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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 2 octobre 1991 - Vol. 31 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Doyon): A l'ordre, s'il vous plaît! On était déjà dans l'ordre, ce qui facilite la tâche du président. Nous avons quorum, donc la séance est ouverte. Le mandat de la commission est déjà connu: il s'agit de procéder à la consultation sur le rapport du groupe de travail sur la culture de façon à dégager les grandes lignes de ce qui sera éventuellement une politique de la culture. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. L'ordre du Jour a été distribué à tous les parlementaires. Vous m'exempterez d'en faire la lecture pour sauver un peu de temps. Le partage du temps est le même qu'hier. Nous allons donc procéder dès maintenant à l'audition du premier groupe. Il s'agit de la Bibliothèque nationale du Québec qui est représentée par M. Sauvageau que je vois ici, devant nous - bonjour, M. Sauvageau - et par M. Théoret - bonjour M. Théoret. Alors, il faut tout simplement vous présenter pour les fins du Journal des débats. Vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire votre présentation. Si vous voulez abréger les bravos, ça laissera plus de temps pour les discussions. Le reste du temps va être séparé également entre les deux formations politiques qui vont engager le dialogue avec vous pour vous poser certaines questions, demander certaines explications et éclaircissements. Vous avez donc la parole.

Bibliothèque nationale du Québec

M. Sauvageau (Philippe): Merci, M. le Président. Alors, suite à la publication du rapport Arpin, la Bibliothèque nationale est très heureuse de pouvoir se faire entendre et de faire ses commentaires sur le rapport. En premier lieu, II nous plaît de mentionner que, dans l'ensemble, nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit et plusieurs orientations suggérées et contenues dans le rapport Arpin. il faut cependant constater que la thématique de la lecture et son importance dans le développement culturel est quelque peu absente du rapport Arpin, à notre avis. Pour nous, la langue prend une importance capitale dans la société nord-américaine et, conséquemment, l'écriture est une condition fondamentale à l'expression et à la transmission de la culture. L'écrit est le véhicule majeur du savoir. Pour nous, la lecture demeure une activité culturelle de base. Or, le rapport Arpin passe à peu près sous silence l'état et le devenir des institutions importantes qui diffusent la lecture, comme les bibliothèques publiques et la Bibliothèque nationale. On y fait cependant une exception lorsqu'on recommande "que l'État, dans son effort pour rendre la culture accessible à tous les Québécois, reconnaisse l'importance fondamentale du livre et de la lecture et qu'en conséquence, il consolide les politiques et les programmes actuels." C'est la seule recommandation qui touche spécifiquement le domaine de la lecture.

Pour nous, il est absolument essentiel, par ailleurs, que l'État assure et assume un leadership dans le champ de l'activité culturelle sans pour autant se substituer aux organismes. Pour nous, il est rentable et efficace de développer des partenariats entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu culturel, tout comme ça se fait dans le domaine du patrimoine bâti.

Alors, pour nous, nous n'avons pas l'impression que le rapport Arpin remet à l'État des mécanismes qui assureraient une sorte de dirigisme étatique sur la culture. Au contraire, pour nous, le rapport Arpin place le leadership de l'État dans le domaine culturel au bon endroit et lui procure certains mécanismes susceptibles de lui faciliter ce rôle, entre autres l'Observatoire culturel qui, à notre avis, est une institution tout à fait importante, que ce soit assumé par l'Institut québécois de recherche sur la culture ou un organisme qui s'appelle l'Observatoire culturel.

Nous sommes d'accord aussi pour que l'État accorde une importance majeure au patrimoine culturel, mais nous souhaiterions que le patrimoine publié fasse l'objet d'une attention particulière pour sa conservation et sa diffusion. Nous sommes d'accord aussi avec le rapport Arpin concernant les commentaires formulés sur Québec, ville-capitale, sur Montréal, pôle culturel, et sur l'importance que les régions ne soient pas oubliées au niveau de l'accès aux produits culturels.

Nous sommes aussi d'accord lorsqu'il recommande que le Québec contrôle ses mécanismes de développement culturel et rapatrie ses champs d'intervention. Il faut cependant admettre qu'un tel rapatriement entraîne peut-être certains dangers pour le milieu culturel. Qui, du Conseil du trésor ou du ministère des Affaires culturelles, rapatriera les sommes d'argent récupérées, s'il y a lieu?

La BNQ, quant à elle, est une institution responsable de la conservation d'une partie, pour le moment, du patrimoine québécois publié et de sa mise en valeur. Elle devrait assumer un

leadership au sein des institutions documentaires en région et à Montréal. En ce sens, elle pourrait être un partenaire privilégié au niveau du développement culturel pour le ministère des Affaires culturelles.

Elle devrait aussi sensibiliser les jeunes à la création littéraire du Québec. Elle devrait développer des stratégies de conservation des documents. La situation actuelle rend impossibles de tels objectifs. Elle a besoin de regrouper ses collections, d'avoir un espace de conservation et une chambre de désacidification, de disposer de salles de lecture fonctionnelles pour ses usagers et, en somme, elle a besoin d'un espace pour lui permettre de jouer véritablement son rôle. À cet égard, je souligne l'écrit que l'on retrouve à la page 68 du rapport Arpin, mais qui n'est pas dans ses recommandations, et je cite: "Des investissements importants ont été consentis ces dernières années pour doter les institutions nationales d'équipements adéquats leur permettant de bien exécuter leur mandat respectif et d'accroître leur rayonnement au Québec et à l'extérieur. Seule la Bibliothèque nationale demeure en attente d'une décision de développement et de relocalisation qui lui permettra de jouer véritablement son rôle. Le temps semble venu de passer à l'étape de réalisation de ce projet et de terminer ainsi le réseau des institutions nationales." Fin de la citation.

En somme, la Bibliothèque nationale du Québec adhère dans l'ensemble à la proposition de politique de la culture et des arts préparée par le groupe-conseil, sous la présidence de M. Roland Arpin. La Bibliothèque nationale a choisi d'insister sur l'importance de la lecture dans tout développement culturel, réalité qu'aucun pays ne conteste par ailleurs. Elle attire l'attention du gouvernement sur l'intérêt stratégique de réaliser le projet de construction de la Bibliothèque nationale du Québec, véritable clé de voûte du réseau et du patrimoine publié. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci. Mme la ministre, peut-être, si vous avez des questions ou des explications à demander.

Mme Frulla-Hébert: D'abord, il me fait plaisir d'accueillir M. Sauvageau et M. Théoret. Oui, j'aurais quelques questions. La première, vous avez situé dans votre mémoire la place de la Bibliothèque nationale à Montréal. Effectivement, on va rencontrer d'autres groupes aujourd'hui qui vont peut-être nous suggérer autre chose, alors j'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus. Pourquoi est-ce si important que la Bibliothèque soit située à Montréal versus Québec, par exemple?

M. Sauvageau: II est évident qu'en général les bibliothèques nationales se retrouvent dans la capitale du pays concerné. Aux États-Unis, la Bibliothèque nationale n'est pas à New York, elle est à Washington; au Canada, elle est à Ottawa et non à Toronto. Le fait que la Bibliothèque nationale du Québec soit à Montréal est une question tout à fait circonstancielle; je pense qu'elle est liée au don que les sulpiciens ont fait au gouvernement du Québec. Quels sont les avantages qu'elle soit dans un endroit ou dans un autre? Il est évident que le Bibliothèque nationale, compte tenu de son rôle documentaire, peut être un élément dynamique dans une ville comme Montréal et peut aussi être un élément qui, je dirais, s'inscrit dans les richesses touristiques qu'on peut retrouver, parce qu'on dit ici qu'on invite les touristes à visiter le patrimoine bâti, mais on peut aussi intéresser les touristes au patrimoine publié. Et on sait que Montréal, de ce côté-là, évidemment, attire beaucoup plus de gens qu'ailleurs, et il y a un bassin de population qui est plus important.

Alors, à la limite, la Bibliothèque nationale à Montréal peut desservir une clientèle potentiellement plus importante. Cependant, ses mécanismes d'intervention peuvent lui permettre de desservir les clientèles quel que soit l'endroit où elles se trouvent, de sorte que, la Bibliothèque nationale étant à Québec, il n'y aurait pas nécessairement une grande pénalité, sinon au niveau de la clientèle immédiatement desservie sur un territoire donné.

Alors, compte tenu du bassin de population, compte tenu des Institutions universitaires, compte tenu de l'attraction de Montréal sur le plan touristique, compte tenu du rôle que la Bibliothèque peut jouer dans ce milieu-là, il peut être préférable de la laisser à Montréal. Mais, cependant, elle serait à Québec et ce ne serait pas désastreux non plus.

Mme Frulla-Hébert: En fait, un peu dans le même ordre d'idées, il n'y a pas de doute que la lecture, finalement, c'est le fondement même de notre développement culturel et conserver le patrimoine publié, c'est conserver notre histoire, donc, ce domaine-là comporte une importance fondamentale pour nous, comme peuple en développement. Vous, comme institution nationale, est-ce que vous êtes capable, M. Sauvageau, de m'expliquer les liens que vous entretenez, par exemple, avec les bibliothèques universitaires, les bibliothèques publiques, les bibliothèques scolaires? Quel est le rôle que vous jouez? Et, dans une politique culturelle, quand on parle de développement... Vous parlez du développement de la lecture; on va toucher ensemble un petit peu les bibliothèques, peut-être juste pour dépasser un petit peu, mais je ne peux pas m'en empêcher. Mais pour l'Instant, là, quel est le rôle dont se voit dotée la Bibliothèque nationale?

M. Sauvageau: La question que vous posez suppose des réponses tout à fait techniques. Par exemple, la Bibliothèque nationale siège au niveau du sous-comité des bibliothèques de la

CREPUQ, c'est-à-dire que nous siégeons sur un comité qui regroupe l'ensemble des directeurs des bibliothèques universitaires du Québec. Nous avons énormément d'éléments ou de points de coopération. Exemple, nous travaillons avec des manuels qui sont souvent en anglais, comme la classification Dewey ou d'autres documents. Et la Bibliothèque nationale du Québec, en général, compte tenu de son expertise sur le plan humain, compte tenu de ses ressources documentaires aussi, est mandatée pour prendre le leadership de la traduction de ces documents qui servent à l'ensemble des bibliothèques au Québec. Une bibliothèque publique ou universitaire seule, en général, n'a pas les moyens et n'a pas les ressources humaines pour développer, pour traduire ces documents.

C'est la Bibliothèque nationale, par exemple, qui sert de leader au niveau des entrées de "catalographie", comme on l'appelle, par son fichier-auteur. Ce qui veut dire que partout où vous allez, normalement, au Québec, lorsque vous consultez le catalogue sur un auteur qui doit se trouver dans la bibliothèque, il faut que l'entrée soit au même endroit. C'est la Bibliothèque nationale qui, si vous voulez, définit à quel endroit on doit retrouver tel ou tel auteur, donc qui crée un fichier d'autorité pour l'ensemble des bibliothèques du Québec.

C'est aussi, normalement, la Bibliothèque nationale qui peut aider les institutions et qui représente, sur le plan international, l'attribution d'un numéro qu'on appelle ISBN, pour les éditeurs, les bibliothèques scolaires, publiques et universitaires, grâce auquel on peut accéder au document lorsque la bibliothèque est informatisée, par exemple. Lorsqu'une bibliothèque a un système informatisé, une personne peut ou pourrait demander si la bibliothèque possède tel document par ce numéro tout a fait technique qui s'appelle ISBN. Et ça, c'est attribué par une institution nationale qu'on appelle la Bibliothèque nationale, donc qui aide aussi par le fait même les autres bibliothèques.

Au niveau de la conservation des documents, il y a très peu de bibliothèques - et je pense qu'il n'y en a à peu près pas - qui ont la préoccupation de conserver les documents, d'abord à cause des coûts et à cause des mandats, surtout. C'est un mandat exclusif, normalement, à une bibliothèque nationale, donc c'est un service qu'elle rend, la conservation des documents. C'est un service qu'elle peut rendre à l'ensemble des institutions bibliothéconomiques ou documentaires sur le territoire du Québec. Parce que dans les différentes régions on veut aussi, dans certains cas, conserver les documents qui concernent la région et, là, la Bibliothèque nationale peut aider.

Elle aide aussi les autres bibliothèques par l'expertise sur le plan bibliothéconomique, enfin, de haut niveau. C'est souvent cette institution-là ou son personnel qui siège sur les comités pour rétablissement de normes. C'est la Bibliothèque nationale qui établit et définit les normes "catalographiques" qui sont en vigueur un petit peu partout.

Sur le plan tout à fait matériel, à partir du moment où la bibliothèque est bien structurée, elle peut entraîner et générer de fortes économies dans le sens que chaque bibliothèque est obligée de prêter les documents québécois qu'elle achète et, à ce moment-là, le traitement technique coûte très cher dans une bibliothèque; c'est-à-dire que le service au public est une chose mais il faut cataloguer et traiter, et là c'est assez coûteux. Il y a beaucoup d'employés ou de personnes qui travaillent à ça, ce qui fait que la Bibliothèque nationale ayant un traitement d'autorité, un traitement valable et de très bonne qualité, de haut niveau, ce traitement-là peut être distribué, peut être utilisé par l'ensemble des bibliothèques, ce qui évite à ces bibliothèques, si vous voulez, d'investir dans ce domaine-là aussi.

Mme Frulla-Hébert: Bon parfait, M. Sauva-geau, ça va. Je vous écoute et, compte tenu du rôle de conservation du patrimoine publié québécois, la question automatique qui nous vient à l'esprit, évidemment, c'est: Quelle est la différence entre votre rôle au niveau du patrimoine publié québécois et celui de la Bibliothèque nationale du Canada? Est-ce qu'il y a duplication?

M. Sauvageau: II y a effectivement une duplication. Notre rôle est absolument le même, à quelques exceptions près, c'est-à-dire qu'ils ont exactement le même mandat que nous de conserver et de diffuser le patrimoine canadien, incluant tous les documents publiés au Québec. La distinction majeure, c'est un détail, c'est que la Bibliothèque nationale a confié aux provinces le soin de conserver les journaux, la Bibliothèque nationale ne conservant que les microfilms des journaux. Ce qui fait que, chez nous, à la Bibliothèque nationale du Québec, nous conservons les journaux dans leur intégralité et, dans d'autres provinces, ce sont parfois des universités qui font ce travail-là. Sinon, les mandats, les rôles sont exactement identiques. C'est un double emploi, tant au niveau du travail que nous faisons qu'au niveau, aussi, des partenaires, c'est-à-dire des éditeurs qui déposent deux copies de leurs publications à deux endroits différents, la Bibliothèque nationale du Canada et la Bibliothèque nationale du Québec, avec tous les formulaires que ça suppose.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau des éditeurs, évidemment, on parle de livres d'art, par exemple, de livres de très grande valeur qu'ils doivent déposer et chez vous et à la Bibliothèque nationale du Canada. Pour eux, disons que ça représente quand même un certain avantage.

Mais, à part ça, pourquoi cette duplication? Si on parle justement d'un juste partage des pouvoirs, ayant en tête une volonté de non-duplication... enfin, c'est ce qu'on reçoit d'Ottawa, c'est ce qu'on dit. Est-ce que c'est possible, finalement, en plus de l'objectif global de maîtriser le développement de notre culture ici - comme société, on ne peut plus se permettre cette duplication-là - est-ce qu'on peut éviter cette duplication-là dans différents domaines? Chez vous, comment ça serait faisable?

M. Sauvageau: On pourrait éviter cette duplication dans la mesure où la Bibliothèque nationale du Canada confie à la Bibliothèque nationale du Québec le rôle qu'elle joue déjà, c'est-à-dire qu'elle admette que la Bibliothèque nationale du Québec joue déjà le rôle de conservation et de diffusion du patrimoine documentaire publié au Québec, ce qui ne se fait pas pour les autres provinces, cependant. Dans les autres provinces, il n'y a pas de duplication, c'est le Canada qui le fait pour l'ensemble des autres provinces. Le Québec est le seul endroit où il y à une Bibliothèque nationale. Donc, dans la mesure où nous faisons la même chose, il y a un endroit où ça pourrait ne pas être fait.

Le Canada pourrait prendre l'hypothèse suivante. Il pourrait dire: Vous devriez fermer la Bibliothèque nationale du Québec puisque nous le faisons déjà. À l'inverse, nous pouvons dire à la Bibliothèque nationale du Canada: Tout ce qui concerne le Québec, laissez donc tomber, nous nous en occupons. Et, évidemment, ça coûte un certain montant d'argent pour nous aussi. Le budget d'opération de la Bibliothèque nationale du Canada est de 40 000 000 $ plus d'autres budgets pour des fins particulières. Si on rapatrie... C'est-à-dire que, s'il y a 25 % consacrés aux documents publiés au Québec, c'est autant d'argent qui ne serait pas dépensé, qui serait dépensé différemment ou qui serait rapatrié, si vous voulez, s'il y avait un seul endroit où ça se ferait et où le dépôt légal et la conservation de documents se feraient.

C'est évident que c'est un cas où il y a nettement un double emploi. Ce n'est pas tout à fait la même problématique que des dossiers d'artistes où il y a des doubles de subventions. Là, il y a dédoublement technique. Il y a deux institutions qui font exactement la même chose. Au Québec, nous faisons un peu plus parce que le Canada s'est délesté de certains dossiers, très peu, cependant, comme par exemple la conservation des journaux dans leur intégralité.

Mme Frulla-Hébert: II me reste quand même un petit peu de temps; je veux déborder sur un mandat peut-être un peu plus élargi. Vous parlez de la place de la lecture comme étant, évidemment, un des facteurs les plus importants. Je sais que vous êtes ici justement à titre de président- directeur général de la Bibliothèque nationale, mais j'aimerais vous demander une question quand même parce qu'il y a des groupes qui s'en viennent et on va en discuter aussi.

M. Sauvageau, vous siégez, comme vous dites, vous avez une Interrelation avec les bibliothèques publiques et scolaires. On a implanté énormément de bibliothèques. On a essayé de créer un réseau. Les bibliothèques que l'on bâtit maintenant, que l'on construit sont aussi des centres sociaux culturels. Il y a eu tout le phénomène des BCP. En termes de bibliothèques, il y avait un rapport à un moment donné, la semaine dernière dans Le Devoir; le portrait était très noir au niveau des bibliothèques au Québec. Vous avez le rapport Sauvageau; selon vous, est-ce qu'on est si mal pris que ça en termes de bibliothèques au Québec?

M. Sauvageau: La réponse, malheureusement...

Mme Frulla-Hébert: Compte tenu d'où on partait. Mais il faut le savoir. C'est pour mettre ça sur la table. Est-ce que la vision est si noire? (10 heures)

M. Sauvageau: C'est-à-dire que, par rapport à la situation qui date des premières bibliothèques en 1960, la situation s'est nettement et grandement améliorée, il n'y a aucun doute, en termes d'équipement, en termes de collections et, d'ailleurs, en termes d'investissements des municipalités. La situation s'est améliorée pour différentes raisons. Le gouvernement est intervenu à plusieurs reprises par des programmes incitatifs, sauf que nous avions dans ce domaine un retard énorme à reprendre. Je ne sais pas si c'est à cause des mentalités mais nous avons un retard énorme à reprendre par rapport, par exemple, aux provinces anglophones, si l'on compare, et encore plus si l'on compare aux pays assez évolués sur le plan culturel tels les pays Scandinaves ou encore l'Angleterre et d'autres pays comme les États-Unis. Si nous nous comparons à ces endroits-là, nous avons un sous-développement des bibliothèques publiques, c'est évident. En termes de nombre, en termes de mètres carrés disponibles pour les usagers, en termes de collections de documents, en termes de budget, c'est énorme; en termes de personnel, c'est tragique. Alors, c'est évident que nous avons encore beaucoup de retard à reprendre.

Évidemment, on peut dire: Est-ce que le gouvernement ne fait pas assez et est-ce que les municipalités ne font pas assez? Il est évident que certaines municipalités ne consacrent pas les efforts qu'il faut à leur bibliothèque publique; ça, il n'y a aucun doute. C'est-à-dire que, que, pour beaucoup de municipalités, l'investissement qu'elles font dans le domaine des bibliothèques publiques est relativement mineur, est moins Important, si vous voulez, que dans

d'autres secteurs. Et, paradoxalement, les municipalités à prédominance anglophone accordent des budgets très élevés pour leurs bibliothèques. Je pense, si ma mémoire est bonne, que la municipalité qui accorde le montant d'argent le plus important, c'est la bibliothèque de Pointe-Claire, dans la région de Montréal. Les municipalités anglophones très importantes ont, en général, des bibliothèques bien articulées au niveau municipal.

Donc, les municipalités n'accordent peut-être pas tout l'intérêt qu'il faut. Pour moi, la lecture et la bibliothèque publique sont aussi Importantes que l'éducation et que les budgets que l'État accorde à l'éducation. C'est-à-dire que c'est la seule institution qui reste disponible lorsque les personnes ou les gens sortent des institutions d'enseignement. Et, comme ils sortent de plus en plus tôt, dans certains cas, c'est important qu'il y ait des institutions culturelles qui puissent continuer à les informer et à les former.

Alors, en disant que toutes les municipalités n'accordent pas l'importance qu'il faut, je dis aussi qu'il faut que le gouvernement attache d'autant plus une importance particulière à ce secteur, si on juge que ce secteur est important pour le développement culturel de la société québécoise. Le leadership de l'État en ce domaine est, à mon avis, absolument essentiel. Et ses politiques incitatives dans le domaine des bibliothèques c'est assez amusant, parce que c'est peut-être le secteur culturel où l'État a amené les municipalités, par ses politiques, à investir énormément dans un domaine culturel.

Le budget des municipalités, actuellement, pour les bibliothèques, se chiffre à quelque 96 000 000 $; c'est le tiers ou 30 %, quasiment, du budget de l'État. Les politiques incitatives que vous avez développées ont amené les municipalités aussi à investir beaucoup dans les bibliothèques. C'est un secteur de partenariat où vous pouvez voir que, plus vous avez Investi par des politiques directement incitatives - c'était relié à l'effort fiscal de la municipalité, la subvention - plus les municipalités ont suivi. Il y a très rarement d'autres Institutions où les municipalités se sont impliquées de cette façon-là, si on pense aux musées, si on pense aux structures d'accueil et à d'autres structures culturelles; ce qui fait que, en tout cas, dans le domaine des bibliothèques publiques, nous avons pensé que l'État agissait très bien en agissant de cette façon-là, en ayant de telles politiques Incitatives.

Dans le rapport qui a été publié sur les bibliothèques publiques et qui s'appelle d'ailleurs "Une responsabilité à partager", nous insistions sur l'importance pour l'État de conserver le leadership et de conserver ce leadership autant sur le plan financier que sur le plan professionnel, c'est-à-dire au niveau de l'émission de normes pour les bibliothèques, et ainsi de suite.

Mme Frulla-Hébert: Si on regarde en fonction des années quatre-vingt-dix, l'accessibilité est maintenant à 95 %. Effectivement, il y a encore du chemin à faire. Certaines municipalités aussi, préfèrent encore construire une caserne de pompiers qu'une bibliothèque; des fois, on se fait dire ça, mais de moins en moins. Qu'est-ce qu'il y a à faire? Il y a eu la Loi sur les bibliothèques publiques et je dois avouer que j'ai mis un frein parce qu'il fallait discuter à la table Québec-municipalités. Maintenant, on se souvient de tout l'an passé. On recommence les discussions cette année parce qu'il y avait, au niveau de la loi, certaines propositions et il fallait s'asseoir à la table avec les municipalités pour qu'ensemble, justement, on continue ce partenariat. Selon vous, accessibilité à 95 %, oui, mais qu'est-ce qu'il y a à faire maintenant? Est-ce que c'est travailler au niveau des collections? Est-ce que c'est travailler... Où faudrait-il mettre l'emphase?

M. Sauvageau: C'est en continuant à consolider les équipements culturels, c'est-à-dire les bâtisses, les bâtiments. Il y a des gens qui disent parfois: Ah! Investir dans des édifices c'est peut-être inutile. C'est qu'il y a des secteurs où c'est absolument essentiel, et un tas d'exemples pourraient le démontrer. Si on prend l'exemple de Québec, la ville, sa population est une des dernières populations qui fréquentait sa bibliothèque. La bibliothèque de la ville de Québec existait depuis plusieurs années. Elle disposait à l'époque de quelque chose comme 2000 mètres carrés. Elle venait au dernier rang pour l'utilisation de ses équipements de bibliothèque dans la province de Québec. Est-ce que c'est parce que les gens de Québec n'aimaient pas lire, n'avaient pas ce besoin, étaient illettrés ou quoi? Ce n'était pas le cas. C'est que les dispositions n'étaient pas - pourtant il y avait des succursales - les dispositions physiques n'étaient pas importantes.

À partir du moment où la ville a accepté d'investir dans ses équipements culturels, c'est-à-dire en construisant des bibliothèques adéquates, modernes et contemporaines, tout à coup, la même population a commencé à fréquenter cette institution et il y a 45 % ou 35 % de la population qui est devenue abonnée. Alors, c'est passé de 80 000 personnes qui entraient à 1 300 000. Le fait d'avoir mis des équipements adéquats, des bâtiments adéquats pour diffuser ce qu'on appelle la lecture et tout ce qui l'entoure a amené la population à y aller. Donc, il y a encore des municipalités où c'est un besoin, cet équipement. C'est-à-dire que l'équipement, les bâtiments qui sont disponibles pour la population sont insuffisants. C'est un besoin. À mon avis, il faut que le gouvernement continue à aider les municipalités qui construisent des bibliothèques.

Deuxièmement, évidemment, il y a les collections et le personnel. Et le personnel, là,

on parte du budget d'opération, c'est-à-dire qu'au niveau des bibliothèques le personnel professionnel et le personnel tout court est inférieur, par tête de population, à celui de la majorité des bibliothèques qui existent en Amérique du Nord, et inférieur de beaucoup. Donc, au niveau du personnel, et on parle du budget d'opération à ce moment-là, II y a des besoins criants.

Et ensuite, au niveau des collections, c'est évident que c'est la matière première de la bibliothèque, et, quand on parle de collections on sous-entend évidemment tous les supports. Maintenant, on parle du document publié, on parle donc de volumes, de disques, de vidéocassettes, on parle de l'ensemble de ce qu'on retrouve normalement dans une bibliothèque publique. Alors, évidemment, il y a un besoin assez important de ce côté-là aussi. C'est évident que c'est la matière première. Et les bibliothèques qui ont en général de bons équipements et qui entraînent beaucoup de population n'ont jamais assez de budget pour combler les collections qui pourraient répondre à la population, il y a trop de demande. Ça crée une demande telle que la bibliothèque ne peut plus suivre. Il sort un volume, par exemple, québécois ou autre, un "best seller"; dans chaque bibliothèque d'un réseau, il peut y avoir 80 ou 90 demandes dès la première semaine. C'est impossible de répondre à la demande, ce qui fait que les collections deviennent prioritaires à ce moment-là.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, la dernière question. Vous avez abordé le fait du rapatriement de pouvoirs en émettant aussi certaines réserves, c'est-à-dire cette crainte, qui est aussi justifiée il faut le dire, des milieux qui, justement, ont peur d'avoir une diminution en termes de financement versus une augmentation due à un financement peut-être un peu mieux planifié. Est-ce que c'est si important quand vous parlez de rapatriement des pouvoirs? Selon vous et selon votre expérience, est-ce qu'il y a une façon? Vous parlez de dédoublement direct entre vos services et ceux de la Bibliothèque nationale. Ça, c'est un cas où le peuple, qu'il soit québécois ou canadien, paie pour des personnes...

M. Sauvageau: Deux services.

Mme Frulla-Hébert: ...de l'administration qui font deux mêmes choses à la fois. J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu votre pensée.

M. Sauvageau: Sur le danger... La question c'est le danger de rapatrier?

Mme Frulla-Hébert: Soit sur le danger... Mais vous dites que c'est important de rapatrier...

M. Sauvageau: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...finalement, tous les pouvoirs ici au Québec, là. Vous mettez un bémol mais vous dites que c'est Important. Alors...

M. Sauvageau: C'est Important oui, sauf que, comme vous le dites, dans le cas de la Bibliothèque nationale c'est évident qu'il y a un dédoublement. Donc, II y aurait une économie majeure à faire. Dans d'autres cas - je pense aux craintes soulevées par les cinéastes - il est Important aussi que ce soit le ministère des Affaires culturelles qui soit le maître d'oeuvre et ait le leadership du développement culturel au Québec. C'est évident que lorsqu'on connaît les mécanismes gouvernementaux - je pense que ce que je dis, ça vaut aussi pour d'autres ministères comme l'Éducation - c'est évident que le Conseil du trésor est très présent dans les dossiers. Et, souvent, le ministère pourrait avoir un développement culturel précis, sauf que ses orientations, ses développements sont freinés ou sont, je dirais, troublés par des directives du Conseil du trésor qui, lui, a une autre préoccupation qui est d'économiser et de faire en sorte que les budgets s'équilibrent à la fin de l'année, compte tenu des revenus et des dépenses.

Alors, c'est évident que lorsqu'on dit: On rapatrie quelque chose et que... On a une expression. Souvent, on dit: Ça va au fonds consolidé. Enfin, ça veut dire que ça disparaît un peu partout dans le gouvernement. C'est évident que la personne qui bénéficie... Il y a des programmes en cours actuellement. Je pense à celui de prêts publics, par exemple, où les écrivains québécois reçoivent une subvention pour le prêt de leurs ouvrages dans les bibliothèques au Québec, qui est géré par le fédéral et dont le budget est de 5 000 000 $. C'est évident que, demain matin, si on dit que ce programme-là sera dorénavant géré par le Québec, il faudrait que les écrivains qui reçoivent déjà ces subventions pour le prêt de leurs ouvrages dans les bibliothèques continuent à recevoir ces mêmes subventions, même si le programme est géré par le Québec. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on admet l'hypothèse qu'ils sont pénalisés au départ, en disant: L'argent qu'on récupère, on met ça ailleurs ou ça ne sert pas nécessairement à ce programme-là... Je veux dire qu'on peut améliorer un programme.

Je ne veux pas dire nécessairement qu'il faut tout reprendre, sauf que les sommes d'argent disponibles compte tenu du fait que, sur le plan culturel, les sommes sont relativement minimes par rapport aux besoins, et surtout dans un contexte où, en tout cas, à mon avis, le développement culturel dans un endroit comme le Québec est d'autant plus Important que nous sommes une société un peu microscopique par rapport à l'ensemble nord-américain, II faudrait qu'il y ait... Je ne sais pas de quelle façon ça pourrait s'articuler, mais qu'on rassure les gens et qu'on dise: On veut bien rapatrier, c'est sûr,

mais c'est pour un mieux-être du développement culturel à long terme et à moyen terme.

Le Président (M. Doyon): M. Sauvageau, ceci termine le temps qui était à la disposition de l'équipe ministérielle. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. M. Sauvageau, nous nous devions d'avoir un compatriote à vous et un lettré quand il s'agit de s'adresser à fa Bibliothèque nationale! Je fais allusion, vous le comprenez, à mon collègue le député de Mercier...

Une voix: Né à Trois-Rivières.

M. Boulerice: M. Sauvageau, je pense que - et ce n'est pas par flatterie; de toute façon, on ne s'attendait pas à moins - je pense que c'est un modèle de mémoire. Je vous le dis. C'est très clair dans ce que vous voulez faire. C'est très clair dans le rôle que vous voulez jouer à l'intérieur d'une politique culturelle et, moi, je souscris sans aucune réserve aux orientations de votre mémoire parce que je crois effectivement que la Bibliothèque nationale - entre parenthèses, d'ailleurs, je pense que vous avez bien saisi toute la dimension que peut avoir le mot "nationale" d'accolé à la Bibliothèque -donc, je pense que vous devez avoir les moyens d'assumer ce mandat de gardien de la mémoire collective québécoise et de sa production littéraire. Vous avez d'ailleurs un mandat qui est incontournable au chapitre de la conservation, de la diffusion de la culture québécoise comme composante du réseau des institutions nationales.

Et, certes, la Bibliothèque nationale est située à Montréal. Elle est située dans un quartier que je connais bien. Je n'y ferai pas allusion de peur d'agacer certains de mes collègues, mais par contre, vous avez... et, ça, contrairement, malheureusement, au rapport Arpin - et c'est là que je me rattache quand je disais que vous avez bien le sens de "national" - vous avez une sensibilité et vous vous donnez très spontanément des obligations très strictes au niveau des régions. Je vous avoue que c'était consolant, compte tenu du vide qu'on retrouve ailleurs, de voir cette préoccupation que vous avez chez vous.

Vous parlez même d'utilisation de systèmes de télécommunication. C'est peut-être pertinent puisqu'on a M. Chagnon qui est avec nous, M. Chagnon qui développe Vidéoway qui est ce que j'appelle la télévision du troisième millénaire. Et comme il me le disait tantôt: Ce n'est que la toute petite pointe de l'Iceberg que l'on volt actuellement. Alors, je pense qu'il y aurait probablement des choses à faire puisque c'est là, malheureusement, une autre faille du rapport Arpin d'avoir complètement exclu tout le secteur des communications dont l'Interrelation avec le monde des arts et de la culture n'est vraiment plus à démontrer comme telle. (10 h 15)

Ceci étant dit, dans votre mémoire - Mme la ministre vous a interrogé là-dessus puisque vous l'avez annoncé - vous proposez le rapatriement des responsabilités de la Bibliothèque nationale du Canada, afin de mettre fin à ce que vous appelez un cas typique de chevauchement, de dédoublement. La question que j'aimerais vous poser, c'est: Comment pensez-vous que cela puisse se faire, M. Sauvageau, à l'intérieur du régime fédéral, quand on regarde le contenu des propositions fédérales, propositions constitutionnelles qui réitèrent le mandat des organismes fédéraux nationaux, dont la Bibliothèque nationale du Canada, et, après ça, les intentions très claires du ministre Beatty qui dit qu'il va protéger la culture québécoise, comme si vous n'en étiez pas capables vous-mêmes, au niveau du patrimoine littéraire et de la conservation?

M. Sauvageau: C'est évident qu'en lisant le document publié par le gouvernement fédéral, on y retrouve que le gouvernement fédéral veut conserver la totalité des institutions nationales et on cite nommément la Bibliothèque nationale du Canada. Dans ce contexte-là, on pourrait dire au départ que ce qu'on dit, c'est un voeu pieux dans le sens où le gouvernement fédéral a déjà clairement identifié ses intentions en disant: La Bibliothèque nationale, ça nous concerne; les institutions nationales, ça nous concerne, et on nomme la Bibliothèque nationale.

C'est évident qu'un tel rapatriement ne pourra se faire que dans une conjoncture où le gouvernement du Québec négocie une forme de rapatriement culturel et qu'il englobe dans cette négociation-là les aspects qui concernent la Bibliothèque nationale. Enfin, je veux dire que ça demande définitivement une initiative du gouvernement québécois et il faut que le gouvernement québécois prenne le leadership dans ce secteur-là, si on veut qu'un jour cette partie ou ce rapatriement se fasse. Du côté du gouvernement fédéral, sa position est énoncée et claire. Alors, évidemment, du côté du Québec, si le Québec veut rapatrier, il faut donc que ce soit négocié collectivement au niveau du rapatriement du champ culturel.

M. Boulerice: Ne trouvez-vous pas que c'est un petit peu - je n'aime pas le mot parce que j'ai le goût de me battre à ce niveau-là, avec vous, d'ailleurs - illusoire de demander à un État unitaire tel que le Canada de dire qu'une partie des responsabilités d'une de ses sociétés d'État ne s'appliquera pas sur une partie de ce territoire qu'il veut bien unitaire? Donc, on ne doit pas négocier mais exiger.

M. Sauvageau: Ha, ha, ha! Je vous avoue

que, rendu là, je ne sais pas. Je n'ai pas de commentaire sur ça. Il est évident que, dans le cas précis de la Bibliothèque nationale, c'est un dossier qui ne sera définitivement pas facile, dans le sens où c'est un dossier jalousement préservé, même au plan international.

M. Boulerice: Je reviendrai. Je crois que mon collègue, M. Godin, désire vous poser une question.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: Une ou deux, si vous permettez, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le président-directeur général de la Bibliothèque nationale du Québec, j'ai une question sur une des minorités québécoises. Est-ce que les écrivains ou éditeurs anglophones de Montréal se réfèrent spontanément à votre Bibliothèque, à votre institution comme étant leur Bibliothèque nationale à eux aussi, comme le font les francophones, ou s'ils n'y pensent même pas?

M. Sauvageau: C'est-à-dire que c'est plus difficile, effectivement. Notre mandat concerne la totalité du patrimoine publié au Québec, donc incluant les publications des anglophones comme des différents groupes ethniques. Je dirais que, proportionnellement aux francophones, il faut faire autant d'efforts pour les anglophones que pour les francophones pour amener les gens à déposer leurs documents. Je dis "proportionnellement" parce qu'il y a moins d'éditeurs... la production anglophone ou anglaise au Québec ne dépasse pas 12 % ou 14 %, mais disons que ce n'est pas un geste spontané, c'est rarement un geste spontané. Ce qui fait qu'il faut faire un suivi, nous, auprès des éditeurs de langue anglaise, comme d'ailleurs des éditeurs des différentes ethnies. Même, plus on descend, plus on va dans les autres ethnies, plus c'est complexe d'aller chercher les documents, c'est-à-dire que le fonds, ça nous demande un suivi très précis.

M. Godin: Mais, dans votre mandat, M. le président, vous considérez tout de même les auteurs anglophones du Québec comme étant des auteurs appartenant au patrimoine national...

M. Sauvageau: Québécois.

M. Godin: ...québécois.

M. Sauvageau: Exact.

M. Godin: Y Inclus Mordecai Rlchler?

M. Sauvageau: Pardon?

M. Godin: Incluant Mordecai Richler?

M. Sauvageau: Ha, ha, hal Quelque part, dans un article que j'ai lu, on dit que le bibliothécaire ne doit pas faire de discrimination.

M. Boulerice: C'est lui qui se discrimine lui-même, de toute façon, c'est connu.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Godin: Mais est-ce qu'on peut trouver, dans votre Bibliothèque nationale, tous les auteurs du Québec, y indus les anglophones, un poète comme John Glassco, un romancier comme Richler et d'autres auteurs anglo-montréalais?

M. Sauvageau: Oui.

M. Godin: On trouve leurs oeuvres chez vous?

M. Sauvageau: Oui.

M. Godin: Donc, quelqu'un qui voudrait lire tout M. Richler en un week-end pourrait le trouver chez vous?

M. Sauvageau: C'est ça.

M. Godin: Merci, ça répond à ma question. M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député.

M. Boulerice: Pour le bénéfice de mes collègues et de ceux qui, forcément, par la voie de la retransmission nous écoutent, est-ce que vous pouvez faire le point sur le projet de construction et en quoi cela permettrait à la Bibliothèque nationale de mieux remplir sa mission à l'égard des jeunes et des régions?

M. Sauvageau: La Bibliothèque nationale, comme le disait le rapport Arpin, est la seule institution nationale pour qui on n'a pas construit un édifice spécifiquement en fonction de ses besoins. La Bibliothèque nationale, dès sa création, a été logée dans un bâtiment et on disait aux gens de la Bibliothèque nationale. Il n'y a pas de problème, nous allons construire un bâtiment en fonction de vos besoins. Et il y a eu beaucoup beaucoup de projets qui ont été soumis au gouvernement; il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites à ce niveau-là sans jamais déboucher sur une action concrète de la part du gouvernement, c'est-à-dire qu'on n'a jamais construit un édifice qui réponde aux besoins de la Bibliothèque nationale.

Le premier handicap, le handicap majeur, c'est au niveau de la conservation des documents. Actuellement, nous avons des documents qui n'ont jamais été lus et qui se détériorent quand même, simplement à cause de la tempéra-

ture ou à cause des conditions atmosphériques. Au niveau de la conservation, nous n'avons pas non plus de chambre de désacidification ou de mécanismes qui permettent de sauvegarder le papier, c'est-à-dire de sauvegarder certains papiers très acides. Nous avons des espaces, mais qui sont très aléatoires. D'ailleurs, c'a créé certains problèmes, à un moment donné.

Depuis cette époque-là, la Bibliothèque nationale a été logée dans des bâtiments loués, et on a dit: On vous installe dans ces bâtiments-là. Nous avons des documents, actuellement, à cinq endroits dans la ville de Montréal. À tel point qu'il y a une année où, dans un bâtiment qui était loué, sur la rive sud, le feu a pris et fa Bibliothèque a perdu beaucoup de ses collections. Ce sont des bâtiments qui ne répondent pas aux normes de sécurité comme on devrait en avoir pour conserver ce patrimoine publié.

J'ai fait allusion tantôt au patrimoine bâti parce qu'on conserve beaucoup les monuments, on restaure les monuments, on restaure les maisons, on restaure les ports, on restaure beaucoup de choses. Sauf que, dans le cas de la Bibliothèque nationale ou dans le cas du patrimoine publié, on n'a pas encore de politique de restauration de documents, ni de politique qui fait que ces documents-là soient bien conservés. Donc, un bâtiment permettrait de conserver adéquatement et efficacement le patrimoine publié au Québec, de sorte qu'un jour, si quelqu'un voulait accéder à ce patrimoine-là, il serait encore disponible. Il ne serait pas détruit, il serait quelque part.

Deuxièmement, le patrimoine que nous avons est un patrimoine parcellaire dans le sens où, actuellement, nous avons les documents imprimés... Nous avons soumis un projet au gouvernement; Mme la ministre a accepté volontiers les propositions de la Bibliothèque nationale et elle s'est rendue au Conseil du trésor. Il s'agit d'élargir le dépôt légal pour que les affiches, les gravures, les cartes postales, les microfilms, beaucoup de documents publiés soient à la Bibliothèque nationale.

Évidemment, avec une construction, avec un bâtiment adéquat, nous pourrions exploiter ces documents-là de la même façon que nous pourrions exploiter les documents québécois actuels. C'est-à-dire que nous avons des livres d'artistes actuellement, mais on ne peut pas les montrer; ils sont dans des magasins de conservation. Tout ce patrimoine que nous avons, nous ne pouvons pas l'exploiter non plus pour nos usagers, la clientèle, comme on le fait à place Royale où on essaie, par des techniques d'animation, d'exploiter des bâtiments, des maisons. On ne peut pas le faire avec les documents publiés parce que nos espaces ne nous permettent pas de le faire et nos collections sont réparties dans trois endroits. Donc, moins d'efficacité pour la clientèle. Si vous faites une recherche et que vous avez besoin... Il est possible que vous ayez besoin d'un volume, il est possible que vous ayez besoin d'un périodique pour faire votre recherche, et vous êtes obligé d'aller à trois places différentes à Montréal, alors, évidemment, c'est l'antidif-fusion du document imprimé et l'anticonsommation de ce type de documents là. Donc, avec un bâtiment on pourrait mieux servir notre clientèle.

Pour les jeunes, nous avons, en dépôt légal, tout le patrimoine publié qui s'adresse aux jeunes. Nous ne pouvons actuellement exploiter ce patrimoine-là, ni au niveau des éditeurs, ni au niveau des illustrateurs, ni au niveau des personnes qui écrivent ces documents. On ne peut pas avoir de rencontres, on ne peut pas avoir d'activités liées à cette catégorie de clientèle par rapport à ce qui est déposé à la Bibliothèque nationale. Et vous savez que la Bibliothèque nationale ne prête pas de documents; ce n'est pas la même démarche que la bibliothèque publique, mais, à notre avis, la Bibliothèque nationale a un rôle à jouer à ce niveau-là.

Au niveau des régions, il y a des régions qui nous demandent de collaborer. Actuellement, par exemple, à Québec, nous avons des volumes qui sont intégrés dans une exposition qui a lieu ici, dans la région, mais nous aimerions développer cette activité-là. Nous avons des documents québécois. Nous avons beaucoup de patrimoine important qu'on pourrait faire circuler, montrer aux différentes régions et mettre à la disposition des régions sauf qu'en ce moment ce n'est pas possible. On ne nous donnera pas d'espace pour avoir ce type d'initiative.

Pour les collections, il y a un autre élément, c'est ce qu'on appelle la numérisation des documents. Vous avez parlé tantôt des régions. Il faut que le patrimoine soit logé quelque part, c'est-à-dire qu'il soit physiquement quelque part. Le problème, c'est toujours l'accessibilité. Par le prêt interbibliothèque, si vous êtes à Chicoutimi, on pourrait très bien vous envoyer par la poste, ou par autobus, à la limite, un volume dont vous avez besoin rapidement. C'est une hypothèse. Et on peut le faire par rapport au patrimoine québécois parce que, normalement, nous possédons la totalité du patrimoine publié du Québec. Sauf qu'il y a d'autres mécanismes, il y a d'autres moyens maintenant, beaucoup plus rapides, qu'on appelle la numérisation. Donc, par un terminal, vous êtes à Chicoutimi, vous avez accès au texte d'un document que vous voulez lire. Alors, ça aussi, ça prend une certaine forme d'installation, un certain environnement physique, si vous voulez, qui nous permettrait de jouer ce rôle-là à l'intention des régions.

Alors, dans le projet que nous avons soumis au ministère des Affaires culturelles, nous prévoyons, je dirais par un support physique approprié, donner de véritables services à la population québécoise, à partir des ressources et des richesses que recèle le patrimoine publié du Québec.

Le Président (M. Doyon): Merci M. Sauva-geau. M. le député de Mercier, vous aviez une question?

M. Godin: Oui, une autre, oui. M. Sauva-geau, est-ce que la Bibliothèque nationale canadienne a des mandats complémentaires aux vôtres? Est-ce que vous avez des contrats de services dans un sens ou dans l'autre, ou dans les deux sens, par lesquels contrats vous auriez accès à des mandats qui sont les leurs mais qui sont utiles à votre mandat général à vous?

M. Sauvageau: Nous avons un mandat que nous assumons, c'est assez paradoxal, qui s'appelle l'ISBN, c'est-à-dire l'attribution du numéro ISBN. Mais ce mandat, nous l'assommons... nous l'assumons, c'est-à-dire... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Vaste programme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sauvageau:... nous l'assumons pour la totalité des francophones du Canada, même s'ils ne demeurent pas au Québec. Et ce mandat nous a été donné... nous l'avons négocié et nous l'avons obtenu par un organisme international qui gère l'ISBN à travers le monde. Nous avons récemment amené la Bibliothèque nationale du Canada à respecter ce mandat que nous avons eu d'un organisme international. Donc, l'ISBN, c'est un mandat qui nous est donné par un organisme international, mais la Bibliothèque nationale du Canada a accepté que nous assumions maintenant le mandat comme on doit le faire, c'est-à-dire pour la totalité de la production francophone au Canada.

Nous avons certains autres programmes à coûts partagés comme le catalogage avant publication; c'est-à-dire que nous faisons le travail pour la Bibliothèque nationale du Canada en ce qui concerne tout le Québec et ils nous versent un certain montant pour que nous assumions ce rôle-là, de la même façon qu'ils le font en Ontario ou en Colombie-Britannique.

Alors, il y a des programmes comme ça, à coûts partagés, et je peux vous dire que j'essaie le plus possible, quand je peux, d'avoir des programmes de ce type parce que, évidemment, il y a là des économies. Il faut le faire de toute façon. Là, on le fait mais c'est financé par la Bibliothèque nationale du Canada. Sauf que, pour le moment, ce sont les deux seuls programmes. J'essaie d'en développer d'autres, mais ce sont les deux seuls programmes conjoints que nous ayons. Et ça évite la duplication dans le sens où nous le faisons pour le Québec et ils achètent notre production. C'est-à-dire qu'ils la paient, mais on le fait pour le Québec, attendu que nous sommes mieux placés pour le faire.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sauvageau. (10 h 30)

M. Sauvageau: Ah!

Le Président (M. Doyon): Ceci, malheureusement, termine le temps dont nous disposons. Je regrette d'avoir à vous interrompre, mais les exigences de l'horaire m'obligent à le faire. Alors, tout en vous remerciant et en vous disant que votre présentation a été sûrement appréciée par les parlementaires, je laisserai à Mme la ministre le soin de vous remercier formellement.

Mme Frulla-Hébert: M. Sauvageau, M. Théoret, effectivement, on ne s'attendait pas à moins d'ailleurs, par la qualité de votre mémoire. Surtout, je voudrais vous remercier aussi, publiquement, pour le soutien que vous nous apportez et, aussi, une sorte de conscience et de ces rôles-conseils que vous avez, notamment, non seulement au niveau du patrimoine publié, mais au niveau de la lecture et au niveau des bibliothèques.

Le projet de relocalisation, nous nous en sommes parlé, c'est quand même un projet de 55 000 000 $. On le regarde ensemble à fond; aussi avec la ville de Montréal. Effectivement, c'est un projet qui est prioritaire, puisque retrouver notre patrimoine publié dans plusieurs endroits différents freine évidemment l'accessibilité. Nous sommes ici d'ailleurs pour parler de l'accessibilité de la culture aussi, non pas une culture cultivée, mais une culture aussi accessible. M. Sauvageau et M. Théoret, merci.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Sauvageau, merci de votre participation. Je regrette, j'aurais eu une autre question à vous poser qui est: Comment se sent M. Sauvageau, auteur d'un rapport prestigieux sur les bibliothèques du Québec qui, malheureusement, est encore sur les tablettes?

Le Président (M. Doyon): La question ne pouvant être répondue dans le cadre du temps qui nous est alloué, il me reste à vous remercier aussi, M. Sauvageau, en vous priant de vous retirer pour permettre à...

M. Boulerice:... pour une réponse.

M. Sauvageau: Nous vous remercions de nous avoir reçus et d'avoir pris du temps comme ça pour nous écouteret entendre, je dirais, nos commentaires sur le rapport Arpin et sur la Bibliothèque nationale. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Sauvageau. Merci beaucoup, M. Théoret. Pendant que

vous vous retirez, je demande le consentement de cette commission pour permettre le remplacement de Mme Dupuls (Verchères) par Mme Blackburn (Chicoutimi). Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme Dupuls (Verchères) soit remplacée par Mme Blackburn (Chicoutimi)? Alors, il y a consentement au remplacement.

Groupe Vidéotron

C'est maintenant au tour du Groupe Vidéotron représenté par M. André Chagnon, de venir nous présenter son mémoire. Je l'invite à s'approcher. Je salue donc M. Chagnon et je lui souhaite la bienvenue. Il connaît les règles de la commission: une présentation d'une quinzaine de minutes, ce qui permet aux deux formations d'échanger avec notre invité. M. Chagnon, vous êtes connu, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à commencer dès maintenant la présentation de votre mémoire.

M. Chagnon (André): M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, mon nom est André Chagnon, président du conseil d'administration et chef de la direction du Groupe Vidéotron. Vidéotron est devenue, au fil des ans, une entreprise de télédistribution et de télédiffusion de classe mondiale. Les principales filiales de Vidéotron sont sa filiale Vidéotron dans la télédistribution, le télédiffuseur Télé-Métropole, Vidéoway Communications, qui regroupe toutes les activités de recherche et développement et de commercialisation de la technologie Vidéoway, et Vidéotron International, qui chapeaute toutes les activités internationales du Groupe Vidéotron, notamment en Grande-Bretagne et au Maroc.

Permettez-moi de vous dire d'abord que Vidéotron accueille favorablement le rapport Arpin et félicite la ministre pour son leadership dans l'élaboration d'une politique culturelle québécoise bien étoffée. Toutefois, à titre de contribution additionnelle au débat, je voudrais sensibiliser le gouvernement à l'importance de reconnaître et d'accepter le rôle de la télévision comme intervenant de fait dans le paysage culturel québécois.

La télévision québécoise a joué un rôle de premier plan au milieu de la Révolution tranquille. Elle demeure aujourd'hui, plus que jamais, un signe distincttf de notre culture. Elle soutient une importante communauté artistique. La télévision québécoise est appelée à jouer un rôle capital dans le développement de notre culture. C'est pourquoi la santé des télédiffuseurs publics et privés est une donnée essentielle de toute stratégie culturelle à long terme. Il faut s'en préoccuper.

Depuis 1986, au Québec, le paysage télévisuel a été considérablement bouleversé par l'arrivée de nouveaux services de programmation tels que Télévision Quatre Saisons, MétéoMédia, Musique Plus, Canal Famille, TV5, le Réseau des sports. Ainsi donc, le nombre de convives qui se partagent l'assiette des revenus publicitaires a plus que doublé en trois ans. Pendant la même période, la Société Radio-Canada adoptait également une stratégie commerciale fort agressive, concurrençant les télédiffuseurs privés.

Compte tenu de la petite taille de notre marché, on avait jusque-là atteint un certain équilibre financier, mais, avec cette transformation de l'univers télévisuel en si peu de temps, l'industrie a été totalement déséquilibrée. La télévision conventionnelle au Québec est plus menacée que jamais, à l'heure actuelle, tant par le risque d'une perte d'auditoire que par la chute de ses revenus publicitaires vers des concurrents. La stratégie du gouvernement, qui est d'assurer l'accès à l'ensemble des citoyens, est sans doute menacée aujourd'hui par toutes les tendances de télévision à péage, à la carte et d'autres services qui seront mis en place prochainement par livraison directement au foyer.

Il y avait le président de NBC qui, devant une commission semblable à Washington, disait: La télévision de demain... 'Television of tomorrow will be pay television", disant que les trois grands réseaux américains, demain, devront offrir une télévision payante. Préoccupation de votre gouvernement: Comment garantir l'accessibilité à tous les citoyens, dans un cadre semblable?

Vidéotron estime qu'il est primordial d'identifier et de développer rapidement des solutions aux problèmes sérieux avec lesquels sont aux prises les télédiffuseurs, sans quoi nous priverons notre société d'un maillon fort important de l'infrastructure de diffusion et de promotion de notre culture.

La télévision interactive et la publicité télévisuelle conventionnelle jumelée à une forme de publicité sous forme multimédia sont, à mon avis, des éléments de solution efficace et durable dans ce contexte. Ainsi, Vidéotron recommande au gouvernement de soutenir comme une activité de recherche et développement l'exploitation de nouvelles technologies de télédistribution en tant que véhicule de diffusion culturelle. Cette nouvelle technique inclut notamment la télévision interactive où le Québec s'est acquis et doit tout mettre en oeuvre pour conserver le leadership mondial.

Également, l'industrie de la télédistribution explore encore actuellement la possibilité d'offrir des services de télévision à la carte. Des encouragements financiers et fiscaux pourraient être consentis aux institutions et aux producteurs qui mèneront des projets en ce sens.

En terminant, permettez-moi de vous rappeler que notre télévision constitue un rempart culturel au même titre que notre langue, nos institutions parlementaires et notre système d'éducation. Voilà pourquoi il importe de reconnaître que la santé des participants au système de radiodiffusion québécois doit préoccuper les architectes de notre politique de culture. Chez

Vidéotron, nous comprenons que les défis à relever d'ici l'an 2000 sont grands. Notre espoir reste cependant celui de vous avoir intéressés à les relever avec nous. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Chagnon. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: M. Chagnon, d'abord, bienvenue. Ça me fait grand plaisir qu'on vous accueille ici aujourd'hui. Je remercie aussi le Groupe Vidéotron de l'éclairage qu'il apporte à cette commission sur tout l'apport des télédiffuseurs sur la culture et aussi de l'appui que l'on donne, finalement, à l'élaboration d'une politique culturelle.

Il y a plusieurs groupes, M. Chagnon, qui vont venir se présenter ce mois-ci et il y a un point d'interrogation, je dirais, général, que ce soit au niveau des gens du livre, des gens du spectacle, des gens de théâtre qui nous disent que les médias, de plus en plus, s'éloignent de la mission culturelle, en ce sens: Oui, on y présente maintenant plus de téléromans, c'est sûr, donc, on fait travailler des comédiens, mais de l'information culturelle applicable, accessible - sans dire de l'élttisme, mais de l'information culturelle, je reviens à "Bon Dimanche", si je donne un exemple - on en a de moins en moins. Quel est le rôle, pour vous, d'un télédiffuseur, dans les années quatre-vingt-dix, justement, à cette promotion culturelle? Effectivement, le Québécois moyen écoute la télévision 26 heures, en moyenne, par semaine, ce qui est plus que les heures, pour un enfant, sur un banc d'école. Donc, la télévision est le moyen par excellence pour informer, pour éduquer, pour divertir. Alors, dans les années quatre-vingt-dix, compte tenu des problèmes, aussi, que vous vivez, comment voyez-vous ça, comment voyez-vous cette évolution-là, s'il y en a une?

M. Chagnon (André): Mme la ministre, je ne dois pas être plus pessimiste. C'est pour ça que je soulignais tout à l'heure le commentaire du président de la NBC comme quoi les trois grands réseaux américains, par la fragmentation de l'auditoire et de leurs revenus publicitaires, se demandent si, dans 10 ans, ce ne sera pas une télévision à péage seulement où les services seront offerts à la carte, avec cette préoccupation d'accessibilité. Ici, au Québec, je pense qu'on s'est assez bien tiré d'affaire pour un bon bout de temps. Nous avons essayé des émissions qui ont été à l'antenne pendant de nombreuses années et qu'il a fallu retirer. À Télé-Métropole, comme exemple, on a dû faire des coupures encore importantes, cette année, et essayer quand même de sauver les éléments les plus importants de notre production. On voit par les cotes d'écoute que, je pense bien, on réussit quand même de peine et de misère. Mais, la bonne volonté de vouloir faire des choses et les règles économiques de financement d'une société privée, les deux sont associées directement. On voit le problème qui est créé, à l'occasion, lorsqu'un gouvernement décide d'émettre des licences, d'autoriser de plus grands partenaires dans un marché qui a une petite taille. On oublie trop souvent que, même si on a des résultats extraordinaires au Québec, on est une population de 6 000 000. On concurrence dans des modèles américains de 250 000 000 ou du Canada globalement, de 30 000 000. C'est un peu ce problème économique qui va être un problème de cette décennie quatre-vingt-dix, qui va rendre de plus en plus difficile aux entreprises privées de pouvoir continuer à faire ce qu'elles avaient bien fait, je pense, dans le passé. Je pense que c'est un message, aujourd'hui, que j'apportais plus qu'autre chose, que, dans cette stratégie de votre gouvernement d'accessibilité à tous les citoyens, la télévision est un outil important. Vous nous faites indirectement le reproche qu'il y a certains contenus qu'on a dû retirer de l'antenne; et c'a toujours été une préoccupation économique. On savait que le public souhaitait, notre maison, notre société souhaitait garder ces contenus et d'autres types de contenus à l'écran. On sait que c'est un moyen de masse pour rejoindre les plus grands auditoires, mais II y a un équilibre financier qu'on ne réussit pas à équilibrer.

Un autre gouvernement a émis trop de licences, a ajouté trop de temps d'antenne disponible aux annonceurs qui, simultanément, se déplacent des médias de masse vers d'autres médias écrits pour rejoindre des publics cibles directement et avoir de meilleurs retours sur leurs investissements. Quand on arrive dans cette période-là simultanément, II y a plus de temps d'antenne de disponible, moins de revenus publicitaires disponibles parce que les tendances des annonceurs changent et on ne peut plus rejoindre et livrer aux annonceurs les auditoires qu'on avait auparavant.

Tout ce qu'on a devant nous est encore plus préoccupant. La télévision directe au foyer, c'est juste la question: Quand est-ce que ça va arriver? Il y a un service américain qui promet que, pour le début de 1992, II va y avoir 80 canaux de télévision qui vont être livrés directement aux foyers avec des petites soucoupes - ce ne sera plus des affaires de 15 pieds, mais moins de 2 pieds de diamètre - et offriront tous les nouveaux services, tous les nouveaux films qui arrivent sur le marché, à peu près simultanément avec les clubs vidéo. Ça fait qu'il y a un intérêt très grand pour ce type de contenu. Ça veut dire, encore une fois, une fragmentation de l'auditoire: fragmentation de l'auditoire, déplacement, encore une fois, de l'assiette publicitaire. C'est un cercle vicieux que les radlodiffuseurs ont devant eux, et les solutions ne sont pas faciles.

Mme Frulla-Hébert: On en parlait beaucoup, de toute façon, de toute cette fragmentation-là, on se souvient, dans les années quatre-vingt. On se souvient même... À l'époque, j'étais à la direction marketing d'un des plus gros annonceurs au Québec, voire même au Canada, où on avait signifié, comme annonceur, l'avertissement à savoir que l'assiette publicitaire ne grossirait pas. Elle serait tout simplement plus fragmentée. Donc, il y avait des signes avant-coureurs de ça. Les licences ont été données quand même. Je me souviens aussi de la présentation, à l'époque, de Télé-Métropole, de son réseau justement, pour dire au CRTC: Attention, attention, danger! Donc, d'une part, oui, il y a eu des avertissements et ce que vous prévoyiez, à l'époque, arriva. D'autre part, on ne peut pas non plus, finalement, empêcher l'évolution des technologies qui semblent aussi aller plus vite même que nous ne pouvons les assimiler. Comment peut-on combiner ça? Il y a des propositions, je le sais, faites au CRTC. Il y a ces grandes commissions fédérales qui essaient de se pencher sur le problème. Sans vouloir, moi non plus, être pessimiste, selon vous, est-ce qu'il y a des solutions à ces problèmes-là? (10 h 45)

M. Chagnon (André): Je pense que oui. Je vais juste faire le point sur les services spécialisés qui ont été mis en place au Québec. Encore une fois, II y a un prix à payer pour être francophone, avec la taille de notre marché, et ces services devaient être absorbés par un service de base de la câblodistribution. C'a été une nécessité et ça ne peut pas être discrétionnaire. C'est un problème qu'on doit vivre à cause de notre taille, mais le problème est toujours présent. Nous, on croit, chez Vidéotron, que Télé-Métropole a une chance de passer et de reprendre sa rentabilité historique et le rôle qu'elle a joué dans la communauté par, peut-être, la technologie, cette fols-ci. Autant la technologie devient son concurrent, autant la technologie va devenir son allié, je pense, dans les années à venir. Je fais référence, naturellement, à Vidéoway qui permet au radiodiffuseur, dans cette synergie avec le câblodistributeur, d'aller plus loin qu'être un "broadcaster", un radiodiffuseur a une seule fréquence. Par la technologie, maintenant, on peut offrir au radiodiffuseur de multiples façons de rejoindre la clientèle, pour que le téléspectateur devienne un téléacteur.

Il y a eu d'excellents exemples qu'on a vus. Le spectacle de Céline Dion, où le réalisateur devra en prendre un peu pour son humilité, 85 % des 8500 personnes qui ont communiqué avec nous après l'émission n'ont jamais regardé le canal original qui avait été diffusé par Radio-Canada, mais les trois choix supplémentaires qui étaient présentés par des jeux de caméra ou de contenu; les nouvelles présentées à Télé-Métropole à 18 heures et 23 heures, où on peut ajouter plus d'information, aller plus en profon- deur, donner des choix au client. C'est un peu le choix, le rôle actif qu'on peut donner, la valeur ajoutée qui peut être donnée à des contenus télédiffusés présentement et à des coûts qui ne sont pas tellement élevés, qui peuvent peut-être permettre au radiodiffuseur de maintenir ses auditoires ou même d'aller chercher un peu plus d'auditoire. Le canal de sports RDS nous disait que pour les 24 joutes de baseball qui ont été diffusées en télévision interactive, cet été, les audimètres Nielsen indiquaient 50 % de plus d'écoute sur une joute de baseball interactive qu'une joute de baseball traditionnelle qui était télévisée sur le réseau. C'est des facteurs, des indices que peut-être il y a une piste à travailler pour donner au radiodiffuseur plus de valeur à son contenu qu'il diffuse présentement, mais ça n'apporte pas encore toutefois sa rentabilité.

Je crois que la rentabilité, là où on peut aider et les expériences qu'on a tentées présentement avec les radiodiffuseurs, c'est que le message télévisé, qui dure de 15 à 30 secondes... d'ajouter à ce moment-là, par un concept multimédia, des banques d'information considérables à l'annonceur. Je donne un exemple: que ce soit une compagnie, General Motors, qui pourrait dire, après son message de 15 ou 30 secondes: Si vous voulez plus d'information, Vidéoway plus, et vous tombez dans une banque de données; selon votre centre d'intérêt, vous allez demander de l'information sur le type de véhicule qui vous intéresse, vous allez avoir des photos, vous allez avoir du son numéralisé et vous allez avoir des banques de données qui vont vous permettre de faire la recherche dans un produit qui peut vous intéresser. Un autre produit peut inciter, à ce moment-là, l'abonné qui aurait Vidéoway à compléter peut-être une transaction, parce que le message de l'annonceur, encore une fois, 15 ou 30 secondes, est trop court. Ça fait que si on peut lui donner plus d'information, lorsque ça lui convient et à son rythme, peut-être qu'il peut compléter, permettre d'agir suite à ce message-là.

Ça fait qu'on pense qu'on a des solutions qu'on a initiées il y a à peu près deux ans avec Télé-Métropole. Radio-Canada s'implique présentement. Radio-Québec regarde le dossier activement et peut-être qu'on peut enrichir le contenu qui est diffusé aujourd'hui. Ce qu'on voit aujourd'hui change de ce qui était hier. On voit que la technologie peut apporter beaucoup de flexibilité et, surtout, apporter beaucoup plus aux annonceurs. Peut-être que des budgets qui avaient été déplacés vers des publics cibles à l'extérieur du système de la télédiffusion vont revenir chez les radiodiffuseurs et leur permettre d'avoir des revenus à la taille qu'ils avaient auparavant et de continuer à maintenir le rôle qu'ils jouaient dans le passé.

Mme Frulla-Hébert: Mais quand vous parlez justement de Vidéoway, c'est sûr que, ça, ce

n'est pas gratuit. On parle d'accessibilité. Vidéoway, évidemment, il faut s'abonner au câble. Il faut s'abonner aussi à Vidéoway, ce qui fait qu'il y a une certaine partie de la population, d'ailleurs, qui est prête et puis il y a une autre partie de la population qui est peut-être plus difficile. Le budget est plus serré et elle ne peut pas se le permettre.

Alors, est-ce que, justement, enrichir le contenu, intéresser l'argent à revenir, ça solutionne aussi le problème de la télévision publique accessible? Parce que c'est inquiétant, ce que vous nous dites. S'il faut payer pour chacun de nos services, effectivement, il y a un gros risque aussi que les gens qui ne peuvent pas se payer ces services-là vont manquer, au niveau de la culture, de l'information. On sait très bien aussi que la télévision, pour créer un sentiment d'appartenance... D'abord, on voit la bataille que le fédéral livre au niveau de Radio-Canada. C'est assez clair que la télévision est un moyen assez puissant.

Alors, est-ce que cette nouvelle technologie, ces investissements vont permettre aussi à la télévision publique, accessible, gratuite de rester telle qu'elle est?

M. Chagnon (André): Partiellement, oui. La stratégie d'implantation de Vidéoway, à cause des radiodiffuseurs, des fournisseurs de services, des vendeurs, notre stratégie, c'est qu'il faudrait, au Québec, pénétrer le marché au moins à 90 % pour avoir ces masses critiques nécessaires à tous. Les masses critiques vont permettre comme stratégie... c'est pour l'abonné maintenant, dans le futur, qui va payer pour ces nouvelles technologies qui seront mises en place. C'est que ce sera les revenus en amont des fournisseurs de services ou des utilisateurs qui veulent rejoindre électroniquement cette clientèle qui permettraient, à ce moment-là, de financer la technologie qui sera mise en place. La câblodistribu-tion offrira toujours des services de base et des services discrétionnaires. Mais on prévoit que, d'ici peu de temps, il y aurait un service de base, à quelques dollars par mois, qui donnerait accès à la télévision locale. On parle des six grandes chaînes qui sont distribuées ici sur la plupart de nos réseaux, chaînes locales. Après, les autres services seraient à la carte. Mais, c'est à cause de la stratégie que le radiodif-fuseur doit livrer des masses critiques importantes... ça fait qu'il y aurait un service d'entrée à la câblodistribution ou un petit câble, si on peut lui donner un autre nom, qui serait quelques dollars par mois seulement, mais qui donnerait accès au moins à toutes les stations de télévision québécoises de base. Après, les autres services deviendraient à la carte, sans aucun doute.

Mme Frulla-Hébert: Comment voyez-vous, M. Chagnon, le rôle de la câblodistribution en région? On s'aperçoit, avec la fermeture, d'ail- leurs, de Radio-Canada, qu'il y a un manque, un gros manque dans les régions. Je suis allée, quand on a fait le tour, et, en tournée, on s'aperçoit que ça fait mal. L'Information locale ne rentre plus et l'image qu'on projette dans nos régions, c'est souvent une image provenant de Québec et de Montréal, donc très peu de proximité. Comment voyez-vous ça, la télévision en région, au niveau des services publics? Est-ce que, effectivement, c'est tellement coûteux qu'on n'est plus capable de la supporter, d'une part? Deuxièmement, comment voyez-vous, à ce moment-là... Est-ce que le câble peut reprendre un rôle plus spécifique pour combler ce manque en région?

M. Chagnon (André): Le câble, dans l'ensemble, n'est pas le contenu. C'est la préoccupation de base du départ. Quoique Radio-Canada se soit retirée des régions, c'est un problème financier, encore une fois. C'est pourquoi les autres radiodiffuseurs privés, qui réussissent quand même à avoir une présence locale, qui n'ont pourtant pas la mission de Radio-Canada, font leur possible pour maintenir cette présence locale pour l'information ou la diffusion de contenus culturels à l'occasion. Mais c'est toujours un problème économique. Simultanément - je n'ai pas complété tout à l'heure - les réseaux vont avoir de plus en plus de capacités de distribution. À ce moment-là, il va y avoir plus d'accès, mais qui va produire le contenu? C'est toujours le contenu qui va coûter beaucoup plus que le moyen de distribution.

D'ici cinq ans, tout probable, les réseaux câblés auront des capacités de 150, 200 canaux. C'est juste l'infrastructure qui, par la technologie, permet d'avoir beaucoup plus de facilité de diffusion des contenus, mais le contenu doit être produit par quelqu'un. Le problème, comme je l'explique aujourd'hui, c'est que les chaînes privées n'ont plus les moyens financiers pour assurer cette couverture. Je pense qu'ils font un effort considérable aujourd'hui. Radio-Canada, qui quand même doit faire partie de sa mission, s'est retirée des régions et les chaînes privées sont encore présentes avec des moyens financiers qui sont quand même très limités.

Mme Frulla-Hébert: Ce qui nous amène à une autre question. M. Beatty parlait à l'ACRTF lundi et, effectivement, il disait qu'ensemble on va trouver une solution. Finalement, le ton est là et c'est valable. On a vu aussi la réaction, que ce soit des directeurs de certains réseaux radiophoniques ou télévisuels disant: Nous, une réglementation, s'il vous plaît, pas deux. Et on semble dire: Oui, à date, on a beaucoup de problèmes; par contre, on peut peut-être s'organiser ensemble avec le CRTC. Est-ce que c'est ça qu'on décode ou s'il faudrait aussi un changement majeur au niveau de la compréhension de notre province - on est ici quand même pour

parler de notre province - qui pourrait se traduire de façon très différente que par un CRTC englobant finalement tout le Canada? Parce que si on se réfère au passé, si on se réfère aux représentations qu'on a faites, autant comme annonceurs que comme des gens spécialisés dans la radio, dans la télévision... Les craintes de ce qui arrive présentement ont été mises sur la table, je me souviens très bien, en 1984, en 1985 et en 1986. Finalement, on a procédé pareil à l'émission de nouveaux permis et on se retrouve exactement à ce qu'on avait prévu. Alors, est-ce qu'il y aurait un changement majeur au niveau justement de ce contrôle, cette législation?

M. Chagnon (André): Je crois qu'aujourd'hui ce problème-là, de tous les nouveaux permis qui ont été émis depuis trois ans, une nouvelle licence d'une chaîne de télévision en plus, c'est des étapes qui ont été franchies et je pense qu'on ne retournera pas facilement en arrière. Même si on retournait en arrière et qu'on effaçait ces six licences qui ont été accordées par le CRTC... je crois que c'est presque irrévocable. On a une protection temporaire par la langue seulement. Toutes les technologies sont en place. Ce n'est pas quelque chose dont les gens disent: II y a une nouvelle technologie qui arrivera dans 5 ans ou dans 10 ans. Elles sont là, ces technologies, aujourd'hui. Demain, une personne qui va chercher des programmes de télévision, à cause de la multitude des services qui vont lui être offerts, elle n'identifiera plus un réseau de télévision, elle n'identifiera plus un canal de télévision, mais elle va chercher dans son guide électronique le type de contenu qu'elle veut obtenir. Par le type de contenu, par l'acteur, par la période, ça ne se fera plus à ce moment-là parce que le nombre de contenus doit être disponible pour elle. Je vais à l'autre extrême, mais l'extrême n'est pas loin. (11 heures)

Peut-être que, dans 10 ou 15 ans au maximum, avec la technologie de la fibre optique que tout le monde souhaite mettre en place et qui va arriver, à ce moment-là, la télévision à la carte doit être disponible. Mais, télévision à la carte, il n'y a plus de réseau. Il va y avoir peut-être 200 fournisseurs de contenus, puis un ou deux ou trois réseaux de télévision locaux ou nationaux. Ils ne sont rien à l'intérieur de tout ça. La télévision à la carte dont tout le monde dit qu'elle va arriver avec la fibre optique, vous choisissez exactement votre contenu et l'heure à laquelle vous voulez le regarder. Il n'y a plus de réseau de télévision qui existe dans un modèle semblable. Le réseau américain, ce n'est rien qu'aujourd'hui, ce qu'il dit. La menace, ils l'avaient voilà 10 ans, mais ils ne l'ont pas senti venir à ce moment-là. Même s'ils l'avaient vue venir, et ils le sentaient quand même, ils n'avaient aucun élément technologique pour concurrencer les technologies. Je pense que Vidéoway - je reviens encore - qui est peut-être un élément, en tout cas, nous qui sommes propriétaires des deux sociétés, on croit que Télé-Métropole... Et on souhaite que Radio-Canada, qui a un rôle qu'elle commence à jouer de plus en plus important dans cette télévision interactive, mais surtout on souhaite intéresser les annonceurs à revenir dans ce médium de masse qui n'est disponible nulle part ailleurs. Mais, s'il n'y a pas quelque chose qui se passe par la technologie, la technologie va éliminer les réseaux de télévision d'ici 10 ou 15 ans. La technologie va les dépasser complètement.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Chagnon. Je vais maintenant permettre au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de continuer la discussion.

M. Boulerice: M. Chagnon, vous représentez le monde des communications, autant la ministre que moi-même avons beaucoup d'intérêt et de préoccupations face à ce dossier. Quand on parle communications, je me rappelle toujours - et je suis persuadé que vous vous en rappelez, vous aussi - cette phrase célèbre et merveilleuse du juge Côté qui avait dit: Les communications, la voirie de l'intelligence. Aïe! Et quand je regarde Vidéoway, d'ailleurs, je vois que cette voirie-là se construit sûrement au Québec. Bon. J'aimerais peut-être en discuter plus à fond. De tout façon, on a convenu que j'allais chez vous, qu'on visitait et qu'on en reparlait. Donc, je vais aller directement au mémoire sur un aspect parce que votre mémoire n'aborde pas cet aspect, M. Chagnon. Sur la question du rapatriement des responsabilités fédérales qui est proposé dans le rapport Arpin, est-ce que, comme groupe majeur du secteur des communications et propriétaire de Télé-Métropole - d'ailleurs mon voisin à 100 mètres sur le boulevard de Maisonneuve - vous êtes d'accord avec la recommandation centrale du rapport qui... les pleins pouvoirs en culture? Et est-ce que vous reconnaissez, qu'à défaut d'avoir les outils nécessaires en matière de réglementation dans le secteur de la télévision, le Québec est véritablement privé d'un élément essentiel et, à mon point de vue, fondamental pour toute politique culturelle?

M. Chagnon (André): Ce que j'ai mentionné tout à l'heure, peut-être trop brièvement, mais je pense que c'est irrévocable que même la juridiction fédérale ne changera plus grand-chose au dossier. Il y a deux réseaux parallèles qui se construisent présentement à la grandeur de l'Amérique du Nord. Le Japon a déjà des avances, trois ans sur nous. On parle de la fibre optique. Et ça, c'est dans 10 ans que ça va tout être en place. À ce moment-là, tout va être à la carte. Comment définir une politique culturelle?

Est-ce que le Québécois va décider lui-même ce qu'il veut regarder et quand il veut le regarder?

Le rôle du CRTC va être dépassé par ces technologies. Le CRTC est préoccupé aujourd'hui, comme vous devez l'être vous autres aussi. Il y a les satellites qui sont en haut et, d'ici peu de temps, six mois à un an maximum, ils vont envoyer 80 canaux de films récents qui vont débuter à toutes les 10 minutes, que vous pouvez reprendre en tout temps. Toute la flexibilité, quand vous avez été chercher une cassette dans un club vidéo. Mais toutes ces technologies-là sont en place. C'est juste la question de temps, deux ans pour un satellite. Il va tous nous inonder à la fin du compte. Il n'y a pas de barrière électronique qui va freiner ça. Les gens vont installer leur petite soucoupe. SKYPIK offre, en vente présentement, l'équipement nécessaire pour recevoir leur équipement. C'est développé. Ce n'est pas quelque chose qui va arriver quelque part dans le temps.

La fibre optique, les deux grands réseaux de téléphonie et la câblodistribution allongent à ce moment-là leur réseau. Ils sont en place et la téléphonie a toujours annoncé: Donnez-nous l'autorisation de faire du vidéo, on ferait du vidéo "dial tone", télévision complètement à la carte. Il n'y a plus de réseau dans le modèle de télévision à la carte. Vous savez, dans le monde, on a produit, je ne sais pas, 50 000 films. Bien, vous choisissez quelque part le film qui peut vous intéresser, à l'instant où vous êtes disponible pour le regarder. Il n'y a plus de programmation, il n'y a plus de guide écrit comme on connaît pour des programmes de télévision. Je dis que la réglementation, le modèle qu'on a connu, aura très peu d'influence pour les solutions à long terme.

Mme la ministre mentionnait que, voilà 10 ans, on disait aux radiodiffuseurs: Ça s'en vient, cette fragmentation. Trois grands réseaux américains ont parti de 85 % dans 10 ans pour tomber à 48 %, les trois radiodiffuseurs ensemble. C'est considérable. C'est seulement 10 ans. Puis, les 10 prochaines années, la technologie va aller encore plus loin.

M. Boulerice: Je suis bien d'accord avec vous, M. Chagnon, qu'effectivement toutes les réglementations existantes vont être caduques dans peu de temps. C'est un monde qui évolue - on va employer l'expression - à la vitesse de l'image et du son. Mais, si nous devions établir des réglementations en nous disant qu'elles ne sont pas immuables, en fonction des nouveaux contextes que vous nous décrivez, est-ce que ces réglementations sont des réglementations fédérales, des réglementations pancanadien-nes ou si ça devrait être des réglementations québécoises, c'est-à-dire le contrôle de ces réglementations-là, de façon à pouvoir servir notre réalité à nous?

M. Chagnon (André): Je vais essayer de répondre à votre question en disant que les technologies multiples qui arrivent sur notre terrain ici, au Québec, vont dépasser les modèles de réglementation qui ont été utilisés dans le passé. Je pense que c'est simplement par des sociétés sur place qui, par des technologies plus compétitives encore que celles de leurs concur rents, que ce qu'ils vont apporter, vont réussir à les concurrencer sur leur propre terrain. Parce que Télé-Métropole ou Vidéotron ou même Radio-Canada ont une force extraordinaire, ils sont locaux. On peut faire des choses Ici qui intéres sent nos gens. Et on l'a vu dans notre programmation. Ça fait que la concurrence étrangère va rentrer avec tous ses contenus, mais qui ont une valeur nationale ou internationale. Ceux qui sont ici, au Québec, il faut qu'ils apprennent à se battre avec des outils plus performants que les leurs et à mettre en place des contenus qui vont intéresser la population. On voit nos radiodiffuseurs, le prix qu'on paie présentement, c'est notre succès. Nos cotes d'écoute sont plus élevées que n'importe quel autre radiodiffuseur au Canada et même aux États-Unis, en proportion de notre population. Et demain, j'ai dit, on va réussir encore si on a une technologie qui est supérieure à celle de nos concurrents et qui a l'avantage de pouvoir personnaliser nos services, être locale et offrir une plus grande diversité que toutes les autres. Et je ne pense plus que c'est par la réglementation que ça va se produire.

M. Boulerice: D'accord. Sur...

Le Président (M. Doyon): Pardon, M le député, à moins que vous n'ayez une question en rapport avec la précédente.

M. Boulerice: Oui, oui, et après ça mon collègue interviendra. Sur l'importante question du financement de la télévision, parce qu'elle est en crise, la télévision, on le sait. À titre de propriétaire de Télé-Métropole, vous appelez, d'une façon urgente, des solutions au chapitre du partage de l'assiette publicitaire qui est un élément essentiel, inévitablement, de la ren tabilité des télédistributeurs. Votre mémoire parle de clarifier, et rapidement, la mission de chacun des participants au système et de procéder aux consolidations qui s'imposent. Est-ce que vous pourriez peut-être être un petit peu plus explicite sur la clarification des missions et sur la nature des consolidations que vous proposez? Parce qu'on ne se le cachera pas, s'il n'y a pas une télévision qui est en bonne santé, M. Chagnon, est-ce qu'on peut parler de politique culturelle très claire?

M. Chagnon (André): Les solutions à court terme, on parlait beaucoup plus... Je vais vous parler de stratégie d'une politique de la culture

et des arts. On parie plus du moyen et du long terme. Pour le court terme, les partenaires qui se partagent cette assiette publicitaire, il va falloir qu'ils développent des stratégies pour rester en affaires. Bien, là, c'est des négociations. C'est le bon sens, quelque part, qu'à un moment donné les gens vont dire: Peut-être qu'il y a intérêt à fusionner certaines opérations. À date, ce qu'on a vu, c'a été des coupures budgétaires qu'on voit chez des radiodiffuseurs parce qu'ils ne réussissent pas à améliorer l'assiette publicitaire qui leur est disponible et tous les mêmes intervenants sont toujours sur place. Mais là, c'est les règles du marché qui existent. Ce n'est plus, je pense, par réglementation, par décision arbitraire qu'on va enlever des licences. Elles sont accordées. Il y a peut-être des solutions que je ne connais pas, là. Mais des décisions ont déjà été rendues et le court terme va être vital pour la survie de beaucoup de ces entreprises-là.

M. Boulerlce: D'accord. M. Godin.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, M. Sauvageau... Pardon, excusez-moi, M. Chagnon, de Vidéotron, moi, en tant que consommateur de Vidéotron depuis des années, je vous rends hommage de mettre à la disposition des Québécois qui sont affamés et voraces de culture et d'information, aussi bien à l'heure du souper, les chaînes NBC, ABC et CBS, un peu plus tard le canal 15 qui passe également par votre réseau. Maintenant, je me souviens très bien que, quand le groupe Pouliot a acheté CTV, les concurrents comme vous et le milieu ont dit: Le gâteau est déjà trop petit, on ne peut pas être cinq, on ne peut pas être un de plus à table, il n'y aura plus de gâteau pour personne. On constate aujourd'hui que TQS, comme il s'appelle maintenant, est toujours là et qu'il nous fournit des nouvelles qui complètent l'éventail des bulletins d'information que nous avons. Pour un politicien, c'est important qu'il y en ait le plus possible, de ces genres d'émissions là.

Votre pessimisme, M. Chagnon, me laisse un peu pantois. On a vu Quatre Saisons inventer presque un nouveau marché: le marché du comique avec "Rock et Belles Oreilles", et il est rentré dans le corps de Radio-Canada, en particulier lors de la fin de l'année, avec le "show" qu'on appelait "Bye Bye" à Radio-Canada et qui porte un autre nom à Quatre Saisons, mais il leur a fait mal parce qu'ils n'avaient pas leur imagination. Je m'étonne qu'un homme d'affaires comme vous et également un créateur d'un nouveau réseau de télévision et de nouvelles méthodes d'utilisation dans ladite télévision soit si inquiet parce que je suis sûr - je suis sûr, enfin, je présume - qu'il y aurait, au Québec, un marché pour des émissions émanant des régions. Mon comté est plein de gens qui viennent de partout dans le Québec, les Îles-de-la-Madeleine, je me souviens qu'il y en a de Chicoutimi et d'ailleurs et ils meurent d'envie d'avoir des nouvelles de leur région. On sait que Radio-Canada, malheureusement, a dû fermer ses postes régionaux, Radio-Québec aussi, ce qui contredit ce que j'avance ici, mais je ne suis pas aussi pessimiste que vous. Je continue de croire qu'une émission constituée de contenu des régions pourrait attirer une clientèle importante à Montréal et dans le reste du Québec. C'est pour cette raison que je suis moins pessimiste que vous et que je suis sûr que, s'il y avait un autre poste qui venait au monde, comme Quatre Saisons, s'il utilisait ses neurones au maximum et toutes les ressources imaginables de personnes, de personnel, dans l'ensemble du Québec, il pourrait survivre comme Quatre Saisons survit également, à rencontre de toutes les prévisions, un peu comme le Québec, si vous voulez.

Malgré les journaux, les pronostics, les prophéties, les prémonitions des historiens et des politiciens anglophones de l'époque, à Londres, j'entends, notamment Lord Durham, on est toujours là. Et on veut encore que notre langue survive, même au prix que ça voudra parce qu'on estime important de ne pas disparaître comme d'autres groupes francophones en Amérique du Nord, aussi bien dans la province voisine que dans la Louisiane, qui ont été bouffés par la masse qui les entoure. Donc, on est toujours là et je pense que c'est parce qu'on a de l'imagination, c'est parce qu'on a su utiliser les instruments qu'on avait, notamment cette Assemblée nationale ci, pour s'installer, faire des racines et se développer plus, d'ailleurs, et mieux s'équiper que les Catalans que j'ai visités il n'y a pas longtemps et qui, eux, aimeraient bien avoir ce que le Québec a. Ils disent dans leur pays: Volen a statute, nous voulons un statut. Le statut, c'est ce qu'on a ici, nous, à l'Assemblée nationale, un budget considérable par rapport à d'autres régions du monde qui sont peut-être autant des nations que nous-mêmes. (11 h 15)

Donc, avec de l'imagination, je crois qu'il y a encore place autour de la table pour des gens qui vont, eux aussi, bouffer le gâteau partiellement. Moi, je suis plutôt un pessimiste de nature. Connaissant votre intérêt pour tout ce qui est l'avenir, je me permets de vous suggérer de regarder attentivement autour de vous ce qui peut être fait pour aller chercher une clientèle neuve, et peut-être même dont on ignore l'existence présentement. À Quatre Saisons, ce qui me frappe, c'est qu'ils ont été chercher la clientèle jeune. Je ne sais pas qui l'avait avant, mais on sait, on devine et on présume qu'elle est là, à Quatre Saisons, dans le vaste marché et la vaste clientèle générale québécoise. Les jeunes ne sont pas à Radio-Canada, ils ne sont pas non plus,

comme téléspectacteurs, à TVA. Ils sont à Quatre Saisons. Il y a une clientèle pour d'autres genres de produits que Quatre Saisons offre déjà. On a vu le très grand succès de TV5. Je n'ai pas de chiffres par rapport au "rating" ou au nombre de personnes qui regardent ces émissions-là. Vous avez décrit - et ça m'impressionne favorablement - que, tôt ou tard, on aura un catalogue et on appuiera sur un bouton et on pourra voir tel reportage extraordinaire sur Michel-Ange ou sur les travaux de réparation du plafond de la chapelle Sixtine, au Vatican, dépendant de nos intérêts dans la vie ou des recherches que l'on fait. C'est demain, ça, comme vous avez dit tout à l'heure...

M. Chagnon (André): Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que, tout à l'heure, il y avait un vent de créativité ou d'innovation dans les styles de contenus des Guy Fournier à Quatre Saisons qui ont fait des choses extraordinaires. Mais tout ça confirme le message que je voulais passer quand même. Je ne veux pas faire l'autruche. Les talents sont là, les gens peuvent développer des idées extraordinaires, mais ça prend des moyens financiers pour réaliser des choses semblables. Quand Jean Pouliot a laissé aller Guy Fournier avec toutes ses idées et la qualité des programmes, la diversité des programmes qu'il a mis en place, ce n'était pas de gaieté de coeur. C'est que, financièrement, il n'était plus capable de suivre le concept qu'il avait mis en place. Si l'on regarde depuis six mois, Quatre Saisons a encore descendu de plusieurs crans sa programmation parce qu'il n'avait pas les moyens financiers pour continuer. Les talents sont ici au Québec, autant au niveau de la création, au niveau artistique. C'est simplement qu'il y avait une préoccupation importante que je voulais exprimer.

Je crois qu'on a une solution. Je ne suis pas pessimiste puisque je suis toujours actionnaire de Télé-Métropole, je suis aussi engagé et on va trouver ensemble les solutions. Au Québec, il y a toujours à faire la preuve qu'il faut être les meilleurs et se battre avec des outils plus performants encore que ceux de nos concurrents. Je crois qu'aujourd'hui on peut le réaliser. Vidéoway, pour moi, va être la solution pour les radiodiffuseurs, pour les annonceurs qui cherchent des auditoires, mais on a besoin de mettre en place des critiques de masse. Les gens disent: Encore une fois, on dépasse par notre vision les réalités économiques du Québec de penser qu'on va mettre 2 000 000 de foyers québécois interreliés électroniquement via un vidéoway pour donner cette masse critique aux annonceurs et aux radiodiffuseurs.

C'est notre projet et on va essayer de se battre avec d'autres partenaires pour le réaliser. Mais c'est par la technologie qu'on va concurrencer les nouvelles technologies. Il y aura de la place pour les Quatre Saisons, encore, à ce moment-là. Mais, aujourd'hui, la technologie ne nous permet pas de rapatrier les revenus nécessaires parce qu'elle n'est pas implantée en masse présentement pour aller chercher les revenus nécessaires pour réaliser tous les projets que vous venez de décrire qui étaient d'excellents programmes. Ne vous en faites pas, nos créateurs québécois en ont beaucoup encore de disponibles, mais c'est pour des réalités économiques qu'ils ne sont pas diffusés.

M. Boulerice: II y a vacance du pouvoir, pour l'instant.

M. Chagnon (André): Pardon?

M. Boulerice: Je dis: II y a vacance du pouvoir, là.

M. Godin: Est-ce qu'il y a un putsch?

M. Boulerice: II y a un putsch. Je me permettrai de demander au Président, in absentia, si je ne pourrais pas poser une dernière et petite question a M. Chagnon. M. Chagnon, je suis câblé.

M. Godin: Je n'ai pas terminé.

M. Boulerice: Ah, vous n'aviez pas terminé, je m'excuse.

M. Godin: M. Eltsine, s'il vous plaît. Est-ce que je peux...

Le Président (M. Gobé): Oui, je vous en prie. J'étais en train de prendre des notes parce que j'avais mol-même une petite question à poser, mais je pense que M. le député de...

M. Godin: Pour terminer mon intervention, comme vous disiez tout à l'heure, M. Chagnon, il y a assez de talent au Québec pour que nous ne soyons jamais pris au dépourvu en ce qui concerne l'avenir. Moi, je crois fondamentalement, vu mon métier et vu ce que j'observe depuis des années, que, dans les domaines de la Constitution et de la création, je peux vous dire que, si le Québec est encore là, ce n'est pas à cause des "pousseux de crayon" constitutionnels, c'est à cause des créateurs, des talents qui sont passés par ici, créateurs techniques, créateurs en peinture, en littérature, en théâtre, etc. C'est une source inépuisable, c'est un filon inépuisable. La télévision, d'ailleurs, l'a utilisé abondamment, sciemment et avec succès.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Mercier. Ça a presque terminé le temps...

M. Godin: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. le député de

Sainte-Marie-Saint-Jacques avait fait signe qu'il voulait intervenir. Rapidement.

M. Boulerice: Une très, très brève question à M. Chagnon, parce que je n'ai jamais eu la réponse, à moins qu'elle n'ait été là et que je ne l'aie pas vue. Je vous disais que suis câblé, comme la très grande majorité des Québécois. Je vois PBS, je vois le 33, le 57, mais j'ai été cruellement déçu de ne plus voir TV Ontario, la télévision française de l'Ontario, qui était une chaîne extrêmement intéressante. On en est venu là comment?

M. Chagnon (André): Ça a été une décision encore économique, suite à une décision du gouvernement fédéral sur les droits d'auteur qui force les câblodistributeurs - indirectement par leurs abonnés, mais ce n'est pas des frais qui sont chargés aux abonnés - à transférer aux États-Unis 80 % de ces droits d'auteur. Les coûts pour acheminer le signal de TV Ontario au Québec... Il y avait des coûts qui étaient tellement élevés pour nous, à cause de cette loi. Mais ça a été TV Ontario seulement. Ça aurait été possible, pour nous, de le réaliser, mais c'est toutes les chaînes américaines qui sont transportées simultanément qui apportaient des coûts élevés. Ce sont tous des revenus de la câblodis-tribution qui étaient déplacés vers les États-Unis, par cette réglementation sur la retransmission des signaux éloignés. C'est cette réglementation qui nous a forcés à retirer TV Ontario. TV Ontario avait un autre problème particulier, c'est qu'il ne souhaitait pas être distribué au Québec parce qu'il ne voulait pas payer des droits supplémentaires, des droits d'auteur des contenus qu'il achetait ou qu'il produisait lui-même. S'il devait reconnaître publiquement que ses signaux étaient vendus au Québec parce qu'il en retirait des revenus, il devait payer des frais supplémentaires, et il ne le souhaitait pas. C'est toujours des questions économiques qui reviennent, des fois.

M. Boulerice: Et des conflits de juridiction. D'accord, je vous remercie beaucoup, M. Chagnon.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vu qu'on a dépassé juste un petit peu... Je vois M. le député de Saint-Hyacinthe qui me fait des signes. Sur le même sujet, M. le député?

M. Messier: Oui, quant à parier de nos émissions préférées.

Le Président (M. Gobé): Rapidement, en terminant. Mais c'est intéressant, comme sujet, je pense.

M. Messier: Oui. Quant à parler de nos émissions préférées, j'ai hâte de voir Télé-Métropole prendre à son compte l'émission "Sortir..." qui était animée par Mme Schneider. Je pense que c'était une émission culturelle très dynamique. J'ai hâte de revoir cette émission-là. J'espère que vous allez la reprendre à votre compte.

Le Président (M. Gobé): Tout le monde ayant fait sa programmation pour l'année...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Pour votre grille horaire, vous pouvez nous consulter.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Vous pourrez en faire une publicité, comme quoi l'Assemblée nationale a agréé et recommande votre nouvelle programmation.

M. Boulerice: Pour dire comme les Français, on sponsorise Télé-Métropole.

Le Président (M. Gobé): C'est cela, absolument. Avant de terminer, Mme la ministre, peut-être un petit mot de remerciement? Une conclusion?

Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Chagnon, d'ailleurs un gros, gros merci. Je pense que votre présentation nous a éclairés, d'une part, parce qu'effectivement la création a toujours sa place et le Québécois réagit fortement à ce qui est d'ici, qui lui parle. Les cotes d'écoute, de toute façon, démontrent cet engouement des Québécois vers leur contenu québécois. Mais il ne faut quand même pas minimiser aussi l'apport de la technologie. Ce que vous nous dites en disant: II va falloir vraiment plus regarder les contenus qu'une réglementation telle qu'on la connaît, mais vraiment plus mettre l'accent sur les contenus, ça porte énormément à réflexion. Ceci dit, vous pouvez dire à M. Chamberland que nous sommes ici des futurs directeurs de la programmation, on peut l'aider. Merci, M. Chagnon.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. Merci, M. Chagnon. Ceci met fin à votre intervention.

M. Chagnon (André): Je pourrais peut-être, en terminant, inviter, comme je l'ai déjà fait, inviter...

Le Président (M. Gobé): Si vous nous annoncez la programmation, allez-y.

M. Chagnon (André): Oui. Je vais prendre note de vos conseils. Mais si les membres de la commission souhaitaient voir une démonstration

do tous les services Vidéoway actuels, mais surtout tout ce qui est à venir prochainement, parce que, vous l'avez souligné tout à l'heure, vous voyez juste la pointe de l'iceberg aujourd'hui, je pense que vous seriez tous bienvenus. Ça nous fera plaisir de vous recevoir et de vous donner tout le temps nécessaire.

Le Président (M. Gobé): Avec plaisir. Vous n'aurez qu'à nous faire parvenir une petite invitation, et il nous fera plaisir d'aller vous visiter. Merci, M. Chagnon.

M. Chagnon (André): Au revoir.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant suspendre une minute, le temps d'accueillir le groupe suivant. Donc, la commission suspend...

M. Boulerice: On va suspendre deux minutes pour des raisons humanitaires.

Le Président (M. Gobé): Deux minutes, à la demande de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et sur consensus général. La séance est suspendue.

(Suspension de la séance à 11 h 26)

(Reprise à 11 h 29)

Le Président (M. Gobé): J'invite maintenant les représentants du groupe du Soleil à bien vouloir prendre place. C'est le groupe. Est-ce que c'est le Cirque ou le groupe?

M. David (Jean): M. le Président, c'est le groupe du Soleil. Mais le groupe du Soleil, c'est notamment les productions du Cirque du Soleil.

Le Président (M. Gobé): Très bien. Je comprends, M. Jean David, que vous êtes le vice-président?

M. David: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, bienvenue parmi nous.

M. David: Bonjour, monsieur.

Le Président (M. Gobé): Une petite mise en garde avant de commencer. Les travaux de la commission devront aller assez vite maintenant, car nous sommes un peu en retard sur notre temps. Alors, je vous demanderais, sans plus tarder, de faire votre présentation. Après, nous dialoguerons avec Mme la ministre pour une dizaine de minutes et avec notre collègue de l'Opposition pour, lui aussi, une dizaine de minutes. Vous avez la parole, M. David.

Groupe du Soleil

M. David: Merci beaucoup. Premièrement, je voudrais excuser l'absence de Guy Laliberté, notre président fondateur, qui aurait bien aimé être ici aujourd'hui pour vous rencontrer et vous faire part de nos réflexions sur le rapport Arpln. Malheureusement, Guy est à l'étranger, pour faire changement un petit peu chez nous. Donc, effectivement, je me présente. Mon nom est Jean David. Je suis le vice-président communications marketing du Cirque du Soleil. Je suis au Cirque du Soleil depuis les tout débuts, soit 1984. Le Cirque du Soleil est une entreprise culturelle qui est née dans le cadre des célébrations 1534-1984. À ce moment-là, nous avions déposé un projet qui était de rendre itinérante une fête foraine qui se déroulait, à l'époque, à Baie-Saint-Paul, à 60 kilomètres d'ici à peu près. Le Commissariat général nous avait accordé un contrat, si vous voulez, d'à peu près 1 500 000 $.

Depuis, le Cirque du Soleil a évolué énormément. Il s'est développé, il a pris beaucoup d'expansion. D'une petite entreprise de 1 500 000 $, en 1984, alors que nous étions avec à peu près 40 employés qui étaient presque tous des surnuméraires, aujourd'hui, le Cirque du Soleil, en 1991, a un chiffre d'affaires d'à peu près 22 000 000 $ et emploie à peu près 160 personnes, employés permanents.

En 1984, le Cirque du Soleil recevait des subventions du gouvernement pour une valeur d'à peu près 95 % de son budget d'opération. Aujourd'hui, ces subventions représentent de 2,5 % à 3 % de son budget d'opération. Le Cirque du Soleil s'est produit, depuis 1984, dans les plus grandes villes nord-américaines. Je vous passerai la nomenclature de ces villes-là. On s'est produit également à Londres et à Paris, l'année dernière. Nous venons également de parapher une entente avec un groupe de presse japonais pour la présentation d'un superspectacle dans les huit plus grandes villes japonaises, l'année prochaine. Ce qui veut dire qu'en 1992 le Cirque du Soleil comptera donc, à ce moment-là, 270 employés permanents.

La moyenne d'âge des employés au Cirque du Soleil, si c'est Important pour vous, est d'à peu près 25 ans. Donc, les 160 personnes qui travaillent chez nous, la moyenne d'âge est à peu près ça, 25 ans. C'était, en 1984, et c'est encore, à mon avis, une entreprise jeunesse. Je suis un des plus vieux. Vous me permettrez mes cheveux gris. C'est avec le temps que ça vient, et les tournées.

Pour entrer rapidement dans le rapport Arpin, disons que, très simplement, nous apprécions et nous sommes d'accord avec le souhait que l'État québécois reconnaisse que la culture constitue une dimension fondamentale de notre société au même titre que l'économique et le social. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette affirmation. Dans le même sens aussi, nous

mettons en question quand même... H y a certains aspects dans le rapport sur lesquels nous nous posons certaines questions. Notamment, le fait qu'il semble, dans le rapport, se dégager et qu'on mette l'emphase beaucoup plus sur ce qu'on peut appeler la grande culture, soit les musées, les bibliothèques, la musique symphoni-que, le ballet et le théâtre.

À notre avis, il semble négliger des arts du type plutôt populaire, soit la musique populaire, le film, le cirque comme tel ainsi que les arts de la rue. Ça ne nous semble pas vraiment présent. On a noté une certaine approche qui est empreinte de dirigisme, une approche qui semble un peu bureaucratique de ce que doit être la culture. Nous voudrions vous rappeler que la culture québécoise est, avant tout, la propriété des Québécois, premièrement, et que l'activité culturelle est avant tout le fait de ses artisans, de ses créateurs et de ses producteurs. Elle est également le reflet de la population. C'est elle qui décide finalement ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, comme M. Chagnon vous l'expliquait tout à l'heure, le "zlp-zap".

C'est enfin, quant à nous, l'approche générale du rapport qui semble privilégier l'activité des Institutions publiques et parapubli-ques. Il ne semble pas transparaître du rapport, si vous voulez, la reconnaissance, notamment, du rôle crucial de l'entrepreneurship, la contribution importante des entreprises privées, leur place prédominante dans certains secteurs de la culture au Québec et le besoin souvent très différent de ceux des institutions.

Le Cirque du Soleil, nous avons nous-mêmes pris conscience très rapidement que nous sommes une entreprise culturelle et le mot "entreprise" a un sens qui est très réel, si vous voulez. C'est ce qui a fait en sorte que nous avons pu mettre le pied dans la porte de certains grands concours. Nous avons gagné notamment le Mercure de l'entreprise de services en 1988 et nous avons été nommés PME de l'année par l'Association des commissaires industriels du Québec. On a littéralement mis le pied dans la porte de ce qu'était la notion d'entreprise, de PME, d'économie et de gestion de façon générale. On trouvait que c'était important, qu'il fallait déborder, si vous voulez. La culture, c'est les affaires quelque part aussi.

Ce que nous souhaitons finalement, par rapport au rapport Arpin surtout, c'est qu'on reconnaisse de plein droit le domaine du cirque et ses particularités au Québec dans l'ensemble de la culture, que le cirque soit reconnu de plein droit, donc par la politique culturelle, que soit reconnu également l'entrepreneurship qui prévaut actuellement et qui a toujours prévalu. Disons que, sur un plan historique, on a fait l'histoire. Donc, reconnaître cet entrepreneurship qui, pour nous, est très important. Au même titre, reconnaître aussi le caractère unique de ce qu'est devenu le domaine du cirque au Québec, comme il n'existe à peu près nulle part ailleurs, et qu'il n'existe pas, entre autres, au Canada.

De façon générale, nous sommes d'accord également sur le fait qu'il faut soutenir le développement du domaine du cirque au Québec. Entre autres, le rapport Arpin parle de favoriser de façon générale la création. Nous croyons qu'il devrait exister des programmes d'aide à la création et qu'il faudrait rendre ces programmes accessibles aux entreprises et non pas seulement à des créateurs isolés. C'est très important pour les créateurs d'avoir accès à des programmes de cet ordre, mais, pour les entreprises, c'est également très important. Nous avons des besoins à ce chapitre. "Que les activités des industries culturelles soient considérées, aux fins de l'aide gouvernementale, au même titre que les activités de recherche-développement qui bénéficient de l'aide gouvernementale dans les domaines comme la santé, l'éducation ou le design industriel". Nous sommes parfaitement d'accord avec cette affirmation. Ce qu'on appelle le "R & D", chez nous, c'est un aspect extrêmement important. On doit investir en recherche et développement pour au moins 500 000 $ par année, si vous voulez, au Cirque du Soleil, et ça, depuis plusieurs années. C'est extrêmement important chez nous, c'est ce qui nous permet de pouvoir innover. Cette recherche et ce développement se font tant au niveau des talents qu'au niveau des techniques et même de la formation.

Ce que nous souhaiterions, c'est que cette nouvelle politique culturelle du Québec contribue à assurer la stabilité des entreprises. C'est un facteur extrêmement important si on veut qu'elles réussissent. Avant tout, si vous voulez, créer un environnement économique qui soit favorable à leur développement, c'est extrêmement important. Notamment, développer des programmes d'aide financière qui reconnaissent concrètement la nécessité d'investissements à moyen et à long terme, donc d'investissements où on n'attend pas toujours une rentabilité immédiate; la nécessité pour l'État également de se considérer comme un partenaire qui participe réellement aux risques aux côtés de l'entreprise privée, parfois; que la majeure partie de l'activité de certaines entreprises ayant atteint une certaine taille, comme c'est le cas pour le Cirque du Soeil, se déroule forcément sur des marchés étrangers.

Ce sont des particularités, si vous voulez, qui appellent des considérations particulières quand vient le temps d'étudier, en tout cas, finalement, de créer des programmes d'aide ou de support à ces entreprises-là. En ce qui a trait à la notion de favoriser l'activité internationale des entreprises, nous sommes parfaitement d'accord. Dans le domaine du cirque, notamment, nous en sommes un bon exemple, je crois.

Chez nous, il y a une notion qui est très importante, cette notion de globalisation des

marchés dont tout le monde parie depuis plusieurs années. On a compris un peu ce que c'était. On s'est dit: II y a une ouverture qui est là. La terre de M. Chagnon qui est toute... 'The electronic survival society", vous me pardonnerez l'expression anglaise. Tout est interrelié, tout est interconnecté et il y a de la place pour - effectivement, on parlait de contenu tout à l'heure - quelque chose qui peut se véhiculer à travers tout ça.

Au Cirque du Soleil, nous, on considère que c'est extrêmement important d'avoir des programmes d'aide qui soient spécifiques à l'exportation des produits culturels québécois. Il faut penser également à des programmes d'investissement qui ont des portées à court, moyen et long terme. La notion de risque, ici, entre en ligne de compte. Je vous rappellerai qu'en 1987, lorsque nous avons fait notre entrée sur le marché américain à Los Angeles, nous avons risqué 3 000 000 $. C'était un peu une espèce de quitte ou double, ça passait ou ça cassait. Heureusement, ça a passé.

Au même titre, au niveau de l'exportation des produits culturels, il y a une notion de cible. Vous savez, il y a des besoins qui existent dans les marchés extérieurs et nous, on a des produits d'ici qui sont là. On aurait intérêt, je pense, ensemble, à mieux cibler ces produits culturels qui sont appelés à être exportés. Également, nous souhaitons utile de favoriser la participation d'entreprises comme le Cirque du Soleil aux missions commerciales générales d'entreprises québécoises à l'étranger. Jamais au grand jamais quelqu'un ne nous a appelés, ne nous a envoyé une lettre pour nous demander: Est-ce que vous seriez intéressés à aller en Russie avec nous, il y a une délégation commerciale qui part? Seriez-vous intéressés à aller en Chine? Seriez-vous intéressés à aller en Bulgarie, en Pologne, ou en Angleterre?

Pourtant, ce sont des pays où nous avons des liens, des relations et même, parfois, des opérations. Jamais personne ne nous a appelés pour nous demander ça. Pourquoi? Parce qu'on est de la culture, nous. On est quelque chose, quelque part, qui est mal défini, qui est mal reconnu, je pense. Pourtant, nous sommes surtout et avant tout une entreprise. Donc, il y a plus d'une dizaine de pays à travers le monde, certains dont vous seriez surpris... Si je vous parlais de Cuba, entre autres, on a d'excellentes relations avec Cuba. On prépare des trucs, on prépare le futur, si vous voulez .

Quand on pense à la notion d'exportation, exporter des produits culturels québécois, je peux vous dire qu'au Cirque du Soleil, avec un chiffre d'affaires de 22 000 000 $, il y a 90 % de ce budget d'opération qui provient de l'exportation. On considère que oui, c'est vrai, le produit culturel québécois est exportable. Il y a un marché pour ça.

Au même titre, également, il y a la notion de renforcer un peu, si vous voulez, les délégations du Québec à l'étranger. Elles font déjà un travail fantastique et extraordinaire. C'est grâce à la délégation du Québec à Los Angeles que nous avons pu être mis en contact avec les gens du Los Angeles Festival à l'époque, mais il reste quand même qu'il y a un petit effort à faire, je crois, de conscientisation de ces gens-là au niveau du rôle, de ce que les entreprises culturelles peuvent attendre d'eux par rapport à ce marché qui est là.

Je peux vous dire que quand on arrive dans une ville nord-américaine ou dans n'importe quelle ville à travers le monde, qu'on arrive dans un bureau du Québec ou dans un consulat canadien, si vous me permettez, souvent on nous présente le représentant et l'attaché culturel. Bon, après deux minutes, on dit: Merci beaucoup, nous voudrions rencontrer l'attaché qui s'occupe des questions économiques. Cette personne-là est intéressante, cette personne-là a des contacts. Elle connaît le marché, elle connaît les leaders d'opinion, finalement, qui sont là. Ce qui nous intéresse, c'est aussi de parler à des chefs d'entreprise dans ces marchés-là. Pourquoi? Parce qu'on a à créer, on a à construire, on a à vendre.

Nous souhaitons également favoriser le développement de la compétence professionnelle dans le domaine du cirque. Vous savez, le Cirque du Soleil est devenu, avec les années, un des leaders mondiaux. Nous sommes une espèce de référence, si vous voulez, sur la planète, en ce qui a trait à ce qu'est maintenant le cirque, comment est-ce qu'on doit le concevoir. À ce chapitre-là, la demande est extrêmement forte.

Vous êtes au courant, nous allons au Japon l'année prochaine. Nous sommes également en négociation pour retourner sur le marché européen en 1992. La demande est extrêmement forte On a besoin de ressources, vous savez. Une des questions que la population, les gens, les médias nous posent tout le temps: Est-ce que vous avez toujours au moins 50 % de contenu québécois ou canadien? On se force. Vous savez, on travaille fort pour former des gens, pour être capable d'avoir effectivement au moins ces 50 % de contenu, mais c'est extrêmement difficile. Il y a une pénurie d'emplois dans le domaine des arts de la rue et des arts du cirque actuellement à Montréal.

Donc, favoriser le développement de la compétence professionnelle et ce, autant au niveau artistique, si vous voulez, qu'au niveau de la gestion, qu'au niveau de la production. Bien sûr, la notion de cirque, comme telle, les arts du cirque demandent une espèce de formation spécialisée. Par tradition, chez nous, c'est une entreprise-jeunesse, nous avons été à même de former énormément de gens à l'intérieur même de l'entreprise.

Il y a l'École nationale de cirque également qui a une vocation qui est très particulière.

Quant à nous, l'École nationale de cirque doit tenter de répondre prioritairement aux besoins du milieu québécois du cirque. Elle doit donc élaborer, à notre avis, ses programmes et ses activités en concertation avec le milieu. La reconnaissance de l'École nationale de cirque par le gouvernement doit s'accompagner de moyens adéquats afin qu'elle soit réellement en mesure de remplir sa mission. Enfin, nous croyons également que l'École nationale de cirque ne suffit pas à combler l'ensemble des besoins divers de formation dans le domaine du cirque au Québec. Une politique conséquente de formation devra également favoriser la formation en milieu de travail. Vous savez, comme principal employeur de ce qui se passe dans le domaine du cirque au Québec et au Canada, nous savons exactement ce dont le marché a besoin. Mais l'École nationale de cirque a une vocation qui lui est propre. C'est une institution à part entière qui est autonome et qui a sa propre mission. Nous respectons cette mission-là, sauf que nous avons des besoins qui sont beaucoup plus spécifiques, plus pointus, si vous voulez, en matière de formation.

Nous sommes d'accord également pour favoriser l'accès aux productions québécoises dans le domaine du cirque, favoriser l'initiation de la jeunesse aux productions culturelles de façon générale. Vous savez, on parle d'accessibilité, donc rendre la culture, de façon générale, accessible à cette jeunesse-là, donc mettre en place différents programmes pour faciliter cette accessibilité-là, soit que les spectacles se rendent en région, se rendent dans les écoles, qu'il y ait une espèce de...

Il y a un problème de communication en ce qui a trait à la culture et au monde de l'éducation, si vous voulez mon avis. Il n'y a pas d'interrelation. La culture et les jeunes, c'est la musique, c'est la radio, ce sont les médias électroniques qui sont là et qui occupent tout le champ de la communication. Mais la culture, c'est beaucoup plus que ça. D'après moi, il faut ouvrir cette notion de culture, il faut l'élargir. Par rapport à la jeunesse, il y a une notion de relève qui est extrêmement importante. Je vais vous faire un aveu. Quant à moi, mon opinion, c'est que la plus grande richesse naturelle du Québec, ce n'est pas les pâtes et papiers, ce n'est pas l'hydroélectricité, c'est la jeunesse. Ce que vous faites aujourd'hui, vous essayez de penser à ce qui s'en vient, à ce que sera la génération future. Rappelez-vous toujours que c'est ce que vous faites, finalement. Vous pensez à essayer de construire quelque chose pour ces gens-là... M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. David, votre temps est maintenant écoulé...

M. David: J'achève.

Le Président (M. Gobé): ... si vous voulez rapidement conclure. Après, vous pourrez continuer la discussion avec Mme la ministre. (11 h 45)

M. David: Je vais rapidement conclure. Je vais sauter peut-être au... Le rôle de l'État, etc., je le passe sous silence, vous lirez le rapport à ce sujet-là. Ce qui m'intéresse le plus, c'est par rapport au financement. Nous demeurons convaincus qu'une des façons les plus efficaces de soutenir la consommation de spectacles, première source de financement de la production et, en même temps, de faciliter l'accessibilité du domaine culturel, c'est d'éliminer l'ensemble des taxes affectant le spectacle, soit la taxe d'amusement, la TPS fédérale et la TVQ du Québec.

Vous savez, le Québec se targue de vouloir être une société distincte en Amérique du Nord. Le fait français, c'est ici qu'il est généré, c'est d'ici qu'il rayonne. Eh bien, oui, le Québec est effectivement une société distincte dans le domaine culturel. Les produits culturels québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord. Il semble que ça coûte cher, être une société distincte, c'est peut-être le prix qu'il faut payer. Il y a toujours des prix à payer un peu dans tout ça, mais, quant à nous, c'est absolument aberrant.

De même, au niveau des mécanismes fiscaux, il en a été question déjà dans le domaine du film, vous savez, il y a moyen, quant à nous, d'inventer des mécanismes fiscaux. Je sais qu'il y a des cadres supérieurs au gouvernement, il y a des actuaires, des économistes qui seraient heureux, d'après moi, de penser à des structures qui seraient plus adaptées, qui seraient plus performantes en termes d'avantages qui pourraient être offerts aux entreprises ou aux individus pour soutenir la culture de façon générale.

Aussi, en ce qui a trait à la commandite... Vous savez que la commandite fait un rôle extraordinaire, elle aide effectivement les entreprises. Mais la commandite a tendance, si vous voulez... Vous négociez avec des vice-présidents en marketing quand vous faites de la commandite avec des entreprises privées. Ces gens-là vous demandent des comptes, finalement, vous avez des comptes à rendre en ce qui a trait à la performance des investissements qui sont faits chez vous. Ça peut avoir des incidences au niveau de la culture, en termes de contenu culturel. Il y a un article dans le Wall Street Journal, qui va paraître bientôt, où on s'interroge actuellement sur le fait que les dons, notamment les dons faits par les grandes entreprises, qui étaient auparavant remis aux entreprises culturelles, aux grandes institutions, vont maintenant pour le sida, les hôpitaux, l'éducation parce qu'il y a des besoins réels et que, maintenant, les grandes entreprises culturelles sont obligées de négocier avec les vice-présidents en marketing.

Le Président (M. Gobé): M. David, nous allons maintenant passer à l'autre partie.

M. David: Oui, je m'excuse si j'ai été un peu long, j'ai essayé de...

Le Président (M. Gobé): Non, non, je vous en prie, c'était d'ailleurs fortement intéressant.

M. David: Pourtant, vous savez, notre truc, je le trouve très bref...

Le Président (M. Gobé): Non, non, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant et personne, ni d'un côté ni de l'autre, n'a demandé à vous interrompre. Donc, j'ai laissé aller les travaux sauf que, maintenant, on doit quand même rentrer dans le cadre. Mme la ministre des Affaires culturelles, pour une période de 10 minutes, tel que nous en avons convenu.

Mme Frulla-Hébert: Ça nous fait plaisir de vous accueillir ici. D'ailleurs, je voudrais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire et, aussi, effectivement, pour la performance exceptionnelle du Cirque du Soleil depuis sa fondation. Vous avez parlé d'être, et avec raison, de grands ambassadeurs culturels, des grands ambassadeurs du Québec, dans le fond, au niveau international puisque votre rayonnement déborde. D'ailleurs, on en a fait grandement mention lors de votre entente avec un gros commanditaire pour retourner au Japon.

Il y a des choses, par contre, que j'aimerais éclaircir et qui m'ont peut-être un peu surprise. Votre organisation, vous bénéficiez quand même d'une très grande croissance. Je pense que vous allez passer de 160 à 200 employés d'ici l'an prochain; ça mérite d'être souligné. Votre souci de garder un minimum de 50 % de caractère québécois, ou québécois et canadien, mérite aussi d'être souligné.

Au cours des dernières années, vous avez reçu du gouvernement des subventions qui s'élèvent à 2 400 000 $ et la SOGIC vous a accordé des garanties de prêts de l'ordre de 3 300 000 $ en 1991. Mais, d'un autre côté, dans votre mémoire, vous dites que les programmes actuels du MAC sont un obstacle à votre développement. Je vais vous dire que j'ai un peu de difficulté avec ça. Je comprends que les programmes ne sont peut-être pas adéquats. Vous me dites qu'il y a des choses à faire au niveau du cirque, de l'acceptabilité du cirque. Ça, je suis d'accord avec vous. Mais, on a quand même contribué au développement du Cirque du Soleil, pas seul évidemment, mais on a quand même été un artisan aussi, j'ose croire, un peu important de votre développement. D'un autre côté, vous dites: Bien, là, vous nous empêchez en termes de développement... J'ai de la misère à concilier les deux.

M. David: Mme la ministre, je pense qu'il faut lire ici que nous ne parlons pas du ministère des Affaires culturelles, nous parlons de façon générale. Vous savez quand... Je crois que c'est par rapport au fait qu'on peut cogner à certaines portes parfois et, à ces portes-là, les gens ne savent pas trop trop comment leur programme peut s'insérer dans une entreprise ou dans un projet culturel. On ne fait pas état spécifiquement, si vous voulez, du ministère des Affaires culturelles du Québec. Je ne le mets pas du tout en cause, je ne veux pas que vous puissiez interpréter que vous êtes un obstacle à notre développement. Au contraire, le ministère des Affaires culturelles a effectivement collaboré grandement, et collabore toujours, d'ailleurs, à ce développement-là. C'est strictement que l'ensemble des portes sur lesquelles il faut cogner, par exemple, qui sont offertes... Parfois, il y a des programmes qui sont plus ou moins clairs par rapport, si vous voulez, à des besoins spécifiques qu'on peut avoir, mais pas le ministère des Affaires culturelles comme tel, je ne peux pas vous...

Mme Frulla-Hébert: Vous avez lu vous aussi au niveau du rapport Arpin, par exemple, le dirigisme et la fonctionnarisation. Quand on parle aux intervenants - comme vous, nous on l'a reçu - on s'aperçoit que la volonté, c'est justement l'inverse. Il va falloir parler ensemble de ce que certains qualifient de saupoudrage - ça, je mets ça de côté - mais, au niveau du dirigisme et de la fonctionnarisation, j'aimerais savoir un peu pourquoi vous avez senti ça, vous autres, dans votre entreprise?

M. David: Dans le rapport? C'est peut être à cause du langage, vous savez. Il faut comprendre qu'on est des gens qui sont très simples, des entrepreneurs, des gens qui ont les mains dedans à tous les jours. Bon, il y a certains concepts avec lesquels on ne se promène pas tout le temps. Le rapport Arpin semble faire l'échafaudage, si vous voulez, d'une superstructure de quelque part qui serait un superministère de la Culture et ça me semble énorme. Ça semble un peu français en termes, l'image qu'on peut en avoir. Ce n'est pas toujours intéressant, c'est un peu péjoratif finalement.

Mme Frulla-Hébert: D'accord.

M. David: C'est dans ce sens-là qu'on a l'impression qu'H y a une Immense bureaucratie qui va se mettre en place pour évaluer finalement des projets et collaborer à des entreprises, ce qui n'est pas le cas actuellement, ce qui n'existe pas. L'espèce de qualificatifs qui ont pu être employés de façon générale, ils sont strictement de par, je dirais, l'inconnu qui est mis en relief. Vous savez, on se dit: Ça peut aller loin. Jusqu'où ça peut aller? Quand un État décide de

grossir et de se fonctionnariser encore plus, bien, écoutez, le passé ne nous dit pas que c'est quelque chose d'intéressant.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de l'internationalisation, par exemple, vous avez été très, très actifs sur la scène internationale. Vous avez risqué, comme vous l'avez mentionné tantôt, vous avez gagné le pari du risque, mais de quelle façon? Je comprends, vous dites que, dans les émissions, on devrait y être présent, etc. C'est une excellente suggestion. D'ailleurs, le rapport Arpin en fait part. Mais est-ce qu'il y a autre chose qui, en termes de soutien, pourrait aider les entreprises? Ce que je sens - dites-moi si j'ai tort - c'est qu'on est très près... Il semblerait, en tout cas, qu'on est près des individus, on aide. Il y en a qui vont dire que ce n'est pas assez, mais, quand même, on essaie d'être près. Je sens qu'au niveau des entreprises il y a peut-être une espèce de frein, une espèce d'éloigne-ment, là. Est-ce que j'ai raison de penser ça? Au niveau de l'internationalisation, par exemple, est-ce que ça se reflète au niveau de l'appui qu'on peut vous donner sur la scène internationale?

M. David: Sûrement qu'il y a moyen de ... Nous-mêmes... je peux vous dire qu'on se promène dans certaines villes et qu'on voit des opportunités, des opportunités d'affaires pour des produits culturels québécois. On les voit passer. On voit des gens, des contacts, des leaders finalement dans les milieux. On a l'impression parfois que telle troupe de théâtre qui fait un truc qui serait exportable, s'ils étaient au courant de ça, s'ils pouvaient leur parler, négocier, entreprendre une discussion finalement, ils y auraient possiblement accès.

Il y a un support qui est là, à donner. Effectivement, au niveau des délégations du Québec, il y a peut-être moyen, je dirais, d'actualiser, de raviver un peu la notion de culture, d'attaché culturel et d'attaché économique; les deux devraient être mariés. L'attaché économique, souvent, il n'a aucune idée, lui, qu'il peut aussi faire du lobbying pour des entreprises culturelles. D'après moi, il faudrait raviver et ranimer un peu ce qui se passe à ce niveau-là. C'est un des meilleurs outils actuels qui existent. Je peux vous le dire parce qu'on travaille beaucoup avec eux. Ils nous donnent un grand coup de main. On essaie également de les aider dans leur travail au même titre. C'est un des meilleurs outils, à ce stade-ci, qui existent.

Encore là, il y aurait lieu d'avoir une meilleure connaissance de chacun des marchés. On pense à l'Europe de 1992, on abolit les barrières tarifaires, mais il y a encore des barrières qui restent; ce sont des barrières culturelles dans l'Europe de 1992. Comment est-ce qu'on fait pour sauter par-dessus ces barrières-là? Ça demande une réflexion, ça demande des gens, ça demande des spécialistes, ça deman- de des gens qui font de la mise en marché, notamment.

Mme Frulla-Hébert: Une autre question, aussi. On parlait tantôt du fameux saupoudrage. Est-ce que le rôle qu'on devrait avoir au niveau du gouvernement - vous l'avez vécu, vous - est-ce que notre rôle devrait être un rôle d'appui, d'aide, de soutien pour que les entreprises démarrent? Autant dans votre cas qu'au niveau du Festival de jazz, par exemple, qu'au niveau du Festival juste pour rire, notre proportion est faible par rapport à ce que les entreprises maintenant bien connues peuvent aller chercher dans le marché. Donc, on se retrouve à donner peut-être 5 %, 6 %. Est-ce que ce ne serait pas mieux pour nous, à ce moment-là, de dire: Bien, là, vous y allez, vous êtes capables d'y aller seuls. Donc, les 300 000 $ qu'on peut vous donner... Compte tenu des ressources, on va vous fournir des ressources, comme vous dites, on va vous donner de l'appui au niveau international, mais cet argent-là, on va le prendre et on va essayer d'en faire démarrer d'autres ou d'en appuyer d'autres qui en ont le plus grand besoin.

M. David: Oui, j'aime beaucoup votre question. Vous savez, l'argent que vous nous donnez, que les autres ministères nous donnent, il a des buts spécifiques, une fonction spécifique. Cette fonction-là, chez vous, notamment, c'est beaucoup la formation, la recherche et le développement. C'est là qu'on l'investit, parce qu'on pense que c'est une donnée importante. Alors, à ce moment-là, si vous ne le faites plus, il faudra que quelqu'un d'autre le fasse. Nous sommes d'accord, si vous voulez, sur le principe de dire: Oui, on peut envisager effectivement... on doit probablement envisager une profitabilité qui fera qu'un jour, possiblement, on sera totalement autonomes. Mais je pense qu'il y a encore du travail à faire, il y a un chemin encore... Il faut traverser la rivière, je pense, il faut le faire tous ensemble. Comme je vous le dis, l'argent est utilisé à des fins spécifiques.

Il y a, par exemple, beaucoup plus que votre rôle. Votre rôle a toujours été très important jusqu'à date. Ce que, moi, j'aimerais voir comme rôle, c'est le rôle des entreprises privées du Québec, des grandes entreprises et des PME qui s'impliquent dans des entreprises culturelles, qui financent des projets des entreprises culturelles, qu'elles fassent du saupoudrage dans leur région, dans leur milieu. Pour ça, ça prendrait certaines mesures fiscales pour les aider. Elles pourraient bien vous remplacer, à ce moment-là. Elles pourraient prendre la relève dans bien des choses. Mais il faut les encourager, il faut leur donner des mesures, quelque chose, quelque chose qui soit un peu plus créatif que ce qu'on a pu voir à date.

Mme Frulla-Hébert: Parfait! Brièvement,

parce que nous avons des représentants du monde de l'éducation... Vous avez touché ça aussi en disant que l'éducation - et ça va revenir, ça revient tous les jours - semble, finalement, s'être éloignée. Oui, on montre aux enfants: Veux, veux pas, tu apprends la musique selon cette façon. Même si l'enfant n'aime pas ça, c'est ça pareil. Mais, tout l'apprentissage culturel, il semble que ça manque maintenant. Même, on va le voir dans le mémoire aussi, je pense qu'on en fait aussi un constat. Mais vous, comme entreprise - qui est différente, c'est frais, c'est différent, vous le mentionnez, vous aussi - pouvez-vous juste élaborer là-dessus brièvement?

M. David: Oui, certainement. L'idée, c'est de rendre accessible, d'élargir la notion de culture, si vous voulez, et de la rendre accessible le plus possible. Entre autres, dans les écoles, intégrer certains programmes à ce qui existe actuellement à l'intérieur des commissions scolaires et, strictement, avoir une meilleure communication de ce qu'est la culture, une meilleure diffusion, comme telle, à l'intérieur même de ces institutions-là, chez les jeunes, pour essayer de faire naître un intérêt.

Vous savez, la relève dans le domaine culturel, il faut que quelqu'un la prenne. Pour ça, pour prendre la relève, c'est là que ça commence, dans le milieu. Quand vous regardez les gens qui sont les dirigeants des grands festivals ou des grandes entreprises culturelles d'aujourd'hui, ce sont tous des gens qui étaient hyperactifs au cégep, au secondaire. C'étaient eux qui menaient le bal. Ils organisaient tous les congrès, tous les "parties", tous les festivals, toutes les danses et tout ce que vous voulez. Ce sont eux qui faisaient ça, puis c'est vrai.

Qui est-ce qui fait ça maintenant, dans les cégeps et dans les commissions scolaires? Cherchez-les! C'est mort, et ce sont les parents qui vous disent ça. Oisons que ce n'est pas autant effervescent que ça l'a déjà été. Il y a quelque chose qui ne se passe pas. Il faudrait que ça se passe un peu, c'est là que ça commence. L'avenir, c'est là qu'il se construit, ce n'est pas ici. Dans le fond, c'est là que ça se passe. Alors, il faudrait peut-être les regarder plus attentivement, jeter un coup d'oeil. Comment est-ce qu'on peut les encourager, les aider? Ils ont une tête sur les épaules. L'idée, c'est: Quels sont les moyens qu'on peut leur fournir pour qu'ils s'en servent littéralement pour créer des choses, innover, s'intéresser, aller au-delà? (12 heures)

Vous savez - je vais faire un aparté - on forme des comédiens dans les conservatoires. Une chose qu'on ne leur montre pas, par exemple, c'est comment s'administrer, comment se prendre en main. Quand ils sortent de là, ils veulent jouer. Eh! Mon Dieu! Ils tombent bas. Ça fait mal souvent. Il y en a beaucoup qui se ramassent sur le bien-être social pendant longtemps avant d'en arriver à quelque chose. Il faut qu'ils apprennent à se prendre en main, à se mettre sur le marché. Ça, la mise en marché et le théâtre, mon Dieu que ça a l'air loin. Mais, d'après moi, en tout cas, ce genre de choses doit être fait.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Salnte-Marie-Saint-

Jacques, porte-parole officiel de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Boulerice: M. David, je m'en voudrais de ne pas vous féliciter pour cette tournée au Japon qui vient de se concrétiser. On vous décrivait comme ambassadeur. Je pense que le terme n'est pas exagéré, sauf que, c'est bien entendu, je souhaiterais qu'au lieu de vous donner uniquement des lettres de créance on vous donne certaines traites bancaires aussi. Mais ça, on y reviendra, au financement.

J'ai aimé, dans votre mémoire, que vous incluiez la notion de culture populaire. Je vous avoue que, depuis les six ans que j'assume cette fonction de porte-parole de l'Opposition pour les arts et la culture, j'ai toujours été un peu agacé par le côté superélitlsme et cette espèce de dédain à peine camouflé qu'on peut avoir de certaines manifestations culturelles qui ne se font pas en smoking ou sous de grands candélabres. Alors, à ce moment-là, ça a une petite connotation. Je pense qu'il était temps que quelqu'un le dise de façon ouverte et vous lavez fait. Ça, je vous en félicite.

Quant aux autres éléments qui sont con tenus dans votre mémoire, vous parlez des difficultés. C'est quoi les difficultés particulières quant aux modalités de soutien de la part de l'État dans le domaine très spécifique du cirque?

M. David: Les difficultés qu'on peut avoir, finalement, ça a pu être ou ça peut être, à la limite, de reconnaître certains besoins. Vous savez, il y a des choses qu'on voudrait faire, mais qu'on ne peut pas faire, que ce soit... Notamment, on a des besoins qui sont énormes au niveau de la formation, j'en parlais tout à l'heure. C'est un problème extraordinaire chez nous actuellement parce que la demande est tellement forte et on refuse des demandes. À tous les jours, je suis là, à mon bureau, en train de dire: Non, je m'excuse; non, je m'excuse; non, je m'excuse. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas de ressources.

On n'a pas de ressources humaines, on n'a pas les bons techniciens que ça nous prendrait parce qu'on les occupe, nous autres, déjà à temps plein. On n'a pas les bons artistes, on n'a pas les bons gestionnaires non plus parce qu'ils ne sont pas formés. Les gens qui postulent des

emplois chez nous, on dirait qu'ils arrivent de "nowhere". Ils rêvent tous un peu de venir travailler chez nous.

Entre autres, la formation est probablement un des aspects qui est le plus crucial, je dirais, à ce niveau-là parce qu'il y a une multitude d'opportunités économiques qui existent actuellement à travers le monde, qu'on pourrait saisir, mais qu'on ne peut pas. IBM me demande un spectacle particulier pour une présentation particulière à Orlando au mois de mars, j'ai fait la même chose pour Apple à un moment donné. On a des demandes de ce type-là d'un peu partout, mais on ne sait pas à qui référer ça. Il n'y a personne qui fait ça. Donc, il y a des besoins qui sont là, mais qui ne sont pas comblés, si vous voulez.

On a, nous, dans le passé et encore aujourd'hui, accès à des programmes qui sont là. On les a construits, entre autres, avec le ministère des Affaires culturelles. On a établi à l'arraché, finalement, notre reconnaissance. Il y a des programmes qui sont là et qu'on utilise. Mais, d'après moi, il y en a d'autres aussi qui pourraient être créés pour répondre à des besoins qui sont, comme ça, plus spécifiques. Que ce soit au niveau de l'exportation... Vous savez, c'est le ministère des Affaires internationales qui nous supporte le plus au niveau de l'exportation, ils ont des programmes spécifiques, c'est leur job, c'est leur vocation, c'est leur mission. Donc, chacun a sa mission. On a mis le pied dans la porte, nous, au ministère de l'Industrie et du Commerce, on a vraiment mis le pied dans la porte. Ils nous ont reconnu comme étant une entreprise d'exportation. J'en suis fier, merci beaucoup. Je vais peut-être pouvoir envisager l'accès à certains de leurs programmes, mais là je commence à avoir accès à certains de leurs services. Ils nous appellent plus régulièrement, ils nous invitent à des trucs qu'ils font, quelque chose qu'ils n'avaient jamais fait dans le passé. Jamais, une entreprise culturelle ne serait allée là.

M. Boulerice: Ça représente effectivement une avenue intéressante. Vous avez parlé des possibilités réelles sur la scène internationale. Vous avez fait allusion à l'aide de certains ministères, le ministère des Affaires internationales...

M. David: Oui.

M. Boulerice: ...Industrie et Commerce qui, forcément, a un volet commerce extérieur...

M. David: Le Tourisme également.

M. Boulerice: Le Tourisme, effectivement.

Mais, si on parlait de véritables programmes d'aide à l'exportation adaptés à vos besoins, ils seraient comment, ces programmes-là?

M. David: Vous me posez une grande question, M. le député. Je ne vous dirai pas comment ils seraient. Je ne peux pas vous répondre, je pense qu'il faudrait qu'on s'assoie puis qu'on en discute. Il y a aussi d'autres gens chez nous qui participent au développement de l'entreprise. Il y a plusieurs facettes, si vous voulez. C'est une notion de mise en marché, finalement. Il faut trouver un réceptable où il faut se produire. Il y a une structure d'accueil à mettre en place. À ce moment-là, il faut également avoir le bon produit qui peut aller au bon endroit. C'est toute la chaîne de production qui est en cause à ce moment-ci. Alors, comment est-ce que vous pouvez le mieux... quel serait peut-être le programme idéal? Je pense que ça demanderait qu'on s'y penche un peu plus sérieusement.

M. Boulerice: Vous avez beaucoup insisté au niveau de la formation. Je pense que c'est capital dans ce domaine. Vous souhaitez qu'au-delà de l'École nationale de cirque on favorise la formation en milieu de travail, ce qui implique une concertation, d'une part, avec l'école, ça va de soi, les cirques québécois et le ministère. On peut l'envisager selon quelle modalité, cette concertation nécessaire?

M. David: Bien, il y a certains programmes qui existent au fédéral, je crois, ceux qui ont rapport à la pénurie d'emplois, Emploi et Immigration, je pense, avec qui on en fait actuellement. C'est plus, je dirais, en fonction des ressources. Quand vous regardez le bassin de chômeurs qu'il y a en ville, par exemple, puis que vous regardez l'intérêt que ces gens-là pourraient avoir, qu'ils pourraient avoir, entre autres, à se recycler, puis quand vous regardez les besoins qui vont exister sur le marché, il y a peut-être un pas à faire entre ce chômage ou ce bien-être social et, finalement, un produit fini qui se trouve à être à l'intérieur d'une production comme telle.

Nous, on le fait, si vous voulez, on fait de la sélection spécifique. On va chercher des individus qui sont soit sur le chômage ou qui vendent des chaussures chez Bâta, au mail Champlain, mais qui sont des anciens médaillés olympiques du Canada, vous savez, les gymnastes, entres autres, des choses comme ça. On les prend et on leur dit: Aimerais-tu ça faire du cirque? Tu pourrais être un vrai gymnaste, puis tu vas donner 300 représentations par année, tu vas gagner tant d'argent par année. Tu vas vivre une aventure unique. Ils embarquent. Mais, nous autres, on paie pour ces programmes-là, vous savez. Donc, on les prend dans un certain milieu. On les forme, on les encadre, on leur donne une formation spécifique, et on les intègre à des productions qu'on envoie sur le marché.

Ce qu'on fait quand on signe avec le Japon puis qu'on essaie d'ouvrir encore plus au niveau

de l'Europe, c'est d'essayer de leur garder des emplois qui vont être... Au lieu de les engager pour deux ans, c'est de les engager pour quatre ou six ans. C'est ça qu'on veut, leur créer un avenir aussi. Après, ce sont les autres cirques dans le monde qui viennent les chercher parce qu'ils sont devenus bons. Puis, ils ont un avenir.

M. Boulerice: Mme Blackburn, et je reviendrai.

Le Président (M. Gobé): Madame. Mme Blackburn: Oui, très brièvement.

Le Président (M. Gobé): II reste quelques minutes, d'ailleurs.

Mme Blackburn: En matière de formation professionnelle, il y a un programme fiscal qui prévoit des crédits d'impôt à la formation professionnelle pour l'entreprise. Est-ce que votre entreprise est admissible à ce programme?

M. David: Je ne sais pas, madame, je ne peux pas vous répondre. Je ne connais pas la nature exacte du programme. Je ne connais pas les conditions d'éligibilité au programme. Je ne sais pas, peut-être. Je suis certain que vous allez m'envoyer les formules puis...

Mme Blackburn: II faudrait voir. C'est parce que je ne sais pas si vous êtes admissible. Je sais que l'industrie de la construction en est exclue. À présent, est-ce que les industries culturelles sont accessibles?

Mme Frulla-Hébert: Elles ne sont pas exclues.

Mme Blackburn: Non? Parce qu'il faudrait peut-être voir. C'est peut-être un manque d'information, à un moment donné.

M. David: Vous savez, si les industries de la construction sont exclues, nous autres, chez nous, il y a des électriciens, des soudeurs, des plombiers, des menuisiers. Ça, j'en ai plein aussi comme employés permanents. Ça fait que là, si je suis exclu...

Mme Blackburn: Mais, là, on n'entend pas industries de la construction dans ce sens-là. Ce sont vraiment des constructions d'immeubles...

M. David: Des grosses comme des buildings. Je construis juste des chapiteaux, madame.

Mme Blackburn: II faudrait voir, de toute façon...

M. David: Ça m'intéresse.

Mme Blackburn: Oui? Il me semble que ça devrait vous intéresser.

M. David: Tout nous intéresse, vous savez. Mme Blackburn: D'accord!

M. David: Non, c'est vrai, il existe quand même une réalité. C'est que, nous autres, on a découvert, avec le temps... On a fait l'inventaire d'à peu près tout ce qu'on pouvait... Tout ce qui existait, on est rentré dedans. Il y a un programme? On y va, on en a besoin, ça va nous aider, ça, on en a besoin. On s'est aperçu que les gens étaient ouverts, ils étaient intéressés. Puis, plus on a acquis une notoriété qui était grande, plus ils étaient intéressés encore. Il y en a qui nous appellent, même.

Mme Blackburn: II y a également des programmes de soutien à la recherche. On ne dit pas qu'ils fonctionnent bien. On a déjà eu de longs débats là-dessus. Mais, comme vous parliez tout à l'heure de recherche - parce qu'il faut qu'il se fasse de la recherche dans votre secteur aussi - est-ce que vous avez regardé de ce côté-là aussi? Généralement, ils ne sont pas très généreux. Tous les gouvernements, indépendamment des gouvernements, ont quelque chose comme un préjugé quand on parle de formation professionnelle et de recherche dans vos milieux. Ce serait peut-être une piste à explorer éventuellement.

M. David: Quand on parle de recherche également dans notre milieu, ça, c'est encore pire, madame.

Mme Blackburn: C'est ça, la recherche, c'est encore pire. Je suis certaine, je vois les gens qui examinent un projet de recherche dans vos milieux, ce n'est pas évident.

M. David: Non, vous savez, il faut aller à Venise... Ce n'est pas évident.

Mme Blackburn: Ça ne doit pas être évident.

Le Président (M. Gobé): Madame, cela met malheureusement fin à la période d'intervention.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion. Très rapidement, s'il vous plaît!

M. Boulerice: Je vais profiter de la conclusion pour dire à M. David que, moi qui demande à la ministre d'accorder les sous nécessaires à un Incubateur culturel au niveau du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal, le plus bel

exemple qui pouvait se présenter devant nous, c'est le Cirque du Soleil avec ses 160 employés. Donc, c'est la preuve qu'on peut créer des emplois dans le domaine de la culture à un coût beaucoup moindre que dans les alumineries.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, M. David, merci pour votre présence. Il faut quand même le dire et le rappeler aux députés que nous avons été très très présents dans le développement de cette entreprise. Où vous avez raison, c'est que l'entreprise culturelle c'est 65 000 emplois, 3 900 000 $ et on ne le répétera pas assez souvent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. David, ceci met fin à votre intervention. Sans plus tarder, je demanderai à la Fédération des cégeps de prendre place. Je ne suspendrai pas les travaux pour ce faire car nous sommes déjà en retard.

Si je comprends bien, la Fédération des cégeps est représentée par M. Gaétan Boucher, directeur général, Claude Boily, directeur général du cégep de Saint-Laurent et M. Richard Drolet, directeur des services aux étudiants. Est-ce exact?

Fédération des cégeps

M. Boily (Claude): M. Drolet, à ma droite, M. le Président, et M. Boucher, à ma gauche. Je suis M. Boily.

Le Président (M. Gobé): M. Boily, c'est vous qui allez faire la présentation?

M. Boily: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, sans plus tarder, si vous voulez commencer, car nous sommes déjà un peu en retard.

M. Boily: Je vais essayer de gérer mon temps pour faciliter la gestion de votre propre temps.

Le Président (M. Gobé): Merci, vous êtes très aimable.

M. Boily: Comme je sais que vous avez lu le mémoire avec suffisamment d'attention, pour nous permettre de nous faire entendre ce matin, je tracerai très brièvement trois des problématiques que nous avons soulevées suite à la lecture du rapport Arpin. Nous avons décidé, M. le Président, de traiter le rapport Arpin comme un objet important qui nous interpellait au niveau d'une réflexion de notre rôle comme éducateurs au niveau collégial par rapport à la culture et aux arts dans notre province.

Cette interpellation nous a amenés à une autocritique qui met en valeur tant nos forces que des faiblesses aussi du système que nous n'avons pas peur de mettre sur la table. Les forces du système collégial sont d'abord d'être et de constituer pour le Québec un acteur culturel important. Le choix du gouvernement de disséminer à travers la province 46 institutions d'enseignement collégial fait en sorte que partout dans les régions du Québec, tout autant à Montréal que dans la ville de Québec, se retrouvent des institutions qui ont souvent été le moteur de développement culturel par croyance et par presque substitution à des non-choix que des municipalités du temps ont pu faire. C'est ainsi que dans les régions du Québec on a retrouvé des salles culturelles, on a retrouvé du théâtre, on a retrouvé sur le plan formel des institutions qui ont bien servi la culture des citoyens. Ça, pour l'extérieur de l'institution. À l'intérieur de nos institutions, les collèges, il existe depuis fort longtemps une vie culturelle intense qui a, comme le soulignait notre prédécesseur, permis à des gens de développer des talents particuliers. Depuis quelques années, on doit reconnaître que le ministère de l'Enseignement supérieur, qui est notre bailleur de fonds, a reconnu en standardisant un certain nombre de subventions cette réalité en subventionnant, par exemple, le Festival de la danse, le Festival de la musique, le Festival du théâtre, le Cégep en spectacle, mais cela, après quelques années de débats où un certain nombre de personnes ont pu se questionner sur la mission que les collèges avaient dans le domaine culturel.

Il nous apparaît que la mission première des institutions demeure une mission d'enseignement mais que, par ailleurs, nos milieux de vie avec 130 000 jeunes et autant d'adultes, un nombre considérable d'adultes qui sont présents, ne peuvent faire abstraction de la réalité culturelle et artistique. À ce titre, les cégeps affirment leur présence comme outil nécessaire de développement de la culture au Québec, maintiennent leur rôle actif, mais supportent l'idée du rapport Arpin, entre autres, que mandat soit donné aux municipalités d'activer et de prendre en charge l'animation culturelle de leurs citoyens. (12 h 15)

Nous ne voulons pas nous débarrasser d'un rôle que nous avons joué jusqu'à ce jour, mais bien le partager avec les municipalités qui, à nos yeux, nous apparaissent l'organisme qui devrait prendre en charge cette responsabilité d'animation culturelle des citoyens. Notre expertise et notre vécu pourront être utiles et ce que nous disons aux membres de la commission, c'est que, si jamais une municipalité, pour des raisons qui lui sont propres - et je n'entre pas dans le champ du financement - décidait de ne pas jouer ce rôle de prendre en charge l'animation culturelle et artistique de ses citoyens, et qu'un

cégep se substituait en maintenant cette animation, il devrait à ce moment-là, à tout le moins, être admissible au financement du ministère des Affaires culturelles, ce qui n'est pas le cas puisque, généralement, étant sous les fonds, étant en fait... D'ailleurs, comme bailleur de fonds, le MESS... Nous nous voyons refuser des subventions du ministère des Affaires culturelles, et avec une certaine logique qui dit que, déjà, le gouvernement investit au-delà de 1 000 000 000 $ dans les cégeps. Alors, normalement, les fonds devraient suffire. C'est lorsque nous dépassons la mission première de l'institution, non pas par rapport a notre population interne, mais par rapport à la population externe de nos collèges, que nous avons des problèmes de financement.

Quant à la réalité culturelle de nos propres élèves, de nos propres étudiants, elle est bien sûr une réalité qu'il faut maintenir, et je dirais même accroître, puisque de là va partir l'intérêt pour la culture et les arts de nos citoyens de demain. Un problème majeur que nous rencontrons à ce sujet, et nous l'avons souligné dans le rapport lorsque nous parlons d'amateurs, de réseaux amateurs, le Cégep en spectacle, les festivals collégiens, musique, art, danse, théâtre et le reste, c'est la difficulté d'obtenir des subventions pour que ce réseau amateur puisse faire appel à des professionnels. C'est-à-dire qu'on peut, jusqu'à un certain point, financer une opération x qui est une opération amateur, tel un festival de danse ou un festival de théâtre, mais, lorsque arrive le moment de défrayer les coûts des professionnels, artistes ou comédiens, nous ne sommes admissibles à aucun programme, de sorte qu'il y a deux solutions qui sont envisagées. Malheureusement, celle qui est la plus fréquente, c'est celle qui fait appel à la bourse des étudiants. Ils sont déjà très pauvres et, par leurs frais afférents, ils viennent contribuer à payer ou défrayer une partie des professionnels qui viennent apporter leur expertise. La deuxième solution serait d'avoir un programme qui nous permettrait de financer les professionnels qui viennent aider le réseau amateur des collèges. C'est dans la même ligne que le domaine des municipalités. À ce moment-la, il faudrait que le ministère des Affaires culturelles nous reconnaisse comme admissibles, même si nous sommes en éducation, à ce type de programme-là.

Le rapport Arpin, à notre point de vue, a balayé rapidement le phénomène de l'intercul-turel. Il est bien sûr que pour les collèges de la région de Montréal plus particulièrement, et pour le Québec en général, nous parlons de 1 000 000 d'individus qui ne sont pas nés au Québec. Parler de culture et ne pas parler de 20 % de notre population et de stratégies à mettre en place pour que la véritable intégration de ces gens qui nous viennent d'ailleurs puisse se faire en faveur de la culture québécoise, en faveur de la société d'accueil, c'est, à mon point de vue, laisser un grand trou dans une politique qui veut parler de culture. Nous sommes ouverts, avec l'expertise qui se développe graduellement, tant dans les commissions scolaires que dans les collèges où, dans certains, le pourcentage de néo-Québécois atteint 30 %, à partager cette expertise et à aider le ministère des Affaires culturelles à développer des stratégies à cet effet.

Nous avons un problème particulier avec les métiers d'art. Nous avons deux écoles de métiers d'art affiliées à des collèges et la difficulté de perfectionnement - Mme Blackburn parlait tout à l'heure de crédit d'impôt et de programme de formation CFP et MMSR - nous avons là un cas typique de gens qui ne sont pas admissibles à ce type de programme pour la simple raison qu'ils se retrouvent souvent seuls comme artisans dans leur métier. Or, tous ces programmes sont faits pour des ensembles, des groupes, des agglomérations d'individus et, conséquemment, ils sont laissés pour compte. Une fois que la formation initiale a été donnée en termes de métier, ils sont laissés pour compte. C'est comme s'ils n'avaient pas à se maintenir à la fine pointe de leur métier en ayant accès à du recyclage et du perfectionnement. Il y a là une carence qui, à mon point de vue, devrait être corrigée pour permettre aux artisans de pouvoir se maintenir à jour et éviter ce qu'on vit actuellement, même la disparition de certains métiers d'art, ce qui, à notre point de vue, est une perte importante pour la culture québécoise.

Les programmes généraux, les programmes professionnels, les programmes de métiers d'art. En regardant le rapport Arpin, nous nous sommes questionnés sur la tendance que semble indiquer le rapport Arpin par rapport à un choix que devrait faire l'État entre les écoles nationales et l'enseignement professionnel, dans le domaine du théâtre, par exemple. La question est posée. Notre réponse n'est pas de dire: favoriser l'un au détriment de l'autre, mais peut-être assurer une meilleure concertation pour éviter, s'il y a lieu, des dédoublements, préciser le mandat et les fonctions de chacun des niveaux pour la formation des artistes et des comédiens. Nous croyons sincèrement que les collèges ont leur place dans l'enseignement professionnel, mais nous sommes ouverts à regarder si cette place devrait être modifiée pour tenir davantage compte du rôle que doivent jouer les écoles nationales. C'est pourquoi nous recommandons une concertation interministérielle qui permettra de faire des échanges avec le secteur de l'éducation.

En dernier lieu, M. le Président, le message est très clair dans le rapport Arpin et nous sommes d'accord avec ce message que la culture et les arts, ça part de l'école. C'est l'école élémentaire, l'école secondaire, pour ne pas parler des collèges et des universités, qui doivent asseoir ce goût, cette richesse et cette attraction des citoyens de demain pour le phénomène

artistique, pour les problèmes et les réalisations artistiques et culturelles.

Dans les 20 dernières années, on doit reconnaître à notre corps défendant que, parfois, nous avons adopté l'attitude "sans sciences pures, pas de salut". Il est peut-être temps, dans la lignée et la foulée du rapport Arpin, de réaffirmer l'importance fondamentale des programmes des arts et des programmes culturels et artistiques. Il est peut-être temps de porter le message à nos étudiants que ce n'est pas un échec de ne pas avoir réussi Maths 534, que ce n'est pas un échec de vie si on est fort du côté de la créativité et des sciences humaines, il est peut-être temps qu'avec le secondaire on puisse remettre en valeur l'importance des programmes culturels et artistiques. Sans le faire au détriment de l'importance du génie, des sciences comptables ou des sciences pures, le faire au moins de façon équilibrée pour reconnaître qu'une société a besoin de créateurs, tant du côté de la recherche et de la technologie que du côté de la culture et des arts. Alors, nous nous Interpellons à cet effet-là et nous sommes heureux d'en faire partager le souci aux membres de la commission.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Boily. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec Mme la ministre des Affaires culturelles pour une période de dix minutes.

Mme Frulla-Hébert: D'abord, bienvenue, M. Boucher, M. Boily, M. Drolet. M. Boily, je ne peux pas m'empêcher de vous dire que vous devez faire quelque chose de bien au collège de Saint-Laurent puisque mon fils, qui n'est pas le plus grand studieux en ville, est chez vous pour la première année et que je le vois étudier a la bibliothèque. Alors, je vous écoute parler et je me dis: Bon, bien coudon, ça doit influencer en quelque part. Ce que je vais faire, si vous me le permettez, M. le Président, à la demande de la députée de Chlcoutimi, je vais lui passer la parole parce qu'elle semble avoir un engagement à 12 h 30. Je reviendrai ensuite, si vous le voulez bien et si vous me le permettez.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je remercie Mme la ministre. J'ai effectivement un engagement, c'est un dîner officiel. Ils sont un peu plus difficiles à arriver en retard. Je salue avec plaisir les représentants de la Fédération des cégeps. Comme on le sait tous, c'est un milieu que je connais assez bien. L'analyse que fait M. Boily sur l'importance de l'enseignement des arts est partagée par plusieurs pays dans le monde, parmi les plus prospères, qui établissent un rapport direct entre l'enseignement et la pratique d'une discipline artistique et la créativité dans tous les autres secteurs d'activité, y compris au travail. Alors, où la recherche et les sciences sont très avancées, généralement, il y a de solides programmes de formation offerts dans les différentes disciplines artistiques dans les écoles. Évidemment, ça va de soi que, si vous offrez dans vos écoles les différentes disciplines artistiques, vous allez par voie de conséquence vous créer ce que j'appellerais une clientèle pour ces disciplines parce qu'elles développent le goût d'aller voir des spectacles et d'y participer à l'occasion.

Vous rappelez avec justesse la place et l'importance des cégeps comme lieu d'animation et de formation. J'ai été étonnée également au moment où j'ai lu le rapport Arpin de ne pas le retrouver, d'autant plus que M. Arpin est issu de ce milieu. J'ai été surprise qu'il ne se soit pas rappelé un peu de son passé.

Vous faites un certain nombre de propositions. Vous dites que les municipalités devraient être un lieu de coordination - en page 9 de votre mémoire - et ça revient souvent. D'ailleurs, ça revient dans le rapport Arpin. Je pense qu'il va falloir qu'on parle... Tantôt, il est certain que les municipalités vont nous en parler du partage de l'assiette fiscale. Dans vos recommandations 11, 12, 13, 14 et 15 qui touchent un peu, beaucoup, la coordination et ces lieux qui devraient être parties à cette coordination, est-ce que vous croyez que la municipalité puisse devenir coordonateur, une espèce de rassembleur entre les écoles, les collèges, le centre culturel local, les bibliothèques, ainsi de suite? Est-ce que c'est la municipalité qui devrait prendre le leadership en ces matières?

M. Boily: À cela, je répondrai - peut-être que mon collègue d'Édouard-Montpetit, M. Drolet, pourra ajouter - que, dans un premier temps, les municipalités devront se mettre en position d'accepter ce mandat recommandé si le gouvernement et le ministère de la culture, tel qu'il serait créé, les mandataient à cet effet. Il m'apparaît que c'est un véritable effort de concertation. Je répondrais en deux points. Là où certaines municipalités ont déjà pris une forme d'initiative, elles devraient maintenir et garder cette initiative. Le rôle des collèges serait - là où ce n'est pas le cas - de susciter la prise en charge par la municipalité, mais elle devrait être plutôt un acteur en concertation que le leader du dossier. Il m'apparaît que la municipalité, dans ses assises et ses responsabilités envers les citoyens, devrait être le leader de ce dossier-là, les collèges, bien sûr, demeurant maîtres d'oeuvre par rapport à leur clientèle interne dont ils ont la responsabilité première, mais devenant un peu des ressources et une expertise pour la municipalité, pour la réalisation de son mandat.

M. Drolet, qui vit à Longueuil une expérience - le cégep Édouard-Montpetit, ville de Longueuil - pourrait peut-être élaborer là-dessus brièvement.

M. Drolet (Richard): Je voudrais simplement signaler que je pense que ça devrait être un leadership partagé respectant les compétences de chacun. Je voudrais illustrer ça d'une façon concrète. Lundi soir, à la ville de Longueuil, il y avait le vernissage de son concours Les Lauréats, qui est un succès. Si jamais vous venez dans la région, je vous invite à venir voir cette magnifique exposition. Elle est le résultat de la collaboration du ministère des Affaires culturelles avec la ville et le cégep. L'exposition a lieu dans le foyer du Théâtre de la Ville, et c'est à l'intérieur du collège. Alors, je trouve que nous sommes en train d'inventer une nouvelle forme de collaboration. Ce qui m'apparaît important et ce que je veux dire... La culture, à mon avis, c'est par contact que ça se passe et, si vous me permettez, je vous dirais même par contagion. L'expérience que j'ai auprès des étudiants, c'est qu'ils sont prêts a embarquer dans beaucoup de choses, mais il y a une chose qu'ils veulent avoir, c'est un simple principe élémentaire de pédagogie, c'est l'exemple. Les programmes qui réussissent au collège, c'est quand les étudiants se rendent compte que les éducateurs, les administrateurs sont motivés; les étudiants embarquent. S'ils sentent que, dans un projet particulier, on est moins fervent, ils reculent. Là-dessus, on pourrait vous illustrer ça juste par rapport aux frais afférents que le collège a doublés il y a quelques années. On a essayé de convaincre les étudiants qu'ils devaient apprendre à investir dans leur éducation et dans leur culture. Alors, par rapport à ça, je pense que c'est un leadership qui doit être partagé et il y a des choses à développer, à inventer. (12 h 30)

Mme Blackburn: Bien. Vous faites une confession en disant que vous avez peut-être un peu trop facilement emprunté le pas aux tendances générales qui voudraient qu'on mette l'accent davantage sur la formation en sciences en vous disant: II faudrait qu'on fasse plus de place à l'enseignement des arts. Est-ce que c'est encore possible, dans le curriculum des programmes actuels, de faire une place additionnelle à l'enseignement des arts et chez vous, au cégep de Saint-Laurent? Parce qu'il y a une longue tradition, une longue tradition d'enseignement, de formation et d'animation dans les arts de la scène, en particulier le théâtre. Et ça date du collège de Saint-Laurent qui est devenu le cégep de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a encore beaucoup de place faite à cette... Est-ce que cette tradition est toujours très vivante et est-ce qu'il y a de la place dans le curriculum des programmes pour faire de l'enseignement un peu plus dans ces domaines artistiques?

M. Boily: Mme la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, je suis heureux de vous dire que nous avons commencé cette année la première année d'un programme général en art dramatique. Donc, nous maintenons la tradition du cégep de Saint-Laurent. Quant à votre question: est-ce que c'est possible? je pense que tout est possible quand il y a une volonté, tant de la part des éducateurs que de la part des politiciens qui décident. Je vous dirai qu'en début de notre rapport nous affirmons haut et clair que nous sommes d'accord avec l'importance que veut donner le rapport Arpin, dans sa recommandation au gouvernement, de placer la culture, au sens large du mot, sur le même pied que l'économique et le social. Étant d'accord avec cela, le gouvernement prenant position sur cette importance à accorder à la culture, les collèges et les commissions scolaires devront, avec leur ministère, se rasseoir pour dire: Comment va-t-on traduire cela dans nos propres programmes? Il me semble qu'il y a moyen d'instaurer chez nos jeunes, dans notre programmation mais, bien sûr, en éliminant ou en réduisant ce qu'on a pu considérer comme une priorité plus grande, due aux 20 dernières années, qui était un peu contrastante avec les collèges classiques qui avaient accordé beaucoup d'importance aux professions libérales et aux professions généralistes... Alors, il y a eu une espèce de pendule qui s'en est allé vers la droite et qui a mis en évidence beaucoup l'enseignement technique et l'enseignement scientifique, qui restent très importants, mais il faut peut-être que le pendule revienne un peu pour rééquilibrer et remettre en évidence, un peu à l'image d'un choix que le gouvernement pourrait être appelé à faire, l'importance de la culture et des arts dans le scolaire.

Mme Blackburn: Une dernière question et, ensuite, je devrai quitter. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de l'interculturalisme. Et là il m'est venu un flash, le multiculturalisme, en me demandant: Est-ce que ça existe, le multiculturalisme?

M. Boily: Non, madame.

Mme Blackburn: Évidemment, vous faites référence à la situation de Montréal et je dirais: Montréal, Montréal l'île parce que c'est même déjà moins vrai si on s'en va à Édouard-Montpe-tit, bien qu'il commence à y avoir un peu plus d'immigrants sur la rive sud. Et là vous dites, et c'est ce qui m'a fait sursauter, dans les dernières phrases de ce paragraphe 1. 3 à l'interculturalisme: "Qui crée, produit, diffuse? Pour qui? Avec qui? Qui forme-t-on aux arts et à la culture? Et de quelle culture s'agit-ll?" Quand vous avez dit: quelle culture? je me suis dit: II y a quelque chose qui ne va pas. L'interculturalisme, je veux bien. On en a besoin. Il y a même des pays où il y a un ministère d'intégration à l'interculture, mais jamais les pays qui ont un ministère comme ça ne se demandent quelle culture. La France a une culture qui s'appelle française, l'Allemage,

allemande et ainsi de suite. Et je dois vous dire qu'à la question je me suis dit: Dans ma région - et vous en savez quelque chose, M. Boily -abordé sous cet angle-là, personne ne s'interroge à savoir quelle culture chez nous. Il y a une culture et elle est québécoise, dominée largement par la culture française, franco-québécoise.

M. Boily: Votre remarque est très pertinente, Mme Blackburn. Je vais vous dire pourquoi "quelle culture". Si la question est posée, ce n'est pas parce que nous n'avons pas la réponse. C'est parce qu'il y a des gens qui n'ont pas la réponse. Je présidais, au niveau de la Fédération des cégeps, un comité d'étude sur l'interculturel et un colloque qui s'est tenu à Sherbrooke et nous avons affirmé très clairement que s'intégrer à la culture, pour un immigrant ou un allophone, c'est s'intégrer à la culture québécoise. Il n'y a aucun doute que c'est une intégration à la culture québécoise. Cependant, je pourrais, et ce n'est pas l'objet du mémoire de la Fédération, juste vous répondre en posant une question à laquelle je ne veux pas que vous répondiez, et je ne voudrais surtout pas qu'elle soit traitée dans le cadre nécessairement de notre mémoire. Si, par exemple, on regarde actuellement le phénomène montréalais de certaines écoles élémentaires où on retrouve 90 % d'allophones et 10 % de gens nés au Québec, on a là un phénomène par choix de... appelons ça, en termes très québécois, de "busing" de concentration d'une minorité, mais de concentration majoritaire dans une école donnée par rapport à la population québécoise. Si on se retrouve avec 90 % de minorité avec 10 % d'une majorité, ça crée ou ça peut créer une forme de tension parce que le 90 % peut développer un comportement de majorité alors qu'il constitue une minorité au Québec et le 10 % qui, lui, est majoritaire à l'extérieur peut se sentir, à juste titre, insulté de se faire traiter comme une minorité dans une école alors qu'il constitue la majorité.

C'est ce genre de réalités et de problèmes qui sont encore là, qui n'ont pas été traités à fond, qui fait qu'on dit qu'il faut, comme société, se donner très clairement, dans toutes nos organisations, une réponse très claire mais surtout des réalités très concrètes qui disent que c'est à la culture québécoise que l'intégration se fait.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Boily.

Cela met fin au temps qui était imparti à Mme la députée de Chicoutimi. Nous vous remercions, Mme la députée.

Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier et vous dire que je m'excuse de ne pas entendre les interventions parce que je dois quitter. Je reviendrai cet après-midi.

Le Président (M. Gobé): Je sais que vous avez un engagement en plus de cela. Nous allons, sans plus tarder, retourner à Mme la ministre de la culture pour une dizaine de minutes, vous aussi, madame.

Mme Frulla-Hébert: M. Boily, je veux revenir au phénomène du multiculturalisme. Effectivement, on s'en va dans des secteurs, Nouveau-Bordeaux, par exemple, 90 % des écoles... On se rend compte que les gens, les étudiants aussi, sont forcés de parler français dans la classe et, à l'extérieur, ils parlent anglais. Dans mon comté aussi, dans la ville de LaSalle, une grosse majorité, 52 % d'anglophones et communautés culturelles. De plus en plus, évidemment, tout ça va déboucher chez vous.

On parle de programmes d'intégration. On a parlé des COFI, ça, c'est de prendre des gens et, au moins, de les faire fonctionner dans notre société. Par contre, l'intégration à la culture francophone, elle semble se faire difficilement. On essaie d'implanter des programmes et, je ne sais pas, ou ce n'est pas une priorité ou ça ne leur parle pas, mais elle se fait difficilement.

Donc, au niveau des écoles et des cégeps, comment voyez-vous ça? À part de forcer, est-ce qu'il y a des moyens incitatifs pour justement intégrer ces gens d'autres communautés plus facilement?

M. Boily: II y a beaucoup d'expériences qui se font et qui sont positives. Je dirais que le premier moyen, c'est que l'immigrant ou la personne qui est néo-québécoise sache très clairement que notre identité culturelle est claire, affirmée, et c'est celle qui est prédominante. À ce moment-là, il sera invité à l'enrichir et à s'intégrer à cette identité. Lorsqu'il existe une forme de préoccupation ou de questionnement sur notre propre identité, l'immigrant dit: Bon, ma culture est peut-être aussi bonne et pourquoi ce ne serait pas la mienne qui serait mise en valeur?

C'est pour ça qu'on parle non pas de multiculturalisme - des cultures l'une à côté de l'autre - mais d'interculturalisme où, finalement, la culture québécoise marie graduellement les cultures des immigrants pour s'enrichir et, en même temps, ne pas perdre notre propre culture, mais dans un choix très clair, à savoir que c'est la société d'accueil qui donne les orientations culturelles, et non pas la société qui est accueillie.

Et généralement, lorsque ça se fait très clairement, les immigrants et les allophones acceptent volontiers de partager cela et considèrent ça tout à fait souhaitable et normal. Mais ce n'est pas toujours ce qu'ils ont vécu. Je parlais tout à l'heure... Ce n'est pas toujours ce qu'ils ont vécu comme image sociale et... Ce n'est pas l'objet... Je ne suis pas ici comme politicien et je ne le serai jamais non plus, mais

c'est l'objet de toutes les politiques.

Alors, je vais rester en éducation, et dire que les éducateurs ont une responsabilité majeure d'amener les citoyens - on en a 3500 chez nous; il y en a 130 000 dans les collèges mais sur l'île de Montréal tout particulièrement - de demain à vivre dans une société qui n'est pas composée comme elle l'était il y a 20 ans, une société, donc, où il y a de la diversité, mats une société où cette diversité, tout en permettant la différence, met aussi en évidence l'unicité de la culture québécoise telle qu'elle est vécue par la majorité. C'est ça, le rôle de l'éducateur.

Mme Frulla-Hébert: En fait, c'est ça, là. On touche, finalement, tout le problème de l'immigration; les gens émigrent au Canada et adoptent, pour améliorer leur condition de vie, dans le fond... Et la nouvelle politique de l'immigration devrait au moins aider ou...

M. Boily: Aider à ça.

Mme Frulla-Hébert: ...débuter pour aider justement à ce problème. Je veux revenir... À la page 19 de votre présentation, vous dites: Un examen approfondi doit être fait pour que les arts et la culture soient valorisés dans le réseau collégial; il faudra voir l'importance et la place du cégep à... Il y a l'enseignement, il y a aussi l'enseignement des arts, etc. Ça, c'est une chose. La sensibilisation. On parlait de nos collèges, le collège classique - moi, j'ai été à Basile-Mo-reau - donc chez vous aussi et, à l'époque, je me souviens, au collège, on faisait du théâtre et tout ça; les religieux nous l'implantaient bien. Et, tout à coup, il y a eu la grande réforme et ça a un peu disparu, parce qu'il fallait trouver des emplois, et les former et les former.

Je veux revenir maintenant non pas à l'enseignement des arts, mais à la sensibilation. Chaque fois qu'on parle de sensibilisation dans le milieu de l'éducation, on dit toujours: Ah bien là, ces nouveaux programmmes, ça coûte cher. L'excuse qu'on a souvent du monde de l'éducation, c'est de dire: Conventions collectives, il va falloir ajouter des heures; c'est difficile. Vous semblez être un réseau tellement fermé et rigide qu'il semblerait très, très difficile, de l'extérieur toujours, de dire: Bien, pourquoi on n'essaie pas ensemble d'intégrer, par exemple, la sensibilation aux arts dans les cours de français, qui sont obligatoires à la base? L'histoire, par exemple. Moi, je me souviens, j'ai appris l'histoire jusqu'à ce qu'on arrête à la Première Guerre mondiale. Par contre, j'étais très versée en latin et en grec. Je comprends que tout est important, mais, d'un côté, pourquoi, si on se donnait tous ensemble cet objectif-là de dire que notre identité culturelle passe par une bonne connaissance de notre culture... alors, pourquoi ne pas y travailler ensemble? Mais, de l'autre côté, quand on ouvre le dialogue, ça semble tellement lourd, tout ça, que... D'où doit venir la volonté?

M. Boily: Vous posez une bonne question, Mme la ministre. Je pense que, quand vous demandez que le système officiel ou les programmes comme tels, l'enseignement et la mission première du collège comprennent l'importance d'intégrer cette notion de culture et d'arts, on a beaucoup de chemin à faire là-dessus. Par ailleurs, je vous dirai que, quand on a parlé tout à l'heure - et Richard pourrait en parler - du réseau amateur, du parascolaire, de ce qui n'est pas dans les programmes formels, il y a un foisonnement extraordinaire de créativité, de vie artistique et culturelle qui ferait rougir de honte beaucoup de nos collèges classiques d'autrefois, malgré ce qu'on en pense. Il n'est peut-être pas connu autant que les gens...

Mme Frulla-Hébert: Non, effectivement.

M. Boily: ...pourraient le savoir, parce qu'il s'adresse plus fréquemment à une clientèle interne, à une clientèle privilégiée, mais il y a un foisonnement extraordinaire de vie culturelle. Je dois cependant admettre très volontiers que c'est en dehors de la programmation et de la formation académique au sens le plus strict du mot.

Mme Frulla-Hébert: Je reviens à ma question: Comment fait-on pour dire ensemble... Bon, parfait, nous, on développe, là, on développe énormément d'infrastructures culturelles. On a des musées; il y eu a un foisonnement dans la région de Montréal; le Musée des beaux-arts va ouvrir, le Musée d'art contemporain; le musée McCord, bon.

M. Boily: Le Musée d'art de Saint-Laurent...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça. On a des troupes de théâtre, 90 troupes de théâtre professionnelles subventionnées; il y en a 130 au programme. Alors, il y a foisonnement, il semblerait que ça, ça se développe, d'une part, pour la population, mais il semblerait que nos étudiants étudient le français, etc., de l'autre côté. Et est-ce qu'on peut se servir ensemble de tous nos outils, à l'Intérieur des programmes?

M. Boily: Richard pourrait peut-être commenter, comme directeur des services aux étudiants qui...

M. Drolet: À l'intérieur des programmes, oui, je pense qu'il y a une marge et il y a déjà un grand travail qui se fait. Je voudrais simplement illustrer, par exemple... Prenons l'exemple des sciences politiques: Bon, avec ce qui vient de se passer en Russie, on a une offre de quelqu'un qui était là et - pour ne pas le dire, il était reporter pour Radio-Canada - qui nous offre de

venir rencontrer les étudiants; on contacte la responsable du département des sciences politiques; et nous, on est prêts - quand je dis "nous", c'est avec l'argent qui vient des étudiants pour les frais spéciaux - à payer cette personne-là pour qu'elle vienne rencontrer les étudiants qui sont en sciences politiques, mais on y met une condition. Si on paie, il faut que ce soit ouvert à l'ensemble des étudiants. Ça, ça existe déjà, mais on ne va pas prendre le drapeau, chaque fois, pour dire: Vous savez, on collabore. Bon. Ça, ça existe.

Une autre réalité. Les programmes académiques sont très chargés. La réalité des étudiants, il y a une espèce d'arrimage à faire, si on se réfère, par exemple, à l'enquête qui a été faite à travers le Canada il y a quelques années où, là-dedans, on révélait quelles sont les sources de plaisir des jeunes, la première source de plaisir, ce sont les amis. Ça ne devrait pas nous surprendre. La deuxième source, c'est la musique. Je me souviens très bien de M. Arpin, lorsqu'il était directeur général du cégep de Maisonneuve. M. Arpin m'avait donné une bonne grosse tape dans le dos en me disant: M. Drolet, je trouve que dans mon cégep il manque de musique. Il avait raison.

Juste pour faire entrer la musique dans le collège - parce que ça dérange, la musique, hein? Bon. La batterie... Nous avons un atelier de batterie dans le collège qu'on déménage un peu partout parce que ça dérange tout le monde. Les parents disent: Tu as pratiqué dans le sous-sol un bout de temps, mais on ne veut plus, va-t-en ailleurs, dans un coin tout seul. On a réussi à avoir un atefier de batterie. Et, avec l'orchestre de la Montérégie qui vient pratiquer dans le collège, on dit: Ça ne se peut pas qu'il soit là et qu'il ne soit pas en contact avec les étudiants. La semaine dernière, on a invité des jeunes de l'orchestre de la Montérégie à venir jouer au café étudiant. C'est une technique. Il faut les apprivoiser. Vous comprenez, on les dérange. Ils sont en train de faire leurs travaux et tout à coup on se met à jouer de la musique classique et on pense que c'est essentiel qu'ils soient en contact avec ça. Il y a un mélange et, là, il faut des sous parce que ces musiciens-là, il faut les payer. Par rapport à ça, je pense que nous n'avons pas eu la volonté commune de faire ça.

Prenons l'exemple de Cégeps en spectacle. Heureusement qu'il y a eu un commanditaire, et je n'ai pas besoin de le nommer, tout le monde le connaît, qui a investi beaucoup d'argent là-dedans. Mais, quand j'essaie de faire le bilan, qu'est-ce que les collèges ont investi? La part de bénévolat des professionnels qui travaillent en animation, vous savez, c'est énorme. Il y a le temps où ils sont payés, mais là-dedans, et c'est comme en arts et en culture, il y a une partie de l'iceberg qui apparaît, qui est financée, et l'autre est basée sur l'autofinancement, sur le dévouement et le bénévolat. Par rapport à ça, moi, je pense qu'il y a une conversion à faire. Il faut vraiment que toutes les énergies des institutions convergent vers ça.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, Mme la ministre, s'il vous plaît, parce que nous allons dépasser le temps.

Mme Frulla-Hébert: De toute façon, on va continuer la discussion après la commission parlementaire. Comme je vous dis, je pense qu'il n'y a pas un groupe, que ce soit l'Union des écrivains, que ce soit l'Association des sculpteurs, que ce soit le Cirque du Soleil, il n'y a pas un groupe qui ne nous a pas rementionné, replanté le clou en disant: L'éducation, l'éducation, ça commence là. La seule chose que je puisse dire, c'est qu'on peut avoir toutes les commissions parlementaires, on peut avoir toutes les bonnes intentions, il faut que vous embarquiez avec nous. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame, merci, messieurs. Ceci met fin aux travaux de notre commission. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous m'avez regardé?

M. Boulerice: Brièvement, j'ai cédé mon temps, vous le comprenez, à votre ancienne présidente, ma collègue, députée de Chicoutimi. Rien n'était plus naturel pour elle, mais... Je veux simplement vous dire que j'ai beaucoup apprécié que vous réintroduisiez la notion des arts et des lettres dans fa formation. Il ne faut surtout pas oublier que les pays de haute technologie sont les pays de grandes civilisations. Indissociable.

Le Président (M. Gobé): Sur ces sages mots, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je me dois maintenant de suspendre les travaux de notre commission à cet après-midi, 14 heures. Alors, bon appétit à tout le monde et la commission suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise à 14 h 12)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons continuer la consultation que nous avons commencée hier. Ça me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au maire de Québec, ancien ministre des Affaires culturelles, auteur réputé du livre vert sur la culture. Je ne sais pas à quel titre on le reçoit, je pense que c'est comme maire de Québec, mais il pourrait être ici à d'autres titres aussi. On lui souhaite la

bienvenue. On est prêt à l'écouter pour une quinzaine de minutes avec les gens qui l'accompagnent qu'il va nous présenter. Après, la discussion va s'engager pour le temps qui va rester sur les trois quarts d'heure partagés de façon égale entre les deux formations politiques, comme on l'a fait jusqu'à maintenant. M. le maire.

Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, je voudrais vous présenter mes collaborateurs, Mme Marie Leclerc, qui est présidente du conseil municipal et responsable avec moi du dossier culturel à la ville de Québec, à ma gauche; à ma droite, M. Jacques Alméras, directeur général adjoint responsable aussi, entre autres, du dossier du développement culturel, et M. Michel Choquette, qui est le directeur du BAC de la ville de Québec, qui est notre bureau d'intervention en matière culturelle.

Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, je ne vous lirai pas, vous vous en doutez bien, le texte que je vous ai remis et qui est intitulé "Mémoire de la ville de Québec à la commission parlementaire de la culture concernant la proposition pour une politique de la culture et des arts". Ce texte d'une trentaine de pages est plus précis, probablement mieux structuré que ce que je vais vous dire parce qu'en une quinzaine de minutes il est assez difficile, à la fois de résumer des interventions et de les traiter d'une façon qui soit aussi froide que pourrait le requérir le contexte budgétaire qui est toujours froid par définition mais qui, en même temps, nous touche profondément quand il s'agit de culture.

Je voudrais d'abord remercier et féliciter la ministre des Affaires culturelles d'avoir pris l'initiative de mettre en marche ce processus que certains, j'imagine, de ses collègues des deux côtés de la Chambre pourront considérer comme un processus d'apprenti sorcier parce qu'on ne sait pas sur quoi ça peut déboucher. Le risque était là. Elle l'a pris et tout le message que l'on fait aujourd'hui dans ce mémoire - et je présume que d'autres feront la même chose - ce n'est pas un message qui vise à dire à la ministre ou au ministère comment faire les choses et quoi faire, nous voulons plutôt témoigner du fait que ce ministère doit être perçu par le gouvernement comme quelque chose d'important, d'important pour la communauté culturelle, d'important pour les municipalités et d'important pour le gouvernement. Nous voulons donc, dans ce message qui ne s'adresse pas comme tel au ministère - sauf que le ministère est le messager qui doit le porter au gouvernement - nous adresser avant tout au gouvernement parce que c'est à lui finalement que les questions fondamentales du rapport Arpin s'adressent.

Dans le texte que je vous ai remis, il y a une mise en perspective qui rappelle que, finale- ment, les discussions, les écritures, les textes, les analyses, au fil des années, se sont suivis et qu'au fond la question a toujours été évitée par les gouvernements quels qu'ils soient, du côté du Parti libéral comme du côté du Parti québécois: quelle est la place que l'on doit donner à la culture dans le processus de décision autant que dans le niveau stratégique de décision du gouvernement au Québec? Au fil des années, il a été question de langue. Les premiers discours de Jean Lesage, c'était autour de la langue, la culture se résumait essentiellement à la langue et aux arts puisque les arts étaient au Secrétariat de la province. Le ministère s'est créé sur le modèle français; pendant ce temps-là, sur le modèle anglais, il y avait le Conseil des arts à Ottawa. Mais, au fil des années, l'action du gouvernement en matière culturelle, qu'on le veuille ou non, s'est cantonnée dans un ministère qui, pour l'essentiel de sa vie et y compris quand j'étais là, n'avait pas beaucoup de crédibilité auprès du gouvernement et du Conseil du trésor.

Vous avez toujours eu des gens, fonctionnaires, élus, députés, qui y croyaient et qui plaidaient pour la culture, mais ce plaidoyer tombait souvent à faux parce qu'on le mettait en concurrence avec la voirie, on le mettait en concurrence avec le développement matériel du territoire.

Le ministère de l'Éducation s'obligeait à ramasser à peu près tout ce qui bouge; il avait commandé lui-même une étude sur l'enseignement des arts et, finalement, on cantonnait au ministère une préoccupation qui doit, aujourd'hui plus que jamais, infiltrer toute la pyramide décisionnelle du gouvernement.

La question fondamentale que pose le rapport Arpin, c'est celle-ci: Où est-ce que le gouvernement place la culture dans l'ordre de ses préoccupations? Et, selon qu'on aura une réponse à cette question, le reste de la démarche a un sens; selon qu'on n'a pas de réponse à cette question, le reste de la démarche, avec toute la bonne volonté que pourraient avoir les villes, les organisations, le monde culturel, la ministre, le ministère, c'est finalement du tâtonnement. Or, il y a dans le contexte une certaine atmosphère empoisonnée, si je puis dire, parce qu'on fait un débat qui est fondamental pour le Québec, qui l'a toujours été et qui le sera toujours parce qu'il sera probablement toujours à refaire. On le fait à un moment stratégique, celui où le Québec doit se pencher, parce que les questions qu'il a posées il y a plusieurs années lui reviennent maintenant au sujet de sa place au Canada, mais on le fait - et c'est ça qui est empoisonné - dans un contexte budgétaire, dans un contexte où le gouvernement, pour toute une série de raisons, et quand je dis "le gouvernement" je devrais dire les gouvernements depuis 25 ans se sont placés, avec l'appui de la population, la volonté de la population, dans la situation aujourd'hui d'avoir à couper lourdement dans

bon nombre de dépenses, y compris dans des investissements, de sorte que, si on voulait être mesquin, on pourait dire que le mandat du gouvernement, à la ministre, c'est de trouver des fonds et d'envoyer la culture quêter dans le milieu. Je connais assez la ministre et je connais assez l'effort du ministère pour penser que même si le Conseil du trésor avait eu, à un moment donné, l'Idée de lui confier ce mandat, ce n'est pas celui-là qu'elle a retenu, et le ministère n'a pas retenu ce mandat. Le ministère a profité de l'occasion, et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, pour amplifier le message que tous devraient vous passer ici: où placez-vous la culture dans votre niveau de préoccupation? Peut-on, en même temps dire, plaider la spécificité du Québec sans reconnaître qu'au coeur de cette spécificité la justification même c'est l'ensemble de notre capacité de création, dans le domaine des arts comme dans le domaine des sciences? Et, si tel est le cas, il faut avoir une action cohérente avec le discours: le développement de cette spécificité que l'on défend par ailleurs, que l'on veut voir inscrire dans des constitutions suppose que l'on ne mette pas au même régime sec le monde de la culture, au même régime où sont condamnées d'autres sphères d'activité.

Il ne s'agit pas pour nous de remettre en question la responsabilité du gouvernement dans la rationalisation de ses dépenses. Comme municipalité, je peux vous dire qu'on a notre tranche de l'addition et elle est assez épaisse, merci! Chez nous, ça doit se traduire, cette addition de M. Ryan, par une analyse budgétaire qui nous amène à considérer des coupures, y compris dans notre activité culturelle, relativement récente dans les villes. Québec est un cas à part, j'y reviens dans une minute. Mais à cause des restrictions budgétaires que nous impose le gouvernement en nous envoyant, par exemple, la facture du transport en commun, quand on fait l'analyse budgétaire, on se demande: Est-ce que c'est 20 % ou 60 % des patinoires qu'on va fermer l'hiver prochain? Parce que les trottoirs on ne peut pas les rouler, il faut les entretenir. On est obligé de se demander: Est-ce qu'on va tous les déneiger dans le centre-ville ou est-ce qu'on va le faire une année sur deux? C'est des questions qui ont l'air très triviales, mesquines, j'imagine, pour les gens du Conseil du trésor, qui sont habitués à des grands ensembles, mais les politiques décidées en haut atterrissent toujours sur des pieds relativement petits en bas et c'est ceux des contribuables qui sont lourdement chargés. Le nerf de la guerre, dans la culture comme dans le reste, une fois qu'on a posé la question: Où placez-vous la culture dans vos préoccupations et comment faites-vous le lien entre la spécificité et la culture? le nerf de la guerre c'est l'argent. L'argent que l'État est prêt à Investir. Il ne s'agit pas de dépenser, il ne s'agit pas de subventionner, il ne s'agit pas de condescendre à aider la culture, c'est un inves- tissement fondamental dans notre capacité de créer dans le domaine des arts, bien sûr, vu qu'il s'agit ici de culture au sens peut-être plus restreint, mais dans tous les domaines qui font appel à la création et qui génèrent un produit différent de ce qui peut se faire ailleurs.

Certes, l'entreprise privée peut faire plus, doit faire plus. Ce n'est pas notre culture; chez les Anglo-Saxons ça l'est, pas chez nous. Certes, le gouvernement fédéral dépense de l'argent et il y aurait peut-être lieu de concerter davantage les actions de part et d'autre. Certes, l'État, cependant, ne peut pas sortir de ce rôle et ne peut pas s'imaginer que dans ce domaine comme dans les autres, dans le contexte actuel, on puisse appliquer des slogans qui disent: Faire plus avec moins, gérer la décroissance, etc. Ce n'est pas possible.

On a parlé du 1 % au niveau du monde de la culture. C'était un chiffre balise, plutôt un chiffre symbole. Il ne faut pas s'arrêter à ça parce que le 1 %, si on y met tout le patrimoine, toutes les vieilles pierres, on l'atteint rapidement. Ce n'est pas ça dont il s'agit. Au fond du compte, le 1 %, c'est de dire une contribution minimale... La dîme, comme on disait à l'église, la dîme à la culture, à la création culturelle, à la capacité de créer, de diffuser, d'exporter, la dîme dans ce que nous avons de différent.

Le rapport Arpin, je l'ai dit dans le texte, est un bon document parce que, finalement, il n'a pas pour but, tel que je l'ai perçu, en tout cas, de donner un gros livre de recettes. Ce n'est pas le livre de Jehane Benoît à la ministre des Affaires culturelles pour savoir comment gérer la culture. Ce n'est pas ça. C'est un document qui, partant de quelques grands axes, dit au gouvernement: Vous devez vous faire une idée précise sur ces questions-là, choisir les axes sur lesquels vous allez agir et ensuite agir en conséquence. Et le rapport Arpin pose la question. C'est pour ça que je ne voudrais pas entrer dans le détail du rapport, sauf à l'occasion, dans une minute aussi.

Le rapport Arpin dit: Les villes pourraient faire un effort supplémentaire. Je pense, M. le Président, Mme la ministre, qu'on ne peut pas généraliser. C'est vrai que certaines villes ne font pas gros, beaucoup d'efforts pour la culture, comme certaines villes ne faisaient pas beaucoup d'efforts pour la police, comme certaines villes ne font pas beaucoup d'efforts pour le transport en commun, mais, de là à généraliser, if y a une marge et je ne pense pas que ce soit, non plus, votre objectif que d'avoir des politiques généralistes et généralisantes dans ce domaine.

La ville de Québec, j'ai eu l'occasion de vous le dire, à cause de sa nature, à cause de son rôle de capitale, ses citoyens, les quelque 168 000 citoyens de la ville de Québec ont une charge fiscale relativement importante destinée à l'action, à la vie culturelles et au patrimoine. À peu près 4 % du budget de fonctionnement de la

ville vont à des activités si on inclut le patrimoine. C'est beaucoup d'argent. C'est beaucoup d'argent dans un contexte que je vous ai décrit tout à l'heure et dans un contexte où, pour arriver, on est obligé de regarder si on ne va pas fermer deux ou trois succursales de nos bibliothèques, si on ne va pas réduire de 60 % notre budget d'acquisition de livres même si pour 1 $ qu'on y met il y a 1 $ du ministère. Parce que, cette année, on a encore une coupure de 100 000 $ dans les frais de fonctionnement de nos bibliothèques après 75 000 $ l'an passé. On comprend tout ça. Le résultat, cependant, est intangible, il est là. On doit se poser ces questions-là. Chaque fois que la province investit dans le Vieux-Québec, dans le patrimoine du Vieux-Québec, on a un accord de 50 000 000 $, ville-ministères, ville-gouvernement du Québec, un accord auquel on a travaillé tous les deux avec succès. Mais, il faut bien le dire, chaque fois que la ville fait un effort, le même effort, à 50 %, est fait par le gouvernement. S'il y a 1 $ du gouvernement, il y a 1 $ de la ville. Mais 1 $ du gouvernement est réparti sur 6 000 000 d'habitants, 1 $ de la ville est réparti sur 170 000 habitants, c'est 43 pour 1. Chaque fois qu'il y a du curetage de pierres à faire dans le Vieux-Québec, il faut que la ville en nettoie 43 pour que le gouvernement en nettoie une. C'est lourd à porter. Et ce n'est pas partagé par Sainte-Foy, ce n'est pas partagé par Sillery. C'est partagé ni par la Communauté urbaine ni par aucune des villes autour. Et, pourtant, tout le monde est fier, dès qu'on a passé le pont, de dire: On est de Québec.

Tout le monde s'approprie cette ville, avec raison. Mais l'effort qu'on doit faire, nous, est énorme. Il est énorme et il doit porter largement sur le patrimoine. Et c'est là qu'on trouve que ça blesse, parce que l'effort, une fois qu'il est fait là, on n'a plus cet argent pour le mettre dans des fonctions qui sont, pour nous, tout aussi importantes. La capacité de multiplier les points d'ancrage de la création dans cette ville qu'on ne veut pas voir devenir une simple ville de la consommation de la culture qui se fait ailleurs. Notre but, ce n'est pas d'attacher nos artistes. Ce n'est pas de les enraciner dans Québec pour les empêcher d'aller ailleurs. Mais c'est de pouvoir avoir quelques foyers dans quelques disciplines qu'on pourrait déterminer ensemble, quelques foyers de création qui font que Québec est un lieu où on fait autre chose que de répondre aux besoins immédiats de la communauté locale ou sous-locale, mais un lieu d'exportation, un lieu de rayonnement.

Et on entre ici dans la fonction Québec ville-centre et Québec ville-capitale. La fiscalité municipale, ce n'est pas le lieu de faire le débat, mais vous la connaissez bien, M. le Président, vous y avez travaillé à la Communauté urbaine dans des conditions souvent difficiles, et je le reconnais - la fiscalité municipale condamne les municipalités à la concurrence. Lorsqu'une entreprise réussit à avoir sur son territoire une institution ou une entreprise, elle garde les taxes. Exemple: l'Université Laval. Est-ce que les gens parlent de l'Université Laval de Sillery, l'Université Laval de Sainte-Foy ou de l'Université Laval de Québec? L'Université Laval est au coeur des préoccupations de cette ville. On est le principal partenaire de l'Université de Laval, nous, la ville de Québec.

On a des ententes de plusieurs centaines de milliers de dollars avec l'Université Laval dans le domaine de la culture, du patrimoine, etc. Et, pourtant, tous les "en lieu" de taxes de l'Université Laval sont payés à Sainte-Foy et à Sillery, sauf pour la parcelle qui est ici, située dans le Vieux-Québec, l'École d'architecture. On veut ramener des bouts de l'Université Laval dans le centre-ville de Québec. On a vu le succès que ça avait à Montréal. Les normes du ministère font que ce n'est pas possible, ça coûte trop cher de se loger dans le Vieux-Québec. On demande que le gouvernement reconnaisse au ministère des Affaires culturelles cette responsabilité d'être le cerveau qui permette d'articuler, de rendre cohérentes les actions des divers ministères pour que, avec le même argent, pour répondre aux mêmes demandes, s'il n'y a pas plus d'argent, on ait une action multlpllca-trice, de nous aider à avoir des morceaux de l'université qui reviennent dans Québec, de multiplier les efforts pour avoir une masse critique culturelle, de faire en sorte que Québec soit une destination de tourisme culturel, de tourisme historique, que ce soit le lieu obligé d'une visite au moins pendant les études secondaires de tous les étudiants qui, pendant deux ou trois jours, viendraient prendre contact avec la vie politique et parlementaire, avec les institutions religieuses et leur patrimoine, avec la ville historique. Déjà, sur le plan de l'industrie touristique, ce serait beaucoup pour nous.

Nous devons, à l'intérieur du plaidoyer culturel, parler de la ville comme capitale culturelle. N'entrons pas dans le débat pour savoir si c'est une capitale politique administrative; les opinions sont variées là-dessus, c'est certainement administratif. Le parlement n'est pas déménageable facilement. Une chose est sûre, je pense, c'est que, pour les gens, Québec c'est la vieille ville culturelle, c'est la ville où l'on vient se ressourcer, ce n'est pas une ville concurrente avec Montréal. On ne vise pas la concurrence, on vise la complémentarité. Mais on veut mettre en valeur ce qu'on a d'original. Le Musée de la civilisation, en ce sens-là, est devenu un des fleurons de l'action du ministère dans la ville.

Ce qu'on demande dans notre mémoire, c'est que le gouvernement n'ait pas peur des mots, ne fasse pas d'autocensure dans le contexte des discussions avec Ottawa et reconnaisse au Québec son caractère spécifique autant qu'il

demande aux autres de le reconnaître. Que le gouvernement du Québec se reconnaisse à lui-même et à sa société l'ensemble des traits originaux et spécifiques autant qu'il demande au reste du monde de les respecter. Mais plus, qu'il se donne les moyens, non seulement de les faire reconnaître, mais de les développer. Nous sommes ouverts à un partenariat. Le rapport Arpin ouvre des pistes de ce côté-là. Nous sommes ouverts à un partenariat qui va faire que chaque fois - et c'est ça mes règles de fonctionnement, vu de mon point de vue en tout cas - que les choses peuvent être faites dans les milieux, que ce soient les conseils régionaux, que ce soient les organisations culturelles, laissez donc faire les choses. Nous sommes là comme pouvoir public chacun à notre niveau pour faire en sorte que les fonds de la collectivité, ceux qu'on prend dans les taxes, soient dépensés selon des règles connues et servent à amplifier la capacité du milieu et non pas pour prendre la place du milieu.

C'est pourquoi on pense que chaque fois que le ministère pourra céder sa place à d'autres sur le terrain, parce que d'autres feront la démonstration et qu'on aura convenu qu'ils sont mieux placés pour faire la chose, qu'on cède la place. Que le ministère devienne véritablement ce cerveau de l'État en matière de l'effort culturel de la collectivité par rapport à elle-même, sans entrer dans un dirigisme qui est dénoncé surtout dans le contexte de la culture anglo-saxonne dans laquelle nous vivons. Nous sommes, nous voulons être des partenaires. (14 h 30)

Quand, dans la campagne électorale, on a mis de l'avant un certain nombre d'images pour illustrer ce qu'on imaginait de Québec dans l'avenir, j'ai employé une expression qui, pour moi aujourd'hui, est encore plus vraie qu'auparavant. C'est une image, bien sûr, j'aurais pu prendre le nom d'une ville japonaise, mais j'ai pris la ville de Détroit, en disant: Dans le fond, la culture doit être à Québec, comme ville et comme capitale, ce que l'automobile est à Détroit. C'est-à-dire que le nom Québec doit sonner dans notre collectivité haut et fort comme une ville de culture. Pas parce que la culture ne peut pas vivre ailleurs. Parce que c'est la nature même de cette ville, réceptacle de notre histoire, lieu de vie, lieu d'accueil du parlement et du gouvernement. C'est ça qu'il faut mettre en vedette. Et c'est ça qu'il faut mettre en valeur. Qu'on soit un partenaire, qu'on développe cette originalité, que le ministère fasse à la ville de Québec un statut spécial, pas parce que c'est Québec, pas parce que c'est la plus vieille ville, parce que c'est sa capitale et qu'il n'y en a qu'une.

Et qu'on développe à l'intérieur de ce statut les institutions qui sont de nature capitale comme dans toutes les villes-capitales, comme dans tous les pays où ça existe. À ce moment-là, je pense qu'on aura fait beaucoup avec le même argent. Il y a des choix à faire, les ressources sont limitées. Je pense que le choix fondamental, il appartient au gouvernement et à son plus haut niveau et, ensuite, que les ressources appropriées soient données au ministère et que par lui ces ressources, dans leur grande majorité, atteignent le milieu culturel d'une façon stable, d'une façon qui ne soit pas remise en question année par année par des budgets ou par des cadres budgétaires, mais d'une façon stable visant essentiellement, à travers toutes les choses à faire, à protéger, à amplifier et, finalement, à propulser la capacité de création.

C'est ce que je retiens du rapport Arpin et, au nom de la ville, c'est ce que je voulais vous dire ici avant de répondre, si vous en avez, à vos questions. Le rapport Arpin pose des questions et, à mon avis, elles se ramènent à une, c'est celle-là. Et il décrit ensuite la façon de naviguer à l'intérieur de l'action culturelle du gouvernement, mais il présume qu'avant d'agir, qu'avant de faire des choix une réponse soit donnée par le gouvernement à cette question. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le maire. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, bienvenue. Évidemment, le mémoire est assez extraordinaire. Je dois faire un aveu aussi aux gens qui sont ici, aux gens qui nous écoutent. Bien souvent, quand on est ministre des Affaires culturelles et que, des fois, les journées sont longues, alors comme source de ressourcement, en fait, un peu moteur dont on a souvent besoin, on prend le téléphone et... J'appelle M. L'Allier parce que, comme vous pouvez le voir, ses propos sont enthousiasmants et sont aussi très très construc-tifs.

Avant de commencer, de débuter, je voudrais souligner quelque chose. M. le maire, je suis certaine que vous allez vous joindre à moi pour souhaiter nos plus sincères sympathies au député de Taschereau qui est notre adjoint parlementaire et dont le frère de 32 ans est décédé d'un cancer aujourd'hui. Alors, je pense qu'ensemble et tous ensemble on pourrait lui envoyer en pensée, en fait, nos plus sincères sympathies.

Ceci dit, M. le maire, vous savez, il y a plusieurs mémoires. C'est une des plus grosses commissions parlementaires. Alors, comme vous dites, c'est un sujet qui intéresse profondément la population québécoise et, bien souvent, on ne lui donne pas suffisamment d'importance non seulement au niveau du gouvernement, mais bien souvent au niveau des médias, au niveau de la place elle-même de la culture. Entre milieux culturels, ça va bien; quand on sort des milieux culturels, c'est difficile. Beaucoup de gens viennent et vont venir au fur et à mesure. Il y en a beaucoup qui nous disent qu'il n'y a rien ou

qu'il y a eu très peu de fait. Vous étiez là en 1976, vous avez fait un livre vert dont on a beaucoup parlé. Là, on a amené aussi la population. Il y a le rapport Arpin et, là, on ouvre à une grande discussion franche où on dit aux gens: Exprimez-vous, ce que vous avez sur le coeur, on le met sur la table. C'est difficile de trouver des consensus dans le milieu, on l'a vu hier. Les écrivains disaient: Une source, on veut une source, ça doit être au Québec, les pouvoirs. Les cinéastes nous disent: Non - et il va y avoir d'autres groupes, aussi, qui vont nous dire non - c'est bon d'en avoir deux, aussi. Ce qu'un ne fait pas, l'autre le fait. Donc, consensus difficile à avoir.

Mais après toutes ces années, M. le maire, vous, en observateur, dites-nous et dites-moi aussi, est-ce que vous avez l'impression qu'il est possible de rallier autour d'un vaste projet culturel tout l'ensemble de la communauté artistique? Parce que, on le sait, je le dis publiquement, les fonds ne seront pas... En fait, il va y avoir quand même une limite à ce qu'on va pouvoir donner, malgré qu'on essaie et qu'on veuille, finalement, rallier toutes les forces pour aller chercher, évidemment, le plus d'argent possible parce que, vous l'avez dit, l'argent est le nerf de la guerre. Il y en a qui disent: La souveraineté va tout régler. Mais c'est parce que... Souveraineté... Est-ce qu'on peut s'assurer que les fonds vont être là? Est-ce qu'on peut s'assurer que le Conseil du trésor, effectivement, ne viendra pas, aussi, demander, comme M. Parizeau le disait hier: Ce secteur mou... Il disait: II faut contribuer, comme il le fait dans d'autres secteurs. Je ne pense pas que, ça, c'est la seule solution non plus. Alors, ce que je vous demande, c'est: Après ces années-là, est-ce que vous avez eu l'impression qu'il y a quand même des choses ou plusieurs choses qui sont faites? Et est-ce que c'est possible de rallier les divers partenaires, comme on le veut, à une politique culturelle qui a des objectifs à court, à moyen et à long terme?

Le Président (M. Doyon): M. le maire.

M. L'Allier: Mme la ministre, ma réponse va probablement révéler mon âge parce que je vais remonter un peu plus loin. Je pense que, depuis 20 ans, 25 ans, la place de la culture dans la société, en termes de vocabulaire d'abord et en termes de champ de préoccupation, a augmenté. Il n'y a pas si longtemps, avant qu'il y ait la télévision, on connaissait peu les artistes. Il ne se publiait pas grand-chose ici. Les politiques d'aide étaient à l'édition et, dès que l'éditeur avait publié, il mettait ça dans son sous-sol et c'était distribué deux ans après dans les prix, à l'école, en fin d'année, sans savoir exactement ce qu'on donnait. Au fil des années, on a vu les municipalités, qui ne s'occupaient que d'égout et d'aqueduc, commencer à s'occuper de loisirs. Une fois qu'on a eu fait le plein, dans bien des cas, avec des équipements de loisir, le monde culturel a poussé et, petit à petit, les municipalités ont mis le pied dans rétrier de l'action culturelle. Et l'on s'est rendu compte que les entreprises, qui faisaient des choix d'implantation, avaient, dans leurs grilles d'analyse, la qualité de la vie culturelle d'un milieu donné avant de décider d'aller là plutôt qu'ailleurs. À partir du moment où on s'est rendu compte que ça avait de la valeur pour les Japonais ou pour les autres, on a dit: Ça en a peut-être aussi pour nous autres. De sorte que la place de la culture s'est amplifiée. Le problème qui se pose, c'est que, en même temps que cette place s'est amplifiée, on a trop développé, au niveau du ministère, avec la complicité et peut-être la mollesse du milieu qui ne pouvait peut-être pas faire autrement, ce que j'appellerais le discours de l'industrie culturelle. Tout ce qui n'était pas une industrie culturelle demeurait les gugusses à Lapalme. C'étaient des choses sans importance qui devaient prendre leur place, de sorte qu'on a beaucoup valorisé les grands événements, parce qu'il y a un côté industriel à la production, et on a valorisé également les industries, ce qui pouvait survivre en matière de disques, etc. Mais ça coûte très cher de valoriser uniquement les industries culturelles. Et l'industrie culturelle n'est que le résultat de toute une longue chaîne d'interventions qui vont de la formation à la sensibilisation, à l'action, au suicide, à l'occasion, d'artistes qui ne sont pas capables de survivre sur le plan économique. Et, finalement, on arrive à produire des niveaux industriels qui sont exportables. Je pense qu'il faut ressortir de ce discours-là. Tout en ne niant pas l'importance d'avoir une industrie culturelle, ramener la culture à ce que ça doit être dans une société, non pas la préoccupation uniquement de l'État, ça ne l'est pas, non pas la préoccupation d'un ministère dans l'État, ça l'est maintenant, mais ça doit sortir de ça et en faire un état d'esprit.

Je vais vous donner un exemple. Moi, j'ai vécu en Belgique comme délégué du Québec et j'étais aussi représentant du Québec dans le petit pays voisin qui s'appelle la Hollande, les Pays-Bas. Le néerlandais est une langue parlée par les Hollandais, point final à la ligne. Il n'y a personne d'autre à travers le monde qui parle cette langue-là. Les Néerlandais, à l'âge de 13, 14, 15 ans, deviennent bilingues, trilingues, multilingues, mais on enseigne le néerlandais. On ne s'excuse pas de parler néerlandais. La place de la culture dans cette société est fantastique. C'est la société de Rubens, de grands peintres et de grands artistes. La vie culturelle est intense dans ce pays-là et c'est ça qui permet à cette société d'apprendre une deuxième, troisième, quatrième langue sans se faire écraser par la langue du voisin. Au Québec - et c'est le dernier commentaire que je vous ferai, c'est une impression - j'ai l'impression que, dans le discours à la

fois politique et dans le discours du milieu des affaires, on a, comme dirait un chef politique libéral connu, un "double talk" de ce côté-là. On dit oui à la culture, mais c'est en même temps un handicap. Oui, à la culture, mais II faut atténuer le côté handicap de la culture parce que notre objectif c'est d'être compétitif sur le marché américain.

Donc, la langue, qui est un élément de la culture, est plutôt perçue comme un handicap par certains. Il faut sortir de cette problématique qui ne nous amène à retenir dans la culture que ce qui est une règle du marché, parce que, si le Québec accepte de se placer dans les règles du marché, il se condamne à la déchéance rapide. Il faut accepter que, parce qu'on est juste 5 000 000 sur 250 000 000, l'effort de l'État pour la culture doit être aussi important que celui qu'on fait pour se chauffer. Parce qu'on est dans un pays froid, on dépense plus pour se chauffer qu'à Miami. Il faut accepter que pour la culture c'est dans l'essence même du Québec d'avoir à investir lourdement dans la culture, dans l'éducation à la culture, dans la place de la culture à l'école, dans la perméabilité des milieux culturels, par le milieu scolaire, au niveau des communications, etc. Mais pas en faire une activité artificielle qui, dès que l'État se retire, s'effoire et tombe parce que la culture serait en permanence aux soins intensifs. C'est sûr qu'on a un problème si c'est ça.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Le temps s'écoule rapidement. Je vais devoir permettre au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de continuer la discussion.

M. Boulerice: M. le Président, une commission comme celle-ci est à la fois très intéressante, puisque c'est une occasion privilégiée de vous voir, mais frustrante puisque nous sommes malheureusement limités dans le temps. Mais je m'en voudrais de ne pas saluer la pertinence d'analyse d'un homme qui, depuis 20 ans, à divers niveaux, est au coeur des efforts de la société québécoise pour se doter d'une véritable politique culturelle. Et je remarque, M. le maire, le constat sombre que vous portez sur l'exiguïté de la place qui est faite à la culture au sein de l'État québécois depuis 30 ans et même au sein de la population québécoise - je pense qu'il ne faut pas avoir peur de se cacher - en dépit des efforts louables de divers ministres qui se sont succédé.

Je suis d'accord avec vous. Je suis un peu agacé de cette vision purement et j'ajouterais même bêtement "économiciste" dès qu'on parle d'art et de culture. Certes, il a fallu employer le mot "industrie" de la culture parce qu'il fallait persuader le contribuable qu'un dollar investi dans ce domaine n'était pas donné en pure perte, que ça créait des emplois, que ça faisait rouler des choses. Mais, effectivement, se limiter au discours "économiciste" commence à provoquer chez moi beaucoup d'agressivité si ce n'est pas une certaine nausée, quand on sait pertinemment - petite anedocte - que, mon Dieu, personne ne fait de gorges chaudes qu'on ait englouti comme dit l'expression américaine, "down the drain" 500 000 000 $ pour sauver Dome Petrolium, qui est mort de toute façon, alors qu'une ministre de la culture "cheap" comme c'est pas possible a glosé lorsque 200 000 $ avaient été donnés à une chanteuse pour produire un spectacle. Où sont les échelles de valeur dans un pays? Vous posez bien la question.

Ceci étant dit, à la page 9 de votre mémoire, vous posez la question fondamentale, et je cite: "L'État, à son plus haut niveau et au coeur de ses choix, veut-il aller jusqu'au bout en ce domaine de la logique que commande le plaidoyer en faveur de la reconnaissance de la spécificité québécoise et du fait qu'elle est au centre de nos potentiels de développement?" Pour vous, il est donc clair qu'il ne peut pas y avoir une véritable société distincte, une véritable politique de la culture sans que le Québec n'ait les leviers et les pouvoirs inhérents et qui lui font défaut actuellement, tous les pouvoirs.

Le Président (M. Doyon): M. le maire.

M. L'Allier: Je n'ai pas compris la question, c'est-à-dire sur l'argent ou sur les pouvoirs?

M. Boulerice: Les pouvoirs. Tous les pouvoirs et tout l'argent, il va de soi.

M. L'Allier: Je ne veux pas esquiver la question, bien qu'au niveau municipal ce ne soit pas l'arène pour en débattre, mais je pense que si on met de l'ordre dans notre propre maison avant de combattre pour savoir qui va faire quoi ailleurs... C'est sûr que le gouvernement fédéral a des interventions. Le texte - je vais vous faire une confidence - que j'ai mis ici sur l'action du gouvernement fédéral, c'est le même texte qu'en 1976 dans le livre vert. Ça n'a pas changé, comme problématique. On ne va pas essayer d'imaginer d'autre chose. Je l'ai mis là, en disant: Vous allez voir comment ça demeure pertinent. Le texte qui est ici, où on parle du gouvernement fédéral, l'action du gouvernement fédéral, il y a trois ou quatre paragraphes, je ne me souviens pas à quelle page, je les ai pris dans le livre vert. C'est le même texte que j'ai mis là parce que ça n'a pas changé. C'est exactement le même texte que j'avais rédigé dans le temps, qui est là aujourd'hui. Mettons de l'ordre dans notre maison, faisons en sorte que le milieu culturel ait confiance dans l'État du Québec, c'est-à-dire confiance dans la stabilité des sources, confiance dans la qualité des choix, la pertinence des choix. Ensemble, on pourra passer à travers des périodes difficiles sur le plan budgétaire. Mais souvent, ce qui est mis en

question par le milieu, c'est la confiance. Est-ce qu'on peut faire confiance? Alors que, du côté d'Ottawa, on a l'impression d'une stabilité beaucoup plus grande de l'intervention même si, au total des choses, elle est souvent politiquement biaisée à l'occasion, pas nécessairement dans les petits choix mais dans les gros choix.

On dit: II y a le Conseil des arts au niveau fédéral. Est-ce que ça doit exister? Tant que les statuts ne sont pas changés, moi, je trouve qu'on n'aurait pas le droit de mettre de côté de l'argent fédéral tant que les statuts, tant que vous n'aurez par réglé ici, dans cette Assemblée qui n'est pas la mienne, la question du Québec et du Canada. Nous, au niveau municipal, s'il y a de l'argent fédéral qui passe pour un musée, je vous assure qu'on va se battre pour aller le chercher. Et, s'il y a de l'argent fédéral qui veut s'adresser à ma communauté culturelle dans la ville de Québec, on va se battre pour aller le chercher aussi parce qu'on ne peut pas cracher sur aucun dollar, d'où qu'il vienne, aussi longtemps qu'il est destiné à la culture et aussi longtemps que le prix à payer n'est pas une forme d'aliénation fondamentale de ce que c'est. Si on nous demande de prendre de l'argent fédéral pour faire des choses qui sont contre nature par rapport à Québec, comme ville, comme capitale sur le plan culturel, on ne le fera pas. Mais pour le reste, dans l'état actuel des choses, c'est sûr que, si le Québec avait tous les pouvoirs, ce serait mieux parce que, comme dans n'importe quel domaine, un maître d'oeuvre c'est bien. (14 h 45)

Le danger, et c'est le danger que Mme la ministre connaît bien, vient du fait que, si ça ne se fait pas dans un contexte général, le gouvernement fédéral pourrait être tenté, comme d'autres paliers de gouvernement l'ont fait à notre endroit, de se délester de certaines charges à caractère culturel, en disant: Vous les voulez, prenez-les, mais sans mettre les budgets qui vont avec. Donc, on aurait des responsabilités et on n'aurait pas l'argent pour s'en occuper. Le danger serait là. Il est là. Parce qu'avec la responsabilité vient le fait que les contribuables paient des taxes à Ottawa pour l'assumer. Si la responsabilité vient, il faut que l'argent vienne avec. Là, on l'aménagera avec la nôtre. Mais la responsabilité toute nue, M. Ryan nous en envoie de ce temps-là, on ne trouve pas ça drôle, on ne trouve pas ça drôle du tout parce que, précisément, on a l'impression qu'on paye deux fois pour la même chose: le transport en commun, je ne reviendrai pas là-dessus.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier, vous aviez une question?

M. Godin: Non, c'est un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Un commentai re.

M. Godin: Si on me permet. Au fond, ce qu'il faut, ce n'est pas tellement une politique culturelle mais qu'aucun artiste au Québec ne crève de faim; qu'il soit comédien, peintre. On parle de la peinture dans les Pays-Bas. Rembrandt a fait un de ses tableaux, "La ronde de nuit", parce qu'il y a une corporation qui lui a demandé de le peindre. Je n'imagine pas la Chambre de commerce de Montréal ou de Québec commander à un peintre du Québec un tableau les représentant tous autour de la table où ils discutent de l'avenir économique et financier de Montréal ou du Québec. Et, pourtant, c'est ce qu'on faisait dans les Pays-Pays. C'est ce qui a permis à Rembrandt de ne pas mourir de faim. Van Gogh, c'est autre chose, mais il a eu son tour longtemps après sa mort. Comme disait Léo Ferré: Ça se vend maintenant comme du cochon! Mais pourquoi Paris est-elle devenue, pendant une longue période, la capitale de la peinture européenne? Pourquoi Van Gogh a-t-il choisi Paris? Et pourquoi Picasso a-t-il choisi Paris pour y vivre et pour développer son art? C'est parce que les loyers étaient moins chers que partout ailleurs en Europe. Donc, si on peut s'assurer qu'à Québec il y ait des loyers pas trop chers dans des coins sympathiques, sûrement que des peintres d'on ne sait où dans le monde vont venir s'installer à Québec parce que la vie y est moins chère. Il n'y avait pas de politique culturelle ni de peinture en France à l'époque, il y avait juste des loyers moins chers autour de Montparnasse.

M. L'Allier: M. le Président, M. le député a raison fondamentalement. Dans le fond, le rôle d'une ville pour ses créateurs c'est de rendre le milieu accueillant, c'est de faire en sorte que la vie y soit possible même si le produit, ultime-ment, doit se vendre ailleurs. Pour illustrer ça, disons que faire un colloque sur le théâtre ou sur la musique à Québec ça coûte probablement moins cher a qualité de services égale que si on est à Montréal; moins cher à Montréal qu'à Toronto, moins cher à Toronto qu'à Vancouver et moins cher à Vancouver qu'à New York. On a ce potentiel comme ville. On doit rendre le milieu accueillant. Mais au bout du compte, derrière ça, toujours derrière ça, la même question se pose: II faudra toujours investir plus pour se garder à flot parce qu'on n'est pas suffisamment nombreux pour générer nous-mêmes notre marché culturel. Or, pour la vedette qui réussit à percer à l'extérieur, il ne faudrait pas se faire d'illusions, il y a un potentiel gaspillé considérable ici. Et, en ce sens-là, on doit l'utiliser dans nos écoles. Comment faire pour ancrer la langue française à l'école, pour faire en sorte qu'on ne soit pas obligé de la calfeutrer à tout bout de champ? C'est de faire en sorte que les enfants aillent

voir du théâtre, rencontrent des écrivains, parlent avec eux. Que l'école et que le syndicat ouvrent l'école à des gens du milieu culturel qui vont pénétrer les classes et qui vont aller passer des heures, sortir des normes qui exigent qu'on ait au moins 15 ans d'expérience d'enseignement pour pouvoir mettre le pied dans une classe. Faire que des peintres aillent parler avec les étudiants, des musiciens, même ceux qui crèvent de faim, des architectes aussi, des designers, des artistes.

Si on réussissait à se donner ça comme mouvement culturel, je vous assure que, d'abord, on en ferait vivre des gens et, deuxièmement, on aurait là une façon d'exprimer notre différence, de montrer comment, pour nous, c'est important de toujours bien réchauffer nos feux culturels pour se développer. On ne peut pas se contenter d'être dans le train qui passe, qui est nord-américain, et qui n'est pas le nôtre. Ce n'est pas parce qu'on est contre, c'est parce qu'on est différents.

Je terminerai par une phrase qui m'a frappé, depuis quelques années que je l'ai entendue, deux ans en tout cas, aux États-Unis, par un Américain, en principe éduqué, qui, dans une conversation en anglais, me dit: Mais pourquoi insistez-vous pour continuer à parler le français au Québec? Dans son esprit, c'était une obstination culturelle, un choix volontaire. On était tous parfaitement anglophones, mais on s'obstinait, à chaque fois qu'on voyait un Anglais, à parler le français devant lui! Quand je lui ai dit qu'il y avait, ici, 70 % de la population qui ne parlaient pas autre chose et que ça, ça représentait plusieurs milliers de personnes, il m'a dit: Je ne savais pas ça. Un des rôles du ministère des Relations internationales du Québec, qui vient de déposer un gros livre blanc, c'est de s'assurer que ça se sache, y compris dans les États limitrophes des États-Unis et si c'est respecté chez eux... Mais pour que ce soit respecté par les autres, il faut d'abord que, nous, on respecte ça et il faut qu'on l'amplifie dans nos écoles. Moi, si j'avais à faire le tour de tous les documents du passé, le plus important, je pense, celui qui a été aussi peut-être le moins lu, ce n'est pas le livre vert de 1976, c'est le rapport Rioux. C'est celui qui porte sur le positionnement de fa culture dans le processus pédagogique du primaire au secondaire. Et j'en suis devenu plus conscient depuis que je cohabite, comme maire de Québec, avec le Musée de la civilisation qui s'est donné comme vocation, à travers d'autres, d'être plus qu'un musée, d'être un lieu d'éducation et qui innove de ce côté-là. C'est extraordinaire. Le jour où tous nos écoliers passeront par des institutions comme celles-là, et c'est là que je reviens au rôle de la capitale... Ça s'adonne que c'est à Québec. Tant mieux! On va essayer de les amener tous. Aidez-nous à amener tous nos écoliers ici, trois ou quatre jours par année.

Le Président (Ml. Doyon): Merci, M. le maire. En remerciement, deux secondes, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Tempus fugit. J'aurais aimé vous demander, M. le maire, si c'était applicable immédiatement, cette implication des municipalités dans le contexte actuel, mais, malheureusement, on ne vous donnera pas le temps de répondre. Mais je me doute un peu de la réponse. Vous voulez sans doute négocier cette implication des municipalités dans la culture et non pas subir ce qu'on appelle, en vocabulaire usuel, un dumping de responsabilités. Je suis persuadé que c'est la réponse que vous me donneriez.

M. L'Allier: Je dois dire, M. le Président, que j'ai toujours perçu dans les relations qu'on a, à la ville, avec le ministère... On n'est pas d'accord sur tout. Ce n'est pas grave, ça. Le consensus, ce n'est pas une religion et une fin en soi, aussi longtemps que c'est clair et qu'on se parle franchement. Mais j'ai toujours perçu dans la volonté du ministère - je ne le dis pas par flagornerie, je le dis parce que je le pense - une recherche de partenariat. C'est ça qu'il faut développer. Il ne s'agit pas de peser l'un sur l'autre et de se décharger de ses responsabilités. Soyons partenaires et, moi, j'invite les ministères à l'être avec les municipalités, mais à ne pas récompenser leur turpitude. Ceux qui ne font rien ne doivent pas bénéficier de subventions plus que ceux qui font quelque chose. Ça serait plutôt le contraire. Faire en sorte que, lorsqu'un certain niveau d'investissement, lorsqu'un certain niveau de choix est atteint à la hausse par une municipalité, commence vraiment le partenariat où l'État en met plus. Alors que la tendance traditionnelle des gouvernements, et j'étais dedans, vous vous en souvenez, c'est toujours la même chose: c'est que ceux qui font déjà un effort, on va leur dire: Vous avez déjà beaucoup de choses et tous ceux qui ne font rien: On va aller le faire à votre place. Ça, c'est encourager la paresse au niveau culturel et il n'y a pas de place pour ça. Aidez ceux qui font déjà le maximum et vous allez voir, les locomotives vont prendre leur place sur les rails et on va avoir un vrai partenariat. Et c'est vrai avec les municipalités, c'est vrai avec les associations, c'est vrai avec les institutions. Il faut se sortir là aussi d'une chose que le Conseil du trésor, malheureusement, toujours en disant qu'il ne le fait pas, valorise, c'est: Si tu veux être récompensé par les fonds publics, arrange-toi pour faire un déficit, sans ça, tu n'auras pas d'aide.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ce que vous dites, M. le maire, c'est souvent ce que certains de nos

organismes aussi nous disent, malheureusement. Vous savez, je ne peux pas répondre à la grande question. J'aurais aimé, en 1990, après 1976, pouvoir y répondre. La seule chose que je puis dire, c'est que la démarche qui a été amorcée hier, c'est une démarche qui est gouvernementale et qui, dans un certain sens, prouve aussi l'intérêt du gouvernement pour la culture. Oui, partenariat, oui, avec nos milieux, avec les municipalités - d'ailleurs, je veux souligner la présence du maire d'Amos, ici, avec nous, et il y en a d'autres aussi qui vont venir - et oui aussi avec le milieu socio-économique. M. le maire, vous êtes à la hauteur de vous-même. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le maire, au nom des parlementaires, il me reste à vous remercier. Le message a été bien entendu. Et, tout en vous permettant de vous retirer, je vais demander au groupe suivant de se préparer. Vous avez peut-être une salutation à faire en partant?

M. L'Allier: Je voudrais vous remercier de nous avoir entendus, vous souhaiter bonne patience, bonne chance et vous dire que je pense que la majorité de ceux que vous allez entendre de ce côté-ci de la tribune, Mme la ministre, vont vous offrir de vous aider à percer le mur du son.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire.

Nous avons, comme groupe suivant, l'École nationale de théâtre du Canada. Je leur demande de bien vouloir s'approcher de la table. Nous allons, sans délai, continuer nos travaux. Je leur demande de prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue au nom des parlementaires de cette commission. Ils sont ici depuis quelques minutes. Ils savent comment nous procédons. Nous allons procéder de la même façon avec eux: une quinzaine de minutes de présentation et, après ça, le dialogue s'engage avec les membres de la commission.

Je vois que Mme Mercure est ici. Je lui demande de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent aussi et de débuter, dès maintenant, sa présentation.

École nationale de théâtre du Canada

Mme Mercure (Monique): M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, bonjour. Comme le président l'a dit, mon nom est Monique Mercure. Je suis une actrice et je suis aussi membre du Bureau des gouverneurs de l'École nationale de théâtre. Je suis accompagné de M. Gilles Renaud, qui est acteur et directeur artistique de la section française d'interprétation et d'écriture dramatique. Il vous entretiendra du financement. Excusez-moi, non! Lui, son intervention portera sur la formation en théâtre. Et je suis accompagnée aussi de M. Simon Brault, qui est le directeur administratif adjoint de l'École, qui vous parlera, lui, du financement de l'activité culturelle.

Le Bureau des gouverneurs de l'École nationale, dont je fais partie, est composé de 50 personnes provenant de toutes les régions du Canada. Nous travaillons bénévolement et nous sommes issus du milieu des affaires ou du milieu des arts de la scène. Nous avons tous en commun l'amour du théâtre, bien sûr, et la conviction que notre société a besoin d'une école professionnelle supérieure, capable d'élever le talent à la hauteur de l'art. L'École nationale de théâtre est une institution unique au Québec, au Canada et, à certains égards, dans le monde. Créée en 1960, l'École nationale de théâtre ouvre ses portes à des jeunes en provenance de toutes les régions du Québec et du Canada et qui viennent à Montréal à l'École nationale pour recevoir une formation avancée et spécialisée dans l'un ou l'autre des divers aspects de la pratique théâtrale, c'est-à-dire l'interprétation, l'écriture dramatique, la mise en scène, la scénographie et les techniques de scène.

Des artisans de la scène montrent leur métier. Des praticiens viennent à l'école former de nouveaux praticiens. C'est là la véritable originalité de l'École nationale de théâtre. Elle fait partie du milieu plutôt que d'en être un simple reflet. L'École nationale est une institution culturelle qui se situe aux confins de l'enseignement, de la pratique, de la création et de la diffusion du théâtre. Et je m'explique. Elle est aux confins de l'enseignement, puisque nous sommes une école, de la pratique, parce que notre enseignement est assuré par des praticiens et elle est orientée sur la pratique. Elle est aussi axée sur la création. L'École a toujours été un centre de création. Elle a joué un rôle largement reconnu et extrêmement important dans le développement et l'affirmation de la dramaturgie québécoise et aussi de la diffusion du théâtre. Nos enseignements aboutissent toujours à la présentation de spectacles publics qui jouent à guichet fermé la plupart du temps. L'École met aussi ses salles à la disposition des troupes professionnelles à chaque fois que c'est possible. (15 heures)

Les relations que notre institution entretient depuis 30 ans avec le ministère des Affaires culturelles du Québec ont toujours été à la mesure de la réalité que je viens d'évoquer. Actuellement, l'équipe de l'École travaille intensément avec celle du ministère à la réalisation d'un projet soutenu par tous les milieux de Montréal, et pour cause, la restauration et la mise en valeur du Monument national.

L'École nationale de théâtre se considère interpellée par l'objet de cette commission parlementaire, c'est-à-dire la proposition de politique de la culture et des arts formulée par le groupe-conseil sous la présidence de M.

Roland Arpin. Le mémoire que vous avez devant vous résume à grands traits ce qui nous préoccupe dans le cadre d'un débat sur l'importance sociale de la culture et de l'action culturelle. Ce qui sous-tend la proposition de politique de la culture est en rupture avec un certain discours en faveur du désengagement de l'État par rapport aux arts et à l'activité culturelle. Cela nous apparaît à la fois réaliste et très généreux.

En effet, particulièrement dans le domaine des arts vivants et encore plus spécifiquement dans le cadre des activités de formation, de perfectionnement, d'expérimentation et de création, les subventions gouvernementales sont irremplaçables. Le financement de l'activité artistique et culturelle doit être considérablement accru. Qu'on sorte enfin du débat piégé sur le prétendu partage des responsabilités entre le secteur privé et l'État, voilà une très bonne chose. Cependant, il ne faudrait pas qu'un nouveau débat sur le partage des responsabilités entre le fédéral, le Québec et les municipalités ait pour conséquence de reporter encore des décisions urgentes en matière de financement de pratiques en cours dans le secteur culturel. Mais, bien sûr, la proposition du groupe-conseil va bien au-delà de la question vitale du financement, il va sans dire.

Alors, mon collègue, Gilles Renaud, va aborder maintenant une question soulevée dans le rapport, qui nous concerne directement, la formation professionnelle en théâtre.

Le Président (M. Doyon): M. Renaud.

M. Renaud (Gilles): L'École nationale de théâtre a un mandat, un système d'enseignement, un rayonnement et des structures qui en font une institution à part dans le réseau complexe et diversifié de la formation professionnelle en théâtre. En effet, nous sommes une institution spécialisée totalement axée sur l'enseignement des différentes disciplines théâtrales, c'est-à-dire que l'École nationale n'enseigne que les disciplines de théâtre, contrairement aux universités ou aux cégeps, par exemple, qui enseignent d'autres disciplines.

La formation que nous dispensons est axée sur la pratique professionnelle par opposition à la formation partiellement académique obligatoire dans les collèges et les universités. Notre enseignement est fondé sur une approche universelle, globale et intégrée de la pratique théâtrale, c'est-à-dire qu'on reproduit, en fait, la structure d'un vrai théâtre professionnel à l'intérieur de nos productions et de notre enseignement. La formation de nos élèves se fait dans le cadre d'une institution dite "colingue", c'est-à-dire qu'il y a des sections anglaises et des sections françaises qui fonctionnent de façon autonome et parallèle sous un même toit.

Nous maintenons et renouvelons sans cesse une concentration permanente des meilleurs pra- ticiens du théâtre en provenance de toutes les régions du pays, comme de l'étranger. La recherche, l'expérimentation et la création font partie intégrante de notre activité d'enseignement. Nous sommes un centre de diffusion du théâtre et de confrontation avec les publics actuels.

Nous considérons qu'un débat en profondeur sur la formation professionnelle en théâtre est nécessaire et utile. Cependant, il ne doit pas être mené avec la volonté de trouver une formule qui élimine l'émulation entre différentes approches et différentes institutions d'enseignement. Dans ce domaine, comme dans tous les autres domaines de l'activitié intellectuelle et culturelle, le monolithisme et la rigidité orga-nisationnelle sont des éteignoirs.

Il faut, par ailleurs, éviter d'adopter un point de vue d'économiste dogmatique en analysant le marché du travail. Si l'offre, c'est-à-dire les gens de théâtre, est assez facile à quantifier et à catégoriser, la demande l'est beaucoup moins. Les statistiques sur la fréquentation des spectacles de théâtre montrent que les Québécois vont de plus en plus au théâtre, ce qui est encourageant. Cependant, la demande ne se limite pas aux spectacles sur scène, loin de là et heureusement. La demande pour des interprètes, des auteurs dramatiques, des scénographes, des metteurs en scène, des techniciens de scène et de plateau ne suit pas une courbe totalement prévisible comme c'est le cas dans d'autres industries. Un parti pris concret de l'État en faveur des arts et de la culture, par exemple, devrait avoir un impact à long terme sur cette demande.

Aucune société ne devrait déplorer le fait qu'elle a trop d'artistes. L'idée de contingenter leur nombre ne devrait même pas nous effleurer l'esprit. Il faut faire le pari réaliste que notre société aura toujours de plus en plus soif d'art, de culture, de réflexion et d'imagination.

Je cède maintenant la parole à Simon Brault, qui abordera certains aspects du problème financier de l'activité culturelle. Merci.

Le Président (M. Doyon): M. Brault.

M. Brault (Simon): Comme on le dit dans le mémoire, on souscrit, bien sûr, aux trois grandes finalités qui sous-tendent toute la politique proposée dans le rapport, c'est-à-dire développer le domaine des arts et de la culture, favoriser l'accès à la culture et accroître l'efficacité de l'intervention du gouvernement et de ses partenaires dans le champ culturel.

C'est clair que, comme école de théâtre, on est très préoccupés par tout ce qui concerne le soutien à la création. On considère que ce qui est mentionné dans le rapport Arpin concernant la rationalisation et l'optimisation de l'intervention gouvernementale, ce qu'on appelle communément "éviter le saupoudrage", c'est con-joncturellement nécessaire, sauf qu'on s'interroge

sur le fait qu'une telle mesure puisse faire partie d'une politique culturelle à long terme. C'est-à-dire que, s'il faut consolider actuellement un certain nombre d'organismes, il serait dangereux de maintenir cette politique de consolidation pendant une longue période parce que, évidemment, on ne verrait pas ce qui naît et ce qui se développe actuellement au Québec, et ce qui va naître et se développer dans les prochaines années.

Par contre, on est, bien sûr, en accord avec les recommandations du rapport qui proposent d'indexer les budgets des organismes culturels existants. On considère en effet qu'une institution culturelle comme la nôtre a ce qu'on pourrait appeler le droit au développement et que ce droit au développement normal et sain, qui est reconnu à plein d'autres institutions et organismes dans la société, on doit aussi pouvoir en bénéficier et qu'il nous a été nié assez généreusement dans les dernières années.

On considère aussi que la recherche d'une plus grande efficacité dans la gestion au niveau culturel ne peut pas et ne devrait jamais être un objectif en soi, c'est-à-dire que cet objectif d'efficacité dans la gestion est justifiable par, justement, l'activité culturelle qui est indépendante des gestionnaires et de l'État. On considère que, finalement, l'État peut jouer un rôle majeur dans le développement et dans la promotion de la culture, mais jamais l'État ni les gestionnaires ne pourront être les décideurs ultimes de la culture ou même des initiateurs de l'activité culturelle. On considère que l'État et ses appareils peuvent répondre à des choix de société, et le rapport Arpin est clairement un rapport qui va dans le sens de favoriser ce type de choix là, en faveur de la culture, mais que cette façon de répondre, finalement, aux besoins de la société peut poser certaines interrogations et certaines inquiétudes.

Nous partageons certaines des inquiétudes qui sont soulevées actuellement dans le milieu par rapport au danger de bureaucratiser à l'extrême des mécanismes d'intervention de l'État, particulièrement au niveau du soutien à la création. On voit aussi qu'il y a un certain danger actuellement dans le débat, parce qu'on doit absolument réagir comme société, de donner à l'État un pouvoir au niveau culturel qui soit tel qu'on substitue un peu à l'activité culturelle elle-même une culture d'État. Évidemment, aussi, on a la même inquiétude que tout le monde par rapport à la question du financement, c'est-à-dire qu'il y a un danger de rapatrier des pouvoirs de dépenser et de se les voir détournés vers d'autres besoins que doit combler l'État. Bien sûr, ces dangers-là sont des dangers qui ne sont pas suffisamment importants, puis qui ne devraient jamais être considérés comme suffisamment importants pour évacuer le débat. Le débat doit avoir lieu et on doit être capable de tenir compte des besoins qu'on a comme orga- nisme culturel.

L'École nationale de théâtre a été fondée il y a 30 ans. Elle a dû composer et elle compose chaque jour avec des réseaux de subventions qui sont très difficiles et très complexes et souvent anarchiques. Évidemment, à l'École nationale, qui est une institution privée, on reçoit des subventions du Conseil des arts du Canada, du ministère des Communications du Canada, de huit provinces et de la ville de Montréal. On est donc l'exemple parfait d'une créature hybride, financée d'une façon absolument terrifiante. Ce qui est certain, c'est que, malgré ça, on a réussi à remplir notre mandat d'une façon qui est largement appréciée et il nous semble important que, dans le débat actuel, on soit capable de mener le débat, oui, sur le besoin ou non d'un maître d'oeuvre unique, etc., mais effectivement, comme le disait M. L'Allier avant nous, on ne peut cracher sur aucun dollar qui favorise le développement de la culture. L'exemple du projet du Monument national est un bon exemple qu'on pourrait évoquer plus tard.

On considère finalement - je termine - que le Québec a toujours tiré profit et va toujours tirer profit de la présence d'une institution comme l'École nationale de théâtre sur son territoire. L'École nationale de théâtre est un modèle de ce que le monde est en train de devenir. C'est une école qui est décloisonnée, qui reçoit des gens du pays, mais qui reçoit des gens qui viennent aussi du monde entier, et une politique culturelle devrait reconnaître la nécessité et le besoin d'une telle institution. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur.

Mme Mercure: Merci, M. le Président. Nous sommes prêts maintenant à répondre aux questions que vous voudrez bien nous adresser.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brault. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: II me fait plaisir de vous accueillir, Mme Mercure, M. Brault et M. Renaud. Je voulais aussi souligner que M. Renaud, comme directeur artistique, a annoncé hier... Vous avez annoncé que vous quittiez l'École pour retourner à votre art. Je ne voulais que souligner votre apport Important à l'École nationale par votre dynamisme, le support aux étudiants. Évidemment, ça nous fait de la peine que vous quittiez. Par contre, c'est sûr qu'on vous retrouve ailleurs. Alors, on vous souhaite aussi la meilleure des chances.

M. Renaud: Merci, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: J'aimerais parler un peu, justement, avec vous de formation. On en a beaucoup discuté et on va en discuter aussi

beaucoup à travers la commission. Ce matin, il y a eu la Fédération des cégeps. On a discuté dans le contexte scolaire où, là, on commence à donner des cours d'art dramatique. Le directeur général des conservatoires est avec nous aujourd'hui. On en parle partout. Pourriez-vous me dire comment on peut nous assurer que tout travail, en fait, que tout ça se fasse en synergie et qu'il n'y ait pas de dédoublement dans un système versus l'autre? Est-ce que c'est possible?

M. Renaud: C'est-à-dire que, présentement, il y a un organisme qui s'appelle le Conseil supérieur de la formation en art dramatique qui essaie de mettre sur pied un programme d'enseignement, entre autres, du théâtre, au niveau du secondaire, au niveau du collégial et au niveau supérieur. Nous avons rencontré Mme Robillard le printemps dernier pour lui faire part de notre étude. Je pense que c'est plus au niveau des ministères - d'après moi - de l'Éducation et des Affaires culturelles à voir à ce que les programmes, entre autres, au secondaire et au collégial, soient la suite l'un de l'autre pour arriver aux écoles supérieures qui seraient les écoles existantes présentement. Est-ce que je réponds à votre question?

Mme Frulla-Hébert: Oui, à une partie, parce que, effectivement, on regarde maintenant de très près toute la question de la formation, autant en art dramatique que formation musicale, de telle sorte qu'on puisse donner une formation adéquate et soutenir, finalement, cette formation à travers le Québec. Mais, selon votre expérience à vous, présentement, au moment où on se parle, par les étudiants que vous accueillez, parce que vous donnez quand même une formation qui est très très globale, c'est-à-dire dans plusieurs disciplines, est-ce que vous sentez aussi qu'il y a un manque de coordination à travers tout ça? Vous savez, un programme qui se donne d'une façon à telle place; l'autre, évidemment, un autre genre dans le système scolaire...

M. Renaud: C'est-à-dire, je pense qu'avant le collégial il ne se donne rien de sérieux. Là, il y a deux, trois projets-pilotes qui vont se faire, peut-être, dans certaines écoles secondaires; entre autres, je crois que c'est à Paul-Gérin-Lajoie, à Outremont, ils ont un projet-pilote. Mais, avant le collégial, il ne se donne rien de sérieux. Même nous - on est de niveau collégial, l'École nationale - on reçoit des gens, parfois, qui sont un peu trop jeunes ou qui ne sont pas prêts à entrer à l'École et on ne sait pas où les envoyer en attendant. C'est-à-dire qu'il n'y a pas, par exemple, un collégial général en théâtre, en art dramatique. Alors, on les envoie en lettres, on les envoie en art. On ne sait pas où les envoyer parce qu'il n'y a pas présentement de programme préparatoire aux écoles supérieures en art, ce qui existe en musique, par exemple, mais ce qui n'existe pas du tout en théâtre, en art dramatique. (15 h 15)

Mme Frulla-Hébert: D'accord. À un moment donné, vous avez mentionné toute la question du contingentement. Effectivement, je pense qu'il n'y a rien de plus dangereux que de commencer à essayer de contingenter, finalement, le talent, parce que c'est ça dans le fond. Mais d'un autre côté, hier, on avait les représentants de l'Université Laval, entre autres, qui nous disaient: Nos jeunes nous disent aussi: Est-ce qu'on va avoir des débouchés? Il semblerait que c'est une espèce de cercle vicieux dans un sens où on ne contingente pas, donc, évidemment, en bout de ligne, on fait place à l'excellence aussi parce que ceux qui émergent doivent être très bons et on fournit aussi des professionnels à plusieurs activités. Ça, c'est une chose. Mais ceux qui veulent, qui veulent y aller, qui sont attirés, se disent: Hum! est-ce qu'il y a des débouchés? Est-ce qu'il y a une façon, finalement, de concilier les deux, sinon de dire: C'est le marché, bon...

M. Renaud: Je pense que le marché s'agrandit d'année en année. Quand je suis sorti de l'École nationale en 1967, il y avait à peu près cinq ou six théâtres professionnels. Il y en a près d'une centaine maintenant au Québec. Bon, je ne sais plus, on avait des chiffres au niveau du pourcentage d'artistes en 1968...

M. Brault: Oui, c'est ça. C'est quand même étonnant, il y a 20 ans, en 1971, on dénombrait au Québec 290 acteurs et actrices professionnels. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, il y en a 1400. C'est-à-dire qu'il y a eu une augmentation de presque 400 %. Actuellement, quand on parle de contingentement et de professionnels, il sort actuellement 60 élèves par année des écoles supérieures, c'est-à-dire des conservatoires, cégeps et École nationale de théâtre. De ces 60 personnes qui entrent sur le marché du travail, statistiquement, depuis cinq ans, il y en a 25 qui abandonnent dans les premiers mois, qui quittent la carrière, qui quittent la profession - c'est une industrie bizarre, l'industrie du théâtre - et il y a seulement cinq retraits, ou morts ou décès, par année. O.K. Donc, on se rend compte qu'il y a un accroissement très important du bassin d'interprètes, si on veut, sauf qu'effectivement ce que Gilles dit est tout à fait juste, on a aussi une croissance constante du besoin d'interprètes au Québec; il n'y en a jamais assez. On ne peut pas établir des statistiques sur notre industrie comme on le fait pour d'autres industries. Quand quelqu'un comme Roy Dupuis sort de l'École nationale et devient une superstar en deux ans, parce qu'il arrive avec un casting qui dépasse et qu'on ne rencontre pas dans le marché, ce type-là déjoue toutes les statistiques. Et c'est presque la nature de ce qu'on fait que de former des

gens qu'on ne peut pas rentrer dans les statistiques et dans les modèles, ni au niveau de l'offre, ni au niveau de la demande. C'est pour ça qu'on s'oppose un peu - et je suis d'accord avec ce que M. L'Allier disait tantôt - on s'oppose vraiment à une approche économiste, d'analyse de marché dans le cas du théâtre, définitivement. Ce qui ne serait pas le cas, par exemple, des techniciens de scène; ça, ce serait discutable. C'est une autre chose. Mais des interprètes...

Mme Frulla-Hébert: M. Brault, autre chose aussi, c'est parce que ça rejoint un peu la position du Conseil québécois du théâtre. D'un autre côté, on nous demande, même le Conseil québécois, avec l'évaluation et tout ça... J'ai aimé à part ça votre remarque disant: Bon, est-ce que saupoudrage... Je suis un peu d'accord avec vous, il y a des temps d'arrêt, ensuite, il y a des temps de développement et tout ça. Mais, toute cette question-là de saupoudrage, on nous demande d'un côté d'arrêter de saupoudrer et de consolider, autant les organismes nous le demandent que, en fait, les divers secteurs, et, d'un autre côté, on dit: Allez, il faut développer, développer, développer. Ce qui fait que, quand on développe, il y a des nouvelles compagnies qui se forment. Des nouvelles compagnies se forment, bon, à quelque part on est obligé de les aider. Donc, on les aide. C'est ça, finalement, la roue, hein? On saupoudre. Est-ce que vous avez une espèce de solution à ça? Parce que, si on trouve la solution au saupoudrage et qu'on a consensus là-dessus, déjà on fait un bon point.

M. Brault: Je ne peux pas prétendre qu'on a une solution, mais c'est clair que c'est une question qui nous préoccupe beaucoup, sur laquelle on réfléchit beaucoup. D'un côté, c'est un peu normal que le CQT et des organismes comme le nôtre, qu'on pourrait, sans vouloir insulter personne, appeler un peu "l'establishment" du théâtre, c'est un peu normal qu'on demande qu'il y ait des politiques de consolidation, des politiques d'indexation, qu'on ait le droit de se développer. Mais, par ailleurs, c'est très conjoncturel et c'est très important de s'assurer que... Nous, ce qu'on essaie de développer, en tout cas à notre niveau, on essaie de faire en sorte que l'École nationale - parce qu'on a beaucoup d'équipements entre les mains, on a beaucoup d'expertise entre les mains, on a des théâtres entre les mains - on essaie actuellement d'accueillir le plus possible ceux qui créent et qui se développent. C'est-à-dire qu'actuellement, à Montréal, si vous voulez produire une pièce de théâtre, vous êtes une jeune troupe, vous allez vous faire refuser, par trois niveaux de gouvernement, les subventions parce que c'est une première expérience. Qu'est-ce que vous faites pour produire un spectacle? Actuellement, il y a des gens qui cognent à notre porte et nous disent: Bon, prêtez-nous votre studio, prêtez-nous une salle, prêtez-nous des ateliers pour construire les décors et tout ça. Et on le fait et on considère que c'est notre mandat de le faire parce qu'il faut qu'il y ait quelque part une première représentation, une première manifestation pour qu'on soit capable de noter ce qui existe. Et moi, je pense que c'est peut-être une solution actuellement que d'obliger, jusqu'à un certain point, un certain nombre de théâtres à avoir des auteurs en résidence, une école de théâtre à accueillir, justement, des premières créations, à faire en sorte que les institutions qui existent, les organismes qui existent dans le milieu aient aussi un rôle et une responsabilité par rapport à la création. De la même façon que je suis d'accord sur le fait que, si on augmente les subventions, on va demander des performances administratives supérieures, je pense que, si on accorde des subventions, on pourrait développer ce qu'on appelle un effet de levier au niveau des subventions qui sont consenties. A mon avis, uniquement éviter le saupoudrage à court terme, c'est une bonne mesure, mais ce n'est définitivement pas une politique. Ça ne peut pas être une politique à long terme parce que ce qu'on consolide aujourd'hui risque de ne plus être à la fine pointe de la culture dans cinq ans.

Mme Frulla-Hébert: Je veux juste toucher, parce que le temps file, la question du "colin-guisme". Vous êtes, finalement, en soi une institution unique parce que, effectivement, vous accueillez et vous avez, en votre sein, finalement, des gens qui cohabitent, finalement des deux cultures, anglophone et francophone. Comment ça se passe vraiment? Est-ce que l'un peut influer sur l'autre, parce que c'est un modèle en soi, ça aussi? Et on va avoir aussi des représentants - d'ailleurs, ils sont ici avec nous - de la communauté anglophone qui disent: Oui, on est capables, nous aussi, et on veut aussi ajouter à la culture francophone, on a des choses à apporter. Alors...

M. Brault: Avant de dire comment ça se passe, j'aimerais simplement donner quelques faits qui sont très étonnants. Depuis trois ans, alors que le débat constitutionnel avec l'échec de Meech et tout ça a été plutôt orageux et que le Québec n'a pas nécessairement eu une bonne presse au Canada, depuis trois ans, on a enregistré une augmentation constante des demandes d'inscription du Canada anglais à Montréal, à l'École nationale de théâtre. Pourquoi? Parce que je pense que, pour les anglophones du Canada, de venir étudier à Montréal, c'est un peu comme de venir étudier dans une ville européenne au coeur de l'Amérique, jusqu'à un certain point, c'est-à-dire que c'est reconnu à travers le Canada la vitalité artistique de Montréal, particulièrement le théâtre est très reconnu et très respecté à travers le pays.

À l'intérieur de l'École, c'est clair que ce qui existe maintenant, c'est effectivement des sections qui fonctionnent, jusqu'à un certain point, en parallèle, qui partagent des équipements communs, qui partagent aussi parfois une expertise commune, comme il y a des professeurs en masque, en mouvement, et tout ça, qui enseignent dans les différentes sections parce qu'il n'y a pas de problème de langue comme en interprétation, en technique, et en décor la même chose; en décor, on a une seule section avec des Anglais et des Français. Et c'est clair qu'il y a constamment un choc culturel, une émulation qui se joue entre les anglophones et les francophones. Quand on lit tous les documents de l'École dans les 25 dernières années, la prise de position de l'École en faveur du "colin-guisme", ce n'est une prise de position ni politique ni philosophique. On a réussi à intégrer cette réalité-là dans le système d'enseignement de l'École et de voir constamment deux cultures qui se comparent et qui fonctionnent... Je pense que, jusqu'à un certain point, si on élève ça à un niveau supérieur, le Québec, par rapport au reste du continent et par rapport au reste du monde, est dans cette situation de...

Mme Frulla-Hébert: "Colinguistique". M. Brault: ..."colinguisme", si on veut. Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brault. Je vais permettre maintenant au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de continuer la conversation.

M. Boulerice: Oui. Mme Mercure, M. Renaud, M. Brault, je vais débuter par une observation en page 3, ma satisfaction de lire ces lignes-là: "Les mesures de soutien à la création nous préoccupent tout particulièrement. En effet, les efforts de rationalisation et d'optimisation de l'intervention gouvernementale ("éviter le saupoudrage") ne doivent surtout pas conduire à négliger le soutien vital à apporter à l'expérimentation et à la création." Je pense qu'il était essentiel que cette balise-là soit clairement définie et que des avertissements soient donnés. Je prends toujours un exemple, ceux que j'appelle affectueusement "ces joyeux freaks", qui, il y a sept ans, huit ans, peignaient aux Foufounes électriques, et qui se retrouvent maintenant dans les galeries les plus prestigieuses et les collections privées les plus riches. Je pense que vous avez bien saisi le danger, effectivement, qu'il pourrait y avoir à brimer l'expérimentation et la création qui sont essentielles, d'ailleurs, dans le domaine de la culture. S'il n'y a pas d'expérimentation, on s'en va à une institutionnalisation et ça ne fait pas avancer.

Ma question est d'une autre nature. Je ne veux pas faire le divan avec vous, mais vous semblez inquiets, voire même très inquiets, vous vous interrogez sur les dangers d'une politique de la culture dans laquelle le rôle omniprésent de l'État québécois... où vous évoquez le spectre du dirigisme, de la bureaucratisation et de la diminution des budgets. Je trouve que vous mettez beaucoup d'inquiétudes, par contre, à ce niveau-là. Est-ce que vous craignez un retour à la grande noirceur?

Mme Mercure: M. le député, je ne crois pas que nous soyons terrorisés par ce que dit le rapport Arpin, mais, que nous soyons inquiets, je pense que c'est une preuve de sagesse de notre part, parce qu'on ne sait pas sur quoi va déboucher ce rapport. Ce rapport, qui est très, très bien fait, que nous attendions - je félicite, d'ailleurs, Mme la ministre de l'avoir commandé - mais comment sera-t-il appliqué? Ça, je ne le sais pas. Je pense que M. Brault vous a très bien expliqué en quoi consistaient nos inquiétudes. Il n'en a pas fait un Bonhomme Sept Heures, il n'en a pas fait une chose qui nous terrorise, bien au contraire. Mais je pense qu'il a très bien expliqué quel était le dirigisme, et la centralisation est toujours dangereuse en arts. N'oublions pas que c'est la liberté qui est garante de la création. Sans liberté, il ne peut pas y avoir de création. Les arts, le théâtre, la création est garante de notre culture. Si nous ne créons pas, au théâtre spécialement qui est l'art de la parole, c'est par le théâtre que nous communiquons avec le public... Je disais à mes collègues à midi: II n'y a pas de théâtre sans acte théâtral. Pour faire du théâtre, il faut un public, il faut une scène, des acteurs sur une scène, sans ça le théâtre n'existe pas. Mais il est très important dans notre pays que la création soit privilégiée. Je pense que l'École nationale a fait en sorte qu'au Québec, et je parle uniquement pour l'instant de théâtre... Le théâtre, la dramaturgie québécoise est devenue ce qu'elle est grâce à l'École nationale de théâtre et à des merveilleuses personnes comme le regretté André Pagé et sa... je ne sais pas comment on dit, la personne qui lui a succédé, Michelle Rossignol, et Gilles Renaud et Michel Garneau. L'École a diffusé, justement, le travail des créateurs québécois en théâtre.

Je vais répéter ce qu'a dit Simon. Simon a été très clair et il parle beaucoup mieux que moi de questions économiques et de questions politiques. Moi, je ne parle qu'avec mon coeur et avec ma passion du théâtre. Et j'ai perdu le fil de ce que je voulais dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Mercure: Non, non, c'est qu'à l'École, il a raison, c'est un creuset. L'École est un creuset où on retrouve toutes les techniques du théâtre, et sans faire de nombrilisme puisque

nous sommes ouverts sur la profession, sur la vie culturelle du Québec et, éventuellement, du Canada puisqu'il y a une section anglaise dont Mme la ministre parlait... N'oublions pas qu'à Montréal aussi il y a des anglophones qui viennent en grand nombre s'inscrire à l'École et qui ont droit, évidemment, à leur culture et à s'exprimer de leur façon; ils ont la chance de le faire là. Bon, voilà, c'est tout, parce que j'ai perdu le fil. Je n'ai pas l'habitude de faire des commissions parlementaires.

M. Boulerice: Mais moi, Mme Mercure, j'aimerais vous faire une gentille réprimande qui est: S'il vous plaît, ne dites pas que vous, en tant que comédienne, ne pouvez pas parler d'économie et d'administration et que l'on ne veut pas... parce que, de mon observation depuis bien des années, si on gérait l'État comme on gère certaines petites compagnies théâtrales avec le peu de moyens qu'il y a, nos déficits seraient peut-être bien moindres.

Mme Mercure: Vous avez bien raison, M. le député. Vous avez bien raison. C'est admirable à quel point des théâtres intermédiaires, par exemple, même des théâtres institutionnalisés, lorsqu'ils veulent se développer, n'ont pas les moyens... Ils n'ont pas les subventions qui s'accroissent pour le développement et ça, il y a un mot pour ça, M. Brault, je ne sais pas comment ça s'appelle, c'est le développement, je crois?

M. Brault: Oui le droit au développement.

Mme Mercure: Le droit au développement. C'est-à-dire qu'une compagnie qui change de théâtre, par exemple, n'a pas les moyens de survivre une fois qu'elle a augmenté son public, par exemple, ou que sa salle est plus grande. Et je vais parler du Monument national. (15 h 30)

M. Brault: J'aimerais simplement dire un mot, par rapport à votre remarque, M. le député, sur la question de ce qu'on appelle la bonne gestion ou ce que je pourrais appeler la gestion pauvre des organismes de théâtre, parce que c'est très connu. Tout le monde sait que, dans le secteur du théâtre, on vit très pauvrement, les salaires sont très bas, les conditions de travail sont épouvantables et, à mon avis, ce n'est pas nécessairement un modèle qu'on devrait projeter sur l'ensemble de la société. Je suis un gestionnaire depuis 10 ans dans ce secteur et, trop souvent, les gestionnaires de théâtre, on est obligés de compter sur le prix très bas de la main-d'oeuvre des acteurs, des créateurs, des concepteurs et on est obligés de produire dans des conditions qui sont inacceptables pour le reste de la société, par ailleurs. Je pense que ce qui est bon dans le rapport Arpin, et c'est une chose très positive, c'est qu'on sort effectivement de tout ce débat sur l'industrie culturelle, etc., qui est un débat qui n'est pas nécessairement faux pour ce qui est une industrie culturelle, mais la culture ne se résume pas aux industries culturelles. Nous sommes particulièrement dans ce qu'on pourrait appeler l'artisanat culturel au niveau du théâtre et il est important que la société, que l'État, que tout le monde prenne conscience que ce qui est fantastique, fascinant, merveilleux qui sort du théâtre, ça doit être rémunéré et correctement rémunéré. Je pense que le rapport Arpin, et c'est la position que le gouvernement a prise dernièrement, que la ministre a prise en tout cas, ça va dans ce sens-là et ça, c'est très positif et c'est très rassurant pour les gens qui sont dans le secteur théâtre. N'oublions pas qu'actuellement, à Montréal et à Québec, il y a plein de théâtres qui viennent d'être construits. On va emménager, tout le monde, dans des nouveaux locaux, mais, maintenant, on a à faire face à un autre niveau de gestion que celui qu'on a connu dans le passé. On a des besoins et il va falloir que ces besoins-là soient reconnus par la société et par son gouvernement.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Merci. M le député de Mercier.

M. Godin: Oui, M. le Président. Merci. Moi, il me vient une question en écoutant Simon Brault. D'où vient le fric que... Moi, je les vois entrer chez vous, les comédiens, parce que c'est dans mon comté, l'École, où j'ai déjà été, d'ailleurs. Est-ce que c'est le BS? Est-ce que c'est l'assurance-chômage? Est-ce que c'est des "jobines", de la figuration? Comment ils font pour ne pas crever de faim, pour se loger ou pour prendre une bière une fois par 15 jours, mettons? D'où vient le fric, M. Renaud - quand vous étiez jeune, vous, il y a quelques années seulement?

M. Renaud: On n'a pas droit à l'assurance-chômage, d'abord. Le BS, il y a une partie des jeunes qui sont parfois sur le BS. On essaie de se faire offrir des bières quand on rencontre des députés dans certaines brasseries!

Des voix: Ha, ha, hal

M. Renaud: Mais c'est, comme vous dites, les "jobines" et autre chose. Il y en a plusieurs qui travaillent à faire toutes sortes de choses plutôt qu'à faire leur métier en attendant d'avoir des contrats. Il y a beaucoup de petites productions en théâtre, de l'autogéré, tout ça. Alors, ils arrivent à survivre. Quand un acteur ou une actrice est le moindrement connu, on commence à faire un peu de télévision, on commence à gagner un peu plus d'argent.

M. Godin: Plus concrètement encore, M.

Renaud, vous qui êtes passé par là sûrement, quand le gouvernement ou les gouvernements ou la SOGIC libèrent des fonds pour faire un film, est-ce que tous les gens de votre École et d'ailleurs, enfin les comédiens qui n'ont pas des noms, des carrières ou des réputations bannières, si on peut les appeler comme ça, est-ce qu'ils envisagent ça comme étant l'arrivée d'une espèce d'orage sur un sol desséché? Le film de Gilles Carie, qu'il tourne avec Michèle Richard, quand il a été annoncé qu'un film se tournait à Montréal, est-ce qu'il y a des jeunes, des étudiants comédiens, chez vous, qui ont dit: Tiens, voilà ma chance, je vais aller frapper à la porte, puis peut-être bien qu'il va tomber quelques canards - comme on dit maintenant à cause de la pièce de monnaie - dans ma sébile? Juste pour faire comprendre...

M. Renaud: Oui.

M. Godin: ...au ministère des Affaires culturelles qu'il faut que la SOGIC ait un budget augmenté, que Téléfilm Canada ait un budget augmenté et qu'il se tourne de plus en plus de films au Québec parce que les réalisateurs, plus ils en font, meilleurs ils sont; les comédiens, plus ils jouent, moins ils crèvent de faim et, un jour, ils paieront une bière à leur député...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: ...à la brasserie Chez Baptiste.

M. Renaud: En fait, c'est sûr que le gros du travail présentement se fait à la télévision, c'est-à-dire dans des mini-séries comme "Les filles de Caleb", "Lance et compte", ce qu'on vient de faire, "Montréal, ville ouverte" ou "Scoop". Alors, ces séries-là emploient énormément d'acteurs, de figurants. Ça, c'est toujours bienvenu. Si on parle du théâtre, je ne connais personne qui a réussi. Je connais, mais personne qui vit uniquement du théâtre en tant qu'acteur, technicien de scène ou scénographe. Tout le monde est obligé de gagner sa vie ailleurs, c'est-à-dire, je parle du salaire minimum. Le théâtre ne permet pas à des artistes de vivre. Alors, les artistes sont obligés d'aller faire autre chose.

M. Godin: Ça veut dire que le saupoudrage est absolument essentiel.

M. Renaud: Le saupoudrage, oui. Moi aussi, pour en revenir à ce que disait Simon...

M. Godin: Parce que, s'il tombe un grain de poudre dans l'appartement presque désaffecté d'une jeune comédienne de votre École, pour elle, c'est le Pérou, si on peut dire, sans allusion politique.

M. Renaud: Oui, effectivement. C'est-à-dire que c'est évident qu'il faut que les compagnies existantes puissent avoir des espèces de garanties de survie. C'est important. C'est important pour les créateurs, c'est important pour les directions artistiques de savoir que, dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans, ils vont pouvoir faire un autre spectacle. Ils peuvent penser à long terme. Je me souviens, entre autres, de Gilles Pelletier, quand il était directeur de la Nouvelle compagnie théâtrale, qui construisait ses saisons par bloc de cinq ans. C'est-à-dire qu'on présente un Shakespeare. Alors, l'an prochain, on présentera telle autre pièce ou telle autre qui amène telle autre. On travaille comme ça à l'École aussi, en formation. On les fait travailler tels types de théâtre en première année pour qu'en troisième ils puissent jouer tels types de spectacles.

Alors, c'est important qu'ils sachent, les directeurs des théâtres institutionnalisés ou, en tout cas, officiels, que, dans cinq ans, ils vont être encore là. Mais c'est important aussi que des jeunes créateurs sachent qu'ils peuvent, dès demain, commencer à élaborer un projet qui va avoir lieu dans trois ans, dans deux ans ou dans un an. S'il n'y avait pas eu le saupoudrage, Gilles Maheu ne serait pas là à tourner partout en Europe, Robert Lepage ne serait pas là non plus à faire des mises en scène au National, à Londres, puis à faire des spectacles à Berlin et à Mexico et à amener ses spectacles. Ce sont ces saupoudrages-là qui ont permis ça aussi, qui ont permis à ces compagnies-là maintenant, à ces artistes-là d'exister sur la scène internationale et sur la scène locale. Mais, bien sûr, on pourrait nommer 25 compagnies qui ont commencé par des saupoudrages et qui sont devenues des compagnies très importantes. Alors, c'est évident. Je sais que ça risque d'être un débat important, mais il faut y voir, c'est très important.

Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur...

M. Godin: M. le Président, j'ai eu mes réponses et encore mieux que je ne l'espérais.

M. Boulerice: Et vous aurez une bière. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Renaud.

M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quelques mots de remerciements, le temps étant écoulé.

M. Boulerice: Oui. Eh bien! Mme Mercure, M. Brault, merci de votre participation.

Une voix: Renaud.

M. Boulerice: Je m'excuse... Oui, c'est ça, j'ai bien dit: M. Brault.

Une voix: M. Renaud.

M. Boulerice: Renaud? Non, non. J'ai salué M. Brault et je voulais, en terminant, saluer M. Renaud - j'ai failli dire "Gilles"; j'espère qu'il aurait excusé cette familiarité - en lui disant: À très bientôt! sur scène ou à l'écran.

Le Président (M. Doyon): Très bien, merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, moi aussi, je me joins à mes collègues pour vous remercier. Effectivement, vous dites: Le saupoudrage, ça risque d'être un débat. C'est un débat. Et c'est un débat, on est tordus d'une certaine façon. Je pense qu'il y a une chose, par exemple. C'est le développement aussi des publics et ça, ça commence à l'école, ça commence jeune, parce qu'on a beau développer, vous le savez comme moi, si les salles sont pleines à 50 % ou à 45 %, on fait tous face à des problèmes majeurs. Merci, encore une fois, et bonne chance.

Des voix: Merci.

M. Boulerice: Et ne lâchez pas l'écriture théâtrale. J'ai bien aimé quand François m'a amené à l'école.

Le Président (M. Doyon): Au nom de la commission, je vous remercie en vous priant de bien vouloir vous retirer pour permettre au groupe qui vous suit de prendre votre place. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre l'Association des éditeurs anglophones. Je pense qu'ils sont présents dans la salle. Je les invite à s'avancer, à bien vouloir prendre place à la table qui leur est réservée. Je vois qu'il y a deux personnes. Je pense que c'est M. Farkas et Mme Haughian. Une fois qu'ils auront pris place, je les invite à se présenter et nous allons procéder de la même façon que nous avons fait jusqu'à maintenant, soit une quinzaine de minutes de présentation suivie d'un échange pour le temps qu'il restera également à partager entre les deux formations politiques. Nous sommes prêts à vous écouter, vous avez la parole.

Association des éditeurs anglophones du Québec

M. Farkas (Endre): Mme la ministre, membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, je vous remercie, au nom de l'Association des éditeurs anglophones du Québec, de nous avoir invités à participer à ce débat.

The Association of anglophone editors of Québec includes publishers with very different individual aesthetics and a wide variety of public views and political views. But, despite of this diversity or perhaps because of it, we do have common concerns and criticisms of the recom- mendations by the Arpin Commission. Our main concerns center on the recommendations that total cultural powers, political and financial, be transferred from Ottawa to Québec and this total control be administered by a super ministry. We strongly oppose the recommendation that all and total culture control be given over to Québec or any province for that matter. We oppose this for a number of reasons.

First of all, we oppose it because it makes terrible business sense. The presumption is that this transfer is one of the trade-offs for Québec staying in Canada. If this is the case, then it puts Québec artists and cultural industries at a great financial disadvantage. In this scenario, other organizations from across Canada will have access to multiple sources, federal and provincial, while we, in Québec, would have only one. It is bad business for any business to be limited to one source of Investment. So why is the publishing industry being asked to be so self-destructive? And we are certain that the amount of total money that would be available for Québec would in no way equal what the current combined federal and provincial total equals. Right now, francophone publishing gets 42 % of all federal funding. We think that Québec would be hard pressed to add that much to its current contribution.

Aside from this and more importantly, we see great danger in this total control because administrative structures are not value free. They reflect and promote particular social and cultural values and aspirations. If we are limited to one administrated bureaucracy, then we are in danger of having this all powerful source dictate the production of culture: What is supported by public funding? What is offered for sale? And what is distributed? The long-term results of such control and approval are, on the one hand, a tendency to produce a kind of cultural Pablum, baby food, and, on the other hand, a kind of intellectual totalitarianism.

In the first instance, in a centrally funded and centrally controlled environment, there would be great pressure on publishers to practice self-censorsphip and not publish books that are politically or artistically risky. In the second, artists or groups who do not belong to the power elite or who dissent from its policies would not find funding for publication. This results in the suppression of dissent, directly or indirectly, because dissenting voices cannot reach an audience. It means control of what enters the public consciousness, what enters the public discourse and what is attended to. This is obviously very dangerous to the democratic principles which we all value in a free society.

Our other concern is also related to freedom, it is the recommendation that a super ministry should be set up to administrate the sole cultural body. One does not have to have read Kafka's The Castle or George Orwell's 1984

to know that a super ministry spells super trouble. A super ministry is the least feasible way to fund and promote arts production. The belief that a single policy, strategy or program can support the diverse and varied intellectual activity necessary to sustain the health and welfare of a society is either naïve or ill-intentioned. (15 h 45)

Real intellectual and artistic work is dangerous to all regimes in power because, by its nature, it must question everything. Therefore, in order to allow the freedom necessary for this intellectual and creative work to go on, we must have culture out of the hands of the government of the day as much as possible. Rather than the creation of a super ministry, the AEAQ strongly recommends the creation of an arm's length funding and administrative organization. This organization would not be under the influence and pressure of the government of the day. Rather, it be given the adequate funding and this funding and its distribution be administered by people whose field of expertise be that particular discipline and not the political ideology of the elected government. Because parties come and go but the arts remain.

We also recommend that these arm's length bodies be decentralized so that they be more sensitive and accessible to the artists and cultural organizations of those regions and that input come from those who are the clients rather than those who are the administrators.

We, as English language publishers, obviously have our own particular concerns. We feel that through our books by Québec, Canadian and foreign writers, we participate in the local, national and international market place. We do this even though we are disadvantaged pertaining to having an easy access to the provincial grants as our counterparts in the rest of the country.

We would like to see changes to the accessibility to the grants for publishers so that it would be easier for us to qualify. We would like to see a proper proportion of Quebec's publishing fund go to English language publishers. We would also like to be recognized as vital contributors to the cultural fabric of Québec and Canada. Your invitation today shows us that you do see us as necessary contributors to that debate. We hope that your actions will reflect that too. Thank you. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Farkas. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Farkas, bienvenue. Mme Haughian, je ne sais pas si je...

M. Farkas: C'est Mme Haughian.

Mme Frulla-Hébert: Mme Haughian. Alors, bienvenue. Je suis très très contente que vous soyez ici parce que c'est important, d'ailleurs, ce dialogue-là. Il y a une crainte. You seem to be worried about this super ministry. You seem to be worried about one administrative power, in a certain way. You are not the only one that is worried about it. So, you know, let us discuss it from your point of view.

In the other provinces, let us take Saskatchewan or Manitoba, they are asking for almost total, I would say, total help and administrative power from the federal, saying that their province is not, let us say... Saskatchewan, for example, abolished its Ministry of Cultural Affairs. I think that there is only Québec, and also Ontario, that has a strong... a strong will on the cultural business and wants to develop itself as a province. The rest, you know, the federal can do it. Here, of course, we have another vision because we have, first of all, those both cultures and also intertwined cultures. One has to give to the other. But can you tell me why the presence of those two sources of financement, one federal and one provincial, sort of helps the liberty of expression, and that only one would sort of, if I take it by the reverse, would kill this liberty of expression?

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Haughian (Karen): II y a deux raisons. La première, c'est certainement la liberté. Je pense qu'avec tout le monde qu'on a entendu aujourd'hui, on a parlé de la liberté d'expression artistique et, comme on demande d'avoir toujours ce qu'on appelle un "arm's length body" qui juge si on arrête l'argent ou non, il y a toujours des chances, il y a un risque que les gens de notre milieu vont dire dans un an: Non, il n'y aura pas d'argent. Alors, si tout l'argent vient d'une source, on est coupés, on peut faire faillite dans un an, parce que tout le monde sait que c'est impossible de faire les arts, les industries culturelles sans un peu de subventions.

Alors, si on peut demander à plus d'une source et, idéalement, ce serait trois sources, municipale, provinciale et fédérale, et même internationale...

M. Farkas: Elle peut être privée aussi.

Mme Haughian: Mais si on peut demander un peu de tout le monde au lieu d'une source, ce serait beaucoup mieux.

Mme Frulla-Hébert: Vous parliez, à un moment donné, d'aide. C'est sûr que, par la loi sur le développement du livre, on aide aussi - c'est parce que le marché est tellement petit - on aide, évidemment, les maisons d'édition qui sont de propriété québécoise. On est en train aussi de voir avec les médias, justement, à savoir: Est-ce que ça reflète encore la réalité d'aujourd'hui? Mais, pour l'instant, cette protec-

tion-là à cause, justement, du petit marché a fait en sorte quand même qu'on a développé la chaîne, si on veut, ce qu'on appelle, nous, la chaîne du livre. Alors, ça explique un peu pourquoi les maisons qui sont de propriété ou en partie de propriété américaine, si on veut, à ce moment-là, évidemment, ne reçoivent pas d'aide. Quand même, vous faites face à une autre problématique au niveau du marché, c'est-à-dire, justement, cet influx de littérature américaine qui vient ou, finalement, qui entre ici à bon prix. Comment faites-vous pour essayer de survivre malgré ça?

M. Farkas: We are an affiliate of the Association of Canadian Publishers that has branches all across Canada and, at the federal level, we are working to change, to have input into the policies that will allow a healthy Canadian publishing industry. Here in Québec, we, the English language publishers - and I have to stress that it is not English publishers, we are English language publishers...

Mme Frulla-Hébert: Yes, that is true.

M. Farkas: We publish writers from other places, from other languages. We are a very diverse group of publishers. We have difficulty, because of where we are located, to have access to our market, because 80 %, if not more, of our market is out there, and we feel that we need sources from there to help us stay healthy. We also need sources, we need funding from Québec. And some of the criteria that Québec has for accessibility - we do not often meet or it is more difficult for us to meet than others - one of the requirements is 15 titles by Québec authors and that 15 titles by Québec authors makes it sometimes difficult for an English language publishing house because it publishes authors from outside of Québec.

Mme Haughian: There is one very odd aspect about anglo publishers in Québec and that is that in every other region of Canada, there is a regional market, but, for anglo publishers in Québec, our market has to be outside. And yes, we try to compete in the rest of Canada and yes, we try to compete in the American market, but within Canada, we can compete. Small presses are the presses that are doing the research and development in this country in terms of writing. In the United States, we have great difficulty because we do not have the market base, we cannot make our books as cheaply as they can, we pay higher prices for everything here and, then, we try to compete with their books coming into Canada, and yes, it is very difficult. So, we do not have the solid regional support of our market and we do not have a larger market that we can compete in very well. So, yes, it is...

M. Farkas: We face all sorts of difficulties at all levels.

Mme Frulla-Hébert: Should we modify, then, in a certain sense specifically, our law, and how, to include you? You see, the thing is... You have now the new program by la Banque fédérale de développement, announced, I think, a year and a half ago, by Mr. Masse, to help the publishers. They kept their GST, we did not, and they said: We will subvention, and we prefer having a more permanent way, knowing that subventions sometimes are there and tomorrow they are not. So, we have a tendency to say: O. K., well, fine. You know there is a program... For that you are right, there is a program taking care of that market and we will take care of our own because our market is so, so small and the problems that you are facing them towards the States our writers are facing towards France. You know they are not that open to greet us. So, what is the solution for you here, you know, for us to help you?

Mme Haughian: First of all Is loosening the guidelines, that, in comparison with the other provinces, Québec has very, very stringent restrictions. 15 titles is very high unless it is open to other kinds of titles.... Other provinces demand to have the ownership of the company within the province and, yes, I think that it is absolutely crucial to protect the industry from foreign interests. But they do not demand to have all of the authors from that province. And one of the things that we need Francophones to understand is that, yes, we publish Anglos and, yes, we publish Francophones in translation. We do a lot of bridging from Québec to the outside world. And, in order for a house... If there is a francophone author in Canada who wants to be published, he or she will probably look for a publishing house within Québec. If there is a quality anglophone author in Canada, he or she will look anywhere in the country. We have to be able to compete in that anglophone market. So we need to be able to attract excellent anglophone authors. So, If we are limited to publishing québécois authors, we cannot compete in our own milieu. So, that is one of the criteria that really is blocking us.

Printing in Québec. Times are tough. Printers are suffering as much as publishers are. They are competing for business. But Québec publishers have got to be competitive. If their prices are not as good as an Ontario printer or a Manitoba printer, we do not have the money to say: That does not matter. You are from Québec, so we will buy "chez vous". What we are getting from book sellers these days, we do not care if it is printed in Canada. It is too expensive. So, a lot of Canadian publishers now are looking at publishing, at printing In Taïwan, In Hong Kong, in the States. Somebody has to stop

the trend.

M. Farkas: We would also like if there would be a support for the infrastructures at the school levels. We would like to see libraries better funded and asked to buy books from Canadian publishers or Québec publishers rather than the possibility of buying around where it is possible for libraries to buy books, Canadian books from an American distributor which we get less percentage of if we get anything. O. K.

Also, I think that if the eligibility criteria was such that there would be such things as far as we know, there is not a project grant system by which publishing house can come on line, because to get 15 titles zap... to exist for 15 titles, it is difficult.

Mme Haughian: The other thing as we understand it, the grants, and we are going by word of... because we never actually had any, is that grants are based on the previous year's sales and projections of future sales. And most of the litterary presses in Québec, of which the majority of AEAQ members are, do not have the kind of sales figures that can even get them entry level for grants from Québec. And, in our view, that is not really seed money. We need the money to develop the market. We do not want a pat on the back for having these great sales and, O. K., a certain percentage of that. We will give it back to you so you can keep on doing it. What we are saying is that we are struggling to survive. We are not making that kind of money yet. We do not have profits.

Le Président (M. Doyon): Thank you very much. I will give the occasion to the Member for Sainte-Marie-Saint-Jacques to continue the conversation with you now. (16 heures)

M. Boulerice: Yes, and I will address in English so I will be sure that you understand what I say. I do not question your coming here, this is your right. So, I do not know in what context you used the word "totalitarianism" a few seconds ago in your oral presentation. I said: I am glad you are here and I said: I do not know in what context you used the word "totalitarianism" in your oral presentation, but it is evident that is does not exist, because you are here and free to express your feelings.

But, in your expression, there is lots of contradictions. You seem quite bothered by a super ministry, but you ask for more controls about buying books. That is what you just asked the Minister. If you are against a super ministry in Québec, you will probably agree that we dismantle the federal Ministry of Communications because it deals with arts, cultures, communications, telecommunications, satellites, museums; this is quite a super ministry that we have at the federal level. It should be dismantled, do not you agree with that?

And you said that one source of financing is quite a problem. Great. You have two sources of financing, but you have a GST on books. I know quite well the dossier, I started the fight meanwhile that federal Ministry of Communications has put millions on a Musée du rire and 450 000 000 $ for the Museum of Civilization. This is an empty box for me. Great sight, but a very cheap insight. Two sources of financing is a good guarantee that you are going to get what you need? I just gave you an example that did not help. We might ask for a third one and, then, why not a forth and a fifth?

M. Farkas: Well, I personally think the more is the better. Getting back to your first point about totalitarianism, I said it could, it is a possibility if you have only one funding source. That has often been the reality in some cultures - one I have come from - where there has been a control and therefore it resulted in a certain kind of... one kind of artistic vision allowed.

Now, on behalf of the AEAQ, what we are saying is that we do not want that; we would like to see as much decentralization. And when you talk about the DOC and other things federal funding, there is a tendency to be arm's length, they give the funding to an art's administrative body and, then, they do whatever they do with the arts. I am not going to pass judgment on the quality of what is inside the Musée de la civilisation. That is not my field of expertise, but, as a publisher, I know that I would like to see as diverse a publishing industry as possible. Also, knowing the reality that a serious publishing is not often, rarely, a profitable matter, people who get into publishing publish because they feel that they can contribute to a cultural well-being of a society. When we ask for guidelines to be eased up rather than more control put on it, we are asking that we may participate in that process.

M. Boulerice: Mr. Farkas, I do not know what country you come from, but you are now here, in Québec, and I do not think that anybody can teach me lessons of democracy in this country. Fear of totalitarianism is everywhere. So far, if we look through our history, I do not see it ever present here. It is an argument that has always been used when we are dealing or asking for more powers for Québec. There is two societies in Belgium, which is a country I know quite well, the French and the Flemish. They have one source of financing. And I do not think that the Flemish are out on the streets, shouting against totalitarianism.

There are many minorities in other countries; there is a large Turkish minority in Germany right now and, even if that country had for a certain time a bad experience of totalita-

rianism, I do not think they are all on the streets, shouting out there. It is just the same with France where there is a very large Arab-speaking community. None, there, calls about those old fears. It is, to my standards, the new argument used by opponents of Québec sovereignty. Years ago, it was: Do not do that! It is going to be a ruin in terms of economy. Now, the new trend is: Beware of the civil rights, beware of that cross temptation they might have to get control over everything. My standards, Mr. Farkas, abstraction about the work you are doing in your associations, your remarks and what is written in it is an insult.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Boulerice:... against the GST. M. Farkas: May I respond or...

Le Président (M. Doyon): Yes, Mr Farkas, go ahead!

M. Farkas: Yes sir, we are fighting against the GST. We have been lobbying very hard at the federal level. We do not oppose it... we do oppose it, we support Québec, we approve Québec not putting any taxes on books. It is not that we are out on the streets, mounting barricades, we are here in a Parliament, in a Chamber trying to present our concerns and as we said in most of the brief that we presented it was about the notion of trying to get multiple levels of funding going. We are not whining Anglos saying that our rights are being trampled. We are speaking as publishers who have fears about the nature of power.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Farkas. M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, M. le Président. D'abord, je dois remercier l'Association des éditeurs anglophones d'exister parce qu'un de vos membres, Guernica, va bientôt publier un de mes romans en traduction anglaise. Alors, ce sera un bon test à faire. Est-ce qu'il y a un intérêt, is there an interest for a separatist French writer translated in English for the readers of The Gazette or any other... But there is one thing in your remarks that made me very mad and I must tell you that I am fed up with these fears of an orwellian society if Québec ever becomes sovereign. I am 54 years old. I was a journalist... the same age than you, I think.

M. Boulerice: Imprisoned by the Federal Government.

M. Godin: I was. This is my turn, my dear colleague, and the only experiment I had with totalitarianism was with the federal level of government. I was barred from CBC because of a remark I did about Prime Minister Trudeau at that time, I was jailed. It Is not dreams; It is things I have lived through. I was jailed by the damned RCMP, friends of all publishers of the world. So, freedom of expression, In my case, was trampled upon by the Federal level of government. And only then, so, I am not afraid of totalitarianism from Québec but from the RCMP, from the Federal beast, when the beast does not feel reassured by the events. Every time Québec moves, the beast growls and it makes me very fearful because I know the beast and I know what it can do to a simple publisher. And now, I know that I was jailed in 1970 because I published some book by Pierre Vallières, which is a good case of trampling freedom of expression, and trampling ideas, very well expressed by a good writer who was translated and read in more than 20 countries, European and in North America.

M. Farkas: You are talking of Pierre

Vallières's "Nègres blancs d'Amérique"? You are mentioning Pierre Vallières1 book. Is that what you are mentioning just now?

M. Godin: Yes. "White nigers of America". M. Farkas: Yes. May I answer?

Le Président (M. Doyon): Yes, M. Farkas, if you have something...

M. Godin: I am almost over, M. le Président.

M. Farkas: O. K.

Le Président (M. Doyon): Allez, M. le député.

M. Godin: So, I am fed up with paranoia of my own publishers, my own neighbours in the same riding where I live, because there is no basis, in fact, to that paranoia in the recent years and even in the very past years. There is only one writer who gave us an exemple in a recent article, but it was coming from the years 1904 and 1911, which is not a very recent case of totalitarianism. It is in the backstore of some Québec institutions, not recent and not threatening. And anyone, M. Farkas... You are a publisher, so you know the Importance of words and of books, as much as I do. Anyone talking about totalitarianism now, in Québec, is possible. And let me tell you something about the super ministry of Culture. With the tradition of the Liberal Party, a government of slowness to do things, we will all be dead before that ministry ever exists. We are not going to see It as long as we are alive, M. Farkas, and Mme Haughian.

Le Président (M. Doyon): M. Farkas, for a short answer because time is going away.

M. Farkas: O. K. Two things. In principle we are all opposed to totalitarianisms, not one. It is not the privileged position or the possible mental state of one. All, we oppose. Secondly, just a point of that Pierre Vallières' book. If I am not mistaken, it was translated into English by McClelland and Stewart and they received Canada council funding. So, I think that there is, on that, particular example there was an openness by another funding source that may have been opposed to the ideas involved in the book, but, because there was that arm's length situation of the Canada council, it provided funding for the existence of ideas that were not, maybe, popular, or perhaps risky.

And just to close, I'd like to say that we want to be part of the Québec cultural scene. We are part of the Québec cultural scene. We have been part of the Québec cultural scene, and what we are asking for is the ability or the means by which we can participate more fully.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Farkas. Un mot de remerciement; le temps est terminé, M. le député.

M. Godin: Ce n'est pas un mot de remerciement, c'est un commentaire.

Le Président (M. Doyon): Alors, comme vous voudrez, pour terminer. (16 h 15)

M. Godin: The other case I experimented was with the National Film Board. I worked on a film with Denys Arcand, the author of the "Decline of the American Empire", which was nominated for an Oscar many years ago, and it was the National Film Board who killed the film and it took every means to prevent it from being circulated. It is only now, because the situation in the textile industry for the workers has changed a lot, that they authorize the circulation of the film.

So, as far as I am concerned, the federal system of this country is always tempted by the same behaviour as the police or the government did in your country of origin.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Ceci termine l'intervention. Mme la ministre, un mot peut-être, pour terminer.

Mme Frulla-Hébert: I would like to thank, really and sincerely thank both of you. I know that some of us had quite tough experiences. But, you see, this Parliamentary Commission is about people expressing themselves, expressing their fears, expressing what they want, and what not, in a climate of respect and openness. And perhaps that the Liberal Party is slow, but it has a sense of democracy and respect. Thank you.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci, M. Farkas, merci, Mme Haughian. Thank you for coming here. I will give you the time now to leave the table so that the other people can take place.

J'inviterais maintenant les représentants de la ville d'Amos à bien vouloir s'approcher. Bienvenue aux gens de la ville d'Amos, bienvenue au maire Brunet. Je l'invite à présenter les gens qui l'accompagnent. Les règles sont les mêmes, donc une quinzaine de minutes pour procéder à la présentation, moins si vous le pouvez. Ensuite, la discussion s'engage avec les deux formations politiques selon les règles qui sont connues. M. le maire Brunet.

Ville d'Amos

M. Brunet (André): Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous présente à ma droite, M. Réal Bordeleau, qui est le directeur général de la ville, et, à ma gauche, M. Serge Lamontagne, qui est directeur des loisirs de la ville d'Amos.

Je pense que notre mémoire situe un petit peu la ville d'Amos. C'est une ville d'à peu près 14 000 habitants et c'est une ville nordique. Les gens de Montréal se plaisent à croire que le Père Noël passe l'été chez nous quand il n'est pas présent dans le temps des fêtes. Donc, petite ville nordique, un peu isolée dans le nord-ouest du Québec. On a tout dernièrement rencontré la ministre lors de la présentation d'un projet qui nous tenait à coeur, et je pense que c'est un projet fort intéressant à Amos. Et Mme la ministre nous a demandé, donc, de nous présenter ici aujourd'hui pour vous parler de notre expérience. Je pense qu'on n'a de leçon à donner à personne. On a une expérience à exprimer, et c'est dans cette optique-là qu'on vient ici aujourd'hui, devant vous, pour vous présenter le vécu qu'on a dans notre coin de pays.

À la lecture du rapport Arpin, nous, on constate que dans ce rapport-là il est surtout question d'une certaine forme de culture. Pour nous, la culture est beaucoup plus large, je pense, que ce qui est traité à l'intérieur du rapport. La culture, pour nous, se traduit par beaucoup de choses. On a donc chez nous un vécu au niveau culturel qui, historiquement, je pense, est important. On est une région éloignée, comme on le disait tantôt, et on a, je pense, un rôle très grand à jouer au niveau culturel. Si on écoute le rapport Arpin et si on prend au pied de la lettre certaines recommandations, certaines grandes idées, on dit que la création se fait dans les grands centres; et les régions, "les autres", comme le dit le rapport Arpin, on est, nous, des endroits où on fait la diffusion. Nous, on pense qu'il faut aller un petit peu plus loin que ça et on le fait depuis longtemps, fort longtemps. On

va plus loin que ça chez nous.

Chez nous, en Abitibi, à Amos, on a, entre autres, une cathédrale qui sert une fois par semaine, à peu près une journée par semaine, à la diffusion de la religion. On ne voulait pas, lorsqu'on a conçu et construit une salle de spectacle, faire une deuxième cathédrale. On a donc conçu et construit une salle de spectacle qui avait une utilité possible beaucoup plus large que strictement de la diffusion de spectacles provenant d'ailleurs. On a donc abordé, si vous voulez, et on l'a toujours abordée dans le passé, la culture avec cette espèce de vision beaucoup plus élargie. On a donc une salle de spectacle qui, depuis six ans, est en nomination au Gala de l'ADISQ et qui a gagné un Félix comme étant une des plus belles salles techniques au Québec. Je peux vous le dire et je peux vous le prouver, ce n'est pas une des salles les plus dispendieuses, sauf que c'était, à l'époque, une salle qui avait été pensée, conçue pour rencontrer et faire face à la largeur du spectre qu'on pense être celui de la culture.

Pour nous, la culture, c'est aussi une exposition, c'est aussi un spectacle d'amateurs, c'est aussi la présence d'enfants sur scène, c'est aussi le théâtre amateur dans toute sa largeur et c'est aussi des musiciens amateurs, etc. Donc, si on se contentait seulement des spectacles professionnels - vous savez qu'on est parmi les 19 salles majeures au Québec et qu'on reçoit donc un minimum de 30 spectacles par année - ça ferait 30 spectacles, point, à la ligne. On serait même moins occupés que la cathédrale. Donc, on a un spectre beaucoup plus large que celui-là et ça n'empêche pas que nous ayons des artistes, qui ont, je pense, un rayonnement international, qui proviennent des régions éloignées comme les nôtres. Qu'on pense à Barbeau, qu'on pense, tout dernièrement, à la découverte des intellos de Montréal, M. Desjardins qui, pour nous, est connu depuis longtemps.

On a donc, dans notre vision, cet aspect un petit peu du... Si on fait la comparaison avec le milieu sportif, dans le milieu sportif, si vous voulez, au niveau du hockey, il y a le hockey de la Ligue nationale - qu'on pense au Canadien ou aux Nordiques - mais il y a aussi le hockey mineur, c'est-à-dire les enfants qui apprennent au jour le jour ce qu'est le hockey; et nous, on a à s'occuper, je pense, de cette partie-là. On le fait et on va essayer de vous le démontrer.

Ce qu'on vit au niveau culturel depuis de nombreuses années, c'est une culture qui est parachutée, ou dogmatique, de Québec ou de Montréal. Enfin, on ne sait pas trop trop où c'est cogité, mais des gens viennent fixer des paramètres, viennent fixer des critères en disant: Ça, c'est la culture. Nous, on a toujours eu cette vision qu'il fallait passer à travers ça. Je vous donne un exemple.

J'ai parlé tantôt d'une maison de la culture qui contient, entre autres, une bibliothèque, une salle d'exposition qui va être réalisée, je pense, l'été prochain, et lorsque J'ai demandé à mes gens de travailler sur ce projet-là, j'ai dit: Ecoutez, ne regardez pas les normes. Regardez ce dont nous, on a besoin comme bibliothèque, nous, ce dont on a besoin comme salle d'exposition. Les gens de la ville ont regardé ça avec cette vision-là. Il est arrivé, à la fin de l'exercice - parce qu'il fallait le faire pour le présenter au ministère des Affaires culturelles - qu'on compare par rapport aux normes; on arrivait, dans le cas de la bibliothèque, à 146 % de la norme et, dans le cas de la salle d'exposition, à 140 % de la norme. C'est comme ça partout. Ça veut dire que, dans des cas, on va être à 60 % de la norme et, dans d'autres cas, on est à 146 % de la norme. Pourquoi? Parce que. chez nous, on fait de la culture ce que les gens veulent avoir comme culture, et c'est ce qu'il faut, je pense, comprendre. Nous, on adapte la culture à ce que les gens nous demandent d'avoir comme culture.

Je vous donne un exemple qu'on vit cette semaine même. L'intégration culturelle, pour nous, elle est très large et je vous donne l'exemple qui se passe cette semaine au niveau de la salle d'exposition. On a une exposition actuellement où notre animatrice culturelle reçoit, jour après jour, toutes les classes, de la maternelle... Tout le niveau primaire passe à la salle d'exposition, heure après heure, et notre animatrice est dans le milieu de la salle à expliquer aux enfants l'exposition au complet, qui est autour d'eux. Donc, je pense qu'on est impliqués à ce niveau-là. Pour nous, ça aussi, ça fait partie de la culture et ça aussi, c'est important de l'exercer chez nous, dans notre coin de pays.

Ça va plus loin, donc, cette culture adaptée. Quand je dis que ça va plus loin, je pense à l'aspect tarification. On a le goût, dans certaines activités, de tarifier et dans d'autres activités de ne pas tarifier, mais on est toujours à la merci de normes du gouvernement qui nous disent: Ah! ça, vous n'avez pas le droit de faire des tarifs là-dedans; ça, vous avez le droit de faire des tarifs là-dedans, etc. Ils viennent essayer de faire, je dirais, de l'ingérence ou, à partir d'une idée globale, de venir nous dire, dans notre coin, ce qui est bon et ce qui n'est pas bon pour notre population.

Je peux vous dire, comme maire d'une petite ville de 14 000 habitants, que quand on prend une décision qui n'est pas bonne pour la population, on le sait assez rapidement. Je peux vous dire que ça se rend pas mal plus vite qu'au bureau du PM. Dans le cas d'un maire d'une petite municipalité, les nouvelles viennent vite et il ne faut pas prendre un café au Tlm Horton trop longtemps, le matin, pour savoir exactement que la décision qu'on a prise le lundi soir n'était pas bonne.

Donc, on est très près de notre population.

C'est le palier de gouvernement qui est le plus près de sa population. On est donc conscients, énormément, quand on prend une décision, des impacts que ça a sur notre population. Et lorsqu'on essaie d'innover ou de trouver des méthodes nouvelles pour faire des choses et qu'on dit: Bien, à ça, on va faire une petite tarification qui va nous permettre, donc, de le faire, on se fait dire: Ah, ça, ce n'est pas possible; vous ne pouvez pas. Si on vous donne une subvention, vous ne pouvez pas faire de tarification là-dessus.

Je peux vous dire que... Je vais vous la donner, la norme de la ville d'Amos. Moi, j'ai toujours considéré... Je peux vous dire que je suis impliqué dans le milieu municipal. Mon père, il l'a été pendant 17 ans, maire, et moi, je suis aujourd'hui maire et j'ai été impliqué dans le milieu municipal depuis 11 ans avant aujourd'hui. Je peux vous dire qu'on a donc, dans la famille, un historique là-dessus et je continue donc à prôner ce qui a toujours été prôné chez nous. Il doit y avoir un équilibre entre la police et les loisirs. Drôle d'équilibre, vous allez me dire, mais je peux vous dire que, si vous diminuez le budget des loisirs, vous allez être obligés de monter le budget de la police. Montez le budget de la police en masse, vous allez pouvoir descendre le budget des loisirs, mais c'est un exercice périlleux. On a toujours, donc, tenu dans le passé, à la ville d'Amos, un équilibre entre le budget "loisirs" et le budget "police". Et dans le budget "loisirs", on a un équilibre entre le budget sportif et le budget culturel. J'écoutais le maire de Québec tantôt qui disait qu'il consacrait 4 % de son budget à la culture. À Amos, on consacre au-delà de 7 % à la culture. Donc, 7 plus 7, 14, ça fait "loisirs" et "police". C'est pour ceux qui veulent faire des mathématiques.

Pour ce qui est des coûts récurrents, à Amos, actuellement, 88 % des coûts récurrents sont absorbés par la population et 12 % par le ministère des Affaires culturelles. Dans ces 88 %, pour moi, dans ma tête, il y a deux sortes de taxes. Il y a une taxe que tout le monde paie, qui est donc une participation au budget de la ville qui vient servir au service des loisirs et il y a une taxe à l'usager qu'on appelle, nous, la tarification. (16 h 30)

Tantôt, je parlais de la liberté au niveau de la tarification, j'y reviens donc. On a déjà des tarifs qui nous permettent de participer, si vous voulez, à l'ensemble des coûts des loisirs chez nous. On a une partie de cette tarification-là que, moi, j'appelle "taxe à l'usager", qui sert pour payer le coût des loisirs qu'on a chez nous. On est à 62 $, 64 $ par habitant pour la partie loisirs culturels chez nous, par rapport à 24 $ dans le cas de l'ensemble de la province de Québec. On est donc, je dois vous dire, un très mauvais exemple par rapport aux autres villes. Et quand on va à l'UMQ, on essaie de ne pas trop en parler, parce qu'on passe pour les méchants garçons et je vais vous dire un petit peu pourquoi.

J'ai rencontré les gens de l'UMQ parce qu'ils faisaient un colloque la semaine dernière et j'étais avec des gens qui venaient de tout près d'ici, au nord de Québec, de Charlesbourg qui me racontaient... l'animateur culturel qu'il y avait là me racontait que, là, ils essaient de faire un spectacle pour attirer plus de monde que le Grand théâtre de Québec. J'ai dit: Écoute bien, tu vas comprendre une chose. Je pense que tu fais de la culture de compétition. Tu essaies de compétitionner avec ton voisin, d'avoir un meilleur show que lui puis de l'emmener chez toi. Comprends bien ce que je fais. Moi, je fais de la culture de survie. C'est ce qu'on fait dans notre coin, de la culture de survie. C'est complètement différent. J'étais à la même table que les gens de Charlesbourg et de Laval, et c'était de la culture de compétition. Ils ne parlaient que de compétition. Je suis meilleur, je suis plus fin, j'ai le meilleur prix, etc., par rapport aux villes, aux grosses villes.

Nous, on fait de la culture de survie. Pourquoi je dis une culture de survie? Parce que, si on ne fait pas cette culture-là, si on ne s'implique pas au niveau culturel, personne d'autre ne va le faire. Et, si personne d'autre ne le fait, je peux vous dire qu'on va fermer la ville. C'est une question de survie. On n'a pas le choix. L'Abitibi, si on ne lui donne pas ce sens d'appartenance, si les gens ne sentent pas qu'ils ont une vie riche entre eux, on va la fermer, l'Abitibi; on va faire du 6 à 8 comme ils font à Radisson puis à LG 2 pour développer la Baie James.

Il faut qu'on développe le sentiment d'appartenance des gens à leur région, à leur ville, à leur coin de pays. Et c'est dans ce sens-là que je dis qu'on fait de la culture de survie. Je vous cite un exemple. On a la compagnie Donahue qui s'est installée à Amos et les gens font venir des professionnels de partout au Québec. S'ils veulent attirer des gens de Québec et de Montréal, il faut donc que ces gens-là viennent habiter à Amos. Et je peux vous dire que, si je posais la question ici, tout le monde me dirait: Personne ne veut rester à Amos.

Il faut donc avoir quelque chose d'attractif. Il faut donc être capables d'offrir un produit concurrentiel par rapport à la culture, mais aussi il faut aller plus loin que ça. Il faut donner le sentiment d'appartenance aux gens. On fait donc des interventions majeures au niveau de ce sentiment d'appartenance des gens qu'on a dans notre ville, qu'on veut garder et avec qui on veut aller plus loin. Aller plus loin avec eux... j'aurais le goût de dire qu'on veut aller plus loin aussi avec le ministère des Affaires culturelles.

Actuellement, il y a différents ministères

qui interviennent au niveau des subventions possibles dans le domaine du loisir culturel. Vous avez le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Dans notre cas, chez nous, on a toujours compris que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche devrait s'occuper de chasse et de pêche, pas commencer à s'occuper de culture. Dans notre cas, c'est clair, on veut un intervenant: le ministère des Affaires culturelles. On ne veut pas parler de culture avec des gardiens, des agents de la faune.

Donc, nous, on veut, c'est sûr, un intervenant. C'est clair. Et on ne veut pas avoir à traiter avec différentes personnes. On veut que cet intervenant-là comprenne ce qu'on fait et non l'inverse. On ne veut pas que le ministère fasse des programmes puis que, nous, on essaie de s'adapter aux programmes en faisant des contorsions épouvantables puis en essayant de dire ce qui n'est pas tout à fait la vérité dans nos présentations de documents. On veut faire un partenariat avec lui. On veut aller plus loin avec le ministère des Affaires culturelles.

Nous, on fait des choses chez nous qui sont particulières à notre région, particulières à notre coin. D'autres villes, d'autres régions vont faire d'autres choses. Nous, ce qu'on veut, c'est une entente avec le ministère des Affaires culturelles. On est prêts à négocier une entente de trois ans, de cinq ans. Je sais que cinq ans, c'est peut-être un peu dur pour ceux qui sont élus rien qu'à tous les quatre ans. Disons une entente de trois ans avec le ministère des Affaires culturelles.

Une voix:...

M. Brunet: Un an, pas plus? Une entente de trois ans dans laquelle on aurait une compréhension mutuelle.

Actuellement, on est jaugés. Ils viennent placer la jauge sur la bibliothèque. Combien achetez-vous de livres? Ah, il y a des subventions pour cette partie-là. Comment faites-vous telle affaire? Ah, il y a des subventions pour cette partie-là. C'est comme ça qu'on est jaugés, selon certaines normes qui sont des normes applicables à tout le monde. On est jaugés de cette façon-là. Mais jamais il n'a été considéré que la bibliothèque de la ville d'Amos répondait à une demande au niveau des écoles primaires. Ça veut dire que nous, on a une approche au niveau de notre bibliothèque qui est que 50 % de notre clientèle, c'est des écoles primaires. Ce n'est pas jaugé, ça.

Chez nous, chaque année, l'ensemble des écoles viennent pendant une semaine de temps faire une semaine culturelle dans notre salle de spectacle. La salle de spectacle est fournie gratuitement avec les techniciens - et, je peux vous dire, avec les effets théâtraux que vous pouvez imaginer - à des enfants qui sont aux niveaux primaire et secondaire, et 950 artistes passent sur la scène avec le grand déploiement. Cette semaine culturelle est très importante. Ça veut dire qu'elle est préparée pendant six mois de l'année scolaire et, là-dedans, vous avez l'aspect du français dans l'éducation. Vous avez des enfants qui montent des pièces de théâtre, qui écrivent des pièces de théâtre et des enfants qui présentent un spectacle au niveau de la sculpture, du dessin, etc. 950 artistes passent sur cette scène-là pendant une semaine, mais, où on est jaugés, c'est quand les gens disent: Combien de spectacles par année avez-vous au niveau des professionnels? On dit 30. Ah! Parfait, on vous subventionne pour 30 spectacles. On n'a aucunement, jamais, considéré l'effort global qu'on fait, parce que, pour l'effort global qu'on fait au niveau culturel, il y a des jauges qui sont valables, à mon point de vue, peut-être pour une ville, peut être pour deux villes, mais pas pour l'ensemble du Québec.

On aimerait être considérés pour l'effort global qu'on fait. Je peux vous dire qu'on veut aller plus loin avec le ministère des Affaires culturelles et que la participation actuelle de 12 % est vitale pour nous. Donc, le désengagement nous fait un peu peur et on est prêts à aller plus loin, à avoir une plus grande compréhension. Une plus grande compréhension va assurément faire une plus grande confiance et je peux vous dire que vous pouvez rassurer les fonctionnaires des Affaires culturelles: Les villes, on n'est pas complètement des enfants; on est rendus des grands garçons, on est capables de bien gérer nos choses et on sait ce que notre monde veut avoir. C'est un peu le message que je voulais vous passer. J'attends donc vos questions.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brunet. Il reste une dizaine de minutes à chacune des formations politiques. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue, M. Brunet, M. Bordeleau et M. Lamontagne. Effectivement, on s'est vus, ça ne fait pas longtemps, et si je vous ai demandé d'être ici - et je vous remercie d'y être - c'est parce que vous êtes effectivement, dans toute l'espèce de cartographie municipale, un exemple en soi d'implication culturelle.

Vous parlez de budget. À un moment donné, en faisant le tour des régions, il nous est venu à l'idée de dire... comme vous le faites, de demander aux municipalités de séparer, de scinder le budget loisirs et culture. Vous, vous le séparez, mais plusieurs municipalités ne le font pas et disent: Ça, c'est le loisir. On en a parlé à l'UMQ et elle nous a dit: Ne faites pas ça parce que si vous faites ça, des fois, notre population n'est pas très d'accord qu'on investisse dans la culture. Alors, au niveau loisirs, ça ne paraît pas trop et on fait ce qu'on veut. Mais il semblerait

que, chez vous, ce n'est pas ça du tout.

M. Brunet: Non. Chez nous, ce n'est pas ça du tout et je peux vous dire que c'est très complexe, effectivement, de s'y retrouver dans les budgets de l'ensemble des municipalités du Québec, parce que chacune a ses petites cachettes à gauche et à droite. Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de municipalités qui ont des corporations indépendantes qui gèrent la bibliothèque, qui gèrent leur salle d'exposition, etc.

Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, mais on a le courage de nos gestes. C'est très bien identifié. On peut donc retrouver la place qu'occupent les budgets de chacun des équipements culturels qu'on possède. La bibliothèque y est entièrement représentée, au niveau de la salle de spectacle de même, et tous nos équipements culturels sont bien identifiés; et les gens, je pense, sont bien conscients des sommes d'argent qu'on a investies dans la culture. Je peux vous dire qu'il n'y a pas de honte à investir de l'argent dans la culture. Les villes qui en ont peur, c'est parce qu'elles n'ont pas tenté l'expérience de le faire. Je pense que les gens comprennent quand on pose ce geste-là et les gens l'apprécient.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, vous avez eu une réunion il y a 15 jours, ensemble, à l'UMQ, où il s'est parlé d'ailleurs de culture. Est-ce que ça s'est discuté? Ça m'a inquiétée, les propos du maire de Charlesbourg qui était convaincu de ça, lui. Est-ce que vous en avez discuté? Est-ce que c'a été mis sur la table, ça? Parce que dans la mesure où certains ont une réserve à dire à la population, bon, bien, écoutez, voici la transparence: on Investit dans la culture, voici pourquoi, alors, à ce moment-là... C'est sûr que cette volonté d'investir dans la culture part toujours, aussi, de la population. Si la population ne veut pas, on gère quand même des fonds publics, l'argent des contribuables, alors il faut trouver une façon d'intéresser, d'enthousiasmer la population.

M. Brunet: II est difficile pour moi de jauger certaines régions de la province. J'en ai discuté avec plusieurs maires à différentes rencontres au niveau de l'UMQ. Effectivement, il y a des maires pour qui investir dans la culture, pour eux, ce n'est pas nécessairement politiquement bon. Est-ce qu'ils sont effectivement allés jusqu'au bout de l'exercice, à savoir si c'est strictement une idée qu'ils se font ou si c'est la réalité? Je peux vous dire que, dans notre cas à nous, on n'a jamais eu de difficultés avec ça. On n'a jamais eu de problèmes avec ça, et notre population est en arrière de nous lorsqu'on prépare et qu'on fait ces choses-là.

Pour ce qui est des autres maires, ils ont l'air - en tout cas, d'après certaines discussions que j'ai eues, je peux vous le dire - sincères lorsqu'ils disent qu'ils ne peuvent pas le placer dans leurs budgets de façon apparente. Mais est-ce que c'est la réalité? Je ne le sais pas. C'est difficile pour moi d'en parler. Je peux vous dire que, quand vous m'avez demandé de venir devant la commission, ici, et de parler de l'expérience de la ville d'Amos, je n'ai pas hésité mais j'ai réfléchi au prix que je vais payer pour ça parce que je suis une mauvaise expérience pour l'ensemble des municipalités du Québec. Je suis un mauvais exemple. Je suis le mouton noir.

Et c'est pour ça que je fais la différence. C'est que nous, on a une culture de survie à faire et c'est ce qu'on fait. D'autres régions ont d'autres types de culture à faire et ils doivent faire d'autres choses. Mais nous, on a cette situation-là qu'il faut vivre.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, je voudrais revenir là-dessus. Vous dites que vous êtes, finalement, un mauvais exemple. Il y a d'autres villes qui s'en viennent aussi: Drummondville, Sherbrooke, Trois-Rivières, qui s'impliquent aussi On a entendu ce matin le maire de Québec et le maire de Montréal, mais dans un sens où on veut ouvrir... On entendait le maire de Québec aujourd'hui, M. L'Allier, parler de partenariat dans la mesure où on veut ouvrir, où les municipalités, maintenant, réalisent - et elles sont plusieurs - que c'est aussi rentable d'investir dans nos bibliothèques ou dans les salles de concert que de bâtir des arenas qui sont maintenant vides. Quelques-unes, en tout cas, parce que, avec le vieillissement de la population, finalement, ce n'est pas toujours... l'aréna, ce n'est pas toujours la solution non plus.

J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi. À ce moment-là, les villes qui s'impliquent, au contraire, devraient être citées en exemple. Ceci ne veut pas dire que, de notre côté, il va y avoir du délestage, au contraire. Excepté qu'on parie de meilleur partenariat, on parle de mieux faire fonctionner notre argent. Vous nous dites: Les programmes ne sont pas tout à fait adaptés au niveau - et ça, j'en suis - des différentes particularités des régions, parce que vous faites des programmes globaux pour le Québec, et puis nous autres, des fois, on ne passe pas là parce que l'amateur, chez nous, c'est souvent le professionnel. On est en train de regarder tout ça, nous autres, là. C'est ça que j'ai de la difficulté à comprendre. Pourquoi cette mentalité-là?

M. Brunet: Je ne sais pas si c'est une mentalité qui, dans le temps, est appelée à rester là ou à évoluer. Je peux vous dire que dans le contexte actuel où, d'un côté vous avez un ministre qui fait du délestage au niveau municipal, qu'on ne nommera pas, - tout le monde, j'ai l'impression, est capable de placer un nom - j'ai l'impression que vous avez un contexte qui est un peu pourri; les relations provinciales et

municipales sont un peu maganées là-dessus. Et, quand vous me parlez, donc, de partenariat, vous pariez de ce type de discussion là. Je comprends pourquoi vous le faites, vous, et je comprends pourquoi, moi, je suis intéressé à le faire. Mais je peux comprendre aussi pourquoi, à un moment donné, d'autres maires sont un peu réticents à aborder la discussion. C'est un contexte qui va durer, espérons, pas trop longtemps, pour essayer de corriger la situation. Mais, disons que, pour l'instant, il y a tout ce contexte-là qui ne favorise pas cet échange-là. Je peux expliquer ça en partie par ça. (16 h 45)

Mme Frulla-Hébert: Vous pariiez des ententes MAC-villes. Et, de plus en plus, nous, on commence avec tous les principes des ententes triennales. Alors, c'est sûr que des ententes MAC-villes, nous, on en développe. Il faut quand même prouver au Trésor que ça marche, mais, nous autres, on y croit beaucoup. Dans un cas comme le vôtre, par exemple, ou des régions, des villes, des municipalités comme la vôtre, quel serait le contenu pour vraiment vous aider, au niveau des MAC-villes?

M. Brunet: Je l'expliquais tantôt, l'effort global. Ça veut dire qu'au lieu de placer les jauges à certains endroits bien définis, par exemple: Combien de spectacles professionnels vous présentez par année? 30? Parfait! Vous avez une subvention de x, au lieu de présenter ça comme ça, nous, ce qu'on veut, c'est discuter avec vous sur l'effort global que nous, on met, par exemple, dans l'aspect culturel spectacle, au niveau de la salle d'exposition, dans l'aspect éducatif, pour faire pénétrer, donc, les expositions au niveau du monde, donc de voir ça de façon globale, non parcellaire, non normative et non dogmatique. C'est là où on n'en est pas.

Quand vous vous amenez en disant: La culture, vous savez, c'est ça et c'est ça qu'il faut que vous fassiez, nous, on dit: Écoutez, la culture, c'est aussi, peut-être, plus large que ça et pour nous, dans notre contexte, la culture, ce n'est peut-être pas le grand C, ce n'est peut-être pas une école nationale de théâtre, parce qu'on ne peut pas avoir ça chez nous. C'est autre chose chez nous, la culture, mais c'est aussi intéressant, c'est aussi vivant et c'est aussi dynamique. Et, à l'intérieur de ça, est-ce qu'on peut travailler ensemble? Est-ce que vous pouvez nous encourager à travailler comme ça?

C'est dans ce sens-là qu'on veut un partenaire. On veut avoir un meilleur dialogue, un meilleur échange, une meilleure compréhension et une meilleure confiance mutuelle et, après ça, à partir de là, dire: Écoutez, dans ces programmes-là, nous, on est prêts à aller à 88 %. Est-ce que vous êtes prêts à aller à 12 % là-dedans? C'est un peu ce niveau de discussion qu'on veut avoir. On veut arrêter que ce soit dogmatique et mis dans des créneaux. On veut que ce soit vu de façon globale. Notre effort, il faut qu'il soit considéré de façon globale.

Mme Frulla-Hébert: Une dernière question, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Une dernière.

Mme Frulla-Hébert: Une toute dernière. Vous avez parié tantôt des bibliothèques. Vous pariiez de l'intégration des bibliothèques publiques et scolaires. On en a inauguré une, d'ailleurs, si je ne me trompe pas, à Portneuf. Effectivement, ça peut être aussi une... Ça vaut la peine, vraiment, de regarder ça de très près. Il y a tout le côté de la tarification. À un moment donné, il y a eu un projet où on disait: Est-ce qu'il y aurait lieu d'imposer une certaine tarification pour certains services dans les bibliothèques, qui aiderait, qui allégerait aussi? Évidemment, ces sommes d'argent seraient réinvesties, avec garantie de réinvestissement, mais pourraient peut-être aider les partenaires au niveau des collections, des livres, etc. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil ou...

M. Brunet: J'aurais tendance à vous dire, sur la tarification, et je ne serais pas poli, mais j'aurais tendance à vous dire: Ce n'est pas de vos affaires. Comprenez-vous? Aidez-nous...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Autrement dit...

M. Brunet:... faites de la...

Mme Frulla-Hébert:... je vous laisse... C'est la même chose que pour les programmes normes. Autrement dit, on vous laisse le champ libre et vous faites ce que vous voulez.

M. Brunet: Écoutez, on gère le sport depuis des années avec une liberté de tarification. Ça veut dire que je sais ce qu'il faut que je tarifie pour mon hockey mineur. Je sais ce qu'il faut que je tarifie pour la bibliothèque. Je suis capable de faire ça. Si je me trompe, je peux vous dire que je vais me faire taper sur les doigts bien plus fort que vous, vous allez vous faire taper sur les doigts. SI je me trompe, le matin, quand je prends mon café au Tim Horton, je peux vous dire que je vais me faire taper en arrière de la tête; c'est là que je vais me faire taper. Je comprends vite où je peux tarifier et où je ne peux pas. Et vous, vous n'en avez aucune espèce d'idée. Alors, quand vos fonctionnaires viennent me dire: II faudrait que tu tarifies, là, on pourrait te permettre de tarifier, je dis: Ce n'est pas de vos affaires. Comprenez-vous? Aidez-nous. Entendons-nous sur des pourcentages et nous, on va gérer parce qu'on l'a dans la face tous les matins. On est capables de

gérer ça.

Mme Frulla-Hébert: Ça, ça faisait partie justement des lois sur les bibliothèques parce que, nous autres, on prône l'accessibilité. Alors, c'est possible de dire: Bon, parfait. Objectif: il faut que ce soit accessible. Deuxièmement, on s'entend sur certains pourcentages ensemble. Mais là je vous parle de villes qui, comme vous, avaient la maturité. Vous le savez et vous y croyez. Mais, quand on tombe sur nos maires qui n'osent même pas dire qu'ils investissent dans la culture, est-ce que c'est prudent de dire: Bon, c'est parfait. On vous laisse la liberté et allez-y. Vous pouvez faire la tarification que vous voulez. Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver justement avec des maires qui disent: Hum! Une source de revenus, c'est intéressant.

M. Brunet: Si vous faites des ententes MAC-villes, chaque cas va être traité à son mérite et, dans mon cas, je vais mériter que vous me fichiez la paix avec les tarifs. Dans d'autres cas, ils ne le mériteront pas et vous vous impliquerez au niveau de la tarification. Mais faites-le cas par cas au lieu de faire des normes qui s'appliquent à tout le monde. Au Québec, on est des gens différents selon les régions qu'on habite et on est capables d'assumer des choses de façon différente. Vous en êtes conscients qu'il y a des maires qui sont peut-être - je ne veux pas faire de classification dans les maires - mais il y en a peut-être qui sont prêts à le faire et il y en a d'autres qui ne sont pas prêts à le faire. Ce que je dis: faites des ententes. Vérifiez le sérieux de chacune des villes, négociez avec elles et réglez ça avec elles. Mais ne le réglez pas de façon générale, vous allez appliquer des remèdes de cheval à des bien petits poneys.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le maire, bon, tout de suite au départ, mon collègue, le député d'Abiti-bi-Ouest, M. Gendron m'a prié de vous saluer et il a demandé que vous l'excusiez. Malheureusement, c'a été vraiment impossible pour lui d'être ici. Mais je sais qu'entre vous et le député le contact est direct et constant. Donc, je ne me fais pas de souci à ce niveau-là.

M. le maire, vous nous avez exprimé en des termes très simples, colorés mais surtout très éloquents, ce que c'est vraiment la réalité d'une ville, d'une région, je dirai éloignée - non pas pour vous blesser, parce que vous savez que ça me coûte plus cher d'aller en avion chez vous que d'aller à Paris. Je trouve ça atroce mais c'est une triste réalité qu'on vit; je pense qu'il ne pouvait pas y avoir meilleure illustration. Et plus je vous entendais, plus je vous écoutais, plus je me disais: C'est donc dommage qu'il n'ait pas fait partie du comité Arpin. Parce que le rapport qu'on a, au niveau des régions, ne serait pas aussi vide qu'il l'est actuellement. Vous étiez en mesure d'apporter une expertise vraiment incroyable. Et ça aurait été intéressant d'avoir un élu municipal puisque, effectivement - et moi, je n'ai aucune gêne à le dire - les gens les plus près des administrés sont, effectivement, ceux qui exercent les fonctions de conseillers, de maires.

M. Brunet, on a bien compris aussi le message. J'aurai deux questions pour vous, mais on a bien compris le message: les normes mur-à-mur, s'il vous plaît, sortons-en. Vos exemples nous l'ont très concrètement démontré, la bibliothèque, son rôle à la bibliothèque, dans la ville d'Amos, c'est tout à fait différent de celui de la bibliothèque au coin de Sherbrooke et de La Visitation dans ma circonscription. Et ça, si on ne s'inculque pas cette mentalité-là, effectivement, notre mur-à-mur va faire en sorte qu'on va aller vers des échecs incroyables. Alors, j'espère que le message est passé. En tout cas, moi, je l'ai bien reçu.

Toujours à l'égard des régions, puisque vous êtes un régional, avec tout ce que ça comporte de difficultés, mais par contre de succès parce qu'il ne faut pas, quand même, tenir un discours trop trop misérabiliste des régions. M y a une identification. Il y a une appartenance. Il y a une fierté, fierté de création, effectivement. Dans l'avion hier soir j'avais deux de vos commettants dont l'un, d'ailleurs, le père, a déjà été député. Vous savez de qui je parle. Un personnage assez coloré. Alors, au niveau de la région, vous semblez très critique quant au rôle un petit peu réducteur que les régions ont; elles sont des réceptacles uniquement des productions montréalaises, comme on le retrouve dans le rapport Arpin. D'après vous, le rôle, la place, disons, que la création régionale devrait avoir dans une véritable politique culturelle, c'est laquelle?

M. Brunet: Je vous remercie de ces quelques fleurs que vous m'avez lancées. Je peux vous dire aussi que Mme la ministre est très sensible au niveau des régions; on a eu plusieurs rencontres ensemble et je peux vous rassurer là-dessus. Mme la ministre, je pense, a une compréhension des régions.

M. Boulerice: Mais elle est lente, a dit mon collègue.

M. Godin: Non, j'ai dit son gouvernement. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunet: Au niveau de ma présence sur le comité Arpin, j'aurais peut-être aimé y être. Étant donné que je suis un maire à temps plein

mais non rémunéré pour être à temps plein, j'ai aussi une job à temps plein. J'aurais donc de la difficulté à siéger à tous ces organismes-là, ce que je ferais avec plaisir. Pour répondre à votre question, effectivement, au niveau de la création, le rapport Arpin, je pense qu'il parle de choses qui sont sensées Quand on parle d'investir de l'argent dans la création dans des lieux comme Montréal et Québec, je pense qu'on ne dit pas de blagues quand on dit ça. C'est sûr que la création régionale de l'Abitibi ne sera jamais représentative de ce qu'est le Québec en général. Je pense qu'il faut donc consacrer des sommes d'argent à de la création dans un milieu où on a une synergie, où on est capables d'avoir un bouillon de culture important. Donc, effectivement, ça doit être présent dans la préoccupation du ministère des Affaires culturelles d'être capable de générer et de maintenir ces centres créatifs.

Ce que moi, je rajoute tout simplement, c'est que la création se fait à différents niveaux. Elle se fait au niveau du théâtre amateur, elle se fait au niveau des musiciens amateurs, elle se fait... Ce que je dis, c'est que la culture au niveau de la création, ce n'est pas nécessairement la fonction des petites villes ou des villes et que c'est une bonne chose qu'elle soit concentrée à des endroits où il y a des sommes d'argent qui sont mises expressément pour la création qui va avoir un rayonnement national et international. Mais, dans les régions comme les nôtres, il doit rester, j'espère, un peu de sous pour maintenir un milieu créatif.

Qu'on pense à des artistes, comme ceux dont j'ai parlé tantôt: M. Desjardins, qui a été tout dernièrement reconnu comme artiste, mais c'est un artiste d'Abitibi qui est... Nous, on le connaît, depuis 10 ans, depuis 15 ans qu'on l'entend chanter; Montréal vient de le découvrir. Maintenant, ils l'envoient en France pour dire: Regardez, c'est ça, la culture québécoise. Mais c'est, au départ, une culture d'Abitibi; mais c'est une exception qui confirme la règle. C'est sûr qu'on ne peut pas prétendre qu'on en a une cinquantaine comme ça; on a des Diane Tell, on a des Barbeau, on a des Raoul Duguay. On n'en a pas, si vous voulez... Donc, on doit effectivement faire des bouillons de culture à des endroits. Mais la culture, c'est aussi des petites choses, des petits gestes, et ça, on est capables de les faire et on les fait. Il faut donc garder des sommes d'argent pour ces petites choses, ces petits gestes.

M. Boulerice: Deux autres brèves questions. Entre parenthèses, pour ce qui est de Richard Desjardins, mon collègue, le député de LaFon-taine, et moi étions aux Francofolies de La Rochelle et soyez fiers de votre progéniture. Il a eu un succès incroyable aux Francofolies de La Rochelle. M. le maire, est-ce qu'une région comme la vôtre et une ville comme la vôtre, souffrez de ne pas avoir la présence d'un diffuseur national?

M. Brunet: Dans quel sens?

M. Boulerice: Radio-Québec, Radio-Canada, il n'y a plus d'antenne?

M. Brunet: Si on souffre de ne pas avoir ce type de diffuseur? Je pense qu'on est bien couverts en termes de diffusion en Abltibi. C'est sûr qu'on n'a pas une densité de population qui justifie l'implantation de beaucoup de radiodiffuseurs, de télédifuseurs. On en a, je pense, qui satisfont à nos besoins... M. Bordeleau, vous vouliez parler? Bon, il y a un aspect régional qui est un problème régional, c'est qu'il y a concentration, c'est-à-dire qu'il y a deux diffuseurs majeurs en Abltibi, qui sont situés, si vous voulez, à Rouyn et à Val-d'Or. Nous, on est un peu en dehors de ce circuit-là - parce qu'on est quatre villes importantes en Abltibi - mais pour ce qui est de la couverture en Abltibi, je pense qu'à date, là, on n'a pas de difficultés majeures à ce niveau-là. Je ne sais pas. M. Bordeleau, vous voulez rajouter de quoi, je pense?

M. Bordeleau (Réal): Oui, je pourrais bien rajouter là-dessus, si vous me le permettez, ayant été un membre du défunt Comité régional de Radio-Québec de l'Abitibi-Témiscamingue Le problème n'est pas au niveau de la diffusion comme telle; Radio-Québec sort toujours... Le problème est au niveau des sommes d'argent qui étaient disponibles à Radio-Québec pour permettre la production locale. Ça, c'est désespérant qu'on ait perdu Radio-Québec à ce niveau-là, au niveau de la production locale qui a permis à des réalisateurs, des équipes techniques de se former, etc. Là-dessus, ça a été une perte énorme, énorme, et c'est très dommage, ça, je pense qu'il faut le reconnaître.

M. Boulerice: Ma question était dans ce sens-là.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bordeleau. Je vais devoir permettre à M. le député de Mercier de poser sa question. Autrement, le temps s'écoule et il ne pourra pas le faire.

M. Godin: Merci, M. le Président. Je compterai dorénavant sur vous pour me protéger de l'appétit vorace de mon voisin...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Godin:... qui me rappelle un peu le maire de Québec, si vous voulez.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Godin: M. le maire, je comprends mieux

l'ancien slogan qu'un de mes collègues, député, disait à l'époque: "I must go to Amos".

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 heures)

M. Godin: Vous avez, avec une intelligence remarquable des enjeux, avec une simplicité, avec des formules claires aussi: culture de survie et culture de compétition, ce qui tient plus à la poésie qu'à la politique, je dirais, vous avez mis des mots justes sur des situations compliquées. Quand je vois aussi qui vous accompagne, Bor-deleau et Lamontagne, ça explique peut-être le côté oxygène qui vous entoure par rapport à d'autres avant vous qui nous ont presque gazés.

M. le maire, je suis tout à fait heureux de voir que la collaboration entre vous et Mme la ministre et son ministère marche sur des roulettes. Ça augure bien de l'avenir et surtout ça augure bien du plaisir qu'on aura, dans l'avenir, à bâtir le Québec ensemble, des maires comme vous, et des ministères comme celui de Mme Hébert, des ministres comme elle sûrement. On aura donc ce mandat très important. Si on le fait sur la même base et avec des jauges, plutôt... Je me félicite d'avoir dit jauge et non pas "gage", qui est probablement le mot que la majorité des Québécois, maire ou pas maire, aurait utilisé. Mais moi, en tant que spécialiste de la poésie et du vocabulaire, j'apprécie les gens qui savent la valeur des mots. Vous êtes un de ceux-là, et je vous rentre illico dans la société des poètes du Québec.

En terminant, je souhaiterais que cette formule géométrique que vous avez appliquée chez vous soit transportable et transportée dans d'autres cités du Québec, cités et villes du Québec, dans d'autres régions. Je ne suis pas sûr, mais je vais poser une question. Est-ce qu'il y a un ciné-club chez vous, M. le maire?

M. Brunet: Oui.

M. Godin: Je m'en doutais.

M. Brunet: On a un ciné répertoire chez nous. Je peux vous dire que chez nous c'est des bénévoles qui sont impliqués partout. Ça veut dire qu'on a des comités bénévoles partout, et donc on a des gens qui sont impliqués au niveau du ciné répertoire.

M. Godin: Donc, tous les domaines sont couverts, quoi. Vous avez, avec Jacques Marchand, je pense, chez vous, un orchestre?

M. Brunet: Un orchestre symphonique dont plusieurs Amossois font partie, oui.

M. Godin: C'est avec Jacques Marchand, ça? M. Brunet: Oui.

M. Godin: C'était un de mes grands amis, dans le temps. Alors, je me réjouis de voir que votre recette porte des fruits. Je pense à Richard Desjardins, je pense à Jacques Marchand, et ça confirme une de mes hypothèses par rapport à la culture. Il ne faut pas trop l'aider. Il faut juste faire en sorte que la clairière soit assez vaste pour que - ce qu'on appelle en arboriculture les essences de lumière, ce qui peut s'appliquer aux artistes aussi - les essences de lumière puissent pousser. Desjardins en est un exemple, puis d'autres - Duguay - artistes créateurs d'Amos.

Il ne faut pas oublier non plus que l'édition, en France, se fait dans des petites villes. Un des meilleurs éditeurs français depuis 10 ans, s'appelle Actes Sud. Ses bureaux sont dans la ville d'Arles, parce qu'il y avait une imprimerie à Arles qui était très bien équipée, très compétente. Actes Sud a décidé de déménager ses pénates de Paris à Arles pour s'installer là et, de là, faire rejaillir sur la francophonie toute entière, aussi bien à Montréal qu'à Paris et ailleurs, des textes très bien... des grands auteurs contemporains, mais surtout des livres d'une qualité exceptionnelle.

Le Président (M. Doyon): M. le député, je vais devoir vous signaler que nous avons dépassé le temps de cinq minutes.

M. Godin: Oui, oui, vous avez raison.

Le Président (M. Doyon): II faudrait vous organiser avec votre collègue pour la prochaine fois. Alors, en terminant, M. le député.

M. Boulerice: On vit une belle souveraineté-association.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: M. le maire, je voudrais vous remercier. Je ne vous dis pas adieu, je vous dis au revoir. On prend rendez-vous immédiatement. Je serai dans votre ville le 16 novembre, donc j'aimerais bien voir ces réalisations d'Amos. Et peut-être sur un ton d'humour, j'espère que votre fils n'a pas le goût de devenir maire, sinon certains diraient que c'est totalitaire à Amos.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Enfin, merci beaucoup. Merci d'avoir accepté l'invitation. Quand le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques sera là le 16, vous pourrez lui montrer aussi l'emplacement du centre culturel, ça va lui faire plaisir. Merci, et nous, évidemment, on se reparle.

Le Président (M. Doyon): Vous me permet-

trez de vous remercier aussi M. le maire au nom des parlementaires, et, en vous permettant de vous retirer, je demanderai au groupe qui suit de bien vouloir se préparer à prendre votre place.

M. Brunet: Je vous remercie de votre patience et de votre compréhension.

Le Président (M. Doyon): M.le maire, merci beaucoup. Maintenant, j'invite la Guilde des musiciens du Québec à bien vouloir prendre place en avant. Maintenant que notre nouveau groupe d'invités s'est approché de la table, je leur souhaite la bienvenue et je leur demande de procéder à la présentation des personnes qui les accompagnent. Je parle à la présidente, Mme Fréchette, je pense, qui est devant moi.

Mme Fréchette (Gisèle): Oui.

Le Président (M. Doyon): Après ça, on va procéder comme on a fait précédemment, selon les mêmes règles. Vous étiez ici, vous les connaissez. Alors, dès maintenant, je vous donne la parole.

Guilde des musiciens du Québec

Mme Fréchette: D'accord. Merci. Je suis accompagnée de M. Pierre Lessard, vice-président pour la région de Québec; M. Eric Lefebvre, à mon extrême gauche, vice-président pour la région de Montréal; et de M. Gilles Pelletier, secrétaire-trésorier.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Fréchette: Merci. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, au nom des 4000 musiciennes et musiciens professionnels membres de la Guilde des musiciens du Québec, je désire d'abord vous remercier de recevoir notre mémoire portant sur la politique culturelle au Québec et de nous permettre de venir vous le présenter aujourd'hui.

Nous affirmons, tout comme le groupe-conseil, que le financement des arts relève de la responsabilité du gouvernement et que cette participation financière est d'une absolue nécessité. Nous sommes conscients que les artistes et l'industrie culturelle jouent un rôle économique important dans notre société et que l'État, en accordant des subventions et en participant au financement des institutions et organismes culturels, accepte d'investir dans la culture au même titre que dans l'industrie. Nous estimons, par contre, que les différents paliers de gouvernement devraient abolir toute taxe perçue sur les événements à caractère culturel, plutôt que de se la disputer. Cela aiderait l'industrie et élargirait l'accessibilité à la culture.

Nous émettons des réserves et des craintes devant la mise sur pied d'une structure administrative tellement lourde et complexe, que l'argent destiné aux artistes soit presque entièrement accaparé par la gestion de ce que devrait être la culture, en d'autres termes, que l'on accorde beaucoup d'argent pour penser l'art et gérer les artistes et qu'il ne reste plus rien pour les artistes eux-mêmes.

Nous redoutons, par le désir de cesser le saupoudrage, l'amputation d'organismes musicaux et de volets artistiques importants dans la réalité culturelle du Québec. L'élitisme évoqué par le groupe-conseil n'ouvre-t-il pas la porte à des influences arbitraires, assujetties à la vie politique, sans prendre en considération l'évolution et la créativité inhérentes à la vie culturelle? Sous quels critères de sélection les artistes, institutions ou organismes culturels se verront-ils octroyer le droit à la vie?

Afin de chercher à assurer un revenu dé cent aux artistes, il faut, d'une part, élaborer des programmes d'aide ponctuelle, tels les bourses de perfectionnement, de support à la promotion et autres, et établir des avantages fiscaux permanents susceptibles d'augmenter le revenu des artistes. D'autre part, le gouvernement doit stabiliser la situation financière des institutions et organismes culturels en leur garantissant une subvention pour au moins trois ans et en indexant cette subvention.

Nous considérons que le niveau d'excellence d'un artiste ne peut pas être associé à son exportabilité et nous insistons auprès des instances gouvernementales pour que cet élément ne constitue pas un critère de base pour l'octroi de subventions. La culture québécoise, c'est d'abord au Québec que ça se vit. Cependant, il importe, bien sûr, que le Québec puisse faire valoir ses artistes à l'étranger, pour témoigner de la vitalité de sa culture, a la condition, toutefois, que cette présence sur les marchés internationaux ne comporte pas, en contrepartie, l'invasion de notre propre marché par des artistes étrangers. L'étroitesse de notre bassin démographique, donc, de notre marché, en diminue la capacité d'absorption et en accentue la fragilité. Dans le même sens, nous nous opposons à ce que la culture soit assujettie à un quelconque libre-échange.

Pour conclure, nous alléguons que la vitalité de la culture n'est assurée que si le pouvoir décisionnel en matière de culture est assumé par les artistes eux-mêmes avec le support gouverne mental. Il faut éviter qu'un dirigisme bureaucratique ne provoque l'asphyxie de la culture. Pour nous, favoriser l'épanouissement de la culture, c'est d'abord protéger et faire vivre ses artistes. Merci de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Fréchette. Mme la ministre

Mme Fréchette: Bienvenue.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Frechette. Je dois vous dire - et il faut que je le souligne - que votre mémoire est très positif et rafraîchissant. Effectivement, il y a des craintes qui sont soulevées, qui sont là et il faut en discuter. Mais vous l'avez fait d'une façon très positive. Alors, pour nous, de notre côté, évidemment, c'est encourageant.

C'est toute la question du dirigisme. Quand le rapport Arpin est sorti en juin dernier, de prime abord, on n'a pas vraiment abordé cette question-là, le dirigisme. Et, tout à coup, il y a eu une espèce de vent. On s'est dit: Oh, L'État veut peut-être diriger. Et, pourtant, ce n'est pas du tout l'intention... Ce n'était pas l'intention, en fait... Les auteurs, selon leur expérience, ont écrit, et je l'ai reçu comme vous, mais je sais pertinemment que de par les gens qui sont là, les comédiens et tout ça, qu'il n'y a pas pas l'intention du tout... Au contraire, c'est de dire à l'État: Supportez, mais, s'il vous plaît, mêlez-vous, dans un certain sens - comme M. le maire me le disait tantôt - de vos affaires.

Alors, pourquoi avez-vous senti, avez-vous perçu qu'on voulait, au contraire, peut-être plus diriger? On a parlé aussi de fonctionnariser. Et, d'un autre côté, nous, au niveau du ministère, en tout cas, on parle d'alléger les normes, ententes triennales, parce qu'on trouve nous-mêmes le fonctionnement extrêmement lourd.

Mme Frechette: C'est parce qu'on parle de programmes. On parle d'entrer dans des cadres. On a peur du carcan, parce que la culture, c'est d'abord de la spontanéité. Il faut laisser libre cours aux différents organismes qui peuvent naître. On a actuellement des orchestres régionaux qui sont partis. Alors, si ça n'entre pas dans tel cadre, ils ne pourront pas rentrer dans les subventions ou si on décide que, pour protéger un organisme peut-être plus important à l'heure actuelle, on n'a plus d'argent pour ces gens-là... C'est une espèce de choix qui serait fait par l'État au lieu de se faire par le milieu d'une façon plus normale comme ça se fait, en fait. Un organisme qui ne chemine pas dans le sens de l'excellence, il ne pourra pas durer. Alors, si on ne peut pas... Si on l'élimine au départ sans lui donner la possibilité de vivre, c'est dangereux.

Mme Frulla-Hébert: On a beaucoup parlé, hier et aujourd'hui, de la méthode du Conseil des arts. Il y a eu beaucoup de critiques sur le Conseil des arts. Et, là, tout à coup, on parle du Conseil des arts comme étant la solution. Donc, il y a une espèce de vent de positivisme qu'on reçoit. Mais je me souviens très bien aussi que, l'année passée, plusieurs nous disaient: Ne touchez pas à ça. Les gens là-dedans, ça fait 20 ans qu'ils y sont puis c'est une espèce de club fermé où on s'encourage soi-même. Ça, c'est une chose. Et, au ministère, par exemple, ce n'est jamais le ministère qui attribue. Les bourses sont toujours données aux organismes par des pairs aux individus, par des pairs qui déterminent aussi le montant de la bourse, parce qu'on essaie justement et on ne veut pas s'immiscer dans le contenu. Je me souviens, il y a quelques mois, moi-même, j'ai été prise jusque-là, parce qu'on avait donné des bourses à un groupe de jeunes qui étaient peut-être une petit peu plus frondeurs. Bon. Ça a fait le tour à la radio, etc., mais on maintient cette politique-là de dire: Jury, juré... par des pairs et on se tient loin. Mais est-ce que ce fonctionnement-là satisfait? (17 h 15)

Mme Frechette: On n'est pas contre le fonctionnement dont vous pariez. Dans le rapport Arpin, il n'est pas vraiment question de l'implication du milieu. On en parle, on parle un peu de concertation, mais il n'est pas vraiment question de ça, de l'implication comme telle du milieu et c'est ce que nous, on veut éviter. On veut que le milieu soit là pour prendre des décisions et que la possibilité de vivre soit offerte à des gens qui ne sont pas à la mode du moment ou... Il y en a peut-être qui le deviendront.

M. Pelletier (Gilles): Je pense qu'il y a également, tout l'aspect de la révision des rôles des CRC vis-à-vis des directions régionales du ministère, où au niveau du rapport Arpin, il n'est pas clair le rôle qu'on veut laisser aux CRC et donc à l'implication locale. Ça, c'est une des choses qui nous a fait peur un peu.

Mme Frulla-Hébert: Je veux passer à autre chose parce que le temps file. La formation musicale. On a un grand débat qui est là et qui commence. Il y a une grosse analyse au niveau de la formation musicale. Qui doit finalement s'occuper de formation musicale? Est-ce que c'est le ministère des Affaires culturelles ou le ministère de l'Éducation? Il y a déjà de la formation musicale maintenant qui se donne. Les universités ouvrent des écoles. C'est la même chose au niveau de l'art dramatique, d'ailleurs, à savoir quel système est le mieux apte à prendre justement la formation. Parlez-nous donc un peu des musiciens qui arrivent sur le marché et qui sortent, toute l'histoire de la formation.

Mme Frechette: D'accord. Au niveau de l'éducation musicale, il est clair que l'éducation musicale doit être présente au primaire, au secondaire, au niveau collégial et à l'université. En tout cas, pour nous, que les conservatoires existent à côté, c'est un complément, ce n'est pas une compétition.

On a pensé que tout ce qui devrait être enseignement des arts, devrait être chapeauté par le ministère des Affaires culturelles, peut-être pour mieux orienter les différentes spécialités des institutions. Je pense que s'il y a une

diversité dans la façon d'enseigner, ça va juste nourrir le niveau culturel pour alimenter davantage de nouvelles façons, de nouveaux métiers, de nouvelles facettes de l'art. Je pense qu'il n'est pas bon de normaliser qu'on enseigne au conservatoire exactement comme à l'université. Je pense qu'au départ, le conservatoire a le décloisonnement des matières et la possibilité de prendre un enfant plus jeune qu'à l'université. Éliminer le conservatoire n'est pas une solution et éliminer les universités n'en est pas une non plus, parce qu'il peut y avoir aussi un artiste qui va avoir commencé sérieusement un peu plus tard et qui, lui, à travers le cheminement des cégeps et des universités, va réussir à se produire aussi.

Mme Frulla-Hébert: Mais, sans parler d'élimination soit de l'un ou de l'autre, on pourrait quand même parler, toujours en travaillant en harmonie au niveau de la philosophie, si on veut... Le système d'éducation, il faut l'admettre, en termes de structure, est beaucoup plus apte à prendre l'enseignement et à le faire évoluer que nous, d'une certaine façon, juste en termes de structure.

Mme Frechette: Oui, mais on ne parie pas d'éliminer l'enseignement dans les écoles. Il faut que ce soit là, mais ça peut être chapeauté par des artistes et par le ministère des Affaires culturelles. Ce qui dérange actuellement, c'est l'espèce de compétition qu'il y a entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles. À chaque fois qu'il y en a un qui veut avancer un peu - en tout cas, c'est l'impression qu'on en a - il y a une bataille de budgets, il y a une bataille de personnes-ressources. Et c'est ce qui fait que l'enseignement perd le contact avec le milieu après.

M. Pelletier: Je pense également que - dans le document on a tenté d'être clair à ce niveau-là - il faut éviter le plus possible que l'enseignement des arts aux niveaux primaire et secondaire soit tributaire des budgets. Qu'il fasse donc partie d'un programme qui soit implanté par le ministère des Affaires culturelles auprès des écoles et que ce soit enseigné au même titre que la langue et que les mathématiques. Actuellement, les dangers qu'on a c'est qu'on élimine facilement l'enseignement des arts pour préférer quelque chose d'autre. Mettre un cours de gymnastique de plus parce que ça rentre mieux dans les budgets au niveau secondaire, par exemple. Et ça, il faut éviter ça.

Notre recommandation à l'effet de mandater le ministère des Affaires culturelles pour élaborer les programmes, c'est aussi le moyen que les artistes ont, étant donné qu'on a plus d'influence auprès du ministère des Affaires culturelles qu'au niveau du ministère do l'Éducation. C'est la façon dont les artistes auront peut être un certain contrôle sur ce qui sera enseigné en art.

Mme Frechette: Le problème aussi qu'on a c'est que, depuis les 20 dernières années, on a eu moins de constance au niveau de l'Éducation On a eu, à un moment donné, un programme très bien établi au primaire. On n'en avait pas au secondaire, à ce moment-là. Ensuite, on en a eu au secondaire; on n'en avait plus au primaire. On s'est retrouvé au niveau collégial à recevoir des enfants qui étaient très bien préparés et puis après ça on recevait des enfants qui... Ceux qui avaient eu la chance de prendre des cours pri vés, ils étaient admissibles, et les autres, on les perdait de vue parce qu'il n'y avait plus de budgets dans les écoles secondaires pour continuer la poursuite de l'enseignement avec une bonne qualité.

C'est sûr que c'est relié à une question de budget, mais, quand on dit qu'on veut que ce soit chapeauté par le ministère des Affaires culturelles, on veut en même temps que le budget soit transféré aussi. C'est-à-dire si on transfère les pouvoirs et qu'on n'a pas plus de moyens, ou on n'a pas au moins les mêmes moyens, ça ne nous avancera pas.

Mme Frulla-Hébert: Une autre question À un moment donné, vous dites dans votre mémoire - parce qu'on parle quand même d'emploi aussi, autant dans l'enseignement qu'ailleurs -que vous privilégiez des mesures de type fiscal à des mesures d'aide directe. Comment conciliez-vous cette position avec la nécessité de mettre en place des mesures qui favorisent la création et les créateurs? Là, on a le soutien, on a laide à l'artiste, etc.

M. Pelletier: Je pense qu'à ce niveau-là la grosse différence c'est - où on le traite dans le document - qu'on parle de deux choses tout à fait différentes. Je pense que, effectivement, les bourses ou les subventions qui sont données actuellement se doivent de demeurer pour faciliter la création de ces choses-là. Mais, pour pouvoir demeurer artiste, Je pense qu'il y a un phénomène qui est clair: II faut absolument que les artistes aient des mesures fiscales qui les abritent. Par exemple, actuellement, on parle dans le document - on y touche un peu - de la question de l'étalement de l'impôt, qui a déjà été permise pour les artistes, mais qui ne l'est plus actuellement.

Un compositeur, par exemple, peut avoir un engagement et écrire une musique de film une année où il va faire peut-être 50 000 $, et l'an d'après il va faire 10 000 $. Il va être très imposé l'année où il fait 50 000 $, mais il n'aura aucune possibilité de récupérer l'argent l'année où il en fait seulement 10 000 $. Ce serait des mesures comme celle-là, je pense, sur lesquelles il faudrait insister. Mais je ne pense pas qu'il faut mettre en opposition les subventions ot les

mesures fiscales.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme Frechette, messieurs. Mme Frechette, heureux de vous accueillir en ce début de mandat pour vous, parce que c'est quand même récent. Je crois bien vous l'avoir écrit. En tout cas, je vous ai posé la question. Mes meilleurs voeux vous accompagnent vous et vos collègues parce que ce n'est pas facile. C'est exigeant. Je connais l'agenda de votre prédécesseur, alors je m'imagine que le vôtre est identique, sinon supérieur.

Je suis heureux parce que déjà c'est amorcé. Moi je veux profiter de votre présence justement pour faire le point sur la loi sur le statut de l'artiste. On nous avait dit qu'on faisait du droit nouveau. Je disais: II y a du beaujolais nouveau, on peut bien faire du droit nouveau. C'est merveilleux. Je pense que, effectivement, on a adopté une loi quoiqu'il a fallu rudement bagarrer avec la Guilde pour que la Guilde se sente plus chez elle à l'intérieur de cette loi. Je ne vous ferai pas tout l'historique de cela, mais une autre fois on pourra peut-être en parler

Finalement, la loi est là. D'après vous, est-ce qu'elle vous fournit vraiment la capacité réelle de négocier des conditions de travail de vos membres avec l'ensemble des producteurs?

Mme Frechette: C'est un problème. On va présenter des demandes d'amendement à la loi, mais il reste que c'est un départ. Au moins, on a quelque chose. Je vais laisser parler le vice-président de Montréal là-dessus.

M. Lefebvre (Éric): Présentement, effectivement, on a une loi sur le statut de l'artiste qui permet d'établir un régime de négociation entre certains producteurs et une association reconnue. Il y a, dans cette loi-là, des incitatifs à la négociation. On n'est peut-être pas suffisamment élevés pour qu'on ait véritablement une négociation imposée entre des producteurs et des musiciens. Vous avez une association reconnue, des secteurs de négociation. Bon, l'Union des artistes, sans doute, serait représentée pour les artistes, les comédiens et les chanteurs et la Guilde des musiciens possiblement pour tous ceux, en fin de compte, qui pratiquent l'art de la musique instrumentale.

Mais, présentement, la loi est très timide face aux moyens que l'association reconnue et les producteurs ont pour pouvoir véritablement négocier des ententes collectives. C'est timide, pour l'instant. Vous avez des... Il y a des législations du travail qui sont beaucoup plus présentes dans le milieu et aussi qui ont des moyens plus efficaces pour qu'une négociation puisse s'engager et que pour que des conditions de travail puissent s'opérer, des conditions de travail supérieures pour les artistes. Je pense, entre autres, au Code du travail qui a des dispositions plus intéressantes, malgré que ses dispositions s'appliquent aux salariés.

Mais ce qui est intéressant, évidemment, dans le cas de la loi sur le statut de l'artiste, c'est qu'on permet à des entrepreneurs indépendants de pouvoir s'associer, tout comme les salariés, avec les mêmes avantages et aussi avec les avantages fiscaux qui découlent de leur statut d'entrepreneur indépendant. Ça, c'est un plus dans la loi. Par contre, il y a encore des moyens qui devraient être mis de l'avant et qui seront présentés, d'ailleurs, par notre organisation au ministère des Affaires culturelles, des modifications à la loi pour qu'elle devienne plus présente dans le milieu et plus efficace, tant pour les producteurs que pour l'association reconnue.

Mme Frechette: Et plus applicable pour nous.

M. Boulerice: Et l'état des relations entre votre organisme et la commission de reconnaissance, ça se passe bien?

Mme Frechette: Ça va bon train. M. Boulerice: Ça va bon train. Des voix: Ça va bon train. M. Boulerice: Molto voce. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre (Éric): Oui, effectivement, nous sommes presque à l'étape finale de la reconnaissance, c'est-à-dire qu'actuellement le secteur de négociation, c'est-à-dire le cadre dans lequel s'effectueront les négociations d'entente collective est déjà en place. Ce qui manque, c'est la reconnaissance telle quelle de notre association, et il ne nous reste, en fin de compte, qu'une formalité à observer pour que cette reconnaissance soit octroyée.

M. Boulerice: D'accord.

M. Pelletier: Alors, si tout va bien, avant Noël, on devrait être reconnus.

M. Boulerice: Pardon?

M. Pelletier: Si tout va bien, avant Noël, on devrait être reconnus.

M. Boulerice: Bon enfin, il y aura au moins quelque chose sous l'arbre cette année.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: On y a touché tantôt, mais j'ai vraiment le goût d'y revenir parce que j'ai toujours tenté d'être cohérent dans mes discours. J'ai toujours dit: Ah! le statut de l'artiste, bravo! Mais attention! Le statut de l'artiste, ça pourrait devenir une statue...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice:... si ce n'est pas suivi par un statut fiscal, pas celui qui est dans la loi actuelle qui permet à un comédien des choses peut-être importantes, mais quand même relativement modestes...

Mme Fréchette: Et qui bougent d'une année à l'autre.

M. Boulerice:... et qui bougent d'une année à l'autre. Je veux dire: Bon, je vais déduire les photos pour mon portefolio, etc. Je disais... Le vrai statut fiscal de l'artiste, puisque je ne l'avais jamais caché... On m'avait sorti sur une période de cinq ans - il va de soi, en cachant les noms pour respecter une certaine confidentialité - les revenus de comédiens et de musiciens et c'était, mon Dieu, l'électrocardiogramme de quelqu'un qui est sur le bord de quitter doucement. Il y avait des lignes, à un moment donné, très continues. C'était inquiétant comme diagnostic quand on le regardait. Si je vous ai bien compris, il n'y a absolument rien qui a été fait depuis cette adoption. Enfin, je parle de l'adoption du statut comme tel, le statut juridique.

M. Pelletier: C'est-à-dire que, depuis l'adoption de la loi, il a été reconnu d'emblée le statut de travailleur autonome à une personne qui ferait partie d'une association qui serait reconnue. Et il y a eu un bulletin d'interprétation du ministère du Revenu à cet effet là. Mais, effectivement, il n'y a pas eu de modifications réelles du régime fiscal pour les artistes. (17 h 30)

M. Boulerice:... Au-delà de... Attendez je vais essayer de formuler ma question autrement. Quelles seraient, d'après vous, les mesures, au-delà de l'étalement des revenus, qui pourraient être envisagées pour véritablement conférer aux artistes un statut fiscal beaucoup plus adapté qu'il l'est actuellement?

M. Pelletier: II est clair, en ce qui concerne, par exemple, les déductions qui sont permises pour un travailleur autonome sur ses revenus d'enseignement, par exemple, je pense que... Vous y avez touché tout à l'heure lorsque vous avez parlé avec les gens de l'École nationale de théâtre, la problématique de ceux qui sont à la fois des artisans, mais qui travaillent comme serveurs dans les restaurants parce qu'ils n'ont pas le choix - il faut qu'ils gagnent leur vie - ou qui font de l'enseignement, ce qui est le cas de plusieurs musiciens. Actuellement les déductions permises pour un travailleur autonome sont limitées au revenu qu'il gagne en tant qu'artiste. Et, s'ils sont obligés de faire de l'enseignement pour pouvoir combler leur revenu, à ce moment-là ils ne peuvent pas déduire quoi que ce soit à ce niveau-là, il serait peut être intéressant qu'on puisse revoir ça et mettre l'ensemble du revenu des artistes et non pas seulement ce qui est lié à une prestation artistique, mais ce qu'ils sont obligés de faire pour gagner leur vie. Ça serait déjà un bon départ, je pense.

Mme Fréchette: Et que les dépenses admissibles le soient d'une façon un peu plus large, et que ça ne bouge pas d'une année à l'autre, de telle sorte que si une année c'est permis de déduire des traitements de physiothérapie ou de massage en prévention de nos maladies industrielles qui sont souvent des tendinites ou des problèmes de posture... Une année c'est permis, l'année suivante ça ne l'est plus. Alors, l'année où tu as tes reçus tu ne peux pas les utiliser, et l'année où tu n'a pas de reçus, là, ils te le permettent. Alors, c'est...

M. Boulerice: Ça entre dans cette vaste complexité qu'on appelle la vie d'artiste.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Complexité que l'artiste n'a pas voulu compliquer, mais qu'on lui complique volontairement. La question est existentielle, puisqu'on a en mémoire la commission Bélanger Campeau qui a quand même fait marque: déclaration du ministre Beatty, rapport Allaire déposé au Parti libéral et voté le samedi, je crois bien, si ma mémoire est bonne...

Une voix: En mars.

M. Boulerice:... en mars. Il y a la déclaration de la ministre en disant que les propos de M. Beatty étaient totalement inacceptables, lorsqu'il disait qu'il voulait protéger la culture québécoise. Lui qui taxe le livre québécois se permettait une bonne blague en disant... Il a comme devise: Je veux votre bien et je l'aurai. La ministre s'est insurgée, sauf qu'il y a dans le rapport Arpin, il y a dans le rapport Allaire, il y a dans la commission Bélanger-Campeau, les intervenants du milieu culturel qui sont venus, une donnée et je vais vous poser la question, à défaut que la ministre vous l'ait posée: Est ce que vous êtes favorables au rapatriement des responsabilités fédérales, c'est-à-dire pouvoir et argent au niveau québécois? J'éviterai le mot "provincial", il me blesse.

M. Pelletier: Pardon?

M. Boulerice: J'ai dit: J'éviterai le mot "provincial" quand je parle du Québec, ce mot me blesse.

M. Pelletier: Je pense que la fin de tout dédoublement, où l'argent se perd dans les infrastructures gouvernementales, nous plaît si cet argent-là peut être retourné aux artistes. C'est pour ça, je pense, que l'on parle dans notre document - quand on parle de la possibilité du rapatriement - d'un guichet unique. Quand on parle d'un guichet unique, on parle nécessairement d'une seule structure, et donc on rapatrierait l'ensemble des fonds à l'intérieur d'une seule structure et on ne se retrouverait pas à un moment donné où on serait obligé de faire la parade devant deux ministères ou deux ministres pour obtenir les mêmes sommes d'argent. À ce niveau-là, on est d'accord avec tout effort pour réduire le dédoublement au niveau des structures gouvernementales, si cet argent-là peut être retourné aux artistes. Sinon il va falloir faire très attention. Il ne faudrait pas - et je pense qu'à ce niveau-là tout le monde est d'accord - qu'on transfère les responsabilités sans transférer les sommes d'argent qui viennent avec.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi, il reste cinq minutes.

M. Boulerice: Juste une très brève remarque à votre propos. Oui, volontiers, effectivement, avec les garanties, il va de soi. C'est patent que cela vous éviterait des démarches incessantes, alors que votre principale préoccupation doit être la création.

M. Pelletier: Justement.

M. Boulerice: Je faisais du mauvais français, je disais: Je veux qu'on soit créateur et non pas quêteur, et le dédoublement force malheureusement les gens de votre profession à jouer ces deux rôles, dont l'un est vraiment très éprouvant.

M. Pelletier: Oui, effectivement.

M. Boulerice: Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Doyon): Mme la députée.

Mme Blackburn: Bonjour. Merci, M. le Président. Vous pariez de guichet unique, je suis heureuse, parce que - je le rappelle - la commission Bélanger-Campeau a entendu des professeurs d'université défendre jalousement le maintien des liens du fédéralisme et évidemment la recherche et développement à Ottawa de préférence, un peu, peut-être, partagé avec le Québec, sous le simple argument qu'il était mieux d'avoir deux lieux où aller chercher son bien plutôt qu'un seul. Alors, je me suis demandé, à ce titre, pourquoi on ne deviendrait pas Américains, parce qu'on en aurait trois.

Alors, je suis heureuse de vous entendre là-dessus. Ça l'air que vous manifestez une inquiétude que je retrouve dans tous les groupes et avec raison. Vous dites: On est d'accord, rapatriez, mais assurez-vous que si on rapatrie tout, et même si on devient souverain, on n'y perdra pas au change, parce qu'on est déjà assez pauvres. Là-dessus, je partage tout à fait votre inquiétude. Moi, je me dis, il va falloir qu'on soit extrêmement vigilants au moment où il va se faire des transferts. Et je souhaite qu'il s'en fasse. Si le gouvernement actuel et les propos de la ministre - et je la crois sincère - réclament la totalité des pouvoirs en ces domaines et que l'Opposition fait la même chose, un jour, il y a quelqu'un qui va comprendre.

Et vous revenez souvent... Je partage cet avis et je pense qu'effectivement il faudra réajuster et revoir un peu le fonctionnement de nos organismes subventionnaires. Moi, je suis de cet avis-là pour avoir un peu observé le fonctionnement du Conseil des arts, un peu de nos organismes, bien que je reconnais que la ministre a raison, son mode d'attribution des fonds est particulièrement intéressant et il ne semble pas, non plus, être partisan. Je connais assez bien son... Il n'est pas très généreux parce qu'il est pauvre - ce n'est pas compliqué - parce qu'il y a deux niveaux de gouvernement. On ne cherche pas bien longtemps. Alors, quel serait, selon vous, l'organisme, la structure qui permettrait et qui vous assurerait une répartition à la fois équitable, juste et dynamique des fonds de soutien à la création?

Mme Frechette: D'abord, que ça respecte les disparités régionales et qu'il n'y ait pas trop de paliers entre l'idée de départ et l'artiste, au bas. Très souvent c'est ce qui se passe. On part avec une bien belle idée et là il y a des gestionnaires qui se penchent là-dessus, qui étudient que peut-être il vaudrait mieux... Et là il y a un autre qui étudie encore et finalement, quand ça arrive à l'artiste, il ne reste plus rien.

Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites c'est qu'il faudrait diminuer la bureaucratie. Mais est-ce que vous dites également qu'il faudrait qu'il y ait une décentralisation des pouvoirs vers les régions de manière à ce que - il y a une enveloppe régionale - on décide en région ou, encore, s'il faudrait que ce soit centralisé?

Mme Frechette: II faut que ce soit... D'abord, une concertation, c'est sûr, mais il faut qu'au départ l'idée soit claire de ce qu'on veut faire. Et à partir du moment où on veut respecter les régions, je pense qu'il faut arrêter de vouloir absolument tout normaliser.

Mme Blackburn: Alors, finies les normes mur-à-mur et édictées de Québec...

Mme Frechette: Les petits programmes dans lesquels on se contorsionne pour rentrer. C'est embêtant pour rien et ça ne répond pas à la vraie réalité culturelle.

Mme Blackburn: Vous avez raison. Je pense que ça doit arriver dans toutes nos régions. Quand il y a un programme, que les gens viennent nous voir et demandent: Est-ce qu'on peut avoir accès à ce programme-là? je dis: Lisez-les et répondez ce qu'ils veulent entendre. Et, après ça, vous ferez ce que vous voudrez. Je m'excuse de le dire aussi... Vous devez dire la même chose chez vous. C'est ça le problème avec les normes

Mme Frechette: Oui.

Mme Blackburn: J'ai dit: Vous avez vu le texte? Rentrez dans le texte, après ça vous ferez ce que...

M. Pelletier: Si on regarde, actuellement, le Programme d'assistance aux orchestres régionaux, si on l'appliquait à la lettre, il n'y a pas grand orchestres qui seraient subventionnables. Je pense que... On a rencontré les gens de l'Orchestre du Saguenay-Lac-Saint-Jean la semaine dernière. Ils travaillent excessivement fort pour doter la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean d'un orchestre qui est viable. Prenons l'exemple du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec le Quatuor Alcan qui est subventionné, en grande partie, par Alcan, en région, effectivement pour s'assurer qu'il y ait une vie culturelle qui puisse amener des gens travailler dans cette région. Je pense que, si on applique trop strictement des normes, cet orchestre-là ne pourrait pas vivre. Et je pense que ça, c'est un danger.

Mme Blackburn: Je dois dire que le rapport Arpin, à cet égard, n'est pas très généreux à l'endroit des régions.

M. Pelletier: Nous, ce qui nous fait le plus peur, c'est les reproductions mécaniques qu'on laisse sous-entendre dans le rapport Arpin. Ce qu'on dit à ce niveau-là c'est qu'une reproduction mécanique ne pourra jamais remplacer un artiste sur la scène.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Ça épuise le temps qui était mis à notre disposition. Quelques mots de remerciement peut-être du côté de l'Opposition.

M. Boulerice: L'opinion de la Guilde est toujours une opinion importante, et surtout qu'elle est toujours exprimée de façon très claire. Alors, vous n'avez pas rompu avec la tradition. Nous sommes très satisfaits de votre participation, et surtout à très bientôt, mais n'oublions pas le cap du statut fiscal de l'artiste. C'est beau une politique, mais il ne faudrait pas que ça soit une statue comme le statut.

Le Président (M. Doyon): Merci, M le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Vraiment, merci à tous. On vous a écoutés... Je parlais justement à Mme Courchesne, ma sous-ministre, parce qu'il y a des suggestions qui sont très valables, et ça ressort un peu partout finalement, allégement des normes... Il faut comprendre aussi que les normes, ce n'est pas juste nous, c'est le Conseil du trésor, malheureusement, mais un système est un système: gestion des fonds publics, transpa rence... Bon. On l'a vécu. Ils l'ont vécu. Mais on essaie quand même dans l'ensemble... On va essayer d'alléger et puis aussi de régionaliser notre aide. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la commission je vous remercie, en vous priant de bien vouloir vous retirer de la table pour permettre au groupe qui vous suit de prendre place. Merci de vous être déplacés pour venir nous voir et présenter votre mémoire.

Maintenant il nous reste un groupe à entendre avant d'aller manger. C'est le Conseil permanent de la jeunesse. Je les invite à s'avancer et à bien vouloir prendre place à la table de nos invités.

Je souhaite la bienvenue aux deux personnes qui sont devant nous. Elles sont ici depuis un certain temps, je les ai vues. Elles connaissent la façon que nous avons de procéder. Vous vous présentez, vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire la présentation de votre mémoire et, à ce moment-là, on engage la discussion avec vous pour le restant du temps. Vous avez donc la parole.

Conseil permanent de la jeunesse

M. Perreault (Alain): Merci, M. le Président D'abord, j'aimerais rapidement présenter le Conseil permanent de la jeunesse. Le Conseil a été créé en 1987 et a débuté ses activités en 1988. Il est constitué de 15 jeunes et il est chargé de conseiller le premier ministre sur toute question relative à la jeunesse.

Nous nous sommes donné au début de notre mandat, à nous, la nouvelle équipe, en février 1991, une double mission. La première mission était de défendre les intérêts et les besoins de la jeunesse, et, deuxièmement, de promouvoir lap port significatif des jeunes à l'évolution de la société québécoise.

Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez de vous interrompre juste un moment pour vous permettre de vous Identifier, pour les fins

du Journal des débats.

M. Perreault: Très bien. Je m'excuse. Je suis donc Alain Perreault. J'occupe la présidence du Conseil permanent de la jeunesse. Je suis accompagné de Serge Fleury, qui est vice-président au Conseil. Je dois excuser l'absence de Mme Marcia Pilote, qui est membre du Conseil et également jeune artiste. On aurait beaucoup aimé qu'elle soit là, mais elle est en tournage. Donc, elle n'a pas pu se présenter.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

M. Perreault: Au niveau des considérations générales, j'aimerais expliquer que le Conseil, durant ses trois premières années d'existence, a fait le tour du Québec, a fait le tour également des besoins et des intérêts de la jeunesse. On a observé que le constat est assez déplorable et que l'intervention du gouvernement face à ce constat-là nécessite une action énergique et concertée de tous les intervenants. Donc, face à cette situation-là et face à cette observation-là d'un manque de cohérence de l'intervention gouvernementale à l'égard de la jeunesse, on se dit: Bien nous, ce qu'il nous faudrait c'est une politique globale en matière de jeunesse. On fait souvent référence, pour expliquer ce qu'on veut dire par là, à ce qui est en train de se faire ici, une politique en matière culturelle qui vise justement, je crois, à donner une vision commune de ce que le Québec doit avoir en matière culturelle.

Donc, on est vendu à l'idée d'une politique culturelle pour concerter les actions et pour mieux utiliser les ressources qui sont mises a la disposition de la population. C'est ça, principalement, les considérations générales que je voulais apporter. Je passe la parole à Serge Fleury, qui va aborder des considérations plus spécifiques sur le rapport Arpin. (17 h 45)

M. Fleury (Serge): Oui, alors, le premier constat général c'est qu'il y a, effectivement, un bon travail qui a été opéré par le comité Arpin en termes de survol horizontal, si on veut, des différents éléments de la culture. Puisqu'on parle de la culture dans un sens très large, on parle d'art, évidemment. On a même touché les aspects de formation professionnelle et, évidemment, c'est des aspects auxquels nous sommes particulièrement sensibles.

Par contre - et c'est peut-être un commentaire qui est assez fondamental sur le document Arpin aussi - on parle de la création, on parle de la formation, on parle de la diffusion et on trouvait, au Conseil, qu'étaient peu présentes les personnes qui vivent cette production-là, qui vivent cette formation-là, les personnes qui doivent quotidiennement créer. D'ailleurs, je suis particulièrement heureux d'avoir pu entendre d'autres intervenants qui reprenaient un peu certains éléments de ce commentaire-là en disant: Oui, mais, nous, comme créateurs, ou oui, mais, nous, comme élus municipaux, nous avons à gérer quotidiennement différents aspects de cette politique-là.

Si on le prend d'un point de vue jeunesse, on ne peut que constater l'absence de la préoccupation jeunesse et de la préoccupation relève et ce, malgré le grand questionnement du rapport Arpin qui parle de planifier les dix prochaines années en matière culturelle et auquel questionnement nous adhérons tout à fait. On constate que la relève est toujours considérée comme une abstraction très vaporeuse qui ne nous semble pas vraiment avoir corps.

Dans ce sens-là aussi, en cherchant à préparer une réflexion et un mémoire pour cette présente commission, nous avons fait quelques recherches et on a été très désagréablement surpris de constater que la place de la relève était très mince puisqu'on parle souvent, au sein du ministère des Affaires culturelles, d'une relève qui est déjà constituée de jeunes professionnels artistes ou de jeunes professionnels des domaines de l'art et de la culture. On se questionne beaucoup à ce sujet-là parce qu'il nous semble important que le Québec s'assure d'un bassin suffisant de relève, d'un bassin suffisant, donc, de création. Les programmes, tels qu'ils sont élaborés actuellement au sein du ministère des Affaires culturelles, exigent souvent de deux à sept ans de réalisation professionnelle pour être admissibles à un programme ou à un autre et on devinera aisément que c'est forcément les jeunes artistes qui sont ou qui risquent d'être pénalisés par de telles mesures.

Dans ce sens-là, on souscrit, par contre, à certains constats qui sont posés par le rapport Arpin, à savoir la préparation du public. Évidemment, on ne peut pas envisager de développer un secteur culturel et un secteur artistique sans, concurremment à ça, développer des réflexes importants au niveau du public en termes de marché, si on prend un terme économique, et en termes aussi de... On parle de la terminologie de recherche et développement en matière culturelle et en matière artistique.

Nous, on croit que... Malgré que le saupoudrage peut sembler défavorable, on croit qu'il doit y avoir un effort qui doit être consenti, et de façon très large, particulièrement auprès des jeunes qui n'ont pas encore un statut professionnel à temps plein. Dans ce sens-là, il nous semble important - et c'est mentionné dans le mémoire qu'on vous a soumis - d'établir assez rapidement un diagnostic sur les besoins de la relève, d'établir un constat aussi. On pourra mentionner, on pourra répondre à cette affirmation-là qu'il y a, effectivement, un certain clivage qui se fait et une certaine élimination naturelle, une sélection naturelle qui s'opère, sauf que, peut-être - et c'est une hypothèse qui n'est pas vérifiée, mais qui est tout aussi valable

certainement que n'importe quelle autre - il y a aussi bon nombre de pertes qu'on pourrait constater à travers un diagnostic comme celui-là.

Donc, le sens du mémoire qu'on a soumis et le sens de l'intervention qu'on veut présenter aujourd'hui visent - au contraire peut-être, mais aussi en complément des interventions qui ont été faites précédemment - à développer un réflexe artistique et culturel qui soit vraiment élargi, qui soit vraiment partagé par une population - et, dans ce sens-là, on est d'accord avec le rapport Arpin - mais qui soit aussi beaucoup plus élargi en matière de soutien à la création. On croit que la création... Plus le bassin de la création sera élargi, plus on sera en mesure d'avoir une culture qui se relèvera, une culture qui nous sera propre, qui permettrait de devenir et de jouer le rôle moteur qui est identifié, qui est souhaité par le rapport Arpin et par la ministre des Affaires culturelles. Donc, on se doit d'assurer un soutien qui dépasse, à quelque part, un simple soutien individualisé ou un simple soutien individuel.

On parle dans notre mémoire de lieux de création. C'est peut-être une notion qui n'a pas tout à fait cours actuellement au sein des pratiques culturelles. On parle beaucoup plus de lieux de diffusion. Ils ont leur importance. On le reconnaît et, d'ailleurs, on souhaiterait effectivement que ces lieux de diffusion là soient beaucoup plus largement répandus. On croit également que, dans une optique de préparation de la relève et dans une optique d'élargissement de la culture, on se doit aussi de doter la société québécoise d'un vaste réseau de lieux de création.

J'appelle lieux de création des facilités qui pourraient être tout simplement un atelier, qui pourraient être tout simplement à l'intérieur d'équipements qui sont déjà disponibles. On parie dans le mémoire soumis d'un élargissement de mandat ou de vocation du côté des maisons de la culture. On parie aussi d'un élargissement de ces équipements à d'autres municipalités ou à d'autres régions. On parle aussi de l'utilisation d'équipements qui sont déjà en place, soit par le biais d'équipements municipaux. On a entendu un peu plus tôt le maire de la ville d'Amos qui a témoigné véritablement de la possibilité très concrète d'une municipalité de s'impliquer à différents niveaux, soit par le biais de partage d'équipements - on pariait de partage de bibliothèques - mais je pense qu'on peut aussi parler de partage d'autres types d'équipements. Et dans un but de soutien à la création véritablement.

Je pense, et le Conseil est d'accord aussi... On est d'avis qu'un plus large bassin de création est probablement garant d'une plus large préoccupation à l'égard de la culture et des arts et, donc, aura aussi l'effet d'entraînement souhaité quant à l'accroissement de fréquentations des lieux culturels et des activités culturelles aussi.

Un commentaire sur un autre niveau maintenant. On a fait mention un peu plus tôt de la formation professionnelle des jeunes artistes. Nous constatons d'un point de vue de jeunes et d'un point de vue de jeunes artistes aussi qu'il est impératif, à ce niveau-là, qu'il y ait une action énergique qui soit prise par le ministère des Affaires culturelles. L'éclatement actuellement de... La multiplicité des lieux de formation, certains niveaux de concurrence ou d'ambiguïté quant aux équivalences entre les différents types d'écoles et les différents types de programmes, les transitions possibles et les juridictions mêmes d'une institution ou d'une autre, nous semblent très pénalisants pour les jeunes qui tentent ou qui seraient tentés de passer par ce cursus-là ou par cette démarche de formation professionnelle, tout en reconnaissant, par contre - et je ne veux pas minimiser non plus - qu'il y a toute une clientèle également qui ne passe pas nécessairement par ces réseaux de formation et qui peuvent avoir une production tout aussi valable. II doit y avoir, je crois, une distinction entre une formation technique, une formation préparatoire et tout un soutien au processus de création qui, lui, on le comprend très aisément, n'est pas encadrable de façon aussi stricte que la formation en elle-même.

Un autre élément qu'il nous semble important de mentionner c'est tout ce qui est périphérique à l'intégration professionnelle des jeunes. On l'a dit à quelques reprises, le marché du Québec en matière culturelle et artistique est un petit marché. Posons, au départ, qu'il nous semble que ce marché n'a pas encore atteint son plein potentiel, donc, on va constater qu'il est petit, mais il y a encore place à exploration et à élargissement à ce niveau. Et, dans ce sens là, on rejoint également des préoccupations du rapport Arpin.

Mais il nous semble essentiel aussi de forcer un peu l'imagination pour développer une approche qu'on appelle périphérique à la création et à l'activité artistiques. D'autres intervenants ont parié, avant nous, d'élaborer et d'élargir la présence de la culture et des arts au sein du milieu scolaire au primaire, secondaire, collégial, à différents niveaux. Il nous semble que cette approche devrait être favorisée et devrait permettre une certaine mesure de perfectionnement, une certaine mesure d'expérimentation de la part des jeunes artistes. Donc, il nous semble que, malgré le fait que ces activités s'inséreraient dans une structure éducative et dans un système éducatif, il devrait y avoir une implication importante du ministère des Affaires cul-turelles quant à l'élaboration des programmes et quant au processus même de dispensation de ces cours, de façon à éventuellement pouvoir profiter de ce lieu-là pour peut-être offrir des alterna-tives différentes et intéressantes à des jeunes artistes qui souhaiteraient explorer, comme je le disais un peu plus tôt, ou perfectionner leur technique peut-être par une approche comme

celle-là.

En conclusion ou en rappel peut-être sur ces considérations-là, la diffusion plus large des produits culturels et artistiques est essentielle, particulièrement pour les jeunes artistes, on le mentionne dans notre mémoire. Souvent la difficulté du jeune artiste ne réside pas dans sa capacité de création ou sa capacité de production, son problème majeur vient souvent du fait que ce jeune artiste n'a pas de nom avant lui, n'a pas de réalisation professionnelle reconnue. Il n'a pas non plus encore d'apport significatif au domaine artistique québécois globalement.

Alors, il est très important de s'assurer d'une réelle diffusion plus large et, dans ce sens-là, il devrait y avoir, à notre avis, une attention particulière de portée aux initiatives qui émanent des jeunes eux-mêmes et qui visent à accroître cette diffusion-là. On pense, entre autres - et c'est mentionné dans notre mémoire - à des alternatives du type des activités de créativité: festivals de création jeunesse, festivals Oxyjeunes, des activités de cet ordre-là, qui malheureusement se retrouvent toujours entre 10 et 15 programmes, mais jamais dans un, concrètement, pas plus au niveau du ministère des Affaires culturelles qu'à aucune autre instance gouvernementale. Il nous semble que, si on veut véritablement s'assurer de l'apport d'une relève, on doit mettre sur pied des particularités et des programmes particuliers qui ne demanderont pas à ces jeunes artistes des réalisations, mais qui miseront plutôt sur le potentiel et sur l'investissement que peuvent représenter la créativité nouvelle et l'énergie nouvelle de ces jeunes-là.

En conclusion du commentaire, j'inviterais M. Perreault, en vous rappelant certaines lignes nommément extraites du mémoire soumis.

M. Perreault: Est-ce qu'il faut se surpendre du désintérêt des jeunes à l'égard des produits culturels québécois et à leur engouement envers les produits étrangers? Au moment où on reconnaît qu'il y a une absence de reconnaissance et de soutien propres aux lieux de création et de diffusion jeunesse, également un éparpillement des interlocuteurs, en passant par l'inaccessibilité des programmes offerts aux jeunes artistes, ce qu'on dénote au Conseil, c'est une totale absence dans le rapport Arpin de la relève et des jeunes artistes des considérations gouvernementales jusqu'à ce jour.

Donc, ce qu'on croit qui devrait être adopté comme mesure, c'est que... Le gouvernement québécois, par ses institutions culturelles, doit reconnaître que l'essor de son affirmation culturelle et artistique repose sur sa capacité à soutenir sa relève. Le rapport Arpin doit être enrichi de façon à intégrer explicitement ce volet essentiel à tous les niveaux de ses recommandations. Toute politique culturelle devra essentiellement reconnaître cet apport, sous risque de manquer l'objectif qu'elle s'est donné de déterminer les principales voies que devront emprunter, au cours des 10 prochaines années, ceux qui se consacrent au développement de la culture et à l'action culturelle pour assurer sa pérennité et son développement. Donc, c'était l'essentiel des commentaires que l'on avait à faire sur le rapport Arpin.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Perreault et M. Fleury. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Perreault, et merci pour le mémoire aussi. Il y a une chose, par exemple... À un moment donné on se disait: Souvent dans le rapport Arpin, dans l'ensemble, on parle beaucoup d'éducation et on s'est attardé beaucoup sur le rôle du ministère de l'Éducation et du ministère des Affaires culturelles. Par contre, je regardais chez nous, dans tous nos programmes, il y a une place pour la relève. On donne à peu près 5 000 000 $ par année au niveau de la relève. C'est à part des programmes qui sont donnés à l'industrie du disque, qui a des programmes spécifiques pour la relève, par exemple: l'industrie du spectacle, qui a des programmes pour la relève, jeunes compagnies théâtrales, qui, eux, engagent des jeunes et qui ont des programmes pour la relève.

Il y a quand même des actions, au moment où on se parle, qui sont faites pour encourager la relève. Il y a tout l'autre secteur qui relève - le côté amateur, si vous voulez - du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et qui a aussi un programme spécifique pour encourager l'amateurisme. Est-ce que ça va là? Est-ce que ça devrait aller ailleurs? Ça, c'est autre chose, mais, au moment où on se parle, il y a quand même finalement une considération, si on veut, pour la relève.

Donc, est-ce que vous projetiez - parce que vous l'avez fait surtout en critique du rapport Arpin, si on veut - la non-présence spécifique? En termes de présence, comparativement à ce qu'on fait ailleurs, c'est là. (18 heures)

M. Fleury: Ce qu'on constate - et j'en ai fait mention un peu - c'est qu'il y a une certaine attention qui est accordée du côté du ministère des Affaires culturelles, sauf qu'il y a effectivement tout le statut de jeunes artistes professionnels qui souvent cause problème, comme je le mentionnais. On exige entre deux et sept années de réalisations professionnelles, ce qui fait qu'au sein même de la définition de relève qu'on retrouve au ministère des Affaires culturelles on parle de personnes âgées de 35 ans et moins.

À notre avis, oui, effectivement, des gens qui sont à un début de production, un début de carrière, ont besoin d'un soutien particulier. On l'a mentionné. Effectivement, votre ministère accorde des subventions, et les chiffres le

prouvent, en proportion importante à des gens qui sont âgés de moins de 35 ans. Mais ce qu'on considère, nous, c'est que, s'il y a autant de jeunes qui font des demandes, s'il y a autant de jeunes qui sont subventionnés, c'est que, probablement, le besoin d'un jeune artiste est beaucoup plus fort que le besoin d'un artiste qui est établi.

Dans ce sens-là, vous avez mentionné aussi la question de l'amateurisme versus le professionnalisme. Il a été mentionné un peu plus tôt, par les gens de la Guilde des musiciens et par d'autres intervenants aussi, la ligne ténue qui existe entre le statut de professionnel et le statut ou le besoin, l'impératif de devoir composer avec d'autres occupations pour pouvoir s'assurer une survie toute élémentaire. Alors, le statut d'amateur et le statut de semi-professionnel nous semblent créer une ambiguïté qui est très importante et qui devrait être révisée et étudiée par le ministère des Affaires culturelles, si on veut véritablement atteindre les objectifs qui sont visés, à savoir une réelle préparation et une réelle diffusion de la relève.

Mme Frulla-Hébert: Si on parle de la formation. À un moment donné, votre cinquième recommandation, vous demandez au gouvernement de réviser les enseignememnts et programmes artistiques et culturels offerts aux divers niveaux d'enseignement, qu'ils soient de niveau collégial, universitaire, conservatoires, grandes écoles, pour les adapter au nouveau contexte québécois. Est-ce que vous êtes en mesure de nous expliquer le pourquoi de cette recommandation, parce qu'on parle vraiment de formation, d'intégration au niveau de la formation?

M. Fleury: Oui, c'est ça. Comme il a été mentionné aussi, il y a, d'une part, un effort d'harmonisation entre les dffférents programmes qui, à mon avis, est essentiel puisque, comme il a été mentionné aussi un peu plus tôt, il semble y avoir beaucoup de zones grises et il semble y avoir aussi beaucoup... Comment pourrais-je dire? Un peu chacune des institutions, évidemment, défend son caractère spécifique, sauf que, dans une optique d'usager, dans une optique de futur professionnel qui désire acquérir une formation, cette multiplicité-là crée véritablement des distorsions - et je reprends là des termes qui sont mentionnés dans le rapport - enfin, crée des distorsions qui désavantagent les étudiants au moment du choix.

Donc, dans ce sens-là, effectivement, le gouvernement devrait faire, d'une part, une révision de la carte des enseignements. D'autre part, il devrait faire aussi peut-être un effort certain d'harmonisation entre les programmes et devrait, à notre avis aussi - on pousse un peu plus loin et je rejoins là le commentaire que je faisais plus tôt - insister un peu plus aussi sur tout ce qui est périphérique aux industries et à l'activité culturelle en tant que telles. À notre avis, il y a encore là des champs qui ne sont pas ou peu couverts et qui devraient permettre) justement peut-être de diversifier le réel apport culturel par le biais, entre autres, d'une réforme de l'enseignement à cet égard-là.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi de lieux et équipements culturels. Vous dites que ceux qui sont existants ne sont pas accessibles pour vous. Finalement, avec l'expérience que vous avez, c'est quoi les principaux obstacles? Il y a des salles de spectacle dans les cégeps, par exemple, ou il y a aussi des petites salles, mais il y en a évidemment qui sont trop grandes. J'ai de la difficulté, là, à saisir ce commentaire.

M. Fleury: II y a différents ordres de problèmes à ce niveau-là, si on parle, par exemple, des cégeps. Parlons tout simplement de la disponibilité régionale des équipements. Les cégeps ont une certaine distribution géographique, mais il y a aussi, comme le mentionnait le maire d'Amos un peu plus tôt, je crois, des réalités éloignées ou des réalités régionales qui sont très différentes aussi, qui font que ces locaux-là ne sont pas nécessairement accessibles à des fins purement créatives.

On va requérir du jeune artiste une production, une activité et on va même lui demander jusqu'à une certaine rentabilité aussi que le jeune n'est peut-être pas en mesure, à l'étape où il en est, d'assumer.

C'est également le problème auprès des salles commerciales si on parle d'un milieu urbain ou urbanisé. C'est que, effectivement, dans la mesure où ces locaux-là sont soumis aux lois du marché, les jeunes qui désirent se produire là doivent se soumettre à des activités, des activités culturelles, mais dans une optique de rentabilisation, et ont peu d'espace de création en tant que tel pour prévoir toutes les étapes préalables.

Dans ce sens-là, j'ai pris des notes importantes concernant l'École nationale de théâtre qui mentionnait qu'elle avait comme préoccupation de rendre accessibles ses locaux aussi bien pour de la création, de la production que la diffusion en tant que telle d'activités culturelles. Je trouvais cette expérience-là très intéressante et j'étais malheureusement surpris de constater que ça semblait être un cas unique auprès des différentes Instances culturelles ou des différentes structures et équipements culturels du Québec.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, on me dit: II y a 60 centres, au niveau des arts visuels d'artistes intégrés, qui regroupent aussi surtout des jeunes. Est-ce que ces centres d'artistes intégrés, par exemple, est-ce que ça satisfait... Ce fonctionnement-là, si on veut, est-ce que ça satisfait la demande?

M. Fleury: Effectivement, ces centres-là ont une approche qui est très intéressante dans la mesure où les jeunes peuvent s'y insérer et c'est toujours le problème, et c'est une partie aussi...

Mme Frulla-Hébert: Mais c'est géré par des jeunes. C'est des jeunes pour des jeunes et géré par des jeunes.

M. Fleury: Oui, c'est ça. Si on parle de ces centres-là en particulier, il y a effectivement des initiatives qui sont très intéressantes, sauf que c'est l'accessibilité à ces locaux-là aussi qui fait problème dans bien des cas.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. M. Perreault, M. Fleury, bienvenue et félicitations pour être toujours présents à tous les débats pour représenter les jeunes. Je dois dire, que ce soit en commission ou que ce soit dans tous les débats dans la société, à tous les niveaux, vous êtes très présents. Je vais vous féliciter et vous souhaiter bonne chance pour le forum Jeunes et Société en fin de semaine. Je dois dire: Si vous êtes ici, vous êtes très justifiés de l'être, puisqu'il va même y avoir un atelier sur la culture et les valeurs des jeunes. Donc, on se rend compte que non seulement vous connaissez bien votre milieu, mais que vous avez étudié le sujet et vous allez l'approfondir en fin de semaine. On va s'y voir, mais je vous souhaite d'avance bonne chance.

Vous êtes très préoccupés et avec raison de la place des jeunes dans la culture comme vous l'êtes de la place des jeunes dans la société. Quand on a lu le document... La couleur des jeunes... La couleur de la jeunesse, noir sur blanc, on se rend compte qu'il y a des préoccupations qui sont justement de faire une place aux jeunes, mais faire surtout une place aux jeunes dans l'emploi. C'a toujours été la place principale parce que si on veut que les jeunes puissent participer à toutes les activités, que ce soit culturelles ou autres, il faut leur donner la chance de travailler dans ce milieu-là comme dans les autres.

Vous avez des préoccupations. Vous avez un texte qui est court, mais a l'image des jeunes, clair et précis. Vous savez où vous allez. On ne tourne pas autour du pot. On va exactement sur les points qui nous concernent et vous allez sur l'éducation, la place des jeunes, les débouchés, le soutien à la créativité, à la création. Donc, finalement, vous touchez à l'ensemble d'une façon très concise.

Quand vous touchez à la formation et à l'éducation - et ça, c'est normal qu'on y tou- che - c'est la base même. Comme vous avez déposé, il y a quelques mois, un document sur la formation professionnelle, vous savez aussi là-dedans de quoi il en retourne. Il va falloir se la poser, la question, comment, dans les écoles, on fait en sorte que la culture, ce soit une préoccupation, que ça devienne aussi un intérêt, un espoir, une façon de vivre. Il y a des places où c'est un ministère de l'éducation et des arts, de façon à ce que ça soit tout à fait intégré.

Moi, j'ai hâte au jour où dans les institutions, pas dans toutes, évidemment, mais dans les institutions où on enseigne l'art, la musique, tout ce qui touche à la culture avec un grand c, on ait des troupes de théâtre et on ait des orchestres. Ce n'est pas normal que dans nos grandes écoles on ait tous une équipe de football et une équipe de hockey, mais que, si on enseigne les choses culturelles, on n'ait pas en même temps des troupes. Il y a disproportion et, là, il y a absence d'intérêt, même s'il y a enseignement. On enseigne parce que c'est dans un programme reconnu, mais on n'a pas l'intérêt. D'après vous, comment on peut faire - M. Fleury l'a expliqué en partie tantôt; j'aimerais ça qu'on aille plus loin - comment on peut faire pour que dans les écoles, et pas seulement à la fin dans les grandes écoles, où on doit avoir une préoccupation de l'enseignement des arts, de la culture et de la musique pour en faire des professionnels, mais faire en sorte que la culture devienne un intérêt aussi important que l'économie et le social, comme on le dit dans le rapport, dès le primaire et le secondaire? Vous avez parlé tantôt d'utiliser la relève, d'utiliser nos artistes. Comment de façon tangible peut-on faire ça pour qu'à l'école ça devienne une obsession et une façon de vivre?

M. Perreault: Je peux donner un élément de réponse, Serge pourra compléter si je n'ai pas fait le tour de la question. L'image que la culture a dans les écoles est probablement... L'école, c'est une microsociété, finalement. Donc, ce qui se reproduit dans l'école est probablement à l'image de ce qui se reproduit dans la société. Ça fait longtemps qu'on parle de culture. Maintenant, on dit qu'on va donner une politique culturelle. C'est un message clair qu'on veut donner priorité à la culture. Donc, probablement que l'impact d'un exercice comme celui-ci, ça peut créer un certain intérêt dans la population et, par conséquent, créer des retombées dans les écoles.

Il y a des façons concrètes d'intéresser les jeunes à la culture et ce n'est pas de faire une... L'intérêt que les jeunes auront dans la culture est directement proportionnel à l'intérêt que ceux qui vont enseigner vont lui donner et à l'intérêt que le système d'éducation va apporter à cette dimension-là. Donc, si on fait une heure par semaine de culture et qu'on dit: Bon, c'est du bricolage, c'est des arts plastiques et que ça

semble être vraiment parallèle et plutôt comme une récréation, probablement que l'intérêt du jeune à la culture sera d'autant moins important.

Si on accorde une place aussi importante à la culture qu'à l'économie et au social dans les discours et dans les intentions politiques, ça devrait se traduire dans les écoles. Il y a différentes façons de le faire. C'est d'initier dès le primaire les jeunes au théâtre par des ateliers, d'initier des jeunes à des lectures qui vont les intéresser à la culture ou par des textes qui vont les intéresser. Donc, il y a différentes façons de le faire. On serait peut-être plus en mesure de connaître les motivations et la façon de rejoindre les jeunes dans trois mois, une fois qu'on aura fait le tour des colloques régionaux qui se sont tenus dans le cadre du plan d'action Pagé. On a l'intention d'être associés de près à ce processus-là et on pourrait insérer, à l'intérieur de notre consultation, des éléments qui nous permettent de voir comment on pourrait améliorer la place de la culture dans les écoles. À ce moment-là, on pourrait vous répondre comment vraiment améliorer la culture dans les écoles.

M. Fleury: Peut-être un petit complément d'information là-dessus. Ce qu'il est important de comprendre et ce qu'il est important de bien avoir en tête, c'est qu'il faut rapprocher la culture du quotidien. La culture a été longtemps une culture qui avait une approche très élitiste. Maintenant, si on veut affirmer une identité culturelle, on doit s'assurer que cette culture-là colle vraiment à la peau des gens, au quotidien. Ça peut être aussi simple que d'avoir une approche tout à fait différente quand vient le moment de nommer un coin de rue, une place publique ou un parc public. Combien de villages du Québec s'appellent Saint ou Sainte quelque chose, alors qu'on ne sait même pas qu'est-ce que ces saints-là ont fait. Si on reprenait un peu notre histoire nationale et qu'on nommait ces places publiques là, ces rues-là, ces parcs-là, ces villages-là du nom de personnes significatives ici, on risquerait de créer un réflexe de curiosité, d'intérêt à notre histoire, à notre culture, à notre identité.

A partir de détails comme ceux-là et si, par exemple, dans le domaine scolaire, on met au programme des écrits ou des productions qui sont d'abord québécoises, évidemment, on crée un réflexe qui est d'abord lié à l'identité et à l'activité culturelle québécoises. On parlait un peu plus tôt... Le maire d'Amos mentionnait que chez lui, chaque année, chacune des classes du primaire ou du secondaire va passer une semaine à la bibliothèque municipale. C'est des éléments très concrets qui ne sont pas difficiles à organiser et qui rapprochent la vie quotidienne de l'équipement qui est disponible sur place. Pas besoin de chercher des solutions au bout de la rue. Je pense que les solutions sont même plus près que ça. Elles sont à côté de nous dans la mesure où on a comme préoccupation de les rendre vraiment concrètes et surtout collées à la réalité. (18 h 15)

M. Paré: Merci. Une autre question et on en a parié presque avec tous les groupes depuis le début. Le rapport Arpin dit que la culture doit avoir une place aussi importante que le secteur social et économique. À mon avis, il y a une contradiction flagrante avec une chose qu'on retrouve à l'intérieur de ces suggestions, c'est de cesser le saupoudrage. Comment on peut en même temps dire que ça doit être quelque chose de majeur, dire qu'il y a moins d'argent, mais au lieu de demander qu'on investisse davantage. Le maire de Québec le disait, ce matin, ce n'est pas une dépense, c'est un Investissement. On n'a pas atteint le 1 %. Donc, au lieu de dire: II faut investir plus parce que, effectivement, ça prend des grandes institutions qui produisent et qui ont les moyens de produire, mais au lieu de dire: On va aller chercher plus d'argent, ils semblent vouloir amener le débat, soit les grands centres contre les régions, soit les grandes associations contre les petits groupes. Diviser pour mieux régner.

Donc, au lieu de donner plus d'argent et que le rapport dise: II faut exiger du gouvernement plus d'argent, à la place, cessons le saupoudrage, donc enlevons un fonds à quelques uns pour donner aux autres, moi, je trouve ça inquiétant. Je regarde dans les mémoires de groupes régionaux. On dit: La rationalisation du financement public semble donc s'appliquer uniquement aux petites organisations. Le mot "saupoudrage" désigne plutôt ces subventions minimales indispensables. Si on les coupe, effectivement, ça veut dire la disparition de groupes.

En même temps, bon, on le disait tantôt, d'autres groupes avant disaient que ça va tuer les initiatives et les expérimentations. Il va falloir se poser la question. Et moi, je vous la retourne en vous disant: Vous n'avez pas l'impression, comme dans bien d'autres domaines, d'autres secteurs, dès qu'on amène des compressions, dès qu'on amène des coupures, dès qu'il y a des groupes qui sont victimes, c'est toujours des groupes ou moins forts, ou naissants, ou en région. Très souvent, les premières victimes, ce seront encore les jeunes probablement.

M. Fleury: Effectivement, c'est le commentaire sur lequel j'allais débuter. Il semble que c'est le lot de la jeunesse que d'être toujours le dernier rentré et le premier sorti. Malheureusement, si on veut postuler une politique culturelle qui vise le développement, dans les dix prochai nés années, de la culture et des arts du Québec, on se devra de miser sur cette relève. Il y a un danger, je crois, à rationaliser à outrance. Parce que, effectivement, le poids des chiffres nous dira que les gens sont en régression démographi-

que. Les jeunes décrochent plus souvent qu'auparavant. Les jeunes sont moins présents sur le marché du travail, donc, les jeunes devraient être moins soutenus, alors que, dans les faits, il faut absolument voir que le dynamisme culturel et artistique d'une nation va toujours reposer de façon importante sur sa relève et sur les nouveaux arrivants dans ce champ d'intervention.

Ceci étant dit, si on reprend le point du saupoudrage ministériel, effectivement, je crois qu'il y a une réflexion à avoir quant à la dispensation et la distribution des subventions. Par contre - et c'est un peu ce qui nous accrochait les oreilles à la lecture du rapport Arpin - c'est qu'il nous semblait que certains milieux bien établis espéraient beaucoup que la rationalisation se fasse en leur faveur ou, à tout le moins, qu'elle se fasse sans les pénaliser. Évidemment, ce ne sont pas les jeunes qui sont présents dans ces organisations-là. Alors, nous, ça nous inquiète beaucoup. Par contre, on comprend qu'il doit y avoir une certaine rationalisation et c'est un peu pour ça aussi que l'essentiel de notre mémoire axait les recommandations sur le soutien à des lieux de création et à des lieux de diffusion.

Si on veut éviter le saupoudrage, il faut peut-être rationaliser la subvention individualisée pour plutôt la transformer en équipement collectif qui sera accessible à une population beaucoup large et qui sera donc rentable, entre guillemets, de façon beaucoup plus élargie, beaucoup plus importante, puisqu'un plus grand nombre de personnes pourront avoir accès à ces mêmes équipements. Donc, pour un même montant investi, plusieurs personnes en bénéficieront et pas uniquement les créateurs, mais également le public.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la députée de Chicoutimi m'a demandé la parole. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter, parce que j'ai participé à plusieurs commissions parlementaires et je suis toujours heureuse de retrouver le Conseil permanent de la jeunesse. C'est parmi les seuls conseils consultatifs qui ont le courage - et Dieu sait qu'ils n'ont pas plus de budget que les autres; je sais qu'ils en ont même moins - le courage de venir en commission parlementaire régulièrement et de dire aux adultes ce qu'ils en pensent et de façon généralement bien sentie. Alors, je suis toujours impressionnée et je vois que vous continuez la tradition, et je vous en félicite.

J'ai comme vous constaté avec regret - parce qu'on avait participé à une autre commission parlementaire sur le statut de l'artiste où on avait parlé beaucoup de la relève et de l'importance de soutenir la relève... À la lecture du rapport Arpin, je suis obligée de constater qu'une fois qu'ils ont dit que le ministère prête une attention particulière à la relève, c'est tout ce qu'on trouve là-dedans. Je n'en revenais pas. C'est à la page 60. Je me disais: Comment est-ce qu'on va se construire, comment est-ce qu'on va construire et maintenir le développement de la culture si on ne soutient pas la relève?

Moi, il y a là-dedans quelque chose qui sent le corporatisme. On renforce les institutions, on les patente, on les organise; elles sont à Québec et Montréal. Les jeunes ne sont pas dedans et les régions non plus. C'est la première fois que je le dis, mais j'étais déçue parce que je connais la composition du comité, du groupe de travail.

Je reviens un peu sur une remarque de la ministre tout à l'heure qui m'attriste un peu. Elle a dit à un autre groupe qui a précédé, concernant le statut des amateurs, et elle dit: relève du MLCP. Vous savez, je trouve ça... C'est quasiment inacceptable. À sa face même, là, ça ne se soutient pas longtemps. "La fabuleuse histoire d'un royaume", qui n'a pas droit à vos subventions, qui relève du MLCP, est à peu près à une centaine de représentations à Quatre Saisons, des dizaines de milliers de spectateurs. Mais ce sont des amateurs. Ils ont toujours quelques professionnels. Celui qui monte le spectacle a, à mon avis, un statut professionnel; il n'est pas financé. Alors, je pense qu'il y a à cet égard des choses à revoir sûrement.

En ce qui concerne l'enseignement des arts, le problème, quand on a introduit ça dans nos écoles, c'était conçu comme une mode et non pas une action fondée sur une analyse rigoureuse des effets et de la nécessité d'enseigner les arts dans les écoles. Ce qui fait que cette mode-là a été remplacée par la mode des sciences. Puis, là, on n'est pas plus rationnel lorsqu'on préconise l'enseignement des sciences. Vous allez nous voir faire un autre virage en U de la même façon. J'espère qu'un jour on va arrêter ce genre d'espèce de mode où on est comme des queues de veau. On s'en va dans la direction où la mode nous amène sans autre réflexion. Un jour, j'espère qu'on va avoir assez de stabilité, surtout par rapport au réseau scolaire.

L'évaluation des initiatives des jeunes et des jeunes créateurs est faite, et c'est normal, mais en même temps ça a un travers. Elle est faite par les aînés qui ont déjà leur propre conception de ce qui est artistique ou "dans le vent", ce qui fait que... En même temps, quand ils évaluent ces productions-là, ils les évaluent aussi comme de futurs compétiteurs. Il ne faut jamais négliger ça.

Alors, moi, je me dis: Avez-vous réfléchi à ce qui serait une modalité, une façon de faire, lorsqu'on parlera de soutien à la relève, qui permette une évaluation... Évaluation qui ne donne pas toutes les garanties, car il ne faudra pas demander aux jeunes créateurs et novateurs de nous donner plus de garanties quant aux

résultats de leur création qu'on en demande dans les entreprises lorsqu'on finance de la recherche dite scientifique ou de la recherche et développement. Parce qu'on sait que, dans le recherche, il y a de l'aléatoire et on n'est pas... Si on était assuré des résultats, c'est qu'on aurait déjà fini la recherche.

Alors, comment est-ce qu'on pourrait structurer l'examen de ces projets-là de manière, en même temps, à investir dans les meilleurs - on veut toujours investir dans les meilleurs - mais, en même temps, de le faire avec la plus grande ouverture d'esprit? Bien, ça, je n'ai de garantie nulle pan".

Le Président (M. Doyon): Alors, brève réponse, compte tenu du temps qui s'enfuit.

M. Fleury: Oui. Je dirais tout simplement que la personne qui trouvera la réponse à cette question-là méritera certainement un bon prix. Je crois, par contre, qu'une des façons possibles d'envisager peut-être une évaluation qui tienne plus compte des réelles capacités se situera vraiment dans la mesure où, effectivement, il y aura une plus grande implication et une plus grande présence du milieu et des régions à ces instances d'évaluation.

On a parlé un peu plus tôt de régionalisation de budgets ou de pratiques administratives. Il me semble que, effectivement, si on veut sortir d'une optique de compétition par discipline, on devra plutôt se fier aux spécificités d'une région ou d'un milieu et, donc, au potentiel de développement et de création dans une discipline donnée de ce propre milieu. Ce n'est pas la panacée universelle, par contre, je pense que ça pourrait amener des jalons intéressants. Certainement que si la recommandation un de notre mémoire est acceptée, à savoir l'évaluation de la situation de la relève, si cette évaluation-là est faite, on pourra certainement dégager aussi les principaux obstacles et les principaux ferments d'avenir à travers ce diagnostic. Certainement, on sera plus en mesure, à ce moment-là, d'arriver avec des propositions et des approches qui seraient plus appropriées à la réalité de la jeune relève.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Fleury. Un mot de remerciement, peut-être, M. le député.

M. Paré: Bien oui. Merci, et, comme disait ma collègue, c'est vrai qu'on vous voit à toutes les commissions et même en dehors, comme je le disais, sur tous les sujets qui sont d'actualité. J'ai l'impression que les jeunes sont entre bonnes mains. Bonne chance.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, nous aussi, de notre côté, effectivement, je pense que c'est important. Vous savez, tantôt, quand on parlait... Par exemple, on avait une tendance à couper les budgets. Je peux vous rassurer là-dessus: au niveau de la relève aux Affaires culturelles, il y a un engagement du premier ministre qui a été pris face à la relève. Si on a à couper, on n'a pas le droit dans nos budgets de couper dans la relève pour l'instant.

Deuxièmement, bon point à noter. Au niveau du rapport Arpin, il faut quand même dire aussi que le groupe a fait... J'ai demandé d'être diligent et de ne pas... qu'on était, de toute façon, pour explorer certaines choses. Donc, ils ont quand même travaillé relativement très fort et aussi rapidement, mais bon point, effectivement, extrêmement important aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci à M. Fleury ainsi qu'à M Perreault. Alors, au revoir. Nous allons donc ajourner nos travaux jusqu'à 20 heures pour nous permettre d'aller nous restaurer. Ajournement.

(Suspension de la séance à 18 h 26)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez maintenant prendre place à vos sièges, car la commission de la culture va reprendre ses travaux. Je vous rappellerai brièvement notre mandat qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts au Québec, bien entendu.

Ceci étant dit, j'appellerai sans plus tarder le Regroupement des artistes de jazz du Québec et, si j'en crois les renseignements que nous avons eus comme communication, c'est Mme Carmelle Pilon, présidente, M. Normand Tamaro, conseiller juridique, et M. Luc Bourgeois, administrateur. Est-ce que c'est exact?

Mme Pilon (Carmelle): C'est exact.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que je dois comprendre que c'est Mme Pilon qui va faire la présentation?

Mme Pilon: C'est exact.

Le Président (M. Gobé): Alors, Mme Pilon, vous avez maintenant la parole.

Regroupement des artistes de jazz du Québec

Mme Pilon: Je vous remercie. Tout d'abord, on voudrait vous remercier de nous avoir invités à discuter avec vous sur la politique culturelle Ici, c'est M. Luc Bourgeois et M. Tamaro qui sont avec moi ce soir.

Le Regroupement des artistes de jazz du Québec, ça ne doit pas vous dire grand-chose. Ça a été fondé le 7 février dernier, mais c'est une idée qui a germé, en fait, l'année dernière, à force de consultations auprès des musiciens de ]azz du Québec. On avait fixé trois objectifs qui étaient de former le Regroupement des artistes de jrzz et de faire du recrutement de membres auprès des musiciens de jazz uniquement, de faire un répertoire qui aurait pour but de répertorier l'ensemble de ses artistes membres ainsi que les diffuseurs qui ont un intérêt à faire du jazz, que ce soit du Québec, du Canada ou de l'étranger, et des producteurs qui sont les maisons de disques, les agents de spectacles, etc. Notre troisième objectif était la création d'un centre de diffusion, de formation et de création qui appartiendrait au Regroupement des artistes de jazz du Québec et qui, finalement, servirait d'outil de promotion pour les artistes du Grand Montréal. On s'est rendu compte qu'on devait passer par d'autres petites choses pour réaliser ça. Alors, on a fait faire une étude de marché qui devrait être disponible le 30 novembre, par la firme Culture inc.

On a eu la chance d'entendre Mme Frechette, de la Guilde des musiciens, cet après-midi, et nos peurs rejoignent un peu les siennes quand elle parle de petits organismes et de subventions aux artistes et tout ça. Sur ce, je pense que je vais vous raconter une petite anecdote de l'année dernière qui va vous donner un bon aperçu de comment c'est quand on part un petit organisme. En fait, j'ai décidé de partir le petit organisme et j'ai demandé une subvention au ministère des Affaires culturelles, au Conseil des arts du Canada et un peu partout. En fait, ma demande a été déposée au ministère des Affaires culturelles à Montréal et au bureau de la ministre. Mme la ministre a bien fait son travail parce qu'elle l'a acheminée à Québec, mais à Québec ils n'ont jamais reçu ma demande. Alors, ils m'ont téléphoné et ils m'ont dit: Écoutez bien, ma petite madame Pilon, le jazz, il est subventionné par le Festival de jazz. Les associations sont subventionnées. On subventionne l'ADISQ et autres et autres, et les autres compagnies de production de disques; on subventionne un tel, un tel et un tel.

Je connais un peu les gens de ces conseils d'administration là. Je trouve qu'ils se ressemblent pas mal. Ma demande a été oubliée complètement, complètement, complètement. On m'a dit: Non, mais où vous êtes allée chercher ça, cette idée-là de faire un regroupement d'artistes de jazz? Non, mais d'où vous sortez? On me demandait qui j'étais, qu'est-ce que j'avais fait pour savoir si... En fait, on est bénévole, on veut faire une activité culturelle pour le jazz et c'est comme si c'était de trop. Personne ne s'est occupé un peu de notre situation. Alors, depuis, on s'est pris en main et on est rendus Ici. C'était juste une petite anecdote pour vous démontrer que, quelquefois, quand on est un petit organisme qui veut partir, on a beaucoup de difficultés. Alors, maintenant, je vais céder la parole à M. Luc Bourgeois.

M. Bourgeois (Luc): Merci. En tant que musicien, ma perspective dans tout ça, c'est une perspective de responsabilité envers la culture ou de tenter de s'assurer qu'elle soit toujours là. Alors, je vais tout simplement citer et peut-être rajouter quelques commentaires d'extraits de notre mémoire.

Puisqu'une nouvelle génération commence à prendre place dans la musique de jazz au Québec, nous ne croyons pas devoir retourner à la façon de fonctionner d'avant, c'est-à-dire qu'avant le jazz obtenait ses équipements culturels dans des boîtes de nuit, c'est-à-dire un piano, une batterie et une sonorisation minime. Les temps ont changé. Maintenant, le jazz est effectivement subventionné et nos besoins sont différents, urgents, et les musiciens, on en est de plus en plus conscients que les prérequis artistiques et gestionnels sont de plus en plus élevés.

Par rapport à la scène - je reviendrai à ce point-là - on est d'accord avec la scène internationale, particulièrement, on est d'accord avec le rapport Arpin concernant la suggestion d'augmenter la représentation d'agents culturels à l'étranger, mais, puisqu'il s'agira pour eux de vendre des artistes d'ici, comment choisiront-ils ceux qu'ils veulent pousser à l'étranger? Est-ce que ça va être selon les investissements garantis de compagnies de disques? Est-ce que ça va être selon une stratégie de marketing qui a rapport à plusieurs intervenants? En fait, la question que je me pose, c'est à quel point ça va être relié au milieu artistique, au milieu culturel d'où la musique elle-même est issue.

Pour parler brièvement d'éducation, ça fait un peu bizarre de parler d'institutionnalisation de l'éducation dans le milieu du jazz parce que c'est une musique, si on connaît un peu son histoire, qui a été essentiellement enseignée de bouche à oreille, une tradition orale. Alors, je trouve qu'il est essentiel que les institutions qui diffusent et enseignent le jazz puissent transmettre non seulement la tradition, mais avoir le moyen, le désir de communiquer le sens vivant de la continuité et le sentiment de la responsabilité artistique devant l'avenir. Je crois que ça, ce n'est pas possible simplement en donnant ou en mandatant les institutions comme des universités ou des cégeps à enseigner le jazz. Il est évident qu'il n'y a aucune école qui a réussi à former entièrement un musicien de jazz. Le jazz est relié à son milieu qui est tout à fait moins institutionnalisé que les écoles et, dans cette perspective-là, je crois qu'il faudrait continuer et peut-être élargir les sommes d'argent disponibles à l'évolution du jazz dans le milieu même.

Je voudrais aussi parler du fait qu'on n'a pas d'endroit en tant que tel où on puisse travailler, élaborer et perfectionner un art. Tous ceux qui réussissent à le faire le font avec beaucoup de difficulté. On n'a pas, par exemple, accès aux équipements culturels qui sont effectivement existants. Dans ce sens-là, on est d'accord avec la proposition du rapport Arpin de faire l'Inventaire des équipements culturels du territoire québécois. Mais on voudrait aussi qu'ils soient rendus plus accessibles. C'est-à-dire, il y a plein de pianos, des pianos à queue, des locaux, que ce soit des salles d'école ou des maisons de la culture qui sont fermées pendant plusieurs heures, et on aimerait bien pouvoir peut-être avoir accès à ces équipements-là pour aller répéter, pour aller pratiquer, pour aller, finalement, améliorer ce qu'on fait.

On est un peu méfiants face aux gros organismes culturels. Je pense, entre autres, au Festival de jazz qui est reconnu et félicité par le gouvernement, encouragé et subventionné aussi. En tant que participant depuis plusieurs années au Festival de jazz et en tant que quelqu'un qui est en contact avec le milieu des artistes, on voit qu'il y a là - comment je pourrais dire - une certaine incohérence entre le Festival, qui est amplement subventionné, qui est un événement choc, à grand déploiement - et c'est tant mieux - et la situation dans laquelle les artistes de jazz se retrouvent quotidiennement.

D'un côté, le MAC sème un terrain très propice à la culture du jazz, en supportant la création d'un des événements de jazz majeurs de la planète et, de l'autre côté, les artistes d'Ici, on est sans toit ni loi. Alors, on trouve que le Festival de jazz et que les organismes qui le subventionnent ne sont pas vraiment en contact avec le milieu, pour des raisons x, y ou z, et on a vu les conditions dans lesquelles on travaille se détériorer tandis que le Festival grossit.

Tout ce que je veux dire par rapport à ça, c'est que si le Festival, l'entreprise culturelle et le festival culturel, qui sont des promoteurs, veut utiliser le jazz et en faire une grande fête, on est tout à fait d'accord, mais le ministère qui subventionne le Festival devrait veiller à une certaine responsabilité face à cette forme d'art. Comment je pourrais dire ça? Il ne faut pas juste que ça soit un événement choc. Il faut que les musiciens, les artistes qui y travaillent puissent vraiment et profondément améliorer ce qu'ils font, avoir les outils pour continuer et qu'il y ait un suivi, un effort soutenu.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que cela met fin à votre présentation pour l'instant? On commence les discussions avec Mme la ministre?

M. Tamaro (Normand): J'aurais peut-être un commentaire qui est d'ordre juridique.

Le Président (M. Gobé): Je vous en prie.

M. Tamaro: Le rapport Arpin, personnellement en tout cas - et l'avis est soutenu par le Regroupement - me semble énoncer une abdication complète des compétences constitutionnelles législatives québécoises. On dit: Le fédéral doit insérer dans sa Loi sur le droit d'auteur les droits voisins. À ma connaissance, les droits voisins ne sont pas des droits d'auteur Les droits voisins ne sont pas une compétence constitutionnelle exclusive fédérale. Je trouve assez bizarre, dans un rapport où on a dos prétentions au rapatriement de compétences, de trouver énoncées, à côté, des phrases qui suggèrent de donner des compétences législatives qui appartiennent au Québec, de les donner, de les prêter au fédéral.

On a l'impression, à lire le rapport, que les subventions viennent du Québec, que le salaire des créateurs vient du fédéral. Le salaire du créateur, c'est le droit d'auteur, ce sont les droits voisins. Le Québec a énormément de compétences dans le domaine des droits voisins; on n'en fera pas une liste. Il y a, dans le rapport, énumérée la question de l'assurance-chômage des artistes. L'assurance-chômage a déjà été donnée au fédéral pour les travailleurs qu'on connaît L'assurance-chômage pourrait exister de par la simple autorité du Québec en matière de travail leurs culturels pour les travailleurs culturels.

La liste pourrait être longue. On suggère des droits de copies privées énoncés par le législateur fédéral. Il y en a déjà eu au Québec, copies privées sur bandes vidéo. La mesure a été retirée pour soulager les payeurs de taxes. L'argent n'a jamais été redistribué. Maintenant, on dit: Le fédéral devrait prévoir une taxe sur un droit de copies privées. Mol, ce que je dis, c'est: Bravo si le fédéral le fait, encore mieux si le Québec le fait et encore mieux si le Québec réinstaure la taxe qui a déjà été prélevée, qui n'a jamais été redistribuée et qui devrait, cette fois, être redistribuée aux créateurs.

Pourquoi parler de droits d'auteur et de droits voisins? Parce qu'on parle de salaires. C'est toute la différence du monde entre le terme "salaire" et le terme "subvention". Un salaire, en principe, est un acquis dans notre société. Une subvention, ça se quémande. Tant que les créateurs n'auront pas de salaire, ils devront toujours s'agenouiller devant certains arbitres de l'art pour recevoir une subvention. Quand on ne s'agenouillera pas, ce qu'on devra faire, c'est, comme c'a été souligné plus tôt en après-midi, on devra s'organiser pour rentrer dans le programme de subvention même si, en principe, on ne cadre pas à l'intérieur. C'est ça, la subvention, et c'est toute la différence du monde avec le salaire. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Me Tamaro. Je vais donc maintenant passer la parole à Mme

la ministre de la culture pour une dizaine de minutes. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci d'être ici. Une voix:...

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'il y a des musiciens dans cette salle?

Mme Frulla-Hébert: D'ailleurs, je dois vous dire que votre rapport en soi était fort intéressant sur tout ce qui concerne non seulement la condition, mais aussi l'historique au niveau du jazz. Je vais revenir quand même aux droits d'auteur et aux droits voisins. Le rapport Arpin, à l'esprit des auteurs qu'on a reçus, disait, d'une part, dans le contexte actuel - après ça, il y a eu certaines recommandations... Il faut quand même vous dire que dans le contexte actuel, si on reste comme ça, les droits d'auteur et droits voisins au niveau législatif, c'est le fédéral. Si le contrat se change, alors, à ce moment-là, c'est différent. Mais au moment où on se parle, de façon législative, droits d'auteur et droits voisins relèvent du fédéral. On est là, nous, pour s'assurer que nos auteurs québécois soient bien représentés, mais toute cette partie-là des législations relève du fédéral.

Ceci dit, effectivement, quand vous parlez de nouveaux organismes, c'est sûr que les organismes, il y en a beaucoup qui cognent à nos portes et il faut finalement voir à ce que oui, quelque part, d'un côté, ce soit encouragé, mais, de l'autre, il y a un certain cheminement à faire.

C'est sûr que, si c'était automatique, ce serait peut-être plus agréable, mais, d'un autre côté, on parlait tantôt... on a beaucoup parlé de saupoudrage. Il y a des groupes qui nous disent: Arrêtez. D'autres nous disent: II faut continuer. C'est un débat. Le débat est ouvert, il est ici, mais il faut le vider, ce débat-là, parce qu'on a autant de pressions pour nous dire d'arrêter que d'autres pour nous dire de continuer.

Mme Pilon: Mais l'unique regroupement des artistes de jazz du Québec... Et quand on voit que ça ne se fait pas, en fait, quand j'ai eu cette réponse-là, je n'ai pas arrêté comme ça. Je ne sais pas si vous savez, mais j'ai réuni tous les gens qui sont musiciens de jazz connus: Alain Caron, Lorraine Desmarais et tout ça. Je leur ai demandé de me faire une lettre d'appui et je l'ai "faxée" à Québec. Il y en avait 25 comme ça. Au bout du fax, ils devaient être tannés d'en avoir des lettres d'appui. Ça n'a jamais rien changé. En fait, on était assez solide pour pouvoir avoir...

Ce que ça a donné actuellement, c'est que le ministère des Affaires culturelles ne nous a pas donné un sou, mais on a réussi à avoir de l'argent dans le cadre du Conseil des arts, on va en avoir avec l'Office des tournées et on fait une étude de marché avec la ville de Montréal.

Alors, à un moment donné, on se dit: C'est quoi qui se passe? Pourquoi il faut autant de preuves de ça? Pourquoi est-ce que je dépends d'une personne, une personne qui va décider ça au bout parce que, sinon, je ne peux pas aller parlementer avec d'autres? D'ailleurs, la personne, au bout, m'a dit: Quand vos demandes vont rentrer par la porte d'en arrière, oubliez ça, ce qui veut dire que c'est par votre porte, ça. C'est ça que je me fais dire. Alors, quand moi, je me sens dépendante, quand je sens que les artistes, on essaie de se regrouper ensemble, de former des associations et qu'on est dépendants d'un fonctionnaire qui va dire non... Il n'avait même pas lu ma demande de subvention; il ne l'a même pas passée en comité.

Alors, qu'on soit un nouvel organisme, oui, je veux bien et qu'on ait fait nos preuves, oui, je veux bien, puis qu'on montre qu'on est beau, gentil et intelligent et qu'on ne va pas dépenser l'argent à faire des "pow-wow", oui, très bien, mais, quand on fait nos preuves, quand on est avec des gens reconnus et que notre conseil d'administration est étoffé, je me pose des questions. Quand on dit, dans le rapport Arpin, qu'on va peut-être donner à des plus gros qui savent très bien gérer leurs affaires et rendre un produit commercial, je me demande: C'est quoi le commerce? Est-ce que c'est de la culture ou un commerce qu'on fait uniquement?

Mme Frulla-Hébert: Écoutez, là, au niveau des organismes, bon, il y a un cas, il y a des fois où on répond plus vite et d'autres répondent plus lentement. Ça arrive. Bon, c'est arrivé dans votre cas. Dire que les subventions partent directement, non, là, je m'excuse. La plupart de l'aide se fait par jury en général, jury au niveau des individus, jury au niveau des organismes subventionnés, et ça ne passe pas directement.

Mme Pilon: Mais vous savez que le Québec est une petite famille et que dans la culture on se connaît tous.

Mme Frulla-Hébert: C'est très vrai.

Mme Pilon: On tisse beaucoup de liens d'amitié et...

Mme Frulla-Hébert: Mais c'est parce que c'est la même chose. À ce moment-là, ce que vous dites, c'est: On a beaucoup parlé au niveau du Conseil des arts aussi. Le monde culturel est une petite famille en général. Alors, c'est la même chose. On essaie le plus possible d'éviter la subjectivité et d'éviter spécialement aussi le dirigisme...

Mme Pilon: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...mais à quelque part,

si les pairs... Là, on essaie le mieux que l'on peut, sans dire que le système est totalement infaillible, on essaie, en fait, de le rendre le plus neutre possible.

Ceci dit, moi, je veux revenir à votre remarque. Vous dites les grands événements, vous encouragez les grands événements. La proportion, maintenant, au Festival de jazz, nos subventions, c'est 6 % du budget total parce que, évidemment, l'événement grossit, grossit. Ces événements-là...

Vous avez mentionné tantôt: Oui, c'est la grande fête, mais il ne semble pas pour vous y avoir les retombées souhaitées, c'est-à-dire pas le suivi parce qu'il y a les Nuits bleues à Québec, il y a le Festival de jazz à Rimouski, mais parlez-moi donc un peu du Festival de jazz. Si on s'aperçoit... "Juste pour rire", par exemple... Il y a l'école "Juste pour rire", etc. Bon, c'est une façon aussi, là. Mais je veux juste que vous élaboriez un peu là-dessus en disant... Effectivement, ils ont une responsabilité. Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire là-dessus?

Mme Pilon: En fait, au niveau de la responsabilité, en ne dit pas qu'il est dans le mandat du Festival de jazz de faire de la formation, de la création, produire des ateliers. On s'est donné comme mandat, au Regroupement, de faire ça. Ce qu'on veut avoir, c'est un soutien pour réaliser nos objectifs dans un terme de temps qui va être important et qui va soutenir, finalement, tout le bouillon qui se passe actuellement au niveau du jazz. On fait faire une étude de marché qui va sortir bientôt parce qu'on sait intuitivement - et on veut vérifier ces intuitions-là - que le jazz s'en vient de plus en plus fort.

Il y a une compagnie de disques qui a endisqué 16 artistes du Québec en jazz. Alors, on se dit qu'il se passe quelque chose, là. Il faut saisir le moment où cette culture-là est en bouillon. Le Festival de jazz, c'est sûr qu'il a aidé beaucoup à développer chez le grand public, en fait, un peu d'écoute de jazz. Mais on sait très bien que maintenant le public n'achète pas ce qui est consommé, n'achète pas du jazz. Le public achète un festival, comme on n'achète pas du théâtre en allant au Festival de théâtre des Amériques. Le public achète un festival.

C'est la façon de vendre des événements maintenant. Alors, on n'est pas contre le Festival de jazz ni contre la façon dont il est subventionné. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas envie de se faire dire: Écoutez, nous autres, dans le jazz, là, on en donne au Festival. Ça fait que vous autres, faites vos preuves.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi de la question de la formation. Vous avez touché ça aussi. Vous voulez avoir une meilleure complémentarité aussi entre l'école, d'une part, et le milieu. C'est à quel niveau, là... la formation doit-elle... parce qu'on a parlé beaucoup de formation aussi. À quel niveau la formation doit-elle se réaliser, à ce moment-là? Est-ce que c'est dans les écoles, est-ce qu'il y a des échanges? Bon...

M. Bourgeois: Je crois que la formation au niveau de l'école est définitivement valable, sauf qu'on voit bien qu'il n'y a pas un musicien de jazz qui s'est formé simplement à l'école. Par exemple, il y a des orchestres à Montréal, que ce soit des "big bands" ou des petites formations, qui sont autant d'écoles. C'est un réseau complémentaire où chaque personne apprend, dépendant de son passage auprès d'un autre musicien ou d'un autre professeur.

À ce niveau-là, le ministère des Affaires culturelles aussi pourrait peut-être songer à inciter les écoles à inviter, ou avoir plus d'ouverture. La Guilde aussi parlait peut-être de chapeauter l'éducation, sans nécessairement dire, là, si on est d'accord avec ça ou pas, mais ça serait intéressant, effectivement, que le ministère des Affaires culturelles puisse inviter, que ce soit des musiciens d'autres régions du Canada ou de l'extérieur du Canada, à venir donner des sessions, que ce soit d'un mois ou des sessions plus approfondies. Voilà. (20 h 30)

C'est vraiment un réseau qui est plus global et très diversifié que seulement ce qui se passe dans les écoles.

Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à une autre question. À un moment donné, je lisais dans votre mémoire... Vous parliez, finalement, des endroits où vous pouviez... Finalement, on se rappelle Les nuits magiques, etc., il y a des endroits qui étaient accessibles.

M. Bourgeois: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Puis là, à un moment donné, vous dites: Bien, on voudrait avoir accès aussi aux lieux culturels, aux lieux de diffusion. C'est la même chose, là. Il n'y a pas... Ils ne sont pas accessibles?

M. Bourgeois: C'est-à-dire qu'ils sont accessibles. Si on va jouer dans une maison de la culture, par exemple, ils sont accessibles l'après midi pour le test de son et en soirée pour le concert. Le reste du temps, ces endrolts-là ne sont pas accessibles. Aussi d'autres endroits comme la Maison du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal; elle n'est pas facilement accessible aux groupes de jazz. On demande souvent à un groupe ou à un ensemble d'être un organisme à but non lucratif. Mais quelqu'un qui dirige un groupe, par exemple, ou un musicien qui a un besoin réel de préparer un concert dans un mois doit faire une série de

répétitions et se retrouve souvent à devoir répéter, je ne sais pas, à des endroits vraiment désagréables. Le jazz, c'est une musique où la qualité du son et de l'acoustique est vraiment nécessaire pour rendre une improvisation ou rendre la qualité de la musique, enfin, comme toute autre musique.

Donc, on a difficilement accès à ces lieux-là. Pourtant, on ne demande pas non plus un support technique. On demande que quelqu'un débarre la porte. On sait comment faire fonctionner une console ou allumer les lumières. On n'a pas besoin de l'éclairage. On a besoin de peu de choses, finalement, mais on n'y a pas accès.

Et, si je peux revenir, est-ce que, moi, je peux vous poser une question?

Mme Frulla-Hébert: Allez-y donc.

Le Président (M. Gobé): Oui, certainement, si madame accepte d'y répondre.

Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Bourgeois: O.K. Merci.

Le Président (M. Gobé): On est là pour favoriser la discussion et vous écouter, dans les limites du temps.

M. Bourgeois: Est-ce que, de la façon dont vous parliez tout à l'heure, le Festival de jazz est mandaté par le ministère des Affaires culturelles pour représenter les artistes de jazz?

Mme Frulla-Hébert: Non, le Festival de jazz, pour bien vous expliquer, comme d'autres festivals, a tout simplement un support. Évidemment, il a eu un support au début, là, et là, bien, les gens se sont développés, l'événement s'est développé dans le cadre tout simplement d'un événement majeur.

Par contre, où on voit... où l'idée... c'est parce que l'idée chemine, là, et pourrait être aussi intéressante... On aide l'événement au tout début... Ça a été la même chose, on a eu la discussion avec le Cirque du Soleil. En 1984, le Cirque du Soleil débutait. Alors, t'as toujours ta petite subvention pour partir. Et là, tout à coup, le produit était original, bon, et là ça fait boule de neige. Alors, c'est sûr que, à la fin, nous, comme au Cirque du Soleil maintenant, oui, on donne, mais finalement c'est un montant tout petit par rapport à ce que le Cirque du Soleil génère. La même chose pour le Festival de jazz. Mais il y a des choses a regarder dans un sens où, bon... Ces gens-là, une fois qu'ils ont eu l'aide et le support et qu'ils sont devenus maintenant grands et forts, est-ce qu'ils ont aussi une... Puis il y en a qui le font aussi, je ne dis pas qu'ils ne le font pas, là. Mais quelle est la responsabilité de ces événements-là qui ont été aidés? Il ne faut jamais oublier... Quand vous dites: Oui, c'est difficile, c'est vrai. Mais ce sont des fonds publics. Si c'était notre fonds, on irait peut-être souvent aussi, là... Bon. On en donnerait peut-être à tout le monde ou selon nos goûts, mais ce sont des fonds publics. En bout de ligne, il faut quand même avoir toutes les réponses aux contribuables, etc. Donc, t'as un système qui est lourd parce que, justement, on gère l'argent du monde. Ce qui fait que ces gens-là qui ont profité par, justement, l'argent du monde, n'auraient-ils pas aussi un devoir à remettre aussi à la société, à aider à développer? Alors, c'est une espèce de question qu'on pose et on se dit qu'il y aurait peut-être aussi une interaction possible. Ce qui ne veut pas dire que l'organisme en soi n'a pas - on va regarder ça de près - à être subventionné, etc. Ce n'est pas ça. Excepté que générer, si on veut, de l'interaction...

M. Bourgeois: Aussi, est-ce qu'un organisme comme le Festival de jazz - puisque c'est le seul exemple qu'on a dans le milieu du jazz, comme événement, comme entreprise culturelle - est en mesure d'assumer aussi cette responsabilité-là, dans le sens: À quel point est-il branché avec les musiciens de jazz? Je peux vous dire que la distance est très loin. On voit les responsables du Festival une fois par année pour, on ne pourrait même pas dire négocier ni les salaires ni les conditions dans lesquelles on travaille, qui ne sont pas les plus revalorisantes. Enfin, ça, c'est une autre question.

Mme Frulla-Hébert: Bien, c'est ça. Mais c'est aussi la question qu'on se pose, finalement. C'est quoi, l'interrelation? C'est sûr que, si l'événement est gros, il ne faut pas oublier que ça prend aussi des gros événements moteurs pour faire connaître et faire apprécier, créer un public.

M. Bourgeois: Oui.

Mme Frulla-Hébert: On parlait de créer un public, de telle sorte que, effectivement, c'est une espèce de roue, ça. Tu crées le public, le public achète, bon. Et tranquillement, tu fais de la sensibilisation. Alors... Mais la question est bonne et l'interrogation aussi, elle est bonne.

M. Bourgeois: Oui. D'ailleurs, le Festival a aidé, enfin, les musiciens de mon âge, nous a intéressés et a été... lorsque la passe pour les dix jours, deux concerts par soir, était à un prix abordable. Ça a été une école, dans la quatrième rangée, pour voir Miles Davis, Herbie Hancock et les grands. Je veux dire que, ça, c'est une école et c'est à ce niveau-là - je ne sais pas si vous comprenez - où on sent que, vu que c'est une entreprise qui a été subventionnée, il y a une responsabilité. Mais maintenant, non seulement

on dit qu'il y a une responsabilité du gouvernement et de l'entreprise culturelle, mais est-ce que le Festival est en mesure d'assumer cette responsabilité-là aussi? Voilà! C'est là où on veut en venir.

Le Président (M. Gobé): M. Bourgeois, Mme la ministre, cela met fin au temps qui vous était alloué. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui, vous allez voir, est non seulement un amateur de jazz, mais un supporteur, d'après ce qu'on m'a dit, de tous les groupes de jazz. Dans son coin, il y en a beaucoup, semble-t-il. Vous avez la parole, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Non, bien, c'est ça. Le...

Le Président (M. Gobé): J'ai eu l'occasion d'aller voir avec lui des spectacles de jazz.

M. Boulerice: Le président de la commission traduit le malaise que je ressens qui est de parler de jazz avec vous ou bien de parier des problèmes des "jazzmen" ou "jazzwomen", parce qu'il ne faut pas être sexiste, mais je sais que les travaux de la commission commandent d'abord et avant tout de parler du deuxième sujet. Mme la ministre, tantôt, vous a dit avec candeur et humilité qu'elle avait appris au niveau de l'historique. Je vais user de la même candeur et de la même honnêteté en disant que certains éléments aussi que j'ai appris, même si le président m'attribue des connaissances que je n'ai peut-être pas autant... Et juste un petit mot, vous avez quand même rendu hommage à ma gang de chums de CIBL Ça, je vous en remercie. Il me fait plaisir de voir qu'il y a du monde qui ne les oublie pas.

La première question que j'aimerais vous poser, forcément, ce ne sera pas si vous êtes de Sainte-Marie-Saint-Jacques, il y a de fortes chances. Êtes-vous accrédités auprès de la commission de reconnaissance du statut de l'artiste?

Mme Pilon: La commission se réunit une fois par deux ans, et on a été fondé en février. Alors, il faut être représentatif de notre milieu et ainsi de suite. Alors, ça viendra.

M. Boulerice: Donc, il faut attendre, oui. Mme Pilon: Ha, ha, ha! On y a pensé.

M. Boulerice: Vous y avez pensé, oui. ... c'est important, vous comprenez comme moi. Tantôt, vous avez parié de votre demande et le traitement qu'elle a eu. Ça, je vous avoue que je suis un peu sidéré de voir le traitement qu'on vous a réservé. Et vous avez appris qu'il y avait des jurys, mais des jurys composés de pairs. Est-ce que vous savez qui sont vos pairs dans le domaine du jazz...

Mme Pilon: Oui.

M. Boulerice:... au niveau des comités de sélection? Et ça correspond bien à l'idée qu'on doit avoir d'un pair?

Mme Pilon: P-a-i-rou père? M.Boulerice: Voilà.

Mme Pilon: Ça dépend. En fait, ça correspond à l'idée... C'est sûr que le milieu du jazz est petit et, moi, je fais la représentation uniquement de jazz pour gagner ma vie. Je suis gérante d'artistes, uniquement jazz. Alors, je connais beaucoup de gens en jazz. C'est sûr que, sur les jurys, il y a des gens qui ont une honnêteté tellement grande qu'ils ne nous disent pas qu'ils font partie du jury ou, en fait, ils nous le disent, mais ils ne nous disent pas vraiment qui a eu les bourses et pourquoi. Il y a des gens qui le font vraiment au meilleur de leurs connaissances et il y en a d'autres, je ne suis pas toujours convaincue. On peut même encore parler du Festival de jazz. Il y a eu un jury, cette année, pour le prix de jazz Alcan C'étaient tous des musiciens qui font du standard ou des journalistes qui écrivent, qui favorisent un jazz dit standard, trio acoustique. C'est sûr. on ne peut pas toujours être objectif. Alors, les pairs, oui, on sait bien qui sont nos pairs.

M. Boulerice: Trois points. Vous semblez très critique face au Festival international de jazz. J'ai l'impression qu'en fond de scène vous leur reprochez d'être une grosse industrie, une grosse machine qui semblerait peu faire pour le jazz d'ici. Je ne parle pas en termes uniquement de composition, mais en termes d'interprétation, dans le sens de nos musiciens de jazz. Est-ce que je me trompe dans cette perception?

Mme Pilon: Comme on disait tantôt, ça ne fait pas partie de leur mandat de promouvoir le musicien de jazz. C'est, par contre, le mandat du Regroupement des artistes de jazz de promouvoir le jazz pour en faire plus au Québec. On sait que ce n'est pas leur mandat, au Festival, de promouvoir les musiciens québécois. Mais, au nombre de scènes extérieures qu'ils ont, on peut s'attendre, des fois, à certaines conditions meilleures au niveau de la sonorisation, même des salaires. Les salaires ne sont jamais à discuter. Je pense que les artistes, en fait, les musiciens de jazz de Montréal ne négocient pas les salaires. C'est ce salaire-là. Ça s'arrête là. Sinon ils ne jouent pas. Alors là... M. Bourgeois est musicien, peut-être qu'il pourra vous éclairer davantage.

M. Bourgeois: Le Festival, voyez-vous, si je

prends mon point de vue à moi, ça a été une chose merveilleuse qui est arrivée au Québec, qui m'a peut-être donné trop d'Illusions, dans le sens de ce que ça pourrait être au niveau culturel, au niveau de l'implication, au niveau de la sélection des artistes invités de l'extérieur, au niveau d'une dynamisation d'un milieu jazz à Montréal. Si je regarde les quelques dernières années du Festival, les musiciens locaux avaient accès à des scènes Intérieures, la Bibliothèque nationale du Québec, avec des concerts avec Radio-Canada; la dernière année que ça se passait, c'est en 1989. Aussi, à force de nous mettre sur des scènes extérieures, on s'habitue à offrir au public montréalais un jazz gratuit pendant 10 jours, une fois par année. Ça ne nous met pas - il faut bien se l'avouer - ça ne nous met pas nécessairement devant le public acheteur. L'expérience du jazz se vit habituellement dans une salle confortable, ça n'a pas besoin d'être une grande salle, mais avec une sonorisation adéquate, un piano bien accordé, un sonorisateur qui a des oreilles, etc. Mol, ça ne me dérange pas de jouer sous une tente dehors. Ça me dérange, par exemple, qu'on ne nous traite pas avec un certain... Je veux dire, ils utilisent la musique pour d'autres fins. Ils utilisent le jazz pour d'autres choses. Enfin, c'est ma perspective. Je ne veux pas non plus parler au niveau de tous les musiciens, mais, globalement, il y a, effectivement, une grosse insatisfaction chez les musiciens de jazz qui jouent au Festival. Et pourquoi on le fait? Parce qu'on a le choix de le faire ou pas. Dans mon groupe, j'ai demandé, on est passé au vote, la majorité a gagné. Oui, c'est démocratique. Mais la plupart des musiciens le font parce que c'est bon de se faire voir malgré tout et d'être là. Plusieurs bons musiciens n'ont pas joué cette année, ont décidé de s'éclipser.

M. Boulerice: M. Bourgeois, c'est justement là que je voulais vous amener et vous y êtes allé assez facilement. Mais, rassurez-vous, ce n'est pas un guet-apens. Je pense qu'il y a une certaine critique de la gratuité du spectacle, quand je vous lis. En tout cas, je l'ai décodé de cette façon. J'ai posé la question à des intervenants précédents en racontant une anecdote. Je prends une voiture-taxi pour aller dans un musée connu de Montréal et le chauffeur me dit: Combien ça coûte pour entrer là? Je lui dit: C'est gratuit, monsieur. Il me dit: Si c'est gratuit, il ne doit pas y avoir grand-chose. Donc, il y a une connotation où gratuité: basse gamme. C'est un débat, d'ailleurs, que j'ai eu avec des animateurs culturels de la région Nord-Pas-de-Calais, que connaît très bien le député de LaFontaine, qui est une région extrêmement dynamique au niveau de la culture en France, d'où il vient, d'ailleurs. Il est natif du Nord-Pas-de-Calais. Il y a une critique très forte face à la gratuité en disant qu'elle finissait non pas par servir, mais desservir l'artiste à son art. Est-ce que vous partagez ce point de vue et le danger qu'on a à donner gratuit, gratuit, gratuit? (20 h 45)

M. Bourgeois: Si c'est les concerts où j'ai moi-même une expérience ou ce que je vois d'après les gens que je côtoie, la personne qui paie, c'est évident que cette personne-là va faire un effort pour écouter, a une volonté de respect face à ça. C'est un geste gratuit où je mets au même niveau ou à peu près le fait d'aller chercher un laissez-passer, par exemple, avant une certaine heure. C'est la même chose. Oui, c'est évident, je crois.

M. Boulerice: Ce n'est pas, comme on dit en bon québécois, un "party" de bière.

M. Bourgeois: Le Festival de jazz, dans certains coins, à certaines heures, c'est aussi un "party" de bière, si on vient au festival, mais...

M. Boulerice: C'est une autre chose. Ça a été un long débat lorsqu'il se tenait dans ma circonscription électorale.

M. Bourgeois: C'est ça.

M. Boulerice: Vous parlez d'une politique de soutien au secteur du jazz dans la politique culturelle que l'État québécois veut se donner. Alors, si je vous disais: Les principaux éléments sont: 1, 2, 3, 4, 5, ce seraient lesquels?

M. Bourgeois: Les principaux éléments de soutien?

M. Boulerice: Oui.

M. Bourgeois: Ceux qui sont là présentement ou ceux qu'on voudrait?

M. Boulerice: Non, ceux que vous souhaitez voir.

M. Bourgeois: Premièrement, ceux qui sont là en ce moment sont nécessaires, il faut les maintenir, c'est-à-dire l'aide à la création, les stages de perfectionnement dont... Enfin, moi, j'ai pu bénéficier d'un stage de perfectionnement. Ça a été ma première bourse et ça a été bénéfique. Cet investissement-là, pour un musicien, au niveau du jazz, c'est un milieu où on joue avec beaucoup de personnes, où beaucoup de personnes sont impliquées dans des projets. Une simple bourse, comme ça, de perfectionnement, va avoir un rayonnement, en général, qui est beaucoup plus large. Ça ouvre des portes de travail, ça nous fait engager des studios, l'argent roule à d'autres niveaux. C'est-à-dire que 5000 $ investis vont peut-être générer dans le cadre d'un projet en particulier, que ce soit l'enregistrement d'un disque ou une série de concerts, beaucoup

d'autres revenus pour d'autres personnes. Enfin, ça, on le sait de toute façon. À part ça, les autres, je ne sais pas. J'ai un peu un blanc. Peut-être que Normand ou Carmelle auraient des points.

Le Président (M. Gobé): En terminant, parce que le temps, malheureusement, coule et nous allons devoir...

Mme Pilon: En fait, il y a aussi la production de disques. Actuellement, il y a des subventions qui sont accordées pour la production de disques. Le jazz bénéficie d'avoir les deux tiers des coûts de production comme subvention plutôt que d'avoir 50 % comme le matériel qui se fait en musique dite populaire. Alors, on tient à ce que soient maintenus ces programmes de subvention avec cette particularité pour le jazz. Suite à ça, c'est sûr que, si le Regroupement, d'ici quelques mois, a plus de 150 membres, on va continuer à refaire toujours nos petites demandes dans les formulaires pour avoir une aide de soutien, en fait, une aide financière de fonds de roulement pour, au moins, la première et la deuxième année.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Vous voyez, sans jeu de mots, il me fait "take five". Donc, je suis obligé de conclure. Disons qu'on aura sans doute...

Le Président (M. Gobé): Malheureusement, mais...

M. Boulerice: Malheureusement, oui. Non, je pense que vous nous avez apporté un éclairage assez intéressant dans le domaine du jazz qui est probablement, peut-être, un peu négligé ou minorisé comme tel, alors qu'effectivement il a une importance énorme. Moi, je vous dis que je pense qu'il y aurait peut-être avantage à ce qu'on se revoie. Je suis persuadé que la ministre va être heureuse de vous revoir et moi également Je pense qu'il y a sans doute des choses à faire, qui ne sont pas nécessairement à grands frais, mais qui pourraient, au départ, vous donner un coup de main pour une meilleure lancée. Merci de votre présence. Je regrette que le temps file, mais que voulez-vous!

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Avant de passer la parole à Mme la ministre, j'aimerais, moi, vous faire part d'une petite réflexion. Votre cas me fait penser un peu au cas semblable du Marathon de Montréal. Vous vous souvenez que nous mettions beaucoup d'argent dans le Marathon de Montréal, que je cours d'ailleurs, et, par contre, il y a beaucoup de petits clubs, d'or- ganisations de jogging ou de coureurs qui, eux, auraient peut-être eu besoin d'un peu d'aide et qui, parce qu'eux étalent moins visibles, moins flamboyants que cette grande organisation qu'était le Marathon, se trouvaient privés de fonds parce qu'on subventionnait le Marathon et on pensait avoir bonne conscience à ce faire. Sans vouloir comparer les choses, j'ai l'impression que c'est un petit peu le cas dans lequel vous êtes. Peut-être que le Festival de jazz fait un peu ombrage sur vous et peut-être que le vrai jazz, après tout... Eux aussi le font, mais c'est peut-être vous les plus populaires. Ceci étant dit, je passerai maintenant la parole à Mme la ministre pour le mot de la fin ou...

Mme Frulla-Hébert: En fait, vous avez bien résumé, M. le Président. Effectivement, on s'imagine aussi, parce qu'il y a de grands événements tels que le Festival de jazz, tels que les Nuits bleues, qu'on a aidés, cette année, vraiment, à démarrer ou, enfin, encouragés parce qu'ils faisaient face à des problèmes, tel aussi celui de Rimouski, on s'imagine que, pour le reste... Oui, II y a les boîtes, donc, les gens s'y débrouillent quand même relativement bien. Alors, nous allons...

J'ai demandé, d'ailleurs, à Mme Courchesne de vous parler tantôt, de voir ce qu'il en est. Chose certaine, par exemple, j'essaie de mettre ça quand même au clair. Ce n'est pas vrai qu'il faut que ça passe par moi, les subventions; on en a 4000 et puis, veux veux pas, on n'arriverait pas, certain. Alors, Mme Courchesne va vous parler.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je pourrais vous donner un petit conseil pratique, c'est d'aller voir votre député, dans ces cas-là. Vous allez voir que, parfois, eux... Nous, on tes voit, les subventions. Je ne connais pas un député qui, quel que soit le parti dans lequel II est, ne s'intéresse pas à des groupes d'artistes ou autres lorsque c'est justifié et lorsque le talent est là. Alors, ceci étant dit, je vous remercie d'être venus devant nous ce soir. Je sais que c'est un peu tard. On a apprécié votre prestation, elle était très intéressante et rafraîchissante en même temps. Alors, cela met fin à votre exercice et on vous souhaite un bon retour à Montréal et merci beaucoup.

M. Bourgeois: Merci beaucoup. Mme Pilon: Merci beaucoup. M. Tamaro: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant appeler le groupe suivant, qui est les Associations touristiques régionales associées du Québec. Je leur demanderais de bien vouloir prendre place à la table. Alors, mesdames et messieurs, si vous

voulez bien regagner vos places, nous allons maintenant, sans plus tarder, procéder à l'audition du groupe suivant: les Associations touristiques régionales associées du Québec. Si j'en crois les notes que j'ai devant moi, il est représenté par Mme Linda Gallant, qui est la présidente - bonsoir, madame - et M. Réjean Beaudoin, qui est directeur général. Lequel d'entre vous va faire la présentation? C'est vous, madame. Alors, je vous invite dès maintenant à commencer. Vous avez 10, 12 minutes, 15 minutes, là; après ça, nous dialoguerons avec et la ministre et M. le porte-parole officiel de l'Opposition en matière de culture, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Vous pouvez commencer, madame.

Associations touristiques régionales associées du Québec

Mme Gallant (Linda): Alors, M. le Président, Mme la ministre, dans le cadre de la consultation ayant trait au devenir culturel québécois, il nous est très agréable de vous soumettre le présent mémoire que vous avez en votre possession, aux fins de vous souligner certaines dimensions touchant à la culture et au tourisme québécois. SI nous procédons à la page suivante, les Associations touristiques régionales associées du Québec sont le regroupement des diverses associations et offices régionaux de tourisme répartis sur le territoire québécois. Fondée en 1981, l'ATRAQ, à partir de la volonté de ses membres, coordonne la consultation, la confection et la diffusion de dossiers provinciaux à caractère touristique voués à bonifier continuellement le devenir de l'industrie touristique au Québec. Chaque région est représentée au conseil d'administration de notre organisme. Un bureau de direction composé de cinq membres assure également les fonctions de l'Association, dont le siège social est sis dans la ville de Québec.

Le tourisme, une industrie d'avenir. Au tournant du siècle, le tourisme sera le principal produit d'exportation à l'échelle mondiale. Selon le Bureau international du travail, en 1990, entre 400 000 000 et 600 000 000 de touristes ont voyagé à travers le monde. Ce chiffre était de 25 000 000 en 1950 et de 330 000 000 en 1985.

Au cours des années quatre-vingt-dix, les consommateurs seront marqués par deux grands courants d'intérêt: le goût de voyager, le tourisme, et le goût d'apprendre, la culture. Aussi, dans cette foulée, les prévisionnistes extrapolent que le tourisme mondial connaîtra un taux d'ascendance pouvant varier de 3 % à 6 % annuellement d'ici 1995, suivi d'une vigueur équivalente jusqu'à l'an 2000. Et nos voisins américains, a titre d'exemple, dont le principal motif de déplacement à l'étranger est la socio-culture, forment le plus important marché de consommation touristique au monde, le Canada, le Québec, étant, et de loin, leur premier choix de destination internationale.

À la page 2, l'importance économique du Québec touristique. Le tourisme contribue à la dynamique économique du Québec. La ventilation suivante en donne un aperçu: des recettes touristiques globales de l'ordre de 4 100 000 000 $ en 1988; le tourisme se situe au sixième rang des secteurs d'exportation du Québec; en termes d'emplois, en 1989, on les évaluait à environ 73 300 exprimés en personnes-année: près de 250 000 emplois québécois sont attribuables directement et indirectement à l'activité touristique; des rentrées fiscales imposantes pour le gouvernement du Québec de 620 000 000 $ en 1989. Globalement, la socio-économie québécoise du tourisme est importante, mais elle pourrait être beaucoup plus importante.

La performance de l'industrie québécoise du tourisme. Malgré ses résultats actuels, l'industrie touristique du Québec pourrait être nantie d'une meilleure performance. En 1989, les Québécois voyageant au Québec ont dépensé 1 400 000 000 $, soit 37 % de nos recettes touristiques. Le poids de ce marché est à la baisse depuis quelques années. Relativement au marché américain, la même année, nos voisins du Sud ont dépensé touristiquement au Québec 670 000 000 $, soit plus ou moins 340 000 000 $ en voyages d'affaires - marché impératif - et seulement plus ou moins 330 000 000 $ comme touristes, au sens le plus propre du mot. Ce qui représente une mince performance.

Quelques performances touristiques Québec, Ontario et Canada. En 1990, en pleine récession, l'Ontario attire 6 600 000 Américains séjournant une nuitée et plus, soit une hausse de 9 % par rapport à l'année 1989, tandis qu'au Québec, pour le même type de visiteurs, le volume fut de 1 500 000, soit quatre fois moins, avec une baisse de 4, 3 % comparativement à 1989. En fonction de ce marché, il n'est pas vrai que l'Ontario est quatre fois mieux situé que le Québec, qu'il a quatre fois plus d'attraits que nous. Toutefois, une chose est vraie. Au cours de la décennie des années quatre-vingt, le gouvernement ontarien avait investi 202 000 000 $ en publicité-promotion touristique, comparativement à 127 000 000 $ pour le gouvernement du Québec, une différence marquée de l'ordre de 75 000 000 $.

À la page 4, vous avez d'autres comparaisons de performance. Si on prend juste les recettes annuelles, le Québec est de 4 100 000 000 $, l'Ontario est de 9 000 000 000 $, toujours en 1988, et le Canada de 24 000 000 000 $. En émettant l'hypothèse que le Québec atteigne la moyenne canadienne relativement à ses recettes touristiques annuelles per capita, les répercussions économiques seraient les suivantes: des recettes touristiques supplémentaires annuelles de l'ordre de 2 000 000 000 $, 41 000 nouveaux emplois exprimés en personnes-année seraient créés, un emploi égale 49 000 $ de recettes touristiques,

plus ou moins 310 000 000 $ de plus par année sur le plan fiscal pour le gouvernement du Québec. Le Québec, en utilisant des méthodes et des moyens de pointe, a de bonnes chances de ravir le cap des 7 000 000 000 $ et plus en recettes touristiques en l'an 2000; l'Ontario a atteint ce stade en 1986.

Un autre fait. Outre la situation précitée, le taux moyen d'occupation des lieux d'hébergement touristique du Québec se situe, pour l'an 1990, à 46, 3 % alors qu'il était de 50, 8 % en 1989, soit un glissement de l'ordre de 2, 5 %. Et, pour chaque augmentation de 1 % de ce taux d'occupation, près de 1000 nouveaux emplois seraient créés, pour moins... Je n'ai pas besoin de vous faire le portrait. Ainsi, le Québec a un complexe touristique global produisant ni plus ni moins à 48 % de sa capacité de production. Il y a un "quali quanti" d'équipements touristiques en place pouvant accueillir de nouvelles clientèles.

Tourisme et culture. À la fin du XVIIIe siècle, lorsque les fils des familles riches d'Angleterre ont commencé à parcourir touristique-ment "Le grand tour de France", ce sont les éléments socioculturels du pays de Molière qui les attiraient. Le tourisme a été, sans aucun doute, le premier secteur à faire connaître la culture québécoise à l'étranger. Selon une recherche publiée en 1974, il appert que le premier touriste en Nouvelle-France, au sens moderne du mot, fut M. Asseline de Ronval, un Dieppois, qui vint visiter notre pays en 1662. (21 heures)

La culture a toujours été un important motif de déplacement touristique. C'est le type de tourisme qui offre l'occasion de découvrir, de connaître le mode de vie, les moeurs, l'architecture, la musique, la ou les religions d'un peuple, d'un milieu, etc.

À l'échelle mondiale, la valeur et l'importance culturelle du tourisme est reconnue depuis fort longtemps. Toutefois, c'est lors de la Conférence des Nations Unies sur le tourisme et les voyages internationaux qui a eu lieu à Rome, en août-septembre 1963, que l'on a sanctionné ce fait: "La Conférence a vivement insisté sur la valeur sociale et culturelle du tourisme; en effet, les contacts internationaux qu'il a permis d'établir ont toujours été l'un des principaux moyens de faire connaître d'autres civilisations [... ] et elle a estimé qu'il fallait s'attacher particulièrement à l'étude des facteurs culturels du tourisme. "

En fonction du milieu québécois, certainement depuis le début du XIXe siècle, les particularités socioculturelles du Québec fascinent les Américains. À ce titre, le Dr Benjamin Silliman, lors de sa visite au Québec à l'automne 1819, soulignait: "First impression of Montréal. We mounted a steep slippery bank, from the river, and found ourselves in one of the principal streets of the city. It required no powerful effort of the imagination to conceive that we were arrived in Europe. A town compactly built of stone, without wood or brick, indicating permanency, and even a degree of antiquity, preventing some handsome public and private buildings, an active and numerous population, saluting the ear with two languages, but principally with the French - everything seems foreign, and we easily feel that we are a great way from home. "

Tout le long du XIXe siècle et du XXe siècle, les guides touristiques d'alors consultés démontrent clairement que l'offre culturelle québécoise est prépondérante et réclamée par les visiteurs. En 1943, M. Albert Tessier, prêtre, mentionnait dans un précieux document: "Surtout! Dans l'univers entier, le sort du tourisme est intimement lié à la vigueur et à l'originalité de la civilisation particulière à chaque peuple. C'est par ses différences ethniques et artistiques surtout qu'un peuple attire les visiteurs. Les pays marqués nettement par une civilisation originale sont les plus courus, les plus visités. " Et cette fascination a peu changé. En effet, la Longwood Research Group Inc. de Toronto, dans une étude réalisée pour le compte de Tourisme Canada, souligne relativement au marché américain: "La force du Canada réside dans le fait que c'est un pays étranger à la fois proche et familier, mais qui présente quand même quelques différences. Les différences essentielles résident dans la population canadienne, son héritage britannique et français, sa diversité ethnique et ses traditions régionales et locales. Pour attirer les touristes, il faut non pas chercher à Imiter les États-Unis, mais plutôt Insister sur les différences. "

Donc, si le Canada est globalement différent pour les Américains, il est indubitable, en regard de ce marché, que le Québec est encore plus différent. Considérant ces faits, mais qui sont d'actualité depuis de nombreuses décennies, le Québec a tout avantage, pour lui-même et pour son industrie touristique, de demeurer authentique, particulier, différent de ceux qui l'entourent. La culture n'a pas à être altérée pour plaire à la gent touristique. Elle doit être elle-même et se renforcer tout en demeurant elle-même. C'est ce que les touristes recherchent, la différence. Et le Québec possède cette différence qui doit être conservée pour toutes les raisons intrinsèques et extrinsèques qui ont été déjà et souvent édictées. La culture ou la socioculture québécoise est touristiquement exportable. Son épanouissement continu et authentique doit viser d'abord les valeurs culturelles souhaitées par le peuple québécois. Toutefois, rien ne nous empêche d'affirmer qu'une partie de nos efforts continuels de préservation et d'épanouissement de notre culture peuvent être, entre autres, un investissement rentable et exportable et ce, assurément en matière de tourisme. L'affaiblir, c'est également affaiblir les possibilités touristi-

ques actuelles et futures du Québec.

La puissance culturotouristique du Québec dans le contexte nord-américain. Dans le contexte nord-américain, le Québec est un milieu touristique personnalisé par un monopole socioculturel de classe garni d'une gamme de produits attirants: villégiature, ski alpin, chasse, pêche, motoneige, etc. De plus, à une journée de voiture, soit dans un rayon de 800 kilomètres de Montréal, il y réside une population de plus de 65 000 000 d'habitants ayant les moyens sociaux et financiers pour consommer des prestations touristiques québécoises.

Ce rayon représente approximativement 85 % de notre potentiel. Que le Québec culturotouristique se fasse connaître avec adéquation sur ce marché, et ses recettes touristiques annuelles per capita et sa performance dans ce domaine sauront atteindre, à l'intérieur d'un laps de temps raisonnable, la moyenne canadienne. Toutefois, le Québec a un monopole culturotouristique des produits d'appoint ainsi qu'un vaste marché de proximité.

Recommandations. Relativement à son importance, le tandem culture-tourisme pourrait bénéficier beaucoup plus à l'économie du Québec et à son industrie touristique. Pour ce faire, nous nous permettons de vous souligner quatre recommandations. Premièrement, une meilleure concertation interministérielle Affaires culturelles-Loisir, Chasse et Pêche-Tourisme nous apparaît fondamentale; une participation plus ample du monde culturel québécois au sein des associations touristiques régionales s'impose; faire connaître, répandre dans le milieu québécois que la gent touristique recherche l'authenticité culturelle et qu'une culture n'a pas à s'altérer pour attirer des visiteurs; à l'instar du ministère du Tourisme, que le Québec culturotouristique concentre ses efforts de publicité et promotion dans un rayon de 800 kilomètres de Montréal.

En conclusion, la culture étant l'ambiance du produit touristique, le Québec a tout à gagner à préserver et à épanouir la sienne et à la mettre en évidence sur le plan touristique. La culture est le principal motif de déplacement du tourisme international et nord-américain. Nous avons le produit, nous avons les marchés à la portée de la main. Le résultat ne dépend que de nous. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, madame. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Charlevoix qui va intervenir, dans un premier temps, au nom de la commission et du côté gouvernemental. Mme la ministre viendra, elle, à la fin, pour faire un petit résumé de tout ça. Alors, M. le député de Charlevoix, vous avez la parole. Je sais que vous venez d'une région très touristique, d'ailleurs, peut-être le joyau du tourisme au Québec.

M. Bradet: Je pense bien, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): La région de Charlevoix, c'est ça.

M. Bradet: Merci, M. le Président. Alors, Mme la présidente, M. le directeur général, je pense que nous avons tous apprécié votre présentation, d'autant plus que l'importance de la culture à l'intérieur du produit touristique n'est plus à prouver.

Comme vous savez, je tenais à intervenir puisque la région de Charlevoix est une région connue presque mondialement au niveau touristique et, en même temps, c'est une région où on ne connaît pas seulement l'attrait physique de nos terres, de nos montagnes et du fleuve, mais aussi où la culture prend de plus en plus de place. Je pense à Baie-Saint-Paul, par exemple, avec un symposium qui, depuis cinq ans, attire tout près de 60 000 personnes. Région reconnue par les peintres. Et, historiquement, l'île aux Coudres, qui attire une clientèle de Français, avec un carnaval d'hiver nouveau genre.

Tout ça fait, Mme la présidente, que, quand on lit votre mémoire, vous n'avez pas besoin de me vendre l'importance de ça. Quand je regarde vos recommandations, je serais tenté de vous demander... Vous dites, dans la deuxième recommandation: "une participation plus ample du monde culturel québécois au sein des associations touristiques régionales s'impose." Il y a à peu près trois mois, par contre - je viens de vous vanter la beauté touristique et culturelle de Charlevoix - les journaux ont fait état d'une petite guerre entre mon directeur, mon président de l'association touristique et ma directrice du centre d'art, les deux ne s'entendant pas sur le grand concept de qu'est-ce que c'est vraiment que l'art. Tout ça pour vous dire que ça me faisait un petit peu rigoler, dans ce sens que, dans bien des associations touristiques, très souvent le conseil d'administration est surtout composé de gens de l'hôtellerie, c'est-à-dire de gros hôtels, de grosses auberges, ce qui fait que, très souvent, le focus est peut-être moins mis sur l'aspect chasse et pêche, touristique ou l'ensemble des autres attraits.

Quand vous dites une participation du monde culturel ou une concertation avec le loisir, chasse et pêche, est-ce que ça voudrait dire, dans les faits, que, sur un conseil d'administration, pour une fois, on retrouverait, s'il y a huit membres, deux membres du monde du loisir, deux membres du monde culturel, deux membres du loisir, chasse et pêche et, le reste, des gens de l'hôtellerie ou de la restauration? Est-ce que ça veut dire ça, dans les faits?

Mme Gallant: Avez-vous un problème à Charlevoix? Parce que vous parlez des associations touristiques et la plupart sont quand même assez nombreuses. Moi-même, j'ai un conseil d'administration de 21 personnes en Montérégie. Je suis présidente de la Montérégie aussi. C'est

évident qu'il va toujours y avoir des gens au niveau de l'hôtellerie qui vont siéger. Car le tourisme, pour nous, ce qui représente tourisme, c'est... on doit dépenser une nuftée, au moins, dans une région. Alors, oui, ils s'intéressent. Mais on n'a jamais assez de personnes en culture ou dans d'autres domaines, et ça nous les prend. On vient tout juste de sortir du rendez-vous économique avec le Conseil du patronat qui a soumis une proposition à l'effet des circuits, des forfaits touristiques. Un circuit ou un forfait touristique, bon... On doit, en premier lieu, avoir de l'hébergement. Alors, encore là, voilà l'intérêt des aubergistes et des hôteliers. Mais c'est un service, ça. L'attrait, c'est plus que ça. On ne viendra pas au Québec uniquement pour coucher dans un lit, on va venir au Québec pour découvrir la culture. Et, si on ne fait pas la place à ces gens-là et qu'on ne fait pas la promotion de ça, nos visiteurs ne pourront pas le deviner. Il va falloir qu'on le rende accessible. La plupart des... Tous les sièges, au niveau d'un conseil d'administration, sont votés. Ce sont des gens qui sont de la région et qui doivent être membres de leur association. Est-ce que, dans votre cas, II y a un manque de membres à l'ATR, au niveau culturel? Ça, je ne peux pas vous répondre, mais je sais que la plupart des ATR se dotent quand même de personnes dans tous les différents secteurs. On essaie de plus en plus de ne négliger personne parce que c'est vraiment la qualité, la quantité. Ce sont tous les volets touristiques qu'on essaie de représenter. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Bradet: Oui, vous avez répondu à ma question, mais j'aurais aimé que vous soyez peut-être un petit peu plus claire à l'effet... Vous savez, le représentant d'un petit musée régional...

Mme Gallant: Oui.

M. Bradet: ...qui est tout petit n'a pas le même poids que trois représentants de l'hôtellerie, par exemple, sur un conseil d'administration. Je pense que si, dans votre proposition, vous dites: Une participation plus importante du monde culturel, compte tenu que la culture est un produit qui amène le tourisme, ce serait peut-être bon de le spécifier quelque part, à l'effet que, sur un conseil d'administration d'une ATR, il y ait vraiment des représentants culturels, et non pas des gens qui vont arriver là et qui vont se sentir isolés.

Mme Gallant: C'est très... N'oubliez pas que c'est... Comme je vous le dis, ce sont des élus. C'est le milieu qui élit les différentes personnes qui vont siéger au conseil d'administration. Je pourrais vous dire la même chose au niveau des députés. Est-ce qu'on a trop d'avocats? Est-ce qu'on va limiter le nombre? Est-ce qu'on doit avoir des députés qui vont représenter différents secteurs? C'est naturel que, au niveau d'un conseil d'administration, on essaie le plus possible d'avoir tous les différents secteurs. Chez nous, ce n'est Inscrit nulle part, c'est automatique. C'est qu'on débalance les choses et ça va affecter notre produit.

M. Beaudoln (Réjean): M. le Président, je peux répondre.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. Beau-doin.

M. Beaudoln: Écoutez, c'est comme dans toute chose, M. le député de Charlevoix, il faut faire sa place aussi. Ce qui est trop facile à obtenir, quelquefois, ne se conserve pas toujours facilement. Alors, qu'est-ce qui arrive? L'expression que l'on a... A la deuxième recommandation, on dit: Une plus ample... Donc, nous, on lance un appel au monde culturel de s'impliquer plus, de faire plus leur place dans l'industrie touristique parce que c'est le principal produit d'exportation touristique à l'échelle internationale. Churchill disait, M. le député, qu'il faut une montagne d'astuces pour aller chercher une graine de pouvoir. Alors, je pense qu'il faut que le monde culturel aussi prenne conscience que tous les efforts, les sacrifices qu'ils font pour épanouir notre culture... mais qu'elle est aussi exportable sur le plan touristique. C'est pour ça qu'on dit, nous: II y a des efforts que nous faisons pour les intégrer à nous, dû à cette importance-là, mais ils ont également un bout de chemin à faire pour s'impliquer plus, pour leur propre bien et le bien de l'industrie touristique également.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Beaudoin.

Avez-vous terminé, M. le député de Charlevoix?

Mme la ministre, vous revenez par la suite, vous, je pense. À la fin?

Mme Frulla-Hébert: Oui, mais deux choses.

Le Président (M. Gobé): II reste peut-être une minute ou deux.

Mme Frulla-Hébert: J'avais une question, d'ailleurs, pour notre bénéfice et aussi le bénéfice des représentants, ici, du Groupe Mallette qui se spécialise, justement, à faire ces analyses-là avec les villes. Vous avez réussi, vous, à obtenir la collaboration du monde socio-économique, des municipalités, bon, à regrouper tout le monde autour de vous. C'est sûr qu'on dit: Le tourisme, c'est une activité économique. Mais on essaie d'habituer les gens du mUieu culturel à faire la même chose et ils essaient aussi. Si on avait des conseils à donner, est-ce qu'il y a des moyens ou, enfin, une recette spéciale? (21 h 15)

Mme Gallant: On a le vent dans nos voiles qui s'associe à nous. Je pense qu'on a quand

même... On peut les aider en région au niveau national, au niveau de l'ATRAQ. On sait ce qu'on peut aller chercher. C'est reconnu. Pourquoi tourner en rond? On sait exactement où on veut s'en aller. Alors, arrêtons de se poser la question. Disons: Oui, la culture, c'est le volet, c'est ce qui est unique au Québec. Il ne faut plus se poser des questions et avançons, concertons-nous et produisons donc un produit au niveau de nos circuits forfaits, nous allons inclure la culture québécoise. Ce sera le volet n° 1 et c'est pour ça que ça va réussir et que ce sera acheté partout.

Le Président (M. Gobé): Je tenais à vous conserver une minute ou deux pour la fin, comme vous m'en aviez exprimé le souhait, afin que vous puissiez faire un peu le résumé de tout cela. Alors, sans plus tarder maintenant, je demanderais donc à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir continuer cette discussion d'ailleurs fort intéressante avec vous, Mme Gallant.

M. Beaudoin: Je ne peux pas intervenir, M. le Président, sur ce que Mme la ministre a posé? Parce que c'est une question très importante que Mme la ministre a posée.

Le Président (M. Gobé): Bien, écoutez, si le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques le souhaite, je me rendrai à ses souhaits et, à ce moment-là, il n'y aura pas de problème. Est-ce que M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques...

M. Beaudoin: Mme la ministre a posé une question fondamentale. Vous avez raison, Mme la ministre, plus le monde de la culture va s'impliquer dans le tourisme, plus le tourisme va progresser, plus la culture va se faire connaître. Notre problème, actuellement, dans le mémoire, c'est une équation qu'on présente. Le Québec est dans une situation monopolistique, sur le plan culturel, dans le contexte nord-américain. On a un vaste marché à la portée de la main, mais on n'en bénéficie pas au maximum. Alors, quand vous dites qu'il faut faire des efforts pour intégrer plus la culture dans le domaine touristique, dans les associations touristiques régionales, il y a des efforts des deux côtés: et du monde de la culture, bien sûr, pour le plus grand bien du Québec en termes d'exportation touristique, mais également aussi du côté de l'industrie. Un des défis qu'on a à relever, c'est que ce n'est pas évident, au sein de l'industrie touristique, la conscience que la culture, c'est important, que c'est le principal produit d'exportation dans n'importe quel pays du monde. Donc, je pense qu'on a un immense travail à faire là-dessus. Par contre, les dividendes sont très élevés. D'ailleurs, comme disait Mme la présidente de l'ATRAQ tout à l'heure, si le Québec, en termes de recettes touristiques per capita, atteignait la moyenne canadienne, c'est 40 000 emplois de plus au Québec, et Dieu sait que nous en avons profondément besoin actuellement.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Beaudoin. Je laisserai maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques continuer.

M. Boulerice: Mme Gallant, au moment où le Québec se cherche désespérément un ministre du Tourisme, je pense que vous seriez la candidate idéale.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je vais tenter de rejoindre M. Bourassa tantôt...

Le Président (M. Gobé): Ou M. Bibeau.

M. Boulerice:... ou M.Bibeau, peut-être, pour le souligner parce que je n'ai jamais vu, madame... Sur cette pointe d'humour noir, mais qui cache, vous savez bien, une réalité tragique, je n'ai jamais, Mme Gallant - et je ne veux pas être flatteur - entendu quelqu'un parler du Québec avec autant d'assurance, autant de ferveur, autant d'amour que vous. C'est vraiment incroyable! J'en parlais avec mon collègue à côté. On se glissait des remarques: Ce n'est pas croyable comment elle en parle! Vous en parlez bien et vous avez raison sur toute la ligne. Je ne vais pas vous contredire, sauf peut-être - je vais enregistrer ma dissidence en bon péquiste, forcément - sur un petit point mineur. C'est un fait, on ne vient plus au Québec parce qu'on a des belles rivières canadiennes-françaises et catholiques. Je veux dire, oui, le paysage est impressionnant, notamment dans Charlevoix où j'étais la semaine dernière avec des amis européens, entre parenthèses, mais oui, II y avait cette papeterie à Saint-Joseph-de-la-Rive. J'étais malheureux qu'on soit trop tard pour voir le festival Mozart, ces activités culturelles extrêmement importantes. Vous êtes, je crois, de la Montérégie. Je vais dans cette région parce que je sais qu'il y a des produits culturels, comme je vais dans la région de ces messieurs, en Estrie, où d'ailleurs j'avais une maison au lac Memphré-magog, parce qu'il y a un joli musée à Sherbrooke. Il y a un très beau théâtre d'été à Eastman. Ça n'empêche pas d'avoir mes montagnes et mon lac, mais j'ai également des produits culturels. Effectivement, au niveau des produits culturels, je pense qu'on est drôlement favorisés, au Québec. Mais vous me dites que ça ne se vend pas. Est-ce que c'est parce qu'on ne fait pas suffisamment d'efforts en termes d'argent? Ou bien non c'est parce qu'on n'a pas les bonnes techniques de vente? Ce n'est pas nécessairement vrai, Mme Gallant, que, si on mettait, peut-être, 50 000 000 $ de plus, on aurait x millions de plus de touristes. Je ne crois pas uniquement à

la pub.

Mme Gallant: Là, c'est mon tour? M. Boulerice: Oui, oui.

Mme Gallant: Moi, je crois à la pub. Ce n'est pas tout ce qu'il y a. On a un produit qui, à lui tout seul, ne devrait même pas être vendu, ça devrait être naturel, mais on est quand même dans une compétition mondiale de tourisme, si on regarde l'évolution du tourisme des 30 dernières années. Quand nous avons un produit comme l'Ontario, à côté, qui investit 75 000 000 $ de plus que nous, je regrette, mais je crois que définitivement, sur le marché international, américain, ils ont un avantage qu'ils sont en train de récolter maintenant. On a la preuve... Je vous ai dit: Ce n'est pas vrai qu'ils sont quatre fois plus beaux que nous. C'est faux, ça.

M. Boulerice: Et ils n'ont pas Mordecai Richler, eux autres, en plus.

Mme Gallant: S'il vous plaît! Mais, même ça, on pourrait essayer de l'utiliser sur notre côté. Non, ils ont un avantage. Le tourisme est un investissement. On voit les retombées, mais si eux, à côté de nous, ils ont investi 75 000 000 $ et le Canada aussi, sur l'ensemble, a dépensé plus que nous, moi, je ne me poserais pas trop de questions. C'est aussi un message, n'oubliez pas, d'accueil. Si on invite les gens à venir chez nous, ils vont venir. Mais, si on ne va pas les chercher, si on ne leur dit pas: Bonjour, le Québec, c'est les vacances, et venez nous voir, je ne le sais pas si les gens seront incités... si même ils vont nous connaître. M. Beaudoin pourrait...

M. Boulerice: Oui, M. Beaudoin.

M. Beaudoin: M. le député de Saint-Jacques, lors d'une conversation que j'avais eue avec le maire de Montréal, M. Jean Doré, il me disait: Montréal, c'est le secret le mieux gardé. Donc, je pense que M. le maire faisait allusion à un fait évident, qu'on ne parlait pas assez de nous. On ne faisait pas assez de publicité, assez de promotion. Alors, je pense qu'on peut avoir le plus beau produit, s'il n'est pas connu, il est sûr et certain qu'on n'aura pas d'impact et de visiteurs. Actuellement, on prend de plus en plus de retard par rapport à l'Ontario, qui a été beaucoup plus agressif que nous au cours des 10 dernières années. Et comme le disait Mme la présidente de l'ATRAQ, ce n'est pas parce qu'on n'a pas le produit, ce n'est pas parce que nous n'avons pas les marchés à la portée de la main, c'est parce qu'on a manqué de faire des efforts évidents. Et je pense que M. le député de Shefford en sait beaucoup, pour être moi-même un Estrien et avoir travaillé pendant 10 ans en

Estrie sur le plan touristique.

M. Boulerice: M. Beaudoin, Mme Gallant, si je comprends bien, c'est que notre message, II était bon, sauf qu'on ne l'a pas assez répété. D'où, c'est mol qui ai tort. Oui, il y a une connotation avec l'argent qu'on y met.

Mme Gallant: Je pense qu'il y a une sensibilisation aussi à faire au niveau du peuple. Si on ne croit pas nous-mêmes en notre culture, en notre produit, en notre valeur, comment allons-nous faire croire ça aux autres? Je pense que, là, on arrive à la base aussi, c'est que maintenant le tourisme et les intervenants touristiques, on est ensemble, on croit à la même chose, puis on implique nos employés. On essaie d'améliorer toute formation. On veut devenir de plus en plus accueillants. Je pense que, maintenant, le message, aussi, on le rend non pas seulement aux touristes étrangers, mais aussi on vise les Québécois. Le Québec, c'est les vacances, c'était viser les Québécois. Mais iI y avait deux choses là: une, c'était d'essayer de les garder ici pour dépenser dans notre région et, deux, vous ne pensez pas que ça nous fait des super bons petits ambassadeurs quand ils s'en vont dans le Sud ou n'importe où et qu'ils disent: Chez nous, c'est beau. On est allés ici, on a vu les baleines... Alors, il faut continuer à Investir, mais là on a commencé à taper dans le potentiel de notre peuple, en plus. La culture, c'est une éducation. Ça, si on ne joue pas cette carte-là, elle va toucher à notre dossier aussi.

M. Beaudoin: Vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, monsieur.

M. Beaudoin: En fait, on a été très avares de faire connaître notre culture sur le plan touristique au cours des dernières années, au cours de la dernière décennie. Je dirais que nos ancêtres, dans les années vingt et trente, étaient plus agressifs que nous. Ils en parlaient plus. Vous l'avez vu dans le mémoire, dans les brochures anciennes qu'on a consultées, c'est la culture qui prédomine. Que sont les Québécois, leur mode de vie, l'architecture, l'église Notre-Dame de Montréal? On en parle encore. Je ne veux pas faire le tour du Québec, mais je sais que Mme la ministre vient de la région de Montréal. Alors, voyez-vous, c'est tout ça. C'est que nos ancêtres avaient compris et ça transpirait beaucoup dans la mise en marché touristique, à l'époque, mais le même produit culturel, iI est aussi demandé qu'il l'était avant. Nous sommes dans une... Voyez-vous, M. le député, notre problème. On a un produit monopolistique au sein d'un bassin de population de 65 000 000 d'habitants et, en 1991, on est en rattrapage parce qu'on ne l'a pas assez fait connaître. Alors, c'est un peu notre problè-

me actuellement.

M. Boulerice: C'est la dernière question que je veux poser parce que mon collègue de Shef-ford en a une. Je vous la pose très courte. Vous parlez d'une meilleure concertation interministérielle parce que vous voulez promouvoir la culture, mais dans chacune des régions du Québec... C'est vrai que, dans votre cas, la Montérégie, c'est en péril. Ils risquent de disparaître, malheureusement... mais il y a des conseils régionaux de la culture. Est-ce que vous avez des liens avec eux? Ça ne serait pas une façon d'impliquer la culture que de faire ça avec les conseils régionaux de la culture?

Mme Gallant: Oui, on le fait à la Montérégie. C'est pour ça que je suis très sensible. C'est très fort chez nous. Nous en avons...

M. Boulerice: Bien oui, c'est le meilleur. Mme Gallant: Pardon?

M. Boulerice: Je ne veux rendre personne jaloux, mais vous avez un des meilleurs conseils régionaux de la culture.

Des voix: Ha, ha, hal

Mme Gallant: Oui. Mais ils sont nombreux aussi autour de notre table du conseil d'administration. Définitivement, c'est un moyen, mais je pense qu'il y a aussi... Il n'y a jamais de mal à... Il faut faire rappeler que le tourisme est là et que, nous, on reconnaît l'importance de la culture et on aimerait aussi que ce soit vice versa et que ça soit mentionné de plus en plus, qu'on réalise qu'il y a un facteur quand même économique rattaché à tout ça. Mais, oui, on le fait et, bon, on va le vendre aussi autour de la province. On arrive justement d'une réunion de trois jours avec les différentes régions touristiques et c'est une préoccupation de toutes les réglons. Alors, il n'y en a pas une qui ne voit pas l'Importance de ça.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Shefford.

M. Paré: Bien justement, c'était ma question parce que je voulais savoir comment on pouvait faire pour inclure les deux. Vous avez très bien répondu, mais, effectivement, il va falloir faire des rapprochements entre les associations des différentes régions qui, finalement, se complètent. Ce n'est pas parce que ce sont des secteurs qui sont différents qu'ils doivent vivre en vase clos et non pas communiquer. Vous avez répondu... Je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'on doive faire de la publicité. Ce n'est pas vrai qu'on va Intéresser des gens à des choses qu'on ne leur montre pas.

On a eu un bel exemple dans la région Cantons de l'Est-Estrie-Montérégie quand on a fait venir "Skier à la française". Je dois vous dire, ça a été les années où on multipliait le nombre de présences venant du Québec, de l'Ontario et du Nord-Est américain. Si on ne vend pas, si on n'étale pas la marchandise, on n'aura pas de clientèle, je suis tout à fait d'accord avec ça. Vous avez répondu à ma question avant que je ne la pose et je vous en remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Peut-être dans le même sens que vous, si vous me permettez que je rajoute. Il y a quand même une interrogation que je me pose et c'est la suivante. Lorsqu'on parle de spécificité culturelle québécoise, on parle donc de spécificité francophone. C'est ça qui est notre différence parce que le reste, je veux dire...

Mme Gallant: Ça dépend de la région. (21 h 30)

Le Président (M. Gobé): C'est ça, mais, en général, le Québec est considéré comme ayant une culture francophone, française. Une des interrogations qui me vient en vous écoutant, en écoutant les collègues, Mme la ministre et mon collègue de Charlevoix, c'est la suivante: Est-ce que le fait que cette culture soit francophone, donc en français, à un moment donné, même si elle peut paraître sympathique de loin à nos cousins ou nos voisins américains qui sont notre principal marché potentiel de tourisme, est-ce que c'est là un attrait suffisant pour attirer ces gens-là? Ou est-ce que, plutôt, ils ne se disent pas: Quitte à voir de la culture, une pièce de théâtre ou un musée, je vais aller le voir à Toronto, à Niagara ou ailleurs où la langue est la même que chez nous. Est-ce qu'il n'y a pas là quelque chose de quasiment insurmontable? Parce que c'est sûr que ce facteur linguistique doit... C'est ça, notre culture. La différence entre nous et les autres, c'est ça, sinon, on est pareils.

Mme Gallant: Le tourisme, une des principales raisons de voyager, c'est pour le dépaysement. Alors, si on regarde l'Amérique du Nord où on peut se dépayser plus facilement, si on parle des Américains, c'est New Orleans ou le Québec et le Québec encore plus, parce que, vraiment, on a le Vieux-Québec, Montréal, enfin, les deux cultures. Maintenant, c'est de rendre notre culture accessible aussi aux Américains puis aux Anglo-Canadiens. Ça, c'est un autre volet. C'est de s'assurer que ces gens-là auront accès à ça, qu'ils puissent le comprendre.

Le Président (M. Gobé): C'est dans ce sens-là que je voulais aller. C'est important, on touche un point vraiment fondamental. Parce qu'on peut se conter toutes sortes d'histoire... Et je pense qu'il y a des vraies raisons, il y a des

causes et on se doit, en cette commission, de les regarder et de ne pas les escamoter.

Mme Gallant: Ça fait des années qu'on fait la manchette.

Le Président (M. Gobé): Vous en avez parlé en anglais, d'ailleurs, dans votre mémoire. J'ai vu ça. Est-ce que c'était un message que vous nous envoyiez?

M. Beaudoin: Est-ce que je peux compléter, M. le Président?

Le Président (M. Gobé): Oui, M. Beaudoin. Après, je passerai la parole à Mme la ministre.

M. Beaudoin: Je compléterais ce que Mme la présidente vient de dire avec trois éléments. Si vous allez en plein coeur de New York, sur l'île de Manhattan, ça fait bien, parler français. Il y a beaucoup de restaurants français. L'autre jour, j'étais au Marriott's, en plein coeur de New York. On m'a servi en français; ça fait bien, à New York, parler français. 50 % des Américains qui apprennent une deuxième langue, c'est le français qu'ils choisissent. Tous les Américains qui apprennent une deuxième langue, c'est le français qu'ils choisissent. Et lorsqu'il y avait le Bicentenaire des États-Unis, en 1976, il y avait un programme spécial aux États-Unis de projets locaux, régionaux, tout ça. Et la grande majorité de ces projets avait une sorte de liaison avec le fait français. Alors, la question française est quand même bien perçue aux États-Unis, parce que l'Américain, dans son histoire, il est conscient que le marquis de La Fayette leur a donné un coup de pouce, la famille Du Pont, pour avoir leur indépendance.

Donc, tout ça, ça s'accumule à travers les âges. Alors, comme vous voyez, la question française n'est pas un handicap pour le Québec. C'est peut-être nous qui manquons de conviction pour les inviter. Mais la langue n'est pas un handicap. D'ailleurs, lorsque le ministère des Transports a fait une recherche, sur le plan touristique, il y a un an, à savoir si le fait français pouvait être un handicap... Je ne sais pas si vous vous rappelez la question de la signalisation en français. M. Ryan était ministre à l'époque. Et la conclusion avait été que la question du fait français québécois ne posait pas de problème du tout, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): On parle spécifiquement de culture.

M. Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Gobé): Faites attention de ne pas nous éparpiller.

M. Beaudoin: D'accord.

Le Président (M. Gobé): De culture. Vous devez parler de culture et non pas de signalisation. Ça, c'est évident, c'est un autre débat qui n'est peut-être pas l'enjeu de cette commission.

Mme Gallant: La culture, il faudrait quelle soit accessible dans le sens du mot. Bon, s'il y a des Allemands qui viennent au Québec, à un moment donné, si on en avait beaucoup, il faudrait au moins qu'on soit capable de leur donner de la documentation en allemand. Si on vise les Américains, il va falloir que notre culture soit accessible en anglais pour les Américains pour qu'ils puissent nous comprendre, pour qu'ils puissent nous aimer, pour qu'ils puissent nous supporter dans n'importe quelle démarche qu'on décide d'entreprendre. On a eu des années où on aurait dû profiter de notre visibilité internationale, qui continue d'ailleurs. Et le message aurait été via la promotion touristique. Venez visiter le Québec, venez nous découvrir. Ça aurait été un message invitant. Oui, on veut que vous veniez nous rencontrer. Mais, si on ne supporte pas tout ce qu'on entend dire du Québec avec de la publicité et de la promotion, on ne viendra pas.

Le Président (M. Gobé): Je suis bien content de votre explication. Je pense que les gens de cette commission l'ont retenue, Mme Gallant. Je vais maintenant passer... Vous avez terminé, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Boulerlce: Je voudrais les remercier. C'a été rafraîchissant. Je ne sais pas si on cherche un slogan, mais on en aurait peut-être un: "Drive to Europe this summer"!

Des voix: Ha, ha, hal

Mme Gallant: "Discover Québec".

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le député. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci d'être ici, parce que je me souviens que, quand on s'est promené, qu'on a fait la tournée régionale, on avait spécifiquement insisté pour que le domaine touristique y soit, parce qu'il y a un lien tout à fait naturel. Ça me surprend même un peu quand vous dites que ce n'était pas évident, finalement, l'exploitation de la culture. Et quand je parle de culture, je parle aussi beaucoup des lieux culturels. On développe, nous, à coups de plusieurs dizaines de millions de dollars, ces infrastructures culturelles que sont le Musée de la civilisation, le Musée du Québec, le Musée des beaux-arts, le Musée d'art contemporain, le musée McCord. Il y a énormément de choses à faire, finalement. On est aussi très conscients que nos organismes n'ont pas le réflexe non plus. D'abord, premièrement, Ils ont à peine 365 jours

par année pour produire, se gérer. Et c'est aussi très présent dans le projet de politique touristique du ministre du Tourisme. Il va falloir développer une espèce de mécanisme, oui, mais un automatisme pour travailler, finalement, avec vous parce qu'on a besoin de ces appuis-là. Et là-dessus, d'aller chercher les appuis et tout ça, vous avez l'expérience et vous pouvez en montrer aussi. À cause de cette expérience, vous pouvez être très bénéfique au niveau du milieu culturel et effectivement, aussi, la culture c'est essentiel. Les gens ne viennent pas voir des industries; comme vous le dites, bien manger, bien dormir, oui, mais, entre-temps, il faut faire des choses.

Le Président (M. Gobé): À la québécoise.

Mme Frulla-Hébert: Alors, merci de votre apport.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Mme Gallant, M. Beaudoin, nous vous remercions au nom des membres de cette commission. Ceci met fin, pas à votre témoignage, mais à votre exposé. Nous vous en remercions.

Je vais donc Inviter les autres personnes, l'autre groupe à nous joindre, le Groupe Malette Maheu, de la région de l'Estrle. M. le député de Shefford va être content, des gens de sa région. Nous allons commencer dans une minute, peut-être le temps que les gens s'installent.

(Suspension de la séance à 21 h 38)

(Reprise à 21 h 39)

Groupe Malette Maheu, Estrie

Le Président (M. Gobé): J'invite les membres de la commission à reprendre place autour de cette table afin que nous puissions continuer nos auditions de la journée. Nous allons maintenant entendre le Groupe Malette Maheu de la région de l'Estrle, qui est représenté par M. Réjean Bélisle, directeur, M. Mario Thibeault, conseiller, et M. Paul Kirouac, conseiller. Alors, je vois qu'il y en a deux seulement. Est-ce qu'il manquerait quelqu'un?

M. Kirouac (Paul): II manque M. Bélisle, on tient à excuser son absence.

Le Président (M. Gobé): Alors, vous êtes M. Thibeault, si je comprends bien?

M. Thibeault (Mario): C'est moi, M. Thibeault.

Le Président (M. Gobé): M. Thibeault et M. Kirouac. Lequel d'entre vous va faire la présentation?

M. Kirouac: Je vais présenter l'introduction, et M. Thibeault, qui a participé à l'étude activement, qui a conduit l'étude, va présenter un sommaire de l'étude d'impact.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Kirouac, sans plus attendre, vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez à peu près une quinzaine de minutes pour ce faire. Après, nous dialoguerons avec les différentes personnes autour de cette table, ministre, députés, représentants de l'Opposition officielle. Alors, vous pouvez commencer.

M. Kirouac: Peut-être avant de commencer, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Non, en commençant.

M. Kirouac: II s'est glissé une erreur d'impression et on a envoyé des versions amendées avec le document corrigé du 30 septembre. Est-ce que tous les membres de la commission l'auraient reçu?

Le Président (M. Gobé): Nous avons reçu ces versions amendées et nous vous remercions.

M. Kirouac: C'est une erreur d'impression double sur une page.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez procéder.

M. Kirouac: Mme la ministre, M. le Président, honorables membres de cette commission, c'est avec plaisir que le Groupe Malette Maheu, Estrie, présente un mémoire à la commission de la culture sur la proposition de politique de la culture et des arts.

Nous souscrivons, entre autres, à ce que la culture soit traitée comme une priorité de l'État et que cette volonté s'exprime au plus haut niveau du gouvernement par la proposition à l'Assemblée nationale d'un projet de loi sur la culture. Plusieurs raisons justifient que des efforts additionnels soient poursuivis: les retombées économiques, entre autres, de la culture et des arts. L'objectif de notre démarche est de mettre en relief l'importance économique du secteur culturel et de sa dynamique en Estrie.

Nous vous remercions de nous permettre de souligner notre intérêt pour la culture et les arts. Si vous le permettez, on va présenter notre groupe, qui est le Groupe Malette Maheu, à l'échelle provinciale. Fondé et dirigé par des Québécois, le Groupe Malette Maheu réunit 150 associés et 1300 employés répartis dans 40 bureaux du Québec. En Estrie, la firme regroupe 100 employés et offre des services en vérification, fiscalité, consultation et informatique.

La mission du Groupe Malette Maheu est d'aider nos clients à mieux réaliser leur plein potentiel en leur fournissant des services professionnels de qualité supérieure en vérification et en gestion. Le Groupe Malette Maheu s'implique de façon active depuis plusieurs années au niveau du secteur culturel: études économiques, contributions financières ou techniques, participation à des conseils d'administration. Le Groupe Malette Maheu contribue donc à la vivacité du secteur culturel.

M. Thibeault, ayant conduit cette étude, va présenter la portion d'étude d'impact économique qui a été réalisée en 1989 pour l'Estrie.

Le Président (M. Gobé): M. Thibeault, vous pouvez y aller mais en tenant compte que vous avez, comme je vous l'ai dit, une dizaine de minutes à peu près.

M. Thibeault: Oui, ça va. Effectivement, on a réalisé, en 1989, l'étude d'impact des activités culturelles pour le Sherbrooke métropolitain. L'objectif de l'étude, c'était de mesurer quels étaient les effets directs et indirects du secteur culturel au niveau de l'économie du Sherbrooke métropolitain. Et, lors de cette étude-là, on a répertorié 250 entreprises culturelles dans les différents secteurs d'activité: arts d'interprétation, arts plastiques, visuels, etc.

La première constatation qui a été faite c'est que les dépenses d'opération et d'immobilisation de ces 250 entreprises-là totalisaient approximativement 24 000 000 $. En termes d'impact économique mesuré sous forme de valeur ajoutée au coût des facteurs, il a été déterminé que l'impact était de 18 900 000 $. Ce sont des dollars dépensés en masse salariale, en profits, en amortissement, etc. Au niveau des emplois, on a comptabilisé, en termes d'effets directs et indirects, 850 emplois.

Les entreprises culturelles étaient classées en trois catégories. Il y avait les entreprises à but lucratif, les entreprises à but non lucratif et les travailleurs autonomes. La catégorie des entreprises qui représentaient le plus de retombées économiques, que ce soit en termes de valeur ajoutée ou en termes d'emplois, c'était le secteur entreprises à but lucratif, avec 11 200 000 $ en valeur ajoutée et 470 personnes-année, ce qui correspondait à 55 % des emplois totaux du secteur.

L'ampleur de ces montants nous a amenés, à l'époque, à considérer le secteur culturel comme étant un secteur tout aussi important pour l'économie du Sherbrooke métropolitain que des secteurs comme le tourisme ou le manufacturier. C'est donc un secteur qui est considéré comme étant capital pour la région. C'est un secteur qui, faute d'avoir été aussi exploité que le secteur touristique et que le secteur industriel, offre actuellement des perspectives de croissance qui sont possiblement supérieures aux deux premiers secteurs précédemment mentionnés. Il s'est réalisé beaucoup de projets à caractère culturel au cours des derniers mois dans le Sherbrooke métropolitain, et H continue de s'en réaliser encore. Vous en avez une nomenclature à l'intérieur du document.

Afin de soutenir la croissance de ce secteur-là, et du secteur touristique et manufacturier, les sept municipalités de la région du Sherbrooke métropolitain se sont donné une société qui s'appelle la Société de développement économique de la région sherbrookoise. C'est une société qui a un budget de fonctionnement de 1 300 000 $, auquel vient s'ajouter un autre budget, pour des projets spéciaux, de 500 000 $. La Société chapeaute trois sociétés: l'une pour l'industrie, l'une pour le tourisme et une pour la culture. La Société de développement culturel a spécifiquement comme mandat le support aux entreprises, la promotion, l'animation économique, la recherche et le développement.

À notre avis, il s'agit d'un modèle d'Intervention municipale en matière culturelle passablement innovateur. La Société fonctionne avec de l'argent neuf, et la Société est donc en mesure d'effectuer différents travaux.

La conclusion que l'on tire c'est que le milieu a déjà identifié que le secteur culturel est très important et il a débloqué les sommes d'argent nécessaires. L'on pense que le gouvernement du Québec et les différents partenaires du secteur culturel devraient s'inspirer de ce type de modèle de développement pour favoriser l'essor des différentes régions.

En conclusion, ce que l'on dit, c'est que la culture est un axe de développement Important pour la région de Sherbrooke et qu'une politique de la culture et des arts qui favorisera une concertation des intervenants et une implication du milieu saura maximiser les retombées économiques en matière culturelle. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci. Nous allons maintenant, donc, débuter les discussions et je vais passer la parole à Mme la ministre de la culture.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup. D'ailleurs, je suis très contente du rapport qui, finalement, offre peut-être une espèce de... D'abord, c'est un rapport qui montre aussi un dynamisme dans une région donnée parce qu'on sait que toute la région de Sherbrooke est une région qui est très dynamique dans le secteur culturel. On y croit beaucoup, aux municipalités, etc. Et votre mémoire apporte aussi un éclairage qui est aussi convaincant de l'importance de la culture comme développement clé d'une stratégie économique pour la région. Et je sais, des fois, que les milieux n'aiment pas qu'on parle de cette façon parce qu'on économise, qu'ils disent - en fait, on en a beaucoup parié hier - dans le secteur culturel et ça peut être dangereux quand on

parle de 65 000 emplois, 3 900 000 000 $ en termes de revenus générés, global, au Québec. Mais, d'une certaine façon, II faut aussi regarder ce secteur-là, cette facette-là pour aussi faire comprendre à ceux qui comprennent mieux avec des chiffres qu'avec la création comment c'est Important.

J'aimerais vous entendre sur votre implication dans le soutien d'organismes d'activités culturelles, soit les commandites ou... Est-ce que vous êtes beaucoup... D'abord, vous devez être beaucoup sollicités et quels sont vos critères de répartition au niveau des budgets de commandites?

M. Kirouac: II n'y a pas de règles précises, je pense. C'est comme de demander à une institution, que ce soit la nôtre ou une autre: Quelles sont vos règles d'attribution sur votre ensemble de budget en commandites en cours d'année? Je pense que chaque projet est analysé à son mérite, en fonction d'une période donnée, une période annuelle. Ça pourrait être en fonction de la visibilité qui est offerte, en fonction du caractère sain des projets qui sont déposés, en fonction des affinités avec les gens qui sont impliqués dans le projet. Je pense que ce sont des raisons à la fois d'affaire et de contribution dite sociale de toute entreprise dans le milieu. On a effectivement contribué sur une gamme de toute nature. Il y a des services qu'on a rendus à titre gratuit, il y a des commandites. On s'est offert en gestion sur... On participe également à des conseils d'administration dans le domaine culturel. Ça fait que c'est une gamme très variée, dans le fond, de commandites dans le milieu, sous toutes sortes de formes ou toutes sortes de contributions.

Mme Frulla-Hébert: Donc.vous n'avez pas de critères précis.

M. Kirouac: C'est une contribution qui est variée et II est aussi à la fols question d'individus, l'ensemble des individus qui sont dans le milieu, chez nous, à quel endroit ils seraient heureux de contribuer d'une façon sociale. Et souvent le domaine culturel offre une de ces portes-là au même titre que l'industrie ou le tourisme. On fait le même genre de contribution dans d'autres domaines.

Mme Frulla-Hébert: Puisque vous analysez aussi au fur et à mesure le marché, sur quoi vous basez-vous pour dire qu'il y a encore du potentiel de développement, si on veut, chez vous, au niveau culturel? C'est parce que ça nous aide, nous aussi, au niveau des autres régions.

M. Kirouac: II y a quand même une liste de projets très actifs qui sont là, qui sont quand même des... Pour citer un projet, par exemple, sur lequel j'ai travaillé activement, on parle de l'implantation de la résidence permanente de l'Orchestre mondial des jeunes dans notre région. Je pense que la région de Sherbrooke a pris le "lead" sur un dossier auquel elle croit. Il y a des gens qui sont impliqués depuis longue date dedans. L'effort municipal a déjà été endossé. Je pense que c'est des dossiers qui sont déjà rendus comme projets au ministère. Ça fait que vous avez une série d'exemples concrets qui sont là, où je ne peux pas dire, pour chacun des dossiers, si c'est la région sherbrookoise, le milieu, l'institution elle-même qui a pris le "lead" dans le dossier. Dans le cas de l'Orchestre mondial, je peux vous le certifier, c'est d'abord des gens du milieu qui ont participé activement, qui y croyaient, qui ont commencé à bâtir un projet et, à travers le réseau de sociétés de développement dont la région sherbrookoise s'est dotée, ils se sont servis de ce mécanisme de développement et de promotion pour aider à ce que le projet se développe, émerge et ait des balises très bien assises et très bien... formant un projet ou fondant un projet très bien assis sur le plan de la composition, son cheminement financier et son cheminement opérationnel.

Mme Frulla-Hébert: Finalement, cette façon de fonctionner, une espèce de mariage entre tous les intervenants, est-ce que vous sentez que c'est contagieux? Parce que, quand j'ai fait le tour, la municipalité de Sherbrooke a parlé justement de cette société. Ensuite, il y a Trois-Rivières aussi qui semble être intéressée, Lon-gueuil le regarde. Je trouve que c'est de mettre tous les intervenants ensemble et de travailler pour un but commun, finalement, le développement, et ce, à tous les secteurs. Est-ce que vous sentez que c'est une façon, une méthode qui est contagieuse?

M. Kirouac: Le phénomène des sociétés, Mme Hébert, est quand même un phénomène tout à fait récent.

Mme Frulla-Hébert: Bien oui.

M. Kirouac: C'est un mouvement qui a été réfléchi quand même, je dirais, durant une période peut-être de 24 mois avant de prendre des structures officielles qui ont commencé cette année, en début janvier. Ça fait qu'il est difficile de spéculer et dire quelles vont être les tendances là-dessus au Québec. Néanmoins, dans son peu de temps de vécu, je pense que ça a fait la preuve d'un certain dynamisme. Je pense qu'il y a des projets où il y a beaucoup de choses qui émergent. C'est très catalyseur au niveau de l'énergie, que ce soit entre l'industrie, je dirais davantage le tourisme et la culture. D'ailleurs, on a des représentants, on a M. Leroux qui est président de la Société de développement touristique et M. Comtois qui est directeur général de la Société de développement culturel. Je pense

qu'on fait la preuve que ces milieux-là peuvent vivre ensemble. Ils ont été rapprochés ensemble. Et, de toute évidence, je pense que plus on les rapproche, plus il risque d'émerger des points communs où ces gens-là se parlent, ou que des efforts soient concertés souvent à l'intérieur de projets qui seront déposés.

Mme Frulla-Hébert: J'aime beaucoup ça, toute cette nouvelle approche. La municipalité de Sherbrooke, c'est une municipalité qui est très très dynamique. Est-ce que vous sentez, finalement, que les municipalités, en soi, se développent en ce sens-là? Il y a eu beaucoup... On a eu l'époque où, pour les municipalités, c'était de travailler un peu sur soi-même, un peu fermé. Et là on sent une espèce d'ouverture d'esprit sur beaucoup de choses. Est-ce que la contribution municipale... Et le dynamisme municipal, j'imagine, dans un projet tel que celui-ci, est capital?

M. Kirouac: Je ne suis pas dans les confidences du maire ou de tous les maires participants. Il y a un peu deux volets à votre question, que je peux comprendre. C'est: Est-ce que l'ensemble des intervenants municipaux autour de la table voient dans ce projet-là quelque chose où tout le monde retrouve son intérêt? Ou est-ce que, dans le fond, chacune des municipalités, par rapport à ce qui se passe sur son propre terrain... Parce que c'est quand même une activité qui est un peu para ou complémentaire à ce qui se développe dans le secteur municipal propre. C'est de l'argent neuf et ce sont des sociétés autonomes, même si elles ont un chapeau qui est municipal.

À la première option qui est: Est-ce qu'il est évident que tous les projets sont faits pour essayer de maximiser l'ensemble de l'Impact des intervenants autour de la table? c'est bien évident que, quand il y a un projet, on essaye de voir jusqu'à quel point chacun peut avoir des retombées dans son milieu ou essayer de favoriser l'émergence de projets de cette nature.

Pour ce qui est maintenant de la deuxième option: Comment est-ce qu'on regarde... Est-ce que l'enjeu, pour une municipalité qui a un budget serré et qui contribue effectivement à cette société-là, risque d'être un jour satisfait ou non? je pense que c'est le temps qui va faire la preuve, Mme Hébert, de ce choix-là. C'est encore tôt. Mais, à date, je pense qu'il n'y a pas eu de bombe dans les journaux qui fasse qu'il y ait des choix qui soient faits dans les projets qui ont été présentés, ou des critiques qui aillent complètement à rencontre du développement des sociétés, par exemple.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la ministre. M. le député de Shefford, je présume. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: On ne va pas se chicaner. Je vais vous en poser une petite vite et mon collègue prendra tout le temps, puisqu'il est impliqué dans cette région-là. La question est globale. Vous avez forcément lu le rapport Arpln, sinon vous ne seriez pas ici. Comment vous retrouvez-vous, comme région, à l'Intérieur du contenu du rapport Arpin?

M. Kirouac: D'abord, il ne faudrait pas oublier qu'on est une région où, naturellement, on a... On a voulu venir présenter notre mémoire parce que de présenter, sur un plan économique, l'activité culturelle dans la région, c'est important.

M. Boulerice: Mais sentez-vous...

M. Kirouac: Chez nous, c'est considéré... Ça a un statut d'entreprise avec une certaine parité au même titre que l'industrie et le tourisme.

M. Boulerice: Ça, je n'en doute pas. Les chiffres que vous citez sont éloquents, on ne peut plus. Mais est-ce que, dans le rapport Arpin, il y a une traduction de l'importance de la culture dans les réglons telle que, vous, vous nous la présentez? Avez-vous lu ça dans le rapport Arpin, vous? SI oui, dites-moi à quelle page et à quel paragraphe. (22 heures)

M. Thibeault: Dans le rapport Arpln, le modèle conceptuel, au départ, qui est proposé, c'est d'identifier trois régions au Québec, à savoir Montréal, Québec et le reste.

M. Boulerice: Le reste, oui. Ha, ha, ha!

M. Thibeault: II est bien évident qu'étant issus d'une firme qui se développe sur une base régionale avec une quarantaine de bureaux on ne peut pas prétendre que la problématique et la dynamique des différentes régions au Québec définies dans "le reste" au niveau du rapport soient les mêmes. C'est évident.

M. Boulerice: Et pauvre. Se faire traiter "de reste" au départ, comme on dit en bon québécois, c'est le "boutte du boutte". Et, si vous aviez à faire cette rédaction, c'est quoi le développement régional? Oui, je sais que c'est des emplois, mais est-ce que c'est un développement régional de réception seulement ou un développement régional culturel ou de production, de création?

M. Kirouac: Tous les mots qui finissent en "Ion".

M. Boulerice: Oui, mais c'est un peu le rapport. Il est parti en lion, mais là iI est en train de finir en mouton.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Thibeault: Les activités, que ce soit la création, la production ou la diffusion, sont des activités qui sont très dynamiques dans une région comme l'Estrle ou le Sherbrooke grande région. Dans le rapport, évidemment, lorsqu'il est mentionné qu'il y a des activités culturelles en région qui sont des situations souvent pénibles au niveau de leur contenu, c'est le genre d'allusions qui, sans en douter, sans être expert au niveau culturel, blessent les gens du secteur culturel. Ça, c'est évident. Parce qu'il y a quand même un contenu très intéressant aussi au niveau de la création, la production et la diffusion culturelle dans les régions.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président (M. Gobé): Alors, monsieur...

M. Boulerice: Pour ne pas me faire un ennemi de mon collègue, je vais...

Le Président (M. Gobé): II mourait d'impatience de poser une question. Il m'avait fait signe. M. le député de Shefford, vous avez maintenant la parole pour une dizaine de minutes à peu près.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je vais revenir à la page 15 de votre mémoire où on parle effectivement de la Société de développement économique de la région de Sherbrooke. Vous en parlez comme un nouveau modèle d'intervention municipale. Je dois dire que je trouve que c'est un geste avant-gardiste, mais je veux juste le comprendre correctement.

Vous dites que ce sont sept municipalités de la région de Sherbrooke. Je suppose qu'il doit s'agir des sept municipalités les plus proches. Est-ce que ce serait... Ça ne doit pas se rendre à Magog ou à Lennoxville? C'est quoi? Ce sont les six municipalités en périphérie de Sherbrooke?

M. Thibeault: Oui, c'est la grande région de Sherbrooke. Ce sont les municipalités de Lennoxville, Ascot, Bromptonville, Rock Forest, Fleuri-mont.

M. Paré: Ahl On se rend à Lennoxville. M. Thibeault: Oui.

M. Kirouac: Si vous permettez, pour représenter le modèle, on a des personnes vivantes qui peuvent expliquer c'est quoi les structures du modèle. On a un président puis un directeur général de ces sociétés.

M. Paré: Oui, j'aimerais ça, parce que, effectivement, je veux voir si...

M. Kirouac: Peut-être les inviter en même temps autour de la table.

Le Président (M. Gobé): S'il y a d'autres personnes qui prennent place autour de cette table, j'aimerais ça que vous vous identifiiez en arrivant. Peut-être nous les présenter.

M. Kirouac: M. Gaston Leroux, qui est président de la Société de développement touristique du Sherbrooke métropolitain, les sociétés dont on parle, et M. Georges Comtois, qui est directeur général de la Société de développement culturel.

Le Président (M. Gobé): MM. Leroux et Comtois, bienvenue à cette table. Et lorsque vous serez interpellés, vous serez autorisés à répondre.

M. Paré: Je vais poser ma question autrement en vous demandant, ensuite de ça, de me donner l'explication. De plus en plus, il est question, au Québec, qu'il y ait des regroupements au niveau ou des MRC ou de différentes villes qui ont chacun leur commissariat industriel ou leur centre de coordination économique, peu importe comment on les appelle. Mais, très souvent, deux villes voisines, qui vont avoir des services en termes de développement, vont même compétitionner. O.K? Soit dans les déplacements à travers le Québec, à l'extérieur du pays, à l'extérieur du continent pour amener du développement dans leur région.

Si je comprends bien, chez vous, vous avez décidé plutôt de mettre en commun, finalement, et votre argent et votre personnel, et ne pas "duplicater", mais plutôt multiplier vos efforts en ayant une concertation. Est-ce que je comprends bien? Ce qui s'est fait en 1990, il existait déjà, peut-être pas dans les sept municipalités, mais plus qu'un commissariat industriel ou un centre de coordination économique et vous avez décidé d'une fusion des services de sept municipalités qui se donnent en commun un centre, une société de développement économique et qui ramasse et le personnel, peut-être pas au complet, puis peut-être plus, et les budgets de l'ensemble des municipalités pour se donner une force plus grande. Est-ce que j'ai bien compris que c'est ça qui est arrivé? Et, si oui, est-ce que c'était dans un but d'efficacité ou si c'était dans un but d'économie?

M. Leroux (Gaston): Écoutez, si on peut parler de la naissance des sociétés de développement...

Le Président (M. Gobé): M. Leroux, vous avez la parole.

M. Leroux: Merci. Depuis déjà - Paul faisait allusion à 24 mois - 24 mois, il se faisait une réflexion, à partir de la ville de Sherbrooke, sur

tout le développement économique industriel, culturel, touristique, via les gens d'affaires, via les milieux socio-économiques et via les organismes culturels.

Étant donné la synergie des sept municipalités dont vous mentionnez le nom, la synergie, des gens travaillent à Sherbrooke et demeurent à Lennox, des gens travaillent à Lennox et demeurent à Ascot; bon, effectivement, cette espèce de synergie et cette proximité économique dans différents secteurs ont amené les gens à se rapprocher au niveau de la réflexion d'un développement intégré sur un territoire géographique très bien ciblé, en termes de synergie, au niveau dont je viens de vous parler, sur le plan culturel, sur le plan industriel et sur le pian touristique. L'objectif était d'intégrer le développement économique, ces trois secteurs étant identifiés comme étant des secteurs à développement par osmose, où les uns et les autres pouvaient intégrer les efforts de développement en y injectant des sommes d'argent, en créant de l'emploi et, surtout, en faisant coexister et arrimer des stratégies de développement. Ces soclétés-fà ont eu l'accord très rapidement, pour leur naissance, des sept municipalités en question qui ont décidé d'y injecter 5 000 000 $ pour les trois prochaines années; 5 000 000 $ d'argent qui représentent 1,5 % des budgets de chaque municipalité en question.

Dans les stratégies de développement intégré, et c'est peut-être ce qui nous lie davantage avec l'étude d'impact économique - et je laisserai Georges parler de ce développement d'impact économique culturel qui vient de la ville de Sherbrooke et qui a été porté à l'attention de ce territoire - il reste qu'on a voulu prendre ces sommes d'argent en termes de millions et essayer de les rendre plus efficaces, pas pour économiser, comme objectif, les dépenses, mais rendre ce qui était disponible comme argent le plus efficace possible en arrimant et en faisant une stratégie très très serrée de ces trois secteurs. Ce qui fait que les stratégies que les sociétés ont développées, ont été développées par osmose. Les plans d'action et les stratégies mis de l'avant en société de développement touristique sont connus et travaillés en collaboration directe avec les plans et les stratégies de la Société de développement culturel, de même en osmose avec la Société de développement industriel. De telle sorte que nous sommes, par exemple, sur le plan touristique, dans une approche d'un tourisme pluriel sur 12 mois qui, c'est évident, est un tourisme d'affaires, un tourisme de vacances, un tourisme de culture, un tourisme d'activités religieuses, un tourisme de sports et on a développé, dans nos stratégies, un appui direct en arrière des stratégies de la Société de développement culturel qui, elle, a identifié l'ensemble de ses produits à offrir et nous, on a développé notre stratégie d'offre dans le marché en visant nos clientèles cibles, en disant:

D'abord, on va consolider nos produits existants sur le plan culturel. Alors, on peut parier Ici, et le rapport Malette le mentionne, de nos compagnies de théâtre, puisqu'il s'agit de la culture, nos compagnies de théâtre pour l'enfance et la jeunesse que nous avons. Mme Frulla-Hébert a conclu une entente d'un plan triennal avec le Théâtre du Sang Neuf récemment, qui a une diffusion pour la jeunesse et qui a un rayonnement non seulement provincial, mais dans la francophonie canadienne, et nous avons des compagnies de danse. Nous avons des compagnies d'orchestre symphonique. Nous avons des chorales de première importance. Nous avons, sur le plan culturel, sur les arts visuels, énormément d'artistes dans l'écriture, etc.

Et ce qu'on a voulu faire, c'est d'abord consolider en région nos acquis et notre développement, et s'assurer que nous étions un investissement dans une vitalité culturelle et touristique en région. Et ça, c'est tout le débat de nos artistes qui partent à tout bout de champ parce qu'ils n'ont pas d'emplois chez nous et qui s'en vont vers les grands centres. C'est tout le combat des régions qu'on a voulu essayer de contrer par l'investissement, toujours dans des programmes qui faisaient en sorte qu'on n'était jamais capable de vraiment consolider notre investissement. On a voulu faire avec ces sociétés et ces investissements une capacité de nous développer économiquement et sur le plan culturel et sur le plan de l'Industrie et sur le plan du tourisme, en créant des emplois, en gardant nos artistes et en essayant de développer au maximum les capacités et les potentiels.

C'est ça les outils qu'on a mis sur pied et c'est les objectifs qu'on tente d'atteindre. Et, déjà, on est dans le premier tour de cadran des sociétés. On n'a pas 12 mois de faits, mais on a déjà des réalisations à notre actif, ce qui fait qu'on a soulevé la question de l'Orchestre mondial des jeunes. On parle de plusieurs projets sur le plan culturel où on va appuyer des organisations qui souvent sont bénévoles. On va les appuyer avec de l'argent et des stratégies pour que ça devienne des entreprises économiques, mais aussi que ça demeure fondamentalement la possibilité, pour des créateurs, ceux qui investissent dans l'écriture, dans le théâtre, dans la musique, de se développer, d'avoir un emploi et de vivre en région.

Et, là-dessus, je laisserai Georges parler de ces témoignages de la Société de développement culturel dans cette même dynamique.

Le Président (M. Gobé): En vous rappelant qu'il reste à peu près trois minutes pour la fin de l'Intervention.

M. Comtol» (Georges): Nous, à la Société de développement culturel, évidemment, on est à une pointe de ce type de développement là. On vient s'ajouter à des structures qui existent déjà. C'est

important de le comprendre. C'est-à-dire qu'à la ville de Sherbrooke, il y a déjà une politique de développement culturel, II y a déjà une politique de soutien des activités qui sont de type d'intégration, d'assimilation de valeurs culturelles, une pratique à la base. Notre intervention, comme société, vient surtout appuyer des organismes qui tendent à être des organisations professionnelles et des entreprises.

Il est important d'ajouter, donc, que notre niveau d'intervention ne vient pas remplacer une autre intervention. Au contraire, elle vient la compléter. Nous désirons, en tant que société, consolider une certaine forme d'offre culturelle en mettant en valeur ce que l'on pourrait appeler la personnalité culturelle de la région sherbroo-koise, en se fiant sur ce qui se fait dans le milieu, notamment dans le secteur de la musique, où il y a un orchestre symphonique depuis 53 ans, un orchestre des jeunes, un orchestre de chambre. Nous voulons consolider ce type de développement là en favorisant une émulation via, notamment, la résidence d'été de l'Orchestre mondial, qui est. un produit de première qualité.

Nous pouvons également tabler sur un patrimoine relativement particulier au Québec, du fait de l'origine de la région sherbrookoise, qui a ses antécédents loyalistes, où ça transparaît encore dans tout le tissu urbain, dans l'architecture urbaine. Nous pouvons également consolider sur des valeurs en termes d'arts vivants, le théâtre, les arts visuels.

Nous sommes donc là pour assister ces intervenants qui ont une approche de plus en plus professionnelle, et les amener à avoir une approche peut-être de plus en plus entrepreneu-riale.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. M. le député de Shefford, je pense que vous avez terminé. M. le député de... Oui, en terminant peut-être...

M. Paré: Oui, en terminant.

Le Président (M. Gobé): En conclusion.

M. Paré: En conclusion. Vous avez répondu à ma question. Je suis heureux de voir que ça s'ajoute effectivement, et c'est ce que je voulais, voir comment on pouvait... Parce que, habituellement, on retrouve industrie, commerce et tourisme, alors que, vous autres, on retrouve industrie, tourisme et culture. Et je dois vous dire que je trouve ça très avant-gardlste et très intéressant. Et ça vous permet probablement déjà de commencer ce qu'on retrouve dans le rapport, l'interrégionalisation aussi. Il y a Montréal, Québec, les réglons, mais, quand on dit qu'il faut faire des échanges, c'est des échanges entre les régions aussi. Et, quand vous nommez des troupes, il y a des noms que je m'imagine tout de suite et qui, je le sais, viennent se présenter à Granby. ALors je trouve que c'est un bon début.

Le Président (M. Gobé): Alors merci, M. le député. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oh, je pense que d'ajouter à ce que mon collègue dit serait superflu. Je pense que quand on réécrira, enfin, quand on écrira, puisque j'estime qu'elle n'est pas là, la partie régions, dans le rapport Arpin pour une politique culturelle, je pense qu'on devra s'inspirer de ce que les gens de l'Estrie viennent de nous démontrer. Ça donnera probablement du contenu là où, malheureusement, il y en a très peu, à mon point de vue.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Sur ces bonnes paroles, je vais maintenant laisser Mme la ministre conclure cette journée.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci. Je vous remercie aussi pour le complément d'information. Effectivement, je pense que c'est une façon très innovatrice de voir les choses. C'est pour ça que je demande toujours: Est-ce que c'est contagieux? Parce qu'il faut que ce soit contagieux. Alors, ceci dit, merci. On a eu une grande discussion au niveau des régions. Je tiens juste à dire que c'était quand même un de vos représentants qui représentait les régions. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, Mme la ministre. Messieurs, merci d'être venus à cette heure-là, un peu tardive, à cette commission. Alors, je vais maintenant ajourner les travaux à demain, 9 h 30, en cette salle. La commission est maintenant ajournée. Bonne soirée à tout le monde.

(Fin de la séance à 22 h 16)

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