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(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons commencer nos travaux pour continuer la consultation
générale qui est en cours depuis quelques semaines. Elle porte
sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir
ensemble" ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les
années 1992, 1993 et 1994.
Nous avons un ordre du jour pour cet avant-midi fort chargé. Nous
allons donc nous en tenir rigoureusement à l'horaire qui est devant
nous. Nous commençons dès maintenant avec l'Office des services
de garde à l'enfance. Je les invite à prendre place à la
table de nos invités.
Alors, je vois que nos invités ont pris place à l'avant.
Je leur souhaite la bienvenue. Je leur demande de se présenter et,
ensuite, de passer à la lecture ou au résumé de leur
mémoire, une vingtaine de minutes. Après ça, la
conversation s'engage avec vous des deux côtés de la table. Nous
vous écoutons.
Office des services de garde à
l'enfance
Mme Marcotte (Nicole): Alors, je suis Nicole Marcotte, la
présidente de l'Office, et j'ai, à mes côtés, Mme
Ginette Galarneau, directrice de la recherche, et Monique Proulx, agente de
recherche à l'Office.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenues.
Mme Marcotte: Merci. Alors, M. le Président, mesdames et
messieurs, je vous remercie de me donner l'opportunité de
présenter aux membres de cette commission le point de vue de l'Office
des services de garde à l'enfance sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration. Ce
mémoire vise essentiellement l'aspect intégration, puisque c'est
par ce volet que l'immigration a une incidence sur la mission et les travaux de
l'Office.
Tout en souscrivant aux objectifs d'intégration de même
qu'aux mesures qui s'y rattachent, l'Office a tenté de cerner les
difficultés et les besoins des communautés culturelles par
rapport aux services de garde, afin de mieux identifier les moyens à
prendre et ainsi permettre à chacun de jouer pleinement son
rôle.
L'Office est un organisme gouvernemental dont le mandat est de veiller
à ce que soient assurés des services de garde de qualité,
avec tout ce que ça suppose de mesures de soutien et d'activités
de contrôle. La plupart des services de garde au Québec sont des
organismes privés, des entités juridiques autonomes, issues de
l'initiative des parents ou d'autres promoteurs de la collectivité. Le
fonctionnement des services de garde assure une pleine
prépondérance aux parents qui sont appelés à
participer à titre d'administrateurs au sein des conseils
d'administration ou à titre de conseillers au sein des comités de
parents.
La loi qui crée l'Office reconnaît aux parents le droit de
choisir le service qui leur convient le mieux compte tenu des ressources
disponibles. C'est dans le respect de ces structures que l'Office doit jouer
son rôle.
Les difficultés et les besoins des communautés culturelles
face aux services de garde sont similaires à ceux de bon nombre de
parents québécois. D'autres problèmes sont cependant
particuliers. Par exemple, des problèmes de langue limitent
l'accessibilité aux services de garde ou à l'aide
financière, l'information relative à ces services n'étant
pas disponible dans la langue de ces immigrants. Des parents peuvent craindre
de confier leur enfant à des personnes qui ignorent tout de leur culture
et de lui faire vivre des situations dans lesquelles il pourrait se sentir
perdu. Cette crainte, de même que le souci de transmettre à leur
enfant leur langue et leur culture, amènerait certains parents à
privilégier des services de garde monoethniques. Pour les immigrants qui
comprennent mal le français ou qui ne sont pas familiers avec les
structures des services de garde, la participation des parents au conseil
d'administration ou au sein des comités peut présenter une
difficulté majeure.
Un aperçu de la situation nous permet de constater que le
développement des services de garde ne s'est pas fart au
détriment des communautés culturelles. En effet, une étude
réalisée par l'Office en 1984 révélait
déjà que la présence des enfants des communautés
culturelles dans les services de garde était au moins égale
à la proportion de la population qu'il représentait. À
partir de données plus récentes, on peut constater que l'accueil
des enfants immigrants est une réalité vécue par la
majorité des services de garde du Québec. Bien que la
concentration se fasse principalement à Montréal, les
régions de la Montérégie, de Québec, de l'Estrie et
de Laval sont de plus en plus concernées et, à l'exception du
Nord du Québec, toutes les régions sont touchées, bien que
ce soit à un niveau moindre.
En ce qui concerne les enfants des communautés culturelles, on
distingue deux catégories de garderie: celles identifiées
à une communauté particulière et les garderies
multiethni-
ques. Il est évident que les garderies identifiées
à une communauté culturelle reçoivent
généralement une majorité, sinon en exclusivité des
enfants d'une même ethnie, ce qui influence, entre autres, la langue
parlée à la garderie et la présence des membres du
personnel parlant la langue d'origine des enfants.
En ce qui concerne les enfants, les services de garde nous paraissent
pouvoir jouer un double rôle, à savoir: faciliter
l'intégration des enfants d'immigrants à la société
d'accueil. En effet, l'expérience peut être source de
développement si elle permet à l'enfant de développer une
image positive de lui, d'apprendre à fonctionner dans deux cultures
différentes et de prendre certaines caractéristiques de chacune
de ces cultures. Plusieurs études démontrent que des enfants de
familles immigrantes peuvent rencontrer certains problèmes d'adaptation
scolaire. En facilitant l'adaptation de ces enfants à la
société d'accueil, les services de garde peuvent jouer un
rôle de prévention important. De plus, en facilitant l'ouverture
de la société d'accueil, on permet aux enfants de la
société d'accueil de s'ouvrir aux autres cultures.
En plus d'être bénéfique à l'enfant, une
bonne communication peut permettre de briser l'isolement des familles
immigrantes, de soutenir les parents dans leur rôle d'éducation,
de faciliter leur intégration à la société
d'accueil et les aider à participer à l'intégration de
leur jeune enfant. Cette communication apparaît d'autant plus possible
que la participation des parents constitue une caractéristique majeure
du milieu des services de garde. Ce contexte peut donc favoriser
l'intégration des parents qui seront, par la suite, encouragés
à poursuivre leur action en milieu scolaire. Pour que s'établisse
une bonne communication avec les parents, il importe que le service de garde
reconnaisse l'apport éducatif de la famille et, ensuite, le partage de
ses propres ressources éducatives et des valeurs de la
société d'accueil avec celles des parents. Cette ouverture
suppose donc un personnel sensible et ouvert aux autres cultures,
informé des différences culturelles, au fait des
difficultés auxquelles sont confrontés les enfants et les parents
immigrants et capable d'intervenir adéquatement auprès des uns et
des autres. Cela suppose également un programme et un environnement qui
reconnaisse et respecte la diversité culturelle.
Au printemps 1989, le gouvernement du Québec s'est doté
d'une politique en matière de services de garde à l'enfance.
Cette politique prévoit un ensemble de mesures qui, sans viser
particulièrement les communautés culturelles, répondront
à certains besoins de leurs membres, au même titre qu'elles
répondront aux besoins de nombreuses familles québécoises.
D'autres mesures mises de l'avant dans la politique sur les services de garde
concernent particulièrement les communautés culturelles.
Globalement, ces mesures sont conformes aux orientations contenues dans
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration. Cependant, compte tenu de son mandat, l'Office n'est pas
toujours l'organisme qui doit initier ces interventions. Rappelons qu'au
Québec les services de garde sont des entités autonomes. Souvent,
les interventions gouvernementales ne peuvent donc être qu'incitatives ou
de soutien.
Donc, concernant l'adaptation des services aux besoins de la
clientèle des communautés culturelles et considérant le
rôle de l'Office en matière de développement des services
de garde, il apparaît que le soutien à la mise en place de
services de garde multiethniques passe d'abord par une meilleure formation des
parents et des organismes des communautés culturelles.
À cette fin, l'Office compte produire des documents d'information
à leur intention. Ces documents devraient, notamment, traiter des types
de services de garde existant au Québec, de leur fonctionnement, des
avantages liés aux services multiethniques, de l'importance du choix de
la langue parlée aux services de garde. L'Office s'engage
également à faire connaître ces documents aux
ministères et organismes concernés. Cette dernière mesure
nécessite cependant la collaboration du MCCI afin de trouver et
d'utiliser le meilleur véhicule permettant d'acheminer cette information
et ainsi de la faire connaître. (9 h 45)
De plus, considérant que l'adaptation des services aux besoins de
la clientèle des communautés culturelles suppose une bonne
connaissance des besoins de cette clientèle, l'Office considère
qu'il y aurait lieu de procéder à une étude visant
à mieux connaître la clientèle multiethnique des services
de garde, ses difficultés et ses besoins et à identifier les
moyens à privilégier pour répondre à ces besoins.
Il y aurait également lieu de commander, par exemple, au milieu
universitaire des études plus globales sur le rôle des services de
garde en matière d'intégration des enfants et des parents de
communautés culturelles.
Concernant la formation interculturelle des intervenants, l'Office
partage également l'orientation du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration et, considérant le
rôle de première importance du personnel des services de garde par
rapport au développement du jeune enfant et à son
intégration, de même qu'à celle de sa famille, à la
société québécoise, l'Office considère comme
essentiel et prioritaire de sensibiliser les personnes qui oeuvrent
présentement en services de garde à l'intégration des
enfants des communautés culturelles.
À cette fin, l'Office compte d'abord poursuivre les efforts
déjà entrepris en vue de véhiculer cette
préoccupation à travers ses activités et compte
élaborer un projet à présenter dans le cadre du Fonds
d'initiative afin de développer une session de formation adaptée
au
personnel des services de garde et d'offrir cette session dans les
différentes régions du Québec, prioritairement dans les
régions de Montréal, de la Montérégie, de
Québec, de Laval et de l'Es-trie. De plus, l'Office considère
comme essentiel d'intégrer rapidement la formation à
l'éducation interculturelle au programme de formation en techniques
d'éducation en services de garde et de soutenir le personnel des
collèges dans leurs efforts pour intégrer cette dimension dans
leur enseignement.
Enfin, considérant que les membres du personnel des services de
garde ont besoin d'être mieux outillés pour intégrer le
volet de l'éducation interculturelle dans leurs activités, il y
aurait lieu de dresser un inventaire des ressources, des activités et du
matériel favorisant l'intégration des enfants des
communautés culturelles.
Quant à la représentation des Québécoises et
Québécois des communautés culturelles aux instances
décisionnelles et consultatives, l'Office partage cette orientation et
rappelle à cet effet que la Loi sur les services de garde à
l'enfance prévoit que l'Office est composé de 17 membres, dont 13
nommés par le gouvernement. La loi prévoit également la
façon suivant laquelle ces 13 membres doivent être
désignés. Bien qu'aucune exigence particulière n'ait
été retenue concernant la nomination d'un membre de
communauté culturelle, l'Office signale qu'il serait possible, tout en
respectant les critères déjà retenus, d'assurer la
représentation des Québécoises et des
Québécois des communautés culturelles. L'Office croit
également qu'une telle représentation auprès de son
assemblée des membres constituerait un apport précieux
grâce auquel il serait en mesure de mieux cibler son action auprès
des enfants.
Finalement, dans un ordre d'idées plus général,
l'Office désire offrir son entière collaboration en vue de la
réalisation des diverses mesures retenues dans le cadre de
l'énoncé de politique. L'Office croit pouvoir jouer un rôle
stratégique en matière d'intégration et espère
pouvoir contribuer largement aux efforts déployés par le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.
En conclusion, j'aimerais rappeler que l'implantation et le
fonctionnement des services de garde au Québec se fondent sur la
participation des parents. C'est donc l'intérêt de l'enfant qui se
trouve à l'origine des structures mises en place pour l'offre de
services de garde au Québec. De plus, étant des corporations
privées, les services de garde peuvent mieux refléter les milieux
où ils s'implantent, tout en favorisant ainsi le développement
harmonieux des enfants.
En matière d'intégration, le milieu des services de garde
est une porte d'entrée privilégiée pour les enfants. C'est
également le cas pour les parents qui sont appelés à
participer pleinement au fonctionnement des services de garde au sein des
conseils d'administration ou des comités de parents. Les services de
garde renferment donc un vaste potentiel en matière d'intégration
en ce qu'ils recréent à petite échelle une
société d'accueil en soi. Lorsque l'on parle d'intégration
et de société d'accueil, il est peut-être
déjà trop tard pour toute une génération d'adultes;
il ne l'est certainement pas pour cette jeune génération qui
constitue la clientèle des services de garde. Pour y arriver, il nous
faut cependant consentir des efforts visant à mieux soutenir le
personnel qui, chaque jour, oeuvre auprès des enfants. Il y en a des
milliers de ces éducateurs et éducatrices au Québec qui
sont déjà très réceptifs à cette
problématique. En misant sur eux, on peut escompter un effet de levier
considérable puisqu'ils constituent des éléments
multiplicateurs de haute valeur qui ont avant tout le souci du
développement des enfants. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais remercier Mme Marcotte pour la
présentation de son mémoire. Je l'ai lu avec beaucoup
d'intérêt et je dois vous dire que c'est un excellent
mémoire. Et, d'ailleurs, ça m'a rappelé le souci de la
qualité que j'ai toujours reconnu à l'Office des services de
garde. Vous savez, M. le Président, il y a quelques années, il y
a peut-être deux ans, je pense, si ma mémoire est fidèle,
Nicole était à une commission parlementaire avec moi sur la
politique des services de garde et nous avions aussi débattu un projet
de loi à la suite de cette commission parlementaire. Maintenant, je me
rends compte que cette commission parlementaire avait soulevé
énormément de passions. Et, aujourd'hui, quand on prend un peu de
recul, on se rend compte que, malgré tout, nos interventions
étaient bonnes et que nous avions présenté à la
population une excellente politique des services de garde. Alors, je veux
rendre hommage à Mme Nicole Marcotte, entre autres, parce qu'elle avait
travaillé énormément fort dans ce projet de loi, et je
suis persuadée que, ce matin, elle a encore des souvenirs...
Mme Marcotte: Certainement.
Mme Gagnon-Tremblay: ...de cette commission parlementaire que
nous avons partagée ensemble.
Mme la présidente, je voudrais au départ vous parler des
services de garde. Vous avez beaucoup parlé des services de garde
monoethniques et pluriethniques. Dans votre mémoire, vous soulignez
justement que, pour bon nombre d'immigrants, les différences des valeurs
et des cultures sont une source d'inquiétude quand les parents envoient
leurs enfants à la garderie. On sait qu'ils craignent de vivre certaines
expérien-
ces difficiles. Est-ce que l'Office est en mesure, au moment où
on se parie, de déterminer, par exemple, quel est le meilleur mode de
garderie, monoethnique ou pluriethnique, et, à travers ces modes, est-ce
qu'il y a, par exemple, ce que je pourrais appeler un service monoethnique
lorsqu'il pourrait s'agir d'immersion? Si jamais il y avait des garderies
monoethniques, est-ce que ça ne devrait pas exister trop longtemps et
qu'on devrait se diriger davantage vers des garderies pluriethniques? Est-ce
que l'Office, par exemple, a une position assez officielle quant à ces
deux types de garderies?
Mme Marcotte: Mme la ministre, il existe, au Québec,
effectivement un certain nombre de garderies monoethniques. Il en existe
présentement 28, par rapport à quelque 800 services de garde ou
garderies au Québec. Donc, ce n'est quand même pas un nombre
considérable. Elles se concentrent généralement dans la
région de Montréal. On retrouve des garderies monoethni ques de
cultures juive, italienne, haïtienne et arménienne. Comme vous le
savez, la Loi sur les services de garde à l'enfance permet ce type de
garderies et l'Office ne peut décider de ne pas donner suite à
des demandes de permis qui respecteraient l'ensemble des critères et des
choix des personnes. Cependant, le gouvernement, dans sa politique sur les
services de garde, s'est positionné à l'effet de "prioriser"
à l'Office le développement de services de garde pluriethniques
ou multiethniques, donc ne ne pas donner la priorité au
développement des garderies monoethniques. Donc, c'est bien
évident que l'Office respecte cette priorité-là, sauf
qu'il doit le faire dans le cadre de sa loi qui ne lui permet pas d'interdire
le développement des garderies monoethniques.
Maintenant, on peut observer, principalement dans les grands centres, un
grand nombre de garderies qui, tout en n'ayant pas un caractère ou une
identification multiethnique comme telle, aujourd'hui, reçoivent des
enfants des communautés culturelles en grand nombre. Donc, de plus en
plus, on devrait aller vers des garderies au sens plus large, puisque, dans le
fond, ce qu'on vise et, je pense, ce qu'on poursuit par cette
politique-là, c'est une intégration des enfants à la
société québécoise. Alors, si on en vient à
vouloir, par exemple, limiter ou interdire le développement de services
de garde à caractère monoethnique, bien, il faudra qu'au plan
légal on fasse les modifications qui s'imposent. Maintenant, on doit
dire que, le développement étant maintenant contrôlé
sur une base régionale et en fonction de certains critères, il y
a des possibilités d'exercer un meilleur contrôle sur le
développement, également, de ce type de garderie là.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, on se rend compte que ces garderies
monoethniques sont davantage contrôlées ou gérées
par des communautés beaucoup plus anciennes, finalement, et que la
tendance pour les communautés plus nouvelles irait davantage vers des
garderies pluriethniques plutôt que monoethniques, compte tenu des
nouvelles clientèles. Je pense, par exemple, à des
clientèles plus nouvelles, des communautés plus nouvelles, plus
récentes.
Mme Marcotte: En fait, là où il existe une plus
grande concentration - parce que, pour les autres cas, c'est quelques garderies
- c'est dans la communauté juive et on peut comprendre que c'est
probablement rattaché à des valeurs culturelles très,
très spécifiques au niveau de la religion, qui touchent
l'alimentation, qui touchent un ensemble de facteurs. Quant aux garderies
italiennes, je pense qu'il en existe une ou deux, et ainsi de suite.
Maintenant, vous mentionniez tout à l'heure tout l'aspect de
l'inquiétude qu'il peut y avoir de la part des parents dont on faisait
mention dans le mémoire qu'on a présenté et c'est la
raison pour laquelle on invite le gouvernement à miser peut-être
davantage et de façon très prioritaire sur la formation du
personnel qui oeuvre dans les services de garde. Et quand on parie de
formation, on ne vise pas, là, une clientèle qui n'est pas
déjà très sensibilisée à tous les
problèmes d'intégration des communautés culturelles autant
qu'à d'autres problèmes de la société
québécoise.
Bien au contraire, on a là un potentiel d'éducateurs et
d'éducatrices qui sont déjà très
sensibilisés à la problématique, sauf que, si on veut
qu'ils interviennent de façon efficace, encore faut-il leur donner les
moyens. Et un des meilleurs moyens de donner à ces gens-là une
information adéquate qui leur permettrait de soutenir les parents,
puisque, on l'a vu, les garderies sont des corporations privées, bien,
c'est de mieux outiller les personnes qui sont en contact avec ces
parents-là pour qu'elles soient plus au fait de la culture, des besoins,
des différences et des attentes de cette population là.
Il y a également tout le problème de rejoindre les
communautés culturelles quand vient le temps de vouloir, par exemple,
implanter des services de garde dans certaines régions ou dans certaines
municipalités où il y aurait une plus grande incidence de
communautés culturelles parce qu'il y a un problème de langue Et
on sait aujourd'hui que ce n'est pas nécessairement la meilleure
façon de faire de traduire tous les documents dans toutes les langues.
D'ailleurs, l'Office n'y arriverait pas. Alors, on se dit: II va falloir que
nous, à l'Office, on fasse une synthèse de l'information
essentielle, mais, quelque part, il va falloir qu'on nous aide à rendre
cette information disponible au niveau des communautés culturelles.
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que cette information... Je pense
que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
peut jouer un rôle, peut vous aider dans cot exercice-là, entre
autres, aussi pour donner et remettre à la population qui arrive
certains documents pour la renseigner, comme, par exemple, sur le
système scolaire aussi bien que sur les garderies. Je pense qu'il y a
bien des choses, qu'il y a une collaboration, bien sûr, qu'on peut vous
allouer dans ce sens-là.
Mais je voudrais revenir à la question des garderies. Est-ce que
vous croyez que ce serait possible qu'on sensibilise davantage toutes les
garderies et si ça devrait être, finalement... Bon, on devrait
inciter fortement, sans les obliger, mais inciter fortement les garderies
à réserver peut-être chacune un certain pourcentage de
places pour des petits Québécois ou Québécoises,
des enfants des communautés culturelles. Est-ce que ça pourrait
se faire ou bien croyez-vous que ça... (10 heures)
Mme Marcotte: Bien écoutez, moi, je pense que tout peut se
faire si c'est vers ça qu'on veut aller. Cependant, je ne crois pas que,
dans le milieu des services de garde, ce soit nécessaire de
procéder ainsi puisqu'il y a déjà une très grande
ouverture de la part des éducateurs en garderie, une très grande
réceptivité par rapport à cette clientèle-là
et je crois qu'il faut éviter justement de faire et de traiter comme une
exception la problématique si on veut justement arriver à une
solution. Moi, en tout cas, j'hésiterais à opter pour une
solution comme celle-là avant d'avoir mesuré les impacts parce
que je craindrais qu'il n'y ait beaucoup d'impacts négatifs par rapport
aux impacts positifs. À date, on n'a pas la preuve, et encore
faudrait-il le démontrer, que la clientèle des communautés
culturelles est pénalisée proportionnellement à la
population par le manque de places et l'accessibilité. Il n'y a rien qui
nous prouve, dans le moment, que cette clientèle-là...
Mme Gagnon-Tremblay: O.K.
Mme Marcotte: ...est défavorisée par rapport
à l'ensemble de la clientèle. Au contraire, les proportions
semblent nous indiquer que la clientèle des communautés
culturelles qui fréquente les services de garde est, à toutes
fins pratiques, assez proportionnelle à la population. L'important,
c'est qu'elle continue, cette proportion-là, d'évoluer et qu'elle
s'accélère justement pour être capable de suivre le rythme
de développement ou d'immigration que vous prévoyez. Et ce qui
m'apparaît encore plus important, c'est que, quand on prévoit
régionaliser, par exemple, l'immigration et accentuer les efforts pour
orienter vers les régions, c'est bien évident que, quand on parle
des grands centres comme Montréal, déjà, les gens sont
très sensibilisés aux problèmes d'intégration des
communautés culturelles, sauf que, si on veut orienter vers les
régions, il va peut-être falloir miser davantage sur la
sensibilisation dans ces milieux-là parce qu'il est bien possible que,
bon, il y ait peut-être un ou deux petits immigrants dans une garderie
dans une région donnée, mais ce n'est pas évident qu'ils
ont vécu des problèmes d'intégration du même ordre
parce que, souvent, on peut voir des enfants des communautés culturelles
intégrés dans une région adoptés par une famille
québécoise. Donc, le problème d'intégration, il est
déjà fait.
Cependant, moi, je constate que, dans la politique d'immigration et
d'intégration, on mise énormément sur des mesures de
soutien au milieu scolaire pour faciliter l'intégration des enfants
d'âge scolaire et je pense que c'est un excellent choix. Et si, dans le
fond, on faisait le même exercice et qu'on avait la même
préoccupation pour la clientèle des services de garde -
disons-le-nous, ce sont quand même des clientèles encore plus
jeunes, donc plus faciles à intégrer -je suis convaincue qu'on
réussirait à faciliter l'intégration de ces
enfants-là dans les écoles et, finalement, à un coût
moindre au bout de la ligne. Mais peut-être faudrait-il investir un peu
plus au départ pour s'assurer que l'intégration de ces
enfants-là se fasse le plus facilement possible.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que
l'éducation, la formation interculturelle, quant à la formation
donnée, par exemple, par les techniques de garde, ça devrait
être une option obligatoire?
Mme Marcotte: Moi, je pense que ça devrait être
obligatoire. Si c'est devenu une politique du gouvernement de faciliter
l'intégration, il faut qu'on ait des mesures qui viennent renforcer
cette situation-là d'autant plus que, on l'a dit tout à l'heure,
les garderies sont des corporations autonomes et le gouvernement ne peut agir
que sur des moyens incitatifs, persuasifs ou de soutien. Alors, c'est d'autant
plus important que, dans la formation, justement, ce soit un volet obligatoire
parce que je crois que, dans le moment, c'est déjà offert
à titre optionnel dans certains cégeps. Donc, si ce n'est pas
obligatoire, je ne pense pas qu'on va rencontrer l'objectif
souhaité.
Mme Gagnon-Tremblay: Ma dernière question, M. le
Président. Concernant les agences en milieu familial, on sait qu'il y a
plusieurs personnes qui ont plus confiance, par exemple, surtout des personnes
comme de nouveaux arrivants qui ne connaissent pas trop, trop le milieu et qui
sont plus portes à faire garder leurs enfants dans le milieu familial
plutôt que dans des garderies. Est-ce que, par exemple, on
développe davantage de ces agences en milieu
familial auprès des communautés culturelles? Est-ce qu'on
retrouve beaucoup d'enfants dans ce type de garderies?
Mme Marcotte: Comme on le sait, les agences de services de garde
en milieu scolaire, en milieu familial se sont développées,
jusqu'aux dernières années, davantage dans les régions
périphériques à Montréal, Laval et aux grands
centres. Mais il existe quand même quelques agences de services de garde
en milieu familial, entre autres dans le Montréal métropolitain,
qui reflètent, dans le fond, l'image de la collectivité et
où on retrouve des enfants des communautés culturelles et,
j'imagine, des familles de corn munautés culturelles qui font de la
garde d'enfants. Donc, au fur et à mesure qu'on va développer
davantage dans les endroits où il y a une plus grande concentration de
clientèle, on va sûrement atteindre proportionnellement cette
clientèle-là. Et, effectivement, on avait prévu faire un
rattrapage dans le développement des services de garde en milieu
familial et l'Office a amorcé des travaux dans ce sens-là depuis
déjà au-delà d'un an.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme la présidente, vous me permettrez
de vous appeler par votre titre et non pas d'y aller par votre prénom.
Depuis hier, je trouve que notre commission fait un peu "embrassons-nous,
Folleville". Ce n'est pas dans nos coutumes, quoiqu'on pourrait peut-être
les changer, mais enfin. Ceci dit, en vous écoutant et après
avoir lu votre mémoire, une des quatre premières questions, en
espérant que le temps nous permette de les poser toutes les quatre, que
j'ai, c'est: Est-ce que vous avez une idée de la provenance ethnique,
entre guillemets, du personnel des garderies, actuellement? Il va de soi que je
parle probablement beaucoup plus de Montréal qu'en région,
puisque, bon, toutes les statistiques sont là pour le prouver.
Mme Marcotte: Mme Proulx va vous répondre.
Mme Proulx (Monique): À l'Office même nous n'avons
pas de données concernant la provenance ethnique du personnel des
services de garde, mais j'ai lu récemment une étude qui a
été faite auprès de 70 garderies de la région de
Montréal recevant des enfants de différentes communautés
ethniques et on évaluait, dans ces 70 garderies, que le pourcentage
d'éducateurs provenant d'autres ethnies était de 19 %, ce qui
était évidemment moindre que la proportion d'enfants, mais
c'était tout de même une assez forte représentation
d'éducateurs de différentes ethnies. On a des données
aussi, non pas chiffrées, mais on a régulièrement,
à l'Office... Vous savez sans doute qu'il y a certaines exigences en
matière de qualification du personnel. Dans toutes nos garderies, il
doit y avoir au moins un tiers du personnel de garde qui a une formation en
petite enfance reconnue par l'Office et, pour toutes les personnes qui ont fait
des études à l'extérieur du Québec, nous demandons
que ces personnes-là nous soumettent une attestation
d'équivalence du ministère de l'Éducation. Ça nous
amène à constater assez régulièrement, compte tenu
des dossiers que nous avons à étudier, qu'il y a effectivement
des éducateurs de différentes ethnies qui sont reconnus, qui ont
des formations en petite enfance, mais acquise en Amérique du Sud, un
peu partout à travers le monde, finalement, et qui sont à
l'emploi de garderies, mais là, on ne peut pas chiffrer.
M. Boulerice: Sans vouloir pratiquer mon ancien métier
d'éducateur spécialisé, Mme Proulx, est-ce que vous croyez
que la présence d'éducateurs ou d'éducatrices, puisque je
sais que c'est un milieu, je ne dirais pas réservé, mais
où il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes, enfin je l'observe dans
ma circonscription... Pouvez-vous me permettre une petite parenthèse?
Félicitations pour ce magnifique travail que vous avez fait avec
l'hôpital Saint-Luc et le centre Jacques-Viger, pour cette belle garderie
sur le boulevard René-Lévesque. J'ai eu beaucoup de plaisir
à l'inaugurer. Est-ce que vous croyez que ce pourcentage
d'éducateurs ou d'éducatrices en provenance de communautés
culturelles est véritablement un facteur d'intégration, un
"influent" au niveau de l'intégration, ou c'est peut-être
plutôt une espèce de "sécurisant" à la fois pour
l'enfant et pour les parents?
Mme Proulx: Écoutez, moi, personnellement je pense que la
présence d'éducateurs et d'éducatrices de
différentes ethnies, à l'intérieur des services de garde,
c'est un atout à la fois, d'une part, évidemment, pour
sécuriser les parents, mais je pense que, dans une société
qui est de plus en plus multiethnique, ce n'est pas tout de vouloir
intégrer les enfants à la société
québécoise, encore faut-il aussi se soucier que le marché
du travail puisse intégrer ces immigrants adultes. Et je me dis: Que les
services de garde deviennent un lieu parmi d'autres où l'on peut
employer des éducatrices et éducateurs de différentes
ethnies, ça m'apparaît positif. Je pense que, oui, il y a un effet
très sécurisant pour les parents, donc peut-être aussi pour
l'enfant, mais il y a également... C'est que, dans une
société qui est multiethnique, je pense que c'est de permettre
à l'enfant de voir que les adultes avec lesquels il est en interaction
sont aussi des gens qui proviennent de différentes ethnies mais, par
ailleurs, je pense que, si on
pense à une intégration à la société
québécoise, il est souhaitable qu'il y ait, évidemment,
beaucoup d'éducatrices et d'éducateurs québécois de
souche. Il ne s'agit pas, parce qu'une garderie est multiethnique, de vouloir
avoir toute la gamme des ethnies chez les éducateurs au détriment
d'éducatrices et d'éducateurs québécois d'origine.
Je ne sais pas, Mme Marcotte, si vous souhaitez ajouter quelque chose?
Mme Marcotte: Non. Je pense qu'effec-tivemement on doit regarder
l'évolution du dossier en fonction de l'évolution de la
société et on ne doit pas... D'ailleurs, je lisais, dans une
interview, un reportage dans La Presse concernant le dépôt
de la Fédération des travailleurs du Québec où on
disait: Si, finalement, on veut développer des garderies avec du
personnel qui est le reflet, finalement, de la clientèle, nous, on ne
marche pas. Je ne crois pas que ce soit dans l'orientation de l'Office et que
ce serait sage de vouloir prendre une telle orientation, si on veut parler
d'intégration, justement.
M. Boulerice: D'accord. Vous n'introduisez pas la fameuse vieille
notion du clausus numerus. Plus il y en aura, tant mieux, mais il n'est pas
question d'établir de quota. Je vous comprends bien, Mme Marcotte?
Mme Marcotte: Non. Il n'a jamais été question
d'établir des quotas, et je pense que ce serait catastrophique de penser
agir comme ça dans le milieu des services de garde. D'ailleurs, je ne
crois pas que ce soit nécessaire. Comme on vous le disait tout à
l'heure, c'est un milieu très social, très ouvert sur les besoins
de la collectivité, qui est très réceptif, de façon
naturelle, aux communautés culturelles. Donc, il n'y a pas de
problème majeur ou de rejet qui n'ait jamais été
rapporté à l'Office à l'effet que du personnel de couleur,
par exemple, travaillait dans des garderies avec une concentration de
clientèle québécoise. Donc, le problème, il est
beaucoup plus au niveau de s'assurer de donner au personnel, tant de la
société d'accueil, comme on le disait tout à l'heure,
qu'aux parents, une meilleure information sur les deux cultures, dans le fond:
celui qui arrive avec sa culture, il a besoin d'en savoir sur la nôtre
et, nous, on a besoin d'en savoir sur la sienne. Plus les éducateurs qui
sont en contact avec les enfants et quotidiennement avec les parents auront de
l'information adaptée, à ce moment-là, plus ils pourront
réagir de façon adéquate auprès de cette
clientèle-là, parce que, dans le fond, ce qu'on vise dans une
garderie, c'est d'abord et avant tout la santé, la
sécurité et le développement de l'enfant dont on nous
confie la garde.
M. Boulerice: Bien de vos collègues qui sont au niveau
scolaire, soit primaire ou secondaire, ont fait état d'écoles
où le nombre, la proportion d'élèves, à la fois en
classe et dans l'école, est telle que la communauté ethnique, ce
sont les Québécois de vieille souche. On m'avait
suggéré d'ailleurs une expression amusante: museum Deutsch, les
Allemands de musée. Donc, l'absence, disait-il, pour les
étudiants d'autres communautés, de referents nettement visibles
et tangibles de la société d'accueil. Est-ce qu'il y a des
garderies à Montréal où vous avez observé le
même phénomène? (10 h 15)
Mme Marcotte: Effectivement, il y a des garderies où il y
a une concentration. On le disait tout à l'heure, c'est le reflet de la
société qu'on vit dans les garderies. Donc, quand on se retrouve
dans des quartiers où la clientèle de l'école est à
concentration de sociétés culturelles, il y a bien des chances
que la garderie soit dans la même situation. Donc, c'est évident
que ce genre de situation là existe. Est-ce qu'elle existe à
très grande échelle dans les services de garde, au Québec,
dans le moment? Je dirais que non, mais je croirais que oui, ça existe
dans probablement les mêmes quartiers où il a été
fait mention du problème au niveau de ces écoles-là, et
c'est ça, le lien que je voulais faire tout à l'heure quand je
parlais d'un lien avec l'école. Partout et tout le temps, quand on se
préoccupe de l'intégration et des problèmes des enfants
qui sont dans les écoles, dans le fond, les mêmes problèmes
et les mêmes besoins se posent, peut-être d'une façon
différente au niveau des services de garde. Il ne faudrait pas les
oublier.
M. Boulerice: J'ai le goût de renverser... Mon Dieu! je
m'aperçois que je commence à avoir les attitudes de M. Scully
à Radio-Canada. Je vais renverser une question qui a déjà
été posée où on introduit, mais de façon
très prudente, la notion américaine du "bossing" en disant: II
faudrait les envoyer ailleurs, de façon à pouvoir avoir une
mixité complète.
Qu'est-ce que vous penseriez de l'idée, non pas coercitive mais
très incitative, avec des moyens de persuasion raffinés, d'amener
de jeunes Québécois, tuque et bas de laine, à aller
fréquenter les garderies qui sont là où il y a des
concentrations géographiques assez prononcées de
communautés culturelles? Je vais prendre un très bel exemple que
va partager mon collègue, le député de l'Acadie. Il y a
quelques années, le gouvernement issu de ma formation politique
autorisait la communauté arméniennne à établir sa
propre école - vous avez d'ailleurs parlé de la communauté
arménienne - mais la communauté arménienne a
insisté, dans une certaine mesure, peut-être pas à
l'excès, mais elle a quand même fait un geste et
déjà c'est appréciable, elle a incité, puisque,
bon, dans le quartier il existe également des
archéo-Québécois - une autre expression qu'on nous a
suggérée pour nous qualifier nous-mêmes - ceux-ci à
fréquenter cette école arménienne, ce qui fait que
là, ça a
été l'inverse: de jeunes Québécois se sont
retrouvés dans un milieu culturel différent. Il y a tout de suite
un réfèrent de la société d'accueil pour les jeunes
Arméniens et vous pouvez maintenant vivre une situation tout à
fait particulière mais très belle de jeunes
Québécois qui, fréquentant cette école, maintenant
sont imprégnés de la culture arménienne, qui est
très belle, très vaste et deux fois millénaire, même
de la langue arménienne. Allez vers ça, ça vous
paraît utopique? Je rêve en couleur? Je suis messianique?
Mme Marcotte: Ce n'est pas que ça me paraît
utopique. Je pense que tout type d'expérience qui favorise des
échanges avec la communauté d'accueil et les communautés
culturelles et qui peut être suscité ou facilité
auprès des services de garde est une expérience qui ne peut
être que positive en soi. Là où j'aurais des restrictions
sur une certaine organisation qui serait poussée vers une certaine
obligation quelque part, c'est que oui, l'Office des services de garde est
prêt et veut collaborer à faciliter l'intégration des
enfants des communautés culturelles dans les services de garde et ce,
autant pour le bénéfice des petits Québécois d'ici
que des petits Québécois d'autres origines, mais il faut se
rappeler que la mission de l'Office, c'est d'abord d'offrir des services de
garde à l'enfance de qualité. On fait référence
à de petites unités d'un maximum de 60 enfants qui se retrouvent
dans un service de garde et où le choix des parents joue un rôle
prépondérant, premièrement, parce que la loi le
prévoit et, deuxièmement, parce que le parent assume quand
même une part importante du coût de garde. Les services de garde ne
sont pas gratuits.
Donc, il faut que toutes ces mesures ou projets qui visent effectivement
à briser peut-être un certain isolement de certaines
communautés qui pourraient se regrouper dans un même quartier, il
faut qu'on les amène d'une façon un peu comme dans des projets
où on a vu, par exemple, des projets se développer avec les
personnes du troisième âge, dans un cadre où ce sont des
activités incitatives mais où on ne fait pas, à cet
âge-là, un carcan en disant que, les enfants, on va les obliger
à être placés dans cette garderie-là même si
ce n'est pas très pratique pour le parent parce que, dans le fond, on ne
veut pas qu'il n'y ait que des enfants des communautés culturelles dans
une garderie et des petits Québécois dans une autre.
Ça m'apparaitrait difficile de prendre une orientation. Et
là, j'ai l'impression qu'on pren drait beaucoup plus en
considération l'intégration de l'enfant et sa famille que le
bien-être d'un petit enfant parce que, des fois, on parle d'enfants de
deux et de trois ans qui vivent déjà beaucoup
d'insécurité du simple fait de devoir être laissés
dans un service de garde. Moi, je pense que ça pourra entrer, ce
questionnement- là, dans le cadre d'études qu'on mentionnait tout
à l'heure, mais beaucoup plus poussées et qui devraient
être confiées à des universitaires, des études en
profondeur qui vont mesurer les impacts de ces différentes approches
là parce qu'on risquerait de faire peut-être plus de tort que de
bien. Je ne dis pas que ce n'est pas positif, mais, moi, j'aurais de la
misère à prendre une orientation, de dire: Oui, c'est quelque
chose qu'on devrait faire. Parce qu'il me semble qu'il y a beaucoup de
considérations dont on doit tenir compte dès qu'on parle de
petits enfants et de toute la vulnérabilité de ces
enfants-là.
M. Boulerice: Ma dernière question, Mme Marcotte, fait
toujours appel à des interventions précédentes. Compte
tenu que l'immense majorité s'établit en région
montréalaise, certains ont fait la remarque: Oui, quant au niveau de
l'immigration, mais attention! Nous risquons peut être - certains
disaient sans doute - d'avoir un problème au niveau de l'habitation ou
du logement. On donnait des exemples, comme à Côte-des-Neiges,
où malheureusement certains quartiers, à cause de la
détérioration du stock urbain, sont devenus de véritables
"Bronx", et je pense que je n'exagère pas en employant ce terme. Donc,
moi, j'ai toujours dit que ce serait criminel que d'inciter des gens à
venir et de les placer dans des situations de logement et d'habitation qui
seraient nettement inférieures aux standards acceptables.
Est-ce que vous croyez qu'en fonction du nombre que nous avons
actuellement, enfin des nombres que nous planifions au niveau de l'immigration,
nous serons capables de suivre cette évolution là quant à
l'accessibilité du service du garde? Sinon, pourquoi et comment9
Si oui, tant mieux.
Mme Marcotte: Écoutez, est-ce qu'on sera capables de
suivre l'évolution? Ce que je peux vous répondre, c'est que je
l'espère. Ce sur quoi on peut peut-être miser davantage, c'est sur
le fait que, malgré les périodes quelquefois difficiles au plan
budgétaire au niveau gouvernemental, il y a un secteur où,
malgré toutes les difficultés et quel que soit le gouvernement en
place, on n'a pas cessé le développement: c'est dans le secteur
des services de garde. C'est bien sûr qu'il y a des années
où on aurait peut-être souhaité que le développement
soit plus élevé alors qu'il l'était moins. On a dû
quelquefois revoir à la baisse les projets de développement, mais
il y a quand même des engagements très fermes de
développer, au cours des prochaines années, de façon
régulière et en visant à une certaine
accélération, des services de garde.
Donc, on suit de très près et on met à jour presque
annuellement toute l'estimation des besoins des clientèles. On a
amorcé, cette année, une grande tournée de consultation
régionale, donc au niveau des différentes municipalités
et
dans chacune des régions du Québec, pour connaître
de façon plus précise les besoins des régions. On
espère effectivement pouvoir suivre le rythme. Maintenant, c'est
évident que, là encore, les communautés culturelles vivent
la même situation que l'ensemble des Québécois. Oui, dans
certaines régions, il manque de places. Il en manque pour tout le monde.
L'important, c'est qu'on continue à développer, qu'on
n'arrête pas le développement et que, dès que ce sera
possible, on l'accélère.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M.
le député.
M. Boulerice: Oui, très brièvement. Mme Marcotte,
vous dites que vous avez fait des tournées, etc. Donc, vous faites des
prévisions de développement, mais en fonction des besoins
exprimés actuellement. Est-ce à dire que l'évaluation que
vous faites n'inclut pas les prévisions face à l'immigration,
donc, que cela devra être révisé?
Mme Marcotte: C'est évident que toutes les
prévisions sont révisées de façon annuelle et qu'on
va tenir compte des objectifs qui vont être retenus au niveau de
l'immigration pour ajuster notre estimation des besoins et, par la suite,
être à même de répartir de la façon la plus
équitable possible les places allouées et autorisées dans
les différentes régions du Québec.
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député.
M. Boulerice: Je vous remercie, Mme Marcotte, Mme Galarneau, Mme
Proulx. Sans jouer avec les mots, j'ai l'impression que l'Office des services
de garde nous a mis en garde: Ne faites pas cette politique sans une
étroite collaboration avec l'Office des services de garde du
Québec.
Mme Marcotte: C'est exact et j'y compte bien. Je vous
remercie.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de
remerciement, peut-être.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je remercie Mme
Marcotte, Mme Galarneau et Mme Proulx pour la présentation de leur
mémoire. J'ai écouté Mme Marcotte qui parlait de
concertation régionale. Je sais combien je misais sur cette concertation
régionale, au point où j'en ressens un peu de nostalgie, mais je
suis contente de voir que le processus se poursuit. Donc, je veux vous
remercier et je veux vous assurer aussi de notre entière collaboration
au ministère; je pense qu'on aurait avantage à s'asseoir ensemble
pour peut-être développer aussi certains programmes de recherche
dans le cadre aussi du Fonds d'initiative mais aussi du fonds de recherche
qu'avait mis à notre disposition le gouvernement fédéral.
Je pense que c'est important qu'on puisse aller chercher notre part du
gâteau. Donc, dans ce sens-là, ce serait important que l'on puisse
s'asseoir ensemble pour développer certains programmes de recherche.
Encore une fois, merci infiniment.
Mme Marcotte: Merci, Mesdames et Messieurs.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Au nom des
membres de la commission, donc, nos remerciements à l'Office des
services de garde à l'enfance.
Fédération des CLSC du
Québec
Pour ne pas retarder nos travaux pendant que Mme Marcotte, Mme Galarneau
et Mme Proulx se retirent de la table, je demanderais aux représentants
de la Fédération des CLSC du Québec de bien vouloir
prendre place en avant, à fa place qui leur est réservée.
Je vois qu'ils sont déjà là. Je leur souhaite la
bienvenue. Je les invite à procéder comme le groupe qui les a
précédés, présentation des représentants de
la Fédération avec courtes explications sur le rapport, suivie
d'une discussion avec les membres de la commission. Vous avez la parole.
Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Ça me fait plaisir
d'être parmi vous et de vous présenter ceux qui m'accompagnent:
Mme Lucille Rocheleau, conseillère cadre à la
Fédération des CLSC et organisatrice du colloque
"L'interculturalisme: un défi pour les CLSC", et M. Borja qui est
directeur général du CLSC Soc à Sherbrooke.
Le Président (M. Doyon): Et vous êtes Mme
Vaillant?
Mme Vaillant: Je suis, oui, Jeanne d'Arc Vaillant, directrice
générale de la Fédération des CLSC du
Québec.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous
trois.
Mme Vaillant: Nous allons vous présenter notre
mémoire et nous allons nous partager ça à trois, chacun
ayant son expérience et son expertise.
Donc, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris
connaissance de l'énoncé de politique du gouvernement du
Québec en matière d'immigration et d'intégration. Le
réseau de CLSC, c'est 158 CLSC et il y a 476 points de services à
travers le Québec. De par leur mission, les CLSC ont le mandat d'offrir
à toute la population, quelle que soit l'origine ethnique, des services
de santé et des services psychosociaux
de première ligne.
Nous devons accorder une attention prioritaire aux personnes et aux
groupes les plus vulnérables dont les conditions d'existence menacent
leur santé sous toutes ses formes. Nous avons également la
responsabilité de soutenir les groupes communautaires qui favorisent le
développement des solidarités, de l'entraide, de la
défense des droits et des intérêts des gens laissés
pour compte. (10 h 30)
En octobre dernier, la Fédération des CLSC a
organisé un colloque intitulé: "L'interculturalis-me: un
défi pour les CLSC". On proposait alors aux CLSC quatre défis
à relever dans leurs rapports avec les immigrants et les
réfugiés: comprendre, d'abord, la situation de l'immigrant;
accueillir les immigrants, c'est-à-dire adapter nos services - et quand
on parle de nos services, ce sont des services qui touchent la santé et
les services sociaux - pour les rendre accessibles à cette population;
développer un réel partenariat avec le communautaire dans le
respect des missions et des responsabilités de chacun et,
également, promouvoir la composition multiethnique du personnel puisque,
étant à la base du système de santé et de services
sociaux, nous avons à répondre à des situations d'urgence
et à des situations d'urgence sociale importantes. Donc, en gros, ce
sont des préoccupations qui ont été exprimées par
les CLSC et surtout ceux qui ont sur leur territoire une forte concentration de
groupes ethniques.
Donc, dans le mémoire, nous voulons vous faire part des besoins
identifiés auprès de notre population en matière
d'immigration et d'intégration et souligner, dans l'énoncé
de politique, les mesures qui nous rejoignent. Si nous prenons, d'abord,
immigration et intégration, nous pouvons vous dire que nous sommes
heureux de voir associés ces deux éléments parce que
l'immigration constituera pour la collectivité québécoise
une richesse en autant que nous pourrons intégrer ces nouveaux arrivants
et construire ensemble un projet de société. C'est un contrat qui
va permettre de clarifier les valeurs fondamentales de notre
société qui doivent nous guider dans l'élaboration de nos
politiques et qui élimine ainsi bon nombre d'ambiguïtés.
Dans le mémoire que nous présentions à la
commission Bélanger-Campeau, nous précisions que le nouveau
contrat social des Québécois doit être fondé, entre
autres, sur la clarification et l'affirmation des valeurs fondamentales que
propose le Québec comme terre d'accueil pour ses immigrants, notamment
l'identité francophone du Québec et sa spécificité
socioculturelle. De plus, lors du colloque de la Fédération sur
l'interculturalisme, plusieurs conférenciers et participants ont
clairement exprimé qu'il nous fallait, comme société
d'accueil, nous ouvrir au monde et donc accepter de changer, mais que, pour y
arriver, il nous fallait aussi clarifier certaines valeurs chères
à notre société et qui ne sont pas négociables.
Parmi ces valeurs, on citait: le français comme langue de la
collectivité, l'égalité entre les hommes et les femmes et
la non-violence. Donc, le contrat moral clarifie justement ces valeurs non
négociables et confirme la volonté de la société
d'accueil de se changer en s'ouvrant sur le monde.
Mme Rocheleau (Lucille): Au niveau de la sélection et du
recrutement, les cinq objectifs proposés rejoignent vraiment les
préoccupations qu'on a au niveau des CLSC.
Au niveau de l'immigration francophone, viser à augmenter
l'immigration francophone facilitera certainement l'intégration à
la société québécoise. Par contre, on pourrait
aussi viser à intégrer les populations dont la langue maternelle
est une langue latine, qui peuvent être des candidats qui
s'intégreront facilement puisque les langues latines se rapprochent
beaucoup du français et on sait que, de plus en plus, dans ces pays, on
offre le français ou l'anglais comme langue seconde. Si on affirmait,
à l'extérieur, que le Québec est un pays francophone,
possiblement que ça pourrait favoriser le développement de
l'enseignement du français comme langue seconde dans ces pays.
Au niveau des immigrants indépendants, on n'a pas relevé
les mesures qui étaient proposées parce qu'on est d'accord avec
les mesures qui sont là-dedans. Ce qu'on voulait souligner, cependant,
c'était la nécessité et l'urgence de développer ces
mesures pour améliorer la situation des travailleurs et travailleuses
domestiques qui, pour bon nombre de ces travailleurs, font face à des
difficultés majeures actuellement.
Au niveau des immigrants de la catégorie famille, on avait
déjà mentionné l'importance de la réunification des
familles pour faciliter l'adaptation des immigrants et des
réfugiés. Là-dessus, pour nous autres, c'est un
élément essentiel. On avait soulevé aussi le
problème lié au parrainage et, plus spécifiquement, au
parrainage des conjointes. Or, dans l'énoncé de politique, le
gouvernement exprime clairement son intention d'intensifier son engagement en
faveur de la réunification des familles et, aussi, on spécifie la
réduction à trois ans de la durée de l'engagement du
garant dans le cas des conjoints et des enfants. On espère que ces
mesures-là auront un impact positif sur la situation des femmes et,
particulièrement, des femmes parrainées.
On souscrit également à l'objectif qui vise à
faciliter l'adoption internationale. Cependant, on se pose des questions sur
les mesures qui sont proposées à l'intérieur. On se pose
des questions sur l'impact qu'elles vont avoir sur l'objectif de faciliter
l'adoption internationale. Pour nous, il faudrait s'assurer que la Loi sur
l'adoption internationale réduise réellement les délais
d'adoption et que les parents qui font une
demande d'adoption soient soutenus adéquatement dans leurs
démarches, ce qui, actuellement, semble encore très
difficile.
Au niveau des réfugiés, dans l'énoncé de
politique, le Québec se reconnaît une responsabilité en
matière d'accueil des personnes en situation de détresse. Les
mesures concernant les réfugiés sélectionnés
à l'étranger contribueront à faciliter leur
intégration. La question de la promotion du parrainage collectif
particulièrement en région permettra aussi que des régions
autres que celle du Montréal métropolitain s'impliquent
activement au niveau de l'intégration et amènera l'ensemble de la
communauté à avoir un rôle proactif dans cette
intégration. Il faudra, cependant, s'assurer que la région qui
accueille ait l'infrastructure nécessaire pour permettre à ces
réfugiés de s'intégrer véritablement. On veut dire
par là des possibilités d'emploi, un nombre suffisant de
réfugiés et d'immigrants pour éviter la marginalisation,
un réseau d'entraide informel, des services de santé et des
services sociaux adaptés.
Une autre possibilité aussi, c'est l'établissement d'un
mécanisme de prévision des mouvements migratoires. Ce
mécanisme-là pourrait faciliter le développement de cette
infrastructure. Ainsi, les CLSC et les autres partenaires pourraient se
préparer à recevoir ces réfugiés et se doter des
ressources et des instruments de communication nécessaires avant qu'ils
arrivent, pour mieux les accueillir et leur offrir les services dont ils ont
besoin.
La situation des revendicateurs du statut de réfugié est
beaucoup plus complexe et problématique. Nous sommes d'accord avec la
nécessité de limiter le mouvement des revendicateurs du statut de
réfugié et de faire en sorte que cette mesure ne soit pas une
façon de contourner la sélection normale. Cependant, le retard
qui est apporté à clarifier la situation des revendicateurs du
statut de réfugié a un impact important sur leur santé et
leur bien-être et sur les services sociaux et de santé,
particulièrement, au niveau des CLSC de la région de
Montréal et également au niveau de la région de Sherbrooke
qui a accueilli, en 1989, plus de 400 réfugiés. Les mesures
proposées concernant les revendicateurs du statut de
réfugié dans l'énoncé de politique, pour nous, ne
régleront rien au niveau des difficultés vécues par ces
revendicateurs de statut ni au niveau des problèmes auxquels sont
confrontés les intervenants des CLSC. Les revendicateurs du statut de
réfugié vivent des difficultés majeures d'adaptation
à la vie courante. D'abord, ils n'ont pas choisi de partir. Ils ont
été obligés de partir et ils vivent souvent dans des
conditions matérielles désastreuses et présentent
fréquemment des problèmes psychosociaux graves, séquelles
de leur vécu dans leur pays d'origine. Ils ont vécu des guerres,
des famines, de la torture, etc. Et plus on attend pour clarifier leur statut,
plus on augmente leurs difficultés d'adaptation. Ces revendicateurs
vivent dans des conditions d'extrême pauvreté souvent et se
présentent en dernier recours au CLSC pour obtenir de l'aide.
Alors, trois problèmes spécifiques se posent au niveau des
services psychosociaux de santé dans les CLSC concernant les
réfugiés. Tout d'abord, on se demande quels services on doit
offrir à ces populations-là pour leur permettre de s'adapter
étant donné le vécu qu'ils ont eu avant d'arriver ici. La
deuxième question, c'est: Comment adapter nos pratiques actuelles pour
faire face aux problèmes de santé mentale et physique de cette
population-là? Par exemple, un jeune qui se présente au CLSC pour
une dépression importante qui est liée, dans le fond, au fait
qu'il a été témoin de l'assassinat de ses parents, comment
intervient-on auprès de ce jeune-là? Lorsqu'un revendicateur du
statut de réfugié se présente au CLSC parce qu'il n'a plus
rien à manger, ou qu'il présente un problème de
santé, ou un besoin de médicaments mais n'a pas encore sa carte
d'assurance-maladie, les intervenants doivent répondre à ses
besoins. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, les
services pour cette clientèle spécifique ne sont pas
prévus. Il faut donc ponctionner les ressources du CLSC pour
répondre aux besoins vitaux. Pour les CLSC à forte concentration
multiethnique, ces demandes sont fréquentes. Nous recommandons donc au
gouvernement du Québec de faire les démarches nécessaires
pour obtenir du gouvernement fédéral l'argent pour offrir les
services courants aux revendicateurs du statut de réfugié, pour
offrir des services qui sont vraiment des services d'urgence et pour
développer des services et l'expertise nécessaire pour soutenir
l'adaptation et l'intégration. À ce niveau-là, je pense
qu'on a beaucoup de recherches à faire. Actuellement, de toute
façon, le Québec assume le coût de ces services.
Quant à la partie de l'intégration, nous sommes
très contents de l'importance qui est accordée à
l'intégration, parce que, effectivement, comme le disait Mme Vaillant,
ça ne nous donne pas grand-chose d'avoir des immigrants si on n'arrive
pas à les intégrer à la société d'accueil.
Au niveau du colloque sur l'intercul-turalisme, les CLSC ont parlé de
leur préoccupation concernant l'intégration des immigrants et
plusieurs CLSC ont présenté des expériences
intéressantes pour aider les immigrants à s'intégrer
à la société d'accueil.
L'énoncé de politique propose trois axes d'intervention:
d'abord, le français comme langue commune, deuxièmement, la
participation des immigrants à la vie collective et,
troisièmement, le développement de relations intercommunautaires
harmonieuses. Nous souscrivons à ces trois axes d'intervention. De plus,
la reconnaissance qu'une intégration réussie nécessite non
seulement l'engagement de l'immigrant lui-même, mais également
celui de l'ensemble de la société
d'accueil, nous apparaît fondamentale.
On reconnaît que la démarche d'intégration peut
varier d'un individu à l'autre dans le processus à long terme
d'adaptation et on a identifié, dans l'énoncé de
politique, trois sous-groupes qui éprouvent des difficultés
particulières. On parle ici, entre autres, des minorités
visibles, des femmes et des personnes peu instruites et à faibles
revenus. Nous ajouterions à ces trois groupes les personnes
âgées également. On aurait aimé que, dans le
document, on retrouve les raisons qui font qu'on a retenu ces
catégories, raisons qui nous auraient peut-être permis plus
facilement de développer des mesures propres à soutenir leur
adaptation.
Dans les mesures proposées pour faciliter l'intégration,
il y a des mesures qui visent les nouveaux arrivants et les
réfugiés, d'autres qui visent les Québécois qui
sont ici depuis longtemps et la société d'accueil. Pour nous, il
est important de clarifier les mesures qui s'adressent aux nouveaux arrivants
et les mesures qui s'adressent à la société d'accueil et
aux Québécois d'origine autre qui sont ici depuis longtemps.
Cette distinction est importante pour bien clarifier nos objectifs, pour
rejoindre la bonne clientèle, délimiter nos interventions et
assurer les ressources nécessaires. Si on ne fait pas cette
distinction-là, on risque de tout mêler.
Au niveau du français langue commune, le développement du
français comme langue de la vie publique et comme langue de travail est
une mesure essentielle pour favoriser l'intégration des nouveaux
arrivants à la société du Québec et, pour nous,
cette mesure est fondamentale II ne s'agit pas de laisser porter le poids de la
survie du français au Québec aux immigrants. Il faut vraiment
que, comme société, on fasse en sorte que ce soit évident
que le français, c'est la langue de communication et la langue de
travail. Or, actuellement, en tout cas dans la région de
Montréal, on va demander aux immigrants d'apprendre le français,
sauf que, quand ils vont se chercher un travail, on leur demande de parler
anglais.
Nous voudrions souligner aussi la nécessité de revoir la
programmation des COFI, pour accorder plus d'heures à l'apprentissage de
la langue. Le nombre d'heures accordées spécifiquement à
l'enseignement du français actuellement est insuffisant et ne permet pas
une maîtrise de la langue française.
Plusieurs mesures aussi visent à adapter l'enseignement à
des clientèles cibles. Pour nous, la clientèle des femmes
immigrantes confinées à domicile devrait faire l'objet de mesures
particulières au niveau de l'enseignement du français parce que
cette clientèle est difficile à rejoindre et qu'elle est de plus
en plus isolée au fur et à mesure que la famille s'intègre
à la société. Ici, le milieu scolaire pourrait jouer un
rôle important en s'impliquant pour donner des cours de français
aux parents, tout en aidant ces derniers à comprendre le fonctionnement
scolaire et le milieu de vie de leur enfant.
Le deuxième point, c'est la pleine participation à la
société québécoise. Ce point-là touche
particulièrement les services en CLSC. Au niveau de l'accueil des
nouveaux arrivants, comme le mentionne l'énoncé de politique, le
premier contact avec la société d'accueil et ses institutions
joue un rôle essentiel dans le processus d'intégration des
immigrants. C'est pourquoi les CLSC accordent une très grande importance
aux services à offrir.
Les mesures concernant le soutien à l'insertion économique
et au marché du travail et la bonification du programme de subventions
aux organismes oeuvrant en accueil et en adaptation sont, pour nous,
pertinentes. Quant aux mesures prévoyant l'accroissement de l'offre des
services sociaux courants aux nouveaux arrivants dans le réseau de la
santé et des services sociaux, elle est absolument nécessaire.
Mais on ne doit pas seulement augmenter ces services. Il faut aussi adapter les
services pour répondre aux besoins de cette clientèle.
Le livre blanc sur la réforme du système de santé
et de services sociaux propose aussi la constitution d'une banque
d'interprètes dans l'île de Montréal pour seconder le
personnel des établissements. C'est là une mesure essentielle
pour offrir des services sociaux et de santé adaptés aux nouveaux
arrivants. Et, pour nous, quand on parle d'interprète, il ne s'agit pas
juste de quelqu'un qui peut interpréter, mais de quelqu'un qui peut
aussi faire de l'accompagnement et comprendre les situations. (10 h 45)
II serait également nécessaire de développer des
programmes de soutien aux personnes âgées immigrantes
parrainées par la famille. Souvent confinées à la maison,
elles sont isolées, vivent des conflits de générations et
ont peu d'occasions de s'intégrer à leur nouvelle
société. Il faut aussi soutenir les familles qui se retrouvent
après de longues séparations. Ces familles vivent des
difficultés particulières. Le réseau de la santé et
des services sociaux et particulièrement les CLSC sont bien
placés pour développer des programmes de soutien à
l'adaptation, puisque c'est souvent à travers des problèmes de
santé que se manifestent les difficultés
d'intégration.
Autre élément important, la question de la
complémentarité des gens qui oeuvrent au niveau de
l'intégration. Les intervenants des CLSC sont confrontés à
la difficulté de rejoindre cette clientèle qui ne connaît
pas notre système de santé, qui souvent est très
différent de ce qu'elle a connu. Une forme d'accompagnement par des
bénévoles rattachés à un groupe communautaire
pourrait faciliter la compréhension du système et son
utilisation.
Le Président (M. Doyon): Avec votre permission, je vous
signale que le temps qui vous
est alloué est terminé.
Mme Rocheleau: Ah oui!
Le Président (M. Doyon): Les 20 minutes se sont
écoulées rapidement. Je ne sais pas si vous achevez la
présentation de votre mémoire ou s'il vous en reste très
long, sauf qu'il faut peut-être garder du temps pour la discussion avec
les membres de la commission.
Mme Vaillant: D'accord, on peut tenter de résumer la
dernière partie qui est tout ce phénomène de
régionalisation de l'immigration qui est, quant à nous, un aspect
important compte tenu de la concentration dans la région de
Montréal. Il faut aussi s'interroger par rapport aux régions. Et,
dans ce sens-là, M. Borja, qui est de la région de Sherbrooke
où on vit certaines expériences fort intéressantes,
pourrait peut-être synthétiser, avec la permission des membres de
la commission, cette partie-là et nous serions disposés à
répondre à vos questions subséquemment.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme
Vaillant: Si ça vous agrée.
Le Président (M. Doyon): Alors, en résumant.
M. Borja (Jaime): O.K. C'est que la régionalisation, nous
trouvons, est un élément majeur dans l'énoncé de
politique. Dans la région de l'Estrie, par exemple, nous sommes en train
de nous préparer à faire face au problème de
l'immigration. Il y a une table intersectorielle composée de la ville de
Sherbrooke, de la direction régionale de l'immigration, des CRSSS, des
deux CLSC de Sherbrooke, de l'organisme d'accueil aux immigrants. Nous sommes
tous ensemble pour faire face aux problomos qui se présentent
déjà dans la région de l'Estrie.
Et, comme vous savez, les immigrants, leur premier besoin, c'est de
vivre d'abord. Donc, il faut qu'ils aient une source de travail. L'immigrant,
il ne choisit ni la couleur, ni le climat, ni le lieu, ni le paysage. Il
choisit l'endroit où il peut gagner sa vie. Donc, si la région
était capable de présenter des sources de travail, l'immigrant
n'aurait aucun inconvénient à se rendre dans les régions.
Et je vous dis que l'intégration des immigrants dans les régions,
c'est beaucoup plus facile que dans une grande ville, tout d'abord parce que,
dans une région, on n'a pas ni les bonnes, ni les mauvaises
expériences de l'immigration comme référence et que les
immigrants qui arrivent dans une petite ville, comme Asbestos, ou Sherbrooke,
ou East Angus, pour parler de ma région, ils se sentent mieux accueillis
que par des gens qui habitent à Montréal.
En passant, pour vous illustrer un peu la chose, les gens d'Asbestos
appellent des étrangers les gens qui viennent de Drummondville. Donc,
quand on appelle étranger un étranger, il n'y a pas une grosse
différence. Donc, c'est dans ce sens-là que la
régionalisation, nous la trouvons importante, mais, par contre, je
souhaiterais que le ministère de l'Immigration du Québec nous
donne les moyens pour soutenir tout projet de table de concertation
intersectorielle pour se préparer à accueillir ces
immigrants-là en région.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Borja. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Vaillant, Mme Rocheleau et M.
Borja, que je salue, qui est d'ailleurs de la région de l'Estrie. Je
suis fière, parce que M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques a toujours tous les groupes dans son comté.
Alors, voyez-vous, que j'aie quelqu'un finalement de la région de
l'Estrie ce matin, ça me fait grandement plaisir.
Je voulais peut-être tout simplement relever, à la page 6
de votre mémoire, je ne sais pas si c'est une petite erreur, parce que,
Mme Rocheleau, vous ne l'avez pas souligné dans votre
présentation. Lorsque vous parlez des revendicateurs, vous mentionnez
ici que "ces revendicateurs, n'ayant pas droit à la gratuité des
services psychosociaux et de santé, ni à l'aide sociale, vivent
dans des conditions d'extrême pauvreté". Donc, finalement, c'est
parce qu'ils reçoivent justement ces services. Ils reçoivent
l'aide sociale, ils reçoivent...
Mme Rocheleau: C'est effectivement une erreur qu'il y avait dans
le document.
Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon! d'accord! Parfait.
Mme Rocheleau: C'est pour cela que je ne l'ai pas
mentionné. Ce que je voulais mentionner, c'est qu'au niveau des services
de santé, souvent, le laps de temps entre le moment où les gens
reçoivent leur carte...
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.
Mme Rocheleau: ...c'est une période de trois mois et, des
fois, c'est plus long.
Mme Gagnon-Tremblay: Parfait. Alors, je voulais le soulever parce
que vous n'en avez pas fait mention.
Je voudrais revenir à la page 5 de votre mémoire. Je
trouve très intéressante la proposition que vous faites
relativement à la mise en place d'un mécanisme de concertation et
de prévision des mouvements migratoires et j'aimerais avoir un petit peu
plus d'information là-dessus. Lorsque vous parlez de ces
prévisions des mouvements migratoires, de quel type d'informa-
tion le réseau de santé aurait-il besoin? S'agit-il
surtout d'une information relative au volume d'immigration anticipé, par
exemple, pour que vous sachiez d'avance quel est le nombre de personnes que
nous sélectionnerons au cours des prochaines années ou
plutôt de données sur les caractéristiques de cette
immigration?
Mme Rocheleau: C'est beaucoup plus au niveau des
caractéristiques de cette immigration. Dans le fond, si on peut
prévoir... Je pense que c'est beaucoup au niveau des
réfugiés qu'on peut davantage prévoir ces
éléments-là. En fonction de ce qui se passe dans le monde,
à un moment donné, on sait qu'on va avoir des
réfugiés. C'est des gens dans le territoire de
Côte-des-Neiges qui nous disaient: Bon, on sait que, dans six ou neuf
mois, on va avoir des réfugiés de tel endroit, juste par rapport
à ce qui se passe actuellement dans le monde. Et si on était
capable de prévoir que, par exemple, des gens de Chine, de l'Inde ou
d'un pays d'Afrique vont arriver parce qu'il y a des situations politiques
difficiles et qu'on sait qu'on va en recevoir plusieurs d'ici quelques mois,
ça nous permettrait de nous informer d'abord sur qui sont ces
gens-là qui viennent, quelle est leur culture, quelle est leur langue,
qu'est-ce qu'on aurait besoin de développer comme outils, et c'est
beaucoup dans ce sens-là qu'on parle de prévision des mouvements
migratoires. Dans le fond, c'est de développer les outils qui vont nous
permettre, dès le départ, de les accueillir et de travailler avec
eux.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que votre clientèle... parce
que vous parlez beaucoup de réfugiés ou de revendicateurs. Je
fais une différence entre les deux aussi, parce que, les
réfugiés, nous les sélectionnons bien sûr, donc,
à ce moment-là, on peut bien vous informer sur leurs
caractéristiques...
Mme Rocheleau: On peut les avoir d'avance.
Mme Gagnon-Tremblay: ...parce qu'on les sélectionne au
moins un an d'avance, parfois six mois. Cependant, quant aux revendicateurs,
bien, je pense que, nous aussi, on n'en a pas idée. Bon, on sait ce qui
se passe un peu dans le monde, mais on espère toujours que nos
frontières seront mieux contrôlées et, comme vous le disiez
tout à l'heure, il ne faut pas que ce soit une façon de
détourner la loi actuelle. Mais on ne sait pas beaucoup plus que vous,
nous non plus, par exemple, de quel endroit ils pourraient provenir.
Mais vous pariez beaucoup de réfugiés et de
revendicateurs; est-ce que c'est parce que c'est la proportion la plus
importante de votre clientèle aux CLSC?
Mme Rocheleau: Non, ce n'est pas la proportion la plus
importante, mais c'est la clientèle pour laquelle on a le plus de
difficultés à répondre à leurs besoins, parce
qu'ils ont des besoins spécifiques. Les guerres, les famines, la
torture, au Québec, on n'a pas connu ça. Donc, quand on arrive
pour aider ces gens-là, les intervenants sont souvent démunis. Il
y a le problème de la langue, évidemment, qui est un
problème important. Il y a le problème de la culture, parce qu'on
ne connaît pas nécessairement la culture. Ça, ça
joue aussi pour les immigrants et les nouveaux arrivants, mais il y a en plus,
pour les réfugiés, tout le problème des séquelles
psychologiques que ces gens-là ont, à cause de ce qu'ils ont
vécu dans leur pays. Et c'est cet aspect-là qui rend
l'intervention plus difficile. Alors, c'est pour ça qu'on parle beaucoup
des réfugiés. C'est sûr qu'au niveau des immigrants il faut
aussi développer... Les intervenants ont besoin de connaître les
cultures, ont besoin de connaître les valeurs fondamentales de ces
gens-là pour être capables d'intervenir avec eux. Mais disons que,
pour les réfugiés, c'est qu'on a comme une coche
supplémentaire de difficultés.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, tout comme, par exemple, le
réseau scolaire, le milieu de la santé aurait avantage à
ce qu'une fois l'an, une fois que nous avons sélectionné nos
personnes, on puisse vous indiquer la provenance, les bassins d'où ces
personnes-là vont venir...
Mme Rocheleau: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ..pour vous donner un peu certaines
indications sur les services à rendre.
Mme Rocheleau: C'est ça. Je pense que ce serait
intéressant non seulement d'avoir cette information, mais de mettre en
place un méca nisme qui nous permette, dès ce moment-là,
de commencer à élaborer des outils pour nous permettre de les
recevoir.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je sais que Oui, madame.
Mme Vaillant: J'ajouterais, Mme la ministre, que, concernant les
réfugiés, ce sont des cas de détresse à plusieurs
égards, de détresse psychologique et aussi des situations
d'urgence sociale où il faut qu'il y ait du dépannage: le
gîte et le couvert. Il faut qu'on puisse non seulement leur donner des
services psychosociaux adéquats, mais il y a également des cas
d'urgence sociale et, actuellement, nos services ne sont pas suffisamment
adaptés pour répondre à ce type de besoins là. Et
c'est pour ça que nous attirons une attention particulière
relativement aux réfugiés.
Mme Gagnon-Tremblay: Je sais que les CLSC travaillent beaucoup
avec les organismes
communautaires, les ONG. J'ai visité quelques CLSC, surtout dans
la région de Montréal entre autres, et on travaille beaucoup avec
les organismes communautaires parce qu'ils ont aussi cette expertise-là
et, parfois, c'est beaucoup plus facile de pouvoir contacter ou échanger
avec des membres d'une même communauté, souvent.
Je ne sais pas, dans un contexte où on devra quand même
définir les besoins mais définir aussi des services qu'on aura
à rendre, est-ce que les CLSC se sont penchés, par exemple, sur
les services qu'on pourrait offrir, dans le sens qu'eux pourraient offrir par
rapport aux ONG, par exemple, ou par rapport à d'autres secteurs? En
somme, c'est un petit peu: Qui peut faire quoi? Est-ce que, par exemple, tel
service devrait relever du CLSC ? Est-ce qu'on devrait en faire faire davantage
par les organismes? Est-ce que ça devrait être à un autre
niveau? Est-ce qu'on a un peu élaboré ou un peu
réfléchi à ça et élaboré une
intervention?
Mme Vaillant: Je vais vous donner les grandes lignes et, de
façon plus spécifique, mes collègues pourront
compléter avec des expériences sur le terrain. Un des
éléments majeurs de la collaboration des CLSC quand on parle
d'intégration, c'est justement le lien avec les ONG et surtout ceux des
communautés culturelles. Et, dans ce contexte-là, pour dispenser
des services, que ce soit, par exemple, en maintien à domicile ou en
soutien à domicile, il y a une collaboration nécessaire avec les
organismes communautaires, soit pour faire de l'accompagnement pour être
capable... Dans certains cas, c'est de la traduction, dans d'autres cas, ce
sont des visites à domicile, dans d'autres cas, c'est une forme
d'aide.
Et ce que les organismes des communautés culturelles nous ont
exprimé clairement... Parce que, depuis le colloque sur
l'interculturalisme, nous avons établi des collaborations beaucoup plus
serrées avec eux. À titre d'exemple, nous venons d'organiser un
forum avec 200 organismes sur le soutien à domicile et nous avons
impliqué, dès le départ, des représentants des
communautés culturelles pour que ce soit une démarche
intégrée.
Et, dans ce sens-là, ce que les communautés et les
organismes nous disent, c'est qu'ils veulent une relation de partenariat avec
nous, ils ne veulent pas être au service du réseau public, mais en
partenariat et, dans le domaine du partage des responsabilités, si vous
voulez, avec le communautaire, qu'on puisse le définir ensemble. La
ligne, c'est que l'établissement public offre les services de base, mais
que, pour des services de soutien, de support, d'entraide, d'accompagnement, de
visites, entre autres pour les aînés, il y ait une contribution
importante des organismes communautaires.
Mme Rocheleau: Là-dessus, moi, je voudrais peut-être
aussi apporter une précision par rapport aux difficultés qui sont
vécues actuellement entre les CLSC et les ONG à certains endroits
à cause du nombre important d'immigrants de cultures différentes
qu'on connaît peu, de langues différentes. On a souvent tendance,
à un moment donné, quand, au niveau d'un CLSC, on ne peut pas
offrir le service, par exemple un service psychosocial parce qu'on n'est pas
capable de comprendre la personne, à l'envoyer dans un ONG.
Et, finalement, on se retrouve dans des situations où ce sont les
ONG qui, dans le fond, donnent les services sociaux parce qu'ils ont les
ressources... Ils n'ont pas les ressources sociales, mais ils ont les personnes
qui parlent la langue et qui connaissent la culture. Or, pour nous,
là-dedans, c'est important qu'on clarifie ça. Je pense que le
rôle de service social, le rôle de service de santé,
ça revient aux organismes publics, aux CLSC. Ce qu'il faut faire, c'est
développer les collaborations pour être capables de rendre ces
services-là.
Or, actuellement, les organismes non gouvernementaux nous disent: Mais
oui, mais vous nous demandez de faire votre travail parce que vous autres, vous
n'êtes pas capables de le faire, mais, nous, on n'a pas les ressources
pour le faire. Donc, à un moment donné, il y avait un
débat à savoir: Est-ce qu'on doit mettre, dans les organismes non
gouvernementaux, les services psychosociaux? Et, là-dessus, je pense que
c'est important que les services psychosociaux restent au niveau des CLSC comme
étant un organisme de première ligne qui offre ces
services-là, mais qu'il faut mettre des mécanismes en place pour
que ces services-là soient adaptés et qu'on soit capables de
répondre à ces clientèles. (11 heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Ma dernière question. C'est
peut-être... Vous savez que nous sommes en train de
réévaluer nos programmes de subventions, aussi, pour que,
vraiment, ils répondent davantage aux objectifs qu'on veut bien
atteindre. Par contre, quand on parle de partenariat, il faut qu'il y ait
aussi... Il faut s'assurer d'un suivi, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer
des résultats aussi parce que ça prend un certain encadrement.
C'est que, quand on veut faire faire par d'autres, quand il s'agit de services
complémentaires, à ce moment-là, il faut s'assurer que ce
soient les bons services. Il faut s'assurer aussi qu'on s'adresse aux bonnes
personnes. Vous avez des personnes, des organismes actuellement qui oeuvrent
dans certains domaines qui sont plus spécialisés que d'autres.
Par exemple, vous avez des organismes qui oeuvrent dans tous les domaines en
même temps. Vous avez des organismes qui se créent aussi à
gauche et à droite pour répondre à un besoin rapide. Mais,
à ce moment-là, comment aussi peut-on... Est-ce qu'on peut,
à un moment donné, rationaliser jusqu'à un certain point
pour être
capable de faire ce partenariat, départager la
responsabilité de chacun et faire en sorte que ces organismes puissent
vivre convenablement, puissent être assurés d'un certain
fonctionnement annuel pour x années, sachant d'avance, par exemple, que
les services qu'ils mettront en place sont des services pour lesquels ils
reçoivent des sommes? Cependant, comment on peut faire et, comme je vous
le dis, est-ce que vous avez des suggestions? Est-ce que vous pouvez penser
nous aider aussi là-dedans?
Mme Vaillant: Écoutez, oui, c'est ce qu'il faut faire.
Actuellement, dans les collaborations que nous avons, les suites du colloque
sur l'interculturalisme, ce sont des zones d'intervention qu'il nous faut
faire. Il faut le faire dans le cadre de la réforme sur la santé
et les services sociaux pour tout le secteur des organismes communautaires.
Mais, de façon plus particulière, au niveau de la
Fédération, nous avons des réflexions dans les suites du
colloque parce que nous avons eu des messages très clairs - je peux vous
lé dire - très très clairs de la part des
communautés culturelles d'adapter nos services, d'être à la
disposition du monde et d'assumer nos responsabilités publiques. Nous
allons faire ça avec eux pour être capables de départager
et je pense que, dans ce sens-là, avec le plus grand plaisir, nous
allons vous faire parvenir le résultat de ces travaux-là sur un
"départage" entre ce que l'État, les services publics doivent
assumer, y compris pour les communautés, les groupes ethniques, la
complémentarité et l'arrimage des ONG.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Vaillant. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, la première question que j'aimerais
vous poser, elle est Inspirée à partir de la page 4 de votre
mémoire, c'est-à-dire dans les recommandations. Vous dites: "Pour
faciliter l'adaptation des immigrants et des réfugiés qui sont
déjà présents, il nous semble essentiel que les familles
de ces immigrants puissent être réunies C'est pourquoi nous
recommandons que la réunification des familles soit une priorité
au niveau de l'immigration." Est-ce que vous savez que la définition du
mot "famille" est du ressort exclusif du gouvernement fédéral
canadien, ce que j'appelle avec beaucoup d'affection "mon oncle d'Ottawa", donc
que le Québec ne peut agir à ce niveau-là? Vous en
étiez conscients?
Mme Rocheleau: On en est très conscients. Ce qu'on voulait
dire, le message qu'on voulait dire, c'est que, pour nous, si on parle
d'intégration, ça reste un domaine fondamental sur lequel il
faudrait faire en sorte qu'on puisse avoir quelque part un pouvoir.
M. Boulerice: En point 2: "Étant donné les
difficultés que vivent les réfugiés en attente de statut,
nous recommandons de rendre plus expé-ditif le processus de
reconnaissance du statut pour les réfugiés qui sont
déjà au Québec." C'est encore là un objet de mon
oncle à Ottawa.
Mme Rocheleau: Eh oui! C'est ces deux
éléments-là qu'on voulait faire ressortir comme
étant effectivement un problème sur lequel il faut qu'on
réussisse quelque part, à un moment donné, à
pouvoir contrôler quelque chose là-dedans.
M. Boulerice: Alors, la meilleure façon de contrôler
ne serait-elle pas, à votre point de vue, qu'on n'ait pas uniquement des
demi-pouvoirs, mais les pleins pouvoirs en matière d'immigration?
Mme Vaillant: Écoutez, là-dessus, quant à
nous qui sommes au niveau des services à dispenser à la
population, ce qui est très important, c'est que le Québec puisse
avoir la mainmise sur les leviers dont il a besoin dans une matière
aussi importante.
M. Boulerice: Et vous estimez que nous devrions avoir les leviers
sur ces deux aspects de l'immigration?
Mme Vaillant: Écoutez, très honnêtement, je
ne suis pas une spécialiste en matière constitutionnelle et ce
serait hasardeux, pour ma part, d'aller sur ce terrain-là. Mais je vous
dirais que, par rapport à la clientèle, oui, il faut que le
gouvernement du Québec ait les leviers nécessaires en
matière d'immigration pour s'assurer que l'intégration se fasse.
Les deux problèmes que nous soulevons, la réunification des
familles et également toute la question des réfugiés,
posent des problèmes humains importants auxquels nous sommes
régulièrement confrontés.
M. Boulerice: Question d'ordre philosophique: C'est quoi
l'intégration? Le mot est prononcé très souvent sauf que,
quand on regarde des statistiques qui ont été faites - je ne vais
pas douter de la valeur de ces statistiques - le degré d'identification
à la société québécoise est très
faible, à l'exception des communautés originaires de France,
enfin, de pays francophones européens, de pays francophones africains,
des îles des Caraïbes francophones et, heureusement - et là,
je m'étonne que M. Borja ne soit pas dans Sainte-Marie-Saint-Jacques -
des populations originaires d'Amérique centrale et d'Amérique
latine.
En contrepartie, on dénonce très ouvertement le
melting-pot américain. Je connais peu ou pas d'États
américains qui ont des mesures semblables aux nôtres, mais, par
contre, l'intégration à la société
américaine est indéniable.
Mme Vaillant: Là-dessus, je vous dirais que, pour nous,
c'est l'adhésion aux valeurs fondamentales d'une société,
c'est un lien d'appartenance. Et je dirais que c'est une espèce de
chimie qui fait que et la terre d'accueil, et les immigrants en ressortent
enrichis les uns et les autres. C'est surtout au niveau de cette espèce
de contrat social ou contrat moral que nous pensons... À partir du
moment où les valeurs sont clarifiées et qu'il y a cette
espèce de contrat moral qui s'établit, ce sont des conditions qui
vont permettre une meilleure intégration avec... Et ça se fonde
sur le respect les uns des autres. Dans ce sens-là, je demanderais
à M. Borja qui l'a vécu et qui peut être encore plus
explicite...
Le Président (M. Doyon): M. Borja.
M. Borja: Oui, je pense qu'un indicateur de l'intégration
d'un immigrant au Québec, c'est d'avoir une famille
québécoise comme famille amie avec laquelle partager nos bons et
nos mauvais instants. Je pense que tant et aussi longtemps qu'on ne peut pas
avoir une famille québécoise comme faisant partie de notre vie
d'immigrant, on n'est pas encore intégré. Pour avoir fait une
étude, au début de mon travail à Québec, sur
l'intégration des immigrants, il en ressortait qu'il y avait très
peu, mais très peu d'immigrants qui, même après 10 ou 15
ans, avaient réussi à établir des liens d'amitié
profonds avec une famille québécoise.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Borja. M. le
député.
M. Boulerice: Et, d'après vous, M. Borja, pourquoi en
sommes-nous à cette situation-là? Est-ce l'immigrant qui a la
tentation légitime de vouloir fréquenter plutôt ses
coreligionnaires ou bien est-ce l'archéo-Québécois - pour
employer cette nouvelle expression qu'on nous a indiquée - qui, lui, est
hermétique à l'immigrant?
M. Borja: C'est ça. Je ne pense pas qu'on puisse mettre
tous \es immigrants dans le même sac. (I y en a qui ont fait un choix
éclairé en venant au pays et, à ce moment-là, ils
ont aussi fait des choix éclairés pour se placer dans des
endroits où ils pouvaient s'intégrer plus facilement. C'est pour
ça que je dis que l'intégration se fait plus facilement dans une
petite ville qu'à Montréal. J'ai été quatre
années à Montréal et je ne me suis intégré
nulle part. Dans les deux premières années où
j'étais à Asbestos, on m'a accueilli et on a accueilli mes
enfants d'une façon fantastique et je me suis senti
Québécois à ce moment-là, quand j'ai
développé ces liens d'amitié avec ce monde de cette petite
ville là. Donc, un immigrant qui a choisi le Québec, de vivre au
Québec, il va trouver les moyens de s'intégrer, mais quelqu'un
qui est là de passage pour s'en aller aux États-Unis ou à
Toronto, bien, il ne s'intégrera pas. Encore pire celui qui est
là simplement comme réfugié ou en attente de. Donc, il
faut voir un peu... pas tous dans le même ensemble. Il faut distinguer un
immigrant par rapport à un autre. Mais celui qui choisit pays, je pense
qu'il est capable de s'intégrer de façon harmonieuse.
M. Boulerice: Vous parlez des réfugiés. J'aimerais
ça en parler longtemps avec vous parce qu'au niveau des
réfugiés, la situation que l'on vit, je trouve qu'on est en train
de commettre des crimes psychologiques épouvantables dans ce pays en
provoquant une attente... Mais, je vais plutôt revenir à la
régionalisation puisque vous l'avez vécue. Vous l'avez bien
vécue d'ailleurs; vous n'êtes pas
néo-Québécois, vous êtes un
néo-Asbestrien...
M. Borja: Oui, un Estrien.
M. Boulerice: Un néo-Estrien. On n'est pas un peu dans un
cul-de-sac, M. Borja, quand les régions se dépeuplent? Toutes les
indications nous proviennent que les régions se dépeuplent; la
Gaspésie est en train de devenir un véritable désert, il y
a une situation économique très inquiétante; le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui était renommé pour être un
endroit tricoté serré, pour employer l'expression populaire, se
dépeuple. C'est la même chose pour l'ensemble des régions
et Dieu seul sait que, moi, je crois avec vous très fermement, puisque
j'ai bien fréquenté l'Estrie, l'Outaouais, la région de la
Mauricie, que oui, les expériencecs d'intégration ont
été réussies et un million de fois mieux qu'elles n'ont
réussies à Montréal parce que c'était de petites
communautés. Et la vieille expression de Tôffler "small is
beautiful" est vraie. Mais, par contre, nous ne pouvons envoyer les gens en
région. Il ne peut pas y avoir de directives puisque ce serait contraire
à la Charte des droits et libertés qu'on s'est donnée.
Donc, on ne peut pas les forcer à y aller. Les mesures incitatives, on
les cherche, mais on ne les trouve pas. Résultat, ils sont à
Montréal, donc la consolidation de ghettos, quand, en fin de compte, la
solution serait qu'ils aillent effectivement en région. Vous avez
mentionné Asbestos, je pourrais suggérer d'autres jolies villes
qui en profiteraient énormément. J'ai l'impression qu'on est dans
un cul-de-sac. Je ne sais pas quels sont vos sentiments?
M. Borja: Je pense que quelqu'un décide quelque part parce
que, dernièrement, à Sherbrooke, les réfugiés
viennent de l'Asie et de l'Amérique centrale. Il y a quelqu'un qui fait
ça. Donc, dans ce sens-là, ces réfugiés arrivent
déjà décidés quelque part à Mirabel de
prendre l'autobus pour se rendre à Sherbrooke. Ils viennent de ces deux
groupes ethniques majeurs.
Maintenant, je continue à croire que les régions pourront
accueillir des réfugiés ou des immigrants tout court s'il y a des
sources de travail; s'il n'y a pas de sources de travail, pourquoi les
enverrait-on là-bas? Et, dans ce sens-là, je disais à Mme
la ministre, quand elle a fait la tournée en région, qu'il
faudrait que, dans chaque région, il y ait une table de concertation
intersectorielle avec la chambre de commerce, la ville et tous les acteurs
économiques et qu'elle pense à cette situation-là et
qu'elle dise: Bon, c'est bon pour la ville d'augmenter nos payeurs de taxes; il
faudrait leur trouver des sources d'emploi. Mettons-nous ensemble, travaillons
ensemble et, quand on sera prêt, on va dire: Oui, on est prêt
à accueillir 400 réfugiés ou 200. Mais il ne s'agit pas
d'envoyer des réfugiés en région en disant: Qu'ils se
débrouillent. Il faut s'assurer avant qu'il y ait des sources d'emploi.
Et, dans ce sens-là, c'est ça l'enjeu majeur.
M. Boulerice: Une toute dernière question, M. Borja. Oui,
sources d'emploi, mais pensez-vous que ce serait un incitatif très fort
au niveau de l'immigration en région si, au départ, à tout
candidat, on présentait une offre de parrainage, parce qu'il me semble
que ç'a été la voie la plus efficace, la plus authentique
et sans doute la plus humaine pour favoriser l'intégration?
Déjà au début, si on présente un contrat moral en
leur disant: Vous savez, il y a des gens qui sont prêts à signer
un contrat de parrainage avec vous?
M. Borja: Ce qui est arrivé à East Angus, par
exemple, où des Cambodgiens sont arrivés là, c'est qu'il y
avait, pour chaque famille cambodgienne, une famille québécoise
qui la par rainait, en quelque sorte, et finalement ça a
été une réussite. C'est pour ça que je dis
ça. Il faut que le peuple québécois accueille d'une
façon plus particulière que les instances gouvernementales pour
que cette intégration débute quelque part.
M. Boulerice: Êtes-vous un immigrant ou un
Québécois?
M. Borja: Je suis Québécois, et mes enfants ne me
donnent pas le choix. Plus mes enfants grandissent, moins je me sens de mon
pays d'origine.
M. Boulerice: Merci, M. Borja, de votre participation.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Si vous permettez, j'aimerais ajouter un
élément supplémentaire en vous disant que c'est à
la suite de l'ensemble des questions qui ont été posées
qu'au niveau de la communauté d'accueil, comme Fédération
des CLSC, nous avons pris un engagement d'adapter nos services et de traduire
cette préoccupation majeure dans l'ensemble des interventions et des
démarches que la Fédération entreprend et c'est ce qui
explique également le fait que nous soyons ici ce matin. Je vous
remercie.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de
remerciement, peut-être.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier. Je suis
très contente de voir que, dans la région de l'Estrie, là,
on ait déjà commencé à regrouper les acteurs, les
intervenants pour pouvoir faire une meilleure concertation du dossier et nous
permettre de préparer les structures d'accueil. Et je suis heureuse
aussi de constater que les CLSC ont déjà fait un grand bout de
chemin. Mais je reviens toujours sur qui doit donner ces services-là et,
dans ce sens-là, je trouverais ça important que vous puissiez
rencontrer le personnel du ministère - et, tout à l'heure, j'en
parlais avec mes sous-ministres -dans le but, justement, d'identifier les
besoins, mais aussi d'identifier qui doit desservir les clientèles, qui
doit donner les services, parce que c'est justement ce que nous sommes en train
d'évaluer, au ministère. Alors, vous avez déjà une
expertise dans ce domaine et ce serait intéressant qu'on puisse
échanger ensemble. Merci beaucoup, et je vous souhaite un bon voyage de
retour.
Mme Vaillant: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, au nom des membres de la
commission. En vous permettant de vous retirer, je demanderais aux
représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour
l'égalité dans la santé et les services sociaux...
M. Boulerice: Je voudrais prendre deux petites secondes pour des
raisons humanitaires.
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que je pourrais prendre les
mêmes secondes?
Le Président (M. Doyon): Oui Alors, suspension pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 21 )
Alliance des communautés culturelles
pour
l'égalité dans la santé et les
services sociaux
et Association multi-ethnique pour
l'intégration
des personnes handicapées du
Québec
Le Président (M. Doyon): En souhaitant la
bienvenue aux membres de l'Alliance des communautés culturelles,
je les invite à se présenter comme ils ont peut-être vu les
autres le faire. Ils disposent d'une vingtaine de minutes, moins si possible,
ça dépend du résumé qu'ils veulent nous
présenter de leur mémoire. Après ça, la
conversation s'engage avec les membres de cette commission pour quelques
minutes aussi. Nous vous écoutons donc en vous souhaitant la
bienvenue.
Mme Soave (Luciana): Merci beaucoup. Je suis Luciana Soave,
présidente de l'ACCESSS, l'Alliance des communautés culturelles
pour l'égalité dans la santé et les services sociaux, et
je présente les deux personnes qui m'accompagnent.
Mme William (Nancy): Nancy William. Je suis la coordinatrice de
l'ACCESSS.
M. Domond (Osé): Et Osé Domond. Je suis responsable
des communications pour l'ACCESSS.
Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue à vous
trois.
Mme Soave: C'est aussi un des membres fondateurs. J'aimerais
aussi remercier l'Assemblée de nous avoir accordé un petit
compromis. En effet, je porterais ici deux chapeaux aujourd'hui, si vous
permettez, parce qu'on devait venir hier soir pour l'ACCESSS et, ce matin, pour
l'Association multi-ethnique dont je suis la directrice générale.
Alors, à l'intérieur de la présentation de l'ACCESSS, on
prendra quelques minutes aussi pour soulever les préoccupations de
l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes
handicapées du Québec.
Le Président (M. Doyon): Volontiers.
Mme Soave: Alors, on commence par présenter l'ACCESSS.
L'ACCESSS, brièvement, c'est une fédération qui
regroupe actuellement 61 organismes. Nos membres sont tous des organismes. On a
des membres actifs qui sont des organismes qui offrent des services aux
communautés culturelles et des membres associés qui sont des
groupes, des individus ou des organismes qui s'intéressent à la
problématique de l'intégration des communautés
culturelles, mais qui n'offrent pas nécessairement des services en ce
moment.
Nos buts, nos objectifs, comme le dit notre nom, c'est
d'améliorer les services de santé et les services sociaux aux
communautés culturelles et, naturellement, on est très
engagés. Nos organismes sont tous subventionnés par le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.
Presque tous nos membres offrent des services d'accueil et d'adaptation, des
services d'intégration aux nouveaux arrivants, aux
réfugiés, aux immigrants ou aux communautés culturelles,
aux Québécois de vieille souche d'origine ethnoculturelle. Nos
actions sont la concertation parmi nos membres, l'offre de support, de
formation à nos organismes membres, des conférences et des
présentations de mémoires comme on est en train de le faire ici
ou comme on a fait dans les cas de la santé mentale ou de la
réforme de la Loi sur la santé et les services sociaux.
Je laisserai la parole à Nancy. On ne veut pas tellement faire un
résumé. Notre mémoire n'était pas long. Je pense
qu'on n'avait pas le temps. À ce moment-là, on avait une date
limite et on ne pensait pas qu'on pouvait la dépasser. Donc, on s'est
dépêchés de faire quelque chose vite vite et on avait
demandé de dépasser pour soulever aussi des questions qu'on
n'aurait pas eu le temps de mettre dans notre mémoire. On ne fera pas un
résumé du mémoire pour laisser plutôt le temps aux
questions et demandes qui pourraient se faire autour de la table en supposant
que tout le monde a déjà lu le mémoire. Merci.
Le Président (M. Doyon): Oui, très bien. Mme
William.
Mme William: Oui. Les organismes qui sont membres de l'ACCESSS
sont des organismes communautaires: donc, ils offrent des services d'accueil et
d'établissement aux membres des communautés culturelles. Donc,
les services sont diversifiés. Ça peut être au niveau de
l'éducation, de la santé et des services sociaux et tout
ça. Ils agissent aussi comme partenaires auprès du
ministère, comme partenaires aussi auprès des
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux et d'autres types d'établissement. Donc, ils ont un rôle
très important, un rôle qui est assez important au niveau de
l'adaptation des membres des communautés culturelles à la
société québécoise. Donc, on voit que c'est
important de maintenir un système d'accueil et d'adaptation.
Mais, en même temps, dans l'énoncé, on parie des
initiatives de rapprochement. C'est une mesure intéressante. C'est une
mesure qui est en complémentarité aussi avec l'approche au niveau
de l'accueil et de l'adaptation. Et en plus de ça, on dit comme
ça qu'on va offrir une bonification du programme de subventions
destinées aux organismes oeuvrant en accueil et en adaptation, notamment
pour encourager la création des réseaux de soutien aux nouveaux
arrivants par des bénévoles. C'est une mesure
intéressante, mais il s'agit de savoir comment ça va se faire et
quand ça va se faire, compte tenu que le gouvernement va augmenter,
qu'il y aura un accroissement de l'immigration. Et, ensuite de ça, on
parle de régionalisation. Donc, à ce niveau-là, il faut
que les organismes communautaires aient un soutien accru, mais que le soutien
aussi soit élevé.
Le Président (M. Doyon): M. Domond.
M. Domond: Bon. Moi, je ferais peut-être simplement un
survol de trois dossiers: l'accueil et l'adaptation par rapport à
l'intégration. On a constaté que, tout en reconnaissant la
qualité du document de travail qu'est cet énoncé de
politique et l'espoir qu'il représente pour les communautés
ethniques au Québec, l'essentiel de ce chapitre sur l'intégration
porte sur l'intégration linguistique. Nous croyons que
l'intégration sociale, l'intégration économique et
l'intégration politique doivent être mises en priorité
parce que ce sont les vrais garants, parce que les gens vont apprendre une
langue parce qu'ils vont travailler dans une langue, qu'ils vont apprendre une
langue parce qu'ils vont vivre dans cette langue-là, mais qu'ils
n'apprendront pas la langue juste pour apprendre la langue. Donc, si la
politique linguistique ne s'appuie pas sur des facteurs économiques,
sociaux et politiques, on risque de passer à côté des
objectifs qu'on se fixe.
Nous avons aussi constaté qu'en général, quand on
aborde la question de l'intégration des immigrants, on a tendance
à poser une question, mais nous pensons qu'il faudrait en poser deux. La
question qu'on se pose toujours, c'est: Qu'est-ce que le Québec attend
de l'immigration? C'est tout à fait légitime, mais cette
question-là, on en connaît la réponse. On sait que le
Québec veut assurer son poids démographique au sein du Canada. On
sait qu'on veut garder et maintenir la pérennité du fait
français au Québec. On sait qu'on veut assurer un
développement économique, tout ça. On est tous d'accord
sur le principe de ça, mais la question qu'on ne se pose pas souvent,
c'est celle à savoir: Qu'est-ce que l'immigrant vient chercher au
Québec? Et c'est peut-être là où on trouve beaucoup
plus de réticences et qu'on peut penser que c'est comme un rejet du
français ou de la société par certaines catégories
d'immigration. Mais non, c'est parce qu'ils doivent d'abord satisfaire à
leurs besoins premiers qui sont: le travail, le logement, l'éducation
pour leurs enfants, etc. S'ils sont bien accueillis et qu'ils sont bien
encadrés dans le milieu où ils se trouvent, c'est certain que
ça va aider. On a aussi des expériences de personnes qui ont
appris le français et qui n'ont débouché nulle part, parce
qu'à un moment donné ils trouvaient du travail dans un milieu
anglais. C'est ce qui expliquait un peu aussi pourquoi il y a ce genre
d'attrait ou ce qu'on croit être un attrait pour l'anglais, mais c'est
là où la personne trouve ses ressources. Donc, il y a beaucoup
plus de raisons de s'atteler à ça.
Et pour finir, je toucherai simplement quelques programmes qui ont
été mentionnés dans l'énoncé politique et
qui nous laissent un peu songeurs. On fait encore référence
à l'application des programmes d'accès à
l'égalité, mais on sait que ça fait longtemps qu'on en
parle et on ne voit pas comment est-ce que ça va s'appliquer du jour au
lendemain. On a fait aussi référence à l'obligation
contractuelle. On sait que c'est un outil important que le gouvernement peut
utiliser effectivement auprès des employeurs avec qui il fait affaire
pour s'assurer d'une représentation des communautés
ethnoculturelles dans le privé. Mais, malheureusement, on ne voit
toujours pas encore les résultats de ça; on est toujours à
1 % de représentation dans la fonction publique et, maintenant, dans
cette période où on parie de coupures budgétaires ou bien
de gel des salaires, on se demande comment est-ce que le gouvernement va s'y
prendre pour passer de 1 % de représentation dans la fonction publique
aux 14 % promis dans le rapport, en 1994 Alors, dans cette période de
trois ans, nous voyons très difficilement comment de tels objectifs
peuvent être réalisables. Passer de 1 % de représentation
dans la fonction publique à 14 % en trois ans, comment est-ce possible?
(11 h 30)
Mme Soave: II y avait des questions d'accueil et d'adaptation
quand on a parlé avec Mme la ministre, vendredi dernier. J'ai
été peut-être un peu méchante. J'ai dit: II y a deux
lignes qui parlent d'accueil et d'adaptation. J'ai passé à
travers le document et j'en ai trouvé d'autres assez encourageantes
aussi. Alors, ce n'est pas comme on avait cru en première lecture, que
l'accueil et l'adaptation sont totalement négligés. Cependant, il
y a une préoccupation qui nous reste. L'intention du gouvernement... On
apprécie beaucoup, au début de l'énoncé, comment on
reconnaît la valeur et l'apport de l'immigration à la contribution
économique et sociale du Québec. Les immigrants viennent et
apportent aussi du travail mais c'est véritable, aussi, que faire venir
55 000 immigrants par année, comme c'est mentionné à la
page 10, sans prévoir des mesures d'accueil, sans avoir les budgets pour
le faire, c'est un peu préoccupant. Et là, on revient à la
question que Nancy posait. On parle de bonifier les organismes d'accueil
d'adaptation, mais on ne dit pas quand. Je sais que, juste l'année
dernière, la plupart des organismes d'accueil d'adaptation avaient
été gelés. Cette année, on nous dit:
Peut-être que cette année, vous allez avoir l'indexation, en
même temps qu'on nous dit: On va augmenter, on va considérer le
travail que vous faites Et on vient d'entendre la Fédération des
CLSC, mais on sait que, pour d'autres participations et d'autres groupes,
ça revient à la même chose. Si on ne soutient pas les
groupes, comment peut-on avoir un accueil efficace?
Toujours en termes d'accueil, ce qui m'a laissée un peu surprise,
c'est à la page 62, quand on parle de l'accueil à Mirabel et
Dorval où on dit qu'il y aura des intervenants québécois
qui vont accueillir et diriger les gens. Ce n'est pas spécifié si
ce sera des Québécois de vieille souche, pour les uns, s'ils
parleront seulement le français, en quelle langue ils vont faire
l'accueil.
Moi, je me rappelle, quand je suis arrivée il y a environ 16 ans,
je ne parlais pas un mot de français. Ils m'ont accueillie en
français et, quand ils ont vu qu'on ne comprenait absolument rien, ils
ont trouvé un interprète italien et c'est à travers
ça qu'on a pu avoir un peu d'information. Mais cet accueil que j'avais
reçu à ce moment-là, à Dorval, je dois dire qu'il
n'était pas tellement utile. Ils m'ont donné toute une pile de
dépliants et d'adresses, tout ça, mais on ne comprenait pas la
langue. Ils ont fini dans quelque tiroir et, à la fin, on s'est
intégrés un peu en cherchant pour notre compte ou avec des amis,
des connaissances ou des groupes communautaires.
Non, je trouve que c'est important qu'il y ait quelqu'un à Dorval
et à Mirabel, mais ça devrait être quelqu'un qui parle la
langue des personnes qui arrivent, puis qu'on les dirige vers des groupes
d'accueil et qu'elles puissent avoir un suivi, pas juste leur donner des
dépliants, les diriger.
Et, juste avant de terminer, je veux mentionner le partenariat. C'est
très important. Mme Jeanne d'Arc Vaillant a mentionné la
collaboration qu'on a déjà commencée et on doit dire que
c'est encourageant. Ça fait une période de temps, peut-être
depuis le comité Sirros dont moi et Osé avons aussi
été des membres... On est impliqués de plus en plus. On
fait partie du comité du CSSMM, on prend part, avec la
Fédération des CLSC, à l'organisation d'activités.
On vient de recevoir une invitation du CLSC Saint-Laurent pour faire partie de
son comité paritaire. Même chose pour le CRSSS de la
Montérégie, et on se demande comment on peut à la fois
répondre aux besoins de notre clientèle en accueil et adaptation
et aux besoins de partenariat, de concertation avec les mêmes moyens et
les mêmes personnes.
Alors, à certains moments, on parle qu'il y aurait des fonds pour
la concertation et l'expertise. Ce serait important, éventuellement, de
donner plus de détails et d'arriver vraiment à finaliser, parce
qu'on a une expertise et c'est important qu'on la reconnaisse. On est au point
où on doit choisir entre offrir les services ou offrir l'expertise, mais
je pense qu'on devrait être en mesure de faire les deux.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme la
ministre, est-ce que...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je veux vous remercier
et surtout vous remercier davantage d'avoir accepté, avec si peu de
temps d'avis, de venir ce matin pour présenter votre mémoire.
Vous êtes le dernier groupe mais non le moindre. Et je pense que c'est
une journée, aussi, où il y a beaucoup d'activités, ici,
à l'Assemblée nationale. Vous vous souviendrez sûrement du
jour où vous êtes venus faire la présentation de votre
mémoire. Donc, merci d'avoir accepté de venir aujourd'hui un
petit peu plus rapidement, finalement, qu'on ne l'avait prévu.
Tout à l'heure, vous étiez ici, justement, lorsque j'ai
posé des questions aux CLSC, entre autres: Qui devrait faire quoi? Par
exemple, qui devrait offrir certains services? On a parlé de services
qui devraient rester sous la responsabilité, par exemple, des CLSC ou
d'autres organismes gouvernementaux et on a parlé aussi, en fait, vous
avez mentionné l'expertise mais aussi qu'il était important que
vous donniez certains services comme groupe communautaire.
Est-ce que votre organisme a songé un peu à quels types de
services complémentaires on pourrait donner, par exemple, qui pourraient
être complémentaires à ceux des CLSC, parce que je pense
que nous, on est...
Mme Soave: Je pense que Mme Jeanne d'Arc Vaillant avait
déjà répondu dans le sens que les services professionnels
strictement liés à la santé, ça devrait revenir au
réseau, tandis que tout le support, la complémentarité,
les visites, le service d'interprètes, les accompagnements, ce que les
groupes en grande partie font déjà... Un immigrant arrive, on
l'aide à trouver du logement, on l'accompagne, on a des
interprètes bénévoles qui l'accompagnent au bureau
d'immigration, on remplit des formulaires et on intervient aussi parfois pour
défendre ses droits s'il ne s'entend pas avec les intervenants du
réseau, parfois à cause de la langue ou de la culture. Ça
nous arrive souvent, au moins dans mon organisme, à l'Association
multi-ethnique, une des demandes qu'on a le plus souvent, ce sont des parents
qui veulent changer leur enfant d'école parce que l'école ne fait
rien. L'enfant n'apprend pas, il faut changer d'école. Puis tu ne peux
pas continuer toute ta vie à changer d'école. Et peut-être
que le problème n'est pas l'école mais l'attente des parents face
à... ou peut-être qu'il a un problème au niveau...
Ça, c'est une préoccupation qu'on a soulevée, nous,
à l'Association multi-ethnique très souvent; beaucoup d'enfants
qui se trouvent dans des classes faibles ou bien même dans des classes
pour des enfants avec des troubles d'apprentissage sont en
réalité des enfants qui ont des problèmes de langue et
d'adaptation culturelle. Il y a une vérité des deux
côtés.
Alors, je pense qu'on est très complémentaires dans le
sens que tous les services spécialisés, pour moi, ils devraient
rester au réseau et que, nous, on devrait être
complémentaires dans tout ce qui est le support. Je pense qu'entre nous,
c'est un peu clair. Une préoccupation qu'on a, c'est le fait que,
n'ayant pas assez de sources de subventions, on est obligés de chercher
des sources de subventions ailleurs, avec des bailleurs de fonds qui peuvent
avoir des intérêts bien différents. Puis, on est
obligés, je reviens encore à mon organisme... ou pour les
personnes handicapées. L'Office des personnes handicapées
subventionne la promotion et la défense des droits, mais nous, on offre
des services. Donc, les services, on va les chercher ailleurs et on pourrait se
retrouver avec des bailleurs de fonds qui vont définir ce que les
organismes doivent faire, mais qui ne se seraient pas nécessairement
concertés sur ce que les organismes doivent faire. Alors, on demanderait
une concertation interministérielle des bailleurs de fonds.
Mme Gagnon-Tremblay: Nous avons parlé aussi de services
à domicile, surtout pour les personnes âgées. Je sais, par
exemple, qu'il est absolument essentiel de donner, d'accorder certains
services, surtout pour les personnes âgées. Est-ce que les
personnes âgées des communautés culturelles ont plus de
difficultés à obtenir ces services à domicile? Est-ce
qu'elle souhaite, cette catégorie de personnes, avoir des services
à domicile ou si elle préfère justement aller vers des
centres d'accueil? Est-ce qu'il y a une différence entre, par exemple,
vos personnes âgées et celles qui sont d'origine
québécoise?
Mme Soave: Mais, dans les résultats de l'enquête de
la Fédération des CLSC, ils ont vu que 97 % des gens
préfèrent rester chez eux. Je pense que c'est international ou
mondial. Les gens n'aiment pas aller en institution. Parfois, ils sont
obligés d'y aller parce qu'ils n'ont pas d'enfant ou qu'ils n'ont pas de
personnes qui les soutiennent, mais l'idéal pour tout le monde, c'est
d'avoir assez d'aide pour ne pas dépendre des enfants et pour ne pas
dépendre d'une institution.
Et la demande qu'ils peuvent faire au réseau, parfois elle n'est
pas comprise. Il y avait une personne âgée, d'origine italienne,
qui ne parlait presque pas le français et qui avait besoin d'aide. Le
CLSC est allé et a déterminé ce qu'il donnerait. Mais
elle, ce n'était pas ses besoins à elle. Elle avait besoin de
quelqu'un pour nettoyer la maison, mais elle n'était pas
immobilisée au lit et le CLSC fait le nettoyage seulement pour les
personnes immobilisées au lit. On lui a dit: Si c'est ça que tu
veux, on ne te donne pas de services.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais j'imagine aussi, cependant, compte tenu
de ces personnes plus âgées, comme on sait que ce sont
plutôt ces personnes qui ont moins la connaissance de la langue, qui ont
moins eu la chance aussi d'apprendre la langue, qu'il doit sûrement y
avoir un problème qui est peut-être plus crucial encore que chez
les personnes âgées qui parlent français.
Mme William: Le service de maintien à domicile doit tenir
compte qu'il faut affronter la barrière linguistique et culturelle
aussi. C'est important d'intégrer aussi les membres des
communautés culturelles qui vont faire le service de maintien à
domicile et que les autres intervenants soient sensibilisés aussi
à la question, qu'il n'arrive pas qu'ils ne soient pas outillés
pour faire face à ça.
Mme Soave: Je pense que la réalité des personnes
âgées des vieilles communautés italienne, grecque,
ukrainienne, polonaise ou autre, c'est un peu l'image de pourquoi le
Québec d'aujourd'hui doit changer son système d'accueil. Quand
ces gens-là sont arrivés, il n'y avait pas de système
d'accueil. Parfois, ils le disent: Nous, quand on est arrivés, il n'y
avait pas de système d'accueil. Parfois, ils le disent: Nous, quand on
est arrivés, on devait s'arranger, travailler, même pour rien ou
presque. Tout dernièrement, il y avait aussi une série d'articles
dans The Gazette sur l'arrivée des Irlandais. Il y avait des situations
où il n'y avait pas un système d'accueil et les gens ont dû
travailler, travailler et travailler encore. C'est entré dans un rythme
de travail où les gens, à un certain moment, n'ont presque pas eu
le temps de vivre. C'étaient des gens aussi avec une instruction
limitée. C'étaient des gens qui venaient de la campagne
après la destruction totale par la guerre et qui ne pensaient
qu'à travailler, nourrir les enfants, ramasser de l'argent pour
éventuellement un jour retourner dans leur pays natal. Après, ils
sont restés parce que leurs petits-enfants se sont mariés ici et
qu'ils ne pouvaient plus repartir. Mais ils se retrouvent, à un certain
moment, à un âge adulte où ce sont des personnes
âgées, où ils réalisent que toute leur vie est
passée et qu'ils n'ont jamais appris la langue.
Ça, ça m'est arrivé. Pendant trois ans, on a
donné des cours à des accidentés du travail avec un
programme conjoint avec votre ministère, la CSST et l'Association
multi-ethnique. C'était un programme de réintégration, de
réadaptation des accidentés du travail. Malheureusement, le
projet a cessé parce que la CSST a décidé que l'appren
tissage du français n'était pas nécessaire pour
l'intégration do ces accidentés du travail. Malgré nos
protestations, c'est fini. Mais c'était vrai ment pénible de voir
des hommes - il y avait une majorité d'hommes qui venaient de la
construction - de 48, 50, 55 ans, propriétaires de maison, des gens qui
n'avaient pas nécessairement de problèmes strictement
économiques et qui venaient apprendre le français après 30
ans de vie au Québec. Et la joie, un jour, quand un monsieur m'est
arrivé avec le Journal de Montréal et qu'il m'a dit: Mme Soave,
j'ai lu, j'ai compris l'article, avec les larmes aux yeux. Pour ces
gens-là, c'était une chance d'avoir eu un accident pour pouvoir
arriver à apprendre le français. Il y a des personnes
âgées qui n'ont jamais eu cette chance-là. Ils se
retrouvent à un âge où les gens disent: II y a 30 ans
qu'ils sont ici, ils auraient pu apprendre la langue,
qu'ils s'arrangent un peu. Aujourd'hui qu'on a compris les erreurs du
passé, il faut qu'on offre un accueil d'adaptation aussi bon et complet
pour vraiment que les gens s'intègrent dès leur arrivée,
pas attendre qu'ils s'intègrent quand ils auront 50 ans, s'ils ont un
accident du travail.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Soave, il y a vraiment quelque chose que je
n'ai pas compris tantôt. Pourquoi faut-il qu'il y ait un service
particulier pour répondre à cette dame ou ce monsieur qui avait
besoin de services à domicile, de la part du CLSC, alors qu'en
définitive le CLSC a donné à ce monsieur la même
réponse qu'il donne à l'ensemble des Québécois? Il
ne pouvait pas prétendre à plus que cela. Les politiques du CLSC,
quant au maintien à domicile, sont exactement les mêmes. (11 h
45)
Mme Soave: Je ne discute pas ça, seulement que la dame, ne
parlant pas la langue, ne connaissant pas le système, elle n'arrivait
même pas à communiquer. Alors, elle pensait: J'ai besoin d'aide.
Quelqu'un lui a dit que les CLSC pouvaient lui donner de l'aide et elle a fait
sa liste de besoins. Ne connaissant pas le système, elle s'attendait
à ça. Quand le CLSC est arrivé et a dit: Voici ce que
nous, on offre, elle se sentait un peu trichée, parce qu'elle ne savait
pas comment ça fonctionnait. Disons que là, nous, on est
intervenus pour l'aider à lui faire comprendre que les CLSC n'ont pas
des ressources sans fond, donc qu'il faut qu'ils se limitent à ne donner
certains types de services qu'aux personnes qui sont en perte de
mobilité. Le problème, était que cette dame-là
toute seule, qui habitait chez-elle, elle avait besoin de quelqu'un pour
nettoyer la maison. Le CLSC lui offrait au contraire de l'aider elle-même
à prendre son bain. Là, ça ne rentrait pas dans sa
mentalité que quelqu'un lui donne le bain. Elle a dit: Mais, moi, j'ai
besoin qu'on me lave les murs, pas qu'on me lave, moi. Alors, il y avait une
espèce d'accroc. C'est ça qui arrive parfois; quand on ne
communique pas bien dans la langue, on n'arrive pas à expliquer les
raisons pour lequelles tel service est donné et tel autre n'est pas
donné et les personnes restent avec une sorte de mauvais sentiment:
Peut-être que, parce que je suis une immigrante, ils ne m'offrent pas les
services. Elles viennent nous voir et nous, on va leur expliquer
éventuellement: Bon, ce n'est pas parce qu'ils en ont contre vous, c'est
que le système fonctionne comme ça.
Alors, le rôle des organismes, c'est d'aider ces
personnes-là à comprendre le système, à comprendre
comment ça marche et d'aider le système à ne pas se
fâcher si la personne refuse, mais de lui faire comprendre que c'est une
autre mentalité au lieu de se fâcher. Par exemple, il y avait un
intervenant au CLSC qui voulait absolument empêcher une maman, aussi
d'origine italienne, de descendre l'enfant handicapé dans le sous-sol.
Mais cette dame-là, comme beaucoup d'Italiennes, elles habitent dans les
sous-sols. Puis, là, ils se sont accrochés. La mère a dit:
Moi, je ne veux plus que le CLSC vienne me voir. Le CLSC a dit: Nous, on coupe
le service parce qu'elle ne nous écoute pas. On a dû intervenir
pour expliquer au CLSC là que c'est une habitude, une coutume de
beaucoup de gens de dormir en haut et de vivre dans les sous-sols et pour
expliquer à la mère qu'elle devait un peu céder dans
certaines choses. Alors, c'est ça, le rôle des organismes: adapter
le système aux différences culturelles et aider les gens de
différentes origines à s'adapter au système.
M. Boulerice: Avec votre explication, je comprends mieux le
rôle que vous jouez, qui est une espèce d'intermédiaire ou
de traducteur, pas uniquement dans le sens de la langue...
Mme Soave: Traducteur culturel aussi.
M. Boulerice:. Traducteur culturel, c'est l'expression que
j'allais employer, Mme Soave. Mais, à ce moment-là - et je ne
vous le dis pas de façon agressive, de toute façon, on se
connaît bien - ne trouvez-vous pas que ça porte un peu à
ambiguïté, l'appellation que vous vous êtes donnée:
Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans
la santé et les services sociaux? Je veux dire que le
Québécois moyen qui lit ça se dit: Comment! Ils ne les
soignent pas? Ils ne leur donnent pas de services?
Mme Soave: Bon, d'abord, il y a un premier problème,
à savoir que les gens ne connaissent pas les services. 42 % des gens
seulement connaissent les CLSC, selon les taux de Léger &
Léger, de la Fédération des CLSC et, parmi les
communautés culturelles, ça double presque, les gens qui ne
connaissent pas les services. Alors, il y a une barrière. Donc, il n'y a
pas égalité tant que les personnes ne sont pas en mesure de
connaître les services. Il peut arriver que la personne se rende au CLSC,
que la réceptionniste en avant ne soit pas capable de communiquer avec
cette personne et que cette personne tout de suite se sente rejetée et
n'y retourne pas. Alors, disons que nous, quand on demande
l'égalité des services, c'est pas dans le sens que la
réceptionniste du CLSC doive parler toutes les langues, bien loin de
ça, mais qu'elle soit au moins ouverte ou accessible à diriger la
personne vers quelqu'un qui peut la comprendre ou la diriger.
M. Boulerice: Donc, votre sigle, votre abréviation
correspond mieux: ACCESSS.
Mme Soave: Oui.
Mme William: Accessibilité. M. Boulerice:
Accessibilité.
Mme William: II faut tenir compte de la réalité
ethnique du territoire, de la concentration ethnique.
M. Boulerice: M. Domond, vous avez souligné tantôt
un problème fondamental qui était la langue de travail. Je vais
reprendre la phrase que j'ai employée avec tous les groupes qui sont
intervenus, qui en ont fait mention: Une langue que l'on laisse au vestiaire
lorsqu'on arrive à l'entreprise, à l'usine, etc., n'est pas une
langue qui est valorisée. Et plusieurs intervenants ont
réclamé des modifications à la Charte de la langue
française de façon à ce que les entreprises qui emploient
50 personnes et moins soient soumises à la règle que le
français est la langue de travail. Et la CSN nous faisait une
statistique hier en disant qu'au-delà de 85 % des nouveaux emplois qui
ont été créés récemment l'ont
été justement par des entreprises de 20 personnes et moins.
Est-ce que vous souhaitez que la Charte soit modifiée de façon
à inclure les entreprises de 50 employés et moins dans la
francisation, donc français langue de travail?
M. Domond: Ah! je pense que je préfère rester en
dehors de ce grand cadre légal, etc., de la langue pour vous poser un
problème. Par exemple, moi, j'habite au Québec parce que j'aime
le Québec. J'ai toujours vécu là depuis 12 ans. Je n'ai
pas envie de partir parce que je parle français, mes amis sont
là, etc. Actuellement, je paie 500 $ de plus d'impôt plus le
transport pour travailler à Toronto pour le même emploi qu'on m'a
refusé au Québec. Alors, à ce moment-là, ce n'est
pas ma langue que je vais laisser dans le vestiaire en sortant de
l'entrepôt, mais c'est le travail qui est resté dans le vestiaire
pour moi. Alors, je me dis que, si je dois consentir des sacrifices comme
ça parce que j'aime cela ici et que je veux rester ici, etc., est-ce
qu'il n'y aurait pas aussi possibilité que la société,
à un moment donné, tienne compte de ce facteur
d'intégration primordial qu'est l'emploi et le travail et mette en place
le mécanisme qui va favoriser l'entrée sur le marché du
travail des membres des communautés culturelles dans des milieux
francophones au travail? Parce que le problème est le suivant. La
personne qui arrive, sa première démarche, après avoir
trouvé une maison, c'est de trouver un emploi. Où va-t-elle
trouver un emploi? Si c'est a l'usine, quelle langue on parle à l'usine?
Si c'est le français, cette personne va devoir parler le
français, mais, si c'est l'anglais, probablement que, même si la
personne apprend le français, cette personne va oublier le
français.
Alors, c'est dans ce sens-là que je pense que, dans une politique
d'intégration où on vise à assurer la
pérennité du fait français, l'élément
emploi, l'élément économique, l'élément
social sont primordiaux. La même chose pour l'éducation des
enfants. On connaît tous un peu l'histoire de certaines commissions
scolaires et qu'est-ce que ça nous a donné après un
certain nombre d'années. Maintenant, les immigrants qui sont
établis ici au Québec représentent le modèle pour
ceux qui arrivent. Supposons que les groupes envoient leurs enfants a tel type
d'écoles parce que cette école est plus accessible ou bien plus
accueillante, plus ouverte que d'autres; les autres qui arrivent après,
qu'est-ce qu'ils vont faire?
Alors, je pense qu'il y a des changements très significatifs,
très intéressants qui sont en train de se faire à ce
niveau-là, mais ce qu'on suggère, c'est qu'on systématise
davantage le principe que l'intégration linguistique est sous-tendue par
l'intégration sociale, par l'intégration économique et
l'intégration politique, comme la participation des communautés
aux différentes instances décisionnelles. Si l'immigrant arrive
et voit qu'il y a une place pour lui, il va se débrouiller pour occuper
cette place. Mais s'il n'y a pas de place, il va se marginaliser, il va
s'isoler et cette intégration ne se fera pas. Il y a des gens qui sont
ici depuis 40 à 50 ans, qui parlent le français, des
Haïtiens, des Martiniquais, des Quadeloupéens, des
Maghrébins qui parient français mais qui ne sont pas
nécessairement intégrés. Ce n'est pas parce qu'ils
refusent ou qu'ils rejettent la société et ce n'est pas non plus
parce que la société et les citoyens ordinaires rejettent
l'immigration Non, au contraire, je pense que les Québécois ont
fait preuve de beaucoup d'entregent et l'accueil est très
désirable. La population est prête, mais les classes dirigeantes,
l'élite et les gens qui décident des politiques doivent
comprendre que l'intégration passe forcément par le travail.
Mme Soave: J'aimerais aussi souligner peut-être
l'école parce qu'on vit surtout à Montréal dans un
phénomène d'écoles ghettos là. C'est très
préoccupant. Est-ce que le gouvernement, dans son plan d'action,
prévoit solutionner ce problème des écoles où
l'enfant peut sortir avec un excellent français, mais ne va pas sortir
avec une culture québécoise? Pour moi, les deux doivent venir
ensemble On doit avoir des gens qui parlent français mais qui sont
contents de le parier.
M. Boulerice: M. Domond, comment pouvez-vous me redire que
l'intégration commence par le travail, et, dans votre mémoire,
vous pariez du caractère indéniable francophone du Québec,
alors que - et je vous repose la question - 100 000 entreprises au
Québec échappent à la loi de francisation quant à
la langue de travail?
M. Domond: II n'y a pas de contradiction entre le fait que le
français soit prioritaire... C'est l'objectif que nous poursuivons. Mais
donnons-nous les moyens d'atteindre cet objectif-là. Je me dis: Ce n'est
pas en disant qu'on va imposer la langue comme... Imposer la langue, ça
va passer. Moi, je suis pour le français. Je veux justement que ce fait
demeure mais qu'est-ce que je fais pour que ça demeure? Il faut que je
crée les conditions. Il faut qu'on ait la nécessité,
l'obligation de parler français, pas parce que la loi l'impose, mais
parce que, si je dois travailler, si je dois aller à l'école, si
je dois circuler, ça se fait en français, donc je suis
obligé de parler français. Je ne veux pas faire la
démarche inverse, d'imposer le français, parce qu'il y a des gens
qui apprennent le français et qui l'oublie. Ça, on le sait parce
qu'une fois qu'ils ont fini le COFI ils cherchent du travail, ils tombent dans
un milieu anglophone et, à ce moment-là, le français n'a
plus d'utilité. Ce que je suis en train de dire, c'est que nous croyons
à la même chose. Nous voulons, justement, voir le français
se développer et se maintenir en qualité aussi au Québec,
oui, mais comment?
M. Boulerice: Donc, vous, vous me dites que ça doit
être laissé à la bonne volonté des gens, que
l'État n'a pas à intervenir de façon
législative.
M. Domond: Non. Je n'ai jamais parlé de la
législation du tout. D'ailleurs, je pense que vous voulez que j'en
parle. Non. La législation, si vous voulez qu'on en parle, la loi 101 a
fait ses preuves. On a vu une plus grande proportion d'immigrants et de
personnes vivant au Québec qui ont fait l'effort d'apprendre le
français. La loi a toujours été... C'est pour ça
que, nous aussi, on se bat pour avoir des lois sur l'égalité, sur
l'égalité en emploi, sur l'accessibilité des services
sociaux. C'est pour ça qu'on se bat, parce qu'on fait confiance à
la loi. Un système démocratique comme le nôtre s'articule
autour de ça. Nous, ce n'est pas un rejet de la loi ou bien une
minimisation de l'importance de la loi ou de son impact sur les gens. Ce n'est
pas ça, l'histoire. L'histoire, pour nous, c'est de dire que nous sommes
en face d'un projet de société où on se dit: On va prendre
ensemble un contrat moral. On veut voir le Québec de l'an 2000, 2025. On
veut voir la nouvelle population. On veut voir le français ici. On veut
voir une intégration réussie des immigrants qui vont venir, mais
aussi des Québécois d'origine autre que traditionnellement
française ou britannique. On veut voir tout ce monde-là se mettre
ensemble et se mettre à travailler ensemble. C'est ce qu'on veut voir.
C'est pour ça qu'on travaille. Alors, je dis que, pour qu'on arrive
à ça, il faut tenir compte de ce que le Québec veut quand
il accueille des immigrants et aussi il faut savoir ce que les immigrants
attendent pour qu'ensemble on puisse arriver à atteindre les objectifs
qu'on se pose.
Le Président (M. Doyon): Dernière question,
peut-être, M. le député.
M. Boulerice: J'ai le goût, en vous remerciant, Mme Soave,
Mme William et surtout vous, M. Domond, quand vous me dites qu'il faut savoir
ce que le Québec veut, d'employer la phrase que j'utilisais avec
abondance face à Mme la ministre. Je paraphrasais la Sagouine qui
disait: "Je savions ce que je voulions, je voulions toute."
M. Domond: Et nous aussi, on veut "toute".
M. Boulerice: Et voilà! D'où convergence de nos
deux projets. Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie, Mme Soave, Mme
William et M. Domond, avec qui j'aurai sans doute une poursuite de cette
discussion.
M. Domond: Ça me fera plaisir.
Mme Soave: Je voudrais juste demander... Parce que notre
information, c'était qu'on avait jusqu'à midi trente, mais j'ai
l'impression que notre temps est écoulé. C'est que je n'ai pas
abordé la question de la personne handicapée et d'autres
questions qu'on voulait soulever. Jusqu'à quand avons-nous?
Le Président (M. Doyon): Bien, si vous voulez le
faire...
M. Boulerice: La personne handicapée... Si vous me
permettez. Je vous promets que je suis le seul député à
avoir des cartes d'affaires en braille. Je vais les faire faire
multilingues...
Mme Soave: Disons que notre remarque, c'était que
l'énoncé de politique ne le mentionne pas. Tout l'accent est sur
l'aspect économique. On est d'accord qu'un immigrant, on le veut parce
qu'il doit aider à collaborer à l'intégration
économique, mais, à partir de ça, on part du
préconcept qu'une personne ayant une déficience ne serait
automatiquement pas en mesure de collaborer pour la société et
cela va contre les principes de base de la politique "À part...
égale" où une personne, si elle a une chance, peut
s'intégrer dans la société. Alors, ça, c'est un
concept qu'on devrait... Et je sais que le problème n'est pas
nécessairement avec le gouvernement du Québec, mais plutôt
avec le fédéral. Mais on vous demanderait une collaboration dans
notre lutte actuellement pour changer l'application de l'article I9(i)a de la
loi canadienne d'immigration qui interdit l'accès à toute
personne qui est un fardeau excessif pour la société et qui est
appliqué aux personnes ayant une déficience. Cependant, on s'est
trouvé dans des situations où le gouvernement
québécois, dans
des cas de prise de décision, lançait la balle. Bon,
ça, ça revient au fédéral et le
fédéral nous dit: Ça, ça revient au provincial. Il
faudrait qu'il y ait un leadership, que le système de santé et de
services sociaux revienne au provincial. C'est le provincial qui paie pour et
il pourrait exiger une révision de l'application de cet
article-là.
Et je voudrais vous demander aussi ce qui est arrivé au projet
qui existait, il y a sept ou huit ans, entre le Québec et le Canada,
pour faire venir une dizaine - ce ne sont pas des chiffres astronomiques - de
personnes par année parmi les camps de réfugiés.
C'étaient des personnes handicapées et
sélectionnées dans les camps de réfugiés que le
gouvernement du Québec faisait venir en collaboration avec le
gouvernement fédéral. Nous, on avait collaboré à
l'accueil et à l'adaptation de trois familles. Après ça,
on ne sait plus s'ils ont continué le programme, si ça continue
et si c'est l'intention du gouvernement de continuer. On trouve que c'est
important que le gouvernement, quand il parle de cas humanitaires,
considère des cas vraiment humanitaires pas juste des personnes qui
auraient ici une famille qui les accueillent ou l'assurance d'un travail, mais
ce sont des cas strictement humanitaires. Il y a quelques années, il y
avait une dame qui était venue ici pour se faire soigner. Elle n'avait
pas de parents, pas d'amis et le médecin lui avait dit que, si elle
retournait dans son pays, sa vie était en danger. Et ce qu'on nous avait
dit, à ce moment-là, au ministère de l'Immigration, c'est
que cette dame n'entrait pas dans la description des cas humanitaires.
Le Président (M. Doyon): Bon, d'accord. Alors, je vais
permettre à la ministre, maintenant, compte tenu du temps qu'il nous
reste, de vous remercier et de vous indiquer ce qui peut être fait ou ce
qu'elle a déjà fait à ce sujet-là.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, peut-être pour répondre
rapidement à votre question sur les personnes handicapées, je
dois vous dire que le Québec reçoit, en général,
grosso modo, une cinquantaine de personnes handicapées annuellement et
que le Québec continue encore à poursuivre son oeuvre quant aux
dizaines de personnes handicapées n'ayant pas de famille... le programme
du gouvernement fédéral. Et je dois vous dire qu'il y a quelques
mois j'ai rencontré un représentant du haut-commissariat aux
réfugiés qui disait, justement, que le Québec est
très généreux, que le Québec est une province qui
reçoit beaucoup plus de ces personnes que d'autres provinces. Ça
ne veut pas dire qu'on doive cesser, cependant, mais je pense que le
Québec fait largement sa part actuellement.
Alors, écoutez, je veux vous remercier. Tout à l'heure,
mon collègue parlait de la Sagouine et il disait: Qu'est-ce qu'on veut?
Et moi, je serais portée à lui dire que Ti-Moune veut tout.
Alors, écoutez, vos propos sont très pertinents. Je prends en
bonne considération les recommandations que vous nous faites et je vous
remercie infiniment de la présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Doyon): Alors, Mme Soave, M. Domond et
Mme William, nos remerciements pour votre présentation, vous permettant
de vous retirer. Ceci termine les auditions des groupes qui ont
défilé devant cette commission depuis maintenant plusieurs
semaines.
Mémoires déposés
En terminant, je voudrais tout d'abord procéder au
dépôt des mémoires qui n'ont pas été
présentés par des personnes à cette commission. Je les ai
ici, sur une feuille. J'en fait une lecture très rapide: Alliance
Québec, Centre haïtien d'action familiale, Commission des
écoles protestantes du Grand Montréal, Forel Régis, Dr
Joseph Kage, Amitié chinoise de Montréal, Donald
L'Espérance, Léo Donald Lachaîne, mouvement Les jeunesses
ariennes, Steven Charles Potter, S.O.S. génocide et, finalement, The
Black Theater Workshop of Montréal.
Alors, merci beaucoup. Nous en sommes maintenant, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, aux remarques de
clôture pour une dizaine de minutes. Il y a peut-être un vote,
oui.
M. Boulerice: On va voter?
Le Président (M. Doyon): On va voir ce qui se passe.
Est-ce que c'est un vote?
M. Boulerice: Un vote.
Le Président (M. Doyon): Donc, nous suspendons nos
travaux, étant bien entendu que, dès après le vote, avant
le déjeuner, nous nous retrouvons à cette commission pour
terminer nos travaux par les remarques de clôture du député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques et de Mme la ministre, ce qui terminera les
travaux de cette commission sur l'énoncé de politique. Alors,
suspension pour quelques minutes, le temps de voter.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprisée 12 h 18)
Remarques finales
Le Président (M. Doyon): Cette commission reprend donc ses
travaux, après la suspension de quelques minutes qui nous a permis de
voter. La parole est maintenant au député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques pour les remarques de clôture. M. le
député.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Alors,
j'irai de quelques remarques, mais brèves remarques, compte tenu que
cette commission en est à sa conclusion, certes, mais que le nombre
d'heures que nous y avons consacré est quand même assez
impressionnant.
Je vais d'abord, si vous me le permettez, parler des niveaux
d'immigration. Un des mandats de la commission était de consulter les
groupes intéressés sur les niveaux d'immigration pour les
prochaines années. Sur ce sujet, je dois conclure, malheureusement,
qu'il n'y a pas de consensus. Peu de groupes, si ce n'est le Conseil du
patronat et l'Association des manufacturiers du Québec, ont
proposé des niveaux précis. Certaines commissions scolaires ont,
par d'ailleurs, émis l'idée qu'il fallait quand même agir
avec une certaine prudence au niveau des groupes. La ministre devra donc tenir
compte de cette mise en garde venant de groupes qui sont quotidiennement en
contact avec les professeurs qui sont les principaux agents
d'intégration.
Quant à la situation montréalaise, bien que la ministre
s'en défende, plusieurs groupes provenant de la région
montréalaise n'ont pas senti de sensibilité particulière
dans la politique pour ce qui est de la région de Montréal. En
dévoilant le plan d'action prévu pour le mois de juin prochain,
ce plan devra traduire les préoccupations particulières
exprimées pour la région de Montréal.
Quant aux réfugiés, ce sujet a été
invoqué avec le doigté qui s'imposait, compte tenu des conditions
extrêmement difficiles dans lesquelles ces personnes se trouvent. Nous en
retenons qu'il doit y avoir des mesures précises. Qu'est-ce qu'on fait
avec ceux qui n'ont pas encore été acceptés formellement
au pays? Ils sont près de 30 000 au Québec et ils sont 1000
à se présenter chaque mois à nos frontières. Bon,
il va de soi que le contrôle de nos frontières ne nous appartient
pas, du moins pas pour l'instant, ça sera sans aucun doute pour 1992 ou
1993, si les indications qui nous proviennent de la commission
Bélanger-Campeau sont exactes, sauf qu'il n'en demeure pas moins qu'il y
a 30 000 Québécois et Québécoises - à mon
point de vue ils y sont depuis suffisamment longtemps pour pouvoir être
appelés Québécois et Québécoises - qui
vivent une situation particulière, une situation dramatique et une
situation particulière et dramatique que n'a pas voulue le
Québec. Ce n'est pas le Québec qui l'a voulue. Si Québec
est à la recherche de solutions, il faut avoir l'honnêteté
de dire que cette situation-là n'a pas été
créée par son gouvernement, ni par les gouvernements qui l'ont
précédé.
Quant à la francisation, eh bien, l'accessibilité aux
cours de français doit être totalement révisée. Tous
les nouveaux arrivants qui ne parlent pas français doivent pouvoir avoir
accès à ces cours, qu'ils se dirigent ou non sur le marché
du travail, et ici on songe particulièrement - et plusieurs groupes l'on
fait ressortir -aux femmes immigrantes qui n'ont pas accès aux cours de
français.
Et quand on parle de francisation, au cours de ces 11 séances,
donc 62 heures 54 minutes, 70 groupes et individus entendus, 82 mémoires
transmis, le mot "francisation" a été abordé, il a
été également abordé dans un autre sens qui est
celui du français langue de travail. Et les principaux groupes qui se
sont présentés et qui ont été questionnés
par l'Opposition officielle quant à la francisation des entreprises de
50 employés et moins, eh bien, tous ces groupes ont répondu que
cela était nécessaire, impératif et un groupe a même
émis l'opinion que cela était incontournable, qu'il fallait s'y
rendre.
Quant à la régionalisation, je pense qu'on s'entend tous,
autant la formation ministérielle que l'Opposition, sur la
nécessité d'adopter une politique de régionalisation de
l'immigration afin que cette idée ne demeure pas une utopie. Je dois
admettre que la chose n'est pas facile. Il y a des contraintes qui rendent la
problématique beaucoup plus grande qu'on ne l'aurait souhaité,
mais une des avenues serait que le gouvernement prévoie une politique de
développement régional. Actuellement, malheureusement, ce n'est
pas le cas. Dans la mesure où les régions seront fortes, je crois
que le pouvoir d'attraction des régions, pour ce qui est de
l'immigration, sera également fort.
Il faut, avant de conclure, rappeler l'importance du rapatriement de
l'ensemble des pouvoirs en matière d'immigration. L'entente
administrative ne suffit pas. Pour des raisons que je peux bien comprendre,
certains groupes ont souhaité ne pas se prononcer sur le sujet. Je ne
ferai pas l'analyse des mobiles. Je ne prêterai pas d'intentions. Ce
n'est pas ma nature, mais quant à ceux qui ont répondu - et la
question leur a été posée fréquemment - eh bien, il
apparaît presque unanime chez ces groupes que le Québec devrait
détenir tous les pouvoirs en matière d'immigration. Si nous avons
à trouver toutes les solutions, je pense qu'il faut que nous soyons en
possession de l'entité du dossier de façon à avoir tous
les outils pour faire en sorte que cette immigration soit une immigration
réussie puisqu'elle est - et nous en convenons tous encore une fois -
d'importance pour le Québec.
J'admets qu'il n'est pas facile pour le parti ministériel
d'acquiescer à cet énoncé immédiatement. Le rapport
Allaire ne prévoit pas que ce soit un pouvoir exclusif mais un pouvoir
partagé. Est-ce que les provinces du Canada feront et auront le temps de
faire des offres? Encore là, je me permets de douter qu'elles fassent
l'offre que ce soit un pouvoir exclusif, sauf que je crois qu'à ce
sujet-là, eh bien, les Québécois auront eux-mêmes
à se prononcer d'ici un certain temps.
Je terminerai, M. le Président, parce que je
vous avais promis d'être bref, en parlant de la nécessaire
collaboration. Pour réaliser les objectifs qui sont contenus dans sa
politique, la ministre devra compter sur la collaboration de plusieurs groupes
et miser sur la concertation. À ce sujet, les compétences et
l'expérience de certaines commissions scolaires de l'île de
Montréal et de professeurs qui oeuvrent dans les écoles
multi-ethniques devront être mises à profit au même titre
d'ailleurs que l'expertise, lorsque nous parlons de régionalisation,
qu'ont développée certains groupes, notamment, puisqu'il faut les
citer à titre d'exemple - le travail qui a été fait
à été reconnu par tous - les groupes qui ont oeuvré
en région et qui sont actuellement - et j'aime la phrase - en attente
d'immigrants. Je pense que ça dénote une mentalité
nouvelle. Donc, il s'agit de groupes de l'Estrie, de groupes de la Mauricie, de
groupes de la région de l'Outaouais qui se sont présentés
devant nous.
L'Opposition, dans ce dossier - et c'est peut-être la nature
même de cette commission où les débats... Je ne voudrais
pas faire d'injure, M. le Président, à nos collègues des
autres commissions, mais les débats à la commission de la culture
ont toujours un certain niveau. Je pense que nous allons le reconnaître
à notre bénéfice. L'Opposition ne s'est pas placée
en opposition, face à la ministre et son énoncé de
politique. Je crois que l'Oppostion s'est inscrite dans la démarche de
la ministre dont la volonté est aussi de voir que l'immigration au
Québec soit mieux acceptée par les Québécois,
qu'elle soit mutuellement enrichissante, à la fois pour ceux qui
reçoivent et ceux qui viennent d'être reçus. Et je peux
assurer la ministre que, quant à l'énoncé du plan
d'action, comme nous l'avons fait, d'ailleurs, au niveau de la loi qui devait
être votée, puisque l'accord administratif entre en vigueur le 1er
avril, l'Opposition, dis-je, continuera de lui offrir son concours.
Il y a un deuxième point de conclusion, M. le Président,
que j'aimerais aborder. J'aimerais, à mon tour, dire, puisque la
ministre a réagi - et je la félicite d'ailleurs d'avoir
réagi - que j'ai été, comme l'ensemble des
Québécois, passablement insulté, voire blessé et
même meurtri, lorsque certains ont voulu accoler la notion de racisme
à la notion de nationalisme. Le nationalisme québécois n'a
jamais été raciste. D'ailleurs, "nationalisme" vient de "nation".
Nous serions les premiers racistes de cette nation puisque nous appartenons
à l'Assemblée nationale. Je peux admettre que certains de nos
compatriotes n'ont peut-être pas toute l'ouverture d'esprit et les
comportements les plus adéquats, mais de là... et je crois qu'en
cette Chambre, à l'exception peut-être de certains, tous se
réclament d'un nationalisme. Je crois, M. le Président, que cette
remarque était profondément insultante. Et elle venait, on le
sait, malheureusement de groupes issus de communautés culturelles qui
formaient un groupe de travail. Je pense qu'il faudrait leur poser la question:
Est-ce que de telles assertions feront en sorte que les Québécois
seront encore plus réceptifs qu'ils ne le sont actuellement au sujet de
l'immigration, lorsque l'on s'amuse, je ne sais pour quel mobile, à leur
inculquer une étiquette qui leur a toujours été
profondément révulsive? Les Québécois ne sont pas
racistes. Et, la ministre l'a bien cité, nous sommes donnés comme
exemple dans bien des domaines comme étant une société
où la qualité d'accueil est exceptionnelle, comparativement
à d'autres pays. (12 h 30)
Et voilà pour cette commission. J'ajouterai une chose qui est
tout à fait personnelle et je me dis: Pourquoi ne pas le faire?
Connaissant peu la titulaire de ce ministère, M. le Président, je
dois confesser avoir nourri certains préjugés à son
égard, mais, au cours de ces 62 heures 54 minutes sans additionner
celles que je fais présentement et celles qu'elle fera tantôt,
j'ai appris à mieux connaître cette femme, cette parlementaire,
cette ministre et je dois dire que, dans la conduite de ce débat, je
pense qu'elle a fait preuve d'une très grande ouverture, quelque fois
d'une certaine tolérance envers certaines petites attaques pas
mesquines, mais caractéristiques du porte-parole de l'Opposition. J'ai
pu sentir chez elle une sensibilité - je n'hésiterai pas à
employer le mot - égale à celle que j'ai toujours sentie
auprès de mon collègue, le député de Mercier. Donc,
je dirai, M. le Président, que, pour moi, ça a été
très agréable de travailler avec Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Maintenant, je vais remercier mes collègues qui ont
également participé à la commission, remercier les
fonctionnaires du ministère qui nous ont très rapidement
donné les informations qui nous étaient utiles au questionnement,
remercier Mme Tremblay qui m'a assisté, mes autres collègues qui
ont participé, vous-même, M. le Président, et,
forcément, ce monument de dévouement à cette commission
qu'est notre secrétaire et ses adjointes et adjoints qui sont toujours
fidèles à eux-mêmes. Merci
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le
Président, c'est à la fois avec une satisfaction et avec une
conscience aiguë des défis à relever que je vous livre mes
conclusions alors que s'achève aujourd'hui cette consultation
générale sur l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration.
Ma satisfaction se fonde sur quatre constatations. Premièrement,
sur le plan de la participation, cette consultation a été un
franc
succès, que ce soit en termes de nombre ou de
représentativité. Comme on l'a mentionné, 70 organismes et
individus ont été entendus. Près de 63 heures d'audiences,
82 mémoires ont été transmis et, parmi les organismes de
la société d'accueil, nous avons reçu des
représentants des milieux syndical, économique, patronal, ainsi
que des porte-parole du monde municipal, scolaire, institutionnel et
communautaire des diverses régions du Québec. Toujours au nombre
des témoignages issus de la société d'accueil, nous avons
entendu des représentants de communautés culturelles
établies au Québec depuis de nombreuses années.
Finalement, nous avons aussi reçu des représentants des
Québécois d'arrivée plus récente.
Deuxièmement, ces groupes ont fait entendre leur voix aux
parlementaires, certes, mais aussi à l'ensemble de la population par
l'entremise des médias. Je m'en réjouis car je suis
persuadée que mieux la population sera informée des enjeux
fondamentaux qui sous-tendent les questions relatives à l'immigration et
à l'intégration, meilleure sera son attitude à
l'égard de ces phénomènes.
Troisièmement, j'avais signalé, à l'ouverture de
cette commission, que les propositions concrètes et réalisables
succeptibles de faciliter l'intégration des immigrants seraient
accueillies très favorablement. Dans ce sens, il est heureux de
constater le grand nombre de propositions qui nous aideront certainement, dans
la mesure où elles s'avèrent réalisables, à
enrichir le plan d'action gouvernemental. Ce plan d'action découlera en
grande partie du présent exercice démocratique qui se termine
aujourd'hui même.
On me permettra sans doute, M. le Président, dans un dernier
constat, d'éprouver une légitime fierté devant le
consensus largement positif qui s'est formé relativement aux
orientations et aux objectifs de cet énoncé. Ce consensus
n'est-il pas révélateur d'une nouvelle prise de conscience, parmi
les Québécois, des enjeux de l'immigration? Le nouvel accord
Canada-Québec nous permet de réaliser une plus grande
maîtrise de la sélection des immigrants et de leur
intégration au Québec. Le consensus entourant
l'énoncé de politique augure bien de la réussite de
l'exercice de nos nouvelles responsabilités. Cela dit, nous avons
également pu cerner les éléments à propos desquels
des divergences et des expressions d'inquiétude se sont
manifestées.
J'aimerais maintenant approfondir les principaux enjeux qui ressortent
au terme de cette consultation et, ce faisant, effectuer une première
synthèse de nos travaux. Tout d'abord, j'ai constaté que la vaste
majorité des groupes partagent notre vision selon laquelle l'immigration
est un apport positif pour le Québec. Ils adhèrent aussi à
notre orientation fondamentale selon laquelle c'est un facteur de
développement dont le potentiel doit être davantage mis au service
des défis de développement du Québec. Le consensus qui
prend forme à cet égard témoigne d'une nette
évolution des mentalités dans toutes les couches de la
population.
Sur le plan démographique, il y a aussi consensus sur
l'idée que l'immigration ne peut remplacer une politique familiale. Il
s'agit là, en effet, d'un élément nécessaire, mais
non suffisant, d'une stratégie de redressement démographique
responsable.
Au plan linguistique, la vaste majorité des groupes ont
affirmé que l'immigration peut et doit absolument contribuer à la
pérennité du fait français, élément le plus
significatif du caractère distinct du Québec moderne. Des groupes
entendus nous ont, par ailleurs, signifié que la contribution de
l'immigration à la vitalité du fait français exigera
cependant des efforts accrus et ce, tant sur le plan de la sélection des
immigrants que du soutien à leur intégration. Aussi,
endossent-ils, pour la plupart, les axes d'intervention majeurs de la
présente politique à ce chapitre, à savoir: la progression
soutenue de la proportion de l'immigration francophone dans le volume total,
l'intensification des services d'apprentissage du français, la promotion
du français comme langue d'usage et l'ouverture de la
collectivité francophone à la pleine participation des personnes
d'origines diverses.
Au plan économique, les représentants des milieux
d'affaires ont recommandé une augmentation du nombre d'immigrants
indépendants et particulièrement d'immigrants gens d'affaires.
À l'instar du gouvernement, ils voient dans cette orientation un facteur
de développement économique du Québec. Le Conseil
économique du Canada, cependant, a exprimé une réserve
quant à l'importance de l'immigration comme facteur de
développement économique. Cette réserve provient
peut-être davantage d'une perspective macroéconomique tandis que
d'autres analyses, se situant au niveau des milieux d'affaires,
démontrent les effets bénéfiques de l'immigration au plan
économique. L'un ne voit pas d'impact dans les chiffres et les courbes,
les autres constatent des effets concrets dans leur action quotidienne sur le
terrain des réalités d'affaires.
Finalement, quant à la dimension "ouverture sur le monde", la
majorité des intervenants ont fait écho à
l'énoncé de politique en reconnaissant le pluralisme culturel
comme une richesse pour toute société moderne. Le contrat moral,
notion qui fonde notre politique d'intégration, suscite, pour sa part,
un appui spontané et quasi unanime. Il apparaît
foncièrement juste car il rappelle que l'intégration est la
responsabilité tant de l'immigrant lui-même que de la
société d'accueil. Je crois qu'autant les Québécois
que les nouveaux arrivants y adhéreront avec
sérénité.
En regard avec ce contrat moral, je veux signaler la reconnaissance par
les communautés culturelles du rôle de premier plan qu'elles ont
à
fouer dans l'intégration des nouveaux arrivants de même que
leur adhésion unanime au principe selon lequel le français est la
langue commune de la vie publique. Je veux également souligner la
reconnaissance par plusieurs institutions de la société d'accueil
- la Fédération des CLSC, par exemple - que l'intégration
des immigrants exige d'elles une ouverture et une adaptation à la
réalité pluraliste. Mieux, elles n'y vont pas à reculons
mais avec conviction, dans la plupart des cas.
Examinons maintenant de plus près quelques enjeux de la politique
d'immigration et, ensuite, de la politique d'intégration. Tout d'abord,
notre objectif premier d'accroître la proportion de francophones dans le
mouvement global de l'immigration recueille un appui majoritaire. Des groupes
ont cependant fait valoir avec justesse que la connaissance du français
ne garantit pas l'intégration, et je suis d'accord. Il n'est pas
question de sélectionner des francophones à tout prix, des
francophones dont les chances d'intégration économique ne
seraient pas suffisantes. J'ajouterais toutefois que, s'il faut bien admettre
que la connaissance du français n'est pas garante de
l'intégration, elle la facilite cependant certainement. Par ailleurs, la
connaissance du français ne sera pas un critère de
sélection éliminatoire comme certains groupes ont semblé
le craindre.
Concernant la question des revendicateurs du statut de
réfugié, plusieurs groupes ont souhaité, par souci
humanitaire, que leur soit accordée l'amnistie. À tous ces
groupes, j'ai demandé: Comment faudrait-il agir pour assurer à
ces personnes un traitement décent tout en évitant que ce
traitement ne devienne précisément un facteur d'attraction
d'autres revendicateurs dont les motifs ne sont pas toujours acceptables au
sens de la Convention de Genève? Compte tenu des réponses, je
dois admettre que, si la problématique s'en est trouvée
approfondie, le problème, lui, demeure entier et il m'apparaft toujours
aussi déchirant.
La question des niveaux annuels d'immigration a suscité des
opinions partagées. Sans que cela ne reflète toutes les nuances
de leurs pensées, signalons tout de même que les milieux
d'affaires, de même que deux centrales syndicales sur trois, se sont
prononcés en faveur d'une augmentation graduelle des niveaux. Cette
position est également celle des unions municipales, de la
Communauté urbaine et de la ville de Montréal, de même que
des communautés culturelles. Les organismes du monde scolaire sont
partagés sur cette question. Ainsi, deux des commissions scolaires les
plus concernées par le phénomène de l'immigration se
disent pour une augmentation graduelle des niveaux tandis que les organismes
qui les regroupent et les représentent aux niveaux régional et
provincial ont exprimé de fortes réserves
Finalement, les organismes du mouvement nationaliste se sont
généralement exprimés contre une augmentation, voire en
faveur d'une baisse sensible des niveaux. Tous ces points de vue seront pris en
considération et contribueront à éclairer le gouvernement
dans le cadre du processus de décision entourant la détermination
des niveaux d'immigration pour les années 1992, 1993 et 1994 II faut
savoir cependant que les niveaux constituent la clé de voûte de la
politi que d'immigration. L'analyse nous révèle en effet que,
pour réussir à la fois à augmenter la proportion de
francophones, à accueillir plus d'entrepreneurs et d'investisseurs et
à respecter nos engagements à l'égard de la
réunification des familles et des réfugiés, cela suppose
une augmentation des niveaux. La stabilisation ou la baisse des niveaux, il
faut bien le comprendre, remet en question l'un ou l'autre de ces
objectifs.
En ce qui concerne l'intégration, notre consultation
parlementaire a mis en évidence l'idée que le processus
d'intégration s'étend sur une longue période, voire
même sur plus d'une génération. Cette vision permet de
relativiser des données isolées telles que celles relatives au
transfert linguistique. Ces dernières, considérées
à l'extérieur du tableau d'ensemble, ont un effet alarmant
auprès de la population. Une autre idée qui remporte
l'adhésion générale, c'est celle que l'intégration
se réalise sous plusieurs dimensions interdépendantes,
c'est-à-dire linguistique, économique, institutionnelle et
culturelle.
Certains groupes se sont particulièrement attardés dans
leur témoignage à l'apprentissage et à l'usage du
français. Les mesures en vue d'augmenter l'accessibilité aux
cours de français, que ce soit pour les immigrants ou les
Québécois des communautés culturelles, ont reçu un
large appui.
Quant aux organismes du monde scolaire, ils nous ont fait part des
défis reliés à l'intégration des
élèves allophones. Certains se sont montrés confiants en
leur capacité de réussir; d'autres ont plutôt
insisté sur les difficultés et ce, dans un contexte où des
demandes de budgets additionnels étaient adressées au ministre de
l'Éducation. Quoi qu'il en soit, au-delà des mesures
substantielles déjà prévues à
l'énoncé, j'entends véhiculer auprès de mon
collègue, ministre de l'Éducation, les propositions du milieu
soclaire
L'objectif de favoriser une meilleure répartition des immigrants
sur le territoire québécois a reçu un large assentiment
quant à sa pertinence et ce, dans tous les milieux. Certains groupes ont
établi un rapport entre cet objectif et la politique de
développement régional, considérant le second comme une
condition préalable au premier. Pour ma part, je vois plutôt
l'immigration, et en particulier celle des gens d'affaires, comme un facteur de
développement régional. De toute façon, c'est une
tâche de longue haleine et il faudra un effort régional
concerté pour commencer à attirer et à retenir
plus d'immigrants dans les régions. C'est dire qu'à moyen
terme la grande majorité des immigrants continueront vraisemblablement
à s'établir dans la région montréalaise. Toutefois,
l'immigration se répartit maintenant plus également dans
l'ensemble des quartiers de la ville et les immigrants s'installent
désormais, dès l'arrivée, dans les banlieues. Il y a de
moins en moins de quartiers monoethniques et de plus en plus de contacts entre
allophones et francophones.
Toutes ces tendances encourageantes devraient inciter les esprits
alarmés à plus de modération. Dans les faits, la
population immigrée de Montréal est beaucoup moins
concentrée géographiquement aujourd'hui qu'elle ne
l'était, par exemple, il y a 20 ans. Néanmoins, je suis hautement
consciente de la nécessité de mesures d'intégration
substantielles. Dans l'énoncé, la politique d'intégration,
bien qu'elle s'adresse à toute la population québécoise,
trouvera son application plus particulièrement dans la région
montréalaise.
Finalement, en matière d'intégration économique,
plusieurs communautés culturelles nous ont rappelé l'importance
de suivre de près l'évolution des programmes d'accès
à l'égalité afin que ceux-ci produisent des
résultats attendus. Je suis tout à fait d'accord et je me propose
de suivre ce dossier de très près. Notre gouvernement accordera
une attention particulière à celui de la fonction publique, dont
l'implantation a débuté l'année dernière.
Outre les remarques sur le fond de l'énoncé, les groupes
ont tous exprimé leur hâte de connaître les moyens dont sera
dotée notre politique, d'une part, et souhaitent vivement que nous
passions à l'action, d'autre part. En ce qui concerne les moyens, j'ai
déjà annoncé que le Conseil des ministres avait reconnu
que la mise en oeuvre de l'énoncé représentait des
dépenses additionnelles de 30 000 000 $ au cours des trois prochaines
années.
Pour ce qui est de la prochaine étape, je suis entièrement
d'accord avec l'affirmation à l'effet qu'il faille maintenant passer
à l'action à tout prix, puisque nous avons déjà
largement consulté. Je proposerai donc au Conseil des ministres un plan
d'action qui prendra en compte plusieurs des recommandations
présentées lors de la commission parlementaire. J'espère
être en mesure de rendre public ce plan d'action d'ici à la fin du
mois de juin. Entreprendre une nouvelle consultation, à compter de ce
moment, aurait un effet de ralentissement quant à la mise en oeuvre du
plan d'action et partant, quant au règlement de problèmes maintes
fois soulevés au cours de ces audiences publiques et pour lesquels on
attend des actions rapides et pertinentes.
Ceci étant dit, nous suivrons de près l'état de
réalisation du plan d'action gouvernementale et nous en ferons un bilan
d'étape au terme de la première année. Il faudra y voir
l'occasion d'effectuer des corrections au besoin.
En conclusion, M. le Président, et sur une note un peu plus
personnelle, j'aimerais remercier le président, bien sûr, de cette
commission, le député de Louis-Hébert, le président
de séance, le député de LaFontaine, tous mes
collègues, que ce soient, par exemple, les députés
d'Acadie, Richelieu, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, Saint-Henri. Mais, bien
sûr, je voudrais aussi remercier les porte-parole de l'Opposition, en
particulier le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le
député de Mercier, le député de Shefford, qui ont
fait en sorte qu'en plus d'être utiles ces cinq semaines d'audiences se
soient avérées, pour moi, une expérience des plus
agréables. Je voudrais plus particulièrement remercier le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Moi aussi, au cours de
cette commission parlementaire, j'ai appris à le connaître
davantage. Nous avons partagé 63 heures d'audiences ensemble, c'a
été pour moi une expérience très enrichissante et
je veux le remercier de sa collaboration de tous les jours, finalement. Merci
infiniment, c'a été très utile.
Je voudrais, bien sûr, aussi remercier notre sous-ministre, Mme
Brodeur, qui m'a accompagnée tout au long de ces audiences, de
même que tout le personnel du ministère et du cabinet aussi qui a
été là à chaque instant pour nous aider dans ce
travail. Pour moi, c'est un esprit de travail constructif qui a bien
marqué cette consultation, qui correspond au titre de
l'énoncé, comme on se souviendra, on l'a très peu
mentionné au cours de cette commission parlementaire, mais c'est un
titre qui veut tout dire, c'est-à-dire: "Au Québec, pour
bâtir ensemble". Alors, merci à tous et à toutes.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci, Mme la ministre.
À titre de président, vous me permettez d'exprimer à mon
tour des remerciements envers tous les membres de la commission. Aussi bien le
côté ministériel, en particulier Mme la ministre, que les
porte-parole de l'Opposition ont contribué très largement
à garder un débat d'une élévation certaine. Il n'y
a eu aucune prise de bec. Il y a eu des divergences d'opinions, mais tout
ça s'est déroulé dans la plus parfaite gentilhommerie.
À titre de président, mon rôle en a été
totalement facilité. C'est un rôle qui parfois a été
ingrat, mais qui s'est voulu, volontairement, en même temps - en tout
cas, en ce qui me concerne - le plus effacé possible, étant
entendu que les discussions qui devaient avoir lieu étaient entre la
ministre et nos invités, de même que les porte-parole de
l'Opposition. Mes collègues m'ont facilité la tâche et
c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai participé à ces travaux.
Je remercie aussi le secrétariat de la commission, Mme Tanguay qui a
fait un travail extraordinaire.
Donc, tout ça pour dire que nous pouvons, je pense,
considérer que nous avons abattu du bon boulot. Nous l'avons fait sur
une longue
période et ça a contribué à améliorer
ce qu'on pense devrait devenir la collectivité québécoise.
Alors, soyez tous remerciés bien sincèrement. Donc, nous
ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 51)