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(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez prendre
place. Alors, mesdames, messieurs, chers collègues, M. le maire, la
commission de la culture va maintenant commencer ses travaux et je vous
rappellerai le but de ces travaux. C'est la continuation du mandat que nous
avons entrepris et qui est de procéder à une consultation
générale sur l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au
Québec pour bâtir ensemble", ainsi que sur les niveaux
d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme
la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie) et M. Charbonneau (Saint-Jean) est
remplacé par M. Parent (Sauvé).
Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue,
messieurs, à cette commission. Je vais maintenant vous donner lecture de
l'ordre du jour de notre journée. Alors, nous allons commencer par
entendre ce matin, dès 9 h 30, l'Union des municipalités du
Québec; à 10 h 30, par la suite, nous aurons l'Union des
producteurs agricoles et, à 11 h 30, l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales du
Québec. Nous suspendrons les travaux à 12 h 30 pour une
période de lunch et nous reprendrons à 14 heures et là,
nous entendrons, entre autres, la Table de concertation multiculturelle de
l'Outaouais québécois; à 15 heures, nous entendrons le
Centre multiethnique de Québec inc.; à 16 heures la Casa
latino-américaine de Québec et nous ajournerons à 17
heures jusque mardi, la semaine prochaine.
Il n'y a pas de remarques préliminaires, alors nous allons
maintenant procéder à l'audition du premier groupe. Aussi, je
vous demanderais, M. Mercier, de bien vouloir présenter la personne qui
vous accompagne ainsi que le groupe que vous représentez et vous avez,
par la suite, 20 minutes pour faire la présentation de votre
mémoire et chacun des groupes parlementaires, soit l'Opposition
officielle, par la voix du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
et le gouvernement, par la voix de Mme la ministre, et d'autres
collègues auront 20 minutes chacun pour dialoguer avec vous. Alors, vous
avez la parole.
Union des municipalités du
Québec
M. Mercier (Ralph): Merci. Alors, M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, mesdames et messieurs, je suis
accompagné ce matin de M. Serge Gareau qui, évidemment, est de la
permanence de l'UMQ et qui a touché plus particulièrement le
dossier dont il est question ce matin.
M. le Président, chers membres, c'est avec intérêt
que l'Union des municipalités du Québec se joint aux
éléments de la société québécoise
appelés à réfléchir et à s'exprimer sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration déposé en décembre dernier par la
ministre des Communautés culturelles.
Étant le gouvernement le plus près du citoyen, la
municipalité est bien placée pour favoriser une
intégration harmonieuse des diverses communautés culturelles. Par
conséquent, nous espérons que notre réflexion saura
enrichir le débat de cette commission. Son thème fut d'ailleurs
l'objet d'analyses, de réflexions et d'actions tangibles parmi les
membres de l'UMQ au cours des années.
Le Québec des années quatre-vingt-dix est très
différent de ce qu'il était il y a à peine 20 ans. Son
tissu social s'est transformé de façon radicale. D'une
société homogène au plan ethnique, nous sommes
passés au pluralisme.
À cause d'un certain nombre de facteurs qui nous
démontrent que le Québec est en déclin au plan de la
démographie - entre autres, la dénatalité, le
vieillissement de la population, la migration interprovinciale - l'UMQ convient
que l'immigration est devenue pour les Québécois un enjeu majeur,
un enjeu qui s'inscrit dans une perspective de développement. Cette
nouvelle réalité sociale exige forcément des changements
profonds de mentalité des individus et la mise en place de mesures
concrètes par les différents paliers de gouvernement qui visent
non seulement à harmoniser les relations avec les citoyens de diverses
souches, mais également à intégrer les nouveaux
Québécois à la majorité francophone.
À notre avis, chacun des trois paliers de gouvernement est
concerné par la question de l'immigration et, à des degrés
différents, ils ont leur part de responsabilités qui justifient
leur implication dans ce domaine. Le gouvernement fédéral
détient tous les pouvoirs assujettis à l'immigration. Il
établit les normes, les quotas nationaux; il contrôle, il
sélectionne, etc. Il y a un an, le Québec obtenait à son
tour le pouvoir de convenir des définitions applicables à la
sélection des candidats à l'immigration pour la province, de
préciser les modalités de sélection de ces candidats et,
finalement, de définir la catégorie des investisseurs.
Finalement, la municipalité, quant à elle, est très
certainement le palier gouvernemental
qui perçoit et qui vit le plus intensément les changements
démographiques de la société québécoise.
Contrairement aux autres instances gouvernementales, la municipalité est
un véritable milieu de vie et ses actions ont un impact tangible et
immédiat sur les rapports entre les citoyens dans leur ensemble. Mais,
malgré les relations privilégiées qu'il entretient avec
les citoyens, le gouvernement municipal ne dispose pas des moyens ni des
ressources considérables de l'État dans des domaines
stratégiques comme l'éducation et les services sociaux.
L'Union des municipalités du Québec croit cependant que le
gouvernement local peut intervenir efficacement dans les domaines de
juridiction qui lui sont propres et qu'il peut surtout être un excellent
catalyseur pour améliorer la qualité des relations entre les
citoyens de toutes origines dans leur vécu quotidien.
L'essence du message que nous souhaitons faire ressortir ce matin, c'est
que la municipalité ne peut se positionner sur le niveau d'immigration
souhaitable car c'est un sujet qui n'est pas de responsabilité
municipale. Conséquemment, l'UMQ préfère laisser aux
intervenants concernés et compétents le soin d'émettre des
avis sur le sujet.
Par contre, la municipalité peut jouer un rôle de premier
plan dans l'intégration des nouveaux arrivants et dans
l'élimination de la discrimination raciale dans la collectivité.
Mais il demeure un fait: la problématique de l'immigration n'a pas la
même résonance et le même degré de
préoccupation dans l'ensemble du monde municipal. H faut comprendre que
le portrait social et culturel de Brassard n'est pas le même que celui de
Pointe-au-Père ou de Mont-Laurier, pour ne citer que ces exemples. De
même, les actions et les gestes d'intégration qui ont cours
à Montmagny envers la population immigrée ne sont pas comparables
à ceux d'une municipalité comme Hull.
En 1989, Statistique Canada estimait que 85 % des 85 000 nouveaux
arrivants se concentraient dans la région métropolitaine de
Montréal. Près de 8 % des personnes immigrées ont, quant
à elles, choisi de s'établir dans les autres régions
métropolitaines du Québec, soit: Québec, Hull, Sherbrooke,
Trois-Rivières, Chicou-timi. Seulement 7 % ont
préféré résider à l'extérieur des
régions métropolitaines. La présence de services et de
compatriotes, ainsi que l'adaptation aux nouveaux besoins peuvent justifier le
choix que font les immigrants de s'établir dans un grand centre.
Déjà, plusieurs municipalités ou communautés
urbaines ont pris des dispositions concrètes qui reflètent cette
nouvelle réalité sociale, soit en formant des comités de
relations interculturelles ou en désignant une personne responsable de
cette question au sein de l'administration municipale afin de faciliter
l'intégration et l'harmonisation des communautés de diverses
souches. C'est le cas, notamment, de Brassard, de Montréal-Nord,
d'Outremont, de la CUM et de Trois-Rivières.
L'Union des municipalités s'est, quant à elle,
associée, en 1987, au Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration pour encourager la création de tables municipales de
concertation des communautés culturelles. La création de tables
municipales des communautés culturelles que propose l'UMQ à ses
membres est une démarche formeUe et structurée. Elle exige un
engagement précis des autorités municipales et l'attribution d'un
mandat clair à la table. Actuellement, une vingtaine de tables sont
actives. Essentiellement, ces tables de concertation sont formées de
représentants des principales communautés culturelles du milieu,
de membres du conseil municipal et de fonctionnaires. Divers autres organismes
peuvent également en faire partie, comme les comités de citoyens
et les associations de propriétaires, de locataires, les commissions
scolaires et les CLSC.
Par rapport au document d'orientation déposé par la
ministre, je dirais que de façon générale l'UMQ souscrit
aux principes et à la philosophie qui sous-tendent
l'énoncé de politique du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration. Dans la perspective où l'immigration
est devenue un enjeu majeur pour le Québec, l'UMQ se réjouit de
voir que le gouvernement du Québec se donne un outil sous la forme d'un
énoncé politique et une démarche qui propose des
orientations, des objectifs et une série de mesures susceptibles de
rallier l'appui de l'ensemble des Québécois.
Au chapitre du redressement démographique, l'UMQ convient que
l'immigration est une solution fort avantageuse. Avec un indice de
fécondité inférieur à 1,5 enfant par femme
actuellement, la solution émise dans l'énoncé
d'accroître le nombre de jeunes adultes nous semble un moyen de
redressement souhaitable pour l'ensemble des Québécois.
Toutefois, l'UMQ demeure convaincue que le gouvernement du Québec ne
doit pas se soustraire à ses engagements dictés dans sa politique
familiale et de ses programmes favorisant l'aide aux jeunes familles: les
subventions de garderie, les primes à la naissance, les subventions
à l'habitation.
Au plan de la prospérité économique, l'UMQ souscrit
à l'orientation et au visées prescrites par le gouvernement du
Québec. Selon elle, une sélection et une intégration
rationnelles et équilibrées entre les nouveaux arrivants (jeunes
travailleurs multidisciplinaires et gens d'affaires dynamiques) favoriseront la
vitalité économique du Québec et de ses régions,
plus particulièrement.
L'UMQ reconnaît la situation tout à fait distincte du
Québec aux plans linguistique et culturel par rapport à celle des
autres provinces canadiennes. L'UMQ soutient qu'il est fondamen-
tal que la sélection des immigrants pour les cinq prochaines
années doit se faire en tenant compte de ce fait. Pour les
municipalités, MRC et communautés urbaines, il est clair que le
gouvernement doit poursuivre ses efforts de recrutement d'immigrants, notamment
dans l'ensemble des pays francophones.
De plus, le gouvernement du Québec doit favoriser
l'accessibilité à l'enseignement du français pour tous les
nouveaux arrivants de façon à ce que l'adoption et l'adaptation
à nos institutions privées et publiques en soient
facilitées. En ce sens, il nous apparaît que l'ensemble du
réseau scolaire pourrait jouer un rôle important dans
l'intégration des immigrants.
Le Québec n'a guère le choix. Pour assurer sa suivie
économique et sociale, il doit s'ouvrir sur le monde. Le contexte actuel
d'interdépendance et de mondialisation des marchés nous oblige
à nous ouvrir vers d'autres cultures et d'autres pays. En ce sens, l'UMQ
est favorable aux principes gouvernementaux imputables à ce
quatrième objectif. (9 h 45)
L'immigration est souhaitable, disions-nous, pour l'économie, la
démographie, l'ouverture sur le monde et la pérennité de
la langue française, mais l'UMQ soutient de plus que l'immigration est
vitale pour la survie des régions. En ce sens, certaines recommandations
ou suggestions pourraient être prises en considération par la
commission. Le gouvernement ne pourrait-il pas sélectionner ses
immigrants provenant de zones rurales ou semi-urbaines? Ce faisant, ces gens
auront davantage tendance, au Québec, à s'installer en
périphérie et à dynamiser les régions. Le
gouvernement du Québec pourrait, de plus, favoriser le recrutement
d'immigrants ayant une technologie agricole, industrielle, forestière,
de pêche ou commerciale propice à l'économie de nos
régions en déclin. Finalement, l'UMQ considère que
l'ensemble des entreprises québécoises, qu'elles soient publiques
ou privées, devra aussi s'impliquer dans l'effort d'intégration
des immigrants en offrant des programmes d'accès à
l'égalité et que ces mêmes entreprises devraient davantage
s'impliquer dans l'amélioration et l'accessibilité à leurs
services. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Mercier, et je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre de
l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci, M.
Mercier. Ça me fait plaisir de vous retrouver à cette table sur
le dossier de l'immigration et des communautés culturelles. Je sais que
nous avions travaillé ensemble sur la politique des services de garde.
Alors, deux dossiers, finalement, qui, quand même, ont beaucoup de
signification, surtout dans le contexte de la démographie.
M. Mercier, dans votre mémoire, vous avez fait deux suggestions
concernant la sélection des immigrants qui pourraient dynamiser les
régions. Vous vous demandez s'il n'est pas possible que le gouvernement
sélectionne des gens provenant de zones rurales - c'était votre
dernière intervention, là - ou semi-urbaines et vous aimeriez
aussi que le gouvernement favorise le recrutement d'immigrants possédant
une technologie agricole, forestière, industrielle, de pêche ou
commerciale propice à l'économie des régions en
déclin. Je pense que c'est une idée qui mérite qu'on s'y
arrête. C'est une idée qui pourrait aussi favoriser la
régionalisation. Cependant, ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement
le Québec sélectionne ses immigrants parmi les personnes qui
manifestent le désir de venir chez nous. Et vous comprenez qu'il y en a
des millions et des millions de personnes qui s'adressent à nos
différents bureaux et on ne s'est jamais encore engagé
véritablement dans un processus de recrutement actif. Comme les
personnes viennent à nous, on ne s'est à peu près jamais
engagé dans un processus actif de recrutement. Je pense, par exemple,
aux technologies agricoles; on retrouve beaucoup de cette clientèle,
entre autres, en Suisse et en Belgique. Ce sont des gens
généralement qui, s'ils décident de venir s'établir
au Québec, c'est parce que vraiment ils vont améliorer leur
situation. Ce ne sont pas des gens qui vont fuir, par exemple, leur pays comme
la clientèle provenant du tiers monde. Donc, ça suppose aussi du
recrutement actif de la part du gouvernement.
Or, si c'était le cas - remarquez qu'on est en train d'explorer
la possibilité de le faire - si c'était le cas qu'on pourrait
envoyer nos agents dans des régions rurales ou semi-urbaines dans
plusieurs pays faire du recrutement à ces endroits, quel rôle
pourrait jouer, à ce moment-là, les municipalités? Parce
que, nous, on peut aller sélectionner; cependant, il faut aussi
connaître les besoins de la municipalité. C'est parce qu'il faut
quand même commencer par identifier, dans une certaine région, les
besoins en termes de technologie, que ce soit dans ces différents
secteurs... Alors, quel rôle? Comment pourrait-on travailler ensemble
pour identifier ces besoins de sorte que l'on puisse, dès à
l'étranger, avant même que la personne arrive, déjà
lui parler de la région, déjà lui envoyer de la
documentation sur, par exemple, certaines villes ou municipalités d'une
certaine région? J'aimerais vous entendre là-dessus, monsieur,
l'un ou l'autre.
M. Mercier: Évidemment, la situation, je n'ai pas besoin
de vous dire, peut varier de façon peut-être importante d'une
région ou d'une partie du Québec à l'autre. Cependant, il
reste quand même qu'il y a des problèmes majeurs dans certains
secteurs de la province où il y a un dépeuplement et ça
devient véritablement
inquiétant, au point où même des centres plus
urbanisés en région laissent savoir que d'ici à
peut-être une dizaine d'années tout au plus ils pourraient avoir
des problèmes majeurs au point de vue de l'activité
économique. Non pas qu'ils n'en vivent pas actuellement, mais ça
pourrait véritablement s'accentuer. Donc, je pense qu'il y aura des
possibilités.
Il faudrait, évidemment, que le gouvernement, là-dessus,
soit aussi participatif, probablement en favorisant le développement de
certaines des réglons qui sont peut-être plus durement
touchées que d'autres et qu'à partir de cet aspect-là les
municipalités comme telles ou les MRC puissent, elles, faire savoir
effectivement les besoins et les possibilités qui existent
évidemment dans leur territoire. C'est sûr que ce n'est pas une
solution qui peut se trouver facilement, du moins être scrutée
à la légère. Je pense qu'il faut approfondir ça.
Mais plusieurs MRC, à l'heure actuelle, ou régions seraient
aptes, à mon avis, à s'asseoir à une table et à
travailler.
Sur le plan de l'intégration des immigrés, beaucoup de
municipalités, dans le moment, font déjà évidemment
un boulot important à partir des ressources dont elles disposent
déjà et à partir aussi de la mixité, des fois, des
tables de concertation qu'elles tentent de créer à
l'intérieur de leur propre territoire, mais, encore une fois, je pense
que la volonté des municipalités à aider à
l'intégration, à aider aussi à l'élargissement et
à la venue de l'immigration dans leur territoire est certainement bien
marquée. Sauf qu'il ne faut pas - on l'indique aussi à
l'intérieur de notre mémoire et vous l'avez dit Mme la ministre -
peut-être retrouver des gens... Il faut être réaliste, quand
même. Retrouver des gens qui proviennent du milieu urbain et tantôt
vouloir les insérer en région, je pense que ça devient
difficile tôt ou tard, et les expériences, au Québec, le
démontrent. Ils tendent vers les grands centres et, finalement, vous
vous retrouvez avec ces pourcentages qu'on vit actuellement, où à
peu près 85 % des immigrés sont en milieu urbain, et beaucoup
dans la région de Montréal. Mais pour changer cette tendance,
pour retrouver des gens, ça aussi, vous êtes consciente que ce
n'est peut-être pas toujours facile d'aller puiser les clientèles,
parce que, comme vous le dites si bien, on prend ceux, finalement, qui ont
l'intention ou qui veulent se déplacer. Il y a peut-être une forme
de recrutement qu'on devra faire à l'extérieur pour tenter de
trouver les clientèles sélectionnées et s'il s'agit, sur
le plan des municipalités ou des MRC, de collaborer pour voir dans quel
champ d'activité ces gens-là pourront tantôt se retrouver,
je pense qu'il y a possibilité de le faire et l'Union des
municipalités est prête à collaborer sur ce
plan-là.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, M.
Mercier, on a aussi un obstacle de taille, je pense. Depuis le
début de la commission parlementaire, différents groupes sont
venus nous, dire que l'intégration, ce n'était pas si facile et
que souvent, dans des régions, pour être capables de retenir nos
nouveaux arrivants en région, il fallait avoir un certain noyau d'une
même communauté, par exemple, pour qu'il y ait une espèce
de sentiment d'appartenance pour que ces gens-là puissent, au tout
début, avoir aussi une assurance que leur culture n'est pas
menacée et ainsi de suite. Donc, à ce moment-là, vous
comprenez pourquoi le Québec a décidé d'ouvrir cinq
régions, pour le moment, et n'a pas décidé, par exemple,
d'aller en Gaspésie, mais là où déjà on
avait des noyaux.
On sait cependant, comme vous avez pris l'exemple de la Gaspésie,
qu'il y a quand même un problème démographique incroyable
aussi, et de plus en plus. Pas seulement là, mais dans d'autres
régions aussi, mais plus particulièrement dans cette
région. Vous comprendrez aussi qu'on ne pourra pas envoyer un a un les
immigrants arrivants dans cette région-là, mais il va falloir
s'organiser autrement. C'est pourquoi nous vouions tenter notre
expérience de la régionalisation à partir de directions
régionales, là où il y a déjà un certain
noyau pour tenter l'expérience, pour voir si on peut réussir dans
cette démarche. Donc, c'est important qu'on puisse, avec vous,
identifier tous les secteurs et qu'on puisse aussi avoir des structures
d'accueil. J'en ai parié beaucoup avec les leaders économiques,
entre autres, mais quand on parie de région rurale ou semi-urbaine, on
va devoir faire un peu la même chose avec les leaders de la
région, à savoir, par exemple: Quelles sont les ternies qu'on
peut offrir? Quel type de ferme on peut offrir? Par exemple, est-ce qu'il y a
des boisés? À quel coût, par exemple, au niveau du
financement? Parce que vous avez des personnes qui arrivent, qui ont quand
même un capital intéressant et vous en avez d'autres qui sont un
peu plus démunies, mais, par contre, qui sont très
intéressantes en termes de main-d'oeuvre qualifiée ou qui ont
d'autres atouts.
Alors, c'est un peu ça, finalement, qu'il va falloir
déterminer avec les régions et je pense qu'on devrait
peut-être travailler avec les régions. Là, on a
déjà des directions régionales, entre autres,
Québec, Sherbrooke, Hull et Montréal, et on verra par la suite
comment on peut élaborer ce modèle dans les autres
régions.
M. Mercier: Je pense, Mme la ministre, que oui, on est conscient
de ça et je vous indiquerais également qu'on ne peut pas
retrouver un ou deux immigrés dans une région
éloignée et tenter de croire, finalement, qu'ils
s'intégreront rapidement et facilement dans ce milieu ou dans le milieu.
C'est très vrai, il est peut-être préférable de
retrouver un certain nombre de gens en provenance d'une même
région extérieure et qui
se retrouveraient finalement ici, au Québec, travaillant en
région. Mais je pense qu'il y a quand même des territoires et on
pourrait vous en indiquer - bien sûr, lorsqu'on regardera une
mécanique, on pourra vous en indiquer - où des gens seraient
certainement intéressés à travailler dans le sens de
retrouver du développement dans leur territoire, voir en quelque sorte
de quelle façon ces immigrés pourront s'insérer dans leur
milieu et enrichir, je pense, la communauté locale.
Vous indiquiez tantôt une région aussi
éloignée que la Gaspésie. C'est vrai, mais quand on se
dirige vers la Gaspésie il y a tout le territoire aussi qui est
derrière Rimouski, Mont-Joli, puis Dieu sait si actuellement ils vivent
des problèmes de dépeuplement importants. Ça
inquiète énormément des centres comme Rimouski qui, quand
même aussi, vivent en quelque sorte ou en partie avec les gens qui sont
en périphérie de ce grand centre. Mais si tantôt, à
différents endroits au Québec, ces régions devaient
disparaître ou mourir à petit feu, je pense que ce serait plus que
regrettable, ce serait même catastrophique. C'est pour ça qu'on
arrive avec une forme de suggestion, à savoir: Est-ce qu'il ne serait
pas quand même intéressant de tenter de trouver des gens qui sont
en région éloignée dans leur propre pays et,
effectivement, les insérer ici, au Québec?
Vous avez mentionné la Suisse tantôt. Effectivement, il y a
des gens même de la Suisse qui se sont retrouvés dans la
région de Sherbrooke où, quand même, à certains
endroits, ça a très bien opéré. Je ne vous dis pas
à 100 %, mais en bonne partie, et les gens se sont bien
conditionnés, se sont bien ajustés, parce qu'ils vivent à
peu près du similaire quand même dans leur pays de provenance.
Mme Gagnon-Tremblay: II y a aussi... Les administrations
municipales de concertation sont utiles lorsque, bien sûr, les
administrations municipales sont sensibilisées au
phénomène de l'immigration. On ne peut pas cacher quand
même le fait qu'il y a encore certaines réticences. Il faut
changer des attitudes et des mentalités et je l'ai vécu dans ma
propre région, moi, alors qu'une ville, par exemple, avait besoin d'une
main-d'oeuvre qualifiée et en nombre assez important. Je leur
suggérais, par exemple, de leur envoyer cette main-d'oeuvre qu'on avait
déjà sélectionnée et qui était
déjà arrivée à Montréal et, justement, on
disait: Non, on va aller chercher cette main-d'oeuvre dans la région de
la Gaspésie parce qu'elle est déjà disponible. Alors, on
dépeuplait cette région et, finalement, quand on s'est rendu
compte que ces gens-là voulaient venir, on a fait appel, on a dit: Oui,
peut-être pour une vingtaine de familles, peut-être que là
la population accepterait.
Donc, on voit qu'il faut changer ces attitudes, ces mentalités
et, pour avoir parlé avec des élus municipaux, je me rends compte
que là aussi il y a certaines réticences parce qu'on ne
connaît pas suffisamment les bienfaits de l'immigration.
Donc, dans ce sens-là, quel rôle pourrait jouer, par
exemple, l'UMQ à ce niveau? Est-ce qu'il y aurait une activité
quelconque de sensibilisation qui pourrait être faite, par exemple, lors
d'un congrès de votre Union?
M. Mercier: Oui, il y a certainement possibilité de le
faire. Il y a également aussi possibilité pour l'Union de relever
à l'intérieur de chacune des régions les besoins ou de
promouvoir la réceptivité à partir d'un plan d'action qui
pourra peut-être être mis de l'avant par le gouvernement, par la
ministre. Je vous dis que, malgré le fait que ce soit sûr que
beaucoup de Québécois ont à s'ajuster avec leurs nouveaux
voisins, j'ai l'impression que depuis les dix dernières années il
y a un grand bout de chemin qui a été parcouru, mais, encore
aujourd'hui, on y voit des difficultés et je le cite parce qu'il y en a
peut-être qui s'interrogent. Je te vois même sur mon propre
territoire. On a vu certains jeunes dernièrement dans des écoles
manquer de réceptivité vis-à-vis d'une culture
différente à l'intérieur d'un même groupe. Mais
voilà! Il y a du chemin à faire.
Encore une fois, je vous dis, il y a énormément... Il peut
y avoir du questionnement chez certains élus municipaux. Ça, je
n'en doute pas. Mais je vous dis qu'en ce qui concerne l'Union on est
prêts à participer, à contribuer pour faire en sorte qu'on
puisse effectivement tenter de rendre plus facile l'arrivée, l'accueil
des immigrants dans le territoire québécois et je pense encore
une fois... Je n'exclus pas les milieux urbains parce que je pense qu'ils ont
quand même des besoins aussi. Provenant moi-même du milieu des
affaires et connaissant aussi des gens qui étaient peut-être
récalcitrants, je dirais, à retrouver les immigrants dans leur
milieu de travail, je dois vous dire que dans les dernières
années j'ai rencontré à nouveau de ces gens-là qui
sont enchantés, finalement, de leurs nouveaux employés, qui sont
très fidèles et très travaillants.
Alors, on voit qu'il y a une évolution et elle se doit de
continuer. Il y a des besoins en milieu urbain, mais on vous signale que c'est
important; c'est peut-être une des solutions, tantôt, pour ramener
peut-être ce problème qu'on vit en région, du
dépeuplement des régions.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. (10 heures)
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député d'Acadie, il reste quelques minutes sur le temps de Mme
la ministre, si vous voulez les utiliser.
M. Bordeleau: Bien, d'abord, je suis très
heureux de voir que votre mémoire porte sur toute la question de
la régionalisation qui est un problème important actuellement
dans le contexte des politiques d'immigration. À la page 9 de votre
mémoire, vous mentionnez qu'avant de procéder le gouvernement
devra également effectuer une analyse plus poussée de la
situation identifiée avec ses partenaires des régions les plus
susceptibles que d'autres d'accueillir les immigrants. Vous en avez
parlé, vous avez fait référence surtout aux dimensions
économiques ou à l'intégration économique comme
telle, mais j'aimerais savoir: Quelles sont les caractéristiques d'une
région qui est plus susceptible qu'une autre de recevoir les immigrants?
Parce que vous dites: Le ministère devra identifier ces... Mais quels
seraient ces critères utilisés par le ministère pour
identifier une région qui est plus capable, au fond, de recevoir des
immigrants? Et aussi, l'autre question que je vais greffer, c'est tout le
problème de la rétention des immigrants. Vous y faites
référence un petit peu à la fin de votre mémoire
quand vous parlez de mesures coerci-tives, mais j'aimerais ça
peut-être que vous vous expliquiez un peu plus de ce
côté-là. Que voyez-vous concrètement comme mesures
coercitives?
M. Mercier: Premièrement, je pense que, comme
régions d'accueil, il reste qu'il faut considérer aussi les
possibilités d'activités sur les plans économiques quels
qu'ils soient, quelle que soit leur dimension. On ne peut pas demander à
des gens de se retrouver quelque part en région sans avoir des
ressources minimales pour améliorer leur sort, qu'on puisse bien vivre
comme famille, ici au Québec. C'est un des facteurs, un des
critères, je pense, qui s'avère élémentaire. Sauf
que peut-être... Il y a peut-être du développement, à
des endroits, qui aurait pu se faire et, avec les clientèles existantes
actuellement dans ces régions, il n'y a pas eu possibilité d'y
arriver ou d'amener du nouveau développement. Or, avec les
immigrés, il y aurait possibilité, possiblement, de ramener une
activité économique dans des territoires donnés, certaines
formes d'activités économiques.
Sur le plan de la deuxième dimension, il y a peut-être
aussi à penser s'il n'y aurait pas, d'autre part, certains incitatifs.
On voit, par exemple, à l'intérieur des municipalités, que
lorsque l'économie est un petit peu mollo, sur le plan des promoteurs,
on tarde à mettre en place des incitatifs qui font en sorte que les
gens, sur une période d'un an, deux ans, trois ans,
bénéficient d'avantages fiscaux et qui font en sorte que,
finalement, ils investissent demain matin. Mais, sur le plan de
l'immigré, il y aurait peut-être lieu aussi de voir s'il n'y a pas
certains incitatifs à mettre en place. Est-ce que ce serait sur le plan,
dans le fond, des sommes directement attribuées à
l'immigré? Est-ce que ça peut être quand même une
forme de rabattement sur le pian, éventuellement, sur une certaine
période, des impôts sur le revenu? Je ne le sais pas. Il y a des
formules d'incitatifs qu'il faudrait analyser, qu'il faudrait regarder sur ce
plan-là et c'est ce à quoi, aussi, on pense.
Le Président (M. Gobé): Ça vous satisfait,
M. le député d'Acadie?
M. Bordeleau: Oui, ça va, merci.
Le Président (M. Gobé): Allons-y. M. Mercier, juste
avant de passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, j'aurais une question à vous poser. Vers
quel genre d'immigration, quel genre d'emploi, quel genre de qualifications
devrait-on se diriger, d'après vous, ou pourrait diriger vers les
régions?
M. Mercier: Bien, écoutez, on en a indiqué à
l'intérieur de ça. Je pense qu'il y a différentes... Tout
dépendant d'une région, ça peut varier d'une région
à l'autre, ça, vous en êtes conscient. Je pense que les
conditions...
Le Président (M. Gobé): Vous parliez de Rimouski,
tout à l'heure, je vous entendais parler de la...
M. Mercier: Bon. Alors, dans la région de Rimouski, est-ce
que ça ne peut pas être du secteur de l'industrie? Si on doit
inciter les gens à se retrouver, par exemple, derrière Rimouski,
qu'on puisse y retrouver une industrie quelconque, qu'elle soit reliée
à l'industrie forestière ou à d'autres industries, je
pense que ça aussi, ça devrait être regardé, d'autre
part, en même temps qu'avec des partenaires économiques. Donc,
ça peut être des gens d'affaires qui auraient
intérêt, tantôt, à développer également
aussi en région par rapport à certaines conditions qui seraient
offertes à ces entreprises-là, étant assurés d'une
main-d'oeuvre qui pourra effectivement se retrouver pour meubler leur
organisation.
Vous savez, il ne faudrait pas... Il y a une période où le
Nouveau-Brunswick avait établi, au nord du Nouveau-Brunswick, une
entreprise, une usine où ils avaient investi des sommes énormes
frisant... Je pense que le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait investi tout
près de 20 000 000 $ dans une industrie japonaise avec des
immigrés et on a tenté de ramener des gens, effectivement,
à l'intérieur de ça. Et ceux, je pense, qui étaient
des immigrés pouvaient très bien se conditionner au milieu de
travail et tout, mais on a voulu, par le fait même aussi, tenter de
diminuer le nombre de gens qui étaient sur le bien-être social.
Alors, il y avait des gens de deuxième et peut-être de
troisième génération de bien-être social et c'est
clair, l'expérience n'a absolument pas fonctionné. Il faudra
regarder aussi ailleurs, parfois, ce qui s'est fait aussi comme modèle
dans les dernières années, quelles
ont été les tentatives, ne pas faire, du moins ne pas
tendre vers les mêmes erreurs.
Le Président (M. Gobé): J'étais un peu
confus parce que vous parliez à un moment donné de peuplement des
régions, d'intégration des immigrants avec des initiatives
locales et du milieu et, à un moment donné, vous semblez dire que
ça serait des entreprises. Mais, si on parle de peuplement, je serais
surpris de voir plusieurs milliers d'entrepreneurs, comme ça, d'une
génération spontanée, venant dans Ee monde
s'établir en région. Et je me demande comment on pourrait
concilier le fait que... Et mes collègues députés me le
mentionnent... J'ai même vu une émission à Radio-Canada
dernièrement - très, très intéressante, d'ailleurs
- un dimanche soir sur les régions, qui m'a éclairé
beaucoup. Il y des choses que je connaissais, mais que j'avais peut-être
besoin de visualiser, la même chose que beaucoup de monde. On sait qu'il
y a un exode extrêmement fort des Québécois, des jeunes
Québécois, scolarisés, vers les grands centres, vers
Montréal. Je me demande comment on pourrait inverser,
c'est-à-dire que les jeunes Québécois, eux, auraient des
bonnes raisons pour venir s'établir à Montréal parce
qu'ils n'ont pas d'emploi, parce que le cadre de vie ne correspond pas à
leurs expectatives et, de l'autre côté, on repeuplerait avec des
immigrés. Il y a quelque chose qui... Lorsqu'on sait qu'un
immigré vient immigrer, généralement - à moins
qu'il ne soit un réfugié, là, c'est un autre cas - il
vient en Amérique pour l"'American way of life", comme on dit. Alors,
comment se fait-il? L'immigré, lui, il aurait des bonnes raisons d'aller
à Rimouski ou en région - je ne veux pas donner de nom - et le
jeune Québécois, lui, aurait des bonnes raisons pour ne pas
rester là-bas et venir à Montréal. Comment vous conciliez
le paradoxe?
M. Mercier: D'abord, ce n'est pas nécessairement en
région, je pense, qu'on doit établir des grandes entreprises. Il
pourrait y en avoir, mais c'est peut-être davantage de verser vers les
PME. Quand vous amenez le facteur des jeunes, effectivement, qui se
déplacent vers les grands centres, il faut regarder aussi la formation
qui a été rendue sur le plan de l'éducation, de
l'instruction, à ces jeunes-là au cours des dernières
années. Je pense qu'il y en a qui ont quand même
bénéficié d'une formation importante, souvent de niveau
universitaire. Et quand ils ont cette formation-là, ils ne trouvent pas
souvent les débouchés à l'intérieur de leur
région pour trouver un emploi. Il y a également aussi ceux qui
ont quand même peut-être passé à travers une
formation professionnelle, et encore, d'autre part, qui ne retrouvent pas les
conditions de travail dans leur région qu'ils pourraient retrouver dans
le milieu urbain. Il y a des choix, je pense, qui se font, et on ne pourra pas
empêcher ça chez nos jeunes. Il y a peut-être aussi une
modification même sur le plan de l'instruction, même de la
formation, que le ministère de l'Éducation a déjà
enclenchée depuis peu, sur le plan de la formation professionnelle.
Parce qu'il faut se rendre à l'évidence qu'il y a peut-être
des gens diplômés. Mais si vous avez des gens
diplômés qui ne retrouvent pas d'emploi, qui finalement, du
côté des emplois traditionnels, se retrouvent... Il y a des
disponibilités et vous n'avez pas de travailleurs pour ces
secteurs-là, ça devient un problème important pour
l'industrie. L'industrie l'a déjà souligné et,
déjà, le ministère de l'Éducation a apporté
des ajustements qui font en sorte que sur le plan des polyvalentes, au
départ, on tend à rendre une formation professionnelle
immédiatement suivant la terminaison de son secondaire.
Pour revenir à notre clientèle qui pourrait provenir de
l'extérieur, je pense qu'on parle, à ce moment-là, de
jeunes adultes, qui ont quand même l'habitude - et c'est pour ça
qu'on dit de région - de vivre en région, qui n'ont pas
nécessairement l'attrait des grands centres, qui ont peut-être des
grands centres, des milieux urbains près de chez eux, mais qui ne
tendent pas à aller vers ça. On a l'impression qu'ici ces
gens-là pourraient vivre effectivement de la même façon,
dans le fond, qu'ils le font peut-être chez eux, mais avec des conditions
meilleures.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie de votre
éclairage. Maintenant, je vais passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, au nom de l'Opposition
officielle.
M. Boulerice: M. le maire, deux brefs commentaires quant à
votre mémoire. Le premier, en page 5, dans la chronologie, pour ce qui
est du gouvernement provincial, il y a quand même une étape
importante, malheureusement, qui n'a pas été soulignée,
qui est l'entente Cullen-Couture, mais je pense que c'est un oublie de
rédaction.
J'ai également remarqué ceci en page 8, et je pense qu'il
était très important que quelqu'un le dise, et je suis heureux
que ce soit l'Union des municipalités du Québec qui en fasse part
à cette commission. Vous dites: 'Toutefois, l'UMQ demeure convaincue que
le gouvernement du Québec ne doit pas se soustraire à ses
engagements dictés dans sa politique familiale et de ses programmes
favorisant l'aide aux jeunes familles." Vous mentionnez les subventions de
garderies, les primes à la naissance, les subventions à
l'habitation, et là vous faites sans doute allusion également
aussi à l'habitation sociale puisqu'il y a quand même un certain
parallèle à établir. Il y a bien des catégories
d'immigrants qui arrivent. Il y a peut-être, certes, les immigrants
investisseurs, mais il y a une catégorie d'immigrants qui arrivent et
qui ne nagent pas dans l'abondance et qui peuvent avoir besoin de ce type
d'habita-
tion qu'est le logement social. Donc, je trouve que c'était
très à propos de votre part d'avoir rappelé cette
obligation-là comme telle dans le mémoire.
Maintenant - c'est d'actualité, que voulez-vous, on ne peut pas y
échapper, M. le maire - eu égard à la récente
réforme de la fiscalité municipale et au refus de votre Union
devant des propositions du ministère des Affaires municipales, quel
rôle pourront jouer les municipalités dans une éventuelle
politique de régionalisation en immigration? Est-ce que les
municipalités pourront s'impliquer financièrement dans une telle
politique?
M. Mercier: Je pense que je l'ai indiqué assez clairement,
en tout cas, il me le semblait. Peut-être que je devrais le
répéter. Les municipalités sont prêtes à
collaborer largement de par leurs ressources à l'intérieur de
chacune de leur permanence. Elles sont prêtes à faire leur effort
sur ce plan-là et à établir aussi une table de
concertation, faire en sorte, en somme, qu'on puisse favoriser l'immigration.
Maintenant, s'il s'agit quand même de sommes à investir, il faut
voir que peut-être déjà au départ dans ce genre de
travail-là, ce boulot-là qui s'effectue, les municipalités
investissent déjà. Si on parle d'investissements additionnels
majeurs, je pense qu'il ne faut pas se retrouver non plus dans un secteur
d'activité qui appartient au gouvernement supérieur, au
gouvernement du Québec. Et vous avez indiqué... C'est vrai qu'on
vit cette tendance à des transferts et on ne voudrait pas se retrouver
à nouveau aussi avec un autre élément qui apportera des
déboursés ou des transferts additionnels aux municipalités
sans, bien sûr, retrouver les ressources qui puissent l'accompagner. Et
je pense qu'au moment où le gouvernement déciderait d'amener des
responsabilités nouvelles - c'est pour ça, d'ailleurs, et je ne
veux pas relever un autre dossier, mais je me dois quand même de le dire
- de relever peut-être de nouvelles responsabilités dans un
nouveau partage, il faut s'asseoir d'abord et discuter aussi des ressources,
sur le plan financier, qui puissent nous être disponibles. Mais, mis
à part ce facteur, je pense que dans l'état actuel les
municipalités sont quand même disposées à
collaborer, mais il faut quand même savoir qu'on n'est pas en mesure de
le faire, et je ne pense pas non plus que ce soit nécessairement notre
rôle à nous d'y investir des sommes importantes. Mais si,
tantôt, dans un partage différent sur le plan des
responsabilités nous devions y arriver, on dit: Oui, il peut y avoir des
ouvertures, sauf qu'il faut effectivement en discuter.
M. Boulerice: Oui, parce qu'on demandera à la
municipalité d'accueillir, de mettre en place certaines structures. Et
c'est inévitable qu'il y a toujours des coûts qui sont
reliés à des actions comme celles-là et il n'est pas dans
votre intention de puiser dans la besace déjà passablement vide
des municipalités pour y répondre. Ça, je pense qu'il
était bien que ce soit précisé. Vous avez, comme la
majorité des groupes qui se sont présentés, parlé
de régionalisation. Je dois vous avouer que cela a toujours un
écho passablement favorable de la part de députés
originaires de la région de Montréal où, effectivement,
toutes les statistiques - d'ailleurs, vous les citez bien, vous étiez
documenté on ne peut mieux - démontrent que très
majoritairement l'immigration s'établit à Montréal.
Plusieurs s'interrogent sur cette attraction métropolitaine. Elle est,
somme toute, identique à celle qui se vit dans les autres pays sauf que
l'inquiétude que nous avons - quand je dis "inquiétude", je parle
de préoccupation et non pas de crainte nécessairement, mais d'une
inquiétude - c'est que si on a parlé d'un Québec
cassé en deux, si on a parlé à Montréal d'un T" de
pauvreté, on risquerait de voir un Québec pratiquement
divisé en deux avec un Montréal pluriethnique et l'ensemble de
toutes les autres régions du Québec être, quant à
elles, monoethniques ce qui ferait qu'on vivrait deux réalités
dans le même pays une surconcentration à Montréal,
l'absence quasi totale à l'intérieur des autres régions du
Québec, donc, potentiellement, peut-être, certaines
difficultés à Montréal mais, a mon point de vue, un
certain appauvrissement à bien des niveaux, peut-être au niveau
social, sans doute au niveau économique, énormément aussi
au niveau culturel parce qu'il y a un apport de l'immigration pour ce qui est
du restant du Québec.
Mais, ceci pour vous dire, M. le maire, que les groupes qui se sont
présentés devant cette commission nous ont dit qu'une politique
de régionalisation doit s'accompagner - j'essaie de bien les citer -
d'une politique de développement régional. Est-ce qu'à
votre point de vue l'actuelle politique de développement régional
est suffisante pour véritablement discuter de régionalisation de
l'immigration, surtout si on considère aussi qu'on pourrait
potentiellement songer à envoyer des immigrants en Gaspésie, mais
on sait que cette région est désertée? Comment inciter des
gens à aller dans un endroit qui se vide? Si ce n'est pas bon pour un
Gaspésien, le premier réflexe de l'immigrant sera: Bien oui, mais
- pour employer une expression très populaire, une expression du terroir
- je ne suis quand même pas un bouche-trou, moi.
M. Mercier: Bon. Je pense que dans le modèle de
développement économique qu'on voit actuellement il y aura des
ajustements à faire, c'est bien évident. Je pense que, si on veut
encourager ou si on veut inciter les gens, les immigrants à se retrouver
en région, il faudra faire en sorte aussi qu'il y ait, encore une fois,
et je l'indique, certains incitatifs, certains attraits à se retrouver
en région. D'autre part, je ne pense pas - ça aussi, je vous
l'indiquais,
vous êtes bien conscient de ça - quand on prend quelqu'un
qui vit en milieu urbain à l'extérieur et qu'on tente, ici, de
l'insérer en milieu rural, en région, je pense qu'on aurait de la
difficulté à le faire. À plusieurs reprises, j'ai eu
l'occasion de rencontrer, moi, des gens à l'extérieur, soit en
Europe ou en d'autres endroits, où les gens qui vivent en région
ne veulent pas, effectivement, entendre parler du milieu urbain. Pour eux,
là, ils en ont quasiment une crainte. Donc, si on part de ce
principe-là où vous avez beaucoup de gens qui, effectivement,
préfèrent, dans leur propre milieu, demeurer en région, en
rural, bien, à ce moment-là, quand vous les retrouvez ici, je
pense qu'ils peuvent plus facilement se conditionner et y demeurer. Sauf que,
vous avez raison de dire, il faudra voir tantôt une activité sur
le plan économique qui va faire en sorte que ça puisse favoriser
l'arrivée de ces gens-là et, dans le modèle de
développement actuel, il y a certainement des ajustements qui devront se
faire. Donc, c'est peut-être un dossier qui devra être mené
parallèlement aussi avec Industrie et Commerce tantôt. (10 h
15)
M. Boulerice: Éventuellement, M. le maire, on pourrait
penser que les administrations municipales qui sont, effectivement - et
là-dessus je ne vais jamais contester l'affirmation que vous avez faite
- le gouvernement de première ligne... Comme tout citoyen, j'ai d'abord
une relation avec mon administration municipale; ce n'est qu'après que
j'ai une relation avec le gouvernement. Je vais continuer d'employer le mot
"provincial" mais vous savez qu'il m'est très désagréable,
il mérite, mais enfin... Bon. Est-ce qu'éventuellement, compte
tenu de cette situation particulière de l'administration municipale qui
s'occupe très activement - et le terme n'est pas péjoratif - du
quotidien des citoyens - la ville vraiment s'occupe du quotidien des citoyens.
Est-ce que vous pensez qu'éventuellement les municipalités
pourraient s'engager dans des programmes d'accès à l'emploi pour
les communautés culturelles?
M. Mercier: Oui. Moi, je crois sincèrement...
Déjà à l'heure actuelle il y a des municipalités,
je pense, qui sont engagées dans cette voie. Maintenant, encore une
fois, je pense qu'on vit des changements importants sur le plan du
Québec et sur le plan de l'immigration aussi, que nos gens s'ajustent
à recevoir des groupes culturels, des groupes, effectivement, à
l'intérieur, je pense, des milieux d'emploi. Ça, c'est un facteur
qui doit être accepté. Il y a du développement sur ce
plan-là et je suis convaincu que les municipalités sont
certainement prêtes à faire leur part sur ce plan-là.
Ça, c'est très clair. Je ne crois pas, actuellement, qu'il y ait
nécessairement une discrimination, sauf qu'il n'y a peut-être pas
nécessairement de programmes partout établis pour favoriser,
effectivement, ces mesures. Donc, à partir de ce que vous indiquez, je
vous dis oui. Je pense qu'il y a un bout de chemin à faire sur ce
plan-là.
M. Boulerice: Une toute dernière question, M. le maire, si
vous le permettez. Pour ce qui est des niveaux d'immigration, vous connaissez
les chiffres qui ont été avancés. Est-ce que vous croyez
que ces niveaux - je vais poser la question - sont réalistes? Les gens
du Conseil économique, dont vous avez sans doute entendu parler du
mémoire puisqu'il a eu un peu un effet de bombe, disaient: On
préférerait que vous nous posiez la question à l'inverse:
Est-ce souhaitable? En tout cas, peu importe le qualificatif, les trouvez-vous
à la fois réalistes et souhaitables, ces niveaux d'immigration?
Croyez-vous que le Québec a à la fois la capacité physique
et la préparation sociopsychologique, parce qu'il faut préparer
une population à l'accueil? Croyez-vous qu'on a ce niveau suffisamment
pour dire que les niveaux d'immigration sont à ta fois réalistes
et souhaitables pour le Québec?
M. Mercier: Oui. Moi, je le crois réellement, sauf que
c'est bien évident qu'il y a des mentalités aussi qui changent de
jour en jour et on devra faire des efforts importants pour arriver à
faire en sorte aussi qu'il y ait une meilleure réceptivité, je
pense, de la part de l'ensemble de la population québécoise sur
ce plan-là. Mais vous allez avouer avec moi que... J'ai l'impression en
tout cas, on a l'impression que les choses ont bien changé depuis les
dernières années et qu'on y arrive. Et ce n'est pas... Je pense
qu'on ne peut pas se permettre quand même de diminuer l'immigration au
Québec; au contraire, au moins minimalement, il faut la maintenir et
surtout - surtout, je pense - dans la situation actuelle, en arriver à
l'augmenter. Je suis convaincu qu'avec l'ensemble des partenaires on peut faire
en sorte aussi que, sur le plan des structures d'accueil, effectivement,
tantôt, ces gens-là puissent se sentir heureux au
Québec, qu'on puisse les garder chez nous. C'est une chose qui peut
être faite, oui.
M. Boulerice: M. le maire, je m'aperçois que dans ce
débat, comme dans bien d'autres, l'Union des municipalités donne
le ton et j'étais vraiment très heureux d'entendre vos propos ce
matin. Je vous remercie pour votre présence à la commission.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de
la fin.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Mercier. Merci, monsieur. Je
voudrais justement aussi... Je prends bonne note de l'ouverture que vous
m'avez faite aussi concernant une activité de sensibilisation
lors d'un prochain congrès, d'un futur congrès et j'aimerais
ça, par exemple, que le personnel du ministère puisse entrer en
communication avec vous peut-être aussi, non seulement pour penser au
congrès, mais avec une consultation peut-être un petit peu en
profondeur avec les maires de vos municipalités pour enrichir le plan
d'action qui sera déposé en juin, ici. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, M. le maire. Je vous remercie de votre prestation. La commission en
tiendra certainement compte ultérieurement. Alors, ceci met fin à
votre témoignage et je vais suspendre les travaux une minute, le temps
que le groupe de l'Union des producteurs agricoles vienne prendre place. Alors,
la commission suspend ses travaux pour une minute.
M. Mercier: Nous vous remercions de votre attention et allons, je
pense, collaborer d'un certain mécanisme qui nous permettra de faire
effectivement, peut-être, ces sondages finalement, de sonder le milieu
minicipal. Et si jamais on peut apporter une aide sur ce plan-là, on se
dit disposés à le faire. Je pense que c'est dans
l'intérêt de nos municipalités et j'ajoute de nos
régions aussi.
Le Président (M. Gobé): Nous suspendons nos travaux
pour une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 25)
(Reprise à 10 h 27)
Union des producteurs agricoles
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez prendre place, nous allons maintenant continuer nos travaux.
J'inviterais l'Union des producteurs agricoles, représentée par
M. Jean-Yves Couillard, vice-président, et M. Gilles Besner, directeur,
à bien vouloir prendre place en avant. On m'informe que M. Couillard
n'est pas présent et que c'est M. Gaudet qui va le remplacer. Alors, si
vous voulez vous présenter et commencer votre témoignage, nous
sommes...
M. Gaudet (Pierre): Mme la ministre, M. le Président,
messieurs et mesdames, je vous dirai, en introduction, que l'Union des
producteurs agricoles ne se prend pas pour un spécialiste, entre
guillemets, de la question, mais, comme organisation professionnelle qui
représente l'ensemble des agriculteurs et qui représente 120 000
travailleurs forestiers impliqués dans l'industrie agro-alimentaires, on
a l'opinion que c'est une question terriblement importante sur laquelle on a
certainement déjà, à ce moment-ci, un certain nombre
d'opinions. Je voudrais vous dire en même temps qu'on voudrait avoir
l'opportunité, dans le temps, d'aller plus loin dans notre
démarche puisque c'est une question qu'on regarde depuis un certain
temps sans y avoir toutefois apporté tout le génie dont on est
capable.
Je vous présente donc le mémoire. S'il est un groupe qui
n'a pas à être convaincu de l'importance de l'immigration en tant
que facteur stratégique du développement économique du
Québec, c'est bien l'UPA. D'abord, parce que nous reconnaissons que des
personnes d'autres communautés ont grandement contribué à
la diversification de notre agriculture par l'introduction de nouvelles
techniques de production, particulièrement dans le secteur des
productions maraîchères; aussi parce que nous sommes conscients
des problèmes reliés à la pénurie de main-d'oeuvre
pour le secteur agricole. Encore ici, c'est dans le domaine des productions
maraîchères et fruitières que ce problème de
main-d'oeuvre ressort avec le plus d'acuité, ce qui ne veut pas dire
qu'il n'existe pas dans d'autres productions.
Même si c'est surtout dans les régions
métropolitaines que ce problème se manifeste le plus, nous le
voyons émerger dans certaines régions du centre du Québec,
telles la Mauricie et Nicolet.
L'UPA se retrouve donc au coeur de cette dynamique impliquant un nombre
élevé d'immigrants qui, souvent, comptent sur l'agriculture pour
se trouver un premier emploi. À titre d'exemple, mentionnons qu'en 1989
les services d'emplois agricoles rattachés aux fédérations
régionales de l'UPA ont trouvé de l'emploi à 181 228
personnes-jours. De ce total, 146 066 placements, soit 80 %, ont
été effectués dans la région de Montréal,
c'est-à-dire dans les fédérations des Laurentides, de
Lanaudière, de Saint-Jean-Valleyfield et de Saint-Hyacinthe. Finalement,
nous estimons à plus de 75 % de ce nombre les travailleurs et
travailleuses qui sont d'origine étrangère.
À ces données s'ajoutent celles des travailleurs
saisonniers qui englobent également un bon nombre d'immigrants.
C'est donc dans ce contexte précis que l'UPA se préoccupe
des questions de l'immigration et que nous tentons de plus en plus d'assumer un
rôle actif dans le processus d'intégration de ces immigrants dans
la société québécoise. D'ailleurs, le projet
récemment accepté par le MCCI, qui vise tant les
producteurs-employeurs que les travailleurs et les travailleuses agricoles, est
directement relié à cet objectif d'une meilleure
intégration économique, sociale et même culturelle de ces
personnes à la société québécoise par le
monde agricole.
Une fois cette toile de fond exposée, voici nos réactions
sur l'énoncé de politique ainsi que
sur certaines mesures qu'il nous met de l'avant.
Globalement, l'UPA supporte l'orientation générale mise de
l'avant par la politique gouvernementale proposée. L'insistance mise sur
le volet intégration va dans le sens du dernier avis que nous formulions
dans le cadre de la consultation annuelle du MCCI sur les niveaux
d'immigration. Pour nous, la question n'est plus de savoir si nous devons
acccueillir des immigrants au Québec; il en va de notre survie
économique et démographique.
Sur ce point, soulignons en passant qu'il nous apparaît que le
mécanisme retenu pour rétablir le niveau annuel d'immigrants
à accepter tient compte des bons facteurs et est suffisamment rigoureux
pour que nous puissions lui faire confiance. Ce niveau doit continuer de
s'ajuster sur de courtes périodes à la réalité
économique du Québec, tout en tenant compte de notre survie
à moyen et à long terme. La vraie question porte donc sur
l'intégration des immigrants à la société
québécoise. Et nous sommes heureux de constater que le
gouvernement entend intensifier les efforts dans les zones
d'intégration, soit en renforçant ce qu'il a fait
déjà, soit en développant de nouveaux moyens ou projets
qui aideront à développer ce volet.
Là où nous devenons prudents, toutefois, c'est lorsque
vient le temps d'appuyer une politique sans connaître les moyens qui la
supporteront, sans connaître le budget - et ici je pense qu'il faudrait
souligner le mot "budget" - qui lui donnera une certaine efficacité.
Nous ne pouvons effacer de notre souvenir d'autres politiques gouvernementales
qui promettaient beaucoup, et qui promettent toujours, faute de fonds pour
atteindre des objectifs fixés.
Si le Québec veut véritablement relever les grands
défis identifiés dans sa politique, soit: le redressement
démographique, la prospérité économique, la
pérennité du fait français, l'ouverture sur le monde, il
se doit d'occuper pleinement le champ constitutionnel de l'immigration.
Même si l'entente Couture-Cullen de 1978 nous a fait progresser dans ce
domaine en augmentant le rôle du Québec dans la sélection
des candidats, il reste que nous devons aller plus loin et maîtriser tous
les outils nécessaires pour que l'immigration joue son rôle
stratégique dans le développement économique,
démographique, linguistique et culturel.
Si le gouvernement est sérieux en rendant publique sa politique,
il doit viser l'exercice de ses pleins pouvoirs en matière de
sélection, d'accueil, d'établissement et d'intégration des
immigrants. De plus, comme les ententes administratives n'offrent pas de
garanties suffisantes pour établir une politique stable à long
terme comme l'exige celle de l'immigration, le gouvernement du Québec
doit rapatrier, dans le cadre de la révision constitutionnelle qui
s'amorce, sa pleine et entière juridiction dans le domaine de
l'immigration, s'il veut rendre crédible sa future politique.
Tout comme les terres agricoles se sont agrandies au cours des
dernières années, les enjeux reliés à l'immigration
sont devenus plus importants pour notre développement collectif. Autant
il nous est actuellement impossible de penser à aller cultiver nos
terres avec deux boeufs, autant le gouvernement du Québec doit voir la
nécessité de s'équiper d'instruments modernes et
adéquats pour réaliser la tâche qui l'attend et atteindre
les objectifs qu'il se fixe lui-même, et que nous partageons.
Dans un premier temps, nous supportons l'insistance de
l'énoncé de politique pour établir un lien encore plus
étroit avec la politique linguistique déjà existante.
Cependant, autant la stratégie proposée nous semble bien
articulée et intéressante au niveau de l'intégration - et
ce, dès la phase d'accueil - de l'accès aux services, de
l'implication dans les activités de la vie sociale et culturelle, autant
elle nous semble faible au niveau de la langue de travail. Je pense qu'ici il
faudrait peut-être faire un petit aparté pour dire que
l'expérience qu'on connaît dans le milieu rural, dans le milieu
agricole, pour les gens qui sont devenus de nouveaux exploitants, on se rend
compte que le taux de réussite est relativement bon. Toutefois, pour
avoir dans notre structure un genre de groupe d'accueil à partir de nos
syndicats de base, on se rend compte que les intervenants qui viennent acheter
des terres chez nous, qui viennent faire de la culture chez nous, avant de
partir de chez eux, souvent ils sont dans une situation où ils
connaissent très mal la place où ils s'en viennent. Par exemple,
pour un Européen, s'en venir faire de l'exploitation agricole au
Québec, c'est comme l'accès à un monde où l'espace
ne manque pas, sauf que les conditions pour faire de l'agriculture ici, en
termes de qualité de sol, de conditions climatiques, de conditions
économiques, les gens n'ont pas nécessairement une bonne
évaluation de cette situation-là et il y a une certaine
désillusion chez d'aucuns qui se sont en venus chez nous, qui ont
payé des organisations des fois à des prix qui sont, à mon
avis, un peu ridicules. Je pense que si on laisse faire l'intégration de
ces gens-là uniquement par les gens qui sont responsables de faire des
transactions financières, il y a un risque par rapport à la
qualité du travail qui va se faire là. Même si le taux de
réussite est bon actuellement, il y a là un signal que, je pense,
toute la collectivité québécoise doit recevoir à ce
moment-ci et elle doit s'équiper pour y faire face.
L'autre élément aussi qui m'apparaît important,
c'est que, parmi ceux qui sont venus chez nous, il y a effectivement beaucoup
de gens qui sont francophones, mais il y a aussi des gens d'autres langues. Ce
n'est pas du fait qu'on inscrive des enfants à l'école
française qu'on a réglé le problème de la famille.
On va en parler un peu plus loin, mais je voudrais vous donner
ici quelques exemples. Je connais des familles d'exploitants agricoles
qui, sur le plan de la compétence, en termes d'élevage ou de
production, sont des gens extrêmement compétents, mais ils se font
avoir dans les affaires, parce que les interprètes, ce sont des enfants
qui ont 7, 8, 10 ans. Il ne faut pas oublier que ceux qui sont en avant d'eux
autres considèrent ces nouveaux venus... Ils ont la renommée
d'avoir un bon porte-monnaie et ils se font assez souvent exploiter. Moi, je le
sais très bien pour avoir été obligé de m'impliquer
personnellement pour rétablir des équilibres dans le cas
d'entreprises, parce qu'on en a chacun dans nos communautés. Dans nos
paroisses, quand arrive un bonhomme comme ça, comme confrères en
agriculture, on essaie de l'envelopper, de le caresser un peu pour faire en
sorte que ces gens-là connaissent bien la situation, sauf qu'ils nous
craignent, nous aussi, dans une certaine mesure et c'est assez légitime.
Moi, en tout cas, connaissant les racines de l'agriculture, tu n'implantes pas
un agriculteur quelque part. C'est comme un arbre, il faut que ça se
développe et pour ça il faut avoir un terrain fertile à le
faire.
Les trois mesures mises de l'avant... Ah! je voulais juste dire une
autre affaire aussi avant de l'oublier! J'écoutais en m'en venant ce
matin une nouvelle qui disait que le ministère de l'Éducation,
par exemple - ça me surprend, mais en tout cas - va faire des coupures
budgétaires assez importantes dans la question de la formation,
particulièrement dans le secteur de l'immigration. Je me demande quel
est le lien entre une séance de travail comme celle qu'on fait
aujourd'hui etce qui s'est discuté à une autre table
detravail où on vous coupe vos moyens. Je ne mets pas en cause
votre volonté de bien réussir des choses, mais il me semble que
la stratégie gouvernementale, le fil conducteur qu'il doit y avoir, je
pense qu'il ne faut pas considérer tout le monde comme des
innocents.
Le Président (M. Gobé): Monsieur, vous avez
posé la question et, comme président de cette commission, je vais
me permettre de vous ramener gentiment à l'ordre. Nous sommes ici pour
tenir une consultation générale sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et non des stratégies
gouvernementales. Alors, je pense que la cohérence, c'est qu'on est ici
pour écouter vos mémoires sur l'immigration.
M. Boulerice: Écoutez, il est cohérent. Je vous en
prie, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je ne vous empêche
pas d'avoir le droit de leur faire part quand même aux membres. Vous
savez, on a compris votre message, mais je pense que vous avez posé une
question et...
M. Gaudet: Je vous remercie beaucoup de me ramener à
l'ordre, mais...
Le Président (M. Gobé): Simplement, gentiment,
pour... Vous sembiez douter du but de la commission et le but, c'est de tenir
une consultation générale sur les politiques d'immigration et les
niveaux d'immigration souhaités.
M. Boulerice: Le doute habite toujours tout le monde, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): M. le député,
s'il vous plaît, laissez la parole à...
M. Gaudet: Ne pas semer la confusion au sein de la commission, M.
le Président...
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer
à procéder avec votre mémoire.
M. Gaudet: Je m'en excuse. Moi, vous savez, je suis un
agriculteur et on est habitués à faire le lien entre toutes les
choses. Parce qu'il n'y a rien, dans la nature, qui soit là
carrément tout seul, tout est lié et tout se tient.
C'était juste pour ça, c'est à cause de notre habitude de
raisonnement, et je m'en excuse auprès des membres de la commission.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez continuer.
M. Gaudet: Or, les trois mesures mises de l'avant pour supporter
le rôle de la langue de travail dans le processus d'intégration
linguistique des travailleurs et travailleuses allophones nous semblent
très faibles, compte tenu du rôle crucial que joue le travail dans
la vie d'une personne et de son effet d'entraînement sur les autres
plans. Nous reconnaissons que des progrès ont été
réalisés quant à l'intégration linguistique au
cours des dernières années. Par ailleurs, il ne faut pas tourner
les coins trop rondement et prétendre que dès qu'un jeune est
inscrit à l'école francophone le problème de
l'intégration linguistique est réglé pour toute la
famille.
La fonction sociale dévolue au travail est trop importante pour
la sous-estimer. Un nouvel arrivé ne peut se payer le luxe d'apprendre
une langue simplement pour son développement personnel. Cet
apprentissage doit être fonctionnel pour être significatif et
motivant. À quoi sert d'apprendre le français, à quoi
équivaut d'envoyer ses enfants à l'école française
si le père travaille en anglais? Nous pouvons présumer que toute
la famille retiendra qu'il faut parler anglais pour gagner sa vie au
Québec.
Toujours dans le domaine de la cohérence des politiques
gouvernementales, nous avons également d'autres interrogations sur la
synchronisation de la politique d'immigration avec celle
de la main-d'oeuvre, du bien-être social, ou encore celle de la
formation professionnelle. Nous ne voulons pas faire ici l'analyse de ces
différentes politiques et de leur lien avec la politique d'immigration.
Nous ne voulons qu'exprimer le sentiment que tout ne tourne pas rond, qu'un
problème existe et que si les immigrants nous forcent à clarifier
certaines situations qui embêtent les Québécois d'origine,
nous pourrons les remercier d'avoir fait évoluer le Québec.
En regard de la régionalisation, l'énoncé de
politique constate que les nouveaux arrivants ont tendance, dans une
très forte majorité, à s'installer dans la région
métropolitaine. Honnêtement, qui peut les en blâmer? Les
états généraux du monde rural, tenus récemment, ont
de leur côté fait le constat que nos campagnes se vident au profit
des pôles urbains et, tout particulièrement, de la région
métropolitaine. Les états généraux ont parlé
de désertification humaine de nos campagnes, de
désagrégation du monde rural, et on demanderait à un
immigré qui vient de la région du Sahel de changer de
désert.
Sur cette question, l'UPA ne peut rester silencieuse et ne pas signaler
que cet aspect est probablement le gros point faible de l'énoncé
de politique gouvernementale soumis à la consultation. Au même
titre qu'un nouvel arrivant n'apprendra pas le français s'il ne peut
gagner sa vie en français, il ne se rendra pas dans une région du
Québec où il ne peut gagner sa vie en travaillant dans cette
région.
Le document de l'énoncé mentionne, un peu candidement
à notre avis, que les régions pourraient bénéficier
davantage de l'immigration pour leur développement économique. On
s'appuie sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration
pour avancer que "les actions visant à promouvoir l'établissement
des immigrants à l'extérieur de la métropole doivent
nécessairement s'inscrire dans le cadre d'une politique de
développement régional." Nous sommes d'accord avec la
recommandation du Conseil.
Dans la même page, on affirme que "le Québec poursuit,
depuis quelques années, une importante politique de développement
régional." Permettez-nous d'en douter, et on pourrait citer des exemples
à la tonne pour identifier notre inquiétude. Non, le
Québec n'a pas de perspective globale de développement à
long terme des régions. Le Québec n'a pas de stratégie de
développement du monde rural. Nous n'avons pas de stratégie
articulée de développement économique des régions
axée sur des objectifs communs et partagés par les populations.
Et ce n'est pas parce que les budgets sont acheminés par les deux
niveaux de gouvernement dans les régions périphériques que
nous avons une politique de développement régional.
La mise en place d'une telle politique est essentielle pour attirer les
immigrants vers les régions et compter sur eux pour une relance
économique. Les moyens mis de l'avant par la politique pour favoriser la
régionalisation, même s'ils sont intéressants, nous
apparaissent insuffisants. (10 h 45)
Parmi les moyens supplémentaires à développer, nous
souhaitons que les pistes suivantes soient explorées: L'idée des
clubs de placement, retenue par les mesures reliées à l'accueil
et au soutien à la première insertion socio-économique,
nous apparaît suffisamment intéressante pour que nous proposions
au MCCI d'implanter un minimum de ces clubs dans chaque région du
Québec, en spécifiant qu'un de leurs rôles majeurs est
d'amener des nouveaux arrivants dans leur région.
Lorsqu'il est question de la formation interculturelle des intervenants,
le document se réfère à une invitation faite par le CREPUQ
pour former un groupe de travail ad hoc avec le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, afin de soutenir l'adaptation
des universités à la réalité pluraliste, notamment
dans le cadre de divers programmes de formation. Autant nous trouvons
intéressante cette initiative, autant nous nous demandons pourquoi une
invitation similaire n'a pas été faite à des responsables
du niveau collégial, pour qui la question de l'adaptation des
réalités est au moins aussi importante que pour le niveau
universitaire, et probablement plus stratégique, compte tenu que les
collèges sont plus nombreux que les universités, sont
présents dans toutes les régions du Québec et rejoignent
davantage d'immigrants que les universités.
Enfin, nous attirons votre attention sur l'existence, dans chacune des
fédérations régionales de l'UPA, des services d'emplois
agricoles qui se préoccupent déjà de répondre aux
besoins en main-d'oeuvre des producteurs et productrices agricoles. Nous
croyons que ces services pourraient jouer un rôle significatif dans
l'accueil et l'intégration des immigrants et que le MCCI aurait
avantage, au moins, à les connaître davantage, sinon à les
utiliser dans une stratégie concertée de régionalisation
de l'immigration.
En guise de conclusion, comme nous l'annoncions au début de notre
intervention, nous supportons les orientations globales mises de l'avant par
l'énoncé de politique, et ce, tant au niveau de défis
majeurs à relever que des objectifs mis de l'avant pour y parvenir.
Nous rappelons que c'est au niveau des moyens que des questions se
posent, et ce, tant au niveau des budgets qui supporteront cette politique
gouvernementale que de leur réalisme au niveau des effets
escomptés.
En tant qu'acteur économique important au niveau du
Québec, les producteurs et productrices agricoles ne peuvent donc que
souhaiter voir se maintenir le poids démographique au Québec, que
souhaiter une plus grande prospérité économique
dans un Québec qui affirme encore davantage son fait
français, tout en demeurant ouvert sur le monde et aux autres cultures.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Gaudet. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la ministre, pour une petite
question.
Mme Gagnon-Tremblay: Je veux vous remercier, bien sûr, et,
même si vous ne vous considérez pas comme des spécialistes,
je trouve vos propos tout à fait... Vos propos ont l'avantage
d'être très terre à terre. Vous avez quand même
allumé plusieurs lumières, quant à moi, et je prends bonne
note de ces propos, entre autres, la question du français. Vous savez
qu'on essaie de développer actuellement, avec le ministère de
l'Éducation, la possibilité, pour des petites cellules, parce
qu'on sait que ces familles se retrouvent parfois un peu isolées
d'autres communautés. On essaie de donner des cours de français
pour la famille, parce qu'on sait qu'il y a certains problèmes. Je pense
aussi au rendement. Remarquez, j'ai des personnes qui ont créé
des emplois, c'est-à-dire qui ont développé leurs fermes
dans ma propre région. Ce sont des Suisses, des Belges, qui ont des
entreprises très florissantes maintenant et qui font même de la
transplantation d'embryons et qui sont très reconnus. Mais je pense,
comme vous le disiez, qu'il faut les aider.
Quand on parle la langue, déjà, il y a un obstacle en
moins, mais quand on ne parle pas la langue... Vous avez
développé quelque chose de très intéressant du
côté de l'exploitation. On peut exploiter quelqu'un et il ne
faudrait pas justement qu'on ait cette image ou cette marque. Il ne faudrait
pas laisser cette marque de commerce des Québécois, de vouloir
exploiter ces gens qui arrivent. Alors, je pense qu'il y a des choses qu'on
peut faire avec vous et j'y reviendrai peut-être un peu plus tard. Mais
je sais que j'ai un collègue qui est dans une région très
agricole et qui désirerait vous poser des questions, alors je vais lui
passer la parole, si M. le Président me le permet. Et je pourrai revenir
à la toute fin.
Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous pouvez commencer
votre intervention. Il vous reste une quinzaine de minutes, à peu
près.
M. Messier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gaudet.
D'ailleurs, je travaille en étroite collaboration avec la
fédération de Saint-Hyacinthe et on rencontre souvent ceux qui
s'occupent du placement de la main-d'oeuvre. On vit des problématiques
assez dramatiques dans la région de Saint-Hyacinthe, et je pense que
vous en avez fait mention. D'ailleurs, dans les statistiques, à la page
2, vous faites mention qu'effectivement vous placez quelque 80 personnes en
région, dans
Lanaudière, Saint-Jean-Valleyfield et Saint-Hyacinthe, et 75 % de
ce pourcentage provient d'origine étrangère. Et si je regarde la
région de Saint-Hyncinthe, avec la ferme Spingola c'est environ 70
personnes d'origine mexicaine qui viennent et c'est évident qu'il y a
des négociations qui se font toujours avec le MCCI, le ministère
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu, et vous pour
essayer peut-être d'accroître, en tout cas il y a des
négociations. C'est évident que nos gens en voudraient davantage,
parce que notre population mascoutaine, ou ailleurs dans la province, n'a pas
beaucoup d'intérêt à aller travailler sur les fermes
agricoles. Et ça, c'est vraiment dommage Et la problématique, on
la vit quasiment tous les jours; principalement, on va la vivre encore pour les
prochains mois lorsque les cultures vont commencer.
Vous avez aussi fait mention de développement régional en
disant qu'on n'avait pas une politique intégrée en matière
de développement régional. Je fais référence aussi
à notre problème qui est relativement crucial, et je le vois
à tous les jours, principalement quand j'ai fait ma campagne
électorale, rang par rang. J'ai vu des pères de famille pleurer,
parce qu'ils n'ont pas de relève agricole. Ceux qui en ont ne veulent
pas travailler sur les fermes et ceux qui n'ont pas d'enfants, qu'est-ce qu'ils
font avec les fermes? Est-ce que vous pensez que, par une politique
cohérente d'immigration, il est possible d'aller chercher des immigrants
- je pense que vous y avez fait référence dans le texte et,
là, je fais référence au fait qu'on a des Suisses, comme
à Saint-Simon, qui sont très bien intégrés, et
ça fonctionne très bien - et est-ce qu'il y a possibilité
d'aller chercher d'autres producteurs agricoles dans d autres pays, les
intégrer graduellement chez nous pour qu'ils deviennent des producteurs
actifs, ici, au Québec? Et de quelle façon pourrait-on faire
ça? Vous y avez fait référence tout à l'heure en
disant qu'on devrait, lorsqu'on va chercher des immigrants ailleurs, leur
montrer un petit peu tout l'aspect climatique. C'est évident qu'entre
deux pays il y a des choses très différentes au niveau
climatique, mais j'aimerais ça que vous précisiez davantage de
quelle façon on peut aller chercher des producteurs agricoles et les
implanter dans des régions à forte concentration agricole.
M. Gaudet: M. le député, il y a deux
éléments qui sont importants pour nous autres. Vous soulevez deux
points de façon particulière et il faut faire bien attention de
ne pas mêler les choses. La question de la main-d'oeuvre agricole, c'est
une question qui est complète en soi et qui doit être
répondue elle-même dans son contexte particulier. La question du
développement de l'agriculture par l'immigration, je ne pense pas qu'il
faille compter que là-dessus,
globalement. Mais puisqu'on est à une table de travail...
M. Messier: Sur l'immigration.
M. Gaudet: ...qui aborde cette question-là, il y a
certainement un volet intéressant à développer en termes
d'outils de développement avec une politique d'immigration qui serait
articulée et qui serait basée sur une logique de
développement. Mais ça, ça doit se faire avec l'ensemble
des partenaires du milieu. Je pense qu'on vient de faire un exercice à
l'UPA qui s'appelle les états généraux, où on a
convié les partenaires du monde rural dans une discussion qui
était plus large, bien sûr, qu'uniquement la question de la
production agricole.
Donc, si on veut arriver avec une politique globale qui a une logique -
j'entendais, étant arrivé un petit peu à l'avance ce
matin, les intervenants précédents parler de l'immigration dans
le milieu rural - c'est évident que le monde rural a besoin de se
concerter avec l'État pour développer une politique d'immigration
articulée. Quelle sera cette politique? Moi, à ce moment-ci, je
ne peux pas vous répondre là-dessus. Y a-t-il
intérêt à vouloir en développer une? Oui, il y a
intérêt à vouloir en développer une, mais en
même temps il ne faut pas imaginer que le problème du
développement régional, le problème du
développement agricole va se régler par une politique
d'immigration. C'est un des outils permettant d'arriver à
répondre à des questions particulières comme celles que
vous avez soulevées. Mais pour quelles raisons n'y aurait-il pas de
relève en agriculture au Québec?
M. Messier: Ah! il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de
compte! Le prix des fermes et...
M. Gaudet: Ah! ce n'est pas une question uniquement
d'immigration!
M. Messier: Non, non, c'est plus que ça.
M. Gaudet: Ne voulant pas me faire rappeler à l'ordre une
autre fois par le...
Le Président (M. Gobé): Non, allez-y, je vous en
prie, c'est très intéressant d'ailleurs. Vous êtes dans
l'ordre, là, M. Gaudet. Je vous en prie.
M. Gaudet: C'est qu'il y a plus que ça. Et la question
fondamentale, c'est toute la question du développement agricole et rural
qu'il faut revoir globalement. Bon! Pourquoi, par exemple, mes fils et mes
filles chez nous voudraient ou ne voudraient-ils pas prendre la relève?
Il peut y avoir des questions qui sont d'attitude ou d'aptitudes des invididus.
Mais, en plus, si eux, mes enfants, se rendent compte de ce qu'on peut offrir
en comparaison, ce que l'agriculture ou l'exploitation peut offrir en
comparaison à d'autres métiers ou à d'autres professions
et que je ne suis pas dans le bon système parce que je tire le diable
par la queue - excusez l'expression - bien, je veux dire, on vit dans une
société à part entière où nos enfants ont au
moins le même quotient intellectuel que les autres. Donc, je veux dire
que la question du choix se fait en fonction de ce qui est offert comme
brochette. Mais, dans ce sens-là, on a intérêt à ce
que tout le monde se colle l'épaule à la roue, pas
nécessairement pour qu'un par rapport à l'autre soit un
vainqueur, mais c'est que la solution globale, elle, soit positive et que les
retombées reviennent sur l'ensemble du milieu. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question, mais je ne suis pas habitué,
moi, de faire ces affaires-là.
M. Messier: Oui. Sur un autre point de vue, là on a
touché peut-être des producteurs ou - comment je pourrais dire
ça? - des promoteurs ou des agriculteurs qui sont propriétaires,
mais au niveau pas nécessairement de la relève, mais des
travailleurs agricoles... Je prends la référence Réal
Laflamme à Sainte-Rosalie qui est médaillé d'or et un de
ses deux travailleurs ou deux employés est un immigrant et j'essaie
d'avoir une sorte de politique cohérente. Là, je fais du coq
à l'âne. Ce gars-là a des travailleurs mexicains, 70, et,
en même temps, il y a beaucoup de travailleurs qui viennent de Waterloo,
la prison de Waterloo. On essaie d'avoir... On essaie d'équilibrer...
Parce qu'il a quand même besoin d'entre 150 et 200 employés par
jour et on essaie d'avoir un certain équilibre et on a des
problèmes avec Waterloo, pour avoir toujours le même nombre de
prisonniers pour qu'ils viennent travailler sur les fermes agricoles. Et je
sais qu'on est en pénurie de main-d'oeuvre agricole. C'en est
épouvantable.
Est-ce que dans une politique, dans un plan d'action qui va venir
après avec la politique, on devrait "focuser" davantage pour aller
chercher des travailleurs agricoles extérieures? Parce qu'il ne faut pas
compter sur nos assistés sociaux. Il ne faut pas compter sur la
relève. Nos travailleurs, actuellement, ils ne veulent pas aller
travailler sur les fermes agricoles. Ils ont besoin d'une qualité de
vie. D'ailleurs, il y a des problèmes de relève agricole parce
que, lorsqu'ils sont à l'école ensemble, ils voient les
conditions de vie d'un citadin, d'un gars de la ville, puis lui est
obligé de se lever à 4, 5 heures le matin pour aller faire le
train. Il arrive le soir, il va faire le train encore. Il y a une
qualité de vie, là, chez les producteurs agricoles, qu'on ne
retrouve pas chez des citadins, des gens de la ville. Mais chez des producteurs
à l'extérieur du pays, est-ce qu'il y a possibilité
d'aller chercher ou de "focuser" davantage en allant chercher des immigrants
à l'extérieur? Des Mexicains, prin-
cipalement des Mexicains, parce que ce sont de très bons
travailleurs qui aiment la terre. Est-ce qu'il y a possibilité d'aller
chercher plus de Mexicains pour venir ici s'établir au Québec et
travailler sur des fermes? C'est quoi la coordination? Qu'est-ce que l'UPA
pourrait faire pour nous aider au niveau des travailleurs agricoles?
M. Gaudet: M. le député, je voudrais vous dire que
pour nous autres, les producteurs agricoles, la première main-d'oeuvre
à privilégier, c'est la main-d'oeuvre locale. Et là, il
faut regarder la situation dans son ensemble. Pour des producteurs, la
décision de semer ou de ne pas semer dans certaines productions est
dépendante de la capacité d'avoir de la main-d'oeuvre pour faire
l'entretien et la récolte à sa fin. Si je prends ça comme
analyse, ce que vous avez fait, dans une certaine mesure, c'est correct. Sauf
qu'en même temps que j'ai dit ça, au Québec, on a une
responsabilité par rapport aux gens qui sont chez nous, n'est-ce pas?
Deuxièmement, par rapport à une décision d'ouverture sur
des gens qui viennent d'ailleurs et qui apportent chez nous leur talent, leur
expertise, leur volonté, leur capacité de travail, leur
engagement, moi, quand j'invite quelqu'un chez moi, il y a un minimum de choses
au préalable que je veux savoir. Si je l'invite à dîner, il
faut que je commence par savoir si j'ai de quoi à lui donner à
manger. Ça, c'est la première des questions qu'il faut que je me
pose à moi avant d'apporter l'invitation. Admettons que c'est un peu
simple, là, mais ça, c'est une question qui est fondamentale.
Deuxième question, savoir: Est-ce que j'ai une place à la
table9 Une fois que je l'ai invité, que je sais que j'ai de
quoi à manger, ai-je une place pour lui à la table ou bien si
déjà la table est pleine? S'il y a de la place, j'ai une
deuxième question de répondue. La troisième question que
j'ai après, c'est: Va-t-il rester juste à dîner ou bien
s'il arrive pour coucher? Je comprends que, par rapport à l'analyse que
vous faites et ce que vous venez de me dire, vous pourrez peut-être
identifier ma réponse comme étant un peu simpliste mais pour nous
autres, les producteurs, c'est comme ça qu'elle se pose la question. Et
là, je vous ai dit tout à l'heure et vous me ramenez sur la
question de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière. (11
heures)
Bon, c'est évident qu'on a des problèmes de main-d'oeuvre,
sauf qu'à ce moment-ci nous autres, comme organisation, notre objectif,
ce n'est pas d'être un exploiteur de main-d'oeuvre captive qui vient de
l'extérieur et des gens qui viennent chez nous pendant six mois et qui
retournent chez eux après et qui reviennent chez nous. Si on a une
politique d'immigration qui est un tant soit peu logique, ces gens-là,
s'ils viennent gagner leur vie chez nous, pourraient s'installer chez nous et
devenir des Québécois à part entière. Ils ne
viendront pas faire qu'une chose, chercher une partie du résultat sans
avoir à supporter cette province-là ou les infrastructures. Comme
citoyens québécois ouverts à cette question-là, il
faut la regarder dans une perspective qui est plus large qu'uniquement la
question d'avoir une main-d'oeuvre saisonnière. Il faut la regarder dans
une perspective où l'immigration peut être un outil pour
répondre à des besoins de main-d'oeuvre, un matin, mais ça
doit être aussi un outil de développement pour le Québec,
pour les régions, pour des productions dans le cas de l'agriculture,
pour l'économie, de façon plus globale.
C'est pour ça que j'ai de la difficulté à
répondre à votre question sur la stricte question du volume de la
main-d'oeuvre. Et notre responsabilité à nous, devant la
commission, c'est de demander à la commission d'avoir une perspective ou
une vision qui est plus grande qu'uniquement ce type de questions là
disséquées du reste de la société. Je pense que
vous avez une responsabilité, comme gouvernants, d'être un
intervenant majeur par rapport au développement de cette
vision-là. Ce qu'on vous a dit dans le mémoire, on vous a dit...
Je pourrais vous résumer ça, moi, dans deux petites phrases. On
vous a dit: Le plan, ça nous apparaît qu'il a du bon sens. Il a
besoin d'être raffiné, par exemple, et il faut qu'il soit
raffiné avec les gens du milieu. Donc, il y a une table de travail
à créer à laquelle on va mettre les parties en
présence, sauf que là où on est inquiet: Ça vaut-il
la peine d'aller à la table de travail s'il n'y a rien à mettre
au bout sur le plan pratique? On en a - excusez-moi l'expression - plein le
casque de se mettre à des tables de travail, de dépenser des
énergies extraordinaires pour faire des projets et arriver au bout et
dire: Savez vous, là, on n'a pas de moyens pour aller là. La
première question à laquelle il faudrait répondre:
Qu'est-ce que tu as à mettre sur la table? En as-tu, du bacon, à
mettre sur la table? En as-tu, des piastres, à mettre sur la table?
As-tu des moyens à mettre sur la table? S'il n'y en a pas, n'en parlons
pas parce qu'on crée des illusions et ces illusions-là
créent des appétits et un appétit qui n'est pas
comblé... Ça prend un agriculteur pour savoir que quand tu as
donné l'appétit à quelqu'un, si tu ne lui a pas
donné à manger, prépare-toi, il va faire mauvais. Il va
faire mauvais, certain
Donc, vous avez une responsabilité, l'État, et cette
responsabilité-là, nous autres, on est prêt, on est
volontaire à y souscrire, sauf que là où on est inquiet
actuellement, c'est de dire: Va-t-on continuer à s'engager dans des
démarches où il y a un extra beau discours, mais ça ne se
traduit pas dans l'action, même si le discours était parfait.
Juste ça.
Le Président (M. Gobé): Très bien, M.
Gaudet. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Messier: Est-ce qu'il me reste encore quelque temps avant
de...
Le Président (M. Gobé): Oui. M. Messier: Ça
va.
Le Président (M. Gobé): Allez-y. J'aurai une petite
question, moi aussi, après.
M. Messier: C'est parce qu'il semble, à la lecture non pas
de votre document, mais d'autres lectures, qu'il y a un projet-pilote qui est
en train de se faire entre le MCCI et le MAPAQ pour définir les
principaux paramètres, déterminer des régions, des modes
de recrutement des producteurs agricoles, des agriculteurs immigrants. Je pense
que c'est déjà une alternative, essayer de trouver un petit peu.
Je ne sais pas si vous avez été consultés par le MAPAQ ou
le MCCI pour savoir le profil d'un producteur agricole immigrant qui viendrait
s'établir. Est-ce que vous avez été consultés par
le MCCI ou par le MAPAQ sur un projet comme ça?
M. Besner (Gilles): Je ne comprends pas trop votre question,
à savoir: En quoi on aurait pu être consultés?
M. Messier: Je voulais juste savoir. C'est parce qu'il y a un
projet. Actuellement, il y a un projet-pilote pour définir certains
paramètres par rapport à ce que devrait être un producteur
agricole immigrant. Je voulais juste savoir si vous avez été
consultés pour définir un peu le profil de ce
producteur-là.
M. Besner: C'est parce que vous commenciez votre question en vous
référant au projet qui existe actuellement à partir des
fonds du MCCI et qu'on mène un autre projet que j'ignore et sur lequel
on n'aurait pas été consultés. Je suis un peu surpris
qu'on mêle tant que ça les deux problématiques: celle de la
main-d'oeuvre et celle de l'immigration. Je veux dire, on n'a pas
intérêt du tout. Nous, on s'est retenus beaucoup là-dedans.
Ce qu'on vous souligne, c'est, en quatre lignes, qu'il y a des liens à
faire avec d'autres politiques: la politique de bien-être social, la
politique de formation professionnelle, mais il ne faut pas mêler les
deux. Je regardais tantôt...
M. Messier: Mais, moi, je vous dis que Spingola, il fait faillite
du jour au lendemain s'il n'a pas ses Mexicains. Ce sont les 10 Mexicains qui
viennent travailler. S'il ne les a pas, il fait faillite.
M. Besner: Je ne dis pas qu'il n'y a pas un problème chez
Spingola.
M. Messier: Non, mais il y en a d'autres. Je regarde André
Chenail qui est député, qui est quand même producteur
maraîcher, s'il n'a pas ses Mexicains, il ferme ses portes. On en a
besoin de cette main-d'oeuvre parce que notre capacité de
Québécois - moi, je le vis, je ne sais pas si vous le vivez - nos
Québécois ne veulent pas aller travailler sur les fermes. C'est
dur de travailler sur une ferme. Ce n'est pas une panacée.
Le Président (M. Gobé): C'est parce qu'on
s'éloigne un peu du sujet. Là, on parle d'immigration temporaire,
des travailleurs occasionnels, alors que nous sommes sur l'immigration et les
quotas d'immigration permanente. Ceci étant dit, rapidement, vous pouvez
répondre pareil, mais juste pour éviter que le débat ne
s'embourbe, il y a une direction...
M. Besner: Je pense que c'est essentiel qu'on ne mêle pas
les deux, parce que, concrètement, quand on parle des travailleurs
mexicains chez M. Spingola, on ne parle pas d'immigration. On parle de
main-d'oeuvre saisonnière qui vient ici régler des
problèmes qu'on n'est pas capables de régler chez nous.
C'est-à-dire que la différence entre un immigré et un
travailleur mexicain, c'est que le Mexicain vient ici pour six mois; il sait
quand il arrive et il sait quand il va repartir. Mais le travailleur
immigré, il va ressembler au gars du bien-être. Le gars du
bien-être, il attend le bien-être, il attend le chômage, dans
le fond. Il vient travailler en agriculture en attendant. Il ne faut pas
confondre les deux parce que, autrement, vous n'irez nulle part avec ça.
Ça m'apparaît majeur, au moins quand on pose le questionnement de
ces politiques-là, de ne pas confondre les deux, parce que les solutions
ne sont pas débrouillées si on pose les deux dans le même
paquet.
M. Messier: Vous avez raison.
M. Besner: On parlait tantôt de main-d'oeuvre captive,
à Cowansville, il y en a, mais c'est fa seule qui existe au
Québec. Il ne faut pas tout mêler, là. Dans ce
sens-là, le travailleur immigré qu'on va intégrer au
Québec ou qu'on voudra intégrer au Québec ne se mêle
pas avec le Mexicain. Il s'identifie aux gens qu'on veut intégrer
à temps plein. Il ne sera pas, lui, disponible pour aller trois semaines
chez un producteur maraîcher et le restant de l'année se demander
quoi faire; sinon, on le retrouve sur le bien-être, comme on retrouve
déjà des Québécois.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Besner. Je pense
qu'il faut être bien prudent de ne pas mélanger les deux
catégories, parce que ce sont des statuts juridiques complètement
différents pour les gens. Moi, j'aurais peut-être une petite
question à vous poser, M. Gaudet. Vous avez beaucoup parlé des
agriculteurs européens qui viennent s'établir au Québec
sur des terres.
Moi, personnellement, étant d'origine européenne aussi,
j'en connais plusieurs. Je viens d'une région qui est urbaine, mais mes
grands-parents sont d'une région d'agriculteurs, j'y vais à
l'occasion, et j'ai l'occasion de parler avec quelques-uns.
Une des interrogations que vous avez soulevées, c'est que les
gens n'ont pas toujours, selon vous, la vue réelle de ce qui les attend
lorsqu'ils viennent au Québec. Là-dessus, je peux aller dans
votre sens en disant: C'est vrai, ils s'attendent à trouver des grands
espaces, des grosses masses de production, des productions à
l'américaine. Il y avait beaucoup de désillusions. Le
marché n'est pas le même, la culture n'est pas la même non
plus. Ça peut amener, des fois, des gens à investir beaucoup
d'argent, à vendre leurs propriétés en Europe, venir
acheter ici en étant un peu aguichés par des vendeurs
immobiliers. Je me demande s'il n'y aurait pas, dans l'intérêt
général du Québec et de ces gens-là, une
crédibilité, s'il n'y aurait pas un intérêt à
ce que l'UPA se joigne au ministère pour peut-être faire de la
promotion ou agir à titre d'organisme-ressource lorsqu'on est sujet
à des demandes ou à de la prospection Est-ce qu'on pourrait avoir
de la prospection, dans un premier temps? Parce qu'il y en a certainement qui
sont intéressés. De l'autre côté, lorsqu'on a des
demandes qui viennent sans prospection, est-ce que vous ne pourriez pas,
là aussi, jouer un rôle de conseil et dire aux gens: Attention! tu
vas t'en aller dans telle chose, telle chose, telle chose! Si tu n'es pas
prêt à faire face à telle et telle responsabilité ou
telle et telle difficulté, tu vas avoir des problèmes. En
d'autres termes, le Québec, ce n'est pas la France, ce n'est pas
l'Allemagne, ce n'est pas la Belgique. Comment verriez-vous ça?
M. Gaudet: Écoutez, quand je vous ai dit, au début
de notre présentation, qu'on avait encore beaucoup de réflexion
à faire, la question que vous nous posez là, c'en est justement
une. Nous, on s'interroge au niveau de la profession à savoir comment on
pourrait intervenir. En même temps, il y a une autre chose qu'on sait. Le
développement du partenariat qui est en train de se faire, actuellement,
dans le monde rural, la question qu'on se pose est: Va-t-on être le seul
partenaire? Est-on tout seul là-dedans? Si on est tout seul, est-ce
qu'on va demander la permission aux autres avant d'agir? Ça, c'est une
question. Parce que dans notre tête, à nous, le mot "partenariat",
ça veut dire qu'on prend un engagement commun et qu'on s'entend sur la
partie qu'on va supporter.
Vous me dites: Est-ce que l'UPA, comme organisation, est prête
à faire une démarche de sensibilisation par rapport à
d'autres producteurs agricoles dans le monde qui seraient à venir au
Québec pour s'assurer que la situation est mise en place? Je voudrais
juste vous dire qu'on reçoit dans nos structures, autant au niveau
provincial qu'aux niveaux local et régional, des centaines de
producteurs agricoles d'un peu partout dans le monde à chaque
année qui viennent justement questionner ces points-là, parce que
c'est évident que les quelques mauvaises expériences qu'ils ont
eues ont des effets. Que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, ceux qui
ont connu des mauvaises expériences ici sont comme vous, ils ont encore
de la famille là-bas et l'expérience négative est toujours
plus répandue que l'expérience positive. Nous autres, on pense
qu'il y a de quoi qui devrait être fait là, sauf qu'à ce
moment-ci on a amorcé ce travail-là sur la base d'ouvrir nos
structures à accueillir des gens qui, avant de poser des gestes, veulent
s'informer, mais on n'a pas développé une stratégie
d'aller informer des gens sur leur terrain, chez eux, pour leur dire c'est quoi
le Québec d'ici du point de vue agricole.
Le Président (M. Gobé): Le ministère ne
devrait-il pas mettre dans ses critères de sélection, avant de
donner un visa à un immigrant-agriculteur-investisseur, l'obligation
d'une entrevue au moins avec un représentant de l'UPA? C'est une
question. Est-ce que ça pourrait être utile?
M. Gaudet: Nous autres, là... Écoutez bien! Il ne
faut pas que tu oublies que quand on reçoit du monde... Moi, je les
reçois sur ma main et c'est moi qui paie la facture. Si je suis en train
de faire votre job et que je paie la facture, je vais y penser avant de dire
oui sans réticences, mais, sur le plan d'une logique pure, on s'accorde
sur le fait qu'on ne peut pas avoir une politique d'immigration qui ne
donnerait pas l'information aux gens qui viennent chez nous. Est-ce que c'est
nous qui allons la faire ou bien si c'est l'État? Bien, peut-être
qu'on peut trouver une façon de s'en parler et trouver une solution,
mais on s'entend sur le fait que l'information doit être bien faite. Si
vous n'êtes pas capables de la faire, vous nous le direz, on va regarder
un moyen pour la faire.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie de votre
réponse. Maintenant, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Gaudet, M. Besner. Je pense que vous
n'étiez pas hors d'ordre, c'était tout à fait à
propos de faire état de coupures dans d'autres secteurs. La ministre des
Corn munautés culturelles et de l'Immigration n'est-elle pas
également vice-présidente du Conseil du trésor? Donc, on
coupe à partir des ordres du Conseil du trésor et c'est tout
à fait normal que vous choisissiez le bon canal pour faire passer votre
message.
Une voix:
M. Boulerice: Vous ne l'avez pas passé. Bon. Je vous
informe. Ceci dit, ça peut sans doute peut-être vous
paraître un peu paradoxal qu'un député de béton, de
néon et d'asphalte comme le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques vous parle d'agriculture, mais que voulez-vous? Si
mon collègue, le député de LaFontaine, a des
grands-parents qui étaient propriétaires terriens, c'est
également mon cas. Le dernier député libéral
à temps plein de ma circonscription était un ministre de
l'Agriculture qui est passé à l'histoire à cause d'une
culotte qu'il avait achetée aux frais de l'État, donc, bien des
raisons m'incitent à m'intéresser à l'agriculture comme
telle et les questions que j'aimerais vous poser...
Une voix: À défaut d'un manteau! M. Boulerice:
Pardon?
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît!
À l'ordre, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Boulerice: Et j'ai toujours dit que comme porte-parole
à la culture, M. Gaudet, je n'ai jamais établi de
différence entre le sillon et le microsillon. Tous deux sont
d'égale importance au Québec. J'ai toujours dit, M. Gaudet, que
les pays riches de demain étaient les pays les plus scolarisés et
les pays qui produisaient des denrées alimentaires. Ce n'est pas les
pays producteurs de pétrole qui seront les pays riches de demain. Ce
sont les pays qui vont avoir atteint, non pas uniquement un degré
d'autosuf-fisance alimentaire, mais qui en auront suffisamment pour
l'exportation. Là est la richesse. Mon collègue vous parlait de
son pays d'origine. La France est la quatrième puissance
économique au monde. C'est le premier pays producteur agricole en Europe
et c'est le troisième plus important malgré que son territoire
soit trois fois inférieur au nôtre. C'est le troisième pays
producteur céréalier au monde, d'où l'importance
économique de l'agriculture. Et je pense que rien n'est plus
légitime de votre part que de faire effectivement état de
l'importance de l'agriculture. (11 h 15)
Mais quand on fait la jonction entre agriculture et immigration, une
question que j'aimerais vous poser est: Un immigrant qui veut venir
s'établir ici au Québec, comme immigrant sur une ferme, combien
ça lui coûte? Je parle de l'immigrant indépendant. Vous
savez, il y a une catégorie qui s'appelle l'immigrant investisseur qui,
lui, doit avoir 250 000 $, mais ce n'est pas juré qu'il va aller dans
une ferme. Il va peut-être plutôt acheter l'hôtel Shangrila
sur la rue Sherbrooke à Montréal, comme ça s'est produit.
Mais l'immigrant indépendant, combien ça lui coûte pour
s'établir sur une ferme?
Deuxièmement, est-ce que cela a un impact négatif ou aucun
impact sur la relève, puisque vous avez parlé de la
volonté? Et j'ai aimé que vous fassiez aussi la distinction de
vos fils ou vos filles, puisqu'on peut avoir des productrices agricoles
aussi.
M. Gaudet: Eh bien, votre question, ça dépend de ce
qu'il veut.
M. Boulerice: Disons, en général, une ferme...
M. Gaudet: Une ferme de production laitière au
Québec, on ne peut pas penser à quelque chose qui a un certain
sens, en termes de volume et d'équipement, si on ne parle pas de 400 000
$ à 500 000 $. Si on parle d'une production horticole, on parie aussi
des mêmes montants. Si on va dans les productions
céréalières ou fruitières, je pense que globalement
on pourrait dire que ça prend 400 000 $, 500 000 $ pour avoir
accès ou pour être propriétaire d'une entreprise comme
celle-là, sauf qu'il faut comprendre que ce n'est pas
nécessairement d'arriver avec 500 000 $. Si on a une mise de fonds
suffisamment importante pour avoir accès au financement, mais au minimum
je ne pense pas que quelqu'un puisse penser s'établir s'il n'a pas 150
000 $ ou 200 000 $ à mettre en disponibilité au
départ.
M. Boulerice: Vos 400 000 $, 500 000 $, M. Gaudet, c'est global,
c'est pour l'ensemble du territoire québécois. Est-ce qu'il y a
des fluctuations en fonction des régions comme telles?
M. Gaudet: Oui. C'est évident qu'il peut y avoir des
endroits, par exemple, je vous donne des exemples bien concrets. Il y a des
groupes qui sont intervenus en Abitibi. Ça a été
extrêmement positif parce que ça a créé une
dynamique. Vous savez, des fois on en a besoin. Vous autres, à
l'Assemblée nationale, vous parlez aux gens d'en face. Eh bien, en
agriculture, la concurrence, ça prend quelqu'un en avant de toi dans une
certaine mesure pour faire cette concurrence-là. La dynamique
régionale, si tu tombes tout seul un matin, tu te compares avec qui? Tu
te compares avec toi-même. Les miroirs, c'est intéressant, mais
ça ne couvre pas toute la partie, ça ne couvre qu'à peu
près... En tout cas, moi, il en dépasse un bout chaque bord, en
ce qui me concerne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gaudet: Pour l'agriculture, la question se pose de la
même façon. Donc, c'est évident que dans les
régions, la mise de fonds originale, si c'est quelqu'un qui a besoin
d'une grande superficie de terres, il y a des régions où les
terres coûtent moins cher. Ça peut peut-être prendre un peu
moins d'argent. Il y a une dynamique qui s'est créée parce que
des gens sont intervenus dans des régions. L'autre question qu'il faut
se
poser au bout de ça: La dynamique est là pour les gens qui
sont déjà les résidents dans ces régions-là,
mais si elle échoue? Je compare souvent la dynamique à une
baloune. Quand on la souffle et qu'on la regarde aller, on trouve ça
intéressant, mais quand elle tombe il y a bien du monde
désillusionné. Or, une dynamique, il faut qu'elle soit
articulée, de façon à ne pas avoir un effet
contre-indiqué si ça retombe. L'exemple des gens qui viennent des
Açores en Abitibi en est un.
M. Boulerice: M. Gaudet, M. Mercier, le président de
l'Union des municipalités du Québec, tantôt à ma
question, répondait qu'il ne saurait y avoir une régionalisation
de l'immigration sans, au préalable, y avoir une politique de
développement régional. Est-ce qu'on pourrait établir
comme un des éléments d'une politique de développement
régional une aide à l'établissement sur les fermes pour
les nouveaux immigrants? On les aide. Ça, c'est vraiment une très
belle et très bonne mesure incitative d'aller en région, n'en
convenez-vous pas?
M. Gaudet: Écoutez... Bien sûr, bien sûr que
j'en conviens. La question, par exemple, à laquelle on va avoir à
répondre, nous autres, les producteurs et les productrices agricoles au
Québec - parce qu'il y en a déjà un nombre assez
important, pour votre information - si une politique d'immigration donnerait
une aide additionnelle ou particulière à quelqu'un qui est un
immigrant par rapport à mon fils ou à ma fille pour
l'établissement, là on va se questionner, à savoir quel
est le lien entre ça et une politique nataliste, par exemple. Nous
autres, on va se questionner là-dessus.
Toutes les politiques qu'on va développer, il faut les
développer sur une base qui est équitable, aussi, et qui est
soutenable. Parce que là, je pense qu'il y a... Même si on fait
allusion à des coupures budgétaires ou à des choses comme
ça, il faut être réaliste. On vit dans un système
économique, actuellement, où les factures qu'on a
créées, on n'a pas le choix, un matin, il va falloir les payer.
Ça, il va falloir les payer. Ce qu'il s'agit de regarder, c'est: Pour
les payer, est-ce qu'on va toujours couper dans le gras ou bien si on va de
temps en temps couper dans le vif, pour employer des expressions qui sont de
chez nous? Et est-ce qu'on peut penser qu'on va continuer de taxer le monde
pour payer la facture?
Écoutez, si vous voulez venir en chercher plus que vous ne venez
tout de suite en chercher chez nous, nous autres, on sait une chose, c'est que
tu ne peux pas tordre une roche, il ne sortira pas de bouillon de la-dedans. Et
là, on est rendus qu'on est la roche, il n'y en a plus de bouillon
à sortir de là. Donc, il y a une question, il va falloir
être pratique dans cette démarche-là et pour ça, il
va falloir probable- ment politiser, entre guillemets, un certain nombre de
questions pour être capables de les regarder sur une base qui est
réaliste.
Actuellement, tout le monde tient un discours que les gens veulent
entendre, mais le vrai discours, ce n'est peut-être pas
nécessairement celui que les gens veulent entendre, c'est
peut-être un autre type de discours qu'il faudrait tenir. Et ça,
quand on est des hommes politiques, ça prend du courage plus que la
moyenne. Parce que vous autres, vous êtes obligés... Ou des femmes
politiques, oui, je m'excuse. Vous n'êtes pas là à vie, et
tous les quatre ans...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gaudet: Et tous les quatre ans, il faut que vous passiez au
parloir. Ça, c'est le minimum et parfois, c'est trois ans. Donc, le
discours qu'il faudrait tenir, par rapport à celui qu'on tient, parfois
il y a une différence entre les deux. Et je ne porte pas d'accusation
envers personne en disant ça. Sauf que quand on regarde une question
comme celle-là, celle de l'immigration, il faut bien se rendre compte
qu'il peut y avoir un discours qui est populiste à tenir
là-dessus, il peut y avoir un discours qui est réaliste à
tenir là-dessus et il pourrait y avoir un discours qui est plein de
rêves mais qui n'est pas réalisable. Entre l'idéal et ce
qu'on est capable de faire, il y a quelque chose, là, entre les
deux.
Par contre, moi je me dis, et l'UPA, ce qu'on se dit, c'est: Fixons-nous
des objectifs, prenons les moyens pour atteindre le premier barreau de
l'échelle pour commencer, là. Mais on sait qu'on s'en va par
là, on sait qu'on s'en va vers le haut de l'échelle et la
difficulté, c'est qu'on n'est pas capables d'atteindre le dernier
barreau avant le premier. Commençons par le premier et assurons-nous
qu'une fois qu'on a mis les pieds là, on n'est pas
déséquilibrés, qu'on est capables de mettre le pied sur le
deuxième barreau, c'est juste ça.
M. Boulerice: M. Gaudet, je sais que oui, il y a bien des
éléments qui entrent là-dedans. Il y a du départ,
et ça, votre Union en a beaucoup parlé, les problèmes
reliés aux accords du GATT. Mais dans la question que je vous posais
tantôt, si je mettais comme préambule de nouveau à ma
question que le Québec se doit de revoir sa politique d'aide à
l'agriculture. Parce que l'évaluation que j'en fais, c'est que, s'il y a
eu une montée fulgurante, on a malheureusement assisté, durant un
certain nombre d'années, à un certain ralentissement, à ce
niveau-là Disons que l'État décide de revoir, mais revoir
à la hausse, il va de soi, sa politique d'aide à l'immigration,
est-ce que ma question devient plus acceptable pour vous?
M. Gaudet: Elle est acceptable votre question, mais dans notre
tête à nous, à partir
du moment où on a accepté comme organisation de faire
l'exercice du monde rural, on inclut l'agriculture dans le monde rural comme
étant des partenaires importants du développement du milieu
rural, mais pas le seul. Notre raisonnement est tout à fait simple. Si
on veut la politique de développement du milieu rural sur l'unique base
d'aller chercher des gens ailleurs et de les amener chez nous, des gens
d'autres pays, on va faire une erreur. Ce n'est pas ça. Le tissus
régional, ce n'est pas ça. L'immigration, ça peut
être une des composantes du développement du milieu rural. Dans
cette composante-là, il va y avoir des gens qui vont être
intéressés par l'agriculture, mais il va y avoir des gens qui
vont être intéressés par la forêt. Il va y avoir des
gens qui seront intéressés par les pêches. Il va y avoir
des gens qui seront intéressés par l'industrie minière. Il
y aura des gens qui seront intéressés par l'industrie
manufacturière, ou la transformation de produits agricoles ou
agroalimentaires. Pour nous autres, cette question-là, elle se fait dans
une enveloppe globale où l'agriculture, c'est un des intervenants. Pour
nous autres, c'est sûr qu'on considère qu'on est un intervenant
majeur, ça, c'est évident. Mais en même temps, quand vous
dites: Est-ce qu'on doit revoir, à la hausse, notre... Je ne sais pas si
c'est les volumes d'immigration que vous voulez dire. Nous autres, à ce
moment-ci, on est mal équipés pour dire: Oui, il faut augmenter
ou, non, il ne faut pas augmenter. On n'est pas équipés pour
répondre avec précision à cette question-là.
M. Boulerice: ...l'aide l'agriculture.
M. Gaudet: Ça, avez-vous déjà vu un cheval
qui refusait de manger de l'avoine, vous? Je vous ai dit tout à l'heure
qu'il fallait être réaliste avec notre démarche. Parce que
la facture qu'on crée, on la paie aussi. On la paie aussi. Il faut qu'il
en reste de ce monde-là, ceux qui produisent, pour payer la facture.
Parce que ceux qui travaillent actuellement et qui produisent, dont le
résultat de leur travail, le soir, tu peux le calculer, et faire une
facture à quelqu'un, il n'en reste pas tant que ça dans la
société québécoise. Il y a bien du monde qui
travaille, mais il y en a gros qui ne sont pas capables de facturer ce qu'ils
font.
M. Boulerice: Je voudrais aborder une deuxième dimension
de votre mémoire, M. Gaudet. Oui, je conviens avec vous qu'il faut voir
tout cela à l'intérieur d'une grande stratégie de
développement économique. Je vais, avant de vous poser la
question sur la deuxième dimension de votre mémoire,
peut-être un petit peu répliquer à mon collègue, le
député de Saint-Hyacinthe, qui parlait tantôt de se lever
à 4 heures le matin pour aller faire le train. J'étais en train
de me demander si ce n'est pas plus agréable de se lever à 4
heures le matin pour aller faire le train quand on est dans le milieu rural que
de s'engorger durant deux heures de temps dans un bouchon sur le boulevard
Métropolitain, quand on est citadin.
M. Gaudet: ...faire le train.
M. Boulerice: Si j'étais un immigrant potentiel, je ne
sais pas si je ne préférerais pas aller faire le train à 4
h 30 le matin que de m'engouffrer sur le boulevard Métropolitain.
M. Gaudet: Si vous devenez mal pris, on a du monde pour vous
aider à vous diriger.
M. Boulerice: Je ne vous cacherai pas, M. Gaudet, que je n'ai
jamais eu l'intention de passer toute ma vie en politique. Et l'un de mes plus
grands rêves seraient de reprendre les terres de mon grand-père.
Ceci étant dit, j'aurai sans doute besoin de vos conseils à ce
moment-là. Mais je ne sais pas si vous êtes de la région de
Joliette, entre parenthèses, mais il y beaucoup de Gaudet dans la
région de Joliette et si vous avez un lien de parenté avec eux,
je peux vous dire qu'ils ont tous leur franc-parier, vous en êtes
l'exemple vivant aujourd'hui.
La question que je voulais vous poser c'est que, dans votre
mémoire, vous dites que le Québec doit occuper tout le champ
constitutionnel de l'immigration. Pourriez-vous développer plus à
fond?
M. Gaudet: Je pense que ce n'est un secret pour personne que
notre organisation, dans le débat constitutionnel actuel, s'est
positionnée. Un des secteurs où il nous apparaît
très vital, tenant compte de l'ensemble de la discussion qu'on vient de
faire ce matin, un des secteurs qui nous apparaît très vital
où le rapatriement des champs de juridiction soit complet, c'est ce
secteur-là, bien évidemment. Parce que si on articule ou on
développe une politique... on bâtit une politique de
développement régional, mais qu'il y a quelqu'un d'autre
ailleurs... Et je vais vous donner juste un exemple. Si le gouvernement
fédéral nous impose d'avoir des immigrés qui sont
d'origine... d'une origine qui n'a aucune affinité, par exemple, avec
notre culture, comment voulez-vous que ces gens-là s'en viennent chez
nous et qu'ils soient heureux en bout de ligne? Ce n'est pas parce que, moi, je
n'aime pas ces gens-là, ce n'est pas la question. Et ce n'est pas parce
que, comme organisation, on n'est pas intéressés à ce
qu'il y ait d'autres types d'immigrants que des gens qui sont francophones, ce
n'est pas la question, sauf que si quelqu'un d'autre que nous autres
décide du choix des gens qui vont venir chez nous ou de l'ouverture
qu'on fait chez nous, comment voulez-vous que sur le plan pratique on soit
capables de développer une politique qui soit le moindrement
articulée? Ça,
c'est une des raisons fondamentales pour laquelle on prend cette
position-là.
Et là, il y a un certain nombre d'expériences qui ont
été vécues là-dedans.
Le Président (M. Gobé): ...s'il vous
plaît
M. Gaudet: II y a un certain nombre d'expériences qui ont
été vécues là-dedans et, de notre point de vue, il
nous apparaît que si on avait eu effectivement les pouvoirs
constitutionnels nécessaires on aurait probablement évité
un certain nombre de terrains bien glissants. Et c'est pour ça qu'on
pose ça comme argumentation.
Le Président (M. Gobé): M. Gaudet, M. le
député, en conclusion, s'il vous plaît.
M. Gaudet: Juste pour compléter ma question, je m'excuse,
M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y rapidement
s'il vous plaît!
M. Gaudet: Je ne pense pas qu'on soit si loin que ça en
disant ça de la position de la ministre à ce moment-ci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. M. le
député.
M. Gaudet: Que je pense que vous appuyez...
M. Boulerice: Oui, je suis son contre-ministre,
Le Président (M. Gobé): Son adjoint
parlementaire
M. Boulerice: ...et, comme je le dis, je suis tout contre, tout
contre elle. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous voulez
conclure, M. le député.
M. Boulerice: M. Gaudet, M. Besner, au-delà de la verdeur
et, donc, de la couleur des propos, je pense que vous nous avez livré
des réflexions qui sont extrêmement importantes. J'ai l'habitude
de dire dans ma circonscription que mes chauffeurs de taxi sont les meilleurs
sociologues ou politicologues au monde C'est souvent à eux que je
demande conseil. Mais là je suis en train, parallèlement à
notre discussion, de faire une réflexion en disant que, si l'agriculture
manque de bras, la politique manque d'agriculteurs.
M. Gaudet: On est convaincus de ça.
M. Boulerice: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, M le
député. Mme la ministre, en conclusion, s'il vous
plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bon écoutez, moi, je veux vous
remercier et je constate qu'on est sur la même longueur d'onde, et
j'endosse une bonne partie de vos propos Je dois rappeler cependant que ce
concept, c'est un concept qui est tout à fait nouveau, que nous sommes
en train de développer. Il ne faut pas se le cacher, c'est que penser
faire du développement régional, intégrer l'immigration
pour faire du développement régional, on n'a jamais pensé
à ça. On n'a jamais pensé qu'on pouvait vraiment
l'intégrer pour en faire du développement régional. Et
c'est nouveau. On est en train de développer ce nouveau concept, et
c'est la première fois qu'on a une politique d'immigration et
d'intégration au Québec. C'est la première fois. Donc,
actuellement, nous avons l'entière collaboration du MAPAQ, entre autres.
Tout à l'heure, mon collègue vous parlait d'une étude.
C'est une étude actuellement qui est davantage interne parce que, avant
de se lancer sur la place publique et d'aller consulter des gens comme vous ou
des spécialistes comme vous, il faut commencer par faire notre propre
réflexion. Et après, dans un deuxième temps, et ce sera
probablement dans un court moment, nous pourrons aller vous consulter. Je pense
qu'il y a beaucoup de questionnement que nous faisons actuellement et il faut
trouver les réponses de base. Tout à l'heure, vous parliez de
l'information à l'étranger Oui, c'est important. Il faut
être capables de bien informer nos candidats à l'étranger
et aussi il faut se poser des questions sur la prospection. Je pense qu'il y a,
par exemple, une certaine quantité de prospection qu'on peut faire pour
amener des gens qui répondent vraiment aux besoins de l'agriculture,
mais, comme vous le disiez tout à l'heure, encore faut-il commencer par
savoir s'il y a quelqu'un autour de la table, et qui doit manger, et ainsi de
suite.
Il y a aussi toute la question de la formation de base. On va devoir se
pencher sur la formation de base. Vous avez des gens qui arrivent ici, qui ne
possèdent pas la langue, mais qui ont du coeur au ventre, et à
qui on ne peut pas demander de retourner à l'université ou au
cégep, ou faire des DEC ou quoi que ce soit, mais qui ont besoin d'une
pratique pratico pratique. Il va falloir leur enseigner la pratique des
instruments. Alors, il y a ça aussi. Il faut se pencher
là-dessus. Il y a les secteurs d'activité. Il va falloir
identifier avec vous quels sont les secteurs d'activité qui sont
rentables aussi et qu'il vaut la peine de développer. Je pense que vous
parliez tout à l'heure de la reproduction, des légumes, des
petits fruits. On sait que ces gens-là, maintenant, nous font
goûter à des fruits ou des légumes forts différents.
On ne mangeait pas, avant ça, de mets cambodgiens,
vietnamiens, les mets chinois depuis un peu plus longtemps, mais... Et
maintenant on adhère à cette nouvelle nourriture. Il faut voir si
notre climat nous permet de développer ces choses au lieu d'aller les
chercher, par exemple, dans la grande région de Montréal ou
encore à l'extérieur de la province.
Alors, ce sont encore des choses qu'il faut développer, que ce
soit dans d'autres secteurs, laitier... L'industrie agricole, c'est l'industrie
des nouvelles technologies. Ces gens-là aussi... On retrouve des
techniciens parmi ces personnes-là. Est-ce qu'il y a moyen
d'améliorer nos propres technologies à partir de ces personnes
qui sont ici? Ce sont des questionnements qu'on se pose.
La question du financement. Vous avez des investisseurs qui arrivent ici
avec des sommes considérables qui peuvent acheter, oui, une ferme de 500
000 $ ou de 1 000 000 $. Vous en avez d'autres, comme je vous le disais tout
à l'heure, qui feraient d'excellents agriculteurs. Je pense à des
familles aussi qui ont le potentiel mais qui n'ont pas l'argent. Ils sont
démunis mais, par contre, ils ont du coeur au ventre et veulent
travailler et feraient d'excellents travailleurs sur la terre. Il faut savoir
se poser des questions. Comment on peut aider ces gens-là? Est-ce qu'on
peut encore penser à une formule de coopérative pour aider ces
gens-là? Vous savez, nous, on le ferait peut-être moins, par
exemple, dans un même secteur ou dans une même maison mais ces
personnes-là, deux ou trois familles, elles le font. Elles sont
habituées de le faire et elles le font et elles peuvent peut-être
se regrouper. Il y a les questions...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît?
Mme Gagnon-Tremblay: ...des prêts agricoles, aussi. Il va
falloir penser à ces personnes-là. Il y a les structures
d'accueil. Il va falloir aussi les informer sur les différentes lois,
les instruments aratoires. Alors, vous comprenez qu'on est encore à
songer, à réfléchir là-dessus et cette
réflexion-là va devoir se poursuivre avec des
spécialistes. Et moi, j'ai lancé tout à l'heure
l'invitation à l'UMQ et je vous lance aussi l'invitation. Comme je vous
dis, je sais que vous en avez marre des tables de travail et tout ça
mais, moi, j'ai dit: Voyons, dans un premier temps, quels efforts on peut
faire, si on peut arriver à faire quelque chose et, une fois qu'on aura
répondu à toutes ces questions, si on ne peut rien faire avec
l'agriculture, on mettra ça de côté et on pensera à
autre chose.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais si, cependant, on peut faire quelque
chose, on continuera à travailler avec vous autres et, à ce
moment-là, on verra ce qu'on peut aller faire.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.
Mme Gagnon-Tremblay: En tout cas, moi, je vous félicite
pour votre réalisme.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Merci, M.
Gaudet. Merci, M. Besner. Au nom des membres de cette commission, nous vous
remercions de votre prestation. C'est très intéressant. Nous
espérons avoir l'occasion de vous rencontrer dans d'autres occasions.
Alors, sur ce, je suspends les travaux pour une minute afin de permettre au
prochain groupe, soit l'Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales du Québec, de venir
prendre place en avant, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 40)
Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales du Québec
Le Président (M. Doyon): Nous allons devoir recommencer et
je demanderais, dès maintenant, aux représentants de l'Union des
municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec de bien vouloir prendre place
à la table de nos invités. J'invite donc M. Gilbert Normand, que
je vois en avant, Mme Hélène Dufour, M. Lucien Beaulé et
M. Pierre Château-vert à prendre place en avant. Je leur souhaite
la bienvenue et je leur demande de se présenter. Après ça,
ils disposeront d'une vingtaine de minutes pour faire la présentation de
leur mémoire et ensuite... On a l'habitude de dire à la blague
que ce n'est pas obligatoire non plus, 20 minutes, maximum 20 minutes disons,
et ensuite une période d'échanges entre les représentants
du gouvernement et ceux de l'Opposition officielle. Alors, vous ayant
souhaité la bienvenue, je vous invite à commencer après
les présentations.
M. Normand (Gilbert): Merci, M. Doyon. Mon nom est Gilbert
Normand. Je suis maire de la ville de Montmagny, pour vous situer, et
président du CRCD Chaud ière-Appalaches. Je représente ici
l'UMRCQ qui, elle-même, représente 1180 municipalités au
Québec. Je suis accompagné de Mme Hélène Dufour,
mairesse de Sacré-Coeur et préfète de la MRC de la
Haute-Côte-Nord, à mon extrême droite; M. Lucien
Beaulé, maire de Piopolis - c'est déjà un nom exotique -
et M. Pierre Châteauvert, secrétaire de l'UMRCQ.
Le Président (M. Doyon): Tous des endroits qu'on
connaît.
M. Normand: Merci. Je suis le porte-parole
du comité sur l'immigration en région que l'UMRCQ a mis
sur pied l'automne dernier. L'immigration et les régions: deux
réalités, deux solitudes. Depuis de nombreuses années, les
gens des régions constatent que, contrairement à la
réalité vécue dans leur milieu, Montréal est une
ville cosmopolite où les rapports entre les citoyens sont de plus en
plus impersonnels et surtout reliés à l'activité
économique. De plus, ils constatent que les Montréalais de souche
et les immigrants ont peu de contact, les uns se regroupant dans certains
quartiers du centre-ville, les autres se dispersant sur un territoire de
banlieue toujours plus vaste.
Pour les gens des régions, cette réalité peut
être déroutante et difficile à comprendre, étant
habitués à développer entre eux des liens solides et
à partager des valeurs similaires aux plans social et culturel. Le
fossé entre le Québec des régions et Montréal ne se
limite plus maintenant à l'urbanité versus la ruralité,
mais aussi à des changements culturels profonds dont les
retombées sont imprévisibles. Je pense que c'est là un
fait important à noter.
Notre perception de la problématique actuelle de l'immigration au
Québec est donc profondément liée aux relations entre
Montréal et les régions. Elle tient compte des aspects de la
francisation et de l'intégration des nouveaux Québécois
à la communauté déjà en place.
L'énoncé de politique déposé par Mme la
ministre constitue pour l'UMRCQ une bonne nouvelle car il démontre une
volonté de s'attaquer aux problèmes et d'apporter des solutions
qui permettront aux nouveaux Québécois de s'intégrer en
participant au progrès de notre collectivité. Cependant, tout en
félicitant l'initiative du gouvernement, nous nous inquiétons de
l'absence d'une définition claire et de projets précis quant
à fa régionalisation de l'immigration au Québec.
Pour l'UMRCQ, si le Québec veut réellement procéder
à une régionalisation de l'immigration, les solutions devront
s'appuyer sur les besoins des régions. Je répète, les
solutions devront s'appuyer sur les besoins des régions et ce sera
ensuite au gouvernement de les soutenir par des moyens qui auront
été définis conjointement.
L'absence de définitions et de solutions concrètes
démontre la complexité de la problématique de
l'immigration au Québec. Avec un monde urbain de moins en moins
conscient des réalités régionales, l'approche à
définir devra remettre en question les conceptions adoptées
jusqu'ici, en ce sens qu'il faudra reconnaître l'apport indispensable des
régions au développement du Québec. J'ai envie de
répéter: II faudra reconnaître l'apport indispensable des
régions au développement du Québec et ce, dans tous les
secteurs d'activité. Il faudra accepter qu'elles participent à
l'élaboration des objectifs de la régionalisation de
l'immigration et des modalités pour mettre en oeuvre une telle
politique.
Quels sont les objectifs de la régionalisation de l'immigration?
Les Québécois sont confrontés à un
phénomène de déclin sévère dans les
régions, aux plans démographique, social, économique et
culturel. Malheureusement, ce déclin est augmenté et
peut-être même favorisé par des politiques fiscales
récentes. Ce phénomène se présente sous des visages
différents qui vont d'un déclin net dans un grand nombre de
communautés rurales jusqu'à une déstructuration
territoriale et communautaire importante dans les localités à
proximité des grands centres urbains.
L'UMRCQ qui a participé activement aux états
généraux du monde rural partage avec une quarantaine de groupes
représentatifs la conviction qu'il faut contrer ce déclin en
inventant de nouvelles voies de développement économique et
social, tournées résolument vers une mise en valeur des
ressources du monde rural et une prise en charge locale des leviers qui leur
permettront de jouer un rôle plus déterminant pour l'expansion de
notre société et le mieux-être des Québécois.
Dans mon esprit, un Québécois est un résident du
Québec et non nécessairement un francophone.
Il est possible d'arrêter l'hémorragie des ressources, des
ressources humaines en particulier, par des politiques familiales, par
l'immigration ainsi que par un assouplissement des règles de l'adoption
internationale. Mais il faut bien se mettre dans la tête, dès le
départ, que l'immigration ne réglera pas tous les
problèmes à elle seule.
Le choix des ruraux de rejeter toute forme d'attentisme et de
fatalité face au déclin est également fondé sur la
capacité qu'ils se reconnaissent de prendre en main le
développement de leur milieu. Je répète: La
capacité qu'ils se reconnaissent de prendre en main le
développement de leur milieu parce qu'ils connaissent leurs
possibilités et leurs limites.
Si on veut garantir le succès d'une régionalisation de
l'immigration, autant l'immigrant devra y trouver son compte que la
communauté d'accueil. C'est pourquoi, dans l'état actuel des
régions tel que décrit dans le rapport "Deux Québec dans
un" du Conseil des affaires sociales et analysé par les états
généraux du monde rural, nous considérons que
l'immigration devra répondre à des besoins précis. Je
pense que c'est important. L'immigration devra répondre à des
besoins précis.
Nous croyons ainsi que, dans un premier temps, les candidatures
susceptibles de participer rapidement à la vie économique de leur
communauté devront être favorisées. En répondant aux
besoins de leur nouveau milieu, les immigrants pourraient voir ainsi leur
intégration facilitée.
Étant également sensible à l'objectif de favoriser
la francisation et l'intégration des immigrants à la
collectivité québécoise, l'UMRCQ considère qu'une
politique de régionalisation de
l'immigration constituera un excellent moyen. Il est clair cependant que
ce ne peut être le seul objectif recherché par un tel
exercice.
L'accueil de la population et les rapports avec la main-d'oeuvre
régionale. Toutes les régions du Québec ont vécu
l'expérience des "boat people", chaque village s'étant
organisé pour mettre en place des structures d'accueil afin de permettre
à ces gens de rebâtir leur vie dans un nouveau pays. L'accueil des
Québécois fut alors extraordinaire. Cependant, tous ces
réfugiés ont quitté leur lieu d'accueil pour se retrouver
à Montréal ou ailleurs, pour se regrouper dans une
communauté plus importante, trouvant difficile de vivre l'isolement de
leur famille ou d'un groupe ayant des valeurs communes. L'absence de
préparation adéquate des communautés d'accueil et
l'improvisation qui a caractérisé cet épisode furent
certainement des facteurs du départ de ces gens.
Cette expérience en incite plusieurs à croire que la
régionalisation de l'immigration est impensable et que toute tentative
se terminera de la même façon. Malgré cela, nous sommes
d'avis qu'il faut tenter d'autres expériences, à la condition que
certaines mesures de base soient respectées.
Dans les régions qui rencontrent d'importantes difficultés
économiques, l'immigrant entrepreneur, ou celui qui pourra rapidement
s'intégrer au réseau économique, devrait être
pré-férablement sélectionné pour répondre
aux pénuries de main-d'oeuvre - comme on le sait, l'argent n'a ni odeur
ni couleur - dans certaines catégories de professionnels ou de
travailleurs spécialisés. L'arrivée de personnes pouvant
pallier de telles carences ne pourra que créer un climat favorable
à l'intégration. On devrait ainsi favoriser l'arrivée de
professionnels ingénieurs, de travailleurs spécialisés
dans l'exploitation de certaines ressources naturelles, de travailleurs
agricoles capables de prendre des fermes ou des terres qui sont
abandonnées ou sur le point de l'être ou toute autre personne
capable d'apporter une contribution à l'économie
régionale. On les accueille. Il est normal qu'ils viennent aider selon
leurs compétences et leurs capacités.
Tout comme les autres résidents d'une région, il est
évident que la meilleure façon d'intégrer quelqu'un
à la vie d'une communauté passe d'abord par un emploi valorisant.
Toute démarche ou projet de régionalisation de l'immigration
devra considérer cette réalité. Ainsi, toujours en tenant
compte de la réalité actuelle des régions, il est
évident que certaines régions ne pourront accueillir que des
personnes aptes à s'intégrer et à participer de
façon presque immédiate à la vie économique de la
communauté. Avant de procéder, le gouvernement devra
également effectuer une analyse poussée de la situation et
identifier avec ses partenaires les régions plus susceptibles que
d'autres d'accueillir les immigrants. Pour les autres régions, tant que
des pistes de solution aux problèmes économiques n'auront pas
été identifiées et que l'avenir ne sera pas assuré,
il sera difficile d'accueillir les immigrants qui peuvent investir,
créer leur propre entreprise ou susciter toute autre activité de
nature économique. Ils peuvent aussi investir dans les entreprises
existantes. Ils peuvent être une source de ressources humaines et de
ressources financières importantes. Les processus de
régionalisation de l'immigration devront être connus,
conçus en fonction des besoins réels et des volontés tels
qu'identifiés par les communautés. La sélection des
immigrants nécessitera une planification rigoureuse tant du point de vue
professionnel que linguistique. Le ministère québécois de
l'Immigration devra donc établir des liens étroits avec les
autorités locales, responsables, pour que tous les espoirs de
l'immigrant et de la communauté d'accueil soient satisfaits dans la plus
large mesure possible.
La rétention des immigrants en région. La rétention
des immigrants en région constitue certainement l'aspect le plus
délicat de tout ce dossier. En effet, dans l'ensemble des discours que
l'on entend sur cette question, on insiste souvent sur l'investissement que
doit faire la communauté pour accueillir l'immigrant et sur l'apport
positif que celui-ci doit apporter. On est souvent très exigeant envers
l'immigrant et, dans le contexte où le respect des droits et
libertés de la personne constitue une valeur fondamentale, le rapport
entre le droit individuel et l'idée du contrat et des obligations de
l'immigrant est difficile à établir. C'est ce qu'on appelle des
méthodes coercitives légères; nous allons y revenir un
petit peu plus loin.
Un fait, cependant, demeure. Les régions ont besoin de l'apport
de nouvelles ressources pour se développer et celles-ci doivent devenir
rapidement membres à part entière dans la vie de la
communauté régionale, sans quoi il est tout à fait inutile
d'investir des énergies dans ce dossier. En plus de ce que l'immigrant
peut apporter comme idées nouvelles et dynamismes, différents
moyens peuvent être pris pour s'assurer que les nouveaux arrivants
s'intègrent rapidement dans leur milieu. D'abord, lors de la
sélection, nous croyons que les familles pourraient être
favorisées. Se déplaçant plus difficilement que les
célibataires et les enfants représentant un facteur important
d'intégration, nous croyons que les familles immigrantes devraient
être favorisées et constituer un premier critère de
sélection à être appliqué.
Le regroupement de plusieurs immigrants de même provenance ou de
nationalité rapprochée constituait, selon nous, un autre moyen
pour les inciter à rester en région. Se sentant moins
isolé et pouvant partager avec d'autres l'expérience
vécue, nous croyons que le nouvel arrivant aurait de meilleures chances
à tirer profit de son milieu et à participer à la vie de
la communauté. D'ailleurs, en facilitant l'intégration par
grappes,
les nouveaux arrivants pourront peut-être former leur propre
réseau d'entraide avec l'appui de la communauté. Il faudra
cependant prêter attention pour éviter les
phénomènes de ghetto.
L'organisation des structures locales d'accueil constitue un autre
facteur important. Mises sur pied par les municipalités en collaboration
avec la MRC, ces structures devraient satisfaire les besoins fondamentaux de
l'immigrant et le faire participer le plus rapidement possible à la vie
de la communauté. Cette structure devra être souple et humaine,
donc, impliquer directement la population locale. Le rôle du
ministère sera également essentiel pour garantir le succès
de cette intégration. Par un support adéquat apporté aux
municipalités d'accueil, c'est-à-dire tant au niveau logistique
que des conseils pour appuyer l'action des différents intervenants. Le
rôle du ministère dans ces expériences de
régionalisation devra toutefois s'adapter aux priorités que se
seront fixées les populations concernées.
À ce niveau, il ne suffira pas d'établir un bureau dans
une capitale administrative, ou deux ou trois autres COFI. Un contact
étroit et constant entre les personnes-ressources et les responsables de
la communauté devrait être développé pour que le
rôle du ministère soit rempli de façon satisfaisante pour
tous.
L'UMRCQ demande aussi à la commission d'examiner attentivement la
question de la rétention de l'immigrant en région par des
méthodes coercitives légères telles que l'obligation de
demeurer dans une communauté pendant une certaine période de
temps en échange de la gratuité de certains services auxquels
tous les citoyens ont droit en ce moment et ce, même si cela peut
s'avérer délicat à gérer sur le plan politique. On
sait que ça se fait dans d'autres pays. Dans les cas où
l'intégration demande une forme de subvention, exemple l'agriculture, et
dans un contexte où nos jeunes ont de la difficulté à
prendre la relève de leurs parents, en raison des difficultés
économiques, il faudra réfléchir aux mesures les plus
respectueuses des objectifs d'immigration et d'équité pour
l'ensemble de la population. Conscients que toute solution ne comporte pas que
des aspects positifs, il faudra veiller à éviter toute forme
d'excès.
La concrétisation de la régionalisation de l'immigration,
maintenant. L'UMRCQ considère que les expériences de
régionalisation de l'immigration sont réalisables dans un avenir
rapproché. Des municipalités ou des MRC pourraient être
choisies pour mener une expérience-pilote sur les structures à
mettre en place et sur la façon de procéder en ce domaine. Ce
projet auquel notre organisation est prête à apporter sa
collaboration pourrait servir de modèle à toutes les
communautés désireuses de s'impliquer dans le même sens.
D'autres mesures pourraient également être envisagées:
informer les régions et leur population du potentiel de
développement qu'offrent l'immigration et les programmes pour
l'intégration des nouveaux arrivants dans les communautés: faire
la promotion auprès des immigrants entrepreneurs des potentiels de
développement économique des régions où les
domaines du tourisme et de l'agriculture doivent être favorisés.
Cette campagne d'information devra être honnête quant à la
situation véritable de la région pour ne pas susciter de faux
espoirs et engendrer des problèmes ultérieurs; permettre aux
régions intéressées de diffuser dans les bureaux du
ministère à l'étranger leur matériel de promotion,
afin d'attirer l'attention des immigrants investisseurs et, finalement, faire
en sorte que le ministère soit à l'écoute des
régions. Je répète: Faire en sorte que le ministère
soit à l'écoute des régions, plus spécialement
lorsque des occasions de combler une carence en matière de ressources
humaines se présentent. Toute autre initiative visant à
définir et à identifier des actions favorisant la
régionalisation de l'immigration devrait être supportée par
le ministère.
En terminant, Mme la ministre, l'UMRCQ affirme sa volonté de
s'impliquer comme partenaire régional dans la mesure de ses moyens, pour
travailler avec le gouvernement afin de donner au Québec des
régions un moyen de plus pour développer l'économie et
assurer le devenir des communautés. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le maire. Mme la
ministre, vous avez quelques questions?
Mme Gagnon-Tremblay. Oui, sûrement. Je vous remercie. M. le
maire, également. Donc, je voudrais d'abord signaler que vous êtes
le premier organisme qui consacre l'ensemble de son mémoire à
l'objectif de la régionalisation de l'immigration et je veux aussi vous
remercier d'avoir approfondi le sujet. Vous abordez la question dans un esprit
constructif et je prends bonne note de l'offre de collaboration avec laquelle
vous terminez votre mémoire.
Dans le mémoire. à la page 4, vous exprimez la crainte que
les mesures de l'énoncé ne soient trop timides. Alors, moi, je
peux comprendre en partie cette préoccupation, parce que cette
impression vient probablement de la volonté du gouvernement d'aborder la
régionalisation de façon réaliste et responsable, alors
même que l'expérience du passé nous a montré, comme
vous l'avez si bien mentionné, que la rétention en région
est difficile et, naturellement, il y a beaucoup de facteurs aussi. Je dis
toujours que la régionalisation, on ne peut pas l'imposer à
l'immigrant, d'une part, et on ne peut pas l'imposer non plus à la
région. Donc, ce qu'on veut faire, c'est une action. On veut
éviter qu'une action trop précipitée en matière de
régionalisation ne vienne accentuer des difficul-
tés que vivent déjà certaines régions. C'est
pourquoi nous voulons agir en concertation avec ces dernières.
Ma première question est au niveau des
expériences-pilotes. Vous proposez d'initier quelques
expériences-pilotes de régionalisation. Doit-on en conclure que
la régionalisation doit d'abord faire l'objet d'une
expérimentation? Dans quelle région, par exemple,
souhaiteriez-vous que se tiennent les premières
expériences-pilotes? Quelles sont les raisons de ces choix? Et quel
rôle, bien sûr, les MRC peuvent-elles concrètement y
jouer?
Le Président (M. Doyon): Alors, une des quatre personnes
qui sont devant nous...
M. Normand: C'est une question à plusieurs volets.
Mme Gagnon-Tremblay: Commençons par la
première.
M. Normand: Je pense que du côté... Si on regarde le
côté économique, il y a certaines régions, par
exemple, comme la Haute-Côte-Nord, qui ont actuellement un besoin de
main-d'oeuvre; d'autres régions aussi, comme la région de
Portneuf, ont besoin d'une main-d'oeuvre spécialisée, si on parie
de la main-d'oeuvre spécialisée. Par contre, d'autres
régions aussi ont besoin de support financier, si on pense à des
régions comme la Gaspésie, par exemple, ou même l'Abitibi.
Dans quelle mesure? Je ne peux pas vous le dire de façon très
précise. Peut-être qu'à ce moment-là des nouveaux
investisseurs pourraient être orientés dans ces
régions-là, de la main-d'oeuvre spécialisée
pourrait être orientée dans ces régions-là. C'est
pour répondre à votre question en tant que région. (12
heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'on peut en faire une
expérimentation, est-ce qu'on se doit d'en faire ...de l'aborder d'une
façon expérimentale?
M. Normand: Bien écoutez, moi, je pense que oui, dans le
sens que si on veut suivre le processus que nous, on propose ici, à
savoir qu'on peut par exemple aller à l'extérieur, dans d'autres
pays, faire de la prospection et, à partir de cette
prospection-là, expliquer aux gens, justement, où ils s'en
viennent, le language qui se parle, le moyen de communication qui se parle,
parce que le language est un moyen de communication, ce qui est très
important pour les immigrants, et aussi ce qu'ils vont trouver en arrivant...
Et aussi leur dire de quoi nous avons besoin actuellement. Si on a besoin de
pâtissiers, on fera une recherche en vue de trouver des pâtissiers.
Si on a besoin de techniciens spécialisés, la recherche se fera
dans ce sens-là. Mais là-dessus, je pense qu'il y aurait
probablement une expérience à tenter.
Mme Gagnon-Tremblay: Voyez-vous, on remarque deux choses. D'une
part, on nous dit et on le constate aussi, puisque le taux de rétention
en région n'est pas toujours celui qu'on désirait... On se rend
compte que quand, par exemple, il y a une espèce de noyau, un noyau
d'une certaine catégorie, c'est-à-dire de certaines
nationalités, par exemple, ou de certaines ethnies, on est plus
porté à y demeurer, parce qu'on a vraiment l'impression qu'on est
avec les nôtres, surtout lorsqu'on vient d'arriver. Donc, on ne peut pas
développer, par exemple, toutes les régions du Québec en
même temps, compte tenu de ce phénomène-là et compte
tenu aussi du fait que ça demeure aussi des services de première
ligne, des services d'accueil, des services de référence, des
services...
Et aussi, c'est toute la question de l'emploi. Actuellement, nous
avons... nous voulons développer, commencer à expérimenter
au niveau de cinq régions du Québec, là où il y a
déjà un certain noyau de familles, là où on a
déjà aussi, bon, des centres de formation pour la francisation.
Ça n'empêche pas, cependant, qu'on puisse développer
d'autres services ailleurs. Vous savez que là où on n'a pas de
ces centres, on peut par exemple faire des ententes avec les commissions
scolaires locales et offrir quand même des cours de français.
Donc, nous voulons développer davantage. Alors ça, on a
ça, d'une part. On voit qu'il y a quand même certaines
réticences, on voit que pour être capable d'attirer en
région et de retenir, il faut aussi avoir certains noyaux. D'autre part,
vous avez des gens qui sont dans la grande ville de Montréal, mais qui
vivent le désespoir parce qu'ils n'ont pas d'emploi et qui pourraient
fort bien, à ce moment-là, occuper des emplois. Vous parliez tout
à l'heure de main-d'oeuvre spécialisée, et on en a. On n'a
pas besoin même d'aller les chercher encore à l'extérieur
parce qu'il y en a qui sont arrivés et qui sont encore à la
recherche d'emploi. Et parfois, le réseau n'est pas suffisamment
développé pour connaître ou pour identifier ces personnes
qui sont à la recherche d'emploi parce que ce sont des personnes qui
arrivent, donc elles n'ont pas travaillé, elles ne sont pas sur
l'assurance-chômage.
Ce sont des personnes, aussi, qui ont un certain montant d'argent en
arrivant, donc elles ne sont pas sur l'aide sociale. \\ faut être capable
d'identifier ces ressources qu'on a déjà. Et pour ces
régions un peu plus éloignées, là où il y a
des besoins de main-d'oeuvre, je pense que si on connaissait bien, on pouvait
identifier ces besoins, il y a sûrement quelque chose qu'on pourrait
faire, il y a une relation qui pourrait s'établir et un certain jumelage
qui pourrait se faire. Mais ces régions-là ont un défi,
par contre, incroyable, pour pouvoir retenir... Il va falloir que ces personnes
qu'on envoie pour les raisons que je vous ai données tout à
l'heure,
entre autres du noyau, il va falloir que ces personnes-là tombent
en amour avec les régions.
Et pour tomber en amour avec les régions, il va falloir que
l'accueil soit chaleureux, il va falloir que les familles s'en occupent, il va
falloir que les familles québécoises s'en occupent, il va falloir
que la région s'en occupe. Parce sans ça, je pense qu'on ne
réussira pas à relever ce défi-là. Est-ce que vous
croyez qu'on est prêts à développer ces types de
collaboration?
M. Normand: À mon avis, oui. Plusieurs régions sont
prêtes actuellement à développer ce type d'accueil
là. D'ailleurs, j'ai été assez surpris, lors des
états généraux, alors que personnellement j'ai fait une
présentation dans la région de la Côte-Sud, de voir la
réaction des personnes en place. Il y avait environ 250 personnes dans
la salle et je dirais que 8 sur 10 des personnes, à ce moment-là,
sur le sujet de l'immigration, étaient très
réceptives.
Alors, moi, je pense qu'actuellement les structures sont prêtes.
Plusieurs municipalités, plusieurs MRC ont déjà des
organismes de représentation, tel leur conseil économique, qui
vont à l'étranger chercher des investisseurs, chercher des
ressources humaines. Alors, il y a des structures qui sont en place, qui ont
déjà commencé ce type de travail là et ils ne
demandent pas autre chose que d'avoir un appui supplémentaire
là-dessus. Je donne juste un exemple: juste le jumelage de certaines
villes, à un moment donné, favorise la venue d'immigration. Ce
n'est pas sur une haute échelle, mais ça explique quand
même ce qu'on veut dire. J'ai vu chez moi, à Montmagny, un
boulanger aller chercher un pâtissier qu'il n'était pas capable de
trouver au Québec. Apparemment que les pâtissiers, c'est
très rare. Il est allé le chercher en France et maintenant sa
"business" fonctionne très bien parce qu'il a trouvé un
pâtissier compétent. Il y a d'autres secteurs comme
ceux-là, et je pourrais vous en nommer plusieurs, où on peut
aller chercher de la main-d'oeuvre spécialisée. Et ces
gens-là ne viennent absolument pas enlever les emplois des autres. Au
contraire, le pâtissier permet que l'industrie en engage 11 autres.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, justement, le ministère
de l'Immigration, par l'entremise de ses 15 bureaux à l'étranger,
un peu partout dans le monde, peut aussi vous aider à faire ce type de
prospection, que ce soit, par exemple, au niveau des investisseurs ou des gens
d'affaires, des entrepreneurs. J'avais l'occasion, justement, de discuter avec
le Conseil économique du Canada, l'opinion avec laquelle je
n'étais pas tout à fait d'accord, j'étais un peu sceptique
quand on disait qu'on ne reconnaissait pas l'apport économique, que
c'était neutre jusqu'à un certain point. C'est parce que je pense
qu'on ne le regarde pas au même niveau.
Mais lorsque, par exemple, il arrivera 2000 entrepreneurs, dans le
courant de la présente année, ici, au Québec et que ces
personnes-là auront l'obligation de créer dans leur entreprise au
moins trois emplois incluant les leurs, à ce moment-là, je dis:
C'est quand même un investissement et il s'agit cependant d'avoir les
outils nécessaires, les structures nécessaires pour les aider
à développer leur projet. C'est sûr que, par exemple,
souvent, je remarque... Parce que, moi aussi, je viens d'une région et
je suis très régionaliste et je travaille
énormément dans ma région pour le développement
régional. Je sais ce que les autres régions ressentent et je
trouve que c'est important, cependant, que l'on puisse identifier les secteurs
d'activité et que l'on puisse aider ces personnes à
développer. Parce qu'on ne peut pas tout développer. Je pense,
par exemple, à la région de Sherbrooke; quand bien même je
penserais à des secteurs... On a le secteur du textile, on a le
métal, on a le plastique, mais dans d'autres régions vous avez
d'autres secteurs qui sont beaucoup plus attractifs aussi. Je pense que, nous,
il faut connaître ces secteurs-là. Il faut le savoir, si vous
voulez qu'on fasse de la prospection. Parce que chaque région, chaque
commissaire industriel s'en va dans des pays pour aller faire de la
prospection. Et on a à peu près tous le même langage au
Québec. Dans une même région, chaque ville va aller faire
sa prospection. Et moi, je sais par exemple que, par expérience, les
représentants de Sherbrooke partent, ils disent: On a
l'Université de Sherbrooke dans Sherbrooke et on a l'Université
Bishop qui est une université anglaise à Lennoxville. La ville de
Magog va dire: On a également l'Université de Sherbrooke et on a
également l'Université Bishop et les gens de l'extérieur
sont tout mélangés. Mais où est située
l'université? Quelle différence y a-t-il entre les deux villes?
Je pense qu'il faut avoir aussi un discours cohérent, d'où
l'importance, bien sûr, d'un bon développement régional
Dans ce sens, je pense que c'est important, il faut identifier ces
secteurs-là Nous, on a besoin de ça. Comme je vous dis
actuellement, nous sommes en train de l'expérimenter dans les cinq
directions régionales, là où nous avons déjà
des personnes Cependant, là où il n'y en a pas, ça ne veut
pas dire qu'on n'est pas capable de faire le travail avec vous et qu'on n'est
pas capable d'expérimenter ces projets-là. Cependant, il faudrait
nous identifier ces secteurs d'activité.
M. Normand: Je pense que M. Beaulé voudrait ajouter
quelque chose.
M. Beaulé (Lucien): Simplement pour renchérir sur
ce que vous avez mentionné tout a l'heure, Mme la ministre, concernant
la bienvenue de l'immigrant en région. Il est sûr, et c'est une
chose qui a manqué autrefois, parce que, pour que l'immigrant puisse
rester en
région, it faut que la population soit réellement
informée d'avance et qu'elle reçoive l'immigrant, que l'immigrant
n'arrive pas en région, comme on voit trop souvent, un voleur de job,
pour employer une expression bien populaire, mais qu'ils le voient comme un
investissement de ce qui s'en vient. On a réellement beaucoup de travail
à faire en région. Même dans les grands centres, c'est un
travail qu'il faut qu'il se fasse aussi pour exempter les ghettos qui se font
présentement.
Le côté de la régionalisation, c'est sûr qu'il
y a des régions qui sont beaucoup plus... Je m'excuse. C'est pour
ça qu'on mentionnait d'avoir des projets-pilotes, parce que ça
peut s'expérimenter davantage. Même dans des régions, il y
a plusieurs régions qui sont réellement assez
préparées pour ça, au point de vue réception,
côté commissariat industriel ou commissariat au tourisme, avec les
possibilités de développement additionnelles. Mais encore
là, ça demandera une collaboration du ministère pour
pouvoir informer les régions davantage sur l'apport économique
que l'immigrant est appelé à apporter dans la région.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaulé. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme la mairesse, MM. les maires, M. le
secrétaire, et puis avec forcément des salutations
particulières à M. le maire de Piopolis. J'ai
séjourné tellement longtemps l'été à
Graniteville.
M. Beaulé: Merci, monsieur. Ça me fait plaisir.
Vous savez pourquoi le nom est Piopolis?
M. Boulerice: Non, et j'aimerais bien l'apprendre.
M. Beaulé: Si vous permettez juste un instant.
Le Président (M. Doyon):...
M. Beaulé: C'est que c'est une ville qui a
été fondée par les zouaves pontificaux. Et ça vient
du grec...
M. Boulerice: Pius Polis.
M. Beaulé: C'est ça.
M. Boulerice: La ville de Pie...
M. Beaulé: Exactement la ville de Pie, c'était au
temps de Pie IX, quand les zouaves avaient été... au temps des
problèmes de Garibaldi, et puis le village a été
fondé par 12 zouaves pontificaux qui étaient venus, non pas
tellement rester dans la région, eux, il y en a un seul qui a
établi famille et qui est resté de façon per- manente.
D'autres ont fait un peu comme on parle de nos immigrants, ils ont
été s'établir ailleurs. Et c'est le premier village qui a
été établi dans le coin, avant Lac-Mégantic,
etc.
M. Boulerice: Bon, alors j'ai appris. M. Châteauvert, je
vous en remercie, surtout que vous m'avez également donné
l'occasion de... M. Beaulé, je m'excuse... de pratiquer une science que
j'aime beaucoup, qui est l'étymologie, et oui, la racine des mots,
n'est-ce pas? Je remarque qu'en page 9, et c'est un bref commentaire que je
vais faire sur votre mémoire, vous dites: "Avant de procéder, le
gouvernement devra également effectuer une analyse poussée de la
situation et identifier avec ses partenaires les régions plus
susceptibles que d'autres d'accueillir les immigrants. Pour les autres
régions, tant que des pistes de solutions aux problèmes
économiques n'auront pas été identifiées et que
l'avenir ne sera pas assuré, il sera difficile d'accueillir les
immigrants qui peuvent investir, etc. Alors, je pense qu'à ce
niveau-là on se rejoint, à savoir que oui, on peut parler de
régionalisation, mais il faut avoir d'abord et avant tout une politique
de développement régional des régions. Et ma
collègue députée de Chicoutimi fait une phrase que j'ai
toujours appréciée, en disant: Le Québec est un corps. La
ville de Québec étant la capitale, c'est la tête,
Montréal étant la métropole, ce sont les poumons. Mais
quel corps avons-nous si, par malheur, les membres sont atrophiés? Et,
pour elle, les membres sont les régions. Alors, un corps dont les
membres sont atrophiés n'est pas un corps sain et un corps viable. Je
pense qu'on s'entend sur ce point-là.
Maintenant, vous avez dit tantôt, M. Normand, maire de Montmagny,
où j'ai d'ailleurs d'excellents amis... Vous avez parlé de
mesures légèrement ou enfin... des mesures
légèrement coercitives. Et vous avez dit: Je vais
développer un petit peu plus tantôt. Alors, je vous en donne
l'occasion.
M. Normand: Les mesures coercitives qu'on a qualifiées de
légères, on parle par exemple d'incitation à demeurer dans
un certain endroit durant un certain temps pour avoir droit soit à
l'éducation gratuite, soit aux services sociaux et de santé
gratuits, comme ça se fait dans certains pays. C'est-à-dire que
les gens ont droit à leur éducation gratuite en autant que les
enfants vont à l'école dans telle ou telle région. Par
exemple, ils vont avoir droit aux services médicaux gratuits en autant
qu'ils demeurent dans telle région pour une période de deux,
trois, cinq ou sept ans dépendant de certains pays. C'est ce qu'on
entend un petit peu là, grosso modo, comme exemple - je vous donne
ça comme exemple, il peut y avoir d'autres méthodes - par
méthodes coercitives légères.
M. Boulerice: M. Normand, puis-je vous
demander quels sont ces pays? Ce sont sans doute des pays de grande
démocratie?
M. Normand: II y a la Suisse, entre autres, qui fait ça et
le Maroc aussi le fait. Les gens qui sont du côté rural, pour
avoir droit de s'en venir en région, c'est-à-dire en ville, ils
doivent avoir une permission spéciale de leur gouvernement. Ce sont les
deux que je connais.
M. Boulerice: Parce que quelqu'un me faisait remarquer que, quand
on voulait investir au Mexique, on avait la liberté de le faire sauf
qu'on devait avoir un partenaire mexicain. Je vous dis ça là
parce qu'il y en a plusieurs qui pourraient être tentés de hurler
au loup et de dire: Mais nous ne respectons pas notre Charte des droits et
libertés. Alors, je pense que la définition que vous donnez,
légère, etc., n'est pas, à mon sens, une limitation des
droits mais bien des incitatifs, disons peut-être pas musclés -
"musclés" n'est pas le terme sans aucun doute - mais des incitatifs de
façon à ce qu'ils restent en région. Pour ma part, moi, je
n'en fais pas un cas de conscience au point où je veux... (12 h 15)
M. Normand: ...contrôle aussi qu'on le voit.
M. Boulerice: D'accord. Vous favorisez, dans votre
mémoire, une sélection familiale. Alors, dans le cas où le
ministère opterait pour cette solution, enfin, pour cette
orientation-là que vous souhaitez, est-ce que, d'après vous, il
devrait évaluer les chances d'intégration de tous les membres
d'une même famille?
M. Normand: Écoule?, on n'est pas restric tifs quand on
parle de familial. Peut être que Mme Dufour voudrait répondre
à cette question.
Le Président (M. Doyon): Mme Dufour?
Mme Dufour (Hélène): Non. Je ne pense pas, comme M.
Normand vient de le dire, que ce soit restrictif mais on pense que, si c'est
une famille qui vient s'établir, on a plus de chances que ces
gens-là demeurent en région parce que les enfants
s'intégrant, d'après nous, plus facilement que les adultes, bien,
ça peut avoir un incitatif là pour les gens de demeurer en
région alors que si vous prenez quelqu'un qui est tout seul, bien, c'est
beaucoup plus facile pour lui aussi de se déplacer peut-être que
si c'est une famille qui a déjà, en tout cas, dont au moins un
des parents a déjà un travail en région. Et ce serait bien
tant mieux si on réussissait à avoir du travail pour toute la
famille, là, mais à un certain moment il ne faut pas se leurrer,
ça dépend également dans quelle région les gens
vont aller. Parce que je pense que, dans notre mémoire, on insiste
beaucoup sur ce qu'on considère comme important. Les gens, il faut
qu'ils aient un travail valorisant et ce travail-là, ils vont le
retrouver en autant qu'il y ait du travail en région. C'est pourquoi on
se dit également que le gouvernement du Québec doit vraiment
avoir une volonté de développement régional à tous
les niveaux, pas seulement au niveau de l'immigration.
Il y a une autre chose que je voulais peut-être ajouter même
si on ne m'a pas posé la question mais, tout à l'heure, suite
à l'intervention de Mme la ministre, si vous me permettez, on parlait de
vendre les régions à l'étranger. Je pense que
là-dessus il y a une chose très importante, il faut être
très honnête en vendant nos régions à
l'étranger. L'exemple que Mme la ministre donnait en disant que tout le
monde se réfère à l'Université de Sherbrooke,
à l'Université Bishop, je pense que, quand on va vendre une
région à l'étranger, on doit situer la région et la
situer vraiment. Parce que, en tout cas... Moi, je viens de la Côte-Nord
et la Côte-Nord, c'est tout un monde et c'est 1400 kilomètres de
côte, là. Alors, c'est très différent si vous vendez
la Côte-Nord en parlant de Sept-îles ou si vous vendez la
Côte-Nord en parlant de Blanc-Sablon ou si vous vendez la Côte-Nord
en parlant de Sacré-Coeur ou de Tadoussac. Alors, il faut être
très honnête dans la vente des régions à
l'étranger et bien situer la région par rapport, justement,
peut-être, aux centres les plus rapprochés où on trouve les
services dont parlait Mme la ministre tout à l'heure.
M. Boulerice: Mme Dufour, votre région, c'est,
géographiquement, 24 fois le Luxembourg
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Vous avez de lespace, mais rien, encore là,
n'est plus normal que d'aller vendre votre région. Ça, je me
permets de l'ajouter à votre propos. Je prends toujours à l'appui
mon.. Malheureusement, il a dû quitter la commission, mais mon
collègue, le député de LaFontaine, qui connaît bien
la France, va vous dire qu'il y a de grandes offensives de la part des
régions françaises pour vendre leur région et ils ne la
vendent pas, eux, actuellement dans un contexte d'immigration puisque la France
n'est pas en demande d'immigration, mais au point de vue économique.
Prenons en exemple, et je suis persuadé que vous trois, en tant que
maire, avez sans doute eu des contacts, le Languedoc-Rous-sillon, le
Béarn et tout cela, le Nord-Pas-de Calais. Donc, je pense
qu'effectivement on pourrait vendre des régions quand on vend
globalement -- vous me permettrez l'expression latine, M. le maire de Piopolis
- le grand "package deal" qu'est le Québec.
Ceci dit, avant de vous poser une deuxième question, je vais vous
dire que je ne crois pas que l'on puisse un tant soit peu mettre en doute la
chaleur de l'accueil des régionaux. J'ai trop
parcouru ce beau Québec et vos régions pour penser
autrement et je serais même prêt à dire... D'ailleurs, je le
dis publiquement puisqu'il y aura l'enregistrement de nos débats, je
suis même prêt à dire que les régionaux pourraient
donner à bien des métropolitains des leçons d'accueil et
de chaleur au niveau de l'accueil.
Ceci dit, vous faites état également, dans votre
mémoire, du concept de nationalité rapprochée. C'est quoi,
pour vous? Est-ce que c'est la dimension que je donne de francophonie et de
latinité où des statistiques très récentes nous
prouvent qu'il y a une insertion plus rapide au niveau de la communauté
francophone?
M. Normand: Écoutez, la nationalité
rapprochée, je l'ai signalée tout à l'heure, quand on
parle d'un Québécois, on parle d'un résident du
Québec.
M. Boulerice: Si vous me permettez, un citoyen... Ça,
c'est la définition que donnait M. Lévesque: un
Québécois est quelqu'un qui réside au Québec et qui
l'aime suffisamment pour en faire sa patrie...
M. Normand: Absolument.
M. Boulerice: ...et, moi, j'ajoute toujours qu'à
l'immigrant aussi, je ne lui demande pas de devenir un Canadien
français. Je ne lui demanderai pas d'apprendre à giguer, mais je
vais simplement lui demander d'assimiler notre langue et une certaine partie de
notre culture, mais je ne l'obligerai pas à la tuque et aux bas de
laine. Nous-mêmes, d'ailleurs, on les laisse tomber. Mais je vous laisse
poursuivre, M. Normand.
M. Normand: De toute façon, je pense qu'il y a un
problème qu'il faut voir de façon globa-ble. C'est que
l'immigrant, qu'il vienne de l'Occident ou de l'Orient, lorsqu'il s'en vient
chez nous, en Amérique - il faut bien dire en Amérique - et que
sur la carte il y a un petit point qui s'appelle le Québec, pour lui,
avant de partir de chez lui, si on ne le lui dit pas, il s'en vient en
Amérique où il y a au-delà de 300 000 000 d'habitants qui
parlent anglais et, à travers ça, 5 000 000, 6 000 000
d'habitants qui parlent français.
M. Boulerice: Correct.
M. Normand: Lui, il va apprendre le moyen de communication qui va
lui permettre de communiquer avec le plus de gens possible. Surtout si on lui
dit: "Ne te bâdre pas de ça, au Québec, de toute
façon, tout le monde parle anglais. Souvent, c'est ce qui arrive et,
ça, je l'ai entendu de la bouche de gens, d'immigrants qui sont ici
actuellement, au Québec, qui se le sont fait dire au moment de partir de
chez eux il y a quatre ou cinq ans.
Il ne faut pas oublier que les gens, lorsqu'ils s'en viennent, viennent
gagner leur vie. Pour gagner sa vie, on le sait, il faut savoir communiquer. La
communication est importante et c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur
le fait qu'avant que les gens partent, que ce soit de Hongkong, de la
Suède ou de l'Arabie, il faut qu'ils sachent que s'ils veulent vivre au
Québec, en région surtout, il va falloir qu'ils apprennent le
français. Et s'ils s'en viennent vivre en région et qu'ils n'ont
pas la volonté d'apprendre le français, ils vont peut-être
pouvoir continuer à vivre là, si le positif est plus fort que la
contrainte d'apprendre cette langue-là, mais s'ils n'ont pas la
volonté d'apprendre la langue et que, subitement, ils peuvent avoir les
mêmes avantages dans une autre langue, à ce moment-là, on
sait très bien ce qui va se passer. Quand on parle d'être
honnête dans son recrutement, il faut faire mention aussi du
problème de la langue.
M. Boulerice: Je ne sais pas, je pense que vous vouliez ajouter
quelque chose. J'ai une dernière question à vous poser.
Une voix: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Normand: Non, ce n'est pas sur ce côté-là.
Je voulais revenir sur ce que Mme Dufour avait mentionné tout à
l'heure concernant la politique familiale, un point important dans ça,
et on le signale aussi dans le mémoire. Mais j'aimerais renchérir
un petit peu sur ce côté. On sait qu'on a énormément
de dénatalité au Québec. C'est un problème, pas
rien qu'au Québec, c'est en Amérique et c'est un peu mondial.
Pour pallier ce côté-là, nécessairement,
l'immigration devrait aider à favoriser davantage l'adoption
internationale. Je comprends que c'est un problème à long terme,
mais n'empêche que ça pourrait aider énormément. On
a beaucoup de parents qui seraient intéressés à adopter
des enfants, mais, à l'heure actuelle, ça prend des gens qui sont
fortunés pour être capables d'adopter des enfants, en plus de
toutes les tracasseries. J'en sais quelque chose, parce que ma fille et mon
gendre ont adopté un enfant. Ça a pris des années et des
années et ça a coûté plusieurs milliers de dollars
en suivant la politique normale d'adoption. Il y a certainement des
possibilités d'améliorer ce côté aussi et ça
pourrait être de nature à aider.
M. Boulerice: J'ai beaucoup apprécié cette
remarque, M. Beaulé. La moyenne est quelquefois de sept ans. Si votre
fille l'a fait, ma secrétaire l'a fait, mais ça a
été un calvaire pour elle, cette attente épouvantable.
M. Beaulé: Ils devaient en adopter deux, et ils en ont
pris juste un parce que, pour le
deuxième, ils n'ont jamais refait les procédures.
Ça a pris des années et des années. Ils
commençaient avec un pays et, finalement, quand ça venait tout
près, ça ne marchait plus. Il y avait toujours un tas de
tracasseries épouvantables. Ça a pris une énergie
énorme.
M. Boulerice: Une toute dernière et brève question
- parce que je suis vraiment désolé, je dois faire un
enregistrement à la radio à midi trente - vous parlez du
rôle de la municipalité et de la municipalité
régionale de comté dans le processus d'accueil. Est-ce que vous
pouvez nous dire où les municipalités pourront assumer un nouveau
rôle en ce sens, sans l'appui financier du ministère si on tient
compte de la récente réforme de la fiscalité
municipale?
M. Normand: Non seulement ils vont pouvoir, mais ils vont
être obligés. Parce que dès cette semaine - on parlait
d'adoption tout à l'heure - il y a une personne qui m'a appelé au
sujet d'un regroupement de familles qu'ils ont fait dans la ville de Montmagny.
On a recruté 34 familles pour recevoir éventuellement des
Irakiens, des enfants irakiens. Si jamais ça se produisait et on nous
demandait si on acceptait de payer le transport pour aller les chercher
à l'aéroport... Notre réponse a été oui,
mais c'est sûr et certain qu'avec les contraintes il va falloir aller
chercher l'argent ailleurs parce qu'on n'en aura plus chez nous
tantôt.
M. Boulerice: Mme la préfète, M. le maire, M. le
secrétaire, on a vu, lors des audiences de la Commission
Bélanger-Campeau. l'Union des municipalités du Québec,
l'Union des municipalités régionales venir faire entendre leur
voix, accompagnées de bien d'autres maires dans les différentes
régions et on a vu que les administrations municipales, les
gouvernements municipaux voulaient de plus en plus être partie prenante
dans tous les dossiers qui concernent la nation. Je dois vous dire que j'ai
très longtemps souhaité cette décision de la part des
municipalités au niveau de la culture puisque.. Vous savez que j'ai
cette responsabilité et je vois avec satisfaction - et je suis
persuadé que Mme la ministre partage mes propos - que vous voulez
également être partie prenante de ce grand projet de
société, puisque c'est un projet de société, celui
de l'immigration, de l'accueil des immigrants, du bien-être des
immigrants qui arriveront ici et le processus qui fera en sorte qu'ils seront
des Québécois comme vous l'avez si bien dit tantôt.
Alors, je vais vous remercier chaleureusement pour votre
présence, votre mémoire et les propos que vous avez
ajoutés à ce mémoire, en vous demandant de m'excuser, je
devrai immédiatement me lever de cette table et aller vers le plus
proche appareil téléphonique.
M. Normand: Juste un mot avant que vous ne partiez. Les
régions sont un tout, sont un corps. Pour vous, où situez-vous le
centre du Québec? À quelle place situez-vous le centre du
Québec?
M. Boulerice: Le centre, il est lorsque nous allons tous nous
rassembler et décider ensemble Le centre est à créer.
M. Normand: Vous savez, dans le corps humain, le centre, c'est le
nombril. Le coeur est toujours un petit peu plus haut à gauche.
M. Boulerice: Mais, le nombril, M. le maire, et ce n'est pas pour
vous faire injure, il est dans Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Puisque lorsqu'on le regarde, chaque fois qu'il y a
une commission de la culture et elle traite de différents sujets, un
très grand nombre d'organismes, je dirais près de la
moitié, ont une raison sociale dans ma circonscription. Alors, je suis
peut-être quelquefois tenté par ce petit nombrilisme, mais
rassurez-vous, je suis sans doute le plus régional des
métropolitains. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Bien dit.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre, vous
voulez ajouter quelque chose?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui Je voudrais vous remercier, bien
sûr. Je suis très heureuse des propos réalistes qui ont
été tenus depuis le début de la matinée et, aussi,
je sens beaucoup de collaboration, d'ouverture de collaboration et je trouve
ça intéressant. Je me rends compte qu'on prend davantage
conscience du phénomène ou du facteur immigration. Je ne le
sentais pas auparavant Depuis, ça fait maintenant deux ans que je suis a
ce ministère et il n'y avait pas autant de sensibilité et on ne
portait pas autant de sensibilité et autant de collaboration dans ce
dossier-là. Alors, moi, je suis très heureuse. J'ai lancé
une invitation ce matin à d'autres intervenants et je trouverais
ça intéressant que l'on puisse travailler avec vous aussi sur
certaines collaborations Par exemple, en région vous retrouvez quand
même des moyens de régionali ser, parce que, comme je le dis, ce
n'est pas demain matin qu'on pense qu'on va relever ce grand défi
là. II faut y aller de façon prudente et si on peut
réussir à démétropoliser un pourcentage
raisonnable, je pense qu'on pourra lever le chapeau, mais je pense qu'on est
encore vraiment au tout début de notre exercice. Alors, merci infiniment
et bon voyage de retour.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, étant
assuré que votre invitation est fort bien comprise, fort bien
reçue, je suspends, en remerciant les maires et la préfète
et tout le monde de leur présentation. Je suspends nos travaux
jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 14 h 24)
Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais
québécois
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités qui
représentent la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais
québécois, ils sont plusieurs ici présents. Je m'excuse du
retard. Le député a été retardé. Nous
n'avons pas pu commencer avant.
M. Boulerice: Ce n'est pas vous, M. le Président, qui
devez vous excuser; c'est moi qui dois m'excuser auprès de nos
invités de ce léger contretemps. J'espère que vous n'allez
pas m'en tenir rigueur. Mais comme vous êtes de l'Outaouais et qu'entre
nous le contact est direct...
Le Président (M. Doyon): Une raison de plus pour commencer
dès maintenant. Alors, je souhaite la bienvenue à la Table de
concertation multiculturelle de l'Outaouais et je l'invite à se
présenter, de prendre 20 minutes ou à peu près pour faire
la présentation de son mémoire; après ça, le
dialogue s'engagera pour un temps égal entre vous et les membres du
gouvernement et les membres de l'Opposition. Alors, vous pouvez faire les
présentations des gens placés à la table de nos
invités et commencer la présentation de votre mémoire.
M. Lumbu (François): D'accord. Le chef de la
délégation de l'Outaouais, c'est moi-même. Je m'appelle
François Lumbu. Il y a Mme Thérèse Cyr, membre du conseil
d'administration de la Table de concertation multiculturelle de l'Outaouais et
conseillère de la ville de Gatineau; il y a M. Marc Yang Va,
vice-président de la Table de concertation et, en même temps,
directeur général d'Accueil parrainage Outaouais; il y a M.
Lévis Martel, président d'Accueil parrainage Outaouais; M.
Jacques Plamondon, président provisoire du Forum international de
l'Outaouais et recteur de l'Université du Québec à
Hull.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue
M. Lumbu: M. Gilles Gagné, directeur général
du Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais; il y a
Mme Régine Péloquin, présidente de l'Association des
femmes immigran- tes de l'Outaouais; enfin, il y a Mme Marie-Francine Lemaire,
la vice-présidente de l'Association des femmes.
M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de
l'Assemblée nationale, au nom des différents organismes de
l'Outaouais qui se sont associés pour vous soumettre leur avis sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration, je vous remercie pour l'honneur que vous nous faites en
acceptant de nous entendre aujourd'hui.
L'ensemble des voix régionales qui se sont exprimées dans
le mémoire que nous vous présentons se sont accordées pour
véhiculer l'essentiel des préoccupations de l'Outaouais en
matière d'immigration et d'intégration. Nous espérons que
vous saurez vous montrer sensibles à ces préoccupations.
Se comprendre c'est d'abord mieux se connaître. Et j'aimerais
prendre quelques minutes pour vous dire ce que nous sommes, ce que nous
recherchons, comment nous fonctionnons au sein de chacun des organismes que
nous représentons devant vous aujourd'hui.
Je commencerai par la Table de concertation multiculturelle de
l'Outaouais, que j'ai le plaisir de présider actuellement, et je vous
demanderais ensuite, je demanderais ensuite aux autres membres de notre
délégation de vous faire une brève présentation des
organismes qu'ils représentent.
Donc, incorporée en 1988, la Table de concertation
multiculturelle de l'Outaouais québécois est un organisme sans
but lucratif qui vise essentiellement à réaliser une meilleure
adéquation entre les programmes et services dispensés par les
différents organismes régionaux et les besoins exprimés
par la population immigrante de l'Outaouais. Notre vocation est donc fort
différente de celle d'un organisme voué à l'accueil des
nouveaux arrivants, comme Accueil parrainage Outaouais. Nous cherchons
plutôt, dans une démarche complémentaire à celle
qu'a Accueil parrainage, à obtenir une collaboration et une implication
directe des différents intervenants régionaux que sont les
municipalités, les organismes régionaux de développement,
les organismes pourvoyeurs de services et les ministères en
région, tout cela en vue d'améliorer et d'accélérer
le processus d'intégration socio-économique des immigrants.
Nos principaux outils sont la sensibilisation, l'information,
l'échange et la concertation. Une soixantaine de représentants,
représentant une trentaine d'institutions et d'organismes
régionaux ainsi que toutes les associations et regroupements ethniques
de l'Outaouais, participaient à notre dernière assemblée
générale et sont membres de notre organisme. Ce précieux
réseau nous assure une concertation efficace.
Notre conseil d'administration regroupe des représentants de
municipalités et d'organismes régionaux ainsi que des
Néo-Québécois qui
oeuvrent au sein de divers organismes régionaux. Chacun des
membres de notre conseil d'administration est responsable de la mise en place
et du fonctionnement d'un comité de travail composé de
représentants des organismes sectoriels concernés. Nos
comités de travail traitent présentement de thèmes aussi
variés que l'éducation, la formation de la main d'oeuvre, les
besoins du marché du travail, la francisation, les politiques
municipales d'accueil, les communications interculturelles et la
sensibilisation des gens d'affaires à la problématique de
l'immigration.
Vous vous en doutez, nos moyens ne sont pas à la mesure de nos
ambitions. Nous fonctionnons actuellement grâce à une subvention
accordée l'année dernière par l'ensemble de la deputation
de l'Outaouais et je saisis l'occasion pour remercier bien sincèrement
nos cinq députés pour la confiance qu'ils nous ont
témoignée. Mais cette subvention est actuellement
épuisée et le support que nous avons obtenu jusqu'à
présent de !a part d'organismes régionaux et notamment du
Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais, ne
suffira pas pour nous permettre de poursuivre les projets qui nous tiennent
à coeur.
Ces projets sont les suivants. Nous voulons constituer une banque de
ressources régionales qui permettra aux organismes d'accueil
d'orienter directement les nouveaux arrivants vers les informations et les
services adéquats. Nous voulons susciter une concertation active entre
les gens d'affaires de la région afin de nous doter d'une politique
d'accueil d'immigrants investisseurs. Nous voulons poursuivre les
démarches déjà entreprises avec la Commission de formation
professionnelle de l'Outaouais pour évaluer les besoins de formation
plus spécifiques a la population immigrante. Un projet-pilote de mise en
place d'un comité aviseur de clientèle immigrante est
déjà en cours de réalisation.
Nous voulons contribuer activement à la structuration d'un
projet-pilote dans le secteur agro-alimentaire dont les promoteurs seront les
immigrants. Nous voulons continuer à répondre aux demandes de
collaboration que nous adressent des organismes et institutions
régionales pour résoudre des problèmes liés
à l'accueil et à l'intégration des immigrants.
Nous bénéficions déjà d'une collaboration
exceptionnelle de plusieurs partenaires régionaux, parmi lesquels je
veux souligner les villes de Hull, de Gatineau et de Buckingham, les directions
régionales du MCCI, de l'OPDQ, du MEQ et du ministère de la
Main-d'oeuvre, le MMSR, l'Université du Québec à Hull, le
collège de l'Outaouais, la Commission de formation professionnelle, le
CLSC de Hull et, bien sûr, le SRCO.
M. le Président, la Table de concertation multiculturelle de
l'Outaouais n'a donc plus besoin que d'une permanence pour orchestrer
convenablement son plan d'action
Je vais maintenant demander à M. Lévis Martel,
président d'Accueil parrainage Outaouais, puis à M. Jacques
Plamondon, président provisoire du Forum international de l'Outaouais,
et à M. Gilles Gagné du directeur général du SRCO,
et à Mme Régine Péloquin, présidente de
l'Association des femmes immigrantes de vous exposer succinctement en quoi leur
organisme est concerné par l'énoncé de politique en
matière d'immigra tion et d'intégration.
Le Président (M. Doyon): Allez
M. Martel (Lévis): L'organisme Accueil parrainage
Outaouais que je représente ici avec Marc Yang Va est un organisme qui
existe en terre outaouaise depuis déjà près de, en fait
depuis au moins 11 ans, depuis 1979. Il a été fondé d'une
volonté de la communauté de donner un petit peu des mains aux
politiques qui avaient été énoncées à ce
moment-là, l'entente Couture-Cullen, avec aussi l'invitation des
évêques. L'organisme est né d'une volonté de vivre
et de rendre possible le parrainage des réfugiés du Sud-Est
asiatique. Alors, nous avons donc fort travaillé à ce moment
là. On est parti de rien, et beaucoup avec le support de
l'Église, de Mgr Adolphe Proulx, dans le temps, qui nous a beaucoup
soutenus.
Ensuite, l'organisme a fait du parrainage et s'est occupé de
faire des ententes avec le ministère de l'Immigration du Québec
d'alors et le ministère de l'Immigration fédéral, de telle
sorte qu'on puisse faire l'accueil véritablement et l'adaptation, ce qui
est devenu notre principale mission. On a travaillé beaucoup aussi
à se restructurer. On a formé un plan d'action On a
travaillé au moins deux ans là-dessus et ce plan d action, donc,
nous a permis d avoir cette mission qui est la nôtre d'accueillir les
immigrants, les réfugiés en terre outaouaise, de les aider
à s'insérer dans la communauté. On a travaillé fort
aussi avec les directeurs de COFI qui se sont succédé, donc qui
étaient en quelque sorte en Outaouais les représentants du MCCI,
et avec eux on a aidé beaucoup à mettre sur pied la Table de
concertation et d'autres organismes comme l'Association des femmes immigrantes
de l'Outaouais.
Mais on s'est vite rendu compte que nos moyens n'étaient pas
suffisants pour tout faire ce qu'on aurait voulu faire et, bon, on est
restés à notre principale mission qui est l'accueil. Et c'est ce
qu'on voudrait encore développer: l'accueil, l'adaptation et l'insertion
intégrée des immigrants en terre outaouaise. Le rôle
d'Accueil parrainage outaouais se vit donc et s'exprime dans des
activités spécifiques de première ligne et d'importance
capitale: l'accueil, l'installation, le suivi des personnes comme des familles
immigrantes et réfugiées parce que c'est non seulement la
personne, mais c'est l'ensemble de la personne et de la famille que nous
considérons
comme important et que nous devons servir. Ces tâches accomplies
par APO exigent, pour rendre justice à cette clientèle que nous
servons, une concertation serrée et continue avec tous les intervenants
du milieu, ceux qui sont ici comme tous les autres organismes publics et
para-publics.
L'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration, ce pourquoi nous sommes là aujourd'hui, appuie,
nous l'avons remarqué, la responsabilité que nous avons prise et
entend bien le reconnaître. C'est bien écrit, noir sur blanc. Nous
réclamons, cependant, comme organisme accrédité, mais peu,
trop peu subventionné, qu'un support financier décent vienne
soutenir nos interventions d'accueil et de services en tenant compte de
l'augmentation du flot d'immigrants. Afin d'assurer une présence de
qualité, un suivi convenable à l'accueil, ainsi qu'une
continuité dans notre planification, nous proposons un mode
récurrent de subvention selon un plan triennal, ce que des organismes
déjà font, entre autres, Centraide, qui nous supporte. Alors,
nous pensons que nous pourrions ainsi mieux répondre à ces
responsabilités qui nous sont confiées et que nous croyons
nôtres com-munautairement.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Lumbu: Alors, c'est au tour du FIO.
M. Plamondon (Jacques): Oui. Le Forum international de
l'Outaouais est un organisme qui est né dans la foulée du sommet
socio-économique de 1986 et qui repose sur l'idée que
l'Outaouais, à cause de sa grande diversité et des ressources
humaines très valables qui existent dans cette région, peut jouer
un rôle tout à fait de premier plan dans des échanges sur
la scène internationale. Alors, c'est un groupe de personnes qui,
d'abord, se sont réunies au nom de leurs organismes pour essayer de
faire démarrer un forum sur une base plus permanente et le Forum,
maintenant, est en voie d'incorporation, ce qui explique qu'on se soit
référé à moi pour agir comme président
provisoire puisque, normalement, on devrait recevoir sous peu une
incorporation. Mais, pour le moment, on demeure toujours un organisme bona
fide.
Les objectifs de l'organisme étaient de... On a pour mission de
promouvoir les intérêts, coordonner les activités et
développer les implications des individus et des organismes de la
région de l'Outaouais dans le développement des échanges
internationaux. Alors, de fait, on fait ça avec beaucoup d'attention, et
la préoccupation pour les échanges interculturelles s'est
imposée à nous. Ça veut dire qu'au départ, ce
n'était pas nécessairement dans le plan de ceux qui se
réunissaient pour mettre sur pied le Forum international. C'est au fur
et à mesure de nos travaux et des contacts que nous avons
multipliés avec les communautés culturelles de l'Outaouais qu'on
s'est rendu compte que, pour soutenir et accroître les relations
internationales, il était important de soutenir et d'accroître les
relations interculturelles. C'est dans cet esprit-là, finalement, qu'on
a travaillé de façon plus étroite avec les groupes qui
sont ici autour de la table et c'est dans cet esprit-là aussi que nous
sommes intéressés par la politique du MCCI concernant la
régionalisation de l'immigration.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Plamondon. Le
Secrétariat régional de la concertation de l'Outaouais.
M. Gagné (Gilles): Oui, alors, le Secrétariat
régional de la concertation de l'Outaouais, c'est l'organisme
régional de concertation et de développement pour notre
région. On dessert le territoire de la région 07,
c'est-à-dire l'ancienne Communauté régionale de
l'Outaouais, maintenant CUO, avec maintenant une nouvelle MRC, la MRC des
Collines, ainsi que les comtés de Pontiac et de Papineau et de la
vallée de la Gatineau. Notre rôle, c'est de se préoccuper
de toutes les dimensions du développement de la région et de le
susciter par le biais d'actions concertés des intervenants de
l'Outaouais.
Nous soutenons, bien sûr, en ce sens-là, la politique de
développement qui touche la question de l'immigration et surtout de la
régionalisation de l'immigration et nous sommes en étroite
association, bien sûr, avec le Forum international et aussi avec la Table
de concertation des immigrants. J'aimerais souligner aussi que, dans ce
contexte-là, notre organisme regroupe à peu près tous les
décideurs de notre région, qu'il peut être un partenaire
très intéressant et peut-être même nécessaire
pour toute la question de l'immigration, en tout cas, en ce qui touche
l'Outaouais. Je veux aussi signaler que, pour le reste de la province - comme
nos organismes existent aussi ailleurs - il peut être également un
partenaire important pour la question de la régionalisation de
l'immigration. D'ailleurs, on supporte un projet qui vous sera
présenté tantôt concernant un colloque pour la
régionalisation de l'immigration.
Le Président (M. Doyon): L'Association des femmes.
Mme Péloquin (Régine): L'Association des femmes
immigrantes de l'Outaouais est un organisme sans but lucratif
créé en 1982 pour répondre aux besoins spécifiques
des femmes immigrantes dans l'Outaouais. L'immigration constitue une situation
de changement et de réapprentissage à laquelle doivent s'adapter
les femmes immigrantes. Pour répondre à ce besoin, l'AFIO se veut
un organisme d'accueil, de soutien et de référence. L'accueil par
l'écoute active et une aide ponctuelle, un organisme de soutien, en
étant un lieu de rencontres et un réseau d'entraide,
également un organisme de référence en étant
l'intermédiaire entre les femmes et les ressources du milieu, services
publics et organismes communautaires.
Les préoccupations des femmes immigrantes de l'Outaouais
vis-à-vis des nouvelles politiques d'immigration en matière de
régionalisation peuvent se résumer comme suit. Sur le plan
professionnel, les femmes immigrantes constituent une main-d'oeuvre qui n'est
pas utilisée à son plein potentiel. Il existe un réel
besoin de mise à niveau de leurs compétences. Il devient donc
nécessaire de mettre en place des stratégies d'intervention
visant à actualiser et à adapter le processus d'accès aux
programmes d'orientation et de formation professionnelle de façon
à correspondre aux caractéristiques spécifiques des femmes
immigrantes, d'une part, et du marché du travail de l'Outaouais, d'autre
part.
Sur le plan linguistique, par le passé, beaucoup de femmes n'ont
pas bénéficié des cours de français donnés
au COFI. La généralisation de l'accès à ces cours
à toutes les femmes immigrantes allophones permettra de contrer la
compétition que peut représenter la proximité de notre
région avec l'Ontario.
Sur le plan social, la femme immigrante joue un rôle important et
exerce une influence au sein de sa famille et de sa communauté. En ce
sens, elle a une grande influence sur la qualité de l'intégration
de ces dernières. Quand on connaît l'attrait que peut exercer
l'épanouissement, l'acceptation de sa communauté par la
société d'accueil, en l'occurrence l'Outaouais, on comprend bien
que l'intégration réussie des femmes conditionnera en grande
partie l'attitude de l'entourage ainsi que celle de futurs arrivants En
matière de régionalisation, cet aspect de ia question ne devrait
pas être négligé.
L'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais est un organisme
multiethnique et rejoint donc des membres de toutes les communautés
ethniques entre lesquelles elle contribue à tisser des liens, de
même qu'entre immigrantes et Québécoises de souche. LAFIO
fait voix commune avec les autres organismes membres de la Table de
concertation multiculturelle de l'Outaouais, particulièrement en ce qui
concerne l'obtention et la récurrence des subventions, et souhaite que
nos préoccupations communes soient retenues. Merci. (14 h 45)
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme Péloquin.
M. Lumbu: M. le Président, nous poursuivons notre
exposé. Alors, nous avons beaucoup apprécié le titre de
l'énoncé de politique "Au Québec pour bâtir
ensemble", non seulement parce que ce titre évoque la
nécessité d'associer les Québécois de toutes
origines à la construction du Québec de demain, mais surtout
parce que, en tant que région directement concernée par
l'immigration et possédant une personnalité particulière,
nous considérons être étroitement associés à
l'identification des mesures susceptibles de rencontrer les objectifs de
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration.
D'emblée, je peux vous dire que nous souscrivons à
l'ensemble des objectifs de l'énoncé de politique. Pour
l'Outaouais, l'augmentation de l'immigration constitue un élément
majeur de sa stratégie de développement en stimulant son
économie, en équilibrant sa structure démographique et en
renforçant son ouverture sur le monde, pour autant que soit
préservée et renforcée son identité
québécoise distincte.
Je viens d'évoquer une autre personnalité régionale
particulière. J'aimerais souligner deux traits de cette
personnalité régionale qui, j'en suis convaincu, devraient
séduire bien des étrangers qui se préparent à
immigrer au Québec. Il s'agit d'abord de notre caractère urbain.
La communauté urbaine de l'Outaouais constitue la troisième
agglomération québécoise après Montréal et
Québec. Nous formons également avec la région de la
capitale canadienne la quatrième agglomération canadienne dans
laquelle résident près de 200 000 Néo-Canadiens d'origines
diverses. C'est donc dire que nous faisons partie d'une métropole
cosmopolite offrant de nombreuses opportunités d'affaires et de nombreux
emplois spécialisés.
Bien sûr, nous savons que ces relations de voisinage avec la
province de l'Ontario sont fort suspectes aux yeux du Québec, fuites
commerciales et de services, assimilation à l'anglais, fragilité
de la région face aux forces polarisantes ontariennes sont autant de
tares dont on affuble facilement la région.
Pourtant, nous sommes intimement convaincus, M. le Président, que
notre contexte frontalier constitue, au contraire, un atout pour le
développement de la région, pour autant que soit
préservée et renforcée notre identité
québécoise distincte. De nombreux immigrants sont
intéressés à vivre en français dans la
région de l'Outaouais, même s'ils traversent tous les jours la
rivière pour aller travailler en Ontario. Une amélioration des
services d'accueil et d'apprentissage du français ne fera qu'encourager
cette tendance. Je reviendrai sur cette question plus tard.
Une seconde dimension de notre person nalité régionale
réside dans la présence d'un vaste territoire agricole qui compte
parmi les meilleures terres du Québec. L'absence de relève
entraîne un déclin accéléré de ce secteur,
alors que la proximité immédiate d'un marché urbain
d'environ 1 000 000 d'habitants constitue un potentiel fort intéressant
pour certaines productions agro-alimentaires spécialisées.
Voilà pourquoi, M. le Président, nous aimerions mieux nous
faire connaître auprès des
candidats indépendants qui pourraient venir s'installer dans
l'Outaouais en toute connaissance de cause. Puisque la sélection des
immigrants indépendants relève de la compétence du
Québec et que cette catégorie d'immigrants contribue
immédiatement et directement à dynamiser l'économie de
leur région d'accueil, l'Outaouais souhaite au moins être
associée à la sélection et au recrutement de ces
immigrants en fonction de ses besoins spécifiques et de sa
capacité d'accueil.
L'immigrant indépendant, désireux de s'installer au
Québec devrait pouvoir s'informer avant de choisir sa région
d'adoption, les caractéristiques et les possibilités
d'investissement dans chacune des régions du Québec. Nous vous
avons fait part dans notre mémoire, M. le Président, de notre
détermination à participer pleinement à la mise en oeuvre
de la politique en matière d'immigration et d'intégration. Nous
vous avons également fait part de nos inquiétudes de ne pas
pouvoir tirer tout le profit espéré de la mise en oeuvre de cette
politique car les mesures proposées pour promouvoir la
régionalisation nous semblent beaucoup trop timides. Il n'est
évidemment pas dans mon intention de reprendre ici les différents
éléments de notre mémoire. J'aimerais toutefois revenir
sur nos principales recommandations.
Le Président (M. Doyon): Rapidement, étant
donné que vous êtes à presque une demi-heure.
M. Lumbu: II me reste...
Le Président (M. Doyon): II restera moins de temps pour la
discussion, je veux tout simplement vous mettre au courant de ça.
M. Lumbu: M. le Président. Donc, nous aimerions qu'il y
ait la tenue d'un colloque national sur la régionalisation de
l'immigration. Nous aimerions que vous souteniez et que vous développiez
les services d'accueil. Comme vous le savez, M. le Président, l'accueil
constitue le fondement de tout processus d'intégration, plus encore dans
Montréal où il existe de nombreuses associations ethniques bien
organisées qui facilitent la prise en charge des nouveaux arrivants.
L'accueil en région joue un rôle déterminant sur la
perception que le nouvel arrivant aura de la société d'accueil et
sur sa détermination à s'y intégrer.
Nous pensons qu'une politique d'accueil en région pourrait
s'articuler autour de trois objectifs. Premièrement, assurer des
conditions de fonctionnement efficaces aux organismes existants ou en voie de
création qui sont voués à l'accueil. J'aimerais quand
même insister sur un point qui me semble être très
intéressant. C'est qu'on aimerait qu'on facilite, qu'on puisse assouplir
les normes d'admission aux programmes d'enseignement de niveaux
collégial et univer- sitaire en ce qui concerne la connaissance
préalable du français; des formules d'apprentissage
accéléré du français en cours de formation
pourraient être retenues.
Un autre point que nous aimerions voir et que nous recommandons, c'est
d'associer les structures en charge de la promotion du développement
régional à la politique de régionalisation de
l'immigration. Supporter les efforts de la région pour s'ouvrir sur le
monde. Vous faites l'hypothèse, dans l'énoncé de
politique, que s'ouvrir à l'immigration favorise une nécessaire
ouverture sur le monde, dans un contexte de mondialisation des échanges
économiques, culturels et sociaux. Vous avez certainement raison. Nous
faisons également l'hypothèse inverse. Toute démarche
favorisant l'ouverture de la région sur le monde augmentera son
potentiel d'accueil à de nouveaux immigrants et suscitera un attrait
accru pour les candidats immigrants au Québec. Depuis quelques
années, des organismes et institutions de l'Outaouais multiplient leurs
efforts pour organiser des événements internationaux pour
développer leurs échanges avec l'extérieur et pour
promouvoir la région à l'étranger. Les succès
récoltés par ces initiatives ont conduit certains leaders
régionaux à encourager de manière plus systématique
ces initiatives en les intégrant à l'intérieur d'une
stratégie concertée de développement des échanges
internationaux. C'est ainsi qu'est né le Forum international de
l'Outaouais.
Donc, nous pensons qu'il est important d'encourager ces efforts
déployés par la région pour s'ouvrir sur le monde, car
ceux-ci ont un effet immédiat sur l'intérêt que peut
nourrir l'ensemble des intervenants régionaux à l'endroit de
l'immigration. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Je vous remercie M. Lumbu. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, messieurs et dames, pour votre
présentation. Alors si j'ai bien compris, vous voulez tenir deux
événements majeurs, c'est-à-dire un premier colloque sur
la régionalisation qui, j'imagine, pourrait aussi
bénéficier à l'ensemble des autres régions du
Québec. Et bon, j'imagine que lors de ce colloque aussi on pourrait
parler d'idées novatrices dans certains secteurs d'activité,
permettre à certains secteurs d'activité, à des personnes
de s'impliquer ou de s'intégrer dans certains secteurs
d'activité. Et vous avez parlé aussi d'un forum international. Et
là, si j'ai compris, ce forum, c'est dans le but de développer
des échanges internationaux aussi bien avec les communautés, les
Québécois des communautés ici au Québec qu'avec
l'extérieur, finalement. Et est-ce que vous pouvez me parler davantage
de ces deux événements majeurs que vous voulez tenir au
Québec?
M. Lumbu: Si vous permettez, on va d'abord parler de la tenue du
forum international et je donnerais la parole à son président
provisoire, M. Plamondon.
M. Plamondon: Oui, tout d'abord pour ce qui est du forum, donc,
c'est un organisme qui est en voie d'incorporation. L'idée qui est
sous-jacente à ça, c'est qu'en région il se trouve
beaucoup d'institutions qui ont des vocations internationales et qui peuvent
les exercer de façon tout à fait légitime et pour
elles-mêmes. Je pense à... L'exemple spontané qui me vient
en tête, c'est le nôtre, l'Université du Québec
à Hull. Nous avons des échanges financés par l'ACDI avec
le Brésil, l'université de Pernambouc, le Togo, avec Haïti
et la Pologne. Alors, on peut exercer cette mission-là.
L'idée derrière le forum, c'est que si nous le faisons, et
nous acceptons de le faire et de partager avec d'autres établissements,
nous ferons plus et mieux. Les autres établissements, alors là,
c'est le collège, les organismes de santé et de services sociaux,
le Secrétariat régional de concertation de l'Outaouais, les
municipalités. Et le forum, c'est le regroupement de ces
personnes-là, de même que l'entreprise privée. Et c'est en
voie d'élaboration, c'est une formule qu'on pense être novatrice
et qu'on espère bien sûr démarrer avec beaucoup de soutien
de la part de la région. Et, jusqu'à maintenant, ça
s'avère une formule gagnante dans le sens où la plupart des
organismes de l'Outaouais ont joint le forum et même des entreprises
privées de conseils, ou des gens qui ont des expériences
très importantes dans des interventions à l'extérieur du
pays. On est servi bien sûr, vous le savez, par la proximité
d'institutions fédérales importantes qui ont bien sûr des
ressources humaines considérables dans le domaine qui nous
intéresse.
Alors, le forum, c'est donc une initiative novatrice à nos yeux.
Maintenant, c'est à l'intérieur du forum, et en concertation avec
le SRCO, qu'a jailli - et la Table multiculturelle, qui s'est fait la
propagatrice de cette idée-là - qu'est née l'idée
d'un colloque national sur la régionalisation. Et ça, cette
idée-là, elle a été tranquillement amenée
sur d'autres tribunes. On pense au Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration, on pense à l'organisme de concertation provincial
qui regroupe tous les organismes de concertation au Québec, on pense
à l'OPDQ Et on a essayé, de cette façon-là, de
trouver des partenaires qui seraient prêts à patronner
l'événement et à s'y associer en nous aidant à
trouver les meilleures ressources pour faire deux choses.
Il y a un développement inégal de la connaissance de
l'immigration à travers les régions du Québec; donc, il y
a une sensibilisation requise. Et on a entendu, ce matin, des organismes venir
dire qu'effectivement il y a des régions du Québec qui sont moins
avancées que d'autres dans le domaine de l'immigration. Donc, on
voudrait faire une démarche qui pourrait servir à sensibiliser
d'autres régions, mais on voudrait aller plus loin et faire des choses
plus concrètes - et ça, c'est à l'invitation de la
présidente du Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration - et pouvoir échanger sur des expériences
concrètes qui ont été menées dans
différentes régions, au Québec. À ce
titre-là, on aurait besoin aussi de la participation non seulement des
régions périphériques, mais aussi des régions
urbaines et ça veut dire y compris des expériences qui ont
été menées avec succès dans la région de
Montréal, dans la région de Québec et ailleurs dans des
régions qui ont touché de plus près l'immigration. Alors,
l'idée du colloque, c'est donc un événement ponctuel dans
le temps, sur lequel on met présentement beaucoup d'énergie parce
qu'on pense que tout le Québec et toutes les régions du
Québec pourraient en profiter. (15 heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. On sait par exemple que votre... M.
le Président, on sait que votre région reçoit beaucoup de
réfugiés, aussi, et lorsque je suis allée en
Thaïlande l'été dernier, j'ai discuté avec plusieurs
réfugiés qui avaient été sélectionnés
par le Québec mais qui étaient en attente de leur passage,
c'est-à-dire de leurs frais de séjour et qui, par exemple,
donnaient des cours de français - parce que nous avons une école
de français, en Thaïlande - et j'ai constaté qu'il se
crée des liens très importants entre certains groupes de ces
personnes, entre autres, par exemple, entre différentes ethnies et ces
personnes-là se font des amis. Sur les 300 qu'il y avait là-bas,
il y a des personnes, entre autres, qui enseignaient le français parce
que, dès qu'ils maîtrisent assez bien le français, ils
deviennent des professeurs pour soit les plus jeunes, les analphabètes
et ainsi de suite.
Il se crée des liens importants. J'ai constaté cependant
que ces personnes-là sont dirigées dans différentes
villes, soit Sherbrooke, Hull ou bien même Québec, et qu'on brise
ces liens parce qu'on ne sait jamais où on va être dirigé,
on ne sait pas si on va être à Hull, si on va être à
Québec, si on va être à Sherbrooke, on ne connaît pas
d'avance la région où on va pouvoir aller. Et aussi, parfois,
c'est que ces amis-là, ce petit groupe de 10 se trouve brisé
parce qu'il y en a un qui se retrouve à Sherbrooke et vice versa.
Donc, je me dis, dans ce sens-là Est-ce que vous
privilégeriez, par exemple, une formule plus souple qui permettrait de
garder des liens entre ces amitiés qui se sont formées à
l'extérieur? Et, M. Gagné, l'organisme que vous supportez
actuellement est un organisme d'accueil; est ce que c'est le seul organisme qui
existe en Outaouais?
M. Lumbu: Généralement, c'est Accueil
parrainage qui est l'organisme qui s'occupe spécialement de
l'accueil des réfugiés et des immigrants. Alors, je demanderais
que les représentants de cet organisme puissent répondre de
façon spécifique à votre question.
M. Yang Va (Marc): C'est sûr que les gens qui arrivent,
dans les camps, ils ont créé des liens. Si on peut les regrouper
dans une région, c'est sûr que le lien de solidarité,
d'entraide va continuer. Maintenant, la répartition entre les
régions, ça nous dépasse et tout ce qu'on sait, c'est que
parfois même la parenté est répartie un peu partout
à Québec, Sherbrooke ou Montréal, et une fois
répartie, ce n'est pas facile de faire revenir de Sherbrooke, ou de
Québec à Hull, ou surtout d'une autre province à Hull.
Alors, ça, ce sont des questions administratives qui devraient relever
des niveaux administratifs et politiques fédéral et
provincial.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Vous m'avez bien dit que
c'était le seul organisme qu'il y avait en région d'accueil et de
référence?
M. Lumbu: II existe aussi un deuxième organisme...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. Lumbu: ...qui s'appelle l'Association des femmes
immigrantes.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, d'accord.
M. Lumbu: Qui s'occupe des problèmes bien
spécifiques des femmes immigrantes.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.
M. Lumbu: Alors, si elles ont quelque chose à ajouter.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais l'organisme de première ligne,
là?
M. Lumbu: Justement, c'est, pour la première ligne,
Accueil parrainage, mais de façon subsidiaire, c'est l'Association des
femmes immigrantes.
Mme Gagnon-Tremblay: Parce qu'on sait que les femmes ont des
problèmes particuliers.
M. Lumbu: Particuliers, c'est ça.
M. Yang Va: Si je peux ajouter pour préciser un peu le
rôle d'Accueil parrainage, c'est que nous autres on s'est donné la
mission d'accueillir, pour aussi installer et assurer le suivi qui est
l'intégration. Alors, ça c'est le mandat et la mission qu'on
s'est donnés, ou que le gouvernement nous a donnés, et on va con-
tinuer de perfectionner notre travail dans ce sens-là. L'accueil, ce
n'est pas un geste ou une réception de transit comme Montréal ou
Mirabel. L'accueil, c'est un processus dynamique qui engage de l'énergie
et, aussi, c'est tout le processus d'apprentissage, l'initiation des gens dans
la vie. Donc, c'est totalement différent. J'ai entendu parler de
l'accueil partout, mais quand on parle de l'accueil, c'est un processus
dynamique qui rend... Ça ne dure pas seulement une nuit ou un mois, mais
c'est plus long et plus complexe qu'on ne pense.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Mme Lemaire, voulez-vous ajouter
quelque chose?
Mme Lemaire (Marie-Francine): Oui, vous parliez des besoins
spécifiques des femmes. Il reste que si Accueil parrainage est en effet
l'organisme de première ligne, qui mène des actions de
première ligne, l'Association des femmes immigrantes est née
avant tout du besoin de briser l'isolement des femmes immigrantes, comme le
signalait Régine, dans la mesure où, très souvent, pour
les hommes il est plus facile de se créer des contacts, d'avoir des
points de chute, qui soient professionnels, sociaux, etc. Et le problème
majeur - ce n'est pas le seul mais, en tout cas - le premier problème
des femmes immigrantes, c'est un problème d'isolement. Et à
partir de là, l'Association a souhaité rendre un certain nombre
d'autres services: être un lieu d'échanges, un lieu de rencontres.
Elle a rendu certains services d'accompagnement et d'interprétariat,
mais qui vont peut-être être remis en question prochainement,
puisqu'il semble qu'il y ait une nette tendance, au Québec actuellement,
à doter les services publics et un certain nombre d'organismes de
services d'interprétariat. C'est-à-dire que dans la mesure
où les CLSC, les hôpitaux, etc., disposeront de personnel capable
de faire de l'interprétariat curturel pour les membres des
communautés, évidemment l'Association pourra se trouver
déchargée de cette tâche et se consacrer à autre
chose.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Bouierice: Chers amis, je me permets de vous dire qu'il est
très agréable de revoir les gens de l'Outaouais. Comme le
président de ma formation politique m'a chargé - c'est un
vocabulaire qu'on entend régulièrement - d'un certain parrainage
de votre région, je suis appelé à y être
fréquemment. J'en retire toujours, d'ailleurs, un bénéfice
personnel très net, qui est celui de l'enrichissement. D'ailleurs, je
vois autour de cette table des figures connues, voire même très
amies, d'où le plaisir que j'ai de vous recevoir.
J'aimerais, si vous me le permettez, remer-
cier M. Gagné d'avoir évoqué de façon
très sobre, puisque c'était un trait caractéristique de la
personnalité de la personne, le souvenir et la mémoire du
très grand humaniste qu'était votre évêque, Mgr
Plourde. C'est toujours dans nos coeurs que vivent ou meurent ceux qu'on aime
et je pense qu'il est encore très vivant pour nous, tellement il a
imprégné notre société d'idéaux très
élevés. J'ai apprécié que vous en fassiez allusion,
M.Gagné.
J'ai lu votre mémoire, inévitablement, avec beaucoup
d'attention, compte tenu des remarques précédentes, et il y a une
question très précise que je vais vous poser parce qu'elle
figure, effectivement, comme énoncé dans votre mémoire.
Est-ce que vous pourriez m'expliquer comment, concrètement, un organisme
comme le vôtre pourrait participer au processus de sélection des
immigrants? Vous êtes te premier organisme à réclamer ce
type de participation.
M. Lumbu: II faudrait tout d'abord, peut-être,
réexpliquer c'est quoi la Table de concertation, brièvement.
C'est que la Table de concertation essaie d'étudier les besoins des
immigrants ou des communautés immigrantes établies dans la
région. À partir de la connaissance de ces besoins, la Table de
concertation essaie d'entrer en contact avec les organismes, les institutions
régionales, les organismes pourvoyeurs de services. Donc, on essaie
d'harmoniser tout ça. En même temps, la Table de concertation
essaie de rapprocher les communautés, soit les communautés
immigrantes récentes et les communautés de souche. Donc,
ça fait que nous connaissons, de façon assez efficace, ou nous
essayons de le faire, la problématique de l'immigration. Donc, si nous
disons que nous voulons participer à la sélection, au choix des
immigrants, c'est qu'on voudrait que le ministère soit à
l'écoute des régions. O.K.? Qu'il tienne compte des
problèmes, des atouts, des difficultés ou des avantages que, par
exemple, l'Outaouais possède.
Pour ce faire, on demanderait que les fonctionnaires qui se trouvent
dans les bureaux d'immigration du Québec à l'étranger
soient au courant des spécificités régionales, notamment,
de l'Outaouais. Ensuite, qu'on puisse éventuellement leur remettre des
documents promotionnels. Évidemment, pour préparer ces documents
promotionnels, on aura besoin d'aide du ministère de l'Éducation
parce que nous n'avons pas de moyens financiers actuellement suffisants Donc,
la participation d'un organisme comme le nôtre au choix des immigrants se
ferait de cette façon-là. Actuellement, c'est à cela, du
moins, que nous avons pensé.
M. Boulerice: Vous parlez de subvention. Je vais aller
immédiatement à la troisième question, sautant la
deuxième, pour la replacer plus loin dans la chronologie que je
m'étais établie. L'argent, c'est le nerf de la guerre. Bon,
écou- tez, le mot "guerre" n'est peut-être pas le mot le plus
heureux à prononcer dans le contexte actuel mondial, mais enfin... Sur
quoi devrait-être basée une politique de subvention des groupes
comme le vôtre qui participent à l'intégration des
immigrants et des immigrantes?
M. Lumbu: C'est-à-dire que...
M. Yang Va: Vous parlez du volet intégration?
M. Boulerice: Non, je dis: Sur quoi devrait-être
basé... Parce que tous les organismes ont fait la même remarque
que vous. Ils ont tous parlé des difficultés de financement. Ils
ont même parlé de sous-financement ou, tout au moins, de
financement non adéquat, compte tenu des responsabilités qu'ils
assument. Donc, la question que je vous pose, c'est: Sur quoi devrait
être basée une politique de subvention de groupes comme le
vôtre qui participent à l'intégration des immigrants?
M. Lumbu: Mais comme je le disais, il faudrait d'abord savoir que
la Table, si c'est au niveau de la Table de concertation, la Table de
concertation n'est pas un organisme de services, ce qui fait que... Alors, s'il
s'agit d'un organisme de services, dans ce cas-là, je dirais que c'est
un peu Parrainage Outaouais qui serait en mesure de vous dire quels seraient
les critères valables.
M. Yang Va: AJors, pour nous, ce qui est très important,
c'est qu'on est en région. Maintenant, il y a une politique de
régionalisation. On ne peut pas imaginer que ça va réussir
si on ne peut pas investir d'abord. Le critère, c'est: On ne peut pas...
Si on attend qu'il y ait trop d'immigrants avant d'investir dans une structure
d'accueil qui peut vraiment bien préparer la population, la
collectivité d'accueil, et en même temps avoir aussi des services
soutenus avec de la continuité et de la qualité pour
éventuellement expérimenter comment on peut faciliter
l'intégration, le rapprochement des populations et de là, faire
vraiment que la région soit... Et ce n'est pas un organisme qui va
accueillir, mais la région qui va planifier, qui va gérer, qui va
accueillir Alors, pour ça, il y a la dimension de prévention et
il y a la dimension du suivi et la dimension de la recherche. Alors, c'est pour
cela que les critères qui sont demandés jusqu'ici,
critères selon les activités et les services produits par les
rapports, etc., ne peuvent pas relater toute la dynamique et le processus de
prévention et de planification à long terme. C'est ça. On
aimerait que la planification, le mode de financement soient instaurés
en permettant à la région de planifier, d'ajuster les services
selon les besoins et c'est dans ce sens là qu'on aimerait que les
budgets et le mode d'octroi de subventions soient mis en place.
M. Boulerice: Et est-ce que je peux exten-tionner votre
réponse en disant qu'il serait plus que souhaitable que les budgets
soient triennaux, et non pas annuels, de façon à vous permettre
effectivement de faire une planification solide?
M. Martel: C'est qu'on vit une inquiétude presque
constante. C'est que d'une année à l'autre, même là
pour l'an prochain, on est inquiets parce que, bien sûr, les budgets sont
en train de se préparer, mais avec tout ce qui se trame, on se demande
ce qui va nous arriver. Est-ce que le personnel qu'on a, les gens qui rendent
le service, qui sont sur le terrain... Alors pour eux, c'est bien sûr,
c'est leur gagne-pain. Mais est-ce qu'on va pouvoir rendre le service avec la
même compétence? Est-ce qu'on va pouvoir être au service des
immigrants, des réfugiés? En planifiant, peut-être qu'on va
pouvoir améliorer, bonifier un peu nos services ou, si on vit un certain
attentisme, de quelle façon ça va être
discrétionnaire? Est-ce qu'on va avoir suffisamment? Tant que c'est
à chaque année et fondé sur des rapports... Il me semble
qu'une fois qu'on a une certaine crédibilité, que l'organisme est
reconnu, alors il ne suffit pas de beaux mots, je pense qu'il faut l'appuyer
par une volonté certaine de lui permettre de continuer à vivre et
à rendre un service compétent et que la responsabilité
soit partagée entre l'organisme et les gens du niveau politique.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Boulerice: Dans le dossier de l'immigration, la
région... Et je ne vous le dis pas de façon flatteuse, mais la
région qui, véritablement m'a le plus instruit sur certaines
facettes, c'est bien la vôtre. C'est dans l'Outaouais, c'est chez vous
que pour la première fois on m'a sensibilisé de façon
très précisé aux problèmes rencontrés par
les femmes immigrantes et notamment par les travailleuses domestiques. En
lisant votre mémoire, je me suis aperçu qu'il n'y avait aucune
référence spécifique à cette notion-là et je
dois vous avouer que ça m'a un petit peu étonné, en me
disant: Ils n'en parlent pas, il n'est pas réglé, il existe. (15
h 15)
M. Lumbu: Je demanderais à l'Association des femmes
immigrantes de pouvoir répondre à cette question.
Mme Lemaire: Je crains de ne pas avoir très bien compris
votre question.
M. Boulerice: J'ai dit que le premier endroit au Québec
où on a parlé d'une problématique, je dis bien d'une
problématique au niveau de l'immigration, c'était chez vous et le
sujet qu'on avait abordé était le statut, les conditions dans
lesquelles vivent les femmes immigrantes, mais qui sont ici comme travailleuses
domestiques.
Mme Lemaire: Ah oui!
M. Boulerice: Les bonnes, comme on dit dans un français un
peu méprisant.
Mme Lemaire: Oui, oui. C'est une catégorie
spéciale, en effet, parce que des personnes qui souhaitent
s'établir au Québec peuvent y entrer à condition de
travailler pour un employeur pendant deux ans, et sans en bouger, à la
suite de quoi on leur facilite l'obtention de la citoyenneté. Donc,
certaines femmes qui n'étaient pas spécialement disposées
à faire ce métier, par exemple, peuvent utiliser ce biais pour
être acceptées comme immigrantes au Québec.
Évidemment, ça crée un lien de grande dépendance,
vous vous en doutez. Et nous avons eu vent d'ailleurs, à l'Association,
de quelques cas où des employeurs auraient manifestement abusé de
la situation de ces femmes, parce que même si elles ont ce type de lien
avec leur employeur, même si elles en espèrent quelque chose de
très concret qui est le droit de s'établir au Québec et
d'obtenir la citoyenneté, bien, il reste qu'elles ont aussi le droit
d'être payées, le droit enfin de jouir des avantages qui sont
rattachés à l'exercice de n'importe quelle profession. C'est une
situation qui favorise certains abus.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lemaire. M. le
député, quelques mots de remerciement, compte tenu du temps qui
s'est écoulé.
M. Boulerice: En terminant, ce serait quoi la solution?
Mme Péloquin: Bien, la solution, ce serait,
éventuellement, que les femmes qui travaillent pour ces employeurs ne
soient pas tenues de respecter ou soient obligées d'être
expulsées du pays pour n'avoir pas respecté leur contrat de
travail, finalement. Elles pourraient, éventuellement, travailler
ailleurs, chez un autre employeur, que l'Immigration puisse leur trouver un
autre foyer ou un autre type de travail, mais qu'elles ne soient pas
obligées de subir cette situation.
Mme Lemaire: D'ailleurs, si je peux me permettre d'ajouter un
mot, la situation du parrainage crée une dépendance pas seulement
pour les femmes qui vivent cette situation et qui travaillent comme
domestiques, parce que vous savez que, dans certains cas, une femme immigrante
est parrainée par son mari, si celui-ci est arrivé au
Québec avant elle. Donc, là, je ne parle plus des domestiques, je
parle simplement des épouses qui sont entrées ici,
parrainées par leur mari, et, là aussi, ça peut donner
lieu à un certain nombre d'abus, disons, de pressions, de chantage. S'il
y a des difficultés dans le couple, le mari menace de faire expulser sa
femme. Nous n'avons pas de solution à proposer, mais il serait
souhaitable que cette situation change, c'est-à-dire qu'à
l'intérieur d'un couple, par exemple, l'un des deux membres n'ait pas
cette espèce de pouvoir qui est vraiment excessif de menacer la personne
qui est arrivée au pays grâce à lui, de la faire expulser.
Ce sont des situations qui sont vécues assez couramment,
paraît-il.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Boulerice: Je vous remercie. Ce sont, effectivement, les
préoccupations que partage le Conseil du statut de la femme. Je pense
qu'il y aurait peut-être un dialogue à établir avec lui
aussi. Merci beaucoup mesdames, merci messieurs.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, je vais vous remercier. Je
pense qu'on voit, justement, qu'avec la concertation régionale de
l'Outaouais, avec cette Table que vous avez créée, vous avez
quand même un objectif en tête: l'intégration. Je pense que
nous sommes tous en faveur d'une intégration réussie. Je voudrais
profiter de l'occasion, bien sûr, pour vous offrir aussi notre
collaboration quant au forum et quant au colloque que vous voulez organiser
pour bientôt. Alors, vous pouvez compter sur notre collaboration et je
vous souhaite aussi, bien sûr, un bon voyage de retour. Vous avez un bon
bout de chemin à faire encore.
M. Lumbu: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup d'être venus
nous voir. Merci beaucoup pour votre présentation. En terminant, je vous
permets de vous retirer en vous souhaitant un bon voyage de retour. Merci
beaucoup.
M. Lumbu: Merci, M. le Président.
Centre multiethnique de Québec
Le Président (M. Doyon): J'inviterais maintenant les
représentants du Centre multiethnique de Québec à bien
vouloir s'approcher à la table de nos invités. Je crois qu'ils
sont représentés par M. Jean-Guy Vennes et par Mme Juana Proulx.
Dès qu'ils se seront installés, je les invite à se
présenter et à commencer la lecture de leur mémoire ou du
résumé de leur mémoire, comme ils le veulent bien. Alors,
vous pouvez commencer.
M. Vennes (Jean-Guy): M. le Président, Mme la ministre, je
vais d'abord me présenter. Jean-Guy Vennes, président du Centre
multiethnique de Québec, autrefois la Fraternité multiculturelle.
À ma gauche, la directrice, Mme Juana Proulx. Mme Juana Proulx est une
Québécoise d'origine péruvienne. Elle a marié un
Québécois. Elle est mère de famille de deux belles grandes
filles et d'un beau garçon. La famille est vraiment
intégrée à la communauté
québécoise.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue.
M. Vennes: Je crois qu'il serait important de vous situer
brièvement en ce qui regarde le Centre multiethnique de Québec.
Le Centre multiethnique de Québec est un organisme à but non
lucratif qui existe depuis 30 ans. Il a été fondé par Mme
Aline Blouin, une femme cultivée, humaniste, qui durant sa vie s'est
appliquée à rapprocher les Canadiens de cultures
différentes. Avec les années, l'organisme a changé un peu
de vocation, il est devenu plus humanitaire et est devenu un organisme de
services. Je porte à votre attention les objectifs du Centre
multiethnique. Le Centre multiethnique de Québec a pour objectif
d'accueillir et de favoriser l'adaptation des nouveaux arrivants à ta
communauté québécoise. Voilà donc le champ dans
lequel la directrice, ses permanents et les nombreux bénévoles
travaillent.
Après avoir parcouru l'énoncé de politique, le
conseil d'administration et le personnel n'ont pas jugé opportun
d'apporter des observations sur la politique comme telle. Il s'est plutôt
attardé à vous expliquer brièvement trois points qui
constituent le quotidien du Centre multiethnique. Le premier point, c'est
l'accueil. Je pense qu'il serait bon que vous vous fassiez un peu à
l'idée de ce qu'est un réfugié qui arrive à
Québec. Généralement, le réfugié arrive
à l'aéroport. Un fonctionnaire du fédéral vient le
chercher et le conduit à l'hôtel Mercure. Là commence le
travail du Centre multiethnique. Grâce aux agents d'accueil, à des
interprètes, à des bénévoles, nous
commençons le processus de la connaissance du Québec.
Viennent d'abord les inscriptions, soit pour recevoir la carte
d'assurance sociale; ensuite, on leur donne l'information sur le Québec
comme tel, on les informe sur les services, où ils peuvent recevoir, par
exemple, des habillements, des vêtements. Nous avons la fameuse
activité qu'on appelle la recherche d'un logement. Nous faisons visiter
trois logements aux immigrants et on leur explique ce que c'est qu'un bail. On
leur explique ce que c'est qu'une maison. Remarquez bien, je suis obligé
de dire ça parce qu'il y a bien des réfugiés qui n'ont pas
connu la structure, je dirais, physique de nos maisons. On leur explique ce que
c'est qu'un bail. Cette activité dure en moyenne à peu
près trois à quatre jours de travail. Après quoi on laisse
le réfugié ou la famille dans son logement, bien souvent plus ou
moins meublé. On leur dit de s'initier à la structure
québécoise en attendant d'aller suivre des cours au COFI.
Je voudrais vous dire que l'hôtel Mercure, qui est sur la rue
Saint-Vallier, comprend deux grandes divisions de chambres: une vieille
partie,
puis une partie neuve. Si vous allez vous chercher une chambre ce soir,
soyez certain que vous n'irez pas dans la vieille partie si vous êtes
bien identifié comme Québécois. Mais, si vous êtes
un réfugié, un immigrant, c'est là qu'on va vous conduire
avec tout ce que peut comprendre un règlement qui est assez
sévère, surtout lorsqu'il est question de familles. Je vais
passer vite parce que j'ai très peu de temps.
Vous devinez la difficulté dans laquelle vivent les
réfugiés quand ils arrivent pour la première fois en terre
québécoise. À notre point de vue, l'accueil au
Québec est un service à repenser en profondeur et mérite
aujourd'hui que les grands décideurs se penchent sur cette
activité qui conditionne souvent l'engagement politique, social,
économique de ceux qui espèrent entreprendre une nouvelle vie en
terre québécoise. Je voudrais juste vous lire ici un paragraphe
d'une personne qui est spécialisée en psychologie,
particulièrement dans le cas des immigrants: Le nouvel arrivant, pour
vivre son processus d'intégration et d'acculturation harmonieusement, a
besoin d'un encadrement bien structuré qui tient compte de son
cheminement antérieur, de son état actuel et de son attitude face
à son adaptation. Les réfugiés qui arrivent ici sont
à la fois heureux d'être en sécurité et malheureux
d'avoir tout quitté.
L'organisme qu'on appelle le centre a une expérience assez
intéressante et, devant ce phénomène et profitant de
l'occasion d'une réflexion en profondeur au ministère de
l'Immigration, vous propose comme solution des maisons d'accueil. Ceci n'est
pas une idée farfelue ni originale puisque, en Ontario, nous retrouvons
des maisons d'accueil dans au moins trois villes; donc, on connaît
ça. À Ottawa, London, Kitchener, nous avons des maisons
d'accueil; en Alberta aussi. Je suis entré en communication avec ces
deux sortes de gouvernement et j'attends prochainement de la documentation.
J'ai reçu fortuitement une petite documentation du Manitoba et j'ai ici
un document qui nous indique que la maison comprend 29 chambres, pour cette
fois-ci, de courte durée. Nous avons de l'information de la France
où il existe 39 centres d'hébergement dans les principales villes
de la France. Ce réseau de maisons d'accueil dispose de 10 000 places.
Nous pensons qu'à l'occasion d'une réflexion en profondeur comme
le ministère semble faire, l'idée de maisons d'accueil devrait
être étudiée par vos fonctionnaires, par votre cabinet,
pour essayer de voir s'il n'y aurait pas des possibilités de
réalisation. (15 h 30)
En ce qui regarde l'accueil, le conseil d'administration recommande,
à l'occasion du transfert de responsabilités
fédéral-provincial qui est après se faire actuellement,
qu'il y ait la possibilité pour trois organismes principaux, celui de
Hull, celui de Sherbrooke et celui de Québec, qui s'apparentent
énormément en termes de clientèle, en termes
d'activités, d'être consultés dans le fameux passage de
responsabilités fédéral-provincial.
Nous recommandons que des maisons d'accueil soient envisagées,
à l'exemple de nos voisins, et je dois vous dire que le Centre
multiethnique a déjà fait des démarches assez
sérieuses sur ce plan-là et peut vous dire qu'actuellement trois
partenaires sérieux sont intéressés à participer
à la fondation de telles maisons d'accueil, dont l'un est une
institution financière très respectée au
Québec.
Enfin, le Centre multiethnique de Québec propose au
ministère que, dès septembre prochain, l'expérience d'une
maison d'accueil soit entreprise et le Centre multiethnique est
déjà prêt à participer activement à
l'expérience.
Nous voulons dire un mot maintenant en ce qui regarde l'enseignement du
français. Nous déplorons le retard à dispenser
l'enseignement du français aux réfugiés. Tantôt,
brièvement, je vous ai fait un peu, je vous ai un peu décrit la
situation des réfugiés quand ils arrivent pour les premiers
jours, ici, à Québec. Lorsque le COFl doit organiser des cours
pour ces personnes-là et prend un mois, un mois et demi - on a connu une
période de trois mois, mais passons, je crois que ça s'expliquait
- attendre un mois, nous considérons ça comme étant
vraiment exagéré pour les réfugiés. Nous nous
posons la question, à savoir si la formule des COFl ne pourrait pas
être améliorée en utilisant d'une façon plus
rationnelle les services d'éducation des adultes que l'on retrouve dans
toutes les commissions scolaires, dans tous les cégeps, et je dirais
même dans toutes les universités.
Nous considérons que le COFl constitue un dédoublement des
services et nous pensons qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir un moyen
d'économie. Je voudrais bien faire remarquer que cette prise de position
ne remet pas en cause la compétence des professeurs engagés par
le COFl; elle préconise une rationalisation des services d'enseignement
et une augmentation du nombre de semaines d'enseignement consacré au
français. Nous comprenons très bien qu'au COFl il doit y avoir un
encadrement de 30 semaines, mais vous devinez comme moi que la langue
française est une langue difficile. Il faut trouver des moyens pour que
les gens puissent continuer à suivre des cours et je pense que le
service d'éducation des adultes devrait être utilisé au
maximum. C'est une complémentarité que le ministère de
l'Éducation devrait apporter au ministère de l'Immigration.
Un dernier mot maintenant en ce qui regarde le problème de
l'emploi. Nous vivons quotidiennement le problème de l'emploi pour les
réfugiés. Nous savons que ce n'est pas une question facile
à solutionner. C'est un problème qui existe aussi pour nos
Québécois d'origine, mais nous pensons qu'il devrait y avoir
des
projets qui puissent faire l'objet d'études au niveau de ia
direction régionale du ministère de l'Immigration et qui,
disposant par exemple d'un certain budget, pourrait faciliter des initiatives
intéressantes. Nous pensons en particulier, parce que nous en avons un
petit peu discuté, aux coopératives, par exemple, de serres
agricoles. On sait que beaucoup d'Asiatiques ont le culte de la terre, ainsi
que pour les Latinos et nous constatons que ce sont des individus qui aiment
travailler. Peut-être y aurait-il lieu de voir si, dans ce genre
d'expérience de coopérative qui pourrait ressembler un peu aux
PME des années soixante, soixante-dix, ça ne pourrait pas
être une solution. Nous proposons cette solution qui est plutôt
d'ordre théorique; je pense que ça appartient à des
spécialistes comme vous retrouvez dans votre ministère pour
regarder si vraiment il y a lieu de trouver preneur.
Je voudrais conclure que nous aurions pu donner notre point de vue sur
la politique de la régionalisation, la sélection des candidats du
pays, les équivalences et les exigences académiques de certaines
professions, autant de questions essentielles qui nous préoccupent
à titre de simples citoyens. Comme représentants du Centre
multiethnique de Québec, notre intervention est centrée sur
l'accueil et l'adaptation. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vennes, merci.
Mme la ministre, vous avez des questions?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Alors, merci. Je vais passer
immédiatement aux questions. Merci, M. Vennes, pour votre
présentation. Je voudrais revenir aux maisons d'accueil parce que vous
savez, il y en a en Ontario, comme vous le mentionnez, en Alberta, mais il y en
a aussi en France. Et en France, on fait de l'hébergement. Moi, à
ma connaissance, en Ontario et en Alberta, il ne s'agissait pas
d'hébergement mais davantage du guichet unique de services. Mais
supposons qu'on pense à des centres d'accueil avec hébergement
comme... C'était plutôt votre... c'était plutôt le
sens de votre pensée. Ce serait pour combien de jours? Pour vous, c'est
quoi, un centre d'accueil pour hébergement, ce serait pour combien de
temps?
Mme Proulx (Juana): Nous, nous pouvons les recevoir pour trois
semaines. C'est qu'à Ottawa ils les logent pendant quatre semaines.
C'est parce que, pendant ces trois semaines-là, on aurait tout un
programme d'activités pour eux, disons, et aussi on pourrait faire la
recherche de logement mais un peu plus lent que dans l'espace de cinq jours.
Parce que, quand même, le mode de fonctionnement pour les gens qui
arrivent, ils doivent quitter l'hôtel dans l'espace de cinq jours.
Alors cinq jours, vous savez, une personne qui arrive du Vietnam, tout
le voyage, elle n'arrive pas disposée à chercher son logement.
Alors, nous, nous pensons que ce serait intéressant d'avoir quelques
jours à lui donner de la formation, des renseignements et, ensuite, elle
pourrait chercher son logement, mais tranquHIe-ment dans l'espace de trois
semaines et non pas de cinq jours.
Mme Gagnon-Tremblay: Et est-ce que ça s'adresserait
uniquement aux réfugiés ou aussi aux autres nouveaux venus?
Mme Proulx: On l'a pensé pour les réfugiés
et aussi pour les immigrants. Parce que les immigrants qui arrivent, les
indépendants qu'on les appelle, arrivent certainement avec un peu
d'argent, mais on pourrait les héberger aussi si nous avions des places.
Mais pour l'expérience de la maison, on a pensé plutôt
à 15 chambres, alors ce n'est pas beaucoup. Parce qu'on voudrait tenter
l'expérience pendant trois ans et voir si le projet est viable et il
apporte des résultats, après quoi on pourrait faire une
évaluation et voir si on continue en plus grand ou bien si ça
finit là.
Néanmoins, on voudrait tenter l'expérience. En Ontario,
c'est pendant quatre semaines et pendant quatre semaines, il y a des programmes
de formation; j'ai visité celui d'Ottawa.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est parce que vous savez, comme
vice-présidente du Conseil du trésor, je calcule rapidement et je
ne peux pas faire autrement dans un contexte de rareté des ressources
parce que je me dis: C'est une chose, avoir des centres d'accueil, c'est une
autre chose que de les faire fonctionner. Et aussi, à un moment
donné, il y a différentes régions et une fois qu'on aura
développé ces régions-là, il y aura d'autres
régions qui ne sont pas identifiées, là où on n'a
pas de direction régionale présentement, qui voudront aussi de
ces centres d'accueil.
C'est parce que j'essaie de voir le coût, par exemple, du centre
d'accueil, du fonctionnement, et je me dis: Est-ce qu'on n'est pas mieux de
mettre notre argent dans des services directs, c'est-à-dire, par
exemple, en y allant, avec du jumelage avec des familles? Je sais qu'il y a un
organisme ici, dans la région de Québec, qui s'occupe de jumeler
ces nouveaux arrivants avec, en moyenne, trois ou quatre familles et il y a un
suivi qui se fait et une intégration qui semble très bien
réussie. Et là, au lieu d'injecter des sommes dans du
béton ou dans un fonctionnement, c'est davantage au service à la
clientèle. J'aimerais vous entendre là-dessus
Mme Proulx: Moi, je pense, madame, qu'il faut y penser au
départ. Il semble très important d'y penser, comme je vous le
dis. Mettons quelqu'un qui arrive du Vietnam, et qui arrive
fatigué, et le lendemain on l'amène pour chercher un
logement, un appartement. On lui explique brièvement toutes les
procédures qu'il doit suivre. Je trouve que c'est trop pour ces
gens-là. Il faudrait avoir une approche plus humanitaire, plus
détendue. Il faudrait vraiment les accueillir avec des services, comme
vous le dites. Je ne pense pas que le fait d'essayer, dans les maisons
d'accueil qui sont très coûteuses... Parce que, comme Jean-Guy le
disait, nous avons aussi des partenaires qui aimeraient se joindre à ce
projet. Donc, c'est un projet-pilote qui a un partenaire sérieux, les
communautés religieuses, et les milieux pourraient s'impliquer.
Mme Gagnon-Tremblay: Ce n'est pas tellement le financement de la
construction comme telle, ce n'est pas l'achat de la bâtisse ou du centre
d'accueil qui me fait problème ou qui me questionne. C'est davantage le
fonctionnement par la suite. Je comprends qu'il y a peut-être des
organismes qui peuvent nous aider, mais c'est toujours la question de l'argent,
reliée au fonctionnement de cet édifice par la suite.
Mme Proulx: Bien, quand on dit des services, on continue, nous,
à donner des services, et nous avons développé dans les
paroisses de l'aide pour les gens qu'on accueille et qu'on installe. Nous avons
des groupes de bénévoles qui travaillent et qui continuent
à donner une panoplie de services et qui continuent à les amener
vers les CLSC, vers les écoles, et tout et tout. Les services du Centre,
on va continuer à donner des services, et des services de
première ligne et tout. Je pense que c'est une expérience qu'on
pourrait tenter. Moi, j'y crois sincèrement, alors j'aimerais vous
convaincre de ce projet.
Mme Gagnon-Tremblay: Parfait madame, merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député d'Acadie, vous avez une question?
M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. En fait, j'ai
deux questions. Je vais d'abord commencer par revenir sur quelque chose que
vous avez mentionné tout à l'heure dans votre exposé. Vous
vous êtes questionné, tout à l'heure, sur
l'effficacité des COFI et la nécessité ou la
possibilité que ce soit réintégré dans une
structure qui serait plus du type de l'éducation permanente ou
l'éducation continue. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu
plus. Disons que je ne vois pas très bien les avantages que ça
pourrait avoir que ce soit intégré à l'éducation
pour adultes, compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas seulement ici d'enseigner
la langue, il s'agit aussi d'enseigner au fond les différentes valeurs,
les différentes caractéristiques, un peu le fonctionnement de la
société, et ça me semble dépasser ce qu'on retrouve
actuellement dans les écoles ou les collèges au niveau de
l'éducation pour les adultes. Et même si, disons, on pouvait
éventuellement, dans la mesure où c'est différent, si on
pensait à rapatrier, au fond, ce qui existe dans les COFI actuellement
vers l'éducation permanente, bien, il faudrait rapatrier les ressources
qu'on a actuellement dans les COFI. Il faudrait avoir des locaux pour
accommoder ces personnes-là. Et où serait l'économie,
exactement, à ce niveau-là?
M. Vennes: Je vais l'expliquer un peu plus. Actuellement, nous
avons un COFI qui se trouve sur la rue Père-Marquette. Lorsqu'il est
question d'héberger notre personnel, je veux dire héberger les
réfugiés qui nous arrivent, il faut les loger dans le circuit du
COFI, parce que ces individus-là, durant 30 à 40 semaines, vont
se diriger au COFI, comme tel, pour pouvoir suivre des cours, alors qu'on
pourrait très bien, par exemple, s'assurer que l'enseignement du
français se donne à l'Ancienne-Lorette, à Sainte-Foy,
à Charlesbourg, à Beauport, où les individus pourraient
très bien s'intégrer plus facilement à la
communauté québécoise.
M. Bordeleau: On mentionne souvent que le fait que les... Depuis
que la commission parlementaire a commencé ses travaux, on parle des
services qu'on doit donner aux immigrants - vous en avez parlé, vous
autres aussi - pour favoriser l'accueil, etc., les intégrations. Mais
est-ce qu'on n'a pas, au niveau des COFI justement, un service qui est
dédié au fond à cette clientèle-là, et qui
est centré exclusivement, disons, à rechercher la plus grande
efficacité possible en termes d'accueil, d'intégration, alors que
ça ne serait pas l'objectif, par exemple, du système scolaire que
de répondre à cette même finalité-là? (15 h
45)
M. Vennes: C'est vraiment l'objectif du ministère de
l'Éducation de dispenser l'enseignement. Faisons un petit peu
l'histoire. Les COFI ont été mis sur pied en 1968, 1969, au temps
de Mario - je pense que c'est Mario Beaulieu.
Une voix: Munsinger.
M. Vennes: Non, Mario Beaulieu, qui était ministre de
l'Immigration, à ce moment-là.
Le Président (M. Doyon): L'équivalent, oui.
M. Vennes: À peu près dans la même
période, le ministère de la Justice réclamait son
École de police. Il a pris le collège de Nicolet et il l'a
transformé, mais, dans les collèges, on a continué
à donner l'enseignement des techniques policières. Dans les
principaux cégeps, vous retrouvez les techniques policières. En
ce qui regarde, par exemple, l'hôtellerie, on a voulu à
tout prix avoir l'École d'hôtellerie, qui se trouve
près de la rue Saint-Denis, à Montréal. Elle
répondait à une vocation très spécifique. Mais dans
les commissions scolaires vous retrouvez l'enseignement de l'hôtellerie,
de la cuisine, qui se dispense dans les diverses commissions scolaires. Je
dirais la même chose pour l'agriculture par rapport à
Saint-Hyacinthe. Alors, moi, je dis que le ministère de
l'Éducation a cette responsabilité de dispenser l'enseignement.
Et pourquoi le ministère n'aurait-il pas cette responsabilité de
s'occuper aussi de l'enseignement du français aux immigrants qui nous
arrivent? Moi, je pense qu'il pourrait donner une plus grande
variété. Je pense, entre autres, encore une fois, aux gens qui
après 30 semaines d'étude du français pourraient continuer
et je pense, entre autres, aux mères de famille qui restent à la
maison plutôt que d'aller continuer leur formation en
français.
M. Bordeleau: Dans votre position, vous sembtez, disons, limiter
le rôle des COFI à l'enseignement de la langue. Est-ce que les
COFI n'ont pas un rôle plus large, c'est-à-dire de sensibilisation
au mode de vie, de transmettre un minimum de valeurs du milieu d'accueil? C'est
cette partie-là, moi, que je crains qu'elle ne puisse pas être
assumée parce qu'il ne s'agit pas d'un enseignement, il s'agit beaucoup
plus de formation. D'ailleurs, on parle du Centre d'orientation et de formation
des immigrants. Alors, que cette partie-là ne puisse peut-être pas
être prise en charge, au fond, par le système scolaire comme tel,
c'est là-dessus que j'avais une crainte.
M. Vennes: Je crois que le COFI quand même a, en premier
lieu... La première responsabilité, c'est de dispenser de
l'enseignement. C'est sûr qu'il faut qu'il profite de la présence
de ces étudiants pour les intégrer à la communauté
québécoise, je ne nie pas ça du tout, mais je suis
convaincu que les commissions scolaires pourraient très bien faire ce
travail-là.
M. Bordeleau: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Bordeleau: Oui, une deuxième question. En fait, c'est
juste une question de clarification. C'est que dans votre mémoire,
à la page 12, vous faites référence, vous dites: II
s'interroge, en parlant du Centre multiethnique, cependant sur l'ouverture
possible à des emplois neufs. Qu'est-ce que vous entendez exactement par
l'ouverture à des emplois neufs?
M. Vennes: Je pensais à l'agriculture, l'exemple que je
vous donnais, par exemple. Il y a beaucoup, actuellement, c'est la mode des
serres, des légumes. On se disait, nous autres:
Peut-être qu'il pourrait y avoir des coopératives de serres
agricoles ou des PME pourraient éventuellement faire des emprunts, comme
on le fait à la société centrale d'hypothèques,
où on peut emprunter, par exemple, sur une période de 30 ans, 35
ans, à 2 % d'intérêt. Il pourrait y avoir des formules
semblables. Je ne suis pas en mesure de vous donner toute la réponse
à cette question-là, mais je pense qu'il y a un filon assez
intéressant à suivre dans ça.
M. Bordeleau: Quand vous dites "emplois neufs", c'est de la
création d'emplois?
M. Vennes: C'est ça, oui.
M. Bordeleau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Vennes, si vous le permettez, je porterai
deux commentaires en préambule, et soyez assuré que je les fais
en toute amitié. Un premier, dans votre énoncé, je vous
avoue que ça m'a heurté, vous avez dit: Le français est
une langue difficile. À force d'apprentissage, j'ai réussi
à en apprendre plusieurs; notre collègue, M. le Président,
de la commission parle couramment l'allemand; je prendrai à
témoin mon collègue, M. le député d'Acadie, qui
sait que je réussis à me débrouiller quand même
assez bien en arménien, et je peux vous dire que l'arménien et
l'allemand sont beaucoup plus difficiles à apprendre que le
français. Et c'est malheureusement, M. Vennes, j'espère que vous
en êtes conscient, un argument que trop souvent on a utilisé pour
justifier le non-apprentissage de la langue française, en disant que le
français était une langue difficile et compliquée. Je
pense qu'il faut relativer les choses à ce niveau-là.
La deuxième, à la page 2, vous parlez de juridiction quasi
exclusive de l'immigration. Je me permets de vous rappeler, M. Vennes, puisque
c'est une très grande préoccupation dans votre mémoire et
que je la partage, que le Québec n'a aucun pouvoir sur le statut des
réfugiés. La preuve, cet amoncellement qui existe actuellement
des revendicateurs du statut qui n'ont pas encore de réponse parce que
ça relève toujours du gouvernement fédéral. Et au
niveau de l'immigration, bien, on a toujours un pouvoir de sélection,
mais le pouvoir d'acceptation relève également du gouvernement
fédéral. Certes, nous avons obtenu plus de budget
inévitablement, mais je trouve que là, c'était
quêter ce qui nous appartient de droit puisque nous sommes contribuables
encore dans ce système constitutionnel. Mais ces remarques étant
faites, cela ne diminue absolument en rien la qualité de votre
mémoire et les interrogations sérieuses que vous posez à
l'intérieur de ce mémoire.
Vous pariez, notamment, M. Vennes, du nombre de semaines dans
l'apprentissage du français pour les immigrants. Ça, ce sont des
commentaires que j'entends et j'aimerais connaître votre opinion à
vous. Plusieurs me disent: Vous savez, M. le député, aller au
cours et recevoir la petite allocation qu'on reçoit, bien, moi, j'aime
mieux aller travailler et essayer de me débrouiller sur le terrain.
Peut-être qu'à Québec se débrouiller sur le terrain,
c'est plus facile, je ne le sais pas. Parce que c'est une ville beaucoup plus
francophone que la métropole, mais il y a cette interrogation-là
par rapport aux immigrants. Alors, d'après vous, le nombre de semaines
pour les cours de français, est-ce que vous l'aviez
quantifié?
M. Vennes: Je crois que ça, ça varie selon les
étudiants. Quand vous dites, par exemple, que la langue française
n'est pas une langue difficile, c'est que nous côtoyons tous les jours
les immigrants et eux-mêmes nous disent que c'est une langue difficile,
le français. J'emploie plutôt leur langage. Peut-être qu'eux
sont dans l'erreur et que c'est une langue facile, mais je vous donne ici
plutôt une opinion des gens que nous fréquentons tous les
jours.
M. Boulerice: D'accord, M. Vennes, je ne ferai pas un long
débat avec vous là-dessus, je vais vous dire que le vietnamien
est une langue très facile. Je suis en train d'en faire l'apprentissage
pour mieux communiquer avec mes citoyens dans Sainte-Marie-Saint-Jacques qui
sont d'origine vietnamienne. Alors, on va modifier de part et d'autre notre
vocabulaire en disant que chaque langue a ses particularités, mais
qu'aucune n'est difficile. Elles sont tout simplement dépendantes de
l'amour que l'on porte à cette langue et de notre volonté de
l'apprendre.
Vous parlez... Ça, c'est important, c'est vraiment le noyau
central du problème dans la région où je vis et je vais
voir dans quelle mesure c'est également vécu ici. Vous êtes
de Québec, donc, vous êtes de la capitale. Vous parlez des
difficultés rencontrées dans la recherche du logement. On sait
fort bien que les immigrants qui arrivent, les réfugiés ne sont
pas dans un état économique... Écoutez, à part
quelques amis de régimes despotiques qui réussissent à
entrer avec des valises assez pleines, 99, 99 % des immigrants et des
réfugiés qui arrivent arrivent dans un état de
dénuement assez complet. Je l'ai vécu avec beaucoup d'amis
latino-américains. Des Haïtiens aussi. Et comme il y a
malheureusement, je dirais, une baisse sensible marquée - je suis
prêt même, si on conteste mes propos, à un débat
public là-dessus - de la construction de logements sociaux au
Québec, quelles sont les principales difficultés au niveau du
logement d'après vous? Et est-ce que la ville ne devrait peut-être
pas être as- sociée à un certain programme de
sensibilisation au sujet du logement pour immigrants et réfugiés?
Parce que, de toute évidence aussi, on vit dans des conditions
climatiques où c'est une obligation d'avoir un toit chez nous.
M. Vennes: Je suis parfaitement d'accord avec ça. C'est
bien sûr que si la municipalité pouvait trouver des solutions
à la question du logement, je ne voudrais pas que ce soit exclusif aux
réfugiés, que ce le soit aussi même à nos
Québécois qui auront besoin d'avoir des avantages que
j'appellerais fiscaux, mais le problème est là. C'est ce que nous
vivons avec cette situation-là.
M. Boulerice: Et la qualité des logements? M. Vennes:
Ah! C'est ça.
Mme Proulx: C'est ça que j'allais vous dire, justement. A
Québec, nous sommes en train d'avoir deux pôles centraux
d'immigrants: la basse-ville et Ernest-Lapointe. Ces deux pôles, on est
en train de les développer avec beaucoup d'immigrants. Je pense que,
dans le moment, nous n'avons pas de solution puisque les allocations que les
réfugiés ont, c'est très minime, c'est l'équivalent
de l'aide sociale. Donc, nous ne pouvons pas les loger, disons, à
Sainte-Foy, à Sillery ou ailleurs que dans ces lieux où le
logement n'est pas cher. Certainement que les gens qui demeurent à la
basse-ville, qui ont quitté pour s'en aller vers la banlieue, bien, leur
logement est libre. Alors, c'est là que nous sommes en train d'amener
les immigrants, les réfugiés qui arrivent. Aussi, on l'a dit
tantôt, le COFI est proche, alors, on essaie de les faire habiter autour
du COFI. Donc, c'est proche du COFI qu'on trouve la clientèle immigrante
en quantité.
M. Boulerice: Et si, par malheur, certains d'entre eux ou d'entre
elles vivent de prestations d'assistance sociale, le partage du logement,
forcément, est pénalisé, ce qui, à mon point de
vue, est une très grande injustice, puisque le partage du logement n'a
pas pour but d'économiser, mais de se donner de meilleures conditions de
logement comme telles.
Vous avez fait une critique importante des COFI. Est-ce que l'on devrait
remettre en question ce concept, selon vous, ou, sans le remettre en question,
avoir une interrogation, j'emploierai les mots 'très introspective"?
M. Vennes: C'est peut-être que je me suis mal
exprimé. C'est que je veux dire que le ministère de
l'Éducation doit entrer dans toute sa responsabilité dans la
formation des immigrants et non pas les exclure. Je dirais que là
où les COFI existent, tant mieux. Qu'il y ait une meilleure
collaboration aussi avec les commissions
scolaires, ce qui, je pense, existe déjà, mais si les
centres se développent pour l'immigration - je ^ pense à des
régions comme Rimouski et Sept-îles - j'espère qu'on ne
mettra pas sur pied un COFI pour assurer la formation de ces gens-là qui
arrivent, alors que les commissions scolaires sont tout à fait
équipées pour pouvoir donner ces services-là.
M. Boulerice: Donc, là, vous apportez la nuance qu'on
n'avait pas saisie, qui était qu'il faut voir les conditions
particulières en fonction des régions comme telles.
M. Vennes: C'est que, pour nous, le COFI- - je reprends l'exemple
du COFI à Québec - je ne doute pas de la compétence du
personnel qui est là, loin de là, au contraire, il fait un
excellent travail, mais je me dis que ça limite quand même une
certaine intégration de nos étudiants, de nos immigrants
puisqu'on est obligés de les loger autour du COFI, ce qui fait que
ça fait des ghettos. Vous commencez à retrouver dans certaines
rues de la basse-ville ce que l'on voit dans plusieurs rues à
Montréal: des ghettos d'une même ethnie. Est-ce que c'est
ça l'intégration?
M. Boulerice: C'est la dernière question que je voulais
vous poser, M. Vennes. Est-ce que vous croyez qu'à Québec on
commence à avoir des quartiers ghettos? Parce que j'y suis comme vous...
Je pense qu'on ne peut pas empêcher une certaine concentration, il va de
soi, mais je pense que c'est très enrichissant pour la
société québécoise de côtoyer toutes ses
composantes. J'ai l'avantage d'habiter un quartier, à Montréal,
où mon voisin d'en face est un Québécois d'origine
haïtienne, celui de droite est d'origine portugaise et ceux qui sont
à l'arrière sont d'origine cambodgienne, d'où la relation
interculturelle qui est de beaucoup facilitée puisque je n'ai pas
à voyager jusqu'à - vous connaissez un peu la géographie
de la métropole - Saint-Denis coin Jean-Talon pour rencontrer la
communauté italienne. Est-ce que vous croyez qu'à Québec
il est en train de se développer un phénomène un peu
identique à celui-ci?
Mme Proulx: Oui. Il est en train de se développer, comme
je vous le disais, quand je vous parlais tantôt des
réfugiés qu'on loge près du COFI et l'autre partie qu'on
loge à Ernest-Lapointe. C'est des endroits où on peut maintenant
dire qu'il y a beaucoup d'immigrants. Certainement que ceux qui arrivent avec
niveau universitaire, on peut dire que c'est une autre qualité
d'immigrants et ils sont logés à Sainte-Foy, ailleurs, mais ceux
qui arrivent démunis et qui n'ont pas d'autre ressource que l'aide
gouvernementale, c'est là qu'on les loge où il y a les loyers les
moins chers.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme
Proulx. M. le député, quelques mots de remerciement
peut-être.
M. Boulerice: Oui. Dans votre texte, vous dites: Fier de son
passé, en pariant de votre organisme. Je pense que vous avez bien raison
de le dire puisque vous avec 30 ans d'expérience. Alors, fier de votre
passé, mais dans mon cas, confiant en votre avenir, parce que je pense
qu'on aura encore énormément besoin de vous dans ce dossier. Je
vous offre mes meilleurs voeux et je vous remercie d'être venus à
cette commission.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: En terminant, je voulais peut-être
faire une petite mise au point. Nous signons déjà des ententes
avec des commissions scolaires. Là où nous n'avons pas de COFI,
nous avons déjà des ententes avec des commissions scolaires pour
donner certains services parce qu'il n'est pas de notre intention, bien
sûr, d'ouvrir des COFI partout, là où il n'en existe pas
présentement, mais bien à partir de la demande aussi.
Je vous remercie pour votre présentation et vous avez quand
même soulevé une difficulté qui mérite notre
attention, qui mérite d'être vue en profondeur. Est-ce que, par
exemple, c'est à partir du modèle que vous suggérez?
Est-ce que c'est autre chose? J'ai quand même constaté une
difficulté et je vais demander justement aux gens du ministère de
voir comment on pourrait combler cette difficulté. Oui?
M. Vennes: Est-ce que vous pourriez expliquer de quelle
difficulté vous parlez?
Mme Gagnon-Tremblay: La difficulté du logement pour
l'arrivée, l'accueil des réfugiés. Alors, au centre
d'accueil, entre autres. Je vais quand même m'occuper de voir ce qu'on
peut faire pour combler cette difficulté. Merci beaucoup de votre
présentation.
Mme Proulx: Avant de partir, j'aimerais vous dire que nous sommes
en train d'organiser un colloque pour les 22 et 23 mars sur les logements parce
qu'on aimerait aussi sensibiliser la population québécoise, les
propriétaires de logements et les immigrants, les réunir autour
d'une table pour essayer aussi de trouver des solutions à ce
problème qui commence à se poser sérieusement dans notre
région.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Proulx.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Vennes. Alors,
vous n'avez pas un long chemin à parcourir, mais on vous souhaite un bon
retour et on vous remercie surtout d'être venus nous voir.
Nous allons suspendre pour 10 minutes exactement. Nous reprenons un
petit peu passé 16 h 10 avec la Casa latino-américaine de
Québec. Suspension pour 10 minutes exactement.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprisée 16 h 21)
Confédération des associations
latino-américaines
La Présidente (Mme Loiselle): Mesdames et messieurs, nous
allons reprendre les travaux de la commission, s'il vous plaît. Je
demanderais aux représentants et représentantes de la Casa
latino-américaine du Québec de bien vouloir prendre place s'il
vous plaît.
Bonjour et bienvenue à la commission de la culture. Pour
faciliter l'échange, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier
s'il vous plaît.
Une voix: Pardon?
La Présidente (Mme Loisetle): Votre nom s'il vous
plaît.
M. Mendez (German): Bon, je me présente, German Mendez,
président de la Casa latino-américaine...
La Présidente (Mme Loiselle): Pourriez-vous
présenter vos amis? Oui.
M. Mendez: Oui. Ici à ma droite, c'est Mme Catalina
Aranguiz, coordonnatrice de la Casa, puis M. Calixto Zelaya, responsable,
disons, de la commission qui a étudié l'énoncé.
La Présidente (Mme Loiselle): Parfait. Comme vous savez,
M. Mendez, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Alors,
vous pouvez débuter tout de suite.
M. Mendez: Oui, merci. Bon. D'abord, il faut présenter
notre organisme. La Casa latino-américaine, c'est le nom
enregistré de la Confédération des associations
latino-américaines du Québec. Nous représentons 16
associations, la plupart des ressortissants latino-américains qui sont
dans la région de Québec.
Nos objectifs sont, en général - je peux vous lire les
objectifs - d'établir un centre culturel et des services multiples qui
favorise- raient l'intégration de la communauté
latino-américaine dans la société d'accueil; de favoriser
l'intégration, le bien-être, le développement et
l'accessibilité à des services qui faciliteront l'adaptation des
membres de la communauté latino-américaine au Québec; de
promouvoir et fortifier l'organisation de la communauté
latino-américaine de Québec avec la société
d'accueil; de favoriser les relations fraternelles et l'échange à
tous les niveaux entre les associations latino-américaines et la
communauté québécoise, de promouvoir la défense des
droits des langues et créer des liens de solidarité entre le
peuple québécois et les peuples d'Amérique latine. Disons
que c'est notre mandat comme organisme.
Ce que je voudrais ajouter c'est qu'en tant qu'organisme issu des
communautés latino-américaines, nous avons l'impression, la
sensation, depuis à peu près un an et demi, d'être plus
écoutés par le gouvernement du Québec. Depuis un certain
temps, on se sent plus consultés, plus écoutés, si vous
voulez. On ne peut pas dire que le processus d'intégration se soit
amélioré d'une manière qualitative impressionnante mais,
aujourd'hui, on est ici, par exemple. Et après, je vais laisser la
parole à Catalina vous exposez un peu qu'est-ce que nous faisons.
Mme Aranguiz (Catalina): Moi, je dois vous énumérer
certaines des activités que la Casa latino-américaine fait. Nous
faisons, par exemple, des tables rondes où on traite de sujets qui
permettent l'interrelation entre les membres de la communauté
latino-américaine et la communauté d'accueil. On a des programmes
de tables rondes qui se réalisent une fois par mois, dans lesquelles on
peut discuter sur divers sujets qui intéressent la communauté
latino-américaine et qui, en même temps, vont promouvoir
l'intégration de notre communauté au sein de la
société québécoise.
Je vous en cite quelques exemples: L'identité
latino-américaine, c'est quoi? Mythe ou réalité. Le
nouveau rôle de la femme latino-américaine au sein de la famille
latine au Québec, et d'autres sujets comme, par exemple: l'entreprise
autogérée, qu'est-ce que c'est? Est-il possible de vivre une
telle expérience à Québec? Ça, c'est, comme je vous
dis, des activités offertes à nos membres sous la forme de tables
rondes.
En même temps on organise des séances de vulgarisation des
services existants dans la société québécoise parce
qu'on a constaté que la plupart de nos membres ne connaissent pas toute
la panoplie des services qui existent dans la société
québécoise. Donc, la Casa s'est occupée d'organiser des
séances d'information, quoi qu'elles soient déjà
peut-être données ailleurs aussi, mais nous avons une connotation
particulière. C'est que nous réussissons à plusieurs
reprises à donner ces informations-là pour les gens qui ne
parlent pas la langue. Il faut dire
que, dans notre communauté, il y a un haut pourcentage de gens
qui n'ont pas réussi encore à franchir le seuil du "frangnol",
comme on l'appelle de façon assez comique, si vous voulez.
Donc, on développe des séances de vulgarisation des
services offerts comme, par exemple, les services offerts par la
confédération des caisses populaires Desjardins et les services
offerts par la Banque fédérale de développement, les
services offerts par les CLSC; on a constaté qu'ils sont
sous-utilisés parce que nos membres méconnaissent ces
organismes-là. Ces séances permettent les échanges et la
sensibilisation de notre clientèle.
Ensuite, on s'occupe aussi de l'intégration à l'emploi de
notre clientèle. Et ça, c'est quelque chose qui nous tient
vraiment à coeur parce que le niveau de chômage dans la population
latino-américaine, immigrants en général, mais
latino-américaine en particulier, est assez élevé. Donc,
on a monté un dossier. On a commencé à travailler
là-dessus et, actuellement, on est assez avancés, on va pouvoir
déposer un rapport final qui va nous permettre de connaître le
profil socio-économique des gens de la communauté
latino-américaine et, ensuite, les causes qui empêchent leur
accessibilité au marché de l'emploi.
Dans ce même ordre de choses, on participe aussi à des
tables de concertation sur l'emploi, de concert avec tous les ONG et les
organismes des gouvernements tant provincial que fédéral qui
s'occupent de la problématique d'intégration des immigrants sur
le marché de l'emploi. Et en même temps on participe à des
tables de concertation de la ville de Québec pour justement pouvoir
améliorer l'intégration de la communauté que, nous, on
représente.
Notre souci a toujours été d'offrir des activités
variées répondant aux besoins de l'ensemble de nos membres. Nous
avons élargi nos activités. Cet élargissement nous a
permis de créer un groupe du troisième âge
latino-américain. On a constaté aussi qu'à
l'intérieur de notre communauté, il y avait un groupe d'âge
qui était toujours très isolé. C'est soit parce que le
seul rapport qu'ils avaient, c'étaient les rapports familiaux les plus
proches, et des gens qui n'avaient pas pu encore dominer la langue se
trouvaient dans une situation d'isolement assez dramatique. Des cas vraiment
dramatiques que nous avons connus nous ont fait organiser un groupe du
troisième âge latino-américain. Et, pour ne pas
créer un groupe latino-américain, un groupe fermé, un
ghetto, si vous voulez, on a justement établi des liens étroits
avec un groupe de dames dans ce cas-là, malgré que notre groupe
soit mixte, mais les liens qu'on a pu établir, c'est avec un groupe de
dames qui s'appelle l'Amicale Belvédère, dans lequel on organise
des séances et échanges de gens qui commencent petit à
petit à parler un peu l'espagnol. Et nos gens aussi, de façon
informelle, commencent à comprendre un peu plus le français.
Ça, c'est quelque chose qui nous a été très reconnu
par les gens qui participent. On a environ une vingtaine de participants dans
chaque activité sur 40 personnes inscrites. Je trouve que c'est quelque
chose qui vraiment permet, comme je vous dis, à ces gens-là de
communiquer avec le milieu parce qu'ils étaient complètement
isolés.
On offre aussi des ateliers de langue espagnole pour les enfants issus
de notre communauté, issus de mariages mixtes et aussi des enfants de
familles québécoises qui sont intéressés à
apprendre la langue. La méthodologie utilisée, c'est apprendre en
jouant. Donc, c'est très facile pour les gens qui n'ont jamais
parlé l'espagnol de pouvoir commencer à parler petit à
petit.
On participe activement aussi à diverses instances, comme des
colloques organisés par des femmes immigrantes axés sur les
relations interraciales, internationales, sur l'intégration aux
communautés culturelles de l'ÉNAP, des colloques organisés
à l'extérieur. Ensuite, on a participé aussi à des
séances de travail interministérielles sur le programme
d'accès à l'égalité dans la fonction publique
fédérale, parce que c'est un programme qui nous
intéressait particulièrement. On a trouvé que
l'initiative, justement, du gouvernement était une initiative
excellente. On voulait vraiment avoir un petit rôle à jouer
là-dedans et on a été invités, déjà,
à participer à une séance de travail
interministérielle sur ces programmes-là. On a fait d'ailleurs
une analyse des programmes, on a fait nos critiques, on a fait nos
recommandations, etc.
Ensuite de ça, dans les activités, les services offerts...
Ça, c'est la partie activités. Les services offerts, on a le
service d'accueil et de référence pour nos membres sur les
organismes pertinents, l'accompagnement et l'hébergement auprès
des personnes du troisième âge, surtout, des démarches
reliées à des adultes latino-américains aux prises avec
les problèmes de la langue, des informations sur les divers programmes
existants au niveau des CLSC, par exemple, car aussi contradictoire que
ça puisse paraître, les gens ne sont pas toujours informés
de tous les programmes dont ils peuvent bénéficier, par exemple,
pour accéder au marché de l'emploi.
Je cite un exemple. Le gouvernement fédéral a un programme
de subventions de l'individu à l'emploi que nos gens, vraiment,
même s'ils voient nos conseillers, s'ils les voient à maintes et
maintes reprises, ils ne sont pas informés. Nous, quand on regarde un
répertoire des programmes, chez nous, auxquels on peut
référer des gens, donc quand il arrive des gens au centre
d'emploi, ils disent: Je veux savoir si je suis bénéficiaire de
ces programmes ou pas.
On fait le "counselling" individuel, on fait le guide dans
l'élaboration du curriculum vitae,
le guide pour les modalités à suivre pour les prochaines
entrevues en vue de l'obtention d'un emploi. On fait référence
aussi ailleurs pour un éventuel retour aux études, on
écoute et on se réfère à nous aussi dans des
situations de détresse, on fait la traduction de documents, on fait
l'élaboration des rapports pour nos associations de membres, on offre
les services de dactylographie et de photocopie, service de courrier, service
d'animation d'activités, services de prêt de locaux. Et tout est
là. Je ne veux pas m'allonger, je vais laisser la place à
Calixto. Merci.
M. Zelaya (Calixto): Merci. L'élaboration de
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration, ainsi que la consultation auprès des
différents groupes, constitue un pas important dans la bonne direction.
En tant que communauté culturelle latino-américaine, nous
entendons jouer un rôle actif et dynamique dans le cadre de cette
nouvelle politique. C'est dans cet esprit que nous présentons un
mémoire qui contient nos observations sur l'énoncé, ainsi
que quelques suggestions que nous croyons pertinentes.
Mais avant, nous avons cru bon de nous présenter et de faire une
analyse des effets négatifs de la politique appliquée
jusqu'à maintenant. Il est opportun aussi de préciser que nous
avons participé à l'élaboration d'un autre mémoire
présenté par la Maison internationale de Québec, organisme
auquel nous appartenons. Nous éviterons donc de répéter
des aspects déjà traités. Notre document serait donc,
d'une part, complémentaire et, d'autre part, un document important pour
notre spécificité et extrait de notre vécu.
Qu'est-ce que la Casa? La Confédération des associations
latino-américaines de Québec est un organisme sans but lucratif
créé en 1984. Cet organisme regroupe sous sa tutelle 16
associations dont les membres sont en majorité des ressortissants des
pays de l'Amérique latine. La création de l'organisme traduit une
volonté générale manifeste, d'où le besoin de se
regrouper afin de mettre en commun les expériences acquises et de
valoriser l'esprit d'entraide en vue d'une meilleure intégration
à la société québécoise.
Toujours soucieuse et à l'écoute des besoins variés
de ses membres, la CASA latino-américaine offre des services
d'information et de référence adaptés aux besoins de
chaque membre. Ces services concernent la formation, le conseil, l'orientation
et d'autres services répondant à des demandes ponctuelles des
associations.
Notre bassin de population est surtout issu de la dernière vague
d'immigration et notre champ d'action se limite à la ville de
Québec et à sa banlieue. Dans le cadre de notre mandat, nous
sommes préoccupés en particulier par la forte mobilité de
nos gens, c'est-à-dire que la ville de Québec ne
représente pour beaucoup d'entre eux qu'un lieu de passage au profit
d'autres provinces, notamment celle de l'Ontario et, en proportion moindre, au
profit de la ville de Montréal. Les principales causes sont: la
difficulté à se trouver un emploi et le manque de support
à leur intégration socio-économique ici à
Québec.
La communauté latino-américaine de Québec n'est pas
très nombreuse, mais elle est jeune et dynamique, avec un grand
potentiel culturel et socio-économique. D'ailleurs, par rapport à
d'autres communautés, notre intégration pourrait se faire plus
rapidement car nous avons l'avantage de posséder une lanque maternelle,
l'espagnol, très proche du français, en plus d'être
originaires de pays qui possèdent des institutions juridiques,
politiques, religieuses et culturelles similaires à celle du
Québec.
Depuis la constitution de notre organisme, nous avons travaillé
à l'organisation de notre communauté, mais aussi au rapprochement
vers la société québécoise et aux autres
communautés culturelles. Dans ce sens, la Casa fut promotrice de la mise
sur pied de la Maison internationale de Québec et a organisé
toutes sortes d'activités visant à la participation des
Québécois. Malheureusement, nous n'avons pas eu de la part du
gouvernement le support économique et politique suffisant, ce qui nous a
empêchés de rendre un service plus efficace à
l'intégration de notre communauté.
Les préjudices d'une mauvaise politique. La politique
d'intégration qui a été appliquée jusqu'à
maintenant n'a pas pris en compte les atouts de notre communauté. Elle
est caractérisée par la sous-utilisation des ressources humaines
et par le gaspillage de l'investissement fait dans les programmes
d'immigration. Ces politiques ont causé aussi beaucoup de
préjudices à notre communauté. Nous citons, entre autres,
l'état léthargique de beaucoup de nos membres causé par la
dévalorisation et la frustration dues à l'impossibilité de
trouver une façon de se réaliser; une sorte de mépris. Le
peu de portes de sortie produit aussi un certain refus de la part de
l'immigrant à aller vers les Québécois. Il y a la tendance
à l'appauvrissement.
Cet aspect a deux volets: Premièrement, perte de statut social.
Dans son pays d'origine l'immigrant sentait qu'il occupait une place dans la
société, même s'il s'agissait d'un pays moins
favorisé sur le plan économique, tandis qu'ici il n'arrive pas
à franchir le seuil de la pauvreté. Deuxièmement, la dette
réelle contractée par certains membres pour essayer
d'améliorer sa situation économique.
La disqualification professionnelle: beaucoup d'immigrants avec
plusieurs années de formation académique et des longues
années d'expérience ne trouvent pas l'opportunité de
continuer l'exercice de leur profession ou le recyclage nécessaire
à leur reclassification, ce qui entraîne une dévalorisation
personnelle et une perte pour
l'individu et la société. La désintégration
sociale: plusieurs immigrants, dans l'impossibilité de
s'intégrer, ont cherché une autre façon d'entrer en
rapport avec cette société, notamment par la délinquance,
l'alcoolisme, la drogue, etc., ce qui entraîne un gaspillage des
ressources humaines, et un détournement des fonds de l'État afin
de régler les problèmes engendrés par cet état des
choses. Le gaspillage de l'apport culturel que la communauté immigrante
peut fournir, c'est-à-dire que le repli sur soi des immigrants et le peu
d'ouverture de la société d'accueil maintiennent les deux
cultures à l'écart l'une de l'autre, empêchant ainsi
l'enrichissement culturel du Québec.
De plus, cette politique erronée a aussi causé
préjudice quant à l'apprentissage du français. Nous
mentionnons, entre autres, que l'apprentissage de la langue est
déconnecté de la réalité. Les diverses
institutions, par exemple le COFI, s'occupent uniquement de donner les
rudiments de la langue et, ensuite, on laisse l'immigrant se débrouiller
par lui-même, ceci sans aucun suivi subséquent. Dans le meilleur
des cas, l'immigrant réussit à atteindre un niveau de presque
français, insuffisant pour communiquer adéquatement. Il y a aussi
un manque de motivation de la part de l'immigrant, engendré par le
sentiment que cela ne mène nulle part; autrement dit, le manque de
possibilité de travail décourage la personne à continuer
l'apprentissage de la langue.
Notre avis sur l'énoncé. L'énoncé contient,
à notre avis, les bases essentielles pour effectuer un virage majeur
dans un domaine qui touche directement les communautés culturelles et
qui comporte une grande importance pour l'avenir du Québec.
Pour ce qui a trait à l'immigration, nous avons une certaine
réserve quant au fait de privilégier la sélection de
candidats francophones. Dans le fond, cette politique ne fait que
détourner le problème, c'est-à-dire que la mauvaise
gestion de l'intégration des immigrants et de l'enseignement du
français est posée ici en termes de pénalisation aux
candidats non francophones. Cependant, comme Latino-américains, nous
aimerions que l'on tienne compte de l'avantage que nous présentons de
parler une langue soeur du français et le fait que nous appartenons au
même continent.
Un autre point à faire ressortir, ce sont les catégories
d'immigrants quelque peu rigides. Il faut considérer que la constitution
de la famille dans notre pays diffère de celle des
Nord-américains. Pour nous, un cousin peut très bien faire partie
de la famille au même titre que notre frère ou notre soeur. Or,
aucune des trois catégories ne correspond à cette situation,
étant donné que la réunification familiale ne s'applique
qu'aux proches parents d'après une conception nucléaire de la
famille. D'autre part, le programme spécial que vous appelez "parents
aidés" ne résout pas le problème, parce que la condition
économique de la plupart des Latino-américains ne permet pas de
remplir les conditions du programme.
Quant à l'aspect de l'intégration, nous sommes sceptiques.
Est-ce que vraiment il y aura des changements? L'énoncé nous
paraît très bien, mais s'il ne s'applique pas d'une façon
réelle et concrète on se trouvera dans une situation plus
déplorable.
Nous en avons la preuve avec le programme d'accès à
l'égalité de la fonction publique québécoise pour
les membres des communautés culturelles, lequel fait partie de cette
nouvelle politique. En effet, l'apparition du programme avait
créé beaucoup d'attentes dans les communautés culturelles.
Cependant, au fur et à mesure qu'on a constaté le peu
d'application concrète du programme, le scepticisme de nos membres s'est
accru.
En guise d'exemple du peu d'application du programme, nous mentionnons
qu'il était prévu dans le document la création d'un
sous-comité de suivi composé de membres des communautés
culturelles. Nous avons écrit au Conseil du trésor, qui est
responsable du programme, lui faisant savoir notre disponibilité d'y
participer. Mis à part l'accusé de réception, nous n'avons
pas eu d'autres nouvelles.
On a aussi prévu dans le programme d'assurer la présence
d'un membre des communautés culturelles au sein des comités
d'évaluation lorsqu'il y a un membre de ce groupe cible parmi les
candidatures, mais nous n'avons pas eu connaissance de la mise en fonction de
cette mesure. Il y a d'autres mesures prévues dans le programme, dont
nous ne ferons pas mention ici, afin d'alléger le texte.
Cependant, force est de constater que loin de voir une application
concrète du programme, nous observons que la discrimination
systémique empêchant les communautés culturelles
d'accéder à la fonction publique s'est accrue à cause de
la crise économique et du problème des travailleurs occasionnels.
Dans cette grave situation, nous ne voyons pas une attitude claire de la part
du gouvernement de mettre de l'avant ce programme. On pourrait dire que notre
crainte n'est pas justifiée, car le programme ne fait que commencer
mais, au mois de mars prochain, il aura un an d'existence.
Notre position n'est pas pessimiste, mais nous avons
l'intérêt d'être des partenaires francs et sincères.
Nous nous engageons à travailler à l'application de cette
nouvelle politique, même face aux contraintes économiques,
sociales ou politiques, mais notre instrument de mesure
privilégié sera toujours le bénéfice concret
perçu par nos membres. (16 h 45)
Suggestions. En terminant, nous formulons ces quelques suggestions:
qu'une fois les consultations publiques terminées, le compte rendu
définitif fasse ressortir pour les communautés plus
défavorisées comme la nôtre que le problème du
chômage est au centre des difficultés d'intégration. Le
chômage affectant l'ensemble de la société et frappant plus
particulièrement ces communautés, cela les maintient à
l'écart d'une possibilité réelle d'intégration et
entraîne toutes sortes de problèmes personnels et sociaux; que
dans l'application de la nouvelle politique, l'attention
préférentielle ne soit pas portée sur les
communautés culturelles de Montréal ou sur les communautés
plus nombreuses, mais de façon égalitaire et juste parmi toutes
les communautés.
En ce qui concerne la région de Québec, il faudra mettre
en pratique une politique d'intégration proactive afin d'éviter
l'aggravation des problèmes sociaux et la formation de ghettos.
Aussi, que soient prises toutes les mesures nécessaires, y
compris des mesures compensatoires, afin d'accomplir les objectifs et
l'échéancier de réalisation du programme d'accès
à l'égalité dans la fonction publique
québécoise pour les membres des communautés culturelles.
Comme exemple de mesures compensatoires, nous proposons que, dans le cadre
d'une réforme du règlement pour s'attaquer à la
discrimination systémi-que, on ajoute un quatrième numéro
au deuxième paragraphe de l'article 37 du règlement sur la tenue
de concours. Ce quatrième numéro pourrait dire: "4° La liste
comprend un candidat visé par l'application du programme d'accès
à l'égalité." Cette sorte de mesure aiderait à
réaliser les objectifs quantitatifs du programme.
Quant au processus d'enseignement du français, que soient
constituées des équipes multidisciplinaires et multiethniques
qui, à partir d'une recherche avec la participation active de la
clientèle cible, puissent recommander l'implantation d'une
méthode systématique, continue, adéquate et efficace. Que
soient prises en considération les opinions exprimées à la
page 5 au sujet de la nouvelle politique d'immigration.
J'aimerais finir en faisant une déclaration. Même si nous
sommes très critiques par rapport à l'ancienne politique, nous
voulons féliciter Mme Gagnon-Tremblay, ministre
déléguée aux Communautés culturelles, parce que
vraiment nous sommes conscients qu'elle fait un effort très
sérieux pour surmonter cette situation. Un exemple de ça,
à notre avis, c'est l'énoncé. Mais, quand même,
à cause de ce que nous avons vécu, notre communauté est
toujours sceptique.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Zelaya. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie beaucoup, monsieur, de
votre présentation. Je vais passer immédiatement aux questions.
J'ai plusieurs questions à vous poser. Vous avez parlé de la
disqualification professionnelle. Vous n'êtes pas les premiers à
me parler de cet obstable, de ce problème. J'en ai même
discuté avec mon collègue responsable de l'Office des professions
et j'entreprendrai bientôt une rencontre avec les responsables des
différents ordres professionnels, par exemple, les ingénieurs.
J'ai rencontré récemment la Chambre des notaires; j'ai
rencontré le Ban-eau et les comptables agréés. Est-ce que
vous pourriez m'indiquer, comme je dois entreprendre cette tournée, des
professions qui sont plus fermées que d'autres et m'en donner les
raisons? Est-ce que votre communauté, par exemple, a plus, davantage de
difficultés avec un ordre professionnel qu'un autre?
Mme Aranguiz: Je pense que toutes les communautés
culturelles ont des difficultés avec... Les médecins, par
exemple. On a beaucoup de médecins qui viennent des pays de
l'Amérique latine: de l'Uruguay, d'Argentine, du Chili, etc., et du
Pérou; il y a beaucoup de Péruviens qui sont arrivés et
qui ne réussissent jamais à percer cet ordre-là. Ça
prend des années et des années. La même situation est
vécue par les vétérinaires qui arrivent des pays de
l'Amérique latine, par exemple. Ce sont des cas que nous avons... Nous
avons constaté que ce sont des gens qui, en plus d'avoir à se
recycler par des années et des années d'études à
l'université, même avec ça, même avec des stages et
tout ça, ils ne réussissent jamais à percer. C'est
très rare, les cas qui réussissent vraiment à franchir
ça.
Par rapport, à la carrière d'avocat, bien sûr,
l'enseignement de chaque pays est particulier dans les études de droit.
Mais, quand même, il devrait y avoir une facilité pour que soit
reconnu le cours de base, pareil comme dans les pays de l'Amérique
latine ou l'équivalent ici, à Québec. Sauf que là,
la formation est spécifique en droit ici, c'est normal.
Il faut qu'ils réapprennent au niveau de l'enseignement aussi.
C'est très difficile de reconnaître les diplômes obtenus
ailleurs, en enseignement, ici. Il faut tout recommencer à zéro.
Quand il arrive des gens des pays de l'Amérique latine, qui ont des fois
de 15 à 20 ans d'expérience dans l'enseignement, une fois qu'ils
ont franchi le seuil de la langue, ils ne réussissent quand même
pas à s'intégrer sur le marché du travail.
L'Ordre des infirmières aussi, c'est long et c'est ardu. Moi, je
ne sais pas combien de temps j'ai passé à faire des
démarches pour diverses gens qui viennent du Nicaragua, du Salvador et
du Chili pour essayer de percer aussi l'Ordre des infirmières. C'est
énormément long et bureaucratique, des certificats à ne
plus en finir, des communications avec leur pays d'origine. Des fois, ce n'est
même pas possible, ce sont des pays en guerre, donc, il n'est pas
possible d'avoir des choses officielles. Ce sont des gens qui ont sauvé
juste leur peau en sortant de ce pays-là. Donc, c'est juste quelques cas
que je vous nomme comme ça, mais je pourrais... Si vous avez besoin de
plus de détails, on les a.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Alors, pour les médecins,
je comprends peut-être un peu mieux parce que, vous savez, à cause
de notre politique au Québec, justement, d'admission à la
Faculté de médecine, les personnes qui veulent venir au
Québec doivent signer un formulaire comme quoi ils s'engagent à
ne pas pratiquer au Québec.
Cependant, est-ce qu'on a développé d'autres
possibilités pour ces médecins d'oeuvrer, par exempte, dans
d'autres domaines un peu connexes à la médecine? Est-ce qu'on
s'est penché là-dessus? Est-ce qu'on a développé,
par contre, des...
M. Zelaya: Je pense que le problème, c'est qu'ils se
trouvent dans une situation où ils n'ont pas la possibilité de se
réorienter vers un autre domaine. Je connais, par exemple, des
médecins d'origine salvadorienne. Ils me disent: O. K. Je connais les
difficultés ici pour s'intégrer dans la profession. Quand
même, j'ai certaines connaissances, j'ai certaines expériences
où je pourrais peut-être les réorienter dans une autre...
Mais il n'y a pas une autre possibilité, donc seulement de rester dans
notre situation. Moi, dans mon cas, par exemple, j'étais avocat dans mon
pays, mais je ne trouve pas la possibilité d'aller ailleurs. J'ai
essayé, par exemple, de me rendre dans le domaine des relations
industrielles; j'ai fait un certificat à l'Université Laval. Je
me suis dit: Peut-être que ça va m'aider parce que mon
expérience était surtout dans le droit du travail, mais je n'ai
pas trouvé l'opportunité de m'in-tégrer. Donc, c'est
ça la situation. Dans nos situations, disons qu'on ne trouve pas la
porte de sortie.
Vraiment, on ne peut pas dire que c'est dans une certaine profession,
notre profession ou une autre. C'est une gamme de professions. C'est ça
la situation. Mais on peut dire aussi, dans ce que nous appelons chez nous des
zones pas nécessairement professionnelles universitaires, mais dans
d'autres professions... Par exemple, un mécanicien, qui vient ici, qui a
beaucoup d'expérience, il n'arrive pas à avoir la carte de
compétence, donc, il doit rester toujours sur le bien-être social.
C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez, lorsque j'ai rencontré les
représentants de la Chambre des notaires, récemment, j'ai senti
une grande ouverture de leur part. J'ai senti, naturellement... Il y avait
aussi une méconnaissance du dossier, une méconnaissance totale.
Bon! Je pense que la Chambre des notaires même a mis à notre
disposition des ressources pour pouvoir étudier davantage le
fonctionnement dans d'autres pays, par exemple, regarder le droit qui
s'identifie le plus au nôtre et aussi voir, par exemple, quelqu'un qui a
pratiqué le droit, qui a été avocat pendant certaines
années, comment et quels seraient les cours supplémentaires qu'on
pourrait lui donner à son arrivée ici pour peut-être
adhérer à la Chambre des notaires. Parce qu'on sait que la
pratique du notariat est une pratique qui est beaucoup plus facile,
peut-être, pour quelqu'un qui arrive de l'extérieur, je pense, par
exemple, que ce soit au niveau de la recherche de titres... Alors, je pense
qu'il y a des ouvertures.
Mais j'ai constaté, cependant, que, si la Chambre des notaires
était très peu informée, il y avait probablement d'autres
corporations professionnelles aussi qui ne l'étaient pas, d'où
l'importance de rencontrer ces différents responsables pour voir ce que
l'on peut faire pour ouvrir justement les portes à des personnes comme
vous qui arrivez avec des compétences quand même reconnues.
Il y a aussi un autre groupe... Je ne me souviens pas, je pense que
c'est la semaine dernière ou cette semaine qu'on nous parlait de
personnes qui pourraient orienter, justement, des nouveaux arrivants, avoir une
espèce de service d'orientation pour leur expliquer, à partir de
ce qu'ils possèdent déjà, ou les qualifications que la
personne possède déjà où elle pourrait se diriger,
dans quoi elle pourrait se diriger et qu'est-ce que ça prendrait pour la
poursuite de la formation. Par exemple, on nous a parié de
personnes-ressources en orientation. Est-ce que vous trouvez que ce serait
important? Est-ce que vous voyez une nécessité à ce
niveau-là?
M. Zelaya: Mais oui. Je trouve que ça pourrait être,
bien sûr, des mesures à prendre. Juste de faire déjà
un programme, de faire le suivi jusqu'à avoir des résultats
très concrets... Bien oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous indiquez
aussi que le chômage constitue le problème principal des membres
de votre communauté dans la région de Québec. Et je pense
que vous avez bien décrit les problèmes: les tendances à
l'appauvrissement, la disqualification professionnelle... Vous en faisiez
mention, de même que des problèmes personnels. Est-ce que vous
avez des données sur les taux de chômage et les revenus de la
communauté hispanophone à Québec?
M. Zelaya: Nous n'avons pas, en ce moment, de données
concrètes parce que nous sommes en train de faire juste une
démarche pour aboutir à ça. Nous pensons avoir les
résultats d'ici au mois de mai. Mais nous avons déjà une
certaine appréciation. Par exemple, nous pensons que dans certaines
communautés - par exemple, la communauté salvadorienne qui est la
plus nombreuse - le chômage reste entre 60 % et 70 %. Dans d'autres
communautés - disons peut-être qu'elles sont arrivées
avant, mais - peut-être que le problème est moins grave. Mais nous
nous attendons à avoir un résultat plus concret d'ici
au mois de mai.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez identifié les
principales causes? Parce que, bien sûr, il y en a quelques-unes qu'on
connaît, mais est-ce que c'est un problème? Tout à l'heure,
vous disiez, justement, que la langue est quand même plus facile à
apprendre, peut-être. Est-ce que... C'est quoi?
Mme Aranguiz: Justement, pour pouvoir avoir une position claire
à ce niveau, on a entamé toute une série de recherches. Je
pense qu'on a eu, justement, l'occasion, à un moment donné, de
parier avec vous, Mme la ministre, sur ça. Et on s'attend d'avoir des
résultats vraiment scientifiques d'ici à un mois pour savoir
exactement. Nous, on sait, à la lumière de toutes les
données qu'on a déjà reçues, que le problème
majeur est le problème de la langue et les problèmes de la
désinformation et de la désorien-tation et la non-reconnaissance
des études. On sait, grosso modo, que c'est ça. Mais on ne veut
pas l'affirmer sans une base scientifique. Ça va être possible,
comme je vous le dis, quand on va déposer notre mémoire, d'ici
quatre à cinq semaines au maximum.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
d'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
revenir... Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites: "Dans
l'application de la nouvelle politique, l'attention
préférentielle ne doit pas porter sur les communautés
culturelles de Montréal ou sur les communautés plus nombreuses,
mais de façon égalitaire et juste sur toutes les
communautés."
Je pense que vous reliez ça, peut-être, au programme PAE
qui a été mis en place par la fonction publique?
M. Mendez: Non, pas nécessairement. C'est à
l'ensemble, disons, des programmes parce qu'il y a une tendance à penser
que le problème, c'est la grosse ville. Donc, c'est là qu'on met
les fonds. Puis, les régions sont souvent assez dépourvues de
ressources pour solutionner des problèmes, disons à Québec
ou à Sherbrooke.
M. Bordeleau: Mais replaçons ça dans le contexte du
Programme d'accès à l'égalité de la fonction
publique. Est-ce qu'on doit comprendre, quand vous écrivez ce
paragraphe-là dans votre mémoire, que vous souhaiteriez que la
région de Québec soit préférée à la
région de Montréal? Est-ce que c'est ce que vous sous-entendez
ici? (17 heures)
M. Zelaya: Non, pas du tout, c'est-à-dire que ça
n'a rien à voir avec le Programme d'accès à
l'égalité. Notre avis sur la question que vous posez, c'est au
sujet... Par exemple, quand nous vous avons demandé du soutien financier
concret de la part du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, je pense que ça fait un an, deux ans, trois ans, etc. Par
exemple, certains agents de liaison nous avaient dit: Excusez, mais ce qui
arrive, c'est que vous êtes une petite communauté. Donc, on doit
porter, disons, l'attention sur les communautés qui sont importantes,
sur les grandes communautés, sur la communauté de
Montréal. Donc, ici à Québec, on les laisse aller. Notre
peur, c'est que si on laisse de côté les petites
communautés comme ça, on pourrait arriver à la même
situation qu'à Montréal. À Montréal, il y a des
ghettos parce que la proportion des immigrants à Montréal est
plus grande. Ici, c'est encore petit. Mais, au fur et à mesure que
ça va accroître, on va voir arriver des ghettos ici à
Québec. C'est pour ça que nous demandons ça.
M. Bordeleau: Ça va. Je vous remercie. Je comprends mieux
le sens du paragraphe. Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, j'ai apprécié que vous fassiez
état de la perte de statut, en donnant notamment votre situation
à vous, dont j'ai essayé de comprendre le pourquoi. J'ai une
excellente amie d'origine chilienne, brillantes études en droit à
l'Université de Santiago, suivies d'études à
l'université catholique de Louvain en Belgique, donc, une
université francophone qui n'est absolument pas... Elle n'a jamais pu
pratiquer le droit au même titre qu'un des concitoyens de mon
collègue, le député d'Acadie, avec un diplôme en
ingénierie, s'est retrouvé durant de très nombreuses
années, je crois qu'il était veilleur ou gardien de nuit dans une
entreprise. Je ne dis pas là que ce sont de sots métiers, mais je
pense que sa formation l'appelait à autre chose.
Vous touchez là un point, je pense, qui est extrêmement
important au niveau de l'immigration. Si l'immigration est pour signifier une
perte de statut et, en fin de compte, le gaspillage d'une formation
professionnelle universitaire et même postuniversitaire pour bien des
gens, je pense que l'on fait effectivement fausse route. Ça, je pense
que ça mérite une attention considérable.
Dans votre mémoire à la page 5, vous dites que vous
êtes sceptiques et vous parlez du Programme d'accès à
l'égalité dans la fonction publique. Vous dites même - je
vois le dernier paragraphe - "en guise d'exemple du peu d'application du
programme, nous mentionnons qu'il était prévu dans le document la
création d'un sous-comité de suivi composé de membres des
communautés culturelles". Vous poursuivez: "Nous avons écrit au
Conseil du trésor" - vous savez que Mme la ministre est
vice-présidente du
Conseil du trésor - qui est responsable du programme, lui faisant
savoir notre disponibilité d'y participer. Mis à part
l'accusé de réception, nous n'avons pas eu d'autres
nouvelles".
J'avoue que je suis passablement inquiet de constater cette situation
et, face à cette critique que vous avez des programmes d'accès,
est-ce que vous avez des exemples patents de gens des communautés
culturelles qui, a compétence égale, se sont trouvés
discriminés dans la fonction publique québécoise?
M. Zelaya: Je vais donner un exemple. Dans un concours auquel je
participais, c'était un poste sous le Programme d'accès à
l'égalité dans la fonction publique, un poste au Conseil du
trésor. Il y avait 95 personnes qui y ont participé. Disons
qu'elles se sont présentées à l'examen. Après
l'examen du dossier de chaque personne - c'est le premier examen - sur 95
personnes, il y avait 32 membres des communautés culturelles. À
la première étape est arrivé un seul membre des
communautés culturelles. Ça dit quelque chose parce que, si
toutes les personnes ont été admises à l'examen, ça
veut dire que toutes les personnes avaient les prérequis
nécessaires, mais seulement une personne a réussi à aller
à la deuxième étape. Mais personne issu des
communautés culturelles n'a été classé, disons.
Donc, pour moi, c'est clair qu'il y a quelque chose qui ne marche pas.
C'est-à-dire que le Conseil du trésor, qui dort donner l'exemple
dans l'application du programme d'accès à légalité,
n'a pas appliqué le programme, à mon avis.
Moi, je veux faire ressortir une chose, par exemple. Quelle était
la raison pour laquelle, moi, je n'étais pas affecté... Pourquoi
je n'ai pas eu l'opportunité d'aller à la deuxième
étape? Parce que mon français n'était pas suffisant. Mais
j'ai mes résultats ici, mes résultats sur le français
étaient à peu près dans l'examen écrit - il y avait
un seul examen - disons 70 % de connaissance du français. Pour moi,
ça, c'est contre le règlement. Le règlement, à
l'article 25, dit que lors d'un concours seule la maîtrise de la
dactylographie ou la connaissance d'une langue seconde peut être un
critère d'évaluation éliminatoire lorsqu'elles sont
jugées indispensables à l'exercice de certaines attributions de
l'emploi. Le seuil de passage à un critère d'évaluation
éliminatoire est fixé à 60 %. Cependant, mes
résultats dans l'examen des connaissances étaient des
résultats plus hauts que ceux de plusieurs personnes qui sont
allées à la deuxième étape. J'ai fait une
démarche auprès de la Commission de la fonction publique pour
essayer de me faire justice, mais ça n'a rien donné. Je viens de
recevoir une lettre disant, une lettre que je trouve très polie, mais
qui ne dit rien. Ils n'ont pas examiné le dossier à fond. Ils
disent, par exemple, que certainement le problème des travailleurs
occasionnels... Ça démontre que les personnes qui ont
participé ont plus d'expérience et que, peut-être, à
cause de ça, on n'a pas été classé. Mais, pour moi,
c'est clair qu'il n'y a pas vraiment une application concrète du
programme. Mais ce qui est pire, c'est que même à l'Office des
ressources humaines, et même au Conseil du trésor il n'y a pas un
organisme qui puisse veiller vraiment à l'application concrète du
programme.
M. Boulerice: Est-ce que c'est vrai que dans ce type d'examen de
français on va jusqu'à poser des questions sur la connaissance de
la littérature québécoise?
M. Zelaya: Je ne peux pas vous dire ça parce que mon
expérience était, par exemple, de dire quel était notre
avis sur la question d'empêcher les gens de parler une autre langue que
le français à l'intérieur des écoles.
Moi, je pense que j'ai bien fait, je pense que j'ai bien
présenté mon exposition, mais j'ai de la misère avec des
accents, des choses comme ça.
M. Boulerice: On vous a... Dans l'examen, on vous posait cette
question?
M. Zelaya: Oui, c'est ça le sujet qu'on a
développé, c'est-à-dire la question n'était pas sur
le sujet. J'aimerais être clair dans ce sens. La question était:
Développer un sujet. Mais ils nous ont dit quel était le sujet.
Moi, avec le petit peu de connaissances que j'ai sur le Québec et sur le
problème du français, je l'ai développé, mais j'ai
eu de la misère avec des accents, avec des petites choses. Pour moi, de
me demander plus, surtout que je reste ici depuis quatre ans, c'est beaucoup.
Surtout, vraiment, moi, je sens comme Latino-américain que je ne suis
pas encouragé à continuer l'apprentissage du français.
Comprenez-nous? Des fois on tombe dans une situation psychologique difficile
pour continuer de faire valoir ses connaissances.
M. Boulerice: À la page 3, vous dites que votre
communauté a été victime d'une sorte de mépris. Je
vous avoue que je ne vous ferai pas croire que je suis député du
paradis terrestre, ce serait mentir...
Mme Gagnon-Tremblay:... M. Boulerice: Pardon?
Mme Gagnon-Tremblay: ...pas le paradis terrestre en plus!
Le Président (M. Khelfa): ...votre comté, M. le
député.
M. Boulerice: Non, j'ai dit: Je ne vous le ferai pas croire. Sauf
que j'aimerais quand même
vous informer que, dans ma circonscription, de façon très
unanime, nous avons décidé que, dans un quartier en particulier
où il y avait deux églises, une seule nous suffisait et nous
avons donné la deuxième à la communauté
latino-américaine, puisqu'elle la partageait. On a dit: Prenez-là
au complet, elle est à vous et on insiste, parce qu'ils
s'intègrent bien dans ce quartier. Mais, là, je trouve ça
drôle que vous me disiez qu'à Québec votre
communauté a été l'objet de mépris. Dieu seul sait
que toutes les statistiques le prouvent: ceux qui apprennent le français
le plus rapidement, ceux qui lisent le plus les journaux français, ceux
qui écoutent le plus la radio française, ceux qui regardent le
plus la télévision française, ceux qui ont le plus de
contacts en français avec d'autres, à part les communautés
francophones d'origine, ce sont toutes les communautés issues de
l'"hispanidad".
M. Zelaya: Vous avez lu dans notre mémoire, par exemple,
que nous parlons du fait que nous avons une langue maternelle très
proche du français. Nous avons aussi des institutions toutes proches du
Québec. Donc, ça, c'est un atout pour nous. Nos gens ont, disons,
d'une façon naturelle le besoin d'aller vers les
Québécois. Mais le problème, c'est qu'au fur et à
mesure que la personne commence à s'établir ici, elle commence
à sentir qu'elle n'a pas l'opportunité de s'intégrer
socio-économiquement. Donc, ça entraîne une sorte de
mépris. Ça entraîne une tendance pour nos gens de dire:
O.K. mais attendez, nous voulons le faire, nous ne trouvons pas vraiment
l'opportunité de nous intégrer réellement. Ce que je dis,
c'est ce que j'ai vécu et ce qu'a vécu notre communauté.
J'aimerais préciser, par exemple, que ça, c'est partagé
aussi, par lui, par lui, par tout notre conseil d'administration, par toutes
les personnes avec lesquelles nous avons des contacts. Je ne sais pas,
peut-être qu'il y a d'autres personnes qui pourraient avoir une opinion
différente, même de la communauté
latino-américaine.
M. Mendez: Quand on parle de mépris, on ne parie du
mépris des Québécois envers les Latino-américains,
on parle du mépris de la communauté latino-américaine
envers la mauvaise politique qui existait.
M. Boulerice: J'ai fait une mauvaise lecture, et j'en suis
content. Parce que si j'avais fait une bonne lecture, à ce
moment-là, j'aurais été navré de voir que nos
compatriotes aient eu cette attitude envers vous. Monsieur... J'allais dire
madame, parce que je vois qu'il y a un changement.
Le Président (M. Khelfa): J'apprécie la
précision, M. le député.
M. Boulerice: M. le Président, qui est issu d'ailleurs
d'une communauté culturelle, me fait signe que je dois conclure. Je vais
vous dire que dans un débat comme celui-ci, forcément, nous
devons jouer avec les concepts des énoncés philosophiques comme
tels, mais je pense qu'il est très bon que des groupes se
présentent et nous dressent, en quelque sorte, ce que j'appelle les
scènes de la vie quotidienne dans la condition d'immigrant, donc, des
exemples très pratico-pratiques de ce qui a été
vécu. Ce qui vous donne aussi l'occasion et l'opportunité de
cibler des moyens de correction peut-être beaucoup plus appropriés
que lorsque l'on parle de façon un peu philosophique des choses. Je vais
vous remercier dans votre langue en disant: "Muchas gracias por este
participacion a la comision" et j'ose espérer que, compte tenu de
l'immense qualité et de la grandeur des services que vous rendez, eh
bien, le support économique soit suffisant. Quant au support politique,
je crois que par la sincérité de vos interventions vous l'avez
déjà en acquis, autant de la part de la ministre que de
moi-même. Hasta luego! Hasta pronto!
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je passerai la parole
maintenant à Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés
culturelles pour conclure. Deux minutes, madame.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais
juste apporter quand même une précision en disant que, vous savez,
le Programme d'accès à l'égalité a
été créé depuis un an seulement. Alors, bien
sûr qu'il va falloir quand même être beaucoup et même
très vigilants. Je demanderai bientôt une évaluation des
résultats. Je dois vous dire aussi que j'ai toujours mentionné
qu'il fallait s'attaquer au problème à la base aussi, parce qu'un
programme d'accès à l'égalité, c'est bien beau,
mais si on ne s'attaque pas aux raisons qui font qu'une personne ne puisse pas
passer l'examen il y a des problèmes.
Vous me disiez tout à l'heure: Moi, je n'ai pas réussi
à passer l'examen à cause du français. Moi, je vous
encourage quand même à ce moment-là à continuer
à persévérer et à poursuivre un cours de formation
en français sur mesure peut-être, qui vous permettrait de passer
le prochain examen. Mais je pense que ça, c'est important, parce que
vous savez, dans la fonction publique comme dans d'autres secteurs, vous avez
des emplois où on a besoin un peu plus de français que d'autres.
Il y en a d'autres où on en demande peut-être un peu moins. On est
peut-être un peu moins exigeant quant au français écrit,
peut-être, plutôt qu'au français parlé. Mais, dans
d'autres secteurs, il peut arriver que le français puisse être
important. Donc, je vous dis et je me dis: Ne vous découragez pas, je
pense que vous devez être persévérant et peut-être
suivre un cours sur mesure
pour l'améliorer davantage et être capable de passer le
prochain examen.
Alors, je vous dis merci, et j'espère qu'on aura l'occasion de se
rencontrer à nouveau. Merci.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Khelfa): Merci, M. le ministre. Merci Mme
Aranguiz, M. Zelaya, M. Mendez.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Khelfa): Je vous souhaite un bon retour
et j'espère que vous allez réussir avec plus que 70 % pour le
prochain examen. Étant donné la situation, vous êtes le
dernier groupe, je vous souhaite un bon retour et la commission de la culture
ajourne ses travaux au mardi 5 mars 1991 à 14 heures précises
pour continuer ses travaux. Ceci étant dit, bonjour.
(Fin de la séance à 17 h 15)