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(Quatorze heures douze minutes)
Le Président (M. Gobé): Bonjour, mesdames et
messieurs. Bonjour, Mme la ministre, chers collègues. Je déclare
les travaux de la commission de la culture ouverts. Je vous rappellerai que
notre mandat aujourd'hui est de continuer nos travaux pour procéder
à la consultation générale sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration
intitulé: "Au Québec pour bâtir ensemble" ainsi que sur les
niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et
1994. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (l'Acadie).
Le Président (M. Gobé): Bienvenue M. Bordeleau. Je
vais maintenant vous donner lecture de l'ordre du jour. Nous allons entendre
cet après-midi, à partir de 14 heures, l'Office de la pastorale
sociale du diocèse de Québec, à 15 heures, la Maison
internationale de Québec, à 16 heures, le Centre international
des femmes de Québec, à 17 heures, Mme Marika Coulourides. On
m'avertit qu'à 17 h 30, le Dr Joseph Kage ne pourra pas être
là. il nous a fait parvenir une note dans laquelle il dit qu'il est dans
le regret de ne pouvoir se présenter, et je fais part de cette note aux
membres de la commission. Par la suite, nous suspendrons jusqu'à 20
heures. Alors, nous allons maintenant...
M. Bordeleau: M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député.
M. Bordeleau: Est-ce que ça veut dire qu'on suspend
à 17 h 30? C'est ça?
Le Président (M. Gobé): C'est exact, M. le
député de l'Acadie. Je rappellerai que les ententes, en ce qui
concerne la répartition du temps, sont les suivantes. Les intervenants,
les témoins ont 20 minutes maximum pour exposer leurs documents. Par la
suite, il reste 40 minutes pour les parlementaires, réparties comme
suit: 20 minutes pour l'Opposition officielle et 20 minutes pour le
côté ministériel. Je vous rappellerai qu'à la fin de
chaque intervention, chaque formation politique se garde une minute ou deux
pour conclure, la conclusion finale étant faite par Mme la ministre de
l'Immigration.
À ce stade-ci, est-ce qu'il y a des remarques? Non, il n'y a pas
de remarques. Est-ce qu'il y a des motions préliminaires? Non plus.
Sans plus attendre, nous allons commencer par entendre le... Une motion,
M. le député? Non. Nous pourrions en débattre, mais je
pense que nous allons maintenant procéder sans plus tarder et entendre
l'Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec. Je
demanderai au porte-parole du groupe de bien vouloir présenter les gens
qui l'accompagnent et de nous indiquer qui est celui qui va prendre la parole
pour faire la présentation du mémoire. Alors, vous avez la
parole.
Office de la pastorale sociale du diocèse de
Québec
M. Théberge (René): Merci. Je me présente.
René Théberge...
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M.
Théberge.
M. Théberge:... de l'Office de la pastorale sociale du
diocèse de Québec. Nous sommes ici un groupe de cinq personnes,
un groupe de recherche et d'engagement pour la pastorale des immigrants. C'est
ce qui nous rassemble déjà depuis quelques mois autour de cette
préoccupation-là, à la demande de l'évêque
d'ailleurs, qui désire une politique pastorale un peu plus
articulée, un peu plus claire et engageante en faveur, en regard des
immigrants dans le diocèse de Québec.
Je vous présente les membres de notre groupe: Mme Turcotte,
adjointe à l'Office de pastorale sociale; l'abbé Marc Caron,
aumônier du port de Québec; l'abbé Pierre Gaudet,
professeur de théologie à la Faculté de théologie
de l'Université Laval, qui est très engagé avec les
communautés vietnamiennes, en particulier, et beaucoup d'autres à
Québec; ici, à ma droite, Marie-Hélène Blais, une
ex-missionnaire d'Afrique qui a vécu l'expérience d'être
accueillie à l'étranger pendant de nombreuses années et
qui, actuellement, est responsable du service d'accueil et d'intégration
des nouveaux immigrants rattachés, entre autres, à la
Fraternité multicul-turelle de Québec. Donc, c'est notre groupe
qui a réfléchi sur le mémoire. Nous ne croyons pas faire
une présentation globale de tous les aspects fort riches de ce
mémoire. Nous avons voulu privilégier certaines lignes.
Là-dessus, je donne la parole principalement à Pierre Gaudet, qui
va présenter le mémoire, ainsi que Marie-Hélène
Blais, qui va présenter la dernière partie.
M. Gaudet (Pierre): Nous apprécions grandement l'effort de
réflexion qui a conduit au présent énoncé de
politique. Le fait que la
société québécoise soit, comme
francophone, une société minoritaire en Amérique du Nord,
('oblige à prendre une conscience plus vive des dynamis-mes sociaux qui
contribuent à l'intégration spontanée des immigrants
à la société majoritaire anglophone.
Cette prise de conscience est nécessaire pour bien
pointer les enjeux des mouvements migratoires et tenter de les orienter vers
une intégration harmonieuse des nouveaux arrivants à un
Québec majoritairement francophone. Elle permet en même temps de
mettre en place des mécanismes d'accueil et d'intégration qui
soient mieux coordonnés et qui répondent davantage aux besoins
des intéressés principaux, à savoir ceux qui arrivent.
Pour notre part, nous nous contentons de quelques remarques qui nous
apparaissent importantes en raison des contacts que nous avons avec les
communautés culturelles.
Premier point: élargissement de la
problématique. Nous sommes très heureux de dire notre accord
à l'ensemble de la problématique qui est esquissée dans la
première partie du document. Il apparaît important pour la
population de montrer avec soin l'apport de l'immigration au
développement du Québec et d'expliciter de façon claire le
contrat social que nous avons à proposer aux nouveaux arrivants, il
serait bon cependant d'introduire dans cette problématique deux
dimensions complémentaires. La première a trait à
l'importance que les mouvements migratoires sont susceptibles de
connaître au cours des prochaines décennies, et qui vont exercer
constamment une forte pression sur nos frontières. On explique un peu
à la suite la raison, mais le fait qu'il y ait au Canada 100 000
réfugiés en attente de statut est symptomatique de la situation;
l'afflux des Haïtiens et des Mexicains vers les États-Unis aussi.
Et nous pouvons prévoir que les prochaines décennies seront sans
doute marquées par un mouvement de population extrêmement
important vers les pays dotés d'un niveau de vie supérieur.
Mais je voudrais m'arrêter plutôt à la
deuxième dimension, à savoir celle qui élargit la
problématique concernant les réfugiés. Par le seul fait
qu'ils existent, les réfugiés lancent une interpellation à
toute la société québécoise, et cette
interpellation fait éclater les critères qui guident
habituellement une politique d'immigration. On ne détermine pas d'avance
quels sont les peuples qui vont être l'objet de génocide
idéologique ou les victimes de guerres sans fin. Les
réfugiés, sans qu'on les ait choisis, sont là et ils
interrogent notre conscience. Doit-on subvenir à leurs besoins d'une
façon temporaire en espérant qu'ils puissent, à court ou
à moyen terme, regagner leur patrie? Dans le cas où cet espoir
n'est pas permis, doit-on ouvrir ces frontières et leur offrir une
possibilité de réinstallation?
Chaque fois que de nouveaux drames humains surgissent de
par le monde, la question est posée et il faut examiner la situation
à nouveaux frais. La solidarité internationale nous oblige alors
à fournir notre part. À ce moment, ce ne sont pas des
critères de productivité qui doivent entrer en ligne de compte.
Ce ne sont pas non plus uniquement des considérations sur le
développement d'une société francophone et d'une
économie prospère, considérations qui sont sans doute
valables, mais, dans ce contexte, ce sont des raisons d'ordre purement
humanitaire. Celles-ci nous obligent à dépasser notre propre
point de vue et notre intérêt immédiat pour nous ouvrir
à des exigences d'ordre éthique et social. Il serait bon que
cette perspective soit marquée dès le point de départ dans
la politique gouvernementale.
Ces remarques d'ordre général étant
faites, on apporterait quelques réflexions sur des contenus plus
précis, sur certains objectifs et, en première partie, sur la
sélection des réfugiés pour élargir, dans la
deuxième partie du document, au point 4, l'intégration des
nouveaux arrivants, qu'Hs soient des réfugiés ou des
immigrants.
À la page 37, on lit l'objectif: "Maintenir et mieux
cibler l'accueil des réfugiés." La formulation de cet objectif
provoque une certaine crainte. Sans doute est-il inévitable d'avoir
à opérer une sélection parmi les innombrables
réfugiés déjà reconnus comme tels par les
organismes internationaux, mais cette sélection peut être à
ce point exigeante que l'accueil des réfugiés ne devienne qu'un
programme d'immigration déguisé où nous ne retenons dans
la masse que ceux qui peuvent contribuer immédiatement à notre
propre développement économique. On peut accueillir un
réfugié pour des raisons strictement humanitaires, mais on peut
aussi en accueillir un grand nombre parce qu'Hs correspondent globalement
à nos propres critères de sélection des immigrants.
On ne devrait pas alors parler de programme humanitaire en
faveur des réfugiés, mais bien plutôt de programme
d'immigration parmi les personnes déplacées ou
réfugiées. Dans cette perspective, nous nous étonnons de
l'affirmation suivant laquelle le Québec aurait accueilli, en 1989, 7710
personnes pour des motifs humanitaires. Nous nous en étonnons d'autant
plus que l'approche qui semble de plus en plus caractériser le Canada et
le Québec, dans certains camps de réfugiés, en est une
fort rigide: refus d'une famille ayant de la parenté au Québec
parce que la grand-mère est malade, rejet d'un père et de son
fils préalablement acceptés pour la seule raison que le
père a subi entre-temps une attaque cardiaque. Et, en note, nous
indiquons des cas précis qui nous ont été rapportés
dans les derniers mois.
C'est pourquoi nous recommandons que, dans l'accueil des
réfugiés, le Québec se définisse un programme
d'aide humanitaire et qu'il s'enga ge chaque année à admettre,
pour des raisons
strictement humanitaires, un certain nombre de personnes qui, autrement,
n'auraient accès à aucun pays de réinstallation. On pense
à des personnes rejetées, femmes ayant subi un viol, personnes
âgées, personnes handicapées. Qu'il y ait un certain
nombre, au moins symbolique, un certain quota de personnes que l'on accueille
pour des motifs strictement humanitaires, donc qui ne seront pas productifs
immédiatement sur le plan du travail. À notre connaissance, la
Suisse et la Finlande ont de tels programmes, en particuier dans le Sud-Est
asiatique.
Dans la sélection, on devrait être très attentifs
à ne pas séparer les familles en attente et à favoriser le
regroupement des familles en pays d'accueil. On devrait aussi veiller à
traiter les demandes avec plus de célérité, afin
d'éviter des véritables traumatismes que peuvent provoquer dans
les camps l'attente indéfinie et les changements inexpliqués de
décision. Nous souhaitons que le Québec puisse intervenir dans le
traitement des réfugiés déjà reconnus et être
attentif à la dimension humanitaire des dossiers
présentés. En note aussi, quelques cas concrets.
On parle, à la page 37, de promotion des programmes de parrainage
collectif. Je pense que ces programmes ont à être relancés.
Lancés dans l'enthousiasme par le Canada, par le premier ministre Joe
Clark, il y a quelques années, ces programmes ont subi beaucoup
d'avanies et, actuellement, les membres de groupes collectifs faisant des
parrainages se sont sentis souvent manipulés et ont eu l'impression que
l'on abusait de leur générosité, d'autant plus qu'un
manque d'organisation patent du côté gouvernemental les laisse
presque toujours dans l'ignorance des dossiers qu'ils ont assumés. Il y
aurait un effort pour stimuler cette approche.
Nous ajoutons ici un bref commentaire sur un autre objectif: soutenir la
réunification familiale et l'adoption intemationiale. Je vous signale
ici aussi... Vous savez sans doute que, concernant l'adoption internationale,
il est urgent que l'on raccourcisse les délais qui sont actuellement
d'une longueur éprouvante et qui incitent un certain nombre de familles
à passer par des filières privées, à la limite de
la légalité. Il est urgent de trouver des moyens de raccourcir
les délais.
Ensuite, on évoque, au paragraphe suivant, la question du
parrainage de mineurs non accompagnés, réfugiés dans les
camps du Sud-Est asiatique. Là aussi, on a éprouvé, au
cours des dernières années, des derniers mois, beaucoup de
difficultés. À tel point qu'on s'est demandés s'il n'y
avait pas, dans le gouvernement fédéral, l'intention de renvoyer
dans le pays d'origine ces jeunes qui ont abouti dans les camps de
réfugiés.
Enfin, nous tenons à souligner l'importance de soutenir la
réunification familiale. Cela devrait être un critère
important dans la sélection des réfugiés, comme dans
l'acceptation de parrainage à partir des pays d'origine. Et nous
accueillons très favorablement, à cet effet, la réduction
en trois ans de l'engagement souscrit par le garant en faveur de son conjoint
et de ses enfants, évoqué à la page 38.
Nous recommandons donc ici que, dans le traitement des dossiers des
réfugiés déjà acceptés, le gouvernement
adopte une approche humanitaire qui évite les délais excessifs et
tienne compte tant de la situation dans les camps que de l'attente de ceux qui
font ici un parrainage. C'est le premier volet, celui des
réfugiés.
Le deuxième, à partir du point 4, page 8,
l'intégration des nouveaux arrivants s'élargit à tout le
problème de l'intégration des immigrés. Trois facteurs
nous apparaissent particulièrement importants pour assurer
l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants, qu'il s'agisse de
réfugiés ou d'immigrants. L'apprentissage du français,
l'intégration au monde du travail, qui nous apparaît vraiment
l'élément essentiel, et la compréhension
multiculturelle.
Je dirai quelques mots de l'apprentissage du français.
Accroître, dit-on dans le document, l'accessibilité et la
qualité des services d'apprentissage du français destinés
aux immigrants et aux Québécois des communautés
culturelles. Nous constatons que, dans la ville de Québec et dans les
environs, le Centre d'orientation et de formation des immigrants - je ne sais
pas sa nouvelle dénomination, le COFI - constitue une ressource
chaleureuse et efficace pour les immigrants de Québec. Les rapports
entre professeurs et étudiants, de même qu'avec les organisations
bénévoles, sont excellents.
Le réseau scolaire est dans l'ensemble très ouvert
à l'accueil des nouveaux arrivants et il fait preuve d'une attention
particulière à leurs besoins. De telle sorte que, de ce point de
vue, la région de Québec apparaît comme un excellent milieu
pour assurer l'apprentissage du français et l'intégration des
immigrants. La situation à court et à moyen terme pourrait
être encore améliorée si on adoptait les mesures
suivantes.
D'abord, rendre les cours d'initiation au français
dispensés par le COFI accessibles le plus tôt possible. Il n'y a
rien de pire, lorsqu'un réfugié ou un immigrant arrive et qu'il
ne peut travailler, que d'attendre trois ou quatre mois à ne rien faire
parce qu'il n'y a pas d'emploi qu'il peut exercer, attendre que les cours ne
commencent. Il faudrait qu'il puisse rapidement accéder à ces
cours.
Donner aussi une plus grande flexibilité au programme
d'initiation au français. Il est plus difficile pour quelqu'un qui vient
du Sud-Est asiatique de maîtriser la langue française que pour un
hispanophone qui a une langue qui se rapproche du français. Il faudrait
peut-être permettre une souplesse.
Souplesse aussi dans les cours de français offerts aux adultes
immigrants au secondaire et au collégial. Là, on n'a pas
examiné de façon
plus précise la situation mais, à première vue, il
est peut-être un peu étonnant qu'un adulte qui fasse son
secondaire soit obligé de tout suivre les cours de français
langue maternelle. Il faudrait peut-être examiner avec les
spécialistes s'il ne serait pas opportun d'apporter une modification et
de leur faire suivre en équivalence des cours de français pour
non-francophones. Ce serait peut-être plus approprié à
leurs besoins plutôt que les cours de français langue
maternelle.
Même chose au cégep où les cours de français
et de philosophie sont extrêmement arides pour un étudiant qui
sait le vietnamien et qui se prépare à une concentration en
technologie, en informatique, au cégep, et qui doit suivre
obligatoirement les cours de français langue maternelle et de
philosophie. Il y aurait peut-être à examiner avec le
ministère de l'Éducation des possibilités de souplesse et
d'équivalence pour permettre un meilleur apprentissage du
français.
C'est ce que nous recommandons, à la fin: que les cours de langue
offerts à divers niveaux soient le plus immédiatement
accessibles, qu'ils soient dispensés selon la méthode la plus
adaptée à des adultes dont le français n'est pas la langue
maternelle, et qu'ils soient assez souples pour tenir compte des acquis et des
besoins des personnes.
L'autre point est capital, celui de l'intégration au monde du
travail. Je laisserais la parole à Mme Blais pour poursuivre la
lecture.
Le Président (M. Gobé): Très bien, madame.
Nous vous écoutons.
Mme Blais (Marie-Hélène): Soutenir
l'intégration au marché du travail et assurer
l'égalité en emploi pour les Québécois des
communautés culturelles. L'obtention d'un emploi est un facteur tout
à fait déterminant pour l'intégration harmonieuse du
nouvel arrivant et, particulièrement, pour qu'il demeure en
région. Il faut insister là-dessus. Aucun plan de
régionalisation ne pourra fonctionner s'il n'y a pas d'emplois
disponibles et accessibles dans la région où habite le nouvel
arrivant. Depuis que nous nous occupons de l'accueil des
réfugiés, nous avons assisté à un grand nombre de
départs de Québec vers Montréal, et
particulièrement vers Toronto et Vancouver, pour la raison qu'il
était impossible de trouver ici des emplois accessibles à des
gens ne maniant pas bien la langue ou ayant peu de qualifications. (14 h
30)
Un certain nombre de mesures semblent ici s'imposer: mise en place de
programmes de création d'emplois, particulièrement en
région, ce qui est de toute première nécessité pour
l'ensemble de la population vivant en région; encouragement à
l'embauche de Néo-Québécois, programmes spéciaux,
stages prolongés payés en entreprise, déductions fiscales,
etc.; aide spéciale à la recherche d'emplois; coordonner les
divers organismes gouvernementaux et prévoir une assistance
spéciale pour le nouvel arrivant qui éprouve de grandes
difficultés à entrer dans les réseaux d'embauché;
programmes de formation professionnelle adaptés, tenant compte des
habiletés déjà acquises en même temps que des
limites linguistiques. Plusieurs immigrants dotés d'une véritable
compétence dans un domaine particulier (mécanique,
électricité, etc. ) ont de grandes difficultés, en raison
de leurs connaissances linguistiques, à suivre les programmes
réguliers de formation professionnelle. Il serait peut-être
possible de trouver des aménagements qui leur permettraient de se donner
une compétence plus rapidement. Possibilité de dérogation
légale, dans certains métiers, pour l'acquisition de la carte de
compétence - tenir compte de l'expérience dans le pays d'origine;
simulation à la concertation patronale-syndicale pour faciliter
l'embauche de Néo-Québécois; assurer une formation
brève à certains membres de communautés culturelles qui
pourraient être officiellement reconnus comme interprètes et aider
les divers intervenants du réseau, tout en recevant une
légère rémunération - formation qui consisterait
plus à faire saisir le rôle précis de l'interprète
qu'à donner des connaissances linguistiques, lesquelles devraient
être acquises par ailleurs; assurer une formation brève qui
permettrait à de nouvelles arrivantes de se qualifier rapidement comme
aide familiale et d'être recommandées à d'éventuels
employeurs; reconnaissance la plus large possible des acquis universitaires;
assurer aux programmes du secondaire et du collégial une souplesse qui
leur permettrait de mieux répondre aux besoins spécifiques des
adultes allophones - problème des cours de français langue
maternelle et de philosophie dans les programmes professionnels de
l'enseignement collégial, pour des personnes qui maîtrisent
difficilement la langue et veulent s'orienter vers une technique ou une
concentration pour laquelle ils ont des acquis solides - que des
dérogations soient rendues possibles.
En résumé, nous recommandons qu'un ensemble de mesures
soient adoptées de façon à permettre une entrée la
plus rapide possible sur le marché du travail et la possibilité
de demeurer en région plutôt que de succomber à
l'attraction des grands centres, particulièrement Montréal et
Toronto; programmes de création d'emplois et souplesse des programmes de
formation de tout ordre et de toute catégorie (formation
professionnelle, secondaire, collégial, etc. ).
Compréhension multiculturelle. La compréhension
multiculturelle nous semble comporter deux volets. D'abord, il est important
d'aider les nouveaux arrivants à s'adapter à la
société québécoise et, particulièrement,
à vivre, sans trop de dommages, le choc culturel qui en
affecte plusieurs et peut causer des traumatismes importants. Par
exemple, redéfinition du rapport homme-femme à l'intérieur
du couple, violence conjugale, éducation des enfants,
déstructuration familiale, crise d'identité des jeunes, etc.
D'autre part, il est nécessaire d'éveiller les
Québécois de souche à la réalité
multiethnique et au pluralisme dont notre société est
désormais affectée. Cela rejoint les préoccupations de
l'énoncé de politique à propos des relations
intercommunautaires, page 75.
On pourrait penser ici à des mesures comme les suivantes:
création d'un réseau entre ceux qui interviennent auprès
de nouveaux arrivants, professeurs du COFI, personnel du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, travailleurs sociaux,
membres du CLSC, organismes d'accueil, comme à Québec la
Fraternité multi-culturelle - le Centre multiethnique de Québec,
maintenant - la Maison internationale, l'Aide médicale internationale
à l'enfance, le Centre international des femmes, les associations
ethniques, etc. Mise en place d'une banque d'interprètes issus des
communautés culturelles et habilités à bien remplir leur
rôle d'interprète; ouvrir des postes de psychologues et de
psychiatres, de médecins, d'avocats à l'intention des
professionnels issus des communautés culturelles. À cette fin,
accepter des dérogations permettant à certains médecins
nouvellement crédités de demeurer dans une ville comme
Québec, par exemple, où il y a une population immigrante
importante, et cela, tant en raison de leur compétence que de leur
connaissance de la langue d'origine. Sensibilisation des intervenants sociaux
à la réalité multiculturelle, leur donner une formation
qui leur permette d'avoir une certaine idée de la culture d'origine de
ceux et de celles qui font appel à leurs services. On peut penser aux
travailleurs sociaux, aux avocats, aux juges qui doivent se prononcer sur des
questions de violence conjugale ou de protection de la jeunesse, etc. Favoriser
et soutenir les initiatives qui permettent aux Québécois de
souche de rencontrer des membres de communautés culturelles et de
s'ouvrir à leurs différentes cultures.
En résumé, nous recommandons que soient mises en place des
mesures qui fournissent aux nouveaux arrivants une aide professionnelle ouverte
à la réalité multiculturelle et qui, d'autre part, leur
permettent d'être en contact avec la population québécoise
de souche.
L'accueil et l'intégration de nouveaux arrivants est une
tâche extrêmement importante pour l'avenir du Québec. Depuis
plusieurs années déjà, un grand nombre de paroisses et de
groupes catholiques se sont largement impliqués dans une telle oeuvre.
On n'a qu'à penser à toutes les énergies
rassemblées, au début des années quatre-vingt, pour
accueillir chez nous les réfugiés de la mer du Sud-Est
asiatique.
L'Office de pastorale sociale a l'intention de s'associer à
l'effort entrepris par le gouver- nement du Québec et veut, d'ici
quelques mois, adopter un certain nombre de mesures et d'activités qui
permettront aux chrétiens de se sensibiliser à la
réalité multiculturelle et de s'impliquer davantage dans
l'accueil des nouveaux arrivants.
Une voix: Voilà.
Le Président (M. Gobé): Bon. Très bien. Je
vous remercie, M. Théberge et Mme Blais. Je passerai maintenant la
parole à Mme la ministre de l'Immigration. Vous avez 20 minutes. Vous
pouvez peut-être garder quelques minutes pour la fin.
Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Merci, M. le Président. Merci
pour la présentation de votre mémoire. J'ai compris que
d'après le titre Tour une politique d'immigration humanitaire",
possiblement que le temps qui était mis, qui vous était
alloué, ne vous permettait pas de parler également de
l'immigration économique et, aussi, de nous donner des indications quant
aux niveaux d'immigration pour les prochaines années. Peut-être
qu'on aura l'occasion cependant d'en parler un peu plus longuement, un peu plus
tard.
Je voudrais cependant revenir à des mesures que vous proposez,
à partir de la page 11 de votre mémoire, concernant
l'intégration au monde du travail. Entre autres, il y a quelque chose
qui m'attire un peu lorsque vous mentionnez qu'il faudrait trouver ici des
emplois accessibles à des gens ne maniant pas la langue. Qu'est-ce que
vous entendez par emplois accessibles? C'est quoi, pour vous, des emplois
accessibles pour cette catégorie de personnes qui ne manient pas la
langue?
M. Gaudet: Je pense, en particulier, à des emplois en
usine ou en atelier, qui exigent simplement une habileté manuelle, comme
on en trouve dans plusieurs compagnies à Montréal ou à
Toronto, où, dans les premiers mois, quelqu'un apprenant les rudiments
peut accomplir une tâche et gagner son salaire. Ici la ville de
Québec, il n'y a pour les nouveaux arrivants que les emplois de
plongeurs dans les restaurants ou des emplois qui exigent, pour travailler au
gouvernement ou à l'université, des compétences que
plusieurs immigrants ne peuvent pas avoir en raison de leurs difficultés
linguistiques.
Mme Gagnon-Tremblay: Ne croyez-vous pas cependant que ça
pourrait être, à un moment donné, ça pourrait
devenir un peu comme des ghettos aussi à cause de la
sécurité au travail - parce qu'il faut quand même se
comprendre entre travailleurs aussi - et que ça ne pourrait pas devenir
des ghettos, une fois qu'on a eu cet emploi, parce qu'on se rend compte que,
même au niveau des COFI, plusieurs personnes ne se rendent pas jusqu'aux
COFI parce
qu'elles trouvent un emploi immédiatement, et entre apprendre la
langue et gagner son pain, parfois le choix est facile à faire. Ces
personnes se retrouvent dans des entreprises n'ayant pas appris le
français. Est-ce que ce ne serait pas le danger que ça arrive,
ça aussi, par exemple, qu'on s'en aille davantage dans des entreprises,
la où ce n'est pas nécessaire de parler la langue et qu'on ne
revienne pas par la suite à l'apprentissage de la langue?
M. Gaudet: II pourrait effectivement y avoir un certain danger.
Il faudrait être sensibles à ça. Par ailleurs, le danger
est peut-être moins grave que ceux qui se retrouvent en chômage en
attendant d'apprendre la langue et qui, après, une fois qu'ils ont
terminé le cours de COFI, n'ont pas plus d'emploi non plus même,
parce que, pour certains, après cinq ou six mois d'apprentissage de la
langue, ils n'ont pas la capacité d'exercer, d'aller à
l'université ou surtout d'acquérir des compétences
ultérieures, et certains vont se retrouver en chômage à
partir de ce temps-là. L'expérience montre que, pour plusieurs,
la possibilité d'avoir un premier emploi, les premières
années, est très importante dans l'intégration, dans le
sentiment de faire quelque chose et que, surtout chez les plus jeunes, il y a
un désir de dépasser et de se donner progressivement d'autres
compétences pour déployer. L'absence d'emploi est très
dure à supporter pour...
Mme Gagnon-Tremblay: Souvent, on ne peut pas les retrouver sur
l'assurance-chômage parce qu'ils n'ont pas encore travaillé
suffisamment de temps.
M. Gaudet: Oui, effectivement.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans l'énoncé de politique, on
mentionne que nous voulons peut-être donner des cours sur mesure de
l'apprentissage de la langue pour pratiquer certaines formations, certaines
professions, les professions libérales ou encore certains
métiers. À la sortie, par exemple, du COFI, on sait très
bien que le cours qui est donné, et compte tenu aussi de toutes les
nationalités, de toutes les langues parlées, que ce qui est
important pour nous, c'est de leur donner le volet culturel, le volet sur la
culture du Québec et aussi être capable de parler, de baragouiner
ou de ce qu'on appelle, comme quelqu'un me le mentionnait déjà
ici dans la région de Québec, le "presque français". Je
trouvais que c'était un terme qui était bien utilisé, le
"presque français". Cependant, après ce cours, il y aurait
peut-être possibilité de cibler certaines professions ou certains
métiers, et de leur donner des cours un peu plus pointus. Je pense, par
exemple, à une infirmière qui pourrait pratiquer et qui aurait
besoin davantage de vocabulaire se rapportant à cette profession. La
même chose pour un métier, par exemple, mais des cours plus
axés sur la profession ou le métier.
M. Gaudet: Je pense que c'est une approche très bonne et
qui serait à poursuivre, à concrétiser sûrement.
Mme Gagnon-Tremblay: Toujours à la page 11, vous parlez
également de programmes de création d'emplois,
particulièrement en région. Est-ce que vous avez à
l'idée des programmes spécifiques ou des solutions, des
idées de programmes autres que ce qui se fait actuellement? Avez-vous
des suggestions à nous faire à ce sujet-là?
M. Gaudet: Personnellement, je n'ai pas de suggestion à
faire. Quand on pense à la mise en place de programmes de
création d'emplois, non. On se référait à l'effort
qui veut être entrepris pour trouver des emplois en région. On n'a
pas de suggestion plus particulière.
Mme Gagnon-Tremblay: II y avait aussi une autre mesure que je
trouvais intéressante, qui était l'encouragement à
l'embauche de Néo-Québécois, soit par des programmes
spéciaux, des stages prolongés payés en entreprise, des
déductions fiscales. C'est sûr qu'il y a les programmes
d'accès à l'égalité qu'on peut encourager et
inciter fortement, même au niveau de l'entreprise privée, mais on
sait déjà que, pour certains directeurs d'entreprise, par
exemple, ou même certains Québécois, ça fait
problème. On a toujours l'impression qu'on privilégie une
catégorie d'employés par rapport à une autre
catégorie d'employés lorsqu'on parle des programmes
d'accès à l'égalité. Je l'ai vécu, entre
autres, dans les programmes d'accès à l'égalité
pour les femmes.
Vous parlez également de stages prolongés payés en
entreprise, et tout ça. Est-ce qu'on peut, par exemple, mettre sur pied
certains programmes dont ne bénéficieront pas aussi des
Québécois d'origine? Est-ce qu'on peut faire ça? Est-ce
qu'à un moment donné, on ne pourra pas être taxés,
par exemple, de privilégier une certaine catégorie de la
population par rapport à une autre qui est aussi à la recherche
d'emploi et a aussi de la difficulté à se trouver de l'emploi?
Est-ce qu'il n'y a pas un danger, à un moment donné, que
ça se retourne contre l'immigrant ou contre l'immigration? (14 h 45)
M. Théberge: Là-dessus, on indique bien que c'est
nécessaire pour toute la population vivant en région. On est bien
d'accord qu'on ne peut pas introduire une discrimination tout à fait
marquée. C'est lié à l'idée qui apparaît dans
l'énoncé de politique d'établir en région, de
favoriser l'établissement en région des immigrants et des
réfugiés. Donc, ça suppose forcé-
ment qu'il y ait un phénomène d'attrait assez fort et vrai
pour les nouveaux immigrants, et ça pose la question de la même
manière pour ceux qui sont déjà là. Ce qu'on
constate, actuellement, tous les gens qui ont un peu de mobilité
quittent les régions éloignées pour les centres. Donc,
c'est toute une vapeur, un mouvement à renverser pour l'immigrant qui,
lui, est déjà attiré par les grands centres à cause
de sa chance de retrouver un milieu culturel où il aura quelques
affinités avec ce qu'il est. Donc, un énoncé de politique
qui apparaît comme dans le vôtre, que je trouve intéressant,
la revitalisation des régions, en pensant à l'immigration, au
développement démographique que ça signifie, ça
suppose un coup de barre radical pour que ce ne soit pas juste une
idéologie, pour que ça atterrisse.
Par exemple, je pense au monde agricole qui est souvent en recherche
d'employés. Est-ce qu'il n'y aurait pas là un programme, un
encouragement clair pour les immigrants de pouvoir être une main-d'oeuvre
qui s'intéresse, qui est formée pour ça un peu parce que,
actuellement, on ne s'improvise pas non plus dans ce monde-là, d'autant
plus que, si on vient d'une région du monde où l'agriculture est
totalement agraire, totalement différente, totalement primaire, par
exemple... Mais c'est des voies; c'est comme de petites entreprises en
région aussi, qui, possiblement, pourraient être
favorisées. Mais vous avez bien raison. Ça ne peut pas se faire
de façon discriminatoire pour les gens qui y demeurent, qui n'ont pas
encore quitté.
Mme Gagnon-Tremblay: Nous parlons, bien sûr, de
régionalisation, et nous pensons qu'en proposant la
régionalisation et en ayant des mesures qui nous permettront justement
de garder ces gens-là à l'intérieur d'une région,
nous pourrons, finalement, "démétropoliser". Mais on sait
cependant - et je l'ai dit à quelques reprises - que la
régionalisation, on ne peut pas l'imposer, d'une part, à
l'immigrant et on ne peut pas l'imposer à la région. Je pense
qu'il faut un minimum de préparation. Il faut préparer, je pense,
la population à des changements d'attitude, à des changements de
mentalité, pour pouvoir accueillir mieux ces nouveaux arrivants, et il
faut aussi que l'immigrant se sente accueilli pour pouvoir y demeurer. Alors,
c'est certain qu'il s'agit de structures, qu'il faut se donner des
structures.
Mais, lorsqu'on parle de marché du travail, étant
donné que, justement, l'intégration économique y est pour
beaucoup aussi dans une intégration réussie d'un individu et que,
par contre, lorsque, moi, je parle aux régions et je discute avec des
collaborateurs en région, je leur dis souvent que nous pouvons, par
exemple, déjà faire cet arrimage entre la main-d'oeuvre
spécialisée... Parce que, souvent, vous avez des taux de
chômage assez élevés, mais vous avez une pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée. On peut faire cet arrimage entre les industries
et, par contre, les gens que nous sélectionnons à
l'étranger.
Mais pour ça, bien sûr, il faut être capables de
sélectionner des personnes en fonction de ces besoins d'une
région. Donc, ça signifie la catégorie des
indépendants sur laquelle nous avons plein contrôle au niveau
d'une sélection qui répond davantage aux objectifs
économiques du gouvernement. Donc, comment vous voyez ça,
cependant? D'une part, on voit qu'en région, on ne peut pas envoyer
uniquement non plus des réfugiés parce que, comme vous le disiez
tout à l'heure, il faut être capables de les retenir. Il faut
être capables aussi de créer des emplois. Il faut que ça
réponde à un besoin. Par contre, on se rend compte que c'est par
la catégorie des indépendants qu'on va pouvoir davantage
peut-être arrimer ces besoins avec l'offre.
M. Gaudet: II ne faut peut-être pas faire une distinction
trop nette entre réfugiés et indépendants, parce que, dans
la masse de réfugiés qui existe sur la planète, il y en a
beaucoup qui ont effectivement des compétences de qualité: des
médecins, des chirurgiens ou des professionnels, des hommes
d'affaires...
Mme Gagnon-Tremblay: Par contre, au Québec, vous savez
qu'ils doivent signer pour ne pas pratiquer lorsqu'ils arrivent. Ha, ha,
ha!
M. Gaudet: Oui. Bon, alors il y aurait peut-être à
examiner...
Mme Gagnon-Tremblay: Une deuxième carrière
peut-être.
M. Gaudet: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. Gaudet: Alors, il y a de grandes compétences. De fait,
on ne peut pas distinguer aussi nettement, et on note, parmi les
réfugiés, des gens qui auraient des capacités pour exercer
des métiers qui exigent des compétences professionnelles.
Je reviens, si vous me permettez, sur les stages prolongés.
L'idée me revenait. Il est peut-être possible de penser à
des programmes qui seront à l'intention de personnes qui
maîtrisent mal le français. Il y a parfois des immigrants
économiques, des immigrants ou des réfugiés qui ont des
compétences manuelles, des connaissances en électricité,
en mécanique, qui peuvent travailler en usine, mais qui ne seront pas
employés parce qu'ils maîtrisent mal le français. Eux
auraient besoin peut-être de programmes qui leur permettraient, qui
aideraient l'employeur à les accepter, pour leur permettre d'accomplir
leur travail dans ces moments où ils maîtrisent mal le
français et, ultérieurement donc, de devenir productifs
sur le marché du travail.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
M. Gaudat: C'est un petit peu ça, je l'avais
oublié, qu'on avait à l'esprit.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Et ma dernière question se
rapporte justement à la possibilité de déroger, dans
certains métiers, pour l'acquisition de cartes de compétence.
Vous en faites mention à votre page 12. Alors là, je me demande
quelle sera la réaction syndicale et comment aussi on pourrait
déroger? Comme je reviens toujours à ma première question
de base, est-ce que ce serait la meilleure façon de provoquer des
réactions hostiles à l'immigration dans la population? Et aussi,
est-ce que ce serait risqué de constituer des sous-emplois
sous-payés? Je vous pose la question, parce que c'est toujours la
réaction aussi. Vous savez qu'on fait affaire aussi dans ces milieux de
cartes de compétence dans des milieux fortement syndiqués, chasse
gardée et...
M. Gaudot: II y aurait peut-être toute une... C'est pour
ça qu'il faut attacher beaucoup d'importance à ce qu'on appelle
la concertation patronale-syndicale. Il y a sûrement une éducation
à faire de ce côté-là. On te pose un peu comme
problème, de ces personnes qui ont, de fait, des
compétences techniques très bonnes, mais qui seront incapables
d'entrer sur le marché du travail, qui se contentent de l'aide sociale
ou de rester en attente. Là, il y a un problème. Est-ce qu'il est
possible de sensibiliser le milieu de la construction, par exemple, à de
telles possibflités sans provoquer des réactions? C'est à
évaluer. On ne peut pas aller beaucoup plus loin que vous
suggérez d'y penser.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci, M. Gaudet, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, à
vous la parole.
M. Boulerice: Merci, Mme la Présidente. Vous permettrez,
au tout début, deux très brefs commentaires. Je relisais des
notes d'une commission sur l'immigration que nous avons tenue il y a
près de quatre ans. Je ne dis pas que ce que nous entendons est un
répétiteur. Je trouve qu'il est quand même
intéressant de se rappeler ce qu'on a dit. Je me souviens que la
conférence des évêques québécois était
intervenue par la voix de Mgr Valois. Je m'aperçois, dans votre
résumé et dans votre énoncé, qu'on y retrouve
exactement la même générosité. Je suis heureux de le
constater.
La deuxième chose, je m'aperçois que son travail a
été efficace, qu'il n'a pas été perdu, que nous
avons toujours conservé cette même sensibilité. Elle est
très évidente et très apparente dans votre mémoire.
Je fais allusion, vous le comprendrez, à celui qui a été
le premier à assumer le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, dans le gouvernement issu de mon parti, et je
fais allusion, vous l'avez tous compris, au père Couture.
Donc, vous parlez avec beaucoup d'intérêt des
réfugiés comme tels. J'aurais des questions très
spécifiques à vous adresser au sujet des réfugiés,
puisque c'est une préoccupation que je partage intégralement avec
vous et les groupes qui vous ont précédés et qui y ont mis
un certain accent également.
Quel devrait être, d'après vous, le règlement que
l'on devrait adopter face à ceux qui sont en attente de statut
actuellement? Vous savez comme moi qu'ils sont assez nombreux. Vous connaissez
les conditions dans lesquelles ils vivent. Je ne dis pas conditions
matérielles. Je parle de conditions psychologiques également.
M. Gaudet: Bon. On n'a pas échangé beaucoup
là-dessus. On est plutôt en contact avec des
réfugiés qui arrivent et qui sont déjà reconnus
comme ayant statut de réfugiés, mais il est sûr qu'au point
de vue psychologique, l'attente est extrêmement désastreuse pour
ces personnes qui vivent dans une insécurité et qui ne peuvent
absolument pas planifier leur avenir s'ils ont des parents, s'ils ont femme ou
enfants qu'ils ont laissés dans leur pays. Il n'y a pas de planification
possible.
On n'a pas échangé sur la solution, étant
donné, sembte-t-il, que ça regarde le gouvernement du Canada
surtout. Je ne sais pas si, avec la nouvelle entente, le Québec pourrait
se prononcer là-dessus. Je ne pense pas. Mais il est sûr qu'on a
nous-mêmes déploré des lenteurs bureaucratiques dans la
solution des cas simples, et il faudra peut-être trouver une autre
réponse qu'une réponse bureaucratique.
M. Boulerice: On ne peut pas y échapper, vous le
comprendrez. C'est très souvent dans la réponse. Ce n'est pas
moi, c'est l'autre, moi étant nous, le Québec, et l'autre
étant Ottawa, le gouvernement fédéral central du Canada.
Est-ce que vous croyez, puisque vous y avez fait allusion dans votre
mémoire, que la sélection des réfugiés comme telle
devrait appartenir au Québec, et que la définition du mot famille
devrait être la définition - et j'ai employé la même
image que j'employais auprès de vos collègues qui vous ont
précédé - du mot "famille", ce soit celle qui est contenue
dans un dictionnaire québécois et non pas dans un dictionnaire
d'Ottawa.
J'avais même fait la blague en disant: On pourrait avoir le choix.
Ici, le Larousse ou le Petit Robert, peu importe.
M. Gaudet: Pour la sélection, actuellement, dans les
camps, le Québec a un droit, un choix ultime. Et si le Canada n'a pas
d'objection, il doit respecter la sélection, le choix du
Québec.
M. Boulerice: Je m'excuse. Je parle pour ceux qui arrivent
ici.
M. Gaudet: Pour ceux qui arrivent sans avoir le statut de
réfugié.
M. Boulerice: C'est ça, oui. M. Gaudet: Ah bon!
M. Boulerice: Je pense qu'il y aurait intérêt que,
de ce côté-là, le Québec ait le plus de pouvoirs
possible pour que l'ensemble de la politique d'immigration soit
cohérente et qu'il n'y ait pas, je dirais, des échappatoires, si
l'on peut dire. Il y aurait sans doute intérêt.
M. Gaudet: Pour ce qui est de la définition de la famille,
je n'avais pas perçu qu'il y avait une distinction entre le Larousse et
le Petit Robert. Je ne saisis pas tout à fait la question.
M. Boulerice: La définition du mot "famille", parce qu'on
parie de réunification des familles, la définition du mot
"famille" et la définition établie par le gouvernement d'Ottawa -
parce que c'est lui qui s'occupe de la réunification. Donc, la question
que je vous pose est la définition du mot "famille". Est-ce que
ça devrait être le pouvoir du Québec de le définir,
ce que ça signifie pour nous "famille", ou ça doit continuer
d'être une prérogative du gouvernement fédéral, ou
comme on dit en latin, "for the time being"?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Caron (Marc): Que la définition appartienne à
Québec ou à Ottawa, à mes yeux, pour le moment, ce n'est
pas la chose première d'importance. Il faudrait peut-être
s'entendre pour la famille, non pas dans un sens de pays d'origine parce que je
me suis fait prendre déjà. Quelqu'un me parlait de ses cousins et
de tout ça. Il n'avait pas gros comme ça de parenté.
C'était simplement qu'ils étaient du même village. Il les
appelait ses cousins et même ses frères. Je pense qu'il y aurait
un premier déblayage à faire entre "famille", telle qu'on
l'entend en France, au Canada ou à Québec, et la famille telle
qu'on peut l'entendre dans d'autres pays.
Après ça, la deuxième entente serait à faire
entre celle et de Québec et du Canada. Ça, c'est une autre
affaire. Mais au moins gagner la question pays, disons, occidentaux, et pays
d'Orient.
M. Boulerice: Je vais vous reprendre, M. l'abbé Caron.
Vous avez, vous, une définition du mot "famille" que vous
privilégiez.
M. Caron: Oui, certainement.
M. Boulerice: D'accord. Cette définition-là,
n'oubliez jamais, relève du gouvernement fédéral.
M. Caron: Ah bien! ça, peut-être...
M. Boulerice: Souhaitez-vous qu'elle relève du
Québec ou du fédéral? Où pensez-vous gagner le plus
rapidement? Persuader le Québec ou persuader le
fédéral?
M. Caron: Je l'appellerais une définition d'ordre
traditionnel, mais j'y ajouterais le mot "chrétien". Les parents des
enfants, les grands-parents, à l'occasion, et peut-être les
petits-enfants. Les frères et soeurs de ceux qui sont établis,
là je suis un peu plus hésitant. (15 heures)
M. Boulerice: D'accord. Mais je vais continuer encore mon
harcèlement, M. l'abbé Caron. Est-ce que c'est le Québec
qui doit s'occuper de la réunification des familles ou si c'est le
gouvernement fédéral?
M. Caron: Devra s'en occuper, à mon avis, celui qui, en
dernière instance, aura à faire le choix. Si tout passe du Canada
au Québec, c'est à Québec de faire la définition.
Par "famille", nous entendons ceci, ceci et cela. Si cela appartient encore au
Canada, eh bien, c'est peut-être à lui. Il a son mot à
dire, à tout le moins.
M. Théberge: Là-dessus, j'ajouterais, si vous
permettez, que l'important, si on n'arrive pas à s'entendre sur les
mots, il faudrait qu'on ait une cohérence au moins dans les pratiques.
Idéalement, que le Québec puisse le plus largement possible
contrôler les avenues et les arrivées autour de cette
réalité-là, sinon qu'on fasse, en tout cas, là
comme dans d'autres domaines, qu'on tente des ententes pour savoir enfin ce
vers quoi on veut marcher ensemble, si c'est encore possible.
M. Boulerice: D'accord. Dans votre mémoire, vous parlez,
pour faciliter l'intégration, de jumelage. Alors, vous vous doutez bien
de la question que je vais vous poser. Dans la région de Québec,
c'est-à-dire notre capitale nationale, pouvez-vous nous dire si de tels
programmes existent et quelle évaluation en faites-vous?
Mme Blais: Je crois que les familles qui ont été
jumelées... Il y a plusieurs familles connues qui ont été
jumelées avec des familles québécoises, et, en
général, c'est excellent parce qu'il y a de très bons
rapports qui s'établissent entre les deux. Les familles
québécoises apprennent à connaître les autres
cultures, et, en même temps,
il y a un service qui est fait aux personnes qui arrivent, et pas
simplement un service, mais une connaissance mutuelle, une amitié
mutuelle qui se développe entre les deux. Très souvent, les
programmes ne sont que de quelques mois - je crois que c'est six mois - mais se
prolongent beaucoup plus. Nous rencontrons fréquemment des famHles qui
continuent à se visiter mutuellement et qui ont été
jumelées il y a deux ans ou trois ans.
M. Boulerice: Est-ce que je peux extrapoler et prendre votre
réponse en disant que, puisque nous discutons de
régionalisation... Et, entre parenthèses, il va falloir le dire
un jour, et c'est un député montréalais qui vous le dit:
Montréal est une région, sauf que nous sommes la région
qui reçoit le plus comme telle. Je sais que, dans d'autres
régions, il y a non pas nécessairement une capacité
d'accueil, mais je racontais l'anecdote... Lorsque j'assumais - je le fais de
façon Intérimaire à ce moment-ci de la commission -
à temps plein, si vous me permettez l'expression, le dossier des
communautés culturelles et de l'immigration, au cours d'une
tournée que j'ai faite des régions du Québec, j'avais
constaté avec un certain ravissement que les gens dans les
régions, lorsqu'ils recevaient un politicien autrefois, disaient: Je
veux mon CLSC, je veux mon bout de route, je veux mon centre d'accueil. J'avais
remarqué, à Trois-Rivières comme dans la région de
Mme la ministre, en Estrie, dans l'Outaouais, des gens qui nous disaient: On
veut nos immigrants. Je trouvais la phrase belle. Je la trouvais même
très affectueuse et très accueillante. Donc, quand on parle de
régionalisation, est-ce que je peux extrapoler en disant qu'une des
conditions essentielles, si on veut tenter des expériences
réussies de régionalisation, il faut que ce soit fait avec, comme
principe de base, le jumelage dont vous venez de parler?
M. Théberge: Moi, là-dessus, je suis tout à
fait d'accord. C'est une des orientations qu'on poursuit, par le biais de
l'expérience des communautés chrétiennes,
d'éveiller cette idée du parrainage, du jumelage, d'accompagner.
Ça s'est fait - encore une fois, on l'évoque - dans les
années quatre-vingt, autour des réfugiés sud-asiatiques.
Il y a eu des expériences très riches. Suite à ces
expériences-là, par ailleurs, il y a eu un creux. Des villages,
des paroisses, des communautés chrétiennes ont investi pour
accueillir, mais, très rapidement, à peu près tous ces
gens-là, toutes ces famHles accueillies, sont partis pour la grande
région qui est Montréal - Montréal, Toronto, etc. -
à cause du phénomène de l'emploi. Et ça a
été souvent un peu démobilisateur pour les familles, pour
les communautés d'accueHIir, de s'organiser et de continuer, de
renouveler l'expérience parce qu'elles avaient un peu l'impression,
malgré tous leurs efforts, d'amener des réfugiés, des
immigrants plus ou moins dans un cul-de-sac, très souvent à
très brève échéance.
Je regarde, à peu près tout le Bas-du-Fleuve, partant de
la rive sud, très peu de familles, pour en avoir connues plusieurs, se
sont établies. Parce que, avoir un emploi, on sait que c'est le premier
facteur de survie économique et d'intégration. Il faut rattacher,
je dirais, cet élément-là à la capacité et
à la demande qu'on peut faire, à la proposition qu'on peut faire
à des communautés, qui peuvent le faire à cause de leur
expérience chrétienne, à cause de valeurs humanitaires,
à se mobiliser dans l'expérience du jumelage.
M. Boulerice: Vous avez parlé du travail, et je ne veux
pas disconvenir avec vous que c'est forcément le point majeur.
L'immigrant vient pour de nouvelles opportunités. Donc, elles se
retrouvent au niveau du travail, un travail valorisant, un travail
rémunérant, etc. Est-ce que vous croyez que cela a joué
aussi en région? Et là, je m'explique. Il n'y a pas, comme
à Montréal, forcément, un quartier chinois, une petite
Italie, un village grec, et ce phénomène-là n'existant pas
en région, ils se sont sentis peut-être un peu isolés.
Parce qu'on a toujours, même encore, le goût de partage avec des
compatriotes de même origine, lorsqu'on arrive quelque part. Est-ce que
vous avez été capable d'en faire la mesure?
M. Gaudet: Effectivement, on voit, à l'expérience,
que c'est souvent lié à la recherche d'emplois. Lorsque quelqu'un
arrive à Québec ou dans un autre endroit et a des parents
à Montréal, Toronto ou Vancouver, tout de suite, on pense
à l'emploi et on lui promet des emplois plus rapidement. On va chercher
avec lui. Les parents vont chercher avec lui. Il est sûr que cela joue.
Il y a une attraction importante vis-à-vis des centres à cause de
la présence d'une communauté culturelle à laquelle ils
peuvent se rattacher, et ça leur permet d'entrer dans des réseaux
de recherche d'emploi qui sont plus faciles pour eux. Ça joue,
effectivement.
M. Boulerice: Au sujet des cours de français langue
maternelle dans les collèges, c'est-à-dire dans les
cégeps, les collèges d'enseignement professionnel, vous soulevez
quelques problèmes. Vous dites, entre autres, que, dans les cas
d'options professionnelles - et je me permets, pour votre
bénéfice, au cas où, par malheur, vous n'auriez pas eu le
temps de le lire, l'Association des manufacturiers a déposé une
liste qu'on n'a peut-être pas encore reçue, mais enfin on en
connaît le contenu - il y a beaucoup de pénuries au sujet de
spécialisations. Vous savez comme moi que les pronostics du rapport
Parent, malheureusement, ne sont pas appliqués. On prévoyait 30 %
au secteur général et 70 % au professionnel, et, avec le temps,
ce lut l'inverse.
70 % au général, 30 % au professionnel. Donc, il y a des
pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Et quand vous parlez des
collèges, vous parlez d'options professionnelles. Vous dites: Des
dérogations devraient être permises. Moi, je ne le sais pas, j'ai
un peu une crainte. Ne pensez-vous pas que peut-être, à la longue,
ça pourrait défavoriser les membres des communautés
culturelles, s'il y a certaines dérogations des cours de français
langue maternelle dans les collèges, compte tenu, justement, des
spécialisations professionnelles qu'on veut leur voir acquérir?
Vous savez comme moi que lorsqu'on est un professionnel de la soudure ou de
l'électricité, etc., on doit lire et comprendre un devis qui est
écrit, et ça pourrait peut-être... Enfin, je vous pose la
question.
M. Gaudet: C'est tant mieux. Simplement, mon expérience,
je voyais un jeune, qui est préparé dans le domaine de
l'électronique, être obligé de suivre un cours de
français et d'étudier Baudelaire, Racine, Corneille, alors que
son apprentissage du français était encore minimal. Alors, je me
dis: Face à une telle situation, il faudrait permettre des modifications
de programmes qui remplaceraient des cours, par exemple de poésie
française, par des cours d'apprentissage de la langue française,
ou des cours de philosophie par d'autres cours de français, en tenant
compte du fait que les cours réguliers ne sont pas beaucoup accessibles
à des gens qui maîtrisent mal la langue.
La Présidente (Mme Loiselle): Dernière
intervention, s'il vous plaît?
M. Boulerice: Dernière intervention, Mme la
Présidente, et je n'abuserai pas de votre bonté. Ne croyez-vous
pas, puisqu'on parle également d'intégration... Vous nous parlez
de Baudelaire; Baudelaire, c'est notre culture, et je pense qu'on se doit de la
cultiver. Ne pensez-vous pas que les exempter dans un sens c'est
peut-être les priver d'une intégration culturelle et qu'il ne
vaudrait peut-être pas mieux de maintenir, mais d'aller dans un programme
spécifique, supplémentaire, d'apprentissage, je dirais, entre
guillemets - ne me prenez pas au pied de la lettre - un programme
supplémentaire d'apprentissage du français vernaculaire?
M. Gaudet: Simplement, il s'agit, d'abord, des nouveaux arrivants
qui maîtrisent mal la langue. Je ne pense pas à leurs enfants ou
à ceux qui vont suivre le curriculum régulier, et c'est
simplement une adaptation du programme à leurs besoins et à leurs
capacités. Est-ce que ça leur nuirait? Je ne pense pas. Ce serait
même plus profitable de prendre, d'approfondir le français, je
dirais, général, le français de base, que de suivre des
cours qu'ils ont de la difficulté à comprendre, à cause
des problèmes linguisti- ques, et sans les retarder. Par ailleurs, si on
ajoute d'autres cours supplémentaires pour le français, on
retarde encore l'obtention des diplômes et l'insertion dans le milieu de
travail. En tout cas, c'est une question qui sera à examiner.
M. Théberge: J'ajouterais qu'on poursuit différents
objectifs. Il y a l'objectif d'implantation, bon, entre autres, quand on pense
aux régions, en région ou en régions
périphériques. Comment tout faire pour faciliter l'implantation
et avec la perspective de la croissance démographique que ça
signifie, qui sont des objectifs poursuivis? Comment essayer d'être un
peu, je dirais dans le bon sens du mot, stratégique par rapport à
l'autre solution qui s'offre, à un moment donné, à ces
gens qui arrivent pour gagner leur croûte de fuir vers Toronto, vers les
autres parties du Canada? Idéalement, c'est bien sûr qu'on leur
donne... Ils arrivent à maîtriser notre culture, notre
littérature, etc., mais où, je dirais, couper, en tout cas, pour
qu'ils puissent vivre, survivre et prendre racine dans un coin du
Québec, en particulier, puisque c'est là qu'on a un
intérêt conjoint?
La Présidente (Mme Loiselle): Merci.
M. Boulerice: J'en aurais eu bien d'autres, mais le doux courroux
de la présidente va s'abattre sur moi. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Loiselle): Ha, ha, ha!
Merci. M. le député de l'Acadie, pour une courte
intervention, s'il vous plaît.
M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Tout à
l'heure, Mme la ministre, vous mentionniez à la question des immigrants
indépendants... Bon, je pense que vous avez d'ailleurs mentionné
à plusieurs reprises, dans votre présentation, que la question de
l'emploi est un facteur important comme élément
d'intégration ou facteur susceptible d'améliorer
l'intégration des immigrants. Alors, évidemment, dans la
politique comme telle du ministère, il y a toute la catégorie des
indépendants qui, eux, sont sélectionnés en fonction des
besoins spécifiques du Québec, et on sait que dans ces
procédures de sélection, dans les grilles de sélection, la
question de l'emploi justement est un facteur important et pratiquement
clé à ce niveau-là. Je pense qu'on s'entend pour dire que,
de ce côté-là, il y a des besoins et qu'on doit, à
l'intérieur de la politique de l'immigration, répondre aux
besoins de la province. (15 h 15)
Maintenant, dans votre mémoire, vous avez développé
- d'ailleurs le titre un peu et la recommandation que vous avez mise à
la page 5 - ce que vous appelez l'immigration humanitaire ou les programmes
d'aide humanitaire. On peut
parler, à ce moment-là, des réfugiés, de la
réunification des familles. Vous parlez de certaines catégories
de personnes: les personnes âgées, les personnes
handicapées, et ces choses-là. Mais si on essaie, disons, de
mettre un peu en équilibre tout ça, c'est ce besoin-là de
répondre, au fond, à des besoins à partir d'une
perspective humanitaire et, également, le besoin pour le Québec
de sélectionner en fonction de critères assez précis,
qu'on peut faire par la catégorie des indépendants. Quelle
serait, selon vous autres, la proportion qui pourrait exister entre la
catégorie des indépendants et la catégorie des... Quand
vous dites "développer une immigration humanitaire, ouvrir des
programmes d'aide", est-ce que ça veut dire, dans votre esprit quel
pourcentage de l'immigration québécoise devrait être une
immigration de type humanitaire? Et quel pourcentage devrait être une
immigration du type d'une immigration indépendante, si on veut?
M. Gaudet: On ne s'est pas penchés du tout sur
l'établissement d'un quota précis. Notre intention,
c'était surtout de manifester un problème qui est celui de
l'accueil humanitaire, de dépasser, dans la perspective globale, la
simple référence à l'intétêt, même s'il
faut le garder, et c'est extrêmement important, on le disait. Ce qu'on
pensait, c'était plutôt qu'il faudrait peut-être ajouter aux
programmes existants un programme humanitaire assez restreint permettant
l'accueil d'un certain nombre de réfugiés, qui aurait une valeur
un peu symbolique, au fond, pour que le Québec puisse dire: En dehors
des quotas, en dehors des sélections, je dirais, plus rigoureuses de
réfugiés qui présentent de grandes capacités
d'adaptation au Québec, on en admet un certain nombre qui ne
présentent pas ces qualifications-là, un certain nombre qui
serait éventuellement plutôt symbolique, mais qui permettrait
d'élargir la perspective à la question des
réfugiés, aux questions humanitaires.
La Présidente (Mme Loiselle): Ça va?
M. Caron: Dans la même ligne, je crois qu'il y a ici, tout
en respectant les normes humanitaires, quelque chose de l'offre et de la
demande. Je suppose qu'on ait besoin de 10 ingénieurs pour travailler
dans les sois. On en a besoin. Je pense qu'on peut en tenir compte. Ça
ne veut pas dire qu'on va reléguer au second plan tous ceux qui sont
dans le besoin pour sauver leur peau parce qu'ils sont menacés dans leur
vie, eux et leur famille, dans leur propre pays. Je pense, à ce
moment-là, que la proportion peut s'élever. Une proportion qui
serait, disons le mot, à peu près uniforme, 30 %, 40 % ou 60 %;
je pense que c'est possible. Ce sont ceux qui sont sur place, comme un
médecin, qui vont faire le diagnostic. On va en prendre tant, on va
pouvoir en accepter tant pour des raisons d'ordre économique et tant
pour des raisons d'ordre proprement humanitaire. Ça, je pense que ce
sont ceux qui sont sur place qui sont le plus en mesure de faire des normes qui
vont osciller d'une année à l'autre, d'un besoin à
l'autre, selon les circonstances.
La Présidente (Mme Loiselle): Une dernière
intervention, M. Théberge, s'il vous plaît.
M. Théberge: J'ajouterais simplement un mot. M. le
député de l'Opposition a qualifié notre mémoire par
le mot "générosité", en faisant référence
à un mémoire antérieur. Je crois que la pointe de
générosité se situe précisément dans cette
dimension. Comme société, est-ce qu'on ne doit pas - une
société riche, malgré tout ce qu'on peut en dire, quand on
se compare - être capable de cet accueil humanitaire qui est vraiment
humanitaire au sens d'un certain nombre de personnes qui ne rencontrent pas les
exigences économiques? C'est la pointe, je dirais, au niveau de la
générosité du rapport. En arrière de ça, il
me semble qu'il s'agit de se référer à l'effort qui a
été fait dans les années quatre-vingt, entre autres, pour
accueillir les "boat people" par nombre de communautés et de groupes. Il
me semble que ça dit quelque chose sur la
générosité de notre société. Donc, que
ça apparaisse dans une politique gouvernementale, il me semble qu'il y a
une cohérence.
La Présidente (Mme Loiselle): Mme la ministre, pour clore
cet échange.
Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, quelques mots seulement pour
vous remercier, parce qu'on a déjà dépassé le temps
qui était mis à notre disposition.
Au départ, je voudrais vous remercier pour les propos que vous
avez eus à l'égard du COFI de Québec. Je pense que notre
directrice régionale, Mme Cérone sera très heureuse
d'entendre ces propos. Merci beaucoup.
M. Boulerice: Écoutez, je ne veux quand même pas
perdre des votes à Montréal puisque je suis un
député montréalais, mais, pour emprunter peut-être
un slogan qu'on a vu régulièrement dans votre ville, je peux vous
dire que l'expression, ici, à cette commission, d'un groupe de
Québec, c'était à mon point de vue capital qu'il soit
fait.
M. Théberge: Au nom de notre groupe, au nom de l'Office de
la pastorale sociale, je tiens à vous remercier tous de nous avoir
accueillis et de nous avoir permis de nous exprimer comme nous l'avons fait.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci beaucoup.
M. Boulerice: Mes salutations à notre
cardinal l'évêque, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Loiselle): Je demanderais maintenant
aux représentants de la Maison internationale de Québec de bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Mesdames et Messieurs, bonjour, bienvenue à cette commission.
Tout d'abord, j'aimerais que vous vous identifiez, s'il vous plaît.
Maison internationale de Québec
M. Raharolahy (Augustin): Merci, Mme la Présidente. Je
suis Augustin Raharolahy, président de la Maison internationale de
Québec. À ma gauche, M. Jean Moisset, membre de l'Association
haïtienne de Québec; à ma droite, M. Khun-Neay Khuon, membre
de l'Association cambodgienne de Québec; et enfin, à
l'extrême gauche, que vous connaissez déjà, que je n'ai pas
besoin de représenter, le père Gaudet, qui est aussi membre de la
Maison internationale de Québec, étant donné que l'Aide
médicale internationale à l'enfance fait partie de la Maison
internationale de Québec.
La Présidente (Mme Loiselle): Merci. Alors, vous pouvez
commencer votre présentation. Vous avez 20 minutes.
M. Raharolahy: Merci beaucoup. Mme la Présidente, Mme
Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, nous
exprimons nos remerciements à la commission parlementaire de la culture
de bien vouloir nous accorder cette audience sur l'immigration.
En effet, le Québec évolue considérablement sur
tous les plans et cherche à bâtir son avenir pour devenir à
la fois une société francophone, démocratique et
pluraliste.
Nous avons examiné l'énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration, et, pour ce faire, nous
avons créé un comité de travail composé de 10
personnes de différentes origines et de différents milieux. Comme
vous le savez sans doute, la Maison internationale de Québec est le
regroupement des 28 associations dans la région de Québec
où se trouvent réunis des membres des communautés
culturelles originaires d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe,
des Caraïbes ainsi que même des États-Unis. On peut quand
même rappeler ce que la Maison internationale de Québec a comme
objectif: regrouper les efforts de concertation et collaborer avec les
organismes publics ou privés pour examiner les préoccupations
majeures des communautés culturelles, eu égard aux
différentes questions socio-économiques les concernant, favoriser
le rapprochement avec la société d'accueil et développer
des relations interculturelles.
Tout d'abord, nous formulons à l'égard du gouvernement du
Québec, et particulièrement à Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'immigration et au ministre
délégué aux Communautés culturelles, nos
sincères félicitations en raison du sérieux de la
démarche et de la volonté manifeste de doter le Québec
d'une politique d'immigration plus globale et plus claire que dans le
passé et, plus encore, orientée vers la participation des
communautés culturelles au devenir du Québec. (15 h 30)
Dans le contexte d'un Québec en mutation, il est primordial
d'avoir une ouverture d'esprit et une conscience de la présence d'autres
cultures à l'intérieur de notre société et, plus
encore, une volonté de partager équitablement des
responsabilités concrètes avec les membres des communautés
culturelles qui ne devraient pas être confinés seulement à
des fonctions consultatives comme dans le passé.
Avec l'énoncé de politique, nous reconnaissons tout
à la fois la complexité et la richesse de l'immigration,
particulièrement au seuil de l'an 2000. Nous reconnaissons
également que l'immigration est devenue un enjeu majeur pour le
Québec, parce qu'elle s'inscrit dans une perspective de
développement de la société distincte par rapport au reste
du Canada, comme le mentionne d'ailleurs l'énoncé de politique,
avec les apports suivants: le redressement démographique, la
prospérité économique, la pérennité du fait
français, l'ouverture sur le monde. Cependant, nous ne devrons pas, en
tant que membres de cette société francophone et pluraliste, nous
résigner à formuler de simples souhaits aussi louables
soient-ils, il faut passer aux actes.
À notre humble avis, il est important que le Québec,
à travers le gouvernement et ses institutions, passe en effet
concrètement aux gestes afin d'assurer la pleine participation de tous
les Québécois au progrès économique, social,
politique et culturel, de favoriser la véritable appartenance à
notre société, de veiller à ce que l'égalité
de tous soit respectée et d'utiliser les compétences des
communautés culturelles pour le développement du
Québec.
Dans cette perspective, les recommandations que nous formulons devant
cette commission sont dictées par les préoccupations suivantes.
Tout d'abord, il s'avère important que le gouvernement
concrétise, par des mesures adéquates, les orientations qui sont
fondamentales dans l'énoncé. Ensuite, il nous apparaît
primordial de maintenir un certain équilibre entre les orientations
culturelles, économiques et humanitaires de la politique
d'immigration.
Troisièmement, tout en étant entièrement d'accord
avec le caractère francophone de la société
québécoise et l'apport que l'immigration peut faire à cet
égard, il apparaît plus que souhaitable d'assurer la
diversité et l'équité
quant à la provenance des immigrants francophones. Comme vous le
savez, il existe à peu près 135 000 000 de personnes francophones
au monde, dont 35 000 000 en Afrique. D'autres pays de l'Europe de l'Est,
d'Asie, de l'Amérique latine et des Caraïbes comportent
également des francophones. Il ne faudrait donc pas limiter le
recrutement et la sélection à certains bassins
privilégiés.
Enfin, nous considérons comme essentielles la conception et fa
réalisation d'une politique axée davantage vers le pluralisme,
afin de mieux gérer concrètement la diversité de notre
société et de s'orienter plus encore vers une véritable
participation des communautés culturelles au développement du
Québec et aux diverses instances décisionnelles. Nous comprenons
également que, dans la société démocratique
préconisée, non seulement la contribution pleine et
entière de tous est attendue et le processus démocratique
généralisé, mais encore que les droits des
minorités sont garantis et assurés.
Cinquièmement, nous considérons comme nécessaire
l'orientation suivante. D'une part, que le gouvernement du Québec prenne
des mesures concrètes pour rectifier la situation
caractérisée par l'absence des membres des communautés
culturelles à certains postes de responsabilités professionnelles
ou autres dans certains organismes ou institutions qui jouent un rôle
dans le développement du Québec. D'autre part, nous estimons
qu'il est utile de créer un comité de suivi de l'application de
la politique d'immigration afin de s'assurer de l'application et de
l'adaptation de ces mesures à prévoir. Ce comité pourra
faire des recommandations à la ministre en ce qui concerne les
corrections des modalités d'application. Ce comité de suivi
pourra être composé des différents secteurs de la
société. Cependant, il devra englober largement des
représentants des communautés culturelles. Ce comité
contribuera positivement, grâce à ses conseils, à la
concrétisation des mesures et du plan d'action à réaliser.
Par ailleurs, il permettra de mieux préparer l'avenir quant à
l'évolution d'une politique d'immigration pour la décennie
à venir. Que soient mis en place une structure ministérielle
adaptée à ces objectifs de pluralisme et de participation ainsi
qu'un ministère spécifique et dévoué à ces
objectifs serait fortement souhaitable.
En somme, l'essentiel du message de notre groupe est qu'au-delà
du caractère pertinent de cet énoncé, il donne lieu
à une véritable application concrète dans un Québec
de demain et qu'il ne sort pas un document que l'on exhibe, mais que,
fondamentalement, il débouche sur une véritable transformation et
une amélioration de la situation d'ensemble des communautés
culturelles en matière d'intégration et de participation à
la vie québécoise et à la société
francophone et pluraliste.
Après ce préambule, nous vous présentons
respectueusement nos réflexions et nos recommandations plus en
détail. Considérons l'immigration. L'univers devenant de plus en
plus solidaire et les brassages de populations de plus en plus nombreux,
l'immigration est un phénomène qui est appelé à se
développer. Il est essentiel d'y trouver ses propres
intérêts, mais aussi très important d'être attentifs
aux exigences de solidarité internationale.
En ce qui concerne la sélection et le recrutement, augmenter la
proportion de l'immigration francophone. À cet égard,
l'énoncé de politique mentionne que le bassin potentiel de
francophones est restreint. De notre côté, nous remarquons que
c'est le réseau de sélection qui est tout simplement
concentré à certains points et absent des régions
francophones d'Afrique et d'Asie.
Nous espérons que les ressources en accroissement seront
réparties équitablement à travers le monde. Comme la carte
du service d'immigration du Québec le montre bien, l'Afrique,
l'Amérique latine et l'Asie sont dépourvues de nos services
d'immigration, pourtant suffisamment bien concentrés en Europe centrale
et aux États-Unis.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas manquer d'attirer l'attention sur les
dangers de mettre trop l'accent sur les immigrants francophones.
L'expérience nous prouve que le français seul ne suffit pas pour
une bonne intégration. Ainsi, cette ruée vers les francophones
peut pousser le Québec à fermer la porte aux bons immigrants
capables de s'intégrer à la société
québécoise grâce à leur facilité
d'employabilité ou à leur esprit d'entrepreneur.
Maximiser les retombées économiques. Pour arriver à
la maximisation des retombées économiques, le Québec ne
devrait pas tabler seulement sur la possession de plusieurs centaines de
milliers de dollars par candidat à l'immigration et les
possibilités de faire un voyage de prospection au Québec. En
effet, nous savons très bien qu'il y a peu de gens qui peuvent
répondre aux exigences actuelles pour les immigrants
indépendants. Mais, en tenant compte des possibilités qu'offre le
Québec aux entrepreneurs et gens d'affaires, candidats à
l'immigration, et de la taille des régions souhaitant l'arrivée
d'immigrants, le Québec devrait alléger ses exigences pour
faciliter l'arrivée de beaucoup plus d'investisseurs et entrepreneurs
moyens.
En fait, même ici au Québec, ce ne sont pas
nécessairement les gros investisseurs qui se déplacent vers les
régions, mais plutôt les petits et moyens entrepreneurs, ce qui
explique combien l'assouplissement des exigences permettrait l'atteinte de ce
noble objectif.
En ce qui concerne le voyage de prospection, il est important de
souligner que l'absence de bureaux du Québec dans différentes
régions peut en gêner l'organisation.
Enfin, soutenir la réunification familiale et l'adoption
internationale. Nous accueillons très favorablement la réduction
de l'engagement à trois ans. Dans le secteur de l'adoption
internationale, nous remarquons qu'il y a une urgente nécessité
d'amélioration. Il faudra faciliter les démarches administratives
en vue de diminuer les délais et prendre des mesures en vue de
prévenir ou corriger les abus qui pourraient venir de la part de
personnes ou organismes mal intentionnés.
Maintenir et mieux cibler l'accueil des réfugiés. En vertu
du principe de solidarité internationale, le Québec se
reconnaît une responsabilité en matière d'accueil des
personnes en situation de détresse. Il serait important que le
Québec mette en place un programme d'aide humanitaire et s'engage
à admettre chaque année, pour des raisons strictement
humanitaires, un certain nombre de personnes qui, autrement, n'auraient
accès à aucun pays d'installation. À cet égard, il
faudrait éviter de ne compter que sur des groupes de parrainage
privés.
Intégration. Nous souhaitons que le français soit la
langue commune de la vie sociale et institutionnelle des
Québécois. Nous soulignons cependant la parfaite
compatibilité de ce statut du français avec le pluralisme
culturel du Québec.
Le français, langue commune. Accroître
l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du
français. Les communautés culturelles sont pleinement d'accord
avec leur devoir d'apprendre le français. Mais la contrepartie, c'est la
responsabilité et l'obligation pour la société en
général et pour le gouvernement en particulier de fournir les
services nécessaires pour y parvenir.
La participation. Assurer l'accueil des nouveaux arrivants et soutenir
leur première insertion socio-économique. En plus des mesures
préconisées par l'énoncé en cette matière,
les centres d'accueil et d'hébergement devraient collaborer
étroitement avec les associations des membres des communautés
culturelles au sujet de l'accueil et du soutien des nouveaux arrivants dans le
but d'adoucir le choc culturel.
Favoriser la régionalisation de l'immigration. La Maison
internationale de Québec souhaite que des efforts de participation des
immigrants au plan de développement régional soient
réalisés afin de favoriser, d'une part, la création
d'emplois pour les immigrants selon leurs compétences et leur
spécialisation, qu'il s'agisse de travailleurs, de chercheurs, ensuite,
la création de réseaux d'affaires entre les entreprises de la
région, les investisseurs et les entrepreneurs immigrants.
Cependant, une orientation régionale de l'immigration devra se
baser sur les conditions suivantes. D'une part, il faut intégrer la
politique de régionalisation de l'immigration à la politique de
développement du gouvernement du Québec et aux orientations
économiques des instances régionales et des entreprises de la
région. Créer un mécanisme régional de
concertation, d'analyse et de suivi des efforts quant à l'accueil,
l'établissement et la participation des membres des communautés
culturelles au développement économique et social dans la
région. Vous savez que cette espèce de suivi est très
important dans une telle politique d'immigration. L'animation et la
coordination de ce mécanisme de concertation devront être
assurées par la direction régionale du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration dans chacune des
régions, s'il y en a, en ce qui concerne l'immigration,
l'intégration sociale, l'intégration économique.
Et dans la région de Québec, je crois que c'est
très important. Il pourra regrouper plusieurs organismes dont, la
direction régionale de Québec du ministère, le
ministère des Communications, le ministère de la Main-d'oeuvre et
de la Sécurité du revenu, la direction régionale de
l'Office de planification et de développement du Québec, les
corps intermédiaires comme les chambres de commerce, les organismes non
gouvernementaux comme les associations et organismes des communautés
culturelles, les représentants du milieu éducatif et des services
sociaux à tous les niveaux, les représentants des
municipalités, le représentant du Protecteur du citoyen.
La troisième condition également pour la
régionalisation, c'est de favoriser à l'intention des immigrants,
travailleurs, investisseurs et entrepreneurs des mesures d'information sur les
potentialités de la région. Des moyens pourraient être
utilisés, comme, par exemple, des visites guidées pour la
prospection dans les différents coins du Québec, des incitatifs
par des subventions ou autres mesures fiscales ou budgétaires qui
peuvent aussi concourir à attirer des gens dans les différentes
régions.
Sensibiliser les populations et les institutions de la région -
et nous considérons que cette sensibilisation est de première
importance - de façon systématique, quant à l'avantage de
la contribution de l'immigration au développement régional. Par
exemple, une émission d'intérêt public à la
télévision sur les avantages et les aspects positifs de
l'immigration. Aussi, le gouvernement devrait exercer son influence sur les
corporations professionnelles pour les pousser à assouplir leurs
exigences afin de permettre aux nouveaux arrivants d'exercer dans les meilleurs
délais leur profession. Le cas du manque de médecins dans les
régions est flagrant à cet égard. Alors que plusieurs
médecins immigrants sont prêts à accepter des contrats
à long terme pour offrir leurs services dans des régions aussi
éloignées soient-elles, la corporation bloque
systématiquement tout processus de recrutement.
Cinquièmement, faire participer les communautés
culturelles, en particulier la Maison internationale de Québec, dont les
membres
proviennent des communautés d'Afrique, d'Amérique latine,
d'Europe, d'Asie, des Caraïbes, aux efforts de concertation, d'analyse, de
sensibilisation et de suivi des actions de régionalisation de
l'immigration. Je crois que ces associations peuvent apporter leur
expertise.
En effet, l'expertise et l'expérience des membres des
communautés culturelles de plusieurs pays au sein de la Maison
internationale, dont la plupart viennent de la seconde vague d'immigration
à partir des années soixante-dix et jusqu'à maintenant,
aideront à l'identification des problèmes et à
l'élaboration des solutions.
Enfin, assurer la continuité des efforts d'analyse et d'avis du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration non seulement au
niveau national, mais aussi dans une perspective régionale.
Maintenant, nous allons aborder le Programme d'accès à
l'égalité dans la fonction publique québécoise.
Nous sommes heureux d'apprendre que l'énoncé de politique a mis
l'accent sur les programmes d'accès a l'égalité. Nous
espérons que l'objectif quantitatif de 12 % de l'embauche annuelle sera
réalisé concrètement. Dans cette perspective, nous
souhaiterions que les membres des communautés culturelles, à
travers leurs associations et leurs représentants au sein de la fonction
publique québécoise, puissent participer aux efforts de
concertation, d'analyse, de sensibilisation et de sélection quant
à l'application de ce programme.
Par ailleurs, nous sommes fortement heureux de constater que, pour le
première fois, le gouvernement du Québec, à travers
l'énoncé de politique du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, reconnaît la nécessité
d'augmenter la présence des membres des communautés culturelles
dans la haute direction de la fonction publique. En effet, nous soulignons la
nécessité d'assurer la présence des communautés
culturelles aux postes de gestionnaires. Nous constatons en effet le besoin
d'instaurer la progression de la carrière des membres des
communautés dans la fonction publique vers des responsabilités
plus importantes, afin d'utiliser les compétences réelles des
individus au bénéfice du Québec. Vous savez qu'il y a
là une absence de redressement ou d'encouragement à la
progression de la carrière ou à la promotion. Disons qu'il y a
nécessité de corriger cela à l'instar du Programme de la
relève féminine de gestion dans certains domaines.
Aussi, nous recommandons qu'un mécanisme approprié de
promotion vise à permettre aux membres des communautés
culturelles d'accéder à des postes de responsabilité en
fonction de leur expérience, de leur qualification et de leur
compétence. Dans cette perspective, nous appuyons la recommandation du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration devant la
commission parlementaire du budget et de l'administration, à savoir "que
soient organisées, de manière systématique, des sessions
de sensibilisation sur les réalités interculturelles à
l'intention du personnel de la fonction publique". C'est à la page 18 du
mémoire de ce Conseil. Que le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration continue à jouer un rôle central
dans le dossier du programme d'accès à l'égalité.
En ce qui concerne le programme d'accès à l'égalité
pour le secteur privé, il faudrait également s'assurer de ce
programme-là pour le secteur privé.
Les relations intercommunautaires: gestion de la diversité et du
pluralisme. Il ne s'agit pas seulement de sensibiliser les secteurs
privé et public au pluralisme. Il conviendra également
d'influencer tes institutions québécoises qui façonnent et
régissent notre vie quotidienne. Elles doivent évoluer de
manière à refléter la richesse de la diversité.
Dans cette perspective, nos institutions économiques, sociales,
culturelles et politiques doivent intégrer pleinement le pluralisme dans
leurs structures, leurs politiques, leurs programmes et leurs méthodes.
On peut prévoir l'implantation de cet objectif par étapes dans
les ministères, les institutions gouvernementales, paragouvernementales
et les grandes institutions privées. Par ailleurs, il faut s'assurer
d'une plus grande présence des communautés culturelles dans les
médias.
Enfin, il conviendra d'encourager la présence des
communautés culturelles dans les conseils d'administration de certains
organismes, tels que la SDI, Hydro-Québec, les commissions scolaires, le
Mouvement Desjardins, etc.
Dans le but de concrétiser le caractère pluraliste de la
société québécoise et de tenir compte de toutes les
orientations mentionnées ci-haut, il est recommandé d'adopter une
loi sur le pluralisme et de prévoir un ministère distinct dont la
mission sera de gérer le pluralisme et de jouer un rôle central et
de leadership dans les diverses institutions québécoises.
Le pluralisme suppose l'existence de plusieurs cultures qui coexistent
harmonieusement et contribuent au développement en
général. Il est assez important de prévoir les moyens
nécessaires pour la préservation et le développement de
ces différentes cultures qui font la richesse de la
société francophone. Dans cette optique, les associations
ethniques et leurs regroupements seront appelés à jouer un
rôle de première ligne. (15 h 45)
En conclusion, la Maison internationale de Québec remercie le
gouvernement du Québec d'avoir préparé cet
énoncé de politique que nous considérons comme une grande
innovation, avec une politique plus globale et plus claire. Nous souscrivons
aux grandes lignes préconisées par l'énoncé. Par
ailleurs, les commentaires que nous faisons parvenir à la commission
constituent des précisions et des suggestions concrètes sur des
points spécifiques; aussi, nous souhaiterions qu'ils soient pris en
considération. La réussite d'une
politique, aussi globale et claire soit-elle, ne pourra être
vérifiée que dans son application. La Maison internationale de
Québec, avec ses 28 associations et organismes membres, est
disposée à apporter sa contribution à la
réalisation des objectifs fixés et à l'élaboration
des moyens d'action. Merci, M. le Président. Merci, mesdames et
messieurs.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Raharolahy.
Maintenant, vous savez que la ministre dispose d'une vingtaine de minutes pour
vous poser des questions. On a dépassé un peu le temps. De toute
façon, Mme la ministre prendra une vingtaine de minutes, et,
après ça, les membres de l'Opposition, pour vous demander
certaines explications. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci monsieur. Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour la présentation de votre
mémoire. On sait que le travail de la Maison internationale de
Québec est connu et bien reconnu aussi. Ma première question
s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous. Comme vous le savez, il existe
déjà, dans la région de Québec, des organismes de
concertation voués au développement économique
régional. Lorsque vous parlez de créer un mécanisme de
concertation, devrait-on créer un nouvel organisme ou plutôt
amener les organismes existants à s'intéresser activement
à la régionalisation de l'immigration? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Raharolahy: C'est une très bonne question. Nous ne
pensons pas qu'il faille créer d'autres structures. Il faudrait
plutôt amener les organismes concernés, les organismes
socio-économiques, les organismes culturels, les organismes
gouvernementaux, à travailler ensemble. Comme nous l'avons
mentionné dans le mémoire, il y a une grande
nécessité de participation des communautés culturelles et
de leurs associations existantes. Nous croyons qu'effectivement, la direction
de votre ministère, la direction régionale, pourrait jouer un
rôle de chef de file pour la coordination, bien sûr, en ce qui
concerne la régionalisation.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. En tant qu'organisme de concertation,
quelle contribution la Maison internationale de Québec pourrait-elle
apporter à la régionalisation?
M. Raharolahy: Lorsqu'on regarde votre énoncé de
politique, vous voyez qu'il y a plusieurs éléments, à
partir de la sélection des immigrants jusqu'à la participation.
En ce qui concerne la Maison internationale, le fait que cet organisme regroupe
28 associations diverses constitue quand même une véritable
expertise pour certains domaines concernés par votre mémoire
comme, par exemples, l'éducation interculturelle, la question de la
participation des immigrants à certaines activités. Je crois
qu'il y a là, effectivement plusieurs domaines à
développer au sein de la Maison internationale. Par contre, nous avons,
effectivement, à la Maison internationale, certains regroupements, comme
ce qu'on appelle maintenant le centre multiculturel, qui s'occupent de
l'accueil. Alors, évidemment, cette partie-là va être
couverte par certains regroupements de la Maison internationale. La Maison
internationale pourrait aussi travailler avec les organismes
socio-économiques pour identifier les problèmes posés par
la création d'emplois, l'accessibilité à des services
sociaux, etc. Je pense qu'effectivement, nous trouverons, à
l'intérieur de la Maison internationale, beaucoup de possibilités
de collaboration.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Et d'après vous, quels besoins
régionaux spécifiques l'immigration peut-elle combler dans la
région de Québec? Est-ce qu'il y a des secteurs visés,
comme le secteur industriel, agricole? Est-ce que vous avez identifié
des secteurs qui pourraient davantage répondre aux besoins de la
région de Québec?
M. Moisset (Jean): Évidemment, la réponse que je
vais donner n'émane pas d'une recherche quelconque qui aurait
été faite précédemment par la Maison internationale
de Québec. Mais, compte tenu d'une certaine connaissance que l'on a de
ia région, on pourrait peut-être penser - mais ça, ce ne
serait pas très spécifique aux membres des communautés
culturelles ou aux nouveaux immigrants - à certains secteurs tels que,
par exemple, ceux en aval ou en amont de la recherche. Puisque Québec,
c'est quand même une ville universitaire avec un certain potentiel, la
matière grise, quand même est là, n'est-ce pas? Il y aurait
peut-être des possibilités de voir au développement de
certaines formes d'activités de production liées à la
recherche - je sais qu'il y a des tentatives qui ont été faites
de ce côté-là avec la création du parc industriel -
et aussi la possibilité de voir au développement d'industries en
amont ou en aval de ces activités de recherche. Mais on ne peut pas dire
que ces tentatives aient apporté déjà les résultats
qu'on pourrait en escompter, d'une part. D'autre part, Québec est quand
même une région à très forte activité
tertiaire et pour cause. On a quand même la capitale nationale ici, la
capitale avec toute l'infrastructure gouvernementale, administrative. Il y a
donc des efforts qui pourraient être développés du
côté, par exemple, des industries touristiques, et je crois qu'il
y en a déjà passablement. Tout à l'heure, à la
question à laquelle mon collègue Augustin répondait, on
aurait pu peut-être ajouter que parmi ces initiatives ou ces actions qui
pourraient être entreprises, eh bien, il y aurait lieu, en concertation
bien sûr avec les organismes économiques régionaux, de
mettre davantage
à contribution les associations socioculturelles ou culturelles
existantes de la région pour faire ce type de travaux d'identification,
justement, des possibilités de développement économique
régional et les faire connaître aussi aux immigrants potentiels,
aux candidats à l'immigration ici avant même qu'ils arrivent, et
ce que je dis là, n'est-ce pas, n'est pas propre, spécifique,
à la région de Québec, mais pourrait être
évidemment généralisé à toutes les
régions. Voir un peu leur force, quels sont les potentiels existants et
voir dans quelle mesure les nouveaux immigrants et, bien sûr, les membres
des communautés culturelles déjà sur place, peuvent
contribuer au développement de ce potentiel.
Mme Gagnon-Tremblay: Je trouve vos deux idées très
intéressantes. Il y aurait probalement...
Je trouve que le secteur de la recherche, entre autres...
M. Moisset: Absolument.
Mme Gagnon-Tremblay: ...de même que le secteur touristique
est très intéressant, surtout très relié à
la région de Québec...
M. Moisset: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...et, comme vous le savez, nous sommes
à la recherche aussi de projets qui se rattachent davantage à une
région pour être capable de le développer, ce potentiel, et
je trouve ça fort intéressant. Est-ce qu'il y aurait des
projets-pilotes que vous pourriez initier et auxquels vous pourriez penser, par
exemple, dans ces deux secteurs plus particuliers qui nous permettraient de
développer davantage ces secteurs d'activités?
M. Moisset: Je pense que c'est d'emblée, n'est-ce pas?
Enfin ce à quoi je penserais, c'est ce qu'on appelle les
activités génératrices d'idées nouvelles ou de
projets nouveaux. Les Anglais et les Américains parient de "seed money"
pour parler de petits investissements initiaux qui pourraient être faits,
là, et qui pourraient être générateurs
d'activités beaucoup plus importantes. Très souvent, c'est
presque qu'à fonds perdus. Nous avons évidemment
l'Université Laval à laquelle j'appartiens comme prof, et
très souvent on entreprend des projets de recherche et très
souvent les gens nous disent: Mais vous ne faites que chercher, vous ne trouvez
jamais. Mais ce n'est pas toujours vrai parce qu'il ne suffirait que de
quelques sous d'investissement initiaux. Et, pour répondre à
votre question, Mme la ministre, moi, je dirais que c'est trop important pour
ne pas risquer un petit investissement en matière de recherche initiale
et voir ce qui pourrait être fait de cette double activité, de ce
double créneau. Je crois qu'il y a un potentiel là. Je ne l'ai
pas identifié moi-même, évidemment, mais une recherche
initiale, qui pourrait être financée par votre ministère ou
des organismes de développement économique régionaux
intéressés avec la participation tant des membres des
communautés culturelles que de ces organismes régionaux,
assurerait, je crois, une initiative extrêmement utile.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. Je
passerai maintenant la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Messieurs, j'espère que vous ne m'en
voudrez pas, l'occasion étant fort belle, je ne vais pas la rater,
j'aimerais adresser à M. Khuon mes meilleurs voeux à l'occasion
de la nouvelle année, je crois que c'est l'année de la
Chèvre cette année. C'est bien cela? Voilà.
M. Khuon (Khun-Neay): C'est un bon signe.
M. Boulerice: C'est un bon signe effectivement. Je vous avoue
avoir été extrêmement impressionné par votre
mémoire; malheureux, par contre, de notre mécanique, que l'on
doit, ma collègue et moi, supporter puisque ce sont les règles,
sauf que je me dis: II y aura bien moyen, dans un autre temps, de continuer le
débat que nous avons amorcé ici aujourd'hui. J'aurais le
goût de vous suggérer de prendre les intonations du
général de Gaulle, de me regarder et de me dire: Je vous ai
compris! Puisque je me suis promené quelques années en disant:
Rien n'est plus naturel pour nous puisque, si on se fie au slogan du
début des années soixante de la Révolution tranquille,
slogan qu'avait introduit M. Lesage et qui disait: Maîtres chez nous,
donc, quand on est maître, on est maître de prendre ses
décisions. Je disais: Rien n'est plus naturel et rien n'est plus normal,
sans en faire une religion, sans aller à l'exclusivité totale,
rien n'est plus naturel, pour nous, que de favoriser une immigration
francophone, puisque, comme on parle de réunification des familles, je
disais de ces populations de la francophonie que nous avions des liens
culturels et linguistiques avec elles. Donc, c'était en
définitive, in extenso, une réunification d'une grande famille.
Je vois que vous y apportez de l'importance; donc je me sens compris et je vous
en remercie. Et surtout qu'une étude récente que je
possède indique très clairement que, pour ce qui est de la langue
où on se sent le plus à l'aise et de la langue des contacts
sociaux, le français se cote très fort quand on parie
d'immigration en provenance de France, quand on pense à l'immigration en
provenance des pays arabes, et là, on fait allusion aux pays du Maghreb,
quand on parie de l'Afrique, et là, sans aucun doute, on fait allusion
à l'ancienne Afrique équatoriale française, quand on parie
du Vietnam, du Laos et du
Cambodge, c'est très fort là aussi, ce que je
possède comme statistiques et également de l'Amérique
latine puisque je l'ai toujours considérée comme
"francophonisable". Une ancienne ministre des Communautés culturelles
disait que ça lui semblait discriminatoire. Il faut croire que nous ne
partageons pas son point de vue, heureusement, là-dessus.
Cela étant dit, il y a une question que j'aimerais bien vous
poser puisque vous avez insisté là-dessus, et je suis bien
d'accord avec vous. Je pense que le gouvernement issu de mon parti a fait des
efforts quant à l'intégration des représentants des
communautés culturelles au sein de la fonction publique. Je crois bien
que le gouvernement actuel fait également des efforts. D'ailleurs, c'est
contenu dans le mémoire, l'intégration des communautés
culturelles dans la fonction publique, sauf que, malheureusement, on
s'aperçoit que l'on n'arrive pas à remplir l'objectif qu'on
s'était fixé. Avez-vous la réponse? Est-ce quelque chose
qu'on fait mal? Avez-vous la réponse a ça? Parce que, autant ma
collègue sera sans doute malheureuse si elle ne remplit pas l'objectif,
autant je me suis senti malheureux de ne pas être capable de remplir
l'objectif.
M. Raharolahy: Oui, c'est une très bonne question. Vous
savez, quand on parle de l'accès à l'égalité, vous
avez deux éléments, d'une part, le recrutement externe et,
d'autre part, la progression de la carrière des fonctionnaires qui se
trouvent déjà dans la fonction publique. Je me permets de vous
répondre sur ces deux plans-là. (16 heures)
Je crois que le gouvernement du Québec a le courage
d'élaborer une politique sur l'accès à
l'égalité portant particulièrement sur l'objectif
quantitatif. Je pense que c'est l'une des bases du programme d'accès
à l'égalité pour apporter des correctifs. Cet objectif de
12 % chaque année, il est évidemment très important de le
réaliser, mais, à notre avis, cet objectif-là n'a pas
été atteint probablement pour plusieurs raisons. Mais il faut
aussi considérer que ce n'est pas facile d'aller prendre des mesures
quantitatives lorsque les postes dans la fonction publique ne sont pas aussi
nombreux que cela pour le recrutement externe. Évidemment, c'est un
programme, je crois, qui va durer plusieurs années. Et nous avons
demandé et il est prévu dans ce programme qu'il y ait un
sous-comité de suivi pour la réalisation de ce programme. Nous
avons demandé à ce que des communautés culturelles et
même des gens de la fonction publique québécoise puissent
faire partie de ce comité de suivi pour examiner les raisons du
succès ou du non-succès de l'application du programme. Il y a une
chose que je dois aussi mentionner, c'est que le programme doit mettre
l'emphase sur la sensibilisation des fonctionnaires de la fonction publique
à travers les ministères. Il est très important que les
gestionnaires, les gens de la haute direction puissent comprendre ce que c'est
que l'apport des communautés culturelles dans la fonction publique.
Alors, je crois qu'elle a, effectivement, des efforts à faire.
Maintenant, est-ce qu'elle va atteindre d'autres objectifs dans l'avenir? Je
crois qu'il faut suivre le programme.
L'autre question qu'il ne faut pas non plus minimiser, c'est l'objectif
qualitatif. Nous souhaiterions de la fonction publique
québécoise, qu'il y ait un effort pour la progression de la
carrière, la promotion, afin de mieux utiliser les compétences
des fonctionnaires qui se trouvent déjà dans la fonction
publique. Nous avons appris, à travers cet énoncé, qu'il y
a là un certain objectif de vouloir accroître la proportion des
fonctionnaires des communautés culturelles dans la haute direction, et
particulièrement au niveau des gestionnaires, pas nécessairement
à un niveau élevé, mais aussi dans les gestions
quotidiennes. Il faut apporter plus de correctifs, je pense, au niveau des
gestionnaires.
M. Boulerice: Dans le débat qui nous préoccupe,
vous êtes un organisme culturel... Ah! je m'excuse, est-ce que vous
vouliez rajouter quelque chose? Je vous en prie.
M. Moisset: Juste quelque chose que je voudrais ajouter, parce
que votre question était à l'effet de savoir s'il y a quelque
chose que vous ne faites pas, parce que vous avez effectivement une politique
d'accès à l'égalité. Moi, je croirais, en guise
peut-être de diagnostic tout à fait informel, superficiel
d'ailleurs, qu'il est jusqu'à un certain point très très
compréhensible que, par des effets du système, les réseaux
de communication, d'information tout à fait normalement
constitués dans n'importe quelle société amènent
par exemple à une marginalisation plus grande de ceux et celles qui sont
tout récents dans une communauté. De ce point de vue là ce
n'est pas quelque chose d'antinaturel que l'on retrouve une faible proportion
des membres des communautés culturelles au sein de la fonction publique.
D'ailleurs, le fait même qu'il existe une politique d'accès
à l'égalité, d'après moi, c'est une reconnaissance
de ce phénomène-là.
L'élément de réponse que je voulais ajouter et qui
rejoint un petit peu une question que vous aviez posée auparavant
à l'autre groupe, c'était: Est-ce que vous ne craignez pas de
créer une espèce d'effet de boomerang, avec des mesures de
discrimination positive, enfin ce qu'on appelle aux États-Unis des
mesures de discrimination positive, pour faire une plus large place, par
exemple, à des représentants de communautés culturelles au
sein de la fonction publique? C'est là que je crois que
véritablement il y aura le courage politique, sans qu'évidemment,
il faille être suicidaire, mais - ha, ha, ha! il ne faut pas être
suicidaire - mais je pense que ça demande un certain courage politique
et aussi beaucoup de
prudence.
Mon collègue, Augustin, tout à l'heure, a parlé de
la sensibilisation qu'il faut faire au niveau des fonctionnaires, par exemple,
de la fonction publique et pas seulement des fonctionnaires d'ailleurs, mais de
l'ensemble de la population. Mais je dirais qu'une fois ces conditions
réalisées, il faut avoir le courage politique maintenant de dire:
Peut-être qu'il y a lieu d'appliquer certaines formes de discrimination
positive lorsqu'il y a effectivement un emploi. Et là, c'est très
simple de dire: Si on a la compétence requise pour remplir le poste, on
va donner une certaine priorité à un membre de la
communauté culturelle si, effectivement, il y en a parmi les candidats
et les candidates.
Moi, je croirais que c'est ça qu'il faut commencer par se dire:
Est-ce que, dans les différents services de la fonction publique, avec
le nombre de postes, très limité d'ailleurs, qu'on a, les effets
du système ne continuent pas à jouer en faveur des membres de la
majorité, tout naturellement, alors qu'il faudrait vraiment que,
politiquement parlant, on fasse une place à ces membres des
communautés culturelles si on y croit vraiment? Autrement dit, on peut
avoir des politiques; c'est très beau sur le papier et, à
côté, la réalité reste ce qu'elle est. Alors,
évidemment, dans le long terme, je ne sais pas, peut-être qu'on
arrivera à quelque chose. Mais encore faut-il, n'est-ce pas, qu'on le
veuille, et, si ça doit prendre beaucoup de temps, comme le dirait le
maréchal Lyautey, il faut s'y prendre sans tarder.
M. Boulerice: Merci, monsieur.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Il nous reste deux minutes.
Je vois que M. le député de l'Acadie et M. le
député de...
Une voix: Richelieu.
Le Président (M. Gobé): ...de Richelieu, vous avez
aussi des petites interventions. Si vous pouvez vous partager les deux ou trois
minutes qui restent, rapidement.
M. Bordeleau: Oui.
Le Président (M. Gobé): Je vous laisse la
préséance, à vous de vous entendre entre vous.
M. Bordeleau: En fait, j'avais une intervention qui va être
quand même relativement courte. Juste un commentaire. Vous faisiez
référence à la question qu'on avait posée tout
à l'heure, a savoir l'effet boomerang dont vous avez parlé. Je
pense qu'à ce moment-là, on parlait de faire en sorte que, pour
faciliter l'emploi, il y ait des mesures de dérogations, au fond, et
qu'on accepte des gens qui ne répondent pas néces- sairement
à tous les critères de compétence qu'on s'est
donnés, et c'est dans ce cas-là qu'on parlait d'avoir
peut-être un effet négatif et non pas... Dans le cas du programme
d'accès à l'égalité, vous y faites
référence, je pense que le gouvernement actuel a
démontré clairement sa bonne volonté à ce
niveau-là en mettant en place, en mars 1989, un programme d'accès
à l'égalité.
Je veux revenir, dans ce cadre-là, au paragraphe que vous aviez
à la page 19. Tout à l'heure, monsieur a mentionné
l'implication que les communautés culturelles pourraient avoir au niveau
du comité de suivi que vous suggérez. Et, dans le cadre plus
particulier de la mise en place de ce système-là, vous nous
dites, à la page 19, que vous souhaiteriez que les membres des
communautés culturelles, à travers leurs associations et
représentants, puissent participer aux efforts de concertation,
d'analyse, de sensibilisation, de sélection quant à l'application
de ce programme. Et ce n'est pas nécessairement seulement au niveau du
suivi, il y a le problème qu'on a mentionné, c'est la
difficulté d'attirer. Je pense que le gouvernement va mettre en place
bientôt des stratégies, au fond, pour attirer les gens des
communautés culturelles; il va également mettre en place une
certaine sensibilisation par des cours sur les caractéristiques de la
fonction publique dans les communautés culturelles. Mais, ce qu'il
serait intéressant de savoir, c'est concrètement, dans la mise en
application plus spécifiquement, quel genre d'apport un groupe comme le
vôtre pourrait-il avoir pour venir aider le ministère à
faire en sorte que ce programme-là réussisse?
M. Raharolahy: Je laissera la parole à...
M. Khuon: II existe d'ailleurs une association qui est née
il y a à peu près deux ans, qui s'appelle l'Association des
fonctionnaires issus des communautés culturelles qui est d'ailleurs
membre de la Maison internationale. Cette association-là, justement, est
née dans le but de sensibiliser le public en général, de
travailler sur la compréhension réciproque des cultures
différentes dans le contexte de la fonction publique aussi bien que dans
la société en général.
Cette association a d'ailleurs saisi le ministre du Conseil du
trésor de son désir de participer à différents
comités qui, je pense, sont en train de se mettre en place pour
l'application de cette politique d'accès à
l'égalité. Et, pas nécessairement les associations
ethniques, mais il y a une association spécialisée qui est
formée de fonctionnaires issus des communautés culturelles et qui
pourrait bien être partenaire du gouvernement dans la mise en place de
différents comités et mécanismes d'application.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci, M.
le député de Richelieu. Alors, on
comprend que vous posiez votre question en dehors des travaux de la
commission à ces gens-là. Je tiens à vous remercier
d'être venus témoigner devant cette commission. Vous avez
peut-être un dernier petit mot, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques? J'avais cru comprendre que vous aviez fini,
mais...
M. Boulerice: Ah bon! Merci et surtout que, pour
l'énoncé, si j'ai bien compris, vous étiez très
heureux d'être ici consultatifs, mais quand viendra l'action, vous voulez
surtout être participatifs.
M. Raharolahy: Exactement. Vous avez parfaitement raison. Merci,
M. le Président. Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre a
peut-être encore un petit mot à vous adresser. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr. Je veux vous remercier
également et vous savez que l'intégration au marché du
travail, pour moi, c'est une préoccupation majeure, la même chose
que l'égalité des chances. Compte tenu de la discussion que nous
avons eue au tout début concernant certains secteurs qui pourraient
être développés, j'aimerais que vous puissiez entrer en
communication avec la direction régionale, Mme Cérone et essayiez
de développer un projet qui pourrait nous être soumis et voir ce
qu'on peut faire ici pour la région. J'apprécierais beaucoup.
M. Raharolahy: Effectivement, vous savez que nous avons un
colloque les 5 et 6 avril à l'Université Laval dans lequel il y
aura un atelier sur l'intégration économique, et la direction
régionale de ce ministère est en collaboration avec nous. Merci
de votre conseil, Mme la ministre.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup, messieurs. Maintenant, nous allons vous libérer. Nous vous
remercions d'être venus témoigner en cette commission. Nous vous
prions de bien vouloir accepter nos remerciements.
Je suspends les travaux pour une minute, le temps que vous vous
retiriez. Par la suite, nous allons accueillir le Centre international des
femmes de Québec. La séance est suspendue pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. Gobé): La commission va reprendre
ses travaux. Alors, mesdames, nous vous souhaitons la bienvenue, aujourd'hui,
en cette belle journée ensoleillée. Et, je vous inviterai, sans
plus tarder, à présenter votre mémoire, et je vous
rappellerai que vous avez 20 minutes. Je vous demanderai de vous en tenir
à l'intérieur de ces 20 minutes. Et je vous ferai signe, si
jamais vous arriviez vers la fin sans vous en rendre compte, deux minutes
avant, un petit signe pour que vous puissiez clore votre exposé, au cas
où vous ne l'auriez pas déjà fini, à ce
moment-là. Mais si vous finissez avant, on en profitera pour discuter un
peu plus longuement. Alors, si vous voulez vous présenter et commencer,
aussitôt après, les explications de votre mémoire.
Centre international des femmes de
Québec
Mme Vento (Guadelupe): M. le Président, Mme la ministre,
membres de la commission, mon nom est Guadalupe Vento. Je suis la directrice du
Centre international des femmes de Québec. Et à ma gauche, j'ai
Mme Sonia Anguelova, la coordi-natrice du programme de jumelage de la
région de Québec. Nous vous remercions de l'opportunité de
vous exposer notre point de vue.
D'abord, je vais vous dire qu'est-ce que nous ne sommes pas venues faire
ici. Nous ne sommes pas venues parler des principes. Alors, je vous saurais
gré de discuter avec nous, si ça vous intéresse, de
recommandations concrètes.
Deuxièmement, on n'est pas venues discuter des critères de
sélection et des niveaux d'immigration puisque nous endossons, pour
l'essentiel, l'énoncé de politique de Mme la ministre. On vient
ici plutôt de notre point de vue enrichir le plan d'action de la
ministre, 1991-1994.
Le Centre international de Québec est un organisme partenaire du
ministère qui oeuvre à l'intégration des femmes et de
leurs familles immigrantes depuis 10 ans. Nous donnons des services de
première ligne: information, référence,
interprétariat, accompagnement. Nous avons donné, à titre
indicatif, 9000 services l'année passée.
Notre clientèle est à 60 % féminine et est surtout
composée d'Asiatiques, Latino-Américains, Polonais, Africains,
etc.
Nos recommandations. La première, c'est la mise sur pied par le
centre régional de Québec du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, en collaboration avec ses
partenaires du milieu, d'un service de "counseling" et d'orientation
adapté aux immigrants. Ce service ferait avec le nouvel arrivant
l'analyse personnalisée des possibilités de
transférabilité de la formation et de l'expérience.
Les raisons pour lequelles on vous demande ces services-là, c'est
que la région de Québec compte un nombre important de
réfugiés, plus de 50 %, si on additionne toutes les
catégories de réfugiées et des catégories de la
famille. Bon nombre de ces personnes sont scolarisées. Les
services de "counseling" et d'orientation, ainsi que les programmes
spéciaux des différents ministères, s'adressent à
des clientèles défavorisées qui ne comprennent pas les
gens scolarisés. Les immigrants perdent beaucoup d'années
à se chercher, à se situer face au marché du travail. Ils
ignorent comment récupérer la richesse qu'ils apportent au niveau
des acquis et de la formation. En général, ils refont des
degrés universitaires qui ne leur assurent que de l'endettement. Ils
ignorent les ouvertures réelles du marché du travail. Ils ont
besoin d'une sorte de plan de carrière. Ces services-là ne
contrecarreraient pas les services collectifs; c'est un service
différent des services collectifs. Ces types de "conselling", nous
n'entendons exactement par là que quelques personnes, donc ce ne serait
pas cher, qui verraient personnellement les immigrants qui arrivent au COFI et
d'autres; ce serait ouvert à d'autres. Ils pourraient voir avec eux
leurs forces, leurs faiblesses, et ce qui leur reste à faire pour
arriver à transférer concrètement, de façon
latérale ou oblique, leur formation.
Ça n'existe pas à Québec. À ma connaissance,
ça n'existe nulle part. Je crois que c'est la lacune majeure à
Québec, une perte d'énergie, d'argent et d'encouragement parce
que ces gens-là, au bout de trois ans, sont découragés. Et
là, nous ne pouvons plus réussir à les encourager. On
croit que c'est le centre régional qui est le mieux en mesure d'offrir
ce service parce que c'est un service crucial qui ne doit pas être offert
par des organismes qui ne touchent que certaines clientèles.
La deuxième recommandation, c'est de créer un
comité interministériel du centre régional de
Québec du ministère des Communautés culturelles et de la
direction régionale de Québec du ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle, afin d'améliorer l'insertion socio-économique
des Québécois des communautés culturelles, en utilisant le
programme d'intégration à l'emploi de ce ministère: EXTRA,
PAIE. Mais il faut que le ministère du Revenu soit aidé par des
gens compétents au niveau de l'identification des besoins des
immigrants, donc le centre régional.
La troisième recommandation, à Québec, les petites
et moyennes entreprises constituent le bassin essentiel d'employeurs. Elles
sont très peu sensibilisées à la présence des
immigrants. Elles sont ignorantes, je ne dirais pas, racistes, plutôt
méconnaissantes des différentes ethnies, surtout des Africains,
par exemple. Il faut sensibiliser ces gens-là. Nous ne pouvons pas le
faire parce qu'on n'a pas l'autorité pour le faire. Alors, on voudrait
aider, on voudrait collaborer, mais il faudrait que ce soit plus
sérieux, fait sérieusement. Et le centre régional a une
autorité morale importante dans la région.
La quatrième recommandation, c'est d'étendre le programme
de jumelage qui existe déjà chez nous, depuis 1987, par exemple,
aux indépendants ou d'autres catégories d'immigrants, parce que
ce programme-là permet d'impliquer la société d'accueil.
Par exemple, ce programme, l'année passée, a sollicité 10
000 heures de bénévolat chez la population d'accueil, pour aider
à intégrer. On a trois objectifs très précis: la
francisation pratique, la connaissance de la société d'accueil et
le développement de l'em-ployabilité.
Alors, c'est, pour l'essentiel, nos recommandations. On est très
intéressées à répondre à vos questions.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
Je passerai donc maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup, Mme Vento. Je sais que
le Centre international des femmes est très actif dans la région
de Québec. Mme Vento, la première chose qui attire mon attention,
concernant le "counseling"... Vous avez parlé d'un "counseling" qui
pourrait être donné, par exemple, dans le COFI, pour orienter
davantage les nouveaux venus, les nouveaux arrivants, soit dans des
spécialités quelconque ou bien aussi pour qu'ils puissent prendre
en compte, faire un peu l'évaluation de leur potentiel. Est-ce
qu'à ce moment-là, vous voyez des responsables, des
spécialistes en orientation qui pourraient, par exemple, provenir du
ministère de la Santé et des Services sociaux ou de
l'Éducation, reliés au COFI ou si, par exemple, ça
pourrait être des organismes communautaires qui pourraient aider et qui
seraient peut-être mieux placés pour aider les responsables du
COFI ou de la direction régionale, finalement?
Mme Vento: Nous croyons que ce service-là, pour nous, est
essentiel à la régionalisation. Or, les organismes du milieu sont
tous très actifs, très pertinents, très près de la
clientèle, mais, par contre, sont relativement sectoriels, d'une
façon ou d'une autre. Alors, nous voulions plutôt souligner
l'importance que ce service-là soit vraiment accessible à tous,
sans parti pris. Parce que, la vie étant ce qu'elle est, les organismes
entre eux ont quand même certaines clientèles, disons,
privilégiées, alors que le centre régional, lui, est
au-dessus de tout soupçon. Il nous apparaît important que ce soit
des gens formés pour donner du "counseling" d'orientation, mais on n'a
pas besoin de reprendre les services qui se donnent déjà en
ville.
Par exemple, ce dont on a besoin vraiment, je vais vous en donner un cas
concret: une femme, 42 ans, qui vient de l'Europe de l'Est, où elle
était architecte. Elle fait quoi? Elle ne sait pas du tout, cette femme,
quoi faire avec ça. Évidemment, elle essaie de "revalider" ses
choses. Elle se rend compte qu'elle perd de la scolarité.
Qu'est-ce qu'elle fait? Si elle pouvait rencontrer un service, en
première ligne, qui lui montre un peu: Écoutez, telles sont les
possibilités latérales... Parce que c'est très important
qu'elle ait un plan de carrière qui commence par une insertion,
maintenant, même si elle est en deçà de ses
possibilités futures, lui faire visualiser son avenir et mettre ses
énergies à travailler son avenir. Cette perte d'énergie et
de formation antérieure, c'est ce que je déplore, au niveau de la
ville de Québec. Ce sont des années qu'on ne
récupère jamais.
Mme Gagnon-Tremblay:...
Mme Vento: Alors, c'est relativement simple de lui dire, par
exemple: Madame, au niveau de technicien en design, il y a quand même
beaucoup de bureaux d'architectes en ville qui, peut-être, vous
prendraient au niveau technique.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.
Mme Vento: Ce serait ce type de chose-là, très
concrètement. Ensuite, on la réfère à la formation,
aux lieux de formation et aux lieux de référence
déjà établis en ville, qui sont quand même
très compétents et très pertinents.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que votre Centre international des
femmes a déjà pris contact ou travaille actuellement avec des
organismes très connus comme, par exemple, le Cercle des
fermières, l'AFEAS, les groupes de femmes qu'on retrouve dans tous les
petits villages, dans les grandes villes aussi, dans tous les coins, dans tous
les quartiers de ville? Est-ce que vous travaillez en relation avec ces groupes
ou si vous avez très peu de contacts actuellement?
Mme Vento: Les contacts que nous avons eus essentiellement, c'est
par rapport au programme de jumelage. On les a sollicités pour
s'impliquer au programme de jumelage et c'est là...
Mme Gagnon-Tremblay: J'aimerais que vous me parliez de ce
programme de jumelage, justement, qui est très intéressant.
J'aimerais que vous m'en parliez plus longuement. Comment vous vous y prenez,
par exemple? Et c'est quoi votre programme de jumelage? Je pense que pour le
bénéfice de la commission ici, ce serait intéressant de
vous entendre parler là-dessus.
Mme Vento: Nous croyons que, dans la région de
Québec, le programme de jumelage est essentiel pour l'intégration
parce qu'on jumelle pendant un an trois unités familiales,
c'est-à-dire trois familles ou trois individus à une famille
nouvellement arrivée ou un individu nouvellement arrivé, avec
trois objectifs très précis: la fran- cisation pratique, parce
qu'ils vont au COFI mais qu'ils n'ont pas la pratique du français, la
connaissance du milieu, c'est-à-dire autant les CLSC que ce qu'on fait
pour habiller un enfant correctement en hiver. Et le troisième objectif,
c'est le développement de l'employabilité dans le sens
très précis de créer un réseau naturel pour ces
gens-là qui n'en ont pas, parce que vous savez que 80 % des emplois ne
se trouvent pas par les centres d'emploi, ils se trouvent par le réseau
naturel. Ces gens-là n'ont pas de réseau naturel; on essaye de
leur donner un réseau naturel.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, vous jumelez cette famille avec
combien de familles québécoises?
Mme Vento: Trois.
Mme Gagnon-Tremblay: Trois familles
québécoises.
Mme Vento: Parce qu'on essaie de voir dans ces trois
familles-là les besoins différents de cette famille. Par exemple,
si le monsieur est vétérinaire, on essaie de la jumeler avec un
vétérinaire et, en même temps, on trouve une famille
où il y a une mère avec des enfants, du même âge que
la mère, pour pouvoir savoir comment on fonctionne avec une otite.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Et ce jumelage dure combien de temps
environ?
Mme Vento: Un an.
Mme Gagnon-Tremblay: Un an. Et ça donne des
résultats quand même intéressants, j'imagine?
Mme Vento: On est en train de l'évaluer. On a eu l'aide
des étudiants de l'Université Laval pour faire une
évaluation d'impact parce qu'on n'avait pas eu ni la chance, ni la
possibilité de faire l'étude d'impact. Mais on a eu gratuitement
des remarques de professeurs du COFI qui disaient qu'ils voyaient la
différence entre ceux qui étaient jumelés et ceux qui ne
l'étaient pas.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Vento: Ça, c'est au niveau de la francisation. Au
niveau de l'emploi, on a même des cas où on a trouvé un
emploi à son protégé, mais il y a surtout cette mise dans
la réalité qui est très essentielle et l'éveil que
ça crée chez le Québécois aux différentes
cultures.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Vento.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-
Jacques?
M. Boulerice: Oui. Comme votre organisme travaille dans la
région de Québec où, possiblement, de toute
évidence, devrais-je plutôt dire, l'intégration est plus
facile, est-ce que vous pouvez me dire quelles sont les conditions,
d'après vous, qui font qu'un immigrant s'intègre bien...
Mme Vento: À Québec?
M. Boulerice: ...à la société d'accueil?
À Québec.
Mme Vento: À Québec, récupérer tout
de suite ses énergies en arrivant pour se mettre au travail pour
l'emploi, pour pouvoir transférer ses compétences dans l'emploi.
Deuxièmement, c'est faire un réseau d'amis, de personnes. On
n'aime pas une société parce qu'il y a une loi, on aime une
société parce qu'il y a Jacques, il y a Jeanne, qui sont fins et
qu'on aime. Alors, nous pensons que l'intégration passe par la relation
réelle entre les deux types de société.
M. Boulerice: Mme la ministre, tantôt, m'a donné un
exemple en disant: Dans le COFI, on apprend le français. Il faut qu'ils
apprennent à écrire. Elle a donné un exemple assez
savoureuse, savoureux pardon, je m'excuse - je parle d'apprentissage du
français et je fais une erreur au niveau de l'accord du qualificatif
mais, enfin, je pense que vous allez m'excuser - le professeur disait à
l'élève "pantoute" sauf qu'il devait aller au tableau et
écrire "pas du tout". L'exemple que me donnait Mme la ministre
était quand même assez significatif. Vous avez beaucoup
parlé de jumelage. Mme la ministre vous a interrogée
là-dessus. Je pense qu'on partage la même idée au niveau du
jumelage. Mais la question précise que j'aimerais vous poser dans ce
jumelage: Est-ce que vous croyez que ça a un rôle aussi, autant
sinon plus important peut-être que l'école, dans l'apprentissage
de la langue? (16 h 30)
Mme Vento: Définitivement, parce que les parents n'ont pas
la même chance que les enfants de vivre vraiment dans ce milieu. Le COFI
est un milieu d'apprentissage, mais c'est un milieu artificiel d'apprentissage.
Alors, il faut en plus du COFI avoir la réalité réelle du
français, telle que vécue. Une culture, ce n'est pas seulement
une langue, c'est apprendre à lire ensemble, et ça, il faut avoir
quelqu'un pour lire avec.
M. Boulerice: Les programmes actuels pour les femmes
immigrantes... Est-ce que vous vous êtes attardées à ce
sujet-là en termes de réflexion? Au niveau do la francisation,
esl ce quo c"est suffisant? Vous n'ignorez pas, Mme Vento, que,
malheureusement, trop souvent la femme immigrante se retrouve dans ce que l'on
appelle des ghettos d'emplois. Donc, l'apprentissage du français est
difficile, les conditions socio-économiques passablement basses, etc.
Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?
Avez-vous des commentaires?
Mme Vento: La loi 37 a eu un impact qu'elle ne soupçonnait
pas, l'impact d'intégration linguistique des femmes immigrantes. Je suis
sûre qu'au ministère, on ne le sait pas. C'est parce que ça
a forcé, entre guillemets, les femmes immigrantes à
réintégrer l'école, à aller apprendre le
français parce qu'on doit participer à l'un ou l'autre programme
d'intégration d'emploi. Alors les personnes qui étaient sur la
sécurité du revenu, ça a donné une impulsion qui a
aidé le couple à prendre la décision que la femme aille
à l'école; ça a aidé la femme à convaincre
le mari, quoi!
M. Boulerice: Ah!
Mme Vento: Alors, ça a eu un impact réel sur la
scolarisation francophone des femmes immigrantes à Québec, on le
perçoit très clairement.
M. Boulerice: Vous avez parlé dans votre mémoire -
j'essaie de trouver le mot - de sensibiliser les petites et moyennes
entreprises au sujet de l'apport de l'immigration. Comment voyez-vous
ça? La sensibiliser, Mme Vento, je pense que c'est un motif noble, mais
est-ce qu'on a l'assurance que cela débouche sur des actions
concrètes? Vous pouvez me sensibiliser sur l'importance de
l'immigration, mais l'assurance que je vous appelle dans trois semaines et que
je vous dise: Mme Vento, je recherche quelqu'un dans mon entreprise et j'ai
pensé à vous, est-ce que je pourrais vous voir demain? C'est
toujours très hypothétique.
Mme Vento: Ça me fait penser si vous me demandez si je
peux cuire un oeuf dans l'eau glacée. Je vais vous dire: Au moins,
mettons-là à zéro...
M. Boulerice: Ha, ha, ha!
Mme Vento: ...et peut-être qu'on va finir par cuire l'oeuf,
mais avec de la glace, ça me surprendrait.
M. Boulerice: Bon. Écoutez, il y a 500 ans qu'on a
découvert l'oeuf de Colomb et j'ose espérer qu'on va trouver la
solution bien avant ce moment-là. Je vous remercie beaucoup, Mme Vento
et Mme Anguelova, pour vos commentaires et votre participation à la
commission.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, il vous
reste une minute et quarante-cinq secondes pour clôturer.
Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, ma seule question, c'est
peut-être par un oui ou par un non. Compte tenu de l'importance pour la
femme aussi de s'intégrer sur le marché du travail parce qu'on se
rend compte que, souvent, ce n'est pas un caprice, mais c'est une
nécessité, parfois, dans un couple, d'avoir deux salaires surtout
lorsque c'est un couple qui arrive au Québec. Ça devient une
nécessité. Compte tenu de ça, ne croyez-vous pas que nous
devrons à l'avenir prendre aussi en considération la
capacité de la femme et non pas sélectionner en fonction
uniquement du demandeur principal, mais aussi toujours prendre en compte la
formation de la conjointe pour pouvoir mieux s'intégrer à la
société québécoise?
Mme Vento: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je vous remercie infiniment. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, mesdames. Au nom des
membres de cette commission, je tiens à vous remercier et vous
témoigner notre reconnaissance pour votre témoignage.
Ceci étant dit, je vais suspendre les travaux pour une minute, le
temps de permettre à l'intervenante suivante, Mme Marika Coulourides, de
venir s'installer. Alors, la séance est suspendue pour une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais à Mme Coulourides de bien vouloir se
présenter en avant. Alors, bonjour Mme Coulourides. Il nous fait plaisir
de vous accueillir à cette commission.
Je vous informe que vous avez une période de 10 minutes pour
exposer votre mémoire, et, par la suite, chacune des deux parties aura
10 minutes. Et nous mettrons fin à cette commission pour la
période de l'après-midi. Alors, madame, vous avez la parole.
Mme Marika Coulourides
Mme Coulourides (Marika): O.K. D'accord. Alors, je peux
commencer?
Le Président (M. Gobé): Allez-y, vous avez la
parole.
Mme Coulourides: Mme la ministre, M. le Président, membres
de la commission, je regrette, mais j'avais fait la recherche sur ce
papier-là en anglais, alors je lis en anglais, mais, les questions, vous
pourrez me les demander après en français. Ma mère
étant Française, il n'y a pas de trouble, mais pour la recherche
et tout ça, c'a été fait en anglais.
Le Président (M. Gobé): II n'y a pas de
problème, madame. Nous sommes dans un pays où les deux langues
officielles sont encore le français et l'anglais.
Mme Coulourides: O.K. D'accord. Compris. For the future of
Québec, it is imperative that we welcome more immigrants, since
according to the Economic Council of Canada, by the year 2040, the birthrate
would be too low for our economic needs. There would not be enough people of
working age to support the cost of social programs, including pensions and care
for the elderly, much less to make the economy grow. The ideal scenario would
be a high population growth assuming 2,17 births per woman and a rise in net
immigration in Canada of 120 000 people per year.
If in Québec we are therefore to accept more immigrants we must
take into account the policy of multiculturalism which seeks to improve
intergroup harmony by encouraging all ethnic groups in Québec to develop
themselves as vital communities. This enables the groups to gain cultural or
economic security plus high self-esteem.
The multicultural policy may be seen at three levels: actual policy
statements, the various components of the policy with their interrelationships
and the psychological analysis.
The actual policy within a bilingual framework aims to assure cultural
freedom for Quebeckers while helping to break down discriminatory altitudes and
cultural jealousies. The policy also seeks to avoid the assimilation of ethnic
groups by encouraging them to maintain and develop themselves as distinctive
groups within Québec society.
Secondly, the fundamental purpose of the policy is to increase
intergroup harmony and mutual acceptance of all groups which do maintain and
develop themselves.
Thirdly, it is realized that group development by itself is not
sufficient to lead to the social acceptance of the group or to intergroup
contact or sharing. Obviously, intergroup participation cannot be achieved
unless some common language is learnt. The policy encourages this approach, and
in Québec, is emphasizing French as a common language for intergroup
communications.
It is here that we start with policy statements regarding integroup or
assimilation, when a group does not want to maintain cultural distinctiveness
and moves increasingly towards
participation with the larger society, an assimilation or integration
pattern emerges in which a group retains its cultural integrity and, at the
same time, moves into an integral position within the larger society.
Language maintenance refers to a set of positive attitudes towards
retaining one's language of origin by transmitting its offspring and using the
language within the family and community; at the same time encouraging the
children to learn the inherited language as a means to preserve their own
culture, their ethnic identity and their religion. In order to achieve
intergroup relations, it is essential to have a common linguistic channel along
which to communicate.
There are two aspects of the official language learning as defined by
Dr. William Lambert in 1977 at McGill University involving two forms of
bilingualism.
Substractive bilingualism which occurs when individuals who learn a
second language do so under social, political or legal pressure, with the
result that in the long run there will be a loss of the mother tongue and
perhaps other aspects of culture.
Additive bilingualism occurs when individuals learn a second language in
order to increase their life opportunities; here, there is no threat to the
long term vitality of their mother tongue.
Motives for learning a second language are identified either as
"instrumental" or "integra-tive", and these are proposed as social
psychological models. The instrumental motive involves learning a second
language for occupational advancement, or actually to attain an occupation;
whereas the integrative motive for learning is to be able to join another
culture or group. Motives are very important in the success of second language
learning: when attitudes and motives are positive, achievement and proficiency
reach even greater levels.
The Multicultural Assumption within the policy states that "confidence
in one's own individual identity" can provide a basis for, "respect for that of
others and a willingness to share ideas, attitudes and assumptions". Here we
see two assumptions made: 1) That the group development and maintenance permit
a sense of confidence which will lead to acceptance by other groups, and to
tolerance; 2) that group development and maintenance permit intergroup
sharing.
Clearly, what must be promoted by the policy is a non ethnocentric pride
in one's group - one which recognizes the positive qualities, but also the
limitations of the group, the group's uniqueness and distinctiveness as well as
its similarities with others. Without intergroup contact, isolation and a lack
of perspective of one's qualities and defects will likely result, leading to an
ethnocentric pattern.
Recent research undertaken tested a promising new approach to intergroup
relations, namely the multiculturalism hypothesis. One research showed that
favorable feelings towards members of other ethnic groups are based on a sense
of cultural well-being and security with one's own cultural identity and
background. In other words one's gain in cultural security would generate an
appreciative and supportive attitude towards the attempts of any other groups
to become culturally secure.
The multicultural hypothesis poses a challenge to the previous less
optimistic hypothesis that people are basically ethnocentric - that is, one
ethnic group feels their group is superior to other groups, which are seen as
being less valuable, based on fear or envy of those other ethnic groups.
This research was an exploratory study which evaluated the relevance of
the multicultural and ethnocentric hypotheses for Greek Quebeckers. It dealt
with the feelings of Greek Quebeckers about their own ethnicity and attitudes
towards other ethnic groups in Québec and their willingness to interact
with others.
The testing consisted of 87 Greek Canadians who had arrived from Greece
approximately 22 years ago in Montréal. The average age was 44 years. 49
% of them had not finished high school. 16, 5 % had some college education and
34, 5 % had finished high school or technical school.
On the whole, men were more educated and half of the women were working.
The participants were couples with at least one child going to school.
Their salaries: 47 % made over $ 30 000 and 53 % made between $ 10 000
and $ 30 000.
I will read you some of the questions that were asked on the
questionnaire and, of course, in Greek. The questions asked to the participants
were as follows: Should cultural and racial minority groups in Québec
give up their traditional ways of life and take on the Québec way of
life or should cultural and racial minority groups in Québec maintain
their traditional ways of life as much as possible when they come to
Québec?
How important do you consider the maintenance of the Greek language?
How do you think Greek Quebeckers will rate economically in the
future?
How confident are you that your children will carry on the Greek
cultural traditions and the Greek language?
How confident are you that the Greek language and culture will be
respected in Québec over the next ten years or so?
The test was administered in Greek and the recipients were shown how to
rate the responses on a scale of one to seven. One being completely negative
and seven being completely positive.
Also a series of personal questions were asked,
including age, length of residence in Québec, level of education,
number and ages of children, and the extent of their religiousness.
No discussions were allowed between husband and wife during the
testing.
As we see on the overall, the questions were very favorable, they were
very positive, although the women rated a little higher then the men. We see
from the answers to question B they show that Greek Quebeckers wanted to keep
their language alive; but also to become fully Quebeckers. They realized they
must learn three languages.
Overall responses indicated that Greek Quebeckers rate their own
language more favorably than other groups, also that they find it unacceptable
to think of family or marriage without any group other than Greek. Of all the
other ethnic groups discussed, English and Italian Quebeckers are seen to be
the least unacceptable in this dimension.
The results also showed that Greek Quebeckers who have more education, a
higher degree of security, less religiousness and less ethnocentrism are more
willing to interact with other ethnic groups. In comparing male and female
responses, men felt that the economic health of one's family depends on
education and a lack of ethnocentrism, whilst women felt that the economic
standings of one's own family depended only on education.
It was also revealed that Greek Québec males whose families are
well placed financially in Québec expect other Greek Canadians to do
well; also and conversely those whose families fare poorly expect other Greek
families to do poorly. None of the Greek females shared this opinion.
On two counts then the Greek female Quebeckers responded with more
realism and less emotion when considering the foundation of their own family
and their own group's economic standing. Family success to these women is
education.
The aim of this study by Dr. Lambert (McGill 1977) was to explore
further the multi-culturalism hypothesis and its implications for intergroup
harmony or conflict.
Members of the Greek ethnic group tested who have attained cultural
security and who are free from the attitudes of ethnocentricism will be more
accepting and appreciative of other cultural groups.
The result is that Greeks who feel more economically and culturally
secure, having more ethnocentric qualities and religious beliefs, show strong
acceptance of other ethnic groups, but due to their economic situation did not
permit them to enter into social contact with other ethnic groups.
That social status and survival of one's own cultural group is
significantly dependent on religion and ethnocentricism.
That the more educated respondents become, the less ethnocentric and the
less religious they will be, and the more economically secure they will be.
That education could promote a willingness to interact with other ethnic
groups and to attribute favorable positive evaluation traits to other groups.
This should be programmed into the education of Greek immigrants, but also
other immigrants arriving to Québec.
In conclusion, they displayed a very strong rejection of an assimilation
option and an equally strong desire to maintain their culture and language in
Québec.
Greeks want to retain their culture and language and be part of the
mosaic; they do not want to integrate or be part of the Québec society.
They do not want to assimilate with other ethnic groups for fear that their
children woutd lose the Greek culture and language by entering into intergroup
marriages. Greek parents do not understand the problems that their children are
facing in Québec - an environment which is so different from the Greek
reality that they left behind when they emigrated from Greece.
As recommended at the founding of the Hellenic Canadian Congress on
April 21, 1986, it is necessary that Greek Canadian youth integrate into the
Québec socioeconomic reality rather than forming social ghettos and that
they progress naturally into Québec society.
Greek youths are more likely to accept the Greek culture, and value it
more readily if they are not forced to comply.
Since youth is the survival of the Greek culture and language that the
Greeks want to preserve, then we must give youth a sense of belonging and power
within the community and organizational structure so that they will continue to
love Greece, its history, culture, traditions and language.
It is by giving this to the youth that they will have a positive feeling
about themselves and therefore accept other cultures. Only through positive
acceptance of themselves can they integrate with those other cultures.
If you are to accept immigrants in the future in Québec, in order
to safeguard the future and continue economic growth, one must be aware that
for these immigrants to integrate into Québec society, they must feel
positive about themselves. Thank you. Merci.
Le Président (M. Gobé): Thank you very much, Mrs.
Coulourides. Maintenant, je vais passer la parole à Mme la ministre de
l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Gobé): Vous avez une
période de 10 minutes. Par la suite, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Alors, madame, selon
l'hypothèse multiculturelle dont vous nous avez parlée, la
fierté de ses origines constitue une base fondamentale pour
s'intégrer à la société d'accueil. On sait
qu'historiquement, la communauté grecque a toujours été,
je crois, très fière de ses origines. Mais pourtant, selon
l'étude que vous avez citée - c'est vrai que c'est de 1977 - les
mariages avec des personnes des autres communautés semblent plutôt
mal acceptés dans la communauté grecque. Ne croyez-vous pas que
la fierté de ses origines, tout en étant nécessaire, bien
sûr, n'est pas une condition suffisante pour assurer une bonne
intégration, mais que le sentiment d'appartenance, cependant, est
très important? Est-ce que vous pouvez vous exprimer
là-dessus?
Mme Coulourides: Vous dites sentiments, "feelings". On doit
dire...
Mme Gagnon-Tremblay: Je parle de sentiment d'appartenance au
Québec.
Mme Coulourides: Oui, mais je pense qu'ils ont peur de la
famille... Disons, les grecs, ils ont peur, premièrement, de la langue;
ils ont peur de la religion, ils ont peur de perdre leur enfant à une
autre culture, à un autre monde. Alors, pour eux, la famille est
très, disons, c'est très... Justement, spécialement si
leurs parents et leurs soeurs sont en Grèce. Alors, tout ce qu'ils ont,
au Canada et au Québec, c'est leurs enfants. Alors si, par mariage, ils
perdent leur fils et perdent leur fille à une autre religion, une autre
culture ou quelque chose comme ça, pour eux, ils ont vraiment perdu un
enfant. C'est très très fort chez les Grecs.
Je voulais vous dire que l'étude a 50 pages, mais c'est
très intéressant. Comme je l'ai lu, concernant la culture, les
gens qu'ils vont plus accepter sont les Italiens, disons, parce qu'ils sont
près d'eux. Ils parlent un peu la langue, l'anglais, et les Anglais.
Alors, ils acceptent le mariage entre Italiens et Grecs. Pour moi, je suis
surprise parce que c'est deux religions différentes: grecque orthodoxe
et catholique. Ça marche mal, mais ils acceptent ça. Ils viennent
d'accepter ça. Depuis que le "papier" a été écrit,
dans la colonie grecque, on a plusieurs "inter-marriages". Maintenant, on voit
des enfants qui quittent leurs parents et disent: Non, non, je veux me marier
avec cette personne-là. Alors, la chicane et la bagarre commencent. On a
des cas comme ça.
Mme Gagnon-Tremblay: Ne croyez-vous pas, justement, que la peur
d'avoir peur peut, à un moment donné, avoir un impact sur une
intégration réussie? Là, je laisse de côté la
question des mariages entre personnes différentes, mais je pense, par
exemple, aux origines, à la fierté des origines. C'est qu'on peut
être fier de nos origines, mais, cependant, si on veut, je ne sais pas,
vraiment avoir cette intégration réussie au Québec, ne
faut-il pas, en plus d'avoir la fierté de ses origines, parce que je
pense qu'on ne peut pas nier ça à personne, avoir un sentiment
très fort d'appartenance au Québec? Il faut vraiment être
fiers aussi d'être Québécois.
Mme Coulourides: Oh! sur ça, maintenant, on voit, depuis
les derniers 10 ans, que les enfants ont appris le français. Ils ont des
vues "positives", comme je le dis. On dit "positive". Comment on pourrait dire
ça en français?
Mme Gagnon-Tremblay: Positives.
Mme Coulourides: Positives? Même chose? O.K. Positives vers
le français. Moi, je vais vous dire, dans mon temps, je ne voyais pas
qu'on allait à l'école grecque. Mais maintenant, disons que les
choses ont changé. Je trouve que dans 10 ans, on va voir d'autres
changements. Et je vois qu'une autre étude devrait être faite sur
ça par l'université. Je voulais m'embarquer, les prochaines
années, pour voir s'il y a vraiment un changement sur ça.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'il y a des mesures qui vous
apparaissent pertinentes pour favoriser le rapprochement de la
communauté grecque avec la communauté francophone et
l'établissement de relations intercommunautaires harmonieuses?
Mme Coulourides: Les relations... Je n'ai pas entendu.
Mme Gagnon-Tremblay: L'établissement de relations
intercommunautaires harmonieuses.
Mme Coulourides: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que, pour vous, il y a des mesures
qui paraissent plus pertinentes pour favoriser ce rapprochement de la
communauté grecque avec la communauté francophone?
Mme Coulourides: Je ne vois pas qu'il y a un grand rapport entre
les francophones et les Grecs. J'aurais aimé plus de rapports que
maintenant.
Mme Gagnon-Tremblay: Et comment peut-on faire ce rapprochement,
d'après vous?
Mme Coulourides: Premièrement...
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez des suggestions?
Mme Coulourides: ...on devrait approcher les Grecs qui sont
éduqués - moi, je trouve - parce qu'ils ont le respect dans la
colonie grecque, à Montréal. Disons que ce seraient les
psychiatres, les docteurs ou les ingénieurs, qui ont un peu le respect,
et les gens écouteraient ce qu'ils diraient, premièrement, la
première chose. Si on peut contacter ces gens-là à travers
la société "graduée" qu'il y a à Montréal
et, après ça, approcher la société
"graduée", disons, des professionnels, des diplômés
professionnels d'université, c'est à eux, après ça,
d'approcher la communauté grecque, je pense.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, si je comprends bien votre
pensée, c'est à travers l'élite grecque que l'on pourra
réussir à faire davantage ce rapprochement avec la
société francophone.
Mme Coulourides: Et aussi à travers le "Hellenic Canadian
Congress", le Congrès hellénique canadien. Il y a un chapitre
québécois et un chapitre grec aussi à
Montréal...
Mme Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Coulourides: ...qui est le lieu et dans la colonie grecque.
Il y a des professionnels qui sont là, des avocats et même des
professeurs de l'Université de Montréal. Ce sont eux qui peuvent
approcher, après ça, le peuple grec de Montréal ou la
colonie grecque, on doit dire, c'est mieux.
Mme Gagnon-Tremblay: J'ai rencontré la communauté
hellénique. Je l'ai rencontrée récemment, et on a entendu
des personnes qui sont venues ici, et j'ai quand même senti une
ouverture. Ces personnes, de plus en plus, apprennent le français
maintenant, aussi.
Mme Coulourides: Oh oui!
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, on voit vraiment une volonté
de se rapprocher davantage de la communauté francophone.
Mme Coulourides: Oh oui! Il y a ça, oui. Mme
Gagnon-Tremblay: Merci, madame.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Couiourides, je suis curieux, mais quelquefois
il peut arriver que ma mémoire flanche. N'avez-vous pas un lien de
parenté avec l'ancien consul général de Grèce?
Mme Coulourides: Oui, c'était mon père.
Malheureusement, il est décédé en décembre
1989.
M. Boulerice: Votre père est décédé,
madame.
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: Vous m'en voyez désolé. J'ai eu
l'immense plaisir de le connaître. Je pense qu'il n'y avait pas un homme
plus amoureux du Québec que monsieur votre père.
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: Je crois d'ailleurs avoir eu aussi le plaisir de
dîner chez vous, avant de se rendre au centre communautaire
hellénique où - et voilà ma question, Mme
Coulourides...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...le sénateur Gigantès avait dit que
le multiculturalisme avait été quelque chose d'inventé par
Pierre Elliott Trudeau pour faire accepter aux Ukrainiens que le
français était la deuxième langue officielle au Canada et
non pas l'ukrainien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ce qui m'amène à vous poser comme
question, chère amie: Est-ce que la politique fédérale de
multiculturalisme est respectueuse du caractère distinct du
Québec ou bien si cette politique demande des ajustements pour en tenir
compte?
Mme Coulourides: Ça a besoin d'ajustements. M.
Boulerice: Mais de quel type?
Mme Coulourides: II y a beaucoup de choses. Sur quel aspect vous
voulez qu'on discute? Sur la psychologie? Il y a beaucoup de choses.
Psychologiquement, je vois la question de l'enseignement de la langue. Je vois
aussi l'intégration des Grecs dans le milieu francophone. Il y a
beaucoup de choses qu'on peut discuter. Sur la question de la langue, moi, je
suis très forte avec la manière du "Immersion French Program". Je
suis très forte sur ça. Quand il y a des "positive attitudes"...
Je vais le dire en anglais, je ne sais pas tellement. On peut dire "positive
attitudes" en français aussi?
Des voix: Oui.
Mme Coulourides: O.K. D'accord, merci. Alors, quand il y a des
"positive attitudes", des Grecs vont apprendre le français, mais quand
il n'y en a pas, alors ça ne s'apprend pas bien. Quand il y a disons,
des "positive attitudes" entre une famille grecque et une famille canadienne,
alors, ils vont s'aimer, ils vont se parler, mais quand il n'y a pas ces
"positive attitudes",
ça ne marche pas. Et on peut voir avec les résultats et
les commentaires, dans le "testing" que le Dr Lambert a fait, qui est un assez
grand "papier"... il a fait ces recherches-là pendant cinq années
à McGill. (17 heures)
M. Boulerice: Mme Coulourides, pour ce qui est des
Québécois d'origine hellénique...
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: ...6 % considèrent la langue
française comme la langue où ils sont le plus à
l'aise.
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: 5 % emploient le français à la
maison. 11 % emploient le français comme langue de travail. C'est quatre
fois moins que la communauté italienne. 5 %, la langue des contacts
amicaux. Cinq fois moins que la communauté italienne. Journal lu le plus
souvent en français, 11 %. Quatre fois moins encore. Je fais la
comparaison avec la communauté italienne parce que ce sont les deux plus
importantes communautés au Québec. Pour ce qui est de la radio
française, seulement 10 %. Je suis presque tenté, mais n'y voyez
pas de méchanceté, de dire que j'écoute bien plus, moi,
89,5 sur la bande FM qu'on écoute peut-être 98,5. À la
télévision, c'est 3 %.
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: Et je vois à la page 9, vous dites: "As we
recommended at the founding of the Hellenic Canadian Congress, it is necessary
that the Greek Canadian youth integrate into the Québec socioeconomic
reality rather than forming social ghettos."
Je pense, à mon point de vue, qu'on aurait dû ajouter
"social, economic and cultural reality rather than forming social ghettos".
Face aux chiffres que je viens de vous donner, il y a une drôle de pente
à remonter, hein?
Mme Coulourides: II y a une drôle de quoi? M. Boulerice:
De pente. Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: Et quelles sont les mesures que la
communauté hellénique prend actuellement pour en arriver à
cet énoncé très formel que la communauté
hellénique a pris lors de la fondation de son association?
Mme Coulourides: En ce moment, ils essaient, disons, avec leurs
enfants, de pousser leurs enfants. Les Grecs sont toujours, même en
Grèce et ici, très forts sur l'éducation. Ils poussent
leurs enfants pour apprendre le français, l'anglais et le grec. Ils ont
les trois, mais, à ce moment-ci, les parents grecs sont pour les trois
langues. Et même ils ont fait une étude dans tout le Canada,
récemment, et ils vont montrer que les Grecs sont forts pour la langue.
Ils veulent que les enfants... Ils vont même payer des cours
spéciaux pour que l'enfant apprenne le français, le grec et
l'anglais. Il n'y a pas question de ça.
Mais je trouve que, aussi, moi-même, je vais vous dire la
vérité. Moi, j'avais un nom grec, mais les Canadiens
français ne nous ont pas accepté dans les écoles
catholiques, il y a longtemps. On devait aller à l'école
protestante.
Alors, ma mère avait la langue française. On a appris le
français à la maison, mais parce que j'étais
baptisée grecque orthodoxe et parce que j'avais un nom grec, on
était forcés d'aller dans le système protestant. Alors
maintenant, moi, je trouve que le grand problème, à
Montréal, spécialement... Les mamans de 60 ans, 70 ans et 50 ans
ont été forcées au commencement du siècle,
après la première guerre et après la deuxième
guerre, quand sont venus les Grecs immigrants, d'aller au "Protestant School
Board". Alors, là, elles ont appris l'anglais. Alors, maintenant
peut-être que les petits-enfants vont à l'école
française mais la grand-maman ne va pas parler le français, et ce
n'est pas parce qu'elle n'a pas voulu parler le français, mais c'est le
gouvernement qui leur a dit d'aller au "Protestant School Board". Alors, ce
n'est pas de ma faute si, moi, j'ai eu mon enseignement à l'école
anglaise parce que ma mère a essayé au Sacré-Coeur, mais
on a dit: Non, vous êtes grecs orthodoxes, alors, vous n'êtes pas
acceptés. Et je pense que c'était seulement dans les
années 1965, 1970 que la loi a été changé. Et on a
laissé les grecs orthodoxes s'infiltrer un petit peu dans la commission
catholique. Alors, ce n'est pas ma faute. Moi, je voulais apprendre le
français, aller à l'école française. C'est votre
faute.
M. Boulerice: Peut-être par hérédité,
Mme Coulourides, oui, je suis bien d'accord avec vous, mais de toute
façon, ma position et celle de mon parti est très connue. Il
s'agit d'écoles linguistiques et non pas d'écoles
confessionnelles, puisque cela nous a causé bien des problèmes,
mais comment m'expliquez-vous, Mme Coulourides, que la communauté
hellénique s'identifie beaucoup plus à la communauté
anglophone qu'à la communauté francophone?
Mme Coulourides: Parce que, disons...
M. Boulerice: Mais après quand même... Oui, je sais
qu'il y a eu un passé lourd que nous assumons.
Mme Coulourides: Oui.
M. Boulerice: Mais il y a eu quand même là de
nouveaux arrivants.
Mme Coulourides: Je vais vous dire la vérité. Quand
le ministre de la culture, M. Godin était là, on avait plus de
contacts avec les
Canadiens français qu'on a maintenant, parce que
M. Godin était vraiment respecté et on l'aimait beaucoup.
Est-ce qu'on va me mettre à la porte bientôt?
M. Boulerice: Non. Mme Coulourides: O.K.
M. Boulerice: Madame, on ne peut empêcher un coeur
d'aimer.
Mme Coulourides: O.K. D'accord. Même l'association Cretoise
sur l'avenue du Parc a beaucoup aimé M. Godin. Alors, ils ont eu
beaucoup de respect. Je pense que, pour eux, une personne comme M. Godin, un
membre de l'Assemblée nationale, "MNA", qui doit s'approcher, comme M.
Godin, et trouver les Grecs et avoir les résultats de M. Godin parce
qu'il les a trouvés... Il a besoin aussi de vous, de venir chez vous et,
nous, on devait venir chez vous. Mais ça prend les deux pour qu'on se
rencontre.
M. Boulerice: J'attends une prochaine invitation au Centre
hellénique sur Côte-Sainte-Catherine, Mme Coulourides.
Mme Coulourides: Qu'est-ce que vous avez dit?
M. Boulerice: J'attends votre prochaine invitation au Centre
hellénique sur Côte-Sainte-Catherine.
Mme Coulourides: Oui. Alors, je vais vous inviter. Pour
sûr.
M. Boulerice: Je conclurai après.
Le Président (M. Gobé): Vous conclurez, monsieur...
C'est parce que c'est terminé.
M. Boulerice: Ah bon! Écoutez, ce que je...
Le Président (M. Gobé): Vous avez le mot de la fin,
et Mme la ministre...
M. Boulerice: Le mot de la fin. Je sortirai du débat qui
nous concerne, Mme Coulourides, pour vous dire que vous m'avez appris la
nouvelle. Malheureusement, je ne l'ai pas su à temps, mais je vous avoue
ressentir un profond chagrin à l'annonce du décès de votre
père. C'était un homme de conviction, c'était un homme de
courage. Je connais bien les gestes qu'il a posés. C'était un
homme de très grande culture. Je pense qu'il était un très
grand Québécois, puisqu'il avait choisi de rester et de vivre au
Québec. Au moment où la dictature militaire s'est
installée en Grèce, il a eu le courage de démissionner et
de respecter la légitimité. Je peux vous dire que, sans doute, ce
deuil est encore très présent chez vous et que je le partage, Mme
Coulourides.
Mme Coulourides: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Maintenant, Mme la
ministre, sur ces paroles du député, si vous voulez conclure.
Mme Gagnon-Tremblay: II ne me reste qu'à vous remercier,
madame. J'ai compris aussi que, suite à cette étude de 1977, vous
poursuivez ou vous aviez l'intention, peut-être, d'y apporter des
études un peu plus récentes, de travailler sur des
documents...
Mme Coulourides: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: ...plus récents, alors vous
comprendrez que nous accueillerons toujours favorablement d'autres suggestions
ou d'autres études du genre. Merci beaucoup, madame.
Mme Coulourides: Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme Coulourides, au nom des
membres de cette commission, je tiens à vous remercier et je vous
prierai de transmettre les salutations de ces mêmes membres à
l'ensemble de votre communauté. Sur ce, je vais suspendre les travaux de
cette commission jusqu'à 20 heures ce soir en cette salle. Bon
appétit.
(Suspension de la séance à 17 h 9)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît,
mesdames et messieurs! La commission de la culture va maintenant reprendre ses
travaux. Je vous rappellerai brièvement le mandat de la commission qui
est de procéder à une consultation générale sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration intitulée "Au Québec pour bâtir
ensemble" ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les
années 1992,1993 et 1994.
Nous allons maintenant entendre au cours de la soirée la Table de
Concertation des organismes de Montréal au service des
réfugiés, de 20 heures à 21 heures, et, de 21 heures
à 22 heures, la Ligue des droits et libertés.
Alors, je demanderais aux représentants de fa Table de
Concertation des organismes de
Montréal au service des réfugiés de bien vouloir
prendre place en avant et à votre porte-parole de bien vouloir
présenter très brièvement votre groupe et les gens qui
sont autour d'elle. Vous pourrez aussitôt après commencer la
présentation de votre mémoire. Je vous rappelle que vous avez un
maximum de 20 minutes, et, advenant que vous le dépassiez, je vous ferai
un petit signe qui voudra dire "deux minutes", et ceci, pour vous permettre de
conclure rapidement. Alors, vous avez maintenant la parole.
Table de Concertation des organismes de
Montréal au service des réfugiés
Mme Augenfeld (Rivka): Merci beaucoup, M. le Président. Au
nom de la Table de Concertation de Montréal pour les
réfugiés, je vous remercie pour l'occasion que vous nous donnez
de comparaître devant vous. Mme la ministre est venue récemment,
au mois de novembre, nous voir à la Table, à notre réunion
mensuelle. Alors, je pense que vous avez eu l'occasion de voir un peu
l'envergure des groupes qui siègent autour de la Table.
Je vais prendre pour acquis que tout le monde a lu notre mémoire
et je ne vais pas le relire, mais plutôt le commenter. Juste
peut-être en commençant, vous dire qu'on est un regroupement, une
table de concertation qui existe depuis 11 ans, depuis 1979. On fait des
réunions mensuelles, on est là depuis tout ce temps-là, je
crois, parce qu'il y a un besoin pour les organismes membres d'avoir une table
qui nous rejoint, et aussi je pense qu'il y a un besoin dans la
société d'avoir ces groupes réunis pour pouvoir dire
certaines choses à la société et faire notre part dans
tout ce qui est la sensibilisation et l'éducation du public au sujet des
réfugiés.
Je vous présente, en commençant, mes collègues. Il
y a à ma gauche Mme Mathilde Marchand, qui travaille depuis longtemps au
Centre social d'aide aux immigrants, qui est un des organismes les plus anciens
à Montréal qui travaillent à l'intégration des
réfugiés et des immigrants; soeur Denise Lainé, à
ma droite, qui travaille à l'Alliance intercommunautaire du parrainage.
Toutes les deux avec moi, on représente ce soir la Table de Concertation
comme telle.
Je vais faire une revue générale de notre mémoire,
et ensuite, pendant quelques minutes, Mme Marchand va parler plus
spécifiquement de la question de ce qu'on appelle le "backlog", les
personnes en arriéré. Soeur Denise aura quelques mots à
dire sur la question du parrainage.
Pour commencer, comme on n'a pas beaucoup de temps et comme on vous l'a
dit, on est très heureux de voir le ton du document, de
l'énoncé de politique, comme on le dit dans notre
présentation, de voir un peu le ton et cette acceptation de cette
société nouvelle qu'on est en train de bâtir ensemble.
Cependant, on voudrait s'arrêter sur quelques points qui nous semblent
quand même troublants.
Ce que je voudrais faire remarquer aussi, c'est que j'espère que
ce qu'on a à dire va être pris dans le sens dans lequel on vous le
donne, dans un esprit de coopération pour améliorer la situation
pour les réfugiés et pour notre société d'accueil,
et que nos critiques, parce qu'il y en a, des critiques, vont être prises
dans cet esprit. Nous croyons que le rôle des ONG, le rôle du
secteur privé n'est pas seulement de donner des services à la
clientèle, mais aussi, au moment nécessaire, de faire partir des
consultations pour l'amélioration des programmes et, parfois aussi, de
critiquer des choses qui, on le croit, pourraient être
améliorées. Alors j'espère que ça va être
pris dans le sens positif que c'est offert.
Nous sommes très préoccupés par la question des
réfugiés, que ce soit la question de sélection à
l'étranger, que ce soit la question d'un revendicateur sur place. Nous
voudrions vraiment souligner que l'on n'accepte pas l'idée que les
réfugiés soient sélectionnés sur des
critères d'admissibilité qui sont normalement appliqués
pour les immigrants; c'est difficile pour nous de voir, dans
l'énoncé de politique, un commentaire sur les
caractéristiques des pays d'origine des réfugiés. Pour
nous, si on parle de sélection des réfugiés à
l'étranger, c'est toujours le besoin des réfugiés qui
devrait être primordial et non pas les critères
d'admissibilité qu'on applique normalement aux immigrants. C'est le
besoin du réfugié, le besoin de protection, le besoin de pays
d'asile qui devrait toujours primer, et qu'on fasse tout, à ce
moment-là, pour raccourcir les délais, pour prendre les plus
démunis.
En ce qui concerne les requérants sur place, là aussi, je
pense que, comme on le mentionne dans notre mémoire, les personnes qui
nous arrivent depuis 1989 se font accepter par le système canadien en
très grand nombre, en majorité; à peu près 80 % des
personnes qui arrivent maintenant de pays où il y a des abus et des
violations flagrantes des droits humains, des droits de la personne, se font
accepter en grand nombre. Alors, il nous semble que l'idée que certaines
personnes ou la plupart de ces personnes viennent pour abuser de notre
système, c'est une idée qui ne marche plus. La plupart de ces
personnes-là ont besoin d'un pays d'asile et, si elles viennent chez
nous faire leur demande sur place, c'est parce qu'elles n'ont pas un autre
endroit où le faire. Un ancien haut commissaire pour les
réfugiés à Genève a qualifié un certain
groupe de personnes maintenant comme les "jet people"; c'est aussi logique
maintenant de prendre un avion et de faire le tour du monde pour trouver un
pays d'asile que d'essayer de traverser à pied 1000 kilomètres de
désert. Alors les gens nous arrivent ici parce qu'ils ne trouvent pas
d'autre moyen de faire une demande
d'asile ailleurs. C'est une illusion de penser que ces gens-là
peuvent s'arrêter quelque part et faire tranquillement une demande dans
une ambassade ou un consulat canadien. Ce n'est pas possible. Et plus les
portes se ferment partout plus ils viennent chez nous. Et nous, comme partie de
notre obligation internationale... Je pense qu'on souhaite que le Québec
veuille aussi, en prenant sa place dans le monde, assumer toutes ses
obligations internationales, ses obligations morales d'ouvrir les portes. Pas
à n'importe qui, mais quand même qu'il reconnaisse qu'on a un
devoir de protection et qu'on a le devoir d'offrir un asile aux personnes qui
arrivent chez nous et qui, selon notre système, se font accepter. Et
qu'on n'aille pas en vouloir à ces personnes d'avoir choisi
elles-mêmes le Canada, et le Québec plus particulièrement,
comme pays d'asile et qu'on les accepte comme des personnes qui sont dignes de
notre protection.
Soeur Denise va, comme je l'ai dit, parler du parrainage plus
particulièrement. Je voudrais dire que la Table et les organismes de la
Table veulent jouer leur rôle, mais ça prend des ressources pour
travailler comme il faut. Une table de concertation, c'est nécessaire,
mais pour que ça fonctionne, il faut que nos membres individuels soient
vivants, aient une certaine stabilité pour pouvoir faire leur travail.
Et on espère que, dans les détails des programmes et des plans
d'action qui s'en viennent, on va tenir compte de ces besoins pour que les
organismes puissent bénéficier d'une certaine stabilité
pour pouvoir faire ce travail qui est devant nous. C'est un grand défi,
mais j'espère qu'on pourra collaborer pour le faire.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Marchand pour parler
plus longuement de la question du "backlog" et de la réunification des
familles.
Le Président (M. Gobé): Mme Marchand, vous avez la
parole.
Mme Marchand (Mathilde): Bonsoir. Au risque de
répéter un peu des choses qui ont déjà
été dites à des rencontres précédentes - je
fais un peu allusion à la conférence de presse que nous avons eue
en décembre dernier - il y a quand même des sujets qui sont...
C'est une question vitale, pour nous qui travaillons auprès des
réfugiés, on sait très bien que d'après la
législation, la loi, le domaine des réfugiés est un
domaine sacro-saint au fédéral. Mais il y a quand même une
place pour que le Québec y joue un rôle efficace et
bénéfique, dans le cas du "backlog" précisément. Ce
sont des gens qui, après quatre ans, bientôt cinq ans, ont acquis
les habitudes de vie du Québec, ont appris le français, se sont
intégrés, ont travaillé, et tout ça.
Cette situation de languissement, de laisser pourrir une situation,
devient tellement intolé- rable qu'on rencontre des cas de plus en plus
fréquents de dépression nerveuse, et même, ça peut
aller jusqu'à la solution finale de s'enlever la vie. Ça s'est
vu. Ce n'est pas du tout du chantage, ce n'est pas du jaunisme. C'est la
réalité que nous vivons. Alors, nous aimerions, ce soir, demander
encore plus fortement, plus chaleureusement au gouvernement du Québec de
bien se pencher sur cette question et de nous aider à convaincre le
fédéral qu'il faudra bientôt, le plus vite possible,
envisager un règlement global pour ces gens qui sont pour la plupart
acceptés en grande majorité. Quand on fait, quand on
dépouille, quand on dépèce le dossier, on se rend compte
qu'à 92 %, ils sont acceptés. Alors, je crois que c'est une
évidence que tout le monde reconnaît, sauf peut-être les
intéressés, que cette situation est devenue intenable, intenable
pour eux les victimes d'abord, et pour nous les intervenants qui n'avons plus
de moyens, qui n'avons plus d'arguments, qui n'avons plus de potion magique
à donner pour que l'espérance continue à tenir ces
gens-là en vie.
Il y a, à l'intérieur de ce dossier, quelque chose
d'encore plus triste et affligeant, c'est la réunification des familles.
Quand on sait qu'on prend quatre ans et demi pour accepter quelqu'un dans ce
fameux règlement de l'arriéré et qu'il faut ajouter
à ça une année et parfois deux ans pour faire venir femme
et enfants, vous vous rendez compte dans quel état de dégradation
se retrouve ce couple, cette famille. Alors là aussi, évidemment,
le Québec n'a pas tout pouvoir en ce sens, mais il y a quand même
des délégations à l'étranger. Il y a cette
situation dramatique de la guerre dans le golfe qui rend encore davantage
pénible la situation de ces gens, mais pour toutes les
délégations qui fonctionnent encore bien et où on peut
faire pression, on demande l'appui du Québec. C'est notre cri d'alarme
et notre demande que nous vous faisons ce soir, là. (20 h 15)
Le Président (M. Gobé): C'est bien, madame.
Mme Laine (Denise): Je vais commencer en citant une phrase que
j'ai recueillie dans l'énoncé de politique. "La participation
active de la population dans l'accueil aux réfugiés
s'avère un des éléments majeurs de leur
intégration. Le gouvernement appuiera davantage les efforts de divers
groupes et individus dans ce domaine." Je crois que c'est très vrai, et
nous nous réjouissons de ce désir d'augmenter la
possibilité pour des groupes privés ou des institutions de
parrainer. Mais je peux vous dire qu'en ce moment, à l'intérieur
de la population, surtout à Montréal, les groupes de parrains se
font très rares et qu'il n'y a aucun enthousiasme face à cette
activité pour plusieurs raisons.
Alors, si on veut recommencer à donner un élan à
cette participation, je pense qu'il y a une
analyse actuelle des faits qui devra être poussée en
profondeur. Vous aurez peut-être, à l'intérieur du
ministère même, à faire une réorganisation, mais,
à l'extérieur, il y a des situations qui font que les groupes ne
sont plus animés pour faire ça, parce qu'il n'y a pas de
politique définie qui pourrait les encourager dans ce domaine face aux
réfugiés qu'ils désirent parrainer; il n'y a pas de
dialogue entre les groupes parrains et le ministère au sujet, par
exemple, d'une longueur interminable ou bien d'un refus. Il n'y a pas de
dialogue, alors les groupes se trouvent face à un mur, se
découragent et se désorganisent.
Je pense que ce sera quelque chose de très important à
regarder avant de vouloir former des groupes. Il y a actuellement quelques
institutions, même des institutions religieuses, il y a aussi des groupes
ethniques qui sont très actifs dans ce domaine, mais, pour les groupes
privés, je pense qu'il y aura un gros travail à faire. Ça
a été fait dans les années quatre-vingt. Il y a eu un
immense succès face à cette méthode, et je crois qu'on
peut continuer et étudier vraiment la situation et qu'on peut retrouver
des groupes qui pourraient s'engager, peut-être pas dans la même
formule qu'avant, mais on peut trouver une formule de collaboration. Les
groupes attendent seulement d'être vraiment certains de la politique et
du travail qu'ils auront à faire.
Il y a aussi le fait qu'à l'époque, on avait une certaine
émulation. S'il y avait un certain nombre de parrainages privés,
il y avait un certain nombre de personnes qui étaient ajoutées au
quota. Ça, on ne peut pas dire que ça joue maintenant. Et on nous
demande: Mais qu'est-ce que ça donne aux gens si, nous, on parraine? On
aime mieux les aider quand ils arrivent, parce que cette promesse ou cette
entente-là n'a pas été respectée d'une façon
très très rigoureuse.
Alors, je crois que, et pour les réfugiés et pour les gens
d'ici, c'est une méthode qui est très dynamique pour
l'intégration, mais encore faudrait-il ne pas décevoir les
groupes par des refus ou des attentes trop longues.
Mme Augenfeld: Est-ce qu'on a encore 2 minutes sur les 20
minutes?
Le Président (M. Gobé): Oui. Allez-y, je vous en
prie.
Mme Augenfeld: C'était pour ajouter peut-être la
chose suivante. Je pense que, comme Mme Marchand a dit, on est très
conscient - on est là-dedans depuis des années - du rôle du
Canada et des juridictions respectives du Canada et du Québec. Mais dans
toutes nos revendications fédérales, on a toujours demandé
au Québec, aux différents gouvernements, de nous appuyer dans nos
demandes pour que les programmes, les mesures et les lois soient plus
humanitaires, plus justes, plus penchés vers la question de la
protection et de la réunification des familles pour alléger le
processus, pour aller dans le sens d'assumer notre rôle et nos
responsabilités dans le monde. Alors, c'est pour ça,
peut-être, qu'on est déçu quand on voit que ce qu'on
reproche au Canada dans l'énoncé, c'est que les mesures
n'étaient pas assez dissuasives. Ce n'est pas une solution au
problème des réfugiés, que nous, le Canada, on trouve
comment les empêcher même d'arriver à nos portes. C'est
évident que les 15 000 000 de réfugiés ne peuvent pas tous
arriver ici; ils ne veulent même pas tous arriver ici. Mais ceux qui
arrivent à nos portes ont le droit, et nous, on a l'obligation de les
entendre et de les traiter comme il faut. Et on espère qu'on pourra
toujours compter sur le gouvernement du Québec et les instances du
Québec pour nous appuyer.
L'autre chose que je voudrais vous dire, c'est que, très souvent,
les ONG qui sont sur le terrain depuis très longtemps... Les personnes
qui sont ici devant vous, entre nous tous, on a peut-être plus
d'années d'expérience qu'on voudrait l'admettre. Alors,
très souvent, en vertu de cette expérience du terrain, quand on
nous propose des programmes, on peut vous dire si ça peut marcher ou
pas. C'est pas juste des théories. Et, à plusieurs reprises, on a
dit: Ce programme ne va pas marcher. Pour le programme administratif, pour ce
fameux "backlog", quand on nous a annoncé le programme, en 1989, en nous
disant que ça va prendre deux ans, en le regardant, en sachant la
capacité du côté du gouvernement, du côté des
organismes, on a dit: Ça ne va pas marcher, pas parce qu'on ne voulait
pas que ça marche. Nous, notre intérêt, c'est de
régler les situations de tous ces requérants. Et, malheureusement
et tragiquement, il s'est avéré qu'on avait raison et que,
maintenant, c'est une telle incohérence administrative que, finalement,
peut-être il y aura d'autres mesures. Alors, on vous prie aussi
d'accepter qu'on partage avec vous notre expérience pour
améliorer et les programmes et les règlements et les
pratiques.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, madame.
Le temps imparti pour votre mémoire est maintenant épuisé.
Je vais demander à Mme la ministre pour une période de 10
minutes...
Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, mesdames, pour votre
présentation. Je vais passer immédiatement aux questions, compte
tenu que le temps à notre disposition n'est pas tellement long. En 1990,
le Québec a accueilli près de 7600 réfugiés ou
personnes en situation de détresse, tant, par exemple, à
l'étranger que sur place, et ce chiffre représente presque 19 %
du total global pour 1990. Et, bien sûr, ça, ça ne tient
pas compte, là, des quelque 1000 revendicateurs du statut de
réfugié que le Québec reçoit tous les mois et
desquels la société, naturellement, prend la charge. Tout
à l'heure, vous parliez, par
exemple, de la sélection à l'étranger. Étant
donné, comme vous le mentionniez aussi, qu'il y a déjà 15
000 000 de réfugiés un peu partout dans le monde, ne croyez-vous
pas que le gouvernement serait justifié de faire de l'immigration
humanitaire l'unique objectif de la politique de sélection? Ne
croyez-vous pas aussi qu'étant donné ces 15 000 000 de
réfugiés à travers le monde, il est dans
l'intérêt du Québec de choisir? Parce que, bien sûr,
on n'utilise pas une grille de sélection comme on l'utilise, par
exemple, au niveau des indépendants. On tient compte davantage du
caractère humanitaire, mais aussi des chances d'intégration au
Québec. Donc, dans l'intérêt du Québec aussi bien
que des personnes réfugiées, ne croyez-vous pas qu'il est
important qu'on puisse faire une certaine sélection aussi? Parce qu'il y
a des personnes, finalement, qui auraient peut-être, qui aurait une
meilleure chance de réussir leur intégration dans d'autres pays
que le Québec. Et là, on essaie de voir, quand on
sélectionne à l'étranger, par exemple, ces 7600
réfugiés, on les sélectionne toujours en fonction d'une
intégration qu'on suppose qui serait peut-être mieux
réussie. Parce qu'il faut faire des choix, bien sûr. Comme je le
mentionnais, il y en a 15 000 000 qui désireraient venir au
Québec. Bien, peut-être pas tous au Québec, mais en bonne
partie s'ils avaient la chance.
Mme Augenfeld: Je voudrais répondre à votre
question peut-être en deux parties. Premièrement, nous croyons
beaucoup que le volet de réfugiés sélectionnés
à l'étranger, c'est correct. C'est juste que ça fait une
partie importante de ce qu'on prend de l'étranger. Par contre,
peut-être, je vais répéter ce que j'ai déjà
dit et ce qu'on a dit à plusieurs reprises aussi au
fédéral, le discours qu'on fait au public quand on parle des
réfugiés, on dit: On ne veut pas tellement qu'ils viennent ici
eux-mêmes, qu'ils se sélectionnent eux-mêmes, on voudrait
aller sélectionner à l'étranger, parce que peut-être
que ceux qui viennent eux-mêmes ne sont pas ceux qui ont le plus besoin
de nous. Nous, on veut aller chercher ceux qui ont vraiment besoin de
rétablissement. Alors, on préfère aller les
sélectionner à l'étranger. Sauf qu'ensuite - et c'est
ça le discours au public, c'est ça qu'on dit au public quand on
parle de revendicateurs, je ne suis pas d'accord, mais c'est ça, le
discours qu'on a entendu pendant des années - on va à
l'étranger et on ne prend pas les gens qui ont le plus besoin de
rétablissement, ceux qui sont le plus en danger, les plus
démunis. Pour commencer, la grande majorité des
réfugiés dans ce monde, c'est les femmes et les enfants. Si on
regarde la proportion de femmes et d'enfants qui font partie, finalement, de
ceux qui arrivent ici, que ce soit au Québec ou dans d'autres provinces,
c'est loin d'être le cas que la majorité, c'est les femmes et les
enfants. On fait beaucoup de difficulté pour les femmes et pour les
enfants, les mères célibataires, ça devient très
problématique, etc. Alors, déjà, il y a une discrimination
quelque part et les personnes qui ont le plus besoin de notre aide ne la
reçoivent pas.
Deuxièmement, très souvent, jusqu'à ce qu'elle
arrive à être face à un conseiller de sélection, la
personne était depuis plusieurs années dans une situation
complètement anormale, dans un camp ou dans une autre situation, dans un
tiers pays pas établi. La personne n'est pas lui-même ou
elle-même. C'est difficile de juger dans une interview de quelques
minutes de la capacité de cette personne de s'intégrer. Si on
regarde les groupes qui sont arrivés ici depuis, disons, les
dernières 30, 40 années, ils sont arrivés et se sont
établis avec succès. Ce n'était pas évident pour
certains groupes. Si on regarde les préjugés qui existaient
à l'époque - heureusement on a beaucoup élargi nos
horizons - ce n'était pas évident que ces gens-là allaient
s'intégrer et s'établir. Pour nous, on est convaincus qu'avec un
réseau d'entraide, d'aide et de cours de langue et d'autres appuis
d'organismes, beaucoup de personnes s'établissent avec beaucoup de
succès. Et, plusieurs années plus tard, on se dit: Tiens,
regardez comment ces gens-là se sont établis. Alors, ce n'est pas
évident. Les gens ne demandent pas mieux que d'avoir une chance. C'est
le numéro un.
Deuxièmement, il me semble qu'il y a beaucoup de... Si vous
regardez les personnes, encore une fois, qui viennent ici, si vous regardez les
pays d'origine, c'est très souvent des personnes qu'on ne
sélectionne pas à l'étranger. On a du mal à voir
où elles peuvent aller pour avoir même une petite chance. On a
beaucoup de Sri Lankais qui arrivent ici au Québec. Ils se font accepter
comme réfugiés. Mais on voit mal où, à quelle
ambassade, à quelle mission du Québec, où ils peuvent
même aller essayer de se faire entendre; ce n'est pas évident,
alors ils viennent ici. Si on veut que le public soit accueillant pour les
réfugiés, on ne peut pas, en même temps, faire un discours
contre les réfugiés ici et penser qu'on va avoir, comme on dit,
une attitude accueillante pour ceux qu'on fait venir. Ce sont les mêmes
gens. Ce sont les mêmes personnes avec les mêmes problèmes.
À l'étranger, il nous semble qu'on devrait et qu'on peut les
accueillir, on peut les établir, on a la capacité. Malgré
tous les problèmes qu'on peut avoir ici, il faut quand même voir
relativement les choses, et les personnes qui ont une chance ici, elles
s'établissent.
Mme Gagnon-Tremblay: Mme Augenfeld, justement, vous dites: II
faudrait prendre en considération aussi ceux qui arrivent. Je comprends,
par exemple, qu'une personne qui arrive dans la catégorie des
réfugiés ou revendicateurs, généralement, c'est une
personne, comme vous le mentionniez tout à l'heure, qui est plus
démunie
et qui a besoin davantage d'encadrement, de support, d'accueil,
finalement. Donc, ça prend quand même des ressources plus
nombreuses, plus considérables en termes d'accueil, et, bien sûr,
il y a une capacité aussi au niveau gouvernemental, qui est
limitée. Je pense que le Québec est reconnu comme une province
très généreuse envers les plus démunis, mais il y a
une certaine capacité. Dans un premier temps, est-ce que vous croyez que
nous devrions prendre en considération, dans notre pourcentage de
réfugiés qu'on sélectionne à l'étranger,
ceux qui sont déjà sur place, nous occuper davantage de
ceux-là, peut-être même quitte à aller en chercher
moins, à en sélectionner moins à l'extérieur, mais
nous occuper de ceux qui sont ici? (20 h 30)
Deuxièmement, je ne sais pas si je me suis trompée tout
à l'heure, mais vous sembfiez distinguer deux catégories de
revendicateurs, c'est-à-dire vous avez dit: Les vrais
réfugiés qui échappent à des situations qui
menacent leur vie et les "jet refugees", donc, ceux qui ne peuvent pas faire
des demandes d'immigration dans leur pays, comme vous le disiez, faute
d'ambassade, etc., mais qui seraient peut-être sans doute des
réfugiés économiques. Est-ce ça que vous vouliez
dire, non?
Mme AugenfeW: Non, je m'excuse, je ne me suis pas bien
exprimée. La notion traditionnelle d'un réfugié, c'est
quelqu'un qui un jour fuit son pays mais traverse à pied de son pays au
pays avoisinant, à pied, il traverse une frontière.
C'était peut-être le cas dans le temps et ça arrive encore
de nos jours, mais ce n'est plus la seule façon que les personnes
fuient. Très souvent, c'est plus facile pour un réfugié,
pour un vrai - je n'aime pas le terme, on est réfugié ou pas -
mais, disons, un réfugié qui a besoin de protection, qui doit
fuir son pays, c'est plus facile de s'échapper ou de fuir sur un avion
que d'essayer de traverser 1000 ou 2000 kilomètres à pied pour
arriver à un pays avoisinant qui est peut-être complètement
hostile. Alors, ce que j'ai dit, c'est que le haut commissaire pour les
réfugiés de Genève, il y a quelques années, quand
il est venu ici au Canada donner la médaille Nansen au peuple canadien
pour tout ce qu'il a fait pour les réfugiés, parlait justement
des "jet people" comme d'un nouveau phénomène. Ça veut
dire qu'on a eu des réfugiés à pied, on a eu des "boat
people" qui sont arrivés par bateau et que, maintenant, il y a des
personnes qui se sauvent avec justification mais en avion, et les gens tournent
en rond, littéralement, et ne savent plus où atterrir, ils vont
d'un aéroport à l'autre. C'est tragique. Parfois on n'entend plus
jamais parler d'eux, on les chasse d'un pays à l'autre. Et ce qu'il a
essayé de dire, c'est que ces personnes-là ont besoin de notre
attention, méritent notre protection et qu'il faut voir que, dans ce
monde moderne, il y a d'autres façons d'être
réfugiés. Nous, on croyait, en Amérique du Nord, qu'on
allait échapper à ce phénomène d'être un pays
de premier asile, parce qu'on n'avait pas de frontière avec des pays qui
produisaient, disons - c'est un autre terme qu'on n'aime pas - des
réfugiés. Ce n'est plus ça. On vit dans un monde où
les réfugiés nous arrivent et nous demandent notre protection, et
c'est logique et c'est juste qu'on leur donne toute notre considération.
Est-ce plus clair?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui. Étant donné que le
Québec ne contrôle pas les frontières et que, même
s'il contrôlait... J'ai senti quand même de votre part une certaine
demande d'ouverture pour les gens qui arrivent. Comme je vous le disais tout
à l'heure, c'est que nous sélectionnons aussi des
réfugiés à l'étranger et qu'il y a une certaine
capacité d'accueil, il y a quand même aussi un consensus social.
Donc, pour vous, ça serait quoi, par exemple, le consensus social pour
l'aide que le Québec peut apporter à cette catégorie de
réfugiés aussi bien à l'étranger qu'ici, là,
ça serait quoi à partir du niveau d'immigration qu'on
sélectionne annuellement? Par exemple, quel serait le pourcentage, la
proportion à partir des structures d'accueil que nous possédons
aussi et - je pense qu'il ne faut pas se le cacher - de l'impact financier que
ça peut avoir aussi sur les finances du Québec dans un contexte
de rareté des ressources, ça pourrait signifier quoi, pour vous,
comme pourcentage de cette aide que le Québec devrait accorder?
Mme AugenfeW: Vous savez, nous, on n'a jamais demandé un
chiffre fixe. On a demandé que la proportion de réfugiés
monte pour rester, disons, en proportion avec ce qu'on avait avant Alors, si le
Québec pense, par exemple, augmenter le total de 20 %, que le nombre de
réfugiés augmente au moins de 20 %. Vous savez, l'ironie,
à un moment donné, c'est ce que le Canada a pris, disons en 1983,
1984, 1985, en somme quand les niveaux étaient assez bas au Canada, la
proportion de réfugiés là-dedans, si on ajoutait ceux
sélectionnés par le gouvernement et ceux parrainés, la
proportion était assez élevée. On a demandé qu'en
augmentant les chiffres globaux, on augmente le pourcentage de
réfugiés, sauf que, depuis plusieurs années, les chiffres
du fédéral et du Québec restent stables et les parrainages
ont augmenté. On demandait au gouvernement, qu'il soit canadien ou
québécois, de faire sa part et aussi d'augmenter le pourcentage
au fur et à mesure.
Mme Gagnon-Tremblay: Sauf, cependant, c'est ce que je mentionnais
tout à l'heure, que j'ai le contrôle de la sélection
à l'étranger. Je peux sélectionner à
l'étranger, j'ai le contrôle. Cependant, je n'ai pas le
contrôle ici. Alors, c'est là qu'arrive la difficulté,
voyez-vous, quand
il s'agit de déterminer un pourcentage, parce qu'il faut dire
qu'une fois que la loi C-55 a été adoptée par le
gouvernement fédéral, on a vu quand même une diminution
considérable d'arrivées au Canada et, plus spécifiquement,
au Québec. Cependant, sachant fort bien que les délais sont
très longs - et je suis d'accord avec vous, qu'ils sont inadmissibles -
à ce moment-là, il y en a quand même aujourd'hui, et on
doit y faire face, tout près de 1000 par mois, et nous pensons que
ça peut aussi s'aggraver, que ça peut être beaucoup plus
considérable. C'est pour ça que je vous disais tout à
l'heure: Est-ce que, par exemple, on doit aussi prendre en considération
les gens qui arrivent ici quand on comptabilise notre pourcentage? Parce que
j'ai un contrôle à l'étranger, mais je n'ai pas de
contrôle ici, sur le territoire québécois, de ceux qui
arrivent.
Mme Augenfeld: Écoutez, on comprend votre
préoccupation en ce qui concerne le contrôle et la
sélection, sauf que, comme on l'a dit dans notre mémoire, on ne
voudrait pas du tout qu'on joue un groupe contre l'autre quand il y a un besoin
des deux côtés. Les revendicateurs... Je pense que, pendant
longtemps, on a eu, je dirais, plus qu'une chicane, c'était vraiment une
bataille avec le fédéral parce qu'il ne voulait pas accepter
l'idée que le Canada est un pays de premier asile. Je pense qu'avec les
années, finalement, c'est devenu un fait accompli, c'est une
réalité, et personne ne dit plus que le Canada n'est pas un pays
de premier asile.
Mais il reste qu'on a des obligations internationales et qu'on a quand
même l'obligation d'aider et d'aller sélectionner à
l'étranger; on est parmi les rares pays de rétablissement,
disons, et on a une certaine obligation. Si on joue un groupe contre l'autre,
je pense que c'est au détriment des deux, et ça n'aide pas du
tout à sensibiliser le public en ce qui concerne les besoins. Mme
Marchand et moi, on travaille dans des organismes qui font
l'établissement des personnes qui arrivent, et je pense qu'avec les
ressources adéquates au début, les personnes
sélectionnées deviennent très vite des payeurs de taxes
et, éventuellement, des citoyens extrêmement fidèles. Vous
savez, il n'y a rien comme un réfugié, une personne qui arrive
d'une situation de détresse, pour voir une personne qui tient à
ce pays, qui a une attitude vraiment de remerciement incroyable envers ce pays.
La plupart des gens, quand vous leur demandez ce qu'ils viennent trouver ici,
disent: La paix, la tranquillité. C'est peut-être une
qualité qu'on oublie parfois, jusqu'à quel point ça
n'existe pas dans le reste du monde, mais c'est ça que les gens viennent
chercher chez nous, et ils l'apprécient beaucoup.
Si on regarde les revendicateurs, et je vais m'arrêter
là-dessus, le coût pourrait être diminué de beaucoup
s'il n'y avait pas cette très longue période d'attente maintenant
entre l'arrivée du revendicateur et cette première étape
qui s'appelle le minimum de fondement, où la personne n'a pas le droit
de travailler; elle est, malgré sa volonté, au bien-être
social. Maintenant, quand le fédérai a annoncé son
programme, il voulait que ça se fasse dans les 72 heures. Ça,
ça nous semblait complètement ridicule, et ce n'était pas
possible même. Mais, là, on est à l'autre extrême,
où ça prend des mois et des mois. Cette étape, pour nous,
était toujours contestée; on la considère injuste et,
aussi, inefficace du point de vue administratif. Si on pouvait procéder
beaucoup plus vite à une étape où la personne pourrait
avoir le droit de travailler, on éliminerait cette période - qui
nous coûte cher, je suis d'accord - de bien-être social, où
les gens sont complètement assis malgré leur volonté, et
je pense que Mme Marchand peut en témoigner.
Le Président (M. Doyon): Mme Marchand, voulez-vous ajouter
quelque chose?
Mme Marchand: Oui, M. le Président. Ce que nous voyons
très souvent, ce sont des gens qui viennent nous voir en nous disant:
Écoutez, ma date d'enquête pour le minimum de fondement est dans
six mois. De grâce, trouvez-moi un travail. Je ne peux plus rester comme
ça. C'est vraiment la majorité des gens qui sont d'abord
extrêmement inquiets de savoir ce qui va leur arriver. Ce long
délai est souvent très dur pour la santé et pour les
nerfs. Et le fait de travailler, pour eux, c'est un dérivatif, et aussi
se tenir debout et avoir cette fierté de dire: Je ne coûte rien au
pays d'accueil. Et, pour eux, c'est une humiliation, une humiliation.
Alors, c'est pour ça que, si on pouvait supprimer ce minimum de
fondement qui, comme le dit Mme Augenfeld, n'est pas l'étape, c'est un
aléatoire... Et, bien souvent, on leur fait passer plus qu'un minimum de
fondement, ce qui est parfois deux auditions. Alors, ça devient injuste,
injuste à tous points de vue, et aussi ça accentue la charge
financière de la province.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Marchand. Mme la
ministre, vous avez terminé?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Eh bien, comme nous sommes souvent
montés aux mêmes barricades, je vais vous dire que je suis
très heureux de vous revoir ce soir. Je vais aller, parce qu'il y a la
mécanique et le temps qui, forcément, nous restreint... Vous ne
pensez pas qu'il y a une espèce de perception négative du
réfugié? Avez-vous une espèce de profil du
réfugié au Québec
de façon à ce qu'on arrête d'avoir cette perception
négative du réfugié qui est, pour bien des gens, quelqu'un
qui vient par en dessous bénéficier de services sociaux au
Québec? Parce que c'est ça, malheureusement, qui est
véhiculé. Et vous savez fort bien, comme moi, que là n'est
pas la vraie perception.
Le Président (M. Doyon): Mme Augenfeld.
Mme Augenfeld: Oui, je vais commencer peut-être et Mme
Marchand va ajouter. Écoutez, il y a toutes sortes de perceptions qui
circulent dans la société, et ça dépend de ce qu'on
fait avec. Est-ce qu'on essaie de démystifier certaines choses, de faire
une sensibilisation et une éducation ou est-ce qu'on fait des choses
pour renforcer cette perception qui n'est pas correcte? Vous savez, nous, on a
toujours dit et on continue de dire: On est prêts à faire notre
part. On pense qu'on fait notre part avec les moyens limités qu'on a de
faire de la sensibilisation, de l'éducation, et on demande au
gouvernement de faire preuve de leadership - et je pense que
l'énoncé est un début, mais il faut continuer - de vrai
leadership, de faire une publicité et une éducation qui va aller
à rencontre de cette fausse perception pour nous. Là, on pourrait
travailler ensemble. Mais nous, on ne peut pas faire tout ça
nous-mêmes quand il y a un autre discours, si vous voulez, qui nous
arrive de l'autre côté.
Je vais vous donner un exemple. Au début, la Table de
Concertation est née en 1979, au moment de l'arrivée des "boat
people". Pour moi, c'était le moment le plus beau, mais
évidemment le sommet - depuis, on n'est jamais arrivés là
- d'une concertation, une vraie concertation de tout le monde. Le gouvernement,
les médias, les ONG, tout le monde allait dans le même sens. Les
médias et les gouvernements, fédéral et
québécois, nous ont dit: Voilà des personnes qui
méritent notre attention, c'est des personnes qui sont des bons,
n'est-ce pas?
Nous, on a pris la relève, et le public a répondu d'une
façon magnifique. Je pense que c'était un moment, vraiment on
peut dire, glorieux dans notre époque. Des gens qui n'avaient jamais
fait du parrainage ont dépassé toutes les attentes.
C'était vraiment un moment splendide. La Table est née à
ce moment-là, et on a continué depuis. Mais on a vu comment
ça peut marcher. On a vu comment, avec une volonté politique, les
délais étaient raccourcis, les personnes arrivaient presque trop
vite. Entre le parrainage et l'arrivée de la famille, on n'avait presque
pas le temps de trouver l'appartement parfois. Ce n'est pas une blague. Je
pense que ceux qui l'ont vécu l'ont vu. Il y avait une politique
d'accueil. Soeur Denise était là et Mme Marchand aussi. Il y
avait une politique d'accueil. Il y avait une volonté de faire pour le
meilleur des mondes. Là, ça a marché. Et tout le monde
était d'accord que les gens étaient des réfugiés.
10 ans plus tard, les mêmes "boat people", on n'est plus sûrs que
ce soient les mêmes personnes. Si c'étaient des
réfugiés à ce moment-là, c'est toujours des
réfugiés, et si c'est pas des réfugiés maintenant,
ce n'étaient peut-être pas des réfugiés à ce
moment-là.
Maintenant, on arrive en 1987. Il y a des Sikhs qui nous arrivent, un
petit bateau qui arrive du côté de la Nouvelle-Ecosse. Tout d'un
coup, tout a été fait par le gouvernement fédéral
pour faire un portrait de terroristes, de personnes affreuses. On a
oublié par la suite de dire au public que beaucoup de ces cas-là
ont eu une acceptation. Il y a un problème au Pendjab. Il y a des
problèmes pour les Sikhs en Inde. Je ne vous dis pas que chaque personne
dans ce groupe était un réfugié, mais il y avait des cas
sérieux là-dedans. Ça méritait au moins notre
attention.
La première réaction des gens sur les côtes de
Nouvelle-Ecosse était d'offrir à manger à ces
gens-là. On les a accueillis comme des êtres humains. C'est par la
suite qu'on les a mis derrière les barrières et que le ministre
fédéral de l'époque a tout fait pour faire un portrait de
personnes qui devaient être chassées tout de suite. On a fait une
crise nationale d'un bateau de 167 personnes. Vous savez, ce n'était pas
une crise nationale.
Je sais que je suis longue là-dessus, mais c'est pour vous dire
que, chaque fois, il y a un discours qui peut être positif ou
négatif. Il y a un jeu de médias aussi, évidemment,
là-dedans qui peut être positif ou négatif, et ça
aide à la perception négative ou positive qui se crée dans
le public.
Le Président (M. Doyon): Mme Marchand, voulez-vous
ajouter?
Mme Marchand: Non, je crois que l'exemple était
très bon. C'est un petit peu celui-là que j'avais en tête.
(20 h 45)
M. Boulerice: Mme la ministre vous dit: J'ai un contrôle
à l'extérieur, je ne l'ai pas ici. Vous dites au gouvernement
fédéral: II y a des revendicateurs de statut, vous avez
laissé créer le problème. Maintenant, réglez-le. Il
y a des groupes qui vous ont précédé et qui sont venus en
disant: II faut la réunification des familles, et Dieu seul sait que
c'est important. Vous parlez de la perception négative face aux
réfugiés. Voilà. La ministre a un pouvoir ou le ministre,
dépendant qui occupe le siège, en tout cas, de toute
façon, le ministère a un pouvoir de sélection, mais n'a
pas le pouvoir d'acceptation des immigrants.
Le Québec a des attitudes, somme toute, accueillantes, mais, vous
l'avez vécu avec moi de façon tragique, le triste épisode
des réfugiés turcs. Et pour ce qui est de la famille, eh bien,
vous savez que c'est la définition de la famille,
faite par Ottawa mais non pas une définition faite par le
Québec. Donc, vous avez des cas extrêmement pathétiques qui
existent. Je pourrais d'ailleurs vous en nommer un. Le voisin de Mme Tremblay,
ici, qui est ma recherchiste, qui attend ses enfants depuis deux ans, trois
ans. Alors, il y a, effectivement, un tiraillement, et je pense qu'une fois
pour toutes, il va falloir répondre clairement aux questions. Quand je
dis ça, je vous le dis à vous, mais je nous le dis à nous,
un nous collectif. Est-ce qu'au niveau de l'immigration, que l'on parle
d'immigrants et que l'on parle de réfugiés - et j'aime bien
l'insistance que vous avez mise pour ce qui est des réfugiés,
c'est pour ça que je faisais allusion à nos barricades communes
sur lesquelles on est montés - est-ce que l'immigration, ça doit
continuer d'être un pouvoir partagé ou bien non ça doit
être un pouvoir exclusivement québécois?
Le Président (M. Doyon): Mme Augenfeld.
Mme Augenfeld: Est-ce que vous parlez de la
récupération des étapes sécuritaires et
médicales quand vous dites entièrement Québec?
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: L'ensemble du dossier de l'immigration.
Mme Augenfeld: Écoutez, si c'est pour être de
ressort québécois, on va avoir les mêmes revendications
envers le gouvernement de Québec qu'on a maintenant envers les deux
gouvernements. C'est que, pour que ça marche, pour que ça soit
efficace et pour que ça soit respecté, il faut y mettre les
ressources nécessaires et adéquates. Si vous voulez faire
respecter la loi de l'immigration et les étapes et le processus, on ne
peut pas attendre deux ans, trois ans ou quatre ans pour faire venir sa femme
et ses enfants d'un pays où il y a des difficultés. C'est
inadmissible. Alors, pour nous ce qui compte, c'est une politique qui est
cohérente. Et je sais, on parle de choses qui coûtent de l'argent.
Mais finalement qu'est-ce qui coûte plus quelque part? Mettre des
ressources adéquates à l'étranger ou diviser les familles
pendant des années pour que, une fois qu'elles sont réunies -
laissez-moi finir - une fois qu'elles sont réunis, on ait des
problèmes sociaux ici?
Parce que je vous assure, et on le voit tous les jours, qu'une femme et
enfants qui arrivent ici après quatre ans ou cinq ans de
séparation, ce n'est pas facile de retisser cette famille. Et qui en
hérite? Les services sociaux, les écoles, les enfants qui sont
complètement à l'envers, qui ne comprennent rien des raisons
pourquoi ils ont tant souffert. Alors, ça prend des ressources,
ça prend des ressources justement dans les pays où ça
prend plus longtemps, et on va le demander du Québec, on va le demander
du Canada. Et, comme j'ai dit au début, plus le Québec va avoir
du pouvoir dans le domaine, plus on va venir à vous ici - et
j'espère qu'on sera réinvité - pour vous dire qu'on
voudrait que ça soit plus efficace et plus humain, plus humanitaire,
parce qu'il y a deux choses qui comptent là-dedans. On comprend qu'il y
a des réalités budgétaires et ressources. On comprend tout
ça. Vous parlez d'immigration, ce n'est pas notre domaine de premier
intérêt, mais vous dites qu'au Québec, on est pris avec une
définition de la famille d'Ottawa. Par contre, M. le
député, je vous soumets que, dans d'autres provinces, on accepte
le parrainage de plusieurs membres de la famille pour un autre membre de la
famille à l'étranger, et que le Québec, jusqu'ici, n'a pas
encore décidé de le faire. Exemple concret: si vous avez une
personne ici qui veut faire parrainer ses parents, disons, si moi, je veux
faire parrainer mes parents, mais que je n'ai pas assez de revenus, je ne peux
pas associer ma soeur à ma demande pour que toutes les deux ensemble on
fasse venir nos parents de façon conjointe.
Le Québec, pour toutes sortes de raisons, n'accepte pas. Il y a
des hésitations, on ne sait pas encore si ça va être plus
efficace, moins efficace. Dans d'autres provinces, surtout dans les cas de
réfugiés qui veulent faire venir leurs familles, on accepte les
parrainages conjoints. C'est dans notre demande, dans notre mémoire.
Alors, si vous voulez parler de définition de famille, on vous
demanderait ici, devant tout le monde, de considérer que même la
famille selon cette définition étroite, elle-même, pourrait
être utilisée d'une façon plus humaine. Alors, vous
savez?
M. Boulerice: On peut peut-être répondre à
votre voeu, mais la réunification des familles est toujours le pouvoir
du gouvernement fédéral central.
Mme Augenfeld: Monsieur, M. le ministre...
M. Boulerice: Chaque fois que l'on parle de services, Mme
Augerfeld...
Mme Augenfeld: Pardon.
M. Boulerice: ...on parle toujours de guichet unique. En
immigration, vous ne pensez pas qu'il devrait y avoir également un
guichet unique?
Mme Augenfeld: M. le député, M. Boulerice, pour le
parrainage, la réunification de famille, c'est le Québec qui
contrôle tout ce qui est le parrainage, ça veut dire qui examine
les parrains pour établir si, oui ou non, ils ont les moyens
nécessaires de faire venir leur famille. C'est le Québec qui a le
contrôle de ça. Si le Québec dit que le parrain ici n'est
pas eligible, ça s'arrête là et on attend jusqu'à ce
que la personne revienne avec des moyens adéquats. Il y a des
moments où la ministre peut, par dérogation, invoquer
certaines raisons humanitaires pour accepter ie cas, malgré le manque de
revenus selon le barème. Mais c'est à la discrétion de la
ministre du Québec. Ensuite, le reste, c'est vrai que c'est le Canada et
toujours juste le sécuritaire et le médical, on parle de
catégories de la famille. Même chose pour les parents
assistés, qui est un degré plus loin, où il y a une partie
qui se fait ici et une partie à l'étranger. Si quelqu'un veut
faire ici un appui pour faire venir une soeur, par exemple. Si je veux faire
venir ma soeur, par exemple, de France, je peux appuyer sa demande, mais c'est
le Québec, toujours, qui doit m'accepter et, de l'autre
côté, c'est le Québec qui sélectionne ma soeur et
décide si, oui ou non, elle va passer la grille de sélection.
Alors, le Québec a tout le pouvoir et l'avait déjà de dire
oui ou non à toutes ces personnes-là qui tombent même dans
une notion plus élargie de la famille.
M. Boulerice: Mais, Mme Augenfeld, acceptez-vous... J'ai
l'impression que M. le Président va m'imposer la guillotine
tantôt. Dans le cas de ces personnes que vous connaissez fort bien et qui
sont à la Mission chrétienne latino-américaine, sur la rue
Papineau, Mme la ministre est très sympathique, elle est très au
fait du dossier, je lui ai écrit, on s'en est parlé, elle est
prête, elle accepte, mais c'est toujours Ottawa qui décide, Mme
Augenfeld...
Mme Augenfeld: Mais, M. Boulerice, ça, c'est des familles,
des personnes qui sont dans le fameux "backlog", les personnes qui,
elles-mêmes, ici, ne sont pas encore acceptées, et c'est pour
cette raison qu'on demande au Québec de pousser ce dossier avec nous au
fédéral pour qu'on accepte les personnes ici et pour qu'ensuite,
elles puissent faire venir leur famille. On a demandé pour les cas que
vous mentionnez, ces cas douloureux qui ont fait la grève de la faim,
l'année dernière, qu'on fasse venir ces familles sur permis de
ministre. Et c'est vrai que les permis de ministre, pour le moment, c'est de
juridiction canadienne. On a demandé une attitude humanitaire. On a
demandé une compréhension de cette tragédie humaine pour
faire venir ces gens-là et finir tout ce qui était le statutaire,
ça veut dire le médical et sécuritaire, sur place. Et
c'est ce qu'on demande toujours au fédéral en ce qui concerne les
familles des réfugiés. Ce qu'on demande au Québec, c'est
de nous appuyer dans cette demande. On comprend bien ce qu'est la juridiction
fédérale. Ce qu'on demande au gouvernement du Québec,
c'est de pousser ce dossier pour que ce soit plus humain, je le
répète.
M. Boulerice: Vous ne préférez pas un guichet
unique, encore ::ne fois. Vous préférez qu'on vous aide à
pousser sur un autre palier de gouvernement, alors qu'un seul pourrait
peut-être tout régler.
Mme Augenfeld: M. Boulerice, je vais vous répéter:
c'est plus logique et plus cohérent que ça se passe à un
endroit, mais que ça se passe comme il faut. Alors, vous savez, il faut
que ça se passe comme il faut. Il faut que ça se passe avec une
attitude la plus ouverte possible.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Augenfeld.
M. Boulerice: J'aurais le goût de vous demander:
Croyez-vous qu'on est plus ouvert? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): La question ne semble pas avoir
été vraiment posée. Alors, s'il n'y a pas d'autres
questions, Mme Augenfeld, Mme Marchand, Mme Laine, permettez-moi de vous
remercier de votre prestation. La ministre a sûrement aussi des
remerciements à vous transmettre. Je demanderais peut-être
à M. le député de commencer, la ministre terminera.
M. Boulerice: Bien, en vous remerciant et en vous souhaitant bon
retour dans la belle circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Bien sûr, je veux vous remercier
et vous féliciter aussi pour l'excellent travail que vous faites. J'ai
été, comme vous l'avez mentionné, à même de
constater tous les groupes qui vous accompagnent dans cette
démarche-là. Et je sais que vous êtes très
convaincus du bien-fondé de vos travaux, et avec raison d'ailleurs.
Alors, je vous félicite et, moi aussi, je vous souhaite un bon voyage de
retour.
Mme Augenfeld: Alors, merci de nous avoir entendus, et on
espère qu'on aura d'autres chances d'échanger. Je vais oser vous
demander qu'on soit consulté avant que les vrais plans d'action soient
mis en action, qu'on ait une occasion de vous faire part de notre
expérience sur le terrain, pour essayer de bâtir quelque chose qui
sera vivable, travaillable et qui ira dans le sens qu'on veut tous pour un
Québec qui sera vraiment une société modèle pour le
monde.
Le Président (M. Doyon): Merci à toutes les trois,
merci beaucoup. Le temps de vous retirer et j'inviterai les
représentants de la Ligue des droits et libertés à vous
remplacer en avant.
Les noms que j'ai sur ma feuille sont ceux de M. Denis Langlois, de Mme
Fulvia Spadari et de M. Pierre Duquette. Dès que vous vous serez
installés, veuillez vous présenter. Je vous indique que les
règles suivantes s'appliquent: une ving-
taine de minutes pour la présentation de votre rapport - je pense
que vous les connaissez. Mme la ministre disposera d'un temps équivalent
pour discuter avec vous et certains représentants ministériels,
s'ils le veulent. Le représentant de l'Opposition officielle a aussi une
période d'une vingtaine de minutes pour engager un dialogue avec vous.
Alors, si vous voulez commencer par les présentations, s'il vous
plaît.
Ligue des droits et libertés
M. Langlois (Denis): Bonsoir, Mme la ministre, MM. et Mmes de
l'Opposition, MM. les députés et mesdames, mon nom est Denis
Langlois. Je suis responsable de l'information ainsi que du dossier des
relations interethniques et interculturelles. À ma droite, il y a M.
Pierre Duquette qui est avocat spécialisé dans l'immigration, qui
a travaillé avec le Barreau canadien, section Québec, sur cette
question-là, et Mme Fulvia Spadari qui est responsable du dossier
réfugiés et de la campagne sur le "backlog" à laquelle
s'est associé notre organisme.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Vous pouvez
commencer.
M. Langlois: Alors, nous tenons d'abord à vous remercier
sincèrement de nous avoir invités à commenter ce premier
énoncé de politique québécoise en matière
d'immigration et d'intégration. À l'instar de plusieurs
organismes, nous nous préoccupons de cette question depuis plusieurs
années. Nous sommes ici ce soir pour vous faire part de notre appui, de
nos questions et, dans certains cas aussi, de nos désaccords, car il y
en a qui demeurent, hélas! Si vous le permettez, après ma
brève présentation générale, Mme Spadari ainsi que
M. Duquette compléteront sur des aspects particuliers, notamment sur la
question des réfugiés, sur laquelle nous voulons revenir comme
organisme, après l'organisme qui nous a précédés,
ainsi que sur d'autres questions particulières que M. Duquette abordera,
la question de la famille, entre autres.
Les réflexions que nous vous soumettons ce soir peuvent se
regrouper sous quatre aspects, en fait. Notre mémoire, le mémoire
que nous avons adressé à la commission, disons, se résume
en quatre aspects majeurs. Le premier aspect, c'est qu'on désire
exprimer une satisfaction assez grande de voir l'énoncé reprendre
à son compte de multiples suggestions et orientations positives quant
à l'intégration des nouveaux arrivants et à la
participation des Québécois des communautés culturelles
à la société québécoise. Il y a une foule de
mesures qui ont été entérinées, qui ont
été suggérées par différents organismes, par
différents intervenants sur le terrain. Et nous sommes heureux de
constater que l'énoncé de politique accorde une attention majeure
à tout ce problème de l'intégration et de la participation
des Québécois des communautés culturelles en
général et des nouveaux arrivants, des nouveaux immigrants en
particulier. On aura peut-être l'occasion, dans la période
d'échanges, de revenir là-dessus.
Le deuxième aspect de notre mémoire. Nous voulons affirmer
une certaine inquiétude vis-à-vis de ce qu'on peut appeler une
secondarisation de la dimension humanitaire de cette politique. En particulier
sur la question des réfugiés, nous avons de sérieux
désaccords avec l'énoncé. Je me limite à ça
pour ce qui est de moi-même et M. Duquette et Mme Spadari en particulier
vous feront part, plus précisément, de ces désaccords. (21
heures)
Troisième aspect de notre mémoire. Sans être en
désaccord avec certaines orientations au niveau de la sélection
là, cette fois, des nouveaux arrivants, on a quand même des
questions, des interrogations sur le bien-fondé de certains
critères, notamment celui de la langue et celui de l'apport
économique. Celui de la langue, je veux juste préciser
brièvement que la position de notre organisme, la position
générale de notre organisme là-dessus, c'est que nous ne
sommes pas vraiment convaincus que ce critère doive constituer un
facteur déterminant, tel qu'il est libellé dans
l'énoncé, dans le choix et dans la sélection des nouveaux
arrivants. Nous reconnaissons d'emblée que le fait d'aller chercher de
nouveaux arrivants ou des immigrants francophones peut faciliter leur
adaptation professionnelle et leur adaptation aussi socioculturelle,
sociolinguistique, et peut finalement faire économiser des frais
d'intégration au Québec, qui ne seront peut-être pas si
négligeables que ça. Toutefois, nous ne partageons pas la
problématique qui dirait que ce critère-là peut constituer
un facteur tout à fait déterminant dans l'intégration
totale. Il y a d'autres facteurs qui nous semblent importants à
considérer dans l'intégration et, notamment, sur les lieux de
travail, notamment l'usage du français dans les lieux de travail,
notamment la situation des PME en ce qui regarde la francisation de
l'entreprise, notamment l'américanisation, finalement, la portée
de la culture américaine chez nous. Ce sont des facteurs qui existent.
Alors, grosso modo, on n'est pas tout à fait convaincus qu'il faille
hausser dans la grille d'évaluation ce critère-là.
L'apport économique, j'y reviendrai sous le quatrième aspect. Le
quatrième aspect de notre mémoire, c'est peut-être ce que
je pourrais appeler une question de fond qu'on s'est posée à la
lecture du mémoire. Est-ce que, comme société, il est
réaliste de vouloir maximiser la contribution des nouveaux arrivants
à la solution des problèmes sociaux, économiques et
linguistiques et même démographiques que connaît le
Québec à l'heure actuelle? Est-ce que l'effet de l'immigration
sur la résolution de certains problèmes structurels de notre
société peut être si impor-
tant au point de justifier une politique de sélection qui est, en
très grande partie, je parle de la politique de sélection
là, orientée sur ces priorités-là? Il nous semble
que c'est un peu exagéré comme insistance et comme espoir sur les
retombées surtout, peut-être, au niveau économique, au
niveau linguistique, que l'immigration pourrait apporter dans la
résolution des problèmes auxquels fait face la
société québécoise à l'heure actuelle.
Alors, c'est plus au niveau des questions qu'on se pose, là, par rapport
au libellé actuel de l'énoncé. Alors, si vous permettez,
je vais céder la parole à Mme Spadari.
Le Président (M. Doyon): M. Langlois, merci. Mme
Spadari?
Mme Spadari (Fuivia): Bonjour. Alors, moi, je vais parler plus
spécifiquement de la question du programme SAR, le programme de
suppression de l'arriéré des revendicateurs. On sait que ce
programme-là devait régler en deux ans 85 000 dossiers au Canada
dont 28 000 au Québec, ce qui représente environ 30 000 personnes
qui vivent, au Québec, cette situation-là. À l'heure
où on se parle, le programme devrait être terminé et la
très grande majorité de ces demandeurs devraient avoir
reçu leurs papiers de résidence permanente ou être à
la veille de les recevoir. En réalité, dès le
début, le programme s'est enlisé et avançait à pas
de tortue. J'ai les chiffres actuellement pour le mois de février. Le
total des cas réglés, alors que tout devrait être
terminé, est à peine de 20 %. Ce que ça veut dire, c'est
que le programme ne rencontre pas du tout ses objectifs et ne respecte pas les
délais, et ça crée une attente interminable et
injustifiable pour l'ensemble des demandeurs qui sont coincés dans cette
machine-là. Je voudrais souligner aussi que le comité de la
Chambre des communes, le Comité permanent de l'emploi et de
l'immigration, en octobre dernier, quand ils ont fait l'évaluation du
programme SAR, eux, ils étaient encore plus pessimistes que les groupes,
parce qu'ils disaient que ça prendrait 10 ans et que ça
coûterait 1 000 000 000 $ pour finir ce programme-là.
Je voulais souligner aussi que M. Kharas, qui est directeur adjoint de
la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en
décembre dernier, était forcé de reconnaître que le
programme ne finirait pas avant 1993. Donc, d'un côté, un
programme qui n'a pas rempli ses promesses d'il y a deux ans et qui est
très lent. D'un autre côté, on a formé une coalition
pour un règlement global et humanitaire sur la question des
réfugiés et sur le "backlog" avec la Table de Concertation de
Montréal pour les réfugiés et le Barreau canadien, section
immigration, division Québec. En fait, c'est suite à des cris
d'alarme qui nous ~;ont venus des groupes d'aide aux réfugiés, de
témoignages de groupes d'aide aux réfugiés, que cette
coalition s'est mise sur pied. Et l'une des premières choses qu'on a
fartes, c'est de demander une étude sur les conséquences
psychologiques de l'attente chez les demandeurs de refuge. Cette
étude-là a été dirigée par Mme Cécile
Rousseau, attachée à l'hôpital Douglas, et a
été faite en collaboration avec quatre groupes d'aide aux
réfugiés partenaires: La Maisonnée, la Maison
internationale de la rive sud, le Centre social d'aide aux immigrants et le
groupe ALPA. L'étude montre que si, en soi, l'immigration n'est pas un
problème de santé mentale, il faut se rendre compte que les
réfugiés représentent d'emblée un groupe qui est
potentiellement vulnérable par le stress prémigratoire qu'ils ont
subi; souvent, ils ont été obligés de fuir dans des
conditions dramatiques, séparation brutale de la famille, pour demander
ici une protection.
Ce que l'étude montre aussi, c'est que l'attente à
laquelle ils sont soumis ici une fois qu'ils arrivent, deux, trois ou quatre
ans, est un facteur de stress majeur et le plus important que ces
gens-là connaissent dans leur condition postmigratoire. L'étude a
documenté les conséquences psychologiques à court et
à long terme de cette attente. Ce qui est notable, c'est
évidemment la souffrance qui est ressentie très cruellement en
raison de la séparation des familles, c'est aussi
l'insécurité dans laquelle ces gens-là sont plongés
chaque jour et l'avenir qui est complètement bouché parce qu'ils
ne savent jamais ce qui va leur arriver.
Je vais accélérer. Aussi, ce que ça montre, c'est
que cette attente interminable est devenue extrêmement difficile à
supporter pour ces personnes et même que Mme Cécile Rousseau
craignait l'émergence d'un comportement suicidaire chez certaines
personnes.
De un, le programme ne respecte pas ses délais. De deux, ce
programme-là, par l'attente qu'il crée, génère une
souffrance psychologique tout à fait injustifiable chez les demandeurs.
Et de trois, ce programme-là porte atteinte aux droits de la personne.
Parce que le progamme, dans l'état des choses actuel, en
générant cette souffrance psychologique là, constitue un
traitement cruel et inhumain. Je veux souligner que le Comité
interéglises de Toronto, en octobre dernier, a présenté un
rapport sur le programme SAR et les droits de la personne au comité des
droits humains des Nations unies. Et, dans les commentaires, le comité
des Nations unies a dit qu'il était plausible que cette attente
indûment prolongée constitue une sorte de traitement cruel et
inusité.
Il y a aussi la question de justice. Est-ce que c'est raisonnable de
faire attendre des gens deux, trois, quatre ans pour traiter leurs demandes en
réponse à une demande de protection? Est-ce que c'est
raisonnable, cette situation-là?
On va aussi rappeler que... On parle ici de valeurs fondamentales, je
pense qu'on parie de
dignité humaine, on parle aussi de justice. Le Canada, donc le
Québec aussi, reconnaît le droit à la protection pour les
personnes en détresse. On doit donc se doter de politiques
cohérentes avec la reconnaissance de ce droit.
Je vais terminer en parlant plus au niveau de l'intégration,
parce que ces gens-là vivent ici depuis déjà quelques
années. Pour le moment, les statistiques nous montrent que 96 % de ces
personnes-là vont être acceptées. Donc, c'est des gens qui
vont demeurer ici. Comme j'ai vu dans l'énoncé que l'un des
objectifs du Québec, c'est d'accentuer l'effort pour
l'intégration, moi, je dis que ces personnes-là ont assez
souffert, il faut absolument que ce programme-là cesse. Nous demandons
donc au gouvernement du Québec de demander au gouvernement du Canada
d'abolir ce programme, de demander un règlement global et humanitaire de
cette situation afin de permettre à cette population - on parle de 30
000 personnes - de pouvoir enfin construire leur vie au Québec et de
prendre des mesures pour que la réunion des familles soit
immédiate.
Je pense que cette situation-là, elle est intolérable,
ça fait longtemps qu'on le dit. Chaque jour qui passe est un jour de
trop. Et je voulais juste vous donner une image: on peut dire que c'est comme
le supplice de Tantale, c'est mourir de soif à côté de la
fontaine. Alors, je pense que le Québec peut donner son appui et aider
à ce que ces gens-là puissent vivre enfin au Québec.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Spadari. Me
Duquette.
M. Duquette (Pierre): Voici, je suis à la Ligue des droits
et libertés depuis deux ans, mais j'ai aussi été avocat et
je suis toujours avocat à l'aide juridique, et je fais de l'immigration
depuis une quinzaine d'années. Je dois dire que je ne fais pas que de
l'immigration, mais, quand j'en fais, je représente à peu
près seulement des réfugiés.
À la question que M. le député posait tout à
l'heure: Est-ce qu'on serait mieux de mettre tous les pouvoirs au Québec
plutôt que de les partager? J'ai beaucoup de difficultés à
répondre à cette question, mais j'aimerais y répondre
avant d'aborder les sujets que j'avais préparés ici.
D'abord, la position que j'ai toujours eue, c'est que l'immigration doit
être humanitaire et juste. Bien sûr, il faut que ça soit
aussi juste pour le Québec, c'est-à-dire que les immigrants qui
viennent ici soient utiles, efficaces, intéressants, et tout ce qu'on
veut, mais il faut aussi que ça soit juste pour ceux qui viennent.
Jusqu'à maintenant, je dois dire qu'avec la politique
fédérale ça n'a pas toujours été juste. On
peut se demander justement: Est-ce que ce serait plus juste si on
transférait tous les pouvoirs au Québec? À première
vue, on peut dire oui, on peut dire non. Si on regarde ce que le Québec
a fait depuis qu'il a plus de pouvoirs, au départ, on avait tendance
à croire tout à fait oui, c'est-à-dire qu'à
l'époque de Jacques Couture, c'était carrément
orienté du côté de la justice et de l'humanité.
Ça s'est, je dois dire, détérioré par la suite. Je
parle de façon historique. Ça a même
dégringolé un peu. Si on lit l'énoncé, que j'ai lu
avec beaucoup d'intérêt, j'ai eu le goût, à plusieurs
reprises, d'applaudir à ce qui était écrit parce que je
trouvais ça très bien. Mais tout d'un coup, je suis arrivé
à la page 38 où on parle des réfugiés et je me suis
dit: Mon Dieu, où ont-ils pris ces informations-là à part
dans les vieux tiroirs du fédéral? Et je me dis que si jamais,
effectivement, ça devient ça, la politique du Québec, je
ne suis pas tellement enclin à dire qu'on devrait mettre tous les
pouvoirs du côté provincial, en tout cas du côté du
Québec.
Pour être plus précis - je suis arrivé en retard,
j'aurais aimé arriver plus tôt pour entendre ce que Rivka
Augenfeld a dit tout à l'heure, mais j'ai l'impression que je risque de
répéter un peu ce qu'elle a dit - la Convention de Genève
que le Canada a signée, c'est une convention qui permet à des
personnes de venir au Canada et d'y demander le statut de
réfugié. Le Canada en signant cette convention-là s'est
engagé à les accepter, à les reconnaître suivant la
Convention. On peut bien, effectivement, les empêcher de venir. À
ce moment-là, on n'aura plus à respecter la Convention de
Genève; on n'aura pas de revendicateur. Ce que le fédéral
a tenté de faire à un moment donné, c'était
effectivement d'empêcher les revendicateurs de venir. Il a réussi
partiellement et il a empêché, en tout cas, certainement des
personnes qui n'étaient pas tout à fait de vrais revendicateurs
de venir. Il a passé, ce qu'on voit ici dans le texte, deux
législations importantes, C-55 et C-84, qui étaient
extrêmement rudes à l'époque et qui se sont
avérées, finalement, pas si mauvaises à l'usage, je dois
dire. C'est-à-dire qu'on a éliminé des revendicateurs du
statut de réfugié qui n'en étaient pas. Par exemple, les
Jamaïcains, les Portuguais, un certain nombre de Turcs qui étaient
venus ici également, et on ne peut qu'être contents du fait que
les revendicateurs du statut de réfugié maintenant sont à
peu près tous des réfugiés, des vrais. Donc, quand on
emploie dans le texte ici, une ancienne terminologie, je dois dire qu'on ne
devrait plus l'utiliser, je trouve ça choquant. C'est-à-dire
qu'on parle des gens qui abusent du système, on parle des faux
réfugiés, on parle des personnes qui, si je prends le texte ici,
passent devant les autres pour demander la résidence permanente en
demandant faussement un statut de réfugiés. Je trouve ça
effectivement choquant étant donné que 80 %, aujourd'hui, des
revendicateurs du statut de réfugié sont acceptés comme
étant de vrais réfugiés. (21 h 15)
En 1985-1986, ce langage-là était utilisé au
fédéral; en 1987, c'est devenu furieux, comme le disait
Rivka tout à l'heure. On a fait C-55 et ensuite C-84. Les abus sont
disparus. Ça prend encore un peu de temps, mais pas autant de temps pour
passer au travers des demandes de statut de réfugié. On a presque
seulement de vrais réfugiés qui viennent; il n'y en a pas une
tonne; il y en a à peu près 10 000 cette année, on parle
de 800 par mois. Ce n'est quand même pas grand monde, quand on pense
qu'il y a 15 000 000 de réfugies dans le monde, s'il en vient 10 000 au
Québec, on ne peut pas trouver que c'est extravagant.
Ce qu'on dit ici à propos des revendicateurs du statut de
réfugié qui sont dans l'arriéré, ceux qui
étaient venus avant 1989, on dit qu'ils sont un fardeau extrême
sur nos services sociaux, aide sociale, etc. Ce n'est pas vrai. Moi qui suis
à l'aide juridique, j'ai perdu à peu près tous mes clients
qui étaient dans l'arriéré, parce que, maintenant, ils
travaillent tous. Alors, il a fallu que je les abandonne et que je les laisse
à la pratique privée. Donc, c'est faux que les gens qui sont dans
l'arriéré sont des consommateurs de services sociaux; ils ne le
sont presque plus, et ça va très vite.
Quelques mots à propos de la famille, parce que je devais dire
quelque chose à propos de la famille. Si le Québec a plus de
pouvoir, c'est évident que le Québec doit faire mieux que le
fédéral ici, et je crois que le Québec, même sans
tous les pouvoirs, pourrait faire quelque chose ici pour
accélérer les délais absolument faramineux pour que les
familles soient réunies. Je parle des réfugiés qui veulent
réunir leur famille; je parle des gens qui ne sont pas des
réfugiés non plus et qui veulent également parrainer leur
famille: enfants, parents, conjoint. Les détais sont terriblement longs,
inacceptables, et je crois que si c'était à nous que ça
arrivait ces choses-là, on crierait, on aurait déjà,
j'imagine, occupé le parlement. Mais comme ça arrive à des
gens qui n'ont pas encore appris à occuper le parlement, bien ils
attendent, ils attendent, ils attendent des années. Malheureusement,
cette situation-là ne s'est pas améliorée depuis que je
m'occupe d'immigration, et je pense qu'elle s'est empirée.
Attendre trois ans, quatre ans ou cinq ans avant que des enfants
viennent rejoindre les parents, je trouve ça catastrophique. Et c'est
encore comme ça maintenant. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Duquette. Ceci termine
votre présentation. Mme la ministre, vous avez quelques questions
à poser?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. Bon, je
dois vous dire, au départ, que j'ai eu l'occasion justement de discuter
encore une fois, tout récemment, avec mon homologue
fédérale, Mme McDougall, de la question des revendicateurs du
statut de réfugié et je dois vous dire qu'elle est très
préoccupée aussi que le gouvernement fédéral se
penche sur cette question actuellement, parce qu'on est très
préoccupé par ce qu'on pourrait appeler un deuxième
contingent d'arriérés. Bien sûr que le Québec aussi
se préoccupe de ces nombreuses personnes qui arrivent tous les mois.
Ceci étant dit, je voudrais vous poser une question quant
à votre mémoire. À la lecture de votre mémoire,
nous comprenons que vous souhaiteriez que le Québec fasse de
l'immigration humanitaire l'essentiel objectif de sa politique. Or, notre
politique d'immigration ne se veut pas une politique d'aide aux pays du tiers
monde. Il s'agit plutôt d'une politique de développement du
Québec au même titre qu'une politique familiale et, comme je l'ai
maintes fois mentionné, notre politique d'immigration vise des objectifs
aussi économiques, des objectifs linguistiques, familiaux et,
certainement aussi, humanitaires.
Donc, à la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez que la
dimension humanitaire est trop secondarisée dans la politique de
sélection. Vous savez, pour répondre au défi de
développement du Québec, le gouvernement doit poursuivre
concurremment cinq objectifs en matière d'immigration, soit la
démographie, bien sûr, les objectifs linguistiques, les objectifs
de la famille, humanitaires mais aussi économiques. Tout à
l'heure, vous mentionniez qu'il y avait eu un revirement ou une modification,
un changement d'attitude ou de mentalité au ministère, par
exemple, depuis le passage du père Couture et, maintenant. Je dois vous
dire que oui, c'est vrai, c'est très vrai et ça fait suite
à une commission parlementaire qui a eu lieu ici, où les groupes
nous ont demandé de tenir compte de l'immigration économique et
de sélectionner beaucoup plus de la catégorie des
indépendants afin justement qu'on puisse faire bénéficier
davantage ces personnes du développement général et
économique du Québec. Alors, vous avez raison de dire que oui,
vous sentez maintenant une différence et une modification, bien
sûr. Ça fait suite à cette commission parlementaire. Et,
pour nous, l'objectif économique est un objectif aussi qui nous
paraît quand même très important.
D'ailleurs, la très grande majorité des groupes qui ont
témoigné jusqu'à maintenant devant cette commission
partagent aussi les cinq objectifs en matière d'immigration que je vous
mentionnais tout à l'heure. Vous savez aussi que le Québec entend
accueillir 15 % de ces immigrants pour des raisons humanitaires, et ce, bien
sûr, malgré le fait que nous recevons présentement 1000
revendicateurs du statut de réfugié chaque mois, lesquels,
naturellement, reçoivent aussi plusieurs services gouvernementaux.
Mais, à votre avis, le gouvernement serait-il justifié de
faire de l'immigration humanitaire l'unique objectif de sa politique de
sélection?
Le Président (M. Doyon): À qui adressez-vous votre
question, Mme la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: À un ou l'autre. Le
Président (M. Doyon): À un des trois?
M. Langlois: Je vais commencer par répondre...
Le Président (M. Doyon): M. Langlois.
M. Langlois: ...si vous permettez, et peut-être que M.
Duquette pourrait ajouter d'autres considérations.
Pour répondre directement à votre question: Non.
Effectivement, l'objectif humanitaire ne devrait pas être le seul
objectif d'une politique québécoise en matière
d'immigration et d'intégration. Nous ne contestons pas ia
légitimité des autres objectifs poursuivis, même si nous
insistons sur l'objectif humanitaire. Cette légitimité-là
que (e Québec, effectivement, sélectionne à
l'étranger ses immigrants en fonction d'un certain nombre de
critères, y compris celui de la langue, malgré ce que j'ai dit au
début, et sur le plan économique, sur le plan
démographique, ce sont des objectifs que nous trouvons
légitimes.
La question que nous nous posons toutefois en ce qui regarde le
côté humanitaire, c'est essentiellement: Est-ce que,
véritablement, c'est ce genre d'ouverture - les pages 38 et 39 sur les
réfugiés et la façon dont on considère
effectivement dans cet énoncé de politique là la
résolution de la question des réfugiés - sur le monde
qu'on veut voir retrouver dans un énoncé de politique sur
l'immigration? Nous répondons: Nous ne croyons pas que c'est ce
genre-là d'ouverture sur le monde. Il faut faire preuve d'une
solidarité et d'un humanisme qui est beaucoup plus clair que ça,
et la question elle-même d'un réfugié ou des personnes en
détresse en général doit être résolue,
à notre avis, non pas principalement ni d'abord à partir des
objectifs et des priorités du Québec, mais d'abord et avant tout
à partir des objectifs et des priorités des personnes en
détresse elles-mêmes. C'est ça, une politique humanitaire
qui est conséquente jusqu'au bout, à notre avis.
Or, il y a des tendances dans cet énoncé-là. On
pourrait citer plusieurs expressions de l'énoncé qui,
effectivement, nous laissent croire qu'on veut, à travers la question
humanitaire et la question des réfugiés, faire servir aussi la
sélection des réfugiés à des objectifs et des
priorités légitimes du Québec. Nous disons non.
L'énoncé doit carrément séparer les deux choses.
Une politique humanitaire est faite en fonction des personnes en
détresse. Ça nous paraît être l'approche à
privilégier en ce qui concerne la politique humanitaire.
Juste pour terminer sur les autres objectifs, ça nous
paraît effectivement important, mais en même temps... Je veux juste
relever que la semaine dernière le Conseil économique du Canada,
en tout cas par la voix des journaux, publiait effectivement une étude,
dont vous avez certainement pris connaissance, essayant de démystifier,
sur la base de certains chiffres, le réel apport économique de
l'immigration en ce qui concerne l'ensemble du Canada, disant que sur une
période de 25 ans, finalement, l'augmentation du taux de croissance du
revenu disponible par habitant au cours du prochain quart de siècle ne
pouvait être prévu que de 0,02 % en raison de l'immigration.
Est-ce qu'une telle étude existe pour le Québec? Est-ce
qu'il ne faudrait pas effectivement la faire? Et est-ce qu'il ne faudrait pas
aussi, avant d'insister et de définir des objectifs, des
priorités économiques précises en termes de
sélection des immigrants, est-ce qu'il ne faudrait pas regarder ce
qu'ont produit au plan économique les immigrants qui sont arrivés
depuis 25 ans effectivement? Est-ce ceux qui sont arrivés avec de
l'argent qui ont été le plus efficaces du point de vue du
développement économique du Québec? Je ne sais pas, moi,
mais la réponse, ce n'est pas oui d'emblée.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Langlois. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que c'est un équilibre,
finalement, que le gouvernement du Québec veut atteindre. Remarquez que
j'aurai l'occasion de questionnner le Conseil économique qui se fera
entendre, je pense que c'est jeudi prochain, demain. Alors, j'aurai l'occasion
justement de les questionner sur cette étude et particulièrement
sur l'apport économique. Cependant, je reviens encore à cette
question de l'immigration humanitaire. Ne croyez-vous pas que le Québec
est quand même généreux? Je ne veux pas dire qu'on en fait
plus là. Le Québec est reconnu comme une province très
généreuse envers l'immigration humanitaire. Et nous avons
l'intention de poursuivre cet objectif aussi.
Mais, comme je le mentionnais dans le préambule de ma question
tout à l'heure, il y a aussi une politique d'aide aux pays du tiers
monde qui, je pense, doit s'opérer. Et on ne peut pas non plus,
uniquement par le biais de l'immigration, aider, par exemple, ces pays du tiers
monde. Je pense qu'il y a d'autres moyens aussi d'aider ces pays, pour aider
à la reconstruction de ces pays. Mais je reviens encore à
l'idée de la première question, c'est-à-dire ne
croyez-vous pas que le Québec est quand même
généreux face à son immigration humanitaire?
Le Président (M. Doyon): M. Duquette.
M. Duquette: Je dois répondre oui. Si on fait des
comparaisons avec d'autres provinces, oui, on est probablement plus
généreux que la
plupart des autres provinces. On a été probablement les
premiers à être aussi généreux. Par la suite,
mettons, les autres provinces ont suivi, comme l'Ontario, je dois dire, la
Colombie-Britannique, suffisamment. Les autres, pas vraiment. Le Québec
a été le premier à donner l'aide sociale, le premier
à donner l'aide juridique, et, pour l'assurance-maladie, je crois
peut-être le premier également.
Alors, effectivement, on est en avance sur les autres. Ça ne veut
pas dire que, tout d'un coup, on doit faire un bond en arrière et
être le dernier parce qu'on a été un jour les premiers, et
je suis content d'entendre que vous dites, Mme la ministre, que vous voulez
continuer dans cette voie-là. Malheureusement, le texte, vous n'auriez
pas dû l'écrire comme ça. Alors, si c'est ça, la
politique, c'est un peu gênant parce que c'est l'énoncé. Ce
n'est pas du tout ce qu'on dit ici, le texte a l'air de reculer trois ou quatre
ans en arrière en dénonçant les réfugiés
comme étant des abuseurs. Ça, c'est choquant.
Deuxièmement, vous parliez de l'arriéré qui
commence à s'accumuler encore. Je dois dire que ce n'est pas au
Québec. Il y a un problème d'arriéré en Ontario. Il
n'y en a pas un au Québec. Actuellement, on règle les
revendications du statut de réfugié en à peu près
huit mois. La première partie, qui s'appelle l'enquête, est trop
longue. C'est vrai. Ça devrait être raccourci et ça va
être raccourci d'ici très peu de temps, c'est-à-dire que
ça va probablement être réduit à deux mois, je
pense.
Ce qui fait que, si tout va bien, dans les mois qui vont suivre, un
revendicateur du statut de réfugié va voir son cas traité
complètement jusqu'à la fin en à peu près quatre ou
cinq mois. Ce qui devrait être très bien, et ça, je
n'appelle pas ça de l'arriéré. Là, c'est un peu
trop long. C'a commencé à bretter comme on dit, entre guillemets,
mais c'est à cause d'une paperasserie inutile au niveau de
l'enquête, mais c'est en train de se régler. En Ontario, à
Toronto, bien sûr, parce que tout le monde est là, là
ça bloque vraiment, et le problème de votre homologue, c'est
Toronto, ce n'est pas au Québec.
Enfin, nous sommes la Ligue des droits et libertés. Nous ne
sommes pas le Conseil du patronat ni la Chambre de commerce. Ça fart que
si on n'a rien dit à propos des gens qui apportent de l'argent, c'est
peut-être que ce n'est pas notre domaine. Il y en a d'autres qui vont
venir en parler, et ce n'est pas qu'on est contre l'argent, mais on s'occupe
plus de ceux qui n'ont pas de voix normalement et qui sont moins bien
défendus que ceux qui viennent avec le Conseil du patronat, par exemple.
(21 h 30)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Duquette. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je reviens encore sur cette question. Vous
m'excuserez de ne pas partager votre point de vue sur la question du recul
quant aux réfugiés, dans l'énoncé de politique,
parce que je remarque, encore, à la page 37, on dit: "En vertu du
principe de solidarité internationale auquel ils souscrit pleinement et
à l'instar des autres sociétés industrialisées, le
Québec se reconnaît une responsabilité en matière
d'accueil des personnes en situation de détresse." Et un peu plus loin,
on dit: "Durant les prochaines années, l'effort d'accueil des
réfugiés sera maintenu et le soutien à leur
intégration accentué." Donc, on reconnaît notre
responsabilité. Et comme je le disais, nous voulons aussi poursuivre et
continuer de jouer notre rôle humanitaire. Mais aussi - je reviens encore
sur ça - c'est sûr qu'on se questionne, par contre, sur l'ampleur
du mouvement des revendicateurs du statut de réfugié, parce que
c'est tout à fait normal puisque, comme je le mentionnais tout à
l'heure, quand on a à définir des niveaux chaque année,
qu'on a à sélectionner dans nos bureaux à
l'étranger, que nous sélectionnons toujours en fonction des
structures que nous avons en place et de l'accueil que nous pouvons donner
à ces personnes et que, cependant, il nous en arrive 12 000 par
année que nous n'avions pas prévus, ça bouleverse un peu,
ça chambarde un peu, ça nous coince un peu dans notre politique,
à ce moment-là. Alors, ça, je pense que c'est ce qu'on
questionne dans notre énoncé de politique. Et je pense que c'est
avec raison, mais ça ne veut pas dire pour autant que nous voulons
mettre de côté et ne pas poursuivre notre rôle
humanitaire.
Je reviens cependant sur un autre point qui est intéressant, qui
est important dans votre mémoire parce que nous en avons discuté
cet après-midi, avec, entre autres, je pense le Centre international des
femmes de Québec. À la page 7 de votre mémoire, vous
mentionnez votre inquiétude à l'effet que la prise en compte des
caractéristiques socio-économiques du conjoint ne
défavorise certains candidats. Donc, justement, cet après-midi,
on nous disait que comme au Québec, généralement, la femme
doit souvent être sur le marché du travail, non pas par caprice ni
parce qu'elle le veut absolument mais par besoin, parce qu'on sait
qu'aujourd'hui, pour une famille, au Québec, souvent les deux doivent
travailler, donc la femme, souvent, doit être sur le marché du
travail et, dans ces circonstances-là, ne pas tenir compte des
caractéristiques socio-économiques de cette personne du conjoint,
ça peut avoir aussi pour effet un isolement. La femme peut se sentir
davantage isolée, que ce soit, par exemple, au niveau de la langue, que
ce soit aussi au niveau culturel. Justement, cet après-midi, ce groupe,
ce Centre international des femmes de Québec nous disait: Oui, vous
devez prendre en considération et même, lors de votre
sélection, vous devriez, par exemple, sélectionner en fonction de
chaque individu. Là déjà, au départ, ce serait
quand même une sélection qui serait plus égalitaire face
à
la conjointe, par exemple, qui arrive ici, mais on nous disait qu'on
devait prendre en considération les caractéristiques, par
exemple, de formation chez la conjointe, pour permettre une intégration
réussie.
M. Lang lois: Je m'excuse, Mme la ministre, mais j'aimerais que
vous me situiez à quel endroit de notre mémoire.
Mme Gagnon-Tremblay: À la page 7 de votre
mémoire.
M. Langlois: Notre mémoire arrête à la page
6. Peut-être que vous êtes...
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, j'ai une page 7; j'ai la page 7 et on a
même 8. On a même 7 et 8. Même la page 8. Lorsqu'on parle de
famille, on dit, par exemple: "La prise en compte accrue des
caractéristiques socioprofessionnelles du conjoint peut, indirectement,
défavoriser certains candidats dont les conjoints ne disposeraient pas
des compétences répondant, encore une fois, aux priorités
du Québec." Le troisième paragraphe de la section de la
famille.
M. Langlois: O.K. C'est parce qu'on n'a pas la même
pagination que le fax, je pense.
Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon! Je m'excuse.
M. Langlois: Je m'excuse.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je reviens un peu. J'aimerais que
vous me donniez vos commentaires sur cette demande, par exemple, du Centre, cet
après-midi, à l'effet qu'on devrait prendre en compte les
caractéristiques socio-économiques du conjoint ou de la
conjointe. Parce que souvent, finalement, lorsque le candidat principal est
accepté en fonction d'une grille de sélection, automatiquement la
famille vient, mais on prend rarement... C'est-à-dire, bien sûr
qu'on donne des points supplémentaires, par exemple, si la conjointe ou
les enfants ont une connaissance du français, des choses comme
ça, mais au niveau de la formation comme telle... Parce que, aussi,
d'une part, vous avez des groupes qui nous demandaient: Pourquoi
conservez-vous, par exemple, une période de trois ans de parrainage, de
garantie? Justement, on disait que si, par exemple, on prenait plus en
considération la formation d'une conjointe, à ce
moment-là, elle pourrait intégrer le marché du travail.
Parce que, lorsqu'elle arrive ici, ça ne signifie pas que le couple
demeurera toujours ensemble ou qu'il n'aura pas de difficulté.
M. Langlois: Oui. Dans ce sens-là, on serait parfaitement
d'accord, effectivement. Je ne connais pas la position de l'organisme auquel
vous faites allusion, qui proposait d'en tenir davantage compte. Mais on serait
parfaitement d'accord que ça puisse aider un requérant,
effectivement, favoriser un meilleur pointage pour un requérant. Le sens
dans lequel on se posait la question, dans le paragraphe auquel vous faites
allusion, c'est dans le cas où, effectivement, cette prise en compte
là défavoriserait le candidat en question. À ce
moment-là, est-ce qu'il n'y aurait pas un certain risque, jusqu'à
un certain point, de dénaturer ou, en tout cas, de limiter l'exercice du
droit de réunion?
Mme Gagnon-Tremblay: Ce qu'il ne faut pas oublier, cependant,
c'est que vous avez des centaines et des centaines de personnes qui viennent
frapper aux portes de nos bureaux à l'étranger et qui veulent
venir au Québec. Donc, le Québec, a ce moment-là, peut
faire une sélection en fonction de ses objectifs. Bien sûr qu'il y
a des personnes qui seront refusées, bien sûr qu'il y en a qui
sont refusées aussi. Tout à l'heure, vous parliez du
critère de la langue qui, pour vous, est un facteur qui ne devrait pas
être déterminant. Or, je dois vous dire qu'au départ le
critère langue n'est pas le facteur déterminant, mais que
l'employabilité est un facteur déterminant. Vous savez, par
exemple, que, même si une personne parle français, si elle ne
répond pas au guide d'emploi du Québec, automatiquement, cette
personne est éliminée. Le facteur employabilité est un
facteur déterminant, comparativement à la langue. Et justement,
en parlant de la langue, étant donné, par exemple, ce que nous
sélectionnons actuellement, que près de 50 % de notre immigration
est allophone, ne croyez-vous pas qu'il est normal que le Québec fasse
un effort supplémentaire pour essayer d'atteindre un objectif qui est de
40 % de l'immigration francophone, de parlants français?
Le Président (M. Doyon): Ce sera peut-être la
dernière question, Mme la ministre, compte tenu du temps que vous avez
utilisé. Alors, M. Langlois, Me Duquette ou Mme Spadari.
M. Langlois: Sur cette question de la langue, brièvement.
Effectivement, il y a quelque chose de légitime dans la politique
québécoise à ce niveau-là. Et je pense qu'on ne
veut pas laisser entendre que la Ligue des droits et libertés n'est
absolument pas d'accord avec le fait d'aller chercher les francophones,
effectivement. Ce contre quoi on veut mettre en garde, c'est l'idée
qu'aller chercher et augmenter le pourcentage des francophones jusqu'à
40 % ou même 55 % chez les immigrants indépendants, travailleurs
indépendants - je pense que c'est même 65 % que
l'énoncé de politique propose dans le cas des travailleurs
indépendants et quelque chose comme 30 % ou 35 %, si ma mémoire
est fidèle, dans le cas des gens d'affaires - ça ne nous semble
pas être une garantie
du fait que l'immigration va véritablement servir à
développer la pérennité du fait français comme
étant un objectif de l'énoncé de politique, simplement
parce qu'il y a d'autres facteurs et qui sont peut-être, effectivement,
beaucoup plus déterminants. Un immigrant qui passe à travers les
COFI, qui apprend le français très bien, mais qui se retrouve du
jour au lendemain dans une entreprise où c'est l'anglais qu'il doit
parler pour pouvoir travailler... Jusqu'à quel point on développe
l'usage du français et on y collabore vraiment? Il y a une politique
d'ensemble de la langue qui est en jeu dans cette question-là et pas
simplement une politique d'immigration. Il ne nous semble pas garanti que le
fait de rehausser ça nous aide, comme société, à
maintenir le fait français, véritablement, face à une
société nord-américaine. C'est dans ce sens-là
qu'on intervient, dans notre mémoire, sur la question de la langue.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lan-glois. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Eh bien, M. le Président, à
même circonscription, même question. Ce n'est pas une question
morale que je vous pose. C'est une question très pratico-pratique. Je
dis à même circonscription, puisque, madame, ma
circonscription...
Une voix: ...tous dans votre comté.
M. Boulerice: ...est l'abondance, vous le savez, et je m'en
réjouis. Ha, ha, ha! Est-ce que le dédoublement de structures
facilite ou complique les choses aux réfugiés pour ce qui est de
l'immigration et de l'accueil?
M. Langlois: Dans l'accueil des réfugiés...
M. Duquette: Du côté des réfugiés,
à peu près pas. Effectivement, c'est le fédéral qui
s'occupe à peu près de tout, du début à la fin.
C'est seulement à la fin que le CSQ est automatiquement donné
à une personne qui a été reconnue comme
réfugié. Non, ça ne change pas grand-chose parce que le
provincial n'a à peu près pas de pouvoirs de ce
côté-là. Du côté de la sélection des
immigrants d'une façon générale, oui, c'est beaucoup plus
compliqué, de telle sorte que, de temps en temps, les immigrants
potentiels préfèrent peut-être aller en Ontario, parce
qu'ils ont juste un fonctionnaire à voir et que ça va être
plus court que de venir au Québec Si les pouvoirs étaient plus
concentrés et si, effective ment, le candidat éventuel à
la résidence permanente au Canada ne voyait qu'un seul fonctionnaire
à l'étranger et que celui-ci avait tous les pouvoirs, ça
irait beaucoup mieux.
M. Boulerice: Voulez-vous tous ces pouvoirs pour le
Québec?
M. Duquette: Bien, écoutez, c'est ce que je disais au
début. En autant que le Québec fonctionne mieux que le
fédéral, oui. Sinon, non.
M. Boulerice: Croyez-vous que le Québec a des chances de
fonctionner mieux que le fédéral?
M. Duquette: J'avais beaucoup d'espoir, je dois dire, au
départ à ce sujet-là. Je crois que le Québec
étant une société plus petite, on a beaucoup plus de
capacités en tant qu'individus à contrôler ceux qui nous
dirigent, je pense, ou au moins à les approcher, et je crois que c'est
tout à fait possible que oui.
M. Boulerice: Parce que, au risque de vous étonner, je
suis tout à fait d'accord avec ma collègue, la ministre, à
l'effet que le fédéral se penche sur l'immigration. Sauf que mon
pronostic diverge du sien. Je pense qu'il s'y penche tellement qu'il va tomber
ou trébucher. On l'a vu dans bien des exemples, et ce que vous soulignez
au sujet du "back-log", là, je ne pense pas qu'on va voir demain la
solution venant du fédéral. Vous parlez, et ça, c'est une
préoccupation qui me rejoint, de s'intéresser au bassin
d'immigration de l'Afrique du Nord, donc vous faites allusion, sans aucun
doute, aux pays du Maghreb et de l'Afrique noire, mais est-ce que c'est dans
l'optique de l'accueil aux réfugiés ou de l'immigration? Je tiens
à la précision, puisque l'accueil aux réfugiés,
ça a une autre dimension. L'immigration, si, par malheur, nous
étions tentés d'aller chercher la-bas le peu de main-d'oeuvre
qualifiée qu'ils ont déjà, ce serait les appauvrir
davantage. Est ce que c'était dans cette optique là que vous
l'aviez vu? Dans l'accueil aux réfugiés ou bien dans
l'immigration dans le sens le plus large du terme?
M. Langlois: Je vais vous répondre là-dessus. En
fait, on faisait allusion, je pense, à la page 28 de
l'énoncé de politique. Ce n'était pas en rapport avec
l'accueil des réfugiés qu'on mentionnait ça,
c'était en rapport avec la sélection des immigrants
indépendants. Et il nous semblait, dans le prolongement de ce que
l'énoncé affirmait qu'effectivement, l'Afrique francophone,
l'Afrique du Nord, comme l'Afrique subsaharienne, telle qu'on l'appelle dans
l'énoncé, constituait des bassins importants d'immigration. Et
peut-être aussi pour arriver à renforcer, entre autres, dans la
mesure où l'énoncé privilégie le critère
justement du français, il nous semble que, là, il y a un bassin
potentiel de sélection de nouveaux arrivants et il nous semblait
même qu'on devrait envisager d'ouvrir de nouveaux bureaux dans ces
régions-là pour permettre et faciliter finalement les demandes
d'immigration de la part de ces gens-là. (21 h 45)
Quant à savoir la question est-ce qu'on ne va pas siphonner le
peu de main-d'oeuvre qualifiée qu'il y a là? Je ne suis pas en
mesure de vous faire une étude économique du
Sénégal, de la Haute-Volta, du Mali et de l'effet que
l'immigration pourrait avoir ici. Mais les chiffres sont-ils si importants
venant de cette région-là pour nous permettre de dire qu'il y
aurait une conséquence grave à faire venir des gens du
Sénégal, de la Haute-Volta ou d'Algérie ou du Maroc. Il y
a déjà beaucoup de Marocains qui viennent, beaucoup de Tunisiens
qui sont ici. Je ne crois pas qu'on doive, plus qu'à l'égard
d'autres régions du monde, se poser cette question-là. On
pourrait se la poser dans le cas de tous les pays du tiers monde, c'est notre
bassin d'immigration.
M. Boulerice: D'accord. Vous parlez de la définition de la
famille propre au contexte québécois, vous dites qu'elle peut
poser problème. Votre définition à vous serait quoi?
Est-ce que vous entendez celle nécessairement du pays d'origine de
l'immigrant, sachant qu'il y a bien des modèles, ou bien une extension
du concept qu'on a actuellement et, si oui, dans quelle direction?
M. Langlois: Je vais laisser Pierre répondre à
cela.
M. Duquette: En fait, on peut l'élargir... Ce n'est pas
moi qui ai écrit le texte comme ça, mais je crois, parce qu'on en
a discuté, que ce qu'on voulait dire, c'est qu'on doit élargir un
peu la famille ou le concept de la famille en ajoutant les frères et les
soeurs de façon évidente, c'est-à-dire qu'actuellement, la
catégorie de la famille ne permet pas de parrainer les frères et
les soeurs et ça serait tout à fait raisonnable, normal, de
pouvoir les parrainer qu'ils soient majeurs ou mineurs, orphelins ou non
orphelins. Ça serait un élargissement simple et acceptable pour
nous ici et, évidemment, pour les étrangers qui veulent venir
ici. Alors, ce n'est pas une définition complètement
différente de la nôtre.
M. Boulerice: Plusieurs des intervenants précédents
ont parlé de parrainage et de parrainage collectif. Avez-vous une
opinion?
M. Duquette: Oui. Enfin, j'ai entendu tout à l'heure ce
qu'on a dit sur le parrainage par plus d'une personne. Je crois que, oui,
ça devrait être élargi. Je dois dire que la question du
parrainage se pose de façon très différente au
Québec que dans toutes les autres provinces. Curieusement, partout dans
les autres provinces, il y a un parrainage où les gens s'engagent
à subvenir aux besoins de la personne qui va venir, mais il n'y a aucune
sanction quand l'individu parrainé se retrouve sur l'aide sociale le
len- demain de son arrivée. Ici au Québec, l'engagement est un
engagement je dois dire, entre guillemets, sérieux, c'est-à-dire
qu'il y a une sanction immédiate. l,e répondant ou le garant
peut-être poursuivi légalement et la personne qui demande l'aide
sociale peut être obligée de poursuivre son garant. Et ça
se passe effectivement tous les jours aujourd'hui. Dans les autres provinces,
les tribunaux ont déterminé que l'obligation alimentaire qui
semblait exister dans l'engagement n'existait pas, en fait, et qu'il n'y avait
donc aucune poursuite qui pouvait en découler. On est un peu plus
chanceux ici. Par contre, curieusement dans les autres provinces, ou dans une
autre province en tout cas, on peut être plusieurs pour parrainer une
seule personne. Ça serait normal que ça se fasse ici et ça
permettrait éventuellement, si jamais il y a des délinquants qui
ne respectent plus leurs engagements, d'avoir plus de personnes à
poursuivre éventuellement.
M. Boulerice: Vous avez dit, et ça été mis
en parallèle avec le rapport du Conseil économique canadien qui
démystifiait peut-être certaines choses - de toute façon,
on aura le débat, je ne sais pas si c'est demain, tout au moins dans
quelques jours - que la dimension humanitaire de l'immigration était
absente de la politique. Ce à quoi la ministre forcément a
réagi, je pense que c'était tout à fait normal qu'elle le
fasse. Mais cette affirmation étant faite dans votre texte et compte
tenu de l'importance que vous accordez aux réfugiés, et cela est
également votre travail, Me Duquette, est-ce que vous avez songé,
pensé, et je vais employer un mot qui est sans doute ignoble dans le
contexte, mais c'est le seul que je trouve, à un calcul, à un
pourcentage? Quel devrait être le pourcentage de réfugiés
par rapport à des immigrants et par rapport à ceux qu'on appelle
la catégorie des immigrants investisseurs? Est-ce que vous avez
pensé à un certain dosage, peut-être en termes de
pourcentage?
M. Duquette: Oui. Je ne vais pas répondre directement tout
de suite à cette question, parce que je crois que je dois
répondre en même temps à vous et à Mme la ministre
à propos des prévisions qu'on peut faire au sujet des
réfugiés. C'est-à-dire que l'accueil des
réfugiés ici n'est pas une aide au tiers monde. Ça n'a
rien à voir éventuellement avec une aide au tiers monde et
ça n'a rien à voir avec des programmes semblables à l'ACDI
ou autrement. Le réfugié est un individu qui fuit la
persécution et qui aboutit ici ou ailleurs. En fait,
généralement ailleurs, rarement ici. Et quand il arrive ici, il
n'arrive pas de façon programmée, c'est-à-dire qu'il est
particulièrement agaçant pour un fonctionnaire à
l'immigration parce qu'il arrive la fin de semaine, le dimanche soir, rarement
le lundi à 9 heures, et il n'arrive pas non plus suivant ce qu'on
aimerait, c'est-à-dire plutôt pas l'été,
parce qu'on est en vacances, pas dans la période de Noël, parce
qu'on aimerait mieux pas, il arrive de façon désordonnée.
Cfest ça à peu près la façon et c'est ce
qui choque évidemment une prévision normale du travail, et c'est
un peu ennuyeux. Mais qu'est-ce que vous voulez, c'est la définition
d'un réfugié: il se sauve. Il n'arrive pas nécessairement
comme on voudrait qu'il arrive. Est-ce que chaque réfugié devrait
arriver avec, dans l'année, 9999 autres ou bien 19 999? C'est difficile
à dire. Ça dépend beaucoup beaucoup de l'évolution
de la politique mondiale, ça dépend curieusement aussi de
l'accueil qu'on en fait. C'est vrai que, si on les accueille très bien,
il va en venir plus et que, si on est très méchant, il n'en vient
plus un. Mais remarquez bien que, si on en a 10 000 ou si on en a 12 000, ce
n'est pas beaucoup. Et, comme on a l'intention d'augmenter notre bassin
d'immigrants à 45 000, 50 000 ou 55 000, on peut certainement trouver
acceptable que le pourcentage de réfugiés augmente au moins dans
le même sens, c'est-à-dire que, si on en a actuellement 12 000 et
qu'on a 35 000 ou 36 000 immigrants, ça veut dire le tiers, on pourrait
continuer comme ça, avec le tiers. Mais ça, ça ne veut pas
dire que c'est des prévisions. C'est simplement des possibilités.
Il s'agit de savoir, après ça, si on a la capacité
d'accueil. Ça, c'est un peu ennuyeux effectivement pour des
fonctionnaires, c'est-à-dire qu'il faut engager des professeurs de
français, etc., et on ne peut pas prévoir comme on ne sait pas
combien il va en venir. Mais je crois que le système doit être
suffisament élastique pour répondre aux arrivés. Il faut
s'ajuster et être capables de comprendre que les chiffres arrivent de
façon imprévue.
M. Boulerice: J'ai souri tantôt, Me Duquette, parce que
vous avez donné la même réponse que je donnais lorsque
j'étais responsable des classes d'accueil et que le ministère de
l'Éducation me disait: Combien en aurez-vous l'an prochain? Je disais:
Écoutez, je n'ai malheureusement pas de calendrier des prochaines
révolutions ou des guerres civiles, donc ça m'est bien difficile
de vous dire combien j'en aurai l'an prochain.
Vous avez parlé de capacité d'accueil. Je sais que ce
n'est pas l'objet très spécifique de votre organisme, mais je
sais quand même que vous avez déjà traité le sujet
qui, du moins, vous préoccupe et qui est toute la question de
l'habitation et du logement. Et il y avait au mois de juin, dans le journal
La Presse, un article de M. Salvet qui était une collaboration
spéciale, qui disait: Loger les gens à Montréal, une
responsabilité négligée dans l'accueil des immigrants.
Donc, quand vous parlez de capacité d'accueil comme telle, ne
croyez-vous pas que l'immigration, dans tous ses sens, autant
réfugiés qu'immigrants, entre guillemets, ordinaires, ça
doit être une préoccupation, mais pas uniquement du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Enfin,
c'est le maître d'oeuvre, il va de soi, je ne veux pas nier ça.
Mais que ce doit être également un travail de concertation
véritablement interministériel: Habitation, Santé,
Justice, Travail. Je ne ferai pas mon discours sur la rue Chabanel, je pense
que vous le connaisse/ très bien, hein? Si on veut quo cet accueil soit
réussi. Si l'accueil n'est pas réussi, je pense que l'immigration
n'est pas réussi.
Le Président (M. Doyon): M. Langlois.
M. Langlois: Oui. Vous avez parfaitement raison, M. le
député. Même si on ne l'a pas signalé nulle part,
que ce soit sur la question du logement, que ce soit sur la question du
travail, de la justice, de l'équité en emploi, des programmes
d'accès à l'égalité, ce n'est pas possible
qu'effectivement, il n'y ait qu'un ministère ou une institution qui s'en
préoccupe. Je veux dire que je pense que l'ensemble de la
société québécoise est interpellée,
l'ensemble de ces institutions sont interpellées par cette
question-là. Quelle forme concrète ça devrait prendre au
niveau du gouvernement, au niveau interministériel? Je ne le sais pas.
On n'a pas réfléchi davantage à cette question-là.
Sauf qu'il y a une chose qui nous préoccupe et à laquelle fait
écho l'énoncé de politique. J'ai commencé par
ça dans ma présentation. C'est quelque chose qui nous
paraît extrêmement important. C'est effectivement l'ensemble des
mesures d'intégration et de lutte contre la discrimination, contre le
racisme, mais qui veulent dire aussi programmes d'accès à
l'égalité, qui veulent dire lutte contre les
préjugés, qui veulent dire surveillance de la discrimination
à l'emploi, qui veulent dire finalement une foule de choses comme
ça.
Une chose peut-être qui apparaît plus marginale, mais sur
laquelle la Ligue, comme organisme, a travaillé depuis une couple
d'années, ce sont les agressions physiques dont sont victimes les
immigrants, les ethnies, les homosexuels, les groupes minoritaires en
général, mais, en particulier, les minorités visibles
effectivement. Et ces agressions physiques, je vous dirais, pour avoir
rencontré justement ce matin deux personnes qui étaient encore
victimes en mai 1989 d'une agression physique par une bande de jeunes
carrément racistes, qui les avaient agressés avec des
bâtons, avec des cannes, etc. Ces gens-là, s'adressant aux
institutions, commencent un petit peu à douter de la volonté de
ces institutions là de combattre véritablement ce
fléau-là. Mais, ça aussi, ça fait partie du
portrait effectivement, et je pense qu'il va falloir, sur les
préjugés, le racisme, sur la discrimination, avoir des actions
concertées et aussi s'appuyer sur les organismes du milieu, favoriser
ces projets-là par les organismes du milieu.
Le Président (M. Doyon): Une question, M. le
député?
M. Boulerice: Bien, ce n'est pas nécessairement une
question comme telle, ce serait un commentaire. Je pense que l'heure est venue
de nous dire au revoir. Je veux vous remercier de votre présence et
surtout du mémoire et des réflexions qui ont accompagné ce
mémoire. J'ai apprécié, M. Langlois, que vous fassiez en
tout dernier allusion à ces incidents qui sont survenus et qui,
malheureusement, sont survenus dans ce beau petit coin de Montréal, qui
est le nôtre. J'aimerais peut-être - et je pense que mes
collègues de la commission vont me permettre de vous donner ce message -
vous informer qu'il y a une concertation de tout instant entre les élus,
quel que soit le niveau - je ne me plaindrai pas là qu'il y ait eu
multiplication des paliers cette fois-ci à ce sujet-là - avec les
services de police de Montréal.
Et il est dans notre intention d'ailleurs de faire très
bientôt appel à des organismes de la circonscription, qui ont une
expertise dans ce domaine, à l'exemple, le vôtre comme la Table de
Concertation, parce que je serais vraiment très malheureux que ces
gestes soient imités par d'autres ou qu'ils perdurent. Alors, je ne sais
pas si mes paroles sont rassurantes, mais je peux vous dire que les actions
sont déjà entreprises à ce niveau-là, parce que,
effectivement, c'est une image extrêmement négative. Et elle ne
peut s'exercer envers qui que ce soit, et surtout pas également envers
ceux qui arrivent chez nous pour une première fois. Ça
contredirait ce vieux dicton américain qui dit: Vous n'avez jamais une
seconde chance de faire une première bonne impression.
Arriver dans une terre d'accueil et recevoir un coup de bâton le
lendemain, je vous avoue que le mot "accueil" prend une dimension tout à
fait différente. Encore une fois, merci de votre participation, et
surtout bon retour dans la belle circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Vous me pardonnerez mon immodestie lorsqu'il s'agit de parler de cette
circonscription. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Moi aussi, je voudrais vous
remercier. Et je dois vous dire que, comme gouvernement, nous avons des choix
de société à faire, des choix qui ne sont pas faciles, et
comme responsable du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, je dois vous dire que ces choix-là sont parfois, pour
moi, déchirants. Cependant, comme vice-présidente du Conseil du
trésor, je dois aussi tenir compte de la capacité de payer de
l'État. Je dois tenir compte aussi, bien sûr, de la
capacité d'accueil, des structures que nous avons en place actuellement.
Donc pour vous dire que ces choix-là ne sont pas toujours des choix
faciles, c'est pourquoi je vous parlais tout à l'heure d'un certain
équilibre aussi entre les différentes catégories. Je tiens
aussi à vous féliciter pour l'excellente étude que vous
avez faite récemment sur les mouvements racistes d'extrême droite.
D'ailleurs, nous nous en inspirons au ministère. Je sais que la
sous-ministre me parlait justement tout à l'heure de cette étude
qu'elle a fait venir, et nous nous en inspirons actuellement. Je vous remercie
beaucoup et bon voyage de retour.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, il
me reste à vous souhaiter aussi un bon retour à Montréal,
et merci de vous être présentés devant nous. Alors, nous
ajournons nos travaux à demain, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 2)