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(Dix heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Doyon): Donc, la commission de la culture
entreprend, ce matin, des travaux pour exercer un mandat qui lui a
été confié par l'Assemblée. Il s'agit, pour la
commission de la culture, de procéder à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 117 qui
est la Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Mme la secrétaire,
est-ce que nous avons des remplaçants?
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.
Le Président (M. Doyon): II n'y a aucun remplacement.
Quelques mots pour souhaiter la bienvenue aux membres de cette commission. Les
travaux vont se poursuivre pendant quelques jours. Bonjour à Mme la
ministre, aux collègues députés, ainsi qu'au porte-parole
officiel de l'Opposition. Mme la ministre, vous avez peut-être quelques
remarques préliminaires à faire avant que nous entendions les
intervenants, auquel cas je vous laisse la parole.
Remarques préliminaires Mme Liza
Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci. Premièrement, je tiens
à saluer tous les membres de la commission de la culture. Je veux saluer
aussi, tout particulièrement, les groupes qui viennent nous
présenter leurs réflexions aujourd'hui.
M. le Président, si vous permettez, je vais résumer un peu
l'intention et aussi les objectifs du projet de loi. Le projet de loi sur
lequel se penche aujourd'hui cette commission, et que j'ai déposé
à l'Assemblée nationale le 21 mars dernier, est très
attendu. Les modifications qu'il propose à la loi actuelle sur le
cinéma traitent de questions qui préoccupent à la fois les
amateurs cinéphiles et les artisans d'une industrie en croissance au
Québec. Aussi, l'importance du projet de loi 117 se mesure-telle moins
par le nombre d'articles touchés par la révision que par l'aspect
fondamental des mesures qui y sont énoncées.
Le cinéma et ses moyens de diffusion évoluent constamment.
Le contexte social change aussi. Bref, toutes ces modifications interpellent
notre intervention en tant que législateurs et nous convient à
évaluer périodiquement la justesse et la pertinence de la Loi sur
le cinéma.
Les mesures proposées par le projet de loi que j'ai
déposé découlent d'une observation soutenue et d'une
consultation ouverte auprès de ceux et celles qui veulent un produit
culturel de qualité projeté sur nos écrans. Un volet
important de ce projet de loi porte sur de nouvelles catégories de
classement. C'est dans l'esprit d'un consensus social et d'une réponse
au phénomène de la violence sur nos écrans, dans le
respect des valeurs et des perceptions actuelles des cinéphiles de tous
les âges, que nous intervenons comme législateurs. Il n'est
nullement question d'ingérence de l'État dans ce qui demeure la
responsabilité morale des parents. Nous voulons simplement
établir des paramètres nouveaux qui, j'en suis certaine, nous
aideront dans notre effort collectif pour contrer la violence dans notre
société. Mais c'est aussi l'appui à l'industrie
québécoise du cinéma qui motive notre intervention. Cette
industrie connaît depuis plus de 10 ans des progrès remarquables
tant en termes de quantité que de qualité des oeuvres produites.
Il faut souligner, par ailleurs» le rôle que jouent les
institutions chargées de maintenir les liens entre l'État,
l'industrie et le public. Elles encouragent le développement du
cinéma au Québec et assurent un service de qualité aux
consommateurs de films.
Ainsi, mon ministère a-t-il pu compter sur la collaboration
indéfectible de l'Institut québécois du cinéma qui
s'est acquitté, au cours des dernières années, de mandats
considérables, notamment celui de tenir des audiences publiques sur deux
aspects importants du projet de loi devant nous aujourd'hui, soit les permis
d'exploitation des lieux de présentation de films et le classement des
films.
C'est aussi en se livrant à un suivi minutieux des films
présentés dans nos salles et nos ciné-parcs que l'Institut
a pu formuler, en tant qu'organisme représentatif du milieu
cinématographique, des recommandations relatives à la pertinence
du français sur nos écrans. Nous nous sommes inspirés
largement de ces recommandations au moment de rédiger ce projet de
loi.
Nous avons, de plus, entrepris d'apporter des changements au
mécanisme de définition des orientations du plan d'aide
financière et, de ce fait, de préciser les responsabilités
de la ministre et de la SOGIC quant à la planification du soutien
financier. Enfin, les pouvoirs réglementaires de la Régie du
cinéma ainsi que ceux du gouvernement ont été mis à
jour.
Bref, M. le Président, nous avons procédé à
l'examen serré des dispositions de la Loi sur le cinéma,
indéniablement guidés par les commentaires et les suggestions
recueillis au sein des groupes et des organismes intéressés.
L'ultime consultation qui débute dans le cadre de cette commission
parlementaire viendra, j'en suis certaine, confirmer la pertinence de notre
démarche.
Permettez-moi, avant de laisser la parole à nos invités,
d'exposer brièvement les modifications que nous proposons. Elles ont
essentiellement pour but d'accroître le nombre de films et de copies de
films visés en français; de réduire les délais de
présentation sur nos écrans des versions françaises; de
garantir l'accès aux films en langues autres que le français;
d'encourager l'industrie du doublage au Québec, une industrie qui, je le
rappelle, emploie plus de 500 personnes et génère un chiffre
d'affaires d'environ 8 500 000 $; d'établir, en matière de
classement, de nouvelles catégories de films de manière à
mieux protéger nos jeunes contre la violence à l'écran et,
de façon cohérente, d'étendre l'application de ce
système de classement au commerce au détail de
vidéocassettes.
En ce qui a trait au français à l'écran, nous
proposons donc une modification de l'article 83 sur les règles
d'émission des visas sur les films. Selon ces règles actuellement
en vigueur, les distributeurs de films en version autre qu'en version
française demandent, de façon générale, des visas
temporaires de 60 jours pour chacune des copies qu'ils veulent mettre en
circulation. Cette mesure permet donc l'exploitation d'un film uniquement en
anglais pendant deux mois, sans aucune limite quant au nombre de copies.
Cette disposition n'a pas freiné la baisse des projections en
français, baisse que déplorait, dans son rapport de 1982, la
commission Four-nier, alors qu'elle dénonçait le fait qu'à
peine 60 % des projections à Montréal étaient
françaises. Toutefois, le Bureau de la statistique du Québec note
que, pour la première fois depuis 1981, les projections en
français au Québec se situaient, en 1990, au-dessus de 60 %
comparativement à une moyenne de 55 % au cours des huit années
précédentes.
Cependant, à Montréal, cette moyenne se situait encore
à 40%. Bien que l'industrie ait prouvé qu'elle pouvait faire
preuve d'autodiscipline, la situation doit encore s'améliorer.
Dès lors, le défi qu'il nous faut relever comporte trois
objectifs: l'accès plus rapide aux films en français;
l'accès garanti à des films en d'autres langues que le
français; l'essor de notre industrie du doublage.
Une des nouvelles règles que nous proposons vise à obliger
les distributeurs à rendre disponibles les versions françaises
des films au moment de la délivrance des visas. Ceci devrait permettre
d'éviter que, sous le prétexte de faire une exploitation massive
d'un film en version originale, les distributeurs retiennent la sortie de sa
version française. (10 h 45)
Au moment de l'émission des visas, nous maintenons la
règle du un pour un, c'est-à-dire que le nombre de visas
accordés pour des copies de films autres que françaises ne peut
pas dépasser celui des copies en version française.
Les copies sous-titrées en français pourront recevoir des
visas permanents sans toutefois permettre l'application de la règle du
un pour un.
Lorsqu'un distributeur fait ia preuve qu'il a un contrat pour faire
doubler un film au Québec dans un délai jugé raisonnable
par la Régie, I obtiendra les visas demandés pour les copies en
version non française. Cette disposition est de nature à
encourager le doublage au Québec, d'autant plus que le gouvernement
entend réglementer la durée pendant laquelle des copies non
doublées des films en versions autres que françaises peuvent
être présentées.
L'Institut québécois du cinéma a recommandé
que, pour ces films non doublés, soient accordés, selon le nombre
de copies, des visas temporaires de 45 jours ou de 60 jours. Au terme de ces
délais, la Régie pourra accorder un visa pour une seule copie
d'un film non doublé.
Voilà donc l'essentiel des mesures que nous entendons prendre
afin d'améliorer la situation du français sur nos écrans
et d'encourager des sorties plus rapides de films doublés ici, au
Québec.
Le deuxième changement important que nous proposons porte sur le
classement des fims. À ce sujet, les audiences tenues par l'Institut ont
permis d'établir que les catégories de classement devaient
être revues et adaptées aux réalités actuelles, dont
la propension à la violence dans notre société. Cette
violence devient parfois plus dure et plus réelle encore lorsque
projetée dans nos salles de cinéma. L'Institut parle même
d'une surenchère d'effets sensationnalistes.
Régir le classement des films et fixer les conditions
d'accès doivent être des gestes réfléchis qui
assureront le fragile équilibre entre une trop grande
permissivité décriée par certains et ia censure qui ignore
les libertés fondamentales. C'est ici qu'intervient le consensus social.
D'ailleurs, je tiens à souligner que les propositions formulées
sur ce sujet sont le reflet des consultations publiques entreprises par
l'Institut québécois du cinéma. Nous les soumettons cette
fois à cette commission parlementaire.
Nous retenons donc quatre catégories de classement de films:
Le "visa général": ce visa atteste que le film ainsi
classé peut être vu par tous; "13 ans et plus",
c'est-à-dire accessible aux personnes de 13 ans et plus, de même
qu'aux jeunes de 12 ans et moins, s'ils sont accompagnés d'un adulte,
"16 ans et plus": les films de cette catégorie ne peuvent être vus
que par les personnes de 16 ans et plus, "18 ans et plus": les films de cette
catégorie sont des films strictement réservés aux
adultes.
Le système de classement devra désormais aussi s'appliquer
au secteur de la vidéocassette. Les audiences prévues par
l'Institut ont d'ailleurs
fait état de l'incohérence entre les mesures prises
à l'endroit des films projetés en salle par rapport à
celles concernant la vidéocassette vendue ou louée. Les
mêmes règles seront donc désormais appliquées.
Au-delà de ce projet de loi, il faudra aussi
réfléchir, dans ce contexte, à la question de la
télévision. Est-il normal qu'un film classé 18 ans par la
Régie puisse être vu par des jeunes à des heures de grande
écoute? D'autres modifications sont aussi soumises à l'attention
de la commission, notamment en ce qui a trait aux permis d'exploitation. Nous
procédons également à l'abrogation d'articles
désuets ou qui n'ont jamais fait l'objet d'une promulgation depuis leur
adoption en 1983.
Enfin, les mesures proposées dans ce projet de loi ne remplacent
pas une politique québécoise du cinéma. Ma
priorité, comme vous le savez, M. le Président, demeure
l'instauration d'une politique globale de la culture, présentement en
voie d'élaboration dans le cadre du mandat confié au groupe
Arpin. Viendra ensuite une politique complète sur le cinéma qui,
par la force des choses, sera conforme aux orientations culturelles que nous
aurons prises.
J'invite donc les membres de cette commission à recevoir les
représentants des groupes qui nous ont adressé leurs
mémoires avec la même ouverture d'esprit et la même
volonté qui nous animent de parvenir à un texte de loi
satisfaisant, applicable et respectueux des droits et libertés
fondamentales.
Si nous avons fait le choix de présenter ce projet de loi
après le dépôt, c'est que nous étions conscients que
ce projet pouvait encore être bonifié et que nous voulions laisser
le plus de latitude possible aux intéressés de faire
connaître leur point de vue. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre.
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour des remarques
dans le même cadre.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, Mme la ministre, chers
collègues de la commission de la culture, tout en n'oubliant pas notre
secrétaire qui est notre principal adjoint et qui nous revient
après une courte absence, mais qui nous a paru fort longue, j'aborderai
le débat qui nous concerne en rappelant - mais persuadé que tout
le monde en est conscient - que le cinéma est un canal important de
l'expression de la culture québécoise en raison de son impact
comme art, mais aussi comme produit de consommation à grande
échelle à travers les cinémas, les vidéo-clubs, la
télévision. Le cinéma québécois, en l'espace
de 20 ans, est passé d'un cinéma d'artisan en une industrie
véritable, sans pour autant compromettre son originalité et son
potentiel créatif.
Le cinéma québécois est aussi devenu un ambassadeur
remarquable du Québec et de son identité culturelle à
l'étranger. Songeons notamment à l'Oscar remporté par M.
Frédéric Back pour son remarquable dessin animé "L'homme
qui plantait des arbres" ou encore aux mises en nomination pour l'Oscar du
meilleur film étranger, dans le cas du "Déclin de l'empire
américain" et de "Jésus de Montréal",
réalisés par le cinéaste Denys Arcand.
On produit chaque année au Québec de 10 à 15 longs
métrages, une douzaine de documentaires et une vingtaine de
téléfilms. C'est considérable pour une communauté
de 6 000 000 d'individus. Pourtant, notre industrie cinématographique
est confrontée à des défis considérables dans un
marché aux perspectives restreintes et largement contrôlées
par des intérêts non québécois.
Le marché du cinéma, au Québec, est en mutation par
suite de l'éclatement des habitudes de consommation des produits
cinématographiques chez nos compatriotes. Le marché des cassettes
vidéo a connu un essor considérable depuis l'adoption de la
loi-cadre sur le cinéma en 1983. Ce secteur génère
aujourd'hui des recettes trois fois plus importantes que les recettes des
salles de cinéma. Ces dernières ont dû s'adapter. Plusieurs
salles ont fermé en région, malheureusement, alors que
d'importants travaux de rénovation ont été entrepris en
milieu d'urbain en vue d'aménager des salles plus petites et offrant une
meilleure condition de présentation des films dont la durée
d'exploitation en salle est de plus en plus courte, ce qui n'est pas sans
conséquences pour la situation du français sur nos
écrans.
De plus, le processus d'intégration verticale de l'industrie
s'est accentué. Toujours fort de son emprise sur le secteur de la
distribution et de la diffusion, le cinéma américain occupe 75 %
de la programmation de nos salles de cinéma. 70 % des salles de
cinéma, au Québec, appartiennent aux réseaux
Cinéplex Odéon et Famous Players, propriétés de
"majors" américains via des filiales canadiennes. L'on comprendra que
les productions cinématographiques québécoises
éprouvent des difficultés majeures - pour ne pas dire "major" -
à se faire place sur nos écrans.
Parallèlement à cela, les artisans du secteur du
cinéma québécois doivent composer avec une fragmentation
des interventions gouvernementales réparties entre deux paliers de
gouvernement, deux ministères québécois impliqués,
celui des Affaires culturelles pour le soutien au cinéma et celui des
Communications pour la production télévisuelle et, finalement,
deux principaux organismes subventionnaires, la Société
générale des industries culturelles et Téléfilms
Canada, dans une conjoncture de restrictions budgétaires, faut-il
noter.
Cette fragmentation, source d'inefficacité, draine beaucoup
d'énergie au sein du milieu cinématographique
québécois. C'est donc dans ce contexte que l'industrie
cinématographique québécoise doit chaque jour s'adapter
à la réalité d'un marché changeant, sur lequel elle
a eu peu de contrôle, tout en devant tenir compte d'un soutien financier
de l'État de plus en plus précaire.
Ces remarques sur la situation du cinéma québécois
m'apparaissent importantes, M. le Président, lorsque l'on veut
évaluer la portée des mesures proposées par le projet de
loi 117, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Ce projet de loi poursuit
essentiellement quatre objectifs. Le premier, instauration d'un plan triennal
de soutien financier au secteur privé du cinéma.
Deuxièmement, l'établissement d'une nouvelle grille de classement
des films fondée sur deux nouvelles catégories restrictives, 13
ans et plus, 16 ans et plus. De plus - sans pléonasme - ces dispositions
sur le classement s'appliqueront dorénavant aux cassettes vidéo.
Troisièmement point, proposition d'un nouvel article 83 sur les mesures
visant à assurer une place accrue du français sur nos
écrans. Et, quatrièmement, modification de la composition du
conseil d'administration de l'Institut québécois du
cinéma, dont le nombre de membres passera de 11 à 13, afin d'y
inclure un représentant du secteur du commerce de matériel
vidéo et un représentant des consommateurs.
Le projet de loi propose l'instauration d'un plan triennal de soutien
financier du secteur privé du cinéma, sous la
responsabilité du ministre des Affaires culturelles. Avant
d'arrêter les modalités du plan triennal, le ministre devra
recevoir l'avis de l'Institut québécois du cinéma. De son
côté, la SOGIC sera responsable de la gestion de ce plan triennal.
L'Opposition officielle, M4 le Président, souscrit au principe d'un tel
plan triennal parce qu'il ne peut que contribuer à une plus grande
stabilité des modalités d'intervention de l'État en
matière de soutien au cinéma. Cela correspond aux attentes du
milieu québécois du cinéma qui, par la voie de l'Institut
québécois du cinéma, dans un document intitulé
"Orientations en matière de cinéma" remis en janvier 1990
à Mme Robillard, prédécesseure de l'actuelle ministre,
déplorait le manque de stabilité des interventions de
l'État québécois en matière de cinéma, et je
cite: "La définition d'orientations pour la responsabilité
ministérielle et rétablissement d'objectifs clairs et de cibles
précises pour les programmes sont des prérequis qui ne sont pas
actuellement assurés afin de maximiser les effets de l'intervention
publique."
Au-delà du principe même du plan triennal, il lui faut une
volonté politique réelle d'application, et cela doit se traduire
dans les faits par le financement adéquat du plan, ainsi que par une
capacité de concrétiser les objectifs d'un tel plan triennal par
des mesures de soutien adaptées aux besoins du milieu. Sur le plan
administratif, cela requiert de la Société générale
des industries culturelles la capacité de livrer la marchandise si l'on
veut atteindre les objectifs fixés dans le plan triennal par le
ministre. Or, la SOGIC fait l'objet de récriminations nombreuses de la
pan" de divers intervenants du milieu du cinéma. L'on sait que la SOGIC
occupe le mandat d'administrer les programmes de soutien financier au
cinéma par suite de l'abolition de la Société
générale du cinéma décrétée par la
loi 59, parrainée par Mme Lise Bacon, prédécesseure de la
prédécesseure de l'actuelle ministre, et adoptée par
l'Assemblée nationale en décembre 1987. L'Opposition avait alors
manifesté son désaccord à l'égard de la disparition
de la Société générale du cinéma. Il semble
que la SOGIC n'ait pas su relever le défi d'assumer le mandat de la
Société générale du cinéma. Les milieux du
cinéma lui reprochent beaucoup son insensibilité à
l'égard des réalités du milieu, ainsi que la lenteur
à statuer sur des demandes d'aide. Certains producteurs ont dû
d'ailleurs attendre jusqu'à un an pour obtenir une réponse. Le
mHieu s'exprimait sans équivoque sur la gestion de la SOGIC dans le
document "Orientations en matière de cinéma", toujours
proposé en janvier 1990 par l'Institut québécois du
cinéma à la ministre d'alors, Mme Lucienne Robillard, et je cite:
"Pour la plupart des associations, la disparition de la Société
générale du cinéma du Québec dans la fusion qui a
permis de créer la SOGIC s'avère un recul, voire même un
échec. La perte de visibilité du cinéma qui n'a pas
été compensée par un meilleur soutien financier et
l'avènement d'un organisme bureaucratique au sein duquel les
professionnels du cinéma ne se reconnaissent pas d'interlocuteur sont
à la base de ce diagnostic. Le taire ou le ramener à une
opposition simpliste entre organismes gouvernementaux serait faire preuve d'un
manque de jugement. Les reproches adressés à la SOGIC font
l'unanimité dans la profession et confirment qu'un fossé s'est
creusé entre les deux. Son absence des débats importants, son
attitude distante, son refus de travailler en relations soutenues avec les
milieux, la remise en question de sa compétence professionnelle, sa
bureaucratisation sont autant de critiques sévères entendues lors
des consultations." Fin de la citation.
Compte tenu du jugement sévère porté par le milieu
à l'égard de la SOGIC, cette dernière devra apporter des
changements majeurs au chapitre de sa gestion si l'on souhaite vraiment que les
objectifs du plan triennal deviennent autre chose que des objectifs
théoriques. Vous comprendrez, dans ces circonstances, que je m'explique
fort mal que la SOGIC ait décliné l'invitation de venir
témoigner à cette commission dans le cadre des auditions
publiques relatives au projet de loi 117. Le refus de témoigner de la
SOGIC est tout à fait incompréhensible et inadmissible, car non
seulement il
s'agit d'une société d'État financée
à même des crédits votés par l'Assemblée
nationale, mais en plus, la SOGIC est directement concernée par le
projet de loi qui la désigne comme gestionnaire du plan triennal de
soutien financier destiné au cinéma. Son témoignage est
tout à fait essentiel pour savoir comment elle compte gérer, dans
le quotidien, les objectifs de ce plan et le traduire en termes de mesures
concrètes propres à sa réalisation. (11 heures)
Au-delà de la gestion, le plan triennal doit pouvoir compter sur
des ressources financières adéquates pour sa réalisation.
La SOGIC consacre actuellement environ 13 000 000 $ au cinéma. Depuis
1985-1986, le fonds de soutien au cinéma a évolué en dents
de scie entre le gel des crédits ou l'indexation, alors que le milieu
était confronté à une hausse marquée des
crédits de production. Le système de déductions fiscales a
connu plusieurs modifications avant d'être transformé en
décembre dernier en des crédits d'impôt pour les
producteurs. Or, cinq mois après son annonce, le programme des
crédits d'impôt n'est toujours pas en vigueur, le règlement
d'application n'ayant pas encore été approuvé. Cette
situation retarde les activités de tournage de certaines
productions.
Cela m'amène à parler d'un autre article du projet de loi
qui abolit l'article 109 de l'actuelle Loi sur le cinéma. Cet article,
élément clé de la Loi sur le cinéma adoptée
en 1983, prévoit que tout détenteur de permis de distribution
doit réinvestir une somme pouvant aller jusqu'à 10 % de ses
recettes au financement de productions cinématographiques
québécoises, il s'agit là d'un principe important du
réinvestissement des profits que tirent les "majors" au chapitre de la
distribution et de l'exploitation des films au Québec.
Le cinéma américain, je le rappelle, occupe 70 % du
temps-écran de nos salles. Il est tout à fait approprié de
concevoir qu'une partie de leurs profits réalisés dans notre
marché serve à financer, en partie, nos productions
cinématographiques. Cet article 109 n'a jamais été
promulgué en raison de la résistance farouche des "majors" qui a
conduit, en octobre 1986, à la signature d'une entente entre Mme Bacon
et M. Valenti, porte-parole des "majors". Cette entente a permis aux
distributeurs québécois d'accroître leurs revenus,
principalement par la distribution des films européens, soit une portion
somme toute modeste de la programmation de nos salles de cinéma. Par le
projet de loi 117, la ministre abolit carrément l'article 109, sans
autre alternative. Nous regrettons vivement cet empressement injustifié
à abolir cet article, à moins que cela ne soit une exigence des
"majors" en vue du renouvellement de l'entente conclue à l'automne 1986
et qui vient à échéance le 31 décembre
prochain.
Il serait souhaitable que la ministre fasse le point sur l'état
des négociations avec les "majors", sur le renouvellement de l'entente,
sur la distribution des films en salle, tout en lui rappelant qu'une entente
similaire n'a toujours pas été conclue pour le marché de
plus en plus lucratif de la distribution du matériel vidéo.
Pourquoi abolir aujourd'hui cet article? Est-ce par résignation pure et
simple à l'égard de ce principe fort important? Est-elle en train
de conclure une entente avec les "majors" sur une contribution
financière au soutien à la production des films
québécois? Cela serait plutôt, pour le moins,
étonnant. En abandonnant un tel principe, la ministre envoie un message
de résignation tranquille aux "majors", ce qui affaiblit la
capacité de négociation du Québec face à des gens
qui, plus que jamais, pourront prétendre que le marché
québécois, c'est une partie de leur "domestic market". La
ministre a choisi de renoncer à ce principe de réinvestissement
prévu dans la loi 101. C'est son droit. Nous le déplorons. La loi
109, dis-je plutôt. De toute façon, les lois sont toujours
touchées. Elle doit nous dire quelle est l'alternative à cette
décision. Entend-elle accroître le budget de l'État
québécois consacré au cinéma de façon
substantielle, au chapitre, notamment, de l'aide à la production ou de
la mise en marché? Cela reste la seule alternative possible pour le
milieu. Je souhaiterais donc connaître les intentions de la ministre
à cet égard, tout en lui disant que l'accroissement du budget
consacré au cinéma est tout à fait compatible avec
l'objectif du 1 % pour la culture.
Le projet de loi 117 propose un nouvel article relativement aux
conditions reliées à l'émission des visas pour les films
présentés dans une autre langue que le français. On sait
que l'article 83 actuel de la Loi sur le cinéma, découlant de
l'adoption du projet de loi 59, le 17 décembre 1987, avec l'appui de
l'Opposition officielle, n'a jamais été promulgué en
raison du moratoire décrété par la ministre d'alors, suite
aux pressions du milieu. Selon les dernières données disponibles,
on note une amélioration de la situation du français sur nos
écrans, amélioration sensible, mais non pas
exagérée. La part des projections en français est
passée de 54,9 % en 1988 à 61 % en 1990. L'assistance aux
projections en français est passée de 52,5 % en 1988 à 57
% en 1990. Cette situation s'explique en bonne partie par le fait que les
"majors" ont réalisé qu'en diffusant plus rapidement une version
doublée en français de leur film à gros succès, les
"blockbusters", cela leur permettrait d'accroître les retombées
commerciales de leurs films. Le moratoire ne pouvant durer
éternellement, la ministre, plutôt que de promulguer l'article 83,
a choisi de le remplacer par un autre. L'article 83 proposé par le
projet de loi 117 introduit, certes, le principe de la
simultanéité de l'exploitation des copies anglaises et
françaises d'un film, au premier paragraphe. Mais
les choses se gâtent au quatrième, alors que l'on stipule
qu'un visa temporaire peut être émis, selon les conditions
prévues par règlement, sans préciser, contrairement
à l'article 83 actuel, un délai de 60 jours et le retrait du visa
temporaire pour une période d'au moins 180 jours si le film ne fait pas
l'objet, n'a pas fait, dis-je plutôt, l'objet d'une version
doublée en français avant l'expiration du délai de 60
jours. À sa face même, le nouvel article 83 constitue un recul par
rapport aux dispositions de la loi actuelle, qui prévoyait une
espèce d'épée de Damoclès incitant les
distributeurs à faire doubler leurs films en français plus
rapidement. Afin de mieux mesurer les interventions réelles de la
ministre, il nous apparaît essentiel de connaître le contenu du
projet de règlement relatif à l'émission des visas
temporaires tout en regrettant, une fois de plus, que le législatif
perde un droit de regard au profit du pouvoir réglementaire de
l'exécutif. La ministre devra accepter de le déposer ce matin
afin que les intervenants du milieu puissent connaître les intentions du
gouvernement quant à l'émission d'un visa temporaire. J'entends
profiter des auditions publiques pour discuter avec les intervenants de
l'impact réel du moratoire et des conséquences du nouvel article
83, moins acceptable pour nous que celui adopté dans le cadre de la loi
59 en décembre 1987.
Pour ce qui est du nouveau système de classement par
catégorie d'âge, le projet de loi introduit, à l'article
14, une nouvelle grille de classement des films réparti en quatre
catégories: visa général, 13 ans et plus, 16 ans et plus,
18 ans et plus. Toute la question du classement des films fait l'objet d'un
débat important suite à la prolifération de films
pornographiques et de films comportant des scènes multiples de violence
Ce débat est sujet à controverse puisqu'il renvoie à des
échelles de valeurs personnelles, quoiqu'on se rappelle la
polémique déclenchée autour du film "Batman" à
l'été 1989. Ce débat public sur le classement des films
est quelque peu faussé dans la mesure où des films
présentant un fort contenu d'actes violents sont aussi diffusés
à la télévision aux heures de grande écoute sans
véritable contrôle. Nous sommes d'accord avec la proposition du
projet de loi visant à élargir l'application du système de
classement par catégorie d'âge au secteur des
vidéocassettes. Cependant, nous contestons, en dépit des
objectifs louables qu'il laisse sous-tendre, la pertinence de créer une
catégorie restrictive "16 ans et plus" entre la catégorie "13 ans
et plus" et celle relative aux "18 ans et plus". Nous doutons
sérieusement du caractère applicable dune telle grille. En effet,
comment évaluer, à partir de critères objectifs,
d'instruments d'évaluation rigoureux, la possibilité
d'établir une distinction nette entre un film comportant des actes de
violence destiné à un spectateur de 18 ans et plus et un autre...
âgé de 16 ans et plus. Cela compliquera aussi la tâche des
exploitants de salles de cinéma. D'ailleurs, dans son mémoire, la
Régie du cinéma, chargée, en vertu de la Loi sur le
cinéma, d'établir le classement des films, considère
elle-même une catégorie "16 ans et plus" comme injustifiée
et difficilement défendable. "La Régie - je cite - quant à
elle, ne peut parvenir à bien cerner quels critères pourraient
déterminer qu'un film puisse être vu par des personnes
âgées de "16 ans et plus" et qu'un autre puisse être vu par
des personnes âgées de "18 ans et plus". Tout comme la
Régie du cinéma, il nous apparaît plus réaliste
d'établir une distinction très nette pour les films "18 ans et
plus" en les répartissant en deux catégories, l'une
réservée spécifiquement aux films pornographiques et une
autre catégorie pour les films violents ou traitant d'une
thématique difficile.
Bien qu'en étant d'accord, en principe, avec l'ajout de deux
nouveaux membres à l'Institut québécois du cinéma,
notamment la présence d'un représentant du secteur du
matériel vidéo, il faut être conscient que cette
proposition peut rendre plus difficile l'obtention de consensus au sein de
l'Institut où cohabitent les représentants de divers maillons de
l'industrie avec leurs intérêts spécifiques.
Voilà, M. le Président, les remarques préliminaires
que je voulais formuler sur le contenu du projet de loi 117 avant
d'entreprendre le processus d'auditions publiques qui nous permettra de mieux
saisir, à partir du témoignage de divers intervenants, l'impact
du projet de loi sur la réalité complexe d'un secteur
d'activité qui contribue à façonner et à
refléter notre identité culturelle. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la
commission qui veulent faire des remarques préliminaires? Mme la
ministre, quelques...
Mme Uza Frulla-Hébert (réplique)
Mme Frulla-Hébert: M. le Président,
seulement...
Le Président (M. Doyon): ..brèves remarques de
réplique peut-être?
Mme Frulla-Hébert: Oui, parce que nous allons discuter de
certaines choses qui ont été dites ici et avec lesquelles je ne
suis pas d'accord... article par article. Seulement une précision, par
exemple, à titre d'information. Au niveau du programme d'aide
automatique. Il est en vigueur depuis le 19 décembre 1990 parce que
rétroactif. Il a fallu, cependant, attendre le discours sur le budget
pour modifier la mesure qui était si importante au niveau de la
production, c'est-à-dire la mesure qui passe du 5-7 au 6-10 au niveau de
l'employabilité. Le projet de règlement sur l'article 83, ce sont
les proposi-
tions de l'IQC, nous allons entendre des groupes et nous aurons un
projet de règlement définitif.
Le Président (M. Doyon): Oui, sans trop retarder les
personnes, alors, allez-y, M. le député.
M. Boulerice: Tout simplement pour lui dire: La ministre est-elle
consciente que le financement intérimaire n'est pas encore
appliqué, ce qui fait qu'il y a des gens qui ont tourné sans
savoir s'ils seraient remboursés, s'ils recevraient l'aide
nécessaire? Ça complique quand même un peu la vie,
admettez-le.
Mme Frulla-Hébert: Les études préliminaires
ont été faites, l'application du programme sera faite durant
cette semaine. Ils ont quand même eu des garanties, si on peut dire, non
officielles, ce qui était très important et personnel d'ailleurs.
Mais ce qui est très important aussi, c'est de modifier finalement
l'application de la mesure 5-7 versus 6-10 comme vous savez, et ça, nous
avons réussi à convaincre les intervenants impliqués et
maintenant, la mesure est appliquée. Je dois dire aussi que nous avons
eu énormément de félicitations du ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Nous
allons donc, sans plus tarder, procéder à l'audition proprement
dite, la consultation proprement dite des groupes.
Le premier groupe sur ma liste est le Conseil du statut de la femme, je
vois qu'il sont présents. Je les invite à bien vouloir prendre
place à la table en avant ici, à s'installer. Je leur souhaite
donc la plus cordiale des bienvenues. Ils sont le premier groupe à venir
nous voir. Je suis sûr qu'ils ont des choses très importantes
à nous dire. J'invite Mme Lavigne, que je vois devant moi, à
présenter les personnes qui l'accompagnent, et après ça,
à faire la présentation de son mémoire. Nous y
consacrerons environ une heure. Vous aurez une vingtaine de minutes pour
présenter votre mémoire ou en faire un résumé. Les
députés ministériels, y compris Mme la ministre, bien
sûr, disposeront d'une vingtaine de minutes ou à peu près
pour vous interroger, vous poser des questions, discuter avec vous. Il en sera
de même pour les membres de l'Opposition. C'est la façon
procéder que nous allons adopter. Alors, Mme Lavigne, vous avez la
parole.
Auditions Conseil du statut de la femme
Mme Lavigne (Marie): Merci, M. le Président. D'abord, je
vais présenter mes collègues. À ma droite, Me Jocelyne
Olivier, secrétaire générale du Conseil du statut de la
femme, et à ma gauche, Mme Colombe Cliche, qui est la directrice des
communications au Conseil.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission parlementaire, je vous remercie d'entendre le Conseil du statut de
la femme devant cette commission sur le projet de loi 117, Loi modifiant la Loi
sur le cinéma. Comme vous le savez, il y a plusieurs années que
le Conseil se préoccupe de l'influence des médias sur les
attitudes et les rôles dévolus aux femmes et aux hommes dans la
société.
En 1981, le Conseil présentait un mémoire à la
Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel dans lequel il
s'opposait à la mise en circulation d'une nouvelle classe de films par
un réseau spécialisé de cinéma X. Pour le CSF,
cette nouvelle classification aurait permis, à ce moment, de propager
encore davantage un discours glorificateur au sujet des crimes commis contre
les femmes. Dans ses commentaires sur le rapport de cette même Commission
ainsi que dans son mémoire sur le projet de loi 109 en 1983, le Conseil
réitérait ses positions concernant la nécessité de
la représentation des intérêts de la population, et des
femmes en particulier, à l'intérieur de l'organisme de
surveillance du cinéma; l'intérêt d'une formulation et de
la diffusion publique des critères devant présider à
rémission de visas et au classement de films; le droit de recours de la
population au regard des décisions de l'organisme chargé de la
surveillance des films; et enfin, la question de la violence, et surtout de la
violence sexuelle envers les femmes qui, contrairement à ce que certains
pourraient croire, perdure et même augmente.
Le Conseil est également préoccupé par la question
de l'image des femmes dans les médias, les vidéoclips et le
cinéma. Ainsi, une étude sur les stéréotypes
sexistes dans les vidéoclips menée pour le compte du Conseil par
un chercheur de l'Université Laval démontre que dans les
vidéoclips, 46 % de ceux-ci présentent des manifestations de
sexisme et 27 % montrent des relations homme-femme où l'on retrouve de
la violence sous une forme ou sous une autre. (11 h 15)
De même, dans une étude du CRTC faite par la firme Erin
Research en 1988, on demande que les émissions de radio et de
télévision réservent aussi une place secondaire aux
femmes.
Aujourd'hui, donc, on ne peut plus nier le rôle important que
jouent les documents audiovisuels dans notre société, notamment
en ce qui a trait à la transmission des valeurs auprès des
jeunes. C'est pourquoi le Conseil est heureux de constater que, dans le projet
de loi modifiant la Loi sur le cinéma, le gouvernement révise le
classement des films et l'étend désormais aux
vidéocassettes. Les recommandations que le Conseil présente dans
le cadre de cette commission parlementaire touchent principalement cette partie
de la loi.
Dans le document intitulé "Le classement des films au
Québec" qui a été produit par la Régie du
cinéma en décembre dernier, l'évalua-
tion d'un film doit se réaliser, dit-on, en tenant compte du
consensus social et du seuil de tolérance de la société
québécoise contemporaine.
Or, même si la notion fluide de consensus social est difficile
à évaluer, il appert que le seuil de tolérance de la
société québécoise face à la violence en
général et face à la violence faite aux femmes a
considérablement diminué depuis quelques années. Pour
contrer la violence, divers milieux ont entrepris des campagnes d'information
et de sensibilisation. Ainsi, depuis longtemps, de nombreux groupes de femmes
et des groupes communautaires attirent l'attention du gouvernement sur les
problèmes qu'entraînent dans notre société toutes
les formes de violence et, en particulier, la violence conjugale, les
agressions sexuelles et la violence familiale.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a
également mené, il y a quelques années, une importante
campagne de publicité sur la violence conjugale. Dans la foulée
de ces actions de sensibilisation, des personnes oeuvrant dans les
réseaux de l'éducation, de la santé et des services
sociaux sont invitées à dépister cette violence.
De plus, en 1989, les évêques ont produit un document sur
la "Violence en héritage" et on mène, au sein de l'Église,
de nombreuses activités d'animation sur ce sujet. Enfin,
récemment, même la Chambre des notaires s'est associée
à la Fédération des ressources d'hébergement pour
femmes violentées et en difficulté et a lancé une campagne
qui porte sur le thème "La violence enfante la violence".
Les groupes de femmes et les divers milieux d'intervention sur la
violence tentent d'obtenir et cela, au-delà des intentions de principe,
des actions plus claires de la part de l'État. Dans cette optique,
même si le Conseil n'a pas d'objection particulière au classement
des films, tel qu'il a été proposé dans le projet de loi,
il croit que ce classement doit se faire en tenant compte des
intérêts de la population. En conséquence, nous
recommandons que la Régie du cinéma prévoie des
mécanismes et des critères lui permettant de s'assurer que le
classement des films et des vidéocassettes soit effectué dans le
respect des droits de la personne et, en particulier, des droits des femmes; en
second lieu, que la Régie du cinéma mène une campagne
d'information auprès du public dans le but de faire connaître les
critères quant à l'émission des visas et au classement des
films.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l'interprétation qui
peut être faite de l'alinéa 1 de l'article 77 de la loi qui
prévoit dispenser du classement le film produit à des fins de
promotion commerciale. Il va de soi qu'on comprend que le législateur
veut viser un film qui ferait la promotion d'Hydro-Québec ou d'une
entreprise. Néanmoins, on s'interroge. Est-ce à dire que les
vidéocassettes, de type vidéoclip ou vidéomagazi-ne, ou ce
qu'on appelle aussi des vidéos musi- caux, qui sont accessibles chez le
commerçant qui distribue le matériel au public, seraient
dispensées de classement parce qu'on pourrait prétendre les
inclure dans la catégorie du matériel promotionnel destiné
à la vente de disques? Comme ce matériel peut aussi
présenter des scènes de violence, nous recommandons au
législateur que soit ajoutée, à l'exception prévue
à l'alinéa 1 de l'article 77, les vidéocassettes de type
vidéoclip ou vidéomagazine accessibles chez le
commerçant.
Lors des dernières audiences publiques de l'Institut
québécois du cinéma sur le classement, plusieurs
organismes et corporations, dont Paci-jou, la Corporation des psychologues,
l'Office des communications sociales, sont venus témoigner de leurs
craintes face à la diffusion de plus en plus grande d'images sexistes et
violentes auprès des jeunes. Là-dessus, je pense que vous
connaissez bien les mémoires qui ont été
présentés à ce moment.
La tendance à la baisse du seuil de tolérance de la
société québécoise face à la violence
amène une dénonciation de plus en plus grande des images sexistes
et violentes à l'égard des femmes.
En effet, ces images qui sont une expression inexacte des aspirations et
des réalités vécues par les femmes ont un impact sur les
jeunes. Nous constatons, à notre grand regret, que la violence à
l'égard des femmes est souvent banalisée, que ce soit dans les
médias, au cinéma ou dans les vidéos. Ainsi, nous croyons
qu'il est temps que la société québécoise,
c'est-à-dire parents, écoles, industrie cinématographique,
assume sa responsabilité dans la transmission des valeurs. Il ne suffit
donc plus de dénoncer le sexisme et la violence, il faut
également s'inscrire dans une démarche de prévention. En
ce sens, nous recommandons que le classement des films donne lieu à une
surveillance et à un contrôle rigoureux quant à
l'accessibilité de ces produits auprès du public mineur et que,
consé-quemment, la Régie du cinéma établisse les
règlements et veille à leur application.
De plus, nous croyons comprendre que, par ticulièrement
préoccupé par des questions de violence, le législateur a
voulu, en créant une quatrième catégorie de classement,
c'est-à-dire celle de "18 ans et plus", limiter l'accès aux films
ayant un caractère de grande violence ou présentant des
activités sexuelles très explicites aux seules personnes
âgées de "18 ans et plus". C'est du moins ce qui ressort du
document explicatif et aussi des propos de la ministre qui nous permettent de
comprendre l'existence d'une telle catégorie.
C'est pourquoi nous recommandons de rendre plus explicites les motifs du
classement "18 ans et plus" en ajoutant au texte de loi que les films ne
peuvent être vus que par des personnes de "18 ans et plus" à
cause, notamment, de leur caractère de grande violence ou
présentant des
activités sexuelles explicites.
D'autre part, nous nous interrogeons sur les conséquences que
pourrait avoir l'ajout de la catégorie "16 à 18 ans" sur le
classement des films. En effet, n'y aurait-il pas un danger qu'une partie des
films, particulièrement ceux d'une très grande violence
présentement classés "18 ans et plus", passe à la
catégorie des 16 ans?
De plus, nous tenons à souligner qu'il ne faudrait pas que ce
glissement possible de films, de la catégorie "18 ans et plus" à
celle des 16 ans, ait pour conséquence d'introduire des films
présentement sans visa à la .catégorie "18 ans et plus",
d'autant plus que la Régie pourra, par règlement,
caractériser certains films. Il ne faudrait pas que cette disposition
permette indirectement la reconnaissance de films de catégorie x. Cet
aspect est particulièrement important dans le cas du matériel
vidéo puisqu'il est impossible de contrôler l'âge de la
personne qui le visionne. En effet, on sait tous que la personne qui l'utilise
et celle qui loue le vidéo peuvent être de catégories
d'âge fort différentes.
Par ailleurs, il importe de rappeler que la Convention sur les droits de
l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des
Nations unies le 20 novembre 1989, reconnaît la nécessité
de protéger l'enfant contre toute forme d'exploitation sexuelle et de
violence sexuelle. Cette convention prévoit que les États
signataires prendront toutes les mesures appropriées pour empêcher
que les enfants ne soient exploités aux fins de la production de
spectacles ou de matériel à caractère pornographique.
Ainsi, dans le but de favoriser la protection de la jeunesse et
d'empêcher l'exploitation et les abus sexuels à l'égard,
notamment, des jeunes femmes, le Conseil recommande qu'à l'article 81 du
projet de loi soit ajoutée, comme autre motif de rejet d'un film, la
notion d'exploitation sexuelle des personnes mineures.
Nous considérons également que c'est au gouvernement que
revient la responsabilité de veiller à l'application de ses
règlements en matière de surveillance auprès du public
mineur. Nous nous interrogeons sur la capacité de la Régie de
remplir efficacement son mandat d'inspection puisqu'elle compte 10 inspecteurs
pour 129 salles de cinéma et qu'elle devra, en raison de son nouveau
mandat, couvrir environ 4000 lieux de commerce au détail de
matériel vidéo sur l'ensemble du territoire
québécois. C'est pourquoi nous recommandons que le
législateur s'assure que la Régie du cinéma dispose de
l'effectif suffisant pour remplir efficacement son nouveau mandat
d'inspection.
En conclusion, nous espérons que les réflexions du Conseil
serviront à l'élaboration d'une loi du cinéma qui
encourage le respect et l'intégrité des individus ainsi que
l'égalité des sexes. En ce sens, il est intéressant de
noter que la modification visant à encourager l'industrie du doublage
des films au Québec contribuera sans doute à augmenter le nombre
d'emplois associés à cette industrie, ce qui devrait avoir aussi
des effets positifs sur le nombre de femmes qui y travaillent.
Le CSF désire également souligner l'importance que
revêt, pour l'ensemble des organismes régis par la Loi sur le
cinéma, la présence des femmes au sein des conseils
d'administration. Ainsi, nous nous réjouissons que l'Institut
québécois du cinéma ait actuellement une
représentation égale de femmes et d'hommes, et que deux des trois
membres de la Régie du cinéma soient des femmes. Cette pratique
devrait être maintenue et devrait être aussi étendue
à la SOGIC. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre. Vous avez droit à
17 minutes et demie.
Mme Frulla-Hébert: Merci de votre précision.
Le Président (M. Gobé): Par la suite, l'Opposition
aura droit à 17 minutes et demie aussi. Le député du Parti
Égalité, s'il le désire...
Mme Frulla-Hébert: Je suis rendue à 16 minutes, M.
le Président.
Le Président (M. Gobé): ...pourra avoir cinq
minutes.
Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lavigne. Je tiens seulement
à dire combien votre contribution nous est précieuse, mais
ça nous fait grandement plaisir aussi de vous voir ouvrir cette
commission. C'est sûr que votre position nous tient à coeur. J'ai
quelques précisions, parce que vous savez que c'est toujours très
difficile, finalement, de réglementer, d'une part, et de ne pas
censurer... Là, tu sais... donc entre la réglementation et la
censure, d'autre part. Bon, évidemment, ça fait appel aux droits
et libertés d'expression, etc.
Si je comprends bien, vous n'avez pas d'objection particulière
aux propositions du projet de loi sur le classement des films. Vous croyez
quand même que le classement, enfin, tel qu'on le propose, tient compte
des intérêts de la population. Par contre, vous recommandez que la
Régie prévoie - et je cite - des mécanismes et des
critères permettant de s'assurer que le classement soit fait dans le
respect des droits de la personne, en particulier celui des femmes. Vous parlez
aussi d'une campagne d'information pour faire connaître ces
critères. C'est difficile. Quand on parle de critères et qu'on
arrive dans la définition - les gens de la Régie sont ici,
d'ailleurs - est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus au niveau des
critères, du comment et des mécanismes, en fait, comment ceci
pourrait être applicable? Évidemment, je le répète,
au ni-
veau du classement, il y a toujours l'intention, les grands principes et
ensuite, l'application sur le terrain. Alors, si vous pouviez nous aider
là-dessus.
Mme Lavigne: Merci. Dans un premier lieu, parmi les
mécanismes, ce qui nous semble particulièrement important, c'est
de faire connaître à la population, finalement, les
critères ou les paramètres sur lesquels la Régie se base
pour, à la fois, donner un visa et faire les classements. Dans ce
sens-là, je pense que les initiatives récentes de la Régie
sont intéressantes dans la mesure où elles permettent au public
de saisir à partir de quoi on le fait, de connaître ces grands
paramètres, de connaître ces paramètres que la Régie
a d'ailleurs publiés dans un document. Quand on parle de resserrer
peut-être par rapport à ces critères et de le faire dans
une optique de respect des droits des femmes... Si on prend, par exemple, un
des paramètres qu'utilise la Régie - la notion de discrimination
- je pense que c'est important, dune part, que les citoyens le sachent et
aussi, qu'on puisse savoir de façon assez claire et d'intégrer...
de la même façon qu'un film qui, ouvertement, serait un film de
discrimination à l'égard des Autochtones, des Noirs, ou de...
religions différentes et qui aurait une propagande haineuse risque de se
retrouver sans visa. De la même façon, il importe que les
citoyennes puissent savoir qu'il y a une forme de discrimination sexiste qui,
elle, s'apparente à une forme de propagande haineuse. Donc, à la
fois de l'information et à la fois, peut-être, davantage de
précisions sur ce qu'on entend par discrimination. De la même
façon, ce qu'on entend par le respect dû à la vie, ce qui
concerne les atteintes a l'intégrité corporelle. Ce qu'il peut
être important que la Régie fasse dans un premier temps, c'est, je
crois, de continuer la démarche qui a été amorcée
récemment, que le public soit davantage informé et qu'on puisse
savoir ce sur quoi les critères se basent.
Par ailleurs, il y a aussi toute une possibilité. L'article 167
de la loi est modifié et, à ce moment-là, le pouvoir de la
Régie en termes de réglementation sera beaucoup plus large qu'il
ne l'était. Et, dans ce sens-là, il serait intéressant...
Je pense que tout va se jouer au niveau de la réglementation
là-dedans. La Régie pourra prévoir certains
mécanismes concernant l'étalage, ce qui pourrait vouloir dire que
la Régie pourrait prévoir dans la réglementation qu'on
regroupe les films selon leur classification, donc, qui devient un soutien -
qui n'est pas de la censure - aux parents qui savent que les enfants, c'est
dans tel coin qu'ils peuvent choisir leurs vidéos, ce qui facilite...
(11 h 30)
II y a la règle. Il y a des possibilités de placer
ailleurs les films qui sont réservés à des "18 ans et
plus". Il y a des possibilités d'inscrire sur des films quel type de
film on a. Et, dans ce sens-là, c'est un outil éducatif qui
permettra aux parents d'exercer, en toute connaissance de cause... d'orienter
leurs enfants vers les différents produits.
La Régie a aussi un pouvoir en ce qui concerne l'affichage. Et,
à cet égard-là, la question de l'affichage est aussi
extrêmement importante. Et il y a ce pouvoir qui devrait être vu
dans le sens du respect de la population et du respect de ce consensus social,
donc, qui se concrétise très clairement au niveau de la
réglementation.
Mme Frulla-Hébert: Juste une précision, parce que
vous parlez - évidemment, notre but, c'est d'étendre la
classification, c'est pour ça qu'on est ici - au niveau de la
vidéocassette. Il y a, je dirais, des craintes et certaines
réticences, justement. On va entendre d'autres groupes la semaine
prochaine, en commission parlementaire, qui disent: Oui, il y a classement;
oui, il y a information, mais on ne peut pas se substituer, par exemple, au
rôle du parent. Alors, l'argument est que l'enfant vient chercher...
Parfait, excepté qu'on ne peut pas contrôler ce qu'il fait
à la maison et on ne peut pas contrôler aussi l'enfant qui vient
reporter... Alors, on dit: Bon, bien, si on empêche, par exemple, un
enfant de 16 ans ou de moins de 16 ans, comment peut-on faire au niveau des
marchands même pour dire: Là, à ce moment-là, cet
enfant a 16 ans. Quand il vient reporter, c'est l'enfant de 12 ans qui vient
souvent reporter pour le parent. C'est tout le contrôle au niveau du
marchand même de vidéo. Est-ce que vous avez quelques opinions
à ce sujet-là?
Mme Lavigne: Oui, je peux partir d'une expérience
personnelle. J'ai déjà, par distraction, en faisant un lapin la
semaine dernière, envoyé ma fille; il me manquait du vin blanc.
J'ai dit: Écoute, va à La Maisonnée chercher une bouteille
de vin blanc pour que je finisse ma recette. Elle est revenue bredouille en
disant: Je ne peux pas acheter du vin blanc, je ne suis pas assez grande. La
Maisonnée établit ce contrôle. La Maisonnée ne vend
pas un paquet de cigarettes à un enfant; La Maisonnée ne le fait
pas non plus pour une bouteille de vin. Ce type de contrôle... et il y a
d'autres réglementations. Un enfant ne peut pas aller dans un bar; un
enfant ne peut pas acheter de l'alcool dans un dépanneur, ni des
cigarettes. Et si ça s'applique chez les milliers de dépanneurs
qui existent au Québec, je comprends mal qu'on ne puisse pas l'appliquer
à ce type de produit. C'est une dynamique qui est très semblable.
Et, à cet égard, la question pourrait se produire au niveau des
salles. Je pense que des gens pourraient dire: Écoutez, il n'y a pas de
carte obligatoire au Québec. Comment fait-on pour savoir si quelqu'un a
16 ans ou s'il a 18 ans?
Là-dessus, d'une part, la Régie pourra, par
réglementation, voir à l'implantation peut-être
graduelle... Mais je tiens à rappeler que, dans la plupart des
écoles au Québec, les enfants ont effectivement des cartes. Les
enfants à l'école élémentaire n'en ont pas et,
s'ils sont à l'école élémentaire, c'est que, en
principe, ils n'ont pas l'âge d'aller chercher le matériel qui est
pour les 14 ans... qui est pour des enfants plus âgés. Et les
enfants ont généralement des cartes qui servent ou pour prendre
l'autobus ou carrément la carte du collège, parce que c'est tout
à fait la mode d'en avoir. Et pour les plus âgés aussi,
c'est extrêmement important, parce qu'ils tiennent à aller dans
certains lieux et ont besoin de cette carte.
Alors, cette question de dire: II n'y a même pas
possibilité de contrôle, je pense que c'est un faux débat.
Il faudrait vérifier dans certaines commissions scolaires où il
n'y a pas de transport en commun, où on n'en a pas senti le besoin, mais
il semble que c'est une pratique qui soit généralisée. Il
suffirait, à cet égard, d'une note à différentes
commissions scolaires pour que, d'ici un an, ça fasse partie de
l'outillage des étudiants qui, de toute façon, se font à
peu près obligatoirement photographier au début de chaque
année. Alors, je pense que ce n'est pas particulièrement
complexe.
Mme Frulla-Hébert: Mais il y a aussi la carte
d'assurance-maladie. Remarquez qu'il n'y a pas la photo.
Mme Lavigne: Aussi.
Mme Frulla-Hébert: Mais je dois vous dire que ce n'est pas
tellement en salle de cinéma. La difficulté a été
soulevée surtout dans le mémoire de l'Association des
commerçants de matériel vidéo et ce n'est pas aux 18 ans,
parce que les 18 ans, c'est relativement facile. C'est beaucoup plus aux
applications du 13 ans et du 16 ans, mais vous avez quand même
apporté des bonnes... Parce que, évidemment, on prend certains
arguments pour, justement, les opposer à d'autres, juste pour voir,
finalement, le fondement réel de ces réticences.
Il y a une autre chose parce que le temps presse. Au niveau du
vidéoclip, vous avez raison; effectivement, la loi parle d'exclure le
matériel promotionnel. Il y a deux choses: le vidéoclip peut
être du spectacle en soi ou encore, considéré comme il
l'est présentement, comme la promotion d'un disque. Alors, en ce
sens-là, le vidéoclip est exclu. Je dois vous dire, par contre,
que je suis extrêmement sensible, finalement, aux recommandations dans le
mémoire quant aux vidéoclips et nous allons étudier
ensemble, avec la Régie, cette problématique.
Il y a aussi le glissement du 18 aux 16 ans au niveau des
catégories. Ce n'est pas du tout notre intention, évidemment, de
voir ce glissement ou, enfin, que ce glissement arrive. Par contre, tout en
parlant à certains groupes de psychologues, on dit aussi qu'à 16
ans, maintenant, l'acceptabilité de certaines choses est, en fait, plus
commune et aussi plus réaliste, nos enfants étant exposés,
donc matures plus rapidement qu'avant. C'est ce qu'on dit. Certains groupes
disent ça. Est-ce que vous pourriez juste élaborer
là-dessus?
Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je pense que le
problème n'est peut-être pas tant au niveau de ce qui est dans le
18 ans qui pourrait glisser dans le 16 ans, mais de la grande porte qu'on
ouvrirait dans le "18 ans et plus". À ce moment-là, on a souvent
tendance a confondre ou, en tout cas, à associer sexualité
très explicite et pornographie. Et la question qu'on se pose: Est-ce
à dire que l'existence d'une catégorie de "18 ans et plus"...
Comme on ramènerait une grande partie de la production qui est dans le
18 ans dans le "16 ans et plus", à ce moment-là, des films qui
étaient réputés contraires aux bonnes moeurs ou qui
auraient une violence qui serait plus du côté, bon, qui serait de
type pornographique se retrouveraient désormais avec visa parce qu'on
dirait: On n'a plus le... Bon. Et ça, cette possibilité, cette
élasticité au niveau du "18 ans et plus", où on se demande
si on ne se retrouve pas avec un glissement... D'autant plus que la
Régie reconnaît elle-même que plus de 50 % des films sont
des films dits de "sexploitation" et, à cet égard-là,
est-ce que ça veut dire que toute une partie de cette
production-là glisse par en bas et qu'on a une sexualité encore
plus violente dans les "18 ans et plus"?
C'est le type d'interrogation qu'on se pose et peut-être que la
façon d'y répondre, c'est que le public soit informé de
façon un peu plus précise de ce que signifient ce "16 ans et
plus" et ce "18 ans et plus". H faut que la loi, aussi, tel qu'on le formule
dans une recommandation, reprenne essentiellement ce qu'on a dans le document
explicatif de la loi, où on précise ce qu'est la catégorie
de "18 ans et plus" et on précise ce que sont les deux autres
catégories. Finalement, toute personne qui regarde ça, en
regardant les quatre catégories, se dit: Mais qu'on se complique la vie!
Sauf que je pense que le législateur avait une raison d'inscrire quatre
catégories, dans une optique de transparence et aussi pour faire en
sorte que ça ne fluctue pas au gré des diverses
réglementations ou au gré des idéologies qui
prévaudront au sein de la Régie, afin que le public puisse
être assuré du sens réel des catégories.
Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci, Mme Lavigne. Je veux
seulement vous dire qu'au niveau de l'élargissement du "18 ans et plus",
si on dit: Certains films seront reclassés avec justesse dans le 16 ans
et, à ce moment-là, 18 ans et plus, on peut s'en permettre plus.
Ce n'est pas du tout notre intention; l'ordre public ou les bonnes moeurs, tel
qu'on le dit, demeurent
tels que jugés présentement. On parle de "sexploitation"
au niveau des mineurs, et ça, c'est déjà un motif, dans
les faits, de refus. Alors, on n'ouvre pas plus les 18 ans, au contraire. C'est
peut-être tout simplement pour reclasser plus justement et couper
l'accès aux jeunes qui pouvaient se rendre... Un enfant de 8 ans pouvait
voir des films classés jusqu'à 18 ans.
Mme Lavigne: Est-ce que je peux me permettre de compléter?
Je pense que le type de préoccupation qu'on a est aussi d'avoir des
catégories claires et précises, dans la mesure où... Pour
ce qui est du marché du cinéma en salle, c'est assez facilement
contrôlable, mais la difficulté, c'est que les enfants sont de
grands consommateurs de vidéocassettes et, effectivement, la personne
qui loue et celle qui regarde n'est pas nécessairement la même. Je
conçois que c'est aux parents d'exercer un type de
responsabilité, mais il est aussi très important qu'on n'assiste
pas à un élargissement et que ce qui était une production
qui circulait déjà illégalement au Québec,
amplement, se retrouve dans ces commerces de matériel vidéo.
C'est à cet égard qu'il importe que ce ne soit pas une porte
ouverte, parce qu'on sait que, indirectement, des gens qui n'ont pas
l'âge requis pourront avoir accès à ce type de
matériel. C'est pourquoi il importe d'être particulièrement
vigilant.
Mme Frulla-Hébert: Parfait, merci. Pour moi, Mme Lavigne,
croyez qu'on prend vraiment bonne note de vos recommandations et, encore une
fois, je tiens à vous assurer qu'au niveau du vidéoclip, nous en
sommes très conscients et qu'on va le regarder ensuite de près
avec la Régie.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez
vous aussi 10 minutes.
M. Boulerice: Je vous remercie, vous m'en avez enlevé
moins qu'à Mme la ministre dans votre présentation. Mme Lavigne,
Mme Olivier, Mme Cliche, je pense que ça nous aurait été
probablement beaucoup plus difficile d'aborder certains thèmes si vous
ne vous étiez pas présentées aussi spontanément,
comme vous le faites à cette commission. Vous faites depuis des
années un travail extrêmement important pour ce qui est de
l'abolition des stéréotypes et de la violence. Je ne sais pas
comment vous mesurez votre action, mais moi, je pourrais vous donner de
nombreux exemples qui prouvent que, même si vous, peut-être, vous
pensez que ça ne progresse pas aussi rapidement, au contraire, votre
discours a fait impression.
Il y a des questions que je me pose Bon, au départ, je pense que
c'est très intéressant d'avoir la catégorie de classement
des films par âges applicable sur les vidéocassettes, ne serait-ce
que parce que c'est un indicatif pour les parents. Les parents ne sont pas des
critiques de cinéma. Ils n'ont pas fait de prévisionnement. Ils
ont vu une publicité, un extrait qui peut-être est tentant et
incitatif à le prendre, mais quant à son contenu comme tel, ils
n'ont pas cette notion-là au départ lorsqu'ils posent le geste de
prendre. Donc, le fait d'y mettre un indicatif, je pense, permet de mieux les
guider comme tel.
Dans le cas du matériel pornographique, c'est très clair,
c'est "18 ans et plus" et, déjà, la réglementation oblige
les vidéo-clubs à avoir une section complètement
distincte, fermée, et avec la mise en garde "18 ans et plus", etc. Par
contre, où je m'interroge, c'est sur la nouvelle catégorie "16
ans et plus", par rapport à "18 ans et plus". Les films de violence,
comment va-t-on mesurer ça? À 16 ans, on aurait droit à 22
meurtres durant le film et à 18 ans, on serait suffisamment mature pour
en absorber 42? Je fais très "charge" - une forme grammaticale
acceptable - mais comment va-t-on mesurer cela? Vous avez les mêmes
réticences que nous? Moi je trouve ça un peu bizarre. Et
deuxièmement, l'identification du 16 ans. Je ne connais pas votre jeune
fille, mais vous savez, je vais prendre un exemple. Ma nièce, elle, n'a
pas 18 ans, mais mon Dieu, on lui en donnerait bien 21. Il n'y a pas de carte
d'identité obligatoire, et même s'il y en avait une, mon Dieu,
vous savez que c'est facile d'en avoir sur le marché noir. (11 h 45)
Mme Lavigne: D'accord. Pour ce qui est du nombre de
catégories, je pense que, comme vous le dites vous-même, il s'agit
d'un instrument qui permet de cibler davantage ce que sont les
différentes productions. Parce que, écoutez, quand les enfants
vont chercher un film, je ne me tape pas l'ensemble des films qu'ils regardent.
Je dois dire qu'il y a un certain ennui à ça et je ne les regarde
pas. Et comme parent, et pour l'ensemble des parents, je pense que c'est un
indicateur qui nous permet de voir... On connaît son enfant, on
connaît son niveau de sensibilité, on connaît sa
réceptivité à différents éléments.
Ça peut être un guide extrêmement précieux pour des
parents, dépendant de la maturité d'un enfant, qu'un film qui est
à un niveau de violence... Bien sûr, vous me direz: C'est
difficile de dire, si c'est moyennement violent, plus ou moins violent ou
extrêmement violent.
Là-dessus, je pense que la Régie est assez bien
équipée. Les documents qu'ils ont produits montrent qu'il y a
toute une réflexion. Il y a des grilles, des paramètres qui
permettent d'identifier - parce qu'on le voit dans un contexte - qui permettent
de voir si une violence est associée à un contexte. Et il y a des
possibilités d'identifier. Si on peut le faire pour trois
catégories, je pense qu'on peut aussi facilement le faire pour quatre
catégories.
La question qu'on pose, effectivement, c'est
que, évidemment, il peut y avoir un danger de glissement, mais
là-dessus, il faut le voir dans la mesure où on conçoit
que ces catégories ne sont pas des éléments de censure;
elles sont essentiellement des repères. Elles sont des repères
qui disent juste ça: jusqu'à tel âge et jusqu'à tel
âge. Bon, ces types de repères, qu'ils soient vus comme des
indicateurs... C'est-à-dire, ils demeurent... Ils ne sont pas des
indicateurs - pardon - mais ils sont là ou ils n'y sont pas. Les enfants
ne doivent pas aller à des films d'autres catégories d'âge.
Néanmoins, ils permettent de savoir au moins, quand une production
vidéo entre dans la maison, que les plus jeunes ou les amis y ont
accès ou pas. Et dans ce sens-là, c'est important qu'on indique
aussi sur la production le type de classement auquel le film fait
référence. Et on se dit: Si c'est possible pour trois
catégories, sûrement que ça peut être possible pour
quatre catégories.
Pour ce qui est de la question des cartes, écoutez, on
connaît la problématique. Plusieurs personnes dans cette salle ont
sûrement connu des amis dans leur classe, ou même ont
peut-être déjà emprunté des cartes d'amis à
un certain âge. Cette question-là, on sait que ça se fait.
Ça, il y a une responsabilité des parents là-dedans, une
responsabilité que les parents sont en mesure d'établir, ou un
type de contrôle par rapport aux enfants. Évidemment, on ne
demandera pas aux législateurs là-dessus, d'avoir une... Il y a
une difficulté qui est là, mais qui fait partie, je pense, de
choses avec lesquelles les parents sont déjà habitués
à transiger, que ça concerne l'accès dans les bars ou, en
tout cas, ce qui est permis à partir d'un certain âge.
M. Boulerice: Pour ce qui est des cartes d'identité, Mme
Lavigne, vous allez convenir que, pour la majorité des membres de cette
commission, nous sommes beaucoup plus de l'époque de livres à
l'index que des vidéo-cassettes. Mais la Régie dit, Mme Lavigne,
qu'elle ne sera pas capable de l'appliquer. La Régie dit que
l'introduction de la catégorie "16 ans et plus", elle ne sera pas
capable de l'appliquer.
Mme Lavigne: Je dois vous dire que ce n'est pas une position de
la Régie qui était connue à ce jour. Je pense que les
entrevues qui ont été faites dans les médias disaient
qu'on réfléchissait à la question, à la
Régie. Si la Régie voit certains éléments, je pense
que... Elle a peut-être ses raisons, mais je comprends quand même
mal que ça ne soit pas faisable. Et si la Régie croit que ce
n'est pas faisable parce qu'elle craint un glissement et par peur du glissement
de différentes catégories... Bon, il faudrait le discuter, mais
je dois vous dire qu'on n'a pas pu avoir ce type de discussion avec la
Régie. Nous n'avons pas vu le mémoire de la Régie. Et, de
bonne foi, il nous semble que s'il est possible d'avoir trois
catégories... Je vais laisser ma collègue continuer
là-dessus parce que... Bon... Mme Olivier (Jocelyne): Je
pense...
Mme Lavigne: ...et s'il est possible d'avoir - c'est ça -
trois catégories, il me semblait que quatre, c'était possible.
Mais je laisse Mme Olivier continuer.
Mme Olivier: Un des avantages qu'on a vu, finalement, à la
création d'une quatrième catégorie, c'est de limiter
l'accès des "13 ans et plus" à certains types de films,
accompagnés de leurs parents. On peut difficilement... Bon. Il y avait
le danger du glissement, mais un des avantages, c'est que, actuellement, les
"14 ans et plus" accompagnés de leurs parents peuvent avoir accès
à certains films qui sont limités aux "14 ans et plus".
L'avantage de la création d'une quatrième catégorie, c'est
quand même de limiter l'accès des "13 ans et plus" à une
certaine catégorie de films auxquels les "16 ans et plus" pourraient
assister, mais pas des enfants même accompagnés de leurs parents.
C'est, il me semble, un des avantages de la création de la
quatrième catégorie.
M. Boulerice: Oui, mais il y des films de violence de "18 ans et
plus" qui risquent d'être accessibles. Ils vont se retrouver dans la
catégorie "16 ans et plus", donc le glissement risque de se faire
également.
Mme Lavigne: Je m'excuse, je n'ai pas compris.
M. Boulerice: Bon, je m'excuse, Mme Lavigne.
Mme Lavigne: Vous étiez loin de votre micro et je n'ai
vraiment pas entendu.
M. Boulerice: Je dis qu'il y a des catégories de
classement "18 ans et plus" qui risquent d'être ramenées à
"16 ans et plus", des films de violence, je parle. Je ne parle pas des films
dits pornographiques. Donc, le glissement 13 ans, 14 ans, risque
également de se faire dans cette direction-là.
Mme Olivier: Oui, mais c'est une des inquiétudes qu'on a
formulées dans notre mémoire; il y a une sensibilité
à ce phénomène-là. Ce qu'on dit, c'est qu'on parle
aujourd'hui d'accessibilité. On ne souhaite pas un glissement ou un
élargissement parce qu'on a des préoccupations à
l'égard du véhicule du sexisme et de la violence. Par ailleurs,
il y a toute une clientèle... Bon. On sait aussi... Je pense que Mme la
ministre faisait référence à des regroupements ou à
des gens qui vont intervenir en disant qu'il y a une certaine ouverture qu'on
peut reconnaître chez des adolescents de 16 ans et plus. Vous avez
fait
référence tout à l'heure à votre
nièce. Moi, j'ai une fille de 16 ans qui, effectivement, peut avoir
l'air de 21 ans, mais il y a aussi une maturité ou il y a... Ce qu'on
peut constater chez des jeunes entre 16 et 18 ans, on ne le retrouve pas
nécessairement chez des jeunes entre 13 et 16 ans, même s'il y a
des jeunes filles de 14 ans qui ont l'air d'en avoir 18.
Alors, le pendant ou l'avantage de l'un et de l'autre, c'est peut
être de limiter l'accès de certains films à des jeunes de
13 ans ot plus et ce, même accompagnés de leurs parents Ils
peuvent se trouver des adultes ou des gens qui ont l'air plus vieux, qui sont
consentants. Il y a toutes sortes de facteurs où, même s'il y a
des parents qui peuvent assister à un film avec leur enfant, du fait
qu'ils soient là, ils ne seront pas nécessairement en mesure de
contrer tout ce qui est véhiculé dans le film.
Alors, ce qu'il faut évaluer, c'est l'avantage et les
inconvénients, comme dans toute situation, mais peut-être que la
limitation de l'accès à certains films pour des "13 ans et plus"
va compenser pour certains inconvénients qu'on pourra retrouver. On peut
aussi faire confiance à la Régie pour évaluer ou mettre
sur pied des mécanismes qui permettront qu'on ne se retrouve pas dans
une situation qui soit aussi déplorable.
M. Boulerice: Vous énoncez des principes auxquels je ne
suis pas insensible sauf que, tentez, ne serait-ce que quelques instants, de
vous mettre dans notre peau. Nous sommes les législateurs, donc nous
devrons inclure dans une loi, dans une réglementation qui, après,
sera remise à la Régie qui devra exercer... Donc, là,
c'est moins facile pour nous. Je ne dis pas qu'on ne veut pas, mais ce n'est
pas facile de mettre dans une loi tous les termes. Alors, moi, je serais
tenté de vous dire: Qu'est-ce qu'on peut voir à 16 ans qu'on ne
peut pas voir à 18 ans? Et qu'est-ce qu'on peut voir à 18 ans
qu'on ne peut pas voir à 16 ans? Entre 13 et 18 ans, je comprends,
là, qu'il y a vraiment un monde assez vaste pour une grande partie de
nos adolescents, mais entre 16 ans et 18 ans, c'est un petit peu plus restreint
et ça m'apparaît un petit peu plus flou. Je pourrais même
faire la distinction entre filles de 16 à 18 ans et garçons de 16
à 18 ans; vous savez comme moi qu'il peut y avoir un monde. Je ne veux
pas pratiquer mon vieux métier, là, mais vous savez qu'il peut y
avoir un monde.
Mme La vigne: Écoutez, là-dessus, je pense que...
Bon. C'est sûr que ça prend des critères, mais il y
déjà une indication assez claire dans les documents de la loi
où on parle de sexualité très explicite ou de très
grande violence. Moi, je peux dire qu'à partir du moment où c'est
clair qu'un film est de très grande violence, personnellement, je n'ai
aucun goût d'aller voir ce film. De façon générale,
ça m'ennuie, dois-je dire, et c'est le cas, je pense, de beaucoup de
téléspec tateurs. Là, ça devient clair qu'un film
pour "18 ans et plus" est un film de très grande violence ou un film de
sexualité très explicite; une grande partie des spectateurs
adultes ont aussi ce point de repère. Et si moi, comme adulte, je trouve
que ça m'empêche de dormir d'avoir vu un film d'horreur - parce
que je n'aime pas les films d'horreur - j'aime autant le savoir, savoir qu'il
est dans les 18 ans et plus, ce film d'horreur, et aussi savoir que les
enfants, même s'ils ont 16 ans... À 16 ans, 18 ans, ça fait
des cauchemars aussi. C'est un indicatif dans la mesure où on place les
films avec ces catégories-là, alors que les films pour les 16
ans, effectivement, c'est des films qu'un ensemble d'adultes qui ne sont pas
à la recherche de sensations fortes en termes de violence peuvent
voir.
Et là, je conçois que, effectivement, dans les 16 ans et
plus... Il y a une différence entre 16 ans et 18 ans à ce
moment-là. Effectivement, ce qu'on craint, ce qu'on ne veut pas, c'est
que des films qui sont de forte violence à un moment et qui sont pour
les "18 ans et plus" baissent pour les 16 ans. Le critère de la
violence, il me semble que c'est assez clair, ce qui s'inscrit entre ce qui est
d'une grande violence et... Prenez les films d'horreur; je pense que vous savez
ce que c'est, et c'est possible de le faire.
M. Boulerice: Je reviens toujours, Mme Lavigne, et ce n'est pas
du harcèlement, rassurez-vous. Au niveau des intentions, moi, je les
comprends très bien, vos intentions et, je vous le répète,
je pense qu'on y est tous sensibles. Je veux dire que si,
géographiquement, on nous a distribués, je pense qu'on aurait
dû nous mettre sur une table droite au niveau de cette loi. Mais nous, on
va avoir l'application, Mme Lavigne Là, déjà, vous dites:
un film de grande violence. Spontanément, je vais dire: Mais c'est quoi,
une grande violence? 20 meurtres, c'est moyenne violence, 40 meurtres, c'est
grande violence et là, je vais vous ramener la notion d'atrocité.
Je vous dis: Je pense qu'on saisit vos intentions, mais il va falloir que la
Régie l'applique et si la Régie l'applique, moi, je veux qu'elle
l'applique bien pour que ça ne soit pas resté que quelque chose
de très théorique qu'on a mis dans la loi, mais qui n'a pas
vraiment de suivi. Ça ne sera pas possible que, en fin de compte,
ça soit - si vous permettez cette expression du vocabulaire quotidien -
un "free-for-all".
Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus.. Bon, en principe,
la Régie a une longue expertise sur ces questions et la Régie est
quand même... Ils ont un ensemble de critères et des
mécanimes qui leur permettent de discuter ensemble et d'établir
ce qui est moyennement violent et d'une grande violence. Je conçois que
ce n'est pas simple. De la même façon que d'examiner le sexisme
dans un manuel scolaire, ce n'est pas simple, mais ça
s'est fait. Il y a un bureau d'approbation du matériel didactique
qui est capable de le travailler, de l'étudier. Il y a eu des
instruments méthodologiques qui ont été mis sur pied; il y
a toute une démarche qui s'est faite et ça s'applique. Les
éditeurs sont capables de travailler avec ça. Ça
s'applique pour le racisme, ça s'applique pour la discrimination en
matière de religion. Il y a des équipes qui sont
extrêmement... qui sont spécialisées dans ce type de
travail-là et qui peuvent le faire.
Si on est capables de le faire pour du matériel scolaire par
rapport à un produit audiovisuel, on peut aussi baliser et identifier.
Et à cet égard, je pense qu'il s'agit essentiellement... Je ne
crois pas que le fond de la question soit une question de possibilité
méthodologique. C'est d'abord et avant tout une question de choix qui
est fait parce que, à partir du moment où on décide de...
Et la catégorie... De toute façon, la catégorie "13 ans et
plus" étant, à beaucoup d'égards, pas très
différente du visa général, dans la mesure où, s'il
est accompagné d'un parent, un enfant qui a 8 ans ou 9 ans peut le voir,
je me dis: II y a des possibilités d'avoir des outils; il s'agit de voir
fondamentalement ce qui est à la base des motivations de la Régie
du cinéma de proposer de revenir à trois catégories.
Mais dans le fond, si on veut en avoir quatre, je pense que les outils
méthodologiques, c'est relativement secondaire parce qu'on aurait pu...
C'est un problème qui en découle, mais ça se surmonte et
ça se règle alors que... On aurait pu tenir le même
argument il y a un certain nombre d'années en disant: Écoutez,
des films, ça ne se classe pas. Comment peut-on identifier que... Bon.
Il y a eu une époque où on aurait voulu n'avoir aucune forme de
classification, où on évoquait ce même type d'arguments en
disant: Écoutez, on n'est pas capable d'identifier et de donner des
indications qu'un film a un degré x de violence ou un degré x de
manifestation sexuelle explicite et, à cet égard, c'est possible.
Je pense que c'est fondamentalement une question d'orientation, et les outils
peuvent être construits si on le désire. (12 heures)
M. Boulerice: Ma dernière question, Mme Lavigne. On est
tout à fait d'accord avec l'ajout de la notion d'exploitation de
personne mineure. Ça, je pense qu'il n'y a rien de plus
dégradant, effectivement. Ça doit faire l'objet d'un motif de
rejet du film, tel que cité à l'article 81. Est-ce que vous
plaidez aussi en faveur d'un contrôle plus vigoureux de l'accès de
certains films au public mineur? Pour quelles raisons? Et avez-vous des
critiques à formuler à cet égard pour ce qui est du
rôle de surveillance de la Régie, puisque vous proposez aussi
d'accroître ses effectifs?
Mme Lavigne: Non, on ne propose pas d'accroître les
effectifs de la Régie. Ce que nous proposons, c'est qu'on s'assure que
la Régie ait les effectifs suffisants et nécessaires qui peuvent
s'assurer notre recommandation. C'est que le législateur s'assure que la
Régie ait le nombre d'inspecteurs requis, d'autant plus que son mandat
s'élargit et qu'il va aussi directement découler du type de
réglementation que la Régie instaurera à la suite de
l'approbation de la réglementation, par le gouvernement ce qui pourrait
amener des tâches d'inspection qui seraient plus larges. De l'aveu de la
Régie, semble-t-il, le nombre d'inspecteurs est satisfaisant. La
question que nous nous posons néanmoins, c'est qu'il nous semble quand
même qu'au-delà des 129 salles de cinéma se rajoutent
l'ensemble des lieux vidéo et on se dit... Ce qu'on espère, en
tout cas, c'est qu'il y ait des évaluations qui soient faites et que,
là-dessus, on ne lésine pas sur la nécessité de
faire en sorte que la loi et la réglementation puissent être
appliquées adéquatement.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lavigne.
Rapidement, M. le député.
M. Boulerice: Bien rapidement, Mme Lavigne...
Le Président (M. Gobé): En conclusion.
M. Boulerice: ...nous allons avoir notre premier
différend. Ça va marquer l'histoire. Moi, je ne crois pas que
ça sera possible de réaliser... Si on veut ajouter une autre
catégorie, compte tenu que le vidéo, c'est 4000 points de
distribution, moi, je ne pense pas que la Régie soit capable de le faire
sans une augmentation très significative de ses effectifs. Si on veut
que la réglementation qu'on accorde, eh bien, qu'elle soit
appliquée vraiment partout à l'échelle du Québec,
alors... Je vous dis que non. Moi, je pense qu'on doit augmenter de
façon très considérable, sinon elle n'arrivera pas
à le faire. Sur ce léger désaccord, donc, qui était
sur la forme et non pas sur le fond...
Mme Lavigne: Écoutez, c'est qu'on n'est pas...
M. Boulerice: ...sur les moyens, dis-je, plutôt.
Mme Lavigne: ...en désaccord avec vous, mais ce qu'on
veut, nous, c'est s'assurer que le législateur s'assure que la
Régie dispose de l'effectif suffisant pour remplir efficacement son
nouveau mandat d'inspection et qu'elle le fasse adéquatement, sauf que
nous ne sommes pas en position, comme Conseil, d'identifier combien de temps
prend une tournée d'inspection dans l'ensemble des 4000 lieux et des 129
salles de cinéma. Nous ne sommes pas liés à la gestion de
cet organisme, nous n'avons pas les outils, sauf
que nous disons: II est important, si on donne cette
responsabilité à la Régie, qu'elle ait les outils pour
faire appliquer sa loi, sauf que nous sommes, comme Conseil, dans
l'impossibilité de faire une recommandation d'accroissement des
effectifs dans la mesure où on ne sait pas ce que ça signifie
concrètement de le faire. Alors, ce qu'on dit néanmoins, pour que
l'esprit de la loi soit respecté, c'est qu'il nous importe qu'on ne
lésine pas sur les effectifs d'inspection s'il y a un besoin.
Le Président (M. Gobé): Merci, Madame. Mme la
ministre, en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: En conclusion...
Le Président (M. Gobé): ...le mot de
remerciement.
Mme Frulla-Hébert: ...premièrement, je tiens
à vous remercier sincèrement, vous toutes. Deux choses pour vous
rassurer: la Régie verra l'augmentation de ses effectifs, c'est
prévu; et au niveau du classement, je comprends, par exemple, toute la
notion de nuances, là: qu'est-ce qui est violent, pas violent et tout
ça. Par contre, la Régie a du personnel formé pour le
juger et il restera toujours une certaine partie de subjectivité. Mais
quand on dit que c'est impossible d'avoir des classements, je tiens à
informer cette commission qu'au niveau des catégories, l'Argentine a
quatre catégories; l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le
Danemark, l'Espagne et la Norvège en ont six; la
Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la République
fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, les
États-Unis et la France, eh bien alors, tout pour vous dire qu'ils en
ont, une classification; les autres...
Une voix: Oui, mais l'application...
Mme Frulla-Hébert: Non Non Les autres pays ont d'autres
classifications; s'ils sont capables de les opérer, on pourrait y voir
II va y avoir des difficultés au niveau des marchands de matériel
vidéo et je les comprends. Par contre, il faut maintenant peser le
possible et le non-possible; chose certaine c'est que, par expérience,
d'autres pays le font.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, Mme Lavigne. Merci, Mesdames. Ceci met fin à votre
témoignage. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30
cet après-midi, en cette salle, où nous reprendrons la suite des
travaux. On y entendra Pacijou Alors, la séance est maintenant
suspendue. Bon appétit à tout le monde.
Mme Lavigne: Merci beaucoup (Suspension de la séance
à 12 h 7)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture va maintenant continuer les travaux
qu'elle avait entrepris ce matin. Nous avons le plaisir de recevoir, comme
premiers intervenants, le groupe Pacijou qui est représenté par
Mme Savard, Mme Chabot ainsi que par M. Brodeur.
Pacijou
Vous connaissez nos règles qui sont relativement simples. On
dispose d'une heure pour vous entendre et discuter avec vous. Une vingtaine de
minutes sont consacrées à votre présentation Après
ça, les membres de l'équipe ministérielle vont discuter,
vous interroger pour une période équivalente de temps et,
après ça, les membres de l'Opposition ou le représentant
de l'Opposition officielle fera la même chose.
Je vous suggérerais tout d'abord de vous présenter. Je
sais que vous m'avez fait tout à l'heure une demande à laquelle
je m'empresse d'acquiescer, c'est-à-dire de procéder au filmage
vidéo de votre présentation. Alors, je vais vous expliquer les
règles à suivre. C'est les mêmes règles qu'on suit
ici, à l'Assemblée. Je pense que ça fait votre affaire et
il n'y a pas de problème avec ça. Après ça, vous
m'avez parlé - vous le direz peut-être tout à l'heure -
d'un document que vous voulez distribuer. Mme la secrétaire va s'en
charger avec plaisir, et les membres de la commission auront en main ce
document-là.
En ce qui concerne la présentation vidéo que vous vouliez
faire, j'en ai discuté avec les membres de la commission. Ma
première réaction, je vous l'ai fait connaître tout
à l'heure. Ça été que ce n'était pas dans
les habitudes de cette commission, en tout cas, d'accepter que ça se
fasse de cette façon, compte tenu que, comme je vous le disais, cette
commission est un endroit pour discuter, pour échanger, et les
présentations se font verbalement. Je suis sûr que vous pouvez
être très convaincants par les paroles que vous avez à
prononcer
D'un autre côté, nous sommes dans un domaine un peu
particulier qui touche l'image et, à titre exceptionnel... Je voudrais
que ça soit bien compris ici, à cette commission; il ne s'agira
pas d'un précédent. C'est un cas d'espèce, parce que nous
parlons de cinéma, parce que nous parlons d'images. Nous allons donc
permettre un court vidéo que vous pourrez présenter à
l'intérieur du temps qui vous est alloué, pour les quelques
minutes dont vous avez besoin, étant bien entendu que nous le faisons
à titre exceptionnel parce que c'est une commission qui siège sur
le cinéma, dans le cadre de l'étude d'un projet de loi qui porte
sur le cinéma, et étant aussi bien entendu que c'est comme
ça que c'est compris et qu'on ne pourra pas procéder dif
féremment à d'autres occasions. Je pense que ça
devrait faire votre affaire, alors nous allons procéder comme
ça.
Et ce que je tiens à dire aussi, c'est que malgré le fait
de présenter un vidéo aux membres de cette commission, nous ne
sommes pas ici des juges ou des gens qui sont ici pour apprécier des cas
d'espèce qui sont présentés, disant que, ça, c'est
excessif, ça, c'est bon, et voici comment les choses devraient se faire.
Nous ne sommes pas la Régie du cinéma. Nous ne sommes rien
d'approchant. Alors, c'est un petit peu ce que j'avais voulu éviter au
début, mais on va faire une exception. Nous allons vous permettre de
nous présenter votre court vidéo.
M. Boulerice: On n'est pas allés à Cannes, on a
droit à notre petit festival nous aussi.
Le Président (M. Ooyon): C'est ça. On ne parlera
pas de ceux qui y sont allés. Mme Savard, vous pouvez peut-être
procéder à la présentation des gens qui vous accompagnent.
Vous avez la parole pour le temps que je vous ai indiqué. Donc, à
vous.
Mme Savard (Diane): Bonjour, Mme la ministre, bonjour messieurs,
mesdames. J'aimerais d'abord vous remercier pour le fait que vous nous
permettiez de nous faire entendre aujourd'hui. Je me joins à
Marie-France Chabot, qui est membre de Pacijou et qui est aussi psychologue et
juriste, et à M. Jacques Brodeur qui est enseignant. Aujourd'hui, je
suis un petit peu énervée.
D'abord, je vais vous présenter Pacijou. Pacijou, c'est un
organisme indépendant à but non lucratif qui, dans les
années quatre-vingt, comme de nombreux autres organismes, avait
constaté un accroissement de la violence chez les jeunes et dans la
société en général. Nous, ce qui nous a
particulièrement intéressés, c'est toute la question
culturelle, c'est-à-dire les films et les jouets qu'on offrait aux
enfants. On s'est rapidement aperçus qu'au niveau des films, des
émissions pour enfants et de la culture en général, il y
avait aussi une augmentation de la violence et, entre autres, une
prolifération des héros qui faisaient la promotion de la violence
comme mode normal de fonctionner.
Alors, depuis quatre ans, Pacijou travaille d'abord à faire une
sensibilisation auprès des jeunes sur cette violence-là.
Peut-être que vous avez entendu parler de la campagne que nous avons
menée dans les écoles du Québec où on demandait aux
jeunes de se départir d'un de leurs jouets de guerre pour
réaliser des sculptures pour la paix qui seront érigées
à Montréal et à Québec. Pacijou veut aussi
travailler encore dans le sens de trouver des alternatives aux jouets de
guerre. Dans ce sens-là, on a proposé l'an dernier, en
collaboration avec d'autres organismes, des psychologues, des pédiatres,
de nombreux organismes, un concours dans les éco- les où les
jeunes étaient amenés à imaginer des jeux, des jouets ou
des contes qui feraient la promotion d'autres valeurs que la violence, le
racisme, le sexisme, etc, donc, des jeux pour la paix.
Notre action s'inscrit dans l'esprit de la Convention internationale des
droits de l'enfant. Cette Convention, qui a été signée par
le Canada, comprend d'ailleurs une quantité de principes qui se
retrouvent dans nos deux chartes, la canadienne et la québécoise.
J'aimerais, entre autres, attirer votre attention sur deux articles de cette
Convention internationale des droits de l'enfant qui, à notre avis,
touchent plus précisément la question des médias. Alors,
je cite ici l'article 29: "Les États conviennent que l'éducation
de l'enfant doit viser à inculquer à l'enfant le respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Évidemment, les
États-parties conviennent également que l'enfant doit être
préparé à assumer les responsabilités de la vie
dans une société libre et dans un esprit de paix, de
tolérance, d'égalité entre les sexes, d'amitié
entre tous les peuples et groupes ethniques nationaux et religieux et avec les
personnes d'origine autochtone. L'article 17 de cette Convention prévoit
aussi que les médias ont une rôle important à jouer dans
l'application de ces principes. Nous avons apporté avec nous des courts
extraits de films qui sont largement diffusés pour vous permettre de
constater, comme nous, l'écart, le clivage, le grand fossé qui
existe entre les discours qu'on tient, les voeux que l'on a dans nos chartes et
dans cette Convention et la réalité qu'on suggère aux
enfants. Alors, avant de continuer, j'aimerais que vous puissiez visionner les
quatre extraits qu'on vous a apportés.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 15 h 48)
Mme Savard: Ça, c'est un film, hein? Ce ne sont pas des
extraits que nous avons faits. C'est un film qui se vend comme tel. Les
meilleures mises en échec de la décennie. Il y en avait un autre
qu'on devait voir, un dernier.
Le Président (M. Doyon): On a compris le message.
Mme Savard: Vous avez compris?
Le Président (M. Doyon): C'est des choses dont on
était fort au courant, malheureusement.
Mme Savard: Bon. Eh bien! En tout cas, ne serait-ce que pour
mettre encore un peu d'assaisonnement sur tout ça, 129 meurtres dans 103
minutes de film, c'est ce qu'on voit quand on écoute "Rambo"; 166 actes
de violence quand on écoute les "Ninja Turtles" 84 actes d'agression
à
l'heure - tout à l'heure, on l'a vu - c'est la moyenne qu'on voit
dans les "G.I. Joe" qui sont donnés tous les jours aux enfants, les fins
de semaine, le samedi. En moyenne, un jeune, le temps qu'il ait fait ses cours
primaire et secondaire, on calcule qu'il aura vu environ 13 000 meurtres.
Alors, on est loin du discours à la pratique.
Pacijou, l'an dernier, a publié un document que nous aimerions
vous remettre, dans lequel, notamment, on fait allusion au fait que, chez les
jeunes, le sens critique se développe avec le temps et avec l'aide de
ses éducateurs et qu'il serait erroné de croire que, avant 13
ans, un jeune est capable d'avoir l'esprit critique à l'égard des
publicités ou à l'égard des fictions qui font la promotion
de la violence comme mode normal de solution des conflits. D'ailleurs, c'est
sur cette même base-là que la Cour suprême du Canada a
validé la Loi sur la protection du consommateur, concernant justement la
diffusion des publicités pour les enfants de 13 ans.
Alors, ce que nous voulons aujourd'hui, en gros, c'est, finalement,
qu'on décide d'une façon urgente de faire un rapprochement entre
ce que nous voulons véhiculer comme valeurs aux enfants et ce que nous
voulons leur mettre entre les mains pour développer ces
pratiques-là. Il est urgent de fournir aux jeunes des outils pour
développer des valeurs d'entraide, de coopération, de justice,
d'égalité et de respect de la vie humaine. Alors,
là-dessus, dans ce mémoire, on vous propose quelques moyens
d'intervention. Je laisse la parole à Marie-France Chabot.
Le Président (M. Doyon): Mme Chabot.
Mme Chabot (Marie-France): Merci, M le Président, Mme la
ministre, membres de la commission. D'abord, de façon
générale, Pacijou est satisfait.. voudrait saluer les efforts qui
sont déjà présents dans le projet de loi actuel. Nos
interventions vont dans le sens d'accentuer un certain nombre d'orientations.
Alors, je vais passer rapidement. Je présume que, quand même, vous
avez parcouru le mémoire, mais je vais soulever au passage les
éléments les plus importants.
Tout d'abord, puisqu'il s'agit finalement de vigilance sociale, puisque,
dans le cadre de la loi, il y a des institutions qui ont pour mandat de scruter
le contenu des films ou des vidéos qui sont proposés pour fins de
visa, puisqu'il s'agit de vigilance, nous pensons que ce qui est proposé
à l'article 8 du projet, à savoir d'identifier trois personnes
supplémentaires qui représenteraient des champs
d'intérêt prioritaires pour l'Institut, nous suggérons que,
déjà, soit décidé qu'une de ces trois
personnes-là devrait - donc, on identifie un des champs
d'intérêt qui devrait être prioritaire - avoir pour mission
spécifique de surveiller la question de la protection des
intérêts de la jeunesse en matière de cinéma et de
vidéo.
On sait qu'il y a déjà une personne qui est là pour
surveiller les intérêts des consommateurs, mais c'est un mandat
qui est très large. Si une personne a à surveiller tous les
intérêts de tous les consommateurs, on pense que, malheureusement,
ça ne lui permettra pas de prioriser ou de donner l'importance
nécessaire à la question des valeurs qui sont
véhiculées auprès des jeunes du Québec. Alors,
notre demande va dans ce sens-là, soit sous la forme d'identification
d'un champ prioritaire, soit sous la forme d'un ajout dans la loi, en disant:
Une personne pour sauvegarder les intérêts de la jeunesse.
Le reste de mon intervention va concerner la question du classement,
c'est-à-dire des types de visas et de la mise en oeuvre du classement.
Le projet de loi, là-dessus, commence d'abord par dire à
l'article 77 qu'un certain nombre de produits vont être exemptés
du classement et, nommément, au premier paragraphe de l'article 77,
à la page 8 du projet de loi, on dit que serait dispensé de
classement "le film produit à des fins de promotion industrielle ou
commerciale à l'exception du film-annonce portant sur un film non
dispensé du classement". Pacijou croit qu'il y a là une
incohérence avec la Loi sur la protection du consommateur, dans la
mesure où on a interdit dans un des articles de cette loi-là la
publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Cet
énoncé-là est beaucoup trop général et
devrait être restreint en mentionnant que les films de promotion
publicitaire devraient faire l'objet d'une analyse, eux aussi, et
particulièrement qu'on devrait faire attention à ce qui est
présenté aux jeunes de moins de 13 ans.
De façon générale, donc, on ne voit pas pourquoi ce
qui est interdit à la télévision serait permis dans les
salles de cinéma. Pour nous, c'est sûr qu'on est d'accord avec la
position générale concernant la publicité, mais on
voudrait qu'une attention particulière soit portée à la
question des films qui font la promotion de produits qui, eux, font la
promotion de la violence. Donc, cette dispense-là nous apparaît
trop large.
Deuxièmement, à l'article 81 de la loi, nous aimons
beaucoup le premier alinéa qui identifie que pourraient se voir refuser
un visa les films qui vont à rencontre de l'ordre public, et notamment
ceux qui encouragent ou soutiennent la violence sexuelle. C'est bien
évident qu'on ne va pas s'objecter à ça. Au contraire, on
voudrait que ce soit un peu élargi dans le sens où, on sait que,
quand on donne un exemple, on n'exclut rien d'autre, mais on indique quand
même dans quel univers vont se situer les produits qui vont contre
l'ordre public.
On pense que, ici, c'est trop restreint de ne parler que de violence
sexuelle. Il faudrait, selon nous C'a l'air de dire que, peut-être, les
autres types de violence vont moins à rencontre de l'ordre public, ou
ça pourrait être interprété. Comme c'est
déjà très difficile, pour les gens
qui ont à faire l'analyse, de démêler entre ce qui
va contre l'ordre public et ce qui ne va pas... On sait que, dans d'autres lois
du Québec, c'est toujours difficile à interpréter, qu'on
soit juge ou juriste. Il serait utile, on pense, d'ajouter une ligne directrice
et d'ajouter à la notion de violence sexuelle: "Et toute autre forme de
violence faite à rencontre des enfants ou des adultes". On ne voit pas
pourquoi ça irait moins à rencontre de l'ordre public quand ce
n'est pas de la violence sexuelle.
Pour le reste, il s'agit donc de voir comment on va mettre en oeuvre
cette volonté de vigilance et cette volonté de ne pas, je dirais,
bourrer le crâne de nos enfants - de la jeunesse en particulier, donc -
d'idées de violence et de ne pas banaliser cette chose-là. On
dit: Pacijou reconnaît qu'il s'agit là d'une entreprise
périlleuse, difficile, et qu'il n'y a pas de raccourci quantitatif
simpliste pour faire une telle oeuvre de vigilance et de scrutin. Dans ce
sens-là, on pense qu'il y a de l'énergie à mettre dans une
grille d'analyse qui pourrait peut-être être confiée aux
membres de l'Institut dont le champ d'intérêt prioritaire serait
la sauvegarde de l'intérêt de la jeunesse, mais on donne
déjà quelques suggestions particulières.
C'est bien sûr qu'on suggère que le visa soit refusé
quand un film fait la promotion de la violence en général, mais
on sait qu'il faut la définir, cette promotion-là. Encourage,
soutient... Mais on dit aussi: Bon, il y aura un certain nombre de films qui
passeront à travers la grille d'analyse et qui recevront un visa.
Peut-être que, nous, on aurait une grille d'analyse plus
sévère que ce qui sera retenu. On ne peut pas préjuger,
mais on dit: Ceux qui, déjà, contiennent beaucoup d'actes de
violence, même s'ils sont considérés comme n'en faisant pas
la promotion, étant donné qu'à long terme, le fait d'en
voir beaucoup banalise la violence, nous désensibilise, fait qu'on
réagit moins fortement, on pense qu'il faudrait qu'il y ait une...
Puisque le projet de loi le permet, qu'on puisse caractériser... C'est
mentionné au dernier alinéa de l'article 81, c'est permis de
caractériser les films. On voudrait que ceux qui reçoivent quand
même un visa de "18 ans et plus", mais qui contiennent beaucoup de
violence, portent une mention: "Film contenant de la grande violence" et une
mise en garde du même type que ce qu'on voit sur les paquets de
cigarettes. Vous avez ça à la page 8 de notre mémoire. On
voudrait que soit inscrite, sur les films qui auraient passé à
travers la grille d'analyse, la mention suivante: "Le danger d'influencer de
façon dommageable le comportement et la santé mentale croît
avec l'usage." Ces affirmations sont quand même fondées sur des
recherches faites au niveau de l'ONU, de l'UNESCO et, finalement, la
Corporation des psychologues de la province est d'accord avec ces
choses-là. Donc, essentiellement, un resserrement de la grille, un
élargissement de la notion de violence au-delà de la question de
la violence sexuelle et une mention claire pour dire qu'il faut faire
attention, qu'il faut être vigilant.
Le Président (M. Doyon): Mme Chabot, il resterait environ
une minute au temps qui vous était alloué. Si vous voulez
résumer ou, en tout cas, il restera moins de temps, si les
parlementaires sont d'accord, pour la discussion ultérieure.
Mme Chabot: J'ai terminé, pour ma part. Le
Président (M. Doyon): Très bien. Mme Chabot: M.
Brodeur.
Le Président (M. Doyon): M. Brodeur.
(16 heures)
M. Brodeur (Jacques): Merci. Messieurs, mesdames, la partie que
j'ai à faire, si je dois la faire en une minute, se résume en
quelques mots. Le projet de loi lui-même mentionne qu'il y aura de
l'argent destiné à des entreprises de cinéma. Pacijou
propose que ce soit de l'argent qui soit destiné a des groupes qui ont
des alternatives à proposer à l'utilisation de la violence comme
mode de solution de conflits, par voie de règlement ou inclus dans la
loi. Deuxièmement - et voilà quelque chose d'assez nouveau - nous
proposons à cette loi de reconnaître officiellement le principe,
dans le domaine culturel, du pollueur-payeur. Il y a quelqu'un qui met en
circulation des produits qui font la promotion de la violence ou qui la rendent
banale. Nous proposons qu'il y ait une taxe imposée à
l'utilisation de ces produits, taxe qui pourra être utilisée pour
toute forme d'indemnisation de victimes d'actes criminels, et
particulièrement les femmes victimes de violence au foyer, violence
conjugale, et d'enfants victimes de violence. Vous savez que, dans notre pays,
il y a des maisons d'hébergement où des personnes sont
obligées d'aller se réfugier pour se cacher de leur propre mari,
la personne qu'elles aiment le plus au monde. Nous croyons que les personnes
qui bénéficient de la circulation de la violence dans notre
société ont une responsabilité par rapport à ces
dégâts sociaux, qui entraînent des coûts collectifs
que nous sommes obligés d'assumer ensemble.
Notre proposition c'est que, lorsqu'une compagnie pollue un ruisseau,
bien sûr, il y a des services publics qui se chargent de dépolluer
le cours d'eau, mais les frais doivent être imputés à
l'usine qui a été, par sa négligence, responsable de cette
pollution-là. Nous proposons le même raisonnement dans le domaine
de la culture. Il y a des gens qui font de l'argent avec la violence, qui la
diffusent des centaines de fois à l'heure, pour des raisons tout
à fait inutiles, auprès de clientèles qui sont absolument
sans défense.
L'exemple le plus flagrant, actuellement, c'est la fureur qui existe
chez les enfants d'âge préscolaire et primaire de se procurer un
objet sur lequel est dessinée une tortue Ninja, parce que c'est le film
qui en fait la promotion, de la violence. C'en est un film qui fait la
promotion de la violence. Et ce film a même été reconnu par
des enfants comme un produit toxique Sauf que, comme c'est un produit qui est
béni, un produit pour lequel on peut se présenter dans n'importe
quel club vidéo et obtenir, sans aucune espèce d'identification,
une cassette de ce genre-là - on a même vu, chez certains
concessionnaires de clubs vidéo, que des enfants voient ça pour
leur troisième anniversaire. Le papa arrive avec le petit fiston sur les
épaules; il vient chercher sa cassette: Oui, tu vas pouvoir voir la
tortue Ninja, papa la loue pour une semaine. Pendant une semaine, combien de
scènes de violence un enfant voit-il auxquelles il devient
accoutumé? - Alors, plus tard, le jour où il a une chicane avec
sa conjointe, pour toutes sortes de raisons, de troubles ou de
difficultés dans lesquels il se trouve, comment, un jour, pourrions-nous
arriver à dire que la société n'a aucune
responsabilité à cet égard, que c'est cette
personne-là qui est coupable, elle seule, d'avoir utilisé la
violence contre sa propre conjointe?
Messieurs, dames, c'est ce que nous proposons à la partie 4 de
notre mémoire. Nous espérons que ça pourrait être
utile aux pollueurs, d'abord, de connaître l'existence d'un tel risque,
d'une telle menace, d'une telle pénalité et, deux, que ce serait
faire preuve de leur part d'une logique et d'une responsabilité par
rapport à la circulation des produits qu'ils mettent à la
disposition de la clientèle, particulièrement des jeunes.
Merci de votre attention pour la partie dont j'étais
chargé. Il reste la conclusion de notre présidente Diane.
Le Président (M. Doyon): Oui. Allez-y, Mme Savard.
Mme Savard: Simplement, dire qu'effectivement, parce que je
considère que l'environnement culturel qu'on donne aux jeunes est
déterminant dans leur comportement et qu'il faudrait que les
institutions aient enfin un rôle primordial à jouer
là-dedans. Et je voulais souligner qu'il est intéressant de
savoir que les jeunes viennent à l'école, évidemment, pour
s'éduquer, pour apprendre des valeurs, mais le CRTC lui-même a
fait des études et il semblerait que les enfants viennent à
l'école 1000 heures par année, mais qu'ils écoutent la
télévision 1300 heures par année. Alors, c'est comme une
école parallèle. Et c'est à ça, nous autres, qu'on
réagit beaucoup, puis on se dit que ce serait dangereux de laisser aux
producteurs ou aux forces du marché le choix des valeurs qu'on doit
donner aux jeunes On conclura là-dessus
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Savard. Mme
la ministre.
Mme Frulla-Hébert: J'aimerais vous remercier d'être
ici, d'abord; deuxièmement, non seulement vous féliciter pour
votre travail mais aussi pour votre cause. Si nous avons regardé de
près toute la classification des films et essayé de
l'étendre - parce que c'est ce qu'on veut - à la
vidéocassette c'est parce qu'effectivement il y a un besoin - on en est
très conscients - qui est pressant et qui fait aussi le consensus
social.
Maintenant, nous, dans notre loi, évidemment, on essaie
d'établir des paramètres, autant des paramètres qui sont,
si on parle de classification - selon ce qui est présenté, selon
la recommandation de l'Institut - qui sont restrictifs, d'une certaine
façon, et aussi informatifs, c'est-à-dire qu'il faut aussi
informer la population et les parents. Je vous écoutais parler et, avec
raison, vous nous parlez du cinéma, vous nous parlez des jouets, vous
nous parlez... c'est autour de nous, partout. J'aimerais vous demander, Mme
Chabot, qui êtes aussi pshychologue, et vous êtes psychologue
professeur, etc., où nous, comme législateurs - parce que quelque
part on a une responsabilité de législateur mais on sait
très bien aussi jusqu'où on peut aller ou quels paramètres
on peut établir, mais, quelque part, on sait où on commence et on
ne sait pas tout à fait où est-ce qu'on finit - jusqu'où,
nous, on peut aller et jusqu'où se situe la responsabilité des
parents. Parce que le problème aussi, c'est effectivement que la
société en soi doit se donner des mesures, mais c'est aussi, et
on le remarque, les parents qui placent leurs enfants devant la
télévision pour s'en débarasser, 26,3 heures par semaine,
la consommation de télévision. Alors, je voulais juste vous
demander un peu votre opinion sur où on doit arrêter, nous, comme
législateurs, et ce qu'on doit faire ensuite pour informer les parents,
ou ce que les groupes doivent faire pour informer les parents parce qu'il y a
une responsabilité qui existe et qui, à notre avis, est
peut-être un peu déficiente
Le Président (M. Doyon): Mme Chabot.
Mme Chabot: Bon, je pense qu'on n'est peut-être pas rendus
vraiment au stade où il faut se demander: Est-ce qu'on est allés
trop loin, ou bien où est-ce qu'il faut s'arrêter? Il me semble
qu'on est encore dans les débuts. Mais je vous dirais, pour être
mère moi aussi, qu'il faudrait du moins s'assurer qu'on ne vient pas
compliquer la tâche aux parents, ne pas laisser les diffuseurs compliquer
la tâche d'éducateur ou d'éducatrice. Le fait de savoir,
par exemple, que tous les jours ou plusieurs fois par semaine, cette
espèce de matériel toxique est disponible facilement et que le
parent responsable devra donc mener une bataille, un débat, pour
convaincre son enfant
que ce n'est pas bon, déjà, c'est lui compliquer la
tâche. Parce qu'on ne peut pas présumer que les parents ne sont
pas conscients des dangers que peuvent comporter ces choses-là. Les
écoles travaillent beaucoup en collaboration avec les parents
là-dessus. C'est sûr qu'il y a encore de l'éducation
à faire. Et c'est la, dans notre conclusion, on pointait le partenariat
entre le ministère de l'Éducation et le ministère des
Affaires culturelles. Déjà, dans le temps, c'était M. Ryan
qui était en fonction à ce niveau-là; il y a eu
collaboration avec Pacijou et d'autres groupes pour qu'il y ait du
matériel fourni aux écoles. Et quand c'est rendu dans les
écoles, les professeurs travaillent avec les parents.
Ce qu'il faut, c'est aider les parents déjà conscients
à renverser la vapeur. Parce que la pression du groupe, quand il y a
trois enfants dans un groupe d'enfants, qui arrivent habillés en Ninja,
les deux autres, si c'est un groupe de cinq, disent: Moi, je veux être
comme les autres, parce que les autres sont majoritaires. Si dans un
quartier... Déjà un bon nombre de parents sont
conscientisés, mais ils sont minoritaires. Si l'école leur donne
un support, ils prennent de la force et peut-être qu'on peut renverser la
vapeur. Je dirais donc en conclusion: II faut travailler dans le sens de
soutenir les forces déjà en place dans le monde scolaire, dans
les groupes populaires, de sorte qu'eux vont faire leur travail de
sensibilisation, toujours dans un climat de démocratie et de
liberté, et peut-être empêcher un certain nombre de forces
qui, elles, sont centrées sur d'autres intérêts de
nuire.
Mme Frulla-Hébert: Mais dans le cas, par exemple, que vous
soulevez du père, justement, qui va, pour la fête de son fils de
trois ans, de quatre ans, louer un film Ninja Turtle comme cadeau, comment
peut-on empêcher ça? Vous dites: II ne faut pas compliquer la
tâche des parents. D'une part, c'est vrai, mais d'autre part, est-ce que,
en 1991, les parents dont le contexte social a beaucoup changé - plus
d'une famille est monoparentale - donc plus de responsabilités, plus de
fatigue. Les parents travaillent, sont moins présents, etc. Vous ne
trouvez pas qu'il y a un laxisme de la part des parents? Parce que bien souvent
ils le savent, mais... Il n'y aurait pas un relâchement? Selon votre
expérience, selon vos rencontres?
Mme Savard: Personnellement, je rencontre souvent des parents. En
fait, dire que les parents sont vraiment informés du danger qui
croît avec l'usage - on fait le parallèle avec la cigarette - ce
n'est pas évident que les parents font ce lien-là. Parce qu'ils
voient leur enfant, mais ils ne voient pas, comme nous, par exemple, dans les
écoles, tout un environnement culturel. On voit bien l'impact que
ça a. Mais quand les parents décident finalement de faire quelque
chose, leur enfant leur répond qu'ils peuvent l'avoir n'importe comment
au club vidéo. Tu as dix ans, si tu as un peu d'argent et que tu as une
carte, tu vas te chercher toi-même ce que tu veux, même les films
qui sont cotés "18 ans". "Robocop 2", par exemple, est accessible
à n'importe quel enfant à partir de cinq ans dans les clubs
vidéo. Et les parents font aussi confiance aux institutions qui
présentent ça à la télévision, parce qu'ils
imaginent que ces gens-là, ils ont réfléchi à tout
et que ça a du bon sens. C'est souvent vrai qu'ils sont laissés
devant la télévision, les enfants, mais je pense que de clarifier
qu'il y a un danger, de l'inscrire carrément, ça donne, un, des
arguments aux parents et, deux, une certitude. Parce qu'il y en a qui doutent.
Vous savez, il y a toujours un psychologue pour dire le contraire. Il y a
toujours quelqu'un pour dire le contraire. Il y a même des compagnies qui
se trouvent des psychologues pour justifier ce qu'elles font. Donc, au nom de
la liberté de ci et de ça, on fait n'importe quoi et on n'agit
pius. C'est dans ce sens-là que si, comme gouvernement, on
décidait qu'on faisait quelque chose là-dessus, au moins on
aurait quelque chose de clair, de plus net. Ça aiderait les parents, les
enfants aussi.
Le Président (M. Doyon): M. Brodeur, voulez-vous ajouter
quelque chose?
M. Brodeur: Oui, la langue me démange parce que, lorsque
nous avons ramassé ces fameux jouets de guerre pour les faire servir
à un monument de paix, nous nous posions la même question que Mme
Frulla-Hébert se pose: Comment allons-nous faire pour convaincre les
enfants qu'ils peuvent se débarrasser de cette culture guerrière
et violente et la faire servir à quelque chose de pacifique. Avant de
l'essayer, on ne savait pas ce que les enfants allaient nous répondre
mais quand on a reçu 6000, 10 000, 15 000, 20 000 jouets de guerre, on
s'est aperçus que même les enfants n'attendaient qu'une occasion
pour pouvoir investir de ce côté-là de leur avenir. C'est
un peu la réflexion qu'on leur a fait faire. Les parents nous ont
envoyé des lettres à l'école pour dire: Merci beaucoup.
Moi, à toutes les fois que Noël approche ou que la fête de
mon petit chouchou approche, sa grand-maman appelle et elle me dit: Qu'est-ce
que Frédéric voudrait avoir, tu penses, pour sa fête? Bien,
cet enfant-là, il désire quoi? Il désire ce que le
média culturel le plus puissant actuellement en Amérique du Nord,
la télévision, ce que ce média-là a proposé
à cet enfant-là.
Comme la publicité est interdite aux enfants de moins de 13 ans,
qu'est-ce que ces compagnies-là ont trouvé? Elles ont
trouvé des dessinateurs qui ont conçu des scénarios
d'émissions qui font maintenant la promotion d'un produit qui est
disponible au magasin. La compagnie de télévision n'a même
plus à payer pour produire quelqu'un qui lui fabrique une
émission de
télévision, la compagnie de jouets s'est inventé un
scénario et une émission pour faire vendre le produit au magasin.
Alors, le petit Frédéric, pour Noël, qu'est-ce qu'il
voudrait? Il aimerait bien la collection de "G.I. Joe". Alors, la grand-maman
qui aime beaucoup son petit Frédéric, elle pense, elle, que le
"G.I. Joe", coudon, elle est en train de faire les repas quand il regarde
ça, elle no le sait pas ce que ça contient et elle ne l'a pas
compté ce que ça faisait et elle dit que ça ne doit pas
être si pire, que, dans le temps, on regardait Roy Rogers ou Rintintin ou
tout le reste. Alors, la grand-maman, de bonne foi, elle pense que, pour faire
plaisir à l'occasion de Noël, de la fête de la paix, oui, on
peut acheter des "G.I. Joe". Voyez comment la roue est organisée pour
que la promotion de ces produits que nous disons toxiques se fasse par
elle-même et aille en se multipliant.
Quel est notre mécanisme à nous, notre façon de
travailler comme groupe? Nous proposons aux enfants quelque chose d'encore plus
extraordinaire que ce qu'ils avaient vu à la télévision:
de faire servir leurs jouets à construire un monde de paix. Est-ce qu'on
est en faveur de la paix, les amis? Là, les enfants disent oui. Alors,
leurs bébelles qui servaient à mitrailler, ils les font tout
à coup servir, avec leur jugeotte, à quelque chose qu'ils
pourraient dire: Non. Moi là, je suis prêt à arrêter
de jouer à la guerre si on peut me promettre qu'il n'y aura plus de
chicane.
Parce que la première guerre à laquelle ils assistent,
c'est celle qu'il y a dans la maison chez eux entre leur père et leur
mère et elle est populaire, messieurs, dames. Elle est populaire, cette
guerre-là. C'est la même guerre qui se produit dans les bouches de
métro à Montréal et la même guerre qu'il y a dans
les corridors de nos écoles ou au coin de certains abribus à la
fin des fins de semaine pour certains groupes de jeunes à bottes
lacées, assez hautes. C'est devenu une distraction, la fin de semaine de
terminer sa soirée en frappant à coups de pied un individu qui
attend l'autobus parce qu'on est une douzaine de gars et on veut avoir un peu
de "fun". Je cite là, actuellement, les paroles du chef de police de
Québec, M. Bergeron: Nous n'avons plus de mobiles, M. Brodeur, pour les
crimes. Actuellement, les jeunes maltraitent quelqu'un d'autre pour le "fun".
On reprend un élève dans les corridors, qui bouscule quelqu'un
d'autre, on lui dit: Voyons, pourquoi tu lui dis qu'elle est une crisse de
folle? Ah1 C'est juste pour le "fun", Jacques. C'est juste pour le
fun" C'est mon amie. C'est devenu partie de la culture. Nous sommes bien ici
dans une commis sion de la culture. Nous venons vous dire que, oui, il faut
proposer des alternatives emballantes, excitantes, passionnantes aux enfants et
ils n'attendent que ça.
Nous ne demandons pas au ministre ou a la ministre ou à
l'ensemble du gouvernement d'inventer tout ce qui va être une alternative
pour les enfants. Non, mais de soutenir ceux qui essaient d'en inventer et qui
en trouvent. Voyez, notre caméraman porte actuellement un chandail de
Mafalda. C'est un auteur argentin réfugié en Italie, qui nous a
autorisés à faire imprimer sur 50 000 chandails le dessin de son
héroïne, qu'il a inventée dans un régime militaire.
Il l'a inventée et il l'a publiée. Il nous a permis de l'utiliser
ici pendant qu'elle est en train de jeter dans une poubelle une carabine jouet
et elle dit: Voilà la seule façon d'obtenir la paix dans le
monde. Derrière chacun de nos chandails, il y a Michel Rivard qui a
accepté d'écrire lui-même "Bâtir ici un pays sans
sexisme, sans racisme, sans violence".
C'est plus le "fun" que juste bâtir un pays. Parce que ça,
ça met une couleur et ça met un contenu appétissant, que
le pays soit le Canada, l'Amérique du Nord, la planète
entière ou le Québec, pour nous ce n'est pas là que la
discussion porte C'est le contenu que va avoir cette
société-là. Et c'est en train de devenir le chandail le
plus vendu dans la région de Québec. Ce n'est plus la tortue
Ninja qui règne dans la région de Québec. À La
Super Enfant-Fête, ici cet après-midi, j'ai rencontré des
centaines d'enfants avec leur chandail de la paix. Alors on leur a
proposé une alternative et ils l'ont achetée. Excusez-moi de la
longueur de la réponse. (16 h 15)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brodeur. Mme la
ministre
Mme Frulla-Hébert: M. Brodeur, effective ment, quand on
apporte des solutions positives... Dans notre cas bon on parle de la
classification. C'est sûr qu'au niveau de la télévision ce
qu'on veut c'est, par l'exemple, influencer les télédiffuseurs
à en faire autant sachant que, pour l'instant en tout cas, (a
réglementation est dans les mains du CRTC. Et on est aussi tous au
courant des dessins animés japonais qui sont extrêmement violents,
qu'on présente aux enfants.
Il y a quand même certaines objections, parce que tout le monde
est d'accord sur la classification, tout le monde est d'accord qu'il y a
quelque chose à faire. Et quand vous dites qu'il faut maintenant
accorder le discours aux actions, il est temps de le faire. Par contre, il y a
l'application aussi. Pour ce qui est des salles de cinéma, on va
entendre leur mémoire la semaine prochaine Selon leur mémoire, il
semblerait qu'il n'y ait pas trop de trouble. Par contre, au niveau des
magasins de vidéo, par exemple, les marchands de vidéo, eux se
voient avec un certain problème, c'est-à-dire comment juger
l'âge de l'enfant. Parce que souvent l'enfant va venir chercher pour son
père ou enfin l'enfant va venir rapporter. Eux disent: On ne peut pas
contrôler à la maison non plus. Le
père peut bien venir le chercher lui-même et, à la
maison, présenter à l'enfant ce qu'il veut. Comment voyez-vous ce
contrôle puisqu'il n'y a pas de carte obligatoire, etc. ? Est-ce que vous
trouvez que c'est une objection qui se tient ou...
M. Brodeur: Je sais que mes deux collègues ont une
réponse, mais avant de vous la donner, je voulais vous signaler que les
huit extraits de films que nous vous aurions présentés si on
avait eu plus de temps passent du tout à fait banal, vraiment, du dessin
animé pour enfants jusqu'au plus macabre. Dans tous les clubs
vidéo où nous avons fait enquête pour obtenir ces
cassettes-là, il n'y avait aucune mention d'âge requis - et je
vois que, dans votre loi, il est supposé y en avoir - il y en avait
antérieurement. Vous proposez de les changer, vous. Bien, les anciennes
ne sont même pas là. La personne qui louait les cassettes ne
savait même pas pour quelle catégorie d'enfants c'était
réservé. Elle n'en avait même pas une idée. Nous
avons examiné les cassettes elles-mêmes. Elles ne contenaient
aucune consigne de ce côté-là. Je laisse maintenant la
parole à mes collègues qui voulaient répondre.
Le Président (M. Doyon): Mme Savard.
Mme Savard: C'est ça. J'enchaîne là-dessus
parce que le problème avec les vidéoclubs et la vente à
des enfants de n'importe quel âge... Moi aussi j'ai vérifié
un peu partout et c'est la même chose, sauf que pourquoi, dans les
dépanneurs, on arrive d'une certaine façon à
contrôler la vente de bière, par exemple, aux jeunes ou la vente
des cigarettes? Il y a au moins quelque chose de clair là-dessus pour
les jeunes sur cette vente-là. Pourquoi il n'y aurait pas la même
chose au niveau des vidéos? Parce que quand on téléphone
à ces gens-là, qui sont des distributeurs, qui sont avec les
gens, ils ne sont même pas au courant de ce qui se passe. Tout ce qu'ils
savent, c'est qu'il y a des films xxx et ceux-là, il n'est pas question
de les donner aux enfants. Et moi, on m'a même répondu: Le
critère c'est que quand on voit un sein, bien là on se dit: On ne
donnera pas... On n'est pas des fous, on ne va pas louer ça à des
enfants. C'est ça, les critères. Alors, déjà,
clarifier ça.
Mme Frulla-Hébert: Pour vous répondre M. Brodeur,
effectivement, la vidéocassette n'était pas classée
à part des films, comme vous dites, de 18 ans qui sont... enfin,
très, très explicites, etc., qui étaient mis à
part. Donc, de là le besoin de les classer. Mais ceci dit, quand on
parle de vente de bière, ça, c'est 18 ans. Il y a une
catégorie. À 18 ans, on peut demander si la personne est adulte
ou non. Mais là nous ce qu'on propose c'est 13 ans, 16 ans, 18 ans.
Alors il y a des groupes qui font des représentations qui vont venir
s'exprimer en commission par- lementaire et qui disent: On veut bien, mais
ça va être difficilement contrôlable. Qu'est-ce que vous en
pensez?
Le Président (M. Doyon): Simplement, brièvement,
parce que le temps maintenant s'écoule. Je devrai donner la parole au
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques tout de suite après.
Vous avez la parole pour la réponse.
Mme Chabot: Peut-être une réponse courte qui sera
nécessairement incomplète. On pourrait partir du principe que
tous les vidéos violents, spécialement violents, ne devraient pas
être vus par des jeunes de moins de 18 ans. Ça simplifierait si on
mettait vraiment ces vidéos dans la catégorie des "18 ans et
plus". À ce moment-là, ça simplifierait le travail des
préposés et je vais plus loin, je pense que ça ne devrait
pas être dans les étalages, dans la surface de circulation des
clients, ça devrait être derrière le comptoir-Une voix:
Oui.
Mme Chabot:... et qu'il devrait y avoir des catalogues,
peut-être, que les personnes puissent feuilleter. C'est donc une forme
d'irritant ou de barrière qui rend peut-être l'achat un petit peu
plus difficile, qui rend ça moins accessible. C'est en partie
symbolique, en partie concret, mais déjà il s'agirait de
simplifier.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Chabot. Maintenant, le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme Savard, Mme Chabot, M. Brodeur, j'aurais
presque le goût de vous dire d'emblée - mais rassurez-vous, ce
n'est pas une boutade pour déprécier ce que vous avez fait - que
dans le vidéo, il manquait peut-être aussi les images du Parlement
de Taiwan, puisque nul n'est à l'abri de la violence. Vous avez sans
doute vu ces scènes extrêmement disgracieuses, à la
télévision. Vous nous apportez une réflexion qui est
extrêmement riche avec, par contre, la contrainte, pour mes
collègues et moi, d'une commission parlementaire où,
forcément, le temps est limité sauf que, comme vous discutez de
valeurs comme telles, c'est un petit peu... je vous avoue, très
frustrant pour nous d'amorcer un débat avec vous au moment où on
préférerait peut-être qu'il dure trois heures, quatre
heures, cinq heures, enfin, il y a matière à avoir une
très longue réflexion avec vous à ce niveau-là.
Vous abordez une thématique qui m'a toujours
préoccupé, celle du développement d'une culture nationale,
et l'exemple de ces jouets de guerre pour la paix, c'est ça, le
développement d'une culture nationale et non pas la nationalisation
d'une culture étrangère et, effectivement, on a francisé
tous ces trucs japonais ou américains. Ils parlent notre langue mais
introduisent des
notions qui, nécessairement, n'étaient peut-être pas
celles des Québécois, fondamentalement Mais l'habitude venant,
enfin, c'est tentant, alors, on consomme, on consomme, on consomme et on y
arrive et finalement, c'était un des grands défis que je voyais,
il y a des années, dans un débat sur tout ce truc informatique en
disant: Oui, d'accord, mais qu'est-ce qu'on va nous apporter avec cela si on ne
crée pas, nous, nos propres choses? On n'a pas créé nos
propres choses, nous sommes actuellement à consommer un produit qui est
étranger et dont les valeurs sont étrangères. Et je pense
que c'est ça que je voulais vous dire en disant: La richesse, la
réflexion que vous amenez, sauf que, pas à notre décharge,
mais une réalité à... Nous sommes législateurs et
il y a là-dedans forcément des notions de valeurs.
Écoutez, c'est bien plus facile pour nous de voter une loi, on va
dire: Vous avez droit, vous, Mme Brodeur, à cinq, et vous aurez une
taxe. Si vous vous achetez un excédentaire, vous passez à huit.
Ça, c'est facile, c'est très mathé matique,
légiférer dans ces domaines-là pour nous. Bon. Il y a une
tradition. Légiférer là où il y a des valeurs, je
vous avoue que c'est difficile; c'est extrêmement difficile et j'essaie
de voir dans quelle mesure je vais réussir à m'insérer
à l'intérieur de ça.
Juste pour ajouter encore aux commentaires préliminaires, vous
avez fait mention de l'école. On demande beaucoup à
l'école; on demande plus souvent à l'école qu'on demande
aux parents. L'école est le miroir de la société, il ne
faut pas se le cacher. Si on change l'école, on change la
société et si on change la société au lieu de
changer l'école, je pense qu'il y a une interconnexion.
Inévitablement, je me demande dans quelle mesure, à
l'école, il se passe les choses que l'on souhaite. C'est là que
l'on reçoit, à l'exception de la famille, les premières
notions de valeur. Est-ce que l'école fait une bonne promotion? La
question se pose. Je sais qu'il y a des écoles où on peut jouer
avec le "PC", je m'excuse, l'ordinateur, mais on peut apporter ses jeux. Donc,
il n'y a pas de contrôle.
Ceci dit, bon. Nous, on n'a pas de contrôle, ma collègue,
la ministre l'a dit, on n'a pas de contrôle sur la
télévision, ce n'est pas l'objet, je ne vous dis pas qu'il ne
faudrait pas avoir un contrôle sur la télévision puisqu'on
nous y montre... Mercredi, moi, j'ai écouté "Crocodile Dundee II"
là, et mon Dieu! Qu'il s'en est tué, du monde, au cours de ce
film. Et je me demande si ce n'est peut-être pas ça, la
véritable pornographie. Mais enfin, la société est un peu
hypocrite aussi lorsqu'elle discute de valeurs, vous allez en convenir avec
moi. Maintenant, dans le cas précis de la loi que nous avons devant nous
et sachant que cette violence-là, il faudra tout faire pour l'enlever,
donc, je présume que vous êtes d'accord avec l'extension du
classement de films par catégorie d'âge pour ce qui est des
vidéocassettes.
Une voix: Oui, certainement.
M. Boulerice: Certainement. Bon, est-ce que vous souhaitez une
plus grande réglementation en regard de la diffusion de films violents
à la télévision aux heures de grande écoute? On n'a
peut-être pas un CRTC mais on a quand même un pouvoir d'intervenir
et de faire entendre une volonté politique... Vous allez
là-dessus également Est-ce que la grille de classement des films
qui est proposée actuellement par le projet de loi vous semble
adéquate?
Mme Chabot: Nous avons mentionné que nous ne nous
attaquons pas aux catégories telles qu'elles sont faites. Ce sont
différents paliers. Ce qui est vital, c'est de savoir quelle grille
d'analyse nous utiliserons et quelle est la proportion de ce matériel
qui sera bloquée par le critère "film qui va à rencontre
de l'ordre public" ou "vidéo qui va à rencontre de l'ordre
public". Plus la grille va être lâche, plus ces
catégories-là perdront leur sens. Si les critères de ce
qui va à rencontre de l'ordre public sont laxistes, là, c'est
dramatique mais ça va devenir finalement une échelle
d'accessibilité au matériel. Nous souhaitons que les
critères de la grille d'analyse soient rigoureux de sorte que ce qui
passe à travers elle et qui devient accessible au visa
général soit vraiment épuré. Si la grille est
lâche, cet escalier-là perd son sens.
M. Boulerice: La grille, Mme Chabot, c'est la Régie du
cinéma qui l'établit. C'est elle qui est en charge du
contrôle et de la surveillance, donc de l'émission. Alors, quels
seraient les éléments de grille que vous considérez
insuffisants.
Mme Chabot: J'ai mentionné, si vous me permettez...
M. Boulerice: pour lesquels
Mme Chabot: à l'article 81 du projet de loi, on dit que
devraient se voir refuser un visa ceux qui vont à rencontre de l'ordre
public, notamment ceux qui encouragent ou soutiennent la violence sexuelle.
Alors, nous disons: Ceci est trop restreint comme exemple contenu dans la loi
elle-même On devrait aider ceux qui devront administrer la grille
d'analyse et procéder au classement en leur indiquant que les films qui
encouragent et soutiennent la violence, pas seulement sexuelle, mais la
violence physique quelle qu'elle soit envers les enfants et les adultes. Qu'il
y ait de la violence qui soit présente... c'est presque
inévitable qu'il y en ait une certaine quantité puisque dans la
vie, il y a des conflits et il y a quelquefois dans certains scénarios
des événements qui tournent à la
violence. Un film pourrait présenter de la violence et être
quand même un bon film dans la mesure où la morale de l'histoire
nous dit que c'était un mauvais choix de solution ou que, du moins, on
déplore ce choix de solution fait à ce moment-là. Si, par
contre, le scénario du film encourage l'auditeur, quel que soit son
âge, à utiliser cette modalité de résolution des
conflits, de façon unique ou privilégiée, là, on
dit: Même si ce n'est pas un viol, ça va contre l'ordre public.
Donc, il faut que le "notamment" dans le projet de loi soit
élucidé. Tous ceux et celles qui le liront, tous ceux qui auront
à l'appliquer et ça pourra, si c'est présent dans la loi,
faire son chemin dans les directives qui seront acheminées vers les
distributeurs ou autrement.
M. Boulerice: D'accord. On discutait de valeurs, Mme Chabot. De
façon à nous aider, je vais vous poser cette deuxième
question. Le 26, Radio-Canada va entreprendre une série de cinq
émissions sur la Révolution française. Il y a
peut-être eu la Convention mais il y a eu la terreur. Il y a eu des
têtes qui ont roulé. Est-ce qu'on va interdire la projection de ce
film-là parce qu'il y a des scènes de violence ou bien donc vous
me parlez de la violence, elle, fictive dans le sens de gratuite, le "Miami
Vice" où on fabrique de toutes pièces des situations...
Mme Chabot: Écoutez...
M. Boulerice: ...qui entraînent des scènes de
violence? (16 h 30)
Mme Savard: Ce qu'il faut comprendre dans ce qu'on dit, c'est
qu'actuellement, à la télévision, avec les films, on est
en train de faire croire aux jeunes que la meilleure façon de se
comporter, et qu'il n'y en a pas d'autres possibles, c'est avec les poings ou
les fusils, de toute façon, avec de la violence. Tous les
scénarios qui nous sont proposés en fiction et qui mettent de
l'avant des héros auxquels les jeunes ont le goût de s'identifier,
je parle des Rambo, je parle des Rocky, les jeunes ont le goût de
ressembler à ces personnes-là. Ils s'habillent comme eux, ils se
comportent comme eux. C'est eux qu'on met de l'avant comme les vedettes: le
citoyen modèle... Et le citoyen modèle, qu'est-ce qu'il fait?
Ça lui prend du temps avant de se choquer. Ça, on est
choqués quasiment 20 minutes avant lui, mais quand il est choqué,
là, il n'y a plus rien à faire. Là, il n'y a plus personne
qui résiste et, en fait, on est bien contents, on est comme
défoulés. Mais après, qu'est-ce qui se passe? C'est que
les jeunes font la même chose dans la cour de récréation ou
même dans la rue.
Évidemment, des films historiques qui vont démontrer des
faits ou même de la violence pour montrer que ça existe, on n'est
pas pour mettre nos enfants dans des carcans, à l'abri de la
réalité. On veut leur montrer la réalité telle
qu'elle existe, mais ce n'est pas vrai que c'est la réalité, que
pour gagner ou arriver à résoudre tes problèmes, il faille
absolument éliminer le méchant parce qu'il faut toujours se poser
la question. Là, pour l'instant, le méchant, il est bien
défini, il est très stéréotypé, il est
à la télévision. Mais le jour où le méchant,
c'est nous, c'est là que le problème se pose. C'est parce que
eux, dans leur tête, ils sont les bons, comme nous, on est les bons. On
est tous les bons aujourd'hui. Mais le jour où l'enfant, le
problème, c'est nous qui le posons, bien, c'est avec nous qu'il le
règle, à la façon de son héros.
Et d'ailleurs, c'est intéressant de savoir que dans ma classe -
j'ai fait des petits sondages de temps en temps - les enfants s'identifient
à des héros. Les héros auxquels ils s'identifient sont
tous des héros qui viennent des États-Unis et, là, les
enfants ont envie d'aller s'installer aux États-Unis. Les enfants vivent
par procuration avec les modèles qu'on leur donne et transposent
ça dans leur réalité. Et c'est ça, nous autres,
qu'on veut dire: Écoute, est-ce que c'est ça, la vision du monde
qu'on a envie de montrer à nos enfants? Moi, je sais, comme enseignante,
que ce n'est pas ça que je fais.
J'ai des gros volumes, épais comme ça, aussi avec le
ministère de l'Éducation, des gens qui ont réfléchi
et tout et d'un autre côté la télévision
défait tout le travail qu'on fait, nous. Alors, c'est ça que je
dis, qu'il faut qu'on travaille ensemble, avec le ministère des Affaires
culturelles et le ministère de l'Éducation. Il faut que, nous, on
soit soutenus à quelque part. Quand tu dis aux enfants que... Aie! Il y
en a, par exemple, qui voient... L'autre veut lui voler son stationnement aux
États-Unis et il tire une balle dans son pneu parce qu'il est
fâché. Les élèves, qu'est-ce qu'ils
répondent? Il n'y a rien là. C'est normal, ça, il n'y a
rien là. Tu es là, tu... Les élèves circulent en se
donnant des coups de poing, des coups de pied... Je vous dis: Ça n'a pas
de bon sens! Et quand tu leur demandes: Bien, pourquoi tu as fait ça?
Bien, il était sur mon chemin. C'était comme si, nous autres, on
était les anormaux parce que la normalité, c'est rendu
ça.
Il s'agirait peut-être de changer ça et de se dire:
Écoutez, selon nous, la normalité, ce ne sera plus de mettre de
l'avant ce genre de héros, ça va être autre chose. Ce n'est
pas ça le genre de valeurs qu'on a envie que nos jeunes mettent de
l'avant. C'est ça qu'on veut dire. C'est ça qu'on veut dire
clairement.
Peut-être que nous autres, au Québec, on va être
capables aussi d'influencer le monde au CRTC, au niveau du
fédéral. Moi, j'y crois à ça. On a une loi ici.
Bon, elle a ce qu'elle vaut la Loi sur la protection du consommateur, mais elle
a quand même quelque chose de plus que ce qui se fait ailleurs et je
pense qu'il faut absolument commencer à poser les premiers jalons, dire
que
c'est dommageable. Actuellement, la violence augmente. Elle augmente
à la télévision et ce n'est pas juste Pacijou qui dit
ça. Il y a plein de monde qui le dit. On a aussi plein de chiffres
à l'appui qu'on pourra peut-être vous fournir en plus, mais je
pense qu'il faut agir là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Une
dernière question, M. le député, avec des remerciements
peut-être.
M. Boulerice: Pour ma part, je pense que votre message s'est bien
rendu et vous dites que dans l'aide au développement de l'industrie
cinématographique au Québec... je pense qu'on devrait voir
d'abord et avant tout, lorsqu'il s'agit de faire de la cinématographie
pour les enfants, à investir dans des choses comme "Passe-Partout" qui,
ça, est de la culture nationale, avec des valeurs qui nous sont
propres... Enfin, des valeurs qui nous sont propres, mais qui sont quand
même universelles, qui nous ressemblent - "La grenouille et la baleine",
des choses comme celles-là - et non pas aller vers la nationalisation de
produits étrangers avec des valeurs qui ne sont pas les nôtres...
Enfin, des valeurs que nous ne voulons pas cultiver chez nous.
Je vous remercie de votre participation à cette commission. Je
pense que vous allez sans doute provoquer un tournant.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: En terminant, évidemment, merci
de votre participation. On a beaucoup parlé de télévision.
Évidemment, la loi, ici, est pour donner ou, enfin, ce qu'on essaie de
faire, c'est donner le ton dans la mesure où, d'une part - ce n'est pas
que des voeux pieux - ce soit réalisable et, deuxièmement, aussi,
parce qu'on y croit aussi, pour influencer les télédiffuseurs
malgré que nous n'ayons aucune autorité sur les
télédiffuseurs.
Maintenant, nous n'en avons pas parlé parce que,
évidemment, le temps manque, mais au niveau de l'aide financière
ou, enfin, les suggestions qui sont quand même novatrices, que vous
proposez; eh bien! c'est sûr que ces suggestions ne vont pas dans la loi
puisque c'est à la Régie qu'ils déterminent la
tarification, mais nous en prenons bonne note et ensemble nous allons voir ou,
enfin, étudier, si on veut, la faisabilité du principe.
Ceci dit, évidemment, tout comme vous, on est très
conscients de ce qui se passe autour de nous et on essaie, dans la mesure
où un législateur le peut, de le contrer, sans évidemment
tomber dans la censure, parce que, là, on a d'autres groupes qui parlent
de liberté d'expression, etc., etc. C'est toujours la ligne fine entre
les deux, d'une part, mais, deuxièmement, en essayant aussi, par notre
pouvoir d'influence, d'influencer les autres. Mais je répète
aussi que les parents ont un grand rôle à jouer, ainsi que les
éducateurs qui le font, quand même, à travers leur
système, mais il y a aussi beaucoup et largement la part du parent.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.
Alors...
M. Boulerice: On a un extraordinaire témoin, M. le
Président, pour nous parler de la violence devant ces...
Le Président (M. Doyon): Oui. On a des jeunes qui vont
sûrement comprendre le message et la discussion que nous avons
actuellement, qui porte justement sur les effets pervers de la violence, aussi
bien au cinéma qu'à la télévision. Nous avons eu un
témoignage qui nous a vraiment touchés de très
près, le témoignage des gens qui représentent le groupe
Pacijou. Ce témoignage-là a été très
important et c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous avons reçus.
Nous vous remercions et nous demandons maintenant, peut-être, de nous
permettre de recevoir le groupe qui vous suit. Merci, M. Brodeur, merci, Mme
Savard et merci, Mme Chabot.
Une voix: Merci.
Association des cinémas parallèles du
Québec
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
Maintenant, tout en permettant aux gens qui viennent de nous faire leur
présentation de nous quitter et de céder la place au groupe
suivant, il s'agit de l'Association des cinémas parallèles du
Québec. Il y a trois personnes qui sont censées
représenter, selon la liste que j'ai devant moi, cette association. Il
s'agit de M. Jean Saint-Arnaud, M. Michel Gagnon ainsi que Mme Martine Mauroy.
Je les invite à prendre place en avant.
Je leur rappelle les règles qui régissent cette
commission, comme les autres commissions, d'ailleurs, lors des consultations.
Il s'agit d'une présentation et d'une consultation, en ce qui vous
concerne, qui va durer une heure. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous
exposer ce que vous avez à nous dire et faire un résumé,
si vous préférez procéder comme ça. Ensuite, le
côté ministériel, les députés
ministériels vont s'adresser à vous pendant environ une vingtaine
de minutes, et pour terminer, un temps équivalent de la part de
l'Opposition. Si vous voulez bien commencer. Il y a M. Saint-Arnaud, qui est le
président, je présume, qui est juste devant moi Je l'invite
à présenter les gens qui l'accompagnent et, tout de suite
après, à commencer sa présentation.
M. Saint-Arnaud (Jean): Alors, à ma droite,
j'ai Mme Martine Mauroy, qui est la directrice de l'Association des
cinémas parallèles du Québec, à ma gauche, Michel
Gagnon, de Vic-toriaville, de Cinéma Plus à Victoriaville, Michel
est vice-président de l'Association.
Alors, on va vous faire connaître cette association-là
avant de vous faire connaître davantage nos positions. C'est une
association qui a été créée en 1979, sous
l'impulsion de Léo Cloutier, à Trois-Rivières. Ça
regroupe une trentaine de salles parallèles. Des salles
parallèles, c'est des ciné-clubs, mais c'est aussi des festivals
de cinéma. Quand on parte de ciné-clubs, c'est des salles qui
opèrent autant dans des salles commerciales que dans des salles
institutionnelles comme, par exemple, des écoles, des salles
communautaires, des salles municipales ou institutionnelles.
On a des membres un peu partout au Québec. On en a à
Sept-îles, on en a à Jonquière, à Chicoutimi,
à Rimouski, évidemment à Montréal, à
Trois-Rivières, à Victoriaville, à
Sainte-Thérèse, à Rouyn-Noranda. On est très
représentatif. On est peut-être petit, c'est-à-dire qu'on
est la pointe de l'iceberg des salles parallèles. Il y en a beaucoup
qui... Il y en a un certain nombre qui ne sont pas membres. On fait vivre
beaucoup de boîtes de sous-distribution, à Montréal. On a
quand même un poids économique, et nos festivals servent de plus
en plus à la mise en marché de films. Qu'on pense, par exemple,
à la sortie de "Stan The Flasher", à Rouyn, ou encore "Love-moi",
dernièrement, au rendez-vous du cinéma québécois.
Alors, on joue un rôle à ce niveau-là, au Québec, au
niveau du cinéma.
Alors, que ce soit dans le cadre d'activités
régulières ou ponctuelles, les membres de l'Association des
cinémas parallèles du Québec travaillent avec acharnement
à la diffusion du septième art sur grand écran dans toutes
les régions du Québec et contribuent grandement à
l'éducation cinématographique d'un public souvent
défavorisé culturellement, à cause de son
éloi-gnement des grands centres.
C'est nous qui avons permis de diffuser, par exemple, des films comme
"Jacques et Novembre" de Jean Beaudry, qui a remporté un succès
au Japon. Ces films-là ont fait des carrières à
Montréal, mais après ça, il n'y avait pas de
marché. Alors, ce sont nos salles qui ont permis à ces films de
tourner. Je pense, par exemple, à Léa Pool. Ces films ont
tourné au Québec dans nos petites salles.
C'est nous aussi qui avons pavé la voie des salles commerciales
comme à Sherbrooke, à Trois-Rivières. Il y a eu des
périodes de désastre cinématographique et ce sont les
salles parallèles qui tenaient le public en haleine. Vous avez le cas de
Jonquière, où on va ouvrir une salle commerciale. Depuis
peut-être cinq ans, c'est Ciné-Campus qui diffuse et qui va
toujours continuer à diffuser du cinéma.
Maintenant, sur l'ensemble de la loi, évidemment, on est
très, très favorables, on était très réjouis
quand on en a pris connaissance. Ce n'est pas les premières
représentations qu'on a faites. Avant, il y avait un certain nombre de
choses qui ne nous plaisaient pas. Mais là on peut dire que, dans
l'ensemble, on est très satisfaits.
Au niveau des catégories d'âges, en tant que tel,
contrairement à Pacijou, on n'a pas vraiment d'opinion. On est satisfait
de la question. On ne l'a pas abordée dans notre mémoire.
En ce qui concerne les permis d'exploitation, la modification de
l'article 94 de la Loi sur la cinéma ramenant à trois le nombre
de catégories de permis d'exploitation, c'est-à-dire: salles de
cinéma, ciné-parcs et lieux d'exploitation polyvalents,
apparaît positive à l'ACPQ, car elle simplifie et clarifie les
règles régissant la délivrance des permis. On se rappelle
qu'avant, il y avait des salles parallèles et il y avait des salles
polyvalentes. Dans notre cas, ça nous divisait entre membres,
dépendant du lieu où on opérait. Maintenant, on se
retrouve dans une catégorie qui nous décrit bien.
L'Association est très heureuse de constater qu'aucune notion de
contrôle discriminatoire des contenus et des délais de
présentation n'est désormais rattachée au permis
d'exploitation. On a parlé, à un certain moment donné, de
dire que les salles parallèles, par exemple, pourraient exploiter un
film six mois après la délivrance d'un visa. C'étaient des
énoncés qui faisaient en sorte de nier les lois du marché.
Et on souhaitait que ça continue justement à fonctionner selon
les lois du marché et c'est ce qu'on voit dans le projet de loi; alors
on trouve ça très sain. Toutefois, l'Association espère
que les autres conditions dont il est fait mention à l'article 92.1 ne
permettront pas à de telles notions de refaire surface. Si tel
était le cas, il serait souhaitable que le milieu soit
reconsulté.
N'oublions pas que l'exploitation d'un film sur grand écran au
Québec est de plus en plus rapide et restreinte et que l'objectif
principal de la profession doit être d'assurer la primauté du
grand écran sur la vidéocassette et la télévision,
dans la séquence de diffusion des films. Les distributeurs et les
programmateurs, les premiers concernés, fixent les délais de
présentation selon la loi du marché. Aussi des mesures
incitatives et des actions concertées feront-elles plus que des
interdictions pour l'amélioration de la diffusion du cinéma de
qualité au Québec, dans le respect de cette dynamique propre au
marché.
Les distributeurs québécois sont des gens d'affaires
avertis; ils sont propriétaires de leur produit et sont donc les
premiers intéressés à le diffuser de la meilleure
façon, afin de rentabiliser leur investissement. Qu'un mauvais calcul
amène l'un d'eux à brûler un film en le présentant
trop tôt à la télévision, voilà une
leçon qui lui servira sûrement pour l'avenir. Le bon sens
et les impératifs commerciaux seront toujours mille fois plus
opérants qu'une quelconque réglementation.
Autre dimension à ne pas négliger, les normes techniques.
La réglementation concernant les normes techniques devra tenir compte
des ressources financières à la disposition des salles de
cinéma en région. Parce que, tantôt, quand j'ai
présenté les salles, il aurait fallu que je vous dise que ces
salles-là sont surtout animées par des bénévoles et
ce sont des activités ponctuelles, une fois par semaine, deux fois par
semaine dans le cas de ciné-clubs comme Ciné-Campus,
Trois-Rivières, c'est peut-être six fois par semaine, mais c'est
quand même une structure non permanente. Certes, l'association
adhère au principe de la meilleure qualité possible en
matière de projection cinématographique, un idéal qui fait
l'unanimité, mais elle estime qu'il faut toujours garder en tête
la réalité des salles parallèles qui, en raison de leur
gestion par des groupes bénévoles et de l'absence de personnel
à temps plein, n'ont pas les moyens, sans programme d'aide, de
s'équiper de la même façon que les salles de Famous Players
ou de Cinéplex Odéon. D'ailleurs, là-dessus, il faut dire
qu'on est comme coincés, les salles parallèles. Il y a, d'une
part, le ministère des Affaires culturelles et il y a la SOGIC et, quand
on veut s'équiper, on fait des demandes au ministère des Affaires
culturelles, on nous envoie à la SOGIC et la SOGIC nous renvoie au
ministère des Affaires culturelles. On est un entre champ qu'il faudrait
définir. D'ailleurs ce matin on recevait justement une copie d'une
demande de Jonquière à la SOGIC, qui a été
refusée parce qu'on a besoin, nous aussi, de présenter des films
avec des normes techniques intéressantes. Et il faut avoir dans la
tête aussi que nos ciné-clubs, ce n'est pas le projecteur dans la
salle. On opère comme des salles commerciales sauf qu'on n'est pas en
Dolby stéréo. On n'a pas toujours les sièges aussi bien
que les salles commerciales mais on est quand même dans des conditions
très, très acceptables.
Les membres de l'Association n'en continuent pas moins de jouer un
rôle de service culturel essentiel auprès d'un public
défavorisé par son éloignement des grands centres. Pensez
à Sept-îles, pensez à Rouyn, pensez à Baie-Comeau.
C'est des places où on opère. C'est des places où on
permet de faire circuler le cinéma québécois et le
cinéma d'art et essai.
En ce sens, l'Association partage le discours de l'Association des
propriétaires de cinémas du Québec, qui s'inquiète
des effets pernicieux que pourraient avoir des normes peu réalistes, et
déplore l'absence d'un fonds de soutien à la standardisation
technique.
Le financement. Il ne suffit pas de subventionner la production des
films québécois, encore faut-il qu'ils puissent être vus
dans toutes les régions du Québec et dans les meilleures
conditions possibles. Aussi faut-il accorder à la diffusion du
cinéma sa juste part et reconnaître dans cette foulée le
travail accompli par les salles parallèles en régions, en leur
permettant d'accéder enfin au volet 4 du programme d'Aide à la
diffusion de la Société générale des industries
culturelles du Québec visant l'acquisition et la réfection
d'équipement cinématographique et s'adressant exclusivement aux
entreprises québécoises indépendantes d'exploitation de
salles de cinéma.
Soulignons que l'étude sur le financement des arts et de la
culture au Québec réalisée par Samson Bélair
Deloitte et Touche établit comme un des cinq grands axes d'intervention
dans le secteur culturel au Québec: "favoriser le développement
de la demande et l'accroissement de la consommation. " L'Association et ses
membres se consacrent depuis de nombreuses années au
développement de la clientèle cinématographique,
particulièrement en régions, sans bénéficier de
l'aide financière du ministère des Affaires culturelles.
D'ailleurs, dans certaines régions comme Sherbrooke et
Trois-Rivières, par exemple, les salles parallèles ont
développé une importante clientèle de cinéphiles et
ont joué un rôle de pionnier au sein de leur communauté. Un
soutien assurant le fonctionnement et les frais reliés à la
régionalisation des actions de l'Association ne pourrait avoir que des
retombées positives sur ce réseau non commercial car il faut,
rappelons-le, s'employer activement à stimuler la demande.
Dans ce sens, le maintien du volet 5 du programme d'Aide à la
diffusion de la Société générale des industries
culturelles consacré à l'aide à la diffusion
régionale paraît essentiel pour nos membres. On doit maintenir ce
programme de subventions aux copies destinées aux régions, lui
donner de l'ampleur, établir une forme de contrôle sur une base
régulière et s'assurer de diffuser l'information quant aux
copies, de manière à atteindre les premiers
intéressés, les salles en régions. On sait que parfois il
y a une deuxième copie qui est faite et qu'elle s'en va à
Québec. Ça prend du temps avant qu'elle se rende en
région. Elle revient à Montréal et. Ça prend un
contrôle.
Dans l'hypothèse fort probable où le cinéma
américain occuperait de plus en plus de temps écran, puisqu'il
est plus rapidement accessible en français à cause des mesures de
la loi, il y aurait lieu de revoir ce programme de subventions et de
l'appliquer à la production d'une deuxième copie de film, car
l'exploitation de plusieurs films autres que les productions américaines
se trouverait alors limitée à une seule copie, qui tarderait
à être disponible en régions. Donc, si on double nos films
plus vite, il va y avoir un plus grand accès du film américain et
on a peur, nous, que le cinéma d'art et essai soit moins disponible.
Donc il va falloir songer à un correctif avec ce
programme-là.
Par ailleurs, l'Association estime que
l'établissement d'un programme d'aide pour les cinémas
parallèles basé sur l'évaluation par des jurys
régionaux formés par le ministère des Affaires
culturelles, un peu sur le modèle pour Accès-scène et puis
au niveau des arts visuels, des métiers d'art, etc., constituerait une
solution permettant à court terme d'éviter d'autres fermetures de
salles de cinémas parallèles dans les régions. Les
activités et la démarche éducative des différents
organismes seraient alors jugées par des représentants du milieu
et dans la perspective d'une dynamique régionale
intégrée.
Le français à l'écran. Même si l'Association
n'est pas touchée au premier chef par les articles de la Loi sur le
cinéma concernant l'obtention de visas, elle tient à souligner
que les mesures mises de l'avant pour donner au français la place qui
lui revient sur les écrans du Québec auront un impact positif sur
l'intérêt des spectateurs, particulièrement en
régions où l'accès aux produits cinématographiques
s'en trouvera accru. (16 h 45)
Concernant l'Institut québécois du cinéma. Qu'il
soit permis aux membres de l'Association de souhaiter que le réseau des
salles non commerciales du Québec devienne enfin un des champs
d'intérêt prioritaire de l'Institut québécois du
cinéma et trouve ainsi une place officielle au sein de son conseil
d'administration, au même titre que les autres partenaires de la
communauté cinématographique québécoise.
L'intérêt que manifeste actuellement l'Institut
québécois du cinéma pour l'éducation
cinématographique, un dossier sur lequel nous travaillons, pourrait
faire en sorte qu'on puisse y jouer un rôle.
Conclusion. L'Association souhaite que le ministère des Affaires
culturelles reconnaisse sans ambiguïté le travail accompli depuis
de nombreuses années par les salles de cinéma parallèle et
espère que les ajustements proposés à la Loi sur le
cinéma seront suivis rapidement d'une véritable politique de la
diffusion du cinéma au Québec, politique qui sera englobante et
qui ferait une juste place au secteur non commercial, comme c'est le cas, par
exemple, en France qui a inspiré plusieurs de nos programmes à la
SOGIC ou en Belgique. Ce n'est qu'en s'engageant dans cette voie, forts des
expériences du passé, qu'on préparera intelligemment
l'avenir. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Saint-Arnaud.
Alors, Mme la ministre, si vous avez des questions ou des interrogations.
Mme Frulla-Hébert: Oui, bien, enfin, M. Saint-Arnaud, au
niveau de votre conclusion, bon, alors quand vous partez d'une véritable
politique de la diffusion du cinéma au Québec, comme j'expliquais
ce matin, il y aura l'énoncé d'une politique culturelle
déposée par le groupe Arpin, qui fixe les grands
paramètres - ce ne sera pas non plus un livre de recettes - à
partir desquels on s'ajuste dans divers secteurs et là, on aura vraiment
des mesures concrètes et on attend d'ailleurs la politique culturelle,
l'énoncé d'une politique culturelle, justement, pour remettre une
vraie politique sur le cinéma d'une part et, effectivement, toute la
question du cinéma parallèle fera partie d'une grande section. Je
veux vous rassurer là-dessus. On ne vous a pas oubliés. D'autre
part... Je voudrais revenir d'abord aux normes techniques. Et, pour notre bonne
compréhension, vous parlez des salles polyvalentes, c'est-à-dire
des salles de cégep, etc., qui sont opérées par des
bénévoles. D'un autre côté, on parle de normes
techniques pour assurer aux cinéphiles québécois une
certaine qualité. C'est ce qu'on impose, hein?, aux salles de
cinéma, en fait, privées, les Famous Players et tout ça.
Selon vous, au niveau de normes techniques que nous exigeons, comment peut-on
exiger, si on veut, certaines normes techniques dans ces salles, polyvalentes
si on veut, versus les exiger ou ne pas les exiger, dépendant... est-ce
qu'on devrait? Et versus ce qu'on peut faire au niveau du privé. Et qui
a la responsabilité? Est-ce que c'est, par exemple, le cégep en
question, d'une part? Ou, comment peut-on imposer aux bénévoles
de s'assurer que ces normes-là soient conformes, réalistes
d'abord, mais conformes aussi à la qualité que nos consommateurs
québécois peuvent ou, enfin, sont en droit d'attendre.
M. Saint-Arnaud: Bien, il faut dire, d'une part, qu'on
regroupe... c'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de ciné-clubs en
institutions scolaires. Il y en a mais il n'y en a pas beaucoup et, où
il y en a, le ministère de l'Education n'investit pas dans des
équipements techniques. La plupart de nos membres sont des corporations
sans but lucratif, avec conseil d'administration et tout ça, et puis...
Bon. Pour nous, c'est qu'on veut avoir: des normes dans le sens qu'on veut
présenter un produit de qualité à nos cinéphiles,
mais si les normes techniques nous obligent à fermer nos
établissements, on ne sera pas gagnant. Alors, c'est bien sûr
qu'on peut penser, à ce moment-là, à des programmes d'aide
pour ces ciné-clubs-là mais là, il faut évaluer
justement la valeur des ciné-clubs, leur année d'existence, leur
solidité et l'implication des municipalités aussi mais on en
voudrait... On vise la qualité. Mais c'est sûr que quand on
regarde les normes telles qu'elles étaient auparavant, c'était,
même pour les salles commerciales indépendantes, difficilement
applicable.
Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que, M. Saint-Arnaud,
celles qui sont - parce qu'on a allégé beaucoup au niveau des
normes techniques - proposées présentement et mises en
applications - elles seront mises en application par la Régie - est-ce
qu'elles sont trop spécifi-
ques ou restrictives pour les cinémas parallèles?
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Saint-Arnaud: Actuellement on a des salles qui
répondent aux normes, si je pense au Centre d'essai de
l'Université de Montréal ou au ciné-club par exemple de
l'Université de Sherbrooke, c'est clair, la qualité est
là, mais on a des petits ciné-clubs qui ne répondent
vraiment pas a ces normes-là et ça nuirait à leur
existence. Je n'ai pas...
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous suggérez, c'est que,
pour certains groupes ou petites salles, on les exclue, finalement, de cette
obligation de fournir... peut-être pas la qualité que Famous
Players, par exemple, pourrait offrir mais au moins exiger une certaine
qualité.
Le Président (M. Doyon): M Gagnon.
M. Gagnon (Michel): Disons, peut-être qu'il pourrait y
avoir un adoucissement pour les salles polyvalentes, où on opère
surtout, et peut-être même pour certaines salles commerciales qui
sont situées en régions. Je pense qu'une grosse partie des salles
en régions vont avoir de la misère, je pense, à rejoindre
les normes techniques. Alors, je pense qu'il va falloir y penser. D'ailleurs,
vous allez recevoir la semaine prochaine, je pense, les salles commerciales; on
va sûrement vous en parler.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Gagnon: Mais au niveau de nos salles à nous,
peut-être qu'il pourrait y avoir un adoucissement...
Mme Frulla-Hébert: Compte tenu de la...
M. Gagnon: ...parce que si on ferme, ce n'est pas mieux.
Mme Frulla-Hébert: Oui Compte tenu de la situation...
M. Gagnon: Si on fait fermer plusieurs salles, ce n'est pas
mieux.
Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous avez des exemples
à nous donner là, de...
M. Gagnon: Moi, je pense par exemple, à des salles... Que
voulez-vous! la salle est déjà bâtie, il y a une pente de
l'arrière à l'avant, qui est de peut-être 20 pouces au lieu
de 40 pouces ou des choses comme ça. Avec le plafond pas très
haut, comme conséquence, les gens qui sont assis dans la salle, bon, ils
ont des têtes, vous comprenez ce que je veux dire, il y a des têtes
qui cachent l'écran. Mais on a même dans des salles ici à
Montréal, même dans des salles de Famous Players, même des
salles qui ont été bâties l'an passé.
Mme Frulla-Hébert: II y a un autre point que vous avez
soulevé et je vous avoue que je ne vous ai pas tout à fait
compris. Est-ce que vous pourriez reprendre la question de la copie
supplémentaire? Sauf erreur, le programme de la SOGIC, tel qu'il est
présentement, tel qu'il est défini, prévoit des copies
pour les régions spécifiquement, je pense que c'est cinq copies
pour les régions spécifiquement. Alors, quand vous parlez de la
non-accessibilité, quand vous parlez des copies qui... une copie versus
plusieurs copies à distribuer en régions, je ne sais pas
là, il y a une mauvaise compréhension, j'aimerais ça que
vous m'expliquiez plus...
Mme Mauroy (Martine): Le programme de la SOGIC fonctionne pour le
moment, c'est que, premièrement, il y a très peu d'argent qui est
réservé à ce volet-là du programme et il faut que
le distributeur paie une copie pour se faire subventionner une deuxième
copie. Ce qui fait que cette deuxième copie-là, qui est
réservée aux régions, se ramasse souvent à
Québec, au Clap; la région s'arrête là, on a de la
difficulté à rattraper cette copie-là pour la faire
circuler à Sept-lles, à Joliette, à Rimouski. C'est dans
ce sens-là qu'on pense que, oui, la copie est réservée aux
régions, de la façon dont c'est perçu, le mot
région. Quand j'ai des rapports avec la SOGIC, c'est ce qui exclut la
ville de Montréal, O.K.? Donc, c'est vrai que cette copie-là ne
tourne pas dans un cinéma commercial à Montréal, mais elle
ne tourne pas plus en régions.
Mme Frulla-Hébert: Parce que ce que vous me dites
là, c'est que ce n'est pas cinq copies... C'est parce que dans le
programme de la SOGIC...
Mme Mauroy: C'est deux copies, tu en fais une, tu en
reçois une.
Mme Frulla-Hébert: Donc, c'est deux copies; tu en as une
gratuite, et tu en paies une. (17 heures)
M. Saint-Arnaud: Mais si vous permettez, c'est qu'actuellement,
bon, c'est surtout les petits distributeurs québécois; si on
prend un film comme "Bagdad Café", il n'y avait pas 20 copies, il y
avait 2 copies de ce film-là. Nous, ce dont on a peur, c'est que comme
il va y avoir plus de temps-écran consacré aux films
américains, nos distributeurs vont avoir plus de difficulté
à diffuser leurs films et ils vont avoir tendance à faire faire
moins de copies. Donc, nous, au bout, parce qu'on est au bout du circuit,
ça va être difficile d'avoir une bonne copie, parce que la copie
va avoir fait sa carrière. Donc, c'est un correctif qu'on veut
prévoir, parce qu'on pense, en tout cas, il y a une question: si
c'est un temps-écran, je pense que ça se mesure. Si les
productions américaines pénètrent davantage, le film d'art
et essai va être tassé et puis... Donc, c'est à titre de
correctif qu'on voudrait que ça puisse s'appliquer. C'est sûr
qu'actuellement ça ne s'applique pas non plus d'une manière
élégante. C'est vrai que c'est comme un truc, c'est qu'on envoie
la copie à Québec et, après ça, on la retourne
à Montréal et puis elle est en régions. Après
ça, elle va retourner en régions, mais une fois que l'impact va
être moins fort.
Mme Frulla-Hébert: Un dernier point. Vous n'avez pas
touché la question du classement parce que vous dites que vous
êtes d'accord avec le principe et tout ça. Dans le cas, par
exemple, des cinémas parallèles, évidemment, le classement
tel que présenté est soumis à partir de la recommandation
de l'Institut, qui demande un contrôle plus serré: 13 ans, 16 ans,
18 ans, c'est un contrôle beaucoup plus serré. Comment voyez-vous
l'opération? Est-ce que vous trouvez que c'est une opération qui
va être applicable? Est-ce qu'il va y avoir des problèmes? Selon
votre expérience.
M. Saint-Arnaud: Pour nous, on en a parlé et puis, il n'y
aura pas de problème, il n'y en a pas actuellement. Il faut dire qu'on a
des clientèles bien segmentées. Nos gens qui présentent
des films pour enfants, leur produit est bien déterminé, sinon on
a le film de ciné-club. Alors, on n'a pas vraiment de problème
à appliquer, on continue à appliquer sauf que les
catégories de visas changent.
Mme Frulla-Hébert: Mais là, il y a plus de
catégories...
M. Saint-Arnaud: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...parce que quand on parle de 13
ans... restrictif ou accompagné d'un adulte, de 16 ans et de 18 ans...
C'est vrai que vous avez quand même des clientèles cibles
spécifiques, mais selon vous, au niveau du contrôle à
apporter, vous ne voyez pas de problème?
M. Saint-Arnaud: Non, mais il faut voir aussi que les produits
qu'on présente, si on se réfère à l'intervention de
Pacijou, avant nous, c'est qu'on va quand même dans des créneaux
de films - on parle de cinéma de qualité - c'est très peu
du cinéma violent. C'est peut-être aussi pour ça que le
problème ne sera pas très, très grand. Ou si on parle du
film xxx, tout ça, ce n'est pas notre rayon non plus, alors...
Mme Frulla-Hébert: Parfait, M. Saint-Arnaud.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Arnaud. Merci,
Mme la ministre. M. le député.
M. Boulerice: Je ne sais pas si c'est moi qui deviens inattentif
ou aveugle, mais mon Dieu, qu'on voyait du cinéma italien; mon Dieu,
qu'on voyait du cinéma allemand; mon Dieu, qu'on voyait d'autre
cinéma, il y a un certain temps. Quand je lis les journaux de fin de
semaine, cahier Arts et spectacles, mon Dieu, j'ai droit à je ne sais
pas combien de "Rambo" 394 bis, simultanément, dans 16 salles du
centre-ville à Montréal. Mon Dieu que c'est difficile d'avoir
d'autres films! J'étais en aparté tantôt avec M. Charland,
qui m'assiste a cette commission; j'avais vu, au mois d'août, à
Montpellier - mais pas Montpelier, Vermont, il va de soi, Montpellier en France
- "Bunker Palace", avec Trinti-gnant, c'a pris un an avant qu'il apparaisse sur
les écrans au Québec. C'est une réalité qu'on
constate. Je pense que la seule fenêtre ouverte et, entre
parenthèses, on pourrait ressusciter le "Déclin de l'empire
américain" dans deux salles, que je qualifiais d'excentriques à
l'époque, qui était le "Crémazie", sur Saint-Denis,
près de l'autoroute Métropolitain et Cinéma Place
Longueuil sur la rive sud, alors que vous aviez, effectivement, au même
moment, "Rambo" 300-5-4, mais la première version dans les salles du
centre-ville. Donc, je pense que la véritable et seule fenêtre
d'un autre cinéma, c'est vous autres, les cinémas
parallèles.
Vous avez mentionné cette vision un peu restrictive. La Loi sur
l'instruction publique disait: Sont catholiques ceux qui sont catholiques
romains et sont protestants tous ceux qui ne sont pas catholiques romains. Je
viens d'apprendre que Montréal, c'est Montréal et que tout ce qui
n'est pas Montréal, c'est une région. Nouvelle donnée
géographique. Vous avez mentionné des villes... J'étais
à Rimouski, // y a quelques jours, et justement au niveau du
cinéma, on se plaignait de la tristesse et de la désolation qui
pouvaient exister où, effectivement, une des folles
équipées de "Rambo" arrive très rapidement, mais pour ce
qui est d'un autre cinéma, on doit attendre considérablement.
Donc, quand vous souhaitez, effectivement, qu'il y ait une politique qui
regarde le développement des salles parallèles, je peux vous dire
que vous aurez à ce moment-la tout notre appui et j'ose espérer
que le projet de loi ou le plan d'action qu'on nous présentera fera
plutôt l'objet d'éloges que de critiques de la part de
l'Opposition. Et ceci dit, lorsque vous avez débuté votre
intervention, tantôt, M. Saint-Arnaud, vous avez parlé du peu de
sensibilité que pouvait avoir la SOGIC face à votre
réalité. Est-ce que vous pourriez développer un peu
plus?
M. Saint-Arnaud: Et bien, c'est que la SOGIC considère que
ce sont - évidemment, sauf les "majors", c'est-à-dire Famous et
Ciné-
plex - les exploitants commerciaux de salles qui sont ses intervenants
privilégiés. Ça se voit au niveau des programmes de
subventions pour l'implantation des salles et pour l'équipement.
Par exemple, il y a eu des demandes de faites par
Sainte-Thérèse - il y a Jonquière qui est plus
récente - qu'on pourrait déposer ici pour Illustrer. Je ne
saurais pas expliquer trop pourquoi. Lorsqu'on a eu des rénovations en
ternies d'équipement, je peux vous donner des exemples. C'est le
Séminaire des Trois-Rivières, dans le cadre d'une restauration de
salle par le ministère des Affaires culturelles, c'est le
Théâtre du cuivre à Rouyn, aussi dans le cadre d'une
restauration - à ce moment-là, on a équipé le
Théâtre du cuivre de bons projecteurs - à Chicoutimi,
à l'Auditorium Dufour, où on a aussi un ciné-club,
où c'est le ministère, dans le cadre d'une étude globale
de la salle qui a investi au niveau des équipements. Mais aucune salle
parallèle n'a pu obtenir d'aide de la SOGIC.
M. Boulerice: Vous avez déjà demandé
à les rencontrer pour...?
M. Saint-Arnaud: Oui. On a demandé aussi des programmes
particuliers d'aide pour le redémarrage des ciné-clubs, où
on voudrait que les ciné-clubs, aidés des municipalités,
puissent faire revivre des cinémas commerciaux fermés ou d'autres
lieux. Il n'y a pas eu de suite à ça.
M. Boulerice: Je reprends ma question, M. Saint-Arnaud. Vous avez
demandé de les rencontrer? Les avez-vous effectivement
rencontrés?
Mme Mauroy: Nous les avons déjà invités
à notre assemblée annuelle et ils sont venus. M. Robert Brisebois
était là. Il nous a écoutés et ça s'est
arrêté là. Je peux vous lire la réponse que Mme
Loiselle du ciné-club de Jonquière a reçue de la
SOGIC.
M. Boulerice: Oui, ça nous intéresse.
Mme Mauroy: "Nous regrettons toutefois de ne pouvoir l'accepter,
notre mandat étant d'aider les entreprises québécoises
indépendantes d'exploitation de salles de cinéma,
c'est-à-dire toute entreprise dûment incorporée
n'étant pas propriété des "majors".
M. Boulerice: Vous n'êtes pas des corporations, c'est votre
grand drame.
Mme Mauroy: Nous sommes des corporations sans but lucratif.
M. Boulerice: Alors, vous n'êtes pas commerciales...
Mme Mauroy: Non.
M. Boulerice: ...donc pas couvertes par la SOGIC.
Mme Mauroy: C'est ça. Et quand Mme Loiselle a
déposé la même demande à la Direction
régionale du ministère des Affaires culturelles, elle s'est fait
répondre: Vous ne relevez pas du ministère des Affaires
culturelles; pour les équipements de cinéma, adressez-vous
à la SOGIC.
M. Boulerice: Vous semblez entretenir certaines
inquiétudes quant aux exigences de la réglementation sur les
normes techniques de diffusion d'un film en salle. Est-ce que vous souhaitez,
dans le règlement, des dispositions très spécifiques
à l'égard des salles parallèles ou des mesures d'aide
financière appropriées pour répondre aux exigences de la
réglementation?
Mme Mauroy: Ce sont plutôt des mesures d'aide
financière appropriées. Nous ne sommes pas contre le fait de
répondre aux normes techniques, nous ne sommes pas contre le fait de
faire des rénovations, nous ne sommes pas contre le fait d'acheter de
l'équipement. Au contraire, nous sommes les plus heureux lorsqu'on peut
présenter des films de la meilleure qualité possible pour le
public. Mais ce qu'on veut dire, c'est que nous n'avons pas les fonds
pour faire les rénovations partout.
M. Boulerice: Ça a été un peu abordé,
il y a eu un commentaire de Mme la ministre à propos du rapport Arpin,
mais "en attendant Godot", on va quand même poser des questions. Vous
évoquiez la nécessité de la mise en place d'une
véritable politique de diffusion du cinéma qui prévoit une
juste place au secteur des salles parallèles. Est-ce que vous pouvez
être un petit peu plus précis sur les éléments de
cette politique de diffusion et sur les mesures qui devraient assurer cette
juste place au cinéma parallèle dans tout le développement
de la culture cinématographique des Québécois?
Mme Mauroy: La première chose à faire, ce serait de
nous classer quelque part pour qu'on puisse avoir accès à de
l'aide, que ce soit directement au ministère des Affaires culturelles,
que ça soit à la SOGIC, mais c'est de nous donner une place
quelque part.
M. Boulerice: Dites-moi. Je...
M. Saint-Arnaud: Évidemment, il faudrait avoir une place
à l'Institut québécois du cinéma parce que c'est
quand même l'organisme de consultation. Comme ça, on pourrait
avoir voix au chapitre. Tantôt, je parlais... Il y a différents
programmes de subvention qui sont inspirés des modèles
français, très, très clairement, et les Français,
les Belges. Il y avait des formes
d'aide; pour le cinéma d'art et essai ou les ciné-clubs.
On a oublié cette partie là. On pourra l'ajouter.
M. Boulerice: Est-ce que vous avez fait une demande de
participation au C. A. de l'Institut9
Mme Mauroy: On a déjà rencontré l'Institut
à plusieurs reprises.
M. Saint-Arnaud: Mais c'est difficile. On ne peut faire une
demande à un organisme quand, même l'Institut, sa composition, son
rôle, c'est déterminé par la loi. Tu ne peux pas comme
organisme...
M. Boulerice: Non, mais je veux dire, quand je dis une demande,
leur dire: Mais écoutez, vous ne trouvez pas qu'il serait normal qu'on
soit là en partenariat et ça été reçu
comment, ça?
M. Saint-Arnaud: Alors, c'est-à-dire...
M. Boulerice: "Do not call us, we will call you".
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Saint-Arnaud: O. K. C'est-à-dire qu'on a abordé
le volet comme on a tenté de le dire ici par l'éducation
cinématographique. On a pu développer là-dessus mais on
fait beaucoup d'activités auprès de la jeunesse pour les
éduquer au cinéma. Et puis, c'est une des priorités de
l'Institut. Alors, évidemment, directeur, on a dit qu'on pourrait
être un intervenant valable là-dessus. Peut-être qu'on
pourrait être un représentant des consommateurs aussi Remarquez
qu'on regroupe des membres. Si on prend un ciné club comme
Trois-Rivières, il y a 6000 membres. C'est une sorte de
consommateurs.
M. Boulerice: Oui, vous êtes des consommateurs mais en mal
de distribution.
Mme Mauroy: Oui. Ha,ha, ha!
M. Boulerice:... puisque vous n'avez rien. Ha, ha, ha!
Effectivement. Moi, j'aurais une question qui n'était pas prévue
dans le scénario des questions mais vous y avez fait allusion
tantôt en disant que, quelquefois, la télévision pouvait
brûler rapidement un film, une projection assez rapide. Bon, il y a quand
même une cinématographie québécoise. Bon, elle n'est
peut-être pas aussi étendue qu'on l'aurait souhaité eu
égard à des pays de même taille que nous, qui ont
développé une cinématographie importante. Comparons-nous
à des éléments comparables et non pas uniquement avec les
Français et les Américains, la Suède, etc., la Belgique
même. Les films québécois sont à l'affiche. Ils ne
sont pas dans des salles... Je vous parle de Montréal. Les films
québécois parce que je ne peux taire abstraction... que
voulez-vous? La géographie a fait que je suis député de
Montréal. Les films québécois qui sont
présentés ne sont pas dans des grandes salles, à moins
qu'il y ait eu un battage publicitaire extraordinaire. Ces films-là
disparaissent, etc. Chez vous, à travers tout ce réseau
parallèle, est-ce qu'il y a une forte demande de reprise des classiques
de la cinématographie québécoise9 Par exemple,
"Mon oncle Antoine", qui est toujours un film très actuel par son
contenu?
M. Saint-Arnaud: C'est un énorme problème que vous
soulevez, M. le député. C'est tout le problème du
patrimoine cinématographique. Souvent les droits sont éteints. Il
y a des copies qui sont seulement en conservation à la voute de la
cinémathèque à Boucherville et on n'a pas accès
à ces copies-là puisqu'il n'y a pas de droits et on ne veut pas
les faire circuler. Notre patrimoine cinématographique, si on parle de
films anciens québécois et on peut se référer
à avant 1970, on n'y a à peu près pas accès. C'est
un grand problème. Par contre, on peut vous dire qu'on diffuse des
choses qui sont difficiles à diffuser dans le réseau commercial.
Si on prend un film comme "Au Chic Resto Pop", c'est peut-être votre
comté.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Saint-Arnaud: Vous savez qu'à la mise en
marché...
M. Boulerice: Mes collègues vont me le reprocher. Ne les
provoquez pas.
M. Saint-Arnaud: Alors, vous savez qu'au niveau de la mise en
marché, à l'Office national du film, c'est à
Jonquière qu'ils ont jugé qu'ils avaient eu la meilleure
exposition de leurs films, autant au niveau des médias que des
spectateurs dans la salle et c'était fait par le Ciné-club de
Jonquière. Sinon, ça ne serait pas passé dans le coin non
plus. Ça ne serait pas passé même s'il y avait une salle
commerciale. Vous prenez "Vues d'Afrique", qui se déroulait à
Montréal la semaine dernière, c'était
présenté à Trois-Rivières. Il y a eu des suites
aussi à Jonquière, les Rendez-vous du cinéma
québécois. Vous avez eu une semaine spéciale, à
Trois-Rivières, de rediffusion de films québécois et ce
n'est pas toujours les gros "hits" du cinéma
québécois.
M. Boulerice: Est-ce que ce serait gros... M. Saint-Arnaud:
Alors
M. Boulerice: Oui
(17 h 15)
M. Saint-Arnaud:... II y a un problème là-dessus
parce que, souvent, les droits sont
éteints, souvent il n'y a pas de copie et c'est la même
chose au niveau du cinéma d'art et essai. Vous prenez un film comme
"Molière", c'est un film que, moi, je présente à peu
près tous les deux ans. Je n'ai pas pu le faire cette année parce
que les droits sont éteints Les droits n'ont pas été
rachetés. Alors, on ne peut avoir accès à ce film, qui est
d'une grande valeur cinématographique...
M. Gagnon: C'est difficile de faire...
M. Saint-Arnaud: et ça, c'est le commerce.
M. Gagnon: du cinéma de répertoire au
Québec. C'est difficile d'en faire parce que. comme Jean disait, si ce n
est pas les droits qui sont éteints, c'est la copie qui est dans un
état tellement déplorable que personne ne peut passer
ça.
M. Boulerice: Vous me dites que les mesures de conservation sont
extrêmement déficientes9
M. Saint-Arnaud: Non
M. Gagnon: Sauf à la cinémathèque M.
Boulerice: Sauf à la... Oui
M. Gagnon: Mais les films qui sont conservés à la
cinémathèque passent à la cinémathèque,
point. Ce n'est accessible nulle part ailleurs au Québec. Si, moi, je
veux une copie qui est à la cinémathèque demain, c'est
impossible
M. Boulerice: Je ne sais pas si ça entre dans le
débat, mais disons que c'est pour mon plaisir personnel et il me semble
que, une fois de temps en temps, j'ai le droit. L'Outremont avait.. Bon, on
parle de l'importance de la vidéo. Vous savez que c est immense.
L'Outremont avait une extraordinaire vidéothèque de cinéma
de répertoire. Quand ç'a fermé, ça, ç'a
disparu
M. Gagnon: Ce n'est pas disparu. M. Boulerice: C'est
ou?
M. Gagnon: Ça été repris par quelqu'un
d'autre à Montréal.
M. Saint-Arnaud: Ça été repris en partie par
Prima Film, mais Prima Film
M. Gagnon: Vous voulez dire; les vidéos ou les films'?
M. Saint-Arnaud: Vous parlez des droits des films Prima Film en a
racheté une partie;, mais il v en a que les droits. C'est que des droits
sont achetés pour une période données et les droits
s'éteignent. Même si tu as la copie, tu no peux l'exploiter. Tu
n'es pas propriétaire d'une copie, tu es propriétaire de
droits.
M. Boulerice: Les droits, oui D'accord. Tantôt, je partais
en vous disant... C'est peut être gros comme affirmation, mais enfin,
c'est vous qui en jugerez. Si on s'entend... - remarquez que c'est des choses
qui sont peut être remises en question - il y a un corps de police pour
une ville, il y a tout de même une pharmacie de garde, etc. Quand on
regarde les régions, mais, dans le vrai sens du terme: l'Abitibi, le
Saguenay, etc., est-ce que vous dites qu'il devrait y avoir, mais vraiment de
façon obligatoire, dans son sens noble, la présence d'un
cinéma parallèle si on veut véritablement parler de
diffusion cinématographique au Québec? Que ça devrait
être l'ensemble d'un réseau complète ment établi sur
tout le territoire?
M. Gagnon: Absolument
M. Saint-Arnaud: Absolument
M. Gagnon: II existe déjà en partie On n'est pas,
évidemment, partout. Ce qu'on fait, on le fait
bénévolement, mais c'est sûr que le réseau pourrait
être implanté. S'il y avait une aide qui était
donnée à l'établissement de nouvelles salles, dans un
premier temps, il pourrait y avoir un intérêt, à ce
moment-là, dans d'autres villes où il n'y a rien, de partir
quelque chose sans que ça coûte des sommes... Ce n'est pas des
millions qu'on demande Établir une salle parallèle à
Victoriaville, ça ne coûte pas 1 000 000 $ C'est des affaires de
quelques milliers de dollars d'aide pour partir, mais il y a une
clientèle. Dans chaque région de la province, il y a une
clientèle qui fréquente ces salles là et ça, c'est
officiel. Une clientèle qui peut varier, selon la grosseur de la ville,
de 3 à 1000 personnes par semaine, qui fréquentent les
salles.
M. Boulerice: On me dit que le Cine Campus a Trois
Rivières, c'est un succès phénoménal.
M. Gagnon: Bien ça, le Ciné Campus a Trois
Rivières, c'est le plus gros succès de ciné-club au
Québec. II a déjà eu jusqu'à 10 000. 1? 000
membres. Ce n'est pas rien, ça. C'est eux autres qui ont fait survivre
un peu le cinéma, à Trois Rivières, pendant de nombreuses
années Pendant longtemps, à Trois Rivières, il y avait, je
pense, une salle de cinéma et Ciné-Campus Maintenant, il s'est
ouvert deux nouvelles salles de cinéma, des multisalles. Mais qui a tenu
le flambeau pendant tout ce temps là? C'est Ciné-Campus Trois
Rivières, qui fonctionnait 10 mois par année, 7 soirs par
semaine
II y a eu Sherbrooke aussi qui a marche très tort, tellement tort
qu'une salle commerciale s'est ouverte en leur prenant leur
clientèle
Mais ça, c'est normal, on ne s'en plaint pas. Ça veut dire
que tu pars quelque chose et ça devient tellement populaire que le
réseau commercial s'en empare. Donc il y a quelque chose qui a
été fait là. Nous autres ça fait 10 ans, à
Victoriaville, et en général, dans les villes, ça fait 10
ou 12 ans que ça fonctionne et nous autres en tout cas on augmente
toujours un peu.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, on termine notre temps.
M. Boulerice: Oui, c'est toujours malheureusement la fin, le
générique F-l-N. Alors, Mme Mauroy, M. Gagnon, M. Saint-Arnaud,
je vous remercie de votre présence. Je pense que vous apportez des
éléments au sujet du cinéma parallèle qui sont
extrêmement pertinents, à la fois dans le contexte de la loi ici
et en fonction également d'une politique culturelle au Québec. Je
vous remercie de votre présence et des commentaires dont nous allons
tirer, j'ose espérer, profit. Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: À vous trois, merci. Comme je
vous le disais tantôt, on est très conscients de la lacune entre
organismes à but lucratif et non lucratif. C'est là que ça
se situe au niveau des programmes, évidemment au niveau du programme de
la SOGIC. Ça, ça ne va pas dans la loi, ça va dans le
programme de la SOGIC, parce qu'effectivement c'est la SOGIC, qui est la
Société des industries culturelles qui a le rôle de - le
ministère, d'une façon, a certains programmes et certains
rôles - mais la SOGIC, au niveau des industries culturelles en a aussi,
et là, qu'est-ce qui fait la différence entre le lucratif et le
non lucratif? Donc, nous allons le regarder de près.
Maintenant, ceci dit, au niveau des droits, vous l'avez
mentionné, nous recevons les distributeurs la semaine prochaine, alors
nous aurons l'occasion de leur poser la question, parce qu'effectivement ce
n'est pas nous, c'est les distributeurs qui doivent renouveler les droits.
Alors, effectivement, s'il y a un réseau, eux ne le font pas non plus
pour les beaux yeux du peuple, alors s'il y a un réseau, c'est pourquoi?
Disons que, finalement, il y a peut-être un manque
d'intérêt, et nous allons profiter de l'occasion de les rencontrer
pour le leur demander. Tout simplement, pour terminer en disant, et ce que vous
disiez: Quand on part quelque chose et que, finalement, le commercial s'en
empare, c'est parce qu'il y a déjà eu un besoin fondamental... On
est très conscients que dans les régions, toute la part du
cinéma parallèle, non seulement pour le soutien à la
création mais aussi pour la développer, puisqu'on montre des
produits qui, finalement, sont souvent plus difficiles à voir que les
gros produits américains et les gros "blockbusters", qui donnent
à la société québécoise un apport culturel
très valable. Et pour ce, soyez assurés que nous en sommes
très conscients et que nous allons essayer de remédier à
la situation.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
ceci termine la journée de cette commission. Je remercie MM.
Saint-Arnaud et Gagnon, ainsi que Mme Mauroy en leur permettant de se retirer.
Je suspends les travaux de cette commission et j'ajourne jusqu'à mardi
prochain, où nous reprendrons à 15 h 30, après la
période de questions. Donc a\ournement.
(Fin de la séance à 17 h 24)