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(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Gobé): La commission permanente de
la culture va maintenant commencer ses travaux et je rappellerai
brièvement le but de la commission aujourd'hui, qui est de tenir une
consultation générale sur l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration intitulé "Au
Québec, il faut bâtir ensemble" ainsi que sur les niveaux
d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994.
Est-ce que nous avons aujourd'hui des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie); M. Charbonneau (Saint-Jean) est
remplacé par M. Parent (Sauvé).
Le Président (M. Gobé): Très bien. Merci.
Alors, pour l'information des membres de la commission, je voudrais maintenant
donner l'ordre du jour. Lecture de l'ordre du jour de la journée. Ce
matin, nous allons recevoir le Parti québécois, région de
Montréal-Centre, et le Comité national des communautés
culturelles. Par la suite, la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, vers 10 h 30; à 11 h 30, la
Fédération des groupes ethniques du Québec; à 12 h
30, nous suspendrons jusqu'à 14 heures; à partir de 14 heures,
nous entendrons le Conseil du statut de la femme; à 15 heures, la
Commission des droits de la personne; à 16 heures, le Conseil
économique du Canada; à 17 heures, l'Institut de recherches
politiques; à 18 heures, nous allons suspendre à nouveau
jusqu'à 20 heures et là nous reprendrons pour entendre la
Confédération des associations linguistiques et culturelles du
Québec; à 21 heures, nous entendrons la Fondation Clara
Bourgeois; à 21 h 30 jusqu'à 22 heures, l'Association italienne
des travailleurs émigrés et familles et, par la suite, nous
ajournerons à 22 heures jusqu'au lendemain, 9 h 30.
Alors voilà, est-ce qu'il y a des remarques préliminaires?
Pas de motions préliminaires. Alors, ceci étant dit, je
demanderai aux intervenants, soit le Parti québécois,
région Montréal-Centre, et le Comité national des
communautés culturelles, de bien vouloir se présenter et
présenter les gens autour d'eux, et vous pourrez commencer votre
exposé. Vous avez une période d'une heure, de 9 h 30 à 10
h 30, dont 20 minutes pour exposer votre document et, par la suite, 20 minutes
de chaque côté; ceci étant dit, pour l'Opposition
officielle, 20 minutes, et, pour la majorité gouvernementale, 20
minutes. Alors, vous avez la parole et vous pouvez procéder.
Parti québécois, région de
Montréal-Centre, et Comité national des communautés
culturelles
M. Savard (Pierre): Merci, M. le Président. Alors, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission, j'aimerais, au nom de
l'organisation que je préside, soit le Parti québécois,
région Montréal-Centre, vous remercier sincèrement de nous
donner l'occasion de vous exposer nos vues sur la question de
l'intégration des immigrants au Québec. J'aimerais d'abord vous
présenter mes deux collègues: à ma gauche, Mme Elpis
Santas, Québécoise depuis 16 ans, d'origine grecque, travailleuse
sociale à Montréal, candidate du Parti québécois
dans Laurier en 1989; à ma droite, Mme Simone Darrieux,
Québécoise depuis 33 ans, d'origine française, enseignante
dans une école à majorité ethnique à
Montréal, membre du Comité des communautés culturelles du
Parti québécois et membre de l'exécutif du Parti
québécois Montréal-Centre. Moi, personnellement, mon nom
est Pierre Savard. Je suis comptable agréé de profession et
président du Parti québécois Montréal-Centre, mais
je suis aussi enseignant dans un cégep dans la région de
Montréal.
Le Président (M. Gobé): Alors, vous pouvez
commencer votre intervention.
M. Savard: Alors, prenant pour acquis que vous avez lu notre
mémoire, nous nous contenterons d'un bref exposé qui se veut
être la conclusion de notre réflexion et ce, dans le but de
maximiser le temps alloué aux questions et discussions par la suite.
Mme la ministre, vous avez bien fait vos devoirs. L'analyse que contient
l'énoncé de politique nous semble honnête et juste. Nous
n'avons également aucun désaccord profond envers les orientations
globales que le document nous suggère. Toutefois, la réussite de
l'implantation de cette politique nous semble compromise d'avance, du simple
fait que vous n'avez pas en main les outils nécessaires à sa
réalisation. Je m'explique: II nous apparaît qu'il y a trois
niveaux d'intervention cruciaux qui détermineront le succès ou
l'échec d'une politique d'intégration. Un, la sélection et
la détermination des niveaux d'immigration; deux, l'intégration
linguistique; trois, l'intégration sociale.
Or, examinons maintenant quels sont les outils dont dispose la ministre
pour intervenir de façon efficace dans ces trois secteurs. Premier
secteur, la sélection et la détermination des
niveaux d'immigration. Nous savons tous que la sélection est un
facteur clé; plus le nouvel arrivant aura des prédispositions
harmonisables à la société d'accueil, plus ses chances
d'intégration sont grandes. Or, environ 50 % de la sélection des
nouveaux arrivants échappe totalement au Québec actuellement,
soft les réfugiés et ceux qui sont admis en vertu de la
réunification familiale. Quant à la détermination des
niveaux d'immigration, leur importance est indiscutable. Ils ne doivent jamais
dépasser la capacité d'absorption de la société
d'accueil. Or, qui détient les pouvoirs à cet égard.
Là, je vous réfère à l'accord Canada-Québec
signé récemment et je me permettrai de vous citer les articles 5,
7 et 8.
Alors, l'article 5 nous dit: "Le Canada établit chaque
année les niveaux d'immigration pour l'ensemble du pays en prenant en
considération l'avis du Québec sur le nombre d'immigrants que ce
dernier désire recevoir." L'article 7: "Le Québec s'engage
à poursuivre une politique d'immigration dont l'objectif est de lui
permettre de recevoir un pourcentage du total des immigrants reçus au
Canada égal au pourcentage de sa population par rapport à la
population totale du Canada." Et l'article 8, qui touche les
réfugiés: "De manière à assumer sa part de
responsabilité en matière d'accueil humanitaire, le Québec
s'engage à accueillir un pourcentage du nombre total de
réfugiés ou de personnes en situation semblable accueillis par le
Canada au moins égal à son pourcentage de la population
canadienne."
Deuxième facteur important au niveau de l'intégration,
l'intégration linguistique. L'intégration linguistique ne
consiste pas seulement à donner des cours de français accessibles
et de qualité. D'ailleurs, la ministre a été très
éloquente à ce sujet dans son allocution du 5 décembre
1990 au Ramada Renaissance, et je la cite, où elle nous dit: "Enfin, le
gouvernement est sensible au fait que les meilleurs services ne pourront
garantir la maîtrise du français par les Québécois
des communautés culturelles, si la société
québécoise ne reflète pas, dans toutes les dimensions de
sa vie collective, l'importance primordiale qu'elle attache au statut du
français comme langue de communication entre ses citoyens." J'imagine
que la ministre, en pensant à "dans toutes les dimensions de sa vie
collective", entendait langue d'affichage, langue de travail, langue
d'enseignement, langue du commerce et des services.
Or, le Québec n'a pas tous les pouvoirs en matière
linguistique. Il est limité notamment par la Charte canadienne des
droits et libertés et ceux qu'il possède ne sont pas pleinement
exercés dans le sens d'une pleine francisation. Prenons pour exemple la
langue d'affichage. La loi 178 permet l'affichage bilingue, lançant ici
le message que nous sommes une société bilingue. Deuxième
point, langue de travail. Seules les entreprises de 50 employés et plus
sont touchées par la loi 101 Or, plus de 50 % des
Québécois et la très grande majorité des immigrants
travaillent dans les entreprises de moins de 50 employés. Il serait donc
primordial d'étendre l'application de la loi 101 à ces
entreprises. Mais nous savons qu'il n'y a aucune volonté politique de
votre gouvernement d'agir en ce sens. La preuve en a été faite
par le rejet du projet de loi 191 présenté en décembre
1988 par l'Opposition officielle, et qui visait spécifiquement à
combler cette lacune de la loi 101. Troisième point, la langue
d'enseignement. Tant et aussi longtemps que les commissions scolaires seront
confessionnelles et non linguistiques, les immigrants auront tendance à
s'intégrer à la communauté anglopho ne. Pourquoi? Le
secteur protestant, presque exclusivement géré par les
anglophones, est beaucoup plus ouvert et accueillant aux cultures et religions
étrangères que le secteur catholique. La langue et les valeurs
véhiculées par lad ministration de ces écoles étant
celles de la communauté anglophone, il n'est pas surprenant de voir les
immigrants joindre cette communauté. Pourquoi ne peut-on pas convertir
les réseaux confessionnels en réseaux linguistiques? La
Constitution canadienne a, paraît-il, son mot à dire à cet
égard.
Troisième point, l'intégration sociale. À notre
avis, aussi longtemps que les deux gouvernements, fédéral et
provincial, tiendront des discours contradictoires, l'intégration
sociale des immigrants sera lourdement handicapée. On sait que le
gouvernement fédéral maintient son discours multiculturaliste en
reconnaissant insti-tutionnellement deux langues et plusieurs cultures. Et
à cet égard, l'article 29 de l'accord Canada-Québec en
fait foi. Je voulais vous le citer. L'article 29 nous dit: Le présent
accord n'a pas pour effet de restreindre le droit du Canada d'offrir aux
citoyens canadiens des services reliés au multiculturalisme et de
promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel et
canadien."
Quant au discours du Québec, je vous citerai un extrait d'un
article de Georges Karam paru dans la revue Relations de novembre 1990,
et qui dit ce qui suit: "L'approche du Québec pour l'intégration
des immigrants est différente de celle d'Ottawa. Elle proclame la
priorité de la langue française et de la culture
québécoise. Et, dans le respect de cette double priorité,
elle cherche à rapprocher les cultures des allophones et la culture
québécoise. Pour soutenir cette politique, plusieurs mesures ont
été retenues: sélection des immigrants, classes d'accueil,
écoles françaises pour les enfants des immigrants, sessions de
francisation et d'initiation à la culture québécoise pour
les adultes, octroi de fonds pour les activités de dialogue culturel et
de création artistique Par la sélection, on juqe de la
capacité du candidat immigrant à s'intégrer dans la
société d'accueil et, par les mesures de
francisation et d'initiation à la culture de la majorité,
on fait converger les immigrants vers les valeurs québécoises.
Mais le discours de Québec n'est pas clair par rapport à
l'objectif qu'il poursuit. En continuant à parler de communauté
culturelle, il laisse l'impression aux immigrants qu'ils sont encouragés
à demeurer des groupes distincts dont on apprécie l'apport
économique, dont on célèbre les fêtes et dont on
déguste la cuisine."
En terminant, j'aimerais demander à Mme la ministre, lorsque dans
son discours du 5 décembre 1990, elle nous parle de la pleine
participation des communautés culturelles à la vie nationale,
parle-t-elle de la nation canadienne ou de la nation québécoise?
Quant à nous, le choix de la nation québécoise est clair.
Les outils essentiels à une intégration réussie
étant actuellement entre les mains d'Ottawa, il nous apparaît
impératif - et vous ne serez pas surpris de me l'entendre dire - de
récupérer tous ces pouvoirs par la souveraineté du
Québec. Merci. (9 h 45)
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Savard. Si je comprends bien, vous avez terminé votre exposé?
M. Savard: Oui.
Le Président (M. Gobé): D'accord. Alors, nous
allons passer maintenant aux échanges. Et sans plus tarder, je vais
demander à Mme la ministre de bien vouloir prendre la parole.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci, M.
Savard, pour la présentation de votre mémoire. J'aimerais vous
parler, entre autres, vous en faites mention dans votre mémoire... Comme
vous l'avez mentionné, vous n'avez pas lu au complet votre
mémoire, pensant qu'on l'avait lu, et c'est effectivement ce que nous
avons fait.
Concernant la politique à l'égard des revendicateurs,
à la page 12 de votre mémoire, vous reconnaissez qu'une partie
des revendicateurs ont demandé le statut de réfugié parce
qu'ils souhaitent échapper à des conditions économiques
nettement défavorables. Et pour l'avenir, en posant l'hypothèse
d'un Québec indépendant, vous recommandez une politique
d'immigration permettant un traitement rapide des demandes des
revendicateurs.
Vous savez qu'actuellement le gouvernement fédéral
consacre déjà des centaines de millions de dollars, par exemple
au traitement des revendicateurs, et que, malgré ces sommes, le lourd
appareil administratif aussi, il octroie le statut de réfugié
dans environ 80 % des cas, ce qui est de loin supérieur au taux
d'acceptation dans d'autres pays.
Je discutais récemment, par exemple, avec les
représentants de la France; on disait que, bon, dans certains cas, on
acceptait peut-être huit personnes sur dix, comme le fait actuellement le
gouvernement fédéral, et qu'après avoir triplé les
ressources, maintenant, et avoir réduit les délais, on en accepte
à peu près deux sur dix. Bien sûr que, compte tenu, comme
je le disais, des centaines de millions de dollars, compte tenu aussi de
l'appareil administratif qui est toujours assez lourd malgré tout, nous,
on accepte encore 80 %. Si le Québec devait appliquer la Convention de
Genève - parce qu'on sait que c'est un pays qui doit signer la
Convention de Genève; dans le cas actuel, c'est le gouvernement
fédéral - comme le souhaitent, j'imagine, les
indépendantistes, devrions-nous simplement consacrer plus de ressources
pour accroître la capacité de traitement de l'appareil, ou est-ce
qu'on devrait appliquer la Convention de Genève de façon plus
sévère, plus rigoureuse, afin de dissuader les aspirants
revendicateurs?
M. Savard: Je pense que, à quelque part, il faudrait avoir
une attitude généreuse. Le Québec et le Canada ont
toujours eu une attitude généreuse, c'est sûr, et la
générosité passerait effectivement par un traitement plus
rapide, à mon avis. Et il faudrait peut-être investir les sommes
nécessaires pour s'assurer que, effectivement, la Convention de
Genève est appliquée, mais qu'elle est appliquée de
façon juste, c'est-à-dire qu'effectivement on ne rejette pas des
gens trop rapidement parce que l'examen de leur dossier a peut-être
été mal fait. Mais je crois effectivement qu'il faudrait reserrer
un petit peu la définition et la ramener peut-être à celle
de la Convention de Genève, mais quand même avec une ouverture
généreuse. Mais pour éviter d'avoir un "embourbement", je
pense qu'il faudrait que la machine soit beaucoup plus rapide.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais comme, actuellement, on a un peu
l'impression que le Québec, même le Canada étant
très accueillant, ayant des politiques qui sont nettement favorables
comparativement à d'autres pays... D'ailleurs, hier, je pense que... Il
y avait des regroupements, hier, qui s'occupent entre autres davantage des
réfugiés, qui nous disaient justement que rares sont les
provinces ou les pays qui, par exemple, accordent l'aide sociale, accordent
l'aide médicale, accordent jusqu'à l'aide juridique. Ils sont
très rares. On sait quand même que ça représente des
sommes aussi, et on a l'impression, jusqu'à un certain point que, parce
qu'on est très accueillants et qu'on a des politiques très
attractives, c'est un peu des portes ouvertes parce que, bien sûr, il y a
des personnes qui sont dans un besoin extrême.
Vous avez d'autres personnes qui peuvent contourner la loi pour, aussi,
améliorer leur situation économique. Alors, on a l'impression que
c'est un peu des portes ouvertes. On ne peut pas contrôler cette
porte-là. Et comme je le mentionnais moi-même, bien sûr,
ça engorge les
structures, ça débalance, je pense, nos projections et,
dans ce sens-là, le contrôle est au gouvernement
fédéral. Mais s'il devait nous appartenir, ce contrôle, si,
par exemple, on devait être un pays et on devait, par exemple, signer
cette Convention de Genève, ne ferions-nous pas comme le
fédéral? On aurait ces portes ouvertes ou il faudrait, à
ce moment-là, resserrer un peu nos frontières?
M. Savard: II faudrait le faire dans la mesure... Il faudrait
quand même toujours avoir, comme je vous le dis, une attitude
accueillante et généreuse. Mais il faudrait que cette
générosité soit limitée, dans une mesure, à
la capacité d'absorption de la société
québécoise. Alors, il faudrait, parallèlement à
ça, je pense, se donner les outHs pour peut-être augmenter... Si
on veut augmenter le volume d'acceptation, il faudrait se donner les outils
pour augmenter la capacité d'absorption. Mais il faut d'abord, à
mon avis, se donner les outils pour augmenter ce volume-là, en passant
par ce que vous suggérez et ce que nous suggérons.
Là-dessus, on s'entend, je pense, sur la régionalisation de
l'immigration; mais je pense qu'il faut d'abord mettre les mécanismes en
place avant de dire qu'on ouvre les valves. Il faut que ce soit vraiment,
là, aiguillonné les deux ensemble parce que, sans ça, on
va avoir un problème.
Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous avez
parlé justement, dans votre exposé, de la question de la
capacité d'absorption; et vous le répétez. Pour vous,
qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que c'est la capacité d'absorption, par
exemple? Je sais qu'à Montréal... On sait très bien
qu'au-delà de 85 % de la clientèle se retrouve à
Montréal. Mais comment peut-on évaluer le critère
absorption? Comment peut-on l'évaluer?
M. Savard: On peut l'évaluer... C'est sûr que c'est
difficile de l'évaluer, là, peut-être... Je ne peux pas
vous donner de chiffres ici, ce matin, et j'imagine que ce n'est pas ça
que vous attendez de moi non plus.
Mme Gagnon-Tremblay: Par des indicateurs.
M. Savard: Je pense à la façon dont on
réussit, justement, en regardant où se retrouvent statistiquement
les immigrants qui arrivent ici au Québec: quelle communauté
joignent-ils, quelle langue parlent-ils, où se sont-ils
installés? Je pense que c'est des indicateurs. Effectivement, s'il y a
un débordement des capacités d'absorption... Le problème
est spécifique au Québec dans le sens où
l'intégration... Il y a une intégration qui est linguistique, qui
n'a pas à se faire, peut-être... Le problème ne se pose pas
dans la balance de l'Amérique du Nord. Au Québec, si,
effectivement, la communauté francophone n'est pas capable
d'intégrer ces gens, parce que c'est sûrement plus difficile de
s'intégrer dans la communauté francophone à cause de
l'attrait do l'anglais en Amérique du Nord, alors, si on dépasse
un certain volume, à ce moment-là, si la capacité
d'absorption est dépassée, à mon avis, on va se rendre
compte que les immigrants vont avoir tendance à se joindre à la
majorité anglophone sur le territoire de l'Amérique du Nord.
Alors, je pense que le nombre de nouveaux arrivants qui vont nous
échapper vers la communauté anglophone d'Amérique - je
parle, finalement, dans un sens plus large - c'est là un indicateur
qu'on a dépassé notre capacité d'absorption.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, vous savez que nous
sélectionnons actuellement. Environ 50 % de notre clientèle est
allophone, ne parle ni l'anglais ni le français.
M. Savard: 49 %, je pense.
Mme Gagnon-Tremblay: Comme vous le disiez, je pense qu'il est
important aussi que l'on puisse donner, rendre accessibles des cours de
français à ces personnes. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous
voulons faire un effort pour être capables d'augmenter la proportion
d'immigrants francophones, ceux qui pourraient parler français. Il y a
des personnes qui ont quand même des craintes concernant cet
objectif.
Mais, cependant, je reviens encore parce que vous disiez tout à
l'heure que la capacité d'absorption, un de ses critères ou son
indicateur, c'est, entre autres, la langue. C'est que, nous aussi, nous croyons
que l'intégration passe, bien sûr, par la langue. Pas uniquement
par ça, cependant, parce que l'emploi y est pour beaucoup aussi.
Cependant, ces coûts pour apprendre la langue... C'est-à-dire
qu'il y a des coûts qui sont quand même reliés à
l'apprentissage de la langue, des coûts qui sont importants aussi. Comme
je le mentionnais, étant donné que notre clientèle est
à 50 % allophone, dans ce sens-là, est-ce que ça veut dire
- parce qu'il y a aussi une capacité limitée de l'État de
payer, parce que ce n'est pas uniquement la langue, c'est tout ce que
comportent l'intégration, l'accueil, l'adaptation de nos institutions,
et ainsi de suite - est-ce que ça signifie pour vous que ça
devrait jouer quant aux projections de niveaux qu'on mentionne dans notre
politique? Est-ce que ça devrait être à la hausse ou
à la baisse? Est ce que ça vous inquiète?
M. Savard: Je pense que si les gens... Les immigrants, les gens
en général apprennent une langue parce qu'elle est utile.
Beaucoup de personnes apprennent des langues pour le plaisir, pour la culture,
mais la majorité des gens dans ce bas monde apprennent uno langue parce;
qu'elle est utile Si, pour vivro au Québec, il faut absolument parler
français, c'est-à-dire que
si on en a besoin pour travailler, si on en a besoin pour aller à
l'école, si on en a besoin pour se faire servir dans les magasins, si on
en a absolument besoin pour se faire servir à l'hôpital, à
ce moment-là, je pense que les immigrants vont faire d'eux-mêmes
le pas pour apprendre la langue. C'est sûr qu'il faudra leur faciliter
les choses mais, à partir du moment où ils auront fait un choix
clair de venir au Québec et qu'ils sauront que c'est une
société francophone... Le problème c'est que,
actuellement, ce n'est pas évident; le message n'est pas très
clair. La majorité débarquent ici en Amérique et on leur
dit qu'ils débarquent dans un pays bilingue. Ils ont toute la surprise
du monde en arrivant ici, au Québec, parce qu'ils s'attendaient souvent
à débarquer dans un pays anglophone ou bilingue. Alors, s'ils
savent ça avant de partir, si on leur lance des signaux clairs quand ils
arrivent ici, à mon avis, l'État n'aura pas à investir au
complet pour leur formation, pour avoir des incitatifs, des "facilitateurs",
mais je pense que ça va se faire beaucoup plus facilement, sans beaucoup
de coûts supplémentaires. Je pense que l'application d'une loi
linguistique, à cet égard-là, ça n'implique pas
beaucoup de coûts.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Savard, merci,
Mme la ministre. Je dois maintenant passer la parole à monsieur...
M. Boulerice: Mme la ministre a une autre question, je crois.
Le Président (M. Gobé): Oui, mais c'est sur votre
temps, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Nous sommes
minutés. Alors moi, je ne vois pas, si le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques consent à ce que vous travailliez sur
l'enveloppe globale, madame, moi, je n'y vois pas d'inconvénient.
M. Boulerice: Allez, madame, je vous en prie.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord, merci. Non, je voulais vous dire
tout à l'heure qu'il y a des directives très strictes qui ont
été données à tous nos bureaux à
l'étranger pour que nos futurs résidents puissent être bien
informés. Et je dois vous dire que nous travaillons actuellement sur de
la documentation, sur du matériel promotionnel. (10 heures)
Bon, cependant, je reviens rapidement là-dessus, c'est qu'il y a
certains organismes qui ont émis beaucoup de réserves quant au
critère de la langue, là, tout au cours, depuis le début
de notre... dans la sélection, finalement, dans le choix que nous
faisons.
Mais je voudrais cependant revenir sur la régionalisation parce
que, à la page 9 de votre mémoire, vous parlez de
régionaliser l'administration des dossiers des personnes en attente du
statut de réfugié. Je voudrais savoir un peu plus ce que vous
entendez par ça. Quand vous parlez, par exemple, de régionaliser
l'administration, est-ce que ça supposerait à ce moment-là
une certaine répartition des réfugiés? Est-ce que
ça voudrait dire, par exemple, qu'en régionalisant
l'administration on devrait obliger aussi les revendicateurs - je ne parle pas
des réfugiés - à aller s'établir ailleurs
qu'à Montréal pour aller chercher leur chèque ou quoi que
ce soit? Est-ce que c'est dans ce sens-là ou...
M. Savard: Non, non, il n'y a aucune obligation, là. Le
problème c'est que, actuellement, ils sont obligés de rester
proches des grands centres à cause, justement, du délai de
traitement. Et, tant que leur dossier n'est pas réglé, il faut
absolument qu'ils se tiennent proches des autorités compétentes,
et ces autorités compétentes sont dans les grands centres. Et
ça les empêche d'aller s'établir en région.
Et quand on connaît le délai de traitement qui est
actuellement, sauf erreur, de deux à trois ans, souvent, quand ils ont
vécu à Montréal deux ou trois ans, bien, ils ont
déjà commencé à faire des racines et ils ne sont
plus prêts, après, à partir et à aller s'installer
en région. Alors, si on leur permet dès le départ,
peut-être d'aller s'installer en région - selon leur bon vouloir,
là, sans aucune obligation - et si on met des incitatifs aussi, on peut
les inciter à le faire mais sans aucune, aucune obligation.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous ne verriez aucune obligation,
là, même si ces gens-là sont en attente de statut ou quoi
que ce soit?
M. Savard: Non, non, non. Il faut les inciter par le
développement régional, par la coïncidence de leur formation
avec...
Mme Gagnon-Tremblay: Là, par contre, je ne parle pas des
réfugiés, je parle des revendicateurs. C'est toujours la
même chose.
M. Savard: Oui, oui, des revendicateurs de statut, effectivement.
Parce que, veux, veux pas, ils vivent ici actuellement, de toute façon.
Alors, s'ils ont un intérêt pour une région où ils
auraient l'intention de s'installer plus tard - je ne sais pas, moi - s'ils
trouvent que la région de Trois-Rivières est une belle
région et ils décident d'aller s'y installer en attendant...
Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que vous savez, par exemple, qu'avant
qu'ils puissent obtenir leur certificat, leur permis de travail... Il peut
s'écouler quand même plusieurs mois avant qu'ils puissent obtenir
leur permis de travail. Donc, à ce moment-là, c'est l'aide de
l'État
qu'ils reçoivent en attendant. Et vous ne voyez pas, non
plus...
M. Savard: Oui, mais qu'ils reçoivent leur chèque
assis à Montréal ou assis à Trois-Rivières, je ne
vois pas la différence, au niveau de l'État.
Mme Gagnon-Tremblay: Non, mais c'était tout simplement
pour voir si, à ce niveau-là, c'est toujours par incitatif, mais
pas obligatoirement, que vous...
M. Savard: Ah! toujours incitatif. Mme Gagnon-Tremblay: O.
K.
M. Savard: Ça, c'est une mesure transitoire. C'est
sûr que si on en vient à un délai de traitement qui est
plus court, à ce moment-là, cette mesure, finalement...
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, ma dernière question. Toujours
à la page 9 de votre mémoire, vous recommandez d'accorder des.
bons d'emplois aux immigrants qui sont disposés à s'installer en
région. Alors, c'est un incitatif, ça peut être
perçu comme un incitatif. Mais cependant, comment pensez-vous que cette
mesure serait perçue parles chômeurs
québécois qui se verront, par exemple, ou pourraient se voir
concurrencés par des nouveaux venus qui bénéficient de
subventions gouvernementales? Est-ce que vous pensez que ça pourrait
faire problème, que ça pourrait être accepté ou que
ça pourrait être une...
M. Savard: Oui, je comprends très bien votre
problème. C'est justement pourquoi il faut absolument, avant de faire la
régionalisation, dans certaines régions à tout le moins,
faire le développement régional. Et après ça, ce
sera une synergie. Je veux dire que les nouveaux arrivants contribueront au
développement avec une formation qui peut être différente,
qui peut venir ajouter un plus à la région ou à la
diversification des besoins, etc. Ça peut être un plus,
peut-être, au développement régional, mais il faut que le
développement régional soit vraiment enclenché pour que ce
soit une réussite. Sans ça, on va se retrouveravec les
problèmes que vous mentionnez, tout à fait.
Mme Gagnon-Tremblay: Et, par la suite, vous seriez d'accord,
encore, en suggérant ces bons d'emplois pour ces immigrants?
M. Savard: Oui, mais à la condition, effectivement, que la
capacité d'absorption de la région - comme je le disais tout
à l'heure - au niveau économique, soit prête à le
prendre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
M. Savard: Mais je le voyais comme un incitatif, dans le sens
d'essayer d'orienter les gens plutôt ailleurs qu'à
Montréal. La capacité d'absorption, à mon avis, est
déjà dépassée.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M.le président - pour ne pas dire M.
mon président - Mme Darrieux, Mme Santas, dans tous les grands
débats qui ont concerné la nation, cette région que vous
présidez et que j'ai eu l'honneur de présider durant cinq ans a
toujours été éloquemment présente. Et je pense que
vous en faites une autre fois la démonstration aujourd'hui avec un
dossier extrêmement bien fouillé sur l'immigration. Je regardais
en particulier la page 3 où vous énoncez des mesures dites
pratico-pratiques, qu'on peut peut-être être tentés de
regarder de haut à certaines occasions puisque ce ne sont pas de grands
énoncés philosophiques, mais on s'aperçoit bien que ce
sont des actions ponctuelles, très souvent, qui permettent de
solutionner bien des problèmes.
Vous avez adressé à Mme la ministre des paroles qui
traduisent bien l'esprit dans lequel l'Opposition voulait travailler à
cette commission parlementaire. Ce n'était pas un esprit d'opposition
comme tel, ce ne le sera pas, ça ne l'a pas été.
C'était tout simplement de bonifier cette politique de l'immigration
puisque si, par malheur, nous rations l'immigration, il y aurait
peut-être une sanction électorale pour le gouvernement qui
raterait cette politique d'immigration mais c'est malheureusement l'ensemble
des Québécois qui en paieraient le coût si l'immigration,
malheureusement, était ratée; d'où l'esprit que nous avons
et que vous avez vous-même aussi très bien exprimé lorsque
vous vous êtes adressé à Mme la ministre, en
introduction.
Maintenant, il y a deux questions très précises que
j'aimerais vous adresser. Si vous permettez, M. le Président,
j'adresserai la première à Mme Darrieux. Je sais pertinemment -
je ne vois aucune raison de le cacher puisque c'est une amie de longue date -
qu'elle a une expérience on ne peut plus concluante au niveau de
l'accueil aux immigrants dans une commission scolaire importante de la
région métropolitaine. J'aimerais que Mme Darrieux nous dise en
quoi les commissions scolaires linguistiques représentent une solution
envisageable et surtout enviable pour régler le problème de
concentration ethnique dans certaines écoles de la ville de
Montréal. Comment cela est-il vécu dans certaines commissions
scolaires comme telles?
Mme Darrieux (Simone): Chez moi, à la
commission scolaire où je travaille depuis 21 ans, c'est vraiment
quelque chose d'effroyable parce que nous avons des écoles ghettos. Par
exemple, dans l'école où, moi, j'enseigne, il y a 59 ethnies et
on prépare très mal les jeunes parce que nous avons 10 mois,
d'abord, pour leur apprendre le français. Nous n'avons pas de
matériel, nous n'avons pas d'outils; et, dans les corridors et
même dans les salles de cours, il faudrait presque se battre pour faire
accepter le français à ces enfants, ce qui est dommage parce
qu'on essaie de les inciter. Mais, tant qu'on aura des écoles ghettos,
ce ne sera pas possible. Alors moi, je me demande pourquoi. S'il y avait des
écoles linguistiques, bien sûr, ce serait beaucoup plus facile,
surtout que les écoles et les commissions scolaires, dont la mienne, ne
sont confessionnelles que de nom et je crois que, ça, tout le monde le
sait.
Effectivement, M. Savard disait que les immigrants étaient
beaucoup plus portés vers cette commission scolaire quand ils arrivaient
pour la bonne et simple raison qu'au départ ils savent que ce n'est pas
vrai que ce n'est pas confessionnel et que, justement là, ils ont
beaucoup plus de chances qu'ailleurs de continuer à pouvoir parler leur
langue qui est l'anglais. Et ça, c'est très vrai. Nous, les
enseignants québécois, on se bat comme des
déchaînés pour essayer de leur apprendre une langue.
Alors, je pense que, si on enlevait les écoles ghettos, ça
changerait parce que, dans ces écoles-là... Et on va me dire,
oui, mais le transport, c'est difficile, c'est... tout ce qu'on veut.
Seulement, le beau signe existe déjà mais en sens inverse. Moi,
je suis au coin de Van Home et Victoria et nous avons des enfants qui nous
viennent de Rivière-des-Prairies - ce n'est pas tout à fait la
même chose - et ce sont des autobus scolaires qui les voyagent.
J'aimerais bien qu'un jour Mme la ministre s'occupe vraiment, et de mes
nouveaux arrivants, et de nous, les profs, qui sommes pris pour enseigner le
français dans des conditions effroyables. Les Coréens, les
Vietnamiens, les Chinois qui arrivent ne parlent ni anglais ni français,
et, dans ces écoles ghettos, au bout de trois mois, ils parlent anglais.
Le français, c'est beaucoup plus difficile.
Je pense que si on est à Québec et qu'on doit vivre en
français, ça devrait quand même arrêter, à mon
avis. J'aimerais bien que le gouvernement québécois fasse quelque
chose, et c'est urgent, et ça presse. Effectivement, même mes
patrons, ce sont d'excellents patrons mais ce sont des anglophones: 8 sur 10.
Nous travaillons pourtant au Québec et ça devrait être
français. Même les écoles qui sont en majorité des
écoles françaises sont dirigées par des directeurs
anglophones qui parlent grec, qui parlent anglais, qui parlent italien, qui
parlent espagnol, mais très peu ou pas du tout français.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques me permettrait une petite
question.
Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas au
député que vous devez vous adresser, c'est à la
présidence, madame.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est à la présidence, oui,
mais c'est lui qui a le droit de parole.
Le Président (M. Gobé): C'est le président
qui doit le lui demander.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais savoir comment faire pour
éviter les ghettos. C'est parce que madame a un sujet très
intéressant et je voudrais savoir comment faire pour éviter les
ghettos. Je ne sais pas si M. le député pourrait la poser.
Le Président (M. Gobé): Voulez-vous poser la
question à Mme Darrieux, M. le député?
M. Boulerice: Vous connaissez ma
générosité.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: J'aimerais savoir... Écoutez,
on...
Le Président (M. Gobé): II vous reste encore deux,
trois minutes...
Mme Gagnon-Tremblay: Non, non, je veux...
Le Président (M. Gobé): ...c'est au
député de Richelieu; peut-être que vous pourrez
l'utiliser.
Mme Gagnon-Tremblay: Si le député veut la
poser.
M. Boulerice: Alors, Mme Darrieux, en mon nom et au nom de Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration - oui, je suis
presque devenu un adjoint parlementaire ab interim - quelles sont les
solutions, d'après vous, que l'on devrait prendre pour éviter
cette ghettoïsation?
Mme Darrieux: Je pense que la première solution, à
mon avis, serait: plus de commissions scolaires confessionnelles et que ce soit
vraiment des écoles linguistiques. Là, on saurait vraiment que,
si dans un secteur ce sont les écoles françaises, ce sont les
écoles françaises; et nous aurions aussi le secteur anglais. Mais
actuellement ce n'est pas possible et vous baptisez secteur français des
choses qui n'existent pas. Je n'en veux à personne mais, moi, je suis
sur le terrain depuis 21 ans. Alors, bien sûr que je sais de quoi je
parle et que, quelquefois - j'ai vu
votre rapport qui est très bien fait, qui est superbe - sur le
terrain, j'ai dit: Mon Dieu, mon Dieu, j'aimerais beaucoup que Mme la ministre
soit avec moi dans mon école; peut-être qu'elle trouverait une
solution plus rapidement. Mais je crois que, au départ, les
écoles ghettos devraient devenir des écoles linguistiques. Tant
et aussi longtemps que ce sera confessionnel, à mon avis, il y aura des
problèmes.
Il y a aussi le fait, par exemple, des quartiers ghettos, si vous allez
par là. C'est que, comme on ne va pas vers les nouveaux arrivants, qu'on
est des fois, pas très gentils avec eux, il est certain qu'ils vont vers
la facilité. Je ferais peut-être la même chose si
j'étais en Chine. Si on me disait qu'il y a un quartier français
à tel endroit, probablement que je déménagerais mes
pénates dans le quartier français et que je chercherais la
facilité. Je pense qu'au niveau des enfants ce n'est pas ce qu'il faut
faire. Si on veut vraiment qu'ils deviennent des Québécois
à part entière, il faut les aider à devenir
Québécois et leur faire aimer le pays qui les reçoit,
à mon avis. Alors, dans ces quartiers ghettos, par exemple, si vous
allez à Côte-des-Neiges, ou vous allez par là, vous avez la
Barbade, vous avez les Seychelles, vous avez le Juif qui vient d'Israël.
Bien sûr qu'ils se regroupent. Ce qui fait que lorsqu'ils viennent dans
une école, entre guillemets, française, ce n'est plus du tout
vrai. Vous entendez n'importe quoi sauf le français.
Alors, au départ, les commissions linguistiques seraient
probablement la première solution à suggérer. Quand les
nouveaux arrivants arrivent, décentralisez aussi ces quartiers ghettos.
Vous avez une école qui est au coin de la 22e et Villeray, où ma
fille est enseignante, qui est à 99,5 % haïtienne. Comment
voulez-vous que les Haïtiens aillent vers les petits
Québécois qui jouent dans la rue? Ils vivent entre eux.
Évidemment, on reçoit leur culture mais ils ne prennent pas la
nôtre. C'est ça, les écoles ghettos. Je pense que c'est
très grave. C'est ce que nous, nous vivons à Montréal;
peut-être qu'en province on ne le vit pas mais nous, à
Montréal, je vous assure qu'on est sur le terrain et que ce n'est pas
drôle.
Tandis que si, dans les écoles, il y avait autant de
Québécois que d'allophones, je vous garantis, moi, que les petits
allophones qui vivraient au milieu des vrais Québécois n'auraient
pas de problèmes trois mois après. Les jeux se feraient et ils
parleraient français beaucoup mieux qu'avec nous qui nous tuons pour
savoir quelle méthode on va employer pour leur faire dire oui ou non ou
bonjour. Je pense qu'en vivant avec des vrais francophones ces
enfants-là, au bout de 10 mois, posséderaient suffisamment le
français pour vivre et aimer le pays qui les reçoit. (10 h
15)
M. Boulerice: Dans votre mémoire, vous parlez de
COFI-PLUS, ce qui me semble une nouvelle donnée. Je lis "la
société d'accueil"..
Enfin, je veux dire, qu'est-ce qu'elle devient, la société
d'accueil, avec l'introduction de cette notion de COFI-PLUS?
M. Savard: La notion de COFI-PLUS, en réalité,
c'est une espèce de guichet unique qui permet finalement aux nouveaux
arrivants de trouver toute l'information et tous les renseignements
nécessaires sur le pays d'accueil, et qui peut faire le lien
idéalement, justement, entre ces nouveaux arrivants et peut-être
les groupes communautaires qui pourraient les soutenir pour faciliter
l'intégration. À mon avis, je le vois comme ça. Non pas
juste comme un endroit où on donne des cours de français mais
bien beaucoup plus large que ça pour, finalement, réussir
l'intégration sociale des immigrants.
M. Boulerice: Vous abordez la capacité d'accueil de la
région montréalaise. Hier, je faisais état de rapports sur
les graves lacunes qui existent au niveau du logement. Et vous savez fort bien,
M. le Président, qu'il y a bien des quartiers à Montréal -
à moins que l'on veuille absolument continuer à avoir des
quartiers ghettos - qu'il y a bien des quartiers à Montréal
où le stock de logements est antérieur aux années
quarante. Donc, de très vieux quartiers où il y a un besoin de
rénovation, un besoin de construction de logements sociaux, etc., et,
malheureusement, la quantité construite ne correspond pas aux besoins de
la population actuelle. Alors, quand vous pariez de la capacité
d'accueil de la région montréalaise pour les 10 prochaines
années, vous l'évaluez à combien, sachant pertinemment
aussi qu'au-delà de 80 % s'établissent à
Montréal?
Là, je rattache une autre question qui est celle de la
régionalisation. Si on parle d'un Québec cassé en deux au
niveau des données socio-économiques, risquons-nous d'avoir un
Québec également, non pas cassé, l'expression ne serait
pas appropriée, mais deux Québec dans un, c'est-à-dire un
Montréal pluriculturel et l'ensemble du reste du Québec
typiquement tuque et bas de laine? Je trouve que cette autre partie du
Québec serait, à certains égards, à mon point de
vue, appauvrie culturellement par le manque d'apport de l'immigration. Je
calcule que nous avons l'avantage, à Montréal, de cette
richesse.
M. Savard: II se créerait un fossé entre les deux.
Il se créerait effectivement un fossé entre le Montréal
pluriculturel et nouvellement... où, finalement, se définirait
une nouvelle culture québécoise à la suite de l'apport de
ces nouveaux arrivants. Effectivement, les régions ne profitant pas de
ce nouvel apport, il se définirait peut-être quelque part une ou
deux cultures parallèles. Alors, c'est effectivement pour ça
C'est un des facteurs qui militent en faveur de la régionalisa tion.
Mais, un autre facteur qui milite en faveur de la
régionalisation, effectivement, c'est que la capacité
d'absorption de Montréal est, je crois, actuellement
dépassée. Et, pour pouvoir justement augmenter la capacité
d'absorption globale du Québec, je pense que la régionalisation,
comme le suggère l'énoncé de politique, aiderait
effectivement à augmenter cette capacité d'absorption.
M. Boulerice: II y a une question que j'aimerais adresser
à Mme Santos...
Une voix: Santas.
M. Boulerice: Est-ce que j'ai dit Santos?
Une voix: Oui.
M. Boulerice: Je m'excuse.
Mme Santas (Elpis): Santas. Santos, c'est portugais.
M. Boulerice: De toute façon, vous savez, je n'ai pas
l'habitude de vous appeler par votre nom de famille...
Mme Santas: Santas est grec, Santos est portugais.
M. Boulerice: ...mais bien plutôt par votre prénom.
Mais le décorum de cette salle m'oblige à vous appeler par votre
nom de famille.
Vous êtes travailleuse sociale, Mme Santas. Des intervenants
précédents nous ont indiqué le nombre de plus en plus
grandissant de jeunes issus de milieux culturels qui se retrouvent en centre
d'accueil.
Mme Santas: Au centre d'accueil?
M. Boulerice: Oui.
Mme Santas: En tout cas, si...
M. Boulerice: Quand je parle de centre d'accueil, je ne parle pas
de COFI. Je parle... Centre d'accueil... Je vais prendre la vieille
terminologie un peu répressive. On disait les maisons de redressement,
quand j'étais jeune. C'était la menace que me faisait courir
quelquefois mon père.
Mme Santas: En tout cas, dans ma région, par exemple, je
ne connais aucun vrai centre d'accueil pour les immigrants arrivés. Il y
a, en face de moi, un centre d'accueil seulement pour les
réfugiés, mais pour les Grecs, les Italiens, les...
M. Boulerice: Je m'excuse, madame Santas. Je ne parle pas de
centres d'accueil, centres de francisation, COFI. Je parle des centres
d'accueil pour enfants et adolescents qui ont des problèmes.
Mme Santas: Ah oui.
M. Boulerice: Soit de délinquance ou, etc.
Mme Santas: La communauté hellénique a un centre
d'accueil comme ça. Mais ça ne marche pas tellement comme je veux
parce que moi, je trouve, par exemple, que les travailleurs sociaux ne font pas
leur travail comme il faut. Ils ont mis le travail dans la politique de
l'État, par exemple, et ils divisent au lieu d'unir les familles des
enfants qui ont des problèmes, surtout des enfants qui ont un handicap
ou des choses pareilles. Au lieu d'aider les enfants, la seule chose que j'ai
vue qu'ils ont faite - c'est pour ça que je ne veux plus entrer
là-dedans - c'est de ramasser les jeunes qui ont des problèmes et
de leur faire prouver que ce sont les parents qui sont responsables de ce qui
est arrivé.
Alors, moi, je ne trouve pas que c'est un centre d'accueil de jeunes
d'une façon problématique et je ne trouve pas que c'est un
travail vraiment bon. Et moi, je suis une travailleuse sociale
bénévole. Je n'ai pas choisi ce travail; je réponds au
besoin. C'est un travail qui m'a obligée à avoir affaire aux
personnes qui me demandent mon aide, toujours, puisque je parle leur langue,
puisque je connais les lois, et puisque tous ceux qui sont trahis, par exemple,
par certaines personnes, et si vous voulez, abusés, cherchent une
certaine Mme Santas pour les aider à trouver des solutions. Alors,
ça veut dire que cet accueil n'existe pas comme il faut.
Alors, je sais qu'il y a un centre, à Outremont je crois, et
à Saint-Roch, et que c'est le centre que la communauté culturelle
hellénique a fait. L'association de la communauté culturelle
hellénique. Mais moi, je ne trouve pas que ce travail est vraiment
sérieux puisque les travailleurs sociaux font de la politique mais ne
font pas un travail par coeur.
M. Boulerice: Mme Santas, quelle est actuellement la situation de
la femme immigrante au Québec?
Mme Santas: La situation de la femme, parfois, elle n'est pas
bonne. J'ai l'expérience de la situation de la femme, pas seulement
grecque, par exemple, mais il y a plusieurs communautés culturelles dans
le Parc-Extension. J'ai eu l'occasion d'aider les femmes haïtiennes, par
exemple, et d'autres pays, qui ont eu des problèmes; elles
étaient baptistes. Les Grecques, par exemple, la femme grecque,
maintenant, est un peu plus révolutionnaire, a plus sa place et n'est
pas comme avant. Mais c'est tout. Les autres pays font beaucoup d'abus contre
les femmes. J'ai vu des Haïtiennes qui ont été battues
plusieurs fois. J'ai appelé la police moi-même.
C'est pour ça que je peux dire, par exemple, que les
Haïtiennes, dans le Parc-Extension, croient que je suis leur
protectrice.
M. Boulerice: Le cabinet de Mme la ministre m'a donné hier
une statistique qui m'indiquait que le taux de familles monoparentales est
aussi important chez les communautés culturelles que chez les
Québécois de vieille souche. Je vous avoue que j'étais
profondément étonné de voir les chiffres. J'aurais cru
que, pour des raisons culturelles, ça aurait été
peut-être l'inverse. Mais non, il semble que vraiment, si on peut parler
d'équité, cette fois-ci, entre les Québécois de
vieille souche et les communautés culturelles, c'est malheureusement
dans ce dossier-là.
Qu'est-ce qu'il faudrait faire? Parce que j'ai l'impression que
ça cause - je le vois dans ma circonscription - des problèmes
immenses. Au niveau des communautés culturelles, vous avez
été capable de mesurer l'ampleur de cela. Être monoparental
lorsqu'on est en situation d'immigration, donc peu assuré de certaines
choses, comment est-ce qu'on vit cela? On doit le vivre difficilement. Et y
aurait-il des mesures plus appropriées à apporter à ces
familles-là?
Mme Santas: Pour les communautés culturelles?
Monoparentales... Vous parlez pour les Grecs ou pour d'autres
communautés, par exemple?
M. Boulerice: Pour toutes.
Mme Santas: Parce que, chez les Grecs, je ne connais aucune
communauté comme ça, culturelle, monoparentale. En tout cas, je
crois qu'il y a beaucoup de choses que le gouvernement peut faire pour les
familles monoparentales. Et la première chose qu'il a à faire,
c'est de faire un jardin d'enfants, qu'on peut dire, un vrai jardin d'enfants,
pour qu'ils gardent les enfants, une garderie d'enfants. Ça serait une
école pour les enfants où ils peuvent garder l'enfant de la femme
ou de l'homme monoparental pour qu'ils puissent aller travailler. Parce que moi
je trouve qu'en ayant seulement l'aide sociale pour les familles monoparentales
on crée des fardeaux, on ne crée que des victimes, parce que
c'est quelqu'un qui attend de vivre de l'aide des autres. C'est une victime de
la vie, de la société. On ne lui donne pas la possibilité
de penser à se développer, à faire une carrière,
à améliorer sa situation dans la société. Ça
sera toujours une personne pauvre à qui on jette un morceau de pain pour
manger, c'est tout. Et les enfants grandissent dans la même
situation.
Alors je trouve que la première chose, c'est de faire une
école pour... Un centre d'accueil, on peut dire, pour les enfants des
familles monoparentales, pour donner l'occasion à la femme ou au
père de cette famille de chercher du travail, de se développer,
d'améliorer sa situation.
M. Boulerice: Une toute dernière petite question, Mme
Santas, si M. le Président me le permet.
Le Président (M. Gobé): Allez, M le
député.
M. Boulerice: Qu'est-ce qui a fait que vous, vous êtes bien
intégrée?
Mme Santas: Moi, je peux dire...
M. Boulerice: Et donc que devrions-nous faire?
Mme Santas: Ah voilà. Moi, je peux dire que je suis bien
intégrée puisque j'avais l'habitude de vivre dans des pays
étrangers, avec des personnes étrangères, des
communautés culturelles différentes puisque j'ai toujours
voyagé. Mais je ne trouve pas que tout le monde de mon entourage s'est
intégré. La question, le sujet de l'intégration, c'est
trop grand; il faut trop étudier. Pour s'intégrer dans un pays,
il faut avoir l'occasion de connaître la culture du pays que vous arrivez
à trouver, à contacter. Il faut avoir des contacts. On ne
s'intègre pas par la radio ou par le téléphone ou par tout
ce qu'on écrit dans les journaux. Il faut avoir des contacts, se
mêler aux autres, il faut parler ensemble. Il faut les inviter chez nous
et qu'ils nous invitent chez eux pour qu'on comprenne leur mentalité,
leur culture, pour vivre ensemble, comme il faut.
De la façon dont est l'accueil de l'immigrant jusqu'à
maintenant ça ne nous permet pas ça. Au contraire, la
publicité politique n'a que divisé les immigrants des
francophones de ce pays-là. Parce que, en arrivant dans le pays,
même en mettant le pied dans le consulat de divers pays, la
première chose qu'on entend dire - moi aussi, je l'ai entendu - c'est:
C'est dommage que vous alliez au Québec puisque, là-bas, vous
aurez des gros problèmes avec le français. À mon mari, ils
ont dit: M. Santas, c'est dommage que vous ayez des intentions; vous êtes
venu avec un grand dossier ici mais c'est dommage que vous choisissiez le
Québec. Vous ne pourrez rien faire parce que, là, ce sont des
Français. Alors, c'est la première chose qu'on entend quand on
entre dans un consulat. Et ça commence dès là-bas; avant
de mettre le pied dans le pays, ça commence, la haine contre le peuple
québécois.
Et comment voulez-vous qu'on s'intègre si on nous a dit que les
Québécois, les Français québécois sont nos
ennemis? Moi, je suis une exception puisque j'ai vécu pendant 10 ans
avec les Français et je n'ai aucun problème à adresser la
parole aux Québécois, aux Français; partout, j'ai des amis
francophones. Mais ce ne sont pas toutes les familles qui sont comme ça.
Ce ne sont pas toutes les familles qui savent que les Québécois
nous détestent, qu'ils sont racistes.
Ça, c'est la politique qu'ont faite les politiciens
jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Ceci met fin
au temps imparti. Il reste quelques minutes du côté
ministériel. M. le député de Richelieu avait
demandé à intervenir. Alors, rapidement, M. le
député de Richelieu, car le temps coule.
M. Khelfa: D'accord. Merci, M. le Président, de m'avoir
accordé quelques secondes précieuses. J'aimerais vous remercier,
M. Savard, et les deux personnes qui vous accompagnent. Je suis à la
fois étonné et heureux du discours d'ouverture du Parti
québécois parce que, si je me réfère au discours de
1973, peut-être que le message n'était pas perçu de la
même façon.
M. Savard: J'étais trop jeune, à l'époque,
pour me le rappeler.
M. Khelfa: Pardon?
M. Savard: J'étais trop jeune, à l'époque,
pour me le rappeler.
M. Khelfa: Mais moi, je me souviens. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Khelfa: Ceci étant dit, je suis très heureux,
dans le sens que, quand tous les partis, au pouvoir, l'Opposition, et tous les
participants à la décision d'un avenir collectif décident
d'ouvrir les portes, d'ouvrir les horizons pour permettre l'intégration
des nouveaux arrivants, la richesse collective devient vraiment l'objectif de
tous les intervenants. C'est pour ça que je vous dis que je vous
remercie; j'étais très heureux d'entendre le message que vous
venez de livrer.
J'aimerais vous poser une petite question, j'espère que vous
allez me répondre. C'est vrai, c'est une petite question, mais la
réponse est un peu large. C'est comme quand on demande à
quelqu'un de définir la démocratie. Je vais vous demander de me
définir l'intégration...
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Khelfa:... de me définir, selon vous, selon votre
vision, ce qu'est l'intégration, d'après vous. Est-ce que
l'intégration peut être de participer à la vie collective,
d'être intégré à la majorité, de plaider des
causes à l'intérieur des partis politiques, d'être membre
d'un parti politique ou d'un autre? Qu'est-ce que c'est, pour vous,
l'intégration?
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Savard,
très rapidement parce que nous avons déjà
dépassé un peu le temps. L'autre groupe est déjà
arrivé, mais allez-y...
M. Khelfa:... de ne pas être intégré?
M. Savard: Ha, ha, ha! Bien, c'est un peu tout ce que vous venez
de dire mais c'est aussi, à mon avis, une synergie.
L'intégration, ce n'est pas l'assimilation. L'intégration, c'est
marcher côte à côte avec les nouveaux arrivants pour former
une nouvelle "culture plus", en tenant compte, finalement, de tous les nouveaux
arrivants, contrairement à la ghettoïsation où on vit de
façon parallèle, chacun de notre côté, avec des
cultures différentes. À mon avis, c'est ça,
l'intégration.
M. Khelfa: Qu'est-ce que c'est, le profil d'un
intégré? Un immigrant intégré, qu'est-ce que c'est,
son profil?
M. Savard: Ha, ha, ha! Simone a dit que c'est elle.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Khelfa: Un libéral? Un député? Non? Ha,
ha, ha!
M. Savard: Le profil d'un immigrant intégré, c'est
sûrement un immigrant qui parle la langue commune - c'est sûr - qui
partage les mêmes valeurs. C'est beaucoup plus que la langue,
l'intégration; c'est aussi les valeurs. Et c'est aussi quelqu'un qui met
l'épaule à la roue pour faire avancer, par son travail et son
ingéniosité, le Québec.
M. Khelfa: D'accord. Je vous remercie. Une petite question. C'est
juste pour...
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député, allez-y.
M. Khelfa:... savoir quelle commission scolaire et quelle
école, Mme Darrieux...
Mme Darrieux: L'école secondaire Van Horn et la commission
scolaire de la CEPGM, les écoles protestantes du Grand
Montréal.
Le Président (M. Gobé): Mme Darrieux, dans le
même sens - je pensais que ce député était celui qui
était pour vous poser cette question - vous avez employé tout
à l'heure un terme qui a remué mon intérieur de
Néo-Québécois qui s'estime très bien
intégré parce que je suis député à cette
Assemblée nationale, maintenant. Vous avez dit qu'on devrait faire en
sorte, pour faciliter l'intégration, d'éviter de regrouper les
immigrants ensemble dans les écoles et les mélanger au milieu de
vrais Québécois. Les mots "vrais Québécois" m'ont
fait
sursauter parce que ma jeune fille, qui a 11 ans, qui va à
l'école, pourrait à ce moment-là, selon vos termes - vous
allez me répondre - ne pas être une vraie
Québécoise, et moi non plus. Et ça me chiffonne.
Voulez-vous, en deux mots, Mme Darrieux, répondre? Qu'est-ce que c'est,
pour vous, un vrai Québécois?
Mme Darrieux: Non, non, justement, et je m'en excuse, ce n'est
vraiment pas ce que j'ai voulu dire parce que j'estime être une vraie
Québécoise. Alors, si on écoute mon accent, on va dire:
Elle n'est pas de souche; alors que je me croie vraiment très
Québécoise. Un vrai Québécois, pour moi, c'est
celui qui vit, qui pense, qui accepte les lois du pays qui le reçoit.
Pour moi, c'est ça. La religion et la couleur de la peau n'ont aucune
espèce d'importance. Le Québécois, c'est celui qui accepte
nos lois, nos cultures et qui se sent heureux de vivre avec nous.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
Rapidement, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais tout simplement vous remercier
pour la présentation de votre mémoire. Je pense que vous avez
soulevé des points intéressants qui demanderaient peut-être
un peu plus d'approfondissement. Mais je pense qu'on pourra quand même...
Ça nous donne des indications assez intéressantes. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous
remercie...
M. Boulerice: Vous permettez?
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député. Excusez-moi, la préséance...
M. Boulerice: Je vous en prie. Mme la ministre est à la
recherche de moyens d'action précis. Je pense que votre mémoire
lui donne effectivement des moyens d'action précis que l'on va sans
doute, du moins je l'espère, retrouver dans le plan d'action pour
lequel, d'ailleurs, vous aurez toujours le loisir de revenir. Je terminerai en
vous remerciant, en disant à mon collègue, M. le
député de Richelieu, qu'un Québécois
intégré, eh bien, c'est un ami à moi d'origine arabe,
comme lui, qui a pleuré la journée de la mort de Félix
Leclerc, mais qui, au préable, m'avait fait connaître Om
Kolsum
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Sur ces bonnes paroles, de
part et d'autre, permettez-moi de vous remercier d'être venus devant
cette commission ce matin. Nous avons grandement apprécié votre
témoignage et l'ambiance et, disons, le ton dans lequel cela s'est fait.
Soyez assurés que nous en prenons bonne note, en tant que com mission
parlementaire. Alors, pour l'instant, je vais suspendre une minute, le temps
que vous vous retiriez et que le groupe suivant...
M. Savard: On vous remercie.
Le Président (M. Gobé): ...soit la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
prenne place. Et je céderai la place à mon collègue de
Louis-Hébert, M. Doyon.
La commission suspend ses travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 37)
(Reprise à 10 h 39)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais à nos invités qui représentent
la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
de bien vouloir prendre place en avant. Je vous en prie, M. le
secrétaire général. Je vois qu'ils sont installés.
Je les invite à faire les présentations. Les règles sont
connues, ce sont des gens qui sont des habitués; alors, une vingtaine de
minutes pour faire votre présentation, les ministériels disposant
d'un temps équivalent pour engager un dialogue avec vous, le
représentant de l'Opposition officielle ayant le même temps.
Alors, nous vous écoutons après les présentations.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
M. Daoust (Fernand): M. le Président, je vous
présente les gens qui m'accompagnent. M Francis Bénard, du
Syndicat des postiers du Canada qui est membre du comité des
travailleurs immigrés de la FTQ; M. Claude Ducharme,
vice-président de la FTQ et directeur québécois des
travailleurs canadiens de l'automobile; M. Marc Bellemarre,
vice-président de la FTQ et directeur national de l'Alliance de la
fonction publique du Canada, et M. Michel Morasse, permanent régional de
la FTQ, ici, dans cette grande région de Québec. Mon nom est
Fernand Daoust, je suis le secrétaire général de la FTQ.
Bonjour.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue Vous pouvez commencer,
si vous voulez bien.
M. Daoust: Nous vous avons soumis ce mémoire que vous
avez, sans aucun doute, eu l'occasion de parcourir. Il tient dans 22 pages. Je
vais essayer de ne pas le lire en entier bien qu'il serait peut-être
préférable ici et là de lire certaines parties du
mémoire et ça pourra évidemment provoquer les questions et
les discussions entre nous.
La FTQ, en tout premier lieu, se réjouit de l'initiative du
gouvernement du Québec d'avoir préparé un
énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration qui nous permet d'entrevoir la fin de la dispersion de ce
dossier et le début d'une action gouvernementale concertée en ce
domaine.
Dans les textes suivants, nous faisons état de
l'intérêt de la FTQ à l'égard des problèmes
posés par l'intégration des nouveaux Québécois et
Québécoises. Nous rappelons que la FTQ a une présence
prépondérante dans de multiples secteurs d'activité, la
construction, le textile, le vêtement, l'hôtellerie, la
restauration, le gardiennage d'immeubles, l'entretien ménager. Ces
grands secteurs professionnels accueillent un grand nombre d'immigrants. On
estime que, à l'intérieur de la FTQ, il y a, dans la
région de Montréal un bon 10 % des membres de la FTQ qui viennent
de tous ces milieux des communautés culturelles.
On mentionne dans notre document notre satisfaction, dans une
très large mesure, que le gouvernement du Québec, le
ministère, la ministre aient pu dégager dans un
énoncé de politique de grandes orientations et de grands
principes qui nous rallient. Mais nous sommes critiques, et il faut le
mentionner, vous avez dû le voir à la lecture du document à
l'égard de la façon dont le tout se fait et surtout sur les
actions qu'entend mener le gouvernement pour mettre en oeuvre ses orientations
et ses principes. On indique qu'il y a vraiment peu de groupes qui vont se
présenter devant vous pour exprimer un profond désaccord envers
les orientations globales que le gouvernement semble vouloir prendre. On va
accueillir favorablement un accroissement des ressources dans le réseau
de sélection qui permettra d'accélérer le traitement des
multiples demandes qui vous sont présentées. On va approuver une
amélioration de l'accessibilité et de la qualité des
services d'apprentissage du français pour les adultes, nouveaux
arrivants et des communautés culturelles, et pour les jeunes
élèves. On va rappeler notre enthousiasme pour le
développement de l'usage du français comme langue de la vie
publique et comme langue de travail. Et, enfin, on va saluer ce soutien accru
à l'intégration au marché du travail et à
l'égalité en emploi pour tous les nouveaux arrivants, les
nouvelles arrivantes et pour les membres des communautés culturelles.
Bon, autrement dit, on va louanger ces orientations et ces principes.
Par ailleurs, quant à nous, on veut souligner des réserves
importantes. Nous trouvons faible ou absente l'évaluation sous-jacente
au choix des différentes mesures ou programmes contribuant à
l'intégration des personnes immigrantes; nous nous inquiétons du
type de coordination et du mode de financement de mesures dispersées
dans plusieurs ministères ou services gouvernementaux; nous
déplorons la timidité gouvernementale face à une
définition claire d'un projet de société
québécois à la fois ouvert aux nouveaux arrivants et
arrivantes mais aussi capable de sortir des sentiers battus du
multiculturalisme canadien; nous déplorons enfin qu'on nous consulte sur
des principes aussi vagues que généreux et qu'on ne
prévoie pas nous consulter sur leur incarnation dans des programmes et
mesures spécifiques. Voilà en gros le sens de nos réserves
et une forme de mécontentement à l'égard de ce type de
consultation. On va reprendre ces réserves et ce mécontentement
dans les pages qui suivent.
Il était normal de recenser, dans votre énoncé, les
politiques et programmes déjà existants sur lesquels on compte
s'appuyer pour favoriser une meilleure intégration. Nous nous
inquiétions cependant qu'on nous présente ces mesures comme des
éléments clés de la politique. Aucune d'entre elles n'est
soumise à un bilan critique. On prend pour acquis qu'elles sont toutes
bonnes et qu'on n'a qu'à les poursuivre, quitte à intensifier ou
bonifier certaines d'entre elles.
Là, dans les pages qui suivent on va critiquer certains des
programmes.
Les COFI. Il est, selon la FTQ, stupéfiant qu'on n'ait pas
profité d'une occasion aussi opportune que cet énoncé de
politique pour procéder à une évaluation globale de
l'expérience des COFI, créés il y a plus de 20 ans. Il
s'agit là d'organismes qui ont été et sont encore
l'instrument privilégié par lequel on a voulu faciliter
l'initiation des personnes immigrantes à notre langue nationale et
à notre culture. On se contente dans le document de constater que les
COFI rejoignaient jusqu'ici 40 % de la clientèle et que l'on compte
porter ce pourcentage à 60 %. Quant à nous, c'est un peu court,
pour ne pas dire plus!
Nous savons déjà quelles sont les principales lacunes de
ce réseau, soit une capacité d'accueil insuffisante, comme en
font foi les longues listes d'attente, et des critères
d'accessibilité qui empêchent certaines catégories de
personnes d'en bénéficier. Ça c'est des faits connus.
Mais, plus encore, il y a la rigidité de l'enseignement en
établissement qui ne répond pas et ne pourra jamais
répondre aux besoins de la majorité des nouveaux arrivants et
arrivantes. On demande à ces personnes de réaliser l'impossible
conciliation entre un apprentissage en établissement avec un soutien
financier très modeste et les nécessités
économiques et sociales de la vie quotidienne, c'est-à-dire se
trouver rapidement un emploi, veiller à l'installation physique de
toutes les personnes de la famille, accomplir toutes les démarches
administratives liées à cette installation. Ces lacunes non
avouées dans le présent énoncé sont cependant
connues du gouvernement et connues de tous les intervenants, et on aurait pu
espérer que la recherche de formules souples d'apprentissage irait
au-delà de l'annonce de vagues projets-
pilotes de formation sur mesure. Notre inquiétude grandit quand
on parle de dossiers que nous connaissons pour y avoir été
étroitement associés.
Les programmes d'accès à l'égalité. La FTQ
s'est toujours prononcée en faveur de tels programmes, à
l'égard de quelque groupe que ce soit dans notre société,
mais, évidemment, les groupes le plus objet de discrimination. Dans
l'énoncé, on prend pour acquis qu'ils ont porté leurs
fruits pour les femmes et qu'ils profiteront aux personnes immigrantes.
Écoutez, là-dessus, c'est vraiment incroyable qu'on donne cette
impression, alors qu'on sait que la plupart de ces programmes qui sont
volontaires font l'objet à ce moment-ci d'une évaluation
gouvernementale. On devrait nous présenter les résultats de cette
évaluation; ils doivent circuler en quelque lieu. Vous avez des moyens
privilégiés de connaître l'évaluation des programmes
d'accès à l'égalité qui sont de nature volontaire.
Et l'énoncé de politique propose de continuer à soutenir
la mise en oeuvre de tels programmes dans le secteur privé et la
poursuite de l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité dans la fonction publique.
Ce qu'on dit, nous, c'est que, si les programmes d'accès à
l'égalité n'ont pas porté les fruits attendus en faveur
des femmes à ce moment-ci au Québec, seront-ils plus
bénéfiques pour les immigrants et les immigrantes? Une analyse
critique aurait probablement perm/s de voir quels correctifs leur apporter pour
leur donner une efficacité plus significative.
La francisation des entreprises. Le maintien d'un Québec
francophone passe par la capacité de notre société
d'intégrer les immigrants et les immigrantes. Bravo! On est tous
d'accord. C'est abondamment répété dans le document. Le
milieu de travail est un lieu privilégié de cette
intégration. On y croit. Tout le monde y croit. La francisation des
entreprises et l'encadrement des exigences linguistiques qu'on y fait sont donc
essentiels pour atteindre l'objectif. Le bref constat gouvernemental nous
brosse un tableau de la francisation des entreprises somme toute assez
rose.
L'évaluation que nous en faisons à la FTQ est un peu moins
optimiste. Nos militants et militantes nous soulignent
régulièrement des tendances inquiétantes. Dans les
entreprises possédant leur certificat de francisation, mais ne
s'intéressant pas nécessairement à la permanence de cette
francisation, on observe des reculs parfois importants. Il y a une augmentation
des exigences linguistiques faites aux travailleurs et aux travailleuses
généralement en ce qui a trait à la connaissance de
l'anglais, mais aussi, et ça, c'est plus récent, en ce qui
concerne la connaissance d'autres langues. Et on aborde tout le problème
des changements technologiques qui sont souvent accompagnés d'une
tendance anglicisante. C'est un portrait sombre, sans aucun doute, mais qui est
perceptible, visible, palpable dans une région qui accueille le plus
grand nombre d'immigrants comme la région de Montréal. Ce qu'on
dit, c'est que le message linguistique que les membres des différentes
communautés culturelles reçoivent du marché du travail est
loin d'être en accord, mais très loin d'être en accord avec
le message social qui est le vôtre, qui est le nôtre, avec lequel
on est complètement d'accord. Puis, il faut, de toute urgence, modifier
en profondeur cette tendance sans plus attendre. Mais là on vous accuse
de fonctionner au ralenti et on est aussi bien de vous le dire. Vous comptez
faire "une analyse de la concentration des travailleurs allophones selon les
types d'entreprises et des facteurs déterminant l'adoption du
français comme langue de travail, afin d'identifier et de mettre en
oeuvre les modes d'intervention les plus appropriés dans ce
domaine".
On vous rappelle que des analyses abondantes ont été
faites par le conseil, par de multiples chercheurs universitaires, par
l'ensemble des intervenants, dont la FTQ. Nous ne prétendons pas ici que
l'ensemble des problèmes est complètement cerné, mais il
l'est de façon suffisante pour justifier la présentation de
mesures un peu plus concrètes que celles qu'on retrouve dans vos
documents.
Et on parle évidemment d'un manque de transparence du document
quant aux moyens financiers qu'on entend mettre en oeuvre pour faciliter
l'intégration des membres des communautés culturelles dans les
milieux de travail. Et là on veut vous rappeler, on est tout de
même un peu au courant parce qu'on vit dans ce milieu-là, que le
soutien extérieur à l'appareil gouvernemental est minimal. 240
000 $ par année sont répartis entre les trois centrales qui
représentent des travailleurs et des travailleuses du secteur
privé en fonction de leur membership - oublions ces
détails-là - pour soutenir l'accroissement et la participation
des travailleurs et des travailleuses au processus de francisation
Véritable scandale qu'on a répété sur de multiples
tribunes à de multiples occasions.
Il existe aussi un programme, tel que vous le mentionnez dans
l'énoncé de politique, de soutien financier à la promotion
du français dans les entreprises. On nous dit ça. C'est
très beau, c'est très gentil, ça a l'air très
généreux. Mais le gouvernement du Québec, dans sa
magnanimité, ne consacre que 39 000 $ pour deux projets-pilotes
d'enseignement du français et, on le répète, on va le
répéter à de multiples endroits, c'est des minuscules
gouttes d'eau dans l'océan du travail à accomplir en
matière de francisation des entreprises. Il faudrait faire plus en
associant et soutenant l'action des partenaires si on veut atteindre les
objectifs visés par l'énoncé de politique. On souhaiterait
donc un engagement financier réel.
À l'égard de la coordination, là aussi, Dieu
qu'on souhaite qu'il y ait une coordination à l'intérieur
du gouvernement. On nous parle d'une direction générale des
politiques et programmes, un réseau de répondants qui vont
provenir de l'ensemble des ministères. Ça ne nous semble pas...
Peut-être que là vous pouvez nous rassurer, d'après ce
qu'on en lit, indiquer que ces groupes-là seront dotés d'une
autorité suffisante pour assurer la coordination, la surveillance, le
contrôle de l'ensemble des actions gouvernementales. On a peur à
l'éparpillement des ressources dans différents ministères
et services.
Je vais passer maintenant à la page 12 pour
accélérer un peu. Au chapitre de l'apprentissage du
français, on l'a dit, le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration n'a pas fait cette analyse approfondie des
réalisations passées et actuelles des COFI. Il aurait
été aussi essentiel d'évaluer les choix exercés par
la clientèle bénéficiant des services de
l'éducation des adultes dans les commissions scolaires pour des cours de
français et d'anglais.
La FTQ croit qu'il est normal que nous exercions un choix de
société - on est d'accord avec ce que vous nous dites dans le
document - qui exige des immigrants et immigrantes adultes, comme on le fait
pour les jeunes élèves - ça vous ne le dites pas dans
votre document - mais qu'il y a un choix de société à
l'égard de la francisation, oui, mais on voudrait que les
étudiants adultes, comme les jeunes élèves s'adonnent
à un apprentissage préalable du français avant d'avoir
accès à l'apprentissage de l'anglais. Et ce n'est pas la
réalité au Québec. On aurait aimé avoir des
données un peu plus précises là-dessus.
Nous nous permettons de souligner au gouvernement qu'il est normal au
Québec de souhaiter une immigration francophone qui minimiserait les
coûts associés à une formation linguistique et permettrait
probablement d'accroître l'utilisation du français langue
officielle du Québec. Mais même cette immigration francophone,
qu'elle soit africaine, haïtienne, libanaise ou asiatique, devra avoir
accès à une information sinon une formation qui lui fasse
connaître notre contexte culturel, social et politique.
Alors, nous souhaitons qu'une vaste concertation avec tous les
partenaires sociaux, afin de rejoindre tous ces nouveaux arrivants et nouvelles
arrivantes, quel que soit leur milieu de vie ou leur milieu de travail.
Le multiculturalisme, confusion maintenue. Le contrat moral clair qui
est proposé aux nouveaux arrivants et aux nouvelles arrivantes et aux
Québécois et Québécoises qui les accueillent nous
ravit. Il tient compte de trois principes fondamentaux avec lesquels nous ne
pourrions être en désaccord. Je n'ai pas à les
répéter. Ils vous sont connus. Malheureusement,
l'énoncé de politique escamote le débat nécessaire
sur la politique culturelle québécoise. Ce silence équi-
vaut à prôner en pratique le maintien de la politique canadienne
de multiculturalisme.
Cette politique qui fut prônée par Pierre Elliott Trudeau
alors qu'il rêvait d'un Canada bilingue et multiculturel entre en
contradiction flagrante avec la politique de la langue que s'est donnée
le Québec. Le silence de l'énoncé de politique sur le
sujet et la confusion qui en découle sont malsains. L'absence de
position claire peut avoir des conséquences néfastes sur la
capacité de notre société à intégrer les
Québécois et Québécoises des communautés
culturelles et les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes.
Je me vois dans l'obligation de lire le texte en entier parce qu'il est
fondamental, et il serait intéressant qu'on puisse en discuter. Ces
conséquences peuvent être coûteuses économiquement si
les mauvais choix budgétaires sont faits. Elles peuvent surtout
être coûteuses socialement en maintenant la ghettoïsation,
l'isolement de ces anciens et nouveaux groupes ethniques. Même si le
gouvernement reconnaît que "certaines de ses interventions ont parfois
comme effet d'isoler les Québécois des communautés
culturelles", il est loin d'être évident que les mesures
proposées n'auront pas les effets indésirables
appréhendés. Encore une fois, le gouvernement néglige d'en
faire l'analyse.
On nous propose ainsi des services de garde multiethniques alors que
notre réseau actuel ne répond absolument pas à la demande
et aux besoins de l'ensemble de la population et n'est pas davantage en mesure
de traiter convenablement les travailleurs et les travailleuses qui y oeuvrent.
Exigerons-nous maintenant de ceux-ci des connaissances linguistiques
diversifiées?
L'énoncé promet aussi des "accommodements visant à
concilier les préoccupations d'ordre religieux et le fonctionnement des
organismes", dont les milieux de travail. Ne sommes-nous pas en train de parler
de privilèges hypothétiques alors que le minimum décent,
santé, sécurité, congés de maladie, n'est pas
assuré pour la majorité des travailleurs et donc pas davantage
pour les immigrants et les immigrantes? À première vue, il est
intéressant qu'on se préoccupe aussi de l'adaptation des services
aux ? besoins de la clientèle. C'est un objectif louable en soi que
la FTQ n'a cessé de réclamer depuis de nombreuses années.
(11 heures)
Mais que veut-on faire exactement? S'il s'agit de services
différents selon les origines, il y a là un pas à franchir
que le gouvernement fera seul parce que nul ne le suivra. Le gouvernement ne
convaincra pas un chauffeur de taxi haïtien qu'il est plus important de
jouir, en tant qu'immigrant, du droit d'obtenir des services en créole
à l'hôpital que de voir reconnu son droit de
Québécois à la syndicalisation, droit qui lui est
actuellement refusé. Une mère sera-t-elle consolée
d'être accueillie en langue arabe à la
garderie alors qu'elle doit faire des kilomètres en autobus pour
reconduire ses enfants, faute de place dans son quartier?
Il y a là un débat à faire qui, compte tenu de la
place du multiculturalisme canadien dans notre politique culturelle
québécoise, doit être fait ouvertement, sereinement. Si le
contrat moral doit être la base de l'évolution de la
société québécoise, il faut dire clairement ce
qu'on entend par société pluraliste. Quant à nous, une
société pluraliste garantit à chacun une liberté
d'expression et d'action dans la vie publique et privée, qui est le
troisième élément du contrat social avec lequel on est
complètement d'accord, mais dans le respect des principes
démocratiques fondamentaux qui est le deuxième
élément, mais aussi dans le respect du caractère
français du Québec qui est le premier élément et
auquel les autres éléments doivent se subordonner.
Pour soutenir une réelle intégration permettant l'exercice
de ces libertés, il faut bien sûr un soutien gouvernemental, mais
cette intervention doit tenir compte d'un objectif d'intégration
progressive. Par exemple, les services de première ligne devront
toujours être accessibles aux nouveaux arrivants, dans leur langue
d'origine autant que faire se peut, et en créant des modes de
fonctionnement qui ne fassent pas porter tout le poids de cette
accessibilité aux travailleurs et travailleuses qui dispensent ces
services. Cependant, une intégration linguistique rapide devrait
permettre de donner tous les autres services en français afin de
conserver cette société dont le français est la langue
commune de la vie publique. N'oublions pas que c'est le premier principe de
notre contrat moral.
Une tendance inquiétante se dessine, tant dans les milieux
gouvernementaux que par effet d'entraînement dans les entreprises
privées, qui consiste à identifier le pluralisme au droit de
recevoir des services dans sa langue d'origine. Nous sommes inquiets de voir le
gouvernement continuer dans cette direction alors qu'il annonce
l'élaboration et la diffusion, à l'intention des institutions
publiques, parapubliques et municipales, de balises concernant la valorisation
et l'usage d'autres langues lors des communications avec la clientèle
des Québécois, des communautés culturelles, balises qui
leur permettront de mieux concilier leur double préoccupation d'usage du
français et d'égalité d'accès aux services.
Quant à nous, nous le répétons, nous sommes
inquiets de l'absence totale d'information et de consultation sur la nature de
ces balises. Sans langue commune, il est illusoire de parler de
compréhension mutuelle, d'ouverture à une société
pluraliste Une société pluraliste c'est une société
qui reconnaît les différences et les intègre pour former un
nouveau tout différent de l'ancien. Ce n'est sûrement pas une
société qui, au nom du droit à la différence, visse
à la maintenir. Ça c'est la ghettoïsation, ça cest
l'isolement. Et faisons bien attention à des mesures qui semblent, quand
on les examine un peu rapidement, généreuses, mais qui risquent
de nous conduire vers des phénomènes que nous aurons à
nous reprocher ultérieurement.
La confessionnalité dans les écoles, je ne lirai pas le
passage en entier, mais il est peut-être bon de vous rappeler ce que vous
savez, que dans les rues de Montréal, tous les matins... Il suffit
d'être Montréalais, et puis je ne porte pas de jugement à
l'égard de ceux qui ne le sont pas, mais j'invite donc les gens à
venir voir un peu ce qui se passe dans la plupart des quartiers et
comtés de Montréal. Tous les matins, circulent plusieurs autobus
scolaires, l'un transportant les élèves de l'école
française et catholique, un autre les élèves de
l'école française et protestante, un autre les
élèves de l'école française arménienne, un
autre les élèves de l'école française juive
sépharade, un autre les élèves de l'école anglaise
et protestante. Pendant ce temps-là, des écoles de quartier
ferment ou sont menacées de fermeture parce que la clientèle a
chuté. Tous ces jeunes élèves perdent alors la meilleure
chance qu'ils avaient de mieux se connaître, de mieux se comprendre.
C'est ça, l'intégration; c'est le contraire de la
ghettoïsation qu'on connaît de plus en plus dans notre milieu. Que
d'argent gaspillé, qui est tellement rare, on le sait tous, qui pourrait
être utilisé pour faire cette intégration! À la FTQ,
on s'est prononcé en faveur de commissions scolaires unifiées non
confessionnelles. Et on ne cessera de dire que, si on veut des
intégrations, des compréhensions, des amitiés et des
solidarités qui se manifestent, c'est une voie qu'il faudra
inévitablement, un de ces jours, emprunter.
Mais ce qui nous inquiète - on a beau faire la critique de votre
document et être un peu sévère, vous le constaterez - ce
sont les étapes à venir. Quant aux étapes à venir,
on souhaite rait qu'il y ait une véritable consultation à
l'égard des programmes d'action qui seront mis en oeuvre. Il y a trop de
zones d'ombre qui demeurent pour que nous soyons en mesure de porter
véritablement un jugement sur l'ensemble de l'énoncé, bien
que nous y constatons une très grande ouverture, une main qui est tendue
à l'égard des communautés culturelles. Il y a un effort
gouvernemental qui veut se faire, mais je pense que ça a
été un peu rapide, dans certains cas.
Nous demandons donc au gouvernement de s'engager dans le processus
suivant. L'actuelle consultation doit conduire à la présentation
rapide du plan d'action qui comprendra les mesures retenues et les budgets
afférents. Le gouvernement doit alors faire des consultations publiques
sur ce plan d'action. On nous parle d'un plan d'action de trois ans. Faites des
consultations publiques! On a beaucoup, beaucoup à dire, puisque
ça va engager l'avenir du Québec, tous les partenaires sociaux,
je le crois bien, à
l'égard de ce plan d'action. Pour que les mesures
concrètes retenues aient quelque chance de réussite, il est
essentiel que le gouvernement opte pour un mode de fonctionnement garantissant
une ferme coordination des dossiers; on en a parlé un peu plus haut. Les
garanties de coordination présentées dans l'actuel
énoncé ne nous semblent pas suffisantes. Il n'y a aucune analyse
qui a été faite des résultats déjà
obtenus.
On demande donc au gouvernement de procéder à la
création d'un organisme qui chapeauterait cette vaste opération
de mise en application du plan d'action en aidant les ministères et
organismes à définir leurs objectifs administratifs; en
s'assurant que ceux-ci sont conformes aux objectifs de la politique-cadre; en
donnant un soutien aux différents ministères; en vérifiant
et en analysant les résultats obtenus. Une véritable politique
d'immigration sera jugée à sa capacité réelle
d'intégration des communautés venues de l'étranger. Cette
politique pourra s'inspirer des plus nobles et des plus généreux
principes, elle risque de demeurer lettre morte si le gouvernement ne se donne
pas les moyens concrets de la réaliser et s'il n'associe pas à
cette réalisation toutes les forces vives de la société.
Et voilà.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Compte tenu du
temps qui a été pris pour la présentation, les deux
formations politiques disposeront de 15 minutes chacune pour engager la
discussion. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Merci, M. Daoust, de votre
présentation. La première question que j'aurais le goût de
poser à la FTQ, c'est: Est-ce qu'il y a des aspects positifs de
l'énoncé de politique? Je dois vous dire, cependant, je voudrais
vous rappeler que la politique ne prétend pas tout régler au
Québec. Quant à la francisation, par exemple, quant au
développement régional, que ce soit au niveau des programmes
d'accès à l'égalité, avant de s'avancer sur un
terrain aussi important, il fallait prendre le temps aussi de donner de grandes
orientations. Vous savez, par exemple, seulement dans le domaine de
l'intégration... C'est un nouveau domaine, que ce soit au Québec,
que ce soit au Canada et même en Europe. Et le Québec a
été cité en exemple au niveau d'une politique
d'intégration. Rares sont les États qui se sont donné
justement une politique d'intégration. Donc, je pense qu'il fallait dire
ce qu'on voulait faire, et c'est ce qu'on a fait à l'intérieur de
la politique. Il fallait faire quelque chose et, déjà là,
avec le contrat moral, je pense qu'il y a des indications très claires.
Ce qu'on a essayé de faire, entre autres, c'est de mettre le train en
marche, surtout du côté de la société d'accueil
qu'on interpelle, y compris votre syndicat, bien sûr. Donc, c'est tout
à fait normal qu'il y ait de nombreuses analyses qui soient en marche
actuellement ou qui se feront, pour être capable d'évaluer l'offre
de service; je pense entre autres aux COFI. Étant donné que nous
avons récupéré des pouvoirs, il était normal aussi
que nous puissions évaluer, par exemple, le travail qui se fait aux
COFI, pas seulement au niveau, par exemple, de la francisation, des cours
donnés dans les COFI, mais aussi l'ensemble des cours de français
qu'on donne aux différentes clientèles et pourquoi on ne rejoint
pas ces clientèles-là. De quelle façon on pourrait
rejoindre les clientèles? Alors, vous comprenez que c'est une
étude qui est beaucoup plus en profondeur et qu'on ne pouvait pas entrer
non plus dans tous les détails de l'énoncé de
politique.
Ma première question, cependant, touche les programmes
d'accès à l'égalité. Je me souviens, par exemple,
lorsque j'étais à la Condition féminine, j'étais
très fière d'avoir subventionné le seul syndicat à
qui on avait accordé, par exemple, une subvention de 50 000 $, la FTQ,
pour que la FTQ se donne son propre programme d'accès à
l'égalité.
Et je voudrais savoir, M. Daoust, quelle est l'évaluation que
vous en faites. Est-ce qu'il y a vraiment... Est-ce que ça a aidé
des femmes? Quel est le pourcentage de femmes qui... C'est quoi, là?
Quel est le résultat de ce programme que j'avais subventionné? Si
ça a donné des résultats, quel est le pourcentage, sinon
pourquoi?
M. Daoust: Oui
Le Président (M. Doyon): M. Daoust.
M. Daoust: Je pourrai vous faire parvenir, dans les plus brefs
délais, les documents qui font le bilan, en fait, des résultats
qu'ont pu donner les multiples mesures que nous avons mises en marche à
la FTQ pour permettre aux femmes d'accéder à des postes
décisionnels à l'intérieur du mouvement syndical.
Écoutez, là-dessus, on a beaucoup de documents, on en
parle abondamment. Cette subvention que vous nous aviez donnée nous a
abondamment servis. Je ne vous le reprocherai pas. De façon
générale, on peut fouiller ce qu'a donné tel programme
à l'intérieur de la FTQ, tel programme d'accès à
l'égalité pour l'ensemble des femmes. On va convenir que
ça a donné des résultats positifs, sans aucun doute, mais
la FTQ, c'est un organisme que vous connaissez fort bien, ce n'est pas un des
employeurs les plus puissants au Québec. Les programmes d'accès
à l'égalité ont pour objectif, fondamentalement, de
permettre à des femmes qui envahissent le marché du travail de
pouvoir avoir accès à des emplois dans des milieux ou dans des
métiers non traditionnels. Or, l'expérience qu'on a au
Québec à ce sujet-là, à cet égard-là,
ce n'est pas des plus concluants et des plus positifs. Il faut se
batailler partout, vous le savez. Il faut que les femmes livrent des
combats qui deviennent de plus en plus épiques et qui sont connus pour
avoir accès à des métiers non traditionnels. C'est que les
programmes d'accès à l'égalité, qui sont
volontaires - ça, c'est un des reproches qu'on leur" fait - qui
reçoivent, sans aucun doute, un accueil sympathique de la part du
gouvernement qui y met des moyens peut-être pas tout à fait aussi
imposants qu'on le souhaiterait pour qu'ils soient de plus en plus
instaurés chez des employeurs, ces programmes d'accès à
l'égalité font l'objet de peu de négociation entre les
employeurs et les syndicats. Ce n'est pas parce que les syndicats ne le
souhaitent pas, c'est parce que l'immense majorité des employeurs sont
réticents à négocier le contenu des programmes
d'accès à l'égalité qu'ils peuvent ou qu'ils
devraient instaurer dans leurs milieux respectifs. Donc, notre bilan global des
programmes d'accès à l'égalité à
l'égard des femmes québécoises, quelles qu'elles soient,
nous indique que c'est une voie, sans aucun doute, pour permettre aux femmes
immigrantes de pouvoir pénétrer avec plus de facilité,
d'être accueillies avec plus de facilité sur le marché du
travail, mais il va falloir émettre des moyens peut-être un peu
plus coercitifs - c'est ce qu'on ne cesse de réclamer - par voie
législative pour que de tels programmes d'accès à
l'égalité aient plus de prise sur l'ensemble des employeurs
québécois.
Mme Gagnon-Tremblay: Les résultats d'un programme
d'accès à l'égalité, généralement
c'est à moyen et à long terme. Et je conviens aussi que, si les
têtes dirigeantes ne sont pas convaincues du bien-fondé d'un
programme d'accès à l'égalité, c'est très
difficile. Et je me souviens, entre autres, qu'à l'époque j'avais
discuté avec même votre comité féminin et qu'il y
avait des réticences, il ne faut pas se le cacher, au sein même de
votre syndicat comme il y en a au sein de notre gouvernement actuellement.
Peut-être que ça ne donne pas tout à fait les
résultats escomptés. On connaît les réticences. Et
là vous me dites: Est-ce que ça pourrait être plus
coercitif? Mais est-ce que, par exemple, votre syndicat aurait accepté
que ce soit coercitif, qu'on oblige aussi, malgré les réticences
qu'il y avait à l'époque - et je ne sais pas si ces
réticences existent encore - mais qu'on oblige, par voie
législative, par exemple, aussi bien toutes les entreprises mais votre
syndicat à avoir son propre programme d'accès à
l'égalité?
M. Daoust: Écoutez, Mme la ministre, moi, je suis
prêt à en discuter pendant des heures de temps avec vous, mais je
ne me trompe pas de commission parlementaire, là on parle des
travailleurs immigrants et non pas des programmes d'accès à
l'égalité dans les structures syndicales (11 h 15)
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. Daoust: Je conviens avec vous que ce n'est pas simple et
facile.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez que...
M. Daoust: Les structures syndicales sont assujetties à
des modes de fonctionnement que vous connaissez. Il y a tout un aspect...
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez, M. Daoust...
M. Daoust: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...que les structures syndicales ont un
rôle tellement important à jouer pour nous aider dans
l'intégration des nouveaux arrivants, à tous les niveaux
M. Daoust: Oui. On va vous en faire des suggestions...
Mme Gagnon-Tremblay: À tous les niveaux.
M. Daoust: ...à cet égard-là, si vous
voulez. On va vous en faire d'abondantes, il y en a qui sont contenues dans le
mémoire. Mais, pour finir, à l'égard de la FTQ où
on a, après des bilans et des analyses que nous avons faits suite
à la subvention et grâce à la subvention que vous nous avez
donnée entre autres, on a découvert ce qu'on savait, mais on l'a
identifié de façon précise, que la FTQ, son membership
féminin est d'environ 30 %, l'ensemble de son membership. Il s'agit
d'évaluer un peu partout pourquoi les femmes ne se retrouvent pas
à 30 % dans l'ensemble des structures, dans les postes de direction,
à quelque niveau que ce soit. On a mis en marche un tas d'actions
multiples qui donnent des résultats, on est tout près d'atteindre
les objectifs et, dans certains cas, on les a dépassés.
Merveilleux, tant mieux! Mais ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des milliers
d'employeurs au Québec, des dizaines de milliers d'employeurs qui
devraient se donner des programmes d'accès à
l'égalité. S'ils faisaient le centième de ce qu'on a fait
dans notre structure syndicale à nous, la face du monde quant à
la condition féminine serait profondément changée. Alors,
je ne voudrais pas...
Mme Gagnon-Tremblay: M. Daoust, étant donné qu'il
nous reste cinq minutes, je vais...
M. Daoust: Vous savez...
Mme Gagnon-Tremblay: ...passer immédiatement. Il y a un
sujet qui m'intéresse énormément, la francisation en
milieu de travail Vous ave/ parlé de la francisation, vous insiste/
longuement dans votre mémoire sur l'importance
de la francisation dans les milieux de travail. Cependant, je remarque
que, contrairement, par exemple... Nous avons reçu tout à l'heure
des membres du Parti québécois qui sont venus se faire entendre
et qui demandaient au gouvernement d'étendre aux entreprises de moins de
50 employés l'obligation d'obtenir un certificat de francisation. Je ne
sais pas si on en parle, je ne sais si c'est une omission ou quoi que ce soit,
mais j'aimerais savoir, par exemple... Étant donné que ces
entreprises sont très nombreuses et que leurs ressources sont
limitées et que, finalement, parfois, il y a absence de travailleurs
francophones dans bien des cas, cela pourrait donner un caractère
purement formel à une francisation qui ne serait pas
précédée de mesures favorisant l'apprentissage de la
langue française en milieu de travail. Que pensez-vous, par exemple, de
cette obligation?
M. Daoust: De cette...
Mme Gagnon-Tremblay: De cette obligation de...
M. Oaoust: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...50 employés et plus, aux
entreprises de 50 employés et plus.
M. Oaoust: Ah! mon Dieu! C'est une des prises de position que la
FTQ a défendues, en tout cas, je ne veux pas en réclamer au nom
de la FTQ la paternité, mais c'est un domaine qu'on connaît et
à l'égard duquel on est, je crois, compétent sans vouloir
nous lancer des fleurs. Vous savez qu'au Québec les entreprises de 100
salariés et plus doivent se doter d'un comité de francisation
composé au tiers de représentants des travailleurs qui agissent
auprès de l'entreprise comme chien de garde du fonctionnement et de la
mise en oeuvre d'un programme de francisation. Dans les entreprises de 50
salariés et plus, il n'y a pas de comité de francisation, mais
ces entreprises doivent se donner des programmes de francisation. Les
entreprises de 50 salariés et moins ne sont aucunement tenues de se
donner un programme de francisation et n'ont aucune structure comme les
entreprises de 100 salariés et plus leur permettant d'en discuter au
niveau de l'entreprise. Ces entreprises au Québec - c'est un chiffre
qu'on retient avec facilité - sont 101 000; 101 000 entreprises ont 50
salariés et moins au Québec. Les entreprises qui ont entre 26 et
49 salariés, il y en 5000, entre 26 et 49; entre 10 et 25
salariés, il y en a 16 000. Pour continuer ma réponse à
votre question, il y a donc environ 21 000 ou 22 000 entreprises au
Québec qui ont entre 25 et 50 salariés qui ne sont assujetties
à aucune mesure coercitive à l'égard de l'implantation du
français comme langue de travail dans leur milieu. Contrat social,
contrat moral, obligations, oui, interventions... Il y a des interventions qui
sont possibles sans aucun doute mais il n'y a aucune structure qui leur
permette ou qui permette à l'Office de la langue ou à qui que ce
soit d'évaluer la pénétration du français. Or,
c'est dans ces entreprises-là, on le sait tous, que se retrouvent une
très grande majorité des Néo-Québécois, de
ces gens des différentes communautés culturelles, quelle que soit
leur appellation. C'est dans ces entreprises-là qu'on les retrouve
systématiquement et c'est là qu'il faut faire porter des efforts;
que les entreprises de 25 salariés et plus soient assujetties à
se doter de programmes de francisation, ça serait le minimum
d'interventions qu'il faudrait demander. On ne cesse de le crier et de le
demander partout. Et bravo que vous nous posiez la question; ça nous
permet de le rappeler et de le répéter. Et c'est là que se
joue - nous autres là-dessus, je ne dis pas qu'on est émotifs
mais, écoutez, c'est dans les milieux de travail que la francisation,
l'intégration des immigrés se fait en gros. L'école, oui,
sans aucun doute, pour les plus jeunes, les arrivants, mais ceux qui sont moins
jeunes, c'est le milieu de travail où ils sont en contact permanent, non
pas permanent, mais sept ou huit heures par jour, peu importe, avec d'autres
travailleurs et travailleuses québécois. C'est important donc
qu'il y art des interventions gouvernementales, ou en fait que la loi 101, la
Charte de la langue française soit amendée afin de faire en sorte
que les entreprises de 25 salariés et plus soient obligatoirement
dotés de programmes de francisation et, pourquoi pas, de comités
de francisation.
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: J'ai lu à la page 13 que la FTQ est
prête à s'associer à toute démarche de concertation
visant à mettre en oeuvre des programmes de formation répondant
aux besoins des travailleurs allophones dans les milieux de travail. Est-ce que
vous avez des projets en tête dans cette veine?
M. Daoust: On en a de multiples, madame. Je pourrais vous relater
qu'il y a déjà plusieurs années le gouvernement du
Québec avait permis à la FTQ de recevoir une subvention afin que
celle-ci puisse publier ce qu'on appelle un guide social en plusieurs langues.
On en a abondamment distribué et on a pu donner des sessions de
formation. Par la suite, le gouvernement est devenu un petit peu plus
réticent, plus qu'un peu plus réticent, ça a
été une fin de non-recevoir à des demandes en ce
sens-là. On a de multiples projets. On ne cesse d'échanger avec
nos camarades de l'Ontario qui font des interventions dans le domaine et qui
reçoivent du gouvernement ontarien des fonds fort intéressants et
du gouvernement du Canada des fonds substantiels
qui leur permettent des interventions dans les milieux de travail et
qui, entre autres, permettent à la centrale syndicale ontarienne la
Fédération des travailleurs de l'Ontario et au Conseil du travail
de la ville de Toronto de faire des interventions en milieu de travail en
donnant des cours d'anglais à leurs immigrants. Là-dessus,
écoutez, on a des documents à n'en plus finir. Vous ne savez pas
à quel point - je ne veux pas avoir l'air devant vous et quasiment
publiquement de quémander des fonds - c'est incroyable ce que le
mouvement syndical peut faire, doit faire et s'est engagé à faire
et fait mais sans aucun appui financier ou à peu près de la part
du gouvernement du Québec.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous savez, lorsque je parlais de
moyens, ce n'était pas tellement dans de la documentation ou quoi que ce
soit, c'étaient des actions concrètes. J'ai, par exemple, en
tête actuellement la CSN qui a signé avec l'Office de la langue
française un programme de francisation dans l'hôtellerie. Alors,
je me dis: Est-ce que, par exemple, avec des employeurs, étant
donné que vous êtes un syndicat qui a une force dans plusieurs
entreprises, il y a un moyen de persuasion? Aussi, par exemple, s'il y a des
choses qui peuvent être faites avec les employés pour que ce soit
un coût pour l'employeur aussi qui puisse être relativement
abordable, et comment on peut travailler avec le syndicat et l'employeur pour
finalement inciter davantage. On sait qu'on a, par exemple, des crédits
d'impôt remboursables relatifs à la formation, mais on constate
que, pour la question de la langue, on a très peu utilisé, je
dirais même qu'on... Là, écoutez, je ne voudrais pas
m'avancer, mais je pense qu'on a très peu utilisé ces
crédits d'impôt pour la formation de la langue.
Le Président (M. Doyon): Une brève réponse,
M. Daoust.
M. Daoust: Oui, très brièvement, on a des projets
qu'on a présentés à l'Office de la langue. L'an
passé, on a eu deux petites subventions. Cette subvention de la CSN dont
vous faites état est extraordinairement minime, 15 000 $, 20 000 $ ou 25
000 $. La FTQ en demande cette année, mais, encore une fois, c'est
vraiment des gouttes d'eau; avec 15 000 $, 20 000 $ ou 25 000 $, vous ne remuez
pas mer et monde.
Oui, il y a beaucoup, beaucoup qu'on pourrait faire si... Je sais bien
que ce n'est peut-être pas l'endroit, mais on participe à des
assemblées syndicales, on est en milieu de travail, on voit ces
gens-là; il y a toutes sortes d'activités syndicales dans tous
les domaines inimaginables qu'on pourrait décrire en tout cas avec
beaucoup de détails. Oui, il y a beaucoup à faire et on a
beaucoup de projets en ce domaine-là; il suffirait qu'on vous les
soumette. On en a déjà soumis dans le passé - pas à
vous, vous n'êtes absolument pas visés - mais, devant l'accueil
qu'on a eu, on s'est adressés à d'autres gouvernements, au
gouvernement canadien, imaginez-vous, pour obtenir des subventions.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour une quinzaine de minutes.
M. Boulerice: Eh bien, comme toujours, et le contraire
m'eût étonné, votre puissante et surtout très active
fédération est allée de façon très
percutante au fond des choses, et je vous en remercie.
J'ai remarqué dans votre mémoire des notions qui,
vraiment, me rejoignent, notamment au sujet des acquis et, là-dessus, je
dois vous dire que les travailleurs et les travailleuses du Québec, par
votre voix, expriment une ouverture beaucoup plus grande que certaines
corporations corporatistes que je ne nommerai pas par charité
chrétienne, disons. Ça, j'ai trouvé ça
intéressant.
J'ai bien aimé, M. le secrétaire général,
votre définition du pluriculturalisme. Je partage avec vous les
mêmes inquiétudes quant au multiculturalisme. D'ailleurs, une
intervenante hier, Mme Coulourides, nous disait que la notion canadienne de
multiculturalisme, à moins d'être modifiée, était un
danger pour ce qui est du caractère distinct du Québec. Et le
multiculturalisme, je l'ai toujours vu, dans un certain sens, comme la menace
de faire de ce pays - et regardez bien le mot que j'emploie - une espèce
de conglomérat de principautés linguistiques. J'ai peur - c'est
une inquiétude que j'ai - que, s'il y a eu deux solitudes lorsqu'on
parlait de la francophone et de l'anglophone, on risque de créer des
sous-solitudes, et ce n'est pas comme ça, effectivement, que l'on forme
un pays et que l'on forme une nation.
Je sais que votre fédération a un comité de
francisation très actif et très productif comme tel. Des
communautés culturelles qui sont intervenues précédemment
et qui sont au Québec depuis de nombreuses années - je vais
prendre, à titre d'exemple, la communauté hélénique
et la communauté italienne - nous ont fait état de leur
désir de faire partie de la société d'accueil avec les
Québécois de très très ancienne souche, puisqu'il
faut toujours trouver un qualificatif pour essayer d'établir certaines
distinctions, je l'espère, temporaires. Donc, si j'ai bien compris
également votre mémoire, je pense que vous souhaitez être
une société, une communauté institutionnelle d'accueil,
vous aussi, à la FTQ, face à l'immigration. (11 h 30)
Sur ces commentaires d'introduction, les trois questions que j'aimerais
vous poser. La première: Nous n'allons pas blâmer certains de ne
pas être de Montréal. Que voulez-vous, la
géographie a ses accidents, mais puisque nous sommes
"montréalistes", comme le dit notre bon ami, Doris Lussier, ne
croyez-vous pas, messieurs, que, dans le dossier de l'immigration, le
Québec devrait avoir un volet très spécifiquement
montréalais compte tenu de la capacité d'accueil et compte tenu
des - je n'emploierai pas le mot "problème" - des situations
particulières que l'on vit à Montréal? Et j'en citais une
pour argumenter, qui était celle du logement. Je pense m'a-dresser aux
bonnes personnes quand je parle du logement, où il y a un
problème à Montréal. L'absence chronique de logements
sociaux, un parc de logements dont la moyenne d'âge est supérieure
à 40 ans, notamment celui de notre belle circonscription. Est-ce que
vous êtes d'accord avec cet énoncé?
M. Daoust: Oui. Écoutez, c'est entendu que Montréal
doit recevoir, de la part du ministère, on peut appeler ça une
attention tout à fait particulière. C'est là que le gros
des immigrants s'installe. En termes de pourcentages, vous les connaissez, on
en fait état dans la plupart des documents. C'est entre 80 % et 90 %. On
peut émettre les souhaits que l'on veut et rêver du moment
où les immigrants que nous accueillons chez nous s'installent ailleurs
et je pense bien qu'il faut mettre en oeuvre des politiques pour que ça
se fasse. Mais, encore une fois, c'est à Montréal que ça
se passe, je ne dis pas heureusement, je ne dis pas malheureusement, je
constate que c'est à Montréal que ça se passe et, de ce
fait, je suis d'accord avec vous que le phénomène
montréalais doit être étudié avec
énormément d'attention et provoquer des mesures qui ne seraient
peut-être pas exportables dans d'autres régions, le
problème du logement, de l'intégration linguistique et même
en milieu de travail. Vous savez, à Montréal, il y a des
centaines d'usines. Je dois vous le relater très rapidement, j'ai
vécu une expérience dimanche, c'est tout récent.
C'était à Montréal. C'est sur IHe, c'est à
Saint-Laurent où j'ai participé à une assemblée des
syndiqués à la compagnie Philips, multinationale imposante qui
emploie environ 400 travailleurs.
Ce n'est pas la première fois que je rencontre ce
groupe-là. J'étais un peu au courant, mais je me suis fait
rappeler dimanche des choses que j'avais peut-être oubliées. Il y
a dans le groupe 25 communautés culturelles linguistiques
différentes. Imaginez-vous, la compagnie Philips, 25. Le
président du syndicat vient du Bangladesh, le permanent syndical que
vous connaissez, Osvaldo Nunez est Chilien. En fait, je ne veux pas nommer tous
les groupes. Mais ça, c'est une réalité. En milieu
montréalais, il y a des centaines d'usines. Il y a des usines où
c'est monoethnique, où c'est composé exclusivement de
travailleurs de telle ou telle communauté culturelle, dans le
vêtement surtout. Et il y a des usines où, évidemment, les
francophones sont majoritaires, d'autres où ils sont minoritaires, mais
c'est tout un milieu. Il y a des structures de toutes sortes, il y a de
multiples groupes, quels qu'ils soient.
Donc, Montréal, la façon d'aborder les problèmes
d'immigration et les interventions gouvernementales à Montréal
seront très spécifiques, tiendront compte de la
personnalité de Montréal et des problèmes que
Montréal connaît sur tous les plans. Mais c'est oui à votre
question.
M. Boulerice: La FTQ a reçu avec beaucoup de
sensibilité, ça a été l'objet, je sais, de
nombreuses discussions chez vous, ce fameux rapport où on parle de ce
Montréal, ce Québec cassé en deux, etc. Jusqu'où
devons-nous aller dans la régionalisation, compte tenu que la situation
actuelle nous permet de voir un Montréal pluriethnique, mais l'ensemble
du Québec monoethnique?
M. Daoust: Écoutez, c'est un véritable danger. On
ne cesse de le souligner. Bien qu'il faille pour Montréal des mesures
qui soient taillées sur mesure, c'est le cas de le dire, il va falloir
essayer de trouver les moyens et je pense bien qu'il va falloir tous concourir
à la recherche de ces solutions pour faire en sorte que Montréal
se décentralise, entendons-nous, mais que Montréal ne soit pas le
lieu exclusif d'accueil de l'ensemble des immigrants. Ça n'a pas de sens
que, comme vous le mentionnez, Montréal soit multiethnique et que le
reste du Québec devienne ou soit de plus en plus monoethnique. Ça
crée des tensions et des problèmes aussi - comment vous dire -
d'incompréhension. Il y a un tas de gens qui, à
l'extérieur de Montréal et sans donner d'exemple,
réalisent peu ce qui se passe à ce moment-ci à
l'échelle de tout le Québec et particulièrement dans une
région comme celle de Montréal.
Alors, il faut tout faire, tout mettre en oeuvre pour
décentraliser - c'est Montréal qui est la cible. L'immigration,
ce n'est pas facile, mais je sais... On me souligne ici que chaque
région a ses problèmes. L'Estrie qui accueille des immigrants a
des problèmes qui lui sont particuliers. On ne peut pas avoir de
politique uniforme, sans aucun doute, là-dessus. Il faudra que les
politiques soient adaptées à différentes régions,
selon la culture, l'histoire de la région, enfin, selon les
réalités. C'est véritablement tenir compte des
réalités de chacune des régions. Mais on souhaiterait,
quant à nous, on ne cesse de le souhaiter, pour éviter les
phénomènes de ghet-toïsation... il peut y avoir une grande
ghettoïsa-tion de tous les immigrants dans la grande région de
Montréal, comme il y a des ghettoïsa-tions de quartier, mais, pour
éviter ça, c'est mettre en oeuvre des politiques qui vont nous
permettre ou qui vont accueillir, qui vont inciter les immigrants à
s'installer dans d'autres villes,
dans d'autres régions, en fait, dans des régions
peut-être plus lointaines, plus excentriques, que Montréal.
M. Boulerice: Les deux dernières questions que j'aimerais
vous poser. Vous avez dit et je pense que c'est très juste, étant
au fait du dossier, je pense qu'un chauffeur de taxi d'origine haïtienne
préférerait bien plus une syndicali-satton et des meilleurs
conditions de travail que d'avoir nécessairement une prescription
créole. À partir de cet énoncé que j'ai
coloré un peu là, à l'heure actuelle, quelle
évaluation faites-vous de la situation des travailleurs immigrants, des
réfugiés en attente de statut, et je parlerai toujours de la rue
Chabanel, et, à cet égard, est-ce que l'énoncé
remplit vos espérances?
M. Daoust: Bon. Ce n'est pas facile de porter un jugement global
sur le sort de ces multiples travailleurs et travailleuses qui viennent la
plupart de pays que l'on connaît et qu'on a identifiés dans
beaucoup de documents. Mais, de façon générale, je pense
qu'ils sont largement exploités. On profite de la non-syndicalisation ou
des difficultés d'accès à la syndicalisation - et je ne
ferai pas un long débat là-dessus. Le taxi est
révélateur de certaines difficultés. On profite de tout
ça pour mieux les exploiter et je pense que de façon
générale, quand on rencontre ces gens-là, Hs ne cessent de
nous le dire: Ils se sentent exploités dans notre société.
C'est, parmi les travailleurs, ceux qui sont peut-être, sans aucun doute,
les plus mal pris, à ce moment-ci, surtout quand il s'agit de femmes,
surtout les minorités visibles. Il y a, en fait, des degrés
d'exploitation qu'on peut facilement percevoir en milieu des travailleurs
immigrants, et je pense qu'on a quelques données qu'on pourrait vous
fournir à l'occasion. À l'égard de l'autre groupe - tu
veux dire...
M. Bellemarre (Marc): S'il vous plaît, Fernand.
M. Daoust: Oui.
M. Bellemarre: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Rapidement.
M. Bellemarre: La question des revendicateurs du statut de
réfugié, ce n'est pas demain matin qu'elle va être
réglée. Malheureusement, ce secteur-là est toujours et
demeure encore sous juridiction fédérale. Et, si la ministre
Barbara McDougall décidait demain matin une amnistie, ça pourrait
- il y a de fortes chances - écorcher un peu les politiques
d'orientation du gouvernement du Québec dans ce sens-là.
Dans un deuxième temps, c'est toujours le gouvernement
fédéral qui va donner les permis de travail. Si on veut parler de
structures d'accueil et de structures de francisation, il va falloir les faire
aussi au niveau de l'entreprise ou de l'intégration, où ces
gens-là vont travailler, ce qui n'est pas le cas actuellement. On
connaît la politique du gouvernement fédéral qui ne veut
rien savoir d'une politique de plein emploi. On connaît ta
générosité actuellement des programmes d'accueil du
gouvernement du Québec, mais entre les deux il n'y a absolument rien et
ça demeure problématique. Et quand on sait qu'on va maintenir
entre 900 et 1200 revendicateurs du statut de réfugié par mois,
bien les prochaines années ne seront pas tout à fait roses. Ce
groupe-là va continuer à travailler au noir, va continuer
à être exploité, et tout en retirant d'un certain bord
certains avantages via le bien-être social. Malheureusement, dans les
politiques on n'en fait que très peu mention, et puis le Québec
ne pourra l'avoir que lorsqu'il décidera politiquement de l'avoir.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Avez-vous
terminé, M. le député? Le temps est écoulé
mais votre mot de la fin probablement.
M. Boulerice: Je pense que nous en sommes à la conclusion,
eh bien oui, je vais vous répéter, vous êtes allé je
crois au fond des choses, et je pense que c'est très utile pour cette
commission. Je vous interprète peut-être, je crois que vous auriez
peut-être préféré travailler plus rapidement sur le
plan d'action comme tel et non pas uniquement sur un énoncé de
politique. La troisième chose, et dernière, que j'aimerais vous
dire pour vous saluer et vous remercier de nouveau, c'est un blanc de
mémoire qui m'arrive, enfin... c'est l'âge sans doute qui commence
à paraître, ou la cigarette au prix où elle coûte
actuellement... je pense aux travailleurs de McDonald dans ma circonscription.
Je serais malheureux qu'ils perdent leurs emplois. Ah oui! J'ai remarqué
que les groupes qui viennent, on leur dit oui, nous avons besoin de vous, un
peu dans le style "Embrassons-nous, Folleville". Mais, lorsque vient le temps
de poser pour vous des demandes accrues d'aide financière, il y a
malheureusement un frein, et ça je vous avoue que rien ne sera
réglé si on continue, à ce niveau-là, d'avoir un
pied sur l'accélérateur à savoir augmentons les quotas,
mais parallèlement un pied sur le frein en disant oui mais
débrouillez-vous avec le peu que vous avez.
Voilà. De nouveau merci beaucoup, M. le secrétaire
général et chers amis.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Maintenant Mme la ministre,
très rapidement car nous avons dépassé le temps de
quelques minutes, en conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, d'accord. Écoutez, moi je
voudrais justement revenir peut-
être rapidement sur la question de la francisation en milieu de
travail, il y a vraiment une volonté d'agir dans ce sens-là,
parce que vous savez aussi que, même si on y va de façon
coercitive, on a affaire, pour plusieurs entreprises, à des allophones
qui ne parient ni le français, ni l'anglais. Alors, on a un travail
énorme à faire et, à ce niveau-là je vous lance un
appel, et je trouve ça important que si vous avez des projets à
nous soumettre de nous les soumettre, parce que même dans le plan
d'action, pas le plan d'action, mais je veux dire la politique, et ça
sera élaboré davantage dans le plan d'action, dans la politique
on a déjà prévu un demi-million pour des projets-pilotes
pour l'enseignement du français dans le milieu de travail.
Et, en plus de ça, vous avez aussi vu par exemple un budget pour
un projet d'initiatives, un budget de fonds d'initiatives qui permettra de
subventionner, soit d'autres ministères ou par exemple l'Office de la
langue française, pour différents projets. Comme je le
mentionnais tout à l'heure, vous savez, de l'intégration,
ça se fait à long terme et c'est quantité de petites
mesures. Et nous sommes à l'expérimenter actuellement. Alors, il
faut vous dire que c'est un début, nous expérimentons à
peu près tout. Alors, c'est important qu'on fasse ensemble aussi ces
choses, et moi je me dis si vous avez des projets, nous les
considérerons avec beaucoup d'attention et j'apprécierais que
vous me les fassiez parvenir. Merci beaucoup de votre présentation.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Malheureusement je sais que vous vouliez parler, mais vous pouvez parler en
dehors avec la ministre si vous le désirez, mais le temps nous
étant compté, et l'autre groupe étant arrivé, je me
dois de mettre fin à cet exercice en ce qui vous concerne. Au nom des
membres de la commission, je vous remercie. Ce fut fort intéressant,
particulièrement le prisme que vous avez mis sur les problèmes
typiquement montréalais qui s'en viennent, et soyez assurés que
la commission a dû en prendre bonne note.
Alors, je vous remercie et je vais suspendre les travaux pour une
minute, le temps de recevoir l'autre groupe qui est la Fédération
des groupes ethniques du Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 46)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais aux représentants de la
Fédération des groupes ethniques du Québec de bien vouloir
s'asseoir et au groupe qui vient de terminer de bien vouloir ou s'asseoir ou
continuer son meeting en dehors de la salle.
Alors, sans plus tarder, nous allons passer au groupe... Je vous
demanderai, M. Jean Taranu, président, de bien vouloir présenter
les gens qui vous accompagnent et, par la suite, de commencer sans plus tarder
la présentation de votre mémoire.
Fédération des groupes ethniques du
Québec
M. Taranu (Jean): Alors, nous représentons ici la
Fédération des groupes ethniques qui regroupe une trentaine de
communautés culturelles de Montréal et de partout, Sherbrooke,
Québec et Hull. J'ai, à ma droite, M. Jaroslaw Pryszlak, notre
trésorier; moi-même, je suis le président. J'ai, à
ma gauche, Mme Elizabeth Kopystcka, notre secrétaire adjointe, M. Jack
Lee, notre directeur. M. Steves Tokes a été remplacé par
M. Joseph Bota, à mon extrême gauche.
Si vous me permettez, je vais vous lire la présentation du
résumé, du précis de notre mémoire et, par la
suite, nous pourrons discuter.
Le Président (M. Gobé): Allez-y,
procédez!
M. Taranu: Nous voulons exprimer ici notre accord quant à
la volonté du gouvernement du Québec d'adopter une politique
d'intégration des immigrants. Les motifs sont nombreux. Qu'importe, nous
sommes certains que le Québec veut faire quelque chose. Il y va de sa
survie et de son identité. Il y a défi du déclin
démographique que seule une immigration de l'ordre de 40 000 personnes
par année peut renouveler. À ce rythme, dans 10 ans, la
population de Montréal serait de 50 % d'autres origines. Cela veut dire
que chaque Québécois de souche, au travail ou chez lui, sera le
voisin d'un immigrant, du moins en ce qui concerne la région de
Montréal et les environs.
Est-ce le temps des fréquentations amicales ou de l'entrée
du loup dans la bergerie? Voilà pourquoi le défi central de toute
politique d'intégration est: comment construire au Québec une
société francophone pluraliste d'une société qui se
veut homogène et monolithique?
Que pouvons-nous assimiler de l'expérience du passé et
voir ce que nous pouvons investir dans l'avenir? L'avenir est ce qui nous
appartient à tous sans exception. Ce qu'il faut retenir c'est que les
Canadiens, à l'exception des Indiens et Inuit, sont soit immigrants ou
descendants des immigrants. Durant son histoire, le Canada a toujours
tiré sa force de ceux qui sont venus l'habiter. Nous ne pouvons pas nous
servir du modèle de multiculturalisme canadien parce que
complètement rejeté par les Québécois comme
étant inapplicable et qui, de plus, pourrait signifier la disparition du
groupe d'origine parce qu'il est difficile de créer un
État-nation dans une fédération canadienne
multiculturelle. Il ne reste que l'aspect de l'interculturalisme qui est un
euphémisme du multiculturalisme qu'on perçoit comme un moyen de
développer une société de
convergence. Il s'agit d'une convergence - ou foyer culturel
français - où se produit un métissage de cultures dont le
résultat fait que chacune d'eUe se retrouve dans la culture
générale.
Les cultures sont complémentaires dans ce sens que chaque culture
a suffisamment de richesse et d'ouverture pour intégrer des valeurs
d'origines diverses, et de les faire siennes, à ce que sera la culture
québécoise de demain. En somme, une culture de cultures
différentes ouverte à ce qui semble étranger.
L'énoncé d'une politique d'intégration qui se donne
pour objectif d'affirmer ce qui nous rassemble et de rassembler des peuples que
les coutumes et la langue séparent devrait être clair et
précis sur la place qu'on voudrait bien réserver à ces
minorités dans la société d'adoption. On sait que les
majorités n'aiment pas les minorités, qu'elles relèguent
trop souvent au plus bas de l'échiquier social et politique. Un dialogue
interculture) et enrichissant ne peut être soutenu sans des motivations
sociales, économiques: langue de travail, embauche dans la fonction
publique et parapublique, de leur représentation au niveau des
médias de presse et de communication. Il est très important que
l'information reflète l'évolution ethnique et sociale de notre
société.
Le gouvernement devait également clarifier les objectifs souvent
ambigus sur le pluralisme culturel et politique. Est-ce que le pluralisme
culturel, oui ou non, peut constituer la base d'une identité
québécoise, c'est-à-dire de se sentir
Québécois à part entière quelle que soit son
origine? Et alors de cesser de nous appeler des immigrants de vieille ou
récente souche, des minorités visibles, invisibles et de nous
appeler tout simplement des Québécois. Il est inconcevable qu'un
organisme avec des objectifs d'intégration culturelle et politique, et
cela depuis quelques dizaines d'années, comme la nôtre s'adresse
encore au ministère de l'Immigration au lieu de celui des Affaires
culturelles pour obtenir des services.
En matière d'intégration des immigrés, il faut
avoir le sens des objectifs à long terme. Faire de cette
intégration une solution aux problèmes démographiques ou
de croire que la souveraineté réglera le problème de leur
intégration harmonieuse à une culture, une nation, un
État, c'est rêver en couleur. Après 10 ans de leur
arrivée, 40 % des immigrés quittent et, à plus long terme,
25 ans, il n'en reste que un sur trois. Comment faire pour les retenir? Il faut
présenter le peuple du Québec et la spécificité de
la société québécoise de sorte que ceux qui
viennent au Québec soient correctement informée sur la
réalité de notre société. Il faut parler de
l'instabilité de l'emploi, qu'ils seront peut-être obligés
de suivre les offres et que, pour cela, il leur faut apprendre l'anglais aussi.
D'autres facteurs de stabilité très importants tels que la
famille et une bonne connaissance du français font la joie de vivre et
de rester ici au Québec.
À l'école, il faut prendre en compte la culture d'origine
tout en étudiant les phénomènes migratoires ainsi que
l'histoire de l'immigration au Canada qui est celle du Québec. Avant
d'embarquer nos enfants dans le processus d'intégration, il serait
préférable de leur donner l'occasion de se retrouver dans un
ensemble d'immigration pour leur faire sentir qu'ils sont chez eux dans une
société issue d'une immigration. C'est une façon non
seulement de leur apprendre le français, mais aussi de les faire vivre
et fonctionner en français.
Certains prétendent - ce n'est pas notre avis - que dans le cadre
constitutionnel actuel le Québec n'a ni les pouvoirs ni les moyens de
réaliser les objectifs du présent énoncé politique
de l'intégration du ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration. À notre avis, c'est le contraire qui se produit
dans la nouvelle entente avec l'Immigration canadienne. Il s'agit là
d'un accord qui se construit autour de la francisation et du rapprochement. Les
immigrés sont appelés à souscrire et à s'approprier
les valeurs fondamentales de notre société: la démocratie,
le pluralisme et les échanges interculturels dans un esprit de
responsabilité partagée. Cette approche cadre bien avec
l'impératif du Québec et du Canada de rester ouvert au monde qui
nous entoure. Le vrai débat politique au Québec est fondé
sur des considérations linguistiques, à savoir que la
sécurité linguistique est à la base de toute entente de
convivialité à l'intérieur du Canada.
Pour nous, de la Fédération des groupes ethniques, le
caractère français de la société
québécoise ne comporte aucune ambiguïté.
Maintenant, M. le Président, si vous me permettez, je voudrais
donner la parole à M.
Jack Lee, qui est président des Restaurateurs du
Québec et, aussi, l'un des chefs de la famille Lee qui, comme
vous te savez, est très nombreuse; rien qu'à Montréal, il
y en a quelques milliers.
M. Lee en aura seulement pour deux minutes.
Le Président (M. Gobé): Certainement, M. Lee, vous
avez la parole.
M. Lee (Jack): Merci, M. le Président. Mme la ministre,
MM. les honorables membres de l'Assemblée nationale, chers amis, en plus
de la présentation de notre mémoire de la part de la
Fédération des groupes ethniques du Québec, j'ai le grand
privilège et l'honneur de vous parler aujourd'hui dans le salon rouge,
ici; et c'est la première fois que je parle ici. Comme vous l'avez vu,
nous sommes membres de la Fédération des groupes ethniques du
Québec, mais en plus les employés de restaurants chinois du
Québec sont impliqués en plus grand nombre. C'est la raison pour
laquelle je veux vous dire quelques mots de la part de l'association. Comme
membre actif de
compagnies chinoises du Québec, comme chef de la famille Lee du
Québec, qui s'est intégrée dans son milieu, je suis
très heureux de faire partie de cette commission parlementaire comme...
Je suis en complet accord avec la politique de l'immigration et de
l'intégration des immigrants. C'est normal que le Québec qui
constitue 26 % de la population canadienne reçoive 26 % du total des
immigrants qui vont vivre au Canada. (12 heures)
J'endosse aussi pleinement la volonté du Québec
d'accueillir surtout les immigrants qui maîtrisent le français.
C'est normal que le Québec veut se donner un visage de plus en plus
français. Mais ses politiques ne doivent pas empêcher le libre
choix de l'immigrant d'un pays où le français n'est pas dominant.
Par exemple, les immigrants de Hong Kong, de la Chine, il suffit, comme on a
déjà commencé, de donner le cours de français dans
le pays originaire de l'immigrant qui viendra s'établir au
Québec. Apprenons le français aux parents et aux enfants comme
ils l'ont fait eux-mêmes, même avant la loi 101. Inscrivons-les
dans les écoles françaises pour qu'ils puissent maîtriser
parfaitement la langue officielle du Québec. Je dirais que c'est de
cette façon qu'ils pourront affronter la compétition. Notre pays,
qui s'est constitué d'immigrants, aura toujours besoin d'immigrants, je
dirais même de plus en plus culturellement et économiquement. La
venue des immigrants est essentielle au développement du Québec.
Les statistiques démontrent que les immigrants ont créé
plus d'emplois qu'ils en ont occupé. J'aimerais le dire une fois de
plus, il faudrait aussi permettre par une politique de l'immigration la
réunification des familles: les frères, les soeurs, les fils, les
filles, le père et la mère. On devrait favoriser la venue au
Québec des membres de la famille qui vivent encore à leur... Ce
qu'ils ont déjà du Québec sera plus... De cette
façon, les industries de la restauration chinoise pourraient faire venir
une main-d'oeuvre plus qualifiée, comme les chefs cuisiniers, plus
rompus à nos méthodes et nos habitudes de travail. Je vous
remercie de votre attention. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lee. Je dois
maintenant passer la parole à Mme la ministre. Mme la ministre, vous
avez 10 minutes.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président, et merci,
messieurs et madame, de votre présentation. J'aimerais peut-être
tout simplement rectifier avant de passer à ma première question.
Le taux de rétention, nous avons une étude qui a
été faite au ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration basée sur le recensement de 1986. Cette étude
date de 1989 et on se rend compte que le taux de rétention est meilleur
de recensement à recensement. On constate par exemple que, chez les gens
arrivés entre 1941 et 1961, le taux de rétention était
d'environ 60 %, alors que, chez les gens arrivés depuis 1978, le taux de
rétention est de 77 %; donc, il va en augmentant et c'est pourquoi je
pense qu'il est important que l'on puisse corriger ce mythe voulant qu'une
majorité d'immigrants quittent le Québec. Nous retenons
maintenant de plus en plus nos immigrants et, bien sûr, nous ferons tout
pour les accueillir davantage et les retenir davantage.
Ma première question touche le pluralisme culturel. Le
Québec est une société pluraliste qui reconnaît
à chacun de ses membres le droit de choisir librement son style de vie,
ses opinions, de même que ses valeurs. À ce titre, le
Québec ne vise pas l'assimilation des immigrants et des
Québécois des communautés culturelles et il leur garantit
même en vertu de la Charte des droits le droit de maintenir et de faire
progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe.
Cependant, la position québécoise se distingue du
multiculturalisme du gouvernement fédéral dans ce sens que le
Québec récuse la notion de mosaïque où par exemple,
différents groupes vivent isolés et maintiennent de façon
plus rigide leurs traditions. Le Québec met l'accent davantage sur la
nécessité que tous les groupes s'ouvrent à
l'échange intercommunautaire et acceptent de voir leur culture
évoluer, tant la majorité que la minorité. Comme groupe,
croyez-vous qu'il soit possible à une communauté culturelle de
maintenir rigidement sa culture et, d'après votre expérience,
quelles transformations sont inévitables, à quel rythme ces
changements se produisent-ils?
M. Taranu: Merci, Mme la ministre. Pour ce qui est des
statistiques, vous savez, on dit qu'il y a trois sortes de mensonges: les
petits, les moyens et les statistiques. Alors, nous sommes d'accord
là-dessus.
Votre question est très à propos et ça me
préoccupe depuis longtemps. Je suis moi-même un immigrant de
souche. Il y a 40 ans depuis que je suis arrivé au Québec. Mes
enfants sont nés ici. J'ai 6 petits-enfants et je peux donc, sur 2
générations presque, vous répondre à la question
que vous me posez.
La culture d'origine qui se pratique dans les communautés
culturelles change. Je parlais de ce métissage qui se produit si bien
que l'image de mes petits-enfants n'est plus du tout celle que je pouvais
projeter, moi, à mon arrivée, ou bien même mes enfants.
Donc, comme je l'ai dit, il faut être d'un esprit à long terme en
ce qui est de l'intégration; la boucle de l'intégration se ferme
par nos enfants et nos petits-enfants qui, je peux vous l'assurer, sont aussi
Québécois et francophones, ou pure laine si vous voulez - excusez
l'expression - que les enfants de n'importe quels Québécois de
souche.
Vous allez comprendre que la culture de leurs copains de souche
française québécoise ne
correspond plus du tout non plus, leur culture, à la culture que
vous avez connue, qu'on vous a transmise. Bon, on les retrouve peut-être,
dans une proportion différente, dans les Filles de Caleb, nos
petits-enfants, mais ils se retrouvent tous et chacun. En d'autres termes, ce
mélange, le métissage des cultures fait que chacun de nous fait
une culture qui contient plusieurs lignées et c'est une culture de
lignées dans laquelle nous nous retrouvons dans une certaine mesure.
L'interculturel produit d'après l'expérience que nous
avons, c'est que la communication s'est faite par des valeurs culturelles et
notamment par ceux-là qui ont atteint le haut de l'échelle des
valeurs culturelles et qui tombent - pour présenter ça de
façon imagée - qui tombent dans l'universel. Chaque culture a des
valeurs universelles qui nous deviennent communes et cette culture universelle
se rencontre justement là où la boucle se ferme,
c'est-à-dire chez nos enfants ou petits-enfants.
Je trouve que le mot "interculturalisme" qui est un euphémisme de
"multiculturalisme" doit être interprété si on veut qu'on
fasse de ce mot-là un mot propice à l'environnement et à
la mentalité du Québec et pour ne pas confondre avec le
multiculturalisme canadien qui est mal perçu dans le sens que, comme je
l'ai entendu... Je pense que, ici, M. Boulerice, vous l'avez mentionné
tout à l'heure, c'est quelque chose qui cultive la différence
entre nous, alors que l'interculturalisme voudrait cultiver ce qui nous
rapproche, justement, cet échange des valeurs qui se produit. Je crois
que, qu'on le veuille ou non, c'est ce que sera la culture du Québec de
demain.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Une dernière
question, Mme la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. À votre avis, est-ce que les
communautés culturelles sont prêtes à s'ouvrir à
l'échange intercommunautaire et à voir justement leur propre
culture se modifier, tout en transformant, bien sûr, comme vous l'avez
dit, la culture commune? Est-ce qu'elles sont véritablement prêtes
ou si vous sentez de la réticence parmi, par exemple, vos
différentes communautés?
M. Taranu: Absolument. Nous sommes conscients qu'en participant
à ces échanges interculturels nous allons gagner quelque chose,
mais nous sommes conscients que nous allons aussi offrir quelque chose.
Après tout, cette volonté des groupes ethniques de rester
près de leur culture d'origine, c'est un peu ce qui fait leur
fierté. S'ils ne sont plus les mêmes, s'ils ne sont pas
eux-mêmes, c'est-à-dire s'ils ne sont pas attachés à
leur culture de leurs parents, eh bien! ils n'ont rien à offrir aux
autres. Chacun, on donne ce qu'on a et, si on voit cet échange, on voit
dans la culture comme des biens culturels, l'immigrant a ce sentiment qu'il
participe à la société d'adoption.
Je pense que la question de la langue n'est pas du tout aussi importante
pour lui que pour le Québécois de souche. La langue reste, pour
les immigrants, un moyen de communication. Du moins, la plupart de ceux que je
rencontre, ceux qui viennent ici au Québec, ils sont prêts
à embarquer dans ce projet de société
québécoise, ce projet de conserver le caractère
français et la langue française et la culture
française.
Il y a une correction que je voudrais vous signaler. C'est que,
jusqu'à il y a quelques années - vous avez de meilleures
statistiques - 70 % des sources d'immigration vers le Québec et le
Canada étaient ceux qui venaient de l'Europe, de l'Angleterre, des
États-Unis. Ils venaient ici un peu comme la parenté et les
différences n'étaient pas tellement grandes. Maintenant, la
proportion a changé, je pense, dans une proportion de 70 %. Il y a
maintenant des immigrants qui viennent avec des traits de caractère de
permanence, aussi bien culturels que physionomiques, si vous voulez.
Voilà un problème qui, pour nous, est assez récent. Nous
ne l'avons pas étudié, mais nous avons trouvé chez eux ce
même désir de cultiver leurs biens culturels, les seuls qu'ils
pensent pouvoir communiquer avec la société d'accueil.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Richelieu, vous m'avez fait signe. Vous avez une
petite question à poser, rapidement?
M. Khelfa: Une petite question.
Le Président (M. Gobé): Non. On a une entente avec
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui vous
concède son tour de parole et il reprendra par la suite.
M. Khelfa: Ça lui arrive d'être gentil. Je vous
remercie, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Le Président (M. Gobé): II reprendra par la suite.
Soyez-en assuré.
M. Khelfa: Vous êtes égal à vous-même,
gentil.
Le Président (M. Gobé): Alors, très
rapidement, par exemple, car nous sommes dans les...
M. Boulerice: Corrigez-vous. Je continue, vous voulez dire. (12 h
15)
Le Président (M. Gobé): Nous sommes dans les temps.
M. le député de Richelieu.
M. Khelfa: M. le député, j'ai dit que vous
êtes égal à vous-même.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît.
M. Khelfa: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez
procéder.
M. Khelfa: J'aimerais vous remercier pour votre
présentation très intéressante. Je sais que chacun dans
votre organisme, chacun de vous est très impliqué dans sa
communauté d'origine. Je connais M. Lee qui est très
impliqué dans la communauté chinoise. Il rayonne a
l'intérieur de sa communauté d'une façon très
intéressante. D'après moi, chacun de vous, vous rayonnez et vous
êtes des leaders de votre communauté.
Ma question est la suivante. Voulez-vous me donner un peu l'objectif de
votre regroupement, de votre fédération. De 2, j'aimerais que...
Vous avez mentionné, M. le Président, que ça fait une
quarantaine d'années que vous êtes au Québec; j'aimerais
savoir c'est quoi les difficultés que vous avez eues pour vous
intégrer et maîtriser la langue française comme vous la
maîtrisez maintenant, comment vous avez réussi à la
maîtriser malgré qu'à l'époque il n'y avait pas de
programmes, il n'y avait pas les facilités que nous connaissons
aujourd'hui.
M. Taranu: Bien. Ça s'apprend une langue assez vite. En ce
qui me concerne, puisque vous me posez à moi-même la question,
c'est que nous sommes... Je suis d'origine latine. Ma langue dans laquelle je
suis né, le roumain, est très proche des autres langues latines,
notamment le français. Et voilà la raison pour laquelle j'ai
choisi Québec. Ça va de soi. Alors, avant d'arriver à
Québec, j'ai passé un an et quelques à Paris où
j'ai amélioré les rudiments que je connaissais, que j'ai appris
à l'école.
Maintenant, les objectifs de notre fédération tout d'abord
c'est de communiquer entre nous. C'est un désir. Justement, nous sommes
un exemple de l'interculturel, de communiquer culturellement entre nous, qui
sommes de langue et de culture différentes, et ensuite de communiquer
avec la culture de la majorité du Québec,
québécoise. Mais notre objectif, étant donné que
nous sommes un organisme qui remonte à presque 30, 35 ans, nous sommes
issus de la lutte commune que nous avons menée avec les anglophones pour
la liberté de choix des parents de la langue d'enseignement des enfants.
Des parents, n'est-ce pas, si vous vous rappelez, de Saint-Léonard, la
loi 22, à ce moment-là, les Anglais sont venus nous dire - nous
avions un conseil des communautés ethniques, un conseil des
minorités ethniques, comme on s'appelait à ce moment-là:
Écoutez, nous les Anglais, nous avons des "acquired rights", nous sommes
des "founder people". Vous êtes des immigrants, par conséquent,
c'est fini. Nous ne pouvons pas vous aider plus loin à combattre pour le
libre choix de la langue d'enseignement de vos enfants.
C'est à ce moment-là que nous avons senti deux choses.
Premièrement, que les anglophones ne voulaient plus de nous. Et que,
deuxièmement, nos intérêts en nous dissociant d'eux, en
nous séparant d'eux, nous avons formé la Fédération
des groupes ethniques qui s'est définie francophone dès le
début, parce que nous nous sommes aperçus à ce
moment-là que les anglophones, du moins ceux avec qui nous avons eu
affaire, défendaient mieux les intérêts des Anglais du
reste du Canada que les intérêts des Québécois
francophones du Québec. Et c'est là que nous avons
décelé la source de certains conflits qui existent et des
tensions qui existaient à ce moment-là du moins, et qui existent
peut-être encore entre les deux groupes, les deux grandes familles du
Canada.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Taranu. Si vous
voulez... vous avez conclu, merci.
M. Khelfa: Merci, une belle concertation.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Richelieu de votre intervention qui, maintenant, est
malheureusement terminée, le temps étant avancé, et je me
dois de passer la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Chers amis, sans emprunter aux excellentes recettes
de M. Lee, je dirais que votre mémoire est "sweet and sour". "Sweet",
vous incluez quelque chose qui au départ me fait plaisir mais qui
répond à une conviction à savoir que vous devriez
plutôt frapper au ministère des arts et de la culture qu'au
ministère des Communautés culturelles, d'où de votre part,
je pense, une perception... il y a dans cet énoncé, je pense, un
sous-entendu de perception de ce que devrait être l'intégration.
Culturellement, je crois que vous voulez dire que les communautés
culturelles ne doivent pas être des gens à part, comme vous l'avez
dit, d'où notre notion québécoise de pluriculturalisme
comparativement à la notion "Canadian" de multiculturalisme qui lui est
ce qui nous différencie, mais nous, plutôt, ce qui nous unit.
Donc, je vous avoue que cela est de nature à me plaire. C'était
la partie "sweet".
Vous vous doutez bien, je vais arriver à la partie "sour". De
tous les organismes, M. Taranu, vous êtes le premier qui arrive et qui de
façon très explicite attaque de front la notion de
souveraineté. Et je dois avouer être un peu ébranlé
puisque dans votre fédération vous regroupez des Baltes. Ce qui
est bon à Vilnius est bon à Montréal sur Saint-Laurent.
Vous
regroupez des Croates. La Croatie vient d'élire un gouvernement
indépendantiste. J'étais invité, malheureusement je n'ai
pas pu m'y rendre, mais ça sera pour bientôt. Des Slovaques. On
connaît très bien l'état actuel de l'opinion publique en
Slovaquie. D'ailleurs on ne dit plus Tchécoslovaquie, on dit
République fédérative tchèque et slovaque. Je vois
également qu'on représente des Ukrainiens, un pays qui jadis fut
indépendant, mais annexé par l'Union soviétique. Donc, je
vous avoue être un peu ébranlé de voir cela
Ceci dit, vous allez plus loin et vous dites: "Certains
prétendent, et cela sonne faux, que dans le cadre constitutionnel actuel
le Québec n'a ni le pouvoir, ni les moyens de réaliser les
objectifs du présent énoncé". Mais en parallèle, je
lis ce que M. Lee nous donne, M. Lee insiste en premier lieu en disant que rien
n'est plus naturel, et rien n'est plus normal pour les Québécois
d'avoir cette volonté d'accueillir surtout des immigrants qui
maîtrisent le français. J'apprécie énormément
ce que M. Lee dit. Il nous dit que cela ne doit pas empêcher de recevoir
les immigrants de pays où le français n'est pas dominant, et je
pense que nous en convenons tous. Mais M. Lee dit: J'aimerais redire une fois
de plus qu'il faudrait aussi permettre, dans une politique d'immigration, la
réunification des familles, frères, soeurs, fils, filles,
père, mère. On devrait favoriser la venue au Québec de
membres de la famille qui vivent encore à l'étranger. Mais cela
sonne faux aussi, puisque la réunification des familles est de
juridiction de l'État fédéral central. Donc, le
Québec n'a pas, dans le cadre constitutionnel, les pouvoirs que vous
souhaitez, M. Lee. Donc, il y a une contradiction, là. Comment
pouvez-vous m'expliquer cette perception?
Le Président (M. Gobé): M. Lee, la question
s'adresse à vous.
M. Lee: Excuse me, monsieur. "Concerning" ma recommandation, la
"family unification", le frère, le père, la mère, c'est
une bonne question. Je pense que le gouvernement, accepter les
réfugiés, les immigrants investisseurs, c'est correct, mais je
pense que ce n'est pas assez. L'immigration déjà établie
au Québec, ça fait longtemps, des générations. Ce
sont les jeunes, la catégorie que le gouvernement accepte le plus, le
frère, la soeur, le père, la mère, à venir...
M. Boulerice: Je comprends bien, M. Lee. Mais la question que je
vous pose, c'est que vous voulez une politique d'immigration qui favorise la
réunification des familles. You want the reunification of the families.
And I am telling you that, in the actual agreement with the Canadian Federal
Government, this power belongs exclusively to the Federal Central Government.
So, there is kind of a contradiction between your assertion and the first one
that says: In the actual constitutional agreement Québec has the powers
and means to realize the objective of his policy.
M. Lee: It is up to you, gentlemen in the National Assembly,
Madam of the Immigration Department, to help us to realize our objective.
M. Boulerice: Would you agree, Mr Lee, that in terms of
immigration we should not only have shared powers but all powers?
M. Taranu: Je peux répondre.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. Taranu, vous pouvez
répondre.
M. Taranu: Voici. Nous avons appuyé par un
télégramme et à deux reprises les démarches
entreprises par Mme la ministre Gagnon-Tremblay au sujet de l'entente sur
l'immigration, et nous avons réclamé ces pouvoirs que vous dites
être encore au fédéral. Si Mme Tremblay n'a pas obtenu tous
ces pouvoirs pour procéder aussi à la réunion des
familles, ce que nous avons soutenu dans notre énoncé, eh bien,
nous lui faisons la promesse, ici, que nous allons de nouveau l'appuyer pour
les obtenir. C'est un processus qui continue. Mais, si vous me permettez, je
crois que vous avez bien saisi qu'il n'y a pas d'ambigùité dans
ce que nous avons soutenu. Voyez-vous? Quand nous avons embrassé le
bilinguisme, c'était sous les conseils que la commission
Danton-Laurendeau nous a donnés. Vous vous rappelez?
M. Boulerice: Bon...
M. Taranu: Nous croyions que nous faisions, à ce
moment-là, de notre mieux pour faire plaisir, si vous voulez, ou pour se
conformer aux politiques du pays qui nous a accueillis. Je me dois de le dire
ici, quand nous sommes venus ici, nous avons choisi le Canada et je vous avoue
que le Canada ne nous a pas déçus. Alors, la conséquence
directe du biculturalisme, du bilinguisme, c'était le multiculturalisme
comme un corollaire, une prolongation. Et nous n'avons pas vu exactement de
mauvaises choses dans ce multiculturalisme. Évidemment, je sais qu'au
Québec le mot devrait être banni et nous l'avons remplacé
avec pluralisme dans la société. En somme, ça revient au
même. Je ne crois pas que le pluralisme des politiques culturelles ni
même celui social ou religieux puisse disloquer ou perturber, si vous
voulez, ce que vous entendez par la nation québécoise
française ou francophone, disons française. Je ne vois pas
vraiment-Évidemment, nous ne sommes pas pour un État-nation. Nous
avons connu le Canada; je viens de vous dire que le Canada ne nous a pas
déçus, au contraire il a répondu à nos aspirations
qui étaient celles de mener une meilleure vie que
celle que nous avons connue chez nous, pour nous et pour nos enfants.
Ceci, pour la plupart d'entre nous, le Canada a tenu parole, si vous voulez.
Si, au Québec, on cesse de nous appeler des immigrants, y compris mes
petits-enfants, si, au Québec, on cesse de nous appeler des
communautés visibles et invisibles, etc., si on nous appelle comme on
demande, des Québécois, alors, je ne vois pas ce qu'un
État-nation peut vouloir de plus de notre part. Je vous pose la
question.
M. Boulerice: Oui, mais vous sous-entendez, M. Taranu, que
l'immigration retire son bien-être au Québec du gouvernement
canadien. Je pense que les Québécois ont fait d'eux-mêmes
la preuve qu'ils donnaient le bien-être mais que ce n'était pas
uniquement et exclusivement l'action du gouvernement fédéral
canadien.
M. Taranu: Je crois que le Québec devrait agir davantage
au niveau de la sélection. Mme Gagnon a gagné ses epaulettes
là, il y a beaucoup de choses à faire là-dedans, c'est
très important. Nous n'avons parlé de l'intégration que
sociale et politique, c'est un autre objectif, mais il y a une
intégration qui se fait au niveau même de la sélection. On
donne maintenant des cours en français à Hong Kong. Ça,
c'est fait sous la Constitution canadienne actuelle et je ne vois pas pourquoi
on ne pourrait pas faire davantage. Ces gens-là vont recevoir des
messages précis. Ils vont savoir qu'en venant ici, au Québec,
ça se dit, ça s'écrit et ça se vit en
français.
Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Bien, écoutez, vous êtes au 3500 de la
rue Fullum, donc, on est voisin. Si la commission ne nous permet pas, à
cause de sa mécanique, de poursuivre le débat, je pense qu'on
pourra le faire très facilement d'ici quelques jours. M. Taranu, j'irai
vous voir. Je peux le faire à pied à partir de mon bureau et
même de ma résidence. Donc, on poursuivra le débat.
M. Taranu: Je vous invite.
M. Boulerice: Je vous remercie. Alors, je terminerai en vous
disant, pana panem, mesdames et messieurs, merci de votre présence
ici.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
conclusion, très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais également vous remercier
pour la présentation de votre mémoire et aussi vous
féliciter. Mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques a tou-
jours l'habitude d'être très fier des gens qui viennent
présenter leur mémoire parce qu'ils se retrouvent à peu
près toujours dans son comté. Alors, moi, je dois dire quand
même que je suis très fière aussi de voir que M. Lee se
retrouve dans ma région.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, j'ai ma revanche aujourd'hui et, bien
sûr, bon voyage de retour et merci beaucoup pour les propos que vous avez
tenus.
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs du
groupe, je vous remercie au nom des membres de cette commission et soyez
assurés que nous tiendrons compte de votre témoignage. Ceci
étant dit, je me dois maintenant de suspendre les travaux jusqu'à
14 heures cet après-midi et je souhaite à tout le monde un bon
appétit.
M. Taranu: Merci.
Le Président (M. Gobé): La commission suspend ses
travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Doyon): Les représentants du
Conseil du statut de la femme ont pris place à la table de nos
invités. Je leur souhaite la bienvenue.
M. Boulerice: M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Boulerice: Me permetteriez-vous, s'il vous plaît, un
point d'ordre? Dans un mémoire qui a été
déposé, qui est celui de la région de
Montréal-Centre, une page est attachée dans laquelle on donne mes
numéros de téléphone privés à Québec
et à Montréal. Alors, j'aimerais bien compter sur la
discrétion habituelle de mes collègues députés et
faire disparaître ces choses.
Le Président (M. Doyon): Ce sera fait, M. le
député.
M. Boulerice: Ne voulant pas connaître les
désavantages que vous avez subis, M. le Président, et pour
lesquels je sympathise.
Le Président (M. Doyon): Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, moi je me suis dit
comment le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques peut-il me donner
son
numéro de téléphone privé?
M. Boulerice: À vous, madame, spontanément...
Le Président (M. Doyon): Alors, on s'en occupe, M. le
député. Merci de nous l'avoir souligné et on fera en sorte
de vous éviter tous les désagréments qui pourraient
découler de cette légère indiscrétion. On comprend
ça!
Alors, bienvenue aux représentants du Conseil du statut de la
femme. Je les invite à se présenter. Ils disposeront d'environ
une vingtaine de minutes pour faire leur présentation, Mme la ministre
et les ministériels disposant d'un temps équivalent pour engager
le dialogue avec vous; le représentant de l'Opposition officielle voudra
sûrement faire la même chose. Alors, nous vous écoutons.
Conseil du statut de la femme
Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président.
D'abord, je vous présente, à ma gauche, Mme Monique
Desrivières qui est directrice de la recherche au Conseil du statut de
la femme et, à ma droite, Me Jocelyne Olivier qui est secrétaire
générale du Conseil.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission parlementaire, je veux d'abord vous remercier au nom des membres du
Conseil du statut de la femme de nous recevoir pour vous communiquer notre
point de vue sur l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration "Au Québec pour bâtir
ensemble".
C'est avec beaucoup d'intérêt et d'attention que nous avons
analysé cette politique innovatrice à bien des égards. Il
est intéressant d'ailleurs d'y retrouver fréquemment, même
si ce n'est pas toujours aussi explicite qu'on le souhaiterait, le souci de
considérer l'apport et les besoins spécifiques des femmes
immigrantes.
Notre propos portera principalement sur les mesures d'immigration et
d'intégration des femmes immigrantes à la société
québécoise. Avant d'exposer nos recommandations, je souhaiterais,
en premier lieu, faire quelques remarques sur un postulat de base de la
politique d'immigration, à savoir, l'inscription de la démarche
du ministère dans le cadre du défi du redressement
démographique auquel serait confrontée la société
québécoise.
Le Conseil du statut de la femme constate lui aussi comme bien d'autres,
le rythme décroissant du taux de natalité de même que ses
effets potentiels sur divers plans. Toutefois, les résultats des travaux
récents que nous avons menés nous incitent à apporter
certaines nuances relativement à l'interprétation très
souvent alarmiste que l'on donne de ce phénomène. Nous
n'exposerons pas, ici, l'ensemble de ces réserves car elles feront
partie d'un avis sur les questions démographiques que nous
déposerons prochainement au gouvernement.
Mais, par ailleurs, sans remettre en question le principe même de
l'immigration et conscients du fait que le Québec doit et a avantage
à accueillir des personnes provenant de cultures et d'horizons
différents, le Conseil craint cependant qu'une association aussi
étroite que celle qui est faite entre le redressement
démographique et l'immigration puisse conduire à un net
désintéressement pour une véritable politique familiale.
Nous estimons que seules les mesures qui permettent aux parents de concilier
leurs responsabilités professionnelles et familiales pourront
véritablement faire en sorte que les Québécoises et les
Québécois, quelle que soit leur origine, aient tous les enfants
souhaités. En somme, le Conseil n'est pas encore convaincu que tous les
efforts nécessaires ont été déployés pour
offrir aux femmes et aux parents des conditions plus favorables à la
natalité.
Suite à ces remarques, nos commentaires vont porter
particulièrement sur les moyens préconisés pour favoriser
l'intégration et la participation des immigrantes à la
société québécoise. En ce qui concerne les mesures
d'immigration, nous allons traiter du "counseling", de la grille de
sélection, du système de parrainage et des immigrantes
domestiques.
Dans le cadre du "counseling" des personnes candidates à
l'immigration, à notre avis, outre ce qui est déjà
prévu dans les politiques, il serait important que ces personnes soient
sensibilisées dès le départ au fait que le Québec
est une société où les femmes sont, sur le plan juridique,
égales aux hommes tant dans leurs droits que dans leurs obligations, que
la majorité des Québécoises nées au Québec,
comme celles nées hors du Québec, participent à la
main-d'oeuvre et que cette participation au marché du travail est de
plus en plus essentielle pour assurer un niveau de vie adéquat à
la famille.
En plus de favoriser un choix éclairé, de telles
informations permettraient aux personnes qui choisissent d'immigrer au
Québec de se faire une idée des changements qu'elles auront
éventuellement à effectuer, tant dans la perception du rôle
de la femme dans la famille et dans la société que dans leurs
comportements. C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement que des moyens
efficaces soient mis en oeuvre pour que toute personne voulant immigrer au
Québec, et non seulement le requérant principal, soit
informée de façon adéquate des principales
caractéristiques du Québec, notamment de la situation des
Québécoises en ce qui a trait à leurs droits et à
leur participation au marché du travail.
La grille de sélection s'applique à la personne
considérée comme requérante principale de la
catégorie des indépendantes. Ce sont donc, comme vous le savez,
les caractéristiques dune seule personne qui sont examinées pour
savoir si
le couple ou la famille a de bonnes chances de s'intégrer au
Québec, tant sur les plans économiques que linguistiques. Or,
généralement, le requérant est un homme, le
requérant principal. Les impacts d'une telle pratique sont lourds pour
les femmes. En effet, parce que les femmes qui ont un conjoint ne sont
généralement pas sélectionnées en fonction de leur
profession, elles ont moins de chances que celui-ci de se trouver un emploi qui
corresponde à leurs compétences professionnelles. C'est
particulièrement le cas de celles qui doivent faire partie d'une
corporation professionnelle pour exercer leur profession.
De plus, les programmes d'adaptation offerts s'adressant principalement
aux immigrantes et immigrants qui se destinent au marché du travail, la
grande majorité des conjointes à charge du requérant
principal se retrouvent souvent ainsi exclues de ces programmes. Ceci pose des
difficultés évidentes d'intégration pour celles qui ne
parlent pas le français et demeurent au foyer et nuit, de
surcroît, à l'intégration de leur famille. Elles seront
néanmoins nombreuses à quitter le foyer, malgré des
projets différents à leur arrivée au pays.
En effet, en 1986, la moitié des immigrantes participaient
à la main-d'oeuvre et le taux de participation était
particulièrement élevé, soit 73 % lorsqu'elles
étaient âgées entre 20 et 45 ans, c'est-à-dire
à l'âge où on élève des enfants. C'est
pourquoi le Conseil ne peut qu'approuver le gouvernement de vouloir
considérer davantage les caractéristiques socioprofessionnelles
des conjointes lors d'une prochaine révision à la grille de
sélection. À cet égard, nous recommandons donc que le
MCCI, lors du processus de révision de la grille de sélection,
procède à des consultations, notamment auprès de notre
Conseil, des groupes défendant les intérêts des femmes
immigrantes et des autres groupes qui désireront se prononcer sur cette
question.
Le parrainage. Si le parrainage facilite la venue d'immigrantes et
d'immigrants, il entraîne cependant des effets négatifs sur leur
intégration, particulièrement pour les femmes. Dans
l'énoncé de politique, le gouvernement annonce qu'il
réduira la durée de l'engagement exigée du garant à
trois ans dans le cas des conjointes et des enfants.
On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi une conjointe et des
enfants à charge qui viennent rejoindre un mari et un père
devraient être parrainés alors qu'ils ne l'auraient pas
été s'ils avaient immigré en même temps que lui. Le
parrainage est d'autant plus difficile à concevoir à
l'égard d'une conjointe ou d'un enfant à charge qu'il existe
déjà des lois établissant des obligations, d'une part,
entre conjoints et, d'autre part, pour les parents à l'égard de
leurs enfants. Compte tenu des conséquences négatives que peut
avoir le parrainage sur ces personnes, surtout lorsque la bonne entente
familiale fait défaut, le Conseil recommande que le gouvernement du
Québec entreprenne des pourparlers avec le gouvernement
fédéral, qui est responsable de la définition des
catégories d'immigration, pour que toutes les conjointes et enfants
à charge qui immigrent soient classés dans la même
catégorie que celle du mari ou du père même s'ils ne
l'accompagnent pas immédiatement dans le pays d'accueil.
Par ailleurs, à l'instar du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration, nous croyons qu'il ne devrait plus y avoir
d'incohérence entre les restrictions dues au parrainage et les droits
conférés par la citoyenneté car une telle
incohérence n'est pas conforme aux articles 10 et 15 de la Charte des
droits de la personne. Nous recommandons alors que la durée du
parrainage devienne la même que celle de la période de
résidence, c'est-à-dire trois ans.
Enfin, parce que toute personne immigrante, quel que soit son statut
à l'entrée, a besoin d'un support pour l'aider à s'adapter
dans son nouveau pays d'accueil, nous recommandons que les obligations de la
société d'accueil pour favoriser l'intégration des
immigrantes et immigrants permanents soient les mêmes quel que soit le
statut qui leur a été attribué à leur entrée
au pays. Que, par conséquent, le gouvernement donne un accès
égal à toutes les personnes immigrantes aux diverses mesures
d'intégration.
En ce qui concerne, maintenant, les travailleuses temporaires, nous nous
réjouissons des intentions du gouvernement d'établir un contrat
de travail entre la travailleuse domestique et son employeur. Par ailleurs,
nous recommandons que le gouvernement remette à chaque travailleuse
domestique, lors de son arrivée, une copie vulgarisée et dans sa
langue maternelle de la Loi sur les normes du travail. Également, parce
que la travailleuse domestique réside généralement
à son lieu de travail, il est plus difficile pour elle que pour les
autres travailleuses et travailleurs d'exercer un recours à la
Commission des normes du travail en cas de non-respect du contrat. Nous
recommandons alors que le MCCI établisse une entente avec la Commission
des normes du travail afin de mettre en place une mécanique de
vérification des contrats pour en assurer le respect.
Nous traiterons maintenant des mesures d'intégration. D'abord,
nous sommes bien conscientes qu'une bonne part de l'intégration passe
par l'accès au travail et que le travail au Québec impose la
maîtrise du français. Nous estimons néanmoins qu'il est
illusoire de lier aussi fortement l'admissibilité aux programmes de
formation linguistique à l'intention déclarée de se
destiner au marché du travail. D'une part, il faut absolument
reconnaître que l'apprentissage du français est aussi
nécessaire pour exercer une foule d'activités autres que celles
directement reliées au travail salarié, et, d'autre part, pour
certaines immigrantes, le travail hors du foyer est une
nouvelle réalité qu'elles doivent apprivoiser.
En conséquence, nous recommandons que les programmes de formation
linguistique s'adressent aux femmes de façon universelle,
c'est-à-dire sans tenir compte de leur intention, déclarée
ou non, de se destiner au marché du travail, et ensuite que les
programmes soient mieux adaptés aux conditions particulières des
femmes immigrantes, notamment que des mesures de formation linguistique en
emploi soient développées.
En regard du français langue de travail, nous sommes en accord
avec les mesures énoncées. Mais compte tenu des
particularités de la main-d'oeuvre immigrée féminine,
souvent non disponible pour des cours du soir en raison des charges familiales,
nous estimons qu'au moins une partie des efforts de francisation en milieu de
travail devrait concerner plus directement les femmes. Dans cet esprit, nous
recommandons que le programme de crédit d'impôt remboursable
réserve un volet spécifique à la francisation de la
main-d'?uvre féminine dans les secteurs où une forte
proportion de celle-ci se retrouvent.
L'amélioration des services d'accueil et de
référence pour les personnes constitue un objectif de la
politique que nous endossons. Cependant, compte tenu de la condition de
certains groupes de femmes, il nous semble que des mesures plus strictes
devraient être prises par le ministère. De plus, sans nier la
participation importante des organismes non gouvernementaux dans cet effort de
soutien à l'intégration, il nous semble que la
responsabilité qui consiste à transmettre une première
information doit revenir au ministère. Par ailleurs, dans le cadre de
programmes de subventions aux organismes qui oeuvrent dans te domaine de
l'insertion au travail, il y aurait lieu de prévoir un volet
spécifique pour les groupes de femmes qui exercent aussi leurs
activités dans ce domaine.
Par conséquent, nous recommandons que les services
concernés du MCCI entrent obligatoirement en contact avec l'ensemble des
immigrantes et immigrants, quelque soit leur statut d'immigration, qu'ils aient
ou non un certificat de sélection du Québec, et que des
organismes non gouvernementaux oeuvrant à l'insertion des femmes au
marché de travail soient spécifiquement
sélectionnés dans le cadre du programme de sélection.
En ce qui concerne la régionalisation, pour éviter que les
efforts de l'immigration ne conduisent à un trop grand isolement, ou
à un plus grand isolement pour les femmes immigrantes, nous recommandons
que les régions d'accueil, en collaboration avec le ministère,
favorisent l'implantation et le développement de groupes de femmes
immigrantes régionaux.
La situation des femmes immigrantes en emploi n'est pas très bien
documentée, mais, comme le précise l'énoncé, les
données disponibles suffisent amplement à justifier une
intervention. Même si ce constat est posé, le
Conseil n'est pas convaincu que les actions retenues puissent
régler les problèmes identifiés. D'une part, axer
principalement les actions autour de programmes d'accès à
l'égalité peut comporter des risques importants. En effet, dans
le secteur privé, les programmes sont d'application volontaire et,
depuis l'entrée en vigueur de cette mesure, seulement quelques
entreprises ont exploré cette voie. En outre, les premières
expériences semblent déjà révéler que les
résultats concrets sont minces.
Par ailleurs, lorsque l'on sait qu'une forte proportion des femmes
immigrantes sont concentrées dans de petites entreprises appartenant
à des secteurs durement touchés sur le plan économique, on
ne voit pas très bien comment l'intérêt pour un programme
d'accès à l'égalité pourrait se manifester. De
plus, dans le secteur du vêtement pour dame surtout, le travail à
domicile est toujours présent et regroupe une forte proportion de femmes
immigrées, des femmes qui ne seront jamais visées par un
programme d'accès à l'égalité.
D'autre part, le Conseil estime que les problèmes en emploi des
immigrantes appellent d'autres types d'intervention que les seuls programmes
d'accès à l'égalité, même si ceux-ci sont
assez englobants dans leur application. Il y aurait probablement lieu
d'insister davantage sur des actions en matière de formation
professionnelle et de reconnaissance des acquis "expérien-tiels", deux
domaines d'intervention qui visent avant tout à développer
l'employabilité.
Pour ces raisons, nous recommandons que les actions retenues dans le but
de favoriser l'intégration ne soient pas uniquement centrées sur
les programmes d'accès à l'égalité, que des actions
plus précises en matière de formation professionnelle soit mises
de l'avant à l'intention des femmes immigrantes et que les moyens visant
à reconnaître les acquis "expérientiels" et
académiques soient davantage utilisés.
En conclusion, l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration est un document d'une grande importance.
En effet, depuis la création du ministère, en 1968, c'est la
première fois qu'un document propose une réflexion et des mesures
aussi globales en matière d'intégration et d'immigration. Le
Conseil du statut de la femme se réjouit notamment du fait que des
mesures relatives à l'intégration soient désormais
indissociables de toute action en matière d'immigration.
L'énoncé sera suivi de l'élaboration d'un plan d'action
gouvernemental. Nous souhaitons que le MCCI, dans ce cadre, incite les divers
ministères et organismes concernés à traduire par des
mesures concrètes les interventions gouvernementales par rapport
à la problématique des femmes immigrantes.
Un grand pas a été franchi dans le cadre de
l'énoncé de politique. Il reste, nous semble-t-il, à
dépasser le caractère global de certaines mesures et à
agir concrètement pour que les
femmes venant d'ailleurs aient autant de chances de s'intégrer et
de participer à la société québécoise que
les hommes. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la présidente.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, Mme Lavigne. Remarquez que,
quand j'ai eu l'occasion d'être à la Condition féminine,
j'ai pu constater la qualité des études et des avis donnés
par le Conseil du statut de la femme et je dois vous dire que ça
continue de la même façon; votre mémoire est bien
structuré, votre mémoire est bien étoffé et je vous
félicite justement de la préparation de ce mémoire.
Ma première question concerne la sélection. Dans votre
mémoire, vous avez suggéré que les compétences
professionnelles des conjointes, parce que c'est généralement les
femmes qui sont conjointes et les hommes, les garants, soient davantage prises
en considération dans la grille de sélection, de même que
leur connaissance du français. Vous savez que nous pensons
peut-être, une fois qu'on aura expérimenté certains
projets, de modifier notre grille de sélection. D'autres intervenants et
intervenantes nous ont parlé de ce cas très précis,
à l'effet qu'on s'occupe très peu de fa conjointe. On se rend
compte qu'une fois arrivée cette conjointe est beaucoup plus
isolée et a beaucoup plus de difficultés à
s'intégrer. Souvent, c'est l'éclatement de la famille parce que
l'homme qui, généralement, travaille à l'extérieur
du foyer, sa mentalité évolue peut-être davantage, accepte
plus facilement la culture québécoise que la femme qui est
à la maison et qui est un peu plus isolée aussi parce qu'elle ne
parle pas souvent la langue.
Donc, on nous a suggéré aussi de prendre en
considération ce fait pour les conjointes qui accompagnent, bien
sûr, le demandeur principal. Est-ce que vous avez une idée, par
exemple, des points qui pourraient être attribués à
ça? Est-ce que ça pourrait... Est-ce qu'on devrait les
évaluer de façon individuelle? Est-ce que, par exemple, si on ne
peut pas... Si un demandeur principal n'est pas accepté, est-ce qu'on
peut regarder si l'épouse, la conjointe l'est? Si, par contre, il y en a
un des deux, qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là? Un des deux qui
ne répondrait pas à une grille de sélection, à ce
moment-là, est-ce que les deux ne seraient pas acceptés, seraient
refusés? Quelle est votre opinion là-dessus?
Le Président (M. Doyon): Mme Lavigne.
Mme Lavigne: Je vous remercie. C'est une question effectivement
fort complexe. Quand on fait une recommandation, c'est que finalement... Notre
recommandation sous-tend qu'on croit que la première expertise se
retrouve au sein du ministère et qu'il est capable de voir l'ensemble de
ces variables que vous mentionniez ce n'est pas évident et les variables
sont nombreuses. Effectivement, on aurait pu arriver et dire: Ça prend
un pointage égal entre femmes et hommes, mais vous l'avez justement
mentionné, ça peut poser toute une série de
problèmes particuliers et, par ailleurs, si ça peut être le
reflet de ce qu'on vit au Québec, ce n'est pas nécessairement le
reflet de situations que des femmes vivent dans certains pays où la
participation au marché du travail est beaucoup moins
développée. C'est pourquoi je pense que toute la question de la
grille doit faire partie d'un ensemble global où on analysera toute une
série de variables, notamment aussi en ce qui concerne les profils
socio-économiques. On sait que les femmes ici se retrouvent très
fortement dans des secteurs d'emplois ghettoïsés de manufactures.
Or, ça ne correspond pas au profil des travailleuses
québécoises. Alors, c'est le type d'éléments, je
pense, qu'on pourrait retrouver, de ne pas avoir une immigration qui a un
profil profondément différent de la population canadienne ou
québécoise. Il y a donc un équilibre au niveau des
professions. M pourrait y avoir aussi un équilibre au niveau du profil
général de participation des femmes au marché du travail.
On sait que plus de la moitié des femmes, 53 % des femmes au
Québec, sont sur le marché du travail. À cet
égard-là, quand on regarde un profil d'immigrantes, il faudrait
penser en termes d'employabilité, de gens qui ont une possibilité
de s'intégrer à peu près immédiatement et qui ont
un profil qui corresponde au profil de la société d'accueil. On
sait que c'est 70 % ou 71 % des Québécoises à l'âge
d'avoir des enfants qui sont sur le marché du travail et que chez les
immigrantes ça passe à 73 %. Alors, dans le bassin de femmes
immigrantes, il faudrait avoir des gens qui ont un profil
d'employabilité, qui fassent que le choc n'est pas trop... Je pense
qu'il y a toute une série d'éléments globaux comme
ça qui pourraient être considérés. (14 h 30)
On pourrait évidemment aussi penser à des grilles
conjointes ou à des critères conjoints. Je pense que ça
prend à la fois des consultations mais aussi un respect de
sociétés qui ont un travail informel, dans certains types de
sociétés, beaucoup plus développé qu'on ne l'a ici.
Donc, ce qui peut nous sembler une non-participation au travail, en
réalité, dans ces sociétés est une participation et
on n'a pas la même façon de le considérer. Donc, ça
demande, je pense, beaucoup de nuances et un travail. Mais on serait
disponibles comme d'autres organismes, je pense, à donner un
éclairage sur des projets de grille, mais ça nous semblait en
tout cas qu'on ne pouvait pas a priori vous proposer d'avoir un pointage
égal parce que je pense que la question est beaucoup trop complexe pour
ça. Il faut tenir compte de deux types de réalité.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais, par contre, si j'ai bien compris,
c'est que, si on avait à modifier notre grille de sélection, vous
souhaiteriez que l'on tienne davantage compte de l'adap-tabilité
professionnelle de la conjointe, par exemple.
Mme Lavigne: Oui. Ça, c'est essentiel. 73 % des femmes
immigrantes qui sont en âge d'avoir des enfants sont sur le marché
du travail. D'ailleurs, une étude qui avait été faite par
le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration montrait
qu'il y avait un écart assez grand entre l'intention
déclarée des femmes de venir sur le marché du travail au
moment de la demande d'immigration et la réalité; l'écart
est énorme. Souvent, on pense qu'on vient dans un oasis, dans un pays
merveilleux qui ressemble à l'image qu'on a des émissions de
Dallas. La réalité que vivent l'ensemble des
Québécoises, l'ensemble des Canadiennes est profondément
différente; la vie des femmes d'aujourd'hui et des familles, c'est une
vie à deux salaires. À cet égard-là, pour ne pas
avoir un choc, il doit y avoir, je pense, une base minimaie
d'employabi-lité et, aussi, de capacité, sinon, s'il n'y a pas la
langue en tout cas, toutes les ressources possibles pour qu'automatiquement on
puisse avoir accès à l'apprentissage du français.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire aussi, vous
recommandez que le gouvernement remette à chaque travailleuse
domestique, lors de son arrivée, une copie vulgarisée et dans sa
langue maternelle de la Loi sur les normes du travail. Vous aimeriez aussi que
le ministère établisse une entente avec la Commission des normes
du travail pour mettre en place un mécanisme de vérification des
contrats pour en assurer le respect. Est-ce que vous avez des suggestions
à faire à propos de ce mécanisme de vérification?
Est-ce que vous avez pris le temps de songer à ce mécanisme? Quel
pourrait être, par exemple, ce mécanisme de
vérification?
Mme Lavigne: Je pense qu'on le voyait principalement dans une
possibilité d'inspection comme ça existe pour une série
d'entreprises: inspection ou rapport ou vérification ou relevé,
une possibilité d'avoir un contact et que ce service soit donné,
mais on n'est pas allés au-delà du type de mécanisme.
Mme Gagnon-Tremblay: Sur la base par exemple de questionnaires
types qui pourraient être destinés à ces domestiques,
croyez-vous qu'on ne pourrait pas à ce moment-là repérer
ou détecter des problèmes, si l'on pouvait sous forme de
questionnaire les contacter? Croyez-vous que ça pourrait être un
mécanisme de vérification?
Mme Lavigne: Je dois vous dire que c'est une question qu'on n'a
pas explorée mais qui serait effectivement intéressante à
travailler avec la Commission des normes. Je pense que l'autre
élément qu'on soulignait et qui nous semblait important
là-dedans, c'est qu'il y a une distinction qui est relativement subtile
dans la Loi sur les normes où ce n'est pas évident... Une
travailleuse qui pense venir pour garder des enfants, donc, n'est pas
assujettie à la Loi sur les normes. C'est ce pourquoi il est important,
je pense, à l'arrivée de lui donner la loi parce qu'à
partir du moment où elle fait une portion du travail domestique elle se
retrouve assujettie à la Loi sur les normes. Donc, à
l'arrivée, une copie vulgarisée de tout ce qui concerne
l'environnement du travail domestique, s'il s'agit d'une travailleuse
domestique, c'est absolument important parce que le travail peut changer entre
le moment de l'arrivée et ce qu'on fait réellement, et pour que
cette travailleuse-là puisse connaître quels sont les recours
possibles ou les lieux de référence et aussi les associations de
soutien, qu'il s'agisse de l'Association du personnel domestique ou d'autres
types de lieux de référence. La Commission, quant à elle,
aurait aussi, comme c'est relativement nouveau, ce type de couverture qu'a la
Commission des normes... Je pense que les mécanismes sont à
élaborer quand il s'agit de travailleuses seules partout. Je sais que
ça peut être fort complexe et aussi il faudrait trouver une
façon qui ne soit pas trop onéreuse de le faire, sinon, on sait
que ça ne se fera pas.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, lorsque vous parlez
de parrainage, et là je ne sais pas si je vous ai bien comprise, vous
mentionnez que la durée du parrainage ou du garant ne devrait pas, par
exemple, dépasser l'obtention de la citoyenneté. Est-ce que pour
vous c'est la même chose? Vous faites la différence entre, par
exemple, la conjointe, les enfants et aussi les ascendants ou la famille
nucléaire ou la famille un peu moins immédiate ou bien si, par
contre, vous faites des nuances dans cette famille quant à la
durée? Vous savez qu'actuellement nous avons des durées de 5 ans
et de 10 ans; 10 ans pour la conjointe et les enfants, durée que nous
avons réduite à 3 ans. Par contre, nous avons conservé la
durée de 10 ans pour les ascendants et les autres membres de la famille
étant donné que nous avons pris en considération le fait
que, d'une part, dans le Code civil il y a déjà une obligation
alimentaire envers les conjoints et les enfants et, d'autre part, nous avons
pris en considération aussi le critère intégration
économique. On sait, par exemple, que, pour les ascendants, il est
beaucoup plus difficile de s'intégrer sur le marché du travail et
de pourvoir à ses propres besoins. Donc, il nous est apparu important
qu'on puisse conserver un certain engagement de la part des
Québécois qui font venir leur famille, entre
autres pour la famille un peu moins immédiate et les ascendants.
Est-ce que, pour vous... Lorsque vous parliez de cette durée qui devait
équivaloir à l'obtention de la citoyenneté, est-ce que
ça s'adresse aussi aux ascendants ou si c'était uniquement pour
la famille nucléaire?
Mme Lavigne: D'accord. Ce qu'on disait, c'est que... Je pense que
ce qu'on demande, d'une part, c'est que, lorsqu'il s'agit d'une conjointe, donc
si un requérant a fait une demande, mais n'a pas jugé bon de
faire venir avec lui, au même moment, conjointe et enfants, donc
uniquement descendants, famille immédiate pour laquelle il y a des
responsabilités très claire au niveau de nos lois, dans ce
cas-là, nous demandons que ces gens-là ne soient nullement soumis
au parrainage. Il existe des lois et c'est essentiellement une
réunification de conjoints et d'enfants et qu'ils soient traités
de la même façon que si la famille avait été
inscrite au moment de l'immigration. Je pense qu'il y aurait des adaptations de
grilles et, donc, si quelqu'un déclare être marié ou si
quelqu'un est marié, il devrait, à ce moment-là, fournir
quand même un certain nombre de données qui, si on a une
évaluation conjointe, puissent être intégrées
même si la famille pense suivre un an plus tard ou deux ans plus tard.
Bon. Alors, ça, c'est un premier volet.
Pour ce qui est du volet du parrainage plus large, étant
donné que le gouvernement a pris la décision de mettre en oeuvre
des mécanismes qui assurent le respect de l'engagement pris par un
garant ou une garante à l'égard des autres membres de cette
famille et étant donné que ce qui est prévu au niveau de
la citoyenneté est de trois ans, on ne voit pas pourquoi il n'y aurait
pas cohérence dans la mesure où nous appuyons... Qu'il y ait des
garanties, et il y en a de prévu dans la politique, on va être
davantage exigeants, et avoir de fermes garanties pour que le parrainage
n'entraîne pas un niveau de dépendance, une immigration davantage
dépendante. À ce moment-là, on trouvait que ce type de
garantie pouvait suffire à ramener le moment à trois ans.
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que, si le gouvernement a maintenu
les trois ans, c'est parce que, généralement, quand une personne
décide de venir s'établir au Québec et qu'elle
amène la famille, c'est parce qu'elle en a les moyens. Mais il peut
arriver cependant que la personne vienne s'établir ici pour se trouver
un emploi, qu'elle n'a peut-être pas tout à fait les moyens et
ça peut prendre un an et deux ans, par contre, avant de faire venir la
famille.
C'est un petit peu pour ça que nous avons conservé les
trois ans parce que, pour nous aussi, c'est important que ces
personnes-là ne se retrouvent pas non plus aux crochets de la
société parce que je pense que la population serait en
désaccord si, par exemple, ces personnes-là ne pouvaient pas
pourvoir aux besoins. Et, lorsque je parte des ascendants, souvent ce sont des
personnes qui intègrent très difficilement le marché du
travail ou qui ne l'intègrent pas du tout. Alors, si, par exemple,
après trois ans la famille ne pourvoit plus aux besoins de ses
ascendants, l'État devra y pourvoir; donc, n'est-fl pas raisonnable, par
exemple, que ce soit partagé par les deux? Déjà,
l'État pourvoit à certains services, mais n'est-il par normal que
le garant pourvoie aussi à ses besoins?
Mme Lavigne: Effectivement, là-dessus, je pense qu'en
stricts termes économiques il y a une logique qui se tient, mais dans la
mesure où il y a aussi des politiques plus globales de
réunification des familles et dans la mesure où on doit
établir un équilibre avec des droits qui sont reconnus à
un ensemble de citoyens, le problème qui se pose fondamentalement, c'est
d'avoir deux types de citoyens, d'avoir des citoyens et des citoyennes,
même, si ce sont des gens qui ne sont pas autonomes
économiquement, qui se retrouvent avec des droits différents de
l'ensemble des autres Canadiens ou Canadiennes âgés. C'est
vraiment la différence entre les deux qui pose un problème, qui
fait qu'il y en a qui doivent attendre 10 ans avant de se prévaloir de
l'ensemble des droits prévus dans les chartes.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Parce que ne croyez-vous pas
peut-être que justement, et je vais m'arrêter là-dessus, sur
ce sujet-là, le fait de ne pas demander de garantie pourrait parfois
nuire à la sélection à l'étranger? Sachant, par
exemple, que la personne ne peut pas correspondre à une personne qui
intégrerait le marché du travail et qui pourrait pourvoir
à ses besoins, ça pourrait même nuire à la
sélection à l'étranger de cette personne. Donc, le fait de
demander, par contre, une garantie pour pourvoir à ses besoins, à
ce moment-là, c'est peut-être plus facile d'accepter la
personne.
En tout cas, je pense qu'on est tous en train de réfléchir
sur cette question. Et je pense que ma dernière question
s'adresse...
Mme Olivier (Jocelyne): Est-ce que... Excusez-moi.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui?
Mme Olivier: Juste... En ce qui a trait aux ascendants, parce que
le problème que vous soulevez concerne davantage les personnes
âgées, par exemple, il ne faut pas oublier que dans le Code civil
il existe quand même une obligation alimentaire à l'égard
des ascendants. Les difficultés vont peut-être se poser davantage
avec des personnes qui n'ont pas de lien, où il n'y a pas d'obligation
alimentaire, mais l'obligation alimentaire subsiste à l'égard des
ascendants.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. On ne l'utilise pas beaucoup, mais
peut-être qu'on va venir à l'utiliser.
Écoutez, vous avez dit aussi que les régions d'accueil
favorisent l'implantation et le développement de groupes de femmes
immigrantes. Est-ce que vous souhaiteriez, par exemple, que ces groupes
s'associent davantage avec des groupes de femmes, des Québécoises
d'origine j'entends, des groupes déjà bien implantés
comme, par exemple, les fermières et l'AFEAS qu'on retrouve dans tous
les petits villages, qu'on retrouve à peu près dans toutes les
villes, dans tous les quartiers de grandes villes, plutôt que de
retrouver, par exemple, uniquement des groupes de femmes immigrantes? Est-ce
qu'on ne doit pas peut-être privilégier davantage ces
regroupements, ce rapprochement entre les groupes, entre la
société d'accueil et ces communautés plutôt que la
ghettoïsation, par exemple? Ne craignez-vous pas la
ghettoïsation?
Mme Lavigne: Je pense que les deux sont importants et c'est
vraiment dans ce sens-là qu'il faut lire les recommandations du Conseil.
Dans un premier temps, pour faciliter la première intégration, le
premier repérage à un ensemble de structures, ce qu'on appelle
finalement presque la première ligne, les groupes de femmes immigrantes,
surtout en région, dans la mesure où elles sont
nécessairement pluriethniques en régions, bon, ceux qu'on
connaît, que ce soit dans l'Estrie ou dans l'Outaouais - ce ne sont pas
des groupes comme à Montréal qui sont sur une base ethnique,
même multiethnique - sont fondamentalement des portes d'entrée et
des portes d'entrée qui doivent à ce moment-là servir de
lieu où on a une expertise particulière liée à la
première intégration. Que, de là, la
référence soit faite aux groupes, que ce soient les CEMO, de
réintégration sur le marché du travail ou des
différents groupes en santé ou des associations plus larges comme
les cercles des fermières ou les AFEAS. Je pense que c'est le premier
pas parce qu'il y a une expertise particulière et une expertise qu'on
retrouve surtout en région et qu'on ne retrouve pas dans les groupes de
femmes.
Les difficultés très concrètes que rencontrent des
femmes lors de leur première intégration, c'est davantage, je
pense, celles qui l'ont vécue qui sont en mesure de piloter la
société d'accueil. Mais les deux me semblent indissociables et,
à cet égard, quand on pense aux mesures d'intégration
économique dont on mentionne une recommandation un peu plus loin par
rapport à la formation, à la formation professionnelle, il va de
soi que les organismes qui ont développé une très forte
expertise, à la fois en réintégration sur le marché
du travail ou en formation de métiers non traditionnels, devraient avoir
aussi dans leur programme de travail quelque chose qui ressemble à des
pro- grammes d'accès à l'égalité ou, en tout cas,
un volet de leur travail qui devrait viser l'intégration des femmes des
communautés culturelles ou des nouvelles arrivantes.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
(14 h 45)
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lavigne. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, maintenant.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Inévitablement,
je vais joindre mes propos à ceux que tenait Mme la ministre, pour ce
qui est de votre mémoire. Vous touchez effectivement l'ensemble de la
problématique des femmes immigrantes. Et vous avez eu surtout la
sensibilité d'apporter celle des domestiques. Je me rappelle, dans la
région de l'Outaouais, il y a peut-être trois ans, on m'avait
dressé un portrait que je n'hésite pas d'ailleurs à
qualifier presque de cauchemardesque, la situation de ces femmes.
Je lisais en page 23 de votre mémoire une insertion qui vient du
Collectif des femmes immigrantes du Québec, donc, qui sont pour vous
forcément, et c'est dans la nature même des choses, des
alliées. Elles disent: "Lorsqu'une immigrante arrive au Québec,
son intégration et son adaptation dépendent essentiellement de
l'apprentissage du français. Sans cet outil, soit elle ne
dépassera pas les limites de sa communauté si elle reste à
la maison, ou soit, si elle travaille, elle se retrouvera confinée
à des ghettos d'emplois. Dans l'un ou l'autre des cas, l'isolement
prédomine et les conséquences sont nombreuses pour les femmes
immigrantes." Mais j'ai remarqué dans votre mémoire que vous
étiez - ce n'est pas un reproche, c'est une constatation - silencieuses
quant à un des objectifs de la politique qui est de favoriser
l'immigration francophone.
Ne croyez-vous pas, en fonction de l'assertion de vos collègues
du Collectif des femmes immigrantes, que l'intégration des femmes
immigrantes serait plus facile si déjà un plus grand nombre
d'entre elles parlait le français à l'arrivée?
Mme Lavigne: Oui, effectivement, c'est une question qui n'a pas
été discutée en tant que telle au Conseil et pour laquelle
on n'a pas pris position, dans la mesure où on pense que
l'intégration relève de multiples facteurs. Certes, il y a la
langue, mais une langue aussi ça s'apprend. Il y a aussi des modes de
relations parents-enfants. Il y a son employable. Il y a sa formation
antérieure. Il y a toute une série d'éléments pour
lesquels c'est sûr que l'intégration d'une personne qui est
analphabète va être beaucoup plus longue pour elle, même si
elle est francophone, que pour une personne qui est fortement
scolarisée, ou qui même a un diplôme d'études
secondaires et un métier et qui ne parie
pas le français.
C'est pourquoi je pense que c'est le genre d'élément qu'on
doit analyser en fonction des perspectives budgétaires qu'on a ou du
type d'investissement qu'on veut mettre dans des cours de langue. Mais je pense
qu'un cours de formation professionnelle, qui coûte deux ans ou trois
ans... avec trois ou quatre ans d'alphabétisation il coûte aussi
cher qu'un cours de langue. Et, à cet égard-là, les
obligations de la société d'accueil sont aussi lourdes. Donc, la
question finalement de la francisation, je pense que là-dessus il y a
beaucoup d'éléments dans la politique gouvernementale qui
démontrent que c'est large et multiple et qu'il ne suffit pas de parler
français en arrivant. Encore faut-il se retrouver dans un milieu qui
parle le français.
Et, à cet égard-là, il y a différentes
mesures. Alors, si on n'en a pas parlé, c'est ni parce qu'on
était en désaccord, ni en accord. On pense que c'est une question
qui est multiple et l'intégration des femmes repose sur plusieurs
éléments et non seulement sur la question de la langue. Mais elle
est fondamentale. Même si on est au foyer, il est absolument essentiel
qu'on ait accès à ces cours de langue.
M. Boulerice: Vous - je dis vous, c'est un vous collectif, Mme
Lavigne - du Conseil du statut de la femme, avez comme mandat de promouvoir
forcément l'égalité de la femme. C'est un sujet fort
heureusement dans ce pays extrêmement sérieux. Quiconque y
déroge, même les juges, se fait rabrouer à juste titre,
d'ailleurs. Vous n'êtes pas sans savoir que l'on joue avec des concepts
lorsqu'on discute d'immigration - je suis persuadé que ma
collègue Mme la députée de Saint-Henri va apprécier
ma question - on joue avec des concepts de pluriethnicité,
pluricul-turalisme, multiculturalisme et enfin on ajoute beaucoup de ces
"ismes" comme tels. Mais vous n'êtes pas sans savoir que, dans les
requérants du statut d'immigrant, il existe des sociétés
où culturellement, où politiquement, où, pour des raisons
d'ordre religieux, et on nous dit qu'il faut respecter ces distinctions de la
part des nouveaux arrivants... il existe des demandeurs qui peuvent provenir de
pays où malheureusement la femme n'a pas atteint le même statut
qu'ici dans ce pays. Quelle devrait être notre attitude? Leur permettre
de reproduire ici les schémas sociaux du pays d'origine, en vertu du
principe qu'il faut respecter leur caractère distinct à eux
aussi, ou bien non dire que chez nous cela se passe comme cela, et il n'est pas
question que la femme immigrante devienne au Québec une citoyenne
québécoise de seconde zone? Je pense que vous comprenez bien ma
question, Mme la présidente.
Mme Lavigne: Oui, oui. Écoutez là-dessus...
M. Boulerice: Pour moi elle est très fon- damentale en
tout cas.
Mme Lavigne: Oui, effectivement elle est fondamentale, et c'est
pourquoi nous croyons que, dès le moment de la sélection des
candidatures, des candidats à l'immigration, il est absolument essentiel
que les gens sachent dans quelle sorte de société ils vont se
retrouver. Donc, qu'à la base il y ait une information et qu'à la
base aussi les femmes soient informées, qu'il n'y ait pas que le
requérant, et, si c'est un requérant qui aime ça avoir une
femme soumise, il ne lui montrera jamais l'information. Bon. Que chacun qui
veut venir puisse savoir quels sont les droits des gens.
Par ailleurs, la politique propose un élément qui est fort
intéressant, qui est toute la notion de contrat moral, et notion de
contrat moral qui implique le respect des valeurs fondamentales d'une
société. Là-dessus, là où on aimerait que la
politique soit davantage précise, on pense que, dans les valeurs
démocratiques de base de cette société,
l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur
démocratique de base. Et, à cet égard, de la même
façon que toute personne immigrante, et ça il me semble que c'est
le Conseil économique du Canada que vous voyez cet après-midi qui
l'a proposé... Dans les éléments du contrat moral, qu'on
donne très précisément les choses auxquelles on doit
s'attendre, qu'il y a des éléments autant au Canada qu'au
Québec qui sont des valeurs communes, que ce soit la séparation
de l'Église et de l'État, que ce soit l'égalité
entre les femmes et les hommes. Que la violence à l'égard des
enfants est une chose totalement intolérable dans cette
société; que la violence à l'égard de son
épouse est aussi intolérable. Et ça, ça doit
être des choses qui sont connues, et que des intervenants sociaux
n'hésitent pas à intervenir et rappeler aux citoyens que dans
cette société on vit ainsi.
Ça ne veut pas dire en contrepartie qu'on ne respectera pas des
valeurs sociales, des valeurs culturelles tradionnelles, parce qu'il y a des
éléments de dignité humaine qui transcendent
au-delà de toute une série de valeurs, et certains pourront
penser que dans certains pays, dans certains pays qui sont en guerre il y a des
éléments d'égalité de femmes et d'hommes qui
existent, et la différence est très variable d'un endroit
à l'autre. Et entre le discours officiel, ce qui est charrié, et
ce que les femmes vivent en réalité, il y a de profonds
écarts et de très grandes différences. Et là-dessus
aussi l'arrivée provoque effectivement des chocs et les femmes sont
généralement les principales gagnantes. À partir du moment
où elles sont sorties de leur isolement, que 73 % de celles qui sont en
âge d'avoir des enfants sont aussi sur le marché du travail,
qu'elles voient l'autre réalité, il est évident que les
rapports se modifient. Ce qui est important, c'est que les gens sachent, avant
d'arriver, que ça va modifier leurs rapports
familiaux, qu'il y a des perceptions à actualiser et à
s'adapter. Et ça, ça fait je pense partie effectivement du choc
de la transplantation pour certains. Ça on ne peut pas le nier. Mais il
y a des éléments sur lesquels on ne peut pas, comme
société, reculer, ce qui ne veut pas dire une fermeture sur
d'autres éléments de culture. Mais il y a des
éléments qui sont la dignité humaine fondamentale, le
respect de tout humain qui transcendent les cultures nationales. À cet
égard-là, on a un droit de respect. Ça répond
à votre...
M. Boulerice: Oui, oui.
Mme Lavigne: ...profonde question?
M. Boulerice: A ma profonde question. Ce matin, nous avions le
plaisir d'avoir Mme Santas, qui est une Québécoise d'origine
hellénique, qui d'ailleurs disait qu'après 16 ans au
Québec elle avait fait sa propre révolution en tant que
femme.
Vous dites, dans votre mémoire, que les programmes d'accès
à l'égalité ne suffisent pas pour favoriser l'accès
des femmes au marché du travail. Las autres mesures à mettre de
l'avant pour réaliser cet objectif devraient être lesquelles,
d'après vous?
Mme Lavigne: Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas miser tout sur
les programmes d'accès à l'égalité. Est-ce que
c'est ça, le sens de votre question: Quelles sont les mesures
alternatives?
M. Boulerice: Oui.
Mme Lavigne: Bon. C'est compte tenu, d'une part, des limites des
programmes d'accès à l'égalité qui peuvent
être intéressants pour l'entrée, même s'ils sont
globaux. C'est important, nous semble-t-il, qu'il y ait des mesures
liées à la reconnaissance des acquis d'expérience, des
mesures qui peuvent être liées aussi, ne serait-ce qu'à la
traduction, à la traduction des diplômes, à un
véritable système d'équivalences, à un accès
aussi continu au système d'équivalences. Dans le moment, la
reconnaissance, la traduction des diplômes se fait juste à
l'intérieur de trois ans; on ne la fait plus au-delà de trois
ans. Or, souvent, des femmes ont une entrée différée sur
le marché du travail. Et ce type de service là, c'est important,
parce que ça nous prend la reconnaissance. Donc, beaucoup plus de
souplesse sur la reconnaissance des acquis, sur la reconnaissance des
diplômes, les équivalences.
De plus, davantage de mesures. Ça, c'est tout le problème.
C'est lié à notre grand problème québécois
de formation professionnelle. Mais ça nous prend une formation
professionnelle davantage adéquate, un autre sujet que vous connaissez
fort bien et qui est lourd, mais pour lequel il faut, je pense, cheminer
parallèlement et avoir un accès beaucoup plus fondamental
à l'ensemble des mesures de formation professionnelle et aussi davantage
d'ouverture des cours pour les personnes qui sont analphabètes et des
mesures plus générales d'adaptation du marché du travail
à la réalité des femmes immigrantes, des cours aussi qui
peuvent être... Je pense à des cours de formation en emploi.
Vous parlie2 de différences culturelles. Une de nos membres du
Conseil qui est membre de la communauté hellénique - c'est un
problème très concret - son mari ne veut pas qu'elle sorte le
soir pour aller suivre un cours. Elle va travailler le jour et il ne veut pas
qu'elle sorte, et en plus il y a les enfants. Je pense qu'il y a des
situations... Elles existent, ces situations de tension. Elles sont difficiles
et font très souvent éclater les familles. Mais il faut
être capable de penser à des modalités
d'intégration, de formation qui s'inscrivent aussi à
l'intérieur du marché du travail parce que les femmes ont
à la fois à s'occuper de leur famille et faire leur
métier, et c'est littéralement impossible, la plupart du temps,
de suivre un cours le soir, un cours de formation professionnelle. Donc, plus
d'adap-tabilité dans les mesures.
M. Boulerice: Mais qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va
prendre comme mesure pour changer cette mentalité-là et dire
à ce monsieur: Écoutez, ça n'a pas d'allure de vouloir
absolument empêcher votre épouse de sortir le soir pour suivre un
cours de perfectionnement ou: Votre statut social comme votre statut financier
va en être profondément modifié, donc, un bien-être
supplémentaire? Comment va-t-on arriver à faire cela? Parce que
je pense qu'il faut changer ces mentalités-là, si on veut vivre
au Québec, à mon point de vue.
Mme Lavigne: Écoutez, je pense qu'en réponse
à ça on pourrait vous demander comment des centaines de milliers
d'hommes québécois qui ont dit, il y a 20 ans: Jamais, ma femme
ne va travailler, et dont toutes les femmes sont sur le marché du
travail... Comment s'est fait le changement? Alors, là-dessus, le
changement va se faire de lui-même. D'abord, d'une part, il y a une
nécessité économique. Je pense qu'une famille, des gens
dans un couple sont des êtres qui ont une très forte
rationalité économique, et deux salaires, c'est davantage qu'un
salaire; là-dessus, il y a une série de conditions et ça
modifie profondément les relations entre des individus. (15 heures)
Ce qui est important, je pense, pour un État et des corps
publics, c'est de ne pas créer des conditions désincitatives,
c'est de délimiter tout ce qui pourrait être là comme
barrière, mais, pour le reste, les femmes ne sont pas bêtes, les
couples non plus, les familles des gens ne sont pas bêtes. Les gens vont
se réajuster à
leur rythme et ce n'est pas à l'État à aller dire
à un homme ou à une femme: Votre comportement ne correspond pas
à... Je pense qu'il faut accepter aussi, comme société,
qu'on n'a pas le monopole de la vérité là-dessus et qu'il
y a des comportements, certes, qui sont inacceptables en fonction de nos
chartes, qui sont des valeurs de base, mais là il y a des
éléments d'ajustement et les gens, je pense, ont une vie
privée à vivre. Dans ce sens-là, ce qui est important pour
l'État, c'est de créer le maximum de mécanismes
d'accessibilité et qui correspondent à des difficultés
ponctuelles que les gens vivent; la vie va faire le reste.
M. Boulerice: Enfin, une toute dernière question. Vous
soulignez le problème que cause l'apprentissage de la langue parce qu'on
travaille, certaines autres conditions. Quel serait, d'après vous, la
meilleure politique au sujet de l'apprentissage de la langue pour les femmes
immigrantes?
Le Président (M. Doyon): Long sujet, brève
réponse, s'il vous plaît, Mme Lavigne.
Mme Lavigne: Nous croyons qu'il devrait y avoir fondamentalement
un accès universel. Sur près de 4900 femmes qui sont
entrées l'an dernier, qui ne parlaient pas le français, seulement
42 % d'entre elles ont eu accès à des cours de français et
ça, c'est très grave. Dans ce sens-là, ce qui est
important, c'est, je pense, des mesures universelles d'accessibilité
à l'apprentissage de la langue et dépendant des lieux, pas
uniquement de prendre pour acquis que toutes les femmes vont mener des enfants
à l'école. Donc, ce n'est pas juste à l'école qu'on
doit en avoir et, pour certaines, c'est dans les milieux de travail et, pour
d'autres... Donc, avoir toute une série de formules souples qui
répondent à des réalités qui sont multiples et
différentes, donc qui impliquent que les lieux qui s'en occupent soient
proches des gens. Sauf qu'il y a la notion d'accès universel et qui ne
soit pas faite... Accès universel, entendons-nous bien, accès
universel au même type de conditions qui l'entourent, parce qu'on nous
dira qu'il y a des programmes pour les femmes au foyer, mais, entre un
programme qui donne une allocation par mois qui est minime par rapport à
un autre programme qui destine au marché du travail où
l'allocation est élevée, le choix se fait assez rapidement par
les gens. Dans ce sens-là, c'est davantage ce type
d'accessibilité là qui permettrait de le régler.
M. Boulerice: Je vous remercie. Je crois que la liste des
recommandations que vous avez présentées devra très
certainement, à mon point de vue tout au moins, être retenue dans
l'élaboration du plan d'action de cette politique. Je vous remercie
beaucoup, madame.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, quelques mots de
remerciement?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous remercie. Vos recommandations
sont toujours aussi pertinentes. Je dois vous dire que je travaille,
actuellement - justement, les problèmes que vivent les femmes
immigrantes me préoccupent beaucoup - au ministère sur un pian
d'action des femmes immigrantes que nous ferons connaître d'ici quelque
temps. Je remarque que plusieurs recommandations pourront être
intégrées à ce plan d'action. Alors, merci infiniment pour
vos recommandations.
Mme Lavigne: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup à toutes
les trois. Je demanderais, maintenant, de permettre à d'autres
personnes, dès que vous aurez eu le temps de vous retirer, de
s'approcher à la table de nos invités. Il s'agit des
représentants du Conseil économique du Canada, non, de la
Commission des droits de la personne, pardon, représentée par Mme
Petsalis et par M. Wolde-Giorghis. Ils sont en train de prendre place, je leur
souhaite la bienvenue. Je les invite à se présenter et de nous
faire la lecture, s'ils le veulent bien, de leur mémoire, une vingtaine
de minutes à peu près, suivi d'un temps partagé entre
l'Opposition et le parti ministériel pour ce qui restera. Vous avez la
parole.
Commission des droits de la personne
M. Lachapelle (Jacques): Alors, merci, M. le Président,
Mme la ministre, mesdames et messieurs, je voudrais d'abord, bien sûr,
vous présenter les gens qui m'accompagnent, vous les avez
mentionnés tantôt, M. Wolde-Giorghis, qui est directeur de la
recherche à la Commission des droits de la personne, et, à ma
droite, Mme Sophia Florakas Petsalis, qui est vice-présidente de la
Commission des droits de la personne.
Tout d'abord, je voudrais remercier cette commission d'avoir offert la
possibilité à la Commission des droits de la personne
d'être aujourd'hui parmi vous pour vous entretenir quelques minutes de
cette importante question qui est contenue dans un énoncé du
gouvernement du Québec qui a été rendu public le 4
décembre dernier, un énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration. La Commission des droits de la personne
a été associée d'une certaine façon à la
préparation de commentaires autour de ce document, mais nous aimerions
quand même, sur certains aspects, vous offrir nos commentaires.
Vous nous permettrez peut-être dans un premier temps de relever
certains aspects de cette politique qui est contenue dans un document
extrêmement large, mais de relever certains
aspects qui interpellent particulièrement la Commission des
droits de la personne, au risque peut-être d'être redondant sur des
questions qui sont déjà soulevées dans ce document.
Tout d'abord, les grandes orientations de la politiques sont
basées, entre autres, sur deux principaux éléments:
l'immigration est un facteur de développement et un atout pour l'avenir
du Québec sur le plan démographique, économique,
linguistique et socioculturel; la contribution de l'immigration à ces
défis dépend étroitement de l'intégration et de la
pleine participation des immigrants et de leurs descendants à la
société québécoise.
Le gouvernement entend appuyer son action sur les grandes orientations
suivantes: en matière d'immigration, une sélection des immigrants
contribuant au développement d'une société francophone et
à une économie prospère dans le respect des valeurs
québécoises, de réunification familiale et de
solidarité internationale; en matière d'intégration, le
développement des services d'apprentissage du français et la
promotion de son usage auprès des immigrants et des
Québécois des communautés culturelles.
Les principes de base: elle est d'application universelle et non
discriminatoire en regard de la race, de la couleur, de l'origine ethnique ou
nationale ou de la religion ou du sexe; la sélection des candidats
indépendants se fonde sur l'évaluation de leurs chances
d'établissement au Québec; une politique de sélection
responsable nécessite un arbitrage entre les objectifs
économiques, démographiques et linguistiques.
Les principaux objectifs de la politique en matière d'immigration
consistent entre autres à augmenter la proportion de l'immigration
francophone, à maximiser les retombées économiques de la
sélection des immigrants indépendants et de l'immigration
temporaire.
Durant les prochaines années, le gouvernement a l'intention
d'accentuer son action pour non seulement maintenir mais surtout augmenter les
proportions d'immigrants francophones dans le flux total tout en s'assurant de
sélectionner des candidats susceptibles de s'intégrer au
marché du travail. On parie de 40 % d'ici à 1995.
L'adaptabilité professionnelle. La sélection d'immigrants
appartenant à la catégorie des indépendants est
conçue en vue de soutenir le développement d'une économie
prospère et dynamique. C'est pourquoi, tout en maintenant les mesures de
sélection axées sur la satisfaction des besoins conjonctuels du
marché du travail, le gouvernement entend compléter celle-ci en
créant un programme expérimental fondé sur le potentiel
d'adaptabilité professionnelle des candidats, à savoir la
formation du candidat, son expérience professionnelle, sa connaissance
du français, son âge, sa connaissance du Québec, ses
qualités personnelles: leadership, esprit d'initiative, etc.
En matière d'intégration - et c'est là, bien
sûr, une question qui préoccupe grandement la
Commission des droits de la personne - trois défis sont
signalés dans l'énoncé, la dynamique sociolinguistique:
adresser aux Immigrants un message sur l'importance du français qui soit
correctement perçu comme un message d'appartenance à la
société québécoise; la nouveauté de la
problématique de l'intégration en milieu francophone: le
Québec doit certes répondre aux besoins de nouveaux arrivants,
mais il doit également assurer le rattrapage qu'implique la pleine
participation à la vie collective des individus appartenant à des
communautés d'implantation plus anciennes; le contexte de hausse de
niveaux d'immigration et de diversification de flux migratoires: la situation
géopolitique actuelle entraîne dans tous les pays d'immigration
une diversification des flux migratoires où sont de plus en plus
représentés des immigrants de races différentes et de
culture non occidentale. "Cette évolution - dit le mémoire -
exige un effort accru d'adaptation des institutions aux besoins des
clientèles dont les cultures, les valeurs et les coutumes peuvent
être éloignées des nôtres. De plus, si les
Québécois acceptent en général de partager leur
quotidien avec des personnes de races différentes, l'émergence
d'une société de plus en plus multiraciale exigera de lutter
davantage contre la discrimination et le racisme.
Le gouvernement fixe donc les trois objectifs suivants en matière
de relations intercommunautaires: développer la connaissance et la
compréhension de la société québécoise chez
les immigrants et les Québécois des communautés
culturelles; développer la reconnaissance de la réalité
pluraliste dans l'ensemble de la population; soutenir le rapprochement des
groupes qui vivent des situations d'isolement avec la majorité
francophone et favoriser la résolution des tensions
intercommunautaires.
Vu dans son ensemble, l'énoncé de politique est un
document fort complet n'esquivant aucun des problèmes que peut soulever
le phénomène d'immigration dans une société, quelle
qu'elle soit, et plus particulièrement au Québec. Le gouvernement
se donne des orientations et des objectifs légitimes sans nier les
défis qu'il aura à affronter lors de la mise en oeuvre de la
politique. Tout au long de la présentation des différentes
parties de cette nouvelle politique, on note une grande sensibilisation et une
ouverture à la réalité pluraliste de la
société québécoise. Il est mis un accent tout
particulier sur l'importance qu'on confère à la connaissance de
la langue française, facteur essentiel pour une meilleure
intégration et au rôle qu'on entend faire jouer à
l'immigration dans le développement économique du Québec
et sa prospérité dans ce domaine, en établissant des
critères de sélection destinés à mieux atteindre
les objectifs arrêtés.
Comme, bien sûr, il peut y avoir une différence entre
l'énoncé de ces principes clairs et l'interprétation de
ces mêmes principes dans les faits, notre Commission aimerait attirer
l'attention du gouvernement sur certains points qui requerraient, de sa
part, une vigilance constante et soutenue pour assurer le respect des droits
des personnes impliquées et prévenir, le cas
échéant, la discrimination lors de la mise en oeuvre
concrète de la politique énoncée.
La Charte des droits et libertés et l'immigration. L'immigration
constitue, surtout ces 20 dernières années, l'une des questions
les plus préoccupantes en raison de l'ampleur qu'a prise le mouvement
migratoire au plan international. À cet égard, dans un document
publié par le gouvernement canadien, en 1986, le nombre de personnes se
trouvant dans une telle situation s'élèverait à 80 000 000
dont 10 000 000 à 15 000 000 sont des réfugiés. Les causes
de l'immigration ont généralement été d'ordre
économique, sans négliger l'importance de plus en plus grande
accordée aux causes politiques des déplacements massifs de
population dans le monde.
Les immigrants sont aujourd'hui le plus souvent originaires des pays du
tiers monde venant vers les pays développés du Sud vers le Nord.
Le nombre d'immigrants non blancs dépasse largement celui d'immigrants
blancs. Le plus grand défi qu'affrontent les pays d'accueil, comme le
Canada et le Québec, c'est de prendre en considération ces
nouvelles données en vue de repenser et de réadapter en
conséquence leur politique en matière de sélection des
candidats et d'intégration des nouveaux arrivants dans leur nouveau pays
d'adoption. Pour ce faire, ils devraient s'inspirer des idéaux contenus
dans la Charte canadienne et québécoise des droits et
libertés de la personne et offrir une égalité de chances
aux personnes concernées sans distinction fondée notamment sur la
race, la couleur, la religion, l'origine ethnique ou nationale. Les principes
de justice et de paix inscrits dans ces chartes commandent une ouverture sur le
monde et une solidarité internationale visant à réduire le
fossé qui existe entre les pays riches et les pays pauvres. Il serait,
en effet, trop égoïste de la part des pays d'accueil plus
fortunés de prôner les vertus du respect des droits et des
libertés de la personne à l'intérieur de leurs
frontières et de les ignorer quand il s'agit d'en faire
bénéficier les ressortissants d'autres pays. À cet
égard, c'est avec satisfaction que la Commission note qu'on
réaffirme dans l'énoncé de politique que la
sélection québécoise est en principe exempte de
discrimination fondée sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou
nationale, la religion ou le sexe et qu'elle est d'application universelle.
En effet, même s'il est admis qu'il n'existe pas un droit à
l'immigration comme tel, il ne serait pas inopportun d'invoquer les principes
inscrits dans la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne à rencontre de politiques ou pratiques du gouvernement du
Québec qui ne seraient pas conformes à l'esprit de ces
mêmes principes. (15 h 15)
La répartition des bureaux d'immigration à
l'étranger. Par ailleurs, en privilégiant, par le biais de
critères de sélection, les diplômés, les
professionnels, les gens d'affaires ou les détenteurs de capitaux, la
politique énoncée n'aurait-elle pas pour conséquence que
le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
concentre son attention sur les bureaux d'immigration se trouvant dans les pays
riches et industrialisés où il estime, à tort ou à
raison, qu'il a plus de chance de succès de rencontrer des personnes
répondant à de tels critères et de négliger les
ressortissants de certaines régions du tiers monde comme l'Afrique?
Après avoir admis, par exemple, que l'Afrique subsaharienne
constituait un des principaux bassins d'immigration francophone, il est
précisé dans l'énoncé ce qui suit. "En Afrique,
où le contexte politico-économique incite davantage à la
migration, le français ne constitue dans la plupart des cas que la
seconde langue d'une minorité de la population. De plus, dans tous les
cas, le Québec doit s'assurer que les candidats
sélectionnés puissent s'intégrer au marché du
travail." À ces remarques plutôt négatives concernant
l'Afrique, s'ajoute le fait que le gouvernement tient à refléter,
par ailleurs, dans l'énoncé, que "la diversification des flux
migratoires où sont de plus en plus représentés des
immigrants de races différentes et de cultures non occidentales... exige
un effort accru d'adaptation des institutions au besoin de clientèles
dont les cultures, les valeurs ou les coutumes peuvent être
éloignées des nôtres". Une telle position ne
conduira-t-elle pas à décourager à l'avenir le recrutement
de clientèles francophones ou facilement francophonisables venant des
pays du tiers monde et plus particulièrement de l'Afrique subsaharienne?
N'est-il pas éloquent à cet égard de noter l'absence d'un
service québécois d'immigration dans ce continent qui compte
pourtant un très grand nombre d'États d'expression
française?
Dans l'énoncé de politique, sous le thème de
l'accroissement des volumes d'immigration en fonction des besoins et de la
capacité d'accueil, il est bien souligné que des efforts
additionnels s'imposent pour optimiser l'efficacité des
opérations à l'étranger, mais, dans ce contexte, n'y
montre-t-on pas plutôt une tendance à privilégier certaines
régions comme l'Europe de l'Est au détriment d'autres, quand il
s'agira "de revoir la configuration du réseau et des ressources
consacrées à chacun des services d'immigration... suite à
l'évolution de la conjoncture internationale"?
Le fait de ne pas ouvrir des bureaux dans certaines régions ou de
réduire leur nombre au minimum aurait pour effet de désavantager
les ressortissants de certains pays dans la procédure de
sélection en leur imposant un trop long délai
allant de trois à quatre ans pour examiner leur candidature.
C'est ainsi qu'on a pu constater que le Canada possède une douzaine de
bureaux répartis sur le territoire des États-Unis, alors que les
ressortissants américains ne constituent en principe que 8,3 % de la
totalité de l'immigration. Tandis qu'en Inde, avec un pourcentage
à peu près équivalent, 7,9 %, on n'y compte qu'un seul
bureau, de même qu'il existe cinq bureaux en Grande-Bretagne, avec un
nombre peu élevé de candidats immigrants en provenance de ce
pays. Cette tendance au niveau fédéral ne devrait pas servir de
référence à la politique qu'entend adopter le
Québec dans ce domaine pour le futur.
Pour bien marquer l'absence de discrimination dans la sélection
des immigrants, il est précisé dans l'énoncé qu'au
Québec la proportion d'immigrants d'origine européenne est
passée de 61 % en 1968 à environ 20 % en 1989 et que, dans la
même période, on assiste à un accroissement d'immigrants en
provenance des pays du tiers monde. En soi, une telle information demeure
incomplète tant qu'elle ne sera pas accompagnée de pourcentages
de refus par rapport aux demandes présentées dans l'un et l'autre
cas et tant qu'on n'aura pas établi une comparaison des causes de refus.
Il y a donc lieu d'exercer un contrôle plus étroit du traitement,
par des agents d'immigration, des dossiers des demandes d'admission en vue
d'assurer qu'un tel traitement soit le plus équitable possible et sans
discrimination.
De plus, parmi les facteurs retenus pour évaluer le potentiel
d'adaptabilité professionnelle, on trouve les qualités
personnelles du candidat ou de la candidate, à savoir le leadership,
l'esprit d'initiative, l'autonomie et la polyvalence professionnelle. Ces
qualités sont jugées adéquates ou non par des agents
d'immigration de façon tout à fait discrétionnaire. Sans
vouloir mettre en cause le professionnalisme, la bonne foi et
l'intégrité de ces fonctionnaires, il serait de la plus haute
importance de prévoir à leur intention des sessions de formation
sur la culture et les valeurs des pays respectifs des candidats à
l'immigration. Ceci permettrait aux agents à l'immigration
d'évaluer adéquatement, lors des interviews de sélection,
les qualités personnelles de chacun et de chacune dans le respect des
principes inscrits dans la Charte des droits et libertés de la
personne.
La régionalisation de l'immigration. L'objectif de
régionalisation de l'immigration dans une perspective de
développement régional est en soi fort positif, mais H faudrait
que le gouvernement s'assure de la mise en place au préalable d'une
structure d'accueil décrite dans l'énoncé avant de
procéder à l'installation de nouveaux immigrants ailleurs
qu'à Montréal. Il faudrait également prévoir, si
possible, les facilités leur permettant de "maintenir et faire
progresser leur propre vie culturelle avec les membres de leur groupe",
même en région, droit que leur reconnaît la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
Les programmes d'accès à l'égalité. La
commission se félicite de l'orientation que se donne le gouvernement en
vue d'assurer l'intégration des communautés culturelles au
marché du travail et l'égalité en emploi dans le secteur
aussi bien privé que public. Cet élément est en effet
capital pour la réalisation effective de toute politique
d'intégration et le gouvernement devrait consacrer à cet
égard un effort spécial et se donner des moyens lui permettant
d'accélérer le processus de mise sur pied de programmes
d'accès à l'égalité répondant plus
adéquatement aux situations des communautés culturelles,
notamment dans le secteur public, comme l'a déjà souligné
la Commission des droits de la personne dans un document qu'elle a fait
parvenir sur ce sujet au gouvernement du Québec en mars 1990.
La nouvelle entente en matière d'immigration annoncée le
27 décembre dernier et destinée à remplacer l'accord
Cullen-Couture à compter du 1er avril 1991 reconnaîtrait au
gouvernement québécois une responsabilité exclusive en
matière de sélection des immigrants désireux de
s'établir au Québec. Ce pouvoir serait également
étendu à la sélection sur place. Ceci nous conduit
à renouveler notre demande au gouvernement québécois
d'être, plus encore que par le passé, vigilant dans la mise en
oeuvre de la nouvelle politique, à la lumière des principes
inscrits dans la Charte des droits et libertés.
La Commission des droits de la personne se réserve le droit de
revenir, entre autres, sur les points soulevés dans ce mémoire
lors de la présentation des projets de loi ou de règlement qui
seront soumis sur la base du document "Au Québec pour bâtir
ensemble". Elle aimerait, à cet égard, mettre à profit la
présente occasion pour exprimer son appréciation au
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration de
l'avoir associée aux travaux de l'équipe chargée de
préparer cet important et très intéressant document et
l'assurer du même esprit de collaboration et de disponibilité dans
la mise en oeuvre prochaine de la politique proposée qui contribuera
grandement, c'est du moins son souhait, à l'harmonisation des relations
intercommunautaires au Québec.
Mesdames et messieurs, je vous remercie.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M Lachapelle. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. Lachapelle. Je tiens à
souligner justement l'excellente collaboration que vous nous offrez dans ce
grand défi de l'intégration que nous devons tous relever et,
entre autres, je suis de très près les études que vous
faites actuellement sur le logement ou sur les relations intercom-
munautaires et, plus précisément, sur le racisme.
Ma première question, M. Lachapelle. À la page 6 de votre
mémoire, vous nous rappelez les idéaux contenus dans les chartes
canadienne et québécoise pour souligner qu'une politique
d'immigration doit offrir une égalité des chances aux personnes
concernées, sans distinction, bien sûr, fondée notamment
sur la race, la couleur, la religion et l'origine ethnique. Le fait de se doter
de critères de sélection, parce qu'on sait quand même qu'il
y a des milliers, des milliers et des milliers de personnes qui
désireraient venir au Canada et aussi au Québec, le fait de se
doter de critères de sélection comme l'emploi ou le niveau
académique, par exemple, est-ce que ça vous paraît porter
atteinte aux droits de la personne?
M. Lachapelle: Bien, je pense que la Commission est d'accord avec
les critères qui ont été énoncés dans la
politique gouvernementale, bien sûr. La question de la connaissance de la
langue française qui est probablement un des critères les plus
importants, la Commission des droits de la personne estime qu'il est, bien
sûr, d'une certaine façon, discriminatoire que de dire nous allons
prendre en priorité ou en partie ou en importance de 40 % des personnes
appartenant à un groupe francophone, ce qui ne veut pas dire pour autant
que ça va à rencontre de la Charte des droits et libertés
parce qu'en vertu de cette Charte des droits et libertés on peut estimer
que, pour un État comme le Québec, il est tout à fait
légitime de faire un choix de personnes connaissant la langue
française ou francophonisa-ble suivant le modernisme adopté par
le gouvernement du Québec. Et sous ce chapitre donc, à partir du
moment où il y a un ratio, où il y a un pourcentage, ça ne
nous apparaît pas aller à rencontre des grands principes de la
Charte des droits et libertés.
Bien sûr, comme on le souligne d'une certaine façon dans le
- mémoire, il ne faudrait pas non plus que dans l'application de ces
critères on puisse laisser aux fonctionnaires des latitudes telles que
ça puisse créer d'une certaine façon des effets
discriminatoires. Évidemment, c'est difficile à apprécier
à distance parce qu'on ne connaît pas comme tel ces
critères et c'est pourquoi on dit, d'une certaine façon,
attention! On vous souligne à certains endroits que, par exemple, en
Afrique noire, il n'y a pas de bureau de l'immigration, je pense que le bureau
est à Paris. Bon. Évidemment, en soi ce n'est pas discriminatoire
que d'avoir un bureau à Paris, mais il y a une sacrée bonne
distance et on risque là d'exclure un nombre important de personnes nous
venant de l'Afrique subsaharienne.
Ce n'est pas les critères qui font ça en soi, mais c'est,
comme on dit souvent, une politique qui peut apparaître tout à
fait impartiale, mais qui en pratique et dans les faits peut avoir un effet
d'exclure certaines parties de la population. De la même manière,
on signale qu'aux Indes, je pense, il n'y a pas beaucoup de bureaux. Donc, on
pourrait penser que ces personnes pourraient être exclues
également d'une certaine façon parce qu'elles n'auraient pas
à très grande proximité un bureau. Donc, encore une fois,
de cette façon, il pourrait y avoir des effets discriminatoires. Ce
n'est pas tellement dans les principes. Les principes, on s'entend bien.
Une voix: Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. J'ai moi aussi
écouté avec un grand intérêt votre exposé et
j'ai deux choses que j'aimerais aborder avec vous. Une m'a fait un peu
sursauter. Lorsque vous dites qu'il n'y a pas de bureau dans les pays
d'Afrique, les pays du tiers monde, c'est évident que c'est à
Paris ou c'est à Rome et d'autres capitales. Mais est-ce que vous vous
êtes interrogé quant à l'impact que peut avoir un bureau
d'immigration sur l'exode des élites ou des cerveaux dans certains pays?
Vous n'êtes pas sans savoir que les pays d'Afrique, les pays en voie de
développement connaissent actuellement des difficultés de
développement, des difficultés d'administration et très
souvent les pays occidentaux, entre autres, les Français, les Belges et
les Canadiens, nous devons envoyer des coopérants ou des agents
techniques pour aider ces pays-là à s'administrer, à se
gérer ou à se développer.
Et la question qui me vient à l'idée, lorsque je vous
entends, lorsqu'on connaît les critères qui prévalent
à. la sélection d'un immigrant, on sait qu'un bureau qui serait
situé à Dakar, par exemple, au Sénégal, ne
recruterait pas des gens, des immigrants qui gardent des moutons ou des
troupeaux de zébus - on est d'accord là-dessus tout le monde - ni
des gens qui fabriquent des ustensiles, des statuettes en bois, ni des
chauffeurs de camion, des chauffeurs d'autobus. Ils recruteraient, de par les
critères qui sont reconnus par le ministère, des élites,
ce qu'on peut appeler des élites, les gens pour lesquels ces
pays-là ont dû faire des efforts considérables au niveau
financier et à l'occasion des sacrifices familiaux pour qu'ils
obtiennent une éducation et une instruction et nous, on arrive
là-bas, très gentiment on leur dit: Venez-vous-en chez nous parce
que c'est plus intéressant. (15 h 30)
Alors, je m'interroge grandement sur notre position à nous comme
Québécois, comme Canadiens; d'un côté, on va donner
des centaines de millions de dollars sur la coopération pour aider les
pays à se développer et, de l'autre côté, on va
chercher les cerveaux de ces pays-là. Alors, il me semble y avoir une
espèce de contradiction.
Je reviendrai. J'aimerais avoir votre réaction là-dessus
et croyez-moi que ça me touche beaucoup parce que j'arrive entre autres
d'un pays qu'on peut appeler du tiers monde actuellement qui est l'un des cinq
pays les plus pauvres du monde, qui est Haiti. J'ai passé quelques jours
pas aux festivités, parce que ce n'est pas vraiment des fêtes,
même si les gens ont été très heureux, mais aux
cérémonies d'investiture du nouveau président, et je dois
vous dire que j'ai été extrêmement surpris de voir que ce
pays est plein de coopérants québécois, plein de
coopérants allemands, plein de coopérants français et
beiges, et que nous avons au Québec un certain nombre d'Haïtiens
qui sont des gens très capables, des gens qui occupent dans notre
société un certain nombre de postes très importants et que
ce pays-là, Haïti, est obligé d'importer des
étrangers pour s'administrer. Alors, je crois que là il y a
quelque chose qui est un peu incohérent dans nos politiques. D'un
côté on met 20 000 000 $ sur la coopération en Haïti,
puis d'un autre côté on va chercher les cerveaux et on les fait
travailler, on fait des normes d'accès à la fonction publique. Je
pense qu'il y aurait peut-être moyen d'avoir votre réaction sur
ça, là.
M. Lachapelle: Si vous me permettez j'ai un commentaire quant
à moi, puis je laisserai peut-être ensuite à M.
Wolde-Giorghis, qui connaît beaucoup le sujet, puisqu'on parlait de
l'Afrique... Il pourrait vous faire sûrement des commentaires
appropriés.
M. Gobé: L'Afrique, le tiers monde en
général. Je parle de l'Afrique parce que vous avez parlé
de l'Afrique.
M. Lachapelle: Oui, oui.
M. Gobé: Je connais bien aussi, mais vous avez
parlé des Indes. On peut parler de toutes sortes de pays, là.
M. Lachapelle: Revenons à cette question, et reprenons
peut-être l'argument à l'inverse. Figurez-vous que notre bureau
n'est qu'à Paris, on comprendra facilement que les personnes qui se
rendront à Paris pour communiquer avec nous, ce seront vraisemblablement
des personnes qui seront vraiment en mesure de le faire, et probablement
justement des personnes qui auront un certain niveau d'éducation, qui
auront des possibilités de...
M. Gobé: Non, mais je m'excuse, parce que nos
critères de sélection, je vous le mentionnais
précédemment dans mes petites remarques, font en sorte que, si on
est conducteur de camion à Dakar ou à N'Djamena, on n'est pas
sélection-nable pour venir au Québec. Alors, quand même le
bureau serait Place de la République ou avenue Hissène
Habré à N'Djamena, je peux vous assurer qu'avec votre
diplôme de gardien de zébus vous ne passez pas. Donc, ce sont les
élites qui vont se promener là. Et puis en plus, c'est comme vous
disiez, leur deuxième langue, et c'est la réalité, est le
français. La première langue, dans ces pays-là est
très rarement le français, sauf pour les élites.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député,
peut-être qu'on pourrait laisser M. Lachapelle et M.
Wolde-Giorghis...
M. Gobé: Non, mais je tenais à faire la mise au
point, parce qu'on s'égarait un peu, je pense.
La Présidente (Mme Loiselle): ...faire l'intervention, le
temps s'écoule très vite.
M. Lachapelle: Votre question est très précise.
Effectivement, on comprendra que les critères d'immigration qui sont mis
de l'avant, malgré des mots très intéressants où on
parle de solidarité internationale, où on parle de
critères basés sur des questions humanitaires... La politique ne
fait pas grand ouverture à des personnes, justement, plus pauvres dans
des pays du tiers monde. Et là-dessus il faudrait vraisemblablement
revoir peut-être les politiques, et la Commission des droits de la
personne a attiré l'attention sur un aspect, entre autres la distance et
la difficulté d'atteindre ces bureaux, mais il faudrait
vraisemblablement aussi revoir ces questions parce qu'on risque justement
d'aller chercher des personnes qui cadrent avec une politique très bien
définie et qui sont finalement des gens instruits, des gens qui peuvent
s'adapter. Et, bien sûr, les plus pauvres et peut-être ceux qui
auraient peut-être le plus besoin d'émigrer et qui pourraient
aussi nous rendre ces mêmes services ici ne seront pas attirés par
notre immigration.
Je pourrais peut-être d'autre part laisser à M.
Wolde-Giorghis également certains commentaires sur cette même
question.
M. Wolde-Giorghis (Hailou): Merci, M. le Président. Mme la
Présidente, je voudrais tout juste revenir un peu sur la question que
posait monsieur. Je pense que vous avez raison. L'exode des cerveaux c'est une
réalité vécue dans les pays du tiers monde. Mais quand
vous voyez un document officiel du gouvernement québécois publier
une carte où il y a des bur?ux qui sont répartis un peu dans
tous les pays du monde, sauf en Afrique, vous admettrez avec moi que ça
paraît étonnant. Première question. Je pense que, si on n'a
pas ouvert ces bureaux, c'est justement parce qu'on ne veut pas encourager un
exode des cerveaux; j'admirerais cette politique.
Mais il y a d'autre part une chance à donner à ces
gens-là. Vous connaissez les
régimes politiques qui existent actuellement dans ces
pays-là. Il y a une élite qui est presque en chômage, qui
souhaiterait peut-être utiliser justement son cerveau ailleurs, pourquoi
ne pas lui donner cette chance? Une chance égale donnée un peu
à tous les ressortissants du monde. Oublions l'Afrique. Vous pouvez
aller en Inde, la logique s'appliquerait aussi bien donc en Inde, c'est qu'il y
a un surplus d'élites qui sont en chômage, et que certainement ces
personnes-là souhaiteraient utiliser leurs connaissances ailleurs.
Évidemement, si vous le prenez uniquement sur le plan de l'exode des
cerveaux, cette politique-là pourrait être très acceptable,
mais je pense qu'on donnerait le choix à ces personnes-là, de
façon symbolique. Ça ne veut pas dire que, dans tous les pays, on
va faire une publicité pour attirer tout ce bon monde vers le
Québec, je ne pense pas que ce soit là le problème. Mais
s'il y a des gens qui veulent volontairement quitter le pays, peut-être
en raison de la situation politique, pourquoi ne pas leur donner cette chance?
C'était juste pour répondre à la question que vous avez
posée.
La Présidente (Mme Loiselle): Juste un instant, s'il vous
plaît. Mme Petsalis, vous voulez intervenir?
Mme Petsalis (Sophia): Pas sur cette question, mais sur la
question des critères...
La Présidente (Mme Loiselle): Non? D'accord.
Mme Petsalis: ...plus tard.
M. Gobé: Oui, partiellement. C'est évident que
ça répond à une partie de ma question. On pourrait en
débattre plus longtemps; malheureusement, on n'aura pas le temps. Je
vais laisser la parole à d'autres collègues. Mais juste un point.
Quand même, on retrouve au Québec 13 % des arrivants qui sont des
réfugiés. Vous savez comme moi que, depuis une année, les
critères, en termes de qualification des réfugiés, en ce
qui concerne l'Europe de l'Est, sont tombés. Donc, ces 13 %,
actuellement, sont originaires quasi majoritairement des pays du tiers monde,
et c'est là certainement une des réponses à ce que vous
disiez. Dans certains pays, certains gouvernements, certains systèmes
politiques font en sorte qu'une élite ne peut pas être
employée, pour des raisons politiques ou autres. Ces gens-là, on
les retrouve assez facilement, d'après moi, dans la catégorie
"réfugiés".
La Présidente (Mme Loiselle): M. Wolde-Giorghis.
M. Wolde-Giorghis: Excusez-moi. Je pense que je me suis mal
exprimé peut-être. Ce n'est pas des réfugiés
politiques dont il est question ici, ce sont des gens qui sont sur place, qui
n'ont pas une activité politique certaine, qui ne sont pas
menacés. C'est que les connaissances qu'ils ont, ils ne peuvent pas les
utiliser sur place. Ce n'est pas à cause d'une opposition politique,
mais à cause de situations de fait. Et ces gens-là pourraient
tenter leur chance ailleurs. Ça n'a rien à voir avec les
réfugiés politiques; c'est ce point-là que je voudrais
tout juste éclaircir.
M. Gobé: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme Petsalis.
M. Gobé: J'aurais une petite question très
rapide.
La Présidente (Mme Loiselle): II y a Mme
Petsalis qui voudrait intervenir sur la question.
Mme Petsalis: Je voudrais vous poser une question: Est-ce que
vous avez peur qu'en ayant un bureau dans ces villes il y aura un grand exode
des cerveaux? Est-ce que c'est ça que vous dites?
M. Gobé: Disons que je n'ai pas peur...
Mme Petsalis: Est-ce que c'était ça votre
question?
M. Gobé: Moi, je n'ai pas peur parce que, personnellement,
moi, ça ne me crée pas de problème. Mais je craindrais que
ça crée des problèmes dans ces pays-là où on
sait qu'il y a des efforts très importants qui se font pour scolariser
la population et former des cadres qui sont capables de faire marcher les
infrastructures du pays, développer l'économie, enseigner. Et
lorsqu'on voit le nombre de coopérants étrangers - et mon
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques le sait bien, il fréquente
ces pays-là lui aussi, il a été à l'étranger
- dans ces pays-là, on est à même de se rendre compte
très rapidement qu'il y a un certain nombre de techniciens,
d'ingénieurs, de coopérants de toutes sortes étrangers qui
viennent de France, de Belgique, des pays francophones - de Belgique, du
Canada, du Québec, les Canadiens du Québec. Alors, c'est dans ce
sens-là, voyez-vous. Je craindrais que les élites, pour
améliorer leur condition économique, s'en viennent en
Amérique et que nous, nous faisions un échange en payant des
montants très importants pour des coopérants. Est-ce que ce ne
serait pas mieux de faire attention et d'être prudent dans notre
raccollage de ces cervaux?
Mme Petsalis: II y a une réalité. J'ai vécu
en Afrique et c'est vrai que les grands cerveaux, beaucoup de grands cerveaux
ne veulent pas tous immigrer, ils sont très bien dans leur pays.
M. Gobé: Je ne parle pas des grands, je parle de la classe
moyenne, l'élite, en général.
Mme Petsalis: Alors, en ayant un bureau là, vous leur
donnez le choix, s'ils veulent ou non. Ils peuvent choisir. Mais je pense qu'il
ne faut pas craindre qu'il y aura un grand exode des cerveaux qui sont
peut-être aussi bien dans leur pays.
M. Gobé: Je vous remercie. Une dernière petite
question. Ça a à voir avec la Commission des droits de
l'homme.
La Présidente (Mme Loiselle): Très courte, M. le
député...
M. Gobé: Oui, très rapide, madame.
La Présidente (Mme Loiselle): ...parce qu'il y a une autre
intervention du côté ministériel.
M. Gobé: Très rapide. C'est parce que ça me
tracasse...
La Présidente (Mme Loiselle): D'accord, allez-y.
M. Gobé: Depuis que j'ai vu qu'ils étaient pour
venir témoigner, je voulais leur poser cette question-là. J'ai vu
dernièrement, dans un journal, qu'il y avait certaines personnes qui
préconisaient ou préconiseraient - entre parenthèses, sous
toute réserve - l'obligation pour les immigrants de s'établir en
région rurale ou ailleurs. J'écoutais ce matin une intervenante
qui nous faisait part qu'on devrait obliger ou faire en sorte que les
immigrants soient mélangés avec de vrais Québécois.
Ceci implique un certain nombre de coercitions en ce qui concerne
l'intégration ou la régionalisation. Vous, comme Commission des
droits de la personne, qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Lachapelle: Écoutez, sur la question de la
régionalisation, quant à nous, nous croyons que le principe est
intéressant. Nous y mettons certains bémols en disant, entre
autres, qu'on doit s'assurer sûrement d'un des principes de la Charte qui
est de maintenir et de faire progresser la vie culturelle des membres des
groupes. Nous disons également que cette présence en
région doit être volontaire. Nous croyons que ce n'est
sûrement pas en forçant les gens à s'implanter dans une
région qu'on pourrait réussir à les intégrer et,
d'autre part, vraisemblablement, ça pourrait aller aussi, nous croyons,
à rencontre d'abord de la liberté de circulation et aussi
à rencontre de certains principes et conventions internationales
auxquels le Canada et le Québec ont adhéré.
M. Gobé: Le "busing" dans les écoles, l'obligation
de prendre des élèves et de les éparpiller à
travers différentes écoles pour éviter des concentrations.
C'est ma dernière question.
M. Lachapelle: Oui. Écoutez, je pense que cette question
de l'éparpillement des élèves dans différentes
écoles...
M. Gobé: Obligatoire là, oui.
M. Lachapelle: ...est une question, d'abord au point de vue
logistique, qui doit être extrêmement complexe. On ne pense pas non
plus qu'on puisse même, sur un territoire comme Montréal où
il y a passablement un nombre important de jeunes provenant de diverses
communautés culturelles, y arriver.
D'autre part, nous pensons qu'il y aurait énormément de
coercition vis-à-vis des groupes de personnes. Enfin, à moins
qu'on puisse, de façon très éclairée,
réussir à établir une telle politique, je ne sais pas
comment on pourrait y arriver. Je ne pense pas que l'exemple ailleurs a
été très concluant; on l'a tenté dans d'autres
pays, je ne pense pas que ça puisse être très
concluant.
M. Gobé: Je vous remercie beaucoup, messieurs. La
réponse a été très pertinente.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Lachapelle. Une
brève intervention, M. le député de l'Acadie, s'il vous
plaît.
M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir
sur un point bien particulier. Tout à l'heure, vous nous avez dit dans
votre présentation que le droit à l'immigration comme tel
n'existait pas. Vous avez semblé accepter, tout à l'heure, que
c'était un choix raisonnable de dire, par exemple, qu'au Québec
on veut favoriser l'immigration francophone dans telle proportion, compte tenu
des caractéristiques de la société. Si on poursuit un peu
la démarche dans le même sens, je pense que c'est tout aussi
normal que le Québec, au fond, décide qu'en fonction des besoins
spécifiques de sa société on a besoin de telle et telle
catégorie de personnes pour remplir les fonctions, si on veut, au niveau
de la main-d'oeuvre. Ça me semble relativement raisonnable qu'on puisse
agir comme ça sans faire preuve de discrimination.
Dans la mesure où on va à l'extérieur dans les
différents milieux de recrutement et qu'on applique la grille de
sélection ou les différents critères de façon
uniforme, je pense qu'à ce moment-là on agit de façon non
discriminatoire. Mais dans votre mémoire, à la page 8, vous
faites référence justement au traitement équitable des
dossiers. Vous mettez en relief, au fond... Vous dites que c'est difficile de
se prononcer tant qu'on n'a pas les pourcentages de refus par rapport aux
demandes présentées dans
l'un ou l'autre des bureaux. Mais même là, en supposant
qu'on aurait des différences de pourcentage importantes... Je regarde,
par exemple, dans les données de 1989, des calculs très rapides,
je n'ai pas fait ça de façon très très
précise, mais au bureau de Bangkok le nombre de cas refusés est
de l'ordre de 12 %; au bureau de Paris, le nombre de cas refusés est de
l'ordre de 94 %. Est-ce qu'on doit supposer, à ce moment-là,
qu'il y a eu de la discrimination, une discrimination plus grande qui s'est
faite à Paris?
Je pense qu'essentiellement, ici, ce que ça fait ressortir, c'est
qu'on a peut-être affaire à des gens qui ont des
caractéristiques très différentes d'un milieu à
l'autre et quand on met en parallèle les caractéristiques de ces
populations-là avec nos besoins, ce dont on a parlé tout à
l'heure, qu'il nous semble raisonnable de manifester de façon
évidente, il peut y avoir des écarts très grands qui font
que, dans un bureau, le pourcentage des refus va être beaucoup plus grand
que dans un autre bureau, dans un autre pays et sans que ce soit
discriminatoire, parce que la grille de sélection a été
appliquée exactement de la même façon,
déterminée, au départ, par les besoins du Québec,
mais appliquée exactement de la même façon par les agents
qui sont dans ces bureaux-là, avec des résultats très
différents, compte tenu essentiellement des caractéristiques des
candidats.
Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires sur... (15 h 45)
M. Lachapelle: Écoutez, c'est sûr qu'en principe,
les chiffres bruts comme tels que vous nous avez mentionnés, on ne peut
pas inférer, je pense, de ces données-là des conclusions
qui pourraient nous amener jusqu'à dire: Écoutez, il y aura une
base de discrimination. Quand vous nous dites que les critères sont
appliqués de façon tout à fait semblable par chacun des
agents d'immigration, il reste qu'il y a quand même des critères
qui sont évalués de façon subjective et c'est
laissé à la discrétion d'une personne. Tout ce que nous
ajoutons là-dessus: Assurons-nous que nos agents d'immigration sont bien
formés, qu'il n'y a pas de biais culturels chez eux et qu'ils sont
capables de faire des choix et, encore une fois, nous sommes tout à fait
confiants dans la bonne foi de ces personnes-là, mais on sait comment on
peut apprécier de façon différente une personne venant de
telle ou telle nationalité ou de telle ou telle région. Alors,
nous soulevons tout simplement non pas cette inquiétude, mais nous
mettons ce caveat en disant: Assurons-nous que nos agents d'immigration sont
bien formés.
La Présidente (Mme Loiselle): M. Giorghis,
brièvement parce que le temps est déjà passé.
M. Wolde-Giorghis: Oui. Je voudrais tout juste ajouter
peut-être une petite information supplémentaire. Ce que nous
disons là, nous ne disons pas qu'on fait de la discrimination comme
telle. Mais, quand on avance de tels chiffres, il faut faire très
attention sur la proportion des réponses données en face des
demandes présentées et sur la nature des dossiers aussi qui sont
analysés. Par exemple, si 94 % des candidatures de Paris sont
refusées à cause des casiers judiciaires, disons, par exemple,
ceci, évidemment, ne pourrait vraiment pas... ça serait à
rencontre de la loi sur l'immigration. Mais si, cependant, le refus de 12 %
peut être minime et sur l'authenticité des documents
présentés, par exemple... Voyez comment ça devient
très subjectif. C'est tout juste une mise en garde non pas dire que
c'est de la discrimination, mais une mise en garde à l'égard de
ces chiffres-là qui sont d'aspect très neutre, mais qui
pourraient, après analyse, révéler des faits quand
même discriminatoires.
La Présidente (Mme Loiseile): Merci.
M. Bordeleau: Je voulais tout simplement attirer l'attention sur
le fait que je suis tout à fait d'accord avec vous qu'on ne doit pas
inférer des choses aussi rapidement, tout simplement sur la base des
pourcentages...
M. Wolde-Giorghis: C'est ça.
M. Bordeleau: ...des refus dans les différents
bureaux.
M. Wolde-Giorghis: C'est ça.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme Petsalis, M. Giorghis, M. Lachapelle, je
ne vous cacherai pas que j'ai beaucoup de plaisir à vous voir ici cet
après-midi. Il aurait été inconcevable de songer à
une commission sans avoir ce que j'appelle la conscience du Québec pour
ce qui est des droits et libertés, c'est-à-dire la Commission des
droits de la personne, présente ici. Je remarque M. Lachappelle,
après avoir vécu avec vous une extraordinaire expérience
au niveau de la commission des institutions, que vous vous présentez ici
avec un certain esprit revanchard. Je vous dis cela, M. Lachapelle, sur le ton
badin puisque j'ai bien remarqué en page 9: "formation interculturelle
des agents d'immigration". Lorsque nous avons discuté avec vous, nous
avons longuement parlé de la formation interculturelle des agents
à la Commission des droits de la personne, notamment aussi sur les
minorités dites invisibles. Je pense que la Commission des droits de la
personne avait bien compris, à ce moment-là, le message et je
pense que, dès le lendemain, vous avez commencé à agir,
j'en suis d'ailleurs le
témoin: Vous êtes éminemment présent dans ma
circonscription où il y a, vous le savez, une très importante
communauté gaie qui vit des exactions envers ses droits. Il y a
toujours, chaque fois, la présence active, réconfortante,
rassurante d'un ou d'une représentante de la Commission des droits de la
personne. Donc, votre petit ton revanchard, je vous avoue, M. Lachapelle, est
très agréable à entendre aujourd'hui.
La première question que je vais vous poser: Est-ce que la
Commission des droits de la personne se sent maintenant, après plus de
deux ans presque, prête à donner cette formation interculturelle
aux gens de l'immigration, maintenant que vous l'avez bien
assimilée?
M. Lachapelle: Écoutez, c'est beaucoup nous demander. Ce
que je peux dire, c'est que peut-être notre participation aux travaux,
à l'élaboration de cet énoncé de politique a pu
servir au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration - je n'ose pas être aussi prétentieux - je pense
qu'ensemble, en travaillant ce document, nous avons mutuellement beaucoup
appris.
Je dois vous dire aussi que nous avons beaucoup appris de la commission
des institutions qui nous a grandement inspirés dans la
préparation de programmes de formation internes à la commission.
Nous voudrions aussi, peut-être en passant, signaler que le gouvernement
du Québec, en matière de programmes d'accès à
l'égalité, comme on le souligne dans notre mémoire,
devrait peut-être augmenter encore ses efforts en termes de programmes
d'accès à l'égalité. Nous avons toujours
pensé que les intéressants programmes d'accès à
l'égalité du gouvernement du Québec n'allaient
peut-être pas assez loin et que les pourcentages, même s'ils
peuvent en apparence être généreux, ne sont peut-être
pas suffisants pour attirer rapidement dans les rangs de la fonction publique
les gens de communautés culturelles.
M. Boulerice: Je dois vous avouer que j'ai été, moi
aussi, heurté dans ma sensibilité africaine. Entre
parenthèses, j'espère que vous avez lu le mémoire de la
Maison d'Afrique que nous avons reçu à la toute première
journée de cette commission, sinon, je pense bien que le
Secrétariat pourra vous en donner des copies.
Comme me faisait effectivement remarquer, à la blague, mais
au-delà de la blague je sentais bien une situation qu'il jugeait
critique, un ami tchadien, qui me disait: Bien, oui, mais pour aller faire ma
demande, il faut que je prenne un taxi pour Tobrouk et après l'avion
pour Paris... Quand on est du Tchad, se rendre en taxi à Tobrouk, vous
savez comme moi que ce n'est pas la chose la plus facile. C'est même un
danger pour sa sécurité physique puisqu'il faut traverser la
Libye, où il y a eu des conflits frontaliers. Donc, ce que vous dites
c'est que le Québec devrait avoir, mais dans le sens américain du
terme, une politique agressive au niveau de l'Afrique, c'est-à-dire
établir des délégations générales, des
bureaux dans les grandes capitales de ce qu'on convenait d'appeler autrefois
l'Afrique équatoriale française. Parlons de l'Afrique
subsaharienne maintenant puisque ça semble le vocabulaire acquis.
M. Lachapelle: Effectivement, nous pensons que l'importance des
bureaux dans un coin où on estime qu'il y a là un bassin
intéressant d'immigrants... Nous croyons que la présence - nous
ne sommes pas allés jusqu'à utiliser des mots semblables aux
vôtres, une présence agressive - mais à tout le moins une
présence sur ces territoires permettrait sûrement une immigration
de personnes extrêmement compétentes et qui pourraient avoir un
apport important pour le Québec.
M. Boulerice: J'ai écouté l'intervention du
député de LaFontaine. Lorsque nos amis de la Maison d'Afrique
sont venus, j'ai fait la réflexion suivante, en disant. Les puissances
occidentales, dont nous sommes, ont volé les matières
premières des pays du tiers monde, ce qui fait maintenant que, lorsqu'on
parle de tiers monde, il faut malheureusement parler de deux tiers mondes, dans
bien des cas. Je disais, oui, il faudrait bien être prudents et ne pas
leur voler leur matière grise. Mais, petit aperçu historique,
qu'est-ce qui justifie la présence d'autant de chirurgiens
québécois d'origine haïtienne? Une excellente raison: Non
pas que le Québec voulait leur voler leur matière grise, et Dieu
seul sait que c'est un pays dévasté mais qui heureusement a
peut-être des chances de se reprendre, mais c'est pour la triste raison
qu'ils ne pouvaient exercer leur métier de chirurgien en Hàfti.
Dramatique pour ce pays, mais dramatique aussi pour quelqu'un qui a une
formation. Donc, je pense qu'il nous faut établir, à ce
niveau-là, certaines nuances au sujet de vol de matière
grise.
Ce que je disais dans le cas de l'Afrique, je disais: Oui, tout en
étant prudents et ne pas appauvrir en termes de ressources humaines un
continent qui en a énormément besoin, on est quand même
capable de constater que, malheureusement, l'accès à
l'école, au collège professionnel ou à l'université
n'est pas aussi facile là-bas qu'ici, et j'émettais
l'hypothèse que l'on pourrait faire du recrutement d'immigration en
trouvant des jeunes filles ou des jeunes hommes qui, sans avoir une
scolarisation terminale, auraient des aptitudes et qu'on pourrait leur donner
le statut d'immigrant et faire la formation professionnelle ici, dans des
secteurs où, malheureusement, nous avons de graves pénuries de
main-d'oeuvre. Je disais que cela pourrait être une forme d'immigration
intéressante lorsque nous regardons l'Afrique et,
notamment, l'Afrique francophone puisqu'on se gargarise de francophonie,
mais l'avenir de la francophonie, si la francophonie en Amérique du Nord
relève du Québec, la francophonie dans son sens universel, son
avenir se trouve en Afrique. Qu'en pensez-vous?
La Présidente (Mme Loiselle): M. Wolde. Une voix:
Avez-vous un commentaire?
La Présidente (Mme Loiselle): M. Wolde? M.
Wolde-Giorghis.
M. Wolde-Giorghis: Oui, merci. Vous avez entièrement
raison, monsieur. Je pense que, sur le plan de l'exode des cerveaux, on en a
discuté tout à l'heure. Mais ce que nous commentons, ce que la
Commission commente dans son mémoire, c'est dans le contexte de ce
mémoire parce que nous avons fait une citation. Si le gouvernement du
Québec avait dit que, dans certains pays en voie de
développement, une politique de recrutement agressive pourrait
peut-être dénuder ces pays-là, nous comprendrions. Mais ce
que nous avons constaté malheureusement, c'est qu'on dit: De plus, dans
tous les cas, le Québec doit s'assurer que les candidats
sélectionnés puissent s'intégrer au marché du
travail. Ce n'est donc pas, si vous voulez, une volonté de laisser la
matière grise en Afrique, mais c'est qu'on craint très fort qu'il
n'y en ait peut-être pas. Alors, c'est pour cela qu'on est revenu au
choix.
Quant à la proposition que vous venez de faire concernant des
jeunes, évidemment, c'est une solution de compromis certainement fort
intéressante.
Une voix: Merci.
M. Wolde-Giorghis: Merci.
M. Boulerice: Ce n'est pas sur le ton du reproche, quoique ma
justice est équitable, même si j'ai des liens
privilégiés avec votre organisme, je suis un petit peu
étonné de voir - c'est peut-être un manque de temps, mais,
de toute façon, je ne suis pas pour vous faire la question et la
réponse en même temps - mais je suis un peu étonné
que votre mémoire soit, somme toute, silencieux au sujet des
réfugiés et notamment de la situation vécue par des
dizaines de milliers de personnes qui sont sur notre territoire, qui sont en
attente de statut et qui sont l'objet de conditions socio-économiques
difficiles, psychologiquement atroces également. Votre mémoire ne
l'aborde pas. C'est un manque de temps ou?
M. Lâcha pelle: Non, ce n'est pas un manque de temps. Vous
savez, nous sommes bien la commission québécoise des droits et
libertés de la personne. Notre charte nous dit que nous devons commenter
les lois et les institutions québécoises, et la Commission des
droits de la personne, sur les questions de politique fédérale,
d'organisation fédérale concernant la question des
réfugiés, ne s'est pas prononcée et n'a pas émis
d'opinion sur ce sujet-là, quoique je doive vous dire que nous
partageons tout à fait les préoccupations que vous avez.
Définitivement, la situation des réfugiés ici, les listes
d'attentes, le système même, la procédure elle-même,
à notre avis, doivent être un cauchemar épouvantable pour
ces personnes qui sont en attente. Nous avons l'occasion de le vivre de
façon régulière dans la rencontre, justement, avec des
groupes de réfugiés et d'immigrés. (16 heures)
J'ai eu l'occasion de m'occuper d'un groupe de réfugiés
qui venaient du Chili, un groupe de personnes qui avait réuni justement
50 personnalités pour essayer de faire bouger la machine gouvernementale
et, véritablement, j'ai vu là des gens qui vivaient des angoisses
épouvantables. Mais, comme je vous dis encore une fois, si la Commission
se préoccupe de cette question, offre son aide, elle n'a pas fait de
commentaire tout simplement parce qu'il s'agissait d'un domaine
carrément de niveau fédéral.
La Présidente (Mme Loiselle): Vous voulez intervenir, M.
Wolde? Ça va?
M. Wolde-Giorghis: Oui. En plus, je pense que le document
gouvernemental traite de ce problème-là et il y a cette
ouverture, cette tradition humanitaire qui a été quand même
soulignée. Nous pensons, évidemment, avec ce que vient de dire le
président, qu'il y a toujours des choses à faire sûrement
et, une fois que le réfugié se trouve sur le territoire
québécois, il relève évidemment de la Charte des
droits et libertés de la personne et, comme tel, doit
bénéficier, être protégé. Je pense que la
Commission, dans le passé, a eu des interventions sur plusieurs
dossiers, l'intervention auprès du gouvernement du Québec pour
attirer son attention sur la situation quelque peu inquiétante que
vivent les réfugiés. Je pense que c'est une question fort
intéressante que nous avons abordée à d'autres occasions.
Mais ce n'est surtout pas un manque de temps. C'est que nous sommes conscients
de l'importance du problème.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme Petsalis.
Mme Petsalis: Oui. Nous sommes très conscients du
problème et, à la page 38 de l'énoncé, vous dites
que les délais de traitement continuent d'être importants et que
le rythme de règlement des cas accumulés se révèle
beaucoup plus lent que prévu. C'est vrai que tout ce système est
un système très douloureux pour les intéressés et
la Commission en est bien consciente. Il faut que ce soit examiné
attentivement.
Je sais que le gouvernement, comme vous
dites encore dans l'énoncé, se préoccupe beaucoup
que ces personnes exercent une pression croissante sur les finances publiques.
C'est ça qu'H dit dans l'énoncé. Peut-être que c'est
une opinion personnelle. Est-ce que vous ne devez pas aussi vous
préoccuper des coûts immenses de cette opération qui,
vraiment, s'avère possiblement inefficace parce qu'il y a beaucoup de
personnes qui en souffrent? Il y avait même des personnes qui se sont
menées au suicide à cause de ces longues attentes. Ce sont des
questions qui aussi préoccupent et ont préoccupé la
Commission.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci.
M. Boulerice: Chargé de la francophonie à
l'intérieur du groupe parlementaire de l'Opposition, j'étais dans
quelques capitales de pays francophones européens récemment.
Forcément, je suis arrêté à Paris et je suis
allé à notre délégation bien au fait des
statistiques que M. le député de l'Acadie a données quant
au nombre de demandes à Paris. Je me suis aperçu d'une chose. La
première est que le traitement des demandes faites par les services
d'immigration du Québec se fait avec une rapidité presque
foudroyante. Mais là où ça s'empile, c'est au Bureau de
l'immigration du Canada. Ceci dit, devant rencontrer un jeune couple
français qui voulait immigrer au Québec, j'ai pu voir le
formulaire de l'immigration du Canada et le formulaire de l'immigration du
Québec. Ils étaient différents en termes de
phraséologie à un point tel qu'ils étaient un peu confus.
Ils me demandaient de l'aide pour la rédaction du formulaire. Ne
pensez-vous pas qu'un guichet unique, c'est-à-dire les pleins pouvoirs
au Québec au niveau de l'acceptation et non pas uniquement de la
sélection, ferait en sorte qu'on arriverait à des
résultats plus rapides, probablement plus équitables, et en
fonction de nos sensibilités à nous?
M. Lachapelle: Je dois vous dire, M. le député, que
ma connaissance des mécanismes de l'immigration, particulièrement
à Paris, est assez minime, et je saurais difficilement répondre
à cette question, et même la Commission des droits de la personne
n'a malheureusement pas d'expertise assez poussée dans le domaine pour
que je puisse vous donner une opinion suffisamment compétente sur ce
sujet.
La Présidente (Mme Loiselle): Une dernière
intervention, M. le député? Le temps file.
M. Boulerice: Est-ce que M. Giorghis est au courant de cette
dichotomie, si je peux employer le terme, entre Immigration Canada et
Immigration Québec et les conséquences que ça peut avoir
sur le traitement des dossiers? La complication pour le requérant?
M. Wolde-Giorghis: Sûrement, je l'imagine. M. Boulerice:
Vous l'avez vécu...
M. WoJde-Giorghis: Non, je ne l'ai pas vécu. Mais je pense
que, quand j'ai demandé de venir réinstaller au Québec,
j'ai eu affaire tout juste à l'ambassade canadienne seulement, mais pas
à la Délégation générale du Québec.
Je n'ai pas eu ce contact-là.
M. Boulerice: C'était quand?
M. Wolde-Giorghis: C'était en 1978. Je ne sais pas si
depuis les choses ont changé.
M. Boulerice: Donc, c'était avant Cullen-Couture,
effectivement, il n'y avait pas cette séparation...
La Présidente (Mme Loiselle): Un instant, s'il vous
plaît, c'est à la présidence qu'on demande.
M. Wolde-Giorghis: Oui, c'est ça. Voilà. Donc, je
n'ai pas eu à passer... Mais j'imagine que ça devrait être
très très difficile de pouvoir concilier cela. Maintenant, pour
un guichet unique, évidemment, c'est une question politique à
laquelle je ne suis pas habilité à répondre.
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: II y a souvent des silences plus éloquents
que des phrases. Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Loiselle): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre collègue ministériel de
LaFontaine aurait une petite question à vous poser.
M. Gobé: Une information à vous donner.
La Présidente (Mme Loiselle): Une information.
M. Gobé: C'est que vous avez raison et moi j'ai plusieurs
cas d'immigration à mon bureau de comté. Vous savez qu'il y a
beaucoup de gens. J'ai eu le même problème que vous, et on le
retrouve aussi un peu à Rome. Et le problème est dû au fait
que Paris et Rome reçoivent des demandes d'immigration de beaucoup de
pays dans le monde. Lorsque la délégation du Québec
émet son certificat de sélection, ça va au Canada pour
l'enquête de sécurité. Vous savez qu'il y a une
enquête de police. Bien que ce soit fait à Paris, la demande,
l'enquête doit des fois se faire au Zaïre ou se faire à
Ceylan. Alors, c'est évident que ça prend un certain nombre de
délais, en tenant compte de la paperasserie, de la bureaucratie de
chacun de ces pays-là, à un
point tel que, lorsqu'un immigrant vient nous voir pour faire maintenant
application, par exemple, à Boston... Un Italien, qui voudrait dire: Moi
je ne veux pas retourner là-bas, je vais appliquer à partir de
Boston ou de New York - il y en a - on leur recommande maintenant d'aller
plutôt directement dans leur pays et ça va prendre six mois, le
total des formalités en moyenne. Alors que, s'ils le font de New York ou
Boston, ça va être réenvoyé dans leur pays,
ça va prendre un an ou douze, treize mois à cause qu'il faut
retourner dans le pays d'origine.
Alors, c'est un peu cela qui explique. Le formulaire, je ne sais pas
moi. J'en avais rempli un quand j'étais immigrant. Mais je ne me
rappelle pas. C'est il y a longtemps. Mais peut-être vous pourriez m'en
montrer un. Mais pour le délai, et je tenais à vous le dire parce
que je connais ce cas-là, je l'ai dans mon comté, c'est parce
qu'il faut l'envoyer absolument au pays étranger. Ce n'est pas Paris. Si
c'était Paris-Même à Paris, c'est long la paperasserie,
elle est longue aussi. Mais ça, c'est plus long...
La Présidente (Mme Loiselle): Malheureusement, le temps
est écoulé, même qu'on a dépassé le
temps.
M. Gobé: ...pour les autres pays. C'est un peu
ça.
La Présidente (Mme Loiselle): Alors, je demanderais
à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien
vouloir terminer ce débat avec quelques mots, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Écoutez, très simplement, mais
surtout très sincèrement, Mme Petsalis, M. Giorghis et M.
Lachapelle, merci de votre participation à cette commission. Merci
également des éléments de réflexion que vous nous
avez apportés. Pour ce qui est du point dit litigieux comme tel, je vous
avoue qu'il m'a blessé moi aussi, mais j'ai l'impression que la
rédaction finale fera en sorte qu'on ne le retrouve pas. Si par malheur
on l'a pensé, eh bien, essayons de corriger. J'ose espérer que...
Dans la rédaction, je suis persuadé que ce vocable
n'apparaîtra plus.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je tiens bien sûr à vous
remercier pour la présentation de votre mémoire et aussi pour
l'excellente collaboration que vous nous offrez constamment. Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Au nom de tous les membres
de cette commission, merci beaucoup.
Je demanderais maintenant aux représentants et
représentantes du Conseil économique du
Canada de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Bonjour et bienvenue à cette commission de la culture. Si vous
voulez bien vous identifier, s'il vous plaît.
Conseil économique du Canada
Mme Pestieau (Caroline): Bon, moi je m'appelle Caroline Pestieau,
je suis présidente associée du Conseil économique du
Canada. J'aimerais présenter mes trois collègues, à ma
droite Richard Bélec, qui est directeur des affaires publiques au
Conseil, à ma gauche Neil Swan, qui est directeur principal de
recherche, et à côté de lui Denis Chénard, qui est
économiste au Conseil.
La Présidente (Mme Loiselle): D'accord. Vous avez 20
minutes pour votre présentation.
Mme Pestieau: Bon, je pense que je prendrai moins. Tout d'abord,
le Conseil économique du Canada est très heureux d'être
invité à participer aux délibérations à la
commission sur la culture. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire,
nous venons tout juste de terminer deux ans de recherche sur l'incidence
économique et sociale de l'immigration au Canada. Alors, Neil Swan a
dirigé l'équipe de recherche, Denis Chénard en
était un des sept membres, et il y a des universitaires de plusieurs
régions du pays qui ont participé aux travaux.
Le Conseil a examiné l'incidence de l'immigration sous quatre
angles différents; les effets économiques, sociaux, politiques et
humanitaires. Nous avons donné une attention particulière aux
deux premiers, les effets économiques et sociaux. Les résultats
de nos recherches nous ont amenés à formuler 11 recommandations
endossées à l'unanimité par tous les membres du Conseil.
Les principaux résultats et les recommandations sont consignés
dans le volume qui est paru le 20 février dernier, qui s'appelle "Le
nouveau visage du Canada". Vous en avez reçu des copies. Malheureusement
on n'a pas pu vous envoyer ce document plus tôt, mais il y avait
justement la date de lancement, le 20 février. Alors ce document, "Le
nouveau visage du Canada", devrait compléter notre mémoire qui
avait été envoyé à l'avance et qui s'adresse plus
spécifiquement à l'énoncé de politique.
Quand l'énoncé de politique "Au Québec pour
bâtir ensemble" est sorti au mois de décembre dernier, nous
étions frappés par la similitude entre les conclusions de ses
auteurs et les nôtres, surtout la similitude en ce qui concerne l'analyse
sociale et les mesures pratiques que cette analyse propose. Nous avons
même emprunté aux auteurs de l'énoncé à la
notion de contrat moral, en attribuant bien sûr la paternité au
Québec. Vu la concordance entre nos conclusions et celles de
l'énoncé dans le domaine
social, je me propose de consacrer cette présentation aux
résultats économiques, quitte à revenir sur les questions
sociales, si vous le voulez, pendant la période des questions.
La plus grande différence entre les deux documents vient de leurs
appréciations respectives des effets économiques de
l'immigration. Les auteurs de l'énoncé les trouvent importants,
le Conseil les trouve minces. Pour les résumer, nos recherches
démontrent, premièrement, que l'immigration a un effet positif
mais très faible sur le niveau de vie des Canadiens;
deuxièmement, nos recherches nous permettent d'affirmer que
l'immigration n'augmente pas le chômage; troisièmement,
l'immigration n'est pas un instrument efficace, ni même souhaitable pour
combler les pénuries de main-d'?uvre. (16 h 15)
Prenons d'abord l'effet positif sur le niveau de vie de la population
d'accueil. Il vient de deux sources: une plus grande efficacité dans la
production due aux économies d'échelle que permet une plus grande
population, et un petit allégement du fardeau fiscal additionnel qui
suivra inévitablement le vieillissement de la population canadienne. Au
total, l'effet positif est très petit. Rappelons que le taux
d'immigration a été d'environ 0,4 % de la population canadienne,
en moyenne, depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le doubler à 0,8
% aujourd'hui et le maintenir à ce niveau nous donnerait, en l'an 2015,
une augmentation du revenu disponible par membre de la population d'accueil de
1,4 %. Les effets d'échelle représentent un peu plus d'un point
de pourcentage et l'allégement du fardeau fiscal additionnel, autour de
0,3 %. Ce sont les seules incidences économiques significatives que nous
pouvons attendre de l'immigration. Les gains sont petits, mais le
résultat est néanmoins plus positif que celui des études
économiques antérieures.
Quand nous regardons l'emploi, nos résultats sont nettement plus
positifs que ceux de la majorité des autres économistes. Nous ne
trouvons aucune raison théorique ou empirique qui nous permette de
croire que l'immigration occasionne le chômage. Une augmentation
très brusque du taux d'immigration qui ne donnerait pas assez de temps
aux automatismes du marché pourrait faire exception à cette
règle, mais une telle exception ne nous semble pas probable.
Notons qu'il n'y a pas de divergence entre les auteurs de
l'énoncé et le Conseil à ce sujet. Aussi, y a-t-il peu de
différence entre les deux documents quant à la troisième
question économique: L'immigration peut-elle combler les pénuries
sur le marché du travail? Les auteurs de l'énoncé se
montrent prudents quant à l'utilisation de l'immigration à cette
fin. On suggère un programme expérimental qui serait basé
sur l'adaptabilité de l'immigrant plutôt que sur sa profession.
Nous sommes davantage prudents, et pour les raisons suivantes. Tout d'abord, la
science économique ne peut pas prévoir les pénuries avec
assez d'exactitude pour que le recrutement d'immigrants pour les combler soit
efficace. De plus, môme si on pouvait les combler de cette façon,
il n'est pas évident que cela soit souhaitable. Dans un premier temps,
les travailleurs canadiens perdraient, puisque la disparition de ces
pénuries réduirait leur pouvoir de négociation salariale.
Ensuite, une dépendance répétée vis-à-vis
des autres pays pour nous fournir la main-d'oeuvre dont nous avons besoin
affaiblit les signaux du marché au Canada. Nous avons eu recours
à l'immigration dans le passé pour combler les pénuries au
marché du travail, et c'est probablement une des causes de notre
piètre performance aujourd'hui en formation industrielle. Nous n'avons
jamais développé une culture de formation au Canada.
Cette conclusion, appuyée par nos autres résultats, nous a
amenés à croire qu'il n'y a pas une catégorie d'immigrants
qui doit être préférée à d'autres, au point
de vue, toutefois, strictement économique. Le choix doit être fait
en vue de faciliter l'intégration des nouveaux venus et donc selon des
critères sociaux plutôt qu'économiques.
Alors, voici, Mme la Présidente, un résumé
très rapide de nos conclusions principales sur l'incidence
économique de l'immigration. Puisque vous avez maintenant en main les
deux documents "Le nouveau visage du Canada" en plus du mémoire du
Conseil, je pense que ce serait plus profitable que nous essayions de
répondre à vos questions que de faire encore d'autres
représentations.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, Mme Pestieau. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous remercie, madame. Je suis
très heureuse de vous recevoir aujourd'hui parce que je crois que c'est
la première fois que votre Conseil vient en commission parlementaire,
ici au Québec. Si ma mémoire est fidèle, je pense que
c'est la première fois. Alors, nous sommes très fiers.
Mme Pestieau: Merci de votre accueil, Mme la ministre. En fait,
nous aussi, nous sommes très contents d'être ici parce que c'est
important pour le Conseil d'être présent partout au pays et de ne
pas se laisser cantonner à Ottawa. Nous sommes très contents de
l'invitation.
Mme Gagnon-Tremblay: J'ai pris connaissance de l'étude que
vous avez dévoilée tout récemment. Je dois vous dire qu'il
y a surtout un point sur lequel j'ai sursauté et je me suis dit,
étant donné que vous deviez venir présenter votre
mémoire aujourd'hui, ça va nous permettre peut-être de
regarder davantage votre pensée ou d'explorer davantage la
pensée. C'est sur la question de l'immigration qui aurait un impact
neutre sur l'économie du Québec ou l'économie du
Canada, si vous le voulez.
Alors là, j'ai été un petit peu surprise parce que,
justement à la page 8 de votre mémoire, vous contestez l'apport
économique des immigrants, entre autres de la catégorie des
entrepreneurs et des investisseurs, en disant que, si cet apport était
réel, ça signifierait que les Québécois sont
incapables de monter eux-mêmes des affaires rentables. Alors, je me dis:
Est-ce que l'un exclut l'autre? Si même, au niveau
macroéconomique, l'impact de l'immigration est sujet à
débat, moi, il m'apparaft que c'est important de maintenir qu'au niveau
microéconomique un immigrant entrepreneur, par exemple, qui implante son
usine en région, créant ainsi des emplois, ne peut qu'avoir un
impact positif sur l'économie et c'est dans ce sens-là que nous
travaillons. Récemment, il y a par exemple le groupe de financiers
koweïtiens qui ont acheté, comme vous le savez, Comterm qui
était en liquidation, ce qui a permis d'injecter tout près de 3
000 000 $ de capitaux et de maintenir une vingtaine d'emplois. Je pense aussi
au groupe d'Asiatiques qui ont investi dans te secteur de fourrure, fourrure
design, avec des opérations manufacturières et qui ont permis le
regroupement d'entreprises de Toronto, Québec et Montréal; encore
là, c'est un investissement de 4 000 000 $ avec une création
d'une cinquantaine d'emplois.
Je me dis souvent aussi, dans un contexte de récession ou de
ralentissement économique, moi, il m'apparaît que c'est à
peu près ou que ça pourrait être à peu près
les seuls capitaux nouveaux injectés dans une province ou dans un pays.
Donc, vous comprenez que je suis un petit peu sceptique et j'aimerais avoir
plus de détails sur quoi vous vous basez. Est-ce que c'est parce que les
gouvernements ne se sont pas donné d'outils assez pointus pour pouvoir
explorer ou s'assurer que ces personnes allaient véritablement
créer leur entreprise et des emplois ou investir au Québec?
Est-ce que c'est dans ce sens-là ou bien si, vraiment, vous maintenez
toujours votre position? Ou si je n'ai pas bien saisi, par exemple, votre
pensée à cet effet-là?
Mme Pestieau: Je pense qu'il y a deux considérations
générales qu'il faut tenir à l'esprit. D'abord, nous ne
disons pas que les immigrants ne créent pas d'emplois et qu'ils
n'investissement pas, mais est-ce qu'ils font des choses que les Canadiens ne
feraient pas? Est-ce qu'il y a un ajout que nous pouvons attribuer à
l'immigration? C'est extrêmement difficile de démontrer cela.
Aussi, les immigrants, s'ils se créent des fortunes personnelles, est-ce
qu'il y a des avantages pour les Canadiens en termes d'augmenter leur niveau de
vie? Parce que c'était ça notre critère, l'effet sur le
niveau de vie des Canadiens. Nous avons tenu compte de deux façons en ce
qui concerne les effets d'échelle et ce qui concerne l'allégement
du fardeau fiscal. Une fois qu'on a tenu compte de ces deux effets-là,
c'est très difficile de démontrer qu'un immigrant fait autre
chose qu'un Canadien fait déjà au pays. Je vais demander à
mon collègue Neil Swan de peut-être amplifier ma
réponse.
M. Swan (Neil): C'est toujours difficile de répondre
à cette question-là parce qu'on peut voir les emplois que
crée un immigrant investisseur et on ne peut pas voir la situation qui
serait arrivée si cet immigrant-là n'était pas
arrivé. Est-ce qu'on aurait tout de même créé des
emplois? Selon notre évidence, on a vu qu'il y a des milliers et des
milliers d'entrepreneurs canadiens locaux qui essaient chaque année de
commencer des affaires. Et le fait qu'un immigrant commence une affaire,
ça fait concurrence à des affaires qui auraient eu lieu sans
immigrants. Donc, l'évidence qu'on a nous dit que le fait de
l'immigration, soit des entrepreneurs soit des investisseurs, en créant
des emplois, est très minime, probablement négligeable.
Mme Gagnon-Tremblay: Je reviens à la charge parce que vous
comprenez que je suis une femme très pratique. Pour moi, les
investissements, c'est très important et, en plus, à la
vice-présidence du Conseil du trésor, vous comprenez que la
question d'argent, c'est important. Je reviens un petit peu à la charge
parce que, quand je vous dis "pratique", c'est que, moi, j'ai des exemples
concrets. Bien sûr que peut-être les gouvernements n'ont pas
suffisamment investi dans l'accueil de ces immigrants, ils n'ont pas
suffisamment investi pour s'assurer que ces personnes créaient
véritablement des emplois, mais je dois vous dire que dans un contexte,
et je reviens, dans un contexte de rareté des ressources ou dans un
contexte de récession, par exemple, souvent ce sont les seuls capitaux.
Je peux croire peut-être que des Québécois auraient pu
investir pour sauver, par exemple, Comterm, ou encore le groupe asiatique dont
je vous parlais tout à l'heure, mais qui me dit aussi qu'on aurait pu
investir dans cette période de récession et conserver ces
emplois?
Entre 1986 et 1989, 250 000 000 $ ont été
transférés via notre seul programme d'immigrants investisseurs
et, par exemple, compte tenu de la sélection que nous avons faite
l'année dernière, 2000 entrepreneurs arriveront au Québec
cette année. On sait que ces entrepreneurs possèdent en moyenne
570 000 $ chacun. Donc, ces personnes-là, en arrivant, bien sûr,
elles ont l'obligation de créer leurs emplois. Vous savez que, dans des
périodes de ralentissement économique, souvent, entre autres, au
niveau du développement régional, on a sauvé beaucoup
d'emplois grâce à ces petites et moyennes entreprises et non pas
par des multinationales mais des petites et moyennes entreprises. Alors, je me
dis: Ces personnes-là arrivent ici, ont des capitaux, vont
acheter des propriétés, vont payer des loyers,
naturellement font tourner la roue économique. Donc, j'ai encore de la
difficulté à voir que ça peut avoir un impact neutre. Si,
par exemple, on me dit: Vous, les gouvernements, vous n'avez pas suffisamment
bien joué votre rôle et c'est pour ça que l'impact est
neutre, je vous dirais: oui et nous l'admettons, mais cependant à
l'intérieur de cette politique, dans cet énoncé de
politique... D'ailleurs, nous avons déjà mis sur pied des moyens
parce que nous songeons à la régionalisation et nous croyons
qu'en travaillant avec tous les leaders économiques des régions,
par exemple avec les commissaires industriels, avec les villes, avec les
chambres de commerce, avec les industries existantes, nous pourrons organiser
des structures d'accueil pour, par exemple, ces 2000 entrepreneurs qui
arriveront cette année, pour leur offrir, d'une part, des locaux, leur
offrir aussi des choix d'entreprises, des choix de création
d'entreprises. Si le jumelage est bien fait entre l'offre et la demande, dans
des secteurs d'activités finalement qui sont aussi en demande dans les
régions, je me dis à ce moment-là: Ça ne peut pas
faire autrement que d'injecter des capitaux neufs et d'avoir un apport
important sur l'économie du Québec. (16 h 30)
Mme Pestieau: Moi, je vous suggérerais un scénario
évidemment hypothétique. Si on avait importé des
investisseurs et des entrepreneurs plutôt que d'agrandir l'École
des hautes études commerciales à Montréal, on aurait eu de
l'activité au pays, mais je pense que le Québec ne serait pas
plus riche et je suggère qu'il aurait été moins riche,
parce que c'est l'activité locale qui est importante. C'est de renforcer
le marché local qui est extrêmement important. Les immigrants
investisseurs ne nous apportent rien à moins qu'on ne leur impose une
taxe, c'est-à-dire à moins qu'on les oblige d'une façon ou
d'une autre d'accepter un rendement sur leur argent moindre que les autres
Québécois. C'est assez difficile à faire. Il faut
évidemment une réglementation, c'est-à-dire qu'on les
oblige à investir dans des entreprises qui ont des difficultés
à attirer des fonds parce qu'elles ne sont pas attrayantes et en
concurrence avec les autres occasions d'investir. Plutôt que de les
laisser vendre ces actions si la situation périclite, on les oblige
à les garder là. En fait, c'est une façon d'imposer une
taxe sur ces personnes-là. Alors, dans cette mesure-là c'est
sûr que ça nous apporte quelque chose. Mais, même là,
je suis inquiète à long terme parce que, si nous avons
forcé la création et le maintien en vie d'une entreprise qui
n'est pas rentable, peut-être que 10 ans plus tard il y aura une demande
de protection qui va faire payer le consommateur canadien plus cher pour
protéger cette entreprise-là qui n'est pas rentable contre la
concurrence qui viendrait des importations. Alors, cette intervention est loin
d'être simple.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous allez me trouver tenace, mais je
reviens parce que je ne suis pas encore convaincue dans le sens que, oui, on a
beau dire que peut-être le Québécois l'aurait fait, mais je
ne comprends pas que l'un exclut l'autre et il m'apparaît, pour moi, que
c'est un plus. Bien sûr que ce n'est pas vraiment dans notre intention de
faire investir ces personnes dans des entreprises qui sont vouées
à l'échec parce que ces gens-là n'ont pas plus le
goût de perdre leur argent que nous. Je pense, entre autres - là,
ça me vient à l'idée, mais je ne me souviens plus du nom -
à une compagnie de fabrication de lunettes dans la région de
Nicolet qui était en faillite et qui a été achetée
justement par un entrepreneur de Hong Kong que j'ai rencontré
l'été dernier. Puis, finalement, à cause de l'ouverture
des marchés, parce que lui il avait le marché... Si l'entreprise
n'a pas fonctionné au Québec par l'entrepreneur
québécois c'est parce que cet entrepreneur n'avait pas le
marché, tandis que cet immigrant investisseur de Hong Kong lui, avait le
marché pour ce type d'entreprise. Donc, ça a réussi et les
emplois ont été conservés. Il y a eu un investissement
important.
C'est pour ça que je vous dis, si, par exemple, comme
gouvernement, nous nous occupons davantage de ces catégories dans le
sens que, lorsqu'elles arrivent au Québec, on s'en occupe...
Premièrement, qu'on les accueille convenablement. Deuxièmement,
qu'on leur fasse connaître les lois corporatives, les lois fiscales du
Québec. Troisièmement, qu'on les mette en contact aussi avec des
entreprises et des leaders économiques de différentes
régions du Québec pour leur offrir des locaux et des projets de
création d'emplois. Je me dis, à ce moment-là, il me
semble que nous devrions voir un impact économique non neutre mais un
impact économique favorable au bout de quelques années si nous
faisons tous ces efforts. Peut-être - et je l'admets - que nos efforts
ont été neutres ou ont été même en dessous de
ce qu'on aurait dû faire jadis, et c'est pour ça finalement
qu'aujourd'hui on arrive avec cet indice de neutralité.
M. Swan: Est-ce que je peux...
La Présidente (Mme Loiselle): Allez-y!
M. Swan:... essayer encore une fois? Je ne m'attends pas à
ce qu'on vous convainque parce que c'est toujours comme ça avec les
idées nouvelles et inattendues lorsqu'on les expose pour la
première fois. Tout le monde dit: Quoi, je n'en crois rien! Je demande
seulement que vous lisiez notre analyse et que par exemple, à la page
19... Est-ce que vous avez notre document? On voit le tableau 4 qui montre le
nombre d'entreprises qui se sont créées au Canada en
général entre les années 1979 et 1989. On voit que
l'augmentation d'entreprises a été de
150 000. Ça fait 150 000 entrepreneurs qui ont commencé
des entreprises pendant ces dates-là. Ça c'est le net; beaucoup
plus ont essayé de commencer et beaucoup n'ont pas réussi. Donc,
nous avons conclu qu'il y avait beaucoup, beaucoup d'entrepreneurs canadiens
qui ont essayé de s'établir sur le marché. Avec d'autres
analyses - je ne peux pas toutes les expliquer - on a conclu qu'il n'y a pas
besoin d'entrepreneurs immigrants pour faire que le chômage soit
diminué. Mais je sais bien que c'est une idée très
nouvelle et je demande seulement, comme je l'ai dit, que vous y pensiez, et
peut-être que dans /'avenir...
Mme Gagnon-Tremblay: C'est un point de vue.
M. Swan: ...vous serez convaincus.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, c'est un point de vue. Si on le prend
de ce point de vue, comme je vous le dis, c'est... Bon, je pense que... Moi, si
je regarde de façon très terre à terre, il y a aussi - et
je le prends davantage au niveau d'ouverture des marchés, beaucoup plus
dans ce sens-là - bien sûr qu'il peut y avoir plusieurs petites
entreprises qui seront créées par des Canadiens, mais je le vois
comme un plus, je le vois beaucoup plus comme un plus.
Je pense qu'il ne faut pas négliger non plus les impacts
indirects de l'immigration sur l'économie. Je vous en nommais
quelques-uns tout à l'heure, mais les liens d'affaires
créés par ces nouveaux arrivants avec leur pays d'origine,
l'apport de cerveaux pour l'avancement de techniques de production, de la
science et de la technologie. Vous savez qu'ici on est très fiers, par
exemple, de notre industrie qui a fabriqué le bras canadien pour la
navette spatiale. C'est grâce justement à une personne qu'on est
allé chercher à l'extérieur. Aussi, au niveau du
rajeunissement de l'âge moyen des travailleurs. Donc, ça peut
insuffler un dynamisme nouveau à la main-d'oeuvre. Bien sûr, je ne
dis pas que ça remplace, mais, par contre, c'est un plus et c'est dans
ce sens-là que, pour moi, il est difficile d'admettre que cette
immigration économique aurait un impact neutre sur /'économie du
Québec. Mais, comme je vous le dis, moi, je suis persuadée que,
si nous faisons des efforts, peut-être que nous aurons des
résultats positifs d'ici quelques années. Je travaille
actuellement avec les régions et avec tous les leaders
économiques, chose que nous n'avions pas faite auparavant. Moi, je suis
persuadée qu'on aura des résultats très positifs et je
serai très heureuse, par la suite, lors d'une prochaine étude de
votre Conseil, que l'on puisse le prendre en considération.
Je voudrais revenir aussi sur la question de /a main-d'oeuvre. Vous avez
mentionné que, pour vous, il ne vous apparaissait pas que c'était
un moyen efficace pour combler une pénurie de main-d'oeuvre, une
main-d'oeuvre qualifiée. On sait que, dans des régions, vous avez
un taux de chômage qui peut être très élevé,
mais, cependant, vous avez une pénurie de main-d'oeuvre. Est-ce que
c'est parce que le délai entre la sélection et l'arrivée
de ces personnes est tellement long, trop long pour pouvoir répondre
à un besoin d'une entreprise en main-d'oeuvre spécialisée
ou bien si c'est parce que, encore là, on devrait commencer par former
ici, sur place? Est-ce que vous pouvez me donner plus de détails sur
ça?
Mme Pestieau: Eh bien, il y a deux choses, Mme la ministre. C'est
vrai qu'il y a un délai, mais ce qui est plus important encore, c'est
l'impossibilité de prévoir avec certitude. On a l'impression
à certains moments qu'on a besoin d'un certain corps de métier.
Mais c'est très difficile de savoir combien de temps ce besoin va durer.
C'est très difficile de prévoir suffisamment à l'avance
qu'on en aura besoin. Alors, il y a, du côté justement de la
prévision, une très grande faiblesse du côté de
l'économie appliquée et je pense que c'est se leurrer de croire
que cette faiblesse n'existe pas.
Mais, de l'autre côté aussi, il y a des problèmes.
Si on amène des gens expressément pour concurrencer un certain
corps de métier au Canada, si nous voulons faire un bilan, nous devons
déduire la perte en pouvoir de négociation salariale des
Canadiens. On ne peut pas le nier. Je dirai entre parenthèses que ce que
nous trouvons... Nous sommes très heureux dans notre recherche d'avoir
trouvé que l'immigration ne cause pas de chômage. Vous avez
peut-être remarqué qu'un des anciens chefs syndicaux les plus
renommés du Canada, M. Marcel Pépin, s'est joint à nous
pour le lancement, la semaine dernière, et il a déclaré
carrément que l'immigration ne crée pas de chômage. Mais on
ne peut pas nier que, si on fait venir des gens pour concurrencer les
Canadiens, expressément pour ça... On se dit: Bon, il y a une
pénurie là. Plutôt que de laisser monter les salaires, nous
allons faire venir des gens, et le mouvement syndical va croire, à
raison, que nous faisons venir des gens pour garder (es salaires plus bas.
Alors, ça, c'est un coût. Mais il y a une autre chose qui, dans un
sens, est encore plus importante parce que ça a un effet très
général. On n'encourage pas le marché à se montrer
flexible. Les travaux du Conseil économique du Canada, depuis plusieurs
années, se sont arrêtés à une très grande
faiblesse de l'économie canadienne, ce qu'on appelle des
rigidités dans le marché du travail. Notre dernier exposé
annuel a prêté beaucoup d'attention au fait que les pressions
inflationnistes peuvent être aggravées par les rigidités
dans le marché du travail.
Comme vous dites, il y a des chômeurs d'un côté et il
y a des postes vacants de l'autre côté.
Plutôt que de faire venir des gens pour combler ces postes, il
faudrait créer un esprit, une culture de formation aussi bien chez les
employeurs que chez les gens en chômage. Il faudrait que la notion de
formation continue permanente, payée en partie probablement par
l'employeur, devienne vraiment commune au Canada, comme ça l'est en
Suède, en Allemagne ou au Japon et le reste. Mais, faire venir des
immigrants pour des besoins ponctuels milite contre cette flexibilité de
la main-d'oeuvre.
Mme Gagnon-Tremblay: Pris dans ce sens-là, je comprends
votre point de vue. Cependant, c'est que nous avons d'autres objectifs à
atteindre, entre autres, celui de la démographie. Nous devons combler un
certain vide et nous savons cependant que notre population est très
vieillissante et que ça aura aussi des impacts importants sur nos
structures d'éducation, nos structures de santé et services
sociaux. Bien sûr que nous avons d'autres objectifs, que ce soit, par
exemple, linguistique, que ce soit culturel, que ce soit démographique.
Alors, je comprends que, pris dans le sens seulement de l'impact que ça
peut avoir, par exemple, sur les salaires ou que ça pourrait avoir... On
sait qu'au niveau démographique, par contre, c'est important pour le
Québec. C'est important pour le Canada, mais c'est surtout important
pour le Québec, compte tenu du faible taux de natalité et aussi
de notre poids démographique, notre poids au sein de la
Confédération.
Donc, c'est important de sélectionner et, bien sûr, lorsque
le Québec, par exemple, vise à augmenter la catégorie, par
exemple, des indépendants, c'est pour être capable de
répondre à certains besoins économiques aussi en
même temps. Besoins démographiques, mais besoins
économiques du Québec. C'est pourquoi nous voulons travailler
très sérieusement avec tous les leaders économiques, y
compris des régions et des entreprises actuelles pour être
capables de mieux faire le jumelage ou mieux répondre aux besoins et
à la demande.
Dans ce sens-là, si, par exemple, nous travaillons davantage sur
ça... parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a
peut-être eu négligence auparavant quant à l'accueil et
quant au jumelage de ces personnes qui arrivent ici.
Mme Pestieau: La question du poids démographique et de
l'avenir démographique du Québec n'a pas évidemment
été étudiée par le Conseil économique.
D'ailleurs, je ne pense pas que nous ayons une expertise particulière.
Il faut dire que nous reconnaissons le bien-fondé de cette
préoccupation, mais nous n'avons rien à dire en tant que Conseil
économique à ce sujet-là.
Quant à la sélection - parce que je pense que la
démographie est une chose, la sélection en est une autre. Et on
trouvait que les bénéfices économiques que nous avons
identifiés viennent d'abord du volume de population et,
deuxièmement, du rajeunissement de la population, par le fardeau fiscal.
Nous avons conclu que du point de vue économique il n'y a pas vraiment
d'intérêt à préférer les indépendants,
la réunification des familles ou les réfugiés. Par
ailleurs, nous nous sommes attardés beaucoup aux questions sociales et
la question de la bonne intégration des immigrants au Canada. Ce sont
des raisons sociales qui nous ont poussés à croire qu'il faut
avoir un équilibre, surtout professionnel. Il faudrait éviter que
les immigrants soient stéréotypés, qu'ils soient des
ingénieurs en aéronautique ou qu'ils soient des balayeurs ou des
gardiennes d'enfants. Il ne faudrait pas, au point de vue social, qu'on dise,
oh oui, j'attends voir un immigrant, qu'il soit... À certains moments,
je me rappelle, les Noirs, on entendait les voir comme un médecin qui
faisait son internat au Canada, ou un manoeuvre. Et ça, c'est une
très mauvaise situation parce que les immigrants doivent être
répartis à travers toutes les professions du pays. (16 h 45)
Alors, quand nous pensons à la sélection, nous pensons en
termes sociaux. Ça c'est en ce qui concerne les occupations. Quand nous
pensons aux trois composantes, familles, réfugiés et
indépendants, là encore nous pensons à des questions
humanitaires et, si on s'attardait au critère humanitaire, on ferait
venir surtout des réfugiés, les gens pour l'intégration,
pour la réunification des familles. Si on pensait à
l'adaptabilité qui est une notion qui est dans l'énoncé,
je trouve que c'est une notion extrêmement intéressante, on
prendrait probablement les gens qui sont passés par les grilles de
sélection en ce qui concerne bien sûr la connaissance de la
langue, et alors les mécanismes de soutien du côté de la
famille.
Alors, comme c'est dit d'ailleurs dans l'énoncé, à
un certain moment, il y a des raisons qui militent en faveur de chacune des
composantes: familles, réfugiés et indépendants. Et c'est
cela qui nous a amenés à dire qu'il faut avoir un
équilibre aussi bien entre les trois composantes qu'aussi un
équilibre occupationnel.
Mme Gagnon-Tremblay: Une dernière question. Vous
remarquez... C'est qu'à vous entendre j'ai l'impression que vous
souhaiteriez ou vous croyez qu'on ne ferait venir que des
réfugiés et que ce serait suffisant alors que nous on pense
pouvoir équilibrer. Et c'est pour ça que d'ailleurs on veut
augmenter notre proportion d'indépendants aussi à cause de
l'apport économique. Donc, par exemple, ce que nous avançons dans
l'énoncé de politique quant à la catégorie des
indépendants, êtes-vous en accord ou en désaccord avec le
choix que Québec fait de vouloir augmenter la catégorie
d'indépendants?
M. Swan: Nous autres aussi nous sommes en faveur d'un
équilibre entre les trois classes, mais pas pour des raisons
économiques. C'est sur le plan social. Pour la question
d'intégration, on pense qu'on a besoin d'un mélange d'occupations
afin d'éviter le stéréotype.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à vous la...
M. Boulerice: J'ai le goût de vous dire à la blague
que, comme trouble-fête, il ne se fait pas mieux que vous autres.
Une voix: À la blague. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: À la blague. Et j'écoutais, Mme
Pestieau, l'échange radiophonique que vous avez eu avec ma
collègue et amie Mme Lalonde lundi, et c'était très
intéressant. J'ai l'impression que vous avez été
très influencée par Karl Popper, qui est un
épistémologue assez reconnu, qui disait que faire oeuvre de
science, c'était montrer le contraire de sa première affirmation.
J'essaie de me mettre dans la peau de Mme la ministre, qui insiste sur le
caractère économique et vous venez et vous dites, non, ça
n'a absolument aucune incidence ou, s'il y a incidence, elle est tellement
minime que est-ce que ça vaut le coup que nous la considérions,
cette incidence? À un point tel d'ailleurs que je lui ai envoyé
une petite note tantôt en disant: Si l'immigration ne nous aide pas
à payer nos pensions, compte tenu que comme députés nous
n'avons pas la sécurité d'emploi, ne vous sentez-vous pas
déprimée? Ha, ha, ha! C'est un peu le sentiment que j'ai en vous
écoutant.
Je vais aller à des questions sérieuses, mais quand
même pour vous dire que vous avez semé un émoi, d'une part
- je pense qu'il y a eu des réactions à votre mémoire - et
un doute. J'ai l'impression qu'on a lu saint Thomas d'Aquin tous: Le doute nous
habite et c'est peut-être cela qui va faire qu'on va trouver la solution.
Mais comme je vous le disais tantôt, en essayant d'y mettre un petit peu
d'humour, sinon on va devenir neurasthénique, votre analyse
démontre - mais là je vais vous poser aussi des questions sur
l'analyse - que les arguments économiques ne peuvent justifier la hausse
des niveaux d'immigration. Moi je vais en postuler tout de suite, à
l'exemple de la Ligue des droits et libertés qui vous a
précédé hier soir, qui eux disaient que l'immigration
c'est d'abord et avant tout une oeuvre humanitaire. Vous semblez aller, si ce
n'est pas très directement vers eux, du moins la distance qui vous
sépare entre la Ligue des droits et libertés et la position dans
l'énoncé de politique elle est moins grande.
Mme Pestieau: D'abord, M. le député, j'aimerais
faire une mise au point. Nous sommes, Neil et l'équipe, et
moi-même, pris entre deux feux. Du côté du grand public, on
trouve que c'est extraordinaire que nous ne trouvions pas plus de
bénéfices économiques de l'immigration. Du
côté de la profession d'économiste, on est surpris que nous
en trouvions. L'Australie a eu une commission d'étude un peu semblable
à la nôtre, pas une commission, mais le type d'étude qui a
été faite était semblable et ils n'ont trouvé aucun
bénéfice économique. Nous en avons trouvé et nous
sommes fiers de pouvoir dire que nous avons trouvé deux sources de gain,
un marché plus grand et un rajeunissement de la population. Quand vous
dites qu'il n'y aura personne pour payer nos pensions, c'est sûr que les
immigrants ne vont pas empêcher l'augmentation des taxes à cause
du vieillisement de la population, à moins d'une immigration massive qui
n'est pas concevable. Mais je vous réfère si vous voulez à
la page 14, où quand même nous voyons que, entre deux
scénarios d'immigration, il y a des coûts additionnels moindres,
j'insiste toujours sur "additionnels", parce qu'il n'y a rien qui va
empêcher ces coûts de monter, mais il y a quand même des
coûts additionnels moindres avec le 0,8 % qu'avec le 0,4 %. Avec le 0,4
%, les coûts additionnels seraient presque 1300 $, en l'an 2040, avec le
0,8 % ce serait presque 900 $. Alors c'est quand même 400 $ par Canadien,
ce qui n'est pas rien. Alors ça c'est du côté
économique. Je pense que nous en avons quand même trouvé.
Et, si on n'en avait pas trouvé, on n'aurait pas suggéré
une augmentation de l'immigration.
Mais, étant donné que chacun de nous gagne
légèrement, étant donné que les immigrants
eux-mêmes gagnent beaucoup et étant donné qu'il y a quand
même une diversité accrue, et les membres du Conseil
économique ont jugé qu'ils voulaient davantage de
diversité au pays, nous trouvons que c'est assez logique de
préconiser une augmentation de l'immigration.
Ce n'est pas uniquement pour des raisons économiques, c'est vrai.
Mais ce n'est pas non plus uniquement pour des raisons humanitaires.
M. Boulerice: Je vous ai taquinée un peu tantôt, Mme
Pestieau, et je pense que vous avez compris dans quel esprit. Je vais quand
même noter que votre rapport comporte des éléments
extrêmement importants. Un organisme comme le vôtre qui,
après une étude, va sur la place publique et dit non c'est faux,
les immigrants ne sont pas des voleurs de jobs comme on dit, je pense que
là véritablement vous nous aidez et vous aidez la population
autant québécoise que la population canadienne à cheminer
dans l'acceptation de l'immigration. Même si la rentabilité
économique est questionnée par votre mémoire, vous
insérez quand même des données, comment dirais-je donc, je
vais employer le mot, d'ordre
humanitaire, et surtout une argumentation qui est très
pédagogique, parce que c'est malheureusement très souvent ce
qu'on entend. Donc, cela nous aide.
Vous dites que l'immigration ne solutionne pas le problème de
vieillissement de la population, donc je reviens toujours de façon
très égoïste à ma pension de vieillesse, par ce que
vous avez sans doute constaté que je m'en rapproche à grands pas.
Si l'immigration n'est pas... quelles solutions devrons-nous envisager pour
faire face à la charge économique et sociale énorme que
représente ce problème? Vous connaissez sans doute Guerling, en
Allemagne, ce puissant groupe. Je discutais avec un analyste de chez Guerling
qui me faisait le coup du vieillissement de la population en Allemagne et
surtout de l'Allemagne réunifiée, et ses chiffres me donnaient le
vertige. Ceux qu'on regarde ici, également, nous donnent le vertige.
Qu'est-ce qu'on va devoir prendre, comme solution?
Mme Pestieau: Je pense que nous ne pouvons pas nous baser sur nos
travaux, ici. Les choses qu'il faudra probablement étudier, c'est
permettre et encourager les gens à travailler plus tard, ne pas prendre
leur retraite à 60-65 ans, et aussi étudier comment
réduire les coûts de soins de santé et comment justement
faire de la santé préventive pour que les gens requièrent
des soins moins coûteux. Là, je vais faire une réclame,
puisque vous me donnez une ouverture. Le Conseil économique va entamer
très bientôt une étude sur les coûts des soins de
santé. Mais dans le contexte de notre étude, nous n'avons
malheureusement pas de réponse à vous donner.
M. Boulerice: À votre avis, est-ce que les niveaux, comme
tels, d'immigration prévus par le ministère
québécois de l'Immigration sont réalistes?
Mme Pestieau: Voulez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par
"réalistes* parce que ça peut être pris dans beaucoup de
sens?
M. Boulerice: Vous avez dit qu'il fallait faire attention - je ne
sais pas quel terme vous avez employé, je vais tenter d'y aller de
mémoire - à une "surimmigration". Je pense que ce n'est pas le
terme que vous avez employé, mais vous avez fait une petite mise en
garde en disant: II faut faire attention au taux d'immigration en prenant en
considération notre capacité d'absorption. Est-ce que les quotas
que nous avons définis, qui sont, de mémoire, je crois, 23 % ou
25 % - quelque chose comme ça - pour le Québec... Est-ce que vous
croyez que ces taux sont réalistes?
Mme Pestieau: Si je vous comprends bien, vous voulez dire: Est-ce
qu'ils sont souhaitables? Parce que, "réalistes", ça pourrait
vouloir dire:
Est-ce que ces immigrants vont effectivement venir? Ou: Est-ce qu'ils
vont effectivement venir au Canada ou au Québec? Je comprends que ce
n'est pas...
M. Boulerice: Écoutez, si on dispose de 388 Boeing B-747,
je peux vous dire que tel nombre est réaliste puisque j'ai les moyens de
transport. Je pense que je le disais dans le sens de "sou haitable",
effectivement.
Mme Pestieau: Merci, M. le député. Excusez-moi
d'insister...
M. Boulerice: Non, pas du tout.
Mme Pestieau: ...mais je voulais être sûre de bien
répondre à la question. On distribue actuellement un graphique
que nous avons préparé, qui fait le pendant, en fait, au
graphique qui est dans le volume, qui se trouve vers la fin, en tout cas en ce
qui concerne nos recommandations - 39, oui. Alors, nous avons calculé
les augmentations, les niveaux à travers les années, de 1966
à 1990, au Canada et au Québec. Nous avons aussi calculé
la moyenne des 25 dernières années au Canada, qui était
0,6 % de la population canadienne. À partir de cela, comme je vous l'ai
dit tout à l'heure, nous avons recommandé une augmentation. Mais
nous avons recommandé une augmentation graduelle parce que - on n'a pas
parlé de la situation sociale - nous sommes assez optimistes quant
à l'intégration sociale des immigrants au Canada, même
tenant compte du fait que la nature de l'immigration a changé. Ce sont
des gens de culture, de langue et d'ethnies différentes de par le
passé. Nous sommes optimistes qu'il y ait moins de
préjugés qu'avant. Mais, quand même, nous estimons
très important de garder cette amélioration, qu'elle ne soit pas
dissipée ou gâchée par des problèmes. (17
heures)
Nous avons analysé les attitudes des Canadiens vis-à-vis
l'immigration et vis-à-vis les minorités visibles et nous avons
constaté que quand il y a une augmentation rapide du nombre ou du
pourcentage des minorités visibles, accompagnée d'un taux
élevé de chômage, ou même une augmentation
très brusque des minorités visibles - au même sens que
l'augmentation du chômage - ces attitudes positives commencent à
devenir moins positives et même négatives. Alors, ce qui est
important pour nous, c'est que l'amélioration continue avec
l'augmentation d'immigration que nous préconisons. C'est pour ça
que dans le graphique vous voyez que nous préconisons une augmentation
assez lente pour atteindre 1 % de la population canadienne en l'an 2015. Et
nous avons dit au fédéral - comme ça a été
rapporté, je pense, dans les journaux - que nous pensons que ce qu'ils
avaient en tête était un peu trop rapide. Mais, à long
terme, nous
sommes d'accord, mais c'était peut-être un peu rapide.
Alors, c'est un peu la même chose qu'on voit sur le graphique.
C'est que les niveaux canadien et québécois sont en train de
monter assez rapidement et que peut-être, pour ne pas gâcher cette
amélioration des attitudes, il faudrait mettre la pédale un peu
doucement.
M. Boulerice: On parle de 55 000, je crois, pour 1994?
Mme Gagnon-Tremblay: Ça pourrait être de
l'ordre...
M. Boulerice: Bon, enfin, ce serait un chiffre envisagé.
55 000, en 1994, est-ce que vous calculez que le poids sur
l'accélérateur est bien ou si c'est un frein, plutôt, qu'on
devrait utiliser?
Mme Pestieau: Mais je pense que... Avez-vous le graphique, M. le
député?
M. Boulerice: Oui.
Mme Pestieau: Je pense que 55 000, quand même, c'est encore
plus fort. Je pense que le chiffre de 1991 est autour de 44 000. Nous avons, en
tout cas, pris ce qui était décidé par le gouvernement du
Québec. J'ai le chiffre à quelque part et...
Mme Gagnon-Tremblay: 45 000.
Mme Pestieau: Oui, je pense que, pour 1991, c'était entre
44 000 et 47 000. Alors, c'est ça, plus ou moins, qui est le dernier
point sur notre graphique, ici. Alors, de le monter à 55 000, on irait
toujours en montant.
Alors, c'est vraiment l'inclinaison de la pente que nous trouvons un
petit peu trop abrupte.
M. Boulerice: D'accord. En dernière question, dans le
dossier que vous nous avez remis, là, à la page 7, je vois une
préoccupation qui est mienne et où je pourrais peut-être
vous dire que... Vous parlez des réfugiés. Vous dites: "Le
Conseil signale également la grande difficulté pour le
gouvernement fédéral de contrôler et de gérer le
processus de détermination du statut de réfugié." Je pense
que c'est de toute évidence. "Il faut noter que le nombre de
revendicateurs du statut de réfugié s'est considérablement
accru au cours des dernières années. Conscient des contraintes
budgétaires du gouvernement, le Conseil évoque cependant la
possibilité qu'une politique de non-intervention dans ce domaine
pourrait s'avérer encore plus coûteuse à l'avenir et rendre
purement théorique toute recommandation relative aux niveaux globaux
d'immigrants que le Canada devrait accueillir. Il importe donc de limiter le
nombre de revendicateurs du statut de réfugié et de
réduire l'arriéré de demandes n'ayant pas encore fait
l'objet d'une décision."
Est-ce que j'interprète bien ce que je lis en disant que vous
vous refusez à une solution que préconisent plusieurs groupes,
qui est l'amnistie, compte tenu que ces gens sont ici et qu'à 90 % et
plus, si jamais on finit par avoir le dossier devant un commissaire, ils seront
acceptés?
Mme Pestieau: D'abord, le Conseil économique n'a pas fait
de recherches originales ici. Nous avons regardé la documentation qui
existe ailleurs, notamment le rapport du Vérificateur
général du Canada, le rapport de la Commission de la
réforme du droit du Canada et nous trouvons qu'il y a un problème
à résoudre. Ce que les sources secondaires, les auteurs que nous
avons consultés semblent suggérer, c'est qu'une amnistie
crée de nouveaux problèmes dans les périodes
subséquentes. Il y a une coïncidence dans le temps avec l'amnistie
qui a été, je pense, en 1986-1987, avec un afflux de
revendicateurs durant les années suivantes. Alors, on dirait,
d'après ces données-là, qu'une amnistie donne un mauvais
signal. Mais vous avez peut-être remarqué que le Conseil n'a pas
fait de recommandations. Ce n'est pas un domaine où nous sommes experts.
Nous avons consulté des sources secondaires et nous avons indiqué
qu'il faut quand même que quelqu'un s'occupe de résoudre ce
problème parce que les revendicateurs nous coûtent assez cher, pas
seulement en dollars, mais en tensions intergouvemementales; le
fédéral, le provincial, qui est responsable, qui doit assumer les
frais? Ça coûte cher aussi en termes de l'opinion publique, si on
a l'impression que les revendicateurs sautent leur place dans la file et qu'il
y a des réfugiés dans les camps et les membres d'une famille qui
attendent la réunification et qui ne peuvent pas venir parce que des
revendicateurs ont pris leur place... Alors, toute la situation des
revendicateurs est une situation extrêmement sensible. Tout ce que nous
avons dit dans le document, c'est qu'on ne devrait pas laisser pourrir cette
question. Mais nous avons dit en même temps: Ce n'est pas le Conseil
économique qui peut vraiment vous aider à démêler la
chose, c'est les gens comme, par exemple, la Commission de la réforme du
droit.
M. Boulerice: Est-ce que vous êtes de mon avis...
Le Président (M. Ooyon): M. le député.
M. Boulerice: Ce sera ma dernière question que je vous
poserai, Mme Pestieau. Vous semblez dire que, si l'on donne une amnistie,
automatiquement le message qui est décodé ailleurs, c'est: Bon,
bravo! On peut aller à la récidive.
Mme Pestieau: II y a des auteurs qui ont
dit cela et nous les citons, mais nous ne sommes pas experts et je pense
que je ne peux pas vous être d'une très grande utilité.
M. Boulerice: Alors, permettez-moi très modestement de
vous être utile en vous disant que, oui, si l'amnistie peut
peut-être causer des problèmes, ça cause des
problèmes parce que le gouvernement fédéral n'est pas
capable de se donner une politique très claire et très ferme de
contrôle de ses frontières, comme la majorité des pays en
ont. Mais, par contre, si on considère le problème que ça
peut causer de ne pas se donner une politique, il faut regarder le
problème que ça cause pour les gens qui sont en attente
actuellement ici. J'ose espérer que Mme McDougall qui doit, sans aucun
doute, lire les rapports du Conseil économique du Canada, prendra en
considération les propos qui sont tenus là-dedans et les
commentaires qu'on a apportés ici à cette commission.
Je vous remercie. Je pense que vous serez retournés dans vos
bureaux et aurez retravaillé bien des dossiers depuis fort longtemps et
votre mémoire sera toujours commenté par les membres de cette
commission. Merci de votre présence.
Mme Pestieau: Merci, M. le député.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. J'aurais le goût de
prononcer les paroles de... Je crois que c'était le président, ce
matin, de la Fédération des groupes ethniques qui disait qu'il y
avait trois types de mensonges: les petits, les grands et les statistiques.
Alors, pour ma part, j'accorde beaucoup d'importance à l'approche
terrain et, pour moi, je crois toujours, je suis persuadée que
l'immigration peut contribuer au développement économique des
régions. Bien sûr que nous avons escamoté plusieurs sujets
de votre mémoire, entre autres le contrat moral que vous endossez aussi
à l'effet que le Québec est un modèle d'intégration
à l'échelle du Canada, donc nous n'avons pas discuté de
ces points pour lesquels vous êtes favorables. Je pourrais terminer en
disant que, quant à moi, je persiste à croire que M. Lee, de
Sherbrooke, qui était ici, ce matin, et qui témoignait devant
nous à la commission parlementaire, qui a investi des centaines de
milliers de dollars à Sherbrooke dans un restaurant, qui embauche aussi
des dizaines de personnes et qui a fait manger depuis les 20 dernières
années des milliers de personnes chaque semaine, moi, je suis
persuadée encore qu'il fait tourner l'économie de la
région et que son apport est très positif.
Alors, je tiens à vous remercier de la présentation de
votre mémoire et aussi pour les recommandations que vous nous
faites.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pestieau, et merci
à vous tous. Alors, en terminant, je vous souhaite un bon retour. Et
peut-être permettre aux gens qui prennent votre place de s'avancer.
Nous allons maintenant comme commission parlementaire recevoir la
représentante de l'Institut de recherches politiques, Mme Shirley B.
Seward. Je sais qu'elle a une présentation à nous faire. On a des
tableaux qui nous sont distribués à la place. Alors, Mme Seward,
vous pouvez prendre place. Â l'ordre, s'il vous plaît, MM. les
députés! À l'ordre, s'il vous plaît, M. le
député! Mme Seward, donc, bienvenue. Je suis très heureux
de vous avoir parmi nous. Je vous invite donc à faire la
présentation que vous avez à faire pendant une vingtaine de
minutes. Excusez, il y a des gens qui parient en arrière Silence, s'il
vous plaît! Mme Seward, donc, vous disposez d'une vingtaine de minutes
pour faire la présentation. Les deux formations politiques disposent
d'un temps équivalent pour engager le dialogue avec vous et poser un
certain nombre de questions. Vous pouvez commencer dès maintenant, nous
vous écoutons.
institut de recherches politiques
Mme Seward (Shirley B.): Merci, M. le Président. Je dois
dire que c'est vraiment un plaisir d'être à Québec
aujourd'hui et c'est un plaisir et un honneur pour moi et pour l'Institut de
recherches politiques de participer à ces consultations
générales à Québec.
J'aimerais présenter cela aujourd'hui en deux parties; au
début, j'aimerais discuter des résultats de ma recherche au
niveau national supplémentés avec les détails au niveau du
Québec. Dans la deuxième partie de ma présentation,
j'aimerais discuter des implications de ma recherche pour la politique
d'immigration au Canada et au Québec.
Je dois dire au commencement que je suis un expert au niveau national,
mais pour cette commission j'ai préparé des tableaux additionnels
au niveau du Québec. Je vais parler un peu des questions de
l'énoncé spécifique du gouvernement du Québec.
L'un des défis les plus importants que nous aurons à
relever, au Canada, au cours des années quatre-vingt-dix sera de
maintenir et renforcer notre capacité d'adaptation au rythme rapide de
changements. Les forces économiques et technologiques ont
déjà opéré des transformations importantes de la
structure industrielle du Canada et du Québec comme en démontre
l'importance croissante du secteur des services qui s'étend rapidement
et le déclin proportionnel du secteur secondaire et du secteur primaire.
De la capacité de la main-d'oeuvre de s'adapter dépendra dans une
très grande mesure notre capacité d'être concurrentiels sur
les marchés internationaux dans les années à venir.
Malheureusement, pour diverses raisons, on ne peut pas prendre pour
acquis l'adaptabilité et la souplesse de la main-d'oeuvre. D'abord, la
population et la main-d'oeuvre vieillissent et croissent plus lentement. On
s'inquiète un peu de ce qu'une main-d'oeuvre vieillissante trouve plus
difficile de s'adapter aux changements. En deuxième lieu, l'immigration
est perçue, depuis plusieurs décennies, comme un moyen
d'améliorer la qualité de la main-d'oeuvre et elle a
contribué à faciliter le changement structurel en comblant
certains manques de compétences et de travailleurs. Toutefois, la
politique d'immigration est devenue moins sélective au cours des 15 ou
20 dernières années et, selon certains indices récents,
divers groupes d'immigrants pourraient avoir à faire face à des
problèmes d'adaptation particuliers à l'avenir.
Troisièmement, les gouvernements n'ont eu qu'un succès
limité avec les programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre qui sont
destinés à faciliter l'adaptation des travailleurs. Ces
programmes n'atteignent pas toujours les travailleurs qui sont
démographiquement fragiles, tels les travailleurs âgés, les
femmes, les immigrants et les personnes ayant un bas niveau de scolarité
ou ne maniant pas aisément les langues officielles, surtout le
français au Québec. (17 h 15)
L'objet de ma présentation est de faire la lumière sur la
situation des immigrants dans la population active et d'évaluer le
succès qu'ont divers groupes d'immigrants à s'adapter aux
changements de la structure industrielle. Je vais demander une très
grande question: Les immigrants se trouvent-ils dans les secteurs en expansion
rapide de l'économie où existe le plus grand besoin de
main-d'oeuvre ou sont-ils dans les secteurs en déclin où ils sont
vulnérables aux déplacements? Je vais commencer aujourd'hui avec
une description de la nature des changements structurels dans l'économie
canadienne et québécoise entre 1981 et 1986 et je vais montrer
où sont les immigrants dans ces structures.
Aujourd'hui, j'ai distribué les tableaux nouveaux. C'est une
adaptation de ma recherche nationale et j'aimerais qu'on commence avec le
tableau 1. Est-ce que tout le monde a reçu les tableaux? Bon. Dans le
tableau 1, on voit les changements dans les secteurs d'emploi au Canada et on
voit que le secteur des services a augmenté et que le taux de croissance
était positif et était de plus de 9 % entre 1981 et 1986. En
même temps, on voit que les secteurs primaire et manufacturier
étaient en déclin, avec un taux de croissance négatif. Au
Québec, naturellement, il y a beaucoup de variations entre les
industries.
Le tableau 2 montre la croissance de l'emploi au Québec dans
trois catégories d'industries. Premièrement, les industries ayant
connu une croissance au-dessus de la moyenne nationale. Ce sont les industries
avec une expansion rapide. C'est intéressant de voir que les cinq
industries avec les plus hauts taux de croissance sont toutes dans le secteur
des services. La deuxième catégorie d'industries sont les
industries avec une expansion modérée et il y a seulement cinq
industries dans cette catégorie. Mais le plus important, au niveau de ma
présentation aujourd'hui, c'est les industries ayant connu une
croissance négative, c'est-à-dire les industries en
déclin. On voit sur le tableau 2 qu'il y a 19 industries qui
étaient en déclin dans les années quatre-vingt et
seulement 3 de ces industries étaient dans le secteur des services. La
plupart sont des industries secondaires.
Alors, où sont les immigrants et les immigrantes dans cette
structure industrielle? Est-ce qu'ils sont dans les industries en déclin
ou les industries avec une croissance rapide et positive? Le tableau 3 donne
une réponse à cette question. À la gauche du tableau, vous
pouvez noter qu'il y a trois catégories d'industries dans chaque
colonne. Les plus plus sont les industries en expansion rapide, les plus sont
les industries avec une expansion modérée et les moins sont les
industries en déclin. Aussi, on voit sur le tableau 3 qu'on peut
différencier entre le sexe masculin, les immigrants, et le sexe
féminin, les immigrantes.
Si on regarde les données pour les industries en déclin,
il y a deux grands points que j'aimerais faire au sujet du tableau 3. On voit
que presque la même proportion des non-immigrants et des immigrants qui
sont les hommes sont trouvés dans les industries en déclin. Il
n'y a pas une grande différence. Les immigrants ne sont pas
désavantagés quant aux hommes, mais la situation est
complètement différente avec les femmes. Seulement 16 % des
non-immigrantes sont dans les industries en déclin, mais presque 32 %
des immigrantes sont dans les industries en déclin, c'est-à-dire
que les immigrantes sont désavantagées en comparaison avec les
non-immigrantes.
Le tableau 4 montre qu'il y a une grande différence basée
sur les périodes d'immigration et surtout pour les femmes. À la
droite du tableau, on peut voir que la proportion des immigrantes, des femmes
dans les industries en déclin est bien plus haute pour les immigrants
les plus récents. Vous pouvez voir que 43 % des immigrantes
récentes sont dans les industries en déclin en comparaison avec
seulement 10 % des immigrantes qui sont arrivées avant 1971.
Comment est-ce qu'on peut expliquer cette situation? La chose plus
importante que notre recherche a découverte est qu'avec les femmes
récentes le niveau de scolarité est plus bas que pour les autres
immigrantes et pour tous les immigrants comme groupe. Aussi, nous savons que la
connaissance des langues officielles, le français et l'anglais, est bien
plus basse pour les immigrants récents que pour les autres qui sont
arrivés avant 1971. Alors, on trouve que les
immigrantes récentes dans les industries en déclin ont les
caractéristiques démographiques qui vont poser des
problèmes très sérieux pour l'adaptation de la
main-d'oeuvre.
On se demande comment c'est arrivé, pourquoi les immigrantes
récentes se sont trouvées dans ces industries, pourquoi le niveau
d'éducation et la connaissance du français sont plus bas dans le
cas de ces femmes. On voit une partie de la réponse dans le tableau 6.
Le tableau 6 est au niveau du Canada, mais la situation est similaire pour le
Québec. On voit que l'immigration est devenue moins sélective
pendant les dernières 20 années.
En 1971, plus que 70 % étaient dans la classe des
indépendants. Maintenant, l'année 1990, moins que 43 % au niveau
national se sont trouvés dans la classe des indépendants. C'est
ça que, je pense, Mme la ministre a discuté, dans la
dernière intervention. En même temps, on voit que la proportion
des réfugiés a augmenté dans une moyenne significative de
seulement 8 %, en 1976, à plus de 20 % à ce moment. En même
temps, le tableau 7 montre que la source des immigrants a changé depuis
les dernières 15 années. Nous voyons maintenant que 70 % des
immigrants viennent des sources non traditionnelles et seulement 30 % viennent
des sources traditionnelles. Le problème avec ces proportions est que
nous savons que les immigrants des sources non traditionnelles,
c'est-à-dire le tiers monde, ne peuvent pas parler le français et
l'anglais. Une plus petite proportion de ces immigrants de sources non
traditionnelles peut parler anglais ou français.
Alors, quelles sont les implications de ces résultats pour une
politique d'immigration au Canada ou au Québec? C'est clair pour moi que
notre expérience actuelle d'immigration n'est pas en accord avec les
besoins de l'économie et de la main-d'oeuvre du Canada et du
Québec. En même temps qu'un grand nombre des industries sont en
déclin et en même temps que nous avons besoin d'une main-d'oeuvre
avec un niveau de scolarité plus élevé et avec une
connaissance du français plus élevé, notre politique
d'immigration est devenue moins sélective. Le résultat est que
dans les années quatre-vingt, au niveau du Canada, 50 % des immigrants
ne parlent ni anglais, ni français. Et, même dans le groupe qui
parle une des langues officielles, 40 % sont fonctionnellement
analphabètes. Selon l'énoncé du gouvernement, au
Québec on note que plus de 65 % des immigrants qui sont arrivés
entre 1979 et 1989 ne parlent pas français.
Qu'est-ce que nous pouvons faire si on veut assurer un impact
économique positif d'immigration? Il me semble que nous avons deux
choix. D'une part, on peut augmenter la proportion des immigrants
indépendants qui sont sélectionnés sur la base de leur
niveau d'éducation, leur connaissance du français au
Québec et leur appropriation pour la main-d'oeuvre
québécoise.
Et je note avec intérêt que l'énoncé du
gouvernement du Québec propose cette stratégie et l'intention est
d'augmenter la proportion des immigrants à 55 % jusqu'à 65 %.
Mais je dois dire que notre expérience au niveau national montre que
c'est très difficile d'augmenter la proportion des immigrants
indépendants à plus d'un certain point. Les pressions des
réfugiés et de la classe des familles sont fortes et nous avons
des obligations humanitaires et sociales. Alors, nous devons être
réalistes concernant la possibilité d'augmenter la proportion des
indépendants. (17 h 30)
La deuxième option est vraiment une option supplémentaire
et est d'augmenter et améliorer les programmes d'intégration pour
les immigrants, c'est-à-dire les programmes de formation linguistique,
les programmes pour battre l'analphabétisme et les programmes
d'adaptation générale de la main-d'oeuvre. À ce sujet, je
suis très impressionnée de l'énoncé qui porte une
attention axée spécifiquement sur l'importance des
problèmes d'adaptation des immigrants. Et je pense que l'accord
Canada-Québec sur l'immigration va donner au Québec le pouvoir
nécessaire pour améliorer les programmes d'intégration.
Mais je dois dire encore que nous devons être réalistes. C'est un
défi énorme d'augmenter et d'améliorer les programmes
d'adaptation. Ça va prendre beaucoup de temps, et les coûts seront
substantiels.
Aussi, nous sommes dans une récession très sérieuse
et le taux de chômage est très élevé. Dans ces
circonstances, je dois insister que ce n'est pas le temps d'augmenter le niveau
d'immigration au Canada ou au Québec. Une option meilleure sera de
stabiliser le niveau d'immigration au niveau originalement établi par le
gouvernement fédéral pour 1990, c'est-à-dire, pour le
Canada, entre 165 000 et 175 000 par année. Le Québec pourrait
attirer une part juste de ces immigrants et serait capable d'améliorer
ses programmes d'intégration et en même temps pourrait
éviter les problèmes potentiels de chômage.
En conclusion, M. le Président, je pense que
l'énoncé du gouvernement du Québec représente une
initiative très importante et très positive. Mais, pour assurer
le succès de cette initiative, je pense que ça sera essentiel
d'établir un niveau d'immigration réaliste. Il faut faire
attention si nous voulons assurer le potentiel positif d'immigration.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Seward. Mme
la ministre, vous voulez sûrement engager le dialogue avec Mme
Seward.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci M. le Président. Merci
beaucoup, madame, de votre présentation et surtout de
l'intérêt que vous portez à l'énoncé de
politique. C'est très flatteur pour le
Québec de constater que deux organismes pan-canadiens sont venus
se faire entendre justement à cette commission parlementaire,
d'où l'intérêt finalement de l'énoncé de
politique.
Madame, vous dites que nos politiques d'immigration ne sont pas en
accord avec les besoins économiques du Canada et du Québec.
Comment à ce moment-là comparer votre position avec celle du
Conseil économique qui dit que l'immigration n'a que peu d'effets sur le
développement économique et que l'immigration ne devrait pas
s'effectuer à partir des besoins exprimés, parce qu'on ne peut
pas prévoir sérieusement la demande?
Mme Se ward: Je suis d'accord avec le Conseil économique
au niveau national, avec une perspective macroéconomique. Vous avez
parlé des statistiques. Au niveau national, je pense que l'impact
économique est modeste. Et on trouvé, avec les autres
études qui ont utilisé les mêmes sortes de modèles
macroéconomiques, que l'impact économique est modeste.
Mais je dois dire, madame, que je pense que ce n'est pas possible, et je
pense que le Conseil économique accepte que ce n'est pas possible de
quantifier les aspects positifs qui ne sont pas tangibles: l'entrepreneurship,
le désir des immigrants de travailler très fort, etc. Mais aussi
je pense qu'un problème avec la perspective du Conseil économique
c'est qu'il pense que ça ne fait rien vraiment si on choisit les
indépendants, les réfugiés ou la classe des familles. Je
ne suis pas d'accord avec cette position. Comme je l'ai montré dans ma
recherche, dans les tableaux dont a discuté aujourd'hui, le niveau
d'éducation et aussi la connaissance du français au Québec
sont différents dans les différentes classes. Je pense qu'on doit
accepter qu'il y ait des différences. Et je sais que nous avons des
obligations humanitaires et sociales. On accepte ces obligations mais, dans une
perspective économique, je pense que c'est essentiel d'essayer, au moins
d'essayer d'augmenter la proportion des indépendants. Mais je dois dire
que nous devons être réalistes. C'est difficile de le maintenir
après un certain point.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, en parlant d'indépendants,
toujours dans l'introduction, à la page 1, vous affirmez que la
politique d'immigration est devenue moins sélective au cours des 15
dernières années. Et ça, vous nous le démontrez
avec des tableaux à l'appui dont nous avons tout à l'heure pris
connaissance. Je suppose que vous faites référence aussi à
la politique du gouvernement fédéral qui, jusqu'à tout
récemment, "priorisait" la catégorie de la famille. Dans
l'énoncé, comme vous avez pu le constater, au contraire, nous
mettons l'accent sur la catégorie des indépendants en disant
qu'elle pourra représenter entre 55 % et 65 % du volume total au cours
des prochaines années, donc de 20 % à 25 % pour les gens
d'affaires. Mme Seward: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors je remarque que, dans votre
mémoire, vous ne distinguez pas entre les différentes
catégories d'immigrants au niveau de leur intégration
économique. Alors, peut-on faire l'hypothèse que les immigrants
indépendants sur lesquels nous proposons de mettre l'accent au cours des
prochaines années travailleront davantage dans les secteurs en
croissance de l'économie, étant donné, bien sûr,
qu'ils ont justement été sélectionnés en fonction
des pénuries prévues?
Mme Seward: Mais le problème est que le gouvernement
fédéral aussi a essayé d'augmenter la proportion des
indépendants. Ils ont essayé et, vraiment, il y a eu un peu de
succès. Après 1986, on peut voir qu'il y a eu une augmentation
des indépendants, mais, après une certaine pointe, la classe des
familles vient. Si on augmente le nombre des indépendants, après
deux ou trois années, on va voir, évidemment, que la classe des
familles va augmenter. Et dans l'annonce récente du gouvernement
fédéral, que j'ai trouvée très problématique
pour plusieurs raisons, ils ont dit une autre fois qu'il vont essayer
d'augmenter la proportion des indépendants. Mais on voit, dans le
tableau que j'ai distribué, que ce n'est pas possible d'augmenter la
proportion.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est certain que quand, par exemple, on ne
peut pas contrôler les frontières et qu'il nous arrive encore - je
prends l'exemple du Québec - 1000 revendicateurs du statut de
réfugié par mois, à part, bien sûr, de l'effort
humanitaire que le Québec doit faire à l'extérieur du
pays, et que le gouvernement fédéral accepte, au moment où
on se parle, 8 personnes sur 10, bien, il est certain que ces
Québécois qui sont ici feront venir leur famille, dans un an,
dans deux ans, dans trois ans et dans quatre ans, et voilà, là,
nous n'avons plus... C'est à ce moment que la catégorie des
indépendants, à un moment donné, est moindre parce que la
demande est beaucoup, beaucoup plus forte des Québécois ou des
Canadiens à faire venir leur famille de l'extérieur.
Mme Seward: Oui. Mais je pense qu'un des problèmes que
nous avons maintenant, au Canada et au Québec, est que nous n'avons pas
mis en place les programmes d'adaptation et de formation linguistique
suffisants pour les demandes que nous avons. Par exemple,
l'énoncé du gouvernement a remarqué que ce n'est pas
seulement les immigrants récents qui ont besoin de formation
linguistique mais qu'il y a 123 000 personnes dans les communautés
culturelles qui ont besoin de la formation linguistique. Vous avez
noté
aussi, dans l'énoncé, que seulement 40 % de la
clientèle potentielle prend avantage des programmes de formation
linguistique. Alors, il me semble que même si nous pouvons augmenter la
proportion des indépendants, même si on peut le faire - et c'est
vraiment une question pour moi - nous avons un problème pour lequel nous
devons trouver des solutions. Et les coûts pour trouver les solutions -
je pense que nous sommes tous d'accord - sont énormes.
Alors, selon ma perspective, je pense que ce sera mieux de stabiliser
les niveaux que nous avons maintenant, à peu près, et d'augmenter
les programmes d'adaptation et de formation linguistique pour servir non
seulement aux immigrants récents qui arrivent et qui ne parlent pas
français mais aussi aux autres, dans les communautés culturelles.
Parce que nous avons une situation, maintenant, où la mam-d'oeuvre
change, les industries changent et nous avons une plus grande proportion
d'industries dans lesquelles il faut parler français et où il
faut avoir un certain niveau de scolarité. Alors, dans cette situation,
même si on peut augmenter la proportion des indépendants - et je
suis d'accord avec cette stratégie - ça sera vraiment
nécessaire d'augmenter les programmes d'adaptation.
Mme Gagnon-Tremblay: Avant de passer à ma dernière
question, je voudrais relever quelque chose. Vous avez parlé de taux de
chômage versus niveau d'immigration qui devrait être à la
baisse. N'êtes-vous pas d'accord pour constater que la personne que nous
sélectionnons aujourd'hui peut arriver seulement l'an prochain?
Normalement, elle arrive au bout d'un an parce que, finalement, avant qu'elle
ait son visa, avant qu'elle ait liquidé, par exemple, ses biens
personnels... Elle arrive normalement au bout d'un an. Le projet migratoire est
entre un et deux ans. Donc, le fait de stopper ou d'arrêter
immédiatement l'immigration et étant donné que la personne
arrivera un ou deux ans après, elle arrivera dans une remontée,
dans une relance économique, à ce moment-là. C'est
très très difficile de jouer en fermant les portes ou en les
ouvrant à partir du taux de chômage ou d'une récession.
Parce que, finalement, les personnes que nous avons
sélectionnées, l'année dernière ou l'autre
année, arrivent cette année dans un contexte de ralentissement
économique. Donc, nous n'avions pas nécessairement pu
prévoir un an ou deux ans à l'avance. Peut-être un an, pour
les économistes un peu plus avertis, mais cependant, nous, nous n'avons
pas pu prévoir. Et là, donc, c'est très difficile pour
nous qui avons à travailler avec des niveaux qu'on se donne et qu'on
doit respecter aussi dans tous nos bureaux à l'étranger. Alors,
je voulais juste...
Et ma dernière question, finalement, ça concerne...
Mme Seward: Est-ce que je peux faire un commentaire sur...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Seward: Je suis complètement d'accord avec vous qu'on
ne peut pas prendre les décisions seulement sur la base d'une
récession qui, on l'espère, est temporaire. Mais il y a les
tendances à plus long terme qui nous disent qu'on doit faire attention,
surtout aux demandes pour une main-d'oeuvre plus éduquée et qui
parie français au Québec. Ça, ce n'est pas... C'est
difficile d'assurer la qualité de la main-d'oeuvre, si on met beaucoup
ou plus d'attention à ce niveau de l'immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Ma dernière question concerne
les statistiques qui nous démontrent que les Québécois et
les communautés culturelles qui ont le plus de difficulté sur le
plan de l'insertion économique sont ceux des minorités
visibles.
Mme Seward: ...sont quoi, madame?
Mme Gagnon-Tremblay: Ceux des minorités visibles, selon
les statistiques que nous possédons. Outre les programmes d'accès
à l'égalité, de la lutte à la discrimination que
nous avons prévus à l'énoncé, est-ce que, pour
vous, il y a d'autres mesures particulières que vous pouvez nous
suggérer pour aider davantage ces groupes? (17 h 45)
Mme Seward: Pour les membres des minorités visibles?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Seward: Certainement, je pense que la formation linguistique
est essentielle, mais les efforts que vous avez suggérés dans
l'énoncé pour assurer qu'il y ait une proportion juste, une
proportion proportionnelle, si vous voulez, des membres des minorités
visibles dans les institutions publiques, surtout, je pense que ce type de
mesures est très important. Mais il y a aussi un autre problème
avec les minorités visibles qui n'est pas vraiment un problème de
discrimination, mais qui est très sérieux. Et ça, c'est le
problème de "recognition"...
Mme Gagnon-Tremblay: ...reconnaissance.
Mme Seward: Pardon? Connaissance des "credentials", des
qualifications des immigrants.
Mme Gagnon-Tremblay: Des acquis.
Mme Seward: C'est ça, exactement. J'ai travaillé
moi-même pendant 12 annés dans le tiers monde et j'ai noté
que, évidemment, les institutions d'éducation sont très
différentes dans le tiers monde, mais je pense que, au Canada, on
tombe dans la trappe, on tombe dans...
Mme Gagnon-Tremblay: ...le piège...
Mme Seward: C'est ça, exactement... de penser toujours que
les qualifications du tiers monde ne sont pas de la même qualité
que les qualifications du Canada ou du Québec. Je pense que c'est
nécessaire de mettre plus d'attention sur ce problème
spécifique parce que c'est vraiment un problème des
minorités visibles. On ne voit pas, par exemple, que les qualifications
des personnes qui viennent de la France ou de la Grande-Bretagne pour le reste
du Canada sont un grand problème pour nous. Mais nous pensons, je pense,
que les qualifications du monde du tiers monde ne sont pas au même niveau
que les nôtres. C'est un problème pour les minorités
visibles.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, madame. Mme Seward: Oui.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Seward. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Boulerice: Oui. Mme Seward, le membre de la commission va vous
poser des questions, il va de soi, mais le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques va vous remercier pour ce tableau que vous nous avez
présenté. Comme vous le savez, je suis député d'une
circonscription de centre--ville et je dis souvent que, à moins de
dézoner le parc Lafontaine, jamais je n'aurai d'usine Toyota dans ma
circonscription; donc, j'insistais sur le développement des services.
Là, vous me donnez un tableau qui me prouve que le pourcentage de
croissance, tout au moins de 1981 à 1986, est intéressant. Donc,
ça va pouvoir me permettre avec les intervenants locaux, dont la CDEC,
de bien cibler les interventions qu'on veut donner, sauf que c'est de 1981
à 1986. Mais est-ce que vous avez des indications que ces taux de
progression se maintiennent aussi de 1986 à venir jusqu'à
aujourd'hui? Oui?
Mme Seward: La raison pour laquelle on a choisi l'année
1986, c'était parce que ça a été l'année du
dernier recensement.
M. Boulerice: Ah d'accord.
Mme Seward: Alors, pour savoir la position des immigrants dans la
structure industrielle c'est essentiel d'arrêter à 1986. Mais nous
savons deux choses. Nous savons qu'il y a une augmentation au Québec et
au Canada des industries en déclin. Presque toutes les industries
maintenant sont en déclin, même les industries dans le secteur des
services. En même temps, nous savons que la proportion des immigrants qui
ne parlent ni français, ni anglais et ayant un bas niveau de
scolarité a aussi augmenté un peu depuis 1986. Alors, sur la base
de ces deux tendances, on peut dire probablement que la situation est comme
ça maintenant, mais on doit attendre le recensement de cette
année pour le savoir.
M. Boulerice: Une question complémentaire. Si vous trouvez
Québec très belle comme ville - je partage votre opinion - je
vous invite dans ma circonscription puisque je regarde ces industries dont la
croissance est au-dessus de la moyenne nationale, et je peux vous dire de visu
que les nouvelles populations dans la circonscription - quand je dis nouvelles
populations, je parle des immigrants - se sont majoritairement
concentrées dans ces entreprises chez nous.
Mme Seward: Dans quelles industries?
M. Boulerice: Dans les entreprises de services. Chez nous, il y a
une immigration vietnamienne et une immigration sud-américaine
d'importance. Elles se sont concentrées dans ces secteurs
d'activité.
Mme Seward: Oui, c'est intéressant parce que les
industries dans lesquelles les immigrants entrent sont vraiment de deux types:
une catégorie des immigrants entrent dans les industries dans le secteur
des services et une autre catégorie d'immigrants entrent dans les
industries manufacturières. On voit par exemple qu'un grand nombre
d'hommes du tiers monde sont dans les industries en croissance, mais, par
contraste, un grand nombre de femmes du tiers monde qui sont arrivées
récemment sont dans les industries en déclin. Ça c'est
vraiment en fonction du niveau d'éducation. Malheureusement, le niveau
d'éducation de la plupart des hommes est plus élevé que le
niveau d'éducation de la plupart des femmes. Ce n'est pas seulement avec
les immigrants, mais avec les immigrants du tiers monde c'est
évident.
Mais l'autre chose que j'aimerais dire, même dans le secteur des
services il y a les industries où ce n'est pas nécessaire d'avoir
un niveau d'éducation élevé et où ce n'est pas
nécessaire de parler français. Mais ces industries, comme les
domestiques, par exemple, le salaire est très bas et le taux de
chômage est très élevé fréquemment. Alors,
même s'ils sont dans ces industries, ce n'est pas nécessairement
une bonne chose pour les immigrants.
M. Boulerice: Mme Seward, ce que j'ai aimé
particulièrement de votre mémoire, c'est que vous l'avez
ciblé on ne peut mieux sur l'emploi. Et ça, je pense que
c'était drôlement important qu'on entende ce point de vue ici,
à la commission.
À la lecture de votre mémoire, il m'est
venu une question. Vous faites... Bon, vous avez des statistiques, ce
que Mme la ministre appelle d'un ton taquin un petit mensonge, sur la situation
de l'emploi chez les immigrants. Vous partez abondamment, et ça, je
trouve ça intéressant, de la formation linguistique et même
de l'alphabétisation. J'ai quatre centres d'alphabétisation dans
ma circonscription. C'est un problème qui existe pour les immigrants,
mais qui existe également pour les populations locales. C'est un
problème majeur au Québec. Ceci dit, vous en partez pour
l'immigration. À votre avis, comment les immigrants peuvent-ils à
la fois poursuivre des programmes de formation et travailler?
Mme Se ward: Les formations...
M. Boulerice: Cela est déjà tellement difficile
pour ceux qui sont résidents ici depuis de nombreuses années.
Mme Se ward: Je ne comprends pas exactement. C'est mon
français, pas votre capacité de parler. Je ne comprends pas
exactement la question. Je m'excuse.
NI. BouVence*. Quand \e Us votre mémoire, la question que
je me pose, Mme Seward, c'est comment peuvent-ils suivre des cours de
francisation, des programmes de formation de main-d'oeuvre et travailler en
même temps?
Mme Seward: Ah oui!
M. Boulerice: Notamment, si l'on parle des femmes immigrantes, le
cabinet de Mme la ministre m'a donné une statistique, et ça fait
trois fois que je la cite parce qu'elle m'a tellement impressionné, le
taux de "monoparen-talité", si on peut inventer ce mot, chez les femmes
immigrantes, est égal au taux national au Québec, d'où la
difficulté. Alors, c'est pour ça que je vous pose la
question.
Mme Seward: Oui, ça, c'est très important. On a
trouvé que, pour les femmes, dans l'industrie du vêtement, par
exemple, elles ne peuvent pas prendre la formation, elles ne peuvent pas
prendre avantage de la formation linguistique parce que, au niveau
fédéral, au niveau national, souvent ces programmes sont "full
time", à plein temps...
M. Boulerice: Plein temps.
Mme Seward: II n'y a pas de flexibilité avec les
programmes de formation linguistique. Je note que, dans l'énoncé,
on a discuté de la nécessité d'être plus flexibles,
de fournir la formation linguistique, par exemple, aux places de travail ou
dans un moyen dans lequel les immigrantes peuvent accéder, peuvent
participer à ces programmes de formation. Est-ce que j'ai répon-
du à votre question?
M. Boulerice: Oui. Mme Seward: Oui.
M. Boulerice: Vous avez parlé d'un niveau d'immigration
réaliste. Je ne sais pas si je vais aller avec vous dans la même
sémantique qu'avec Mme Pestieau. Réaliste ou souhaitable,
souhaitable ou réaliste. Mais j'aimerais entendre un commentaire plus
explicite pour ce qui est de cette affirmation.
Mme Seward: Réaliste au niveau économique,
réaliste dans la nécessité fondamentale d'augmenter et
d'améliorer les programmes d'adaptation et de formation linguistique.
Vraiment, je pense que c'est plus important d'axer l'attention sur la
qualité de la main-d'oeuvre à la place de seulement la
quantité, la grandeur de la main-d'oeuvre. Je pense que dans ce sens, si
on veut assurer l'adaptation des immigrantes, si on veut s'assurer que la
plupart des immigrantes partent français dans une courte période
après être arrivées au Québec, c'est absolument
nécessaire de maintenir un niveau qu'on peut accepter et pour lequel on
peut fournir un type et une qualité d'adaptation, de formation
linguistique, etc., qui peuvent assister ces immigrantes. C'est vraiment une
question pratique et c'est une question qui dit que si on veut assurer le
potentiel économique - et c'est exactement ça que j'ai dit au
comité permanent du gouvernement fédéral - si on veut
assurer le potentiel et qu'on est positif, on doit rester avec un niveau
réaliste, et pas seulement à cause de la récession.
Vraiment, c'est une tendance à plus long terme, un changement dans
l'économie et un changement dans le moyen dans lequel on choisit les
immigrants qui peut s'adapter vite à la main-d'oeuvre.
M. Boulerice: Sans être flatteur, Mme Seward, je pense que
l'on peut vous qualifier de spécialiste pour ce qui est de l'emploi
versus le dossier de l'immigration. Alors, je suis persuadé que vous
connaissez la situation économique des régions sur deux plans,
les disparités économiques régionales au Canada, comme les
disparités économiques régionales au Québec comme
tel. Alors, compte tenu de la situation économique, donc, de la
situation de l'emploi dans les régions, que pensez-vous de notre
assertion d'inciter à la régionalisation de l'immigration? Est-ce
que...
Mme Seward: Oui.
M. Boulerice: ...c'est un voeu pieux ou bien, oui c'est
réalisable, mais ça sera réalisable à la condition
d'y consacrer des fonds considérables?
Mme Se ward: Je pense que c'est une bonne idée. Je suis
d'accord avec la stratégie, mais je pense franchement que ça sera
très très difficile. Au niveau national, on a essayé
quelquefois, pendant les derniers 15 ou 20 ans, de changer la distribution des
immigrants. Je pense qu'une fois le gouvernement a changé les points de
sélection et a donné des points si les immigrants acceptent
d'aller autre part que dans les trois grandes villes: Montréal, Toronto
et Vancouver. Et ce qui est arrivé c'est que les immigrants ont
accepté et, après six mois, ils sont allés aux grandes
villes. Et c'est exactement la même chose avec les non-immigrants. C'est
très difficile de poursuivre cette stratégie parce que vraiment
les immigrants et les non-immigrants aimeraient être où est
l'emploi et la plupart des autres immigrants, etc. C'est très
difficile.
Et avec nos chartes des droits, au niveau national au Québec, ce
n'est pas possible et ce n'est pas désirable de pousser les immigrants
trop fort à aller dans les régions. J'accepte que d'une
perspective économique c'est une bonne idée, mais je pense qu'on
doit être réaliste. Je pense que ça ne va pas fonctionner
comme ça.
Le Président (M. Doyon): Ceci, Mme Seward, termine le
temps dont nous disposions. Alors, M. le député, est-ce que vous
avez quelques mots de remerciements?
M. Boulerice: Oui, et vous comprendrez, Mme Seward, que notre
président a une tâche ingrate, qui est celle de nous dire que
malheureusement l'heure file et, lorsqu'on a engagé une conservation sur
un sujet aussi important et avec des données aussi précises et
aussi utiles que les vôtres, eh bien on se sent un peu malheureux de dire
merci d'être venue, merci pour votre mémoire. On aurait
préféré poursuivre encore quelques minutes, si ce n'est
pas plus que des minutes, mais des heures, voire même. Mais, ceci dit, je
pense qu'il y aura un deuxième rendez-vous lorsque viendra le plan
d'action et vous serez forcément toujours la bienvenue pour venir
commenter le plan d'action, notamment peut-être le volet régional
qui vous préoccupe, semble-t-il, autant que moi. Je vous remercie encore
une fois, madame.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci Mme Seward. Et je retiens
finalement que vous êtes en accord avec l'idée du Québec de
vouloir augmenter la catégorie des indépendants même si un
jour la catégorie des familles pourra prendre un peu plus de
proportions.
Et peut-être pour conclure sur une note humoristique, pour le
bénéfice de mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui
a beaucoup cité de statistiques aujourd'hui, je lui rappellerai une
bonne parole de mon collègue délégué aux
Communautés culturelles, M. Cherry, qui lui répondait, lors de
l'étude des crédits de mon ministère l'année
dernière, que la statistique est au politicien ce que le lampadaire est
à l'ivrogne, c'est-à-dire qu'elle sert beaucoup plus à
s'appuyer qu'à s'éclairer. Merci, madame.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je regrette madame qu'on vous ait
considérée comme un poteau.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Seward: C'était un plaisir.
M. Boulerice: Je sais fort bien...
Le Président (M. Doyon): Alors, Mme Seward, merci
beaucoup. Merci de votre présentation, je pense que ça a
été très éclairant pour tous les membres de cette
commission.
Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous voulez bien regagner vos places, la commission va très
bientôt entreprendre ses travaux.
Alors, mesdames et messieurs, chers collègues, bonsoir.
La commission de la culture reprend ses travaux dans le cadre de son
mandat qui est, je le rappelle pour les personnes qui viennent d'arriver, de
tenir une consultation générale sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration
intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble" ainsi que sur les
niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et
1994. Nous avons ce soir à l'ordre du jour les témoignages
suivants, soit la Confédération des associations linguistiques et
culturelles du Québec, la Fondation Clara Bourgeois et l'Association
italienne des travailleurs émigrés et familles, l'AITEF. Par la
suite, nous ajournerons à 22 heures.
Je demanderai donc tout de suite à fa Confédération
des associations linguistiques et culturelles du Québec - de
Québec ou du Québec - de bien vouloir se présenter
à la table en avant.
Alors, bonsoir. Je vous demanderai de bien vouloir vous présenter
et d'identifier le porte-parole de votre organisme. Vous pourrez commencer
aussitôt votre témoignage. Je vous rappelle que vous avez une
heure pour le débat,
dont 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et,
par la suite, une vingtaine de minutes à l'Opposition officielle et
à la formation gouvernementale. Alors, si vous voulez commencer, nous
allons vous écouter.
Confédération des associations
linguistiques et culturelles du Québec
Mme Doutriaux (Agnès): D'accord. Je me présente,
Agnès Doutriaux, présidente de la
Confédération des associations linguistiques et
culturelles du Québec.
M. Merlopoulos (Takis): Takis Meriopoulos, administrateur de la
CALCQ et membre de la communauté hellénique de Québec.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir.
Mme Viennet (Paulette): Pauiette Viennet, membre de la CALCQ et
du Festival de musique de chambre de Québec.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, madame. Qui va
faire la présentation de votre mémoire?
M. Merlopoulos: Mme la présidente va commencer.
Le Président (M. Gobé): Alors, Mme la
présidente, allez-y, nous vous écoutons.
Mme Doutriaux: Moi, je vais vous présenter
particulièrement... Mme la ministre, je tiens à vous remercier
beaucoup de nous avoir permis de prendre connaissance du document "Au
Québec pour bâtir ensemble". Nous avons beaucoup
apprécié cette lecture. Je vais vous lire ce qui suit. Je vais
d'abord présenter quand même la Confédération des
associations linguistiques et culturelles du Québec qui a
été fondée en 1969 sous le nom de Comité
interassociations ethniques et qui a reçu ses lettres patentes en 1978
par le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières du Québec. C'est une corporation à but non
lucratif qui a été formée à ce
moment-là.
Nous avions des préoccupations communes, c'est-à-dire
comment nous intégrer dans ce nouveau pays tout en préservant
notre bagage culturel respectif et nos valeurs les plus précieuses et
les partager avec nos concitoyens. Il n'y avait aucune discrimination au sein
de notre Confédération.
Les objectifs. L'objectif général, c'était
d'assurer la préservation et le développement des diverses
cultures représentées au sein de la Confédération
des associations linguistiques et culturelles du Québec et les mettre
à profit dans le développement culturel, économique,
social du Québec. Les objectifs spécifiques, c'était de
fournir aux associations affiliées l'aide nécessaire à la
réalisation de leurs objectifs; favoriser les contacts entre les membres
des associations affiliées en vue de promouvoir les échanges
culturels et de faciliter la mise en commun de leurs préoccupations;
favoriser les contacts entre les membres des diverses associations et les
Québécois d'expression française en vue d'une meilleure
connaissance de leur culture respective et faire valoir l'apport
économique des nouveaux Québécois et mettre à
profit leurs compétences dans le marché du travail
québécois; enfin, assurer la coopération des organismes
gouvernementaux et privés en effectuant auprès d'eux les
représentations nécessaires. Au début, nous étions
17 associations en 1979, maintenant, nous sommes 27 associations.
Maintenant, je vais laisser M. Merlopoulos parler des réflexions
que nous a apportées la lecture de "Au Québec pour bâtir
ensemble".
Le Président (M. Gobé): Nous vous écoutons,
allez-y.
M. Merlopoulos: Nous sommes largement d'accord avec les objectifs
et les intentions gouvernementales qui sont présentées dans ce
document et nous anticipons avec impatience la parution d'un plan
gouvernemental 1991-1994 comme promis, concrétisant ses intentions par
des actes.
Le temps qui avait été mis à notre disposition pour
la consultation de nos membres étant relativement bref, nous nous sommes
permis, cependant, certaines observations suite à la consultation que
nous avons pu réaliser.
La première, l'acceptation du français par les membres de
nos associations n'a jamais été un problème. C'est
peut-être dans ce sens que nous différons de nos compatriotes, nos
coorigi-naires vivant dans la région de Montréal. Notre
Fédération regroupe des associations qui oeuvrent à
Québec et dans sa région immédiate. C'est aussi
peut-être la raison de l'indifférence relative des
représentants des autorités face aux problèmes de
l'immigration dans la région de Québec, notamment sur le plan
économique et sur le plan de la préservation de notre bagage
culturel, notre poids numérique et notre poids politique n'étant
pas tellement important. Nous sommes cependant d'avis que l'acceptation et la
défense du principe du français en tant que langue commune de la
vie publique au Québec n'incombe pas seulement aux communautés
culturelles. Il serait souhaitable que ce principe soit assuré et
établi clairement par le cadre institutionnel et constitutionnel du
pays.
Deuxièmement, nous avons remarqué également que les
Québécois d'origine française ne sont pas
considérés dans ce document comme constituant une
communauté culturelle distincte susceptible de vivre des
difficultés et des problèmes au cours de leur intégration
dans la société d'accueil. Cependant, ils subissent eux
aussi le choc de l'immigration comme tous les autres, même s'ils
n'ont pas de problème de langue. Soit dit en passant, notre
Fédération regroupe plusieurs associations représentatives
des Néo-Québécois d'origine française et les
Néo-Québécois d'origine française, dans la ville de
Québec et dans la région, représentent à eux seuls
au moins autant que toutes les autres communautés culturelles
réunies.
Troisièmement, nous avons observé qu'il n'y a pas
d'officier d'immigration dans la plupart des ambassades canadiennes des
capitales des pays de l'Europe de l'Est alors que, depuis un an, ces pays
pourraient constituer, à notre avis, un bassin recrutant des candidats
très valables pour l'immigration québécoise, étant
donné leurs compétences professionnelles, leur connaissance du
français, leur niveau de scolarité élevé et la
possibilité d'accueil au Québec offerte par leurs compatriotes
déjà installés depuis plusieurs années. On pense,
en particulier, aux Polonais, aux Roumains et j'en passe. Il en est de
même pour beaucoup d'autres pays dans le monde.
Quant à la régionalisation de l'immigration, mis à
part l'obstacle de la connaissance insuffisante du français, nous sommes
d'accord avec le constat de la nécessité que les nouveaux
arrivants puissent s'appuyer sur l'expertise des organismes de leurs
communautés déjà existantes pour recréer en
région une vie culturelle et communautaire qui amortirait le choc de
leur migration. Cependant, la mise en place de tels organismes dans plusieurs
régions est extrêmement difficile, étant donné
l'insuffisance des effectifs en mesure de contribuer économiquement et
bénévolement à assumer cette fonction d'accueil,
d'orientation et de pilotage. Il serait par conséquent souhaitable,
à notre avis, que les autorités pensent à créer des
programmes adaptés à la problématique régionale. En
principe, les programmes mis de l'avant sont bâtis en fonction d'une
problématique montréalaise et la problématique
régionale laisse à désirer. Dans la même veine, nous
pensons que la sensibilisation des services de santé et des services
sociaux et des services éducatifs régionaux à la
réalité des communautés culturelles reste à faire
dans les régions, alors qu'à Montréal ce mouvement est
déjà bien amorcé étant donné des situations
qui sont déjà assez...
Quant à l'intégration scolaire des jeunes immigrants dans
les écoles françaises du Québec, à Montréal
cette présence est perçue par certains milieux comme une bombe
à retardement entraînant la dévalorisation d'une
école allant de pair avec des difficultés d'apprentissage de
toutes sortes, alors que, à notre humble avis, dans les écoles de
langue anglaise cela était toujours considéré comme une
force plutôt que comme une faiblesse. En région, le
problème se pose différemment, nos jeunes constituant un
pourcentage négligeable, leurs difficultés particulières
sont souvent complètement ignorées.
On promet d'augmenter l'encadrement dans les écoles de
Montréal; y aura-t-il des ressources additionnelles pour les
régions ou des programmes adaptés aux régions? De plus,
nous sommes aux prises avec les structures confessionnelles de notre
système scolaire alors même que l'on proclame le pluralisme et
l'ouverture comme des vertus fondamentales de cette société
moderne québécoise. Quant à la profession des nouveaux
arrivants, y aura-t-il un assouplissement pour la reconnaissance de leurs
compétences et une mise en place de programmes aidant à leur
intégration aux milieux de travail?
En conclusion, nous avons hâte de prendre connaissance du plan
d'action 1991-1994 et surtout de voir la façon selon laquelle cet
énoncé sera concrétisé non seulement par le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, mais
aussi par tous les autres ministères de l'administration publique du
Québec tels Éducation, Santé, Travail, Affaires
culturelles et j'en passe, dont la sensibilité face au problème
de l'intégration des communautés culturelles a encore un long
chemin à parcourir.
Nous espérons également que le Conseil de l'immigration et
des communautés culturelles sera doté de ressources aussi bien
que d'une autonomie à la hauteur des défis qui lui ont
été fixés. Nous vous assurons de notre désir de
participer aux consultations promises sur ce sujet et nous mettons nos
énergies à votre disposition. (20 h 15)
Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous avez
terminé votre témoignage?
M. Merlopoulos: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, maintenant, nous
allons pouvoir passer aux discussions. Je demanderais à Mme la ministre
de procéder.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Merci
pour la présentation de votre mémoire et je vais passer
immédiatement aux questions. Jusqu'en 1989, vous savez qu'il
était impossible de recueillir des candidatures des pays de l'Europe de
l'Est pour la catégorie des indépendants à cause de la
politique intérieure de ces pays, comme je l'ai mentionné et
comme vous le savez très bien. Seules des personnes de la
catégorie de la famille pouvaient alors être recrutées. La
situation s'est modifiée depuis; avec les conséquences de la
perestroïka et une libéralisation de ces pays, il est maintenant
possible d'accueillir des immigrants de la catégorie des
indépendants.
C'étaient, jusqu'à l'automne dernier, nos bureaux de
Londres, Bruxelles, et je pense aussi à Paris, qui se partageaient le
travail pour l'immigration de l'Europe de l'Est, mais, comme vous le savez,
depuis l'automne, un bureau a été ouvert à Vienne et il a
la charge de l'immigration des pays de l'Est. Actuellement, il y a un
agent d'immigration qui est affecté à l'Europe de l'Est et
possiblement qu'un second sera envoyé cet été.
Dépendant du nombre de candidatures des pays de l'Europe de l'Est, il
est possible que d'autres agents soient affectés à Vienne un peu
plus tard.
Comme vous le savez aussi, il s'agit d'une clientèle souvent
hautement qualifiée, mais elle aura besoin d'un certain encadrement pour
réussir à bien s'intégrer. J'ai un sous-ministre qui est
allé faire une tournée récemment et qui m'a fait rapport
en me disant que les personnes sont hautement qualifiées, mais,
cependant, qu'elles auront besoin vraiment d'un encadrement parce que ces
personnes ne sont pas aussi habituées à se chercher de l'emploi,
par exemple, de la môme façon que nous ici sommes habitués
à le faire. Et aussi, aux plans économiques et culturel, je pense
que ces personnes-là auront besoin d'une aide. Est-ce qu'il existe ici,
à Québec même, dans la région de Québec une
ou des communautés originaires de l'Europe de l'Est?
M. Merlopoulos: II y a l'Association polonaise qui est fort
active. La communauté roumaine ne s'est pas encore donné des
structures, mais j'imagine que ça viendra parce qu'ils sont
déjà assez nombreux. Nous les rencontrons à
l'église orthodoxe puisqu'ils sont de notre religion.
Il y a déjà une base d'accueil. Nous promettons de faire
notre part si jamais, du côté de l'administration publique,
l'arrivée de ces immigrants était facilitée.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'il y a certains types
d'associations qu'on s'est déjà donnés au sein de ces
associations au niveau de l'accueil, par exemple? Qu'est-ce qu'on fait
exactement?
M. Merlopoulos: Ils font ce que nous avons toujours fait, du
pilotage...
Mme Gagnon-Tremblay: C'est-à-dire que finalement, ces
associations-là...
M. Merlopoulos: ...de l'hébergement...
Mme Gagnon-Tremblay: ...sont regroupées avec votre
Confédération. En somme, c'est que vous avez regroupé vos
services aussi, j'imagine.
Une voix: C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.
Dans le cas où certains de ces immigrants désiraient
s'installer dans la région de Québec, quel type de collaboration
votre organisme, naturellement, en collaboration avec les autres aussi,
pourrait il nous apporter pour facililor lour intégration? Je pense que
ces personnes-là ont besoin aussi d'un support financier, ont besoin,
comme je le disais tout à l'heure, d'un support aussi pour la recherche
d'emplois. Je pense que nous devrons les accueillir et aussi faciliter leur
intégration économique. Est-ce que vous avez déjà
songé, par exemple, à certains types de collaboration que vous
pourriez nous octroyer ou faire avec nous dans le but de nous faciliter leur
intégration?
M. Merlopoulos: Habituellement, les arrivants se
réfèrent à leur organisme national sur place. La CALCQ est
là pour aider précisément ces communautés à
la base dans le travail qu'elles ont à faire. Nous, avec le peu de
moyens que nous avons à notre disposition - et nous ne sommes pas un
organisme qui a été créé spontanément et
naturellement, nous sommes un organisme de deuxième instance - ce que
nous mettons à la disposition des associations de la base qui sont en
principe des organismes nationaux, c'est un service de secrétariat,
c'est des salles de réunion, c'est du soutien dans leurs
activités multiples. Mais nous demeurons un organisme de deuxième
instance. En principe, c'est au niveau de leurs associations nationales que le
travail d'accueil des arrivants se fait.
Et il y a ces associations. Il y a en même temps des services
d'accueil et des associations vouées à l'accueil des arrivants.
Mais nous, nous pensons que le travail d'accueil, les associations nationales
elles le font depuis toujours. Elles continuent de le faire même si
entre-temps, du côté du gouvernement, il a été mis
sur pied des services et il a été créé aussi des
organismes d'accueil. On a soutenu des organismes d'accueil.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'il y aurait possibilité par
exemple, suite à une concertation avec l'ensemble de ces
organismes-là, de voir davantage quel type de services on pourrait
accorder à cette clientèle très spécifique et si,
par exemple, on pourrait se fixer un certain pourcentage en termes d'objectif,
compte tenu des ressources qu'on possède et aussi je pense par exemple
en termes de parrainage-jumelage, je veux dire, avec d'autres familles, ainsi
de suite. Est-ce que, par exemple, suite à une concertation avec tous
les organismes que vous représentez, il y aurait possibilité que
vous discutiez du cas et voir quelle sorte de services vous pourriez offrir et
que vous nous indiquiez aussi quel serait par exemple le pourcentage que vous
pourriez recevoir? Ainsi, nous pourrions insister peut-être même
à l'étranger lorsque nous faisons la sélection, lorsque
nous rencontrons à l'étranger ces personnes parce que. comme je
vous le dis, c'est qu'il y a vraiment un besoin énorme d'encadrement et
de support, suite au voyage qu'a fait récemment mon sous-ministre. Il y
a énormément de besoins.
M. Merlopoulos: Nous sommes là pour ça,
pour le développement de cette coopération. Et ce n'est
pas la première fois qu'on s'est occupé de problèmes de
cette nature. Si cette remarque a été inscrite à notre
mémoire, c'est précisément parce que l'association
polonaise nous a fait remarquer qu'il y avait des difficultés
administratives pour que leurs cooriginaires fassent partie de ce contingent
d'immigrants que le Québec aimerait accueillir et recevoir. Alors,
j'imagine que cette coopération vous est acquise et nous sommes
très disposés de faire ces consultations et ce travail
auprès des associations de base, aussi bien qu'avec les organismes
d'accueil qui existent dans notre région.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous nous avez
souligné aussi les difficultés des organismes communautaires en
région et vous nous dites: II est important que les nouveaux arrivants
puissent s'appuyer sur les groupes de leur communauté pour
développer une vie culturelle et communautaire. Moi, je suis tout
à fait d'accord, et d'ailleurs l'énoncé identifie
clairement la présence de noyaux de personnes de même origine
comme un des facteurs qui favorisent la rétention des immigrants en
région, et nous prévoyons accorder aussi un soutien accru aux
organismes des communautés culturelles implantés en
région. À votre avis, quels sont les facteurs susceptibles
d'attirer et de retenir davantage d'immigrants dans la région? On sait
que le facteur emploi en est un, mais est-ce qu'il y a d'autres facteurs,
aussi, qui vont attirer davantage d'immigrants? Je pense, par exemple, à
la question de la qualité de vie; est-ce que ça peut peser, par
exemple, dans la décision?
M. Merlopoulos: Écoutez, s'il y a une différence
frappante et "concernante" entre le Québec et d'autres provinces du
Canada en matière d'intégration des communautés
culturelles et de dispersion géographique des communautés
culturelles, c'est cette impossibilité du Québec de faire sortir
ces communautés culturelles de sa métropole, Montréal.
Partout ailleurs, après une période de première adaptation
relativement brève en métropole, les communautés
culturelles, les groupes ethniques vont se disperser vers les villes de taille
moyenne et les villes de petite taille. Et cela va, naturellement, faciliter
énormément leur intégration à la
société d'accueil. Chez nous, cela, jusqu'à
présent, semble être impossible de sortir les communautés
culturelles de Montréal et même de certains quartiers de
Montréal où se sont constitués, pratiquement, des ghettos.
À mon humble avis, l'obstacle principal est relié au fait
qu'entre le Québec français et les communautés culturelles
il y avait une sorte de divorce. En conséquence, en dehors de
Montréal, c'est le français qui règne. Il y avait un
obstacle linguistique à dépasser.
Mme Gagnon-Tremblay: Quand vous men- tionnez la
nécessité de programmes adaptés à la
problématique régionale, pensez-vous à des modifications
spécifiques à apporter au programme du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration? Je pense, par exemple, en
termes d'objectifs ou d'activités quelconques. (20 h 30)
M. Merlopoulos: Ceux des nôtres qui vivent en région
et qui ne sont pas à Montréal, pour eux, le français, ce
n'est pas un obstacle et c'est accepté, c'est leur réalité
quotidienne. En conséquence, le problème, il est
différent. Le problème réside en leur difficulté de
garder, là où ils sont si peu nombreux, en vie certains
éléments de leur bagage culturel qui leur sont précieux,
qu'ils aimeraient conserver, qu'ils aimeraient léguer à leurs
enfants et qu'ils aimeraient aussi partager avec leurs concitoyens
québécois. Cette possibilité, on ne l'a pas à
Québec et, naturellement, a fortiori, on ne peut pas l'avoir dans les
villes de taille plus faible que Québec. C'est dans ce sens-là
que nous avons des difficultés à offrir à nos
cooriginaires cette base communautaire qui leur permet d'espérer que ces
éléments de leur bagage culturel auxquels ils sont
attachés, ils pourront les garder en vie.
Mme Gagnon-Tremblay: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous nous dites aussi qu'il est difficile
que des organismes soient créés en région à cause
du petit nombre de personnes de chaque communauté, comme vous l'avez
mentionné. Puisque vous êtes une confédération
d'associations, ne croyez-vous pas que l'avenir des organismes des
communautés culturelles, en région surtout, serait plus facile si
ces organismes étaient pluriethniques? Est-ce que ça
répondrait à la question de... Est-ce que ça
répondrait, par exemple, au besoin de conserver quand même sa
culture? Tout à l'heure, vous disiez que, souvent, on aime se retrouver
avec un groupe plus considérable pour qu'on puisse... On est fier de sa
culture d'origine et on veut conserver certains liens avec nos semblables. Par
exemple, dans une région où il y a des communautés plus
petites, à ce moment-là, si on a des organismes des
communautés culturelles, mais des organismes pfuriethniques, est-ce que
ça ne répondrait pas aux besoins que vous avez
identifiés?
M. Merlopoulos: Notre fédération en est un. Mais
ça ne veut pas dire qu'elle répond à ces besoins de base
tout à fait naturels des membres. Elle est là pour soutenir
particulièrement les associations nationales qui en font partie. En
même temps, c'est un organisme qui leur permet
de décloisonner, qui met à leur disposition un carrefour
d'amitié. N'oubliez pas que, tant au niveau de notre
fédération qu'au niveau de nos associations de base, il y a un
membership québécois très considérable qui aide
à ce décloisonnement, qui aide à cette intégration.
Il y a les mariages mixtes, il y a les jeunes, il y a une foule de facteurs qui
jouent dans le sens d'une intégration. Mais, en même temps, la
présence des organismes de base est indispensable pour le maintien de
ces valeurs auxquelles les gens sont attachés et qu'ils
considèrent comme des éléments à conserver,
à léguer à leurs enfants et à faire partager avec
leurs concitoyens.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez, vous aussi,
des questions à poser à M. Merlopoulos.
M. Boulerice: Oui, et je sais, M. le Président, que vous
aimeriez bien en poser une, vous aussi, puisqu'on a parlé de vous
tantôt, et je voyais dans vos yeux beaucoup de satisfaction.
Je vais vous souhaiter la bienvenue, vous remercier d'être ici et
surtout apprécier que vous soyez accompagnés d'une personne qui
est issue du milieu culturel. Ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre, compte
tenu que c'est une passion qu'on me reconnaît. Vous représentez de
nombreux organismes. J'ai regardé la liste tantôt, c'est
effectivement impressionnant. J'y ai fait une heureuse découverte
également, je m'aperçois que vous avez avec vous la RACEQ qui est
dirigée par Mme Araya. À moins que je ne me trompe, Mme Araya
était ministre de la Culture sous le gouvernement du président
Allende, au Chili. Je pense que vous avez des gens, chez vous - je vais
employer un vieux terme du XVIIIe siècle - des gens de qualité
dans votre association.
J'ai remarqué, dans votre mémoire que - et je pense que
votre observation était extrêmement pertinente - vous avez
parlé de Montréal et vous avez dit que l'agglomération, si
vous voulez bien, de Québécois d'origines diverses pouvait causer
certaines difficultés ou certains problèmes, mais que, par
contre, à l'inverse, à Québec, ils étaient si peu
nombreux que ça ne causait pas de problème, mais on en
était à oublier leurs problèmes propres à eux, ces
individus, ces jeunes filles et ces gens qui fréquentent l'école.
Donc, je pense qu'il y a là une indication qu'il y a des actions
à poser, notamment au niveau du ministère de l'Éducation.
Je ne pense pas qu'une politique de l'immigration puisse se faire sans le
concours des différents autres ministères.
Vous avez fait allusion, de façon ferme, je crois - je pense
qu'il n'a pas exagéré, M. Merlopoulos - à (a
confessionnalité qui a causé des problèmes. Je pense qu'on
n'est pas ici pour que je vous raconte mon histoire personnelle, mais j'ai
été victime de cela. Il y a une belle amitié qui a
été brisée - vous savez, quand on a sept ans, les
amitiés, c'est solide, c'est très sérieux - à cause
justement de ce phénomène de la confessionnalité. Ce petit
voisin, qui était mon ami et qui était de religion juive, a
dû aller vers l'école anglaise et moi, vers l'école
française, ce qui fait que nous sommes, maintenant, de deux cultures
différentes et que cette amitié a été
brisée. Donc, est-ce que je vous comprends bien en disant que
l'observation que vous faites est en quelque sorte une prise de position,
à savoir que, dans ce pays, le système scolaire devrait
être un système basé sur la langue et non pas sur la
religion comme telle?
M. Merlopoulos: Écoutez, je représente un groupe
auquel on a interdit...
M. Boulerice: Oui.
M. Merlopoufos: ...le français jusqu'en 1965, étant
donné sa religion. Alors, comme je suis arrivé en 1967, j'ai pu
inscrire mes enfants à l'école française. Plus tard, la
fréquentation de l'école française est devenue obligatoire
aux jeunes Grecs. Je crois que c'est une évolution dans le bon sens,
mais, en 1973, par exemple, les seuls qui avaient l'obligation d'inscrire leurs
enfants à l'école française étaient les immigrants,
mais pas les autres. Quand on demandait aux immigrants d'assumer la
défense du français, aux seuls immigrants d'assumer ça, je
trouvais qu'il y avait une iniquité.
M. Boulerice: Même en 1984, avant que votre humble
serviteur devienne député, il s'occupait de classes d'accueil. Le
jeune que j'acceptais en classe d'accueil et qui était bouddhiste ou
musulman, à la fin de son séjour en classe d'accueil, puisque
c'était la commission scolaire catholique qui, sur la rive sud de
Montréal, assumait les classes d'accueil, et non pas la commission
scolaire protestante, je devais toujours selon la loi, une fois qu'il avait
terminé son stage en classe d'accueil, l'envoyer à l'école
protestante. Parce que, protestant signifie...
M. Merlopoulos: ...de ce passé.
M. Boulerice: Je ne vous dirai pas qu'il n'y a pas eu quelques
erreurs administratives et qu'ils sont restés à l'école
française au lieu de s'en aller à l'école de la commission
scolaire protestante, mais, enfin, ce sont des choses... Donc, si on emploie la
phrase de Vigneault, s'il y a eu du temps perdu, je pense qu'il n'y a plus de
temps à perdre. Il faudrait avoir, le plus rapidement possible, un
système scolaire basé sur la langue et non pas sur la religion,
sinon on va revivre ces problèmes qu'on a vécus depuis des
années, que vous déplorez avec nous tous.
Vous soulignez aussi dans votre mémoire le rôle des
institutions dans la promotion du français. Et, à ce sujet,
est-ce que vous croye2 que le gouvernement devrait faire des efforts
supplémentaires? Moi, j'assume que quelquefois le message n'est pas
aussi clair qu'on le souhaiterait quant à la place du français au
Québec.
M. Merlopoulos: Nous, ce que nous voulons indiquer par notre
mémoire, c'est que, oui, nous sommes prêts à oeuvrer dans
ce sens-là, l'intégration des communautés culturelles au
Québec français, l'acceptation que le français est la
langue véhiculaire de cette société, etc. Mais il n'en
dépend pas que de nous et de nos efforts, etc. Cette situation qu'est la
nôtre, tantôt perçue comme le cheval de Troie par lequel le
français deviendra minoritaire, même au Québec, comme il
l'est devenu partout ailleurs au Canada, ou alors de pomme de discorde,
qu'est-ce qui va se partager cette pomme, les uns ou les autres? Quelles sont
les écoles vers lesquelles cette clientèle sera orientée
et le reste? Ce n'est pas une situation de tout repos. Ça dépend
énormément de ce que la société d'accueil fait
à propos de cette question fondamentale pour son avenir, pour son
existence, ça ne dépend pas que de nous.
M. Boulerice: Vous savez, M. Merlopoulos, qu'il y a plusieurs
types de langues. Il y a ce que j'appelle des langues de ruelle, des langues de
rue, des langues de salon, des langues de rencontre, etc., des langues qui
peuvent être de communication. Il se peut qu'en voyage vous ne parliez ni
le français ni l'anglais, et je ne parle pas le grec, donc on va
peut-être communiquer en italien si c'est une langue qu'on comprend tous
deux; il y a aussi la langue de travail. Mais le travail, c'est le tiers de
notre vie. Si cette langue-là, on la laisse au vestiaire, eh bien
ça devient une langue dévalorisée puisqu'elle est une
langue au vestiaire. L'Opposition officielle a présenté un projet
de loi, le projet de loi 91, qui visait le français, langue de travail
des entreprises de 50 personnes et plus, ce qui représente au
Québec - et ce sont des chiffres que nous donnait la
Fédération des travailleurs du Québec cet
après-midi - 101 000 entreprises. Est-ce que vous seriez d'accord avec
une telle loi, de façon à ce que le français soit
véritablement la langue de travail partout?
M. Merlopoulos: Une telle loi ne poserait pas de problème
pour les communautés culturelles vivant à Québec. Pour les
communautés culturelles installées à Montréal, il y
a un problème et vous le savez. Ça ne peut pas se régler
d'un jour à l'autre, c'est clair aussi. Alors, allez-y peut-être
mollo pour amener tranquillement pas vite les gens vers cette
réalité. Ce n'est pas à nous de nous prononcer à
propos de cette question.
M. Boulerice: Vous nous avez dit que vous aviez hâte de
prendre connaissance du plan d'action et surtout de voir la façon selon
laquelle cet énoncé sera concrétisé non seulement
par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration
mais aussi par tous les autres ministères de l'administration publique,
tels que l'Éducation, la Santé, le Travail, et vous mentionnez:
Affaires culturelles. Certains ont développé un discours en
disant: Les communautés culturelles comme telles ne devraient plus
exister. Je sais que le Parti québécois de la région
Montréal-Centre ce matin parlait d'un ministère de l'immigration
et des relations interculturelles. Je trouvais la chose intéressante.
D'autres disent oui, mais par contre c'est l'affaire du ministère des
Affaires culturelles de promouvoir la culture québécoise et la
culture des communautés qui habitent à l'intérieur du
Québec, ça fait partie de la culture québécoise.
Avez-vous une opinion là-dessus?
M. Merlopoulos: Quand le ministère de l'Immigration a
accepté cette responsabilité additionnelle, voir à
l'intégration des communautés culturelles à la
société d'accueil, et qu'il est devenu le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, notre
Fédération - c'est des vieilles histoires - s'était
objectée à cette orientation parce que ce qu'on avait craint,
tout en reconnaissant les lettres de noblesse du ministère de
l'Immigration au point de vue sensibilité au phénomène de
l'immigration, de la présence des immigrants, des communautés
culturelles chez nous, etc., ce qu'on avait craint dans le temps,
c'était que cette sensibilité beaucoup plus élargie face
à la présence des communautés culturelles, face au
pluralisme de cette société en plein développement, on ne
réussirait pas à la créer au niveau d'autres secteurs de
l'administration publique, au niveau d'autres instances du pouvoir et que,
finalement, comme tout ce qui concernait un peu plus particulièrement
les groupes ethniques, on nous référerait toujours à un
autre ministère.
J'ai l'impression que cette structure a été établie
pour accélérer le pas des interventions que l'État avait
l'intention de faire. Ce n'était pas parce qu'on n'était pas
conscient qu'il fallait sensibiliser d'autres départements de
l'État. Mais il faut que cette sensibilisation se fasse quand même
et ça dépasse naturellement l'État provincial et ça
touche les commissions scolaires, ça touche les autorités
municipales, ça touche les hôpitaux, ça touche le milieu
des affaires, ça touche tout le monde, cette réalité
nouvelle d'un Québec pluraliste, cette problématique que pose la
présence des communautés culturelles et que l'on ne devrait pas
considérer comme des gens à problèmes qui arrivent ici
pour créer des difficultés additionnelles et des
problèmes. Donc, l'image devrait être d'abord celle de personnes
qui arrivent avec un potentiel et avec des
cadeaux à apporter au pays, mais qui ont aussi des petits
problèmes quotidiens qu'ils doivent rencontrer et qu'on devrait
normalement aider à les rencontrer. C'est un peu dans ce sens-là
que ça nous prend une sensibilité face à la question de
plusieurs départements de l'État et de plusieurs secteurs de la
société, y compris la société civile
naturellement.
M. Boulerice: Vous parlez de la régionalisation. C'est la
dernière question que je vais vous poser avant de vous dire au revoir.
Je répète ia phrase. En page 7, vous dites: "Nous avons
hâte de prendre connaissance du plan d'action 1991-1994 et surtout de
voir la façon selon laquelle cet énoncé sera
concrétisé. " Donc, beaucoup, énormément tient dans
le plan d'action, la ministre n'en a pas parlé, la ministre ne s'est
pas, avancée, la ministre ne s'est pas commise, mais est-ce que vous
croyez qu'il serait essentiel, voire même impératif, que le plan
d'action qu'elle a l'intention de constituer soit soumis à une
commission comme celle-ci de façon à ce que les organismes
puissent réagir?
M. Merlopoulos: Nous, on est prêts à suivre le plan
d'action soit globalement, s'il était présenté, soit
pièce par pièce. Une chose est certaine, nous nous
intéressons avant tout et surtout aux suites qui seront données
à ce document qui. en grande mesure, est très positif, à.
notre avis.
M. Boulerice: Souhaitez-vous que nous discutions de ce plan
d'action de la même façon que nous discutons de
l'énoncé actuellement?
M. Merlopoulos: Je pense que ce serait intéressant qu'un
tel débat se fasse ou qu'une telle consultation se fasse.
M. Boulerice: D'accord, je vous remercie. Je vais tenter, et
c'est malheureusement le peu de mots que je connais, M. Merlopoulos, dans votre
langue, de vous dire "epharisto".
Le Président (M, Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de
la fin, s'il vous plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je voudrais vous remercier pour la
presentation de votre mémoire. Bien sûr, on compte beaucoup sur
votre expertise et aussi sur le partenariat qu'on pourrait créer, entre
autres, avec notre direction régionale, ici à Québec.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci. Mme la ministre. Mme
Doutriaux et les gens qui vous accompagnent, nous vous remercions. Au nom de
cette commission, je tiens à vous dire que nous avons été
très intéressés par votre témoignage et que nous en
tiendrons compte. Nous vous remer- cions et je vais suspendre les travaux une
minute, le temps que vous vous retiriez et que nous accueillions les
témoins suivants qui sont les gens qui représentent la Fondation
Clara Bourgeois. Je suspends les travaux pour une minute.
(Suspension de la séance à 20 h 49)
(Reprise à 20 h 50)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend maintenant ses travaux.
Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, le
porte-parole et les gens qui l'accompagnent.
Fondation Clam Bourgeois
Mme Chaloux (Line): D'accord. Je suis Line Çhaloux. Je
représente la Fondation Clara Bourgeois.
Mme Desjardins (Thérèse): Bonsoir.
Thérèse Desjardins. Je suis présidente de la Fondation
Clara Bourgeois.
M. Cornejo (Éduardo): Je m'appelle Éduardo Cornejo.
Je suis un immigrant reçu et ma nationalité, c'est chilien. J'ai
été aidé dans mon intégration en
Québécois par la Fondation Clara Bourgeois. Merci.
M. Boulerice: Est-ce que vous permettriez - je vais confesser mon
ignorance - qui est Clara Bourgeois?
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous permets...
M. Boulerice:...
Le Président (M. Gobé):... presque tout dans cette
commission étant donné votre importance et votre rôle.
Mme Chaloux: Alors, M. le Président, est-ce que je peux
répondre?
Le Président (M. Gobé): Ma chère madame,
allez-y!
Mme Chaloux: Oui.
Le Président (M. Gobé): À la demande du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, nous ne pouvons
qu'acquiescer.
Mme Chaloux: D'accord. Alors, la Fondation Clara Bourgeois est un
organisme que nous avons
créé dans les Laurentides. Clara Bourgeois est une femme
qui a vécu à Saint-Jérôme. Elle a été
baptisée par le curé Antoine Labelle, qui a été un
des grands pionniers dans les Laurentides. C'est une femme qui travaillait dans
différents organismes. C'était une sage-femme aussi,
c'était une femme qui accompagnait les mourants et qui a donné sa
vie pour assurer une qualité de vie dans les Laurentides. C'est en
l'honneur de l'oeuvre qu'elle a mise sur pied, des organismes auxquels elle
croyait, de la foi qu'elle avait dans les Québécois et surtout de
la façon dont elle voyait la vie quotidienne des jérômiens
que nous avons donné son nom à notre organisme.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie de
ces informations qui nous éclairent un peu mieux sur le but de votre
organisme et votre mission.
M. Boulerice: J'apprends l'histoire de mon pays natal.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. La
question était certes très pertinente, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Je vous demanderais maintenant de bien vouloir procéder à
votre présentation. Je vous rappellerai malgré tout, avant, que
vous avez une période de 10 minutes, et je vous demanderais d'essayer de
vous y conformer car nous avons d'autres personnes qui attendent par la suite,
et chaque côté aura 10 minutes pour discuter avec vous. Alors, je
vous en prie, madame, si vous voulez commencer.
Mme Chaloux: Je vous remercie, M. le Président. Pour
commencer, je voudrais vous remercier de nous avoir permis de nous
présenter aujourd'hui à l'audience. Comme nous l'avons
mentionné dans notre mémoire, nous considérons que votre
énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration vise des objectifs qui sont très réalistes
et qui correspondent à une sage intégrité
internationale.
Je voudrais laisser la parole à Mme Desjardins pour
présenter un peu les objectifs de notre organisme.
Mme Desjardins: En fait, nous sommes à un tournant de
notre histoire. Les relations interethniques seront à la base de la
communication de la prochaine décennie; il est donc essentiel de
disposer d'une législature qui permettra aux autochtones, aux
Québécois de souche et aux nouveaux arrivants d'harmoniser leurs
relations.
La Fondation Clara Bourgeois est un organisme qui défend les
droits et libertés de la personne et qui vise à participer
à l'intégration des immigrants dans la région des
Laurentides. Nous avons mis sur pied le COFFRE, qui est un centre d'orientation
et de formation qui favorise les relations ethniques et ce, dans le respect des
traditions de chacun. L'intégration des nouveaux arrivants, les
échanges entre autochtones et Québécois de souche et la
planification des relations ethniques contemporaines sont les points sur
lesquels le COFFRE veut se pencher et trouver des solutions en concertant les
gens impliqués dans cette problématique. Le concept
d'ethnicité étant le fondement du sentiment d'appartenance dans
la nature de l'homme, le COFFRE se veut un centre où chaque individu
pourra se ressourcer en échangeant avec des gens de sa culture et en
prenant connaissance des différences qui l'animent par rapport à
d'autres groupes ethniques. Le but est de favoriser l'intégration des
immigrants, d'assurer leur francisation et de sensibiliser la population sur
les richesses d'une harmonie culturelle.
La priorité est de créer une étroite collaboration
entre les services communautaires déjà existants afin de
faciliter l'intégration des immigrants dans la région et d'amener
ces organismes à s'ouvrir sur la participation des nouveaux arrivants
à leurs activités. Comme la plupart des régions
extérieures à Montréal, la région des Laurentides
n'est pas touchée de façon significative par l'immigration parce
que les nouveaux arrivants qui s'y installent finissent par migrer vers
Montréal.
Nous voulons donc assurer une structure d'accueil, notamment dans les
écoles et les entreprises, dans le but de favoriser un meilleur contact
entre les immigrants et la population pour éviter la formation de
ghettos, pour les aider dans leur recherche d'emploi et pour mieux
intégrer la communauté en général.
Nous participons aussi à l'assouplissement des règles en
matière d'adoption internationale dans le but d'encourager et de
faciliter cette forme d'immigration indirecte. Nous cherchons à mieux
informer les Québécois sur les pays d'origine des immigrants,
notamment dans le cas des réfugiés, et nous planifions de parler
plus abondamment de l'immigration dans les journaux régionaux et
locaux.
Notre proposition est donc de venir chercher votre appui et votre
encouragement dans nos démarches pour instituer un programme de
financement qui garantirait la continuité des services que nous offrons
et qui doivent être maintenus, voire même augmentés, pour
répondre aux besoins des prévisions en matière
d'immigration pour les prochaines années.
Mentionnons que toutes les activités, événements et
démarches que nous avons offerts jusqu'ici ont été
possibles parce que nous y travaillons de façon bénévole,
mais, pour avoir accès aux programmes de subventions des divers
ministères, nous devons garantir une permanence ainsi qu'un pignon sur
rue. Il est donc primordial pour nous d'être reconnus et soutenus
financièrement pour maintenir nos services. Merci de votre
collaboration.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme
Desjardins. Je pense que cela complète votre témoignage. Nous
allons maintenant passer à la période de questions. Sans plus
tarder, je passerai maintenant la parole à M. le député de
Richelieu qui va être la première personne, au nom de la formation
gouvernementale, qui va s'adresser à vous. M. le député de
Richelieu, vous avez la parole pour une période de huit minutes parce
que Mme la ministre voudrait garder deux minutes pour conclure à la
fin.
M. Khelfa: D'accord. Merci, M. le Président. J'aimerais
vous souhaiter la bienvenue à l'intérieur de cette enceinte
Illustre de démocratie. J'aimerais vous dire que votre action est
impressionnante et intéressante aussi et, surtout, est dans une
région éloignée d'un grand centre à
l'extérieur de Montréal.
J'aimerais vous entendre parler un peu des objectifs de votre organisme.
Vous nous demandez une aide financière. C'est intéressant. C'est
certain que le gouvernement participera, dans la mesure de ses capacités
financières, à aider les organismes qui veulent se donner pour
une cause intéressante et importante pour notre avenir collectif.
J'aimerais que vous nous développiez votre action sur le terrain,
premièrement. Deuxièmement, depuis quand existez-vous? Et,
troisièmement, j'aimerais savoir de quelle nature vous prévoyez
faire votre action. Il y a des programmes, au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, qui peuvent répondre
à vos besoins, mais si vous pouviez nous présenter d'une
façon très succincte, rapidement, vos objectifs et la nature de
vos actions.
Mme Desjardins: Si vous permettez, je vais laisser la parole
à Mme Line Chaloux.
M. Khelfa: Merci, Mme Desjardins.
Mme Chaloux: Pour commencer, nos objectifs sont d'aider les
immigrants à s'intégrer. Nous, ce que nous voulons, c'est de ne
pas dédoubler les services qui existent déjà dans notre
région parce que, si on parle au niveau de l'intégration sur le
marché du travail, à Saint-Jérôme il y a
déjà un centre de recherche d'emploi qui existe et qui est
prêt à recevoir les immigrants, qui est structuré, qui
offre déjà un cours d'intégration dans la région de
Laval et qui peut donner ce même cours dans la région des
Laurentides. Les services, autant celui du CLSC que de différents autres
services offerts à la population, sont aussi prêts à donner
un appui à l'intégration des immigrants. Ce dont on a besoin, ce
qu'on offre, nous, c'est d'accueillir les immigrants et puis de les orienter
vers les services qui sont déjà offerts dans la
région.
M. Khelfa: Est-ce que vous avez recensé le nombre de
communautés culturelles que vous pouvez avoir à
l'intérieur de votre territoire? (21 heures)
Mme Chaloux: C'est un peu plus de 3 % de la population.
M. Khetta: Qui vient de quelle origine?
Mme Chaloux: Qui vient de l'extérieur. Il y a des ethnies
qui sont des Italiens, des Allemands, des Portuguais, des Juifs. Il y a aussi
des Chiliens, des Mexicains. Peut-être qu'Éduardo pourrait nous en
parler plus.
M. Khelfa: Est-ce que vous avez fait le lien avec la
municipalité, voir la possibilité de faire un échange,
faire participer la municipalité à cette activité,
à vos objectifs?
Mme Chaloux: Nous, ce que nous avons essayé, c'est de
créer des liens, pour commencer, avec la communauté. Vous nous
demandez depuis quand on existe, c'est depuis un an. Ce qu'on a fait
jusqu'à date, c'est d'aller prendre contact avec les immigrants,
d'étudier quels étaient leurs besoins, quelle était l'aide
qu'on pouvait leur apporter, et puis on fait des demandes pour
différents programmes. Ce qu'on a comme réponse
généralement, c'est que, tant qu'on n'a pas une permanence, on ne
peut pas avoir droit a des programmes. Entre autres, ce qu'on voudrait faire,
nous, c'est permettre aux immigrants d'avoir des stages parce qu'ils peuvent
suivre des cours de français qui sont offerts par la commission scolaire
de Saint-Jérôme, mais ils ne peuvent pas le parler le
français. Ils n'ont pas d'activités où ils peuvent le
pratiquer.
Alors, nous ce qu'on veut, c'est de parrainer ces immigrants-là
pour faire en sorte que leur intégration se fasse de façon plus
rapide. Mais on n'a pas demandé de subvention aux
municipalités.
M. Khelfa: Vous avez parlé rapidement des ressources
existantes au CLSC. Quelle sorte de ressources vous avez sur le territoire?
Mme Chaloux: C'est un CLSC qui n'a pas des ressources
spécifiques pour les immigrants, mais qui donne des ressources autant
pour les problématiques... Si un parent a une difficulté avec son
jeune, eh bien, il peut aller rencontrer le CLSC. C'est au même titre que
n'importe quel citoyen québécois de souche, ils ont les
mêmes services. Ce dont ils ont besoin, c'est un groupe de
référence qui va être capable de les amener à oser
aller frapper à des portes parce que ces services-là, ce ne sont
pas des services qu'ils connaissent dans leurs pays. Alors, ce dont ils ont
besoin, c'est quelqu'un qui est capable de les orienter vers les services qui
existent, mais nous ce que nous voulons, c'est ne jamais dédoubler les
services qui existent déjà dans la communauté
pour seulement les offrir à des immigrants.
M. Khelfa: C'est très intéressant. En terminant,
j'aimerais juste vous poser la question. Vous savez qu'au mois de mars il va y
avoir la Semaine interculturelle.
Mme Chaloux: Oui. Nous avons organisé un symposium sur la
paix dans notre région pour justement regrouper les immigrants des
Laurentides.
M. Khelfa: À quelle date?
Mme Chaloux: C'est les 21, 22 et 23 mars.
M. Khelfa: Tu vas y aller?
M. Boulerice: Avec vous, cher collègue.
M. Khelfa: C'est parfait. On va aller vous voir.
Mme Chaloux: Vous serez les bienvenus. M. Khelfa:
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Richelieu. On parlant de la Semaine interculturelle,
une petite anecdote. J'aimerais vous mentionner que ce soir il y a cinq
députés autour de cette table et, sur ces cinq, il y en a trois
qui sont issus de groupes d'origine néoquébécoise: M. le
député de Viger, M. Maciocia, qui en plus est membre de la
commission Béfan-ger-Campeau, M. le député de Richelieu,
qui est d'origine égyptienne, qui a eu le grand honneur et le plaisir de
vous interroger, et moi-même, d'origine française. Et ceci, pour
vous démontrer que, si c'est la Semaine interculturelle, à
l'Assemblée nationale ça l'est aussi très souvent. Je
crois que c'est un des exemples de cette pluralité qu'on peut trouver au
Québec, actuellement.
M. Khelfa: M. le Président, juste en terminant. J'aimerais
vous remercier et vous inciter à continuer à travailler.
J'espère que vous allez réussir à mettre le COFFRE en
ordre pour qu'il soit un outil important.
Mme Chaloux: Oui, merci.
Le Président (M. Gobé): En terminant, il est bien
entendu qu'il y a notre ami député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
qui lui est le député de toutes les nationalités, comme il
le dit si bien et aime à le dire. Alors, sur ces bonnes paroles, je vous
la laisse, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour votre
intervention.
M. Boulerice: Moi j'aurais, et n'y voyez pas une discrimination
de ma part, puisque, s'il y a une Semaine interculturelle, on est le Parlement
occidental qui pratique le plus l'accès des femmes au pouvoir. Nous
sommes le Parlement qui a le plus grand nombre de femmes, en termes de
pourcentage, il va de soi là. Nous ne sommes que 125. On n'est pas le
Congrès américain à 620, ou le Palais-Bourbon à
580.
Une voix: Combien de femmes?
M. Boulerice: À l'Assemblée, nous en avons
au-delà de... Plus de 30, je crois.
Une voix: Au Palais-Bourbon?
M. Boulerice: Alors, au Palais-Bourbon, il y en a peu,
malheureusement.
J'aimerais poser ma question à M. Cornejo qui vient d'un pays que
je connais très bien, pays que j'ai accompagné dans des moments
extrêmement dramatiques. J'ai eu l'honneur de l'accompagner dans des
moments extrêmement dramatiques et par contre, dans des moments beaucoup
plus réjouissants. C'était notamment celui du retour à la
démocratie, prestration de serment du président Aylwin.
Dans votre mémoire, vous ne parlez pas des
réfugiés. Vous sachant d'origine chilienne, je me dis: Vous avez,
sans aucun doute, cette grande sensibilité, puisque cette dictature
meurtrière qui a duré 16 ans a fait des dizaines de milliers de
victimes mais a chassé plusieurs centaines de milliers de Chiliens de
leur patrie. Vous ne parlez pas des réfugiés comme tels. Je ne
vous en fais pas le reproche, soyez-en certain. Je sais que vous avez des
moyens malheureusement limités comme organisation, ce qui fait que
j'espère que votre demande d'aide financière sera entendue par la
ministre. De toute façon, je ferai toutes les pressions
nécessaires pour qu'elle ne vous oublie pas.
Qu'est-ce que vous pensez de la situation actuelle, M. Cornejo, de ces
nombreuses personnes qui sont en attente de décision de statut ici,
actuellement, au Québec? Dieu seul sait que, quand on est
réfugié, on quitte dans des conditions atroces; on arrive dans un
état d'esprit particulièrement perturbé et leur faire
vivre, comme on le fait actuellement, trois, quatre, cinq années
d'attente m'apparaft, à mon point de vue, odieux. Est-ce que votre
organisme s'est penché sur ce phénomène que,
malheureusement, nous vivons?
M. Cornejo: La politique de mon pays, c'est difficile. Si je suis
un immigrant reçu, c'est parce que, dans mon pays, il y a beaucoup de
tremblements de terre. Le 3 mars 1985, ma maison est tombée et c'est
pour ça que je suis resté ici. M. le Président, Mme la
ministre, MM. et Mmes les députés, je suis très content de
rester ici.
C'était la première fois, l'année passée, le
23 décembre, que j'ai pu avoir un... - je ne peux
pas trouver le mot correct - c'est pour la Fondation Clara Bourgeois.
Elle a donné à tout immigrant de la région des Laurentides
une grosse fête, le 23 décembre, qui était pour la nuit de
Noël. Je suis le porte-parole de beaucoup d'immigrants qui restent loin.
Jamais, c'est incroyable, jamais, je crois, les Canadiens... s'étaient
ouverts pour les immigrants. Chaque personne, de la plus petite à la
plus vieille, chaque personne a reçu un cadeau. Je pense que toutes les
personnes qui restent ici doivent savoir. Mme Chaloux m'a dit que je dois
rester tranquille; je ne peux pas trouver un mot correct à mes... Je
pense, Mme la ministre, M. le Président et MM. les
députés, c'est aider beaucoup à la Fondation Clara
Bourgeois. Elle fait beaucoup, beaucoup de choses pour beaucoup
d'immigrants.
La nuit de Noël, 76 familles sont restées; 76, c'est
beaucoup d'immigrants. Chaque personne, un cadeau. C'est incroyable. C'est pour
ça que je dis publiquement: Merci à Clara Bourgeois. Je la
remercie. Merci, messieurs.
M. Boulerice: Senior Cornejo, digo bona suerte a usted por su
nueva vida en el Québec. Me gusto mucho Chile porque yo soy el deputado
del barrio de Santiago de Montréal. Yo promiso a usted una suscription
mas pronto.
M. Cornejo: Muchas gracias.
M. Boulerice: Y muchas gracias por su participacion a la
comision.
M. Cornejo: Je suis très content d'y avoir
participé et je pense que pour chaque jour que j'ai resté ici je
dois travailler très fort pour le Canada. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, rapidement
pour...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, rapidement, je veux vous remercier. Je
vous félicite aussi pour le travail que vous effectuez. Vous m'avez
donné un peu une idée du travail. Je pense que c'est ce vers quoi
on vise, essayer de donner des services un peu multiples à des
clientèles très diversifiées. Je dois vous dire
qu'actuellement nous sommes en train de réviser l'ensemble de nos
programmes de subvention pour qu'ils puissent vraiment répondre aux
objectifs de notre énoncé de politique. Alors, cette étude
sera terminée possiblement dans le courant de l'année. L'an
prochain nous aurons quand même de nouvelles formules de financement et
ce sera peut-être plus facile. Cependant, s'il y a possibilité de
vous aider cette année, je pense qu'on pourrait voir, au
ministère, si vos projets correspondent aux objectifs qu'on a
déjà, qu'on s'est déjà fixés et, sinon, voir
comment on pourrait un peu rectifier le tir pour être capable d'obtenir
des sommes nécessaires qui pourraient quand même vous aider.
Je tiens aussi à vous féliciter pour le nom que vous avez
choisi pour la fondation. Je trouve que, malheureusement, trop souvent, on
oublie toutes ces femmes qui ont travaillé d'arrache-pied pour ouvrir
les sentiers à d'autres femmes. Je vous félicite pour le choix de
ce nom. Merci beaucoup et bon voyage de retour.
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
monsieur, ceci met fin à votre présentation. Au nom de tous les
membres de cette commission et même ceux qui sont absents ce soir pour
d'autres activités, mais qui prendront connaissance ou qui ont pris
connaissance de votre mémoire, je tiens à vous remercier. Soyez
assurés que nous tiendrons compte de votre témoignage.
Donc, je vais maintenant suspendre les travaux pour une minute, afin de
permettre à l'autre groupe de se présenter. C'est l'Association
italienne des travailleurs émigrés et familles.
Je suspends donc les travaux une minute.
(Suspension de la séance à 21 h 13)
(Reprise à 21 h 14)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons accueillir, maintenant, l'Association italienne des
travailleurs émigrés et familles, qui est
représentée par M. Raphaël Delli Gatti, président,
Tony Benedetti, président de la Fédération
italo-canadienne, région Lazio, Mme lula Casale, vice-présidente
de l'AITEF, M. Léo Sama, vice-président, Mme Patricia Passaglia
et M. Stefano Zori. Je vous salue donc au nom des membres de la commission. Je
vous demanderai de bien vouloir commencer votre présentation. Est-ce
qu'il en manque parmi vous? Est-ce que tous les gens que j'ai nommés
sont présents?
Association italienne des travailleurs
émigrés et familles
M. Delli Gatti (Raphaël): II en manque deux.
Le Président (M. Gobé): II en manque deux. Alors,
peut-être que vous pourrez nommer, avant de commencer cette
intervention...
M. Delli Gatti: Avec plaisir.
Le Président (M. Gobé):... les gens qui sont
actuellement présents...
M. Delli Gatti: Avec plaisir, M. le Président.
Le Président (M. Gobé):... et vous pourrez
commencer votre présentation. Vous avez une période de 30 minutes
au total, 10 minutes pour
votre présentation et une discussion avec l'Opposition officielle
et le côté gouvernemental de 10 minutes chacun. Alors, vous pouvez
commencer.
M. Delli Gatti: Merci, M. le Président. Permettez-moi, en
mon nom et au nom des gens qui m'accompagnent, de vous donner le bonsoir et de
vous féliciter pour le travail que vous êtes en train d'accomplir.
Alors, je voudrais présenter, à ma droite, M. Tony Benedetti, M.
Stefano Zori et Mme Patricia Passaglia.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, comme nous le disons d'entrée de jeu dans notre
mémoire, c'est avec grand plaisir que nous participons et collaborons
aux travaux de cette commission, parce que, pour nous et pour l'ensemble des
associations qui se sont joints à ce mémoire, la
problématique immigrante revêt une très grande
importance.
Nous croyons aussi que l'énoncé de politique du
gouvernement doit être un moment privilégié de
réflexion sur l'ensemble de la problématique que pose la
migration et elle se pose aussi dans un contexte particulier au niveau
international. C'est pourquoi nous avons intitulé notre mémoire
"Immigration demain", nous croyons que nous sommes à un tournant,
à un de ces tournants historiques de l'histoire où nous allons
assister, comme peut-être le siècle passé, à de
grandes vagues de migrations. Je crois que les événements qui se
produisent depuis environ un an et demi à travers le monde nous
prédisposent à avoir cela.
C'est pourquoi nous nous sommes placés à
l'intérieur d'un contexte où nous voulons qu'au niveau
québécois on fasse preuve peut-être d'initiative originale
lorsque nous présentons l'idée d'une charte du migrant. Il
pourrait venir à l'esprit de beaucoup de personnes et, comme vous pouvez
le constater dans notre mémoire, il n'est nullement de notre intention
de diminuer tout ce que le Québec a fait en matière de politique
d'immigration, au contraire. Nous sommes convaincus que le Québec est
à l'avant-garde de ce qui se fait en matière d'intégration
et d'accueil au niveau de son immigration. Mais notre expérience, qui se
lit à travers des millions, parce que, malheureusement, nous faisons
partie d'un peuple de migrants qui ne remonte pas à aujourd'hui, mais
à plusieurs siècles. Nous partageons cette expérience avec
plusieurs millions de conationaux. Malheureusement, notre expérience qui
est partagée, non seulement avec nos conationaux, mais avec l'ensemble
de la migration des immigrés du Québec, nous amène
à un constat que, malgré toutes les lois, malgré tous les
énoncés de politique qui ont été mis de l'avant, il
y a un constat, malheureusement il y a une discrimination. La discrimination
sociale existe et au niveau québécois elle est souvent
identifiée au niveau d'au moins trois secteurs: en matière
d'emploi, en matière de services sociaux et en matière de
logement. Selon nous, cette discrimination... parce qu'on pourrait se dire: II
existe une Charte des droits et libertés, il y a les
énoncés de politique, il y a toute une série de choses qui
ont été mises en place et, selon nous, cela tient du fait que,
dans la psychologie des migrants, l'ensemble des lois qui existent dans le pays
d'accueil ne sont pas faites pour eux. Ces lois-là sont faites pour les
gens du pays et, eux, ils se sentent autres et ils ne peuvent pas appliquer ou
faire appliquer ces fois-là.
Nous vous dirons: elle n'est pas née dans notre petite tête
à nous seulement cette idée de la charte du migrant, c'est
quelque chose qui chemine au niveau international. La Fédération
des juristes internationaux en parie, la propose. Au niveau du BIT, on chemine
vers cette idée-là et nous voulons apporter cette contribution
originale à cette réflexion et la partager avec vous.
Malgré tout, de plus en plus, nous allons être
confrontés... et je ne fais pas référence aux besoins que
nous avons, comme Québécois, comme pays, d'un apport d'une
nouvelle immigration qui est nécessaire soit par un manque à
gagner démographique mais y compris dans ce fait l'élan d'un
pays; lorsqu'il y a une immigration qui arrive, elle apporte avec elle un
savoir-faire, elle s'intègre à l'intérieur de
l'économie et devient aussi moteur du développement. Nous croyons
que ce phénomène-là existe.
Je voudrais terminer cette première partie pour, ensuite, entrer
sur ce que nous avons retenu de l'énoncé de politique et à
l'intérieur duquel, si nous sommes d'accord sur l'ensemble de
l'énoncé, il nous semble que, nous, comme représentants
d'une large part de la communauté italienne, pouvons faire certaines
remarques qui nous semblent importantes par rapport à
l'énoncé de politique.
Je termine sur notre première partie. Nous faisons cette
proposition de charte parce qu'il nous semble que, souvent, on oublie quelques
éléments importants; par exemple, tous les travailleurs et
travailleuses domestiques, malgré les lois, elles ne s'appliquent pas
pour elles ou pour eux. Il y a environ entre 30 000 et 40 000 travailleurs
saisonniers au niveau québécois qui sont exclus de l'ensemble des
lois qui s'appliquent à tout résident québécois ou
canadien. Tenant compte des 50 000 "prospectés", des nouveaux venus au
Québec, nous croyons qu'il serait important peut-être de
réfléchir collectivement à l'idée d'intégrer
à la charte existante des droits qui seraient définis
spécifiquement à tout nouvel arrivant et à ceux qui sont
déjà installés; un peu dans l'idée qu'a
déjà émise le Conseil économique canadien, une
espèce de nouveau pacte social. C'est un peu dans cet
esprit-là.
Quant à l'énoncé de politique, je vous disais, M.
le Président, que nous en partageons les grands principes et les grandes
orientations, mais malheureusement nous sommes un peu déçus.
II semble y avoir un grand oubli et de grands oubliés dans cet
énoncé de politique. Nous ne retrouvons nulle part à
l'intérieur de l'énoncé de politique des dispositions
particulières à l'ancienne immigration, à celle qui a
partagé avec le Québec les moments peut-être les plus
difficiles. J'ai l'habitude de dire: Les absences d'hier et les
nécessites d'aujourd'hui nous excluent. Je crois que nulle part on ne
retrouve identifiée une intervention particulière. Par exemple,
à l'immigration italienne on nous dit: Vous êtes
intégrés, tout va bien; la communauté italienne n'a aucun
problème. Ce même langage se tient aux niveaux portuguais, grec.
Très bien, très bien, nous sommes conscients que les nouveaux
arrivants ont des problèmes plus aigus, que c'est ceux à qui il
faut tendre la main le plus vite possible pour les intégrer. Mais je
crois que malgré tout, malgré notre ancienneté, ici au
Québec, 9 perdure des discriminations, il perdure des trous à
l'intérieur de nos services, y compris pour la communauté
italienne.
Et malheureusement, je voudrais juste nous référer
ensemble à la page 80 sur quoi se base ce propos que je viens de vous
tenir lorsqu'on lit: De plus, en matière de valorisation des cultures
d'apport, les initiatives visant le rapprochement interculturel ainsi que les
organismes multiethniques - je dis bien multiethniques - recevront une
attention particulière. Ça sous-entend que des organisations
comme les nôtres, qui, depuis 15 ou 20 ans oeuvrent dans une attitude de
rapprochement, sont exclus puisque nous ne sommes pas multiethniques; nous
sommes monoethniques. J'ai amené avec moi pour appuyer cela "Programmes
d'aide aux organismes de rapprochement, règles de distribution des
subventions". Et encore une fois, le premier... Organismes multiethniques,
caractère interculturel. Pour pouvoir bénéficier d'un
maximum de 12 000 $, il faut qu'on regroupe ou qu'on rejoigne trois à
cinq communautés culturelles. Je pourrais continuer ainsi.
Il nous semblait important de vous faire remarquer cela parce qu'il nous
semble que l'intégration, le maintien des cultures d'origine ne peut pas
se faire à travers une espèce de "melting pot".
Alors, je conclus, M. le Président. Je crois que je donne un peu
le ton. Nous ne concevons pas que les politiques doivent se faire, comme je le
disais, dans une espèce de "melting pot". Nous croyons à
l'égalité des cultures, nous croyons à
l'égalité des chances dans la différence. Nous ne voulons
pas être mis en tutelle, mesdames et messieurs, puisque nous sommes
monoethniques. Nous croyons que nous avons apporté beaucoup à la
société québécoise; nous voulons continuer à
l'apporter et tout ceci n'est possible qu'à travers le maintien et
l'affirmation de ce que nous avons été et ce que nous sommes.
Le Président (M. Gobé): Merci, M Delli
Gatti. Ceci met fin à votre témoignage et non pas fin
à l'exercice. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Viger qui va intervenir au nom de la formation
gouvernementale. M. le député de Viger, vous avez à peu
près huit minutes, Mme la ministre désirant garder deux minutes
pour remercier le groupe.
M. Maciocia: Oui, il n'y a aucun problème, M. le
Président. Merci. C'est avec plaisir... Du moment que j'ai su que vous
seriez ici ce soir pour présenter votre mémoire, je me suis fait
un devoir, étant donné que je viens de la même
communauté que la vôtre, d'être présent, pas
seulement d'être présent, mais d'être là avec vous
pour voir s'il y a moyen d'améliorer certaines choses qui sont faites
à l'intérieur du gouvernement du Québec en
général et non seulement sur la question de l'immigration et des
immigrants ici, dans la communauté italienne.
M. Delli Gatti, ça fait longtemps qu'on se connaît et, moi,
probablement, je rêve à autre chose que celles... C'est des mots
que j'ai entendus de ta bouche tantôt que j'ai... Probablement que je ne
les aime pas tellement et je voudrais, premièrement, faire un constat.
La communauté italienne, d'après moi, est la communauté la
mieux intégrée à la communauté
québécoise francophone ici, au Québec, et je suis fier de
ça parce que je suis convaincu de ça. Je rêve toujours
d'une chose. Quand vous avez parlé de monoethnique, j'espère
qu'un jour on ne sera plus considérés comme des monoethniques ou
des ethniques. Moi, je considère qu'on est des Québécois
à part entière. Et la preuve est encore là si on regarde
non seulement l'intégration, et même, si je peux dire, la
communauté a le plaisir et le privilège d'avoir trois
députés de la communauté italienne qui siègent
actuellement au Parlement du Québec; entre autres, on a M. John Ciaccia
qui au niveau ministériel et il est d'une vraiment très grande
qualité en tant qu'homme et en tant que ministre.
Mais, à part ça, je vous réfère seulement
à cette mise en scène parce que je crois que c'est très
important qu'on puisse vraiment dire que la communauté italienne,
à part sûrement qu'elle ait subi des... Je ne dis pas qu'elle n'a
pas subi des torts à droite et à gauche pendant un certain temps
et encore aujourd'hui, probablement, il y a des choses à
améliorer, ça j'en suis convaincu. Mais je rêve encore,
comme je vous le dis, au moment où on pourra quasiment éliminer
ce mot "ethnique" ou autre chose parce que, moi, je me considère et
j'espère que tout le monde va se considérer comme des canadiens
à part entière... (21 h 30)
La question que je veux vous poser, c'est que vous voulez aussi avoir
une charte des immigrés. Appelons-la comme ça, une charte pour
les immigrés. Ma première réaction est celle-ci. Quels
sont les énoncés ou les éléments qui ne font pas
partie actuellement ou qui ne protègent
pas tellement dans la Charte québécoise et dans la Charte
canadienne? Quels sont les éléments que vous pensez qu'il
devrait, étant donné que vous proposez cette charte, étant
donné qu'ils ne sont pas dans ces chartes-là, mais que vous
proposez dans une autre charte? Quels sont, d'après vous, les
éléments qui ne composent pas la Charte canadienne et la Charte
québécoise?
M. Delli Gatti: Comme je le disais au moment de la
présentation, et vous pouvez le retrouver à l'intérieur de
la présentation du mémoire, je faisais tout à l'heure
référence à la psychologie du migrant. Je sais bien que le
mot choque et je suis d'accord avec vous. Vous savez, je suis de la
deuxième immigration parce que mes parents ont émigré en
France et moi, de France, je suis venu ici. Moi, je me sens chez moi partout.
Partout, je suis capable de communiquer avec les gens et de partager mes joies
et mes peines avec eux. Il n'en fait pas moins que j'ai émigré.
Ce n'est pas non plus péjoratif d'être émigré. Je
viens d'ailleurs. Je crois que c'est dans ce sens-là que, moi, j'utilise
le terme migrant ou immigré. Je crois qu'il me définit mieux que
communauté culturelle, mais ça, c'est les modes du langage.
Mais, pour répondre à votre demande spécifique, M.
Maciocia, je disais la psychologie du migrant qui ne se reconnaît pas
dans les lois qui existent, ça c'est une première partie. Et je
crois que lorsque les gens se sont identifiés en disant voici vos
droits, c'est pour vous que cela est fait... Comme je le disais, ce n'est pas
seulement à travers ma tête ou à travers ceux qui ont
participé à la présentation de ce document qui est
né. C'est quelque chose qui chemine au niveau international de plus en
plus parce que ce n'est pas seulement au Québec que ces
problèmes-là se manifestent, cette idée. Elle se manifeste
parce que les gens ont des droits. On dit à travail égal, salaire
égal. Le Code du travail, la Loi sur les normes du travail s'appliquent
à tout le monde. Pourtant, je me suis permis d'amener, parce que je
savais que la discussion... J'ai ici le rapport sur les rencontres avec les
minorités, fait par la Commission des droits de la personne du
Québec. Comme je vous disais, malgré toutes les lois que nous
avons, à la page... Ça ne fait rien... Je vais juste vous lire un
tout petit extrait où il est dit: Discrimination subtile, mode de vie.
L'ensemble. II ne reste pas moins vrai que la vaste majorité des
personnes consultées pose le problème de la discrimination comme
un des problèmes fondamentaux auxquels font face les membres des
minorités culturelles ou sociales qu'ils représentent.
Je me suis permis de vous lire ce court extrait parce que je crois que
c'est quelque chose de très sérieux, fait par un organisme
compétent et sérieux au niveau québécois et qui ne
s'invente pas des choses. C'est que... Pourquoi les gens qui ont des droits ne
les font pas respecter? La question est à se poser, peut-être
parce qu'ils ne s'identifient pas à ces choses-là, comme je
disais tout à l'heure. Nous, on ne se dit pas une nouvelle charte
spécifique. On l'appelait ainsi pour l'identifier, mais je crois qu'elle
pourrait devenir partie intégrante de la charte existante, mais elle
vient préciser le droit de quelqu'un.
L'autre volet, et j'espère avoir répondu au pourquoi,
est-ce que dans l'esprit de l'immigration - et je sais bien que nous sommes en
Amérique du Nord - forcément quelqu'un qui vient ici pour
bénéficier d'un certain nombre de droits spécifiques doit
prendre la nationalité? Il y a des gens qui pourraient faire le choix de
dire ma foi, je suis dans un pays libre et démocratique, respectueux de
mes droits, me permettant l'exercice d'un certain nombre de droits, je conserve
ma nationalité. Ça, c'est l'autre volet qui, selon nous, de plus
en plus, dans ce qu'on appelle le village global, pourrait devenir un
élément qui nous permettrait d'être totalement accueillants
et respectueux, y compris du maintien de ce que certains, je ne dis pas que
c'est la majorité qui va faire cela, mais qu'un certain nombre... et je
donne l'exemple de notre communauté, M. Maciocia, que vous connaissez
très bien, environ 15 % à 20 % de nos cornationaux, malgré
25, 30 ans de présence ici au pays, ont maintenu leur
nationalité, mais, par ce fait-là, ils ne peuvent pas
bénéficier de l'ensemble des lois. Je ne sais pas si je
réponds à votre question.
M. Maciocia: Ma question...
Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le
député. Il vous reste quelques minutes. Une minute et demie.
M. Maciocia: Oui.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, allez-y.
M. Maciocia: Je sais que c'est très bref. Vous avez
répondu en partie, mais la question encore que je me pose, vous n'avez
pas fait un énoncé honnête d'éléments qui ne
couvrent pas actuellement, qui ne protègent pas actuellement,
appelez-les entre guillemets les immigrés, et vous voudriez que ce soit
ajouté ou par des chartes, ou dans les chartes actuelles, la Charte
québécoise ou canadienne. Quels sont les éléments?
Quelles sont les choses qui ne sont pas protégées actuellement
pour une communauté culturelle comme la nôtre à
l'intérieur des Chartes canadienne et québécoise?
M. Delli Gatti: Eh bien, je vais vous le dire. Je vais
vous...
Le Président (M. Gobé): Très rapidement.
M. Delli Gatti: Une seule. Peut-être la plus frappante, ce
n'est peut-être pas le meilleur exemple. Malgré la Charte
existante aujourd'hui, si un immigrant reçu, malgré 30 ans de
présence, commettait un acte banal de voler dans un supermarché,
il pourrait être déporté.
M. Maciocia: Ça me semble étrange. Je n'insiste
pas.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député...
M. Maciocia: Ça me semble un peu étrange.
Le Président (M. Gobé): ...de Viger de votre
intervention. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour une période de
10 minutes. Vous en profiterez pour remercier à la fin de votre
intervention.
M. Bouierice: Ah, je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, M. le
député.
M. Bouierice: M. Delli Gatti, j'ai un problème de
vocabulaire, donc, j'ai forcément un problème de
compréhension. Je vais sans aucun doute pouvoir compter sur votre aide
pour la compréhension de ce texte. Vous parlez de migrants. Moi quand je
l'ai lu, pour moi c'était les gens qui venaient ici avec un permis de
travail temporaire. C'était les travailleurs saisonniers, et Dieu seul
sait qu'il existe des exemples tristes dans le monde. Pensons à ces
pauvres Mexicains cueHIeurs de raisins en Californie. J'ai participé...
Je me suis privé de raisins californiens durant de nombreuses
années, comme vous, d'ailleurs.
Est-ce que c'est ça? Ce n'est pas ceux qui sont ici qui ont le
statut d'immigrant reçu, et qui obtiendront la citoyenneté, etc.;
là vous parlez bien de ceux dont je viens de vous donner la
définition. Prenons des exemples européens, M. Delli Gatti. Et ce
sont quelquefois des épisodes un peu tristes aussi. Ce travailleur
algérien en France, ce travailleur turc en Allemagne, ce travailleur
kurde en Suède. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Delli Gatti: Oui, mais je crois que nous "migrant" nous
voulons l'utiliser dans le sens large de migrer. On peut migrer sur une base
très temporaire, et on peut migrer sur une base beaucoup plus longue. Je
sais bien que dans l'esprit nord-américain, où les gens au bout
de trois ans font l'option de devenir des citoyens, donc, fini Us ne peuvent
plus être victimes de la grande discrimination. Ceci dit. Je crois aussi
que "migrant" regroupe aussi, et je le disais tout à l'heure dans la
présentation, il y a environ entre 35 000 et 40 000 personnes
annuellement qui rentrent sur une base très temporaire de trois à
six mois au niveau québécois, qui viennent cueillir des pommes,
qui viennent cueillir du tabac, qui viennent cueillir des tomates dans la
région de Joliette.
Une voix:...
M. DelH Gatti: C'est ça. Alors, je crois que ces
gens-là, oui, pendant la période où ils sont ici, ils sont
protégés par les lois qui sont en place; pas toujours. Je parlais
de gens qui restent plus longtemps que trois à six mois; je pariais des
travailleurs domestiques qui sont exclus d'une partie de la législation
sur les normes, dont le permis de séjour est conditionnel au maintien du
contrat de travail. Alors, je crois que nous sommes dans une situation
où le Québec - et je crois qu'il l'a déjà
démontré dans le passé - par l'introduction de ce statut
particulier aux immigrants ferait encore preuve d'initiative ingénieuse
et aussi de beaucoup, beaucoup de générosité, je crois,
parce que, ces éléments-là, on les oublie; ils ne font pas
partie de notre vie courante. Et nous voyons l'immigration
québécoise, bien sûr, comme l'immigrant reçu qui
s'intègre bon an mal an.
M. Bouierice: Là, je continue la lecture: "Le travailleur
migrant résidant dans le pays d'accueil de manière ininterrompue
depuis plus de trois ans et remplissant les conditions requises pendant la
période considérée, et qui a régulièrement
rempli ses devoirs de contribuable tout en ce qui concerne les impôts que
les taxes municipales, doit pouvoir bénéficier du droit de vote
actif et passif pour les élections locales." Ah, mon Dieu! quelle
passion ce débat a décharné en France!
M. Delli Gatti: Exact.
M. Bouierice: Exact. Bon. Alors, là, j'ai vraiment...
M. Delli Gatti: Pas en Suède, pas en Hollande, pas en
Belgique.
M. Bouierice: Pas en Suède, oui. Bon. Là, je pense
que, finalement, j'ai bien compris. Quelquefois, ça prend un petit peu
plus de temps puis, l'heure aidant, ça a des avantages, mais enfin.
Alors, si je comprends bien - et je vais tenter de résumer dans une
phrase - ce que vous souhaitez c'est que ceux qui sont ici de façon
temporaire, ce temporaire pouvant être leur choix, ce temporaire pouvant
être, en quelque sorte, une obligation qu'impose l'État
québécois...
M. Delli Gatti: Exact.
M. Boulerice: ...ces gens-là devraient pouvoir, durant
leur séjour ici, bénéficier des mêmes droits que les
nationaux - employons ce terme - puisque nous avons convenu - nous pouvions
dire non mais nous avons convenu - de les autoriser à résider sur
notre territoire. Bon. C'est ça. Alors, à ceci, je vais vous
répondre, sans être juriste, je m'en défends souvent,
quelquefois je trouve que ça peut être un handicap quand on
devient législateur mais, ceci dit, je vois à l'intérieur
de ça... Quel mot trouver pour le décrire? Ce serait, à
mon point de vue - je le prends globalement, M. Delli Gatti - les... Bon,
j'essaie de trouver le mot le plus juste. Soyez indulgent, peut-être 30
secondes encore, que je trouve. Ce serait bon, en quelque sorte, comme une
règle fondamentale d'hospitalité, à l'exemple que, si je
vous invite à ma résidence, vous êtes mon invité,
vous êtes chez moi. J'estime que, si vous êtes chez moi comme ami,
ce qui est à moi est à vous. On va boire dans le même
verre. Je vais donner un exemple complètement ridicule, vous n'avez
quand même pas besoin de me demander la permission d'aller aux W.-C. chez
moi, vous êtes un invité. Alors, je le vois un peu dans ce
sens-là, une élémentaire loi d'hospitalité,
puisqu'on a autorisé des gens à être ici.
Ceci dit, là, je suis dans la position de réserve, mais de
réserve pas fermée, dans le sens que je ne connais pas toutes les
implications de cela, si ce n'est pour vous dire qu'à mon point de vue
à moi, en tout cas, j'y suis sympathique. Je me dis: Si j'ai
accepté quelqu'un dans mon pays, pour x périodes de temps, il se
comporte en bon citoyen, il est respectueux des lois, c'est tout à fait
normal qu'il ait des droits comme j'en ai et qu'il ne puisse pas, compte tenu
d'un état temporaire qui soit son choix ou qui soit celui que je lui ai
imposé, comme je vous le disait tantôt...
Une voix:...
Le Président (M. Gobé): ...que M. le
député n'a pas fini. (21 h 45)
M. Boulerice: Moi, je vous dis, en tout cas, que je suis
très accueillant à une chose comme celle-ci. Je ne suis pas
capable de vous dire que c'est partagé par tous les collègues de
l'Assemblée nationale ou ceux de l'autre bord de la rivière
Outaouais. Enfin, il y en a certains là-dedans que j'aime bien, mais,
pour ce qui est des autres, j'ai certaines réticences. Mais ça,
c'est dans la nature même des choses. Personnellement, oui, j'ai un
préjugé favorable, comme on dit. Et le mot
"préjugé" n'est pas négatif, vous le savez. D'ailleurs, je
me demande pourquoi on dit "préjugé favorable". Avoir un
préjugé, c'est considérer de façon
particulière. Donc, je vois... La question, par contre, que j'aimerais
vous poser... Et je peux vous dire que ça va circuler, comptez sur moi.
Est-ce que c'est une démarche qui a été acceptée
par plusieurs États-nations, à date?
M. Delli Gatti: Elle chemine. C'est une proposition qui est en
train, comme je le vous disais... Il y a la Fédération
internationale des juristes, le Bureau international du travail qui se penchent
sur cela. En 1985, il a été débattu à la
Conférence internationale sur l'immigration de Stockholm. On est en
train de plus en plus... En Europe, on chemine sur cette
idée-là.
M. Boulerice: Vous me permettez, M. le Président?
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y, je vous en
prie.
M. Boulerice: Je ne veux pas faire une fuite en avant, M. Delli
Gatti, mais cette chose-là n'aurait-elle pas plus force si... Il y a eu,
à New York, un débat sur les droits de l'enfance
coprésidé par le premier ministre de l'État
fédéral canadien et le président d'un pays africain,
où, semble-t-il, il y a eu, au moment même où il parlait,
certaines exactions envers des étudiants, donc des enfants. Avouez que,
quelque-fois, la politique internationale peut être un tantinet
hypocrite, mais enfin! Voilà!
Vous ne pensez pas que si ça faisait l'objet d'un débat,
mais vraiment dans une instance internationale, ça aurait un poids et un
entraînement peut-être beaucoup plus fort que d'être
adopté par un État? Remarquez qu'un Québec souverain
pourrait l'amener aux Nations unies, ce ne serait pas mauvais. Ça
pourrait être ma collègue puisque son parti considère cette
option. Vous êtes en désaccord... Ah, son option, pas mon
option!
Une voix: On en reparlera.
M. Boulerice: On en reparlera, bon!
Le Président (M. Gobé): Nous pourrions rester
à la pertinence du débat et quitter ce terrain glissant.
M. Boulerice: Bien, c'est pertinent de songer
qu'éventuellement un Québec souverain pourrait apporter cette
chose-là dans une instance internationale, décisive, il va de
soi.
M. Delli Gatti: Non, c'est pour ça que je disais...
Le Président (M. Gobé): ...M. Delli Gatti, s'il
vous plaît.
M. Delli Gatti: ...qu'en ce domaine-là le Québec a
déjà fait preuve de grande initiative et de
générosité. Je suis convaincu qu'en adoptant
une telle approche de l'immigration - parce que je voudrais aussi vous
dire que nous partons aussi... M. le Président?
Le Président (M. Gobé): Allez-y, en conclusion,
s'il vous plaît.
M. Delti Gatti: Alors, en conclusion, je voudrais dire qu'il y
avait aussi... On traite aussi du problème de libre circulation; de plus
en plus, au Québec, on parle de transférer, d'essayer
d'élargir l'immigration, de la mettre en région. Je crois qu'il
s'agit aussi de commencer à réfléchir: Qu'est-ce que
ça veut dire, aller en région? On est bloqué là
deux ans, trois ans, cinq ans, vingt ans? Nous croyons et nous en parlons. Nous
parlons aussi des équivalences des diplômes. Nous n'avons pas
été les seuls, nous ne sommes pas les seuls à soulever
qu'il faut qu'il y ait quelque chose qui définisse clairement les
choses. J'ai ici, avec moi, les extraits du mémoire qui vous a
été présenté par la commission de Sainte-Croix
où elle recommande aussi de réduire les délais
d'attribution. Ils disent aussi: La période d'attente infligée
aux immigrants...
Alors, vous voyez, nous entrons dans le débat et nous croyons que
ça pourrait être quelque chose de très intéressant.
Je terminerai en disant: N'oubliez pas ce que nous vous disons par rapport
à ce que nous croyons, qu'il y a un oubli, un oubli important par
rapport aux anciennes immigrations et surtout au niveau de ce qu'on appelle les
services directs. M. Maciocia, tout à l'heure, soulevait le
problème de notre communauté. Il la connaît très
bien, notre communauté. Il sait très bien, M. Maciocia,
qu'à l'intérieur de notre communauté, si de grandes choses
se sont accomplies - beaucoup de bien-être est à
l'intérieur et des structures existent - il reste une partie importante,
que ce soit nos anciens, que ce soit des gens qui sont entre deux âges ou
entre deux revenus, qui ne peuvent pas bénéficier d'un certain
nombre de services. Alors, nous disons: N'oubliez pas. Si on avait une autre
proposition à vous faire, ce serait pour réfléchir
à ceci: la création d'un comité de travail - je termine
là-dessus, M. le Président - pour les anciennes immigrations,
italienne, portugaise, grecque et y compris juive, pour réfléchir
sur un plan d'action qui tienne compte de ces besoins qui sont
différents de tout ce que peuvent exiger les nouvelles immigrations et
les nouvelles communautés. Choisissez le mot.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Delli Gatti.
M. Delli Gatti: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Un mot de remerciement, M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Écoutez, le moins qu'on puisse dire c'est
que vous avez apporté - et vous me permettrez l'expression, elle ne se
veut pas injurieuse - un produit original. J'espère qu'il va susciter
interrogation, réflexion et, éventuellement, puisque c'est
ça que vous souhaitez, une réponse. Et, pour ma part, je vous
avoue que je vais le relire une deuxième fois très
attentivement.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, le mot de
la fin.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Je
voudrais bien sûr vous remercier pour la présentation de votre
mémoire. Je voudrais peut-être faire tout simplement une mise au
point. Si nous ne parions pas des anciennes communautés dans notre
énoncé de politique, c'est parce qu'on vous considère
comme des Québécois à part entière. Vous faites
partie de la société d'accueil, donc c'est dans ce
sens-là. Je dois vous dire que toutes les communautés qui sont
venues, qui se sont présentées ici, sont venues nous dire
qu'elles étaient fort heureuses justement qu'on les identifie comme des
Québécois à part entière, qu'on ne parle pas
d'anciennes communautés.
Maintenant, quant à la question de la charte ou de certaines
recommandations que vous faites, je dois vous dire que je ne suis pas en
désaccord avec le diagnostic, cependant, je suis en désaccord
avec les solutions. Je ne vois pas comment au Québec on pourrait avoir
une charte des droits et libertés pour les Québécois
d'origine, une charte des droits et libertés pour les
Québécois des communautés culturelles. Je me dis: Oui,
peut-être qu'il peut y avoir de la discrimination, il peut y avoir des
droits qui ne sont pas respectés. Ça peut arriver, mais à
ce moment-là faisons-les respecter. Nous avons des droits. Nous avons un
Code civil. Nous avons des Chartes des droits et libertés
québécoise et canadienne, donc occupons-nous de faire respecter
ces Chartes et, aussi, nous avons des lois qui peuvent être
modifiées, qui peuvent être bonifiées en fonction d'un
contexte qui est différent. Je pense, entre autres, par exemple,
à la Loi sur les nonnes du travail qui a été
modifiée récemment et qui prend en compte les
intérêts des travailleuses domestiques. Donc, je me dis que c'est
important... Je ne vois pas pourquoi on aurait deux chartes différentes,
à ce moment-là, je me dis: Faisons respecter ces droits-là
- et je dois terminer là-dessus - vous savez que l'immigrant n'a pas
uniquement des droits non plus, il a des responsabilités, il a des
devoirs, des obligations et des responsabilités face à la
société d'accueil, d'où la notion de contrat moral que
l'on retrouve dans l'énoncé de politique. Bien sûr, si nous
avions eu un peu plus de temps, on aurait pu en discuter plus en profondeur,
mais d'où la nécessité de ce contrat moral. Alors,
merci beaucoup et bon voyage de retour, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
Delli Gatti, je vous demanderais de bien vouloir remercier les gens qui vous
accompagnent au nom de tous les membres de cette commission. Je tiens à
vous dire que nous avons écouté votre témoignage avec une
grande attention et un grand plaisir et que nous en tiendrons compte lors de
nos débats ultérieurs. Ceci étant dit, je vous souhaite
une bonne soirée et je vais ajourner les travaux de cette commission
à demain matin, 9 h 30 en cette salle afin de continuer le mandat qui
nous a été confié. La commission est ajournée
à demain 9 h 30.
(Fin de la séance à 21 h 56)