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(Quinze heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, mesdames et
messieurs. La commission de la culture va maintenant continuer ses
consultations particulières, dans le cadre de l'étude du projet
de loi 117, Loi modifiant la Loi sur le cinéma.
Alors, je vais vous faire rapidement lecture de l'ordre du jour de nos
consultations d'aujourd'hui. Dès maintenant, soit à 15 h 30, nous
allons entendre l'Union des artistes et l'Association québécoise
des industries techniques du cinéma et de la télévision.
Par la suite, à 16 h 30, nous entendrons le Syndicat des techniciens et
techniciennes du cinéma et de la vidéo du Québec et,
à 17 h 30, l'Association québécoise des
réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de
télévision. Nous ajournerons à 18 h 30 ce soir.
Alors, est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Aucun remplacement.
Le Président (M. Gobé): II y a entente pour les
interventions. Elles sont de 20 minutes, 20 minutes et 20 minutes, pour les
gens qui comparaissent en avant. Est-ce que les remarques
préliminaires... Je pense qu'elles ont été faites au
début de cette consultation. Je ne pense pas qu'il y en ait d'autres
à ce stade-ci.
Alors, sans plus tarder, je vais maintenant demander au porte-parole de
l'Union des artistes de bien vouloir se présenter et commencer la
présentation de son mémoire.
Union des artistes et Association
québécoise des industries
techniques
du cinéma et de la
télévision
M. Turgeon (Serge): Merci. Avant de présenter les
camarades qui m'accompagnent, M. le Président, Mme la ministre, vous me
permettrez de vous signaler que c'est aujourd'hui une journée
anniversaire, certains d'entre nous s'en souviendront; je pense à M.
Boulerice, M. Chaput, Mme Tanguay. Il y a tout juste cinq ans - et je dirais
jour pour jour - se tenait, ici même en ces lieux, une autre commission
parlementaire, la commission parlementaire sur le statut de l'artiste, qui
devait donc nous amener à ce dépôt et cette reconnaissance
professionnelle du statut de l'artiste.
Depuis, beaucoup de ministres se sont succédé, mais
certains, on le voit, demeurent dans l'appareil, dans la machine, et notre
prétention à ce moment-là, était de dire que la
reconnaissance professionnelle de ces artistes est la base de toute
véritable politique culturelle et qu'il fallait l'échafauder sur
cela.
Or, depuis, vous avez commandé, Mme la ministre, une
ébauche de politique culturelle. Nous sommes là aujourd'hui pour
parler d'une politique sectorielle. Quant à moi, je signalerais que
ça serait beaucoup plus facile de parler de toutes ces politiques
sectorielles quand nous aurons effectivement une véritable
ébauche de cette politique, un véritable cadre de politique
culturelle.
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez maintenant
présenter les gens qui vous accompagnent.
M. Turgeon: Cela dit, je vous présente ceux qui
m'accompagnent, c'est-à-dire, à ma gauche, Mme Patricia
Gariépy, qui est présidente de l'Association
québécoise des industries techniques du cinéma et de la
télévision, Mme Hélène Lauzon, qui en est la
vice-présidente, et M. Pierre Dequoy, qui est président d'une
importante maison de doublage de chez nous, Multidub; à ma droite, M.
Serge Demers, qui est directeur général de l'Union des artistes,
et nous avons invité - vous allez comprendre pourquoi dans quelques
secondes - M. Marcel Léger, de la firme de sondages Léger &
Léger.
L'Union des artistes et l'Association québécoise des
industries techniques du cinéma et de la télévision sont
donc présentes à cette commission aujourd'hui pour vous expliquer
et exprimer évidemment leur position sur ce projet de loi 117, qui, s'il
est adopté, va modifier la Loi sur le cinéma. En tant que
partenaires essentiels dans le développement de la culture, nous voulons
témoigner de notre vision des objectifs à poursuivre, afin de
développer véritablement l'industrie québécoise du
cinéma, et de notre volonté d'y participer activement.
Ce mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, il n'est
pas uniquement le fruit de notre seule expérience, comme vous allez le
voir, parce qu'il repose aussi sur un sondage qui a été
effectué par le groupe Léger & Léger auprès de
la population québécoise. Nous avons jugé important de
connaître aussi les attentes et les perceptions des
Québécoises et des Québécois en matière de
cinéma, parce que c'est pour eux principalement qu'on fait ce
métier, et particulièrement à l'égard du doublage
des films américains et étrangers.
Or, ce sondage, comme vous allez pouvoir le constater, vient confirmer,
et très clairement, notre position sur cette question. Dans un contexte
où les francophones québécois, qui représentent
quand même 83 % de toute la population québécoise, dans un
contexte où ces
frïincophones ne peuvent visionner, tenons-nous bi^n, que 47 % des
projections cinématographiques en français dans leur propre
métropole, vous conviendrez qu'il est impérieux que la politique
du cinéma poursuive avec insistance le seul objectif qui soit
respectueux des aspirations de la majorité et qui soit cohérent
aussi avec la mission d'affirmation culturelle de son gouvernement,
c'est-à-dire l'accroissement de la présence française sur
nos écrans
À titre d'exemple, en consultant seulement la liste des films
à l'affiche dans les cinémas de Montréal, tel que le
rapportait le journal La Presse et non pas The Gazette, le
journal La Presse du samedi 11 mai 1991, on pouvait remarquer que, sur
l'ensemble des écrans montréalais, il n'y en avait que 41 qui
présentaient des films en français, alors que 56 d'entre eux
offraient des films en anglais. Ce fait, parmi tant d'autres, démontre
bien l'inadéquation qui existe entre la réalité culturelle
et linguistique du Québec et son expression dans le domaine du
cinéma, et nous ne pouvons, évidemment, accepter plus longtemps
une telle situation.
Le Québec, c'est la seule société d'expression
française en Amérique du Nord et il devrait relever du
réflexe normal d'accorder la préséance à
l'expression de cette spécificité dans tous les instruments
culturels à notre disposition et, notamment, dans le domaine du
cinéma. Or, pour accroître la présence française sur
nos écrans, nous devons, quant à nous, privilégier trois
grandes orientations: d'abord, faire vivre le cinéma d'ici - c'est
ça qui est fondamental - ensuite, s'ouvrir sur le monde par
l'accès rapide aux films étrangers en version française
et, dans cet esprit, favoriser le doublage au Québec.
Accorder la priorité à faire vivre le cinéma d'ici,
il nous semble que c'est tout simplement donner préséance
à l'expression de notre propre réalité culturelle. C'est
respecter ce que nous sommes, convaincus du caractère universel de
l'expression originale et authentique. Or, la vitalité du cinéma
québécois démontre que cet impératif culturel bien
compris se traduit par un bénéfice commercial tangible chez nous.
C'est ainsi, par exemple, que des productions québécoises comme
"La Grenouille et \a baleine", "Dans le ventre du dragon", "Les Tisserands du
pouvoir" se sont situées, en 1989, selon l'étude qui a
été menée par l'Institut québécois du
cinéma, dans les premiers 5 % des films sur le plan des recettes, pour
une moyenne de 800 000 $ chacune. Alors, rien d'étonnant donc à
cela puisque le sondage que nous vous présentons aujourd'hui, du groupe
Léger & Léger, révèle que le cinéma
québécois est apprécié par plus de 62,3 % de la
population.
Il y va donc de la responsabilité du gouvernement de
répondre aux besoins des Québécoises et des
Québécois en soutenant activement le cinéma d'ici et,
à cet égard, nous déplorons vivement que le projet de loi
117 propose l'abrogation de l'article 109, sans qu'aucune autre forme
d'investissement dans la production québécoise de la part de ceux
qui font de l'argent chez nous n'y soit présentée. N'aurait-il
pas été possible d'établir des mécanismes qui, tout
en obligeant l'ensemble des distributeurs à investir une part de leurs
revenus dans la production québécoise, leur auraient permis en
même temps de le faire plus équitablement? Il est
nécessaire, à notre avis, de poursuivre une réflexion
à ce sujet.
Ajoutons, par ailleurs, que le partage actuel des compétences en
matière d'audiovisuel entre deux ministères
québécois et le ministère fédéral des
Communications ne favorise aucunement le développement du cinéma
d'ici. On connaît les effets pervers d'une telle situation. On
connaît aussi la solution. Vous ne serez pas étonnés que
nous la répétions quant à nous. Il faut rapatrier vers
Québec les pleins pouvoirs en ce domaine et assurer l'intégration
de l'ensemble du champ de l'audiovisuel au sein d'un même
ministère québécois.
En affirmant qu'il faut donner la priorité au cinéma
d'ici, nous ne nous fermons pas pour autant à la liberté de
création et d'expression cinématographique
étrangère, bien au contraire. Ce que nous disons, c'est qu'il
faut que la majorité des Québécoises et des
Québécois aient accès facilement et rapidement aux films
étrangers dans leur langue, qui est la langue française
Alors, le sondage Léger & Léger vient confirmer notre
point de vue sur cette question, puisqu'on y retrouve que 60 % de la population
québécoise préfère attendre la sortie en salles de
la version française de films américains ou étrangers
plutôt que d'aller les voir en version originale anglaise. Cette
proportion augmente jusqu'à 64,5 % si on ne considère que les
Québécois francophones. En revanche, 85,7 % des anglophones et
68,9 % des allophones choisissent plus souvent un film en version originale
anglaise que sa version doublée en français. Cette
dernière donnée concernant les allophones est
particulièrement révélatrice de la contradiction flagrante
qui existe entre le message que transmettent nos écrans et les fiers
énoncés de politique qui affirment sans équivoque vouloir
intégrer les immigrants à une société dont le
français est la langue commune de la vie publique.
Ces chiffres démontrent à l'évidence que le
cinéma ne favorise pas, à l'heure actuelle, l'intégration
des immigrants à la culture majoritaire francophone. Lorsqu'on sait
à quel point le cinéma peut constituer une source
d'identification à la culture d'accueil et un instrument d'acquisition
de compétences linguistiques de base, nous estimons qu'à tout le
moins, les politiques gouvernementales devraient être cohérentes
dans les différents volets de leur mission.
Dans cette optique, nous affirmons que plus les délais de sortie
d'un film en version française seront courts, plus le cinéma
contribuera à l'intégration des immigrants à notre culture
et, a fortiori, cela vaut-il pour la majorité francophone de la
population québécoise, qui doit pouvoir avoir accès
rapidement aux films étrangers et américains dans sa langue.
À cet égard, l'article 83, tel qu'il est proposé dans le
projet de loi 117, ne marque en rien, mais vraiment en rien, un progrès
par rapport à celui qui est présentement en vigueur.
Mme Gariépy (Patricia): En effet, la réglementation
proposée ne fait que confirmer la situation actuelle et n'aura aucun
effet sur l'industrie. Il appert que les nouvelles données de l'Institut
québécois du cinéma, pour les années 1989-1990,
viennent confirmer les appréhensions que nous avions lors de la lecture
du projet de loi, puisque les délais de 45 et de 60 jours
mentionnés dans le communiqué accompagnant le projet de loi sont
largement au-delà de la vie moyenne d'un film, comme l'affirment les
propriétaires de salles, c'est-à-dire 42 jours. Le délai
moyen de sortie d'une version française est maintenant bien en dessus
des délais proposés par le projet de loi et ce, que les films
aient été doublés en France ou au Québec. (15 h
45)
Troisièmement, puisqu'il n'y a aucune mention dans le projet de
loi du lieu de doublage, les distributeurs qui faisaient doubler leurs films en
France pourront continuer à le faire en toute impunité et nous ne
pouvons que souhaiter que Buena Vista et Warner Brothers continueront, quant
à eux, à faire leurs doublages chez nous. Si les versions
françaises sont maintenant disponibles dans un laps de temps beaucoup
plus court - on est arrivé à une trentaine de jours plutôt
qu'à une cinquantaine de jours - ce n'est pas à cause des mesures
législatives en vigueur en ce moment, mais bien plutôt pour des
raisons économiques.
Non seulement le projet de loi n'est pas restrictif, mais en plus, il
permet l'exploitation indéfinie d'une copie en version originale
anglaise sans aucune présence française à l'écran,
ce que la loi actuelle ne permet pas. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que
le doublage fait en France représente un manque à gagner pour les
artistes, artisans, techniciens, maisons de services et laboratoires du
Québec. C'est les mêmes gens qui oeuvrent dans ces maisons qui
oeuvrent dans le milieu de la production originale québécoise.
Dans la situation actuelle de récession, il n'est pas évident que
ces gens pourront survivre uniquement de la production locale et d'un tiers des
doublages présentés sur nos écrans. Pour le Québec,
le manque à gagner que représente le doublage fait en France est
fort important. Si les 63 titres visés qui ont été
doublés en France, au cours de l'année 1990, avaient
été doublés au
Québec, cela aurait représenté des recettes d'au
moins 4 600 000 $ pour l'industrie d'ici, doublage et copie inclus. Ce manque
à gagner, bien que fort important pour notre industrie, est minime
comparé aux recettes que le Québec procure aux distributeurs
impliqués.
Afin d'illustrer ce que nous affirmons, nous avons étudié
le comportement de quelques "majors" dont voici les résultats. Il est
à noter que les chiffres que nous utilisons sont tirés de
l'étude de l'Institut, intitulée "Le français à
l'écran", volume 2, "Le marché". Au cours de l'année
précédant le moratoire et durant l'année du moratoire,
Paramount a présenté 35 titres, dont 22 uniquement en anglais et
13 doublés exclusivement en France.
En 1990, rien n'est changé puisque, sur 14 titres visés, 9
l'ont été exclusivement en anglais et 5 ont fait l'objet d'un
doublage en France. Les recettes de la Paramount pour les années
moratoire et prémoratoire étaient d'au-delà de 13 000 000
$ pour les projections en salles, en projection simple seulement. Si nous
considérons que les recettes de la vidéo sont au moins
équivalentes, les recettes totales de la Paramount se chiffreraient
à 26 000 000 $. Si les 13 doublages avaient été faits au
Québec, ils n'auraient coûté que 650 000 $. C'est bien peu
comparé à 26 000 000 $ de recettes.
Même situation du côté de MGM: 22 titres ont
été visés; 11 en anglais seulement et 11 doublés en
France. En 1990, la situation s'est aggravée: 6 titres visés; 4
en anglais seulement, 2 doublés en France. Les recettes de MGM, pour la
même période moratoire et prémoratoire, étaient
d'au-delà de 9 000 000 $ pour les projections en salles seulement, donc
18 000 000 $ en incluant les recettes de la vidéo. Si les 11 doublages
avaient été faits au Québec, i ils n'auraient
coûté que 550 000 $. Encore une |ois, c'est bien peu sur 18 000
000 $ de recettes.
M. Turgeon: Alors, ça fait beaucoup de chiffres qui sont
assez éloquents, mais voyons maintenant, en terminant, ce que les
Québécoises et les Québécois pensent du doublage
des films. Selon ce sondage, un Québécois sur deux - un sur deux
- se dit insatisfait des doublages faits en France et préférerait
même visionner la version originale anglaise plutôt que le doublage
fait en France. En revanche, 84,6 % des répondants se disent satisfaits
des films doublés au Québec et 86 % seraient même
favorables à l'instauration par le gouvernement d'un quota de doublages
réalisés au Québec.
Or, quels que soient les chiffres que l'on considère, soit ceux
du sondage, soit ceux de l'Institut, pour l'année du moratoire ou pour
l'année 1990, tous viennent confirmer notre position commune qui est
d'éliminer l'inadéquation entre la réalité
culturelle et linguistique du Québec et son expression dans le domaine
du cinéma, en rendant le cinéma accessible au plus
grand nombre dans sa langue.
En conséquence, l'Union des artistes et l'Association
québécoise des industries techniques du cinéma et de la
télévision recommandent qu'en conformité avec les
objectifs d'affirmation culturelle et économique du gouvernement, aucun
film en langue autre que le français ne puisse bénéficier
d'un visa pour une période d'au-delà de 45 jours, à moins
qu'une version française doublée au Québec ne soit
disponible. S'il nous reste quelques minutes de présentation, je
demanderais brièvement à M. Marcel Léger, si vous voulez,
de compléter le tableau, le portrait du sondage.
Le Président (M. Gobé): Oui, certainement, M.
Turgeon, et permettez-moi de saluer particulièrement M. Léger,
étant donné que j'ai eu l'occasion de le connaître en
d'autres lieux. Bonjour, M. Léger. Il me fait plaisir... Alors, vous
avez la parole.
M. Léger (Marcel): Merci. Étant donné que je
ne suis plus impliqué dans les décisions, je me permets de
m'impliquer dans les informations. C'est donc dire que je pense que le
législateur se doit, pour légiférer, d'avoir le plus
possible l'opinion de la population. Et ce sondage nous permet, parce qu'il a
été fait d'une façon assez particulière,
c'est-à-dire 1152 répondants à travers tout le
Québec, avec une augmentation particulière de 200
répondants chez les anglophones et une réponse de 200 allophones,
de connaître un peu les préoccupations que chacun des trois
groupes peut avoir sur cette question du c néma québécois,
c'est-à-dire du cinéma au Cuébec. j Les trois chiffres
majeurs que j'aimerais expliquer, c'est peut-être ceux-ci où on
peut voir lej doublage en français, fait au Québec, des films
projetés au Québec. On peut dire que ces renseignements-là
nous donnent les chiffres suivants. Les Québécois qui voient des
films doublés en français par des Québécois en
sont-ils satisfaits? Et on voit ici la tranche noire, c'est la tranche du
francophone; celle-ci, de l'anglophone; celle-ci, de l'allophone. Alors, le
doublage fait au Québec, 17,7 % des francophones en sont très
satisfaits et 57,9 % en sont plutôt satisfaits, ce qui fait un total de
75,6 % des francophones qui sont satisfaits du doublage fait au Québec,
alors que chez les anglophones, 9,6 % en sont très satisfaits et 24,3 %
en sont plutôt satisfaits, ce qui veut dire 33,9 %. L'insatisfaction est
plutôt très faible chez les anglophones 11 plus 6, ça fait
17 % - et chez les allophones - 8 plus 2, ça fait 10 %. Les allophones,
eux aussi, ont 7 % de très satisfaits et 35 % de plutôt
satisfaits. C'est donc dire que dans les trois communautés, aussi bien
les francophones, les anglophones et les allophones sont très satisfaits
en général du doublage fait par l'industrie
québécoise du doublage.
La deuxième question intéressante ici, c'est la suivante:
Quel est le comportement des Québécoises et des
Québécois qui s'en vont voir un film dans un cinéma du
Québec, quand ils ont le choix de l'avoir en français ou en
anglais? Vous avez ici comme réponses: 64,5 % des francophones attendent
d'avoir la version française - excusez-moi, je n'ai pas le bon tableau
ici, celui-là, c'est le tableau... 64,5 % préfèrent la
version francophone et 23,2 % vont aller voir le film de leur choix en anglais,
en premier, parce qu'ils ont le choix de l'avoir d'abord en anglais et ils
n'attendent pas, ils vont le voir; et 64,5 % attendent pour y aller.
Dans le rapport que vous avez devant vous, je pense, il y a un chiffre
supplémentaire qui est rajouté, c'est-à-dire, à la
page 40 de mon mémoire, quand on demande: Advenant le cas où les
versions anglaise et française d'un film soient disponibles en
même temps... Ce qui n'est pas le cas, mais quand on voit la
réponse des francophones à cette question-là, eh bien, au
lieu des 64,5 % dans le cas actuel, dans la situation où ils sont, c'est
73,3 % des francophones qui iraient le voir en français, d'abord,
plutôt qu'en anglais. Tout de suite, on voit une différence de 9 %
de plus de francophones qui iraient voir un film en français, s'ils
avaient la possibilité de l'avoir en français
immédiatement. C'est donc une perte ou une "désinculture" des
Québécois de ne pas voir ce film dans leur langue et qui,
actuellement, choisissent d'aller le voir en anglais mais qui iraient le voir
en français, s'ils l'avaient en français en même temps.
Finalement, la différence qu'il y a aussi, c'est que les
Québécois préfèrent le doublage fait par des
Québécois du Québec plutôt que fait en France. Parce
qu'on leur a demandé. Est-ce qu'il y a réellement une
différence? L'ensemble du Québec, incluant les anglophones, les
francophones et les allophones, 62,9 % des gens perçoivent une
différence entre un film qui est doublé en France et un film qui
est doublé au Québec. Je peux vous assurer d'une chose, c'est que
c'est la version originale du Québec qui est de loin en avant: 73 %
versus 12 % pour la version française de France. D'où
l'importance de réaliser que c'est maintenant notable qu'il y a une
différence dans le doublage, soit par les expressions qui sont mises,
soit par l'accent ou soit par une mauvaise synchronisation.
Je pense que ces trois éléments-là sont les points
charnières de l'étude qui permettent de voir l'importance de la
présentation du mémoire actuel.
M. Turgeon: Si vous me permettez, en terminant, selon ces
chiffres que nous donne M. Léger, pour les Québécois,
même un doublage qui est une traduction, ça charrie aussi des
valeurs culturelles de la même façon qu'en charrient les doublages
et les traductions de pièces de théâtre, les traductions de
romans, qu'ils soient améri-
cains ou autres. Il y aussi des valeurs culturelles qui sont
rattachées à ça et les Québécois en sont
particulièrement conscients.
Le Président (M. Gobé): M le président, je
vous remercie beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à Mme la
ministre des Affaires culturelles. Vous avez une période de 20
minutes.
Mme Frulla-Hébert: M. le président et vous tous,
premièrement, je veux vous souhaiter la bienvenue; deuxièmement,
vous remercier aussi pour la qualité de votre présentation
conjointe. Comme vous le savez, vous nous apportez de l'eau au moulin puisque
je partage aussi votre préoccupation en ce qui concerne,
évidemment, les films à l'écran, le doublage aussi parce
qu'il y a d'abord une question de culture. Deuxièmement, il est question
d'une industrie en potentiel et son potentiel n'est pas développé
à son plein maximum.
J'aimerais, par contre, que nous examinions ensemble les moyens que nous
proposons, nous, pour assurer justement que nos objectifs puissent être
atteints. Parce que ce qui est important aussi, c'est que nos objectifs, non
seulement on puisse les écrire et les vouloir, mais aussi il faut y
arriver. Je partage aussi votre préoccupation de faire vivre le
cinéma d'ici, d'une part, et, deuxièmement, sur l'ouverture aussi
du Québec face au cinéma d'ailleurs.
Ceci dit, vous croyez qu'il y aurait lieu de poursuivre la
réflexion sur les meilleurs moyens possibles, si on veut, d'encourager
et de soutenir le cinéma au Québec. Le projet de loi qu'on a mis
ici sur la table propose certaines suggestions qui sont dans cette ligne, d'une
part. Deuxièmement - et je suis d'accord avec vous, M. le
président - quand on parle d'élaboration d'une politique sur le
cinéma, il vaut mieux - et c'est pour ça que nous avons attendu
pour la déposer - parler du cadre de la politique globale pour ensuite
l'insérer dans ce cadre-là. Bon.
Deux choses, d'abord. Dans votre mémoire, on voit, d'une part, le
doublage. Ça, on va y revenir. Mais il y a aussi l'abrogation de
l'article 109 qui, il faut le dire, n'a jamais été
promulgué. Nous avions l'article 109 qui incitait à investir dans
le cinéma québécois. Pour toutes sortes de raisons,
l'article n'était pas applicable. Est-ce que vous croyez qu'il ne serait
pas plus logique de travailler ensemble à trouver des solutions qui sont
véritables et qui sont réalistes au financement de productions
cinématographiques, autrement que par un article qui est dans la loi,
qui nous donne tous bonne conscience, mais qui, pour certaines raisons et
contraintes, enfin, du milieu, etc., n'est pas applicable?
M. Turgeon: Au point de départ, Mme la ministre, je pense
qu'il est évident que tous ceux qui sont autour de cette table
préfèrent que les choses se fassent sans la contrainte. C'est
bien évident. Mais nous sommes dans une société
donnée et je pense que cette société-là cjoit aussi
se respecter pour ce qu'elle est. Quand nous demandons, par exemple, quand nous
déplorons le fait que l'article 109 soit disparu comme ça et sans
qu'on y revienne, il nous semblait, nous, tout à fait logique et normal
que des gens qui font des affaires dans un milieu donné... Et ce n'est
pas immoral, ça n'est pas honteux, ça se fait dans d'autres pays,
que des gens qui font des affaires dans un milieu donné puissent
réinvestir une partie de leurs profits dans la production locale.
Autre chose par rapport au doublage. Nous pensons qu'il serait nettement
préférable qu'il soit inscrit dans la loi, que ça soit
coulé dans le béton que le délai maximal pour une version
française, c'est 45 jours, plutôt que de le faire, comme vous le
proposez, par réglementation. Parce que je pense que vous allez
être d'accord avec moi pour dire qu'une réglementation, ça
se change beaucoup plus aisément, au gré des ministres, au
gré des gouvernements, etc., etc. Donc, si on avait au moins cette
garantie que le délai maximal n'excédera pas 45 jours, et que
ça soit dans la loi, ça serait déjà un petit peu
plus sécurisant pour nous.
Mme Frulla-Hébert: Bon, je vais prendre une chose. Juste
au niveau du réinvestissement, nous croyons qu'il est beaucoup plus
efficace de l'inscrire dans une politique du cinéma que de forcer, par
exemple, certains intervenants d'une industrie du cinéma qui sont
extrêmement présents, de vouloir, qu'eux ils investissent et
qu'ils... Finalement, c'est absolument impraticable, puis ils ne le feront pas
non plus. (16 heures)
M. Turgeon: Je suis d'accord avec vous. C'est ce que je disais au
point de départ. La difficulté pour nous, effectivement, est de
se prononcer sur quelque chose de pointu, alors que le cadre
général n'est pas encore là. On espère qu'il va
venir très rapidement.
Mme Frulla-Hébert: Maintenant, au niveau du doublage, vous
dites que l'article 83 représente un recul pour deux raisons, d'abord,
le nombre et la durée des visas qui ne sont pas inscrits dans la loi. Le
nombre et la durée, là, comme vous venez de le dire, M. le
président, et aussi la contrainte du retrait du film qui
disparaît, puisque le projet permet le maintien d'une copie.
Puis, je reviens à ce que vous disiez tantôt: mettre
ça dans un projet de loi. C'est unique au monde et ça n'existe
pas dans un projet de loi, cette contrainte-là. En France, c'est dans un
règlement. Et le mettre au niveau d'un règlement, enfin, selon
nos études à nous et nos recherches, le mettre au niveau d'un
règlement... L'objectif, c'est de nous donner justement cette
flexibilité parce que, habituellement, on ne va pas par le haut, on
essaie d'écraser par le bas.
C'est de nous donner cette flexibilité, justement, de telle sorte
que, après avoir analysé une situation, on puisse resserrer et
devenir de plus en plus sévères.
C'était finalement là l'intention, si on veut, au niveau
de ce projet de loi. Vous ne trouvez pas que c'est beaucoup plus facile de le
faire de cette façon-là, que de l'inscrire immuable dans un
projet de loi, sachant qu'un projet de loi doit retournera l'Assemblée
nationale, etc., etc. ?
M. Turgeon: Avant de passer la parole à Mme
Gariépy, je vais vous dire que ce qui est immuable, c'est que le
délai maximal serait de 45 jours. Donc, ça n'est pas de fixer le
délai de 45 jours de façon immuable. Par réglementation,
vous pourrez toujours aller dire que ça sera 30 jours ou ça sera
25 jours, mais le délai maximal sera de 45 jours.
Je voudrais simplement ajouter que la protection dont
bénéficient les artistes et toute l'industrie du doublage en
France, c'est d'abord inscrit dans un décret.
Mme Gariépy: Mais c'est parce que si on prend le recul
aussi, dans la loi précédente, à l'article 83 qui est
présentement en vigueur, on a 60 jours d'inscrits. Donc, on
l'enlève, sans rien... Qu'on ait un délai maximal, comme M.
Turgeon l'a précisé, c'est exactement ce qu'on veut.
Après, par règlement, oui, on peut y aller, si l'industrie... Si
tout va bien, on baisse les délais, parfait. Mais qu'il y ait une
garantie, qu'il y ait un délai maximal.
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire que si... Vous ne
trouvez pas que l'inscrire justement par décret, donc, par
règlement, et dire: Bon, le délai est de 45 jours, avec
exploitation d'une copie anglophone ou d'une autre langue, après 45
jours, vous trouvez qu'au niveau de l'industrie du doublage, ça n'aura
pas d'effets bénéfiques, selon vous, selon...
Mme Gariépy: Bien, je ne vois pas l'effet
bénéfique pour le milieu du doublage d'avoir en plus une copie
anglaise qui peut jouer durant deux ans, d'un cinéma à l'autre
à travers la province. Je ne vois pas en quoi ça incite le
doublage, alors que, présentement, au bout du délai, on n'a plus
de copie qui peut jouer s'il n'y a pas une version française qui
joue.
Mme Frulla-Hébert: Mais excepté que le délai
présentement est de 60...
Mme Gariépy: II est de...
Mme Frulla-Hébert: le délai est réduit
à 45 et une copie.. Parce qu'il faut quand même. En fait, vous ne
trouvez pas que, d'un côté, il y a aussi l'accession au produit
et, de l'autre côté, évidemment, toute la protection,
l'encouraghement au doublage et ensuite de ça l'accès,
finalement, aux copies françaises et tout l'apport culturel. Mais vous
trouvez, vous, qu'une copie, par exemple, en circulation à travers tout
le Québec, pourrait mettre en péril, si on veut, ou enfin,
diminuer la chance du doublage au Québec.
Mme Gariépy: Je ne dirais pas que ça mettrait en
péril, mais je ne vois rien qui s'est passé depuis que le dernier
article 83 est passé qui dit que, maintenant oui, on est tellement bien,
tellement "gras-dur", en fait, qu'on peut en laisser passer une comme ça
de façon indéfinie. D'autant plus si on regarde ce que les
propriétaires de salles Famous Players et des cinémas
Odéon... On dit que la vie normale d'un film est de six semaines, 42
jours. Alors là, je ne vois pas beaucoup les copies qui vont... À
qui ça va s'appliquer cette copie-là? Donc, pourquoi elle est
là? Pourquoi tout d'un coup on a le droit à une copie alors
qu'avant, on n'y avait pas droit?
Qu'est-ce qui est arrivé qui dit que oui, maintenant, les gens
peuvent exploiter une copie anglaise pour une façon indéfinie,
sans aucune présence française? C'est ça qu'on se demande,
nous, parce qu'on n'a rien vu qui fait ça.
Mme Frulla-Hébert: En fait, l'idée... Bon,
finalement, on va en discuter. L'idée derrière, c'était de
donner, évidemment, enfin accès aux Québécois
à un produit, quel que soit le produit, de donner libre accès au
produit. Mais je vais vous reposer la question d'une autre façon. Dans
le sondage qui est, je dois dire, M. Léger, fort intéressant,
d'autant plus qu'il appuie, évidemment, les données qui nous
avaient été fournies par l'Institut - et pour ça, comme je
vous dis, ça nous amène aussi de l'eau au moulin - on parle, par
exemple, de l'engouement de nos Québécois pour les films dits
américains. Satisfaits, très satisfaits, si on prend l'ensemble,
ça revient à peu près à 80 % de la population
québécoise. Est-ce que - et ici, c'est une question que je vous
demande - si on devient très restrictifs et s'il y a une réaction
aussi de l'autre côté qui en est une de défense, un peu
comme c'est arrivé en Suède, par exemple, pendant deux ans,
où il y a eu boycottage tout simplement des produits américains,
est-ce que vous croyez que, malgré cette volonté d'avoir
accès au produit, ou enfin au doublage québécois, la
population, nos cinéphiles québécois vont nous suivre?
M. Turgeon: Écoutez, madame, je pense qu'il est important
qu'on s'entende bien sur le sens du mot "restrictif' II n'est absolument pas
question pour l'industrie ni pour l'Union des artistes de venir dire ici qu'il
ne faut pas que les films soient présentés dans leur version
originale Bien au contraire La version originale, c'est une chose et le sous
titrage, je vous dirai
qu'il est aussi important pour les cinéphiles et pour ceux qui
peuvent suivre de cette façon-là l'histoire d'un film. Et
ça, il n'est absolument pas question pour nous de jouer là-dedans
ou de vouloir retrancher là-dessus, sauf que nous disons que, dans la
société, il faut rendre aussi l'oeuvre étrangère et
ça, c'est par respect de l'oeuvre qui nous arrive. Il faut la rendre
accessible au plus grand nombre.
Or, je pense que vous serez d'accord avec moi: sondages, Institut
québécois du cinéma, etc., tous les chiffres disent que
pour rendre accessible un film au plus grand nombre, ici au Québec,
ça passe par la voie du doublage et c'est à ce moment-là
que nous disons. Oui, là, il y a lieu de faire la loi chez nous, comme
d'autres la font chez eux. Ce n'est pas vrai, quant à nous, que les
"majors" vont choisir entre un marché de 55 000 000 en France et un
marché de 7 000 000. Ce n'est pas vrai. La réalité, en
France, c'est une chose. Ils ont ce marché-là et la question
qu'il faut leur poser, c'est: Voulez-vous faire des affaires au Québec
dans un marché de 7 000 000? Et à ça, moi, je ne connais
pas beaucoup de "majors" qui vont vous répondre non.
La preuve, c'est qu'il y en a trois, la Warner, la Buena Vista et il y
en a une autre qui s'en vient dans quelques semaines, qui acceptent de payer le
double doublage parce qu'il y va de leur intérêt, parce que
ça leur rapporte. Si c'est vrai pour ces trois gros-là, ça
devrait être vrai pour l'ensemble des "majors". Alors, c'est ça
qu'on dit. Quand on parle de "restrictif", là, on ne restreint pas
l'oeuvre originale, on ne restreint pas le sous-titrage. Tout ce qu'on dit,
c'est que les films auxquels doit avoir accès le plus grand nombre, qui
sont les gros films commerciaux, les films gros porteurs, les films qui doivent
être doublés, ceux-là devraient être doublés
au Québec.
On ne demande pas que tous les films étrangers qui arrivent ici
soient doublés, entendons-nous bien. Il y en a quelques-uns qui
méritent d'être doublés; c'est ceux-là. On pense que
dans une société qui se respecte, par respect pour l'industrie,
par respect pour vos artistes et surtout, comme le montre le sondage
Léger & Léger, par respect pour la population
québécoise, on se doit d'avoir un doublage ici au
Québec.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Une question à M.
Léger: Dans votre sondage, parce que vous avez donné le sondage
ce matin, et on a vu le résumé quand même
brièvement, quel est, selon vous, l'évolution de
l'acceptabilité, si on veut, de nos Québécois face
à un produit doublé français versus un produit
doublé québécois? On sait qu'ils ont une
préférence. Mais est-ce que vous sentez, selon vos questions ou,
enfin, selon les croisements, une résistance, M. Léger,
maintenant, là, qui se développe de plus en plus aux produits
francophones, c'est-à-dire doublés en France?
M. Léger: Oui, de plus en plus, on sent qu'il y a une
sorte d'habitude à notre langage québécois, qui est
accepté, ce qui n'était pas le cas il y a une quinzaine
d'années, où on disait: C'est quétaine, notre langage,
pour ceux qui doublent ça; ils n'ont pas la qualité. Mais
maintenant, il y a une très grande qualité et les
Québécois, quand ils ont le choix, et j'ai ici un exemple
flagrant... Personnellement, préférez-vous davantage un film dans
sa version originale en langue anglaise ou dans une traduction française
faite au Québec? L'ensemble du Québec, 57 %, se dit en faveur
d'une traduction faite au Québec versus 37,9 % pour la version anglaise.
Si on met en opposition la version originale en langue anglaise et la version
française faite en France, 50 % des Québécois
préfèrent que ce soit fait en langue anglaise et 43 % en
traduction française faite en France. Ça, ça inclut les
trois communautés. Et à la fin, quand on compare directement la
version traduite en français au Québec et la version traduite en
français en France, 72 % préfèrent la traduction
française au Québec et 11,3 % celle traduite en France.
La seule nuance, c'est qu'il y a seulement un groupe qui semble
préférer le côté français de France, c'est
les allophones, alors que pour les films traduits en français du
Québec, chez les francophones, c'est 78 % versus 9 %; chez les
anglophones même, 53 % pour le français du Québec versus 12
% pour le français de France. Chez les allophones, c'est l'inverse: 24 %
pour les films traduits au Québec et 33 % pour ceux traduits en France.
C'est comme s'ils avaient été habitués au français
de France. Ils arrivent ici et ils ne sont pas encore habitués au
français du Québec. Mais c'est la seule nuance. Les autres sont
favorables, et très majoritairement, au français du
Québec.
M. Turgeon: Si vous me permettez, Mme la ministre, à lire
ces chiffres-là, les Québécois, qui ont un seuil de
tolérance qui a déjà été prouvé, sont
effectivement de moins en moins tolérants vis-à-vis d'un doublage
fait en France. Et si notre prétention est à l'effet que nous
sommes une société distincte vis-à-vis du Canada anglais,
on est aussi une société distincte vis-à-vis de l'Europe
et de la France, notamment.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Donc, si je poursuis, finalement,
les tendances, aurait-on raison de dire, par exemple, que pour les "majors" -
veut, veut pas, on est tout près - qui envahissent d'une certaine
façon le marché, ce serait une bonne affaire pour eux, si on suit
révolution toujours, de doubler ici? M. Léger.
M. Léger: Je pense que oui, surtout avec les chiffres que
madame a donnés tantôt. Pour le "major", "the customer is always
right". Et le "customer", c'est 7 000 000 de Québécois qui >
ont un désir d'avoir dans leur langue ce serviqe-là.
C'est plutôt les cinéphiles très poussés qui
vont continuer, parmi les francophones, à aller voir des films en
anglais parce qu'ils veulent les voir dans la langue originale. Mais dans
l'ensemble de la population, la majorité veut les voir dans sa langue,
avec les expressions de tous les jours qui sont les siennes. Alors, c'est pour
ça que je pense que les 7 000 000 de Québécois
représentent une source, une clientèle qui est absolument
importante, je pense, pour les "majors". Il s'agit simplement d'essayer pour
s'apercevoir qu'ils vont suivre.
M. Turgeon: Je vais vous donner un exemple, Mme la ministre. Si,
plutôt que d'avoir le cihéma américain qui a cette force en
ce moment, l'histoire avait fait que c'était le cinéma
soviétique qui s'était développé de cette
façon-là, ce qui nous arriverait sur nos écrans, ce serait
des films en russe, des films soviétiques. Est-ce qu'on penserait qu'il
serait bien de les traduire? C'est la même chose, même
vis-à-vis de l'anglais, aux fins de la société
québécoise.
Mme Frulla-Hébert: Oui Rapidement, parce que le temps
presse, une petite question. M. Dequoy et Mme Lauzon, si tous les films
devaient être doublés ici au Québec, demain matin, est-ce
que l'industrie québécoise pourrait absorber et aussi fournir un
produit de qualité? Si, demain matin, les "majors" décident, par
exemple, parce que ce sont les gros utilisateurs, de dire: Parfait, c'est une
bonne affaire; on y va juste "business" et on double tous nos films ici au
Québec.
Mme Lauzon (Hélène): On parle de 95 films qui ont
été doublés, si on regarde l'année 1990, les
derniers chiffres. Les 95, oui, on a préparé des chiffres... Nos
studios sont actuellement occupés à 21 % seulement. Je sais que
Pierre avait le projet de construire un nouveau studio, qu'il vient
d'abandonner, là maintenant, à cause de la situation à la
télévision, parce que non seulement au cinéma, mais
à la télévision non plus on ne fait presque plus de
doublages. On a arrêté des projets, mais tous les défis
qu'on a eus jusqu'à maintenant, on les a relevés et très
bien à part ça. Au niveau des studios, au niveau du personnel
aussi, on a 21 % de l'espace occupé. Alors, il y a de la place
facilement...
Mme Frulla-Hébert: Oui
Mme Lauzon: ...pour faire des doublages d'une aussi bonne
qualité que ceux qu'on vient de faire, et dans des délais assez
courts. La moyenne des longs métrages qu'on double maintenant, on les
sort une semaine après la sortie de la version originale, pour les gros
films. La moyenne, c'est une semaine.
Mme Frulla-Hébert: Une semaine
Mme Lauzon: La même date ou une semaine. (16h 15)
Mme Frulla-Hébert: C'est combien... Si on rapatriait
justement tout le doublage, c'est, selon vous, encore combien d'emplois?
Mme Lauzon: Je ne sais pas combien d'emplois, mais c'est à
4 500 000 $ qu'on a évalué les 62 ou 63 doublages qui n'ont pas
été faits. C'est à peu près 4 500 000 $.
Une voix: C'est sûrement... Ça irait chercher,
j'imagine, 250...
M. Turgeon: C'est ça. Si vous me le permettez, Mme la
ministre, vous avez une très bonne question. Et, à notre sens
à nous, ça devrait être une des préoccupations du
gouvernement. Une industrie du doublage qui fonctionnerait comme elle devrait
fonctionner au Québec, ce sont des centaines et des centaines d'emplois,
pour ne pas dire des milliers, à un moment donné. Ce n'est pas
que des acteurs, des artistes-interprètes. Ce sont des traducteurs, ce
sont des scripteurs, ce sont des gens qui écrivent sur des bandes
rythmos, ce sont des métiers qui sont appelés à se
développer, ce sont des techniciens, ce sont des monteurs; c'est tout
ça, finalement. Or, des centaines et des centaines d'emplois dans le
milieu culturel, il me semble qu'on devrait réagir à ça
quand on fait, dans d'autres domaines, toutes sortes de gorges chaudes pour 250
emplois dans une chaîne de montage automobile, par exemple. Si ça
concerne 400 ou 500 emplois dans le milieu culturel, pourquoi on n'aurait pas
la même préoccupation, en fin de compte?
Une voix: II y a un autre aspect aussi.
Le Président (M. Gobé): Ceci met fin à votre
temps de parole. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, critique officiel de
l'Opposition. Vous avez la parole.
M. Boulerice: Si Mme la ministre veut répondre entre son
choix pour une chaîne de montage et les industries culturelles, je suis
bien prêt à lui laisser une minute pour répondre.
Mme Frulla-Hébert: La réponse, elle est
évidente, M. le député. Vous le savez très
bien.
M. Boulerice: Je suis heureux, madame, que vous vous ralliez
à moi.
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez
M. Boulerice: Moi, je pense, au départ, qu'il faut
souligner la qualité du mémoire à l'égard,
notamment, de l'article 83 et du doublage des films comme tel. Je pense qu'il y
a une convergence de vues toute évidente entre vos positions
et celle de l'Opposition officielle sur cette question, mais aussi sur
celle de l'abrogation pure et simple de l'article 109 sur l'investissement des
profits dans le domaine des productions québécoises.
Mais je vais vous rappeler quelque chose. Au bénéfice de
la ministre, vous avez parlé de changements successifs. La
prédécesseure de sa prédécesseure, donc Mme Bacon,
avait, dans le projet de loi déposé en 1987, fixé dans la
loi un délai de 60 jours pour la copie, sinon non-renouvellement pour
180 jours. Alors, pourquoi? Et nous avions, à l'époque,
l'Opposition officielle, donné notre appui à cette
mesure-là incluse dans la loi par la ministre de l'époque.
Pourquoi on se retrouve aujourd'hui où là, on vous dit:
Non, ce sera dans un règlement, qui est une mesure administrative d'un
gouvernement, et non pas dans la loi? La loi, elle, est un acte
législatif de notre Parlement. Alors, pourquoi ce recul
considérable? Je me pose la question avec vous à ce
niveau-là. C'avait été indiqué. Il y a eu un
certain moratoire, mais la question que j'aimerais vous poser, c'est: Est-ce
que la situation s'est améliorée durant la période du
moratoire ou si elle s'est maintenue, dans la mesure où les films
à succès américains ont été traduits
à Paris?
Mme Gariépy: Je pense qu'elle s'est
améliorée un peu parce que Warner et Buena Vista continuent
à en faire. Je pense qu'ils ont doublé plus de titres qu'ils en
avaient doublé auparavant. D'ailleurs, Warner double à peu
près tous ses titres ici maintenant. Donc, oui, il y a plus de films qui
sont doublés. Il y a quelques autres "majors" qui sont un petit peu
intéressés. Ça s'améliore, mais ce n'est pas
encore... Il y en a d'autres qui ne doublent pas et il n'y a aucune intention,
il semblerait, de doubler ici.
Alors, si on regarde les chiffres de 1990, je crois que c'est maintenant
le tiers des films doublés qui est doublé ici. Il y a moins de
films qui ont été faits. Je pense que l'année de
production 1989-1990, généralement, était plus basse.
Donc, si on fait des pourcentages, les pourcentages sont beaucoup plus
élevés, mais tout simplement, c'est qu'il y a eu moins de
productions originales. Le pourcentage de films a augmenté, mais le
nombre de films doublés en France a également augmenté,
comparé aux années précédentes du moratoire et du
prémoratoire. Alors, les proportions sont plus ou moins gardées.
C'est un petit peu plus du côté du Québec qu'il y en
avait.
M. Boulerice: Quant à l'abrogation pure et simple de
l'article 109 sur le réinvestissement des profits, ce qui est un autre
recul contenu dans la loi, vous évoquez quand même, à cet
égard, la possibilité de mesures alternatives sous forme
d'investissements. La SOGIC, à moins d'un miracle, ne va pas, dans le
plan triennal qu'elle devra administrer, tripler son budget, surtout qu'on n'a
pas le 1 % ni les 2 %. Alors, est-ce que vous avez des propositions à
formuler comme alternative? Parce que, si on enlève l'article 109, mais
que le gouvernement ne trouve pas de mesures pour favoriser un certain
investissement dans notre industrie cinématographique, on se retrouve
à la case zéro parce que le budget de la SOGIC ne va pas
augmenter.
M. Demers (Serge): Je pense que ce que nous aurions
souhaité, c'est que l'obligation qui a été faite, et je
pense qu'elle était antérieurement dans la dernière
rédaction de l'ancienne loi, destinée aux distributeurs
québécois... Je pense qu'il y a beaucoup de distributeurs au
Québec qui ne sont pas nécessairement des distributeurs
québécois. On comprenait qu'il était peut-être
difficile d'imposer à nos distributeurs uniquement le fardeau du
financement.
Ce que nous aurions souhaité, nous autres, ça aurait
été d'élargir le débat un peu et de voir les
alternatives. On pense que le principe aurait dû être maintenu,
quitte à en changer les modalités ou à déterminer
des modalités peut-être plus réalistes d'application. Mais
le principe doit et aurait dû être sauvegardé. On pense
bu'il y a une responsabilité, entre autres, des distributeurs, et
peut-être même d'autres groupes à l'intérieur de nos
industries culturelles, mais particulièrement des distributeurs, qui
font des profits assez substantiels dans notre milieu, de réinvestir une
partie dans la production d'ici.
Dans ce sens-là, on se retrouve avec un vide et sans que la
réflexion que nous aurions dû faire préalablement ait
été faite. Or, ce qui est déplorable, à notre point
de vue - parce qu'on sait qu'on ne touchera pas à cette loi-là
à tous les ans ou à tous les deux ans - comme l'article va
être évacué maintenant, la réflexion qui sera
à faire, si elle ne donne pas de résultats tangibles, on risque
de se retrouver avec un vide pour plusieurs années, étant
donné qu'on ne retouchera pas à cette loi-là avant
probablement plusieurs années.
Alors, dans ce sens-là, on trouve qu'il y a eu, qu'il y a une
lacune profonde dans le présent projet de loi et qu'on aurait dû
déjà faire cette réflexion-là avant, et arriver
aujourd'hui avec quelque chose sur la table, qui soit satisfaisant ou pas. On
aurait pu se prononcer dessus. Là, on enlève ça et on n'a
rien sur quoi se prononcer. On ne sait pas dans quelle direction on va aller.
Tout ce qu'on sait, c'est qu'il n'y aura plus d'obligation de faite aux
distributeurs de réinvestir de quelque façon que ce soit.
Même si l'article n'a pas été promulgué dans son
ancienne rédaction, probablement parce que l'ancienne rédaction
était peut-être un peu étroite et qu'on aurait dû la
revoir dans une autre direction, mais avoir au moins une piste dans la loi...
Ce qui n'est pas le cas actuellement.
M. Boulerice: Dans le cas de l'article 109, les "majors" ont
menacé de vous punir et de ne plus avoir "Rambo" 394 bis, ce qui serait,
à mon point de vue, une perte culturelle énorme pour le
Québec, et je suis certain que vous en convenez tous avec moi!
Au-delà du réinvestissement, est-ce que vous croyez qu'un des
problèmes qui existent, au niveau de la cinématographie
québécoise, ne vient pas également du fait que nous ne
contrôlons aucun réseau de distribution et que les réseaux
de salles, à l'exception de quelques-uns, sont aux mains
d'intérêts ontariens, améri-cano-ontariens ou
américains tout court?
M. Turgeon: Absolument! Quand on pense que, quoi, la distribution
de 90 % des films nous échappe. Je veux dire que c'est absolument
lamentable, dans une société comme la nôtre.
D'où l'urgence - et je pense qu'on ne pourra jamais plaider assez
fort là-dessus - de nous donner une loi enfin qui va fixer les choses
comme elles se doivent.
M. Demers: Mais si vous permettez, je pense que c'est vrai que
les "majors" ont un lobby puissant, c'est le moins qu'on puisse dire, mais pas
puissant uniquement au Québec. Quand on regarde les contacts
internationaux, on en a beaucoup, nous, dans le cadre de notre
fédération internationale. Le lobby des "majors"
américains est très efficace dans toutes les parties du monde.
Ils interviennent avec des gros sabots à peu près partout dans le
monde, sauf qu'il y a des peuples et des gouvernements qui plient
l'échiné moins vite que d'autres. Je pense qu'ici, on a
malheureusement tendance à plier l'échiné un peu vite.
Je pense qu'ils font des affaires au Québec, ils font des
affaires profitables au Québec avec des marges de profit très
respectables. Dans ce cadre-là, je pense que, comme gouvernement et
comme peuple, et aussi comme client, on est en droit d'exiger de leur part un
certain type de traitement. On ne retrouverait pas de telles attitudes,
probablement, dans d'autres secteurs, d'autres industries où,
effectivement, le client est roi.
Dans le domaine du cinéma, probablement parce qu'ils ont le
quasi-monopole - parce que quand tu es rendu que tu dépasses 80 %, je
pense que tu es très bien placé pour dicter beaucoup de choses
à beaucoup de monde - je pense qu'on se permet une certaine forme
darrogance. Mais je pense que les Français, eux, ont déjà
décidé de légiférer et ça n'a pas
provoqué de cataclysmes ni de catastrophes, à ma connaissance en
tout cas, en France. Il n'y a pas de films distribués dans les salles en
France qui n'aient été doublés en France ou maintenant
dans un pays de la Communauté économique européenne.
Alors, dans ce sens-là, les "majors" se sont donc acclimatés.
Alors, c'est bien de vouloir aller par la persuasion, mais, à un
moment donné, il faut sonner la cloche et dire: La
récréation a sonné et c'est terminé. Maintenant, il
y a des droits ici, il y a une majorité de notre population, vous venez
chercher tel profit. Bien, nous, on décide que ce sont maintenant les
règles du jeu qui vont s'appliquer à vous. Ce n'est pas de
restreindre l'entrée des oeuvres en langues autres que le
français de quelque partie du monde que ce soit, mais c'est d'exiger des
gens qui font affaire avec nous un certain respect. On a imposé des
normes dans d'autres milieux. On impose des normes sur la pollution. On a
imposé des normes aux constructeurs d'automobiles. On impose des normes
dans beaucoup de secteurs. Pourquoi le fait d'exiger un certain respect des
"majors" ici serait-il un drame? Moi, je pense qu'on a une attitude faible et,
le sentant, ils sont confortés, ils se permettent une plus grande
arrogance. Alors, je pense qu'il est temps qu'on soutienne une position un
petit peu plus respectée et respectable.
M. Turgeon: Si on ne donne pas le coup de barre en ce moment et
dans tous les secteurs culturels, il est évident que nous allons glisser
de plus en plus vers l'adoption de modèles étrangers. Il est
évident qu'à ce rythme-là, notre culture, lentement
peut-être, mais sûrement, va s'éteindre et on va vivre une
sorte de cancer culturel puisqu'on sera devenus des immunodéfi-cients,
pour reprendre le terme d'une maladie à la mode.
M. Demers: Et si vous me permettez d'ajouter, je pense que c'est
très important parce qu'on ne l'a pas souligné beaucoup, ce qui
nous préoccupe, c'est la problématique d'intégration des
allophones, particulièrement dans la région de Montréal.
On sait qu'il y a maintenant 40 % d'allophones dans la région de
Montréal. On voit, avec le sondage, les tendances spontanées des
allophones d'aller voir les versions originales anglaises.
Il y a eu, il n'y a pas très longtemps il me semble, dans cette
enceinte, une commission parlementaire qui a touché les problèmes
d'intégration des immigrants. Et ce qu'on se dit, nous, c'est qu'il
n'est pas normal que la main gauche ignore ce que fait la main droite. Alors,
si le gouvernement a cru bon de faire une commission parlementaire pour
discuter des problèmes entourant l'intégration des allophones,
bien, quand on arrive à déposer une loi sur le cinéma,
nous, on se dit que c'est une des pièces du casse-tête et, par
conséquent, la préoccupation. Et lorsqu'on regarde les chiffres
pour la région de Montréal, c'est très
révélateur: il y a un plus grand nombre de salles à
Montréal qui diffusent des films en anglais plutôt qu'en
français. Lorsqu'on regarde où vont les allophones, je pense que
la préoccupation aurait dû être beaucoup plus nette et
beaucoup plus marquée.
C est dans ce sens-là qu'on a voulu souligner le danger que
représente le contexte actuel face à l'intégration, entre
autres, des allopho-nes.
M. Turgeon: Alors, si vous me permettez, en conclusion de
ça, Mme la ministre, nous... M. le Président...
Le Président (M. Gobé): C'est que la parole est
à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Turgeon: Je voulais simplement dire, si vous me permettez, que
nous respectons les "majors" très certainement et qu'ils ont le droit de
faire des affaires chez nous. Tout ce que nous leur demandons, c'est de
respecter également la population à qui ils s'adressent. C'est
uniquement ça.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Donc, si je vous ai bien compris, M. Demers, la
seule et unique solution réside dans le doublage des films qui seront
présentés sur les écrans québécois.
M. Demers: Lorsque vous faites référence à
l'intégration des allophones, c'est certainement une mesure incitative.
Plus il y aura de cinémas à Montréal qui
présenteront des films en version française, plus les versions
françaises seront accessibles rapidement, et comme on voit que c'est le
voeu de la majorité des Québécois que ce soit fait dans
notre langue, chez nous, par notre industrie, mieux on va se positionner pour
favoriser, effectivement, l'intégration des allophones. Dans ce
sens-là, je pense qu'il s'agirait là de mesures très
importantes. (16 h 30)
M. Boulerice: Est-ce que l'alternative qu'on essaie de trouver
à l'article 109 - quoique je ne suis toujours pas partisan de son
abrogation - ne résiderait pas dans l'obligation formelle du doublage en
français au Québec, puisqu'il s'agirait de retombées
économiques? C'est 50 000 $, 55 000 $, je crois, doubler un film? Vos
studios ne fonctionnent qu'à 21 %. Je veux dire, deux, trois points de
moins et vous fermez?
Une voix: Pour certains d'entre nous, oui. La question...
M. Boulerice: Est-ce que vous croyez que ce serait la valeur de
remplacement, tout au moins?
Une voix: Oui.
M. Turgeon: C'est le sens de notre recommandation en ce moment.
Cependant, nous disons aussi qu'au-delà de tout ça, nous
aimerions que la réflexion puisse également se refaire. Mais
c'est tout à fait le sens de notre recommandation.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie. Je crois que mon
collègue de "Equality Party" aimerait vous poser une question.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En effet, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce m'a fait savoir qu'il
désire intervenir, mais étant donné que vous n'êtes
pas encore membre de cette commission, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, nous pouvons quand même, en vertu de l'article
133 de notre règlement, vous laisser la parole.
M. Boulerice: J'y consens.
Le Président (M. Gobé): La seule restriction est
que vous n'avez pas le droit de vote, mais il n'est pas question de voter
maintenant. Alors, vous avez la parole pour quelques minutes et je vous
prierais de bien vouloir commencer et vous adresser aux gens en face.
M. Boulerice: Consentement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député.
M. Libman: Premièrement, M. le Président, je suis
le député de D'Arcy-McGee; deuxièmement, la formulation de
ma question sera un peu différente de celle du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques; et, troisièmement, j'ai siégé
avec M. Turgeon sur une autre commission, aussi sans droit de vote. Alors,
aujourd'hui, c'est effectivement la même chose.
Une chose que je veux dire, c'est que moi, je suis d'accord avec la
position que ce sera profitable ou avantageux pour le Québec de faire le
doublage au Québec. Je pense que la majorité des
Québécois appuie cette direction et va appuyer cette initiative
et je pense même, comme le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques l'a indiqué, qu'il y a des retombées
économiques avantageuses pour le Québec. Si on regarde seulement
cette optique, c'est très avantageux et je pense, comme je l'ai dit, que
les Québécois préfèrent faire le doublage ici, au
Québec.
Deuxièmement, je veux discuter de la question de l'article 83 de
la loi. Vous avez dit que votre préférence, c'est que des visas
ne devront pas être disponibles si la version française n'est pas
disponible, mais que vous pouvez tolérer le délai de 45 jours, si
45 jours devient une limite strictement adhérée. C'est ce que
vous avez dit?
Mme Gariépy: Ce qu'on a dit, c'est que le délai
maximal devrait être fixé dans la loi et non
pas laissé au règlement. Donc, il pourrait être
réduit par règlement, si on le veut. Ça, c'est une chose.
Ensuite, au-delà de ce délai, toutes les copies seraient
retirées, il ne resterait pas une copie à l'affiche, à
moins qu'il y ait eu un doublage au Québec et qu'il y ait des copies
disponibles d'un doublage au Québec
M. Libman: O.K. Effectivement, moi, je ne suis pas d'accord pour
réglementer ou être trop strict, ou imposer des contraintes sur la
présentation des films en anglais. Effectivement, c'est une contrainte
parce que, après ces 45 jours, on ne pourra pas montrer ces films en
anglais. Je suis contre cette réglementation et l'imposition de ces
contraintes strictes Alors, avec ça, je réfère à
l'exemple que M. Turgeon a donné sur la présence d'un film en
russe, par exemple. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est la raison
même pour ne pas avoir ces contraintes? Il dit que c'est dans les
meilleurs intérêts d'un distributeur d'avoir une version dans la
langue de la société. S'il y a un film en russe, est-ce que vous
ne croyez pas que c'est la même chose: c'est dans le meilleur
intérêt d'un distributeur de créer une version
française aussi vite que possible et ça ne devrait pas être
réglementé par le gouvernement? C'est dans le meilleur
intérêt d'un distributeur de fournir une version française,
une version dans la langue de 85 % de la population du Québec. C'est
dans l'intérêt d'un distributeur. Pourquoi faut-il
réglementer? Pourquoi faut-il imposer des contraintes? Je suis votre
exemple exact du film en russe.
M. Turgeon: Oui. Bien, vous suivez mon exemple jusqu'à un
certain point, M. Libman. Je pense que la situation politique, actuellement, du
Québec, la situation du contexte culturel du Québec impose,
puisque les choses ne peuvent pas se faire d'elles-mêmes, qu'on
réglemente à ce sujet-là. Si ça se faisait tout
seul, si on avait compris la réalité de la majorité
francophone ici, je pense qu'on ne serait pas là aujourd'hui, en
commission parlementaire, à se poser des questions là-dessus.
Alors, bien sûr qu'il serait de l'intérêt des distributeurs,
s'il y a un film russe, de le faire doubler tout de suite en français.
Mais je pense que, quand on donne 45 jours pour exploiter un film en anglais
seulement, vous avez là une société qui est très,
très, très tolérante et, là, il ne faudrait pas en
exiger plus, il me semble. Vous devriez, vous aussi, essayer de vous mettre
dans l'angle culturel québécois pour essayer de comprendre
ça plutôt que...
M. Libman: Je comprends tout ça, vous avez raison
jusqu'à un certain point là-dessus. Mais de toute
façon..
M. Turgeon: J'ai raison jusqu'à 45 jours, nui
M. Libman: O.K. Mais, de toute façon, vous avez
parlé d'un contexte culturel qui va très lentement
s'éteindre. Est-ce qu'on parle avec une certaine panique, là, qui
puisse éventuellement toucher l'accès à la
télévision en anglais, qui a une influence beaucoup plus forte
sur tous les ménages au Québec? Est-ce qu'on arrive à un
point où il faut regarder la présence ou la disponibilité
d'une grande variété d'autres langues ou d'autres cultures qui
sont diffusées dans tous les ménages, à tous les
Québécois, tous les soirs? Est-ce qu'on arrive ou est-ce qu'on
peut prévoir un point dans l'avenir où, si on continue d'aller
lentement, comme vous dites, vers cette extinction culturelle, est-ce qu'on
arrivera un jour au point qu'il faut surveiller cet impact visuel de la
télévision?
M. Turgeon: Bien sûr qu'il faut surveiller. On ne parle pas
avec panique, M. Libman, aujourd'hui, on parle avec prévoyance, parce
que nous sommes convaincus que notre avenir national, comme notre avenir
international de toute façon, va passer par la culture et que, si on
veut que ça passe par là et que ça passe bien par
là, il va falloir qu'on ait définitivement une politique de
soutien à l'art vivant et une politique de mainmise effectivement sur
l'audiovisuel. Mais, entendons-nous bien!, le défi que nous avons, ce
n'est pas de nous fermer au reste du monde, c'est de s'ouvrir...
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Turgeon. Ceci met
fin, malheureusement, à nos échanges, car le temps est maintenant
écoulé, et la présidence a cru bon de laisser aller un peu
le débat étant donné que le député de
D'Arcy-McGee avait quelques questions à poser En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, très rapidement
M. Boulerice: Bien, je vais me raccrocher à la
dernière phrase de M. Turgeon en parlant de l'audiovisuel et en disant
qu'effectivement le projet est boiteux à bien des égards et on
est obligés dans ce domaine de subir une espèce de
schizophrénie, à savoir, ministère des Affaires
culturelles, ministère des Communications. Donc, je pense que la voie
à ce niveau-là est l'intégration pure et simple: un
ministère des arts, de la culture et de la communication qui nous
permettrait d'harmoniser, d'une certaine façon, bien des portes et,
après ça, de récupérer bien d'autres portes qui
sont Téléfilm, ONF, etc., qui, actuellement, ne nous servent pas,
mais qui pourraient peut-être nous desservir dans un avenir
rapproché.
Je retiens les commentaires que vous avez faits. Naturellement, vous
savez qu'en Chambre la loi du nombre compte; on était 29 contre 69, la
majorité a baissé tantôt Mais au moment de l'adoption de la
loi, nous ferons tous les efforts pour qu'il y ait inclusion, non pas dans
un
règlement, mais dans la loi, d'un 45 jours, comme vous le
souligniez. Vous rejoignez notre position et, là-dessus, nous nous
battrons très fort. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, s'il vous
plaît, rapidement, en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Bien oui, rapidement. D'abord, je tiens
à vous remercier pour la qualité de votre présentation,
d'une part. Deuxièmement, je vous assure que vos objectifs rejoignent
les nôtres. Nous prenons bonne note de toutes les recommandations. Et, en
conclusion, si je peux me permettre, si je résume votre message, c'est
que non seulement le doublage est nécessaire pour nous, culturellement
parlant, mais aussi il en va du développement d'une industrie qui est,
finalement, sous-développée et il en va aussi de bonnes affaires
pour certaines grosses compagnies, dont les "majors".
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. Turgeon. Mesdames et messieurs, M. Léger, merci beaucoup de
votre visite. Ceci met fin à votre intervention et je vous demanderais
de bien vouloir céder la place au groupe suivant, qui est le Syndicat
des techniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo du
Québec. Et pour ce faire, je vais suspendre les travaux pour quelques
minutes. Alors, la séance est suspendue.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprisée 16 h 42)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien regagner vos sièges. J'appellerai maintenant le
Syndicat des techniciens et techniciennes du cinéma et de la
vidéo du Québec. Si vous voulez bien prendre place en avant.
Alors, nous allons devoir... Est-ce que les huissiers pourraient appeler le
Syndicat des techniciens? Est-ce que les appariteurs pourraient faire leur
travail?
Les travaux sont suspendus pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 16 h 44)
Le Président (M. Gobé): Bonjour, monsieur. Vous
êtes M. Patrice Houx. Vous êtes le président du Syndicat des
techiniciens et techniciennes du cinéma et de la vidéo. La
personne qui vous accompagne est madame?
Syndicat des techniciennes et techniciens du
cinéma et de la vidéo du Québec
M. Houx (Patrice): À ma droite, Mme Hélène
Dubé, qui est la directrice administrative du Syndicat, et j'aurai,
à ma gauche, dans quelques instants, M. Robert Maltais, qui est le
directeur général du Syndicat.
Le Président (M. Gobé): Alors, nous vous souhaitons
la bienvenue à cette commission parlementaire et vous allez pouvoir
commencer dans une minute. Nous attendons une personne encore afin de pouvoir
procéder.
M. Houx: Aucun problème.
Le- Président (M. Gobé): Voilà! Les membres
de cette commission sont maintenant prêts à vous entendre. Aussi,
je vais vous passer la parole. Vous avez une période de 20 minutes pour
exposer votre mémoire. Vous n'êtes pas obligé de l'utiliser
dans son intégralité. À ce moment-là, il sera
partagé entre les différents intervenants. Par la suite, Mme la
ministre des Affaires culturelles pourrait avoir une période de 20
minutes, ainsi que le représentant officiel de l'Opposition. Mais,
étant donné qu'il y a le député du Parti
Égalité qui participe à cette commission, je pense que
nous pourrions considérer 17 minutes et demie de chaque
côté afin de lui laisser une certaine période de temps pour
poser des questions. Ceci étant dit, je vous demande de bien vouloir
procéder à l'exposé de votre mémoire.
M. Houx: Merci, M. le Président. Mme la ministre,
mesdames, messieurs, je ne lirai pas le mémoire du Syndicat dans son
intégralité, je vais plutôt reprendre les principaux points
et les réexpliquer en détail. D'abord, dans le mémoire, on
aborde toute la problématique du doublage en français. Je ne
reviendrai pas là-dessus, je crois que le mémoire de l'UDA est
tout à fait clair, précis et beaucoup plus
développé que tout ce qu'on aurait pu faire. Je dirai donc
seulement que le Syndicat des techniciens du cinéma et de la
vidéo du Québec appuie totalement le mémoire de l'UDA.
Nous pensons, nous aussi, pour que la réglementation soit assez forte,
qu'elle devrait se retrouver au niveau d'une loi. On voit quej par le
passé, en 1987, ça s'est déjà retrouvé [dans
une loi, qu'il y a eu amélioration, mais que le problème existe
toujours. Donc, on ne croit pas que c'est en amenuisant la façon de
procéder que le problème va se régler, c'est en y allant
avec encore plus de sévérité. On ne peut pas compter sur
le bon vouloir, malheureusement, des producteurs étrangers pour ce qui
est du doublage des films au Québec. Je pense qu'il faut l'imposer.
Donc, je ne m'étendrai pas là-dessus. Je dirai simplement que
j'appuie totalement le mémoire de l'UDA.
Je vais revenir sur le projet de modifications à la loi, tel que
nous l'avons reçu. Nous sommes enchantés, entre autres, de la
confirmation du rôle de l'Institut québécois du
cinéma et nous sommes tout à fait d'accord avec l'ajout de deux
personnes au conseil d'administration: une personne représentant les
consommateurs, ce qui, nous croyons, est évident, et aussi une personne
représentant la vidéo. J'en profite, en parlant de la
vidéo, pour mentionner, et je crois que c'est assez connu, que toute
l'industrie de la vidéo dans le moment fonctionne dans une espèce
d'anarchie plus ou moins autoréglementée, c'est-à-dire que
les bons producteurs donnent de bonnes conditions de travail, mais,
malheureusement, ils sont très minoritaires, parce que la concurrence
est féroce et parce qu'ils ne sont pas obligés d'avoir des
règles très strictes comme on peut en avoir en tournage de films.
Il se fait à peu près n'importe quoi pour une question de
concurrence et il se développe aussi, très rapidement,
énormément de producteurs en vidéo, ce qui fait que le
marché est complètement aberrant dans le moment. On voit des
choses aussi aberrantes que des gens travaillant une journée de 20 ou de
22 heures pour 100 $, 5 ou 6 jours de suite, avec 3 ou 4 heures de repos eritre
chaque journée. Et ça, on le voit régulièrement.
C'est d'ailleurs un domaine où le Syndicat commence actuellement
à travailler énormément et c'est un domaine qui, moi
particulièrement, m'intéresse. Nous avons l'intention, cette
année et par la suite, de travailler à structurer convenablement
tout le domaine de la vidéo, en faisant attention, sans vouloir tuer non
plus cette industrie Bien au contraire, pour nous, c'est essentiel que ce soit
une industrie forte et fonctionnant convenablement. Mais nous croyons qu'il y a
de l'exagération sur beaucoup de points.
J'en profite aussi, en parlant du rôle de l'IQC et de deux postes
au conseil d'administration, pour rappeler à la ministre que, depuis
deux ans, au moment où elle n'était pas encore là, nous
avons suggéré trois noms au ministre, à cette
époque, pour le siège que nous devons occuper normalement
à l'Institut québécois du cinéma et nous n'avons
toujours pas eu de réponse après deux ans. Nous avons
vérifié de notre côté avec les trois personnes que
nous avions suggérées. Elles sont toujours
intéressées. Donc, si on parle de représentativité,
si on parle régulièrement de partenariat, de travailler ensemble,
employeur, employé, gouvernement, syndicat, et d'aller dans une
même direction, nous espérons que ça ne restera pas des
paroles en l'air et que ça va devenir réel. Ça, c'est pour
le siège que nous sommes supposés occuper à l'Institut
québécois du cinéma.
En termes de formation et de perfectionne ment, je veux ici simplement
parler un peu de l'Institut national de limage et du son. Je pense que tout le
monde connaît le projet actuellement J'ai lu le projet. Ça a
toujours été une chose qui m'a énormément
intéressé aussi, de ce côté-là. Je crois que
le projet est excellent, qu'il est bon. Il est bien structuré, bien
conçu, réaliste, en accord avec le milieu, ce qui est très
loin de tout ce qui se fait actuellement dans les cégeps, les
universités ou autres, en études en cinéma. J'en ai fait
moi-même. Je connais beaucoup de gens qui en ont fait. Actuellement, ce
qui se passe dans les cégeps ou les universités - je dis tout le
temps un peu la même phrase - c'est que, quand vous arrivez dans le
milieu pour travailler vraiment, il ne faut surtout pas dire que vous arrivez
du cégep ou de l'université parce que c'est un moins pour pouvoir
trouver du travail. C'est excellent pour former des critiques, des
journalistes, des réalisateurs, des scénaristes ou des gens qui
veulent comprendre le milieu, mais ce n'est absolument pas réaliste par
rapport à ce qui existe. C'est le contraire au niveau de l'INIS, qui a
très bien compris tout ce qui en était et qui veut travailler
énormément pour former professionnellement des
réalisateurs, des scénaristes, des producteurs, ce qui est un
manque actuellement, et ils veulent travailler énormément au
perfectionnement professionnel des gens qui travaillent déjà
depuis un certain nombre d'années. C'est sûr qu'en cinéma
on apprend notre métier sur le tas, en le faisant, un peu comme les
députés d'ailleurs. C'est en le faisant qu'on apprend notre
métier. Mais au nombre des années, il peut arriver qu'il y a
certains aspects qu'on n'aura jamais la chance de toucher et, donc, ça
devient une lacune. Et si on se retrouve en plein milieu d'un tournage à
avoir à faire quelque chose qu'on n'a jamais vu, on ne peut pas se
permettre de demander à tout le tournage d'arrêter pour quelques
jours, le temps d'aller vérifier dans les livres, ou de se perfec
tionner, ou autre. On a une chance en tournage et c'est toujours beaucoup
d'argent qui roule. Il faut de l'efficacité, de la rapidité et du
professionnalisme tout de suite. Le projet de l'INIS prévoit à ce
niveau-là, justement, d'organiser du perfectionnement pour les
professionnels et je collabore énormément avec eux pour
préparer tout ça et en arriver à identifier les lacunes
qui existent et essayer de les combler.
Je vais parler maintenant de reconnaissance professionnelle, encore un
peu dans le même esprit de partenariat, de travailler ensemble à
la meilleure réalisation possible du cinéma au Québec. Il
y a eu, bien sûr, la Loi sur le statut de l'artiste qui a
été une magnifique réussite pour l'Union des artistes, qui
lui a donné un certain statut fiscal et social, disons, très
efficace. Dans notre cas, ça nous a été utile, mais,
malheureusement, ça nous a mis des bâtons dans les roues aussi,
dans bien des cas, puisque chez nous, nous représentons, ce qui est un
peu exceptionnel, 56 métiers différents et, là-dessus, il
y en a 16 qui ont été désignés par la commis sion
comme étant des artistes et les autres comme n'étant pas des
artistes Les critères qui
ont servi à établir ça sont un peu
incompréhensibles, mais... Bon, je ne m'étendrai pas
là-dessus. Ça sera à retravailler.
Je dirais cependant qu'il y a une reconnaissance internationale du
professionnalisme de nos membres à laquelle je tiens beaucoup. Que ce
soit quand des producteurs américains, européens ou autres
viennent travailler chez nous ou quand nous allons travailler ailleurs, nous
sommes reconnus, une fois que les règles du jeu sont établies
avant un tournage, nous nous impliquons totalement dans le tournage au niveau
de la réussite du projet. Pour nous, quand nous commençons
à tourner sur une production, ce qui est important c'est que le projet
se fasse, qu'il soit beau, pas cher, intéressant, que ce sort une oeuvre
d'art. Et nous sommes reconnus pour ça, ce qui n'est pas le cas de
plusieurs syndicats américains ou étrangers, qu'ils soient
européens ou autres, je n'ai pas à pointer de cas très
particuliers. Mais nous sommes reconnus à ce niveau-là, nous
sommes des professionnels au niveau de la qualité du travail que nous
donnons et aussi de l'implication que nous avons dans le projet. Je vais
peut-être revenir à quelques reprises sur le terme, mais quand on
parle de partenariat, ça fait déjà très longtemps
que nous, nous l'appliquons concrètement dans ce que nous faisons tous
les jours.
Pour revenir, encore une fois, sur le terme "partenariat", comme je
disais, parce que, bon, c'est un terme à la mode et c'est aussi quelque
chose auquel nous tenons beaucoup, dernièrement il y a eu deux points...
D'ailleurs, dans le mémoire que nous avons envoyé, nous avons
ajouté une lettre que j'écrivais à la ministre il y a
quelque temps. Pour reconnaître un film comme québécois, je
vous rappelle qu'il y avait un système de pointage qui donnait des
points pour le réalisateur, le scénariste, la musique, etc., et
il y avait trois points qui étaient accordés pour le directeur
photo, le directeur artistique et le monteur. Il fallait accumuler 7 points sur
10 pour qu'un film soit reconnu comme québécois. Et tout à
coup, par hasard, nous avons appris, par le discours du ministre Levesque, que,
finalement, nous n'existions plus dans ce cadre-là, que nous
n'apportions plus une qualité québécoise à un film.
Je vous laisse imaginer quelque grand film que ce soit qui sortirait, si vous
enlevez la qualité du directeur photo, celle du monteur et celle du
directeur artistique, le film n'existe plus, à toutes fins pratiques.
Mais le gouvernement semble avoir très bien réagi. Je ne sais si
ma lettre a eu un effet à ce niveau-là, mais je sais que la
situation est maintenant corrigée et que le gouvernement s'est rendu
compte qu'effectivement c'était sans doute aberrant que ces
personnes-là ne s'y retrouvent plus.
Cependant, je dirais que c'est une image très forte, justement,
de ce manque de partenariat, de travail en associés qui devrait exister,
du fait que nous avons appris ce fait, effectivement, presque par hasard, ou
totalement par hasard. Nous n'avions jamais été consultés,
bien sûr, on n'avait jamais été approchés
là-dessus et, donc, on ne nous en avait jamais parlé. Et je
trouve ça très grave à ce niveau-là.
De la même façon que l'autre aspect du ministre Levesque
à ce niveau-là, c'est sur le crédit d'impôt qui
serait basé sur la masse salariale. Il faut bien se rappeler que la
masse salariale, la très grande partie de la masse salariale sur un
film, c'est nous. Nous sommes, le seul syndicat qui regroupe tous les
techniciens de cinéma, pigistes, pour toute la province [ de
Québec, nous les représentons tous, et ni suî le
système de pointage, ni sur le crédit d'Mipôt nous n'avons
été approchés, consultés ou, à tout le
moins, avertis ou informés autrement que par hasard, en tombant sur le
texte.
D'ailleurs, nous venons de signer une nouvelle entente, le 1er mars,
avec l'Association des producteurs et ils pourront sans doute vous le confirmer
eux-mêmes, je crois que c'est demain qu'ils vous déposent leur
mémoire. Nous avons carrément agi de cette
façon-là, nous les avons rencontrés, nous avons
regardé leurs problèmes, nous avons regardé nos
problèmes, nous avons essayé ensemble d'y trouver des solutions
et je pense que nous sommes arrivés à une entente qui les
satisfait pleinement et qui nous satisfait aussi. C'est donc possible de
travailler ensemble, même en ayant des intérêts tout
à fait divergents, et c'est bien sûr que producteurs et
techniciens, au niveau finances, ont des intérêts totalement
divergents. D'ailleurs, nous basons toutes nos relations actuellement, que ce
soit avec les producteurs ou d'autres organismes, d'autres intervenants du
milieu, là-dessus. C'est un peu pour ça et dans cet
esprit-là que nous suggérons, entre autres, de tenir annuellement
ou, à tout le moins, de façon statutaire une fois, deux fois par
année, sous l'égide de l'IQC, des rencontres avec des
représentants de divers groupes d'intervenants du milieu pour
étudier la situation régulièrement, ce qui se passe, pour
ne plus qu'il arrive, comme j'ai dit tout à l'heure, que nous apprenions
par hasard que quelque chose se passe. Si notre siège au conseil
d'administration de l'IQC avait été rempli par une des personnes
que nous avons suggérées, nous aurions peut-être
été au courant plus vite, mais, actuellement, nous sommes
obligés de regarder la situation telle qu'elle est.
Je terminerai en disant que je relisais le mémoire qu'on a
déposé ce matin et je nous trouvais bien gentils. Je trouvais le
gouvernement bien gentil aussi. Mais j'aimerais bien, au niveau de la culture,
et là je parle de la culture dans son ensemble et pas seulement au
niveau du cinéma, j'aimerais bien arrêter de dire au gouvernement
que je respecte la bonne volonté du gouvernement à ce
niveau-là. J'aimerais, un jour, pouvoir parler de l'agressivité
du gouvernement au niveau de la culture. Je pense qu'il y
a deux points forts dans un pays, c'est l'économie et la culture.
Il faut que l'économie soit forte chez lui et à
l'extérieur et, de la même façon, il faut que la culture
soit forte chez lui et à l'extérieur. Je travaille dans le
domaine du cinéma depuis 15 ou 16 ans. Auparavant, j'étais
déjà dans le domaine de la culture. J'ai fait mes Beaux-Arts il y
a... trop longtemps, et je crois que c'est toujours pareil, c'est un manque de
volonté ferme et de s'imposer. On dirait tout le temps que... On parlait
des "majors" américains qui ont un lobby très fort. Bien
sûr, les "majors" américains ont un lobby très très
fort, mais nous sommes aussi 7 000 000 de consommateurs très très
forts qui allons voir les films, qui sommes intéressés à
les voir, mais en étant traités avec respect, et là, je
reprends un peu dans les dernières paroles de tout à l'heure
venant de l'UDA et de l'Association des... Je ne vous dirai pas le titre au
complet. Vous n'aurez qu'à relire le mémoire.
Donc, je terminerai là-dessus. Je vous dirai que j'espère
avoir pu vous expliquer tous ces points-là de façon assez rapide.
C'est quand même un peu difficile de prendre le siège de M.
Turgeon à sa suite, lui dont, bien sûr, c'est le métier de
pouvoir parler et s'expliquer. Et je me tiens à votre disposition pour
quelque question que vous aurez et, dans l'avenir, pour toute la collaboration
que vous pourrez vouloir de la part du Syndicat.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M le président. Je
passe la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. (17
heures)
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue. Je vous remercie aussi pour
votre présentation. Première ment, je veux faire quelques
commentaires qui sont en marge de vos propos, propos qui ne touchent pas la
loi, mais que je trouve important de faire. Premièrement, je veux vous
rassurer tout de suite au sujet de notre volonté sur la
représentation des techniciens et techniciennes au conseil
d'administration de l'Institut. De toute façon, la décision
n'avait aucun lien avec la nomination et la certification d'un film
québécois. Je peux vous assurer que d'ici quelques semaines, le
temps de passer la nomination au conseil, ce sera réglé. J'ai
demandé qu'on accélère là-dessus. Vous avez raison
dans le sens où, effectivement, sur le conseil d'administration de
l'IQC, c'est sûr que, premièrement, votre présence est
nécessaire et, deuxièmement, non seulement les idées sont
acheminées plus rapidement, mais aussi les nouvelles sont
acheminées plus rapidement. Je tiens à vous rassurer
là-dessus. Même si je ne peux pas vous dire d'ici quinze jours,
moi, je peux vous assurer que d'ici quelques semaines, ça, ça va
être réglé.
D'abord, au niveau du budget et des mesures fiscales, encore une fois,
vous savez que les mesures fiscales sont faites par le ministre des Finances,
que ce soit dans n'importe quel gouvernement, c'est le système. Elles
sont faites aussi en concordance avec d'autres mesures fiscales
appliquées dans d'autres domaines. C'est sûr que nous donnons des
conseils, nous poussons, mais la décision, évidemment, revient au
ministre des Finances. Dans le cas de l'ancien système de pointage,
celui qui a été, ou enfin qui s'acheminait versus le
résultat, effectivement, nous avons joué un rôle majeur.
C'était un non-sens, en tout cas, selon nos analyses, que les postes
techniques ne soient pas considérés et nous avons insisté,
plus qu'insisté pour que la situation se corrige. On aurait bien aime
que vous le sachiez quand même. Enfin, les bonnes nouvelles, on est
content quand les gens les savent immédiatement. Si les canaux que nous
avons pris, d'une part, et le milieu aussi ont fait en sorte que vous n'avez
pas été informés immédiatement, pour notre part, on
s'en excuse.
Je me réjouis aussi de l'appui que vous apportez aux changements
que nous proposons à l'article 83. Vous dites, par contre, que vous
espérez que les mécanismes qui seront mis en place pour raffermir
la présence du français auront des résultats concluants.
Je sais que vous nous dites que vous appuyez le mémoire de l'Union des
artistes. Je veux seulement vous demander de vous prononcer là-dessus:
la réduction de 60 à 45 jours avec un visa, ensuite, permanent
qui circule, selon vous, cette mesure, compte tenu aussi de la demande des
Québécois pour avoir accès à tous les films, est-ce
que vous pensez que c'est une mesure qui est raisonnable? Devrait-on être
plus sévère? J'aimerais que vous élaboriez, de votre point
de vue et aussi du point de vue de votre industrie, là-dessus.
M. Houx: Écoutez, je vais prendre les choses dans l'ordre.
D'abord, je vous remercie des précisions que vous avez apportées.
Je tiens à rappeler qu'effectivement tout le point de vue technique, que
ce soit au niveau du cinéma ou à quelque niveau culturel que ce
soit... Je vois très mal Léonard de Vinci pouvoir travailler en
ayant une technique déficiente. C'est sûr que le côté
technique - certains trouvent ça malheureux - dans quelque forme d'art
que ce soit, est extrêmement important.
Pour ce qui est de l'article 83, je veux être très clair.
Notre appui est au principe du doublage fait au Québec et non pas
directement aux mesures proposées actuellement. Pour ce qui est de
ramener le délai de 60 jours à 45 jours, je vais prendre une
phrase qui circule beaucoup chez nous et que j'ai encore entendue ce midi: On
ne peut pas être contre la vertu, selon l'expression consacrée. Je
crois qu'effectivement, en mettant un délai de 45 jours, c'est beaucoup
plus réaliste tout en étant très compréhensif des
implications de chacun. En laissant, sans problème, à un film en
langue anglaise, russe ou serbo-
croate une vie de 45 jours au Québec, je pense que c'est
très réaliste et très compréhensif et que ce n'est
pas une restriction exagérée d'obliger, après 45 jours, le
film à avoir, à tout le moins, une version doublée en
français ici, au Québec. Je ne crois pas que ce soit
exagéré, je crois que c'est tout à fait
réaliste.
Je ne m'étendrai pas trop là-dessus parce que c'est un
domaine dont je peux parler en tant que Québécois, en tant que
technicien, au niveau du travail de certains des membres chez nous qui
travaillent dans le secteur technique, au niveau du son et autres, mais ce
n'est pas un domaine qui implique directement le syndicat que je
représente et ses intérêts. Donc, je ne veux pas trop
m'avancer là-dedans. Je crois, comme je l'ai dit tout à l'heure,
que l'UDA a fait une démonstration très complète et c'est
pour ça qu'on donne notre appui à ce niveau-là.
Mme Frulla-Hébert: Mais vous qui représentez,
finalement, l'ensemble de l'industrie des techniciens, est-ce que vous
pensez... Je vous pose la même question parce que, enfin, certains de vos
groupes le vivent directement aussi sur le terrain. Si, demain matin, d'un
commun accord, les "majors" décidaient de tout doubler au Québec,
de respecter la position du Québec, de respecter aussi cette tendance
que les Québécois sont de plus en plus réfractaires au
doublage français, parce que, évidemment, l'expression est loin
de notre expression, etc., et de plus en plus, est-ce que l'industrie pourrait
prendre en main tout l'influx du doublage qui entrerait suite à cette
décision, immédiatement?
M. Houx: Je suis content que vous me posiez la question parce que
je me suis fait la réflexion quand vous avez posé la même
question tout à l'heure. Et de la même façon dont vous
dites demain matin, je vais vous dire: Oui, l'industrie serait capable de
suivre très facilement. Parce que, si on parle de demain matin, c'est
sûr que ce n'est pas un projet de loi qui va se voter ce soir et
qu'à partir de demain matin, 9 heures... On parle d'un certain
délai et l'industrie serait capable de suivre très rapidement. On
a vu des chiffres tout à l'heure et je crois que la seule chose que
l'industrie attend pour pouvoir avoir toute la structure nécessaire,
c'est d'être sûre qu'il va y avoir les incitatifs pour le faire.
Les gens ne commenceront pas à organiser ou à construire les
structures nécessaires sans être sûrs qu'ils vont pouvoir
les rentabiliser à l'autre bout. Donc, les deux sont liés.
À partir du moment où ils vont être sûrs que ce sera
imposé par la loi et que la loi sera respectée
intégralement, ils vont embarquer et il n'y a aucun problème, ils
sont prêts à le faire, les investisseurs sont là, les
structures, le personnel, le professionnalisme est là pour pouvoir le
faire, oui, carrément.
Mme Frulla-Hébert: Alors, je résume. Parce qu'il y
a toujours la question d'être réaliste, d'un côté, et
d'être extrêmement incitatif, si on peut dire, de l'autre. Votre
position, en général, serait, indépendamment du nombre de
copies pour le doublage, 45 jours ou moins.
M. Houx: Oui.
Mme Frulla-Hébert: Vous nous dites aussi que l'industrie
serait capable, au niveau technique, de prendre, finalement, l'influx du
doublage.
M. Houx: Oui, tout à fait, là-dessus. C'est un peu
comme si j'allais voir mon gérant de banque et que je lui demandais
d'emprunter de l'argent pour construire une maison et qu'il me dirait: Bien,
construis ta maison et, après, je te dirai si je te prête de
l'argent. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Si l'industrie est
sûre que ça va venir, ils vont pouvoir le faire. Les moyens
financiers, les structures sont là en grande partie ou prêtes
à arriver. Si vous dites à l'industrie: Dans deux mois, la loi va
s'appliquer et on va être extrêmement sévères
dès le départ, je suis sûr que, dans deux mois, l'industrie
va être prête.
Mme Frulla-Hébert: Autre chose aussi, parce qu'il y a
certains arguments qui ont circulé. Au niveau de la
compétitivité, on a quand même plusieurs compagnies
présentement qui font du doublage. Si, par exemple, on met un certain
décret, ou enfin, on incite fortement les "majors" à doubler au
Québec parce qu'ils vont y faire de bonnes affaires - parce que, dans le
fond, pour eux...
M. Houx: De toute façon, ils vont y faire de bonnes
affaires.
Mme Frulla-Hébert:... l'équation, c'est
celle-là - au niveau de la compétitivité, vous qui y
travaillez, est-ce que vous pensez que ça pourrait avoir un effet, si on
veut, sur la compétitivité entre entreprises? On reçoit
aussi certains arguments nous disant: Bien, c'est parce que, s'il y a
obligation, les entreprises peuvent se grouper entre elles et, là, on ne
bénéficiera pas, justement, de cette compétitivité
qui fait que les prix sont bons, que les délais sont respectés et
que la qualité aussi est excellente ou, enfin, de meilleure en
meilleure.
M. Houx: Quand vous me parlez de compétitivité,
est-ce que vous parlez des industries de doublage ou des industries de
production de films?
Mme Frulla-Hébert: Du doublage. M. Houx: Du
doublage.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Si on oblige, par exemple, et on
reçoit...
M. Houx: Oui, oui
Mme Frulla-Hébert: ..d'une part, et les compagnies,
notamment les "majors", par exemple, doivent doubler au Québec, est-ce
que ça peut avoir un effet, selon vous, sur la
compétitivité? C'est-à-dire que nos entreprises à
nous, étant sûres d'avoir l'influx, finalement, de recevoir les
films, obligatoirement pourraient, finalement, devenir moins
compétitives, donc, à la base, donner un moins bon service, plus
cher, une qualité peut-être pas aussi bonne que celle qu'on trouve
présentement?
M. Houx: Non, je ne crois pas que ça puisse avoir
d'influence à ce niveau-là, parce que c'est un domaine où
les investisseurs sont intéressés, les gens sont
intéressés à avoir énormément, un domaine
sûr dans lequel investir. Au niveau de la compétitivité,
elle existera quand même, je veux dire, c'est ce qui existe dans toutes
sortes de domaines, dans toutes les industries. Si deux grosses compagnies de
doublage existent avec d'énormes budgets annuels, les deux vont quand
même être en compétitivité au niveau de la
qualité, au bout du compte. Mais je crois quand même qu'à
ce niveau-là, possiblement qu'il devrait y avoir - là, vous me
prenez un peu au dépourvu - un certain mécanisme de
contrôle. Comme je vous dis, vous me prenez au dépourvu, parce que
c'est très complexe. Comment juger, par exemple, d'un film qui serait
tourné à New York, dans certains ghettos de New York, et qui
serait traduit au Québec? Donc, il y a certains termes qui ne seraient
pas du bon français qui se retrouveraient, mais qui seraient du
Québécois. De quelle façon cela pourrait-il être
contrôlé? Je ne sais pas à ce niveau-là.
M. Maltais (Robert): Excusez-moi Juste pour compléter, si
tu veux.
M. Houx: Oui.
M. Maltais (Robert): Si vous me permettez
Mme Frulla-Hébert: Oui
M. Maltais (Robert): Oui, je vais compléter. Je pense que
ça procurerait, Mme la ministre, un accroissement de volume. Cet
accroissement de volume-là va favoriser l'expertise des
Québécois et des Québécoises. Tout accroissement de
volume, je pense que l'industrie ne pourra que bénéficier de
ça. Le problème actuellement, c'est qu'il y a pénurie, il
n'y a pas assez de travail. Alors, si, effectivement, l'industrie du doublage
profite d'un marché additionnel, ça va faire en sorte que notre
expertise va se développer plus fortement. Et la concurrence, bien,
c'est toujours la concurrence qui fonctionne pareil d'un marché à
un autre, ça va favoriser, je pense, la qualité et les prix.
C'est ce qui se joue dans à peu près tous les marchés. Ce
sera également vrai, d'après moi, dans ce
marché-là.
M. Houx: Et je terminerai en disant qu'il y a quelques
années il se faisait très, très peu de doublage et le
doublage était très, très, très mauvais.
Maintenant, il se fait plus de doublage et d'autant meilleur, et je crois que
s'il s'en faisait énormément, à un moment donné,
les gens deviendraient carrément des professionnels du doublage, il y
aurait certains comédiens et autres qui ne feraient que ça et
ça acquerrait énormément de qualité. Le doublage
qui est fait en France est de grande grande grande qualité. Ce n'est pas
là-dessus que nous avons des reproches. Là où nous avons
des reproches, c'est concernant certains termes français, ce que je
comprends très bien parce que mes parents sont européens, j'avais
à peine un peu plus d'un an quand je suis arrivé au
Québec, mais je me considère totalement Québécois
et beaucoup plus que bien d'autres. Je n'ai donc aucune restriction face au
doublage qui se fait en France. Ce n'est pas à ce niveau-là. Mais
il y a le doublage... De la même façon que nos émissions se
retrouvent doublées en français en France, le langage n'est pas
le même; il y a une différence de langage, il n'est pas tout a
fait semblable, et c'est pour ça que c'est essentiel. Et plus il va y en
avoir, plus ça va être professionnel, d'après moi, ce ne
sera pas dans l'autre sens.
Mme Frulla-Hébert: Parfait! Merci. En terminant,
changement de sujet. Vous trouviez profitable de rapprocher l'IQC du milieu et
vous suggérez, par exemple, à la page 3 du mémoire, des
rencontres formelles entre l'IQC et les directions des groupes de l'industrie.
Moi, je vais vous dire, je suis un peu surprise de cette suggestion-là,
parce que c'est justement le rôle de l'IQC d'être, en fait, cette
instance de concertation entre les différents groupes de l'industrie.
Alors, je n'ai pas très bien saisi là, entre ce que vous
souhaitez de l'IQC et, finalement, son rôle. N'est-ce pas ce qui se passe
dans la réalité?
(17 h 15)
M. Houx: Pas de façon systématique, je dirais. Et
là, je veux être très clair, je ne fais pas de reproches
à l'IQC à ce niveau-là, c'est un organisme pour lequel
j'ai énormément de respect. Je dirais simplement que je suis
président du Syndicat depuis un peu plus d'un an, j'ai été
membre du conseil d'administration quelques mois avant et je suis membre du
Syndicat depuis 1983. Je connais l'IQC, je sais ce qu'ils font et tout
ça. Je ne sens pas quelque chose d'organisé à ce niveau
là. Ça nous est arrivé de les rencontrer, bien sûr;
les rencontres ont été extrêmement enrichissantes. J'ai
souvent ren
contré M. Bernard Boucher. Je collabore beaucoup au projet de
l'INIS qui est un peu, par le côté, avec l'Institut
québécois du cinéma. Mais il y a toutes sortes de
politiques qui se font et je me serais attendu à ce qu'il y ait une
rencontre regroupant les producteurs, les industries techniques, les
comédiens, les réalisateurs, les techniciens, tous les gens qui
font le cinéma, pour discuter de ce qui se passe, des problèmes
qui viennent de surgir ou des vieux problèmes, comment les
régler, et tout ça. Il faudrait qu'il y ait des
conférences de ce genre-là pour qu'on puisse discuter entre nous.
Ce pourrait être une journée par année ou une fin de
semaine par année et, déjà, ce serait extrêmement
efficace, pour regarder les problèmes qui se passent et voir comment
réagir.
Dernièrement il s'est beaucoup parlé de tournages
américains, de producteurs américains qui venaient moins tourner
ici, et ça aurait été le rôle en partie de la SOGIC,
de l'IQC, de la ville de Montréal, entre autres, et tout ça, de
pousser pour qu'on en discute entre nous, tous les intervenants que je viens de
nommer, et voir ce qu'on peut faire. Mais c'est venu, finalement, de la base,
d'un des syndicats très peu représentés et, finalement,
nous-mêmes avons refusé d'y participer parce que c'était
organisé de façon totalement aberrante et un peu comme un travail
d'écolier. Nous voulions travailler là-dessus, mais de
façon professionnelle. On pense que c'est un des rôles de l'IQC de
pouvoir générer ce genre de rencontres, probablement annuelles,
pour simplement demander aux gens: Quels problèmes avez-vous
actuellement ou quels problèmes voyez-vous venir et avez-vous des
solutions à suggérer? et de pouvoir synthétiser tout
ça et, à ce moment-là, de faire ces recommandations au
gouvernement à partir de ça. L'IQC le fait en partie. Mais je ne
me retrouve pas souvent à avoir voix au chapitre. Est-ce que, si on
avait un membre sur le conseil d'administration, ça améliorerait
les choses? Sûrement. Mais on pense que ça doit peut-être
aller plus loin que ça. Par exemple, une rencontre entre tous les
exécutifs de l'Union des artistes, de l'Association des producteurs,
celle des réalisateurs, des techniciens, des industries techniques, et
tout ça, que les exécutifs qui font fonctionner cette industrie
et qui représentent tous leurs membres puissent discuter entre eux des
problèmes pendant qu'ils se produisent, ou même avant qu'ils se
produisent, pour voir des solutions et ne pas se retrouver, après deux
ou trois ans, quand les mauvaises habitudes sont prises, à dire: Bon, il
y a tel problème, le gouvernement n'a rien fait, on va suggérer
au gouvernement de faire telle ou telle chose.
Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie.
Le Président (M. Khelfa): Mme la ministre, c'est
terminé. Merci, M. le président. Je passerai la parole au
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et porte-parole de
l'Opposition.
M. Boulerice: Oui. M. Houx, Mme Dubé, M. Maltais,
je ne vous cacherai pas le plaisir de vous revoir en cette enceinte puisqu'on
s'est vus justement lors de la commission sur le statut de l'artiste, et
j'espère avoir le plaisir de vous revoir lorsqu'on parlera vraiment du
statut fiscal de l'artiste.
M. Houx: Vous risquez de nous revoir souvent.
M. Boulerice: Pardon?
M. Houx: Vous risquez de nous revoir souvent, oui.
M. Boulerice: J'espère bien. Je ne sais pas ce qu'on vous
a répondu pour les deux ans d'attente. Je vous avoue que je trouve
ça particulièrement bizarre, surtout qu'il s'agit, en
définitive, de respecter l'article 18 de la loi qui institue l'Institut
québécois du cinéma. J'ose espérer qu'on va agir
dans les meilleurs délais.
Vous avez donné votre appui à 45 jours pour la
présentation de la copie française, mais ce délai, vous
souhaitez le voir non pas dans une réglementation, mais dans la loi.
Est-ce que je me trompe?
M. Houx: Tout à fait. ?
M. Boulerice: D'accord.
M. Houx: C'est-à-dire, tout à fait, vous ne vous
trompez pas. '
M. Boulerice: Je ne me trompe pas, voilà! Vous
évoquiez le manque de cohérence de l'action gouvernementale en
termes de soutien au cinéma, par la suite de la multiplication des
programmes et des sous-programmes. Est-ce que vous pourriez être un petit
peu plus explicite à ce niveau-là?
M. Houx: Bon, je donnerai quelques exemples, et je parlerai
particulièrement... Par exemple, à chaque année, vers les
mois de janvier, février, mars, avril, le milieu est très calme.
Et, à chaque année, on arrive à l'automne et il y a
énormément de tournages. Ça a été le cas
l'année dernière et, comme on voit aller les choses, cette
année, ça va être un peu plus calme, mais ça va
ressembler encore à ça. À cause du moment où
sortent les budgets ou les décisions, l'aide gouvernementale est mal
répartie ou n'est pas assez incitative pour répartir le travail
sur l'année, ce qui fait que les 750 membres que j'ai chez nous, j'en
manque au mois d'octobre et j'en ai 725 qui m'appellent au mois
de février parce qu'ils n'ont pas de travail.
Je donnerai un autre exemple peut-être de confusion ou de
mélange. Tout ce qui a été les projets 16-26,
l'année dernière, l'idée était très bonne,
on était tout à fait d'accord avec le principe de favoriser la
relève et tout ça, sauf que, dans la réalité, on
s'est aperçu que la relève, c'était, par exemple, d'avoir
Michel Brault à la caméra, et Michel Brault est vraiment un vieux
de la vieille. Je veux dire, ça a été un de nos premiers
ou le premier président, en tout cas, dans les tout premiers
présidents chez nous. On existe depuis 22 ans. Donc, M. Brault a quand
même énormément d'expérience. Ce qui fait que la
tarte - excusez l'expression - à partager entre tout le monde se
retrouve sur tout un tas de petites productions, ce qui est bien
intéressant, sauf que les grosses productions en souffrent à ce
moment là, parce que la tarte est de la même grandeur. Et nous
nous retrouvons, nous, à ne jamais savoir ce qui va en être et
quand on va travailler et à ne jamais pouvoir prévoir. Je veux
dire, en régie générale, je gagne bien ma vie, mais il
m'est arrivé, en janvier, février et mars d'être
très pauvre et, au mois d'octobre, de pouvoir me payer tout ce que je
voulais, et c'est un peu aberrant de ce côté-là. C'est
d'essayer de structurer ça de façon plus régulière,
plus consciente, plus organisée. Le gouvernement est là. il y a
des montants au'il est prêt à donner et il faudrait
peut-être que ce soit donné de façon plus logique.
Je prendrai un autre exemple. Dernièrement, il y a eu le tournage
de Nelligan. Finalement ce qui s'est passé, au moment du tournage de
Nelligan, c'est que la préproduction a commencé et, là,
ils ont été obligés d'arrêter parce qu'ils
attendaient les réponses de la SOGIC, de Télé film, et
tout ça, ils ne savaient pas trop. Là, il y a eu de grands grands
espoirs que la réponse soit positive, ils ont reparti la
préproduction et lejurs espoirs sont retombés. Ils ont
réarrêté la préproduction et, là, ils ont
attendu un peu et, finalement, c'était presque sûr que ce serait
confirmé. Ils ont reparti la préproduction et, là, ils ont
su que, finalement au lieu d'avoir 3 200 000 $, ils se retrouvaient avec un
budget de 2 800 000 $. Je connais, par exemple, la directrice artistique et
d'autres gens qui avaient à fonctionner avec ces budgets là et
qui se sont arraché les cheveux, mais qui ont décidé de
faire le projet quand même en coupant, en tournant. et tout ça.
Donc, c'est une totale insécurité pour un producteur qui ne peut
pas s'organiser et qui ne sait pas comment aller là-dedans. Nous, on
l'a, en partie, réglé ce problème-là, dans la
négociation même de la convention collective, en permettant
certains aménagements quand les producteurs sont en train d'attendre des
réponses de ce genre-là. Mais je pense que le gouvernement aurait
un énorme effort à faire pour ce qui est de la stabilité
ou de la certitude du marché, dans bien des cas.
M. Boulerice: Le pavé est dans la mare! Vous avez
mentionné SOGIC, vous semblez très critique à
l'égard de la SOGIC et, notamment, dans le cas des crédits
d'impôt. Pourquoi?
M. Houx: Bien, très critique... Il y a l'exemple de
Nelligan que je viens de donner. C'est une situation qui se retrouve
régulièrement. Au niveau du crédit d'impôt,
plutôt qu'une critique, c'est simplement pour dire qu'on a
été très loin, comme je le disais tout à l'heure,
dans cette décision-là. Et, en plus, on ne comprend pas
très bien que le ministre des finances n'ait pas communiqué avec
nous d'une façon ou d'une autre puisque nous représentons la
très grosse partie de cette masse salariale là et que, par le
fait même de notre existence, les producteurs doivent nous
déclarer tous les salaires qu'ils paient. On est déjà un
organisme de surveillance de la masse salariale sur un tournage de film. Donc,
il nous semble que ça aurait été logique que le ministre
nous approche pour voir de quelle façon on pouvait fonctionner à
ce niveau-là. Mais, encore là, à cause d'une confusion ou
autre, il y aura sans doute un autre organisme et des emplois de
créés; c'est peut-être une bonne chose, sauf que le
gouvernement a pensé à son argent à lui. Il y aura sans
doute des emplois de créés pour refaire ce que nous, nous sommes
déjà à faire régulièrement, continuellement,
donc vérifier la masse salariale. Ce sont des gestes un peu
désordonnés. Je vais reprendre l'expression que je prenais
tantôt: c'est un peu comme une poule avec la tête coupée.
Ça court un peu dans tous les coins, ça se cogne sur les murs,
mais ce n'est pas cohérent.
M. Boulerice: J'aurais le goût de faire une blague. Nous
suggérez-vous d'y aller pour de vrai et de couper la tête de la
poule? Mais je ne crois pas que ce soit l'objet de la commission pour le
moment.
M. Houx: Non, ce n'était pas l'objet de mon exemple, non
plus.
M. Boulerice: Ça fait deux ans que vous n'êtes pas
sur le conseil d'administration et, là, j'apprends que vous n'avez pas
été consultés dans le cas de l'annonce qui a
été faite par le ministre au sujet des crédits
d'impôt.
M. Houx: Nous l'avons appris par hasard.
M. Boulerice: Par hasard. Alors, je pense que vous auriez
plutôt avantage à crier et non pas à... Dans le cas de la
SOGIC, la SOGIC devra administrer un programme qui est triennal. Est-ce que
vous croyez que ce plan triennal pourrait vous permettre d'aller vers
l'étalement que vous souhaitez, donc une certaine stabilité
financière?
M. Houx: Probablement. C'est sûr qu'un plan
triennal bien établi, clair, précis, peut stabiliser le
marché et être extrêmement efficace. J'ajouterai
là-dessus, par contre, que je remarque dans le texte du projet de loi
que le plan triennal sera élaboré par la SOGIC avec le
ministère, et qu'ensuite on prendra l'avis de l'IQC avant son
application. Je trouve que l'IQC, qui doit conseiller la ministre
là-dessus, arrive un peu loin dans le processus. L'IQC est là
normalement pour conseiller la ministre sur tous les aspects et les
problèmes, tout le déroulement du milieu du cinéma, et
pour proposer des solutions et tout ça. Et là, le plan triennal
va être finalement fait par le ministère et financé,
disons, en parlant de la SOGIC, par le banquier, mais on ne demandera pas
à ceux qui vont avoir à vivre avec, de collaborer à ce
plan triennal, c'est-à-dire de l'élaborer avec eux. Là
encore, on trouve qu'au niveau du partenariat il y a comme une faiblesse, il y
a encore des décisions qui se prennent par des gens qui, finalement, en
connaissent beaucoup moins que ceux qui ont à vivre là-dedans
tous les jours.
M. Boulerice: Est-ce que je vous traduis bien, M. Houx, en disant
que l'IQC devrait, non pas réagir à une lecture, mais bien
plutôt faire partie de l'écriture?
M. Houx: Tout à fait.
M. Boulerice: Comment se fait-il - ça m'a vraiment
marqué - que seulement 16 des 56 postes de techniciens aient obtenu le
statut d'artiste, alors qu'il y en a 40 qui sont dans le vide juridique le plus
complet? Les correctifs que vous souhaitez voir à cet égard sont
lesquels?
M. Houx: L'idéal, bien sûr, pour nous, ce serait que
tous soient reconnus comme artistes. Ce serait une situation réaliste et
bien en accord avec ce qui se passe réellement. Il s'est passé
certains problèmes. Il y a des postes où les gens sursautaient.
Je vais prendre l'exemple de mon poste. Habituellement, moi, au Syndicat, je
suis électricien ou éclairagiste, par exemple, et je ne suis pas
reconnu comme artiste. Je pourrais vous parler pendant quatre ou cinq heures de
toute la qualité de la lumière ici dans cette pièce
à un niveau artistique et de toute la beauté qu'elle peut avoir
à certains moments de la journée. Je pourrais vous convaincre
très facilement de tout le côté artistique qu'il y a dans
mon métier même si, parfois, vous allez me voir passer sur un
tournage avec un gros rouleau de câble et installer des lumières
comme celles qui sont au plafond, etc. Bien sûr, il y a ce
côté-là dans mon métier. Mais je reviens à
Léonard de Vinci; il devait sûrement avoir de la peinture sur le
bout du nez de temps en temps et ça ne voulait pas dire pour ça
que ce n'était pas un grand artiste. C'a été difficile.
Les décisions se sont prises, finalement, et le couperet est
tombé sur 16 postes et pas sur les 40 autres. Et pourquoi? Où
s'est faite la délimitation? On ne comprend pas très bien, nous
non plus. Donc, à tout le moins, ce qu'on suggérerait,
l'idéal, c'est qu'on soit tous reconnus comme artistes, de la même
façon que tous les comédiens de l'UDA ont été
reconnus comme artistes. On travaille ensemble. On gagne notre salaire de la
même façon. On a notre statut fiscal de la même
façon. On est carrément l'un à côté de
l'autre et l'un a un meilleur statut que l'autre, sans aucune raison.
Qu'à tout le moins, s'ils ne veulent pas nous reconnaître comme
artistes, il y ait un statut équivalent quelconque. Dans le moment, on
est complètement dans les limbes, sans rien, et c'est pour ça
qu'il y a beaucoup de techniciens qui se retrouvent obligés d'ouvrir une
compagnie pour s'employer eux-mêmes, pour avoir un certain statut fiscal,
ce que moi, je n'ai pas fait, mais je dois vous dire que ça me
coûte très très cher, d'ailleurs. (17 h 30)
M. Boulerice: Nous questionnerons la Commission du statut de
l'artiste là-dessus, M. Houx.
M. Houx: C'est une bonne idée.
M. Boulerice: Oui. Une dernière question que j'aimerais
vous poser. Vous avez parlé de l'Institut national de l'image et du son.
Quant à sa mise sur pied, vous dites qu'elle connaît des retards
importants. Est-ce que c'est uniquement à cause de l'attente de la
participation financière du gouvernement ou s'il y a autre chose?
M. Houx: D'après moi, oui. J'ai vu le projet il y a
déjà plusieurs mois. En fait, c'est parti, au départ, de
trois grands projets qui se sont regroupés. Finalement, il y avait trois
grands projets d'écoles. Le gouvernement a dit aux trois grands projets:
Regroupez-vous pour n'en faire qu'un. Ils l'ont fait. Ensuite, le gouvernement
leur a dit: Déposez-nous votre projet. C'a été fait.
Normalement, ça aurait dû commencer en 1991, les cours
auraient dû commencer en 1991, mais là le gouvernement leur
demande de refaire leur présentation, les retourne faire leurs devoirs,
et encore faire leurs devoirs. Le projet, tel qu'il est actuellement, est
parfait. Non, j'exagère, il n'y a jamais rien de parfait, mais il est
très très bon, très réaliste et il risque
d'être très efficace. Tout ce que ça va donner, finalement,
c'est que, pour le gouvernement, ça retarde... Parce que, tant que
ça n'est pas accepté, les budgets ne sont pas alloués.
Donc, effectivement, c'est une question de budget si ça ne
démarre pas totalement. Et tout ce que ça risque de faire, c'est
que le beau projet finisse par complètement se diluer et qu'on en vienne
à quelque chose qui ne correspondra plus à la qualité du
projet tel qu'il est actuellement.
Ils sont venus nous voir au syndicat, il n'y a pas tellement longtemps,
et ils ont discuté avec nous, à savoir à quel genre
d'entente ils pourraient arriver sur des tournages, parce qu'ils veulent
vraiment tourner professionnellement, donc en respectant la convention
collective et tout ça. On leur a donné notre appui total. J'ai
discuté avec eux et ils étaient enchantés de notre appui.
Tout le monde les appuie. Le milieu les appuie, tout le monde est d'accord avec
eux. Il y a seulement le gouvernement qui ne suit pas.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques Si vous permettez... Avez-vous conclu?
M. Boulerice: Oui, bien je vais remercier M. Houx, Mme
Dubé et M. Maltais, en retenant qu'ils favorisent les 45 jours, mais
à l'intérieur de la loi comme telle, et que, par contre, ils
soulignent des retards vraiment inacceptables, à savoir deux ans sans
participation à l'IQC. C'est un peu particulier.
Deuxièmement, votre statut face à la Commission de
reconnaissance du statut de l'artiste, je pense qu'il y a des interrogations
à poser et, là-dessus, vous pouvez compter sur nous. Je vous
remercie.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je passe maintenant la
parole au député de D'Arcy-McGee, pour une courte question, s'il
vous plaît.
M. Libman: Merci, M. le Président. Moi, j'appuie fortement
une partie de votre mémoire, mais je vais en contester une autre partie.
J'aime ce que vous avez écrit à la page 10, à savoir que,
dans le marché cinématographique québécois,
l'État aurait un rôle important à jouer pour en assurer la
relance, par exemple par des mesures incitatives, même par le biais
d'abris fiscaux additionnels ou encore par d'autres types d'avantages
correspondants. Je pense que c'est une bonne idée. C'est très
important. Je pense que ça, c'est un message qu'il est très
important de retenir.
Là où je ne suis pas d'accord, c'est sur la question des
contraintes ou des restrictions à votre appui au concept de la
réglementation sur les 45 jours. Je fais référence
à une phrase dans votre mémoire, à la page 2, où
vous dites que "le français à l'écran équivaut
à la reconnaissance et au respect de notre identité culturelle."
Moi, je vous dis que je ne crois pas que cette phrase émotive soit une
justification de la réglementation des films. Je vous donne un exemple.
Quand vous allez voir un film comme "Rambo" ou un film de Woody Allen et que
les paroles qui sortent de la bouche des gens sont en français,
ça ne veut pas dire que ça respecte votre identité
culturelle. Peut-être que les paroles qui sortent de la bouche des gens
sont en français, mais les situations, les attitudes, les gestes, les
manières, même l'histoire de ce film, tout est américain,
c'est un film américain.
Moi, quand je vais voir un film suédois et que j'ai besoin de
sous-titres en anglais, ce n'est pas pour avoir le respect de mon
identité culturelle anglo-québécoise ou anglo-canadienne,
c'est pour comprendre le film. Alors, je vois que vous utilisez un argument un
peu émotif pour justifier la réglementation des films ou la
restriction des autres langues dans les films et je pense que, là, vous
allez un peu trop loin. Je pense que cette affirmation ne correspond pas
vraiment à la réalité.
M. Houx: Oisons que je veux...
M. Libman: Si vous voulez répondre à ça.
Le Président (M. Khelfa): M. Houx, si vous voulez
répondre mais...
M. Houx: Très court.
Le Président (M. Khelfa): ...de façon un peu
courte.
M. Houx: Je vais faire ça très très
rapidement. Pour ce qui est des investisseurs, des abris fiscaux et tout
ça, effectivement, les investisseurs sont très frileux. Donc,
dès que l'économie est chancelante, ça arrête.
Pour ce qui est de l'anglais et du français, personnellement, je
préfère voir les versions originales, parfois
sous-titrées, si le langage est trop rapide. Mais je pense quand
même qu'au Québec il faut que les versions traduites et traduites
ici soient disponibles le plus rapidement possible pour ceux qui
préfèrent les voir de cette façon-là. Ce n'est pas
moi qui vais imposer au peuple québécois de voir un film dans une
langue autre que la sienne.
M. Libman: Je suis d'accord avec vous là. Mais, quant au
fait de restreindre un film pour plus de 45 jours, si une traduction n'est pas
disponible, la raison que vous émettez c'est que c'est pour respecter
notre identité culturelle. Je pense que là vous dépassez
un peu le raisonnement ou la légitimité du besoin d'une version
française.
M. Houx: Je ne crois pas.
Le Président (M. Khelfa): Bon. Merci. Voulez-vous
conclure, M. le député? C'est fini?
M. Libman: Alors, on termine sur ce désaccord,
effectivement.
Le Président (M. Khelfa): Merci
M. Boulerice: C'est votre deuxième à date.
Le Président (M. Khelfa): Je passe la parole, en
terminant, à Mme la ministre, pour conclure.
Mme Frulla-Hébert: M. Houx, Mme Dubé, M. Maltais,
merci. Deux choses. Premièrement, évidemment, quant à
votre représentation sur l'IQC, je vous l'ai dit, nous allons
régler ça dans un bref délai, d'une part.
Deuxièmement, effectivement, on regrette sincèrement que vous
ayez été informés par hasard au niveau de la
fiscalité et de la représentativité. Par contre, on l'a
eu. Bon. Alors, il y a un négatif, mais il y a un positif aussi, et on
va corriger la situation.
Il y a une chose, par exemple, où j'ai un peu de
difficulté, enfin, a vous suivre, c'est au niveau de l'INIS. L'INIS nous
a présenté un projet préliminaire. Nous avons
refinancé et nous lui avons demandé de nous présenter un
projet final, ce qu'il est en train de faire. Nous sommes en attente de ce
projet. Alors, merci.
Le Président (M. Khelfa): Merci, Mme la ministre. Merci,
messieurs, madame, pour votre présentation et votre mémoire. Je
vous souhaite un bon retour. On va suspendre les travaux pour quelques minutes,
pour permettre à l'autre groupe de venir s'installer. Merci.
M. Houx: Parfait! Je vous remercie. (Suspension de la
séance à 17 h 38) (Reprise à 17 h 40)
Le Président (M. Khelfa): Bienvenue à la commission
de la culture, dans le cadre de la consultation sur le projet de loi 117. S'il
vous plaît, voulez-vous vous identifier et identifier les personnes qui
vous accompagnent, madame?
Association québécoise des
réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de
télévision
Mme Lepage (Marquise): Certainement, je me présente,
Marquise Lepage, présidente de l'Association québécoise
des réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de
télévision. J'ai l'honneur d'être accompagnée
à cette commision par M. Arthur Lamothe, qui est un cinéaste qui
n'a pas besoin de présentation, M. Jean-Claude Labrecque, Mme Yolande
Rossignol et M. Jean-Pierre Lefebvre.
Le Président (M. Khelfa): Merci. Vous êtes les
bienvenus et vous avez la parole.
Mme Lepage: On va prendre la parole chacun notre tour. Pour
l'introduction, c'est M. Labrecque.
Le Président (M. Khelfa): D'accord. En prenant la parole,
ce serait intéressant, pour les fins du Journal des débats,
que vous vous identifiiez avant de présenter votre partie, s'il vous
plaît.
M. Labrecque (Jean-Claude): Jean-Claude Labrecque. Mme la
ministre, mesdames, messieurs. Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire de
Sisyphe. Sisyphe, c'est le roi de Corinthe qui avait été
condamné par les dieux pour je ne sais trop quel crime. Il devait rouler
un énorme rocher jusqu'au sommet d'une très haute montagne.
Sitôt était-il arrivé au sommet de la montagne que le
rocher retombait de son propre poids, et le pauvre malheureux devait
redescendre et recommencer pour toute l'éternité.
L'histoire des rapports de notre association avec les instances
gouvernementales au cours des 20 dernières années ressemble fort
à celle de notre héros grec. Nous n'avons pas sitôt
rédigé un mémoire qu'il est renvoyé aux oubliettes
parce que les gouvernements changent, parce que les ministres passent et,
surtout, croyons-nous, parce que les grands commis de l'État n'assument
pas la continuité. Combien de fois, comme Sisyphe, avons-nous
roulé la pierre jusqu'au haut de la montagne pour devoir aussitôt
recommencer inlassablement. Depuis près de 20 ans, nous soumettons les
mêmes requêtes: on les écoute poliment, on les classe et on
les oublie, puis on nous en redemande d'autres. Au fond, je dis, un peu en
riant: Est-ce que vous les lisez? Car vos archives doivent être pleines
de nos recommandations. Encore tout récemment, sollicités par le
comité Arpin, ce groupe-conseil chargé d'élaborer les
grandes lignes d'une politique culturelle, nous nous étions
attaqués à la rédaction de ce nouveau mémoire quand
le projet de loi 117, Loi modifiant la Loi sur le cinéma, nous est
tombé dessus.
Mettez-vous à notre place. Comment croire au sérieux d'un
ministère qui n'attend même pas les recommandations de son groupe
de travail sur une approche culturelle globale pour régler le cas du
cinéma? Comme si le cinéma ne faisait pas partie
intégrante de la culture. Voilà pourquoi nous avons fait parvenir
à votre commission un texte sans doute peu conventionnel, mais qui veut
remémorer deux décennies d'inutilités et de lassantes
répétitions. Aujourd'hui, nous vous proposons un survol
historique, une réflexion critique sur votre projet de loi qui oublie
vraiment l'essentiel: le cinéma, les cinéastes et la culture.
Mme Lepage: M. Arthur Lamothe.
M. Lamothe (Arthur): Mme la ministre, M. le Président,
mesdames et messieurs. Je partirai du postulat qu'un peuple ne peut vivre sans
littérature, pas plus sans cinéma, pas plus pans recherche
fondamentale, pas plus sans unive site. Or, le cinéma, c'est un art
industriel, c'est un art qui nécessite des capitaux, de l'argent et,
à
I
ce compte-là, si on admet ce postulat, il faut faire en sorte que
cette industrie puisse vivre.
Nous avons déjà expliqué, c'était en 1962...
J'ai travaillé au Conseil d'orientation économique. Ça me
fait penser à ce que disait Jean-Claude Labrecque à propos du
mythe de Sisyphe. Déjà, on avait fait cinq ou six rapports, dont
un rapport en particulier sur lequel j'ai travaillé, qui s'appelle
"Cinéma et culture", dans lequel on retrouve toutes les idées
qu'on a, depuis lors, inlassablement répétées dans les
différents mémoires remis régulièrement ici. Moi,
ça fait la troisième fois que je viens à cette commission
et j'ai les cheveux blancs maintenant. (17 h 45)
D'abord, une chose fondamentale. Vous connaissez sûrement
l'économiste W. W. Rostow, qui a écrit "Les Étapes de la
croissance écono-mique", dans lequel il dit que la consommation de masse
arrive après le décollage économique, normalement. Or,
ici, nous avons eu une consommation de masse du cinéma et le
décollage économique n'est venu que plus tard. On consommait des
films sans en réaliser, sans en produire. Nous avons une industrie de
consommation très bien structurée, mais l'industrie de production
est arrivée beaucoup plus tard. Nous parions presque uniquement
d'énergie mise sur la consommation. Or, tout peuple est
aliéné quand il ne voit sur les écrans que les rêves
des autres, fussent-ils traduits. Un film, il ne s'agit pas uniquement de le
créer, il faut qu'il soit vu. Un film, quand il est en boite, il
n'existe pas, il existe quand il est projeté sur l'écran.
Déjà, en 1962 - ç'avait été fini en 1963 -
dans le rapport - ç'avait même fait l'objet d'un projet de loi qui
n'a jamais été déposé, avec Jean Lesage que j'avais
rencontré avec Claude Jutra et Jacques Godbout, à
l'époque, avec qui j'avais fait un rapport - on disait qu'il faudrait
qu'il y ait un contingentement à l'écran. C'est de cette
façon-là que le CRTC, à Ottawa, qui devrait donner des
modèles, a imposé aux télévisions un
contingentement. On sait qu'il faut un certain pourcentage de productions
québécoises à l'écran.
Tous les pays qui ont développé le cinéma se sont
inspirés de ce même modèle. Il n'y aurait pas le
cinéma français, s'il n'y avait pas eu une loi qui a
obligé, après la guerre, un contingentement à
l'écran de 50 % de films français. En Italie, la même
chose. Le cinéma est dans un marasme parce que, face à
l'impérialisme américain Ce n'est pas parce que les
Américains sont des impérialistes, c'est parce qu'ils sont gros,
puissants, donc leur cinéma est vu. Ils ont le "State Department" qui
est directement associé aux "majors", aux compagnies de production, donc
ils imposent leur cinéma. Tout le monde, la planète
entière a été marquée par leur cinéma et
c'est bon parce qu'il y a d'excellents films. On ne veut pas critiquer le
cinéma américain, loin de là.
Alors ici, le cinéma est né de cinéastes qui se
sont acharnés à faire des films, sans distribution, sans
Téléfilm Canada, sans la SOGIC. Nous avons fait des films. Les
maisons de production, c'est les cinéastes qui les ont fondées.
D'ailleurs, l'Association des cinéastes existait avant l'Association des
producteurs. Ce sont des cinéastes - dont Michel Brault, en particulier,
dont on parlait, Anne Dansereau et d'autres, et moi-même - qui ont
fondé l'Association des producteurs. Vous voyez? Cette énergie
féroce là qu'on a mise, au début, à faire des
films, ça a produit les structures actuelles, existantes.
Mais nous avons l'impression, nous, cinéastes, d'être en
deuxième position parce que... On parle beaucoup de doublage et tout
ça, mais ce n'est pas un film doublé qui fait un film
québécois. On est le seul pays sûrement... On ne sait pas
combien de cinéma québécois il y a à l'écran
à l'heure actuelle. On sait combien il y a de cinéma francophone,
mais, de cinéma québécois, on ne le sait pas. Je pense
qu'on n'arrive pas à 5 %. Moi, j'aimerais qu'on arrive à 5 %, et
10 %, ce serait mieux. Sans coercition, on n'y arrivera jamais. S'il n'y a pas
de mesures, de lois incitatives ou même qui prescrivent, coercrtives, on
n'y arrivera jamais. Parce qu'il y a d'excellents films. Pour parler, on
parlera du temps ancien. Par exemple, "Kamouraska" de Jutra. C'est un film,
quand il a été traduit en anglais, que le New York Times, Time
Magazine, Newsweek et tous les journaux américains ont vanté
quand il est passé à Broadway. Ici, il n'avait tenu l'affiche que
deux semaines, au cinéma Saint-Denis. Donc, le temps écran est
très minime. Combien y a-t-il de cinémas à
Montréal? On avait des films américains de bas étage, de
moins bonne qualité, d'après tous les experts, qui tenaient
l'affiche longtemps parce que personne n'était récompensé
de passer du cinéma québécois à l'écran.
D'ailleurs, les associations de distributeurs vivent surtout de films
étrangers qu'elles programment. Nous, les cinéastes
québécois, nous vivons de films québécois.
Puis, l'année du cinéma... Par exemple, si on comparait
ça à l'automobile, on écouterait les doléances des
distributeurs d'automobiles au lieu de celles des producteurs d'automobiles.
Donc, par conséquent, le cinéma, l'économie de
marché, dans la situation où on est, dans de petits pays comme la
Suède, le Danemark, qui sont dotés d'une cinématographie,
c'est l'État qui s'en est occupé. On le sait parce que l'Etatdépense beaucoup. On remercie l'État d'avoir mis sur pied des
organismes comme la SOGIC qui nous permettent d'aider au financement des films.
Je dirais, en particulier, que la SOGIC... On en reparlera. Nous avons certains
reproches à faire concernant le fonctionnement de la SOGIC. L'ARRFQ
avait d'ailleurs soumis un rapport, quand on a créé la SOGIC,
pour demander que cette firme étatique soit plus créatrice. En
particulier, on avait demandé qu'il y ait cinq chargés de projets
et qu'ils soient véritablement
complices des cinéastes depuis le départ du film, depuis
l'idée, jusqu'à la fin du film, pour rendre le fonctionnariat
plus créateur et le récompenser pour le succès d'un film
en l'associant à un succès. Ce n'est pas parce qu'on est
fonctionnaire qu'on n'est pas créateur, mais il faut des conditions
valables pour cela.
Par exemple, la chanson s'est développée beaucoup parce
que la chanson est un art qui ne demande pas de capitaux. Le cinéma
demande des capitaux pour la distribution, pour la mise en marché. Mais
tant qu'on n'aura pas l'embryon, un contingentement à l'écran,
quel qu'il soit, il n'y a rien à faire, parce que, de toute
façon, l'État perd de l'argent automatiquement. Ne prenant pas de
mesures pour favoriser la projection des films à l'écran, il n'a
pas les revenus. On le sait très bien.
Je me rappelle, à l'époque, existait la taxe d'amusement.
La taxe d'amusement, c'est le premier projet de loi sur lequel j'ai
travaillé, sur lequel M. Pigeon a travaillé et qu'il a
révisé. Moi, j'ai même travaillé avec Marc Lalonde.
On ne peut pas tenir Marc Lalonde comme un parangon du patriotisme
québécois. Mais même Marc Lalonde disait à ce
moment-là: C'est obligatoire qu'on ait un contingentement à
l'écran, le raisonnement est excellent.
Il faut prendre des mesures coercitives pour avoir un contingentement de
films québécois à l'écran, comme on l'a fait
à la télévision. Ottawa a pris des mesures. Sinon, on
n'aurait pas eu "Les Filles de Caleb" à la télévision,
mais on aurait eu des "Dallas" et des "Dallas", en veux-tu, en voilà! Il
ne se serait pas mis sur pied une industrie de production de films de
télévision efficace, de création, de créateurs de
télévision efficaces et de grand talent, si certaines mesures
n'avaient pas été prises, certaines mesures qui, au
départ, faisaient du mal, étaient coercitives.
Le cinéma est dans la même situation. Il faut
écouter les cinéastes, parce que les cinéastes ne sont pas
heureux. Ils sont heureux quand leur film est présenté. Ils sont
heureux de le faire, mais aussi qu'il soit présenté, qu'il ait
accès à une audience, qu'il y ait des mécanismes pour
favoriser sa diffusion, mais pas uniquement à la
télévision. Sinon, à ce moment-là, faisons une
émission de télévision, ne faisons pas de films, tournons
une vidéo. Bon. D'ailleurs, le cinéma québécois
à l'étranger - beaucoup d'entre vous sont allés à
Cannes et ailleurs - apporte un certain prestige au Québec et le
Québec se fait beaucoup connaître par ses films. Mais ici... Bon.
Alors, c'est pour ça que c'est un art industriel, et qu'il faut trouver
les moyens, les mécanismes les plus efficaces... Il faut de l'argent, il
faut des créateurs et les mécanismes les plus efficaces possible
pour que l'argent rejoigne les créateurs.
Mme Lepage: Alors, je vais demander à M. Lefebvre de nous
expliquer les attentes que les cinéastes avaient au début,
lorsqu'on attendait la loi 1 sur le cinéma. M. Lefebvre.
Le Président (M. Khelfa): M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Jean-Pierre Lefebvre. Mme la ministre,
M. le Président, mesdames et messieurs. Moi, je travaille dans le
dramatique. Je vais un petit peu moins improviser qu'Arthur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Alors, sur le plan historique, il est
indubitable que l'image culturelle du Québec a très très
largement contribué à son image politique, le cinéma
venant mettre à jour et au jour, dans les années soixante, ce que
la chanson, la poésie, la littérature et le théâtre,
principalement, avaient déjà chanté, "parole". Mais,
à ce moment-là, le cinéma québécois n'avait
que des boeufs, c'est-à-dire nous au res, les cinéastes. Il nous
manquait une charrue II était donc historiquement logique d'avoir ( ette
charrue, c'est-à-dire une institution qui pern ette d'élargir,
d'alimenter et de soutenir la relîtion nécessaire entre le public
et les cinéastes québécois, entre les images vitales de
nous-mêmes qui sont garantes d'une culture vivante.
C'est ce que nous attendions d'une loi sur le cinéma. Mais nous
voulions toutefois une institution autonome et non pas une succursale des
pouvoirs politiques. Une institution qui ne succombe pas, d'autre part, ainsi
que nous en avons abondamment parlé dans notre mémoire de 1977,
qui s'appelait "La Culture et le cinéma au Québec" - on vous en
donne un résumé dans notre mémoire - premièrement,
aux modèles étrangers, surtout américains;
deuxièmement, à la culture marchandise; troisièmement,
à la culture propagande. Et puis, nous ajoutions même: Car depuis
une vingtaine d'années, depuis les toutes premières
manifestations de notre cinéma, nous avons assisté à la
chose suivante: premièrement, le capital humain investi, très
souvent sans aucune rémunération financière, par les
travailleurs du cinéma québécois s'est vite
transformé en capital culturel; deuxièmement, ce capital culturel
s'est, pour sa part, transformé en capital politique;
troisièmement, le capital politique ainsi acquis a attiré le
capital financier et, quatrièmement, le capital financier a
neutralisé, ou en le récupérant, ou en le rejetant, le
capital politique, culturel et humain acquis grâce aux travailleurs du
cinéma québécois.
Nous souhaitions une coordination cohérente et efficace entre
cette dite institution, qui s'appela d'abord l'Institut québécois
du cinéma, pour devenir la Société générale
du cinéma, pour devenir la SOGIC, et les secteurs cruciaux, d'abord de
l'éducation, donc la présence de la culture et du cinéma
québécois dans les écoles dès le primaire, et,
deuxièmement, de la diffusion, qu'il s'agisse de la diffusion des films
en
salles ou de la diffusion des films à la
télévision.
Enfin, nous voulions des structures industrielles réelles
permettant l'autonomie en question, par exemple, une contribution de tout le
box-office à un fonds de cinéma, aussi bien, par exemple, que la
détaxation des films québécois, car, alors comme
aujourd'hui, le système ressemblait, et ressemble toujours, à un
système de bourses, sinon de loteries. Alors, ce que nous avons voulu au
niveau de la loi, c'est donc une charrue, mais pas devant les boeufs,
derrière les boeufs, c'est-à-dire derrière nous autres,
derrière la création, et ce n'est pas un "nous" de
majesté, c'est un "nous" historique par la force des choses. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. Lefebvre. Votre temps
de présentation étant écoulé, je passe la parole
à Mme la ministre des Affaires culturelles. Madame... Pardon?
Mme Lepage: Si Mme la ministre nous le permet, on aimerait faire
une conclusion très brève, qui va prendre deux minutes.
Le Président (M. Khelfa): En accord avec l'Opposition.
Mme Frulla-Hébert: Oui, Mme Lepage, allez- y-
Le Président (M. Khelfa): Vous avez quelques minutes,
rapidement, madame. (18 heures)
Mme Rossignol (Yolande): Alors, brièvement, vous pouvez
mesurer vous-même, c'est assez simple, qu'aucune des trois dimensions
dont Jean-Pierre vient de parler ne s'est actualisée, disons, de la
façon que nous l'avions espéré. Pire que ça, en ce
moment, le cinéma est décidé par des personnes de type
gestionnaire qui, en fait - je saute des pages, vous voyez là,
rapidement -dictent des normes de création cinématographique et
télévisuelle au ras du sol, c'est-à-dire qu'elles sont
investies du talent des cinéastes et de l'argent des contribuables et
qu'elles gèrent ça de telle manière, selon leurs normes et
en fonction des modèles étrangers et des modèles
américains, ce qui est exactement le contraire de ce que nous avions
préconisé. Ils espèrent toujours qu'ils vont trouver la
recette qui va permettre des succès futurs à l'infini. Ça
se saurait et ça se serait su dans le monde entier si cette
recette-là existait et les gens s'en serviraient. Elle n'existe nulle
part, mais eux la c hierchent toujours. On a entendu certains d entre eux dire,
n'est-ce pas, des gens de la SOGIC, qu'il ne fallait pas produire de films
moins importants que ceux qui pouvaient être présentés
à Cannes. C'est vous dire combien ils croient à la
fécondation ou à l'humus.
Évidemment, il y a un vaste problème au niveau de la SOGIC
parce qu'elle atteint, face à la réalité
cinématographique, un tel degré d'incohérence que nous -
et là, c'est très important - les réalisateurs et les
réalisatrices, actuellement, nous redouterions comme une catastrophe que
cette institution-là, la SOGIC donc, puisse rapatrier plus de pouvoirs
et plus d'argent des institutions fédérales. Ce serait une
catastrophe pour nous si la SOGIC devait avoir plus de pouvoirs et plus
d'argent. On espère donc que ça va rester au
fédéral. Si cette stratégie de gestion là a pour
but de maintenir chez les cinéastes l'appétit du statu quo, c'est
tout à fait réussi.
Évidemment, sur cinq des postes clés qui décident
de l'avenir des projets, H y en a un seul, et c'est tout récent, qui est
détenu par une femme. Je vous passe sous silence le nombre de films qui
ont été produits par des femmes durant les 10 dernières
années.
Alors, ça vous indique qu'il y a un très très grave
problème dans des institutions névralgiques. On n'est pas du tout
heureux de ce qui se passe. Ça indique à quel point ces
institutions sont loin du Québec, de la population du Québec et
de ses créateurs et, évidemment, on a le sentiment d'avoir
été joués. C'est là qu'on en est en 1991.
Le Président (M. Khelfa): Merci. Avez-vous terminé
votre conclusion?
Mme Lepage: Ha, ha, ha! Pas tout à fait parce que je
voulais féliciter le ministère pour une magnifique brochure qui
nous est arrivée l'année dernière...
Le Président (M. Khelfa): Pour des félicita tions,
vous pouvez continuer.
Mme Lepage: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Faites attention! Le pot n'est pas arrivé
encore.
Le Président (M. Khelfa): J'apprécie,
André.
Mme Lepage: En juin 1990, on a reçu ça, "Le
Cinéma au Québec". C'est un document de travail pour fins de
consultation avec les organismes dans le milieu cinématographique et,
là-dedans, il y a des choses extraordinaires que je voulais citer. Par
exemple, on dit que, dans l'élaboration d'une politique en
matière de cinéma, l'État devrait prendre en
considération les difficultés de ceux et celles qui y oeuvrent et
qu'il devrait réaffirmer ses orientations en matière de
développement social et culturel, ce sur quoi on est tout à fait
d'accord. On dit aussi: Le gouvernement doit assurer aux créateurs la
liberté de créer et de proposer des moyens qui permettent
à diverses formes d'expression de se manifester. La coexistence des
genres, des formes doit continuer d'être possible
et même encouragée et c'est là un des objectifs
principaux qui sous-tendront les orientations en matière de
cinéma.
On parle plus loin de l'importance du cinéma dans l'affirmation
de l'identité culturelle. Le ministère écrit dans ce
document que les moyens qu'on consacre au maintien d'une création
cinématographique originale contribuent en même temps à
soutenir cette identité culturelle. Puis on finit un peu plus loin, en
disant: II apparaît essentiel qu'au Québec des mesures
spécifiques soient prévues pour favoriser le développement
d'un cinéma d'art et d'essai, du documentaire, bref du cinéma qui
ne connaît pas toujours un succès commercial, mais dont l'apport
est si important au renouvellement du cinéma.
Je dis donc qu'il y a des gens au ministère qui semblent avoir
compris des choses importantes. En ayant compris tout ça, pourquoi le
ministère ne met-il pas en place des lois, des règles et des
personnes soucieuses de respecter ces principes fondamentaux? Pourquoi aussi ne
pas profiter de cette ouverture de la loi pour y intégrer les larges
pans qui y manquent? Pourquoi ne pas être plus loquace sur la SOGIC, par
exemple? Le ministère n'a donc pas eu vent de l'insatisfaction
généralisée? Comment se fait-il que le ministère
des Affaires culturelles n'ait pas plus à coeur le travail des
cinéastes québécois qui oeuvrent depuis des
décennies au renom du cinéma québécois, ici comme
ailleurs? C'est à toutes ces questions, ainsi qu'à toutes celles
soulevées par mes collègues, que nous voudrions vous voir
répondre. Ce qui nous embête dans ce projet de loi, c'est vraiment
tout ce qui y manque.
Le Président (M. Khelfa): Mme la présidente, vous
pourrez compléter votre réponse au cours de l'échange avec
la ministre des Affaires culturelles. Vous avez 12 minutes et demie, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Alors, ceci dit, premièrement,
vous savez qu'une commission parlementaire, c'est une occasion, finalement,
privilégiée pour que les gens puissent s'exprimer. Je comprends
maintenant - et je vous comprends aussi - votre impatience, mémoire
après mémoire. Alors, vous vous êtes assurés qu'on
ait un mémoire qui se lirait vite. Nous l'avons lu.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: Ceci dit, je pense qu'il y a deux
choses. Il y a la loi 117 qui parle du doublage, qui parle du classement. On
doit sortir cette loi-là parce que, bon, il y a toute la distribution
des films, etc. Donc, il y a la loi en elle-même, qui est technique,
finalement, et le législateur doit entendre des groupes, justement pour
savoir, bon, autant au niveau du doublage, du classement et tout ça, ce
qu'il serait bon de faire, puis il y a la politique sur le cinéma.
Les consultations que vous avez faites au niveau de la politique du
cinéma n'ont pas été vaines, loin de là. Il y a une
politique du cinéma qui est là. Il y a aussi tout l'audiovisuel
en général, mais, pour reprendre la position, avant vous, de
Serge Turgeon, le président de l'Union des artistes, c'est que c'est
difficile de sortir une politique du cinéma ou,
préférablement, de l'audiovisuel avant d'avoir la politique
globale et l'énoncé, qui sortira le 14 juin, en fait, pour
l'aboutissement d'une politique culturelle globale.
Ceci dit, quand on me parle de mesures qui devraient être
instaurées, au niveau de la billetterie, par exemple, ou d'autres
mesures, ça, c'est dans la politique, ce n'est pas dans la loi. Ce n.ui
ne veut pas dire qu'on n'a pas cette préoccupation. Ce qui ne veut pas
dire non plus qu'on n'est pas conscients du besoin et, deuxièmement
aussi, de certaines lacunes qui existent au niveau de certains fonctionnements
ou, enfin, de la cohérence, si on veut, entre certains organismes. Ce
qui me décourage un peu, par exemple, et où je veux pousser plus
loin, c'est - et c'est une question que je vous pose - l'espèce de vent
un peu pessimiste. Vous nous dites: On ne sait pas combien il y a de films
québécois sur nos écrans. On a des données. Nous,
on dit que c'est 16 %. Ce n'est pas suffisant, je suis d'accord avec vous, mais
voilà le chiffre. Là, il y a de l'argent quand même qui a
été pompé à date. Ce n'est pas suffisant, je suis
d'accord avec vous, mais il y a de l'argent qui a été
pompé à date. Est-ce que toutes les mesures qui ont
été mises durant ces dernières années, selon vous
qui êtes en bout de ligne, ont été vaines?
Mme Lepage: J'ai bien l'impression que oui. J'ai l'impression
qu'on a vécu un net recul. Moi, j'ai relu, depuis un mois, tout ce que
les réalisateurs ont écrit justement depuis 20 ans et ce qu'ils
demandaient, que ce soit pour la loi ou pour des politiques cohérentes
en matière de cinéma. Il ne s'est à peu près rien
fait et, dans les cinq dernières années, il y a eu un net recul
au niveau, justement, de tout ce qu'on vous disait, au niveau du cinéma
d'auteur, au niveau du court métrage, au niveau de la relève.
Depuis 10 ans, la SOGIC plafonne à 10 % pour les films
réalisés par des femmes. C'est toutes sortes de trucs qui font
qu'il nous semble aberrant, en 1991, qu'on se retrouve devant une situation
aussi affolante. Ce n'est pas normal, dans une société
équitable, dans une société qui veut stimuler la
relève, dans une société qui se dit fière de sa
culture. Ce n'est pas normal non plus qu'il y ait eu une espèce de
tournage de cap sur le commercial à tout prix, comme disait Yolande, sur
l'espèce de recette du box-office. Or, on a prouvé hors de tout
doute que ces films n'étaient pas plus rentables que les produits dits
plus
culturels et que, donc, la société
québécoise, en ne privilégiant que ce genre, est perdante
doublement, et financièrement et culturellement.
Mme Frulla-Hébert: C'est important pour nous de savoir
ça. Comme je vous le dis, au niveau de la loi, la loi s'est
attardée, et beaucoup, au classement, à tout le
phénomène du français à l'écran, d'une part,
et aussi à des mesures incitatives, en tout cas, et c'est ce dont on
discute, pour justement inciter ou amener le doublage au Québec. Il y a
le problème aussi, enfin, tout le côté distribution
là, et certaines associations de distributeurs viendront nous faire part
de leurs commentaires demain.
Mais je reviens encore à ce que vous dites parce que c'est quand
même relativement important. La SOGIC a un budget d'à peu
près 12 000 000 $ ou 13 000 000 $. Il y a 1 500 000 $ d'augmentation qui
ont été mis au niveau de la relève depuis deux ans. Vous
me dites que ça là, c'est...
Mme Lepage: Mais ce que le Syndicat des techniciens relevait tout
à l'heure, c'est que la grande majorité, sinon la totalité
des fonds de la SOGIC, qui devait être consacrée
supposément à la relève, a été
consacrée à un concours qui s'appelait "Les 16-26", qui devait
voir émerger de nouveaux talents.
Or, effectivement, on m'a proposé de le faire et, moi, j'ai dit:
Mais non, je suis vieille. J'ai refusé. Après ça, j'ai
appris qu'effectivement Michel Brault, qui est mon aîné de
quelques décennies, avait réalisé un 16-26, etc. Je n'ai
rien contre Michel, sauf qu'il a été plus intelligent que moi en
sachant très bien que ça ne serait pas ça qui se passerait
concrètement. La moitié, sinon plus, des films des 16-26 a
été réalisée par des gens qui avaient fait plus
d'un, deux, trois, quatre ou cinq films et c'a été pris à
partir du budget de la relève. Les scénarios avaient
été écrits par des gens de moins de 35 ans pour la
majorité, mais les réalisateurs n'étaient pas
principalement des gens de la relève.
Mme Rossignol: La moyenne d'âge était
d'au-delà de 35 ans.
Mme Lepage: Et hautement.
Mme Rossignol: La moyenne d'âge des gens qui ont
profité de ce projet-là était d'au-delà de 35
ans.
Mme Lepage: Alors, ça n'est pas ce que j'appelle un
programme encourageant la relève, vraiment.
Mme Frulla-Hébert: Nous avons pris aussi ensemble
connaissance des représentations, finalement, que vous avez faites, au
niveau de l'IQC Finalement, vous avez proposé, vous, des changements
dans le rôle justement des organismes d'État. On en parle.
Pour tout ce qui concerne la planification triennale, par exemple, on
demande aussi un changement quant aux responsabilités respectives des
organismes et de la ministre. Il y a un changement, là, qu'on propose.
Est-ce que vous trouvez que c'est une amélioration ou, encore là,
est-ce que vous trouvez que c'est...
Mme Lepage: Bien, les plans triennaux c'est très
intéressant, mais ça dépend qui les gère.
Actuellement, à la SOGIC, on considère que les gens qui sont
là sont peut-être de bons gestionnaires éventuellement,
mais sûrement pas de bons gestionnaires de culture. Ce sont des gens qui
connaissent mal la culture, qui connaissent mal le cinéma
québécois et qui se désintéressent
complètement, qui ne veulent même pas parier aux
réalisateurs, par exemple, qui ne veulent pas donner de rapports de
lecture aux réalisateurs, qui se ferment de plus en plus au milieu.
Actuellement, je n'encouragerais pas un plan triennal avec l'institut tel qu'il
est. Moi, je pense qu'il faudrait repartir sur des bases complètement
nouvelles.
Et l'insatisfaction dans le milieu est telle qu'on songe à une
occupation, comme H y a eu en 1974, tellement on trouve que c'est un milieu
dont on a été complètement
dépossédés, alors que ça venait des
réalisateurs, que c'était une demande des réalisateurs
d'être encadrés, d'avoir un institut qui soit là et avec
lequel Us pourraient travailler. Là, ce dont on a l'impression, c'est
qu'on travaille contre la SOGIC. C'est incroyable. Je suis en train de monter
un budget et on essaie de faire tout ce qu'on peut pour ne pas avoir à
aller chercher des sous à la SOGIC parce que c'est inextricable, c'est
de l'incompétence, c'est des délais pas possibles, et...
Mme Rossignol: Et des silences pas possibles.
Mme Lepage: C'est des silences. Quand un truc est refusé,
on demande pourquoi c'est en attente et on nous dit: On n'a pas de comptes
à vous rendre.
M. Lamothe: Un exemple qui illustrerait... Le
Président(M. Khelfa): M. Lamothe.
M. Lamothe: J'ai un exemple qui illustrerait cela. J'ai produit
le film "Oliver Jones in Africa". Oliver Jones, c'est un pianiste de jazz
très connu, mondialement connu, qui est Québécois. Je n'ai
pas pu avoir d'argent de la SOGIC. Je comptais faire le budget avec de l'argent
de la SOGIC. Je voulais avoir 70 000 $ de la SOGIC. J'ai essayé de
trouver l'argent ailleurs. Ils n'ont pas répondu, ils ont
contesté le fait qu'il soit
Québécois, ils ont dit que c'était parce que le
batteur était né en Ontario. Mais le batteur, il n'y avait pas de
chèque qui était fait au batteur. Le voyage était
payé par les Affaires extérieures du Canada. Simplement, on
payait Oliver Jones, le trio Oliver Jones. Le trio Oliver Jones réside
à Montréal-Nord. Ils n'ont pas donné l'argent. On a
réussi à le finir, à faire le budget juste la veille du
jour où le réalisateur devait partir. J'ai trouvé de
l'argent à Ottawa, aux Approvisionnements et Services et au
Multiculturalisme, qui ont complété le budget, plus un
investissement des producteurs et du réalisateur.
On a envoyé une lettre d'avocat - notre avocat a analysé
ça et il a conclu que c'était faux, la position de la SOGIC - et
on n'a pas eu de réponse, malgré plusieurs appels que j'ai faits
à la SOGIC. On n'a pas eu de réponse. Et c'est il y a un an et
demi. On n'a pas eu de réponse. Donc, pour "Oliver Jones in Africa", le
film sur Oliver Jones, il n'y a pas eu d'argent du gouvernement du
Québec et c'a été diffusé par TV-Ontario.
Mme Lepage: Non, c'est...
M. Lamothe: Et le film a gagné le premier prix du festival
de Mannheim, qui, sur le plan du documentaire, est le festival le plus
prestigieux qui soit. (18 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Au niveau d'un organisme comme la
SOGIC, est-ce que vous croyez qu'il y a lieu d'avoir un organisme de cette
nature, d'une part? Deuxièmement, si oui, est-ce qu'au niveau de
l'organisme... On parlait, finalement, de considérations au niveau des
projets, non pas sur une base culturelle, mais beaucoup plus sur une base
gestionnaire et économique. Est-ce que c'est ça, finalement, qui
fait que la situation empire au lieu de s'améliorer? Parce qu'il faut
quand même le regarder de notre côté. Évidemment, les
budgets au niveau de la SOGIC, encore là, il faut trouver des sous pour
ça, je suis d'accord avec vous et on doit cheminer ensemble. Mais, au
niveau de la SOGIC, les budgets augmentent. Alors, est-ce que la
réaction est de dire: Si ça ne donne rien, finalement, on va
mettre l'argent ailleurs, ou bien...
Mme Lepage: Je pense qu'il y a une très mauvaise gestion
à la SOGIC. Je pense que c'est dû, notamment, au fait qu'il n'y a
pas de créateurs à aucun poste de décision. Je ne voudrais
pas qu'il y ait des créateurs en conflit d'intérêts,
c'est-à-dire qui demandent des subventions en même temps qu'ils
siègent à la SOGIC, mais je pense qu'il y aurait sûrement
des créateurs intéressants qui arrêteraient, qui se
dévoueraient pendant un an, deux ans, trois ans à travailler dans
un organisme comme la SOGIC.
Là, c'est un organisme complètement
désincarné: même les directeurs de projets sont des gens
qui ont très peu de contacts avec le cinéma, sinon par la porte
d'en arrière. C'est des gens qui défendent mal leurs positions et
qui, donc, se retranchent, justement - c'est un peu un réflexe,
évidemment, quand tu connais mal les dossiers - derrière un
téléphone ou derrière des portes fermées. Il n'y a
aucune discussion possible.
Ils ont même coupé les rapports de lecture pour être
sûrs d'avoir le plus grand pouvoir possible, ce qui est aussi scandaleux.
C'est quand même incroyable. Il y a des cinéastes qui travaillent
trois ans, quatre ans, cinq ans sur des scénarios, qui se font refuser
ou accepter, d'ailleurs, sans aucune explication. Tu ne sais pas, c'est
à la discrétion de trois personnes qui ont à lire ces
projets-là. C'est quand même aberrant, dans une
société publique qui gère des millions, qu'il n'y ait pas
un minimum de rapports avec les gens qui travaillent à la base et qui
travaillent souvent, d'ailleurs, gratuitement. C'est un minimum de respect pour
ce travail-là. La SOGIC a décidé de couper comme
ça, sans consulter. Encore là, c'est des choses que tu apprends
par hasard. Tu téléphones pour vérifier et on dit: Bien
oui, on manque de sous. J'ai rappelé, vu qu'ils avaient eu un nouveau
budget, pour voir s'ils allaient réintégrer ça et,
là, ils m'ont dit: Oui, mais ce n'est pas seulement les sous, ça
nous embêtait un peu, ça nous enlevait du pouvoir.
Carrément! Ils ne sont pas très subtils.
Justement, est-ce qu'on pourrait rétablir ça pour rendre
ça un peu plus démocratique, ce genre de décisions? Il me
semble qu'il y a un minimum de démocratie à réinstaller
parce que la crédibilité de la SOGIC est en danger, plus qu'en
danger, en péril.
Mme Frulla-Hébert: Bon. Rapidement, puisque c'est la
dernière question. Je veux juste changer de sujet parce qu'il y a, comme
je vous l'ai dit, dans le projet de loi en soi, évidemment, le
français à l'écran, mais aussi le classement. Je comprends
aussi, selon vos positions antérieures, que le classement de films peut
être, selon vous, quelque chose de contraignant et qu'on devrait laisser
aux éducateurs et aux parents le choix de réglementer, si on
veut, finalement, à la mason, et que le classement ne devrait être
qu'indcatif et non pas une mesure restrictive. Il y a d'autres groupes,
évidemment, qu'on a rencontrés, des psychologues, des parents,
etc., les semaines passées, qui, eux, étaient d'avis
complètement contraire. Êtes-vous capable, rapidement,
d'élaborer un peu là-dessus?
Mme Lepage: Nous seront très brefs. Nous sommes contre la
censure. Alors, on n'a délibérément pas parlé de ce
thème-là en particulier parce qu'on trouvait, effectivement, que
c'était aux parents, aux éducateurs, aux gens avec qui ces
enfants vivent de prendre des décisions face
à ce qu'ils doivent voir ou non. À part la pornographie
pure et dure, on ne voit pas vraiment de problème majeur quant à
la classification des films. On ne s'est pas prononcés là-dessus
volontairement.
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Le Président (M. Khelfa): Merci, Mme la ministre. Je passe
la parole au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Labrecque a bien fait de nous rappeler le mythe
de Sisyphe et M. Lamothe est allé, je crois, au fond des choses en
parlant d'industrie de consommation. Oui, effectivement, après, on a
commencé dans la production. Sauf qu'on ne s'est jamais donné les
moyens d'une consommation d'une production nationale. Tout réside
là-dedans, un point c'est tout.
On ne se les ai pas donnés, soit, d'une part, parce qu'on n'avait
peut-être pas certains pouvoirs politiques qui étaient utiles. Par
exemple, pour la musique et la chanson, c'est le CRTC qui décide que
ça va être 60 % - mais entre minuit moins quart et 3 h 40 - de
musique francophone. Ou encore, c'est parce qu'on se sentait gênés
en disant: Mon Dieu, est-ce que ça va être ethnocentrique si on
donne un certain p ivilège à nos propres produits? Or, on sait
fort ben que le pays le plus ethnocentrique, c'est n )tre voisin du sud, c'est
les États-Unis, où 9),99 % des films qui passent à la
télévision a néricaine, à l'exception
peut-être du réseau PBS, sont des films américains, on ne
peut plus Hollywood que cela. Et personne à date ne reproche aux
Américains d'être ethnocentriques. Je pense qu'ils se glorifient
d'être ethnocentriques. Ils ont d'ailleurs appelé ça du
patriotisme, eux. Nous, c'est de l'ethnocentrisme, si, par malheur, on veut
donner un avantage à nos produits culturels et leur donner une
diffusion.
M. Lamothe disait que "Kamouraska" était passé au
Saint-Denis. Bravo! "Le Déclin de l'empire américain"
était au Crémazie, une salle excentrique dans le nord, et
à Place Longueuil, une salle excentrique, l'autre bord de cette belle
rivière que l'on appelle le fleuve Saint-Laurent. Durant ce
temps-là, vous aviez, dans les grandes salles du centre-ville, "Rambo"
394 bis. Est-ce que c'est ça de favoriser? Et, au même moment, je
tiendrais à vous le rappeler, la prédécesseure de la
prédécesseure de l'actuelle ministre, Mme Bacon, a laissé
vendre le réseau de salles qui appartenait à France Film. Il n'y
a plus aucune salle, aucun grand réseau de salles qui appartient
à des intérêts québécois. Ils appartiennent
à des intérêts ontariens, qui sont une façade
d'intérêts américains, et ce sont eux qui diffusent.
Si M. Lefebvre parlait tantôt d'une culture étatique, au
sens le plus péjoratif du terme, moi je trouve que le plus grave danger
qui nous menace maintenant, c'est la culture corporative, c'est-à-dire
celle des grandes industries, de ce nouveau dieu que l'on prie tous les jours
et qui s'appelle le mécénat. Ce qui fait qu'en contrepartie, si
on avait peur d'un dirigisme de l'État, nous ne verrons bientôt
qu'une culture Provigo. Est-ce que cette orientation-là est moins
dangereuse que celle dite de l'État qui, elle, s'appelle propagande?
Non, je pense que c'est tout aussi dangereux. On ne verra que ce que les
grandes nationales ou multinationales voudront bien nous laisser voir dans tous
les domaines. La création, l'expérimentation... On verra. Je ne
sais pas où cela va en venir.
Vous, vous avez fait une critique on ne peut plus sévère
de la SOGIC.
Mme Lepage: Et on a résumé.
M. Boulerice: Je dois vous dire que bien des intervenants en
coulisse m'en ont parlé, sauf que j'apprécie votre franchise.
Vous le faites et vous savez que c'est enregistré. Voilà! Bien
des gens, malheureusement, par crainte de représailles - mais crainte
justifiée, je vous l'avoue, je ne leur porte pas de blâme - ont eu
peur. Vous, vous nous le dites. C'est déjà un bon pas de
marqué.
Si vous dites qu'un plan triennal de soutien financier peut être
intéressant pour le cinéma, compte tenu de la situation de la
SOGIC, compte tenu que la SOGIC souffre du syndrome du box-office, qui est une
maladie incurable dans son cas, qui, d'après vous, devrait administrer
ce plan triennal de soutien?
Mme Lepage: Je répète qu'il faudrait qu'il y ait
des créateurs, comme on le disait au comité Arpin, qui en fassent
partie, et non seulement à des tables de consultation, comme on le fait
depuis 20 ans, parce que, comme le soulignait Jean-Claude, on en a marre. On en
a marre surtout quand on trouve que le ministère a l'air d'avoir tout
à fait bien compris, saisi les enjeux et que, concrètement, il ne
se passe rien. Quand on voit qu'à la SOGIC, plus ça va, plus
ça se referme, au contraire, qu'ils se parient entre fonctionnaires et
que les créateurs sont de trop, je me dis qu'il est grandement temps
d'entrer des gens qui ont le souci réel de la culture, du cinéma
et que ça va beaucoup changer, je pense, l'image d'un plan triennal.
Ça va enlever seulement le gestionnaire de ça. Ce n'est pas une
industrie de petits pois qu'on va mettre en conserve, c'est des films, c'est
l'identité d'un peuple. Et c'est vrai ce que M. Lamothe disait: C'est
important de dire quel pourcentage il y a d'écrans francophones, mais
c'est encore plus important de réclamer des écrans
québécois.
Vous savez qu'il y a trois cinémas chinois à
Montréal; Montréal fait vivre trois cinémas chinois et pas
un seul cinéma québécois. C'est quand même
incroyable que trois cinémas soient occupés pendant toute
l'année par une minorité
ethnique quand même assez infime et que 6 000 000 de personnes ne
puissent pas faire vivre un seul écran à temps plein pendant 52
semaines, que les créateurs ne puissent pas récupérer,
effectivement, des équipements importants pour montrer leurs films et
qu'il n'y ait pas des appuis importants pour prolonger la vie des films qui
sont souvent tués parce que d'autres films américains de
série B, C ou E doivent entrer. Ce sont les "majors", à qui
appartiennent les cinémas, qui poussent des produits souvent de haute
qualité, parce que, ce qu'il faut dire, c'est que souvent les films
québécois qui ne passent pas beaucoup de temps à
l'affiche, ce n'est pas nécessairement à cause d'une
piètre qualité, mais bien à cause justement, comme vous le
souligniez, des propriétaires de salles qui ont intérêt
à faire des faveurs à un tel, parce qu'ils savent qu'ils vont
avoir un "Rambo" dans six mois et que ça, ça va être bien
bon pour leur box-office. C'est tout ça aussi qu'il faudrait un jour
avoir le courage de régler sur notre territoire.
M. Boulerice: Vous touchez un point qui est très propre
à notre quartier, le centre-sud, puisque le Champlain est une
église maintenant et que l'Électra est un cinéma où
on présente des films...
Mme Lepage: Oui...
M. Boulerice: ...en langue asiatique, effectivement. Donc, il n'y
a plus rien effectivement. Bon. On a parlé du classement, etc., mais
comment pouvons-nous donner le goût d'une cinématographie
nationale, québécoise, alors qu'on sait fort bien qu'elle va
s'exprimer en français, puisque c'est notre langue, et que la place des
films en anglais est incommensurable sur nos écrans? Mme la ministre
parlait de 16 %, mais ça inclut la vidéo, parce que, si on parie
juste du cinéma, c'est 3 % ou 4 %, c'est tout.
Mme Lepage: M. Lefebvre va répondre à
ça.
M. Boulerice: Oui. Mais non, je veux juste terminer, si vous le
permettez, M. Lefebvre. Comment allons-nous donner cette habitude? Vous savez,
je fais une image qui, des fois, est un petit peu "bebête", mais je pense
qu'elle s'applique. Quand je parle de consommation, je dis que c'est comme la
saucisse Hygrade: plus le monde en mange, plus il l'aime, plus il l'aime, plus
il en mange. Plus on va présenter de cinéma
québécois, plus les gens vont l'aimer et plus ils vont l'aimer,
plus on va en faire. Je veux dire, c'est une loi de la nature.
Alors, là, il y a l'abolition de l'article 109, certes, qui
n'était peut-être pas appliqué, mais il n'y a aucune
alternative quant au financement des productions québécoises.
Mais comment va-ton en faire? Si on n'en fait pas, comment les diffuse-t-on? Et
si on ne les diffuse pas, comment les gens vont-ils faire pour les aimer?
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Bien, c'est la poule et l'oeuf. Je
disais tout à l'heure qu'une de nos obsessions, c'était qu'il y
ait des politiques cohérentes qui touchent l'éducation et la
diffusion. Je pense que ce n'est un secret pour personne que c'est le Parti
québécois quj a d'abord déçu les attentes des
créateurs en ce sens-là, parce qu'il est arrivé avec un
'plan gigantesque de soutien à la culture et que, justement, devant
l'économie, il a laissé tombé en disant: La
priorité, c'est l'économie.
La culture, ça fait peur au monde et je pense que, depuis tout le
temps, les politiciens - je m'excuse de le dire - ont eu un peu honte de la
culture. La culture a toujours été comme un mal nécessaire
dont on peut discuter dans les salons, c'est très bien. Mais sinon,
c'est le divertissement, c'est le plaisir, n'est-ce pas, des ilotes, comme
disait Georges Duhamel autrefois. Et c'est très curieux que, finalement,
on ne se rende pas compte de cette importance. S'il n'y avait pas eu
Shakespeare - je ne dis pas que nous sommes des Shakespeare - je pense que la
culture anglaise serait beaucoup plus faible, même chose, je pense, s'il
n'y avait pas eu Don Quichotte, pour la culture espagnole.
Nous sommes à la recherche de ces images-là, nous avons
besoin de contes de fées et nous avons besoin de nos contes de
fées à nous autres. Moi, je serai désespéré
tant et aussi longtemps que, dans les écoles, il n'y aura pas une
présence tout à fait simple, et non pas coercitive et fasciste,
de la culture québécoise, tant qu'il n'y aura pas de tableaux, de
peintures et, pourquoi pas, de petits films. Je me souviens, moi, il y a
à peu près 15 ans, qu'on devait présenter à nos
enfants, à la campagne, comme cadeau de Noël, "Green Beret" de John
Wayne, un film pro-Vietnam. Et ma femme et moi, on s'est battus, on est
allés les voir et on leur a dit: Écoutez, ça n'a pas de
bon sens, il y a un film merveilleux qui s'appelle "Comme les six doigts de la
main" qui vient juste d'être fini, un film d'André
Melançon. Ha! mais non, c'est un film québécois, les gens
n'aimeront pas ça. Eh bien! ils ont été obligés de
le présenter six fois la même fin de semaine au lieu d'une.
Je pense qu'il faut faire ces démarches sans avoir honte. Il faut
dire: J'existe, nous existons et nous avons nos histoires. Et ça,
ça demande une volonté politique, je veux dire, aussi bien
à Ottawa qui existe toujours dans le portrait actuellement... Puis
écoutez bien ce que Yolande Rossignol a dit: C'est terrible, on ne
voudrait pas qu'actuellement la SOGIC récupère l'argent d'Ottawa;
on aurait peur de ce qui arriverait de cet argent. C'est épouvantable et
ça laisse voir justement qu'on veut que ça soit balancé
entre les nécessités de création, non pas juste les
petites nécessités de nous autres qui nous
plaignons tout le temps - vous nous le dites tout le temps, on le sait -
mais les nécessités des Québécois qui ont besoin de
cet imaginaire-là. l_a culture, on l'a dit dans le mémoire de
1977. la culture avec un grand "C", c'est la même chose que la culture
tout court. On ne plante pas d'artichauts au pôle Nord, mais on y plante
et on y récolte ce qu'on peut y planter et y récolter. Et c'est
pareil pour nous. Il y a quelque chose qui est typiquement d'ici. Vous savez,
moi, depuis 25 ans, 27 ans de cinéma déjà, les
cinéastes canadiens anglais me disent: Tu es chanceux toi, tu n'as pas
le choix d'être différent. C'est ça ton avantage. Donc,
ça, on dit: Mais écoutez, ce n'est pas parce qu'on est plus beau,
plus fin, mais ça existe; on existe. On va en France, on est
aimés. Je veux dire qu'on parle de Félix, de Vigneault. Vous
êtes donc beaux, donc fins, le Québec. Oui, mais venez chez nous;
venez travailler chez nous. Venez essayer de faire des films chez nous, vous
allez voir.
On parle de la relève, et je m'excuse, mais, depuis cinq ans, les
vieux que nous sommes sont encore plus pénalisés. Or, c'est
peut-être nous qui avons besoin de relève bien plus parce qu'on
s'encrasse. On doit avoir accès à des programmes nouveaux parce
que - et ça, c'est très grave, c'a été rendu public
surtout il y a deux ans - dans beaucoup d'institutions, à l'ONF,
à la SOGIC et à Radio-Canada, on disait: II faut renouveler; les
vieux, il y en a qu'on a trop vu là. C'est très grave parce que,
si on n'a pas de continuité, on n'a pas de mémoire puis, si on
n'a pas de mémoire, je veux dire, on n'a pas d'âme puis on n'a pas
de pays.
Je sais que c'est très poétique ce que je peux vous dire
là, mais c'est ce que, nous, on a découvert malgré nous
depuis 35 ans et c'est ce qu'on tente de vous communiquer. C'est pour
ça, je m'en excuse au nom de nos collègues, que, des fois, on
s'enrage un peu parce qu'on aimerait donc ça, la SOGIC, juste lui dire
ça. On ne peut même pas, depuis longtemps, dire à la SOGIC
ce qu'on vous dit, mesdames et messieurs, actuellement. Donc, il faut venir
voir un ministre pour être capable de parler directement à la
SOGIC. Alors, transmettez-lui le message, s'il vous plaît.
Le Président (M. Khelfa): M. le député,
voulez-vous conclure, s'il vous plaît?
M. Boulerice: Oui, en souhaitant que ce soit la dernière
ascension de Sisyphe, sinon j'ai bien peur que, quand ça va
débouler, on soit tous écrasés. Je pense que ça
reprend les propos de M. Labrecque.
Bon, naturellement, il y a d'autres questions que j'aurais aimé
vous poser. Sauf que je suis persuadé que, par un signe de tête,
vous allez y répondre. L'article 109 n'a pas été
appliqué, mais est-ce une raison de l'abolir dans la présente
loi? Deuxièmement, pourquoi pas le délai d'une copie
française, puisqu'il faut regarder le projet de loi, dans les 45 jours,
mais inclus dans la loi et non pas dans un règlement que lé
Conseil des ministres peut changer au gré dé sort humeur
matinale, le mercredi?
Je vous remercie de votre présence et surtout de votre grande
franchise.
Mme Lepage: Merci de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Khelfa): Merci. Mme la ministre,
voulez-vous conclure, s'il vous plaît?
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, comme je l'ai dit, la
commission parlementaire est l'occasion rêvée pour que les gens
puissent s'exprimer. Écoutez, la seule chose que je peux vous dire, Mme
Lepage, quand vous êtes venue me voir, comme représentante ou
membre de Moitié-Moitié, et que vous m'avez demandé une
personne, une femme au moins, immédiatement, au conseil de la SOGIC,
enfin au niveau de l'acceptation des projets, vous l'avez eue. Alors, la seule
chose que je peux dire, c'est que nous allons essayer d'être aussi
diligents. Merci.
Le Président (M. Khelfa): Merci, Mme Lepage, Mme
Rossignol, M. Labrecque, M. Lamothe, M. Lefebvre, de votre présentation.
Espérons que votre mémoire a été bien reçu.
Je suis assuré qu'il est bien reçu. La commission de la culture
ajourne ses travaux à demain matin, le 22 mai, à 9 h 30.
Merci.
(Fin de la séance à 18 h 35)