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(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission continue ses
travaux. Nous allons commencer par entendre le Regroupement des organismes du
Montréal Ethnique pour le logement. C'est dans le cadre, comme on le
sait, de la consultation générale que la ministre effectue sur
l'énoncé de politique qu'elle a rendu public. J'inviterai les
gens qui représentent le Regroupement, s'ils sont ici - je pense que je
les vois - à bien vouloir s'approcher à la table de nos
invités. Dès qu'ils auront pris place, je leur demanderai de bien
vouloir présenter les gens qui sont les représentants du
Regroupement, de s'identifier pour les fins du Journal des débats
et de procéder à la lecture de leur mémoire ou de son
résumé, pour une vingtaine de minutes, le restant du temps
étant partagé à peu près également entre les
deux formations politiques. C'est avec beaucoup de plaisir que nous vous
accueillons, vous souhaitons la bienvenue. Je vous invite à faire les
présentations et à commencer.
Regroupement des organismes du Montréal
Ethnique pour le logement
M. Oré (Martin): Bonjour. Je m'appelle Martin Oré
et je suis le coordonnateur du Regroupement des organismes du Montréal
Ethnique pour le logement. On est venus accompagnés par les membres
représentant des organismes qui siègent au conseil
d'administration dont, Mme Monique Larose, présidente du conseil
d'administration du ROMEL, organisatrice communautaire au CLSC
Côte-des-Neiges; M. Claude Dagneau, directeur de l'Organisation
éducation et information logement et administrateur du conseil
d'administration du ROMEL.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Bienvenue.
M. Oré: Pour ce qui est de la présentation de notre
organisme et donner un bref historique de notre existence, c'est Mme la
présidente qui fera la présentation.
Mme Larose (Monique): Bonjour.
Le Président (M. Doyon): Bonjour, madame.
Mme Larose: Je vais être assez brève. Le ROMEL,
Regroupement des organismes du Montréal Ethnique pour le logement, a
été fondé en 1984 à la suite de recommandations
d'un sous-comité du CIPACC. Ça nous reporte aux environs de 1982.
Ce sous-comité avait observé que les membres des
communautés culturelles avaient difficilement accès à
l'information en matière de logement et difficilement accès au
logement social. Alors, le ROMEL a donc été créé
pour répondre à ces deux problèmes et en même temps
pour répondre aussi à un autre problème qui était
le manque de personnes-ressources issues des communautés culturelles
pouvant travailler à l'intérieur des groupes de ressources
techniques, le manque de membres des communautés culturelles
étant réellement formés et informés sur les
différentes questions touchant le logement, les recours et les
programmes et pouvant servir de relayeurs dans leur propre communauté
culturelle. Alors, c'est à ces objectifs-là que le ROMEL s'est
attaqué. Le ROMEL a reçu en 1986 sa première subvention de
la SHQ pour pouvoir opérer et rencontrer ces objectifs-là. Depuis
ce temps, le ROMEL a été à la source de la mise sur pied
d'une vingtaine de coopératives d'habitation pour des membres issus de
différentes communautés culturelles, latino-américaines,
des personnes du Sud-Est asiatique, de l'Afrique, des Antilles.
Le ROMEL a également travaillé à la sensibilisation
dans les différents secteurs publics: Office municipal d'habitation
à Montréal, différents services comme dans les CLSC, les
employés dans les COFI, à la ville de Montréal, à
la Régie du logement, afin que ces personnes-là soient
conscientes des problèmes auxquels font face les membres des
communautés culturelles. Depuis trois ans également, le ROMEL met
sur pied des forums afin de développer l'analyse des problèmes
des membres des communautés culturelles et une plus grande concertation
afin de travailler davantage ensemble à faire face à ces
problèmes. Et, tout récemment, le ROMEL a également
créé des documents audio-visuels en différentes langues
afin de renseigner les membres des communautés culturelles sur le
programme coopératif. D'ailleurs, au forum qui va s'ouvrir demain, on
pourra visionner certains de ces documents audio-visuels.
Depuis un peu plus d'un an maintenant, le ROMEL collabore avec la ville
de Montréal, la Société d'habitation et de
développement de Montréal, la SHDM, qui a fait l'acquisition de
nombreux logements, dans le quartier Côte-des-Neiges, de plus de 600
unités de logement dans Côte-des-Neiges pour fins de
rénovation et, évidemment, de transformation en
coopératives d'habitation, quand c'est possible. Alors, le ROMEL
travaille étroitement avec la SHDM sur 300 unités de logement
afin de viser à la transformation du plus grand nombre possible
d'unités
en coops d'habitation. Évidemment, pour ceux qui connaissent
Côte-des-Neiges, vous savez que ces unités sont destinées
en très grande majorité à des gens issus des
communautés culturelles. Alors, je vais terminer là-dessus, si
vous voulez d'autres renseignements plus tard, eh bien, ça me fera
plaisir de répondre.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Oré: Quant à l'énoncé en
matière de politique d'immigration et d'intégration, le ROMEL
aurait quelques petits commentaires sur les données
présentées. D'abord, on présente une situation globale
à l'échelle du Québec, du Montréal
métropolitain, de la région de Montréal, on ne fait pas la
distinction pour des territoires particuliers, c'est-à-dire la ville de
Montréal, et on ne fait pas de distinction non plus pour des groupes
plus restreints. On parle globalement d'allophones, de populations d'origine
autre que française et britannique.
Les commentaires concernant vos minorités visibles et les
nouveaux arrivants ne fournissent pas de données chiffrées
pouvant être comparées à celles décrites comme dans
la situation globale. On considère qu'il est difficile de fonder une
politique ou programme sur un aperçu aussi global, qui considère
les communautés culturelles comme une masse relativement
homogène, sans faire la distinction des statuts, c'est-à-dire
immigrants ou non-immigrants, des périodes d'immigration,
c'est-à-dire des anciens immigrants et des nouveaux immigrants, sans
faire la distinction du groupe d'appartenance aux régions d'origine,
c'est-à-dire les immigrés qui viendraient de l'Europe ou des pays
du premier monde versus ces immigrants-là, qui viendraient des pays
sous-développés ou qu'on appelle du tiers monde.
Un sondage omnibus s'était fait en 1989, par... Ce sondage
donnerait un taux de 72 % des allophones qui seraient propriétaires. Il
faudrait dire que ce sondage a été effectué auprès
de 1489 ménages résidant dans la région
métropolitaine de Montréal. Donc, il ne s'agit pas de la ville de
Montréal dont la situation est tout à fait différente.
Selon le recensement de 1986, la ville de Montréal comptait un
total de 26 % de propriétaires et 74 % de locataires, alors qu'on
retrouve 45 % de propriétaires et 55 % de locataires dans l'ensemble de
la région de Montréal. Il faut aussi noter que parler
d'allophones, d'immigrants et de groupes ethniques, c'est parler de trois
populations différentes. En général, on inclut parmi les
allophones les personnes dont la langue maternelle n'est ni le français
ni l'anglais. Lorsqu'on parle alors des allophones, on néglige non
seulement les immigrants qui viendraient de France ou de Grande-Bretagne, mais
aussi, entre autres, ceux qui viendraient des Antilles françaises ou
anglaises.
Bon. D'autre part, le recensement de 1986 indique aussi que 37 % des
immigrants, ménages immigrants résidant dans (a ville de
Montréal étaient propriétaires, tandis que 63 %
étaient des locataires. Toutefois, si on en décortique encore un
peu plus - je comprends, je suis tout à fait d'accord que c'est fatigant
quand on parle de chiffres et de données - mais, parmi les immigrants
qui sont propriétaires, on compte 46 % de propriétaires qui
appartiennent à l'ancienne immigration, c'est-à-dire ceux qui
sont arrivés au Québec avant 1970 et qui étaient
plutôt d'origine européenne, tandis que chez les nouveaux
arrivants, c'est-à-dire ceux qui sont entrés au Québec
après 1970, on ne compte que 19 % de l'ensemble. Alors, le sondage
omnibus a été fait... Les trois quarts des personnes
interviewées étaient des immigrants qui demeuraient au Canada
depuis 23 ans, qui appartenaient à l'ancienne immigration qui compose
à peu près 62 000 ménages dans la région
métropolitaine; alors, on comprend maintenant d'où ça
vient, ces fameux 72 % des allophones qui seraient propriétaires.
Quant à la distribution géographique des ménages
immigrés parmi la région de Montréal, c'est vrai qu'on
retrouve des immigrants un peu partout à Montréal, mais ça
n'empêche pas non plus que certains groupes ethniques vont se concentrer
davantage dans certains quartiers ou certains secteurs. Le ROMEL, en 1990,
l'année dernière, avait produit un rapport pour la ville de
Montréal, pour expliquer justement la problématique des nouveaux
arrivants quant à l'habitation, et on voit les données
statistiques, arrondissement par arrondissement, dans ce rapport qui a
été soumis à la ville de Montréal. Les
écoles à forte concentration ethnique parmi certains quartiers
démontreraient que ce n'est pas tout à fait égalitaire, la
distribution des ménages immigrants, sur le territoire de la ville de
Montréal.
Quant au mémoire comme tel, je pense que la problématique
est plus ou moins bien connue par nous. J'aimerais plutôt mentionner les
obstacles qu'on rencontre, lorsqu'on essaie de favoriser l'accès
à l'habitation par nos clients. D'abord, le fait que les politiques et
programmes d'habitation sont conçus pour la majorité,
c'est-à-dire pour l'ensemble de la population québécoise -
et là je rejoins encore un petit peu mon intervention
précédente - le fait de répondre à l'ensemble de la
population ne tiendrait pas compte des nouveaux groupes de résidents,
notamment les nouveaux arrivants. Donc, le fait de trouver des programmes qui
ne sont pas adaptés aux besoins de la nouvelle immigration
empêcherait davantage une accessibilité plus élargie. Il
n'y a pas de relation spécifique à ces groupes de clients, donc,
il n'y a pas eu d'effort d'adaptation de ces services non plus par les
organismes publics chargés de l'habitation au Québec.
L'un des facteurs qui empêchent que ce soit fait comme ça,
c'est la méconnaissance de la réalité multiethnique de la
ville de Montréal et de la problématique des nouveaux arrivants,
surtout dans le territoire de la ville de Montréal, par les responsables
de l'élaboration de ces programmes et politiques. Un des facteurs
politiques serait la courroie de transmission des besoins, c'est-à-dire
la façon dont les communautés culturelles ou les nouveaux
arrivants pourraient se servir de cette courroie politique pour transmettre
leurs besoins aux autres instances et pouvoir arracher leur quote-part des
bénéfices sociaux que cette société offre. (9 h
45)
Dans les obstacles institutionnels et administratifs, je pense que le
principal inconvénient, c'est la multiplicité et la
complexité des recours et services qui existent, c'est-à-dire
qu'en matière d'habitation il y a un partage assez complexe, en tout cas
pour nous, pour le client qu'on dessert, dans les sphères de
compétence des organismes publics: la Régie du logement, pour ce
qui est des relations locataires-locateurs; la Commission des droits de la
personne du Québec, pour ce qui est du harcèlement et de la
discrimination; le Service de l'habitation et du développement urbain,
pour ce qui est de l'entretien du bâtiment; les associations des
locataires, pour ce qui est du support aux locataires envers les
problèmes des propriétaires; la Société
d'habitation du Québec, pour ce qui est des programmes de cette
province-là qui s'adressent à une clientèle
spécifique; la SCHL, avec son autre programme et son autre domaine de
sphère d'intervention dans l'habitation au Québec; les offices
municipaux d'habitation, pour ce qui est de l'habitation à loyer
modique. Je pourrais continuer pour ne plus finir.
Un autre obstacle qu'on rencontre... On est d'accord que
l'efficacité des services offerts par cette société repose
essentiellement dans la connaissance et, surtout, la capacité du citoyen
de l'exercer en pleine autonomie et sur un pied d'égalité. Or,
les immigrants, les nouveaux arrivants ne connaissent pas ces services, ne
connaissent pas comment les exercer. Il y a un décalage, un
déphasage, disons, entre la communication qui est disponible,
adressée à l'ensemble de la société
québécoise, mais qui, souvent, n'est pas adaptée à
la réalité de cette nouvelle immigration qu'on a
créée année après année.
Quant à ça, on trouve toujours intéressant le fait
que, dans l'énoncé de politique, le logement apparaît comme
un rôle envisageable à ne pas négliger. Mais on devrait
peut-être mentionner aussi quel est l'apport de l'immigration dans
l'habitation. Pourquoi est-ce que le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration du Québec devrait investir de l'argent
dans ça? En quoi contribue l'immigration dans le secteur de
l'habitation? On considérerait que l'immigration contribue à
maintenir un taux d'occupation des logements locatifs à Montréal
de façon stable, c'est-à-dire que les déménagements
des ménages montréalais vers la banlieue seraient comblés
justement par ces nouvelles vagues d'immigration qui arrivent à
Montréal.
L'immigration incite aussi l'industrie de la construction
résidentielle pour la production de logements locatifs pouvant
accueillir les milliers d'immigrants qui désirent s'établir
à Montréal. Lorsqu'elle s'établit dans certains quartiers,
l'immigration contribue aussi à diversifier l'environnement par
l'incorporation et l'apparition, des fois, de petites entreprises, de
dépanneurs qui sont souvent reliés aux ménages d'origine
immigrante. Promouvoir et faciliter une adaptation harmonieuse et une
participation effective dans les sociétés d'accueil serait un des
résultats, justement, de cet investissement. Mieux, l'adaptation des
ménages immigrés, nous, on considère qu'elle passe
nécessairement par leurs conditions d'habitabilité, par les
conditions de logement. Donc, plus et mieux on intervient dans ces processus,
les retombées au niveau des participations dans ces
sociétés seraient encore beaucoup plus élevées.
L'information, les communications et l'éducation quant à
l'entretien des logements. Faire cela aiderait peut-être beaucoup
à maintenir les ensembles résidentiels du Québec dans un
état convenable et qui durerait encore plus longtemps. Une chose qui est
plus importante, c'est justement d'encourager l'accès des ménages
immigrés à l'habitation. C'est aussi les encourager à
développer un sentiment d'appartenance envers cette
société d'accueil et de l'enraciner dans le secteur qui nous
reçoit. Ça me fart penser au Québec des années
cinquante lorsque le gouvernement, dans ses politiques d'habitation, facilitait
justement l'accès à la propriété pour les
ménages québécois. C'est à ce moment-là que
plusieurs Québécois ont pu acheter leur maison et le sentiment
d'appartenance et d'enracinement dans leur secteur a commencé à
se développer. Maintenant, on regarde ses effets. On dirait que
ça participe trop.
Quant aux problèmes spécifiques autres que l'accès
au logement, il y a une question qui est tout à fait à ressortir,
c'est les conditions matérielles dans lesquelles les ménages
immigrés sont hébergés. Pour expliquer cela, je laisse la
parole à M. Claude Dagneau.
Le Président (M. Doyon): Oui, pendant quelques minutes
compte tenu du temps qui est déjà écoulé. Vous avez
la parole.
M. Dagneau (Claude): Je vais essayer d'être très
court là-dessus. Je préférerais qu'on y revienne dans la
période de questions. Je dois préciser que, moi, je travaille
dans un organisme qui travaille dans un quartier de Montréal, pas dans
tous les quartiers de Montréal. Donc, je connais ce quartier-là
surtout. Il s'agit du
quartier Côte-des-Neiges, qui s'adonne à être un
quartier où il y a une très forte concentration de nouveaux
immigrants. C'est certain que les conditions de logement sont un
problème important dans notre quartier. Un autre problème auquel
nous faisons face dans le quartier, c'est la pénurie de logements
à loyer modique, particulièrement pour les familles à
faible revenu, et aussi la pénurie de coopératives d'habitation,
d'organismes sans but lucratif.
Je n'ai pas très envie, disons, d'entrer dans le détail de
la description des conditions de logement pour l'instant. Je
préférerais que vous me posiez des questions plus précises
un peu plus tard.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je voudrais vous
remercier pour votre exposé. Aussi, je pense que votre mémoire,
qui est d'une richesse vraiment exceptionnelle... et vous savez, M. le
Président, M. Oré a une expertise assez poussée du
logement dans la région de Montréal. Je pense que vous êtes
le seul organisme, d'ailleurs, dans la région de Montréal, qui
oeuvrez au niveau de l'habitation, si ma mémoire est fidèle. Vous
êtes le seul, je pense?
M. Oré: Le seul organisme qui travaille en habitation et
en immigration à Montréal? Oui, on est le seul.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Dans votre mémoire, vous
mettez en évidence que le logement, pour une certaine fraction non
négligeable de notre immigration, constitue un problème. Alors,
il y a, par exemple, le Conseil scolaire de ITle de Montréal qui
est venu nous dire qu'il n'y avait pas de différence quant à
l'établissement des communautés dans des milieux
défavorisés, favorisés ou bien plus favorisés quant
à la pauvreté comme telle. Ça semblait quand même
assez bien réparti. Vous qui travaillez aussi bien avec les nouveaux
arrivants, les nouvelles communautés que les communautés les plus
anciennes, est-ce que vous percevez plus de difficultés, par exemple,
avec les communautés qui sont plus récentes que les
communautés qui sont plus anciennes, et quelles sont les principales
difficultés que vous rencontrez?
M. Oré: Disons qu'il y a plusieurs... Disons que votre
question est assez large, ample. Si vous voulez que je réponde juste au
niveau des écoles, je ne pense pas que la distribution des
ménages immigrés se soit faite de façon homogène
parmi toutes les écoles, qu'elles soient riches ou pauvres. Justement,
Mme Monique Larose intervient dans une école à forte
concentration ethnique, l'école Saint-Pascal-Baylon, et ce n'est pas une
école riche, pas du tout.
Il y a des problèmes de famille à l'intérieur, des
enfants qui ne mangent pas et maintenant il se développe justement des
programmes d'entraide entre les écoles riches du même quartier et
les écoles pauvres. Mais si on parle, disons, quant à
l'habitation, c'est vrai que l'ancienne immigration a une particularité
à elle toute seule qui diffère de la nouvelle immigration; toutes
ces différences-là, nous, on les fait ressortir dans un rapport
de recherche que la ville de Montréal nous avait demandé, et on
donne justement les différences quant à l'habitation, la
problématique des nouveaux arrivants par rapport à l'ancienne
immigration.
C'est tout à fait compréhensible que, lorsqu'on arrive ici
aujourd'hui, on ne pourrait pas bien comprendre cette réalité de
société comme quelqu'un qui y serait déjà depuis
trois ans. Les gens de l'ancienne immigration ont déjà
développé des réseaux d'aide, des réseaux sociaux
assez forts, comme la communauté italienne qui participe beaucoup dans
le domaine de la construction résidentielle, la communauté
grecque et la communauté portugaise, tandis que si on regarde la
nouvelle immigration, justement à cause du fait d'être
nouvellement arrivée, elle n'est pas encore rendue dans ce
développement et ces concentrations qu'on regarde lorsqu'on parte des
anciens immigrants. Je ne sais pas si je réponds à votre
question.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je comprends, finalement, qu'il y a
certaines difficultés. Il y a quand même un déplacement au
fur et à mesure que notre condition sociale se modifie. Il y a aussi des
changements à ce moment-là, des déménagements, par
exemple, dans certains quartiers.
M. Oré: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Justement, la semaine dernière, on
avait à discuter avec des représentants du milieu scolaire et on
se rendait compte que classe d'accueil versus logement avait une signification
dans le sens que, là où il y a des classes d'accueil, il y a...
Quand il y a des classes d'accueil, ça signifie que, par la suite, il y
a une forte concentration ethnique dans cette école parce que,
généralement, les enfants qui vont à la classe d'accueil
veulent demeurer dans cette école-là parce qu'ils y rencontrent
des amis. Ils se forment des groupes d'amis et ils ne veulent pas quitter cette
école. Souvent, là où on retrouve des classes d'accueil
dans ces écoles, c'est des endroits où on a des logements
à des prix meilleurs, à prix modique. Donc, automatiquement, il y
a une concentration qui se fait. Comment on pourrait, par exemple,
réussir à faire le lien entre les écoles à
très faible densité ethnique, parce qu'il y a peu ou pas de
classes d'accueil, et aussi le logement?
M. Oré: Je répondrai juste quant à la
mobilité des ménages immigrés. Pour ce qui est des
écoles, je vais laisser la parole à Monique Larose. Je pense que
tu pourrais répondre à ça. En tout cas. (10 heures)
C'est vrai qu'il y a une mobilité qu'on observe chez la nouvelle
immigration, mais quelles sont les causes qui motivent cette mobilité?
Par exemple, Côte-des-Neiges, c'est un quartier qui concentre, à
lui tout seul, 30 % de la nouvelle immigration qui entre au Québec.
Mais, pourtant, ce quartier, on le perçoit comme un quartier de
transition, c'est-à-dire que les gens vont être là pendant
quelques années et, après, vont aller vers le nord,
peut-être Montréal-Nord ou Saint-Laurent. Bon, mais quelles sont
les causes"? D'abord, c'est le prix. Ils vont chercher quelque chose qui
pourrait coûter moins cher et ils vont aussi quitter le quartier parce
que les logements ne sont pas vraiment en état d'habitabilité.
Alors, ce sont les deux principales causes qui vont être à
l'origine de la mobilité.
Quant au problème des écoles comme tel, peut-être
que Monique pourrait...
Mme Larose: À vrai dire, je travaille surtout avec les
comités des parents à l'école. Je ne peux pas vraiment
vous parler des mécanismes qui font qu'on prend la décision
d'ouvrir une classe d'accueil dans un quartier plutôt que dans un autre.
Je me sens assez dépourvue sur cette question-là.
Mme Gagnon-Tremblay: O.K. D'accord. C'est parce que les gens des
commissions scolaires semblaient nous dire que, généralement, la
population se retrouve là où on peut réussir à
obtenir des loyers à prix modique ou à prix avantageux. Donc,
nécessairement, on va essayer de s'inscrire dans des écoles tout
près, et c'est à ce moment-là qu'on ouvre des classes
d'accueil et, finalement, on retrouve parfois des écoles avec une, deux,
trois, quatre classes d'accueil, et ces personnes-là demeurent dans
cette école, une fois qu'elles ont terminé leur classe d'accueil,
parce qu'elles se sont regroupées avec des amis. Donc, automatiquement,
il y a une certaine concentration qui se greffe, qui se forme. On disait qu'il
faudrait peut-être essayer de mieux orienter les logements ou d'essayer
de faire un certain lien entre les logements et les écoles à
moins forte densité ethnique, là où on pourrait ouvrir des
classes d'accueil, mais limiter jusqu'à un certain point les classes
d'accueil par école, pour ne pas se retrouver avec une forte
densité ethnique, concentration ethnique.
Mme Larose: Je pense que vous soulevez là une grosse
question. Pourquoi les gens viennent s'établir à
Côte-des-Neiges? Il y a déjà une forte densité, mais
ça les intéresse de venir habiter dans Côte-des-Neiges au
moment de leur arrivée. Claude, tu veux répondre?
M. Dagneau: Je peux peut-être essayer de donner certains
éléments. La nouvelle immigration dont on parle, elle ne se
retrouve pas partout à Montréal. Elle se retrouve à
Côte-des-Neiges. Disons qu'on va prendre trois groupes qu'on peut bien
identifier, qui ressortent habituellement. Il y a les Latino-Américains,
les immigrants du Sud-Est asiatique, les Noirs des Antilles anglaises et les
Haïtiens. Prenons ces trois groupes-là. Il y a un peu d'Africains,
des gens du Moyen-Orient et tout ça, mais ces trois groupes-là,
ce sont les groupes dominants.
On retrouve ces mêmes groupes-là à
Côte-des-Neiges, un peu plus au nord, à Saint-Laurent, dans des
immeubles à logements à Saint-Laurent, un peu plus au nord que
Cartierville. Donc, il y a comme une espèce de colonne où on peut
retrouver ces groupes-là. On les retrouve aussi à Parc-Extension.
Il y a une assez forte concentration ethnique à Parc-Extension. On
trouve évidemment ces communautés-là ailleurs à
Montréal, dans l'est, sur le Plateau-Mont-Royal et un peu plus loin dans
l'est aussi, mais les concentrations fortes sont celles que je viens de vous
mentionner.
Il y a d'ailleurs une recherche, un relevé qui a
été fait par la SHDM, la Société d'habitation et de
développement de Montréal. Ce sont peut-être des documents
que vous avez. Sinon, si vous ne les avez pas, nous en avons des copies, nous
pouvons vous en envoyer. Il y a une carte qui a été faite et qui
montre bien la distribution de la nouvelle immigration à
Montréal. Cette carte-là a été faite il y a un an
et demi environ.
Pourquoi les nouveaux immigrants viennent-ils à
Côte-des-Neiges, à Saint-Laurent, à Cartierville? Ils
viennent là, selon notre analyse à nous, parce qu'il y a ce qu'on
appelle des blocs d'appartements. Pourquoi choisissent-ils les blocs
d'appartements? L'hypothèse que nous émettons, c'est l'anonymat,
c'est-à-dire que ce sont des immeubles qui appartiennent à des
propriétaires qu'on peut qualifier de professionnels, des gens qui
possèdent des immeubles pour faire des affaires qui, dans bien des cas,
dans la plupart des cas, consacrent toutes leurs activités
professionnelles à leurs immeubles. En d'autres termes, ce sont des
propriétaires professionnels à plein temps qui ne vont pas trop
regarder qui va venir habiter leurs immeubles.
Dans l'est de Montréal, on a une situation qui est bien
différente. On a des petits immeubles, duplex, triplex, quadruplex ou
deux triplex côte à côte avec le propriétaire qui
habite en bas. Et, quand il voit venir un immigrant, il se dit que cet
immigrant-là va habiter au-dessus de chez lui, juste à
côté de chez lui. Tandis qu'à Côte-des-Neiges ou
à Saint-Laurent... et, quand je pense à Saint-Laurent, je ne
pense évidemment pas à la partie de Saint-Laurent qui est
formée de maisons unifamiliales. Je pense à des
blocs d'appartements, parce qu'il y a une partie de Saint-Laurent
composée de blocs d'appartements qui ont été construits
pendant la même période que ceux de Côte-des-Neiges,
c'est-à-dire dans les années qui ont suivi la guerre.
La même chose à Cartierville. Il y a des immeubles
peut-être un petit peu plus récents, mais qui sont, disons, de
même nature...
Une voix:...
M. Dagneau: Juste terminer là-dessus. Je pense que
l'analyse que nous faisons c'est que les immigrants viennent à
Côte-des-Neiges, Saint-Laurent et Cartierville parce que c'est plus
facile, parce qu'on leur fait moins de difficultés. Et, une fois qu'ils
sont installés là, c'est certain qu'il y a un pôle
d'attraction et qu'après ça les nouveaux arrivants vont se
mêler a la communauté qui est déjà installée
là. Mais ce n'est pas nouveau à Côte-des-Neiges; ça
s'est produit comme ça dans le passé. Il y a eu une époque
où il y avait, par exemple, une communauté grecque qui avait une
certaine importance et qui n'est plus là, qui s'est
déplacée.
Mais ce n'est pas nouveau que Côte-des-Neiges soit un lieu
d'atterrissage et, malheureusement, un lieu de transition.
M. Oré: Mme la ministre... Mme Gagnon-Tremblay: M.
Oré.
M. Oré: ...j'avais cru comprendre, d'abord dans votre
question, que les immigrants vont aller ensemble dans un quartier avec l'espoir
d'obtenir un HLM dans ce secteur-là. Alors, HLM c'est
l'abréviation d'habitation à loyer modique. C'est
administré par l'Office municipal d'habitation et financé par la
Société d'habitation du Québec. Bon. Si c'était
ça votre question, moi, je pourrais répondre qu'à
Côte-des-Neiges ce n'est pas le cas. Vous savez que les demandes de
logements HLM pour les familles sont beaucoup plus nombreuses dans les
quartiers à forte concentration ethnique, et c'est dans les quartiers
à forte concentration ethnique que l'on fait le moins de logements
familiaux. D'autre part, il y a une très longue liste d'attente
d'habitations à prix modique à Côte-des-Neiges où,
justement, l'immigration représente presque 42 % parmi l'ensemble et ce
n'est pas juste pour l'obtention de HLM que les immigrants vont
nécessairement s'établir à Côte-des-Neiges ou
à Notre-Dame-de-Grâce, parce que ce sont les quartiers les plus
pénalisés quant aux constructions de HLM. C'est un de nos gros
dossiers et tous les organismes de Côte-des-Neiges proposant une
répartition adéquate d'unités de logements sociaux.
La distribution adéquate, la répartition adéquate,
justement, des unités de logements sociaux... Donc, le gouvernement
provincial a un rôle très important à jouer. C'est vrai
qu'il y aurait une implication qui aurait des conséquences sur la
distribution peut-être plus homogène à la grandeur de la
ville de Montréal. Mais si c'était ça le cas, alors il
faudrait donner plus de HLM, plus de coopératives en habitation à
Côte-des-Neiges, aux quartiers qui demandent plus de familles parce que
plus de la moitié des immigrants qui arrivent sont des familles
immigrantes qui ont en moyenne deux enfants.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais ne croyez-vous pas qu'il serait
peut-être plus avantageux de trouver des solutions, je ne sais pas,
moi... je pense à des logements à prix modique avec des ententes
qui pourraient être prises, par exemple, avec des propriétaires,
plutôt que de faire une concentration ou d'offrir trop de logements
à prix modique, c'est-à-dire de HLM, et de ghet-toïser? Mais
si, par exemple, on pouvait répartir davantage, faire une meilleure
répartition au lieu de construire, en prenant des arrangements avec des
propriétaires, pour obtenir quand même le même service, mais
plus étendu sur le territoire?
M. Dagneau: Avant de parler de ce point-là, j'aimerais
apporter un autre détail pour clarifier une chose que vous avez dite
tout à l'heure. Vous avez dit que le Conseil scolaire de l'île de
Montréal émet comme hypothèse que les immigrants se
concentrent là où les loyers sont les plus bas. Je pense que ce
n'est pas exact. Ça serait bon de faire une recherche là-dessus
pour le vérifier, mais notre évaluation c'est que ça n'est
pas exact. Les loyers de Côte-des-Neiges sont parmi les plus chers de
Montréal. Ce ne sont peut-être pas les plus chers, mais je ne
serait pas surpris qu'ils soient les plus chers. Ils sont parmi les plus
chers.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est de l'exploitation, finalement.
M. Dagneau: Comment?
Mme Gagnon-Tremblay: C'est de l'exploitation.
M. Dagneau: Peut-être, mais ce que je veux dire, c'est que
les communautés culturelles de la nouvelle immigration ne viennent pas
à Côte-des-Neiges, à Saint-Laurent ou à
Cartierville, par exemple, là où on les retrouve en forte
proportion, parce que les loyers sont plus bas qu'ailleurs. Si on fait une
étude des statistiques, on s'en rend compte assez rapidement. Les loge
ments de l'est de Montréal, et plus loin vers l'est, sont certainement
meilleur marché et conviennent certainement plus aux familles
immigrantes que les logements de Côte-des-Neiges. Les logements de
Côte-des-Neiges sont composés de logements d'une chambre à
coucher, deux chambres à coucher et trois chambres à coucher. Il
n'y a pas de logements plus grands
que ça, sinon sur le boulevard Édouard-Montpetit où
les logements sont antérieurs à la Deuxième Guerre et
où on retrouve très peu de nouvelle immigration.
Côte-des-Neiges, Saint-Laurent et Cartierville, par exemple, ne sont pas
des quartiers naturels pour les communautés culturelles. Ce ne sont pas
des quartiers qui comportent des logements adéquats pour les accueillir;
les loyers sont élevés et les logements sont trop petits.
Pourtant, c'est là que ces immigrants viennent. Alors, je pense qu'il
faut bien comprendre le phénomène, avant de faire une affirmation
comme celle qu'ils ont faite. Peut-être, en tout cas...
Mme Gagnon-Tremblay: Peut-être pas volontairement.
M. Dagneau: ...à l'oeil, comme ça, rapidement.
Maintenant, en ce qui concerne les HLM, j'aimerais préciser, avant de
penser à des formules nouvelles pour créer des habitations
à loyer modique, ce qui est, en tout cas, un dossier sur lequel nous
sommes en train de travailler à Côte-des-Neiges parce que nous
avons un problème particulier qui est l'absence de terrains pour
construire des logements... Il faut quand même voir certains faits et
constater que...
J'ai fait une petite recherche, moi, il y a un an et demi, pour le
deuxième forum du ROMEL, justement. J'ai regardé les demandes qui
étaient faites à l'Office municipal d'habitation de
Montréal, la distribution des demandes, et j'ai regardé aussi les
logements construits. J'ai pris comme moyen, pour évaluer cette
distribution-là, en tout cas comme repère, la carte
préparée par la SHDM dont je vous parlais tout à l'heure,
c'est-à-dire la carte qui nous donne les zones, les quartiers de
Côte-des-Neiges où on retrouve la nouvelle immigration et ceux
où on n'en retrouve pas ou très peu. J'ai constaté que, si
on prend deux catégories de population, c'est-à-dire les
personnes seules sans enfant et les familles avec enfants, on se rend compte
que, dans les quartiers où se trouve la nouvelle immigration, il y a
moins de logements pour les familles, beaucoup moins que dans les autres
quartiers où on ne retrouve pas de communautés culturelles.
Et on retrouve, par ailleurs, plus - toujours en proportion,
évidemment - de logements pour les personnes seules dans les quartiers
où se trouve la nouvelle immigration que dans les autres quartiers. Or,
la demande est inverse à cette situation-là. C'est-à-dire
que le gros de la demande pour les logements familiaux provient des quartiers
de nouvelle immigration, et c'est là qu'on retrouve le moins de
logements pour eux. Et les demandes pour des logements pour personnes seules
sont faites dans les quartiers québécois, là où on
retrouve le plus grand nombre de logements pour les familles. Alors, on est
très loin d'une situation où on pourrait dire: II faut cesser de
ghettoïser et créer trop de logements à loyer modique pour
les familles. On a exactement le contraire comme situation, à l'heure
actuelle.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vois que le temps...
M. Oré: J'aimerais ajouter... Je m'excuse de vous
interrompre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. C'est parce qu'il me reste très
peu de temps et j'avais une autre question que je trouvais tout à fait
importante. On me dit que mon temps... J'ai quelques minutes, seulement.
Concernant les revendicateurs du statut de réfugié, aux pages 10
et 11 de votre mémoire, vous vous penchez sur la situation
particulière des revendicateurs et vous faites aussi, à un moment
donné, une recommandation pour promouvoir la création de
structures d'hébergement, de dépannage temporaire à
l'intention des revendicateurs. Vous mentionnez aussi mettre en place une
première maison d'hébergement administrée par une ONG.
Alors, il y a eu une recommandation semblable qui a été faite
aussi dans la région de Québec. (10 h 15)
Je me demandais, compte tenu qu'on en accueille tout près de 1000
par mois, comment, par exemple... Est-ce qu'on devrait multiplier maison
par-dessus maison? Est-ce qu'il y a d'autres moyens de trouver une solution? Je
me dis: Peut-être que oui, une maison d'hébergement, ça
peut être intéressant, ça peut offrir le service,
peut-être, je ne sais pas, moi, à une vingtaine de personnes et
encore. Et quels sont les problèmes particuliers que vous rencontrez,
par exemple, en matière de logement pour cette
clientèle-là et comment on peut faire aussi pour que ça
n'ait pas un effet non plus d'attraction sur un mouvement qu'on désire
mieux contrôler?
M. Oré: Je commence à répondre. J'aimerais
juste exprimer quelque chose qui me chicote dans la tête, c'est quant aux
ghettos. Nous, on n'est pas portés à développer des
ghettos. Ils sont... Les discours du ROMEL visent surtout une mixité
sociale. On n'aimerait pas se concentrer dans des quartiers, dans des rues
où sont juste des immigrants et dans des rues où sont juste des
Québécois. On aimerait une mixité sociale plus large.
Alors, on comprend, par mixité sociale, des ménages de
différents revenus économiques qui seraient à
l'intérieur et aussi des classes sociales de diverses origines. Donc, le
quartier pourrait aussi avoir une diversité et une mixité des
types de propriétés et déteneurs de logements. Alors,
c'est ça qu'on envisage. Mais on comprend très bien que ça
serait très difficile d'avoir, disons, un HLM à Westmount avec 25
%...
Le Président (M. Doyon): M. Oré, s'il vous
plaît, compte tenu du temps qui s'écoule, je suis
obligé de vous...
M. Oré: O.K.
Le Président (M. Doyon): ...pousser un peu.
M. Oré: C'était juste... Quant aux nouveaux
arrivants, le problème que rencontrent les revendicateurs d'un statut,
c'est qu'ils disposent d'une très courte période de temps pour
chercher leur logement. Dès qu'ils ont reçu leur chèque
d'aide sociale, ils sont mis à la porte pour qu'ils puissent se
débrouiller avec ce que le gouvernement leur offre. Alors, ces
gens-là ne disposent pas de toutes les ressources, de toutes les
connaissances à leur portée pour trouver des façons quasi
immédiates de logement. Alors, c'est là que se pose le
problème. Donc, la solution, disons, d'une maison d'hébergement
temporaire serait, comme ça, temporaire, en attendant que ces
personnes-là puissent trouver un logement où elles pourraient
être hébergées à plus long terme.
Mais à ces problèmes aussi sont confrontés les ONG,
les organismes non gouvernementaux, partenaires du MCCI, qui, souvent, quant
à la demande assez nombreuse des revendicateurs qui arrivent à la
recherche d'un logement, ne sont pas en mesure de satisfaire tous les besoins.
De plus, les ONG sont mandatés aussi pour aider à la recherche
d'un logement tous ces immigrants-là, ces revendicateurs-là. Mais
il n'y a pas de ressources accordées, allouées
spécifiquement pour ce volet, justement, de recherche de logement.
C'est-à-dire que chez un ONG la personne qui s'occupe parfois
d'héberger les nouveaux arrivants, c'est quelqu'un qui est aussi un
nouvel arrivant, qui est à Montréal depuis trois mois et qui
travaille dans le cadre du programme des travaux communautaires. Donc, je pense
que c'est tout dire avec ça.
Je pense qu'on pourrait diversifier la solution. La maison
d'hébergement transitoire, ce n'est qu'une possibilité de
solution. Ce n'est pas la seule et ce n'est pas une solution non plus. C'est
une façon de contourner les difficultés auxquelles font face ces
clients-là, mais il pourrait y en avoir d'autres, comme, par exemple,
des ressources financières aux ONG pour pouvoir avoir du personnel,
évidemment, préparé et connaissant toutes les ressources
du marché locatif, conditions, matériel d'habitabilité de
Montréal ou de la région, justement pour mieux faciliter la
recherche d'un logement et la signature des baux, etc. Parce que, dans le fond,
c'est complexe pour quelqu'un qui...
Le Président (M. Doyon): Bon, M. Oré, merci. Je
vais permettre au député de l'Opposition, le député
de Shefford, qui a sûrement le désir de vous poser des questions
et d'engager le dialogue. Peut-être que vous pourrez revenir.
Autrement, il ne pourra pas le faire et c'est mon devoir, comme
président, de lui permettre aussi de participer au dialogue. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous
souhaite la bienvenue. Je trouve très intéressant qu'on ait la
chance de parler de logement et d'habitation pour les gens de Montréal
et spécialement dans le contexte de la commission parlementaire des
nouveaux Québécois. C'est surtout important qu'on soit en train
de parler avec vous d'un quartier, finalement, qui est très important
par rapport aux nouveaux Québécois, puisque, comme vous avez dit,
un grand pourcentage de nouveaux venus commencent par passer chez vous. Et
ça, c'est important parce que vous vivez l'accueil, l'intégration
et ensuite de ça, finalement, le départ pour un autre quartier
d'un large pourcentage de la clientèle que vous avez chez vous. Donc,
vous êtes vraiment au courant du vécu des nouveaux venus dans
votre quartier et on traite ce matin de quelque chose qui est fondamental par
rapport à ces gens-là, c'est le logement, l'habitation.
Je regardais, en page 4 de votre mémoire... quand on parle
d'intégration, vous revenez à ce que tout le monde nous disait au
cours des jours précédents en commission parlementaire. Qu'est-ce
qui est important pour un nouveau venu, pour lui assurer la stabilité
souhaitée? C'est deux choses: l'emploi et le logement. On a surtout
traité de l'emploi avec les groupes précédents, mais ce
matin on traite de logement et vous le mettez avant l'emploi. Effectivement,
quand des gens arrivent ici, on n'a pas le choix, on ne peut pas demeurer dans
une bouche de métro, à la gare ou à l'aéroport, il
faut se loger, il faut se trouver une place.
Ce qui est intéressant dans ce que vous êtes en train de
nous dire, c'est que les gens choisissent très largement ou en grande
partie, en tout cas, Côte-des-Neiges, pas à cause des prix, pas
nécessairement pour s'établir, mais à cause du milieu. Ils
se retrouvent. C'est moins inquiétant, c'est moins... Je le dis un peu
en interrogation et vous pourrez commenter... Les gens viennent
s'établir là parce qu'ils se retrouvent, d'une certaine
façon. Le choc est moins dur ou ils se sentent dans un milieu où
ils sont plus nombreux.
Ensuite de ça, un coup installés, rassurés,
acclimatés, là, on décide d'aller dans un quartier
où on a le goût non pas de passer, mais de rester et de
s'établir. Ma première question m'amène à vous
demander: Justement, le fait qu'à Côte-des-Neiges les gens
arrivent et se sentent un peu plus rassurés dans le voisinage parce
qu'ils retrouvent aussi beaucoup d'immigrants, est-ce que vous ne pensez pas
que ça a un effet sur l'augmentation des loyers? Dans ce coin, face
à ce roulement continuel, le fait que les gens passent, est-ce que ce
sont justement des
propriétaires d'immeubles locatifs et... ce que vous êtes
en train de nous dire, peut-être que nous, on en apprend ici ce matin
passablement avec les commentaires que vous nous apportez. J'ai l'impression
qu'il y a des gens qui sont propriétaires dans ce coin-là, qui le
savent depuis longtemps. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que le
roulement amène justement une augmentation des loyers, sachant
très bien, à Montréal, que l'un des problèmes
majeurs reconnus par la ville de Montréal et par tous les groupes -
demandez aux DSC, aux CLSC, aux CRSSS et à tous les groupes qui
s'occupent un peu du vécu quotidien des gens - l'un des problèmes
majeurs à Montréal, c'est le logement et - vous le dites dans
votre mémoire - ça va de 50 % à 60 % des revenus pour se
loger. C'est une cause première de l'appauvrissement des gens. Donc, les
gens sont de plus en plus pauvres parce que les loyers coûtent de plus en
plus cher. Vous le dites. Depuis dix ans, les loyers ont augmenté deux
fois plus vite que les revenus. Donc, c'est important qu'on s'occupe du
logement, sinon on favorise la pauvreté. Est-ce que je me trompe dans
l'affirmation que je fais en disant que le fort taux de roulement dans votre
quartier amène, finalement, un abus dans le prix des loyers?
M. Dagneau: Oui, c'est exact. C'est un fait. On constate que les
gens qui sont dans leur logement depuis longtemps ont des loyers beaucoup plus
bas que ceux qui viennent d'arriver, et c'est constant. C'est un fait. Mais je
n'ai pas malheureusement de données, de recherches à vous donner
maintenant, mais c'est un fait, on le constate. Nous recevons des locataires
tous les jours à notre organisme, et c'est un fait qu'on peut facilement
constater.
M. Paré: Ça m'amène à une autre
question, dans le sens d'améliorer, je veux dire. Si, dans
Côte-des-Neiges, il se faisait plus de HLM, plus de coopératives,
plus d'organismes sans but lucratif au niveau des logements... parce qu'on sait
que, d'année en année, ça diminue. C'est maintenant, je ne
sais pas moi, environ 1000 HLM par année pour tout le Québec et
on est rendus à 800 coopératives et OSBL. Si on en faisait plus
dans ces quartiers-là, est-ce que ça ne viendrait pas
améliorer deux choses? Premièrement, une espèce de chien
de garde - excusez l'expression, mais on se comprend là-dessus - par
rapport au prix, étant donné qu'il y aurait un marché plus
abondant pour des loyers moins élevés, et est-ce que ça
n'aurait pas aussi comme effet de retenir plus de gens dans le quartier et
faire en sorte que ce ne soit pas juste du passage, mais que ce soit de
décider finalement de s'établir et de demeurer dans
Côte-des-Neiges?
M. Dagneau: Je vais vous répondre là-des- sus. Il
faut distinguer entre deux formules: le HLM et la coopérative. Le HLM
est un programme très particulier, en ce sens qu'il s'adresse à
une catégorie bien précise de personnes, des gens qui sont
capables de se qualifier parce qu'ils ont des revenus très bas. Il y a
une grille d'évaluation. Il y a des critères
d'admissibilité qui sont établis par le gouvernement et qui sont
très fermes, très précis. C'est certain que construire
plus de HLM, à Côte-des-Neiges, ça va avoir comme effet de
fournir des logements en bon état, des logements adéquats
à des familles qui sont dans la misère maintenant. Ça,
c'est certain. C'est pour ça que nous faisons des pressions pour
construire des HLM.
En ce qui concerne l'effet sur les autres propriétaires, mon
interprétation à moi, c'est que les HLM n'auront pas cet
effet-là, étant donné que les HLM sont un programme de
logements subventionnés, c'est-à-dire qu'un locataire paie selon
ses capacités, selon son revenu, peu importe la taille de son logement.
C'est certain que le propriétaire du secteur privé n'ira pas
comparer ses logements avec les HLM. Par contre, si on regarde le programme
coopératives, là, on répond peut-être à la
question que vous posez. Le programme que la ville est en train de mettre en
place dans le quartier Côte-des-Neiges avec l'acquisition de 610
logements va normalement, nous l'espérons, avoir l'effet dont vous
parlez, c'est-à-dire que, dans le cadre de ce projet-là, les
loyers ne sont pas subventionnés. Les loyers des locataires qui habitent
ces immeubles-là vont être à peu près ceux qui
existent à l'heure actuelle dans le quartier, c'est-à-dire que la
SHDM acquiert les immeubles, et les locataires qui habitent ces
immeubles-là vont continuer à payer le même loyer avec une
légère augmentation au départ parce qu'il y a des
rénovations à payer. Les rénovations qui vont être
faites il y en a une petite partie qui va être assumée par les
locataires. L'augmentation ne sera pas très forte. Ces loyers-là,
effectivement, vont demeurer comparables à ceux du quartier. La
différence, c'est que les logements vont être dans un bien
meilleur état et qu'il n'y aura plus de propriétaires du secteur
privé qui leur feront manger de la misère, pour être bien
clairs, parce que c'est comme ça que ça se passe. Je connais
assez bien la situation pour pouvoir vous le dire.
Donc, ces logements de la SHDM, eux, vont entrer en directe concurrence
avec ceux du secteur privé. C'est certain que, plus il y en aura, plus
l'effet sera fort dans le quartier Côte-des-Neiges. Je ne sais pas si je
réponds à votre question. C'est ça la situation.
Ça, c'est un programme qui est fait par la ville de Montréal et
qui s'adresse de façon spécifique aux communautés
culturelles parce que la ville de Montréal a acheté 1800
logements en 1990 à travers la ville de Montréal, sauf que le
tiers de ces logements-là, cette année, a été
acheté à
Côte-des-Neiges et, comme Côte-des-Neiges est un quartier
multiethnique, finalement, les locataires qu'on retrouve dans ces
logements-là, ce sont des locataires issus des communautés
culturelles de la nouvelle immigration.
M. Paré: Vous répondez parfaitement et je suis tout
à fait d'accord avec vous. J'espère que vôtre message va
bien passer parce qu'effectivement c'est une formule extraordinaire. On l'a
vécue ailleurs à Montréal, je pense, à Milton Park,
que vous devez connaître aussi, qui fait en sorte que le quartier permet
aux gens une foule de choses, entre autres la responsabilisation par rapport au
vécu dans une coopérative puisqu'on devient sociétaire,
par rapport à la mixité, comme vous dites, parce que ce n'est pas
seulement pour les nouveaux Québécois, mais c'est aussi pour
permettre qu'il y ait cette mixité dont vous parliez tantôt avec
des Québécois de plus longue souche ici, et ça permet
surtout au gouvernement une économie parce que ça coûte
moins cher qu'un HLM.
M. Dagneau: Un petit détail aussi important. Dans les HLM,
les réfugiés politiques et les revendicateurs du statut de
réfugié politique ne sont pas admissibles. Dans ces
coops-là ils le sont. C'est un élément qui a son
importance. Il y a autre chose que je voulais rajouter.
M. Paré: Dans l'autre réponse, ça pourra
vous revenir. Je sais que le temps est très limité. Je vais vous
poser une question à double volet comme on dit à
l'Assemblée nationale.
M. Dagneau: Ce que je voulais rajouter, détail important,
c'est que c'est un programme de la ville, ce n'est pas un programme du
gouvernement. Je dois dire qu'il y a une certaine contribution via le PRIL, une
contribution du gouvernement, mais c'est une contribution qu'on pourrait
qualifier de boiteuse pour l'instant. Je n'entre pas dans... Si vous voulez
avoir plus de détails, on pourrait vous les donner mais... (10 h 30)
M. Paré: Non. Je pourrais dire que je pense qu'on est pas
mal tous conscients qu'on doit tous reconnaître à quel point la
ville de Montréal a un souci et essaie de régler des
problèmes en matière d'habitation puisqu'elle s'est même
donné une politique d'habitation, ce qu'on n'a même pas ici au
gouvernement.
Une question à double volet par rapport à quelque chose
qui est important. Vous le mentionnez là-dedans et ça revient
régulièrement: c'est l'information. Effectivement, les nouveaux
arrivants, comme toute la population d'ailleurs... le meilleur service qu'on
peut donner aux gens, c'est de l'information. Quand on a l'information, on peut
profiter des programmes et se sentir plus en sécurité, et on peut
défendre ses droits, ce qu'on ne peut pas faire autrement. L'informa-
tion, c'est important.
Mon deuxième volet, c'est le harcèlement aussi parce que,
quand on ne connaît pas nos droits, on est obligés de prendre ce
qui passe et on est obligés d'accepter ce qu'on nous dit et ce qu'on
nous fait, et je pense que les deux sont directement reliés,
harcèlement et information. Il faut trouver des moyens, et je pense que
vous êtes là pour nous aider et pour nous en fournir. De quelle
façon est-ce qu'on peut le mieux fournir de l'information? Il y a
évidemment - et vous en avez nommé dans votre mémoire -
des structures, des institutions et des régies qui existent au
gouvernement, et le cas qui nous concerne ce matin, c'est la Régie du
logement ou des organismes comme le vôtre.
Le gouvernement doit utiliser les deux, mais regarder comment on peut
mieux aider à l'augmentation de l'aide qu'on peut apporter à
partir de maintenant, si on veut augmenter l'information et l'aide ou si on
doit privilégier les sommes qu'on va ajouter. Il y a la Régie du
logement, c'est évident. Ce qu'on peut faire dans la Régie du
logement, vous savez qu'il y a des bureaux qui sont coupés et que
ça coûte maintenant 25 $ pour un dossier, plus là TPS. Il y
a des coûts maintenant et c'est vu par les gens comme une espèce
de tribunal administratif, donc, quand on y va, c'est qu'on a un
problème, ce n'est pas pour aller chercher de l'aide. Il reste quoi
où on va sentir qu'on est accueilli et qu'on va être aidé?
Je pense que c'est des groupés comme le vôtre, accessible, des
gens qui ont connu les problèmes des autres et qui sont là
à titre d'aidant.
Moi, je pense que la meilleure façon d'aider et la moins
coûteuse aussi... parce que ça coûte bien moins cher, une
subvention de fonctionnement à un organisme comme le vôtre, qu'une
aide pour ajouter du personnel au niveau de la Régie du logement. Cela
pourrait être fait, par exemple, ça n'empêche pas
d'augmenter la qualité du service de ce que l'État possède
comme institution. Dans votre cas, moi, je pense - et je dois dire qu'il en a
été question il n'y a pas tellement longtemps ici, en commission
parlementaire, en parlant de la Régie du logement - qu'il faut regarder
pour ouvrir dans Côte-des-Neiges ou dans des secteurs comme le
vôtre, soit un bureau particulier de la Régie du logement, soit,
à l'intérieur de la Régie du logement, avoir un guichet
particulier d'aide à titre d'information. Mais, même là, ce
n'est pas fait et je pense que ce serait plus coûteux que, finalement,
d'avoir pour vous autres une véritable politique de reconnaissance et de
financement.
Je ne sais pas lequel des deux volets vous privilégiez, que la
Régie du logement se transforme ou qu'on vous aide davantage. Je vous
lance la question.
Le Président (M. Doyon): Une brève réponse,
s'il vous plaît.
M. Ore: Quant à l'information sur ce qu'est le logement
auprès des nouveaux arrivants, je ne parlerai pas juste de la
Régie du logement. Mais il faudrait d'abord dire que cette
information-là doit être adaptée, accessible justement aux
nouveaux arrivants parce qu'il y aurait peut-être certaines valeurs
culturelles qui empêcheraient leur compréhension. À la
ville de Montréal il y avait un projet de création d'un guichet
centralisé d'information sur le logement, mais ce fameux quichet serait
presque une copie de ceux qui existent déjà à Accès
Montréal. À Côte-des-Neiges, je ne sais pas s'il y a les
meilleurs services qu'on puisse avoir.
Je pense qu'en partenariat, des organismes communautaires qui auraient
une certaine expertise avec des organismes, disons, qui interviennent dans le
milieu de l'habitation, cela pourrait être souhaitable. Comment le faire?
C'est ça, en partenariat, une intervention dans le support, comme vous
avez dit, aux organismes communautaires. Je pense que, d'après notre
expérience comme organisme, on travaille sur ça. Disons qu'en
pratique on fait connaître ce que fait la Régie du logement. En
pratique, le ROMEL fait connaître ce que fait la SHQ, la SCHL et la
Commission des droits de la personne, et le ROMEL n'est pas payé pour
atteindre ces organismes-là.
Ce qui apporte le plus de résultats quand on donne cette
information-là, c'est quand on la donne sur le terrain directement aux
clients. L'expérience dernière, l'année dernière,
on a visite tous les COFI à Montréal, le jour pour les
immigrants, le soir pour les réfugiés; on a visité les
églises, on a visité les organismes d'information, on a
même donné un party à des communautés ethniques; on
a distribué ça, et c'est là que ça a
rapporté de plus en plus. C'est vrai que toute cette campagne
d'information qu'on a faite l'année dernière a peut-être
augmenté considérablement les appels des allophones auprès
de l'assistance publique. Donc, l'adaptation de ces services auprès de
cette clientèle-là est tout à fait raisonnable.
Si je donne un exemple quant à ça...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. Oré, s'il
vous plaît.
M. Oré: Si je donne un exemple seulement, je dois dire
que, par rapport au support des locataires, H y a une association de locataires
dans la région de la ville de Montréal, qui se trouve à
Côte-des-Neiges, où il y a une personne qui parle espagnol et tous
les clients qui nous appellent chez nous, on les transfère à
cette association de locataires parce qu'il y a quelqu'un qui parle espagnol,
qui peut répondre à quelqu'un qui aurait besoin d'information.
C'est justement lui qui pourrait peut-être... cette
information-là.
Le Président (M. Doyon): Non. On n'aura pas le temps
malheureusement de poursuivre, M. le député. Peut-être...
Mon devoir est ingrat, mais il est nécessaire.
M. Paré: Malheureusement, c'est les règles du jeu
ici. Mais, comme on a lu attentivement votre mémoire, je pense que les
informations que vous vouliez nous fournir, on va en prendre bonne note. Comme
c'est tout le temps qu'on a, bien, merci beaucoup d'être venus.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Tout simplement, en terminant, je dois
vous dire que j'ai été très sensibilisée à
la lecture de votre mémoire, entre autres concernant les
coopératives. Je pense qu'il faudra travailler aussi... Il y a des
programmes aussi qui sont prévus non seulement avec la ville, mais aussi
en collaboration avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du
Canada. Alors, je pense qu'il va falloir développer peut-être ce
côté-là aussi.
Moi, je dois vous remercier et vous féliciter aussi parce que
votre mémoire est très riche en recommandations. On aura
l'occasion de se revoir demain, à l'ouverture de votre colloque. Merci
beaucoup et bon voyage de retour.
M. Oré: Malheureusement, on n'a pas touché quelque
chose qui frappe le plus, la discrimination dans les logements, mais je pense
que vous le pensez et nous le pensons aussi.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Je vous
prierais de prendre la peine de vous retirer pour permettre à l'autre
groupe de vous remplacer.
Sans plus de retard, j'inviterais les représentants du groupe Au
bas de l'échelle à bien vouloir s'avancer, à prendre place
à l'avant.
Je constate donc que les deux représentantes du groupe Au bas de
l'échelle sont installées. Je les invite à se
présenter brièvement et à nous faire la lecture, en tout
cas une présentation du résumé de leur rapport; ensuite,
la conversation s'engagera avec les membres de cette commission. Alors, vous
avez la parole.
Au bas de l'échelle
Mme Bernstein (Stéphanie): Merci. Le groupe Au bas de
l'échelle voudrait d'abord vous remercier de votre invitation à
participer à cette consultation générale.
Je suis Stéphanie Bernstein, responsable du dossier des
travailleuses et des travailleurs immigrants au sein de mon organisme, Au bas
de l'échelle. À côté de moi, c'est Anick Druelle,
coordonnatrice des services au sein du même organisme.
Au bas de l'échelle est un groupe populaire qui oeuvre depuis 15
ans à la défense des droits des travailleuses et travailleurs non
syndiqués. On a trois volets à notre action: nous offrons des
services individuels à des personnes qui ont des problèmes au
travail; nous offrons des services d'information collective,
c'est-à-dire des sessions d'information dans des groupes auprès
des non-syndiqués, des petits salariés; aussi, on a un volet
où on fait de la représentation politique pour encourager
l'amélioration des conditions de travail des personnes non
syndiquées.
Le Président (M. Doyon): Nous vous écoutons
concernant votre mémoire.
Mme Bernstein: Merci. En tant qu'intervenant dans le domaine
social, l'organisme Au bas de l'échelle tient à apporter quelques
commentaires sur des sujets particuliers soulevés dans
l'énoncé de politique.
Depuis ses débuts, notre organisme s'est toujours
préoccupé de la situation particulière que les personnes
immigrantes vivent sur le marché du travail et ce, surtout au niveau de
leurs conditions de travail. Pour ces raisons, nous croyons que notre expertise
dans le domaine peut s'avérer utile dans l'élaboration
d'orientations et de programmes éventuels.
L'énoncé de politique au Québec "Au Québec
pour bâtir ensemble" traite de maints sujets touchant l'immigration et
l'intégration. Cependant, nous désirons limiter notre
intervention à quelques points relevant directement de notre expertise.
Nous aborderons donc les sujets suivants: la discrimination dans le domaine de
l'emploi, l'accès à la justice des Québécoises et
des Québécois des communautés culturelles, plus
particulièrement des nouveaux arrivants, les conditions de travail des
domestiques et des travailleuses et travailleurs agricoles et le partenariat
entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux en matière
d'intégration.
La discrimination dans l'emploi prend diverses formes et constitue une
realité vécue par un grand nombre de Québécoises et
Québécois de communautés culturelles, plus
particulièrement par les personnes nouvellement arrivées au
Québec et par les minorités visibles. Cette discrimination ne se
vit pas seulement à l'embauche, mais également dans les
conditions de travail. Elle peut être directe ou indirecte. Il faut
s'attaquer immédiatement aux différents volets de la
discrimination dans l'emploi étant donné que le travail est l'une
des premières formes d'intégration à la
société québécoise.
Le placement et l'employabilité des nouveaux arrivants
constituent des préoccupations importantes et très valables pour
le gouvernement. D'après notre expérience, les nouveaux arrivants
sont souvent dirigés vers des emplois aux conditions de travail
difficiles et très souvent en-dessous de leurs qualifications
professionnelles, ce qui démontre peut-être une sous-valorisation
de leur apport à la société d'accueil. Selon le
recensement du Canada de 1986, la population immigrée au Québec
est sous-représentée dans certains secteurs de l'économie.
À titre d'exemple, les travailleurs immigrés arrivés entre
1981 et 1986 se retrouvent à 38 % dans le secteur manufacturier, un
secteur mou de l'économie qui offre des emplois précaires et mal
protégés.
Afin de répondre aux besoins en placement, le gouvernement
propose comme solution possible des clubs de placement pour immigrants et
immigrantes. Malgré que beaucoup de travailleuses et de travailleurs
immigrants éprouvent des difficultés particulières
à ce niveau, nous trouvons important de limiter les structures qui
peuvent accentuer davantage la ghettoïsation de certaines travailleuses et
travailleurs immigrants dans les secteurs précaires de
l'économie. De plus, nous croyons que toute mesure pour encourager le
placement et l'employabilité devrait être développée
en collaboration avec les groupes desservant les communautés culturelles
et spécialisés dans ce domaine.
Les solutions proposées par le gouvernement à la
discrimination dans l'emploi se concentrent surtout autour des programmes
d'accès à l'égalité et des obligations
contractuelles. Ces programmes évidemment devraient se poursuivre, tout
en étant assujettis à des évaluations continues.
Cependant, ils ne constituent évidemment pas le seul mécanisme de
lutte contre la discrimination. Nous sommes devant une situation où des
milliers de travailleuses et de travailleurs immigrants subissent de la
discrimination quotidiennement dans leur milieu de travail. Cette situation est
particulièrement aiguë dans les petites entreprises. Nous le voyons
tous les jours à Au bas de l'échelle.
Selon l'énoncé, le gouvernement appuierait des initiatives
d'institutions et d'organismes communautaires qui contribuent à lutter
contre la discrimination sous toutes ses formes, ainsi que la consolidation de
l'action de la Commission des droits de la personne auprès des personnes
victimes de discrimination pour des motifs de race, de couleur ou d'origine
ethnique. Il faudrait peut-être davantage axer ces interventions
auprès des personnes qui vivent une situation d'isolement dans leur
milieu de travail à cause de leur difficulté à s'exprimer
en français, du manque de syndicalisation dans ces milieux et de la
méconnaissance de leurs droits. Ce travail est déjà
entrepris, en partie, par les organismes communautaires comme le nôtre
qui sont spécialisés dans la défense des droits et par les
syndicats, mais le gouvernement pourrait le compléter avec des campagnes
de sensibilisation auprès des employeurs et du grand public, en
concertation avec la Commission des droits de la personne et en continuant
à trouver des mécanismes aux niveaux judiciaire et administratif
pour faciliter
l'accès aux recours en matière de discrimination.
Le gouvernement exprime également une volonté
d'améliorer l'accessibilité aux services judiciaires des
Québécoises et Québécois des communautés
culturelles. À notre avis, il serait aussi important de mettre en place
des mécanismes pour que ces personnes reçoivent davantage un
traitement égal devant la loi. Ici, nous allons aborder les questions de
l'interprétariat et de l'aide juridique, il ne faut pas non plus oublier
l'accès à l'information sur les lois, ce qui est un enjeu majeur
en ce qui concerne l'accès à la justice.
Présentement, les personnes qui ne peuvent s'exprimer en
français ou en anglais, parce que devant les tribunaux on peut
s'exprimer en anglais également, ne bénificient pas
automatiquement des services d'un interprète qualifié lors de
procédures judiciaires, à quelques exceptions près. Par
exemple, les causes pénales, les dossiers d'immigration. Cette situation
est particulièrement préoccupante parce que la
société d'accueil nie un droit fondamental à celles et
à ceux qui ne parlent pas encore sa langue. (10 h 45)
À Au bas de l'échelle, on voit ça assez souvent
devant les tribunaux administratifs, par exemple à la Commission des
normes du travail, nous avons souvent des causes de personnes qui ne parlent ni
français ni anglais. Elles ne peuvent pas se défendre, elles ne
peuvent pas comprendre les procédures et ce n'est pas évident de
trouver quelqu'un d'assez qualifié ou qui sera accepté par
l'avocat de l'employeur comme interprète. Alors, nous croyons qu'il est
impératif que le gouvernement garantisse ce droit à toute
personne qui ne s'exprime pas adéquatement en français et ce,
devant tous les tribunaux.
Jusqu'à maintenant, aucune institution publique n'a
apporté de l'aide au niveau de l'interprétariat. On pourrait
supposer que l'aide juridique paie les frais d'interprète avec les
autres frais judiciaires pour les personnes dans le besoin. Cependant,
l'expérience nous montre que de moins en moins de personnes
répondent aux critères d'admissibilité à l'aide
juridique - je pense que tout le monde ici est au courant. D'ailleurs, le
Protecteur du citoyen a souligné, dans son rapport annuel de 1989-1990,
l'importance de cette situation et a encouragé le gouvernement à
la rectifier. Les personnes récemment installées au Québec
sont particulièrement affectées par cet état de fait car
elles se retrouvent très souvent dans une situation économique
précaire tout en restant exclues de l'aide juridique. Le gouvernement
devrait donc regarder très attentivement cette situation et passer
à l'action afin d'assurer un financement accru à cette mesure
sociale qui vise l'égalité de toute personne devant la loi,
finalement.
De plus, l'accessibilité à la justice ne se limite pas
à l'accès au processus judiciaire; elle comprend également
l'accès à l'information sur les lois. Cette information reste
difficilement accessible pour les personnes nées et scolarisées
ici. Alors, imaginons le cas des personnes nouvellement arrivées qui
sont habituées à un système judiciaire et à des
lois différentes.
Le gouvernement a déjà fait des efforts pour rendre
l'information plus accessible en assurant des services multilingues dans
certains organismes gouvernementaux tels que Communication-Québec et la
Commission des normes du travail et en traduisant plusieurs dépliants
d'information. Cependant, il reste que ces services demeurent très
limités lorsque les personnes passent à l'étape
d'entreprendre des démarches en vertu d'une loi. Les fonctionnaires
chargés des dossiers disposent de très peu de ressources au
niveau de l'interprétariat. Cette carence ne leur permet pas de
s'assurer que les personnes nécessitant leur aide comprennent bien les
procédures, leurs droits et les mécanismes d'appel à des
décisions administratives ou autres. L'information sur les lois ne
s'arrête pas aux préposés à la clientèle, il
faut assurer des services multilingues dans le cadre de l'administration des
lois. Il ne faut pas oublier la francisation non plus. Dans l'optique de la
francisation et face à l'impossibilité de tout traduire dans les
langues d'origine, le gouvernement devrait également encourager ses
ministères à produire des documents d'information sur les lois en
français, mais plus faciles d'accès, c'est-à-dire plus
vulgarisés.
Maintenant, je vais parler un peu des domestiques et des travailleuses
et travailleurs agricoles. Dans l'énoncé de politique, le
gouvernement propose aussi d'augmenter le nombre de travailleuses et de
travailleurs temporaires afin de pallier à des pénuries de
main-d'oeuvre dans certains secteurs économiques. On parle plus
spécifiquement des domestiques et des travailleuses et des travailleurs
agricoles saisonniers. Cette orientation de la part du gouvernement suscite
certaines réflexions, surtout quant à la nécessité
de leur assurer des conditions décentes de travail. Il faudrait aussi
souligner que ces pénuries de main-d'oeuvre relèvent en partie
des conditions de travail s'y rattachant qui sont en dessous de celles
normalement considérées minimales et acceptables.
Les domestiques sont parmi les travailleuses - je dis "travailleuses"
parce que la presque totalité des domestiques sont des femmes - les plus
exploitées. Les mesures de protection proposées par
l'énoncé sont nettement insuffisantes. On recommande d'assurer un
meilleur respect des normes québécoises relatives aux conditions
de travail. Cependant, même avec l'entrée en vigueur de la Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail, le 1er janvier 1991, les
domestiques qui gardent des enfants ou des adultes dans l'incapacité et
qui exécutent exclusivement des tâches reliées à la
garde demeurent
exclues du champ d'application de la loi. Celles qui occupent d'autres
fonctions bénéficient d'un salaire minimum en dessous de celui
des autres travailleuses et travailleurs et doivent assumer une semaine normale
de travail plus longue, c'est-à-dire de 53 heures. De plus, compte tenu
de leur isolement du fait qu'elles sont obligées de résider chez
leur employeur quand elles entrent au pays sous les auspices du programme
fédéral pour les domestiques, ces femmes ne pourront ni
connaître leurs droits, ni les défendre - là, je ne parie
même pas de la possibilité d'apprendre le français, non
plus.
Nous citons le mémoire de la Commission des droits de la personne
présenté lors des consultations sur la nouvelle Loi sur les
normes du travail pour appuyer l'élimination de toute discrimination
envers les domestiques. Je cite: "L'application du principe de
l'égalité de tous devant les normes minimales du travail devrait
être rigoureuse. C'est dire que l'universalité de la loi doit
être recherchée. Les mêmes conditions de travail, injustes
pour la plupart des personnes, ne peuvent en principe être
considérées justes pour certaines catégories de
travailleuses et de travailleurs." La Commission des droits de la personne
considère que l'exclusion de certaines domestiques de la loi constitue
de la discrimination en vertu des articles 46, 10 et 16 de la Charte des droits
et libertés de la personne.
Le législateur prévoit la possibilité d'assujettir
à la Loi sur les normes du travail, par voie de réglementation,
les domestiques-gardiennes présentement exclues de son champ
d'application. Les conditions de travail des domestiques qui sont couvertes par
cette loi peuvent être améliorées par la même voie.
Le gouvernement devrait donc profiter de cette occasion afin d'éliminer
toute discrimination envers les domestiques.
L'idée d'un contrat type entre employé et employeur a
également été proposée dans l'énoncé
de politique. Ce n'est pas une idée nouvelle. Le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration a élaboré un
tel contrat voilà plusieurs années, même s'il
n'étart pas obligatoire. Si un nouveau contrat type est conçu, i!
ne peut que se référer à la Loi sur les normes du travail.
Il doit être exhaustif et obligatoire et le gouvernement
québécois devrait instaurer un mécanisme de
résolution de conflits quant à l'application du contrat. Ce
mécanisme devrait être, si possible, indépendant des
tribunaux. Certaines domestiques, parce qu'exclues du champ d'application de la
loi, ne peuvent avoir recours à la Commission des normes du travail. On
ne peut s'attendre non plus à ce que les domestiques venant de
l'étranger puissent se présenter aux cours
québécoises afin de faire respecter leur contrat. Les
délais en cour civile sont excessivement longs - à
Montréal, c'est jusqu'à deux ans - et les domestiques ont
rarement les ressources financières ou une connaissance suffisante du
système judiciaire pour exercer un tel recours.
La Commission des droits de la personne soulignait également
l'exclusion partielle des travailleuses et travailleurs agricoles de la Loi sur
les normes du travail. La Commission constate que cette exclusion affecte plus
particulièrement les travailleurs immigrants et, pour cette raison,
serait discriminatoire. Cette discrimination ne peut se justifier par une
pénurie de main-d'oeuvre. Même le ministère de la
Main-d'?uvre et de la Sécurité du revenu a
déjà recommandé l'assujettissement de l'ensemble des
salariés agricoles à la Loi sur les normes du travail puisque
cela constitue... je cite: "Puisque cela constitue un élément de
solution indispensable aux problèmes de main-d'oeuvre que connaît
le secteur agricole québécois."
Comme dans le cas des domestiques et domestiques-gardiennes, le
gouvernement peut se prévaloir de son pouvoir réglementaire en
vertu de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail pour enlever les
dispositions qui sont discriminatoires envers les travailleuses et travailleurs
agricoles saisonniers. Avant de promouvoir une politique d'implantation de
main-d'oeuvre pour répondre à des pénuries, le
gouvernement devrait garantir que l'on n'exerce aucune discrimination à
leur égard. De plus, il doit veiller à ce que ces travailleuses
et travailleurs disposent de toute information pertinente sur leurs droits et
recours et que les agences gouvernementales responsables assurent auprès
des employés et des employeurs un suivi au niveau du respect de leurs
droits.
Le dernier point que nous allons aborder est celui du partenariat. Le
gouvernement québécois reconnaît l'expertise des
partenaires non gouvernementaux dans le processus d'adaptation et
d'intégration des immigrants et prévoit mettre en valeur leur
apport considérable dans ce domaine. Sans aucun doute, le partenariat
joue un rôle indispensable dans l'intégration harmonieuse des
nouveaux Québécois et Québécoises, mais il
resterait à mieux définir le partenariat, de concert avec les
organismes, bien sûr.
On parle, entre autres, de la bonification des programmes de subventions
aux organismes qui travaillent à l'accueil et à l'adaptation
suite à l'entente Canada-Québec qui vient d'être
signée et de miser davantage sur la collaboration entre les organismes
publics, parapublics et privés afin de rendre les services
gouvernementaux pius accessibles aux Québécoises et aux
Québécois des communautés culturelles.
Le financement par le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration de plusieurs organismes non gouvernementaux qui
oeuvrent directement avec les Québécois des communautés
culturelles est, d'après la plupart des groupes concernés,
insuffisant. À titre
d'exemple, une subvention octroyée dans le cadre du Programme
d'aide à l'accueil et à l'adaptation des nouveaux arrivants ne
garantit parfois à peine qu'un salaire. Les problèmes
spécifiques que ces organismes vivent, considérant leur peu de
ressources financières et humaines et les besoins réels de leur
clientèle, devraient également être pris en
considération dans le développement de ces programmes de
subventions. Il ne suffit pas de reconnaître l'expertise de ces groupes.
Il faudrait développer les programmes avec ces organismes et leur offrir
la possibilité de participer à l'évaluation et à
l'ajustement de ceux-ci. Ceci faciliterait un réel partenariat et
rendrait plus efficace l'implantation de programmes complémentaires ou
conjoints entre le réseau gouvernemental et non gouvernemental.
Pour terminer, je voudrais remercier une fois de plus les membres de
cette commission pour l'attention qu'elles et qu'ils ont portée à
nos intervention. Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup, Mme
Bernstein. Nous allons avoir un échange d'environ 15 minutes, autant de
la partie ministérielle que de l'Opposition, et je laisse la parole
à Mme la ministre. Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie également et je vous
félicite d'avoir pris le temps d'élaborer un mémoire sur
ce sujet. Je dois vous dire que je l'ai lu avec beaucoup d'attention.
Justement, vous avez mentionné dans votre exposé de
même que vous le mentionnez aussi dans votre mémoire, à la
page 12, vous signalez l'importance de bien protéger les domestiques
étrangères. Vous accordez beaucoup d'importance à ce sujet
et vous parlez d'un contrat de travail obligatoire. Vous l'avez bien
mentionné déjà: Dans l'énoncé de politique,
nous parlons d'un contrat type, mais contrairement à ce qu'on aurait pu
souhaiter, c'est-à-dire qu'on aurait pu se rendre compte qu'auparavant
on avait une espèce de contrat type, mais on n'était pas
obligé de le signer... Là, maintenant, avec
l'énoncé, la signature sera obligatoire. Bien sûr aussi,
nous avons prévu des séances d'information, des activités
d'information, même à l'étranger; lorsque la candidate est
sélectionnée, je pense que c'est à ce moment-là
aussi qu'elle doit être bien renseignée sur ses droits et
l'importance, pa<_2a_ signature="" de="" _exemple2c_="" tel="" et="" _d27_un="" on="" faire="" la="" pourra="" contrat="" respecter="" comment="" ce="">
Vous avez également suggéré qu'on instaure un
mécanisme alternatif de résolution de conflits pour les
domestiques étrangères avec le non-respect des problèmes,
par exemple le non-respect de leur contrat. J'aimerais dans un premier temps
que vous me disiez comment vous voyez ce mécanisme. Est-ce qu'il devrait
être lié à la Commission des normes du travail? Et y a-t-il
des modèles de mécanisme de résolution des conflits
ailleurs dont vous auriez pris connaissance?
Mme Bernstein: Premièrement, je vais juste parler de
l'aspect du contrat. L'expérience du dernier contrat type, même
s'il n'était pas obligatoire, c'est qu'il se référait
seulement à la Loi sur les normes du travail. On dit: Pour toutes les
dispositions concernant les heures supplémentaires, etc., voir la Loi
sur les normes du travail. Finalement, ce contrat type n'avait aucune valeur
pour les domestiques-gardiennes.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, le message est passé à
mes fonctionnaires.
Mme Bernstein: C'était ça vraiment le
problème. Les échos que j'ai eus à propos du contrat qui
sera élaboré, c'est que, finalement, ça va se
référer à peu près à ce qu'il y a dans la
Loi sur les normes du travail. Mais quand même, dans le Code civil, on
peut prévoir quelque chose d'un peu plus étoffé.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans le Code civil?
Mme Bernstein: Bien, je veux dire, il y a un contrat de louage de
services entre deux parties...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Bernstein: ...il faut le respecter. Alors, au lieu de juste
se référer à la Loi sur les normes du travail, il faut
écrire un contrat qui soit exhaustif, qui prévoie tout.
Personnellement, j'ai déjà travaillé avec les domestiques;
il y a déjà des ententes, disons, qui sont signées entre
Immigration Canada, la domestique et l'employeur...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Bernstein: ...qui marquent effectivement les conditions de
travail, combien d'enfants, qu'est-ce que la domestique dort faire, etc., qui
ne sont jamais respectées. Le salaire n'est même pas
respecté. Quand on dit ça à Immigration Canada, ils
disent: Bien, on ne peut rien faire; ce n'est pas notre domaine. La femme va
à la Commission des normes du travail; la Commission dit: Vous
êtes exclue du champ d'application de la loi. Alors, c'est très
problématique.
Mme Gagnon-Tremblay: Ma deuxième question, c'était:
Est-ce que vous avez pris connaissance ailleurs d'autres mécanismes de
résolution de conflits comme celui que vous nous proposez?
Mme Bernstein: Je n'ai pas de modèle précis...
Mme Gagnon-Tremblay: Non ...de modèle précis...
Mme Bernstein: ...en tête là, mais comme je l'ai
déjà mentionné, les cours civiles, c'est trop long.
Souvent, la femme va être partie avant son audition en cour civile.
Alors, il faut vraiment trouver quelque chose de plus rapide, ça peut
être un service de médiation de conflits, mais il faut que
ça lie l'employeur quelque part. C'est ça, l'important.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez aussi que la question des
domestiques, c'est vraiment une façon de venir s'établir au
Québec ou au Canada, après y avoir séjourné pendant
un certain temps. Alors, finalement, il y a toutes sortes de
considérations qui sont prises pour compte et, finalement,
peut-être que la personne ne serait pas sélectionnée sous
une autre catégorie que la catégorie des domestiques.
Étant donné justement qu'après trois ans, si ma
mémoire est fidèle... C'est trois ans, n'est-ce pas?
Mme Bernstein: Deux. (11 heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Après trois ans, la personne peut
être admise comme permanente au Québec ou au Canada. Est-ce que,
dans ces conditions, on volt que de plus en plus de domestiques viennent sous
cette catégorie ou sous ce programme pour pouvoir venir peut-être
plus rapidement parce que, sous la catégorie de l'indépendant,
peut-être qu'à ce moment-là on ne serait pas admissible?
Est-ce que nous devrions exiger davantage quant à la formation, à
l'éducation? Parce qu'on sait très bien que la personne,
après avoir travaillé pendant deux ans, trois ans, et aussi pour
ne pas être exploitée dans un certain sens parce que c'est un peu
comme une espèce de tremplin... Je pense que le travail domestique
devient un peu un tremplin à un emploi beaucoup plus
rémunérateur. Ça devrait être finalement... Selon le
programme qui avait été déterminé par le
gouvernement fédéral, c'est un peu ce qu'on visait. On visait
peut-être une intégration pendant ces certaines périodes de
temps et permette par la suite à la femme de pouvoir quitter ce type
d'emploi et accéder à un travail meilleur. Ne croyez-vous pas
qu'on devrait exiger peut-être plus d'éducation ou de formation
même si c'est pour une travailleuse domestique?
Mme Bernstein: Au bas de l'échelle ne travaille pas
expressément avec les domestiques à ce niveau-là, la
formation, etc. Nous sommes plus experts dans l'aspect législatif,
c'est-à-dire la Loi sur les normes du travail, les exclusions du champ
d'application, etc. Je ne voudrais pas me prononcer sur la formation des
domestiques. Je voudrais juste ajouter que même si - je dis "même
si" - le programme fédéral pour les domestiques facilite
l'entrée des femmes au pays parce que c'est un processus
différent, disons, cela n'excuse pas le fait de donner des conditions de
travail moindres à des domestiques. C'est surtout ça. Finalement,
il faut regarder la situation de ces domestiques. Elles arrivent au Canada;
elles sont accueillies par leur employeur à l'aéroport. Elles
s'en vont à la maison de leur employeur et il y a des domestiques qui ne
sortent quasiment plus de la maison. Môme si c'est écrit dans
l'entente, elles n'ont pas accès au cours de français, leurs
conditions de travail ne sont pas respectées et elles ont toujours peur
d'être renvoyées parce que justement elles voudraient
peut-être rester au Canada. Alors, l'employeur utilise cette menace tout
le temps. C'est très difficile de revendiquer des droits dans des
conditions semblables, surtout si elles résident chez l'employeur. On ne
peut pas aller chez soi à la fin de la journée. Je pense que les
choses qui préoccupent le plus Au bas de l'échelle, c'est de ce
côté-là. Je ne me sens pas assez à l'aise de me
prononcer sur l'aspect formation.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais bien sur le respect du contrat
finalement, le respect des droits.
Mme Bernstein: C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: Mon collègue avait une question.
Le Président (M. Messier): Oui, le député de
l'Acadie voulait s'exprimer sur le...
M. Bordeleau: Merci. M. le Président.
Le Président (M. Messier): Ça me fait plaisir.
M. Bordeleau: Dans votre mémoire, vous parlez de la
question du placement et de l'em-pioyabHité. Au niveau de la formation
professionnelle, je ne sais pas si vous avez de l'information sur le rôle
des centres de formation professionnelle...
Mme Bernstein: Pardon, je ne vous entends pas.
M. Bordeleau: Sur le rôle des centres de formation
professionnelle plus particulièrement face à la clientèle
cible des communautés culturelles. À partir de votre
expérience, est-ce qu'il y a certaines difficultés
particulières qui font que les centres de formation professionnelle ou
les programmes de formation professionnelle devraient être
modifiés pour répondre à certains problèmes
particuliers qui font qu'actuellement le fonctionnement de ces programmes ou
des centres de formation professionnelle n'est pas
adapté aux clientèles cibles des communautés
culturelles? Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur ça.
Dans un deuxième temps, je vais poser une autre question tout de
suite, vous parlez des clubs de placement. Compte tenu de votre
expérience particulière, est-ce que vous auriez l'intention
éventuellement de vous impliquer au niveau des clubs de placement et de
quelle façon vous pensez le faire actuellement?
Mme Bernstein: Je voudrais préciser qu'Au bas de
l'échelle ne travaille pas directement en employabilité. On voit
peut-être plus les effets des programmes d'employabilité et de
placement Sur la formation professionnelle, nous sommes d'accord qu'il y a des
besoins particuliers des personnes, mais il faut voir qu'on ne peut pas mettre
tout le monde dans le même bateau non plus. Je veux dire qu'il y a les
personnes qui sont plus nouvellement arrivées au Québec; il y a
des personnes qui ne parlent ni français, ni anglais; il y a des gens
qui ont peut-être d'autres barrières aussi au niveau de la
scolarité par exemple. Oui, il y a ces barrières, mais je pense
qu'Au bas de l'échelle voulait plus mettre l'emphase sur l'aspect clubs
de placement pour immigrants. Il y a déjà certains services qui
ont été mis sur pied comme ça et notre expérience
parfois nous montre que les employeurs peuvent profiter de ces clubs de
placement aussi. Ils savent qu'il y a un club de placement pour immigrants; ils
vont appeler à un tel centre. Les personnes ont besoin d'emploi surtout.
Si elles ne parient pas français, c'est difficile de les insérer
au niveau du marché du travail. Alors là, les employeurs vont
profiter de cette occasion. On voit de l'exploitation où les normes du
travail ne sont pas respectées. C'est très difficile de faire un
suivi sur ces employeurs pour voir si effectivement ils respectent au moins la
Loi sur les normes du travail et/ou les décrets de conventions
collectives, s'il y a lieu. C'était surtout ça notre
préoccupation. Il faut trouver des mécanismes de suivi. Ça
a un effet de ghettoïsation aussi. Ça dépend, il faut
être très vigilant. Il ne s'agit pas juste de faire des petits
clubs de placement pour les immigrants qui vont créer un bassin de
main-d'oeuvre, finalement, à bon marché. C'est ça qu'il
faut éviter. Alors, il faut que ça soit très bien
pensé.
Le Président (M. Messier ): Mme Druelle.
Mme Druelle (Anick): Oui, j'aimerais simplement ajouter quelque
chose par rapport aux centres de formation professionnelle. Juste un cas, qui
m'a été rapporté la semaine passée, de 10 femmes
noires qui avaient été formées en micro-édition
pendant un an. À la fin du programme d'un an, on a cherché
à les déplacer et on n'a réussi à placer aucune de
ces 10 femmes. Alors, je pense qu'il y a aussi un autre problème auquel
il faudrait s'intéresser, c'est la réceptivité des
employeurs au bout de cette formation.
M. Bordeleau: Je m'excuse, je n'ai pas entendu dans quel secteur
ces femmes avaient été...
Mme Druelle: En micro-édition. En plus, il y avait une
étude du marché qui avait été faite pour savoir que
ce marché-là était vraiment en demande de personnes
formées.
Le Président (M. Messier): Vous êtes bien gentille
de nous avoir répondu. Est-ce que le député de l'Acadie
aurait d'autres questions?
M. Bordeleau: Ça va.
Le Président (M. Messier): O.K. M. Paré,
député de Shefford.
M. Paré: Mesdames, bienvenue à la commission. C'est
important le sujet que vous traitez puisque l'emploi, c'est le meilleur - vous
l'avez dit de toute façon - c'est le premier pont d'intégration
directe: les gens qui travaillent, avec leurs collègues de travail;
s'ils sont domestiques, avec la famille où ils se retrouvent.
Finalement, l'intégration, ça passe par le travail et c'est
important.
Vous dites que les deux grands problèmes que vous avez
identifiés, c'est l'embauche et les conditions de travail.
Effectivement, c'est de trouver un emploi; ensuite de ça, c'est comment
on est traité à l'emploi, c'est important. Quelques questions
là-dessus. Ça va revenir un peu à ce qui a
déjà été discuté avec mes collègues,
mais je trouve ça important. Ma première question est en termes
pratiques. À la page 7, alors qu'on parie des services juridiques
mais... ça concerne l'information, en fait, c'est l'accès
à l'information, vous dites: "II faut assurer des services mutilingues
dans le cadre de l'administration des lois." Là-dessus, j'aimerais que
vous m'expliquiez jusqu'où vous voyez le service multilingue. Je n'ai
rien contre, je dois vous dire, le principe comme tel, et c'est vrai qu'il faut
s'assurer que ceux qu'on veut bien accueillir, bien les traiter et leur donner
un certain temps... Mais on a comme deux choix dans la société:
c'est ou on améliore rapidement et de façon efficace
l'enseignement et la connaissance du français de façon à
ce que les gens... Ce serait l'idéal que tout le monde ait la langue
commune et même l'anglais parce que les services sont bilingues de
façon très générale, mais jusqu'où peut-on
aller dans les services multilingues? Connaissant le grand nombre de
communautés qui s'intègrent maintenant au Québec, c'est
par dizaines de langues qu'il faudrait donner le service. Est-ce que vous le
voyez dans
le sens que c'est d'abord pour les groupes les plus importants ou est-ce
une ligne seulement qui réfère... Je ne le sais pas, je vous le
demande. Comme vous le demandez, dans votre esprit, c'est quoi?
Mme Bernstein: D'accord. Il faut d'abord regarder les droits
fondamentaux, je pense. L'idée, c'est que toute personne devrait avoir
accès à la justice. Ça, c'est le principe de base. Je suis
d'accord, il est impossible d'offrir des services multilingues à tout le
monde. C'est très, très évident. Mais je pense que, pour
les personnes qui n'ont pas encore réussi à apprendre le
français, c'est très important qu'elles aient accès
à ces services. Ça peut être en collaboration avec des
organismes qui sont spécialisés, mais ce n'est pas
nécessairement automatique. Encore, je regarde la situation à la
Commission des normes du travail. Oui, il y a des préposés qui
parlent 17 langues, si je ne me trompe pas, à Montréal en tout
cas. Mais, une fois que la plainte est déposée, les
communications entre le plaignant ou la plaignante et l'enquêteur, c'est
très difficile. Puis souvent les enquêteurs sont assez
frustrés parce qu'ils ne peuvent pas communiquer avec la personne. Ils
n'ont pas nécessairement les ressources pour aller chercher quelqu'un
dans un ONG pour faire la traduction, puis là la personne ne comprend
pas très bien. Il manque des délais pour aller en appel, ils ne
comprennent pas trop ce qui se passe, etc. C'est dans ce sens-là, ce
n'est pas juste d'avoir l'information: Oui, le salaire minimum était de
5,30 $ l'heure. Ça va plus loin que ça aussi pour assurer qu'il y
a vraiment un respect des droits. Je suis très d'accord qu'on ne peut
pas offrir un service multilingue. Le but, non plus, n'est pas d'offrir des
services multilingues pour que les personnes sentent qu'elles n'ont pas besoin
d'apprendre le français, c'est évident. Mais je trouve que,
surtout les personnes nouvellement arrivées... Les personnes qui
viennent nous voir, c'est des gens qui, dès qu'ils sont arrivés
ici, ils sont allés sur le marché du travail, beaucoup dans des
petites et moyennes entreprises, petites entreprises, je dirais surtout,
où ils n'ont pas l'occasion d'apprendre le français parce que,
pour leur travail, ils n'en ont pas nécessairement besoin. Prendre des
cours de français, c'est très difficile. C'est utopique de penser
que les gens, après leur journée de travail, puissent aller
prendre des cours de français, ou même la fin de semaine. Trois
heures de cours de français par semaine, ce n'est pas suffisant. Alors,
c'est dans cette optique-là. Ce n'est pas d'offrir des services
multilingues pour tout le monde, pour que tout le monde ait accès
à des services multilingues pour toujours, ce n'est pas ça le
but.
M. Paré: Vous avez raison. Tout n'est pas
réglé même si ici, en commission, on a l'impres- sion qu'il
y a de moins en moins de problèmes d'intégration, au point
où il n'y en a presque plus et que le dialogue est facile. La
réalité est pas mal toute autre étant donné,
effectivement, que tout le monde ne suit pas les cours et, comme vous le dites,
dans les petites entreprises de moins de 50 employés, il n'y a
même pas l'obligation de parler le français. Donc, effectivement,
ce n'est pas aussi simple. Sauf que, comme la Charte le dit et, de toute
façon, le bon sens le veut, on ne peut pas ne pas permettre à
tous d'avoir des chances égales ou, en tout cas, accès à
des choses aussi fondamentales que la justice et la santé parce qu'il y
a des problèmes, aux nouveaux arrivants, de communication linguistique.
Ça, j'en suis et votre recommandation qui dit: "en collaboration avec
les organismes", disons que ça me plaît. Parce que vous connaissez
aussi tout le processus. Je pense que les organismes font des efforts, à
Montréal, de plus en plus louables. Vous avez parlé de la
Commission des normes du travail; je sais que, dans les organismes de la
santé et des services sociaux, dans les CLSC et dans les hôpitaux,
on veut que de plus en plus, là où il y a des communautés
suffisamment importantes, qu'elles puissent se faire soigner et avoir des
contacts directs avec la langue de l'utilisateur. C'est correct, sauf que vous
comprendrez qu'on ne peut pas, même en fonction des conditions de travail
et des conventions collectives, demander, pour le moment en tout cas, la
connaissance de trois, quatre ou cinq langues aux différents
répondants. Mais en collaboration avec les groupes, moi, je pense
qu'effectivement c'est des gens du milieu, c'est des gens des
communautés dans une large proportion et c'est important.
Mme Bernstein: Je voudrais peut-être juste ajouter quelque
chose par exemple.
M. Paré: Oui, allez-y.
Mme Bernstein: II faut aussi prendre en considération les
ressources limitées des organismes qui pourraient offrir des services
d'interprétariat, des traductions. Déjà, ces organismes...
Nous, une grande partie de notre clientèle vient des communautés
culturelles et sont des nouveaux arrivants. Nous offrons des services dans
différentes langues, mais nous n'offrons pas de service
d'interprétariat, de traduction. Il faut aussi regarder l'ampleur de la
tâche d'accompagner des gens pour rencontrer leur enquêteur, pour
aller remplir d'autres plaintes, etc. Les groupes ne peuvent pas
répondre à des demandes. Moi, je parle juste de la Commission des
normes du travail, mais il y a la Régie du logement, il y a la CSST,
etc. La demande est très, très forte et souvent, surtout les gens
qui ne parlent ni français ni anglais, vont se désister de leur
plainte par pure frustration, ou on va les encourager à se
désister de leur plainte parce
que l'enquêteur de l'autre côté est très
frustré aussi.
M. Paré: Là-dessus, hier, autant le maire de
Montréal que le président de la Communauté urbaine de
Montréal sont venus nous dire, de façon très
spécifique et répétée, qu'il faut se donner les
moyens de nos stratégies. Le deuxième sujet que je veux traiter,
c'est les travailleurs agricoles. Vous en faites un des deux groupes que vous
traitez de façon particulière dans votre mémoire, avec les
domestiques - et, si j'ai le temps, on y reviendra - mais les travailleuses et
travailleurs agricoles. Vous, Au bas de l'échelle, vous êtes
situé à Montréal. Là, vous en parlez parce
qu'effectivement c'est connu, c'a été publicise, mais est-ce que
vous avez reçu beaucoup de plaintes? (11 h 15)
Mme Bernstein: Nous n'en recevons pas beaucoup. Nous, on a fait
des recommandations au niveau législatif sur les travailleurs et les
travailleuses agricoles parce qu'on trouve que la Loi sur les normes du travail
fait de ia discrimination contre certaines catégories de
salariés. C'est pour cette raison. Nous avons reçu de temps en
temps... Oui, l'été surtout, l'été et l'automne, on
reçoit des cas et nous constatons que même des personnes des
régions nous appellent. On est un groupe montréalais mais, quand
même, on est connu à l'extérieur de Montréal, la
région de Saint-Hyacinthe, etc. C'est problématique parce que les
gens maintenant, à partir du mois d'avril, si je ne me trompe pas, les
salariés agricoles vont être assujettis à la loi, sauf pour
le salaire minimum et les heures supplémentaires. On fait de la
discrimination. En Ontario, ils sont assurés d'un salaire minimum. Ils
n'ont pas une aussi grande pénurie de main-d'oeuvre agricole. Il faut
faire attention parce que j'ai déjà eu des appels de
travailleurs... Bon, je pense en particulier à un travailleur mexicain
qui n'était pas protégé. Il était un travailleur
immigrant, si vous voulez. Il avait eu un accident du travail. Il
n'était pas couvert... Il était couvert s'il restait ici, mais sa
famille était au Mexique. Il avait perdu une main. Pour la
réadaptation, ça prendrait deux ans ici, au Québec, s'il
reste au Québec. Il voulait retourner chez lui, mais il n'aurait pas son
indemnité ni la réadaptation là-bas. Alors, c'est des
problèmes. Il faut vraiment assurer des conditions décentes pour
les personnes qu'on fait venir ici.
M. Paré: C'est important, ce que vous êtes en train
de dire. Quand on parle de travailleurs et travailleuses agricoles saisonniers,
je pense qu'il y a deux... Toujours en parlant des nouveaux
Québécois ou des immigrants ou des gens de passage - on ne
parlera pas des Québécois en région - ça veut dire,
si je comprends bien, qu'il y a deux sortes de cas particuliers à
traiter là- dedans; il y a les immigrants effectivement ici qui vont
travailler sur les fermes pour se faire des sous et il y a ceux qui sont tout
simplement de passage comme des gens qu'on va chercher en groupe au Mexique.
Prenons l'exemple... Vous avez parlé de Saint-Hyacinthe, des cas qu'on
connaît bien dans plusieurs de nos comtés. On va chercher les
travailleurs par groupe de 10, 20, 30 ou 40 au Mexique et on les amène.
La Montéré-gie a plusieurs coins où on fait ça.
Mme Bernstein: Ça augmente, oui.
M. Paré: Surtout les cultures maraîchères et
des choses comme ça. Donc, on va aller les chercher pour une certaine
période de temps, un certain nombre de semaines et on les installe sur
les fermes. Ces gens-là ne sont pas des immigrants. Ce sont des... Vous
les considérez comment et qu'est-ce qu'on peut faire pour eux
autres?
Mme Bernstein: L'idée, c'est l'universalité de la
Loi sur les normes du travail. C'est ça, l'idée. Parce qu'on ne
peut pas dire que des personnes qui viennent ici d'une façon temporaire
vont gagner moins cher juste parce qu'elles viennent d'ailleurs. Il y a quelque
chose de pernicieux là-dedans. Les domestiques, c'est un peu la
même chose, mais elles sont ici de façon... Elles ont un contrat
les liant à leurs employeurs comme domestique pendant deux ans. Pendant
ce temps-là, elles ne peuvent pas faire un autre travail. Elles ont un
permis de travail spécifique et elles ont des conditions de travail qui
ne seraient pas acceptables pour les Québécoises et les
Québécois. La même chose pour les travailleurs agricoles
saisonniers. C'est un peu ça, l'idée. Pourquoi n'y a-t-il pas une
universalité de la Loi sur les normes du travail?
M. Paré: Donc, comme il n'y a pas universalité et
comme, même dans la loi actuelle pour ceux qui sont d'ici et qui vont
travailler, il y a des exceptions par rapport au salaire minimum et au nombre
d'heures, on peut faire n'importe quoi. C'est à peu près
ça. Dans le cas des Mexicains, pour revenir au même cas dont on
parlait tantôt, qui viennent et qui sont installés chez un
agriculteur ou un producteur agricole ou un cultivateur, effectivement,
ça veut dire que ces gens-là en plus, dans la majorité des
cas probablement, ne parlant ni français ni anglais, n'ont aucun
recours. Ils ont l'impression, de toute façon, qu'on leur permet de
faire de l'argent très rapidement. Donc, c'est le Klondike pour eux
autres et ils sont bien contents. Mais s'il se passe quelque chose, là,
il y a des problèmes et, s'il ne se passe rien, ce n'est pas eux autres
qui vont se plaindre. Il faudrait que ce soit quelqu'un qui constate qu'il y a
une situation qu'il ne trouve presque pas acceptable et qui pourrait
référer à vous et à d'autres.
Mme Bernstein: Où vont-ils réclamer?
M. Paré: Bien, c'est la question que je vous pose.
À vous ou à d'autres, est-ce que vous voyez des places ou s'il
n'y a rien à faire?
Mme Bernstein: Bien, s'ils étaient assujettis à la
Loi sur les normes du travail, au moins, ils pourraient aller à la
Commission des normes du travail.
M. Paré: O.K. Donc, pour le moment, on ne peut aller nulle
part.
Mme Bernstein: Je voulais juste ajouter qu'au niveau des
travailleuses et travailleurs agricoles saisonniers on fait beaucoup de
recrutement aussi dans les organismes pour réfugiés, immigrants
et dans les COFI. Alors, ça touche les immigrants et les revendicateurs
du statut de réfugié ici aussi. Alors, il faut regarder un peu
cette façon de faire parce que, encore là, ces personnes ont des
conditions de travail moindres que les autres travailleuses et
travailleurs.
M. Paré: Dans les problèmes, vous parlez de gens
qui... Là, je parie moins de travailleurs domestiques et travailleurs
agricoles saisonniers... Généralement, par rapport aux deux
problèmes majeurs vécus par les gens, c'est le placement et,
ensuite de ça, les conditions de travail. Dans le placement, mon
collègue a parlé tantôt de clubs de placement et de
formation professionnelle et tout ça. Je voudrais juste y revenir
très rapidement. D'autres groupes nous ont parlé des
difficultés qu'ont les gens à s'intégrer et à se
trouver du travail en fonction de leur expérience et surtout de leur
acquis académique extérieur. Est-ce que vous avez beaucoup de cas
qui ont des problèmes de reconnaissance des acquis à
l'extérieur, ce qu'on appelle l'équivalence? Est-ce que c'est
très courant et est-ce que les délais sont aussi longs que ce
qu'on est venu nous dire par rapport à la régularisation de cette
reconnaissance de l'équivalence?
Mme Bernstein: Nous n'aidons pas directement les personnes
à avoir leur équivalence. On ne les aide pas à remplir les
formulaires. Ce que nous voyons beaucoup, ce sont des personnes qui travaillent
dans des emplois mal rémunérés, par exemple dans
l'entretien des édifices publics pour des petites compagnies qui ne
paient pas le salaire du décret, qui ont des... Je me souviens d'un cas
particulier, un monsieur qui a été chef ingénieur et
directeur du département de génie dans son pays. Il faisait de
l'entretien d'édifices publics. Ça a créé des
problèmes de santé mentale, évidemment. Je pense que vous
avez probablement entendu des commentaires à ce niveau-là
déjà, en commission. Alors, oui, évi- demment, c'est un
problème que... Je pense que ça fait partie aussi... Je l'ai
mentionné au niveau de la discrimination dans l'emploi. Il y a une
tendance à offrir automatiquement des emplois dans le domaine
manufacturier ou dans l'entretien ou d'autres choses comme ça à
ces personnes, même si elles ont été infirmières ou
in-génieures ou enseignantes dans leur pays d'origine. Alors, c'est une
discrimination presque systématique.
Le Président (M. Messier):...
M. Paré: Oui, la dernière et je reviens là
dessus parce que je trouve ça important. Ce que vous êtes en train
de dire, c'est qu'on a comme tendance ou habitude, mauvaise habitude, de
considérer que, quand un nouveau Québécois applique, il
faut lui donner quelque chose de moins bon. Comment peut-on corriger cette
situation-là? Quel conseil pouvez-vous nous donner, surtout qu'on semble
vouloir maintenant avoir un choix? On ne semble pas seulement le vouloir, on
décide de choisir l'immigration très souvent maintenant en
fonction de nos besoins de main-d'oeuvre, d'investisseurs, donc de gens qui ont
un bagage. Comment peut-on changer cette perception?
Mme Bernstein: Bon. Je pense qu'il faudrait faire une
sensibilisation générale. Ça, c'est un processus à
très long terme, si vous voulez, mais je pense qu'il faudrait aussi
quelque part reconnaître l'expérience non canadienne des
personnes. Parce que les gens souvent disent: Bien, je n'ai pas
d'expérience canadienne, donc je vais travailler ici en attendant.
Pourtant, ils avaient des postes intéressants dans leur pays d'origine.
Là, ça fait deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit ans qu'ils
travaillent soit en manufacture, entretien, etc. C'est très difficile de
s'en sortir après parce qu'on n'acquiert pas d'expérience
canadienne ou québécoise et les employeurs demandent toujours
ça. Maintenant, on est en période de récession, c'est
encore plus difficile. Alors, il faudrait trouver une façon de
reconnaître cette expérience dans leur pays d'origine ou un tiers
pays où ils auraient habité pendant plusieurs années.
M. Paré: Alors, comme mon temps est fini, je vais juste
vous remercier et vous dire qu'en attendant que les employeurs reconnaissent
l'expérience des nouveaux Québécois, bien, nous, on va
reconnaître, la commission, l'expérience que vous avez et on va
tenir compte de vos propos.
Mme Bernstein: Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Juste
peut-être une petite intervention. Comme député de
Saint-Hyacinthe, j'ai environ chaque
année 70 Mexicains qui viennent résider dans la
région de Saint-Hyacinthe et je vais m'informer concernant ces... Parce
qu'ils sont quand même logés, nourris, ils ont le salaire minimum,
de mémoire, et ça coûte environ 2000 $ par Mexicain.
Là, on parle des frais de transport, nourriture, logement, et ça
équivaut à un salaire de 8 $ à 9 $ l'heure. C'est à
peu près un salaire très comparable à ce qui peut se payer
ailleurs. Mais je vais m'informer, à savoir les conditions advenant un
accident de travail. Parce que vous semblez supporter l'idée qu'advenant
un accident de travail ils ne sont pas compensés s'ils s'en vont
à l'extérieur.
Mme Bernstein: C'a peut-être changé depuis ce
cas.
Le Président (M. Messier): Oui, j'ai un... Il me semble
que...
Mme Bernstein: Mais, à ma connaissance, il n'y a pas
d'entente pour les indemnités entre le Mexique et le Québec.
Le Président (M. Messier): Je vais le vérifier
parce que, là, vous m'allumez certaines choses et je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre, peut-être, pour quelques mots de
remerciement.
Mme Gagnon-Tremblay: II y a mon collègue qui... Je ne sais
pas si le temps est...
Le Président (M. Messier): On a passé le temps.
M. Gobé: Une minute.
Le Président (M. Messier): Elles sont très rares
vos questions d'une minute, M. le député de LaFontaine.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, peut-être que mon
collègue pourra vous poser...
Le Président (M. Messier): 30 secondes, disons. Le temps
de vous réchauffer, vous en avez pour une couple de minutes.
M. Gobé: Bonjour, madame. Dans le même ordre que le
député de Saint-Hyacinthe, il disait que le coût d'un
travailleur agricole mexicain équivaut à peu près à
8 $ l'heure. On sait que vous vous occupez beaucoup des travailleurs au bas de
l'échelle, c'est le cas de le dire, ou des gens qui ne sont pas des
travailleurs. Comment expliquez-vous qu'on soit rendu à faire venir des
travailleurs saisonniers mexicains à 8 $ l'heure alors qu'on a au
Québec et dans la région de Montréal à peu
près 188 000 chômeurs ou personnes à l'aide sociale dont
une grande partie sont catégorisés comme aptes au travail?
Mme Bernstein: II y a absolument des agriculteurs qui vont payer
au moins le salaire minimum aux travailleurs et aux travailleuses agricoles,
mais il y en a qui ne le paient pas et qui ne respectent pas... Aussi, quand on
dit "salaire minimum", on fait le calcul, les 2000 $, etc., mais ce n'est pas
vraiment un... On ne peut pas vraiment calculer ça dans le salaire comme
tel.
Le Président (M. Messier): Mais c'est une dépense
pour l'entreprise.
Mme Bernstein: C'est une dépense pour l'entreprise, mais
ça ne fait pas nécessairement partie du salaire.
Le Président (M. Messier): C'est drôle.
Mme Bernstein: Les conditions de travail ne sont pas très
bonnes. On peut être obligé de travailler sept jours par semaine,
la semaine normale de travail. On n'est pas payé pour nos heures
supplémentaires, etc. Dans un emploi-Même un emploi comme dans une
boutique ou autre chose, on est obligé de payer au moins temps et demi
pour le temps supplémentaire, etc. Alors, ce n'est pas
nécessairement un emploi très intéressant pour les
personnes d'ici.
Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup, Mme
Bernstein. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je veux vous remercier et je veux vous
féliciter aussi pour votre expertise qui est grande et qui est
bienvenue. J'ai été à même de le constater lorsque
j'étais à la Condition féminine. Je dois vous dire aussi
que votre discours rejoint celui que je tiens depuis longtemps,
c'est-à-dire que l'intégration, ça ne passe pas uniquement
ou seulement par la langue, mais je dirais presque principalement par l'emploi
aussi. Je disais aussi à d'autres groupes que nous sommes à
réévaluer l'ensemble de nos programmes de subventions pour qu'ils
puissent finalement atteindre davantage les objectifs que nous nous sommes
fixés dans l'énoncé de politique. Alors, tout le volet
insertion au marché du travail, nous le prendrons fortement en
considération et je souhaite, bien sûr, que vous puissiez
collaborer avec le ministère que je dirige afin que l'on puisse aussi
peut-être prendre en considération vos recommandations dans
l'élaboration de notre programme de subventions concernant l'insertion
au marché du travail. Alors, je vous félicite et je vous
remercie.
Mme Bernstein: Merci beaucoup. (11 h 30)
Le Président (M. Messier): On vous remercie
énormément et on va permettre à la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Oesjardins du Québec de venir nous rejoindre, s'il vous plaît. On
vous remercie beaucoup, Mme Bernstein.
Bonjour, M. Béland. Vous qui êtes habitué aux
commissions parlementaires, je crois que vous connaissez l'enceinte. Si vous
voulez présenter les gens qui sont avec vous. Nous avons une heure
ensemble: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre
mémoire et, après ça, il y aura échange de part et
d'autre. Merci.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins
M. Béland (Claude): Je vous remercie, M. le
Président. C'est vrai que je suis un peu familier avec l'enceinte, mais
je trouve que les sièges se sont beaucoup améliorés.
J'aimerais vous présenter ceux qui sont avec moi ce matin, ceux qui
m'accompagnent. À ma droite, le président du conseH
d'administration de la Confédération et qui est aussi
président de la Fédération des caisses populaires de
Québec; à ma gauche, M. Jocelyn Proteau, qui est premier
vice-président du conseil de la Confédération et
président de la Fédération de Montréal et de
l'Ouest-du-Québec; à la gauche de M. Proteau, M. Humberto Santos;
je pense que son plus beau titre, ce matin, c'est d'être Portugais. Il
est aussi président de la Caisse centrale. J'aimerais souligner qu'il
est membre actif du Centre social d'aide aux immigrants. En fait, il est
l'ancien président du conseil de ce Centre social d'aide aux immigrants.
À la gauche de M. Santos, M. François Aubin,
vice-président aux relations publiques à la
Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal
et de l'Ouest-du-Québec; à la droite de M. Bertrand, M. Dominique
de Pasquale, qui est vice-président adjoint aux communications à
la Confédération des caisses.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup
M. Béland: M. le Président, c'est à titre
d'institution profondément engagée dans le développement
économique et social de notre société que le Mouvement
Desjardins désire exprimer ses vues sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration.
Je pense qu'il est intéressant de rappeler devant cette
commission que le Mouvement Desjardins est né lui-même sous le
signe de l'ouverture au monde. Au début du siècle, Alphonse
Desjardins amorçait une réflexion qui allait permettre d'allier
les idéaux du coopéra-tisme européen et les traditions
québécoises. Dès ses origines, le Mouvement Desjardins
s'est ainsi largement nourri des expériences allemande, anglaise, belge,
française, Scandinave et italienne.
Dans l'histoire du Mouvement, on fête, cette année, notre
90e anniversaire de fondation. Dans les publications qu'on a
éditées à cette occasion, on rappelle les
expériences et les réflexions des Allemands Schulze-Delitzch et
Raiffeisen, de l'Anglais Henry Wolff, du Belge Micha, du Français Durand
et de l'Italien Luzzati. C'est à partir de ses échanges de
correspondance avec ces personnes que M. Desjardins a développé
son propre modèle adapté au contexte nord-américain, si
bien que Desjardins deviendra, à son tour, une source d'inspiration pour
les Américains.
M. Desjardins apparaît comme le fondateur des "credit union"
américains, et même pour les anglophones du Canada. Le Mouvement
des caisses, qui fait partie de nombreuses organisations coopératives
internationales, n'a jamais cessé, par la suite, d'enrichir ce
modèle par des échanges avec d'autres pays, d'autres cultures. On
ne peut donc qu'être sensibles aux réalités
interculturelles qui enrichissent notre société.
On sait à quel point la situation démographique du
Québec demeure préoccupante. Au Québec, ce
phénomène a évolué à un rythme et avec une
ampleur inégalés. En 1985, un rapport de la commission de la
culture nous rappelait que le Québec, après avoir connu la
fécondité la plus élevée de tout l'Occident,
était en train de connaître une baisse qui n'avait pas
d'équivalent dans le monde. Notre taux de natalité demeure bien
en deçà du seuil du renouvellement des générations.
La situation actuelle inspire la crainte d'un déclin qui ne serait pas
que démographique. Le Québec risque de se retrouver avec une
population de plus en plus âgée et sera confronté au
fardeau accru des problèmes sociaux, alors même que sa population
active sera de moins en moins nombreuse, de moins en moins jeune, de moins en
moins compétitive.
Dans cette perspective, l'immigration apparaît comme un enjeu
majeur et son accroissement comme un moyen de contrer le déclin
démographique du Québec, moyen nécessairement
complémentaire à une politique familiale visant à soutenir
les familles et à favoriser l'accroissement naturel de la population.
Nous sommes tout à fait conscients que l'accueil et l'intégration
harmonieuse de quelque 55 000 nouveaux arrivants issus d'horizons
diversifiés, pour reprendre les chiffres retenus par
l'énoncé, ne vont pas sans nous poser quelques défis. Mais
ce coin de pays a plutôt l'habitude des défis et nous sommes
confiants dans notre capacité de relever aussi celui-là.
Déjà, cette société a témoigné
d'une remarquable ouverture aux nouvelles réalités. Non
seulement, sur un plan individuel, de simples citoyens, des enseignants, des
journalistes, des membres d'organismes bénévoles ont-ils
révélé des trésors de
générosité et d'ouverture d'esprit, mais, sur un plan
institutionnel, nous nous sommes dotés d'outils qui rendent manifeste et
opérationnelle cette volonté d'ouverture.
Je pense que c'est l'occasion de souligner ici l'action du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qui
oeuvre à l'accueil, à l'intégration des immigrants,
à la promotion des cultures d'origine et au développement des
relations interculturelles. On doit aussi citer la Charte des droits de la
personne, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration,
ainsi que la déclaration sur les relations interethniques et
interraciales, cette déclaration ayant été adoptée
à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1986. Enfin,
des progrès significatifs ont été réalisés
dans les institutions publiques, en particulier dans la région de
Montréal où se concentrent 90 % des communautés
culturelles.
En même temps, la contribution de l'immigration au
développement du Québec ne s'est pas limitée au strict
plan démographique, loin de là. Même s'il est difficile de
chiffrer avec précision l'impact économique de l'immigration, les
spécialistes s'entendent pour affirmer que cet impact est largement
positif. Il faut, je pense, souligner - et ce serait peut-être un beau
message à propager aux gens d'affaires - que l'immigration doit
être vue comme un outil de développement par l'esprit d'entreprise
qu'elle génère, par la qualité de la main-d'oeuvre
spécialisée qu'elle procure et par son apport au capital
intellectuel et financier de la société
québécoise.
Il n'est pas indifférent non plus, dans une économie
ouverte comme celle du Québec et à l'heure d'une mondialisation
croissante, de pouvoir compter sur des communautés qui ont
conservé des liens avec leur pays d'origine et qui, de par leur
expertise, représentent pour l'ensemble de notre collectivité de
précieux atouts pour nos échanges avec le monde. Tous ces
travailleurs, ces investisseurs, ces gens d'affaires, de même que ces
professionnels, ces créateurs et ces familles qui nous viennent des
quatre coins du monde contribuent à notre développement
économique et tout autant à notre vitalité culturelle.
On ne peut donc que regretter que cet apport soit à ce point
concentré dans la seule région de Montréal. L'immigration
pourrait en effet contribuer à répondre à certains besoins
des régions en main-d'oeuvre, en investissement, en création
d'entreprises. Le Mouvement Desjardins, pour sa part, est certainement en
mesure d'apporter sa contribution aux efforts de régionalisation de
l'immigration en tablant sur sa propre implantation à l'échelle
du territoire québécois, sur la diversité de ses services
financiers et sur sa volonté de travailler, de concert avec la
communauté des affaires et d'autres intervenants
socio-économiques, au développement des régions et
à l'augmentation du niveau des emplois. En ce sens, on peut certes se
rappeler l'apport de l'immigration à l'agriculture du Québec. Il
nous apparaît que des pos- sibilités pourraient aussi être
envisagées de ce côté.
L'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration souligne à juste titre ces différents
apports des immigrants et des membres des communautés culturelles
à notre vie collective. L'énoncé a aussi le très
grand mérite d'affirmer clairement les intentions gouvernementales en ce
qui a trait à l'immigration et à l'intégration.
On sait qu'une bonne partie des craintes qui subsistent à cet
égard tiennent au fait que les transferts linguistiques ont
traditionnellement joué en faveur de l'anglais. Il faut d'abord
constater ici que les choses ont commencé à changer. Nous croyons
que le message clair exprimé par le gouvernement dans
l'énoncé de faire du français la langue commune de la vie
publique est de nature, en soi, à contribuer à la promotion de
l'usage du français par les Québécois issus des
populations immigrantes, dans le respect des cultures d'origine.
Ce qui nous semble remarquable aussi dans l'énoncé, et qui
est certes de bon augure pour la société que nous voulons
bâtir, est cette remarquable continuité des positions essentielles
du Québec à l'égard de la question de l'immigration. Cette
continuité qui s'affirme même à travers les changements de
gouvernement est faite d'une recherche de pouvoirs accrus pour la
sélection et l'intégration des immigrants, d'une affirmation de
la spécificité de l'approche québécoise dans le
contexte d'une société distincte, ainsi que d'une volonté
d'affirmer la pleine participation des communautés et de favoriser leur
rapprochement avec la majorité francophone.
Nous pensons que la question des pouvoirs, et dès lors des
moyens, est ici fondamentale. Même si l'entente
fédérale-provinciale intervenue récemment quant à
la sélection des immigrants va dans le sens de l'accroissement des
pouvoirs, celle-ci a la fragilité de toute entente administrative. Nous
croyons que le Québec devrait avoir juridiction exclusive sur la
sélection et l'accueil de toutes les catégories d'immigrants. Ces
nouveaux pouvoirs devraient être garantis par la loi ou la constitution
et s'accompagner du transfert de ressources pour les assumer correctement. Car
il ne suffit pas de se donner des objectifs ambitieux, encore que
nécessaires, quant au nombre d'immigrants que nous voulons con-vraincre
de s'établir chez nous, il faut encore que les structures d'accueil
soient à la hauteur. Nous devons donc nous assurer que le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration dispose
des sommes suffisantes pour rendre les programmes d'accueil,
d'intégration et de francisation aussi efficaces et accessibles que
possible.
Un autre élément de l'énoncé qui nous semble
intéressant est cette notion de contrat moral qui nous est
proposée. C'est une façon positive et originale de mettre en
correspondance
les droits et les devoirs des deux parties: immigrants et
société d'accueil. C'est aussi une façon d'affirmer les
valeurs collectives pour lesquelles nous souhaitons l'adhésion de tous
les Québécois, dont la place du français, les valeurs
démocratiques, les objectifs de pleine participation et le
pluralisme.
Quant à nous du Mouvement des caisses Desjardins, dont les
valeurs sont l'entraide, la participation et la solidarité, je tiens
à vous affirmer que nous avons la ferme intention d'assumer notre part
du contrat. Nous avons même fait de cette question une priorité.
Il convient de rappeler que Desjardins peut témoigner, par le biais des
caisses ethniques - lettonne, polonaise, lituanienne, portugaise, ukrainienne,
pour la plupart regroupées au sein de la Fédération des
caisses d'économie - d'une longue tradition d'accueil aux
communautés. Mais nous voulons privilégier dans l'avenir une
participation des membres de ces groupes dans l'ensemble de nos caisses
locales. Plusieurs communautés, dont les communautés italienne,
haïtienne et juive, sont déjà fort bien
représentées et très actives dans certaines des caisses.
Plusieurs institutions Desjardins, dont la Fédération de
Montréal et de l'Ouest-du-Québec, Desjardins, Deragon Langlois,
la Caisse centrale, la Fiducie et le Crédit industriel ont mis sur pied
le programme Immigrant Investisseur Desjardins. Mentionnons aussi que la
Fondation Desjardins lancera sous peu un programme de bourses d'études
pour les immigrants reçus.
Même si c'est l'ensemble du Mouvement qui, à l'image du
Québec, doit progressivement se mettre à l'heure interculturelle,
ce sont la Fédération des caisses d'économie et surtout la
Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec qui
desservent le territoire où se retrouve la plus forte concentration de
population issue de l'immigration qui sont, au premier titre,
interpellées par ces changements de population. La
Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec, la
plus importante, la plus imposante de nos fédérations,
constituera en quelque sorte le fer de lance de notre action dans ce domaine.
Elle a entrepris de s'acquitter de sa mission avec beaucoup de
détermination, comme vous pourrez en juger en écoutant le
président de la Fédération de Montréal, M. Jocelyn
Proteau, à qui je cède la parole.
Le Président (M. Doyon): M. Proteau, nous vous
écoutons.
M. Proteau (Jocelyn): Merci, M. Béland. Mme la ministre,
M. le Président de la commission, mesdames, messieurs, le
phénomène de l'immigration qui, il y a quelques années
à peine, se concentrait principalement dans certains quartiers de la
ville de Montréal, est maintenant répandu dans l'ensemble des
municipalités de l'île et de ses banlieues, même celles qui
sont le plus éloignées. Les caisses populaires affiliées
à notre fédération, qui sont enracinées partout
dans la grande région métropolitaine, prennent chaque jour
davantage conscience de l'importance évidente de ce
phénomène particulier. Elles réalisent aussi la
nécessité, pour une institution comme la nôtre, d'apporter
notre contribution pour favoriser l'intégration, tant économique
que sociale, des communautés culturelles. L'approche que nous avons
retenue est très simple. Elle consiste à tendre la main à
ces nouveaux Québécois afin de les associer au projet de
société qu'a élaboré, il y a 90 ans, Alphonse
Desjardins.
Nous sommes convaincus que la participation à la vie
démocratique, aux activités financières et sociales des
caisses locales peut constituer un jalon important dans l'intégration
à notre société. Dans cet esprit, la
Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec
s'applique actuellement à adapter ses programmes et ses services de
façon à mieux tenir compte des besoins spécifiques des
membres des communautés, notamment en matière de produits
financiers et, entre autres, pour ce qui est des services internationaux.
Déjà, certains actions ont été entreprises
auprès de nos différents publics: organisation de sessions
d'information pour mieux informer nos dirigeants, diffusion d'articles sur les
nouveaux Québécois dans nos publications, réalisation
d'une campagne de publicité institutionnelle sur l'intégration,
en collaboration avec la CECM, à l'intention des membres et de la
population en général et commandite de la Semaine d'amitié
interculturelle organisée également par la Commission des
écoles catholiques de Montréal. (11 h 45)
Nous avons souligné, à l'instar de l'énoncé,
l'hyperconcentration de l'immigration dans la région de Montréal.
Or, nous sommes convaincus que l'immigration peut jouer un rôle dans le
développement des régions. Le programme Immigrant Investisseur
Desjardins devrait nous permettre, d'une part, de contribuer au recrutement
d'immigrants investisseurs et aussi d'entrepreneurs. Nous pourrions, d'autre
part, collaborer à la réalisation de voyages de prospection et
nous associer à des actions de promotion des régions
auprès de ces immigrants. Ceux-ci seront ainsi amenés à
constater la potentialité de nos régions, tout en sachant qu'ils
pourront compter sur un éventail complet de services financiers
accessibles dans l'ensemble des régions du Québec.
D'autres catégories d'immigrants pourraient contribuer à
répondre à des besoins différents, notamment en vue d'une
meilleure exploitation de certaines de nos terres agricoles. Concernant la
clientèle spécifique des immigrants gens d'affaires, soit
entrepreneurs ou investisseurs, nous sommes à développer, avec le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, un
projet de séminaire portant sur les pratiques
commerciales, financières et industrielles du Québec.
Desjardins peut aussi aider aux efforts de francisation. C'est ainsi
que, fidèle à sa mission éducative et à l'esprit
coopératif, la Fédération de Montréal et de
l'Ouest-du-Québec élabore un programme destiné aux maisons
de première ligne, aux centres d'orientation et de formation des
immigrants, communément appelés les COFI, et aux organismes non
gouvernementaux oeuvrant dans le domaine de l'immigration. La
Fédération entend aussi collaborer avec le milieu scolaire pour
favoriser l'éducation économique de la clientèle
immigrante, notamment par le biais des caisses scolaires.
Au chapitre des communications et des relations avec la
communauté, nous voulons aussi faire notre part en intensifiant les
actions de sensibilisation menées auprès de nos dirigeants et de
notre personnel, par le biais de nos publications et de nos programmes de
communication internes et externes.
Nous continuerons de tenir compte de la dimension pluriethnique de notre
société dans l'attribution de dons et commandites, par exemple,
à l'appui de la Semaine nationale interculturelle et aux
cérémonies du Nouvel An vietnamien. Nous avons l'intention, en
1991, de souligner d'une façon toute particulière l'apport des
communautés culturelles à notre vie collective à
l'occasion de certains grands événements, dont
particulièrement la Semaine Desjardins.
Nous comptons que nos ressources humaines doivent s'adapter aux
nouvelles réalités. Des programmes seront donc conçus dans
ce but. Nous élaborons, par exemple, un programme de formation
interculturelle visant l'acquisition de connaissances sur les
différentes clientèles ethniques en présence,
l'acquisition d'habiletés d'intervention spécifiques et
l'encouragement à une attitude d'ouverture et d'échange
interculturel. Nous voulons enfin faire davantage place aux ressources humaines
de ces communautés. Dans cet esprit, nous invitons d'ores et
déjà les membres des communautés culturelles à
devenir, soit employés, puis dirigeants de nos caisses populaires et de
nos caisses d'économie, et à faire partie de comités
auxquels des représentants de Desjardins participent. En somme, nous les
convions à prendre parmi nous la place qui leur revient.
Nous sommes bien conscients, particulièrement à la
Fédération de Montréal et de
l'Ouest-du-ûuébec, que l'accueil et l'intégration des
communautés culturelles dans le contexte démographique et
linguistique que nous connaissons représentent un défi de taille,
tant pour Desjardins que pour la société. Nous tenons donc
à affirmer aujourd'hui notre volonté de collaborer à la
mise en oeuvre de la politique proposée par la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, en posant dès
maintenant les jalons d'un plan d'action concret dont il m'a fait plaisir de
vous exposer les grandes lignes. Je vous remercie de votre attention, et je
recède la parole à M. Béland.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Proteau. M.
Béland, pour quelques minutes, peut-être.
M. Béland: Oui, simplement pour conclure, pour vous dire
que, finalement, Desjardins souscrit sans hésitation aux grandes
orientations de l'énoncé et que nous vous proposons avec beaucoup
d'enthousiasme notre collaboration. Et, même si les actions que nous
venons de vous exposer sont modestes, nous avons quand même la
prétention de croire qu'elles ne sont pas négligeables.
Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Béland.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier et vous dire que
nous sommes très fiers d'accueillir le Mouvement Desjardins à
cette commission parlementaire. Peut-être, avant de passer à ma
première question, je voudrais aplanir toute ambiguïté. On
parie souvent, entre autres, de l'entente sur l'immigration, qui est beaucoup
plus solide qu'une entente administrative. Je me réfère à
l'article 33 de l'entente, qui précise qu'aucune des deux parties ne
peut y mettre fin ou ne peut modifier l'entente de façon
unilatérale, ce qui est très différent de ce qui
était dans l'entente Cullen-Couture auparavant. Et je pense que,
malheureusement, on n'en a pas fait état; cet article est très
peu connu. Et je dois vous dire que, dans le contexte constitutionnel actuel,
c'est un gain majeur pour le Québec parce que ça nous permettra,
non seulement d'unifier nos budgets, mais aussi nos différents
programmes de francisation de même que nos programmes de subventions.
Alors ceci étant dit, je reviens à ma première
question. À la lecture de votre mémoire et des nombreux projets
que vous énumérez pour favoriser, bien sûr,
l'intégration des immigrants, je pense qu'on doit se réjouir de
l'engagement actuel du Mouvement et aussi de vos contributions à venir
dans l'application de cette nouvelle politique. L'importance de Desjardins, on
connaît le symbole que vous représentez en tant qu'institution
issue de la majorité francophone, l'étendue de vos
activités dans toutes les régions, dans tous les petits villages,
même, je dirais, du Québec; je pense qu'elles font de vous un
partenaire de choix.
M. Béland, comme président du Forum pour l'emploi, vous
avez pu constater que, dans certaines régions, malgré un taux de
chômage élevé, il y avait aussi des pénuries de
main-d'oeuvre. Bon. Je sais cependant que l'immigration n'est pas la
panacée à tous les maux et je ne veux pas non plus fermer les
yeux sur l'importance de programmes de formation profes-
sionnelle; je travaille ardemment à ce sujet-là dans ma
propre région. Mais, cependant, on peut aussi combler - parce que je
travaille pour l'immigration - cette pénurie de main-d'oeuvre, si elle
est bien orientée, bien sûr, avec l'immigration.
Cependant, on sait aussi qu'avant qu'une personne soit
sélectionnée et arrivée il peut s'écouler 18 mois,
parfois 24 mois. Donc, souvent, l'emploi est comblé ou ça ne
satisfait pas... ça ne donne pas satisfaction aux employeurs. Alors,
est-ce que vous avez, par exemple, d'une part, je ne sais pas, moi, une
idée du délai que... Par exemple, si on devait "prioriser" ce
type de candidat ou de candidate parce que, à un moment donné, il
y a une pénurie à travers les régions... Et on ne l'a
jamais fait auparavant parce que la régionalisation... Nous venons
d'ouvrir des directions régionales et nous voulons vraiment travailler
à trouver toutes les solutions.
Combien il pourrait normalement s'écouler de temps entre la
demande... Pour vous, quel serait le délai, je dirais, maximal qui
devrait s'écouler entre, par exemple, la demande provenant de la
région, en termes de main-d'oeuvre spécialisée, et la
venue de cette personne? Et, aussi, est-ce qu'il y a des... Quels seraient,
d'après vous, les mécanismes les plus appropriés pour que
les régions puissent aussi nous informer de leurs besoins en
main-d'oeuvre? Est-ce qu'il y aurait un canal quelconque?
M. Béland: Oui. Je pense que c'est difficile de
répondre à votre première question, justement, et
ça, c'est la constatation que le Forum a faite. C'est que ce manque de
concertation entre la définition des besoins en main-d'oeuvre et, je
dirais aussi, la formation professionnelle, qui est un gros item, fait que ce
sont des projets qui ne sont pas bien élaborés, actuellement. On
a formé depuis deux ans beaucoup de tables de concertation dans les
régions; ça commence à s'élaborer et il faut
d'abord établir quels sont les projets qui sont viables dans les
régions. Le plan Immigrant Investisseur, à ce moment-là,
devient extrêmement important. Il faut commencer par définir le
projet et, ensuite, évidemment, une fois qu'on l'a, on peut
déterminer de quelle sorte de main-d'oeuvre on a besoin.
Et le délai, à ce moment-là, il faut qu'il soit le
plus court possible. C'est ce que les gens nous disaient. La difficulté,
c'est qu'on ne peut pas partir en disant: Si on avait telle
spécialité, on pourrait lancer un projet dans la région.
Il se définit plutôt à l'inverse. Je dis souvent: Ce n'est
pas le capital qui manque, au Québec, ce sont des bons projets. On a
beaucoup de difficulté, actuellement, à les définir. On se
rend compte, actuellement, qu'on peut les définir mieux quand on est
capables d'établir - à cause de la mondialisation des
marchés - des partenariats. Et ça, c'est le message qu'on lance
souvent aux gens d'affaires: II faut maintenant comprendre un peu, aussi, quand
on parle d'immigrants investisseurs, il faut comprendre l'immigration comme
dans le monde des affaires, comme étant un partenariat. J'ai vu beaucoup
d'exemples, au Forum pour l'emploi, d'immigrants, non seulement venir investir
ici, mais devenir des associés, des partenaires avec des gens d'ici. Le
marché, ils ne le connaissent pas; évidemment, le partenariat
québécois permet de leur faire mieux connaître. Mais le
Québécois, lui, profite évidemment de l'expertise de
l'immigrant. Je pense que ce n'est pas tellement par l'appel à de la
main-d'oeuvre spécialisée qu'on règle un problème.
C'est plutôt par, d'abord, la définition de projets. Donc,
ça rejoint tout le dossier du développement régional.
Mme Gagnon-Tremblay: Justement, il y a quelqu'un tout à
l'heure qui disait qu'on peut faire du développement régional
aussi par l'immigration. Moi, j'en suis persuadée, s'il est bien
planifié. Si on planifie bien nos demandes et l'offre, je pense que nous
pouvons, effectivement, faire du développement régional à
partir de l'immigration.
Et, bien sûr, ce qui est important aussi, c'est d'attirer des
immigrants investisseurs ou des entrepreneurs. On sait fort bien
qu'actuellement, dans les régions, là où on a des
directions régionales, on n'envoie à peu près que des
réfugiés, mais on n'a pas tellement développé cette
catégorie. Je disais encore, la semaine dernière, que nous
accueillerons tout près de 2000 entrepreneurs cette année, comme
nous en avons accueilli autant l'année dernière. Mais, faute de
ressources parfois, faute aussi d'accueillir convenablement ces personnes,
souvent, il n'y a pas de création d'emplois ou il n'y a pas de
création d'entreprises. Justement, c'est l'objectif lorsqu'on
sélectionne ces personnes-là; c'est l'objectif qu'on vise et ils
ont aussi une responsabilité: ils doivent absolument créer un
minimum de trois emplois, les leurs. Mais, cependant, on se rend compte qu'on
ouvre parfois un petit dépanneur ou un restaurant du coin qui ferme
après six mois; ils ont perdu leur argent et ça n'a pas
nécessairement rapporté.
Donc, c'est vraiment important de créer cette espèce de
réseau d'accueil de gens d'affaires pour, non seulement être
capables de leur proposer, par exemple, des locaux, mais leur proposer aussi
des projets d'entreprises. Donc, vous comprenez qu'il va falloir absolument
identifier les besoins dans chacune des régions, des secteurs
d'activités. Je pense que nous aussi, étant donné qu'il y
a énormément de gens qui veulent venir au Québec, nous
devons être capables de privilégier des dossiers qui
répondent davantage à des secteurs d'activités
manufacturières, par exemple, que ce soit le secteur du plastique, du
métal ou quoi que ce soit. Alors, il va falloir développer ces
choses-là.
Quel rôle le Mouvement Desjardins peut-il
jouer avec nous? Je sais que vous êtes partout, y compris... Tout
à l'heure, je disais jusque dans les petits villages; vos gérants
ont souvent ce premier contact avec ces personnes parce que je pense que les
premières économies, on veut les déposer quelque part, et
aussi, souvent, on a à échanger des chèques. Quelle est la
collaboration que pourrait jouer, par exemple, le Mouvement Desjardins à
partir des gérants locaux ou quoi que ce soit?
M. Béland: Ce que nous avons proposé, justement
à cause de notre grande décentralisation, c'est de collaborer
avec le ministère, peut-être dans l'organisation de
séminaires qui seraient destinés à des immigrants pour
leur faire connaître évidemment le Québec, mais leur faire
connaître aussi les régions du Québec. Je pense même
à la Fédération de Montréal, où il y a eu
certaines expériences de faites. Je ne sais pas si M. Proteau pourrait
compléter ma réponse, mais il est certain qu'au niveau du
Mouvement on est en train d'élaborer... M. Dominique, vous pourriez
peut-être compléter cette réponse-là quant à
la collaboration avec le ministère pour la tenue de
séminaires.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Proteau.
M. Proteau: Oui, effectivement, c'est quand même
relativement récent. Mais la Fédération de
Montréal, de par ses ressources, tant de formation que de relations
publiques, est entrée en contact au cours des derniers mois avec les
gens du ministère pour, effectivement, mettre sur pied des programmes -
comme je l'expliquais tout à l'heure - pour faire connaître les
dimensions financières, les dimensions sociales du Québec et les
réalités auxquelles les nouveaux arrivants doivent faire face.
Moi, je vous dirai aussi que, lorsqu'on interroge la capacité de
Desjardins d'intervenir, je pense que nous avons une responsabilité.
Cette responsabilité première, permettez-moi l'expression, c'est
de leur vendre les valeurs du système coopératif. Je prends un
exemple particulier, spécialement les Asiatiques, ceux qui viennent de
la région de Hong Kong. C'est de ce coin du globe,
particulièrement, que nous arrivent les immigrants investisseurs. Ce
sont des gens avec des ressources financières importantes. Donc, de par
leur passé, ces gens-là sont relativement familiers avec les
systèmes bancaires traditionnels, mais ils sont peut-être assez
peu familiers avec un système comme le nôtre, un système
coopératif. (12 heures)
À partir du moment, je pense, où on se donne les moyens
d'aller vers eux pour leur montrer les valeurs du système
coopératif et aussi la très grande richesse et
l'élément excessivement important que peut constituer pour eux la
prise en main de leur devenir économique par le système
coopératif, à travers un groupe qu'ils voudront bien se donner ou
à travers leur rapport à des entités déjà en
place comme les caisses populaires locales ou autres, je pense qu'à
partir du moment où ces gens-là seront familiers avec le
système coopératif, déjà, on a un outil qu'on met
à leur disposition qui leur permettra d'avoir un apport au
développement économique de la société
québécoise qui sera d'autant plus intéressant.
J'ajouterai aussi, si vous me permettez, Mme la ministre, je pense
à un élément sur lequel on devrait s'interroger d'une
façon toute particulière et qui, à mon avis, devrait
être l'objet de certaines inquiétudes, c'est le taux de
rétention, qu'on a au Québec, de nos immigrants. Pour ce que je
connais de ce dossier-là, je pense que le taux de rétention est
plus faible chez les gens qui ont des ressources plus importantes. Je pense
qu'on devrait avoir un effort particulier à cet égard-là.
Il y a sûrement quelque chose qui manque quelque part. Nos structures, de
façon globale, à l'intérieur de la société
québécoise, ont sûrement certaines carences, certaines
faiblesses faisant en sorte qu'au bout de deux ou trois ans la personne, si je
peux utiliser cette expression, "pacte" ses petits et s'en retourne ailleurs.
Mais, souvent, c'est à Toronto qu'on les retrouve, ou à
Vancouver. Je pense que c'est un phénomène sur lequel il faudra
s'attarder d'une façon toute particulière parce que, si on
investit des sommes importantes pour accueillir ces personnes-là, mais
que c'est simplement pour une période de transition, il y a quelque
chose qu'on manque quelque part.
Mme Gagnon-Tremblay: Je dois vous dire, à ce
sujet-là, M. Proteau, que j'ai déjà donné des
directives à mes fonctionnaires à l'étranger d'être
beaucoup plus vigilants sur la motivation, non seulement à venir au
Québec, mais à s'établir, et non pas à se servir du
Québec comme un tremplin pour d'autres lieux. Nous allons être
beaucoup plus vigilants, aussi, sur l'expérience, davantage que sur le
projet comme tel, parce qu'on sait que, quand, par exemple, on vient
déposer un projet, il peut s'écouler deux ans avant que la
personne n'arrive. C'est tout à fait normal, avant qu'elle puisse
être sélectionnée, obtenir son visa, et aussi liquider ses
biens à l'étranger; alors, souvent, dans deux ans, le
marché est très différent de ce qu'il était. Alors,
je pense que nous allons miser davantage sur l'expérience, et aussi sur
la motivation, non seulement à venir au Québec, mais à
s'établir au Québec.
Je voudrais revenir, parce que nous avons parlé beaucoup
d'immigrants investisseurs... mais, tout à l'heure, je parlais aussi de
travailleurs indépendants, de travailleurs spécialisés,
entre autres. Il y a quand même des difficultés. On se rend compte
que, même si, parfois, les personnes possèdent une main-d'oeuvre
qualifiée, il y a des difficultés au niveau des stages en
entreprises. Je
sais, M. Béland, que, comme président du Forum, vous avez
eu à circuler aussi; comment peut-on ouvrir les portes? Parce que,
souvent, on demande à ces personnes l'expérience
québécoise - quand ce n'est pas l'expérience canadienne -
mais l'expérience québécoise.
Vous avez des personnes hautement qualifiées qui arrivent ici et
qui sont obligées de fake toutes sortes de travaux inimaginables, que
l'on ne voudrait jamais faire, nous, dans leur pays, pour être capables,
après ça, d'accéder à un emploi convenable. On se
prive de cette richesse, qui est inestimable. Mais comment pourrait-on, y
compris dans les régions - parce qu'on parte du taux de
rétention, on veut aussi retenir nos immigrants en région
lorsqu'on parle de régionalisation et qu'on veut développer cette
régionalisation - réussir, par exemple, avec la collaboration des
nombreuses entreprises, à permettre ce stage pour donner
l'expérience québécoise à ces personnes?
M. Béland: Je vais d'abord vous répondre pour le
Mouvement Desjardins comme tel. Quant à nous, on n'a pas de
problème avec l'accueil des travailleurs, si je peux les appeler comme
ça, spécialisés; pas du tout. On les accueille très
facilement, on les intègre facilement et on en a de plus en plus,
d'ailleurs, dans le Mouvement Desjardins. M. Santos pourrait témoigner
qu'à la Caisse centrale, par exemple, où on a 154
employés, il y en a sept qui sont des immigrants, trois dans la haute
direction. Je peux vous dire qu'on ne fait pas de différence. Ça
s'est fait très rapidement, très facilement, et on a
été très heureux de bénéficier de
l'expertise et des spécialités de ces gens-là. Si c'est
possible dans te domaine financier, j'imagine que c'est possible ailleurs, sauf
qu'ailleurs on va trouver beaucoup plus de difficultés - le Forum pour
l'emploi en a été un bon exemple, on a témoigné
largement - beaucoup plus de difficultés à cause de toutes sortes
d'autres contraintes, syndicales, par exemple - ça vient compliquer
beaucoup de choses dans les grandes entreprises - contraintes par rapport
à une compréhension un peu limitée de la part de ces
travailleurs spécialisés. On interprète plutôt la
venue de ces gens-là comme étant ceux qui viennent prendre notre
place, qui viennent prendre nos emplois. Alors, les taux de chômage
toujours très élevés sont une barrière qui font
que, même si on appelle les travailleurs spécialisés,
là, on est portés à leur fermer la porte quand même
en disant: On va se spécialiser, nous. On ne réalise pas que
l'apport du travailleur spécialisé, au contraire, est
générateur d'activités économiques et
générateur d'emplois. Donc, je pense que c'est beaucoup par
l'éducation, beaucoup par la compréhension de l'apport de ces
travailleurs spécialisés qu'on peut réussir à faire
un bout de chemin.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais, ne croyez- vous pas, justement, qu'on
va devoir interpeller de plus en plus les syndicats...
M. Béland: Oui, c'est sûr.
Mme Gagnon-Tremblay: ...parce que, dans ce grand défi de
l'intégration, ce n'est pas une responsabilité unique du
gouvernement, mais c'est une responsabilité de tous les intervenants, y
compris les syndicats? J'ai été à même de constater
ici depuis plusieurs semaines qu'il y a des obstacles, mais des obstacles assez
considérables aussi face à une syndicalisation ou aux conventions
collectives. Il va falloir en être conscients. Il va falloir avoir cette
prise de conscience. Je ne sais pas de quelle façon on va devoir le
faire, mats il va falloir faire le débat sur ça à un
moment donné. Et là on a une nouvelle clientèle. On a une
clientèle qui est ici et qui veut s'intégrer, et on a des
responsabilités, nous, en tant que société d'accueil
aussi. Comme je le dis, il va falloir aussi sentir une ouverture de la part de
nos syndicats parce qu'on ne pourra arriver dans ce grand défi de
l'intégration.
M. Béland: Ce que vous dites, Mme la ministre, c'est le
fond, à mon avis, du problème. C'est qu'on est beaucoup trop
cloisonnés dans notre société- Même ici, quand on
parte d'immigration, pour nous, la régionalisation de l'immigration ne
peut pas se faire sans la régionalisation de l'économie aussi.
Cela va de soi. Or, quand on touche à ça, évidemment, il
faut aussi s'intéresser à la question de la formation. Il faut
évidemment s'intéresser à toute la question, j'allais
dire, des contraintes syndicales.
Alors, de là est venue cette seule recommandation, finalement, du
Forum pour l'emploi, de former des tables de concertation. C'est en assoyant
les gens face à face, chacun faisant valoir son point de vue et,
surtout, chacun s'entendant sur l'objectif ultime qu'on vise. Si c'est la
création d'emplois, si ça devient une valeur de
société, mon Dieu, il faut que chacun fasse un peu du sien pour
arriver à réaliser cet objectif-là. Ça
été la grande révélation du Forum. Quand on a fait
notre premier tour de table, on s'est rendu compte que l'emploi, ce
n'était pas la responsabilité du patronat, ce n'était pas
la responsabilité du monde syndical, ce n'était la
responsabilité de personne. Et, comme il n'y avait pas de
représentant du gouvernement, on a dit: Ça doit être la
responsabilité du gouvernement. Mais le gouvernement ne peut rien si les
divers intervenants de la société n'en font pas, pour eux, une
valeur. Et c'est aussi vrai pour l'immigration, c'est vrai pour la
démographie, c'est vrai pour une politique de population.
Le Président (M. Doyon): M. Proteau, vous vouliez ajouter
quelque chose?
M. Proteau: Oui, à la question de Mme la ministre,
à savoir: Est-ce qu'il serait opportun d'interpeller des groupes? J'ai
vécu, cette semaine même, une expérience, je pense, qu'il
serait peut-être utile de livrer ici aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de
manger avec des représentants de la communauté vietnamienne au
début de la semaine, des gens avec qui on a des relations assez
étroites. Je m'entendais dire, je m'entendais raconter, plutôt,
que ces gens-là, les gens de cette communauté, ont
éprouvé un certain nombre de difficultés avec ceux des
leurs qui étaient médecins. Dieu sait si c'est des gens qui ont
un haut niveau de scolarité. Et on me faisait part qu'il y a des
médecins qui arrivent du Vietnam et qui doivent travailler dans des
cuisines, qui doivent travailler dans différentes formes d'emploi
pendant deux, trois, quatre ans, bon, parce qu'il y a toutes sortes de
technicali-tés qui sont difficiles à franchir. Ces
gens-là, de prime abord, ont le sens du travail. Ils veulent travailler.
Lorsque vous posez la question, à savoir s'il faut interpeller des
groupes, moi, je dis à ça: Oui. Et je n'ai pas d'animosité
particulière envers l'Ordre des médecins du Québec. Mais
je pense qu'un exemple comme celui-là est un témoignage dont il
faut tenir compte. Ça m'apparait anormal, surtout lorsque, en
contrepartie, on connaît les problèmes de la présence des
médecins en région. Je me dis qu'il y a sûrement quelque
chose qu'on peut faire à ce niveau-là.
Lorsque vous parlez du rôle ou de la responsabilité des
syndicats, je porte à votre réflexion un élément
sur lequel, possiblement, on aura à se pencher, au regard,
particulièrement, des gens qui nous arrivent d'ailleurs et, surtout, du
Sud-Est asiatique. C'est toute la valeur du sens du travail, qu'on a
peut-être, à certains égards, un peu perdue ou mise en
veilleuse quelquefois chez nous. Et ces gens-là arrivent ici fortement
imbus de ces valeurs-là. Certains raisonnements qu'on voit dans le
milieu des grandes centrales syndicales, que je ne veux pas condamner, loin de
là, mais il y a certaines personnes qui sont portées à
vouloir faire en sorte que ces gens-là paraissent comme
dérangeants de par leur ardeur au travail. Je pense que, ça,
c'est un élément sur lequel il va falloir revenir aussi et se
pencher.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Proteau. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. M. Béland
et les gens qui vous accompagnent de la Fédération, bienvenue. Je
vais vous dire, je ne suis pas surpris et je suis heureux de vous voir parce
que, effectivement, le Mouvement Desjardins, avec ses représentants, est
partout au Québec et il y est toujours quand c'est important. Et je ne
peux pas faire autrement que vous féliciter parce que, dans tous les
grands débats qui se passent au Québec, le Mouvement est
présent. Ici, à Québec, mais aussi dans les
différentes prises de position qu'on peut voir dans la revue Ma caisse -
si je me rappelle bien le titre - où, effectivement, on se rend compte
à quel point vous êtes d'actualité. Vos prises de position
font preuve d'une lucidité et d'une connaissance des sujets concernant
le milieu québécois qui sont traités avec, je pense, une
mesure inégalée. Et votre participation est dans tous les
domaines, dans tous les grands débats.
Ici, présentement, aujourd'hui, c'est important parce que c'est
l'avenir des Québécois qui s'ajoutent, et ça veut dire que
ça touche ceux qui y sont déjà aussi puisque ce sont des
changements qu'on est en train de faire dans la société. Dans le
débat constitutionnel aussi, vous êtes présents, et vous
l'avez été et vous le serez encore, et d'une façon aussi
très représentative parce vous y avez eu une consultation. Vous
l'avez été et vous l'êtes encore au niveau du
développement régional, c'est-à-dire relativement à
l'emploi. Et c'est là-dessus que je vais commencer parce que je trouve
ça très intéressant et indispensable. Depuis le
début de la commission, presque tous les mémoires nous arrivent
toujours en disant: Qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens à travers le
monde qui choisissent le Québec, et qu'est-ce qui fait qu'ils s'en
viennent ici? C'est quoi, leur premier objectif? Et qu'est-ce qui fait en sorte
qu'ils vont être à Montréal ou qu'ils vont être dans
les régions? C'est toujours la même affaire. C'est l'emploi.
Ces gens-là se déplacent en vue d'avoir une meilleure
situation; et la situation, c'est quoi? C'est par rapport à un emploi.
Donc, accéder à un emploi et avoir le meilleur emploi possible
aussi. Et ça m'amène à la régionalisation et
à l'emploi. Pour avoir participé autant au colloque sur l'emploi
qu'au Forum pour l'emploi, je sais à quel point vous vous êtes
impliqués. Il y a eu des constatations qui ont été faites
au Forum. La première, si je me rappelle bien, c'est le manque de
formation. Et ça, c'est lamentable de voir que, finalement, il y a des
pleines pages d'offres d'emploi, spécialement le samedi dans les
journaux, et qu'on est rendus, comme société, à 13 % de
chômage. Il y a quelque chose qui cloche quelque part. C'est
évident qu'il faut penser à l'immigration pour combler dans
certains secteurs, mais ce n'est pas vrai qu'on peut penser seulement à
l'immigration pour combler les emplois manquants et ne pas former ceux qu'on va
faire vivre avec l'assurance-chômage et l'aide sociale.
Comme société, on a un problème qui est très
grave. Ma question vient de l'échange que vous venez d'avoir, parce que
ça ne peut pas faire autrement que de nous sauter aux yeux à un
moment donné. On a un problème majeur d'emplois au Québec,
13 % de chômeurs au Québec, 15 % à Montréal qui est
la métropole. Ce qui est une catastrophe. Et vous nous di-
tes - et vous avez raison - qu'il y a des gens qui viennent du Vietnam
ou d'ailleurs, avec une pleine chemise de diplômes, et qui doivent
être plongeurs en attendant de décrocher. Je vais vous dire, on a
la même chose des Québécois qui sont ici depuis longtemps,
qui sortent de l'université avec des maîtrises et des
baccalauréats, et qui se ramassent comme laveurs de vaisselle aussi. Le
problème, il est général. C'est l'emploi. (12 h 15)
Et, si on veut régionaliser, si on veut envoyer des gens ailleurs
qu'à Montréal, il faut leur offrir de l'emploi. Et pour
ça, bien, ça va nous prendre, à mon avis, une politique de
développement régional, une concertation du milieu, et il faudra
créer des emplois qui vont faire que les gens vont y aller. Parce qu'on
ne peut pas demander aux immigrants de venir au Québec et de s'en aller
en Gaspésie, quand les jeunes Québécois déjà
en place quittent la Gaspésie, l'Abitibi et le Lac-Saint-Jean pour s'en
venir à Montréal. On ne peut pas penser remplir avec les nouveaux
Québécois là où les Québécois
quittent parce qu'il n'y a pas d'avenir. Il faut être très
conscients de ça. On a un problème de société et il
va falloir, à mon avis, se donner un objectif qui va nous aider à
régler le problème des Québécois et des nouveaux
Québécois, c'est une politique de plein emploi. Et je sais que
vous y croyez, et que c'est faisable. On est tellement peu nombreux, avec
toutes les richesses qu'on a au Québec, il s'agit d'avoir la
volonté. Vous l'avez dit tantôt, on a les capitaux, il manque des
projets; on est capables de les trouver, j'en suis sûr. Il va falloir
être ingénieux et être solidaires.
Est-ce que vous croyez, connaissant la situation actuelle du
chômage, spécialement dans les régions, que la
régionalisation - je ne vous demanderai pas si elle est souhaitable; je
pense que tout le monde en convient, elle serait souhaitable - est-ce que, dans
la situation économique actuelle, elle est pensable?
M. Béland: Je pense que c'est dans des périodes
comme ça qu'il faut y penser de plus en plus. Si vous me dites: Est-ce
que c'est réalisable à court terme? Moi, je vais vous dire
simplement ceci. Ça fait longtemps que, grâce au Mouvement
Desjardins, je me promène un peu partout à travers le
Québec, et j'étais beaucoup plus découragé il y a
20 ou 25 ans que je le suis aujourd'hui. Quand j'allais en région, il y
a 25 ans, je ne partais jamais de la région sans avoir des demandes dans
mes poches, des gens des caisses qui disaient: Si vous pouviez me sortir d'ici,
je serais assez content, je veux aller, moi, où ça se passe.
Aujourd'hui, je ne vois plus ça. Non, aujourd'hui, je ne vois
plus ça. Les gens se battent pour rester là où ils sont,
ils veulent développer leur coin, il y a des projets partout. La
Commission Bélanger-Campeau, qui nous a emmenés en région,
partout, a été une révélation pour tous les
commissaires qui ont dit: C'est incroyable, la vitalité qui existe dans
les régions; sauf qu'on commence à apprendre à se
concerter.
Tout à l'heure, vous disiez: II y a un manque de formation. Ce
n'est pas tellement ça, le problème; c'est l'adaptation de la
formation de la main-d'oeuvre et des emplois disponibles ou des emplois dont le
Québec aurait besoin.
Aujourd'hui, je pense que, au contraire, le Québec est d'une
richesse, sur le plan de l'éducation, comme on n'en a jamais eu. Les
retraités retournent à l'université si ça leur fait
plaisir. Les adultes peuvent aller suivre des cours. L'éducation, on en
a, on est le pays probablement le plus riche à ce point de vue
là. L'ouverture sur le plan de l'éducation est très large,
sauf que ça ne produit pas les travailleurs dont on a besoin. Et le plus
bel exemple qu'on a eu au Forum, c'est ce témoignage spectaculaire,
hein, du vice-président aux ressources humaines qui avait besoin de 100
métallurgistes. Il a reçu 700 demandes d'emploi et il a
été capable de combler quatre postes. Parce que ce
n'étaient pas des métallurgistes, c'est incroyable! C'est chez
nous. Ce n'est pas dans les régions, ça, c'est à
Montréal, c'est sur notre territoire. Mais, la métallurgie, c'est
dévalorisé. On a à valoriser aussi les postes techniques,
tout.
Aujourd'hui, à moins d'avoir un diplôme universitaire, on
n'a l'air de rien. Les gens pensent qu'ils ne sont plus rien au Québec,
alors que tout le domaine de la technique est à développer. Et
c'est là que l'immigration peut jouer un rôle important si on peut
enlever les contraintes auxquelles M. Proteau se référait tout
à l'heure. C'est sûr que, si on peut enlever toutes ces
contraintes et remplir ces postes-là, ça va valoriser les postes
spécialisés comme la métallurgie, et tous les autres.
Ça va les valoriser, et peut-être inciter les
Québécois et Québécoises à venir occuper
aussi ces postes-là.
M. Paré: Sur le nombre d'immigrants qu'on doit accepter -
parce que c'est un des objectifs de la commission présentement - vous
dites, dans votre mémoire, que, évidemment, l'accueil et
l'intégration harmonieuse de quelque 55 000 nouveaux arrivants issus
d'horizons divers ne va pas sans poser quelques défis. On a l'habitude
des défis, et on est capables de les relever. Donc, ça, je vous
reconnais et je reconnais le Mouvement Desjardins. Effectivement, on a
relevé d'autres défis.
Sauf que, dans le contexte actuel, avec tous les autres défis
qu'on a relevés, il y a d'autres groupes qui sont venus, dont la ville
de Montréal, hier. Et M. Doré nous disait que ce n'était
pas seulement une vision d'avenir, la, c'était une constatation
d'actualité qu'il faisait en disant que "c'est un défi
québécois, mais qui se vit à Montréal". Et, au
moment où on se parle, l'intégration est très difficile,
peut-être parce
qu'il y a concentration. Donc, c'est une des raisons, avec tout le
contexte montréalais qu'on connaît, de ce que M. Doré
appelait les deux visages de Montréal. Mais il nous disait aussi, et
vous le dites encore ici, vous, dans votre mémoire, à l'ouverture
à la diversité: "...encore avec des moyens insuffisants"; et M.
Doré disait qu'il faut se donner les moyens de notre stratégie et
qu'il faut investir davantage à Montréal pour intégrer
ceux qu'on a déjà.
Est-ce qu'on a les moyens de se donner d'autres structures d'accueil
dans toutes les régions du Québec alors que, maintenant,
Montréal dit qu'on n'a pas suffisamment de moyens pour être
capables d'intégrer, déjà, dans la région
montréalaise? C'est vrai que, à mon avis - et on en a la preuve
par les groupes qui viennent ici - l'intégration risque d'être
beaucoup plus facile dans les autres régions où, finalement,
l'intégration, c'est à la culture; pas nécessairement
à la langue, mais à la culture québécoise.
Finalement, notre culture, c'est la langue qui en est l'objet principal.
Est-ce que vous croyez que l'intégration, on peut la faire
maintenant sur l'ensemble du territoire avec les moyens qu'on a? Je vous la
pose, la question, en la raccrochant à un autre volet qu'on retrouve
dans votre mémoire. L'intégration, c'est aussi Montréal et
c'est surtout Montréal. En page 8, on dit qu'il va... Il y a un moyen
peu coûteux, mais une volonté, par exemple, qui fait qu'on va
intégrer, et vous le dites: II faut qu'il y ait un message clair.
Là-dessus, il y avait même un groupe, hier, qui était la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui disait qu'il
faut lancer un message clair; et, quand on l'aura lancé, il va
être perçu comme tel, et non pas comme étant diffus, confus
et contradictoire. Le message clair, c'est de dire comment on peut vendre un
projet de société - c'était dit en toutes lettres -
à ceux qui viennent quand on n'a pas défini la
société qu'on veut être. Qui sommes-nous? On veut dire aux
autres qui ils vont être, mais on n'a pas défini qui nous sommes.
C'est un peu large comme question, mais je vous la pose comme telle.
L'intégration, c'est une question de sous, mais c'est peut-être
encore davantage une question, comme vous le dites, de message clair. Quel est
ce message et de quelle façon doit-on le passer?
M. Béland: Sur les 55 000 personnes, nous, on s'est dit
d'accord avec le chiffre qui apparaît dans l'énoncé, qui
tient compte d'une politique de la population. On nous disait, en somme: C'est
le chiffre qui est nécessaire pour faire au moins que le Québec
de demain ne décroisse pas. Donc, ça, c'est le défi. C'est
vrai qu'il faut avoir les moyens de notre statégie, mais... Je vais
peut-être répéter ce que j'ai dit tout à l'heure,
mais il faut avoir les moyens de nos priorités. Il s'agit de savoir si
cette question de la démogra- phie et de la population
québécoise, c'est une priorité parmi les priorités.
Je sais qu'il y en a toute une série, mais ensuite, une fois qu'on a
bien établi quelles sont nos priorités... Quant à nous, la
démographie au Québec, c'est une des grandes priorités.
Donc, il y a peut-être des choses qu'il va falloir sacrifier, mais il
faut se donner les moyens de cet énoncé-là. Autrement, je
pense qu'on peut faire toute une série de voeux, établir toute
une série de priorités tellement vastes que, finalement, on n'en
réalisera aucune. Et c'est dans ce sens-là qu'on a dit, nous,
ici, oui aux 55 000, et oui aux moyens, cependant. Je ne sais pas où on
fera des sacrifices, mais ça nous apparaît comme un domaine
vraiment prioritaire.
Quant à l'intégration à Montréal,
peut-être, M. Proteau, que vous pourriez ajouter à ça.
M. Proteau: Oui. Il y a une question que vous avez posée,
à savoir s'il faut se donner d'autres structures? Moi, je réponds
très spontanément et très fermement à ça:
non. Des structures, il y en a suffisamment. Il faut d'abord, je pense, avoir
la préoccupation de les rendre efficientes, les structures.
Peut-être que c'est une déformation venant de l'entreprise
privée - parce que même Desjardins, je pense qu'il faut
considérer ça comme l'entreprise privée - je pense que le
rôle du gouvernement dans un dossier comme celui-là, c'est de
faire en sorte qu'on passe des voeux pieux à l'action. Vous savez, il y
a une chanson, que vous connaissez sans doute comme moi, qui dit: 'Tout le
monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir". Si je fais un
parallèle avec ça, il faut, je pense, franchir le pas additionnel
à l'effet que tout le monde en parle, tout le monde semble
préoccupé, mais, finalement, un peu tout le monde, aussi, se sent
démuni.
Quand je dis aller vers l'entreprise privée, je pense que ce sera
peut-être le rôle de l'État de faire en sorte que les
entreprises y trouveront des avantages, y trouveront le goût. Et,
là-dessus, j'aimerais mieux parler de mesures "mobilisantes", de mesures
incitatives que de mesures contraignantes. Des projets de loi qui peuvent
éventuellement obliger à avoir tant de personnes de
communautés culturelles, à mon avis, ça, c'est des mesures
qui sont contraignantes. Il y a des mesures incitatives, des mesures qui sont
plus positives et, à mon avis, elles vont donner
énormément plus de résultats. C'est vraiment en alignant
l'action sur l'entreprise privée qui peut faire, dans ce
domaine-là comme dans une foule de domaines, beaucoup de choses, en
s'efforçant aussi de rendre nos structures beaucoup plus efficientes,
qu'à mon avis on est capables de faire le pas additionnel pour
régler le problème.
Vous me permettrez, pendant que j'ai la parole... tout à l'heure,
ça m'a échappé, je vous parlais de rétention. Pour
avoir déjà eu l'occa-
sion de discuter avec mon voisin de gauche, M. Santos, je crois qu'il
aurait peut-être des choses à dire là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. Santos.
M. Santos (Humberto): Merci, M. le Président. Je pense,
que, du côté de la rétention, il faudrait penser à
la chose de façon plus terre à terre. Je pense qu'un des membres
posait tout à l'heure la question: Pourquoi les gens viennent-ils au
Québec et au Canada? Tout d'abord, parce que le Québec et le
Canada ont un nom extraordinaire à l'étranger. C'est le ciel et,
donc, on vient au ciel. C'est vrai, on ne va peut-être pas mourir, mais
on vient au ciel pareil. Lorsqu'on arrive, il y a des changements majeurs. Un
des changements majeurs - je n'en ai pas encore entendu parler aujourd'hui -
c'est le climat. Le climat est très difficile pour quelqu'un qui vient,
par exemple, du Portugal.
Si vous arrivez ici et que vous pensez que vous venez pour deux, trois
ou quatre ans - vous avez laissé votre famille là-bas - et que
vous allez retourner, alors, qu'est-ce que vous faites? Vous fartes ce que
beaucoup d'immigrants font. Vous travaillez dans deux ou trois jobs s'H le
faut. Vous mettez des sous de côté. Vous trouvez que le
Québec est bien difficile. C'est la fin du monde, vous savez, la neige
qui tombe à partir du 1er novembre jusqu'en avril. Et, là, vous
dites: Ça ne marche pas, mon affaire, je m'en vais. Je m'en vais au
Portugal, je retourne au Portugal.
Alors, si on parle de rétention, il faut casser ce cercle
vicieux. Il faut dire: On vient ici pour y rester. Et, si on vient ici pour y
rester, il faut que l'immigrant accepte de vivre la vie du Québec. Et la
vie du Québec, c'est de faire du ski de fond, c'est de jouer au hockey
à 7 heures le matin avec votre petit, c'est de faire toutes sortes de
choses que l'immigrant, normalement, ne fait pas. Ça, c'est très
important.
Je me souviens, il y a à peu près 15 ans, le gouvernement
du Québec avait fait des excursions où on mettait un paquet
d'immigrants dans un autobus et on nous amenait à la cabane à
sucre. C'est un départ. On pourrait faire des choses de même, qui
ne sont pas tellement coûteuses, mais qui font que les gens commencent
à s'adapter. Si on reste à la maison pendant qu'il neige trois
pieds de large, on veut toujours retourner; ou, alors, on va peut-être
vers l'Ontario ou vers la Colombie-Britannique, parce que la
Colombie-Britannique, c'est exactement comme Lisbonne. Il pleut, il fait beau
et il y a de belles montagnes. C'est excellent.
Alors, du côté de la rétention, if faut non
seulement la régionalisation, mais s'habituer à vivre la vie
économique, la vie de tous les jours. Je pense que c'est très
important. C'étaient mes commentaires, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Santos. M. le
député.
M. Paré: Oui.
Le Président (M. Doyon): En terminant peut-être; il
reste une couple de minutes.
M. Paré: En terminant... Malheureusement, c'est toujours
trop court, surtout que c'est bien intéressant. Vous mentionnez aussi,
à la page 4, que, oui, l'immigration au niveau des investisseurs, au
niveau de l'intégration, au niveau des gens avec une expertise, mais
aussi au niveau démographique, en spécifiant, par contre, comme
vous le faites, que ce doit être complémentaire à une
politique familiale. Autant pour les nouveaux venus que pour les
Québécois déjà en place, effectivement, ça
prend une politique familiale qui permette que les familles soient un peu plus
nombreuses, un peu plus importantes qu'elles le sont.
Je suis obligé de conclure parce que le président me dit
que c'est terminé. Vous avez élaboré tout un plan d'action
et je dois vous dire qu'on le reçoit avec beaucoup de joie et
d'optimisme. On sait que vous êtes sans doute l'institution, au
Québec, qui peut le mieux nous aider par votre présence partout
sur le territoire, et à peu près dans tous les secteurs, parce
que, maintenant et de plus en plus, le Mouvement Desjardins est dans les
prêts personnels et dans l'investissement; par le Forum, il est dans la
création d'emplois et le développement régional. Vous
êtes impliqués partout et dans tous les domaines qui vont
permettre une intégration plus facile - comme vous le dites, je ne me
souviens plus à quelle page - en plus, d'une façon tout à
fait naturelle, à la francisation. Donc, on reçoit avec
enthousiasme votre offre et je dois vous dire qu'on compte beaucoup sur elle.
Alors, merci de votre implication et de votre présence aujourd'hui.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je voudrais également vous
remercier et vous dire que je suis très heureuse de l'appui que vous
manifestez à l'énoncé de politique. J'accepte avec
enthousiasme votre offre de collaboration parce que je pense qu'il n'y a pas
plus québécois que Desjar-dins, et que ça pourra
peut-être servir aussi de symbole ou de modèle à d'autres
organismes ou d'autres institutions. Nous aurons... je sais que nous
travaillons actuellement - nos fonctionnaires du ministère - avec votre
mouvement dans le but d'établir certaines collaborations et de voir
comment on peut relever ce défi de la régionalisation. Alors, je
dois vous dire que vous avez mon entière collaboration de même que
celle du ministère. Et peut-être, en terminant sur une note un peu
plus légère, je constate, M. Béland,
que nous avons facilement fait consensus autour de cette table; je vous
souhaite autant de succès à l'autre table, c'est-à-dire
à celle où vous siégez actuellement. Merci.
M. Béland: C'est dommage que vous n'y siégiez pas,
ce serait peut-être plus facile.
Le Président (M. Doyon): Au nom des membres de la
commission, vous me permettrez de remercier les représentants de la
Confédération des caisses d'économie Desjardins et de leur
manifester l'appréciation de cette commission pour la visite qu'ils nous
ont rendue et les explications qu'ils nous ont données. Malheureusement,
le manque de temps ne m'a pas permis de permettre au député de
l'Acadie et au député de LaFontaine, qui le voulaient aussi, de
discuter avec vous. Malheureusement, ce sera à une autre occasion. Le
député de Richelieu me fait signe que lui aussi avait des choses
à vous dire. Merci beaucoup.
Donc, les travaux sont suspendus jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Doyon): Donc, fa commission de la culture
reprend ses travaux avec, pour commencer, un petit changement à l'ordre
du jour. Je pense qu'il y a un consentement qui a été
manifesté par tout le monde. Nous allons commencer par entendre
l'Association des Vietnamiens de Sherbrooke pour une demi-heure, 30
minutes.
Alors, je les inviterais, sans plus de délai, à bien
vouloir s'approcher de la table de nos invités, à y prendre
place. Il y a deux personnes. M. Kiet et M. Tuan. Je leur souhaite la
bienvenue. Je leur demande de s'identifier pour les fins de la transcription de
nos débats et de procéder pour une dizaine de minutes - je me
réserve le droit de vous indiquer que le temps a passé quand
c'est le cas - à la lecture de leur mémoire pour une dizaine de
minutes, le restant du temps étant partagé entre les deux
formations politiques. Vous pouvez y aller, nous vous écoutons.
Association des Vietnamiens de Sherbrooke
M. Ngo (Thanh Kiet): Bonjour, M. le Président, Mmes, MM.
les députés. Je vais vous lire le mémoire. Après
avoir lu attentivement l'énoncé de politique... Pardon!
Le Président (M. Doyon): Un instant. Vous voulez vous
nommer, s'il vous plaît?
M. Ngo: Je suis M. Kiet Ngo, le président de
l'Association.
Le Président (M. Doyon): Et la personne qui vous
accompagne?
M. Ngo: M. Truong, le vice-président de l'Association.
Le Président (M. Doyon): Très bien, bienvenue. Vous
pouvez y aller.
M. Ngo: Excusez-moi. Je vais continuer, donc. Après avoir
lu attentivement l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration, nous osons nous permettre les quelques
observations suivantes. Dans le premier paragraphe de la deuxième partie
de l'énoncé, on peut lire, et je cite: "En vertu de l'entente
Couture-Cullen, le Québec a le pouvoir de sélectionner les
ressortissants étrangers désireux de s'établir de
façon permanente ou temporaire sur son territoire." Cette entente ne
s'applique donc que dans le cas d'un immigrant désirant s'établir
au Québec. Est-ce que cela voudrait dire aussi que le Québec n'a
pas le pouvoir de faire sa propre promotion, son recrutement et sa
sélection en matière d'immigration? Dans le cas affirma-tif -
c'est ce que nous croyons - comment le gouvernement du Québec peut-il
débloquer certaines situations coûteuses causées par
Ottawa? Je cite: La situation des "revendicateurs du statut de
réfugié en attente de statut au Québec ajoute un fardeau
supplémentaire aux finances publiques québécoises." Bien
sûr, ce premier point n'est plus d'actualité du fait qu'il y a
l'entente ou l'accord survenu entre Québec et Ottawa.
Mon deuxième point est - je lis - comment porter à 25 % la
part de l'immigration totale au Canada pour assurer le maintien du poids
démographique du Québec si le Québec n'a pas le plein
pouvoir politique en matière d'immigration, sachant le rôle
important de l'immigration sur l'avenir économique, démographique
et culturel du Québec?
La deuxième partie de mon mémoire traite de la
régionalisation de l'immigration. La régionalisation est un
problème crucial pour que la mise en oeuvre de la politique soit faite
de manière harmonieuse. Elle est importante sur trois niveaux. Premier,
social. Selon les données de l'énoncé, 87 % de la
population immigrante se trouve dans la région de Montréal. Comme
vous le savez, une forte concentration dans une région crée
toujours des problèmes sociaux tels que la discrimination raciale,
religieuse, politique et culturelle; la création des ghettos et les
problèmes inhérents à la ghettoïsation; le sentiment
de non-appartenance à une société commune.
Deuxième niveau, donc, c'est au niveau économique. Une
augmentation démographique excessive dans une région n'apporte
pas des
retombées économiques positives à la région,
sans perdre de vue les problèmes sociaux mentionnés
ci-dessus.
Au niveau culturel, une forte concentration de l'immigration dans une
ville fait diluer le fait français du Québec, ce qui va à
l'encontre de l'objectif recherché.
Ainsi, nous souhaiterions que le gouvernement recherche des solutions
réalistes, concrètes et dynamiques pour la mise en oeuvre de la
régionalisation. Nous pensons que le gouvernement doit prendre des
initiatives dans le développement économique régional,
attirer les investisseurs étrangers dans les régions. Ceci
permettra d'offrir à la population d'immigrants des opportunités
d'emploi sans affecter la population québécoise dans sa vie
économique existante, ce qui éviterait les tensions raciales et
l'image ou le préjugé à l'égard de ces immigrants
"voleurs de jobs des Québécois".
Ce phénomène est plus réel dû au faible taux
de population par rapport aux grandes villes et, de ce fait, les
communautés ethnoculturelles visibles sont plus visibles dans les
petites villes ou régions. Ce phénomène prend une ampleur
plus réelle et plus grande pour la population d'immigrants, car le choc
culturel et le sentiment d'isolement dans les premiers temps sont difficilement
supportables, et leur intégration sera plus lente, plus difficile et
coûteuse, d'où le risque de la migration de ces immigrants vers
les grandes villes, et c'est un cercle vicieux.
Dans la politique de régionalisation, le gouvernement ne doit pas
oublier le rôle des organisations non gouvernementales et les
associations des communautés culturelles qui jouent un rôle
très important dans l'intégration des immigrants car, bien
souvent, les immigrants se tournent vers ces organisations et ces associations
bien plus que vers les services gouvernementaux pour toute information
concernant leur nouvelle vie et leur nouvelle société, tout comme
ils y recherchent un certain réconfort moral dû au choc culturel
et à l'isolement, comme nous t'avons mentionné ci-haut.
En guise de conclusion, nous sommes très touchés par la
lecture de l'énoncé de politique en matière d'immigration
et d'intégration qui fixe des objectifs à la fois
généreux, nobles et réalistes. Nous jugeons que seules
quelques réflexions dont nous avons fait état sont susceptibles
d'être mentionnées. Le seul obstacle à la mise en oeuvre de
la politique du gouvernement en cette matière, à notre humble
avis, est un obstacle d'ordre politique. Il faut que le Québec ait le
pouvoir total dans le domaine de la politique de l'immigration - et
peut-être dans d'autres domaines touchant directement l'immigration -
pour assurer non seulement son développement économique, social,
démographique et culturel normal, mais c'est l'avenir même de la
société québécoise, une société avec
ses nobles traditions, sa propre culture, son histoire
caractérisée par des luttes pour préserver sa valeur, qui
en dépend. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Ceci termine votre exposé. Je passerai maintenant la parole à Mme
la ministre pour une période de 10 minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Ngo, et surtout bienvenue à
cette commission parlementaire. C'est avec beaucoup de plaisir qu'on accueille
aujourd'hui des représentants de la région de Sherbrooke. Comme
vous le savez, nous avons ouvert une direction régionale et nous croyons
que nous pouvons, en région, réussir ce projet de
régionalisation.
Je voudrais, monsieur, vous faire part quand même de certains...
Il y a quand même certaines inquiétudes dans le sens qu'on s'est
rendu compte qu'il y a beaucoup... En région, on a envoyé
beaucoup de réfugiés, entre autres, davantage par exemple que de
gens d'affaires, et on se rend compte aussi que le taux de rétention
n'est pas toujours celui qu'on désirerait. On sait qu'une façon
de retenir nos immigrants, c'est, d'une part, bien sûr, qu'ils soient
bien intégrés au niveau linguistique, c'est qu'on soit capable de
parler la langue de la majorité, mais aussi d'avoir un emploi. Souvent,
malgré qu'on a des taux de chômage élevés, on a
aussi un manque de main-d'oeuvre qualifiée. Mais compte tenu justement
de ces difficultés, c'est-à-dire qu'il y a, comme je le disais
tout à l'heure, les disponibilités d'emplois, les services et
aussi l'ouverture des régions elles-mêmes... parce que la
régionalisation - je l'ai dit à plusieurs reprises - on ne peut
pas l'imposer à l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus
à la région. Est-ce que vous croyez que la région de
Sherbrooke, pour vous, est une région qui peut offrir justement ces
possibilités? Quelles sont les difficultés, par exemple, que la
communauté a pu rencontrer? Est-ce que vous avez, par exemple, des
membres de votre communauté qui ont quitté la région? Pour
quelles raisons? Est-ce que c'est une raison d'accueil ou... Quelles sont les
raisons?
M. Ngo: Mme la ministre, vous êtes de la région,
donc, je crois que vous êtes la mieux placée pour apprécier
la situation. Il est évident que le taux de rétention des
immigrants - je parle pour les Vietnamiens - est très faible. On peut
parler de 50 % des départs vers d'autres villes, Toronto, Vancouver ou
Montréal. Ceci est dû au fait qu'il n'y a pas assez d'emplois. Je
ne parle même pas de la main-d'?uvre qualifiée, juste dans
les manufactures. Récemment, en plus, la région n'est pas
très bien servie parce qu'il y a certaines compagnies qui ont
fermé. Donc, je pense que l'essentiel, pour un immigrant ou pour un
réfugié qui arrive dans une nouvelle région, une nouvelle
société, c'est de trouver un emploi.
Cet emploi-là représente non seulement sa survie
économique, mais également la survie économique de sa
famille au pays. Vous êtes consciente aussi que les travailleurs, les
réfugiés, ici, chaque mois, essaient d'économiser un
certain montant d'argent pour envoyer à leur famille, dans les camps ou
au pays. C'est pour ça que l'objectif principal d'un
réfugié, après six mois de francisation, c'est de trouver
un emploi et n'importe lequel, je peux vous l'assurer.
En ce qui concerne la région de Sherbrooke, je pense que c'est
une belle région. Ce n'est pas loin de Montréal. C'est une belle
région, surtout pour les familles. On est gâté par la
nature, il y a des lacs, il y a des montagnes. C'est très beau, la
région de l'Estrie. Je pense qu'il y a possibilité de
développer une population immigrante assez intéressante dans la
région. Mais, parallèlement, il faudrait, bien sûr, comme
annoncé dans mon mémoire, un développement
économique pour pouvoir offrir à ces nouveaux arrivants un
emploi.
Mme Gagnon-Tremblay: Cependant, M. Ngo, l'emploi, est-ce que
c'est le principal argument, en ce sens que ça passe par l'emploi?
Est-ce qu'il y a d'autres obstacles aussi? Il y a le fait, entre autres...
Souvent, il y a une communauté qui est de moindre importance, et on ne
retrouve pas les services au sein de sa communauté, comme on pourrait
retrouver ces services-là au sein de la communauté vietnamienne
ou chinoise de la région de Montréal, par exemple. Est-ce qu'il y
a d'autres obstacles que vous voyez, qui pourraient... Par exemple, le fait
aussi de ne pas informer suffisamment à l'avance les
réfugiés qu'on sélectionne dans les camps du lieu
où ils iront et de les informer sur ce qui les attend...
M. Ngo: Je pense que l'arrivée en région des
réfugiés ou des immigrants ne pose pas un problème
important. Et je reviens toujours à la question de l'emploi, Mme le
ministre. Pourquoi? Parce que, vous savez, quand les immigrants ou les
réfugiés ont attendu des années dans les camps de
réfugiés de Thaïlande, de Hong Kong ou autres, ils se sont
dévalorisés humainement, si vous voulez. Donc, arriver dans une
nouvelle société qui juge par la situation sociale ou
économique de la personne... il est bien évident que chaque
réfugié ou n'importe quel immigrant veut à tout prix
chercher un emploi, ne serait-ce que pour pouvoir s'intégrer à la
nouvelle société. Je pense que l'intégration passe par
l'emploi parce qu'en travaillant l'immigrant fréquente d'autres
Québécois. En travaillant, il va connaître les lois et les
obligations de sa nouvelle société. Donc, la région
importe peu, je pense, dans le choix de s'installer définitivement.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais peut-être aussi aborder la
question de l'emploi. On sait que la région de Sherbrooke n'est pas une
région moins défavorisée qu'une autre région du
Québec, par exemple. Est-ce que lorsqu'on parle d'emploi... Bien
sûr, il n'y a peut-être pas autant d'emplois qu'on le souhaiterait,
mais est-ce qu'il y a aussi des difficultés, tout simplement, à
se trouver un emploi, pour d'autres facteurs? Je pense, par exemple, a la
question de la langue parlée, de la langue écrite. Je pense aussi
à l'expérience québécoise. Est-ce qu'il y a
vraiment d'autres facteurs ou bien si vous sentez carrément que c'est
parce qu'il n'y a pas d'emplois ou qu'il peut y avoir des emplois, mais qu'on
n'est pas tout à fait adapté à ces différents
emplois?
M. Ngo: II est évident qu'il y a certaines
catégories d'immigrants - je n'aime pas utiliser le mot
"catégorie", mais il faut quand même utiliser un mot pour
désigner quelque chose -qui ne sont pas aptes, si vous voulez, à
s'intégrer facilement dans un premier temps, du fait - excusez-moi
d'utiliser un mot anglais - de leur "background".
Ceci dit, nous sommes un peuple, je pense, travailleur, qui peut, si
vous voulez, endurer physiquement et moralement des conditions difficiles de
travail. Je pense que nous sommes aussi très appréciés par
les employeurs qui n'ont pas de syndicat parce qu'on n'a pas de tradition
syndicale, chez nous, au Vietnam. C'est pour vous dire que le facteur emploi,
je le placerais au premier rang. Ensuite, il y a le facteur culturel, si vous
voulez, parce que, s'ils se retrouvent sans une certaine consolation
culturelle, morale ou autre entre gens d'un même pays, ils se sentent
isolés et cet isolement peut être aggravé ou prendre une
ampleur plus importante, du fait que, s'ils n'ont pas un emploi, ils vont
rester à la maison, dans leur appartement et, en hiver, vous savez bien
que c'est très rude. Donc, au niveau mental, c'est très difficile
aussi pour les nouveaux arrivants.
Donc, si jamais ils trouvent un emploi, je pense que ça leur
permet de s'ouvrir dans leur nouvelle société, d'apprendre en
même temps le fonctionnement de la société
québécoise et puis la langue, ça vient très vite
parce qu'on a une tradition de - excusez-moi encore, je ne suis pas fier -
colonisé. D'accord? On a été colonisés pendant 100
ans par les Français et après, il y a eu les Américains.
Donc, les gens s'adaptent à n'importe quelle langue, je pense, pour
pouvoir trouver du travail. La génération ancienne, par exemple
la mienne, parle français parce qu'on a une éducation
française, mais la nouvelle génération,
c'est-à-dire la génération des années 1970-1980,
parle anglais parce que c'était la présence des
Américains. Donc, je pense que la langue n'est pas un problème.
Je pense que si, moi, même si ce n'est pas suffisant... Je pense que
c'est déjà pas mal pour pouvoir se chercher un travail. C'est au
fur et à mesure de leur intégration qu'ils vont apprendre
à mieux connaître la société
québécoise.
Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. M. le
député de Shefford, vous avez la parole.
M. Paré: Oui. Moi, aussi, je vous souhaite la bienvenue
à la commission et je vous félicite, dans votre mémoire,
d'avoir réussi en trois pages à si bien cerner la
globalité du débat. On a vu beaucoup de mémoires depuis
quelques jours et les choses sont rapportées souvent de façon
moins claire et moins résumée, si on veut, mais pour vouloir dire
la même chose. Je dois vous dire que je partage tout à fait votre
vision des choses et spécialement où on dit: "Le seul obstacle
à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en cette
matière, à notre humble avis, est un obstacle d'ordre politique.
Il faut que le Québec ait le pouvoir total dans le domaine de la
politique d'immigration."
Beaucoup d'autres l'ont dit de façon différente et,
souvent, en prenant plusieurs paragraphes. Vous, vous le dites d'une
façon très claire. Effectivement, c'est comme ça que
ça se réglerait. Encore ce matin, la Fédération des
caisses populaires et d'économie du Québec est venue dire la
même chose. Tant et aussi longtemps que ça va être partiel,
ça va être réglé partiellement et on va devoir
toujours régler à la pièce et continuer à vivre
avec le danger qui nous guette toujours. C'est dommage et vous le dites
tellement bien parce que c'est une question de développement social,
économique et culturel. Vous avez raison: tout est interrelié et
directement relié.
J'écoutais le maire de Montréal venir dire, hier,
exactement la même chose que ce que vous dites, et je trouve ça
amusant, la façon dont vous l'amenez. Le maire de Montréal a
amené hier ce qu'on appelle le double visage de Montréal, donc la
double attirance, le déchirement, le danger pour les
Québécois déjà en place et le déchirement
pour les nouveaux venus parce que ces gens-là embarquent malgré
eux dans un débat qui nous appartient et qui devient le leur. Nous
devrons nous brancher, et même la personne qui représentait la
Chambre de commerce du Québec métropolitain est venue dire: Tant
et aussi longtemps qu'on ne saura pas qui on est, ne demandons pas aux
immigrants qui arrivent de faire un choix pour ce qu'ils vont être. On
doit d'abord, nous, le savoir. Je trouve ça très bien. Vous le
dites d'une façon très claire, mais la façon
intéressante de l'amener, je trouve, c'est là où vous
amenez... Les autres mémoires nous disent: II faut trouver des moyens
d'amener la régionalisation des nouveaux Québécois.
Sur la deuxième page, vous nous donnez les dangers de la
non-régionalisation. Je pense qu'on n'a pas le choix que de le regarder
aussi avec cette lunette, en nous montrant les dangers qui se traduisent d'une
façon sociale et économique aussi parce que ça risque
d'avoir des coûts énormes. Vous nous prouvez que la
régionalisation, c'est possible, la preuve c'est que vous êtes de
Sherbrooke. Moi, la première question que je veux vous poser, c'est:
Vous avez décidé d'aller à Sherbrooke et, dans votre
mémoire, fin page 2, début de la page 3, vous dites qu'il faut
emmener des investisseurs en région et il faut emmener aussi des
nouveaux Québécois en région, mais, pour le nouveau
Québécois, quand on va dans une région plus totalement
québécoise - excusez l'expression, je voudrais être clair -
où on ne vit pas le même contexte que Montréal, le choc
culturel et le sentiment d'isolement, par contre, sont plus grands.
Est-ce que vous pensez que c'est briser la glace, que c'est les premiers
arrivants qui vont devoir faire un peu le défrichement, finalement, mais
qu'au fur et à mesure qu'il va y avoir des groupes qui vont s'être
implantés - je pense, à Sherbrooke, à
Trois-Rivières, à Québec, peu importe où - quand il
y aura déjà un premier groupe d'une communauté culturelle
qui se sera implanté, ce sera plus facile pour les nouveaux, non
seulement pour les attirer, mais pour leur permettre une intégration
plus facile?
M. Ngo: Oui, vous avez raison de poser cette question parce que
ça m'aide dans un sens. Notre association est très petite dans la
région du fait que le départ des nouveaux immigrants vers les
grandes villes au bout d'un certain temps... Donc, je vous dis: II faut que ce
soit... C'est comme un puzzle. Il faut que toutes les pièces soient
mises en place en même temps pour que ça devienne
réalisable, la régionalisation. Sinon, s'il manque une
pièce, ça ne marcherait pas. Et le choc culturel, comme vous avez
parlé, c'était bien plus évident encore parce que, du fait
que notre association est petite, on n'a pas les moyens... je n'ai pas les
moyens financiers ou les ressources humaines pour pouvoir aider ces
gens-là, parce qu'on parle leur langue. Ce qui fait qu'on se trouve dans
une situation de cul-de-sac. On veut les aider, mais on n'a pas les ressources
nécessaires. Ce qui fait que les nouveaux arrivants s'attendent à
notre aide, peut-être morale, mais cette aide, parfois, on n'arrive
même pas à la leur donner, si vous voulez. Donc, c'est un cercle
vicieux parce que, s'il y a un développement économique dans la
région, les gens vont rester bien plus nombreux et, de ce fait, la
communauté sera plus grande et plus solide. Dans ces cas-là, on
pourrait éventuellement offrir des services à ces
nouveaux-là.
M. Paré: Un des points et des sujets qui est majeur, par
rapport à ce que vous dites, pour faciliter l'intégration,
spécialement dans les régions comme ça où il n'y a
pas encore beaucoup de présence de nouveaux Québécois,
c'est le rôle, effectivement, des organismes non gouvernementaux. Et
ça, je le comprends parce qu'un organisme gouvernemental est vu comme un
service, d'abord pour toute la population, et surtout pour la population
déjà présente. Et, très
souvent, on voit ces organismes non pas comme une aide, mais en
exécution de quelque chose.
Je prends la Régie du logement, qui est un bon exemple. Si les
gens ont des problèmes de logement, ils ne seront pas comme
portés à aller là parce que c'est vu comme un tribunal
administratif. Donc, on remplit des formules et on fait des plaintes, alors
qu'on y va plutôt pour demander de l'aide, de l'accompagnement,
finalement, juste des conseils. Et ça, il y a les organismes. Moi, je
pense qu'à la commission on va certainement faire l'unanimité
là-dessus, sur l'importance de bien reconnaître et d'aider ces
groupes-là. Je dois dire, je pense, que c'est unanime, presque tous les
groupes qui sont passés, sans exception ou presque, ont
spécifié une aide importante, en tout cas, suffisante pour ces
groupes non gouvernementaux. Et la reconnaissance, ils l'ont tous
spécifiée sans exception. Mais, en plus, les gens demandent
à ce que les groupes soient consultés et soient impliqués
dans les démarches les concernant directement, y compris au niveau d'une
politique de reconnaissance et de financement. Ça, moi, je pense que
c'est important.
Quand on parle, par contre, de groupes non gouvernementaux, ça
veut dire que les nouveaux Québécois devront se retrouver dans
des organismes qui sont quand même des organismes d'accueil pour tous les
nouveaux Québécois, sauf s'il y avait une communauté
suffisamment importante qui s'implante et qui commence à se donner des
activités culturelles et en plus autonomes. Mais, dans votre tête,
un organisme, c'est un organisme par grande ville ou par région, sauf
Montréal, évidemment? C'est dans ce sens-là que vous le
voyez? (16 heures)
M. Ngo: Oui, c'est ça. Quand je parle des organismes non
gouvernementaux, je parle, par exemple, du centre, à Sherbrooke. C'est
un organisme dont j'apprécie beaucoup les services. Depuis deux ans, je
travaille assez étroitement avec tous les membres du centre. Donc, je
peux apprécier les efforts et le travail qu'ils ont faits pour les
nouveaux arrivants. Ici, je parle pour toutes les communautés
culturelles et pas seulement pour les Vietnamiens, si vous voulez. C'est dans
ce but-là, c'est dans cette idée-là que je parle qu'il
faut aider mieux les organismes non gouvernementaux parce que les organismes
gouvernementaux...
Il faut aussi comprendre la mentalité des nouveaux arrivants. Le
gouvernement d'où il s'enfuient représente un gouvernement
d'oppression, si vous voulez. Donc, ils ne se sont pas encore défaits de
cette idée-là dans leur tête, ce qui fait qu'ils vont
hésiter à s'adresser à l'autorité gouvernementale
parce que, pour eux, c'est l'autorité. Peut-être que ça a
une connotation d'oppression même, si vous voulez. C'est pour ça
qu'il vaut mieux développer les organismes non gouvernementaux, du fait
qu'ils ne représentent pas une autorité gouvernementale. En plus,
ils ont des bénévoles qui font leur travail parce qu'ils aiment
leur travail. C'est dans ce sens que je...
M. Paré: Oui. Eh bien, en concluant, je dois vous dire que
je trouve important, comme je le disais tantôt, la vision que vous nous
apportez par rapport à la nécessité qu'on a, comme
société, de régionaliser, non plus comme un voeu, mais
comme un devoir qu'on a, finalement, si on veut préserver ce qu'on est
comme société. Je trouve ça important. Et je conclus sur
le dernier point sur lequel vous avez insisté passablement. De toute
façon, on ne peut pas faire autrement que de conclure que c'est comme
ça que ça doit se passer. Le point majeur et important, ce sera
toujours l'emploi. On va réussir à avoir des
néo-Québécois à Sherbrooke comme dans n'importe
quelle autre région, en autant qu'on sera capable de leur permettre
d'avoir ce qui est essentiel pour leur autonomie, c'est-à-dire un
emploi, donc, l'accessibilité à l'emploi et à un emploi de
qualité. C'est la même chose pour tous les
Québécois. Mais c'est évident que si on veut que des
nouveaux Québécois choisissent d'aller quelque part, en autant
qu'ils puissent en vivre... Et, là-dessus, je suis tout à fait
d'accord avec ce que vous avez défendu tantôt. On ne pourra pas
faire autrement que d'avoir une obsession qui est l'emploi pour tout le monde
et, avec ça, on permettra aux gens de choisir où ils vont
travailler.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford, pour ces mots très édifiants.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais également vous
remercier et vous dire que, justement, en région, nous aurons besoin de
collaboration pour pouvoir mettre sur pied différents programmes, que ce
soit au niveau de l'accueil... On sait qu'il y a déjà des
organismes qui oeuvrent dans ce sens-là. Il s'agit tout simplement de
leur donner les moyens nécessaires pour les renforcer et aussi
travailler avec les gens qui sont déjà sur place. Mais que ce
soit au niveau de l'accueil, que ce soit au niveau de la francisation ou que ce
soit au niveau de l'emploi, je pense que nous avons quand même aussi des
expériences à faire, à effectuer en région. Et vous
pouvez compter sur mon entière collaboration. Alors, je vous remercie
beaucoup pour la présentation de ce mémoire et je vous souhaite
un bon voyage de retour. Nous nous verrons sûrement dans la
région.
Le Président (M. Gobé): Donc, merci beaucoup.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gobé): Moi aussi, au nom des
membres de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de
retour dans votre région de Sherbrooke.
J'appellerai maintenant les intervenants suivants, le Service d'aide aux
Néo-Canadiens de Sherbrooke. Veuillez vous avancer, s'il vous
plaît, et prendre place autour de cette table.
Alors, si je comprends bien, vous êtes Mme Nicole Robitaille, Mme
Marie-Louise Jovian et Mme Hélène Jacob. Est-ce exact?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à
cette commission. Et sans plus attendre, car le temps coule, je vous demanderai
de bien vouloir commencer votre exposé. Vous avez, pour ce faire, dix
minutes.
Une voix: Ils ont une heure.
Le Président (M. Gobé): Ils ont une heure?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): Ah! Je m'excuse. Oui, oui.
À cause du décalage avec l'autre groupe, j'ai
mélangé les horaires. En effet, alors, vous avez 20 minutes. Mais
vous pouvez le faire en 10 minutes aussi, vous savez.
Une voix: Ah bon!
Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas
obligatoire.
Service d'aide aux Néo-Canadiens
Mme Robitailie (Nicole): Mme Nicole Robitaille, présidente
du Service d'aide aux Néo-Canadiens.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, mesdames, messieurs, le Service d'aide aux
Néo-Canadiens tient à remercier le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration d'avoir été
consulté et de pouvoir être entendu. Je laisse la parole.
Mme Jovian (Marie-Louise): Marie-Louise Jovian, administratrice
au Service d'aide aux Néo-Canadiens. Fondé en 1954, le Service
d'aide aux Néo-Canadiens est un organisme sans but lucratif dont les
objectifs sont l'accueil, l'établissement, l'adaptation des immigrants
ainsi que leur rapprochement avec la population de l'Es-trie. Pour les
atteindre, il peut compter sur le dévouement de 300
bénévoles, dont des interprètes qui secondent son
personnel permanent composé de six permanents, deux temporaires et
quatre stagiaires.
Agents d'accueil, interprètes et bénévoles prennent
en charge les réfugiés dès leur descente d'autobus. Ils
les conduisent à l'hôtel, au restaurant et leur montrent comment
utiliser le matériel de la chambre d'hôtel. Viennent ensuite les
démarches utiles à leur établissement. Les mêmes
personnes vont faire en sorte qu'ils aient tout ce qui est nécessaire
pour fonctionner, ce qui se traduit par la fourniture de vêtements, de
meubles, la recherche d'un logement, l'achat de la première
épicerie, les inscriptions diverses, soit: assurance-maladie,
allocations familiales, école, garderie, etc.
Afin qu'ils puissent vivre de façon autonome dans notre
système, le comité d'adaptation diffuse toute l'information
nécessaire sur autobus, bail, entretien du logement, contraintes
climatiques, gestion des allocations, changement d'adresse, organismes de
services, etc. De plus, leur sont offerts des services d'accueil, de
références, d'interprétation et de traduction,
d'accompagnement et de consultation.
Le rapprochement entre immigrants et Québécois se fait par
le truchement de témoignages dans les médias, dans les
écoles, d'activités sociales variées et du jumelage d'un
nouvel arrivant à trois Québécois pendant un an. Le Buffet
des nations est, depuis 20 ans, un événement de rapprochement
unique au Canada. Environ 500 Québécois et 500 immigrants y
marient leurs différences et leurs ressemblances dans une
atmosphère de fraternité. Si le Service d'aide aux
Néo-Canadiens joue depuis plus de 35 ans un rôle
déterminant dans l'amélioration de la situation des nouveaux
arrivants en Estrie, c'est parce qu'il peut compter sur des gens au
dévouement inlassable, qu'ils soient bénévoles,
interprètes ou employés.
Mme Robitaille: Je présenterai en second lieu le point de
vue du Service d'aide aux Néo-Canadiens en rapport avec
l'énoncé de politique. Attendu depuis longtemps,
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration nous paraît excellent dans son ensemble.
Réaliste, ambitieux, mais pourtant équilibré, il met en
cause toutes les composantes de l'immigration. À ces propositions, nous
désirons en ajouter quant à la sélection,
l'intégration et l'emploi. Nous souhaitons que notre réflexion,
basée sur les problèmes liés à notre région,
soit prise en considération lors du choix final de la politique en
matière d'immigration et d'intégration.
La sélection. De plus en plus, les immigrants seront
sélectionnés dans les populations francophones. Il faudrait
prévoir, dès maintenant, des formes et des moyens
d'intégration en fonction des cultures qui leur sont propres. Il serait
souhaitable que la répartition des immigrants dans l'ensemble du
Québec se reflète dans notre région et, plus
spécialement, en ce qui concerne la catégorie des
indépendants. Visant une intégration rapide et réussie des
familles, nous suggérons de réduire les délais de
réunrfi-
cation.
Pour la catégorie réfugiés, nous devrions faciliter
la venue du conjoint et des enfants qui sont à l'étranger. En ce
sens, nous proposons que le conjoint au Québec n'ait pas à se
porter garant des siens et que le gouvernement parraine sa famille au
même titre que celles sélectionnées à
l'étranger.
Une intervention auprès du gouvernement fédéral
pour accélérer les réponses aux demandes de revendicateurs
du statut de réfugié seraient pertinentes, sinon urgentes. Tenir
compte aussi des engagements des requérants réduirait leur
angoisse et leur témoignerait de plus d'humanité. Le nombre des
immigrants devrait être calculé en fonction des besoins, des
capacités d'accueil et d'emploi.
Sujet de l'intégration. Il semble urgent que les COR
développent des programmes spécifiques à l'immigration
francophone. Réduire au minimum les délais d'inscription dans les
COFI, offrir des activités de perfectionnement du français
à tous les immigrants, sans distinction de date d'arrivée, de
catégorie, de sexe, de minorité visible, auraient pour avantage
de ne pas marginaliser et de mieux préparer au marché du travail,
en plus de viser une adaptation rapide et réussie.
Afin de prévenir les problèmes engendrés par un
trop grand nombre d'élèves dans les classes d'accueil, il serait
opportun de respecter les normes déterminées et de donner aux
classes d'accueil du personnel formé en fonction d'une
société pluraliste et du matériel adapté à
cette réalité. À prévoir, entre autres, des
activités de perfectionnement pour les professeurs des classes
d'accueil.
Mme Jovian: Maintenant, nous présentons quelques
suggestions pour une participation efficace. Informer les
réfugiés sélectionnés à l'étranger
sur leur destination au Québec, et avant leur départ. Leur
accorder une nuit de repos à Montréal, lorsqu'ils arrivent en
après-midi ou en soirée, après un long voyage, 15 heures,
parfois plus de 24 heures. Maintenir le service de traduction de diplôme;
écourter les délais pour établir les équivalences;
organiser, dès la fin du COFI, des clubs de placement répondant
aux besoins de la clientèle régionale et débouchant sur de
l'emploi.
Favoriser la collaboration entre les services en recherche d'emplois
existants et les organismes qui connaissent bien la clientèle.
Constituer une banque d'emplois et une banque de candidats immigrants
compétents et assurer la liaison entre employeurs et clientèle
immigrante. Solliciter les personnes à la retraite, les former pour
oeuvrer dans les nouveaux réseaux de bénévoles et
prévoir les budgets à cet effet. Accroître le soutien aux
communautés culturelles pour réaliser des activités
propres à leur culture qu'elles partageraient avec la
société québé- coise.
Reconnaître la compétence des immigrants au moyen de stages
offerts en collaboration avec les gens d'affaires. Sensibiliser ceux-ci
à l'apport des immigrants tant par leur compétence que par leur
expérience. Sensibiliser les propriétaires à la
réalité pluraliste du Québec. Tenir compte de
l'expérience des intervenants du milieu dans l'élaboration et
l'application des programmes qui touchent les immigrants. Et, quant aux
relations intercommunautaires, nous suggérons que, pour contribuer
à des relations intercommunautaires harmonieuses, l'information
diffusée par les médias devrait refléter une
société devenue pluraliste.
Des moyens attirants, affiches et bandes dessinées entre autres,
seraient de bons outils pour faire connaître la culture des ethnies. La
déclaration sur les relations interethniques et interraciales, si elle
était largement diffusée, en serait un aussi. D'autre part, un
rôle d'agent de liaison entre les représentants municipaux et les
organismes d'intégration pourrait être dévolu au bureau
régional du ministère.
Mme Robitaille: Nous allons terminer par les niveaux
d'immigration pour les années 1992 à 1994. Le succès de la
régionalisation nous semble dépendre directement de l'emploi. La
venue de plus d'investisseurs dans notre région créerait sans
doute de l'emploi pour une main-d'oeuvre immigrante déjà
formée, expérimentée, ne demandant qu'à travailler.
Facteur de stabilité, le travail les fixerait en région. Les
familles jeunes avec enfants s'adaptent plus facilement, plus rapidement. Il
serait sans doute avantageux d'en recevoir en plus grand nombre. On remarque
aussi que les gens ont tendance à demeurer dans les milieux où la
communauté culturelle à laquelle ils peuvent s'identifier est
déjà existante.
Pour les réfugiés. Face aux événements, aux
bouleversements, aux changements rapides qui surviennent partout dans le monde,
nous ne pouvons rester indifférents à la misère de ceux et
celles qui doivent fuir, ni à ceux qui ont fui il y a déjà
plusieurs années. Or, notre population, en général, est
loin de connaître la réalité des camps de
réfugiés. Il serait urgent qu'une grande campagne de
sensibilisation soit entreprise au cours de laquelle tout le
phénomène de cette migration serait démystifié.
Dans notre région, une excellente structure est non seulement en
place, mais nos intervenants, professionnels ou bénévoles, ont
développé une expérience pertinente dans l'accueil des
réfugiés. Ceux-ci représentaient environ 75 % des nouveaux
arrivants ces dernières années. Pour les inciter à rester
en région, il conviendrait de préparer à tout point de vue
le milieu à leur venue.
Autres considérations. Étant donné que nous
disposons des structures et des ressources
humaines nécessaires à un bon accueil, nous croyons qu'il
serait justifié d'augmenter le pourcentage d'immigrants en
région, tout en tenant compte des limites et des carences. Limites, soit
celles du financement; carences, celles occasionnées par une
méconnaissance du marché du travail, le manque d'emploi dans bon
nombre de secteurs, ainsi qu'un vide dans les services d'interprètes. En
créant une banque d'interprètes rémunérés,
nous répondrions à un besoin de plus en plus manifeste. En
augmentant le nombre total d'immigrants à venir dans notre région
et en gardant le même pourcentage de réfugiés, nous
augmenterions le nombre d'indépendants et dans l'économie de
notre région. (16 h 15)
Pour une meilleure utilisation des ressources d'accueil existantes, il
conviendrait de prévoir les budgets nécessaires sur une
période de trois ans, tout comme dans les cas des niveaux d'immigration.
Prévoir les budgets en fonction des prévisions d'accueil
assurerait la continuité des services et permettrait une planification
à plus long terme. Les organismes d'accueil pourraient ainsi garder un
personnel hautement qualifié dans le domaine interculturel. Toute la
communauté régionale estrienne y gagnerait. Le but poursuivi par
le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
aurait ainsi plus de chance d'être atteint, soit une intégration
harmonieuse. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie,
madame. Et maintenant, je passerai la parole à Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Aussi, c'est
avec beaucoup de plaisir que nous accueillons un autre groupe de la
région de Sherbrooke, un groupe qui a fait ses preuves depuis 1954, je
pense. Tout à l'heure, vous parliez à juste titre du Buffet des
nations, qui est un événement très reconnu et très
recherché. D'ailleurs, l'année dernière, j'avais eu
l'occasion d'y inviter tous mes sous-ministres pour les sensibiliser à
cet événement que vous faites chaque année, qui est un
événement de rapprochement, finalement, entre la
société d'accueil et aussi les Québécois des
communautés culturelles.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. Aux
pages 16 et 17, entre autres, vous suggérez de soutenir
financièrement et techniquement la formation de réseaux de
bénévoles pour favoriser l'intégration des nouveaux
arrivants. Je sais que vous avez fait une expérience, entre autres, au
niveau du jumelage, du programme de jumelage entre Québécois et
immigrants. Est-ce que c'est avancé? Est-ce que vous pouvez m'en parler
un peu? Est-ce que vous pouvez à ce moment-ci en faire une
évaluation, par exemple?
Mme Robitaille: J'aimerais, pour la période de questions
et réponses, vous présenter Hélène Jacob,
directrice du Service d'aide aux Néo-Canadiens, qui va répondre
aussi. Alors, peut-être...
Mme Jacob (Hélène): Le programme jumelage existe
depuis un an maintenant. Cette année, on a fait 30 jumelages entre
Québécois et immigrants. Un jumelage est une cellule immigrante,
c'est-à-dire famille ou individu jumelé avec trois cellules
québécoises, individus ou familles. C'est un programme qui
connaît beaucoup de succès. La preuve, c'est qu'on a une liste
d'attente chez les Québécois en ce moment. Et les personnes
immigrantes sont aussi très stimulées à être
jumelées. On a aussi des demandes, mais il y a des normes qui sont... On
jumelle les nouveaux arrivants. C'est un programme qu'on reconduit l'an
prochain. On a fait une évaluation récemment. On se rend compte
que les gens jumelés, entre autres, ont plus d'intérêt
à apprendre la langue parce que, quand ils l'apprennent, ils peuvent
échanger justement avec des Québécois d'origine ou des
Québécois qui sont ici, aussi de communautés culturelles,
mais qui sont ici depuis plusieurs années. On se rend compte qu'ils
facilitent l'adaptation des nouveaux arrivants, en ce sens qu'ils vont
répondre à des questions de toutes sortes chez les personnes qui
sont jumelées.
Aussi, en ce qui concerne l'emploi, souvent les gens ont des questions.
On ne sait pas trop comment s'y prendre, comment faire. Les gens qui sont
jumelés peuvent répondre à ces questions-là,
même les présenter à des gens qui, éventuellement,
pourraient les engager. Alors, c'est tout un réseau que les gens ont
quand ils sont jumelés.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que, par exemple, vous constatez,
après une brève expérience quand même... Un an,
ça ne vous donne peut-être pas suffisamment le profil,
l'éventail. Est-ce que vous croyez que le taux de rétention est
meilleur? Et croyez-vous aussi que, lorsqu'on peut jumeler ces personnes quant
à la recherche d'emploi, c'est un réseau qui vous a donné
des résultats, par exemple, au niveau de l'emploi?
Mme Jacob: C'est un réseau qui est quand même jeune.
Je dirais qu'au niveau de l'emploi, actuellement, je pense qu'on peut
créer des contacts, mais ce n'est pas suffisant. Je pense que, d'une
part, pour l'emploi, il faut que les gens soient informés justement des
méthodes qu'on utilise pour faire de la recherche d'emploi et, d'autre
part, que les employeurs soient informés et sensibilisés à
la présence de gens qui peuvent être compétents et
très bien pour certains emplois. Il y avait cet aspect-là et il y
avait l'autre aspect qui était...
Mme Gagnon-Tremblay: Qui était le taux de
rétention.
Mme Jacob: ...le taux de rétention.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous croyez que le taux de
rétention est meilleur?
Mme Jacob: C'est un peu jeune pour dire qu'on réussit
à retenir les gens avec le programme jumelage. On a même connu des
départs de personnes jumelées. Alors, on ne peut pas voir des
effets sur le taux de rétention à l'heure actuelle.
Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous parliez d'une...
C'est-à-dire je vais continuer avec la même question pour revenir
tout à l'heure à la répartition des immigrants. Est-ce
qu'il y a une raison quelconque pour laquelle, dans votre proposition, vous
privilégiez la clientèle cible des retraités dans ce
programme?
Mme Jovian: On avait pensé à la clientèle
des retraités parce qu'on a remarqué que, justement, c'est une
clientèle qui est de plus en plus jeune, les gens prenant leur retraite
de plus en plus tôt, et que ce sont des gens qui sont souvent actifs, qui
cherchent quelque chose à faire et qu'on pouvait très bien
utiliser ces gens-là, à condition de leur donner l'information
suffisante. Moi, j'en côtoie beaucoup à l'université et je
m'aperçois que c'est des gens qui sont souvent impliqués dans du
bénévolat. Alors, pourquoi pas les amener auprès de nos
immigrants? C'est comme ça que l'idée a surgi.
Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Croyez-vous aussi qu'en
région... On se rend compte que, lorsqu'on a un noyau suffisant d'une
même communauté, c'est peut-être plus facile d'offrir des
services. Peut-être que cette clientèle se sent plus à
l'aise parmi les siens. Croyez-vous que dans des régions, par exemple,
comme celle de Sherbrooke, on aurait avantage surtout lorsque... Parce qu'on ne
peut pas non plus forcer quelqu'un à aller demeurer en région.
Mais, lorsque, par exemple, on sélectionne les réfugiés,
est-ce qu'on aurait avantage à essayer de choisir une clientèle
qui est un peu homogène, pour permettre peut-être cette
fraternité entre eux?
Mme Jacob: On remarque que des gens qui trouvent une cellule, des
gens de leur ethnie, ont tendance à demeurer davantage. Entre autres, je
pense aux Latino-Américains où il y a quand même beaucoup
de représentants en région et les gens ont tendance à
rester. Moi, je dirais que c'est un facteur. C'est vrai. Quand on reçoit
une ou deux personnes d'une communauté qui n'est pas présente
à Sherbrooke, les gens ont tendance à quitter pour aller vers
leur communauté.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé aussi des
équivalences, les équivalences de diplôme et des
délais aussi. Je pense que vous avez tout à fait raison. Il y a
des délais qui sont inadmissibles, mais je me suis rendu compte
récomment aussi qu'on accordait chez nous des équivalences de
diplôme à peu près à tout le monde. On faisait le
travail des universités et souvent aussi des cégeps et on
accordait des équivalences de diplôme à des
Québécois d'origine, à mon grand étonnement.
Là, on a réduit un petit peu notre clientèle et on a
"priorisé", finalement, la clientèle qui a le plus besoin
d'équivalences. Mais je me suis laissé dire aussi que, souvent,
on en demande davantage parce que, vous savez, les équivalences, ce
n'est pas toujours facile non plus. Le délai peut être source
parfois aussi de manque de documents, de documents, d'information qu'il faut
aller chercher dans le pays d'origine et aussi de traduction, parce qu'il faut
aussi qu'il y ait des documents qui soient traduits. Souvent, quand on veut
s'embaucher, on me dit parfois que l'employeur n'en demande pas tant. Est-ce
qu'on a pu faire, à un moment donné, l'expérience à
savoir ce qui est vraiment nécessaire, parce que je suis en train de me
demander moi-même si, lorsqu'on fait les équivalences de
diplôme, on n'en exige pas ou on n'en fait pas trop?
Mme Jovian: Les corporations le demandent.
Mme Gagnon-Tremblay: Les corporations professionnelles?
Mme Jovian: Oui, c'est ça. Elles le demandent et demandent
une équivalence et une traduction certifiée. C'est là
qu'est le problème.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce qu'il y aurait moyen, à
un moment donné, de regarder ce qui est absolument essentiel et de voir
comment on pourrait, par exemple, donner satisfaction, mais peut-être...
Il y a peut-être des choses qu'on n'aurait pas besoin d'exiger.
Mme Jovian: II faudrait peut-être voir avec les
corporations professionnelles comme l'Ordre des ingénieurs, des
infirmières, etc., parce que c'est surtout là que les
problèmes surgissent.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Jacob: On demande les équivalences aussi pour
s'inscrire à des cours de français après la période
COFI.
Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon, d'accord.
Mme Jacob: Alors, tant que les gens n'ont pas ça en main,
c'est difficile de pénétrer l'éducation des adultes, entre
autres, les commis-
sions scolaires. C'est aussi dans un temps où le taux de
chômage est plus élevé actuellement; c'est un temps
où les employeurs ont plus de choix. Alors, à ce
moment-là, c'est sûr qu'un dossier complet, c'est plus facile.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous
réitérez aussi l'importance de favoriser une meilleure
accessibilité et une meilleure adaptation des services d'apprentissage
du français pour les nouveaux arrivants. On sait qu'avec l'entente qui a
été signée récemment, ça va nous donner une
meilleure marge de manoeuvre pour pouvoir unifier nos programmes de
francisation, aussi les diversifier dans certains cas. En région, quels
sont les principaux obstacles qui empêchent encore une partie de la
clientèle de s'inscrire à des cours d'apprentissage du
français, que ce soit, par exemple, pour les gens qui se destinent au
marché du travail, que ce soit, par exemple, pour les femmes à la
maison ou que ce soit pour les différentes clientèles? Qu'est-ce
que vous identifiez comme obstacles encore? Est-ce que vous avez pensé
aussi à différents programmes qui pourraient être
donnés, des programmes plus souples, plus flexibles, par exemple? Est-ce
que vous avez des idées à ce niveau-là?
Mme Jovian: Les premiers obstacles, c'est que quand l'immigrant
n'est pas réfugié, n'a pas droit vraiment au COFI et à ses
allocations, donc, il peut entrer dans le cours de français seulement
s'il reste de la place. Si, par exemple, une famille a fait venir quelqu'un de
sa parenté, peut-être sa mère, et cette personne-là
a droit au cours de français seulement s'il reste de la place. Moi, je
connais des cas où d'année en année il n'y a jamais de
place pour certaines personnes.
D'autre part, on pensait que s'il y avait des cours organisés
avec les commissions scolaires et que ces cours de français soient
accessibles à toutes les catégories d'immigrants qui veulent
perfectionner le français, qu'ils soient là depuis un mois,
qu'ils soient là depuis cinq ans, que ça leur soit accessible et
que ce ne soit pas compartimenté, c'est-à-dire des cours pour les
femmes, des cours pour les handicapés, des cours pour les
minorités visibles, mais que tout le monde le fasse en même
temps... Si on veut une intégration, je pense qu'il ne faut pas
séparer les gens. Il ne faut pas faire de clivage.
Il faut que les gens se sentent à l'aise et qu'ils ne se sentent
pas dans une catégorie qui leur donne un certain sentiment
d'infériorité. Donc, c'était d'ouvrir ces cours-là
qui seraient des cours du soir, probablement, de façon à ce que,
si les gens sont sur le marché du travail, ils puissent en faire
bénéficier autant le père que la mère. Donc, les
mêmes cours pourraient se répéter un soir sur deux, par
exemple. Mais il faudrait que ce soit avec le concours des commissions
scolaires.
Mme Gagnon-Tremblay: II faut dire qu'auparavant, entre autres, le
programme PNFE, le programme qui était géré par le
Québec, mais subventionné par le gouvernement
fédéral, permettait l'apprentissage du français seulement
aux gens qui se destinaient au marché du travail. Et encore, à ce
moment-là, les personnes qui parlaient anglais n'étaient pas
éligibles. Alors ça, je pense qu'on va pouvoir corriger
maintenant. Nous avons la maîtrise d'oeuvre. Ça va nous permettre
de corriger.
Mais je discutais justement encore la semaine dernière avec ta
commission scolaire catholique de Sherbrooke justement, concernant les classes
d'accueil, et je me demandais, et je sais qu'il y a une certaine
expérience qui a été... Il y a un programme qui a
été expérimenté pour permettre, par exemple,
à la mère d'assister, d'apprendre le français au
même moment où son enfant va à l'école, prend aussi
des cours, soit au niveau de la classe d'accueil. Et nous avons même
signé au ministère des ententes avec différentes
commissions scolaires sur 111e de Montréal, entre autres.
Mais croyez-vous que ce serait possible - parce que je sais que Mme
Robitaille est dans le milieu scolaire, entre autres - qu'au niveau des classes
d'accueil... C'est peut-être plus difficile dans la région de
Montréal, mais est-ce que ça peut être
expérimenté, par exemple, dans la région de Sherbrooke,
avec la collaboration des commissions scolaires, de voir à ce que
peut-être... Quand on parle de classes d'accueil, c'est des gens qui
arrivent nécessairement et qui n'ont souvent aucune connaissance de la
langue, et on peut retrouver dans une même classe d'accueil
différentes ethnies parlant différentes langues. Est-ce que ce
serait, à ce moment-là, souhaitable que l'on puisse permettre,
à titre d'observateurs, les parents, par exemple? Est-ce que ça
pourrait déranger ces classes d'accueil? Est-ce que c'est faisable, par
exemple, de permettre aux parents d'assister, je ne sais pas, au cours des
premiers mois, trois, quatre mois, cinq, six premiers mois, de permettre
à ces parents de venir à l'école avec leurs enfants et
à titre d'observateurs? Croyez-vous que ça pourrait être
possible, Mme Robitaille?
Mme Robitaille: Je sais que l'expérience.. Bon, vous avez
mentionné que c'est vécu peut-être à
Montréal, parce que les choses se font déjà, donc,
peut-être plus rapidement étant donné le pourcentage
d'immigrants. Moi, je le verrais d'une façon très positive. C'est
sûr que dans le domaine scolaire, face aux enseignants, face à une
école, c'est toute une nouvelle dynamique qu'il faudrait mettre en
place. Mais je pense qu'un nouvel arrivant, si on veut lui permettre une
meilleure intégration, ce serait peut-être une façon,
justement. Très souvent on va dire: On ne parle pas des femmes. Les
femmes restent à la maison, etc. Je me dis: Si c'est
possible en collaboration avec le milieu scolaire, je pense que ce
serait une acquisition pour elles de vivre nécessairement dans le milieu
scolaire et de voir aussi comment vit le milieu scolarisé. (16 h 30)
Parce que très souvent il y a des problèmes qui naissent
justement... Quand les enfants vont à l'école et qu'ils
reviennent à la maison, la vie québécoise, les enfants,
ils apprennent vite ça. Ils s'habituent très vite, tandis que les
parents ont souvent vécu dans un système scolaire très
différent ou même pas des fois, parce qu'ils arrivent de camps
où les parents sont analphabètes. À ce moment-là,
je me dis: Ce serait peut-être une solution. Comme dans des maternelles,
jadis - je ne le sais pas encore - il y avait les fameux miroirs où on
pouvait regarder de l'extérieur et les enfants ne nous voyaient pas.
Pour ne pas troubler les enfants, c'est peut-être aussi une solution
possible. Mais je me dis que si on veut de plus en plus faire participer les
parents - et c'est un autre problème - à l'école... C'est
une difficulté qu'on rencontre, lors de remise de bulletin ou quoi que
ce soit. Les parents ne participent pas, justement, à la vie de
l'école. On parle de les intégrer. Je pense aux comités de
parents, entre autres; on ne les retrouve pas souvent non plus. Alors, si on
les habitue dès leur arrivée à une certaine participation
- je ne sais pas - on les amène de temps à autre, je pense que ce
serait une solution qui serait nécessairement bénéfique
à long terme.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je dois vous dire que j'ai senti une
grande ouverture de collaboration de la part des commissions scolaires, et
soyez assurés que je vais essayer de l'exploiter. Cependant, je me dis:
Croyez-vous qu'on pourrait avoir des obstacles de la part de la partie
syndicale aussi? Parce que, ce matin, on a parlé des questions des
conventions collectives et des syndicats. J'ai dit à plusieurs reprises
aussi qu'il va falloir que nos syndicats soient sensibilisés à
tous ces obstacles. On va devoir aussi les interpeler davantage et ils vont
devoir nous aider dans ce grand défi, parce que ce n'est pas toujours
à coups d'argent, à coups de signe de dollars, mais aussi parce
qu'il y a quand même des limites, à un moment donné.
L'État, c'est vous, c'est nous, c'est moi, c'est tout le monde. Il va
falloir être sensibilisé à ça. Est-ce que vous
croyez qu'on peut réussir à faire tomber ce mur et à
obtenir la collaboration également de nos syndicats pour ouvrir - je ne
sais pas, moi - penser à des programmes novateurs?
Mme Robitaille: Étant aussi représentante
syndicale, vous vivez...
Des voix: Ha,ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Je l'ignorais cependant, Mme Robitaille.
Mme Robitaille: C'est sûr et certain que de plus en plus...
En tout cas, je regarde pour l'Estrie, siégeant au conseil
d'administration du syndicat de l'enseignement de l'Estrie. C'est sûr que
je n'enseigne pas dans une école où il y a des classes d'accueil
parce que les classes d'accueil sont situées à Sherbrooke. M y a
deux écoles d'accueil au primaire et une au secondaire. C'est bien
sûr que, chaque fois que j'ai l'occasion d'amener la cause immigrante, je
l'amène. Je pense que, dans le futur... Je pense que les enseignants,
actuellement - si on regarde pour Montréal - font beaucoup de choses
parce qu'ils ont... Je m'excuse, mais ils ont peut-être les
problèmes que nous, on n'a pas encore. Peut-être que nous, on ne
veut pas avoir les problèmes qu'ils ont à Montréal,
justement, parce qu'on corrige à un moment donné quand le
problème est là. Je pense qu'il y a une ouverture qui se fait de
plus en plus au niveau de l'inter-culturel.
Je regarde, depuis trois ans, le ministère de l'Éducation
du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et l'ACDI ont
un projet interculturel où participent des enseignants principalement de
Montréal, mais du Québec aussi, et c'est cette vision-là
qui est véhiculée. De plus en plus, à un moment
donné, qu'il y ait des projets dans les écoles, les enseignants
sont là, on le vit tous les jours, on est nécessairement ceux qui
ont les enfants avec eux à longueur de jour. Je pense qu'il y a une
ouverture qui se fait. Là où il y a peut-être un
problème - on ne l'a peut-être pas mentionné ou
peut-être un petit peu - c'est que les nouveaux enseignants qui sont
formés.... Parce que là notre clientèle enseignante, elle
commence à vieillir, comme à peu près la
Sûreté du Québec qui est vieillissante. La moyenne
d'âge est assez élevée. Ceux qui entrent dans le
système, actuellement, n'ont aucune préparation universitaire. Si
je regarde, à Sherbrooke, en formation des maîtres, ils ont deux
crédits optionnels en interculturel. Alors, si on leur demande de
privilégier peut-être une approche différente, ils vont
l'apprendre sur le tas - excusez l'expression - sauf qu'il faudrait
peut-être, à un niveau autre aussi, préparer ces jeunes
enseignants à une vision qui est différente et peut-être
à bâtir des projets. Et dans nos commissions scolaires, la partie
syndicale a une chose à faire, mais la partie patronale a des choses
à faire aussi sur ce côté-là. Il y a peut-être
des ouvertures d'esprit, sauf qu'il faut que ça se fasse aussi, je
pense. Et je me dis qu'il y a des possibilités, sauf que, de part et
d'autre, il faudrait peut-être s'attabler, ce qu'on ne fait pas souvent.
S'attabler, je veux dire... On s'attable, sauf si on négocie, lorsqu'on
est en négociation; à part de ça, on ne se rencontre pas
souvent. Je pense qu'il y aurait lieu peut-être de prévoir des
tables, à un moment donné, où on pourrait se
rencontrer, les commissions scolaires, sur des projets précis. Et je
pense que les enseignants, de plus en plus, ont une vision du Québec qui
est beaucoup plus pluraliste. Je pense qu'on est de ceux qui forment la
société de demain. Alors, je pense qu'on a tout en nos mains pour
faire des choses. Il faut donner les moyens aussi, et pas nécessairement
des moyens qui sont très très coûteux, non plus.
Mme Gagnon-Tremblay: Et si la région de l'Estrie
était un modèle dans ce sens-là?
Mme Robitaille: Moi, je serais sûrement une première
partisane parce que, pour moi, c'est très important. Je pense que -
même si je me répète - c'est une vision du Québec,
en tout cas, qu'on veut privilégier, je pense. Quand on parle de
régionalisation, lorsqu'on parle de Montréal... Moi, l'avoir
vécu... C'est une expérience très personnelle. Quand je
suis arrivée au projet de l'ACDI du ministère de
l'Éducation, on m'a dit: Tu viens de la province. J'ai été
choquée. Et j'ai dit: Bon, bien, c'est vrai, les gens de
Montréal, peut-être, ils ont une vision du Québec et, pour
moi, le Québec de demain, c'est peut-être le Québec qui est
ouvert pour tout le monde et qui n'est pas.... L'autoroute 10 des Cantons de
l'Est ça se fait vite aller à Montréal, mais il y a
peut-être beaucoup de monde qui ne font pas Montréal-Sherbrooke,
et je me dis, bon, je pense que c'est tout un devenir du Québec qui est
train de se faire actuellement.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
vais maintenant passer la parole à M. le député de
Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour,
je vous souhaite la bienvenue. Je trouve très intéressante la
discussion qui est commencée. Sur l'ensemble de votre mémoire, je
dois dire qu'il est très complet et qu'il touche à peu
près toutes les facettes qui peuvent toucher l'intégration des
nouveaux Québécois.
Je vais commencer tout de suite là-dessus, parce que
j'écoutais la dernière conversation, et je vais commencer par la
fin de l'échange que vous avez eu avec Mme la ministre, pour vous dire
que, effectivement, il en a été question dans bien d'autres
mémoires. L'école, c'est très important. C'est important
pour chaque citoyen, chaque citoyenne, finalement. Parce qu'on forme des
citoyens et on prépare des gens à faire face à la vie.
Donc, qu'ils soient Québécois de souche ou qu'ils soient nouveaux
Québécois, c'est important, mais c'est un lieu important
d'intégration.
Moi, je dois dire, pour en avoir rencontré, j'ai beaucoup
d'admiration pour les enseignants qui se retrouvent dans des classes ou dans
des écoles avec un grand pourcentage de nouveaux
Québécois. Pas parce que c'est plus dur, que ça prend des
gens qui sont plus héroïques, c'est que ces gens-là ont
maintenant à innover une société qui se transforme. La
preuve, c'est que nous, on est en train d'en discuter et eux, ils le vivent
déjà depuis des mois et des années, l'espèce de
choc d'intégration par rapport aux nouveaux qui arrivent et à
ceux qui accueillent. Donc, de le vivre, c'est quelque chose.
Je dois dire, quand on sait, pour les professeurs, le nombre... quand on
considère juste deux facteurs, maîtres et élèves et
le nombre de groupes à rencontrer, on sait déjà que la
tâche est lourde; c'est déjà d'enseigner
énormément. Dans l'école où on leur demande en plus
d'être les gens qui vont favoriser l'intégration et faciliter la
compréhension des nouveaux venus, je vais vous dire: Chapeau,
professeurs! Si, effectivement, les professeurs vont devoir accepter cette
réalité avec une ouverture, le gouvernement va devoir ouvrir
aussi en reconnaissant la lourdeur de la tâche qui s'ajoute; montrer
à des gens une connaissance parfaite du français, à
compter, à parler et à écrire, c'est beaucoup. Mais, quand
on ajoute en plus un pourcentage, souvent très largement majoritaire, de
gens qui ont une difficulté de perception, de compréhension et
d'écriture de la langue française, je dois vous dire que
ça prend des gens bien dévoués et
déterminés.
C'était mon premier commentaire. Je ne sais pas si vouiez
rajouter. Moi, tout ce que je voulais rajouter sur les classes
régulières, c'était ça. Il va falloir en tenir
compte dans la négociation, mais il va falloir tenir compte dans nos
structures comme telles et dans nos institutions de cette nouvelle
réalité qui s'installe et avec laquelle non seulement on va
devoir vivre, mais qu'il faut accepter et se préparer à vivre
parce que c'est déjà de l'acquis et on est en train de regarder,
non pas pour la diminuer, mais pour l'augmenter.
Ça m'amène à un autre commentaire et
peut-être une question. Vous rapportez dans plusieurs de vos suggestions
- et je pense que c'est important, parce que, si on ne sensibilise pas et on ne
réussit pas à faire accepter par la majorité des
Québécois la réalité, on va avoir des
problèmes tout le temps. Vous dites, à la page 34: "En regard des
relations intercommunautaires, que l'information diffusée par les
médias sur les communautés culturelles soit plus large et qu'elle
soit vérifiée à la source." Qu'on utilise des moyens de
communication attirants pour diffuser l'histoire et la culture des diverses
ethnies représentées en région.
Qu'on aille dans ce sens-là, oui, mais, entre nous, il va falloir
reconnaître que nos médias d'information ne tiennent pas vraiment
compte de la nouvelle réalité québécoise. Qu'on
prenne n'importe lequel des quotidiens ou n'importe
lequel de nos postes de télévision francophones, en tout
cas, on va s'apercevoir qu'on n'a jamais l'impression, quand on écoute,
soit Radio-Canada, Quatre Saisons ou Télé-Métropole, qu'il
y a un tiers de nouveaux Québécois à Montréal.
Ça ne parait pas chez nos artistes. Ça ne paraft pas chez nos
annonceurs et ça ne paraît pas dans nos émissions non plus.
Et je ne sais pas si vous avez une façon de nous aider à changer
ça, parce que vous tenez tellement à l'information et à la
sensibilisation. On est tous conscients et on en discute. Quels moyens peut-on
prendre pour réussir à faire passer le message au niveau national
québécois? Avez-vous des suggestions à nous faire? Vous
avez raison de vouloir aller plus loin, mais vous êtes déjà
à une étape où on en a une autre à franchir avant
qu'on n'a pas atteinte, à mon avis.
Mme Robitaille: On n'a peut-être pas de suggestions, sauf
que, si on revient à l'école, je me dis que ce n'est
peut-être pas la génération qui est actuellement en place
qui doit accepter qu'on lui lance ça comme ça. Je pense que le
travail est à faire auprès des jeunes qu'on a actuellement dans
nos écoles. C'est avec ces tout petits ou adolescents qu'il faut
travailler et leur donner, justement, cette chance de cohabiter et de vivre
avec ces nouveaux arrivants, ces nouveaux Québécois. Si on prend
en région, il ne faut pas se leurrer, bon, que les régions se
vident souvent au détriment de grandes villes, et je pense que
même nos jeunes en région, il faut les préparer à un
vécu qui s'ouvre, à du multi-culturel dans les grandes
villes.
Pour les médias, je pense que déjà il y a des
travaux qui ont été amorcés, Mme la ministre, comme de
rencontrer si ce n'est que les journalistes. Ça ne paraît pas,
mais c'est un travail qui est à faire. Peut-être qu'à un
moment donné, même en région, ils n'étaient pas
sensibilisés, il y a plusieurs années, et il ne faut pas remonter
très loin. Là, lorsqu'on les invite à venir couvrir un
événement, il y a peut-être une approche qui est
différente maintenant. Avant, c'était carrément qu'ils
n'avaient pas le temps. Maintenant, on doit avouer qu'en région il y a
une approche qui est différente. On les a sensibilisés au travail
qui se faisait, et ils viennent couvrir pour nous différentes
activités. Avant, on ne l'aurait pas vu. Probablement qu'il y a eu de
l'information de faite. Les gens ont été touchés. Ils sont
venus voir quelques fois, et je pense qu'il y a un premier travail à
faire à ce niveau-là.
C'est sûr que, si on pense à équité et
accès à l'emploi ou à l'égalité dans les
emplois, c'est à plus long terme. Il ne faut pas se leurrer sur le
visage qui va changer dans les années futures. Je pense que c'est en y
allant avec des petites choses, mais commencer tout de suite. Il y a des
grandes choses d'écrites là-dedans. Si chacun en faisait un petit
peu tous les jours, possiblement qu'on verrait, dans les années, et pas
si loin que ça, un résultat. Mais il faut arrêter de le
dire, mais faire des petites choses ponctuelles pour en arriver... Mais, face
aux médias, c'est bien sûr qu'il faut commencer déjà
en informant les gens qui sont sur place et, si je prends les jeunes qu'on a
aujourd'hui, peut-être que dans 5 ou 10 ans ce seront eux qui seront
annonceurs et journalistes, et ils auront une vision qui sera
différente. C'est donc... Et l'an 2000, ce n'est pas si loin que
ça. Donc, ces jeunes-là, on les a actuellement. C'est un
commentaire.
M. Paré: À la lecture de votre mémoire et en
écoutant vos commentaires tantôt, je dois dire qu'effectivement on
pourrait certainement vous considérer comme un exemple par rapport
à ce que vous faites pour l'intégration, et Mme la ministre avait
raison tantôt de le dire avec fierté. Je ne sais pas quelle
recette vous avez utilisée par rapport au succès que vous avez
par la participation des bénévoles et des groupes de parrainage.
Je trouve ça formidable, même si je dois conclure que si c'est
possible à Sherbrooke, bravo, ça doit être possible et il
faudrait essayer de l'avoir dans les autres régions où on va
régionaliser l'immigration.
Mais pensez-vous que c'est quelque chose qui est envisageable dans une
ville comme Montréal ou dans une grande ville? Quel message pourrait-on
passer pour essayer de faire des rapprochements semblables, sachant le
pourcentage où il y a un grand nombre d'immigrants qui arrivent à
Montréal? Là, on fait quelque chose sur une base qui est un peu,
sans être neuve, mais qui est quand même limitée par rapport
au pourcentage de la population. Mais, quand on voit le nombre de nouveaux
Québécois qui arrivent à Montréal et dans toute la
région métropolitaine, il faut avoir, je pense, des formules qui
soient différentes, probablement, parce qu'on ne pourrait probablement
pas trouver le même "pattern" - excusez l'expression - par rapport au
parrainage parce que vous disiez que c'est trois pour un, si j'ai bien compris
votre jumelage. À Montréal, s'il y a un tiers de nouveaux venus,
trois pour un à Montréal, on manquerait de monde. Il y a comme
quelque chose qui n'est pas très... Vous avez un exemple, je pense, et
on va devoir adapter l'accueil par rapport aux différentes
régions du Québec, mais il devrait être particulier
à chacun des coins ou, en tout cas, il ne pourra pas être le
même nécessairement à Montréal que dans le reste du
Québec. (16 h 45)
Mme Robitaille: Le phénomène de
régionalisation, c'est sûr que ce que nous, on ne voudrait pas,
c'est dire: Oui, à Montréal il y a une situation qui est x, en
région il peut y avoir une situation, et ne pas penser que ce soit les
mêmes facteurs qu'on pourrait appliquer. C'est sûr qu'il y a un
facteur qui est historique à Montréal.
Montréal reçoit un fort pourcentage des immigrants, bon,
pour toutes sortes de raisons. C'est sûr que si on veut
régionaliser, en tout cas, je pense que c'est une vision qui doit
être politique et de tout ordre, à tous les niveaux
nécessairement administratifs à tous les pays. C'est une
volonté collective aussi. Je ne voudrais pas qu'on dise:
Montréal, c'est ça, Sherbrooke, c'est ça. Sherbrooke a un
visage qui est peut-être autre que celui de Montréal. Hull a
sûrement un autre visage et Québec aussi... de ne pas penser
appliquer avec des normes nécessairement, donc ça serait
très sain.
Vous dites que, si on parle d'accueil, c'est sûr qu'on n'est pas
nécessairement un exemple, sauf que, si on regarde depuis trois ans, on
a doublé... à chaque année. Et les problèmes sont
aussi survenus. Jusqu'au jour où on avait 100 personnes qui arrivaient
par année, on avait un nombre suffisant de bénévoles. Tout
allait bien. On avait le temps de les accueillir, etc. Mais lorsque, depuis
trois ans, on double à chaque année, là, les
problèmes, on les voit. C'est sûr qu'on essaye de les
circonscrire. On essaye vraiment de pouvoir les accueillir le mieux possible.
Sauf que les problèmes ils sont là aussi, même si la
région est plus petite.
M. Paré: Je trouve ça important, ce que vous
êtes en train d'amener. Premièrement, je dois dire: plus on va
régionaliser, parce que c'est plus facile d'intégrer dans les
régions, plus la réussite qu'on va avoir dans les
différentes régions va avoir un effet d'attrait ou d'influence
par rapport aux communautés qui vont se parler, aussi bien Sherbrooke,
Montréal, finalement, que ce soient les communautés italiennes,
grecques ou les autres. Plus on va les intégrer en province, plus
ça va avoir de l'effet sur la communauté montréalaise,
donc sur les communautés québécoises.
Mais vous dites que plus le nombre grossit, plus ça prend de
monde et plus ça amène de problèmes parce qu'effectivement
chaque personne amène ses besoins et ses divergences par rapport
à ça. Vous dites, à la page 27: "En bref, nous sommes
prêts à recevoir plus d'immigrants, à condition que des
mesures soient prises pour augmenter le nombre des indépendants et des
gens d'affaires, de sensibiliser davantage les Estriens, de favoriser la
création d'emplois, de soutenir les organismes non gouvernementaux en
fonction de la réalité régionale." C'est tout à
fait réaliste et, de toute façon, ça retrouve exactement
ce que tous les groupes ont dit avant vous et vont certainement
répéter. Si le nombre de nouveaux arrivants augmente, il faudra
qu'on soit en mesure de les accueillir, si on veut garder la même
qualité de services. Donc, ça prend plus d'aide, finalement, et
ça prend plus d'emplois, parce que le meilleur moyen d'intégrer
les gens, c'est de les faire travailler et ils sont actifs dans la
communauté.
Par rapport au paragraphe qui est là, et finalement à la
réponse positive que vous donnez à l'augmentation de
l'immigration et à la régionalisation, pour vous, ce serait quoi
le nombre idéal? Je sais que c'est difficile à dire, sauf que
l'un des points ou un des objectifs de la commission, c'est de définir
un nombre d'immigrants. Et un nombre d'immigrants, là, on parle de 55
000 annuellement. Est-ce que vous trouvez que c'est un nombre raisonnable,
acceptable, intégrable? Je ne le sais pas. Je vous le pose à
titre interrogatif en disant que ça, c'est pour l'ensemble du
Québec. Et, pour la région de l'Estrie, ça serait en
proportion de sa population. Est-ce que vous trouvez que c'est quelque chose
qui serait raisonnable...
Mme Robitaille: Comme le mentionnait le mémoire, je crois
qu'il faut avoir en tête... Nous, c'était très clair.
Dépendant de la situation mondiale, si on parle de
réfugiés, entre autres, on ne peut pas rester, en tant que
Québécois, Québécoises, à l'écart de
ça, dire: Non, parce qu'il y a un taux de chômage très
élevé, on ne peut pas recevoir ces gens-là. Je pense qu'on
ne peut pas, avec l'ouverture sur le monde maintenant - le monde a de moins en
moins de frontières - dire: Non, on va restreindre de ce
côté-là. Je pense qu'on se doit de rester ouverts pour
recevoir nécessairement des réfugiés. C'est sûr et
certain qu'il reste toujours le problème de l'emploi, de fixer un
chiffre qui soit provincial et le mettre au prorata par région. On ne
peut pas vous en fixer. C'est bien sûr qu'actuellement, depuis quelques
jours, on voit le taux de chômage, on voit le nombre de chômeurs
inscrits à l'assistance sociale. C'est ceux qui, en tant que
Québécois qui regardent ça, vont dire: Bon... Nous, qui
prônons nécessairement l'augmentation en fonction de plus
d'indépendants ou de gens d'affaires, c'est très clair qu'il
reste toujours que des gens d'affaires ou des indépendants qui viennent
s'établir en région, ça donnerait l'opportunité
d'ouverture de postes, d'emplois. Il reste qu'on ne le sait pas.
Dans le domaine politique, il y a un travail du ministère qui se
fait déjà de ce côté-là pour aller voir
ailleurs, un petit peu dans d'autres pays, pour faire venir des gens, des
investisseurs. Sauf que ça, on n'a pas nécessairement la
clé du succès. Ils n'ont pas tous des réponses à
dire: Oui, on va venir au Québec aisément. Pour fixer un chiffre,
bien sûr que c'est très aléatoire. Sauf que je pense qu'il
y a des capacités d'accueil dans l'Estrie. Il reste que de fixer un
chiffre... Je sais que nous, on double chaque année. C'est bien
sûr qu'on pourrait dire: Oui, on est capables d'en recevoir plus. Reste
que, si les gens ne restent pas en région parce qu'il n'y a pas de
travail, nous, on s'est posé la question. Par contre, s'ils vont
à Montréal, ils n'auront pas plus d'emploi non plus. Le
phénomène est là aussi. C'est donc qu'il faut aller plus
loin et
voir, à un moment donné... S'ils s'en vont à
Montréal ou à Toronto, je ne suis pas sûre qu'actuellement
leur taux de réussite en recherche d'emploi soit excellent aussi. C'est
pour ça. Il y a toute une dynamique, actuellement, qui est
québécoise, à ce moment-là. C'est donc que fixer un
chiffre est difficile.
M. Paré: Le comportement des nouveaux
Québécois est identique au comportement des
Québécois. Il ne faut pas l'oublier. Les gens qui quittent la
Gaspésie ou l'Abitibi pour venir à Montréal ne sont pas
plus assurés d'avoir d'emploi. Si le taux de chômage est à
15 % à Montréal, c'est évident qu'ils vont se mettre sur
la liste d'attente, la même affaire. Peut-être avec la
différence que la personne qui est en région peut vouloir s'en
aller en période où elle n'a pas d'emploi, pour se rapprocher
d'une communauté qui est la sienne, qui est un peu plus importante. Il y
a peut-être ça.
À la page 34, la recommandation 3.15: "Que dès maintenant
les propriétaires soient sensibilisés à la
réalité pluraliste du Québec." Est-ce que, à votre
connaissance, les nouveaux Québécois ont eu à subir plus
que les Québécois qui sont ici depuis un peu plus longtemps?
Finalement, est-ce qu'il y a harcèlement ou est-ce qu'il y a vraiment eu
discrimination?
Mme Jacob: Je pense que j'aborderais le problème
autrement. C'est que, comme on a des gens qui partent de la région,
c'est des gens qui ont des engagements et qui ne respectent pas ces
engagements-là. Donc, à quelque part, on est en train de
brûler, je dirais, le potentiel d'accueil de notre région parce
que, comme il y a beaucoup de nouveaux arrivants qui partent après
l'établissement, ça fait des propriétaires
mécontents. On n'a pu trouver aucune façon de régler,
à l'heure actuelle, sauf qu'une des façons de régler
serait d'avoir une maison d'accueil, une maison qui permettrait d'accueillir
les nouveaux, les aider à s'adapter, de voir avec eux s'ils vont rester
ou s'ils vont quitter, de bien leur expliquer ce qu'est un bail, etc. C'est une
des solutions qui est envisageable. Il y en a peut-être d'autres. On a
regardé la possibilité que le gouvernement loue massivement 100
logements et, au fur et à mesure des départs, que les logements
soients remplis. On a regardé ça aussi, mais ce n'est pas
possible à l'heure actuelle. C'est un dossier qui se passe au
Québec, peut-être que ce serait intéressant de voir les
arrangements possibles. Mais c'est ça, il y a des propriétaires
mécontents qui, en plus de n'avoir aucune sensibilité aux
cultures, nous ferment leur porte.
M. Paré: Quel est le nombre d'immigrants que vous recevez
présentement sur une base annuelle? Les derniers chiffres?
Mme Jacob: La dernière année, c'est 425 à
peu près, c'est-à-dire les gens qu'on a accueillis...
M. Paré: Oui.
Mme Jacob: ...au terminus, parce qu'il y en a plus que ça
dans notre région. Nous ce sont des réfugiés
sélectionnés à l'étranger. On a accueilli 402 de
ces gens-là.
M. Paré: Je comprends ce que vous dites à partir du
problème de logement ou d'habitation. Il faudrait peut-être
trouver une solution par des logements. Il en a été question un
peu ce matin aussi, quand un groupe - je ne me souviens pas duquel - disait
qu'il pourrait y avoir peut-être comme un HLM particulier ou un genre
d'habitation temporaire. Je dois dire que c'est un peu embêtant que le
gouvernement mette sur pied ce genre d'habitation temporaire, sauf que, oui, il
faut s'occuper de l'accueil, par contre, et du logement des gens qui arrivent
au Québec. On n'est pas à Caracas. On ne peut pas les garder
dehors, c'est évident. Mais est-ce qu'on peut se permettre d'investir,
et est-ce que ça n'aurait pas un effet de créer plutôt des
ghettos? Je ne sais pas, de ce côté-là, comment on peut le
faire, et comment on peut rétablir la situation par rapport à des
propriétaires qui ont vécu des gestes isolés,
probablement, mais qui ont un effet. C'est souvent multiplicateur quand c'est
dans des groupes qui arrivent, je suppose, parce que ça ne doit pas
être général, ce que vous êtes en train de
décrire comme s'étant produit. Si je comprends bien, les gens qui
ont quitté sans respecter leur bail, c'est pour s'en aller à
Montréal ou ailleurs.
Une voix: Oui.
M. Paré: Donc, ils n'étaient plus dans la
région.
Mme Jacob: Souvent, ils ne sont plus dans la région et ils
sont introuvables. C'est sûr que pour les propriétaires, à
quelque part, c'est difficile à prendre. Mais, quand vous parlez d'une
maison d'accueil, est-ce que ça va créer un ghetto? Est-ce que
ça crée des ghettos quand on a des maisons de transition, par
exemple, pour les malades mentaux, les ex-patients psychiatriques? Je pense que
les maisons de transition, c'est une maison où c'est un passage, donc
ça permet une adaptation, c'est-à-dire leur livrer une
information qui les rend fonctionnels au moment où ils sont dans leur
logement. Je ne pense pas que ça crée un ghetto, que ça
soit un endroit... Le ghetto, en fait, il peut être créé si
on les installe tous dans le même coin. Mais, à partir du moment
où c'est une maison où ils viennent, ils sont accueillis pendant
quelque temps et, après, ils sont en logement. Je pense
qu'il faut faire attention pour ne pas les installer dans le même
coin, et c'est là que le ghetto peut se créer.
M. Paré: Malheureusement, le président me fait
signe que mon temps est terminé. Je conclus tout simplement eh vous
disant merci. Votre mémoire était très intéressant
et je pense que vous nous avez fourni de très bonnes réponses
à nos questions.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, moi aussi, je veux vous
remercier. Je vais vous remercier spécifiquement pour tout le travail
que vous effectuez tous les jours. Vous le faites avec conviction. Je suis en
mesure de le constater régulièrement et je veux vous assurer de
mon entière collaboration. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. le député de Shefford. Mesdames, au nom de toute la
commission parlementaire, nous tenons à vous remercier d'être
venues devant nous. Soyez assurées que nous avons pris bonne note de
votre mémoire et de vos recommandations. Ceci étant dit, je vous
remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour à Sherbrooke. Je
vais maintenant appeler le groupe suivant à se présenter en
avant, qui est le groupe Caritas-Sherbrooke.
Nous allons suspendre une petite minute, le temps que vous vous
installiez.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 16 h 59)
Caritas-Sherbrooke
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez bien
regagner vos places, nous allons sans plus attendre accueillir
Caritas-Sherbrooke qui, si je comprends bien, est représenté par
M. Lionel Bureau, vice-président, M. Desève Cormier, prêtre
et directeur, et Mme Anne Beauvais, coordonnatrice du secteur Action
fraternité internationale. Est-ce exact?
Mme Beauvais (Anne): C'est exact.
Le Président (M. Gobé): Alors je vous souhaite la
bienvenue et vous demanderai de présenter votre mémoire sans plus
tarder. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour ce faire.
M. Bureau (Lionel): M. le Président, Mme la ministre, Mme
et MM. les députés de cette commission, on voudrait vous dire
à quel point on est heureux d'avoir été invités
à présenter un mémoire devant cette commission. Au
départ, je viens d'avoir le plaisir de saluer - c'est un petit
détail - mon député, Mme Monique Gagnon-Tremblay, dont
j'ai le privilège d'être un des électeurs.
J'ai écouté tout à l'heure avec beaucoup
d'attention ce qui a été dit par les membres du Service d'aide
aux Néo-Canadiens que je connais bien, ayant été leur
premier employé permanent en 1968.
Pour bien vous situer, je me permets de vous rappeler quelques faits. En
1979, c'est l'époque des "boat-people". Des milliers d'Asiatiques se
jettent à la mer à la recherche de terres d'accueil. Partout au
monde, on s'organise pour accueillir ces malheureux dont le triste sort
émeut grandement. Au Canada, au Québec, on constitue des
comités d'accueil. À Sherbrooke, avant de lancer quelque
initiative, on se consulte, on tient des rencontres qui réunissent le
Service d'aide aux Néo-Canadiens, un représentant de
l'archevêché de Sherbrooke, Caritas-Sherbrooke, l'organisme que je
représente, et un fonctionnaire du ministère de l'Immigration du
Québec. Une conclusion se dégage des consultations. On convient
d'établir un service particulier pour constituer des groupes de
parrainage. Action fraternité internationale est né. Les
initiatives et la réponse extraordinaire des gens font que plus de 110
familles sont accueillies dans plusieurs villes de l'Estrie, faisant de notre
région une des plus actives au pays face à ce problème. On
établit à près de 100 000 $ les contributions en argent et
en nature offertes durant les années 1979-1980.
En 1990, après 10 ans d'activité, 810 personnes ont
été parrainées en Estrie. Le nombre de personnes
reçues est moins considérable qu'en 1979, certes, mais il est
constant: de 20 à 40 personnes par année. Présentement,
109 personnes sont en attente de venue grâce à l'action de 22
groupes de parrainage qui ont été constitués ces six
derniers mois, ayant contracté des engagements financiers - des
contributions financières volontaires, cela va sans dire - se chiffrante
110 000 $.
Maintenant, je voudrais vous présenter Mme Anne Beauvais qui va
vous faire lecture du mémoire. Madame.
Mme Beauvais: Voilà donc 12 ans que le service d'aide aux
réfugiés Action fraternité internationale a
été établi au sein de Caritas-Sherbrooke.
L'expérience a prouvé depuis 12 ans que Caritas-Sherbrooke avait
alors pris une heureuse décision puisque, dans les mois
subséquents, au-delà de 100 groupes de parrains ont
été constitués, faisant de l'Estrie une des régions
les plus actives au Québec à ce chapitre, selon le ministre de
l'Immigration de cette époque, M. Jacques Couture.
Après 12 ans, le nombre de réfugiés
accueillis s'ôlevc à quoique 1000 personnes provenant
principalement du Sud-Est asiatique, de l'Amérique latine, de l'Europe
de l'Est et de l'Afrique. Depuis l'établissement de notre service, les
demandes d'accueil reçues de réfugiés dans des camps n'ont
jamais cessé de nous parvenir. Des lettres racontant des cas
pathétiques nous arrivent tous les mois.
Plus d'une centaine de réfugiés sont parrainés
chaque année par notre entremise, tous n'étant pas effectivement
accueillis à Sherbrooke; les uns s'établissent dans une autre
province ou un autre pays ou sont refusés par l'un ou l'autre des
paliers gouvernementaux s'ils ne satisfont pas aux critères de
sélection. Tout de même, forts de cette expérience et du
rôle que nous jouons dans la communauté, nous croyons de notre
devoir de vous faire part de certaines considérations.
Ampleur du problème des réfugiés. Même s'il
s'agit d'une réalité bien connue de votre ministère, il
nous semble opportun de rappeler que la population des réfugiés
dans le monde continuera d'augmenter à un rythme alarmant; cela
constitue une grande préoccupation pour le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés. D'ailleurs, la revue
Réfugiés, dans son numéro de mars 1990, l'explique
clairement: "La population réfugiée dans le monde s'accroît
inexorablement. Il y a 20 ans, elle s'élevait à un peu moins de 2
500 000 personnes. En 1980, elle s'établissait à 8 200 000.
Aujourd'hui, à l'aube d'une nouvelle décennie, le nombre de
réfugiés relevant du Haut Commissariat aux réfugiés
avoisine les 15 000 000. Et encore ce chiffre n'inclut pas les 2 000 000 de
Palestiniens, au moins, qui reçoivent l'assistance de l'Office de
secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de
Palestine dans le Proche-Orient."
Comme l'indique ce numéro de Réfugiés, "les
ressources disponibles pour leur venir en aide sont de plus en plus
inadéquates. Malgré le nombre croissant de
réfugiés, le budget du Haut Commissariat pour les
réfugiés pour 1990 ne sera pas plus important qu'en 1980. En
conséquence, les nécessiteux seront affamés, les enfants
n'auront pas accès à l'éducation et de moins en moins de
réfugiés pourront parvenir à l'autosuf-fisance."
En considération, nous espérons donc que le
ministère adopte une politique qui tienne compte à la fois de la
réalité des faits et des exigences de la compassion qui inspire
l'action de Caritas-Sherbrooke. Nous ne pouvons ignorer, d'autre part, que
notre pays est l'un des plus vastes, habité par une population fort
réduite. En substance, nous savons bien que le Québec et le
Canada ne peuvent résoudre le problème que de façon
symbolique. Néanmoins, outre l'aspect humanitaire, un autre point nous
semble important à relever, soit l'aspect économique. Nous
constatons que les régugiés, en général, ont une
disponibilité au travail plus grande que la nôtre car ils sont
habitués à travailler de plus longues heuros, ils sont moins
oxigoanis quant au lype de travail et, par surcroît, ils deviennent des
consommateurs potentiels.
En cela, ils rendent un service appréciable à
l'économie. Non pas que nous cautionnons le "cheap labor", mais parce
que nous savons qu'une hausse du salaire minimum équivaudrait à
de nombreuses mises à pied. Nous estimons que ces réfugiés
sont plus heureux, même avec cette perspective d'emploi, qu'ils le sont
sans espoir dans leurs camps. Les réfugiés constituent donc pour
l'État une ressource peu coûteuse en même temps que
rentable.
Dans cette optique, il y va de notre intérêt commun
d'établir une politique claire et plus ouverte à leur
égard, d'autant plus que les frais de leur parrainage sont
assumés en partie par des particuliers motivés et disposés
à participer à leur intégration. La réunification
de familles telle que spécifiée dans votre énoncé
revêt également une signification toute spéciale dans notre
région.
Ces choses étant dites et compte tenu que vous spécifiez
dans votre énoncé de politique que vous appuierez
différents groupes et ferez la promotion du parrainage collectif, nous
sommes donc très désireux et impatients de connaître les
mesures concrètes que vous réservez en faveur des organismes qui
s'occupent de réfugiés.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme Beauvais.
Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je vous remercie. Et
comme vous voyez, M. le Président, nous sommes très
privilégiés aujourd'hui de recevoir tous les groupes de la
région de Sherbrooke; c'est avec beaucoup de satisfaction que j'ai pris
connaissance de votre mémoire.
Vous parlez principalement des réfugiés. Je pense que
Caritas s'est toujours dévoué davantage à cette cause.
J'ai été à même de constater aussi, lorsque je suis
allée en Thaïlande l'été dernier, qu'en
Thaïlande on s'apprête de plus en plus à fermer les camps.
Même le Haut Commissariat aux réfugiés souhaite que les
gens retournent dans leur pays ou aillent rejoindre de la parenté dans
d'autres pays. Mais, finalement, on se rend compte qu'on essaie de fermer de
plus en plus ces camps, d'où peut-être la difficulté pour
nous, plus tard, d'aller sélectionner ces réfugiés. Mais,
selon l'expertise que vous avez, entre autres dans le domaine du parrainage
collectif, quels sont les milieux, d'après vous, où les gens sont
les plus susceptibles de réagir favorablement à l'idée de
parrainer des réfugiés? Quels sont ces groupes qui, en bonne
partie, veulent parrainer des réfugiés?
M. Cormier (Desève): Voici, je vais répondre, Mme
la ministre. Ce qui s'était passé en 1979, c'était les
groupes des paroisses qui
avaient été très actifs. Et même les
paroisses reculées, où on voyait fort mal les gens
s'établir, se sont organisées et ont recueilli les fonds
nécessaires pour faire venir des gens. Alors, les communautés
chrétiennes des paroisses, en tout cas, nous semblent, pour une part,
des gens à utiliser. Il y a aussi des groupes religieux ou des groupes
de travail qui sont prêts à le faire. Et, de plus en plus aussi,
on constate que, quand on parle de réunification de familles... C'est
que, pour ceux qui connaissent un peu les moeurs de gens du Sud-Est asiatique,
c'est dans leurs moeurs; s'il y en a un qui sort d'un camp, il essaie de faire
sortir toute la famille. Alors, très souvent, Mme Beauvais reçoit
à son bureau des gens qui viennent avec un montant d'argent pour faire
venir des parents. Donc, il y a ces gens-là, ces groupes des paroisses,
certains groupes de travail qui sont déjà unis. On a aussi
construit des groupes à même de petits noyaux d'amis, des gens qui
se parlaient entre eux, à qui on soumettait des cas.
Cependant, pour aller dans cette ligne de pensée, on ne vous
cache pas qu'on est un peu ralentis de ce côté-là. Il y a
des choses qui - on ne sait pas trop quelles sont les causes - mais il y a des
lenteurs dans l'arrivée des parrains qui sont un peu, je ne dirais pas
dérangeantes, mais un peu gênantes. Je pense en particulier
à un groupe. J'ai un de mes frères qui est curé à
Sherbrooke. Il est venu un père jésuite, aumônier dans un
camp en Thaïlande, qui nous disait: Avez-vous une paroisse où je
pourrais aller parler de parrainage? En voulant éviter un peu de travail
à mon frère qui avait prêché tous les dimanches,
j'ai dit: Va donc à Saint-Georges-de-Windsor, près d'Asbestos.
Mon frère serait prêt à ce que tu partes aux gens. Alors,
le père y est allé effectivement, le père Morin... Je ne
sais pas si vous avez eu l'occasion de le rencontrer, mais c'est un bonhomme
qui a le langage facile et qui convainc facilement ses auditeurs.
Alors, les paroissiens ont effectivement accepté de parrainer une
famille. C'est un cas dont vous êtes au courant, d'ailleurs. Ça
fait près de deux ans maintenant que le parrainage a été
signé. Je comprends qu'il y a eu des complications médicales dans
le cas d'un des membres de la famille, mais ce n'est pas un cas unique. Alors,
vous comprenez que c'est un petit peu gênant. Si on va voir des gens, on
dit: Écoutez, c'est terrible ce qui se passe. Il faut sortir des pauvres
gens des camps. Les gens disent: Bon, bon, c'est correct. On va se cotiser, on
va amasser de l'argent, des meubles. Ces gens-là ont
déjà... À Saint-Georges-de-Windsor, ils ont
déjà des meubles mis de côté, des couvertures, etc.,
pour attendre la famille. Ça fait bientôt deux ans qu'ils
attendent la famille. Moi, pour un, en tout cas, je ne serais pas très
à l'aise d'aller me promener dans la paroisse et de dire: Bonjour.
Ça va bien Votre réfugié va venir bienlôi. Cost un
pou gênant.
Alors, il y a des groupes qu'on peut constituer - pour répondre
à votre question - mais disons qu'on est un peu hésitants
à pousser la pédale au fond pour trouver des nouveaux groupes. De
quoi dépendent ces retards-là? Vous le savez probablement plus
que nous autres puisque les questions que vous abordez, je suis certain que le
gouvernement fédéral les aborde aussi. Ça, ça nous
gêne, cette lenteur.
Mme Gagnon-Tremblay: J'ai souvent constaté aussi dans ces
camps qu'on jumelle, justement; on fait du jumelage avec les familles d'ici
pour faire venir de ces réfugiés. Parfois, on identifie
même des cas; je pense aux enfants non accompagnés, entre autres.
J'ai constaté que, souvent, ces personnes-là ne sont pas encore
identifiées comme des personnes à être
sélectionnées. Vous savez que, dans ces camps-là, le Haut
Commissariat fait beaucoup de travail pour que ces personnes aillent retrouver
davantage la parenté dans d'autres pays. Ou bien même aussi,
souvent, ces personnes-là partent et on leur a passé un message,
on leur a dit: Dès que tu auras une chance, il faut que tu quittes;
c'est aux États-Unis qu'il faut que tu t'en ailles.
Donc, on accepte en premier lieu, des fois, de venir au Canada, et
peut-être au Québec, mais si, par exemple, quelqu'un des
États-Unis, un officier des États-Unis passe et décide de
faire du recrutement, on voit que ces personnes changent d'idée et s'en
vont aux États-Unis. Souvent, ça crée justement des
désenchantements parce que les familles attendent ici. Souvent, ils ont
eu des photographies, ils ont correspondu, et tout ça. Ça
crée quand même certains problèmes. Alors, c'est ça
que j'essayais de voir lorsque j'y suis allée: Comment peut-on
éviter ces choses? Quand, par exemple, une liste est envoyée au
Haut Commissariat, elle est immédiatement transmise alors que les
personnes n'ont pas encore été véritablement
sélectionnées. Ça, c'est peut-être une
difficulté; mais, bien sûr, il y en a d'autres, je pense, qu'on
pourrait aussi essayer d'atténuer.
Je voudrais cependant revenir au parrainage collectif. Est-ce que vous
avez des idées, par exemple, sur le genre de modifications les plus
importantes qu'on pourrait apporter aux programmes de parrainage collectif pour
les rendre plus attrayants pour les Québécois? Parce que,
finalement, ce que j'ai compris de l'abbé Desève Cormier, ce
n'est pas tellement parce que vous n'en avez pas. Moi, je pensais que
c'était parce qu'ils n'étaient peut-être pas assez
attrayants, mais ce n'est pas parce que nos programmes ne sont pas assez
attrayants, c'est tout simplement que la clientèle, elle est là.
Tout à l'heure, vous avez dit qu'il s'agirait peut-être d'aller
faire une petite tournée dans certains villages ou certaines villes, et
la population, dépendamment de qui vend le projet, répondrait
spontanément Cepen-
dant, ce n'est pas là que semble être le problème.
Donc, c'est davantage la lenteur à faire venir ces personnes,
finalement.
M. Cormier: Je pense que oui, effectivement, c'est un
problème qu'on rencontre, la lenteur. Je pense aussi à une autre
paroisse de Sherbrooke; ils ont attendu leur famille pendant, je ne sais pas,
peut-être une couple d'années. Ils avaient 9000 $ mis de
côté pour accueillir ces gens-là. Au bout de quelque temps,
ils nous ont rapporté les 9000 $ et ils ont dit: Appliquez-les à
d'autres, nos gens n'arrivent pas. Ça, il faut comprendre que ça
peut être démobilisant pour des gens. Il n'y a peut-être pas
seulement ça comme problème. On note, en tout cas depuis une
couple d'années, que c'est vraiment très long: deux ans -
n'est-ce pas, Mme Beau-vais? - deux ans, un an et demi, deux ans, deux ans et
demi; c'est commun. Ça, pour des gens à qui on a
présenté le problème comme réclamant une solution
urgente, ça n'a pas l'air très pressant. Il y en a d'autres cas
comme ça aussi, qu'Anne connaît; ça ne vient pas. Ça
ne nous encourage pas tellement à prendre le flambeau et à aller
se promener. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre
question. (17 h 15)
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous avez aussi... On a aussi, sur
notre territoire, des revendicateurs du statut de réfugié. On
sait qu'ils sont en attente de leur statut, malheureusement depuis fort
longtemps. Ça crée des problèmes, surtout dans la
région de Montréal. Vous savez que nous en avons 35 000 et qu'il
nous en arrive encore 1000 par mois. C'est quand même très
considérable.
Tout à l'heure, je n'ai pas posé la question aux autres
groupes de Sherbrooke, à savoir s'ils avaient identifié ces
revendicateurs. Dans notre région, est-ce qu'il y en a? Aussi, comme il
en arrive 1000, ça crée certains problèmes. Ça a
même un impact important sur nos ressources financières et aussi
sur nos structures. Donc, dans ces conditions, qu'est-ce qu'on fait?
Je sais que c'est déchirant. On parlait, l'autre jour, avec le
père Quirion, de Montréal, et je lui disais: Dans ces
circonstances, est-ce qu'on continue à recruter des
réfugiés dans des camps à l'étranger ou on s'occupe
de ceux qui arrivent, parce qu'ils sont aussi en situation de détresse,
parfois? Je me dis qu'il y a toujours un fort pourcentage. Peut-être que,
si on régularisait leur situation plus rapidement, il arriverait la
même chose qui arrive dans d'autres pays. C'est qu'au lieu d'en accepter
huit sur dix peut-être qu'on en accepterait deux sur dix; mais, comme on
prend tellement de temps, ils ont eu le temps, souvent, d'avoir des enfants
ici, ils sont intégrés, et tout ça. C'est très
difficile. C'est des choix qui sont très déchirants. Est-ce que
vous avez une idée là-dessus? Est-ce que, par exemple, on doit
davantage s'occuper de ceux qui sont ici, finalement?
Mme Beauvais: Jusqu'à présent, dans le cadre de mon
service à Caritas, je n'ai pas reçu beaucoup de personnes qui
étaient revendicatrices de statut et qui sont venues chercher de l'aide,
à part, je dirais, trois ou quatre personnes à qui on a pu offrir
une aide technique ou peut-être matérielle. Donc, jusqu'à
maintenant, le nombre ne justifierait pas qu'on déplace notre axe de
priorité sur les revendicateurs de statut à Sherbrooke
même. Donc, dans ce contexte-là...
Mme Gagnon-Tremblay: On les retrouve davantage à
Montréal, d'où peut-être l'image d'une intégration
plus difficile, finalement, si on ajoute au nombre, déjà. C'est
pour ça que je vous posais ma deuxième question. Je sais que
c'est déchirant, là, mais est-ce qu'on doit prendre en compte
ceux qui sont ici avant d'aller en chercher, de continuer à en
sélectionner un grand nombre à l'étranger?
Mme Beauvais: Sûrement qu'il faut tenir compte de ceux qui
sont ici. Il y a certainement une aide qu'on pourrait aussi apporter, au sein
de notre organisme, à cette clientèle. Il faudrait définir
ça, à ce moment-là. Je sais que, jusqu'à
présent, ça a été une aide technique. Il y a aussi
la possibilité de... Il y a déjà des revendicateurs qui
sont venus me voir pour avoir une lettre de recommandation. On ne savait pas
jusqu'où ça supposait un engagement vis-à-vis la personne
en cause. Donc, à ce moment-là, ce serait à
définir, ça. C'est des choses qu'on n'a jamais définies
avec les deux ministères, ce que serait notre travail à cet
égard.
M. Cormier: Pour compléter ce que Mme Beauvais a dit, on a
rencontré, effectivement, les officiers de votre ministère
à Sherbrooke, à votre nouveau bureau régional - on
était heureux de les accueillir, incidemment - en particulier M. Larose
et Mme Gagné. Comme Anne le dit, le problème ne saute pas aux
yeux à l'heure actuelle; est-ce qu'on le verra mieux plus tard? J'ai
l'impression que les revendicateurs de statut, il n'y en a pas tellement dans
Sherbrooke.
D'autre part, on doit être assez mal équipés sur le
plan, par exemple, de la revendication juridique. Il y a des avocats, à
Montréal, qui se spécialisent là-dedans et qui,
semble-t-il, en font un peu une carrière, une spécialité.
On a des avocats qui peuvent s'intéresser à ça. On a eu
affaire à eux quelquefois, mais je ne pense pas qu'ils aient autant
d'expérience et d'expertise que ceux qu'on peut trouver dans un centre
où les cas sont plus nombreux. Disons, en tout cas, qu'on n'est pas
fermés à ce type d'action. Ce serait nouveau pour nous. On a
été mis sur pied pour s'occuper des réfugiés, pour
aller les chercher dans des camps. Quand ils sont rendus dans notre ville,
c'est une approche différente,
évidemment, mais ça pourrait être sûrement
considéré. Surtout, on se rend compte, d'après les
informations qu'on a, que ce sont des problèmes humains très
pénibles qui sont vécus par ces gens-là qui attendent. Ils
font des dépressions, ils connaissent des malheurs psychologiques
énormes. Dans ce sens, si la charité exige qu'on soit proches de
ces gens-là, je pense qu'on ne refuserait pas de regarder ça avec
les petits moyens dont on dispose.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Alors,
bienvenue à la commission. Je dois dire qu'en vous écoutant et en
lisant le mémoire on se rend compte que vous êtes un exemple de
l'ouverture et de la générosité des
Québécois. Ce n'est pas nouveau. C'est reconnu. On a eu d'abord
les missionnaires qui sont allés de l'autre côté et,
maintenant, avec l'ouverture sur le monde et la vie moderne, bien, on les
accueille. Vous dites dans votre mémoire que, effectivement, on a du
territoire, on a de la richesse et on ne peut pas se permettre d'être
renfermés et de se fermer les deux yeux par rapport à la
misère qui se vit dans le reste du monde. Je suis d'accord avec vous, et
on ne peut pas faire autrement que d'encourager des groupes qui veulent se
dévouer et travailler pour des gens qui sont plus mal pris que nous
autres. Mais, par contre, on doit aussi tenir compte de notre
réalité et c'est pour ça que j'ai quelques questions
à poser là-dessus.
La première, vous dites à la première page de votre
mémoire qu'en 12 ans le nombre de réfugiés accueillis
s'élève à quelque 1000 personnes et vous nous dites
d'où elles viennent: du Sud-Est asiatique, d'Amérique latine, de
l'Europe de l'Est et d'Afrique. Ma question toute simple est: Vous nous dites
d'où ils viennent, et moi j'ai envie de vous demander: Où
sont-ils? Ces gens que vous avez aidés, maintenant, sont-ils encore dans
la région?
Mme Beauvais: Est-ce que vous voulez dire depuis la
création de l'organisme?
M. Paré: Oui, selon...
Mme Bauvais: Une grande partie de ces gens n'y sont plus. On me
racontait, quelqu'un qui a oeuvré au début, à la
création d'Action fraternité internationale, qu'à ce
moment-là il y a eu beaucoup de gens placés dans les petites
entreprises; mais, après le début des années quatre-vingt
est survenue la crise, donc il y a eu beaucoup de fermetures de petites
entreprises. Ces gens-là ont quitté pour des régions
peut-être plus prolifiques au niveau de l'emploi, entre autres
Montréal et Toronto.
Maintenant, depuis deux ans que je suis au service, je dirais que les
trois quarts demeurent en région. Ce n'est pas mathématique,
c'est selon moi. Cependant, ceux qui y demeurent ont de la famille ou,
certaines fois, comme on parlait de réunification de famille, ils
viennent rejoindre certains autres membres. À un moment donné,
ils peuvent tous se déplacer aussi, la famille qui était
déjà ici avec celle qui arrive, vers Montréal, pour
l'emploi. Une grande partie quitte, je dirais, mais il en reste quand
même qui ont le désir de s'implanter et d'y rester, même
avec les difficultés reliées à l'emploi ou autres.
M. Paré: De toute façon, ce qui compte pour vous,
c'est qu'ils soient sortis du lieu d'où ils demandaient, finalement,
à sortir. Si vous les gardez, vous avez réussi; et si, eux, ont
réussi à se placer ailleurs, ils ont réussi à s'en
sortir. D'une façon ou d'une autre, le but même de l'existence de
votre association, c'est ça, c'est de permettre aux gens de s'en
sortir.
À un moment donné, vous dites - et vous avez raison - que,
malheureusement, on n'a pas parlé de technologie, de mondialisation puis
de développement, et on a l'impression qu'on s'en va toujours vers une
société meilleure. Par contre, la misère augmente et le
nombre de réfugiés aussi, toujours. Vous dites à un moment
donné, en page 3, que c'est évident, il y en a 15 000 000. On a
à peu près 50 % de cette population au Québec; on n'est
même pas 8 000 000, même pas 7 000 000, et là vous dites:
"En substance, nous savons bien que le Québec et le Canada ne peuvent
résoudre le problème que de façon symbolique". Pour vous,
de façon symbolique, vous voulez dire quoi? Ça va toujours
être très restreint. Vous demandez qu'on puisse vous aider, mais
on n'a pas d'espoir de pouvoir en faire beaucoup.
Mme Beauvais: Ça prend toujours une petite goutte d'eau
dans un vase plein. C'est dans ce sens-là qu'on est bien conscients
qu'on ne peut pas régler de façon générale le
problème, qu'on s'y attaque de façon partielle. C'est dans ce
sens-là qu'on l'illustre comme étant symbolique.
M. Paré: Qu'on fasse notre part et qu'on serve d'exemple,
au moins, aux pays comme les États-Unis et les autres qui ont plus de
moyens et qui sont plus impliqués là-dedans.
À la fin, dans votre conclusion, finalement, vous dites, et c'est
ça qui semble être votre grosse interrogation: "Ces choses
étant dites et compte tenu que vous spécifiez dans votre
énoncé de politique que vous appuierez différents groupes
et ferez la promotion du parrainage collectif, nous sommes donc très
désireux et impatients de connaître les mesures concrètes
que vous réservez en faveur des organismes qui s'occupent de
réfugiés. " Donc, finalement, ce que vous voulez connaître,
c'est les mesures con-
crêtes. Effectivement, les gouvernements sont là pour
répondre aux besoins et les mesures sont souvent ce qui est
demandé. Quels sont les espoirs que vous avez, en termes de mesures
concrètes?
Mme Beauvais: Quand on parlait de lenteur des dossiers, c'est
certainement une de nos attentes, que le ministère soit plus facilitant
à ce niveau-là. Si on regroupe des parrains désireux
d'investir des sommes d'argent et de participer à leur
intégration, c'est sûr que, quand ça fait deux ans qu'ils
attendent une personne, entre-temps ils ont été comme un peu
démobilisés; ce qui n'aide pas à maintenir la motivation
de départ. Dans ce sens-là, c'est certainement une de nos
attentes: des critères qui faciliteraient la venue de ces gens au pays,
en termes de temps, surtout.
M. Cormier: II y aurait aussi, je pense bien... On parle beaucoup
de régionalisation au ministère depuis une couple
d'années, mais il nous apparaît, nous autres, que... C'est bon
qu'on en parle, puis il se prend des mesures comme, par exemple, l'ouverture,
chez nous, d'un bureau régional; c'est excellent. D'autre part, il y a
des choses qui ne sont pas faites et, à mon avis, tant qu'il n'y aura
pas de réussite de la politique d'immigration vis-à-vis des
réfugiés, tant qu'on ne prendra pas certains... Il y a des choses
qui doivent être faites et puis, si ce n'est pas fait, ça
n'aboutira pas.
Quelqu'un a signalé ça tout à l'heure, mais je ne
me souviens plus quelle personne; c'est Mme la ministre, je pense. C'est
sûr qu'il faut que les syndicats embarquent. Quelqu'un parlait des
syndicats tantôt; il faut que les syndicats embarquent dans une action
d'accueil aux réfugiés. Il faut que les centres de main-d'oeuvre
embarquent là-dedans. Il faut que les centres de formation
professionnelle embarquent là-dedans. Il faut que les employeurs
disent... On répète qu'on ne trouve pas, des fois, de
main-d'oeuvre spécialisée. On dit ça, mais qu'est-ce qui
se fait, concrètement, pour s'assurer que des Vietnamiens qui arrivent,
qui ne sont pas bons en soudure, disons, ou qui connaissent déjà
la soudure, mais qui auraient besoin d'un cours d'adaptation, aient ce
cours-là? Il ne se fait pas grand-chose de concret.
Il y a des gens qui restent chez nous, comme Mme Beauvais le disait,
mais il y en a d'autres qui partent. On a vu un tas de gens extrêmement
intéressants partir de chez nous, de Sherbrooke, pour s'en aller
à Toronto, des gens qui partaient à regret. Ils ont
été accueillis à Sherbrooke, ils se sont sentis bien
accueillis, ils aiment la région, seulement ils disent: J'ai une belle
job qui m'est offerte à Toronto, à 50 000 $. Le gars, il s'en va;
puis sa femme qui est ingénieure s'en va aussi. Voici deux candidats,
deux citoyens d'excellente qualité qui partent. Et ça, on en voit
beaucoup qui partent comme ça. Et ça, je trouve ça triste
pour notre province.
Quoi faire pour les garder, ces gens-là? Je pense qu'il y a des
choses qu'il faudra qu'on fasse. Il va falloir qu'on investisse dans des moyens
concrets pour faire en sorte que les gens restent en région. Et
jusqu'à date on avoue, quand on parle de moyens concrets, on
espère qu'ils viennent puis que ça ne retarde pas trop parce que
c'est un peu triste quand les gens partent comme ça. C'est l'objectif,
d'ailleurs, du ministère, de garder les gens chez nous, mais il manque
peut-être de moyens concrets puis de structures vraiment efficaces.
M. Paré: Malheureusement, le président me dit que
c'est fini. J'aurais aimé ça qu'on aborde au moins un autre
sujet, là où on parle de ce que nous apportent ces
gens-là, mais, en même temps, de ce qu'est la
société. On dit que ces gens-là ont une habileté et
une volonté de travailler puis, en même temps, c'est des
consommateurs potentiels. Mais j'aurais aimé ça qu'on puisse
vraiment prendre le temps de l'étudier. Oui, c'est vrai, mais, en
même temps, on ne peut pas considérer qu'il y ait deux sortes de
citoyens au Québec. On demande l'ouverture, par exemple, des centres
pour la formation puis des syndicats. Il ne faudrait pas non plus - parce qu'on
veut aider, puis il faut le faire - qu'on amène deux classes de
travailleurs ou qu'on amène un appauvrissement collectif en disant qu'on
a une main-d'oeuvre à bon marché. Je dois vous le dire,
ça, il faut le reconnaître, mais moi, je préfère
qu'on dise: On les amène, on les aide et on les forme pour qu'ils aient
des emplois; parce qu'il y a l'accessibilité, on en a parlé ce
matin, et le travail de qualité. Et moi, je dis: L'accessibilité
puis le travail de qualité, c'est pour tous les Québécois,
les moins nouveaux comme les nouveaux. Il ne faut pas risquer d'avoir une
classe plus pauvre qui va amener un appauvrissement collectif. On en a
tellement parlé dans les stages en milieu de travail, ou autre chose, de
ce qui, finalement, amène, sur une masse salariale, des travailleurs
à être plus pauvres; il ne faudrait pas se permettre ça. Il
ne faudrait pas vouloir qu'il y ait un genre de ghetto de bas salariés
qui va amener plus de salaires bas parce que, finalement, c'est une
compétition par le bas et non par le haut. Malheureusement, je dois
conclure, mais je trouve ça très intéressant et
j'espère qu'on pourra continuer la discussion à un autre
moment.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier aussi pour cette
présentation. Je ne peux qu'être d'accord avec vos arguments.
Je
pense que si on veut régionaliser il faut aussi se doter de
structures d'accueil. C'est bien beau accueillir, mais il faut aussi retenir
nos immigrants. Je pense aussi qu'on a énormément de travail
à faire dans nos régions en termes de sensibilisation,
d'attitudes à modifier et aussi de mentalité à modifier.
Alors, c'est un travail que nous aurons à faire au cours des prochaines
années, bien sûr, mais je suis quand même optimiste. Je
pense que si nous travaillons tous dans le même sens, et on sait, par
exemple, que la région de Sherbrooke est une région qui a
l'habitude de se concerter, qui a l'habitude d'arriver à relever des
défis, on pourra les relever. Alors moi, je vous remercie beaucoup de
votre présentation et bon voyage de retour. (17 h 30)
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, mesdames et messieurs. Je vais maintenant appeler le groupe suivant
à venir se présenter en avant; c'est le Conseil national
indo-canadien. Si vous voulez venir en avant vous installer. Bonjour,
messieurs. Je vous inviterai à vous présenter tout d'abord, et,
en même temps, à commencer votre présentation. Vous avez,
pour ce faire, 10 minutes.
Conseil national indo-canadien
M. Sankaran (Gowri): Merci, monsieur. Je m'appelle Gowri
Sankaran. C'est compliqué, mais pas tellement compliqué comme on
le trouve sur le tableau dehors. Ici, M. Jakhu et M. Goswami.
M. le Président, Mme la ministre, les membres de la commission,
j'ai l'honneur et le plaisir de faire la présentation de la part du
Conseil national indo-canadien et de l'Association nationale des Canadiens et
des Canadiennes d'origine indienne, qui comprennent 80 % des associations
indiennes au Québec et représentent une grande majorité
des Québécois d'origine indienne.
Nous sommes très heureux d'avoir une occasion de présenter
notre exposé sur l'immigration devant cette commission. Nous
espérons que c'est un reflet de la déclaration du gouvernement
décrivant la nature pluraliste de la société
québécoise. Il est hautement louable que le gouvernement du
Québec ait reconnu le rôle positif et indispensable que jouent les
immigrants, non seulement comme élément d'un redressement
démographique, mais aussi comme facteur de prospérité
économique et de pérennité du fait français au
Québec. Nous sommes convaincus que les immigrants se doivent, entre
autres, de contribuer à la pérennité du fait
français alors que le gouvernement devra améliorer ses efforts
pour assurer aux immigrants la meilleure intégration possible.
Cependant, nous nourrissons certaines réserves et inquiétudes qui
concernent surtout les mesures envisagées pour atteindre les objectifs
énoncés dans le document "Au Québec pour bâtir
ensemble"
Notre appréhension la plus sérieuse concerne la
recommandation de poursuivre une immigration plus active dans les pays
où le français est parlé. Nous croyons que ça fait
une grande emphase sur la connaissance du français en milieu de travail
par opposition à une connaissance acquise du français, ainsi que
plusieurs autres qualités désirables. Pour moi, j'ai choisi
absolument volontairement de venir ici, au Québec, parce que j'aimais et
j'aime la culture française. À cette époque-là, il
y a trois ans, j'ai eu la possibilité d'aller en Colombie-Britannique ou
de venir ici, et mon choix était évident. Je suis sûr que
mon cas n'est pas isolé parmi mes compatriotes. Il n'y a aucune preuve
statistique ou scientifique que les immigrants parlant la langue
française s'intègrent mieux et plus rapidement à la
société québécoise.
Selon le recensement de 1986, on conclut que 70 % des allophones de
première génération parlent couramment le français.
Oe plus, nous estimons que près de 100 % des gens de deuxième
génération d'origine indienne sont compétents en langue
française. Notre communauté est consciente du fait
français du Québec et le supporte. Ceci s'applique d'autant plus
à notre jeune génération. Compte tenu de l'importance du
sujet, nous demandons à la commission de garder un esprit ouvert en ce
qui a trait à la direction et à l'accroissement des efforts
à l'immigration.
Pour atteindre l'objectif des 40 % d'immigrants parlant la langue
française, le gouvernement doit renforcer son effort, non seulement dans
les pays parlant français, comme par exemple dans une partie de
l'Europe, mais aussi dans les pays comme l'Inde ou l'Egypte. Le potentiel de
trouver des immigrants professionnels ou bien compétents dans
différentes matières et qui parlent français couramment
existe dans d'autres pays, comme je l'ai mentionné, l'Inde ou l'Egypte,
par exemple. Enfin, le gouvernement devrait implanter dans divers pays de
nouvelles infrastructures, ou collaborer avec les infrastructures existantes
telles que l'Alliance française, pour améliorer la connaissance
du français chez les immigrants potentiels, par exemple dans le cadre du
programme de réunification des familles. Aussi, il devrait
également sensibiliser le public au fait français et lui
démontrer les avantages d'immigrer au Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup. Nous
allons avoir une période d'échange d'une vingtaine de minutes.
Mme la ministre, vous avez la parole en premier.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. Merci pour la
présentation de votre mémoire. Vous êtes un peu inquiet,
finalement, devant la décision du gouvernement de recruter un
pourcentage d'immigration francophone. Vous semblez avoir une certaine
inquiétude. Je dois vous dire,
au départ, que lorsqu'on parle d'immigrants francophones ce ne
sont pas des francophones pour des francophones, mais des francophones qui vont
aussi s'intégrer et qui vont répondre aux objectifs
économiques du Québec.
Si on essaie d'aller chercher un pourcentage un petit peu
supérieur, c'est parce qu'il faut dire qu'on accueille
déjà 50 % de notre population immigrante qui est allophone, ne
parlant ni le français ni l'anglais. Donc, c'est un peu ce pourquoi le
Québec, le gouvernement, essaie de faire un effort un petit peu pour
recruter aussi des immigrants francophones.
Cependant, vous mentionnez qu'en Inde beaucoup de personnes
éduquées parlent le français et qu'un grand nombre,
d'Alliance française, entre autres, sont présentes dans le pays.
Ces gens qui parlent le français se retrouvent dans quelle partie,
à peu près? Est-ce qu'ils sont un peu regroupés? Est-ce
qu'il y aurait du recrutement à faire? Est-ce qu'ils sont un peu
regroupés ou s'ils ont déjà quitté l'Inde et sont
déjà dans d'autres pays?
M. Goswami (Tapas): Merci, Mme la ministre. Au point de vue de
l'inquiétude que nous avons à propos de ce qui a
été annoncé pour les 40 %, ce n'est pas basé sur
les 40 % comme tels. Ce que nous avons noté dans l'énoncé
de politique en matière d'immigration, nous croyons que ça limite
les gens de pays d'origine indienne qui sont aussi capables de bien
s'intégrer assez facilement dans le milieu francophone, ici au
Québec, et que ça exclut des gens qui sont compétents dans
différents métiers ou des professionnels. Nous croyons que si le
gouvernement base sa politique d'immigration simplement au niveau de la langue
française, en effet, on exclut des gens compétents, soit
professionnels ou compétents dans différents métiers, et
qui appuieraient vraiment le développement économique du
Québec.
Alors, dans cette partie, dans ce contexte, dans cette optique, nous
croyons que c'est un objectif proclamé dans l'énoncé de
politique du gouvernement du Québec. Nous croyons que ça va un
peu plus loin que ce qui a été fait.
Deuxièmement, ceux que nous représentons sont vraiment les
gens d'origine indienne, Québécois d'origine indienne, ici. Nous
avons mentionné ceux d'Egypte, mais nous représentons vraiment
plutôt la communauté indienne établie au Québec.
Mme Gagnon-Tremblay: Je reviens à notre pourcentage
d'immigration francophone. Vous savez que, même si la personne parle la
langue française, si elle ne répond pas au guide d'emploi du
Québec, elle est éliminée automatiquement. Alors, nous
voulons conserver aussi ce critère. Je pense que c'est important. C'est
pour ça que je vous disais tout à l'heure que ce n'est pas
uniquement de l'immigration francophone pour de l'immigration francophone. Je
pense que, si, par exemple, quelqu'un voulait déjà suivre des
cours de français avant son arrivée, il pourrait fort bien
être eligible. Quand on parle de francophones, c'est la connaissance du
français aussi; donc, ça se pourrait aussi, pour être
eligible à notre grille de sélection.
L'autre question que je vous posais tout à l'heure, que ce soit,
par exemple, au niveau des gens d'affaires ou encore tout simplement de la
catégorie des indépendants... Parce que, ce que nous faisons,
surtout en Inde, c'est davantage de la réunification familiale. Par
exemple, il y a les statistiques que j'ai ici: en 1990, nous avons
sélectionné 755 personnes en Inde dans la catégorie de la
réunification familiale, c'est-à-dire 629 dans la
catégorie de la réunification familiale. Mais, lorsque vous
parlez d'indépendants, c'est-à-dire de travailleurs autonomes ou,
entre autres, de gens d'affaires, de gens qui sont fort qualifiés,
est-ce que ces personnes se retrouvent en partie en Inde ou si elles ont
déjà quitté l'Inde et qu'elles pourraient être
recrutées ailleurs, dans d'autres pays? J'entends toujours les personnes
que vous identifiez comme parlant aussi le français.
M. Sankaran: Premièrement, à mon avis, c'est une
question de différence entre la langue maternelle et la langue acquise.
En Inde, définitivement, il y a d'anciennes colonies françaises
comme Pondichéry et il y a des gens qui parlent la langue maternelle de
Pondichéry. Mais, ce dont je parle, c'est à peu près une
petite proportion de la population de l'Inde. Ce que je ne connais pas
très bien, c'est qu'en Inde il y a à peu près 22
universités où on peut faire des études
complètement en français. Il y a même des écoles
distribuées dans des villes différentes, mais où on peut
faire des études secondaires en langue française. Il n'y a pas
trop de gens, mais quand on prend la population de l'Inde, avec 800 000 000, et
qu'on parle d'à peu près 3 000 000 ou 4 000 000 de gens qui font
leurs études en français, régulièrement...
Peut-être qu'ils sont distribués également dans l'Inde
entière, mais surtout dans les grandes villes comme Bombay, Madras,
Delhi ou ailleurs. Peut-être qu'il n'y a pas une concentration de gens
qui font ça, mais, à mon avis, il y a des gens qui le font
déjà en Inde. Nous ne parlons pas seulement des gens qui ont
quitté l'Inde.
Mme Gagnon-Tremblay: Qui ont quitté l'Inde, mais ceux qui
sont sur place aussi.
M. Sankaran: Non, sur la place, là. (17 h 45)
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, finalement, ce que vous mentionnez,
c'est qu'il n'y a pas suffisamment de recrutement de la part du Québec
dans ce pays pour aller chercher surtout, entre autres, les gens qui ont
déjà une connais-
sance de la langue française. Comme vous le mentionniez, il y a
déjà plusieurs universités qui enseignent le
français, qui sont entièrement françaises. C'est un peu
ça, finalement. C'est le recrutement qui manque, à ce
moment-là.
M. Sankaran: Oui, madame. C'est ça que mon collègue
a dit tantôt et que je voudrais répéter. C'est la
même chose. C'est exactement... Il y a des universités où
la langue française est la langue majeure. En effet, c'est la langue des
universités qu'il a mentionnées. Puis, tantôt, la question
que vous avez posée au point de vue du monde des affaires, c'est aussi
aux Indes. Ce n'est pas ailleurs, je ne mentionne pas ailleurs, c'était
à la place... Donc, la question qu'on nous pose, qui est sur le
recrutement, au point de vue de la représentation du gouvernement du
Québec, il n'y a pas assez de recrutement aux Indes. Alors, c'est un
effet qui est véritable.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, on dit toujours que, pour faire
la promotion du Québec à l'extérieur, il n'y a rien de
mieux que quelqu'un qui provient du pays pour aller faire... Je pense que,
même si je me transportais en Inde pour aller faire la promotion du
Québec, je pourrais toujours essayer de convraincre certaines personnes,
mais je pense que vous êtes beaucoup mieux placés que moi pour
aller convaincre des gens du pays de venir au Québec et leur faire
connaître aussi ce qu'est le Québec. Il y a une question de
langue, mais il y a une question, bien sûr, de culture, il y a une
question de climat, il y a une question de... Et aussi il faut que les gens
soient très au fait de ce qui les attend au Québec. Donc,
peut-être que vous avez raison lorsque vous mentionnez dans votre
mémoire qu'il n'y a pas suffisamment de promotion. Mais est-ce que votre
association a déjà pensé ou a déjà des
ambassadeurs, par exemple, qui pourraient, en Inde, porter ce message?
M. Sankaran: C'est bien possible, évidemment. Par exemple,
si, même, il y a beaucoup d'intérêt pour le français
et le côté français... Par exemple, j'ai longtemps
résidé à Bombay; j'ai profité de l'Alliance
française à Bombay. La relation et l'attrait indien vont vers
Paris et la France, surtout. Et, si on regarde le Québec comme une
partie de l'Amérique du Nord, alors on n'a pas exactement le fait
français du Québec. C'est mieux encore. Par exemple, il y a une
autre commission, en plus du bureau de votre commission, pour l'Inde à
Delhi, c'est tout. C'est l'autre commission du Canada. Alors, si on peut avoir
un bureau du Québec, disons une ambassade de Québec ou quoi,
à Bombay, par exemple, qui est une ville ultramétropolitaine,
alors, on aurait le bénéfice d'avoir des gens de l'Inde qui
viendraient ici pour le fait français; non seulement ils viendraient ici
pour la prospérité économique mais avec
l'intérêt pour le français.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. C'est certain que l'Inde est couverte
par notre bureau de Bangkok, entre autres, et il faut dire aussi, cependant,
que nous faisons des missions. Notre conseiller se rend en Inde faire des
missions pour émettre des certificats de sélection. Donc, il
faudrait voir aussi... C'est toujours la question du nombre parce que, avant
d'ouvrir un bureau, il faut aussi voir le nombre de personnes. Aussi, il faut
toujours prendre des arrangements, bien sûr, pour l'émission des
visas, avec le gouvernement fédéral. Mais je pense que ce serait
peut-être important qu'un organisme comme le vôtre, ou d'autres
représentants de l'Inde, puisse aussi faire cette promotion du
Québec auprès de sa clientèle francophone, entre
autres.
M. Sankaran: Oui, c'est bien possible. Je pense peut-être
aussi à une mission à Bombay, sur une base expérimentale,
pour une période limitée. Bangkok, oui, mais Bangkok n'est pas
près de Bombay, près de l'Inde; ce n'est pas facile de
voyager.
Mme Gagnon-Tremblay: J'aurais peut-être juste une petite
dernière question à vous poser. Nous allons actuellement à
New Delhi. Est-ce que vous croyez que nous devrions plutôt faire notre
mission a Bombay, justement, pour aller recruter ce bassin francophone?
M. Jakhu (Ram S.): M. le Président, permettez-moi de
parler anglais, s'il vous plaît. I do not think it would make much
difference if you opened the office in Delhi or Bombay. That is, I will say,
from the French-speaking people's point of view, both cities are good because
the diplomatic embassies are in Delhi so that a lot of courses are being taught
in French also. But I will say Bombay is still the better place on that.
If I can add some points on the questions which you have raised, I think
that the problem which we are facing or which we see in this statement is the
impression about India being an anglophone country. Because the report says,
the policy says that the emphasis will be only in French-speaking countries,
that means the countries like India will be ignored. It may not be ignored
intentionally but that will be the fact because of the limited resources of the
Department of Immigration. Naturally it will be more concentrated on
French-speaking countries. So the implications of that will be that countries
like India or people from that part of the world will be ignored.
And I think that what bothers or concerns us more is the question of
independent immigrants. Because the family class immigrants follow the
independent immigrants, if the stress is on the selection of independent
immigrants, and that is reduced from countries like India, naturally or
consequently, the family class will
also be reduced. So, I think that these are the major concerns. And
another aspect of that is that once the concentration is on the French-speaking
countries, the present processing or the future processing of the family class
will also be further delayed.
I want to bring to your notice, Madam Minister, the situation which our
community, like some other communities, is facing. Now I am sure you are very
much aware of the situation that spouses, the reunification of spouses and
children from India takes more than two to three years, which is, in my view or
in our view, inhuman. The reasons we are given is that there is lack of
facilities. So our theories that if you consider only the French-speaking
countries, the countries like India or people from there will suffer, not only
the independent class but also the family class. Thank you.
Le Président (M. Messier): Merci. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci. Bienvenue à la commission.
À la lecture de votre mémoire, il y a certains paragraphes sur
lesquels j'aimerais avoir des précisions et je vais vous les lire en
vous demandant vos commentaires. Il y a, entre autres à la page 8, le
point 18. Je vais le lire. Ce n'est quand même pas très long. "Le
gouvernement a, de façon arbitraire, mis en veilleuse les qualifications
académiques des immigrants et ne reconnaît pas de façon
adéquate l'expérience professionnelle étrangère.
Une telle pratique crée des barrières artificielles qui
empêchent les Indo-Canadiens d'oeuvrer dans leurs professions. Encore une
fois, si le gouvernement est sérieux dans son engagement
vis-à-vis l'intégration - et nous en doutons - il devrait
régler ces problèmes sans tarder. Une action immédiate et
opportune de sa part fournirait à notre communauté
l'élément moteur pour l'intégration des Indo-Canadiens. "
J'aimerais ça que vous m'expliquiez exactement c'est quoi. C'est une
question d'équivalence? C'est une question de reconnaissance
professionnelle? C'est quoi exactement, que vous dénoncez
là-dedans?
M. Jakhu: I think that it is a very serious problem which our
community or people from India are facing. The problem is not only the
equivalence but also the non-recognition of the experience which persons gained
outside Québec. For example, I got my master's degree in international
law from India, that is equivalent to 17 years in Québec; but I was
given 16 years of schooling without any explanation. And the worst is that
equivalence, which is given by MCCI, is not recognized by the universities. So
what good is it, the equivalence which is given by MCCI? So I struggled hard
and did my doctorate in law at McGill University, but I was not accepted for a
doctorate right away. I had to do my "maîtrise" again. And that is the
discouragement and also denial of the experience and qualities of the people.
And I think that it is a major problem.
The other is the non-recognition of the experience gained outside. A
number of members of our community are school teachers; the experience which
they gained, not only in India but also in other countries like Europe, that
experience is not recognized by the Québec Government, the Ministry of
Education. So they are not considered at par with others. So, I think that this
is a very serious problem, and again, if that is what is looked into, then,
that will facilitate the integration. Of course, integration is the one factor.
Thank you.
M. Paré: O. K. Thank you. Deuxième question. C'est
maintenant dans la conclusion, à la page 9 où, à la fin du
premier paragraphe, il est écrit: "Une ouverture d'esprit encore plus
grande chez la majorité francophone contribuera largement à
remédier aux lacunes du passé et facilitera la structuration
d'une société pleinement intégrée dont l'unique
spécificité serait le fait français. " Je voudrais avoir
vos commentaires là-dessus, mais je voudrais en passer un aussi en vous
disant que, depuis le début de la commission et d'une façon assez
régulière dans les mémoires, il est clairement
identifié que, oui, ce qui fait la spécificité de la
société québécoise, c'est le fait français,
c'est la langue, mais que ce n'est pas seulement une question de langue; c'est
une question de culture, c'est une question de manière de vivre. C'est
la culture plus large que juste la langue. Si vous écrivez ça:
Une ouverture d'esprit encore plus grande pour faciliter l'intégration,
vous écrivez ça pour avoir quoi? Qu'est-ce qui vous amène
à demander ça? Est-ce que vous sentez que vous n'êtes pas
bien accueillis ou... J'aimerais ça, savoir pourquoi vous demandez, dans
la conclusion, une chose semblable?
M. Jakhu: Dans la conclusion...
M. Paré: C'est dans la conclusion, à la page 9,
à la fin du premier paragraphe de la conclusion, vers la fin de la page.
Ça commence par: "Une ouverture d'esprit... " C'est la dernière
phrase du premier paragraphe de la conclusion. Est-ce que vous avez une
perception, ou vous sentez que la majorité des Québécois
francophones ont une perception par rapport à vous qui n'est pas
favorable ou positive? Je ne sais pas, j'essaie d'interpréter la
phrase.
M. Jakhu: I think the majority of the French population is very
receptive. I must say that I travel extensively in Québec with my broken
French - or, at least, I can understand French rather than I can speak or
articulate the arguments in French. I have seen open arms; a
very, very warm reception which I personally got and I think that it is
the perception of most of the people from our community. I think that what we
have tried to mention here is the institutions, for example, the Department of
Immigration, and that is not very, very hospitable. You see, whenever somebody
comes... O. K. There are two factors. One is if a person of Indian origin
comes, the person of the Immigration Department will start speaking in English.
It may facilitate and I think it shows... But I think that what bothers us
again is the perception that Indian people are only Anglophone. Actually, they
are not; most of them are French-speaking. The thing is that the service we got
is less than what we deserve as equal partners.
I think that is the perception. I think the members of the Immigration
Department and other departments have to be more sensitive to our requirements,
our necessities. I think this is what we tried to mention here.
M. Paré: Vous savez que l'un des buts de la commission,
ici, c'est d'aller chercher des informations des nouveaux
Québécois, mais aussi de parler avec l'ensemble de la population.
Ça nous permet une sensibilisation. On en a parlé; il faut que
les nouveaux Québécois s'intègrent et il faut que les
Québécois déjà au Québec accueillent, le
plus largement possible et le mieux possible. Je retrouve une phrase, toujours
à la page 9, au point 20, qui me semblerait quelque chose qui viendrait
probablement faire en sorte que les groupes se retrouvent. Je lis la
première phrase et, si vous l'avez écrit là, c'est que
vous êtes d'accord. Et, si vous êtes d'accord, j'ai l'impression
qu'on vient de s'entendre sur pas mal de choses. Voici trois des
particularités qui distinguent la société
québécoise. Vous en donnez une définition: "Le
français est la langue commune de la vie publique. " Deuxième
point: "Le Québec est une société démocratique" et,
troisième point: "Le Québec est une société
pluraliste. " (18 heures)
Toute personne désireuse de s'établir au Québec
devrait accepter ces trois caractéristiques et le processus
d'intégration des immigrants devrait en tenir compte. "
Mais par contre, dans le reste du paragraphe, qui est interrogatif, on
se demande lequel des points est prioritaire: Est-ce la facette du point 1 qui
dit que la société québécoise, c'est une
société francophone, ou le point 3 qui dit que c'est une
société pluraliste? Je la lis pour que les gens qui n'ont pas le
texte puissent la comprendre. "Cependant, la question de la
pérennité du fait français soulève certaines
interrogations. La poursuite de cet objectif signifie-t-elle que le
français constitue la langue du commerce ou exige-t-elle la domination
du français dans tous les aspects de la vie culturelle du Québec?
La capacité de parler français et de faire des affaires en
français est-elle suffisante pour contribuer au développement du
fait français? La priorité du français se limite-t-elle
à la langue seule ou s'étend-elle à tout ce qui est
d'origine française? Le concept de société pluraliste,
dans ce contexte, veut-il dire l'unilin-guisme dans une égalité
de cultures?"
Je vois l'interrogation que vous vous posez par les questions que vous
nous posez. Ça veut dire que l'on met dans la balance, finalement, ce
qui est un débat de société, et c'est bien qu'on
l'amène. On reconnaît, parce que vous avez mis a, b et c, une
société française et une société pluraliste.
Vous finissez en disant: Si elle est pluraliste, ça veut dire que,
dès qu'il y a une connaissance du français, on pourrait
être moins exigeants dans le vécu du français. Vous n'avez
rien, je pense, contre une société qui veut vivre en
français. Et une des questions que vous posez: Est-ce que ça veut
dire que le commerce doit se faire en français? Moi, je dois dire que
c'est ce que la loi 101 dit et c'est ce que la société
québécoise veut de plus en plus: une société dont
le commerce... la langue de travail va être le français. Est-ce
que vous êtes d'accord avec ça ou est-ce que vous
considérez que, ça, c'est une domination du français?
M. Goswami: Dans notre réponse, je ne crois pas que nous
voulions dire que c'est une dominance de la langue française. Nous
acceptons, c'est évident, le fait français au Québec. Sans
doute, nous l'avons déjà mentionné au départ dans
le rapport que nous vous avons présenté. L'inquiétude qui
revient encore, c'est la chose dont on a parlé au départ, qui est
le pourcentage de cette immigration qu'on a appuyée. C'est dans ce
contexte et dans l'optique de cette discussion que nous avons posé cette
question pour savoir si nous acceptons la société
québécoise comme un fait français. En même temps,
nous voulons aussi avoir l'assurance que c'est une société
pluraliste qui respecte les droits de tous les citoyens
québécois, peu importe d'où ils viennent. C'est dans ce
contexte que nous avons mentionné cette partie. Sans doute, nous ne
sommes pas contre ce fait français et nous ne mentionnons pas la
domination du français dans cet aspect. C'était
particulièrement dans cette optique que nous mentionnions que nous
acceptons le fait français et que, en même temps, c'est une
société pluraliste. Nous voulons savoir... Nous respectons
l'égalité des différentes cultures qui sont
établies au Québec.
Le Président (M. Messier): Peut-être quelques mots
de remerciements, M. le député.
M. Paré: Oui, en concluant, j'aurais aimé ça
qu'on puisse poursuivre; malheureusement, on me dit que c'est fini. Mais, si je
comprends votre réponse, ce que vous désirez de la
société québécoise, c'est qu'elle soit pluraliste,
qu'elle
soit ouverte, qu'elle soit accueillante. Mais, en retour, toute la
population, peu importe notre origine, reconnaît qu'au Québec
ça se passe en français, dans la langue commune et dans la langue
des affaires. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Je vous remercie
également pour cette présentation. Je souhaite justement que vous
vous fassiez les ambassadeurs, finalement, de la promotion du Québec en
Inde, entre autres. Je pense que c'est important. Vous l'avez mentionné
tout à l'heure, il y a quand même une clientèle de parlant
français. Je sais aussi que les gens de l'Inde sont des gens d'affaires,
qui ont le sens des affaires. Dans ce sens, je pense que cette
expérience est aussi une expérience qui est très bienvenue
au Québec. Alors, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de
retour.
Le Président (M. Messier): Je remercie le Conseil national
indo-canadien, je vous souhaite un bon retour.
MM. Michel Le Blanc et Daniel Blais
Je vais inviter M. Michel Le Blanc et M. Daniel Blais à se
présenter à la table, s'il vous plaît.
M. Blais et M. Le Blanc. Lequel des deux est M. Le Blanc?
M. Le Blanc (Michel): C'est moi.
Le Président (M. Messier): Enchanté. Bonsoir.
M. Le Blanc: Bonsoir.
Le Président (M. Messier): Et, à votre droite,
c'est M. Blais.
M. Blais (Daniel): Bonsoir.
Le Président (M. Messier): On a une trentaine de minutes
ensemble, une dizaine de minutes pour la présentation de votre
mémoire et, après ça, il va y avoir échange de part
et d'autre. On vous laisse...
M. Blais (Daniel): M. le Président, Mme la ministre, MM.
les députés, mesdames et messieurs, nous sommes
présentement des étudiants en formation des maîtres
à l'Université de Sherbrooke, c'est-à-dire que nous
faisons un CAPES, qui se traduit par "certificat d'aptitude professionnelle en
enseignement au secondaire". Alors, nous sommes les futurs enseignants de la
société québécoise. Notre conscientisation s'est
faite à partir d'un cours à options qui était à
notre choix et, vu que le titre de ce cours nous intéressait, nous
l'avons choisi. Dans le cadre de ce cours, notre sensibilisation s'est accrue
au phénomène pluriethnique grâce à nos professeurs
qui, eux, par ailleurs, enseignent déjà le français dans
un COFI. Nous avons eu l'immense loisir de discuter avec les personnes
responsables de ce même COFI, qui nous ont grandement
éclairés sur le sujet ainsi que sur les derniers
développements dans le domaine.
Aujourd'hui, nous avons terminé notre cours et nous tenons
à partager ce que nous rapporte notre formation actuelle. Nous sommes
particulièrement sensibilisés à cette cause pour prendre
des engagements qui soutiendront les divers efforts mis en oeuvre pour
favoriser l'intégration des immigrants. Nous sommes assurés que
nos interventions seront efficaces, d'abord par le fait que nous avons
été conscientisés et, ensuite, parce que nous avons
reçu des outils adéquats pour notre enseignement.
Nous allons vous entretenir particulièrement de notre vision de
l'éducation. En tant qu'éducateurs, sous la tutelle du ministre
de l'Éducation, nous sommes l'un des premiers contacts humains que les
immigrants peuvent percevoir de la réalité
québécoise. Nous avons donc un rôle capital comme
intervenants auprès d'eux dans le rouage de l'intégration.
L'éducation des jeunes qui sont déjà cette future
génération qui vivra quotidiennement la cohabitation
interculturelle pourra prendre un visage renouvelé si nos interventions
sont adéquates. Pour ce faire, nous devons nécessairement mettre
en place des conditions favorables et propices, facilitant du mieux qui soit
leur intégration dans le milieu ainsi que dans le milieu social.
M. Le Blanc: Comme moyen concret, il existe dans la loi 107 un
article sur le projet éducatif de l'école. Or, il est justement
possible d'implanter une pédagogie interculturelle faisant corps avec le
projet éducatif de l'école. De plus, la pédagogie
interculturelle doit être pratiquée dans l'ensemble des
disciplines scolaires et elle nécessite aussi, par le fait même,
un programme de transition. Si nous poursuivons dans cette visée, il va
de soi qu'une adaptation des pratiques éducatives se trouve essentielle.
Ces moyens sont des conditions qui, de fait, sont chapeautées par les
dix principes d'action en éducation interculturelle qui, eux, sont
répartis en trois groupes.
Pour commencer, le premier groupe, qui contient les trois premiers
principes, consiste à promouvoir la participation scolaire et le
développement de l'identité. Or, le premier principe, c'est une
plus grande connaissance de la contribution des groupes ethniques minoritaires
à la société, qui favorise le développement d'une
meilleure image d'eux-mêmes. Ceci implique: de reconnaître la
pluralité ethnique comme une richesse dans l'école et non pas
comme une
source de problèmes; d'expliquer les phénomènes
reliés à l'immigration et à ('"acculturation"; de mettre
en évidence les bienfaits de l'immigration dans un pays, sans cacher les
problèmes entraînés par ce phénomène;
d'expliquer pourquoi l'apport de certains groupes est souvent méconnu,
biaisé ou même ignoré dans l'histoire de notre pays et de
présenter aux élèves des minorités ethniques des
figures d'identification valables.
Comme deuxième principe, une initiation à la sous-culture
de l'école engendre une meilleure intégration à
l'école. Pour cela, il faut essayer d'abattre les barrières
d'incompréhension et de communication en prévoyant des moyens
pour initier les élèves à cette sous-culture, comme:
l'initiation des nouveaux arrivants à la sous-culture de l'école
par leurs pairs de la même culture; l'exploitation des
caractéristiques du milieu scolaire dans lequel les élèves
évoluent; une bonne connaissance des caractéristiques propres
à l'école et le développement d'un sens d'appartenance au
milieu; une prise en considération des habitudes concernant le travail
scolaire dans les familles des élèves de minorités
ethniques.
Et, comme troisième principe, l'élimination des
barrières pédagogiques à la pleine participation de tous
les élèves favorise une meilleure égalité des
chances en éducation.
Aussi, nous devons porter une attention particulière, par
exemple, aux diverses pratiques en éducation: les activités
parascolaires très courantes ici, mais que certaines religions
interdisent; les images que les élèves se font du rôle de
l'enseignant; certaines pratiques scolaires et sociales et
réprouvées par des parents d'élèves de
minorités ethniques; certaines pratiques scolaires qui existent depuis
longtemps et que l'on tient pour acquises, et des activités et des
célébrations qui ne reconnaissent que la culture de certains
élèves.
Le deuxième groupe de principes, qui contient les quatre autres,
vise à promouvoir la participation à la société.
Or, le quatrième, la reconnaissance du développement
plurilinguistique des élèves, favorise une meilleure
acculturation. Voici quelques considérations à ce sujet.
L'élève d'une minorité ethnique vit très souvent
une situation linguistique d'une grande complexité. La très
grande proportion de ces élèves est bilingue ou, même,
polyglotte. Les élèves et les parents des minorités
ethniques veulent apprendre le français de même que
préserver leur langue d'origine.
Comme cinquième principe, la prévention et la
dénonciation des préjugés, des stéréotypes,
de la discrimination et du racisme favorisent des relations égalitaires
et une plus grande participation à l'école et à la
société.
Sixième principe, la reconnaissance des différences entre
les groupes ethniques favorise une meilleure acceptation de la
pluralité, mais la mise en valeur de leurs similitudes est plus efficace
pour éliminer les barrières et la compétition. Alors,
voici quelques points traduisant aussi cette préoccupation: Mettre
d'abord en valeur les similitudes entre les groupes culturels afin de favoriser
les rapprochements; favoriser la prise de conscience des différences
afin de valoriser l'enrichissement interculturel, et faire porter cette
réflexion relativement aux similitudes et aux différences sur les
modes de vie plutôt que sur les styles de vie.
Septième principe, la création de conditions de
collaboration et d'entraide chez les groupes ethniques favorise la
reconnaissance d'un vécu commun et contribue à diminuer la
compétition entre eux. Il faut explorer la possibilité de devenir
des partenaires égaux. Entre autres, les pratiques suivantes peuvent
aider: la collaboration d'élèves de divers groupes à la
réalisation de travaux scolaires; la valorisation de toutes les ethnies
en évitant de placer les mêmes groupes en situation
d'infériorité; émulation et non pas compétition;
résolution des problèmes communs; création d'un climat
d'ouverture et de partage entre les groupes et les individus ayant des
expériences communes et travail en sous-groupes pluriethniques.
M. Blais (Daniel): Pour le troisième groupe qui englobe
les derniers principes, c'est-à-dire les huitième,
neuvième et dixième, la mise en évidence des styles de vie
des groupes ethniques, des us et coutumes, mais surtout de leur mode de vie.
L'univers des valeurs, des croyances, des attitudes, des opinions, etc.,
entraîne une meilleure compréhension interculturelle.
Le neuvième principe est une prise en considération de la
culture subjective qui permet à chacun des élèves de se
sentir reconnu dans son processus de socialisation et d'acculturation.
Comme dernier principe, c'est l'identification des
représentations que les élèves ont des différents
groupes ethniques qu'ils côtoient, contribuant à diminuer les
stéréotypes et les préjugés tout en
améliorant les relations interethniques. Voici quelques objectifs qui
s'inspirent de ce dernier principe: décrire et expliquer les perceptions
réciproques exprimées par (es élèves, expliquer les
fonctions sociales ou culturelles de certains comportements; sensibiliser les
élèves au fait suivant: Les perceptions sont, la plupart du
temps, fondées sur des faits ponctuels, non représentatifs de
toutes les situations et de tous les individus. Ils ont peut-être
tendance à reproduire des messages véhiculés par la
famille, lesquels prennent souvent plus forme de représentation.
M. Le Blanc: Certaines situations s'expliquent sociologiquement
ou autrement. Voilà pour les conditions et les principes que nous venons
d'énoncer. Il faut dire qu'ils sont tirés du deuxième
livret de M. André Beauchesne et, pour
toutes ces raisons que nous venons d'invoquer, nous vous
suggérons, comme exigence minimale, un cours d'éducation
interculturelle à l'échelle provinciale faisant partie d'un
curriculum, d'un programme pour l'obtention d'un permis d'enseignement.
Nous demandons aussi que le MCCI fasse une forte recommandation au MESS
en s'adres-sant au Conseil des universités pour qu'un tel cours
apparaisse concrètement dans le corpus des programmes de toutes les
universités du Québec pour la formation des maîtres. Ainsi,
nul ne pourra s'esquiver de la réalité interculturelle. Par
conséquent, il serait profitable pour l'ensemble des enseignantes et
enseignants du Québec qu'ils puissent bénéficier des
outils indispensables à cette fin pour un enseignement adapté
à la clientèle interculturelle.
Maintenant, passons aussi au matériel didactique adapté.
Nous suggérons que le ministère de l'Education produise des
fascicules appropriés accompagnant les programmes et guides
pédagogiques destinés aux enseignantes et enseignants. Les
scénarios d'apprentissage envisagés par ces documents d'appoint
intégreraient la réalité interculturelle en misant sur la
coopération, sur l'entraide, sur l'échange de visions sur le
monde, sur des stratégies pédagogiques mettant en évidence
la diversité ethnique, tant par l'expérience que par les valeurs,
ainsi que sur l'universalité de l'expérience humaine, et encore.
(18 h 15)
Pour tous ces points, nous sommes maintenant à votre disposition
pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Messier): Avant de vous donner trois
crédits pour votre présentation, je vais passer la parole
à Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier pour le travail
que vous avez fait à préparer ce document. Je trouve ça
vraiment intéressant, surtout de la part de deux étudiants. C'est
la première fois, je pense, depuis le début de notre commission
parlementaire. Vous êtes les premiers étudiants à nous
faire partager votre réflexion. Et, dans ce sens-là, je vous
félicite et je suis très fière, d'autant plus que ces deux
étudiants viennent également de la région de Sherbrooke.
Alors, on se préoccupe de plus en plus du phénomène de
l'immigration. Je ne sais pas si c'est parce que, moi-même, j'en parle
depuis mon arrivée au ministère et que je ne cesse de faire
passer le message, aussi bien en région qu'à l'extérieur,
mais je trouve ça quand même intéressant de voir cette
ouverture qui n'existait pas et qu'on ne sentait pas il y a quelque temps.
Alors, je vous remercie. Bien sûr, en tant que futurs
maîtres, en tant qu'étudiants qui terminez un cours, est-ce que
vous trouvez, par exemple, que le cours que vous avez suivi en formation des
maîtres, au point de vue de l'éducation interculturelle, a
été suffisant? Est-ce qu'on aurait pu améliorer davantage,
surtout à la suite de ce que vous avez entendu, par exemple, cet
après-midi à la commission parlementaire, sur les
difficultés de même que, finalement aussi, les mesures qu'on doit
mettre en vigueur?
Est-ce que vous croyez avoir reçu une formation suffisante
lorsque vous dites qu'elle devrait non seulement être suffisante mais
obligatoire? Est-ce qu'on devrait pousser davantage? Y aurait-il encore des
choses à modifier?
M. Le Blanc: Je crois pouvoir dire qu'il y a toujours de quoi
à améliorer. C'est un fait. Maintenant, il reste que la meilleure
expérience, c'est le bain ou l'immersion. Or, présentement, en
région, ce ne sont pas toutes les écoles qui ont adopté
des projets concrets pour un projet éducatif d'école qui envisage
cette réalité-là. Donc, pour ce faire, juste à
Sherbrooke, il n'y a que l'école Le Phare qui a un projet
d'éducation internationale, qui vise justement cette
réalité interculturelle. Puis, il y a aussi l'école
Larocque au primaire. Mais je pourrais dire que plus les écoles et les
commissions scolaires s'engageront dans cette optique-là, plus, aussi,
il sera facile d'intégrer une pédagogie parce que c'est aussi,
comme je l'ai dit tantôt dans les conditions, interdisciplinaire. Donc,
chacun a aussi sa part, même selon sa discipline, une possibilité
d'adapter les cours. Ça, c'est peut-être manquant encore dans la
formation.
Mme Gagnon-Tremblay: Si on devait obliger, par exemple, à
l'obtention de certains crédits au niveau de l'éducation
interculturelle, et si même on devait rendre obligatoire cette formation
pour pouvoir enseigner, est-ce qu'à ce moment-là il faudrait, en
plus de la formation théorique que vous pouvez recevoir... Si j'ai bien
compris, vous souhaiteriez peut-être qu'il y ait un stage vraiment dans
un milieu où il y aurait pleine immersion, finalement, et qu'on soit
véritablement... qu'on en connaisse davantage les difficultés,
les problèmes, et aussi... pas seulement les problèmes, mais
l'enrichissement que ça peut apporter?
M. Blais (Daniel): Disons que, si on revient à ce qu'on
recommande, vous avez entendu, dans notre mémoire, on a essayé
d'être le plus constant possible. C'est évident qu'on n'irait pas
jusqu'à demander au gouvernement d'enlever le permis d'enseignement aux
personnes qui ont cinq, six ans d'expérience s'ils n'ont pas suivi ces
trois cours-là. Nous souhaiterions que ce soit à la base
même, à l'université, qu'on l'impose dans le curriculum
scolaire. Bien entendu, chaque expérience personnelle va enrichir la
démarche professionnelle.
M. Le Blanc: Ça pourrait aussi s'adapter par
rapport à des cours. Il y a toujours une forme, je pourrais dire,
de renouvellement. On a toujours à se remettre à jour. Alors,
ça peut même faire partie de ces cours-là, où les
professeurs ont toujours...
Mme Gagnon-Tremblay: Une formation continue...
M. Le Blanc: Oui, oui. À garder. Alors, ça aussi,
ça en fait partie.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez pris connaissance de la
formation interculturelle dans les programmes de formation des maîtres
dans les autres universités? Est-ce que vous vous limitez à
l'Université de Sherbrooke ou si vous avez également fait une
étude dans les autres universités, si ça semble être
identique, semblable ou bien différent?
M. Le Blanc: Moi, en tout cas, j'avoue mon ignorance, à
savoir si les autres universités le font ou ne le font pas. Je sais
cependant une chose, c'est que le cours d'éducation interculturelle,
c'est, entre guillemets, un bébé de M. André Beauchesne.
Donc, quelque part, c'est comme une forme d'innovation ici, en Estrie.
Maintenant, je ne peux pas dire s'il est implanté ailleurs dans les
autres universités.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez aussi parlé de
matériel didactique. Est-ce que vous... Lorsque vous avez suivi vos
trois crédits, est-ce que vous vous êtes rendu compte qu'il y
avait vraiment une faille à ce niveau-là? Est-ce que vous auriez
souhaité avoir du matériel plus à point ou...
M. Le Blanc: Bon, moi, je vais parler pour ma matière. Je
travaille en enseignement moral et en enseignement religieux. Je puis dire que
les documents approuvés par le ministère au niveau de
/'enseignement moral sont très adéquats. Pour l'enseignement
religieux, ça pose certaines interrogations, entre guillemets. Je sais
aussi pertinemment bien, pour d'autres matières, que le matériel
n'a pas encore subi d'adaptation réelle sauf le renouvellement,
peut-être, de la reliure.
M. Blais (Daniel): Dans mon cas, je suis plutôt en
sciences, chimie, biologie, physique. En biologie, ce n'est pas si mal. Du
côté chimie et physique, c'est à travailler. On utilise
encore du matériel des années soixante-dix. Ça commence.
Ça débute. Il y a beaucoup, on pourrait dire, d'entreprises qui
essaient de passer leur matériel pour approbation en incluant simplement
certaines photographies et même certains croquis qui ne font aucunement
allusion au texte. Donc, il y aurait des choses à faire là-dessus
aussi.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ceci signifie que le ministère
aurait aussi avantage à travailler avec les universités dans le
but de leur donner le coup de main pour préparer du matériel
didactique pour cette formation.
M. Le Blanc: Oui, ça irait de pair. Si on veut être
cohérents et en pleine congruence pour une société qui,
demain, va prendre un visage de plus en plus diversifié au niveau
ethnique, bien, ça serait logique de...
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Messier): Merci. Peut-être le plus
vorace des députés de l'Opposition, le député de
Shefford. Il faut les mériter, ces trois crédits-là.
M. Paré: Ce n'est pas difficile d'être le plus
vorace cet après-midi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vous
souhaite la bienvenue à la commission et je vous remercie de votre
contribution. Je trouve ça un peu dommage que les gens qui
étaient juste avant vous soient partis. Vous êtes la preuve
vivante de l'ouverture d'esprit de la majorité francophone et ça
fait du bien de voir des nouveaux enseignants à venir très
préoccupés par cette nouvelle réalité
québécoise. C'est intéressant de voir comment,
premièrement, vous êtes bien sensibilisés à ce qui
s'en vient, juste par les commentaires que j'ai entendus en vous
écoutant quand vous parliez des problèmes que vivent les
jeunes.
Effectivement, les nouveaux Québécois nous arrivent tout
jeunes, pris avec un nouveau monde, une nouvelle façon de vivre et
presque l'obligation qu'on leur donne d'apprendre deux nouvelles langues s'ils
n'ont pas déjà le français ou l'anglais. Donc, c'est des
jeunes qui sont déjà pris dans un tourbillon qui est beaucoup
plus exigeant que ce que nos petits Québécois ont à vivre
en étant ici depuis longtemps. Et quand vous dites - et je suis tout
à fait d'accord avec vous - qu'il faudrait prendre les moyens dans
l'éducation pour valoriser les groupes, non pas les mettre les uns
contre les autres mais les valoriser... Effectivement, peu importe d'où
ils viennent, ils sont tous des gens qui méritent de l'être,
valorisés.
Donc, là-dessus... et je suis d'accord avec vous quand vous dites
que ça prend des cours interculturels pour la formation des
maîtres, à partir de maintenant, parce que, peu importe où
on va se trouver, ce n'est pas seulement à ceux qui sont à
Montréal, où il y a beaucoup, beaucoup de communautés
regroupées au sein d'une même école qu'il faut penser. Si
on veut de la régionalisation, même s'il y en avait juste un, deux
ou trois dans une classe, il faut avoir la
môme préoccupation, être capables de lacceplor au
moment où ça va arriver et ne pas prendre ça comme si on
faisait... Quand on a dit, à un moment donné, qu'il faut
intégrer dans les classes les personnes avec une déficience ou
quelque chose, le professeur, s'il n'était pas préparé
à une nouvelle situation, pour lui, ça devenait quelque chose de
grave alors que, pour vous, ça ne semble pas être ça.
Mais j'ai une question à vous poser parce qu'on en a entendu, des
professeurs et des groupes représentant les commissions scolaires ou les
écoles, venir nous dire la réalité vécue dans les
quartiers de Montréal, que ce soit l'école Saint-Luc ou n'importe
laquelle, où il y a, dans certains cas, plus de 80 % des
élèves qui sont de minorités ethniques culturelles. Est-ce
que vous avez visité de ces écoles? Est-ce que vous avez
parlé à ces professeurs? Est-ce que vous avez une vue
réelle de la situation qui se vit là? Ce n'est surtout pas pour
vous décourager, au contraire. Est-ce que - comment dirais-je
ça... Votre intérêt par rapport à ça, moi, me
stimule, mais avez-vous vu sur place la réalité?
M. Le Blanc: Moi, je dois affirmer, pour ma part, que non, mais,
pour connaître ma région en Estrie, je me suis renseigné
surtout auprès des COFI pour savoir ce qui se passe, ce qui se vit, et
aussi auprès des écoles que j'ai nommées tantôt.
C'est présentement, je pourrais dire, les modèles dans ma
région parce que je veux d'abord oeuvrer là. Ce n'est pas que je
ne porte pas un intérêt à Montréal, mais je ne me
suis pas, je pourrais dire, mis à jour dans tous les détails qui
se passent à Montréal.
M. Paré: Toujours dans la préparation des
professeurs, il y a aussi la préparation de la collectivité dans
la sensibilisation. Il ne faudra pas l'oublier, effectivement, la meilleure
sensibilisation... Il y a des gens qui l'ont compris; quand on parle
d'environnement, par exemple, de recyclage, de cueillette, les intervenants ont
dit: La première place où il faut aller pour sensibiliser la
population, c'est chez les jeunes, dans les écoles et, ensuite de
ça, ils vont convaincre les parents. C'est la même chose si on
veut changer la mentalité par rapport à l'accueil des nouveaux
Québécois. Vous avez raison, il faudra le faire dans les
écoles, d'une façon souvent la plus simple mais la plus
importante parce que c'est la façon imagée dans, finalement, tout
ce qui est pédagogique. Vous avez raison, une image vaut 10 000 mots. Il
y a déjà eu une politique qui avait commencé
là-dedans, dans le sens de la transformation des volumes;
malheureusement, la politique a été abandonnée, mais il
faudra la ramener, et très rapidement. Effectivement, il faut que le
jeune s'habitue à voir, dans sa réalité d'études
quotidiennes, qu'il est dans une réalité qui évolue. Quand
le jeune, lui aussi, verra arriver dans sa classe des gens des mino-
rités culturelles ou des minorités visibles, lui non plus, il ne
devra pas avoir une réaction comme s'il arrivait quelque chose de pas
normal alors que ça va devenir le quotidien.
Vous prouvez par votre présence ici, par le document que vous
avez présenté et ce que vous avez dit, votre intérêt
par rapport à cette nouvelle école moderne qui serait
adaptée au Québec qui évolue. Vous n'étiez pas tout
seuls dans votre classe, c'est évident. Vos collègues
étudient la même chose que vous autres pour devenir des
enseignants; est-ce qu'ils ont cette même perception, cette même
volonté? Est-ce qu'ils ont cette même réaction par rapport
à leur profession qui s'en vient, avec un contexte qui change?
M. Le Blanc: J'ose croire que oui. D'abord, le cours est un
choix; je veux dire que c'est un cours à option, mais c'est un cours qui
était au choix parce qu'on avait une possibilité de deux. Le fait
qu'on ait choisi ce cours-là montre, je pourrais dire, un premier
intérêt. Et le fait, aussi, d'avoir terminé tout le cours
ensemble, je pourrais dire, montre un deuxième intérêt qui
est plus profond, celui de continuer à garder une sensibilisation et
à creuser davantage tout le processus que ça peut engager
auprès de l'éducation, auprès de la modification sur
laquelle on aura à intervenir auprès de ces jeunes.
M. Paré: Vous avez parlé d'une foule de choses, je
dois le dire, et je ne voudrais pas toutes les reprendre parce que je pourrais
répéter, mais effectivement, avec le projet de loi 107, de plus
en plus, dans le fameux projet éducatif, il y a des écoles qui
vont avoir des projets d'intégration ou de valorisation. Je pense que
si, à l'intérieur de ces écoles-là, on retrouve des
professeurs comme vous en êtes, on risque que le projet, qu'il soit
élaboré par les comités d'école ou les
comités de parents, soit finalement un succès. Je le souhaite. Je
vous souhaite bonne chance dans votre profession. Comme il est 18 h 30, avant
que le président ne me le dise...
Le Président (M. Messier): Nous devons...
M. Paré: ...parce qu'on se le fait dire souvent...
Le Président (M. Messier): ...incessamment terminer nos
travaux.
M. Paré: ...incessamment. Je dois vous dire que je suis
bien content que vous soyez venus. Je pense que c'est un espoir, finalement, de
vous entendre par rapport à l'objectif d'intégration qu'on a
très largement à cette commission.
Le Président (M. Messier): Mme la ministre va vous
remercier.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux également vous remercier
pour la présentation de ce mémoire. Je suis très heureuse
de voir que vous vous intéressez à cette cause qui est fort
défendable. Je veux aussi profiter de l'occasion pour vous souhaiter
bonne chance dans votre future carrière.
Le Président (M. Messier): On vous accorde vos trois
crédits. Bonne fin de soirée et bon retour à Sherbrooke.
On ajourne nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 30)