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(Quatorze heures six minutes)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre!
Il est un peu passé 14 heures. Nous allons reprendre les travaux
que nous avons laissés en suspens la semaine dernière. Donc,
simplement pour situer tout le monde, il s'agit de la consultation
générale sur l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au
Québec pour bâtir ensemble". Cette consultation porte aussi sur
les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993,
1994.
Je constate que nous avons le quorum. Je déclare la séance
ouverte et je demanderais à Mme la secrétaire de nous annoncer
les remplacements s'il y en a.
La Secrétaire: M. Bradet (Charlevoix) est remplacé
par M. Bordeleau (Acadie); M. Messier (Saint-Hyacinthe) est remplacé par
M. Bergeron (Deux-Montagnes) et M. Paré (Shefford) est remplacé
par M. Boisclair (Gouin).
Le Président (M. Doyon): Nous avons des invités
à entendre jusqu'à 22 heures ce soir. Nous allons commencer par
la commission scolaire Sainte-Croix. Je les inviterais à bien vouloir
s'avancer et à prendre place à la table de nos
invités.
Je rappelle, pour le bénéfice de tous, les règles
qui régissent cette commission. Il s'agit, pour la plupart des
intervenants, d'une période d'une heure qui se partage de la
façon suivante: une vingtaine de minutes pour la présentation du
mémoire ou son résumé, 20 minutes sont dévolues
ensuite au parti ministériel et à ses représentants pour
engager le dialogue avec les invités et le parti de l'Opposition dispose
d'un temps équivalent.
Je vous inviterais donc maintenant à faire la présentation
des gens qui sont membres de votre délégation et, ensuite,
à bien vouloir commencer la lecture ou la présentation de votre
mémoire.
Commission scolaire Sainte-Croix
Mme Lortie Hinse (Judith): Merci, M. le Président. Je vais
vous présenter les membres de l'équipe et aussi les membres qui
étaient du comité de rédaction. À ma droite, vous
avez M. Roch Archambault, docteur en pédagogie. M. Archambault a
commencé dans le domaine interculturel dès 1968, à
Fribourg en Suisse, et il est arrivé à Saint-Laurent. Il a
continué ce travail sur l'interculturel. C'est lui qui a fondé
les classes d'accueil à Sainte-Croix. Après M. Ar- chambault,
vous avez Mme Nadine Ackad qui, depuis deux ans, travaille, met en place la
politique interculturelle chez nous, à Sainte-Croix. Mme Ackad est
sociologue. Elle est engagée comme conseillère en interculturel.
Immédiatement à ma gauche, vous avez M. Pierre Dufour qui est
notre conseiller pédagogique en éducation chrétienne. M.
Dufour a fait sa formation en théologie, éducation et histoire
des religions à Paris, à l'Institut catholique à Paris. Il
a passé une année sabbatique dans les camps de
réfugiés l'an dernier, à Hong Kong; il a également
été à la table de travail du Haut commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés. À mon extrême gauche, vous
avez Mme Yvette Biondi, qui est commissaire depuis novembre dernier. C'est une
ex-attachée de presse; elle est responsable du mémoire sur la
viabilité de la presse hebdomadaire à travers le Canada et
journaliste indépendante de profession. Donc, Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, M. le ministre
délégué aux Communautés culturelles...
Le Président (M. Doyon): Si je comprends bien, vous
êtes madame...
Mme Lortie Hinse: ...moi, je suis Mme Judith Lortie Hinse... Ah!
Toutes mes excuses...
Le Président (M. Doyon): Non, tout simplement pour situer
le Journal des débats.
Mme Lortie Hinse: ...on oublie de se présenter...
Le Président (M. Doyon): Bienvenue, madame.
Mme Lortie Hinse: Judith Lortie Hinse, la présidente de la
commission scolaire. Je suis administrateur agréé.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue, Mme Hinse. Bienvenue
à tous.
Mme Lortie Hinse: Merci. Donc, Mme la ministre, M. le ministre
délégué aux Communautés culturelles, M. Bordeleau,
député de l'Acadie, Mmes et MM. les membres de la commission de
la culture, d'entrée de jeu, il nous fait plaisir et il nous faut, Mme
la ministre, M. le ministre, saluer le désir de votre gouvernement de
reconnaître publiquement l'émergence du phénomène et
l'apport potentiel de l'immigration au développement du Québec
comme société distincte. De plus, il faut féliciter le
gouvernement du Québec
d'être à la fois prospectif et persuadé que la venue
au Québec de nouvelles personnes peut et doit contribuer à la
prospérité économique, au redressement
démographique, à la pérennité du fait
français et à l'ouverture du Québec sur le monde.
En publiant l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration, le gouvernement pose un geste historique
en ce sens que c'est la première fois que le Québec se dote d'une
orientation dans ce domaine. La principale valeur de ce document, c'est d'avoir
formulé en termes de volonté explicite, avec des moyens d'action
appropriés, ce qui n'était qu'un simple projet pouvant être
remis en question à tout moment. Nous y reconnaissons donc une
volonté claire et louable d'inscrire l'immigration et
l'intégration à l'intérieur d'un contrat moral, engageant
à la fois les immigrants et les populations d'accueil. La commission
scolaire Sainte-Croix se réjouit donc de l'opportunité qui lui
est offerte de démontrer une fois de plus qu'au Québec elle peut,
en tant qu'institution, continuer à bâtir ensemble.
Qui sommes-nous, à Sainte-Croix? 59 % de nos écoles
possèdent plus de 25 % d'élèves allophones. La commission
scolaire Sainte-Croix est celle qui, au Québec, possède (e taux
le plus élevé d'élèves allophones. Le pourcentage
indique 41,01 % au 30 septembre 1990. Notre réseau comprend une
écoje primaire et une école secondaire anglaise. Pour le secteur
français: 14 écoles primaires et 3 écoles secondaires; ces
dernières sont localisées à Mont-Royal, Outremont et
Saint-Laurent. Le très grand nombre de classes d'accueil au primaire
engendre de sérieux problèmes. Nous envisageons
sérieusement, dans le secteur de Saint-Laurent, tout spécialement
le secteur Chameran, la construction prochaine d'une école primaire.
Nous sommes en réalité un point de mire géolinguistique
fort intéressant, où des enjeux socioculturels et
socio-économiques sont devenus propices au questionnement et à la
réflexion pour le Québec tout entier, particulièrement
pour les décideurs, quel que soit le palier gouvernemental où ils
oeuvrent: scolaire, municipal, provincial.
L'avenir du Québec se joue en grande partie sur les bancs des
écoles françaises métropolitaines. Il faut y
réfléchir ensemble afin de bâtir ensemble. La
métropole, Mme la ministre, a atteint une capacité raisonnable
d'accueil des immigrants. Depuis quelques années, le Québec a mis
en oeuvre plusieurs interventions visant à accroître les volumes
d'immigration en fonction de ses besoins et de sa capacité d'accueil.
Durant les prochaines années, le gouvernement se propose de poursuivre
son orientation de hausse soutenue et réaliste des volumes
d'immigration. En effet, tant le défi démographique
lui-même que les objectifs économiques et linguistiques de la
présente politique exigent d'intensifier les efforts déjà
entrepris en ce sens. Cependant, il faudra encore, plus que par le
passé, articuler étroite ment et publiciser largement les actions
en matière de sélection et d'intégration afin de clarifier
la capacité d'accueil de la population du Québec.
Les actions à mener appellent des ententes gouvernementales. Il
n'a pas été question, en aucun endroit, d'une concertation avec
les autres institutions qui, elles, doivent accueillir ces personnes. Par
exemple, est-ce que les écoles ont la possibilité d'accueillir un
nombre soudain et important d'élèves immigrants, non seulement en
début d'année, mais aussi tout au long de l'année
scolaire?
Pour les années 1992, 1993 et 1994, l'hypo thèse soumise
à la consultation publique est celle d'une augmentation soutenue et
réaliste des niveaux d'immigration. Cependant, la commission scolaire
Sainte-Croix invite le gouvernement à tenir compte de la conjoncture
sociale actuelle et de la récession économique qui s'abat sur le
Québec. Il est important que le gouvernement prenne en
considération que, s'il ouvre davantage la valve de l'immigration, il
devra nécessairement s'assurer que ce flux migratoire ne vienne pas
aggraver encore plus la situation montréalaise.
Compte tenu de la récession et du ralentissement de
l'économie au cours des prochaines années, la commission scolaire
Sainte-Croix recommande que le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration situe le niveau d'immigration pour les
années 1992, 1993 et 1994 à l'intérieur d'une fourchette
de 30 000 à 45 000 personnes et qu'il le répartisse
approximativement entre les diverses catégories suivantes: en ce qui a
trait à l'immigration économique, environ 50 %,
c'est-à-dire de 15 000 à 22 500 personnes, gens d'affaires et
entrepreneurs indépendants; quant à l'immigration familiale,
environ 30 %, soit de 9000 à 13 500 personnes; pour ce qui est de
l'immigration humanitaire, approximativement 20 %, entre 6000 et 9000
personnes. Dans ces conditions, il est impératif que le ministère
fasse jouer trois variables essentielles: la connaissance du français,
la capacité d'adaptation des immigrants et, Mme la ministre, la
capacité d'accueil de la société
québécoise.
Il est tout aussi important d'établir deux stratégies: La
première serait la "démétropolisa-tion" et la
deuxième, la régionalisation. Ce sont là deux défis
difficiles mais réalisables, seulement à long terme. Seule, sans
la "démétropolisation" de l'immigration, Montréal vivra un
choc culturel sans aucune possibilité réelle d'intégration
à la francophonie. La métropole ne pourra pas continuer longtemps
à augmenter sa population immigrée et à assumer seule le
poids de l'intégration des nouveaux arrivants au Québec sans
connaître une crise d'identité sérieuse. La
régionalisation s'impose en soi mais elle ne se réalisera pas
d'elle-même. Il faut une volonté politique et économique de
le faire. Seul le gouvernement peut canaliser et orienter tant les
industries que les individus. Quand verrons-nous les premiers signes
significatifs de cette volonté? Pour ce qui est de la
démographie, la politique familiale et la politique d'immigration et
d'intégration doivent être complémentaires. La
dénatalité ainsi que la démographie constituent maintenant
des préoccupations majeures de la société
québécoise. La mise en place de mesures telles que "Famille en
tête" et le redressement démographique obtiennent de plus en plus
l'appui d'une très large part de la population. Il nous semble que le
gouvernement devrait surtout faire porter ses efforts sur le relèvement
de la natalité plutôt que sur un recours massif à
l'immigration. Tout nous porte à croire que, si l'immigration semble
nécessaire au Québec, ce n'est pas d'abord pour des raisons
démographiques, mais plutôt pour des raisons d'ordre
économique.
Pourtant, il n'en demeure pas moins que l'apport des immigrants au
redressement démographique est nécessaire, voire essentiel. Le
Québec n'est certes pas en situation de faire un pari très
optimiste sur l'avenir avec un indice synthétique de natalité de
1, 52 enfant par femme et la possibilité d'une décroissance de la
population à partir de l'an 2000. Nous ne pouvons pas prendre pour
acquis que le taux de natalité suffira à augmenter sensiblement
la population au cours des prochaines années. Donc, la commission
scolaire Sainte-Croix insiste auprès du gouvernement afin qu'il
révise sa politique familiale de sorte qu'elle soit plus efficace et
qu'il évalue sérieusement ce que coûte
financièrement un enfant, de sorte qu'il devienne un facteur
d'enrichissement et non d'appauvrissement.
Pour ce qui est des revendicateurs du statut de réfugié au
Canada, leur présence révèle bien que le climat politique
de certaines régions de la planète est générateur
de situations de détresse plus nombreuses. Par ailleurs, des personnes
voulant améliorer leur condition économique, leurs conditions de
vie, se servent de cette filière pour entrer au pays plus facilement.
Cependant, il faudrait souligner davantage que ces aspirants
réfugiés font l'objet d'un traitement cruel, inhumain et
dégradant, pour des raisons de retards administratifs. Ils sont plus de
35 000 au Québec, éprouvant beaucoup de difficultés
à formuler un projet d'avenir et à s'adapter à notre
société parce que leur vie est trop marquée par la peur,
l'incertitude et le désespoir.
Beaucoup de jeunes aspirants réfugiés qui
fréquentent nos écoles se trouvent dans des situations
désespérées qui compromettent tout apprentissage et toute
insertion sociale et qui suscitent souvent des comportements violents. La
situation au Québec concernant les aspirants réfugiés est
alarmante. Plus de 35 000 cas sont en attente et 1000 nouveaux cas d'aspirants
arrivent tous les mois. Il est impératif aux yeux de la commission
scolaire Sainte-Croix que la situation se régularise rapidement. La
préoccupation humanitaire d'accueillir les personnes en situation de
détresse peut entrer en concurrence avec la nécessité de
donner la priorité au développement économique. Pourtant,
15 000 000 d'êtres humains à travers le monde qui, jour
après jour, cherchent refuge, souvent avec la menace de mort qui
pèse sur eux, doivent nous amener à assumer sérieusement
nos responsabilités internationales.
Nous voulons un Québec français. La commission scolaire
Sainte-Croix souscrit au message que le gouvernement entend livrer à
tout citoyen étranger qui veut s'établir au Québec,
à savoir que: le Québec se définit comme une
société distincte dont le français est la langue commune
de la vie publique; le Québec représente une
société démocratique fondée sur la pleine
participation de tous; le Québec s'inscrit comme une
société pluraliste et ouverte; le Québec s'engage dans un
processus d'affirmation dans le contexte nord-américain.
Cette seconde partie de l'énoncé de politique
précise davantage la notion d'immigration comme un domaine fortement
balisé. En fait, l'immigration constitue le premier
élément du tandem immigration-intégration qui est l'objet
de la présente politique. Devant le défi de l'avenir
québécois, la finalité de la politique en matière
d'immigration-intégration s'impose. Celle-ci vise à chercher et
à utiliser les parts démographique, économique,
linguistique et sociologique de l'immigration pour contribuer au
développement du Québec.
Tout en s'appuyant sur une expérience acquise depuis plus de 10
ans, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
devra exercer un contrôle quantitatif et qualitatif dans ses pratiques de
recrutement et de sélection. La commission scolaire Sainte-Croix invite
le gouvernement a être vigilant en ce domaine puisque le partage des
responsabilités fédérales et provinciales a encore un
caractère administratif et non constitutionnel.
Nous appuyons fortement la première orientation concernant la
sélection des immigrants. En effet, l'augmentation de la proportion de
l'immigration francophone peut faciliter un certain type d'intégration
et non pas nécessairement l'intégration à la culture
existante. Il faut par ailleurs noter qu'aujourd'hui 43 % des
élèves du primaire et 69 % des élèves du secondaire
reçoivent un enseignement moral non confessionnel. Plusieurs
élèves proviennent de familles québécoises de
vieille souche pour qui la religion est devenue une réalité du
domaine privé, exclusivement.
Parmi les défis importants que pose l'augmentation de
l'immigration francophone, il ne faudrait pas minimiser le fait qu'un nombre
trop élevé de francophones de culture traditionnelle et rigide,
avec des valeurs religieuses intégristes et "communautaristes", peut
compromettre une
véritable intégration socioculturelle. Ce
phénomène nous amène à nous poser de
sérieuses questions sur l'évolution et la place de la religion
catholique en milieu urbain cosmopolite, il remet en cause nos
responsabilités organisationnelles et budgétaires.
Il est vrai aussi que, depuis quelques années, le Québec a
réussi à augmenter le nombre d'immigrants francophones. Mais
a-t-il réussi à intégrer ces personnes à la
société québécoise? A-MI permis de donner à
ces immigrants un sentiment d'appartenance à leur nouvelle
société d'accueil? Est-ce que ces personnes venaient s'installer
au Québec pour y rester? Il nous semble qu'il faut être prudent
dans ce type de sélection parce qu'il est important d'avoir au
Québec des personnes "fran-cophonisables" et acceptant de participer,
à tous les niveaux, à la construction de la
société.
Au Québec, l'intégration des immigrants est un défi
supplémentaire à cause de certaines caractéristiques
spécifiques à notre société: la
réalité linguistique particulière du Québec,
où la langue de la majorité reste minoritaire sur un continent
dominé par le pouvoir d'attraction de la langue anglaise; le
caractère récent de l'émergence de la
société francophone comme pôle intégrateur de
l'immigration, qui implique un certain rattrapage par nos institutions; le
contexte de hausse des niveaux et de diversification des flux migratoires.
Le fait de présenter et d'expliquer les caractéristiques
du processus d'intégration donne à cet énoncé une
base solide aux orientations et différentes mesures proposées. Il
dénote une compréhension du processus d'intégration de la
part de la société d'accueil.
L'explication est en effet très claire, mais, malheureusement, il
nous est difficile de croire que la population en général
changera d'opinion et surtout d'attitude envers les immigrants. Comment un
gouvernement fait-il pour amener ses habitants à comprendre et à
devenir des acteurs actifs dans le processus d'intégration des
immigrants? Parce que, Mme la ministre, des mesures doivent être prises
afin d'éduquer, depuis le plus jeune âge, à l'ouverture,
à l'entraide et au respect. L'accueil scolaire nécessitera bien
des coûts en 1991, 1992 et 1994, et des coûts plus
qu'indexés. À l'instar des autres commissions scolaires de
l'île de Montréal, la commission scolaire Sainte-Croix offre le
service de classes d'accueil aux nouveaux arrivants. Dans la mesure du
possible, nous favorisons la mise en place de ce service à
l'école du quartier. Ce faisant, nous désirons responsabiliser
chaque école par rapport à cette clientèle. Depuis
maintenant deux ans, il nous est impossible de respecter l'école de
quartier dans le secteur Chameran. C'est pour ça qu'un peu plus
tôt je mentionnais qu'on aura besoin d'une école dans ce
secteur.
L'expérience nous a également démontré que
l'intégration des jeunes immigrants en classe régulière se
vit d'une manière plus harmonieuse lorsque l'équipe-écoie
est sensibilisée grâce à la présence de classes
d'accueil. Au moment de l'intégration de jeunes immigrants en classe
ordinaire, l'enseignant d'accueil informe, clarifie, rassure son
collègue du régulier et aplanit les difficultés au fur et
à mesure qu'elles se présentent.
Actuellement, 7 écoles primaires sur 14 ont des classes d'accueil
chez nous. Deux de ces écoles desservent uniquement la clientèle
de leur quartier, trois autres écoles desservent à la fois les
élèves du quartier et d'autres écoles où, faute de
places, il est impossible d'offrir le service. Trois écoles sont
considérées écoles régionales et reçoivent
majoritairement des élèves des autres écoles. Cette
situation engendre des coûts élevés en termes de
places-élèves. Le ministère de l'Éducation n'a
jamais tenu compte de cette variable dans l'établissement de ses
allocations. Le nombre élevé de classes d'accueil cause des
coûts maintenant mesurables. Juste un exemple. Nous avons, à la
commission scolaire Sainte-Croix, un budget de près de 1 000 000 $ dans
le domaine du transport. Du seul fait que nous ne puissions placer ces
élèves d'accueil dans leur école de quartier, cette
année, ce budget-là est en déficit de 50 000 $. Nous, on
mesure ça; après ça, c'est un professeur de moins, etc.,
lorsqu'on est déficitaires de ce montant-là. Et je pourrais vous
parler longuement des espaces, des locaux qui manquent dans cet
élément-là.
Le développement de l'usage du français. Les mesures
citées dans l'énoncé de politique concernant le
développement de l'usage du français comme langue de travail sont
valables, mais demeurent des mesures peu contrôlables. Il n'y a aucune
mesure qui touche la loi 101. Il faudrait que certaines modifications soient
apportées à cette dernière: les élèves de
plus de 16 ans qui peuvent aller dans les écoles anglaises; des
programmes offerts aux adultes en vue de la formation professionnelle où
les cours doivent être dispensés en anglais; le caractère
obligatoire plutôt qu'incitatif de franciser tous les employés
dans les compagnies. Dans ce domaine, l'énoncé de politique est
très faible. Il faudra plus de rigueur au niveau des entreprises et au
niveau de la publicité. Le gouvernement aurait avantage à
appliquer les exigences de la loi 101 au niveau du cégep si l'on veut
vraiment faire du français la langue commune de travail. (14 h 30)
Nous aurions quelques recommandations à faire.
Le Président (M. Doyon):. Mme Hinse, s'il vous
plaît.
Mme Lortie Hinse: Oui. En conclusion, que le ministère des
Communautés culturelles et de l'immigration collabore avec le
ministère de
l'Éducation afin d'obtenir plus de ressources financières
et humaines pour les commissions scolaires qui possèdent
déjà une forte concentration humaine. Mesure d'aide aux classes
ordinaires. Que ces deux mêmes ministères examinent la
faisabilité de la mesure d'aide aux classes ordinaires décrite
dans notre mémoire, qui ont un taux de 30 % et plus
d'élèves allophones. Nous aimerions qu'on travaille aussi sur une
diminution des maxima d'élèves par classe. Que le maximum
d'élèves par classe soit réduit de trois
élèves dans toutes les classes d'accueil de l'enseignement
primaire ou secondaire. La commission scolaire Sainte-Croix recommande aussi
que la même logique s'applique dans les classes ordinaires. Les maxima
devraient être réduits de quatre élèves dans les
classes dont les effectifs sont de 25 % d'élèves allophones,
à leur première année d'intégration seulement. Ce
même maximum devrait diminuer de un élève par tranche
additionnelle de 15 % d'élèves allophones.
Le ministère de l'Éducation du Québec
considère qu'un local de classe standard doit accueillir environ 26
élèves. Or, en classe d'accueil, le maximum
d'élèves par classe est de 19. Alors que quatre locaux suffisent
pour accommoder 104 élèves des classes régulières,
nous avons besoin de 5, 5 locaux pour un nombre identique
d'élèves en classe d'accueil. Devant cette situation, la
commission scolaire recommande que le ministère de l'Éducation du
Québec subventionne un local de classe par 16 élèves en
classe d'accueil et que l'utilisation maximale des locaux dans les
écoles ne dépasse pas 80 %. Ce faisant, chaque milieu disposerait
d'un nombre de locaux pouvant permettre de recevoir des élèves en
classe d'accueil, quel que soit le moment de leur arrivée.
Nous aurions aussi comme recommandations: l'aide pédagogique, la
baisse de la moyenne du nombre d'élèves par groupe dans les
classes d'accueil du primaire et du secondaire et l'ajout d'aide en
orthopédagogie. Cette aide devrait attribuer l'équivalent de un
dixième de tâche d'enseignant par classe d'accueil.
Il y a aussi les préoccupations d'ordre moral et religieux. De
plus en plus d'observateurs et d'analystes attirent notre attention sur le fait
que l'apparition des mouvements de renouveau religieux est non seulement
planétaire mais aussi quasi simultanée dans toutes les grandes
religions. Le renouveau...
Le Président (M. Doyon): Je veux vous rappeler qu'il
restera peu de temps pour les questions et le dialogue si votre
mémoire...
Mme Lortie Hinse: C'est très bien.
Le Président (M. Doyon):... si vous poursuivez encore
longtemps.
Mme Lortie Hinse: J'ai terminé, M. le Président.
Juste cette petite recommandation finale: Que le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration fasse une analyse plus
profonde de l'impact du nouveau phénomène religieux qui est en
train d'émerger, de manière à ce que l'école ne
devienne pas un terrain d'affrontement et de propagande mais un lieu de
rencontre pour les diverses confessions religieuses. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Hinse. Je sais que Mme
la ministre a plusieurs questions à poser. Vous pouvez commencer, Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Lortie Hinse. Parmi les documents
que vous nous avez transmis, j'ai pris connaissance, avec beaucoup
d'intérêt d'ailleurs, de votre politique d'éducation
interculturelle. Bien sûr, je profite de l'occasion pour vous
féliciter pour ce magnifique travail qui va finalement un peu aussi dans
le sens de la vision proposée dans l'énoncé de
politique.
Pouvez-vous nous parler de la façon dont vous êtes
allés chercher la collaboration du milieu, c'est-à-dire des
enseignants et des parents pour établir un consensus sur cette question?
Et comment expliquez-vous l'esprit d'ouverture qui caractérise votre
commission scolaire à l'égard du phénomène de la
diversité ethnique, raciale ou religieuse, entre autres?
Le Président (M. Doyon): Mme Hinse.
Mme Lortie Hinse: Je vais demander à M. Archambault de
répondre à cette question puisqu'il est l'initiateur de cette
politique.
M. Archambault (Roch): En ce qui concerne la politique
d'éducation interculturelle de la commission scolaire, disons qu'il y a
environ une douzaine d'années nous avons mis sur pied, à la
commission, un comité de réflexion sur la problématique
des nouveaux Québécois et des nouvelles Québécoises
qui arrivaient sur notre territoire, tant à Saint-Laurent qu'à
Mont-Royal et à Outremont. Nous étions sept ou huit
professionnels, cadres et commissaires, dont Mme la présidente, qui
était à ce moment-là commissaire d'écoles. Le
comité a travaillé, est allé chercher une expertise
à l'Université de Sherbrooke. À ce moment-là, sur
l'île de Montréal, il n'y avait pas de préoccupation. Avec
l'aide de M. André Beauchesne, de l'Université de Sherbrooke,
nous avons réfléchi pendant une année et demie. Nous
avions aussi l'opportunité d'avoir parmi nous M. Georges Latif, du
ministère de l'Éducation, qui voulait réfléchir,
lui aussi. Et, par la suite, nous avons travaillé avec différents
groupes, soit des professionnels, des enseignants, du personnel de soutien et
des cadres; nous avons formé des sous-comités. Nous avons
préparé une problé-
matique, nous avons travaillé, et c'a a fait boule de neige dans
nos écoles, partout, de sorte que nous avions beaucoup de matière
à mettre en place lorsque Mme Ackad est arrivée à la
commission scolaire il y a deux ans. Nous avons fait une enquête - et
là je dois dire que la nouvelle loi s'apprêtait à prendre
forme - et nous avons fait une consultation élargie qui dépassait
les conseils d'orientation, les comités d'école et les
comités de parents. Nous sommes allés plus loin, chercher tout le
jus nécessaire pour nous doter d'une politique qui représentait
les aspirations du milieu, particulièrement du personnel enseignant,
parce que c'est avec eux que nous bâtissons ensemble la commission
scolaire Sainte-Croix.
C'est ainsi que parents, enseignants et enseignantes, nous nous sommes
donné la main pour réaliser une politique. Et la politique ne
suffisait pas. Nous la voulions opérationnelle - mettez-le entre
guillemets, parce ce n'est pas tout à fait français - par un plan
d'action réaliste. À ce moment-là, nous avions une
entière collaboration et une volonté politique de la table du
conseil des commissaires qui nous appuyaient dans nos orientations. C'est ainsi
que nous avons pu, ensemble, réaliser quelque chose d'assez bien pour
notre petite commission scolaire, qui a une dimension importante aussi: elle
est à dimension humaine.
Le Président (M. Doyon): À vous, Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Oui. Vous parlez beaucoup aussi de
difficultés d'apprentissage des élèves. Et, naturellement,
on entendra parler aussi au cours de l'après-midi et de la soirée
de cette difficulté d'apprentissage. Moi, j'aimerais savoir, est-ce que
cette difficulté d'apprentissage, vous l'évaluez à partir,
par exemple, des différences - comment pourrais-je dire, donc -
provenant du milieu socio-économique des clientèles? Par exemple,
clientèle favorisée par rapport à une clientèle
défavorisée ou par rapport aux catégories d'immigrants -
parce que vous avez la catégorie des travailleurs, des gens d'affaires,
des familles, des réfugiés, des revendicateurs - est-ce que vous
identifiez justement des clientèles un peu plus lourdes à partir
de ça, là? Est-ce que vous avez pu identifier des
problèmes un peu plus lourds?
Mme Lortie Hinse: Je vais demander à Mme Ackad de vous
répondre, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): Mme Ackad?
Mme Ackad (Nadine): Les difficultés d'apprentissage,
d'abord, se situent à deux niveaux: il y a la difficulté
d'apprentissage au niveau de l'utilisation du français dans la classe et
dans l'école, qui est une problématique, et il y a la
difficulté d'apprentissage au niveau général de l'enfant
qui a de la difficulté à apprendre comme n'importe quel enfant.
C'est sûr que le milieu socio-économique va jouer parce que les
difficultés à trouver de la nourriture, les difficultés
d'être dans un logement, un taudis, à huit personnes dans deux
pièces, ça n'aide pas non plus à la réussite
scolaire. Ces enfants-là, il faut qu'ils étudient en même
temps qu'il y a une machine à coudre qui fonctionne; donc ce sont des
endroits qui ne sont pas du tout... qui ne facilitent pas ça.
Il y a aussi les difficultés qui ne sont peut-être pas du
milieu socio-économique, mais qui sont plutôt du milieu social,
où les parents veulent que les enfants restent dans la culture d'origine
et parlent leur langue d'origine à la maison. Donc, ça n'aide pas
à apprendre le français. Il y a aussi le fait que, dans les
écoles, les professeurs se voient pris avec des enfants qui viennent de
l'accueil. Il y a des fois, dans des écoles, dix enfants qui arrivent de
l'accueil dans la classe; le professeur a toujours un ratio de 26 à 30
élèves; c'est donc beaucoup plus difficile pour lui. Et on sait
que les enseignants, pour eux, un échec, c'est très... Ils le
vivent mal. Pour eux, s'ils ne réussissent pas bien, ça n'aide
pas.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que, au niveau des
catégories d'immigrants que l'on sélectionne, vous voyez plus de
difficultés d'apprentissage - comme je le mentionnais tout à
l'heure - entre les catégories, par exemple, de travailleurs, gens
d'affaires, familles, réfugiés et revendicateurs?
Mme Lortie Hinse: J'aimerais céder la parole à M.
Archambault.
M. Archambault: Nous avons pu observer, au cours de dix
années, que dans le domaine de l'accueil il y a des catégories.
C'est un fait que, lorsque nous avons accepté des gens qui venaient, non
pas des villes, mais vraiment de la campagne, dans leur pays d'origine, et
aussi des élèves qui avaient vécu dans des camps de
concentration, nous avons pu observer une sous-scolarisation chez ces
gens-là. Particulièrement lorsqu'ils nous arrivent au secondaire,
nous avons une côte énorme à remonter. Au primaire, au
deuxième cycle, on peut les récupérer. Mais, lorsqu'ils
arrivent au secondaire, la tâche est immense et très lourde pour
tout notre personnel. Quant aux autres catégories, c'est évident
que, lorsque les gens nous arrivent de milieux aisés de leur pays
d'origine, ils apprennent le français rapidement. Mais nous observons
aussi une volonté et un désir de réussir - un désir
de s'en sortir - qui est exemplaire.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est pour ça que je reviens... Comme
vous le mentionnez, vous
retrouvez quand même des clientèles lourdes qui
nécessitent beaucoup plus de soutien, un soutien accru en termes
d'intégration; cette clientèle se retrouve majoritairement chez
les élèves dont les parents n'ont pas été
sélectionnés pour leur capacité d'intégration. Ils
n'ont pas été sélectionnés pour le Québec,
par le Québec, pour leur capacité d'intégration. D'autre
part, vous me dites: Est-ce que les écoles sont en mesure d'accueillir
plus? Alors, vous voyez un petit peu où je veux en venir. C'est que nous
avons des niveaux d'immigration. Nous décidons de certains niveaux
à partir d'un consensus et, au cours des trois prochaines années,
nous privilégierons la catégorie des indépendants pour
avoir un certain équilibre. C'est aussi pour permettre aux commissions
scolaires de respirer parce que ça demanderait un peu moins de soutien;
on ne demanderait pas un soutien aussi accru.
Par contre, vous semblez, dans votre mémoire, vous axer davantage
vers la famille et les réfugiés. Vous savez fort bien qu'il y a
aussi la catégorie des revendicateurs. Tout à l'heure, vous
disiez qu'au niveau administratif c'est cruel. Je suis d'accord avec vous. Sauf
qu'ils sont ici; et aussi c'est une catégorie de personnes que nous
n'avons pas sélectionnée, sur laquelle nous n'avons aucun
contrôle, et qui a aussi une implication dans vos commissions
scolaires.
Mme Lortie Hinse: M. Archambault.
Le Président (M. Doyon): M. Archambault.
M. Archambault: Concernant cette affirmation sur ce qui ressort
de notre mémoire, peut-être que nous paraissons vouloir insister
davantage sur les réfugiés, sur une politique d'adoption
internationale. Je pense qu'à l'heure actuelle, au Québec, il y a
au-delà de 35 000 personnes qui sont en attente de ce statut. Il
faudrait, une fois pour toutes, prendre les trois prochaines années et
dire: On essaie de nettoyer cette problématique qui grandit de mois en
mois, c'est-à-dire qu'à peu près 1000 personnes par mois
arrivent par la porte d'à côté, dans probablement - ce
qu'on pourrait mettre entre guillemets - l'illégalité. Mais ils
sont à la recherche du statut de réfugié.
Notre problématique, c'est qu'il y a des élèves,
qui sont dans nos écoles... Je céderai la parole à Pierre
Dufour, tout à l'heure, là-dessus, parce qu'il le vit comme
parent. Encore là, il expliquera la situation. Mais nous les vivons, ces
choses-là. Quant à ce qu'on envisage, nous, environ 50 % des gens
qui seraient dans la première catégorie... Nous insistons aussi
pour que la politique d'adoption internationale soit révisée. Je
sais qu'il y a une nouvelle loi, mais elle n'est pas connue de beaucoup de
personnes au Québec, à l'heure actuelle. Il y a eu des
aménagements faits en septembre dernier, mais nous pensons, avec
l'Association des parents adoptifs du Québec, que ce n'est pas encore
assez.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre? Une voix:
Vous permettez que...
Le Président (M. Doyon): M. le député de
l'Acadie. (14 h 45)
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais mentionner que je suis très heureux que vous ayez
accepté de venir présenter un mémoire à la
commission. Je pense que, effectivement, vous couvrez une partie du
comté de l'Acadie, et je connais bien le milieu parce que j'y vis
moi-même et que j'ai eu l'occasion de vous rendre visite à
l'école Émile-Legault et de voir, avec mon collègue, le
député de Richelieu, le fonctionnement de certaines classes.
Alors, effectivement, je veux vous féliciter, vous et vos
collègues, pour l'excellent travail que vous faites à
Émile-Legault et aussi pour la qualité du mémoire que vous
nous avez présenté.
Je crois que ce qui est intéressant aussi, c'est le fait que la
commission scolaire Sainte-Croix - et je pense particulièrement au
secteur de Saint-Laurent - vit au fond la réalité de
l'immigration depuis un certain nombre d'années, depuis 10, 15 ans. Et,
dans ce sens-là, je pense que peut-être les expériences
qu'on vit dans ce secteur-là sont un peu à l'avant-garde de ce
que sera le Québec de demain, au fond. Dans ce sens-là, je pense
que votre expérience est tout à fait pertinente et
intéressante.
Je voudrais plus particulièrement revenir sur un point,
étant donné que le temps passe. À la page 56 de votre
mémoire, vous faites référence à la question des
nouveaux phénomènes religieux et vous vous interrogez sur
l'impact de ce que vous appelez les nouveaux phénomènes
religieux, sur le climat d'échange et d'ouverture qu'on cherche à
préserver dans le milieu scolaire. C'est quand même une
réalité qui existe à Saint-Laurent depuis, comme je le
mentionnais, plusieurs années, avec laquelle vous vivez et,
effectivement, actuellement, le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration essaie de développer une certaine
expertise dans ce secteur-là, des relations interconfessionnelles, avec
toute l'ambiguïté que ça peut avoir; c'est quand même
un phénomène assez récent et d'actualité aussi, si
on regarde un peu ce qui est sorti dans les journaux aujourd'hui. Dans ce
sens-là, le ministère essaie de mieux comprendre,
d'établir ses positions pour aider les institutions à faire face
à cette réalité-là. J'aimerais savoir, dans ce
contexte particulier, comment vous composez concrètement, dans votre
commission scolaire, avec certaines contraintes qui sont imposées par
des pratiques religieuses qui ne vont pas nécessairement dans le
fonctionnement traditionnel du milieu scolaire ou des écoles.
Vous devez avoir vécu ces réalités-là;
comment, concrètement, avez-vous procédé à ce
niveau-là?
Le Président (M. Doyon): Mme Hinse.
Mme Lortie Hinse: Avec votre permission, M. le Président,
je vais laisser la parole à M. Dufour, notre spécialiste en ce
domaine.
Le Président (M. Doyon): M. Dufour.
M. Dufour (Pierre): Bien sûr, c'est une
réalité de plus en plus présente et qui se manifeste de
bien des façons. Nous avons toujours essayé de respecter en
premier lieu la liberté de conscience, la liberté religieuse des
minorités ethniques et, d'autre part, essayé de répondre
à leurs besoins même si, parfois, c'est lourd sur le plan
organisationnel d'offrir les deux enseignements religieux: confessionnel
catholique et morale non confessionnelle.
Mais il y a d'autres problèmes auxquels vous faites allusion.
C'est-à-dire que certaines minorités ethniques manifestent des
revendications qui nous inquiètent et qui, à la limite, peuvent
être dangereuses. J'en mentionne quelques-unes; et pourtant, c'est
prévu dans la loi 107, à l'article 228, où on dit que, si
on offre à l'école un enseignement religieux d'une autre religion
que la religion catholique, il doit respecter les objectifs du programme de
morale non confessionnelle et les intégrer ou, du moins, ne pas
être en opposition avec eux.
Or, beaucoup de revendications de certaines minorités ethniques
montrent qu'on ne connaît pas la loi et qu'on veut même la
contourner d'une certaine manière. J'évoque trois revendications
qui reviennent. On sait que certaines minorités n'ont pas du tout la
même idée que nous concernant la condition de la femme dans la
société et qu'ils veulent donner un enseignement en ce sens qui
nous inquiète. C'est la même chose pour le jeûne du ramadan,
qu'on applique; nous nous retrouvons parfois avec des enfants qui,
l'après-midi, ne peuvent pas fonctionner normalement parce qu'ils n'ont
pas mangé depuis le matin et ils vont manger seulement après le
coucher du soleil le soir. Donc, ces situations-là, ça pose
d'énormes problèmes; il faut composer avec les parents puis
même avec les représentants de ces religions-là, qui
interviennent dans nos écoles. Autre revendication: les temps et les
moments de prière, non seulement à l'intérieur des heures
de classe, mais à l'heure du dîner et aux heures de
recréation.
On en demande beaucoup et, à mon humble avis, c'est difficile de
concilier cela avec ce qu'on trouve dans nos lois qui essaient de concilier
à la fois le respect de ces religions d'origine et, d'autre part, le
respect des principes de la religion dominante au Québec, et qu'il n'y
ait pas opposition et même conflit entre les deux.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour.
M. Bordeleau: Est-ce que vous me permettez de...
Le Président (M. Doyon): Très rapidement.
M. Bordeleau: Très rapidement, oui. Mais
concrètement, vous dites... Vous avez fait référence un
peu à ces difficultés-là. Comment les avez-vous
vécues? Comment les avez-vous solutionnées, concrètement,
ces difficultés-là?
M. Dufour (Pierre): Alors, rapidement, nous observons qu'au
niveau de l'école les directions semblent très peu
préparées à faire face à ces revendications,
à ces remarques et à ces demandes parce qu'elles ont peu de
connaissances sur les religions autres que la religion catholique. Donc, il
faudrait, de ce côté-là, faire en sorte qu'on puisse
offrir, aux directions d'école surtout, un peu plus de formation
concernant d'autres confessions religieuses. Notre façon habituelle de
régler les problèmes actuellement, c'est d'aller à un
niveau supérieur pour rencontrer des gens qui connaissent ce que sont
ces religions-là avec leurs principes, leur morale, leurs exigences
rituelles, et d'essayer de dialoguer avec eux pour dire que, bon,
d'après nos lois, d'après nos habitudes, il faut respecter ce qui
est déjà en place et ce que sont les principes dominants de la
religion dominante. Donc, on doit se référer à un niveau
supérieur et on a beaucoup de difficultés, dans l'école
même, à les résoudre.
M. Bordeleau: Je vous remercie beaucoup, M. Dufour.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Dufour. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme la présidente, mesdames, messieurs, vous
me permettrez une toute petite remarque préliminaire, et cela va
renforcer mon opinion que l'enseignement de l'histoire est
négligé au Québec. Ce n'est pas la première fois
que le Québec se dote d'une orientation comme celle-ci, c'est la
deuxième fois. Il y a eu une première fois; ça s'appelait
"Autant de façons d'être Québécois", ce qui explique
que nous donnons notre concours à Mme la ministre puisqu'elle s'inspire
largement de la première fois qui était "Autant de façons
d'être Québécois".
Ceci étant dit, je pense que vous nous présentez un
mémoire extrêmement fouillé, dans lequel il y a des
principes fondamentaux au sujet desquels je suis entièrement d'accord
avec vous. Le premier transcende toute votre argumentation qui est: Rien ne se
fera sans la collaboration - je dis collaboration - sans l'implication massive
du ministère de l'Éducation.
Sinon, ça ne serait tout simplement que vous remettre la chose,
et de vous la remettre dans le sens très québécois.
Pelleter la neige dans votre cour, on voit ce que ça donne; ça
fait un amoncellement, mais ça ne règle rien. Vous avez eu aussi
l'honnêteté de dire que, quant à la loi 101,
c'est-à-dire la place du français dans notre
société, eh bien, des messages clairs doivent être
donnés et des actions doivent également être faites dans
d'autres domaines que le domaine de l'éducation comme tel. Il y a tout
le monde du travail, etc. Ça, j'en conviens.
Ceci dit, avant d'aller aux questions que j'avais
préparées pour vous, je vais prendre le relais, si vous le
permettez, de la question que mon collègue, M. le député
de l'Acadie, vous posait tantôt, à savoir ces différences
de valeurs religieuses. Il semble que cela puisse peut-être poser
certaines difficultés d'organisation au niveau de l'école comme
telle, mais est-ce que ces particularismes - c'est le terme que je vais
employer - provoquent des conflits entre les élèves comme tels ou
si ce n'est qu'un problème d'ordre administratif et pédagogique
que vous devez administrer?
Mme Lortie Hinse: Je vais laisser M. Dufour y
répondre.
M. Dufour (Pierre): Non, il y a très peu de conflits entre
les élèves eux-mêmes, très peu. C'est surtout au
niveau des parents qui interviennent au nom de l'enfant parce qu'ils veulent
pour lui certaines choses qu'on ne peut pas lui offir.
M. Boulerice: D'accord. Alors, la première question de mon
cru, quoique celles de mon collègue étaient très
importantes. Le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse,
notre ancien CQEE, le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle,
qu'on a tous connu, nous, issus du monde de la pédagogie, affirmait
devant cette commission, la semaine dernière, que les jeunes immigrants
voyaient de plus en plus leurs chances d'intégration menacées
parce qu'ils ne trouvaient plus de référence
québécoise à l'école. La référence
québécoise à l'école, pour eux, était
l'absence de Québécois de plus ancienne souche. Par exemple, dans
une école qui avait au-delà de 60 %, 65 % ou 70 % d'enfants
immigrants, la vieille souche étant très minime, il n'y avait pas
de référence à la société d'accueil. Est-ce
que vous partagez cette opinion?
Mme Lortie Hinse: Moi, je ne vais pas répondre à
votre question, mais je vais l'alimenter quand même. Voici, on l'a
réalisé. Ce que vous dites est vrai, excepté que, nous, on
a travaillé dans un autre sens pour solutionner ce
problème-là. C'est qu'on a organisé des projets
d'échanges. Je vais laisser quand même M. Archambault vous en
parler.
Le Président (M. Doyon): M. Archambault.
M. Archambault: Alors, devant cette réalité, chez
nous, de 41 % de clientèle allophone, c'est évident que nous
avons des écoles qui ont 90 % de clientèle allophone. Il y a
très peu de francophones qui sont là. Nous avons mis sur pied des
projets, des pians pour faciliter des échanges - et nous allons jusque
sur la rive sud, à Saint-Jean sur le Richelieu - des échanges
avec des classes. Nous avons 38 classes francophones qui ont des
échanges avec les élèves allophones de nos écoles.
Cependant, il ne faut pas regarder l'intégration d'une façon
immédiate, dans un mois, dans 15 jours. Il faut penser voir un
Québec dans une génération, deux
générations. Et nous sommes sur le chemin, à l'heure
actuelle, d'une intégration de plus en plus vraie, de plus en plus
grande vers la francophonie. C'est ça qu'il faut viser. Ce n'est pas
à court terme ou à très court terme qu'il faut voir les
choses.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: À votre avis, est-ce que les écoles
ont une capacité d'accueil illimitée de nouveaux arrivants? En
d'autres termes, est-ce qu'il y a un niveau de concentration ethnique qu'il ne
faut pas dépasser?
Le Président (M. Doyon): Mme Hinse.
Mme Lortie Hinse: Je vais vous laisser répondre, M.
Archambault.
Le Président (M. Doyon): M. Archambault.
M. Archambault: Nous avons dit dans notre présentation,
dans notre mémoire, que Montréal, le centre, la
métropole... Il y en a trois métropoles au Canada: il y a
Vancouver, il y a Toronto et il y a Montréal. Disons que, sur
l'île de Montréal, nous pensons avoir atteint un taux raisonnable
d'accueil. C'est pour ça qu'on parle, premièrement, de
"démétropolisation" et, deuxièmement, de
régionalisation. Nous sommes, je pense, une commission scolaire
très réaliste, un point de mire où les enjeux sont
très importants pour notre avenir. Nous pensons qu'il faut absolument
mettre en place des structures et avoir une volonté politique et
économique de diriger et d'orienter les nouveaux arrivants. Quand on
leur parle du premier contrat moral d'engagement, il faut leur dire: C'est dans
la région du Québec que vous venez, non pas sur l'île de
Montréal. Nous croyons, nous, qu'il y a un seuil raisonnable d'atteint
sur l'île de Montréal si on veut réaliser les objectifs de
la politique, c'est-à-dire franciser et francophoniser tous les nouveaux
arrivants. Est-ce que ça répond à votre question? (15
heures)
M. Boulerice: Oui. Mais certains disent: On
ne peut pas... Bon, je suis bien d'accord avec vous, avec la
"démétropolisatlon", parce qu'il y a une capacité
d'accueil. Je ne parle pas uniquement de la capacité psychologique de
l'accueil; je parle des conditions de logement. J'étais heureux de voir
que madame y ait fait allusion. L'immigrant investisseur, oui, mais il est
minoritaire. Et, quand on arrive dans la condition d'immigrant, on n'arrive pas
les poches bourrées de yens, de marks, de pounds, je ne sais pas de
quelle unité monétaire, là. Donc, il y a des situations
pénibles qui sont vécues. Je suis d'accord avec vous pour ce qui
est de la "démé-tropolisation". Je pense que c'est ma formation
qui, pour la première fois, a employé le terme. Mais, quant
à la régionalisation, lorsqu'on en parle, c'est toujours de
façon très philosophique, en se disant: Oui, il est beau d'en
parler. Mais on ne peut mettre aucune mesure incitative, cela viendrait en
contradiction avec notre Charte des droits et libertés. Et,
parallèlement, d'autres nous disent: Oui, mais les conditions
économiques en région ne permettent pas d'y aller. Que
répondez-vous à ça?
M. Dufour (Pierre): M. le Président, c'est sûr qu'il
y a des difficultés qui sont liées à des problèmes
d'ordre économique. On en est tous conscients, mais il faut savoir qu'il
y a aussi autre chose. Ce n'est pas un hasard - et là il faudrait
questionner! cette situation - si on retrouve à Montréal la
majorité des associations des minorités ethniques, les
restaurants et les épiceries exotiques, asiatiques et autres, les
magasins de vidéo, les cinémas err langue étrangère
et les lieux de culte. Et on va même jusqu'à doubler dès
services déjà existants comme des banques, dès cliniques,
des écoles. C'est tout ça qui fait que, même si, au
départ, les immigrants trouvent de l'emploi à
Trois-Rivières et même jusqu'à Sherbrooke, tôt ou
tard ils vont avoir la forte tentation de revenir à Montréal pour
pouvoir retrouver les avantages que leur offrent leurs associations avec, bien
sûr, les magasins, les vidéos, les lieux de culte, les banques et
les cliniques. Bon. Je pense que, de ce côté-là, il
faudrait questionner ce qu'on trouve actuellement à Montréal et
qui favorise la venue à Montréal de tous nos immigrants, de tous
nos réfugiés. Ce n'est pas tout de leur trouver de l'emploi
ailleurs; il faut y installer des services auxquels ils peuvent avoir recours
et qui sont très importants pour eux. Il ne faut pas minimiser.
M. Boulerice: Le plan d'action pour le ministère des arts
et de la culture versus communautés culturelles. Je pense que vous
lancez là une piste intéressante. J'aimerais vous poser une
dernière question; c'est une sensibilité que votre commission a
et que j'apprécie. Vous avez parié des réfugiés,
mais moi, j'aimerais parler des jeunes aspirants réfugiés qui
vivent des problèmes à l'école. Est ce que vous pouvez
nous dire si l'intégration de ces jeunes est possible? J'aimerais,
à la fin de cette question que je vous pose, vous dire que, oui, nous
avons des pouvoirs pour ce qui est dé la sélection des
réfugiés. L'extérieur, ça va. Mais, par contre,
ceux qui sont actuellement ici et en attente de statut, eh bien,
malheureusement, c'est une condition que leur a fait vivre le gouvernement
fédéral par son laxisme et qui n'est pas réglée par
le même laxisme du gouvernement fédéral.
Le Président (M. Doyon): Mme Hinse.
Mme Lortie Hinse: M. Dufour va répondre à
ça.
Le Président (M. Doyon): M. Dufour.
M. Dufour (Pierre): Concernant la situation des jeunes en
particulier, il faut faire tout de suite une distinction qu'on oublie parfois.
Il y a une différence énorme entre un jeune qui est
accompagné d'un parent et même d'un ami important, surtout adulte,
et puis un jeune qui est seul, qui est célibataire. Vous savez que, pour
les Asiatiques en particulier, et même pour les Africains, la famille,
c'est extrêmement important. Sans cet appui, ils sont vraiment
démunis; de sorte que s'ils ne trouvent pas de l'accompagnement, un
adulte québécois de référence qui va les aider
à s'intégrer, ils vont avoir d'énormes difficultés
et ils sont parfois tentés, comme on le dit dans notre mémoire,
de prendre, la voie de la délinquance, si ce n'est pas le vol à
l'étalage et la prostitution. Donc, il faut trouver des moyens pour les
accompagner, les appuyer, et c'est plus vrai encore en région.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. Boulerice: Je
vous remercie.
Le Président (M. Doyon): M. le député,
est-ce que vous avez quelques mots de conclusion?
M. Boulerice: Je ne voudrais pas être flatteur envers
d'anciens collègues, mais lorsque j'étais à la
régionale de Chambly mes liens étaient très étroits
avec votre commission scolaire. J'étais en mesure de:., pas de
quantifier, puisque je n'étais pas là comme contrôleur,
mais d'apprécier la qualité de réflexion et surtout la
pensée pédagogique qui animait votre commission scolaire. Je suis
heureux de voir que, dans tout ce volet immigration, la pensée
pédagogique est éminemment présente et je peux vous dire
que c'est un enrichissement pour cette commission. Je vous en remercie, Mme. la
présidente, et je remercie vos collègues qui vous accompagnent,
et d'abord Mme Biondi, qui est un bel exemple d'intégration puisque sa
famille a de longues racines dans ce pays.
Mme Biondi (Yvette): ...sur un plateau d'argent.
M. Boulerice: Sur un plateau d'argent. Le Président (M.
Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je veux vous remercier également
pour la présentation de votre mémoire, et surtout vous
féliciter pour le travail que vous faites pour nous aider, justement,
à relever ce grand défi de l'intégration. Je suivrai bien
sûr de très près l'évolution de votre nouvelle
politique d'éducation interculturelle. Merci beaucoup.
Mme Lortie Hinse: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): Merci. Je me fais sûrement
l'interprète des membres de cette commission en vous remerciant de votre
présentation. Je vous invite à vous retirer pour permettre aux
gens qui vous suivent d'occuper la place.
Il s'agit de la Commission des écoles catholiques de
Montréal qui, d'après les documents qui m'ont été
fournis, est représentée par M. Jean Trottier, Mme Louise Laurin
et M. Robert Attar. Je leur demande de prendre place à la table de nos
invités.
Je vous souhaite à tous les trois la bienvenue. Je vous invite
donc...
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite donc à
vous présenter et à procéder à la lecture de votre
mémoire ou de son résumé, pour une vingtaine de minutes,
le temps qui reste étant partagé également entre les deux
formations politiques. Nous vous écoutons.
Commission des écoles catholiques de
Montréal
M. Trottier (Jean): M. le Président, Mme la ministre, Mme
et MM. les députés, laissez-moi d'abord présenter les
personnes qui m'accompagnent. M'accompagneront dans cette présentation,
à ma droite, Mme Louise Laurin, commissaire et membre du comité
de rédaction du mémoire dont il sera aujourd'hui question, et
aussi M. Robert Attar, à ma gauche, directeur de l'Office des relations
interculturelles à la CECM. Je signale aussi la présence parmi
nous de Mme Rolande Pelletier, vice-présidente et membre du
comité exécutif de la CECM, et aussi de Mme Carmen Gadoury,
membre du comité exécutif de la CECM.
L'intégration des immigrants à la CECM. La CECM accueille
favorablement l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Vous l'avez
remarqué, notre mémoire ne traite pas des niveaux d'immigration
en tant que tels, mais plutôt de l'incidence de ce
phénomène sur notre pédagogie.
Nous sommes heureux de participer à cette consultation publique,
car les relations interculturelles sont une réalité que nous
assumons quotidiennement. Ceci s'est fait par la force des choses puisque nous
accueillons une forte proportion des enfants immigrants. Nous avons ainsi
développé un savoir-faire original, autant par son approche que
par la variété de ses services. Chez nous, les premiers efforts
d'intégration des jeunes et des adultes allophones à
l'école francophone remontent au début de la Révolution
tranquille. Dès 1965, le Service de l'éducation des adultes de la
CECM mettait sur pied des cours de langue destinés à sa
clientèle pluriethnique. Puis, en 1968, les premières classes
d'accueil virent le jour. Depuis peu, nous avons franchi une nouvelle
étape en sollicitant la participation des membres des communautés
culturelles. Nous avons mis sur pied le comité consultatif des groupes
ethniques et créé l'Office des relations interculturelles.
Plus récemment, le Conseil des commissaires a adopté un
plan global sur la pluriethnicité du milieu scolaire. Ce plan comporte
trois volets: la langue, les relations interculturelles et la pratique
pédagogique. Nous tenons à améliorer la maîtrise du
français et ce, pour tous les intervenants du monde scolaire. C'est de
cette façon que nous préparerons la société de
demain à mieux vivre dans un milieu pluraliste où le
français est la langue officielle. Pour pouvoir s'adapter à une
société québécoise en mouvement et répondre
à des besoins inédits, la CECM n'a jamais cessé ses
recherches. C'est ainsi que nous sommes actuellement à rédiger un
document traitant de l'adaptation de la pédagogie au milieu
pluriethnique et du renforcement des services pédagogiques aux
élèves des communautés culturelles. Je suis convaincu
qu'il s'agira d'un outil précieux pour les années à
venir.
J'inviterais maintenant Mme Louise Laurin à vous entretenir des
répercussions de la hausse de l'immigration sur l'école
montréalaise. Mme Laurin.
Mme Laurin (Louise): Selon l'énoncé de la ministre,
le gouvernement du Québec désire accroître l'immigration
globale. Si cet accroissement apparaît souhaitable pour pallier la baisse
de la natalité, certains facteurs doivent être examinés de
près. Parmi ces facteurs, mentionnons la situation économique et
le fait que la capacité physique d'accueil de nos institutions et de la
société montréalaise n'est pas illimitée. Il ne
faut pas se leurrer sur le phénomène de la concentration urbaine
des immigrants. Malgré le désir de la ministre, les diverses
mesures de régionalisation de l'immigration seront difficilement
applicables. L'expérience passée peut en témoigner.
Près de 90 % des immigrants s'installent dans la région de
Montréal. Selon les estimations, ce phénomène ira en
s'accentuant. Le nouvel arrivant cherche à s'installer dans un secteur
ou un quartier où se trouvent déjà de
ses compatriotes. Pour lui, H s'agit d'un sentiment de
sécurité.
Au cours des dernières années, le phénomène
de l'étalement urbain est apparu dans la population francophone. La
population immigrante n'y échappe pas. Ainsi, on retrouve un petit
nombre de membres des communautés culturelles qui s'installent à
Laval ou sur la rive sud de Montréal. Cependant, il s'agit de distances
peu importantes. Il est donc permis de croire que les commissions scolaires de
la région de Montréal auront à faire face à Ja plus
grande partie des nouvelles arrivées des membres des communautés
culturelles. Or, parmi les commissions scolaires de ta région
métropolitaine, la CECM en reçoit le plus grand nombre. Les
chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1967, 4300 non-francophones
fréquentaient les écoles de la CECM, soit 2,6 % de la
clientèle totale. En 1990, 24 000 non-francophones fréquentaient
les écoles de la CECM, soit 30,2 % de la clientèle totale. En
décembre dernier, (es classes d'accueil comptaient plus de 4000
élèves et, selon les prévisions, ce chiffre atteindra 5000
d'ici la fin de l'année scolaire, ces élèves provenant de
107 pays d'origine différents et pariant 54 langues maternelles.
Avant d'établir les niveaux d'immigration, le gouvernement doit
tenir compte des ressources humaines et des services disponibles. Pour relever
le défi de l'immigration, tes commissions scolaires ne disposent pas
nécessairement d'un personnel adéquatement préparé,
d'un personnel à tous les paliers, à la constante
évolution de la situation. Les institutions doivent s'ajuster
constamment et répondre aux nouveaux besoins des jeunes immigrants
qu'elles reçoivent.
Le second objectif de la ministre est de favoriser une immigration
francophone. Même si pet objectif est fort louable, il suscite un certain
nombre de préoccupations. D'abord, il nous apparaît important de
préciser que les immigrants dits francophones qui s'installent ici n'ont
pas toujours le français comme langue maternelle. Il s'agit souvent de
leur langue seconde. Le second défi repose sur l'intégration dans
la société. Le fait de parler la langue ne suffit pas à
réduire les distances culturelles associées au travail, à
la famille, à la religion, à la place des femmes dans la
société, à la perception que certains nouveaux venus ont
de l'autorité. Dans les écoles, nous devons apprendre à
transiger avec toutes ces différences. Le défi de
l'intégration reste entier. (15 h 15)
L'enfant immigrant doit relever plusieurs défis dont le premier
est d'apprendre à communiquer dans la langue de l'école, car elle
lui permettra non seulement de s'intégrer à la
société d'accueil, mais elle est indispensable à
l'apprentissage scolaire. Mais le français est-il seulement la langue de
l'école? Comment peut-il être attrayant si le français
n'est pas la langue de travail? Déjà la langue anglaise, par sa
situation privilégiée en Amérique du Nord, est très
attrayante. À ce chapitre de la langue de travail, le gouvernement doit
renforcer sa volonté de faire du français la langue d'usage et la
langue de travail. Car l'école seule ne peut relever ce défi,
c'est aux autres partenaires de la société d'y participer.
M. Trottier: Les facteurs de réussite do
l'intégration. Au cours des années, pour réussir à
bien intégrer les enfants immigrants, nous avons vu à adapter les
programmes, la formation des professeurs et la démarche
pédagogique. Mais une intégration réussie passe par trois
canaux.
Le premier canal de réussite, c'est l'enseignement du
français et le français comme langue d'enseignement. Il faut
prendre conscience que l'usage même du français comme langue
d'enseignement représente dans certains milieux une difficulté de
premier ordre. Depuis 1965, la CECM offre aux adultes allophones des cours de
français langue seconde et, dans le champ de l'éducation
populaire, des activités d'intégration à la
société québécoise. Dans l'ensemble dos programmes
offerts par la CECM, la population née hors Québec
représente depuis quelques années entre 40 % et 50 % de la
clientèle adulte de la CECM. Certains centres de formation en comptent
jusqu'à 70 %. En ce qui concerne la clientèle des jeunes, la CECM
ne peut que se réjouir des principales dispositions prévues pour
tes milieux éducatifs dans les prochaines années, soit: la baisse
de la moyenne du nombre d'élèves par groupe dans les classes
d'accueil de l'ordre secondaire, le développement des services de
soutien linguistique, le maintien des budgets spéciaux d'instrumentation
pour les établissements à haute densité ethnique et
l'ajout d'enseignants-ressources dans les écoles francophones à
forte concentration ethnique.
Le second canal de réussite, c'est la participation des
communautés culturelles. Depuis 1989, la CECM a mis sur pied un
programme d'accès à l'égalité dans l'emploi pour
les Québécois des communautés culturelles à tous
les échelons de sa hiérarchie administrative. Par la
création de son comité consultatif des groupes ethniques, la CECM
assure une réelle participation des Québécois des
communautés culturelles à son projet éducatif. Nous
croyons que l'agent de milieu devrait desservir l'ensemble du milieu scolaire,
le personnel et les élèves, et favoriser par des mesures
concrètes l'adaptation mutuelle. Il doit devenir une clé qui
incitera les élèves à adopter des attitudes favorables
à la communication interculturelle, travaillera à la promotion et
valorisera le français, favorisera l'intégration psychosociale de
l'élève immigrant, tissera des liens entre l'école
pluriethnique et les diverses communautés qui la fréquentent.
Le troisième et dernier canal de réussite, c'est une
emphase sur les relations intercommunautaires. La CECM accorde son appui
à l'intention du gouvernement de mettre en oeuvre
des projets favorisant le développement de relations harmonieuses
entre Québécois de toutes origines en milieu scolaire et
collégial. Cependant, nous remarquons que les mesures proposées
dans l'énoncé de politique sont formulées de façon
fort générales. Nous croyons qu'au moment où le
Québec dispose davantage de leviers en matière d'admission et
d'intégration des immigrants il faut mettre en place des mesures
concrètes pour répondre aux objectifs formulés dans
l'énoncé de politique du ministère. Il faut implanter des
programmes de formation des employés et de réduction des tensions
intercommunautaires. En somme, il faut soutenir par des ressources humaines et
financières les commissions scolaires dans leur effort d'adaptation
à la réalité pluraliste. D'autres intervenants sont
nécessaires à la bonne marche du projet. Le recours aux
ressources du milieu, spécialement les parents, et la sensibilisation
des martres à la réalité multiculturelle constituent deux
facteurs non négligeables.
Nos recommandations touchent tous les domaines d'intervention scolaire
concernés par une augmentation du nombre de nouveaux arrivants.
Étant donné que vous êtes déjà en possession
de celles-ci, nous nous contenterons de réaffirmer leur sens
général.
Premièrement, pour les services éducatifs destinés
aux adultes, nous recommandons de mettre l'accent sur le français. Une
meilleure accessibilité aux activités de francisation de tout
genre pour les immigrants constitue la base des mesures. L'allocation des
ressources financières sous forme d'enveloppe fermée oblige des
institutions à refuser un certain nombre d'immigrants dans les classes
de français langue seconde. La connaissance du français, c'est la
porte d'entrée à une pleine participation des
Québécois d'origine ethnique au cours de notre
société. À ce titre, nous recommandons que les instances
gouvernementales concernées donnent les outils nécessaires aux
commissions scolaires pour pénétrer les milieux de travail et
ainsi donner un second souffle aux efforts de francisation des travailleurs.
Nous croyons que les chevauchements actuels dans les services
d'éducation aux immigrants entraînent des coûts
supplémentaires inutiles. Le ministère de l'Éducation est
l'intervenant principal dans le domaine de l'éducation. Nous
recommandons que le ministère de l'Éducation retrouve sa mission
éducative et dispense les services actuellement offerts par les
COFI.
Deuxièmement, pour les services destinés aux jeunes des
communautés culturelles, nous considérons que le droit à
l'éducation est universel. Nous recommandons que les mesures pour les
jeunes des communautés culturelles aient leur équivalent dans les
mesures auxquelles ont accès les autres élèves
québécois De plus, nous recommandons de favoriser les initiatives
pédagogiques adaptées aux classes pluriethniques par la
création de postes d'enseignants-ressources et en révisant la
pédagogie de l'enseignement de l'histoire du Québec et du Canada
par le soutien d'une instrumentation mieux adaptée. Nous recommandons de
développer des mesures particulières pour certaines
clientèles, soit les sous-scolarisés, les enfants
handicapés et les élèves nécessitant une insertion
sociale et professionnelle.
Troisièmement, pour la participation des citoyens d'origine
ethnique, nous recommandons d'accorder aux commissions scolaires les ressources
nécessaires pour voir à diffuser au Québec et à
l'étranger l'information sur nos services éducatifs. Nous
recommandons également d'associer commissions scolaires à forte
concentration ethnique et universités pour que les programmes de
formation des maîtres incluent les notions essentielles à
l'enseignement en milieu pluri-ethnique.
Quatrièmement et finalement, pour les relations
intercommunautaires, nous recommandons que le gouvernement attribue aux
commissions scolaires à forte concentration ethnique les ressources
financières nécessaires pour former tout son personnel et
réaliser des projets favorisant l'harmonisation des relations
interculturelles.
En conclusion, nous souscrivons pleinement aux objectifs de la ministre
lorsqu'il s'agit d'augmenter la proportion des immigrants francophones entrant
au Québec. Par notre exposé, nous voulons toutefois souligner aux
membres de la commission qu'une telle mesure ne constitue pas une
finalité en soi. Bien que plus francophone, la clientèle
pluriethnique qui occupera demain nos classes ne requerra pas moins de services
et d'encadrement. L'arrivée dans un nouveau pays au régime
pédagogique et aux règles scolaires nouveaux représente un
défi pour tous les immigrants, qu'ils soient francophones ou non. Depuis
plusieurs années, la CECM a vu développer des programmes pour
faciliter aux nouveaux arrivants l'adaptation à un nouvel environnement
scolaire. Aujourd'hui, nous tenons à vous souligner qu'il existe chez
nous une expertise unique en son genre. Nous sommes prêts à
partager nos expériences et nos connaissances avec le ministère
et les commissions scolaires, mais nous tenons à vous mentionner qu'un
tel travail a demandé, demande et demandera énormément
d'efforts et de ressources. Nous considérons d'ailleurs que
l'énoncé de politique demeure vague, autant face aux ressources
financières qui seront disponibles à son sujet qu'au niveau du
partage de celles-ci. On serait tenté de conclure en disant que l'avenir
du français se joue à l'école. Je suis sûr que vous
serez d'accord avec moi pour ajouter que ce n'est pas que l'avenir de notre
langue qui se joue aujourd'hui dans nos écoles, mais celui de notre
société, de son harmonie, de son sentiment collectif et de son
ouverture sur le monde. Merci d'être à l'écoute de nos
orientations à la CECM.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. Trot-tier. Je
reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci
beaucoup de votre présentation également. Dans votre
mémoire, à la page 8, vous mentionnez que la sélection
d'une immigration francophone n'assure pas à elle seule
l'intégration. Je suis d'accord avec vous. En même temps,
cependant, on sait très bien que, même si la connaissance du
français n'est pas la panacée, elle représente quand
même un atout appréciable, je pense qu'on ne peut pas le nier non
plus. D'après votre expérience en milieu scolaire, quelles sont
les difficultés particulières que la clientèle des
immigrants francophones connaît? Tout à l'heure, on a fait
allusion justement au fait qu'il y a aussi des difficultés, même
si on parle français. Alors, quelles sont ces difficultés
particulières que vous rencontrez en commission scolaire?
M. Trottier: Je vais demander à notre expert, M. Robert
Attar, qui est reconnu dans le monde allophone, de bien vouloir répondre
à votre question.
Le Président (M. Khelfa): M. Attar.
M. Attar (Rottërt): On m'appelle allophone et ça fait
plus d'un quart de siècle que je suis au Québec. Né sur
les rives du Nil, je suis très heureux de poursuivre ma vie avec celle
de ma famille sur les rives du Saint Laurent. Voyez-vous, être
francophone comme je le suis, puisque vous avez un exemple frappant devant
vous, fait de moi un Québécois à part entière mais
non pas un Canadien français. J'aurais pu l'être, mais je ne le
suis pas. Comme moi, des dizaines et des centaines et des milliers qui sont
venus au Québec et au Canada construire ce pays sont restés, par
des politiques voulues, ancrées tout de même dans leurs origines.
Lorsqu'on parle d'une immigration francophone, le petit peuple, les gens
ordinaires comme nous se rendent-ils compte que nous parions de certaines
sociétés qui ne sont pas et qui ne viendraient pas de France ni
de Suisse ni de Belgique, mais francophones du Maroc, francophones de
Haïti, francophones d'Algérie, francophones d'Egypte, du Liban, de
la Syrie, du Vietnam et j'en passe? Toute l'Afrique francophone. Est-ce que le
peuple, celui qui lit les journaux, qui lit la politique et qui vous
écoute et qui nous écoute, savent-ils que c'est de ces
francophones que l'on parle? Or, ces francophones n'ont pas notre culture.
Ça peut être des francophones musulmans qui demandent de porter le
"hijab" dans deux écoles de la CECM, qui ne veulent pas, à
l'âge de 12 ans, partager des activités avec des garçons.
Voilà toute la différence et l'impact que peuvent causer des
immigrants qui vont avoir certainement une langue commune avec nous, qui vont
être moins lourds comme budget à supporter pour les
francophoniser, qui vont nous comprendre très vite mais qui n'ont pas
notre culture. Et cette culture, c'est tout un monde qui comprend le patrimoine
québécois; le patrimoine québécois peut être
aussi la langue, la culture, la famille, la religion pour certains et pour
beaucoup. Voilà où la différence va se faire et où
ces nouveaux venus devront comprendre cette société d'accueil
pour s'intégrer à cette société.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Attar, est-ce que vous voulez dire,
à ce moment-là, que le Québec devrait sélectionner
à partir des cultures plutôt que la langue ou...
M. Attar: Non
Mme Gagnon-Tremblay: Non. (15 h 30)
M. Attar: Ce n'est pas possible de faire une sélection de
cultures parce que le monde est fait de diverses cultures. Dans la même
langue parlée, vous avez plusieurs cultures et dans la même langue
arabe parlée et écrite, il y a plusieurs cultures. Donc,
aujourd'hui nous parlons deux langues et, pour moi, la langue, elle est en
marche et le français va devenir la langue de la majorité. Mais
la culture, eh bien, c'est un autre domaine qui implique une façon de
vivre, de se comporter.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, vous mentionnez que, même au
niveau des élèves qui parient le français, il y a des
problèmes d'intégration à cause des cultures. Mais comment
évaluez-vous cette intégration comparativement à celle des
immigrants allophones? Est-ce qu'elle est plus facile? Est-ce qu'elle est plus
difficile? Est-ce que ça se rejoint? Comment pouvez-vous comparer?
M. Attar: Du point de vue du cheminement linguistique, elle est
certainement plus facile. Du point de vue du cheminement culturel, lorsqu'un
jeune de 16 ou 17 ans du Moyen-Orient n'accepte pas de se faire suspendre de
l'école parce que c'est une femme qui est directrice adjointe qui le lui
demande... Et ce jeune de 16 ou 17 ans lui répond dans un excellent
français: Chez nous, c'est mon père qui me dit de sortir, ce
n'est pas ma mère. Donc, cette autorité patriarcale, cette
façon de concevoir certaines choses... Le père va lui dire: Quand
je te parie, baisse les yeux. À l'école, on lui dit: Quand je te
parte, regarde-moi. C'est des détails!
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, il y a énormément
d'éducation à faire avec les enfants, mais avec les familles
aussi.
M. Attar: Exactement.
Mme Gagnon-Tremblay: Avec les familles. Pour être capable
d'intégrer dans les classes, il faut être capable aussi de
travailler avec les familles pour leur faire comprendre aussi certains droits
fondamentaux que nous devons ici respecter.
M. Attar: Mais, Mme la ministre, sans les agents de milieu,
comment pourrons-nous arriver à ces objectifs?
Mme Gagnon-Tremblay: Je vais revenir aux agents de liaison, parce
que vous faites allusion aux agents de liaison, fort possiblement, là.
Je vais y revenir. Je voudrais, par contre, avant de passer à cette
deuxième question... Concernant cette clientèle de francophones
versus allopho-nes, est-ce que vous avez des données sur leur
performance scolaire?
M. Attar: Mme la ministre, M. le Président...
Le Président (M. Khelfa): Oui, monsieur.
M. Attar: ...j'ai des surprises parce qu'on globalise beaucoup.
On généralise beaucoup. Il y a de la violence qu'on lit dans
La Presse - il était noir, il était jaune, je m'en excuse
- bon. C'est toujours... On catégorise les gens et on globalise les
gens. Oui, il y a des difficultés. Oui, il y a des clientèles
très lourdes. Mais les preuves ont été faites que 80 % de
la clientèle réussissent. Pourquoi culpabiliser les immigrants et
les parents ethniques en leur faisant croire que c'est à cause d'eux que
les performances sont mauvaises, que la violence est dans nos écoles?
Oui, il y a de la violence; oui, il y a de l'électricité dans la
violence parfois. Oui, il y a des performances avec des retards scolaires
incommensurables, où l'école ne peut pas répondre aux
besoins de cette clientèle. Non, on ne peut pas changer les habitudes,
les traditions et les valeurs, même de ceux qui réussissent. Mais
il y a des écoles où sont concentrées des
clientèles scolaires très lourdes, où les professeurs,
malgré toute la préparation qui a été faite,
malgré tous les encouragements qui leur viennent aussi bien du
côté patronal que du côté syndical., parce qu'il faut
le dire, ces professeurs ont le désir et le vouloir de performer avec
cette clientèle, mais ils sont dépassés, ils sont
découragés. À ce moment-là, les directions
d'école se trouvent dans le même bain. Les intervenants scolaires,
orthophonistes, psychologues... Il n'y a pas de psychologues au secondaire
parce que l'enfant québécois a déjà
été analysé au primaire. Il a déjà fait son
cheminement, il a un dossier qui est monté, il y a des soins qui lui
sont donnés, il y a un suivi. Mais le gars de 14 ans, un
Latino-Américain qui monte sur les murs chaque matin, à 14 ans,
il n'a pas de dossier. Pourquoi donner un service de psycholo- gue au
secondaire? Il n'y en a pas pour les Québécois. Mais qui va
trouver la solution pour aider le prof, pour aider la direction de
l'école? Il n'y en a pas. Donc, je dois aller piger dans le budget
régulier des élèves réguliers pour aider ces
enfants-là. Il n'y en a pas pour... Les sourds-muets
québécois qui arrivent à la CECM, il y a des écoles
à vocation nationale, mais un Vietnamien sourd-muet et un Turc
sourd-muet, vous les avez vus, Mme Louise Laurin, à qui il faut donner
des lignes de démarche aux parents, il faut que quelqu'un intervienne.
Il a fallu travailler avec trois téléphones, un interprète
qui travaille dans une banque turque, les parents turcs dans une école
de handicapés, puis le spécialiste. Ça ne se fait pas
parce qu'il est catégorisé comme un enfant handicapé.
Donc, il y a des mesures pour les handicapés. Mais, pour un
handicapé allophone, on fait quoi? On l'a accepté au
Québec, il faut le servir.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Attar. Je veux revenir à
votre question d'agents de liaison, parce que vous en faites état dans
votre mémoire, à la page 19. Vous préconisez l'utilisation
d'agents de liaison pour favoriser les relations entre l'école et les
parents des communautés culturelles. Je me demande... C'est sûr
que c'est peut-être une solution, c'est peut-être la solution la
plus rapide, mais, dans un contexte de rareté des ressources, est-ce que
c'est la seule? Est-ce qu'il y a d'autres moyens, par exemple? Est-ce que la
présence d'agents de liaison, de leur communauté, ne risque pas
de développer la dépendance des parents qui ne s'habituent pas
à entrer en contact direct avec l'école? J'aimerais vous entendre
sur ça.
M. Trottier: Mme Louise Laurin.
Le Président (M. Khelfa): Mme Laurin.
Mme Laurin: Je pense que ce qu'on préconise, ce n'est
pas... L'agent de liaison serait, à mon avis, comme un interprète
qui fait le lien au début, pour mieux comprendre ce qui se passe. Mais
nous, ce qu'on appelle, c'est plutôt un agent de milieu,
c'est-à-dire une personne qui va agir sur les élèves
d'abord pour les relations intercommunautaires et interculturelles, autant avec
les francophones et les diverses ethnies, et aussi qui va agir avec les
familles pour les rapprocher de l'école.
Donc, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement
une personne d'une communauté précise. Ça peut en
être une, mais cette personne-là ne doit pas représenter
cette communauté-là. Cette personne-là est l'agent du
milieu, donc elle est l'agent, la personne qui rapproche entre eux les
différents groupes ethniques et qui les rapproche au Québec
français.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que cette personne, par exemple,
pourrait provenir d'un groupe communautaire qu'on pourrait subventionner aussi
ou... Parce qu'il y a toujours aussi... Si on crée, par exemple, un
service permanent de ces agents au sein des commissions scolaires... Bon. Il y
a quand même aussi une vague migratoire des communautés qui sera
terminée, à un moment donné. Il y a aussi... Ça
change. L'immigration ne nous provient pas du même endroit, des
mêmes ethnies, des mêmes communautés. Donc, à ce
moment-là, il faut prévoir aussi qu'un jour ou l'autre on aura
à modifier. Est-ce que, par exemple, si on crée ce service
permanent, on n'aura pas par la suite à déplacer ces gens ou
à avoir certains problèmes? Est-ce que ça peut se faire?
Est-ce que vous croyez, par exemple, que ça pourrait se faire par
l'entremise de communautés avec lesquelles nous poumons créer un
certain partenariat, parce qu'elles ont aussi une expertise souvent dans ces
contacts?
Le Président (M. Khelfa): Mme Laurin.
Mme Laurin: Je ne sais pas si on est tous du même avis ici.
Mais pour moi, ce n'est pas une personne d'une communauté donnée.
Je veux dire, ça peut être une personne d'une communauté,
mais c'est une personne qui oeuvre dans un domaine communautaire, qui est
habituée de travailler avec (tes groupes. Ce n'est pas
nécessairement une personne d'une communauté spécifique.
Ça peut très bien l'être, mais il faut que cette
personne-là ne soit pas au service uniquement de sa communauté
à elle, mais au service autant de toutes les communautés de la
société d'accueil. Parce que, à ce moment-là, on ne
peut pas avoir un nombre incommensurable. On a dit 107 pays différents
tantôt, je pense que ça peut être très bien
joué par un francophone de la société d'accueil comme par
une personne qui est très bien intégrée à la
société d'accueil, mais qui vient d'une communauté
ethnique. Mais c'est une personne surtout qui fait un travail social. C'est un
animateur social.
Le Président (M. Khelfa): M. Attar.
Mme Laurin: Ce n'est pas de créer de ghettos des
communautés si on veut qu'elles s'intègrent à la
société francophone.
Le Président (M. Khelfa): M. Attar, pour
compléter.
M. Attar: Oui. Si vous me permettez, l'agent de milieu, on lui a
donné un nom parce qu'il fallait créer autre chose que l'agent de
liaison. À certains moments de l'histoire de révolution des
élèves d'origine ethnique et multiculturelle qui ont
intégré la CECM, on a senti un besoin parce que certains
problèmes se développaient dans certaines écoles. Donc,
c'étaient des aides, une aide ponctuelle qu'on donnait. Cette aide
ponctuelle s'est raffermie parce que la personne qui était là a
pu remplir un rôle de psychoéducateur, d'interprète.
Lorsque vous parlez, par exemple, de la communauté haïtienne, tout
le monde pense qu'on est francophone. Un bon nombre n'est pas francophone. Il
parle et il comprend le créole. Donc, il fallait absolument que cet
agent de liaison d'origine haïtienne qui avait une formation excellente
joue ce rôle de psychoéducateur, d'intervenant,
d'interprète, etc. Il peut y avoir trois genres de formules d'aide. Il y
a l'agent de liaison dont il faudra vraiment définir le rôle, le
travail qu'il fait, ses relations avec le milieu des professeurs et la famille.
Les agents de milieu, nous les avons appelés ainsi grâce à
la seule physionomie ethnique de la CECM. La seule physionomie ethnique de la
CECM, ce sont les professeurs du PELO. Nous sommes en train de faire un inven
taire de toute notre population dans le cadre de l'accès à
l'égalité, mais nous savons d'ores et déjà que nous
ne dépassons pas les 4 % ou 5 % de notre clientèle, de nos
professeurs qui seraient d'origine ethnique. Cependant, les professeurs du PELO
sont au nombre de 52 et ils enseignent neuf langues d'origine. Mon ami et cher
collègue du ministère de l'Éducation, M. Latif,
connaît le dossier et il essaie de nous aider, sauf que nous n'avons pas
les moyens de multiplier... Pourquoi? Parce que ceux qui connaissent les
familles au primaire, ceux qui connaissent la communauté au primaire,
ceux qui connaissent notre milieu scolaire au primaire, ceux qui vivent avec
des professeurs des classes régulières, ce sont ces professeurs
du PELO qui connaissent les valeurs, les traditions et qui peuvent faire le
joint. Nous avons diffusé un livre en neuf langues pour que les parents
comprennent notre milieu scolaire, comprennent nos services. Ces personnes
servent d'interprètes avec l'école, avec les professeurs, sauf
qu'ils sont payés des montants dérisoires. C'est quelques heures
par semaine. Donc, au primaire, on pourrait utiliser ce personnel dans les
écoles puisque, si le PELO est là, c'est qu'il y a concentration
ethnique.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vois que Mme Laurin hoche la
tête.
M. Attar: Finalement, je devrais ajouter que la troisième
ressource serait les parents eux-mêmes, les parents qui, après
avoir appris le français, pourraient et peuvent travailler à
l'intérieur de l'école comme relationnistes entre l'école
et les parents.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M Attar
Mme Gagnon-Tremblay: Vous aviez des précisions à
apporter, Mme Laurin? (15 h 45)
Mme Laurin: Oui. L'expérience vécue... Le
professeur du PELO est un excellent agent de liaison. Mais l'agent de milieu,
c'est plus qu'un agent de liaison. Moi, je vais essayer encore de clarifier
cette notion-là. Les professeurs du PELO nous ont aidés beaucoup
à rapprocher les parents de certaines communautés mais pas de
toutes parce qu'on n'a pas toutes les langues dans nos écoles. C'est
très... Pour mieux se comprendre, comme interprètes, mais ces
gens-là n'ont pas de formation sociale. Souvent, ce sont des
enseignants, mais ils n'ont pas de formation en relation d'aide. Ils n'ont pas
de formation en milieu communautaire tel quel. Donc, dans leur rôle, ils
vont aider la progression de certains parents mais ils n'auront pas le
rôle d'agent de milieu qui est beaucoup plus large, qui va permettre, je
pense, entre autres, surtout à nos écoles secondaires à
forte concentration ethnique où non seulement les francophones sont en
minorité, mais il y a tellement de différences d'ethnies qui
peuvent souvent... qui créent des tensions interethniques. À ce
moment-là, cette personne-là aura le travail de créer une
communauté nouvelle.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. M. le Président, dans votre
mémoire, à la page 9, vous manifestez un grand
intérêt pour la mise en oeuvre de formules d'apprentissage du
français en milieu de travail. Je trouve ça très
intéressant. C'est à la page 9 de votre mémoire. Comment
voyez-vous l'implication d'une commission scolaire comme la CECM dans de tels
projets?
M. Attar: Vous savez, j'avais donné un exemple...
Le Président (M. Khelfa): M. Attar.
M. Attar: Excusez-moi, M. le Président. Quand j'ai eu le
plaisir, pendant cinq ans, de collaborer avec le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration du Québec... Vous savez, demander
à un manufacturier qui fait 200 ou 300 gilets par jour: Tu vas
arrêter tes machines parce qu'on va enseigner le français... Je
vais vous dire, madame, moi, j'ai 200 gilets à sortir par jour, je vais
les sortir. C'est mon gagne-pain. Je ne peux pas arrêter les machines. Si
on nous disait: Écoute, en collaboration avec le Service de
l'éducation des adultes de la CECM, tu ouvres ta shop le matin,
là, un peu plus tôt, puis si tu fais ça, tu ne perds pas,
tu n'es pas sur tes heures de travail. Il y aurait des cours donnés le
matin, tôt, on n'est pas fatigué, l'esprit peut absorber certaines
choses, mais dans le vécu de ces personnes sur leurs machines, sur le
fil à coudre, sur les ciseaux, vraiment un cours adapté à
leur travail qui les incite... Ça peut être, un jour, un petit
lunch, c'est le beurre, c'est le pain, ça peut être... Mais bien
structuré, bien organisé, et ça n'entre pas dans les
heures de travail, il y a un encouragement à ces ouvriers et à
ces ouvrières qui veulent se franciser sous des formes qu'on pourrait
considérer, et le bonhomme aurait un petit reçu de
déduction d'impôt à la fin de l'année pour
encouragement à la francophonie. Ce ne seraient pas des milliards ni des
millions. C'est une formule très banale, mais, si on l'étudie
sous différents aspects, il se peut qu'on puisse par des projets
expérimentaux, avec des programmes bien préparés, avec
notre collaboration pouvoir mettre sur pied peut-être des
expériences comme celle-là dans beaucoup de manufactures
où ces mères de famille dont les enfants se trouvent chez
nous...
Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous savez qu'il existe
déjà des crédits d'impôt, actuellement, pour la
formation professionnelle, et bien sûr que ça comprend aussi la
francisation. Est-ce que la commission scolaire a déjà
expérimenté des expériences similaires ou bien si c'est
quelque chose que vous proposez ou si vous avez déjà
expérimenté quelque chose dans ce milieu?
M. Attar: Non.
Mme Gagnon-Tremblay: Non. C'est à faire?
Mme Laurin: Oui, il y en a un petit peu...
M. Attar: Oui, il y a d'autres formules. Madame peut vous
expliquer, Mme la commissaire, des formules qu'elle a utilisées dans son
école et qui ont été très efficaces.
Mme Laurin: Oui. Déjà, le Service de
l'éducation des adultes, à tous les groupes d'éducation,
à des groupements communautaires ou des groupes populaires, donne des
cours de français et donne aussi des cours d'intégration à
la société québécoise aux groupes qui lui font la
demande. Alors, le directeur du service des adultes me dit qu'il serait
prêt, en milieu de travail même, à transposer. Et, si les
milieux de travail le demandent, qu'il serait prêt à le faire.
Mais il y a d'autres formules pour qui, la francisation, c'est la francisation
aussi des parents au niveau des écoles, en même temps que leurs
enfants. Cette formule s'avère très heureuse et les parents et
les enfants sont davantage motivés en suivant la démarche de
l'école dans l'apprentissage du français. Pour moi, c'est une
chose qui devrait être presque institutionnalisée dans nos
écoles, non seulement... parce que déjà en rapprochant la
famille de l'école, on la rapproche aussi de la
société.
Le Président (M. Khelfa): Merci, Mme Laurin. Rapidement,
M. Attar, parce que c'est le temps que...
M. Attar: Je complète ce que dit Mme Laurin, qui est
très efficace. Elle a vécu des expériences et nous avons
vécu d'autres expériences à Saint-Luc et à d'autres
écoles, Lam-bert-Closse. Cependant, nous avons une forte demande de
revendicateurs du statut de réfugié. Je sais que, si on se
promène, comme disent les Anglais, "by the book", on n'en sortira
jamais. Je pense qu'on a assez de finesse pour trouver des solutions parce que
si le Québec accepte d'envoyer des enfants de revendicateurs du statut
de réfugié aux classes d'accueil, et ça nous coûte
au-dessus de 7000 $, l'expérience des mères de famille qui
suivent des cours dans les mêmes écoles que les enfants
coûte quelques piastres par mois... Or, je me demande pourquoi toutes ces
mères de famille qui ne peuvent pas travailler, qui sont à la
maison et qui peuvent profiter de ce projet ne peuvent pas être admises.
Demain matin, j'aurais immédiatement de 5 à 10 classes.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. Attar. Je reconnais
maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saiht-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Eh bien, M. le vice-président, Mme la
commissaire, et je me permettrai d'ajouter chère amie. Quant à
vous, M. le directeur, nous sommes de vieux complices depuis déjà
au moins 20 ëhs. Donc, c'est toujours un plaisir de vous revoir.
J'ai noté, dans votre mémoire, deux choses: la
première est votre appui au projet de loi que l'Opposition a
déposé au sujet de la francisation des entreprises de 50
employés et moins. C'est au-delà de 100 000 entreprises. Une
langue qu'on laisse au vestiaire est une langue qui n'est pas utile. Donc, je
pense que vous avez un peu répondu, à cette page-là,
à la question que vous posait Mme la ministre, tantôt. J'ai aussi
remarqué une idée qui est fort originale et vous êtes, je
crois, le premier groupe à présenter cette idée qui est
d'associer les commissions scolaires qui ont une expérience de
"pluriethnicité" dans la formation des maîtres à
l'université. Je pense que là vous apportez quelque chose de
vraiment authentique parce qu'on peut songer, comme disait mon ami,
tantôt, M. Attar, en s'exprimant en latin - puisqu'il est très
polyglotte - "by the book". Mais si ce "by the book" n'est pas assimilé
par celui qui va se retrouver demain devant ces enfants issus de diverses
communautés, eh bien, je pense qu'on aurait fait fausse route avec tous
les beaux manuels, les directives et les programmes. Ça se fait
complètement, cette participation. En stage...
M. Attar: Voyez-vous... M. le Président, il y a
actuellement... Ce n'est pas un désert, il y a déjà des
choses qui se font, au Québec. L'Université du Québec a
mis sur pied, en collaboration avec les instances et le ministère de
l'Éducation, les commissions scolaires, après consultation, un
certificat d'éducation interculturelle. Ce que nous disons, nous, c'est
un certificat qui est donné à des personnes qui vont aller suivre
ce cours mais dans la formation en général, dans la formation des
maîtres, que ce soit dans n'importe quelle université... Et vous
savez fort bien que d'ici cinq ans - Mme la présidente de la CEQ pourra
confirmer le nombre exact - il y aura des dizaines de milliers de professeurs
qui prendront leur pension. Vous savez fort bien que le "boom" de
l'éducation, enfin, est arrivé avec la Révolution
tranquille, que dans les années 1960-1965 les professeurs ont
commencé à arriver avec toute la qualification nécessaire
et que dans les années 1990-1995 ils vont quitter. Ils quittent
déjà, à 32 ans de service. Donc, c'est par milliers et
nous manquerons de profs comme l'Université de Montréal manque
actuellement de profs et va les chercher ailleurs parce qu'on ne se lance pas
dans la recherche, on ne se lance pas dans le Ph.D., dans le doctorat. Et il
faut... Donc, nous allons manquer... Or, pour le peu de personnel que nous
pourrons remplacer, il n'y a actuellement aucune formation pour tout le monde,
aussi bien le professeur d'histoire que de géographie, que de
français et que de mathématiques. Et moi, je trouve que
ça, c'est une lacune très grave parce que nous allons nous
retrouver de nouveau dans un contexte où ces personnes vont avoir
à faire face... Et vu les projets d'augmentation des niveaux
d'immigration, ils vont de nouveau, ces nouveaux professeurs, faire face...
Nous avons des cours de perfectionnement, le ministère a mis des cours
très bien préparés. Le ministère de
l'Éducation a préparé, à Montréal, des cours
de perfectionnement de personnel mais vous ne pouvez pas toucher tout le monde.
Donc, si, à la base, les universités, avec l'expérience
qu'a la CECM, ne prennent pas les mesures nécessaires pour corriger la
situation, bien, on va se retrouver, dans 10 ans, en commission parlementaire
et parlant de la même affaire.
Le Président (M. Khelfa): Mme Laurin, vous voulez
compléter?
Mme Laurin: Oui. D'abord, il y a deux choses. Ce que M. Boulerice
a mentionné, ce n'est pas tout à fait ça mais je suis
contente que M. Attar l'ait relevé. C'est que c'est tragique,
actuellement... Il est permis, à l'université, de ne suivre aucun
cdurs, aucune sensibilisation au développement et à l'ouverture
des autres cultures. Ce n'est pas obligatoire et je trouve ça tragique.
Absolument! Les enseignants, actuellement, se forment sur le tas, on essaie
d'aller grappiller un peu de cours de perfectionnement. Et ce ne sont pas
seulement les enseignants, c'est tous les personnels. Si on veut accueillir
beaucoup d'immigrants, il faut une formation de tous les personnels. Ce que je
trouve absolument
tragique, actuellement, c'est que nos futurs maîtres - les
commissions vont se vider - ne sont pas prêts à ça.
Mais, M. Boulerice, ce dont vous faisiez mention, je pense que c'est un
autre apport que nous avons souligné. C'est que la CECM souhaite en plus
que l'université et les milieux scolaires pluriethniques s'associent
pour entreprendre une recherche sur l'apprentissage et l'enseignement en milieu
pluriethnique. C'est plutôt ça. Je pense qu'à ce
moment-là... Parce que, déjà, certains enseignants, les
conseillers pédagogiques ont développé de l'expertise dans
l'enseignement sur l'apprentissage, mais il faut aller plus loin. À ce
moment-là, il faudrait que l'université aussi s'engage dans
une... Il y a déjà quelques recherches, actions, mais que
ça aille beaucoup plus loin dans ce sens-là. Il faut
développer une pédagogie différente, une adaptation
différente et ça ne vient pas tout seul. Donc, il faut
constamment accumuler de l'expertise et l'université peut faire une
recherche dans ce sens.
Le Président (M. Khelfa): Merci, Mme Laurin. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Votre commission scolaire n'a pas de règle
interne quant à l'assignation de l'école, contrairement à
d'autres commissions scolaires qui en ont. Donc, ce qui fait...
Le Président (M. Khelfa): M. le député,
voulez-vous répéter votre question?
M. Boulerice: On peut habiter Rivière-des-Prairies et
décider d'aller à l'école à Côte-Saint-Luc.
Vous n'avez pas cette règle qui existe dans d'autres commissions
scolaires, ce qui a amené certaines écoles à avoir de
très fortes concentrations comme telles. Est-ce que vous croyez qu'il
doit y avoir un dosage? Est-ce que vous croyez qu'il y a un danger d'avoir une
école où la quasi-totalité des élèves sont
de nouveaux immigrants alors que, comme je vous le disais, l'ancien CQEE, ou le
Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse, disait qu'il
était dommageable pour le nouvel arrivant, pour son intégration,
de ne pas avoir de référence venant de la société
d'accueil puisqu'elle est absente de l'école? À toutes fins
pratiques, elle peut, à certains endroits, représenter 10 %, 15
%, 20 %, peut-être 30 % de l'école au maximum.
M. Attar: Je vais vous donner une informa-tion qui va vous
étonner, Il y a une école - je prends ça comme exemple -
qui existe actuellement, au primaire, qui n'a pas de maternelle
régulière française. Une école primaire qui n'a
pas, cette année-ci, une classe de maternelle régulière
française. Cela signifie qu'il n'y a que des maternelles d'accueil. Cela
signifie qu'il n'y a aucun francophone de vieille souche ou de nouvelle souche
dans cette école. Cela signifie que cette école, dans quelques
années, sera à 100 % composée d'enfants de
communautés culturelles et pas un seul Québécois. M.
Michel Paillé, eminent démographe, soulignait samedi dernier le
développement de cette démographie qui fera que, d'ici 10 ans, il
y aura un pourcentage d'écoles qui n'auront aucun
Québécois. Mais cela n'est pas un phénomène
étrange.
Vous le trouvez en France, vous le trouvez en Floride, vous le trouvez
dans certaines écoles d'Amérique, de la Californie, où les
Latino-Américains sont en majorité. C'est un
phénomène qui se développe à travers le monde,
là où il y a des concentrations. Donc, les États-Unis, qui
n'ont qu'une seule langue, il n'y a aucun danger, se trouvent actuellement
pris. En France, en octobre dernier, une délégation, avec
l'inspecteur général de l'enseignement du français, est
venue rencontrer le ministère et a demandé de rencontrer la CECM
pour visiter nos écoles. Avec toute l'expérience qu'a la France,
elle se trouve dans des situations où ils n'ont pas d'outils, ils ne
savent pas quoi faire, alors que là-bas il n'y a pas de danger
d'anglicisation, il n'y a aucun danger.
Moi, j'ai vu de mes propres yeux, il y a 10 ans, à
Aix-en-Provence, le jardin de la France, les "harkis", qui sont les
Algériens qui se sont battus pour la France, ils ne pouvaient plus
rentrer chez eux. Ça faisait 20 ans qu'ils étaient là, on
ne parlait pas français. Donc, ces situations nous étonnent parce
que nous vivons cela progressivement mais il faut se préparer. La
régionalisation ne réglera pas les problèmes parce que
ça va se répéter dans les régions. Donc, c'est une
société en mouvement et à laquelle nous devrons faire face
si nous ne voulons pas fermer les portes complètement et je ne sais pas
comment on va le faire. (16 heures)
M. Boulerice: Vous dites, M. Attar, qu'une école
composée exclusivement ou à plus de 80 % ou 90 % de
communautés culturelles, ce n'est pas problématique dans la
mesure où on a les bons instruments.
M. Attar: Non, je ne dis pas cela. M. Boulerice: Non.
M. Attar: Je dis que si on veut équilibrer dans une
école un environnement québécois, un environnement
français... Un environnement de langue française, du fait
français, c'est une chose, mais un environnement de culture
québécoise avec des élèves et des parents
québécois, ça deviendra problématique certainement
et insoluble parce que faire du "busing"... Si, moi, j'ai des enfants sur le
boulevard Rosemont, je ne «/eux pas les voir traverser la ville pour
aller à Saint-Pascal-Baylon. Donc, ceux qui préconisent un
certain "busing", c'est rêver en couleur.
M. Boulerice: Mais le "busing" se fait. On part de
Rivière-des-Prairies pour aller sur Côte-Saint-Luc.
M. Attar: Pas nous autres. Voyons donc, jamais! Le choix de
l'école se fait au secondaire si les parents l'exigent et que le
directeur d'école dont relève l'élève dans son
quartier accepte que l'élève quitte son école. Chez nous,
les classes d'accueil sont régionalisées. On ne peut pas
traverser les frontières d'une région.
M. Boulerice: Alors, M. Attar, pourquoi est-ce important qu'il y
ait une référence culturelle québécoise? Puis je
vais mettre ça en relief avec ce que vous dites en page 12. Vous dites:
"Que l'enseignement de l'histoire et de la géographie du Québec
et du Canada en classes pluriethniques soit valorisé. Les enseignants
ont maintes fois évoqué la difficulté d'enseigner ces
matières." En lisant ça, moi, je me rappelais une longue
discussion avec le président Senghor qui me disait sérieusement:
"Nos ancêtres, les Normands".
M. Attar: Quelle page? M. Boulerice: Page 12. M. Attar:
Oui.
M. Boulerice: Je vous demandais. En quoi est-ce important d'avoir
une référence culturelle québécoise en milieu
scolaire? Et je mettais ça en relief avec ce que vous dites, eri page
12, sur l'enseignement de l'histoire et de la géographie où vous
vous dites que c'est extrêmement difficile d'enseigner ces
matières en classes phiriethniques.
M. Attar: Vous savez que la discipline de l'histoire et de la
géographie, chez nos Québécois, jeunes
Québécois de famille de vieille souche, ce n'est pas le fleuron
de la classe. Vous êtes un pédagogue, vous devez le savoir. Et, si
nous demandons à ceux qui viennent d'arriver de faire ce que nous ne
faisons pas nous-mêmes, on commence à se poser de vraies
questions. Mais il y a des profs qui ont ce génie, sans outil. Nous
avons fait beaucoup dans la démarche avec le ministère de
l'Éducation et les services centraux de la CECM, nous avons beaucoup
fait sur le côté pédagogique de l'enseignement du
français. On peut s'améliorer. Ce qui manque à nos profs,
c'est comment adapter l'enseignement d'autres disciplines en introduisant le
facteur interculturel. Je connais un prof qui, dans un cours d'histoire, disait
à sa classe et à ses Québécois, et il y avait des
jeunes immigrants: Vous savez, quand Jacques Cartier est arrivé, il n'a
trouvé que de la neige et de la glace au point que les Espagnols disent
que le nom Canada vient de "aca" et 'nada". Il n'y a rien. "Aca", ici, "nada",
rien. Bon. Donc, le professeur faisait... Au moment où il y avait de la
neige, ça couvrait tout le Québec. Alors, le jeune immigrant a
dit au professeur: Vous savez, moi, en arrivant, je n'ai pas vu la maison. J'ai
vu la maison de mon oncle et de ma tante couverte de neige et ça m'a
frappé. Le petit Québécois ne remarque pas ça
chaque matin. Le professeur, lui, disait: Voyez-vous, les premiers
Français qui sont arrivés ici ont dû avoir les mêmes
réactions que ce jeune immigrant, ils ont constaté cette
différence que vous ne voyez pas. Et il a fait un rapprochement entre
Cartier et cette famille vietnamienne qui arrivait du Vietnam. Donc, je le
répète, l'histoire et la géographie, malheureusement, qui
sont peut-être des disciplines qui vont enrichir la classe, qui vont
permettre à un Vietnamien de parler du Vietnam et de l'Asie et à
d'autres de pays d'origine qu'ils connaissent... L'introduction à
l'intérieur de l'histoire et de la géographie
d'éléments qui enrichissent la classe, malheurement, cela nous
manque et ce sont des outils qu'il faudra fabriquer.
M. Boulerice: Une question que j'aimerais adresser à Mme
Laurin puisque vous avez été longtemps directrice d'école.
Mme Laurin, est-ce que les parents immigrants sont présents au
comité d'école et est-ce que vous croyez que les parents,
globalement, sont en mesure d'accompagner les enfants dans leur démarche
scolaire?
Mme Laurin: Les parents, au niveau du comité
d'école, ça prend plusieurs années avant de... parce qu'il
faut qu'ils comprennent très bien les nuances de la langue pour
être capables de discuter au niveau du comité d'école.
Ça ne se fait pas immédiatement. Ça peut prendre.. Tout
dépend des personnes. Si elles maîtrisent assez bien la langue,
elles vont participer facilement au comité d'école, sinon... J'en
ai connu qu'on a comme un peu forcées et qui ont
démissionné parce que c'était trop pour elles pour suivre
l'ensemble. Par contre, l'ensemble des parents immigrants est
désorienté aussi souvent par notre système scolaire.
Alors, à ce moment-là, ça nous appartient de les initier
à notre système scolaire. Et, s'il faut le faire, il faut le
faire, moi, je me dis, d'abord dans les langues d'origine pour qu'ils
comprennent la démarche générale qu'on adopte. Par la
suite, les inviter à le faire en français.
M. Boulerice: Et la deuxième question que je posais:
Est-ce que vous estimez que les parents, globalement, sont capables
d'accompagner les enfants dans leur cheminement scolaire?
Mme Laurin: Mais non. Même nos parents
québécois de souche ne sont pas tous habilités à le
faire non plus. Mais je pense qu'on peut les initier à cette
démarche, qu'on peut leur montrer ce qui se fait À ce
moment-là, si on leur offre...
Comme chez nous, on leur offrait un cours où on leur montrait la
démarche. Chez les petits, ça se fait bien. Chez les plus vieux,
c'est plus difficile. Mais on leur montrait à l'aide des mêmes
textes que les enfants, on leur montrait comment on montre aux enfants à
lire et à écrire. Les parents, à ce moment-là,
étaient capables de suivre cette démarche-là. C'est des
projets comme ça qu'il faut multiplier parce que non seulement ils
suivent la démarche de leur enfant, mais, en plus, ils se familiarisent
avec tout ce que l'école vit, tout ce qu'on vit au Québec.
Le Président (M. Doyon): M. Trottier voulait ajouter
quelque chose.
M. Trottier: Je pense que, pour favoriser l'intégration
des parents dans le contexte des comités d'école, il faut laisser
faire le temps et c'est toujours long, cette intégration-là.
D'ailleurs, la prochaine semaine interculturelle, prendre le temps de se
connaître... Moi-même, j'ai expérimenté la même
chose que ma collègue. J'avais même deux parents qui
étaient membres de mon comité d'école, mais au bout de
deux mois ils sont disparus. Je n'ai pas pu les réintégrer parce
que, justement, ils n'étaient pas habitués à vivre dans le
nouveau contexte québécois. Mais on tente des essais et je pense
qu'avec le temps on aura certainement des choses intéressantes à
vous divulguer.
M. Boulerice: J'avais commencé la discussion avec un
commissaire d'écoles chez vous dont le nom est assez connu. Il est
malheureusement absent aujourd'hui. Vous avez un commissaire d'écoles
qui s'appelle André Boulerice. Bien des gens ont cru que je sollicitais
un double mandat. Ha, ha, ha! En avoir deux, mes collègues vont dire que
c'est beaucoup trop pour le Québec, mais enfin. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Un, c'est déjà beaucoup, dit notre
président. Je sais qu'il le dit avec taquinerie et amitié. La
question que je voulais vous poser: Est-ce que je vous interprète,
est-ce que je fais une bonne lecture? Vous semblez critiques face aux COFI et
j'ai l'impression que - c'est un mot banni dans mon vocabulaire - vous voulez
parler de rapatriement de certains pouvoirs...
M. Trottier: Écoutez, concernant...
M. Boulerice: ...en ne vous souhaitant pas un Meech à ce
niveau-là.
M. Trottier: ...la recommandation que nous faisons suite à
l'énoncé de politique, nous aimerions que les COFI reviennent au
ministère de l'Éducation afin d'assurer une certaine
cohérence éducative, que tout l'aspect pédago- gique, que
toutes les orientations scolaires face à la scolarisation des immigrants
relèvent du ministère de l'Éducation comme ça se
faisait auparavant. Nous, on ne veut pas susciter de combats entre
ministères. Ce n'est pas ça qu'on veut faire. Nous, on se place
pédagogiquement devant la situation et on aimerait que la situation
redevienne comme auparavant et on favorise cette orientation-là.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question,
peut-être, M. le député.
Mme Laurin: Est-ce que je peux...
M. Boulerice: Je pense que Mme Laurin...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme Laurin.
M. Boulerice: ...veut ajouter. Ça servira de question.
Mme Laurin: Non, mais pour compléter ce que M. Trottier
vient de dire, c'est qu'il nous apparaît bizarre qu'il y ait comme deux
ministères de l'Éducation: un pour les immigrants et un autre
pour les autres ou je ne sais pas. On trouve ça... Est-ce que les autres
ministères ont aussi leur réseau scolaire? Je ne pense pas. En
fait, c'est dans cet esprit-là, parce que ça double les services.
Si on veut rapatrier de l'argent, c'est peut-être un moyen aussi. Mais
ça double les services. Le ministère peut donner ses
orientations, je me dis, mais l'expertise en pédagogie relève du
ministère de l'Éducation.
M. Boulerice: II y a de grandes écoles d'État qui
relèvent de ministères effectivement, mais je pense que vous nous
suggérez tout de suite une question à poser à ceux qui
vous succéderont dans les jours à venir, le Syndicat des
professeurs de l'État du Québec, pour voir dans quelle mesure ils
ne favorisent pas ce transfert latéral. Je pense que nous en sommes au
moment de la conclusion, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): S'il vous plaît, M. le
député, oui.
M. Boulerice: Eh bien, je vais vous remercier, M. Trottier, Mme
Laurin et M. Attar, de votre participation. Je pense que la CECM se devait de
faire entendre sa voix et je vois que vous êtes tous partisans d'une
école très ouverte aux immigrants. De toute façon, c'est
de visu sur notre territoire, sauf qu'il faut se donner les moyens. À ce
niveau-là, je pense que vous avez apporté dans la série,
je crois, des 17 résolutions des éléments drôlement
importants.
Je conclurai en disant que vos collègues de Sainte-Croix
trouvaient certains énoncés globaux. Il va de soi que ce sera
suivi par un plan d'action, la ministre l'a annoncé. Je souhaiterais
avec vous, sans aucun doute, comme avec les gens de la commission
scolaire Sainte-Croix, que le plan d'action fasse l'objet également
d'une discussion comme celle que nous avons puisque c'est beau discuter du
principe, mais, si le plan d'action n'est pas discuté avec l'expertise
des gens comme vous, on pourrait peut-être faire fausse route. Ça
serait dommage. C'est le Québec qui écoperait et non pas les
individus, là.
M. Trottier: Est-ce que je peux compléter ce que monsieur
vient de dire?
Le Président (M. Doyon): Très rapidement, M.
Trottier, le temps étant écoulé.
M. Trottier: C'est que nous suggérons fortement qu'il y
ait un plan d'action qui complète l'énoncé de politique,
peut-être dans un court délai d'une année, en l'exprimant
dans divers milieux scolaires. Et, au bout d'une année, on
l'évalue, et peut-être refaire une consultation populaire pour
voir les différents aspects, s'ils comblent les espérances et les
attentes des commissions scolaires.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Trottier. Mme la
ministre, quelques mots de conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, je voudrais conclure
justement peut-être sur la question de la formation des maîtres.
Nous avons justement, à la page 57, une mesure concernant
l'intégration de l'éducation interculturelle à la nouvelle
politique de formation des maîtres, et la mise en oeuvre
subséquente de mesures adaptées aux ordres préscolaire,
primaire, secondaire et collégial. Je dois vous dire aussi que le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science se
préoccupe également de ce facteur et a l'intention
d'intégrer cette dimension à sa future politique dans ce domaine.
De plus, il y a déjà un groupe de travail de la CREPUQ qui se
penche actuellement ou qui se penchera sur l'adaptation des universités,
notamment en matière de programmes de formation.
Et aussi, peut-être en conclusion, je voudrais aussi, M. Attar...
Nous avons signé ensemble des ententes, par exemple pour donner de la
formation aux parents en même temps qu'à leurs enfants. Je dois
vous dire que nous sommes en train actuellement... D'ici quelque temps, nous
serons plus en mesure d'évaluer l'impact de ces ententes que nous avons
signées avec les commissions scolaires, mais je suis heureuse par contre
de constater que l'expérience semble être profitable chez vous.
Alors, je vous remercie beaucoup de la présentation.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre
Donc, les remerciements de cette commission à Mme Laurin, à M.
Trottier et à M. Attar. On leur souhaite un bon retour à
Montréal.
Alors qu'ils se retirent de la table de nos invités, j'inviterais
maintenant les représentants de la Centrale de l'enseignement du
Québec à bien vouloir prendre place à la table, en
avant.
La Centrale de l'enseignement du Québec est
représentée par Mme Lorraine Pagé et M. Henri Laberge. Me
Micheline Jourdain devait être avec vous. Je ne sais pas si elle y
est.
Mme Pagé (Lorraine): Elle n'est pas avec nous.
Le Président (M. Doyon): Elle ne sera pas avec vous.
Alors, bienvenue à vous deux, Mme Pagé et M. Laberge. Les
présentations étant faites, étant donné que vous
êtes seulement deux, vous pouvez passer dès maintenant
peut-être à la présentation de votre mémoire, pour
une vingtaine de minutes, la conversation s'engageant pour une partie
égale de temps entre les deux côtés de cette table. Vous
avez donc la parole, Mme Pagé
Mme Pagé: Vous me permettrez d'attendre, M. le
Président, que les députés soient revenus à leurs
places. (16 h 15)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre! Silence dans la
salle, s'il vous plaît. Je demanderais à tous et chacun de
reprendre leur place dans la salle, s'il vous plaît, les rencontres
pouvant se faire à l'extérieur. C'est plus facile et plus commode
pour tout le monde. Mme Pagé.
Centrale de l'enseignement du
Québec
Mme Pagé: Alors, M. le Président, Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, c'est avec beaucoup de plaisir que notre
Centrale se présente aujourd'hui à la commission parlementaire
pour faire valoir son point de vue sur le projet de politique de l'immigration
qui est mis de l'avant par la ministre.
Comme organisation syndicale regroupant au-delà de 120 000
personnes oeuvrant dans l'éducation surtout mais également dans
la santé, les affaires sociales, les loisirs, les garderies, les
communications, la CEQ s'est déjà exprimée à
plusieurs reprises sur les questions d'immigration et d'intégration des
communautés culturelles. On ne peut plus compter nos interventions, les
présentations que nous avons faites dans des colloques, les travaux que
nous avons menés, les recherches que nous avons publiées et c'est
avec beaucoup d'intérêt que nous venons donc vous faire part de
notre point de vue. Je dois d'ail leurs vous rappeler que notre 31e
congrès, en juin 1988, avait adopté un ensemble de
résolutions proclamant la nécessité d'une politique
globale do la population au Québec qui devait intégrer des
préoccupations liées à l'immigration
el à l'intégration. Lors do notro dornior congrès
en juin 1990, alors que nous nous prononcions en faveur de
l'indépendance nationale du Québec, nous avions en même
temps adopté une déclaration de principe sur le caractère
pluriethnique et français de la société
québécoise. J'ai apporté, à l'intention de la
ministre tout particulièrement, la recherche que nous avions produite
à ce moment et cette déclaration de principe. Je dois aussi vous
dire que présentement nous avons mis en débat et en consultation
auprès des communautés culturelles - c'est probablement une
première pour une organisation syndicale - un projet de politique de
l'éducation interculturelle. Nous avons donc beaucoup de choses à
vous dire aujourd'hui.
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que les principes et
orientations de base qui sont présentés sont, dans une large
mesure, ceux que nous préconisons depuis plusieurs années.
Toutefois, nous craignons que les moyens de mise en oeuvre de la politique ne
soient pas proportionnés à l'importance des défis à
relever et des bonnes intentions qui sont formulées.
Les principes et l'approche globale. Tout d'abord, c'est
rafraîchissant de voir qu'on ne nous parle pas seulement d'augmentation
ou de diminution du volume de l'immigration, mais qu'on aborde cela dans un
énoncé de politique qui traite en profondeur des principes qui
doivent dicter l'action gouvernementale. Ces principes - comme je le disais en
ouverture - nous apparaissent globalement convenables. Ils tiennent compte
à la fois des droits fondamentaux des personnes venant s'établir
au Québec et également des besoins fondamentaux de la
société d'accueil de préserver sa cohérence et son
développement. De plus, l'immigration est présentée comme
un outil de développement de la société
québécoise et non pas comme une panacée à tous nos
problèmes. Je crois que c'est là une approche qui est
réaliste, qui est franche et qui est responsable. Toutefois, nous avons
tout de suite deux points de désaccord que je dois vous signaler.
Tout d'abord, notre premier point, c'est qu'on nous présente
l'entente Couture-Cullen comme la confirmation de la maîtrise du
Québec sur la sélection à l'étranger des immigrants
indépendants, alors que le Québec n'a acquis qu'une
autorité administrative révocable sur une partie d'un domaine qui
est toujours soumis au pouvoir législatif prépondérant du
Parlement fédéral. Nous ne nions pas l'importance de
l'autorité administrative. Nous reconnaissons l'entente Couture-Cullen
comme une étape nécessaire. Nous reconnaissons que la nouvelle
entente Québec-Canada qu'on vient de ratifier va élargir
l'étendue et la portée des pouvoirs administratifs, mais nous
estimons que ce n'est pas suffisant et qu'on doit vraiment manifester une
volonté ferme de récupérer au Québec la
totalité du pouvoir législatif exclusif, surtout en ce qui
concerne l'immigration, y compris la réception et l'accuoll des
personnes réfugiées, la naturalisation et l'intégration.
J'espère que le Parti libéral pourra s'inspirer de cette
recommandation dans les débats qui auront lieu au prochain
congrès sur le rapport Allaire.
Deuxième point de désaccord. À notre avis, la
société qui intègre se doit de maîtriser pleinement
sa politique d'immigration, c'est vrai. D'autre part, la société
qui accueille la population immigrante doit disposer de tous les moyens propres
à assurer son intégration harmonieuse, ce qui implique, pour
nous, la pleine maîtrise de l'aménagement linguistique, de la
politique culturelle, de l'éducation et de la formation ainsi que de la
sécurité sociale et du développement des institutions
communautaires, là aussi des champs où il ne devrait pas y avoir
chevauchement de compétence entre le fédéral et le
provincial, un deuxième élément de réflexion pour
les débats qui sont les vôtres.
Maintenant, sur les enjeux et objectifs en matière d'immigration,
vous nous en proposez quatre: le redressement démographique, la
prospérité économique, la pérennité du fait
français et l'ouverture sur le monde. Nous croyons que ces quatre
défis ne sont pas une liste exhaustive, qu'ils ne doivent pas
témoigner d'un ordre de priorités et nous aurions voulu que deux
autres éléments soient ajoutés, à savoir: le
progrès social et le développement culturel. Il nous semble
particulièrement que l'ouverture sur le monde est une notion qui
déborde celle de l'enrichissement culturel. En effet, cela veut dire
à la fois contacts, possibilité de contacts avec plus de pays et
on voit là nécessairement les retombées culturelles mais
aussi économiques, une meilleure compréhension de la
réalité internationale et peut-être, sûrement, une
meilleure sensibilisation de notre responsabilité comme pays riche
à l'égard des plus démunis et des plus discriminés
dans certains pays. Je pense que c'est un élément qui est
très important et qui est trop absent de l'énoncé de
politique qui est présenté.
Vous nous dites que l'immigration ne saurait être une
panacée à tous nos problèmes. Nous reconnaissons par
exemple que l'immigration peut contribuer au rajeunissement d'une
société devenue vieillissante, mais il ne faut pas non plus
croire que ça amènerait un rajeunissement très substantiel
mais, à tout le moins, ça permettrait de corriger des
déficits dans certaines catégories d'âge. Donc, nous
souscrivons à cela, en indiquant toutefois qu'il ne faut pas voir
là-dedans la solution miracle. Ça ne dispose pas de la
nécessité d'avoir une véritable politique familiale. Je ne
parle pas de politique nataliste, mais véritablement de politique
familiale, parce qu'il y a une grande différence dans mon esprit. Autre
élément. Vous nous parlez de l'objectif d'augmenter la proportion
de l'immigration francophone. Nous sommes d'accord, en vous
indiquant que cela ne doit pas se traduire par une diminution de
l'immigration non francophone mais par une véritable augmentation de
l'immigration francophone.
Par ailleurs, nous croyons qu'il y a quand même des pays qui nous
ont donné une immigration qui ont connu un taux de rétention
très appréciable et que les efforts doivent continuer à
être farts dans ce sens. Vous avez, en pages 8 et 9 de notre
mémoire, ces pays qui sont identifiés. Si on constate sur 15 ans,
vous avez, par exemple, le Portugal, l'Italie, la Belgique, l'Espagne, la
Grèce, la Yougoslavie, la France. Ce ne sont pas tous des pays
francophones, mais ce sont souvent des pays qui retrouvent ici des
communautés implantées depuis longtemps, parfois des pays
où le français a été enseigné à une
certaine époque. Il faut donc préserver nos efforts dans ces
champs-là. Par ailleurs, si on regarde sur une époque plus
récente, depuis cinq ans, on va s'apercevoir que le Vietnam, par
exemple, la Roumanie, le Maroc, l'Egypte, la Hongrie et Haïti donnent
également des taux de rétention très intéressants.
Donc, nous pensons qu'il ne faut pas simplement cibler francophone, mais qu'il
faut également cibler pays qui nous donnent une immigration dont la
rétention est intéressante.
En pages 10 et 11 de notre mémoire, vous nous parlez de la
nouvelle entente Québec-Canada qui donne au Québec la
possibilité de recevoir une proportion de l'immigration canadienne
équivalente à son poids démographique à
l'intérieur du Canada, plus 5 % s'il le juge à propos. Je dois
vous dire que nous trouvons cette clause un peu injurieuse pour le
Québec. Quand on songe que l'Ontario, depuis plusieurs années,
reçoit plus de la moitié de l'immigration canadienne sans qu'il y
ait eu besoin de recevoir l'autorisation spéciale du
fédéral à cet effet, nous ne comprenons pas pourquoi il a
fallu que le Québec ait une autorisation pour pouvoir aller chercher son
quota d'immigrants, alors que le reste du Canada a dépassé ce
quota sans aucune autorisation.
Enfin, nous croyons que le Québec devrait acquérir la
pleine compétence pour déterminer sa politique à
l'égard des réfugiés. Nous pensons que dans le
passé le Québec a souvent eu une approche différente du
gouvernement fédéral à cet égard. En plus, la
tradition d'accueil des
Québécoises et Québécois est
particulièrement significative à ce chapitre. Rappelons-nous
l'époque des "boat people" et à quel point il y a eu un mouvement
de solidarité très important ou même, plus
récemment, avec les familles turques.
Je pense qu'il y aurait lieu de réviser cette approche.
Enfin, en page 13 de notre mémoire, nous avons voulu attirer
l'attention sur le fait que cette politique d'intégration devra
être une responsabilité de toute; l'administration. Quelques
éléments là aussi de recommandation. Nous croyons que le
fait d'exclure des services d'apprentissage du français les personnes
qui connaissent déjà l'anglais, c'est un héritage de la
politique fédérale sur les deux langues officielles et que le
Québec doit prendre ses distances. Les personnes qui ne connaissent pas
le français, même si elles connaissent l'anglais, doivent avoir
accès à des services d'apprentissage du français.
Un autre élément pour nous très important, c'est
les services accessibles aux personnes qui ne sont pas sur le marché du
travail, et je pense ici spécifiquement aux femmes. Les femmes ont un
rôle clé à jouer dans l'éducation de l'enfant, dans
l'apprentissage de la langue maternelle et dans la transmission des valeurs
traditionnelles. Mais les femmes immigrantes, si elles avaient accès au
français, à l'apprentissage du français, pourraient
également jouer un rôle très important au niveau de
l'intégration ethnique et culturelle de leurs jeunes enfants à la
société québécoise. On pourrait d'ailleurs
s'inspirer des études qui ont été menées, qui
prouvent que, dans les milieux défavorisés, la scolarisation de
la mère a un rôle très important sur la réussite des
enfants. On pourrait donc prétendre que la connaissance du
français des femmes immigrantes serait un facteur positif sur le
développement de l'intégration culturelle et ethnique au sein de
la famille.
Enfin, nous croyons aussi que l'éducation interculturelle ne doit
pas être qu'une approche qui se développe auprès des
jeunes, mais également auprès des adultes, parce que les parents
ont besoin d'être conscients des chocs culturels que vivent leurs enfants
en contact avec les différentes autres cultures. En page 14, nous
attirons votre attention à l'effet que tous les ministères, les
organismes, les municipalités, les services publics sont
concernés et qu'ils doivent s'assurer d'une représentation
équitable des divers groupes ethniques. On parle donc là de
programmes d'accès à l'égalité. Et pour
référer à un commentaire qui a été fait
précédemment, dans le secteur de l'éducation entre autres,
au cours des prochaines années, il y a une possibilité importante
du renouvellement du corps enseignant et il y a là une occasion qu'il
faut saisir pour implanter de véritables programmes d'accès
à l'égalité pour les communautés culturelles, mais
selon les normes qui doivent régir l'implantation de ces programmes
d'accès à l'égalité.
Nous abordons également la question du COFI. Nous croyons que les
COFl doivent être revalorisés, dotés de ressources plus
abondantes. Nous croyons qu'il faut absolument que, pour le ministère,
l'expertise, le bassin d'expertise que constituent les ressources travaillant
dans les COFI soit davantage utilisé. Par ailleurs, nous pensons qu'il
est absolument nécessaire de travailler à nouer une collaboration
beaucoup plus otroilo ontre les COFI et les écoles primai res et
secondaires. Nous n'allons pas jusqu'à
aborder la question du rattachement des COFI aux structures du
réseau public général d'éducation, nous n'avons pas
arrêté de position définitive sur la question, mais nous
estimons que cela mérite d'être abordé, d'être
creusé, mais à tout le moins il faut trouver des façons de
renforcer la collaboration entre ces deux réseaux.
Enfin, nous abordons la question du domaine scolaire. Nous croyons qu'il
est important de consacrer davantage de ressources aux classes d'accueil, aux
services de francisation, aux services de soutien linguistique, dans les
classes à milieu pluriethnique. Je crois que là il y a
certainement des mesures déjà qui vous ont été
suggérées. On a parlé d'agents de liaison, d'agents de
milieu. Je veux vous signaler que les enseignantes et les enseignants avaient
évalué, lors d'un travail d'enquête fait au cours des
dernières années, que la mesure qui donnait les résultats
les plus concrets et les plus rapides dans les milieux pluriethniques,
c'était la formule des agents de liaison et d'agents de milieu. Donc, je
pense qu'il y a là une approche intéressante. Il y a
également à évaluer la diminution des élèves
dans les classes en milieu pluriethnique particulièrement, compte tenu
de la lourdeur des clientèles et des défis qui sont posés
aux enseignantes et aux enseignants.
Maintenant, au-delà de ces éléments, nous abordons
en page 17 une double problématique, c'est celle de l'école
publique commune. Nous ne voyons pas dans l'énoncé de politique
la mention du problème de la structuration biconfessionnefle de notre
système scolaire. C'est là un problème qu'il faudra
régler avec la diversification de la population
québécoise. Je dois d'ailleurs vous dire que, dans les travaux de
la commission Bélanger-Campeau, plusieurs groupes de communautés
culturelles sont venus nous dire, alors que j'étais commissaire, que les
écoles laïques permettraient une bien meilleure intégration
que les écoles confessionnelles garanties par la Constitution
canadienne. (16 h 30)
Deuxièmement, il existe au Québec des institutions
privées subventionnées à 100 %, s'adressant exclusivement
à des communautés culturelles. Nous croyons que ce n'est pas
là un facteur d'intégration à la société
québécoise. Par ailleurs, si on ne veut pas se faire accuser de
subventionner des écoles privées pour les Québécois
de souche et de ne pas le faire pour les Québécois des
communautés culturelles, il faudra tout simplement repenser les
subventions aux écoles privées de façon progressive - nous
voulons bien en convenir - mais il faut absolument remettre en question cette
approche.
Enfin, pour montrer à que! point c'est une volonté qui ne
peut pas se faire de façon linéaire mais bien englober tous les
secteurs, nous y allons de quelques recommandations sur les contenus de
programmes. Nous pensons, par exemple, que l'histoire nationale doit faire
état de révolution de notre population, faire état de sa
composition cuiturellement diversifiée et cela, depuis l'origine de la
Nouvelle-France. Et cela, c'est beaucoup trop absent du programme d'histoire
nationale où il y a encore, beaucoup, souvent l'histoire du Canada et
non pas l'histoire du Québec. On sait le sort déplorable que
connaît l'enseignement de l'histoire dans nos écoles
secondaires... dans la grille horaire.
Enfin, il y a aussi l'enseignement du français qui pourrait se
faire dans une perspective multiculturelle et pluriethnique, en faisant
davantage de place à la littérature francophone et non pas
seulement des pays francophones, mais également des pays d'autres
origines ethniques où on aurait traduit en français les oeuvres
de leurs auteurs.
Il y a également la politique d'enseignement des langues
étrangères qui mériterait d'être
dépoussiérée un peu. On a une politique de l'enseignement
des langues étrangères qui repose sur le français et
où la langue seconde, c'est l'anglais. Au moment où on se
diversifie, je crois qu'il faut faire que l'enseignement d'une langue seconde
soit, bien sûr, maintenu mais que cette langue seconde puisse être,
dans certains cas, autre chose que l'anglais. Ce serait bien
bénéfique et beaucoup plus respectueux de l'évolution de
notre société à cet égard-là.
Enfin, nous pensons qu'il faut maintenir et développer les
programmes d'enseignement des langues d'origine. On en a parlé
tantôt, avec la CECM. Nous pensons que c'est un élément
qu'il faut maintenir tout comme l'établissement d'une véritable
politique d'éducation interculturelle, pas simplement par l'initiative
de chacune des commissions scolaires mais comme une véritable
responsabilité du ministère de l'Éducation.
Enfin, il faut continuer à travailler pour admettre de plus en
plus, dans nos cégeps francophones, les jeunes des communautés
culturelles. Et ici, une attention toute particulière aux jeunes du
Québec qui sont des réfugiés ou qui sont en attente du
statut de réfugié ou leurs enfants. Présentement, ils
n'ont pas le même traitement, à cet égard, que les jeunes
Québécois de souche pour l'admission aux cégeps
francophones.
Avec cette présentation, vous comprendrez que pour nous - et
c'est l'élément le plus important - le Québec doit
maîtriser pleinement sa politique d'immigration, être donc
maître d'oeuvre de la réception, de l'accueil des personnes
réfugiées, définir les objectifs de l'immigration, les
catégories de personnes immigrantes, les conditions et les
modalités de la naturalisation. Il doit avoir le pouvoir
législatif exclusif sur l'immigration, sur les étrangers
présents sur son territoire, sur la naturalisation. Il doit
également récupérer les pouvoirs sur une politique
linguistique unifiée et cohérente, il doit affirmer l'importance
primordiale de l'école publique. Tous ces éléments ne
peuvent, à notre avis, être
pleinement réussis sans l'accession du Québec à sa
souveraineté politique et à son indépendance
constitutionnelle.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, Mme Pagé. J'essaierai
d'avoir une pensée positive pour vous, en fin de semaine, lors du
prochain congrès du Parti libéral.
Mme Pagé: Moi aussi, je penserai à vous.
Mme Gagnon-Tremblay: Mme Pagé, dans votre mémoire,
à la page 8, vous appuyez l'objectif du gouvernement d'une hausse
progressive des volumes d'immigration pour répondre aux besoins
démographiques du Québec, parallèlement, bien sûr,
à la politique familiale. Je me réjouis de cette position et j'en
profite également pour signaler ici que la hausse des volumes est
également le levier qui nous permet de mener concurremment nos objectifs
définis dans l'énoncé de politique - je pense, par exemple
- linguistique, économique, familial et humanitaire dans le respect,
bien sûr, des valeurs de non-discrimination qui nous tiennent à
coeur.
Vous exprimez aussi certaines craintes concernant la récente
entente qui a été signée avec le gouvernement
fédéral, entre autres quant à la limite de recevoir plus
de 30 % de l'immigration canadienne. À cet égard, je voudrais
vous rassurer: il n'y a rien dans l'entente, dans l'accord qui interdise au
Québec de recevoir, à long terme, plus de 30 % de l'immigration
canadienne si, bien sûr, cela correspond à nos besoins et surtout
à notre capacité d'accueil. On a vu, cet après-midi, quand
même, qu'il y a des gens qui ont aussi des résistances, qui nous
disent: Attention à l'accueil. L'intégration, la capacité
d'intégration, c'est important. Je dois aussi ajouter que l'entente,
contrairement à l'entente Couture-Cullen qui avait été
signée en 1978 et qui pouvait être révoquée par
l'une des parties, cette entente administrative ne peut pas être
révoquée de façon unilatérale. Bien sûr qu'on
aurait souhaité qu'elle soit constitution-nalisée, cependant,
mais elle ne peut pas être révoquée de façon
unilatérale.
Ceci étant dit, certains intervenants du monde scolaire,
notamment la Fédération des commissions scolaires catholiques,
considèrent que le seuil de tolérance est déjà
atteint en milieu scolaire et s'opposent pour cette raison à la hausse
des niveaux. Comment votre syndicat se situe-t-il face à cette position,
par exemple?
Mme Pagé: Je pense que ce qui est atteint, c'est le seuil
de tolérance des moyens mis à la disposition des personnes
à qui nous demandons de faire ce travail d'éducation et
d'intégration. Les Québécoises et les
Québécois ont une capacité, je dirais, infinie d'accueil
et d'ouverture. Mais, bien sûr, il faut donner les moyens pour que cela
se réalise. C'est pour cela que nous avons indiqué dès
l'ouverture de notre mémoire - et je l'ai fait en présentation -
que, si nous étions tout à fait d'accord au niveau des principes,
des orientations, des objectifs, nous demeurons sceptiques quant à la
garantie des moyens qui seront réellement consentis. Parce que, si nous
ne le faisons pas, bien sûr nous ferons face à des
difficultés importantes dans certains milieux, nous constaterons parfois
même des situations de crise dans certains milieux, nous constaterons que
des personnels sont dépassés, démunis devant certaines
situations. Mais nous croyons que s'il y a une volonté politique claire
et affirmée de faire de l'immigration et de l'intégration un
défi de notre société et que les moyens sont mis pour
réussir cela, moi, je n'ai pas d'inquiétude quant à ce
seuil de tolérance. J'ai moi-même enseigné en milieu
pluriethnique et je sais qu'il y a de grandes capacités d'accueil et
d'ouverture mais il y a également, et cela c'est important, des lacunes
importantes dans les moyens mis à la disposition. Je pense qu'il faut
corriger cela. Il faut également éviter que cette politique ne
soit que la préoccupation de la ministre des Communautés
culturelles. Il faudra que ce soit une préoccupation du gouvernement du
Québec, de l'ensemble des ministères, de l'ensemble des
organismes publics et parapublics, des municipalités, de toutes nos
institutions en somme.
Mme Gagnon-Tremblay: Ça, je peux vous donner, Mme
Pagé, l'assurance que ce ne sera pas la responsabilité seule de
la ministre qui vous parle. J'ai eu l'occasion de travailler au niveau de la
Condition féminine et je sais comment m'y prendre pour que chacun puisse
prendre ses propres responsabilités. Cependant, je voudrais revenir
à de nombreux mémoires. On nous parle de concentration et on nous
parle souvent d'écoles à forte concentration ethnique. J'ai comme
le sentiment, à un moment donné, qu'on mélange aussi bien,
par exemple, les générations, la deuxième
génération, que les nouveaux venus. Est-ce que, par exemple,
c'est légitime, quand on parle de pourcentage, d'inclure ce pourcentage
des Québécois des communautés culturelles installés
au Québec depuis longtemps et même nés ici, ils sont
même nés ici, au même titre que les immigrants
récents, au même titre que ceux qui arrivent? J'ai comme
l'impression que, dans certains mémoires, on ne fait pas cette
différence. On dit, par exemple: II y a une forte concentration
d'ethnies dans notre école. Et on calcule aussi bien des gens qui sont
nés ici que des gens qui sont nouvellement arrivés.
Mme Pagé: Je ne sais pas, je n'ai pas eu, moi, la
possibilité de lire tous les mémoires que
vous avez lus sur cette question. Je sais, pour l'avoir constaté,
que, dans certaines écoles où il y a de fortes proportions de
communautés culturelles, ce ne sont pas tous et toutes des
élèves qui sont de première génération, pour
prendre cette expression. Il y a souvent des élèves qui sont
d'une deuxième génération effectivement. Par ailleurs,
ça ne doit pas nous amener à sous-estimer la problématique
particulière qui existe dans ces milieux. C'est surtout un
problème de mise en relief, si on veut, de la culture commune, qui est
la culture québécoise, qui est davantage difficile quand le
nombre de Québécois et de Québécoises de plus
vieille souche est réduit. D'un autre côté, je pense qu'on
ne peut pas non plus se lancer tête baissée dans une formule de
quotas ou de "busing" à rebours. Je pense qu'il y a d'autres mesures qui
devraient être envisagées. Je vous signale par exemple que, si
notre secteur scolaire n'était pas morcelé comme il l'est
présentement entre un secteur protestant, un secteur catholique, un
secteur anglophone, un secteur francophone, nous aurions une dynamique tout
à fait différente qui s'établirait et nous aurions tout de
suite des écoles qui connaîtraient un abaissement de leur
proportion d'élèves de communautés culturelles. Il y a un
autre phénomène avec lequel il faut composer, c'est le
phénomène de l'étalement urbain qui fait que les
francophones sont maintenant en banlieue et les immigrants, dans les grands
centres. S'il y avait des politiques très actives, très
énergiques pour contrer l'étalement urbain et pour retenir les
francophones dans les grands centres, là aussi, sur du moyen terme, il y
aurait tout de suite un renversement de la vapeur dans beaucoup de secteurs,
dans beaucoup de quartiers. Mais je pense qu'à cet
égard-là il faut agir sur du moyen terme, se donner des
objectifs, se donner une politique cohérente. C'est pour ça que
je dis qu'il faudra que tous les ministères se préoccupent de
cela, mais je pense en même temps qu'il faut prendre acte que, dans
certains milieux, ça pose des problèmes particuliers et là
on touche, bien sûr, à des approches spécifiques dans ces
milieux-là, à des ressources spécifiques, au
développement d'approches éducatives et pédagogiques qui
permettent davantage de relever le défi.
Le Président (M. Doyon): M. Laberge, vous voulez ajouter
quelque chose? ,
M. Laberge (Henri): Oui. Vous avez dit, Mme la ministre, que vous
verriez à ce que la préoccupation de l'intégration soit
partagée par vos collègues. Alors, je vais vous demander
d'insister particulièrement auprès du ministre de
l'Éducation pour lui faire comprendre le problème que pose la
structuration biconfessionnelle du système scolaire. Il y a un risque
très grand qui va se matérialiser le jour où la loi 107 va
s'appliquer. Actuellement, elle n'est pas encore en application pour ce qui est
de la structuration scolaire proprement dite mais, au moment où elle va
s'appliquer de façon intégrale, il ne faut pas oublier qu'il y
aura maintenant quatre commissions scolaires à Montréal au lieu
de seulement deux. Nous expliquons dans notre mémoire ce qui est
possible; ce n'est pas une prédiction qu'on fait mais on mentionne que
c'est une possibilité très grande qu'à ce moment-là
la commission scolaire dite francophone devienne un peu la commission scolaire
des nouveaux venus parce qu'eux, ceux qui ne sont ni catholiques ni
protestants, ne pourront pas aller dans les commissions scolaires
confessionnelles et, comme ils sont des enfants d'immigrants, ils devront
fréquenter l'école française. Donc, ils vont aller dans la
commission scolaire francophone alors que la commission scolaire catholique,
elle, serait fréquentée principalement par des gens qui
continuent à se dire catholiques, quel que soit leur niveau de pratique.
Alors, on est en train, avec ce système-là, de créer
toutes les conditions pour assurer une ségrégation ethnique que,
il me semble, on devrait contrer de toutes les façons. Je vous invite
à expliquer cette problématique à votre collègue de
l'Éducation.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laberge. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous m'avez indiqué justement les
principaux facteurs, c'est-à-dire certains facteurs à l'origine
de cette concentration. Tout à l'heure, on a parlé avec un autre
groupe des classes d'accueil. On retrouve dans certaines écoles beaucoup
de classes d'accueil concentrées et je pense qu'on en est très
fier aussi, on dit: Bien voici, nous avons des classes d'accueil. Par contre,
j'ai comme l'impression que, quand on a des classes d'accueil, la population se
concentre aussi par la suite dans ces écoles. Est-ce que vous
considérez ça comme un facteur aussi, un facteur de
concentration?
Mme Pagé: Je pense que le premier facteur de concentration
repose bien plus sur la nécessité pour les nouveaux arrivants de
se joindre à une communauté qui est déjà en place.
On s'aperçoit que, par exemple, dans le quartier portugais, des
nouvelles familles portugaises qui arrivent vont être portées
à aller s'établir d'abord dans ce milieu-là parce que le
bassin de population permet à cette population de se donner, entre
autres, des institutions communautaires, des instruments d'information, des
services de solidarité sociale, je dirais, et c'est la même chose
pour la communauté haïtienne et on pourrait les passer ainsi
à la suite l'une de l'autre. Par ailleurs, sur les classes d'accueil, il
faut savoir que ce qui a, à l'origine, fait qu'on maintient un certain
nombre de classes d'accueil dans les écoles, c'est que c'est
absolument
nécessaire d'avoir un nombre d'élèves suffisant
pour permettre le fonctionnement même des classes d'accueil qui
fonctionnent à la fois par sous-groupes d'âge et par sous-groupes
de connaissance de la langue. Si on n'a pas un bassin suffisant, on est
rapidement mis devant la situation que le système lui-même ne
fonctionne pas. Donc, c'est pour cela qu'il faut maintenir un certain nombre de
classes d'accueil dans une école.
Mme Gagnon-Tremblay: Prenons le cas des classes d'accueil, et
là je vous avoue que je n'ai aucune idée. Je vous parle du
"busing", entre autres. Jusqu'à maintenant, l'expérience a
démontré que ce n'était pas favorable, ce n'est pas
tellement favorable. Mais lorsqu'on parle de classes d'accueil, que vous
m'identifiez par exemple qu'il faut avoir aussi un bassin, est-ce que pour les
classes d'accueil, uniquement pour les classes d'accueil, ça ne serait
pas envisageable?
Mme Pagé: De créer un bassin?
Mme Gagnon-Tremblay: Non, de voir à transporter des
élèves uniquement pour la classe d'accueil dans des
écoles...
Mme Pagé: C'est déjà ce qui se fait...
Mme Gagnon-Tremblay: ...à forte densité
francophone, québécoise, pour avoir vraiment ce bain d'immersion
au cours de la première année, après ça revenir
dans le milieu?
Mme Pagé: II y a déjà, dans certaines
commissions scolaires, une planification géographique, je dirais, des
classes d'accueil qui fait qu'elles sont à la fois
disséminées sur le territoire, donc pas simplement
concentrées dans une école de classes d'accueil. Il y en a donc
dans plusieurs pôles. Ça peut amener, bien sûr, du transport
scolaire. Quand le stage en classe d'accueil est terminé, la plupart du
temps, l'élève va être intégré à son
école de quartier. Donc, c'est déjà une mesure qui existe.
Je ne sais pas si elle existe dans toutes les commissions scolaires qui ont le
réseau des classes d'accueil, mais je sais qu'à la CECM, entre
autres, c'est ce modèle-là qui existe le plus
généralement.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Une voix: Mais pas
partout.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vais passer à une autre... J'ai le
temps, M. le Président? Mon collègue a d'autres questions.
Le Président (M. Doyon): Bien oui, il vous reste une
minute ou deux. (16 h 45)
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, à la page
11, vous proposez d'étendre l'obligation de fréquenter une
institution scolaire de langue française pour les nouveaux arrivants au
secteur collégial. Les données dont nous disposons par le biais
d'une recherche du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science - parce que maintenant, depuis 12 ans, nous pouvons... nous
possédons maintenant ces données - indiquent que près de
75 % des élèves allophones qui ont suivi leur secondaire en
français choisissent librement le cégep français. Alors
même que nous parlons de la cohorte des enfants de la loi 101,
croyez-vous qu'une telle donnée justifie par exemple la
nécessité d'une action coercitive dans ce domaine?
Mme Pagé: Je vais laisser M. Laberge aller plus longuement
sur la réponse à cette question en vous signalant que nous avons,
d'après les chiffres que nous avons eus nous aussi, constaté
qu'il y a une nette amélioration quant à la fréquentation
des cégeps francophones par les allophones, mais le
phénomène de l'attraction de l'anglais demeure encore assez
préoccupant. Je vais laisser M. Laberge compléter.
Le Président (M. Doyon): M. Laberge.
M. Laberge: Oui. Il semble bien, d'après ce qu'on a
étudié comme chiffres, qu'effectivement il y a une tendance
à l'augmentation du choix des cégeps francophones. Cependant, on
est rendu à 73 %. Ce n'est pas encore... Ce n'est pas encore vraiment
une situation tout à fait satisfaisante, loin de là. Je pense
qu'on devrait être satisfait le jour où on serait proche des 100
%...
Mme Gagnon-Tremblay: Par contre, j'ai... M. Laberge: ...et
si on était dans les 90 %.
Mme Gagnon-Tremblay: Par contre, monsieur, j'ai une autre...
M. Laberge: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...donnée qui m'indique que, dans le
milieu francophone, et là je ne pourrais pas avancer... je pense que
c'est tout près de 80 %, 85 % qui choisissent le cégep
anglophone.
M. Laberge: Non.
Mme Gagnon-Tremblay: Euh... francophone, c'est-à-dire.
M. Laberge: Excusez...
Mme Pagé: Les francophones qui fréquentent les
commissions scolaires francophones
choisissent le cégep francophone à 95 %, mais là on
parle des francophones. Mais si on parle des allophones...
Mme Gagnon-Tremblay: On dit... Il ne semblerait pas que ce soit
à 95 %, il semblerait que ce soit à peu près à 80
%, 85 %.
Mme Pagé: Ça, pour les francophones. Les allophones
qui fréquentent une commission scolaire francophone choisissent le
cégep francophone entre 75 % et 81 %, à peu près. Mais il
faut distinguer les francophones, les anglophones et les allophones. Si on
regarde la clientèle allophone qui fréquente une école
francophone, c'est entre 75 % et 81 % qui choisissent le cégep
francophone. Si, par ailleurs, on considère les ailophones qui ont
fréquenté une école anglaise, là, le taux tombe
à...
M. Laberge: Je veux dire, c'est 95 %...
Mme Pagé: ...qui choisissent à 95 % le cégep
anglophone.
M. Laberge: Ça, d'ailleurs, c'est un chiffre qui illustre
bien à quel point l'anglais est encore à un taux d'attraction
beaucoup plus élevé parce que les allophones qui ont
étudié au secondaire en anglais, ils passent à 95 % du
côté anglophone au cégep, tandis que ceux qui ont
étudié en français au secondaire ne passent qu'à
entre 72 % et 81 % au collège francophone. Donc, on voit tout de suite
que la force d'attraction est beaucoup moins grande. Et puis, à part
ça, il y a un autre élément pour soutenir nbtre
recommandation, c'est que si c'est vrai... Je pense que c'est vrai qu'on peut
dire que dfcune manière générale, à
mesure que les effets de la loi 101 vont s'appliquer, ceux qui auront fait
toutes leurs études primaires et secondaires en français auront
tendance naturellement à aller au cégep francophone. Ça,
je pense que ça va s'accentuer. Cependant, dans le cas des immigrants
qui arrivent, par exemple, à l'âge de 12 ans, 13 ans ou 14 ans,
bien, à ce moment-là, ils n'ont pas le temps de faire un nombre
d'années suffisant au secondaire pour que l'incitation soit de
même nature. Et ce sont ces gens-là précisément qui
ont le plus besoin du bain linguistique que représenterait la
fréquentation du cégep francophone. Alors, il nous semble que
notre recommandation pourrait se justifier, ne serait-ce que pour assurer le
bain linguistique nécessaire à ceux qui sont arrivés
peut-être en secondaire II ou en secondaire III ou même, parfois,
en secondaire IV ou secondaire V.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laberge. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme la présidente - pour ne pas dire
Mme ma présidente parce que je suis encore membre - M. Laberge, les gens
qui tiennent le même discours, quelquefois certains leur disent
vicieusement qu'ils sont bornés. Moi, je leur dis que, tout au
contraire, ils ont de la cohérence. On retrouve dans votre texte
effectivement le discours que tient la CEQ depuis de très nombreuses
années, notamment - et vous êtes bien placés puisque, si
majoritairement les employés de la CEQ s'occupent d'éducation,
ils sont dans bien d'autres secteurs également - vous parlez avec
insistance du français, langue de travail; ça a été
de longs débats. Une langue qu'on laisse au vestiaire est une langue qui
n'est pas utile, je le dis et je le répète. Donc, j'ai
apprécié de voir que votre groupe, comme bien d'autres, continue
de réclamer l'adoption par cette Assemblée nationale du projet de
loi qu'a présenté l'Opposition et qui est de franciser les
entreprises de 50 employés et moins, ce qui représente
au-delà de 100 000 entreprises au Québec. C'est important, 100
000 entreprises au Québec.
Il y a bien d'autres points à l'intérieur de celui-ci.
Vous parlez de l'enseignement de l'histoire, l'enseignement à partir de
la Nouvelle-France; ça nous permettra d'apprendre que la
pluriethnicité au Québec a commencé avec Jacques Cartier.
Il y avait trois marins croates dans son équipage, ce que peu de
Québécois savent. Ce n'est quand même pas d'hier.
Vous allez au fond des choses aussi. Vous dites: Intégrer, oui.
Mais les intégrer à qui, quand on n'a pas encore pris la
décision de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être?
Comment voulez-vous intégrer des gens à une société
qui n'a pas encore pris une décision quant à elle-même?
C'était pertinent que vous insistiez aussi autour de tous les
symboles que rencontre le nouvel arrivant dans ce pays, alors que ces symboles
ne sont pas les nôtres! Il voit, comme premier drapeau à
l'aéroport, un drapeau qui n'est pas le nôtre et il prête
serment d'allégeance à une dame qui a beaucoup de noblesse, mais
qui est quand même une reine étrangère. Les signaux ne sont
pas nécessairement clairs, les signaux sont même presque absents,
à ce moment-là, sur une détermination commune d'une
collectivité, en disant: Nous sommes là, nous vous accueillons,
voilà ce que nous sommes. Mais ça, on ne l'a pas encore
précisé. Enfin, certains y réfléchissent depuis
longtemps et ont pris leur décision; d'autres en discuteront durant la
fin de semaine. Vous leur avez suggéré une pensée
positive. Alors, j'ose espérer que cela aura son effet. Mais sur le
contenu du mémoire comme tel - parce que moi aussi je fais mon lobby
auprès de ma collègue, la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration... Vous avez remarqué qu'il y en a moins
de rouge sur sa robe aujourd'hui?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Vous avez affirmé, comme bien des groupes,
que les programmes d'accès à l'égalité ne
fonctionnaient pas. Enfin, bien des groupes ont affirmé cela. Et vous,
vous parlez de véritables programmes. Alors, quand vous parlez de
véritables programmes, je pense que, in extenso, vous dites - sans le
dire - que les programmes actuels ne fonctionnent pas. Alors, ils feraient
quoi, d'après vous, ces vrais programmes d'accès à
l'égalité?
Mme Pagé: Si vous le permettez, je vais revenir à
deux autres éléments que vous avez abordés dans votre
question avant de répondre à celle-ci. Tout d'abord, quand vous
parlez du français langue de travail, je voudrais vous rappeler que,
dans la seule industrie du vêtement, 58% et un peu plus de la
main-d'oeuvre sont allophones. Et quand, à la commission
Béianger-Campeau, j'ai posé la question aux représentants
de cette industrie sur la langue de travail, j'ai eu plutôt le silence
qu'une réponse claire disant que c'était le français.
Alors, quand, dans un secteur d'activité, on a 58 % de la
main-d'oeuvre qui sont allophones et qu'on n'a pas vraiment de politique claire
pour que le français soit une langue de travail, le jeune, si le
français est la langue de l'école mais que son père ou sa
mère gagne sa vie en anglais, eh bien, il va décider que c'est
l'anglais qui lui est nécessaire. C'est très important. C'est
aussi important dans le symbole que l'aspect symbolique dont on a parlé
tantôt. La clarification du statut du Québec permettra d'envoyer
un message clair à tous les nouveaux arrivants, à toutes les
nouvelles arrivantes, à l'effet qu'ils arrivent dans un pays qui n'est
pas comme le reste de l'Amérique du Nord, un pays qui est francophone,
où la langue commune est le français, où la culture
commune est francophone, un pays qui est pluraliste, qui est ouvert, mais qui
repose sur cette identification claire et précise. Et cela ne pourra se
faire sans qu'on lève l'ambiguïté quant à notre
devenir et à notre statut.
Sur le dernier élément, sur les programmes d'accès
à l'égalité. Une des grandes lacunes que nous constatons
sur les programmes d'accès à l'égalité, d'abord
pour les communautés culturelles comme pour les femmes, c'est qu'ils
sont volontaires. Il n'y a pas vraiment de volonté gouvernementale
affirmée par exemple de dire, à tout le moins, que dans toutes
les institutions publiques, dans tous les ministères il devra y avoir
implantation de programmes d'accès à l'égalité
négociée entre les parties syndicales et les parties patronales,
et répondant aux mécanismes qui doivent régir ces
programmes d'accès à l'égalité. Et là je
pense à tout le travail d'identification des clientèles, fixer
les objectifs numériques pour progresser de façon verifiable et
soutenue. Je pense qu'à cet égard-là il faut s'inspirer
des programmes d'accès à l'égalité qui se sont mis
en place dans des entreprises comme la STCUM par exemple, à
l'égard des femmes. Mais, procéder dans des programmes
d'accès à l'égalité pour les communautés
culturelles, ça doit répondre de la même logique. Il faut
à la fois identifier les populations cibles, voir quel est le bassin,
quelle est la proportion qu'il faut viser, établir des objectifs
numériques sur une durée de cinq ans, faire des
évaluations, faire les ajustements. Si on ne procède pas comme
ça, si on procède simplement sur la bonne volonté ou bien:
Profitez-en donc quand vous engagerez pour engager un peu de
représentants de communautés culturelles ou un peu de femmes dans
les places où il en manque, bien, dans 15 ans, dans 20 ans, dans 25 ans,
on constatera que les forces d'inertie ou la présence de la
socialisation ou des stéréotypes ou des préjugés
ont fait que les corrections véritables n'ont pas été
apportées.
Donc, je pense qu'il faut à la fois avoir les volontés
gouvernementales très claires, mais aussi voir à doter la
société québécoise d'une politique à cet
effet sur l'accès à l'égalité dans l'emploi, mais
aussi sur des mesures d'égalité à l'emploi. Et là
on parle autant d'équité salariale pour les femmes, parce que non
seulement les femmes sont discriminées salarialement, mais on peut dire
que les femmes immigrantes le sont encore plus parce qu'elles se retrouvent
dans des secteurs d'emploi qui sont encore plus désavantagés que
les secteurs qui reçoivent les femmes québécoises.
Donc, vous voyez qu'il faut jouer à la fois sur programmes
d'accès à l'égalité dans l'emploi, mais aussi
mesures d'équité en emploi. Et là ça touche
également l'équité salariale et l'établissement
d'une loi proactive à ce chapitre-là.
M. Boulerice: D'après vous, est-ce qu'il y a des limites
à donner au sens d'accueil? Quand on regarde les intervenants qui nous
parlent de valeurs morales et de valeurs religieuses différentes, et
l'influence que ces valeurs ont dans les comportements, face à des lois
que nous nous sommes données suite à des luttes épiques
qu'ont livrées bien des composantes de notre société, et
je prends à l'exemple les femmes... Nous vivons dans un pays où,
quand on parle des droits de la femme, ce n'est pas bidon, c'est
sérieux. Je conviens avec vous qu'il y a encore des progrès mais,
comme société, je pense que nous avons fait de grands pas. Mais
est-ce qu'on va, en fonction du principe dit de l'accueil, aller - puis
là je vais citer le titre d'un livre de Carl Rogers qui a sans doute
fait partie de nos lectures communes à l'époque de notre
formation - jusqu'à "L'acceptation inconditionnelle d'autrui"?
J'aimerais connaître votre point de vue, Mme Pagé.
Mme Pagé: Nous avons beaucoup insisté dans notre
mémoire sur la culture commune parce que nous croyons que c'est sur
cette
assise que nous pouvons composer ou gérer des différences
culturelles. Il faut voir aussi que même au sein de la
société québécoise de souche, même si je
n'aime pas cette expression-là, mais pour me faire bien comprendre, les
valeurs culturelles ne sont pas intégrées et partagées de
façon équitable et équivalente. Si c'était le cas,
mais, mon Dieu, on aurait 52 % des députés qui seraient des
femmes et on aurait 52 % des juges qui seraient des femmes et ainsi de suite.
Il faut donc dire que, même nous-mêmes, notre culture n'est pas
nécessairement partagée, endossée et
véhiculée de façon intégrée dans tous nos
comportements et dans toutes nos expressions. Mais je pense que, si on
travaille à l'éducation et à rétablissement de
cette culture commune sur quelques années, il y aura ce métissage
qui fera que la culture québécoise commune aura connu à la
fois des apports de celles et ceux qui arrivent, mais la culture d'origine de
celles et ceux qui arrivent sera également transformée au contact
des Québécoises et des Québécois. Pour nous, c'est
important de l'affirmer comme ça. Autrement, on tombe un peu dans le
concept du multiculturalisme qui est un peu plus la macédoine, et
ça, je pense qu'il faut se détacher de ce concept-là pour
vraiment parler d'interculturalité et d'élaboration d'une
éducation commune. Bien sûr, je pense qu'il faut être clair
sur les valeurs qui régissent la société
québécoise et, à cet égard, si nous pouvions avoir
une constitution québécoise, je crois que là il y aurait
un élément très important en termes d'identification des
immigrantes et des immigrants à la société et ça,
je le tiens d'un savant universitaire qui est venu nous faire un exposé
à la CEQ. Maintenant que la religion a moins d'importance dans nos
sociétés, ce qui vraiment très souvent fait le fondement
d'une société, c'est la constitution. C'est le cas aux
États-Unis, par exemple. Ça permet aux immigrantes et aux
immigrants d'avoir une vision claire de la société dans laquelle
ils viennent s'intégrer. (17 heures)
M. Boulerice: La régionalisation, Mme Pagé, comme
outil d'intégration, est-ce que c'est possible, d'après vous?
Mme Pagé: Écoutez, on ne peut pas demander à
des immigrantes et à des immigrants d'aller s'installer dans des
régions et d'y rester alors que les Québécoises et les
Québécois les quittent. Ce serait une vue de l'esprit. Par
ailleurs, il faut se demander pourquoi les Québécoises et les
Québécois quittent ces régions. Il faut agir sur les
causes de cet exode parce que je pense que la sous-occupation du territoire est
un problème qu'on ne peut pas sous-estimer. À ce
moment-là, on parle de politique de planification de la main-d'oeuvre,
on parle de politique de développement régional et ça
m'amène encore à dire: II faut que cessent les chevauchements
dans ces deux secteurs. Il faut que le Québec se dote d'une
planification de la main-d'oeuvre, d'une planification de l'emploi, d'une
politique de développement régional, fasse des régions des
pôles de développement économique, social et culturel.
Ça permettra aux Québécoises et aux
Québécois de rester dans les régions et ça
deviendra des pôles d'attraction pour des immigrantes et des immigrants
qui arrivent. Mais quand on leur présente le désert
régional, la pauvreté, le chômage endémique qui est
le cas en Gaspésie, bien, c'est un peu utopique de croire qu'on pourra
les prendre, les mettre dans un autobus, dans le train - mais non, il n'en
reste plus - dans l'autobus, les amener là et s'imaginer qu'ils vont
rester. Donc, il faut vraiment prendre le problème à son
début, se donner de véritables politiques et ça jouera sur
les deux tableaux, à la fois la rétention des
Québécoises et des Québécois et l'attraction pour
les immigrantes et les immigrants.
M. Boulerice: On a parlé des COR. Vous y avez fait
allusion sans aller dans le détail comme tel. Il a été
question du rattachement des COFI au réseau public général
d'éducation. Je vous pose la question très directement: Les COFI
devraient-ils relever du ministère de l'Éducation du
Québec ou continuer de relever du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration?
Mme Pagé: Nous n'avons pas tranché la question.
Nous abordons à peine notre réflexion là-dessus. Ce que je
peux vous dire, par exemple, c'est qu'il faut absolument - ça, c'est le
strict minimum - qu'il y ait un rapprochement entre le réseau des COFI
et les structures scolaires du primaire et du secondaire. Ça, c'est
à tout le moins le seuil minimal parce que nous retrouvons dans les COFI
les parents des jeunes que nous avons dans nos écoles primaires et
secondaires. Or, présentement, c'est complètement coupé.
Il y a un clivage entre les deux réseaux. Il y a une osmose, une mise en
commun d'expertises, d'expériences qui ne se fait pas. Si on veut avoir
vraiment un objectif d'intégration, bien, il ne faut pas l'avoir juste
à l'égard des immigrantes et des immigrants, il faut l'avoir pour
nous-mêmes et davantage intégrer les actions que nous faisons dans
un réseau par rapport aux actions que nous faisons dans un autre
réseau. Alors, à tout le moins, pour nous, le seuil minimal,
c'est le renforcement de la collaboration entre le réseau des COFI et le
réseau scolaire primaire et secondaire.
M. Boulerice: D'expérience, Mme Pagé, je peux vous
dire que la collaboration a toujours été extrêmement
difficile lorsque nous avons vécu sur les territoires le clivage
primaire et secondaire, commissions scolaires primaires, commissions scolaires
secondaires. Vous aviez un parent au primaire, un parent au secondaire qui
avait d'ailleurs la réunion du comité d'école le
même soir. Alors, quand elle avait un fils au primaire et une
fille à l'école secondaire, bien, il fallait qu'elle fasse le
choix. Si on veut faire cette collaboration-là, est-ce qu'au
départ vous ne pensez pas qu'il va falloir quand même, même
si ça me déplaît souvent de jouer avec les structures,
trouver le moyen, à un moment donné, de faire une
réflexion sur les structures? Parce que, loin de favoriser, souvent la
structure, malheureusement, devient la barrière et des canaux multiples.
Vous avez fait une image des commissions scolaires, ce que moi j'appelais les
autoroutes à quatre voies sans interconnection. Est-ce qu'on vit
ça, COFI et système d'enseignement public?
Mme Pagé: Je ne peux pas vous donner de réponse
aussi claire que je le voudrais à votre question, pourtant j'ai
l'habitude des réponses claires, mais là-dessus, comme je vous le
disais, notre réflexion n'est pas complétée, mais,
à tout le moins où je suis tout à fait d'accord avec vous,
c'est que le moment de la réflexion poussée là-dessus est
venue. Parce que les objectifs que nous nous donnons, avec la politique qui est
mise de l'avant par la ministre, sont tellement importants qu'il nous faut
accepter de poser toutes les questions qu'il faut poser. Autrement, nous allons
nous retrouver avec une politique très généreuse dans ses
objectifs, dans ses principes directeurs, mais sans avoir véritablement
les moyens de satisfaire ces objectifs ou ces attentes. À cet
égard-là, la question que vous soulevez devra être un des
éléments de réflexion comme beaucoup d'autres que nous
avons abordés dans notre mémoire.
M. Boulerice: Le Québec veut se doter d'une politique
d'immigration, une politique d'immigration qui est à son image, donc
généreuse, etc. Vous avez insisté sur le contexte
constitutionnel, c'est un débat d'ailleurs qui dure depuis
l'époque de cette photo qui orne ce salon et celui dans l'autre,
c'était le débat sur la langue. Votre pronostic de l'immigration
au Québec, est-ce que ça va être une immigration
réussie ou si nous n'aurons qu'une immigration cahin-caha si on n'a pas
réglé d'abord et avant tout la question constitutionnelle dans ce
pays?
Mme Pagé: Je pense que tant qu'il restera une
ambiguïté ou une ambivalence sur le projet de société
du Québec, sur son avenir comme entité, bien sûr, on ne
peut pas demander aux immigrantes et aux immigrantes d'avoir les idées
plus claires que nous-mêmes. Alors, moi, je comprends très bien
quand on reçoit des groupes des communautés culturelles et qu'ils
se sentent ambivalents et qu'ils nous disent: Bien, on se sent bien au
Québec, mais... On ne se sent pas mal au Canada, vous comprenez... Et on
a un peu peur... Qu'est-ce qu'il arriverait si nous n'avions que la Charte des
droits et libertés québécoise et qu'on n'aurait pas la
Charte canadienne, est-ce que nos droits seraient mis en péril? Je ne
peux pas leur demander de faire les choix plus rapidement que ce que nous
sommes, semble-t-il, capables de faire ou prêts à faire, mais je
pense que cette clarification-là est très importante, quand bien
même que ce ne serait qu'au niveau du symbole comme je le disais
tantôt. Le jour où nous serons capables de dire: Vous venez vous
établir dans un pays, un pays qui est francophone, qui est de culture
francophone, qui repose sur la pluralité, la diversité, un pays
qui s'est donné tous les moyens de reconnaissance de cette
diversité et de cette pluralité, entre autres dans ses
institutions scolaires en les rendant laïques et non plus
confessionnelles, nous aurons franchi une étape incommensurable dans
notre capacité d'accueil, d'intégration et dans la
réussite de ce projet social que nous devons porter tous et toutes
ensemble, quel que soit le moment de notre arrivée au Québec et
quelle que soit notre origine de base.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pagé. M, le
député, une dernière question peut-être, ou un
remerciement.
M. Boulerice: Simplement des remerciements pour la clarté
de vos propos et le contenu du mémoire. Merci, Mme Pagé; merci,
M. Laberge.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Également, je veux vous remercier
pour vos propos, pour leur clarté, comme disait mon collègue.
Comme vous l'avez mentionné au tout début, on vous demandait
souvent de vous prononcer sur les niveaux d'immigration, mais j'ai toujours
retrouvé cependant dans vos mémoires antérieurs non
seulement l'aspect niveau, mais vous abordiez aussi les problèmes de
fond et on les a pris en considération quand est venu le temps
d'élaborer notre politique, notre énoncé de politique.
Alors, je vous remercie et, bien sûr, je vais prendre en
considération encore ce qu'il y a de mentionné dans votre
mémoire. Merci beaucoup.
Mme Pagé: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, merci, Mme Pagé; merci beaucoup, M. Laberge. Bon retour!
Pendant que nos invités pour la dernière heure se retirent
de la table, je demanderais maintenant à ceux qui les suivent,
c'est-à-dire le Service interculturel collégial,
représenté par Mme Mireille Bertrand, d'après les
renseignements que j'ai, de bien vouloir prendre place à la table, de
bien vouloir s'y installer.
La chose étant faite, sans plus de délai, compte tenu que
nous devons poursuivre rapidement, je vous demanderais d'entamer, pour une
vingtaine de minutes, la présentation du rapport.
Le reste du temps sera utilisé par les deux formations
politiques. Mme Bertrand, nous vous écoutons attentivement.
Service interculturel collégial
Mme Bertrand (Mireille): Bonjour. Je ne sais pas dans quelle
mesure je dois être fidèle au texte que j'ai préparé
pour aujourd'hui, parce qu'il semble que les personnes présentes ici ont
lu attentivement les textes qui leur ont été soumis.
Conséquemment, je pourrais facilement passer à la période
des questions. Maintenant, je ne veux pas non plus priver les gens qui n'ont
pas lu le texte, qui n'ont pas eu la chance d'y avoir accès d'une
présentation minimale. Alors, si vous voulez bien, c'est à
ça que je vais procéder tout de suite.
Le Président (M. Doyon): Nous vous écoutons, Mme
Bertrand.
Mme Bertrand: Je m'appelle Mireille Bertrand. Je suis la
secrétaire d'une organisation qui s'appelle le Service interculturel
collégial, le SIC. Ma présentation portera essentiellement sur
deux points: premièrement, les besoins du réseau collégial
en regard de l'intégration des Québécois des
communautés culturelles et, deuxièmement, la redéfinition
des concepts reliés à l'intégration pour le
bénéfice du réseau collégial en particulier et de
la société québécoise en général.
D'abord, je vais exposer brièvement ce qu'est et ce que fait le Service
interculturel collégial en laissant les détails pour la
période d'échange.
Formé à l'automne 1988, le Service interculturel
collégial est une corporation de personnes qui travaillent dans les
collèges québécois et qui visent l'implantation de
l'éducation interculturelle dans le réseau. Peuvent en faire
partie toutes les catégories de personnel: pour l'instant, des
professeurs, des professionnels et des administrateurs en sont membres actifs.
Le SIC vise à ce que se développe dans les collèges
québécois une orientation commune en matière
d'éducation interculturelle. Il se penche sur des thématiques
variées telles que la pédagogie interculturelle,
l'intégration des immigrants, les relations interethniques au
Québec entre francophones et anglophones, majorité et
minorités, minorités ethniques et minorités nationales et
les liens entre les questions interculturelles et internationales. Plus
spécifiquement, son action se résume à fournir aux membres
les services d'entraide quant à l'information sur les activités
interculturelles, la formation dans le domaine de l'éducation
interculturelle, l'intervention auprès des collèges et des
instances gouvernementales pour que se développe l'éducation
interculturelle au collégial et, enfin, l'analyse des
phénomènes et des problèmes interculturels dans le secteur
de l'éducation.
Le conseil d'administration du SIC est composé de cinq membres,
provenant de cinq collèges différents. Cette année, les
membres du conseil d'administration sont: la présidente, Mme Denise
Lemay, du cégep de Bois-de-Boulogne; le premier vice-président,
M. Yves Tousignant, du cégep François-Xavier-Garneau; la
deuxième vice-présidente, Mme Céline Blais, du
cégep de Sherbrooke; le trésorier, M. Cart Witchel, de John
Abbott; et la secrétaire, c'est-à-dire moi-même, Mireille
Bertrand, du collège Vanier. Le SIC travaille en étroite
collaboration avec l'équipe du collège de Saint-Laurent qui
diffuse la revue Impression. Nous avons réciproquement conscience
de nous adresser en partie aux mêmes personnes. Donc, voilà pour
les présentations. Passons maintenant aux besoins que nous ressentons
dans le milieu collégial. (17 h 15)
Étant donné que notre association oeuvre dans la
sphère de l'éducation et plus spécifiquement dans l'ordre
collégial, c'est surtout par rapport à celui-ci que notre
mémoire se situe. Comme vous le savez, les cégeps accueillent
deux types de clientèle, soit les adolescents et les adultes. En ce qui
concerne les premiers, ils se trouvent à l'âge où se forme
et se consolide l'identité adulte et le milieu où ils
étudient exerce une influence capitale sur ce processus. De plus, le
cégep constitue très souvent la dernière étape
avant d'entrer dans le monde du travail. Pour ce qui est des adultes, le retour
aux études des personnes issues de milieux ethnoculturels
différents de celui de la majorité représente
fréquemment la première occasion de se familiariser avec
celui-ci, c'est-à-dire le milieu de la majorité, et de s'y
intégrer. Il est donc de la plus grande importance que les
cégépiens, adolescents ou adultes, soient outillés pour
composer harmonieusement avec la diversité culturelle de la
société dans laquelle ils s'apprêtent à
s'insérer ou dans laquelle ils travaillent déjà.
Et il y a lieu de féliciter la Fédération des
collèges et la Direction générale de l'enseignement
collégial - la DGEC - pour l'appui qu'elles ont apporté à
diverses activités visant à promouvoir la compréhension
interculturelle et favoriser l'apprentissage en milieu pluriethnique:
participation à la semaine interculturelle d'avril 1991 et au colloque
de l'Association québécoise de pédagogie collégiale
de juin prochain, financement du SIC, etc. Il faut également
reconnaître que certains établissements ont aussi pris diverses
initiatives en ce sens: adoption d'une politique interculturelle ici, formation
interculturelle du personnel là, expériences de parrainage
d'étudiants allophones ailleurs. Néanmoins, ces pratiques
procèdent le plus souvent d'efforts ponctuels et isolés. Or, si
on désire que ce genre d'actions ait réellement un impact sur la
qualité de la vie collégiale, il faut doter le réseau
d'une approche globale et assurer la coordination des
différentes initiatives.
Voici donc quelques mesures que le SIC propose que le ministère
des Communautés culturelles et de l'Immigration de même que le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science adoptent
afin de remédier à la situation présente: que dans chaque
établissement il y ait une personne chargée de coordonner les
activités relatives aux questions interculturelles et
dégrevée pour ce faire; que toutes les catégories
d'employés bénéficient d'un programme de formation
interculturelle conçu en fonction des spécificités de
leurs tâches respectives et du collège où ils travaillent;
que lors de l'introduction de nouveaux programmes d'études ou de la
révision de programmes déjà existants on en revoie
l'approche et le contenu dans une perspective interculturelle; que ce processus
de révision de même que son application impliquent la
participation d'intervenants issus de divers milieux ethnocul-turels; que l'on
reconnaisse l'importance de la tâche des animateurs de la vie
étudiante et que l'on facilite leurs efforts visant à rapprocher
les différents groupes ethnoculturels présents dans chaque
cégep; que l'on favorise la création de réseaux
d'échanges entre des intervenants de diverses appartenances
ethnoculturelles et de différents collèges, réseaux
constitués en fonction de centres d'intérêts communs; que
l'on encourage et finance des recherches sur des questions ethnoculturelles ou
sur des sujets traités dans une perspective interculturelle; et, enfin,
que les intervenants du réseau collégial, de concert avec ceux du
milieu universitaire et des différentes collectivités
ethnoculturelles du Québec, collaborent pour faire en sorte que le
matériel utilisé pour l'enseignement de l'histoire et des autres
sciences sociales, en général, reflète l'existence et les
contributions de tous les groupes qui ont formé et forment notre
société.
En ce qui concerne la deuxième partie de cet exposé,
j'aimerais faire part à l'auditoire de nos réflexions en ce qui
concerne l'approche de l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration, en ce qui concerne les
communautés qu'elle vise.
Il s'agit donc d'une décision du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration d'étendre aux seules
communautés culturelles la portée de son projet
d'intégration. En d'autres mots, bien que nous trouvions louables les
intentions du gouvernement et bien que nous soyons conscients des obstacles
qu'il lui faut surmonter dans l'application de sa politique, nous estimons
qu'il est impérieux que toutes les composantes de la population soient
incluses dans le modèle d'intégration qu'il nous propose.
L'honnêteté intellectuelle l'exige de même que la
réalité quotidienne des rapports interethniques.
En effet, nous reconnaissons que les autochtones et les anglophones
bénéficient d'un statut particulier au Canada, comme le souligne
l'énoncé en page 4, et que les autochtones tombent sous la
juridiction d'un autre palier de gouvernement. Cependant, nous pensons que le
fait d'exclure du discours intégrateur ces deux catégories de
citoyens ne simplifie pas la tâche d'intégration au Québec,
au contraire, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que les autochtones et
les anglophones font partie intégrante de la population
collégiale en particulier et de la population québécoise
en général et que l'énoncé de politique ne propose
aucun plan d'action quant aux relations intercommunautaires entre ces
communautés et les autres communautés du Québec. Ensuite,
parce que, contrairement à ce que laissent entendre
l'énoncé de politique et le document d'accompagnement qui porte
sur l'intégration - je pense particulièrement à la page 13
de ce document d'accompagnement - la société d'accueil, au
Québec, n'est pas exclusivement constituée de francophones et
encore moins de francophones de vieille souche française. Par
conséquent, le fait de ne pas reconnaître les autochtones et les
anglophones comme membres de la société d'accueil donne à
ces communautés l'impression qu'elles n'ont aucun rôle à
jouer dans le projet d'intégration, et c'est ainsi que la
majorité francophone se prive de la précieuse collaboration des
anglophones et des autochtones qui ont été francisés ou
qui sont conscients de la nécessité d'apprendre et d'utiliser le
français et qui connaissent la réalité
québécoise et qui, grâce à ces atouts, pourraient
aider les nouveaux venus à s'intégrer en français à
notre société. Ce n'est pas suffisant d'accorder aux membres des
communautés culturelles établies ici depuis longtemps le titre de
Québécois des communautés culturelles, il faut
effectivement considérer ces communautés de même que les
communautés autochtones comme des membres à part entière
de la société d'accueil québécoise. Si vous le
voulez bien, je vais prendre tout de suite les questions parce que je ne crois
pas que ce soit nécessaire d'élaborer sur des questions qui ne
seraient pas nécessairement d'intérêt pour l'auditoire.
Le Président (M. Ooyon): Merci Mme Bertrand, merci de
votre présentation. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président, merci Mme
Bertrand. Dans votre mémoire vous demandez que le personnel des
cégeps reçoive une formation en interculturel. En ce qui concerne
la formation des professeurs, il est prévu de façon
spécifique dans l'énoncé, à la
page 73 entre autres, que des programmes de formation interculturelle
soient mis en oeuvre pour les intervenants dans le domaine de
l'éducation. De plus, on a prévu intégrer la dimension
interculturelle à la nouvelle politique de formation des maîtres,
ce qui fait qu'avec le temps les professeurs vont devenir de plus en plus
connaissants et à l'aise avec les réalités
pluriethni-ques. À votre avis quels devraient être les groupes
cibles et les contenus d'une telle formation?
Le Président (M. Doyon): Mme Bertrand.
Mme Bertrand: Pour répondre à la première
partie de votre question, nous savons que i'énoncé de politique
propose la formation interculturelle au collégial notamment.
L'énoncé de politique propose des plans d'action. Nous
répondons en disant que, oui, nous sommes d'accord avec ce plan d'action
là, nous l'endossons, mais seulement il faut que le gouvernement soit
conscient de ce que ça implique au point de vue monétaire,
évidemment, au point de vue dégrèvement entre autres.
Pour répondre à la deuxième partie de votre
question, d'après nous, tous les groupes présents au
collégial forment des groupes cibles, c'est-à-dire le personnel
enseignant, les professionnels, les gens qui ont affaire aux étudiants
et les étudiants eux-mêmes, évidemment. À
l'intérieur de chacune de ces deux catégories de population au
collégial, il ne faut évidemment pas se limiter aux autres, entre
guillemets, c'est-à-dire à ceux qui viennent d'arriver, mais
ça l'énoncé de politique le dit très clairement.
L'énoncé de politique dit que la population francophone de
vieille souche française doit être exposée aux nouvelles
réalités de la société québécoise
francophone, c'est-à-dire au pluralisme croissant de la
société francophone québécoise. Nous insistons
là-dessus, nous insistons sur le fait aussi qu'il n'y a pas que les
professeurs qui ont besoin de formation interculturelle; les administrateurs en
ont besoin également, parce que ce sont eux qui établissent les
politiques et nous avons besoin de leur collaboration, ça va de soi.
Maintenant, je pense que je ne pourrais insister suffisamment sur l'importance
de donner une formation interculturelle aux groupes qui se considèrent
comme étant la majorité. Lorsque je dis "aux groupes", je parle
au pluriel parce qu'évidemment tout dépend de
l'établissement scolaire dans lequel vous vous trouvez. J'enseigne
moi-même dans un établissement anglophone où il n'y a pas
de majorité ethnique comme telle. On pourrait dire que les
étudiants d'origine italienne forment la majorité de la
population qui fréquente l'établissement, mais ce ne sont
certainement pas eux qui détiennent les rênes du pouvoir au
collège vanier.
Donc, si on considère comme le groupe majoritaire le groupe
anglophone, la catégorie linguistique anglophone... parce qu'il faut
faire très attention aux catégories, parce que très
souvent on mêle catégories ethnoculturelles et catégories
linguistiques, souvent ça se recoupe mats pas toujours. Dans le cas des
anglophones, c'est très clair que la catégorie linguistique
anglophone ne dit pas tout au sujet de l'identité ethnoculturelle de ses
membres. Donc, si on pense à la majorité anglophone d'un
collège anglophone, cette majorité-là, évidemment,
doit être formée. Mais pour en arriver au contenu -et c'est
là que je fais le lien - trop souvent, dans le discours interculturel,
on insiste sur la nécessité de connaître la culture des
autres aux dépens de la connaissance de sa propre culture. Ce que je
veux dire par là, c'est que bien que l'on enseigne la littérature
québécoise, l'art québécois, etc., à
l'école primaire, secondaire, au collégial, c'est très,
très peu souvent dans une perspective relativiste. La plupart du temps,
ce sont des choses qu'on prend pour acquises. On place les étudiants
devant du matériel qui n'est pas remis en question, qui n'est pas
placé dans une perspective interculturelle et encore moins mondiale. Je
pense que c'est important, et il est grand temps que les
Québécois francophones de vieille souche française se
rendent compte que, eux aussi, ils ont des codes culturels et que leurs
interventions dans les communications, dans leurs rapports quotidiens ont un
impact sur ceux-ci. Et c'est important que les majorités, donc, prennent
conscience de ces codes culturels qu'ils utilisent sans s'en rendre compte.
Donc, je pense que tous les documents qui ont été
publiés récemment au gouvernement provincial et aussi au Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration élaborent de
façon très juste sur les contenus. Je pense, par exemple, au
document que le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration
a publié en 1988, et qui constituait un avis à la ministre; en ce
qui concerne la valorisation du pluralisme dans les manuels scolaires
québécois, je pense que les contenus sont très clairs. Et
comme je le disais, la chose que je reproche, c'est de ne pas présenter
suffisamment la société québécoise francophone de
vieille souche comme un des groupes ethniques qui doit prendre conscience de
ses codes culturels et des implications de ceux-ci sur ses rapports avec les
autres communautés culturelles du Québec; et deuxièmement,
et ceci m'apparaft très, très important, il faut intégrer,
il faut inviter les groupes ethnocul-turels qui ont été mis de
côté, comme je disais, à la page 4 de
l'énoncé de politique, à prendre parti, à jouer un
rôle actif dans ce processus de formation interculturelle. Je pense que
les anglophones, quelles que soient leurs origines... et je pense qu'on a toit
d'établir une distinction entre anglophones de vieille souche
britannique et anglophones d'autres souches, je pense que c'est une projection
que les francophones de vieille souche française font de leur propre
réalité sociolinguistique, cette
réalité-là n'est pas vécue de cette
façon-là en milieu anglophone, je le sais pour y travailler
depuis maintenant 16 ans. Je pense que ces gens-là ont une contribution
à faire, je les considère moi-même comme partie
intégrante de la société d'accueil. Beaucoup d'anglophones
sont francisés et connaissent très bien la culture francophone,
je pense que les francophones ont intérêt à faire un effort
semblable vers leurs compatriotes anglophones, de façon à ce que
ce soit une oeuvre commune que l'on entreprenne et pas une oeuvre
partielle.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bertrand. M. le
député de l'Acadie, vous avez une brève question? (17 h
30)
M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Disons que dans
votre document vous faites une suggestion, à savoir qu'au fond le
dossier des relations interculturelles devrait être confié
possiblement à une personne qui aurait la charge, au niveau d'un
collège disons, de mettre en place des incitations ou des moyens
quelconques pour... Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a un risque à
ce que ce soit confié à une seule personne plutôt
qu'à un comité ou un groupe plus large qui ferait en sorte que la
question des relations interculturelles serait une réalité qui
devrait au fond s'intégrer dans l'ensemble des activités? Confier
le dossier à une personne, parce qu'on sait que c'est une tâche
très difficile, c'est un défi important, j'ai une crainte
à savoir qu'une seule personne pourrait mieux gérer ce
dossier-là que de le confier à un groupe ou à un organisme
quelconque qui serait représentatif de l'ensemble du collège.
Mme Bertrand: Je suis tout à fait d'accord...
Le Président (M. Doyon): Mme Bertrand, une
réponse?
Mme Bertrand: Pardon, excusez-moi. Je suis tout à fait
d'accord avec vous. Et, d'ailleurs, ce qu'il s'est fait jusqu'à
maintenant dans le domaine interculturel au collégial, bien que j'aie
dit qu'il se faisait de façon ponctuelle, s'est rarement fait de
façon isolée, c'est-à-dire dans le sens qu'une personne
aurait pris sur ses épaules la charge d'organiser une activité,
un service; ça me paraît impossible. Non seulement ça me
paraîtrait risqué, je suis d'accord avec vous là-dessus,
ça me paraît impossible.
Lorsque nous parlons d'une personne en particulier, lorsque nous
proposons de confier à une personne ce dossier-là, ça ne
veut certainement pas dire que cette personne-là ne constituerait pas,
ne mettrait pas sur pied un comité, justement, chargé de voir aux
différents aspects de la question dans chacun des collèges.
Seulement, ce qui se produit en ce moment, c'est qu'en général il
y a une personne ou des person- nes, quelques personnes à
l'intérieur d'un collège qui proposent différentes
actions, qui mènent plusieurs actions de front, avec ou sans la
collaboration de la majorité de leurs collègues, avec ou sans la
collaboration de l'administration. Et c'est du bénévolat, avec
les conséquences que ça entraîne, c'est-à-dire que
ce sont des tâches qui sont très souvent incomplètes, qui
ne bénéficient pas à toute la communauté du
collège, et aussi, souvent, qui pèchent par un manque de, comment
dirais-je, de fondement théorique. Autrement dit, encore une fois, comme
c'est souvent le cas du bénévolat, les gens font ce qui leur
semble être bon dans les circonstances dans lesquelles ils se trouvent
sans nécessairement connaître les processus cognitifs par lesquels
les gens pourraient plus facilement accepter ou s'intégrer à la
tâche qui est proposée et sans nécessairement non plus
identifier très clairement les objectifs des tâches qui sont
entreprises.
Je dis tout ça pour expliquer que ce genre d'entreprise demande
du temps. On ne veut pas entreprendre des actions qui ne soient pas
réfléchies, planifiées, coordonnées, et qui ne
soient pas non plus basées sur un corpus de connaissances. Par exemple,
l'énoncé de politique et le document d'accompagnement qui
concerne l'intégration se basent très clairement sur des
connaissances dans différents aspects, non seulement en ce qui concerne
les statistiques évidemment relatives à l'immigration, mais des
connaissances qui relèvent des sciences humaines, par exemple, la
connaissance de tous les processus psychologiques qui accompagnent
l'apprentissage et l'utilisation d'une langue, le pourquoi, le comment, etc. Et
je ne parle ici que des questions linguistiques. Il y a aussi les questions de
relations interethniques. Il y a énormément de connaissances qui
existent, mais auxquelles il faut puiser lorsqu'on propose de mettre une action
sur pied. Et ce n'est pas en faisant ça en sus de sa tâche
régulière qu'on peut y arriver.
Donc, une personne qui serait capable de coordonner les activités
au collège serait dégrevée, entre autres, pour faire la
recherche requise pour que ces actions-là ne soient pas des actions qui
sont le fruit de son imagination ou de ses impressions.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme
Bertrand. Je vais maintenant permettre au député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de vous poser quelques questions. M. le
député.
M. Boulerice: Oui, madame, vous avez dit que vous veniez du
cégep Vanier, cégep où j'étais lundi matin
dernier.
Mme Bertrand: Oui.
M. Boulerice: Et, en fonction des questions qu'on m'a
posées, je vous avoue que je me suis demandé si j'étais
sur la même planète. Mais
comme je m'y étais rendu en voiture, là, ça m'a
rassuré un peu après sur l'autoroute Métropolitaine.
Est-ce que le cégep, d'après vous, intègre à la
société québécoise ou bien donc intègre
à la société anglophone, dans son sens le plus restrictif
du terme?
Mme Bertrand: Je suis... Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, Mme Bertrand. Nous vous
écoutons.
Mme Bertrand: Je suis au courant de votre venue au collège
Vanier, M. Boulerice, et je regrette d'avoir manqué votre
présentation. On m'en a dit grand bien. On m'a parlé
également des interventions qui ont été faites et des
réactions qui ont suivi.
Lorsque vous me demandez si le cégep Vanier intègre ses
étudiants à la société québécoise
plutôt qu'à la société anglophone du Québec
ou du Canada, je vous répondrai deux choses: d'une part oui, le
cégep Vanier intègre sa population étudiante à la
société québécoise, mais pas à la
société québécoise francophone et, si c'est ce que
vous vouliez dire, vous aviez tout à fait raison, et c'est une chose que
je déplore; d'autre part, si le cégep n'intègre pas ses
étudiants à la société québécoise
francophone, il y a toutes sortes de raisons, entre autres, le manque de
contact que je déplore beaucoup. Comme vous le savez, nous sommes
voisins du collège Saint-Laurent duquel nous sommes
séparés par une église. Nous n'avons strictement aucun
contact avec le collège Saint-Laurent...
M. Boulerice: Séparés par une église ou
enfin... C'a été notre drame durant des siècles, mais
enfin, ha, ha, ha!
Mme Bertrand: En termes concrets et en termes symboliques, en
effet.
Nous n'avons aucun contact avec le collège Saint-Laurent, sinon
quelques visites à l'occasion de la proclamation d'articles
législatifs comme la loi 178; on a droit à ce moment-là
à la visite des étudiants francophones mécontents. Mais,
seulement, ça ne nous mène pas à un dialogue, ça ne
nous mène pas à une tentative de rapprochement et de construction
d'un autre Québec, d'un Québec qui serait autre que la somme de
deux solitudes.
M. Boulerice: Vous dites, madame, que le cégep -
là, c'est l'interprétation que je donne de votre texte, vous me
corrigerez si je fais erreur - ne fait pas partie du processus normal
d'intégration, enfin du processus optimum d'intégration, et
devrait en être partie prenante. Mais, quand je lis plus loin, je vois
que vous dites: "Que l'on reconnaisse l'importance de la tâche des
animateurs de la vie étudiante et que l'on facilite leurs efforts visant
à rapprocher les différents groupes ethnoculturels
présents dans chaque cégep." Là, vous me dites qu'il se
fait quand même des choses. Le drame, c'est qu'on ne les reconnaît
pas, qu'on ne les supporte pas, le support ne vient pas du ministère de
l'Enseignement supérieur, le support ne vient pas de l'administration
comme telle. Le support ne vient pas à cause de quelle raison?
Le Président (M. Doyon): Mme Bertrand.
Mme Bertrand: Oui, en effet, les animateurs et animatrices
culturels dans les cégeps font des efforts pour rapprocher les groupes
ethnoculturels présents. En ce qui concerne les groupes ethnoculturels
présents au collège, ce que Ion remarque, c'est que les groupes
ethnoculturels qui se constituent en groupes, c'est-à-dire en clubs
étudiants, ce sont des groupes dont la langue maternelle est autre que
le français ou l'anglais. C'est-à-dire les étudiants
d'origine arménienne, italienne, irakienne, indienne de l'Inde, etc. Ce
qui ne veut pas dire évidemment qu'il n'y a pas une importante
minorité francophone au collège Vanier ni une importante
minorité anglophone de vieille souche britannique, si on veut, à
Vanier. Donc, les efforts qui ont été fournis jusqu'à
maintenant portaient plutôt sur des cas litigieux, comme dans le cas des
Juifs et des Arabes, à Vanier, entre autres.
Maintenant, il y a des tentatives de rapprochement entre
collèges. Je travaille personnellement à un projet qui
s'intègre dans le cadre de la semaine interculturelle entre
Saint-Laurent et Vanier justement, projet pour lequel je
bénéficie de l'aide des animatrices culturelles des deux
cégeps. Mais, comme je le disais, les efforts qui sont faits - là
vous, vous parliez particulièrement des animateurs et animatrices
culturels - les efforts que je connais à l'intérieur des
collèges anglophones, et qui visent à mieux faire connaître
la culture francophone du Québec, sont le fait de professeurs
individuels, de professeurs qui appartiennent, entre autres, au programme
d'études qui vous a invité lundi dernier, le programme
d'études Québec-Canada, Québec-Canada Studies, mais aussi
le fait de professeurs qui appartiennent à des programmes, qui
enseignent des disciplines telles que les "Humanities" en
général, l'anglais, la sociologie, etc. Il y a plusieurs cours...
Il y a un cours en particulier auquel je pense qui s'appelle "Montreal
Perspectives", qui est donné par un anglophone de vieille souche
écossaise, et qui fait connaître le Québec francophone
à ses étudiants, à travers la littérature traduite
en anglais, mais tout de même, il y a un cours en anglais qui s'appelle
également "Entre Québécois", c'est le titre. Le cours est
donné en anglais, mais il s'appelle "Entre Québécois" et
la littérature que les étudiants lisent est la littérature
québécoise francophone traduite. C'est une façon
d'exposer
l'étudiant à la réalité
québécoise francophone, mais Il ya très peu
d'appui de la part de l'administration en général et, comme vous
l'avez ressenti vous-même en faisant votre présentation à
Vanier, il y a beaucoup de travail à faire. Les étudiants vivent
dans un autre monde. Mais, si je peux me permettre, j'ajouterais - et
ça, sans vouloir offenser mes compatriotes francophones de vieille
souche française - que les francophones de vieille souche
française vivent, eux aussi, dans un autre monde. Et je suis à
cheval entre les deux et je mesure le gouffre qui les sépare, et je
m'Inquiète beaucoup quant aux possibilités de succès du
projet d'intégration des communautés culturelles lorsqu'on n'a
pas encore réussi à parler, à établir un dialogue
minimal entre les deux communautés linguistiques francophone et
anglophone. Je pense que, quand même, on a passé l'étape
où les anglophones n'étaient pas capables d'apprendre le
français. Je veux dire, je le dis en badinant évidemment, nous
savons tous que les anglophones sont capables de parler le français, et
beaucoup d'entre eux ont appris à parler le français et le
parlent très bien d'ailleurs. Ce que je regrette, c'est qu'on ne leur
accorde pas davantage la parole, qu'on ne les intègre pas davantage dans
le projet d'intégration.
En les mettant de côté, en disant qu'eux
bénéficient d'un statut particulier et que, par
conséquent, il n'y a rien à faire de ce
côté-là, je pense qu'on se prive d'alliés
importants, et non seulement on se prive d'alliés importants, mais cela
pose un problème de définition lorsqu'on parle de la
société d'accueil, parce que, d'une part, dès le
début de l'énoncé de politique, on ditque la
société d'accueil est formée de gens qui viennent de
nombreux horizons, mais, lorsque vient le moment de parler de la
société d'accueil, on parle de la société d'accueil
francophone et, à plusieurs moments, on comprend qu'il s'agit de la
société d'accueil, d'une société d'accueil
francophone de vieille souche française. Comme je le disais, je citais
la page 13, là, du document d'accompagnement, je pourrais trouver
d'autres citations... Ce n'est pas un reproche comme tel que j'adresse,
là, ce sont des commentaires, des remarques que je fais et qui, je
crois, auraient intérêt à être corrigés si on
veut que la politique soit prise au sérieux.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M.
le député.
M. Boulerice: Oui, une dernière question, Mme Bertrand. Je
me rattache à la réponse que vous avez donnée à ma
première. Vous avez parié de la composante pluriethnique qui
existe à votre collège, au cégep Vanier. Est-ce qu'il se
reproduit - vous me permettrez d'employer une expression anglaise mais, de
toute façon, vous allez la comprendre - les mêmes "patterns" que
ceux qu'on décrivait dans les écoles secondaires - je caricature,
là, mais pour vous l'illustrer - en disant: Bien, le couloir C
appartient aux jeunes Québécois d'origine asiatique, une partie
de la cafétéria appartient à ceux originaires des
Caraïbes? Est-ce que ces comportements se reproduisent également
dans le cégep anglophone auquel on prête des qualités
d'intégration à la communauté anglophone plus fortes que
le cégep francophone?
Mme Bertrand: Bien, je vais circonscrire ma réponse au
collège Vanier, tout en signalant que le collège Vanier n'est pas
représentatif de tous les collèges anglophones. Le collège
Vanier, comme les autres collèges de l'île de Montréal, a
la caractéristique d'être pluriethnique pour les raisons qu'on
connaît, la concentration des immigrants s'étant faite en
région métropolitaine. Ceci dit: oui et non. (17 h 45)
Dans le collège Vanier, il y a un cloisonnement dans l'espace,
comme vous le dites, comme au collège Saint-Laurent, comme dans d'autres
collèges. C'est un phénomène qui a été
décrit dans un rapport qui vient tout juste de sortir sur la
réalité pluriethnique du collège Vanier, recherche qui a
été faite par Paul Bureau de concert avec les services
étudiants du collège Vanier et le département de
santé communautaire de l'Hôpital général de
Montréal. Donc, ce rapport d'enquête révèle une
chose qu'on avait déjà observée, que j'avais
déjà moi-même signalée dans un de mes articles
publié dans la revue Impression.Ceci dit, il y a aussi
mélange, association de groupes entre eux. Par exemple, on
s'aperçoit que les immigrants ou les fils et filles d'immigrants
d'immigration plus ancienne ont tendance à s'associer. Par exemple, les
Grecs et les Italiens s'associent. Les étudiants d'origine asiatique ont
tendance à s'associer, tous groupes confondus. Et, à
l'intérieur des classes, on s'aperçoit qu'il y a une plus grande
facilité de communication que dans les collèges francophones,
d'après ce que je peux en lire, d'après ce que peuvent m'en dire
mes collègues qui travaillent dans les collèges francophones.
Donc, oui, il y a communication, il y a association intercommunautaire, mais
oui aussi il y a cloisonnement spatial. Tout est une question de
proportion.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bertrand. M. le
député.
M. Boulerice: Je vous remercie et dites à vos
collègues que j'accepterai toujours avec beaucoup de plaisir les
invitations qui me viennent de Vanier.
Mme Bertrand: Nous l'apprécions.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup,
Mme Bertrand, et je prends bonne note de vos recommandations.
Mme Bertrand: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bertrand. Merci
d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Maintenant, pendant que vous
vous retirez de la table de nos invités... Le prochain invité est
M. Pierre Anctil. Je crois qu'il est dans la salle, je l'invite à
s'avancer, à prendre place et à nous faire sa
présentation... Environ une dizaine de minutes. Après ça,
les deux côtés de la table engageront le dialogue avec vous pour
un temps qui sera à peu près le même. Alors, M. Anctil,
vous avez la parole.
M. Pierre Anctil
M. Anctil (Pierre): M. le Président, Mme la ministre,
membres de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un mémoire
privé qui est surtout fait d'observations générales sur
l'évolution de la culture québécoise et je le
présente à titre de membre de la majorité linguistique de
Québécois de souche. J'ai complété mon cours
primaire, secondaire et collégial dans des institutions qui se trouvent
à moins de 20 minutes de marche de cette salle et c'est à ce
titre, effectivement, que je présente mon mémoire. C'est tout
à fait différent comme expérience de celle de mes enfants
qui sont tous les trois dans le réseau scolaire de Montréal et il
y a beaucoup de ce que je vais vous présenter qui découle de
cette rencontre entre les générations.
Il y a deux éléments d'abord dans votre
énoncé de politique que j'aimerais vous souligner, et je crois
qu'il y a encore du travail à faire sur le fait que, souvent,
malheureusement, vous présentez les immigrants, vous présentez
les communautés culturelles et l'enjeu comme quelque chose
d'instrumental par rapport à nous, francophones de souche. Et ça,
je regrette ça. Je crois qu'il faudrait, quand vous en viendrez à
votre programmation, quand vous en viendrez à des mesures plus
concrètes, il faudrait insuffler une vitalité, il faudrait
insuffler un contenu culturel véritable, une compréhension plus
profonde de cette question. Je n'aime pas, malheureusement, trop souvent, que
l'on considère les immigrants comme un apport démographique,
comme une procédure pour nous permettre de nous ouvrir au monde, et je
trouve ça un peu triste et déplorable. Ça, c'est un point,
mais je comprends aussi qu'il faut aborder ces questions-là.
L'autre point, je pense, c'est la distinction entre immigrants et
communautés culturelles que votre mémoire ne fait pas toujours.
Il y a des communautés culturelles qui sont très solides,
très implantées à Montréal, qui ne sont pas
constituées d'immigrants mais de Québécois, soit les
Québécois de troisième et quatrième
généra- tion. Il faudra s'adresser à eux aussi. Il faudra
avoir des politiques et des approches pour que ces communautés
culturelles puissent dialoguer, communiquer, entrer dans le débat. Si on
cible seulement les immigrants récents, seulement les gens qui sont
arrivés depuis 15 ans ou depuis que votre ministère existe, je
crois qu'on va laisser tout un énorme plan de côté, et
ça, ça serait, je pense, tragique. Il faut se rappeler qu'il y a
de l'immigration au Québec depuis plus d'un siècle et que ce qui
est nouveau, c'est notre ouverture, à nous, les francophones de souche,
à cette question. Ce n'est pas l'immigration en soi. L'immigration a
profondément transformé la culture québécoise et la
démographie québécoise et le contexte dans lequel nous
vivons depuis déjà fort longtemps. Il faut tirer les
conséquences de ce fait et il faut y mettre le temps aussi, et je crois
que, si votre programmation réalise que nous, francophones de souche,
nous commençons à nous intéresser, à sortir de
notre torpeur, de notre indifférence, je crois que vous pourrez marquer
des points. Votre propre ministère existe depuis seulement 20 ans alors
que la Constitution canadienne prévoyait un siècle plus
tôt, en 1867, que c'était une juridiction partagée. Il y a
beaucoup de travail à faire au niveau de la formation des
Québécois de souche. Je répète ce que d'autres ont
dit avant moi, beaucoup de travail à faire au niveau de la recherche et
de la conscientisation et il faut aller de ce côté-là, pas
seulement appeler les immigrants à participer à notre
société, il faut inviter les gens de souche, les gens qui sont
ici depuis plus longtemps, à se pencher sur cette question, à
prendre conscience, à s'ouvrir.
Un autre point, je pense, qui est fort important et fort
intéressant, c'est celui du rapport entre langue et culture. Je pense
qu'il faut travailler plus là-dessus ' aussi. On se rappelle tous que,
il y a quelques mois, ça faisait exactement 30 ans que la
Révolution tranquille a eu lieu. La Révolution tranquille a
introduit une nouvelle variable dans notre culture de souche. Elle nous a
détachés de notre identité religieuse catholique. Reste,
pour nous les francophones de souche, l'identité linguistique comme
phénomène majeur, comme phénomène premier. Quand on
a fait le choix démocratique en tant que collectivité de devenir,
nous, les francophones de souche, communauté d'accueil, quand on a
accepté de prendre en charge, dans notre société,
l'intégration et l'adaptation des immigrants, ce choix qu'on a fait
depuis à peine la loi 101, on a voulu inviter ces gens à
participer à notre milieu, surtout sur le plan linguistique. Il ne
faudrait pas, je pense, exiger de ces gens qu'ils entrent dans notre milieu et
aussi se conforment à notre culture. Ce serait une erreur d'avoir une
vision normative de la culture québécoise. Le français
comme langue des échanges sur la place publique, le français
comme lieu de dialogue, oui, mais la culture québécoise
comme un fait à préserver à tout prix, comme
quelque chose de fossilisé, non. Vous savez aussi bien que moi que la
majorité des immigrants qui entrent au Québec aujourd'hui sont
originaires du tiers monde, qu'il y a une distance qui s'accroît, qui est
parfois assez importante entre l'immigrant et le Québécois de
souche. Est-ce qu'on va exiger de ces gens-là qu'en plus d'apprendre le
français ils se conforment à un idéal culturel très
précis, à une perception de la culture québécoise
de souche ou est-ce qu'on va leur donner une ou deux générations
et, surtout, est-ce qu'on va leur permettre de contribuer à la culture
québécoise, est-ce qu'on va leur permettre d'avoir un apport
positif et concret?
Je pense que c'est fort important de dire que l'État
québécois a un rôle à jouer là, premier.
D'ici une génération, le pourcentage de francophones de langue
maternelle qui ne seront pas de culture québécoise va être
beaucoup plus important qu'aujourd'hui. Il va aller augmentant avec les
années. Il va aller augmentant à un point tel que tout va
être modifié sur le plan culturel. On s'en va, je pense, vers une
forme de révolution culturelle, nous, les Québécois de
souche. On s'en va vers un élargissement et vers un renouvellement de
certains phénomènes culturels. Il faut, je crois, que
l'État québécois soit ouvert à ceci, que
l'État québécois prenne conscience qu'il n'a pas à
défendre la culture de souche de manière rigide et stricte, mais,
au contraire, à permettre l'élargissement de cette culture. Et ce
serait triste, je pense, que l'État québécois s'implique
seulement au niveau de votre ministère. Vous avez un rôle
fondamental à jouer parce que vous êtes le moteur, vous êtes
la porte d'entrée, vous êtes le lieu de rencontre premier, mais il
y a d'autres secteurs à convaincre. Je pense aux Affaires culturelles,
je pense à l'Éducation, je pense à
énormément de domaines où l'État
québécois est actif et doit s'ouvrir aussi à la
contribution que feront les gens qui, aujourd'hui, entrent dans les classes
d'accueil et qui, dans 20 ans, seront citoyens québécois avec le
français langue d'usage. Si on dit à ces gens: Venez vous joindre
à nous, vous êtes maintenant citoyens québécois,
vous êtes maintenant francophones, et qu'au bout de 20 ans on leur ferme
la porte sur le plan institutionnel et sur le plan des responsabilités,
on aura créé, tout simplement, au lieu d'un ghetto en langue
anglaise, comme il y a 50 ans, un ghetto en langue française. Et
ça, je trouverais ça déplorable, pénible et un
échec profond de notre société.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Anctil. Mme la
ministre, y a-t-il des questions?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. Anctil. Je dois tout d'abord
vous dire que c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris
connaissance de votre mémoire. Vous nous avez apporté une
perspective tout à fait rafraîchissante. On s'est dit que c'est
dans des termes semblables aux vôtres que j'aimerais que la population
québécoise pense aux immigrants. Certains groupes que nous avons
entendus jusqu'à maintenant, de même que ceux que nous entendrons
ce soir, affirment qu'il existe une capacité d'accueil à
Montréal, une espèce de seuil de tolérance au-delà
duquel on ne peut plus intégrer les immigrants. Par contre, le Conseil
économique du Canada, que nous avons entendu la semaine dernière,
avait constaté que plus grande était la proportion de
minorités visibles dans une région, meilleurs étaient les
niveaux de tolérance. Existe-t-il, selon vous, un seuil de
tolérance et, si oui, est-ce qu'il se quantifie?
M. Anctil: Oui. Il existe certainement un seuil de
tolérance, mais il est extrêmement relatif et je ne crois pas
qu'une équation va nous permettre de le trouver, ou une étude
démographique ou même une étude économique. Je suis
convaincu que ce seuil se situe au niveau de la volonté d'intervention
de la communauté d'accueil, de la capacité de la
communauté d'accueil de prendre en charge et de rencontrer l'immigrant.
Je crois qu'on ne peut pas s'attendre à ce que la communauté
d'accueil soit plus ouverte envers les immigrants noirs de souche africaine ou
de souche arabe musulmane qu'elle le sera envers les Québécois de
souche qui sont déjà de ces origines. Il y a un travail à
faire chez nous, d'abord, et je crois... Moi, je ne crains pas une hausse
importante de l'immigration sur ce plan-là. Je crois que ce n'est pas
là que réside le problème. Le problème
réside dans les institutions et les lieux où se fait la
négociation entre notre culture de base, notre culture installée,
notre culture établie et les immigrants.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais vous parler du sentiment
d'allégeance des Québécois des communautés
culturelles. Je crois que nous nous entendons tous pour dire qu'il est
souhaitable que tous les Québécois qui s'identifient à la
majorité francophone, à la communauté anglophone ou
à une communauté culturelle, là, ressentent un sentiment
d'appartenance. C'est important qu'ils ressentent ce sentiment d'appartenance
au Québec et partagent nos valeurs communes, c'est-à-dire, bien
sûr, celles consacrées dans les lois.
Cela dit, les opinions diffèrent sur comment en arriver à
ce que les nouveaux arrivants partagent ces valeurs. Certains affirment qu'avec
le temps les immigrants ou bien leurs descendants finiront par adopter ces
attitudes tandis que d'autres, à l'autre bout du spectre,
réclament du gouvernement un discours affirmatif et des
mesures plus vigoureuses d'initiation aux valeurs
québécoises. À votre avis, quels sont les meilleurs moyens
pour susciter chez les immigrants ce sentiment d'appartenance et une
allégeance aux valeurs communes?
M. Anctil: Je crois que l'État québécois
doit défendre l'idéal démocratique de notre
société, le respect des lois et un certain consensus social, par
exemple l'égalité des sexes, l'égalité des races,
l'égalité des communautés culturelles. Je crois que c'est
à ça surtout que doit s'attacher le partage des valeurs. Il faut
comprendre et partir de ce point de vue que les immigrants et les
communautés culturelles - et là, je dis bien les deux -
modifieront nos valeurs, modifieront nos pratiques sociales et introduiront des
éléments qui surprendront la majorité et qui - et c'est
déjà commencé depuis fort longtemps - nous permettront
d'effectuer une certaine forme de métissage ou d'ouverture. C'est pour
ça que, quand on parle de partage des valeurs, je le mets dans un
corridor assez étroit, plutôt sur un plan légaliste. Je ne
crois pas que l'État doit vraiment dire beaucoup plus. Ces
valeurs-là sont fondamentales, les immigrants et les communautés
culturelles y tiennent énormément, venant souvent de pays
où les libertés n'existaient pas. Le reste, c'est une forme de
négociation, c'est une rencontre. Vous devez favoriser la rencontre,
vous devez favoriser le dialogue et créer des lieux de rencontre, mais
vous n'avez pas à indiquer le rythme de cette rencontre, ni
l'intensité, je crois, ni la densité des liens qui doivent se
créer. J'insiste beaucoup et je pense que ce serait... D'après
mon expérience des communautés culturelles qui m'informe le plus,
ce à quoi tiennent le plus les communautés culturelles et les
immigrants, c'est le respect des droits et libertés. Et quand cette
valeur sera acquise - et elle l'est déjà largement et va
continuer de l'être - je crois que le reste peut couler beaucoup plus
facilement.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
l'Acadie, vous avez une question? (18 heures)
M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Tout comme la
ministre, M. Anctil, je veux vous dire que j'apprécie beaucoup le
contenu de votre mémoire. Je trouve que c'est... De fait, ça
dégage une perspective que je trouve caractérisée, au
fond, par une ouverture très large face à l'apport que peut avoir
l'immigration à l'intérieur de notre propre culture
québécoise. Aussi, réaliste dans le sens que vous abordez
cette question-là comme ça a déjà été
mentionné aujourd'hui, c'est-à-dire en donnant au temps le temps
de faire les choses et, également, je pense que l'ouverture que vous
manifestez dans votre document me plaît aussi dans le sens qu'on
réagit avec une certaine sérénité face à la
venue des immigrants et non pas avec une insécurité qui nous fait
réagir, des fois, de façon très émotive.
J'aimerais revenir... Mme la ministre, tout à l'heure, vous
posait une question sur le partage ou le sentiment d'allégeance et elle
faisait référence surtout au comment, comment en arriver à
faire en sorte que les gens aient un sentiment d'appartenance. Et vous parliez,
à ce moment-là, dans votre document des valeurs communes. Moi,
j'aimerais - je ne sais pas si vous avez réfléchi à cette
question-là - que vous me disiez peut-être plus quelles sont les
valeurs communes que les gens devraient partager. L'impression que j'ai, c'est
que, souvent, dans la population, on va être très critique face
à l'immigration parce qu'on va dire: Bon, les gens ne s'intègrent
pas, ils ne parlent pas français. Quand ils parlent français, il
y a d'autre chose qui fait qu'ils ne s'intègrent pas encore, et j'ai
l'impression que, quand on parle d'immigration, il faut se voir nous, si nous,
on était dans un autre pays, même un pays francophone, on ne
serait jamais... Par exemple, si je vivais en France, je ne serais jamais un
Français, je serais toujours un Québécois. Et où
doit-on s'arrêter en termes d'attente? Parce qu'il y a beaucoup de
confusion et il y a beaucoup de déceptions qui peuvent survenir, au
fond, quand on parle d'immigration parce qu'on a des attentes qui ne sont
peut-être pas réalistes.
Et quand on parle de respect mutuel, c'est-à-dire que les
immigrants doivent respecter la société d'accueil, mais la
société d'accueil aussi doit respecter l'identité
culturelle des immigrants. Où est-ce que vous mettriez la limite
peut-être, si c'est possible de le faire, au niveau des valeurs communes
qu'on doit partager?
Le Président (M. Doyon): M. Anctil?
M. Anctil: Je crois que les immigrants veulent avoir
l'accès au marché du travail, ils veulent avoir l'accès
à nos institutions démocratiques, ils veulent avoir
l'accès au lieu où se font le partage et les décisions.
C'est bien évident que ça ne se fera pas du jour au lendemain, et
c'est bien évident qu'il faut y mettre beaucoup de temps. Eux aspirent
à une mobilité sociale, ils aspirent à une
société démocratique, ils aspirent à partager, je
crois, si on les invite et si on les convainc, ils vont aspirer aussi à
partager une certaine portion des valeurs culturelles de notre
société. La condition, évidemment, c'est qu'il y ait une
langue qui soit commune à tous, ça, c'est acquis depuis la loi
101. L'autre condition, je crois, c'est qu'il y ait une compréhension du
phénomène suivant: L'immigrant a besoin d'une à deux
générations pour faire ce travail. Trop souvent, les personnes
qui se prononcent sans réfléchir croient qu'un immigrant peut, en
l'espace de quelques mois, un
an, deux ans, se québéciser, s'introduire dans nos
réseaux scolaires, trouver un emploi où il va avoir accès
à tous les avantages de la majorité, et surtout prendre
conscience du processus démocratique et politique. C'est faux. Il y a
des immigrants qui ont besoin d'une à deux générations. Il
y a des immigrants qui arrivent de pays où la démocratie n'existe
pas, où il n'y a aucune tradition politique en ce sens. Il y a des
immigrants qui arrivent de pays qui n'appartiennent pas à la
sphère culturelle occidentale. Leurs enfants vont être de langue
maternelle allophone, môme nés au pays, et ils vont vivre dans des
lieux communautaires et culturels qui les rassurent, qui les aident, qui
forment un coussin face à la majorité. Il faut y mettre le temps,
et je crois que c'est malheureusement ce qui manque souvent. Vous me parlez des
valeurs communes, oui, on partagera des valeurs communes, si on y met le temps,
et beaucoup d'organismes et beaucoup de personnes oublient que c'est un facteur
fondamental et essentiel. Quand tout près de la moitié de nos
immigrants sont d'origine asiatique, ces immigrants ont besoin de beaucoup de
temps. Ils ont besoin de prendre conscience du type de société
dans lequel ils ont été invités à vivre, et
ça ne se fera pas du jour au lendemain.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Anctil, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Anctil, votre document est, hors de tout doute,
dans une perspective intellectuelle. Je tiens à dire "perspective
intellectuelle", parce que, malheureusement, le contexte nord-américain
a toujours fait que ce mot était négatif, et triste est la
société qui ne valorise pas ses intellectuels. Vous avez
développé, hors de tout doute, un point de vue
intéressant, notamment au niveau de la culture dans son sens mouvant...
Enfin, je vais prendre plutôt un mot plus noble, dans son sens
polymorphe, et je pense qu'il y avait là matière, effectivement,
à commentaire, à réflexion, mais que la mécanique
impitoyable de cette commission ne me permettra sans doute pas, mais une
question que je voulais vous poser à partir du vieil adage "Quand je me
regarde, je me désole et, quand je me compare, je me console", je veux
dire le Québec n'est pas la seule terre d'immigration au monde. Est-ce
que les Québécois seraient, pour reprendre ces bons vieux examens
de type objectif qu'on a commencé à nous introduire au
collège puisque nous sommes, sans aucun doute, de la même
génération, est-ce que le Québec est plus ouvert, ouvert,
moins ouvert ou pas ouvert du tout par rapport à l'immigration,
comparé justement à ces autres terres d'immigration qui
existent?
Le Président (M. Doyon): M. Anctil.
M. Anctil: La réponse, c'est aucune des trois. La
réponse, c'est: beaucoup plus qu'autrefois; et c'est là que
j'insiste et c'est là que je crois qu'il faut réfléchir.
Beaucoup plus qu'autrefois.
M. Boulerice: Elle est beaucoup plus, M. Anctil, ouverte.
Là, vous introduisez un élément de pédopsychiatrie
qui dit que chaque élément n'est comparable qu'avec
lui-même, mais, sans vouloir vous faire pratiquer ce métier, le
Québec est beaucoup plus ouvert que ce qu'il a été. Bravo,
merveilleux, je m'en réjouis, mais je me dis donc que dans cette vie,
toutes choses étant fragiles, continuons. Par contre, par rapport
à d'autres sociétés, parce qu'il y en a qui ont tendance -
je ne dis pas que c'est votre cas, loin de moi cette pensée, au
contraire, je vous connais - mais certains ont tendance à vouloir
inculquer aux Québécois une espèce de culpabilité
qui répond bien d'ailleurs à ce masochisme traditionnel que nous
avons cultivé là: né pour un petit pain, porteur d'eau,
etc. Notre société est-elle plus, autant, moins ou pas ouverte du
tout par rapport aux autres terres d'immigration?
Le Président (M. Doyon): M. Anctil.
M. Anctil: Je crois qu'historiquement la communauté de
souche a fait des erreurs majeures dans son parcours d'accueil au XXe
siècle, je le montre dans mon texte. C'est des choses, des
décisions qui ont été prises, qui ont été
tragiques pour l'orientation linguistique de certaines communautés qui
sont arrrivées avant la Deuxième Guerre mondiale. Je crois que
nous avons accédé maintenant, d'une façon
définitive, au statut de majorité. Mais ce statut de
majorité, cette volonté d'être une communauté
d'accueil comporte des responsabilités aussi très lourdes. Je
crois que nous sommes en mesure de prendre ces responsabilités. Je crois
que nous sommes une société qui a plus réfléchi
à cette question que, par exemple, le reste du Canada, le Canada
anglais, plus réfléchi que la France sur le plan des institutions
concrètes et du lien, du moment de rencontre et aussi plus que les
États-Unis, peut-être à cause de notre statut minoritaire,
peut-être à cause de la fragilité linguistique de la
situation des francophones de souche en Amérique du Nord. Il n'y a aucun
doute que comparer des situations, comparer des pays, c'est très
périlleux parce qu'il y a des démarches historiques qui ne se
ressemblent pas. Les États-Unis et la France sont des États
unitaires, centralisateurs, ça n'a jamais été la situation
claire, aussi clairement au Canada ou au Québec; c'est un avantage
historique pour nous. II...
Le Président (M. Doyon): Non, non, je vous en prie.
Continuez, M. Anctil.
M. Anctil: Si nous prenons conscience de cette accession au
statut de majorité qui ne se
passe pas souvent dans l'histoire d'un peuple, je crois que nous pouvons
cocher la case plus, plus ouvert. Si nous profitons de cette situation
historique qui se déroule, qui se développe depuis la loi 101 et
depuis d'autres événements, si nous en profitons au contraire
pour imposer à l'État un caractère qui soit trop normatif
face à la culture, je crois que, là, on risque quelque chose. On
risque de diminuer notre capacité d'accueil. Mais je suis
persuadé que la réflexion qui est engagée dans la
société québécoise, au sein des différentes
instances politiques, sociales et culturelles, est saine et qu'elle peut
déboucher sur un plus, à condition que la majorité
démographique et linguistique poursuive la recherche, poursuive le
questionnement et ne considère pas les événements
politiques actuels et à venir comme quelque chose d'acquis ou quelque
chose qui irait de soi. Je pense qu'il y a toujours une réflexion que
l'État québécois... Peu importe le régime
politique, l'État québécois aura une réflexion
sérieuse à poursuivre sur le plan de l'accueil des
communautés culturelles et des immigrants.
Le Président (M. Doyon): M. le député?
M. Boulerice: Ce sentiment tout à fait légitime de
crainte que les Québécois éprouvent n'est-il pas dû
au fait - et c'est des mots que j'employais il y a six ans ou sept ans et
j'étais à votre place là, où je disais que, comme
province ou comme État souverain, ça sera toujours vivre
dangereusement que de vouloir vivre en français en Amérique du
Nord. Est-ce que vous ne croyez pas que ce sentiment-là de crainte est
légitimé par la fragilité numérique sur un
continent où nous sommes 40 fois minoritaires mais non pas un travers
génétique - pour employer la phrase d'une dame tantôt,
là, parce qu'il y a un nouveau vocabulaire qui s'introduit à tous
les jours - des archéo-Québécois? C'est comme ça
que ceux de vieille souche, maintenant, doivent s'appeler. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): M. Anctil?
M. Boulerice: Du grec "arkhaios", vous avez bien compris. Ha, ha,
ha!
M. Anctil: Oui. Je comprends votre point de vue. Je crois que la
prise de conscience de cette fragilité que vous soulignez, oui, je suis
prêt à la faire avec vous, mais je suis prêt aussi à
dire que les communautés culturelles et les immigrants aussi vivent une
situation de fragilité, aussi vivent une situation de
précarité face à nous, face à l'État
québécois, face à la majorité démographique,
et il y a là l'assise d'un dialogue important. Il y a là, je
crois, quelque chose qui peut être un avantage, qui peut être une
prise de conscience. Il est plus facile peut-être, pour un peuple
minoritaire, pour un peuple dont l'histoire est difficile, de comprendre ses
voisins à long terme; de comprendre l'accueil qu'il doit faire à
l'immigration interne peut être plus facile, oui, c'est possible,
à long terme. Ce n'est pas sûr que ce soit vrai à tout
moment dans l'histoire, mais j'ose espérer que ce soit vrai.
M. Boulerice: Certains esprits chagrins disent que ce mouvement,
cette adhésion massive des Québécois, enfin les sondages
en témoignent, au concept de souveraineté serait un frein
à l'ouverture. Vous entendez cette phrase: Mais pourquoi se replier
alors que l'on s'ouvre? Que pensez-vous de cette assertion?
M. Anctil: Je répète ce que j'ai dit tout à
l'heure. Je le répète avec beaucoup de force et il y a des
communautés culturelles qui vous l'ont dit à la commission
Bélanger-Campeau de manière très claire. Quand ce
processus d'État souverain se produira, de la façon qu'il se
produira, quand on accordera aux communautés culturelles et aux
immigrants la garantie ferme du respect des droits de la personne et du respect
des spécificités culturelles, il y aura, je crois, une
adhésion à ce phénomène beaucoup moins ambiguë
qu'aujourd'hui. Je crois que les communautés culturelles, dans des
conditions où les droits de la personne seront quelque chose de
fondamental, se joindront à l'État québécois de la
manière que vous le définirez, de la manière dont l'avenir
le définira, peu importe la forme précise que prendra le
régime. C'est ça qui est la pierre d'assise, je crois, pour
l'immigrant et le membre d'une communauté culturelle installée.
Ce n'est pas le fait que nous, en tant que francophones, on souhaite
protéger notre culture, ce n'est pas le fait que nous, en tant que
francophones, on souhaite avoir des garanties de survie. Ce n'est pas ça
qui est le problème. C'est la manière dont ces méthodes de
privilégier le fait français seront appliquées de
façon très concrète. Et l'État
québécois, je le répète, a un rôle à
jouer là qui est fondamental. L'État québécois doit
prendre conscience... pas seulement le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, l'État québécois en
entier doit prendre conscience de ce que ça signifie, cela.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Anctil. En terminant,
M. le député.
M. Boulerice: Je suis content de vous entendre dire ça
parce que ça rejoint l'assertion du ministre de la Justice, M.
Robillard, qui disait que la Charte des droits et libertés du
Québec était plus généreuse que la Charte
canadienne. Mais la dernière question que j'aimerais vous poser: Vous,
M. Anctil, qui fréquentez les communautés culturelles - c'est une
opinion que je vous demande - pouvez-vous me dire si - parce que vous dites que
les Québécois de vieille souche doivent avoir une certaine
sen-
sibilité, un intérêt envers les communautés
culturelles - est-ce que, d'après vous, pour les Québécois
de vieille souche, et notamment leur élite qui siège, là,
sous les lambris dorés des palais nationaux, comme je le dis avec un peu
de dérision, le fait de ne pas commenter, de ne pas discuter, voire
même de condamner, si la chose a été négative, ce
qui s'est passé dans les pays d'origine de ces Québécois
nouveaux ne contribue pas, d'une certaine façon, au non-rapprochement
des communautés?
M. Anctil: Pourriez-vous être plus précis dans votre
question?
M. Boulerice: Vous fréquentez les communautés
culturelles. Vous savez fort bien qu'elles ont toutes quand même une
référence au pays d'origine. Elles sont toujours
inquiètes, sensibles à ce qui s'y passe. Et très souvent
ce qui s'y passe n'est pas pour le meilleur des mondes. Le fait que les
Québécois de vieille souche et je disais, notamment,
peut-être dans cette belle enceinte, ici, le fait de ne pas commenter,
discuter, voire même condamner ce qui se passe dans les pays d'origine
des nouvelles communautés - et je pense que c'est d'importance; les gens
de la CECM, là-bas, semblent partager mon point de vue, je vois madame,
d'ailleurs - est-ce que ça ne contribue pas au non-rapprochement des
Québécois, des archéo-Québécois - parce que
j'ai trouvé l'expression savoureuse - et des nouvelles
communautés?
M. Anctil: Oui, ou les paléo-Québécois. Il y
a là, je crois, dans ce que vous mentionnez, l'amorce d'une politique
étrangère pour l'État du Québec, si vous me
permettez. Je crois que, sur la scène internationale, on n'est pas rendu
là, sous le régime actuel. Mais ça sera le rôle de
l'État québécois, effectivement, d'intervenir, de se
prononcer sur des questions des droits de la personne à
l'étranger. Ça sera certainement le rôle de l'État
québécois, sous un régime ou un autre, compte tenu du
nombre important d'immigrants qui rentrent de certaines régions du monde
qui sont des foyers de tensions et de conflits. Ce sera sûrement le
rôle de l'État québécois d'avoir des
responsabilités de ce côté-là. Je suis d'accord avec
vous. Quelle forme exactement ça peut prendre? Je ne peux pas vous le
dire, mais je crois que les communautés culturelles qui sont ici, qui
vibrent à l'appel de leur pays d'origine parce que beaucoup de leurs
proches y sont encore, attendent du pays d'accueil qu'il soit capable d'avoir
une position proche des droits de la personne, proche d'un ordre mondial juste.
Oui, ça, je suis d'accord avec vous, il n'y a aucun doute.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Anctil. M. le
député, quelques mots de remerciement, peut-être.
M. Boulerice: Voilà, M. Anctil, vous avez entendu ce
diktat que le président est obligé de faire compte tenu de sa
fonction. Je vais vous remercier, en souhaitant pouvoir continuer avec vous, en
d'autres temps et d'autres lieux, le débat, mais situé dans sa
perspective culture, parce qu'il y a un débat qui se fait actuellement
au Québec où on parle de l'État, l'État architecte,
ce qui m'effraie, moi personnellement, mais, de toute façon, je pense
que cette invitation, vous l'accepterez très volontiers et moi, je serai
très heureux que vous l'acceptiez. Merci, M. Anctil, de votre
participation.
M. Anctil: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Anctil, je vous remercie pour la
réflexion en profondeur, et avec cette ouverture d'esprit que vous le
fartes dans votre mémoire. Vos propos sont très
intéressants. Merci beaucoup, je vous félicite.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Anctil. Vous avez pu
voir l'intérêt que vous avez soulevé. C'est avec beaucoup
de regrets que je suspends ces travaux jusqu'à 20 heures alors que nous
recevrons deux autres groupes. Donc, suspension jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 19)
(Reprise à 20 h 8)
La Présidente (Mme Loiselle): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous voulez prendre place - bonsoir, M. Boisclair - nous allons
commencer les travaux de la commission pour cette soirée.
Alors, bienvenue à la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec. Bienvenue aux travaux de cette
commission, la commission de la culture. Avant de débuter, j'aimerais
que vous fassiez la présentation des gens qui vous accompagnent. M.
d'Anjou, s'il vous plaît.
Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec
M. d'Anjou (Guy): Oui. Bonsoir, Mme la Présidente, Mme la
ministre, Mme et MM. les députés. Il me fait grandement plaisir
de vous présenter la délégation de la
Fédération des commissions scolaires. À ma gauche, la
première vice-présidente, Mme Diane Drouin; à ma droite,
le directeur général de la Fédération, M. Fernand
Paradis; M. Alain Doyer, un professionnel de la Fédération qui a
travaillé au dossier, ainsi que M. Roch Archambault qui nous a
grandement
éclairés dans l'étude de ce dossier.
La Présidente (Mme Loiselle): M. d'Anjou, vous savez que,
selon les procédures pour les échanges, vous avez 20 minutes pour
la présentation. Ensuite, c'est l'échange qui débute avec
Mme la ministre et le porte-parole de l'Opposition officielle. Vous pouvez
commencer.
M. d'Anjou: La Fédération des commissions
scolaires, comme vous le savez, regroupe 168 des 170 commissions scolaires
catholiques ou pour catholiques. Nous espérons bientôt les
regrouper toutes.
Je peux vous dire au départ que, dans l'ensemble, nous
souscrivons à l'énoncé de politique du ministère,
mais nous tenons à dire qu'une politique d'immigration, ce n'est qu'un
volet d'une politique de population. Il nous apparaît important de relier
les deux. Il y a une interaction entre une politique de population et
l'immigration. Il y a aussi des impératifs d'ordre culturel et
linguistique qui doivent nous aider à établir et à mettre
en pratique une telle politique. Il y a également des impératifs
d'ordre économique qui ont leur importance lorsqu'il s'agit de faire des
choix, de choisir des immigrants, et également lorsqu'il s'agit de
déterminer le nombre d'immigrants chaque année.
Il ne faut pas perdre de vue non plus que nous devons mettre l'accent
sur une politique familiale au Québec. Il ne faut pas croire que
l'immigration seule pourrait remplacer une politique familiale. Nous croyons
qu'une telle politique est une priorité et que l'immigration est
complémentaire de la politique familiale qui, elle aussi, fait partie
d'une politique de population. Dans la pratique, nous croyons qu'une partie de
la présentation de la politique du ministère est peut-être
un peu idéaliste par rapport à la réalité, par
rapport aux moyens que nous avons pour l'accueil et l'intégration des
immigrants.
Nous constatons comme vous tous qu'il y a une concentration dans la
région métropolitaine de Montréal et qu'il serait
désirable que l'immigration soit régionalisée,
c'est-à-dire s'étende sur l'ensemble du territoire du
Québec. Nous constatons également que ce n'est pas facile dans le
contexte économique actuel, alors que les régions ont beaucoup de
difficultés à se développer au point de vue
économique et que la plupart des régions excentriques sont en
perte de population. Il faudrait trouver le moyen de développer les
régions, d'occuper le territoire du Québec, et peut-être de
sélectionner des immigrants qui pourraient oeuvrer en région.
Mais j'admets avec vous que ce n'est pas trop facile. Ce qui est capital
dans une politique comme celle-là, je pense, c'est de prévoir et
d'avoir les moyens de mesures visant a l'intégration. C'est pourquoi les
commissions scolaires s'intéressent grandement à la question, vu
le rôle important que l'école publique, l'école du quar-
tier, l'école du village peuvent jouer dans l'intégration et
l'accueil des immigrants. Il ne s'agit pas seulement d'admettre les jeunes
immigrants à l'école publique, il s'agit de faire de cette
école le centre d'accueil des immigrants, là où les
adultes, les parents, seront reçus, là où les parents,
dans leur école de quartier, apprendront la langue, apprendront à
s'intégrer a la société québécoise, de telle
sorte que parents et enfants reconnaissent l'école comme le centre de la
vie communautaire, en autant que l'éducation est concernée.
Nous pensons même qu'il serait réalisable que
l'école devienne un centre d'accueil donnant divers services aux
immigrants. Ce serait, en somme, le phare qui les attirerait, les retiendrait,
là où l'immigrant, en toute confiance, pourrait trouver les
services dont il a besoin.
Une mesure que nous favorisons d'une façon particulière,
c'est l'adoption internationale. Il y a beaucoup de possibilités de ce
côté-là, mais les procédures sont très
longues, très difficiles. Mais nous croyons que, tout en faisant oeuvre
humanitaire, en favorisant l'adoption d'enfants abandonnés de divers
pays, accueillis dans des familles d'ici, nous croyons que ces
enfants-là, naturellement, comme leurs frères et soeurs,
s'intégreront à la société
québécoise. C'est peut-être la formule la plus facile. Le
problème qui rend difficiles toutes ces mesures d'accueil et
d'intégration, c'est un problème financier. Notre capacité
d'accueil est limitée par les ressources financières qui
existent. Quand on sait que des adultes attendent encore pour suivre des cours
de langue française, c'est un problème très
sérieux, à notre avis. Il est capital que les parents, en
même temps que les jeunes, les enfants, apprennent la langue de leur
nouveau pays, de leur nouvelle région.
Alors, nous pensons que, pour faciliter aux commissions scolaires et
à l'école publique un rôle important dans le domaine de
l'intégration des immigrants, de l'accueil des immigrants, il faudrait
chercher des moyens pour favoriser une plus grande dispersion de la
clientèle ethnique sur le territoire scolaire. Il est important, je
pense, que les jeunes immigrants soient en contact quotidien à
l'école avec les Québécois établis ici depuis
longtemps, de façon à favoriser des liens d'amitié et
l'apprentissage pratique de la langue.
Il faudrait aussi augmenter la représentation des diverses
ethnies au sein du personnel des commissions scolaires et des écoles et
organiser des échanges scolaires entre des écoles francophones et
des écoles à forte concentration ethnique. Ça se pratique
à Montréal, actuellement. Il faudrait également
accroître les mesures post-accueil en général. À
titre d'exemples: des agents de liaison, des cours de langue après
l'horaire régulier et les études dirigées. Vous savez que
beaucoup de jeunes, lorsqu'ils ne possèdent pas la langue, prennent un
retard
scolaire important. Il faut mettre tout en oeuvre pour les aider
à rattraper les autres le plus rapidement possible et éviter
qu'ils ne puissent terminer leurs études. Une autre mesure possible,
c'est des cours du samedi et la participation de parents des communautés
culturelles à la vie scolaire et aux comités d'école,
comme vous le suggérez d'ailleurs dans votre politique.
En conclusion, le projet gouvernemental touchant l'immigration et
l'intégration des immigrants trace des orientations et identifie un
certain nombre de moyens d'action avec lesquels la Fédération
tient à exprimer son accord global et auxquels elle donne son appui.
Dans la mesure où il s'agit là de pistes à poursuivre ou
d'objectifs à atteindre à moyen ou à long terme, la
direction identifiée apparaît définitivement être la
bonne. Mais il faudra éviter d'agir avec trop d'empressement et laisser
le temps aux mentalités de se modifier en conséquence, et aux
institutions que nous avons au Québec de s'ajuster, sans trop les
brusquer. Il faudra notamment, avant d'ouvrir les vannes de l'immigration,
accentuer l'effort gouvernemental en vue de mieux supporter les familles
installées au Québec et favoriser chez elles un accroissement de
la natalité. Il faudra aussi améliorer sensiblement l'aide
économique aux régions pour qu'elles puissent se
développer et devenir des lieux d'emplois stables, intéressants
et aptes à garder les populations qui y vivent et, aussi, à
attirer de nouveaux arrivants en provenance d'autres pays du monde.
Si les perspectives d'emplois en région ne s'améliorent
pas de façon importante, il sera à peu près impossible d'y
amener et surtout d'y garder des immigrants. Pour l'heure, la nouvelle entente
Québec-Ottawa sur l'immigration permettra au Québec de se doter
d'une politique d'action en cette matière qui sera, sans aucun doute,
plus conforme à ses besoins et à ses objectifs et lui permettra
plus de souplesse et de capacité d'action pour les satisfaire. C'est
certainement un élément très positif et nous
espérons bien en constater les retombées concrètes
à court terme dans le réseau de l'éducation, au
bénéfice des clientèles ethniques que nous devons
desservir actuellement avec des ressources trop limitées.
Alors que les besoins sont très grands, nous apprenons
l'intention gouvernementale d'appliquer des compressions budgétaires de
l'ordre de 100 000 000 $ pour la prochaine année financière. Nous
tenons à dire que nous ne pouvons pas être d'accord avec de
pareilles intentions alors que, au contraire, il y a des besoins nouveaux qu'il
faut satisfaire. Nous croyons que les dépenses en éducation
doivent être considérées par l'État comme des
investissements pour l'avenir, pour créer de la richesse, au lieu de
sous-financer l'éducation, avec le résultat que vous connaissez,
à savoir les coûts sociaux énormes causés par une
sous-scolarisation. Alors, voilà; ça nous fera plaisir de
répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Loiselle): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions, de vos collègues, M. d'Anjou?
M. d'Anjou: Peut-être en réponse aux questions, si
vous voulez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Loiselle): Alors, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, et merci, M. d'Anjou, pour cette
présentation. M. d'Anjou, comme ministre de l'Immigration et des
Communautés culturelles, j'ai à peu près tous les jours
l'occasion de constater des attitudes positives, et même parfois
d'engagement à l'égard du français, chez nos concitoyens
de toutes origines. Par exemple, dans le dernier sondage, 80 % des allophones
considèrent l'apprentissage du français comme une condition
nécessaire à leur intégration. Et, d'ailleurs, on a eu
l'occasion, la semaine dernière entre autres, d'entendre plusieurs
groupes venir nous dire comment ils reconnaissaient que le français est
la langue commune de la vie publique, et l'importance, aussi, d'utiliser cette
langue. Lorsque vous abordez le contrat moral dans votre mémoire,
à la page 3, vous mettez en doute l'acceptation du fait français
par les communautés culturelles et, par le fait même, leur
adhésion à ce volet du contrat moral. Qu'est-ce qui vous
amène à avoir de telles craintes, et croyez-vous que de telles
attitudes soient généralisées au sein des
communautés culturelles?
M. d'Anjou: Non, je ne crois pas. Les communautés
culturelles que nous avons entendues, pour une très grande
majorité, se sont prononcées clairement en faveur du fait
français. Mais vous dites vous-mêmes 80 %; il y a peut-être
les autres 20 %.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, pour vous, il y a encore des
attitudes à changer, à ce niveau-là?
M. d'Anjou: Oui, je le crois. Il y en a peut-être qui
arrivent ici mal informés. Je pense que c'est ça qui est capital.
Il faut que ce soit clairement établi. Quand quelqu'un s'en vient au
Québec, il faut que les règles du jeu soient connues au
départ, à savoir que la langue prioritaire, la langue officielle,
c'est la langue française, et que ces immigrants-là doivent
accepter au départ que leurs enfants devront fréquenter une
école française. Et il arrive des immigrants qui ne sont pas au
courant. Mais le fait que le Québec aura peut-être une plus grande
maîtrise du choix des politiques d'immigration, du choix des immigrants,
de l'accueil, à
ce moment-là, je pense qu'il y aura de meilleures
possibilités de les informer adéquatement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je pense que l'information à
l'étranger est tout à fait importante. Je pense que la personne
qui veut faire un choix éclairé doit être bien
renseignée. Comme vous l'avez sûrement constaté dans
l'énoncé de politique, nous voulons faire des efforts dans ce
sens-là. Par contre, bien sûr, pour nous, il faut quand même
aussi mettre beaucoup d'emphase sur cette question du français et il
faut que les gens en arrivent, à un moment donné, non seulement
à, l'utiliser, mais aussi à la maîtriser, cette langue
commune.
M. d'Anjou: Pour ça, il faut absolument que les parents,
en même temps que les enfants, apprennent le français.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Cependant, est-ce que vous donnez quand
même une certaine chance à la première
génération"? Il y a quand même un peu de
flexibilité, je pense, qu'il faut accorder à la première
génération.
Quant à la deuxième génération, on sait
qu'en vertu de la loi 101, au départ, ils doivent s'inscrire à
l'école française; mais la première
génération, est-ce que vous lui accordez un peu de souplesse?
M. d'Anjou: Bien, sûrement. On n'a pas demandé que
tout le monde possède la langue française avant d'arriver au
Québec; il n'en est pas question.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Je voudrais vous parler aussi de
la concentration à Montréal. À la page 4 de votre
mémoire, vous dites que Montréal comprendrait, actuellement, 16 %
d'immigrants. Je constate que vous incluez sous le vocable "immigrant" toute la
population immigrée, même celle qui est installée ici
depuis 40 ans. Est-ce à dire, par exemple, que ces gens ne devraient
jamais être comptés comme des Québécois? Ce qui
arrive - et vous n'êtes pas les seuls; cet après-midi, j'ai
entendu ça, à un moment donné - on parle de fortes
concentrations dans les écoles. Par contre, on dit: II n'y a pas de...
le Québécois... Mon collègue a l'habitude de parler de
tuques et de bas de laine. Par contre, vous avez quand même de ces
personnes qui sont nées ici, de la deuxième
génération, et souvent, on les identifie encore comme des
immigrants. Par exemple, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, quand on parle de
fortes concentrations, de faire une différence entre les personnes qui
sont ici depuis plusieurs années, qui sont nées ici et qui
fonctionnent ici, ceux de la deuxième génération, entre
autres, et les nouveaux arrivants?
M. d'Anjou: C'est clair que toute personne qui est née au
Québec ne peut pas être considérée comme
étant immigrante, elle est née au Québec, au Canada.
Alors, à ce moment-là, on ne peut pas la considérer comme
étant immigrante. Mais lorsque les parents ne parlent pas le
français, à ce moment-là, il y a un certain
problème. Les enfants, même s'ils sont de la deuxième
génération, s'ils sont nés au Québec, arrivent
à l'école avec une connaissance insuffisante du français.
Ils ont aussi des difficultés scolaires à cause de ce
facteur-là.
Mais je suis d'accord avec vous. À partir du moment où
quelqu'un est né au Québec ou au Canada, il n'est pas question de
le considérer comme un immigrant; il est né ici.
Mme Gagnon-Tremblay: Nous avons discuté aussi cet
après-midi des fortes concentrations. On disait qu'il y avait certains
facteurs qui étaient à l'origine de cette concentration. Bon. Je
pense, entre autres, à la CEQ qui en avait identifié quelques-uns
comme, par exemple, la question des écoles anglo-catholiques et des
écoles franco-québécoises. Il y a aussi, bien sûr,
les concentrations d'immigrants par quartier, dans certains quartiers. Mais
est-ce que vous identifiez d'autres facteurs qui seraient, par exemple,
à l'origine de cette concentration, et qu'est-ce qu'on pourrait faire
pour déconcentrer? Bien sûr, vous avez parlé tout à
l'heure de la régionalisation, mais la régionalisation aussi,
c'est un projet à plus long terme. Comme je le dis toujours, la
régionalisation, on ne l'impose pas à l'immigrant et on ne
l'impose pas non plus à la région. Il faut commencer par changer
des attitudes, des mentalités. Il faut préparer, il faut aussi se
donner des structures d'accueil. Alors, c'est un projet à moyen et
à long terme. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire rapidement,
demain matin. Mais est-ce que vous avez, par exemple, d'autres
possibilités, d'autres suggestions à nous faire pour
empêcher cette concentration, pour éviter cette concentration?
M. d'Anjou: Oui. Je pense qu'on ne pourra jamais
l'empêcher, c'est un mouvement naturel. Les gens d'une même culture
tentent de se regrouper, je pense. Et, souvent, les immigrants font venir des
membres de leur famille et les gens se regroupent. Je pense que c'est un
mouvement naturel. C'est très difficile de l'empêcher. Mais ce qui
est important, je pense, c'est d'éviter d'avoir des écoles
où il y aurait une trop forte concentration de gens de diverses cultures
autres que des gens parlant français, ou anglais dans le cas des
écoles anglaises. Moi, je pense que, dans la mesure du possible,
l'intégration est facilitée par le contact entre les
Québécois qui sont nés ici et les nouveaux arrivants. Il
faut que ces contacts-là se fassent. Il y a sûrement une
éducation du public à faire pour une plus grande ouverture, un
accueil chaleureux, je dirais. C'est pourquoi nous voudrions que
l'école devienne le lieu de rassemblement des communautés
culturelles et des nouveaux arrivants. Mais les moyens ne sont pas faciles.
Commencer à les transporter, je pense que ce n'est pas facile. Mais je
pense que la mise en contact de ces groupes-là avec les
Québécois nés ici, c'est ça qui va faciliter
l'intégration.
Mme Drouin (Diane): Je peux peut-être...
M. d'Anjou: Oui, Mme Drouin voudrait ajouter quelque chose.
Mme Drouin: Oui, peut-être ajouter... Dans notre
mémoire, on vous parle justement de deux moyens. On a parlé de
l'adoption internationale. Ça nous apparaît peut-être l'un
des moyens qui est assez facile d'application, si l'on assouplit un petit peu
les règles, pour amener, justement, des immigrants en région.
Parce que, là, les parents choisissent l'enfant, ils l'amènent
chez eux, et puis l'enfant s'intègre beaucoup plus facilement. On a
aussi parlé de développement économique. Parmi les moyens,
il y aurait peut-être la possibilité d'inviter ou d'inciter
fortement les immigrants indépendants ou les immigrants gens d'affaires
à installer leur entreprise en région, par des moyens au niveau
de la fiscalité ou autrement. Ça serait sûrement bienvenu
en région à ce moment-là parce que, s'ils apportent du
travail, je pense que les régionaux seraient très heureux de les
accueillir. (20 h 30)
Mme Gagnon-Tremblay: Comme je le mentionnais, au niveau des gens
d'affaires, il faut aussi se donner des structures. Actuellement, nous
travaillons avec tous les leaders économiques des régions, des
principales régions, là où on a des directions
régionales, justement dans le but de préparer l'accueil de ces
gens. Comme je le mentionnais la semaine dernière, nous accueillerons
cette année 2000 entrepreneurs que nous avons sélectionnés
l'année dernière. Alors, bien sûr, il faut que les
régions connaissent leurs besoins et qu'elles soient capables d'offrir
à ces entrepreneurs des projets d'entreprises, des projets de
création d'entreprises et d'emplois. Alors, c'est toute la chimie qu'on
doit avoir entre les besoins et l'offre.
Je reviens rapidement à l'adoption internationale; bien sûr
qu'on peut miser, qu'on peut réduire les délais et qu'on peut
travailler. C'est un dossier qui ne relève pas nécessairement de
notre ministère, cependant. Mais, au-delà de ça, supposons
qu'on réussisse à réduire les délais et tout
ça, c'est quand même un infime pourcentage par rapport à
l'ensemble de l'immigration. Qu'on puisse réussir à faire venir
des enfants par l'adoption internationale, ça représente quand
même un pourcentage très minime par rapport au flux migratoire. Ce
n'est pas, naturellement, le plus gros. Je pense qu'il y a des efforts à
faire dans ce sens-là, mais ce n'est pas nécessairement le plus
gros morceau de notre immigration.
Mais je reviens à la question de la concentration. J'ai
constaté cet après-midi, entre autres, qu'il y a des
écoles où il y a aussi des classes d'accueil. On est très
fiers d'avoir beaucoup de classes d'accueil. On demande aussi d'avoir des
classes d'accueil. Mais, cependant, j'ai constaté aussi que, d'autre
part, lorsqu'on a ces classes d'accueil dans des écoles,
généralement, il y a concentration après parce que ces
gens demeurent là. Ils entrent - c'est une classe d'immersion - mais ils
ne bougent pas après. Ils demeurent dans le même quartier, ils
demeurent dans cette classe. Là, je me demande quel serait le moyen pour
éviter ça. La question du "busing", par exemple; je ne suis pas
nécessairement en faveur parce que je pense que, dans d'autres pays,
ça n'a pas donné les résultats escomptés. Mais
cependant, en ce qui concerne les classes d'accueil, si l'on veut avoir une
immersion avec des Québécois nés ici ou de souche,
à ce moment-là, est-ce que ce ne serait pas une bonne chose de
penser... Quitte à transporter pendant la première année,
uniquement durant ces classes d'accueil, des gens dans des secteurs vraiment
entièrement francophones; ou bien croyez-vous que ce n'est pas ça
qui va nous aider à améliorer le problème de la
concentration?
M. d'Anjou: Je ne suis pas sûr que ça
réussirait, mais ça pourrait être tenté sur une base
volontaire; mais je ne suis pas sûr que ça réussirait parce
que la concentration ne dépend pas seulement de ça. Nous
favorisons des classes d'accueil, pratiquement dans chaque quartier où
il y a des immigrants. Il faut que ce soit à l'école, comme on le
disait tout à l'heure, autant pour les adultes que pour les jeunes.
Mme Gagnon-Tremblay: Pour vous, le facteur classes d'accueil, par
rapport aux autres facteurs qu'on a pu énumérer tout à
l'heure, est-il un facteur qui, finalement, est nécessairement le plus
important, celui sur lequel on devrait nécessairement essayer de trouver
des solutions par rapport aux autres?
M. d'Anjou: Ce facteur-là n'est pas le seul qui attire les
immigrants dans un coin ou un quartier. Si les classes d'accueil sont
là, c'est parce qu'ils sont déjà là. M.
Archambault, qui a travaillé au dossier de Montréal, est plus au
courant que nous et il pourrait vous donner la réponse plus
facilement.
M. Archambault: Oui. Je peux vous citer en exemple deux noms
d'écoles, cette année, à la commission scolaire chez nous,
l'école Morand-Nantel, qui est dans le nord-ouest de notre commission
scolaire, et l'école Beauséjour, où nous n'avions pas de
classe d'accueil les années passées; mais, comme on l'a
souligné, nous manquons d'espace, nous manquons de classes.
Nous avons véhiculé les enfants de notre commission
scolaire vers ces écoles-là, tant au premier cycle qu'au
deuxième cycle. L'année se termine, on veut rapatrier dans leur
quartier d'origine ces élèves-là, et je vous dis que nous
avons de la difficulté; ils se sont fait des copains, des copines. Le
personnel enseignant s'attache à ces gens-là; les parents ont
été très bien reçus dans ces milieux et nous
devrons leur offrir, l'an prochain, des services pour qu'ils soient dans ces
milieux-là. Ça favorise l'intégration.
Mais, sur une très haute échelle, le "busing" amène
des inconvénients assez majeurs parce qu'il faut leur garantir, à
ces élèves-là, la faisabilité de six années
de primaire, quitte à bloquer des entrées ou des gens qui sont du
milieu même parce que nous manquons d'espace actuellement.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que vous avez constaté
cependant, en tentant cette expérience... Parce que, d'une part, on se
rend compte que, justement, ça évite une concentration parce
qu'ils s'attachent à ce milieu-là.
M. Archambault: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que vous avez remarqué
cependant si les parents sont prêts à déménager pour
se rapprocher de cette école-là, ou bien si on continue à
exiger le transport?
M. Archambault: Dans certains cas - là, on peut compter
ça sur les doigts de ia main, ceux qui veulent déménager
dans le secteur - dans le secteur où ces écoles sont
situées, il n'y a pas de bloc d'appartements; c'est des unifamiliales et
c'est le transport.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais revenir
sur un point. Dans votre mémoire, à la page 4, vous parlez de
l'imprécision du concept de la capacité d'accueil. Effectivement,
on parle souvent de la capacité d'accueil de la société
québécoise. Disons que, dans le passé, ça s'est
fait un peu sous forme de consensus social; mais ça demeure toujours une
notion qui est relativement floue, relativement ambiguë. Je suis à
peu près assuré que, si on demandait à différents
segments de la société québécoise quelle devrait
être la capacité d'accueil à partir des indicateurs qu'ils
valorisent le plus, on arriverait probablement à des estimations
très différentes, selon qu'on parlerait à des gens des
commissions scolaires ou à des gens du milieu économique ou du
milieu industriel, etc.
Est-ce " que vous avez des suggestions à nous faire sur les
indicateurs qui devraient être utilisés - étant
donné, justement, ia complexité d'en arriver à
établir une capacité d'accueil pour l'ensemble de la province -
compte tenu du fait que ça peut varier beaucoup d'une catégorie
d'informateurs par rapport à une autre catégorie? Quels sont,
selon vous, les indicateurs qui devraient être pris en
considération?
M. d'Anjou: Du point de vue des commissions scolaires, nous
n'avons pas l'expertise pour déterminer, par exemple, le nombre
d'immigrants, en tenant compte de facteurs économiques. Ce que nous
constatons quand même, c'est que les commissions scolaires ont des
problèmes sérieux au niveau de l'accueil et aussi au niveau de
l'appui à donner aux élèves dans les classes pour leur
permettre de cheminer au même rythme que les autres. Il y a des
problèmes réels, là.
Alors, quand on parle de capacité d'accueil, nous, comme
commissions scolaires, c'est les ressources limitées que nous avons pour
nous permettre, justement, d'accueillir ces jeunes-là et de les faire
cheminer très rapidement, et aussi le fait qu'on ne peut pas recevoir
tous les adultes désireux de prendre des cours de langues. Ça
aussi, c'est une capacité d'accueil diminuée, à notre
avis. Mais, pour parler du problème d'intégration dans notre
société, c'est qu'il faut éviter d'avoir des ghettos, je
pense, et viser à ce que toute ia population au Québec vive
harmonieusement. Je pense qu'il faut viser ça.
M. Bordeleau: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il
demeure quand même que, pour le gouvernement, nous devons en arriver
à déterminer... C'est qu'il doit prendre en considération
l'ensemble des points de vue: le point de vue du milieu scolaire et le point de
vue du milieu des entreprises. Et ça ne concorde pas toujours pour
arriver à déterminer. Évidemment, il peut y avoir des
écarts, à certains moments donnés, compte tenu des
disponibilités des ressources, etc., ou un déficit, à la
limite, du côté des industries, si, dans certains secteurs, on ne
recrute pas la main-d'oeuvre nécessaire.
M. d'Anjou: II y a quand même une chose que nous
constatons. C'est qu'avec tout le chômage qui sévit au
Québec, quand nous voyons les entreprises qui n'ont pas le personnel
qualifié pour répondre à leurs besoins, nous nous disons
qu'il faut que le Québec s'organise pour fournir la formation
professionnelle nécessaire pour que les gens d'ici puissent postuler des
emplois dans les secteurs où la technologie est avancée. Pour
nous, le développement de la formation professionnelle, c'est capital;
et on croit qu'il faut favoriser d'abord les gens d'ici au lieu d'aller
chercher une main-d'oeuvre hautement qualifiée quand nous pourrions la
former ici.
Quand il s'agit d'entrepreneurs, c'est une
autre histoire. Quand il s'agit de réfugiés, c'est
sûr que notre pays, le Québec, doit faire sa part pour recevoir sa
part de réfugiés. Mais nous croyons que les procédures
doivent être accélérées pour ces gens-là, qui
vivent pendant des années dans l'incertitude. Il me semble qu'on
pourrait procéder beaucoup plus rapidement et, surtout, ne pas renvoyer
des gens qui se sont déjà intégrés à notre
société et qui se sont déjà trouvé un
gagne-pain.
M. Bordeleau: C'est ce que je voulais savoir, merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Qouin.
M. Boisclair: Merci, Mme la Présidente. M. d'Anjou, je
veux vous dire que ça fait plaisir de vous retrouver...
M. d'Anjou: Moi aussi.
M. Boisclair: ...dans cette salle où on a eu l'occasion
d'échanger à quelques reprises, mais sur un autre forum. On ne
reviendra pas sur ces questions-là. Je veux vous dire, peut-être
en guise d'introduction, jusqu'à quel point ça peut être
intéressant de vous entendre faire ce plaidoyer en matière
d'éducation, en matière de formation professionnelle. Je crois
que vous avez soulevé à juste titre, dans votre mémoire,
qu'une politique d'immigration n'est qu'un des piliers sur lesquels doit
reposer une société qui se veut ouverte, démocratique, et
aussi qui veut participer à ce nouveau contexte qui est en train de se
développer un peu partout à la grandeur du monde.
Je crois que c'est rafraîchissant et que ça fait du bien de
se le faire dire, et je crois qu'il s'agit là d'une condition
essentielle à un développement juste et équitable du
Québec. Et je souhaite que l'appel que vous avez fait à plusieurs
reprises soit entendu de l'ensemble des intervenants et des dirigeants
politiques.
J'aimerais peut-être revenir plus précisément sur
votre mémoire. Vous parlez de l'équilibre entre les
différents objectifs qui sont présentés dans
l'énoncé de politique. Vous donnez un certain nombre d'exemples
qui démontrent jusqu'à quel point cet équilibre peut
être fragile et précaire et vous observez un certain nombre de
difficultés. Ce qui est intéressant dans votre
présentation - ce qu'on ne retrouvait peut-être pas dans votre
mémoire - c'est jusqu'à quel point vous insistez pour dire que
l'école n'est pas seulement un lieu physique. L'école est
effectivement - ça, je peux en convenir facilement avec vous - un milieu
de vie dans lequel les gens font plus que recevoir ou absorber des
connaissances. C'est aussi un lieu où on peut privilégier un
certain nombre de contacts personnels, où on peut se permettre de
grandir non seulement intellectuellement mais socialement et de bien d'autres
façons, et je crois qu'il y a là un élément
important de cet équilibre qu'on essaie de définir.
La réflexion m'amènerait donc à ce contrat moral
dont on parle dans l'énoncé de politique, sur lequel vous faites
un certain nombre de commentaires. Vous dites: Ne sous-estime-t-on pas quelque
peu les difficultés à réaliser un tel objectif? Vous
parlez d'un certain nombre de problèmes. J'aimerais peut-être
revenir à une question, un peu dans le même sens que mon
collègue de l'Acadie le faisait tout à l'heure, et vous dire:
Comment, bien sûr, au-delà de ces simples énoncés de
principe, ces énoncés de volonté - qui sont faits de bonne
foi, j'en suis convaincu - peut-on essayer, pour nous qui aurons à
discuter un jour, je présume, d'un projet de loi, d'une politique ou de
choses plus concrètes, de concilier ces objectifs-là? Et comment,
concrètement, peut-on essayer d'appliquer ce contrat moral? Est-ce qu'il
y a des exemples, dans un certain nombre de commissions scolaires qui sont
membres chez vous, de ce genre de contrat social qui a fait consensus, dans une
communauté qui serait le milieu de vie, qui serait l'école?
Est-ce que c'est quelque chose qui se discute dans les différentes
instances de votre fédération? Est-ce qu'il y a des gens qui en
feront la promotion? Est-ce que vous vivez, d'une certaine façon, votre
contrat social, chez vous?
M. d'Anjou: Oui. Ça existe. Il y a parfois de fortes
contestations d'un contrat comme celui-là. Il y a toujours des gens qui
sont prêts à contester, mais, au niveau scolaire, quand les
parents suivent le développement de l'enfant et sont présents
à l'école avec les agents de formation de l'école, le
personnel de l'école, je vous assure qu'un genre de contrat social comme
celui-là est rapidement respecté. Et c'est la minorité qui
n'est pas d'accord.
M. Boisclair: Ce contrat social devra se faire. On parle d'un
certain nombre d'objectifs dans le redressement. On parle du redressement
démographique, de la prospérité économique, de la
pérennité du fait français, de l'ouverture sur le monde.
Soit, je peux comprendre que les parents ont un rôle important à
jouer, puis votre position là-dessus est...
M. d'Anjou: Ah! c'est capital, à mon avis.
M. Boisclair: Votre position est très claire à cet
effet...
M. d'Anjou: Ah! c'est capital. (20 h 45)
M. Boisclair: ...puis vous avez eu l'occasion d'en parler. Mais
n'empêche qu'il faut aussi que ce consensus-là et que ce constat
se fassent
autour d'un certain nombre de valeurs. Une fois qu'on a dit que les
parents, bien sûr, étaient maîtres d'oeuvre importants dans
une politique d'éducation et jouaient, bien sûr, un rôle
important dans le développement, au-delà de ça, ces
consensus doivent se tisser autour d'un certain nombre de valeurs. Et je me
demande, je me pose un peu la même question que vous: Comment,
"réalistement", peut-on appliquer ce genre de contrat moral? Comment
peut-on y arriver? Bien sûr, en impliquant les parents, mais autour de
quel genre de valeurs? La finalité, en soi, n'est pas d'impliquer les
parents. La finalité, c'est plutôt de définir un projet de
société dans lequel, bien sûr, les parents, les enfants,
les éducateurs et les administrateurs vont se reconnaître. Je
voudrais plus en revenir au niveau des valeurs.
M. d'Anjou: II y a un équilibre à ce
niveau-là. J'ai toujours pensé, et qu'on regarde l'histoire du
monde, c'est très clair que le pays qui reçoit est
autorisé à préserver ses propres valeurs - parlons de la
langue à titre d'exemple - et que ceux qui s'en vont dans un autre
pays... Parce que l'intégration, ce n'est pas seulement de la part de
celui qui reçoit, c'est aussi de la part de celui qui vient habiter dans
un autre pays. Je pense que si les règles du jeu sont bien connues...
Comme on le disait tout à l'heure, quand le Québec accueille,
sélectionne, et que l'on connaît très bien les
règles du jeu, je pense qu'on peut respecter les valeurs culturelles de
chacun des immigrants ou de chacune des communautés culturelles, tout en
étant sûrs que les valeurs d'ici, de la population du
Québec, de notre société, doivent primer, à mon
avis, mais sans brimer la culture et les droits de la personne, bien sûr.
Dans tous les pays, c'est comme ça que ça se passe.
M. Boisclair: Ça ferait sûrement une bonne
intervention, ça, M. d'Anjou, si vous me permettez, à la
commission Bélanger-Campeau.
M. d'Anjou: Pardon?
M. Boisclair: Ça aurait fait une bonne intervention
à la commission Bélanger-Campeau.
M. d'Anjou: Ça m'arrive d'en faire, des fois.
M. Boisclair: Je ne suis pas tout à fait convaincu de
ça, mais...
M. d'Anjou: Ah!
M. Boisclair: ...vous dire, M. d'Anjou, pour revenir sur... C'est
pour ça, je crois, qu'il faut élargir aussi le débat. Vous
avez parlé de l'importance des politiques de régionalisation.
Vous soulevez un élément important lorsque vous dites qu'encore
là il faut une politique de régionalisation; mais une politique
de régionalisation qui doit, bien sûr, s'appuyer sur une politique
de développement, sans quoi ça serait illusoire. Mon
collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, l'a
soulevé au moment de son allocution d'ouverture et a eu l'occasion de se
prononcer sur cette question-là.
Et on pose aussi la question du projet de société. Moi, je
crois que c'est à ce niveau-là qu'il faut s'en tenir à
l'occasion d'un débat sur un énoncé de politique. Mais
cette régionalisation? On a parlé tout à l'heure des
difficultés d'évaluer cette capacité d'accueil. Est-ce
que, lorsque vous dites, par exemple, à la page 7 de votre
mémoire, "Si on ne peut répondre à ces questions..." Et
là, lorsqu'on parle d'un certain nombre de demandes... Vous soulevez,
entre autres, comme question: Qu'offre-t-on aux immigrants pour leur rendre
attrayant le fait de s'installer en région? Vous avez dit: Si on ne peut
répondre à ces questions, il faudra alors continuer à
évaluer notre capacité d'accueil en fonction de celle de
Montréal et de sa région immédiate plutôt qu'en
fonction de l'ensemble du Québec. Est-ce que c'est une façon
indirecte, pour vous, de peut-être remettre en question cet objectif de,
quoi, 55 000 personnes en 1994? Je crois que c'est l'objectif à
atteindre en 1994. On parie de 55 000 personnes environ. Au niveau des quotas,
est-ce que vous remettez en question ce...
M. d'Anjou: Nous ne sommes pas en mesure - je l'ai dit tout
à l'heure - d'évaluer exactement des quotas particuliers, parce
que nous n'avons pas toutes les données économiques et nous
n'avons pas eu trop de temps non plus pour faire des études plus
approndies. Mais, simplement, nous disons: II y a un certain risque. Nous
disons: II faut être prudents à ce niveau-là. Nous sommes
ouverts à l'immigration qui peut jouer un rôle important dans une
politique de population et dans une politique de développement
économique. Mais ça prend quand même une certaine prudence.
D'ailleurs, tous les pays du monde excercent cette prudence en
établissant des quotas, justement.
Alors, c'est simplement, nous, notre expérience au niveau
scolaire, qui nous dit: L'intégration ne se fait pas toujours si
facilement que ça. Nous constatons surtout que nous sommes loin d'avoir
les ressources nécessaires pour faire une intégration harmonieuse
dans tous les cas. À ce moment-là, si nous voulons aller plus
vite et plus loin, ça va prendre des ressources supplémentaires
au niveau scolaire. Je pense que M. Paradis avait quelque chose à
ajouter là-dessus.
M. Paradis (Femand): Peut-être, M. le Président, sur
un point antérieur. La question de l'intégration de
l'élève et des intérêts des parents. On remarque
que, dans la plupart des familles, le point d'intérêt, le centre
d'intérêt,
c'est le ou les enfants. L'intérêt des parents tourne
autour de cela, et l'école est justement le lieu où les enfants
font les apprentissages principaux. Mon expérience dans le domaine de
l'éducation me montre que les parents veulent le succès de leur
enfant et ils ont des attitudes, en général, je dis en
général, positives face aux enfants. Ça se traduit dans
des réflexions du genre: Ce n'est pas parce que c'est mon garçon,
ou ce n'est pas parce que c'est ma fille, mais s'il voulait... Ils leur
attribuent un potentiel qui amène à développer une
attitude positive dans le succès.
Et en faisant de l'école un lieu d'intégration où
on capitalise sur l'intérêt des parents face aux enfants - et les
parents s'amènent à l'école pour vivre ce succès et
y participer - nous pensons que c'est un pari intéressant. Nous pensons
que le lieu privilégié, l'école, si ça devenait de
plus en plus le cas, c'est une excellente trajectoire, à la fois
d'intégration et d'intérêt des parents.
Et aussi il m'apparaît que, dans ce contexte, ce qui est
fondamental, c'est l'apprentissage de la langue. C'est vrai, non seulement pour
les immigrants, c'est vrai pour tout enfant. L'apprentissage de la langue, ce
n'est pas seulement le véhicule de la pensée face aux autres,
c'est aussi le véhicule de la culture que nous avons. C'est aussi
l'instrument de la pensée. Et on arrive à des écueils
assez facilement, non seulement sur le plan linguistique, mais dans le domaine
de la lecture, par exemple; la lecture qui n'est pas seulement un exercice
plaisant, mais qui est la base pour déchiffrer les problèmes de
mathématiques, les problèmes de sciences. Et un mauvais
départ en ce domaine, que ce soit pour des Québécois ou
pour des immigrants, c'est déjà piégé pour
l'avenir.
Il me semble y avoir deux pôles importants. Le premier, c'est
d'intéresser la famille à ce que l'école fait; il y a
déjà un désir naturel de sa part. Deuxièmement, ne
pas craindre d'investir dans l'apprentissage de la langue qui, elle,
débouche sur la lecture. La lecture permet non seulement des moyens
d'évasion ou autres, mais ça devient l'instrument
privilégié de la pensée et du travail.
M. Boisclair: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Loiselle): Ça va. Oui, vous
voulez, Mme la ministre...
Mme Gagnon-Tremblay: J'aurais peut être une question, parce
que vous avez parlé tout à l'heure de ressources
supplémentaires pour pouvoir réussir ce grand projet
d'intégration. Je suis d'accord qu'on aura besoin de ressources
supplémentaires et, au niveau de l'énoncé de politique,
entre autres, on prévoit peut-être 30 000 000 $ de budget de
développement au cours des trois prochaines années. J'entends
"budget de développement".
Mais cependant, je me dis, bien sûr, est-ce que c'est des dizaines
de milliers de dollars? Est-ce que c'est des centaines de millions de dollars?
Est-ce que c'est un milliard tout court? C'est sûr qu'il y a besoin de
ressources, mais au-delà de ça, de tout ça, je me dis:
Est-ce qu'il serait temps qu'on s'assoie, par exemple, tous ensemble, les gens
qui ont l'expérience, qui travaillent dans le milieu, et qu'on regarde
comment on peut réaménager aussi les efforts qu'on fart
actuellement, les ressources qu'on a? Je comprends que ça peut
peut-être nous déranger comme gouvernement, et ça peut
peut-être déranger vos commissions scolaires aussi. Mais, à
un moment donné, croyez-vous que si on s'assoyait et qu'on essayait de
voir comment on peut réaménager ça... C'est un défi
qu'on a à relever, qui est un défi quand même relativement
nouveau pour nous. On fait face maintenant à certains problèmes
et je pense cependant qu'on est encore... Comme je l'ai mentionné, le
fait qu'on arrive et qu'on se prenne en main immédiatement, qu'on ait
une politique... Bon, on a quand même un discours très clair, avec
des objectifs qui sont très clairs, mais pour atteindre ces objectifs il
faut poser des gestes, bien sûr. Mais ne croyez-vous pas que,
au-delà de toutes les ressources financières dont on aurait
besoin, on pourrait penser à réaménager peut-être
aussi les ressources qu'on a actuellement, qu'on possède actuellement,
dans un contexte de rareté des ressources, justement?
M. d'Anjou: C'est toujours possible, c'est une question de
priorités à établir. Pour nous, l'éducation est
prioritaire, vous le savez. On l'a crié sur tous les toits et c'est
considéré comme un investissement dans l'avenir. Il y a
peut-être des possibilités d'aménagement au niveau
administratif. Moi, je pense que nous avons des dédoublements de
structures qui coûtent cher. Il y a un effort considérable
à faire de ce côté-là, pas seulement du
côté des commissions scolaires, mais aussi du côté
gouvernemental.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais, finalement, quand on pense à
ces structures, on pense peut-être à protéger certains
acquis. Mais est-ce qu'on le fait vraiment en pensant à cette nouvelle -
comment pourrais-je dire, donc - clientèle qui nous arrive et qui nous
arrivera maintenant de façon plus considérable? Est-ce qu'on le
fait et est-ce qu'on est prêts, par exemple, est-ce qu'on est mûrs
pour dire: Voici, dans toutes ces modifications qu'on pourrait apporter, il
faut penser aussi à cet avenir, l'avenir qui passe aussi, bien
sûr, par l'immigration? On va devoir prendre ça en
considération et d'une façon assez importante, quand on aura, par
exemple, des modifications à faire au niveau de nos lois, entre
autres.
M. d'Anjou: C'est sûr qu'on a encore pas mal de chemin
à faire de ce côté-là, mais je peux vous dire une
chose, c'est que la Fédération des commissions scolaires et les
commissions scolaires sont ouvertes à prendre des responsabilités
dans ce domaine-là. Nous croyons vraiment que l'école peut jouer
un rôle important et nous sommes prêts à le jouer et
à nous asseoir, comme vous le disiez tantôt, pour tenter de
trouver les meilleures solutions. Et nous sommes prêts à dialoguer
avec...
Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que, par exemple, ça
pourrait aller - je vois quand même une ouverture de votre part...
M. d'Anjou: Ah, il y en a.
Mme Gagnon-Tremblay: ...jusqu'à dire que les commissions
scolaires sont même prêtes à remettre en question leurs
structures pour être capable de relever ce défi de
l'intégration de nos immigrants?
M. d'Anjou: Oui. Cela ne relève pas de la
Fédération, vous le savez.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. d'Anjou: Moi, je pense qu'il y a des possibilités.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. d'Anjou: II y a un cheminement qui se fait. Il y a des
possibilités, à la condition que nous ayons des garanties
constitutionnelles relatives aux droits historiques des catholiques et des
protestants. Moi, je pense que, là-dessus, ça sera difficile
d'obtenir un consensus au Québec s'il n'y a pas de garanties
constitutionnelles relativement... et, également, si on en vient
à l'établissement des commissions scolaires linguistiques pour la
minorité anglophone au Québec, la garantie d'institutions
scolaires gérées par des anglophones élus au suffrage
universel. Ça, c'est peut-être la clé qui permettrait
justement de modifier les structures, mais en gardant des garanties
constitutionnelles et en protégeant des droits historiques, tout en
respectant la culture et la religion des autres personnes et la liberté
de conscience. Je pense qu'on peut avoir une très grande ouverture de ce
côté-là.
Mais il y a une histoire ici, au Québec, et, à mon avis,
cette histoire-là doit être respectée.
Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez que c'est un sujet sur lequel on
pourrait discuter fort longtemps...
M. d'Anjou: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...mais je vois que le temps passe
rapidement. Je vais m'arrêter, mais on aura peut-être l'occasion
d'en rediscuter plus en profondeur.
M. d'Anjou: Ça me fera plaisir, madame.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous pouvez donner la parole
à...
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de Gouin, quelques mots de remerciements avant de clore cet échange.
M. Boisclair: M. d'Anjou et ceux et celle qui l'accompagnent, je
vous remercie pour votre présentation. Je suis convaincu que les propos
que vous avez tenus, particulièrement les dernières phrases,
m'ont particulièrement intéressé. Je pense que vous
connaissez très bien notre position sur la question des commissions
scolaires linguistiques ou confessionnelles. Je crois qu'on a eu l'occasion,
chez nous, de l'illustrer à plusieurs reprises. Je présume que,
tous et chacun, on devra cheminer dans le respect de nos positions respectives.
Mais, soit, je prends bonne note de l'ouverture que vous venez de faire de ce
côté-là. Je pense que cette nouvelle réalité
que nous vivons au Québec amène aussi les gens responsables
à cheminer vers un certain nombre d'objectifs. Je crois qu'on a quelque
chose d'intéressant sur la table, on l'a dit au moment de l'ouverture;
mon collègue l'a fait. Je vous remercie pour votre présentation
et je suis convaincu que les gens en ont pris bonne note. Merci.
M. d'Anjou: Je vous remercie de nous avoir reçus.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi aussi, je tiens à vous remercier.
Bien sûr, vous ne vous êtes pas prononcés dans votre
mémoire sur les niveaux d'immigration. Comme vous le savez, cette
consultation porte également sur les niveaux d'immigration. Mais, si
jamais, par contre, vous sentez le besoin de nous faire connaître votre
position par la suite, soyez à l'aise, soyez toujours à l'aise de
le faire dans un autre moment.
Alors, merci pour la présentation et pour vos propos qui
étaient d'ailleurs fort pertinents.
M. d'Anjou: Merci, madame.
Mme Drouin: Merci. (21 heures)
La Présidente (Mme Loiselle): Alors, mesdames, messieurs,
représentants et représentantes du Conseil scolaire de
l'île de Montréal, bienvenue à la commission de la culture.
Comme vous savez, vous avez 20 minutes de présentation. Avant de
débuter, je vous demanderais de présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il
vous plaît.
Conseil scolaire de l'île de
Montréal
M. Hartt (Joël): Merci. Mme la Présidente, Mme la
ministre, Mmes et MM. membres de la commission, je vous transmets d'abord les
salutations du président du Conseil, Me Jacques Mongeau, qui aurait
vivement souhaité représenter notre organisme devant vous ce
soir, mais qui est malheureusement retenu à l'extérieur du pays.
Je me présente, Joël Hartt. Je suis le vice-président du
Conseil scolaire de l'île de Montréal et le président de la
commission scolaire de Lakeshore qui m'a délégué au
Conseil scolaire de IHe de Montréal.
Je voudrais vous présenter les membres du comité
exécutif du Conseil scolaire qui m'accompagnent ce soir. Mme Madeleine
Benoit-Gougeon, commissaire à la commission scolaire Sainte-Croix, M.
Ivan Livingstone, commissaire à la commission des écoles
protestantes du Grand Montréal, M. Claude d'Andrieu, commissaire
à la commission scolaire de Sault-Saint-Louis. Mme Doris Trudelle,
conseillère en relations publiques, est aussi avec nous ce soir et,
à ma droite, Raynald Laplante, directeur général du
Conseil scolaire de l'île de Montréal, et le conseiller cadre en
pédagogie et planification, M. Pierre Tougas.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci.
M. Hartt: Mme la Présidente, le Conseil scolaire de I He
de Montréal est heureux de l'invitation qui lui est faite de
présenter à la commission de la culture son avis sur
l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en
matière d'immigration.
Le Conseil scolaire, qui regroupe les huit commissions scolaires de
l'île de Montréal, s'intéresse au dossier de
l'éducation interculturelle depuis longtemps. Dès 1980, conscient
des nouveaux défis que posait aux commissions scolaires de son
territoire l'afflux d'élèves néo-Québécois,
il adoptait une politique pour favoriser le dialogue entre les commissions
scolaires et les communautés ethniques. Sans doute a-t-il
été le premier organisme scolaire public du Québec
à poser un tel geste.
En 1984, désirant que ses interventions deviennent
complémentaires a celles des commissions scolaires et du
ministère de l'Éducation, le Conseil a adopté une nouvelle
politique qui lui a permis de devenir un lieu de rencontre et de concertation
pour les commissions scolaires ainsi qu'un centre de recherche et de
publication qui a permis d'enrichir les connaissances et d'avoir une meilleure
compréhension de la problématique des enfants immigrants.
C'est, par conséquent, avec les "yeux du coeur" que le Conseil
scolaire de l'île de Montréal, dont les commissions scolaires
membres accueillent plus de 76 % des enfants allophones du Québec, a
pris connaissance du présent énoncé de politique et
formule aujourd'hui ses remarques à la commission de la culture.
Je demanderais maintenant au directeur général du Conseil,
M. Raynald Laplante, et au conseiller cadre en pédagogie et
planification, M. Pierre Tougas, de vous présenter l'essentiel du
mémoire qui vous a été remis.
M. Laplante (Raynald): Alors, Mme la Présidente, Mme la
ministre, mesdames et messieurs, dans un premier temps, je vous ferai part des
vues du Conseil sur les trois parties de l'énoncé de politique.
Dans un deuxième temps, mon collègue, M. Tougas, commentera les
trois éléments de l'énoncé, qui, à notre
avis, font plus problème. Il vous fera part, finalement, des
propositions des commissions scolaires de l'île de Montréal sur
les mesures visant à faciliter l'apprentissage linguistique et
l'intégration psychosociale des enfants immigrants.
D'abord, sur les enjeux et principes, le Conseil scolaire est d'accord
avec le texte de l'énoncé de politique qui identifie les quatre
défis de l'avenir de la société distincte du Québec
comme étant: le redressement démographique, la
prospérité économique, la pérennité du fait
français et l'ouverture sur le monde.
Le Conseil est aussi d'accord, compte tenu des nuances que nous
apporterons plus loin, que l'immigration est un enjeu majeur pour le
Québec et qu'il faut l'associer à ces quatre grands
défis.
Il en va de même en ce qui a trait au contrat moral sur lequel on
doit s'entendre, dès le départ, et même avant, entre le
Québec d'accueil et l'immigrant potentiel. Ce principe fondamental,
à notre avis, à la base d'un processus d'intégration
réussie, constitue pour le Conseil la pierre angulaire de toute la
politique d'immigration.
Quant aux orientations en matière d'immigration, le Conseil
souscrit aux orientations de l'énoncé de politique qui vise
à maximiser les retombées économiques des
indépendants et à soutenir l'adoption internationale.
Les travailleurs indépendants sont bienvenus au Québec
pour autant qu'il y ait chez eux la volonté de respecter le contrat
moral dont je viens de parler. Les retombées économiques
engendrées par ces immigrants indépendants sont d'autant plus
importantes qu'elles ne représentent qu'à peine plus de 50 % de
l'ensemble des immigrants admis récemment au Québec et qu'ils
doivent suppléer au faible apport économique de l'autre
moitié des immigrants. Le soutien accru à l'adoption
internationale nous apparaît aussi une orientation à
privilégier.
Quant aux orientations en matière d'intégration, c'est
lorsqu'un immigrant admis au Québec parle le français, participe
de plein droit à tous les aspects de la vie sociale,
économique,
culturelle et politique de son pays d'accueil, développe un
sentiment d'appartenance à la société et a le goût
de contribuer à son enrichissement et à son développement
que l'on peut affirmer qu'il est intégré, que le contrat moral a
été respecté de part et d'autre.
Le Conseil croit que, eu égard à l'intégration, les
orientations du gouvernement visant le développement des services
d'apprentissage du français et de promotion de son usage, le soutien
à l'ouverture de la société d'accueil et le
développement des relations intercommunautaires harmonieuses sont
justes. Le Conseil est donc d'accord avec les mesures proposées qui
visent à accroître l'accessibilité et la qualité des
services d'apprentissage de la langue française tant pour les adultes
nouveaux arrivants que pour l'ensemble des adultes des communautés
allophones. Le Conseil donne son appui aussi aux mesures proposées pour
assurer la participation des immigrants à la vie collective du
Québec.
Quant aux mesures, cependant, favorisant la régionalisation de
l'immigration, nous avons des doutes sur leurs chances de succès
certainement à court terme, et nous voyons mal comment, pour les
prochaines années, on incitera plus d'immigrants à s'installer
hors de la région métropolitaine de Montréal.
Les mesures proposées pour soutenir l'adaptation des institutions
à la réalité pluraliste sont toutes louables, mais le
Conseil croit que la priorité devrait être placée sur la
formation interculturelle des intervenants et encore davantage sur celle de
ceux qui sont en place. Il est assez facile d'intégrer la dimension
interculturelle dans des programmes de formation initiale de futurs
intervenants, mais c'est autre chose de rejoindre et de changer les
mentalités des gens en poste, ceux qui, pour de nombreuses années
encore, assureront les services.
Enfin, quant aux groupes de travail en milieu scolaire que le
gouvernement veut créer pour analyser la problématique de la
connaissance de la société québécoise en milieu
pluriethnique, le Conseil compte bien en faire partie. Nous croyons que notre
expérience dans ce domaine, à laquelle s'est ajouté, ces
derniers mois, le fruit d'une intense réflexion sur la
problématique des immigrants dans les écoles menée en
collaboration avec les commissions scolaires membres, devrait nous qualifier
pour participer à ce comité. M. Tougas.
M. Tougas (Pierre): Mme la Présidente, vous devinez bien
qu'on n'est pas venus de Montréal uniquement pour vous dire que
l'énoncé de politique était parfait. Bien que, dans
l'ensemble, comme vient de l'indiquer M. Laplante, le Conseil scolaire soit
tout à fait favorable à l'énoncé de politique, il
souhaite quand même attirer l'attention de la ministre et des membres de
la commission sur trois éléments qui lui font
problème.
Le premier élément, c'est celui de la capacité
d'accueil. Dans le document, on parie de la capacité d'accueil du
Québec et nous - et ce n'est probablement pas la première fois
qu'on le dit ici, à la commission - ce qu'on aurait souhaité,
c'est qu'on parle plutôt de la capacité d'accueil de
Montréal parce que, comme vous le savez, du moins au plan scolaire, 93 %
des enfants fréquentent les écoles des commissions scolaires de
la région de Montréal, dans un premier temps. Les commissions
scolaires de l'île de Montréal, à elles seules, accueillent
76 % de ces enfants et, quand on regarde ce qui se passe au secteur francophone
des commissions scolaires de l'île, on se rend compte qu'actuellement il
y a quatre commissions scolaires qui ont plus de 30 % d'enfants allophones et,
dans l'ensemble, les francophones de souche représentent moins de 70 %
des enfants dans les écoles des commissions scolaires de ffle. Avec le
rythme d'immigration que l'on propose, ce qui peut nous amener de 10 000
à 12 000 enfants par année avant l'an 2000, au niveau du secteur
francophone, on frisera les 50 % de francophones de souche et on sera
probablement en deçà de 50 % si on regarde l'ensemble du secteur
scolaire montréalais, c'est-à-dire le réseau francophone
et le réseau anglophone.
Alors, le Conseil se demande comment on pourra assurer la francisation
et l'intégration harmonieuse des enfants immigrants si la
société d'accueil, celle de Montréal, devient minoritaire,
même totalement absente dans certains secteurs de l'île où
les immigrants se concentrent et où, malheureusement, les francophones
s'en vont, abandonnent ces régions-là. Pour pallier à cet
état de fait, le Conseil croit que non seulement le gouvernement se doit
d'aller plus loin et plus vite aussi avec sa politique familiale qui, seule,
croyons-nous, peut assurer d'abord le rajeunissement de la population parce que
toutes les études indiquent que ce n'est pas par l'immigration qu'on
peut assurer le rajeunissement de notre population, et surtout de permettre la
présence d'une société d'accueil. Et non seulement doit-il
encourager cette politique familiale, mais on pense qu'il doit également
encourager les familles francophones à demeurer sur IHe de
Montréal et a en inviter de nouvelles à se joindre à
elles. (21 h 15)
Dans le mémoire, on indique qu'on voudrait que Montréal
soit zone désignée à ce niveau-là. 11 faut vraiment
que Montréal soit rendu attrayant pour les jeunes familles; il faut que
les conditions de vie urbaine au niveau du logement, au niveau de
l'accès à la propriété et au niveau du transport
fassent que les familles francophones demeurent ou qu'elles viennent se joindre
à celles qui sont déjà là. On pense que c'est
uniquement en réunissant ces conditions qu'on pourra assurer le maintien
d'une majorité de francophones à Montréal et, par voie de
consé-
quence, une possible intégration des immigrants qui s'y
concentrent.
Le second élément qui suscite les commentaires du conseil
concerne la venue massive d'immigrants francophones au Québec. Le
Conseil ne croit pas que cette orientation puisse, à elle seule du
moins, modifier la situation anticipée sur l'île de
Montréal. Bien sûr, quand on a des immigrants francophones, on n'a
pas de problème d'apprentissage linguistique. Donc, en ce
sens-là, on n'a pas besoin de classes d'accueil ou de francisation. Il y
a peut-être une étape de moins dans le cas des enfants. Pour les
adultes, nécessairement, connaissant la langue, la communication devient
plus facile. Et, au plan statistique, le nombre de parlant français va
augmenter, bien sûr, sur l'île de Montréal.
Mais ce ne sont quand même pas eux qui, du moins à court
terme, pourront assurer l'intégration des allophones à la
société montréalaise et québécoise. Sans
s'opposer à une politique visant à augmenter l'immigration
francophone au Québec, au contraire, le Conseil croit quand même
que c'est davantage la qualité de la politique d'immigration que la
langue maternelle qui garantit l'intégration et, dans le mémoire,
on cite l'exemple des années cinquante ou des années soixante
où les italophones et les hellé-nophones se sont
intégrés à la société anglophone parce que
les structures d'accueil étaient là parce que... Bon, je n'ai pas
besoin de vous conter toute l'histoire.
Mais ces gens-là se sont quand même intégrés.
Souvent on leur en a fait le reproche, et justement à mon sens, mais il
reste que ces gens-là n'étaient quand même pas des parlant
anglais. Le devoir du Québec de sélectionner une immigration
susceptible de s'intégrer au Québec et de contribuer à son
développement économique, culturel et social, ça, c'est
incontestable. Ce qui l'est moins à notre sens, c'est de penser qu'une
immigration francophone permettra d'atteindre naturellement ces objectifs.
Enfin, dernier commentaire. Le Conseil a eu un peu de mal à
comprendre l'équilibre que le gouvernement souhaite établir entre
les objectifs économiques, démographiques et linguistiques de
l'immigration. Pour le Conseil, ce qui est important, c'est que le
Québec, lorsqu'il fixe ses conditions d'admissibilité, s'assure
que les immigrants aient un maximum de chances de s'intégrer et de
s'établir de façon permanente au Québec. C'est
peut-être par cette permanence qu'on peut encore mieux mesurer
l'intégration. Quand les gens demeurent, c'est parce qu'en
général ils sont intégrés. Et c'est important
également que ces gens-là puissent contribuer à son
développement économique.
Mais là où on a de la difficulté à
comprendre, c'est quand l'énoncé de politique affirme que, si on
met un accent trop marqué sur les seules retombées
économiques, ça nous amènerait à privilégier
des gens d'affaires, bien sûr, qui, compte tenu, dit-on, de la situation
géopolitique, proviennent de bassins non francophones. Donc, si on
essaie d'aller chercher trop de gens d'affaires, on n'a pas
nécessairement de francophones. De la même façon, on dit:
II ne faudrait peut-être pas toujours être trop exigeants sur les
exigences d'employabilité parce que là on va peut-être
avoir de la difficulté à en trouver et on ne pourra pas atteindre
notre objectif démographique.
Le Conseil ne voit pas pourquoi la politique de sélection
responsable nécessite un arbitrage entre ces trois objectifs. On pense
que les objectifs économiques seront atteints si on s'assure que les
immigrants sont employables, contribuent comme investisseurs à l'essor
économique du Québec, et puis que les objectifs linguistiques
seront atteints si les réseaux, les critères, les outils de
sélection, la politique d'accueil et de francisation font que les
immigrants, de quelque communauté culturelle qu'ils soient, deviennent
à court et à moyen terme citoyens du Québec, respectueux
de la langue, de la culture et des aspirations du Québec.
Et, enfin, les objectifs démographiques seront atteints si le
Québec devient suffisamment attrayant pour recruter sa quote-part
d'immigrants qui répondent aux deux premiers objectifs. Il nous semble
que ces objectifs ne s'opposent pas, mais qu'ils sont au contraire
complémentaires.
En terminant, Mme la Présidente, permettez-moi de vous rappeler
que le Conseil scolaire vient tout juste de remettre un important
mémoire au ministre de l'Éducation sur la situation des enfants
pauvres et la situation des enfants immigrants dans les écoles des
commissions scolaires de l'île de Montréal. Ce mémoire dont
vous recevrez copie, si ce n'est déjà fait, fait entre autres
état de quatre mesures dont on n'a pas parlé dans notre
mémoire parce qu'on était à rédiger ce
deuxième mémoire au moment où on a dû vous
présenter celui-ci, où on fait donc état de quatre mesures
qui visent à faciliter l'apprentissage linguistique,
l'intégration psychosociale, à améliorer les liens entre
les parents et les écoles et l'émergence d'une véritable
éducation interculturelle dans les écoles.
Ces mesures ont été étudiées et
recommandées par un comité qui regroupait les huit commissions
scolaires de I He, et le Conseil les a faites siennes. Permettez-moi,
très rapidement, de vous faire part de ces mesures.
D'abord, les commissions scolaires souhaitent que les maternelles de
francisation soient dispensées à plein temps, comme les
maternelles d'accueil, parce qu'on pense que les clientèles sont du
même type et que le service, par conséquent, devrait être
d'une même durée. Tel que proposé dans
l'énoncé de politique, également, les commissions
scolaires de IHe souhaitent que le rapport maître-élèves,
dans les classes d'accueil
au secondaire, soit diminué. La sous-scolarisation, de plus en
plus marquée des élèves du secondaire et
l'éloignement des langues d'origine du français expliquent cette
demande de diminution.
Enfin, mais en précisant la proposition que vous faites dans
l'énoncé de politique concernant les enseignants-ressources, les
commissions scolaires voudraient que, dans chaque école où la
présence ethnique est importante, on puisse retrouver et un
enseignant-ressource et un agent de milieu. Un enseignant-ressource pour la
partie pédagogique, pour créer des outils, pour apporter des
solutions au problème de sous-scolarisation, pour améliorer la
pratique pédagogique des enseignants qui est quand même assez
spéciale quand on a affaire à un si grand nombre d'immigrants;
et, pour l'aspect d'intégration psychosociale, un agent de milieu qui
familiariserait les immigrants d'abord aux caractéristiques de la
réalité québécoise, mais qui, également,
sensibiliserait ou aurait comme rôle de sensibiliser l'ensemble du milieu
scolaire, les gens de souche comme les nouveaux immigrants, à la
richesse, à la diversité et au respect dus à tous les
groupes ethniques, pour permettre également l'établissement de
liens étroits entre l'ensemble des parents et entre les parents et
l'école. Le Conseil compte sur l'appui de la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration et de chacun des membres de
la commission de la culture pour appuyer les demandes des commissions scolaires
auprès du ministre de l'Éducation.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Tougas. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, messieurs, mesdames, de votre
présentation. Dans votre mémoire, à la page 15, vous
mentionnez qu'il y a de moins en moins de francophones dans le réseau
scolaire français. Ceux-ci représenteraient aujourd'hui environ
70 % de la clientèle, alors que les allophones ont vu leur pourcentage
augmenter à près de 30 %. Ces données ne
témoignent-elles pas de la réussite d'un des objectifs majeurs du
gouvernement depuis une vingtaine d'année, soit d'assurer la
fréquentation de l'école française par la très
forte majorité des élèves des communautés
culturelles? Ainsi, en 1990-1991, 72,6 % des allophones de Montréal
fréquentent désormais l'école française, ce qui est
une augmentation très forte par rapport à 1987-1988, qui
était de 63,6 %. En plus, si je ne me trompe, en 1990-1991, 74,5 % de la
clientèle montréalaise, toutes origines confondues,
fréquentait une école française, alors qu'en 1974-1975,
par exemple, ce pourcentage n'était que de 59,7 %. Donc, ma question,
c'est: Lorsque vous faites des projections relatives à la fin du
siècle, des projections de pourcentage de 55 % de francophones dans les
écoles françaises, pour-riez-vous, d'une part, me dire sur quelle
étude vous vous basez? Et, en particulier, assumez- vous, comme l'a fait
M. Michel Paillé - que je salue d'ailleurs, qui est ici avec nous - que
vous citez plus loin, que les allophones n'effectueront durant cette
période aucun transfert linguistique vers le français et que la
proportion d'immigrants francophones ne sera que de 15 %? J'aimerais vous
entendre sur ce point-là, s'il vous plaît.
M. Tougas: D'abord, Mme la ministre, quand on dit que, dans nos
écoles, le nombre de francophones de souche a baissé à 70
% et que le nombre d'allophones est de 30 %, ce n'est pas une critique, ce
n'est pas un blâme. Au contraire, on pense que le nombre... On est fort
contents de la politique actuelle, des effets de la loi 101. Ce qui nous
inquiète, ce n'est pas qu'il y ait de plus en plus d'allophones, ce qui
nous inquiète, c'est qu'il y ait de moins en moins de francophones. Si
la tendance se poursuit, les deux Québec dont on ne parlait qu'en termes
de pauvreté vont être les deux Québec en termes de langue
puisque, à Montréal, on aura une minorité de francophones
et, à l'extérieur du Québec, on aura une très
grande majorité, au-delà de 94 %, de francophones. Donc, notre
inquiétude, ce n'est pas qu'il y ait un grand nombre d'immigrants, c'est
qu'il n'y ait plus que des immigrants - dans certains secteurs, c'est
déjà le cas - et que, bientôt, dans l'ensemble de
l'île de Montréal, on retrouvera plus d'allophones que de
francophones dans nos écoles. Et ces sources, comme vous disiez
tantôt, viennent d'abord de l'étude de M. Paillé, du
Conseil de la langue française, qu'on avait étudiée en
détail et également du travail de nos démographes, au
niveau du Conseil.
Mme Gagnon-Tremblay: Cet après-midi, on a eu l'occasion de
poser certaines questions à des groupes qui sont venus, en disant: Bon,
c'est quoi... quelle est la différence entre quelqu'un de la
deuxième génération qui est né ici, qui est
allé à l'école française, par rapport à un
nouvel arrivant, par exemple? À votre avis, pour être
considéré comme francophone - et ça, je pense que c'est
important - est-ce qu'il faut à la fois être de langue maternelle
française et d'origine canadienne-française? Est-ce à
dire, par exemple, qu'un élève... Par exemple, prenons un
élève juif séfarade, immigrant récent, dont le
milieu est francophile, ou un élève québécois
d'origine italienne dont les grands-parents ont immigré au Québec
au début du siècle. Constituent-ils a priori des facteurs
d'alourdissement de la tâche de l'enseignant et de l'école? Je
pense qu'il y a des différences à faire, à un moment
donné.
M. Tougas: C'est certain qu'il y des différences à
faire à ce niveau-là. Je pense que les deux exemples que vous
avez donnés sont très différents. D'abord, il faut dire
que c'est certain que, après quelques générations, parfois
deux générations - mais souvent ça prend plus de
temps que ça - les transferts linguistiques peuvent se faire et
l'intégration peut se faire ou se fait. On n'a pas de raison de
considérer, à ce moment-là, les gens comme étant
des immigrants. Il faut quand môme penser que dans les commissions
scolaires de lile de Montréal actuellement, quand on parle des
allophones, il y a quand même 70 % de ces allophones qui sont nés
hors Canada. Ce ne sont pas des gens qui sont ici depuis des
générations. Les immigrants de nos écoles du secteur
français sont des immigrants récents. Et s'ils sont francophones
de langue, comme l'exemple du jeune enfant juif séfarade, c'est certain
que la communication se fait plus facilement. Mais nous, on ne considère
pas que cet enfant-là qui arrive, s'il est un immigrant récent,
comme vous l'avez dit dans votre exemple, s'il arrive au Québec, qu'il
peut être un élément intégrateur, que les jeunes
immigrants allophones qui viennent d'ailleurs peuvent prendre cet
étudiant-là comme étant un modèle de la
société québécoise, peuvent s'identifier à
Cet élément et dire: C'est ça, la société
québécoise.
Dans votre autre exemple, je pense que là c'est évident
que le jeune italophone dont les parents sont ici depuis deux ou trois
générations peut être parfaitement intégré et
jouer ce rôle intégrateur aussi bien qu'un francophone. Et ce sera
la même chose, d'ailleurs, du jeune Vietnamien ou du jeune Turc,
après un certain temps, qui s'intégrera à la
société québécoise et qui jouera le même
rôle que les francophones de souche. Sauf que, le problème actuel,
c'est un problème d'immigration récente. Et on pense que les
jeunes se retrouvent dans les écoles sans véritable modèle
de la société d'accueil.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est parce que j'ai comme l'impression,
parfois, que... Là, vous m'avez quand même fait un portrait assez
bien, un portrait assez fidèle. Mais je discutais, cet
après-midi, avec des intervenants et c'est comme si, à un moment
donné, on a peur qu'il n'y ait plus dans les écoles de ces
Québécois tricotés serrés et que, par contre, parce
que vous avez quelqu'un d'origine italienne, né ici, comme je vous ai
dit, deuxième génération et tout ça, mais parce
qu'il a un nom à consonance italienne, un nom à consonance
grecque, un nom à consonance vietnamienne ou quoi que ce soit,
déjà là, on dit: Voici, ce sont des allophones. Ce ne sont
pas nécessairement des Québécois. Je me dis: C'est
appelé à changer, bien sûr. Surtout sur lile de
Montréal, on sait qu'il y a de la forte concentration, c'est
appelé à changer. Mais est-ce qu'on fait cette différence?
Est-ce que, par exemple, on s'attend à ce que la pluralité...
C'est ça finalement... Ce phénomène-là, on va le
vivre, mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'il y aura un
problème comme tel d'intégration. Bien sûr que là je
ne parle pas des nouveaux arrivants, des nouvelles cohortes de gens, comme 50 %
nous arrivent, qui sont des allophones. Les gens qui nous arrivent sont des
allophones. Et là je comprends qu'il y a des difficultés et tout
ça. Mais je regarde sur une certaine période, là. (21 h
30)
M. Tougas: Vous savez, les statistiques que l'on a indiquent...
D'abord dans le document qu'on a remis au ministre de l'Éducation, que
vous avez dans le mémoire, on n'a étudié que la
période 1980-1990. Donc, on n'a pas voulu regarder ce qui se passait
dans les années soixante. Quand on parie des immigrants, on parie de
l'immigration récente et, dans la plupart des cas, des enfants
nés hors Canada. Et quand on regarde la situation dans les
écoles, les commissions scolaires de lile de Montréal, d'abord,
je vous ai dit tantôt que 70 % étaient nés hors Canada, et
87 % des enfants qui sont dans nos écoles du secteur français -
87 %, c'est beaucoup! - parient une autre langue que le français
à la maison. Cela veut dire que la situation immédiate, ce n'est
quand même pas une situation où les enfants allophones ou
immigrants récents qui sont dans nos écoles peuvent être
des pôles intégrateurs au même titre que les enfants de
souche. Mais quand on a 125 écoles où il y a plus de 25 %
d'enfants immigrants, près d'une cinquantaine où les enfants de
souche sont en minorité et un assez bon nombre où il n'y a
même pas 10 % d'enfants de souche, il y a quand même un
problème là, à mon sens, puisque le modèle n'existe
pas. Ça devient difficile et, même si, au niveau scolaire, on peut
arriver par toutes sortes de mesures à déconcentrer, il n'y a pas
que des enfants, il y a aussi la population qui vit dans un quartier et qui vit
souvent le même phénomène que l'enfant à
l'école, parce que l'école reflète aussi la situation ou
la vie du quartier.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous avez parlé, tout à
l'heure, justement, des transferts linguistiques. On constate que, lorsqu'il y
a transferts linguistiques maintenant, ces transferts se font majoritairement
en français et ce, sur IHe de Montréal. On constate, par exemple,
que... Si ma mémoire est fidèle, je pense que c'est 56 % des
transferts qui se font maintenant vers le français, alors que
c'était l'inverse avant 1981. Alors, même au niveau des transferts
linguistiques, on voit des changements.
M. Tougas: Oui, mais les statistiques indiquent que, quand il y a
des transferts linguistiques, le plus grand nombre se fait du côté
français. Les statistiques indiquent que les transferts linguistiques,
il n'y en a pas beaucoup qui se font. Donc, c'est un peu trompeur. On peut
considérer que le pourcentage de transferts linguistiques du
côté francophone par rapport au côté anglophone
progresse. Mais les transferts linguistiques réels, en termes de
pourcentage absolu, il n'y en a pas beaucoup. Et la preuve de
cela, c'est que, quand on pose la question à nos
élèves des commissions scolaires de l'île de
Montréal, on en a 87 % qui nous indiquent que la langue d'usage, la
langue utilisée à la maison, ce n'est pas le français. Et,
pourtant, ils vont à l'école française.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir
peut-être un peu sur les renseignements que vous avez donnés
à Mme la ministre, concernant, au fond, ce que vous avez appelé
le modèle intégrateur. J'ai l'impression que c'est quelque chose
qui est relativement complexe. Tout à l'heure, vous avez dit, par
exemple, dans le cas du jeune Italien auquel on faisait
référence, que les parents étaient arrivés ici au
début du siècle. Bon, évidemment, ça va devenir un
pôle intégrateur; le jeune va devenir un pôle
intégrateur à la société québécoise.
Quand vous faites référence au modèle intégrateur,
j'ai l'impression qu'on fait référence à un modèle
intégrateur du Québécois typique, comme mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques le mentionne, tricoté
serré avec... Mais moi, personnellement, j'ai l'impression que la
réalité est déjà changée,
c'est-à-dire que les modèles intégrateurs, ce n'est plus
nécessairement le modèle canadien-français qui existait il
y a 25 ou 30 ans.
Par exemple, il y a quelques jours j'étais - Mme Gougeon
connaît bien le coin - à Saint-Laurent, je m'en vais dans une
station-service. C'était un jeune Vietnamien qui m'a répondu.
C'était manifestement un jeune étudiant qui travaillait à
la station les fins de semaine ou le soir. Au niveau de son expression, il
parlait très bien français, comme n'importe qui, avec l'accent
québécois, même. Bon, je ne sais pas s'il est né ici
ou combien d'années ça fait qu'il est ici. J'imagine un peu,
à partir de l'exemple que vous donniez du jeune Italien, parce que j'en
ai connu, exactement de ce genre d'étudiants là aussi à
l'Université de Montréal, des Italiens qui étaient
là... Les parents avaient immigré ici; eux parlaient très
bien le français. Il n'y avait absolument rien qui les distinguait,
à part la façon d'écrire le nom, des autres Canadiens
français qu'il y avait là-bas. Mais il reste que dans ce
cas-là - je pense au jeune Vietnamien - s'il devient, lui, un
modèle intégrateur, je n'ai aucune objection à ça,
loin de là, au contraire; il ne pourra pas être le modèle
intégrateur parce qu'il a sûrement... Il partage probablement un
certain nombre de valeurs communes avec la société
québécoise, mais il a sûrement aussi des valeurs
caractéristiques de sa culture d'origine, qui sont valorisées
à la maison; ça peut être la religion, ça peut
être des habitu- des de vie, etc. Il fait partie du modèle
intégrateur et il devient le modèle québécois. Il
va jouer un rôle intégrateur.
Moi, j'ai l'impression que le modèle québécois
n'est plus, actuellement - à Montréal, c'est manifeste - le
modèle québécois francophone d'origine. Quand on parle des
francophones et des allophones, j'ai l'impression qu'à un moment
donné on distingue rapidement le Québécois francophone
d'origine, et les allophones, c'est les autres. Chez les allophones, il y en a
beaucoup qui font déjà partie de la société
québécoise et, à ce titre-là, ils font partie du
modèle intégrateur, du modèle qui va permettre, au fond,
de faciliter l'intégration des autres, des nouveaux arrivants.
J'aimerais ça avoir vos commentaires sur ça, parce que
ça me semble être une ambiguïté qu'on traîne
depuis longtemps au niveau des discussions qu'on a ici. Je n'ai plus
l'impression qu'on est au même niveau, c'est-à-dire que le
modèle n'est plus le même.
M. Tougas: Bien, heureusement qu'il y a des allophones ou des
gens qui sont venus d'ailleurs, de différentes communautés
culturelles et qui peuvent agir comme pôle intégrateur. Sans
ça, on se poserait de sérieuses questions sur la qualité
de notre système d'éducation et sur la qualité de notre
politique d'immigration et de notre politique d'accueil, si on ne pouvait
retrouver personne qui, après avoir passé un certain temps au
Québec, dans certains cas plusieurs générations,
s'intégrait à la société québécoise
et qu'on pouvait dire que les francophones, la société
québécoise ou le pôle intégrateur n'était que
des francophones de souche. Ce n'est vraiment pas notre prétention.
Il ne faut pas non plus rêver en couleur parce qu'à notre
sens, quand on regarde la situation dans les écoles, les enfants que
l'on retrouve dans nos écoles sont des enfants d'immigrants et des
enfants d'immigrants récents. À mon avis, ce n'est quand
même pas des enfants qui sont ici depuis un an, deux ans, trois ans,
même cinq ans, qui peuvent pour les nouveaux arrivants, ceux que l'on
peut accueillir, les 50 000, 55 000 ou 60 000, représenter la
société d'accueil. À ce niveau-là, je pense qu'on
rêve quand on pense ça. M faut visiter les écoles où
on a de fortes concentrations d'enfants immigrants pour constater le
problème. Tantôt, on demandait: Est-ce qu'il y aurait moyen de
déconcentrer? On cherche par tous les moyens possibles des solutions
à ça, mais, en pratique, les solutions ne sont pas faciles. Il
arrive que les enfants ne voient, comme modèle de la
société francophone, que leurs enseignants, point à la
ligne. C'est tout parce qu'ils n'en ont pas dans leur école; il n'y a
pas d'enfants à leur école. Donc, c'est vraiment un
problème sur l'île de Montréal.
Quand on pense en accueillir 10 000 à
12 000 par année, pendant que la population francophone diminue
de façon extrêmement importante... On a un taux de
fécondité de 1,4 sur l'île de Montréal. Ça
prendrait 2,1 seulement pour le renouvellement des générations,
donc, à 10 000 ou 12 000 par année, sur une population totale de
180 000 étudiants, je vous dis que c'est extrêmement rapide comme
rythme. Quand on parle de capacité d'accueil, on se pose des questions.
Donc, on se dit: On est peut-être capable d'en accueillir 50 000 par
année et 10 000 ou 12 000 à Montréal, mais faisons quelque
chose pour garder des francophones quand même, parce que si
Montréal, un jour...
Vous l'admettrez avec moi, en supposant que tous les immigrants qui
viennent ici s'intègrent d'une façon parfaite et puis qu'un jour
on ait, à Montréal, des immigrants intégrés d'une
façon parfaite et ailleurs, dans le Québec, uniquement des
francophones de souche, on aura une société un peu bizarre comme
modèle. Il nous semble qu'une métropole comme Montréal se
doit d'être accueillante, et ce sera toujours normal que les
métropoles accueillent un grand nombre d'immigrants. Il faudra toujours,
à mon sens, que le gouvernement et les autorités municipales se
préoccupent que ce que j'appelle les francophones de souche demeurent
présents. Et, actuellement, ça devient extrêmement
dangereux quand on regarde les tendances.
M. Bordeleau: Juste ajouter peut-être un commentaire. Je
suis tout à fait d'accord avec vous sur la question... Je pense qu'on
n'a pas parlé de la régionalisation qui est effectivement,
disons, quelque chose qui devrait être mis en place pour
déconcentrer, au fond, l'immigration qui est à Montréal.
Maintenant, quand vous faites référence au nombre d'enfants qui
vont arriver, les nouveaux arrivants. Je ne prétends pas que les
nouveaux arrivants peuvent être des pôles intégrateurs,
excepté que les immigrants qui sont actuellement installés au
Québec vont avoir des enfants qui, dans quatre ou cinq ans, seront
à l'école primaire; eux vont jouer le même rôle qu'un
Québécois, au fond, dans la mesure où on accepte
d'élargir le concept de culture. Ça va, merci.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de Lafontaine, mais brièvement. Le temps est presque
écoulé.
M. Gobé: Oui, merci. Je ne voulais pas trop intervenir moi
non plus parce que je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vais dans le sens du
même genre de commentaires. Je partage, moi, l'avantage ou
l'inconvénient - ça dépend où on se place - de
venir d'un autre pays, de m'être établi ici et je crois que vous
avez soulevé un bon point lorsque vous dites que, lorsqu'on
s'intègre, ça prend des gens locaux pour s'intégrer
à quelque chose. Il n'y en a plus, des
Québécois. Des jeunes Québécois dans les
écoles, il n'y en a plus ou il y en a peu.
Ensuite de ça, ils vont résider dans des quartiers... Les
francophones vont maintenant résider dans des quartiers particuliers
comme, à Montréal, on va dire, sur la rive sud ou Laval, des
quartiers plus favorisés parce que la population francophone, depuis les
15 ou 20 dernières années au Canada, a beaucoup
évolué et a acquis la propriété, a acquis un niveau
de vie beaucoup plus intéressant qu'avant, délaisse les logements
dans le centre de Montréal, la Petite Bourgogne à
Montréal. Ces logements-là sont occupés par des immigrants
qui, eux, sont moins nantis et c'est normal qu'ils aillent là parce que
les logements coûtent moins cher et on arrive avec ces genres de
concentration. Ça fait qu'il ne faut pas rêver en couleur,
là.
Ceux qui disent: Ils vont s'intégrer, ils vont s'intégrer
à quoi? Bien, quand même qu'il y aurait des Vietnamiens, des
Italiens, et tout ce que vous voulez comme origine, qui vivraient dans le
centre de Montréal pendant sept, huit, neuf ans, ils ne seront jamais
des Québécois du Lac-Saint-Jean et ils ne seront jamais des
Québécois de Laval. Ça fait que les autres immigrants qui
vont arriver là, ils vont s'intégrer à ces
immigrants-là et on va arriver à une société
particulière qui parlera français, O.K., mais qui parlera aussi
anglais et leur langue d'origine. Ça fait qu'on va retrouver le
même problème qu'on connaît en Angleterre, en Allemagne.
À Paris, on appelle ça les beurs, dans la région
parisienne, où toute une génération de jeunes n'a pas de
pays. Ils ne sont ni Allemands, ni Turcs en Allemagne. Ils ne sont ni
Français, ni Algériens, ni Maghrébins en France. Parce que
leurs parents leur ont transmis une partie de leur culture, on va prendre
l'image de la France, culture algérienne, par exemple, ils ont
été élevés en France, ils rejettent la culture des
parents parce que ça représente l'ancien pays avec le
sous-développement ou le peu de richesse que ça
représentait dans ce temps-là, les conditions de vie assez
précaires. Ils n'ont pas accepté la culture française
parce que... Ils ne sont pas des petits Français. Ils ne se
promènent pas avec un béret sur la tête et une baguette de
pain - je fais une caricature là - alors on se retrouve avec des gens
qui sont apatrides. Ils habitent en France ou ils habitent en Allemagne.
Au Québec, on semble se boucher les yeux, on semble rêver
en couleur, on se fait des "accroires", mais tout à l'heure on va se
réveiller, on va prendre ça en pleine face et là on n'aura
pas de solution. Et moi, je dis: Attention! Je pense que vous avez raison.
Beaucoup d'intervenants l'ont fait remarquer: Attention! Si l'on continue
à regarder ça d'une manière angélique, un peu
idéaliste, on va se retrouver tout à l'heure avec de graves
problèmes et, malheureusement, il sera trop tard parce qu'il y a 12 000
enfants... Il n'y a pas seulement des enfants, il y
a les parents - on parle de 50 000 personnes par année. Dans 10
ans, avec la multiplication, on va avoir 600 000 à 700 000 personnes
dans Montréal, peut-être 800 000, qui ne seront pas des
Québécois d'origine. Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Gouin. (21 h 45)
M. Boisclair: Merci, Mme la Présidente. M. Hartt, madame
et monsieur qui vous accompagnent. Je vous remercie pour la présentation
de votre mémoire. Dire que... Je pense que, comme députés
de la région de Montréal, on est à même
d'apprécier le travail du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. Vous avez soumis avec pertinence, dans votre mémoire,
que le Conseil scolaire était l'un de ceux qui a été un
peu le fer de lance, qui a été l'un des premiers à initier
un discours entre les membres des communautés culturelles et les
différentes commissions scolaires. Je crois que c'est tout à
votre honneur et que votre mémoire est d'autant plus pertinent à
cause de l'expérience que vous avez acquise au cours des
dernières années. Vous rappelez aussi, dans votre mémoire,
que le Conseil scolaire est celui dont les membres accueillent 76 % des enfants
allo-phones à l'école. C'est encore là quelque chose qui
donne plus de mérite à votre mémoire, vu
l'expérience que vous avez su acquérir au fil des ans.
J'aimerais revenir peut-être sur un certain nombre de
recommandations que vous faites dans votre mémoire et vous dire que je
crois qu'effectivement il serait pertinent que le Conseil scolaire fasse partie
de ce groupe d'étude en milieu de travail. Je crois que c'est là
une recommandation qui devrait être entendue. J'espère que la
ministre pourra nous donner son point de vue, au moment de ses remarques de
clôture sur la proposition que vous faites dans votre mémoire. Je
pense que ce serait intéressant de l'entendre se prononcer sur cette
question-là.
Vous n'êtes pas le premier groupe à venir en
témoigner, les gens de la CECM l'ont fait et d'autres intervenants l'ont
fait aussi, c'est de voir jusqu'à quel point, lorsqu'on parle de
capacité d'intégration des immigrants, lorsqu'on parle des
différents quotas ou des tendances, il est important, bien sûr, de
tenir compte de la réalité montréalaise. Il faut d'abord
tenir compte... On a une certaine réflexion à faire
là-dessus et qui devrait aller dans le sens que vous proposez. On doit
d'abord et avant tout tenir compte de la capacité d'accueil de
Montréal et, si l'on n'en tient pas compte, ce sera un peu illusoire et
irréaliste de pouvoir se lancer vers de grands objectifs, sans
déjà bien tenir compte de la région
montréalaise.
J'apprécie aussi particulièrement le fait, à la
page 16, lorsque vous soulevez avec beaucoup de pertinence, je crois... Vous
dites: De plus, alors qu'au cours des années quatre-vingt les
régions périphériques de l'île de Montréal
connaissent une croissance importante de leur population française...
J'essayais d'illustrer tout à l'heure en disant que, bien sûr, une
politique d'immigration va être pertinente, mais elle sera d'autant plus
pertinente lorsqu'elle s'imbriquera dans un projet de société.
Pour vous qui êtes des intervenants montréalais, qui êtes
sans doute des "montréalistes" aussi, vous êtes bien conscients
des problèmes d'étalement urbain, des problèmes de
paupérisation. On parle de l'ancien T renversé qui est rendu le S
de la pauvreté à Montréal. On parle du
phénomène de ghettos de plus en plus à Montréal et
de choses d'une réalité inquiétante, que ce soit la
question du logement, que ce soit la question des différentes
infrastructures pour Montréal, à la fois culturelles ou
économiques.
Je crois qu'il y a une prise de conscience des milieux
montréalais, qui, il faut peut-être le dire, ressentent dans
certains milieux, peut-être pas chez vous, mais je crois qu'on a tout
intérêt à développer cette espèce de lobby
montréalais. Autant les gens de la Chambre de commerce de
Montréal ont commencé à faire une réflexion sur les
problèmes de pauvreté, autant le Conseil scolaire de l'île
de Montréal y a été d'une contribution majeure
récemment. Je crois que c'est il y a deux semaines que vous avez
publié votre mémoire. Je pense que ça a été
accueilli à la fois avec beaucoup... Comment pourrais-je dire?
Ç'a été accueilli... Bien des illusions sont
tombées, suite à la prise de connaissance de votre rapport. Moi,
juste dans mon quartier - je représente un quartier qu'on appelle
Rosemont, la Petite patrie - je peux vous dire que c'est un document qui a fait
réfléchir et qui a fait parler bien des gens qui
s'intéressent particulièrement aux questions de
développement économique, local et communautaire, qui
s'intéressent aux questions de l'éducation.
Donc, tout simplement pour vous dire qu'il faut voir la question un peu
dans son ensemble et que, bien sûr, la question de Montréal doit
être étudiée au premier plan.
On a parlé, tout à l'heure, et mon collègue de
l'Acadie en parlait tout à l'heure... Vous faites part que le
résultat net des effets de la loi 101 - toujours en page 16 de votre
mémoire - de l'immigration et du faible indice de
fécondité a fait baisser la proportion de francophones dans les
écoles françaises de me de Montréal de 92 % en 1976-1977
à environ 70 % en 1989-1990. J'aimerais vous entendre parler des
conséquences pratiques de cette baisse d'étudiants francophones
dans ces écoles. Il y a des gens qui, devant cette commission, sont
venus parler de l'importance d'avoir un certain nombre d'éléments
de référence. Ce sont particulièrement les gens du Conseil
québécois pour l'enfance et la jeunesse qui ont parlé de
l'importance, pour ces jeunes immigrants qui fréquentent ces
écoles, d'avoir un certain nombre, je n'oseraFs pas dire
de modèles, mais d'avoir un certain nombre de points de
référence auxquels s'accrocher. Je pense que c'est monsieur, tout
à l'heure, qui partait que, lorsqu'un étudiant a comme seul
modèle de référence l'enseignant ou l'enseignante, on peut
voir là toutes les difficultés d'intégration que ça
peut causer.
Donc, je ne sais pas s'il y a aurait moyen d'aller encore un peu plus
loin dans cette réflexion-là et d'essayer de regarder
concrètement quelles sont les conséquences de cette baisse
importante de la fréquentation d'élèves francophones dans
plusieurs des commissions scolaires du Conseil.
M. Tougas: Ce qui est inquiétant, ce n'est pas qu'on ait
70 %. Si on avait 70 %, on n'aurait pas de problèmes, à mon avis,
parce que, quand vous avez 7 enfants sur 10 qui sont des francophones de souche
ou des francophones intégrés des Québécois
intégrés, qui peuvent servir de pôle intégrateur, il
n'y a pas de problème dans une société comme ça ou
dans un milieu comme celui-là. Le problème, ce n'est pas qu'il y
ait 70 %... et c'est pour ça qu'il ne faut peut-être pas mal
comprendre notre intervention en disant: Bon, on en avait 90 % et on est rendus
à 70 %. Ça n'a pas de bon sens. Ce qui est dangereux, c'est deux
choses: c'est que les 70 % ne sont pas répartis également; s'ils
étaient répartis également dans toutes les écoles
de l'île de Montréal, on aurait 70 % d'enfants francophones ou
intégrés - on va parler des deux - et 30 % d'enfants allophones.
Il y aurait des modèles; il n'y aurait pas de problème avec
ça. On pourrait même descendre à 60 % et il n'y aurait
peut-être pas de problème; même à 50 %, il n'y aurait
pas de problème. Mais ce n'est pas ça, la situation.
La situation, c'est 95 %, 98 % ou 99 % de francophones dans certaines
écoles et le contraire dans d'autres: 94 %, 98 % ou 99 % d'al-lophones.
Je vais dans les extrêmes, bien sûr. Mais c'est des situations qui
existent. Et ça, en moyenne, ça fait 70 %. Donc, quand on voit
aller ça vers 50 %, on se dit: Si, c'est 70 % en moyenne quand on a
cette situation de concentration, vous pouvez imaginer ce que ça pourra
être quand ça va être inférieur à 50 %. C'est
ça qui est le problème. Le problème, c'est...
Je voudrais poser le problème à l'envers. Le
problème, à notre sens, ce n'est pas le nombre d'immigrants;
c'est l'absence de francophones ou de gens intégrés. Pour
l'instant, peut-être que... Vous savez, la situation des immigrants qui
s'intègrent à la société francophone, c'est quand
même un phénomène récent. Chez les anglophones, on
ne se pose probablement plus ces questions-là parce que l'immigration
s'est faite ou l'intégration s'est faite au cours des années
cinquante ou soixante les gens se sont intégrés et, aujourd'hui,
dans les écoles anglophones ou chez ceux qui ont accès à
l'école anglaise, on ne se pose plus la question pour voir si c'est un
anglophone de souche ou un immigrant. Ça deviendra peut-être le
cas chez nous, mais actuellement ce n'est vraiment pas le cas et la tendance
nous inquiète.
M. Boisclair: Au niveau du processus d'intégration, je
vais essayer, moi aussi, de vous reposer la question à l'envers. Au
niveau du processus d'intégration, pourquoi c'est important que les
étudiants francophones soient dans l'école?
M. Tougas: II me semble, comme on indiquait tantôt... Quand
des immigrants viennent s'établir dans un coin de pays quelconque et
qu'ils souhaitent participer, comme on le dit dans l'énoncé,
à la vie sociale, économique, culturelle, linguistique du pays,
il faut qu'ils apprennent la langue. Il n'y a pas de problème à
apprendre la langue. Même s'il y a 98 % d'enfants immigrants, vous les
mettez dans des classes d'accueil. Nos enseignants sont excellents.
Après un an, dix-huit mois, seize mois, ils parlent tous
français. Donc, l'apprentissage linguistique, c'est un problème,
à mon sens, qui... On a besoin des classes d'accueil, on a besoin de
soutien linguistique dans certains cas, mais de façon
générale l'apprentissage linguistique se fait. Mais la langue,
comme vous le savez, ce n'est pas tout. C'est d'ailleurs pourquoi, quand on
parle d'immigration francophone, on a aussi des réserves à ce
niveau-là. Je veux dire, la culture, c'est autre chose. Et on ne pense
pas que les enfants puissent s'intégrer ou avoir un modèle
culturel s'ils n'ont pas devant les yeux des enfants avec qui ils
étudient, des enfants avec qui ils jouent aussi parce que, quand ils
sont sortis de l'école, ils retournent dans leur milieu et ils n'en
trouvent pas plus dans leur cour ou dans la rue.
Donc, il leur reste la télévision, quand ils ne la
regardent pas en anglais.
M. Boisclair: Voilà ce que j'avais un peu le goût de
vous faire dire. Est-ce que peut-être les commissions scolaires
linguistiques - je ne veux pas sortir du cadre de votre mémoire;
sentez-vous bien à l'aise de répondre - permettraient de voir
peut-être un... Vous parlez du problème de l'équilibre, des
70 %. Vous dites: Ce n'est pas le fait qu'il y a 70 %. Le problème,
c'est qu'il y a un déséquilibre à l'intérieur
même de certaines écoles, de certaines commissions scolaires.
Est-ce que des commissions scolaires linguistiques permettraient d'en arriver
à un meilleur équilibre au niveau de la représentation
francophone et des membres de la communauté culturelle?
M. Laplante: Vous savez, des questions de structures, surtout de
commissions scolaires, ce n'est pas ça qui va... Finalement, on parle
d'écoles et peut-être qu'à long terme les questions de
structures pourraient avoir une influen-
ce, mais, dans l'immédiat, ce n'est pas le cas. C'est des
questions d'écoles.
On regarde la société américaine, qui est une
société qui était très très
intégratrice. Elle l'a toujours été. Quand on
émigrait aux États-Unis, c'était une question d'honneur ou
une question de pratique d'intégrer les immigrants dans ce qu'ils
appellent, eux, le melting-pot. Alors, ce qu'on constate aujourd'hui, aux
États-Unis, dans une région, par exemple, comme Miami avec les
Cubains, ou Los Angeles avec les Mexicains, ils se sont créé des
petites sociétés à l'intérieur de la
société américaine. Et même cette formule-là,
dans ces endroits-là, ne fonctionne pas, aujourd'hui, dans le sens
où ils ont leur propre... Ils parient anglais, évidemment, mais
ils contrôlent les institutions. Ils ont leurs propres écoles, ils
ont tout ce qu'il leur faut pour vivre dans une société un petit
peu isolée à l'égard de la grande société
américaine, et ça crée des tensions, des
difficultés.
C'est dans ce sens-là qu'on faisait une remarque pour dire qu'il
faut, à un moment donné, se préoccuper d'une situation,
à Montréal, qui fait en sorte que les immigrants puissent trouver
un accueil de la société québécoise. C'est plus
large que simplement parler la langue.
M. Boisclair: Cependant, si vous me permettez une petite
remarque, il y a plusieurs États, comme celui de la Floride ou celui de
la Californie, qui ont fait des référendums pour se doter de
législations linguistiques. Ceci étant dit, peut-être
revenir, justement, sur ces conditions d'accueil.
Le Conseil scolaire de l'île de Montréal a produit un
rapport important et majeur sur la question de la pauvreté. À ma
connaissance, ce sont des chiffres de 1981 que vous avez utilisés dans
votre portrait statistique. Donc, on peut présumer que la
réalité, en 1990, est encore pire que celle que vous avez
décrite quant à un certain nombre de statistiques, puisqu'il faut
faire référence au dernier recensement qui est le seul outil
statistique qu'on puisse utiliser. Je suis convaincu que le recensement
dû en 1992, je crois, permettra de jeter un éclairage encore plus
à jour sur cette réalité-là. Mais, à tout le
moins, mon intention n'est pas de partir un débat de chiffres avec vous,
mais je pense que vous faites un constat important.
Compte tenu, justement, de cette situation-là, je pourrais vous
parler d'écoles dans mon quartier, dans mon comté où,
d'une part, on vit quotidiennement cette réalité de
pauvreté, que ce soit au niveau à ia fois des enfants, mais aussi
du côté des parents, et des conséquences que ça peut
avoir. M. d'Anjou, tout à l'heure, nous parlait de l'importance de
l'implication des parents dans ce projet éducatif, de l'importance aussi
de l'ensemble des intervenants, des éducateurs, des administrateurs et
de tous ceux qui contribuent à cette vie alentour de l'école.
Compte tenu que l'école est, comme on le disait, plus aussi
qu'une boîte où on transmet des connaissances, c'est, bien
sûr, un milieu de vie. Comment, jusqu'à que! point il est encore
plus difficile d'arriver à cet objectif d'intégration qu'on
souhaite tous? Comment n'est-il pas encore plus difficle de susciter la
participation des parents, compte tenu de la situation financière dans
laquelle ils sont placés? Et jusqu'à quel point...
Je me laisse un peu aller, mais... Des fois on regarde certains
quartiers de Montréal, et le réflexe que bien des
Montréalais ou Montréalaises ont, c'est de dire... C'est un peu
peine perdue parfois, c'est un peu dommage, mais on dirait qu'il y a bien des
gens qui ont lancé la serviette. J'aimerais que vous redonniez
confiance, peut-être, ou que vous nous fassiez voir une certaine lueur au
bout du tunnel. Mais comme Montréalais, en tout cas, je peux vous
dire... et au niveau des préoccupations, sans doute que vous aussi, dans
vos milieux de vie, vous entendez ce genre de commentaire. Mais pourra-t-on y
arriver un jour?
M. Tougas: II faudrait transformer...
M. Boisclair: Qu'est-ce que vous dites à un jeune
parlementaire de 24 ans qui est rempli d'ambition et qui est confronté
à ces dures réalités dont il n'était
peut-être pas toujours conscient? On entend les témoignages de
gens, je ne sais pas, de 50 ans ou 60 ans, des gens qui connaissent bien les
quartiers, qui disent: Ce n'était pas comme ça, mon quartier,
voilà 10 ou 15 ans. On peut parler des problèmes de violence, des
problèmes... Est-ce que vous qui...
La Présidente (Mme Loiselle): ...toujours dans la
pertinence de l'énoncé de politique.
M. Boisclair: Je crois que c'est tout à fait pertinent au
niveau de l'énoncé, Mme la Présidente. J'essaie d'aborder
la question de la pauvreté et du projet de société, et je
crois que la démonstration a été faite noir sur blanc, Mme
la Présidente, qu'on aura bien beau discuter d'une politique
d'immigration, mais le faire sans discuter d'un projet de
société-La Présidente (Mme Loiselle): Les travaux
aujourd'hui sont sur la pertinence de l'énoncé de politique sur
l'immigration.
M. Boisclair: Si vous ne me laissez même pas le temps, Mme
la Présidente, de plaider ma cause-La Présidente (Mme
Loiselle): D'accord, allez-y, M. le député.
M. Boisclair: Mais juste essayer de revenir sur une façon
de regarder la situation dans son
ensemble.
M. Tougas: Ça nous prendrait une commission sur la
pauvreté. On pourrait en parler longtemps. Je peux tout simplement
indiquer, pour faire le parallèle entre les deux dossiers, que le
Conseil a pris la peine de regarder la situation des écoles
défavorisées en parallèle avec la situation de la
présence des enfants immigrants dans les écoles. On peut quand
même vous dire qu'il n'y a pas d'adéquation, il n'y a pas de
corrélation entre des concentrations d'enfants immigrants et les
écoles pauvres. Bien sûr, il y a des écoles où les
deux phénomènes se retrouvent. L'école la plus pauvre
à Montréal, c'est celle où il y a plus d'enfants
immigrants, si on veut donner des extrêmes. Mais dans l'ensemble, sur 300
quelques écoles, environ 325 écoles primaires, on n'a que 22
écoles où on a une forte concentration d'enfants immigrants et
des écoles pauvres. Heureusement, ça fait que les deux
problématiques ne se recoupent pas trop parce qu'on sait que, quand les
deux problématiques se recoupent, le problème devient... On a
déjà...
Vous connaissez les problèmes qu'ont les enfants pauvres. On
n'entre pas dans ces détails-là, mais quand, en plus de ces
problèmes-là, il y a l'apprentissage linguistique et
l'intégration, ça devient vraiment dramatique et ce n'est pas une
simple addition arithmétique, ça devient
géométrique comme problème. Mais on pense quand
même, tant pour l'intégration des enfants immigrants que pour la
pauvreté... sans penser que l'école puisse résoudre tous
les problèmes parce que ce sont des problèmes de
société, donc, il faut que tous les intervenants jouent leur
rôle. Je pense quand même que c'est par le succès scolaire,
la persévérance aux études, l'accès aux
études collégiales, tant pour les enfants immigrants que pour les
enfants pauvres, qu'on arrivera à briser le cycle de la pauvreté,
et le Conseil- scolaire, dans sa demande au ministre de l'Éducation,
tant pour les enfants pauvres que pour les enfants immigrants, demande les
ressources nécessaires pour donner aux uns comme aux autres une
égalité de chances. Et on ne dit pas qu'on va réussir,
mais on a sûrement la volonté de le faire.
M. Boisclair: Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Quelques mots de
remerciement pour terminer?
M. Boisclair: Oui, bien, peut-être vous remercier. C'est
volontairement, Mme la Présidente, si je suis sorti peut-être un
peu du cadre, mais je croyais que c'était important de faire parler les
représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal sur
cette étude majeure qu'ils ont produite sur les enjeux des enfants qui
fréquentent des écoles dans les milieux défavori-
sés. Je crois que c'est une contribution toute spéciale que le
Conseil scolaire de IHe de Montréal peut apporter aux travaux de cette
commission et, même si je conviens avec vous que je suis peut-être
sorti du cadre strict des débats de la commission, je crois que
c'était tout à fait pertinent et légitime, surtout
d'aborder cette question-là. Donc, vous remercier pour votre
contribution, vous remercier aussi pour le travail que vous faites. Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que nous sommes tous conscients que
l'intégration, c'est un processus à long terme. Comme vous l'avez
mentionné tout à l'heure, ce n'est pas avec le fait de parler
français qu'on peut parler d'une intégration réussie. Mais
il faut être capable aussi de participer et, bien sûr, ça va
se faire sur plusieurs générations. Moi, je suis quand même
très confiante qu'on peut réussir à relever le défi
parce que, justement, on a quand même des moyens... C'est sûr qu'il
faut en inventer d'autres aussi. Je pense qu'il faut avoir des idées
novatrices et il faut aussi, je pense, être prêt... Il faut croire
que notre culture, au contact des autres cultures, ne sera plus la même,
évoluera aussi, est toujours en changement et, donc, il faut aussi
être prêt à s'ouvrir, je pense bien, à cette
pluralité parce qu'inévitablement on doit faire face à
cette situation nouvelle. Bon.
Il y a des concentrations et on retrouve cette concentration dans la
région de Montréal, mais je dois vous dire que toutes les mesures
qui sont dans l'énoncé de politique, comme ces mesures sont pour
la clientèle, donc, cela signifie qu'elles sont en bonne partie pour la
région de Montréal. Et il y a peut-être aussi d'autres
moyens, d'autres palliatifs, par exemple, à la grande concentration,
qu'on peut peut-être utiliser comme, par exemple, le jumelage, le
parrainage. Je pense qu'il y a des choses, qu'il faut s'arrêter à
certains palliatifs.
De toute façon, je vous remercie parce que vous avez
apporté des points de vue quand même fort intéressants. Je
dois vous dire aussi que je lirai avec grand intérêt le
mémoire que vous avez déposé à mon collègue,
le ministre de l'Éducation, et je serai en mesure de vous faire des
commentaires à ce sujet-là. Merci beaucoup et bon voyage de
retour.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci beaucoup. Nous allons
donc ajourner les travaux de cette commission pour ce soir, pour les reprendre
le mardi 12 mars, tout de suite après la période des affaires
courantes, vers 15 h 30. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 22 h 5)