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(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez prendre
place. La commission de la culture va entreprendre ses travaux. Tout d'abord,
je tiens à vous dire bonjour et à vous souhaiter une bonne
journée à cette commission. Je vous rappellerai maintenant quel
est le mandat de cette commission qui est de tenir une consultation
générale sur l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration intitulé Au
Québec pour bâtir ensemble ainsi que sur les niveaux
d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme
la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?
La secrétaire: Oui, M. Bradet (Charlevoix) remplacé
par M. Bordeleau (Acadie); M. Godin (Mercier) remplacé par Mme Juneau
(Johnson).
Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à
cette commission. Je vais maintenant donner l'ordre du jour de notre
journée qui est, ce matin, à partir de 9 h 30, d'entendre la
Communauté urbaine de Montréal; à partir de 10 h 30, la
ville de Montréal; à 11 h 30, la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain. Par la suite, nous aurons une suspension
des travaux de 12 h 30 à 16 h 30, pour reprendre avec le Mouvement pour
une école moderne et ouverte; à 17 h 30, nous entendrons le
Mouvement national des Québécois. À 18 h 30, nous
suspendrons à nouveau, pour reprendre à 20 heures afin d'entendre
le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke; à 20 h 30, M. Donald
L'Espérance et à 21 heures, le Réseau d'action et
d'information pour les femmes, pour ensuite ajourner les travaux de cette
commission à 22 heures.
Alors, les ententes pour le temps de parole sont
généralement 20 minutes, sauf avis contraire du président
de la commission, pour la présentation du mémoire et, par la
suite, 20 minutes entre les différentes formations politiques, soit le
gouvernement et l'Opposition officielle. Je vois qu'il n'y a pas de demande de
remarques préliminaires. Je ne vois pas aussi de demandes de motion
préliminaire.
Alors, je vais donc sans plus tarder convier d'abord les invités
à se présenter; présenter les gens autour d'eux, expliquer
qui ils sont et, par la suite, vous avez 20 minutes pour commencer
l'exposé de votre mémoire. Vous n'êtes pas obligés
de prendre les 20 minutes au complet. Ça peut être pris dans la
discussion. Si les 20 minutes ne sont pas prises, le temps est réparti
également de chaque côté afin de poursuivre la discussion
avec vous. Alors, M. le président de la
Communauté urbaine de Montréal, bienvenue et vous pouvez
commencer votre présentation.
Communauté urbaine de Montréal
M. Hamelin (Michel): Merci, M. le Président. Alors, M. le
Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs membres de la
commission parlementaire de la culture, je tiens tout d'abord, au nom de la
Communauté urbaine de Montréal, à vous remercier bien
sincèrement de donner à la Communauté l'occasion d'exposer
quelques-unes des réflexions que nous a inspirées la lecture de
l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en
matière d'immigration et d'intégration.
Je tiens d'abord, en premier lieu, à vous présenter les
personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Waheed Malik, qui est
président du Comité consultatif sur les relations
interculturelles et interraciales à la Communauté urbaine de
Montréal et à ma droite, M. Jean Isseri, qui est cordonnateur aux
relations interculturelles et interraciales au bureau du président.
Je voudrais aussi, en tout premier lieu, féliciter le
gouvernement et l'Assemblée nationale d'avoir organisé un tel
débat sur deux des questions qui préoccupent le plus notre
société, à savoir l'immigration et le passage de
l'immigration à l'intégration. Je comprends que les consultations
que vous tenez doivent amener le gouvernement à arrêter un plan
d'action devant contribuer à garantir le dynamisme économique et
démographique du Québec et sa cohésion comme
société distincte en Amérique du Nord. La
Communauté urbaine de Montréal répond à votre
demande en soumettant un mémoire dont je ne ferai pas la lecture, mais
dont je présenterai brièvement les faits saillants.
Nous avons d'abord tenu à rappeler que l'importante contribution
contenue dans le rapport Au Québec pour bâtir ensemble,
s'inscrit dans une démarche qui n'est pas nouvelle au Québec.
En effet, déjà, en 1981, un autre très important rapport,
Autant de façons d'être Québécois, posait les
problèmes reliés à l'immigration et à
l'intégration des membres de communautés culturelles
minoritaires. Ce rapport annonçait, dans des termes très proches
de ceux que nous employons aujourd'hui, les orientations mises de l'avant par
l'énoncé actuel de politique du gouvernement. Je crois qu'il faut
se réjouir de cette continuité et de cette communauté de
perspectives qui ont animé le Québec depuis notamment la mise en
place, en 1968, d'un
ministère de l'Immigration.
Par la suite, nous avons fait une courte présentation de la
composition ethnoculturelle de la population de l'île de Montréal,
depuis la création de la ville de Montréal. Le tableau de la page
17 de notre mémoire résume de façon saisissante
l'évolution historique des grands groupes culturels sur le territoire de
la ville de Montréal. À quelques variantes près, nous
aurions pu obtenir une configuration semblable de ces groupes sur le territoire
de l'ensemble de IHe, soit le territoire de la Communauté. En examinant
le tableau, on peut constater qu'à l'exception de la période de
1831 à 1866, période où les Québécois
d'origine britannique étaient majoritaires, Montréal a toujours
eu une population d'origine française majoritaire. On constate aussi que
le groupe de Québécois d'origine britannique ne cesse ne
décroître depuis 1844 et qu'en contrepartie, les
Québécois d'origines autres que française et britannique
gagnent en importance, particulièrement depuis le début du
siècle, et surtout depuis 1951. Cette dernière catégorie
de Québécois est aujourd'hui évaluée à
environ 35 % de la population de l'île de Montréal. Ainsi,
Montréal devient de plus en plus cosmopolite, même si ce
phénomène est moins accentué que dans d'autres
agglomérations canadiennes telles que Toronto, Vancouver, Calgary,
Edmonton ou Winnipeg.
Face à cette évolution, les dirigeants de la
Communauté urbaine de Montréal ont décidé
d'entreprendre des actions destinées à mieux gérer le
changement institutionnel et les relations interculturelles dans les champs
spécifiques de compétence de la Communauté. Le plan
d'action retenu par notre organisation est exposé dans la
troisième partie de notre mémoire. On y traite des six principaux
volets de ce plan.
Le premier volet concerne la mise en place d'une structure de
consultation permanente, d'une structure de dialogue entre les
représentants de communautés culturelles et les responsables
administratifs et politiques de la Communauté urbaine de
Montréal. Cette structure prend la forme d'un comité consultatif
sur les relations interculturelles et interraciales et relève
directement du président du comité exécutif de la
Communauté.
Le second volet vise à préciser les principes qui doivent
guider les élus, les dirigeants et l'ensemble du personnel de la
Communauté dans le domaine des relations interculturelles. Les principes
d'équité, de représentativité, de
non-discrimination sont énoncés dans une déclaration de la
Communauté qui reprend ceux énoncés par le gouvernement du
Québec en 1986. Cette déclaration est en évidence dans
tous les points de service de la Communauté. (9 h 45)
Le troisième a trait à la représentation
adéquate des membres des groupes ethnoculturels à
l'intérieur du personnel de la Communauté urbaine de
Montréal. Ce volet est plus longuement développé dans le
mémoire parce que c'est probablement le défi le plus difficile
à relever. Évidemment, c'est également le domaine
où les mesures à prendre sont les plus nombreuses.
Le quatrième volet de notre plan porte sur rétablissement
de relations de collaboration et de partenariat entre nos services et les
groupes ethnoculturels. Le but visé est le développement d'une
compréhension mutuelle, d'une adaptation des services aux besoins mieux
cernés de nos clientèles particulières. C'est un domaine
où la Société de transport, le Service de police de \a
Communauté urbaine de Montréal ainsi que l'ensemble des autres
services de notre organisation sont particulièrement actifs.
Le cinquième s'applique à la qualité des
communications de notre organisation avec notre personnel, avec la population
en général et avec les communautés culturelles en
particulier.
Le sixième et dernier volet du plan d'action de la
Communauté mobilise l'ensemble de nos services et concerne la conception
et la mise en place des programmes de sensibilisation, de formation, de
perfectionnement du personnel cadre autant que du personnel d'intervention
directe.
Telles sont les grandes orientations que la Communauté urbaine de
Montréal a privilégiées dans son plan d'action visant
à adapter à la fois ses services et son personnel à la
réalité de plus en plus cosmopolite de Montréal.
La dernière partie de notre mémoire concerne
l'identification de recommandations. Dans la foulée des actions qu'elle
mène depuis plusieurs années, la Communauté urbaine de
Montréal estime important d'appuyer et de contribuer à la
réalisation d'un programme québécois destiné
à faciliter l'intégration des immigrants et des membres des
communautés culturelles. L'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration identifie les
différents volets des actions à mener et constitue un plan
d'ensemble qui nous apparaît bien structuré et
intégré. Dans cette perspective, la Communauté urbaine de
Montréal souhaite faire part au gouvernement du Québec de ses
attentes et préciser un certain nombre de priorités qu'elle est
à même de dégager de son analyse de la situation et du
bilan de ses interventions au cours des dernières années.
En ce qui a trait aux niveaux d'immigration, compte tenu que la
vitalité démographique dépend dans une large mesure de
l'apport de l'immigration, la Communauté appuie l'objectif global
d'augmenter progressivement les niveaux annuels d'immigration afin qu'ils
atteignent une proportion de 25 % du total de l'ensemble que le Canada
reçoit. Nous considérons en effet que Montréal a la
capacité de recevoir davantage d'immigrants dans la mesure où les
structures d'accueil de ces derniers se renforcent. Une telle approche permet
d'assurer une intégration
harmonieuse et d'éviter le développement de tensions
sociales au sein de nos agglomérations urbaines.
En ce qui concerne la régionalisation de l'immigration, la
Communauté souscrit à la volonté du gouvernement de
l'accroître, prenant pour acquis que les structures de support
économique et social de cette immigration régionalisée
seront mises en place. Il est recommandé que l'Union des
municipalités du Québec soit associée étroitement
à la réalisation de cet objectif afin d'en assurer la
réussite.
Concernant l'intégration, la Communauté souhaite la mise
en place d'une table de concertation régionale regroupant, dans une
première phase, les principaux acteurs institutionnels des
différents paliers de gouvernement dans la région de
Montréal. Cette table regrouperait en priorité les organismes qui
ont mis de l'avant des mesures et des programmes concrets, afin de favoriser
une participation accrue des membres des communautés culturelles et des
minorités visibles, à la main-d'oeuvre et à la vie des
institutions. Cette table pourrait avoir le mandat suivant: faire le bilan des
actions entreprises au sein des organismes en matière
d'intégration, identifier les projets à réaliser en
commun, en particulier dans les domaines de la formation, de l'information du
public, de l'embauche et de la recherche, assurer, dans une certaine mesure,
bien évidemment, le suivi de la mise en oeuvre dans la région de
Montréal du plan d'action gouvernemental en matière
d'intégration.
En ce qui a trait aux programmes d'accès à
l'égalité dans le secteur public, la Communauté urbaine de
Montréal recommande que priorité soit accordée à un
certain nombre de mesures susceptibles de favoriser l'atteinte des objectifs de
ces programmes, objectifs qui sont particuliers à chaque institution.
Ces mesures comprendraient, entre autres, le développement de banques de
candidatures communes pour diverses catégories d'emploi, la promotion
commune de certaines carrières, la mise en place de mécanismes
d'aide au placement en milieu de travail et de projets pilotes d'insertion.
Dans le domaine de la formation et de la sensibilisation du personnel
aux réalités multicul-turelles et multiraciales, la
Communauté urbaine de Montréal recommande que les ressources des
différentes institutions soient mises en commun et que soient
développés des outils de formation professionnelle adaptés
au contexte du secteur public, en particulier ceux destinés aux cadres
confrontés à la gestion du changement au sein des organismes. Il
nous apparaît également essentiel que les différents
programmes de formation menés à ce jour dans les secteurs public
et parapublic soient évalués, et que soit renforcée la
formation interculturelle dans les programmes de techniques auxiliaires de la
justice au niveau collégial, programmes qui mènent à ta
carrière de policier, et dans l'en- seignement dispensé à
l'Institut de police du Québec. La CUM recommande de plus qu'une action
concertée dans le domaine de l'information porte en priorité sur
les volets suivants: la fourniture d'un service de renseignements d'appoint
multilingues pour l'ensemble des services publics de la région de
Montréal, la mise en place d'un programme d'information
intégré pour les nouveaux arrivants et des campagnes
d'information communes destinées aux groupes vivant des problèmes
d'isolement au sein des communautés culturelles.
Dans le domaine de la recherche, la Communauté recommande qu'un
programme soit conçu par les institutions publiques et parapubliques, en
collaboration avec les institutions d'enseignement supérieur du
Québec. La recherche pourrait notamment porter sur l'impact de
l'immigration sur l'économie des grandes agglomérations, le
rôle des communautés culturelles dans le développement
socio-économique des régions, les questions liées à
la rétention de la population immigrante, la perception des organismes
publics au sein des communautés culturelles.
Dans le domaine de la francisation, la Communauté recommande que
l'ensemble des mesures contenues dans l'énoncé de politique
soient le plus rapidement possible implantées.
Dans le domaine de la participation des membres des communautés
culturelles aux instances décisionnelles et consultatives, la
Communauté recommande que la formule des comités consultatifs
sort étendue à l'ensemble des institutions des secteurs public et
parapublic. Nous recommandons de plus qu'on systématise la
représentation des membres issus des communautés culturellles et
des minorités visibles au sein des comités et conseils relevant
de nos grandes institutions publiques. Nous recommandons enfin que le
comité de déontologie policière soit rapidement mis en
place et reflète adéquatement, dans sa composition, les
diversités ethnoculturel-les de notre territoire.
En ce qui concerne maintenant le suivi du plan d'action qui
découlera de l'énoncé de politique gouvernementale en
matière d'immigration et d'intégration, la Communauté
recommande que ce suivi relève de la plus haute instance de l'appareil
gouvernemental, soit le Conseil exécutif. Il apparaît essentiel
que la mise en oeuvre de ce plan d'action devienne une priorité
politique de l'ensemble du gouvernement. La Communauté recommande que
chaque ministère produise, dans des délais raisonnables, un plan
d'implantation politique en matière d'intégration. Ce plan
devrait comporter les volets suivants: l'emploi, la formation, les relations
avec les communautés culturelles et l'accessibilité aux services.
Un bilan annuel des actions de chaque ministère devrait être
produit. Ces mesures devraient également être appliquées
par l'ensemble des services concernés des paliers municipaux et du
domaine parapublic.
En ce qui concerne les gestionnaires supérieurs des secteurs
public et parapubiic, la Communauté urbaine recommande que
l'évaluation de leur performance soit liée à l'atteinte
des objectifs fixés dans les plans d'action ministériels ou
autres mis en place dans les différentes institutions - en fait,
là, une partie de l'évaluation - qu'on tienne compte de ce fait
dans l'évaluation de la performance. La Communauté recommande au
gouvernement du Québec d'implanter des comités sectoriels de
concertation regroupant des représentants ministériels, des
représentants des secteurs public, parapubiic et des milieux
associatifs. Ces comités sectoriels de concertation pourraient porter
sur le développement et la promotion économiques,
l'éducation et la francisation, la sécurité publique et la
prévention de la criminalité, le développement et la
promotion culturels et artistiques.
En ce qui concerne les associations émanant des
communautés culturelles, la Communauté recommande au gouvernement
de maintenir et d'accroître si possible le soutien financier et technique
qu'il accorde à ces associations, afin de donner les moyens à ces
dernières de jouer pleinement leur rôle et de relever le
défi de l'intégration.
En conclusion, M. le Président, nous vous réaffirmons
notre adhésion aux orientations générales contenues dans
l'énoncé de politique proposé par le gouvernement du
Québec. Nous savons cependant que la politique devra évoluer, se
préciser au fur et à mesure que l'ensemble des forces en
présence adhérera au projet d'une société
d'expression française, pluraliste, démocratique, moderne,
prospère. Une politique d'intégration exige du temps et de la
persévérance, de la détermination et des moyens, de la
créativité et de l'innovation et une forte dose de
générosité. Un traitement efficace de l'intégration
devra être global, devra impliquer l'intervention coordonnée de
tous les ministères concernés. L'intégration exige aussi
que l'on modifie nos approches habituelles, institutionnelles et que l'on
apprenne à fonctionner de façon non cloisonnée en
concertation avec des milieux qui sont différents des nôtres.
Alors, voilà un résumé du mémoire de la
Communauté urbaine de Montréal. Nous sommes maintenant
prêts à répondre aux questions des membres de la
commission.
Le Président (Ml. Gobé): Merci, M. Hamelin.
Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre et par la
suite, je reconnaîtrai M. le député de l'Acadie.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Hamelin, et bienvenue à
cette commission parlementaire. M. Hamelin, dans votre mémoire, vous
avez suggéré la création d'une table de concertation qui
regrouperait les principaux acteurs institutionnels des différents
paliers de gouvernement dans la région de Montréal. Je trouve que
cette idée est intéressante et je suis très sensible parce
que, malgré notre ferme intention de favoriser la régionalisation
de l'immigration, Montréal va rester le lieu où la
majorité des immigrants vont venir s'installer dans les prochaines
années. Le mandat d'une telle table de concertation serait cependant
à étudier et je me demande, à mon avis, si les deux
premiers points que vous suggérez, soit, par exemple, le bilan des
actions entreprises au sein des organismes et l'identification de projets
communs, sont particulièrement pertinents.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'énoncé de
politique, je veux rappeler que nous avons aussi maintenant au ministère
un secrétariat à la coordination gouvernementale qui est
chargé d'assurer le suivi du plan d'action, notamment grâce
à un réseau de répondants dans l'ensemble des
ministères et organismes qui sont responsables des mesures relevant de
leur champ de compétence. Alors, déjà, il y a une
structure qui existe, qui n'existait pas il y a quelques années et qui
existe depuis maintenant, je pense... c'est un an ou un an et demi. En termes
de collaboration à développer, j'aimerais souligner que notre
gouvernement attache beaucoup d'importance à l'harmonisation des actions
en matière de sélection et d'intégration. Et, bien
sûr, nous cherchons à nous assurer que les niveaux
planifiés correspondent aux consensus sociaux existant dans la
population, à la conjoncture économique et aussi à la
disponibilité des services.
D'autre part, il serait certainement intéressant pour la CUM
d'être mieux informée sur les caractéristiques des futurs
arrivants parce que vous savez que, souvent, nous sélectionnons et
ça prend un an avant que la personne arrive dans la région. Donc,
il serait sûrement intéressant que la CUM soit mieux
informée de ces caractéristiques pour planifier ses services en
conséquence. Donc, je pense que nous pouvons à ce
niveau-là avoir des collaborations. Il n'y a aucun problème dans
ce sens. Mais j'aimerais savoir, si jamais il y avait création d'une
telle table de concertation, quels seraient, à votre avis, les dossiers
prioritaires d'une telle table.
M. Hamelin: Tout d'abord, je voudrais bien indiquer que, quand
j'ai parlé d'assurer le suivi de la mise en oeuvre, j'ai bien dit dans
une certaine mesure, et ça serait évidemment une aide au suivi
qui serait effectuée par le ministère. Comme une telle table de
concertation oeuvrerait strictement dans la région de Montréal,
je pense qu'elle pourrait être précieuse pour aider à faire
le suivi. Il ne s'agit pas là d'une table de concertation qui
deviendrait un chien de garde. C'est une table de concertation qui serait pour
aider... La même chose, quand vous parlez de la CUM, informer des
caractéristiques des futurs immigrants. Je pense que cette
table de concertation serait le lieu tout indiqué parce qu'il n'y
a pas que la CUM qui est impliquée là-dedans. La CUM y est
impliquée dans la mesure de ses responsabilités, mais il y a
d'autres responsabilités. Je pense aux institutions scolaires, je pense
aux municipalités comme telles qui ont beaucoup plus de
responsabilités, des responsabilités beaucoup plus vastes que
celles de la Communauté. (10 heures)
Vous me parlez des principaux mandats ou des principales actions au
départ, je crois que c'est la mise en commun des actions qui ont
été entreprises. Au niveau de la Communauté, on peut le
faire, par exemple, avec le service de police, avec la Société de
transport parce qu'il y a des liens très étroits. Dans une
certaine mesure, avec des municipalités membres, mais avec le
réseau scolaire, par exemple, où il se fait sûrement des
choses très intéressantes concernant l'immigration ou
l'intégration, les liens ne sont pas faits de façon
systématique; avec d'autres institutions gouvernementales, certains
ministères sûrement, il n'y a pas de ces liens. Alors, le premier
objectif ou la première raison d'être de cette table de
concertation serait de prendre connaissance du travail qui a déjà
été fait et d'éviter ainsi de faire la duplication d'un
certain nombre d'actions qui ont été entreprises, qui ont
été menées à bien, et on sait que dans ce
domaine-là, ça ne fait pas tellement longtemps ou on n'a pas une
tradition, là, tellement longue, et dans les débuts, ça a
fonctionné un petit peu par méthode d'essais et d'erreurs et,
à ce moment-là, une telle mise en commun des expériences
de chacun des membres ou des institutions qui seraient regroupés autour
de cette table de concertation, pourrait permettre, je pense, d'avancer
beaucoup plus rapidement, par la mise en commun des expériences
heureuses de chacun, et aussi des expériences qui auraient pu être
moins heureuses, et qu'on éviterait ici de reproduire dans d'autres
milieux.
Mme Gagnon-Tremblay: Lorsque vous parlez du bilan des actions
entreprises au sein des organismes, vous savez que nous sommes actuellement en
train de réévaluer nos programmes de subventions aussi, et nous
voulons attribuer ces programmes en fonction des objectifs aussi qu'on s'est
donnés dans notre nouvelle politique. Et moi aussi, je pense que c'est
tout à fait important d'être capable de faire un peu le bilan ou
l'inventaire des services actuellement donnés et en faire
l'évaluation, à savoir si ces services-là sont
donnés de façon conforme aux objectifs visés ou encore,
qui les donne et comment on peut les donner, parce qu'il n'est pas seulement de
l'intention du gouvernement de faire pour les autres, mais de faire faire
aussi. Je pense que ça, c'est important. Et si jamais on faisait ce
bilan-là des activités et des services après avoir, bien
sûr aussi, identifié les besoins essentiels, les services
essentiels qu'on doit accorder, comment, par exemple, dans la grande
région de Montréal, on pourrait faire ce type de bilan, est-ce
que, par exemple, ça devrait se faire à partir des CLSC, à
partir de régions, à partir de quartiers? Remarquez, quand
même, que c'est grand, Montréal, et on sait que les CLSC, par
exemple, offrent déjà beaucoup de services a peu près dans
tous les milieux. Comment vous voyez cette recherche-là, cette
façon de faire?
M. Hamelin: Je pense qu'une telle table de concertation pourrait
être très utile pour faire cette recherche. Les CLSC font certains
efforts, les milieux scolaires font des efforts, les milieux municipaux font
des efforts aussi. À ce que je sache, il n'y a personne qui ait
réussi, à date, à intégrer tous ces efforts et
à faire prendre conscience ou mettre en commun tous ces efforts qui sont
faits dans des domaines bien particuliers. Alors, cette table de concertation
que nous proposons, aurait, je pense, cet immense avantage d'avoir autour d'une
même table tous les gens qui sont impliqués dans le domaine de
l'immigration et surtout de l'intégration et de faire valoir chacun dans
leur domaine respectif les actions qui ont été faites. Alors,
cette table de concertation nous apparaîtrait être un lieu propice
à ce bilan.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, si je comprends bien, M. Hamelin,
c'est que vous êtes conscient qu'il se donne beaucoup de services pour
l'intégration, mais qu'ils sont un peu éparpillés,
finalement, et que si on pouvait, autour d'une table, rassembler tous ces
intervenants, la coordination pourrait se faire davantage parce qu'on sait que
la majeure partie, au-delà de 80 % de la population se retrouvent
à Montréal. Donc, il serait beaucoup plus facile de faire une
coordination. Autant le ministère ou ses organismes gouvernementaux, par
exemple, cherchent actuellement à coordonner leurs efforts avec les
autres ministères autant vous souhaiteriez, par exemple, que dans la
région de Montréal l'on puisse aussi coordonner nos actions.
C'est ça que je comprends bien.
M. Hamelin: Coordonner et concerter. Mme Gagnon-Tremblay:
Concerter...
M. Hamelin: Je ne voudrais cependant pas, ou la Communauté
ne voudrait pas que cette table devienne une table qui déciderait en
lieu et place des organismes. Il n'est absolument pas question de ça.
C'est vraiment de la coordination et de la concertation, laissant à
chacun des organismes membres de cette table les responsabilités d'agir
dans ses responsabilités particulières. Mais connaissant ce que
l'autre fait, connaissant les politiques, les actions menées par les
divers partenaires, je pense qu'à ce moment-
là, l'immigration, générale et
l'intégration, au général, y gagnerait beaucoup à
éviter certains dédoublements et faire profiter des idées
originales à l'ensemble de la collectivité.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Hamelin.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je
vais reconnaître maintenant, pour quatre ou cinq minutes encore
disponibles, M. le député de de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous saluer, M. Hamelin. J'aimerais peut-être aborder deux
points que vous mentionnez dans votre mémoire. Toute la question du
comité de déontologie policière. Vous mentionnez que vous
souhaiteriez, au fond, qu'on accélère un peu la mise en place de
ce comité de déontologie et qu'il soit également
représentatif de la diversité ethnoculturelle du territoire de la
CUM. J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'information sur la
façon dont vous voyez la représentativité. Ça veut
dire quoi concrètement? Est-ce que vous avez eu des contacts
actuellement avec les policiers et quelles sont les réactions de ce
côté-là? Comment voyez-vous l'opé-rationnalisation
de la mise en place de ce comité de déontologie?
M. Hamelin: Écoutez, si j'en parie ici, c'est que nous
croyons, à la Communauté urbaine de Montréal, que
ça presse. Le nouveau comité de déontologie
policière, c'est en fonction depuis septembre dernier et les nominations
ne sont pas encore faites. Il y a déjà au moins tout près
de 125 cas qui ont été rapportés au commissaire à
la déontologie. Les enquêtes sont à peine commencées
et les comités ne sont pas encore formés. Alors, vous savez que
les comités sont composés à un tiers d'avocats, un tiers
de policiers et un tiers des représentants du public.
Nous avons soumis, à la Communauté urbaine de
Montréal, des propositions au ministre de la Sécurité
publique pour la nomination de citoyens. Au niveau des policiers, c'est fait
par les corps policiers. Au niveau des juristes, c'est le ministère.
Pour ce qui est des citoyens, nous avons fait des représentations pour
nommer un minimum de 15 citoyens qui ne seraient pas à temps plein, mais
évidemment à temps partiel. Ce minimum de 15 nous permet
d'assurer une représentativité de l'ensemble de notre population.
Si on accepte que cinq personnes pourraient siéger à ces
comités, vous voyez que nous sommes restreints drôlement dans la
représentativité de l'ensemble de la population. Alors, nous
avons envoyé des suggestions au ministère. Nous demandons au
ministère d'en nommer au moins 15 - nos suggestions en comportaient 15 -
pour s'assurer de cette représentativité. Par la suite, le
commissaire, quand il formera ces tribunaux de déontologie, pourra,
dépendant de la nature du cas qui est soumis y affecter une personne qui
pourrait être en mesure de bien comprendre la situation
particulière qui sera soumise au tribunal de déontologie.
Nous pressons encore une fois, par le biais de cette commission, le
gouvernement, le ministère de la Sécurité publique d'agir
le plus rapidement possible. L'un des buts de cette réforme était
de rendre un petit peu plus transparente toute la question de la
déontologie policière; c'était aussi
d'accélérer le processus. C'est en place depuis septembre; il n'y
a rien de fait ou à peu près depuis ce temps-là. Alors, on
a 125 cas en arrière et on va se retrouver très rapidement avec
des retards dans l'administration de ce code de déontologie
policière. On sait qu'en termes de justice, plus ça prend de
temps, moins la justice est desservie. L'image qu'on voulait donner à la
population, tous ensemble, autant la Communauté urbaine que le
gouvernement - là-dessus, je dirais plus la Communauté urbaine
que le gouvernement... Parce que ça fait tellement d'années qu'on
pousse là-dessus, on risque de manquer le bateau si des nominations ne
sont pas faites rapidement et si on ne procède pas à
l'étude, à tout le moins des premiers cas, pour éviter
qu'il y ait un tel engorgement, que ça prenne deux ou trois ans avant
que les causes soient entendues.
M. Bordeleau: La deuxième question porte sur le tableau
que vous avez à la page 29 de votre mémoire... sur les objectifs
quantitatifs au SPCUM. En fait, vous nous donnez des taux de ce que vous
appelez des taux de disponibilité qui - j'interprète - sont des
objectifs, que vous souhaiteriez éventuellement atteindre.
M. Hamelin: Oui, ce sont des taux qu'on souhaiterait atteindre,
mais le taux de disponibilité est fait en fonction d'une recherche par
la Commission des droits de la personne qui, lorsque un plan d'accès
à l'égalité doit être établi, fait une
évaluation de taux de disponibilité du marché pour telle
catégorie. Alors, à ce moment-là, ces taux de
disponibilité nous ont été fournis par la Commission des
droits de la personne. Maintenant, pour ce qui est des objectifs quantitatifs
comme tels du service de police, ces objectifs seront dévoilés le
11 avril prochain.
M. Bordeleau: Parfait. Maintenant, si on regarde un peu au niveau
des minorités visibles - et je regarde aussi les autres minorités
- il y a des pourcentages qui sont là. On voit un écart quand
même beaucoup plus grand au niveau des minorités visibles: 0,5 %
de la représentation actuelle versus un taux de disponibilité de
5,87 %, alors que dans les autres minorités (Italiens, Belges) qu'on
mentionne ici à titre d'exemple, 6,23 % versus 9 %. Quelles sont
les difficultés qui font qu'il y a un écart aussi grand au
niveau des minorités visibles et quelles sont les difficultés
particulières qui font que le recrutement est peut-être plus
difficile dans cette catégorie-là?
M. Hamelin: II y a un ensemble de problèmes auxquels le
Service de Police fait face dans le recrutement des minorités, et je
dirais autant minorités visibles que minorités non visibles.
Beaucoup des pays d'où viennent les immigrants ont une notion de la
police qui n'est pas la même notion que nous avons ici au Québec
de ce qu'est un service policier et du rôle des policiers comme tel. Il y
a même dans beaucoup de familles le fait que si l'un des membres de la
famille entre dans la police, embrasse la carrière de policier, c'est
très mal vu à cause de la connotation péjorative que la
police a eue dans certains pays d'origine. C'est l'un des facteurs. Un autre
des facteurs, c'est que, comme il y en a très peu, ça devient
moins incitatif, et je donnerai l'exemple là-dessus des femmes dans la
police. Les premières policières ont été
engagées dans les années 1978-1979 et, au début, ça
a été très lent. Il y en avait une par ci, par là.
Là, on est rendu en terme de nombre, je dirais de mémoire
375.
M. Bordeleau: 275.
M. Hamelin: Pardon?
M. Bordeleau: 275, qui est indiqué ici.
M. Hamelin: 275. Oui, mais il y en a plus de 300
actuellement.
M. Bordeleau: En juillet 1989.
M. Hamelin: En jutllet 1989. Mors, il y en a plus de 300
actuellement que, chaque fois que nous taisons des promotions, je dirais qu'il
y a à peu près le tiers des nouvelles recrues qui sont des
policières, ce qui fait que des gens, des femmes voient d'autres femmes
qui exercent le métier de policière et ça a un
espèce d'effet d'entraînement. Nous croyons qu'à la longue
cet effet d'entraînement pourrait jouer, mais, évidemment, de
façon plus restreinte qu'au niveau des femmes. Les approches qui ont
été faites par le service de police ont été
multiples. On a dépensé de fortes sommes d'argent au niveau du
service de police, autorisées par le comité exécutif pour
revoir, par exemple, tout le système d'embauché, pour voir si
dans ce système, il n'y aurait pas des éléments
systémiques comme tels qui feraient que des candidats pourraient
être refusés.
Malgré tous ces efforts, les policiers sont allés dans
toutes les écoles secondaires où il y avait des
représentants des minorités; ils ont fait toutes les classes de
secondaire IV, secon- daire V pour les inciter, évidemment, à
prendre les techniques policières. Nous avons réduit, je ne
dirais pas réduit les exigences, mais contourné un peu notre
règle qui voulait que tous les policiers engagés aient un
diplôme en techniques policières. Il y a quelques années,
nous avons autorisé le directeur à embaucher jusqu'à 25 %
de policiers qui avaient un diplôme de cégep autre qu'en
techniques policières. Alors, on garde la même norme: 14 ans de
scolarité, mais dans un autre domaine que les techniques
policières avec un cours spécialement adapté pour eux
à l'Institut de police, ce qui, croyions-nous à l'époque,
nous permettrait d'engager beaucoup plus rapidement des policiers parce que
là, si on fait de la prospection en secondaire IV, secondaire V, ensuite
ils ont trois ans de cégep avant d'intégrer le service, tandis
qu'avec notre règle des 25 % de conventionnels, après 15
semaines, je pense, à l'institut de police, ils sont aptes à
entrer au service. (10 h 15)
Malgré tout ça, je dois vous dire que, personnellement,
moi et les membres de la Communauté urbaine de Montréal, nous
sommes déçus des résultats. Il y a encore
énormément de travail à faire. Notre plan d'accès
à l'égalité va nous donner des moyens
supplémentaires. Nous avons affecté du personnel
spécialement pour le recrutement des gens des minorités visibles
et des communautés culturelles. Nous travaillons d'arrache-pied, mais je
dois reconnaître, je dois confesser qu'il est très difficile de
réussir à ce niveau-là. Ça ne nous empêche
pas, cependant, de continuer à travailler, de rechercher tous les moyens
possibles et impossibles.
Pour préciser un petit peu votre question, les autres
minorités qui sont à 6, 23 alors que le taux de
disponibilité est à 9 - on marque italiens, Belges, etc. - il y
a, dans ce groupe, d'autres minorités, des gens qui sont ici depuis
plusieurs générations. La première
génération d'Italiens qui sont arrivés au Québec,
c'est aux alentours des années 1900, 1910. Alors, ces gens-là
sont rendus à leur troisième ou quatrième
génération et, à ce moment-là, on ne voit
pratiquement plus de différence sinon par la consonance du nom.
Évidemment, ça permet, quand des familles sont ici après
quatre ou cinq générations, que certains préjugés
dont je faisais état au début de la réponse soient
complètement disparus. Alors, dans deux ou trois
générations, certains préjugés qu'on rencontre
aujourd'hui seront disparus parce que les jeunes seront nés ici, leurs
parents seront nés ici. Ce sera un obstacle de moins.
M. Bordeleau: Merci, M. Hamelin.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de l'Acadie, je vous remercie beaucoup. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez maintenant la parole.
M. Boulerice: Oui. M. Isseri, M. Malik, M. mon président,
bienvenue à cène commission. Votre absence aurait
été étonnante, mais je n'ai jamais douté que vous
auriez l'intention de vous présenter. On ne se le cachera pas, tous les
chiffres que nous avons, validés et revalidés, nous indiquent
très clairement que l'immigration est une donnée
montréalaise, dans son sens insulaire, puisque je sais que je m'adresse
au président du comité exécutif de la Communauté
urbaine de Montréal, donc, ce n'est pas limité qu'au centre-ville
de Montréal.
J'aurai deux brefs commentaires avant d'aller aux questions. Un premier
comme tel. Je pense que c'est important pour vous de nous indiquer qu'au sujet
de l'engagement de groupes minoritaires, nous n'avions probablement
peut-être pas les raisons qui faisaient en sorte que vous
éprouviez des difficultés. On a été tentés
de croire que c'était relié uniquement à un
problème linguistique comme tel, mais vous nous avez clairement
démontré qu'il s'agissait plutôt, dans certains cas, de
valeurs sociales et surtout du vécu dans les pays d'origine où,
malheureusement, "police" a souvent été synonyme de politique, de
répression, de bras armé de la dictature, donc, d'où
inévitalement la réticence à entrer dans un corps
politique, comme dans certains pays où on a dévalorisé
l'armée alors qu'elle était constitutionnaliste.
La deuxième remarque que je vous fais. Vous avez parlé
encore de nouveau au sujet du Service de police. Moi, je me dois de vous
indiquer que, dans ce petit bout de territoire que j'ai l'honneur de
représenter à l'Assemblée nationale, il y a eu des efforts
marqués de concertation, de collaboration, avec un dialogue
extrêmement fructueux. Vous le savez, comme moi, nous avons
malheureusement enregistré des actes de violence envers des
minorités visibles et également envers des minorités
invisibles. Nous avons pu compter sur la collaboration des unités
policières dans ce coin de circonscription, et je pense que nous sommes
à la veille de trouver une solution grâce à cette
collaboration-là. S'il est de bon ton, quelquefois, malgré
certaines bavures, de taper sur notre corps policier, je pense qu'il faut quand
même faire ressortir les efforts que de très nombreux d'entre eux
font. Il s'agit d'être équitable.
Vous avez parlé de votre comité consultatif sur les
relations interraciales et interculturelles. Est-ce que je me trompe, M.
Hamelin, vous êtes la première communauté urbaine à
avoir établi un tel comité consultatif. Vous vous êtes
fixé quels buts? Et vous en êtes à quel point maintenant
avec ce comité?
M. Hamelin: Je crois, effectivement, que la Communauté
urbaine de Montréal a été parmi les premiers organismes,
sinon le premier organisme municipal à se doter d'un tel
comité.
Le tout a débuté en 1984. Je présidais, à ce
moment-là, la Commission de la sécurité publique de la
Communauté urbaine de Montréal. Et commençaient à
apparaître certains problèmes de relation entre les
communautés culturelles et le service de police, justement. Les membres
de la commission se sont penchés sur ces problèmes. On ne peut
pas dire que ça existait, à ce moment-là, à
l'état endémique, ou c'était un problème majeur,
mais on percevait que, si rien n'était fait, ça pourrait conduire
à certains excès. À ce moment-là, nous avons
réfléchi et nous avons convenu de la mise sur pied d'un
comité consultatif qui grouperait des gens des minorités
culturelles visibles et certains élus qui conseilleraient le service de
police dans les relations avec les diverses communautés.
Par la suite, en réféchissant un peu plus
profondément, nous nous sommes dit. Pourquoi ce comité ne
s'adresserait pas à l'ensemble des responsabilités de la
communauté? Pourquoi seulement le service de police? Il y a une foule
d'autres services qui sont offerts par la communauté. Finalement, le
conseil de la communauté a approuvé la formation de ce
comité consultatif au président en décembre 1985.
Curieusement, c'était la même réunion où j'ai
été élu président de la Communauté urbaine
de Montréal. Alors, j'ai travaillé pendant un an et demi à
la formation d'un comité qui est devenu mon comité aviseur, le
jour où il a été créé.
Ce comité comporte 12 représentants des communautés
culturelles du territoire de la Communauté, deux représentants de
la ville de Montréal et deux représentants de la
conférence des maires de la banlieue de Montréal. Ce
comité a été très actif. Évidemment, au
début, c'était quelque chose de nouveau. Il y a eu du
tâtonnement la première année, de la recherche un peu, du
positionnement de part et d'autre pour bien comprendre les objectifs et bien
comprendre les mandats. Depuis cette première année, je pense
qu'il a fait quatre rapports annuels. À 95 %, les recommandations qui
ont été faites par le comité consultatif ont
été suivies par le comité exécutif et l'ensemble de
la communauté. Je dois vous dire aujourd'hui que nous nous
félicitons, à la communauté urbaine de Montréal,
d'avoir pris cette initiative en 1985.
Il y a des incidents malheureux qui se sont produits en 1987 ou 1988. Je
fais ici référence à l'incident Griffin. Je suis
persuadé que s'il n'y avait pas eu ce comité consultatif, qui
avait déjà fait un certain travail auprès de l'ensemble
des communautés et, plus précisément, de la
communauté noire anglophone, les problèmes qui ont
été ressentis à la suite de cet événement
malheureux auraient été beaucoup plus graves s'il n'y avait pas
eu ce comité ou le travail de ce comité.
À titre d'exemple, je peux vous dire que deux jours après
l'incident, à la demande d'un membre de ce comité, se
réunissaient à mon bureau plusieurs représentants de la
communauté
noire anglophone, les représentants du service de police aussi.
On avait eu une longue discussion à ce niveau-là et ça
avait permis de mettre certaines choses au point. Ça avait permis
d'éviter que se produisent des incidents qui auraient pu être
beaucoup plus disgracieux que ce qui s'est produit suite à cet
événement-là.
C'est clair que des événements comme ça nous font
marquer le pas pendant un certain temps et font que certains efforts sont
ralentis ou tout simplement anéantis et qu'on doit rebâtir une
certaine confiance. Cependant, n'eût été ce qui
s'était produit les années précédentes, de ce
travail de concertation, je pense que les conséquences auraient
été plus graves. À ce moment-là, on doit se
féliciter que ce comité ait existé... et ce comité
est imité de plus en plus par les municipalités.
M. Boulerice: M. Hamelin, quand je regarde un programme
d'accès à l'égalité à l'emploi et que je
regarde les objectifs que vous vous êtes fixés, je ne les trouve
pas irréalistes, je les trouve, je pense, tout à fait normaux
dans le portrait - je vais employer "démographie" dans son
étymologie, "demos", "graphia" - le portrait d'une population. Je pense
que ces chiffres-là ne peuvent pas être contestés. Donc, je
vais vous dire automatiquement qu'il y a un bon travail de fait, mais en
conséquence de mon énoncé précédent, je vais
ajouter deux questions. La première, c'est: Est-ce que ce programme a
été fait avec le ministère comme tel ou par
vous-même? Deuxièmement - je vais peut-être me faire un peu
l'avocat du diable - deux puissantes centrales syndicales, c'est-à-dire
la CEQ la Centrale de l'enseignement du Québec et la
Fédération des travailleurs du Québec, ouvertes toutes
deux sur l'immigration, nous ont dit en commission que les programmes
d'accès à l'égalité en emploi, malheureusement, ne
fonctionnaient pas. Alors, à la première question, est-ce que
vous l'avez fait seul ou en collaboration? Et deuxièmement, dans quelle
mesure pensez-vous, vous, réussir, malgré le diagnostic
peut-être un peu sombre qu'ont donné ces deux organisations
québécoises?
M. Hamelin: Je dois vous dire d'abord que ça a
été fait en très étroite collaboration avec la
Commission des droits de la personne et même, suite aux incidents
malheureux que j'ai mentionnés tantôt, il y avait eu la commission
Bellemare qui avait fait une enquête autour de ces
évévements-là, qui avait fait certaines recommandations,
et je vais vous dire qu'on rencontre régulièrement, à peu
près à tous les six à huit mois, les membres de la
commission Bellemare pour assurer le suivi, et un des suivis, c'est ça,
le programme d'accès à l'égalité.
Pour ce qui est de la difficulté de réaliser un programme
d'accès à l'égalité, je ne vous cacherai pas
qu'effectivement c'est très difficile. Nous venons de réaliser la
partie de loin la plus facile de l'opération. C'est d'aligner certains
chiffres, aligner certaines réalités, se fixer des objectifs.
Maintenant, il faut les réussir, ces objectifs-là. C'est
évident aussi que, dans un programme d'accès à
l'égalité, il faut tenir compte de la capacité
d'absorption des collègues de travail. Et à ce sujet-là,
il y a un certain travail de sensibilisation effectué auprès de
nos propres employés. Et je pense qu'il faut bien faire attention,
surtout dans les organismes publics dont la principale force, c'est la
main-d'oeuvre, c'est des ressources humaines, il faut aussi bien
préparer ces ressources humaines. Nous avons mis dans le coup nos
représentants syndicaux tout au long de l'opération, parce que
nous tenons à ce que cette intégration se fasse par nos
employés également et que soit perçu par les membres des
communautés un climat d'accueil favorable. Il y a des
représentants des communautés qui nous ont déjà
dit: C'est bien beau que vous ayez des programmes d'accès à
l'égalité. Nous nous ne sentons pas bienvenus chez vous, par
toutes sortes d'allusions ou toutes sortes - comment dire - de messages, les
gens ne se sentent pas bienvenus. Alors, il faut aussi que nos employés
aient cette ouverture, que nos ressources humaines aient cette ouverture. Nous
travaillons là-dessus également. Je sais, entre autres, qu'au
niveau du service de police, il y a d'immenses efforts qui sont faits, au
niveau des policiers mêmes, pour cette acceptation. Alors, en
réponse à votre question, très rapidement, oui, c'est
difficile, mais nous avons bon espoir, avec la collaboration de tout le monde,
d'y arriver.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Hamelin, je
demanderais maintenant a M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir conclure son intervention, car nous
arrivons à la fin du temps qui vous était imparti.
M. Boulerice: Bien, M. le Président, vous comprenez que
notre président a la tâche ingrate de tenir le temps. Je sais que
c'est pour lui quelque chose d'un peu désagréable, puisque les
conversations que nous avons sont toutes très intéressantes. Je
vais noter de votre mémoire et de votre passage, M. Hamelin, M. Malik et
M. Isseri que, dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal,
il y a une volonté d'agir, mais ce n'est pas une volonté d'agir
littéraire, c'est-à-dire, qu'on va retrouver uniquement dans un
énoncé, mais qu'il y a bien des gestes très concrets qui
sont posés par l'administration de la Communauté urbaine de
Montréal et, à ce niveau-là, je pense que les chances de
succès, à partir des pistes que vous avez indiquées, ne
seront peut-être pas faciles. Mais moi, j'ai bien confiance que cette
détermination que vous avez va finir par être partagée par
l'ensemble de la population et que notre territoire connaîtra
peut-être, malheureusement sans doute, d'autres
incidents. Aucune société, malheureusement, n'est à
l'abri de telles choses, mais on réussira par contre à
créer un climat où ce ne seront heureusement que des incidents
fort isolés, et non pas une règle de conduite de notre
population. Alors, encore une fois, M. le président, messieurs, merci de
votre participation à cette commission.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Et maintenant, Mme la
ministre, très rapidement, un petit mot de conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr. Je voudrais
également vous remercier. Je dois vous dire que je suis de très
près toutes vos actions. Je sais que la CUM a mis en oeuvre, depuis
1985, diverses mesures destinées à promouvoir les relations
interculturelles harmonieuses. Et je tiens à vous féliciter
publiquement de votre leadership dans ce dossier. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Hamelin, MM.
Malik et Isseri, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous
remercier de votre témoignage et de votre contribution, et soyez
assurés que nous en tiendrons compte. Ceci étant dit, cela met
fin à votre intervention.
Je vais suspendre les travaux de la commission une minute afin de
permettre aux représentants de la ville de Montréal de bien
vouloir venir prendre place en avant.
Alors, la commission suspend ses travaux une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 33)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien prendre place à vos sièges, car la commission va
reprendre ses travaux incessamment. S'il vous plaît! Alors, la commission
de la culture reprend ses travaux et vu qu'il y a de nouveaux arrivants, je
rappellerai rapidement le mandat de la commission, ce matin, pour le
bénéfice des personnes qui viennent d'arriver de la ville de
Montréal et autres. Alors, le mandat de la commission de la culture est
de tenir une consultation générale sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration
intitulé: Au Québec pour bâtir ensemble, ainsi que sur les
niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et
1994.
M. le maire de Montréal, il me fait plaisir de vous accueillir
ici, au nom de tous les membres de cette commission, ainsi que les gens qui
vous accompagnent. Je dois comprendre que M. Joseph Biello est à vos
côtés, ainsi que Mme Myriam Massabki et Mme Stella Guy.
Ville de Montréal
M. Doré (Jean): Alors, M. le Président, si vous me
permettez, Myriam Massabki, qui est coordonnatrice du bureau interculturel de
Montréal; Joseph Biello - vous l'avez identifié - est membre du
comité exécutif responsable du dossier des communautés
culturelles; à ma droite, Hélène Fotopulos attachée
politique au cabinet du comité exécutif et, bien sûr, la
personne à sa droite est M. Alain Jean-Bart, qui est président du
comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales
à la ville de Montréal.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M.
le maire d'avoir précisé le nom des gens qui vous accompagnaient
car, en effet, nous n'avions pas les noms de Mme Fotopulos et de M. Jean-Bart.
Alors, ceci étant dit, si vous voulez commencer votre
présentation. Vous avez une période de 20 minutes et, par la
suite, chacun des groupes parlementaires aura lui aussi 20 minutes. Si, par
hasard, vous n'utilisiez pas vos 20 minutes pour votre présentation,
elles peuvent être utilisées à temps partagé pour la
discussion par les deux formations politiques. Alors, M. le maire, vous avez la
parole.
M. Doré: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais remercier le gouvernement du Québec d'avoir rendu public un
énoncé qui nous permet aujourd'hui de venir en discuter. Il me
semble qu'il s'agit là d'un pas extrêmement important dans les
enjeux de société qui se jouent au cours des prochaines
années pour le Québec. Alors, Mme la ministre, M. le critique de
l'Opposition, mesdames et messieurs, il n'y a pas si longtemps encore,
Montréal pouvait prétendre être une ville de deux grandes
communautés. Je dirais, chacun de leur côté, aussi bien les
anglophones, les francophones, avaient créé un peu leurs propres
institutions, leur propre réseau communautaire. Ils avaient
réussi à maintenir un équilibre, un équilibre
durable, mais, malgré - devrais-je dire - sa fragilité, qui
faisait de Montréal non seulement une ville unique au Québec par
sa taille, mais je dirais unique en Amérique par sa culture. Cette image
d'une ville à deux visages, de cette ville des deux solitudes
départagées d'un côté et de l'autre de la rue
Saint-Laurent, eh bien! elle est encore bien présente dans l'esprit de
plusieurs. Mais - et je pense que c'est ça qui est important - elle ne
décrit plus la réalité de Montréal, elle ne
reflète pas les nombreux visages de cette ville et de ses quartiers,
elle occulte aussi bien la diversité sociale et culturelle de la
métropole du Québec.
Quand on pense aux changements qu'a connus Montréal au cours des
30 dernières années, on est porté à regarder, bien
sûr, les nouveaux édifices à bureaux du centre-ville, les
grands réseaux d'infrastructures dont elle s'est dotée depuis ce
temps. Mais on oublie trop
souvent qu'une transformation encore plus profonde a changé
à jamais la face de Montréal. Et cette transformation, c'est dans
notre population qu'elle s'est passée, qu'elle se continue, année
après année. Être Montréalais aujourd'hui, c'est
vivre dans une ville où se rencontrent des gens de tous les horizons, de
toutes les origines, de toutes les cultures. La ville des deux solitudes est
devenue, à peine, dirais-je, en une génération, une
authentique ville cosmopolite. Elle ne sera plus, de ce fait, jamais la
même.
L'évolution de la communauté francophone de
Montréal, je pense, illustre mieux la profondeur de ce changement depuis
10 ans. Pendant longtemps, les immigrants, qui s'établissaient dans le
centre-ville, s'intégraient massivement à la communauté
anglophone. Ils n'avaient, à vrai dire, pas beaucoup de choix: l'anglais
demeurait de loin la principale langue de promotion et de travail, mais aussi
les écoles de la majorité francophone demeuraient souvent
fermées aux nouveaux arrivants. Il n'y a pas si longtemps, des
francophones d'origine arabe ne pouvaient s'inscrire dans une école
catholique. Jusqu'aux années soixante, donc, le visage de
Montréal demeurait largement anglophone. En conséquence, la
communauté anglophone de Montréal s'enrichissait d'année
en année de l'apport de nombreux arrivants qui venaient s'établir
chez nous. Et pendant ce temps, la communauté francophone
montréalaise demeurait, elle, largement homogène, ne
réussissait véritablement à intégrer que les
Québécois et Québécoises venus des autres
régions de la province ou d'ailleurs, pour s'établir à
Montréal.
Eh bien! les lois linguistiques des années soixante-dix ont
commencé à changer ce modèle montréalais
d'intégration. Les écoles francophones ont commencé tant
bien que mal à accepter les enfants des immigrants, la francisation des
entreprises a commencé, encore modestement il faut le dire, à
implanter le français dans les lieux de travail, dans les milieux de
travail. Avec tous les problèmes qu'il rencontre, un virage
déterminant maintenant est amorcé, et je pense, pour de bon. Ce
virage, il a déjà commencé à transformer
radicalement la communauté francophone de Montréal. Aujourd'hui,
les Montréalais et les Montréalaises qui partagent le
français comme langue d'usage ne forment plus un groupe monolithique. La
communauté francophone vient de commencer à se diversifier, et le
mouvement prend de l'ampleur année après année.
Les Montréalais d'aujourd'hui proviennent de tous les coins du
monde. Ils ont des croyances religieuses différentes, des valeurs
sociales, des cultures, je l'ai déjà dit. Mais ils partagent tous
et toutes le même idéal, celui de participer à la
construction d'un Québec nouveau et pluraliste, d'une métropole,
Montréal, qui à la fois leur ressemble et qui leur appartient.
Ils veulent faire partie - et je le dis sur un pied d'égalité -
de cette grande communauté montréa- laise qui constitue le coeur
du Québec urbain, le coeur de la métropole du Québec.
Ce défi d'une société pluraliste et accueillante se
pose à l'ensemble de la société québécoise,
mais il ne se manifeste nulle part de façon aussi criante qu'à
Montréal. Je dis souvent: L'intégration des nouveaux arrivants
est non pas le défi de Montréal, c'est un défi de la
société québécoise qui se vit à
Montréal. Le fait que 9 immigrants québécois sur 10
viennent s'établir dans la grande région métropolitaine
n'est pas un hasard. Il s'explique à la fois par la structure urbaine de
notre société québécoise, mais aussi par des
tendances qu'on observe partout à travers le monde et qui font des
grandes villes la destination privilégiée des grandes migrations
internationales, car le Québec ne saurait renverser à court terme
ces tendances lourdes par des mesures coercitives qui viseraient à
obliger les immigrants à s'établir dans les régions. Il
faut plutôt chercher à corriger les déséquilibres de
sa structure urbaine, à renforcer le maillage économique et
culturel entre la métropole et les régions. Et là-dessus,
je réfère les membres de la commission à certains passages
et chapitres du mémoire que la ville a déposé à la
Commission Bélanger-Campeau et qui sont éloquents, à cet
effet, quant aux défis du Québec en cette matière. On
pense, de cette manière, qu'il sera possible de créer des
réseaux naturels de mobilité qui vont assurer un meilleur
équilibre démographique et économique entre toutes les
régions, mais pas plus que la population de souche. Les nouveaux
arrivants et leurs descendants immédiats ne refusent pas a priori de
s'établir ailleurs qu'à Montréal. Ils sont disposés
à le faire si ces régions leur offrent les possibilités de
s'épanouir qu'ils sont en droit d'espérer.
De toute évidence, donc, la communauté montréalaise
va continuer à accueillir la très grande majorité des
nouveaux arrivants et ce, pour plusieurs années encore. Elle continuera
d'assumer, au nom de l'ensemble de la société
québécoise, les principales responsabilités en
matière d'intégration. Il faut donc qu'elle dispose des moyens en
conséquence. Et dans le fond, aujourd'hui, M. le Président, je
dirais que les commentaires que l'on veut faire et qui se retrouvent au coeur
du document plus important, le mémoire qu'on vous a
présenté, tournent beaucoup non pas autour de
l'énoncé lui-même, qui est généreux et autour
duquel nous sommes, pour l'essentiel, en parfaite symbiose, mais beaucoup plus
sur le suivi, le plan d'action, la politique d'intégration, les moyens
d'une stratégie d'ouverture que le Québec doit se donner. Or, les
ressources que le Québec consacre à l'accueil, à
l'intégration demeurent encore aujourd'hui dramatiquement insuffisantes.
Voilà, de loin, le principal obstacle à l'émergence d'un
véritable modèle québécois, je dirais non seulement
d'intégration, mais d'interculturalisme, d'où l'importance d'une
politique non pas uniquement d'im-
migration, mais d'intégration.
Voilà de très loin, je pense, le principal enjeu que
soulève, à notre avis, la publication de l'énoncé.
Il y a donc un message central que votre commission et que le gouvernement
devraient lancer à tous les Québécois et à toutes
les Québécoises et, parmi eux, à l'ensemble des membres
des communautés culturelles et qui est le suivant: Le Québec
entend accroître rapidement et substantiellement les ressources publiques
qu'il consacre à l'intégration et à la promotion de
l'interculturalisme. Même dans le contexte difficile qu'on connaît
actuellement, et je dirais même surtout à cause de ce contexte
difficile, ce message, il doit se répercuter concrètement dans
les choix budgétaires que le gouvernement proposera au cours des
prochaines années à l'Assemblée nationale et à la
population du Québec. Il doit également s'incarner directement
dans le plan d'action qui suivra l'adoption de la politique d'immigration et
d'intégration. Ce n'est qu'à la condition de consacrer les
ressources nécessaires à cet effort collectif
d'intégration que le Québec va être en mesure d'atteindre
les objectifs démographiques, économiques, culturels qui sont
explicités dans l'énoncé de politique. Le Québec
peut et doit maintenir des niveaux d'immigration compatibles avec ses objectifs
démographiques et économiques, mais il ne peut pas, en même
temps, marginaliser une part croissante de sa population en faisant
l'économie de les accueillir et de les intégrer à notre
vie économique et à notre culture distincte.
Le Québec peut et doit accroître la proportion de
l'immigration francophone par ses politiques de recrutement et de
sélection, à condition toutefois de ne pas introduire des formes
inacceptables de discrimination en ce faisant, mais il ne saurait, en
même temps, prendre prétexte de ces mesures pour limiter ses
efforts en matière d'intégration parce que l'intégration,
c'est un processus complexe qui ne se résume pas et qui ne se limitera
jamais au seul apprentissage du français.
L'intégration à l'emploi, pour ne citer que cet exemple,
nécessite souvent sinon plus de ressources que l'intégration
linguistique. À quoi nous servirait d'apprendre le français
à des gens qui, incapables de se trouver un emploi à la mesure de
leur compétence ou de leurs besoins, en viendraient, après
quelques années, à l'inévitable conclusion, dis-je, qu'il
leur faut quitter le Québec comme, actuellement, une part importante des
immigrants nous quittent pour d'autres cieux.
Cette pénurie de ressources n'est nulle part, je pense, aussi
criante que dans les quartiers ethniques de la ville de Montréal.
Environ la moitié des immigrants qui arrivent à Montréal
viennent s'établir dans la ville centrale. À l'image de ce qui se
passe dans l'ensemble de la communauté montréalaise, ce sont
généralement les personnes les plus démunies que nous
devons chercher à accueillir et à intégrer. Au
problème de leur intégration s'ajoute celui de la
dépendance au programme de la sécurité du revenu et de la
pauvreté, de l'insécurité face au présent, face
à l'avenir. À cause de l'importance considérable que prend
le logement locatif sur le territoire de la ville de Montréal, on y
rencontre souvent les formes les plus insidieuses de discrimination face
à l'accès au logement. Cette discrimination repousse certaines
minorités vers des quartiers qui se ghettoïsent et qui se
marginalisent de plus en plus. Le défi de l'intégration prend
donc une tout autre ampleur quand il se pose sur un fond de pauvreté et,
ajoutons-le, d'intolérance. Ces problèmes ne s'additionnent pas,
je dirais, les uns aux autres; ils peuvent risquer de se multiplier les uns par
les autres. (10 h 45)
En l'absence de ressources adéquates, ils peuvent
dégénérer en potentiel de violence raciale. Ils peuvent
tuer la convivialité des quartiers de notre ville, neutraliser des
efforts d'animation communautaire, accélérer la
détérioration des logements et des infrastructures. Ils
engendrent des pressions importantes sur les services publics, des pressions
telles qu'il devient vite impossible, si on n'y prend garde, de faire face
à la situation.
Le Québec doit tirer des leçons qui nous sont
enseignées, à leur corps défendant dans bien des cas, dans
plusieurs grandes villes à travers le monde qui n'ont pas su intervenir
alors qu'il était encore temps. Jusqu'à maintenant,
Montréal a su garder une réputation très enviable à
cet égard, et je me permets de souligner aux membres de la commission
que le récent rapport de la commission économique du Canada avait
le mérite de reconnaître pour une fois, du côté du
gouvernement fédéral, que le Québec assumait un rôle
de leadership dans l'intégration des nouveaux arrivants au Canada et je
pense, c'était à la fois une reconnaissance du travail fait par
le gouvernement et l'ensemble des institutions de la société
québécoise. Et je me permets aussi de vous rappeler que sur le
plan de la qualité de la vie et sur le plan de la perception des autres,
Montréal est une ville et, récemment, le "Population Crisis
Committee", après deux ans d'étude parmi 100 régions
métropolitaines à travers le monde, affirmait que Montréal
était première au monde du point de vue de la qualité de
vie, ex aequo avec des villes comme Melbourne et Seattle.
Donc, Montréal a conservé une réputation
très enviable du point de vue de sa qualité de vie et de sa
convivialité, mais, aujourd'hui, elle doit aller au fond des choses. Il
est tard, mais il n'est jamais trop tard. On a les moyens qu'il faut. Je pense
qu'on doit aussi avoir la volonté qui s'impose et ça fait aussi
partie des problèmes que nous posent des ressources insuffisan-
tes.
Je viens de parler de l'intégration économique. On
pourrait dire que le même cas se présente en ce qui concerne
l'école montréalaise, qui occupe une place centrale dans les
processus d'intégration des nouveaux arrivants et de leurs descendants
immédiats. Le gouvernement a récemment reconnu qu'une
responsabilité particulière incombe aux écoles à
haute densité ethnique et que des ressources supplémentaires
doivent leur être attribuées en conséquence.
L'énoncé de politique réitère à juste titre
cette reconnaissance. Il faut maintenant allonger le pas. Il faut ajuster les
ressources aux besoins réels de ces écoles en s'assurant de
concentrer les efforts à la bonne place, c'est-à-dire dans les
écoles montréalaises qui ont à conjuguer leur
responsabilité d'intégration, notamment, avec des
clientèles défavorisées.
Je souligne aux membres de la commission qu'il faut une fois pour toutes
que le message de la commission soit clair auprès du gouvernement. Le
ratio maître-élèves, ce dogme dont on ne peut dévier
au ministère de l'Éducation, est une absurdité. On
demande, dans bien des cas, à des enseignantes et à des
enseignants à Montréal, dans des classes
régulières, avec 80 % de gens qui proviennent de
communautés culturelles différentes, des gens qui, dans bien des
cas, ont à peine les rudiments de la langue de la majorité, qui,
dans bien des cas, proviennent d'horizons aussi différents au plan
culturel que des gens qui viennent de régions comme l'Afrique du Nord,
au même titre que de l'Asie, de l'Amérique latine ou d'ailleurs...
L'enseignant ne doit pas uniquement leur apprendre le français. Il doit
pouvoir les comprendre, connaître leur réalité culturelle
différente, leur permettre de faire le passage avec la culture de la
majorité, tâche impossible à remplir dans le contexte
actuel. Et cela, c'est un des grands défis que la société
québécoise demande, je dirais, au réseau scolaire
montréalais de faire et pour lesquels actuellement il n'a pas les
ressources nécessaires.
Les problèmes de l'école à Montréal ne se
résument pas, par contre, aux seules questions de ressources. En fait,
nos structures scolaires actuelles reflètent avec de plus en plus de
peine la réalité pluraliste montréalaise. Le cloisonnement
du système d'éducation primaire et secondaire en deux
réseaux confessionnels - chacun est subdivisé en secteur
francophone et anglophone - demeure un anachronisme qui, de ce point de vue
là, est patent. Je crois que, dans les années à venir, il
va falloir finir par aboutir sur ce débat. La conséquence, c'est
que Montréal souffre d'une évidente duplication de structures
scolaires, d'une concurrence superflue entre les réseaux financés
à 100 % par des fonds publics.
Dans ces circonstances...
Le Président (M. Gobé): Rapidement. En conclusion,
M. le maire.
M. Doré: On a fait 20 minutes déjà?
Le Président (M. Gobé): Votre temps est...
M. Doré: Alors, M. le Président, en conclusion, je
pense que si j'avais la possibilité de résumer le reste de ma
pensée, je dirais que l'important, pour nous, c'est que
l'intégration, c'est une responsabilité de société,
que cela concerne le gouvernement et ses institutions dans tous les secteurs,
qu'on pense à celui des CLSC au même titre que les hôpitaux
et les affaires sociales. Il faut affecter des ressources à
l'interculturalisme. La ville de Montréal y a affecté
déjà, a pris un virage horizontal en intégrant
l'interculturalisme dans l'ensemble des objectifs à poursuivre de ses
services. Il faut que cette réalité devienne la même pour
l'ensemble, je dirais, des composantes sectorielles d'action du gouvernement
sur notre territoire, mais il faut y associer, en partenariat actif, les
groupes communautaires représentatifs. Il faut pouvoir aussi y associer
le secteur privé. L'intégration des nouveaux arrivants n'est pas
la seule responsabilité des pouvoirs publics, parce qu'il s'agit d'un
choix de société des entreprises du secteur privé. Je me
permets de dire qu'en ce qui nous concerne, nous trouvons important que le
travail amorcé de collaboration avec le ministère puisse se
poursuivre dans le cadre d'ententes plus générales sur l'ensemble
des défis qui sont ceux qu'on doit relever.
Je me permets de dire en conclusion, M. le Président, que les
efforts de la ville de Montréal... et le message que je veux vous livrer
aujourd'hui est un message, je pense, non pas de pessimisme, mais de
réalisme. Il faut nous doter des moyens de nos stratégies.
L'immigration peut être pour Montréal et pour le Québec,
pour sa croissance, son développement démographique, social,
humanitaire et, je dirais aussi économique, un apport extrêmement
important. L'interculturalisme peut aussi nous aider à développer
une nouvelle identité québécoise plus ouvertre sur le
monde. Pour nous, il s'agit de valeurs importantes, d'un choix qu'il nous faut
faire et qui, je pense, va dans le sens des intérêts de notre
microsociété à l'échelle internationale, pour peu
que nous nous en donnions les moyens. Je pense qu'on doit bien à la
population de Montréal, à cette population aussi bien
diversifiée et pluraliste qui symbolise le Québec moderne, de ce
que le Québec peut produire de mieux, de nous doter des moyens
nécessaires à réaliser ce grand défi. Voilà,
M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre. Par la suite, je
reconnaîtrai M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques
directement, car il doit, par la suite, s'absenter pour accueillir une
délégation étrangère. Il sera remplacé par
son collègue de Shefford, M. le
député Paré. Alors, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le maire, et je salue les gens qui
vous accompagnent. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai pris connaissance de
votre mémoire. Alors, dans votre mémoire justement, vous faites
ressortir de façon extrêmement éloquente que le potentiel
d'accueil de Montréal n'a pas été dépassé
par le nombre d'immigrants et d'immigrantes, et même que Montréal
a un retard de rattrapage en matière d'immigration par rapport aux
villes importantes du centre et de l'Ouest canadien.
Je trouve que c'est extrêmement pertinent. Il faut le dire et le
répéter, particulièrement à l'heure où il y
a des organismes qui manifestent leur crainte d'être submergés, en
quelque sorte, par la population immigrante. En effet, je constatais, ce matin,
que cette opinion d'ouverture n'est pas partagée par tous les groupes.
Vous avez pris connaissance dans les journaux, ce matin, de deux groupes, deux
organismes qui sont venus nous voir hier, entre autres le Mouvement national
des Québécois et aussi la Société
Saint-Jean-Baptiste, qui ne sont pas nécessairement en faveur d'une
hausse de l'immigration.
Soit dit en passant, le gouvernement n'a pas encore décidé
des niveaux pour les trois prochaines années, c'est pourquoi nous tenons
cette commission parlementaire, et le chiffre de 55 000 est un nombre qui
apparaît dans l'énoncé comme un exemple. Je rappelle aussi
que la ville de Montréal vient au 13e rang au Canada pour le pourcentage
de sa population immigrée qui est de 16 %, par exemple, en comparaison
à 36 % dans la région de Toronto. Donc, cette capacité
d'absorption, cette capacité d'accueil de Montréal est manifeste
dans votre mémoire. Vous nous avez expliqué aussi ce qu'a fait la
ville pour favoriser les relations interculturelles. Vous nous pariez aussi de
vos projets, de vos attentes, notamment en termes de soutien financier. Ce que
j'ai trouvé particulièrement notable, c'est le ton avec lequel
tout cela est dit. J'ai eu du plaisir aussi à vous entendre parler
d'immigration et d'intégration sur un ton aussi serein.
Le mandat de mon ministère serait certainement plus facile
à remplir si un plus grand nombre d'intervenants publics, privés
et socio-économiques manifestaient autant d'enthousiasme.
Alors, vous l'avez mentionné aussi, M. le maire, que
l'intégration est un processus complexe qui se fait aussi sur plusieurs
générations. Donc, dans ce sens, qu'auriez-vous à dire aux
personnes et aux organismes qui s'inquiètent du niveau d'immigration
suggéré par l'énoncé et qui croient qu'il faudrait
arrêter ou ralentir l'immigration - et ça, je pense que c'est
important - jusqu'à ce que la population d'origine immigrante
déjà en place s'intègre totalement.
M. Doré: D'abord, parce que l'intégration est un
processus continu, je pense qu'il y a deux problèmes. La
société québécoise a commencé sur le tard
à se préoccuper de l'intégration des nouveaux arrivants.
On l'a dit, ce n'est que depuis les années soixante-dix que, vraiment,
on s'est penché sur cette question, qu'on s'est doté d'outils. Je
me permets de faire une réponse en deux temps. Il y a donc, pour une
partie des populations qui sont déjà établies chez nous,
des problèmes. Je vous donne des exemples. Je pense que la population
des minorités visibles, la population noire d'origine anglophone, aussi
bien celle de souche nous venant des États-Unis que celle qui nous est
venue des Caraïbes ou d'ailleurs et qui, dans les années cinquante,
soixante ou soixante-dix, n'a pas pu faire l'apprentissage de la langue de la
majorité, a de sérieux problèmes actuellement. Et de ce
point de vue là, on a identifié qu'il nous fallait - et
l'énoncé en parie également - créer des ateliers,
généraliser la francisation. On n'a pas à en faire
uniquement à travers les COFI, à travers l'école.
Actuellement, une partie des problèmes que nous rencontrons dans les
programmes d'accès à l'égalité sont liés
à l'insuffisance de l'apprentissage de la langue de la majorité.
Et la réponse là-dessus - j'ai déjà eu l'occasion
de le dire - je ne pense pas que ce soit la responsabilité des
autorités municipales de Montréal de créer des cours de
francisation pour l'échec de notre système des années
cinquante à soixante-quinze, en particulier, dont on paye maintenant le
prix. Je pense, là-dessus, que ça me semble évident.
Par contre, pour l'avenir, je pense que si nous avons une approche
globale quant à l'intégration... et je pense, là-dessus,
que le ministère dont le siège est à Montréal, qui
a une vision non seulement verticale mais surtout horizontale, est capable de
travailler en "partnership", et je pense qu'on va essayer de le
développer de plus en plus, en ayant une vision ou aussi bien une
approche par le biais du loisir que par le biais du travail, que par le biais
des réseaux des affaires sociales, que par le biais de la santé
le "partnership" deviendra une politique globale et intégrée. Si
on ajoute les ressources suffisantes du point de vue du rattrapage qu'il nous a
fait faire, moi, j'ai l'intime conviction effectivement, que Montréal,
est capable d'absorber ce que l'on a actuellement comme nouveaux arrivants,
contrairement à l'impression de beaucoup de gens, à savoir qu'on
a diminué l'immigration. Les grosses vagues d'immigration ont
été dans les années cinquante et soixante. Elles sont plus
visibles maintenant parce qu'elles ne sont plus d'origine européenne.
C'est peut-être là la difficulté, mais il faut aussi
travailler sur l'ouverture de la majorité.
Michel Hamelin, tantôt, disait: Chez nous, on a des cours de
sensibilisation à la réalité interculturelle. On fait la
même chose à Montréal auprès de la majorité
francophone de notre fonction publique. L'ouverture à la
réalité
interculturelle est un travail qui va prendre encore plusieurs
décennies. Tout ce travail-là doit se faire en même temps.
Mais je suis globalement convaincu, contrairement à certaines personnes
qui sont un peu frileuses sur la question, que la société
québécoise va être encore plus dynamique, va pouvoir encore
jouer un rôle, je pense, plus original si elle maintient sa
vitalité culturelle, qu'elle l'enrichit par une approche
interculturelle. Et l'interculturalisme, c'est l'enrichissement des uns par les
autres de la culture de chacun, tout en ayant un lien de
réciprocité qui est la culture de la majorité, qui est le
lieu de convergence de l'échange. Ça, je pense que oui, on a ce
qu'il faut comme société pour vivre cette
réalité.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le maire. Je voudrais revenir
à la page 47 de votre mémoire, lorsque vous signalez que 10 % des
prestataires de la sécurité du revenu à Montréal
sont des revendicateurs de statut de réfugié. Vous nous
recommandez aussi de préciser nos orientations en matière
d'accès de ces personnes aux services auxquels les autres
catégories ont droit en matière d'intégration. À
votre avis, afin de ne pas amplifier le mouvement des revendicateurs, le
gouvernement devrait-il restreindre l'accès au programme ou, au
contraire, l'élargir?
M. Ooré: Vous savez, là, on entre, Mme la ministre,
dans une appréciation, je pense, que ce n'est pas des programmes et des
chiffres, la tête ou l'intellectuel qui doit parler, mais le coeur. Nous
avons des problèmes comme société: Montréal a le
plus haut taux de chômage de toutes les régions
métropolitaines du Canada; je pense qu'on en est tous très
préoccupés. Et nonobstant cela, on continue à penser que
l'immigration n'est pas un facteur d'appauvrissement; il peut être
éventuellement, un facteur de redémarrage. Le rapport du Conseil
économique du Canada illustre bien que si Montréal ne se
développe pas par l'immigration, notamment au même rythme que
d'autres villes, elle va perdre du terrain. Et on parle notamment par
comparaison à Toronto et Vancouver. (11 heures)
Cela dit, quand on parle des réfugiés, quand on parle
d'être une terre d'accueil pour des gens qui fuient parce que leur
sécurité personnelle ou celle de leurs proches est en cause, on
ne parle plus de chiffres et de statistiques, on parie d'aide humanitaire, on
parle d'ouverture aux autres et de faire notre part comme
microsociété à l'échelle internationale dans
l'accueil des personnes qui veulent tenter, finalement, de refaire leur vie
dans un contexte où elles ne sont plus l'objet d'ostracisme de quelque
forme que ce soit. Et de ce point de vue là, je dis: Je ne pense pas
qu'on doive resserrer. Je pense qu'au contraire, de pouvoir même rendre
admissible à des gens arrivant chez nous, à l'aide sociale, est
un témoignage très clair de la générosité
avec laquelle, comme société riche que nous sommes, vue à
l'échelle internationale, et de la responsabilité que nous
assumons à l'échelle de la planète, de faire notre part
dans ce travail-là. Alors, moi, j'ai plutôt tendance à vous
répondre que c'est par ce biais-là que j'aurais tendance à
prendre le problème.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Merci,
Mme la ministre. Alors, contrairement à l'usage où nous passons
au... D'autres députés de la formation ministérielle
avaient demandé la parole. Je vous reconnaîtrai par la suite, Mme
la députée, parce que M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, comme je le disais précédemment, a
des activités extérieures, m'a demandé s'il pouvait
intervenir tout de suite et je vais le reconnaître. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: II aurait été très
indélicat, M. le Président, que je ne sois pas là pour
m'adresser à M. mon maire. Mesdames, M. Jean-Bart, M. le maire, M. le
conseiller municipal, je pense qu'il y a des choses qui devaient être
dites et vous l'avez fait. Malheureusement, oui, le Québec a
accusé des retards jusqu'en 1975. Il faut dire que dans le cas de notre
ville, puisque mon sentiment d'appartenance est très fort,
l'administration qui vous a précédés a péché
par une très grande insouciance, je dirais même une
négligence, et je pense que ce doit être dit à
l'intérieur de cette commission, que c'est à l'arrivée de
ce gouvernement municipal que, finalement, ce problème est devenu une
préoccupation et une préoccupation qui s'est traduite
immédiatement par des actions très concrètes. Je pense que
la vérité a ses droits. S'il y a des choses à reprocher
à Montréal, certes, nous les accepterons, mais il ne faut quand
même pas oublier que nous avons quand même des
réussites.
J'ai regardé dans votre mémoire, M. le maire, notamment au
niveau des conclusions, au chapitre 5.1 des ressources suffisantes, un
financement équitable. Chat échaudé craint l'eau froide.
Après avoir écouté votre intervention d'hier soir, je
dirais plutôt que lion blessé ne se laissera plus agresser. La
ville de Montréal a l'intention d'être partenaire, partie prenante
du processus d'accession aux nouveaux immigrants, mais cela ne se fera pas en
pelletant dans sa cour, comme on le dit dans l'expression populaire. Est-ce que
vous pourriez, M. le maire, préciser de nouveau de façon
très ferme que vous avez l'intention d'y participer, mais que c'est une
responsabilité première de l'État québécois
et qu'il ne doit pas y avoir toute forme - vous me permettrez l'expression,
je
l'espère - de dumping financier sur notre administration
municipale, même si nous recevons la plus grande partie de
l'immigration.
M. Doré: Oui. Je pense que, M. le Président, si
vous me permettez, la phrase que j'ai utilisée tantôt, je vais la
reprendre à dessein. L'intégration des nouveaux arrivants n'est
pas un problème de Montréal. Il s'agit d'un enjeu de la
société québécoise qui se vit à
Montréal. J'ai en tête, en particulier - et je ne fais pas de
reproche - je constate que le réflexe n'y est pas. Je voyais
récemment le président du Conseil scolaire de l'île, M.
Mongeau, faire état, fort justement, de l'insuffisance des ressources au
niveau scolaire pour faire la partie du travail que le réseau scolaire
doit faire dans un processus d'ensemble d'intégration, et qui
suggérait que pour financer le tout, on devait le faire par une surtaxe
sur le foncier, sur les immeubles à Montréal, une surtaxe qui
servirait à financer la commission scolaire pour son effort additionnel,
le commun des moyens. Je vois le président qui fait non. Je pourrais
dire que c'est oui. La proposition du Conseil scolaire était à
l'effet que le gouvernement doit faire un bout et qu'un grand bout devait venir
des ressources du milieu. Bien, je dis que là, ça n'a pas de
sens. Si la société québécoise accepte,
effectivement, de relever globalement le défi de l'intégration,
ne demandons pas aux seuls Montréalais d'en faire les frais du
financement.
Je dis aussi que la ville fait un effort. La ville investit dans ce
domaine. La ville a déjà mis beaucoup de ressources dans ce
secteur et, dans bien des cas, dans des secteurs qui ne sont pas strictement de
sa compétence mais au sujet desquels elle agit parce que ça se
passe sur son territoire. J'ai souvent eu l'occasion de dire que trop souvent,
on aborde la réalité québécoise un peu sous l'angle
qu'on l'a divisée, il y a déjà 100 ans, dans notre
Constitution, par secteurs. On a rajouté des ministères et on a
une verticalité dans l'analyse des choses comme si les problèmes,
à partir du vécu dans une ville, n'étaient pas
interpénétrés. Ce qui se passe dans les villes est
à l'échelle horizontale; tout est interrelié.
Le loisir est lié à l'habitation comme il est lié
aux conditions de vie, comme il est lié aux problèmes du
sous-emploi. Alors, tout ça se vit sur un territoire. C'est clair qu'on
travaille à la coordination des efforts. On fait, dans les champs de nos
juridictions, des efforts additionnels, mais à un moment donné,
ce qu'on dit, c'est que si on veut aller plus loin, ça ne peut pas se
financer par l'impôt foncier et sur les seules épaules des
Montréalais. Ça doit l'être à partir des sources
générales qui émergent de la société
québécoise et qui sont l'impôt sur le revenu et le fonds
consolidé du Québec.
Et de ce point de vue là, tout ce que je veux dire aux membres de
la commission, c'est que le message doit être clair au gouvernement. Si
nous adhérons et si nous faisons une adhésion, même avec
certaines réserves... Moi, j'aurais tendance à me dire
plutôt enthousiaste à l'idée d'augmenter l'immigration,
à l'idée d'en faire un défi de société. Il
faut que le corollaire soit... Il va falloir mettre le prix parce que si nous
ne le faisons pas, nous allons le payer, mais beaucoup plus cher plus tard.
Quand ça se détériore, quand des quartiers
deviennent en difficultés, quand il faut, dans certains cas,
plutôt que de payer, de fournir du soutien à un groupe culturel...
un groupe d'action communautaire d'une communauté culturelle qui n'a pas
besoin de beaucoup de ressources, mais d'un peu de soutien pour faire le
travail, quand, en bout de ligne, il va falloir payer des professionnels du
réseau des affaires sociales pour réparer les pots cassés,
ça va nous coûter cinq et dix fois le prix que ça nous
aurait coûté si on avait eu du soutien à la bonne place.
C'est de ça qu'on parle.
Et dans certains cas, il faut dénormer un peu, il faut donner
plus de marge aux ministères, notamment, je veux dire, pour faire face
à ces réalités-là. Les programmes
gouvernementaux... On s'est rendu compte, dans nos propres programmes, à
la ville... dans le loisir, c'était trop rigide. On a essayé de
développer de nouveaux partenariats actifs. Il n'y a pas de
modèle unique; c'est adapté à la clientèle,
adapté aux besoins. C'est cette approche-là qu'il nous faut faire
pour mieux utiliser le dollar, dynamiser et avoir des effets de levier. C'est
de ça qu'on parte et si on ne fait pas ça, on va rater le bateau.
Et à terme, c'est un peu comme la politique, mais là, je ne veux
pas mélanger les gens, mais je maintiens que les décisions
gouvernementales, sur le plan des municipalités et des transferts, vont
finir par se payer un jour en investissements beaucoup plus chers que le
gouvernement. Ce qu'il pense gagner à court terme, il risque de le payer
fort cher dans dix ans.
Dans le domaine de l'immigration, c'est la même chose. Si on ne se
dote pas des moyens de nos stratégies - c'est une marotte, mais j'en
suis profondément convaincu - nous allons devoir inévitablement
le payer, le prix, mais on va le payer en termes, je pense, de
dégradation, de manque de développement, de problèmes
sociaux accrus, de tensions inutiles qu'on aurait pu éviter et qu'on
pourrait au contraire dynamiser.
M. Boulerice: Ma deuxième question, M. le maire... Je vais
être obligé de faire un court préambule, mais je suis
heureux de vous la poser, vous avez remarqué, puisque j'ai la
présence à cette commission de mon collègue, le
député de Shefford, qui est porte-parole de l'Opposition en
matière d'habitation. Je pense, M. le maire, que s'il y a un dossier
où vous êtes très informé, c'est ce dossier. Vous
êtes alimenté d'ailleurs
par un de vos collègues avec lequel nous avons toujours beaucoup
de plaisir à travailler, qui est M. Lavallée, qui est responsable
de ce dossier au niveau de l'Hôtel de ville.
Vous avez parlé de discrimination en matière
d'accès au logement et vous avez parlé de quartiers en
difficultés. Je pense que M. Blais et M. Lajeunesse vous sensibilisent
tous les jours à ce qui est la problématique de quartiers en
difficultés... le centre sud en est un, le Plateau-Mont-Royal en est un
et ce sont deux quartiers qui, de par le tissu de leurs gens - et vous les
connaissez bien puisque vous êtes un résident de ce quartier, M.
le maire - où existe une population qui est accueillante envers
l'immigration.
Et on parle de niveaux d'immigration, peut-être en tentant de
vouloir dire: Si on en admet moins, on est moins généreux. Mais
il faut faire attention. Il n'y a pas d'adéquation mathématique
à ce niveau-là. Quand on regarde les difficultés de
logement à Montréal, M. le maire, notamment au niveau des
coopératives d'habitation où les groupes de recherche technique
reçoivent depuis cinq ans les mêmes budgets, quoiqu'ils soient
plus nombreux; quand on regarde l'habitation sociale, depuis 1985, à
Montréal - vous me permettrez cette expression bien
québécoise - a pris une "drop" sociale, pour paraphraser notre
amie Clémence Desrochers, comment pourrions-nous faire une
adéquation de générosité envers le nombre
d'immigrants que nous allons recevoir et nos capacités d'accueil en
termes d'habitation, alors que, comme je vous le disais, le logement social,
sous les deux formes que je vous ai énoncées, diminue
dangereusement depuis 1985? Dans les quartiers où il y a
rénovation, l'accès est extrêmement difficile à
cause des prix élevés et la proportion d'immigrants investisseurs
que je souhaite, elle pourra peut-être aller au Rockhill ou au
Sanctuaire, mais l'immigration très ordinaire, dans son sens noble - je
ne méprise pas - elle aura des difficultés d'habitation. N'est-ce
pas, à votre point de vue, un peu criminel de notre part d'inciter des
gens à venir s'établir ici, si on les transpose dans des
conditions d'habitation qui sont à peu près égales
à celles qu'ils connaissaient dans leur pays d'origine?
M. Doré: M. le Président, ayant eu l'occasion de
visiter un certain nombre des pays d'origine des nouveaux arrivants de
Montréal et ayant vu les conditions d'habitation, je peux vous dire
qu'on est quand même assez loin des conditions socio-sanitaires que j'ai
pu voir ailleurs, cela dit.
M. Boulerice: Sauf qu'on les invite dans une
société de consommation.
M. Doré: Oui, tout à fait. Non, mais je pense que
le constat que le député fait de la rareté des sommes pour
du logement dit social, que ce soit sous forme de coopératives,
d'organismes sans but lucratif ou de HLM, donc, dans la construction dite
neuve, elle est réelle. Les sommes affectées à ces fins,
du côté de la Société centrale d'hypothèques
et de logement, ont été diminuées. Celles du
côté de la Société d'habitation du Québec
n'ont pas pu suivre le rythme jusqu'à maintenant. Je pense,
là-dessus, que c'est une réalité à laquelle on fait
face. Comme on a tenté, je dirais, d'innover face à cette
réalité, je pense qu'il faut que les membres de la commission
soient conscients que la ville a mis en place un ambitieux projet dans le
domaine de l'habitation et qui est le projet d'achat-rénovation dans le
domaine de l'habitation existante. C'est vrai qu'il faut construire du logement
neuf adapté, mais il est exact aussi de savoir qu'à
Montréal, avec un taux de vacance qui approche maintenant 3 % et
quelque, il y a à peu près de 8000 à 10 000 unités
de logement qui sont en disponibilité théorique - je dis bien
théorique statistique. En pratique, là où elles se
concentrent et elles sont en plus grand nombre dans bien des cas et en
très mauvais état, ce sont les vieilles conciergeries des
années cinquante, dans bien des quartiers, souvent à forte
densité ethnique.
La ville a donc lancé un programme, via une société
paramunicipale, qui est un programme d'acquisition de logements existants, de
formation des locataires, très souvent d'ailleurs des gens des
communautés culturelles et des minorités visibles, pour qu'ils
apprennent collectivement la gestion de ces logements, par le biais d'une
coopérative, d'en faire la restauration et de les
rétrocéder. Finalement, ce qu'on fait, c'est qu'on finit par
faire du logement restauré qui est au moins à la moitié du
prix du logement neuf. Donc, avec les mêmes sommes d'argent ou la
moitié des sommes d'argent, on en fait autant; ou avec les mêmes
sommes d'argent, on en fait deux fois plus. Actuellement, la ville a 70 000 000
$ d'acquisitions et est propriétaire de 4000 unités de logement,
dont, dans bien des cas, des rues complètes dans Côte-des-Neiges
et dans Notre-Dame-de-Grâce. On est en train, actuellement, de commencer
la restauration.
Donc, on va faire une intervention majeure par ce biais-là,
appuyés, devrais-je le dire, cette année, par le gouvernement du
Québec, par le nouveau budget que le gouvernement a ajouté dans
le contexte économique et qui vient amplifier le travail. La ville avait
déjà mis cette année... on avait fait passer le budget de
restauration de 10 000 000 $ à 18 000 000 $. Le gouvernement du
Québec a fait passer le sien à 40 000 000 $. La combinaison des
deux, pour Montréal, va faire que, non seulement ça aura un
impact important, mais ça va permettre, je pense, d'augmenter
substantiellement l'offre de logements. Ça ne règle pas tous les
problèmes, j'en suis profondément convaincu, mais je pense que
c'est une illustration qu'avec un peu d'irna-
gination, on peut mieux utiliser le rare dollar dont nous disposons pour
des fins d'habitation.
Cela dit, je ne pense pas que le problème d'habitation et la
capacité que nous avons de loger les nouveaux arrivants à
Montréal soient un facteur déterminant dans la fixation dans
notre capacité d'accueil. C'est un élément qu'on pourra
prendre en compte, je pense bien, dans l'ouverture, mais je pense qu'il y a
beaucoup d'autres considérations dans la fixation définitive de
ce que devraient être les niveaux d'immigration qui doivent être
pris en compte. Encore une fois - je reviens - c'est fondamentalement un
ensemble des ressources que nous sommes disposés à mettre de
l'avant pour soutenir une politique d'intégration, lesquelles vont
être déterminantes dans la fixation des niveaux.
M. Boulerice: M. le maire, dans votre mémoire, vous parlez
d'une ville qui est devenue cosmopolite, et les villes cosmopolites ont
forcément des charmes que les villes qui ne le sont pas forcément
n'ont pas. C'est ce qui fait l'attrait. D'ailleurs, M. le Président vous
disait tantôt que j'accueillerai tantôt une
délégation étrangère qui a séjourné
trois jours à Montréal, et ils étaient
émerveillés de visiter notre ville. Ils la sentaient très
européenne dans son esprit, dans son essence, nord-américaine, il
va de soi, dans son architecture, mais ils sentaient qu'ils étaient dans
une ville qui avait un caractère unique en Amérique du Nord. (11
h 15)
Mais il y a une chose, par contre, et la semaine dernière, il y
avait un article de M. Denis Lessard, que vous connaissez bien puisque vous le
lisez, et qui dévoilait les statistiques du Conseil de la langue
française, qui démontraient une très nette stagnation pour
ce qui est du français comme langue de travail. Quand on sait qu'il y a
plusieurs dizaines de milliers, si je n'inclus que Montréal,
d'entreprises de moins de 50 employés dont la langue de travail est
l'anglais puisque la loi ne s'applique pas, est-ce que vous êtes en
faveur d'une extension de la loi, selon le modèle de la loi 91 qui a
été présentée, à l'effet que la langue de
travail, le français langue de travail soit extensionné aux
entreprises de moins de 50 personnes, de façon à ce qu'il y ait
une véritable valorisation de la langue? Une langue qu'on laisse au
vestiaire de son usine et de son entreprise est une langue
dévalorisée. Une langue de culture est importante, mais une
langue qui n'est pas une langue de travail, c'est une langue de salon.
M. Doré: Oui, c'est vrai que j'ai lu le document.
D'ailleurs, j'ai demandé d'avoir davantage, parce que je pense qu'il
faut aller au fond des choses quand on fait un peu l'appréciation d'une
étude de cette portée. Mais je pense que le constat, il est
double. D'une part, les cadres des grandes entreprises de Montréal sont
davantage francophones qu'ils ne l'étaient. Cela dit, et
conséquemment, dans la langue de tous les jours, la langue
française, à ce niveau-là, devient la langue de travail.
Cela dit, dans le contexte d'Internationalisation, je dirais, de
l'économie et du village planétaire qu'est devenue notre
planète, sur le plan économique comme sur tout le reste, la
plupart des gens qui détiennent des postes de commande sont dans une
situation de bilinguisme fonctionnel. Et je pense, là-dessus, qu'il n'y
a personne qui va s'en étonner, que pour commercer avec
l'extérieur, nous utilisions la langue passe-partout. C'est
l'espéranto des années quatre-vingt-dix, disons-le comme
ça. Qu'on le veuille ou non, c'est ça la réalité et
c'est vrai sur le plan commercial, économique comme ça l'est sur
le plan scientifique. Là-dessus, je pense que c'est un avantage pour
Montréal que d'avoir un environnement culturel qui soit francophone dans
un contexte nord-américain et où les francophones, qui
enrichissent le contexte nord-américain d'une culture différente
et originale, sont en même temps des gens qui possèdent cette
langue internationale, je dirais, du commerce et de l'économie.
Cela dit, ça n'explique pas et ça ne justifie pas le fait
que pour des entreprises de 50 employés et moins, même dans les
autres, dans le quotidien du travail, pour les gens qui ne sont pas en
interface avec l'extérieur, que la langue de travail continue
d'être l'anglais. Et là-dessus, je pense que là aussi,
quand on parle de ressources à consentir, ça ne peut pas se faire
uniquement par la coercition dans bien des cas. Ça suppose des
programmes de soutien et d'aide, surtout pour les plus petites entreprises qui
sont plus fragiles et qui n'ont pas les ressources pour y faire face, et
ça fait partie des choix qu'il nous faut faire quand on fait une
politique, comment dirais-je, d'intégration, et ce n'est pas juste
l'école.
Je l'ai dit tantôt: c'est l'emploi. C'est les programmes de
francisation qu'il nous faut créer aussi pour permettre de faire le
rattrapage pour des clientèles qu'on a ratées à
l'époque. C'est un ensemble de composantes et de moyens dont il faut se
doter, coordonnés, vus sur une base horizontale, en partenariat avec le
milieu. Et là-dessus, je pense que l'organisme déterminant pour
le gouvernement, c'est son ministère, qui peut coordonner sur une base
sectorielle l'ensemble des interventions sur un territoire donné et dans
la région. Mais je suis d'accord avec vous. C'est un sujet de
préoccupation qui devrait, je pense, amener les décideurs
gouvernementaux à revoir l'allocation et les politiques de ce point de
vue. Mais il ne faut pas s'en alarmer au point de ne pas constater qu'il y a
quand même progression importante de la pénétration, je
dirais, de la langue française dans les lieux de décision,
même si les gens, dans les faits, quand ils sont en interface avec
l'externe,
sont en situation de bilinguisme fonctionnel.
M. Boulerice: Par contre, à l'inverse, nous assistons,
malheureusement encore, à une présence de véritables
ghettos d'emplois à Montréal. Je sais que Montréal veut
être une capitale de la mode. Une capitale de la mode signifie textile.
Je ne vous ressortira! pas le sempiternel exemple de la rue Chabanel, mais
l'absence d'une politique comme telle fait en sorte que Montréal a des
ghettos d'emplois. Mais ce n'est pas uniquement des ghettos linguistiques.
Ça devient aussi des ghettos socio-économiques qui mettent en
danger la progression sociale et économique, je le répète,
d'une large partie d'une population que nous avons invitée à
venir s'établir chez nous, d'où une responsabilité
accrue...
M. Doré: Tout à fait d'accord, et je pense que
c'est parmi les choses lorsqu'on fait un examen de la réalité
montréalaise, qui nous amènent à dire que
l'intégration ne passe pas juste par l'école.
M. Boulerice: M. le maire, c'est mon collègue,
député de Shefford, qui vous remerciera au nom de l'Opposition
officielle. Je vous prie de m'excuser, M. le Président, et même si
Mme la députée de Bourget n'est pas membre de la commission,
l'Opposition officielle donne son consentement à ce qu'elle puisse
intervenir. Je pense qu'elle va apprécier cette
générosité et pratiquer la réciprocité.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et avant de vous passer la
parole, Mme la députée de Bourget, vu que M. le maire, vous avez
remarqué que j'ai acquiescé ou j'ai désacquiescé,
vous vous êtes posé la question, à ce que vous disiez, je
vais vous informer que j'ai acquiescé à ce que vous disiez. Je
peux vous assurer... d'ailleurs, nous en avons parlé, lors d'une
séance de travail que nous avons eue privément au mois de
janvier, que je ne pourrai, comme député montréalais, de
même que pour mes collègues, considérer que seul le
potentiel fiscal montréalais soit mis à contribution par taxe ou
surtaxe pour contribuer à l'intégration de tous les immigrants
qui viennent s'établir au Québec, mais qui, pour des raisons que
vous avez très bien expliquées d'ailleurs, doivent résider
à Montréal, et que j'entends, avec mes collègues,
certainement défendre cette position que vous partagez, je le crois.
M. Doré: Vous m'excuserez, M. le Président, d'avoir
mal interprété votre signe de tête.
Le Président (M. Gobé): C'était un non qui
voulait dire oui.
M. Doré: D'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, ceci étant
dit, je vais maintenant, avec le consentement très, très
sympatique de l'Opposition, passer la parole à Mme la
députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Oui, j'aimerais, juste avant, question de
procédure, est-ce que Mme la ministre a terminé?
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, vous avez la
parole, Mme la députée.
Mme Boucher Bacon: Merci. Alors, je ne sais pas si mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques va regretter de m'avoir
donné la parole, mais moi, je voulais dire que je ne partage pas du tout
ce qu'on a voulu faire croire, que Montréal ressemblait à un
tiers monde puisque j'y vis et j'en suis fière. Alors, surtout en page
52, lorsqu'on voit, non pas les efforts mais vraiment tout ce que les
équipements culturels des quartiers, des bibliothèques, des
maisons de culture, les centres communautaires et j'en passe... Je reviens au
rapport que vous avez fait sur les aspects multi-ethniques. Alors, je pense que
la culture a une place et puis, on n'est pas le tiers monde. Alors, je voulais
juste rectifier et j'ai un autre aussi - pas une mise en garde - mais je pense
qu'on n'avait pas le bon forum pour parler, disons, des transferts et
j'aimerais m'en tenir à la culture puisque c'est le but de notre
commission et peut-être de ne pas vous ingérer en lion et
peut-être de voir l'ouverture que notre gouvernement a faite dimanche
dans son discours, et ce que M. Ryan... et d'être prudent peut-être
avant de mordre. Ceci étant dit, j'aimerais, en page 51, lire un petit
peu, pour le bien de la commission, votre premier paragraphe sur l'accès
du logement, 4.2.4: "La Ville de Montréal se réjouit de
l'importance qu'a choisi d'accorder l'énoncé de politique
à la question de l'accès au logement des membres des
communautés culturelles. Cette question soulève en effet
plusieurs enjeux qui sont fondamentaux pour la convivialité des
quartiers de la ville centrale."
Alors moi, dans votre mémoire, comme l'a indiqué Mme la
ministre, vous avez été très généreux et je
vous en remercie. Alors, je voudrais, sans vous poser une question piège
ni faire une suggestion, vous dire que vous signalez l'importance de la
discrimination dont sont victimes les minorités visibles dans le secteur
du logement. Vous vous dites être disposé à collaborer
étroitement avec plusieurs instances gouvernementales, entre autres le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, la
Société d'habitation du Québec, les Affaires municipales.
Vous avez prévu différentes mesures, dont la session de
sensibilisation auprès de divers groupes cibles, la mise en oeuvre
de
plans de communication auprès des Québécois des
communautés culturelles, et je trouve ça extraordinaire,
finalement, la traduction des baux types en diverses langues et l'analyse des
besoins de logement des familles à faible revenu des communautés
culturelles. Alors, sans voir une question piège, j'aimerais que vous
élaboriez, à savoir, avez-vous entrepris des contacts ou
pensé à travailler avec la Commission des droits de la personne,
qui se préoccupe beaucoup de la question de la discrimination du
logement ou des loyers?
Le Président (M. Gobé): M. Doré.
M. Doré: Oui. Merci, M. le Président. On a, je
pense... oui. On a déjà pris des contacts. La ville a la
responsabilité de l'application du code du logement. Alors, nous, on
s'est davantage mis dans la mise aux normes des logements et la
conformité de la qualité des logements du point de vue de leur
habitabilité. C'est, bien sûr, la Régie et la Commission
qui, quant à des cas de discrimination, peuvent éventuellement
agir et/ou sévir.
Le ministère... On mentionne le ministère parce qu'on
pense que le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration a peut-être comme responsabilité d'agir comme
l'élément de sensibilisation, de fournir des ressources de
sensabiiisation à l'interculturalisme, aux propriétaires d'un
certain nombre de ces immeubles qui peuvent avoir des comportements
discriminatoires, mais en bout de ligne, je pense que ce qu'il faudrait
éventuellement mettre en place, c'est une action concertée avec,
peut-être, s'il dit nécessaire, quelques cas types. Il va falloir
que les Montréalais se rendent compte, que ceux qui pratiquent cette
discrimination - et on a plusieurs cas qui sont quand même
préoccupants -se rendent compte qu'il s'agit là, d'abord, d'une
attitude qui est contraire à la Charte, qui est sanctionnable, qui peut
comporter des pénalités, et que, éventuellement, il faut
les persuader tout le temps. Mais, dans certains cas, il faut peut-être
faire quelques exemples pour qu'on puisse commencer à alerter et
à changer les comportements.
Je pense qu'il y a là une préoccupation indéniable
de notre part sur la nécessité d'être un peu plus vigoureux
quant à l'application de droits qui existent dans les chartes et sur
papier, mais qui, en pratique, continuent malheureusement d'être
bafoués, faute de sensibilité et peut-être faute de peu de
moyens ou de cas d'exemples. Et souvent, la meilleure façon de le faire,
c'est de se concerter et s'entendre sur une stratégie qui fasse qu'on
les mette en lumière et qu'on ait peut-être un effet de levier
plus important. C'est un peu, je pense, l'optique dans laquelle on le fait. La
ville travaille - je l'ai dit tantôt, en réponse à la
question du député de l'Opposition - beaucoup aussi à
trouver des moyens différents et alternatifs, pour répondre
à la demande de besoins dits sociaux ou, en tous cas, abordables et de
qualité, et on a aussi l'appui maintenant, je pense, très net du
gouvernement à travers l'intervention que le ministre responsable de
l'habitation intermunicipale, M. Ryan, a faite récemment. D'ailleurs, M.
Ryan et moi, on doit, la semaine prochaine, faire une conférence de
presse pour annoncer l'action conjointe du gouvernement du Québec et de
la ville là-dessus. Mais ce n'est qu'une partie du problème.
On aura beau avoir des beaux logements aux normes, encore faut-il que
les gens pour lesquels ils sont destinés puissent y avoir accès.
C'est plus facile, évidemment, quand la propriété est
collective. On préconise beaucoup des coops interculturelles. Ça
a donné de bons résultats; là où
l'expérience a été tentée, ça a enrichi
généralement et ça a ouvert l'horizon de beaucoup de gens.
J'ai été en contact, moi, avec beaucoup d'entre elles, notamment
dans ce qu'on appelait les terrains des usines Angus, et c'est vraiment quelque
chose, je pense aussi, qui est prometteur. Mais dans le logement privé
traditionnel, il faut qu'ils aient accès aux logements
indépendamment de la couleur, de la race ou de la provenance
culturelle.
Le dernier élément - je pense que c'est important - il
faut aussi travailler avec les groupes représentatifs des
communautés. Parce que, très souvent, les groupes... On le fait
beaucoup, nous, à la ville; on a fait beaucoup de colloques avec chacune
des communautés pour bien comprendre que, dans bien des cas, les
différences culturelles sont telles, qu'il n'y a pas de cours
à... Et on l'a souligné dans le document, il faut le faire,
ça fait partie de l'apprentissage. L'intégration à la vie
urbaine de Montréal, l'intégration à la
société québécoise... Les pompiers chez nous, ce
n'est pas des policiers. Les pompiers, les gens ne paient pas pour; c'est
gratuit. Alors, tu n'as pas besoin, quand le feu poigne... tu peux les appeler.
Je ne vais pas recommencer avec ça, là, mais ça passe
aussi par les vidanges. Je veux dire, ça ne marche pas comme ailleurs,
tu sais, quand tu vis dans un territoire, c'est normal, je veux dire, les gens
pour lesquels... je veux dire, la nature fait le travail à leur place.
Ils ont dit: Va... La nature leur permet. A Montréal ça ne marche
pas comme ça. Alors donc, l'ensemble de l'apprentissage des
règles en matière sociosanitaire est aussi important pour que,
globalement, il n'y ait pas de dégradation de... Tu as beau faire des
logements de qualité, il ne faut pas qu'ils se dégradent
rapidement. En ce sens-là, c'est pour ça que la formation pour
former des coops, la sensibilisation à cette réalité,
l'appui et le soutien des groupes communautaires qui nous aident à faire
ce travail-là, c'est un peu tout cela qui va permettre de régler
les problèmes de logement.
Le Président (M. Gobé): O.K. M. le maire. Merci,
Mme la députée de Bourget. M. le député de
l'Acadie, vous aviez une courte question, je crois, à poser. Vous
m'aviez fait signe...
M. Bordeleau: Oui.
Le Président (M. Gobé): ...très rapidement,
parce que le temps tourne, malheureusement, mais quand même, je vous
reconnais. (11 h 30)
M. Bordeleau: Ça va. Je vous remercie, M. le
Président. Dans votre mémoire, vous pariez de l'évolution
de la ville de Montréal. Vous parlez de la diversité culturelle,
raciale et ethnique des différents quartiers. Vous nous avez
mentionné, tout à l'heure... vous avez utilisé
l'expression "d'une nouvelle identité montréalaise", et
j'aimerais profiter de l'occasion du contexte particulier que nous avons ici,
et aussi de votre passage à la commission - je ne vais pas vous demander
de faire de la prospective et de dire ce que sera l'avenir, parce que
probablement personne ne peut le faire - mais j'aimerais peut-être dans
le contexte de notre réflexion, vous entendre sur ce que vous
souhaiteriez, dans votre esprit, que la ville de Montréal soit dans une
ou deux générations. Peut-être en comparaison avec la
situation actuelle. C'est peut-être plus facile, des fois, de se situer
par rapport à certaines lacunes qui peuvent exister actuellement et je
pense, surtout ici dans le contexte de notre discussion, c'est-à-dire
celui de l'immigration. Je fais référence aussi aux nombreuses
questions que vous vous êtes posées dans votre mémoire, aux
pages 40 et 41, où vous faites référence à toute
une série de points sur lesquels vous vous interrogez, sans avoir
nécessairement les réponses actuellement.
M. Doré: Vous avez identifié... aux pages 40 et 41,
vous dites.
M. Bordeleau: Aux pages 40 et 41. Il y a toute une série
de questions que vous vous posez.
M. Doré: Oui. D'accord. Parfait. J'essaie de voir. Oui.
Autour de l'interculturalisme. Je pense que la notion importante
là-dessus, c'est celle qu'on essaie d'identifier autour de la
question... en fait, de ce qu'on a appelé, nous, l'interculturalisme
à la ville de Montréal et qui, je pense, est une valeur
importante. Je l'ai dit tantôt et, non seulement c'est l'échange
entre les cultures, mais dans une approche de réciprocité,
à partir d'une culture commune de base qui est la culture francophone.
Si vous me demandez ce que je souhaite que soit le Québec ou
Montréal, la métropole du Québec dans deux
générations, bien, je souhaite qu'elle soit toujours la
métropole de la francophonie d'Amérique, mais une
métropole où la francophonie sera, je dirais, davantage celle
d'une société pluraliste et moins homogène que celle qu'on
a connue. Il n'y a rien qui me réjouit plus, comme maire de
Montréal, que...
Vous savez que les étudiants de quatrième année, au
niveau primaire, font tous un travail qui est centré sur leur ville,
enfin sur l'apprentissage de leur environnement et de la ville. Alors,
j'accepte volontiers, au rythme de tous les trois ou quatre mois environ,
d'aller dans une école rencontrer les étudiants de
quatrième année et répondre à leurs questions. Il
n'y a rien qui ne me fascine plus que d'entendre, de voir devant moi des
étudiants dont on voit manifestement, en les examinant, que les parents
sont d'origine latino-américaine, arabe, asiatique, africaine, de voir,
que tous se parlent dans la langue de Vigneault - disons-le comme ça, je
ne dirais pas Molière, mais davantage Vigneault -et, dans certains cas,
avec l'accent deux fois trop prononcé de Montréal - ça,
c'est moins heureux - mais ça fait partie de cette
réalité.
Ce sont ces jeunes-là qui vont faire le Montréal de demain
et, dans ce sens-là, je pense que le Québec sera une
société... sera toujours, doit toujours conserver la
capacité de garder son originalité et son caractère
distinct. C'est fondamental. C'est non seulement le reflet de ce qu'est notre
majorité mais. C'est là un facteur, je dirais, à mon point
de vue, sur lequel on doit articuler notre avenir et notre différence.
Et je pense que les gens d'autres communautés, acceptent volontiers de
jouer ce rôle-là avec nous, de le faire en toute complicité
et en y trouvant leur satisfaction et leur épanouissement. Mais, encore
une fois, pour peu que le Québec demeure actif et énergique au
plan économique - il y a toujours un facteur d'attraction - il doit se
doter d'outils qui permettent, justement, à l'interculturalisme de
devenir une réalité et une nouvelle valeur aussi bien pour les
francophones.
Et là, je vais vous poser un problème et je pense que la
commission va devoir en résoudre un, mais je pense qu'il y a des
solutions aussi là-dessus. La responsabilité qu'ont les
francophones de la région de Montréal qui vivent dans des villes
qui sont homogènes, ceux des classes moyennes, des classes moyennes
supérieures qui ont fait le choix de vivre dans la
périphérie et qui, donc, connaissent moins cette
réalité, ils ont aussi une responsabilité et, en ce sens
là, si on veut relever le défi de l'interculturalisme, il
faudrait peut-être développer des partenariats. Il est tout
à fait concevable, pour faciliter l'intégration d'une famille de
nouveaux arrivants, qu'on puisse parler de parrainage. On peut demander
à une famille qui vit sur la rive nord, dans les basses Laurentides au
même titre qu'elle vit à Laval ou sur la rive sud, de dire:
Seriez-vous d'accord pour que vous puissiez, pendant la première
année, parrainer? Parrainer veut dire rendre visite, accueillir,
rencontrer, discuter peut-être une fois par mois avec une
famille qui arrive, de façon à combler un vide. Il ne faut
pas que le nouvel arrivant ne soit qu'en contact avec des gens de sa
communauté. Là, le danger c'est d'en faire davantage un ghetto.
C'est la même chose à l'école. Un nouvel arrivant qui
rentre dans une école devrait normalement être pris en charge et
parrainé par un élève de la majorité ou un
élève qui est déjà présent. Je donne une
série d'exemples pour dire que ce n'est pas uniquement une affaire de
pouvoirs publics. Ce n'est pas uniquement une affaire de la ville de
Montréal et du réseau du ministère. C'est un choix de
société et il faut le partager comme tel, il faut se donner les
instruments. Et c'est comme ça qu'on va faire l'intégration.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je dois
malheureusement vous interrompre et je passerai maintenant la parole à
M. le député de Shefford. Très rapidement, un mot de
conclusion, parce que nous avons déjà dépassé le
temps.
M. Paré: Oui, merci M. le Président. Ça va
être très rapide. Pour vous remercier, les gens de la ville de
Montréal, M. le maire en tête, pour dire que votre présence
était non seulement importante, mais indispensable parce que, comme vous
le disiez et vous l'avez répété à maintes
occasions, l'immigration et l'intégration - et c'est tellement vrai -
c'est un défi de la société québécoise, mais
qui se vit à Montréal. Et je pense que ça, c'est une
réalité et c'est bon de l'avoir d'une façon aussi simple
et aussi succincte ramenée, rappelée et avec des exemples comme
le parrainage que vous venez de nous apporter en dernier. Je suis content que
vous ayez parlé passablement d'habitation et de logement, parce
qu'à chaque année, lorsqu'on regarde les rapports du Protecteur
du citoyen ou de la Commission des droits de la personne, le harcèlement
aux minorités, c'est toujours ramené comme un des
problèmes majeurs. Il va falloir que comme société, on
règle ça et ça, ça veut dire une sensibilisation
auprès des propriétaires, entre autres. On n'a pas le droit de
faire ça à nos nouveaux arrivants. Et je conclus en disant que
votre message est très clair et très simple et il se
résume en trois phrases que vous avez aussi
répétées et qu'on retrouve dans votre texte: c'est une
responsabilité du Québec. Il faut se donner les moyens de notre
stratégie, et la dernière qu'on trouve en page 14,
l'intégration économique, constitue à maints égards
le principal défi que doit relever le nouvel arrivant parce que lui,
comme nous, les nouveaux comme les anciens, ce qu'on doit avoir avant tout pour
s'intégrer, c'est un emploi.
Alors, merci beaucoup de votre présence, et je suis sûr que
les membres de la commission vont tenir compte de vos propos.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, votre conclusion,
rapidement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le maire. Je voudrais aussi
remercier vos collaborateurs et collaboratrices pour la préparation du
mémoire. Moi, je suis très heureuse de constater que vous
connaissez bien votre dossier. Vous le défendez avec conviction. Je peux
vous assurer de mon entière collaboration de même que de la
collaboration du ministère. Je sais que nous travaillons actuellement en
concertation pour en arriver à des signatures d'ententes, et je puis
aussi vous assurer que le gouvernement entend soutenir financièrement
son énoncé. Comme je le mentionnais et j'ai déjà eu
l'occasion de le mentionner, il s'agit d'un budget de l'ordre de 30 000 000 $
d'argent neuf au cours des trois prochaines années, de budget de
développement. Je dois vous dire aussi que nous avons prévu,
entre autres, 500 000 $ pour encourager des cours de français en milieu
de travail, entre autres plusieurs millions de dollars pour les écoles
à forte densité ethnique. Donc, ce sont deux
préoccupations de la ville de Montréal, et vous comprendrez aussi
que presque tous les budgets affectés à l'intégration
seront dépensés dans la région montréalaise. Je
dois vous dire aussi que le budget du ministère a été
triplé au cours des dernières années, et que suite
à l'entente que nous avons signée avec le gouvernement
fédéral, nous avons une marge de manoeuvre beaucoup plus grande
aussi pour être capables d'unifier non seulement nos budgets, mais aussi
nos actions.
Alors, je vous remercie de votre collaboration et bon voyage de
retour.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le maire, au nom
des membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre
témoignage ainsi que vos collaborateurs, et à titre de
député de Montréal-Est cette fois-ci, et président
du caucus de l'est, permettez-moi de vous assurer que nous avons pris bonne
note de vos recommandations et que nous en tiendrons compte.
Alors, je vais maintenant suspendre les travaux de cette commission pour
une minute, afin de permettre au groupe suivant de venir s'installer. Donc, les
travaux de la commission sont suspendus pour une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprisée 11 h 41)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, s'il
vous plaît, je vous invite à prendre place autour de la table et
je demande aux intervenants de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain de bien vouloir s'avancer afin de pouvoir s'installer.
Alors, la commission de la culture reprend sa séance et je
demanderai aux témoins de bien vouloir s'asseoir.
M. le député de Shefford, nous...
Alors, la commission de la culture va maintenant, dans la continuation
de son mandat qui est de tenir une consultation générale sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration intitulé Au Québec pour bâtir ensemble
ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années
1992, 1993 et 1994, continuer ses travaux. Et je demanderai à Mme Nycol
Pageau Goyette, présidente, et à Mme Suzanne Lalonde, directrice
générale adjointe, de bien vouloir procéder à la
présentation de leur mémoire. Mme Pageau, vous avez la parole,
s'il vous plaît.
M. le député de Saint-Louis, si vous voulez participer
à ces travaux, vous êtes bienvenu.
Des voix: Ha, ha, ha!
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
Mme Pageau Goyette (Nycol): Je pense bien que notre
mémoire va être un peu moins percutant que celui que nous avons
déposé cette semaine sur les télécommunications,
d'abord, parce que l'énoncé de politique était fort bien
fait et que, dans l'ensemble, nous étions, d'une façon
générale, assez d'accord avec ce qu'il contenait. Alors,
j'imagine que vous l'avez lu. Nous allons le repasser ensemble.
Alors, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
est heureuse de soumettre ce mémoire en réponse à
l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en
matière d'immigration et d'intégration. La Chambre a accueilli
très favorablement la récente entente Ottawa-Québec en
vertu de laquelle le Québec aura désormais l'exclusivité
de la sélection de ses immigrants indépendants, ce qui
représente environ 60 % de tous nos immigrants. Nous croyons en effet
que c'est cette catégorie d'immigrants qui nous aidera à
bâtir le Québec de l'an 2000. Nous jugeons louable la concertation
des efforts des différents ministères et intervenants dans le
dossier de l'immigration et la publication d'une politique à
l'échelle gouvernementale plutôt qu'à l'échelle
ministérielle. La Chambre est d'accord, en théorie, avec
l'énoncé. Associer immigration aux quatre grands défis que
sont le redressement démographique, la prospérité
économique, la pérennité du fait français et
l'ouverture sur le monde nous semble tout à fait juste. C'est d'ailleurs
cette même réflexion qui a incité la Chambre, il y a quatre
ans maintenant, à mettre sur pied un comité d'accueil et de
partenariat. Nous étions conscients, en effet, du rôle actif que
nous devions jouer sur le plan interculturel et sur celui de la
société dont nous nous devons d'être le reflet.
Comme chacun sait, les immigrants influencent non seulement nos
habitudes, mais aussi certaines de nos façons de faire. À l'heure
de l'internationalisation du commerce, les relations interculturelles
contribuent à notre connaissance des us et coutumes d'autres pays
où la façon de faire des affaires peut différer
considérablement de la nôtre. On pense notamment aux pays d'Asie
et d'Europe de l'Est qui constituent de formidables marchés potentiels,
mais qui exigent des approches souvent aux antipodes de nos façons de
faire habituelles. On voit d'ailleurs de plus en plus d'entreprises
exportatrices embaucher des cadres qui peuvent contribuer efficacement à
l'ouverture de nouveaux marchés dans leur pays d'origine grâce aux
connaissances et aux contacts qu'ils conservent dans ces pays. Nous croyons
qu'il y aurait certainement lieu d'utiliser davantage les réseaux des
différents groupes ethniques établis ici pour faciliter nos
relations d'affaires avec d'autres pays.
À part ces liens qu'elle est à développer avec la
Conférence des chambres de commerce européennes et d'autres
chambres de commerce, la Chambre du Montréal métropolitain
entretient également des relations avec un certain nombre de
fonctionnaires des deux paliers de gouvernement. Dans ce dossier comme dans
plusieurs autres, elle se fait le rassembleur des intervenants qui sont en
mesure de faire évoluer les choses et offre aux gens d'affaires d'ici et
de l'étranger un lieu de rencontres et d'échanges. (11 h 45)
II existe donc un tout début de concertation pour en arriver
à cerner nos besoins en immigration, mais cela ne suffit pas. Il doit
également y avoir une offensive concertée, notamment
auprès des gens d'affaires, des entrepreneurs et des investisseurs de
l'étranger pour les intéresser au Québec.
Nous nous devons de faire un pas de plus à l'étranger pour
aller chercher les gens qui nous intéressent. Il nous faut
carrément prendre les devants et, à partir d'une connaissance
approfondie de l'économie québécoise et de ses besoins,
promouvoir le Québec comme une place d'affaires exceptionnelle. Nous
devons aller chercher, proposer à des candidats qui présentent de
l'intérêt pour nous les possibilités qui leur sont offertes
ici. il faudrait en arriver à ce que les entrepreneurs, d'où
qu'ils proviennent, aient l'impression non seulement que le Québec a
besoin d'eux, mais qu'eux aussi ont besoin du Québec pour
réussir.
Les États-Unis ont exercé un pouvoir d'attraction
extraordinaire sur les étrangers parce qu'ils représentaient un
pays où la réussite était possible. C'est cette image de
P"american dream" apprêtée à l'extraordinaire sauce
québécoise qu'il faut offrir aux candidats qui nous
intéressent.
La période semble particulièrement bien choisie pour
passer à l'attaque. Plusieurs inves-
tisseurs et gens d'affaires de Hong Kong sont en train de décider
de leur avenir. La guerre du golfe Persique a provoqué aussi de grands
remous et bouleversé les règles du jeu. L'Europe de 1992
amènera sans doute plusieurs entrepreneurs des pays d'Europe à
repenser leur stratégie en fonction de la globalisation des
marchés. C'est à nous de les attirer chez nous. C'est à
nous de leur faire valoir nos avantages, car au-delà des politiques,
c'est une telle approche qui devrait inspirer tous les intervenants dont la
mission consiste à sélectionner les immigrants.
Les immigrants qui intéressent en premier lieu le monde des
affaires, comme nous le mentionnions précédemment, sont les
immigrants indépendants, c'est-à-dire les gens d'affaires, les
investisseurs et les travailleurs autonomes, en raison de la contribution
qu'ils sont susceptibles d'apporter au développement de notre
société.
Plus la sélection sera rigoureuse, plus les critères de
choix seront établis en fonction des besoins du Québec dans les
divers domaines de son activité, plus le Québec sera bien servi
par ses nouveaux arrivants. C'est dans ce processus de sélection que
nous devons nous montrer à la fois plus méticuleux et plus
imaginatrfs. Pour cela, les services du gouvernement qui oeuvrent à
l'étranger doivent travailler de concert avec l'entreprise publique et
privée pour connaître le type de spécialistes requis et
répondre aux besoins identifiés.
Il faudrait également voir à accélérer le
processus d'immigration. Trop souvent, nous disent les immigrants, les
délais entre l'identification des besoins et l'arrivée des
immigrants forcent les entreprises à abandonner leurs projets et les
exposent peut-être à rater le virage technologique. Il arrive
aussi que l'on conseille à une entreprise, après qu'elle a
entrepris maintes démarches et négociations, d'embaucher
plutôt un Québécois ou une Québécoise, alors
que c'est précisément parce que le type d'expertise qu'elle
recherchait n'existait pas sur le marché québécois qu'elle
a effectué ses recherches à l'étranger. Vaudrait mieux
faciliter la tâche aux entreprises dans la recherche d'employés
à l'étranger que de chercher à leur mettre des
bâtons dans les roues.
Le gouvernement craint qu'un accent trop marqué sur les seules
retombées économiques de l'immigration amènerait à
privilégier la venue de gens d'affaires qui, compte tenu de la situation
géopolitique actuelle, proviennent majoritairement des bassins non
francophones. Pourtant, les statistiques démontrent que, dans le
passé, les immigrants possédant un niveau élevé
d'éducation se sont toujours plus facilement intégrés aux
populations locales où ils s'établissent. Une économie
saine et viable exercera un attrait certain sur les immigrants, quelle que soit
leur langue d'origine. Ils s'identifieront à leur pays d'adoption et
chercheront à s'y adapter le plus rapidement possible.
De 1961 à 1986, le pourcentage d'immigrants allophones qui ont
déclaré connaître le français est passé de 45
% à 65 %. Plus la société québécoise
présentera un visage accueillant et dynamique, plus, croyons-nous, cette
tendance s'accentuera. Il vaudrait donc mieux privilégier une
sélection rigoureuse qui tienne compte d'un ensemble de facteurs que de
privilégier un facteur tel la langue qui, en lui-même, n'est pas
garant d'intégration. À notre avis, les facteurs
économiques, culturels, religieux et autres ont tout autant - sinon
beaucoup plus dans certains cas - de poids que celui de la langue.
La reconnaissance de certains diplômes, la dévalorisation
de l'expertise acquise dans le pays d'origine de même que les
délais souvent trop longs pour obtenir des équivalences ont nui
à l'immigration de gens disposant d'une formation et d'un niveau
d'éducation supérieurs ou les ont empêchés de
pratiquer chez nous leur profession. Il est regrettable pour le Québec
de gaspiller une expertise qui est parfois unique.
Il y a donc lieu d'éviter de se refermer dans des
considérations tatillonnes d'équivalence. Il faut au contraire,
à partir d'un certain minimum requis, cela va de soi, considérer
certains des éléments différents de formation et
d'expertise comme des façons d'enrichir nos propres façons de
faire et des sources éventuelles d'innovation.
Trop souvent, au sein du gouvernement, on agit comme si les politiques
d'immigration ne concernaient que le seul ministère de l'Immigration.
Les fonctionnaires d'un ministère sont ignorants des programmes mis en
place par un autre. Citons l'exemple de ce chercheur qui, par le biais d'un
programme du ministère de l'Immigration, devait bénéficier
de deux années de revenus non imposables. Les fonctionnaires du
ministère du Revenu n'étaient pas au courant de ce programme et
insistaient pour que le chercheur paie ses impôts. Il a dû
entreprendre des démarches afin que le ministère des
Communautés culturelles écrive au ministère du Revenu pour
éclaircir la situation.
Notre comité reçoit nombre de ces cas bizarres qui donnent
à notre administration une image d'inefficacité. Il vous revient,
je crois, d'organiser la concertation entre le ministère de
l'Immigration et celui de l'Industrie et du Commerce, celui de la
Main-d'oeuvre, celui de l'Éducation et tous les autres
impliqués.
L'énoncé de politique du gouvernement du Québec
soulève le problème de la concentration des immigrants dans la
région montréalaise et propose de favoriser la
régionalisation de l'immigration. Cette orientation pourrait
possiblement contribuer à rétablir un certain équilibre
démographique entre la région métropolitaine et les
régions périphériques. Elle va cependant à
l'encontre des tendances observées non seulement au Québec, mais
partout au Canada et sans doute dans la plupart des pays du monde. Les
immigrants s'orientent naturellement vers les grandes villes. En
général, l'emploi y est plus abondant et les réseaux
culturels linguistiques et ethniques y sont déjà établis,
précieux atouts pour qui cherche à s'adapter à un nouvel
environnement. Enfin, les ressources d'accueil et de formation y sont souvent
concentrées.
Trop miser sur le projet de décentralisation de l'immigration
serait, à notre avis, peu réaliste et drainerait budgets,
ressources et énergies. Voyons les choses telles qu'elles sont: la
grande région métropolitaine de Montréal est sans
équivoque la région la plus touchée par une politique
d'immigration. C'est là qu'il faut investir une bonne part des budgets
et non dans des régions peu touchées par le
phénomène de l'immigration. Une décentralisation exigerait
la mise en place dans les diverses régions de structures et de
programmes d'accueil qui, à l'heure actuelle, y sont pratiquement
inexistants, alors que les ressources déjà existantes à
Montréal ont dramatiquement besoin d'être augmentées et
améliorées. Les ressources financières sont une
denrée rare par les temps qui courent. Rationalisons par souci
d'efficacité, mais aussi d'équité.
Nous croyons que toute politique d'immigration doit être
ancrée dans une réalité concrète et que tout
programme doit être élaboré en concertation avec les
institutions et les milieux concernés: les commissions scolaires, les
gouvernements municipaux, les entreprises, les chambres de commerce, etc.
C'est avec plaisir que la Chambre a pris connaissance de l'entente
récente entre la Commission d'initiative et de développement
économiques de Montréal et le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration pour la mise sur pied d'un
programme destiné à aider les immigrants, gens d'affaires et
à favoriser leur implantation à Montréal.
Dans le même ordre d'idées, le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration du Québec devrait
être élargi pour inclure des représentants du milieu des
affaires. La Chambre serait heureuse de participer à une telle
initiative.
Nous trouvons également important de développer des
programmes de sensibilisation destinés aux Québécois de
souche. Les confrontations culturelles menacent les habitudes, ébranlent
la perception du réel, suscitent une peur que l'on ne peut balayer du
revers de la main. C'est en nous permettant des différences, en
apprenant à nous respecter les uns les autres, en sensibilisant les gens
à l'apport et à l'enrichissement d'une immigration bien
planifiée et bien intégrée que nous arriverons à
bâtir le Québec de demain.
Les priorités pour nous sont, en bref, à établir au
chapitre de l'immigration et devraient être les suivantes: une recherche
plus proactive de candidats à l'immigration, notamment d'entre- preneurs
et d'investisseurs; deuxièmement, une sélection rigoureuse des
immigrante qui tienne compte de nos besoins en main-d'oeuvre;
troisièmement, une sélection qui tienne compte davantage de
J'adaptabifité des candidats plutôt que de leur origine
linguistique comme telle; quatrièmement, la reconnaissance des
qualifications des immigrants; cinquièmement, un renforcement des
services d'accueil et de francisation dans la région de Montréal;
sixièmement, une sensibilisation des Québécois à
l'apport culturel, économique et social des immigrants, et, enfin, une
concertation des efforts à tous les paliers des secteurs
gouvernementaux, publics et privés. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Mme la présidente,
je vous remercie et je vais maintenant passer la parole, pour une
période de 15 minutes, à Mme la ministre de l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci beaucoup, Mme Pageau Goyette,
pour la présentation de votre mémoire. Mme Pageau Goyette, la
Chambre de commerce a mis sur pied, il y a quatre ans, un comité
d'accueil et de partenariat dont le mandat est de favoriser les liens entre
gens d'affaires des diverses communautés et de promouvoir la
région métropolitaine auprès des investisseurs
étrangers. J'aimerais bien que vous puissiez nous parler des
réalisations de ce comité, s'il y a des difficultés que
vous avez rencontrées, par exemple, dans l'atteinte de ces objectifs,
des pistes qu'if a explorées et qui pourraient être
utilisées aussi actuellement.
Mme Pageau Goyette: Lorsque le comité a été
mis en place, il y avait un grand enthousiasme de la part des
bénévoles qui y travaillent. D'abord, on s'était dit
à ce comité: Nous allons devenir le phénomène
intégrateur des immigrants. Nous allons pouvoir les intégrer
à la communauté d'affaires, les inviter à tous nos
cocktails, à toutes nos réceptions et à tout ce qu'il
faut. Finalement, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça.
Pourquoi? Parce que l'information ne circule pas. On ne sait pas qui arrive,
quand ils arrivent, qui les pilote. Est-ce qu'ils sont accueillis aux
aéroports? On avait même pensé à les accueillir aux
aéroports, mais on n'a pas l'information. Et à défaut
d'avoir l'information, c'est très difficile d'agir et on n'a pas
été capable de trouver cette information-là.
Donc, ce fut la première année où on s'est
cherché un peu une mission, où on a tenté, toujours avec
les moyens du bord, de faire ce qu'il y avait à faire de ce
côté-là. La deuxième chose, on s'est dit: Si on
faisait la promotion de Montréal auprès des gens d'affaires et si
on établissait des liens plus serrés, par exemple, avec les
conseillers en immigration, ceux donc, qui, à notre avis étaient
sur le terrain et étaient là pour attirer ces gens d'affaires.
Nous avons
donc été présents avec eux. Mais là aussi,
non pas que les relations sont difficiles, au contraire, elles vont très
bien, sauf qu'on ne voyait pas encore notre rôle à ce niveau.
Donc, deuxième et presque troisième année de cette
implication. Évidemment, les délégations qui viennent
à Montréal sont accueillies par ce comité. Bien, il se
fait beaucoup de choses quand même, et je parle des objectifs que le
comité essayait d'atteindre et avec lesquels il a eu un peu de
difficultés.
L'an dernier et cette année, il a fait rédiger et
rédigé, obtenu dans bien des cas des commandites pour
prévoir un guide pour gens d'affaires et investisseurs, un guide
où on touche diverses problématiques. Par exemple, un bureau
d'avocats qui dit comment on s'implante à Montréal et comment on
le fait, où on trouve les informations pertinentes. On n'est pas encore
arrivé à commanditer totalement ce guide qui est fort bien fait.
Si vous en voulez des copies, la plupart des textes sont prêts, mais on
n'est pas encore arrivé à trouver tout l'argent dont on avait
besoin pour l'imprimer et le publier. Je pense, Mme la ministre, que vous avez
d'ailleurs collaboré à ce projet avec une contribution de 10 000
$, je crois. Il nous en manque encore un tout petit bout pour réaliser
ce guide qui est fort bien fait. J'aimerais ça que vous le voyiez; on en
est très fier. Voilà où en est le comité.
Je dois vous dire aussi que ce comité est celui vers lequel on
dirige les plaintes. C'est notre bureau des plaintes à la Chambre pour
ce qui est de toutes les misères qu'endurent certains candidats à
l'immigration. On n'est pas équipé vraiment pour traiter ces
plaintes-là, mais on les reçoit en se disant: Ça va venir
enrichir nos présentations ou nos représentations envers les
divers intervenants. Voilà, j'espère que j'ai pu répondre
adéquatement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Donc, je pense bien qu'une
collaboration beaucoup plus étroite entre le ministère et votre
organisme serait probablement souhaitable. Vous savez que nous avons
l'intention d'ouvrir des bureaux d'accueil justement à deux
aéroports: Dorval et Mirabel. Nous avons déjà
commencé à donner des sessions de formation en collaboration avec
le ministère de l'Industrie et du Commerce, entre autres, pour pouvoir
renseigner les gens qui arrivent. Aussi, nous avons signé une entente
avec la ville de Montréal pour être en mesure d'offrir à
ces gens d'affaires qui arrivent, des projets d'emploi, des projets
d'entreprise et aussi trouver des locaux et ainsi de suite. Donc, je me rends
compte qu'il y a un besoin absolument essentiel de concerter nos actions, parce
que je me rends compte aussi que plusieurs organismes ou plusieurs groupes
agissent et veulent agir. Ce n'est pas la mauvaise volonté, au
contraire. Je pense que ces organismes ont une très bonne
volonté, mais, cependant, c'est que nos actions étant un peu
éparpillées, on n'arrive pas vraiment à cibler. C'est dans
ce sens-là, je pense, que ça va être important d'avoir une
concertation beaucoup plus étendue, beaucoup plus
élaborée. (12 heures)
Mme Pageau Goyette: Je présume que j'aurais pu vous faire
une meilleure présentation du comité dans le sens de vous dire
que tout allait bien. Mais ce serait un petit peu vous mentir parce qu'on a de
la difficulté. Difficulté à se trouver une utilité
qui soit vraiment... une utilité - voilà, c'est le mot - qui
rejoigne les objectifs d'un ensemble de participants. Alors, on a
commencé à développer... Il s'est fait quand même
des choses en quatre ans. Bien sûr, on arrive à des conclusions.
On a commencé à développer des liens assez serrés
avec la CUM, avec la ville de Montréal et, dans ce cadre-là,
peut-être qu'il va surgir des projets intéressants. Cette
année, la CUM m'a même prêté comme conseiller Jean
Isseri, dont j'ai parfois abusé, mais c'est très utile pour nous
parce qu'on ne sait pas toujours comment s'y prendre. On ne sait pas toujours
comment aborder les problèmes.
Par exemple, dans ma thématique cette année, j'aurais
voulu, et je le fais volontiers, rapprocher la Chambre des groupes culturels.
Je leur ai dit: Je ne veux pas vous inviter chez nous, je veux que vous
m'invitiez à aller chez vous. Et c'est assez inhabituel, semble-t-il, et
ça a marché. Ça marche lentement, mais ça marche.
Et je suis accueillie assez fréquemment, maintenant, chez les groupes
culturels et je commence à comprendre les problématiques. Mais la
difficulté chez nous, c'est qu'on ne sait pas qui sont les leaders dans
ces groupes-là. On ne veut pas non plus faire de faux pas et on n'a pas
les outils pour arriver à être vraiment très efficaces
à ce niveau-là. Alors, voilà pourquoi on s'est dits:
Rabattons-nous sur les choses dans lesquelles nous sommes bons et publions ce
guide, qui est un outil de travail, finalement, pour nous et pour les gens
d'affaires en général. Et je pense que là, on va pouvoir
être un peu plus utiles. Mais si, Mme la ministre, nous pouvions un jour
jouer un rôle un peu plus grand en votre compagnie, nous serions fort
aises de cette suggestion.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Mme Pageau Goyette, vous misez
beaucoup sur la catégorie des gens d'affaires dans votre mémoire.
Vous parlez beaucoup des gens d'affaires. Je sais, par exemple, que vous avez
sûrement pris connaissance d'une étude du Conseil
économique. D'ailleurs, ce Conseil est venu récemment se faire
entendre. Et on minimisait passablement les effets positifs de l'immigration
économique. Mais vous, sur le plancher, sur le terrain, est-ce que vous
sentez vraiment ce phénomène ou si vous sentez comme plusieurs
autres aussi que, vraiment, c'est important parce que ces gens arrivent avec
des capitaux, quand même, surtout
en période de récession. Parfois, ce sont les seuls
capitaux nouveaux qui sont injectés dans l'économie du
Québec.
Mme Pageau Goyette: Et qui ne font pas de ponction fiscale. Ce
sont des capitaux qui nous arrivent tout frais, tout neufs et qui ne nous
coûtent rien; rien, je veux dire, à développer comme
programme. Oui, nous pensons que c'est intéressant. Nous pensons
également que, dans notre internationalisation, c'est essentiel. Ces
gens-là nous ouvrent des marchés, nous font comprendre les
habitudes de fonctionnement dans d'autres pays et, à notre avis, c'est
tout à fait essentiel. Il faudrait revoir les chiffres, peut-être,
dans notre Chambre à nous, mais je suis certaine que les investissements
sont considérables et souvent plus qu'on le pense.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais je pense qu'ils pourraient l'être
davantage s'ils étaient mieux planifiés ou si on aidait davantage
ces personnes à créer...
Mme Pageau Goyette: Oui. Nous tentons, à l'heure actuelle,
de mettre au point un projet où nous accepterions de recevoir les sommes
que ces immigrants doivent déposer lorsqu'ils viennent et essayer
peut-être de valoriser ces sommes-là plutôt que de les
laisser dormir dans un compte en banque. Alors, on est en train de voir comment
on peut davantage aider ces gens-là à trouver un rendement sur
leur avoir et à faire profiter Montréal, bien sûr, de cette
nouvelle manne. Alors, on a le comité de fiscalité qui travaille
avec le comité d'accueil et d'immigration. Alors, je pense qu'on va
arriver, finalement, à trouver notre niche, comme on dit dans le monde
des affaires.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez aussi que, pour répondre
au défi de développement du Québec, le gouvernement veut
et doit poursuivre concurremment cinq objectifs. Bon. Je pense que si je vous
les répète, il y a les objectifs démographique,
linguistique, économique, familial et humanitaire. J'avais l'occasion de
parler, hier, avec le président de la Société
Saint-Jean-Baptiste et nous discutions de ces différents objectifs parce
que je mentionnais que, dans les niveaux... Bon. Si je pose ce point-là,
c'est parce que la Société Saint-Jean-Baptiste nous disait: II
faut baisser les niveaux, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas
réussi l'intégration de tous les gens qui se trouvent
actuellement sur le territoire. Je lui faisais part qu'il y a
déjà, quand même, une clientèle - par exemple, la
réunification familiale, de même que les réfugiés -
qui est une catégorie qui nous est induite, dans le sens qu'elle arrive
de toute façon, dépendamment des Québécois qui font
venir leur famille - c'est tout à fait normal - et que pour être
capable d'atteindre l'objectif d'augmenter, par exemple, l'immigration
francophone de même que l'immigration économique, il fallait
à ce moment-là que les niveaux soient un peu plus
élevés, sinon je ne pourrais pas être en mesure d'atteindre
ces objectifs. Et on me disait, par exemple... et j'ai posé fa question,
je mentionnais: Est-ce que, par exemple, si on devait laisser un objectif par
rapport à un autre, parce que si nous devons réduire les niveaux,
je vais être obligée nécessairement d'abandonner
possiblement un ou deux objectifs? Et je mentionnais, je disais: Est-ce que,
par exemple, pour vous, l'objectif d'immigration francophone est plus important
que l'immigration des gens d'affaires? Et on me disait: On
préférerait laisser tomber les gens d'affaires parce qu'on sait
que les gens d'affaires sont davantage de langue anglaise, finalement, que de
langue française et on préférerait laisser tomber le
côté gens d'affaires plutôt que le côté
francophone. Est-ce que vous, vous êtes de cette opinion?
Mme Pageau Goyette: Non, pas du tout. Je pense qu'il faut, quant
à nous en tout cas, favoriser les gens d'affaires. Ce sont ceux qui
apportent le capital. Ce sont ceux qui vont nous permettre de nous
développer. Et ce que nous croyons et ce que nous vivons, c'est que les
gens d'affaires qui ont une certaine éducation, une certaine richesse,
finalement, s'intègrent fort bien. Ils apprennent à parler
français et je pense qu'ils sont loyaux à l'égard de leur
terre d'accueil. Pour nous, le facteur linguistique n'est pas primordial. Bien
sûr, on doit le favoriser dans la mesure du possible, mais je pense qu'il
faut aller vers d'autres critères, et ceux qui vont faciliter
l'intégration sont, à notre avis, beaucoup plus importants parce
que c'est de là que vont venir les guerres, si elles doivent venir, et
il faut éviter ça à tout prix. On a assez de la
constitution pour se battre. On peut choisir d'autres sujets, mais pas
celui-là.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, vous avez confiance, finalement, que
même si la personne ne parle pas le français, qu'avec des cours de
français et qu'avec une bonne volonté, on pourrait atteindre cet
objectif.
Mme Pageau Goyette: Tout à fait. Il faut que nous, par
exemple, comme peuple, on soit certain de ce qu'on offre et de ce qu'on veut
être et ça, je ne suis pas toujours certaine que le message est
très clair. Qu'on vit et travaille ici en français et que c'est
une société qui se veut distincte par sa langue et sa culture, et
ça, il faut l'affirmer, il faut le maintenir, il faut être fiers
de ce que nous sommes. Et parfois, on a tendance à s'excuser, on a
tendance à s'excuser. On le fait très souvent au lieu de
s'affirmer.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Vous men-
tionnez, à la page 6 de votre mémoire, que plus la
sélection sera rigoureuse, plus les critères de choix seront
établis en fonction des besoins du Québec dans les divers
domaines de son activité, mieux le Québec sera servi par ses
nouveaux arrivants. Ce que vous mentionnez, c'est très
intéressant et, à la lecture de l'énoncé, vous avez
pu constater que nous voulons sélectionner des gens d'affaires ayant une
véritable d'expérience d'affaires, ayant un projet sérieux
et réalisable, qui vont s'installer au Québec. Et là, je
dois vous dire que j'ai donné des directives à cet effet dans nos
différents bureaux à l'étranger, pour s'assurer que les
gens d'affaires qui veulent vraiment venir au Québec aient la
motivation, non seulement la motivation mais vont véritablement investir
au Québec.
Donc, nous avons entrepris, comme je le mentionnais tout à
l'heure, des séances, par exemple, de sensibilisation avec les
consultants privés, entre autres, afin qu'ils effectuent une
présélection des candidats selon nos critères de
sélection, dans le sens que je pense que c'est important que ces
consultants qui sont sur le terrain, qui font aussi de la prospection, puissent
sélectionner en fonction de nos besoins et non pas, par exemple, en
fonction de leurs besoins. Parce qu'on sait très bien, par exemple,
qu'une personne, lorsqu'elle arrivera ici, devra véritablement
créer son entreprise. Jusqu'à maintenant, on n'a pas toujours
été... On a été un petit peu - comment pourrais-je
dire - on n'a pas toujours été aussi vigilants qu'on aurait
dû l'être à ce niveau-là et aussi, comme on ne
connaissait pas les besoins soit de la région de Montréal, soit
des autres régions et les besoins du Québec en termes de
main-d'oeuvre qualifiée, par exemple, en termes d'investissement,
c'était difficile pour nous de faire le lien entre la demande et les
besoins et de sélectionner en fonction des besoins du Québec.
Donc, nous avons l'intention d'être beaucoup plus vigilants à ce
niveau-là et de s'assurer que la sélection que le Québec
fera, elle devra répondre justement aux besoins.
Donc, je voudrais savoir quels devraient être, selon vous, les
critères de sélection des candidats gens d'affaires? Est-ce que
vous avez une idée là-dessus? Est-ce que vous pouvez...
Là, je vous donnais quelques exemples, mais est-ce que vous avez
d'autres idées, d'autres solutions à me suggérer?
Mme Pageau Goyette: Je pense qu'il faudrait que j'y
réfléchisse. On pourrait, par exemple, vous fournir un avis
là-dessus si vous le souhaitez, Mme la ministre. Ça nous fera
plaisir de faire travailler les gens et de les mettre à contribution. Je
sais que ça ne répond pas à votre question, mais je pense
que c'est la meilleure façon dont je pourrais vous être utile. Ce
que je voulais dire, juste avant que vous me posiez votre question, c'est que
quand on pense à des critères rigoureux et à une
sélection rigoureuse, ça ne veut pas dire d'être
intolérant ou de ne pas comprendre ce que l'immigrant essaie de faire.
Parmi les cas qui nous ont été soumis, les cas problèmes
qui nous ont été soumis, il y en a quelques-uns où les
conseillers ou - je ne sais pas comment vous les appelez - les gens de votre
ministère ont été complètement comme à
côté de la "track". Ils ne comprenaient pas comment ça se
passait dans le pays. Ils ne comprenaient pas, par exemple, qu'une personne
avait telle ou telle option chez elle et, donc, ils disaient: Chez nous,
ça ne peut pas marcher, ce n'est pas viable ou ça n'a pas de
sens, alors que, parce que les conditions économiques ou les conditions
de marché sont différentes dans d'autres pays, il faut comprendre
cette situation-là, et je ne suis pas toujours certaine que vos
conseillers, enfin, les gens qui sont là, sont bien au fait de ces
situations-là.
Il faut, je pense, savoir jauger, un peu comme le banquier fait avec nos
plans d'affaires et se fier un peu à ce que nous sommes et à ce
que nous vendons comme plan, et on a beaucoup de ces plaintes-là. Comme
si les gens ne connaissaient pas la culture, les modes, les façons de
faire dans certains pays et que donc, les plans d'affaires qui leur ont
été soumis ou les bilans qui leur ont été soumis
n'étaient pas acceptables. Je pense que quand on parle de
sélection rigoureuse, on veut dire: On ne veut pas n'importe qui, de
n'importe quelle façon et on ne veut pas que ces gens-là se
retrouvent encore une fois dans la restauration. On a autre chose à
faire pour se bâtir un pays que d'aller dans la restauration, et c'est
dans ce sens-là, je pense, qu'il faut avoir une meilleure
adéquation entre les besoins et la recherche de candidats. Est-ce que je
retiens que vous souhaiteriez que nous vous soumettions certains de ces
critères qui nous...
Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, c'est sûr que si vous
en aviez quelques-uns, je pense que ce serait intéressant...
Mme Pageau Goyette: Oui, et nous le ferons avec grand
plaisir.
Mme Gagnon-Tremblay: Naturellement, quand je parie de
critères, je pense à des critères aussi. C'est qu'il y a
aussi toujours celui de la gestion des affaires. Je pense que quelqu'un qui
nous arrive avec un beau plan ou un beau projet mais qui n'a jamais
géré d'entreprise, donc, qui n'a jamais géré de
commerce, je pense qu'on est à même de se poser des questions,
même quand le projet est préparé, nous est
présenté avec beaucoup de dollars au bout de la ligne.
Mme Pageau Goyette: Tout à fait Non, non, je partage
ça El je ne voudrais pas non plus
qu'on tombe dans l'excès contraire...
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.
Mme Pageau Goyette: ...comme ça arrive parfois, qu'on suit
le livre tellement...
Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça.
Mme Pageau Goyette: ...qu'on ne veut pas se tromper. Alors on
achète tous un IBM et donc, on ne donne la chance à personne de
marquer des points. Et ça, c'est un avantage. Une autre chose,
peut-être, qui... cette fois, je ne voulais pas passer à travers
le comité, donc, je vous parle un peu personnellement. Il me semble que
pour réaliser le Québec de demain, nous, les gens d'affaires
avons été, pendant les derniers 20 ans, des espèces de
bâtisseurs. On s'est tous lancés dans l'entreprise et on y
réussit très bien. Il me semble qu'on arrive à un niveau,
à l'heure actuelle, où il faut passer sur un autre plateau, il
faut faire cette espèce de grand pas de géant qui va nous amener,
un peu comme Bombardier l'a fait, à partir d'un produit bien fait, d'une
structure et d'un service bien montés, à s'internationaliser,
à comprendre...
Et je ne suis pas certaine que nos entrepreneurs ont tout ce qu'il faut,
à l'heure actuelle, pour gérer cette croissance-là. Et
dans ce sens-là, il m'apparaît que, d'ici cinq ans, il va falloir
recourir, aller chercher dans le monde entier les meilleurs gestionnaires, ceux
qui vont nous permettre, justement, d'atteindre ces hauts niveaux de
performance.
Et la aussi, je ne suis pas sûre que ça entre dans les
normes, dans les traces qui ont été fixées, et je me dis
que ça va devenir une situation où nous devrons nous soucier de
cette perspective-là. Il va nous falloir aller chercher dans le monde
entier les meilleurs gestionnaires, les personnes les plus aptes à nous
amener à cet autre niveau. Il ne faut pas avoir peur de faire autre
chose.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, Mme la
présidente.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
présidente. M. le député de Richelieu, vous avez
levé la main. Avez-vous une question? Non? Vous êtes satisfait.
Très bien. Alors, je vais maintenant passer à M. le
député de Shefford pour une période d'une quinzaine de
minutes. (12 h 15)
M. Paré: Oui, merci M. le Président. Alors,
bienvenue, Mme la présidente, Mme la directrice générale.
Je dois dire, à la lecture de votre mémoire et à
l'échange que vous venez d'avoir, on se rend compte qu'effectivement,
votre mémoire témoigne de la préoccupation de gens
d'affaires qu'on retrouve dans les chambres de commerce. C'est bien que ce soit
comme ça et c'est le niveau sur lequel je veux aussi vous questionner.
Il a été question tantôt... Mme la ministre mentionnait que
des groupes se sont présentés ici en disant qu'il faut
peut-être limiter le nombre d'entrées pour un certain temps, parce
qu'on a quatre défis, finalement, qu'on retrouve même à
l'intérieur de votre introduction et, parmi ceux-là, il y a la
prospérité économique, le redressement
démographique, la pérennité du fait français et
l'ouverture sur le monde. Je pense qu'on est tous d'accord avec ça.
C'est sur les moyens qu'on diffère et c'est toujours comme ça ou,
plus souvent qu'autrement, c'est comme ça.
Vous dites qu'il faut favoriser l'immigration, il faut être
très sélectifs, très exigeants et être proactifs.
Mais vous n'intervenez pas, vous ne mentionnez pas, dans le texte que vous nous
avez présenté, un nombre d'immigrants. Je vous pose la question
aussi simplement que ça: Est-ce que vous pensez que 55 000, étant
donné que vous mentionnez, comme vos prédécesseurs ce
matin des deux groupes qui sont aussi de Montréal, que 55 000,
c'était un nombre qui était quelque chose de passablement
correct? Est-ce que vous avez pensé à un nombre quelconque qui
serait acceptable, intégrable et en même temps qui
répondrait aux quatre défis qu'on se fixe par la politique?
Mme Pageau Goyette: Je pense que ce n'est pas le nombre qui est
l'objectif en soi, c'est davantage la qualité de l'intégration
qui est l'objectif à atteindre. Je pense que, si on atteignait le
nombre, tant mieux, mais si on atteint ce nombre-là et qu'on
intègre mal ces gens-là, qu'ils ne sont pas heureux chez nous et
qu'ils ne nous rendent pas heureux, je ne vois pas ce qu'on aurait atteint
comme société. Je sais que je diffère un peu en cela
peut-être du Conseil du patronat qui, lui, a dit qu'il fallait ouvrir les
vannes et faire entrer tout le monde. Là-dessus, je suis un peu plus
réticente parce que je me dis qu'il faut que nous soyons bien. Il faut
que ces gens-là s'intègrent bien pour avoir une
société qui soit la plus harmonieuse possible. Alors, pour moi,
l'objectif n'est pas d'atteindre un nombre, c'est d'atteindre de réussir
cette intégration. Ça, c'est l'objectif, à mon avis,
derrière lequel on doit mettre tous nos efforts, beaucoup plus que
d'atteindre un nombre. Je comprends ce que Mme la ministre dit, à savoir
que, pour atteindre les objectifs qu'on s'est fixés comme
société, idéalement, voici le nombre qu'on devrait
atteindre. Je partage tout à fait ça, mais pas au
détriment de notre qualité de vie, notre qualité de
société.
M. Paré: L'intégration au bénéfice
des nouveaux arrivants et de la société qui les accueille.
Mme Pageau Goyette: Oui.
M. Paré: Un peu dans l'ordre où vous avez fait la
présentation de votre mémoire, on retrouve immédiatement
un pont interculturel. Ça, je dois vous dire que je suis d'accord avec
vous. De toute façon c'est reconnu: la société
québécoise est une société très ouverte,
très accueillante et je pense que même les premiers ambassadeurs
du Canada, c'a été des Québécois par les
missionnaires qu'on a envoyés un peu partout. Donc, je pense qu'on a une
expertise qui est très forte et on a une image qui reflète la
réalité par rapport à la perception qu'ont les gens des
autres continents sur le Québec, qui est une perception très
positive et tant mieux pour nous. Il faut utiliser ça.
Mais vous dites qu'il faut utiliser - je trouve ça très
bien - qu'il y aurait certainement lieu d'utiliser davantage les réseaux
des différents groupes ethniques établis ici pour faciliter nos
relations d'affaires avec d'autres pays. Je ne sais pas si on l'a
déjà utilisé en commission, mais je dois vous dire qu'il y
a des exemples. Il serait probablement bon de les utiliser ailleurs. Moi, je
vais vous en donner un que je connais bien: c'est Granby. Pourquoi, dans le
parc industriel, on retrouve des dizaines et des dizaines d'entreprises
étrangères qui sont de Grande-Bretagne, de France, de Suisse,
d'Allemagne, d'Italie, un peu des États-Unis aussi, mais beaucoup
d'Europe de l'Ouest? C'est parce qu'on a su utiliser, justement, la
présence de groupes chez nous. Ça a fait boule de neige à
un moment donné, il n'y a pas à dire. Il n'y a pas beaucoup
d'immigrants à Granby. Là, ça fait que
l'intégration est très simple, très facile. C'est
l'harmonie dans la facilité parce que le nombre le justifie.
La présence de dizaines d'entreprises, finalement, ça se
fait par des échanges qui sont souvent informels et qu'on aurait
peut-être avantage, comme société, à aider. Je pense
ici aux villes jumelées. C'est une association qui n'est, en soi, pas
gouvernementale, qui est de fraternité et d'échange entre les
communautés locales, comme on appelle, les municipalités, le
terme courant utilisé au Québec. Mais les liens qu'on fait
amènent des échanges et ça nous amène à
établir des contacts entre gens d'affaires et, finalement, ils
s'établissent chez nous. Moi, je peux vous dire, par un exemple
très concret, lors d'une délégation des gens du
Commissariat industriel de Granby pour aller chercher des entreprises
italiennes, bien, on a demandé à des Italiens qui ont
implanté une usine à Granby de faire partie de la
délégation et, finalement, ce sont eux qui sont allés
vendre à d'autres Italiens, avec la même perception, les
mêmes sentiments, leur venue au Québec. Et ça ne
réussit pas toujours, mais ça réussit passablement bien
quand on regarde l'implantation d'usines européennes chez nous. Moi, je
pense que c'est une façon qu'on doit faire, non pas les engager, non pas
- comment dirais-je ça... il ne faut pas qu'ils deviennent des
fonctionnaires, des gens du gouvernement. Ce sont des alliés qu'on va
chercher et ils vont dans la délégation comme des gens d'affaires
et non pas comme des représentants de la municipalité ou du
gouvernement, des gens d'affaires qui veulent attirer chez nous des
entreprises. Moi, je pense que c'est ce genre d'exemple qu'il faut
utiliser.
Mme Pageau Goyette: Si je peux me permettre... Oui, il y a
d'autres exemples et on commence seulement à les voir resurgir. Par
exemple, nous, nous sommes liés avec d'autres chambres de commerce. On
pense à Osaka avec laquelle nous avons des liens très suivis,
mais il faut s'occuper, il faut investir là-dedans; ce n'est pas
nécessairement facile. Il faut le faire. Mais je pense aussi depuis que
nous sommes de mieux en mieux intégrés avec les
universités. Les professeurs dans le monde entier ont des alliés,
ont des gens avec qui ils travaillent, ont des secteurs d'activité
qu'ils connaissent très bien, et je vous dis: Les gens d'affaires
commencent à goûter au réseau des professeurs
d'université, et je vous jure d'ici trois ou quatre ans, on va avoir
découvert le monde à cause des professeurs d'université.
Mais il y a toutes sortes de choses qui bouillonnent maintenant, qui se
brassent et, effectivement, ces liens commencent à se créer.
Notre exemple, cette semaine: Un membre de la Chambre a
téléphoné en disant: Moi, je connais bien le
président de la Chambre de commerce de Koweït Cîty et, le
lendemain, nous avions une délégation qui était en train
de s'organiser pour aller là-bas, pour aller rencontrer des gens
d'affaires d'un même secteur. Vous voyez, à travers des membres
donc, dans ce cas-là, arabes, la relation s'est faite. Mais, on
n'était pas sensibilisé à ça ou conscient de cette
valeur-là, il y a quelques années, et on parle de quelques
années, hein. Ça ne fait que commencer à percevoir cette
richesse, et les exemples que vous donnez sont éloquents à cet
égard.
M. Paré: Mais il faut en profiter, spécialement
quand vous pariez de ponts interculturels et d'offensive concertée. On
n'a pas bien, bien le choix de se concerter avec ce qu'on a et ce qu'on peut
contrôler parce que veux, veux pas, le Québec n'est pas
présent officiellement partout dans le monde et à certains
endroits, d'après un exemple que je viens de vivre, même dans
certaines ambassades canadiennes, on parle la langue du pays, l'anglais. Donc,
pour le Québec, ce n'est pas très, très valorisant ou
aidant par rapport à nos quatre objectifs du début. Donc, si on
veut promouvoir le Québec comme une place d'affaires exceptionnelle,
c'est par rapport aux réseaux sur lesquels on a une certaine emprise et
qui sont des contacts directs, puisque ce sont les moyens qu'on possède
présentement.
Mme Pageau Goyette: C'est aussi en donnant l'image d'une
société de gagnants qu'on va attirer ces gens-là et
ça, il faut le faire de plus en plus. C'est ce que nous sommes et c'est
ce que nous allons montrer à la face du monde.
M. Paré: Bien. Justement, en parlant de ça...
Mme Pageau Goyette: Même si c'est dur de ce
temps-là.
M. Paré: Vous avez dit tantôt... vous avez raison.
L'intégration, ce n'est pas seulement une affaire de langue. Les gens
peuvent parler, apprendre le français, puis l'utiliser sans être
intégrés à la société
québécoise. Donc, c'est plus que la langue, mais en même
temps, vous dites, dans les priorités... la troisième: "Une
sélection qui tienne compte davantage de l'adaptabilrté des
candidats plutôt que de leur origine linguistique comme telle."
Est-ce que vous ne pensez pas, étant donné - toujours j'y
reviens parce que c'est dans nos quatre grands défis, il y a le
redressement démographique et il y a la pérennité du fait
français - est-ce que vous ne pensez pas que, dans les avantages de
l'adaptabilité, parce que c'est général, c'est vaste,
c'est en même temps flou, l'adaptabilité, est-ce que vous ne
pensez pas que la connaissance du français est une chose en soi
importante pour s'adapter, étant donné qu'on a entendu ce matin,
puis à d'autres occasions, que dans les difficultés d'adaptation,
c'est le manque de connaissance du français? Donc, s'il ne l'a pas,
l'adaptabilité doit être plus difficile, et M. le maire disait
tantôt que même chez des immigrants qui sont ici depuis quelques
générations, le problème d'adap-tabilité est le
manque de connaissance du français. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on
doit tenir compte de... Si on doit tenir compte de l'adaptabilité des
candidats, il doit y avoir un facteur ou un pourcentage important qui soit la
connaissance du français puisque - puis je conclus là-dessus
avant que vous me répondiez - la réalité veut que les
immigrants viennent presque en totalité dans la région de
Montréal, là où se vivent, finalement, les deux cultures.
Et vous l'avez dit tantôt, et je trouvais ça bien, en disant:
notre problème à nous, il va falloir qu'on se branche. Ça
devient le problème des immigrants aussi parce qu'ils deviennent partie
de notre société. Et s'ils sont à Montréal, ils le
vivent. Ils sont poignes dans le même tourbillon que nous autres.
Est-ce que vous ne croyez pas que comme on doit se brancher et qu'on
veut que le Québec soit une société cosmopolite, mais qui
se rejoint au niveau d'une société française, que
ça doit être une exigence ou qu'en tout cas, on doive y donner
comme un point important la connaissance du français dans
l'intégration et la venue des immigrants.
Mme Pageau Goyette: Je pense qu'on peut y donner un point
important et on le souhaite, bien sûr. On souhaiterait que toutes les
grandes compétences à travers le monde soient francophones. C'est
ce qu'on souhaiterait, mais la réalité est tout autre. Est-ce
qu'il faut se priver d'investissements importants? Est-ce qu'il faut se priver
de ressources importantes parce que ces gens-là ne parlent pas
français ou n'ont pas du français une connaissance suffisante? Je
pense qu'il faut dire que nous travaillons en français, que nous sommes
une société francophone, qu'ils devront apprendre le
français et vivre en français. Mais est-ce qu'il faut se priver,
parce qu'on veut protéger à tout prix la langue française
de cette façon-là? Je veux dire, c'est une barrière qui
m'apparait énorme à l'entrée, quant à moi. Et j'ai
beaucoup plus confiance qu'en étant affirmatifs, qu'en étant
clairs sur ce que nous sommes, ces gens-là vont venir en toute
connaissance de cause et vont savoir qu'ils doivent s'adapter. Et on le disait,
tout à l'heure: dans une ou deux générations,
espérons-le, ces gens-là seront tout à fait francophones.
Et il faut miser là, il faut mettre les ressources là, à
notre avis, beaucoup plus que de mettre ou dresser une barrière à
l'entrée qui soit: Si tu n'as pas une connaissance suffisante du
français, tu n'es pas accepté, même si tu réponds
à tous les autres critères d'adaptabilité, de
conformité à nos valeurs et tout ça. Et je trouverais
ça bien dommage. Je pense qu'on ne peut pas se priver. Il faut
être ouvert comme société.
Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le
député de Shefford.
M. Paré: Déjà. Oh mon Dieu!
Le Président (M. Gobé): Ça passe très
vite. C'est très intéressant. Le temps coule et ne revient
pas.
M. Paré: Un dernier commentaire, et ça
m'amène toujours sur la venue des immigrants par rapport aux objectifs
dont vous parlez depuis le début. Votre deuxième priorité,
une sélection rigoureuse des immigrants qui tienne compte de nos besoins
de main-d'oeuvre. Et je vais vous faire un commentaire, et si vous avez le
temps d'en passer un aussi. Je suis d'accord avec ça qu'on aille
chercher l'expertise et la connaissance, et vous dites, je ne me souviens plus
à quelle page, à un moment donné, aller là ou
l'expertise nous manque. Sauf que, de façon exceptionnelle oui, et dans
une réponse tantôt, vous avez dit aussi qu'il faut
déjà se préparer parce que d'ici cinq ans, avec les
changements, l'ouverture sur le monde et tout ce qui s'en vient, on n'a pas
fini la mondialisation. Le grand village interplanétaire, oui, les
échanges vont être plus faciles. Il faut être ouvert et il
faut vraiment être partie de toute cette évolution qui
s'en vient. Sauf qu'il ne faudrait pas prendre la deuxième
priorité comme on va combler, finalement, nos besoins de main-d'oeuvre
par rapport à l'immigration. Il faut surtout pousser, à mon avis,
etd'ici cinq ans encore plus, sachant les changements qui s'en
viennent, pour être capable de former notre main-d'oeuvre. Et ça,
là-dessus, moi, je pense qu'il va falloir, comme société,
très rapidement penser à tous ceux qui ne travaillent pas,
à tous ceux qui ne sont pas prêts et aux besoins de l'entreprise
et que combler nos besoins de main-d'oeuvre par l'immigration, ce soit vraiment
complémentaire et que ce ne soit pas une des façons de
préparer nos besoins de l'entreprise en disant: II y a toujours
l'immigration. C'était juste un message que je voulais passer, parce que
c'est probablement dans le sens où vous le mettez et, là-dessus,
on va être tout à fait d'accord.
Mme Pageau Goyette: C'est partagé.
M. Paré: O. K. Alors, puisque malheureusement le temps qui
m'est imparti est terminé, je vous remercie bien gros de votre
présentation. Ça été très
intéressant, mais malheureusement trop court.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Shefford. Juste avant de passer la parole à la
ministre, j'aurais une petite précision a vous demander. Vous avez tout
à l'heure mentionné, à deux reprises d'ailleurs, que nous
aurions besoin, dans quelques années, de faire appel de manière
assez importante à de hauts gestionnaires ou des gestionnaires
très qualifiés. Et là, je présume qu'on ne parlait
pas de gérants de succursale. On parlait de gens dans le "top
management". Est-ce à dire que vous entrevoyez une pénurie au
Québec de ce genre de gestionnaires et est-ce qu'il n'y aurait pas,
dès maintenant, une suggestion que vous pourriez faire pour que nous
prenions les mesures pour en avoir?
Mme Pageau Goyette: Je disais ça parce que c'est une
réflexion très personnelle. Je ne l'ai pas validée
auprès de mes gens, mais on peut voir, je ne dirais pas un essoufflement
des entrepreneurs à l'heure actuelle, mais une espèce... On est
des bâtisseurs, nous, et pour bâtir à l'autre niveau, il va
nous prendre, à mon avis, pour une génération tout au
moins, de ces espèces de grands gestionnaires, comme on retrouve dans
les grandes entreprises internationales, et j'ai très confiance, par
exemple, que la génération de mon fils va venir combler ce grand
vide au niveau de la gestion. Mais c'est une question d'une
génération. Alors...
Le Président (M. Gobé): Est-ce à dire que
nos barons, nos Pierre Lortie, Paul Gobeil of autres administrateurs ne
seraient pas... Les enfants de la génération tranquille, la
génération qui a développé les affaires au
Québec ne serait pas capable ou ne serait pas suffisante.
Mme Pageau Goyette: Non. Je pense qu'il y a des gens qui sont
parfaitement capables et parfaitement compétents pour le faire, mais je
dis que dans nos PME, ce n'est pas la règle. Bon. Il y a un Pierre
Lortie; il n'y en a pas 25 et c'est un peu ce que je veux vous dire.
Le Président (M. Gobé): Je comprends, oui.
Mme Pageau Goyette: Mais il faudra avoir la capacité et la
sensibilité pour aller chercher... Ne pas se gêner pour aller
chercher de meilleures compétences pour aller à ce
niveau-là. C'est un peu ce que je voulais dire.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la
présidente de la Chambre de commerce. Maintenant, Mme la ministre. Je
vous passe la parole pour...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je voudrais vous
remercier. Je pense que nous avons un grand défi à relever et
avec la collaboration de tous et de toutes, je pense, que nous pourrons le
relever ce défi. Moi, je suis très confiante et très
optimiste et, bien sûr, je prends en considération les
recommandations de votre mémoire et je vous remercie beaucoup de cette
présentation.
Mme Pageau Goyette:... d'être venue.
Le Président (M. Gobé): Mme la présidente,
au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier
d'être venue nous rencontrer ce matin, et soyez assurée que nous
avons apprécié votre prestation, et nous allons en tenir compte.
Alors, sur ce, je vous souhaite un bon appétit et je vais suspendre les
travaux de la commission jusqu'à 16 h 30 cet après-midi, pour la
continuation des débats. Alors, la commission suspend ses travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Doyon): Si chacun voulait prendre sa
place, s'il vous plaît. Donc, la commission de la culture reprend ses
travaux. Nous allons procéder à l'écoute d'un
mémoire qui nous est présenté par le Mouvement pour une
école moderne et ouverte qui, d'après les renseignements que
j'ai, devrait être représenté par M. Yves Poulin, Mme Clara
Pires, Mme Jasmire Polifort, M Richard Cordeau et Mme Jacqueline Montpetit.
Je vois qu'ils ont pris place à la table de
nos invités. Je les invite donc à se présenter et
à procéder à la lecture de leur mémoire ou de son
résumé. Après ça... ça dure une vingtaine de
minutes... après, pour un temps égal, les membres du parti
ministériel, la ministre en particulier, et les membres de l'Opposition,
les représentants de l'Opposition, engagent la discussion avec vous pour
la même longueur de temps. Alors, vous pouvez procéder aux
présentations.
Mouvement pour une école moderne et
ouverte
M. Poulin (Yves): Alors, M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de la commission, il me fait plaisir de prendre la parole
au nom du Mouvement pour une école moderne et ouverte. Je vous
présente rapidement celles et ceux qui m'accompagnent. En
commençant par mon extrême gauche, donc votre droite, Jacqueline
Montpetit, qui est membre du parti du MEMO et qui a travaillé à
la rédaction du projet; Clara Pires, qui est commissaire MEMO à
la CECM; Jasmire Polifort, commissaire aussi à la CECM; Richard Cordeau
qui est du parti et qui a travaillé le mémoire avec Jacqueline,
et moi-même, Yves Poulin, président du MEMO.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Poulin (Yves): Merci beaucoup, M. le Président Doyon.
Avant d'embarquer peut-être directement dans le sujet, je veux simplement
rappeler que le MEMO est un jeune parti politique, même s'il a
déjà deux élections à son actif, un jeune parti
politique sur le plan scolaire. À la dernière élection,
comme vous le savez peut-être, nous avons quand même eu 48 % du
vote exprimé. Je pense que ça démontre un peu les
tendances qui se présentent actuellement dans la société
montréalaise. Et peut-être, pour la première fois aussi, on
retrouve un parti politique scolaire qui est capable de durer plus qu'une
élection, mais qui travaille et réfléchit depuis
maintenant déjà quatre ans.
Les membres du MEMO se sont toujours préoccupés, d'une
façon toute spéciale, de la question de la politique de
l'immigration parce que c'est évidemment une réalité
très importante dans la société montréalaise, et un
chapitre entier, d'ailleurs, du programme du MEMO porte sur notre intervention,
celle qu'on devrait avoir au niveau des communautés culturelles. Donc,
aujourd'hui, ce que nous allons vous présenter, ce n'est pas quelque
chose qu'on a préparé nécessairement uniquement pour la
commission, mais je pense que c'est une réflexion qui se fait
déjà depuis quatre ans par rapport à toute cette
politique. Et d'ailleurs, je rappelle qu'aux dernières élections
nous avons essayé d'être un peu réalistes par rapport
à la société montréalaise, et 25 % des candidats du
MEMO venaient des communautés culturelles. D'ailleurs, celles qui
représentent les commissaires aujourd'hui le sont aussi.
Ce qui motive notre intervention aujourd'hui, c'est d'abord, bien
sûr, le fait que Montréal est la plate-forme de l'arrivée
de toutes les communautés immigrantes au Québec. Et même si
on parle de régionalisation, même si tout le monde le souhaite, on
sait fort bien que presque tous les immigrants vont continuer à arriver
à Montréal et, pour la majorité, s'installer à
Montréal, compte tenu de la situation économique du
Québec. Il faudra donc toujours se préoccuper de la
capacité d'accueil du Québec, mais aussi de la capacité
d'accueil de Montréal.
Notre deuxième motivation dans notre intervention d'aujourd'hui
est le contexte scolaire, bien sûr, dans lequel on vit à
Montréal. Je ne pense pas que je vais vous apprendre
énormément de choses en vous disant que le contexte scolaire
à Montréal n'est pas nécessairement très facile
à vivre actuellement. Mais deux éléments nous
préoccupent principalement: c'est la dimension interculturelle dans le
projet éducatif et, d'autre part, les résistances que l'on
rencontre actuellement dans le milieu scolaire montréalais. On vous
rappelle que l'école est un lieu d'intégration excessivement
important au niveau des communautés culturelles. Elle doit jouer un
rôle prépondérant. Je pense que dans toute la
démarche de réflexion que vous avez entreprise sur cette
intégration, nous souhaitons que vous n'oubliiez pas le
phénomène de l'école.
Au niveau de l'école, on rappelle que deux clientèles nous
préoccupent particulièrement, bien sûr, la clientèle
des jeunes. Et je vous rappelle ici une petite phrase de notre programme
où on dit que l'école doit se préoccuper autant du
développement des habiletés et des attitudes que de l'acquisition
des connaissances. Il y a là des fois deux façons
différentes de percevoir l'école comme étant juste
l'endroit des connaissances et, d'autre part, aussi une école de
formation. Au niveau des adultes, dans notre programme, on rappelait qu'il faut
mettre sur pied les services nécessaires d'information, d'accueil, de
référence, d'orientation et de reconnaissance des acquis.
Je terminerai mon préambule en vous rappelant que l'école
montréalaise vit des situations difficiles si on regarde les deux
commissions scolaires les plus importantes au Québec, soit celle de la
CECM et celle de la CEPGM, deux commissions scolaires qui offrent des
résistances très fortes aux changements, principalement en ce qui
concerne la politique de l'immigration. Bien sûr que le discours est
là autant dans l'une ou l'autre des deux commissions scolaires, mais,
dans la réalité, si on regarde au niveau de la CECM, on agit
encore comme si la clientèle était monoethnique et
monoconfessionnelle, alors qu'on se rend compte aussi qu'un grand pourcentage
des élèves francophones à Montréal se dirigent vers
la CEPGM. Et même si la CEPGM a peut-être une ouverture
un peu plus grande dans son discours au niveau de l'intégration
des allophones, il reste qu'on doit reconnaître que ça va se faire
dans une atmophère anglophone, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille
pas.
Et je termine en rappelant que ces deux commissions scolaires là
sont les deux commissions scolaires qui s'opposent - et elles l'ont dit
publiquement - à la loi 107, au fait qu'on ait des commissions scolaires
linguistiques à Montréal, un élément important du
MEMO, pour être capable de se donner un outil parmi d'autres - ce n'est
pas le seul - mais un outil pour nous aider à l'intégration des
immigrants.
Le Président (M. Doyon): M. Poulin. Est-ce que quelqu'un
d'autre veut ajouter quelque chose? Alors, c'est ouvert.
Mme Polifort (Jasmire): Les points d'accord que nous avons sur
l'énoncé de politique, le MEMO désire tout d'abord
souligner sa satisfaction vis-à-vis de l'initiative du gouvernement
d'articuler un énoncé de politique qui prend en compte les volets
d'immigration et d'intégration et de le soumettre à la
consultation publique.
Cet énoncé met en lumière les aspects positifs de
l'immigration. Contrairement à une vision plus traditionnelle et encore
présente au Québec, où l'immigration est encore
perçue comme un phénomène que l'on doit subir,
l'immigration est vue d'une façon réaliste et dynamique et son
importance pour le développement du Québec y est très
clairement affirmée.
L'énoncé greffe aussi une vision de rapprochement qui
amène le Québec à se reconnaître comme une
société pluraliste et ouverte. C'est là un acquis de
taille pour une société qui, il y a encore peu de temps, se
définissait comme société monolithique, homogène.
L'énoncé reconnaît aussi l'apport des personnes qui se
joignent à la société québécoise et qui, par
ailleurs, par leurs réalisation personnelles et collectives, ont
contribué à son développement.
L'énoncé de politique met l'accent sur les relations
inter-communautaires, un volet qui vient confronter la politique
d'intégration proposée et qui nous semble garant de son
succès. Cette préoccupation de maintenir et d'harmoniser les
relations intercommunautaires nous apparaît, en effet, comme une
condition essentielle à la réussite d'une politique
d'intégration. (16 h 45)
Par rapport au contrat moral, l'approche positive de
l'énoncé s'appuie sur la notion de contrat moral, qui nous
apparaît également comme un ajout précieux. La
définition claire et explicite des droits et obligations des immigrants
et de la société d'accueil doit constituer la clef de voûte
de cet énoncé et remporte certainement notre adhésion. En
ce qui a trait au contrat moral, l'énoncé propose quatre axes
prioritaires, soit le principe de vie démocratique, la perspective d'une
société pluraliste, le français comme la langue
communautaire.
Particulièrement en regard du français comme langue
commune, le programme du MEMO, au chapitre de la diversité
ethnoculturelle, propose des engagements que je vais vous lire: "Promouvoir le
français comme langue commune de tous les Québécois et
comme clef maîtresse d'une intégration harmonieuse à la
société québécoise; veiller à ce que
l'ensemble des intervenants scolaires témoignent de l'importance et du
respect qu'il faut accorder au français, langue commune de tous les
Québécois; veiller à ce que chaque
équipe-école du secteur français se dote d'un plan
d'action propre à assurer l'environnement français requis pour
protéger les jeunes issus des communautés culturelles; dans le
secteur anglais, prendre les mesures nécessaires pour assurer chez tous
les élèves une parfaite connaissance du français."
Quand on parle d'effort de coordination, je pense qu'il y a un projet de
société. Déjà, en 1981, le plan d'action du
gouvernement à l'intention des communautés culturelles,
intitulé Autant de façons d'être
Québécois, s'insère dans le projet de
société multiculturelle, proposant des mesures d'application dans
des domaines précis: santé, travail, administration publique,
condition féminine.
Finalement, parmi les points positifs que le MEMO tient à
souligner, il faut se rappeler que la coordination gouvernementale est pour
renforcer et soutenir la politique d'immigration et d'intégration. Sans
cette dimension, nous croyons que l'énoncé de politique risque de
demeurer lettre morte, particulièrement en matière
d'intégration, et de rejoindre le domaine déjà
achalandé des voeux pieux.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Polrfort. Mme
Pires.
Mme Pires (Clara): Merci. Il m'incombe de parler maintenant de
nos critiques sur l'énoncé de politique.
Nous avons analysé l'énoncé de politique selon
notre domaine d'intervention qui est l'éducation. Et c'est pourquoi on a
décidé de ne pas se prononcer sur des niveaux d'immigration parce
qu'on croit qu'on manque d'expertise pour vous parler là-dessus.
On est pourtant bien content de voir que l'énoncé de
politique reconnaît les avantages de l'immigration et leurs apports.
Donc, on s'est intéressé à des objectifs de fond
poursuivis dans l'énoncé, mais on remarque trois aspects plus
importants où on trouve que ce n'est pas très clair. L'un se
rapporte à l'absence de la notion d'un projet de société.
Il est très important de lier clairement la politique d'immigration du
Québec à son projet de société. Il est très
important que les personnes qui arrivent ici
sachent à quoi elles doivent s'attendre, finalement. Et ce n'est
que quand les conditions sont très claires que le contrat moral peut
vraiment fonctionner.
Cette définition d'un projet de société,
évidemment, incombe à la société d'accueil, et
cette société d'accueil - nous tenons à le
réaffirmer - c'est une société formée par toutes
ses composantes. Et c'est pourquoi on trouve que l'énoncé
escamote un peu la réalité de la société d'accueil,
dans le sens où la définition des communautés culturelles
n'est pas claire. On affiche un parti pris pour le pluralisme, mais on glisse
encore souvent dans la différence entre les uns et les autres, ceux qui
sont différents et, en plus, les communautés anglaises et
autochtones sont absentes. Or, on ne peut pas composer un plan d'action
réaliste pour les communautés qui forment la
société d'accueil, quand on sait que certaines des
communautés culturelles se sont intégrées à \h
communauté anglophone. Alors, qu'est-ce qu'on va faire de ces
communautés-là? On aimerait que ce soit plus clair. Bon.
D'un autre côté, on parle beaucoup de la capacité
d'accueil. Les niveaux d'immigration sont fortement coreliés à la
capacité d'accueil. Or, il nous apparaît que cette capacité
dépend largement d'une volonté politique, et c'est la
volonté politique de mettre sur pied des mesures claires et clairement
appuyées aussi par des fonds ou de l'argent. Et c'est aussi la
volonté politique, en ce qui concerne la langue du Québec. Pour
nous, c'est l'intégration des communautés... parce que la
condition préalable à ce qu'il y ait une intégration,
c'est exactement l'apprentissage du français. C'est le français.
Ça va être le ciment qui va nous unir. Moi, je parle, je ne suis
pas née ici, mais je suis une luso-Québecois. Moi, je veux
développer l'aspect québécois. Pour moi, le projet de
société passe par la contribution de toutes ces
communautés et pour dessiner l'espace culturel dans lequel on va vivre.
C'est un espace culturel que je vois très dynamique, vers l'avenir et
non pas figé dans le passé. Mais c'est très important,
donc, que le statut de la langue française soit clairement
établi.
Un autre point sur lequel on a des remarques à faire, c'est la
question de l'immigration francophone. L'énoncé décrit
comme objectif l'augmentation de l'immigration francophone. On n'est pas contre
l'immigration francophone, ça c'est sûr, mais on trouve que c'est
irréaliste, étant donné que le bassin immigrant possible
francophone n'est pas très grand. On voit nos expériences aussi
dans le passé et, pour nous, ça dépend encore une fois de
la question du statut du français et lorsque la réalité,
nous disons, d'un Québec parlant français sera clairement
établie et véhiculée de façon cohérente par
tous les ministères, il sera nettement plus facile d'envoyer un message
non ambigu aux candidats à l'immigration. Et je trouve ça
très important. Il ne sera plus nécessaire de rechercher un
profil de parlant français, mais plutôt un profil de candidats
désireux d'apprendre la langue française. Je suis sûre que
vous êtes au courant que, quand on parie d'augmenter l'immigration
francophone, il y a beaucoup de communautés qui sont
particulièrement touchées, parce qu'elles n'ont pas eu une
colonisation francophone. Its ont peur. Mais, ça ne veut pas dire qu'ils
ne sont pas capables ou désireux d'apprendre le français. Donc,
c'est surtout sur cet aspect, la capacité, le désir d'apprendre
le français. On vous parle des Chiliens. Moi, je pourrais mentionner ma
communauté elle-même. Ce n'est pas lorsque c'est clair, quels sont
les paramètres, que les communautés vont réagir
adéquatement.
Aussi, autre chose très importante, c'est que, bien sûr, en
termes d'intégration, pour l'apprentissage du français, il faut
mettre en place les ressources nécessaires. J'ai déjà
parlé de fonds, mais c'est aussi faire appel aux ressources existantes
dans cette société d'accueil, qui sont toutes les institutions,
mais aussi tous les organismes sociaux, notamment les organismes des
communautés culturelles. C'est très important parce que vous
savez très bien, ce sont les délais dans l'apprentissage du
français, c'est le temps que ça prend pour avoir accès
à un cours qui découragent beaucoup de personnes et qui les
amènent à sortir du Québec.
Finalement, bon, l'école, qui est notre domaine
privilégié et aussi un lien privilégié
d'intégration. Nous sommes un peu déçus parce que les
structures scolaires dans les commissions scolaires ne sont pas vues comme des
partenaires tels que les municipalités, des partenaires à part
entière, en ce qui concerne l'intégration des immigrants.
À ce chapitre le MEMO - je me permets de vous le lire - a défini
les perspectives d'action scolaire envers l'ensemble des élèves
et envers la société québécoise. L'école a
une responsabilité d'harmonisation et d'intégration culturelle
entre Québécois de souche francophone et Québécois
issus des autres communautés culturelles. Une éducation
résolument ouverte sur le monde, positive face aux relations
interculturelles et respectueuse des droits fondamentaux constitue la seule
voie possible pour arriver à une société qui a choisi la
voie de l'unité dans la diversité. L'unité, toujours pour
moi, c'est l'importance du français dans la diversité.
Et donc, pour nous, le gouvernement doit signifier explicitement sa
reconnaissance de l'école comme partenaire majeur de
l'intégration et lui consacrer les ressources nécessaires
à la réalisation de son mandat. Nous trouvons que les mesures
qu'on lit dans les pages 56 et 76 de l'énoncé sont timides et
insuffisantes. Il ne suffit pas d'ajouter des enseignants. Il faut
procéder à la formation de tous les intervenants en milieu
scolaire, d'ailleurs comme partout dans les institutions
québécoises. Je trouve qu'il y a deux aspects fondamentaux. Un,
c'est la sensibilisation
des intervenants, et je parle, dans notre cas, des commissions
scolaires, mais je pourrais l'élargir aux ministères, organismes
et institutions, comme on commence à le faire au MSSS; c'est la
promotion des relations harmonieuses entre les élèves des
différents groupes. Bon, je ne veux pas vous fatiguer. Vous avez le
texte devant vous. C'est aussi - mais ça c'est un aspect important -
prendre les mesures nécessaires pour que la composition du personnel des
écoles et des centres administratifs reflète la diversité
ethnoculturelle et ce, dans chaque catégorie d'emploi. Ça, c'est
l'autre aspect très important dans l'intégration. Ce sont tous
les programmes, les programmes d'accès à l'égalité
dans les commissions scolaires, mais dans toutes les institutions
gouvernementales et même peut-être une exigence pour les compagnies
qui transigent avec le gouvernement. Ça je dépasse un peu le
cadre de notre mémoire.
Le Président (M. Doyon): Le temps étant
écoulé, vous pouvez terminer. Il restera moins de temps pour la
discussion après.
Mme Pires: Très bien. Nous, pour nous, c'est très
important d'impliquer toujours les communautés culturelles dans les
prises de décision, de favoriser une éducation civique et de
favoriser aussi l'enseignement de l'histoire comme un autre aspect du ciment
qui doit nous lier.
En conclusion, nous croyons donc qu'il faut élargir le cadre de
l'énoncé de politique pour y inclure le projet de
définition de la société québécoise et que
le gouvernement doit supporter activement le processus d'affirmation de la
société québécoise et exercer un leadership en
matière d'immigration, comme il le fait en matière
économique. Et un point spécifique, face à la question des
réfugiés, il doit se départir de son attitude attentiste
et assumer ses responsabilités, en appliquant trop sur la convention de
Genève. Il nous apparaît en effet inconcevable que le volet des
réfugiés soit ignoré dans le cadre d'une politique qui
veut être cohérente et intégrée.
Moi, j'aimerais, en terminant, voir accentuer l'importance qu'on accorde
au MCCI dans un rôle de leadership par rapport au gouvernement.
Personnellement, je trouve ça très important pour qu'on arrive
à une intégration. Merci. (17 heures)
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pires. Mme la
ministre, pour une quinzaine de minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. C'est avec plaisir
que nous vous accueillons à cette commission parlementaire.
Avant de passer à ma première question, vous y avez fait
allusion... et de même que, je pense que c'est un ou deux groupes aussi,
concernant la définition des Québécois des
communautés culturelles. Peut-être que je pourrais apporter
certaines précisions parce que je ne l'ai pas fait l'autre jour, mais
vous revenez encore à la charge en disant que vous êtes un peu
déçus de voir qu'on ne définit pas ce qu'on entend. Alors,
je vais vous le dire, ce que nous, nous entendons.
C'est bien sûr que, pour nous, les Québécois des
communautés culturelles sont des citoyens canadiens, résidant au
Québec, d'une origine ethnique autre que française, britannique
ou autochtone. On sait que les Britanniques et les autochtones ne sont pas
couverts par la présente politique à cause de raisons historiques
évidentes et du contrôle qu'ils exercent sur leurs institutions.
Alors, pour nous, aucun de ces termes n'est dérogatoire ni ne vise
à exclure qui que ce soit. Personne n'est forcé de s'identifier
à une communauté culturelle particulière et, aux yeux du
gouvernement, les Québécois de communautés culturelles ou
les minorités visibles sont d'abord et avant tout des
Québécois. Mais, sur le plan anthropologique, tous les
Québécois sont membres d'une communauté culturelle et non
les seuls descendants d'immigrants.
Cependant, à défaut de termes plus satisfaisants, ces
concepts sont utilisés, car parfois, il nous permettent d'identifier
certains groupes ayant des problèmes de participation à la
société québécoise et pour lesquels il faut mettre
en plan des mesures de rattrapage. Alors, c'est très difficile de
trouver un terme parce qu'il faut quand même identifier, faire une
certaine identification parce que vous avez affaire à un groupe qui a
besoin de mesures de rattrapage et aussi, parfois, on l'utilise parce qu'il y a
une forte proportion de personnes d'origines diverses qui continuent à
garder un sentiment d'appartenance à leur communauté d'origine,
même si elles sont bien intégrées à la
société québécoise. Alors, peut-être que
ça vous éclaire sur ce que nous, nous entendons comme
Québécois des communautés culturelles.
Mme Pires: Merci.
Le Président (M. Doyon): M Corbeau. M. Cordeau
(Richard): Cordeau. Oui. Le Président (M. Doyon): M.
Cordeau.
M. Cordeau: Quand nous nous sommes penchés justement sur
la définition des termes qu'on devrait employer, nous avons... Nous
savons, par exemple, que, dans le pays souverain comme en Europe, on emploie
généralement le terme de minorité nationale. On sait que
c'est pour la conjoncture que nous avons au Québec et au Canada, c'est
encore difficile. Mais ce que nous voulions dire, c'est que, par le fait qu'on
fait comme trois catégories de gens: la communauté
québécoise entre guillements, les autres communautés
culturelles et, en plus, les commu-
nautés anglaise, anglophone et amérindienne, ça
commençait à faire beaucoup d'étiquettes. Alors, on s'est
demandé de quelle façon, dans le contexte encore une fois, la
définition d'un projet de société, donc, un ensemble dans
lequel on intègre des gens... Par exemple, pensons à la
communauté italienne. La communauté italienne, je vois
difficilement comment la communauté italienne n'a pas autant de vieilles
souches que la communauté québécoise francophone. Mais,
quelque part, la communauté italienne s'insère dans cette
définition d'une communauté culturelle. Alors, on se retrouve
avec trois ou quatre dénominations et on trouve ça un peu
dangereux déjà avant de partir.
Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que, naturellement, comme je vous le
dis, il s'agit d'une politique d'immigration et, lorsqu'on parle d'immigration,
là, je ne voulais pas inclure - pour toutes sortes de raisons
historiques évidentes, comme je vous le disais tout à l'heure -
les Britanniques et les autochtones.
Ma première question est: dans votre mémoire, aux pages 9
et 10, vous soulignez à juste titre que la sélection d'une
immigration plus francophone que par le passé ne suffit pas à
elle seule à assurer la pérennité du fait français.
Et je partage cette vision. D'ailleurs, l'énoncé identifie
clairement la nécessité de développer des mesures
d'apprentissage du français, de valoriser, entre autres, son usage
auprès des immigrants aliophones qui continueront à
représenter la majorité des nouveaux arrivants. Leur
intégration à la majorité francophone constitue un
important facteur, cependant, de cette pérennité qui nous tient
tous à coeur. Il y a un article de votre programme qui souligne la
nécessité pour l'ensemble des intervenants scolaires de
témoigner de l'importance et du respect à accorder au
français. Pouvez-vous élaborer sur les moyens que vous croyez
qu'on devrait mettre en oeuvre pour arriver à ces résultats et,
en particulier, pour favoriser l'usage du français comme langue commune
d'échange entre les élèves de diverses origines? Il y a un
sujet qui a fait l'objet d'un récent débat, vous vous en
souviendrez, à la CECM, et on aimerait bien savoir quel type d'approche
vous semble la plus susceptible, je dirais, de marcher auprès des
jeunes, entre autres.
Mme Pires: Moi, je dirais qu'il n'y a pas une seule approche et
pas juste auprès des jeunes. C'est-à-dire que, quand on parle de
l'apprentissage du français, je crois que pour que ce soit vraiment
efficace, même au niveau de leur scolarité, il faut aussi
s'adresser à leurs parents. Donc, pour moi, c'est très important,
tout le programme de l'école qui s'adresse aux parents. Il y a en a
quelques-uns, mais qui sont timides. Aussi, parce qu'il y a un problème
d'apprentissage du français, je crois qu'il ne faut pas que
l'enseignement du français se passe exclusivement dans les
écoles, contrairement à ce que la CECM dit, mais je ne suis pas
sûre que toutes les personnes qui arrivent soient prêtes ou soient
capables d'apprendre dans un milieu très institutionnalisé comme
ça, à l'école, surtout si elles n'ont pas beaucoup de
scolarité. Mais, de toute façon, à l'école, c'est
sûr qu'il doit y avoir une préoccupation spéciale avec les
parents. Là... Je me suis un peu perdue parce que...
Mme Gagnon-Tremblay: Ce qui arrive, c'est que je pense, par
exemple, à l'école, c'est ce qui me préoccupe davantage,
étant donné, là, que vous représentez quand
même le milieu scolaire.
Mme Pires: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: À l'école, quelles sont les
mesures qu'on doit prendre? Est-ce que, par exemple, les étudiants
doivent parler français également dans les corridors, dans les
salles de jeux...
Mme Pires: Non. Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Bon. Je vous parlais, tout à l'heure,
il y a eu ce débat qui a eu lieu, à un moment donné, mais
cependant, on n'a pas nécessairement été
éclairés là-dessus. Il y a eu des positions très
controversées. Mais qu'est-ce que vous préconisez? Est-ce que
vous croyez, par exemple, qu'il y a des mesures qui devraient être
incitatives, d'autres qui pourraient être davantage coercitives ou
comment vous voyez ça?
Le Président (M. Doyon): Mme Montpetit, vous voulez
répondre?
Mme Montpetit (Jacqueline): Oui. Voici. Déjà dans
son programme, le MEMO parlait justement de cette réalité de
tensions interethniques. Et on retrouve, en page 13 de notre mémoire,
une référence face à ce genre de problème
là. En fait, notre attitude dit: On ne croit pas à des solutions
miracles et on ne croit pas que c'est avec des coups de baguette magique qu'on
va vite régler ce type de problème là. Quand on dit, par
exemple, que dès le primaire, il faut favoriser chez les jeunes une
véritable éducation civique visant une prise de conscience de
leurs droits et responsabilités et développer des attitudes
critiques face à diverses réalités du quartier, du
Québec, du monde; de même, quand on dit qu'il faut ouvrir
l'horizon culturel des jeunes de toutes origines dans une perspective de
formation interculturelle, de compréhension internationale et de
contribution à l'édification d'une culture
québécoise, ce qu'on veut dire par là, ce n'est pas
d'ajouter des programmes, ce n'est pas de faire des nouveaux programmes. On dit
qu'il y a une manière de penser, une manière de vivre avec des
différences et avec des apports
divers. Il y a une manière d'intégrer, dans les
matières, dans les programmes, dans notre manière de vivre
à l'école, une manière d'être ensemble, même
différents. Et, on pense que ça, ça peut se faire tout
doucement, à l'école et en dehors de l'école, comme disait
Clara, et c'est un peu comme l'air qu'on respire, c'est quelque chose qu'on
doit entreprendre avec beaucoup de persévérance et une
volonté ferme d'y arriver avec le temps. Il n'y a pas de solutions
magiques et rapides...
Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous avez
parlé...
Mme Montpetit: ...et contraignantes surtout.
Mme Pires: Est-ce qu'on peut ajouter quelque chose, c'est que
nous...
Le Président (M. Doyon): Oui, rapidement, Mme Pires.
Mme Pires: ...c'est qu'on n'est pas pour des solutions
coercitives qui n'ont pas raison d'être à l'école, surtout
au secondaire. Ça, c'est vraiment la meilleure façon de mettre
tous les élèves à parler anglais.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé, tout à
l'heure, d'exemples de projets hors école. Qu'est-ce que vous entendez
par projets hors école? Est-ce que vous avez des exemples à me
donner?
Mme Pires: Bon, nous, dans notre programme, nous parlons beaucoup
d'une école communautaire, c'est-à-dire une école qui est
ouverte aux organismes du milieu même. Et nous trouvons que, dans le cas
précisément, non seulement de l'apprentissage du français,
mais du brassage culturel, les organismes des communautés culturelles
sont dans une position très bonne. C'est parce qu'ils sont de bons
traducteurs et interprètes. Ils peuvent faire la transition, la
traduction de la société d'ici, la culture d'ici vis-à-vis
des immigrants, ceux qui arrivent.
L'école ne dort pas se fermer à ces ressources-là.
J'ai été, il y a quelques temps, dans un organisme communautaire.
On a traité avec les écoles pour avoir exactement un programme
pour les parents de l'apprentissage du français. C'était
difficile, mais on l'a réussi au moins une année. Mais il y a
toutes sortes d'autres projets spécifiques, que ce soit même dans
l'aide des classes de devoirs, notamment en ce qui concerne la langue, qui
pourraient être faits par d'autres sources.
Mme Gagnon-Tremblay: Si vous avez des suggestions, nous les
acceptons volontiers. Peut-être qu'aujourd'hui le temps nous limite un
peu, mais si jamais vous avez d'autres suggestions, vous pourrez nous les faire
parvenir et on les prendra en considération.
Mme Pires: Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais aussi, en dernier lieu, vous
proposer aussi de revoir l'emplacement des classes d'accueil actuelles et
à venir en aide, afin, justement, que celles-ci soient
nécessairement déplacées ou implantées dans les
milieux à forte concentration francophone. Il en a été
question avec d'autres commissions scolaires et, justement, je me rendais
compte qu'un facteur de concentration est possiblement les classes d'accueil.
Parce qu'on nous disait qu'une fois que la personne a été
accueillie dans cette classe, souvent elle ne veut pas quitter ses amis et puis
elle demeure dans cette même école. Donc, on retrouve une forte
concentration. Et vous proposez, là aussi, de revoir l'emplacement des
classes d'accueil. Qu'est-ce que vous proposez, par exemple? Parce que
ça suppose aussi qu'il y a des logements aussi tout près de
certaines classes. Il faut quand même faire aussi, à ce
moment-là, la coordination entre les logements et naturellement ces
écoles-là. Est-ce que vous iriez aussi seulement pour les classes
d'accueil, pendant un certain temps, jusqu'à déplacer et
véhiculer, par exemple, les élèves pour ces classes
d'accueil? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Montpetit: En fart, quand on vous parlait, au tout
début, de l'effort de coordination qui doit s'exercer, à savoir
que ça ne peut pas être fait par un seul ministère. En
fait, il y a un ensemble de mesures, effectivement, tant au niveau du logement
qu'au niveau du travail. Ce qu'on trouve, les distorsions, les contradictions
qui se trouvent dans l'ensemble de la société se reflètent
très bien à l'école.
Alors si on veut, quand on veut agir sur l'école, il faut aussi
agir à d'autres paliers. Et en ce sens-là, dans nos
gouvernements, il faut que l'ensemble des ministères s'y mette si on
veut agir en profondeur sur ces questions. Et ça aurait des effets,
effectivement, sur l'école.
Mme Pires: Oui, c'est ça. Elle a parlé des
déséquilibres. Montréal démontre les
déséquilibres de l'économie sur l'île de
Montréal. Donc, le fait qu'il y a des logements bon marché dans
un certain endroit, évidemment, va favoriser une concentration non
seulement de nouveaux arrivés, mais aussi de la population pauvre de
Montréal avec tous les problèmes.
Donc, il faut une action qui dépasse bien le cadre des
commissions scolaires. Vous nous posez la question du transport des enfants.
C'est très difficile d'y répondre. Je ne sais pas, moi,
personnellement - et ça, c'est vraiment personnel - de ce que j'ai lu
d'autres expériences de transport, ce n'est pas vraiment une
solution
idéale. En ce moment déjà, les enfants voyagent
énormément.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, moi aussi, j'ai quand même eu
connaissance d'expériences qui n'ont pas été
nécessairement prometteuses, sauf qu'il s'agissait seulement de classes
d'accueil... l'année, là, un an, seulement pour les classes
d'accueil. (17 h 15)
Mme Pires: Bien, c'est sûr qu'il ne faudrait pas concentrer
toutes les classes d'accueil dans une même école, pour tout un
bassin. Non. Moi, ce que je proposerais, c'est qu'il y ait, disons, un nombre
limite de classes d'accueil dans chaque école, qu'on ne dépasse
pas un certain niveau. Ça, c'est sûr, même.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pires. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. le
président, Mmes les conseillères, mesdames et messieurs du MEMO,
bienvenue. Je dois dire que je trouve très intéressantes les
discussions, mais aussi le mémoire parce qu'il va vraiment au fond des
choses. Et il exprime clairement des inquiétudes que vous avez et qui se
réfèrent à la réalité vécue. Et je
commence là-dessus parce qu'à mon avis, c'est aussi la base de
toute la discussion, quand on trouve à la page 8, le regard critique sur
l'énoncé de politique, c'est l'absence de la notion de projet de
société. Vous le spécifiez et vous en avez parlé,
mais on le retrouve ici et je pense qu'on ne peut pas y échapper. Ce
serait impensable et on a un débat qui est un peu particulier, pour ne
pas dire excessivement particulier au Québec, qu'on ne retrouve
probablement pas dans beaucoup de communautés. Ce débat, ce que
le maire Doré, ce matin, finalement, appelait "les deux visages de
Montréal".
Les deux communautés - et ça nous amène dans un
débat particulier... qui nous fait parier qu'il faut de l'immigration
effectivement. On est un jeune pays avec beaucoup d'espace et de richesses, et
il faut être ouvert sur le monde. Et là-dessus, je pense qu'il y a
unanimité, mais nous, on doit parier en même temps
d'intégration. Et l'intégration, on en parie aussi dans les
autres communautés, mais nous, on a une facette tout à fait
particulière d'en parier, c'est intégré à quel
groupe, parmi les deux groupes, qui sont en présence à
Montréal, et c'est aussi - et vous l'avez dit - c'est une
réalité montréalaise.
Je reviendrai tantôt, si le temps nous le permet, sur la
régionalisation, mais pour le moment, et pour vous qui êtes ici,
c'est par rapport à ce problème québécois que vous
vivez, mais qui se vit à Montréal. La réalité fait
que les immigrants sont presque en totalité dans la grande région
de Montréal. Mais oui, on a un problème de société.
Et il faut qu'il y ait un projet et vous le dites - et c'est la dernière
phrase de la page 8 - "l'intégration est un processus essentiel,
à la condition toutefois de savoir, dès le départ,
à quelle société on souhaite intégrer les nouveaux
arrivants." Et intégrer à ce qu'on est, il faut définir ce
qu'on est. Alors dire, entre nous... il faut se la poser, la question. On ne
peut plus passer au-delà des véritables débats au
Québec. Et je vais vous dire, c'est souvent en étant à
l'extérieur du Québec, qu'on se retrouve entre
Québécois et qu'on se la pose, la véritable question, dans
un climat détendu, mais avec toute la franchise nécessaire, et on
se dit: On est quoi? On est Canadiens, on est Canadiens français, on est
Québécois? Et quand on n'est pas capable de se définir
soi-même, essayons d'intégrer les Québécois. Je vais
vous dire: on a un problème qui est majeur. Et vous avez raison.
L'absence de notion de projet de société, présentement,
complique les choses.
Quand les gens arrivent à Montréal et qu'on voit une
manchette qui veut qu'il y ait une autre province pour les
Anglo-Québécois, bien, les gens qui arrivent dans le West Island,
effectivement, ils sont pris dans un débat que nous, on ne règle
pas. Ils sont victimes, finalement, du débat qui est le nôtre,
mais qui devient le leur. Et ça devient notre problème à
tout le monde, mais il va falloir, comme société, qu'on le
règle.
Et ça m'amène à une première question.
Premièrement, oui, je dois dire, même ce matin, la
présidente de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain a amené ce dossier en disant: Commençons par
nous demander qui nous sommes et on pourra dire aux gens qui viennent s'ajouter
à notre société qui on sera ensemble. Si on le
définissait, le projet de société, et si on pouvait faire
ce qu'on veut, je vous demande à vous, étant donné qu'on
retrouve dans votre mémoire que les deux grandes commissions scolaires
s'objectent présentement à la loi 107 et aux commissions
scolaires sur une base linguistique. Votre choix à vous, si on pouvait -
et je le ramène sur une base montréalaise - ce serait quoi, le
système idéal de commission scolaire -et on viendra ensuite
à l'école et à d'autres instances - le système
idéal de commission scolaire pour avoir l'intégration la plus
harmonieuse possible?
M. Poulin (Yves): J'ai quelques notes parce que j'y ai
réfléchi quand même depuis quelques années. Bien
sûr, que le MEMO comme tel, dans les dernières années, a
accepté la vision de commissions scolaires linguistiques à
Montréal. Notre inquiétude, actuellement, c'est, bien sûr,
comment on va mettre ça sur pied, parce que si on se retrouve avec une
commission scolaire francophone, une commission scolaire anglophone, une
commission scolaire confessionnelle catholique, une commission scolaire
protestante, on
craint vraiment - je m'en allais dire un terme - en tout cas, on craint
que ce soit un peu mélangeant par rapport à ça. Il n'y a
peut-être pas d'idéal là-dedans. Un certain nombre
d'intervenants vont jusqu'à souhaiter une commission scolaire
unifiée à l'intérieur d'une ville qui est Montréal
et qui se donne les moyens d'arriver. D'autres vont parler même d'une
commission scolaire unifiée au niveau de l'île de Montréal,
donc qui rejoint un peu tout ce qui regarde le Conseil scolaire parce qu'on
parle, aujourd'hui, de la question des communautés culturelles, mais on
sait qu'il y a deux grandes problématiques à Montréal, et
l'autre problématique est celle de la pauvreté. C'est en
s'unifiant ensemble parce que, qu'on soit dans ^ l'une ou l'autre des
commissions scolaires de l'île de Montréal, on a affaire autant au
problème de l'intégration des immigrants qu'au problème de
la pauvreté.
Alors, est-ce qu'à un moment donné, il faudrait vraiment
s'unir ensemble pour mieux partager, d'une part, nos ressources et mieux
partager les problèmes? Mais on est capable, par exemple, de vivre, je
pense, d'une façon intéressante à l'intérieur de la
proposition de \a loi 107, sauf que ce qu'on souhaiterait, c'est que la loi 107
aille au bout. Donc, uniquement deux commissions scolaires: une commission
scolaire francophone et une commission scolaire anglophone, mais que ça
ne se superpose pas aux commissions scolaires existantes, et à ce
niveau-là, ce qu'on souhaite, c'est que, dans le débat actuel par
rapport à la constitution, le gouvernement prenne position pour aller
à Ottawa, que ce soit dans n'importe quelle formule - on ne veut pas
s'embarquer sur les formules aujourd'hui - mais dans n'importe quelle formule,
qu'on aille régler une fois pour toutes le problème de l'article
93, pour se donner les moyens au Québec de régler le
problème des commissions scolaires.
M. Paré: Même les gens de la ville de
Montréal, ce matin, ont reconnu, finalement que les structures scolaires
actuelles nuisent à ce qu'on veut faire d'une façon simple et
harmonieuse.
M. Poulin (Yves): C'est ce qu'on dit dans notre
mémoire.
M. Paré: Exactement. Vous dites aussi, dans votre
mémoire, effectivement, qu'il doit y avoir, en attendant, en tout cas,
un projet de société, un facteur qui nous unit parce que les gens
ont choisi de venir à Montréal, donc, de se retrouver dans une
communauté culturelle. Et la seule différence avec les autres
communautés nord-américaines, c'est la culture française,
donc, c'est la langue française. Et vous en parlez abondamment et vous
le dites, là, en page 10: "Lorsque la réalité d'un
Québec parlant français sera clairement établie..."
Effectivement, il faut qu'il y ait un signal et l'intégration, c'est
ça, c'est qu'on puisse communiquer ensemble dans une langue qui est
commune à toutes les communautés. Donc, c'est l'enrichissement de
la collectivité, qu'il y en ait plusieurs, mais qu'on se retrouve avec
une seule langue qui soit commune. Et à la page 10, vous faites
état que c'est plus que la langue, c'est la culture, finalement. Il faut
trouver les moyens pour que les gens n'apprennent pas seulement le
français, mais s'intègrent et vivent en français et, pour
ce faire, il ne faut pas seulement aller dans le sens d'attirer des
francophones des autres pays, mais des gens qui vont accepter par choix de
venir vivre en français au Québec. Et ça, on retrouve
ça, et vous donnez, et je vous demande de...
Ma question est là-dessus, à la fin de votre premier
paragraphe de la page 10, vous dites: "Quatrièmement, en situation
d'arbitrage entre les priorités économique et francophone, cette
dernière risque d'être mise de côté sous les
contraintes des impératifs économiques, comme ce fut le cas lors
de l'implantation de l'usine Hyundai, par exemple." Ma question, c'est: C'est
quoi votre perception en ce cas précis, étant donné que,
bon, vous le voyez avec les yeux des gens de Montréal et moi, je le vis
parce que c'est tout à fait dans ma région, chez moi? C'est quoi
la perception que vous avez de l'exemple de Hyundai?
M. Cordeau: La perception que nous avons eue de ce cas, en
particulier, entre autres là - il y en a d'autres - c'est qu'à un
moment donné, le critère francophone ou un autre critère
qui est apparu je ne sais pas quand dans l'histoire, mais c'est
dernièrement, dans la dernière décennie,
"francophonisable". Alors, on a des types des fois, des concepts assez...
Alors, parce qu'effectivement, il y avait un plan de développement puis
un enracinement. On est allé chercher des capitaux étrangers et
une usine étrangère. On avait, je crois, accordé un
certain délai pour les cadres et pour des employés de
l'extérieur de l'implantation et puis, par la pratique, il semble, selon
les couvertures de presse, que l'apprentissage de la langue ne s'est pas fait.
Ça ne s'est pas fait, l'apprentissage de la langue française.
Bien sûr, nous sommes conscients que, comme dans d'autres pays, c'est le
critère économique qui, de toute façon, détermine
si le facteur, disons, le plus dominant dans l'ensemble des facteurs et dans
l'ensemble de la liste de pointage... qu'on peut analyser les ministères
à Ottawa comme au Québec qui détermine... Mais on voudrait
peut-être, à la fois, on est pour accorder plus de points non
seulement pour la connaissance, mais pour la capacité d'apprentissage de
la langue française, mais en même temps, on ne voudrait pas
effectivement que certains cas favorisent, au bout de la ligne... que le
caractère francophone ne soit vraiment pas agressé, mais devienne
secondaire à ce point-là.
Le Président (M. Doyon): Quelqu'un d'autre voudrait-il
ajouter autre chose? Oui, Mme Montpetit.
Mme Montpetit: En fait aussi, c'est parce qu'on donne
l'impression que la volonté de vivre en français et de faire du
français le ciment de notre vie commune, on a l'impression que cette
volonté-là n'est pas suffisamment ferme. On a l'impression que
tout lâche. C'est, bien sûr, que les facteurs économiques
ont toujours beaucoup de poids. Ça, on le sait qu'on aura toujours
à compter avec cette réalité-là, mais c'est pire
que pire - je m'excuse pour l'expression - quand on se retrouve dans un
contexte où on a de la difficulté à vivre en
français. C'est ça la réalité.
Le Président (M. Doyon): Je ne vous posais pas la
question. Je vous ai dit que votre perception était fausse. Je voulais
juste l'entendre, je dois vous dire. En tout cas, elle n'est pas
complètement fausse et c'est la preuve qu'effectivement le signal n'est
pas très clair. Vous avez raison. Si dans une région à 96
% ou 97 % francophone, des cas comme ça se produisent, imaginez-vous si
l'implantation avait eu lieu dans l'Outaouais ou dans l'ouest de
Montréal. Effectivement, là-dessus vous avez raison. Parmi les
mesures que vous proposez, parce que vous proposez des mesures pour
intégrer les gens à la culture québécoise... il y
en a, on en retrouve à la page 14, et je dois vous dire que je les
trouve très intéressantes: Élargir l'enseignement du
français aux dimensions historique, sociale, économique et
littéraire du Québec et de la francophonie et, la
deuxième, s'assurer de la maîtrise de l'histoire nationale du
Québec afin que tous les étudiants partagent le même
héritage. Je dois vous dire: il y a des commissaires à la table
et je pense qu'on peut se parler franchement parce que vous avez une
responsabilité d'élus, tout comme nous. C'est impensable que
l'histoire du Québec ne soit pas enseignée et à partir du
niveau primaire. Comment peut-on penser qu'une société va savoir
où elle va, si elle ne sait pas d'où elle vient et si on
n'enseigne pas aux jeunes c'est quoi ce peuple qu'il y a en terre
québécoise? Comment va-t-on penser qu'ils vont vouloir
perpétuer des choses? Je vais vous dire, c'est une très bonne
suggestion et je ne sais pas à quel point... Je ne sais pas si, parmi
les dames commissaires qui peuvent me répondre là-dessus,
jusqu'à quel point on est avancé et jusqu'où on peut aller
pour l'enseignement de l'histoire dans les écoles, rapidement, pour que
non seulement les nouveaux Québécois, mais les
Québécois qui sont ici depuis plus longtemps connaissent aussi la
même histoire. Parce que je ne suis pas sûr que l'histoire du
Québec soit suffisamment enseignée et suffisamment connue des
Québécois, jeunes et moins jeunes.
Mme Pires: Je suis tout à fait d'accord avec ça. Je
trouve qu'on connaît mal l'histoire ici, mais c'est exactement... Vous
l'avez dit: ce n'est pas juste pour les nouveaux arrivés. À mon
avis, il y a peut-être des fois un malentendu. C'est qu'on parle beaucoup
d'interculturel, mais on en parle toujours en rapport avec ceux qui viennent.
Or, l'intercufturel est un mouvement des deux côtés. Et c'est
très important. On a dit avant que l'éducation interculturelle,
c'était l'éducation de tous au culturel, c'est-à-dire la
formation de tout le monde à comprendre les différentes cultures
et la nôtre. Celle de chacun y est incluse. Si on ne comprend pas, si on
ne fait pas ce type d'introspection, la communication devient très
difficile parce qu'on va créer des malentendus gigantesques. Donc, pour
nous, ça, ce sont des mesures... (17 h 30)
Moi, je trouve qu'une mémoire historique partagée est
très importante. Là langue est très importante. La
géographie, moi je dirais aussi, est très importante sur ce
sujet. Mais aussi le type d'approche pédagogique, dans les
écoles, qui implique un changement non seulement des contenus, mais
aussi des pratiques pédagogiques. Ça, c'est très
important. On parle rarement, mais c'est aussi important, sinon plus important.
La façon dont on approche des enfants d'une autre souche... S'il n'y a
pas des attentes très élevées, ils ne vont pas
réussir.
Donc, pour moi, l'interculturel, l'approche interculturelle, ça
va avec toute cette question de la langue, de l'histoire. Il faut créer
un ciment. Et moi, je le vois vers l'avenir. C'est pourquoi
l'intégration, oui, on change dans une culture américaine du
nord, francophone, qui est la culture québécoise, mais qui n'est
pas figée. Ce n'est pas collé dans le plomb. C'est quelque chose
qui est très dynamique - à Montréal, on le voit tous les
jours - mais qui va continuer d'être dynamique avec cette participation.
Donc, c'est très important, exactement, que la culture
québécoise soit un lieu de convergence de cette partie, de cette
souche, de cette mémoire historique, de cette langue comme ciment
principal et aussi de tous les autres accords parce qu'on construit vers
l'avenir.
Le Président (M. Ooyon): Merci, Mme Pires. M. le
député, en terminant, s'il vous plaît?
M. Paré: En terminant, malheureusement, on n'aura pas le
temps pour la régionalisation. Je vais juste vous remercier. Comme je
vous le disais, au début, votre mémoire est très
intéressant, touche véritablement aux vrais problèmes que
l'on vit comme Québécois par rapport aux nouveaux venus et
à l'intégration. Et vous avez dit, au tout début, que
l'école est le lieu d'intégration primordial et vous avez un
rôle important à jouer, les gens du MEMO, à ce
niveau-là, à Montréal, et je vous souhaite bonne chance
ou
on se souhaite bonne chance ensemble.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, à votre tour.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier pour nous avoir
fait partager vos expériences. Je peux vous assurer de mon
entière collaboration, de même que la collaboration du
ministère, et si vous avez des suggestions à nous proposer...
parce que nous sommes toujours à la recherche de suggestions. Vous savez
que ce grand défi que nous devons relever dans l'intégration,
nous sommes relativement nouveaux. Je dis nouveaux et nous sommes
peut-être les premiers à avoir une politique d'intégration,
mais nous avons aussi beaucoup à apprendre à partir des
expériences vécues. Alors, si vous avez des suggestions, nous les
accueillerons avec plaisir. Merci beaucoup de votre présentation.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
merci à tous les cinq. Merci d'avoir pris la peine de préparer un
mémoire, d'être venus nous le présenter et d'avoir
discuté de son contenu avec les membres de cette commission. Nous en
sommes reconnaissants. Alors, si vous voulez bien prendre la peine de vous
retirer. Maintenant, je permettrai à d'autres intervenants de
s'approcher de la table et de vous remplacer. Merci beaucoup encore.
Bienvenue aux représentants du Mouvement national des
Québécois. Je pense qu'ils sont représentés par le
président, M. Sylvain Simard. Il y a aussi Mme Danielle Gagné, M.
Edmond Orban et M. Antoine Dubé, d'après les renseignements que
j'ai ici. Si vous voulez bien nous faire le plaisir de vous présenter,
ensuite procéder à la lecture de votre mémoire et,
après ça, la discussion s'engagera selon les règles
habituelles. Alors, vous avez la parole.
Mouvement national des Québécois
M. Simard (Sylvain): M. le Président, merci de nous
accueillir. Nous allons, M. Orban et moi, essayer de vous présenter
l'essentiel de nos propositions, sans lire le mémoire et en allant
directement aux faits. Je présume, avec raison sans doute, que
députés et ministres ont pris connaissance attentivement du
texte.
Le Président (M. Doyon): M Simard, pourriez-vous
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Simard: M. Antoine Dubé, à gauche, est
président de la Société nationale des
Québécois de la Capitale; Edmond Orban est politicologue à
l'Université de Montréal, spécialiste des systèmes
politiques et des questions d'intégration; Danielle Gagné,
à ma gauche, est directrice générale du
Mouvement national des Québécois et
Québécoises.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tout le
monde.
M. Simard: Tout d'abord, M. le Président, notre
présence ici se situe dans votre démarche, dans la
démarche du ministère qui a présenté un
énoncé de politique, mais également à
l'intérieur de notre évolution à nous comme mouvement
national. Vous savez que nous représentons 14 sociétés
régionales sur tout le territoire du Québec, depuis 1834, et que
nous représentons plus de 160 000 membres. Et ce mouvement nationaliste
québécois est à la croisée des chemins et a
entrepris une réflexion en profondeur sur les phénomènes
de population au Québec, autant en ce qui concerne la démographie
que le vieillissement, que l'immigration.
Cela nous a amenés dans toutes les régions du
Québec pendant l'automne, jusqu'au mois de février, dans des
assemblées où nous pensions n'intéresser personne, mais
pour vous donner un exemple du succès encouru, un certain lundi soir de
novembre, à Saint-Narcisse, comté de Champlain, il y avait 170
personnes qui discutaient de population au Québec. La population
actuellement est très préoccupée, est très sensible
à son avenir démographique et il est très important d'en
tenir compte.
Nous avons tenu au cours des dernières semaines, la presse et les
médias en ont fait largement écho, des colloques qui se
poursuivent d'ailleurs ce week-end à Trois-Rivières, des
colloques de spécialistes, des panels entre spécialistes et des
gens de nos sociétés, pour creuser plus en profondeur un certain
nombre d'aspects. Deux de ces colloques se sont tenus à Montréal
et ont porté sur les questions spécifiques d'immigration,
l'apport des communautés culturelles à la culture
québécoise, il y a un mois, et tout récemment, toujours
à Montréal, l'intégration scolaire des immigrants sur le
territoire montréalais. Voilà pour le plan d'action du Mouvement
national des Québécois, et vous dire à quel point
l'interrogation lancée par le document ministériel arrivait tout
à fait, était tout à fait pertinente dans notre
démarche.
Notre objectif est très clair dans le mémoire. Nous
regardons cette situation, cette question de l'immigration sous l'angle de
l'intégration linguistique et culturelle. Je vais essayer avec vous de
cheminer pendant sept ou huit minutes, et je demanderais ensuite à mon
collègue, Edmond Orban, de faire part, entre autres sur ces questions
d'intégration culturelle, des réflexions que suscitent chez lui
un certain nombre d'expériences étrangères qu'il a pu
étudier.
Tout d'abord, les composantes de cette intégration, on les
connaît. Le remarquable mémoire du MEMO tout à l'heure nous
les
rappelait, des questions d'ordre culturel, mais aussi linguistique.
Évidemment, nous pourrions envisager la question économique,
encore que là il nous semble que les outils pour créer les
paramètres de définition de la situation semblent très
lâches. Vous avez eu d'ailleurs des avis totalement contradictoires sur
cette question. Il faut, soit dit en passant, se méfier de ceux qui
visent à créer de vastes réservoirs de main-d'oeuvre sans
se préoccuper des conséquences sociales, culturelles que cela
peut impliquer. Des visions à courte vue comme celles-là, la
France des années 1960 l'a connu, plusieurs pays étrangers ont
manqué de prévision dans cet accueil de l'immigration et se sont
retrouvés avec des sérieux problèmes sur lesquels ils ont
peu de prise par la suite.
Notre position sur l'une des conclusions centrales, l'une des
propositions centrales de l'énoncé de politique a pu susciter
chez certains une certaine méfiance. Les mouvements nationalistes, et on
l'a vu encore hier, certains journalistes avaient prévu notre venue,
déjà on fait des articles aujourd'hui sur ce que nous n'avions
pas encore dit, dès que les mouvements nationalistes abordent la
question de l'immigration, surtout lorsqu'ils essaient de tempérer un
certain discours, fuse immédiatement un certain relent d'accusation de
racisme. Eh bien, sachez une chose, le Mouvement national des
Québécois, je peux le dire après cette longue
consultation, est extrêmement ouvert à l'immigration. Et c'est ce
que nous adoptons d'emblée dans l'énoncé de politique,
c'est cette politique d'ouverture à l'immigration. C'est ce
préjugé favorable à l'immigration, ces
considérations positives, non pas d'un remède palliatif, mais
comme quelque chose qui arrive très positivement dans le décor de
notre existence collective. Et, en ce sens-là, nous sommes très
à l'aise pour parler d'immigration, sans du tout nous sentir coupables
par rapport à cette notion d'accueil aux autres.
Par ailleurs, il faut bien le dire, au-delà des
considérations morales, au-delà des préjugés, le
racisme naît de conditions objectives, lorsqu'un certain seuil de
tolérance est trop provoqué, lorsque des
déséquilibres dans une société apparaissent de
façon trop claire. Je ne dis pas qu'il est souhaitable, je ne dis pas
qu'il est normal, mais il est constatable dans presque tous les pays du monde,
et si vous n'êtes pas d'accord vous me citerez des exemples contraires,
dans presque tous les pays du monde on constate certaines tensions, la
naissance de certaines réactions de rejet. Heureusement au
Québec, nous n'avons pas encore vécu cela, nous commençons
dans certains secteurs de Montréal à en sentir certains signes
d'apparition, mais Dieu veuille que nos gouvernants soient assez sages pour
faire en sorte que nous ne nous trouvions pas, par excès de confiance,
dans quelques années, avec de véritables problèmes de
tension raciale. Nous ne nous le souhaitons pas.
L'immigration, nous l'avons vu avec tous les experts que nous avons
consultés - je constatais la présence d'un démographe ici
aujourd'hui, qui fait partie de ces très nombreux spécialistes
que nous avons consultés au cours des derniers mois - l'immigration
n'est pas une panacée universelle à nos problèmes
démographiques. Trop souvent, les gens disent: Si nous ne
réussissons pas à régler nos problèmes
démographiques, nous allons combler par une immigration. C'est aussi
simple que ça. D'abord les démographes vous diront que ça
ne règle que très partiellement le problème. Le
vieillissement des populations ne se règle pas, par exemple, assez
curieusement, statistiquement, par l'immigration. Donc, il faudra régler
nos problèmes de population à d'autres niveaux. Entre autres par
des politiques familiales drôlement plus déterminées
qu'elles ne le sont actuellement. Il va bien falloir que nos
sociétés évoluent vers une acceptation de l'enfant autant
que de la deuxième voiture. Et ce mouvement, peut-être que cette
prise de conscience commence actuellement, mais nous n'en sommes pas là.
Mais l'immigration, ce n'est pas la panacée universelle à tous
les problèmes démographiques. L'immigration, ce n'est pas une
main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci pour tous les
donneurs d'emplois, ou potentiellement donneurs d'emplois. Il est trop facile
d'avoir une attitude parfaitement libérale, dans le sens le plus
économique du terme, et ouverte, dans le seul but de se créer des
réservoirs de main-d'oeuvre qui sont potentiellement extrêmement
dangereux socialement.
Autre facteur dans cette notion d'intégration tant culturelle que
linguistique, d'abord l'inefficacité de la loi 101 dans des secteurs
cruciaux de l'intégration des immigrants. Vous savez, les nouveaux
arrivants au Québec ne vont pas travailler chez Northern Telecom, au
gouvernement du Québec ou à Bell Canada. Ils vont travailler dans
de petites entreprises. Souvent, où ils retrouvent d'autres travailleurs
et travailleuses ayant les mêmes origines ethniques ou d'autres origines
ethniques, où ils conserveront donc relativement longtemps leur langue
d'origine. Les études démontrent que la rétention de la
langue d'origine est la plus forte à Montréal dans tous les cas
observés en Amérique du Nord. Nos immigrants hésitent
avant de choisir, on peut les comprendre. De plus, la langue de travail de ces
entreprises de moins de 50 employés est la plupart du temps, puisque ces
entreprises échappent à la loi 101, est dans la plupart des cas
l'anglais. L'intégration première se fait pour les immigrants, au
niveau du travail, en anglais. (17 h 45)
Pour une véritable intégration, il faudrait aussi que le
message que nous transmettons à ceux qui viennent d'arriver, à
ceux qui vont venir, soit un message clair. On l'a souligné tout
à l'heure, mais peut-être convient-il de le
rappeler: le message que reçoivent les immigrants ne peut pas
être plus clair que le message que nous nous envoyons à
nous-mêmes. Est-ce que les immigrants ont cessé d'écouter
la télévision samedi soir ou dimanche après-midi? Est-ce
que les immigrants viennent en Amérique ou viennent au Canada ou
viennent au Québec? Savent-ils que le Québec qui les accueillera
sera une terre française? Les intentions de l'énoncé de
politique ministérielle sur la sélection d'immigrants potentiels
francophonisables ou francophones est extrêmement louable et nous avions
d'ailleurs dans le passé - et c'était assez normal,
c'était notre rôle de le faire - souvent fait cette proposition et
nous sommes extrêmement heureux que nous allions maintenant dans cette
direction. Cependant, ce sera un long travail. Des résistances existent.
Il ne suffit pas d'avoir l'intention de le faire. Nous ne possédons pas
tous les instruments d'un État. Les États dans lesquels nous
allons puiser prioritairement n'auront pas tous des réactions positives.
C'est une démarche qui va s'établir, qui va réussir, en
sommes-nous persuadés, mais sur un certain long terme, en un moyen et un
long terme, donc tenir compte déjà d'une intégration de 40
% de francophones ou francophonisables pour créer des quotas pour les
prochaines années en les poussant à 55 000, il nous semble que
c'est très présomptueux sur les résultats d'une politique
qui n'est vraiment pas encore existante et dont on ne voit pas dans le document
trace des structures qui lui permettront de fonctionner efficacement. Nul doute
qu'ils fonctionneront efficacement, mais il faut donner aussi au temps sa
chance. On ne peut pas dire que l'an prochain ou dans deux ans il y aura
effectivement 40 % de personnes qu'on peut identifier comme facilement
francophonisables ou francophones.
Voilà, intégration culturelle, intégration
linguistique, ces problèmes ne nous sont pas particuliers, mais ils sont
plus difficiles à vivre ici à cause de notre situation. Je
demanderais à Edmond Orban là-dessus de prendre le relais.
Le Président (M. Doyon): M. Orban, nous vous
écoutons.
M. Orban (Edmond): Évidemment, ce dont on a besoin quand
on étudie ce type de problème, c'est d'un minimum de cadre et je
dirais de principe. Et ce minimum de cadre, on ne peut le construire qu'en
comparant notre situation avec celle d'autres pays. Et les pays avec lesquels
nous sommes le plus familiers sont les États-Unis, la France, la
Belgique, la Suisse; d'autant plus que dans trois de ces pays-là, il y a
la dimension francophone. Tout de suite, dès le départ - je ne
vais pas répéter ce qui a déjà été
dit à ce sujet-là parce que ça paraît évident
- mais la grande différence du Québec par rapport aux pays
précités et même par rapport à certaines
régions des pays précités, je pense par exemple aux
cantons francophones suisses ou bien à la partie francophone de la
Belgique, c'est que nous sommes extrêmement limités au point de
vue des deux volets, le volet immigration et le volet intégration. Dans
ces pays-là, contrairement à ce que nous observons ici, on ne se
soucie guère du problème de l'intégration; on laisse
ça à l'entreprise privée, aux gouvernements locaux, etc.
Par contre, ici, la menace je dirais d'assimilation à long terme
étant extrêmement différente à cet
égard-là, je comprends qu'on soit beaucoup plus soucieux des deux
volets.
Donc, limite en ce qui concerne le pouvoir en matière
d'immigration et limite en ce qui concerne le pouvoir d'intégration.
Alors clairement, qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'un immigrant qui
vit aux États-Unis, je pense qu'il n'a pas à se poser la question
du choix de la langue, c'est absolument évident. La même chose en
France. Par contre, dans des petits pays comme la Suisse et la Belgique, c'est
beaucoup moins évident. Ça n'empêche que même dans
ces petits pays, même dans des tout petits cantons comme le canton de
Genève ou de Vaud, ou bien la province de Liège par exemple en
Belgique, les règles du jeu sont clairement établies. Et c'est en
français que tout se fait; donc, il n'y a pas d'hésitation
à cet égard-là. C'est qu'on sauve, on évite une
somme considérable de problèmes à partir du moment
où cette simple question-là est résolue.
Ici, pour des raisons d'ordre historique et aussi parfois
d'incapacité ou de manque de volonté, je vous laisse le choix des
épithètes, comment dirais-je, cette ambiguïté
continue. À mon avis, ça, c'est un obstacle majeur à
l'intégration. Tant qu'un immigrant - moi-même j'en suis un, il y
a 30 ans que je suis ici, sauf que je me considère comme
Québécois - ne voit pas clairement quelle est la majorité,
quelle est sa culture, quelle est son histoire, quelle est son identité,
bien, c'est sûr qu'une greffe ne peut pas se faire sur un tronc qui n'est
pas suffisamment solide. Je pense qu'il faudrait réfléchir
beaucoup sur cet aspect-là. On a un formidable potentiel ici au
Québec, on a une histoire qui est unique au monde, mais je pense qu'on
n'est pas assez conscient de ce potentiel-là et on n'est pas assez
exigeant sous prétexte de respecter la liberté individuelle et le
pluralisme, etc. Donc, sur ce point-là, moi, je suis catégorique.
Il faut d'abord se respecter soi-même, imposer ses règles du jeu
et l'immigrant va s'ajuster.
Un deuxième point qu'il faudrait souligner, en comparant les
expériences des laboratoires étrangers, c'est que
l'intégration prend beaucoup de temps. On parle de la loi de Hansen par
exemple, qu'il faut trois générations pour être, je ne
dirai pas assimilés complètement, ce n'est pas un idéal
d'être assimilés complètement, mais intégrés
d'une façon confortable Évidemment, ce processus est
accéléré d'une façon considérable si les
différences au départ sont beaucoup plus
réduites, si on a une communauté de langue et de culture.
C'est pour ça que je pense que c'est absolument important de souligner
la question vitale d'un recrutement de francophones. Moi, j'aurais beaucoup
aimé insister sur cet aspect-là parce qu'il y a toute une
procédure à mettre en place, des mécanismes très
concrets, c'est toute une politique qui serait extrêmement
intéressante à étudier. On n'a pas le temps de le faire,
je suis ici au niveau des principes. Donc, compte tenu de cette
perspective-là, c'est sûr que c'est une des données qu'il
faudrait privilégier.
Un troisième point que je voudrais souligner et, ici, je serais
dans le prolongement de ce que mon collègue vient de dire, c'est que on
est ici, au Québec, moi, je pense qu'il y a peu de
sociétés qui soient aussi ouvertes et aussi accueillantes, aussi
peu xénophobes, moi je veux bien discuter de ça avec n'importe
qui. Je connais beaucoup de pays, j'ai séjourné dans
énormément de pays, j'ai étudié ces
questions-là et, quand on parie du pluralisme, je pense qu'ici on le
pratique même peut-être trop aux dépens de nos propres
intérêts et de notre propre survie. Maintenant, quand on parle de
pluralisme, ça n'empêche qu'il y a des choses qu'on pourrait
améliorer. C'est un principe de base, mais là il faudrait essayer
de l'appliquer. Très rapidement, comment est-ce qu'on pourrait, par
exemple, pratiquer le pluralisme face aux immigrants? J'entendais les
interventions tantôt et je crois qu'effectivement l'immigrant doit se
brancher, mais considérant le nombre d'années, parfois de
générations, qu'il faut pour s'intégrer
complètement, il faudrait laisser des transitions, il faudrait faire
ça d'une façon humaine. Je trouve à ce point de vue le
modèle américain fort intéressant.
J'ai étudié pendant plusieurs années le
modèle des Franco-Américains. Je constate que les
Franco-Américains, tant qu'ils n'étaient pas acceptés,
tant que, je dirais, on persécutait leur langue, voire leur religion,
notamment au XIXe siècle et jusqu'à une bonne partie même
du XXe siècle, du moins avant la deuxième guerre mondiale, il y
avait un taux d'intégration extrêmement faible. Et ça,
ça se traduit par des indicateurs comme les mariages avec d'autres
groupes américains, la situation des institutions sociales primaires
comme les églises, les associations, etc., et on va constater que cette
minorité qui semblait la moins assimilable, entre guillemets, s'est
assimilée, mais là presque dans le sens complet du terme,
à partir du moment où aux États-Unis on a pratiqué
une politique beaucoup plus libérale, beaucoup plus pluraliste. On a
laissé des transitions se faire, on a même donné des cours
de langue française pour permettre aux Franco-Américains de
s'angliciser plus rapidement; en Suède, c'est la même chose. En
Suède on donne des cours en yougoslave par exemple aux petits
Yougoslaves dans les écoles maternelles et même en
première, parce que ça, ça fait partie du pluralisme. Il
ne faut pas qu'ils soient cassés de leur première culture, sinon
ça peut être très grave. Ils vont être
déracinés et il n'y a rien de plus grave qu'un
déraciné, il n'y a rien de plus explosif qu'un
déraciné, et rien de plus difficile par conséquent
à intégrer. Donc, quand on parle de "new pluralism" ou de nouveau
pluralisme, je serais intéressé, moi, à discuter de ces
aspects-là, des choses très concrètes comme, par exemple,
l'enseignement dans la langue de celui qui arrive ici, l'utilisation aussi des
immigrants servant de lien entre la société d'accueil et leur
groupe d'origine.
Je pense qu'au point de vue esprit, ça, c'est quand même
fort important aussi de prendre des moyens opérationnels qui permettent
de traduire ce nouveau pluralisme et je dirais qu'il est extrêmement
efficace. Et ce que les Américains ont compris entre autres, c'est que
ce n'est pas en brusquant les gens qu'on va les intégrer. Ça
prend du temps, ça prend de la patience et aussi il faut leur
ménager un certain, comment dirais-je, un certain souvenir de ce qu'ils
apportent. D'ailleurs, cet apport de l'étranger peut être
intéressant aussi, a condition toutefois, et là je suis
catégorique, qu'il se branche et qu'il se greffe sur le tronc principal.
Ça, je pense qu'il ne faut pas hésiter sur ce point-là.
Mais il faut leur laisser le temps et il faut leur ménager, comment
dirais-je, certaines transitions et aussi leur permettre de garder une partie
de leur héritage. Alors là, vous voyez, on entre sur un terrain
qui est quand même très complexe parce que ça veut dire
quoi concrètement une partie de leur héritage, etc. Parce qu'il
ne faut pas non plus créer des ghettos, renforcer des ghettos.
Ici, il y a un point d'équilibre qu'il faut trouver en fonction
des ressources, en fonction des circonstances, en fonction des groupes aussi.
Je termine en disant qu'on aurait quand même grandement
intérêt, si on veut faciliter l'intégration - puisqu'on m'a
demandé de traiter de ce volet-là - si on prend des gens qui sont
francophones ou francophonisables et, si on doit faire un choix, moi, je dois
dire que je préférerais prendre, par exemple, des Roumains
plutôt que des gens de l'Est qui ne savent pas un mot de français,
s'il faut faire un choix dans ces régions-là. Si on prend la
partie asiatique, s'il faut recruter quelques centaines d'asiatiques parmi les
réfugiés, par exemple, sur lesquels on a très peu de prise
- entre parenthèses, à cause du système politique - eh
bien, pourquoi ne pas favoriser des Cambodgiens ou des Vietnamiens qui parient
français? Donc, c'est sur des questions très précises
comme celles-là qu'on peut quand même avoir une certaine prise sur
la capacité d'immigration et, par conséquent,
d'intégration. Je pense que je dépasse un peu mon temps, mais il
y a énormément de choses à dire, c'est évident.
Le Président (M. Doyon): Vous allez pouvoir continuer, M.
Orban, parce que les questions vous permettront probablement d'élaborer.
Mme la ministre, quelques questions?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire. Je l'ai lu d'ailleurs avec
beaucoup d'attention. Comme il ne nous reste que quelques minutes, je voudrais
passer immédiatement à la première question.
Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous exprimez de
sérieuses craintes sur l'acceptation du fait français par les
Québécois des communautés culturelles. Vous n'êtes
pas les seuls. Je sais qu'il y a d'autres groupes aussi qui ont apporté
ces réticences et je me dis, à ce moment-là, qu'est-ce qui
vous amène à avoir de telles craintes? Parce que, depuis le tout
début où nous avons rencontré beaucoup de groupes de
Québécois des communautés culturelles qui sont venus nous
dire comment pour eux, par exemple, le fait français était
tellement important et qu'ils étaient prêts à
adhérer à la langue française et à utiliser la
langue française. Je me dis, à ce moment-là, croyez-vous
que ces attitudes-là sont généralisées? Qu'est-ce
qui vous fait craindre ça? Est-ce que vous avez, par exemple, des
données ou des exemples et aussi, peut-être, qu'est-ce que vous
pourriez faire comme mouvement à l'intention des communautés pour
développer l'acceptation du fait français et l'usage du
français parmi ces communautés?
Le Président (M. Doyon): M. Simard.
M. Simard: M. le Président ou Mme la ministre,
évidemment, toute personne qui vit ou travaille dans certains secteurs
de Montréal sait très bien que, au-delà des bonnes
intentions de tout le monde, la réalité est encore difficile en
termes d'intégration linguistique et culturelle. Sans présenter
une vision trop alarmiste, puisque nous voulons gagner, il faut au moins
montrer que nous sommes gagnants si nous voulons que les gens se joignent
à nous, mais il reste, soyons honnêtes, que les problèmes
d'intégration linguistique et culturelle sont loin, mais alors loin
d'être résolus à Montréal aujourd'hui. Je dis
à Montréal parce qu'il y a une dimension que nous n'avons pas eu
le temps encore d'aborder, mais qui est capitale dans la compréhension
des problèmes qui sont soulevés par l'énoncé de
politique, c'est le fait que 87 % des immigrants viennent dans Montréal
même, dans l'île de Montréal, 92 % à moins de 50
kilomètres autour, les études sont extrêmement claires
là-dessus. Vous savez bien que ce n'est pas un problème de
Rivière-du-Loup, de Chicoutimi ou de Sept-îles, l'immigration.
C'est un problème essentiellement montréalais, d'ailleurs qui
tire une partie de sa dynamique et de son acuité du fait qu'il est
concentré dans une seule ville, d'où l'augmentation du
problème du fait qu'une bonne partie des francophones ont quitté
le coeur de Montréal, ce qui fait qu'on assiste à une
ghettoïsation de plus en plus forte, c'est-à-dire qu'on demande
à de moins en moins de francophones d'intégrer de plus en plus
d'allophones. (18 heures)
Quelles que soient les bonnes attitudes de part et d'autre, ayons un
discours extrêmement optimiste et pensons que tout le monde, tous les
immigrants veulent s'intégrer à la majorité francophone et
que tous les Québécois francophones sont très heureux de
les aider, à condition qu'ils ne soient pas toujours parfaitement
réunis, vous en conviendrez, malgré cela, il reste qu'il y a des
masses critiques nécessaires pour réussir cette
opération-là qui, dans certains secteurs de Montréal - et
je ne veux pas être alarmiste, je demanderai simplement à lire les
études qui ont été réalisées, entre autres
pour le compte de l'Office de la langue française - dans certains
secteurs de Montréal, dans certaines écoles, déjà
le processus est tellement avancé que cette francisation n'est, à
toutes fins pratiques, pas possible. 80 % d'allophones à Saint-Luc.
Comment voulez-vous que les 20 % de francophones de souche puissent
réussir cette tâche insurmontable d'être des
éléments d'intégration au français? Ce qui se passe
en pratique, et tous les enseignants vous le diront, c'est eux qui sont
intégrés à la seule langue commune à ces 45
ethnies, c'est-à-dire l'anglais.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que vous calculez cependant,
quand on parle d'allophones... Bon, on sait, par exemple, que vous avez
plusieurs générations. Pour certains groupes, ils qualifient
toujours d'allophones la deuxième ou la troisième
génération. Donc, ce qui veut dire qu'on ne sera jamais capable,
compte tenu du nombre... Est-ce que, vous aussi, vous faites cette
différence ou, pour vous, quand vous pariez d'allophones, c'est
davantage cette première génération que la deuxième
ou la troisième?
M. Simard: Oh! Je ne voudrais pas qu'on ait une querelle
sémantique ici. Que les nouveaux arrivants, évidemment,
possèdent plus fortement leur langue d'origine à la
première génération, c'est évident. La loi 101 a
fait en sorte, nous le savons tous, que l'enseignement, au moins au primaire et
au secondaire, de ces populations se fait en français, il faut donc
espérer que le français soit la langue d'usage en deuxième
et troisième générations.
Malheureusement, les études, tout en montrant d'énormes
progrès du français, nous indiquent en même temps que la
greffe n'est pas prise de façon aussi claire que certains,
béatement, voudraient le croire. Il y a encore une large proportion de
ceux qui viennent ici qui, rendus à l'âge adulte, en
deuxième et troisième générations, ne se joignent
pas au groupe majoritaire francophone, mais au groupe anglo-
phone, vivent en anglais. Et ce n'est pas des peurs de mouvement,
nationalistes québécois qui sont lancées ici. Ce sont des
réalités observables et observées par les
démographes. Sans en faire des absolus qui devraient nous rendre frileux
et repliés sur nous-mêmes, ce sont là des indications
à être très prudents.
Je ne voudrais pas, Mme la ministre, que dans 10, 15 ou 20 ans, face
à un désastre à ce point de vue là, on dise: Mme
Gagnon-Tremblay, vous vous souvenez, au début des années
quatre-vingt-dix, a ouvert larges les portes; comment voulez-vous que la
situation n'ait pas dégénéré dans cette
direction-là? Nous appelons à une prudence minimale parce que
nous ne sommes pas certains que les moyens dont vous disposez, le gouvernement
du Québec, pas juste votre ministère, le gouvernement qui n'est
pas un État souverain, vous le savez bien, qui dispose dans votre
secteur d'un peu plus de moyens qu'auparavant, mais, avec la faiblesse de nos
moyens, nous sommes obligés de constater à l'heure actuelle que
nous n'avons pas tous les moyens nécessaires pour réussir
l'intégration dont Edmond Orban parlait tout à l'heure,
intégration qui est complexe. Ce n'est pas juste la langue.
La première génération dont vous nous parlez, elle
doit s'intégrer à des moeurs démocratiques souvent. Elle
doit s'intégrer à une vision de l'égalité des
citoyens dans une société démocratique, les relations
hommes-femmes, par exemple, les relations parents-enfants, toutes les
caractéristiques culturelles d'habillement, de nourriture. On demande
énormément à une première génération
d'immigrants. Eh bien! on lui demande en plus parfois de faire des choix
linguistiques à notre place. On lui impose d'avoir plus de vertus qu'une
bonne partie d'entre nous n'a. C'est un peu cette précaution que nous
voulons que vous preniez.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Simard. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous nous signalez aussi, clairement,
la priorité que vous accordez à l'impact socioculturel de
l'immigration par rapport à son impact économique. On a encore
entendu des groupes qui nous ont dit: Nous privilégions l'immigration
économique. D'autres: Nous privilégions l'immigration
francophone. Parce que vous savez que, comme gouvernement, on doit faire un
arbitrage entre les objectifs linguistiques, économiques, familiaux,
humanitaires, et même démographiques, pour poursuivre, finalement,
atteindre nos objectifs.
Et je pense qu'à ce moment-là, dans la pratique, ça
revient à dire que parfois on a des choix difficiles à faire
parce qu'on sait, par exemple, que vous avez un fort pourcentage - je dirais
peut-être 50 % - de la population de l'immigration, bon, ça nous
provient de la réunification des familles, des réfugiés.
Donc, vous comprenez que pour être capable d'atteindre, par exemple, les
objectifs soit francophones soit encore linguistiques, soit encore
économiques, il nous faut parfois augmenter notre niveau pour atteindre
ces objectifs-là.
Par contre, on sait aussi que le bassin principal d'immigrants
investisseurs ou entrepreneurs provient de Hong Kong, entre autres. Donc, on
sait que la langue utilisée est la langue anglaise, est-ce que, par
exemple, vous privilégiez... Est-ce qu'on doit faire un équilibre
ou, par exemple, est-ce qu'on peut se passer également de l'immigration
économique pour essayer d'atteindre davantage l'immigration francophone
ou si on doit avoir un équilibre entre les deux?
M. Simard: Vous avez parlé vous-même des objectifs.
Tout cela est en fonction des objectifs qu'on a. Si l'objectif de l'immigration
est de relever l'économie chancelante, je vous souhaite bonne chance.
Toutes les études démontrent bien que c'est une opération
qui, à court, moyen et long termes, n'a pas d'effet économique
évident. À très, très long terme, une
société ne pourrait pas progresser sans une évolution de
sa population. Mais les bénéfices à moyen et court termes
sont à peu près nuls. Les coûts correspondants étant
très élevés.
Une immigration... Faire peser dans la balance les objectifs
économiques d'un gouvernement ou d'une société et la
préservation d'un certain nombre d'acquis sociolinguistiques, il me
semble que c'est poser un faux problème du fait que, d'abord - vous le
savez sans doute, mais ça devient une évidence de plus en plus
grande - une bonne partie de l'immigration asiatique qui vient au
Québec, quitte le Québec très rapidement après
avoir bénéficié de notre générosité
d'accueil, et ça, c'est un phénomène qui commence à
se concrétiser de façon assez évidente. Et on ne va pas
baser notre politique sur un phénomène extrêmement partiel,
qui est très rare dans l'histoire...
Mme Gagnon-Tremblay: Mais j'ai le goût de vous
arrêter.
M. Simard: ...une fermeture de ville.
Mme Gagnon-Tremblay: J'ai le goût de vous arrêter, M.
Simard, et je pense que nous devons admettre que nous nous en sommes
occupés très peu. Nous avons laissé ces personnes à
elles-mêmes. On ne les a pas accueillies. On ne s'est pas occupé
qu'elles s'établissent véritablement au Québec, qu'elles
aient la motivation de venir au Québec et aussi qu'elles investissent au
Québec. Alors, je pense qu'aussi il y a des modifications qu'on veut
bien apporter.
M. Simard: Mme la ministre, je n'ai pas
envie de polémiquer. Nous sommes ici en train d'échanger
et on était trop suave pour que je le relève. Revenons à
l'objectif. Il s'agit pour nous, l'immigration, tout ce qui touche la
population, on ne va pas parler de démographie, de naissance, de
vieillissement, on n'a pas le temps. Mais tout ce qui touche l'immigration,
tout ce qui touche la population, c'est capital. Dans une petite
société comme la nôtre, vous savez, vos objectifs si on les
appliquait, par exemple, à l'État voisin américain,
ça voudrait dire environ 2 500 000 à 3 000 000 d'immigrants par
année. C'est un objectif énorme par rapport... Nous sommes donc
dans une fragilité. Je ne veux pas dire que vos chiffres en absolu sont
très élevés. C'est que notre situation est très
fragile. C'est quand même assez particulier d'être dans cet
océan anglophone d'une culture différente et de vouloir maintenir
notre identité. Ce n'est quand même pas un phénomène
qui se passe partout. Les phénomènes que M. Orban a
étudiés dans d'autres sociétés, ce sont des
sociétés qui ont beaucoup plus de sécurité, en
termes culturels. Elles peuvent donc avoir une intégration beaucoup plus
facile. Donc, les arbitrages dont vous parlez ne devraient pas exister puisque
la condition sine qua non à notre survie, à notre existence et
à notre développement, c'est le maintien de notre identité
francophone en Amérique.
D'abord ça, et ensuite si des considérations de type
économique doivent intervenir, il faut les faire intervenir. Mais nous
ne résoudrons pas la plupart de nos problèmes de type
économique uniquement par des questions d'immigration. Et si on veut
aller dans cette direction-là, il me semble que la voie la plus riche,
c'est la voie de l'étude de la possibilité d'incitation à
la régionalisation de l'immigration parce que, effectivement,
économiquement, il y a d'énormes problèmes dans les
régions du Québec par absence de compétences dans certains
secteurs. Je vais demander peut-être à M. Orban un
complément d'information.
Le Président (M. Doyon): M. Orban.
M. Orban: Oui, sur quelques points. L'immigration, pour certains
pays, c'est sûr que c'a été un facteur déterminant,
si on prend les États-Unis par exemple, c'est le cas le plus patent,
même la France après la première guerre mondiale. Ici,
ça se présente dans un tout autre contexte. J'en reviens à
ce qui a été dit, je ne voudrais pas répéter, mais
enfin il faut tenir compte de la capacité d'absorption. Moi, je n'ai pas
d'étude sous les yeux nous disant ce qu'on peut absorber sur le plan
strictement économique si on ne veut pas accentuer le chômage qui
est quand même déjà très élevé.
Ceci dit, il y a trois catégories d'immigrants, en gros.
Réunion des familles. C'est sûr que la marge de manoeuvre est
extrêmement limitée. Il y a tous les précédents,
tous les acquis, toutes les lois qui sont passées et sur lesquelles on
ne peut pas revenir. La deuxième catégorie:
réfugiés politiques. Là aussi, c'est quand même de
la compétence du fédéral. Peut-être que le
gouvernement du Québec pourrait quand même avoir une certaine
influence, mais certainement pas un pouvoir de décision. Moi, la
question que je me pose... C'est sûr qu'il faut faire preuve
d'humanité et accueillir des réfugiés, mais pourquoi ne
pas donner la priorité, encore une fois, à des
réfugiés qui parlent français ou qui sont
francophonisables? Si on a devant nous des dizaines de millions de gens,
pourquoi ne pas privilégier la dimension intégration,
capacité d'intégration? C'est notre droit le plus strict, tout en
étant extrêmement ouvert, tout en apportant cette aide.
Voilà. C'est une perspective, à mon sens, qu'il faudrait revoir.
Les réfugiés politiques, donner... C'est pour ça que je
parlais du Cambodge et du Vietnam, à titre purement d'exemples. Si je
devais choisir parmi les Asiatiques, je donnerais priorité à ces
gens-là; la même chose en ce qui concerne le Liban, la Roumanie,
etc. Ça, c'est pour ces deux catégories.
Si je prends la troisième catégorie, À mon sens, on
n'a pas suffisamment prospecté, jusqu'à preuve du contraire, le
marché francophone fort avancé sur le plan technologique. Je
pense à la France qui est quand même encore une grande puissance,
qu'on le veuille ou pas, 56 000 000 d'habitants. Je sais bien que la France, la
Belgique, la Suisse ne sont pas des pays exportant de la main-d'oeuvre. Ce sont
des pays d'immigration. Dans ces pays-là, il y a jusqu'à 7 %, 8
%, 9 % de la population qui sont des étrangers. Mais ça
n'empêche que, sur les 56 000 000, sur les 10 000 000 de Belges et de
Suisses - parce que je comprends chez les Suisses, par exemple, les Suisses de
langue allemande, parce que ces gens-là s'intégreraient
très rapidement à la francophonie. Je connais beaucoup de Suisses
de langue allemande ou de Belges de langue flamande qui s'intègrent
rapidement à la communauté québécoise. Combien de
noms, les De Koninck et compagnie, sont d'origine de ces pays-là? Alors,
ce que je dis, c'est que, sur le plan de l'immigration économique, moi,
je mettrais l'accent très fortement sur ces pays-là, y compris le
grand duché de Luxembourg qui est un des pays les plus riches au monde,
entre parenthèses, avec ses 300 000 habitants. Je donnerais
priorité sur le plan de l'immigration à caractère
économique.
Il y a toute une prospection à faire. Je sais bien que ce n'est
pas facile. Ce n'est pas facile parce que pour un Français, c'est
très difficile de s'intégrer à l'étranger. Il ne
faut pas recruter n'importe quel Français. Il y a des tests à
passer. Il faut qu'il soit bien conscient des difficultés ici. Il y a
toute une préparation à faire des deux côtés de
l'océan, j'en suis bien
conscient. Ça n'empêche que, par expérience - parce
que je vais souvent dans ces pays-là - je dis qu'il y a quand même
plusieurs milliers de jeunes Français, surtout de la province - je ne
parle pas du Parisien, peut-être que j'ai des préjugés
contre le Parisien à cause d'une certaine arrogance, parfois - mais il y
a des milliers de francophones d'Europe qui, dûment avertis des
conditions qui ne sont pas faciles... Parce que toute immigration est
difficile, vous savez. Je suis privilégié à ce point de
vue là, j'ai reçu un accueil extraordinaire. C'est la plus belle
expérience de ma vie. Mais à côté de cela, il y en a
beaucoup pour qui c'est difficile, à cause d'eux-mêmes et aussi
à cause du mode de préparation, à cause d'obstacles
psychologiques.
Mais ceci dit, je reviens à mon point de départ. Je dis
que, dans cette francophonie qui est quand même très
avancée sur le plan économique, il y a un bassin qu'il faudrait
prospecter d'une façon beaucoup plus systématique et, surtout, en
allant sur le terrain, dans la province et en utilisant éventuellement
des gens qui proviennent de ces pays-là et qui pourraient faire leur
choix, connaissant les deux côtés, même si, à un
moment donné, ils sont davantage définitivement d'un
côté... (18 h 15)
Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur...
M. Orban: ...bassin de la francophonie, à haute
technologie. Moi je connais beaucoup de gens dans ces pays-là que je
viens de mentionner qui s'intégreraient ici et assez rapidement. Mais
à condition qu'ils connaissent les règles du jeu, qu'ils ne
pensent pas que ça va être le paradis et que ça va
être facile, parce qu'à la première
génération, forcément, il y a des problèmes. Il y a
des problèmes, et c'est pour ça qu'il faut prendre des gens qui
soient suffisamment dynamiques, il ne suffit pas d'avoir un diplôme. Il
faudrait peut-être revoir nos façons de faire les interviews, les
questionnaires, etc., vous savez. Il ne s'agit pas de recruter des
pantouflards. Il s'agit de recruter la crème, mais il y a de ces
éléments-là qu'on pourrait intégrer au
Québec et qui en feraient leur patrie, en feraient leur patrie. Il n'y a
pas tellement de différence, finalement. Moi, je dois dire, je suis
d'origine wallonne. Je me suis senti tout de suite Québécois.
Pour moi, c'est ma patrie et j'aime son histoire. J'habite dans le nord
maintenant. Je pense à ces générations qui ont
travaillé cette terre-là. Ils ressemblent à mes
ancêtres. Je me sens de la même famille. Je ne me suis jamais senti
un étranger ici. Je crois qu'il y en a un certain nombre qui voudraient
venir ici. En tout cas, il faudrait travailler systématiquement ces
mécanismes-là, sinon, je trouve qu'on passe à
côté d'un bassin qui est quand même extrêmement
riche...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Orban.
Le passage du temps m'oblige à passer la parole au
député de Shefford qui pourra continuer le dialogue avec vous,
étant donné que le temps s'est écoulé depuis qu'on
a commencé.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Très
rapidement. Juste un petit commentaire et ensuite je vais passer aux questions
pour permettre de clarifier des choses. En premier, c'est juste comme une
espèce de petit bémol que je veux amener en nous invitant tous
à une certaine prudence par rapport à ce que vous avez
appelé, M. Simard, peut-être le faux débat. Il faudrait
faire attention de ne pas mettre en contradiction francophonie et
économie, parce que ce n'est pas vrai. Il y a ce danger quand on dit
qu'on a le choix entre la francophonie et l'économie dans le choix de
nos investisseurs, et ça, je ne voudrais surtout pas qu'il y ait
même la moindre perception là-dessus, parce que ça nous
ramène au mémoire du MEMO, juste avant vous, qui disait qu'il
faut qu'il y ait des signaux clairs qui soient donnés aux investisseurs
comme à tous les autres immigrants que s'ils viennent au Québec
ça se passe en français. Parce que les gens de Hong Kong, qu'ils
soient des investisseurs résidents ou familiaux ou investisseurs, vont
décider d'immigrer en France en sachant très bien que ça
va se passer en français et s'ils font la même chose en Italie,
ça va se passer en italien. Il faut qu'ils sachent que, s'ils viennent
à Montréal et au Québec, ça va se passer en
français, qu'ils viennent comme... peu importe le qualificatif
d'immigrant qui décide de s'implanter au Québec, sinon ça
voudrait dire qu'on lance un signal en disant que si vous décidez
d'immigrer au Québec parce que votre famille est déjà
implantée ici, vous pouvez être pauvre et que si vous êtes
riche vous pourrez immigrer comme un anglophone. Et ça, je dois vous
dire, on doit éliminer dès maintenant de notre esprit pareille
orientation. C'est impensable: francophonie et économie, ce n'est pas
des choix un par rapport à l'autre. C'est un choix de venir au
Québec et de vivre en français.
Moi, ma première question - parce que vous avez identifié
beaucoup de situations, de difficultés et beaucoup de commentaires que
je trouve intéressants. Vous avez parlé dans votre
présentation d'intégration des gens, intégration des
immigrants, intégration culturelle. Quels devraient être, selon
vous, les principaux éléments d'une politique
d'intégration?
M. Simard: Ils sont évidemment multiples. Tous les deux,
nous pouvons intervenir là-dessus, mais nous allons aller rapidement.
Déjà tout à l'heure les gens du MEMO vous ont parlé
évidemment de la très grande importance du milieu scolaire. Le
milieu du travail, que j'ai évoqué tout à l'heure, est
extrêmement important. Si linguistiquement il n'y a pas
déjà un premier contact avec la majorité, il n'y
aura...
enfin, ça prendra des générations avant que cette
intégration se fasse. Mais l'intégration, elfe se fait à
condition que les gens vivent avec d'autres gens que de leurs propres origines.
Le problème, je m'excuse de le présenter sous forme de
problème, mais on peut le voir aussi sous forme de solution, il va
falloir faire d'énormes efforts pour que l'immigration au Québec
puisse être orientée par voie d'incitatifs vers des régions
autres que Montréal. Je sais que c'est un objectif qui est très
difficilement réalisable, mais c'est un défi que nous devons
réaliser. Alors, enseignement, éducation, milieu de travail,
régionalisation, évolution des mentalités, elle est
déjà avancée; ce n'est pas complété. Il faut
que les structures scolaires, par exemple, on a parlé du problème
de la confessionnalité tout à l'heure, il faut que tout ce qui
divise face à l'accueil des immigrants soit mis de côté
pour réunir ce qui unit, pour utiliser ce qui unit. Il va falloir que
les Québécois francophones, extrêmement accueillants comme
disait M. Edmond Orban tout à l'heure, très peu xénophobes
et racistes fondamentalement, n'ayant pas d'expérience historique dans
cette direction-là, ils acquièrent, par contre, des
réflexes d'intégration, d'accueil beaucoup plus forts que ceux
qu'ils ont actuellement. Nous avons vécu dans deux univers ces deux
solitudes, l'une intégrant et l'autre vivant en marge des réseaux
d'immigration. Il va falloir que l'on se rende compte que notre
évolution à nous, que notre avenir passe aussi par l'accueil de
l'immigration et il va falloir donc nous former davantage à cette
aptitude à intégrer l'étranger.
Quand vous avez écouté les Jeux de Séoul et que
vous avez entendu ce jeune immigré coréen à
Montréal décrire avec un accent du nord de la rue Jarry ce que
nous avions l'occasion d'observer, vous avez tous été émus
comme moi. Il y a de plus en plus une prise de conscience de la réussite
possible dans ce domaine. Mais encore faut-il que nous évoluions aussi.
Et il y a deux mondes, il y a le monde montréalais et il y a la
province, il y a les régions. Malheureusement, il faut bien le dire -
d'ailleurs Mme la ministre demandait ce qu'on pouvait faire dans ce
domaine-là tout à l'heure - l'un des objectifs majeurs de ce que
nous faisons actuellement, c'est justement de faire prendre conscience aux gens
des régions que l'immigration, c'est une problématique nouvelle
et qui doit être envisagée en face. Inversement, faire comprendre
aux gens de Montréal qu'il y a des problèmes de
dépopulation dans les régions. Il y a un dialogue de sourds entre
Montréal et les régions, il y a une incompréhension de
l'étendue de la réalité de l'immigration dans les
régions du Québec qui est extrêmement dommageable. Alors,
évidemment, M. Orban pourra vous donner d'autres éléments.
Je ne veux pas tomber dans les techniques d'immigration, mais voilà
quelques pistes fondamen- tales, il me semble, pour une intégration
réussie. Le Président (M. Doyon): M. Orban.
M. Orban: Oui, évidemment, si on parte de politique
d'intégration, le premier stade - on revient à ce stade-là
- c'est la francisation. Donc, là, on revient à la question qui a
été moult fois répétée: Le français
langue de travail, le français dans l'éducation, le
français langue de culture, etc. Alors, quand on dit politique
d'intégration dans ce sens là, vous voyez que c'est immense comme
politique.
Ceci dit, je dirais qu'il y a quand même une énorme
différence suivant les régions. Je pense que quand on vit ici
à Québec, c'est très confortable, on n'a absolument aucun
sentiment de menace pour sa langue ou sa culture. Par contre, si vous vivez,
même dans la ville de Laval, comme à Chomedey ou dans
Montréal-Ouest, c'est un tout autre monde, c'est un tout autre contexte.
Alors, politique d'intégration, ça peut être
extrêmement variable d'une région à l'autre. Moi, je dirais
qu'il faudrait avoir un plan à géométrie variable ici, en
ce qui concerne les politiques d'intégration, mais moi, je dirais que,
pour ne pas se perdre dans les différents stades, justement,
d'assimilation ou d'intégration - assimilation entre guillemets - il
faudrait commencer par l'intégration au milieu francophone. Si on parle
de politique d'intégration, moi, je trouve ça vraiment effrayant
parce que ça implique tellement d'institutions, ça touche au
monde du travail, ça touche au monde de l'éducation, au monde du
loisir, ça touche au problème des régions, ça
touche au problème des mentalités, parce que, malgré
l'esprit d'ouverture qu'on constate ici au Québec comparativement
à ce qu'on observe en France par exemple, je dirais qu'il y a quand
même beaucoup à faire pour essayer de comprendre
l'étranger. Je pense que dans tous les pays du monde, tout ce qui est un
petit peu différent, on a des réticences, on en a un petit peu
peur, c'est un réflexe conservateur, c'est universel, ce sera toujours
ça.
Mais il faut dépasser un petit peu ce stade-là et
concrètement - parce que moi, j'aime bien les choses concrètes
aussi - comment peut-on procéder à cela? Mais ça,
ça dépend des enseignants, ça dépend des
journalistes, ça dépend des fonctionnaires, ça
dépend de l'engagement aussi de gens des minorités dans la
fonction publique, dans les corps de police, c'est ça
l'intégration, trouver des agents concrets sur le terrain qui servent de
liens. Je pense qu'on n'utilise pas assez les immigrants eux-mêmes pour
servir de lien entre la société d'accueil et puis ces multiples
sociétés et sous-sociétés qu'on essaie
d'intégrer et qui prennent beaucoup de temps et de patience, de part et
d'autre. Il faut voir des points d'articulation en s'appuyant sur des
ressources dont on dispose déjà, les utiliser d'une façon
plus rationnelle, plus économique.
Moi, ce sont les lignes directrices que j'imprimerais et puis que
j'essaierais de concrétiser. Voilà quelques idées qui me
viennent en tête comme ça. C'est sûr qu'on pourrait faire un
plan beaucoup plus élaboré, mais en partant de ces lignes
directrices qui sont, encore une fois, intégrées, comment
dirais-je, avec patience, mais en utilisant les ressources qu'on a
déjà sur place. Ce qui n'implique pas des dépenses
astronomiques sur le plan financier, si on est capable d'utiliser un
énorme potentiel de bonne volonté. Mais il faut aller le
chercher. Il faut trouver le déclic. Il y a des boutons sur lesquels il
faut appuyer, vous savez. La psychologie joue un rôle incroyable. Il y a
des gens qui vous paraissent de glace, qui vous paraissent complètement
étrangers, mais si vous savez aller les chercher, vous pouvez les
rallier à votre cause et à votre patrie rapidement. Je dis
ça comme ça, de façon un peu impromptue, mais ce ne sont
pas des propos en l'air. Ça repose sur beaucoup d'expérience
pratique et sur des théories, parce que je peux allier la théorie
à la pratique.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Paré: Oui. Je voudrais aller plus en profondeur sur un
sujet dont on est en train de traiter, la régionalisation.
Écoutez, votre réponse, finalement, c'est souhaitable. Moi,
peut-être en me faisant un peu l'avocat du diable pour qu'on
réussisse à trouver ensemble des moyens de réussir, je
veux savoir si c'est possible, en prenant... Quelques constatations, je pense.
Si on regarde ailleurs, les gens qui décident d'émigrer vont, en
très grande partie, ce n'est pas unique au Québec, dans les
grandes villes. On regarde la même chose en Ontario, ça va surtout
à Toronto, et en Colombie-Britannique, ça va surtout à
Vancouver, et au Québec, ça va surtout à Montréal.
Aux États-Unis, c'est un peu différent, c'est sûr, ils ne
vont pas tous à New York, mais ils vont dans les grandes villes comme
New York, Chicago, Los Angeles, et c'est à coups de millions, ces
municipalités-là. Les immigrants qui décident de devenir
des Québécois ont un but, c'est évident, c'est d'avoir
probablement une meilleure situation. Donc, comment fait-on pour avoir une
meilleure situation? C'est en ayant un emploi. Donc on va là où
l'économie est très dynamique et où ça bouge.
On a des exemples au Québec. Oui, c'est à Montréal,
mais ça commence à s'étendre en Montérégie.
Pourquoi? Parce que la Montérégie est une région en pleine
effervescence. Est-ce qu'on peut penser, ou trouvez-nous des moyens de
favoriser l'immigration dans les régions, en sachant que le débat
de plusieurs régions au Québec - parce qu'il y a un manque de
politique de développement régional - le grand débat des
régions comme l'Abitibi, la Gaspésie et même le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est de garder leurs jeunes chez eux. Donc, des
régions qui se vident.
Est-ce qu'on peut penser, avec ce contexte qu'on connaît, si on
regarde les chiffres officiels où il y a des régions qui sont
plutôt en perte de population, comment peut-on penser
régionaliser? Donc, est-ce que vous êtes favorable, est-ce que
vous trouvez que c'est souhaitable, la régionalisation? Et si vous me
dites oui à cette question, est-ce que c'est possible?
M. Simard: Très, très rapidement puisque nous
sommes à la fin de notre rencontre, quelques pistes de solution dans
cette direction-là. D'abord, il n'est pas question de forcer, vous
comprendrez bien qu'on ne fera pas naître le passeport intérieur
et il n'y a aucune société, même les plus totalitaires, qui
arrivera jamais à forcer les gens à vivre dans une région.
Donc, c'est sur une base volontaire. La réussite, elle existe ailleurs.
Si vous regardez, les études de Michel Paillé le
démontrent, en Ontario, par exemple, dans les villes de plus de 100 000
habitants, il n'est pas rare de trouver, dans Hamilton, un peu partout,
Waterloo, Kingston, il n'est pas rare de retrouver des proportions de 20 %, 25
% de population d'origine, de nouveaux arrivants d'une ou deux
générations. Donc, ça existe, une régionalisation
en Ontario. Ce n'est pas un phénomène que nous inventons.
Cependant, ça se heurte ici essentiellement à deux facteurs,
à deux obstacles. Le premier, que vous avez parfaitement
mentionné, qui est l'obstacle économique. S'il y a du
chômage au Saguenay, l'immigration ne va pas se diriger vers le Saguenay.
Il y a toutes sortes de raisons qui font que les immigrants vont dans les
grands centres, entre autres retrouver des gens de même origine, se
retrouver dans un ensemble qui les intégrera plus facilement, qui leur
offrira plus de services dont ils ont besoin, eux déjà
dépaysés. D'ailleurs, les gens d'Abitibi, ils émigrent
aussi à Montréal, les gens du Saguenay ils émigrent aussi
à Montréal, pas à Thetford Mines. C'est normal que les
gens se retrouvent à Montréal. Cependant, et là il y a
tout un nouveau phénomène, et Roger Paré en est
certainement conscient, on a vu ensemble les débats entre autres devant
la commission Bélanger-Campeau. Il y a tout un mouvement de prise en
charge des régions par elles-mêmes, et de prise en charge
économique et politique.
Et il va falloir que dans ce devenir économique et politique des
régions, il y ait une part faite au recrutement, à l'attraction,
à l'intérêt pour combler les besoins de main-d'oeuvre
présents et à venir par l'immigration. En Europe
déjà, par la régionalisation en France par exemple, des
initiatives sont prises par des régions pour attirer certains types
d'immigrants dont on a particulièrement besoin. La région de
Lyon, Rhône-Alpes, donne l'exemple entre autres en maîtrisant,
relativement complètement, avec l'aide de l'État national
évidemment, sa politique d'immigration. Donc il va falloir
responsabiliser
les régions à cette déperdition de personnes dont
vous parliez tout à l'heure, les jeunes s'en vont, mais les besoins sont
là. Dans toute communauté, "Deux Québec en un" l'a assez
bien montré, lorsque le pharmacien, lorsque le postier, lorsque le
plombier sont partis, il y a un point de non retour. Les communautés
dépérissent. Il va falloir peut-être pendant un certain
temps les recruter ailleurs.
Le Président (M. Doyon): M. Orban, brièvement s'il
vous plaît.
M. Orban: Oui, évidemment, ça fait partie d'une
politique de développement régional, mais ça
n'empêche que, sans que ça soit parfait, loin de là, je
vois un pays comme la Suède où on accueille quand même
assez bien l'immigrant finlandais, ça ne se fait qu'en collaboration
avec les régions. Les régions vont dire, par le biais de
certaines institutions et, comment dirais-je, des bureaux de placement par
exemple, on a besoin d'autant de personnes de telle ou telle qualification. Et
cette articulation qui se fait est évidemment en collaboration non
seulement avec le gouvernement de Stockholm, mais également le
gouvernement d'Helsinki. Donc, ça fait partie d'une politique de
développement régional, mais dont, comment dirais-je, le fer de
lance est constitué par les bureaux de placement.
Le Président (M. Doyon): Merci monsieur, oui, oui,
quelques secondes seulement.
M. Dubé (Antoine): 30 secondes.
Le Président (M. Doyon): Oui, on vous écoute.
M. Dubé: Ce n'est pas du chauvinisme là, je
voudrais juste parier de fa région de Québec. Je ne vous
apprendrai rien pour vous dire que la région de Québec, ou la
région de la capitale, à mon avis a déjà une
capacité d'accueil, des efforts assez intéressants de faits et je
pense a aussi une capacité de rétention. Et je voudrais juste,
pour ne pas m'étendre longuement, mais quand vous disiez, Mme la
ministre, quels sont les efforts que fait le MNQ ou ses sociétés
membres face à l'accueil, parce que, lorsqu'on a des gens qui sont issus
de communautés culturelles différentes, je pense qu'il faut faire
des efforts.
Je veux juste illustrer un événement, celui de
l'événement de la Fête nationale. Cette année la
thématique, c'est "Heureux d'être ensemble". Bien nous, ça
nous a fait penser, dans la région de Québec, que, pas simplement
par un petit projet local parce qu'on a à tenir un
événement d'envergure nationale, mais on a pris des contacts avec
la CALCQ, l'Association des communautés multiethniques ici de la
région, pour qu'elles soient intégrées à la
fête, pour qu'elles se sentent elles aussi dans la fête. Et elles
ont démontré tout de suite un intérêt et un
enthousiasme intéressant. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup M. Dubé. M.
le député, quelques mots de conclusion.
M. Paré: Oui, bien en concluant, merci beaucoup de votre
présence ici puis de votre mémoire. Je dois dire, je vais vous
féliciter de l'initiative du mouvement d'organiser des colloques
régionaux. Je dois vous dire que ça donne beaucoup de
crédibilité à votre présentation, puisque vous
êtes très représentatifs par le fait même, et c'est
certainement, je pense que ça va être unanime... On va
reconnaître, tous, que c'est un excellent moyen de sensibilisation des
différentes régions du Québec, le fait de permettre aux
gens de se rassembler et d'en discuter. Alors merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Seulement, en terminant, je voudrais
peut-être rapidement revenir sur la régionalisation. C'est
sûr qu'on mise beaucoup sur la régionalisation. Nous avons
implanté différentes directions régionales, non pas dans
toutes les régions du Québec, je pense qu'on se doit
d'expérimenter entre autres certaines régions. Et je le dis
toujours aussi, la régionalisation, on ne peut pas l'imposer à
l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. Je
pense qu'il faut préparer et changer des attitudes, des
mentalités, et il faut aussi avoir des structures d'accueil. Alors je
pense qu'on doit travailler là-dessus et le fait, justement, de tenir
ces colloques, vous le mentionniez tout à l'heure, ça permet de
modifier certaines attitudes et je pense que c'est XovA à fait
louable.
Alors moi je veux, bien sûr, vous remercier de votre
réflexion. On sait que le défi de l'intégration, c'est un
grand défi qu'on devra tous relever ensemble. Je ne pense pas que ce
soit uniquement la responsabilité de la ministre qui vous parle ou du
gouvernement, mais on doit interpeller tous les intervenants. Toute la
société doit être interpellée, et je pense que nous
avons énormément d'effort à investir. Alors, je vous
remercie beaucoup de votre réflexion.
Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez de vous
remercier personnellement au nom des membres de la commission. Votre
mémoire était très intéressant, la discussion
aussi. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, au moment
où nous recevrons le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke.
Alors, suspension des travaux.
(Suspension de la séance à 18 h 36)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Forget): Je demanderais aux membres de la
commission de bien vouloir prendre place.
Je voudrais demander au président ou à la
présidente du groupe de bien vouloir se présenter.
Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke
Mme Bassaietti (Teresa): Bonsoir, mon nom est Teresa Bassaietti,
et je suis présidente du Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke.
Ça nous fait très plaisir d'être avec vous. Je vais laisser
les autres se présenter.
Le Président (M. Forget): Alors, voici le
procédé: vous avez une période de 30 minutes, vous avez 10
minutes pour exposer votre document, et les intervenants, Mme la ministre et le
député de l'Opposition auront 10 minutes également chacun.
Alors, la parole est à vous.
Mme Bassaietti: D'abord, on vient avec l'esprit qu'en plus
d'être écouté, s'il y avait la possibilité que les
gens qui vont nous écouter aujourd'hui puissent passer à
l'action, ce sera tant mieux. En tant que groupe communautaire au service des
femmes immigrantes de la région depuis huit ans, on a été
très touché par l'énoncé de politique sorti par Mme
la ministre, Mme Gagnon-Tremblay, car on a été touché par
plusieurs points dans lesquels le centre travaille depuis huit ans. On n'a pas
pu analyser au complet cet énoncé de politique parce que, quand
même, ça a été très long. Cependant, on va
toucher quelques points qui nous ont touchés au fond de notre coeur. La
première partie, c'est "L'immigration: un facteur de
développement du Québec". Le contexte. Parmi les mesures
concrètes prises récemment par le gouvernement du Québec
en matière d'immigration, le document mentionne, à la page 7, la
mise en oeuvre de l'obligation contractuelle en 1988. Tout en reconnaissant
l'intérêt de ces mesures, nous nous demandons quelle peut
être leur efficacité si elles ne sont pas assorties de sanctions.
De plus, nous aimerions savoir combien d'entreprises ont été
soumises à cette obligation contractuelle depuis 1988, quelle est la
proportion de celles qui ont respecté intégralement cette
obligation et si leur liste a été publiée. De telles
données permettraient une première évaluation de
l'efficacité du mécanisme prévu pour favoriser
l'intégration des immigrants à la société
québécoise. Parce que c'est très bien d'avoir des
programmes d'accès à l'égalité et des obligations
contractuelles, mais si on ne connaît pas les statistiques ou la
quantité de femmes immigrantes qui ont pu vraiment
bénéficier de ces programmes, je pense que, à ce
moment-là, les programmes ne risquent pas d'être très
intéressants.
Ensuite de ça, un contrat moral garant d'une intégration
réussie. La notion de contrat moral, à la page 15, nous
paraît passablement floue. En effet, elle associe le concept juridique de
contrat à l'idée d'engagements moraux. Or, tout contrat
entraîne des effets juridiques garantis, ce qui est
précisément étranger aux devoirs purement moraux. On
pourra élaborer peut-être pendant les questions, parce qu'on
aimerait quand même toucher dans les 10 minutes les points les plus
importants.
Dans la partie II, une immigration contribuant au développement
d'une société francophone et d'une économie
prospère. Soutenir la réunification familiale et l'adoption
internationale. Je pense que c'est très important, ce point-là,
parce que la famille peut signifier un grand support pour les immigrants
déjà établis ici, et puis peut aider beaucoup à
contribuer à l'épanouissement de cet immigrant. Il nous semble
que ce sera un grand pas en avant. La question du parrainage, par exemple,
n'aurait pas une durée de 10 ans comme avant mais de 3 ans plutôt.
Et puis ce sera certain qu'il y aura certaines conditions qui devront
accompagner ce délai de temps, parce qu'il ne faut pas non plus que les
familles ou que les immigrants qui sont prêts à accueillir
quelqu'un membre de leur famille soient évalués très
fortement au coût de la vie québécoise. Les familles vont
faire un effort pour accueillir quelqu'un de la famille, mais s'il y a trop
d'exigences à cet égard, ça va être très
difficile que quelqu'un de la famille puisse servir de parrain pour la personne
qui va arriver.
Maximiser les retombées économiques de la sélection
des travailleurs indépendants et de l'immigration temporaire. Le
programme expérimental fondé sur le critère
d'adaptabilité professionnelle des candidats est susceptible de corriger
les faiblesses des outils de sélection présentés à
la page 27. Cependant, certains critères comme les qualités
personnelles des candidats ne sont pas suffisamment bien définis et
reposent dans une trop large mesure sur la capacité de jugement de
l'agent d'immigration chargé de la sélection. Ce programme
pourrait être avantageusement, complété par une
amélioration des procédures de reconnaissance de
l'expérience professionnelle et des diplômes acquis dans le pays
d'origine, pour que l'immigrant soit soumis à des conditions moins
restrictives d'accès à l'emploi. Tout en ayant à s'adapter
à de nouvelles normes, l'immigrant serait ainsi plus à même
de faire profiter l'économie du Québec de son expertise
originelle, acquise dans un contexte différent, ce qui constitue
certainement un facteur dynamisant pour le milieu de travail. Nous croyons
qu'une trop grande insistance sur l'équivalence de la formation conduit
à éliminer des candidats dont l'apport pourrait être
précieux pour l'économie québécoise. C'est
d'ailleurs ce genre d'argument qui est souvent invoqué pour justifier la
néces-
site de tenir compte des acquis expérientiels dans l'accès
à l'emploi et à la formation pour les personnes
déjà établies au Québec.
La partie III, c'est "Une langue commune, une pleine participation, et
des relations intercommunautaires harmonieuses: l'assurance d'une
intégration réussie". Un long titre. Les caractéristiques
du processus d'intégration. En soulignant les interrelations entre les
différentes dimensions où se déploie le processus
d'intégration, à la page 45, le document laisse supposer que
l'intégration linguistique, culturelle, socio-économique,
institutionnelle et personnelle se situe sur le même plan. Nous croyons,
pour notre part, que cette mission est trompeuse.
À travers notre expérience d'intervention auprès
des femmes immigrantes, nous avons maintes fois constaté que l'insertion
au marché du travail constitue un facteur déterminant qui exerce
un effet d'entraînement sur les autres dimensions de l'intégration
sociale. Selon nous, l'accès à l'emploi est le pivot de
l'intégration. Une fois que l'immigrante a maîtrisé les
éléments du français qui lui permettent de se
débrouiller dans sa vie quotidienne, seuls les contacts continus avec
des collègues de travail lui fournissent la motivation de se
perfectionner dans la langue du pays d'accueil ainsi que les conditions
concrètes d'un apprentissage linguistique continu et durable.
L'accès à l'emploi constitue une condition essentielle
à l'intégration sociale et psychologique. Quelle immigrante en
recherche d'emploi peut être intéressée à jouer un
rôle actif dans un comité d'école? Quelle est la
probabilité de se faire des amis parmi les Québécois de
souche, si on n'a même pas un milieu de travail? A-t-on songé
à l'humiliation que peut ressentir un immigrant obligé de
solliciter de l'aide sociale?
Par ailleurs, nous regrettons que les auteurs du document se contentent
d'un constat passif du fait que l'intégration se fait à des
rythmes différents et qu'elle est avant tout matière d'individus,
à la page 46. Nous croyons qu'une telle position traduit un certain
fatalisme. Nous nous attendions à trouver dans cet énoncé
de politique une analyse serrée des facteurs psychologiques et sociaux
susceptibles d'expliquer ces différents rythmes. Une telle analyse
aurait permis d'identifier des domaines dans lesquels l'intervention
gouvernementale pourrait contribuer directement ou indirectement à
éliminer un certain nombre d'obstacles à l'intégration des
immigrants.
Accroître l'accessibilité et la qualité des services
d'apprentissage du français. En tant qu'organisme dispensant des cours
de français aux immigrants et immigrantes, nous sommes pleinement
d'accord avec la nécessité de renforcer et de diversifier les
services d'apprentissage du français et d'intensifier le
développement pédagogique. Ces services doivent être
beaucoup plus accessibles, notamment aux femmes. L'ap- prentissage d'une langue
seconde est complexe et pose des difficultés variées, selon les
liens particuliers entre la langue maternelle et la langue seconde. C'est
pourquoi un enseignement uniforme du français à des immigrants de
différentes langues comporte une efficacité forcément
limitée. L'enseignement du français peut être
considérablement amélioré lorsqu'il prend appui sur les
acquis linguistiques dans la langue maternelle. C'est pourquoi nous croyons que
les membres des communautés culturelles déjà
intégrés au Québec et maîtrisant bien le
français devraient être associés très
étroitement à l'organisation des programmes de francisation, afin
d'offrir des conditions d'apprentissage linguistique qui tiennent compte des
caractéristiques de la langue d'origine.
Bon. Assurer l'accueil des nouveaux arrivants et soutenir leur
première insertion socio-économique. Je pense que c'est un des
points qui a été le plus important parce que, au cours de
l'année 1989-1990, notre organisme a mis sur pied, suite à une
étude de faisabilité, un projet d'intégration
professionnelle pour les femmes immigrantes de la région de l'Estrie.
C'était un projet financé par Emploi et Immigration Canada, qui
nous a permis d'intégrer sur le marché du travail 15 femmes
immigrantes de 12 pays différents. Alors, on aimerait faire état
des résultats obtenus, sauf que vu que c'est un petit peu long, je pense
que ça a été un grand pas pour nous. (20 h 15)
II y a 10 femmes immigrantes qui travaillent aujourd'hui dans les divers
milieux hospitaliers de Sherbrooke et elles sont en train de s'intégrer
dans le milieu. Ça a été la meilleure preuve et la
meilleure efficacité qu'on puisse trouver. Maintenant, elles se
débrouillent pour apprendre la langue, elles peuvent participer à
différents niveaux. Les résultats obtenus démontrent bien
que des projets novateurs comme celui-là peuvent favoriser le
développement du marché du travail tout en offrant à nos
femmes et aux organismes féminins la chance de développer de
nouvelles compétences et d'essayer d'utiliser des moyens originaux de
s'attaquer aux problèmes d'emploi particuliers auxquels sont
confrontées les femmes immigrantes.
Favoriser la régionalisation de l'immigration dans une
perspective de développement régional. Alors, les
différentes mesures prévues pour favoriser la
régionalisation de l'immigration sont fort louables, mais nous croyons
qu'elles ne tiennent pas compte suffisamment de la problématique
spécifique de l'emploi en régions. Nous aurions souhaité
trouver dans le document une analyse approfondie de ces difficultés
auxquelles nous avons été souvent confrontés et qui
expliquent, au moins partiellement, pourquoi seulement une faible proportion
d'immigrants s'établit en régions de façon permanente.
Dans le cadre restreint de notre mémoire,
nous aimerions surtout souligner l'importance du phénomène
de la discrimination institutionnelle ou systémique comme obstable
à l'intégration des immigrants au marché du travail. Selon
notre expérience, les institutions et organismes de la région
sont peu sensibilisés à cette question et, par conséquent,
sont mal outillés pour prendre les mesures nécessaires pour
contrer le phénomène. Là rareté et la
précarité des emplois en régions,
l'homogénéité culturelle relative de la population,
l'absence de traditions diversifiées en matière d'accueil et
d'intégration des immigrants, l'absence de débats publics sur les
questions relatives à l'immigration et, enfin, la
sous-représentation des Néo-Québécois dans les
postes décisionnels sont autant de facteurs susceptibles
d'accroître l'incidence de la discrimination systémique qui risque
de rendre inopérantes plusieurs des mesures prévues dans
l'énoncé de politique.
La formation interculturelle des intervenants. Globablement, nous sommes
en accord avec les mesures visant à favoriser la formation
interculturelle des intervenants. Nous aimerions cependant souligner la
nécessité de demeurer vigilant dans ce domaine fortement
marqué par des courants idéologiques et pouvant facilement donner
lieu à des pratiques pédagogiques ambiguës, pouvant aller
à l'encontre des effets recherchés. Ainsi, par exemple, la
conscience des intervenants de tenir compte des caractéristiques de la
clientèle immigrante peut donner lieu dans certains cas à des
interventions de type paternaliste ou subtilement ethnocentriques qui ne
valorisent pas la prise en charge et l'autonomie des immigrants et les privent,
par le fait même, de certaines informations cruciales pour l'adaptation
à la société québécoise. Alors, pour
éviter les effets pervers de la formation interculturelle, nous croyons
qu'elle devrait donner lieu à des recherches évaluatives
largement diffusées et que les Néo-Québécois de
différentes origines devraient être associés à la
conception et à l'évaluation des programmes de formation
interculturelle au même titre que les Québécois de
souche.
Enfin, nous aimerions insister sur le fait que la formation
interculturelle est avant tout très étroitement liée
à la capacité des intervenants de se remettre en question et
d'analyser de façon critique des pratiques d'intervention fortement
institutionalisées. Trop souvent, hélas, une telle formation se
situe au niveau des discours qui contribuent à se donner bonne
conscience sans avoir à changer quoi que ce soit dans les pratiques
professionnelles et la structure des rapports interpersonnels et
intercommunautaires.
Alors, je finirai avec quelques recommandations. Je pense qu'on a
laissé nos enfants en garderie. On a fait un long voyage, alors on
aimerait beaucoup quand même que le déplacement en vaille la
peine. Alors, comme je vous l'ai dit au début, si les gens, en plus de
nous écouter, contribuent à ce que ces recommandations puissent
se voir mises à l'action, on aura fait un bon voyage. Alors, les
recommandations. Le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke souhaite que
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration Au Québec pour bâtir ensemble soit
modifié dans le sens des recommandations suivantes: 1. Que les mesures
mises en oeuvre par le gouvernement du Québec pour faciliter le
processus d'intégration des immigrants accordent la priorité
à l'insertion au marché du travail. 2. Que des mesures
précises et vigoureuses soient prises par le gouvernement du
Québec pour contrer la discrimination systémique dont sont
victimes les immigrants, notamment les femmes immigrantes et les membres des
minorités visibles, dans tous les secteurs de la vie sociale, mais plus
spécifiquement dans l'accès à l'emploi. 3. Que le
gouvernement du Québec reconnaisse explicitement les communautés
culturelles et les organismes qui les représentent comme des partenaires
dans les processus d'accueil, d'adaptation et d'intégration de nouveaux
arrivants. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec combatte
vigoureusement la conception prévalant dans certains milieux selon
laquelle les immigrants et les membres des communautés culturelles sont
avant tout des consommateurs de services. On aimerait devenir sujets. 4. Que le
gouvernement du Québec assure un financement substantiel et continu des
organismes non gouvernementaux pluriethniques, en tenant compte de l'importance
du rôle qu'ils jouent dans la prestation de services d'accueil,
d'adaptation et d'intégration des immigrants et des
Québécois des communautés culturelles. Nous souhaitons que
le gouvernement québécois fasse connaître l'apport de ces
organismes à la vie sociale, économique et culturelle du pays. 5.
Que le gouvernement du Québec apporte un soutien technique et financier
dans la collecte et te traitement des données statistiques concernant
les communautés culturelles établies en régions. En effet,
il est nécessaire de se fonder sur des statistiques valides pour
planifier les besoins actuels et futurs des membres des communautés
culturelles. Les organismes pluriethniques et les services aux immigrants
constituent certainement une source précieuse de données, compte
tenu des compétences linguistiques et culturelles de leur personnel.
Alors, les personnes suivantes ont travaillé à la
confection de ce mémoire: Mme Hélène Hensler,
secrétaire du conseil d'administration du Centre pour femmes
immigrantes; Me Jacques Mehu, c'est un homme, car les hommes sont de notre
côté. On lui dit bienvenue. Et puis Nutan Kalevar nous accompagne
ce soir. Elle est membre du conseil d'administration.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
Merci beaucoup. Mme la ministre, pour cinq ou six minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Bas-saletti. Vous comprendrez, M.
le Président, que ça me fait grand plaisir d'accueillir des gens
de ma région, des gens de Sherbrooke qui ont fait tout ce trajet pour
venir justement présenter leur mémoire. Je voudrais, bien
sûr, vous remercier aussi d'avoir pris la peine d'élaborer un
mémoire et de nous faire connaître vos recommandations. Ma
première question, Mme Bassalet-ti, s'adresse à l'une ou l'autre
d'entre vous. Dans votre présentation, vous avez expliqué en quoi
consistait le projet d'intégration professionnelle pour les immigrantes
de l'Estrie que vous avez mis en 1989-1990, et vous avez fait mention de
nombreuses femmes qui sont sur le marché du travail. Pouvez-vous
m'identifier dans quels secteurs d'activité ces personnes se sont
trouvé du travail?
Mme Bassaletti: Pour répondre à la question,
c'était, comme je l'ai dit, dans le cadre d'un projet
subventionné par Emploi et Immigration Canada. On avait
élaboré un projet à partir d'une étude de
marché que le Centre pour femmes avait faite pour savoir quels
étaient les besoins de la région en matière d'emploi.
Alors, une fois qu'on avait déterminé que les besoins de la
précarité d'emploi c'était au niveau des restaurants, des
caissières et des préposées aux malades, on a vu qu'il y
avait des précarités d'emplois parce que les emplois
étaient très mal payés, comme dans le secteur des
manufactures de textile. Cependant, dans les hôpitaux, on a vu que les
salaires, quand même, c'était 8 $ et plus et que c'étaient
quand même des tâches dont les exigences n'étaient pas
tellement rigoureuses car ça prenait un secondaire V.
Alors, une fois qu'on eut fait l'étude du marché, le
Centre pour femmes immigrantes a monté un plan de formation en tenant
compte du profil des femmes immigrantes pour venir répondre aussi aux
besoins du marché de l'emploi. Alors, ce plan de formation a tenu compte
de trois choses très importantes. D'abord, la capacité
linguistique, parce qu'il fallait préparer les femmes immigrantes qui
n'étaient pas très soutenues du point de vue linguistique pour
confronter le marché du travail canadien. Alors, pendant 10 semaines, on
a amélioré la capacité de communiquer en français.
Pendant 20 semaines, on a formé les femmes de manière
théorico-pratique de façon qu'elles puissent connaître les
tâches qu'elles allaient accomplir en tant que préposées
aux malades.
Ensuite de ça, les 10 dernières semaines étaient
consacrées à des stages, parce que sans expérience de
travail on ne peut pas travailler. Alors, finalement, les stages étaient
tellement bien faits... On a eu une difficulté d'abord parce qu'on
était un organisme nouveau do femmes immigrantes, alors c'a
été difficile au début pour trouver des stages. Mais
finalement, à la fin, on a eu 21 places de stages et on avait seulement
15 joueurs à placer. Nos femmes ont travaillé tellement fort,
elles ont développé l'empathie, la dextérité. On a
fait de la supervision. Ça a été vraiment très
dynamique. Et puis, finalement, on a placé toutes nos femmes.
Mme Gagnon-Tremblay: Elles ont conservé leur emploi?
Mme Bassaletti: Jusqu'à aujourd'hui, il y a 10 femmes sur
15 qui sont sur le marché de l'emploi. Il y a 13 femmes qui ont suivi le
projet de principe à la fin. Il y en a deux qui ont dû abandonner
pour des problèmes de santé. Et sur les 13 femmes, il y en a 10
qui travaillent aujourd'hui dans le milieu hospitalier. Elles sont très
contentes. Elles sont en train de connaître le marché du travail
canadien. Elles ont abandonné le bien-être social et je pense que
ça a été un grand pas pour le centre. Je ne sais si Me
Mehu peut compléter.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, comme vous le savez, nous avons
ouvert une direction régionale dans la région de l'Estrie, dans
la région de Sherbrooke. Nous voulons, bien sûr, aussi,
développer différents partenariats, pour être en mesure de
donner les services à la clientèle. Je voudrais savoir: Est-ce
que votre centre de femmes travaille aussi, par exemple, avec les cercles de
fermières ou l'AFEAS, de sorte que l'on puisse parrainer des femmes qui
sont des Québécoises d'origine avec ces nouvelles arrivantes qui,
parfois... Est-ce qu'on a fait ce genre de jumelage? On a aussi une
clientèle de réfugiés. On a une clientèle dans la
région de Sherbrooke. On a une forte proportion de catégories de
réfugiés. Souvent, ces personnes-là ont besoin
d'entraînement, que ce soit, par exemple, au niveau des appareils
ménagers, que ce soit, par exemple, au niveau d'échanges de
nourriture, de budget, des choses comme ça. Est-ce qu'on a pensé,
à un moment donné, à jumeler ces personnes-là pour
les parrainer et faire en sorte qu'il y ait des liens qui se créent,
pour vous aider justement à relever ce défi?
Mme Bassaletti: Bon. D'abord, nous autres, le parrainage ou le
marrainage... On aimerait plutôt être autonomes. C'est certain,
dans la question que vous nous posez, qu'il y a des actions concrètes
qui se font dans notre organisme. On a des ateliers d'éducation
interculturelle dans lesquels on invite divers organismes qui existent dans la
région, qui peuvent aider beaucoup les femmes immigrantes dans le
processus d'intégration. Par exemple, on fait des conférences sur
l'aide juridique: Quels sont les services que les femmes immigrantes peuvent
avoir? On lail des conférences, par exemple,
pour remplir les feuilles d'impôt. On fait souvent des ateliers.
À toutes les fins de mois, on fait des ateliers interculturels où
les Québécois de souche sont invités aussi. Mais comme je
vous le dis, il reste que la principale préoccupation de la femme
immigrante en régions, c'est l'emploi. Parce que c'est bien d'être
à côté de quelqu'un, d'être parrainé,
marraine, mais ce qui est intéressant, c'est de devenir autonome
financièrement. Une fois que les gens deviennent autonomes
financièrement, c'est à ce moment-là seulement qu'ils ont
le goût de partager, d'être avec d'autres gens d'ici.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Naturellement, c'est bien. Je pense que
l'action que vous faites est une bonne action. Mais c'est toujours bien aussi,
on essaie toujours, et je pense que c'est l'un des objectifs de notre
énoncé de politique, de jumeler davantage ces nouvelles
arrivantes ou ces nouveaux arrivants avec la société d'accueil.
Bien sûr, aussi, des Québécois des communautés
culturelles font partie de cette société d'accueil. Mais ce n'est
pas mauvais parfois d'y aller carrément en impliquant des
Québécois d'origine, ne serait-ce que pour les sensibiliser
à l'importance du rôle qu'ils ont à jouer.
Mme Bassaletti: Je pense qu'on a fait un grand pas. Le centre,
depuis longtemps, milite avec d'autres groupes de femmes parce que la situation
des femmes est assez précaire, pas seulement pour les femmes
immigrantes, sauf que c'est plus évident pour nous en plus parce qu'il y
a un nouveau milieu de vie à connaître, des nouvelles valeurs, la
langue intégrée et l'emploi intégré. Je pense que,
malheureusement, dans la région, on est dans une situation de
minorité. Alors, c'est très difficile de trouver des attitudes
pas seulement ethnocentristes, mais aussi anthropologiques. C'est-à-dire
qu'on a beaucoup de risques a faire passer nos idées quand on est
vraiment dans une situation de minorité.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais faire
ça vite parce que, malheureusement, on n'a pas grand temps. Je veux vous
remercier et vous dire que je considère que votre mémoire,
même si on n'a pas grand temps, répond à une foule de
questions des membres de la commission parce que, depuis le matin, un des
sujets importants qu'on traite ici et qu'on essaie de solutionner, c'est la
régionalisation des nouveaux Québécois. On se pose des
questions entre nous et on en a posé à des gens qui sont des
maires, des gens des commissions scolaires, de tous les groupes, mais vous
êtes en train de répondre, vous, par votre expérience.
Finalement, qu'est-ce qui fait que des immigrantes et des immigrants vont
choisir de devenir des Québécois vivant en régions? Je
vous écoutais attentivement lors de la lecture de votre mémoire.
Si je le prenais presquement page par page, à partir de 6, en tout cas,
je me rends compte que les gens vont choisir d'aller en régions à
la condition qu'ils aient de l'emploi. Et tout est basé
là-dessus. En page 6, on parle d'emploi; en page 7, on va même en
disant: "Selon nous, l'accès à l'emploi est le pivot de
l'intégration." Et on demande de meilleurs apprentissages du
français pour être mieux intégré au marché du
travail, pour pouvoir être plus autonome. (20 h 30)
Donc, si je comprends bien, finalement, tout le fil conducteur de votre
mémoire et du message que vous voulez nous passer, c'est que les
nouveaux Québécois et les nouvelles Québécoises qui
vont venir sont prêts à aller en régions, pour autant que
les régions soient capables de leur fournir ce qui est l'essentiel,
c'est-à-dire l'emploi, et le reste, évidemment, qui est connexe
à ça, c'est-à-dire des services, un bon enseignement du
français et qu'on puisse être bien intégré. Et vous
répondez, encore d'une façon plus spécifique, quels moyens
on doit prendre, par le premier paragraphe de la page 10, où vous donnez
toute une série de mesures. Vous les donnez à la négative,
d'une certaine façon, en disant que: II n'y a pas ça, ça
rend compliqué, mais s'il y avait ça, c'est qu'on a
réglé les problèmes. C'est-à-dire dire que vous
nous passez un message que je trouve très important par rapport à
fa volonté de permettre la régionalisation des nouveaux venus. Je
le trouve important et je voulais vous passer le message parce que, par rapport
à tout ce dont on a discuté aujourd'hui, j'ai l'impression que
vous êtes en train de répondre sans avoir été
présente, ici, durant les débats qui vous ont
précédée.
J'aurais une ou deux questions, très rapidement, et je vais vous
poser les deux. Ça vous donnera le temps d'élaborer. La
première, c'est un peu personnel. Je vous la pose: Si ceux et celles qui
viennent choisissent un endroit pour avoir un emploi, est-ce que, en ce qui
vous concerne, vous avez choisi Sherbrooke parce que vous voyiez une chance de
placement de travail et d'avancement professionnel dans votre cas? Et l'autre
question que je vous pose tout de suite... C'est sûr qu'on parle de
services, on parle aussi de problèmes vécus par les femmes
immigrantes, que ce soit dans le milieu du travail ou dans toutes sortes
d'autres domaines, dont le social. Et moi, pour avoir rencontré bien des
gens à Montréal, dans le domaine de l'habitation, je sais qu'il y
a beaucoup de harcèlement et, finalement, de décisions qui sont
prises qui sont contre la charte des... finalement, qui sont
dénoncées. Est-ce que - et je pense que non mais je vous le
demande - en régions, vous vivez ces mêmes problèmes au
niveau du logement et de l'habitation que plusieurs de vos concitoyennes
vivent
dans la métropole?
Le Président (M. Doyon): Mme Bassaletti ou... Vous
êtes madame?
Mme Bassaletti: Oui, je peux répondre si vous voulez.
Le Président (M. Doyon): Comme vous voudrez.
Mme Bassaletti: O.K. Allez.
Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous voulez vous
identifier, s'il vous plaît?
Mme Hensler (Hélène): Oui. Hélène
Hensler. Moi, je n'ai pas vraiment de statistiques sur le
phénomène de refus de logement. Il existait certainement il y a
15 ou 20 ans. Maintenant, actuellement, je pense que le taux d'inoccupation de
logements, à Sherbrooke, en est un des plus élevés du
Québec. Alors, probablement que le phénomène a moins
d'incidence. Je ne sais pas si Teresa a entendu parler de personnes qui se sont
plaintes de s'être vu refuser des logements.
Mme Bassaletti: À partir de notre expérience, je
pense que Me Mehu a aidé - justement, ça fait deux ans - une
femme salvadorienne et monoparentale, avec quatre enfants, qui avait des
problèmes, justement, pour se loger parce que les propriétaires
trouvaient qu'ils faisaient trop de bruit. Mais une fois qu'elle eut
déménagé, les propriétaires ne trouvaient pas
seulement qu'ils faisaient trop de bruit mais que les enfants
dérangeaient trop. Les enfants descendaient les escaliers, puis les
enfants montaient les escaliers. Finalement, ça a été
très dérangeant, surtout pour les familles des communautés
culturelles parce qu'elles sont très nombreuses. Alors, je ne sais pas
si Me Mehu pourrait élaborer plus, mais je pense que la
problématique se vit tout le long de la province parce que, au niveau
social, de l'intégration, de logement, de harcèlement... C'est
vraiment problématique pour les femmes immigrantes parce qu'il y a des
coutumes et des valeurs très différentes à casser avant de
s'intégrer. On sait qu'il y a une sous-représentation, par
exemple, au niveau du Québec car 22 % des femmes immigrantes font du
travail de manufacture et de textile pour moins de 6 % de femmes
québécoises qui font ce travail-là. On sait que le secteur
des manufactures, c'est la place où on offre les conditions de travail
et de salaire les plus précaires. Moi, j'ai déjà
travaillé dans les manufactures et je sais ce que c'est. Pendant huit
mois, j'ai dû me battre dans des conditions salariales terribles. Je ne
pouvais pas pratiquer mon français parce que c'est l'italien ou le
portugais que tu pouvais apprendre, mais ce n'était pas du tout le
français. La seule personne québécoise que j'ai
trouvée là-bas, c'était la présidente du syndicat.
Alors, je sais qu'au niveau des logements, j'ai vécu des
problèmes, pas personnellement, mais plusieurs de nos femmes ont eu des
problèmes à se loger. On sait qu'à Sherbrooke, à un
moment donné, l'année passée, il y a eu une rencontre en
dehors de la bibliothèque municipale, justement c'était la
Journée de la discrimination, et puis cette journée-là n'a
pas pu avoir lieu parce que les gens qui allaient faire cette
manifestation-là ont été chassés des lieux. On sait
que beaucoup de membres des communautés culturelles, des fois, quand ils
appartiennent aux minorités visibles, ils se font aider par une
Québécoise pour visiter le logement et, après ça,
ils signent le contrat.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le
député, une dernière question peut-être.
M. Paré: Une dernière question. Bien, ça va
être un commentaire pour vous remercier, étant donné que
les échanges sont très courts, et pour vous dire que moi, je suis
d'accord, en tout cas, qu'on étudie sérieusement vos
recommandations, mais la recommandation 4. Parce que même s'il y a des
services gouvernementaux et même si on les étend en
régions, il ne faudra pas oublier que des organismes où les gens
se regroupent et s'identifient plus facilement vont être capables de
rendre probablement un meilleur service aux nouveaux et aux nouvelles
arrivantes. Qu'on pense à la Régie du logement, les gens n'y
iront probablement pas, premièrement, parce qu'ils ont moins de bureaux
et, ensuite, ça coûte quelque chose pour y aller, et surtout que
les gens vont voir ça comme une institution juridique, alors que si
c'est un groupe, comme vous dites, pluriethnique ou communautaire, les gens ont
déjà une attirance, une sympathie, ils se sentent plus
écoutés. Moi, je pense que si on veut l'implantation d'une
politique d'intégration et d'immigration régionalisée, il
va falloir que dans les régions, les gens retrouvent ce genre
d'organisme qui est plus près d'eux parce que plus souvent qu'autrement
- et vous en êtes la preuve - les gens qui sont responsables de ces
groupes-là ont vécu ces problèmes et sont capables de les
comprendre et de les aider davantage.
Alors, je vous remercie beaucoup de la présentation de votre
mémoire. Vous êtes un exemple que l'immigration, c'est possible
aussi dans les régions du Québec.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, moi aussi, je veux vous
remercier. Je dois vous dire que nous sommes actuellement à
réévaluer l'ensemble de nos programmes de subventions, parce que
nous croyons que nous pouvons peut-être encore faire mieux avec ce que
nous avons,
tout en y ajoutant aussi en plus. Je dois vous dire que les programmes
de subventions devront répondre dorénavant aux objectifs qu'on
s'est fixés dans notre énoncé de politique.
Bien sûr que cette année, étant donné que
nous récupérons aussi certains programmes du gouvernement
fédéral, en vertu de l'entente que nous avons signée en
février dernier, nous maintiendrons nos programmes de subventions tels
quels cette année pour les améliorer, et les modifier à
compter de 1992,1992-1993.
Alors, écoutez, bien sûr que le temps passe tellement
rapidement. On aura probablement l'occasion d'en discuter plus en profondeur
peut-être en régions. Je vous remercie. Je trouve ça tout
à fait intéressant. Votre réflexion est
intéressante et, bien sûr, je vous souhaite un bon voyage de
retour.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
merci beaucoup au Centre pour femmes immigrantes de votre présentation
et votre présence ici parmi nous, au nom des membres de la commission.
Je vous permettrais maintenant de vous retirer pour permettre aux intervenants
suivants de prendre votre place. Merci beaucoup, bonsoir.
À l'ordre, s'il vous plaît! L'intervenant suivant
prévu à notre ordre du jour est M. Donald L'Espérance. Je
ne le vois pas dans la salle, il est peut-être absent. De toute
façon, nous allons procéder, avec l'accord de la commission, s'il
y a un consentement à entendre le Réseau d'action et
d'information pour les femmes. J'invite ses représentants à
s'avancer et à prendre place à la table de nos invités.
Leur souhaitant la bienvenue, je les invite à procéder à
la présentation de leur groupe, des membres qui le composent.
Après ça, nous allons passer environ une heure ensemble: une
vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire... Les
règles habituelles que vous connaissez bien et que je ne
répète pas. Nous vous écoutons.
Réseau d'action et d'information pour les
femmes
Mme Dolment (Marcelle): Je vous présente celle qui
présente le mémoire, Micheline Lavoie, qui est responsable du
mémoire.
Le Président (M. Doyon): À votre droite?
Mme Dolment: À ma droite, oui, Micheline Lavoie.
Mme Lavoie (Micheline): Bonsoir.
Mme Dolment: Micheline Therrien, qui a participé au
comité de rédaction aussi.
Mme Therrien (Micheline): Bonsoir.
Mme Dolment: Et Lily Audet. Ce sont toutes des personnes qui ont
discuté sur le fond du mémoire que nous présentons.
Le Président (M. Doyon): Et vous êtes?
Mme Dolment: Je m'excuse, Marcelle Dolment...
Le Président (M. Doyon): Pour fins d'enregistrement de
nos...
Mme Dolment: Bien sûr.
Le Président (M. Doyon):
...délibérations.
Mme Dolment: Oui, parce que ce n'est peut-être pas la
première fois que vous me voyez, mais enfin. Marcelle Dolment, du
Réseau d'action et d'information pour les femmes.
Le Président (M. Doyon): Je ne transcris pas...
Mme Dolment: Nous sommes très heureuses de revoir Mme
Gagnon-Tremblay. Si on pouvait avoir deux ministres à la Condition
féminine, ce serait l'idéal. Ha, ha, ha! Pour ne pas vous avoir
perdue. Je voudrais en profiter quand même pour vous remercier de tout ce
que vous avez fait pour les femmes. C'a été extraordinaire, tout
ce que vous nous avez apporté et le dynamisme que vous nous avez
apporté. Ça nous aura donné un peu confiance.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, vous êtes gentille.
Mme Lavoie: Alors, je peux commencer? Le Président (M.
Doyon): Oui, allez.
Mme Lavoie: Le Réseau d'action et d'information pour les
femmes, le RAIF, organisme préoccupé par l'évolution de
notre société québécoise, s'est vivement
intéressé à la politique gouvernementale sur l'immigration
et l'intégration des communautés culturelles. Il
s'intéresse surtout à la place que doit y prendre
l'égalité des sexes comme valeur de base de notre
société dont il faut défendre les acquis qui pourraient
être menacés par l'immigration de cultures provenant de pays
où la femme est considérée et traitée en
inférieure. Par ailleurs, le RAIF estime que l'égalité des
sexes pourrait être un moyen puissant d'unification de notre
société et d'attrait pour les autres, ceux et celles qui
recherchent une société juste. C'est ce qu'a relaté le
journaliste Jean V. Dufresne à la radio d'État: Bien que
détenant un poste important en Afrique du Nord, un père de
famille a décidé d'émigrer au Québec. Pourquoi?
À cause des lois sur l'égalité des femmes et de leurs
conditions de
vie. Il ne voulait pas élever ses filles dans un pays qui leur
refusait les plus élémentaires droits et libertés de la
personne.
Contrat moral. Le RAIF est heureux de l'orientation de la politique sur
l'immigration et l'intégration définie dans
l'énoncé de la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, Mme Monique Gagnon-Tremblay. On insiste dès le
départ sur le contrat moral qu'implique l'immigration de nouveaux
arrivants et de nouvelles arrivantes et sur les acquis de la tradition
démocratique québécoise que les Québécois de
toute origine doivent pouvoir s'approprier. Que le gouvernement se rende compte
que l'immigration doit se faire en fonction des capacités
économiques d'absorption du Québec nous rassure. On devrait y
ajouter en fonction de ses capacités socio-culturelles d'absorption. Le
gouvernement rappelle avec à-propos que l'intégration se joue
à deux. C'est aussi la ligne de pensée du RAIF qu'il aimerait
développer ici et compléter.
L'énoncé de politique. Quelques réserves cependant.
L'unilinguisme masculin du document gouvernemental nous a
étonnées. Les femmes sont oblitérées,
voilées dans tant de cultures dont certaines et certains membres
émigrent ici que c'est un bien mauvais exemple que l'on donne en
escamotant 52 % de la population québécoise dans le langage,
malgré tous les efforts faits depuis 20 ans pour corriger cette
rédaction des textes discriminatoire, malgré les prises de
position de l'Office de la langue française, de la Commission des droits
de la personne, du Conseil du statut de la femme, de Radio-Canada, de la
Chambre de commerce et de nombre d'autres organismes. (20 h 45)
Autre déception. La conclusion de l'énoncé sous le
titre "L'enrichissement à notre portée", page 87, limite les
objectifs pour assurer l'avenir du Québec au redressement
économique, à la pérennité du fait français
et de l'ouverture sur le monde. Il y manque une composante, l'évolution
sociale. Cet axe de notre vie collective est aussi, sinon plus important que
l'économie et la langue. L'ouverture sur le monde, c'est bien, mais sur
quel monde? Ouverture n'est pas équivalent de progrès et
d'évolution. Pour nous, les choix de société qui fondent
le Québec doivent être ceux qui permettent d'accroître son
potentiel économique et intellectuel, sa culture et d'instaurer plus de
justice et d'égalité, surtout celle des sexes. Il faut se
préoccuper autant de sexisme que de racisme qui a trop souvent tendance
à occulter le premier.
Aussi on ne doit pas craindre d'aborder directement les problèmes
liés à l'immigration, car il y en a. Une approche trop
feutrée comme nous a paru être celle de l'énoncé
n'aide pas à l'amélioration des relations entre population
d'accueil et population immigrante car on risque ainsi de laisser pourrir les
problèmes plutôt que de les solutionner puisqu'on ne les identifie
pas.
Notre présent et notre avenir en seront affectés,
l'immigration les influençant fortement.
La société québécoise. Cependant, selon le
RAIF, il serait temps de nous redéfinir et de sortir du cadre
étroit d'une identité qui se réduirait à son
appartenance à tel ou tel groupe linguistique. La
spécificité québécoise, c'est en premier lieu sa
géographie qui est son berceau. Ses racines, elles sont,
premièrement, autochtones; deuxièmement, francophones;
troisièmement, anglophones et, quatrièmement, de plus en plus
allophones.
Le peuple est souverain et les classes n'existent pour ainsi dire pas
et, quand elles se dessinent, elles sont tout ce qu'il y a de plus mobile. La
recherche de liberté et d'égalité est continue. Les femmes
jouent dans la collectivité un rôle important qui s'accentue sans
cesse sur tous les plans.
Le Québec a prouvé qu'il était ouvert aux nouvelles
idées comme aux nouveaux apports démographiques à
l'extérieur, en autant qu'on n'adopte pas envers nous des comportements
arrogants, ce qui a malheureusement été quelquefois le cas.
Mais il est clair que les vagues d'immigrants et d'immigrantes
successives modifieront considérablement le visage du Québec dans
quelques décennies, ce qui ne trouble nullement le RAIF qui y voit
plutôt un défi intéressant s'il est bien relevé et
s'il est bien géré.
L'immigration, richesse et exemple. En effet, l'apport de l'immigration
est une source d'enrichissement pour notre société.
L'expérience nous démontre que les connaissances, le dynamisme et
la vaillance dont font preuve les personnes des autres ethnies sont un acquis
positif. Cette population a un taux de chômage moins élevé
que celui de la population native, et ceci, après seulement 10 ans de
vie au Québec. La solidarité dont ils font preuve entre eux est
impressionnante, de même que leur capacité de travail.
Il faut reconnaître les efforts d'intégration des
immigrants et immigrantes au marché du travail ou encore leur
volonté de se créer des emplois dans de multiples entreprises,
eux qui arrivent souvent au pays avec presque rien en poche. Ce qu'ils ont, ils
l'ont mérité. Nous devrions tendre à intégrer
toutes ces qualités. L'intégration peut se faire dans les deux
sens. Mais le fondement de la société québécoise
moderne, les principes qui la structurent et la dirigent contenus dans la
Charte des droits et libertés de la personne doivent, eux, demeurer
inaltérables. Toutes les autres contingences, toutes les politiques
doivent être en accord avec ces règles de vie
québécoises. Mais si la politique d'intégration n'est pas
éclairée, cet équilibre peut être bouleversé
et faire subir un recul aux luttes que les femmes et les hommes du
Québec ont menées depuis tant d'années pour en faire un
pays où l'égalité soit de plus en plus
réalité.
L'égalité des sexes, fondement de la
société.
C'est pourquoi nous recommandons qu'un choix judicieux soit fait des
candidates et candidats à l'immigration afin de préserver les
acquis de cette lutte. Nous nous expliquons. Il faudrait privilégier et
accorder des points lors de l'évaluation des candidates et des candidats
à l'immigration pour l'ouverture d'esprit envers l'égalité
de principe et concrète des femmes avec les hommes, comme on veut
désormais en accorder pour l'adaptabilité professionnelle sur
laquelle l'énoncé insiste avec raison. L'adaptabilité
sociale est tout aussi importante pour l'avenir pacifique et qualitatif du
Québec car l'acceptation de l'égalité est certainement un
critère critique pour s'adapter au Québec et pour s'entendre
entre les diverses générations d'immigrantes et d'immigrants.
N'accorde-t-on pas des points pour le leadership, qualité plus ou moins
pertinente pour s'établir ici alors que l'acceptation de
l'égalité des femmes est fondamentale?
Cette prise de position ferme et claire envers l'égalité
des sexes, valorisée par plus d'hommes immigrants qu'on ne le croit,
même quand ils viennent de cultures réfractaires à ce
principe, aura plusieurs avantages: faire comprendre l'importance de bien
traiter les femmes dans des pays où on ne peut modifier ces
comportements de l'extérieur, donner une excellente image de notre pays,
transmettre dès le départ des indications sur notre mode de vie,
ce qui facilitera ensuite aux immigrantes et immigrants leur adaptation
à leur nouvelle culture et, surtout, éviter de modifier à
long terme la composition de la population avec des éléments
susceptibles d'inférioriser les Québécoises qui commencent
à s'en sortir. Nous ne saurions trop insister sur cet aspect de la
politique d'immigration. Comme pour les naissances, ce n'est pas tant la
quantité qu'il faut privilégier, mais la qualité. Ainsi on
répondra aux objectifs de la politique d'immigration et
d'intégration énoncés en page 17: "Leur degré de
participation - des immigrants et immigrantes et de leurs descendantes et
descendants - aux divers volets de la société constitue donc le
principal indicateur de leur degré d'intégration" et "il -
l'immigrant ou l'immigrante - est également en droit de s'attendre que
la collectivité d'accueil lui permette, comme à l'ensemble des
Québécois, de participer à la définition des
grandes orientations de notre société." C'est pourquoi nous
sommes en faveur de ce contrat moral dont parle l'énoncé et que
devra respecter toute personne désireuse de s'établir ici.
Préalables à l'immigration. Les femmes et les hommes qui
veulent immigrer devront être renseignés sur nos lois concernant
l'égalité des sexes et être prêts à les
respecter dans leur vie quotidienne, dans leurs pratiques religieuses et dans
l'exercice de leurs diverses fonctions et tenir compte des coutumes de leur
pays d'adoption. Ils devront savoir, après en avoir été
informés avant de venir s'établir au Québec, que les
femmes ont des droits et parmi ces droits, en tout premier lieu, celui de ne
pas être violentées, celui d'avoir accès à
l'éducation et à la formation, à la liberté de
parole et de mouvement, égalité de responsabilité dans les
décisions concernant les enfants et au partage des biens familiaux en
cas de rupture, à l'administration indépendante de leurs propres
biens. En somme, mêmes droits et devoirs pour les femmes que pour les
hommes. Il nous semble qu'on n'insiste pas assez sur ces éléments
dans la préparation à l'immigration dans les pays d'origine. Nous
suggérons donc que des personnes-ressources, des fonctionnaires, des
organismes en place dans ces pays et ici même, au Québec, que les
consultants et spécialement le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration se donnent comme mandat de bien faire
connaître aux futurs immigrants et immigrantes les lois auxquelles ils et
elles devront se conformer et les obligations qu'ils endossent à ce
chapitre. Pour ce faire, il faudra voir à ce que la formation des agents
et agentes d'information soit adéquate. Des réunions de groupes
pourront être organisées dans les pays d'origine avec les
candidats et candidates à l'immigration afin de les renseigner
adéquatement et de mettre en commun les questions que ces personnes
peuvent se poser sur notre pays et sur notre mode de vie.
Moyens pour faciliter l'intégration. Relais d'information. On
sait que certains immigrants et immigrantes sont parrainés ou marraines.
Ceux-ci devraient se faire un devoir de renseigner leurs protégés
sur ces questions. Cette sensibilisation soit aussi s'étendre aux
immigrants et immigrantes de deuxième et troisième
générations que l'énoncé de politique dit vouloir
rejoindre. Trop de femmes établies ici depuis longtemps vivent en marge
de la société québécoise parce que leur culture les
confine à la maison. Il ne semble pas qu'on se soit attaché
à contourner cet obstacle.
Les organismes d'immigrantes sont sans doute les mieux placés
pour aider à libérer ces femmes de cet aspect de leur culture.
Les écoles peuvent aussi les rejoindre via les enfants.
Le français comme mode d'information. Puisque des cours sont
offerts aux immigrantes et aux immigrants, ce que le RAI F encourage
totalement, pourquoi ne pas en profiter pour les informer sur ce qu'est notre
société, la Charte des droits, les droits de la famille, les
normes du travail, etc., dans les textes mêmes des cours, par exemple:
dictées, textes de compréhension, traductions? Nous ferions ainsi
d'une pierre deux coups. Les leçons de français gagneraient en
intérêt. Il serait aussi important de prévoir pour les
femmes qui ne peuvent se déplacer, soit à cause de jeunes enfants
dont elles ont la charge, soit à cause de leur âge, pour les
grands-parents, des cours télévisés, car la connaissance
de la langue est avec l'ouverture d'esprit et l'acceptation de
l'égalité des femmes le facteur le plus
important pour l'intégration.
La religion, une barrière à l'intégration de nos
immigrants et immigrantes.
Le Président (M. Doyon): Encore quelques minutes, madame.
Je vous signale qu'il reste trois ou quatre minutes à votre
présentation.
Mme Lavoie: II faudra bien faire comprendre que la religion n'est
pas au-dessus de la Charte québécoise et des lois. Le RAIF est
d'avis qu'il serait opportun de choisir des gens qui n'ont pas une approche
intégriste de la religion car, trop souvent, la religion est une
barrière à l'intégration. Certains signes
extérieurs sont assez éloquents à ce sujet. Par exemple,
le port du voile pour les femmes. La femme voilée affiche qu'elle n'est
pas l'égale de l'homme puisque lui n'a pas à se cacher, le port
du poignard pour les Sikhs, objet de violence en soi. Imagine-t-on la
difficulté qu'un jeune aurait de se faire inviter par des
Québécois d'origine ainsi armé? Le port du turban dans la
GRC. Il devrait pourtant sauter aux yeux que l'uniforme d'un ou d'une
représentante de l'autorité devrait être neutre. Comment
une femme peut-elle faire confiance à un agent qui annonce ainsi que ses
croyances passent avant son appartenance aux forces de l'ordre quand on sait
à quel point certaines religions dans la religion sikh
infériorisent les femmes et les malmènent? Serons-nous
témoins du même manque de jugement à la Sûreté
du Québec dans un avenir rapproché?
Soulignons que nous ne rejetons pas la différence mais uniquement
les éléments qui sont à réprouver comme ceux
mentionnés plus haut.
Mme Dolment: Pratiques interdites. De plus, nous nous opposons
totalement à toute pratique mutilante telle que la clitorectomie. Cette
pratique devrait être interdite et criminalisée sans délai
avant que trop de jeunes immigrantes ne soient mutilées. On sait ce qui
s'est passé en France où des médecins exécutaient
la mutilation chirurgicale pour éviter pire, voir l'annexe d'ailleurs
à ce sujet-là, la boucherie sans anes-thésie. Les familles
immigrantes devront s'engager avant de venir au pays à ne pas mutiler
ainsi leurs filles, sinon elles seront sujettes à l'expulsion.
Confessionnalité. De notre côté, il serait bon de
revoir nos politiques au sujet de la confessionnal ité de nos
écoles, d'autant plus que nous savons que par le passé, certaines
ethnies se sont dirigées du côté anglophone, le secteur
francophone étant à peu près uniquement catholique de par
la loi et la Constitution. Nous suggérons donc de retirer de nos
écoles l'enseignement religieux, compte tenu du pluralisme des croyances
ainsi que de la non-croyance qui existent actuellement au Québec.
L'école n'a pas à privilégier telle ou telle
religion. La charte à ce chapitre émet des signes et des articles
absolument illogiques et contradictoires afin de satisfaire tout le monde
politiquement. Une charte cohérente est de plus en plus
nécessaire. L'enseignement religieux doit, comme dans les pays
évolués, être transmis par les Églises ou la
famille, dans leur propre champ d'action, non à l'école. Une
autre barrière à l'intégration des communautés
culturelles serait abolie, voire un autre article sur la question de
l'enseignement du coran, à Brassard.
Les postes. Il est important de permettre aux immigrants et aux
immigrantes l'accès aux emplois de haute direction dans la fonction
publique, mais il faut être vigilant et voir à ce que cette
intégration ne se fasse pas au détriment de l'accès des
femmes à ces mêmes postes. On créerait une discrimination
à rebours et un ressentiment dans la population en négligeant les
femmes.
De plus, ces derniers et ces dernières se doivent, lorsqu'ils ou
lorsqu'elles accèdent à des postes clés, de respecter nos
coutumes, c'est-à-dire apprendre que les rapports ne sont pas aussi
hiérarchisés que dans d'autres pays.
Travailleurs et travailleuses. Pour les emplois intermédiaires du
secteur professionnel ou la main-d'oeuvre générale où se
retrouvent très souvent les femmes immigrantes, une grande vigilance
doit être exercée afin que ces employés ne subissent pas de
harcèlement sexuel qui est trop souvent leur lot, afin qu'elles ne
soient pas sous-payées et afin que les normes minimales de travail
soient respectées, congés divers, congés parentaux, temps
supplémentaire, période de repos, salaire minimum. Des cours de
langue informatifs traitant de ces sujets seront alors très
appropriés.
Il ne faudrait pas que les immigrants et les immigrantes augmentent
encore plus le taux de pauvreté des femmes au Québec.
Une des recommandations de l'énoncé corrigera une des
grandes carences de la protection due à la travailleuse domestique,
l'obligation pour l'employeur de faire signer un contrat stipulant les
conditions et le salaire avant de faire venir une immigrante.
Le logement. On a souvent noté que certains propriétaires
hésitent à louer à des immigrants et immigrantes, surtout
si elles ou ils sont de minorité visible ou louent plus cher, ce qui est
reconnu comme une forme de discrimination. Ces propriétaires se
justifient en prétendant que ce type de locataire n'entretient pas
toujours bien les lieux d'où refus de leur louer ou augmentation du
loyer. Il faudra donc informer les immigrants et les immigrantes des normes
exigées par les propriétaires québécois qui ne sont
pas nécessairement celles de leur pays. On leur évitera ainsi
bien des problèmes.
Tous ces points que nous décrivons sapent le processus
d'intégration ou peuvent susciter le rejet. (21 heures)
Gestion des fonds pour l'immigration: réinvestissement et
remboursement. Les dépenses qu'il faut assumer pour les services qui
sont offerts aux immigrantes et immigrants sont importantes. Il serait donc
équitable de trouver les moyens de les diminuer sans pour autant
réduire les services. La solution, une mesure d'autofinancement.
Premièrement, les entrepreneurs immigrants qui font des profits
devraient être tenus de réinvestir leurs profits au Québec,
du moins pour une portion de ces profits, pendant les premières
années de leur arrivée au pays. Deuxièmement, les
dépenses engendrées par les cours et l'assistance
financière fournie à l'arrivée devraient être
remboursées à l'intérieur d'une période
donnée si les immigrants et immigrantes trouvent un travail qui leur
permet de le faire. Quand la population ici s'instruit avec les prêts et
bourses ou qu'elle reçoit d'autres avantages, elle est tenue à
une forme de cotisation. Le même principe devrait être valable pour
les immigrantes et immigrants. Le ressentiment qu'engendre parfois dans la
population la multiplicité des services et de l'aide fournie aux
nouveaux arrivants et arrivantes diminuerait sans doute de façon
appréciable, ce qui n'exclut pas une certaine forme d'aide sans
remboursement.
Service de perception des pensions alimentaires. On fait état
dans l'énoncé des problèmes qu'éprouvent certaines
immigrantes que leur conjoint a abandonnées sans le sou avec des
enfants. Un véritable service de perception automatique obligatoire et
universel, dont Mme la ministre a souvent entendu parler lorsqu'elle
était à la Condition féminine, avec toute la puissance que
lui accorderait son élargissement pourrait solutionner bien des
défections et diminuer la facture de l'aide accordée à ces
immigrantes et à leurs enfants, tout en leur assurant un meilleur
avenir.
Agriculture. Concernant les immigrants et immigrantes qui
désireraient s'établir sur des terres agricoles, il serait
important d'exiger que les futurs propriétaires aient demeuré au
Québec au moins 24 mois avant d'acquérir une exploitation
agricole, ceci dans le but d'éviter le contrôle étranger
des territoires du Québec.
Mariages blancs et fiancés. Si l'État a accordé
certains privilèges aux couples qui se marient, c'est que cet engagement
formel et soumis à tout un code est considéré comme la
première étape pour l'établissement d'une famille. C'est
pourquoi, au Québec, les homosexuels et les lesbiennes ne peuvent se
marier. Il ne faut donc pas le détourner de son but et s'en servir
à de toutes autres fins qui deviennent injustes pour les autres. Ainsi
des mariages blancs, on a vu plusieurs films là-dessus. Se marier afin
de permettre à un immigrant ou à une immigrante de rentrer au
pays en passant devant les autres et en s'évitant certaines exigences.
Nous demandons au gouvernement de mettre fin à ce com- merce
inacceptable. Il y a aussi danger que des personnes indésirables
s'introduisent au pays par ce moyen relativement facile. De nombreux abus ont
été relevés à ce sujet. Les fiancés - dont
on parle dans l'énoncé de politique - ne font pas encore partie
de la famille. C'est notre culture qui a priorité et non celle du pays
d'origine. Là aussi, il risque d'y avoir des abus. Chaque immigrant ou
immigrante adulte doit être interviewé et accepté selon les
critères réguliers et non parce qu'il ou elle est la
fiancée d'un membre de la famille.
Conjoints et conjointes. Le RAI F a été très
heureux de lire une recommandation d'énoncé qui colle aux
nouvelles réalités. Citation: «Finalement, pour
refléter le rôle que joue la famille dans la rétention des
candidats indépendants et traduire la présence de plus en plus
marquée des conjoints sur le marché du travail, il faudra
davantage tenir compte, lors de la révision de la grille de
sélection, de la présence d'enfants et des
caractéristiques socioprofessionnelles des conjoints.» Nous
soulignons cette partie-là.
Démographie...
Le Président (M. Doyon): Mme Dolment, je me vois dans
l'obligation de vous rappeler que le temps qui vous est alloué est
écoulé. Si vous voulez bien aller vers la conclusion, s'il vous
plaît.
Mme Dolment: II nous reste juste quelques lignes...
Le Président (M. Doyon): Allez-y.
Mme Dolment: ...et j'ai remarqué que les autres avaient eu
cinq minutes de plus, si vous nous le permettez. Est-ce que tout le monde est
d'accord?
Le Président (M. Doyon): C'est le Président qui
décide de ça, madame. Vous pouvez continuer.
Mme Dolment: Merci beaucoup. Surtout que c'est notre
député.
Le Président (M. Doyon): Oui. Allez, madame.
Mme Dolment: Ce n'est pas du favoritisme, là.
Le Président (M. Doyon): Non, non, mais nous vous
écoutons.
M. Dolment: Démographie. Apport québécois ou
extérieur. Le RAI F est conscient des problèmes
démographiques au Québec. Le RAIF a d'ailleurs toujours
préconisé des politiques familiales avantageuses et incitatives
pour les familles québécoises désireuses de mettre au
monde des enfants, mais qui doivent en restreindre le nombre à
cause des obligations financières qu'elles ne peuvent assumer ou
à cause de l'incertitude de l'avenir du couple moderne dont la femme
aura souvent à payer le prix en pauvreté, elle qui aura
généralement à prendre soin de ses enfants s'il y a
rupture.
L'immigration est certes une solution à notre démographie
décroissante, mais ne serait-il pas... Excusez-moi, vous voyez, je
m'étais minutée. L'immigration est certes une solution à
notre démographie décroissante, mais ne serait-il pas plus
raisonnable et logique d'investir tout d'abord dans nos familles
québécoises déjà établies et ainsi
satisfaire le désir de nos jeunes couples d'être parents en les
aidant: garderies, congés parentaux, crédits d'impôt de
personnes mariées ou droit individuel à l'aide sociale afin
qu'elles ne soient pas sans le sou et dépendantes entièrement de
l'autre conjoint?
Les politiques familiales doivent être réalistes et
convenir aux besoins des familles et surtout des femmes, qui sont les
productrices de la société. Nous ne sommes pas les seules
à le préconiser. Le Conseil des affaires sociales l'a
déjà fait et, tout récemment, le Conseil scolaire de
l'île de Montréal reprenait exactement la même argumentation
dans un mémoire assez alarmiste, faisant état de la disparition
en cours de la majorité francophone sur l'île de Montréal.
Citation: "L'immigration, même francophone, n'est pas la solution miracle
pour garantir une vitalité démographique à long terme,
assurer le rajeunissement de la population et garantir la survivance du fait
français", signale le mémoire. "Québec doit aller plus
loin et plus vite avec sa politique familiale", recommande-t-on plutôt.
"Il faut aussi encourager les familles francophones à demeurer sur
l'île de Montréal et en inciter de nouvelles à se joindre
à elles." Le mémoire a été adopté à
l'unanimité, lundi soir, par les 37 commissaires du conseil
représentant les 6 commissions scolaires catholiques et_ les 2
commissions scolaires protestantes de l'île de Montréal. C'est
fort ça. Il sera déposé cette semaine à la
commission parlementaire de la culture qui tient des audiences publiques sur ce
projet de politique d'immigration.
Immigration imprudente. L'énoncé de politique
préconise une augmentation soutenue et réaliste des niveaux
d'immigration dans son plan triennal, à la page 42. Le réalisme
exige que l'on tienne compte de la possibilité d'intégration
à la société québécoise qui ne doit pas
être submergée par une immigration galopante mais qui doit pouvoir
la digérer progressivement. L'intention du gouvernement de retourner
régulièrement devant la population à ce sujet est
nécessaire. Il faudrait aussi éviter les excès de
générosité de l'entente Cullen-Couture qui, par humanisme
économique et désir de prévilégier l'immigration
francophone, a fait venir au pays des personnes qui n'étaient pas
préparées à faire face aux nécessités d'une
bonne insertion dans leur pays d'accueil, n'ayant pas le bagage
nécessaire. Il en est résulté de sérieux
problèmes dont la population du pays d'accueil a eu à souffrir et
a encore à souffrir; je me réfère à certains
articles que La Presse a publiés récemment.
Multiculturalisme. La notion de multiculturalisme
préconisée par le fédéral n'aide en rien
l'intégration des communautés culturelles. Cette conception qui
se voulait accueillante et tolérante ne rencontre pas les aspirations
des immigrants et immigrantes en les rendant à leurs origines alors que
les membres de ces communautés culturelles étaient venus chercher
de nouveaux horizons. Plusieurs s'en sont plaints et plaintes en entrevue. Que
l'on respecte ces ethnies, bien. Mais leur culture doit être secondaire
à celle du pays qu'il ou elle adopte. Pour cela, il faut que le
Québec développe une personnalité forte qui va
au-delà de la langue, une personnalité aux valeurs profondes et
modernes, susceptibles d'attirer les meilleurs éléments des
autres communautés. Le pays doit avoir une âme et réussir
à intégrer harmonieusement les nouveaux arrivants et nouvelles
arrivantes en créant l'unité nécessaire à son
développement. Rien de mieux que la poursuite d'un idéal pour y
arriver, l'idéal de l'évolution de notre société
vers l'égalité des sexes.
Conclusion. Il se peut que la société
québécoise francophone disparaisse un jour car les cultures
naissent et meurent, mais, du moins, les acquis sociaux d'égalité
des sexes que nous aurons réussi à obtenir pourront être
transmis aux autres cultures qui habiteront le Québec et qui
continueront, nous l'espérons, cette évolution sociale importante
entre toutes car elle touche la plus ancienne et la plus profonde des
injustices humaines. Le Québec d'aujourd'hui peut beaucoup pour cette
vision d'avenir et la politique d'immigration et d'intégration en
étant un des lieux privilégiés. Merci pour la
prolongation.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci. Mme la ministre,
pour une quinzaine de minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Alors, merci, mesdames. M. le
Président, je voudrais justement faire part du fait que j'ai eu beaucoup
de plaisir à travailler avec Mme Dolment au cours des quatre
années à la Condition féminine. Je pense que Mme Dolment a
toujours été une défenderesse des droits des femmes et
elle continue encore dans cette veine. Cependant, c'est un dossier qui est fort
différent. C'est un dossier qui est très différent et on
se rend compte qu'on a de plus en plus besoin aussi de cette formation, de
cette éducation interculturelle pour pouvoir échanger davantage.
Donc, dans ce sens-là, je pense qu'aussi bien dans toutes les
régions du Québec, on a un rôle comme gouvernement à
jouer au niveau de l'éducation interculturelle.
Dans votre mémoire, le RAIF, vous deman-
dez qu'on accorde des points pour l'adaptabilité sociale pour les
personnes qui veulent venir s'installer au Québec. Alors, vous aimeriez
que tous ceux et celles qui immigrent chez nous aient une ouverture d'esprit
face à l'égalité, entre autres, entre les hommes et les
femmes, et je comprends votre préoccupation pour avoir oeuvré
dans le domaine. Mais je trouve que, d'une certaine façon, vous placez
très haut la barre en ce qui concerne nos futures concitoyens et
concitoyennes par rapport, entre autres, à nos Québécois
et Québécoises de souche. Vous savez qu'il y a ici, au
Québec - on ne peut pas se le cacher - un certain nombre d'individus qui
sont tout à fait fermés face à l'égalité des
femmes et des hommes. On a aussi de l'éducation à faire ici
même. On sait très bien qu'il y a encore beaucoup de
réticences. Alors, vous imaginez que là on demande aux autres
aussi de faire ia même chose, mais on a aussi dans notre propre milieu
certaines réticences. Là où nous nous rejoignons
cependant, c'est au niveau des informations à donner aux candidats et
aux candidates à l'immigration justement avant qu'ils ou qu'elles ne
fassent le choix de venir s'établir au Québec sur, entre autres,
le statut, bien sûr, de la femme dans notre société. Et
nous sommes à préparer des documents qui vont être remis
à l'étranger aux personnes désireuses de venir
s'installer.
Est-ce que vous avez, d'une part, des suggestions sur les
éléments d'information de base sur la situation des femmes que
les candidats et candidates à l'immigration devraient recevoir? Et,
d'autre part, nous avons beaucoup discuté aussi, entre autres avec le
Conseil du statut de la femme qui nous suggérait la possibilité -
je pense que c'est le Conseil du statut de la femme - d'évaluer
également la conjointe. Vous savez que lorsque le requérant
principal vient pour une entrevue de sélection, nous nous basons sur ce
requérant principal pour l'évaluer, selon notre grille de
sélection, et nous prenons en considération ce requérant
principal et, automatiquement, la conjointe et les enfants sont
acceptés. Bien sûr, il y a par contre des points qui sont
alloués, par exemple, sur la connaissance du français de la part
de la conjointe, mais on n'accorde aucun point, par exemple, ou on ne se
préoccupe pas de l'adaptabilité de la conjointe, que ce sort par
exemple au niveau du marché du travail, alors qu'on sait qu'ici, bon, 60
% ou 70 % de nos femmes sont sur le marché du travail ou seront sur le
marché du travail, parce que deux emplois, aujourd'hui, deux personnes,
les deux conjoints sur le marché du travail, c'est un besoin, c'est une
nécessité, ce n'est pas un luxe, finalement. Dans ce
sens-là, ça crée naturellement... ça peut
créer certains problèmes, parfois, au niveau culturel. Est-ce que
vous seriez portées à ce qu'on se penche davantage sur
l'adaptabilité également de la conjointe, ou uniquement sur le
requérant principal?
Mme Lavoie: Non. Je pense qu'on se pencherait aussi sur la
question de l'adaptabilité de la conjointe aussi parce que, comme on l'a
vu précédemment, le groupe qui nous a
précédées, les femmes sont aussi très
intéressées à intégrer le marché du travail.
Donc, ce serait quelque chose d'important puis d'enrichissant aussi pour nous
d'avoir des femmes qui auraient des capacités de travail, surtout si on
parle de régionalisation. Alors là, ces femmes pourraient aussi
s'intégrer au marché du travail un petit peu partout dans la
province de Québec, pas seulement dans les grands centres. Alors, je
crois qu'il serait important de s'en préoccuper aussi.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'on devrait accorder, par exemple,
autant de points, ou on devrait accorder autant de considération, par
exemple, à cette conjointe qu'au requérant principal, ou
sensiblement la même chose, ou...
Mme Lavoie: Je pense que bien souvent les femmes vont
peut-être demeurer à la maison un petit moment, parce qu'elles ont
de jeunes enfants. Elles n'auront peut-être pas l'intention
d'intégrer le marché du travail maintenant, mais
éventuellement elles auront le désir de l'intégrer et il
faudra qu'elles l'intègrent. À ce moment-là, je crois
qu'il est important d'évaluer la conjointe autant que le
requérant principal.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous... Mme Dolment: Mais
peut-être que... Mme Gagnon-Tremblay: Oui, madame.
Mme Dolment: Ce n'est peut-être pas nécessaire
d'évaluer immédiatement ses connaissances, d'abord la langue...
pas la langue, mais je veux dire ses capacités au point de vue travail,
mais plutôt son tempérament, c'est-à-dire une personne qui
est amorphe ou qui va peut-être être abandonnée plus tard,
parce que c'est à ça que vous avez fait référence
dans votre énoncé de politique. Il y a des femmes qui sont
abandonnées par le conjoint qui a fait venir ou qui vient avec sa femme,
puis là, ça reste à la charge de la société.
Mais il ne faut pas oublier une chose aussi, c'est que si le
libre-échange se fait avec le Mexique, bien des postes qui sont
actuellement occupés par des immigrantes, surtout dans le domaine du
textile, on sait que ça va disparaître. Alors, il ne faudrait pas
calculer, par contre, dans les capacités, dans l'évaluation qu'on
va faire de la conjointe, dire: Oui, elle va pouvoir, elle veut travailler en
manufacture ou elle veut travailler dans ce genre de travail qui va
disparaître éventuellement, dans une dizaine d'années. Je
pense qu'il y a beaucoup de postes que les immigrantes occupent actuellement
qui vont disparaître. Alors, ce qui est important, c'est un peu comme
pour le français,
c'est la possibilité, pas nécessairement qu'elles soient
françaises, mais la possibilité qu'elles puissent apprendre le
français. La même chose, c'est la possibilité que cette
femme-là ait l'air dégourdi ou qu'elle ait l'air autonome.
Évidemment, ce n'est peut-être pas facile à évaluer,
mais ça se voit, quand même, d'une certaine façon. Si on
lui pose des questions: Qu'est-ce que vous allez faire plus tard? Moi, je veux
rester à la maison tout le temps...
Mme Lavoie: Finalement, ce serait son potentiel à
l'intégration éventuelle, même si ce n'est pas dès
le moment où elle va arriver ici, au Québec.
Mme Gagnon-Tremblay: À une intégration
économique.
Mme Lavoie: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: I riez-vous jusqu'à dire que si, par
exemple, la conjointe, bon, ne donnait pas des signes d'une intégration
économique réussie, que ça pourrait aller jusqu'à
renoncer au requérant principal?
Mme Lavoie: Moi, je pense que oui, parce que finalement, on a des
acquis ici, au Québec, les femmes s'intègrent de plus en plus. Si
on accueille des gens, des femmes qui ne sont pas intéressées
à s'intégrer au marché du travail, ça veut dire que
ces femmes-là ne sont pas intéressées à
s'intégrer à la vie sociale, à la vie économique.
Donc, ça pourra se répercuter de génération en
génération. Je pense donc que ce serait préférable
d'avoir... Pourrait être un poids aussi pour la société
éventuellement, alors... (21 h 15)
Mme Gagnon-Tremblay: Mais croyez-vous cependant qu'une femme qui
désire rester à la maison et avoir charge d'enfants et tout
ça, qu'elle n'a pas ce choix, qu'elle n'a pas ce droit aussi, que
ça ne veut pas dire que, même si, par exemple, peut-être
au-delà de 60 % de nos femmes québécoises sont sur le
marché du travail, on ne peut pas permettre aussi et que ce n'est pas
louable pour d'autres de faire ce choix de demeurer à la maison et
d'élever les enfants?
Mme Lavoie: C'est un choix louable, oui, mais il reste que c'est
important de faire comprendre à ces femmes-là que, si un jour
elles ne vivent plus avec leur conjoint qui s'occupe de les faire vivre, elles
auront à se faire vivre elles-mêmes, donc à travailler pour
ne pas qu'elles soient un poids pour la société, qu'elles soient
sur l'aide sociale et qu'elles augmentent le taux de pauvreté chez les
femmes.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, c'est davantage la formation ou
l'éducation qu'on aurait à prendre en compte.
Mme Lavoie: Oui, et le potentiel.
Mme Dolmerrt: Mais il y a une question d'égalité
aussi. Si on parle d'égalité des sexes, on évalue...
Est-ce qu'on ferait l'inverse si l'homme disait: Moi, je ne veux rien faire?
Est-ce qu'on accepterait? Et la conjointe dirait: Oui, mais moi je travaille et
je veux travailler. Et l'homme dit: Bien, moi, je ne veux rien faire. Est-ce
que vous l'accepteriez? Je pense qu'il faut traiter un peu également les
deux. Si on dit qu'on veut l'égalité des sexes, je pense que,
quand on va évaluer les conjoints et les conjointes qui veulent
émigrer au pays, évidemment, il faut tenir compte que les femmes
ont les enfants et que s'il y a une famille, la femme va élever
l'enfant, mais il faut qu'elle tienne compte aussi que la société
change. Ce n'est plus la même société qu'il y a 10 ans. On
sait qu'il y a beaucoup de divorces. On sait que maintenant ça prend
souvent deux salaires. Je crois que c'est important. Savez-vous, on n'en a pas
discuté, de cette question-là. Vous soulevez un point
intéressant.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous parlez aussi, dans votre
mémoire, de ne sélectionner que des immigrantes et immigrants qui
n'ont pas une approche intégriste de la religion. C'est très
sensible. Ne croyez-vous pas que dans une société
démocratique, ce dont le gouvernement doit se préoccuper, c'est
du respect des lois et de la Charte des droits, et non de l'approche
personnelle qu'ont les gens de leur religion?
Mme Lavoie: Mais c'est qu'on mentionne aussi que c'est selon les
religions dans lesquelles les femmes sont infériorisées. On fait
référence à ces religions-là. On trouve que la
Charte des droits et libertés doit passer avant la religion pour que les
acquis qu'on a en égalité des sexes, qu'on ne recule pas
là-dedans finalement, à cause de certaines religions comme
ça.
Mme Dolment: II faut souligner aussi que la charte est
très contradictoire et qu'elle a besoin d'être refaite. Parce que,
quand on dit qu'on veut respecter l'égalité des femmes et que,
par contre, on veut respecter les religions, ça va tout à fait
à l'encontre. On sait qu'il y a des religions qui ne respectent pas du
tout l'égalité des femmes. Là, ce qui nous inquiète
un petit peu, bien qu'on ait parlé... Je pense que vous êtes
très au courant du dossier de Brossard, qu'il était question
d'enseigner le coran. On a justement appelé à la commission
scolaire de Brossard et on a parlé à une personne qui est
très au courant et qui nous a dit - d'ailleurs, vous aviez
communiqué vous aussi, vous êtes très au courant du dossier
- seulement qu'il y a bien des parents qui ont été
inquiétés par ça. Donc, la liberté de religion,
oui, de façon personnelle, mais pas endossée par l'école.
Alors, quand l'école
enseigne la religion, nous, on a parlé à des professeurs
qui disent: Écoutez, nous, on essaie de se libérer de
l'enseignement de la religion, parce que c'est dépassé vraiment
que ce soit fait à l'école, que les gens le fassent dans les
églises - on le dit bien dans le mémoire - et les familles.
Vous savez que dans la plupart des pays, comme en Europe, c'est la
séparation de l'Eglise et de l'État et aux États-Unis
aussi, c'est la séparation de l'Église et de l'État. Je
pense qu'au Québec, il est temps qu'on y vienne parce qu'autrement, on
va avoir des méchants problèmes quand toutes les sectes vont
demander à pouvoir... Elles vont se regrouper, admettons, autour d'une
école et vont dire: Là, on veut que telle école enseigne
gratuitement telle religion. Que ce soit les témoins de Jéhovah,
que ce soit les Sikhs, que ce soit n'importe quoi, on va se retrouver avec des
problèmes qui vont être bien plus graves. Alors, c'est sûr
que la loi 107, avec l'article 5, permet à une école d'enseigner
telle religion. L'article 228 dit qu'il faut respecter la morale et qu'il n'y
ait pas de discrimination. Mais allez donc prouver ça. Est-ce qu'on va
faire une cause avec chaque école? Alors, je pense que la façon
de procéder, ça va être vraiment de modifier la loi 107
pour faire en sorte qu'il y ait séparation de l'Église et de
l'État et qu'on n'enseigne plus les religions dans les
écoles.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, mesdames.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Prévost, avec le consentement de la commission,
une courte question.
M. Forget: Est-ce que vous permettez? Oui. Merci, M. le
Président. Voici, mesdames, vous avez parlé de l'agriculture tout
à l'heure. Si j'ai bien compris, un immigrant devrait être deux
ans avant de pouvoir avoir une ferme, dans votre mémoire?
Mme Lavoie: Oui. Nous autres, on avait pensé finalement
que quelqu'un qui viendrait s'établir au Québec et qui, en
arrivant, avait le droit d'acquérir une terre, on ne sait pas, il
pourrait s'en retourner et puis finalement posséderait, s'en
retournerait dans son pays et posséderait nos terres, nos territoires
ici; alors nos territoires risqueraient d'être possédés par
des gens qui ne vivraient pas ici, au Québec. Ça serait
ça.
M. Forget: Ça m'amène à vous poser une
question. Si, par exemple, un immigrant s'achète un restaurant, il a le
droit présentement. Pour quelle raison il n'aurait pas le droit
d'acheter une ferme? Parce que vous savez, il y a quand même de
très, très bons immigrants qui sont arrivés ici, puis il
se sont acheté une ferme, et ce sont de très bons producteurs. Si
vous attendez deux ans, écoutez, c'est quand même beaucoup
d'argent. Le type en question qui s'en vient ici s'installer pour avoir une
ferme, et puis il attend deux ans, bien, il y a une partie de son avoir qui est
peut-être dépensée.
Mme Lavoie: Oui, mais c'était pour protéger
finalement les territoires agricoles, les territoires du Québec, pour
s'assurer qu'ils ne soient pas possédés par des
intérêts étrangers.
M. Forget: Vous êtes sûre qu'il y a un danger.
Mme Lavoie: Bien, disons que... Bien, c'est une...
M. Forget: Moi, je vais vous dire bien franchement que, comme
producteur agricole, je trouve ça fort un petit peu.
Mme Lavoie: Vous trouvez ça fort. Bien, peut-être
que deux ans, c'est trop. En tout cas, il s'agit d'être très
vigilant là-dessus. Ça serait peut-être moins que deux ans,
mais disons que...
M. Forget: D'accord.
Mme Lavoie: Nous autres, on parlait de deux ans pour bien
s'assurer que les gens soient intéressés à vivre ici et
participer à la vie agricole du Québec.
Mme Dolment: Je dois dire que ma collègue, pour parler
comme vous parlez, est très au courant parce que le milieu agricole,
d'une certaine façon, elle le côtoie depuis très
longtemps.
Mme Lavoie: J'ai vécu dans des régions agricoles
plusieurs années et j'ai vu un petit peu ce qui se passait.
M. Forget: Oui, justement.
Mme Lavoie: J'ai écouté les gens et puis tout
ça.
M. Forget: Remarquez bien que j'ai été 16 ans
président d'une coopérative, et de très, très bons
producteurs agricoles... J'avais quand même une couple de Hollandais qui
venaient directement de Hollande, et j'ai eu quand même une couple de
Belges qui sont venus s'installer; ils étaient très, très
efficaces en agriculture. Ils sont arrivés ici, ils ont acheté
leur ferme, ils ont parti... des jeunes...
Mme Lavoie: Oui, vous avez raison, je le sais aussi.
M. Forget: Alors, c'est pour ça... Ça
m'inquiète un petit peu lorsque vous dîtes que...
Mme Lavoie: Non, ce n'est pas. La question, c'est que moi aussi,
j'en ai connu. J'ai connu des Suisses allemands qui sont venus s'installer,
puis vraiment ce sont de très bons producteurs, ils sont très
sérieux. Mais c'est pour éviter que nos territoires, que nos
terres soient possédées par des étrangers. Il s'agirait
d'être vigilant là-dessus pour s'assurer que...
M. Forget: Bon. À date, je ne pense pas qu'au
Québec présentement on ait un problème sur ce
plan-là, au niveau de l'agriculture.
Mme Lavoie: Mais si on n'a pas de problème, c'est
peut-être mieux de prévoir.
M. Forget: Par contre, on a eu un problème avec des lots
achetés par des étrangers qui sont restés tels quels.
Ça, c'est évident.
Mme Lavoie: Oui.
M. Forget: Mais comme producteurs comme tels là... c'est
plutôt rare.
Mme Lavoie: Mais disons que c'est à prévoir. Il
faut prévenir ces choses-là parce que ce sont des choses qui
peuvent arriver.
Mme Dolmerrt: Ils peuvent prétendre qu'ils veulent
être producteurs et ne pas produire, juste pour avoir une raison pour
acheter, parce que surtout là, avec tout ce qui se passe dans le monde,
le Québec pour le moment est très tranquille. Et c'est
très tentant. On sait qu'il y a des pays... même les
États-Unis sont en train de voir... même à New York, on le
sait, ils sont quasiment dépossédés de leurs lieux les
plus sacrés si on peut dire. Mais au Québec, c'est
déjà commencé qu'il y a des gens...
Le Président (M. Ooyon): Je vais permettre... Un instant.
Je vais permettre maintenant au député de Shefford de continuer
la conversation, le temps lui revenant maintenant. Merci, M. le
député. M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Ne vous
découragez pas, mesdames, on va probablement reprendre le même
sujet parce que je trouve ça très intéressant.
À la lecture de votre mémoire, puis en écoutant
ça, je me rends compte à quel point vous voulez préserver
des valeurs qui sont fondamentales par rapport à ce qu'on est. Et moi,
je pense là-dessus qu'on est pas mal tous d'accord. Je vais vous dire,
on est particulier, on est ce qu'on est, et puis il y a eu des luttes
très importantes qui ont été menées et qui nous ont
amenés à la situation qu'on connaît aujour- d'hui. Et entre
autres, et vous le spécifiez là, vous dites:
L'égalité des sexes, fondement de la société. Et
quand on sort un peu et qu'on regarde ce qui se passe ailleurs, on peut
être content effectivement que, comme société, on ait
réussi à aller, je n'oserais pas dire aussi loin, mais à
se rendre où on est rendu parce que tout n'est pas gagné, tout
n'est pas acquis, il reste encore des luttes à faire. Mais comme
société, on est passablement avancé.
Qu'on veuille préserver nos valeurs, ça, moi, je dois dire
que je suis d'accord. Moi, si je décidais d'aller demeurer à Los
Angeles ou bien même à Toronto, j'accepterais les règles du
jeu. Je serais quelqu'un qui est accueilli, donc j'accepterais de vivre tel que
les gens vivent, et c'est un choix que je ferais. Si je décide d'aller
vivre à Paris ou si je décide d'aller vivre à Rome, c'est
que c'est là que ça me tente d'aller vivre, non pas pour les
changer, mais pour vivre avec eux autres, en fonction de leurs principes, de
leur mode de vie et de la société qu'ils se sont donnée.
Là-dessus, j'en suis.
Et je pourrais en prendre bien des pages. Entre autres, quand vous dites
que vous êtes contre le multiculturalisme, moi aussi. Ça, c'est
une façon de dire qu'on empêche d'avoir une culture. Au
Québec, on a essayé assez longtemps de nous l'enlever, maintenant
qu'on parle de moins en moins de multiculturalisme, mais d'intégration,
bien, je dis: Bravo! De ce côté-là aussi, on a eu de
chaudes luttes, on a fait de grands pas, puis on est rendu assez loin. Sauf que
j'ai en même temps bien confiance en nous autres. Et vous aussi. À
preuve, à la page 14, vers la toute fin, vous dites: Le Québec
développe une personnalité forte qui va au-delà de sa
langue. Et c'est ça, le vrai secret. Je pense que c'est d'avoir une
personnalité forte qui va faire qu'elle va être attirante et
qu'elle ne sera pas menacée. Par contre - et je vous le dis tel que je
le pense - je pense qu'il y a une contradiction que je ne suis pas sûr
d'être prêt à partager avec vous autres, en ce sens que...
Par exemple, à la page 4, on parle de la Charte des droits et
libertés. Et ça fait partie de nos richesses, de ce qu'on
possède, de ce qu'on s'est donné comme société, et
qui permet le respect des droits et des libertés. Donc, vivre et laisser
vivre, mais tel que la société, ici, s'est habituée
à le faire et selon notre culture et nos coutumes.
Par contre, à la page 6, quand vous dites: "Préalables
à l'immigration", est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a contradiction
entre la Charte des droits et libertés qui permet à chacun...
avec le respect, par exemple, de la majorité et du voisin et des
autres... parce que la liberté des uns finit où la liberté
des autres commence et, finalement, dans une société, il faut
respecter son voisin et la collectivité. Est-ce qu'il n'y a pas
contradiction entre la Charte des droits et libertés qui permet
justement à
chacun d'avoir des convictions et des façons de vivre et le
paragraphe qui dit: "Les femmes et les hommes qui veulent immigrer devront
être renseignés - oui - sur nos lois concernant
l'égalité des sexes et être prêts à les
respecter dans leur vie quotidienne - jusque-là, je n'ai aucun
problème - dans leurs pratiques religieuses..."? Je comprends les
exemples que vous avez donnés et \e comprends que si on poussait
à V extrême te laisser-îaire et tout permettre à tout
\e monde, et l'exemple que vous avez donné, chacun, finalement, va
s'habiller comme il veut. On va avoir des polices en chameau. Là, moi,
je pense qu'on a des normes à se donner, comme société, et
à faire respecter. En disant: "Le Québec développe une
personnalité forte", ça veut dire qu'il y a des choses qu'il fait
respecter aussi. Mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est contre la charte,
finalement, parce qu'on prend des choses excessives ou des exceptions ou des
dangers réels, mais qu'on peut peut-être empêcher par des
obligations? Vous vous rappellerez que dans la police, ça a
changé, mais ça prenait tel poids et telle grandeur. Bien,
finalement, on a changé ça et maintenant, on peut être
policier plus petit, moins pesant et heureusement. Même les femmes,
là. Enfin! Mais est-ce que vous ne pensez pas que là, dans leur
pratique religieuse, on ne va pas attaquer de plein front la Charte des droits
et libertés?
Mme Dolment: C'est-à-dire qu'il faut comprendre que quand
on parle de la pratique religieuse, c'est qu'ils sont obligés
d'être renseignés sur nos lois. Mais si on parie à des
musulmans intégristes, on va leur dire: Écoutez, là, votre
religion vous dit, vous, que la femme est inférieure. Il y a même
des pays, en Afrique du Nord, vous savez, où l'homme vote pour sa femme,
en plus, bon. C'est un âne. Sa femme, c'est l'équivalent d'un
âne, bon. Si ces gens-là veulent immigrer au Québec... la
femme l'accepte, évidemment, parce qu'elle vit de cette
façon-là... il faut bien leur dire: Écoutez, Mahomet a
peut-être dit ce qu'il voulait, le coran dit peut-être ce que vous
voulez, mais quand on vient au Québec, même si votre pratique
religieuse vous dit que la femme est inférieure et que vous pouvez la
mettre dehors en lui disant trois fois: Je ne veux plus de toi... Vous vous en
venez au Québec, la femme a les même droits, les mêmes
égalités, peu importent vos pratiques religieuses. Maintenant,
s'ils veulent le pratiquer rendus ici, en faisant leur salut cinq fois par
jour, ils le feront bien. Mais si ça attaque un droit fondamental
d'égalité des sexes qui est le plus fondamental de tous dans la
société, là, ça ne marche plus.
Et c'est pour ça qu'on dit que la Charte est contradictoire.
Parce que finalement, dans la Charte, il y a deux affaires qui ne vont pas
ensemble. Il y a des droits fondamentaux qui sont plus importants que la
langue, d'ailleurs, parce que la langue... On peut changer de langue, mais on
ne change pas de sexe. Alors, il y a des choses qui sont fondamentales. C'est
la même affaire pour les races ou la couleur. Ça, on ne peut pas
changer: on est noir ou... Bon, en tout cas. Par contre, les religions,
ça doit être soumis, il y a une hiérarchie dans la charte.
Les religions doivent être soumises à des droits aussi
fondamentaux que l'égalité des sexes. Même si une religion
nous dit: Elle est inférieure, la femme, c'est bien de valeur, ça
passe après. De toute façon, les religions... Ça, ce sont
de fausses représentations. Personne n'est revenu de l'autre
côté de la mort pour nous dire: Écoutez, c'est la religion
catholique, ou ce sont les musulmans ou les boudhistes. Si on était
né au Japon, on serait d'une autre religion. C'est de la fausse
représentation. Il y a des choses qui ne changent jamais et c'est
l'égalité des êtres.
Alors, je pense qu'il n'y a pas de contradiction, c'est dans la Charte
qu'il y a une contradiction. C'est pour ça qu'on demande que la Charte
soit changée. Nous, on n'a jamais été d'accord avec la
façon dont la Charte est rédigée. Et l'article 93, aussi,
de la Constitution... On espère qu'on va la réécrire, la
Constitution, et que ça va disparaître, l'article 93. On a vu que
plusieurs des intervenants qui sont venus ici ont soulevé d'ailleurs le
problème de l'article 93. Et c'est un des éléments qui ont
fait qu'on n'a pas pu intégrer les immigrants et les immigrantes comme
d'ailleurs... Je pense que les anglophones, il serait à peu près
temps qu'ils se débarrassent de la reine parce que ça aussi,
ça a été un handicap à nous intégrer et nous
sentir Canadiens. Le lieutenant-gouverneur, le
gouverneur-général, la reine, c'est un peu dépassé.
Même affaire pour les religions. (21 h 30)
M. Paré: Je comprends un peu mieux, je dois dire. C'est
mieux avec l'explication que ce que j'en avais lu. O.K.? Parce que vous
dites...
Mme Dolment: Bien, c'est résumé un petit peu
là.
M. Paré: Mais je maintiens quand même que moi, j'y
vois une certaine contradiction en ce sens que même si la pratique
religieuse fait que dans sa tête et dans leur tête, le couple,
l'homme, de par sa pratique religieuse, est supérieur à la femme,
on ne pourra pas aller juger de l'intérieur. Sauf que n'oubliez pas que
par notre Charte des droits et libertés, un couple, qu'il soit musulman
ou n'importe quel... vient ici selon sa mentalité et sa pratique
religieuse, la femme étant inférieure, nous, dans nos lois et
avec la charte dans la pratique quotidienne, la femme a son droit à
l'égalité parce que la charte c'est le droit individuel des
citoyens. Alors, moi, je ne pense pas qu'on doive jouer dans la pratique
religieuse des gens, sauf qu'ils seront contraints - et ça, ils ne
pourront pas déroger
là-dessus - au respect des droits individuels. Donc, même
s'il se pense supérieur à sa femme, sa femme est égale en
arrivant ici par rapport à nos lois et par rapport à la charte.
Ceci étant dit, très rapidement...
Mme Dolment: Je voudrais juste ajouter une affaire parce qu'on a
parlé à des groupes d'immigrantes et elles nous ont
apporté le même exemple. Elles ont dit: Écoutez, vous
pouvez l'enseigner et le demander avant qu'ils viennent ici, au Canada, et leur
expliquer la Charte. Nous, on veut que la Charte soit enseignée une fois
rendus au Canada et qu'avant, on leur explique ce qui les attend. Mais elles
ont dit: Ce n'est pas sûr que ça va être appliqué. On
a dit: Non, mais au moins ils sauront. Elles ont dit: C'est vrai. Alors, au
moins, l'homme saura qu'il n'est pas correct quand il traite sa femme de
même. On ne peut pas aller dans sa maison, mais la femme saura qu'elle a
des droits. C'est déjà un départ. Alors, il y en avait qui
disaient ici, que les Québécois n'étaient pas tous
corrects et ne traitaient pas toujours leur femme en égale. Mais
là, on a une chance avant d'accepter quelqu'un de faire une certaine
formation. Pourquoi ne pas en profiter? Les autres, bien, on va essayer de
faire autrement mais...
M. Paré: O.K. Très rapidement, deux autres petits
points. Le premier, vous en avez traité tantôt, je pense, avec Mme
la ministre. Je veux y revenir rapidement, il s'agit de l'école. C'est
une institution très importante dans toutes les sociétés
et dans la nôtre aussi évidemment parce que c'est un moyen
d'intégration, mais c'est un moyen de formation pour tous les
Québécois et toutes les Québécoises. Je pense que
vous êtes venues à la commission quand il a été
question justement des réformes du monde scolaire. Je me rappelle
très bien les débats qu'on a eus sur la loi 3, la loi 40, ensuite
la loi 106 et la loi 107. Il y a eu des débats déchirants et
palpitants. Je me rappelle les galeries pleines parce qu'il ne fallait pas
changer le statut confessionnel non pas des écoles, des commissions
scolaires. La loi 107 est venue apporter, à mon avis, ce qui
était un correctif essentiel pour une société moderne: des
commissions scolaires maintenant linguistiques avec des écoles qui
peuvent être catholiques, qui peuvent être ouvertes, qui peuvent
être neutres, qui peuvent être multiconfessionnelles, au choix des
parents utilisateurs par rapport au projet pédagogique ou à
l'objet de l'école qu'on se donne.
Ne trouvez-vous pas que c'est quand même une bonne école de
permettre à l'intérieur qu'on ait, les parents qui le demandent,
ou l'enseignement d'une religion, d'une autre religion ou l'enseignement de la
morale? Là, vous dites là-dedans qu'on doit donner à
chacune des Églises l'enseignement comme tel. Est-ce que vous ne pensez
pas que dans les valeurs québécoises - et là, je ne me
prends pas pour un curé, loin de là - mais est-ce que vous ne
pensez pas que dans les valeurs québécoises, par rapport à
ce qu'on a entendu ici, en commission parlementaire, et ce qu'on voit au
Québec, les parents qui veulent qu'il y ait un enseignement religieux ne
trouveraient pas une place à l'extérieur de l'école pour
le donner, comment je dirais ça donc, connaissant la situation de
l'Église actuelle? Ce que vous demandez effectivement, et c'est la
demande que vous faites, que les pas qu'on a faits par rapport aux commissions
scolaires maintenant qui ne sont plus confessionnelles, aux écoles qui
peuvent l'être ou non, tout dépendant d'une demande des parents
à la commission scolaire, ce que vous demandez, c'est qu'il n'y ait plus
d'enseignement religieux dans les écoles? C'est vraiment la demande
ultime que vous faites.
Mme Lavoie: Oui. On demande que ce ne soit plus pris en charge
par l'État. Finalement, que chaque Église ou chaque secte prenne
en charge elle-même l'enseignement religieux et qu'elle trouve un lieu
pour le faire, que ce ne soit pas l'État ni les écoles,
étant donné les ethnies multiples qui arrivent de plus en plus,
puis ça va compliquer les choses, finalement. On trouve que chaque
Église, chaque religion devrait se prendre en charge à ce
niveau-là. Puis la famille, c'est sûr, la famille.
Mme Dolment: Non, parce qu'il y a un danger à ça.
C'est que si l'école le donne, c'est-à-dire qu'il y a une
crédibilité qui s'attache à ça, alors l'imam, parce
que ça va être donné par l'imam, admettons, si ce sont des
musulmans, si c'est donné à l'école, les gens disent:
C'est l'école, donc c'est correct. Même, il y a des jeunes qui ne
sont pas musulmans qui peuvent être attirés, ils disent:
L'école l'endosse, donc on peut devenir musulman. Justement, il y avait
une ligne ouverte où ce sont les jeunes, à Radio-Canada, puis lui
il était avec un petit témoin de Jéhovah, puis il voulait
devenir témoin de Jéhovah, sa mère s'arrachait les
cheveux. Si ça arrive dans l'école, que c'est enseigné par
l'école en plus, c'est sûr qu'il va dire: C'est correct,
l'école l'enseigne. Non, la religion n'a pas sa place à
l'école. Les États-Unis l'ont compris, la France l'a compris, la
plupart des pays l'ont compris. On est encore 20 ans en arrière des
autres, ici au Québec. Il est à peu près temps qu'on
donne... peut-être qu'on soit en avant des autres au lieu de toujours
traîner derrière puis attendre que tout le monde l'ait fait.
Ça n'a pas sa place et ça va créer des problèmes,
puis il faut voir d'avance les problèmes qui s'en viennent. C'est comme
quand on conduit, il faut voir cinq autos en avant de soi. Je pense qu'il est
temps qu'on modifie encore la loi, même si elle a été
modifiée, qu'on modifie la loi sur l'éducation pour dire que,
désormais, les gens qui voudront
l'enseignement... On n'a pas d'argent, on n'a plus d'argent. Est-ce
qu'on va payer des imams, puis on va payer tous les ministres de tous les
cultes qu'on veut pour enseigner à l'école, alors qu'on manque
d'argent même pour le nécessaire? Il est à peu près
temps qu'on prenne les décisions importantes qui sont et
économiques et fondamentales au point de vue des droits puis du respect
des consciences.
M. Paré: O.K. C'est très clair. Dernière
question, je vous ramène à la dernière question de mon
collègue juste avant moi, c'est concernant les terres agricoles.
Mme Dolment: Pardon, excusez-moi?
M. Paré: Les terres agricoles. Je vous avais dit qu'on y
reviendrait très rapidement...
Mme Dolment: Notre spécialiste est là.
M. Paré: Moi, je dois vous dire, qu'on ne permette pas
à des nouveaux venus de devenir propriétaires d'une terre, j'ai
l'impression qu'on se prive d'une forme de régionalisation par rapport
aux Néo-Québécois, parce que c'est une façon de les
intégrer complètement puisqu'ils deviennent même
propriétaires d'un terrain. Est-ce que du fait de les empêcher de
devenir propriétaires d'une ferme, on ne fait pas en sorte qu'il y ait
deux sortes d'immigrants investisseurs au Québec, un qui va venir
acheter une terre, il n'a pas le droit ou il doit vivre ici deux ans avant,
alors que l'autre qui va venir acheter, je ne sais pas, moi, un building
à Montréal ou bien non un gros commerce ici, à
Québec, qui très souvent va coûter des millions puis c'est
plus important, puis il peut être propriétaire d'une entreprise de
350 emplois, lui aurait le droit du jour au lendemain de se porter
acquéreur - mon Dieu, je ne voudrais pas prendre une chose
démesurée - mais pourrait devenir propriétaire d'un
supermarché avec des centaines d'employés, lui a le droit
maintenant, et l'autre, une terre, il n'aurait pas le droit? Je comprends votre
crainte. Par contre, si, dans le texte, vous aviez dit que les immigrants ne
peuvent pas acheter une terre à moins de vouloir s'établir, je
vous dirais peut-être pour empêcher la spéculation ou
empêcher... Mais là, vous avez marqué "qui
désireraient s'établir sur des terres agricoles". S'il veut
s'établir, c'est qu'il veut venir demeurer. Je trouve qu'on va loin de
vouloir empêcher ça. Je vous passe le commentaire tel que je le
pense.
Mme Lavoie: À ce moment-là, il faudrait
peut-être demander que les gens s'engagent finalement à exploiter
cette terre-là pour un certain temps, pour s'assurer que c'est vraiment
dans le but de l'exploiter et non de la spéculation.
M. Paré: O.K. Disons qu'on commence à se rejoindre.
Dans ma tête à moi, s'établir sur une ferme, c'est
exploiter une ferme. Moi en tout cas, c'est...
Mme Lavoie: Oui.
Mme Dolment: Oui, mais c'est un petit peu le problème
qu'on a, d'ailleurs, avec les immigrants entrepreneurs, puis ça a
été d'ailleurs dénoncé dans les journaux, où
ils venaient ici puis ils disaient: Oui, oui, on va investir tant. Ils
arrivaient avec leurs millions, les gens qui sont riches, et puis qui ne
restaient pas et puis qui s'en allaient. C'était juste le pied à
terre, c'était juste pour entrer puis, après ça, ils
repartaient avec leur argent. Ça c'est fait, d'ailleurs, puis là
ils ont décidé de prendre, des moyens, pour essayer
d'éviter ça, puis ils vont en prendre, des moyens, pour
éviter ça. C'est la même chose pour les terres agricoles.
Il ne faut pas oublier qu'une terre agricole, c'est vaste. Un building, c'est
vrai que c'est important, mais une terre agricole, écoutez... Le
Québec, même s'il a l'air très grand, on sait qu'il y a
très peu de terres arables, très, très peu de terres
arables.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
quelques mots de remerciement, peut-être.
M. Paré: Merci beaucoup. Ça a été
très intéressant et ça a été des discussions
franches. Je pense que c'est important pour l'éclairage des membres de
la commission. Alors, merci de l'intérêt que vous avez
porté à la commission et de la vigueur des propos malgré
l'heure tardive. Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien sûr, moi aussi, je voudrais vous
remercier. Je pense que vous êtes le premier groupe à avoir un
discours, je dirais, aussi ouvert sur la question des droits et des religions.
On se rend compte cependant de l'importance de bien informer les gens à
l'étranger et je dois vous dire que dans ce sens-là, nous ferons
tout pour que le contrat moral, entre autres, soit respecté. Alors,
merci beaucoup de la présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup de votre
mémoire. Donc, cette commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain matin, neuf heures trente.
(Fin de la séance à 21 h 41)