civilisation originale sont les plus courus, les plus
visités. " Et cette fascination a peu changé. En effet, la
Longwood Research Group Inc. de Toronto, dans une étude
réalisée pour le compte de Tourisme Canada, souligne relativement
au marché américain: "La force du Canada réside dans le
fait que c'est un pays étranger à la fois proche et familier,
mais qui présente quand même quelques différences. Les
différences essentielles résident dans la population canadienne,
son héritage britannique et français, sa diversité
ethnique et ses traditions régionales et locales. Pour attirer les
touristes, il faut non pas chercher à Imiter les États-Unis, mais
plutôt Insister sur les différences. "
Donc, si le Canada est globalement différent pour les
Américains, il est indubitable, en regard de ce marché, que le
Québec est encore plus différent. Considérant ces faits,
mais qui sont d'actualité depuis de nombreuses décennies, le
Québec a tout avantage, pour lui-même et pour son industrie
touristique, de demeurer authentique, particulier, différent de ceux qui
l'entourent. La culture n'a pas à être altérée pour
plaire à la gent touristique. Elle doit être elle-même et se
renforcer tout en demeurant elle-même. C'est ce que les touristes
recherchent, la différence. Et le Québec possède cette
différence qui doit être conservée pour toutes les raisons
intrinsèques et extrinsèques qui ont été
déjà et souvent édictées. La culture ou la
socioculture québécoise est touristiquement exportable. Son
épanouissement continu et authentique doit viser d'abord les valeurs
culturelles souhaitées par le peuple québécois. Toutefois,
rien ne nous empêche d'affirmer qu'une partie de nos efforts continuels
de préservation et d'épanouissement de notre culture peuvent
être, entre autres, un investissement rentable et exportable et ce,
assurément en matière de tourisme. L'affaiblir, c'est
également affaiblir les possibilités touristi-
ques actuelles et futures du Québec.
La puissance culturotouristique du Québec dans le contexte
nord-américain. Dans le contexte nord-américain, le Québec
est un milieu touristique personnalisé par un monopole socioculturel de
classe garni d'une gamme de produits attirants: villégiature, ski alpin,
chasse, pêche, motoneige, etc. De plus, à une journée de
voiture, soit dans un rayon de 800 kilomètres de Montréal, il y
réside une population de plus de 65 000 000 d'habitants ayant les moyens
sociaux et financiers pour consommer des prestations touristiques
québécoises.
Ce rayon représente approximativement 85 % de notre potentiel.
Que le Québec culturotouristique se fasse connaître avec
adéquation sur ce marché, et ses recettes touristiques annuelles
per capita et sa performance dans ce domaine sauront atteindre, à
l'intérieur d'un laps de temps raisonnable, la moyenne canadienne.
Toutefois, le Québec a un monopole culturotouristique des produits
d'appoint ainsi qu'un vaste marché de proximité.
Recommandations. Relativement à son importance, le tandem
culture-tourisme pourrait bénéficier beaucoup plus à
l'économie du Québec et à son industrie touristique. Pour
ce faire, nous nous permettons de vous souligner quatre recommandations.
Premièrement, une meilleure concertation interministérielle
Affaires culturelles-Loisir, Chasse et Pêche-Tourisme nous apparaît
fondamentale; une participation plus ample du monde culturel
québécois au sein des associations touristiques régionales
s'impose; faire connaître, répandre dans le milieu
québécois que la gent touristique recherche l'authenticité
culturelle et qu'une culture n'a pas à s'altérer pour attirer des
visiteurs; à l'instar du ministère du Tourisme, que le
Québec culturotouristique concentre ses efforts de publicité et
promotion dans un rayon de 800 kilomètres de Montréal.
En conclusion, la culture étant l'ambiance du produit
touristique, le Québec a tout à gagner à préserver
et à épanouir la sienne et à la mettre en évidence
sur le plan touristique. La culture est le principal motif de
déplacement du tourisme international et nord-américain. Nous
avons le produit, nous avons les marchés à la portée de la
main. Le résultat ne dépend que de nous. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup,
madame. Je vais maintenant passer la parole à M. le député
de Charlevoix qui va intervenir, dans un premier temps, au nom de la commission
et du côté gouvernemental. Mme la ministre viendra, elle, à
la fin, pour faire un petit résumé de tout ça. Alors, M.
le député de Charlevoix, vous avez la parole. Je sais que vous
venez d'une région très touristique, d'ailleurs, peut-être
le joyau du tourisme au Québec.
M. Bradet: Je pense bien, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): La région de
Charlevoix, c'est ça.
M. Bradet: Merci, M. le Président. Alors, Mme la
présidente, M. le directeur général, je pense que nous
avons tous apprécié votre présentation, d'autant plus que
l'importance de la culture à l'intérieur du produit touristique
n'est plus à prouver.
Comme vous savez, je tenais à intervenir puisque la région
de Charlevoix est une région connue presque mondialement au niveau
touristique et, en même temps, c'est une région où on ne
connaît pas seulement l'attrait physique de nos terres, de nos montagnes
et du fleuve, mais aussi où la culture prend de plus en plus de place.
Je pense à Baie-Saint-Paul, par exemple, avec un symposium qui, depuis
cinq ans, attire tout près de 60 000 personnes. Région reconnue
par les peintres. Et, historiquement, l'île aux Coudres, qui attire une
clientèle de Français, avec un carnaval d'hiver nouveau
genre.
Tout ça fait, Mme la présidente, que, quand on lit votre
mémoire, vous n'avez pas besoin de me vendre l'importance de ça.
Quand je regarde vos recommandations, je serais tenté de vous
demander... Vous dites, dans la deuxième recommandation: "une
participation plus ample du monde culturel québécois au sein des
associations touristiques régionales s'impose." Il y a à peu
près trois mois, par contre - je viens de vous vanter la beauté
touristique et culturelle de Charlevoix - les journaux ont fait état
d'une petite guerre entre mon directeur, mon président de l'association
touristique et ma directrice du centre d'art, les deux ne s'entendant pas sur
le grand concept de qu'est-ce que c'est vraiment que l'art. Tout ça pour
vous dire que ça me faisait un petit peu rigoler, dans ce sens que, dans
bien des associations touristiques, très souvent le conseil
d'administration est surtout composé de gens de l'hôtellerie,
c'est-à-dire de gros hôtels, de grosses auberges, ce qui fait que,
très souvent, le focus est peut-être moins mis sur l'aspect chasse
et pêche, touristique ou l'ensemble des autres attraits.
Quand vous dites une participation du monde culturel ou une concertation
avec le loisir, chasse et pêche, est-ce que ça voudrait dire, dans
les faits, que, sur un conseil d'administration, pour une fois, on
retrouverait, s'il y a huit membres, deux membres du monde du loisir, deux
membres du monde culturel, deux membres du loisir, chasse et pêche et, le
reste, des gens de l'hôtellerie ou de la restauration? Est-ce que
ça veut dire ça, dans les faits?
Mme Gallant: Avez-vous un problème à Charlevoix?
Parce que vous parlez des associations touristiques et la plupart sont quand
même assez nombreuses. Moi-même, j'ai un conseil d'administration
de 21 personnes en Montérégie. Je suis présidente de la
Montérégie aussi. C'est
évident qu'il va toujours y avoir des gens au niveau de
l'hôtellerie qui vont siéger. Car le tourisme, pour nous, ce qui
représente tourisme, c'est... on doit dépenser une nuftée,
au moins, dans une région. Alors, oui, ils s'intéressent. Mais on
n'a jamais assez de personnes en culture ou dans d'autres domaines, et
ça nous les prend. On vient tout juste de sortir du rendez-vous
économique avec le Conseil du patronat qui a soumis une proposition
à l'effet des circuits, des forfaits touristiques. Un circuit ou un
forfait touristique, bon... On doit, en premier lieu, avoir de
l'hébergement. Alors, encore là, voilà
l'intérêt des aubergistes et des hôteliers. Mais c'est un
service, ça. L'attrait, c'est plus que ça. On ne viendra pas au
Québec uniquement pour coucher dans un lit, on va venir au Québec
pour découvrir la culture. Et, si on ne fait pas la place à ces
gens-là et qu'on ne fait pas la promotion de ça, nos visiteurs ne
pourront pas le deviner. Il va falloir qu'on le rende accessible. La plupart
des... Tous les sièges, au niveau d'un conseil d'administration, sont
votés. Ce sont des gens qui sont de la région et qui doivent
être membres de leur association. Est-ce que, dans votre cas, II y a un
manque de membres à l'ATR, au niveau culturel? Ça, je ne peux pas
vous répondre, mais je sais que la plupart des ATR se dotent quand
même de personnes dans tous les différents secteurs. On essaie de
plus en plus de ne négliger personne parce que c'est vraiment la
qualité, la quantité. Ce sont tous les volets touristiques qu'on
essaie de représenter. Est-ce que j'ai répondu à votre
question?
M. Bradet: Oui, vous avez répondu à ma question,
mais j'aurais aimé que vous soyez peut-être un petit peu plus
claire à l'effet... Vous savez, le représentant d'un petit
musée régional...
Mme Gallant: Oui.
M. Bradet: ...qui est tout petit n'a pas le même poids que
trois représentants de l'hôtellerie, par exemple, sur un conseil
d'administration. Je pense que si, dans votre proposition, vous dites: Une
participation plus importante du monde culturel, compte tenu que la culture est
un produit qui amène le tourisme, ce serait peut-être bon de le
spécifier quelque part, à l'effet que, sur un conseil
d'administration d'une ATR, il y ait vraiment des représentants
culturels, et non pas des gens qui vont arriver là et qui vont se sentir
isolés.
Mme Gallant: C'est très... N'oubliez pas que c'est...
Comme je vous le dis, ce sont des élus. C'est le milieu qui élit
les différentes personnes qui vont siéger au conseil
d'administration. Je pourrais vous dire la même chose au niveau des
députés. Est-ce qu'on a trop d'avocats? Est-ce qu'on va limiter
le nombre? Est-ce qu'on doit avoir des députés qui vont
représenter différents secteurs? C'est naturel que, au niveau
d'un conseil d'administration, on essaie le plus possible d'avoir tous les
différents secteurs. Chez nous, ce n'est Inscrit nulle part, c'est
automatique. C'est qu'on débalance les choses et ça va affecter
notre produit.
M. Beaudoln (Réjean): M. le Président, je peux
répondre.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Beau-doin.
M. Beaudoln: Écoutez, c'est comme dans toute chose, M. le
député de Charlevoix, il faut faire sa place aussi. Ce qui est
trop facile à obtenir, quelquefois, ne se conserve pas toujours
facilement. Alors, qu'est-ce qui arrive? L'expression que l'on a... A la
deuxième recommandation, on dit: Une plus ample... Donc, nous, on lance
un appel au monde culturel de s'impliquer plus, de faire plus leur place dans
l'industrie touristique parce que c'est le principal produit d'exportation
touristique à l'échelle internationale. Churchill disait, M. le
député, qu'il faut une montagne d'astuces pour aller chercher une
graine de pouvoir. Alors, je pense qu'il faut que le monde culturel aussi
prenne conscience que tous les efforts, les sacrifices qu'ils font pour
épanouir notre culture... mais qu'elle est aussi exportable sur le plan
touristique. C'est pour ça qu'on dit, nous: II y a des efforts que nous
faisons pour les intégrer à nous, dû à cette
importance-là, mais ils ont également un bout de chemin à
faire pour s'impliquer plus, pour leur propre bien et le bien de l'industrie
touristique également.
Le Président (M.
Gobé): Merci, M.
Beaudoin.
Avez-vous terminé, M. le député de Charlevoix?
Mme la ministre, vous revenez par la suite, vous, je pense. À la
fin?
Mme Frulla-Hébert: Oui, mais deux choses.
Le Président (M. Gobé): II reste peut-être
une minute ou deux.
Mme Frulla-Hébert: J'avais une question, d'ailleurs, pour
notre bénéfice et aussi le bénéfice des
représentants, ici, du Groupe Mallette qui se spécialise,
justement, à faire ces analyses-là avec les villes. Vous avez
réussi, vous, à obtenir la collaboration du monde
socio-économique, des municipalités, bon, à regrouper tout
le monde autour de vous. C'est sûr qu'on dit: Le tourisme, c'est une
activité économique. Mais on essaie d'habituer les gens du mUieu
culturel à faire la même chose et ils essaient aussi. Si on avait
des conseils à donner, est-ce qu'il y a des moyens ou, enfin, une
recette spéciale? (21 h 15)
Mme Gallant: On a le vent dans nos voiles qui s'associe à
nous. Je pense qu'on a quand
même... On peut les aider en région au niveau national, au
niveau de l'ATRAQ. On sait ce qu'on peut aller chercher. C'est reconnu.
Pourquoi tourner en rond? On sait exactement où on veut s'en aller.
Alors, arrêtons de se poser la question. Disons: Oui, la culture, c'est
le volet, c'est ce qui est unique au Québec. Il ne faut plus se poser
des questions et avançons, concertons-nous et produisons donc un produit
au niveau de nos circuits forfaits, nous allons inclure la culture
québécoise. Ce sera le volet n° 1 et c'est pour ça que
ça va réussir et que ce sera acheté partout.
Le Président (M. Gobé): Je tenais à vous
conserver une minute ou deux pour la fin, comme vous m'en aviez exprimé
le souhait, afin que vous puissiez faire un peu le résumé de tout
cela. Alors, sans plus tarder maintenant, je demanderais donc à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir continuer
cette discussion d'ailleurs fort intéressante avec vous, Mme
Gallant.
M. Beaudoin: Je ne peux pas intervenir, M. le Président,
sur ce que Mme la ministre a posé? Parce que c'est une question
très importante que Mme la ministre a posée.
Le Président (M. Gobé): Bien, écoutez, si le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques le souhaite, je me rendrai
à ses souhaits et, à ce moment-là, il n'y aura pas de
problème. Est-ce que M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques...
M. Beaudoin: Mme la ministre a posé une question
fondamentale. Vous avez raison, Mme la ministre, plus le monde de la culture va
s'impliquer dans le tourisme, plus le tourisme va progresser, plus la culture
va se faire connaître. Notre problème, actuellement, dans le
mémoire, c'est une équation qu'on présente. Le
Québec est dans une situation monopolistique, sur le plan culturel, dans
le contexte nord-américain. On a un vaste marché à la
portée de la main, mais on n'en bénéficie pas au maximum.
Alors, quand vous dites qu'il faut faire des efforts pour intégrer plus
la culture dans le domaine touristique, dans les associations touristiques
régionales, il y a des efforts des deux côtés: et du monde
de la culture, bien sûr, pour le plus grand bien du Québec en
termes d'exportation touristique, mais également aussi du
côté de l'industrie. Un des défis qu'on a à relever,
c'est que ce n'est pas évident, au sein de l'industrie touristique, la
conscience que la culture, c'est important, que c'est le principal produit
d'exportation dans n'importe quel pays du monde. Donc, je pense qu'on a un
immense travail à faire là-dessus. Par contre, les dividendes
sont très élevés. D'ailleurs, comme disait Mme la
présidente de l'ATRAQ tout à l'heure, si le Québec, en
termes de recettes touristiques per capita, atteignait la moyenne canadienne,
c'est 40 000 emplois de plus au Québec, et Dieu sait que nous en avons
profondément besoin actuellement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Beaudoin. Je
laisserai maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques
continuer.
M. Boulerice: Mme Gallant, au moment où le Québec
se cherche désespérément un ministre du Tourisme, je pense
que vous seriez la candidate idéale.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je vais tenter de rejoindre M. Bourassa
tantôt...
Le Président (M. Gobé): Ou M. Bibeau.
M. Boulerice:... ou M.Bibeau, peut-être, pour le
souligner parce que je n'ai jamais vu, madame... Sur cette pointe d'humour
noir, mais qui cache, vous savez bien, une réalité tragique, je
n'ai jamais, Mme Gallant - et je ne veux pas être flatteur - entendu
quelqu'un parler du Québec avec autant d'assurance, autant de ferveur,
autant d'amour que vous. C'est vraiment incroyable! J'en parlais avec mon
collègue à côté. On se glissait des remarques: Ce
n'est pas croyable comment elle en parle! Vous en parlez bien et vous avez
raison sur toute la ligne. Je ne vais pas vous contredire, sauf peut-être
- je vais enregistrer ma dissidence en bon péquiste, forcément -
sur un petit point mineur. C'est un fait, on ne vient plus au Québec
parce qu'on a des belles rivières canadiennes-françaises et
catholiques. Je veux dire, oui, le paysage est impressionnant, notamment dans
Charlevoix où j'étais la semaine dernière avec des amis
européens, entre parenthèses, mais oui, II y avait cette
papeterie à Saint-Joseph-de-la-Rive. J'étais malheureux qu'on
soit trop tard pour voir le festival Mozart, ces activités culturelles
extrêmement importantes. Vous êtes, je crois, de la
Montérégie. Je vais dans cette région parce que je sais
qu'il y a des produits culturels, comme je vais dans la région de ces
messieurs, en Estrie, où d'ailleurs j'avais une maison au lac
Memphré-magog, parce qu'il y a un joli musée à Sherbrooke.
Il y a un très beau théâtre d'été à
Eastman. Ça n'empêche pas d'avoir mes montagnes et mon lac, mais
j'ai également des produits culturels. Effectivement, au niveau des
produits culturels, je pense qu'on est drôlement favorisés, au
Québec. Mais vous me dites que ça ne se vend pas. Est-ce que
c'est parce qu'on ne fait pas suffisamment d'efforts en termes d'argent? Ou
bien non c'est parce qu'on n'a pas les bonnes techniques de vente? Ce n'est pas
nécessairement vrai, Mme Gallant, que, si on mettait, peut-être,
50 000 000 $ de plus, on aurait x millions de plus de touristes. Je ne crois
pas uniquement à
la pub.
Mme Gallant: Là, c'est mon tour? M. Boulerice: Oui,
oui.
Mme Gallant: Moi, je crois à la pub. Ce n'est pas tout ce
qu'il y a. On a un produit qui, à lui tout seul, ne devrait même
pas être vendu, ça devrait être naturel, mais on est quand
même dans une compétition mondiale de tourisme, si on regarde
l'évolution du tourisme des 30 dernières années. Quand
nous avons un produit comme l'Ontario, à côté, qui investit
75 000 000 $ de plus que nous, je regrette, mais je crois que
définitivement, sur le marché international, américain,
ils ont un avantage qu'ils sont en train de récolter maintenant. On a la
preuve... Je vous ai dit: Ce n'est pas vrai qu'ils sont quatre fois plus beaux
que nous. C'est faux, ça.
M. Boulerice: Et ils n'ont pas Mordecai Richler, eux autres, en
plus.
Mme Gallant: S'il vous plaît! Mais, même ça,
on pourrait essayer de l'utiliser sur notre côté. Non, ils ont un
avantage. Le tourisme est un investissement. On voit les retombées, mais
si eux, à côté de nous, ils ont investi 75 000 000 $ et le
Canada aussi, sur l'ensemble, a dépensé plus que nous, moi, je ne
me poserais pas trop de questions. C'est aussi un message, n'oubliez pas,
d'accueil. Si on invite les gens à venir chez nous, ils vont venir.
Mais, si on ne va pas les chercher, si on ne leur dit pas: Bonjour, le
Québec, c'est les vacances, et venez nous voir, je ne le sais pas si les
gens seront incités... si même ils vont nous connaître. M.
Beaudoin pourrait...
M. Boulerice: Oui, M. Beaudoin.
M. Beaudoin: M. le député de Saint-Jacques, lors
d'une conversation que j'avais eue avec le maire de Montréal, M. Jean
Doré, il me disait: Montréal, c'est le secret le mieux
gardé. Donc, je pense que M. le maire faisait allusion à un fait
évident, qu'on ne parlait pas assez de nous. On ne faisait pas assez de
publicité, assez de promotion. Alors, je pense qu'on peut avoir le plus
beau produit, s'il n'est pas connu, il est sûr et certain qu'on n'aura
pas d'impact et de visiteurs. Actuellement, on prend de plus en plus de retard
par rapport à l'Ontario, qui a été beaucoup plus agressif
que nous au cours des 10 dernières années. Et comme le disait Mme
la présidente de l'ATRAQ, ce n'est pas parce qu'on n'a pas le produit,
ce n'est pas parce que nous n'avons pas les marchés à la
portée de la main, c'est parce qu'on a manqué de faire des
efforts évidents. Et je pense que M. le député de Shefford
en sait beaucoup, pour être moi-même un Estrien et avoir
travaillé pendant 10 ans en
Estrie sur le plan touristique.
M. Boulerice: M. Beaudoin, Mme Gallant, si je comprends bien,
c'est que notre message, II était bon, sauf qu'on ne l'a pas assez
répété. D'où, c'est mol qui ai tort. Oui, il y a
une connotation avec l'argent qu'on y met.
Mme Gallant: Je pense qu'il y a une sensibilisation aussi
à faire au niveau du peuple. Si on ne croit pas nous-mêmes en
notre culture, en notre produit, en notre valeur, comment allons-nous faire
croire ça aux autres? Je pense que, là, on arrive à la
base aussi, c'est que maintenant le tourisme et les intervenants touristiques,
on est ensemble, on croit à la même chose, puis on implique nos
employés. On essaie d'améliorer toute formation. On veut devenir
de plus en plus accueillants. Je pense que, maintenant, le message, aussi, on
le rend non pas seulement aux touristes étrangers, mais aussi on vise
les Québécois. Le Québec, c'est les vacances,
c'était viser les Québécois. Mais iI y avait deux choses
là: une, c'était d'essayer de les garder ici pour dépenser
dans notre région et, deux, vous ne pensez pas que ça nous fait
des super bons petits ambassadeurs quand ils s'en vont dans le Sud ou n'importe
où et qu'ils disent: Chez nous, c'est beau. On est allés ici, on
a vu les baleines... Alors, il faut continuer à Investir, mais là
on a commencé à taper dans le potentiel de notre peuple, en plus.
La culture, c'est une éducation. Ça, si on ne joue pas cette
carte-là, elle va toucher à notre dossier aussi.
M. Beaudoin: Vous permettez, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, monsieur.
M. Beaudoin: En fait, on a été très avares
de faire connaître notre culture sur le plan touristique au cours des
dernières années, au cours de la dernière décennie.
Je dirais que nos ancêtres, dans les années vingt et trente,
étaient plus agressifs que nous. Ils en parlaient plus. Vous l'avez vu
dans le mémoire, dans les brochures anciennes qu'on a consultées,
c'est la culture qui prédomine. Que sont les Québécois,
leur mode de vie, l'architecture, l'église Notre-Dame de
Montréal? On en parle encore. Je ne veux pas faire le tour du
Québec, mais je sais que Mme la ministre vient de la région de
Montréal. Alors, voyez-vous, c'est tout ça. C'est que nos
ancêtres avaient compris et ça transpirait beaucoup dans la mise
en marché touristique, à l'époque, mais le même
produit culturel, iI est aussi demandé qu'il l'était avant. Nous
sommes dans une... Voyez-vous, M. le député, notre
problème. On a un produit monopolistique au sein d'un bassin de
population de 65 000 000 d'habitants et, en 1991, on est en rattrapage parce
qu'on ne l'a pas assez fait connaître. Alors, c'est un peu notre
problè-
me actuellement.
M. Boulerice: C'est la dernière question que je veux poser
parce que mon collègue de Shef-ford en a une. Je vous la pose
très courte. Vous parlez d'une meilleure concertation
interministérielle parce que vous voulez promouvoir la culture, mais
dans chacune des régions du Québec... C'est vrai que, dans votre
cas, la Montérégie, c'est en péril. Ils risquent de
disparaître, malheureusement... mais il y a des conseils régionaux
de la culture. Est-ce que vous avez des liens avec eux? Ça ne serait pas
une façon d'impliquer la culture que de faire ça avec les
conseils régionaux de la culture?
Mme Gallant: Oui, on le fait à la
Montérégie. C'est pour ça que je suis très
sensible. C'est très fort chez nous. Nous en avons...
M. Boulerice: Bien oui, c'est le meilleur. Mme Gallant:
Pardon?
M. Boulerice: Je ne veux rendre personne jaloux, mais vous avez
un des meilleurs conseils régionaux de la culture.
Des voix: Ha, ha, hal
Mme Gallant: Oui. Mais ils sont nombreux aussi autour de notre
table du conseil d'administration. Définitivement, c'est un moyen, mais
je pense qu'il y a aussi... Il n'y a jamais de mal à... Il faut faire
rappeler que le tourisme est là et que, nous, on reconnaît
l'importance de la culture et on aimerait aussi que ce soit vice versa et que
ça soit mentionné de plus en plus, qu'on réalise qu'il y a
un facteur quand même économique rattaché à tout
ça. Mais, oui, on le fait et, bon, on va le vendre aussi autour de la
province. On arrive justement d'une réunion de trois jours avec les
différentes régions touristiques et c'est une
préoccupation de toutes les réglons. Alors, il n'y en a pas une
qui ne voit pas l'Importance de ça.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Shefford.
M. Paré: Bien justement, c'était ma question parce
que je voulais savoir comment on pouvait faire pour inclure les deux. Vous avez
très bien répondu, mais, effectivement, il va falloir faire des
rapprochements entre les associations des différentes régions
qui, finalement, se complètent. Ce n'est pas parce que ce sont des
secteurs qui sont différents qu'ils doivent vivre en vase clos et non
pas communiquer. Vous avez répondu... Je dois dire que je suis tout
à fait d'accord avec le fait qu'on doive faire de la publicité.
Ce n'est pas vrai qu'on va Intéresser des gens à des choses qu'on
ne leur montre pas.
On a eu un bel exemple dans la région Cantons de
l'Est-Estrie-Montérégie quand on a fait venir "Skier à la
française". Je dois vous dire, ça a été les
années où on multipliait le nombre de présences venant du
Québec, de l'Ontario et du Nord-Est américain. Si on ne vend pas,
si on n'étale pas la marchandise, on n'aura pas de clientèle, je
suis tout à fait d'accord avec ça. Vous avez répondu
à ma question avant que je ne la pose et je vous en remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Peut-être dans le même sens que
vous, si vous me permettez que je rajoute. Il y a quand même une
interrogation que je me pose et c'est la suivante. Lorsqu'on parle de
spécificité culturelle québécoise, on parle donc de
spécificité francophone. C'est ça qui est notre
différence parce que le reste, je veux dire...
Mme Gallant: Ça dépend de la région. (21 h
30)
Le Président (M. Gobé): C'est ça, mais, en
général, le Québec est considéré comme ayant
une culture francophone, française. Une des interrogations qui me vient
en vous écoutant, en écoutant les collègues, Mme la
ministre et mon collègue de Charlevoix, c'est la suivante: Est-ce que le
fait que cette culture soit francophone, donc en français, à un
moment donné, même si elle peut paraître sympathique de loin
à nos cousins ou nos voisins américains qui sont notre principal
marché potentiel de tourisme, est-ce que c'est là un attrait
suffisant pour attirer ces gens-là? Ou est-ce que, plutôt, ils ne
se disent pas: Quitte à voir de la culture, une pièce de
théâtre ou un musée, je vais aller le voir à
Toronto, à Niagara ou ailleurs où la langue est la même que
chez nous. Est-ce qu'il n'y a pas là quelque chose de quasiment
insurmontable? Parce que c'est sûr que ce facteur linguistique doit...
C'est ça, notre culture. La différence entre nous et les autres,
c'est ça, sinon, on est pareils.
Mme Gallant: Le tourisme, une des principales raisons de voyager,
c'est pour le dépaysement. Alors, si on regarde l'Amérique du
Nord où on peut se dépayser plus facilement, si on parle des
Américains, c'est New Orleans ou le Québec et le Québec
encore plus, parce que, vraiment, on a le Vieux-Québec, Montréal,
enfin, les deux cultures. Maintenant, c'est de rendre notre culture accessible
aussi aux Américains puis aux Anglo-Canadiens. Ça, c'est un autre
volet. C'est de s'assurer que ces gens-là auront accès à
ça, qu'ils puissent le comprendre.
Le Président (M. Gobé): C'est dans ce
sens-là que je voulais aller. C'est important, on touche un point
vraiment fondamental. Parce qu'on peut se conter toutes sortes d'histoire... Et
je pense qu'il y a des vraies raisons, il y a des
causes et on se doit, en cette commission, de les regarder et de ne pas
les escamoter.
Mme Gallant: Ça fait des années qu'on fait la
manchette.
Le Président (M. Gobé): Vous en avez parlé
en anglais, d'ailleurs, dans votre mémoire. J'ai vu ça. Est-ce
que c'était un message que vous nous envoyiez?
M. Beaudoin: Est-ce que je peux compléter, M. le
Président?
Le Président (M. Gobé): Oui, M. Beaudoin.
Après, je passerai la parole à Mme la ministre.
M. Beaudoin: Je compléterais ce que Mme la
présidente vient de dire avec trois éléments. Si vous
allez en plein coeur de New York, sur l'île de Manhattan, ça fait
bien, parler français. Il y a beaucoup de restaurants français.
L'autre jour, j'étais au Marriott's, en plein coeur de New York. On m'a
servi en français; ça fait bien, à New York, parler
français. 50 % des Américains qui apprennent une deuxième
langue, c'est le français qu'ils choisissent. Tous les Américains
qui apprennent une deuxième langue, c'est le français qu'ils
choisissent. Et lorsqu'il y avait le Bicentenaire des États-Unis, en
1976, il y avait un programme spécial aux États-Unis de projets
locaux, régionaux, tout ça. Et la grande majorité de ces
projets avait une sorte de liaison avec le fait français. Alors, la
question française est quand même bien perçue aux
États-Unis, parce que l'Américain, dans son histoire, il est
conscient que le marquis de La Fayette leur a donné un coup de pouce, la
famille Du Pont, pour avoir leur indépendance.
Donc, tout ça, ça s'accumule à travers les
âges. Alors, comme vous voyez, la question française n'est pas un
handicap pour le Québec. C'est peut-être nous qui manquons de
conviction pour les inviter. Mais la langue n'est pas un handicap. D'ailleurs,
lorsque le ministère des Transports a fait une recherche, sur le plan
touristique, il y a un an, à savoir si le fait français pouvait
être un handicap... Je ne sais pas si vous vous rappelez la question de
la signalisation en français. M. Ryan était ministre à
l'époque. Et la conclusion avait été que la question du
fait français québécois ne posait pas de problème
du tout, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): On parle
spécifiquement de culture.
M. Beaudoin: Oui.
Le Président (M. Gobé): Faites attention de ne pas
nous éparpiller.
M. Beaudoin: D'accord.
Le Président (M. Gobé): De culture. Vous devez
parler de culture et non pas de signalisation. Ça, c'est évident,
c'est un autre débat qui n'est peut-être pas l'enjeu de cette
commission.
Mme Gallant: La culture, il faudrait quelle soit accessible dans
le sens du mot. Bon, s'il y a des Allemands qui viennent au Québec,
à un moment donné, si on en avait beaucoup, il faudrait au moins
qu'on soit capable de leur donner de la documentation en allemand. Si on vise
les Américains, il va falloir que notre culture soit accessible en
anglais pour les Américains pour qu'ils puissent nous comprendre, pour
qu'ils puissent nous aimer, pour qu'ils puissent nous supporter dans n'importe
quelle démarche qu'on décide d'entreprendre. On a eu des
années où on aurait dû profiter de notre visibilité
internationale, qui continue d'ailleurs. Et le message aurait été
via la promotion touristique. Venez visiter le Québec, venez nous
découvrir. Ça aurait été un message invitant. Oui,
on veut que vous veniez nous rencontrer. Mais, si on ne supporte pas tout ce
qu'on entend dire du Québec avec de la publicité et de la
promotion, on ne viendra pas.
Le Président (M. Gobé): Je suis bien content de
votre explication. Je pense que les gens de cette commission l'ont retenue, Mme
Gallant. Je vais maintenant passer... Vous avez terminé, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?
M. Boulerlce: Je voudrais les remercier. C'a été
rafraîchissant. Je ne sais pas si on cherche un slogan, mais on en aurait
peut-être un: "Drive to Europe this summer"!
Des voix: Ha, ha, hal
Mme Gallant: "Discover Québec".
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le
député. Mme la ministre, en terminant.
Mme Frulla-Hébert: Merci d'être ici, parce que je me
souviens que, quand on s'est promené, qu'on a fait la tournée
régionale, on avait spécifiquement insisté pour que le
domaine touristique y soit, parce qu'il y a un lien tout à fait naturel.
Ça me surprend même un peu quand vous dites que ce n'était
pas évident, finalement, l'exploitation de la culture. Et quand je parle
de culture, je parle aussi beaucoup des lieux culturels. On développe,
nous, à coups de plusieurs dizaines de millions de dollars, ces
infrastructures culturelles que sont le Musée de la civilisation, le
Musée du Québec, le Musée des beaux-arts, le Musée
d'art contemporain, le musée McCord. Il y a énormément de
choses à faire, finalement. On est aussi très conscients que nos
organismes n'ont pas le réflexe non plus. D'abord, premièrement,
Ils ont à peine 365 jours
par année pour produire, se gérer. Et c'est aussi
très présent dans le projet de politique touristique du ministre
du Tourisme. Il va falloir développer une espèce de
mécanisme, oui, mais un automatisme pour travailler, finalement, avec
vous parce qu'on a besoin de ces appuis-là. Et là-dessus, d'aller
chercher les appuis et tout ça, vous avez l'expérience et vous
pouvez en montrer aussi. À cause de cette expérience, vous pouvez
être très bénéfique au niveau du milieu culturel et
effectivement, aussi, la culture c'est essentiel. Les gens ne viennent pas voir
des industries; comme vous le dites, bien manger, bien dormir, oui, mais,
entre-temps, il faut faire des choses.
Le Président (M. Gobé): À la
québécoise.
Mme Frulla-Hébert: Alors, merci de votre apport.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Mme
Gallant, M. Beaudoin, nous vous remercions au nom des membres de cette
commission. Ceci met fin, pas à votre témoignage, mais à
votre exposé. Nous vous en remercions.
Je vais donc Inviter les autres personnes, l'autre groupe à nous
joindre, le Groupe Malette Maheu, de la région de l'Estrle. M. le
député de Shefford va être content, des gens de sa
région. Nous allons commencer dans une minute, peut-être le temps
que les gens s'installent.
(Suspension de la séance à 21 h 38)
(Reprise à 21 h 39)
Groupe Malette Maheu, Estrie
Le Président (M. Gobé): J'invite les membres de la
commission à reprendre place autour de cette table afin que nous
puissions continuer nos auditions de la journée. Nous allons maintenant
entendre le Groupe Malette Maheu de la région de l'Estrle, qui est
représenté par M. Réjean Bélisle, directeur, M.
Mario Thibeault, conseiller, et M. Paul Kirouac, conseiller. Alors, je vois
qu'il y en a deux seulement. Est-ce qu'il manquerait quelqu'un?
M. Kirouac (Paul): II manque M. Bélisle, on tient à
excuser son absence.
Le Président (M. Gobé): Alors, vous êtes M.
Thibeault, si je comprends bien?
M. Thibeault (Mario): C'est moi, M. Thibeault.
Le Président (M. Gobé): M. Thibeault et M. Kirouac.
Lequel d'entre vous va faire la présentation?
M. Kirouac: Je vais présenter l'introduction, et M.
Thibeault, qui a participé à l'étude activement, qui a
conduit l'étude, va présenter un sommaire de l'étude
d'impact.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Kirouac, sans
plus attendre, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez
à peu près une quinzaine de minutes pour ce faire. Après,
nous dialoguerons avec les différentes personnes autour de cette table,
ministre, députés, représentants de l'Opposition
officielle. Alors, vous pouvez commencer.
M. Kirouac: Peut-être avant de commencer, M. le
Président...
Le Président (M. Gobé): Non, en
commençant.
M. Kirouac: II s'est glissé une erreur d'impression et on
a envoyé des versions amendées avec le document corrigé du
30 septembre. Est-ce que tous les membres de la commission l'auraient
reçu?
Le Président (M. Gobé): Nous avons reçu ces
versions amendées et nous vous remercions.
M. Kirouac: C'est une erreur d'impression double sur une
page.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez
procéder.
M. Kirouac: Mme la ministre, M. le Président, honorables
membres de cette commission, c'est avec plaisir que le Groupe Malette Maheu,
Estrie, présente un mémoire à la commission de la culture
sur la proposition de politique de la culture et des arts.
Nous souscrivons, entre autres, à ce que la culture soit
traitée comme une priorité de l'État et que cette
volonté s'exprime au plus haut niveau du gouvernement par la proposition
à l'Assemblée nationale d'un projet de loi sur la culture.
Plusieurs raisons justifient que des efforts additionnels soient poursuivis:
les retombées économiques, entre autres, de la culture et des
arts. L'objectif de notre démarche est de mettre en relief l'importance
économique du secteur culturel et de sa dynamique en Estrie.
Nous vous remercions de nous permettre de souligner notre
intérêt pour la culture et les arts. Si vous le permettez, on va
présenter notre groupe, qui est le Groupe Malette Maheu, à
l'échelle provinciale. Fondé et dirigé par des
Québécois, le Groupe Malette Maheu réunit 150
associés et 1300 employés répartis dans 40 bureaux du
Québec. En Estrie, la firme regroupe 100 employés et offre des
services en vérification, fiscalité, consultation et
informatique.
La mission du Groupe Malette Maheu est d'aider nos clients à
mieux réaliser leur plein potentiel en leur fournissant des services
professionnels de qualité supérieure en vérification et en
gestion. Le Groupe Malette Maheu s'implique de façon active depuis
plusieurs années au niveau du secteur culturel: études
économiques, contributions financières ou techniques,
participation à des conseils d'administration. Le Groupe Malette Maheu
contribue donc à la vivacité du secteur culturel.
M. Thibeault, ayant conduit cette étude, va présenter la
portion d'étude d'impact économique qui a été
réalisée en 1989 pour l'Estrie.
Le Président (M. Gobé): M. Thibeault, vous pouvez y
aller mais en tenant compte que vous avez, comme je vous l'ai dit, une dizaine
de minutes à peu près.
M. Thibeault: Oui, ça va. Effectivement, on a
réalisé, en 1989, l'étude d'impact des activités
culturelles pour le Sherbrooke métropolitain. L'objectif de
l'étude, c'était de mesurer quels étaient les effets
directs et indirects du secteur culturel au niveau de l'économie du
Sherbrooke métropolitain. Et, lors de cette étude-là, on a
répertorié 250 entreprises culturelles dans les différents
secteurs d'activité: arts d'interprétation, arts plastiques,
visuels, etc.
La première constatation qui a été faite c'est que
les dépenses d'opération et d'immobilisation de ces 250
entreprises-là totalisaient approximativement 24 000 000 $. En termes
d'impact économique mesuré sous forme de valeur ajoutée au
coût des facteurs, il a été déterminé que
l'impact était de 18 900 000 $. Ce sont des dollars
dépensés en masse salariale, en profits, en amortissement, etc.
Au niveau des emplois, on a comptabilisé, en termes d'effets directs et
indirects, 850 emplois.
Les entreprises culturelles étaient classées en trois
catégories. Il y avait les entreprises à but lucratif, les
entreprises à but non lucratif et les travailleurs autonomes. La
catégorie des entreprises qui représentaient le plus de
retombées économiques, que ce soit en termes de valeur
ajoutée ou en termes d'emplois, c'était le secteur entreprises
à but lucratif, avec 11 200 000 $ en valeur ajoutée et 470
personnes-année, ce qui correspondait à 55 % des emplois totaux
du secteur.
L'ampleur de ces montants nous a amenés, à
l'époque, à considérer le secteur culturel comme
étant un secteur tout aussi important pour l'économie du
Sherbrooke métropolitain que des secteurs comme le tourisme ou le
manufacturier. C'est donc un secteur qui est considéré comme
étant capital pour la région. C'est un secteur qui, faute d'avoir
été aussi exploité que le secteur touristique et que le
secteur industriel, offre actuellement des perspectives de croissance qui sont
possiblement supérieures aux deux premiers secteurs
précédemment mentionnés. Il s'est réalisé
beaucoup de projets à caractère culturel au cours des derniers
mois dans le Sherbrooke métropolitain, et H continue de s'en
réaliser encore. Vous en avez une nomenclature à
l'intérieur du document.
Afin de soutenir la croissance de ce secteur-là, et du secteur
touristique et manufacturier, les sept municipalités de la région
du Sherbrooke métropolitain se sont donné une
société qui s'appelle la Société de
développement économique de la région sherbrookoise. C'est
une société qui a un budget de fonctionnement de 1 300 000 $,
auquel vient s'ajouter un autre budget, pour des projets spéciaux, de
500 000 $. La Société chapeaute trois sociétés:
l'une pour l'industrie, l'une pour le tourisme et une pour la culture. La
Société de développement culturel a spécifiquement
comme mandat le support aux entreprises, la promotion, l'animation
économique, la recherche et le développement.
À notre avis, il s'agit d'un modèle d'Intervention
municipale en matière culturelle passablement innovateur. La
Société fonctionne avec de l'argent neuf, et la
Société est donc en mesure d'effectuer différents
travaux.
La conclusion que l'on tire c'est que le milieu a déjà
identifié que le secteur culturel est très important et il a
débloqué les sommes d'argent nécessaires. L'on pense que
le gouvernement du Québec et les différents partenaires du
secteur culturel devraient s'inspirer de ce type de modèle de
développement pour favoriser l'essor des différentes
régions.
En conclusion, ce que l'on dit, c'est que la culture est un axe de
développement Important pour la région de Sherbrooke et qu'une
politique de la culture et des arts qui favorisera une concertation des
intervenants et une implication du milieu saura maximiser les retombées
économiques en matière culturelle. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Nous allons
maintenant, donc, débuter les discussions et je vais passer la parole
à Mme la ministre de la culture.
Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. D'ailleurs, je suis
très contente du rapport qui, finalement, offre peut-être une
espèce de... D'abord, c'est un rapport qui montre aussi un dynamisme
dans une région donnée parce qu'on sait que toute la
région de Sherbrooke est une région qui est très dynamique
dans le secteur culturel. On y croit beaucoup, aux municipalités, etc.
Et votre mémoire apporte aussi un éclairage qui est aussi
convaincant de l'importance de la culture comme développement clé
d'une stratégie économique pour la région. Et je sais, des
fois, que les milieux n'aiment pas qu'on parle de cette façon parce
qu'on économise, qu'ils disent - en fait, on en a beaucoup parié
hier - dans le secteur culturel et ça peut être dangereux quand
on
parle de 65 000 emplois, 3 900 000 000 $ en termes de revenus
générés, global, au Québec. Mais, d'une certaine
façon, II faut aussi regarder ce secteur-là, cette
facette-là pour aussi faire comprendre à ceux qui comprennent
mieux avec des chiffres qu'avec la création comment c'est Important.
J'aimerais vous entendre sur votre implication dans le soutien
d'organismes d'activités culturelles, soit les commandites ou... Est-ce
que vous êtes beaucoup... D'abord, vous devez être beaucoup
sollicités et quels sont vos critères de répartition au
niveau des budgets de commandites?
M. Kirouac: II n'y a pas de règles précises, je
pense. C'est comme de demander à une institution, que ce soit la
nôtre ou une autre: Quelles sont vos règles d'attribution sur
votre ensemble de budget en commandites en cours d'année? Je pense que
chaque projet est analysé à son mérite, en fonction d'une
période donnée, une période annuelle. Ça pourrait
être en fonction de la visibilité qui est offerte, en fonction du
caractère sain des projets qui sont déposés, en fonction
des affinités avec les gens qui sont impliqués dans le projet. Je
pense que ce sont des raisons à la fois d'affaire et de contribution
dite sociale de toute entreprise dans le milieu. On a effectivement
contribué sur une gamme de toute nature. Il y a des services qu'on a
rendus à titre gratuit, il y a des commandites. On s'est offert en
gestion sur... On participe également à des conseils
d'administration dans le domaine culturel. Ça fait que c'est une gamme
très variée, dans le fond, de commandites dans le milieu, sous
toutes sortes de formes ou toutes sortes de contributions.
Mme Frulla-Hébert: Donc.vous n'avez pas de critères
précis.
M. Kirouac: C'est une contribution qui est variée et II
est aussi à la fols question d'individus, l'ensemble des individus qui
sont dans le milieu, chez nous, à quel endroit ils seraient heureux de
contribuer d'une façon sociale. Et souvent le domaine culturel offre une
de ces portes-là au même titre que l'industrie ou le tourisme. On
fait le même genre de contribution dans d'autres domaines.
Mme Frulla-Hébert: Puisque vous analysez aussi au fur et
à mesure le marché, sur quoi vous basez-vous pour dire qu'il y a
encore du potentiel de développement, si on veut, chez vous, au niveau
culturel? C'est parce que ça nous aide, nous aussi, au niveau des autres
régions.
M. Kirouac: II y a quand même une liste de projets
très actifs qui sont là, qui sont quand même des... Pour
citer un projet, par exemple, sur lequel j'ai travaillé activement, on
parle de l'implantation de la résidence permanente de l'Orchestre
mondial des jeunes dans notre région. Je pense que la région de
Sherbrooke a pris le "lead" sur un dossier auquel elle croit. Il y a des gens
qui sont impliqués depuis longue date dedans. L'effort municipal a
déjà été endossé. Je pense que c'est des
dossiers qui sont déjà rendus comme projets au ministère.
Ça fait que vous avez une série d'exemples concrets qui sont
là, où je ne peux pas dire, pour chacun des dossiers, si c'est la
région sherbrookoise, le milieu, l'institution elle-même qui a
pris le "lead" dans le dossier. Dans le cas de l'Orchestre mondial, je peux
vous le certifier, c'est d'abord des gens du milieu qui ont participé
activement, qui y croyaient, qui ont commencé à bâtir un
projet et, à travers le réseau de sociétés de
développement dont la région sherbrookoise s'est dotée,
ils se sont servis de ce mécanisme de développement et de
promotion pour aider à ce que le projet se développe,
émerge et ait des balises très bien assises et très
bien... formant un projet ou fondant un projet très bien assis sur le
plan de la composition, son cheminement financier et son cheminement
opérationnel.
Mme Frulla-Hébert: Finalement, cette façon de
fonctionner, une espèce de mariage entre tous les intervenants, est-ce
que vous sentez que c'est contagieux? Parce que, quand j'ai fait le tour, la
municipalité de Sherbrooke a parlé justement de cette
société. Ensuite, il y a Trois-Rivières aussi qui semble
être intéressée, Lon-gueuil le regarde. Je trouve que c'est
de mettre tous les intervenants ensemble et de travailler pour un but commun,
finalement, le développement, et ce, à tous les secteurs. Est-ce
que vous sentez que c'est une façon, une méthode qui est
contagieuse?
M. Kirouac: Le phénomène des
sociétés, Mme Hébert, est quand même un
phénomène tout à fait récent.
Mme Frulla-Hébert: Bien oui.
M. Kirouac: C'est un mouvement qui a été
réfléchi quand même, je dirais, durant une période
peut-être de 24 mois avant de prendre des structures officielles qui ont
commencé cette année, en début janvier. Ça fait
qu'il est difficile de spéculer et dire quelles vont être les
tendances là-dessus au Québec. Néanmoins, dans son peu de
temps de vécu, je pense que ça a fait la preuve d'un certain
dynamisme. Je pense qu'il y a des projets où il y a beaucoup de choses
qui émergent. C'est très catalyseur au niveau de
l'énergie, que ce soit entre l'industrie, je dirais davantage le
tourisme et la culture. D'ailleurs, on a des représentants, on a M.
Leroux qui est président de la Société de
développement touristique et M. Comtois qui est directeur
général de la Société de développement
culturel. Je pense
qu'on fait la preuve que ces milieux-là peuvent vivre ensemble.
Ils ont été rapprochés ensemble. Et, de toute
évidence, je pense que plus on les rapproche, plus il risque
d'émerger des points communs où ces gens-là se parlent, ou
que des efforts soient concertés souvent à l'intérieur de
projets qui seront déposés.
Mme Frulla-Hébert: J'aime beaucoup ça, toute cette
nouvelle approche. La municipalité de Sherbrooke, c'est une
municipalité qui est très très dynamique. Est-ce que vous
sentez, finalement, que les municipalités, en soi, se développent
en ce sens-là? Il y a eu beaucoup... On a eu l'époque où,
pour les municipalités, c'était de travailler un peu sur
soi-même, un peu fermé. Et là on sent une espèce
d'ouverture d'esprit sur beaucoup de choses. Est-ce que la contribution
municipale... Et le dynamisme municipal, j'imagine, dans un projet tel que
celui-ci, est capital?
M. Kirouac: Je ne suis pas dans les confidences du maire ou de
tous les maires participants. Il y a un peu deux volets à votre
question, que je peux comprendre. C'est: Est-ce que l'ensemble des intervenants
municipaux autour de la table voient dans ce projet-là quelque chose
où tout le monde retrouve son intérêt? Ou est-ce que, dans
le fond, chacune des municipalités, par rapport à ce qui se passe
sur son propre terrain... Parce que c'est quand même une activité
qui est un peu para ou complémentaire à ce qui se
développe dans le secteur municipal propre. C'est de l'argent neuf et ce
sont des sociétés autonomes, même si elles ont un chapeau
qui est municipal.
À la première option qui est: Est-ce qu'il est
évident que tous les projets sont faits pour essayer de maximiser
l'ensemble de l'Impact des intervenants autour de la table? c'est bien
évident que, quand il y a un projet, on essaye de voir jusqu'à
quel point chacun peut avoir des retombées dans son milieu ou essayer de
favoriser l'émergence de projets de cette nature.
Pour ce qui est maintenant de la deuxième option: Comment est-ce
qu'on regarde... Est-ce que l'enjeu, pour une municipalité qui a un
budget serré et qui contribue effectivement à cette
société-là, risque d'être un jour satisfait ou non?
je pense que c'est le temps qui va faire la preuve, Mme Hébert, de ce
choix-là. C'est encore tôt. Mais, à date, je pense qu'il
n'y a pas eu de bombe dans les journaux qui fasse qu'il y ait des choix qui
soient faits dans les projets qui ont été
présentés, ou des critiques qui aillent complètement
à rencontre du développement des sociétés, par
exemple.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la
ministre. M. le député de Shefford, je présume. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: On ne va pas se chicaner. Je vais vous en poser une
petite vite et mon collègue prendra tout le temps, puisqu'il est
impliqué dans cette région-là. La question est globale.
Vous avez forcément lu le rapport Arpln, sinon vous ne seriez pas ici.
Comment vous retrouvez-vous, comme région, à l'Intérieur
du contenu du rapport Arpin?
M. Kirouac: D'abord, il ne faudrait pas oublier qu'on est une
région où, naturellement, on a... On a voulu venir
présenter notre mémoire parce que de présenter, sur un
plan économique, l'activité culturelle dans la région,
c'est important.
M. Boulerice: Mais sentez-vous...
M. Kirouac: Chez nous, c'est considéré... Ça
a un statut d'entreprise avec une certaine parité au même titre
que l'industrie et le tourisme.
M. Boulerice: Ça, je n'en doute pas. Les chiffres que vous
citez sont éloquents, on ne peut plus. Mais est-ce que, dans le rapport
Arpin, il y a une traduction de l'importance de la culture dans les
réglons telle que, vous, vous nous la présentez? Avez-vous lu
ça dans le rapport Arpin, vous? SI oui, dites-moi à quelle page
et à quel paragraphe. (22 heures)
M. Thibeault: Dans le rapport Arpln, le modèle conceptuel,
au départ, qui est proposé, c'est d'identifier trois
régions au Québec, à savoir Montréal, Québec
et le reste.
M. Boulerice: Le reste, oui. Ha, ha, ha!
M. Thibeault: II est bien évident qu'étant issus
d'une firme qui se développe sur une base régionale avec une
quarantaine de bureaux on ne peut pas prétendre que la
problématique et la dynamique des différentes régions au
Québec définies dans "le reste" au niveau du rapport soient les
mêmes. C'est évident.
M. Boulerice: Et pauvre. Se faire traiter "de reste" au
départ, comme on dit en bon québécois, c'est le "boutte du
boutte". Et, si vous aviez à faire cette rédaction, c'est quoi le
développement régional? Oui, je sais que c'est des emplois, mais
est-ce que c'est un développement régional de réception
seulement ou un développement régional culturel ou de production,
de création?
M. Kirouac: Tous les mots qui finissent en "Ion".
M. Boulerice: Oui, mais c'est un peu le rapport. Il est parti en
lion, mais là iI est en train de finir en mouton.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Thibeault: Les activités, que ce soit la
création, la production ou la diffusion, sont des activités qui
sont très dynamiques dans une région comme l'Estrle ou le
Sherbrooke grande région. Dans le rapport, évidemment, lorsqu'il
est mentionné qu'il y a des activités culturelles en
région qui sont des situations souvent pénibles au niveau de leur
contenu, c'est le genre d'allusions qui, sans en douter, sans être expert
au niveau culturel, blessent les gens du secteur culturel. Ça, c'est
évident. Parce qu'il y a quand même un contenu très
intéressant aussi au niveau de la création, la production et la
diffusion culturelle dans les régions.
M. Boulerice: D'accord.
Le Président (M. Gobé): Alors, monsieur...
M. Boulerice: Pour ne pas me faire un ennemi de mon
collègue, je vais...
Le Président (M. Gobé): II mourait d'impatience de
poser une question. Il m'avait fait signe. M. le député de
Shefford, vous avez maintenant la parole pour une dizaine de minutes à
peu près.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je vais
revenir à la page 15 de votre mémoire où on parle
effectivement de la Société de développement
économique de la région de Sherbrooke. Vous en parlez comme un
nouveau modèle d'intervention municipale. Je dois dire que je trouve que
c'est un geste avant-gardiste, mais je veux juste le comprendre
correctement.
Vous dites que ce sont sept municipalités de la région de
Sherbrooke. Je suppose qu'il doit s'agir des sept municipalités les plus
proches. Est-ce que ce serait... Ça ne doit pas se rendre à Magog
ou à Lennoxville? C'est quoi? Ce sont les six municipalités en
périphérie de Sherbrooke?
M. Thibeault: Oui, c'est la grande région de Sherbrooke.
Ce sont les municipalités de Lennoxville, Ascot, Bromptonville, Rock
Forest, Fleuri-mont.
M. Paré: Ahl On se rend à Lennoxville. M.
Thibeault: Oui.
M. Kirouac: Si vous permettez, pour représenter le
modèle, on a des personnes vivantes qui peuvent expliquer c'est quoi les
structures du modèle. On a un président puis un directeur
général de ces sociétés.
M. Paré: Oui, j'aimerais ça, parce que,
effectivement, je veux voir si...
M. Kirouac: Peut-être les inviter en même temps
autour de la table.
Le Président (M. Gobé): S'il y a d'autres personnes
qui prennent place autour de cette table, j'aimerais ça que vous vous
identifiiez en arrivant. Peut-être nous les présenter.
M. Kirouac: M. Gaston Leroux, qui est président de la
Société de développement touristique du Sherbrooke
métropolitain, les sociétés dont on parle, et M. Georges
Comtois, qui est directeur général de la Société de
développement culturel.
Le Président (M. Gobé): MM. Leroux et Comtois,
bienvenue à cette table. Et lorsque vous serez interpellés, vous
serez autorisés à répondre.
M. Paré: Je vais poser ma question autrement en vous
demandant, ensuite de ça, de me donner l'explication. De plus en plus,
il est question, au Québec, qu'il y ait des regroupements au niveau ou
des MRC ou de différentes villes qui ont chacun leur commissariat
industriel ou leur centre de coordination économique, peu importe
comment on les appelle. Mais, très souvent, deux villes voisines, qui
vont avoir des services en termes de développement, vont même
compétitionner. O.K? Soit dans les déplacements à travers
le Québec, à l'extérieur du pays, à
l'extérieur du continent pour amener du développement dans leur
région.
Si je comprends bien, chez vous, vous avez décidé
plutôt de mettre en commun, finalement, et votre argent et votre
personnel, et ne pas "duplicater", mais plutôt multiplier vos efforts en
ayant une concertation. Est-ce que je comprends bien? Ce qui s'est fait en
1990, il existait déjà, peut-être pas dans les sept
municipalités, mais plus qu'un commissariat industriel ou un centre de
coordination économique et vous avez décidé d'une fusion
des services de sept municipalités qui se donnent en commun un centre,
une société de développement économique et qui
ramasse et le personnel, peut-être pas au complet, puis peut-être
plus, et les budgets de l'ensemble des municipalités pour se donner une
force plus grande. Est-ce que j'ai bien compris que c'est ça qui est
arrivé? Et, si oui, est-ce que c'était dans un but
d'efficacité ou si c'était dans un but d'économie?
M. Leroux (Gaston): Écoutez, si on peut parler de la
naissance des sociétés de développement...
Le Président (M. Gobé): M. Leroux, vous avez la
parole.
M. Leroux: Merci. Depuis déjà - Paul faisait
allusion à 24 mois - 24 mois, il se faisait une réflexion,
à partir de la ville de Sherbrooke, sur
tout le développement économique industriel, culturel,
touristique, via les gens d'affaires, via les milieux socio-économiques
et via les organismes culturels.
Étant donné la synergie des sept municipalités dont
vous mentionnez le nom, la synergie, des gens travaillent à Sherbrooke
et demeurent à Lennox, des gens travaillent à Lennox et demeurent
à Ascot; bon, effectivement, cette espèce de synergie et cette
proximité économique dans différents secteurs ont
amené les gens à se rapprocher au niveau de la réflexion
d'un développement intégré sur un territoire
géographique très bien ciblé, en termes de synergie, au
niveau dont je viens de vous parler, sur le plan culturel, sur le plan
industriel et sur le pian touristique. L'objectif était
d'intégrer le développement économique, ces trois secteurs
étant identifiés comme étant des secteurs à
développement par osmose, où les uns et les autres pouvaient
intégrer les efforts de développement en y injectant des sommes
d'argent, en créant de l'emploi et, surtout, en faisant coexister et
arrimer des stratégies de développement. Ces
soclétés-fà ont eu l'accord très rapidement, pour
leur naissance, des sept municipalités en question qui ont
décidé d'y injecter 5 000 000 $ pour les trois prochaines
années; 5 000 000 $ d'argent qui représentent 1,5 % des budgets
de chaque municipalité en question.
Dans les stratégies de développement
intégré, et c'est peut-être ce qui nous lie davantage avec
l'étude d'impact économique - et je laisserai Georges parler de
ce développement d'impact économique culturel qui vient de la
ville de Sherbrooke et qui a été porté à
l'attention de ce territoire - il reste qu'on a voulu prendre ces sommes
d'argent en termes de millions et essayer de les rendre plus efficaces, pas
pour économiser, comme objectif, les dépenses, mais rendre ce qui
était disponible comme argent le plus efficace possible en arrimant et
en faisant une stratégie très très serrée de ces
trois secteurs. Ce qui fait que les stratégies que les
sociétés ont développées, ont été
développées par osmose. Les plans d'action et les
stratégies mis de l'avant en société de
développement touristique sont connus et travaillés en
collaboration directe avec les plans et les stratégies de la
Société de développement culturel, de même en osmose
avec la Société de développement industriel. De telle
sorte que nous sommes, par exemple, sur le plan touristique, dans une approche
d'un tourisme pluriel sur 12 mois qui, c'est évident, est un tourisme
d'affaires, un tourisme de vacances, un tourisme de culture, un tourisme
d'activités religieuses, un tourisme de sports et on a
développé, dans nos stratégies, un appui direct en
arrière des stratégies de la Société de
développement culturel qui, elle, a identifié l'ensemble de ses
produits à offrir et nous, on a développé notre
stratégie d'offre dans le marché en visant nos clientèles
cibles, en disant:
D'abord, on va consolider nos produits existants sur le plan culturel.
Alors, on peut parier Ici, et le rapport Malette le mentionne, de nos
compagnies de théâtre, puisqu'il s'agit de la culture, nos
compagnies de théâtre pour l'enfance et la jeunesse que nous
avons. Mme Frulla-Hébert a conclu une entente d'un plan triennal avec le
Théâtre du Sang Neuf récemment, qui a une diffusion pour la
jeunesse et qui a un rayonnement non seulement provincial, mais dans la
francophonie canadienne, et nous avons des compagnies de danse. Nous avons des
compagnies d'orchestre symphonique. Nous avons des chorales de première
importance. Nous avons, sur le plan culturel, sur les arts visuels,
énormément d'artistes dans l'écriture, etc.
Et ce qu'on a voulu faire, c'est d'abord consolider en région nos
acquis et notre développement, et s'assurer que nous étions un
investissement dans une vitalité culturelle et touristique en
région. Et ça, c'est tout le débat de nos artistes qui
partent à tout bout de champ parce qu'ils n'ont pas d'emplois chez nous
et qui s'en vont vers les grands centres. C'est tout le combat des
régions qu'on a voulu essayer de contrer par l'investissement, toujours
dans des programmes qui faisaient en sorte qu'on n'était jamais capable
de vraiment consolider notre investissement. On a voulu faire avec ces
sociétés et ces investissements une capacité de nous
développer économiquement et sur le plan culturel et sur le plan
de l'Industrie et sur le plan du tourisme, en créant des emplois, en
gardant nos artistes et en essayant de développer au maximum les
capacités et les potentiels.
C'est ça les outils qu'on a mis sur pied et c'est les objectifs
qu'on tente d'atteindre. Et, déjà, on est dans le premier tour de
cadran des sociétés. On n'a pas 12 mois de faits, mais on a
déjà des réalisations à notre actif, ce qui fait
qu'on a soulevé la question de l'Orchestre mondial des jeunes. On parle
de plusieurs projets sur le plan culturel où on va appuyer des
organisations qui souvent sont bénévoles. On va les appuyer avec
de l'argent et des stratégies pour que ça devienne des
entreprises économiques, mais aussi que ça demeure
fondamentalement la possibilité, pour des créateurs, ceux qui
investissent dans l'écriture, dans le théâtre, dans la
musique, de se développer, d'avoir un emploi et de vivre en
région.
Et, là-dessus, je laisserai Georges parler de ces
témoignages de la Société de développement culturel
dans cette même dynamique.
Le Président (M. Gobé): En vous rappelant qu'il
reste à peu près trois minutes pour la fin de l'Intervention.
M. Comtol» (Georges): Nous, à la
Société de développement culturel, évidemment, on
est à une pointe de ce type de développement là. On vient
s'ajouter à des structures qui existent déjà. C'est
important de le comprendre. C'est-à-dire qu'à la ville de
Sherbrooke, il y a déjà une politique de développement
culturel, II y a déjà une politique de soutien des
activités qui sont de type d'intégration, d'assimilation de
valeurs culturelles, une pratique à la base. Notre intervention, comme
société, vient surtout appuyer des organismes qui tendent
à être des organisations professionnelles et des entreprises.
Il est important d'ajouter, donc, que notre niveau d'intervention ne
vient pas remplacer une autre intervention. Au contraire, elle vient la
compléter. Nous désirons, en tant que société,
consolider une certaine forme d'offre culturelle en mettant en valeur ce que
l'on pourrait appeler la personnalité culturelle de la région
sherbroo-koise, en se fiant sur ce qui se fait dans le milieu, notamment dans
le secteur de la musique, où il y a un orchestre symphonique depuis 53
ans, un orchestre des jeunes, un orchestre de chambre. Nous voulons consolider
ce type de développement là en favorisant une émulation
via, notamment, la résidence d'été de l'Orchestre mondial,
qui est. un produit de première qualité.
Nous pouvons également tabler sur un patrimoine relativement
particulier au Québec, du fait de l'origine de la région
sherbrookoise, qui a ses antécédents loyalistes, où
ça transparaît encore dans tout le tissu urbain, dans
l'architecture urbaine. Nous pouvons également consolider sur des
valeurs en termes d'arts vivants, le théâtre, les arts
visuels.
Nous sommes donc là pour assister ces intervenants qui ont une
approche de plus en plus professionnelle, et les amener à avoir une
approche peut-être de plus en plus entrepreneu-riale.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. M.
le député de Shefford, je pense que vous avez terminé. M.
le député de... Oui, en terminant peut-être...
M. Paré: Oui, en terminant.
Le Président (M. Gobé): En conclusion.
M. Paré: En conclusion. Vous avez répondu à
ma question. Je suis heureux de voir que ça s'ajoute effectivement, et
c'est ce que je voulais, voir comment on pouvait... Parce que, habituellement,
on retrouve industrie, commerce et tourisme, alors que, vous autres, on
retrouve industrie, tourisme et culture. Et je dois vous dire que je trouve
ça très avant-gardlste et très intéressant. Et
ça vous permet probablement déjà de commencer ce qu'on
retrouve dans le rapport, l'interrégionalisation aussi. Il y a
Montréal, Québec, les réglons, mais, quand on dit qu'il
faut faire des échanges, c'est des échanges entre les
régions aussi. Et, quand vous nommez des troupes, il y a des noms que je
m'imagine tout de suite et qui, je le sais, viennent se présenter
à Granby. ALors je trouve que c'est un bon début.
Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le
député. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oh, je pense que d'ajouter à ce que mon
collègue dit serait superflu. Je pense que quand on
réécrira, enfin, quand on écrira, puisque j'estime qu'elle
n'est pas là, la partie régions, dans le rapport Arpin pour une
politique culturelle, je pense qu'on devra s'inspirer de ce que les gens de
l'Estrie viennent de nous démontrer. Ça donnera probablement du
contenu là où, malheureusement, il y en a très peu,
à mon point de vue.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député. Sur ces bonnes paroles, je vais maintenant laisser Mme la
ministre conclure cette journée.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci. Je vous
remercie aussi pour le complément d'information. Effectivement, je pense
que c'est une façon très innovatrice de voir les choses. C'est
pour ça que je demande toujours: Est-ce que c'est contagieux? Parce
qu'il faut que ce soit contagieux. Alors, ceci dit, merci. On a eu une grande
discussion au niveau des régions. Je tiens juste à dire que
c'était quand même un de vos représentants qui
représentait les régions. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, Mme
la ministre. Messieurs, merci d'être venus à cette
heure-là, un peu tardive, à cette commission. Alors, je vais
maintenant ajourner les travaux à demain, 9 h 30, en cette salle. La
commission est maintenant ajournée. Bonne soirée à tout le
monde.
(Fin de la séance à 22 h 16)