Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Gobé): Bonjour, mesdames et
messieurs. La commission de la culture commence maintenant ses travaux et je
vous rappellerai brièvement le mandat de la commission, aujourd'hui, qui
est de tenir des audiences publiques sur l'énoncé
général de politique en matière d'immigration et
d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir
ensemble", ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les
années 1992, 1993 et 1994. Est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie) et Mme Dupuis (Verchères) est
remplacée par M. Jolivet (Laviolette).
Le Président (M. Gobé): Bienvenue à cette
commission. Je vais maintenant vous donner lecture de l'ordre du jour pour
cette journée. Alors, à partir de 15 h 30, donc, dès
maintenant, nous allons entendre la Confédération des syndicats
nationaux; à 16 h 30, par la suite, le Syndicat des professeurs de
l'Etat du Québec; à 17 h 30, l'Association des démographes
du Québec et nous suspendrons les travaux à 18 h 30 pour les
reprendre par la suite à 20 heures où nous entendrons
l'Association professionnelle des consultants en immigration du Québec
et, à 21 heures, nous ajournerons les travaux.
Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires? Non, rien du tout.
Je convierais donc les invités - il n'y a pas de remarques
préliminaires - à prendre place en avant, soit la
Confédération des syndicats nationaux.
Bonjour, madame et messieurs, parce que je dois comprendre qu'il y a M.
Gérald Larose, président; M. Paul Jones, président du
comité confédéral d'immigration à la CSN; Mme
Claudette Carbonneau, secrétaire générale du Conseil
central de Montréal ainsi que M. Jean-Claude Dubreuil, conseiller
syndical attaché au dossier de l'immigration. Bienvenue. Alors, M.
Larose, je présume que vous êtes le porte-parole?
M. Larose (Gérald): Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, vous allez pouvoir
commencer la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes
pour ce faire. Par la suite, chacun des représentants et du
gouvernement, avec Mme la ministre de l'Immigration et les
députés qui sont autour de la table et le critique officiel de
l'Opposition et les députés qui l'accompagnent, auront 20 minutes
pour dialoguer avec vous. Alors, vous pouvez commencer, vous avez la
parole.
Confédération des syndicats
nationaux
M. Larose: Je vous remercie, M. le Président. Mme la
ministre, MM. et Mmes de la commission, je voudrais vous remercier de nous
avoir invités à participer à vos travaux. La CSN a
l'habitude de s'intéresser à tous les débats de
société, à tous les enjeux et je pense que l'objet qui est
devant nous en est un parce que, à travers cette question, c'est un peu
de nous-mêmes que nous discutons. Nous discutons de nos valeurs, de nos
idées, de nos choix et, par les temps qui courent, aussi de notre
avenir, en même temps que c'est un test aussi de civilisation, à
savoir si comme société nous souhaitons toujours davantage nous
ouvrir plutôt que de nous replier, nous enrichir plutôt que de nous
priver de cette richesse qui est disponible à travers le monde et la
CSN, sans être experte en tout, quand même, à venir
jusqu'à maintenant, s'est impliquée passablement dans ce dossier,
d'abord par la composition de son organisation.
Je voudrais rappeler qu'à la CSN nous avons notamment trois
secteurs où on retrouve massivement des travailleurs et des
travailleuses en provenance des communautés culturelles, que ce soit le
secteur de l'hôtellerie particulièrement, celui des affaires
sociales, celui de la construction, notamment.
Depuis bon nombre d'années, la CSN s'est aussi très
régulièrement solidarisée avec les divers groupes de
défense des immigrants ou des immigrantes, en même temps que des
groupes supports de ces communautés. Nous avons pris dans la
dernière décennie un certain nombre d'initiatives, que ce soit en
termes de colloques, d'études ou de structurations formelles de
comités oeuvrant sur l'immigration. Aujourd'hui même, je suis
heureux de vous présenter le guide syndical que nous allons publier ou
plutôt sortir publiquement la semaine prochaine. Je pourrai en laisser un
exemplaire à Mme (a ministre et aussi à M. le
député Godin, qui est préoccupé de cette
question-là. Et M. Boulerice aussi, peut-être, notre
député, c'est vrai.
Alors, à la CSN aussi, surtout au Conseil central de
Montréal, nous avons des sessions de formation spécifique sur la
question du racisme, de la discrimination. Je rappelle aussi qu'au dernier
congrès nous avons adopté un programme d'accès à
l'emploi pour les communautés culturelles, à commencer par notre
propre organisation où nous ne sommes pas, je dirais, au niveau
de ce que ça devrait être quant à l'embauche des
communautés culturelles, et aussi un autre exemple de notre implication,
c'est l'expérimentation, au moment où on se parle, de
l'apprentissage de la langue française dans un milieu de travail, un
projet pilote qui se développe à l'heure actuelle à
l'hôtel Sheraton à Montréal.
On voudrait, dans un premier temps, souscrire globalement à
l'énoncé de politique et reconnaître qu'il y a dans cet
énoncé de politique une avancée assez intéressante
qui soumet au débat public un modèle d'intégration, et par
le seul fait qu'il soit soumis au débat public, c'est déjà
une condition première qu'on remplit pour faire en sorte qu'on puisse se
réaliser ou prendre racine à la base même de nos
institutions et de notre vie politique, reconnaître d'abord qu'il y a un
caractère réciproque dans ce contrat. Il n'y a pas que les
immigrants ou les immigrantes qui doivent faire des efforts, il y a aussi la
communauté d'accueil, pour développer toute une stratégie
ou une batterie permettant cette intégration. On sait qu'il y a toujours
deux pièges pour une société, et habituellement, on
vérifie si c'est un succès ou un échec, ces
stratégies d'intégration. C'est lorsqu'on vérifie s'il y a
eu assimilation, c'est-à-dire intégration mais en gommant le
réel spécifique de ces communautés ou bien
ghettoïsation de ces mêmes communautés. Et pour nous, le
contrat moral qui suppose le partage d'un certain nombre de valeurs et de choix
dont nous sommes fiers et que nous voulons voir partagés: il y a
d'abord, effectivement, la langue française, mais il y a aussi la vie
démocratique, comme il y a la vie au pluriel ou le pluralisme de notre
société. Il y a peut-être deux dimensions qu'il nous
faudrait ajouter à ça, qui ne sont peut-être pas
suffisamment présentes, c'est le fait que ce pays doit être
essentiellement aussi une terre d'accueil. Deuxièmement, l'obligation
que nous avons de développer des services plus importants, plus
imposants pour favoriser l'intégration, parce que l'immigration pour
notre propre société, ça doit être un
élément dont on se nourrit, avec lequel on grandit et qui se vit
dans la plus grande solidarité. Mais on sait que dans ce Québec,
la réalité de l'immigration se vit d'abord et avant tout dans une
région qui est celle du Grand Montréal, et je demanderais
à la secrétaire gérérale du Conseil central de
Montréal, qui regroupe l'ensemble des syndicats de la région, de
nous faire un peu le portrait de cette réalité, pour la
région métropolitaine.
Mme Carbonneau (Claudette): Or, comme Gérald vient de le
souligner, si une des forces importantes de l'énoncé de politique
qui était présenté tient à la clarté du
contrat moral comme pierre d'assise de la politique d'intégration, on
identifie, quant à nous, qu'une des faiblesses de cet
énoncé, c'est précisément un refus ou un oubli de
dresser un portrait impor- tant de la réalité montréalaise
pour se permettre de mesurer la justesse des politiques qui sont
recommandées à l'intérieur de l'énoncé.
Montréal, Gérald vient de le rappeler aussi, reçoit
près de 90 % de l'immigration québécoise. Or, il est clair
qu'à l'intérieur de ce dossier, tout se joue dans cette
région névralgique. Il nous apparaît d'entrée de jeu
que les politiques suggérées en matière de
régionalisation de l'immigration comportent fort peu de mesures et nous
apparaissent, sinon utopiques, du moins à très, très long
terme. Or, il nous apparaît important de pouvoir échanger avec les
membres de la commission sur certaines caractéristiques qui frappent et
qui marquent actuellement la région de Montréal, et là, je
pense au taux effarant de chômage, je pense au sous-emploi, à
l'appauvrissement grandissant et à la polarisation de la
société montréalaise.
Bien sûr, l'énoncé de ces difficultés ne doit
pas, de notre point de vue, conduire à une politique de repli sur soi.
Nous maintenons que l'immigration est un avantage pour notre
société et qu'elle est garante de l'ouverture du Québec
à la réalité internationale. Elle s'avère aussi,
particulièrement dans les dernières années, dans la
région de Montréal, un des facteurs importants qui ont pu
permettre de stabiliser la population de file de Montréal. Cependant, si
nous revenons sur ces difficultés structurelles auxquelles est
confrontée la région de Montréal, c'est que, outre les
engagements précis que le gouvernement peut prendre en matière de
politique d'accueil et d'intégration, il nous apparaît important
qu'il s'engage fermement à régler un certain nombre de
problèmes structurels importants auxquels est confrontée la
région de Montréal
Or, il est clair que le portrait de l'immigration montréalaise a
changé considérablement depuis 20 ans. Longtemps, cette
immigration était à forte prédominance européenne.
Aujourd'hui, cette tendance s'éteint au profit d'une immigration
beaucoup plus diversifiée et beaucoup plus visible. D'ailleurs, cette
caractéristique n'est pas une caractéristique propre à la
région de Montréal, je crois qu'elle traduit l'orientation des
grands courants migratoires au plan international. Cependant, si on prend acte
de cette réalité et qu'on la confronte avec les problèmes
notamment économiques et sociaux qu'on connaît dans la
région de Montréal, on risque, si on n'est pas attentifs à
corriger le tir, de se voir confrontés à des tensions sociales
fort importantes.
Il nous apparaît aussi que Montréal connaît deux
enjeux qui lui sont très particuliers. D'une part, un enjeu que je
qualifierais de linguistique-culturel, et qui est en bonne partie lié
à son avenir politique, c'est-à-dire à l'avenir politique
du Québec et, d'autre part, aussi un enjeu qui tourne autour de
l'accentuation de la polarisation sociale. Au plan linguistique et culturel, je
pense qu'il est important de rappeler la situation
géographique et démographique du Québec et de la
région de Montréal à l'intérieur du grand tout
nord-américain, à l'intérieur d'un Canada très
largement anglophone où, de fait, la réalité
française d'une société française s'avère
particulièrement vulnérable, ce qui, bien sûr, provoque au
sein de la société majoritaire d'accueil une volonté ferme
de vouloir garantir la pérennité du fait français, ce qui
aussi ne va pas sans se vivre avec un certain nombre de conflits qu'on
connaît régulièrement avec les politiques canadiennes,
notamment aux chapitres du bilinguisme et du multiculturalisme.
Cette situation de fait ne va pas sans provoquer un certain nombre de
réactions négatives qu'on rencontre parfois chez les
communautés culturelles et qui tiennent, quant à nous, à
deux facteurs. D'une part, les messages contradictoires envoyés par le
Canada anglais, par sa politique de bilinguisme et sa politique multiculturelle
et, d'autre part, la fragilité même du français dans
l'environnement global de la société québécoise et,
particulièrement, de la société montréalaise. Quand
j'évoque cette réalité, je pense à deux champs
très précis, notamment la faiblesse du fait français sur
le marché du travail montréalais et les difficultés qu'on
connaît aussi au niveau des politiques d'affichage.
Montréal est peut-être une des seules villes
confrontées avec deux grands pôles d'attraction entre les parlant
anglais, les parlant français. Elle connaît des difficultés
particulières au niveau des milieux de travail. Dans bon nombre de
petites entreprises, il n'est pas rare de constater qu'il y a trois ou quatre
langues de travail, ce qui conduit, au fond, à des
phénomènes de ghettoïsation et qui ne permet pas une
intégration adéquate des personnes provenant des
communautés culturelles puisque les difficultés linguistiques
conduisent à établir un manque de lien et de communication qui
évite que ces personnes plus vulnérables puissent facilement se
retrouver branchées sur les grands organismes de défense de notre
société.
Alors, voilà pourquoi on insiste au plan des recommandations sur
un certain nombre de mesures qui dépassent largement des mesures plus
pointues ou plus spécifiques à la question de l'accueil et de
l'intégration. On pense à des mesures de société.
D'une part, une des premières que nous privilégions vise
l'extension des dispositions de la loi 101 aux entreprises de 50
employés et moins. Il faut peut-être se rappeler que, dans les 10
dernières années, 75 % des emplois ont été
créés dans des entreprises de 20 employés et moins. Par
ailleurs, nous croyons aussi nécessaire d'insister pour le renforcement
des dispositions de la loi 101, même dans les entreprises de 50
employés et plus, puisque, après 14 ans d'existence, on sait
qu'il y a encore 40 % des entreprises de 50 employés et plus qui n'ont
pas obtenu leur certificat de francisation.
Autre mesure de société, il nous apparaît important
de procéder très rapidement à la mise en place de
commissions scolaires linguistiques. On sait que les privilèges
historiques accordés aux églises ont tenu à l'écart
des écoles catholiques, pendant bon nombre d'années, les enfants
des nouvelles et des nouveaux arrivants. Et il faut y voir une première
difficulté en ce sens que cette fréquentation de l'école
protestante a longtemps amené un premier pas vers l'intégration
à la minorité et une méconnaissance profonde de la
majorité. Nous croyons qu'il est grandement temps de mettre fin à
cet anachronisme et de procéder rapidement à une
séparation des pouvoirs de l'Église et de l'État,
pluralisme oblige.
D'autre part, je voudrais revenir sur le deuxième enjeu que
j'évoquais pour la région de Montréal, à savoir la
question de l'accentuation et de la polarisation sociale. L'emploi, à
partir de 1985 jusqu'au début de la grande crise à laquelle nous
sommes confrontés, s'est considérablement dégradé,
particulièrement dans la région de Montréal, alors qu'on a
connu une situation qui s'améliorait ailleurs au Québec. En
pleine crise, vous avez sûrement vu passer les statistiques
récentes de chômage, on parle de 14,3 % de chômeurs et de
chômeuses pour la grande région métropolitaine. Et ce taux
officiel atteint facilement les 16 % pour la municipalité de
Montréal. Des publications relativement récentes de la ville de
Montréal - je pense à Montréal au pluriel - nous
indiquent qu'en 1981, il n'y avait que deux quartiers de la ville de
Montréal qui connaissaient des taux de chômage supérieurs
à 15 %. Cinq ans plus tard, en 1986, on se retrouve avec 26 des 54
quartiers montréalais confrontés à cette triste
réalité, et dans 6 quartiers montréalais le taux de
chômage se maintient au-delà de 20 %. Or, il est clair qu'il est
intervenu, dans notre économie, des changements structurels importants.
Je pense au libre-échange. Je pense qu'on se doit aussi de constater
qu'il y a eu absence, malgré des promesses politiques
répétées, de procéder à des mesures
d'adaptation nous permettant de traverser cette restructuration. Or, encore une
fois, ce qu'on suggère pour faire face à cette
réalité, ce sont des mesures de société, d'une part
des mesures d'adaptation et de révision en profondeur de notre
stratégie de développement industriel, des mesures très
spécifiques concernant la formation professionnelle. Vous savez, dans la
région de Montréal, on peut faire grand état, notamment
à travers les projets de revitalisation de l'est et du sud-ouest, que
des sommes importantes ont été injectées au chapitre de la
formation professionnelle. Cependant, malheureusement, on connaît
énormément de crédits périmés, même
dans ces régions particulièrement sinistrées au plan de
l'emploi.
D'autre part, nous préconisons et nous exigeons, pour la
poursuite des objectifs visés à
travers l'énoncé, l'adoption d'une politique de
développement régional pour Montréal. Vous savez, dans
certaines publications gouvernementales, on pouvait trouver qu'il faudrait
demain matin savoir créer 100 000 emplois dans la région de
Montréal pour lui permettre d'atteindre un dynamisme, non pas
supérieur, mais égal à sa région voisine, la
Montérégie. Et d'autre part, je lance un appel à la
rationalisation d'un certain nombre de politiques gouvernementales. Je pense
qu'un des éléments importants autour de la polarisation sociale
que connaît la région de Montréal tient entre autres
à des politiques comme celle visée par la réforme Ryan,
qui risque, à travers le dossier du transport en commun, de relancer une
fois de plus la problématique de l'étalement urbain, non
seulement l'étalement urbain au plan résidentiel, mais cette
fois-ci au plan des emplois.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
Mme Carbonneau?
Mme Carbonneau: Oui.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Alors, ceci, M. Larose, il vous reste une minute et demie pour remplir votre
temps.
M. Larose: Oui, je rajouterais peut-être très
rapidement...
Le Président (M. Gobé): ...très
rapidement...
M. Larose: ...quelques éléments quant à la
problématique du travail, où j'insiste pour dire que si on croit
vraiment à un contrat moral, qui doit devenir un contrat social, on ne
pourra pas l'aménager sans une implication importante de l'ensemble des
organisations, notamment des organisations syndicales, dont la première
responsabilité est précisément de faire en sorte que les
immigrants et les immigrantes, comme tous les travailleurs et travailleuses, ne
soient pas objet de l'arbitraire, de la discrimination et d'un traitement
inéquitable. Or, comme le disait Claudette, l'évolution du
marché du travail qui fait que la réalité des
unités de travail, c'est massivement des petites unités... Je
rappelle que le Code du travail, tel qu'il est conçu - il a
été conçu pour des grands ensembles - ne permet pas, ne
facilite pas l'accès à la syndicalisation, et donc, le mouvement
syndical a beaucoup de difficulté à assumer dans ces
milieux-là sa responsabilité première, qui est la
défense des plus faibles. Et on sait que dans les contextes
économiques particulièrement dégradés ou de
récession, souvent, les premières victimes sont les immigrants et
les immigrantes qui se retrouvent dans la précarité, la
mobilité, victimes de divers traitements, notamment ceux de la
discrimination Alors, là<_lessus2c_ permettre="" pourra="" _prc3a9_sence="" cette="" programmes="" assumer="" _c3a0_="" dans="" de="" _responsabilitc3a9_="" ait="" _qu27_il="" la="" mouvement="" toujours="" syndical="" outil="" lieux="" temps="" pour="" y="" qui="" _d27_accc3a8_s="" un="" _modernes2c_="" des="" on="" _nous2c_="" _travail2c_="" _parler2c_="" _privilc3a9_gic3a9_="" le="" aussi="" ce="" ou="" _dire2c_="" refonte="" notre="" code="" fondamentale.="" insiste="" travail="" une="" les="" _j27_allais="" du="" _dc3a9_bat2c_="" _l27_emploi2c_="" demeurent="" _l27_c3a9_galitc3a9_="">
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Larose. Juste une
petite remarque... J'ai remarqué que vous et madame, à
l'occasion, vous échangiez en disant Claudette et Gérald, je
trouve ça très sympatique, mais vu que les gens qui auront
à relire les transcriptions, afin qu'ils puissent identifier à
qui vous vous adressez, peut-être dire M. Larose et Mme...
M. Larose: On peut dire Larose et Charbon-neau!
Le Président (M. Gobé): Non. Mais.. C'est juste
pour faciliter, par la suite, le travail des membres de la commission qui
auront à relire tout ce qui est transcrit.
M. Larose: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Mais je trouve ça
très sympathique d'ailleurs, malheureusement, le fonctionnement de la
commission...
M. Larose: Bien...
Le Président (M. Gobé): ...ne s'y prête pas
tellement. Alors, ceci étant dit, Mme la ministre, ou ma chère
Monique, je vous passe la parole..
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Attention!
M. Larose: On va finir par se mettre en ménage.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, mon cher Jean-Claude! Alors, je
désire remercier Mme Carbonneau et M. Larose et je voudrais aussi saluer
les personnes qui vous accompagnent. Bien sûr que c'est avec plaisir que
nous vous recevons aujourd'hui, parce que je sais que la CSN a toujours
été très ouverte et a toujours collaboré beaucoup
et à chaque fois que nous vous avons interpellés pour
connaître entre autres, vos opinions ou vos propositions, vous l'avez
toujours fait avec grand plaisir. Et ce n'est pas d'hier, vous avez
commencé depuis fort longtemps aussi à vous impliquer quant
à ces nouveaux arrivants, quant à ce défi de
l'intégration des immigrants. (16 heures)
Donc, je voudrais aussi, bien sûr, vous féliciter pour le
mémoire. J'en ai pris connais sance avec grand intérêt.
Peut être que j'aurais
une simple petite remarque avant de passer à ma première
question. Lorsque vous parlez, par exemple, de la grande région de
Montréal qui semble avoir été un peu oubliée dans
l'énoncé - vous n'êtes pas les premiers intervenants,
d'ailleurs, à nous faire cette remarque - je dois vous dire, au
départ, que l'énoncé de politique, étant
donné que, par exemple, au-delà de 85 % de la clientèle se
retrouve à Montréal, nous prenons pour acquis, justement, que
l'énoncé s'adresse à ces 85 % et que les budgets iront
aussi, en grande proportion, à la région de Montréal
puisque la clientèle se retrouve dans cette région.
Alors, ceci dit, je voudrais, bien sûr, faire part - j'en ai
parlé aussi avec d'autres syndicats - du rôle important que vous
avez à jouer comme partenaires au niveau de l'intégration, parce
qu'il y a des conventions collectives qui existent, il y a des règles du
jeu qui font en sorte que, parfois, il est difficile pour des nouveaux
arrivants d'entrer dans des secteurs ou de percer certains secteurs. Il est
difficile aussi, parfois, d'implanter certains programmes ou certaines choses,
naturellement, non seulement sans l'accord des têtes dirigeantes des
syndicats, mais aussi des personnes qui représentent ces syndicats,
d'où l'importance, finalement, d'avoir votre entière
collaboration. Au cours des années à venir, on aura
peut-être, quand même, des choses à regarder ensemble pour
voir jusqu'où on peut intégrer ces personnes, mais aussi dans un
contexte où on doit travailler avec certaines contraintes.
Ceci dit, je sais, par exemple, que vous êtes actuellement
à expérimenter un programme qui est tout à fait
exceptionnel, celui de l'enseignement du français à l'hôtel
Sheraton. Je trouve ça intéressant, parce que j'avais
déjà rencontré le représentant de l'Association des
hôteliers qui souhaitait, justement, pour permettre à des
personnes qui travaillaient aux chambres, par exemple, de pouvoir travailler
dans les cuisines et par la suite aux tables, avoir des cours de
français, avoir ce type de formation. Je trouve ça
intéressant.
Vous mentionnez aussi dans votre mémoire que vous souhaiteriez
qu'on étende la loi 101 aux petites entreprises, c'est-à-dire aux
entreprises de 50 employés et moins. Je sais, cependant, que ces
entreprises de 50 employés et moins sont à forte proportion
d'allophones. C'est assez complexe aussi parce qu'elles sont nombreuses. On se
rend compte que leurs ressources, souvent, sont très limitées. Et
aussi souvent, c'est la langue d'origine et non l'anglais qui est
utilisée dans ces entreprises. Donc, l'absence de travailleurs
francophones donnerait un caractère purement formel à la
francisation qui ne serait pas précédée de mesures
favorisant l'apprentissage de la langue dans le milieu de travail. Bien
sûr que, comme gouvernement, on souhaiterait toujours que les gens
puissent passer par un apprentissage de la langue avant de trouver un emploi,
mais, parfois, ces gens arrivent et lorsqu'ils ont un emploi, ils laissent
tomber l'apprentissage de la langue française pour pouvoir travailler.
Donc, je reviens à votre projet parce que je le trouve
intéressant, et je voudrais savoir: Quel est le meilleur moyen,
d'après vous, suite à cette expérience, pour favoriser
l'usage du français dans les petites entreprises du secteur ethnique, et
quel rôle devrait jouer le secteur privé à cet
égard? Se sent-il une responsabilité dans l'intégration
linguistique des immigrants et des Québécois des
communautés culturelles, entre autres?
M. Larose: Si vous permettez, Mme la ministre, je voudrais
peut-être "contextuer" encore un petit peu plus largement toute la
question que vous posez, et je pense que c'est tout à fait
d'actualité. Dans ce continent nord-américain où le
vouloir-vivre en français est un défi au quotidien, il y a une
première question qu'on devra régler - et vraisemblablement que
le peuple du Québec va souhaiter la régler le plus rapidement
possible - c'est précisément d'être très clair par
rapport à ceux que nous accueillons ici, où l'avenir pour eux
devra être de façon incontournable un avenir en français,
ce qui n'est pas le cas.
Et, moi qui ai eu l'honneur et le privilège de participer aux
débats de la commission Bélanger-Campeau au cours des cinq
derniers mois, une des constatations que j'ai faites, c'est que le Canada a
réalisé sa politique d'intégration et que les rapports
massivement observés, je dirais, des nouveaux arrivants par rapport
à ce pays, en sont de majorité anglophone. Et dans ce
sens-là, je suis absolument allergique à toute expression qui
voudrait culpabiliser les nouveaux arrivants - je dirais - de s'approprier la
langue qui est la plus répandue. C'est un réflexe tout à
fait normal de gens qui, déracinés de leur milieu, se
réenracinant dans un autre, le font en fonction d'une majorité,
qui est d'abord nord-américaine, et qui est aussi canadienne.
Donc, si on s'entend pour que l'avenir incontournable de ce pays se
fasse en français, ça suppose que, collectivement, on ait fait
des choix très clairs, qui sont d'abord que lorsqu'on arrive au
Québec, les choses se passent en français aujourd'hui et demain,
et surtout, compte tenu du contexte d'adversité objective dans laquelle
on est, que, comme collectivité, nous puissions mettre en place un
certain nombre de stratégies et d'instruments qui favorisent
l'intégration, l'appropriation du français. L'expérience
que nous vivons au Sheraton est une parmi plusieurs, mais je pense qu'elle est
capitale au sens suivant: C'est que le lieu de travail, qu'on le veuille ou
pas, c'est un lieu déterminant d'intégration des individus dans
la société. Et si on n'est pas capable de faire en sorte que les
milieux de travail soient effectivement eux-
mêmes français pour faciliter l'intégration en
français, on milite pour le trouble. C'est pour ça que, oui, le
secteur privé, on doit certainement l'interpeller pour faciliter ce type
de programme pour faciliter l'appropriation du français. Qu'est-ce
qu'ils peuvent faire? Au minimum, mettre du temps disponible pour le permettre.
Deuxièmement, à mon avis, mettre aussi un certain nombre de
facilités en termes de locaux, ce n'est pas habituellement de gros
investissements, mais il faut une collaboration de ce type-là. Et
surtout, et d'abord et avant tout, la volonté de le faire.
Si je prends l'exemple de l'hôtel Sheraton, dans un secteur de
services publics, même si c'est service privé, l'employeur
reconnaît son intérêt à le faire, puisque c'est, je
dirais, hausser la qualité de sa main-d'oeuvre pour rendre le service
à la population. Alors, dans ce sens-là, il y a une jonction ou
une conjonction d'intérêts. Mais, à mon avis, il faudrait
que ce soit un réflexe et, sans en faire une obligation,
peut-être, mais largement répandue dans l'ensemble des
entreprises. Et quand on dit qu'on devrait, oui, extensionner l'obligation de
la loi 101 aux petites entreprises, celles qui sont de 20 travailleurs et
moins, là où on retrouve massivement concentrés les
immigrants et les immigrantes, je pense que c'est faire droit à la
volonté majoritaire du Québec d'assumer son propre futur. Dans ce
sens-là, je pense que le secteur privé a ses
responsabilités comme, je dirais, l'ensemble de la collectivité,
à travers les instances gouvernementales, a également ses
responsabilités.
Mme Gagnon-Tremblay: Toujours concernant ce projet, est-ce que
vous rencontrez certaines difficultés, actuellement? Je sais, par
exemple, qu'il y a un partage des heures, moitié-moitié, entre
l'employeur et les employés. Est-ce que c'est une formule qui semble
satisfaire ou si c'est une formule qui éprouve certaines
difficultés, finalement?
M. Larose: Je ne sais pas si c'est accessible à tous les
milieux, mais pour ce secteur-là, ça a été
rapidement convenu, les travailleurs y trouvant leur intérêt,
l'employeur également. Je pense que l'idéal serait que ça
se fasse sans aucune, j'allais dire, contrainte, mais disons que, pour
l'instant, 50-50, ça me semble très praticable.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans l'énoncé de politique,
justement, nous avons prévu, pour commencer, pour expérimenter
certains projets comme le vôtre, là, tout près de un
demi-million dans le but, justement, d'inciter fortement les entreprises,
surtout les entreprises à forte densité ethnique, à ce
type de programme avec les entreprises. Mais, bien sûr, il faut aussi
être capable de convaincre les entreprises de le faire et je pense que
les syndicats peuvent jouer un rôle très important, aussi, pour
nous aider dans ce...
M. Larose: Je pense... À la CSN, nous, on dit que
l'intégration, elle va se faire essentiellement par
l'accessibilité et tous les types d'accessibilité. À la
langue, c'est majeur, c'est primordial, mais on dit aussi accessibilité
à l'emploi. Et, dans ce sens-là, il y a beaucoup de limites pour
permettre l'intégration à l'emploi. On peut parler de la
reconnaissance des acquis. C'est, je dirais... Là-dessus, on a des
croûtes à manger - peut-être pas plus que d'autres, mais
certainement autant que d'autres - pour faire en sorte que les nouveaux
arrivants et les nouvelles arrivantes se voient reconnaître des acquis,
je dirais, qui ne les obligent pas à reprendre un certain nombre
d'apprentissages - parce que ça limite aussi la mobilité à
l'intérieur de divers emplois - ce qui nous permettrait d'éviter
la ghettoïsation d'un certain nombre de secteurs industriels. Parce que,
à partir du moment où il y a blocage au niveau de la
mobilité, ça encourage nécessairement la
ghettoïsation. Et quand on dit "le travail ethnique", je trouve que c'est
déjà scandaleux de le dire, parce que c'est une
réalité qui témoigne d'un échec qu'on vit
collectivement de ne pas avoir réussi l'intégration Alors, dans
ce sens-là, il y a un certain nombre de mesures qui devraient être
prises pour faciliter un plus grand accès et une plus grande
mobilité dans le travail.
M. Jones (Paul): Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
M. Larose: Oui Paul voudrait rajouter quelque chose.
M. Jones: Souvent, quand on discute de la question de la langue
au travail, on la voit dans une perspective ou du point de vue des
intérêts de la société majoritaire,
c'est-à-dire de maintenir un Québec francophone, français.
Mais je pense qu'il y a un autre point de vue qu'on veut souligner: c'est que,
souvent, dans les petites entreprises, ce n'est pas juste une ethnie qui y
travaille. Il y a souvent plusieurs ethnies et une des mesures qui les rendent
impuissantes devant les contradictions qu'elles ont dans leur lieu de travail,
c'est souvent leur incapacité de communiquer entre elles. Et on a
l'exemple même dans nos propres syndicats où il y a un syndicat
qui fonctionne et un exécutif, mais bâtir un rapport de force dans
le milieu de travail, c'est presque impossible, parce que les Grecs sont dans
une partie de la cafétéria et il y en a d'autres qui sont
là et ils n'ont pas une langue commune. Donc, ça, c'est aussi un
point de vue important, c'est de donner le pouvoir aux travailleurs et
travailleuses eux mêmes dans leur milieu de travail.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Puis vous savez qu'il y a un secteur,
finalement, qui est très difficile à percer, qui est celui du
vêtement Ce n'est pas un secteur qui est facile, là, pour lequel
il est facile de trouver des solutions.
M. Larose: Mais ça... Il faudrait peut être analyser
plus précisément ce qui s'est passé dans ce
secteur-là. Je pense qu'il y a eu, dans ce secteur-là comme dans
un certain nombre d'autres, de véritables stratégies
d'exploitation de la main-d'oeuvre faites à partir des
propriétaires d'entreprises, et une espèce de reproduction d'une
culture industrielle qui faisait que le "cheap labor"... On essayait qu'ils se
sentent bien entre eux, mais l'objectif premier était d'exploiter la
main-d'oeuvre. Alors ça, j'avoue que ce n'est pas propre au
Québec, mais on reconnaît ça dans un certain nombre de
grandes cités en Occident où c'a été
systématiquement une stratégie d'exploitation de la
main-d'oeuvre.
Le Président (M.
Gobé): Merci, M.
Larose.
Merci, Mme la ministre. M. le député de l'Acadie, il vous
reste quelques minutes sur le temps de Mme la ministre.
M. Bordeleau: Alors, merci M. le Président. Alors, M.
Larose, je voudrais aborder une question dont vous avez parlé dans votre
mémoire et à laquelle vous avez fait référence dans
votre présentation: celle des programmes d'accès à
l'égalité. (16 h 15)
Vous mentionnez qu'il existe un certain nombre de difficultés
auxquelles font face les immigrants au niveau de l'égalité dans
l'emploi ou au niveau de la formation professionnelle. Quelles seraient -
étant donné qu'il nous reste relativement peu de temps - les
mesures principales qui, à votre avis, devraient être mises en
place pour faire en sorte que les travailleurs immigrés, les
Québécois des différentes communautés culturelles
aient un accès plus équitable soit à la formation
professionnelle soit à l'emploi comme tel?
M. Larose: Je pense que, comme pour les femmes, comme pour
d'autres catégories discriminées à l'emploi, il faut qu'il
y ait une action positive systématique qui prenne la forme de
programmes. À notre expérience - parce que quand même,
depuis 10 ans, nous travaillons à la mise en place de programmes
d'accès à l'emploi pour les femmes, d'accès à
l'égalité pour les femmes - là où ça
réussit, c'est d'abord là où on implique les organisations
syndicales. Parce que si on rentre par la porte d'en arrière,
très rapidement on suscite plus d'adversité, de craintes et
d'insécurité qu'autre chose. Il faut prendre ce
problème-là de front. Et précisément, je donne
l'exemple de la volonté du ministère des Affaires sociales par
rapport à un programme qu'il souhaitait voir être établi
dans une quarantaine d'établissements dans la région de
Montréal, pour rendre les services plus accessibles aux
communautés culturelles. Alors, finalement, on a entendu parler de
ça, je dirais, par hasard et par les journaux. Il se trouve que la CSN
est massivement présente dans les 40 organisations. On a
rencontré récemment le ministre responsable qui est M. William,
avec qui on a convenu d'un programme, d'une manière d'intervenir. Quand
on implique les organisations et les travailleurs et les travailleuses,
très rapidement on peut faire le débat, parce qu'il faut d'abord
faire le débat, parce que ça ne va pas de soi. Des gens qui
voient arriver une volonté de programme comme ça ont toujours
l'impression qu'on va les soustraire à leur propre emploi. Donc, il y a
un débat à faire. Et, deuxièmement, il faut convenir d'un
protocole. Donc, il faut y aller de façon systématique. Et
l'expérience est déjà accumulée pour le
réaliser.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Larose. M. le
député, avez-vous terminé?
M. Bordeleau: Peut-être juste une question
additionnelle.
Le Président (M. Gobé): Très rapidement,
s'il vous plaît.
M. Bordeleau: Dans le contexte actuel du ralentissement
économique que l'on connaît, est-ce que vous croyez que c'est
encore possible ou qu'il y aura des difficultés supplémentaires
à la mise en place de programmes d'accès à
l'égalité?
M. Larose: Vous savez, au nom de la récession, il y a bien
des choses que les gens ou surtout ceux qui sont en autorité ne veulent
pas faire. Curieusement, je dis que, en temps de prospérité comme
en temps de récession, il faut poursuivre les objectifs qu'on a
décidé de poursuivre. C'est valable pour la réforme de la
fiscalité. Curieusement, pour sept ans de prospérité, on a
fait une réforme à l'envers; c'est-à-dire, on s'est
privé de revenus. Alors, on dit: II faudrait réviser ça.
Mais là on est en temps de récession, alors, on ne révise
pas. Alors, je dis qu'il n'y a pas de prétexte pour ces
questions-là, en période de prospérité comme en
période de récession, ce sont des objectifs qu'il faut
atteindre.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de l'Acadie. Merci, M. Larose. Je vais maintenant passer
la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et
critique officiel de l'Opposition. Vous avez la parole.
M. Godin: Par intérim.
M. Boulerice: Non, c'est M. Godin qui parle.
Le Président (M. Gobé): Ah! C'est M. Godin.
M. Boulerice: Je suis l'adjoint parlementaire de mon
collègue le député de Mercier.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, M. Godin.
M. Godin: Ne vous excusez pas, ça arrive souvent.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: M. Dubreuil, M. Jones, M. le Président, je
n'irai pas dans cette convivialité du début en disant: Cher
Gérald. Vous avez fait allusion à votre participation à la
commission Bélanger-Campeau et je peux vous dire que notre monde du
centre-sud est vraiment très fier de votre participation. Je me permets
de vous le dire, j'entends ces commentaires tous les jours.
La CSN a fait, inévitablement, beaucoup d'efforts au niveau de la
problématique de l'immigration. Je me souviens, il y a trois ans,
lorsque votre collèque Mme Simard était venue avec son groupe
représenter la CSN, il y avait eu, effectivement, des remarques
extrêmement pertinentes. S'il y a un domaine aussi où la CSN
devrait cesser d'être modeste et faire état aussi de ses
réalisations, c'est dans l'égalité des chances, notamment
pour les femmes, elles occupent les grands postes de commande dans votre
syndicat. Je vais prendre à témoin Mme la secrétaire
générale du Conseil central de Montréal. Ceci dit, une
question que j'aimerais vous poser, puisque malheureusement, après, je
devrai retourner dans ce beau petit coin de ville que vous connaissez: Est-ce
que vous croyez qu'actuellement les pouvoirs dont dispose le Québec en
matière d'immigration suffisent à relever le défi que pose
l'immigration? Et j'y mettrais aussi en relation la gestion du dossier des
réfugiés. Je sais que cela vous tient énormément
à coeur, on a marché ensemble dans les rues de Montréal
pour les jeunes Turcs.
M. Larose: La question est maintenant simple, la réponse
aussi, je suis de ceux qui croient, et la CSN également, que le
Québec doit être maître d'oeuvre, de A à Z, sur toute
cette question. C'est à la fois pour des considérations, j'allais
dire, politiques, des considérations de type social, de type
démographique aussi. L'immigration, c'est un test de civilisation pour
notre propre société; on devrait être en mesure de passer
le test nous-mêmes et non pas de se le faire passer par d'autres. Et dans
ce sens-là, oui, il faut rapatrier l'ensemble des pouvoirs, y compris
sur la question des réfugiés, et d'ailleurs, mon camarade Paul me
faisait connaître que sur le texte anglais et le texte français du
dernier accord, par rapport à la question des réfugiés, il
y a là une très grosse ambiguïté: si on les accueille
en français ou dans la version française, on en accueillerait un
peu plus que si on les accueillait dans la version anglaise. Mais ça,
c'est sûrement un détail de traduction. Plus sérieusement,
nous sommes d'avis qu'il faut rapatrier l'ensemble de la
responsabilité.
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Mercier, vous avez maintenant la parole...
M. Godin: Et..
Le Président (M. Gobé): ...et critique officiel de
l'Opposition, et je m'excuse pour tout à l'heure, car tout le monde
connaît votre nomination, votre responsabilité et le travail que
vous avez fait comme ancien ministre de l'Immigration. Alors, vous avez la
parole maintenant.
M. Godin: ...dévouement à la cause de
l'immigration... M. le Président, je voudrais être très
pointu avec la CSN qui est un laboratoire social depuis des
générations au Québec, la preuve, les cours de
français au Sheraton, que le ministère va probablement prendre
à son compte en partie et implanter ailleurs dans d'autres domaines.
J'aimerais savoir si la centrale tient un recensement de la
multiethnicité de ses membres, d'une part; deuxièment, est-ce
qu'on peut identifier, comme on le faisait à l'époque... On
disait que la construction était le secteur le plus multiethnique, il y
avait, entre autres, donc des Italiens en grand nombre qui étaient dans
la construction. Il y a même eu à une époque des
vice-présidents italiens de ce syndicat-là et des réunions
étaient tenues en italien à Montréal, auxquelles
j'assistais à l'époque où j'étais à
Québec-Presse. J'aimerais savoir si la situation a changé,
et où vous en êtes maintenant dans la complexité ethnique
de vos membres. Dans quel secteur, maintenant, êtes-vous le plus
multiethnique?
M. Larose: Alors, on ne peut pas dire que nous tenons un
recensement régulier, mais en 1982, si mon souvenir est bon, nous avons
procédé à une enquête exhaustive pour savoir dans
quels secteurs et dans quels syndicats se retrouvait la composition
multiethnique de notre organisation. À la faveur d'une autre
enquête, celle de 1988, nous avons procédé, je dirais,
à un rafraîchissement de ces informations. Dans quels secteurs
retrouve-t-on surtout cette composition? À la CSN, c'est d'abord et
massivement dans le secteur de l'hôtellerie. Et c'est très
multiculturel dans le secteur de l'hôtellerie, c'est-à-dire qu'on
y retrouve l'ensemble des communautés. Le deuxième secteur le
plus important, c'est celui des affaires sociales, particulièrement ce
qu'on
appelle le réseau anglophone, c'est comme ça que ça
se trouve, mais c'est là où on retrouve aussi une très
forte composante multiethnique. Ensuite, dans le secteur de la
métallurgie, dans deux branches plus spécifiques, la branche
maritime, c'est moins vrai maintenant, parce que l'enquête date de 1987.
Depuis, on a eu, notamment, quelques fermetures dans cette branche, mais aussi
dans la branche générale. Et comme vous le disiez, dans le
secteur de la construction. Ça demeure encore très vrai que le
secteur de la construction est beaucoup composé... au plan des
communautés culturelles. La composante italienne demeure fort
importante, mais n'est plus la seule dans le secteur de la construction.
M. Godin: J'aurais une question, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le
député.
M. Godin: Le président, que je resalue dans la maison du
peuple - presque une annexe de la CSN, en fait, puisqu'on a les mêmes
préoccupations dans bien des domaines... J'aimerais savoir de vous, M.
le président, si, pour accommoder ces membres-là, la CNS, comme
certains CLSC, a engagé des parlant d'autres langues pour vraiment
traiter les problèmes, s'il y en a, de ces membres de la CSN qui ne sont
pas nés au Québec et qui ne parlent pas carrément le
français aussi bien que le président? Est-ce que vous fournissez
des services et du personnel qui peut converser avec vos membres dans leur
langue maternelle ou natale?
M. Larose: Oui, mais on ne peut pas dire que c'est une
stratégie générale. Je prends le secteur de la
construction: nous avons plusieurs salariés qui sont italiens et qui
rendent des services professionnels en italien avec les travailleurs de la
construction qui sont d'origine italienne. À l'occasion, disons, il y a
des salariés chez nous qui, tout en étant francophones d'origine,
abordent un certain nombre de syndicats, notamment, en espagnol. Je prends le
secteur de l'hôtellerie: il y a des salariés qui sont capables de
desservir ou de rendre des services dans une autre langue. Mais notre
volonté, c'est maintenant davantage de faire en sorte que ces
travailleurs et ces travailleuses puissent s'approprier le véhicule
commun, parce que c'est ça qui est le plus important dans la moyenne
portée, c'est qu'ils puissent eux-mêmes, je dirais, avoir
accès à une certaine mobilité par le seul fait qu'ils
disposent du véhicule commun qu'est la langue française.
M. Godin: Qu'est-ce qu'il y a, M. le président, comme
pourcentage, entre une politique de recrutement et d'accès à
l'égalité, si vous voulez, parmi votre personnel?
M. Larose: Oui, la décision a été prise au
dernier congrès de la CSN. Nous en sommes à la première
étape de l'enquête et, enfin, il faut savoir... Je ne connais pas
trop les mécaniques, mais notre volonté, c'est d'arriver à
très court terme à l'établissement d'un programme
d'accès à l'emploi, d'accès à
l'égalité pour les communautés culturelles. C'est
déjà en route et on croit qu'on devrait y arriver dans un
délai assez raisonnable.
M. Godin: Pour revenir à l'expérience, à mon
avis, fondamentale pour l'avenir de l'hôtel Sheraton, quels professeurs
engagez-vous? Est-ce que ce sont des professeurs du syndicat que je vois
derrière vous, là, le Syndicat des professeurs de l'État
du Québec? Est-ce qu'il y a une alliance, enfin, ou une connection entre
la CSN et eux pour que les profs soient ceux qui aient une expérience
palpable et vécue dans ce domaine-là ou si c'est un autre groupe
de professeurs que vous utilisez ou que vous employez pour ces
cours-là?
M. Larose: M. Jones va vous donner la réponse.
M. Jones: Le projet a été mis en branle en
coopération avec le Centre de ressources en éducation populaire
qui fait partie de la CECM, puis c'est eux qui ont engagé des formateurs
et formatrices, et leur bassin d'emploi, c'est certainement des gens qui ont
déjà une expérience dans le domaine de l'enseignement. Ils
fixent ou ils "matchent" l'enseignant choisi avec le groupe qui doit être
servi, puis, dans ce cas-là, ils ont choisi des gens qui avaient
déjà une expérience dans le domaine de l'enseignement
à des immigrants et des minorités culturelles et ethniques. Donc,
c'est avec eux que la job a été faite.
M. Godin: M. le Président, il y avait une entente,
écrite ou non, entre l'institution privée qu'est le Sheration et
le syndicat ou l'unité syndicale qui travaille là. Ça se
fait via la centrale ou bien non directement via l'entreprise privée et
l'unité syndicale qui travaille là? Ça se passe comment
dans la pratique?
M. Larose: Le projet a été piloté à
partir de la centrale, à travers la fédération
professionnelle qu'est la Fédération du Commerce. Il y a eu une
entente négociée entre le syndicat desservi par la
fédération professionnelle et l'employeur; les deux se sont
entendus sur l'étalement du programme, le tout en collaboration avec
l'institution dont parle Paul. Mais disons, l'initiative et la mise en place
ont été faites par le syndicat local, je dirais, supporté
par la centrale parce que, pour nous, c'est un projet-pilote qu'on veut voir
rayonner dans d'autres secteurs, et c'est dans ce sens-là qu'on a fait
toute l'approche avec l'employeur. J'in-
sisterais - et je pense que c'est bon pour Mme la ministre - ça
procède d'une analyse très précise que nous faisons qu'il
ne faut pas que la langue française soit perçue comme, je dirais,
un sacrifice à s'imposer parce que, bon, tu es obligé de passer
par un COFI pour avoir un certain nombre de fonds ou un truc comme ça.
L'analyse que nous faisons ou l'intuition que nous avons, c'est de dire que la
langue française dans le milieu de travail, c'est une formidable
occasion d'intégration à la vie québécoise en
même temps qu'une richesse pour les individus leur permettant une plus
grande mobilité, un accès plus large à d'autres emplois.
Donc, c'est vraiment de faire en sorte que les individus découvrent que
la langue, ce n'est pas une surimposition collective, mais c'est un bienfait
très concret et direct, j'allais dire, bêtement, rentable pour les
individus, et il n'y a pas une seule manière de s'approprier la langue,
c'est-à-dire par des cours magistraux, on peut le faire par la pratique
de la vie quotidienne.
M. Godin: Je me souviens, il y a quelques années, au
ministère, on avait tenté cette expérience-là avec
les épouses qui travaillent dans le textile, admettons. On s'est rendu
compte qu'il y avait un marché, si on peut dire, un vaste bassin
à aller chercher parce que l'homme, lui, qui travaille dans le textile,
a mille occasions de converser en français, que ce soit après le
travail, à la taverne à côté, comme tout le monde,
quoi, au "break", comme on dit en bon français, dans l'usine, mais que
les épouses, elles, sont un peu, par la force des choses, tenues
à l'écart de cette immersion partielle. Est-ce que vous avez
déjà constaté la même situation que nous, à
l'époque, au ministère et quelles solutions avez vous
appliquées à ce problème-là?
M. Larose: Claudette.
Mme Carbonneau: C'est malheureux, mais il nous apparaît que
cette situation-là perdure. Si on regarde la catégorie des femmes
immigrantes, surtout quand elles ne sont pas dans les milieux de travail, pour
un même temps de résidence au Québec, elles parlent deux
fois moins français que leurs conjoints masculins. Alors, ça,
c'est vraiment une triste réalité. Maintenant, en termes de
mesures s'adressant à des personnes qui ne seraient pas présentes
au quotidien sur les lieux de travail, on est fondamentalement convaincus qu'il
faut multiplier pour elles les occasions de recevoir des cours pour
l'apprentissage du français, mais que, au-delà de l'organisation
de ces cours, ça impose aussi une série de mesures supports en
termes de garderies, en termes d'horaires adaptés à leur
réalité.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Carbonneau
M. Godin: M. le Président, je termine...
Le Président (M. Gobé): Oui, en terminant, M. le
député.
M. Godin: Juste trois ou quatre mots... Le Président
(M. Gobé): Oui, oui
M. Godin: Je constate que la CSN est restée ce qu'on a
toujours vu au Québec, c'est-à-dire un laboratoire social, et
maintenant culturel et linguistique, et moi, je m'intéresse à ce
que vous faites parce que ça peut donner des idées au
ministère, qui en a déjà beaucoup, mais enfin, sait-on
jamais, s'il pouvait les polir encore plus. Et c'est pour ça que je
posais des questions très pointues et qui ne touchent pas
fondamentalement à l'énoncé de politique en
général, mais plutôt à la francisation qui est la
préoccupation majeure de notre parti. Et donc, je suis sûr que le
ministère et la ministre feront leurs choux et leurs raves de ce que
vous nous avez dit par rapport à l'expérience Sheraton, par
rapport aux difficultés qu'ont les femmes de leur côté
à s'immerger partiellement ou totalement dans la langue
française, et qu'il faut trouver des moyens pour s'assurer que les deux
groupes, les hommes et les femmes, aient des occasions, je dirais,
égales - qu'il n'y ait pas d'inégalités en plus dans ce
domaine-là - des chances égales de se franciser si elles le
souhaitent, parce que, effectivement, la francisation est le processus
d'intégration probablement le plus rapide qu'on puisse imaginer, pour
nous, au Québec. Alors, M. le Président, je remercie nos amis de
la CSN de leurs réponses et je passe la parole à l'autre
côté, à nos amis d'en face Amis: m, i, s et amies: e, s
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la ministre, très rapidement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux également vous remercier
et vous dire que ce n'est pas facile, et je pense qu'il va falloir aussi
développer des programmes très novateurs pour rejoindre toutes
les clientèles, là où elles sont. Parce qu'on se rend
compte que même avec des programmes, entre autres des programmes à
temps partiel de francisation, il y a certaines clientèles qui,
même si on ajuste les horaires ou quoi que ce soit, ne viennent pas. Et
il faut, je pense, aller jusqu'à leur domicile, à un moment
donné, pour être capable de les rejoindre. Alors, c'est ce sur
quoi on travaille actuellement. Alors, moi, je veux vous remercier pour la
présentation de votre mémoire; je veux vous remercier aussi pour
les recommandations et vos opinions, et je les prendrai sûrement en
considération dans l'élaboration du plan d'action qui viendra
incessamment. Merci beaucoup
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. le député de Mercier. Merci, M. Larose ainsi que les
gens qui l'accompagnent et je vais maintenant suspendre les travaux pour une
minute, afin de vous permettre de vous retirer, et je vais demander tout de
suite au Syndicat des professeurs de l'État du Québec de bien
vouloir se présenter en avant pendant la suspension. Alors, les travaux
sont suspendus pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprisée 16 h 39)
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît,
à l'ordre! Si vous voulez bien regagner vos places, la commission va
sans plus tarder reprendre ses travaux. Avant de passer la parole au Syndicat
des professeurs de l'État du Québec, j'aimerais demander à
la commission s'il y a consentement pour déposer le document qui
était déposé... Bah! Pour redistribution...
intitulé "Des syndicats de toutes les couleurs". Alors, voilà!
C'est fait. Ceci étant dit, je demande maintenant au Syndicat des
professeurs de l'État du Québec de bien vouloir commencer sa
présentation. M. Luc Perron, président, vous êtes
présent?
M. Perron (Luc): Oui.
Le Président (M. Gobé): Mme Patricia Delpino.
Mme Delpino (Patricia): Oui.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. M. Yan
Sellier.
M. Sellier (Yan): Oui.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Sellier. Et M.
Paul Boucher.
Alors, madame et messieurs, bonjour! Sans plus tarder, je vous passe la
parole. Vous avez 20 minutes, vous aussi, pour la présentation de votre
mémoire et, par la suite, 20 minutes de chaque côté pour le
dialogue. Alors, M. Luc Perron, vous avez maintenant la parole.
Syndicat des professeurs de l'État du
Québec
M. Perron (Luc): Merci. MM. et Mmes de la commission de la
culture, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec est
très enthousiasmé de vous présenter une réflexion
eu égard à l'intégration de la francisation des immigrants
et immigrantes en sol québécois. Évidemment, c'est une
vision que nous allons vous apporter qui diffère sensiblement de celle
des autres inter- venants qui se sont présentés devant vous. Vous
avez, à travers l'énoncé de politique,
dégagé une charmante et généreuse vision
aérienne. Nous, de notre côté, étant sur le
plancher, pour reprendre une expression vernaculaire, "étant du plancher
des vaches", nous allons vous présenter, si vous voulez, une vision qui
part du terrain. Nous le ferons, bien sûr, en toute franchise et en toute
honnêteté, en espérant que ce soit compris de part et
d'autre de manière très constructive. Je pars d'un paradoxe,
celui de Jean-Jacques Rousseau, si vous voulez, au XVIIIe siècle, parce
que vous avez parlé de contrat moral et il parlait de contrat
social.
Le paradoxe que nous avons retenu de lui, c'est qu'if a ouvert, si vous
voulez, if a parlé des préceptes de l'éducation de
façon fort poétique et fort intéressante, mais, par
ailleurs, son vécu à lui-même, d'où le paradoxe,
faisait en sorte qu'il n'était pas un exemple au niveau de mettre en
pratique les vertus éducatives. Alors, c'est un petit peu comme
ça qu'on se situe aujourd'hui. Vous avez l'administration du MCCI, bien
sûr, qui a des intentions fort généreuses que nous
reconnaissons et que nous encourageons à poursuivre, mais il y a comme
un paradoxe, c'est-à-dire que du terrain comme tel, nous avons, si vous
voulez, beaucoup de misère à comprendre et à suivre le
plan ou un plan d'action qui dériverait des intentions ou de la
générosité des intentions.
Alors, nous venons devant la commission pour vous transmettre la
compréhension que nous avons de l'ensemble des services que nous
assumons. La perception que nous avons actuellement, c'est que 75 000 000 $ en
1991-1992 fait que le MCCI se comporte comme des nouveaux riches. Sans
reprendre, encore une fois, des expressions vemaculaires, je pense à la
famille Lavigueur. Mais il reste néanmoins que nous aimerions, avec nos
interventions, favoriser, si vous voulez, une dépense des plus
adéquates via les besoins d'intégration et de francisation de la
population immigrante au Québec, ne fut-ce, par exemple, que de
desservir la liste d'attente d'au-delà de 2100 personnes qui,
actuellement, ne peuvent pas aller au COFI. L'automne dernier, il y en avait
au-delà de 3000 qui demandaient daller au COFI et qui n'ont pas pu avoir
une réponse positive.
Je vais procéder tout simplement en vous présentant grosso
modo le mémoire que vous avez entre les mains. Alors, le Syndicat des
professeurs de l'État du Québec existe depuis 1965. M. Lesage,
sans doute visionnaire à l'époque, avait accepté que nous
nous appelions "l'État du Québec", et la volonté
collective des professeurs fait en sorte que nous aimerions aussi que le
Québec devienne un État dans les prochaines années de
telle sorte que nous puissions assumer, bien sûr, cette belle
souveraineté culturelle qui permettrait à l'ensemble des nouveaux
arrivants et arrivantes de partager
avec enthousiasme le véhicule commun, c'est-à-dire la
langue française.
Au Québec, il existe actuellement neuf COFI dont six dans la
région de Montréal. À Montréal, il existe un COFI
qui est en train de connaître une relative expansion et qui s'appelle le
Centre régional du Parc qui est situé dans Parc-Extension. Or,
l'ambition administrative est d'en faire, si vous voulez, un endroit pour
rassembler au-delà de 1000 immigrants et immigrantes dans un lieu
donné. La compréhension des professeurs de COFI et des immigrants
et immigrantes qui ont passé au COFI nous laisse entrevoir que cette
manière administrative de concevoir l'intégration des immigrants
va à rencontre de l'abc de sécuriser l'immigrant lorsqu'il arrive
en terre québécoise. En d'autres termes, nous aimerions davantage
que le ministère favorise des maisons d'enseignement à
échelle humaine, de 20 à 30 classes, qui permettent vraiment aux
nouveaux arrivants et arrivantes multi-ethniques de s'apprivoiser mutuellement
et de cohabiter doucereusement avec la population québécoise.
Évidemment, une concentration beaucoup trop importante dans un quartier
qui n'est pas francophone en tant que tel défavorise l'expression
d'activités d'adaptation qui sont essentielles à la mission d'un
COFI.
L'intervenant précédent a laissé entendre que le
COFI, c'est une maison où on enseigne la langue, mais au COFI, on fait
beaucoup plus que cela. On permet aux nouveaux arrivants et arrivantes de
s'intégrer dans notre société; c'est-à-dire avec
des activités d'adaptation, d'aller au-delà du véhicule
qui est le français, et aussi d'entrer par la belle fenêtre des us
et coutumes via le COFI dans notre société
québécoise.
L'énoncé de politique nous transmet une information que
nous jugeons appropriée quoiqu'elle demeure très aérienne.
Nous y avons noté quelques difficultés dans la
compréhension des chiffres. Par exemple, à la page 52, vous dites
qu'en 1988-1989, les COFI auraient répondu aux besoins de 22 193
revendicateurs du statut de réfugié. Il a dû y avoir une
erreur de frappe; on devait parler sans doute d'heures-groupes, ce qui
donnerait plutôt 2000 à 3000 revendicateurs du statut de
réfugié. Alors, il y a peut-être des statistiques comme
celle-là qui sont gonflées et dont nous n'avons aucun support qui
donneraient peut-être une image inexacte des nouveaux arrivants qui
passent actuellement via le réseau des COFI au Québec.
Nous pensons que le COFI est la porte d'entrée conviviale dans
notre société québécoise qui permet aux nouveaux
arrivants et arrivantes de pénétrer dans notre culture
québécoise. D'ailleurs, j'ai avec moi deux collègues qui
ont passé au COFI et qui viennent enrichir, si vous voulez, la page
titre de votre énoncé où vous n'aviez que des enfants.
Alors, faut se le rappeler, ce sont des adultes immigrants et heureusement les
enfants existent aussi parce qu'il y a des adultes. Alors, nous avons deux
adultes avec nous. Si vous voulez, vous pourrez les entendre.
C'est évident qu'il faut responsabiliser toute la population du
Québec à utiliser la langue française comme étant
le véhicule dans tous les domaines de la vie publique. L'intervenant
précédent a parlé largement du monde du travail. Il va de
soi que si nous francisons, nous intégrons les immigrants et immigrantes
dans les régions autres que Montréal, il faut faire en sorte,
bien sûr, qu'ils puissent y trouver du travail. D'où des
situations qui font en sorte que les gens qui passent par Québec, bien
il y a une rétention peut-être du tiers; des gens qui passent par
Sherbrooke, malheureusement il y a une rétention peut-être du
tiers. M. Godin se souviendra qu'il y avait un COFI à
Trois-Rivières. À ce moment-là, il aurait peut-être
fallu, au début des années quatre-vingt, maintenir par des
mécanismes gouvernementaux le développement de COFI dans les
régions. Dans le mémoire que nous vous transmettons, on vous a
mis en exergue un poème français. Pourquoi nous vous l'avons mis?
C'est tout simplement que c'est une femme de la Jamaïque qui a
passé à un COFI et qui sans être aliénée, si
vous voulez - compte tenu que c'est un débat qui est chaud - peut
s'exprimer en français et traduit avec toute son âme de ses
origines à travers ce poème. Nous pensons actuellement que
l'appareil gouvernemental minimise beaucoup trop l'intelligence collective,
c'est-à-dire la compétence de ses enseignants. Juste à
titre d'exemple, il y a eu durant deux ans des professeurs qui ont
établi la construction d'un programme d'enseignement, et vous avez
assisté de l'intérieur du ministère à une nouvelle
administration qui a fait en sorte de décupler l'argent
nécessaire pour en arriver à construire un tel programme. Nous,
nous calculons que c'est une dépense, si vous voulez, qui est pour des
riches, c'est une dépense qui est faramineuse, qui est non utile par
rapport à l'ensemble des besoins auxquels nous avons à
répondre comme société, eu égard au
développement de ces maisons d'enseignement.
Nous pensons aussi qu'il est très important que le
ministère constate qu'il est nécessaire que les immigrants et
immigrantes passent un temps minimum au COFI. C'est évident
qu'actuellement, dans le cadre du programme national en forma tion des
établissements, on parle de 750 périodes. Mais la tendance du
ministère est vraiment de raccourcir, si vous voulez, ce délai de
temps qui, selon les professeurs, est fondamental lorsqu'on parle
d'intégration. L'image malheureuse que nous avons actuellement, c'est
qu'on semble se faire une fierté de faire des COFI des sortes de bouches
de métro, c'est-à-dire plus il passe des immigrants, plus il
passe des immigrantes, l'administration est satisfaite, elle est contente. Mais
nous, du niveau du plancher, nous sommes tristes de cette situation-là.
On se dit que le
ministère ne se donne pas les moyens suffisants pour permettre
aux gens qui doivent passer par les CO FI, cette porte d'entrée
conviviale, un temps suffisant pour maîtriser le français, puis un
temps suffisant pour entrer, lorsqu'on parle d'intégration, avec des
activités d'adaptation particulières au COFI. C'est
évident que nous sommes très favorables à la
démétropolisation. L'exemple malheureux de Trois-Rivières
nous laisse entendre que le ministère devrait faire beaucoup plus
d'efforts pour faire en sorte vraiment de dérégionaliser de
Montréal l'arrivée des immigrants et immigrantes.
Actuellement, nous sommes même dans une position syndicale assez
paradoxale où nous avons dû refuser récemment des postes
d'enseignant. Par les temps qui courent, évidemment, c'est chose unique,
chose originale possiblement, mais nous les avons refusé au nom, si vous
voulez, d'une qualité des conditions de vie de ces immigrants et
immigrantes et d'une qualité de conditions de vie des professeurs, bien
sûr. C'est qu'actuellement, on voudrait que ces immigrants et immigrantes
en période de récession, malgré les allocations qu'ils
reçoivent, s'assujettissent à un horaire de 15 h 30 à 21 h
30 le soir pour suivre des cours. On calcule que c'est une mesure
administrative qui est déficiente, qui ne tient pas compte du profil des
populations d'immigrants et d'immigrantes et on aimerait que le
ministère tienne compte dans l'investissement qu'il fait de la
population immigrante telle qu'elle est. Une autre tendance malheureuse
actuellement, c'est qu'on constate que dans les brouhahas de changement
administratif, il y a des services de moins en moins personnalisés dans
les COFI. Je passe la parole à mon collègue,
vice-président du Syndicat et professeur au COFI de Québec, pour
vous expliquer brièvement ce dont il s'agit.
M. Boucher (Paul): Quand on parie de services
personnalisés dans les COFI qui existaient autrefois et qui n'existent
plus, on entend les services sociaux du genre logement et des services de
santé aussi bien physique que psychologique, et ce, sans
préjudice du fait que les structures qui existent déjà
dans la société québécoise doivent s'ouvrir aux
immigrants, bien sûr. Mais on ne rejoint pas en ce moment la
clientèle en COFI. Autrefois, des professeurs dégagés ou
des gens qui occupaient des postes aidaient les immigrants en COFI soit
à se trouver un logement, soit à intégrer le marché
du travail, soit une aide psychologique ou physique, pour les amener aux
hôpitaux ou aux CLSC, etc. Aujourd'hui, ça ne se fait plus. On a
des gens qui sont à instaurer un superstructure. Je ne dis pas que la
superstructure ne doit pas exister, mais ça se fait au détriment
de la clientèle qui est actuellement en COFI. Si on ne s'occupe pas de
cette clientèle maintenant, je me demande si on va la perdre. On disait
que c'était important. Même Mme la ministre disait qu'elle
s'étonnait qu'au bout de trois ou quatre ans, les immigrants retournent
au ministère de l'Immigration pour demander des services alors
qu'à son avis, il serait normal que ces gens-là aillent dans la
société qui les accueille. Je suis parfaitement d'accord
là-dessus mais, par exemple, il faut considérer que les gens qui
sont nouvellement arrivés ne peuvent pas, eux, bénéficier
des mêmes structures tout seuls. On doit les amener à ces
structures-là. Alors, c'était l'exemple que je voulais vous
donner.
M. Perron (Luc): Merci, Paul. Dans le mémoire, nous vous
parlons aussi de la spécificité des COFI comme étant
vraiment le réseau d'établissements qui permet aux nouveaux
arrivants et arrivantes de répondre avantageusement à des besoins
d'intégration, de francisation.
Par ailleurs, on profite, bien sûr, de l'occasion pour vous
mentionner que le ministère devrait changer l'image des COFI à
travers les COFI eux-mêmes; c'est-à-dire en n'hésitant pas
à les équiper de matériel adéquat, de locaux aussi
adéquats et, comme nous le précisions préalablement,
d'écoles à visage humain, c'est-à-dire à ne pas se
lancer, si vous voulez, dans des superécoles où on va ramasser ou
assembler des milliers d'immigrants, ce qui serait le contraire même de
favoriser l'intégration. Un exemple: au COFI de Hull, si vous voulez, ce
qui arrive - parce que les COFI sont ouverts à l'année - il est
arrivé à un moment donné que des immigrants hongrois... ce
sont ces gens eux-mêmes qui ont demandé qu'on les
répartisse dans plusieurs classes parce qu'ils savent que si on les
concentre dans la même classe, ça ne favorise pas, bien sûr,
l'apprentissage du français et ça ne favorise pas d'autant plus
l'intégration en sol québécois.
Nous demandons aussi au ministère qu'il soit sensibilisé
au fait que les nouveaux professeurs ont droit à un accueil.
C'est-à-dire qu'ils aient droit à des semaines de stage au COFI,
au moins à une, avant de commencer à enseigner. Pourquoi vous
raconter ça à cette table-ci? C'est que lorsqu'on parle
d'intégration, on parle d'harmonie, de cohabitation, on parle d'une
manière intéressante et enthousiasmante de permettre à
cette richesse de pénétrer dans notre belle
société. Alors, on se dit, au paradoxe, si on ne fait pas
ça pour ses propres gens qui enseignent et qui doivent donner le
meilleur d'eux-mêmes dans cette profession-là... Mais il y a
peut-être des hiatus et on aimerait qu'il y ait des corrections. À
travers l'intégration, à travers une meilleure utilisation de son
corps professoral, il me semble qu'on pourrait aussi atteindre à travers
ce réseau d'établissements une intégration plus
facile.
Nous voulons mentionner aussi qu'il existe au COFI une expertise, une
compétence qui a réalisé beaucoup de matériel
pédagogique. Mais
les COFI ou l'administration, pour des raisons que nous ignorons, se
privent de cette création existante dans le sens qu'ils font fi de cela,
ils ne permettent pas une diffusion adéquate. Ça fait en sorte
qu'on sous-utilise déjà où est l'héritage d'une
expertise cumulée ces 22 dernières années. Nous pensons
qu'avec les nouveaux millions dont hérite le ministère, on
devrait répondre à des besoins davantage pédagogiques et
c'est en ce sens-là que nous invitons les gens à bien
réfléchir parce que, actuellement, si je résume ça
en une phrase: Nous avons la perception que l'administration se sert de
l'intégration pour répondre à des fins administratives. Ce
que nous aimerions, c'est que l'administration, dans sa raison d'être,
soit au service des services d'intégration, soit au service vraiment de
la population immigrante au Québec. Actuellement, on constate davantage
que c'est comme une sorte d'autoreproduction d'un système administratif
qui ne tient pas compte, malheureusement, des besoins "primaires" au niveau des
COFI ou de la réalisation des COFI. Nous vous mentionnons dans notre
mémoire qu'il existe un programme au COFI. Pourquoi prendre du temps
à vous écrire cela? C'était évidemment pour
sensibiliser aussi l'administration de cette existence, parce qu'elle feint
malheureusement d'ignorer justement qu'il se passe un travail et qu'il y a des
réalisations importantes qui se sont accomplies. Pourquoi le mentionner
à cette table-ci? C'est qu'on devrait d'abord et avant tout utiliser
déjà ce qui est là, au lieu d'aller investir, si vous
voulez, des montants astronomiques pour en arriver, dans le fond, après
quelques années aux mêmes fins.
La spécificité des COFI. Nous vous la traduisons par trois
grandes orientations, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement une
école de langue, c'est une maison d'enseignement qui permet
d'intégrer les immigrants et immigrantes dans notre
société; donc, elle ne se résume pas seulement à un
apprentissage théorique du code oral ou du code écrit. Une
deuxième orientation qui est importante, c'est que nous faisons en sorte
par des activités d'adaptation de permettre aux immigrants et
immigrantes en COFI de vivre des situations de communication vécues,
donc de les accrocher vraiment au terroir du Québec, ce qui nous serait
difficile si on implantait le double horaire comme on veut le faire
présentement dans les COFI de la région de Montréal. Les
activités d'adaptation à 20 heures, il me semble que c'est plus
inapproprié. Et puis, aussi, ça éloigne, si vous voulez,
les femmes de venir en COFI le soir; donc, ça discrimine aussi une
clientèle. Une troisième caractéristique, une
troisième grande orientation dont tient compte le COFI, c'est qu'il
s'agit d'étudiants et d'étudiantes adultes, et puis
d'étudiants et d'étudiantes adultes avec un bagage de
scolarité varié. Donc, il existe une très grande
hétérogénéité avec laquelle nous nous sommes
habitués de fonctionner. Alors, on peut la traduire en disant que dans
une classe de 15 personnes, il peut y avoir des gens sans aucun degré de
scolarité jusqu'à des gens qui ont au-delà de 18
années de scolarité.
Nous tenons aussi à souligner à votre attention que nous
avons développé du matériel fonctionnel, du
matériel d'enseignement fonctionnel pour des clientèles
spécialisées, infirmières, secrétaires, mais
ça semble à l'abandon, actuellement. Nous avons
créé du matériel d'alphabétisation puis c'est
allé dormir dans le sous-sol, malheureusement, d'un COFI; puis
là, on est en train de recommencer, de retourner la roue. On va en
arriver sans doute aux mêmes résultats, mais on estime que c'est
un gaspillage d'énergie et d'argent pour rien. Il existe du
matériel qui n'est pas diffusé, ça devrait être
diffusé. On devrait répondre à l'ABC, si vous voulez, pour
permettre aux enseignants de donner une pleine mesure eu égard aux
besoins d'intégration.
En programme de formation, les COFI se distinguent, bien sûr, des
autres programmes de formation dans les milieux d'enseignement. Il ne peut pas
être uniquement linguistique comme des programmes destinés aux
anglophones, compte tenu qu'ils ont déjà une connaissance du
milieu, il ne peut pas se calquer non plus sur des programmes des classes
d'accueil du ministère de l'Éducation qui, eux, sont axés
sur l'intégration au système scolaire régulier. Or, dans
les COFI, nous insistons sur le référentiel, donc toutes les
références du système socioculturel
québécois, et aussi en conjonction avec le linguistique. Je
demanderais à Patricia Delpino, qui est avec nous, de vous traduire,
pour elle, c'est quoi, et ça a été quoi, le COFI. (17
heures)
Mme Delpino: Avant tout, je voudrais remercier Paul de m'avoir
permis de me retrouver devant des personnalités si importantes au
Québec. Je veux vous raconter un peu ce qui est arrivé, quand je
suis arrivée ici au Québec. Je suis immigrante d'origine
chilienne, et je suis arrivée au COFI en 1981. J'ai appris un
très bon français, à ce moment-là, et j'ai... En
plus de rencontrer la langue du Québec qui a été
enseignée d'une façon et avec une qualité importante, je
me suis aperçue à ce moment-là que j'avais besoin plus que
d'apprendre la langue, de trouver plus de sécurité. J'avais
besoin à ce moment-là, comme immigrante, de retrouver le
côté humain dont on a besoin quand on arrive dans un pays qu'on ne
connaît pas et avec une culture qu'on ne connaît pas non plus.
Alors, on retrouve avec ces enseignants qui sont là ce qu'on recherche,
alors, plus que la langue. Ils nous apprennent à connaître la
culture du Québec, l'histoire du Québec et ça nous permet
de nous intégrer. Quand je suis sortie du COFI, j'ai eu beaucoup de
peine. C'était comme le nid qu'on retrouve quand on arrive, puis on doit
s'envoler après pour so trouver dans un milieu de travail À ce
moment la, j'ai remercié ces enseignants qui
m'ont permis de trouver peu de temps après un travail comme agent
de bureau. J'ai finalement eu envie de m'intégrer encore plus.
Présentement, je suis à la veille de finir un baccalauréat
en relations industrielles, je termine d'ailleurs cette année. Je crois
que c'est très important.
Le Président (M. Khelfa): Merci, madame. Vous pourrez
répondre un peu plus tard aux questions, votre temps étant
écoulé. Je veux passer la parole à Mme la ministre. Vous
pourriez échanger à l'intérieur de cette période,
vous pouvez compléter votre présentation si vous voulez, selon,
bien sûr, les questions de Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Bien sûr, je voudrais vous
remercier de la présentation de votre mémoire et saluer aussi les
autres personnes qui vous accompagnent. Je voudrais peut-être faire
seulement une petite mise au point avant de passer à ma première
question. Vous avez parlé tout à l'heure des services qu'on avait
l'habitude d'offrir aux COFI et que, finalement, on ne retrouve pas. Mais vous
savez aussi que nous avons ouvert des directions régionales. Les
directions régionales ont justement pour but de s'occuper que ces
services-là soient donnés soit, par exemple, par la direction,
soit par d'autres ministères dans le secteur ou encore par des groupes
communautaires. Alors, bien sûr que nous voulons conserver aux COFI la
vocation d'enseigner, d'éducation, l'enseignement du français.
C'est pour ça finalement qu'on ne voudrait pas... Je pense que ce ne
serait pas tellement le... Ça n'empêche peut-être pas
d'avoir au sein de notre direction régionale des services; cependant, je
pense que les COFI sont là pour l'apprentissage de la langue
française.
Aussi, vous avez soulevé un autre point qui est très
intéressant parce que finalement, je m'informais justement où en
était rendu le dossier tout récemment, celui, entre autres, des
listes d'attente. Vous savez que suite à l'entente qui a
été signée avec le gouvernement fédéral,
nous avons maintenant l'entière maîtrise d'oeuvre des cours de
français. L'année dernière, il y avait une liste
d'attente. Elle existe encore, cette liste, puisque l'entente entre en vigueur
le 1er avril. Bien sûr que pour être capable de réduire
cette liste d'attente, compte tenu des contraintes que nous avons, parce que
nous en avons, des contraintes... Nous avons des contraintes de locaux, nous
avons des contraintes de toutes sortes. Donc, pour être capable de
régler cette liste d'attente, il faut absolument faire du double
horaire. Je pense que là aussi, c'est important de maximiser le plus
possible l'argent qu'on a à dépenser, parce qu'il faut faire du
double horaire. Je pense que c'est important de pouvoir faire profiter les
bénéficiaires au lieu d'investir dans des locaux. Pour le moment,
même si on voulait des locaux, on aurait même de la
difficulté à les louer. Alors, le double horaire, bien sûr
que tout à l'heure vous avez fait allusion aussi au fait que
c'était pour la qualité de l'enseignement. Mais nous l'avons
offert aussi à des adultes et non pas à des jeunes
étudiants. Moi, je me disais qu'en entrant à 8 h 45 le matin et
en quittant vers 14 h 30, 14 h 45 l'après-midi, et que l'autre groupe
arrive par la suite, de 15 h 30 aller jusqu'à 21 heures, il
m'apparaissait, étant donné que ce sont des adultes, que
ça pouvait se faire, d'autant plus que, bien souvent, le groupe de 8
heures le matin, vous avez des gens qui ont travaillé à laver de
la vaisselle, par exemple, au restaurant Les Filles du Roy, là, pendant
toute la nuit... En arrivant à 8 heures le matin, ils ne sont pas plus
en forme que s'ils arrivaient, par exemple, à 15 heures de
l'après-midi.
Finalement, c'est que malheureusement on m'a dit qu'il n'y avait pas eu
d'ouverture de la part du syndicat à ce niveau-là, le syndicat
avait refusé de faire du double horaire. Donc, il va falloir prendre
d'autres mesures pour être capable de réduire cette liste
d'attente. Non seulement il y a une liste qui est assez considérable,
qui est aussi considérable qu'elle l'était il y a six mois, mais
on m'apprend aussi que les inscriptions sont de plus en plus nombreuses, vont
en augmentant. Et je pense que c'est tout à fait normal dans un contexte
de récession. Les gens, par exemple, ne se trouvant pas d'emploi,
préfèrent aller vers les COFI pour apprendre la langue
plutôt, finalement, que d'aller sur le marché du travail.
Donc, de ce point de vue-là, j'étais un petit peu
déçue d'apprendre que le syndicat n'était pas ouvert,
comment pourrais-je dire, à cette suggestion qui avait été
faite par le ministère pour finalement réduire le plus possible
les listes d'attente. Alors, je ne sais pas si vous avez quelque chose à
m'expliquer là-dessus parce que... J'étais un peu
désolée, finalement, parce que, écoutez, j'ai des
contraintes et comme je vous dis: Moi, l'objectif, c'est de donner le service
et c'est de réduire le plus possible les listes pour que le plus
possible de gens apprennent le français. Cependant, je vis avec des
contraintes: des contraintes de locaux, des contraintes de professeurs, des
contraintes... Et j'ai des limites un peu partout. Alors, comment je vais
pouvoir y arriver et comment je vais pouvoir réussir à dire
à la population, demain matin: Oui, j'ai réduit les listes,
compte tenu entre autres des nombreuses inscriptions qui arrivent de jour en
jour?
Le Président (M. Khelfa): M. Perron.
M. Perron (Luc): Je partage un peu votre déception, mais
peut-être d'une façon différente. L'image que
j'utiliserais, c'est, si vous voulez, si on va dans les années quarante,
nous acceptions malheureusement d'exposer indûment des
travailleurs de la construction sans une sécurité
minimale. Même en 1991, ça existe encore et je pense que ce sont
des attitudes de travail qui sont à déplorer, où nous
voulons que des gens s'exposent de manière dangereuse sans une
sécurité minimale en leur permettant d'avoir un taux horaire, par
exemple, plus élevé. Et c'est un petit peu la
compréhension que nous avons, si vous voulez, du double horaire. Nous,
ce que nous disons, c'est qu'à partir de la réalité des
immigrants et immigrantes, nous ne pensons pas qu'un horaire de cette
sorte-là, même malgré la conjoncture présente, que
ce soit vraiment une bonne manière de faire. Moi, je peux vous
prêter ma voiture pour aller à Montréal, mais si je vous
oblige à être 30 dans ma voiture, vous ne pourrez pas. Alors,
c'est quelque chose d'impensable.
Or, c'est un petit peu là-dedans qu'on se situe
présentement et on n'est pas convaincu - et là, vous êtes
plus à même de le dire que nous - qu'il n'y aurait pas des
écoles de disponibles, des écoles primaires de disponibles, par
exemple, à Montréal ou sur la Rive-Sud, ou à Laval, parce
qu'il est dans les projets de votre ministère, si vous voulez, de
répondre à des concentrations de clientèle à
l'extérieur de ITle de Montréal. Il est aussi un de vos grands
projets de dérégionaliser, puis peut-être que l'apparente
crise aurait facilité, si vous voulez, cette sorte de
démétropolisation. Nous, ce que nous disons: Vous pouvez avoir
raison, je peux avoir tort, ou l'inverse. Mais l'expérience qu'on a
déjà eue, si vous voulez, d'un tel horaire pour les gens qui
viennent, ça empêche, compte tenu qu'il n'y a pas
d'activités d'adaptation, ça court circuite une certaine forme de
contact nécessaire avec la population immigrante, puis ça
discrimine aussi les femmes qui ont des enfants à la maison, qui ne
peuvent pas quitter la maison le soir. Et en ce sens-là, on calcule que
c'est abusif. Donc, c'est de favoriser un segment de la population immigrante
qui est plus célibataire, puis plus mâle, puis on estime que ce
n'est peut-être pas la bonne façon de commencer lorsqu'on parle
d'intégration.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Perron, c'est un point de vue, mais bien
sûr qu'il ne faut pas s'imaginer que parce qu'on donne des cours le
matin, de 9 heures du matin aller jusqu'à 14 heures, 15 heures de
l'après-midi, on va solutionner tous nos problèmes. Tout à
l'heure, je vous disais qu'on va devoir diversifier nos programmes de
francisation pour atteindre toutes les clientèles. Vous avez, par
exemple, la clientèle des indépendants qui sont
sélectionnés, qui arrivent ici, qui veulent apprendre le
français et finalement qui travaillent ici, à qui on va devoir
donner des cours le soir. On ne peut pas penser donner des cours seulement
l'après-midi ou le matin, on va devoir donner des cours le soir. Donc,
il faut être prêt aussi à faire face à cette
situation. Vous avez aussi le fait, tout à l'heure... Bien sûr,
vous parlez de régionalisation. Moi, j'y compte beaucoup, mais ce n'est
pas demain matin, on ne peut pas... ce n'est pas demain matin. Je ne
réduirai pas, par exemple, mes listes, les listes d'attente demain matin
par la régionalisation. Comme je dis, la régionalisation, on ne
peut pas l'imposer à l'immigrant, on ne peut pas l'imposer à la
région. Il faut que ça se fasse, il faut modifier des attitudes,
des mentalités, il faut la préparer, il faut avoir des structures
d'accueil aussi; c'est ce que nous faisons actuellement.
Quant à la recherche de locaux, ça fait deux ans qu'on
recherche des écoles à Montréal, au ministère; on
en cherche, si vous saviez tous les efforts qu'on fait pour trouver des locaux.
Mais on ne trouve pas à Montréal des locaux à toutes les
portes. Là aussi, on a certaines contraintes. Donc, je me dis, dans ce
sens-là, et je fais appel... Tout à l'heure, j'ai fait appel
à la CSN, j'ai fait appel aussi à d'autres syndicats qui sont
venus dans ce grand défi de l'intégration qu'on va devoir
relever, j'ai fait appel à toute cette conscience syndicale aussi. Et
puis, il y a peut-être des choses... À mon avis, il y a des choses
que, dans l'avenir, on va devoir modifier pour pouvoir nous aider à
relever ce défi-là. Parce que si on se fie toujours, par exemple,
aux conventions signées, ou si on se fie à la lettre de certaines
choses ou quoi que ce soit, il y a des embûches, il y a des obstacles qui
sont très difficiles à surmonter. Et là. je me dis:
Comment avec nous vous allez pouvoir réussir à le relever, ce
défi-là? Parce que là, vraiment, je fais appel à
vous autres parce qu'il y a certaines choses où je suis vraiment
impuissante, et le ministère est impuissant aussi On a vraiment besoin
de vous dans ce grand défi.
M. Perron (Luc): Juste pour rectifier, question de... pour ne pas
qu'il y ait d'imbroglio entre nous sur certains sujets. Lorsqu'on parle des
cours du soir, c'est évident que nous ne sommes pas en désaccord
avec cela. Les cours du soir, on parle généralement, si vous
voulez, de trois soirs semaine, de neuf heures-semaines. Ça, c'est une
réalité et je pense que c'est une mesure d'appoint pour des
clientèles précises. Notre intervention sur le double horaire,
c'était vraiment d'astreindre les immigrants et immigrantes le soir, de
3 h 30 à 9 h 30, durant 25 heures, si vous voulez. Alors, c'est
différent comme panorama. Et cette formule-là qui est dans le
cadre du Programme national de français en établissement, on se
dit qu'elle est possible et réalisable de jour. Vous me dites qu'il n'y
a pas d'école...
Écoutez, je ne veux pas mettre ça en doute comme tel, je
veux juste dire que c'est cette formule-là dont j'ai parlé et non
les autres formules qui, bien sûr, je pense, sont d'appoint, sont des
mesures d'exception. Il existe différents
cours sur mesure auxquels nous sommes très favorables; on peut y
répondre avantageusement et tout ça.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Perron, je veux juste que vous preniez
conscience que j'ai une liste d'attente de 3000, comme je le disais tout
à l'heure. Il y a des inscriptions de plus en plus considérables
qui arrivent chaque mois; même que comparativement à
février et mars, c'est peut-être, j'irais dire, jusqu'à 200
de plus par mois. Je dois faire face à ces difficultés parce que
je veux que ces personnes-là soient francisées.
Cependant, j'ai des contraintes, je n'ai pas de locaux, je ne peux pas
faire des cours double horaire. Je vais être obligée de
m'organiser quand même avec des professeurs occasionnels qui vont
consentir, qu'on me dit, à le faire. Mais quand même, j'ai
certains obstacles. De toute façon, j'espère qu'il y a
peut-être possibilité pour vous de reconsidérer et de voir
ensemble avec le ministère comment on pourrait s'entendre
là-dessus, compte tenu de ces besoins. Comme je vous le dis, je compte
beaucoup sur vous autres pour que vous puissiez nous aider dans ce défi
qu'on aura à relever.
Je voudrais revenir à votre mémoire. Vous faites ressortir
avec beaucoup d'éloquence le rôle important et très
spécifique qu'ont joué et que joueront encore dans l'avenir les
COFI en matière d'intégration des nouveaux arrivants. Ce que vous
faites valoir - et sur ceci je suis tout à fait en accord avec vous, je
pense qu'on n'a que des félicitations à faire à tous ces
professeurs qui ont oeuvré depuis maintenant tout près de 20 ans.
Depuis 20 ans qu'ils ont fait figure même, je dirais, de
défricheurs et, comme vous le disiez tout à l'heure, qui ont
enseigné avec très peu de matériel pédagogique et
qui ont développé aussi., qui nous ont aidés à
développer, entre autres tout récemment, du matériel pour
mettre à la disposition de tous les autres professeurs.
Cependant, vous n'êtes pas sans... J'aimerais que vous puissiez
vous faire entendre là-dessus parce que certains groupes entre autres...
Il y a eu la CECM qui en a parlé ici, en commission parlementaire, et je
lui ai dit: Je vais poser la question à notre syndicat parce que je
pense qu'il a un mot à dire, il va pouvoir se défendre parce
qu'il n'est pas ici pour se défendre aujourd'hui. Vous avez, par
exemple, la CECM de même que la CEQ aussi qui n'a pas voulu être
très catégorique, sauf que la CEQ a dit: Oui, on se questionne
à l'effet que ces cours qui sont donnés actuellement par les
professeurs de COFI devraient relever du ministère de
l'Éducation. Moi, j'aimerais bien vous entendre là-dessus et
j'aimerais que vous ayez cette chance de vous défendre ici, en
commission parlementaire.
M. Perron (Luc): J'aimerais pour vous répondre que Yan
vous dise c'est quoi, le COFI, pour lui.
M. Sellier (Yan): Bon...
Le Président (M. Khelfa): Pouvez-vous vous identifier,
s'il vous plaît? (17 h 15)
M. Sellier: Oui. Je m'appelle Yan Sellier. Merci de votre
attention. Je suis d'origine roumaine. Ça fait neuf ans que je suis ici,
à Québec. Depuis que je suis arrivé, je suis resté
à Québec. J'ai pris un cours au COFI.
C'est vrai que nous sommes des adultes, mais nous sommes des enfants du
Québec. Pour réussir dans notre vie - la nouvelle vie - c'est
notre professeur qui va nous intégrer dans la vie. Même si nous
comprenons la langue de Molière au COFI, quand on sort du COFI, nous
sommes en infériorité parce qu'au COFI, nous sommes une famille.
C'est eux autres qui nous ouvrent les yeux parce qu'on arrive dans un autre
système, on découvre une autre vie, on voudrait faire une autre
vie ici et on commence à zéro. C'est eux autres qui nous ouvrent
tous les voies d'accès et tous les trucs, autrement dit, pour pouvoir
passer dans la vie. Moi, personnellement, ça semble passer pareil.
J'arrivais et je savais deux mots en langue française. J'étais
complètement perdu. Je me demandais plusieurs fois pendant la nuit:
Qu'est-ce que je fais ici? À cause des professeurs, je
m'intégrais dans la vie, je me trouvais une femme, je me créais
une famille. Ce n'est pas à cause des professeurs que j'ai trouvé
ma femme, c'est à cause de moi! Mais quand même, c'est à
cause de l'aide des professeurs. C'est dommage parce que moi je trouve... J'ai
parlé avec d'autres Roumains... on avait nous, les Roumains, de la
facilité à apprendre la langue française; c'est la base de
la langue latine. Mais on trouve le cours court et trop sur le français.
Il faut, comme l'a dit Paul tantôt, intégrer l'immigrant,
découvrir où est le marché du travail. Quand même
que lui, il a un métier et qu'il ne peut pas s'intégrer dans son
métier, il faut faire un autre métier mais il faut commencer.
Quand on arrive et qu'on découvre que ton métier... Tu ne peux
pas t'intégrer dans un métier à cause des cartes de
compétence, etc. Tu vas souvent commencer un autre métier mais il
faut commencer. Tu ne peux pas rester sur le BS Toute ta vie, tu as
travaillé dans un autre pays et tu es habitué de travailler. Et
c'est à cause des professeurs qui, vraiment, étaient... Le COFI,
savez-vous, c'est comme une mère et un père. Nous sommes des
adultes mais nous sommes les enfants du Québec. Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, ce qui arrive, c'est que le COFI,
c'est un prérequis et je pense que ce que vous souhaitez, c'est qu'il y
ait aussi une suite à ça, c'est qu'il y ait aussi une
intégration sur le marché du travail. Parfois, il y a une
formation qui doit être plus adéquate,
il y a aussi de l'aide pour intégrer le marché du travail.
Donc, c'est un prérequis mais il faut qu'il y ait une suite à
ça.
Je voudrais revenir cependant à la question, pour laisser la
chance à M. Perron de répondre, parce que moi aussi, j'ai
été à même de voir le travail qui se faisait
à l'intérieur du COFI. J'ai visité les trois
catégories de classes et j'ai vu le travail que les professeurs
faisaient. Bon. Je pense que je ne peux que féliciter et louanger ces
professeurs parce que ce n'est pas facile, dans une classe, quand vous avez,
par exemple, 15 ou 17 personnes qui parient toutes des langues
différentes. Par contre, il faut en arriver, après un certain
temps, à une langue commune et ils réussissent, malgré
tout, tout en ayant aussi ce souci de la culture québécoise.
Alors, je sais que je suis très au fait du travail mais je voudrais
quand même donner la chance à M. Perron de nous dire pourquoi...
Ou s'il pense que la CECM, ou même la CEQ, qui se questionnent, ont
raison de dire que les COFI devraient être intégrés
davantage au ministère de l'Éducation et, sinon, pourquoi ils
doivent demeurer au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
M. Perron (Luc): Je pense que la réponse est relativement
facile compte tenu du développement, des compétences qui se sont
faites dans le COFI versus - comme vous le reconnaissez très bien -
l'hétérogénéité de l'interculturel dans le
COFI.
Je vous ai parlé tantôt des trois grandes orientations qui
nous distinguent, si vous voulez, de l'éducation. Si nous plaçons
cela en perspective, à l'éducation, vous avez des systèmes
qui s'aboutent l'un dans l'autre: qu'on parle du primaire, du secondaire, du
collégial et de l'universitaire. Alors, le COFI n'est rien de comparable
avec cela et dans sa perspective, il ne vise pas à ce que la personne,
si vous voulez, aille à l'université, aille au collégial
ou aille au secondaire. C'est vraiment une maison de formation qui permet, avec
des activités d'adaptation... mais qui facilite l'intégration aux
us et coutumes des nouveaux arrivants et des nouvelles arrivantes et, en cela,
vous n'avez rien de comparable. Donc, c'est ce qui caractérise cette
maison d'enseignement spécialisé, qui n'a rien de commun avec ce
qui peut se faire actuellement dans des tentatives... par exemple, à la
CECM ou au ministère de l'Éducation.
Alors, dans les orientations qu'on vous a décrites tantôt,
lorsqu'on parlait, par exemple, du code écrit ou du code oral, ce n'est
pas que cela, le COFI. On parle vraiment d'activités d'adaptation. On
oblige les gens... On a rencontré des gens... J'ai en tête une
Philippine qui disait que lorsqu'elle était allée à
l'épicerie, la première fois, mais... Je veux dire qu'elle a eu
de la peine tout le temps parce qu'elle ne savait vraiment pas, elle est
complètement démunie. Et
Patricia vous a très bien exprimé cela tantôt.
Lorsqu'on entre en COFI, on entre dans un milieu, on entre dans une famille, on
veut se sentir en sécurité. Et ce n'est pas qu'apprendre la
langue, c'est une question de respect des gens qui sont là, c'est une
question de respect facilité par l'interculturel et par la composition
qui sont déjà entre eux. À Sherbrooke, lorsque je m'y suis
présenté, en octobre, les gens disaient déjà que,
compte tenu qu'il y a une multiethnie à l'intérieur même
d'une classe de COFI, si, déjà, ils réussissent à
être tolérants entre eux, ça facilite, si vous voulez,
l'intégration, par exemple, dans Sherbrooke.
Alors, c'est un ensemble de ces aspects-là qui font vraiment une
distinction ou dégagent une spécificité qui, actuellement,
ne se caractérise que dans de telles maisons.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre...
Oui Très rapidement, s'il vous plaît
M. Boucher: Si, par exemple, on compare les classes d'accueil qui
sont données en commission scolaire et non pas en COFI, les classes
d'accueil ont pour but de scolariser les enfants. Le COFI n'a pas pour but de
scolariser les adultes, autrement on aurait les classes d'accueil en COFI.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup de cette
précision. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation
politique, je vous remercie d'être venus ici... et aussi, comme ancien
représentant syndical, de niveaux primaire et secondaire. Même si
vous nous aviez parlé de vos problèmes comme organisation
syndicale, je vous aurais compris très bien, d'autant plus que dans
votre mémoire, vous faites mention que l'ensemble de votre personnel
enseignant est à statut précaire à 75 %... ce qu'on
appelle les TPO - les temps partiel occasionnel - en fait, les gens qui font en
sorte qu'il n'y a pas un suivi qui est capable d'être fait convenablement
si on n'a pas la chance d'être directement relié au travail qu'on
a à faire et, comme le disait mon collègue tout à l'heure,
d'avoir du personnel qui a une connaissance de ce milieu. Parce que enseigner,
comme on dit, aux classes d'accueil et au niveau scolaire, c'est une chose,
mais enseigner en COFI, donner cette formation linguistique mais en même
temps une intégration sur le marché du travail, sur le
marché québécois, c'est bien différent. Dans ce
contexte-là, vous faites mention qu'il faudrait davantage équiper
les COFI de matériel pédagogique nécessaire à
l'enseignement de la langue et de la culture québécoise Vous
allez jusqu'à dire que vous voudriez voir augmenter le nombre d'heures
de cours de français en disant que vous voulez être
partenaires. Je pense que ce que j'ai retenu de votre mémoire,
c'est que vous dites: On est, c'est sûr, une organisation syndicale mais
en même temps, on veut être partenaire dans l'intégration au
niveau linguistique et aussi de travail des personnes qui viennent chercher
chez vous le nécessaire à l'entrée sur lo marché
québécois. Donc, si on fait une lecture attentive de votre
mémoire, on sent que vous avez...
En tout cas, l'impression qu'il nous reste, c'est que vous sentez que le
ministère ne considère pas à sa juste valeur le rôle
que jouent les COFI dans la francisation et l'intégration des immigrants
et des immigrantes. Cette impression s'exprime aussi par votre recommandation
dans votre mémoire qui porte sur la reconnaissance de votre organisation
syndicale comme partenaire - ça, je l'ai saisi davantage - dans la
gestion du dossier d'immigration. Alors, j'aimerais savoir de votre part: Pour
vous permettre d'être de vrais partenaires, quels seraient les gestes qui
devraient être posés par le ministère qui prouveraient
évidemment que vous êtes des partenaires dans le travail
d'intégration?
M. Perron (Luc): Comme première qualité
administrative, évidemment ce serait la transparence, la transparence au
niveau de l'ensemble des informations, par exemple, qui particularise les
nouveaux arrivants au Québec et à travers cela, bien sûr,
l'ensemble du besoin d'information que nous avons. Vous relevez à juste
titre, bien sûr, que le syndicat n'est pas là que pour des
conditions de travail. Il est là vraiment pour assurer aussi une
promotion professionnelle, et ça, actuellement, que ce soit une
perception incorrecte ou correcte, bien c'est une perception que nous vivons,
c'est-à-dire que l'ensemble du corps professoral actuellement se sent
sous-utilisé vraiment dans le développement de ces maisons
d'enseignement. Alors, pour m'exprimer, c'est que je vous ai parlé du
Centre régional du Parc où je vous présente certains axes
de développement administratif qui, selon le corps enseignant,
s'éloignent de l'abc de l'intégration. Et ça, pour nous
autres, ça nous chagrine beaucoup parce que depuis 22 ans, les gens ont
développé, si vous voulez, des manières de faire, des
manières d'intervenir. On pense faire correctement ce que nous devons
faire, mais actuellement, on a comme l'impression qu'il y a une sorte de
distance inutile qui se crée, mais qui fait en sorte que la
dépense, si vous voulez - c'est pour ça qu'on dit, de
façon humoristique, "les nouveaux riches" - mais la dépense, en
termes de millions, s'en va dans une superstructure ou s'en va dans certains
segments administratifs qui ne desservent pas directement les besoins
d'enseignement. Quand vous soulevez, à juste titre, au niveau du
matériel, c'est qu'il existe du matériel dans les COFI, mais il
n'a jamais été diffusé, il n'est par organisé, puis
je pourrais terminer de la façon suivante: C'est que si vous lisez
actuellement l'environnement, le matériel financier des COFI, à
travers par exemple l'absence d'informatisation qui existe dans ce
ministère-là, vous comprendrez que les COFI, de la base du
terrain, se sentent comme étant dans un liou
sous-développé. Et ça, c'est la perception qu'on a Alors
qu'actuellement on a l'occasion, compte tenu justement que le Québec
développe sa maîtrise avec des moyens financiers importants, on
devrait être mis davantage à contribution dans le
développement des axes pour répondre davantage à cette
intégration des immigrants, immigrantes.
M. Jolivet: Une deuxième question qui a trait au statut
précaire de votre personnel, vous parlez de 75 %. Quelles sont les
répercussions que vous pouvez nous donner du fait que justement c'est du
personnel qui, s'il est précaire, il est là puis à un
moment donné, il n'est plus là, il y en a d'autres qui
remplacent, à ce moment-là sur la continuité de votre
travail, à la fois au niveau de la francisation puis de
l'intégration? J'irais plus loin en disant que si, sur la question de
francisation, vous ne voulez pas être de niveau scolaire, au niveau d'une
intégration, vous ne voulez pas non plus remplacer les centres de
main-d'oeuvre. Alors, j'aimerais un peu vous entendre dire quelles sont les
répercussions sur la qualité à donner à ceux qui
viennent aux COFI du fait que vous avez du personnel qui change
continuellement.
M. Perron (Luc): C'est évident que quand vous soulevez,
à juste titre, que 75 % ont un statut précaire, ça donne
un panorama en personnes et non l'équivalent du plein temps travail. En
personnes: 300 personnes dans les 6 COFI de Montréal versus une centaine
de permanents. Alors, ça permet à l'administration
évidemment de les déplacer au gré des vents, à
l'intérieur d'un COFI ou d'autres. Donc, ça les oblige à
une réadaptation continuelle eu égard aux clientèles qui
sont des classes et puis aux clientèles différentes selon chacune
des classes. Effectivement, ça crée des malaises en termes de
stabilité qui sont énormes parce que, malheureusement, au niveau
du terrain là-dedans, comme vous le savez par expérience,
l'administration, de bonne foi, au niveau d'un COFI, va être
portée à expérimenter, si vous voulez, compte tenu de la
fragilité du lien d'emploi. Cette tentation, souvent, elle est
exagérée et elle est défavorable au développement
même de la profession. Ça, disons que c'est l'aspect qui est le
plus négatif. Par ailleurs, il existe quand même chez nous une
liste de rappel qui fait en sorte que l'employeur se soumet à rappeler
les plus expérimentés au travail. Mais ça ne donne pas,
bien sûr, une stabilité, si vous voulez, ou une appartenance qui
est nécessaire au développement même de la formation dans
un lieu donné.
M. Jolivet: Le temps étant limité, pour permettre
à mon collègue de poser des questions, de mon côté,
je vais vous dire que j'aurais une dernière question qui concorne la
liste d'attente. On parlait tout à l'heure à la ministre de 3000
personnes sur la liste d'attente, à raison de 200 qui s'ajoutent par
mois. On a demandé votre coopération comme partenaire, etc., mais
est-ce que seulement ça suffirait à régler le
problème? Parce que dans les journaux, on en a parlé, de ces
listes d'attente, mais quelles sont les causes réelles de cette liste
d'attente? Est-ce que c'est dû simplement au fait que vous refusez de
faire du temps supplémentaire?
M. Perron (Luc): Non. Pour donner une réponse, si vous
voulez, je suis obligé de me placer, historiquement parlant, puis les
gens vont s'en souvenir, M. Godin va s'en souvenir, en 1980, lorsqu'il est
arrivé les "boat people", on était dans une production - le terme
n'est pas correct - mais on était dans une réalisation de
jours-élèves de 720 000, à l'époque. Ça
avait permis à l'administration, qui a voulu considérer qu'une
plage normale, au niveau des conditions d'apprentissage, était dans le
jour, d'utiliser une école qui s'était appelée COFI
Yvette-Charpentier, à ce moment-là. Alors, il y a peut-être
moyen d'utiliser, à travers des prismes historiques comme
ceux-là, si vous voulez, de répondre davantage aux immigrants et
immigrantes. Mais c'est certain que nous, nous avons intérêt, tout
comme le ministère, à répondre le plus tôt possible
aux besoins des gens, de ne pas les laisser sur des listes d'attente.
Ça, je suis entièrement d'accord avec vous, mais pas de n'importe
quelle manière, malheureusement.
M. Godin: M.le Président?
Le Président (M. Gobé): Oui, M.le
député, je vous en prie.
M. Godin: Je constate que le président du syndicat a
gardé le même style abrasif et sans détour. Maintenant, si
je pars de ce que disait M. Sellier, ça me soulève une question.
Le COFI est devenu, pour bien des nouveaux citoyens du Québec ou des
futurs nouveaux citoyens du Québec, une espèce de cocon ou de
cage où on veut tout faire. On veut avoir un COFI, un CLSC, en
même temps un guide pour des emplois, un père et une mère,
comme vous avez dit. Donc, je crains qu'il n'y ait une sorte de paternalisme
qui se développe dans le COFI à l'égard des immigrants et
des réfugiés et que, par conséquent, à cause de ce
paternalisme-là, ils ne se jettent jamais dans la piscine sociale
normale qui est celle du Québec, qui est un emploi, soit par le centre
de main-d'oeuvre du Canada, main-d'oeuvre du Québec, qui est le CLSC
pour d'autres services, qui est, en fait, un éventail complet de
services que le Québec fournit et paie déjà. Est-ce que le
syndicat se pose ces questions-là ou bien non si, au contraire, il veut
augmenter, accélérer cette espèce do dépendance qui
peut se créer et dont je crains qu'elle ne se crée entre le COFI,
maison maternelle et paternelle, par rapport à l'exprèssion de M.
Sellier, parce que je sais qu'effectivement, à Québec, en tout
cas, le COFI étant une des seules unités qui existent pour les
immigrants et les réfugiés, c'est là qu'ils vont pour
tout, même pour se marier, comme disait M. Sellier tout à l'heure,
pour trouver de la compagnie ou une correspondance avec les personnes avec qui
ils peuvent s'entendre? Alors, c'est ma question, M. le Président et M.
le prof du COFI de Québec, dont je sais qu'il répond en grande
partie aux questions que, moi, je me pose quant aux liens de dépendance
trop forts qui peuvent se créer entre un COFI et ses
élèves. (17 h 30)
M. Boucher: Pour répondre à votre question et, en
même temps, pour répondre à la question de monsieur
derrière vous, au sujet de l'intégration, c'est qu'on ne veut pas
remplacer les CLSC. Les COFI ne veulent pas remplacer ni les CLSC ni les
centres de main-d'oeuvre ni rien de tout ça, simplement on veut les
diriger, on veut diriger les gens qui nous sont confiés vers ces
services-là. C'est ce que je disais tout à l'heure quand je
parlais de services personnalisés. Autrefois, on les dirigeait vers et
c'est ce qui, maintenant, n'existe plus. Je voudrais qu'on revienne à la
direction, diriger les gens vers des services. De la même façon,
on ne leur enseigne pas, on ne les scolarise pas pour des professions
nouvelles, on leur permet d'exprimer leur expérience de travail en
français. L'expérience qu'ils ont déjà, on leur
donne les moyens linguistiques pour l'exprimer.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Boucher. M. le
député de Mercier, avez-vous terminé?
M. Godin: J'aimerais que le président du Syndicat qui a la
plus longue expérience du secteur réponde à son tour
à ma question.
M. Perron (Luc): Oui. D'aucune façon, bien sûr, on
ne veut les prendre par la main et on ne veut les rendre dépendants en
termes, en guise d'entrée, évidemment, dans notre beau
Québec. La seule chose que nous disons, compte tenu de la situation
d'insécurité dans laquelle ils arrivent en totalité, c'est
juste d'avoir un service minimal dans le lieu comme tel, un peu comme le
mentionne Paul, pour qu'ils soient orientés ou dirigés tout
simplement. Mais ce n'est absolument pas notre ambition que le COFI, si vous
voulez, devienne vraiment un microcosme complet de tout ce qui peut se passer
dans notre société. Mais il existait des services aux immigrants
où vous aviez seulement une personne qui pouvait
répondre, par exemple, pour un COFI de 20 classes,
c'est-à-dire au-delà de 300 personnes, lorsqu'il s'avérait
un problème de nature particulière, de nature sociale, par
exemple. Or, la personne ne répondait pas, ne se substituait pas, si
vous voulez, par exemple, comme psychologue ou ne se substituait pas comme
étant un crimino-logue ou autre chose. Mais la simple chose qu'il y
avait, c'est qu'elle pouvait donner une réponse adéquate à
l'intervention que la personne elle-même pouvait piloter. Ça, nos
immigrants, dans la tournée que j'ai fait en octobre, nous le disent. Ce
qu'ils veulent le plus tôt possible, c'est avoir un minimum de moyens
pour eux autres mêmes aller dans la société et justement
assumer leurs belles responsabilités dans la société
accueil.
M. Godin: ...eux-mêmes. C'est ça qui est l'objectif
ultime que vos professeurs...
M. Perron (Luc): Oui, oui.
M. Godin: ...pères et mères poursuivent.
M. Perron (Luc): On ne leur donne pas un poisson. On leur apprend
à pêcher et on veut qu'ils vivent pleinement. Dans notre
mémoire, comme nous le disions, c'est que la culture
québécoise est composée de l'ensemble des gens qui
participent à l'ensemble des débats dans une
société. Et c'est ce qu'ils font et c'est ce qu'on veut qu'ils
fassent.
M. Godin: Alors, ça répond à ma question, M.
le Président. Mais je me permets de souligner qu'il y a quand même
un certain risque qu'une habitude de dépendance se crée entre le
COFI, l'institution en question et les personnes qui la fréquentent,
comme le COFI ou le centre et puis qu'on retarde ainsi la plongée
réelle dans la piscine québécoise, si vous voulez, qui est
là et où tout le monde doit passer tôt ou tard. Le
problème se pose aussi aux États-Unis parce qu'ils ont eu peur
aux États-Unis que les Portoricains et leurs immigrants ou leurs
réfugiés aiment tellement leur institution qui leur rend
tellement de services que ça retarde un peu l'enseignement de l'anglais
et c'est pareil pour eux. Ils disaient: Si on ne leur enseigne pas l'anglais,
ils ne s'intégreront jamais à la société
réelle. Au fond, ce qu'il faut viser comme fonctionnaire ou comme
à l'immigration, c'est que la société réelle soit
tôt ou tard pénétrée par les nouveaux citoyens du
Québec et que le COFI serve à accélérer cette
intégration des immigrants et des réfugiés vers la
société réelle et éviter autant que possible, sans
que le COFI leur coupe les ailes et refuse de rendre les services qu'il rend
déjà et qui sont souvent essentiels pour les personnes
démunies qui arrivent ici... Prenons les Turcs qui débarquent
à Mirabel et qui ne parlent ni français ni anglais.
Ils parlent à peine turc et il y a peut-être une seule
personne dans le Québec qui parle turc dans un COFI...
Une voix: Ce n'est pas beaucoup.
M. Godin: Ce n'est pas beaucoup, effectivement. Il y a une phase
temporaire, si vous voulez, d'implantation qui ne peut se faire que par le COFI
ou, enfin, qui se fait mieux présentement - on le sait maintenant - par
le COFI que par toute autre institution qui existerait au Québec. Mais
pour éviter qu'une espèce de cordon ombilical très fort ne
se crée entre l'institution et l'immigrant ou les
réfugiés, il faut y penser et s'assurer que le point optimal de
dépendance et d'indépendance soit trouvé le plus tôt
possible pour que le COFI ne soit que la porte d'entrée faite vers le
Québec et ne soit pas le Québec dans son intégrité.
Alors, c'est ma remarque que je veux adresser au président du Syndicat
qui, j'en suis sûr, est aussi conscient que moi de cette
réalité-là et des risques qu'elle comporte pour les
immigrants et les nouveaux Québécois eux-mêmes.
M. Perron (Luc): Je le partage entièrement; nous l'avons
écrit, d'ailleurs, dans le mémoire où on parle vraiment
que c'est une porte d'entrée. Nous ne voulons d'aucune façon
désapproprier l'immigrant ou l'immigrante, lorsqu'il passe au COFI, dans
le sens qu'il devient, comme vous le dites, dépendant d'un circuit, d'un
réseau. On veut, le plus tôt possible, qu'il puisse justement
l'aider à libérer cette richesse qu'il a et le faire participer,
fructifier dans notre belle société, tout comme un autre de
souche va le faire. Ça, vraiment, nous sommes d'accord. Il y a Patricia
qui pourrait ajouter juste un commentaire en réponse à ce que
vous avez dit.
Le Président (M. Gobé): Oui, et très
rapidement, madame, parce que le temps tourne et...
Mme Delpino: Oui. La seule chose que je voulais répondre,
c'est que par mon expérience, la dépendance, comme vous dites,
ça n'existe pas. Tout au contraire, on retrouve dans nos COFI,
justement, ce besoin qu'on a d'information qui nous donne la facilité,
finalement, de nous retrouver dans la piscine, comme vous avez bien dit,
très facilement. Alors, on peut nager sans problème.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Oui, M. le
député, je vous en prie, allez-y.
M. Jolivet: Oui, juste dans le contexte de la nouvelle entente.
Compte tenu du fait qu'on en pariait tout à l'heure avec la ministre et
je crois que ce sont des choses que vous vivez continuellement au niveau de la
précarité de
votre emploi, le fait que les cours sont commandés,
achetés par le fédéral, en fait, selon les formules
habituelles. Dans ce contexte où le Québec va être le seul
responsable de l'entente elle-même, est-ce que vous ne croyez pas,
justement pour répondre à votre désir d'être
partenaire au COFI et au ministère, en arriver à une entente sur
des formules avec la ministre, permettant à ce moment-là de
donner le meilleur enseignement possible au niveau du français, la
meilleure possibilité d'intégration et qu'en conséquence,
il y ait une diminution de la précarité d'emploi et en même
temps, une meilleure utilisation du personnel que vous avez sous votre
responsabilité comme membre du Syndicat?
M. Perron (Luc): Oui, nous le partageons comme tel. La seule
réserve que... Et je lui dis tout haut et j'en suis fort content: Si on
peut participer à de tels débats, nous allons y mettre toute
l'intégrité que nous possédons. La seule réserve
que nous avons, c'est qu'on ne peut pas, par ailleurs, embarquer dans toutes
sortes de formules qui ne rejoindraient pas les résultats que nous
voulons mutuellement atteindre, et c'est la seule réserve que nous
avons. Mais c'est évident que nous voulons participer, bien sûr,
au développement même et aux réponses qu'il faut donner aux
nouveaux arrivants et arrivantes au Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Perron. M. le
député de Mercier, en conclusion, s'il vous plaît.
M. Godin: Oui, M. le Président. Je voudrais
conclure en remerciant vraiment du fond du coeur et sincèrement... Et M.
Perron, qui me connaît, le sait très bien. Quand je dis ça,
ce n'est pas de la foutaise, parce que vos témoignages nous seront
très utiles, aussi bien à nous de l'Opposition qu'au
gouvernement, je présume, pour planifier l'avenir des institutions de
francisation et d'intégration des nouveaux Québécois le
mieux possible, tout en ne perdant pas de vue les limitations
budgétaires du gouvernement ainsi que les risques que courent les gens
qui s'attachent trop à leur COFI et qui oublient, qui oublieraient, par
hypothèse, l'existence, à côté du COFI, de la
réalité québécoise comme telle.
Je pense qu'il ne faudrait pas retarder trop le passage, si vous voulez,
ou l'accouchement. Il ne faudrait pas retarder trop le fait que le COFI
accouche de ses élèves et en livre au Québec la
réalité et la diversité complètes C'étaient
mes remarques. M lo Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la ministre, très rapidement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier et je veux vous
dire que je prends bonne note de vos recommandations. Bien sûr que nous
voulons créer un véritable partenariat avec vous et utiliser
votre expertise comme nous l'utilisons actuellement et comme nous sommes en
train, aussi, de développer certaines choses avec vous. Cependant, je
réitère encore votre collaboration et surtout la collaboration
habituelle de tous les professeurs, aussi, pour pouvoir trouver des solutions
avec les membres du personnel du ministère, entre autres concernant
cette liste d'attente et ainsi de suite, je pense que c'est tout à
fait... Je pense que c'est important et j'implore votre collaboration parce
que, comme je vous dis, nous avons aussi énormément de
contraintes Des locaux, nous avons de la difficulté à en trouver
actuellement. Donc, je souhaiterais une très bonne collaboration de
cette part là et en retour, je pense que vous pouvez être
assurés de la mienne. Alors, merci beaucoup et bon voyage de retour.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, M.
Perron, Mme Delpino, MM. Sellier et Boucher, au nom des membres de la
commission, je tiens à vous remercier. Je vais maintenant suspendre les
travaux une minute, le temps que vous quittiez cette table et que le prochain
intervenant, sort l'Association des démographes du Québec, vienne
prendre la place. Alors, la commission suspend ses travaux une minute.
(Suspension de la séance 17 h 40) (Reprise à 17 h 41)
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez regagner vos
places. La commission va maintenant reprendre ses travaux, et je tiens à
saluer le représentant de l'Association des démographes du
Québec, soit M. Michel Paillé, qui est président. Et sans
plus attendre, M. Paillé, vous avez la parole pour une période de
20 minutes, et je vous rappelle que nous avons un petit peu
dépassé le temps et que cette salle doit être
libérée à 18 h 30, pour la tenue d'une autre
réunion. Alors si peut-être nous pouvions accélérer
légèrement les travaux, je pense que, sans vouloir presser
personne, si c'est nécessaire, nous tiendrons le temps jusqu'au bout,
mais je souhaiterais que si c'était possible. Sinon on va se retrouver
avec d'autres personnes dans cette salle avec nous. Alors vous pouvez y aller
M. Paillé.
Association des démographes du Québec
M. Paillé (Michel): Merci, M le Président Je vais
tenter de faire le plus vite pour entrer dans moins de 20 minutes. Vous voudrez
bien m'excuser de ne pas être accompagné, certains membres de mon
bureau de direction devaient venir, en particulier l'un d'eux qui est un de
nos
grands spécialistes de l'immigration. Malheureusement il est
retenu à Montréal et s'excuse de ne pas m'accompagner.
Brièvement, l'Association des démographes du Québec
existe depuis 20 ans, c'est donc un anniversaire pour nous cette année.
Nous comptons environ 210 membres et nous publions chaque année 2
numéros d'une revue savante, 2 numéros par année, qui
prend de plus en plus d'importance sur le plan mondial. Nous faisons un
colloque chaque année à l'ACFAS et, incidemment, cette
année, notre colloque porte sur l'immigration internationale au
Québec. Puisque nous parlerons immigration, je souligne que plus de 75
de nos membres, donc près de 40 %, sont nés à
l'extérieur du Québec.
Alors je remercie le gouvernement de nous avoir invités à
nous pencher sur son énoncé de politique. C'est la
deuxième fois en moins d'un an et demi que l'ADQ participe à ce
dossier. Il y a un an et demi donc, nous avons soumis un mémoire
à la ministre, et nous faisions deux recommandations en particulier, sur
la régionalisation et sur la recherche à faire. Donc nous savions
qu'un énoncé de politique était à venir et nous
l'avons accueilli, nous l'attendions depuis longtemps. Donc nous
félicitons le gouvernement de l'avoir fait parce que nous sommes
satisfaits de voir un document de cette substance. Il touche plusieurs aspects
de cette question qui est très importante pour l'avenir de la
société québécoise.
Dans une première partie de notre mémoire, nous avons
abordé la question du défi démographique à la
lumière de l'immigration. Comme on le sait, le gouvernement vise quatre
défis, dont l'un touchant le défi démographique. Nous
voulons faire remarquer d'abord que le Québec compte une population
immigrée de 8,2 %, ce qui le place au-dessus de la moyenne des pays
industrialisés. Donc le Québec est déjà une terre
d'accueil, ce 8,2 %, la moyenne des pays industrialisés étant de
6 %, vient du fait que depuis 40 ans, si on prend simplement les 4
dernières décennies, nous avons accueilli une moyenne de 26 000
immigrants par année. Selon les statistiques, si nous étions
distincts du Canada, nous serions au dixième rang du monde par
l'importance de notre population immigrée. Bien sûr, 26 000, c'est
une moyenne. Nous avons connu des périodes quinquennales plus faibles
qui sont de 16 000 par année pour les 5 ans les moins bons. Par contre,
nous avons déjà connu, à la fin des années
soixante, une période quinquennale qui nous a apporté une moyenne
de 36 000 immigrants par année. Donc, en quelque sorte, l'immigration
québécoise se situe entre 16 000 et 36 000 par année, avec
une moyenne en plein centre de 26 000 ou, si on veut arrondir à 25 000,
ça correspond au 25 dernières années notamment.
Je ferai remarquer, comme on l'a fait d'ailleurs dans notre
mémoire d'il y a un an et demi, que l'immigration ralentit très,
très peu le vieillissement de la population. Certains emploient le terme
"rajeunir" la population, ce n'est pas le cas, c'est plutôt un
ralentissement du vieillissement. Dans notre mémoire page 8, nous nous
servons d'une étude faite par le Bureau de la statistique du
Québec, qui a été commandée par le MCCI, qui
s'intitule: "Rôle de l'immigration internationale et l'avenir
démographique du Québec". Il y a d'excellents scénarios
qui nous ont fort aidés à présenter ce mémoire
à cette Assemblée nationale.
Alors, en fait, quand on examine deux scénarios extrêmes,
55 000 immigrants, en fait, atteints en 2011 et se poursuivant par la suite,
comparé à notre 26 000 qui est notre moyenne des 40
dernières années, on aboutit dans 25 ans d'ici, dans un quart de
siècle, à un vieillissement un peu plus faible que si on gardait
26 000 immigrants comme moyenne. La population serait plus jeune de 0,8 ans et
l'âge moyen de 40,9 ans atteint en 2016 sera quand même atteint un
peu plus tard, en moins de 4 ans. En quelque sorte, le ralentissement du
vieillissement serait perdu, même avec 55 000 immigrants, en 4 ans
seulement, en 2016. Ces chiffres-là viennent de scénarios qui
supposent 1,4 enfant par couple. Même si on regarde un scénario
avec 1,8 enfant, on obtient des ordres de grandeur à peu près
équivalents, le ralentissement du vieillissement étant
très, très petit.
Un deuxième point, également, que je veux souligner, c'est
que le rapport de dépendance, c'est-à-dire l'importance des
jeunes et des personnes âgées sur les adultes de 15 à 64
ans, n'est que très, très légèrement modifié
par une forte immigration. 26 000 immigrants par année pendant les 25
prochaines années donneraient 483 dépendants pour 1000 adultes.
55 000 immigrants donneraient 480 dépendants, c'est-à-dire
seulement 3 dépendants de moins pour 1000 personnes. Même chose
avec 1,8 enfant, la différence serait minime et, assez curieusement,
serait plutôt de 5 dépendants de plus par 1000 adultes, simplement
à cause de la hausse de la fécondité et non d'une forte
immigration.
Je n'aborderai pas la question du poids du Québec dans le Canada,
c'était un troisième point abordé dans la première
partie de notre mémoire. Je veux m'attarder cependant à la taille
de la population et à l'accroissement naturel négatif. Une forte
immigration, comparée à une immigration moyenne, donne des
résultats un peu plus tangibles que le ralentissement du vieillissement
de la population, par exemple. Alors le scénario qui suppose un
accroissement de l'immigration à 55 000, c'est-à-dire une moyenne
de 48 400 pour les 25 prochaines années, donnerait une population
québécoise de 8 000 000 d'habitants, comparée à 7
500 000 avec 26 000 immigrants.
De plus, si on regarde ensuite la question de l'accroissement naturel
négatif, on remarque qu'avec une forte immigration, on retarde
l'avè-
nement d'un surplus de décès sur les naissances, un retard
de 10 ans. Mais cependant, malgré ces beaux côtés d'une
forte immigration, en démographie, il n'existe pas de formule pour fixer
un optimum de population, c'est-à-dire: Est-ce que le Québec,
dans 25 ans, sera mieux avec 7 500 000, 8 000 000 ou 9 000 000 d'habitants?
Aucun démographe ne peut dire ça. Même chose pour le rythme
de croissance d'une population. Une population doit-elle augmenter à 0,2
% ou 0,4 % par année? Ça, personne ne peut le dire.
La seule chose, cependant, que les démographes vont
jusqu'à dire, comme tout récemment deux de mes collègues
à la Commission Bélanger-Campeau, c'est qu'il est
préférable d'opter pour une population qui augmente
légèrement plutôt qu'une population qui diminuerait sous
l'effet d'un surplus de décès sur les naissances.
Dans la deuxième partie de notre mémoire, nous avons
abordé huit avenues de recherche. Nous suggérons au gouvernement
de faire plus de recherche. Nous ne sommes jamais satisfaits de nos
résultats. Nous avons un esprit très critique, tellement critique
que parfois il se retourne contre nous-mêmes. Nous nous critiquons les
uns les autres, et vous avez peut-être à l'esprit certains
débats épiques. Je n'aborderai pas les huit avenues de recherche,
ce serait trop long. Très brièvement, je dirai, sur trois d'entre
elles, que, par exemple, nous recommandons une étude plus approfondie
sur la croissance des effectifs dans nos écoles françaises,
effectifs d'écoliers, d'immigrants dans les écoles, en
particulier les écoles de Montréal où il y a une forte
concentration, le phénomène des écoles pluriethniques. On
peut calculer d'une façon très très simple qu'au cours des
14 prochaines années, si on prend les scénarios de l'ouvrage
auquel j'ai fait référence tout à l'heure, on devra
accueillir dans ces écoles-là deux fois plus d'enfants non
francophones qu'au cours des 14 dernières. Je prends 14 ans pour la
simple raison que la Charte de la langue française existe depuis 14 ans.
Donc, le défi, que nous avons surmonté partiellement ou
complètement depuis 14 ans, sera deux fois plus gros à soutenir
pour les 14 prochaines années si on se fie au scénario du
rôle de l'immigration internationale.
Il faudrait évidemment aller un peu plus loin que ça,
faire une étude un peu plus poussée là-dessus.
Deuxième aspect, en ce qui concerne les bassins d'immigration. J'attache
personnellement de l'importance à l'adoption internationale. C'est un
des beaux aspects de l'énoncé de politique. Le Québec
devrait être la terre où c'est le plus facile pour un enfant
d'entrer sous l'adoption. Troisièmement, en ce qui concerne la
sélection des immigrants, je veux souligner le fait qu'il nous faut,
évidemment, des études sur les critères de
sélection Je m'attacherai plus particulièrement à la
régionalisation et la rétention des immigrants, sujet sur lequel
il nous faut beaucoup d'études et aussi même une réflexion
théorique poussée.
En ce qui concerne la rétention des immigrants, on est un peu
dans la brume pour la simple raison que les démographes n'ont pas les
outils appropriés pour faire un travail excellent. Certains vont dire
que 75 % de nos immigrants restent et qu'après 10 ans, ils ne partent
plus. C'est l'hypothèse la plus optimiste parmi nos membres qui se sont
penchés là-dessus. À l'autro extrême, tout
récemment, on est allé jusqu'à dire qu'après 30 ans
on perd encore des immigrants et qu'au total on en a perdu jusqu'à 60 %.
On ne peut pas vous dire exactement combien d'immigrants restent au
Québec parce qu'on n'a pas les moyens adéquats pour le
mesurer.
J'insiste là-dessus parce que les scénarios dont j'ai
parlé tout à l'heure, à propos, par exemple, du
ralentissement du vieillissement, sont basés sur l'hypothèse la
plus optimiste, c'est-à-dire que 75 % de ces immigrants-là
resteraient. Si c'était 65 % ou 55 % des immigrants qui restaient, les
tout petits effets dont j'ai fait mention tout à l'heure seraient
d'autant réduits. Il nous faut donc analyser cette question-là
plus en profondeur. En fait, si on comprend mal la rétention des
immigrants, c'est parce que ça se mesure d'une façon très
simple, qu'on a exprimée en quatre lignes dans notre mémoire,
à la page 20. "La mesure de la rétention des immigrants se fait
en comparant les données d'un recensement sur la population
immigrée (répartie selon certaines périodes d'immigration)
avec les statistiques d'immigration (ventilées elles aussi selon les
mêmes périodes)." Le problème, c'est que, depuis quelque
temps, les revendicateurs de statut de réfugié, contre leur
gré bien sûr, sont venus entacher /es statistiques, pour la simple
raison qu'ils ne sont pas comptés dans les données du
ministère de l'Immigration étant donné qu'ils ne sont pas
des immigrants reçus. Par contre, ils peuvent être
recensés, se déclarer immigrants, avoir dit au recensement de
1986 qu'ils étaient arrivés en 1983, ce qui fait que ces
revendicateurs se trouvent à prendre la place d'immigrants qui sont
effectivement partis. Et il y a, comme nous l'avons souligné, le fait de
la mortalité. Il faudrait des études qui tiendraient compte de
l'effet des revendicateurs et de la mortalité qui augmente avec le
temps, bien sûr. Donc, nous avons proposé de faire cette
étude-là à fond. On peut l'illustrer avec un graphique.
Étant donné que le graphique est assez gros, vous allez pouvoir
voir. Il y a une ligne assez régulière, en trait plein, qui
montre ce que révélait le recensement de 1981. Celle qui est
brisée et qui se faufile de travers sur l'autre, qui la sauto, c'est
celle à partir du recensement de 1986 qui est entachée,
justement, de l'effet des revendicateurs, en particulier après huit ans
de résidence, en moyenne
En ce qui concerne la régionalisation, une question fort
importante dans notre province, je ferai remarquer, par exemple, que le
Québec se
distingue de l'Ontario et de la Colombie-Britannique là-dessus.
77 % de nos immigrants allopho-nes sont concentrés dans l'île de
Montréal, c'est-à-dire l'endroit où vit le quart de notre
population, alors qu'en Colombie Britannique et en Ontario, moins de la
moitié des immigrants allophones demeurent à Toronto et à
Vancouver, définis comme un territoire où le quart de la
population de ces provinces réside. Il y a aussi le fait que le
Québec n'a qu'un seul grand centre urbain de plus de 1 000 000
d'habitants. Quand on compare le Québec avec l'Ontario, pour des villes
de taille moyenne, si on compare alternativement Québec, Sherbrooke,
Chicoutimi, Jonquière et Trois-Rivières, avec, d'autre part,
Hamilton, Thunder Bay, Sudbury et Oshawa, on découvre qu'au
Québec, dans les grands centres que j'ai nommés, on ne trouve pas
plus de 3 % de la population de ces centres urbains qui est née à
l'étranger, alors qu'en Ontario, ça va jusqu'à 24 %.
Ça ne s'arrête pas là parce qu'en Ontario, il y a beaucoup
d'autres villes qui sont dans cette situation-là.
Vu dans un ensemble plus vaste, on pourrait dire que sur le plan
migratoire, il y a deux Canada. Il y a l'Ontario et les quatre provinces de
l'Ouest où 20 % de la population de ces provinces est née
à l'étranger, alors que dans les provinces maritimes, les
États du Maine, du New Hampshire, du Vermont et au Québec, sauf
la Montérégie et l'île de Montréal, vous avez une
population immigrée de 3 % à 4 % seulement. L'île de
Montréal fait exception à cette règle, en quelque sorte.
Donc, si on coupe le Canada par, disons, l'Outaouais, la rivière des
Mille îles et la rivière Richelieu, on a cette situation-là
où l'immigration n'est pas faite de façon très très
symétrique. Donc, la question de la régionalisation ne se pose
pas seulement à l'intérieur du Québec, mais
également à l'intérieur du Canada, puisque à
l'ouest de l'Outaouais et du Richelieu, il se fait une forte immigration alors
qu'à l'est, il ne s'en fait que très peu. Nous avons donc
recommandé de voir s'il n'y a pas moyen d'attirer des immigrants autour
de l'île de Montréal, en Montérégie, à Laval,
dans les Laurentides, dans la région de Lanaudière, sans oublier,
bien sûr, nos grands centres comme Québec, Trois-Rivières
et Sherbrooke qui sont quand même relativement près de
Montréal, plutôt que, comme on le fait dans certains
débats, de s'imaginer qu'on va attirer des immigrants en Gaspésie
ou sur la Côte-Nord.
En terminant, je tenais absolument à rendre hommage au MCCI et
à sa titulaire actuelle pour la réorganisation du
ministère. C'est le dernier aspect de l'énoncé de
politique et nous avons été très heureux d'y trouver cette
partie-là. Nous sommes heureux que l'on pense à des banques de
données informatisées, à des indicateurs de performance et
à de la recherche, non seulement sur les immigrants, mais aussi sur les
communautés culturelles et l'évaluation de politique.
Nous avons suggéré dans notre mémoire des nouvelles
variables, notamment sur la langue d'usage, parce que c'est la seule variable
démographique où nous n'avons pas cette notion-là. Pensons
également à la langue d'enseignement aux niveaux primaire et
secondaire. (18 heures)
Je vais sauter des choses sur la deuxième
génération des enfants de la loi 101. On pourra me poser la
question, parce que le temps me presse. Je terminerai en disant qu'il nous
faudrait un meilleur accès aux données du MCCI. Pourquoi pas
faire comme le ministère de la Santé et des Services sociaux? Les
démographes s'adressent maintenant à un seul endroit,
c'est-à-dire au Bureau de la statistique du Québec, pour obtenir
des données sur la population, c'est-à-dire le recensement
canadien sur les naissances, les décès et les mariages. Il ne
nous manque qu'une variable: l'immigration. Si, chaque année, le MCCI
faisait comme le ministère de la Santé et des Services sociaux,
s'il envoyait une copie informatisée de ses données au BSQ qui se
chargerait de la compilation et de la diffusion... finalement, pensons
également à rafraîchir le bulletin de statistiques annuel
où l'on trouve des tableaux désuets. Dans notre mémoire,
nous énumérons les nouvelles variables et les nouveaux
croisements qui nous intéresseraient. Je termine en notant
également que, malheureusement, il y a encore des tableaux qui ne
respectent pas le principe de la confidentialité. On peut trouver des
personnes d'une langue x, habitant telle région du Québec et
venues de tel pays. Quand il n'y a qu'une personne dans cette catégorie,
évidemment, vous pourriez l'identifier. Le MCCI n'est pas le seul, il y
a encore des organismes au Québec qui ne font pas attention à
cette règle.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paillé.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je voudrais, bien
sûr, remercier M. Paillé pour la présentation de son
mémoire et je suis très heureuse d'avoir ce point de vue des
démographes. Je pense qu'il allait de soi qu'on puisse avoir, au cours
de cette commission parlementaire, l'opinion des démographes. Vous
faites ressortir aussi, à juste titre, des données qui vous
manquent, mais qui nous manquent aussi. Vous avez parlé tout à
l'heure de la réorganisation du ministère, c'est ce que nous
sommes à faire. Vous savez que c'est la première fois qu'on a une
direction des politiques et programmes qui va permettre de faire le suivi et de
se donner aussi les moyens nécessaires, les outils nécessaires
pour faire ce suivi des nouveaux arrivants. Comme nous sommes à nous
informatiser, probablement que d'ici quelque temps, nous pourrons aussi mettre
à la disposition de la population et des personnes responsables ou
concernées,
certaines statistiques que nous avons, même nous, de la
difficulté à avoir au moment où on se parie. Alors, dans
ce sens-là, je pense que vous avez tout à fait raison. Il y a
encore certaines études et certaines recherches à faire pour en
arriver à combler ces lacunes. Je voudrais cependant, M. Paillé,
revenir à la page 12 de votre mémoire. Vous nous recommandez de
prévoir la croissance des communautés culturelles au tournant du
siècle à des fins de planification de l'offre des services
gouvernementaux. Vous évoquez des chiffres globaux de 500 000 à
650 000 personnes, mais en utilisant le concept des allophones qui se fonde sur
le critère de la langue maternelle. Donc, je voudrais savoir quelle est
la pertinence d'utiliser le critère de la langue maternelle dans nos
prévisions alors qu'on sait que si les tendances actuelles se
poursuivent, la grande majorité des allophones sauront converser en
français? Est-ce qu'il y a une raison quelconque qui vous pousse
à choisir, à utiliser ce critère?
M. Paillé: C'est une très belle question à
laquelle j'ai été amené très souvent à
répondre. C'est que, en démographie, lorsqu'on fait des
perspectives de population, nous devons nécessairement respecter les
règles de la nature. C'est vrai pour les animaux et les plantes. Une
population se renouvelle par ses naissances, ses décès, son
immigration et son émigration. Lorsqu'il s'agit d'une population
définie par un critère quelconque, ce qu'on appelle en
démographie internationale, l'étude des sous-populations, ou
d'une manière plus concrète, la démo-linguistique au
Québec et au Canada, on doit définir nos populations soit par le
lieu de naissance, par la langue maternelle, la langue d'usage, ou même
l'origine ethnique comme ça s'est déjà fait. La
connaissance du français ou de l'anglais ne peut pas être tenue en
ligne de compte à moins de vouloir faire une étude très
raffinée qui tiendrait compte, si c'était important dans
certaines sous-populations, de la connaissance d'une langue comme étant
la première étape pour effectuer ce qu'on appelle un transfert
linguistique qui s'identifie ensuite à un nouveau groupe plutôt
qu'à son groupe d'origine. Donc, actuellement, quand on parle de langue
maternelle ou de langue d'usage, surtout des francophones, on parle à
peu près des mêmes univers. Au Québec, au dernier
recensement, 83 % des francophones étaient, sort de langue maternelle,
soit de langue d'usage, c'est la même proportion. Il y a quelques pertes,
mais aussi quelques gains, et ça compense. Vous avez raison, Mme la
ministre, en disant que lorsqu'il s'agit des allophones, bien sûr, que
par langue maternelle, il y a des grosses chances que 30 % d'entre eux - c'est
la proportion que l'on trouve dans les derniers recence-ments, les trois
où on a l'information, 1971, 1981, 1986 - 30 % des allophones
définis par leur langue maternelle ne parlent plus leur langue à
la maison et seront devenus soit anglophones, soit francophones de langue
d'usage. Cependant, ce mouvement-là se fait extrêmement lentement
et dans des perspectives à court terme, des perspectives de
planification pour 5, 10 ou 15 ans, jusqu'à preuve du contraire, ces
fameux 30 % qui nous permettraient de réduire le groupe de langue
maternelle seraient un bon indicateur. De fractionner ces 30 % parmi les
francophones et les anglophones... On a des proportions qui varient très
peu d'un recencement à l'autre; elles commencent à changer, mais
les chiffres sont tellement petits qu'ils ne font pas changer la moyenne. Sur
les 30 % qui s'orientent vers le français ou l'anglais - toute
période d'immigration confondue et même tout lieu de naissance
confondu - on en a globalement 21 % qui ont opté pour l'anglais et 9 %
pour le français.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de l'Acadie, une question rapide.
M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais
revenir peut-être sur deux points de votre mémoire. Vous avez
mentionné, à un moment donné, le phénomène
de l'étalement de la population immigrante vers les banlieues, dans la
région de Montréal, et vous nous avez mentionné les
chiffres depuis les 20 dernières années. On remarque un mouvement
vers la rive sud et aussi vers Laval. On a souvent, dans les mémoires
qui ont été présentés, fait référence
à la forte concentration à Montréal. On parle aussi du
phénomène de la régionalisation. Je serais curieux de
savoir... Selon vous, quels sont les facteurs qui font que les immigrants, au
cours des 15 ou 20 dernières années, sont sortis de la
région métropolitaine de Montréal avec tout ce que
ça pouvait avoir d'attrait et de...? On a parlé des ghettos, des
fois, qui amenaient une certaine sécurité pour les... Les gens
sont allés s'établir dans des banlieues. Est-ce qu'on a reproduit
dans les banlieues les ghettos de la ville de Montréal? Quels sont,
selon vous, les facteurs qui peuvent expliquer ce mouvement-là? Est-ce
qu'on peut s'inspirer un petit peu de ce qui s'est passé par rapport
à ce phénomène spécifique quand on considère
de façon plus large toute la question de la régionalisation?
M. Paillé: Bon, si vous faites référence, M
le député, à la partie de notre mémoire où
on suggère justement de faire une étude sur cette
question-là, c'est une question très nouvelle. Il y a, disons, un
an et demi, deux ans à peine, personne ne pensait étudier ce
phénomène parce que l'attention était ailleurs, notamment
sur la concentration dans l'île de Montréal. On pourrait esquisser
quelques hypothèses, tenter de savoir, par exemple, si ceux qui
s'orientent vers les banlieues sont plus jeunes? Il y a ici un
phénomène de population plus jeune autour de l'île que
dans ITle. Donc, c'est lié à l'âge. C'est
peut-être lié au lieu de naissance. Ces allophones, si on fait
référence...
Dans notre document, on fait référence à la langue
maternelle La langue d'usage donne une petite différence mais va dans le
même sens, une légère, en 15 ans, un très
léger étalement vers l'extérieur de l'île. Or, outre
l'âge, il y a le fait, probablement, du lieu de naissance. Est-ce que ce
sont des allophones nés au Québec ou par rapport à des
allophones qui seraient nés à l'étranger, sont-ils plus
concentrés dans 111e? Chez ceux qui, par exemple... Si on pouvait
déceler des immigrants qui se sont d'abord installés dans
l'île et qui, ensuite, se seraient orientés vers
l'extérieur, en Montérégie, par exemple, on pourrait
imaginer que c'est l'effet de l'emploi, l'étalement de
l'industrialisation dans la région de Montréal. Ça peut
être l'effet aussi, chez l'immigrant lui-même, de la durée
de résidence. L'immigrant qui vient d'arriver n'a pas le même
comportement que celui qui est arrivé depuis 15 ou 20 ans. Toutes sortes
de raisons, l'éducation, la profession. Ce serait intéressant de
savoir si ces gens-là se situent... si ce n'est pas l'élite de
ces communautés culturelles qui se dirige vers les banlieues. Mais
là, ces hypothèses-là, je les imagine à partir
d'études similaires et non pas à partir d'une observation de
données brutes. C'est purement hypothétique, ce que je lance
comme explication.
M. Bordeleau: II n'y a pas d'études, à date, qui
ont approfondi cette question-là, à votre connaissance?
M. Paillé: Non, effectivement.
M. Bordeleau: Un autre point sur lequel j'aimerais... On a
parlé tout à l'heure de la question de la mise sur pied de
banques de données. Évidemment, comme démographe, Mme la
ministre le mentionnait tout à l'heure, il y a sûrement des
données qui vous seraient utiles dans votre travail. Si on essaie... On
peut supposer que dans ces banques-là, on devrait avoir toute une
série de données, d'indicateurs précis qu'on pourra
ensuite mettre en relation pour essayer de mieux comprendre toute la dynamique.
Il y a certainement les données qui sont attachées au processus
de sélection comme telle, qu'on devrait éventuellement
transmettre, transcrire dans cette banque de données. La question sur
laquelle je voulais revenir est probablement assez difficile, c'est la question
des indicateurs au niveau de l'adaptation et de l'intégration, soit
linguistique, soit socio-économique. Est-ce que vous pourriez nous
donner des suggestions? Je pense surtout à la question de
l'intégration linguistique, je pense qu'on peut avoir des indicateurs,
disons, de façon plus facile, mais des indicateurs de l'adaptation et de
l'intégration socio-économique, ce serait quoi, des indicateurs
qui pourraient éventuellement être...
Le Président (M. Gobé): M. Paillé, vous avez
la parole.
M. Paillé: Merci, M. le Président. En ce qui
concerne l'adaptation, c'est un domaine qui est tout à fait en dehors de
notre champ d'étude. Ce n'est pas au démographe de
répondre à ça. Pour ce qui est de l'intégration, ce
que l'on peut faire est partiel. Quand je dis partiel, ce n'est même pas
la moitié de ce qu'on devrait savoir. C'est la raison pour laquelle,
à la fin de notre mémoire, nous avons souhaité que
d'autres associations de sociologues, d'économistes ou d'anthropologues
viennent ici traiter de ces questions-là. Très souvent, on pose
ces questions-là aux démographes en s'imaginant que nous avons la
réponse alors que nous ne l'avons pas. Ce que le démographe
observe, en ce qui concerne l'intégration de l'immigrant, c'est une
intégration, je dirais, aux deux extrêmes. Il y a d'abord
l'intégration la mieux réussie, c'est-à-dire celle qui va
tellement loin que l'immigrant allophone va jusqu'à abandonner sa langue
d'origine pour épouser l'une des deux langues de la
société d'accueil, ce qu'on appelle la mobilité
linguistique. C'est évidemment une situation marginale parce qu'il est
tout à fait naturel que la majorité des immigrants gardent leur
langue ou, tout au cours de leur vie, qu'ils tiennent, même, en
majorité, à transmettre cette langue à la
génération suivante. C'est à partir de la troisième
que ça commence à se perdre un peu et même encore,
dépendant des groupes et des cultures.
Donc, ce que nous observons à ce bout-là de la lunette,
c'est une intégration très bien réussie qui masque
derrière ça, une intégration qui peut très bien se
faire. Les gens n'ont pas changé de langue, mais ils peuvent très
bien être intégrés à la majorité. Nous posons
souvent la question à des sociologues et à des anthropologues.
Malheureusement, les sociologues et les anthropologues ont plus de
difficultés à faire leurs études pour la simple raison
qu'ils n'ont pas des données aussi faciles à acquérir,
aussi peu coûteuses que les nôtres. Ils doivent faire des
enquêtes qui coûtent très cher et dont les résultats
ne sont pas toujours très probants. À l'autre bout de la lunette,
ce que nous pouvons voir, c'est la rétention, la fameuse
rétention, malgré qu'on ne la voit pas très bien. Nous, ce
qu'on peut voir, c'est qui reste et qui ne reste pas. Ceux qui ne restent pas,
est-ce qu'ils s'en vont dans les autres provinces? On peut toujours les
rechercher par un jeu de statistiques, en regardant leur lieu de
résidence quelques années auparavant. Mais ceux qui restent,
c'est ceux-là qu'on devrait pouvoir étudier d'un point de vue
sociologique.
Une voix: Merci, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paillé.
J'avais moi-même quelques questions à vous poser, mais
malheureusement, le temps passant, je vais peut-être juste vous la poser
et vous y répondrez plus tard, en dehors. Ma question est la suivante.
Dans les tableaux que vous faites, dans vos prévisions
démographiques, il y a des choses qui m'ont paru un peu, peut-être
le grain de sable qui change votre scénario. Tout d'abord, il y a le
taux de rétention des immigrants en période de crise
économique. En d'autres termes, si l'économie est moins bonne ici
et qu'elle est meilleure ailleurs, l'habitude de rétention peut
être amenée à changer, premièrement.
Deuxièmement, le même cas de crise économique peut dire
aussi migration des francophones, des jeunes, vers d'autres provinces, ce qui
n'est peut-être pas prévu dans votre cas. Aussi, et là,
c'est positif, les habitudes de natalité des nouveaux arrivants. J'ai
l'impression que vous êtes fixés sur 1,4, 1,8. C'est vrai que les
anciens groupes d'immigrants avaient peut-être le même taux de
natalité que les Québécois mais les nouveaux groupes qui,
eux, viennent plus du tiers monde, des pays asiatiques ou d'Orient ont une
habitude de natalité dans leur pays, des fois, de quatre, cinq ou six.
C'est sûr que, au Québec, ils n'en auront peut-être pas
quatre, cinq ou six mais ils en auront peut-être deux ou trois. À
ce moment-là, ça va amener un autre genre de groupe. Mais,
malheureusement, je ne pense pas que je puisse attendre votre réponse
parce que... (18 h 15)
Mais c'était une question que... et j'aimerais ça que vous
puissiez nous mentionner... peut-être en répondant à M.
Godin, en même temps, puisque je voulais lui passer la parole et le temps
passe vite.
Alors, M. Godin.
M. Godin: Est-ce que notre invité est prêt à
répondre à la question de M. le Président?
M. Paillé: Je pourrais y répondre très
brièvement.
M. Godin: Bien, allez-y.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Godin.
M. Paillé: Sur la rétention... Est-ce que je
réponds tout de suite, là?
Le Président (M. Gobé): Oui, mais très
rap... Il ne faut pas prendre longtemps.
M. Paillé: Sur la rétention... En rapport avec la
situation économique, on ne l'a pas observée de façon
tangible à propos des immigrants. On l'observe pour l'ensemble de la
population et, effectivement, ça joue. Jusqu'à quel point sur les
immigrants? Ça, on le connaît mal parce qu'on connaît
déjà mal la migration subséquente des immigrants.
Deuxièmement, sur la migration des francophones eux-mêmes,
ça, c'est assez marginal, ça se maintient toujours. C'est peu
étudié étant donné le peu d'importance que
ça a dans la composition globale de la population du Québec par
groupe linguistique. Dernièrement, la natalité des immigrants.
Très récemment, un de nos membres a mesuré ce
phénomène-là et les immigrantes recensées en 1986
ont eu deux enfants, en moyenne. On a l'impression, évidemment, que
ça peut être trois ou quatre, rendues ici, même si elles
viennent de sociétés où c'est cinq ou six. On oublie que
les immigrants vieillissent à leur tour, rendus ici, et que leur
comportement change rapidement. C'est évident que les immigrants
arrivés au cours des dernières années, qui n'ont pas
complété leur famille, en auront plus. Si on allait chercher
ceux-là, on arriverait peut-être à trois ou quatre enfants
pour ces groupes-là. Mais ils sont tellement peu nombreux par rapport
à l'ensemble de la population immigrée et, a fortiori, par
rapport à l'ensemble de la population anglophone, qu'ils ne modifient
pas le "deux enfants par famille" de cette population-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Paillé. M.
le député de Mercier. Je vous remercie d'avoir laissé le
temps de répondre.
M. Godin: Oui. Ça m'a fait plaisir, M. le
Président. N'importe quoi, pour un ami. M. le démographe, je vais
vous amener sur un terrain qui n'est pas le vôtre, mais je me risque
quand même puisque vous m'avez dit, tout à l'heure, que vous
étiez une sorte de touche-à-tout statistique. Il y a deux
hypothèses qui circulent par rapport à l'aspect économique
de l'immigration: l'une disant que l'immigrant, en fait, est un fardeau pour
notre société d'accueil et l'autre disant que, de toute
manière, qu'il soit riche ou pauvre, il est un acquis économique
positif certain. Maintenant, ma question c'est: Est-ce qu'il y a des moyens de
vérifier, effectivement, dans les statistiques existantes au BSQ ou
à Ottawa, l'hypothèse que tout immigrant est un éventuel
consommateur, donc une contribution positive à l'économie d'un
pays? Est-ce qu'on peut présumer que cette hypothèse-là
peut se vérifier dans la réalité statistique ou autre?
M. Paillé: Le gouvernement fédéral a fait
une vaste enquête sur des questions de ce genre-là et le rapport
immigration-économie donne des résultats, à un niveau
macroscopique, pour l'ensemble du Canada ou pour l'ensemble d'une grande
province comme l'Ontario ou le Québec. Il donne des résultats
très très faibles d'un point de vue macroéconomique pour
une raison très simple: c'est qu'un taux d'immigration, disons, de 0,25
% de notre population, par année, ça ne change pas grand-chose
à l'ensemble d'une
population qui compte pour 99,75 % de cette population-là qui
reçoit l'immigrant d'année en année. Cependant, si on
faisait des analyses plus fines, par sous-région, par sous-groupe
d'immigrants et en tenant compte des immigrants qui se sont mieux
adaptés, à des moments d'expansion économique, versus
d'autres immigrants qui sont arrivés en période de
difficultés économiques et qui se sont moins adaptés, on
pourrait peut-être trouver des situations où c'est un acquis et
des situations où ça pourrait être un fardeau. Mais grosso
modo, nous considérons - quoique nous ne soyons pas des autorités
dans le domaine économique - que c'est probablement, à moyen
terme, un facteur neutre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: Ça, c'est une vraie réponse de
scientifique. Ha, ha, ha! Donc, faute d'avoir les données requises, on
ne peut dire qu'une chose: si l'immigrant arrive ici dans une période de
développement économique considérable, comme tout le monde
dans une province donnée, il va contribuer au développement
économique. À l'inverse, s'il arrive en période de crise
comme maintenant, il va contribuer à affaiblir, en fait,
l'activité économique. Il va coûter plus cher que ce qu'il
peut rapporter éventuellement. Est-ce qu'on peut dire ça? Tout
dépend donc de l'environnement économique de l'époque
à laquelle il s'installe au Québec ou en Ontario.
M. Paillé: Effectivement, on a déjà
suggéré de faire des études
coûts-bénéfices. Vous avez employé l'expression "va
coûter plus cher que ce qu'il va rapporter". Ça n'a jamais
été fait à ma connaissance, ce genre de... Est-ce que,
depuis la création du ministère de l'Immigration devenu le MCCI
par après, on a évalué de cette manière-là
tous les investissements qui ont été faits en termes de
coûts-bénéfices? Si on a posé la question, c'est
probablement qu'on ne l'a pas fait. Il faudrait... C'est une approche
pluridisciplinaire qu'il faudrait pour réussir ça. Ce n'est
certainement pas quelque chose de très facile à faire. Mais, en
général, les courbes d'immigration, les fluctuations vont avec un
retard, je veux dire un décalage dans le temps, avec la proportion de
non-emploi. Effectivement, on peut remarquer, dans les années 1980 par
exemple, que l'immigration a baissé quelques années après
que le chômage a augmenté et qu'ensuite, l'immigration s'est mise
à... On a augmenté les objectifs d'immigration une fois qu'on a
réalisé que l'économie était bien repartie. Mais au
niveau microscopique dans une petit région donnée, il peut
arriver, bien sûr, qu'on ait des cas bien concrets de situations
où l'investissement vaut la peine même en période de crise
économique ou qu'en période de crise, on ait eu des
difficultés à intégrer ces immigrants-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Mercier. Maintenant, je vais passer la parole à
M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, merci. Peut-être que,
comme membre de l'Opposition... Vous avez dit, vous-même, que vous aimiez
bien vous critiquer entre vous. Nous aussi, on aurait peut-être une
petite critique à faire en disant qu'on aurait aimé vous voir
avant mais malheureusement, lors des discussions qu'on a eues avec des
représentants de la ministre, ça n'a pas été
possible avant. Je pense que votre rapport est très important. Vous avez
donné aussi une autre raison de faire les faits saillants, si on peut
dire, de votre document, disant que les effets étaient neutres. Vous
nous dites dans votre document, justement, qu'il ne faut pas surévaluer
les effets positifs de l'immigration sur l'avenir démographique.
Il ne semble pas, non plus, y avoir de consensus, surtout chez les
démographes, sur la nécessité absolue d'une croissance
démographique. Mais il y a une chose que j'ai cru comprendre, sans avoir
votre consensus, c'est qu'il y a encore bien des recherches à faire.
J'ai compris par vos demandes incessantes que vous demandiez que des recherches
soient faites sur tel et tel sujet.
Il y en a un, justement, qui m'amène à vous poser une
question. Plusieurs fois où on a entendu des consultations, et peu
importe à quel niveau - probablement que vous en avez eues vous autres
aussi - même la ministre a fait mention, à l'époque, qu'il
y avait une deuxième génération de la loi 101. On souligne
que ces jeunes-là peuvent être une référence
grâce à leur intégration dans la collectivité
québécoise. J'aimerais que vous me disiez si votre
évaluation, dans ce sens-là, est équivalente aux critiques
qu'on entend ou si c'est en partie positif pour les personnes qui disent qu'il
y a une deuxième génération de la loi 101?
M. Paillé: La deuxième génération de
la loi 101, on peut la définir de la façon suivante: ce sont les
enfants qui sont arrivés comme immigrants immédiatement
après la Charte de la langue française, à la fin de 1977,
en 1978, 1979, 1980, qui étaient déjà assez
âgés, disons 14, 15, 16 et 17 ans, pour passer quelques
années dans nos écoles secondaires et qui ont vieilli comme tout
le monde dans les années 1980 pour arriver actuellement autour de 28, 29
ans, c'est-à-dire à l'âge moyen de la
fécondité. Normalement, ces jeunes-là, les premiers qui
sont passés dans nos écoles, suite à la Charte de la
langue française, ils ont en moyenne un enfant, puisque c'est deux pour
eux, ils sont rendus au milieu de leur vie féconde. J'ai fait les
calculs pour estimer que probablement 500 à 600 de leurs enfants sont
à leur tour dans les écoles françaises. La deuxième
génération, elle est très infime, ça ne
représente même pas 1 % des écoliers d'immigrants, des
enfants d'immigrants qui sont enfants de ceux qui ont été
les premiers à entrer dans nos écoles françaises, suite
à la Charte de la langue française. Cependant, j'ajouterai
à ça que dans l'avenir,dans 5 ou 10 ans, il faudra faire
des études là-dessus et on aura besoin d'un outillage pour le
faire. Il y aurait intérêt à ce que le ministère de
l'Éducation demande aux commissions scolaires des informations sur la
mère des enfants qui étudient en français dans nos
écoles. Si on savait, au moins, le nombre d'années d'enseignement
que la mère a reçues en français au Québec,
seulement cette question-là, on serait en mesure de savoir, de
déceler, de répartir les allophones dans nos écoles
françaises entre ceux de la première génération et
ceux de la seconde génération. Alors, il nous faudrait une
donnée de plus. Mais c'est possible actuellement de faire des
estimations. Par toutes sortes d'hypothèses, on arrive à des
résultats très, très faibles parce que la Charte de la
langue française n'a que 14 ans.
M. Jolivet: Donc, dans ce contexte-là, les effets positifs
d'une forte immigration au Québec sur notredémographie,
sur notre poids dans l'ensemble canadien, comme Québécois
francophones, pour vous, sans vouloir le mettre en doute, vous ditescependant quece n'est pas sûr, sûr quece soit
aussi réel qu'on semble vouloir le dire.
M. Paillé: Quand vous parlez de poids du Québec
dans la Confédération, en rapport avec l'immigration, là
vous parlez de régionalisation de l'immigration canadienne. Il faut
garder à l'esprit ce queje disais tout à l'heure: 80 %
des immigrants sont installés à l'ouest de l'Outaouais alors
quela population de ces cinq provinces-là n'est que de 65 %.
Ensuite, il ne faut pas oublier que nous sommes toujours la dernière
province pour la fécondité. Tant que nous ne reprendrons pas les
premiers rangs en matière de fécondité, surtout devant
l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta qui sont les trois provinces
qui accueillent le plus d'immigrants, qui ont plus que leur poids de la
population comme immigrants, tant qu'on ne devancera pas ces
populations-là, on peut être dépassés par
l'île-du-Prince-Édouard ou Terre-Neuve ça, ça ne
serait pas grave, mais il ne faut pas être derrière. Au point de
vue accroissement naturel, on ne peut pas reprendre, ou du moins ralentir de
façon suffisante le déclin du poids de notre population dans la
Confédération canadienne sans reprendre le dessus en termes de
fécondité sur l'Ontario et la Colombie-Britannique, en
particulier.
M. Jolivet: Alors, au nom de notre formation politique, je tiens
à vous remercier de vos conseils et de vos suggestions. Espérons
qu'on tiendra compte de cela et que vous obtiendrez, peut-être, comme
démographe, les moyens nécessaires d'aller plus loin dans la
recherche.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Laviolette. Mme la ministre, rapidement, en conclusion
s'il vous plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. Paillé, je veux
également vous remercier pour vos commentaires et j'ose espérer
que nous pourrons, dans quelque temps, vous fournir des données afin de
vous permettre de poursuivre votre travail. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): M. Paillé, au nom
des membres de la commission, je tiens à vous remercier. Vous êtes
un peu comme un "AWACS", pour une politique de population et d'immigration. Les
démographes, c'est vous qui mettez un peu les balises, et je tiens
à vous remercier, moi aussi, de votre visite. Elle a été
fort instructive. Alors sur ce, je me dois de suspendre les travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures, où nous entendrons l'Association
professionnelle des consultants en immigration du Québec.
Alors la séance est suspendue.
(Suspension de la séance à 18 h 30)
(Reprise à 20 h 32)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Peut-être qu'il y a des choses qui peuvent se faire plus
tard. Monsieur, en arrière, pourrait peut-être... Ce n'est pas
nécessaire de faire ça tout de suite. Alors, cette commission
reprend donc ses travaux avec un petit peu de retard, malheureusement. Alors,
avec toutes les excuses, notre caucus s'est poursuivi un peu plus longtemps et
c'était la salle qui nous est assignée. Donc, je souhaite la
bienvenue à l'Association professionnelle des consultants en immigration
du Québec. Je vois qu'ils ont pris place en avant. On en reconnaît
un à qui je souhaite la bienvenue, notre ex-collègue, M. Blank.
Il y en a d'autres qu'on ne connaît pas. Je leur demanderais
peut-être de se présenter. Ils disposeront d'une vingtaine de
minutes pour nous résumer leur mémoire, en tout cas nous dire ce
qu'ils ont à nous dire. Après ça, l'Opposition et les
ministériels auront un temps équivalent pour discuter avec vous.
Alors, nous vous écoutons. Vous pouvez faire les présentations
dès maintenant.
Association professionnelle des consultants en
immigration du Québec
M. Mallette (Daniel): Merci, M. le Président. Je voudrais
vous présenter mes collègues du conseil d'administration.
À ma droite, vous l'avez mentionné, Harry Blank, qui est le
deuxième vice-président de l'Association. À mon
extrême droite, Thomas Lo, qui est le trésorier de
l'Association. Sur ma gauche, Michel Ben-chetrit, à ma gauche
immédiate, et à l'extrême gauche, Roger Ferland, qui sont
cinq des sept membres du conseil d'administration de l'Association des
consultants en immigration. Il y a sept membres sur ce conseil et c'est un
exécutif, c'est un conseil qui vient d'être élu la semaine
dernière. C'est un nouveau conseil d'administration. On va vous
présenter notre mémoire, qui n'est pas tout à fait celui
qu'on...
Le Président (M. Doyon): Et vous êtes monsieur...
Juste pour les fins...
M. Mallette: Ah! Pardon. Daniel Mallette. Moi, je préside
l'Association. Je m'excuse.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Bienvenue.
M. Mallette: Merci. L'Association professionnelle des consultants
en immigration du Québec a vu le jour en décembre 1988 et compte
près d'une cinquantaine de membres en règle, soit l'immense
majorité des praticiens en immigration. Les membres de l'Association
proviennent de différents milieux professionnels. Ils sont comptables,
administrateurs, avocats et ont, dans plusieurs cas, une pratique de plusieurs
années et, dans certains cas, une pratique qui précède la
naissance du ministère de l'Immigration.
Leur travail consiste surtout, aux membres, à recruter des
candidats, à préparer leur dossier d'immigration, à le
présenter aux autorités compétentes et à faciliter
l'intégration de ces candidats à l'immigration. Une fois que ces
gens-là sont reçus comme immigrants, ils restent souvent nos
clients. Les consultants en immigration touchent toutes les catégories
d'immigrants, mais plus particulièrement la clientèle des gens
d'affaires.
À titre indicatif, on peut souligner qu'environ 70 % des
candidats gens d'affaires qui sont recrutés au Québec
actuellement le sont par des membres de l'Association. Afin de faciliter le
recrutement de ces candidats-là, la majorité des consultants qui
sont membres de l'Association ont développé un réseau de
représentants à l'étranger, qui sont présents sur
les cinq continents, et nos agents font la promotion du Québec. On a des
agents en Asie, au Proche-Orient, en Europe, en Afrique; on a des agents
partout dans le monde. On estime le nombre de nos agents à environ 500,
qui sont répartis un peu partout dans le monde, et ces agents-là,
à l'étranger, se recrutent surtout parmi des avocats et des
comptables de ces pays-là. La majorité des consultants qui sont
membres de notre association effectuent de deux à quatre voyages
annuellement à l'étranger, en vue de recruter des immigrants, et
plusieurs de nos membres ont même des bureaux à l'étranger,
à Taipei, à Hong-
Kong, à Dubaï, un peu partout dans le monde.
Ce réseau-là aussi permet à l'occasion de
réaliser des activités d'exportation et de mettre des entreprises
québécoises en contact avec des entreprises
étrangères. Il arrive très souvent que, par le biais des
contacts qu'on développe en matière d'immigration, on soit
associés à des projets d'investissement, des projets d'accord
sous licence de "joint venture" ou même à des exportations. Ce
réseau de promotion du Québec à l'étranger,
bâti par les consultants en immigration, est souvent méconnu des
autorités gouvernementales, et ce qu'on voudrait souligner, ce soir,
c'est que ce réseau-là recèle un potentiel énorme
pour le Québec et qui ne coûte rien à l'État
québécois.
Les consultants en immigration font aussi des efforts importants au
niveau de l'établissement et de l'intégration des nouveaux
immigrants. Comme on le mentionnait tantôt, très souvent, quand
ces immigrants-là sont arrivés, sont reçus ici, ils se
servent de nous pour obtenir la carte d'assurance-maladie, la carte d'assurance
sociale. On agit comme conseillers pour trouver des occasions d'investissement,
pour trouver des produits à exporter, pour partir en affaires. Or, donc,
on joue aussi un rôle important au niveau de l'intégration de
cette clientèle-là.
On contribue aussi à préparer les voyages de prospection
de cette clientèle-là, qui vient au Québec pour rencontrer
les autorités gouvernementales pour des fins d'immigration. À
cette occasion-là aussi, on les présente très souvent
à des entrepreneurs locaux, aux chambres de commerce locales, aux
autorités gouvernementales du ministère de l'Industrie et du
Commerce ou de la Communauté urbaine de Montréal. On les met en
contact, en fait, avec tous les intervenants qui sont actifs en matière
de développement économique au Québec et on leur fournit,
à ces clients-là, toute l'information pertinente sur
l'économie, le milieu de travail, le système fiscal, le
système scolaire et, enfin, tous les services dont ils auront à
se prévaloir dans le futur, une fois installés ici.
En résumé, ce qu'on peut dire des consultants en
immigration, c'est qu'ils font un travail de promotion et de recrutement
d'étrangers, de présélection des candidats et un travail
d'aide à rétablissement. Les consultants se sont regroupés
au sein d'une association, en 1988, d'une part, afin d'encadrer leur travail,
leur profession, que ce soit par le biais d'un code d'éthique... On a
aussi des critères d'admissibilité, des critères
d'admission, avant qu'un membre puisse devenir membre de l'Association et aussi
pour des objectifs de formation des membres de l'Association. Notre association
est la seule qui existe au Canada et il n'y a pas d'autre association du genre
ailleurs au Canada, même s'il y a autant de praticiens en matière
d'immigration ailleurs au Canada. Le Québec est le seul à avoir
créé une
association semblable.
Il y a un autre exemple du genre en Australie, où les consultants
en immigration ont une association semblable à la nôtre, une
association avec laquelle on est en contact. Beaucoup de nos règles de
fonctionnement ont été empruntées au Barreau du
Québec et malgré le fait que notre existence soit très
récente, nous croyons avoir démontré jusqu'à
maintenant beaucoup de sérieux et de responsabilité dans le
travail de recrutement qu'on fait. C'est au nom de ce réseau-là
que l'Association a décidé de présenter un mémoire
à la commission parlementaire de la culture, responsable de la
consultation sur l'énoncé de politique en matière
d'immigration.
Ce soir, on n'a pas l'intention de lire ce mémoire-là que
l'Association a déposé récemment. D'une part, le
mémoire originait d'un conseil d'administration qui nous
précédait et, d'autre part, il y a certaines parties de ce
mémoire-là qui sont un petit peu dépassées
aujourd'hui, dans la mesure où le Québec a signé une
entente avec le Canada en matière d'immigration. Ce qu'on souhaiterait
faire simplement, ce soir, et très brièvement, c'est d'exposer
nos opinions, nos idées quant à l'apport économique du
phénomène migratoire, de la concurrence, particulièrement
dans le domaine des immigrants d'affaires, de la concurrence mondiale de plus
en plus vive pour attirer ces immigrants d'affaires là, et on voudrait
aussi exprimer le point de vue qu'il y ait une nécessaire
coopération entre le gouvernement et le secteur privé, si on veut
que le Québec obtienne sa juste part du mouvement migratoire des gens
d'affaires. Il y a actuellement plusieurs pays, comme je vais vous en parier un
peu plus loin, qui commencent à développer de plus en plus de
programmes pour attirer cette clientèle-là des gens d'affaires.
En limitant au minimum notre présentation, on pourra par la suite, je
pense, échanger certaines idées.
Comme vous le mentionnez dans votre énoncé de politique,
l'immigration peut apporter une contribution significative au
développement économique, en favorisant la consommation,
l'investissement et en suppléant à des besoins de main-d'oeuvre
auxquels le marché local ne peut pas répondre. De plus, dans un
contexte d'interdépendance et de mondialisation des
phénomènes économiques, il nous semble, nous de
l'Association, qu'il est fondamental que le Québec accorde une
très grande importance à l'ouverture sur les marchés
étrangers. L'immigration économique, au même titre que le
commerce et la finance internationale, constitue une fenêtre qui permet
au Québec de se brancher sur des réseaux internationaux.
Au cours de la dernière décennie, l'immigration
constituait l'un des plus importants phénomènes qui a
marqué les sociétés occidentales. En particulier, un des
faits marquants de cette décennie a été la revalorisation
du statut des immigrants. Si on peut dire que, dans le passé,
l'immigration était davantage caractérisée par la venue
d'une main-d'oeuvre peu instruite et non qualifiée, il en est tout
autrement aujourd'hui.
Les employeurs et les pays sont à la recherche d'une
main-d'oeuvre qualifiée, innovatrice et au fait des dernières
technologies, d'une part, et d'autre part, ces mêmes pays-là, de
plus en plus dans le monde, sont à la recherche d'entrepreneurs et
d'investisseurs. Selon les recensements statistiques américains, les
immigrants d'aujourd'hui sont plus susceptibles que l'Américain moyen de
naissance d'être un diplômé universitaire ou
collégial. De plus, toujours aux États-Unis, plus de 25 % des
nouveaux arrivants se décrivent comme des cadres, des professionnels,
des techniciens ou des hommes d'affaires. Armés d'un bon bagage
économique et d'un sens de l'initiative poussé, ces nouveaux
immigrants, en plus de faire sentir leur présence dans leur pays
d'adoption, contribuent sensiblement au potentiel de développement de
leur pays d'adoption. Au cours des dernières années, tous les
pays industriels ont senti l'impact de ce phénomène et ont
développé des politiques et programmes de recrutement agressifs
en vue de recruter leur juste part de ces mouvements-là.
Et je vais vous citer quelques exemples de ça. Le plus
récent, c'est l'exemple américain. Les États-Unis, par
exemple, lanceront, à partir du 1er octobre prochain, un nouveau
programme qui permettra à tout immigrant d'obtenir le statut de
résident, moyennant un investissement qui pourra se chiffrer entre 500
000 $ US ou 3 000 000 $ US, selon que la zone d'investissement soit
considérée à forte ou faible croissance économique.
Il s'agit là d'un programme qui est inspiré de l'exemple
canadien. J'étais à Washington en fin de semaine à ce
sujet-là. On s'attend toutefois à ce que la mise en oeuvre de ce
programme-là soit beaucoup plus simple que les procédures
d'immigration canadienne ou québécoise.
L'Australie a depuis quelque temps délégué le
recrutement et la sélection des gens d'affaires au secteur privé,
en accréditant des consultants et des avocats qui sont habilités
à faire ce travail-là Les fonctionnaires ne sont pas
impliqués. Ce sont les consultants du secteur privé qui font ce
travail-là. Le Mexique s'apprête à lancer un programme qui
s'adressera prochainement à la catégorie des gens d'affaires.
Même le Japon où, traditionnellement, les expatriés
ont toujours été considérés comme des
étrangers, les attitudes xénophobes sont relayées au
second plan. Les Japonais favorisent désormais des attitudes plus
libérales, en vue de favoriser le recrutement de main-d'oeuvre
spécialisée. Le gouvernement japonais a récemment
réagi en facilitant les exigences relatives au permis de travail.
En somme, cette montée de l'importance des
phénomènes migratoires et l'importance... Ce que
je voulais illustrer par tout ça, c'est l'importance de
l'immigration dans le monde entier et dans tous les pays industrialisés.
Et ce phénomène-là est particulièrement marquant
pour notre voisin du Sud, qui reçoit annuellement 600 000 nouveaux
immigrants, en plus du million de personnes qui rentrent illégalement
aux États-Unis. Selon les recensements américains, 22 % de tous
les emplois qui seront créés d'ici la fin du siècle seront
occupés par des immigrants. 60 % de tous les immigrants aux
États-Unis vivent dans 5 États: la Californie, le Texas, la
Floride, New York et l'Illinois. De plus, 2 immigrants sur 5 aux
États-Unis ont tendance à s'installer à New York ou
à Los Angeles. Lorsqu'ils s'installent aux États-Unis, la balance
est toujours dans les grandes capitales. En somme, on s'est permis cette
brève description pour illustrer quelques points qui sont aussi valables
pour le Québec. (20 h 45)
Le premier point qui ressort de cette belle description-là, c'est
qu'au cours de la décennie, l'immigration était un
phénomène mondial important. Deuxièmement, toutes les
sociétés occidentales et industrialisées reconnaissent
l'importance accrue de ce phénomène, tant du point de vue
culturel, économique et démographique. Le troisième point
qu'on tire de tout ça, nous, c'est que les points marquants qui
caractérisent ces phénomènes migratoires-là dans
l'ensemble de l'Occident, s'appliquent aussi au Québec. Et les traits
caractéristiques de ce phénomène nouveau, on peut les
illustrer avec quelques idées. Cette croissance des immigrants est
accompagnée d'un niveau de scolarité qui est beaucoup plus grand
qu'antérieurement. Cette croissance d'immigration entraîne aussi
des incidences démograhiques très, très importantes aux
États-Unis, en France, au Mexique, en Amérique latine. L'apport
de ces immigrants est d'une importance capitale pour les pays d'accueil. Les
immigrants qui arrivent font toujours preuve d'une initiative très,
très importante. Ils sont très créatifs, ont un sens de
Pentrepreneurship" qui est poussé. Et, enfin, ce qu'on constate, c'est
que l'immigration se concentre surtout dans les grandes capitales.
Quatrièmement, quand on fait un tour d'horizon comme ça, dans
tous ces pays-là, on constate que la définition et le bon dosage
des politiques, des lois et des programmes, des procédures d'immigration
jouent un rôle important, dans toutes ces
sociétés-là, sur les efforts de recrutement et de
promotion des pays d'accueil.
C'est dans ce contexte-là que l'on reconnaît que
l'immigration prendra une dimension accrue, et où l'on constate que la
compétition entre pays pour attirer le meilleur de ces mouvements
migratoires-là sera de plus en plus forte, que l'Association
considère qu'il est impératif que le secteur privé et le
gouvernement unissent leurs efforts et cherchent des voies de
coopération. Il nous semble qu'il y va de l'intérêt du
Québec, et on vous offre, finalement, toute notre coopéra- tion
pour discuter éventuellement des mouvements migratoires des gens
d'affaires.
En particulier, nous sommes d'avis que le dossier des gens d'affaires
mérite une importance très importante. La catégorie des
gens d'affaires représente actuellement 22 % du volume total d'admission
au Québec. Le gouvernement actuel désire continuer à faire
de cette catégorie une priorité, et nous sommes
entièrement d'accord avec cette approche, d'autant plus que nous sommes
actuellement dans une crise économique qui est assez sérieuse.
Comme on l'expliquait plus tôt, dans mes propos qui
précèdent, la concurrence pour attirer les gens d'affaires est
très vive sur le plan international, et plusieurs facteurs peuvent
être à l'origine de l'échec ou du succès d'un pays,
dans ce marché-là. Et un des facteurs importants, dans tous les
pays où il y a des mouvements de gens d'affaires, c'est l'implication du
secteur privé. Très souvent, les gens du secteur privé
sont à l'affût de tout ce qui se passe dans le monde et sont
souvent, dans ces marchés-là, avant les gouvernements ou avant
les fonctionnaires, et sont capables souvent de générer, de
contribuer beaucoup à la venue de certains de ces
immigrants-là.
En vue d'améliorer la position compétitive du
Québec dans ce marché-là, nous nous permettons de vous
faire certaines recommandations. Afin d'être plus incitatifs
auprès de la classe d'affaires, il serait souhaitable, selon nous,
d'accélérer la procédure d'émission des CSQ et ce,
particulièrement pour la clientèle des investisseurs. Les
délais d'émission des CSQ sont actuellement très longs
dans certaines parties du monde, et de nombreux investissements qui pourraient
être réalisés au Québec tardent à être
réalisés parce que les CSQ ne sont pas émis. Très
souvent, quand on travaille avec nos investisseurs, on s'organise pour faire
faire l'investissement lors de l'émission des CSQ, dans le cadre du
programme investisseur. Et plus les CSQ tardent à être
émis, plus les investissements tardent à être
réalisés.
Deuxièmement, on pense qu'on devrait éviter des
décisions contradictoires dans les procédures de
sélection, enfin, dans le processus de sélection entre ce qui se
fait à Montréal et à l'étranger. De nombreuses
personnes d'affaires qu'on amène à Montréal en voyage de
prospection sont approuvées par les fonctionnaires qui travaillent
à Montréal et souvent, leur geste est désavoué dans
les bureaux à l'étranger. À notre avis, ce manque de
cohérence-là discrédite le Québec, son gouvernement
et les consultants qui travaillent en immigration. Il s'agit là pour
nous d'un problème très important et qui pourrait, à
terme, nuire sérieusement aux efforts de recrutement du Québec
à l'étranger. À notre avis, on pourrait trouver une
solution rapide à ce problème-là qu'on soulève ce
soir. Dans la catégorie des gens d'affaires aussi, la
sous-catégorie qui apporte le plus au Québec, actuellement, est
celle
des investisseurs. Les pratiques de sélection du ministère
sont telles qu'il est beaucoup plus difficile de se qualifier comme
investisseur que comme entrepreneur et ça, c'est systématique
partout dans le réseau. Nous en avons déjà fait part au
ministère et, à mon avis, c'est malheureux parce que, quand un
investisseur est sélectionné, on a l'assurance que le
Québec aura un investissement de 250 000 $. Quand un entrepreneur est
sélectionné, on n'a aucune assurance qu'il va investir et,
à notre avis, le gouvernement devrait peut-être donner la
préférence à cette clientèle-là.
En ce qui concerne les entrepreneurs, l'Association des consultants a
fart des recommandations en vue d'accroître les retombées
économiques engendrées par l'arrivée de ces
immigrants-là. En somme, ce que l'Association proposait, c'est une
proposition qu'on a faite au ministère l'année dernière.
C'est qu'à l'exemple du programme investisseur, on contraint les
entrepreneurs d'investir, de placer en fidéicommis une somme de 75 000
$, qui serait libérée à la suite de la réalisation
de l'investissement par l'entrepreneur, l'investissement qu'il s'était
engagé à réaliser, lors de l'entrevue avec les
fonctionnaires. À notre avis, un tel programme permettrait
d'accroître le taux de rétention des entrepreneurs qui se
destinent au Québec, tout en favorisant la création d'emplois et
aussi, stimulerait les gens du secteur privé: les banquiers, les
courtiers en valeurs mobilières, les banquiers d'affaires. Ça
essaierait de trouver des occasions d'affaires pour toute cette
clientèle-là qui mettrait de l'argent en fidéicommis.
Et, pour terminer, en ce qui concerne le taux de rétention des
gens d'affaires et le taux de rétention de l'ensemble des immigrants,
nous tenons à mentionner quelques faits. Premièrement, à
notre avis, aucune étude n'a été en mesure de cerner avec
exactitude le phénomène de déperdition des entrepreneurs
qui se destinent au Québec, ce qui fait que tout le monde, actuellement,
est tenu à des approximations, et ça c'est vrai pour toutes les
catégories d'immigrants, je pense. Ce qu'on veut aussi exprimer, c'est
que, très souvent, on accuse les entrepreneurs de transiger avec le
Québec et, par la suite, de se destiner vers d'autres provinces.
À notre avis, ce phénomène-là n'est pas plus grave
pour les entrepreneurs qu'il ne l'est pour les autres catégories
d'immigrants. Toutes les catégories d'immigrants qui n'arrivent pas
à se faire une place au Québec, qui ne se trouvent pas un emploi,
qui ne trouvent pas d'occasions d'investissement peuvent être
tentés d'aller s'installer à Toronto, à Vancouver,
ailleurs, même à New York ou même aux États-Unis,
s'ils ne sont pas capables de faire des affaires ou de s'intégrer
ici.
Par ailleurs, comme j'exprimais tantôt, une des façons de
retenir ces immigrants-là, ce serait peut-être de les contraindre
davantage d'investir et de réaliser la promesse d'investissement qu'ils
s'étaient engagés à réaliser lors de l'entrevue de
sélection.
En guise de conclusion, on voudrait réitérer au
ministère et au gouvernement que l'APCIQ souhaite vivement
coopérer avec le gouvernement sur toutes les questions d'immigration et,
en particulier, pour tout ce qui regarde le dossier des gens d'affaires. Il me
semble que ce serait dans l'intérêt de tout le monde. Les
consultants ont une expérience pratique qui est très valable, qui
s'exerce sur les cinq continents. Ils ont le pouls du marché et
pourraient vous dire énormément de choses sur ce qui se passe
à l'étranger Compte tenu de la complexité de plus en plus
grande des procédures d'immigration et du comportement spécifique
des gens d'affaires qui ont tendance à faire appel à des
consultants, le nombre de candidats qui font appel à des consultants
d'immigration n'a fait qu'augmenter au cours des dernières années
et, selon nous, continuera à augmenter. Pour cette raison, les
consultants québécois sont actuellement à l'origine d'une
forte proportion des immigrants d'affaires qui se destinent au Québec.
Ils ont donc une connaissance pratique et opérationnelle de ce
marché qui pourrait être utile au gouvernement.
Voilà, en quelques mots, ce que je souhaitais vous dire sur un
sujet qui nous intéresse beaucoup. Je vous remercie de votre attention,
et si vous avez des questions que vous voulez discuter au sujet de la
clientèle d'affaires ou de l'immigration générale, on est
ouverts aux questions.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Mallette. Je
pense que Mme la ministre veut probablement vous poser quelques questions.
Mme Gagnon-Tremblay: Sûrement, oui. Merci, M. Mallette, de
votre présentation. Je voudrais, bien sûr, saluer aussi les gens
qui sont avec vous et profiter de cette occasion, puisque je l'ai appris ce
soir, que vous avez été nommé à la
présidence de l'Association et j'en suis très heureuse. Je vous
félicite. Bon.
L'association peut faire beaucoup pour le recrutement au niveau des gens
d'affaires, comme vous l'avez si bien mentionné, et, entre autres, vous
parliez aussi d'un code d'éthique que l'Association s'était
donné. Je sais que lorsque nous nous étions rencontrés, au
tout début de l'incorporation de votre association, je trouvais
ça important aussi que l'on puisse se donner un code d'éthique et
que l'on puisse travailler pour atteindre ensemble des objectifs que veut bien
atteindre le Québec, aussi, quand on parle d'immigration. Vous savez
actuellement qu'on veut faire la régionalisation et on veut essayer de
sélectionner aussi des gens d'affaires qui vont répondre au
développement économique du Québec. Alors, à
plusieurs occasions, j'ai men-
tionnô qu'on voulait aussi améliorer l'cnlrovue de
sélection, s'assurer que la personne qui va venir au Québec va
véritablement s'établir au Québec. Comme vous le
mentionniez, bien sûr qu'on n'a pas de chiffres réels sur le taux
de rétention, mais on a tout lieu de croire qu'on ne peut pas retenir
tous nos investisseurs et nos entrepreneurs.
Donc, l'importance aussi de faire une bonne sélection et d'avoir
aussi des dossiers qui sont, à mon avis, des dossiers qui
répondent vraiment aux objectifs. Parce que, comme on a
déjà eu l'occasion de s'en parler, bien sûr, lorsque la
personne est sélectionnée, elle arrive au Québec un an et,
parfois, deux ans. Bien, c'est certain que le projet d'affaires qui avait
été soumis, par exemple, en vue d'être accepté,
n'est souvent, une fois que l'étude du marché est faite, qu'un
projet qui est un peu... on pourrait considérer même un projet
bidon parfois, parce qu'il ne peut pas être mis en application.
D'où l'importance, finalement, de regarder aussi beaucoup la
capacité ou l'expérience d'affaires de toute personne qui veut
venir au Québec.
Mais je reviens au secteur d'activité, parce que nous travaillons
avec les régions. Nous demandons aux régions, actuellement,
d'identifier des secteurs d'activité pour que l'on puisse les mettre en
contact, bien sûr, avec des gens qui peuvent être
sélectionnés, mais aussi des gens qui arrivent. Parce qu'on sait
qu'il y a eu, par exemple, une sélection qui a été faite
et qu'arriveront tout près de 2000 entrepreneurs, cette année.
Bon, il faut s'occuper de ceux qui arrivent aussi. Je pense que c'est une
responsabilisé du ministère de les mettre en contact avec des
leaders économiques, avec des gens qui vont pouvoir aussi les informer
sur les lois fiscales, corporatives du Québec et ainsi de suite, mais
aussi répondre à certains secteurs d'activité.
Vous avez, par exemple, des régions et là, je ne parle pas
de toutes les régions. Je pense qu'il faut quand même commencer
par expérimenter certaines régions; là, au moins, on a des
directions régionales. Mais, il y a des régions qui ont des
secteurs d'activité, par exemple, je ne sais pas, moi, en métal,
en plastique ou en quoi que ce soit, comparativement à d'autres. Donc,
est-ce que le fait, par exemple, là, qu'actuellement vous n'avez pas
nécessairement ce bilan ou cet inventaire des besoins des
régions. J'imagine que lorsque vous pourrez vous procurer ces besoins,
vous allez peut-être pouvoir nous aider davantage dans le choix de ces
personnes qui pourront venir. J'imagine que pour vous, ça doit
être important aussi, le secteur d'activité, pour qu'on ne se
retrouve pas uniquement avec des gens dans les services, par exemple, qui vont
ouvrir peut-être un petit restaurant ou un dépanneur, qu'ils
devront fermer six mois après leur arrivée. Donc, ils ont perdu
leur argent et bien souvent, ça n'a pas nécessairement
rapporté au Québec. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. Mallette.
M. Mallette: En fait, je suis entièrement d'accord avec
vous. Pour intégrer les gens d'affaires, à mon avis, c'est
beaucoup plus au moment de leur arrivée qu'on peut discuter de
propositions d'affaires sérieuses. Moi, je situerais cette
problématique-là en deux temps. Dans un premier temps, il faut
revenir à votre intervention du début. Quand l'immigrant arrive
ici, il se présente au ministère; il fait un voyage de
prospection et il est très difficile pour lui de définir une
intention d'affaires très précise. La personne va passer quatre
ou cinq jours à Montréal et il faut toujours se mettre dans le
contexte que cette personne-là va obtenir un visa, souvent dans deux
ans, trois ans plus tard, et que la conjoncture va avoir totalement
changé, ce qui fait que, lors du voyage de prospection, il est
très difficile de travailler sérieusement à la
réalisation d'intention d'affaires de l'immigrant.
Par contre, une fois la personne arrivée ici, et c'est le cas,
comme vous le mentionnez, de tous ces gens-là qui vont arriver dans les
prochaines années, et de tous ces entrepreneurs-là qui arrivent
avec un visa conditionnel, il y a plusieurs entrepreneurs comme ça qui,
actuellement, sont à Montréal avec des visas conditionnels, qui
recherchent des occasions d'affaires. Et là-dessus, il est certain que
si le marché, par exemple, à Montréal était capable
de définir une banque d'occasions d'affaires dans laquelle les
immigrants pourraient, finalement, idéalement, dans un monde
idéal, choisir les opportunités d'affaires ou choisir des
partenaires d'affaires, ce serait vraiment le monde idéal. C'est par
contre un petit peu abstrait et difficile.
Notre expérience des gens qui sont à Montréal, qui
ont été reçus comme immigrants et qui cherchent des
occasions d'affaires, c'est que c'est souvent une question de "timing",
d'occasion, de chance, de hasard, de rencontre, de contact. Ils doivent
multiplier les contacts pour arriver à trouver une bonne occasion,
arriver à se trouver un partenaire, arriver à se définir
une intention d'affaires. Il est certain que le bilan de certains potentiels en
région ne peut pas nuire; ça peut être utile. Mais,
à mon avis, c'est uniquement un des éléments qui peut
aider les entrepreneurs à trouver des occasions d'affaires.
Ce qui est fondamental pour activer ce marché-là des gens
qui sont ici, à mon avis, c'est d'impliquer le secteur privé. Le
secteur privé, ça peut être les courtiers en valeurs
mobilières, les banquiers, les comptables agréés, les
bureaux d'avocats. Tout ce monde-là est souvent au courant d'occasions
d'affaires, de clients qui cherchent des partenaires, d'entreprises qui sont
à vendre ou de technologies à développer, et c'est en
multipliant les contacts avec les gens du secteur privé qu'on va
arriver
éventuellement à inciter ces gens-là, à les
amener à faire des affaires ici, au Québec. C'est un processus
qui est long et qui n'est pas facile à réaliser et, à mon
avis, ce n'est pas particulier à Montréal. C'est particulier
à toutes les capitales dans lesquelles s'installent les gens
d'affaires.
Je pense que tous ces programmes-là, c'est un investissement
à long terme pour l'État québécois, enfin, je parle
du programme d'entrepreneurs comme pour les autres provinces. Avant que
quelqu'un puisse démarrer une affaire ici, ça peut prendre deux
ans, trois ans, quatre ans avant qu'il trouve le bon filon, l'information, les
bons contacts et le bon "timing". (21 heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Lorsque vous parlez de visites de
prospection, qu'est-ce que c'est pour vous? Qu'est-ce que ça serait,
pour vous, une bonne visite de prospection? Parce que, aussi, vous l'avez
mentionné tout à l'heure, je pense qu'il faut travailler avec les
gens qui sont ici. Vous avez parlé de conseillers en valeurs
mobilières, par exemple, parce que des gens d'affaires, des banquiers ou
quoi que ce soit... Est-ce que c'est à partir de l'expérience
dans un secteur qui a déjà ce potentiel immigrant et qui est en
contact avec des représentants du même secteur ou quoi? C'est
quoi? Comment voyez-vous ça, une bonne visite de prospection, et sur
combien de temps ça pourrait s'échelonner? Pour vous, comment
voyez-vous ça, une bonne visite, et quel est le délai que
ça prend pour faire une bonne visite de prospection?
M. Mallette: Une bonne visite de prospection, à mon avis,
devrait se faire entre trois et cinq jours. Enfin, là, je donne un
chiffre approximatif. Ce qui est fondamental pour l'immigrant qui veut immigrer
au Québec à titre d'entrepreneur... En général, les
immigrants ont tendance à vouloir faire ce qu'ils ont fait pendant 10
ans, 15 ans, 20 ans. Si quelqu'un a été dans le domaine des
fonderies toute sa vie, il va vouloir faire quelque chose dans le domaine des
fonderies; quelqu'un dans la restauration va vouloir faire la même chose.
Une chose qui est très importante, lors de la visite de prospection,
c'est de faire rencontrer à cet entrepreneur-là des entrepreneurs
québécois qui oeuvrent dans le même domaine
d'activité.
Ce qui peut aussi être intéressant, c'est de faire
rencontrer certains fonctionnaires sectoriels du MIC, qui, dans le domaine
manufacturier, sont souvent à l'affût des plus récentes
technologies, des plus récents développements du marché au
Québec, qui vont être capables de nous dire dans quelle mesure le
Québec est compétitif dans un secteur donné, dans quelle
mesure il est tribu taire des importations, qui peut nous donner de
l'information sur le coût des salaires, qui peut donner des informations
à l'entrepreneur. Mais tout ça reste très superficiel. Des
rencontres semblables, on peut en faire pendant une journée et demie et
deux jours au maximum, mais ça permet à l'immigrant de prendre le
pouls de la situation dans un secteur donné, de retourner chez lui
réfléchir à tout ça et, éventuellement,
d'obtenir de l'information additionnelle. Notre client n'est pas prêt
à investir à ce moment-là Ça lui permet simplement
de faire un survol de la situation et d'avoir un aperçu de ce qui se
passe dans son secteur au Québec. Alors, la dimension affaires est
très importante.
Il y a aussi toute la dimension intégration. Ce qui est
fondamental, quand ces gens-là passent ici, c'est de savoir qu'on est
dans une province qui est française. En général, ils le
savent quand ils viennent ici. De connaître un petit peu ce qui se passe
dans le domaine du marché immobilier pour voir combien il peut en
coûter de vivre ici, d'installer une famille ici, d'avoir un peu
d'information sur les écoles, comment ils vont pouvoir intégrer
les enfants à l'école, leur donner de l'information sur les
classes d'accueil. Et après, évidemment, comme on rencontre les
fonctionnaires du ministère, il faut s'allouer un peu de temps à
la préparation du dossier d'immigration. Tout ça, à mon
avis, peut se faire, maximum je dirais, de quatre à cinq jours. Plus que
ça, c'est finalement tourner en rond et pas très utile parce
qu'il faut toujours se mettre dans l'esprit que notre client est ici,
l'immigrant potentiel est ici pour se faire une idée de ce qui se passe
dans son secteur d'affaires et sur la possibilité de commencer une
nouvelle vie ici. En quatre ou cinq jours, à mon avis, il peut faire un
bon tour d'horizon.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que le Québec devrait rendre
obligatoire cette visite de prospection ou est-ce qu'il aurait avantage
à accorder, par exemple, dans sa grille de sélection, plus de
points pour la personne qui serait venue au Québec et qui aurait fait
une visite de prospection?
M. Mallette: Je pense que le Québec aurait avantage
à rendre obligatoire ce voyage de prospection-là. Je vois mal
comment quelqu'un peut décider d'immigrer dans un pays sans jamais y
avoir mis les pieds, sans voir ce qui se passe là, ne serait-ce que d'un
point de vue climatique, d'un point de vue immobilier, culturel,
économique, financier. Je vois mal comment quelqu'un peut dire comme
ça: Je vais venir réinstaller à Montréal, sans
jamais avoir vu de quoi Montréal a l'air. Je pense que la visite de
prospection est fondamentale et on devrait y accorder beaucoup d'importance
dans la grille de sélection Je suis d'accord avec vous
Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé aussi, tout à
l'heure, de différents programmes. C'est sûr que l'on
connaît davantage celui de l'entrepreneur et celui de l'immigrant
investis-
seur. Vous avez parlé, entre autres, du programme
américain, des États-Unis, qui est un programme peut-être
un peu calqué jusqu'à un certain point sur le nôtre, mais
vous avez parlé de tracasseries administratives en moins. Je dois vous
dire aussi que je pense que les États-Unis sont seul maître; ils
n'ont pas, par exemple, à émettre de visa. Ils font leur propre
enquête de sécurité et de santé, ce qui n'est pas
notre cas actuellement, dans le contexte constitutionnel actuel. C'est que
nous, nous devons faire faire... c'est un autre palier de gouvernement qui
émet le visa et qui fait l'enquête. Donc, vous comprenez aussi
qu'on a quand même certaines difficultés. On ne peut pas toujours,
naturellement, décider ou déterminer dans certains postes le
nombre de personnes à qui on pourra émettre des certificats de
sélection ou bien, si on le fait, finalement, c'est qu'on crée de
l'espoir, mais c'est très long. Je prends, par exemple, Hong-Kong,
actuellement, où ça prend pratiquement 36 mois à
émettre des visas.
J'aurais une double question. Premièrement, indépendamment
de ces deux programmes, parce que, celui de l'entrepreneur, vous nous avez fait
une suggestion et je trouve quand même qu'elle mérite d'être
considérée. D'ailleurs, j'ai déjà mandaté du
personnel de mon ministère pour pouvoir explorer la possibilité
de demander le transfert d'un certain montant avant d'émettre un
certificat de CSQ, mais indépendamment de ça, je me dis: Dans un
premier temps, est-ce qu'il y a d'autres programmes que le Québec
pourrait explorer? Est-ce qu'il y a des possibilités que l'on puisse
faire ça? En plus de ça, c'est: Est-ce qu'il y a, par exemple,
d'autres bassins? Parce que si on peut avoir certaines difficultés... Je
pense, par exemple, à l'émission de certificats de
sélection dans la région de Hong-Kong, à cause de
l'émission de visas. Il y a peut-être d'autres bassins pour
lesquels on pourrait émettre des certificats de sélection parce
que ça pourrait aller beaucoup plus rapidement aussi... d'autres
secteurs, d'autres bassins où, là, on pourrait recruter aussi. Et
là, ça pourrait aussi faire augmenter notre proportion de gens
d'affaires ou d'indépendants parce qu'on pourrait aller les chercher
ailleurs, sachant fort bien qu'ils vont pouvoir avoir leur visa assez
rapidement. Est-ce que ça, ça peut se faire?
M. Mallette: À votre première question, ce que je
répondrais, c'est qu'au niveau des programmes, à mon avis, le
Québec s'est donné tous les outils nécessaires pour
recruter des gens d'affaires. On a un excellent programme qui s'adresse
à la clientèle des entrepreneurs passifs - les investisseurs -
qui est très innovateur et est probablement le meilleur au Canada. Il
connaît beaucoup de succès. Je ne vois pas ce qu'on pourrait
ajouter au niveau des investisseurs passifs, si ce n'est que, disons, dans le
concret, dans la pratique quotidienne, le ministère pour- rait
peut-être accorder la préférence à cette
clientèle-là - de gens d'affaires - parce que ces gens-là
investissent. Mais c'est un excellent programme.
Du côté des entrepreneurs aussi, on a un excellent
programme pour attirer des entrepreneurs actifs. Le seul reproche qu'on y
ferait peut-être, c'est qu'on n'est pas assez contraignants au niveau de
la réalisation du projet d'affaires, et c'est d'ailleurs la raison pour
laquelle on vous a fait une proposition. Je ne pense pas qu'au niveau des
programmes, on puisse ajouter davantage. Ce qu'on pourrait peut-être
faire, c'est de bonifier certains programmes mais, pour l'instant, à mon
avis, on a les outils nécessaires pour concurrencer les autres pays.
Au niveau des bassins de recrutement, souvent, on n'est pas toujours
maîtres des forces du marché. Et les raisons pour lesquelles il y
a un marché très intéressant en Asie... Enfin, les deux
grands marchés, actuellement, pour recruter des gens d'affaires, se
situent en Asie et au Proche-Orient. En Asie, parce qu'on a affaire à
des pays qui sont en très forte croissance économique, qui ont
connu des taux de croissance économique très importants au cours
des dernières années, des pays qui ont des surplus au niveau de
la balance des paiements, qui ont exporté beaucoup, qui ont des capitaux
énormes à placer, tant les corporations que les individus. Et il
y a des forces naturelles du marché qui amènent ces
gens-là à investir à l'extérieur du bassin du
Sud-Est asiatique, à investir en Australie, en Nouvelle-Zélande,
aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine.
Du côté du Moyen-Orient, les raisons pour lesquelles il y a
une clientèle énorme, c'est à cause de
l'instabilité politique et aussi parce qu'il y a des capitaux
énormes. Évidemment, le bassin idéal de recrutement, pour
le Québec, pourrait être les pays francophones. Et du
côté des pays francophones, il y a la France, la Belgique et la
Suisse. On travaille dans ces pays-là, mais il n'est pas facile
d'inciter des entrepreneurs et des investisseurs à venir s'installer en
Amérique du Nord, dans un marché qui est en pleine croissance, un
marché commun où les perspectives d'avenir sont très
prometteuses. Il n'est pas facile d'inciter ces gens-là à venir
s'installer au Québec.
Il reste aussi l'Afrique de l'Ouest, où il y a une
clientèle francophone libanaise. Encore là, il y a un petit
bassin de recrutement, mais qui n'est d'aucune commune mesure et qu'on ne peut
comparer à l'Asie. Évidemment, nous aussi, on souhaiterait
recruter davantage de francophones, mais ce n'est pas facile. Finalement, si on
est actifs en Asie et actifs au Moyen-Orient, c'est parce que tout se passe
là, en matière de mouvement de personnes et en matière
d'immigration de gens d'affaires. Il est très difficile de travailler
dans d'autres territoires. Plusieurs de nos membres sont actuellement actifs,
par
exemple, en Afrique de l'Ouest, où il y a des Libanais qui sont
installés depuis deux, trois générations, qui sont dans le
commerce et dans le domaine de l'activité manufacturière. Mais
c'est une petite minorité qui n'est pas facile à
déplacer.
Il y a aussi un potentiel en Afrique du Sud à cause des
événements. Mais les Sud-Africains ont tendance à
s'installer plutôt aux États-Unis ou dans le Canada anglais. Et,
comme je vous le disais, l'Europe de l'Ouest... Je pense que l'avenir est
beaucoup plus prometteur, dans les années quatre-vingt-dix, en Europe de
l'Ouest ou dans les pays du Marché commun qu'en Amérique du Nord.
Alors, c'est très difficile de déplacer les gens.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre, avez-vous
une autre question, peut-être, en terminant?
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, peut-être. J'en ai une toute
petite dernière. C'est qu'en Australie, par exemple, on donne des
accréditations pour les consultants. Qu'est-ce que vous pensez de
ça? Comment voyez-vous ça?
M. Mallette: Le gouvernement australien a été
très innovateur. Ils arrivent à donner des visas...
Évidemment, à cause de la concurrence que le Canada faisait
à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande, l'Australie a
accrédité des consultants et ils font un contrôle a
posteriori du travail réalisé par les consultants. Mais les
consultants font le travail de sélection. Au lieu de laisser le travail
de sélection à des fonctionnaires, les consultants font le
travail de sélection, et tout ce qui est médical et
sécuritaire, évidemment, relève toujours de l'État.
Et ça permet d'accélérer les procédures de
sélection, de diminuer les coûts qu'encourt l'État pour
réaliser ce travail-là. Et ça permet aussi d'instaurer des
normes pour contrôler un petit peu les consultants qui oeuvrent dans ce
domaine-là. Les membres de l'Association pensent que c'est une
excellente idée, évidemment. Ça permet aussi de
contrôler, finalement, le marché de la consul tation.
Le Président (M. Doyon): Oui, question, M. le
député de l'Acadie avant de passer à...
M. Bordeleau: Oui, juste peut-être pour continuer dans
la... Juste pour une question de curiosité. Votre Association est
relativement jeune, depuis 1988, si je me souviens bien. Est-ce que vous avez
actuellement des normes au niveau de la pratique ou au niveau d'un code
d'éthique au sein de votre Association?
M. Mallette: Oui, on a un code d'éthique. On s'est
donné un code d'éthique qui s'inspire un peu de celui du Barreau
II y a d'ailleurs plu- sieurs avocats qui sont membres de l'association et qui
font de l'immigration On a un code d'éthique.
M. Bordeleau: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de l'Acadie.
M. Benchetrit (Michel): M. le Président... plus sur le
code d'éthique que nous avons. Nous sommes en train de regarder la
possibilité d'en faire une association ouverte qui, contrairement au
terme, deviendrait quelque chose de fermée et par lequel vous auriez
l'équivalent d'une association professionnelle dans laquelle les membres
devraient se qualifier par certains examens et où il pourrait y avoir un
organe de surveillance, comme l'équivalent du syndic du Barreau pour les
avocats ou l'Ordre des médecins chez les médecins.
Donc, le mandat qui a été entrepris par M Mallette - et le
conseil d'administration semble être unanime là-dessus - c'est de
faire en sorte que, dans le futur, ce soit une association qui soit
respectée et respectable en regard des membres qui la composent, du
sérieux et de la surveillance de ces membres-là. Ça, il
semble que ce soit aussi à l'intérieur de l'énoncé
de politique et on est entièrement d'accord avec ces principes; à
faire en sorte que même si l'Association est jeune, très
tôt, elle puisse gagner le respect du ministère, du public
à Montréal et à l'étranger.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vous souhaite
la bienvenue. Je vous félicite aussi de votre
réélection.
Je continue dans le même sens.. Question technique par rapport
à votre association. C'est l'Association professionnelle des consultants
en immigration du Québec. Vous nous dites que vous êtes
finalement, la seule Association qui existe à travers le monde comme on
retrouve ici, à l'exception de l'Australie. Comment vous expliquez...
Parce que vous n'êtes pas les seuls au monde à le faire; il y en a
certainement dans le reste du Canada, aux États-Unis et dans les pays
qui accueillent des immigrants Comment expliquez-vous ce besoin que vous avez
senti ou cette décision que vous avez prise de créer une
association québécoise?
Le Président (M. Doyon): M. Blank, le micro va vous...
Vous n'avez pas besoin de vous en occuper. Tout va très bien aller, vous
allez voir.
M. Blank (Harry): Pour une raison ou l'autre, les mots
"consultant en immigration" sont des mots sales dans le sens dans la commu
nauté québécoise ou même canadienne, dans le
sens... parce que la loi canadienne d'immigration dit que n'importe quelle
personne peut aider un immigrant devant le bureau d'immigration. Pas besoin
d'être avocat, comptable ou notaire... N'importe quelle personne. Et
c'est arrivé que, partout au Canada et au Québec, si vous
regardez dans les journaux, on avait des gens qui disent: Je suis consultant,
mais qui, pour commencer, n'ont aucune connaissance de l'immigration, qui
veulent faire de l'argent un peu par des façons croches. On a
décidé: Si nous autres, on s'appelle consultants... Et même
des avocats en immigration, comme moi et M. Bernard, sont comptables
agréés, on veut avoir une réputation qui sera respectable
devant les bureaux d'immigration et devant le public "at large". (21 h 15)
C'est pour ça qu'on s'est regroupés dans l'Association
pour avoir le code d'éthique et les critères d'admission, pour
avoir une association spéciale. Comme M... a dit, on pense maintenant
venir devant l'Assemblée nationale pour créer une corporation
ouverte. Ça veut dire une corporation ouverte, comme vous le savez,
où des gens qui s'appellent consultants en immigration doivent
être membres de cette organisation. N'importe quelle personne peut faire
de l'immigration, de la consultation; elle peut faire ce qu'elle veut suivant
la loi actuelle d'immigration canadienne. Mais si elle veut avoir le titre de
consultant en immigration, elle doit être membre de cette corporation qui
sera sous le contrôle de l'Office du code des professions. C'est
ça qu'on veut. On veut avoir la respectabilité. Et quand on vient
devant des fonctionnaires ou quand on vient devant l'Assemblée
nationale, on vient avec un certain poids.
M. Paré: Est-ce qu'au moment où on se parle, votre
demande, par rapport à l'autre ministère et celui-là qui
fait la reconnaissance des corporations professionnelles, votre demande est
faite pour être reconnus? Est-ce que vous l'êtes?
M. Blank: Ce n'est pas encore certain. On en a discuté au
dernier conseil d'administration. C'est récent comme ça.
M. Paré: O.K. Votre objectif est effectivement d'avoir une
corporation professionnelle reconnue selon la loi
québécoise...
M. Blank: C'est ça.
M. Paré: ...avec des normes et, finalement - comment je
dirais ça? Il y a le mot là qui ne me vient pas - mais,
effectivement, vous allez avoir un code d'éthique qui va permettre
à tous les gens qui vont adhérer de devoir être capables de
l'appliquer et de vouloir le respecter. Et ce que vous allez demander, c'est la
recon- naissance comme telle à un ministère de votre corporation
et au ministère ici que ceux qui vont vouloir collaborer avec le
ministère doivent obligatoirement être membres de votre
corporation.
M. Blank: Une affaire un peu semblable, mais pas en... a
été commencée en Ontario. Il y avait une commission
spéciale de la Législature de l'Ontario qui a fait des
enquêtes et une étude sur des paralégaux. Et dans ce groupe
de paralé-gaux, ils ont une section spéciale pour les consultants
en immigration. Ça veut dire que si on suit les recommandations de cette
commission, c'est possible que le gouvernement de l'Ontario donne des licences
à des gens qui s'appellent des consultants en immigration. Il faut dire
que l'Ontario veut contrôler. Et nous autres, nous sommes prêts
à nous contrôler nous-mêmes suivant les lois des professions
du Québec.
Et aussi ici, à Québec, j'ai déjà eu un
appel de quelqu'un de l'Office des professions pour me demander certaines
informations sur notre groupe. Et ça veut dire que quelqu'un en haut
nous surveille un peu déjà!
M. Paré: Par rapport à ça, je trouve
ça intéressant, et je vais me référer au
mémoire qu'on avait reçu, même si, effectivement, vous
l'avez modifié par rapport à l'ancien conseil et puis que ce
n'est pas textuel, sauf que ce qui apparaissait dans l'ancien ou dans le
document qui nous a été transmis, il tient quand même
certainement compte d'une réalité que vous avez et puis que vous
vivez toujours, puisque ce n'est quand même pas très vieux comme
document. Et votre dernière recommandation, à la page 12 du
mémoire que nous on avait reçu... Je vais vous la lire de toute
façon. Vous allez voir. Ce n'est pas compliqué. Il est dit: Que
le ministère le veuille ou non, les consultants en immigration sont
là pour rester. Votre présence ici ce soir, je pense, vient le
confirmer. Le choix qui s'offre a lui est simple. Désire-t-il travailler
en harmonie et dans un esprit de partenariat avec des consultants en
immigration établis ici et qui font la promotion du Québec
à l'étranger, ou plutôt avec des consultants
étrangers établis ailleurs. Nous continuons à croire que
le ministère désire collaborer avec les consultants en
immigration du Québec, mais l'attitude de certains intervenants de ce
ministère nous laisse parfois croire le contraire.
Là, vous me dites que vous avez décidé de vous
regrouper parce que la perception que beaucoup de gens ont de vous était
plutôt négative. Et puis, vous avez utilisé d'autres
termes, mais j'aimerais ça savoir c'est quoi l'attitude que vous
dénonciez de certaines personnes du ministère.
M. Mallette: C'est-à-dire, ce que je dirais, c'est que ce
qui a créé l'Association des consul-
tants... à l'origine, évidemment, ça a
été un différend avec le ministère de l'Immigration
sur les pratiques de sélection. Et c'est ce qui a été
à l'origine de la création de l'Association des consultants. Il a
été question, pendant un temps, d'abolir une des directions qui
faisait la sélection d'immigrants investisseurs et entrepreneurs
à Montréal, et ce, dans un contexte de rivalité au sein du
ministère. C'est ce qui a provoqué à l'origine la
création du ministère. Les gens du métier ou de la
profession se sont dit: Bien, on aurait peut-être intérêt
à se regrouper pour se faire entendre. Et c'est ce qui a
créé l'Association.
Maintenant, sur ce qui est dit dans ce paragraphe-là, il y a
toujours des éléments de vérité là-dedans;
enfin, on l'a écrit, on ne peut pas renier ce que nos
prédécesseurs ont fait. Je pense que les consultants et le
gouvernement ne pourront jamais être toujours sur la même longueur
d'onde. Le but de l'Association, c'est finalement d'établir un dialogue
avec les autorités du ministère. On ne pourra jamais tout avoir
ce qu'on veut, et il y aura toujours des différends.
Maintenant, il y a certains problèmes quand on parle, dans le
ministère de Mme Gagnon-Tremblay peut-être... C'est un
ministère où, pour y avoir déjà été,
ce que je dirais, je dirais que c'est un ministère qui n'accorde pas
toujours toute l'importance que ce dossier-là devrait avoir. C'est un
dossier, à notre avis, qui est névralgique pour le Québec,
le dossier des gens d'affaires. L'arrivée de ces gens d'affaires
là ne se traduit pas uniquement en investissements et en création
d'emplois. Ça permet au Québec de tisser un réseau de
contacts internationaux et d'inscrire le Québec dans ces réseaux
internationaux là. Et ce n'est peut-être pas toujours le dossier
prioritaire du ministère de l'Immigration, parce que les fonctionnaires
qui sont à ce ministère-là sont occupés avec des
dossiers importants: la francisation, la négociation d'un accord entre
le Québec et le Canada, le problème des requérants au
statut de réfugié, qui sont des dossiers qui, en termes
d'énergie, de ressources et de budget, prennent plus d'importance que le
dossier des gens d'affaires. Et la petite critique qu'on a à faire
parfois, c'est à l'égard de certains fonctionnaires, comme dans
tous les ministères... je pense qu'on ne pourrait jamais s'entendre. Il
y a des fonctionnaires, certains fonctionnaires avec lesquels on n'est pas
toujours d'accord, mais il y a des différends, des fois. Ça
aussi, c'est un élément qui a entraîné la
création de l'Association, mais tous ces différends-là ne
sont pas insurmontables.
Une voix: Si vous me permettez un instant...
M. Blank: Mais je vous donne un exemple À notre
dernière assemblée générale, comme orateur, on a eu
la présidente de la Chambre de commerce de Montréal, et ses
premiers mots à nous autres étaient: Je ne comprends pas pourquoi
tous les fonctionnaires qu'on a rencontrés disent que vous êtes
une gang de croches. C'est ça qu'elle nous a dit en face, la
présidente. Et moi, je lui ai répondu: C'est très
intéressant, mais 25 % de nos membres sont des gens qui sont
fonctionnaires.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Mallette: Pour me référer à votre
question, c'est que...
Le Président (M. Doyon): M. Mallette, continuez..
M. Mallette: Pour me référer à votre
question...
Le Président (M. Doyon): M. Blank est bien parti. Ha, ha,
ha!
M. Mallette: Pour me référer à votre
question et à ce que M. Blank vient de dire, c'est qu'en matière
d'immigration, les gens d'affaires ont souvent recours à des
spécialistes qui les conseillent sur la façon de transiger avec
l'administration pour obtenir des visas, pour obtenir des CSQ.
Évidemment, on leur charge des honoraires et, dans l'esprit de beaucoup
de fonctionnaires, ce n'est pas toujours correct de charger des honoraires
à des gens qui pourraient avoir des documents sans payer pour avoir ces
documents Maintenant, on fait un travail C'est comme si quelqu'un du
ministère du Revenu allait reprocher à un contribuable d'utiliser
un fiscaliste pour transiger avec le fisc ou le ministère du Revenu.
Ce que les immigrants font, en somme, c'est ce que tout bon contribuable
qui a des bons revenus fait ou toute entreprise qui a des bons profits fait,
c'est d'aller chercher un fiscaliste pour minimiser l'impôt qu'ils vont
payer. Alors, l'immigrant qui veut passer à travers les mailles de cette
réglementation-là, de ces lois, de ces
procédures-là, qui sont extrêmement complexes et de plus en
plus complexes... la personne d'af faires est très occupée
à gérer ses affaires. Elle n'a pas le temps de s'occuper d'un
dossier semblable et elle est prête à payer des honoraires, ce qui
crée souvent des frictions - je ne dirais pas au niveau des hautes
autorités du ministère, mais au niveau de certains fonctionnaires
- et le consultant qui est en pratique privée et qui fait des profits
avec ça, c'est le fait qu'on charge des honoraires, et il y en a qui
l'accepte mal, qu'on charge des honoraires. C'est... Je pense que.. Et si les
fonctionnaires de l'Immigration avaient la même attitude que les
fonctionnaires du Revenu, s'ils se disaient: Bien, il est normal, c'est... la
réglementation est
compliquée; ils s'engagent un spécialiste. Et ça,
c'est un problème à un moment donné, qui est mineur, et
qui n'est pas fondamental et...
Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît, faites
très rapidement parce que le député de Mercier demande la
parole depuis tout à l'heure. Je voudrais lui permettre
d'intervenir.
M. Benchetrit: Très brièvement. M. le
député, nous aussi, nous sommes souvent des vendeurs sur la
route, et notre produit, c'est le Québec. Et c'est un produit, des fois,
qui peut être difficile à vendre parce que les clients nous
demandent: Combien d'entrevues je vais passer? Bien, il faut expliquer à
ce moment-là que nous avons deux juridictions: une
fédérale et une provinciale.
Aussi, il faut expliquer qu'on va, par exemple, si je prends un client
de Hong-Kong, puisqu'on a parlé de Hong-Kong tantôt, on va dire:
Écoutez, il faut que vous veniez faire un voyage de prospection parce
que c'est de mise, parce que vous devez voir où est-ce que vous allez
vous installer. Et puis, là, il nous dit: Alors, une fois que je vais
venir et que je vais présenter le projet dont vous me parlez et tout
ça, je vais recevoir mon visa? On lui dit. Non, non, non. Vous allez
trop vite, là. Il faut d'abord passer la première étape
par laquelle on va accepter votre projet, puis ensuite... Et puis ensuite,
c'est fini après ça... Non, non, non. Là, à
Hong-Kong, vous allez passer une deuxième entrevue. Et puis
après, à la deuxième entrevue... Bon, même si je
suis accepté à la première entrevue... Non. Il y a un
risque qu'à la deuxième entrevue à Hong-Kong que vous
soyez refusé. Mais comment ça, j'ai été
accepté à Montréal? Non, mais il y a un risque quand
même que vous soyez refusé à Hong-Kong. Où est-ce
qu'il est ce conflit entre le fonctionnaire et le consultant, des fois? C'est
que le consultant, il a un travail difficile à faire; il vend un
produit. Une fois qu'il a vendu son produit, le fonctionnaire peut lui rendre
la tâche difficile. Or, il me semble que le jour où l'on sera, on
aura l'oreille du ministère et que le ministère dira: Bon,
finalement, ce sont des gens qui ne sont pas ce qu'a décrit Me Blank
tantôt. Ce sont des gens qui, en fait, font un travail qui est louable,
que le travail nous sera facilité un moment, et que l'on pourra
éviter ce conflit qui survient, à un moment donné,
quand... après avoir vendu le produit, après avoir dit: C'est le
Québec qui est votre province de destination, parce que comme disait
Daniel, tantôt...
Le Président (M. Doyon): En terminant, s'il vous
plaît.
M. Benchetrit: ...on est en compétition avec d'autres
pays, qu'on puisse s'entendre avec le ministère pour que la
procédure soit simplifiée, qu'à Hong-Kong il y ait une
entrevue, qu'il y ait un CSQ qui soit émis, et on nous dit que,
bientôt, peut-être, il n'y aura pas deux entrevues à
Hong-Kong et que, donc, les délais seront écourtés.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de Mercier.
M. Godin: M. le Président, je vous remercie. M. Blank,
bonjour. J'ai l'impression que les vieux fantômes du Parlement sortent
des murs et viennent nous hanter...
M. Blank: Vous êtes poète.
M. Godin: ...même si vous êtes beaucoup plus jeune
que moi. Une question seulement, à M. Ferland peut-être. Quelle
est la base de vos tarifs, M. Ferland? Est-ce que c'est un pourcentage d'un
investissement ou du...
M. Ferland (Roger): Non, le tarif est un montant fixe. Ce n'est
pas un pourcentage.
M. Godin: II n'est pas basé sur...
M. Ferland: Non.
M. Godin: ...les montants qui sont...
M. Ferland: C'est un peu comme les avocats. C'est un tarif
dépendant du travail que l'on fait. C'est un tarif fixe assez souvent.
Mais nos tarifs, évidemment... On a des agents à
l'étranger qui ont des dépenses. Il y a un bureau. Il y a de la
publicité et tout ça. Alors, quand on voit le tarif, des fois, il
peut sembler que c'est un tarif exorbitant, mais quand on regarde toutes
les...
M. Godin: C'est ça, hein?
M. Ferland: ...implications. Non mais, il y a certaines gens qui
pensent ça. Alors, c'est un tarif un peu comme les avocats; ça
dépend du travail que l'on fait. Ce n'est pas toujours le même
travail pour tous les clients.
M. Godin: Je pense que vous avez un bout de chemin à faire
pour effacer l'image que Me Blank a évoquée tout à
l'heure, parce qu'il y a des gens qui s'imaginent que vous ramassez le magot en
fonction de l'investissement qui s'en vient, lequel cas c'a l'air
énorme, parce que quand les chiffres en fin d'année... les
chiffres peuvent être rosés comme les miens à
l'époque du ministère... sortent puis qu'on parle de millions,
les gens disent: Mon Dieu, Seigneur! Il y en a qui se mettraient à...
certainement, les esprits un peu chagrins mettons. Est-ce qu'il y a un autre
groupe qui fait concurrence à votre action?
M. Ferland: Je m'excuse. J'ai mal compris la question.
M. Godin: Oui, bien, je vais vous la répéter. M.
Ferland: Oui.
M. Godin: Lentement. Je sais qu'à une époque, le
Québec avait les conditions les plus généreuses d'accueil
de ces investisseurs-là, et l'Ontario et Vancouver ont fait des
pressions sur le fédéral pour que le Québec modifie
à la hausse ses exigences pour qu'on diminue un peu la
productivité de vous et du ministère dans ces milieux
d'immigrants et d'investisseurs. Est-ce que ça se continue, ces
pressions indues, à mon avis, d'autres régions du Canada, pour
que le fédérai serre la vis au Québec et fasse modifier
ses régies à la hausse?
M. Ferland: Moi, je ne crois pas qu'il y a eu tellement de
différence dans les critères de sélection du Québec
et des autres provinces.
M. Godin: À une époque, c'était 100 000.
M. Ferland: La raison, c'est qu'il y a des gens du Québec,
des consultants ou des avocats du Québec peut-être plus actifs
pour intéresser les gens ici parce que quand on va à Hong-Kong,
les gens de Hong-Kong, le Québec, l'Ontario et tout ça, ils ne
connaissent pas tellement les provinces. Ce sont nous qui essayons par notre
travail de promotion de les convaincre de venir ici.
M. Benchetrit: Peut-être pour préciser, M.
Godin...
M. Godin: Oui, Monsieur.
M. Benchetrit: ...il me semble que les provinces de l'Ouest ont
un peu réussi leur travail puisque le programme de 250 000 $, trois ans,
passe dans quelque temps à 350 000 $, cinq ans, en ce qui regarde les
investisseurs. Alors, c'est sûr que les pressions ont fini par aboutir.
Et c'est dommage parce que les 250 000 $, trois ans, c'était un
produit... C'était...
M. Godin: Qu'est-ce que ça veut dire, M. Benchetrit, 250
000 $, trois ans, par rapport à...
M. Benchetrit: À 350 000 $, cinq ans? M. Godin:
Oui.
M. Benchetrit: Ça veut dire que l'investisseur doit
bloquer son argent...
M. Godin: Pour une période x de temps.
M. Benchetrit: De cinq ans, alors qu'avant elle était
seulement de trois ans. M. Godin: Merci.
M. Benchetrit: Et ça, à partir de novembre
l'année prochaine.
Le Président (M. Doyon): Merci. Malheureusement, ça
termine le temps dont nous disposons. Peut-être une dernière
question, si vous voulez?
M. Godin: Non, j'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Shefford, quand vous voudrez. Oui, allez.
M. Paré: Oui, juste une petite, très rapidement.
Dans votre présentation tantôt, M. le président, vous avez
dit qu'il était question de rétention et une façon que
vous suggérez, c'était de les contraindre par rapport à
l'investissement, puis par rapport à ce qu'on vient de discuter. Est-ce
que vous ne croyez pas que si, pour régler un peu le problème de
rétention, on a des exigences et des contraintes un peu plus fortes, on
ne nuira pas à l'entrée un peu plus impor tante des
investisseurs?
M. Mallette: II y a évidemment un risque, mais un
programme semblable pourrait se faire au Québec dans la mesure où
les Canadiens, actuellement, sont devenus extrêmement
sévères avec la clientèle asiatique. C'est un secret de
Polichinelle. Je pense que les Canadiens sont un petit peu alarmés,
parce que la proportion des Asiatiques, dans l'ensemble du mouvement
migratoire, est devenue très, très importante Et dans certaines
villes comme Vancouver, ça fait mal quand on a 300 000 ou 400 000
Chinois sur une population globale de 1 000 000. Alors, ce qui veut dire que
les Canadiens ferment la valve.
Les Québécois pourraient être plus agressifs, le
gouvernement québécois plus agressif et dire à ces
Chinois-là, dans la mesure où on veut des Chinois
évidemment: Nous, on va vous ouvrir la porte. Nous, on est prêts
à vous obtenir des visas dans le mesure où vous vous installez au
Québec et dans la mesure où vous investissez quelque chose.
Alors, on est prêts à vous faciliter la tâche pour obtenir
vos CSQ et le visa canadien. Par contre, en échange, on va faire ce
qu'un banquier fait. Quand un banquier prête de l'argent, il prête
sur hypothèque ou il prend des biens sur les actifs de la personne.
Alors, on pourrait dire: Nous autres, au Québec, on est prêts
à vous obtenir le visa facilement et, par contre, on a certaines
exigences. Et ces exigences-là sont à l'effet que vous allez vous
installer à Montréal et vous allez investir à
Montréal. On vous donne deux ans, trois ans. Vous mettez de l'argent en
fidéicommis et on vous donne trois ans pour chercher une occasion
d'affaires. On va vous aider à trouver une occasion d'affaires.
Le secteur privé, le secteur gouvernemental vont vous aider, mais on
vous garantit le visa. Je suis convaincu que le Québec pourrait attirer
une clientèle chinoise extrêmement importante à
Montréal, parce que c'est devenu très, très difficile,
pour les Chinois de Taiwan, les Coréens de la Corée du Sud et les
Chinois de Hong-Kong de s'établir ailleurs au Canada. Le Québec
pourrait capitaliser sur cette réalité-là.
M. Benchetrit: Avec la permission du président...
Le Président (M. Doyon): Oui, en terminant,
rapidement.
M. Benchetrit: Oui, une dernière intervention
adressée au ministère, peut-être, à la lecture de
l'énoncé. Il semble clair que les bassins visés sont des
bassins francophones pour les prochaines sélections. Peut-être
faire attention, au niveau de la grille de sélection, de ne pas
délaisser des éléments qui sont non francophones, mais qui
ont certainement d'excellentes qualités, et de faire attention... Moi,
je prends toujours l'exemple simple du balayeur francophone qui a un ami au
Québec, qui, en regardant la grille de sélection, pourrait
aujourd'hui se qualifier, alors qu'un ingénieur d'Europe de l'Est, qui
est Roumain d'origine, qui parle un peu le français, pourrait ne pas se
qualifier. Peut-être que les bassins du nord de l'Afrique ou les
francophones, qui veulent venir, ne seraient peut-être pas les meilleurs,
les gens qui vont pouvoir s'adapter réellement à la
réalité québécoise. Donc, faire attention surtout
de ne pas mettre de côté les bons éléments non
francophones au détriment des éléments francophones
peut-être pas aussi bons.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le
député de Shefford. Quelques mots de remerciement
peut-être?
M. Paré: Oui. Bien, vous remercier et juste vous dire que
c'était très intéressant, trop court, mais certainement
très important pour votre image.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, également, je veux vous
remercier et je pense que vous avez à coeur, tout comme le
ministère, d'ailleurs, de s'assurer qu'on va atteindre les objectifs,
possiblement en essayant d'améliorer aussi la qualité de nos
projets, de sélectionner la même chose, par exemple, en essayant
de recruter les meilleurs candidats et candidates, les meilleurs projets, mais
aussi s'assurer de faire le suivi des personnes lorsqu'elles arriveront ici,
afin de s'assurer d'un meilleur taux de rétention. Je vais vous dire
qu'actuellement, nous faisons beaucoup d'efforts au ministère. Nous
avons fait des modifications; nous sommes en train d'en faire encore
actuellement. Nous sommes en train d'évaluer plusieurs recommandations
aussi et, bien sûr, je compte beaucoup sur votre collaboration pour nous
aider dans ce grand défi. Je vous remercie et bon voyage de retour.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre, et merci
à tout le monde. Merci d'être venus nous voir. Ça a
été extrêmement intéressant. Nous ajournons donc nos
travaux à demain, à 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 34)