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(Onze heures dix minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare cette
séance ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ceux et celles
qui nous font l'honneur d'être présents, particulièrement
nos collègues parlementaires des deux côtés de la table. Je
souhaite vivement que cette commission continue de susciter
l'intérêt qu'elle suscite dans le moment et que ça se
poursuive tout au long de nos séances.
Je rappelle très brièvement que le mandat de la commission
est le suivant. Il s'agit, pour la commission permanente de la culture de
l'Assemblée nationale, de procéder à une consultation
générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition
de politique de la culture et des arts déposée à
l'Assemblée nationale le 14 juin dernier. C'est ce que nous allons faire
au cours des prochaines semaines. Donc, maintenant, M. le secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Dupuis
(Verchères) est remplacée par M. Dufour (Jonquière) et M.
Godin (Mercier) est remplacé par M. Parizeau (L'Assomption).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, ces
remplacements sont notés. L'ordre du jour d'aujourd'hui a
été distribué aux parlementaires. Nous aurons, cet
avant-midi, les déclarations d'ouverture. La ministre des Affaires
culturelles procédera pour une quarantaine de minutes, peut-être
45. Un temps équivalent sera accordé à l'Opposition
officielle. Ensuite, nous suspendrons pour le déjeuner, pour reprendre
à 14 heures, avec l'Union des écrh/aines et écrivains
québécois, pour trois quarts d'heure. Ce sont des périodes
de trois quarts d'heure qui sont prévues.
À 14 h 45, il y aura l'Institut québécois du
cinéma. À 15 h 30, l'Université Laval sera ici. Nous
aurons ensuite le groupe RIDEAU, pour terminer avec le Conseil de la sculpture
à 17 heures, pour un dernier trois quarts d'heure. Donc, ces choses
étant dites, je rappelle que les ententes sont telles que c'est
prévu au règlement. Donc, je viens de les énumérer.
Sans plus de préambule, j'invite maintenant Mme la ministre à
bien vouloir procéder à sa déclaration d'ouverture de ces
travaux. Mme la ministre.
Déclarations d'ouverture Mme Liza
Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Chers
membres de la commission de la culture, M. le chef de l'Opposition, chers amis,
M. le Président, je veux vous souligner que c'est aujourd'hui un moment
historique. Nous amorçons, par les travaux de cette commission, une
réflexion de société. Pour la première fois de
notre histoire, l'ensemble du Québec discutera publiquement, à
travers ses représentants culturels, financiers, économiques,
syndicaux, éducatifs et religieux, des grands enjeux d'une
société qui s'est d'abord identifiée à sa
culture.
Ce qui m'amène à souligner avec plaisir, M. le
Président, la présence du chef de l'Opposition. J'aime croire que
la présence du député de L'Assomption, M. Parizeau, est un
symbole de sa volonté de discuter de notre développement culturel
à des niveaux qui dépassent le rang de nos partis politiques. Je
souhaite donc associer chacun de nos collègues à l'importance des
prochaines semaines. La mission que nous nous sommes confiée est
emballante et déterminante pour l'ensemble de notre
société. Il s'agit ici de se mettre à l'écoute de
nos concitoyens et concitoyennes, de ceux et celles pour qui la culture
représente un bien collectif.
Rappelons-nous un instant le chemin parcouru. 1960: le gouvernement se
donne un rôle prépondérant dans la défense de notre
langue et de notre culture, et dans la protection de notre identité
nationale. Les activités culturelles ne sont guère accessibles et
elles sont pour la plupart réservées à une élite.
C'est ainsi que le ministère subventionnera, au cours de sa
première année d'existence, 96 personnes et organismes pour un
montant de 610 000 $. Dans les années soixante-dix, la culture se
démocratise. Le gouvernement prend le pari du développement
culturel des régions. Les subventions sont versées dans le cadre
de nombreux programmes normes.
Les années quatre-vingt auront finalement permis la structuration
et l'organisation des milieux culturels, l'amélioration du statut
professionnel des artistes et des créateurs, l'apparition d'un dynamisme
culturel plus grand dans toutes les régions du Québec et le
rayonnement de la production québécoise à
l'étranger. Les années quatre-vingt-dix posent, quant à
elles, le défi de l'innovation, de la nouveauté, alors que nos
créateurs et nos entreprises culturelles font face à une
réalité en pleine mutation dans un monde culturel
éclaté.
Notre passé culturel s'illustre aussi par une volonté de
grandir. On dénombre, aujourd'hui,
une cinquantaine d'organismes musicaux, plus de 130 compagnies de
théâtre, près de 15 compagnies de danse, quelque 60 centres
d'artistes autogérés, environ 180 galeries d'art commerciales,
150 lieux de spectacle, 344 musées et centres d'exposition, 900
bibliothèques publiques ou affiliées aux bibliothèques
centrales de prêts, et plus de 500 monuments et sites culturels
classés.
Dans le domaine des industries culturelles, nous comptons pas moins de
100 maisons d'édition, autant dans la production audiovisuelle et
près de 40 entreprises dans le domaine de l'enregistrement sonore.
Des institutions nationales existent dans plusieurs secteurs. Au
Musée du Québec se sont ajoutés le Musée d'art
contemporain, le Musée de la civilisation, des conservatoires de
musique, des lieux de diffusion tels que la Place des Arts et le Grand
Théâtre.
Dans le domaine de la conservation, le Québec s'est doté
de sa propre Bibliothèque nationale en plus d'avoir mis en place l'un
des meilleurs centres de restauration d'oeuvres d'art au Canada, le Centre de
conservation du Québec. Les Archives nationales existent, quant à
elles, depuis 1920. Le Québec jouit donc d'équipements culturels
importants, d'organismes diversifiés qui se distinguent par leur
créativité et par la qualité de leurs
réalisations.
De nombreuses lois comme la Loi sur le développement des
entreprises québécoises du livre, la Loi sur le cinéma, la
Loi sur les archives, les lois sur le statut de l'artiste sont en vigueur.
Elles donnent aux milieux culturels des moyens d'action, des outils pour
s'organiser, protéger ou régir leurs secteurs d'activité.
Comme gouvernement, nous nous sommes engagés financièrement dans
le soutien des activités culturelles, dans la création
d'équipements culturels et dans la conservation de notre patrimoine. En
examinant le chemin parcouru, nous réalisons la nécessité
d'actualiser notre intervention. Le mandat formulé à
l'époque répond-il à la réalité des
années quatre-vingt-dix?
Le 24 janvier dernier, j'annonçais la création du
groupe-conseil sur la politique culturelle. M. Roland Arpin acceptait la
présidence d'une équipe de 10 personnes, 10
Québécois et Québécoises reconnus pour leur
compétence et leur leadership dans leur milieu respectif. C'est le 14
juin dernier que la proposition du groupe-conseil était
déposée à l'Assemblée nationale. J'entends
travailler fermement dans l'esprit du rapport Arpin, soit de faire
reconnaître la mission culturelle à des niveaux de
considération comparables à nos missions économique et
sociale.
M. le Président, je tiens à remercier et à
souligner ici le travail du groupe-conseil et de chacun de ses membres: M.
Jules Bélanger, historien et président de la
Société historique de la Gaspésie; M. Bernard Boucher,
secrétaire général de l'Institut québécois
du cinéma; M. Marcel Couture, président du Salon du livre de
Montréal; M. Antoine Del Busso, éditeur, directeur des
Éditions de l'Homme, directeur du Jour; M. Peter Krausz,
directeur de la galerie d'art du centre Saidye Bronfman; Mme Andrée
Ménard, directrice de RIDEAU; M. Gaétan Morency, directeur de
l'ADISQ; M. Robert Spickler, directeur de l'Orchestre symphonique de
Montréal; Mme Marie Ttfo, comédienne; M. Serge Turgeon,
président de l'Union des artistes. Le groupe a brillamment relevé
le défi et son rapport nous trace des voies que nous devons
explorer.
Déjà, en janvier dernier, à l'annonce de la
formation du groupe-conseil, j'invitais nos concitoyens à se
préparer à l'exercice de consultation que nous amorçons
aujourd'hui. Le 17 juillet, l'invitation s'officialisait et, M. le
Président, 263 organismes et individus ont tenu à nous faire
connaître leur point de vue face au tournant culturel dans lequel nous
nous engageons. Je voudrais aussi informer mes collègues que pas moins
de 14 ministères sont impliqués dans le processus qui nous
mènera à établir une politique culturelle que nous voulons
gouvernementale. Des rencontres et des réunions à des niveaux
ministériels et au niveau de nos cabinets ont été tenues
depuis le 2 juillet. Dans une action sans précédent, plus de 300
membres et employés du ministère des Affaires culturelles ont
participé à une journée de réflexion le 12
septembre dernier. Comme vous pouvez le constater, la démarche que nous
amorçons par des préparatifs sérieux démontre
l'importance de cette consultation aujourd'hui. Cette commission parlementaire
n'aura été dépassée, par le nombre de
mémoires, que par les commissions sur la loi 22 en 1976, par la loi 101
en 1977 et par le projet de loi 120 en 1991.
M. le Président, je crois profondément que le temps est
venu de faire le point et de dégager une politique culturelle
cohérente pour l'avenir de notre société
québécoise. J'ai déjà pris connaissance de nombreux
mémoires. L'engagement et l'intérêt diversifié des
groupes et des individus que nous entendrons témoignent de l'attachement
et de la conscientisation qu'ils possèdent envers notre devenir
culturel, et je les en remercie.
Je souhaiterais, M. le Président, soulever dès maintenant
quelques axes vers lesquels nous devons pousser nos interrogations. Elles sont
au nombre de huit. 1° La place de la création dans une politique
culturelle. Nos créateurs, nos artistes constituent l'âme de notre
vie culturelle. Le gouvernement a adopté deux lois reconnaissant le
statut professionnel des artistes. Les problèmes fiscaux des
interprètes ont été résolus. Nous nous sommes aussi
dotés d'une politique d'acquisition et de gestion du droit d'auteur, et
nous
avons reconnu et compensé financièrement dans des ententes
le droit des créateurs à toucher des revenus pour l'utilisation
de leurs oeuvres dans le réseau de l'éducation et des affaires
sociales. Pourtant, plusieurs artistes nous font part de la
précarité de leurs conditions de vie et de leur pratique
professionnelle. Il nous faut assurer un relèvement de ces conditions.
L'activité culturelle au Québec représente 65 000 emplois
et génère 3 500 000 000 $ dans notre économie. L'effort
que nous devons consacrer au développement et au maintien de l'emploi
dans ce secteur est crucial et est aussi important que celui que nous devons
consacrer à préserver les emplois dans d'autres secteurs
économiques. Soutenir davantage le rôle irremplaçable de la
création devient rapidement, dans ce contexte, un renouvellement de nos
objectifs. Comment assurer cette fonction essentielle contre les variations de
notre vie économique? Quels moyens devons-nous prendre et mettre en
oeuvre pour protéger le caractère unique de notre vie culturelle?
2° Le développement des arts et des industries culturelles. La
situation financière de plusieurs de nos organismes invite certaines
études à nous recommander de mettre fin à une gestion trop
parsemée, de mettre , un terme à une administration de
saupoudrage. Certains nous suggèrent d'aligner un soutien vers une
consolidation des organismes; d'autres, au contraire, craignent qu'un tel choix
freine l'émergence de la relève et de nouveaux projets
artistiques. Ces contradictions doivent être clarifiées afin de
mieux cerner nos objectifs. Quels doivent être les moyens que nous devons
privilégier pour renforcer nos organismes? 3° Le financement des
arts et de la culture. Le financement des arts et de la culture est aussi un
enjeu important. Depuis cinq ans, le budget du ministère des Affaires
culturelles a doublé. S'il ne dépasse toujours pas le seuil de 1
% du budget gouvernemental, en contrepartie, je soulignerais que le
gouvernement investit dans notre vie culturelle à travers 14
ministères. Une fois ce constat réalisé, le défi
demeure. Le milieu culturel fait face à une sous-capitalisation de ses
organismes et il nous faut explorer ensemble le domaine du financement des
arts. Les questions sont nombreuses et cette commission parlementaire doit nous
aider à trouver les bonnes réponses. 4° Le rôle
culturel des médias. Ceci nous amène à un autre enjeu
majeur qui n'est pas sans relation avec le dernier, c'est-à-dire le
rôle culturel des médias. Le Québec a accès à
un ensemble de médias électroniques et écrits. Ceux-ci
sont devenus les lieux de création et constitueront l'un des principaux
véhicules culturels des années à venir. Leur niveau
d'accessibilité et le développement technologique en feront des
éléments clés dans notre devenir culturel. Comment
associer davantage nos médias à la diffusion, à la
création et à l'animation culturelles? C'est une des grandes
questions sur laquelle plusieurs participants voudront s'exprimer. 5°
L'éducation. Le groupe-conseil sur la proposition d'une politique des
arts et de la culture a aussi identifié l'école comme un centre
d'animation, de diffusion et de formation en matière culturelle. Le
groupe pointe l'école comme le véhicule le plus propice pour
donner à nos jeunes les outils pour accéder à la richesse
des arts et de la culture. En 1991, l'école peut-elle et, si oui,
doit-elle accroître son rôle culturel? Notre éveil à
la vie culturelle comme adulte dépend souvent d'une sensibilisation
acquise en bas âge. Ne devons-nous pas y accorder une attention
particulière? En 1991, la formation artistique et le perfectionnement de
nos artistes sont-ils encore adéquats? 6° La vie culturelle dans les
16 régions du Québec. Je voudrais maintenant témoigner, M.
le Président, de la vigueur et du dynamisme culturels qui
caractérisent chacune de nos régions. M. le Président, je
rentre à peine d'une tournée effectuée dans 10 de nos
grandes régions. Je me suis rendue successivement en Estrie, dans les
Bois-Francs, en Mauricie, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans l'Abitibi,
l'Outaouais, sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent, la
Gaspésie et dans les Laurentides. Ce que j'ai vu, M. le
Président, est dans la lignée de nos grands bâtisseurs
culturels, une création fondée sur une appartenance et une
volonté extrêmement ferme de participer à la dynamique
culturelle du Québec. Bien sûr, nous devons prêter l'oreille
aux créateurs de notre capitale et de notre métropole qui font
face à une situation particulière. Gardons toujours à
l'esprit que notre culture grandira dans la mesure où nos artistes, nos
créateurs, nos développeurs de l'ensemble du Québec
échangeront. Plusieurs intervenants régionaux m'ont fait part de
leur inquiétude face à la place que donnera la future politique
culturelle à la création régionale. Nous aurons l'occasion
de les entendre. Ils seront nombreux à venir nous faire part de leur
vision, du type de vie culturelle qu'ils souhaitent pour leur région et
de la façon dont le ministère doit les soutenir et
élaborer ses programmes d'aide financière.
La ville de Québec est aussi unique, reconnue mondialement comme
joyau de notre patrimoine. Son histoire, son visage en font une force
culturelle à appuyer. Montréal, pour sa part, possède une
richesse culturelle que nous connaissons tous et qui s'exprime dans sa
diversité; elle représente une vitrine importante de notre
activité culturelle pour le milieu international. L'apport de nombreuses
communautés constitue un atout important dans le futur
montréalais. Il faut donc profiter des prochaines semaines pour
ébaucher des solutions et des réponses à
l'équilibre que nous devons trouver pour favoriser l'éclosion de
créneaux culturels qui répondent aux besoins de chacune de nos 16
grandes
régions. 7° L'action internationale. Le défi de
l'internationalisation se pose de façon probante. Depuis des
années, le discours politique et économique s'appuie sur un
rapprochement des communautés, sur l'abolition des barrières. Sur
le plan culturel, la volonté du gouvernement de s'ouvrir sur le monde
s'est déjà exprimée: le moment est venu de définir
notre action. Quels sont les moyens que nous devons déployer pour
affronter la concurrence mondiale? Devons-nous prioriser certains axes de
développement? Plusieurs organismes seront appelés à nous
faire partager leur expérience. L'écoute de ces
témoignages nous aidera à définir une intervention mieux
ciblée.
Et, finalement, 8° La culture dans nos municipalités. M. le
Président, je suis heureuse de constater le nombre important de
représentants municipaux qui tiennent à s'exprimer ici dans le
cadre de cette commission parlementaire. Je suis certaine que ces
invités pourront enrichir notre débat et nous aider à
trouver ces réponses. D'entrée de jeu et de façon plus
particulière, je veux dire aux représentants municipaux que j'ai
l'intention de travailler en étroite collaboration avec eux. Mon
ministère a fait la preuve, par le passé, d'une volonté
d'association; j'entends maintenir ce cap. Je rappellerai qu'à travers
des programmes d'implantation et de soutien aux bibliothèques, à
la mise en valeur du patrimoine, à la construction et à la
rénovation des salles de spectacle ou encore comme partenaires dans
l'appui à des activités artistiques et culturelles nous avons
créé un climat d'échanges fructueux.
Il serait bon également de rappeler que le ministère des
Affaires culturelles est le ministère le plus décentralisé
de tout l'appareil gouvernemental. De cette façon, nous pouvons mieux
répondre aux attentes de notre clientèle. Il sera
intéressant, au cours des prochaines semaines, d'enregistrer
l'expérience des uns et des autres afin d'orienter nos politiques.
Enfin, M. le Président, permettez-moi de faire le point sur la
proposition que le gouvernement fédéral a fait connaître,
il y a une semaine aujourd'hui. Il s'agit d'abord d'un document qui surprend.
La remise en question qu'il véhicule est majeure. D'un point de vue
canadien, ce document remet en cause la structure politique canadienne et
contient des propositions qui risquent de chambarder le type de gestion
publique que s'était donné jusqu'ici le Canada. Il questionne
sérieusement la capacité concurrentielle canadienne. Il s'agit
donc d'un document qui possède le mérite d'affronter et de
questionner la problématique politique, constitutionnelle et
économique du pays.
Mais, M. le Président, ce document dépasse largement tout
ce qui avait été publié jusqu'ici. Rappelons que les
rapports des commissions Laurendeau-Dunton dans les années soixante,
Pépin-Robarts dans les années soixante-dix,
MacDonald dans les années quatre-vingt ont tous recommandé
un accroissement de pouvoirs pour le Québec, entre autres, dans les
champs culturel et linguistique. Il y a quelques mois, chez nous au
Québec, le rapport Allaire et celui de la commission
Bélanger-Campeau concluaient en faveur d'un rapatriement exclusif en
matière de culture. Le document fédéral de mardi dernier
se place donc en porte-à-faux par rapport à l'ensemble de ces
commissions ou comités. Historiquement et traditionnellement, le
Québec a toujours été identifié comme le seul
gouvernement responsable de la défense et de la promotion de la culture
francophone en terre d'Amérique. Or, le gouvernement
fédéral, à travers son document, remet en question cette
responsabilité. (11 h 30)
M. le Président, nous n'avons pas l'Intention de nier
l'investissement d'Ottawa au Québec, un investissement, il faut bien se
le dire, qui provient de l'ensemble de nos concitoyens du Québec.
Déjà, depuis quelques années, avec son pouvoir de
dépenser, Ottawa nous a forcé la main dans certains secteurs et,
selon ses priorités, il multiplie les dédoublements et les
chevauchements. Les secteurs de l'édition et du cinéma sont des
champs où il y a duplication avec nos bibliothèques nationales,
avec nos agences de développement, ainsi qu'avec nos programmes de
soutien. Ajoutons un autre exemple: au niveau des équipements culturels,
le gouvernement fédéral a certes investi des sommes importantes,
mais il faut être conscient que, chaque fois qu'Ottawa investit dans la
construction d'un nouvel équipement, il se décharge de toute
responsabilité financière reliée au fonctionnement des
organismes concernés. La pression devient alors très forte pour
le gouvernement du Québec d'apporter son soutien à ces organismes
et, par le fait même, de modifier l'ordre de ses propres
priorités. En termes clairs, le fédéral bâtit, en
collaboration avec le Québec, l'équipement et il prend pour
acquis que le Québec contribuera à ces opérations pendant
des décennies. N'est-ce pas là, M. le Président, une autre
façon de s'ingérer dans le champ culturel?
Mais, depuis mardi dernier, le gouvernement fédéral
exprime la volonté de se donner un pouvoir additionnel, soit celui de
légiférer en toute matière jugée utile à une
union économique. Ce pouvoir additionnel soulève de nombreuses
interrogations dans le domaine de la culture. Quelles garanties avons-nous
qu'Ottawa ne cherchera pas à diminuer la portée de notre Loi sur
le cinéma? Quelles garanties avons-nous qu'Ottawa ne cherchera pas
à contrer notre action qui vise à favoriser les éditeurs
québécois? Quelles garanties avons-nous qu'Ottawa ne cherchera
pas à éliminer le réseau de nos distributeurs
québécois dans le domaine du fï/m? Quelles garanties
avons-nous qu'Ottawa ne cherchera pas à assujettir nos lois de
protection sur le patrimoine? Quelles garanties avons-nous
qu'Ottawa ne cherchera pas à subordonner notre législation
sur le statut professionnel des artistes? Voilà autant de questions qui
m'inquiètent, surtout si le gouvernement fédéral maintient
sa volonté d'appliquer des normes pancanadiennes,
M. le Président, le gouvernement fédéral doit
modifier ses positions et Ottawa doit refaire ses devoirs. La proposition telle
que présentée, M. le Président, est inacceptable. Le
Québec s'est toujours élevé contre un affaiblissement de
ses pouvoirs en matière de culture. Travailler, M. le Président,
en collaboration, oui. Travailler sous tutelle, jamais.
Entre-temps, je voudrais préciser, M. le Président, que
j'entends fournir, le mois prochain, à la commission parlementaire sur
la loi 150 qui étudie les propositions fédérales, une
étude plus poussée des observations que je vous livre ce matin.
M. le Président, j'entends me battre pour un Québec
culturellement fort et tourné vers l'avenir. M. le Président,
maintenant que cette mise au point est effectuée, je souhaite pouvoir
engager cette commission parlementaire sur son enjeu principal, soit la
définition d'une politique québécoise en matière de
culture.
La société québécoise évolue depuis
plus de 382 ans. Elle est fondée sur une interrelation entre nos
communautés amérindienne, anglaise et française. La
communauté anglophone a joué et continue de jouer un rôle
prépondérant dans le développement de notre culture. C'est
à partir d'une tradition et d'une communion de nos communautés
que plusieurs de nos grands organismes ont pu voir le jour et évoluer.
Comme gouvernement, nous devons offrir à notre communauté
anglophone les moyens d'assumer son développement. La communauté
amérindienne s'exprimera aussi à travers ses leaders. J'entends y
prêter une oreille attentionnée, une oreille qui sera à
l'écoute d'une communauté qui s'affirme et qui lutte pour la
sauvegarde de sa culture. M. le Président, la société
québécoise doit recréer ses liens avec ses
communautés amérindiennes; le canal culturel constitue alors
l'une des voies à privilégier. Comme nous pouvons le
réaliser, notre avenir culturel repose sur un ensemble de
défis.
Un mot avant de terminer, M. le Président. Le ministère
des Affaires culturelles a 30 ans cette année. Il s'agit, à notre
point de vue, d'une année-charnière et cruciale. Je souhaite
être bien comprise: l'exercice que nous amorçons ce matin nous
conduira à des résultats concrets, fondés sur un souci
d'efficacité et de clairvoyance. J'invite donc nos créateurs, nos
organismes et nos développeurs à s'exprimer à travers un
dialogue franc, sans crainte de faire connaître leurs
préoccupations les plus profondes. C'est à travers ses auteurs,
ses artistes, son théâtre, sa littérature, son
cinéma, sa musique et sa chanson qu'une société exprime sa
force de création, et c'est à l'État qu'il appartient de
créer des conditions qui en favorisent l'expres- sion. J'entends agir de
façon concrète afin de favoriser cette force créative
propre au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Ceci
termine donc les remarques préliminaires du côté
ministériel. Maintenant, j'accorde la parole, pour 40, 45 minutes,
à l'Opposition officielle. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques ou M. le chef de l'Opposition, je ne sais trop.
M. André Boulerice M. Boulerice: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: ...M. le chef de l'Opposition, Mme la ministre,
chers collègues de la commission de la culture, au-delà de 260
demandes d'intervention en cette commission, est, effectivement, un chiffre
assez impressionnant, mais n'allons pas nous cacher, M. le Président,
que cette commission s'ouvre dans un climat où règne une certaine
méfiance, un scepticisme, après trois ministres successives et
six années de pouvoir libéral. Le discours a toujours
été au désengagement de l'État et à des
intentions répétées et non respectées quant au 1 %,
à l'absence de lois sectorielles urgentes et on a eu les propos
contradictoires récents entre la ministre et son premier ministre.
Passons outre, M. le Président.
Albert Jacquard, dans son "Éloge de la différence",
s'interroge sur le nivellement et la diversité des cultures. Le
Québec pourrait-il répondre à cette interrogation? Je n'en
doute point. L'action culturelle participe à l'identité, à
la qualité, à l'intelligence et à la sensibilité
unique, distincte des composantes individuelles et collectives du peuple
québécois. Parce que déniée sans cesse par la
structure canadienne, cette unicité culturelle est le coeur et la raison
du ' besoin de cohérence souveraine du peuple québécois.
L'action gouvernementale en arts, en culture et en communications constitue
donc une condition fondamentale de réussite du projet de
société québécoise souveraine, moderne et ouverte
sur l'avenir et le monde.
De façon à assurer une administration publique plus
efficace et plus cohérente du domaine des arts, de la culture et des
communications, une politique culturelle globale doit être centrée
par une reprise en main par le gouvernement du Québec de
l'administration du domaine dont la responsabilité a été
graduellement usurpée par le gouvernement fédéral. Cette
reprise de contrôle par le Québec doit, du même élan,
s'inscrire dans une démarche stratégique de réorientation
et de restructuration en profondeur de l'action de l'État
québécois en ce domaine primordial du présent et de
l'avenir du Québec.
Cette diversité, une condition de développement durable de
l'humanité, est battue en brèche par le monoculturalisme
hégémonique envahissant des multinationales de la culture. Sauver
)a planète passe aussi par la survie des différences culturelles
des êtres humains, humus de diversité qui conditionne l'avenir de
l'humanité.
Dans le document de discussion que notre formation politique remettra
incessamment au milieu des arts, de la culture et des communications, nous
proposerons une action globale tout en faisant la distinction, et non pas la
compar-timentation telle que contenue dans le rapport Arpin, entre les arts et
la culture, cette dernière étant nos institutions et nos
industries en arrimage avec les arts et les activités d'expression et en
jonction avec l'immense secteur des industries et services des communications,
donc, en prenant ce virage culturel essentiel pour un Québec moderne et
souverain, n'en déplaise au ministre fédéral des
communications, M. Beatty.
Pour nous, il ne s'agira pas de rénover, de renouer, mais bien
d'inventer des situations nouvelles qu'impose la venue du troisième
millénaire et, également, d'inventer les solutions
professionnelles et industrielles les mieux adaptées au marché et
aux besoins du Québec, des créateurs et artistes qui font ce
Québec. Notre vision, notre conception se voudra une contribution au
projet de société nationale que nous voulons.
M. le Président, je céderai la parole au chef de
l'Opposition et député de L'Assomption qui, par sa
présence, témoigne de l'importance de la culture au sein du Parti
québécois, parce que la culture, M. le Président, est
à la fois en amont et en aval du projet de souveraineté pour le
Québec.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le chef de l'Opposition, vous avez maintenant la
parole.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, je voudrais
remercier la commission de m'autoriser à présenter aujourd'hui
devant elle un certain nombre de préoccupations dont je dois dire que,
pour moi, elles ne sont pas nouvelles et qui m'apparaissent à la fois
trop importantes pour notre société et trop sérieuses pour
qu'on les place dans un cadre qui se voudrait, comment dire, rigoureusement
partisan. Je pense que nous n'en sommes pas la. D'un autre côté,
je vais essayer d'être aussi réaliste que possible, parce que le
dialogue culturel dans les milieux, disons, politiques, au sens large, du
Québec, depuis trop longtemps - et quand je veux dire "trop longtemps",
je ne ne parle pas de deux, trois ou quatre ans, on ne parle pas de ça -
depuis, disons, un bon demi-siècle est trop souvent marqué de
désirs, de souhaits et d'une sorte de refus de voir souvent la
réalité en face.
Cette réalité, dans ses éléments
fondamentaux, est, au fond, assez simple. Une société de langue
française, en Amérique du Nord, qui, finalement, sur le plan
culturel, développe ou montre une vitalité de plus en plus
remarquable doit pouvoir compter en son sein sur des appuis à la fois
profonds et étendus. C'est dans la nature des choses. Il faut que la
culture de cette société puisse s'appuyer, bien plus que dans des
sociétés plus nombreuses, à la fois sur des Interventions
gouvernementales, sur des appuis de toutes espèces d'organismes de la
vie publique, sur, comment dire, l'aspect privé de l'économie de
cette société. Puisque la culture est l'expression
peut-être la plus fondamentale de cette société, elle doit
être capable de s'appuyer sur les appuis que la société -
justement parce que la culture joue ce rôle - doit lui fournir.
C'est ça, la normalité des choses pour une
société comme la nôtre. On pourrait en dire tout autant des
sociétés Scandinaves, les sociétés de petits pays
en termes de population. Mais singulièrement pour nous, compte tenu du
contexte nord-américain dans lequel nous vivons, c'est la
normalité des choses. Seulement, ça ne s'est pas passé
comme ça. Ça ne s'est pas passé comme ça,
reconnaissons-le clairement, parce que les expressions politiques de la
société québécoise, pendant très longtemps,
n'ont pas compris cela et, donc, ont laissé la place à peu
près libre à un gouvernement fédéral qui avait
d'autres intérêts, d'autres orientations et qui a occupé
une place que le Québec, dans l'ensemble, pendant longtemps, n'a pas
voulu occuper.
Et, somme toute, pendant longtemps aussi, reconnaissons que ce qu'Ottawa
a fait dans le domaine large de la culture et des communications n'a pas
nécessairement et systématiquement desservi le Québec.
L'importance, à une certaine époque - c'est moins vrai
aujourd'hui - de Radio-Canada sur la langue française ici a
été indiscutable, absolument indiscutable, alors que le
gouvernement du Québec de l'époque considérait que les
Québécois étaient - disait le premier ministre de
l'époque - des Français améliorés et que nous
avions le meilleur système d'éducation du monde, toujours ce
contraste entre les déclarations puis la réalité des
choses. (11 h 45)
Le Québec n'a pas été desservi pour l'apparition
d'un cinéma ici. Il n'a certainement pas été desservi par
l'Office national du film, dans la façon dont il s'est manifesté
au départ. Et le Conseil des arts, créé à Ottawa,
s'inscrivait à une époque où, dans ce sens, ici il ne se
faisait à peu près rien. Bien sûr, ce n'était pas
complet. Bien sûr, selon l'esprit de l'époque, les arts
d'interprétation étaient très éloignés des
préoccupations de bien des gens. Les milieux les plus riches du
Québec étaient à ce moment-là, pour l'essentiel,
des anglophones qui, à Montréal, ont lancé pas mal de
choses, ont tenu pas mal
de choses, mais qui n'ont jamais eu cette perspective
québécoise de la culture, et c'est parfaitement normal.
Comme le rappelait la ministre tout à l'heure, en 1960, le
ministère des Affaires culturelles est créé. Il est
créé dans une atmosphère extrêmement difficile. Ces
débuts très difficiles du ministère au Québec sont
probablement plus largement responsables de la démission de M.
Georges-Emile Lapalme que quelque autre facteur que ce soit. En fait, rien
n'est aussi contrastant, dans les années soixante, que ce
ministère des Affaires culturelles qui, ayant réussi à
apparaître, a toutes les difficultés du monde, cependant, à
s'imposer et, dans ce sens, contraste avec toutes les autres grandes
initiatives de la Révolution tranquille. L'éducation
coûtera une fortune, dans les années soixante, et on prend pour
acquis que c'est nécessaire et que ça ne présente aucune
espèce de problème. On accusera même les mandarins de cette
époque d'avoir conspiré pour faire en sorte qu'à
l'Education on ne manque jamais d'argent. C'est rigoureusement vrai. Je le
sais, j'y étais.
Des transformations dans les services sociaux majeurs, fondamentaux, des
sommes considérables placées dans le développement
économique; la culture reste, sur le plan de sa seule expression au
gouvernement du Québec, la cinquième roue du carrosse. Bien
sûr, il y a eu des efforts. Je ne vais pas, à cet égard,
nier, par exemple, les efforts que le Parti québécois, au pouvoir
pendant neuf ans, a faits pour augmenter la part de la culture dans le budget
du gouvernement du Québec. Il ne faut pas nier, non plus, les efforts
qui ont été faits pour faire déboucher un certain nombre
de grands projets culturels. Mais, Dieu, que tout ça a été
pénible, difficile! Prenons ces grands investissements. Oui, le
Musée du Québec, le musée des Plaines vient d'être
inauguré. M. le Président, la première fois que des
crédits ont été affectés à ce projet, c'est
en 1977: 21 000 000 $. C'était beaucoup d'argent. Ça a
été périmé. En 1978, périmé; en 1979,
périmé; puis c'est disparu. Ça aura pris, dans des
querelles d'écoles, d'ailleurs, extraordinaires, donc 15 ans pour
aboutir. Heureusement, le Musée de la civilisation a pu être
déclenché et aboutir assez rapidement. Çia oui. Oui,
à Montréal, le déplacement du Musée d'art
contemporain, enfin, après bien des années, a finalement abouti.
Ça fait aussi 15 ans qu'on en a parlé. Mais la salle de concert,
toujours arrêtée. Ce musée tellement Important pour la
diffusion de ces formes nouvelles de culture dans la société de
la fin du XXe siècle, le musée de la science et de la
technologie, est encore accroché quelque part. La vocation de
Radio-Québec a été remise en cause combien de fols depuis
10 ou 12 ans? Que doit faire Radio-Québec? On n'a toujours pas fini d'en
parler.
Et puis, il y a eu des replis extraordinaire-ment significatifs. Oui,
parmi les grandes priori- tés - au moment de la réforme fiscale
municipale, en 1980, on comprend fort bien que le gouvernement doit garder un
certain nombre de priorités à l'égard des
municipalités puisqu'il supprime une foule de subventions dans d'autres
domaines - il va faire face à cette responsabilité de
l'épuration des eaux et ne s'en retirera pas. Il y mettra même des
sommes considérables. Jusqu'à tout récemment, il
reconnaissait la priorité du transport en commun et il y mettra des
sommes considérables. Dans le domaine culturel, II avait un certain
nombre de priorités, en particulier les bibliothèques publiques.
Les bibliothèques publiques, je reconnais que, depuis quelque temps,
ça va mieux, mais on sait les avatars de cette politique-là.
L'aide au cinéma, oui, on a compris, à un moment donné.
Et, depuis ce temps, ça stagne. Et non seulement ça stagne au
Québec, mais le contraste entre ce qui se fait à Ottawa et ce qui
se fait au Québec devient désarmant. Tout ça, d'ailleurs,
revient toujours à ce que, depuis des années et des
années, les budgets sont trop serrés.
Tout n'a pas été mal fait. Je ne voudrais pas ici
considérer que c'est une sorte de critique générale de
tout ce qui a pu se faire aux Affaires culturelles, côté
québécois, depuis un certain nombre d'années. Mais les
budgets ont toujours été serrés. Il manquait toujours
l'argent qu'il faut pour éviter un saupoudrage dans une multitude de
programmes. Les intentions étaient invariablement bien au-delà
des moyens.
Et comme toujours, quand, en fonction des intentions
déclarées, les moyens sont trop faibles, les contrôles
deviennent tatillons. On doit faire des pressions dans chaque programme pour
que ça coûte le moins cher possible. Comment arrive-t-on à
cela? Eh bien, en augmentant les contrôles ministériels. Le
contrôle ministériel devient la seule façon
d'empêcher le couvercle de la marmite de sauter. Le ministre des Affaires
culturelles devient celui qui a à dire non à tout le monde
à peu près sans arrêt. Ou sinon à dire non, en tout
cas, à s'excuser qu'il n'y en ait pas davantage.
Mais ça a développé une culture de ce qu'on
pourrait appeler la gestion culturelle à Québec. Une culture,
encore une fois, de petits contrôles, de mesquineries souvent
inévitables et qui contrastaient singulièrement avec des
ouvertures, comment dire, au niveau d'Ottawa qui, évidemment, maintenant
sont bien passées. À l'heure actuelle, Ottawa commence à
se rendre compte de ce qu'une atmosphère de coupures budgétaires
à qui on permet de s'étendre du côté culturel a
comme effet.
M. le Président, bien sûr, quand on est en face d'une
situation comme celle-là, il faut donner le change. Puisque les moyens
ne sont pas là, alors, au moins, que les paroles y soient. Et nous avons
été servis et nous sommes servis depuis des années sur le
pian, comment dire, de la langue et des affirmations. Qui ne se souvient
pas, au milieu des années soixante-dix, de l'affirmation du
premier ministre actuel du Québec à l'égard de la
souveraineté culturelle? On n'avait que des petits bouts, mais on allait
rêver à la souveraineté culturelle. Mais encore, en
août dernier, à la session spéciale, il n'y a pas si
longtemps, le premier ministre souhaitait que le Québec ait la
maîtrise d'oeuvre sur le plan culturel. La maîtrise d'oeuvre. Il
faut bien comprendre que la maîtrise d'oeuvre sur le plan culturel,
ça veut dire non seulement dans le domaine, par exemple, de la
distribution des subventions, mais ça touche l'ensemble de ce qui
compose aujourd'hui la culture et donc les communications.
Le rapport Arpin nous amène dans la même voie, souhaite que
le Québec soit maître d'oeuvre sur le plan de la culture, en
reconnaissant qu'un grand nombre des instruments culturels majeurs sont
à Ottawa. Néanmoins, ce thème revient comme si
c'était, comment dire, presque de la projection sur un plan
psychologique, un peu comme ceux qui sifflent dans le noir pour cesser d'avoir
peur. Mais la réponse sur ce plan a toujours été
très claire, à Ottawa, et elle nous est encore revenue à
l'occasion des offres constitutionnelles. Elle nous revient ce matin par les
déclarations du ministre fédéral des Communications, M.
Beatty, qui dit: Le gouvernement fédéral est essentiel comme
gardien de la culture québécoise. Se faire dire ça, est-ce
que ce n'est pas nous ramener à une réalité qu'on ne veut
peut-être pas voir, mais qui, aujourd'hui, est celle-là? On peut,
sans rire, à Ottawa, affirmer aujourd'hui: Ottawa est essentiel comme
gardien de la culture québécoise. Pourtant, l'objectif demeure
aussi fondamental.
Au fond des choses, une société placée comme la
nôtre, de la taille de la nôtre, doit trouver en elle-même
les instruments, les leviers - et j'allais dire plus large que ça - les
objectifs, les intentions qui permettent à sa culture de
s'épanouir, de se confronter à celles du reste du monde, de
devenir, au fond, une sorte de raison d'être de la société
elle-même. Elle doit être en mesure de trouver ça en
elle-même, la société québécoise.
C'est-à-dire que la souveraineté culturelle, elle est toujours
aussi essentielle, mais elle n'existera que par la souveraineté tout
court. Il va bien falloir passer par là. Tant qu'on n'aura pas
passé par la souveraineté tout court de la société
québécoise, bien, la souveraineté culturelle restera un
voeu, un espoir, chez certains peut-être un remords, mais il faudra
passer par là.
Dans cette optique, il faut, je pense, préparer l'expression de
la souveraineté culturelle dans le cadre d'un Québec qui,
effectivement, deviendrait souverain. Et là, au fur et à mesure
qu'on se rapproche de ce qui semble être, pour un nombre de plus en plus
grand de gens, comme une échéance qui va arriver assez vite, plus
on s'approche, plus on commence, au niveau des conceptions, à voir qu'il
n'est pas vrai que les artistes ont tous le même point de vue
là-dessus, que tous les milieux de la culture au Québec appellent
de leurs voeux la souveraineté culturelle qui découlerait de la
souveraineté. Plus on s'approche de l'échéance, plus on
remet en cause certaines des conceptions qui se sont fait jour au Québec
et certaines des façons dont la culture doit être appuyée
dans cette société. (12 heures)
Ce qui me paraît, à l'heure actuelle, être
l'interrogation la plus intéressante à cet égard a trait -
et on l'a vu dans pas mal de réactions à l'égard du
rapport Arpin - au rôle d'un ministère de la culture. Dans une
société qui a l'ensemble des instruments culturels qu'on doit
avoir quand une société comme la nôtre est placée
dans la situation où elle est, quel est le rôle exact d'un
ministère de la culture qui, là, présumément,
disposerait de toute la gamme des instruments? C'est là que se situe
cette interrogation à l'égard de ce qu'on appelle habituellement
en anglais le "arm's length" d'un ministère par rapport aux organismes.
La culture québécoise jusqu'à maintenant exprimée
à travers le ministère, c'est que le ministère
contrôle à peu près tout de ce qu'il peut contrôler
à l'Intérieur du champ qui lui est fait. Il y a beaucoup de
réticences à cela et des réticences qui sont parfaitement
compréhensibles.
L'orientation fédérale a tradionnellement
été différente: des organismes dotés de leur budget
qui le dépensent et qui le gèrent avec un degré
d'autonomie assez grand par rapport au ministère; des organismes
subventionnant qui ne sont pas l'expression inévitable et constante de
la volonté du ministère, du ministre. Je pense qu'au moment
où on se préparerait à disposer de l'ensemble de nos
instruments dans le domaine culturel et des communications qui y sont
liées, il faut se le dire, la formule fédérale est
probablement la bonne, et qu'on cesse ici ces rivalités de modes de
fonctionnement. Je pense qu'il va falloir simplement reconnaître que
cette idée de l'"arm's length", dans le cadre culturel tel
qu'exercé à Ottawa jusqu'à maintenant, a beaucoup de bon
et atténue un grand nombre de frayeurs dans des milieux
d'interprètes, d'artistes, de créateurs qui se méfient du
dirigisme gouvernemental et, soyons de bon compte, à juste titre.
L'esprit souffle d'où il peut et, dans ces conditions et par
définition, l'esprit qui souffle d'où il peut sera toujours un
peu répugnant pour un gouvernement qui, lui, vit de normes, de
standards, de programmes normes et qui, d'autre part, garde toujours une
certaine nostalgie de l'intervention discrétionnaire du ministre.
Bien sûr, il ne faut pas non plus être naïf. Je sais
bien que l'Harm's length", que ces organismes distincts peuvent
assez facilement - on en a vu parfois des exemples à Ottawa - devenir
des républiques des camarades, des sociétés
d'admiration mutuelle et des endroits où, à quelques-uns,
on se renvoie l'ascenseur. J'ai été trop longuement dans un
domaine connexe, celui de l'enseignement universitaire, pour ne pas avoir de
tentation de faire de l'angélisme. Seulement, ça se
contrôle, ça se maintient dans des bornes raisonnables, ça,
la république des camarades. Du moment qu'on est capable d'en
reconnaître les dangers, il est probablement plus facile de
contrôler ça dans des organismes indépendants que de
s'imaginer que le gouvernement, le ministère deviendrait... On pourrait
l'empêcher de chercher à être le service à tout
faire.
Le ministère, oui, doit, je pense, définir les programmes,
définir les orientations, initier les programmes, mais pas les
gérer, pas les gérer. Il ne sait pas comment faire ça et
probablement qu'il ne le saurait jamais. Le ministère doit aussi statuer
sur les très grands équipements. Il est évident que les
équipements culturels majeurs ne peuvent pas éviter des
décisions gouvernementales directes. Ça aussi, ça va de
soi. D'autre part, il faut, comme on ne l'a jamais fait jusqu'à
maintenant, dans une perspective toujours de souveraineté, souder ses
préoccupations culturelles et ses préoccupations de
communication. Il ne faut surtout pas chercher à mettre une sorte de
barrière entre les deux. L'interpénétration maintenant est
tellement forte que cela, d'ailleurs, peut amener à examiner
l'apparition d'un véritable ministère de la culture au
Québec comme étant redéfini quant à son champ de ce
qui est envisagé.
Une autre préoccupation majeure, au moment où on
s'approche de l'échéance de la souveraineté, dans les
milieux de la culture a trait au budget. On dira: C'est une
préoccupation élémentaire. C'est une préoccupation
élémentaire si on veut, mais elle est fondamentale, cette
préoccupation. Le jour où le Québec
récupérerait d'Ottawa l'ensemble des organismes culturels et de
communication, quelle assurance aurait-on dans ces milieux de la culture que
les moyens mis à la disposition de tous ces groupes seraient, au moins,
l'équivalent de ceux qu'il y a à Québec, à l'heure
actuelle, et de ceux qu'il y a à Ottawa? On ne peut pas éliminer
ça du revers de la main. Les milieux de la culture comprennent
très bien que, de l'ensemble des activités gouvernementales, ce
qu'il y a de plus mou sur le plan des compressions, c'est ce qui n'est pas
lié à beaucoup de personnel géré par des
conventions collectives. Inévitablement, qu'est-ce qu'il y a de plus mou
dans une optique de compressions budgétaires? Ce n'est pas
l'éducation, pas la santé, sur l'essentiel de leurs programmes.
Ce n'est pas à ça qu'on touche. On touche à la voirie -
ça, oui, les dépenses de la voirie, normalement, j'allais dire,
c'est la poire pour la soif de tout budget qu'on a à équilibrer -
et puis à des secteurs où il n'y a pas de protection du tout par
le cadre administratif, administratif j'entends bien, des conventions
collectives. La culture est une pièce de choix. Il ne faudrait surtout
pas s'imaginer qu'on ne sait pas ça. L'expérience finit par
apprendre. Donc, il est parfaitement normal que ceux qui sont directement
impliqués dans ces ministères qui ont peu de résistance
soient toujours effrayés, quels que soient leurs intérêts.
Ah, les gens dans la culture, comment dire, ont leurs appréhensions.
Mais tenez, par exemple, les écologistes ont les mêmes à
l'égard de l'environnement. Ça aussi, c'est un secteur qui est
beaucoup plus mou dans un cadre de compressions budgétaires. Comment
répond-on à ces appréhensions qui, encore une fois, sont
parfaitement exactes? Par des promesses? Bien sûr. Des engagements? Oui.
Ça ne veut pas dire nécessairement que ça va faire taire
toutes les craintes, toutes les peurs, ça.
Dans ce sens, M. le Président, moi, je comprends qu'après
l'expérience du 1 % il y a pas mal de gens qui se disent: Ça ne
sert à rien, ces pourcentages. De toute façon, ce n'est pas
appliqué. On laisse tomber ça. Moi, je ne suis pas convaincu que
le fait de s'engager sur un pourcentage, de se servir d'un pourcentage comme
symbole qui permet de juger de la performance d'un gouvernement par rapport
à un pourcentage auquel on s'est engagé à l'avance ne
comporte pas des éléments de protection, pas parfaits, sans
doute, mais au moins qui permettent de juger de la performance d'un
gouvernement.
Évidemment, dans l'optique d'une véritable
souveraineté culturelle, ça ne peut pas être 1 %. Puisqu'on
récupère des tas de choses qui, à l'heure actuelle, sont
payées par le gouvernement fédéral, on
récupère les impôts aussi. Alors, donc, ça serait
beaucoup plus considérable que 1 %. Mais, moi, je ne laisserais pas
nécessairement tomber ce symbole d'un pourcentage. On dira: Ça
apparaît vil; ça fait presque mesquin comme approche. Oui, mais,
d'un autre côté, ça peut donner à des groupes qui se
sentent parfois extrêmement vulnérables une protection au moins
que tout le monde est en mesure de comprendre.
De la même façon, il faudra, je pense, réexaminer
complètement cette question de la taxation des produits culturels. Nous
sommes, à l'heure actuelle, dans une situation de désordre le
plus total. Que l'on ait pu, à partir de changements dans les structures
de taxation au Canada, au Québec et dans les municipalités, en
arriver à se rendre compte soudainement que les produits culturels
pourraient être taxés à la hauteur de 27,5 %, c'est
aberrant! Qu'on se soit tout à coup rendu compte que, en additionnant
les initiatives fiscales de tout le monde, c'est ça que ça
donnait, dans un secteur où on sait bien que la sensibilité de
celui qui achète le produit culturel, sa sensibilité au prix est
extrêmement grande...
Et on nous parlera de planification, quand, tout à coup, on se
rend compte, chacun ayant mis à peu près la structure de taxation
qu'il
voulait mettre: Comment, ça fait 27,5 %? Et, alors, là,
par des règlements, comment dire, à l'égard des
municipalités, on va chercher à éviter le plus clair de la
casse; on ne sait pas encore ce que seront ces règlements. Là, il
faut faire des pressions sur la ministre, auxquelles elle s'est rendue
d'ailleurs très volontiers, quant à la taxation par le
Québec du livre. Bon. Et, donc, devant une situation absurde globalement
dans la taxation, on cherche par des petits moyens à notre
portée, même pas à sauver des meubles, mais a éviter
que les effets soient trop durs dans certaines directions.
Ce n'est pas une façon de procéder, ça. On sait
très bien qu'on n'arrivera pas à quelque chose d'à peu
près cohérent ici tant qu'il n'y aura pas un seul mode de
taxation. C'est trop important, le produit culturel dans la
société de la fin du XXe siècle, pour qu'on aborde la
taxation de cette façon-là. Oui, une taxation, une TVA à
taux différenciés, j'imagine, comme ça existe dans
d'autres pays, avec le plus bas taux pour les produits culturels ou même
le taux zéro, comme ça se fait aussi dans d'autres pays. Il faut,
à un moment donné, se rendre compte à quel point nous
sommes, sur ce plan, placés dans Une situation complètement
absurde ici. Il va bien falloir un bon jour, n'est-ce pas, qu'on cesse d'avoir
ces concurrences sur les incitatifs fiscaux aux deux paliers de gouvernement,
où, à certains moments, les deux ouvrent le robinet, à
d'autres moments, un des deux ferme le robinet, puis, à d'autres
moments, les deux ferment le robinet sans qu'on ait la moindre idée
où on va avec ça. C'est très important, les incitatifs
fiscaux. Ce n'est pas seulement important pour les entreprises qui veulent
investir dans des richesses naturelles ou qui veulent investir dans le
pétrole et le gaz ou dans les pâtes et papiers. Les incitatifs
fiscaux, pour les industries culturelles, c'est majeur. Il va bien falloir,
à un moment donné, regarder ça en tant que tel
plutôt que de chercher à savoir lequel des deux gouvernements
"jambette" l'autre, pour utiliser une expression un peu familière. (12 h
15)
D'autre part, il faut amener - ça a commencé, mais c'est
encore très poussif - les fortunes dans le milieu
québécois... Dans le milieu québécois francophone,
les fortunes commencent à apparaître par rapport à la
situation d'il y a 30 ans. Les grandes entreprises québécoises
ont des moyens qu'elles n'avaient absolument pas il y a 30 ans. Il faut trouver
le moyen de mobiliser ça à travers le système fiscal bien
plus qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant. Mais, là encore, dans
la mesure où, tenez, la majeure partie de l'impôt sur les profits
des corporations est payable à Ottawa et où, d'autre part, nos
formes de taxation des entreprises au Québec ne se prêtent pas
facilement à ce système d'exemption ou de déduction ou de
crédit d'impôt, forcément, on va être
gênés, on va trouver ça difficile d'en arriver à
quelque chose de cohérent tant que le système n'aura pas
été unifié.
J'aborde rapidement, si vous me le permettez, M. le Président, la
question des régions. Je sais que j'ai pris pas mal de temps et je le
regrette. Je ne pourrai pas dire tout ce que j'aurais voulu dire au sujet des
régions, mais au moins poser la problématique. Je vais la poser,
je pense, d'une façon qui n'est pas très différente de
celle que la ministre évoquait tout à l'heure. Montréal
est le plus grand centre culturel du Québec et va le rester. On n'y peut
rien. C'est la population qui veut ça. Ça n'existe nulle part
ailleurs dans un autre pays que 40 % de la population d'un pays se trouvent
ramassés dans un rayon de, quoi, 35 kilomètres de Peel et
Sainte-Catherine et où ça ne serait pas le plus grand centre
culturel du pays. Il faudrait simplement, à un moment donné, se
mettre devant cette réalité-là, comprendre que c'est comme
ça et qu'on n'aidera rien au Québec dans le domaine de la culture
en disant. Nous allons rationner les fonds ou les équipements à
Montréal. On ne donnera pas tout ce qu'il faudrait y mettre, ça
devrait aider les autres. Bien, ça ne les aidera pas, les autres.
D'autre part, il faut bien reconnaître - ça, je le reconnais;
j'imagine que certains autour de cette table ne le reconnaissent pas tout
à fait encore - que Québec est une capitale nationale. Donc,
à ce titre aussi, sur le plan en particulier des équipements, on
ne peut pas contourner le fait que la capitale nationale doit être aussi
dotée. Mais alors, quid des régions?
Je vous avouerai, M. le Président, que le rapport Arpin, à
cet égard, me semble très bien orienté pour ce qui a trait
au développement des équipements en région, mais un peu
dans l'optique, peut-être un peu trop dans l'optique de réceptacle
pour des tournées ou pour l'expression des manifestations culturelles de
Montréal ou de Québec. Je le trouve un peu trop orienté
là-dessus. Le problème de la création en région ne
me paraît pas encore avoir eu de solution satisfaisante.
Je suis à peu près convaincu qu'il va falloir trouver le
moyen, parce que les besoins en région sont différents, parce
qu'il faut une très grande flexibilité en région,
justement, pour ce qui a trait en particulier aux équipements culturels.
Le rôle d'une bibliothèque publique dans une petite ville
d'Abitibi, ce n'est pas seulement une bibliothèque publique. C'est, en
fait, le centre culturel, la maison de la culture de tout le coin. Ça ne
sert à rien d'avoir des normes qui vont aller tout aussi bien dans une
bibliothèque publique des environs de Montréal ou une
bibliothèque publique là-bas. Ce n'est pas pareil.
Est-ce qu'il faut penser à ouvrir des enveloppes
budgétaires mises à la disposition d'organismes régionaux
dont on saurait qu'ils
sont en mesure de prendre les décisions appropriées, mais
en fonction de besoins spécifiques dans ces régions?
Peut-être. Ça vaudrait la peine de regarder, parce que, là
encore, on comprend les appréhensions dans les régions qui
disent: Montréal et Québec vont tout avoir et, nous, on va
être tout simplement le réceptacle des tournées. Il y a
quelque chose ici à creuser. On peut certainement s'appuyer sur les
municipalités et les MRC bien plus qu'on ne l'a fait jusqu'à
maintenant.
D'autre part, )e pense qu'il faut accepter une chose: c'est que nous ne
pouvons pas maintenir cette situation où les grands moyens de
communication électroniques cessent à peu près toute
production en région. Ça n'a pas de sens, ni à
Radio-Canada ni à Radio-Québec. À cet
égard-là, conjointement et solidairement, les politiques dans
lesquelles nous sommes engagés sont absurdes au sens propre du terme. On
ne peut pas couper ce qui est un des éléments importants de
création dans les régions, supprimer la production
régionale des médias électroniques, enfin, dont tout le
monde connaît bien l'importance maintenant à cet égard.
Il y aurait aussi des choses à dire quant à l'appui
à la culture anglophone au Québec. Malheureusement, je n'ai pas
le temps. Je voudrais terminer en mentionnant simplement une question qui ne
m'apparaît pas réglée et qui est celle du saupoudrage. La
ministre y faisait allusion tout à l'heure. Pour tous les ministres des
Affaires culturelles depuis des années au Québec, c'est un
problème d'interrogation, pour ne pas dire d'appréhension,
d'affres. Est-ce qu'on en donne à tout le monde? Où est-ce qu'on
trace la ligne? Au nom de la créativité et des Cent Fleurs de Mao
où de l'esprit souffle d'où il peut, on est tenté de
lancer le filet très large. On verra bien - on prend des risques - ce
que ça donnera.
Oui, mais quand ça a donné ou bien brillamment ou pas
grand-chose, comment fait-on pour reclassifier ça? De toute
façon, des choses apparaissent constamment. Où trace-t-on la
ligne? Quand est-ce qu'on détermine qu'une troupe de
théâtre s'est cassé la figure ou bien marche bien? Quels
critères utilise-t-on pour ça? Ça fait des années
qu'on discute de ça. Si la commission pouvait jeter un éclairage
précis sur cette question, je suis convaincu qu'elle aura fait avancer
considérablement l'expression de cette administration
intégrée de la vie culturelle au Québec. Ça semble
prendre le problème par le petit bout de la lorgnette? Pas du tout,
parce que c'est en sorte une sorte de jugement qu'on fait sur la
créativité et l'expression de la créativité.
Voilà, je termine, M. le Président, en disant
essentiellement ceci: La définition d'une politique culturelle et d'une
politique de communication, une définition du rôle des organismes
culturels, la recherche d'un équilibre des sources de financement, du
rôle des régions, tout ça implique, à mon sens, que
le Québec soit maître de ses outils, de ses leviers, de ses
instruments, de tout cela qui est devenu peu ou prou ('apanage de toutes les
grandes sociétés, de nos jours. L'importance de cela est d'autant
plus grande pour le Québec que le Québec, justement, n'est pas,
en termes de nombre, une des grandes sociétés, il faut, à
cet égard, que la culture puisse être appuyée sous toutes
ses formes, pas dirigée, pas encarcanée, mais qu'elle puisse
trouver dans la société qu'elle reflète, qu'elle traduit,
tous les Instruments d'appui dont elle a besoin.
Encore une fois, je termine par où j'ai commencé, dans la
plupart des débats sur les questions culturelles dans d'autres
sociétés, tout ça apparaît une vérité
d'évidence, tout ça apparaît éminemment normal.
Nous, à cause de notre histoire, on ne sait plus très bien ce que
c'est, dans ce domaine comme dans d'autres, qu'une société
normale, une société dont la culture n'est pas un champ de
bataille, mais dont la culture est une façon d'être. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le chef de
l'Opposition. Ceci termine le programme que nous nous étions
donné pour cet avant-midi. Je vais donc suspendre les travaux et nous
allons recommencer à 14 heures, avec l'audition de l'Union des
écrivaines et écrivains québécois. Donc,
suspension.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 14 h 20)
Auditions
Le Président (M. Doyon): Tout en exprimant nos excuses
pour le retard, nous allons procéder maintenant à l'audition du
premier groupe. Il s'agit de l'Union des écrivaines et écrivains
québécois. J'invite donc leurs représentants, qui sont M.
Bruno Roy, M. Yves Beauchemin, je crois, d'après ce que j'ai ici en tout
cas, Mme Hélène Pelletier-Baillargeon, ainsi que Mme Ginette
Major, à bien vouloir s'approcher. Alors, je vois qu'il y a deux
personnes, je leur souhaite la bienvenue et je leur indique qu'elles disposent
d'environ 15 minutes pour faire la présentation qu'elles ont à
faire, exprimer leurs vues sur la proposition de politique; ensuite, le
côté ministériel disposera d'un temps d'égale
longueur pour demander certaines précisions, certaines explications;
ensuite l'Opposition fera de même.
Sans plus tarder, je vous invite à prendre la parole, tout en
vous présentant ainsi que la personne qui vous accompagne, celui ou
celle qui commence.
Union des écrivaines et écrivains
québécois
M. Roy (Bruno): Merci. Mme la ministre des Affaires culturelles,
M. le Président de la commission, chers commissaires, permettez-moi
d'abord de présenter celle qui m'accompagne et qui est directrice
adjointe de l'Union des écrivaines et écrivains
québécois, Mme Ginette Major. Hélène
Pelletier-Baillargeon et Yves Beau-chemin, deux écrivains qui devaient
nous accompagner, nous prient de les excuser de leur absence. Des raisons
personnelles hors de leur contrôle l'ont motivée. Ainsi,
Hélène Pelletier-Baillargeon, dont le fils est en Haïti -
vous le comprendrez - en raison du coup d'État, souhaite demeurer en
contact avec son fils.
En nous permettant d'inaugurer les audiences de cette commission, vous
reconnaissez, et nous en prenons acte, que la création et les
créateurs sont à la source de toute culture. Le mémoire
que vous avez entre les mains et celui que je vais vous lire constituent la
version définitive de notre réflexion. Il s'intitule "Le
Défi de la culture".
Traiter la culture comme une grande mission de l'État, c'est
affirmer que l'État doit assumer un leadership réel. Une telle
mission doit refléter notre spécificité historique et
témoigner de notre dynamisme comme peuple moderne. Une politique
culturelle au Québec doit protéger et promouvoir la culture
québécoise en renforçant le sentiment d'appartenance
à cette culture. Une telle politique, conséquemment, ne peut se
trouver que du côté de la question nationale. Une politique
culturelle doit trouver une légitimité qui, trop souvent, lui a
fait défaut. La responsabilité de l'État
québécois en cette matière doit être totale. C'est
pourquoi l'Union des écrivaines et écrivains
québécois recommande que le Québec devienne le
maître d'oeuvre exclusif de sa politique culturelle et que la culture,
conséquemment, fasse l'objet d'un rapatriement complet avec les fonds
correspondants et une pleine compensation financière. Il revient donc au
gouvernement du Québec de rendre possible une politique culturelle et de
donner a cette politique les outils nécessaires à son
influence.
Puisque cette politique, en raison de la conjoncture actuelle, prendra
place à un moment historique, nous ne doutons pas de la
légitimité de notre position. En effet, lors d'une consultation
concernant l'avenir constitutionnel du Québec, 89 % de nos membres qui
se sont exprimés ont opté pour un Québec
indépendant. Voilà pourquoi notre mémoire s'inscrit dans
une logique de maîtrise de la destinée culturelle d'un peuple et
dans la confiance qu'il se porte à lui-même.
L'art ne se fixe pas. La culture apparaît comme une
création continue. Leur mobilité est la condition première
de leur existence. À sa manière, la culture est un
écosystème de la création. Du sens s'ajoute
indéfiniment. Une véritable politique culturelle commence par la
protection de ce "supplément de sens" qu'apporte la création dans
une société. Elle doit soutenir non seulement la liberté
de s'exprimer, mais, plus fondamentalement encore, la liberté
d'imaginer. Une véritable politique culturelle doit non seulement
susciter la participation à la création, mais également
assurer et défendre la liberté de création. Elle doit donc
investir dans les créateurs pour relever la liberté et la
qualité de vie en société.
Le créateur doit être alors au coeur d'une véritable
politique culturelle, mais l'effet "industrie culturelle" qui envahit
l'ensemble des propositions du rapport Arpin met un frein aux convictions qu'il
contient. Le créateur travaille à une oeuvre, pas à un
produit. La culture n'est pas un produit marchand. Que doit être alors le
rôle de l'État dans une telle situation? C'est ce rôle que
doit définir une véritable politique culturelle. Elle doit
veiller à ne pas réduire la culture à une notion
mercantile.
Voilà pourquoi une politique culturelle doit obligatoirement
s'étendre à l'éducation. Nous croyons fermement que la
formation intellectuelle et l'acquisition d'une culture générale
s'assoient sur la qualité du soutien pédagogique. Une culture
générale peut, évidemment, inspirer nos conduites
artistiques ou autres et exercer une fonction critique. C'est de cette culture
que, dramatiquement, s'absente de plus en plus l'école. Or, dans une
société, la nôtre précisément, où
l'accès à sa propre culture, voire à sa propre histoire,
n'est pas chose évidente, l'un des axes d'une politique culturelle
devrait favoriser une meilleure connaissance de la civilisation
québécoise, permettre le développement d'une culture
générale et favoriser sa pénétration. La
valorisation des arts à l'école en est la condition
première.
À cet égard, on pourra relire le rapport Rioux sur
l'enseignement des arts, 1967. Cette lecture pourrait avantageusement influer
sur l'élaboration d'une véritable politique qui voudrait mettre
l'accent sur la sensibilisation à la chose culturelle. Il permettrait de
formuler adéquatement un objectif d'initiation à la vie
artistique et littéraire.
Certes, nous pouvons convenir, par ailleurs, que le fonctionnement d'une
culture est étroitement lié à son niveau
d'institutionnalisation. C'est par celui-ci, en grande partie, qu'elle devient
visible, c'est par celui-ci qu'elle s'offre une certaine durabilité,
c'est par celui-ci qu'elle est socialement consommable. Toutefois, sa
matérialisation s'inscrit dans une zone potentielle d'affrontement. La
dialectique de la liberté de l'art et son institutionnalisation peuvent
conduire les parties à des luttes gigantesques. L'idée de culture
est à la fois le réceptacle du mélange de création
(mutations) et de contraintes (appartenance), du mélange de
liberté individuelle et de
conscience collective. C'est à ce niveau, entre l'innovation et
l'institutionnalisation, que la démocratie joue ses cartes.
Une politique culturelle doit admettre que les diversités
régionales sont indispensables à la compréhension de la
culture québécoise elle-même et à la culture en
général. On le sait, le développement culturel des
régions fait face au courant actuel de la mondialisation des
marchés. Comment garder la maîtrise de notre culture tout en
demeurant ouverts aux autres cultures? Nombre d'analystes reconnaissent que
l'influence grandissante des médias impose le modèle d'une
culture internationale. Or, nous ne sommes pas des aéroports; nous
sommes un peuple.
L'histoire du Québec n'a d'autre référence que
l'histoire de sa culture. Notre singularité en Amérique du Nord
est une raison suffisante d'exiger une politique culturelle soutenue par des
structures et des programmes appropriés. Voilà pourquoi doit
s'imposer une vision cohérente de son action fondée sur une
volonté réelle: la culture doit devenir une priorité
gouvernementale. La culture ne peut plus attendre.
L'UNEQ, en tant qu'organisme représentatif de l'ensemble des
écrivaines et des écrivains du Québec, s'est
penchée plus précisément sur les aspects relatifs à
l'aide à la création et à la diffusion de la
littérature contenus dans le rapport du groupe-conseil. Pour nous,
écrivaines et écrivains, il est urgent de faire reconnaître
notre valeur en tant que créateurs et de nous interroger sur la place de
la culture et de la littérature dans notre société.
En effet, nous nous sommes interrogés sur la justesse de la
définition donnée au mot "créateur" dans le rapport du
groupe-conseil, notamment à la page 59 du rapport, quand il est dit des
créateurs qu'ils sont, entre autres, "ceux (qui) donnent vie aux oeuvres
des auteurs et en renouvellent la perception." Or, le dictionnaire fait une
différence entre créer un rôle au théâtre,
créer un poste dans un ministère et créer une oeuvre
littéraire. Le mot "créateur" désigne d'abord et avant
tout "celui qui tire quelque chose du néant." Dans une éventuelle
politique de soutien à la création, il faudrait reconnaître
le rôle fondamental que joue le travail caché de
l'écrivaine et de l'écrivain et, dans les faits, distinguer ce
rôle de celui des interprètes et des diffuseurs. Sans
création, il ne peut y avoir ni interprétation, ni diffusion. (14
h 30)
Les créateurs ne sont pas reconnus à juste titre dans la
société québécoise et le rapport du groupe-conseil
n'échappe pas à ce constat, puisqu'il fait davantage état
des arts d'interprétation, des productions qui nécessitent une
infrastructure lourde par leur réalisation. L'écrivain, comme le
compositeur, fait un travail de solitaire dont l'importance est souvent
gommée au stade final de la présentation de son oeuvre. Avant
qu'une pièce soit montée, il a fallu qu'un dramaturge
écrive un texte. Avant qu'un film soit prêt pour la
réalisation et la projection, il a fallu très souvent qu'un
romancier écrive une histoire et qu'elle soit adaptée par un
scénariste. Or, la plupart des écrivains doivent exercer un
deuxième métier pour survivre, leurs redevances étant
minimes dans le circuit de la production de leurs oeuvres. En effet, 70 % des
membres de l'Union des écrivaines et écrivains
québécois tirent du marché de leurs oeuvres un revenu de
moins de 3000 $. Ils sont, disons-le, les parents pauvres de l'industrie
culturelle, malgré le fait qu'ils en soient les promoteurs.
La notion d'industrie culturelle retenue dans le rapport du
groupe-conseil est une notion large qui englobe les activités de
création, de production et de diffusion. Il est vrai que l'industrie
culturelle permet une démocratisation de l'accès à la
culture et une accélération de sa diffusion. Il est aussi vrai
que le milieu culturel prend conscience de l'obligation qu'on lui fait de
mettre l'accent sur l'infrastructure et sur les activités de gestion, de
diffusion et de mise en marché comme instruments indispensables à
l'expression culturelle.
Mais qu'entend-on par industrie culturelle? Une industrie de pointe, une
industrie à la mode qu'un gouvernement subventionne à partir de
critères de rentabilité et de visibilité? La culture peut
toujours formuler ses propres demandes sur une base d'affaires, mais les
propositions comptables ne peuvent, à elles seules, établir
l'échelle des valeurs. La dimension économique de la culture ne
doit pas confondre art et produits culturels. La création travaille
à une oeuvre, pas à un produit. Si l'industrie culturelle se
résume au développement de ses infrastructures au
détriment des créateurs eux-mêmes, l'on est en droit de
s'inquiéter. Ce qui constitue l'expression culturelle, rappelons-le,
c'est d'abord la création elle-même.
Le soutien financier à l'écrivain est loin d'être
proportionnel à l'importance qui lui est accordée au niveau des
principes. En effet, si on examine les tableaux de subventions à l'aide
à la création dans le domaine de la littérature, on
constate que la somme accordée par le ministère des Affaires
culturelles, 475 761 $, représente à peine l'équivalent du
traitement annuel de 12 agents culturels à l'emploi du gouvernement. La
société québécoise veut-elle se payer plus de 12
écrivains?
Il est cependant un principe admis: on ne doit pas aider un artiste
seulement à la condition que son oeuvre soit rentable. Pas plus que le
caractère innovateur de l'oeuvre d'un artiste doit être vu comme
un obstacle à son financement. Le gouvernement soit soutenir la
recherche-innovation en matière de culture de la même
manière qu'il soutient la recherche-développement dans les autres
secteurs.
Or, quel rapport les créateurs et les artistes entretiennent-ils
avec les décideurs politi-
ques? L'expérience nous apprend que c'est un rapport de
méfiance. Leur action politicienne, où rien ne s'engage sans
quelque risque électoral, empêche de collaborer, dans la
réciprocité, à une oeuvre commune de civilisation. Un
décideur politique peut-il donner sans que sa contribution devienne un
tribut? Le créateur peut-il recevoir sans être tenu de faire
chaque fois sa déclaration de dépendance?
Dans un éventuel ministère de la culture, il nous semble
important qu'un organisme indépendant soit créé sur le
modèle du Conseil des arts du Canada afin d'assurer une gestion autonome
de l'attribution des bourses et subventions. Ce conseil des arts du
Québec garantirait, à notre avis, une indépendance aux
écrivaines et écrivains dans leur travail de création.
Jusqu'à maintenant, les écrivaines et les écrivains ont
été plutôt servis par la diversité des organismes
auxquels ils peuvent avoir recours pour obtenir de l'aide à la
création.
Une politique culturelle doit inclure une politique de diffusion de la
culture. Bien que fa lecture soit le deuxième loisir culturel des
Québécois après la télévision, la place
accordée à la littérature et à sa diffusion dans le
rapport du groupe-conseil nous semble minime. L'accent est mis sur les arts qui
paraissent, c'est-à-dire sur les arts visuels, les arts de la
scène et les musées. Mais tout ce qui concerne la diffusion du
livre est relégué au second plan dans ce rapport. La promotion du
livre québécois n'a pas la place qui lui revient dans les
médias et ce, tant à la télévision que dans la
presse écrite. Ce n'est pas avec leur maigre budget que les
bibliothèques pourront s'offrir toute la production littéraire
nationale, comme c'est le cas pour la Suède, par exemple.
La littérature québécoise de jeunesse a
réussi à s'imposer avec l'aide des bibliothécaires, des
libraires et des professeurs. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même
chose dans le domaine du roman et de la poésie québécoise?
Pour que la littérature québécoise survive avec ses
diversités régionales et sa proximité avec les cultures
anglo-canadienne et américaine, elle doit compter sur une intervention
vigoureuse de l'État afin d'assurer sa circulation en dehors des effets
de mode suscités par les médias.
De plus, nous pensons que l'accessibilité à la culture ne
doit pas se confondre avec l'extension de la consommation culturelle à
de vastes publics. Tout ne peut pas rentrer dans la circulation marchande. La
démocratisation de la culture est un leurre si elle n'advient que par la
culture de masse.
Éléments de conclusion maintenant. Il est malheureux que
l'État, par sa logique un peu trop axée sur le mercantilisme, se
coupe de l'univers culturel auquel pourtant il appartient. Dire d'emblée
que la culture est rentable nous amène à voir la culture comme un
produit de consommation d'abord. La rentabilité de la culture, pourtant,
n'a pas à être démontrée parce que la culture est un
préalable à toute politique, à toute économie, tout
comme la santé et l'éducation. La création est un
préalable à la culture et le soutien à la création
est une donnée fondamentale du développement d'une
société. C'est la culture qui donne un sens au politique. C'est
par elle que le Québec aura toutes les chances de s'inscrire dans
l'histoire. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup,
M. Roy. Maintenant, je vais permettre à la ministre d'engager le
dialogue avec vous pour une quinzaine de minutes. Mme la ministre, vous avez la
parole.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Roy. Je vous souhaite la
bienvenue à tous deux. Comme vous l'avez mentionné tantôt,
M. Roy, effectivement, ce n'est pas un hasard que nous ayons amorcé la
commission parlementaire avec un organisme comme l'UNEQ, parce que, en fait, on
voulait partir d'un bon pied en abordant un des enjeux majeurs de cette
politique culturelle, c'est-à-dire la place des créateurs et de
la création dans la politique culturelle que nous voulons ou, enfin, que
nous tentons tous ensemble d'élaborer.
Je voudrais avoir certaines précisions, par exemple, parce que
vous êtes les premiers et, évidemment, cette commission va
s'étendre sur un mois. On rencontre énormément de groupes.
Vous parlez du rapport Arpin. Effectivement, dans le rapport Arpin, page 59, on
parle des créateurs et leur proposition semblait un peu similaire
à la vôtre; tous deux présentent la création comme
le fondement de la vie culturelle et font de son soutien une orientation
prioritaire. Mais c'est à partir de là que vous divergez. Alors,
parlez-nous donc de votre...
M. Roy: C'est qu'il y a une différence entre -
permettez-moi d'utiliser l'expression -être créatif et être
créateur. Je pense que la notion de création définie par
le groupe-conseil s'élargit à cette dimension de la
créativité. Je donnais l'exemple tantôt que créer un
poste, ce n'est pas la même chose que créer une oeuvre.
Évidemment, c'est une distinction formelle, mais il y a un glissement de
sens. C'est qu'il y a un énoncé de principe, la création
doit être au centre, mais de quoi parle-t-on lorsqu'on parle de
création?
Il nous a semblé que, dans le rapport Arpin, cette
définition-là était tellement large qu'elle englobait
même... Même des éditeurs peuvent prétendre
être des créateurs. Quand tout le monde peut prétendre
être un créateur, il me semble que, la, la notion de
création, la notion même de créateur est assez large et
pourrait créer possiblement une confusion dans la compréhension
du mot.
C'est pourquoi nous tenons à distinguer
formellement ce qu'est la création et le phénomène
de la création et, donc, conséquemment, du créateur et
cette dimension de la créativité, cette dimension
inhérente à toute personnalité, je dirais, humaine qui
porte ce souci d'être inventif, de vouloir regarder les choses de
façon neuve, donc, d'être créatif. Et être
créatif, ça m'apparaît plus près du loisir.
Être créateur, ça m'apparaît beaucoup plus
près des conditions même, des conditions professionnelles
d'exercice du métier d'écrivain. C'est ça, la distinction
fondamentale pour nous.
Mme Frulla-Hébert: Alors, si je vous suis bien là,
à un moment donné; vous dites: Le créateur part du
néant. Alors, si je vous suis bien, le créateur part, en fait, du
néant, pour reprendre...
M. Roy: Le créateur invente des rapports. Mme
Frulla-Hébert: II crée et invente. M. Roy: Invente des
rapports nouveaux.
Mme Frulla-Hébert: Selon vous, pour ma bonne
compréhension...
M. Roy: Oui.
Mme Frulla-Hébert:... l'interprète ou l'artiste qui
part d'une oeuvre et qui, finalement, la crée ou crée une
interprétation de cette oeuvre...
M. Roy: Oui, je comprends très bien. Mme
Frulla-Hébert: Est-ce que...
M. Roy: Je vous dirai qu'il y a là une création
aussi. Je vous dirai que là il y a une création. Il s'agit juste
de s'entendre. J'oppose créatif et création, mais, entre les deux
il y a une zone... C'est évident qu'un personnage créé au
théâtre porte ce sens, justement, de rapports nouveaux puisqu'il
invente, lui aussi, une réalité sur scène et, donc, il
participe à la création.
Ma préoccupation n'était pas tellement à ce
niveau-là qu'à un élargissement très, très
large qui comprenait... Par exemple, je disais: Parce qu'un éditeur
crée un livre, il devient un créateur. Là, ça
m'embête. Quelqu'un qui - participe à une activité,
à un atelier d'écriture et qui, pour la première fois,
fait un poème, disons, il exerce sa créativité, mais il
n'est quand même pas devenu un créateur au sens professionnel du
mot. C'est ce glissement-là qui nous inquiète et qu'on veut tout
simplement rappeler, attendu que la position fondamentale du rapport de mettre
en évidence la création, je pense qu'elle est affirmée et
c'est très net. C'est très clair. C'est une précision
qu'on apporte, mais, pour nous, c'est une précision fondamentale.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais, parce que le temps nous
presse, revenir aussi, finalement, sur un autre point dans votre
mémoire. Quand vous mentionnez le rapport réel que les
créateurs et les artistes entretiennent avec les décideurs
politiques, vous êtes assez durs là-dessus. Vous dites: "Leur
action politicienne, où rien ne s'engage sans risque électoral. "
Par contre, vous savez que la culture au Québec, il faut le dire, est
presque subventionnée à 95 %. Mais on est ici parce qu'on se dit:
II y a des choses qui ne fonctionnent pas et on se pose des questions, tous
ensemble.
Mais à quelque part aussi, vous parlez d'un conseil des arts,
d'une part, donc, finalement, des gens du milieu qui sont jugés par
leurs pairs. De notre côté à nous, au niveau du
ministère, c'est la même chose. Ce n'est pas le ministère
qui décide; tout se donne par jury, que ce soit les jurys qui
décident même de la subvention qui est donnée aux
individus, sinon des jurys qui décident quel organisme en
bénéficie. D'un autre côté, ce n'est pas un conseil
des arts, mais ce n'est pas, non plus, le ministère qui décide
quoi va à qui. Maintenant, le manque de ressources, ça, c'est une
autre chose. Alors, j'aimerais que vous me parliez de la distinction dans ce
fonctionnement-là.
M. Roy: Au fond, il y a deux choses dans l'intervention de Mme la
ministre. D'abord, la dureté du propos. De notre point de vue à
nous, c'est peut-être dur, mais c'est ce qu'il y a de plus vrai. Ne
refaisons pas l'histoire, on a juste à penser à la commission
Bélanger-Campeau où le gouvernement actuel a eu toute la
difficulté à nommer un représentant de la culture. Il y a
cette espèce d'absence et, si ça semble viser le ministère
des Affaires culturelles, peut-être, mais, en même temps, ce qui
est visé, c'est la volonté gouvernementale, c'est le
gouvernement.
Or, il ne nous semble pas, à nous, que le gouvernement ait
vraiment établi ses priorités en matière culturelle et je
pense que son discours est tellement mou que, évidemment, c'est tout le
milieu qui en est écorché. Mais je pense qu'une volonté -
et c'est le principe même, d'ailleurs, du rapport Arpin - en
matière culturelle suppose que le gouvernement appuie son ministre,
appuie son ministère et que, par exemple, le Conseil du trésor
l'appuie aussi. Et, là, c'est tout un gouvernement qui est visé
ici par sa mollesse en cette matière-là. Effectivement, comme
vous le disiez, ça peut toucher directement le ministère, mais on
est très, très, très conscient que le ministère des
Affaires culturelles n'a absolument pas les moyens, je dirais même le
minimum qu'on lui demande pour accomplir sa mission. Il n'en a pas les moyens
et ça c'est vrai. (14 h 45)
On voudrait que le gouvernement fasse son nid sur cette
question-là et sans ambiguïté. Prenons cet exemple: dans un
premier temps, on
est dans un contexte du rapport Arpin où on propose maître
d'oeuvre en matière culturelle, mais en même temps on ne peut pas
éviter la dynamique fédérale qui arrive avec des
propositions qui diraient: Oui, mais nous, on va se réserver des
pouvoirs d'intervention en matière culturelle. Votre premier ministre,
notre premier ministre, il n'a pas rouspété là-dessus, il
n'a rien dit. Il me semble que, s'il y avait une volonté et s'il y avait
un leadership à ce niveau-là... Ce qu'on demande au gouvernement,
c'est un leadership en matière culturelle dont l'importance
s'étend au même titre que le leadership en matière
d'éducation ou en matière d'économie. Ça, c'est la
première remarque. Malgré les nuances, s'il y a des nuances que
je fais, je la maintiens parce que je crois qu'elle est fondamentale et elle
est vraie.
Le deuxième point que vous soulevez, celui du conseil des arts,
vous avez raison de souligner qu'au niveau des mécanismes cela se
ressemble. Ce que nous voulons privilégier, c'est la diversité
des sources. Présumons qu'un nouveau conseil de la culture et des arts
au Québec décide comment aménager sa façon de
distribuer l'argent. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y a des principes qui
doivent être protégés: l'autonomie des jurys, l'autonomie
du conseil des arts lui-même, qui s'appellerait à ce
moment-là le conseil du Québec.
C'est ça qu'on demande et c'est ça l'essentiel de
l'intervention, que ça serve de modèle. Je ne dis pas qu'il
faille demeurer en lien avec le Conseil des arts; au contraire, si on veut
être efficace, que la politique soit établie par des gens du
Québec, donc par un conseil des arts du Québec. C'est bien
évident que, à ce niveau-/à, si vous avez un gouvernement
qui vous appuie, je suis à peu près sûr que votre
ministère va être beaucoup plus fort.
Le Président (M. Doyon): Je vous accorde deux minutes, Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau du Conseil des arts, on va
entendre quand même quelques autres représentants qui vont nous
dire - et c'est aussi très légitime; ici, toute opinion est bonne
- qu'on préfère, finalement, avoir les deux paliers pour
s'assurer un certain financement. Par contre, vous qui bénéficiez
du Conseil des arts autant que vous bénéficiez de l'aide aux
artistes par le gouvernement du Québec, vous prenez une position tout
à fait différente en disant: Non, finalement, nous, la culture
doit se décider d'abord entre Québécois, pour les
Québécois.
M. Roy: Vous savez, les...
Mme Frulla-Hébert: Malgré la réticence
lorsque vous dites: On n'est peut-être pas très confortables,
finalement, à date, avec l'appui que nous avons des différents
gouvernements. Mais expliquez-moi donc ça. Je vous trouve courageux.
M. Roy: Ce que j'ai à dire là-dessus, ce qu'il faut
bien comprendre, c'est qu'en matière culturelle il faut absolument...
J'essaie de préciser ma pensée pour ne pas... Ottawa versus
Québec, je disais qu'il faut qu'il y ait une volonté
gouvernementale pour appuyer. Mais c'est bien évident que, dans le
conseil des arts et le rapatriement, s'il n'y a pas de soutien
économique à ce rapatriement-là, ce sont des mots. Il y a
quelque chose de ridicule à vouloir demander le rapatriement en
matière culturelle, alors que le soutien financier ne viendrait pas,
d'une part. D'autre part, je pense que nous avons suffisamment confiance en
nous pour pouvoir imaginer des scénarios qui puissent correspondre
à notre situation, qui puissent correspondre à notre
économie et à notre politique. Je pense que ce n'est pas vouloir
empêcher les autres de faire une chose; c'est plutôt, nous, de se
donner des moyens pour affirmer notre culture.
L'autre argument qu'il faut ajouter, et je pense que c'est important: il
faut distinguer culture et distribution d'argent. Je pense que c'est
très, très différent. Distribuer de l'argent, je dirais
que c'est une vision minimale d'une politique culturelle. Or, très
souvent, comme je le disais tantôt, le leadership n'apparaissant pas,
ça ressemble à ça et c'est ainsi qu'à un moment
donné trois gouvernements ensemble vont donner 12 500 000 $ pour le
complexe de l'humour. Donc, on se dit: D'où tient cette vision des
choses? Je pense que, s'il y a une vision des choses, le reste va suivre.
Une dernière remarque. Je suis toujours embêté par
cette idée qui veut que la diversité des sources ne soit
assurée que par Ottawa. Il y a du mépris sous-entendu dans une
affirmation comme celle-là et je sais que certains analystes l'ont
démontré, mais je veux dire qu'un Québec qui aurait la
pleine maîtrise en matière culturelle peut très bien
imaginer des mécanismes différents, créer un conseil des
arts, créer des jurys, des sources différentes de distribution
d'argent qui n'empêchent pas la diversité des sources. Ça,
c'est une question d'organisation, mais de penser que la diversité des
sources dépend d'Ottawa, je trouve que c'est un manque de confiance en
soi. Je ne comprends pas ce manque de confiance en soi.
Enfin, je dirai que l'un des problèmes en matière de
politique culturelle et de distribution d'argent, nous l'avons vécu avec
la TPS. Je dirais même qu'à la Maison des écrivains nous
l'avons vécu. Très rapidement, deux exemples. Sur la TPS, au
fond, on a mené une bataille ici. Tout le milieu littéraire
ensemble a mené une bataille. Il faut absolument abolir la TPS. C'est la
culture qui est en cause. Québec nous écoute et dit: Oui, vous
avez raison, très bien, pas de TPS. On gagne la bataille. Pour
l'instant, nous
sommes dans le même pays. On paye les mêmes taxes et on dit
à Ottawa: Vous savez, la TPS, là, non. Eux, ils disent: Bien non,
ce n'est pas important. Nous sommes dans un même pays. Voyez, à
chaque fols, on est obligés de mener deux batailles. Le
dédoublement, c'est ça.
À la Maison des écrivains, c'est la même chose. On a
eu une aide de Montréal, on a eu une aide de Québec. D'Ottawa,
rien pour l'instant. Je dis que ce n'est pas normal. Donc, quand on
privilégie et qu'on encense un peu Ottawa, si c'est bien fait, il faut
le reconnaître. Mais je pense que la culture québécoise est
assez vivante pour alimenter même les institutions
fédérales et c'est ce qui s'est passé avec Radio-Canada.
Sans la culture québécoise, je ne sais pas, Radio-Canada serait
peut-être devenue uniquement une institution... Je pense qu'il y a eu une
vitalité de la culture québécoise qui a permis
l'épanouissement des institutions et réciproquement. Cela est
vrai parce qu'Ottawa a plus d'argent. Il ne faut pas se conter d'histoires.
Le Président (M. Doyon): M. Roy, je vais devoir vous
interrompre en m'excusant de le faire, mais je devrai respecter l'horaire. Mme
la ministre, le temps est terminé, les 15 minutes. Je vais maintenant
permettre - vous pourrez continuer votre propos avec l'échange que vous
aurez avec les membres de l'Opposition officielle - aux représentants de
l'Opposition officielle, peut-être, M. le député de
Shefford ou M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, de
continuer la discussion avec notre invité. M. le
député.
M. Boulerice: M. Roy, Mme Major. M. Roy, c'est très
pertinent, ce que vous venez de dire au sujet de la TPS, donc, cette taxe
fédérale sur les livres puisque, hier, nous avons entendu le
ministre fédéral des Communications, M. Beatty, nous dire qu'il
voulait protéger la culture québécoise. Ça me
rappelait un peu cette bonne vieille blague sur la devise des compagnies de
finance qui était: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. J'ai bien
l'impression que c'est cela qui est en train de se passer. Ils veulent votre
bien et ils l'auront.
Dans votre mémoire, il est clair pour nous que le Québec
ne peut espérer obtenir une maîtrise d'oeuvre dans le
régime fédéral où Ottawa, justement, entend
conserver tous les leviers actuels d'intervention. Ça, c'était
très clair dans le discours de M. Beatty. Est-ce que vous avez quelque
lumière d'espoir suite à l'accueil on ne peut plus tiède,
mou de la part du premier ministre du Québec au sujet des propositions
constitutionnelles du gouvernement fédéral où,
contrairement à l'inscription dans le rapport Allaire, la culture -
à deux ou trois petites exceptions près où il y aurait des
arrangements techniques possibles, mais toujours soumis à des
gouvernements - relève toujours du gouvernement
fédéral?
Le Président (M. Doyon): M. Roy.
M. Roy: La première chose à dire, c'est que j'ai
peu confiance. J'ai peu confiance. Au-delà du pouvoir économique
qu'a le Conseil des arts, parce que l'argent, il est vrai qu'il est là,
c'est bien évident que notre intervention s'inscrit dans le contexte
où il y a des propositions, celles du rapport Arpin et les propositions
fédérales, et on dirait que ça s'annule. En tout cas,
là, il y a un problème de langage. Nous, ce que nous disons
très souvent et nous le répétons: Nous ne sommes pas une
société distincte. Ce sont les peuples qui sont distincts; ce
n'est pas les sociétés. La raison même du combat que l'on
mène, c'est pour la langue, c'est pour la culture; ce n'est pas pour
l'économie de marché. Dans un Québec, émettons
l'hypothèse, souverain, l'économie de marché capitaliste
ne changera pas. La vraie raison donc, c'est la culture.
Deuxièmement, je dirai que c'est une question de langage. C'est
qu'on a l'impression qu'on ne parle pas le même langage. D'où
l'importance de s'assurer que les intervenants en matière culturelle
puissent parler le même langage. Ça m'apparaît
extrêmement important. Il y a des inconséquences. L'exemple de la
TPS pour moi est une inconséquence. On ne peut pas tenir le discours que
le ministre des Communications tient et dire: Bien, non, ce n'est pas
important, la TPS. Il veut sauver la culture et il veut la favoriser et il
prend un moyen pour la tuer! C'est quand même contradictoire. C'est dans
ce sens-là que la méfiance existe parce que ce qu'il dit et ce
qu'il fait ne vont pas ensemble.
M. Boulerice: M. Roy, vous dites: "La promotion du livre
québécois n'a pas la place qui lui revient dans les médias
et ce, tant à la télévision que dans la presse
écrite." Est-ce que vous croyez que l'une des plus graves lacunes du
rapport ministériel, dit rapport Arpin, est qu'on a complètement
évacué toute jonction avec communication?
M. Roy: Oui et non. Il y a une nuance avec le mot "communication"
dans le sens où la culture, ce n'est pas la communication. La culture,
ce n'est pas les médias. La culture alimente les médias, mais
penser qu'il y a un équivalent, ça m'apparaît
dangereux.
Cela dit, on sait très bien que les médias prennent une
importance considérable dans la circulation de la culture et je pense
que là doivent intervenir, justement, les responsables. Si on
était baigné dans un milieu où la culture est quelque
chose de normal, peut-être que les médias suivraient. Mais la
culture est encore une notion qui ne semble pas vivre de sa normalité;
c'est toujours l'exception et ça, c'est inquiétant.
L'autre question que vous m'avez posée
parce qu'il y avait deux questions, je crois, M. Boulerice...
M. Boulerice: Non. Bien, vous y avez répondu.
C'était: Est-ce que vous croyez qu'avoir évacué
complètement tout le domaine des communications était un vide
énorme, que c'était impossible de faire une politique dite des
arts et de la culture...
M. Roy: Ah oui, voilà! D'accord.
M. Boulerice: ...si on n'avait pas fait cette jonction?
M. Roy: Ah oui! Tout à fait! Je n'ajoute pas parce que
ça... Je réponds oui à ça.
M. Boulerice: Juste une petite précision. J'aimerais vous
le rappeler, il existait un conseil des arts du Québec qui a
malheureusement peu ou pas servi, sauf qu'il a été aboli il y a
trois ans. Donc, il faudrait le recréer. Mais l'organisme existait.
Mais ceci dit, vous dites en page 7 de votre mémoire: "La
littérature québécoise de jeunesse a réussi
à s'imposer avec l'aide des bibliothécaires, des libraires et des
professeurs. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose dans le
domaine du roman et de la poésie québécoise?" C'est vrai
que, là, ça rejoint sans aucun doute l'énoncé que
vous avez fait, à savoir toujours la notion de rentabilité
économique. Notre ami Beauchemin, c'est rentable culturellement, c'est
rentable économiquement. Notre bon ami Gaston Miron, c'est rentable
culturellement, mais, malheureusement, on sait que, économiquement, ce
n'est pas rentable. De la poésie, il s'en vend malheureusement 100 ou
200 exemplaires, mais ce n'est jamais les "best-sellers" comme tels.
M. Roy: En plus, j'ajouterais que, dans le contexte du
réseau scolaire, et là, je pense qu'on a un très,
très bel exemple, les programmes du ministère en français
- et, là, je parle du niveau secondaire - favorisent l'apprentissage
d'une langue qui veut dire communication. La langue, comme moyen d'expression,
n'est pas favorisée; elle dépend toujours de l'initiative des
profs, mais ce n'est pas inscrit comme une volonté dans les
gouvernements, de sorte que les élèves entrent en contact non
plus avec des textes littéraires très souvent, mais avec des
articles de journaux, avec l'actualité sous prétexte qu'il faut
être à la mode.
L'absence de culture dans les écoles, je pense que c'est un
constat. J'enseigne. Nos jeunes, il faut les mettre en contact et c'est
là que s'opère la dynamique culturelle, mais si on ne les met pas
en contact... Je pense qu'un des problèmes... C'est pourquoi, s'il y
avait une volonté gouvernementale en cette matière, elle
influerait sur l'établissement des programmes en éducation.
Encore hier, il y avait un article dans Le Devoir ou dans La
Presse - je ne me souviens pas - sur les bibliothèques. Quand on
sait que la lecture est un moteur privilégié de culture, c'est
étonnant que le livre ne soit pas favorisé. Qu'on pense à
la loi des bibliothèques qui tarde, qui ne vient pas et avec laquelle on
a tiré des fonds. C'est sûr que, s'il y avait cette
volonté-là, on présume que ça suivrait. Ça
prendrait du temps, mais ça suivrait. Mais, en l'absence de
volonté, eh bien, on enseigne la langue comme moyen de communication et
non pas comme moyen d'expression.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. Roy.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le
député. Est-ce qu'il y a d'autres parlementaires qui veulent
prolonger la discussion? Dans les circonstances, Mme la ministre, avez-vous une
question supplémentaire peut-être?
Mme Frulla-Hébert: Bien, enfin, une question
supplémentaire, non, M. le Président. C'est plutôt en
conclusion. Vous savez, M. Roy, une commission parlementaire se fait aussi avec
l'approbation du gouvernement et du premier ministre. Alors, je veux seulement
vous rassurer sur le fait que vous dites que le premier ministre ne s'est pas
prononcé. On se prononce maintenant tous ensemble ici en commission
parlementaire.
M. Roy: Pourvu que ça ne soit pas sa bonne conscience.
Mme Frulla-Hébert: Je ne pense pas qu'on est ici ne
serait-ce que pour la bonne conscience, mais parce qu'on s'aperçoit
aussi qu'il est temps maintenant qu'on fasse un temps d'arrêt et qu'on se
questionne tous ensemble sur, finalement, une politique culturelle pour
l'avenir. (15 heures)
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député, deux mots de remerciement peut-être, si vous voulez
bien.
M. Boulerice: Oui, deux mots de remerciement. On a parlé
de souveraineté culturelle. Il paraît que la souveraineté
est partagée. J'ose espérer que la culture ne fera pas l'objet
d'un partage, ni d'un marchandage.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. Roy, Mme Major, au nom des membres de la commission,
je vous remercie de votre présentation. Tout en vous permettant de vous
retirer, je vais maintenant demander aux représentants - je crois qu'il
y en a deux - de l'Institut québécois du cinéma de bien
vouloir s'avancer et prendre place à la table de nos invités.
Alors, vous me permettrez de vous souhaiter la bienvenue. Les
règles ont été exprimées tout à l'heure: une
quinzaine de minutes de présentation, le reste du temps partagé
en deux pour discuter avec vous. Vous êtes deux personnes. Si la personne
qui se fait le porte-parole voulait bien se présenter elle-même et
présenter l'autre personne, vous avez maintenant la parole.
Institut québécois du
cinéma
M. Link (André): Je suis André Link,
président de l'Institut québécois du cinéma; M.
Roger Frappier qui m'accompagne en est le vice-président.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
M. Link: Merci bien. M. le Président, Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, nous sommes invités à
participer à un débat à sa face même
séduisant, soit celui de définir le contenu d'une politique de la
culture pour le Québec. Il s'agit d'un projet d'envergure qui a toute sa
raison d'être. En cherchant à se donner une politique culturelle,
le Québec se situe en droite ligne dans le prolongement de la
Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, laquelle
reconnaît à l'article 41 que: "La culture est le fondement
nécessaire de tout développement authentique. La
société doit déployer des efforts importants en vue de
planifier, d'administrer et de financer les activités culturelles. Il
convient, à cet effet, de prendre en considération les besoins et
les problèmes de chaque société tout en veillant à
assurer la liberté nécessaire à la création
culturelle, tant dans son contenu que dans son orientation."
Entre émettre le voeu et franchir toutes les étapes qui
conduisent au partage par tous les partenaires concernés, et au premier
chef les milieux culturels, des principes et des moyens d'une politique, il y a
des remises en question qui s'imposent. Les audiences de la commission
parlementaire sont pour nous l'occasion de vous exposer quels sont les
préalables d'une politique de la culture pour le milieu du cinéma
et de la production télévisuelle indépendante.
Une autre dimension du contexte dans lequel se pose le problème
de définir une politique culturelle est celle de l'environnement
immédiat de chacun des champs de la culture. Le cinéma et la
télévision sont des univers désormais
interdépendants. Compte tenu du soutien financier que l'État doit
apporter à la production et à la diffusion
cinématographique et télévisuelle, chacun des secteurs de
la profession entretient depuis plus de 15 ans avec les sociétés
publiques des relations qui vont marquer au plus haut point leur lecture de
tout projet de politique culturelle.
M. Frappier (Roger): En vue de connaître les opinions de
l'ensemble du milieu professionnel du cinéma et de la production
télévisuelle indépendante sur la proposition de politique
de la culture et des arts et au regard de son rôle de concertation,
l'Institut a réuni, le 11 septembre dernier, des porte-parole de chacune
des associations professionnelles reconnues, ainsi que de quatre groupes
représentant des intérêts complémentaires. Les
associations, à l'exception de l'Union des artistes, nous ont alors fait
connaître, dans une déclaration qui a depuis lors
été rendue publique, leurs principales réactions que nous
analysons dans les pages suivantes.
Peur du dirigisme. La saga des relations du milieu professionnel du
cinéma et de la production télévisuelle
indépendante avec les organismes publics a atteint son point de rupture
dans sa dénonciation actuelle de la SOGIC. Cette crise qui n'a de cesse
de se prolonger depuis plus de deux ans est continuellement reportée
à notre attention. Elle devient, pour les associations, le symbole du
"manque de volonté politique du gouvernement à répondre
aux plaintes et aux recommandations du milieu du cinéma et de la
télévision". Voilà le message qu'elles nous ont
livré lors de cette consultation.
Le phénomène de l'accumulation conduit tôt ou tard
à l'expression d'un ras-le-bol total. Le bénéfice du doute
n'est plus possible. Après avoir dépensé des
énergies à essayer, avec l'ensemble du milieu culturel, de
convaincre les plus hautes autorités de l'État du
bien-fondé évident d'accorder à la culture des ressources
financières à la hauteur des aspirations que notre
société a pour sa culture, après avoir vu
Radio-Québec annuler les bienfaits de sa régionalisation et
approuver la construction de studios pour, en quelque sorte, narguer les
indépendants, après avoir observé une réduction de
la distance entre le pouvoir politique et la gestion culturelle, la profession,
de façon générale, ne veut pas entrer dans l'analyse du
rapport Arpin sans avoir au préalable obtenu des clarifications.
La proposition de politique de la culture et des arts n'est pas sans
comporter quelques équivoques. À la page 182, en parlant du
ministère des Affaires culturelles, il est dit: "C'est donc à ce
ministère que doit être confiée la mission d'assurer
à la culture toute la place qui doit lui revenir dans la gestion de
l'État." Le. milieu culturel ayant depuis longtemps fait
l'unanimité sur le manque d'intérêt du gouvernement envers
sa responsabilité de soutenir la culture, il verrait d'un bon oeil que
quelqu'un s'active à la tâche dans l'appareil public. D'ailleurs,
pour les nostalgiques du livre vert de Jean-Paul L'Allier, rappelons qu'il
réclamait que "le ministère des Affaires culturelles soit
véritablement un ministère d'intervention auprès de
l'administration publique et devienne ainsi, avec le temps, la conscience
culturelle de l'État".
Mais là où le rapport Arpin avive les inquiétudes
d'une profession déjà échaudée par
des manifestations d'un dirigisme gouvernemental intolérable,
c'est lorsqu'il propose, à la page 187, de "mandater le ministère
des Affaires culturelles comme maître d'oeuvre de l'activité
culturelle". Parle-t-on encore de sa mission au sein de l'État ou d'une
prétention à le voir régir la vie des artistes et des
entreprises culturelles? En disant que - et je cite - "être maître
d'oeuvre, cela signifie être celui qui conçoit et dirige les
activités dans le domaine culturel", à la page 187, on vient de
créer la faille dans laquelle le vent de la contestation ne demandait
qu'à s'engouffrer. Le milieu professionnel du cinéma en a soupe
de tout ce qui s'apparente de près ou de loin a du dirigisme et il n'a
plus la patience d'accorder le bénéfice du doute. D'où le
poing sur la table.
Au début du présent mémoire, nous avons cité
la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles dans le but
d'attirer l'attention sur la notion de société par opposition
à celle d'État en ce qui regarde la responsabilité de
planifier, d'administrer et de financer la culture. En utilisant
"société" et non "État", la Déclaration renvoie aux
individus, aux organismes, aux corps publics, aux municipalités et,
évidemment, au gouvernement pour le partage des responsabilités.
Dans une telle optique, il devient plus facile d'admettre que, "s'il est
légitime à un gouvernement de faire des choix politiques
précis et d'établir des priorités au regard de son action
en matière culturelle, il est également légitime d'exiger
que la gestion des actions ainsi que l'administration des ressources soient
confiées pour l'essentiel à des organismes indépendants et
susceptibles de les assumer d'une façon permanente, sans contrecoup
politique et administratif. Nous nous permettons de rappeler ici que notre
opposition à voir le plan triennal de soutien financier, prévu
dans la Loi sur le cinéma, relever directement du ministre des Affaires
culturelles découlait de cette même logique.
En faisant la part des choses, nous comprenons que la profession sent
que la "liberté nécessaire à la création, tant dans
son contenu que dans son orientation", est de moins en moins garantie et
qu'elle ne peut prendre le risque de voir légitimée, dans la
politique de la culture, une situation qu'elle dénonce sans
résultat. La profession s'attend à ce qu'on lui dise que les arts
et la culture "ont besoin, pour se développer harmonieusement et
conformément aux exigences de la création, d'être
soustraits à l'intervention politique, quelle qu'en soit la source et
quels que soient les motifs qu'on pourrait invoquer pour la justifier". Il
s'agit donc d'un premier préalable à l'engagement du milieu
envers la politique de la culture.
M. Link: Une maîtrise d'oeuvre unique. Le rapport Arpin
recommande que le Québec soit maître d'oeuvre de ses choix
culturels et que le gouvernement fédéral se retire du champ
culturel, quel que soit l'avenir constitutionnel du Québec. À
cela le milieu professionnel du cinéma et de la production
télévisuelle indépendante, sauf l'Union des artistes,
répond: "Les associations considèrent que la dimension culturelle
est interdépendante des dimensions économiques, sociales et
politiques et que c'est en conséquence dans le cadre du processus
d'ensemble de révision du statut constitutionnel du Québec que
doit être abordée la question des interventions respectives du
fédéral et du Québec en matière de culture et de
communications." Le secteur pour lequel le retrait du fédéral
représente le plus gros enjeu économique est bien le
cinéma et la télévision. Au-delà des opinions
personnelles des leaders du milieu, il y a, quelle que soit l'appartenance
idéologique des uns et des autres, une inquiétude très
sérieuse à voir la culture traitée de façon
isolée.
M. Frappier: L'Institut québécois du cinéma,
à /'instar de la profession qu'il représente, croit que le
gouvernement peut déjà, avec les moyens qui sont à sa
portée, pour peu que la culture devienne une de ses priorités,
élaborer une politique culturelle pour le Québec. Pour
paraphraser la directrice du journal Le Devoir, l'Institut serait
même porté à craindre qu'un gouvernement paresseux prenne
prétexte de difficultés, comme par exemple la colère du
milieu du cinéma, pour reporter la confection de politiques
déjà réalisables. Nous réclamons depuis assez
longtemps que le ministère se mette à la tâche
d'élaborer une politique du cinéma et de la
télévision qu'il ne nous viendrait pas à l'idée de
lui fournir une occasion de se désengager envers une politique de la
culture.
L'adoption de politiques culturelles par les pays et les gouvernements
est un phénomène relativement jeune. La première
conférence sur les politiques culturelles eut lieu à Venise en
1970. Le Québec aurait pu faire partie des précurseurs si le
livre blanc de novembre 1965 avait reçu la considération qu'il
méritait. Depuis cette date, les gouvernements successifs ont à
leur tour fait des pas vers l'adoption d'une politique culturelle. Que le temps
soit enfin venu de passer aux actes ne fait aucun doute pour nous.
Il n'y a pas que les gouvernements qui ont réfléchi
à l'avenir de la culture. Et le milieu du cinéma ne fut pas le
moins actif. Dès 1963, l'Association professionnelle des
cinéastes présentait, à cet égard, un rapport au
Conseil d'orientation économique du Québec, puis suivirent le
mémoire Tour un ministère de la Culture au Québec" en
1967, les états généraux du cinéma en 1968, la Nuit
du cinéma au Verdi en 1971, l'occupation du Bureau de surveillance en
1974 et le Tribunal de la culture en 1975. Deux rapports commandés par
le gouvernement, "Vers une politique du cinéma pour le Québec" en
1978,
ainsi que le rapport Fournier en 1982, préparés par des
membres de la profession, obtinrent aussi l'appui du milieu, sans compter tous
les mémoires qui furent écrits depuis. Tout ce travail ne peut
pas avoir été fait en pure perte.
Pour revenir encore une fois aux relations que le ministère et
ses institutions devraient entretenir avec le milieu des arts et de la culture,
disons que ce dernier est allergique au technocratisme et à son
système client. Pour se démarquer très clairement, la
philosophie et la structure d'intervention du ministère devront faire
une place centrale au partenariat avec le milieu culturel; la vie associative
est un pilier de la vie culturelle et le ministère, en travaillant
étroitement avec les groupes, sera mieux en mesure de répondre
aux besoins des créateurs et des entrepreneurs comme de tous les autres
travailleurs culturels et de contribuer, ici comme à l'étranger,
au rayonnement de l'activité culturelle. Que ce soit en création
ou en diffusion, l'État a un rôle d'aide et d'encouragement. Ce
n'est pas lui qui crée ou qui administre les arts, les industries
culturelles ou la culture. Il ne doit en rien restreindre ou remettre en
question les élans créateurs.
C'est au sein du gouvernement que le ministère a besoin
d'être interventionniste, d'être un leader et un expert afin que le
développement culturel soit envisagé dans ses interactions avec
le développement économique et social. Il ne faut pas confondre
la mission culturelle de l'État et le rôle du ministère
envers la création et la diffusion.
L'action qui a pour but de favoriser la création artistique passe
par la stimulation des aptitudes créatrices, tant dans le cadre de la
formation générale et de l'éducation extrascolaire que de
l'information de masse. La dimension culturelle doit innerver toute la
formation scolaire qui ne doit pas être vue seulement comme la formation
à un métier. La connaissance de la culture et du patrimoine
cinématographiques doivent trouver à l'école une place
proportionnelle à leur impact dans la vie quotidienne.
Considérant que le cinéma est le spectacle culturel qui a la plus
grande faveur du public et que la télévision occupe un temps
comparable dans la vie de l'enfant au temps scolaire, "les expériences
actuelles consistant en une lecture critique des programmes diffusés et
en travaux pratiques de réalisation de films, de programmes vidéo
et de bandes dessinées pourraient être
développées".
Un autre volet fondamental de l'éducation artistique repose sur
le rôle joué par des institutions comme la
Cinémathèque et les entreprises privées dans
l'accès à une diversité d'oeuvres. La
Cinémathèque est ouverte à l'idée de faire rayonner
dans l'ensemble du Québec des parties significatives de ses collections.
D'autre part, il serait maladroit de sous-estimer le potentiel des salles et
des clubs vidéo dans l'information de masse. Ces derniers, qui
rejoignent tous les publics sur tous les territoires, devraient être les
partenaires d'une stratégie de diffusion de toutes les oeuvres qui
trouvent plus difficilement leur public faute de moyens. Sans compter que
Radio-Québec, notre télévision éducative, n'est
nullement justifiée de se retirer de la diffusion d'un cinéma de
qualité comme elle l'a fait récemment. Son rôle dans
l'éducation du public doit être renforcé en harmonie avec
les interlocuteurs de la profession.
M. Link: Le rapport Arpln a pris en considération une
dimension importante de la production et de la diffusion de la culture,
à savoir les industries culturelles. Cependant, nous ne sommes pas
convaincus que cet univers a véritablement été
analysé dans toute son amplitude et en fonction de l'impact qu'il a sur
toute la vie d'une société. Le foisonnement des techniques
audiovisuelles a augmenté le nombre des produits des industries
culturelles et leur impact est de plus en plus grand sur la vie culturelle. La
télévision, par-delà ses fonctions médiatiques, est
un lieu de création et de production d'oeuvres et de produits qui
concourent à la définition de notre culture. (15 h 15)
La reconnaissance d'un secteur privé culturel et de
l'entrepreneuriat comme composante majeure de l'industrie
cinématographique et des industries culturelles en général
doit être clairement affirmée. L'accessibilité aux arts et
aux biens culturels, en particulier en cinéma, étant largement
rendue possible grâce à des entreprises privées, elles
devront faire partie d'une cartographie des équipements. Avons-nous
encore besoin de vous convaincre que l'essor de la culture ne repose pas
seulement sur des institutions publiques et des corporations sans but
lucratif?
Peut-être qu'il y a lieu d'envisager une politique des industries
culturelles. Il est évident qu'à tout le moins une
stratégie forte de financement, de développement des
infrastructures, de mise en marché et d'exportation est-- devenue
nécessaire. Mais elle ne pourra se faire de façon constructive
s'il n'existe pas entre la SOGIC et le milieu une collaboration et une
complicité qui manquent actuellement.
Les préalables ayant été établis et en
autant qu'ils seront satisfaits, l'Institut québécois du
cinéma appuie dans leur, esprit les principes de base et les
finalités de la proposition "Une politique de la culture et des arts".
Ces principes de base sont, rappelons-le, les suivants:
La culture est un bien essentiel et la dimension culturelle est
nécessaire à la vie en société, au même titre
que les dimensions sociale et économique.
Le droit à la vie culturelle fait partie des droits de la
personne et c'est pourquoi l'activité culturelle doit être
accessible à l'ensemble des
citoyens.
L'État a le devoir de soutenir et de développer la
dimension culturelle de la société en utilisant des moyens
comparables à ceux qu'il utilise pour soutenir et développer les
dimensions sociale et économique de cette même
société.
Les trois finalités de la proposition sont: développer le
domaine des arts et de la culture; favoriser l'accès à la
culture; accroître l'efficacité de l'intervention du gouvernement
et de ses partenaires dans la gestion de la mission culturelle.
En conséquence, la conclusion du projet de politique qui porte
sur l'engagement du gouvernement dans la culture et que synthétise la
recommandation suivante: "que le gouvernement considère la culture comme
un élément moteur du développement collectif et qu'il
imprègne toute son action de cette conviction" est jugée
fondamentale et nous croyons qu'elle devrait être un des axes majeurs
d'une politique de la culture et des arts.
M. Frappier: La politique de la culture et des arts sera un grand
pas en avant, mais elle demeurerait profondément frustrante pour le
milieu cinématographique si elle ne devait pas conduire à
très court terme à une politique du cinéma et de la
télévision. Une politique accompagnée d'un plan d'action
comportant des mesures et des moyens propres à donner à notre
secteur la capacité de contribuer à l'affirmation de notre
identité culturelle dans une proportion aussi importante que
l'intérêt qu'il soulève auprès du public.
En janvier 1990, l'Institut québécois du cinéma
soumettait à la ministre des Affaires culturelles, Mme Robillard, des
"Orientations en matière de cinéma". Les choix que l'Institut a
effectués dans la détermination de ses recommandations
découlaient d'une large consultation du milieu. L'une des principales
recommandations de l'Institut visait à ce que le gouvernement dote le
Québec d'une politique intégrée du cinéma et de la
télévision.
Avec le recul, nous nous devons de déplorer le peu de suivi qui
fut accordé à ces Orientations qui avaient reçu un appui
unanime et enthousiaste de la profession. Pourtant, elles avaient le
mérite d'exposer clairement les problèmes, notamment celui du
malaise ressenti par le milieu devant la Société
générale, qui reviennent encore à la surface.
Nous croyons qu'il y a dans ce document plusieurs éléments
utiles à la préparation d'une politique, en particulier les
orientations suivantes qui devraient en être les lignes directrices:
Premièrement, donner au cinéma et à la
télévision une place prépondérante dans
l'affirmation de notre identité culturelle. Le Québec est une
société distincte non seulement à l'intérieur de la
Confédération canadienne, mais en Amérique du Nord et dans
le monde. L'expression culturelle et artistique est une affirmation très
forte de cette identité. Le cinéma et la télévision
sont des moyens majeurs de refléter la société et ils
doivent être consolidés afin d'assurer leur épanouissement
à long terme.
Deuxièmement, renforcer la spécificité du paysage
cinématographique québécois. Notre environnement est
différent de celui du reste de l'Amérique et nos films ne
ressemblent pas à ceux de Toronto ou de Los Angeles. Nous devons nous
donner des moyens propres pour le renouvellement de nos compétences. Le
français occupera à l'écran une place qui sera fonction
des moyens déployés à cet égard.
Élargir l'accessibilité aux oeuvres et à la culture
cinématographiques. On a tendance à sous-estimer le marche
intérieur et à l'exploiter inefficacement. Cependant, les moyens
alloués à la promotion et à la diffusion sont
insuffisants, si bien qu'il y a un risque, en région, d'une perte de
diversité.
Favoriser l'harmonisation et l'équité entre les
secteurs.1 La consolidation de l'industrie se fera uniquement en
tenant compte du travail de tous les Interlocuteurs impliqués dans la
fabrication d'un film ou d'un programme.
Et, finalement, implanter des méthodes d'évaluation des
activités et appuyer la circulation de l'information.
Chacune de ces orientations donnait lieu à des recommandations de
nature à fournir des occasions concrètes d'intervention.
Pour cette raison, l'Institut réaffirme son engagement à
la ministre de déposer au cours des prochains mois une version
actualisée de ses orientations en matière de cinéma. Nous
nous proposons de revoir en particulier le chapitre des recommandations afin
qu'il contienne les éléments pouvant inspirer la
préparation d'un plan d'action. Il n'est pas si simple de
présenter des choix qui fassent l'unanimité dans le milieu; cela
devrait inciter le ministère à en tirer le meilleur parti
possible.
M. Link: Depuis 1975, le rôle de l'Institut a
considérablement...
Le Président (M. Doyon): M. Link, vous allez me permettre
de vous rappeler que votre présentation dure depuis une vingtaine de
minutes. Je suis bien prêt à vous laisser aller et continuer votre
présentation pour encore quelques minutes, sauf qu'il restera
très peu de temps pour la discussion après la présentation
de votre mémoire. Je vous laisse, cependant, le choix de continuer
encore un peu, étant bien entendu que le temps qui restera sera
limité après.
M. Link: Eh bien, je vais essayer de le faire le plus rapidement
possible. Depuis 1975, le rôle de l'Institut a considérablement
été modifié. Jusqu'en 1983, il cumulait les fonctions
qu'il a
présentement, ainsi que celles maintenant dévolues
à la vice-présidence de la SOGIC. Le rapport Fournier proposait
notamment de faire de l'Institut le lieu des choix stratégiques et de la
détermination des plans d'aide et des programmes, la tâche de
gestion (aide au cinéma, promotion du cinéma, financement du
cinéma) devant être confiée à un trio de
sociétés publiques.
La Loi sur le cinéma retint l'esprit du rapport Fournier, mais
fusionna dans une Société générale du cinéma
les trois mandats qui devaient être partagés. La polarisation
IQC-SGCQ engendra des frictions qui furent le prétexte d'une
révision du rôle de l'IQC en 1987. Avec le recul, nous pouvons
affirmer sans réserve que le système n'a pas eu le temps de se
mettre en place réellement et de faire ses preuves qu'on l'avait
déjà démonté après deux ans et demi au
profit d'un rapatriement des pouvoirs au sein du ministère.
Il s'agit là d'un mouvement tout à fait contraire à
celui souhaité par l'ensemble de la profession qui s'est sentie
progressivement dépouillée au profit d'un "refermement" du
processus décisionnel autour de l'autorité publique. Le but
poursuivi, tant en 1983 qu'en 1987, d'éliminer les frictions par trop
bruyantes aux oreilles dirigeantes n'a pas été atteint en
retirant à la profession la place qu'elle occupait dans la prise de
décision. On revient, comme il fallait s'y attendre, au problème
du dirigisme. Il fallait sortir des bruits de corridor et des choix
confidentiels. "Quel que soit le champ d'activité, il est aujourd'hui
nécessaire que les critères, les normes et les règles
soient largement connus, qu'ils puissent être débattus au moment
de les fixer et qu'il soit possible de contester efficacement les injustices
qui pourraient découler de leur application."
Conclusion. Lorsqu'on arrive à la fin d'un mémoire sur un
sujet aussi vaste qu'un projet de politique culturelle, on se rend compte qu'il
y a de nombreux sujets qu'il aurait fallu aborder et qui ne l'ont pas
été. Dans ce cas-cî, on n'a qu'à citer, en se
référant au rapport du groupe-conseil, la formation
professionnelle, l'action internationale, les modes de gestion et de
financement, les droits d'auteur, Montréal, Québec et les
régions, les médias, les municipalités et la conservation
du patrimoine cinématographique et télévisuel pour le
constater.
Cependant, ce qu'il y a de plus paradoxal dans ce cas-ci, c'est que la
mauvaise humeur manifestée par les porte-parole de tous les secteurs
lors de la concertation que nous avons effectuée en préparation
de cette commission nous conduisait au refus global. Le coup de poing sur la
table devant la possibilité que la proposition de politique puisse
conduire à un dirigisme gouvernemental et que la maîtrise d'oeuvre
de la culture soit traitée en dehors du processus d'ensemble de
révision du statut constitutionnel du Québec a retenti tellement
fort que le mémoire s'en fait encore ici l'écho. Toutefois, nous
sommes convaincus que ce n'est en rien une façon d'amoindrir la
portée de celui-ci que de conserver à notre tour une distance
raisonnable nous offrant le recul propre à analyser à la fois la
déclaration de la profession et la proposition de politique de la
culture et des arts. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Link. Il reste donc 10
minutes aux deux formations pour discuter avec vous de votre mémoire,
étant assuré que ce mémoire, de toute façon, a
été lu de long en large par les représentants des deux
partis. Ators, Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: M. Frappier, M. Link, bienvenue. Bon,
premièrement, personne n'ignore que les milieux du cinéma et de
la télévision ont réagi avec véhémence au
projet de politique. Et je dois souligner aussi l'effort de l'Institut
québécois du cinéma pour se détacher, finalement,
de la réaction qui, d'une part, est émotive et, dans le respect
mutuel, venir aussi logiquement présenter les craintes et aussi les
revendications du milieu du cinéma.
Mais, comme on n'a pas beaucoup de temps, je voudrais revenir, moi, au
niveau du dirigisme. Ce qui m'a le plus frappée, finalement, dans la
sortie de la semaine dernière ou d'il y a deux semaines, c'est ce
dirigisme de l'État, d'abord, que vous craignez. Est-ce que ce dirigisme
n'est applicable qu'au Québec, d'une part? Parce que vous parlez,
finalement, d'agir ou enfin de demander aux deux paliers, mais vous semblez
avoir extrêmement peur du dirigisme de l'État ici. Ce que je vous
demande aussi, c'est: Qu'est-ce que c'est ces craintes spécifiques du
milieu cinématographique à l'égard d'une politique
culturelle québécoise? Est-ce que c'est juste une crainte
économique? Parce que, honnêtement, quand vous êtes sortis
et qu'on a vu "dirigisme d'État", surtout au niveau de la
création, de la pensée créative, moi, j'ai
été extrêmement surprise de cette
réaction-là. D'autres ne m'ont pas surprise, mais
celle-là, oui.
M. Frappier: Le dirigisme vient, d'une certaine façon, de
la manière dont nous pouvons dire que nous sommes écoutés
dans le milieu. Lorsque nous avons remis les Orientations à la ministre
des Affaires culturelles en janvier 1990, à la page 12; on peut lire:
"Les reproches adressés à la SOGIC font l'unanimité dans
la profession et confirment qu'un fossé s'est créé entre
les deux. L'absence de débat important, l'attitude distante, le refus de
travailler en relation soutenue avec le milieu..." Donc, depuis maintenant 16
mois, 17 mois, le gouvernement du Québec a, de façon unanime, le
rapport du milieu sur la façon dont sa société, qui est la
Société générale du cinéma, entretient ses
rapports avec le milieu.
À plusieurs reprises, l'Institut l'a manifesté à la
ministre et, à plusieurs reprises également, toutes les
associations l'ont manifesté au gouvernement. Il n'y a rien eu de
changé depuis 18 mois. Comment, nous, pouvons-nous analyser ou
réagir à une telle situation devant le gouvernement? On s'est dit
à ce moment-là que le gouvernement fait vraiment ce qu'il veut
par rapport à un domaine donné qui est celui du cinéma et
à sa société, la SOGIC. Donc, c'est une certaine forme de
dirigisme.
Bien entendu, on ne peut pas lire dans les journaux que le gouvernement
québécois va rapatrier la culture et lire que
Téléfilm va passer à la SOGIC, Radio-Canada à
Radio-Québec et que le milieu va penser qu'il va avaler tout ça
dans les rapports actuels qu'il entretient avec la SOGIC. Bien entendu, il y a
des considérations économiques là-dedans. Au
ministère des Affaires culturelles, lorsque la SGC, la
Société générale du cinéma, est devenue la
SOGIC, Mme Bacon avait promis au milieu 11 000 000 $ supplémentaires
plus 5 000 000 $ pour la télévision. Évidemment, le
lendemain matin, lorsque la SGC est devenue la SOGIC, l'argent, lui, n'est pas
venu.
À l'heure actuelle, le budget d'investissement de la SOGIC n'a
pas été indexé depuis moult années. C'est bien
entendu que le leadership dans le cinéma québécois
à l'heure actuelle est pris en main par le gouvernement
fédéral, par ses sociétés d'investissement comme
Téléfilm. Cela ne veut pas dire que c'est une règle d'or
qui doit rester jusqu'à la fin des temps. Nous, ce qu'on dit, c'est que
le gouvernement du Québec avait depuis longtemps tous les moyens, toutes
les alternatives pour être capable d'investir dans le cinéma
québécois, d'investir dans la culture cinématographique et
également dans la télévision et qu'il ne l'a pas fait,
laissant au fédéral le soin de le faire. Alors, tout d'un coup,
on veut tout rapatrier et, en même temps, quelle est la façon dont
cela va se faire?
Si nous recevons 45 % ou 50 %, si vous voulez, de subventions du
fédéral par rapport à l'expression
cinématographique de la culture québécoise et qu'on ne
représente que 21 % de la population, est-ce que le gouvernement
québécois va accorder le même rythme de travail à la
culture cinématographique québécoise et combler le manque
à gagner qu'il doit y avoir entre les 20 % et les 30 %? Si le
passé est garant de l'avenir, on peut penser que non, parce qu'à
chaque fois, lorsqu'on s'est tournés vers le gouvernement du
Québec, nos relations ont été assez difficiles, autant par
rapport à notre façon d'être avec la SOGIC que par rapport
à l'investissement des fonds qui sont dus à la culture
cinématographique. (15 h 30)
Mme Frulla-Hébert: Mais, M. Frappier, à vous
écouter parier tous les deux, il semblerait que le gouvernement
québécois, enfin, moi, c'est ce que j'entends, ne fait rien.
Pourtant, il y a des mesures fiscales que nous avons, qui ne sont pas à
négliger, qui, à l'époque, avaient été
bannies au fédéral et, finalement, nous les avons maintenues,
modifiées, mais quand même pour donner l'équivalent au
milieu. À la SOGIC, cette année, le budget a été
non seulement augmenté, mais il y a aussi un programme de 2 000 000 $.
Évidemment, ça va à la télévision, je vous
l'accorde, là. Je parle de tout le secteur audiovisuel. En quelque part,
je veux juste faire la part et savoir si toute l'action qui est faite est
teintée, justement, par le conflit - il faut le dire, conflit - entre le
milieu et la SOGIC parce que, évidemment, nous, dans notre discussion,
c'est sûr qu'il va falloir faire aussi la part des choses sans vous dire
qu'on ne s'attaquera pas au conflit.
M. Frappier: Mais à l'heure actuelle le Québec a
les moyens d'être le maître d'oeuvre en matière de
cinéma sans rien changer, si vous voulez, au contexte constitutionnel
actuel. Il a les moyens de mettre plus d'argent par rapport à
l'investissement au niveau de la SOGIC et il a les moyens aussi d'intervenir
dans d'autres secteurs, que ce soit les secteurs de diffusion, par la loi. Le
gouvernement du Québec peut le faire.
Nous, ce qu'on dit, c'est: Pourquoi, tout d'un coup - ça, c'est
dit dans le mémoire - il n'y aurait que la culture qui serait
rapatriée? Pourquoi n'y aurait-il que cette dimension, si vous voulez,
de notre vie collective qui serait rapatriée? Si jamais on rapatriait au
Québec uniquement la culture et que le contexte constitutionnel ne
changeait pas du tout, s'il restait le même, nous, nous pensons que, par
rapport à la situation actuelle, ce serait un recul. Si le Québec
veut rapatrier toutes les dimensions: économique, politique, sociale et
également la culture, bien entendu, il va y avoir des ajustements au
niveau de la façon dont ça va procéder par rapport
à l'investissement, si vous voulez, dans un domaine comme celui du
cinéma.
Mais, à l'heure actuelle, si on ne change pas le contexte et
qu'on ne fait que rapatrier la culture, les institutions
québécoises qui investissent dans le cinéma, si elles ne
sont pas changées, bien entendu, n'ont pas l'assentiment du milieu
cinématographique. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Selon la
loi, à l'heure actuelle, face au conflit avec la SOGIC depuis juin
dernier, la ministre des Affaires culturelles a la possibilité de faire
le plan d'action triennal avec la SOGIC directement. Pour nous, c'est un
rapprochement entre le pouvoir politique, le ministère et le milieu
cinématographique par sa société d'intervention qui est la
SOGIC. Alors, il n'y a plus, si vous voulez, la distance souhaitable pour que
les institutions puissent vivre par elles-mêmes.
Les nominations à la SOGIC ont été extrê-
mement politisées. Ça n'arriverait pas dans le sport. On
ne pourrait pas nommer un entraîneur du club de hockey Canadien qui ne
connaîtrait rien au hockey, ni son assistant qui ne connaîtrait
rien au hockey. Et, après ça, on ne pourrait pas s'étonner
des choix au repêchage, puis chialer parce que le club de hockey ne gagne
pas sur la patinoire! Mais c'est curieux que, dans le domaine du cinéma,
on puisse nommer à la tête d'une société et comme
vice-président également responsable du cinéma deux
personnes qui n'ont aucune connaissance cinématographique.
Moi, je ne pense pas qu'on puisse administrer n'importe quoi. Je pense
qu'il faut, dans certains domaines particuliers, connaître les lois
internes de ces domaines-là et être capables de travailler en
fonction de ça. Là où, nous, nous avons une grande
surprise... Vous savez, l'unanimité dans notre milieu n'est pas toujours
facile. Dans ce domaine-là, c'est unanime depuis deux ans et le
gouvernement ne bouge pas. Comment voulez-vous que nous réagissions face
à des pouvoirs accrus de la part du gouvernement? On va dire un bon
matin: Le gouvernement du Québec, maintenant, a tous les pouvoirs dans
la culture. La SOGIC a tous les moyens d'intervention. Alors, nous, qu'est-ce
qu'on fait? Qu'est-ce qui nous dit qu'on va être davantage
écoutés?
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, d'autres
questions? Il vous reste quelques minutes; deux minutes.
Mme Frulla-Hébert: Bon, alors, d'un côté je
vous comprends, je pense que je décèle cette sortie au niveau du
dirigisme parce qu'il faut quand même avouer que, sur la politique
globale au niveau de la création, il n'en est pas question; au
contraire, ce qu'on veut faire ou ce qu'on essaie de faire, c'est de
défonctionnariser, de ventiler tout ça pour que le fonctionnement
soit quand même plus facile.
M. Frappier: Nous, Mme la ministre, on souhaiterait bien que le
ministère des Affaires culturelles ait beaucoup plus de pouvoirs
à l'intérieur même du gouvernement; que le ministre des
Finances porte une oreille beaucoup plus attentive au ministère des
Affaires culturelles. C'est-à-dire que la politique de faire la
souveraineté culturelle, qui était une politique
énoncée par le Parti libéral du Québec, soit une
vraie politique et qu'elle soit mise en oeuvre; que le 1 % qui a
été une promesse électorale soit vraiment appliqué.
Vous avez entièrement l'appui de la profession par rapport à
ça que le ministère soit le maître d'oeuvre à
l'intérieur des autres ministères. Vous avez notre appui
là-dessus. Mais, par rapport au milieu de la création, nous
voulons que, pour les personnes responsables de la création, que ce soit
autant les écrivains que les éditeurs, les producteurs, les
cinéastes et tous ceux qui y oeuvrent, il y ait une distance et que les
institutions soient mises sur pied pour être capables de la faire
fonctionner.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Frappier.
Mme Frulla-Hébert: Merci, monsieur.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, malheureusement,
la réponse de M. Frappier a épuisé le temps qui vous
était alloué. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, une seule question, M. Link et M. Frappier.
Bon, la ministre dit qu'elle vous entend, mais SOGIC, j'ai bien peur qu'on s'en
reparle encore dans un an, malheureusement. Vous réclamez une politique
du cinéma et de la télévision. Bon. D'une part, je ne
crois pas que l'on puisse légiférer nous-mêmes à ce
niveau-là sans l'accord d'Ottawa; donc, vous suggérez des
ententes sous-sectorielles avec un pouvoir fédéral.
La question que je vais vous poser est très claire. Est-ce que,
selon vous, le rapatriement des responsabilités fédérales
dans le cadre d'un Québec souverain pourrait être acceptable au
milieu du cinéma, aux conditions suivantes: la mise sur pied d'un
organisme subventionnaire chargé de soutenir les productions
audiovisuelles, donc, entre parenthèses, cinéma et
télévision, respectant le principe du "arm's length", donc un
Téléfilm Québec, en le dotant d'un conseil
d'administration issu d'une majorité de gens du milieu, dont le
président serait nommé par l'Assemblée nationale en lui
confiant l'autonomie nécessaire au chapitre de l'allocation des
ressources, en réduisant le pouvoir actuel du ministre au chapitre des
modalités de programmes d'aide et, au minimum, en garantissant un effort
financier identique à celui combiné des interventions des deux
gouvernements?
M. Frappier: Je ne saurais comment répondre à votre
question. Bien entendu, moi, je pense qu'il peut y avoir une politique du
cinéma et de la télévision dans le contexte
constitutionnel actuel et, si le contexte change, il peut y en avoir une
beaucoup plus forte, si vous voulez, parce que, bien entendu, par rapport
à la télévision, le fédéral a
peut-être plus de ramifications au niveau des lois que le provincial.
Mais, à ce niveau-là, à l'heure actuelle, il est
curieux que, dans le rapport Arpin, on ne fasse pas mention de la
télévision ou de l'appareil, je veux dire de ce qu'il
représente, parce que je dirais que l'instrument premier de la culture
au Québec est la télévision, bien avant le cinéma,
bien avant la littérature et bien avant la musique. Moi, quand j'ai un
succès en salle, il y a 350 000 spectateurs qui vont aller voir un
film dans les salles. À la télévision, "Les Filles
de Caleb", un soir, c'est 3 500 000; ça touche directement dans des
endroits ou dans des lieux même des gens qui ne vont pas au
cinéma. Dans ce sens-là, je pense qu'à l'heure actuelle le
gouvernement du Québec peut, par ses ministères, intégrer,
si vous voulez, la vision globale d'une politique globale du cinéma et
de la télévision.
Il a aussi un instrument en main qui s'appelle Radio-Québec. Si,
à Radio-Québec, on n'avait pas enlevé la
régionalisation il y a quelques années, le Québec aurait
été plus fort au moment où Radio-Canada a enlevé la
sienne. Si, au lieu de réduire constamment les fonds à
Radio-Québec, on les augmentait... Radio-Québec, maintenant, ne
peut plus investir, presque plus, dans le cinéma québécois
parce qu'elle n'a plus de fonds; elle ne peut plus, non plus, acheter des films
étrangers différents, si vous voulez, qu'ils soient italiens,
espagnols ou français, des films plus difficiles pour la culture
cinématographique, parce qu'elle n'a plus de fonds. Elle a réduit
toute la section d'acquisitions cinématographiques de façon
incroyable. Le budget de Radio-Québec est inférieur au budget de
l'Office national du film du Canada, et c'est une télévision qui
doit programmer des heures de fabrication, si vous voulez, de programmes et de
diffusion à tous les jours. Alors, c'est héroïque que cette
télévision, avec si peu de moyens, soit capable d'accomplir ce
qu'elle fait.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, bien sûr, le gouvernement a
le droit de rapatrier ce qu'il veut. Mais, à l'heure actuelle, il a les
moyens d'investir dans sa politique culturelle ou dans sa politique
cinématographique et télévisuelle, et nous aimerions en
voir des exemples avant de dire oui, les yeux fermés, à un projet
dont on ne connaît pas le contenu, mais seulement le voeu de
rapatriement.
M. Boulerice: M. Frappier, au sujet de la
télévision, on partage la même opinion tous les deux,
ça ne fait aucun doute; d'ailleurs, je trouve que le rapport Arpin est
une demi-portion, n'ayant pas inclus tout ce secteur.
Ceci dit, peu importe, là, dans le cadre actuel ou un cadre plus
global qui est celui d'une pleine et entière souveraineté, est-ce
que les conditions que je viens de vous énumérer sont acceptables
pour vous? Un organisme, toujours selon le principe du "arm's length", qu'on
appellerait Téléfilm. Oubliez l'épouvantail horrible qui
vous hante vous aussi, qui s'appelle SOGIC.
M. Frappier: Non. C'est sûr que ça va prendre un
organisme "arm's length", je veux dire, qui va investir dans le cinéma
et dans la télévision. C'est certain. Je ne peux pas statuer
immédiatement sur sa composition exacte ni sur son mode de financement.
Je pense qu'à l'Institut, dans le passé, il y a eu beaucoup de
rapports qui ont donné des exemples et je pense que c'est certain que
ça va prendre un tel organisme, oui.
M. Boulerice: Donc, vous êtes d'accord sur le principe?
M. Frappier: Oui.
M. Boulerice: D'accord. Pour ce qui est du financement aussi, il
va de soi, j'ai l'impression que vous n'allez pas être en
désaccord avec ceci. J'avais dit une seule question, mais j'ai le
goût de vous la poser quand même puisqu'elle est éminemment
dans le décor. D'après vous, pourquoi le ménage ne s'est
pas encore fait à la SOGIC?
M. Frappier: Écoutez, le milieu cinématographique
est en train de penser, à l'heure actuelle, qu'il va demander à
ce que le cinéma soit retiré de la SOGIC et qu'on forme une
société distincte qui ne s'occupe que du cinéma, comme
c'était auparavant lorsque c'était la Société
générale qui s'en occupait et qu'elle ne s'occupait que du
cinéma. Alors, au lieu de nous attaquer à un mur maintenant, nous
allons demander que le cinéma soit retiré de la SOGIC, qu'une
nouvelle société soit mise sur pied et qu'on retrouve la
société qu'on avait avant, et qui fonctionnait très bien
avec le milieu.
M. Boulerice: La situation de 1984. D'avant 1984, dis-je,
plutôt.
M. Frappier: Exact.
M. Boulerice: Enfin, d'avant décembre 1985.
M. Frappier: Oui.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie beaucoup, M. Link et M.
Frappier.
Le Président (M. Doyon): Merci, M le député.
Mme la ministre, quelques mots de remerciement.
Mme Frutta-Hébert*. Merci, M. Frappier el M. Link.
Évidemment, encore une fois, il y a toute cette question du dirigisme
global sur laquelle on voudrait quand même vous rassurer. Au niveau de la
politique sur le cinéma et la télévision, je vous avais
dit, d'ailleurs, qu'il fallait passer à travers cette commission-ci
avant d'en arriver - moi, je suis arrivée, on a fait la loi - à
déterminer, justement, ou à mettre sur la table, et on va le
faire le plus tôt possible, cette politique sur le cinéma. En
attendant, j'attends avec impatience les recommandations que vous nous dites
modifiées et, évidemment, toute suggestion sera regardée
attentivement, et de façon très accueillante et ouverte.
Merci.
M. Frappier: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.
Alors...
M. Link: Si vous le permettez, M. le Président. Nous
sommes en fin de mandat et les membres de l'Institut ont terminé les
trois ans. Je voudrais vous souligner à quel point notre
secrétaire général a été efficace et a
permis des travaux. Vraiment, je souhaiterais que, même dans les
présentes difficultés budgétaires, le budget de l'Institut
puisse être respecté. Je pense que ce qui sort de là a
beaucoup de valeur pour le cinéma au Québec et à
l'extérieur. Merci, madame.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Frulla-Hébert: Sans inquiétude, M. Link.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Link. Merci, M.
Frappier. Vous demandant de bien vouloir, s'il vous plaît, céder
la place aux intervenants qui vous suivent, je vous remercie au nom de la
commission et j'invite maintenant les représentants de
l'Université Laval à bien vouloir prendre place en avant,
à bien vouloir s'installer. Je leur souhaite la plus cordiale des
bienvenues, plus particulièrement aux gens de l'Université Laval
qui sont dans le beau comté de Louis-Hébert. Je leur souhaite la
bienvenue. Je les invite à procéder selon les règles qui
sont connues, c'est-à-dire tout simplement environ une quinzaine de
minutes de présentation; ce sera suivi d'un partage égal du temps
qui restera entre les deux formations politiques pour discuter de certains
points de votre présentation. Vous avez dès maintenant la parole;
je demande à M. Méthot, peut-être, de faire la
présentation des gens qui l'accompagnent et de procéder à
la présentation elle-même. M. Méthot. (15h45)
Université Laval
M. Méthot (Jean-Claude): M. le Président, Mme la
ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, comme on vient de le
mentionner, nous sommes les représentants de l'Université Laval
et . nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer et
surtout l'occasion d'émettre notre point de vue sur une politique
à définir dans le domaine de la culture et des arts.
Mon nom est Jean-Claude Méthot. Je suis vice-recteur aux
études et je vous présente les personnes qui m'accompagnent.
À ma gauche, M. François Demers, qui est doyen de la
Faculté des arts; à ma droite, M. André Daviault, qui est
doyen de la Facufté des lettres, et, à mon extrême droite,
M. Michel Dumas, qui est direc- teur du Bureau de la recherche.
M. le Président, je me permets ici un petit brin d'humour. Vous
avez peut-être remarqué le nom de ces personnes-là: M.
Demers, M. Daviault, M. Dumas; je vous mentionne que, quand je me
présente en commission parlementaire, ça ne veut pas dire que je
choisis nécessairement des gens par ordre alphabétique et que
j'en étais rendu ici à la lettre d!
Nous avons convenu effectivement de faire de courtes
présentations. J'espère bien que nous respecterons les 15 minutes
allouées, de telle sorte qu'on pourrait garder une bonne période
pour les questions et la discussion. Je commence donc en vous mentionnant,
évidemment, quelque chose qui est élémentaire, c'est
qu'à l'Université Laval, comme dans la plupart des
universités, nous nous occupons principalement de formation. Donc, on
parle de formation d'un grand nombre d'étudiants et d'étudiantes.
Et je vous informe qu'actuellement, au trimestre de l'automne 1991, nous
encadrons 36 600 étudiants. C'est un record de tous les temps, je
dirais. Et nous comptons, Mme la ministre, plus de 57 % de femmes dans
l'ensemble de nos programmes et, pour la première fois de notre histoire
aussi, une majorité de femmes dans nos programmes de maîtrise.
J'imagine qu'éventuellement le doctorat suivra également.
Je vous informe que nous accordons une grande importance à ce
domaine de la culture et des arts et, pour l'illustrer clairement, je vous
parle de certains programmes qui existent dans nos différentes
facultés. Premièrement, la Faculté des arts où nous
comptons, au premier cycle seulement, 14 programmes différents. Et je
vous donne un exemple: baccalauréat en arts plastiques. Au niveau des
programmes de deuxième et troisième cycles, nous comptons sept
programmes différents qui encadrent un grand nombre d'étudiants
et d'étudiantes. Je vous donne un exemple, encore une fois: doctorat en
musique. Faculté des lettres, même chose. Au premier cycle, 13
programmes différents d'encadrement des étudiants et des
étudiantes. Un exemple de premier cycle dans cette faculté:
certificat en création littéraire. Et, au niveau des
deuxième et troisième cycles, nous comptons huit programmes
différents. Encore une fois, un exemple: doctorat en arts et traditions
populaires. Et plusieurs programmes existent aussi dans d'autres
facultés comme sciences de l'éducation.
Je vous informe que nous sommes à élaborer de nouveaux
programmes également dans ces domaines. Je vous donne deux exemples:
à la Faculté des arts, une maîtrise en arts visuels qui
sera implantée probablement en septembre 1992 et une maîtrise en
restauration et rénovation à la Faculté des lettres. Nous
comptons, évidemment, aussi un grand nombre d'activités de
recherche qui nous permettent d'encadrer un bon nombre d'étudiants et
d'étudiantes. Tout ceci pour vous dire que nous avons un grand souci
de
qualité, surtout pour la formation des étudiants et des
étudiantes et, dans ce domaine des arts et de la culture, nous comptons
sûrement au moins 5000 étudiants.
En terminant, je vous informe que nous avons aussi une politique
d'évaluation des programmes existants. Alors, tous les programmes sont
revus en profondeur. Nous procédons à une consultation en
profondeur des étudiants, des diplômés, des professeurs de
l'université, des employeurs aussi, des corporations, des organismes,
etc., de telle sorte qu'on peut avoir régulièrement le point de
vue de l'ensemble de la population. Et nous essayons par la suite,
évidemment, d'ajuster nos programmes en fonction des besoins de
formation des étudiants et des étudiantes et aussi en fonction
des besoins du milieu. À cet égard, évidemment, le rapport
Arpin est très utile pour nous. Il nous permet, donc, de connaître
un peu le point de vue de spécialistes dans le domaine et il sera,
évidemment, un document de référence pour ajuster nos
programmes au cours des prochaines années.
En terminant, Mme la ministre, mesdames, messieurs, je vous offre
l'entière collaboration de l'Université pour faire en sorte que
nous offrions à l'ensemble de la population des activités de
formation pour nos étudiants et nos étudiantes. Très
brièvement, sur le rapport Arpin, nous avons eu peu de temps pour
préparer notre réaction Je ne parlerai pas d'un mémoire,
ce serait peut-être un peu exagéré par rapport à ce
que l'on a produit. Je parlerai plutôt d'un document de réaction.
On aurait aimé le préparer avec plus de temps, mais,
malheureusement, le temps nous a coinces un peu. Ceci dit, je cède la
parole à M. Demers qui est doyen de la Faculté des arts.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, M.
Demers, nous vous écoutons.
M. Demers (François): On m'a chargé de faire le
résumé du court texte que vous avez entre les mains, je devrais
dire le résumé du résumé. Je pense qu'on peut le
faire autour de cinq interrogations qui sont aussi peut-être des points
sensibles pour nous. Et, comme je suis généreux, j'en abandonne
deux à mes collègues, qui sont celui de la recherche dont M.
Dumas vous parlera davantage et celui de la formation générale ou
de la formation de base ou, si vous voulez, la préoccupation des
mécanismes qui permettraient de hausser le niveau culturel global ou
général de la population, dont vous parlera M. Daviault.
Des trois que je me suis réservés, le premier porte sur
une allusion ou, je dirais, peut-être une toile de fond d'interrogations
par rapport à la mission de l'université, qui traverse à
certains endroits le rapport et qui porte sur les mécanismes
d'adéquation entre la demande sociale de diplômés et
l'offre à laquelle nous contribuons généreusement. En
fait, il y a là un petit point d'inquiétude de notre part
puisqu'on a l'air de dire que, peut-être, les institutions
d'enseignement, les universités mettent sur le marché trop de
diplômés.
Alors, on vous invite, sur ce point spécifique, à attaquer
la question en ventilant le genre de raisonnements qu'on utilise par rapport
à ça. Par exemple, je pense que le problème de
l'adéquation entre la demande et l'offre, du côté des
enseignants de l'art, ne se pose pas de la même façon qu'elle peut
se poser pour la formation des administrateurs gestionnaires ou des analystes
chercheurs. Et, évidemment, pour ce qui est des créateurs et des
interprètes, notre préoccupation - dans le texte, vous l'avez vu
- c'est de protéger les jeunes générations qui sortent, de
laisser, je dirais, à la limite, la loi du marché jouer de ce
côté-là, d'ouvrir les portes le plus possible, de permettre
à tous ceux qui estiment avoir un avenir de ce
côté-là de pouvoir être créateurs, de s'y
essayer.
Le deuxième point concerne la formation des maîtres au
primaire et au secondaire. C'est un sujet délicat, il y a une
épine au pied d'un peu tout le monde dans ce domaine-là, qui est
le rapport à établir entre les spécialistes, les
maîtres spécialistes en particulier - si on pense aux domaines qui
m'intéressent plus particulièrement comme la musique et les arts
visuels - donc, une espèce d'équilibre à établir
entre les spécialistes, d'une part, ou la spécialité et la
polyvalence. Nous venons de traverser une période où il y a eu,
pour des raisons en grande partie rattachées au syndicalisme et aux
conventions collectives, des gros efforts qui ont été faits vers
la polyvalence, mais il nous semble qu'il serait important de rétablir
un équilibre plus sain de ce côté-là, de
réattaquer la question de la polyvalence des professeurs et en
même temps de la nécessaire spécialité, notamment
dans le domaine de la musique. Il faudrait rétablir l'équilibre
de ce côté-là parce qu'on est peut-être allés
à l'autre bout du pendule.
Le dernier point sur lequel j'insiste, c'est, dans le fond, pour pousser
encore plus loin que le rapport lui-même qui propose une étude
complémentaire dans le domaine de la musique pour obtenir une
articulation plus grande de ce côté-là. Je pense qu'il faut
aller plus loin que le rapport et il faut qu'il y ait une étude
sectorielle. On comprend que c'est un domaine qui, actuellement, est un peu
plus complexe. Dans la région de Québec, on en a l'exemple avec
les aventures de l'OSQ, avec les turbulences administratives au cours des deux
dernières années autour du statut des conservatoires et de la
mission des conservatoires. Bref, il y a une urgence de ce
côté-là.
On vous fait deux remarques là-dessus. La première
concerne la nécessité que le travail, si jamais il doit y avoir
une étude complémentaire, soit fait rapidement parce qu'il y a
vraiment
urgence; et l'autre, c'est une sorte de mise en garde puisque le
ministère des Affaires culturelles, en ce qui concerne la formation
notamment - puisque c'est le secteur qui nous intéresse le plus - est un
peu juge et partie dans cette histoire puisqu'il a lui-même ses
institutions de formation. On pourrait croire, étant donné que
nous autres on essaie de tirer la couverte de notre côté, que la
machine du ministère pourrait être tentée de
protéger plutôt son côté de la couverte par rapport
à autre chose. Donc, une mise en garde de ce
côté-là. Ça fait le tour de la partie qui me
concerne.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Demers. M. Dumas?
M. Dumas (Michel): M. Daviault, s'il vous plaît!
Le Président (M. Doyon): M. Daviault.
M. Daviault (André): Merci, M. le Président. Il
faudrait dire rapidement que l'impression générale de la
Faculté des lettres par rapport au rapport Arpin, c'est une impression
favorable. C'est un document qui combine intelligence et modération,
pour nous. Un indice de cela, c'est la façon dont le groupe de
réflexion a abordé la question de la définition de la
culture en contournant le débat sur les deux acceptions de la culture,
dites culture cultivée et culture populaire, cette opposition entre la
qualité esthétique des productions et les pratiques culturelles
de la vie quotidienne. Le groupe nous propose une conception plus empirique,
plus conciliante et plus opératoire pour nous.
Je voudrais, très rapidement, vous inviter, si vous me permettez,
à déplacer les réflecteurs de la dimension
économique de la question culturelle, qui est essentielle,
inévitable, mais qui risque d'occulter une autre réalité
qui est ceci: la diffusion de la culture n'est pas qu'une affaire d'argent.
La seule prise en compte de la face financière peut faire perdre
de vue que l'art, ce n'est pas qu'un produit, que la culture, ce n'est pas
qu'un bien de consommation dont la seule clé d'accès est
l'argent. Alors, il nous semble que les productions culturelles, ce n'est pas
des choses qui s'offrent d'elles-mêmes, mais elles nécessitent une
espèce de formation vers elles. Et le lieu par excellence de la
diffusion de cette formation, c'est l'école, c'est-à-dire tous
les ordres d'enseignement et, naturellement, l'université qui contribue
à dispenser cette préparation et qui forme les formateurs. Plus
spécialement, je pense à la Faculté des lettres, à
la Faculté des arts et aux facultés de sciences humaines.
Or, le rôle de l'école dans ce que le rapport appelle
"l'éducation culturelle, formation fondamentale", il est bien
souligné dans le rapport qui insiste - et il faudra ne pas l'ou- blier -
sur la nécessité d'introduire une dimension culturelle dans les
disciplines à l'école, dans le français, dans la
littérature, la géographie et l'histoire - à la page 151 -
et fait référence à l'esprit critique. Cet esprit critique
qui permet de ne pas identifier automatiquement la culture populaire et la
traduction authentique d'un mode de vivre original, qui permet de ne pas
confondre la culture avec tous les produits visuels et sonores de l'industrie
multinationale du divertissement, cet esprit critique là, nous
contribuons à le transmettre, nous autres à la Faculté des
lettres, dans nos programmes de littérature, nos programmes de
cinéma, de création littéraire, d'études
classiques, d'histoire, d'histoire de l'art, d'ethnologie, de géographie
et de langues et linguistique.
Or, l'université ne fait pas que de la formation professionnelle,
mais elle est aussi un lieu de formation fondamentale dans laquelle la
connaissance des disciplines est prépondérante. Dans cette
formation générale, j'y réclamerais même la culture
scientifique comme des cours d'histoire des sciences ou de philosophie des
sciences Intégrés dans les programmes de sciences humaines. M.
Arpin avait regretté, lui aussi, le silence de son groupe de
réflexion sur ce point-là.
Bref, si la dynamique de la réflexion du groupe de travail
sensibilise davantage les décideurs au rôle capital des
facultés de lettres et de sciences humaines dans la problématique
de l'accessibilité à la culture, nous pourrons contribuer
à faire avancer le Québec et à combattre l'esprit
d'indifférence à la culture qui est un indice de pauvreté
et qui est aussi un effet de l'injustice sociale.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Daviault. M. Dumas,
peut-être.
M. Dumas: Oui. Pour ce qui est de la recherche, en fait, je
voudrais ici formuler un seul commentaire ou enfin une seule demande à
la commission. C'est que la politique culturelle du Québec mentionne de
façon explicite que cette politique s'étend également
à la création ou à la recherche en création en
milieu universitaire. J'ai lu quelques fois le document et j'ai essayé
de trouver un endroit où on aurait pu se référer par la
suite pour développer la recherche en création en milieu
universitaire et je n'en ai pas trouvé.
J'ai eu un peu d'espoir quand j'ai vu l'analogie avec la R-D, quand on
dit que la création est à la culture ce que la
recherche-développement est à la science et à la
technologie. Je pensais que l'analogie serait développée, mais on
parle surtout, à ce moment-là, des industries culturelles et des
allégements fiscaux. Je voudrais peut-être mentionner ou rappeler
une chose qui est probablement mal connue. C'est que, dans les
universités, la recherche - je ne
parle pas ici de la création; je parle de la recherche de
façon générale et de la recherche-développement -
est financée par le gouvernement québécois et le
gouvernement fédéral à la pièce et en plus des
budgets des universités. C'est que les chercheurs doivent obtenir des
fonds et s'adresser à divers conseils, principalement les conseils de
recherche, et il existe énormément de programmes de subvention
spécifiques qui permettent de développer des activités et
de développer des projets, d'échanger et de faire venir des
professeurs invités, et ainsi de suite. (16 heures)
Ces programmes-là sont, à toutes fins utiles,
inaccessibles aux chercheurs créateurs dans le domaine des arts parce
qu'ils sont moulés sur un modèle traditionnel de recherche
plutôt académique donne lieu à des publications
scientifiques, à une productivité scientifique plus classique.
Et, finalement, on s'aperçoit qu'il n'y a pas l'équivalent du
côté des arts. Les professeurs n'ont pas la possibilité de
circuler autant que dans les autres secteurs, de faire venir des professeurs,
d'élaborer des projets d'innovation et ainsi de suite.
Donc, il y a une forme de déséquilibre dans les
universités, qui se manifeste d'une façon bien
particulière. Je peux vous donner comme exemple le manque de
portée de nos programmes internes de soutien de la recherche dans ces
secteurs-là. On a divers programmes de soutien pour développer la
recherche. Ces programmes-là sont conçus comme étant des
leviers qui ont pour objectif de permettre aux chercheurs d'aller obtenir des
fonds à l'extérieur des autres programmes. On ne peut pas
suppléer, on n'a pas les moyens de suppléer dans les secteurs
où il n'existe pas de programmes, de sorte que les chercheurs dans le
domaine de la création ont très peu de soutien à l'interne
parce que, nous, on ne peut pas offrir un levier pour aller chercher des fonds
à l'extérieur lorsque ces mécanismes-là n'existent
pas. Donc, ce qui est demandé, la demande, c'est de mentionner de
façon explicite que la politique s'étende à la
création dans le milieu universitaire.
Je mentionnerais peut-être, pour ajouter un élément,
que l'idée, ce n'est pas tellement de rendre admissibles les professeurs
d'université aux divers programmes de soutien individuel, comme
artistes, parce que, en principe, ils sont admissibles aux divers programmes du
Conseil des arts au fédéral ou aux programmes existant au
ministère des Affaires culturelles, bien qu'assez souvent la porte leur
soit fermée parce que ces programmes-là visent le soutien
financier de l'individu et les professeurs sont considérés comme
étant déjà financés par le gouvernement. Ce qui est
demandé, c'est qu'on envisage sérieusement de soutenir les
activités de recherche ou de recherche et création qui sont
axées sur la formation des étudiants et des chercheurs dans le
domaine, sur la recherche d'innovation, sur l'évaluation finalement de
projets créatifs et innovateurs dans le domaine des arts, et sur
l'ouverture à la collectivité. En fart, les projets qui sont
axés sur les trois missions fondamentales des universités.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre,
quelques questions?
Mme Frulla-Hébert: Oui. D'abord, bienvenue. Vous l'avez
mentionné dans votre présentation, les universités
assument un rôle de premier plan dans le domaine de la culture, au niveau
de l'accroissement du niveau de compétence professionnelle de la
population et aussi sur la formation de futurs créateurs et de futurs
gestionnaires de la culture. J'aimerais revenir à l'enseignement,
justement, de la musique. Effectivement, on se pose tous ensemble des questions
sur la place des conservatoires, la place des facultés de musique -
est-ce qu'il y a duplication, est-ce qu'il y a synergie? - et sur tout
l'enseignement de la musique en général au Québec, et de
qui la formation doit relever. Il y a une table sectorielle et je peux vous
assurer que nous sommes très ouverts à regarder ça de
très près. L'objectif est, évidemment, de donner la
meilleure formation possible et de former les meilleurs élèves
possible. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, soit la
complémentarité ou la duplication des conservatoires versus les
facultés de musique. Parce qu'on sait que les conservatoires ont
été créés; maintenant, les universités se
dotent, elles, de facultés de musique. Alors, est-ce qu'il y a
duplication selon vous?
M. Méthot: M. le Président, je pense que M. Demers
serait en mesure de répondre à cette question.
M. Demers (François): Deux remarques préliminaires.
Évidemment, si on doit discuter de qui doit avoir juridiction, je vais
vous dire: C'est nous, c'est certain.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Demers (François): Je vais commencer comme ça,
mais pour faire une blague, évidemment. J'ai oublié la
deuxième remarque que je voulais vous faire là-dessus. Ce qui me
semble important à cette étape-ci, c'est qu'on relance la
possibilité de collaboration et de synergie. Je pense qu'on a
vécu un cycle d'abondance relative des ressources - je ne parle pas des
années quatre-vingt, disons que les cycles historiques se prolongent,
c'était la queue de la comète - où, que ce soit dans le
domaine de la musique ou dans d'autres domaines, on a assisté à
ce qu'on appelle une sorte d'ultraspécialisation, chez nous, où
on a multiplié les programmes, où on a resserré les
fonctions et tout ça. Bref, un tas
d'institutions; que ce soit à l'interne dans les
universités, par exemple, ou dans l'ensemble du système scolaire,
on a multiplié les lieux de formation parce qu'on avait les moyens,
parce que ça apparaissait, pour toutes sortes d'autres raisons, plus
efficace de cette façon-là. Je pense qu'on est entré,
depuis déjà quelques années, dans une phase où il
faut ramasser nos petits et essayer d'aller dans l'autre sens, de mettre
ensemble les ressources et tout ça. C'est des choses qui frappent, par
exemple.
Évidemment, les conservatoires, du moins, tels que je les
comprends et qu'on me les explique, sont des lieux où on doit former une
sorte d'élite d'interprètes, peut-être de compositeurs,
avec un système de sélection, un système de
dépistage très tôt, à différentes
étapes, donc, au niveau des petits enfants et, à cause des
caractéristiques, notamment, des interprètes de musique, les
tenir sous une aile protectrice jusqu'à des études
supérieures. Jusque-là, ça va bien. Le problème qui
se pose, c'est que cette formation-là est finalement extrêmement
pointue et ne permet pas à la majorité des gens qui passent par
les conservatoires de déboucher directement dans d'autres fonctions ou
dans des fonctions annexes rattachées à la pratique musicale.
Quelqu'un qui pratique le violon n'est pas nécessairement
habilité à enseigner le violon, non plus qu'à enseigner la
musique. Alors, forcément, l'université, dans un contexte comme
celui-là, pour un bon nombre, devient une formation
complémentaire ou, pire, un déversoir, un lieu où celui ou
celle qui se rend compte, pour une raison ou pour autre, qu'il ne sera pas
concertiste de niveau international, va devoir aller prendre une autre
formation et, à ce moment-là, sortir complètement de la
première filière pour entrer dans la deuxième avec les
pertes de temps, avec les doublets et tout ce genre de
problèmes-là.
Sur le plan administratif, une autre chose qui est frappante,
évidemment, au conservatoire, c'est gratuit et puis à
l'université, c'est de plus en plus cher. Alors, c'est dans la mesure
où il y a une concurrence, parce que, si on prend l'École de
musique à l'Université Laval, la plupart de nos programmes, en
tout cas plusieurs de nos programmes sont en dehors de la pratique comme telle
de l'instrument. Que ce soit en composition, que ce soit en éducation
musicale, que ce soit en histoire de la musique ou en musicologie, on n'est pas
tout à fait dans le territoire du conservatoire, si on veut.
Dans le même sens, il y a aussi une harmonisation
nécessaire avec la formation au niveau du cégep. Vous savez
peut-être que, historiquement, le cégep de Sainte-Foy est, dans
les faits, logé à l'Université, ce qui permet une certaine
forme de coordination, mais les loustics disent aussi que ça permet aux
étudiants de savoir d'avance où ils vont aller et de choisir
Montréal. Mais, en dehors des blagues, je pense qu'on est mûrs,
à ce moment-ci, pour revoir l'ensemble du dossier. Chez nous, on est
très intéressés à tendre des perches, des
passerelles aux autres partenaires, dans un contexte très particulier,
je pense, à la région de Québec où il y a un volume
x de ressources disponibles et des réalignements, en tout cas, qui me
semblent assez grossièrement devoir avoir lieu et rapidement dans ce
domaine-là. Je pense, d'ailleurs, que le sentiment du rapport, c'est
qu'il y a là aussi quelque chose de particulier, quelque chose de
délicat. Ce n'est pas pour rien, je pense, qu'on recommnande d'aller
plus loin, de faire, je dirais, un rapport Arpin spécifique sur la
question de la musique. Et, moi, je vous dis: De notre point de vue, il faut
que ça se fasse et vite.
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous dites, finalement, c'est
que ce n'est pas tant la duplication. On sait, d'ailleurs, grâce aux
conservatoires, toute l'émergence de nos musiciens
québécois, même francophones, dans nos orchestres, nos
grands orchestres, entre autres, l'Orchestre symphonique de Montréal.
Donc, ce n'est pas tellement la duplication que l'harmonisation, finalement, en
termes d'enseignement ou de formation.
M. Demers (François): Oui, exactement.
Mme Frulla-Hébert: Autre chose aussi. Vous parliez
d'ajouter, finalement, tout le côté recherche et
développement. L'Union des écrivains en parlait en disant: II
faut investir dans la culture, parce que, finalement, les moyens étant
ce qu'ils sont, il n'y a aucune place à l'erreur, il n'y a aucune place
à l'essai; il faut être bons tout de suite, sinon... J'aimerais
ça que vous m'élaboriez un petit peu - vous y avez touché
- juste un peu plus, la question de recherche et développement. Comment
on pourrait attribuer des fonds spécifiques dans ce qu'on appelle
recherche et développement, pour que ce ne soit pas que de la recherche
au niveau des données, de la recherche pure, mais aussi une recherche
qui contribuerait à la création, qui contribuerait, finalement,
à l'essor, au dynamisme cuturel?
M. Dumas: La question est intéressante, parce que je pense
que c'est à nous à définir les règles du jeu.
D'ailleurs, ce qu'on demande, ici, c'est au gouvernement
québécois d'être un peu l'initiateur d'un processus. Parce
qu'au fédéral il y a toujours le même vide aussi. Il y a un
fossé entre les conseils de recherche et le Conseil des arts, et les
professeurs d'université dans le domaine de la création
artistique se retrouvent pris entre les deux. Ils ne sont ni des chercheurs, au
sens strict du terme, ni des artistes, au sens habituel du terme. Je pense que,
dans un domaine comme celui-là, on peut prendre la piste
de la R-D, justement, regarder tout ce qui s'est fait dans le domaine de
la recherche, tous les ponts qui ont été lancés du
côté de la recherche appliquée, appliquer et définir
des critères sensiblement identiques au domaine de la recherche et
être, je dirais, moins strict ou académique dans la façon
de définir les critères.
Il y a quelques années, si on regarde un peu les tendances du
Conseil des arts et du Conseil de recherches en sciences humaines, on
s'attendait à ce que les chercheurs, dans le domaine des arts, soient,
à toutes fins utiles, des analystes qui produisent des rapports, des
choses très littéraires, des choses décrochées,
pour employer un terme qui a été mentionné dans le rapport
ici. Mais, c'est à nous à définir, finalement, qu'il
existe une autre réalité et à avoir une vision un peu plus
large de ce que peut être la recherche et la création dans le
domaine des arts. Ça existe déjà un petit peu dans le
domaine des sciences humaines, dans le domaine de l'éducation et
ça s'appelle de la recherche-action. On devrait reconnaître qu'il
existe un concept qui est l'expérimentation, mais une
expérimentation avec une forme d'autocritique ou d'évaluation,
qui permet de créer, d'élaborer des projets qui impliquent des
étudiants, qui impliquent une forme de réflexion et qui ont des
retombées aussi pour la société. Donc, créer
quelque chose de nouveau, être un petit peu innovateur dans ce
domaine-là.
Je pense que vous avez parlé de ressources rares. Il y a quelque
chose d'un peu délicat et il faut peut-être le dire, c'est que,
dans le domaine des arts, les fonds sont effectivement très rares.
Souvent, quand on regarde l'action du Conseil des arts ou des conseils
équivalents, on vise à donner des moyens de subsistance à
des gens pour leur permettre d'exercer leur art. Il y a eu une tendance
à exclure les professeurs d'université de ces
programmes-là, parce qu'ils étaient déjà
financés, qu'ils avaient déjà un salaire. Sauf qu'il faut
voir que, de cette façon-là, on se trouve à les exclure.
On ne tient pas compte d'un pan de leur réalité, de leur
dimension artiste à eux aussi. Il faut voir que, dans la recherche, il y
a souvent un malentendu. Un chercheur universitaire qui obtient des millions de
dollars en recherche, ça ajoute très peu de choses à son
bien-être personnel. Ce sont des fonds qui sont réinvestis dans de
l'innovation, dans des technologies, dans des techniques, dans des
équipements et aussi beaucoup, et je dirais essentielllement, dans la
formation des étudiants. Parce qu'on parle, dans le rapport Arpin, des
jeunes, d'une formation générale a la culture au niveau du
primaire et du secondaire, mais je pense qu'on a sauté très,
très vite aux artistes. On n'a pas parlé de la formation à
un niveau supérieur. Ça me semble être absent du
rapport.
Mais il faut dire que toutes ces subventions que les professeurs
demandent et obtiennent pour la recherche, et qu'ils pourraient demander et
obtenir dans le domaine de la recherche-création, ont des
retombées directes sur les étudiants, sur les jeunes chercheurs,
sur les artistes, finalement. Je pense qu'on a effectivement un concept
à créer avec courage et à développer.
À l'Université Laval, on a été très
réticents - je l'ai mentionné, je pense que je l'ai abordé
un peu tout à l'heure - comme la plupart des universités,
à s'engager dans le soutien à la création, parce que c'est
difficile à définir et aussi parce qu'on se sent tout seuls. En
recherche, on peut très bien donner des fonds de démarrage
à des chercheurs, en disant: Allez vous adresser aux programmes de
recherche par la suite et obtenez le financement essentiel dans ces
programmes-là. C'est un levier. Si on s'engage dans le domaine de la
recherche-création et qu'on n'a pas de partenaire, qu'il n'existe pas de
programme à l'extérieur, on va avoir une fonction de
suppléance qu'on n'a tout simplement pas les moyens de
réaliser.
Donc, je pense qu'il faudrait qu'on crée un nouveau concept.
Nous, on a décidé. On est sur le point de créer un nouveau
programme d'aide à la création à l'interne, tout en
sachant qu'il manque une pièce du puzzle à l'extérieur. On
ne pourra pas dire aux gens. C'est du démarrage, allez chercher les
fonds à l'extérieur. On va essayer, autant que possible, de
trouver des choses analogues, mais il manque un gros morceau
présentement. Mais on a décidé d'y aller avec confiance et
d'investir modestement.
Dans le cas présent, on ne demande pas des millions qui iraient,
de façon particulière, aux professeurs d'université. Je
reviens à la première question, c'est de reconnaître que la
recherche-création fait partie intégrante d'une politique. On
verra par la suite comment la réaliser. (16 h 15)
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Juste en terminant, parce
qu'on débute la commission, qu'il y a d'autres intervenants du milieu de
l'éducation et que nous considérons l'apport, justement, du
milieu de l'éducation à l'essor culturel au Québec,
malgré votre jeune âge à tous, est-ce que vous voyez dans
l'évolution des étudiants en général, autant
qu'à la faculté, un intérêt ou un manque
d'intérêt? Ce que j'essaie de voir, c'est si, depuis le rapport
Parent, comparativement à l'enseignement que, souvent, nous recevions
des religieux, religieuses, etc., avec la modernisation, si on veut, de
l'éducation, il y a eu un manque général au niveau
culturel qui fait que, lorsque vous recevez des étudiants à votre
niveau, qui sont rendus maintenant au niveau supérieur, vous vous rendez
compte si, oui ou non, il y a un recul face à la maîtrise de la
langue, face à l'intérêt, si on veut, de la chose
culturelle, des arts, etc. C'est important pour nous de savoir si, à ce
niveau-là et au niveau supérieur, vous sentez ça.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la
ministre, c'est là beaucoup de questions pour la minute qui reste
sur votre temps pour obtenir une réponse. Alors, très rapidement,
s'il vous plaît, car je devrai passer la parole au porte-parole de
l'Opposition officielle. M. Méthot.
M. Méthot: Très rapidement, je vais vous dire que
nous venons tout juste de terminer une enquête auprès des
cégépiens et le résultat va tout à fait dans le
sens contraire de ce que vous souhaitez, jusqu'à un certain point,
c'est-à-dire que les gens ont souhaité avoir un lien direct entre
les programmes de formation au marché du travail dans un but bien
évident de faire en sorte que le programme conduise
systématiquement à un emploi sur le marché du travail. Et
je dirais qu'on a un travail de motivation, de sensibilisation à faire
pour intéresser, évidemment, les jeunes à des programmes
dans le domaine des arts et de la culture.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Méthot.
C'est très court, malheureusement, mais c'est les règles qui ont
été établies. Je vais maintenant passer la parole à
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui est critique
officiel pour l'Opposition en matière de culture. Vous avez la parole,
M. le député.
M. Boulerice: Merci, cher collègue. M. le vice-recteur,
MM. les doyens, M. le directeur, je ne sais pas si on a les mêmes
sensibilités, mais j'ai l'impression qu'on est heurtés par les
mêmes choses. Je lisais, à la page 8 de votre mémoire, et
moi aussi, puisque je parlais de heurts, cela m'a profondément
irrité: "II convient ici d'affronter le Rapport - le "Rapport", c'est
générique pour "rapport Arpin" - quand il critique le
caractère universitaire de la recherche menée par l'Institut
québécois de recherche sur la culture. Nous tenons pourtant
à rappeler que la société a aussi besoin de recherche
fondamentale..." Ça m'a profondément heurté. D'une part,
c'est un institut qui est dirigé par le professeur Dumont qui est sans
doute un des intellectuels les plus célébrés de la
francophonie. Ça a fait l'objet de longs débats à cette
l'Assemblée nationale. On voulait le démanteler. Heureusement, on
a évité le pire. Il est maintenant à l'Université
chez vous, ce qui était pour nous une police d'assurance, malgré
tout. J'aimerais ça si vous pouviez peut-être développer un
peu plus.
M. Méthot: M. Daviault, probablement.
M. Daviault: C'est-à-dire que je ne fais pas partie de
l'opposition. J'ai naturellement, moi aussi, été un peu
heurté par la lecture de cette chose-là: recherche
décrochée à l'université. On aurait pu en faire
état sans avoir à l'esprit exclusivement le modèle de
l'IQRC qui, entre parenthèses, pourrait très bien se transformer.
C'est un petit peu en toile de fond, en filigrane, dans cette espèce
d'observatoire qui est souhaité par le rapport. Ça ne serait pas
une mauvaise chose, enfin, qu'en partie on tire profit de l'existence de cet
IQRC. Mais je dois dire que c'est injuste de laisser croire que la recherche,
dans une université, est exclusivement une recherche fondamentale qui
est indispensable dans une université. Mais il n'y a pas que ça.
Il y a également, ce que souhaitait le rapport Arpin, des recherches qui
font la synthèse des autres recherches qui ont été fartes.
Et, naturellement, on ne peut pas faire état de tout dans un tel
rapport, mais on aurait pu faire état, et M. Arpin a dû l'oublier
puisqu'il est lui-même membre du comité d'administration de la
chaire pour le développement de la culture d'expression française
en Amérique du Nord, de deux rassemblements de recherches de
synthèse, qui ont été effectués cette année
concernant le Québec et les francophones de la Nouvelle-Angleterre,
bilan et prospectives. Ce n'est pas de la recherche décrochée,
ça. Ensuite, le colloque sur langues, espaces et sociétés,
variétés du français en Amérique du Nord, c'est
vraiment quelque chose qui est très utile pour nos affaires, à
nous autres, Québécois, et, naturellement, d'autres projets que
je ne peux pas mentionner maintenant. Le rapport souhaite des raccordements des
champs de recherche, mais il y a plusieurs programmes qui ont cette
priorité à l'Université. Je ne sais pas si je
réponds à votre question.
M. Boulerice: Oui. Avant d'aller à la deuxième
question, vous me permettrez de corriger mon assertion première, quand
je disais que le professeur Dumont dirige. Il a dirigé, parce que je
crois qu'il a quitté, il y a quelques semaines tout au plus.
À la page 5 de votre mémoire, vous dites: "Nous pourrions
faire davantage du côté des formules non traditionnelles de
formation continue des professionnels déjà sur le marché
du travail." Est-ce que vous pourriez être, un petit peu plus explicites
à cet égard, parce que la formation continue constitue un
élément important pour un nombre croissant d'artistes au
Québec?
M. Méthot: En fait, la formation continue est une
priorité de l'Université Laval depuis longtemps et surtout depuis
l'ouverture d'un centre de formation continue qui est relativement moderne. Et
nous voulons, évidemment, mettre l'accent sur cet aspect-là de la
formation et l'offrir un peu partout, en fait, là où les gens en
ont besoin. Nous avons créé un poste de directeur adjoint au
niveau du premier cycle pour favoriser, évidemment, la formation
continue de façon générale dans tous les domaines et dans
le domaine artistique également. La seule chose que je peux dire, en
résumé, c'est que l'Université veut mettre l'accent sur ce
point-là, il n'y a aucun doute, au cours des prochaines
années.
M. Boulerice: À la page 7, vous dites qu'il importe de
maintenir la souplesse actuelle au chapitre de l'accessibilité à
la formation en arts. Vous poursuivez et, là, je vous cite:
"Peut-être cette approche heurte-t-elle quelques sous-entendus du
rapport?" Qu'est-ce que vous entendez par les "sous-entendus du rapport"?
M. Méthot: On pourrait peut-être demander à
M. Demers de préciser.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Demers (François): C'est ce dont j'ai parlé tout
à l'heure à propos de l'articulation avec le marché du
travail où, dans le rapport, à un endroit ou deux -
malheureusement, je n'ai pas une très bonne mémoire des endroits
précis - on a l'air de dire que l'université en produirait trop
et, donc, si on pouvait contrôler l'accès à
l'université, d'une certaine façon, ou réduire
l'accès à l'université, il y en aurait moins sur le
marché du travail. Alors, c'est un peu à ça que ça
fait allusion. C'est pour ça que je vous disais que, dans le fond, on
vous invite à regarder les cohortes d'étudiants en arts selon des
critères un peu différents, selon que ce sont des gens qui se
destinent à la création ou des gens qui se destinent à
l'enseignement ou des gens qui se destinent à la recherche ou des gens
qui se destinent à l'administration et à la gestion.
En ce sens-là, par exemple, vous posiez la question de la
formation continue; c'est un peu de la rhétorique qu'on faisait dans le
document, mais, en même temps, c'est vrai qu'on aurait pu - je parle
à l'Université Laval - faire plus et plus vite du
côté de la gestion de projets, par exemple. Tout ce qui s'appelle
gestion des arts au-delà de la formation de premier cycle, de ce
côté-là, on a sans doute des choses à
développer et aussi du côté des nouvelles technologies. Je
parle des nouvelles technologies à la fois comme support de production
artistique, mais aussi comme soutien à différentes formes de
gestion ou autres appliquées aux arts. Dans ces domaines-là, je
pense que notre préoccupation depuis deux ou trois ans, c'est d'essayer
de rattraper le retard, s'il en est un, qu'on a eu.
M. Méthot: Je pourrais peut-être ajouter que
l'Université Laval compte un très petit nombre de programmes
contingentés. Nous en comptons seulement 12 sur 186 au premier cycle et
nous avons une politique qui fait en sorte que l'on ne contingente pas nos
programmes en fonction des conditions du marché du travail.
M. Boulerice: Vous n'avez probablement pas reçu tous les
mémoires, il va de soi. Certains, un en particulier, introduisent la
notion de réouverture des grandes écoles nationales, exemple:
l'École des beaux-arts. Qu'est-ce que vous pensez de... J'hésite
à qualifier ça de retour. Ce n'est peut-être pas le mot
approprié.
M. Méthot: On pourrait peut-être demander à
M. Demers de répondre à cette question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: II commence à être un
"jack-of-all-trades", comme on dit en américain.
M. Demers (François): Je pense que c'est un peu,
posée autrement, la question du conservatoire. On peut estimer qu'en
ayant des grandes écoles, avec un système sélectif solide,
on arriverait à former une minorité qui est une élite.
Dans le cas des grandes écoles, le premier problème qui va se
poser, c'est: quelle est l'école qui va contrôler les grandes
écoles? Alors, on peut perdre du côté de la
diversité. On peut perdre aussi sur le long terme puisque,
paraît-il, en histoire de l'art, il y a des gens qui se sont
affirmés contre les académiciens, contre les gens qui
étaient au pouvoir, qui étaient déjà reçus,
qui étaient déjà reconnus et qui constituaient, disons,
l'art dominant de l'époque, et ils ont réussi à s'affirmer
malgré tout. Alors, là, il y a ce type de problèmes
là qui se pose, mais surtout je pense, vu de notre point de vue, le vrai
problème, c'est: qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là? Si on en
entre 12 et qu'on en sort 12, il n'y a pas trop de problèmes, mais si on
en entre 25 et qu'on en sort 5, les autres, où vont-ils? Comment
articuler ce genre de formation extrêmement pointue, souvent très
technique ou très axée sur une production immédiate,
comment l'articuler avec d'autres fonctions rattachées à l'art,
qui assurent une certaine polyvalence, une certaine réussite dans la
vie? On a ce problème-là avec le conservatoire. On le voit sous
forme d'articulation avec les autres filières d'enseignement
rattachées à la musique ou au théâtre. On aurait ce
genre de problèmes là.
Ce n'est pas une fin de non recevoir. Je vous ai dit, au départ,
qu'on est prêts à tirer la couverte de notre côté.
Ça n'exclut pas l'existence des grandes écoles, mais il faut
prévoir des mécanismes d'articulation, de reconnaissance des
diplômes, des passerelles qui permettent aux étudiants de
décrocher et d'aller vers d'autres directions; d'aller vers
l'enseignement, daller vers la recherche analytique, d'aller vers
différentes autres fonctions, comme la gestion rattachée aux
arts. Il faudrait articuler ces grandes écoles, si elles devaient
exister, sans parier de leur coût, avec les besoins des étudiants
et les besoins de la société. Ça ne servirait à
rien d'avoir 100 personnes à l'entrée à la grande
école, d'en sortir 5 et d'avoir 95 ratés qui ont l'impression
d'être des ratés, de ne pas avoir pu se recycler ou d'avoir
été obligés de recommencer à zéro dans le
circuit universitaire pour déboucher sur quelque chose d'utile.
M. Boulerice: Vous avez parlé de certaines lacunes au
niveau de l'enseignement des arts, notamment au niveau primaire et au niveau
secondaire. Quelle devrait être la place de l'université dans
l'élaboration des programmes d'enseignement des arts au niveau du
primaire et du secondaire? Puisque c'est le début et la finalité,
veux ou veux pas, ce sera vous. Vous allez me répondre: Vaste programme,
vaste question, mais il y a sans doute un élément de
réponse que vous avez.
M. Méthot: Nous avons, évidemment, des
mécanismes de création de nouveaux programmes pour
répondre aux besoins de la société de façon
générale et nous en créons régulièrement.
Nous sommes sur le point d'élaborer un nouveau programme de formation
des maîtres au niveau du secondaire dans plusieurs disciplines. Il y a un
comité qui est à l'oeuvre depuis mardi dernier et nous devrions
créer un programme à cette fin. Maintenant, si d'autres besoins
sont requis en littérature, en culture de façon
générale ou dans le domaine des arts, selon les demandes que l'on
reçoit, on peut créer de tels comités d'élaboration
de nouveaux programmes et selon les enquêtes, comme suite aux documents
qu'on reçoit, nous pouvons à ce moment-là créer de
nouveaux programmes sans difficulté.
M. Boulerice: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Cela va mettre fin à
votre témoignage. Peut-être, Mme la ministre, un petit mot de
remerciement très, très rapide parce que nous sommes dans les
temps.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Encore un gros merci et, comme le
directeur général des conservatoires est avec nous, je vous
incite déjà à commencer à vous parler. Merci de
votre présentation.
Le Président (M. Gobé): Alors, ceci met fin
à votre présentation. Je vous demanderais maintenant de bien
vouloir vous retirer. Je vais suspendre les travaux pour une minute afin de
permettre au groupe suivant ou à la personne suivante de venir
s'installer, soit M. François Lahaye pour le Réseau
indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis.
Si vous voulez bien venir prendre place en avant. Pendant ce temps-là,
les autres vont se retirer. Les travaux de la commission sont suspendus pour
une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 31)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend maintenant ses travaux après cette
brève suspension. Il nous fait plaisir de vous accueillir, M. Lahaye, si
je vous nomme bien. Vous avez une personne avec vous. Si vous voulez nous la
présenter.
RIDEAU
M. Lahaye (François): Mme Andrée Ménard, qui
est la directrice générale de RIDEAU.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, Mme
Ménard.
Mme Ménard (Andrée): Bonjour.
Le Président (M. Gobé): Sans plus tarder, je vous
demanderais de bien vouloir faire votre présentation. Vous avez 15
minutes pour ce faire et, par la suite, chacun des deux intervenants aura, lui
aussi, une quinzaine de minutes pour dialoguer avec vous. Alors, vous avez la
parole, M. Lahaye.
M. Lahaye: Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mmes
et MM. les députés, vous me permettrez, au cours des prochaines
minutes, de résumer la position que RIDEAU portait récemment
à votre attention en regard de la proposition de politique de la culture
et des arts.
Pour mieux comprendre cette position, je voudrais d'abord vous rappeler
qui nous sommes, une association de 80 diffuseurs de spectacles
représentant des services municipaux, des services aux étudiants
en milieu scolaire, des diffuseurs privés, les deux
sociétés d'État et les réseaux régionaux.
Selon leur appartenance géographique ou selon des intérêts
communs, les diffuseurs sont regroupés en réseaux.
Nationale-ment, ils sont représentés par RIDEAU.
Les actions de RIDEAU visent en priorité le soutien aux
activités professionnelles de ses membres en matière de
programmation, de mise en marché et d'administration; elles tiennent
compte des conditions de travail extrêmement variables de chacun. Uniques
pour la plupart dans leur marché respectif, éloignés, pour
plusieurs, des grands centres, les diffuseurs réclament des outils de
travail et de communication adaptés que leur fournit RIDEAU:
marché annuel du spectacle, catalogue de l'offre et de la demande,
réseau télématique et informatique, statistiques
d'exploitation en salle et échanges professionnels sont du nombre.
RIDEAU est aussi le porte-parole et le défenseur des
intérêts des diffuseurs auprès de la communauté
artistique et des gouvernements. L'ensemble des réalisations de la
dernière décennie a permis la structuration d'un réseau de
tournées professionnelles, la reconnaissance du métier de
diffuseur et la provocation d'un dialogue essentiel avec la communauté
artistique
par la défense d'un point de vue de marché à une
époque où ces propos n'étaient pas à la mode. Il
aura malheureusement fallu un déclin généralisé des
publics en salle pour que milieux artistiques et gouvernementaux acceptent
enfin de partager notre vision, perception qui, a priori, semblait
irréconciliable, la conjonction de l'offre et de la demande.
D'une manière plus spécifique, les membres de RIDEAU
disposent d'une centaine de salles dans toutes les régions du
Québec et offrent annuellement plus de 4000 représentations dans
toutes les disciplines. De ce nombre, 60 % sont offertes à
l'extérieur de la région de Montréal. Les diffuseurs
occupent une place stratégique dans le monde du spectacle, celle de la
vente au détail, où ils exercent des fonctions de programmation
et de mise en marché. Ils sont l'intermédiaire entre l'artiste et
le public. Cette position s'accompagne d'un mandat de développement de
marchés auquel contribue le ministère des Affaires culturelles.
Les diffuseurs sont aussi liés à un territoire. Promotion et mise
en marché des activités, accueil et confort du public,
qualité technique, administration d'une salle font partie de leurs
attributions.
Cette position s'accompagne d'un mandat d'accessibilité du
citoyen à la vie culturelle et d'une responsabilité à
l'égard de la vie artistique, locale et régionale, ce à
quoi s'associe financièrement la municipalité ou l'institution
scolaire dont ils reçoivent leur mandat. Or, ces objectifs
d'accessibilité et de développement de marchés ne sont
plus aujourd'hui nécessairement convergents, surtout lorsqu'ils sont
jumelés à des objectifs de rentabilité à court
terme des activités.
Ainsi, les propositions mises de l'avant dans le rapport Arpin au
chapitre de l'accès à la vie culturelle méritent qu'on
mette en relation un certain nombre de facteurs dont on ne saurait oublier
l'existence car, si généreuses soient-elles, ces intentions ne
peuvent faire abstraction d'une situation bien actuelle: la baisse de
fréquentation et même la disparition d'auditoires pour certains
genres artistiques au cours des dernières années. Manque de
temps, prix des billets trop élevé, coût
général des sorties, salles trop éloignées en sont
les raisons connues. Mais l'étude de marchés que RIDEAU a
effectuée en 1990 nous a révélé ce que nous
voulions peut-être ignorer: les consommateurs sont les mêmes pour
tous les genres artistiques, ils sont âgés de 30 à 45 ans,
sont éduqués et leur revenu moyen par famille est
supérieur à 35 000 $.
L'accès à la vie culturelle serait-il devenu l'apanage des
plus fortunés? Une série de facteurs sont venus avec les
années modifier la situation de la diffusion des arts de la
scène. Le coût, bien sûr, qui, en période de
récession, conjugué aux deux taxes à la consommation, la
TPS et la taxe d'amusement, a eu un effet certain sur la fidélité
de nos publics. L'effet du "home entertainment", le goût du public qui,
alimenté par nos médias, réclame, en région comme
à Montréal, des têtes d'affiche et des spectacles avec une
plus grande notoriété, nos festivals qui sont légion et
qui ont créé de nouvelles habitudes de consommation,
l'événementiel et la gratuité.
Dans ce contexte, incombe aux diffuseurs la responsabilité de
développement des publics pour l'ensemble de la production artistique.
Or, la diffusion est intimement liée au financement qu'accorde
l'État à la création et à la production. Sans ce
soutien, l'accès aux spectacles serait impensable, c'est bien connu.
Mais ce financement ne génère plus aujourd'hui le retour sur
l'investissement que fait l'État dans ce domaine. Ainsi, en 1990, 322
spectacles professionnels différents ont été
présentés dans le réseau des salles membres de RIDEAU. De
ce nombre, 37 seulement ont fait plus de 10 représentations et la
moitié de ces dernières étaient des spectacles de
variété.
Par ailleurs, par son programme d'aide à la diffusion, le
ministère des Affaires culturelles investit 2 000 000 $ aux
activités de 150 organismes de diffusion, à l'exclusion de la
Place des Arts et du Grand Théâtre. Cela représente 7 % des
revenus de ces 150 organismes. Localement, les municipalités et le
scolaire y consentent 17 %. Déduction faite, les diffuseurs sont donc
condamnés à générer 76 % de leurs revenus à
partir de leur opération de billetterie. On parie ici d'un chiffre
d'affaires de plus de 20 000 000 $ dans le réseau et ce, sans compter
les sociétés d'État. C'est donc beaucoup de billets
à vendre.
Le discours économique des dernières années, la
révision constante des bases de financement de l'État à la
diffusion n'ont certainement pas aidé les diffuseurs à maintenir
cette mission de développement artistique et d'accessibilité des
citoyens à la culture. Constamment confrontés à des
problèmes de financement, pris entre différents discours
politiques et l'implacable loi du marché, les diffuseurs agissent avec
prudence. Leurs programmations sont plus conservatrices et reposent en partie
sur le rendement financier potentiel du spectacle car, sur la seule base du
revenu de guichet, tous les spectacles, sans aucune exception, sont aujourd'hui
déficitaires.
Le rapport Samson Bélair et le rapport Arpin s'accordent à
dire qu'il faut agir sur la demande, qu'il nous faut intéresser ces 60 %
de consommateurs potentiels qui ne participent pas à la vie culturelle,
que nous devons initier, éduquer le public et lui acheminer les oeuvres.
Mobilisation des grandes institutions nationales, campagnes de sensibilisation
publique et éducation culturelle sont au nombre des moyens mis de
l'avant par le rapport pour soutenir cet objectif d'accessibilité
à la culture.
Nous souscrivons entièrement au rôle fondamental de
l'école à cet égard et préconisons que cette
formation de base puisse être dispensée par des professionnels.
Nous souscrivons à la nécessité de liens tangibles entre
les grands organismes de diffusion et le réseau québécois,
mais nous voulons insister aussi sur la responsabilité de ces
institutions à promouvoir et diffuser la création,
méconnue du public québécois.
Nous sommes, cependant, convaincus que cet objectif
d'accessibilité à la culture doit reposer et s'appuyer sur le
réseau de lieux de diffusion en place à travers le Québec.
Il faut aussi compter sur un vaste réseau de ressources humaines
professionnelles, compétentes et dynamiques. Les équipes de
professionnels des bibliothèques, centres culturels, musées,
centres d'exposition et salles de spectacle sont au service de la
création et du public. Leur contribution, additionnée à
celle de l'éducation, est garante de l'avenir.
Voici donc l'objet de notre première proposition:
l'élargissement des mandats des différents réseaux de
diffusion de la culture et des arts à des fins d'éducation avec,
bien sûr, les nécessaires engagements financiers qui en
découlent.
Notre prochaine observation découle de la lecture à tout
le moins réductrice que fait le rapport Arpin de l'activité
culturelle en région. Tous conviendront du rôle moteur que jouent
et doivent exercer la métropole, la capitale et leurs institutions
à l'égard de la vie artistique et culturelle
québécoise. Peut-on, cependant, ignorer que ces centres
s'alimentent dans un va-et-vient continuel du dynamisme des régions?
L'ensemble régional n'acceptera jamais de se limiter au rôle de
réceptacle dans lequel semble vouloir l'enfermer la proposition.
Point n'est besoin d'insister sur la qualité des oeuvres
créées et produites en région et des artistes qui en
émanent. Le droit d'accès à la vie culturelle implique le
droit de pratique, sans égard à son lieu de résidence. Et,
si l'activité de création et de production est, par la loi du
nombre, forcément concentrée en milieu urbain, elle est
tributaire de cet ensemble régional pour rejoindre le public auquel elle
se destine. On parle ici de 3 000 000 de personnes qui se retrouvent à
travers ce réseau de lieux de diffusion dont on vient de parler. Cela
représente, tout de même, la moitié de la population du
Québec.
La compétence et le professionnalisme des ressources humaines,
dont nous faisions état, ont permis le développement de chacun de
ces milieux culturels. Et c'est sous la pulsion et la force de persuasion de
ces acteurs que s'est forgée la décision politique d'investir
à la structuration de ces réseaux, réseaux
asymétriques bien sûrs, bâtis selon la conception de chacun
des milieux de son développement culturel en fonction de leur propre
dynamique. Le rapport Arpin souligne que "les intervenants culturels et leurs
partenaires sont confrontés à des réalités et
à des contextes qui recèlent des potentiels fort
différents et se réfèrent à des
problématiques propres à chaque région."
L'objet de notre deuxième recommandation est à l'effet que
la future politique culturelle du gouvernement du Québec devra s'appuyer
sur ce dynamisme particulier à chaque communauté. C'est cette
reconnaissance des particularités et des volontés locales, et
l'appui à leur manifestation qui sont le fondement du partenariat
souhaité par le rapport Arpin.
Parce qu'elle souscrit aux mêmes objectifs de qualité de
vie et d'accessibilité à la culture du citoyen en milieu
municipal, l'activité de diffusion a pu bénéficier d'un
soutien sans cesse croissant des décideurs locaux. De nombreux
investissements ont été consentis ces dernières
années par les communautés, en partenariat avec le gouvernement
du Québec, pour développer ces lieux de la culture. Des
investissements tout aussi importants sont consentis annuellement par les
communautés au fonctionnement et à l'animation de ces lieux, et
leur progression est constante. Ce partenariat au fonctionnement des salles de
spectacle représente, nous l'avons dit, 17 % de leurs revenus en
financement direct, et ce, c'est sans compter l'ensemble des contributions
indirectes: personnel, entretien, service de la dette sont, par exemple, du
nombre.
Ce soutien est, malgré tout, insuffisant. Les diffuseurs
connaissent des crises cycliques de financement et une sous-capitalisation de
leurs entreprises. Ils réclament une assurance à leur
stabilité par la restauration d'assises adéquates de leur
financement et par des mesures d'indexation annuelle.
Voici donc notre troisième recommandation. Elle se veut un appui
à la formule d'ententes triennales suggérée par le rapport
Arpin. Elle a, dans ce cas, d'autant plus d'importance que les diffuseurs sont
en lien direct avec les décideurs locaux. Ainsi, la subvention consentie
par l'État en diffusion pourrait agir comme levier sur le financement
local. Cela suppose un partenariat basé sur des objectifs communs
spécifiques à chacune des réalités locales.
Toutefois, l'actuelle proposition, en appelant de la responsabilité
municipale, semble plutôt suggérer un retrait de l'État du
financement des opérations des lieux culturels. Cette intention, si elle
devait s'appliquer en matière de diffusion des arts de la scène,
nous semble d'autant plus irrecevable, particulièrement dans le contexte
actuel des relations entre l'État et les municipalités quant au
partage du fardeau fiscal.
Faut-il rappeler que le retrait d'un champ de taxation, celui de la taxe
d'amusement, n'est pas sans causer préjudice au milieu culturel en
provoquant chez les municipalités une remise en question de leur
contribution à l'activité artis-
tique.
La proposition Arpin postule à la fois la responsabilité
et l'engagement de l'État dans le soutien aux arts et à la
culture. Elle préconise le leadership et l'action irradiante d'un
ministère de la culture qui se traduirait par des orientations claires,
connues et partagées. (16 h 45)
Cette concertation politique de l'État avec les
municipalités est urgente: définition du partenariat, convergence
des objectifs, respect des orientations locales et détermination des
responsabilités et des contributions respectives doivent être
inscrits dans les plus brefs délais dans le cadre des relations
Québec-municipalités.
Finalement, le rapport Arpin souligne avec justesse la contribution du
mouvement associatif dont nous sommes à la cohérence du discours
et des efforts dans le secteur culturel. Il propose un partenariat qui repose
sur la mise en commun des expertises de tous. Cette proposition devrait
conduire à terme à une politique sectorielle de diffusion en arts
de la scène, conséquence logique de l'adoption d'une politique de
la culture et des arts. Cette politique, comme nous le mentionnons en
conclusion de notre mémoire, ne devra pas limiter le partenariat
à une simple question financière, mais viser la canalisation
effective des actions de chacun.
Dans tous les cas et au-delà de toute considération, la
question de départ demeure la même: Quelle place voulons-nous et
saurons-nous faire à la culture et aux arts dans notre
société? Y répondre lors de la présente commission
parlementaire nous aura fait franchir une étape déterminante dans
ce sens. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lahaye. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
Aujourd'hui on a essayé de faire le tour. On a commencé par la
création, on a parlé du secteur du cinéma et de
l'audiovisuel pour ensuite passer même au monde de l'éducation. Et
là, on en vient, justement, à toute l'accessibilité, si on
veut, de ces spectacles, de cette création, et aux mécanismes qui
sont en place pour favoriser cette accessibilité. Donc,
accessibilité qui passe aussi par la responsabilité des
diffuseurs à l'égard du développement culturel local. J'ai
fait le tour des régions, spécifiquement pour voir un peu ce qui
s'y passe et on parlait souvent de salles inadéquates. On se souvient
qu'en 1967 on a développé aussi des salles qui étaient,
finalement, plus ou moins utilisables. Alors, on s'est donné aussi comme
mandat d'essayer de doter non seulement les grands centres, mais aussi toutes
les régions d'équipements culturels dont le milieu culturel peut
bénéficier, et cela, adéquatement. Donc, dans le
réseau d'équipements, pour la question des salles de spectacles,
on a investi près de 50 000 000 $ depuis 1985. On va partir de
là. Est-ce que vous avez l'impression que le nombre de salles - pour
vous qui faites le tour - est suffisant au Québec? Est-ce qu'on a des
infrastructures maintenant suffisantes et assez adéquates pour dire
qu'il y a là, finalement, la possibilité de créer de
véritables tournées, si on veut, pour nos artistes?
M. Lahaye: Enfin, il y a deux volets à votre question.
D'une part, est-ce qu'il y en a suffisamment et est-ce qu'elles sont
adéquates?
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Lahaye: Oui, il y en a suffisamment. La constatation, c'est
que, dans le réseau actuel, il y a des salles de spectacle dans toutes
les régions du Québec, dans toutes les villes importantes du
Québec. Il y a des lieux de diffusion de spectacles dans ces
villes-là, lieux qui permettent donc la diffusion de différents
spectacles. Le problème, à certains égards, c'est que ces
lieux-là sont peut-être inadéquats et ne permettent pas de
présenter au public québécois en région des
spectacles de la même envergure, d'une part, ou de la même
qualité scénique et scénographique que ce qui se fait dans
les plus grands centres.
Je vais vous donner un exemple fort simple. Certains artistes de
variétés au Québec, dans leur tournée de
spectacles, trimbalent avec eux du matériel qui entre dans deux
semi-remorques. Or, c'est évident que, quand la scène où
c'est présenté a une ouverture, un cadre de scène de 20
pieds et qu'il y a 15 pieds de profond, ce n'est pas possible de
présenter ce spectacle-là. Ça vient donc altérer la
qualité du spectacle. Ça vient donc diminuer aussi les
possibilités de financement de ces spectacles-là par les
producteurs.
Mme Frulla-Hébert: J'en ai vu des salles. J'en ai vu de
très belles, de très adéquates et, effectivement, il y en
a d'autres, d'ailleurs, qui sont sur la liste des besoins. Vous savez, le
Québec est grand, les municipalités souvent sont petites. Et
qu'il faut voir, nous, les demandes que l'on a. Chaque municipalité veut
avoir sa salle de concert ou sa salle de spectacle. Est-ce que vous sentez,
finalement, une synergie entre les municipalités, de telle sorte qu'on
dote - sans dire les régions parce que les régions sont trop
grandes - un regroupement de municipalités de ces équipements?
Est-ce que vous sentez ça, vous autres, la synergie entre les
municipalités pour travailler ensemble à promouvoir ça au
niveau des salles?
M. Lahaye: Écoutez, je ne sais pas si on sent la synergie,
sauf que c'est certain qu'à l'intérieur du réseau les
municipalités entre elles se parlent. Ce que vous annoncez, à
l'effet que
des municipalités peuvent se regrouper pour avoir une salle de
spectacle, ça rejoint un peu notre propos quand on parle de l'offre et
de la demande. Les bassins de population, il faut convenir qu'en dehors de
Québec, Montréal et certaines capitales régionales...
Encore là, dans les capitales régionales, le bassin de population
d'une stricte municipalité ne permet pas la viabilité d'un lieu
de diffusion ou d'une salle de spectacle. Donc, il y a effectivement du travail
qui doit être fait dans ce sens-là.
Mme Ménard: Mais il y a peut-être une fausse
question qui est posée par rapport aux équipements, perception
qui est véhiculée par des citoyens qui, en région
éloignée, n'ont pas accès à certains spectacles
populaires prisés du public montréalais ou
québécois de Québec. Souvent, la raison qu'on invoque
à l'effet que Jean Lapointe ne se rend pas dans telle région du
Québec est le fait que la salle n'est pas assez grande pour accueillir
ce type d'artiste là. C'est un faux principe. Et c'est une question
d'économie de ce milieu du spectacle. C'est évident que
Jean-Claude Lespérance qui envoie un artiste en région parce que
le coût de revient du spectacle est basé sur le nombre de
sièges... Donc, l'ensemble des municipalités aujourd'hui
réclame des salles qui varient entre 600, 800 ou 1000 places. Donc, il y
a une espèce de cote, à 1000, qui a été
établie à l'effet de recevoir les grands spectacles de
variétés. Je pense qu'on est assez conscient à RIDEAU, du
moins associativement, des limites qu'imposent effectivement ces masses
critiques, ces bassins de population à travers le Québec. Il y a
des capitales régionales, et je pense à Rimouski, qui ne sont pas
encore dotées d'un lieu de diffusion adéquat et je pense qu'il y
a la completion d'un réseau autour de cette notion de capitale
régionale.
Maintenant, quant à la desserte de plus petites
municipalités, je pense effectivement que c'est dans le regroupement
d'un certain nombre de municipalités autour d'un lieu central de
diffusion qu'on arrivera à vivre de ça, enfin, à vivre, du
moins à survivre dans cette business-là, et non pas en
créant d'autres lieux de diffusion. Et j'étais à
même de dire qu'il était temps qu'on rationalise et qu'on fasse un
effort de cartographie des lieux qui sont à vocation supramunicipa-le,
et que, si on a de l'argent à investir prochainement, c'est surtout sur
le développement des publics et non pas des équipements.
Mme Frulla-Hébert: Vous savez aussi l'apport des
municipalités, Rimouski, par exemple... Nous, on peut être
prêts, mais si la municipalité n'investit pas ses 25 % ou ne veut
pas le faire, à ce moment-là, de ce côté-là,
ça retarde. Mais, en région, effectivement, quand on s'est
promenés - on va l'entendre au cours du mois, c'est sûr - c'est
justement ce rejet d'être un réceptacle versus d'encourager les
productions sur place.
Il y a aussi - en tout cas, j'ai entendu des plaintes à cet effet
- que, justement, des administrateurs, gestionnaires de salles, ne vont
favoriser que des grands spectacles provenant d'ailleurs, des gros noms, et que
des gens de la région même auraient de la difficulté,
justement, à employer ces salles-là et à se faire
diffuser. Alors, est-ce que vous avez noté... Parce que,
honnêtement, quand on se promène, on a entendu ça
très souvent: Des belles salles, oui, c'est bon pour des gens de
l'extérieur mais quand vient le temps, finalement, de prendre un certain
risque sur nous, bien, c'est une fin de non-recevoir.
Mme Ménard: Mme la ministre, je pense qu'on vous a fait la
démonstration en long et en large, et en privé d'ailleurs, il y a
déjà quelques mois, de cette part de risque ou de cette part de
financement ou de développement des artistes qui n'existe plus
maintenant dans le milieu du spectacle. Or, les questions relatives au
développement d'artistes locaux, en regard de l'accueil d'artistes
nationaux, se posent sur la même base. Le spectacle, qu'il soit local,
régional ou national, va coûter, en présentation,
sensiblement les mêmes frais que de présenter un grand spectacle.
Actuellement, des artistes en développement au Québec
coûtent au bas mot entre 3 000 $ et 5 000 $ de cachet, plus les frais de
production et de promotion afférents à la présentation de
cet artiste. Donc, présenter la relève ou Jean Lapointe, c'est
sensiblement - encore une fois, vous me pemettrez la caricature - le même
coût pour le public qui acceptera d'aller le voir. Donc, vendre un
artiste local ou un artiste de la relève actuellement, dans des taux
variant entre 20 $ et 30 $ le billet, ce n'est plus pensable. Et il n'y a
personne qui, dans cette structure-là, soutient effectivement le
diffuseur pour faire ou du développement local ou du
développement d'artiste, peu importe sa provenance.
Mme Frulla-Hébert: Alors c'est de là... Deux
choses... On va entrer, finalement, dans le financement, avec les ententes
triennales, parce qu'effectivement on a commencé, dans d'autres
secteurs, à signer des ententes triennales et c'est un peu le mode de
fonctionnement que l'on favorise. Au niveau du fonctionnement proprement dit,
pourquoi pensez-vous que les ententes triennales pourraient être une
solution, justement, aux problèmes des diffuseurs?
M. Lahaye: Écoutez, on le soulignait, les diffuseurs ont
des problèmes de capitalisation, des problèmes de financement,
des problèmes de liquidités. Les ententes triennales
permettraient donc, jusqu'à un certain point, de voir venir. Par
ailleurs, une entente triennale obligerait les diffuseurs à avoir des
planifications, des stratégies de développement de marchés
qui soient à
long terme. Le développement des marchés, le
développement des produits ne peut pas se faire à court terme.
Ça n'existe plus, des artistes qui ont la reconnaissance et la
notoriété nationale instantanée. Donc, il faut travailler
sur du long terme. Ça permettrait donc aux diffuseurs d'avoir de
meilleures stratégies et de meilleures approches auprès du
public.
Mme Ménard: D'autre part, comme on vous l'indique dans le
mémoire, parce que le diffuseur est en Jien direct avec le
décideur local, donc les municipalités ou l'institution scolaire
qui investissent effectivement en diffusion pour des mandats
d'accessibilité ou d'éducation, donc parce que ce lien-là
est direct, ce qu'on vous propose, ce qu'on vous suggère, c'est de
bonifier l'intervention financière que le gouvernement du Québec
a à cet égard par des ententes à long terme qui lieraient
effectivement à la fois le diffuseur, le décideur local et le
ministère. Et c'est là où on insiste le plus parce qu'il
faut, ce faisant, dans ces nouvelles règles du jeu, reconnaître
les développements particuliers à chaque communauté, si
cela est, à chacune des régions. Sauf que même cette notion
de région ne joue plus parce qu'à partir du moment où
Trois-Rivières paie l'entièreté des coûts relatifs
à la salle bien qu'elle soit utilisée par une population
régionale, donc Trois-Rivières veut avoir effectivement voix au
chapitre et déterminer dans quel sens son activité de diffusion
se fera.
Or, actuellement - et c'est là où on sent la pression
politique, qu'elle vienne de la part du gouvernement ou des
municipalités - les objectifs, encore une fois, ne se rejoignent pas.
Dans un cas, c'est l'accessibilité du citoyen à l'activité
culturelle. Or, ce que les municipalités questionnent actuellement,
c'est que, quand un coût de billet en est rendu à 25 $, 30 $ ou 32
$ ou même 35 $ dans les mois qui suivront, cette notion
d'accessibilité n'existe plus et, d'autre part, le ministère des
Affaires culturelles dit, par son programme de financement: Faites du
développement de marchés pour du produit dit à risque et
méconnu du public. Alors, là, il y a vraiment un os dans la
soupe, en bon français.
Mme Frulla-Hébert: Quand vous parlez des grandes
institutions nationales, vous faites référence à la
responsabilité de la Place des Arts et du Grand Théâtre
dans la promotion et la diffusion de la création
québécoise, et vous parlez de leur rôle. Pouvez-vous
élaborer un peu là-dessus? Parce qu'il y a le rôle des
institutions nationales et il y a aussi le rôle, vous en parlez, de
Jean-Claude Lespérance et de tous ces agents d'artistes que l'on
subventionne et que l'on aide de l'autre côté aussi, à se
développer. Mais là, pour l'instant, au niveau des institutions
nationales, comment voyez-vous leur rôle, finalement? (17 heures)
M. Lahaye: Enfin, les grandes institutions nationales comme la
Place des Arts, notamment, doivent servir d'accueil à la
réciprocité quand on parle de l'exportation des produits
culturels québécois. Or, ces institutions nationales devraient
servir de tête de réseau pour la diffusion, sur le territoire
québécois, de certaines manifestations d'envergure plus
internationale. Elles devraient pouvoir initier ce genre de projets là,
elles devraient avoir le mandat de le faire. Elles ont l'expertise, elles ont
un certain savoir-faire et elles ont la possibilité de le faire; donc,
ça devrait s'inscrire dans leur mandat de le faire.
Le Président (M. Gobé): Rapidement, puisque le
temps est écoulé pour vous. Avez-vous terminé?
M. Lahaye: Oui, oui.
Mme Ménard: Je voudrais juste ajouter...
Le Président (M. Gobé): Rapidement, madame.
Mme Ménard: ...sur la question spécifique
d'être la vitrine de la production québécoise. Les
diffuseurs s'interrogent depuis bon nombre d'années sur le mandat de
développement de marchés que leur confie le ministère et
ce non-mandat qu'ils sentent de la part des deux sociétés, la
Place des Arts et du Grand Théâtre, qui sont
considérées comme étant actuellement des garages. Alors,
si ces institutions ne peuvent pas jouer un rôle moteur dans le
développement et la connaissance du produit culturel
québécois, est-ce que, eux, avec les moyens qu'ils ont, vont le
faire? C'est la question qui est posée.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, Mme
la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous
avez maintenant la parole...
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...pour 15 minutes, vous
aussi.
M. Boulerice: J'ai bien remarqué, dans votre
présentation, que vous avez dit qu'effectivement, à l'exception
de certaines régions - et vous avez nommé, d'ailleurs, à
juste propos Rimouski où j'ai séjourné quelques jours - il
y avait des salles, mais que ce n'était pas des salles adéquates.
Il pouvait peut-être y avoir un chanteur, mais je serais curieux de
connaître le nombre de salles qui peuvent accueillir en région de
la danse contemporaine. Vous savez comme moi que ça donne... Il n'y en a
pas, à toutes fins pratiques, je crois bien.
M. Lahaye: En région...
Mme Ménard: En formation plus réduite, oui.
M. Boulerice: Pardon?
M. Lahaye: Oui, en région, il y a des salles qui peuvent
accueillir de la danse contemporaine; pas tous les spectacles, mais la majeure
partie des spectacles. D'ailleurs, RIDEAU a initié, il y a deux ans, un
programme qui s'appelait Danse Dense qui était une opération de
développement de marchés sur la danse moderne et qui a
circulé sur l'ensemble du territoire québécois.
M. Boulerice: Non, cela dit, non pas pour avoir un chiffre
précis, mais je pense qu'il est important que vous indiquiez que,
effectivement, les salles ne sont pas polyvalentes dans le sens qu'elles ont
une certaine limitation quant à l'utilisation comme telle.
Il y a un point où j'ai vraiment accroché. Quand vous
parlez de l'accès à la vie culturelle, vous parlez d'un souci
d'ouverture à l'international. Je ne sais pas si ça a
provoqué chez vous le même agacement que chez moi, mais il fallait
que tout soit international ici pour que ce soit bon. Si, par malheur,
c'était local, régional ou national, ça ne pouvait pas
exister. Vous faites appel aux nouvelles habitudes de consommation.
"L'événementiel et la gratuité sont deux facteurs de
décision aujourd'hui incontournables." Et, après, vous allez
faire le lien avec, forcément, l'effet conjugué de l'application
des deux taxes, soit la TPS fédérale et la TPS provinciale qui
s'en vient le 1er janvier, la taxe d'amusement, à moins qu'on y apporte
des correctifs, qui n'est pas étranger à la désertion des
publics. Je pense qu'elle va s'amplifier parce que ça va être 27,5
% de taxes au 1er janvier. Ce n'est pas la moindre des choses.
Mais où je veux en venir, c'est que, oui, il y a un prix
complètement prohibitif actuellement - j'ai bien l'impression - et qui
s'en vient et vous semblez très critiques des effets que peut avoir la
gratuité. J'aimerais vous entendre peut-être un petit peu plus
à fond à ce niveau-là.
M. Lahaye: Écoutez, ce qu'on dit, c'est que, dans certains
marchés - et notre prétention est à cet effet - il y a
beaucoup de spectacles, particulièrement des spectacles de
variétés qui sont offerts dans le cadre
d'événements ponctuels ou récurrents, année
après année, qui sont offerts gratuitement à la
population. D'une part, ces événements-là étant
offerts gratuitement à la population, compte tenu des coûts
prohibitifs qu'on est obligé de pratiquer en termes de tarification sur
les billets, font en sorte qu'il y a une large part de la population qui va
voir ces spectacles-là parce qu'ils sont offerts gratuitement.
L'autre problème que l'on rencontre, c'est que ces
spectacles-là, dans certains cas, dans certains marchés, ne
s'inscrivent pas véritablement dans des stratégies de
développement de marchés, effectivement. Donc, un nouveau
spectacle d'un artiste de variétés, par exemple, va être
présenté dans le cadre d'un festival, va être offert
gratuitement à la population, ce qui va venir limiter son potentiel de
vente de billets en salle par la suite. C'est donc toute la notion de
rentabilité pour le diffuseur de spectacles.
Il y a là un danger, on le souligne. La gratuité peut,
à certains égards, avoir des effets nocifs. Par contre, si la
gratuité est bien pratiquée, est pratiquée dans le sens de
faire voir de nouveaux produits, de nouveaux artistes, est faite dans une
opération de développement de marchés, ça peut
être une opération qui peut être intéressante parce
qu'on sait que les événements du type festival ne
bénéficient pas de larges subventions, mais sont largement
commandités etc., donc, ce qui peut permettre de rapprocher le public
d'un nouveau produit ou de nouveaux produits artistiques. Mais il y a le
danger, avec des produits qui ont une certaine notoriété ou qui
ont une notoriété certaine, de venir couper les
possibilités de revenus pour les diffuseurs en salle.
Mme Ménard: M. Boulerice, il est très clair que la
présentation de spectacles maintenant professionnels dans un
réseau de plus de 300 festivals populaires pratiqués pendant
l'été au Québec contrevient nécessairement à
la vente des billets en salle à l'automne. L'équation est,
à mon avis, relativement simple.
Quant aux festivals spécialisés, ils ont un autre mandat
et on reconnaît, effectivement, dans le mémoire que, s'ils ont
participé à la reconnaissance d'un certain genre artistique... Je
pense au Festival de théâtre des Amériques, au Festival de
jazz ou autres. Ces événements-là sont plus
spécialisés, ils s'adressent à un public plus
spécifique, ils ont eu cette possibilité de faire
reconnaître le genre, mais ne nous ont pas apporté jusqu'à
maintenant, en salle, du public pour ces genres-là à
l'extérieur de Montréal et de Québec, il faut le
reconnaître.
Donc, quand je parlais de l'équation entre les
événements majeurs qui se pratiquent dans les centres urbains et
leur effet de récurrence sur les marchés partout au
Québec, ce lien-là n'est pas encore fait; il est important
à faire. Si Montréal peut se payer des événements
d'importance comme le Festival du film, comme le Festival de l'humour, comme le
Festival de jazz et nommez-les, mais qu'on n'attache pas les morceaux de
façon à ce que le public de Chibou-gamau, de Rouyn ou de peu
importe où finisse par connaître ces artistes-là, pour qui
aurons-nous payé ces événements dits majeurs? Pour les
gens de Montréal? Qu'on le reconnaisse à ce moment-là!
Le problème évident qu'on a, c'est que,
malgré cette carrière internationale ou cette
notoriété internationale de certains artistes comme La La La ou O
Vertigo, des compagnies qui sont maintenant bien connues, lorsqu'on essaie de
vendre ces compagnies-là dans l'ensemble des réseaux
régionaux, c'est 50 ou c'est 100 billets qu'on vend. Cette espèce
de notoriété ou de reconnaissance internationale ne transperce
pas le mur de l'indifférence de nos publics en région. C'est un
problème d'éducation, un problème d'initiation,
peut-être, pour certains genres.
C'est là où on dit: II faut peut-être
reconnaître qu'on a failli dans ce mandat de développement des
publics et des goûts du public. Il faut peut-être revenir à
des mandats d'initiation, de formation et de sensibilisation. En tout cas, on
cherche la recette, parce qu'elle n'existe plus. Il n'y a plus de public en
région pour la danse moderne et il n'y en a même plus pour la
danse classique. Il ne faut pas se le cacher. Il n'y en a plus pour la musique
classique, il n'y en pas pour la musique contemporaine. Donc, finalement,
l'ensemble des 20 000 000 $ qui sont générés en revenus de
guichet au Québec le sont sur le théâtre - relativement
conventionnel, il faut l'avouer - et sur la variété en
général et l'humour qui, depuis cinq ans, a
bénéficié de la part des médias d'une vaste
couverture. C'est ça.
M. Boulerice: C'est une question que j'aimerais vous poser: on
s'écarte peut-être du rapport Arpin, mais de toute façon,
on y reviendra bien. Est-ce qu'il y a, d'après vous, une espèce
d'impact pyschologique dans le sens de la connotation gratuité, basse
gamme?
Je vais vous conter juste une anecdote. Je prends une voiture-taxi pour
me rendre dans un musée que j'affectionne particulièrement. Je ne
le nommerai pas, la ministre l'a deviné. Le chauffeur de taxi me dit:
Combien ça coûte pour rentrer là9 Je dis: C'est
gratuit. Il me répond: II ne doit pas y avoir grand-chose! Quand c'est
l'inverse, au contraire, il y a beaucoup, il y a énormément. Mais
ça m'avait frappé. Là, je vous vois ici et, comme vous
avez introduit la notion de gratuité, j'ai vraiment le goût de
vous poser cette question-là. Je pense qu'elle est un petit peu aussi
existentielle probablement.
Mme Ménard: Je vais peut-être reporter la question
sur un autre exemple. Je pense, entre autres, au réseau de diffusion de
la danse des jeunes chorégraphes actuellement à Montréal,
qui est largement diffusé par les maisons de la culture qui ont
effectivement une politique d'accès gratuit à l'ensemble des
manifestations. Il est évident que, parce que la danse moderne se
vendait mal et de plus en plus mal dans le réseau conventionnel à
billetterie, et parce que, depuis cinq ans, on la retrouve majoritairement dans
des lieux à fréquentation, à accès gratuit, il y a
une espèce de connotation un peu péjorative qui peut finir par se
faire. Ce faisant, je me dis que, de toute façon, la personne qui,
initialement, n'était pas intéressée à aller voir
de la danse moderne n'ira pas plus parce que c'est gratuit. C'est une question
un peu difficile à répondre, à mon avis.
M. Lahaye: Vous savez, je pense que la notion de gratuité
doit se rattacher avec la connaissance du public par rapport au produit. Le
chauffeur de taxi, c'est parce qu'il ne connaissait pas le musée; il n'y
avait jamais personne qui lui avait indiqué ce qu'il y avait comme
contenu dans ce musée-là et ce qui pouvait l'intéresser.
Alors, gratuité égale bas de gamme, je ne suis pas
nécessairement d'accord avec vous. C'est une question
d'éducation.
M. Boulerice: Non, je n'en ai pas fait une affirmation. J'ai
déjà fait...
M. Lahaye: Ah non! Mais ce que je veux vous dire: Vous savez
qu'on pourrait présenter dans nos salles, sans faire de cas particulier,
Broue ou André-Philippe Gagnon gratuitement et je vous jure que je
n'aurais pas de misère à remplir les salles.
M. Boulerice: Non, je posais la question bêtement, comme
ça, parce que, bon, moi, je crois qu'il existe une certaine connotation
gratuité, basse gamme pour plusieurs. Là, il y a des snobismes un
peu partout.
M. Lahaye: Dans la mesure où le produit est mal connu et
où le public est mal informé, bien sûr, ça peut
arriver. Vous savez, vous pouvez m'offrir des billets pour aller voir n'importe
quel club de hockey, si je n'aime pas ça, je vais dire que ce n'est pas
bon.
Une voix: Les Expos?
M. Boulerice: Ne rompez pas une solidarité
montréalaise, M. le député de LaFontaine. Le rapport Arpin
et la place des régions. Quel qualificatif employeriez-vous: un peu,
beaucoup, énormément, à la folie ou pas du tout?
Mme Ménard: Je pense qu'on a déjà
exprimé un qualificatif pour ce faire: réducteur. Je pense que le
rapport Arpin n'a pas fait le tour de la question relative à l'ensemble
de l'activité artistique en région. Il a choisi ou traité
certains aspects de cette vie-là, notamment la place des
équipements et des notions de cartographie. Je pense qu'on a
souligné dans le rapport, de façon assez abondante, ces oublis.
Et, en réaffirmant, encore une fois, que chacune des dynamiques locales
comporte à la fois des actions de création de productions et de
diffusion qu'il faut soutenir, je pense qu'on reconnaît aussi dans le
mémoire que les municipalités qui en font peuvent
peut-être en faire plus, cependant, dans un contexte de
redéfinition des mandats et responsabilités de chacun.
Pour nous, d'un point de vue de diffuseur, la question est là,
nous n'avons plus le choix. Il faut se . trouver de nouveaux financements pour
arriver à faire ce développement de marchés
nécessaire à l'activité de nos salles. Qui va le faire? Le
public? Il a déjà assez payé. Il nous rapporte 76 % de nos
revenus. Le ministère des Affaires culturelles? Peut-être. Nous,
ce qu'on vous suggère encore une fois, c'est de bonifier l'intervention,
mais en complémentarité avec ce que souhaitent et ce que
recherchent les municipalités. Et ce débat-là n'est pas
fait; il n'y a aucun des intervenants qui peut le faire si, politiquement,
Québec et ses municipalités ne veulent pas le faire. J'ai
très hâte d'entendre ce que l'UMQ viendra vous répondre
là-dessus, d'ailleurs.
M. Boulerice: Juste une brève question. M. Lahaye parlait
tantôt, quand je lui faisais ma notion de gratuité, de
méconnaissance des produits comme tels. Quand on sait que le temps
culturel des Québécois est passé à 75 % à la
télévision, est-ce que vous croyez qu'il y a un manque
évident de ne pas avoir relié arts, culture et communication dans
le sens de radiotélévision qui est un éducateur et qui est
un incitateur à public? Je ne vous cacherai pas que j'écoute -
comment s'appelle-t-elle? - cette bande de joyeux lurons qui font la critique
à la fois des livres et des films, et ça m'a conditionné
à aller voir "L'assassin jouait du trombone". J'ai vu des clips.
M. Lahaye: Bien sûr que les médias
électroniques et particulièrement la télévision
conditionnent le public. C'est ces médias-là qui font les
vedettes, qui leur donnent la notoriété. La connaissance d'un
produit spécifique et ponctuel peut passer, bien sûr, par les
médias, notamment la télévision, mais, au-delà de
l'événementiel, toute la connaissance de la culture, des arts
doit aussi passer par le réseau de l'éducation et c'est l'objet
d'une de nos propositions. À cet effet-là, à notre avis,
il faut frapper sur tout ce qui bouge. Tous les moyens pour faire
connaître les produits pour les diffuseurs et aussi pour les
créateurs, si on veut qu'il y ait de la récurrence, doivent
être utilisés à cette fin. Donc, bien sûr, la
télévision, bien sûr, les médias et aussi tout le
réseau de l'éducation.
Le Président (M. Gobé): Merci. En conclusion, M. le
député. Voilà tout le temps qui vous était
alloué.
M. Boulerice: Écoutez, M. Lahaye, Mme Ménard, je
pense que le RIDEAU, on n'a pas à faire de nouveau la preuve de son
sérieux. Vous nous avez, d'ailleurs, remis une documentation statistique
fort importante. J'ai plutôt lu le mémoire que le rapport annuel,
mais je pense que je vais m'y employer. Je suis persuadé que de vos
propos et du contenu à l'intérieur de cela vous allez sans doute
nous permettre peut-être de dégager certaines pistes. Moi, je le
souhaite et je vous remercie beaucoup de votre présence.
Mme Ménard: Si vous les trouvez, donnez-les-nous, par
exemple.
M. Boulerice: Pardon?
Mme Ménard: Je dis: Si vous les trouvez, donnez-les-nous,
les recettes.
M. Boulerice: Oui, oui.
Le Président (M. Gobé): Encore une petite seconde.
Mme la ministre, peut-être un petit mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci, M. Lahaye, et
merci aussi - je vous ai remercié ce matin - pour votre participation au
rapport Arpin. Ce qu'on entend et ce qu'on comprend, il y a évidemment
ce partenariat avec les municipalités. Aussi, entre autres, le monde de
l'éducation et on va avoir plusieurs représentants, d'ailleurs,
du monde de l'éducation...
Le Président (M. Gobé): En terminant, madame.
Mme Frulla-Hébert: ...et aussi la promotion au niveau des
médias et, encore là, nous allons avoir la chance de discuter
avec les médias particulièrement sur ce sujet-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Cela met fin à votre témoignage. Au nom des membres de cette
commission, je vous remercie d'être venus. Vous pouvez maintenant vous
retirer et je vais suspendre une minute afin de permettre au groupe suivant de
venir s'installer. Je les appelle tout de suite, soit le Conseil de la
sculpture. Je vous demanderais de bien vouloir prendre place et je vais
suspendre, en attendant, une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez bien prendre
place, nous allons pouvoir commencer l'audition des intervenants suivants qui
sont les représentants du Conseil de la sculpture. Et, si mes notes sont
exactes, c'est M. Pierryves Angers, président, et M. Maurice Demers,
rédacteur et sculpteur. Est-ce exact?
Des voix: Exact.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Pierryves Angers,
vous êtes à ma gauche, pour les besoins de la transcription.
M. Angers (Pierryves): Oui.
Le Président (M. Gobé): Et M. Demers est à
ma droite.
M. Oemers (Maurice): C'est ça, oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, sans plus tarder, je
vous demanderais de commencer votre présentation. Vous avez 15 minutes
pour ce faire; par la suite, chacun des intervenants, soit Mme la ministre et
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pourra dialoguer avec
vous pour une période aussi de 15 minutes. Alors, vous avez la
parole.
Conseil de la sculpture du Québec
M. Angers: Pour la première fois de notre histoire, nous
assistons à ce qui pourrait être la naissance d'une
véritable politique culturelle québécoise. La
création d'un groupe-conseil ayant pour but de préparer une
proposition de politique de la culture et des arts était, de votre part,
une initiative extrêmement louable et courageuse, et audacieuse aussi. Ce
groupe, qui a opéré sous la présidence de M. Roland Arpin,
vous a effectivement remis ce volumineux rapport en date du 13 juin 1991.
En tant qu'association spécialisée depuis 30 ans dans une
des disciplines majeures des arts visuels, le Conseil de la sculpture du
Québec désire vous faire part de sa fierté d'être
à la fois témoin et collaborateur de cet événement
majeur qui pourrait, s'il était mis en application, marquer à
jamais notre histoire.
Cette proposition, fruit des efforts de 11 personnes bien de chez nous
qui se sont mises à l'écoute de tous les milieux, témoigne
d'une lucidité et d'une sensibilité inouïes, de même
que d'une juste perception globale de notre situation actuelle. Ces femmes et
ces hommes ont fait preuve d'une conscience d'être peu commune concernant
notre ethnie et son devenir.
Nous sommes assurés que cette proposition favorisera et aura pour
fonction d'accélérer, entre autres choses, l'application
complète de la loi sur le statut de l'artiste, ce qui, en l'occurrence,
améliorera son statut social, juridique et fiscal. Tout cela concourra
par le fait même à favoriser un plus grand respect de l'artiste,
cet être "maudit", au sein de notre société.
Privilégiés nous le sommes, en même temps
reconnaissants et assurés que cette politique proposée pourrait
faire l'envie d'à peu près tous les pays du monde. Elle pourrait
servir de modèle d'un plein épanouissement personnel et collectif
d'une communauté, et ce, à l'échelle planétaire.
Cela dans tous les espaces-lieux où les hommes et les femmes aspirent
à vivre libres, créateurs, et à atteindre ainsi leur
plénitude.
Pour que nous atteignions une notoriété sur le plan
international tant recherchée, nous nous devons actuellement de faire
preuve d'excellence sans pareille. Pour sortir du tiers monde culturel dans
lequel nous nous trouvons depuis toujours, il nous faut, de toutes nos forces,
faire acte de solidarité afin d'atteindre un degré de
compétence inégalée. C'est la rançon de "quelque
chose comme un grand peuple" vivant en petit nombre, sur la "vasteté"
d'un territoire donné, en nord-américanité. À
l'heure du libre-échange et des marchés communs, en cette
époque d'un nouvel ordre mondial, il en va de notre survie.
Il serait urgent de constater qu'à la source de tout acte
créateur on retrouve d'abord l'être humain dans son essence
même. En fait, c'est au sein de l'intériorité de
l'être que la création naît. En tant que sculpteurs, nous
croyons que l'être humain est l'axe central de la création, qu'il
est l'élément primordial de tout art et de toute culture. Nous
avons foi en la préexistence de l'inspiration d'abord, puis de
l'intuition et de l'imagination créatrice sur la réalité,
car elles ont pouvoir d'anticipation sur le devenir d'un peuple. Ces muses sont
donc antérieures à tout acte et à tout objet de
création. L'être, en tant que sujet d'art, est celui même
qui engendre l'objet de la création. C'est en lui, au plus profond de
son espace intime, qu'au préalable la création prend vie, qu'elle
se cogite, qu'elle vit en gestation à l'état virtuel avant
d'exister concrètement dans l'univers qu'on dit réel. On sait
combien la préexistence de l'idée sur la réalité
était jadis si chère à Platon.
L'artiste créateur, ce visionnaire, ce médiateur, a pour
mission, en transposant la réalité en fiction, d'incarner
l'esprit de son époque et de le localiser dans une
matière-énergie, et ce, en la douant de sens.
L'art comme fragment substantiel de la culture, s'il est source
d'accomplissement personnel, est également, par ses
phénomènes d'expansion d'être, de communication et de
diffusion, source d'épanouissement collectif.
Dans la sécheresse d'un monde en perte d'âme, nous avons
tant besoin de l'artiste. Sentinelle de l'imaginaire et messager de
l'insondable, pourquoi serait-il condamné à végéter
dans la pauvreté par la pratique exclusive de son art?
Sans ces femmes et ces hommes qui vouent leur vie à la
création artistique, l'art n'existerait pas. Et ainsi appauvrir
l'artiste créateur et ne pas miser sur la qualité exceptionnelle
de la création d'ici, c'est limiter l'essor de notre culture et nous
préparer des lendemains obscurs et incertains. C'est aussi ne pas garder
en mémoire l'importance de la transmission des valeurs qui sont
l'apanage d'une culture.
Au Conseil de la sculpture du Québec, nous
avons un profond respect de l'humain créateur, et nous accordons
une importance capitale à ses gestes et à ses actes qui, par une
sorte de rituel sacré, se métamorphosent en activité de
création. Nous croyons que c'est à travers cette dernière
qu'une culture s'articule et que, sans le souffle créateur
émanant de ces êtres humains, la culture devient en bonne partie
muette et s'atrophie.
Voilà la raison profonde pourquoi, au Conseil de la sculpture du
Québec, nous accordons aux sculpteurs toute l'importance qu'ils
méritent.
À ce chapitre, nous recommandons que l'humain créateur, et
non la création, soit considéré comme l'axe central ou la
base de toute vie artistique ou culturelle.
M. Demers (Maurice): Une mise en oeuvre globale qui
s'avère titanesque. Dans ce présent mémoire, nous avons
manifesté toute notre admiration face à la proposition de
politique de culture et des arts, qui mène à une totale prise en
charge de notre culture en tant que "maître d'oeuvre de la politique
culturelle", cela à l'intérieur d'un ministère de la
culture. Par contre, nous nous devons également de vous manifester
quelques-unes de nos profondes inquiétudes face à cette
tâche titanesque d'un ministère aux multiples ramifications en
devenir, et ce, à l'heure des métissages et des hybridations sans
fin.
Si, dans le domaine de la culture et des arts au Québec, les
membres du groupe-conseil se prononcent pour un diagnostic plutôt
encourageant, nous croyons que l'envers de la médaille
révèle aussi une autre réalité.
En cette saison de la rentrée, la culture, cette grande absente,
est en majeure partie évacuée de tous les réseaux de
télévision. L'on sait l'importance que peut avoir cette
dernière dans la formation et l'éducation de notre population.
L'ensemble des "mass media" de la métropole du Québec, à
l'exception des revues d'art spécialisées, sous-estime le secteur
des arts visuels. Sur ce plan, Le Devoir accomplit une remarquable
mission artistique et tout autant culturelle.
Dans le domaine de l'éducation, on assiste également
à une déculturation massive, spécifiquement au niveau du
secondaire, lors de la période cruciale des libres choix. Cela au profit
de la science et de la technologie, des mathématiques et de
l'économie.
En plus, lors d'une période de récession, le couperet de
la finance tombe toujours, en tout premier lieu, sur les initiatives
culturelles. Il est pénible, pour un artiste en arts visuels et les
associations le représentant, de constater que depuis près d'une
décennie l'étau de l'économie se resserre au point
d'atrophier l'imaginaire du peuple québécois, conditionné
par la sécheresse d'une vie par trop pragmatique.
Il y a immensément de travail à faire en notre pays, sur
le plan psychologique, car on sait fort bien qu'il y a actuellement une
tendance au retour vers le conservatisme. Il serait donc absolument
nécessaire, avant tout, d'oeuvrer à changer les
mentalités, avant de tenter de changer les structures de nos
sociétés. Il s'agit ici d'une tâche aussi importante
à remplir que celle d'une conscience à faire naître.
Suite à ces constats, nous proposons que le nouveau
ministère d'intervention qui étendra partout ses multiples
tentacules, en visant un partenariat élargi, tienne compte qu'en cette
ère chaotique et confuse de postmodernisme il est urgent que l'on
retourne aux sources des simplicités premières - et non primaires
- qui sont de l'ordre du substantiel et de l'essentiel.
En ce qui concerne le Conseil de la sculpture du Québec, ces
simplicités premières seraient un atout pour une concertation,
une collaboration et un partenariat plus efficaces.
Recommandations: définir de façon urgente des programmes
d'action et des échéanciers, à court et à long
terme, pour initier la population à cette nouvelle conscience artistique
et culturelle; oeuvrer avant tout à changer les mentalités; se
mettre à la recherche de simplicités premières.
M. Angers: Sur le plan particulier d'une association. Nous
désirons vous exprimer brièvement certaines de nos autres
craintes, car, pour améliorer une situation, il faut avant tout bien la
connaître. Nous voulons éviter de sombrer dans une sorte de
complainte des artistes. Bref, pour remédier à une situation
donnée, il faut en être conscient.
Plusieurs créateurs et associations d'artistes rencontrés
récemment se demandent si le rapport Arpin ne subira pas, lui aussi, le
même sort que ses prédécesseurs. Depuis 1964, nous sommes
passés de livre blanc en livre vert, de politique de
développement culturel à un plan d'action et à un
bilan-action-devenir. La dernière proposition sera-t-elle, elle aussi,
reléguée aux oubliettes et se retrouvera-t-elle rapidement
remisée à l'ombre des tablettes des archives de la culture?
Plusieurs de nos créateurs, profondément engagés,
se demandent présentement à quel moment on cessera de les
ballotter en leur demandant de se redire à nouveau, cette fois pour une
commission parlementaire. Tiendra-t-on compte enfin de leurs revendications
qu'ils répètent indéfiniment depuis 30 ans? Bien
sûr, de lentes et légères améliorations se sont fait
sentir, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour
éviter d'interminables recommencements d'à peu près les
mêmes dossiers, ce qui occasionne des pertes de temps et d'énergie
considérables.
En effet, il ne faut pas oublier que les administrateurs des
associations d'artistes sont en majeure partie des créateurs qui se
mettent,
pendant une certaine période de leur vie, au service
bénévole de leurs consoeurs et confrères, et ce, en vue
d'un mieux-être collectif qui est celui d'améliorer la situation
du créateur et de la création et, par le fait même, de
permettre à l'art et à la culture d'exister et de se
réaliser. (17 h 30)
Plusieurs artistes, membres d'associations professionnelles, ont souvent
souhaité et souhaitent encore qu'on cesse de les traiter comme des
sous-fonctionnaires des divers gouvernements, car ceci n'est pas pour favoriser
une stratégie d'action efficace.
Nous devons vous avouer que, devant la menace encore récente des
coupures radicales de budgets réservées, entre autres, aux
regroupements d'artistes, afin qu'ils fassent appel aux entreprises
privées et qu'ils se comportent strictement comme des industries
culturelles aspirant à devenir autonomes, les résultats du
rapport Samson, Bélair nous ont permis de respirer à l'aise.
Nous recommandons, à ce chapitre, de respecter le précieux
travail de l'artiste, qui permet à l'art et à la culture
d'exister et que la commission, cette commission, tranche avec les
expériences passées et applique avec rigueur les recommandations
proposées, respectant ainsi le travail de représentation que les
associations de créateurs s'efforcent de faire sur le plan
politique.
Une lente évolution, mais à quel prix? Nous constatons, au
CSQ, qu'il est temps que la consigne du silence de l'artiste, qui dure depuis
déjà trop longtemps, cesse, car le fardeau de notre position est
lourd à supporter et l'impatience gronde actuellement partout. C'est au
prix de combien d'efforts que nous avons d'abord mis sur pied et ensuite fait
fonctionner notre association?
Momifiés le serons-nous éternellement, au point que
même notre carrière de créateurs sera à jamais
ensevelie sous l'amoncellement des dossiers de la bureaucratie? Il est heureux,
nous dirions même qu'il est temps qu'un groupe-conseil recommande "que
les créateurs, les artistes et les organismes artistiques ne soient pas
sans cesse en situation de revendiquer des moyens décents de
production", et ici j'ajouterais de représentation.
Soyez assurée, Mme la ministre, de notre volonté pleine et
entière de participer à la gestion de la mission culturelle de
notre pays. Cette mention de notre désir de sortir de l'immobilisme,
pour ne pas dire d'un état de sclérose, à certains niveaux
de notre agir, n'est pas du tout négative; au contraire, nous la croyons
très positive. Elle exprime notre désir de réussir
à contrer un retour anachronique au conservatisme et de voir ce
ministère oser s'aventurer dans une mise en commun véritable des
ressources humaines, matérielles et financières.
Nous recommandons que ce gouvernement ose vaincre le conservatisme et
s'aventure de pied ferme dans l'établissement de nouvelles relations
avec l'ensemble de la population.
Au service des sculpteurs. Le Conseil de la sculpture du Québec
est essentiellement au service de tous les sculpteurs du Québec et plus
particulièrement de ses membres, ainsi que de tous ceux qui, de
près ou de loin, leur sont reliés. Nous les mettons en contact
avec toutes les sources dont ils ont besoin. Pour ce faire, nous trouvons
nécessaire d'entretenir avec tous de saines relations. Individuellement,
il est peut-être difficile pour les sculpteurs d'être des
interlocuteurs écoutés des instances gouvernementales. Par
ailleurs, lors de leurs demandes de subventions, le CSQ est là aussi
pour les aider en leur offrant la collaboration de différents
experts.
Nous sommes très près des sculpteurs, en autant qu'ils en
manifestent le désir. En fait, nous ne sommes là que pour faire
progresser la cause des sculpteurs. Nous savons pertinemment que, pour se
consacrer à la création, il leur faut accéder à une
véritable paix intérieure. Nous voyons à les aider
à s'assurer une stabilité financière qui leur accorderait
la tranquillité et la sécurité d'esprit, ce qui facilite
l'inspiration. Contrairement à ce que l'on a trop souvent pensé,
si l'artiste jouit d'une certaine qualité de vie, sa production sera
davantage qualitative. Il a trop longtemps oeuvré sans incitatif et
même sans aucune gratification, en n'obtenant pour son travail que des
cachets symboliques et dérisoires.
Pourtant, pendant que plusieurs cherchent, l'artiste trouve. Non
seulement voyeur mais voyant, il est en effet un véritable trouveur qui,
par son imagerie, nous fait déjà entrevoir les horizons multiples
du XXIe siècle.
Nous vous recommandons d'aider ces voyants que sont les artistes
à atteindre la tranquillité de l'esprit et la paix
intérieure nécessaires pour créer librement, et de
collaborer avec nous afin que nous puissions, au Conseil de la sculpture du
Québec, représenter encore plus adéquatement tous les
sculpteurs du Québec.
Possédant une vie associative de 30 années d'existence,
nous devrions jouir d'une confiance absolue de la part de ceux qui nous
subventionnent. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Pourtant, le
Conseil de la sculpture du Québec jouit d'une notoriété
qui dépasse de beaucoup nos frontières. Elle est acquise aussi
des municipalités depuis belle lurette. Cette notoriété
est aussi un fait accompli auprès des compagnies privées qui font
appel à notre expertise.
Notre savoir-faire a été maintes fois
démontré à l'échelle régionale, nationale et
même internationale. Mentionnons à titre d'exemple: Sculpture:
Séduction '90, projet d'envergure qui a nécessité trois
années de travail, de rencontres et d'actions, de sensibilisation
à l'égard de
nombreux partenaires et de représentants du milieu des affaires.
Quel bel exemple de partenariat! Cette conception et cette réalisation
ont, d'ailleurs, reçu l'assentiment de plusieurs chroniqueurs d'art qui
les ont éloquemment louangées. Ce projet a même
été récipiendaire du prix du Conseil du monde des affaires
et des arts du Canada.
Que dire maintenant de notre excellente publication intitulée
"Code d'éthique des sculpteurs"? Elle jouit non seulement d'une
réputation nationale, mais également internationale. La
distribution en Europe est sur le point de débuter et, aux
États-Unis, elle est déjà dans plus de 221
universités américaines. Nous avons reçu plusieurs
témoignages quant à la pertinence et à la
compétence de ce travail.
Le CSQ fait donc preuve d'un véritable professionnalisme, ce qui
devrait nous conférer des privilèges uniques. Nous sommes loin
d'être "un secteur de l'activité humaine où l'on retrouve
encore le plus souvent des modes de production artisanale." Pour nous, il y a
longtemps que la sculpture fait appel à l'ingénierie, à la
métallurgie, aux ateliers d'usinage incluant les technologies les plus
complexes et les plus sophistiquées, de même qu'aux plus
récents matériaux fabriqués par l'industrie.
Recommandation: conférer des privilèges uniques aux
organismes qui ont atteint une notoriété en évitant, tel
que suggéré, le saupoudrage.
Pour une permanence assurée. Pour opérer efficacement, le
Conseil de la sculpture du Québec réclame, en tout premier lieu,
qu'on assure sa permanence, cela pour qu'il puisse enfin reposer sur des
assises solides. Il est absolument nécessaire que nous ayons une
sécurité de base pour pouvoir appliquer convenablement et
complètement nos politiques culturelles.
Cette permanence doit reposer sur des plans au minimum triennaux. Des
modes de financement selon un échéancier concret nous
permettraient d'assurer cette permanence et, par le fait même,
d'établir plus aisément notre développement global par un
plan d'action à court, moyen et long terme, ce qui aurait pour effet
d'accroître, en même temps, l'efficacité des plans
gouvernementaux. Cette permanence est prioritaire.
De par les tâches énormes qui incombent à cette
permanence, elle se doit d'être constituée d'un minimum de trois
postes définis: de secrétariat et de réception
(déjà existants), de coordination (déjà existant)
et d'une direction générale (depuis longtemps demandée),
tous intégrés dans les subventions de fonctionnement. Cela nous
permettrait aussi d'accorder plus de temps à répondre aux besoins
des sculpteurs, de même qu'à planifier et à exécuter
nos projets d'envergure. Elle répond à votre proposition
d'assurer la stabilité des organismes culturels.
Il est prioritaire aussi de garantir à nos employés
partenaires une indispensable sécurité d'emploi. Ils sont
extrêmement compétents et dévoués à la cause
de l'artiste, de la création, de l'art et de la culture. Eu égard
à leur professionnalisme peu commun, ces personnes ont droit à
des honoraires aussi décents que tout autre travailleur de toute autre
discipline. L'heure du bénévolat est terminée en ce qui
nous concerne pour tous ceux qui travaillent à temps plein et qui
doivent, comme tout le monde, rencontrer leurs fins de mois.
Nous vous recommandons qu'il est prioritaire d'assurer la permanence
minimum adéquate, et ce, à temps plein, d'un organisme qui a fait
ses preuves et prioritaire aussi d'offrir des honoraires décents,
égaux à ceux de toute autre discipline, aux employés
partenaires des associations professionnelles.
Pour une plus grande liberté d'action. Ayant maintes fois fait
ses preuves depuis son incorporation en 1962 - donc, nous avons 30 ans en
même temps que vous - le Conseil de la sculpture du Québec demande
qu'on lui accorde une plus grande liberté d'action. Le fait d'être
normes de toutes parts par les programmes gouvernementaux nous empêche
trop souvent de prendre notre envol afin de mettre en application nos plans
prioritaires pour le développement de notre discipline.
Pour une plus grande efficacité de nos stratégies
d'action, pour déterminer en toute quiétude nos priorités
dans la gestion de nos programmes, nous nous devons d'éviter les
multiples entraves de la paralysie administrative. Nous savons, d'ailleurs,
nous entourer, en temps opportun, de gestionnaires fort
spécialisés.
Nous demandons, d'abord, au ministère de nous faire confiance
dans l'établissement des priorités, dans la création de
nouveaux programmes et, aussi, lors de demandes pour des actions ponctuelles,
comme ça devrait être le cas en ce moment à
Montréal, car nous possédons l'expérience et l'expertise
nécessaires pour accomplir nos fonctions.
Exerçant nos activités au coeur même du vécu
quotidien des sculpteurs d'ici, nous sommes les mieux placés pour
"co-naître" les aspirations et les besoins profonds des sculpteurs. Le
fait d'être nous-mêmes des créateurs nous fait vite
percevoir les priorités.
Assurer notre permanence, nous permettre d'oeuvrer en toute
sécurité avec le personnel requis, nous faire davantage
confiance, nous accorder plus de liberté d'action, voilà l'image
du chemin qui nous mènerait vers un accomplissement total que nous
n'atteindrons jamais, mais vers lequel nous visons.
Il serait ô combien important qu'on accorde un plus grand suivi
aux créateurs et aux organismes qui ont fait leur marque dans l'univers
culturel québécois. On les oublie trop facilement de nos jours,
ce qui a pour conséquence de ne plus assurer la suite des jours de la
vie cul-
turelle de notre peuple. La société adopte trop facilement
le pattern du tout nouveau, tout beau de la société de
consommation à outrance qui met l'accent sur le quantitatif plutôt
que sur le qualitatif.
Le créateur serait-il le dernier des humains libres? Son pouvoir
créateur, qui fait de lui le plus grand explorateur de l'imaginaire,
doit subir le moins d'entraves possible pour accomplir son destin, ce qui nous
sera absolument vital pour atteindre l'échelle internationale.
Recommandations, accorder aux créateurs et aux organismes une
plus grande liberté d'action; nous faire confiance; accorder un suivi
aux créateurs et aux organismes québécois qui ont
marqué notre histoire, et que le grand pouvoir créateur de nos
artistes soit notre principale échelle pour atteindre d'autres
cieux.
Atteindre une transparence dans nos rapports. En voyant à ce
qu'existe un plus grand respect de l'artiste et du créateur,
peut-être prendrons-nous conscience de l'importance qu'une collaboration
entre le ministère de la culture, les créateurs et les organismes
nécessite une sincérité et une authenticité
constantes.
Pour que cesse l'opacité des multiples tergiversations, des mille
et une ruses et des déguisements de tout acabit, il serait d'une
importance capitale que nos rapports baignent dans la transparence.
Devant notre situation si précaire en tant qu'organisme, face
à la peur constante d'exécuter des rotations de personnel sans
fin...
Le Président (M. Gobé): M. Angers, s'il vous
plaît.
M. Angers: Oui?
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse de vous
interrompre, pour une minute...
M. Angers: Oui.
Le Président (M. Gobé): .30 secondes C'est parce
qu'on est devant un choix à faire. Votre temps est écoulé
depuis une dizaine de minutes, mais...
M. Angers: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...j'avais le consentement
des deux côtés de cette commission pour que vous continuiez
à expliquer votre mémoire qui est, d'ailleurs, fort
intéressant. Et, là, on est devant... Je vois qu'il reste une
dizaine de pages ou sept ou huit pages...
M. Angers: Oui.
Le Président (M. Gobé): Préférez-vous
continuer à lire votre mémoire, à le présenter
quitte... Mais je vous préviens qu'il n'y aura pas beaucoup de temps
après pour la discussion. Il y aura peut-être cinq minutes pour
Mme la ministre et M. le porte-parole de l'Opposition. Alors, c'est à
votre choix, rapidement.
M. Angers: Je vais juste finir le 4.12.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous en prie. Si
vous voulez conclure, à ce moment-là. On vous laisse l'ouverture,
si vous voulez.
M. Angers: D'accord.
Le Président (M. Gobé): Vous avez attendu toute la
journée, on comprend ça.
M. Angers: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): On ne veut pas vous
bousculer non plus, mais on veut quand même suivre un peu le rythme de la
commission. On va quand même être assez généreux dans
le temps avec vous.
M. Angers: O.K. Alors, je vais juste finir ce
paragraphe-là.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez conclure en
même temps un petit peu.
M. Angers: Oui. Afin de répondre aux critères
d'admissibilité des diverses instances gouvernementales, qui sont
souventefois erronées faute de connaissance adéquate du milieu
des créateurs, nous devons trop souvent exécuter, pour atteindre
une plus grande authenticité, des exercices de gymnastique
administrative afin d'obtenir un support financier qui nous permettra de
réaliser nos projets. Voilà la raison pour laquelle nous
réclamons, dans nos rapports, la transparence absolue.
Alors, nous recommandons que la transparence soit à la base
même de toutes nos relations. Et nous allons terminer...
M. Demers (Maurice): Je peux terminer er disant que...
Le Président (M. Gobé): Oui.
M. Demers (Maurice): ...nous recommandons la formation d'un
module de pensée créatrice ai sein de l'observatoire du
gouvernement, le futui observatoire. La mutation historique qui s'ouvrt aux
métissages du partenariat actuel date des années soixante et je
pense que maintenant tou est favorable pour que nous puissions arriver i un
partenariat excessivement efficace ensemble.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vou: remercie
beaucoup de cette présentation et j( vais maintenant passer la parole
à Mme l
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Angers, M. Demers. On voit,
d'ailleurs, que vous avez, comme nous, 30 ans d'expérience, ce qui nous
confère, quand même, veux veux pas, une certaine expérience
et vous parlez énormément de la place, d'ailleurs, des artisans
de la création sans qui, comme vous le disiez, la culture
s'atrophie.
Ce matin, nous avons reçu aussi l'Union des écrivains qui
contestait un peu la définition des créateurs dans le rapport
Arpin. Est-ce que vous vous êtes penchés la-dessus, la
différence entre le créateur et d'autres, que ce soit, par
exemple, l'écrivain et l'éditeur? Finalement, on faisait un
partage. C'est la fin de la journée. On a commencé, justement,
par la définition de la création par un groupe de
créateurs et j'aimerais vous entendre un peu là-dessus et,
après ça, on va passer au statut de...
M. Demers (Maurice): D'accord. Mais je pense qu'il y a deux
versions. Il y a une ambiguïté à ce niveau-là, au
niveau de nos sociétés. Il y a deux versions. Il y a la version
ethnologique ou anthropologique et il y a la version, en quelque sorte,
culturelle, je veux dire moderne. La version anthropologique a tendance
à tout qualifier comme culturel. Tout est culturel pour la vision
anthropologique et je pense que, pour la culture, actuellement, nous la voyons,
nous... Et il y a la culture élitiste. C'est ça que je veux dire.
Il y a la culture anthropologique et la culture élitiste. Ce sont les
deux ambiguïtés qui régnent présentement.
Je pense que la culture, pour moi, doit avoir des critères
extrêmement sérieux. C'est-à-dire que, pour moi, elle doit
être tout geste créateur. Pour moi, la culture, c'est une
manière d'être et de vivre d'un peuple, et ça, de
façon qualitative. Et l'expression de cette façon d'être et
de vivre forme en quelque sorte cette richesse de l'humanité, donne
cette richesse à l'humanité.
Maintenant, il est très important que le geste créateur
soit en quelque sorte l'essence même d'un geste doué de sens.
C'est ça qui, pour moi, devrait être le critère de base de
toute culture. Mais il ne faut pas jouer entre... Les deux côtés
s'opposent totalement dans nos sociétés. Je pense que, pour
rejoindre le véritable centre de la création, pour moi, il faut
que le geste soit pleinement doué de sens.
Mme Frulla-Hébert: Hum, hum!
M. Demers (Maurice): C'est ce que disait le monsieur cet
après-midi, c'est-à-dire un geste professionnel et non un geste
d'amateur ou de créateur de loisirs qu'on rencontre partout, mais bien
un geste...
Mme Frulla-Hébert: Professionnel.
M. Demers (Maurice):... véritablement pro- fessionnel. (17
h 45)
Mme Frulla-Hébert: Si on revient, finalement, au statut de
l'artiste, effectivement, je sais que le milieu se dit: Bon, encore une
commission, qu'est-ce qu'il y a? Mais c'est quand même la première
fois dans notre histoire que, tous ensemble, tout le monde ici s'assoit pour
justement discuter de culture et tous les milieux. C'est important. On peut
bien se parler entre nous, mais, si d'autres milieux n'embarquent pas, on
n'arrivera à rien - et je parle des municipalités; vous avez
touché à l'éducation, aux médias - on aura beau
essayer de faire tous les efforts possibles, on n'en arrivera pas finalement,
comme société, au développement auquel on a droit et, je
pense, auquel on aspire.
Si je reviens au statut de l'artiste, il y a déjà
différentes mesures qui ont été mises de l'avant pour
améliorer, justement, le statut juridique, social et professionnel des
artistes. Maintenant, on a des demandes et on se dit: Parfait, on veut aller
plus loin. Dans votre vécu, quels sont les gestes que nous devrions
poser pour, justement, améliorer ce qui est déjà? Parce
que, bon, la loi, ça va faire quoi, là, ça va faire trois
ans qu'on l'a, donc, il est temps qu'on la regarde pour, finalement, à
partir du vécu et de l'application de cette loi-là, voir
maintenant ce qu'il y a à bonifier.
M. Angers: Mais l'important, c'est qu'elle soit vraiment en
application et qu'il n'y ait pas seulement vous qui la respectiez.
Mme Frulla-Hébert: Mais elle l'est, en application.
M. Angers: Oui, elle est en application. Ce serait beaucoup trop
long à vous l'expliquer ici, mais, en tout cas, moi, je sors d'un
procès où, juridiquement, elle n'est même pas reconnue.
Alors, je n'ai pas été capable de faire sortir aucun... J'ai
passé sous le tapis avec la loi du statut de l'artiste. Ces
notions-là sont comme... Comment est-ce que je vous expliquerais
ça? C'était un vrai désert, cet
après-midi-là.
Mme Frulla-Hébert: Autrement dit, ce que vous me dites,
c'est que la loi qui est là, qui avait été
considérée comme une loi... Effectivement, c'est une loi qui
était avant-gardiste...
M. Angers: Oui.
Mme Frulla-Hébert:... qui était la première
au monde. C'est une loi qui, en fait, dans certains cas - parce que je sais
que, dans d'autres, ce n'est pas un fait - est non applicable?
M. Angers: Non, non. Elle n'est pas non applicable parce que,
dans tous les milieux qui
sont sensibilisés à ça, déjà, elle
avance beaucoup. Mais, dans les circonstances où j'étais et dans
lesquelles je ne veux pas entrer parce que ça serait trop long,
c'étaient des circonstances face à une cour municipale et je peux
vous dire que la culture, c'est très, très loin. Juste les
notions de culture... Ça a l'air drôle de dire pourquoi la loi du
statut de l'artiste était prise là-dedans, mais c'est parce qu'il
y avait un conflit avec un zonage et j'essayais d'expliquer la notion d'artiste
dans la société. C'était très complexe, à un
moment donné. Même la loi était là. Le juge en
présence a même refusé d'argumenter sur les concepts de
base qu'il y avait dans cette loi-là et qui sont reconnus.
Mme Frulla-Hébert: Mais quand on parle...
M. Angers: Mais au niveau de l'artiste, des organismes...
Mme Frulla-Hébert: Oui...
M. Angers: ...bon, et on va parler des droits d'auteur, de ces
applications-là, on commence à la voir dans tous les concours
publics qui arrivent, où les gens font attention. À la ville de
Montréal, dans l'art public, il y a des éléments de cette
loi qui s'appliquent et où les artistes commencent à faire: Ouf!
Il semble que leur travail va être plus protégé et plus
considéré. En fait, c'est dur parce que c'est une grande loi et
elle est efficace dans des petites choses très concrètes et c'est
là que c'est bien.
Mme Frulla-Hébert: Vous parliez, à un moment
donné, d'appuyer, de faire du suivi.
M. Angers: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Vous dites: Bon, l'artiste va et on
fait du suivi. On a des pro grammes; il y a les prix du Québec, d'une
part. D'autre part, il y a... Bon, vous allez dire: Bon, c'est correct,
là, c'est quelques prix qui se donnent par année. Par contre,
c'est quand même une bourse de 30 000 $ non imposable. Il y a aussi le
soutien à l'artiste, d'autre part, et il y a le fameux programme du 1 %,
l'aide via l'intégration à l'architecture. Alors, est-ce que ce
sont des mesures qui finalement... Je pense qu'elles sont valables, mais
qualifiez-moi donc, quand vous parlez du suivi, ce qu'il y aurait à
ajouter.
M. Angers: Le suivi qu'on mentionnait dans le rapport, c'est
certainement le suivi avec les créateurs individuels, mais aussi avec
les organismes qui les représentent. Au début du rapport Arpin,
on cite qu'il y a plein de nouveaux groupements culturels qui sont
fondés et on insiste sur tous les nouveaux. On dit: Bon, depuis 10 ans,
il y en a 14 nouveaux ou 20 nouveaux, mais on ne dit pas qu'il y en a 7 que
ça fait 30 ans qu'ils sont debout.
C'est le suivi auprès des organismes. Je vais vous donner un
exemple. Le Conseil de la sculpture du Québec a demandé une
subvention au ministre des Affaires culturelles dans son cadre de subvention
générale, une somme dans un programme qui était là;
il était ouvert. C'était marqué: voici les sommes
disponibles là-dedans et on a demandé de l'argent pour ouvrir nos
facilités d'accueil pour pouvoir intégrer dans nos membres les
artistes qui font de la performance et de l'installation. C'est parce que ces
gens-là ne produisent pas nécessairement des diapositives. Ils
vont produire des documents vidéo. On demandait des installations de
ça et un genre de salaire pour permettre à des gens d'aller
chercher ces gens-là, de les répertorier, de les ramener, de
créer un centre de documentation, de créer des contacts avec
l'Europe. Il n'y a aucun lien, il n'y a aucune boîte postale, à
Montréal, où tombent les événements mondiaux en
performance et installation. Et ça a été refusé
complètement.
Le suivi, c'est ça, On veut aller plus loin, il faut qu'on aille
plus loin, il faut qu'on représente ces gens-là parce que c'est
une aberration que quelqu'un qui... Ces gens-là se disent
eux-mêmes non représentés. Quelqu'un qui fait de la
performance et de l'installation au Conseil de la sculpture, bien... Dans notre
esprit, on les représente, mais, dans l'esprit de beaucoup de monde, la
sculpture, c'est encore la sculpture objet public ou soit un parc ou une
installation très fixe.
M. Demers (Maurice): Je pense aussi aux créateurs des
années soixante, qui ont apporté ici probablement la plus grande
révolution sur le plan culturel. Ils sont complètement
ignorés, présentement. Les années soixante,
c'étaient les années de la contre-culture, la décennie de
l'utopie et on n'en parle jamais. On fait des expositions des années
soixante, on présente des peintures bien tranquilles au Musée
d'art contemporain, dans certaines maisons de la culture. Mais les
années soixante, ce n'était pas ça. Je les ai
vécues, moi, et maintenant, l'histoire des années soixante sort
présentement, étudiée en profondeur par
l'Université du Québec, Mme Francine Couture. Il y a un premier
livre qui sort aujourd'hui - d'ailleurs, je devais être là -sur
les colloques des années soixante et puis il y en a un au mois de
décembre aux éditions VLB sur les années soixante. Ce sont
des années excessivement importantes et tous ces créateurs sont
complètement ignorés.
On a oeuvré énormément et, quand on arrive et qu'on
nomme notre nom aujourd'hui à des gens, même aux critiques d'art,
ils disent: Non, non, je ne vous connais pas. Pourtant, on a fait des choses
excessivement révolutionnaires et à l'échelle universelle.
C'est absolument méconnu.
Mme Frulla-Hébert: Mais, quand on parle au niveau des
associations, vous dites: Nous, notre association, ça fait 30 ans; donc,
on devrait être une association sérieuse. On regarde,
effectivement, nos ententes triennales. On a commencé par des groupes
d'artistes autogérés et, là, on veut étendre cette
politique-là. C'est mieux pour tout le monde, c'est mieux pour nous,
c'est...
Mais vous dites: "Conférer des privilèges uniques aux
organismes qui ont atteint une notoriété en évitant le
saupoudrage." M. Parizeau a dit ce matin, et avec raison, que, si on est
capables d'en arriver ensemble à un consensus sur le saupoudrage,
déjà on va avoir fait un grand pas. Il va falloir, finalement,
crever l'abcès, il va falloir s'entendre sur ça. Effectivement,
une organisation comme la vôtre, sérieuse, habituée, avec
de l'expérience, etc., dit: Arrêtez le saupoudrage. Il y en a
d'autres qui disent: Bien, si vous arrêtez le saupoudrage, vous
arrêtez, finalement, le dynamisme. Parlez-moi un peu de ça, selon
votre vision.
Le Président (M. Gobé): Malheureusement, Mme la
ministre, c'est plus que le temps qui était imparti. Je vous demanderais
donc de conclure rapidement, parce que la question était assez
longue.
M. Deniers (Maurice): En deux mots, pour moi, c'est de
protéger les compagnies existantes, solides, professionnelles, qui
durent depuis longtemps et d'établir peut-être un minime
pourcentage pour les compagnies débutantes, mais pas de partager
à gauche et à droite également, et tout ça. Je
pense que c'est une question de pourcentage.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Demers. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, porte-parole de
l'Opposition officielle en matière de culture, vous avez maintenant la
parole pour une dizaine de minutes, vous aussi.
M. Boulerice: Oui, je vous remercie, M. le Président.
Messieurs, bienvenue à cette commission. Vous connaissez mon
envoûtement pour votre art, sauf qu'on va me laisser peu de temps,
malheureusement, mais rien ne nous empêche d'échanger plus tard en
d'autres lieux. Il n'y a pas juste les lambris dorés des palais
nationaux, comme je dis, qui nous permettent d'échanger.
La ministre m'a habilement tendu la perche tantôt, et je la
remercie. Elle a parlé du statut de l'artiste. Effectivement, ce fut du
droit nouveau pour le Québec, j'y ai participé avec la
prédécesseure de sa prédécesseure, Mme Bacon. On a
établi une loi, somme toute, oui, qui est perfectible. J'avais,
d'ailleurs, proposé que l'on revoie cette loi à la lumière
de son application. La commission de la culture ne l'a pas retenu, mais, enfin,
on y reviendra. Donc, il y a une loi du Québec, mais il n'y a pas encore
de loi fédérale, on en est à l'état de discussion.
Donc, je peux dire que, comme il y a deux gouvernements et que vous n'avez
qu'une seule loi, vous avez une demi-portion.
On a parlé également du statut fiscal de l'artiste, pas
celui contenu dans la loi du statut de l'artiste, mais le statut fiscal dans le
sens de l'étalement des revenus, puisque, s'il y a des gens qui se font
plumer, c'est bien vous. Une année faste, mon Dieu, ça marche
à la planche, comme on dit en bon québécois; les
années néfastes, eh bien, vous vivotez, c'est malheureusement le
cas. Il n'y a pas de loi à Québec, bon, mais, la journée
où il va y en avoir une à Québec, il ne faut pas oublier
qu'on paie des impôts à deux gouvernements, donc il en faudra une
au fédéral. Donc, vous aurez une demi-portion encore cette
fois-ci.
Une notion extrêmement importante pour vous - vous allez me dire:
II est là, où veut-il en venir, mais vous allez voir ça
vient: droit d'auteur, dans la notion européenne, droit voisin, il faut
le refaire au Québec. Bon, la journée où on va le refaire
au Québec, forcément il y a deux gouvernements, donc il va
falloir le refaire au Canada. S'il n'y en a pas une pour le Canada et qu'il y
en a une uniquement pour le Québec, donc vous avez toujours une
demi-portion. Alors, la question est très simple, elle est très
claire, elle est très limpide: Est-ce que vous croyez que le
Québec doit avoir tous les pouvoirs dans le domaine de la culture?
M. Angers: Une question très longue. Oui est la
réponse.
Une voix: Tout à fait. M. Angers: Tout à
fait.
M. Boulerice: Ce n'était pas un malheureux "remake" de
1980 où la question fut fort longue...
M. Angers: Non, non, non.
M. Boulerice: ...et la réponse, cette fois-là, trop
courte, mais la vôtre, on le voit, vient très
spontanément.
Quand vous avez parlé de conférer des privilèges
uniques aux organismes qui atteignent une certaine notoriété,
est-ce que vous pensiez à une certaine formule d'accréditation
auprès du ministère?
M. Angers: Oui, et je parlais aussi... En ce moment, il y a un
phénomène qui se passe, parce que la sculpture est très
à la mode, il y a un paquet de symposiums qui s'installent à peu
près n'importe où. On n'entrera pas dans les détails,
mais, en tout cas, les deux qui ont eu lieu ont déjà
accumulé quelques petites mauvaises cloches à leur cordon. Dans
le fond, quand on parle de privilège unique, c'est cette espèce
de complicité
de reconnaissance qu'il doit y avoir entre les deux. Il devrait y avoir
cette complicité qui fait que... Dans la discipline de la sculpture
à Québec, il y a quand même une équipe qui travaille
depuis longtemps, puis elle a fait son adolescence, cette
équipe-là. Elle a grandi, elle est partie, elle s'est
cassé la gueule complètement, elle est tombée à
zéro. Les gens l'ont relevée et elle s'est donné des
critères, une espèce d'éthique encore plus
sévère. Elle a publié un code d'éthique. Je pense
qu'il y a toutes les raisons de sentir là quelque chose qui est issu de
ce milieu-là, de cette discipline-là, mais qui a accumulé
assez d'erreurs maintenant pour continuer à grandir dans une certaine
sagesse et une certaine sécurité.
Et, par rapport aux symposiums, quand je parle de conférer des
privilèges uniques, ça pourrait être des choses qui sont
faites en collaboration avec le ministère, parce qu'un jour il va
falloir y arriver, à ces privilèges-là. À tous les
symposiums qui arrivent, il y a... En tant que président, je suis en
train d'intervenir dans des choses qui se passent actuellement, puis ce sont
toujours des artistes qui sont encore blessés par des processus qui sont
souvent faits par d'autres artistes et des organisateurs, et ça ne finit
plus. Quand on parle de privilèges uniques, c'est des relations entre un
gouvernement et une asociation d'artistes reconnue dans une discipline, je le
dis bien, dans une discipline particulière pour établir des
choses comme une régie des symposiums. Qu'on soit certain maintenant,
quand un symposium se fait au Québec, qu'il n'y ait plus de coquille
d'oeuf vide, que la coquille ne se casse pas, puis il n'y a rien dedans, ni
poussin, ni oeuf. Ce sont des structures lourdes à imposer.
Il y aurait des privilèges uniques, mon Dieu, d'avoir le droit et
les moyens aussi de s'impliquer dans des dossiers avec la commission
municipale, avec l'Hôtel de ville de Montréal pour arrêter
que soient expulsés les artistes de leurs ateliers. D'ailleurs, moi,
c'est pour ça que je suis allé en cour la semaine
dernière. Pierre Pépin a été expulsé de son
atelier par la ville de Montréal et il y en a d'autres qui se battent
pour échapper à ça. Des privilèges uniques, c'est
ce niveau de relation où on pourrait aller voir le ministère des
Affaires culturelles, puis on dirait: II y a en ce moment à
Montréal un état de crise au niveau des logements d'artistes, des
ateliers d'artistes. On a un besoin de sommes urgent pour aller se
présenter dans les commissions, être vraiment présents,
former des groupes de travail, intervenir avant qu'il soit trop tard.
Là, on le fait tous en s'entraidant à la chaîne, mais
même la petite cour municipale est bien plus puissante que nos
chaînes de solidarité.
M. Boulerice: Est-ce que vous êtes en train de parler -
j'allais dire par inadvertance, je m'excuse ce n'est pas le mot que je dois
employer - par un heureux hasard de la notion des ateliers
autogérés que réclament continuellement les gens du
domaine des arts visuels?
M. Angers: Bien, ce n'est pas tout à fait la même
chose ce dont je parle. Il y a les centres autogérés où
les artistes se représentent eux autres mêmes dans leurs centres,
gèrent leurs choses et peuvent inviter des artistes. Mais le
problème particulier dont je vous parlais, c'est, effectivement,
l'habileté extraordinaire qu'a trouvée un inspecteur de la ville
de Montréal pour nous impliquer dans le règlement 5569, article
89 qui fait qu'on est expulsables de nos ateliers d'artistes parce qu'on
enfreint un certain règlement de zonage qui pourrait très bien
être toléré ou être appliqué avec
intelligence. En tout cas, il y a un débat qui a commencé il y a
trois ou quatre ans et là on est aux "slingshots" des deux bords, on se
tire des billes. Ce règlement-là est une épine à
nos pieds.
M. Boulerice: Est-ce que je vous ai bien compris tantôt
quand vous avez parlé de symposium, est-ce que vous vouliez dire que...
Bon, ça, c'est un fait, vous avez bien fait de l'avoir noté dans
votre mémoire, quoique je le connaissais, vous avez un code
d'éthique, à l'exemple des gens de l'estampe, qui fait
école, dans son sens le plus noble du terme. Est-ce que vous allez
jusqu'à suggérer l'établissement également d'un
code d'éthique au niveau de ces manifestations-là?
M. Angers: Absolument. C'est très compliqué
à mettre sur pied, mais nous irions jusqu'à suggérer - en
fait, c'est ça que je vous ai dit tantôt - une régie des
symposiums, parce qu'il arrive des problèmes graves là-dedans. Il
y a eu des symposiums cette année où des artistes ont
été retournés dans leur pays parce que, quand ils sont
arrivés ici, il n'y avait plus les matériaux. Les gens
n'étaient pas capables de leur fournir les matériaux parce qu'il
y avait eu méprise. De toute façon, ce n'est pas un artiste
international, parce qu'un Québécois qui va ailleurs, c'est un
artiste international aussi, mais cette personne-là, c'est une personne
qui fait carrière en Allemagne, au Venezuela, aux États-Unis,
elle arrive ici et tout à coup, les gens disent: Oups! On n'a ni
l'argent, ni les matériaux. Ça fait que le gars a repris l'avion
et, il est retourné là-bas. Mais c'est toutes des choses
organisées de bonne volonté et le fait que ces gens-là
soient libres d'organiser... N'importe qui peut organiser un symposium
aujourd'hui, vous pouvez le faire demain matin, vous, organiser un symposium
n'importe où et personne ne peut...
En fait, il ne s'agit pas ici d'avoir un organisme de contrôle, de
grand supérieur. Il s'agit d'avoir un organisme qui va veiller à
l'intérêt des créateurs, des artistes. Là, on peui
retourner à la loi du droit d'auteur, on peui
retourner à la loi sur le statut de l'artiste, où toutes
ces choses-là vont être respectées scrupuleusement. Ces
gens-là qui organisent ne connaissent pas nécessairement la loi.
Ils partent de bonne foi et, en plein milieu du projet, c'est l'impasse ou le
nid de poule qui fait sauter votre amortisseur. Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Très brièvement, on a parlé du
1 %, l'autre 1 % parce qu'on en a deux dans le décor,
c'est-à-dire celui de l'intégration de l'art à
l'architecture des édifices gouvernementaux. Est-ce que vous croyez
qu'il serait souhaitable, d'une part, qu'on l'étende à tout
édifice à caractère gouvernemental? Mais, attention, il y
a trois paliers de gouvernement. On considère les commissions scolaires
comme des gouvernements locaux, il y a les municipalités
également.
M. Angers: Puis-je vous dire, à ce niveau, une très
bonne nouvelle?
M. Boulerice: Pardon?
M. Angers: Je vais vous dire, à ce niveau, une très
bonne nouvelle. Le ministère des Affaires culturelles peut certainement
encourager que ce programme-là soit étendu, mais je peux vous
dire qu'à la suite du projet Sculpture: Séduction '90 on avait
diffusé, dans un très large réseau, les catalogues et
tout. En ce moment, il y a une ville, la ville de Boucherville, qui a mis sur
pied son propre programme du 1 %, à partir de ça, et le Conseil
de la sculpture travaille depuis cinq mois en collaboration avec eux autres. Et
nous allons participer à l'élaboration des deux premiers concours
pour être certains qu'il n'y a rien qui accroche, que tout est
peaufiné à la perfection dans le système. Après
Boucherville, il y a deux autres villes qui attendent juste le résultat
de ça pour mettre en marche leur propre programme de 1 % aussi.
Alors, il y a déjà un entraînement dans le milieu.
Mais, si l'idée vient encore de plus haut, ça va aller encore
plus vite. Certainement que c'est une chose à suggérer à
tous les niveaux du gouvernement.
M. Demers (Maurice): Le rôle de l'association des
scu/pteurs, à ce moment-fà, serait un rôle sur le plan de
l'éthique, sur le plan aussi de la surveillance, de tout ça. En
fait, si on se met à répandre des symposiums partout, qui va
régir la qualité des symposiums? En fait, qui va régir
tout ça? Il faut établir certaines normes de base.
Quand je parlais de la culture tantôt - la question de Mme la
ministre - en fait, qu'elle soit ethnologique ou qu'elle soit élitiste,
la seule base possible - la culture est axée sur les valeurs, de toute
façon - c'est une base éthique, c'est une base de qualité,
de valeur. C'est ça qu'il faut établir, les priorités
à ce niveau-là et, dès qu'on a établi ça, je
pense qu'on peut oeuvrer adéquatement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Demers. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, si vous voulez conclure
votre intervention, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Je sentais le couperet descendre. M. Angers et M.
Demers, encore une fois, merci de votre participation. Il y a eu des
énoncés, disons, d'ordre philosophique, mais vous n'avez quand
même pas hésité à nous faire ce que j'appelle une
scène de la vie quotidienne d'un sculpteur. C'est toujours
bénéfique aux membres d'une commission parlementaire d'avoir ces
illustrations. Je vous remercie encore une fois.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, si vous
voulez terminer, un mot de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Oui, à la fin de cette
journée, finalement, je pense qu'on termine bien. On a commencé
par des créateurs, on termine avec des créateurs. Merci encore
pour la spécification au niveau du saupoudrage. Ça va nous aider
aussi et effectivement, au niveau de votre association, l'expérience et,
en fait, l'âge de l'association vont aussi peser dans la balance.
Merci.
Le Président (M. Gobé): M. Demers et M. Angers, au
nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ceci met
fin à nos travaux pour cette journée. Je vais donc ajourner les
travaux à demain matin, 9 h 30, en cette salle. Alors, la commission
ajourne ses travaux et vous souhaite une bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 6)