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(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. La commission de la culture va
entreprendre ses travaux de la journée et je rappellerai le mandat qui a
été alloué à cette commission. C'est de
procéder à une consultation générale sur
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration intitulé "Au Québec pour bâtir
ensemble", ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les
années 1992, 1993 et 1994. Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements à cette commission?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie).
Le Président (M. Gobé): Bienvenue, messieurs. Nous
allons commencer ce matin par entendre le premier groupe qui est le
Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec. Je
rappellerai, pour les gens qui viennent d'arriver, que l'organisme qui
témoigne a 20 minutes pour faire l'exposé de son mémoire.
Par la suite, les membres de cette commission disposent de 40 minutes qui se
répartissent généralement, selon la coutume, en 20 minutes
pour l'Opposition et 20 minutes pour le pouvoir, la règle de
l'alternance jouant normalement pour l'ordre de préséance et,
à la fin, il peut y avoir une courte période de conclusion ou de
remerciements, commençant par l'Opposition officielle et se terminant
par le parti au pouvoir.
Alors, sans plus attendre, je demande maintenant aux gens du
Congrès canado-italien de bien vouloir se présenter pour fins
d'enregistrement et afin que les membres de cette commission puissent mieux
vous connaître, et de commencer par la suite l'exposé de votre
mémoire, s'il vous plaît.
Congrès national des Italo-Canadiens,
région Québec
M. Giusto (Angelo): Angelo Giusto, trésorier du
Congrès national, région de Québec, des
Italo-Canadiens.
M. Manno (Giuseppe): Jos. Manno, président du
Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec.
M. Folco (Alfredo): Alfredo Folco, président du
Congrès national des Italo-Canadiens.
M. Trozzo (Michel): Michel Trozzo, prési- dent des
services communautaires italo-canadiens.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs. Vous
avez maintenant la parole pour celui d'entre vous qui va présenter le
mémoire.
M. Folco: Merci, M. le Président. Mmes et MM. membres de
la commission, mesdames et messieurs, à titre de principal organisme de
la communauté culturelle la plus nombreuse au Québec, le
Congrès national des Italo-Canadiens, région Québec, ne
peut être que particulièrement sensible au sujet qui nous
préoccupe aujourd'hui: l'accueil et l'intégration des populations
immigrantes. Le Congrès, qui regroupe la plupart des grandes
associations à caractère culturel, social et communautaire de la
communauté italienne, constitue l'interlocuteur privilégié
des instances gouvernementales sur les grandes questions qui préoccupent
la communauté italo-québécoise. La question du maintien et
de l'essor des communautés culturelles autant que la question de
l'immigration, des politiques qui doivent être élaborées et
des programmes qui doivent être mis en oeuvre pour favoriser l'accueil et
l'intégration harmonieuse des immigrants nous préoccupent
à la fois comme Québécois et comme membres d'une
communauté issue de l'Immigration. Nous sommes convaincus que
l'immigration constitue pour le Québec un enjeu déterminant pour
son développement futur.
Dans le contexte démographique actuel, la
dénatalité et le vieillissement de la population menacent
sérieusement le développement futur du Québec. Avec un
taux de natalité qui ne permet pas, loin de là, la simple
reproduction de la population, le Québec ne pourra même pas
maintenir dans l'ensemble canadien, quoi qu'il devienne, son poids
démographique et, dès lors, son poids politique et
économique. Devant le risque d'avoir une population de plus en plus
âgée, de moins en moins productive, de plus en plus pauvre et
ainsi moins en mesure de conserver ses programmes sociaux, nous n'avons pas
vraiment le choix, et l'énoncé le rappelle avec justesse: il nous
faut hausser substantiellement notre niveau d'immigration.
L'immigration ne peut, évidemment, être perçue comme
une simple réponse au déficit démographique. L'immigration
au Québec est avant tout le résultat des besoins d'une
société industrielle avancée. Le Québec s'est
tourné vers les pays d'émigration pour accélérer
son développement et les apports de l'immigration sont d'ailleurs
difficilement contestables sur le plan macro-économique ou
micro-économique. Au moins pour un temps, cependant, les immigrants
sont aussi un peu les enfants que nous n'avons plus. Mais l'immigration
n'est pas une panacée. Nous devons compter maintenant, et sans doute
devrons-nous toujours compter sur un apport extérieur, car nous croyons
qu'il est de toute façon souhaitable pour une société de
s'ouvrir ainsi. Mais, en même temps, il nous faut absolument hausser
notre taux de natalité. Pour cela, nous devrons certainement
élaborer des mesures de soutien à la famille, mais, bien plus
encore, témoigner collectivement de l'importance que nous attachons au
fait d'avoir des enfants, car c'est probablement davantage une question de
valeurs - des spécialistes l'ont fait remarquer -de concurrence entre
des valeurs parmi lesquelles l'enfant doit redevenir plus important.
En attendant, l'énoncé évoque des objectifs
quantitatifs de 55 000 immigrants par année, ce qui paraît bien
ambitieux. Pourtant, ces objectifs sont modestes en regard des besoins
démographiques du Québec et ils tablent à la fois sur
l'augmentation du taux de natalité de 1,5 % à 1,8 %, ce qui n'est
pas assuré, et sur un niveau de rétention que nous pouvons
qualifier d'optimiste de notre population immigrante. Nous disons donc,
modestes quant à nos besoins, mais ambitieux car il nous faudra bien les
accueillir, année après année, ces quelque 55 000 nouveaux
arrivants, sans compter un nombre indéterminé de revendicateurs
du statut de réfugié. Il faudra intégrer tout ce monde
pour se donner les moyens de les intégrer harmonieusement à une
société majoritairement francophone dans son coin de pays, mais
spectaculairement minoritaire en Amérique du Nord.
Les choses ne se feront assurément pas toutes seules. Des
problématiques parfois complexes et des contraintes sont
déjà apparentes, surtout dans la région de
Montréal, dans certains milieux de travail, dans plusieurs
écoles. Certains manifestent des inquiétudes. Nous pensons, quant
à nous, que les difficultés sont là pour nous permettre
d'exceller. Comme notre propre immigration nous a contraints à viser
l'excellence, nous croyons que ce peuple qui nous a accueillis dans cette
Amérique francophone n'a jamais eu le choix d'exceller ou non depuis ses
origines. Et ce n'est pas malgré, mais à cause
précisément des obstacles qu'il a continué de
progresser.
En ce qui a trait à l'immigration, il faut d'abord et avant tout
que la volonté politique soit clairement affirmée, correctement
articulée et puis que les moyens soient là. Nous pensons que
l'énoncé a, pour commencer, ce grand mérite de nous
proposer une politique claire, une vision intégrée et
cohérente de l'immigration et de l'intégration. Il nous faut
féliciter le gouvernement à cet égard, car la seule
publication de cette politique démontre que cette question est
importante pour lui et qu'il sait où il va, qu'il a la volonté de
prendre les choses en main. Tout cela nous rassure, d'autant que, il nous faut
bien l'avouer, nous étions vaguement inquiets puisque rien
n'était venu combler le vide laissé par le
précédent énoncé "Autant de façons
d'être Québécois" paru il y a 10 ans déjà. Ce
qui ne signifie pas que rien n'a été fait depuis, bien entendu:
l'action quotidienne du ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration, les travaux du Conseil des communautés culturelles et
de l'immigration, la déclaration sur les relations interethniques et
interraciales, et je pourrais continuer à en citer pendant plusieurs
minutes. Beaucoup de choses ont été faites et nous constatons
avec plaisir que nos deux grands partis se rejoignent sur l'essentiel, sur les
principes qui guident l'action du Québec sur les questions
reliées à l'immigration. Tout cela est de bon augure et tout cela
est réaffirmé, notamment les grands principes de l'action
gouvernementale, dans l'énoncé.
Nous pouvons dire que non seulement le gouvernement actuel du
Québec, mais le Québec sait où il va en matière
d'immigration et d'intégration et qu'il ira effectivement, s'il en a les
moyens.
Car, maintenant, c'est une question de moyens et, pour commencer, de
pouvoirs. Et le Québec doit, à notre avis,
récupérer l'ensemble des pouvoirs relatifs à la
sélection et à l'accueil de toutes les populations immigrantes.
Il faut que ces pouvoirs aient une assise juridique ou constitutionnelle solide
pour n'être pas soumis aux aléas réglementaires ou à
des sursauts politiques.
Ensuite, il faut se doter des moyens financiers et de programmes
adéquats pour accueillir et intégrer les nouveaux arrivants. Nous
devrions pouvoir compter en partie, à ce chapitre, sur des sommes
récupérées du fédéral après les
économies réalisées en éliminant certains
programmes concurrents à cause de la présence de deux paliers
gouvernementaux, ce qui permettra au Québec d'augmenter, entre autres,
les ressources disponibles pour la francisation. Il faut impérativement
en arriver ici à une meilleure adéquation entre l'offre et la
demande. Il faut davantage de cours de français offerts plus rapidement
à une clientèle plus nombreuse. Nous rejoignons
l'énoncé sur ce point pour affirmer que le fait français
demeure l'élément le plus significatif de la
spécificité québécoise.
Cet objectif est d'ailleurs inclus dans ce contrat moral qui nous est
proposé à tous, population d'accueil et immigrants. Nous avions
l'habitude d'entendre peu parler de la réciprocité des droits et
des devoirs, pour la société d'accueil aussi bien que pour les
membres des communautés culturelles. Les droits demeurent et c'est
essentiel; ils sont d'ailleurs garantis par les lois québécoises.
Le Québec a une tradition qu'il conserve bien vivante à ce
chapitre. Mais aux droits que nous avons correspondent aussi des devoirs. Parmi
ces devoirs, celui d'accepter les grands principes affirmés
collectivement et qui
sont: le français, langue commune de la vie publique, une
société démocratique où la participation et la
contribution de tous sont favorisées, une société
pluraliste dans les limites qu'impose le respect des valeurs
démocratiques.
Comme communauté d'origine immigrante, nous sommes
particulièrement conscients que l'immigration comporte des devoirs. Nous
acceptons ces devoirs. Nous tenons cependant à réaffirmer le fait
que le concept de réciprocité est pour nous un concept
fondamental qui est à la base même du contrat moral
suggéré.
Nous tenons aussi à affirmer que nous ne considérons pas
l'immigration comme un privilège. Après tout, n'avons-nous pas
contribué à l'édification du Québec, et les futurs
immigrants ne contribueront-ils pas tout autant au développement de
notre société? Le Québec sélectionne les immigrants
en fonction de ses besoins. Parler de privilège, comme le fait
l'énoncé, nous paraît être une négation de la
réalité.
Une intégration réussie. Il faut préciser que nous
ne ferons preuve ici d'aucun excès de fausse modestie. Permettez-nous de
vous rappeler que la communauté italo-québécoise, forte de
250 000 personnes, constitue à la fois l'une des plus anciennes
communautés culturelles du Québec et la mieux
intégrée. Nous avons, ici même en Amérique, une
histoire qui remonte aux débuts de la colonie. Sans remonter à
Christophe Colomb ou à Giovanni Caboto, nous voulons rappeler qu'un
certain nombre de citoyens originaires de la péninsule italienne ont
compté parmi les premiers Européens à développer ce
pays. Si bien que l'un des nôtres s'est retrouvé sur les plaines
d'Abraham, Bourlamacchi, comme général en chef adjoint de
Montcalm.
Mais c'est évidemment le début de l'industrialisation de
Montréal qui donne le signal de départ à une immigration
beaucoup plus massive, arrivant par vagues successives jusqu'à la fin
des années soixante. C'est ainsi que vos grands-parents se sont
peut-être retrouvés avec les nôtres sur les chantiers de
construction ou dans les premières grandes usines de Montréal
comme simples journaliers, car la première immigration était
constituée de paysans pauvres, en quelque sorte descendus en ville eux
aussi, pour gagner les quelques sous qui permettraient de faire vivre leur
famille.
Le Québec a beaucoup changé. Notre communauté a
beaucoup changé. La communauté italienne est mieux instruite,
elle compte toujours un grand nombre de travailleurs qui contribuent à
la vie économique du Québec. Elle compte aussi des
professionnels, des entrepreneurs, des ministres, des chefs d'entreprises et
des créateurs.
En même temps, en dépit de notre intégration, dont
témoigne aussi le grand nombre de mariages interethniques, notre
communauté a réussi à se conserver bien vivante. Nous
avons nos institutions qui enseignent la langue italienne et dispensent des
services, des journaux, des émissions de radio et de
télévision qui nous informent en italien, des créateurs
qui continuent de s'alimenter aux sources de leurs origines.
Nous avons le sentiment d'avoir réussi comme communauté:
intégrée mais vivante. C'est que nous avons été non
seulement reçus dans ce coin d'Amérique mais acceptés avec
nos différences. Il faut reconnaître ici le sens de
l'hospitalité, l'ouverture d'esprit dont a témoigné la
communauté d'accueil, notamment par ses programmes de valorisation des
cultures d'origine et d'échanges interculturels. C'est beaucoup à
cause de ces qualités du peuple québécois que nous avons
le sentiment aujourd'hui de faire pleinement partie de ce peuple. Nous nous
sentons Québécois à part entière et nous entendons
le rester, quels que soient les choix politiques que nous effectuerons
collectivement.
Nous voulions vous proposer ce témoignage aujourd'hui, mais aussi
vous offrir notre collaboration dans la mise en oeuvre de la politique
d'immigration et d'intégration.
Le Québec s'est bâti en partie grâce à
l'apport des communautés culturelles. La communauté italienne a
apporté, à ce chapitre, une contribution qui est
particulièrement significative. Nous pensons qu'il faut
reconnaître publiquement par des campagnes d'information adéquates
cet apport des communautés. Cette reconnaissance peut se faire aussi par
une meilleure utilisation par les institutions publiques des ressources
humaines de ces communautés. Il nous paraît étrange
à cet égard que les membres de la communauté italienne ne
fassent pas l'objet d'un recrutement systématique dans le cadre des
programmes d'accès à l'égalité du gouvernement,
alors même que les membres de cette communauté sont nettement
moins présents dans la fonction publique que d'autres groupes
d'implantation beaucoup moins ancienne. Il y a là une négligence
que d'autres paliers de gouvernement, d'autres institutions, ont heureusement
su éviter.
Reconnaissance encore que le maintien de l'appui aux organismes qui
oeuvrent bénévolement au sein des communautés.
L'énoncé s'engage moins à ce sujet. Il y a pourtant une
force mobilisatrice, une banque de ressources et d'expertise qui pourrait
être mise à contribution dans la mise en oeuvre de la politique,
peut-être même pour l'accueil de nouveaux arrivants d'autres
communautés.
Le Québec nous tient à coeur. Il ne faut pas craindre
l'immigration. Nous avons la prétention d'en être la preuve
vivante. Nous avons la capacité, tous ensemble, si nous nous en donnons
les moyens, d'accueillir et d'intégrer harmonieusement ceux qui nous
viendront d'ailleurs. Nous vous offrons notre collaboration.
Le Président (M. Gobé): Je crois comprendre que
vous avez terminé votre présentation, M. Folco. Je vous remercie
et je vais maintenant
passer la parole à Mme la ministre de l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup pour votre
présentation, M. Folco. Votre mémoire fait état de
l'intégration de la communauté italienne avec beaucoup
d'éloquence et avec justesse, Je pense. On doit même vous
féliciter justement pour le sentiment d'appartenance à la
société québécoise. Vous acceptez d'emblée
le contrat moral dans l'énoncé de politique et je dois vous dire,
avec raison, que c'est la première fois, finalement, qu'un gouvernement
définit ce qu'on pourrait appeler le contrat moral. C'est-à-dire
qu'H veut qu'on fasse connaître nos attentes, par exemple, aux personnes
qui désireraient venir s'établir au Québec. Aussi, je
pense qu'il est tout à fait normal que la société
d'accueil soit en droit de s'attendre à ce que les immigrants et leurs
descendants s'ouvrent au fait français et qu'on sente les efforts
nécessaires à l'apprentissage de la langue française. Et
je vois que ce sont deux points sur lesquels vous insistez.
Juste pour peut-être répondre à la question de
privilège, lorsque, dans notre énoncé de politique, nous
parlons de l'immigration comme étant un privilège, c'est dans le
sens que, comme gouvernement, nous avons des choix. Nous pouvons faire des
choix qualitatifs et quantitatifs. Nous sélectionnons quand même
à partir de certains niveaux que nous déterminons à
l'avance; donc, il nous apparaît à ce moment-là que c'est
un privilège pour un gouvernement de faire des choix, par exemple,
à l'étranger. Une fois, bien sûr, que la personne est
arrivée ici, ce n'est plus cette question de privilège mais c'est
davantage, par exemple, à l'étranger. Lorsqu'on considère
que vous avez des milliers et des milliers de personnes qui désireraient
venir s'établir au Québec, nous considérons que le fait,
pour un gouvernement, de choisir et de contrôler justement cette
admission, c'est pour nous un privilège. C'est dans ce
sens-là.
Vous acceptez d'emblée, comme je le mentionnais tout à
l'heure, dans votre mémoire, le contrat moral Incluant le fait
français. Ce que je trouve particulièrement intéressant et
stimulant, c'est que vous avez beau avoir vos propres institutions comme
communauté italienne, vous avez beau avoir aussi vos propres services,
vos propres journaux, vous jugez cependant fondamental d'être en lien
constant avec les Québécois et les Québécoises de
vieille souche. Vous démontrez aussi qu'il est possible d'être
fier de ses origines tout en étant un Québécois tout
à fait intégré et épanoui. C'est un contraste que
l'on sent avec un autre discours qu'on entend encore et qui veut que les
Québécois des communautés culturelles ne pourront jamais
avoir un sentiment d'appartenance au Québec aussi fort que celui des
Québécois de souche française. Est-ce que vous avez
quelque chose à leur répondre à cet effet-là?
Le Président (M. Gobé): M. Folco.
M. Folco: II me semble évident que l'aspect identification
à la société québécoise est en partie
lié à la durée d'implantation au Québec. En 1970,
à un sondage où on parlait d'indépendance du Québec
- j'utilise cet élément simplement à titre d'exemple -
environ 24 % à 25 % des répondants avaient déclaré
que, dans le cas de l'indépendance, ils quitteraient le Québec.
En 1980, au même sondage, il y en avait moins de 15 %. Je parle de
membres de la communauté italienne. Aujourd'hui, il est évident
que le pourcentage serait probablement encore plus faible. (10 heures)
C'est une communauté qui, au fil des années, s'est
implantée de façon solide. Je pense qu'une des raisons pour
lesquelles cette communauté s'est particulièrement bien
implantée, c'est le nombre d'interactions qu'elle a avec la
majorité francophone; que ce soit dans le milieu des affaires, dans
l'environnement urbain, dans la vie de quartier, que ce soit dans le quotidien,
en termes de besoins de consommation ou autres, il y a des points de contact
fréquents et réguliers. Je pense qu'il est évident que
ça a grandement aidé à percevoir, à mieux
comprendre. Parce que nous prétendons qu'un des éléments
clés dans cette problématique, c'est de connaître l'autre,
que les modifications d'habitudes culturelles ou le développement d'une
culture commune ne se fait que par des échanges à
caractère relativement continu. Et je pense que, dans le cadre de la
communauté italienne, c'est quelque chose qui se produit. Je ne veux pas
dire, et je ne voudrais pas qu'on interprète mes paroles comme
étant des paroles qui voudraient signifier que tout est
réglé. Ce n'est pas le cas.
D'ailleurs, je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de problème de
perception de la société québécoise à
l'intérieur, par rapport... Dans notre communauté, il y a encore
une perception qui n'est pas toujours nécessairement celle qu'on vous
donne ce matin dans ce mémoire. Cependant, ce sont des perceptions qui
se marginalisent de plus en plus. Ce qu'on peut vous dire à ce stade-ci,
c'est une perception globale. C'est évident que, dans toute
communauté, il y a des éléments. Ce n'est pas une
communauté homogène. C'est une communauté qui est loin
d'être monolithique. Mais il nous a semblé que le succès de
l'intégration de cette communauté-là est basé en
grande partie sur le partage d'expériences communes, et ça a pris
un certain nombre d'années pour que ça se développe.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer
ça? Quel est le meilleur
moyen de susciter chez les communautés culturelles un
véritable sentiment d'appartenance au Québec?
M. Folco: Si vous permettez, je vais me permettre une
brève digression en répondant à votre question. Je crois
que nous avions interprété la question de privilège dans
le document tel que vous nous l'avez énoncé. C'est volontairement
que nous avons inclus ce concept, cette phrase dans le document. Il nous
paraissait évident que, dans le cas de l'énoncé, on
parlait de privilège en termes de sélection. Nous avons
réagi à ce terme parce que c'est un terme qui est trop
fréquemment utilisé. C'est un terme qui est trop
fréquemment utilisé, même encore au Québec
aujourd'hui. Et c'est un terme qui colore la perception des membres des
communautés culturelles.
La raison pour laquelle j'ai fait cette digression, c'est qu'en fait
nous prétendons qu'au niveau de cette intégration le concept de
réciprocité dont nous avons parlé est un concept
fondamental. J'avoue que si, dans le document - et ce n'est pas une critique du
document - il y avait un point qui nous semble à ce stade-ci devoir
susciter une plus grande élaboration, c'est toute la
problématique d'intégration des communautés culturelles,
des membres des communautés culturelles, surtout des communautés
culturelles bien établies.
Autant nous avons trouvé que tout l'aspect immigration est
traité d'une façon exhaustive, autant nous aurions
souhaité peut-être que certaines thématiques soient plus
élaborées. Encore là, je me permets cette digression pour
en arriver à votre question. Pour que les membres d'une
communauté culturelle se sentent intégrés au
Québec, même si, dans l'énoncé, on affirme que
l'immigrant... Dans notre cas, il y a très peu d'immigrants d'origine
italienne qui sont arrivés au Québec depuis 10 ans; il y en a
vraiment fort peu. C'est une communauté bien établie. Dans
l'énoncé, on affirme que, dans le fond, l'intégration,
c'est en grande partie la responsabilité de l'individu.
Nous pensons que c'est une vision qui est un peu segmentaire. Ce n'est
qu'une des réalités. L'intégration se fait en fonction de
l'individu, en fonction de la communauté, de la force, de l'ouverture de
la communauté au Québec, mais elle se fait aussi dans la
réciprocité. Il est évident... Il faut être franc;
dans le cas de la communauté italienne de Québec, c'est une
communauté - je vous ai donné le chiffre - de 250 000 personnes.
En réalité, du point de vue démographique et du point de
vue du recensement, ce doit être 180 000; mais quand on ajoute l'ensemble
de ceux d'origine italienne on peut arriver à environ 250 000. Il faut
être franc, la montée de la communauté italienne et son
intégration, c'est un peu en parallèle avec ce qui s'est
passé chez les francophones du Québec.
Cette intégration est passée par la mise en place de
structures économiques fortes. La communauté italienne s'est de
plus en plus intégrée au milieu francophone, au fil des
années, quand elle a développé un véritable
rôle économique fort au Québec.
Ce que je veux dire par cela, c'est que plus les individus ont une part
et un intérêt dans le système socio-économique dans
lequel ils vivent, plus leur tendance à s'intégrer est forte. Des
centaines d'entrepreneurs italiens, qui ont comme partenaires des francophones,
se sont assurés que, dans leur entreprise, le personnel
spécialisé soit francophone. Ils ont engagé des MBA qui
proviennent de l'Université de Sherbrooke ou de l'Université de
Montréal ou même de McGill. Ces gens-là, graduellement, se
sont mis au courant de la culture économique
québécoise.
Dans d'autres domaines, par certains côtés, le
succès engendre le succès. Et je pense que ce qui a changé
dans le cadre de la communauté italo-québécoise, c'est que
c'est une communauté qui a un poids numérique, une importance
économique et une implication dans les domaines culturel et social
suffisant pour avoir pris fait et cause pour la majorité. Et je pense
que le même phénomène peut et doit se produire chez
d'autres communautés et se produira probablement très rapidement
chez d'autres communautés.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Votre communauté étant bien
établie, est-ce qu'elle serait prête à aider des
communautés nouvellement arrivées, nouvelle vague? Parce qu'on
sait très bien que, lorsque vous êtes arrivés, il y a bien
longtemps, le flux migratoire n'était pas le même qu'il ne l'est
maintenant; aujourd'hui, notre immigration provient davantage du Moyen-Orient
ou encore des pays asiatiques. Est-ce que votre communauté pourrait nous
aider dans ce défi d'aider aussi des communautés nouvellement
arrivées, plus récentes?
M. Folco: C'est un peu ce qu'on suggère dans ce document.
Si vous me le permettez, je vais laisser mon collègue répondre
à cette question.
Le Président (M. Gobé): M. Trozzo.
Mme Gagnon-Tremblay: Et de quelle façon on pourrait le
faire?
M. Trozzo: Disons que, étant le président des
services communautaires, je vois fort bien comment la communauté
italienne s'est organisée pour assurer à nos membres ce qu'on
appelle aujourd'hui communément le confort culturel. Et je crois que
notre communauté, la communauté italienne, s'est bien
intégrée à la société
québécoise, au point de pouvoir maintenant être d'une
aide précieuse pour pouvoir à son tour être une
communauté d'accueil. Comme on l'a dit dans notre mémoire, Mme la
ministre, depuis une dizaine d'années, le gouvernement se soucie
beaucoup de cet aspect intégration. On nous a dit que nous étions
autant de façons d'être Québécois et, aujourd'hui,
on reconnaît cette façon différente de l'être tout en
étant des Québécois à part entière.
Donc, notre communauté, la communauté italienne... Tout
à l'heure, vous posiez une question, à savoir si elle
était bien intégrée et, si oui, pourquoi; et, sinon, ce
qu'on pourrait faire davantage. Moi, je serais porté à croire que
nous vous suggérons une série de mesures pour ce qui est de
l'immigration. Ce n'est pas le cas de la communauté italienne, nous
sommes au stade des communautés culturelles, maintenant; enfin, on nous
appelle comme ça. Ce que je voudrais dire par là, c'est qu'il
faudrait être soucieux maintenant de nous reconnaître comme
étant des Québécois à part entière; et cette
reconnaissance comporte une série de mesures. À notre tour, si
nous avons ce sentiment d'être des Québécois à part
entière, pourquoi ne pas être un instrument d'accueil pour ceux
qui sont des immigrants et ne sont pas encore intégrés à
cette société-là? Être donc cet outil qui, comme des
Québécois à part entière, contribue à
l'accueil et à l'intégration de ces nouveaux arrivants.
En conclusion, je voudrais dire comment. C'est en assurant ce qu'on
appelle le confort culturel. Pour moi et pour nous, ça nous paraît
fort important, cette notion de confort culturel où on se sent
très bien en s'exprimant en français, où on se sent
très bien en ayant des "partnerships" avec des gens de vieille souche,
mais aussi où on se sent culturellement à l'aise dans ce que sont
nos racines et nos traditions, parce que nous y tenons.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Trozzo. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Saint-Jacques...
M. Boulerice: Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le Président
de séance.
Le Président (M. Gobé):
...Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: On m'a ajouté un saint, ce qui fait que je
suis sous bonne garde.
Le Président (M. Gobé): Vous avez 23 minutes pour
votre formation politique. Par la suite, avec le consentement de la commission,
je reconnaîtrai M. le député de Viau. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vous dirai très brièvement,
très sincèrement "cari amici". Mais je n'irai pas plus loin en
italien; je risque de m'exposer à des corrections grammaticales de la
part de mon ami et collègue, le député de Viau. Quand on a
vécu un certain temps à Torino et qu'au moment du retour on s'est
établi au coin de Duplessis et de Lapierre, je pense qu'on connaît
un peu la communauté italienne. Je vous ai lu, je viens de vous entendre
et je ne peux pas m'empêcher de vous dire que, compte tenu de l'immense
affection qu'il avait pour la communauté italienne, celui qui,
aujourd'hui, serait sans aucun doute le plus heureux de vous entendre est mon
président fondateur, M. Lévesque. Parce qu'on voit dans votre
discours ce long cheminement qu'a fart la communauté italienne au
Québec. Un cheminement... J'ai peur que les Québécois,
entre guillemets - c'est l'appellation un peu humoristique qu'on emploie -
"tuque et bas de laine" malheureusement, ne saisissent peut-être pas tous
dans toute son ampleur. Il nous restera, à nous, de la propager, cette
tongue - j'emploierai le mot "mutation", si vous me le permettez.
Mme la ministre, tantôt, vous disait: Mais comment on fait pour
s'intégrer? J'aurais le goût de lui répondre: Mais on
pourrait également poser la question à mon bon ami, Marco Micone,
qui est probablement un de ceux qui a le plus enrichi l'écriture
théâtrale québécoise. Né en Italie,
arrivé ici au début de l'adolescence, Marco Micone nous renvoie
un portrait de nous-mêmes, tuque et bas de laine, qui est fort
intéressant puisqu'il est vu, comme je le dis toujours, avec des
lunettes différentes des nôtres. Mais je me retrouve dans le
portrait qu'il dresse de moi, donc de sa nouvelle société
d'accueil. Je pense qu'il y a là un très bel exemple de ce que
peut être l'intégration.
Je ne peux quand même pas m'empêcher aussi de penser...
Parce que, quand on oublie le passé, on est condamné à le
revivre. Il n'y a pas si longtemps, un fameux rapport, qui s'appelait
Laurendeau-Dunton, nous classait, nous, Québécois de vieille
souche, tuque et bas de laine, et vous, issus de la communauté
italienne, les deux communautés, tout au bas de l'échelle sociale
et économique dans ce pays qui est le nôtre, je dis. C'est un
pluriel et non pas un possessif ethno-centrique que j'ai pour moi. Donc, je
pense que s'il y a deux communautés qui, de par l'histoire, sont
prédestinées peut-être à s'entendre, plus facilement
en tout cas, je pense que c'est nos deux communautés.
Après ce petit préambule qui est toujours la marque de
commerce des députés - c'est l'expérience de la Chambre -
vous dites... Et c'est là la question que j'aimerais vous adresser...
enfin, une des questions que j'aimerais vous adresser. En page 5 de votre
mémoire, vous affirmez que le Québec doit récupérer
l'ensemble des pouvoirs relatifs à la sélection et à
l'accueil de toutes les populations immigrantes. Est-ce que vous croyez que
l'entente intervenue en décembre dernier est, suffisante à cet
égard, compte
tenu que dans l'entente, c'est toujours un pouvoir partagé,
l'immigration? Il y a de l'argent du fédéral, certes, mais
à la condition que le Québec respecte intégralement ce qui
est décidé à Ottawa. Donc, on ne peut pas se donner la
marge de manoeuvre que l'on souhaiterait. Est-ce que vous jugez cela suffisant?
(10 h 15)
Le Président (M. Gobé): M. Folco.
M. Folco: Nous considérons que cette entente est un pas
extrêmement important. Un pas important et significatif qui règle
une quantité de problèmes. Ce que nous souhaiterions, cependant,
c'est que, dans certains champs particuliers, il y ait une possibilité
de mise en place de critères communs. Et nous parlons en particulier de
toute la problématique des réfugiés, de la
problématique des réunifications de familles dans le contexte
constitutionnel canadien, et je parle dans le contexte actuel. Je pense qu'un
certain nombre de critères devraient peut-être être
élaborés de façon plus spécifique pour le
Québec, être reconnus à l'intérieur de l'ensemble
des critères qu'applique le gouvernement fédéral.
Ce que nous voulons dire, en fait, c'est que la nouvelle entente
Gagnon-Tremblay-McDougall règle probablement la majorité des
aspects problématiques de la politique d'immigration. Cependant, dans
les champs qui demeurent, nous souhaiterions voir le Québec exercer une
juridiction totale sur ces champs en s'inscrivant dans des critères
à caractère pancanadien, c'est-à-dire que... Je pense que,
dans ce cas-là, c'est une question de bonne foi. Je pense que dans le
cas des réfugiés en particulier - quand je parle des
réfugiés, ce ne sont pas seulement ceux qui sont
sélectionnés dans leur pays d'origine ou à
l'étranger mais aussi ceux en attente de statut -il est évident
que le nombre important des réfugiés en attente de statut et le
nombre important de réfugiés sélectionnés à
l'étranger viennent influencer de façon importante la masse
migratoire au Québec. Nous trouvons anormal que le Québec ne
puisse pas influencer de façon plus directe au niveau des
critères d'acceptation et nous souhaitons donc que le Québec
obtienne ce rôle clé à l'intérieur de la
sélection dans les champs où il n'a pas, disons, un pouvoir de
sélection exclusif.
M. Boulerice: Je dois vous remercier d'avoir cette
préoccupation au sujet des réfugiés. Je n'ai pas
cessé, depuis le début de la commission, de ramener le sujet
parce que je ne vous cacherai pas ma crainte que ce volet extrêmement
précis soit malheureusement oublié. Est-ce que vous croyez qu'en
se basant sur les traités internationaux - je crois que c'est la
Convention de Genève, si la mémoire m'est fidèle - le
Québec pourrait se donner une politique à ce niveau-là,
sans ingérence et interférence du gouvernement
fédéral, pour se camper nettement?
M. Folco: C'est pour ça que j'ai utilisé, tout
à l'heure, le concept de bonne foi, en fait. Je pense que les
critères actuellement utilisés par les fédéraux,
par le gouvernement fédéral, et les critères utilisables
dans un autre contexte par le Québec, seraient probablement relativement
similaires. Un réfugié, c'est un réfugié. C'est une
personne qui est en situation de danger physique ou de danger d'oppression
mentale ou autre. Sauf que je préférerais, tout en étant
conscient que ces critères seraient probablement similaires - parce que
tout le monde, tous les pays du monde qui accueillent des
réfugiés, sans exception, font appel aux accords de Genève
- je souhaiterais, pour la valeur symbolique de la chose, que ce pouvoir soit
rapatrié au Québec. Je ne m'attends pas nécessairement
à ce que les critères québécois soient
différents des critères appliqués un peu partout dans le
monde pour l'accueil des réfugiés.
M. Boulerice: Ne croyez-vous pas que le Québec - et quand
je dis le Québec, je dis tous ses gouvernements, l'actuel comme tous les
précédents - a une perception différente du
phénomène des réfugiés, différente de celle
d'Ottawa? Je vous donne un exemple, M. le Président, et qui m'a
énormément choqué. Savez-vous que l'automne dernier le
gouvernement fédérai canadien a imposé la demande de visa
d'entrée au Canada à une députée élue de la
nouvelle démocratie chilienne pour venir effectuer une visite au
Québec? Avouez que plus rigide que cela, on meurt.
M. Folco: II y a certaines personnes vivant...
M. Boulerice: C'est poussé fort, c'est odieux.
M. Folco: ...pas très loin.
M. Boulerice: Je m'excuse, M. le Président, pourriez-vous
demander à M. le député de Richelieu de bien vouloir
réserver ses commentaires à la fin de la commission ou de les
faire en particulier?
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, continuez. Je n'ai rien entendu. Alors,
j'aimerais que vous continuiez de procéder. Il vous reste exactement 13
minutes, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Folco: En fait, il nous incombe un champ qui est un peu
particulier. Il est évident qu'il y a des gens... Vous pariez des
députés chiliens, mais il y a des personnes qui vivent
très près de nous, des Américaines, des
Américains, qui sont parfois refoulées aux frontières pour
des raisons dites politiques. Je pense que l'exemple que vous nous donnez
dépasse un peu le cadre de l'actuelle présentation. J'avoue que,
personnellement, j'ai tendance à être d'accord avec vous.
Cependant, ça dépasse nettement les critères d'exclusion
politique qu'applique le gouvernement canadien. Ce sont des critères
peut-être à revoir, mais qui ne sont pas liés, je pense,
à l'accueil des réfugiés ou a l'immigration.
M. Boulerice: Dans votre mémoire, vous n'abordez pas de
façon spécifique la question de la régionalisation de
l'immigration et Dieu seul sait pourtant que s'il y a une communauté qui
l'a pratiquée et, surtout, qui l'a réussie, c'est bien la
vôtre.
M. Folco: C'est une omission volontaire, j'avoue. Les omissions
disent parfois autant que ce qui est écrit. Nous sommes convaincus que
la régionalisation passe par le dynamisme économique des
régions. Pour analyser de façon sérieuse ce
phénomène, il aurait fallu aller vraiment vers des
recommandations et des suggestions se situant dans le domaine du
développement économique régional. Il nous semble
difficile, dans le cadre du regroupement des familles, ou même dans le
cadre de l'immigration indépendante, de songer à
régionaliser l'arrivée de nouveaux résidents au
Québec s'il n'y a pas des pôles d'attraction économique
extrêmement forts.
La régionalisation nous semble pouvoir être basée
sur "l'entrepreneurship", sur le plein-emploi régional, sur le
développement de certaines industries qui pourraient requérir des
ouvriers spécialisés, mais ce n'est pas un
phénomène qui, on l'avoue, nous semble pouvoir être
infléchi uniquement en termes de volonté politique. Pour nous,
c'est vraiment un choix individuel ou un choix de groupe basé sur
l'attraction économique régionale. Tenter de le faire autrement,
c'est s'exposer à se retrouver avec des collectivités faibles. Et
je pense que certains cas, certains groupes de réfugiés qui sont
arrivés au Québec il y a 10 ou 15 ans sont, eux, la preuve de ce
que j'avance. Il y a eu une régionalisation forte à leur
arrivée par le parrainage des groupes locaux. Mais, évidemment,
à très court terme, il y a eu un fort attrait de l'axe urbain de
la région de Montréal. Et cet attrait ne doit pas être
critiqué. C'est le même attrait qui existe pour l'ensemble des
Québécois. Que je sache, nul ne se scandalise quand des gens de
Gaspé ou du Lac-Saint-Jean ou d'ailleurs viennent à
Montréal à cause d'un pôle économique. Il ne
faudrait pas être surpris si des personnes qui immigrent au Québec
et qui vont s'installer à Arvida, arrivent un jour à
Montréal si la situation économique à Arvida est un peu
moins alléchante. La communauté italienne s'est
régionalisée mais elle s'est régionalisée à
l'intérieur de secteurs économiques; elle ne s'est pas
régionalisée par souci d'essaimer à travers le
Québec. Elle s'est régionalisée parce qu'il y avait des
opportunités, des possibilités de développement, de
travail, de mise en place d'entreprises, petites ou moyennes. Nous sommes
convaincus que c'est vraiment la voie de l'avenir, mais ça aurait
exigé vraiment une section peut-être plus longue encore que le
mémoire que nous avons présenté aujourd'hui.
M. Boulerice: On s'attriste du dépeuplement de la
Gaspésie, du dépeuplement même du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Je pense que c'est tragique de voir des régions se vider. Je donne un
exemple: Je dis que Québec est la tête puisque c'est la capitale;
Montréal, c'est les poumons. Mais si ce corps qu'est le Québec
voit ses membres atrophiés, quelle société allons-nous
avoir? Donc, à partir de cette régionalisation d'ordre
économique que vous avez faite, si la communauté italienne - qui
se dit d'ailleurs prête à être une société
d'accueil puisqu'elle est déjà ici depuis plus de deux
siècles - à travers cet "entrepreneurship" et les aspects
économiques qui sont forcément sous-entendus à
l'intérieur de cet énoncé-là, va vers les
régions, ne pourrait-elle pas aider à cette
régionalisation, c'est-à-dire à ce repeuplement de
régions comme la Gaspésie, le Bas-du-Fleuve, la Côte-Nord,
le Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Abitibi-Témiscamingue, qui sont des
terres extraordinaires?
M. Folco: Je pense qu'il est évident que le milieu des
affaires italo-québécois serait certainement
intéressé à participer à une telle
opération. Je tiens à dire, cependant - et c'est une remarque qui
est un peu critique - que nous considérons que les efforts pour attirer
les nouveaux investisseurs, les industriels et les entrepreneurs venant
d'Italie sont nettement insuffisants. Je fais cette remarque-là. Je sais
que vous, dans votre cas, vous parliez de la communauté
déjà établie ici. Je considère qu'en termes de
développement économique la communauté italienne, la
communauté italo-québécoi-se, la communauté
d'origine italienne - les noms sont toujours difficiles à trouver - est
collée de très près à la majorité
francophone. Je pense qu'elle peut participer et, dans certains cas, prendre
même des rôles de leadership dans certains secteurs industriels.
Mais je pense qu'elle va certainement participer et de plain-pied à tout
effort de régionalisation économique. Je pense que les hommes
d'affaires d'origine italienne sont aussi intéressés que
n'importe quel autre homme d'affaires au Québec à
développer en région une base industrielle forte.
La remarque que je faisais par rapport à la sélection se
situe dans un autre ordre. Nous prétendons que l'Italie, en tant que
pays d'émigration - il n'y a plus d'immigrants qui arrivent ici; il y en
a très peu en provenance d'Italie - a
un bassin d'investisseurs potentiels; il y a un bassin de transferts
technologiques, il y a un bassin peut-être - je m'excuse du terme anglais
- de "joint venture1" d'entreprises conjointes, qui est nettement
sous-exploité. Quand j'entends dire que l'Italie sera peut-être,
au ministère des Affaires internationales, une priorité de
deuxième rang, j'avoue que ça me surprend
énormément. (10 h 30)
Je considère que nous ne tenons pas suffisamment compte au
Québec des communautés installées depuis plusieurs
années; je ne parle pas uniquement de la communauté italienne. Il
s'est créé un clivage actuellement dans la perception publique.
Les communautés installées depuis un certain nombre
d'années, qui se sont intégrées, qui se sont
développées et qui, de toute façon, se sont dotées
de leurs propres forces, de leurs propres structures et de leurs propres
institutions ne sont pas suffisamment sollicitées, ni au Québec,
ni au niveau de leur rôle possible de pont avec leur communauté
d'origine, dans leur pays d'origine. Et, je l'avoue, je n'ai absolument rien
contre la priorité qui est accordée aux groupes d'immigration
récente; en termes sociaux, en termes de besoins criants et pressants,
ce sont des besoins prioritaires.
Sauf que je trouve dommage que, dans la perception qui se dégage
depuis plusieurs années, les communautés plus traditionnelles qui
pourraient collaborer, contribuer dans un certain nombre de champs et où
il existe des expertises au Québec, mais, en plus, dans des pays comme
l'Italie, la Grèce - il y a toute une série de pays que je
pourrais nommer; je pourrais même me centrer uniquement sur les pays de
forte industrialisation... Quand on dit que l'Italie est la cinquième
puissance industrielle mondiale, quand on dit que l'Italie, actuellement, fait
des investissements importants à l'étranger, je suis surpris de
voir l'importance qui est accordée au recrutement des gens d'affaires,
au recrutement d'investissements, au recrutement de personnes dans le domaine
de la haute technologie. Et, dans le cadre de la régionalisation, on
pourrait non seulement compter sur ce qui existe au Québec, mais on
pourrait compter sur ce type d'entreprises venant de l'extérieur.
M. Boulerice: Je suis heureux que vous teniez ces propos parce
que j'ai bien peur qu'il y ait effectivement encore une certaine perception,
entre guillemets, folklorique de l'Italie, peut-être amenée par un
certain cinéma d'une côte ouest, quelque part. Parce que vous avez
pertinemment raison. L'Italie est une grande puissance industrielle; elle
appartient d'ailleurs au groupe des sept. Et on ne l'a pas invitée au
groupe des sept histoire de fleurir le décor, mais bien parce que
ça correspondait à une réalité.
La dernière question que j'aimerais vous poser. Vous avez dit:
Oui, nous voulons être une terre d'accueil. Enfin, je pense qu'il y a une
vision très large chez vous, qui me plaît, mais il y a une
dernière question que je veux vous poser. La ministre parle de contrat
social. Comment respecte-t-on un contrat social? Dans une société
aussi juridique que la nôtre, comment respecte-t-on ça, un
contrat... un contrat moral, dis-je, plutôt? Comment est-ce qu'on
respecte ça, un contrat moral? Je ne sais pas si on est en train de
faire du droit nouveau. Je suis ouvert à bien des avenues, mais
respecte-t-on un contrat moral?
M. Folco: Dans un domaine que vous connaissez fort bien, M.
Boulerice, parce que je sais que vous avez oeuvré dans ce
milieu-là pendant des années, nous pourrions parler
d'évaluation "critériée". C'est que je pense que, pour
évaluer le respect d'un contrat moral, il faut un certain nombre de
critères. Je pense que l'énoncé donne des principes
généraux de respect. Je parle d'évaluation
"critériée" pour tenir compte d'un aspect; c'est que le respect
d'un tel contrat doit tenir compte de la nature évolutive dans
l'intégration; il doit aussi tenir compte, je pense, que toute
évaluation doit avoir un caractère global parce qu'il y aura
toujours des individus, à l'intérieur de toute communauté,
qui ne pourront pas se retrouver entièrement à l'intérieur
d'un tel contrat.
J'avoue - et c'est pour ça que j'insiste tellement sur l'aspect
réciprocité - qu'il va falloir en arriver, au Québec - et
quand je parle du Québec, c'est pour l'ensemble des habitants du
Québec - à accepter que le Québec est une
société pluraliste, et que c'est une société
où se développe une culture nouvelle, une culture que nous
pourrions appeler de convergence. Il y aurait divers termes possibles, mais il
y aurait certainement une culture nouvelle et je pense que la région
métropolitaine en est l'exemple.
Quand je parle de culture, je parle de culture dans son sens le plus
vaste, que ce soit du point de vue littéraire, que ce soit du point de
vue architecture; il y a une culture du quotidien, même, qui est
nouvelle. Je fais cette remarque pour dire que nous ne pourrons pas, à
long terme, évaluer le respect de ce contrat moral, ni pour l'ensemble
de la population, ni pour les communautés culturelles, si une telle
évaluation ne peut se faire à court terme. Il va falloir voir
dans les prochaines années jusqu'où, jusqu'à quel point la
société québécoise, qui se dit pluraliste, va
accepter d'installer dans ses institutions et dans le quotidien un pluralisme
réel. C'est bien beau de parler de pluralisme. Il y a certaines
affirmations dans l'énoncé qui pourraient être sujettes
à nuances. On dit, par exemple, que l'intégration, c'est quand
une personne peut fonctionner dans tous les cadres, dans les cadres
économiques, dans les cadres politiques, etc. Le pluralisme, qui est un
principe, qui est un énoncé, devra être
vérifié annuelle-
ment, mensuellement, quotidiennement, en le comparant à
l'acceptation des Québécois en général. Pour les
membres des communautés, ça va nous prendre quelques
années.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Folco. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, c'était là
malheureusement tout le temps que vous aviez et un peu plus même,
d'ailleurs. La présidence a fait preuve de largesse dans votre cas.
M. Boulerice: Je vous en suis reconnaissant.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Avant
d'aller un peu plus loin, j'aimerais requérir le consentement de la
commission car vous savez que tout député qui n'est pas membre de
cette commission peut intervenir à condition d'en avoir le consentement.
J'ai reçu la demande de M. le député de Viau et de M. le
député de Sauvé pour des courtes interventions sur le
temps encore disponible du côté de la majorité. Je requiers
donc le consentement de cette commission pour que nos deux éminents
collègues puissent participer. Y a-t-il consentement?
M. Boulerice: Je me sentirais odieux de refuser ce
consentement.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En vertu du consentement de
cette commission, MM. les députés de Viau et de Sauvé,
vous pourrez intervenir. On va commencer par M. le député de
Viau. Il reste à peu près une dizaine de minutes.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je serai très
bref. Je veux remercier mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour
sa collaboration. On a travaillé ensemble. Je veux seulement le
remercier de m'avoir donné le droit de parole ce matin. En retour, je
lui promets de ne pas faire de commentaires sur ses interventions.
Ce que je peux dire de ce qui a été dit ici et qu'on
entend un peu partout, c'est que je suis particulièrement fier, M. le
Président, de constater que tout le monde est d'accord sur le fait que
la communauté italienne est extrêmement bien implantée au
niveau économique. Nos plus grands employeurs dans la région de
Montréal et ailleurs au Québec sont d'origine italienne. Au
niveau social, nous savons le grand travail qui est fait par le Congrès
national des Italo-Cana-diens ainsi que par d'autres organismes qui travaillent
au milieu de la communauté italienne. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques faisait référence à M. Micone
qui, certainement, contribue beaucoup à la culture du Québec. Et,
au niveau politique, la communauté italienne est présente
à tous les niveaux de gouvernement, que ce soit scolaire, que ce soit
municipal, ici au Québec et au fédéral. Je suis content
qu'on soit d'accord sur ces points-là.
Ma question sera très brève. Premièrement,
j'aimerais vous remercier d'être ici ce matin, de votre présence,
et particulièrement vous remercier de l'excellence de votre
mémoire. Ma question est très brève. C'est pour savoir
comment vous pouvez expliquer le fait que, lorsqu'on parle d'intégration
dans le milieu scolaire, particulièrement chez les enseignants dans les
dernières années, il y a une très grande
intégration qui s'est faite. Il y a une grande présence de
professeurs, de directeurs, de cadres dans les milieux des commissions
scolaires qui sont d'origine italienne. Je ne pourrai pas vous citer des
chiffres présentement mais ceux qui sont de la région de
Montréal ou d'ailleurs peuvent facilement constater que c'est un grand
nombre.
Mais Iprsqu'on parle de la fonction publique, on est sous l'impression
que les gouvernements qui se sont succédé ont toujours fait
certaines approches. Mais, au bout de la ligne, il semble qu'il y a très
peu - si on parle particulièrement des jeunes ou des gens de la
communauté italienne - de ces gens-là qui trouvent un emploi au
niveau de la fonction publique. Comment expliquez-vous le fait que, du
côté des enseignants, du milieu scolaire, il y ait une très
grande pénétration et, du côté de la fonction
publique, selon certains, cette poussée n'est pas aussi
évidente?
M. Folco: Je vais me permettre, M. Cusano, de répondre
d'une façon un peu lapidaire. Un agent immobilier que je connais m'a
déjà dit: Dans le domaine de l'immobilier, il n'y a qu'une chose
qui compte... Il y a trois choses qui comptent: localisation, localisation,
localisation. Dans le domaine de la fonction publique, il y a une chose qui est
fondamentale et qu'on peut aussi répéter trois fois, c'est:
information, information et information. Je pense que je ne risque de choquer
personne en disant que la fonction publique est en partie basée au
Québec sur un système de réseaux. C'est l'évidence
même, compte tenu du système scolaire que nous avons connu pendant
très longtemps au Québec, un système scolaire à
caractère relativement limité jusqu'aux années soixante.
Tout le monde se souvient fort bien du système classique; tout le monde
se souvient très bien des grandes institutions; ces
institutions-là ont été la pépinière de la
haute fonction publique québécoise. C'est normal, le
réseau était là.
En ce qui concerne les autres paliers dans la fonction publique, c'est
un peu le même phénomène. C'est un
phénomène... Évidemment, ça n'explique que
partiellement... Ce n'est pas la raison, peut-être même la raison
principale, mais le phénomène du réseau existe, surtout
dans une fonction publique concentrée prioritairement dans la
région de Québec. Déjà, au départ, les
membres des communautés culturelles partent avec un handicap: Leur
réseau n'est peut-être pas le
même.
Le deuxième élément qui, je pense, est un
élément clé, un deuxième élément qui
me semble aussi extrêmement important en plus de ce manque d'information,
c'est que, pendant longtemps, il y a eu le problème linguistique qui
jouait. C'est un problème qui joue de moins en moins. Je pense qu'on n'a
pas suffisamment axé les campagnes de recrutement sur les expertises qui
se sont développées dans les communautés culturelles.
Déjà, en enlevant l'obligation de résider dans la
région de Québec initialement pour postuler dans certains postes,
tel que le propose l'énoncé, déjà, on vient
d'ouvrir une porte.
Je trouve important qu'il y ait des membres des communautés
culturelles, pas uniquement parce que ça va faire des emplois, mais
aussi parce qu'ils vont venir colorer la pensée de la fonction publique
québécoise qui, parfois, est trop monolithique, homogène,
et néglige les vrais problèmes de la région
métropolitaine. Je me tais avant que M. le Président ne me chasse
de la salle.
Le Président (M. Gobé): Non, non, M. Folco, au
contraire, c'est très intéressant. Simplement que l'heure tourne
et nous sommes déjà un peu en retard. Je me dois maintenant...
Avez-vous terminé, M. le député de Viau?
M. Cusano: Je n'ai pas d'autre choix, alors je vais céder
mon droit de parole au député de Sauvé.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. M. le
député de Sauvé, il reste deux minutes et demie, trois
minutes.
M. Parent: Merci, M. le Président. Je vais tâcher de
ne pas utiliser à mauvais escient...
Le Président (M. Gobé): Parce que d'autres groupes
attendent pour être entendus.
M. Parent: ...le geste généreux de notre
collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques en me permettant d'intervenir.
D'abord, M. Folco, inutile de vous dire toute la fierté et le plaisir
que j'ai de vous rencontrer ici, à cette commission parlementaire.
Je voudrais commencer par vous remercier et remercier toute la
communauté d'origine culturelle italienne d'avoir répondu
à l'invitation de la ministre, d'avoir répondu à
l'invitation du gouvernement du Québec de venir nous aider à
dévouvrir de nouvelles pistes afin que les gens des communautés
culturelles, les nouveaux arrivants, puissent entrer de plain-pied à
l'intérieur de la communauté québécoise en toute
sérénité, en toute harmonie. Et je pense que nous devons
vous remercier et vous dire toute l'appréciation que nous avons à
l'égard du geste que vous avez posé en venant nous
rencontrer.
Moi, je vous parle, monsieur... Ce n'est pas une question que je vais
vous poser réellement, c'est plutôt un éclairage que je
vais vous demander. Vous savez que je représente un comté, une
circonscription électorale qui compte environ 18 % de gens d'origine
culturelle italienne, des gens qui nous ont aidés à bâtir
le Québec, des gens qui ont vécu chez nous en pleine harmonie,
surtout dans la région de Montréal. Pour les raisons que vous
avez mentionnées dans votre mémoire et dans vos réponses,
on comprend pourquoi ils se sont peut-être limités à ce
pôle économique et géographique qu'était
Montréal. Mais je réalise quand même une chose. Sur le plan
de la francophonie, sur le pian de la langue, dans votre mémoire vous
souhaitez que l'on augmente les ressources disponibles pour la francisation.
Remarquez bien que je suis d'accord. Et vous affirmez plus que ça. Vous
dites même et je vous cite textuellement: "Le fait français
demeure l'élément le plus significatif de la
spécificité québécoise.
Par contre, je remarque que dans la communauté d'origine
culturelle italienne, beaucoup de vos compatriotes, ou de nos compatriotes,
n'ont pas su ou n'ont pas été capables ou n'ont pas, enfin, eu
les moyens d'acquérir cette connaissance de la langue française.
Ma question se résume à peu près à ceci: J'aimerais
ça si vous pouviez nous aider à diagnostiquer pourquoi. Mais
ça, le passé m'intéresse un peu moins. Mais ça nous
donnera peut-être en même temps les moyens d'éviter que
ça ne continue. Et c'est peut-être l'adjoint parlementaire au
ministre de l'Éducation qui s'adresse à vous d'une façon
plus spécifique comme ça. Alors, j'aimerais vous entendre sur
ça, M. le Président. (10 h 45)
Le Président (M. Gobé): Alors, très
rapidement, M. Folco, s'il vous plaît.
M. Folco: Je pense qu'il serait fort long de faire un retour
historique. La situation change actuellement, et change très très
rapidement dans la communauté italienne. Je pense que le fait que des
membres de la communauté ont envoyé leurs enfants à
l'école anglaise au fil des années, c'est un choix qui se
justifiait à une époque donnée. Je n'entre pas dans les
détails du système scolaire de l'époque; ce serait trop
long. Et je pense que c'étaient des choix à caractère
économique extrêmement justifiables, mais ce choix
n'influençait pas nécessairement la qualité des rapports
de ces individus avec la collectivité québécoise dans son
ensemble.
Je pense que c'étaient des choix à caractère
économique. Ce n'étaient pas nécessairement des choix...
Ce n'était pas un rejet du fait francophone. Aujourd'hui... Une des
choses que j'ai appréciée dans l'énoncé et que nous
n'avons pas mentionnée dans notre mémoire, c'est l'ouverture qui
est faite vers les populations adultes au
niveau de l'apprentissage du français. Les populations,
traditionnellement, n'avaient pas accès à une telle formation
à l'extérieur des cours d'éducation des adultes des
commissions scolaires.
Je pense qu'il faut examiner toute cette problématique-ià
en fonction du pourquoi les gens ont été vers des institutions de
langue anglaise et, je me répète, c'étaient des
décisions justifiées à une certaine époque. Mais il
faut aussi se rendre compte que la situation a considérablement
évolué aujourd'hui. Dans nos écoles françaises,
dans l'est de Montréal, les populations atteignent aujourd'hui 30 %, 35
% d'élèves d'origine Italienne. Et il faut aussi se dire que
môme chez ceux qui ont fréquenté les écoles
anglaises il y a 15, 20, 30 ans, en aucun temps ils n'ont rejeté, ils
n'ont refusé de parler le français. Le taux de bilinguisme est
extrêmement élevé dans ces communautés. Mais, d'un
autre côté, ces personnes-là qui, à un moment
historique, ont pris des décisions qui se justifiaient
économiquement, il est assez normal que leurs enfants, aujourd'hui -
ceux qui se sont installés dans une culture plus anglophone - aient une
tendance à aller dans des institutions anglaises.
H faut un peu se dire que, premièrement, môme dans les
écoles anglaises, les gens parlent de plus en plus français, les
jeunes acquièrent une connaissance du français. Et il faut se
dire que ce n'est qu'une partie de la population d'Origine italienne qui a fait
ce choix dicté dans les années cinquante et dans les
années soixante par la situation que vous connaissez probablement mieux
que moi, du réseau scolaire québécois. Moi, j'ai
énormément d'optimisme quant au degré de francisation qui
sera atteint, même chez les jeunes, dans les prochaines
années.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Folco. Je dois
malheureusement, sur ces bonnes paroles, vous interrompre car nous avons
dépassé le temps largement. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, 15 secondes pour remercier nos intervenants, s'il
vous plaît, avant que nous mettions fin aux travaux.
M. Boulerice: Je ne sais pas si c'étaient vos objectifs
mais, à mon point de vue, vous en avez atteint trois de façon
très admirable. Le premier est d'avoir montré cette mutation de
la communauté italienne. Le deuxième est d'avoir apporté
des éléments critiques, mais le mot "critique" n'a pas une
connotation négative concernant ce qui nous est présenté.
Le troisième est de nous avoir rapprochés, même s'il y a
une séparation physique, et ça, c'est merveilleux. Donc, le
quatrième qui vous reste, chers amis, ce sera probablement de faire en
sorte que l'on puisse dire, nous aussi: "Québec fera dese".
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Maintenant, Mme la
ministre, vous avez, vous aussi, quelques secondes pour clôturer cette
intervention.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je suis
heureuse de constater que vous reconnaissez les gains obtenus par la signature
de l'entente avec le gouvernement fédéral. On sait que
l'Opposition a minimisé et continue, d'ailleurs, à minimiser
l'importance de cette signature; je pense que c'est normal, compte tenu de son
option et aussi parce qu'elle doit jouer son rôle de parti de
l'Opposition. Je dois vous dire, cependant, que les gains
réalisés dans le domaine de la sélection, entre autres,
sont significatifs, même s'il est exact que ce ne sont pas les plus
importants. Mais je pense que cet accord visait surtout à permettre au
Québec d'obtenir la maîtrise d'oeuvre complète dans le
domaine de l'intégration des immigrants. C'est d'ailleurs ce que nous
avons obtenu.
Je constate aussi que vous acceptez cette notion de contrat moral et
vous faites un peu comme ce qu'on retrouve dans plusieurs mémoires. Vous
constatez que le gouvernement a eu le courage - je dis bien le courage - de
définir les attentes réciproques qu'il a indiquées dans un
document. C'est sûr que le contrat moral est symbolique mais il est
important. Et, comme vous le disiez tout à l'heure, nous pourrons en
évaluer les résultats par la suite.
Vous acceptez aussi le respect du fait français. Et aussi, j'ai
compris que vous étiez volontaires pour travailler aussi à aider
les communautés de nouvelles souches. Bien sûr, je suis heureuse
que vous validiez aussi les grands principes de l'énoncé de
politique et, moi, je vous lance un appel. Je vous lance un appel, comme
à une communauté bien implantée, de nous aider dans ce
grand défi qu'on a à relever concernant l'immigration. Et soyez
assurés que je prends bonne note, entre autres, des commentaires que
vous avez formulés pour d'autres personnes de votre communauté
à l'extérieur du pays, qui pourraient venir se joindre à
nous en tant que prospection, par exemple, ou marne aussi au niveau de
l'accueil et de l'établissement. Et je travaillerai avec d'autres
ministères pour que l'on puisse avoir ensemble cette collaboration et je
vous recontactera/. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Messieurs, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à
vous remercier de votre participation et je vous prierais de transmettre aux
membres de votre communauté, nos compatriotes d'origine italienne,
toutes les amitiés et le respect de cette l'Assemblée nationale.
Merci.
M. Folco: Merci.
Le Président (M. Gobé): La séance est
maintenant suspendue quelques minutes afin de
vous permettre de laisser la place aux autres intervenants. La
commission suspend donc ses travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 53)
(Reprise à 10 h 55)
Congrès hellénique du
Québec
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant reprendre ses travaux. J'inviterai les représentants du
Congrès hellénique du Québec à bien vouloir prendre
place en avant et je demanderai aux participants de bien vouloir regagner leur
chaise.
Êtes-vous M. Sotirios Antypas?
Une voix: Non, il n'est pas ici.
Le Président (M. Gobé): II n'est pas ici?
Une voix: M. le Président, il n'est malheureusement pas
ici.
Le Président (M. Gobé): Pourriez-vous vous
présenter pour les besoins de la connaissance des membres et aussi de
l'enregistrement des débats, s'il vous plaît?
Mme Savidès (Danae): Je suis Danae Savidès, membre
du Congrès hellénique et M. Nickos Costy est aussi membre.
M. Costy (Nicolas): Nicolas Costy. Mme Savidès:
Nicolas Costy. M. Costy: C-o-s-t-y.
Le Président (M. Gobé): Très bien. Alors, je
rappellerai que vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre
mémoire et, par la suite, la même règle s'applique que
précédemment, c'est-à-dire 20 minutes de chaque
côté, 20 minutes pour l'Opposition officielle et 20 minutes pour
la majorité gouvernementale, la règle de l'alternance
étant bien entendu la règle pour les interventions. Autant que
possible, nous allons essayer de rester dans le temps. Nous avons
dépassé un petit peu; aussi, j'encouragerais tout le monde
à bien vouloir respecter les horaires. Vous pouvez y aller, nous sommes
tous prêts à vous écouter. Vous avez la parole.
Mme Savidès: Mon Dieu! ça va mal ce matin! O.K. Ce
n'est pas toujours... J'aimerais un peu parler du Congrès
hellénique qui est un organisme qui chapeaute à peu près
70 organismes de la communauté grecque, donc, on peut dire, un peu
l'éventail de toutes les tendances politiques, culturelles et autres
dans la com- munauté. Il y a eu un comité qui a été
mandaté pour préparer le mémoire. Le mémoire que
vous voyez ici. c'est le résultat des longues discussions qu'on a eues
pour vous présenter notre position sur le contrat moral.
On va commencer. Tout le monde dans le comité est d'accord, on
trouve que c'est un travail assez riche et assez complet. On aimerait
féliciter Mme la ministre et tous ses collaborateurs parce qu'on trouve
que c'est un travail, dans l'ensemble, positif et on espère enfin
qu'avec un suivi on va avoir des résultats assez bons et assez
riches.
On aimerait, après ça, faire un petit préambule sur
ce qu'est notre communauté et on aimerait le lier à la
problématique de la société québécoise, donc
de la société où on vit ici. Nous autres aussi, on a
passé à travers la difficulté de la langue. En tout cas,
dans notre pays d'origine, il y a eu la conquête turque et on n'a pas eu
droit à nos propres écoles pour une période de 400 ans.
Donc, il a fallu maintenir notre langue un peu clandestinement, si vous voulez;
on l'a maintenue et on y tenait beaucoup. Alors, on veut vous dire que, de
cette manière, on comprend aussi la problématique qui est ici
parce qu'on l'a vécue, on est passé à travers, et on est
d'accord sur plusieurs des mesures qu'on essaie de faire pour maintenir le fait
français ici au Québec.
On peut situer ça historiquement. Par exemple, en 1971, la
communauté hellénique, bien avant la loi 22 et la loi 101, avait
compris l'importance du fait français au Québec. Elle a
changé le curriculum de son école primaire Socrates de l'anglais
au français. Donc, il y a des preuves quand même. Plusieurs de nos
organismes avaient pris position pour la loi 101. On remarque que, de plus en
plus, plutôt chez les jeunes, malgré que notre communauté
soit dite une communauté très isolée linguistiquement et
très bien structurée, il y a une connaissance du français
et une compréhension de la problématique. Donc, c'est
plutôt comme ça qu'on voulait commencer notre
préambule.
Maintenant, sur la question de la sélection, je cède la
parole à M. Costy qui va parler de quelques points et moi, je reprendrai
après avec quelques points.
Le Président (M. Messier): M. Costy.
M. Costy: Merci. Mme la ministre, membres de la commission, moi,
je suis un petit peu ici en guise de technicien, tandis que les grandes lignes
de la communauté sont mieux représentées par Mme
Savidès.
Sur la question des remarques qui ont été faites dans
l'étude sur la sélection, nous n'avons aucune hésitation
à appuyer les principes qui décrivent le besoin du Québec
d'augmenter le nombre d'immigrants indépendants. Une telle augmentation
aurait des bénéfices nets pour le
Québec, tant dans le domaine économique que dans le
domaine démographique. Toutefois, comme prévu dans
l'énoncé, la quantité et les caractéristiques des
immigrants indépendants doivent être étroitement
accordées à la capacité du pays de les absorber, surtout
au plan économique. Ceci, ce serait pour éviter des tensions
sociales et le gaspillage tant de nos moyens comme Québécois que
des qualités que nous apportent les immigrants, c'est-à-dire que
nous avons des cas où des personnes viennent ici, elles ont des
qualifications assez avancées, assez hautes, elles ne trouvent pas de
travail, elles finissent par conduire des taxis. Alors, il faut un accord entre
les besoins et la recherche d'immigrants que nous allons faire, le recrutement
que nous allons essayer de faire.
Cette souplesse restera difficile parce que ceux qui connaissent un
petit peu la partie technique de l'immigration sauront que ça prend, en
moyenne, un an, donc, pour un immigrant, entre le moment où il est
approuvé, où il fait sa demande et le moment où il arrive,
où il met les pieds au Canada, au Québec. Ceci, c'est à
cause des procédures statutaires qu'imposent les autorités
fédérales et qui sont à l'avantage de tout le monde. Il
s'agit de sécurité, il s'agit d'examens médicaux, etc.,
des choses qui nous intéressent tous. Mais ce délai d'un an,
ça pourrait être souvent plus, parce que si l'immigrant prend un
visa dans un an, que ça lui prend six mois pour ramasser sa maison, pour
vendre ses effets pour venir au Canada, il a 18 mois de décalage entre
le moment où il a été choisi par un officier de
l'immigration, parce que son travail répondait à une demande du
marché du travail au Québec, et le moment où il va
arriver. Donc, c'est 18 mois. Comme vous le savez tous, il pourrait y avoir des
changements économiques assez sérieux.
Je ne vais pas répéter les choses que nous avons
déjà écrites dans le mémoire, mais je vais toucher
de petits points, de petits détails qui viendront en complément,
en supplément de ces remarques que nous avons faites. Nous avons
suggéré dans le mémoire qu'il serait souhaitable
d'accorder plus d'importance au facteur non pas d'admissibilité, mais...
Pardon. Un instant, je vais trouver le mot juste.
Une voix: Adaptabilité.
M. Costy: ...d'adaptabilité. C'est ça qu'il me
faut, oui. J'ai fait une erreur, ici, dans mon texte. Nous entendons par ceci
une prime qui pourrait être accordée pour valoriser
l'expérience du candidat dans des situations de formation et de travail
qui sont semblables à celles qui prévalent dans notre
société. J'espère que c'est clair, ce que je veux dire.
Nous croyons que de telles expériences, qu'elles soient dans des
écoles techniques, des universités, des ateliers, des usines, des
banques ou d'autres lieux de travail et même dans l'exercice des
professions, d'où des candidats d'une familiarité aux pratiques
et aux habitudes de travail modernes qui s'accordent aux nôtres,
faciliteront beaucoup l'adaptation.
Je pourrais donner un exemple. Vous avez des personnes qui font des
études ou qui ont une expérience dans un travail où la
technique est arriérée et ancienne, pour des raisons
économiques, sociales ou quoi que ce soit. On fait la sélection.
Lui, il s'appelle un menuisier. On l'inscrit comme menuisier. Si c'était
un menuisier qui avait travaillé, disons, au Canada, aux
États-Unis, en Europe même, dans des ateliers modernes avec de
l'équipement moderne, je crois qu'une telle personne devrait recevoir
quelques points de plus sur la sélection pour reconnaître le fait
qu'il va être intégrable facilement au moins dans le lieu de
travail. Pour implanter un tel critère, il serait peut-être
nécessaire de "réapportionner" les points de sélection. Il
nous semble qu'on devrait revoir, par exemple, et économiser quelques
points parmi ceux qui sont attribués aux études primaires, car il
nous semble inouï qu'on prime autant un tel niveau minime de formation, de
scolarisation à l'égard de nos candidats indépendants,
ceux que nous choisissons pour venir ici, pour travailler sur le marché
du travail. Qu'est-ce que c'est, trois ans, quatre ans, cinq ans d'école
primaire? C'est absolument rien. Ça ne donne rien, pour nous. Donc, on
pourrait peut-être prendre quelques-uns de ces points qu'on doit
considérer comme acquis. C'est quelque chose... Il faut avoir le
primaire pour vivre aujourd'hui et même le secondaire, pour vivre au
Québec. Et peut-être "réapportionner" quelques-uns de ces
points, les donner à cette idée, ce facteur que nous proposons,
qui favoriserait peut-être ceux de ces immigrants que nous avons à
l'étranger, qui ont comme été exposés à un
genre d'études et de travail tels qu'ils existent chez nous. On n'aurait
pas tout à refaire avec ces personnes-là.
En ce qui concerne les occasions actuelles qui se présentent pour
recruter des immigrants indépendants, nous espérons que les
activités de nos services à l'étranger pourraient
peut-être être ciblées dans des régions où il
y a des problèmes. Malheureusement, on peut profiter de ces malheurs des
autres et je citerai l'Europe de l'Est peut-être, le Moyen-Orient
où je crois qu'il existe maintenant un réservoir de personnes
immigrantes qui seraient adaptables. Je cite aussi un exemple. C'est le cas de
la Roumanie où, après les deux langues officielles qu'ils ont, le
hongrois et le roumain, la deuxième langue naturelle, disons, c'est le
français. C'est ça qu'ils enseignent. Donc, je ne sais pas si les
autorités roumaines leur permettent de sortir du pays maintenant
à ces conditions-là, mais je pense que le Québec aurait
peut-être intérêt à voir s'il existe des personnes
là-bas. Je suis sûr qu'il existe des personnes là-bas, en
Roumanie, qui
seraient bienvenues au Québec. Je m'excuse, un instant. On perd
toujours ce dont on a besoin.
Le Président (M. Messier): Vous cherchez votre texte de
présentation?
M. Costy: Non. C'est que j'avais une note sur un texte que
j'avais préparé. Malheureusement, je ne le retrouve pas. Je ne
sais pas où il est allé.
Nous parlons, dans notre mémoire, du besoin de mécanismes
de révision des dossiers, des cas dont la demande a été
refusée. Notre comité a senti le besoin de soulever ce cas, ce
point particulier, parce qu'ils ont le droit de demander la révision
d'une décision qui les touche de près. C'est presque une habitude
pour nous qui habitons au Québec; quand nous avons une mauvaise
réponse des autorités, il y a toujours un mécanisme pour
demander une révision.
On trouve aussi que dans les cas d'immigration, l'acceptation et la
sélection d'immigrants, il y a des cas qui sont refusés et qui
devraient peut-être être revus. Soit, ils ont été
refusés de bonne foi, mais il y a eu des cas où, parmi nous, on a
ressenti qu'il y a eu des erreurs, des erreurs techniques dans les
décisions. Nous voulons proposer que pour toutes les catégories
d'immigrants non seulement les indépendants, mais pour les autres aussi,
tout refus soit revu avant d'être envoyé à la personne
concernée. Je ne parle pas de refus ou de découragement à
un niveau de la présélection, mais je parle plutôt d'une
demande de certificat de sélection, la formule 1210-01-B, soit avant ou
après l'entrevue personnelle. Ça, c'est très technique, ce
que je propose ici, et je ne sais pas si tout le monde me suit, mais c'est un
besoin que, nous, nous ressentons. Il y a eu des cas injustes de refus un petit
peu partout et il devrait y avoir une révision, au moins par un cadre
supérieur à celui qui rend la décision, avant que la
personne soit complètement mise à la porte.
Il faudrait aussi, je crois, que dans les cas que traite le service
d'immigration du Québec le refus précise les raisons. La raison
du refus devrait toujours être communiquée. Ce n'est pas une
question de simplement dire: Monsieur, vous ne pouvez pas, alors, on vous
refuse. Ce n'est pas juste, ça. Nous, on ne l'accepterait pas ici, chez
nous. Pourquoi est-ce qu'on l'impose à du monde à
l'extérieur? Aussi, ça aidera le demandeur qui a
été refusé de soutenir cette demande de
révision.
Pour la question d'accueil... (11 h 15)
Le Président (M. Messier): Juste une minute. On va pouvoir
échanger. Il vous reste une minute de présentation et,
après ça, on va pouvoir échanger de part et d'autre.
M. Costy: Bien sûr, oui.
Le Président (M. Messier): Est-ce que vous voulez
poursuivre encore pour...
M. Costy: J'ai d'autres sections. J'ai pris ça par
section: Accueil, etc. Nous avons partagé tout ça ici.
Le Président (M. Messier): O.K. On va peut-être
pouvoir commencer le début des questions et on pourra peut-être
enchaîner...
Mme Savidès: Est-ce qu'on a passé notre temps de
présentation? Est-ce que c'est ça?
M. Costy: Non, non, on a eu 10 minutes.
Le Président (M. Messier): Une minute, mais on vous laisse
encore quelques minutes, juste pour aborder quelques points et, après
ça, l'échange débutera, M. Costy.
M. Costy: Tu veux reprendre, toi ou... Mme Savidès:
Non.
M. Costy: O.K. Alors, je vais parler de l'accueil.
Le Président (M. Messier): Merci.
M. Costy: J'y arrive, oui. L'accueil à l'aéroport,
nous sommes enthousiastes des remarques que nous avons trouvées dans
l'énoncé. Je n'ai pas beaucoup à dire ici au sujet de
ça, mais je suis d'accord avec l'énoncé que l'accueil au
Québec devrait être fait à l'aéroport, au moment le
plus tôt. Les immigrants devraient être accueillis au moment
où ils mettent le pied sur la terre québécoise, parce
qu'ils passent par un primaire, comme vous le savez, les douanes canadiennes,
ils passent comme immigrants, par un secondaire où on vous fait vos
paperasses de visa, etc. Là, vous avez voyagé 20 heures pour
venir ici en traînant deux enfants et une femme. Vous n'avez pas besoin
d'un grand délai, vous n'en voulez pas. Mais il devrait y avoir une
présence québécoise à l'aéroport pour leur
dire: Bienvenue. De quoi avez-vous besoin? Vous avez besoin d'un hôtel,
vous avez besoin de quelque chose? Il devrait y avoir quelqu'un qui puisse les
soigner.
En plus, nous proposons que ce soit à cet instant-là que
le contact des nouveaux venus avec les communautés ethniques du pays
soit fait, le premier contact. Notre comité a pensé à
ça et on a dit: Sans les faire attendre trop, qu'est-ce qu'on peut leur
dire? Écoutez, monsieur, demain, vous allez vous réveiller dans
un hôtel en pleine ville. Vous parlez mal la langue, vous la parlez un
peu, vous êtes perdus. Un pamphlet, un truc avec des pamphlets que chaque
communauté pourrait émettre, quelque chose de pas très
cher et les mettre à l'aéroport, dans la
salle d'accueil du Québec, pour que les Grecs - un mot grec, un
drapeau grec dessus -prennent un de ces trucs-là, qu'ils connaissent
où sont les églises, qu'ils sachent où sont les
communautés, où sont les services, etc., quels sont les services
qui existent. Ce serait un bon moment pour faire le premier contact.
Maintenant, un autre sujet que notre comité a touché, bien
sûr, c'est cette question d'établissement en région des
immigrants. Nous avons répondu à ça dans notre
mémoire, courtement, mais comme vous allez voir, tout ce que nous avons
écrit dans le mémoire, nous sommes plutôt pessimistes sur
cette question.
Le Président (M. Messier): M. Costy. Après, on va
commencer les échanges.
M. Costy: Vous voulez que je...
Le Président (M. Messier): Bon. Disons qu'on...
M. Costy: Laissez-moi finir au moins ça, parce que c'est
un point assez important. Merci.
Le Président (M. Messier): Parfait. On vous laisse
terminer ça et on débute.
M. Costy: Merci beaucoup. En surplus de ce que nous avons
écrit dans le mémoire, saurons-nous refuser à nos nouveaux
concitoyens le droit de mobilité que nous considérons comme
inaliénable pour nous-mêmes, voire celui de vivre où nous
voulons dans le pays? Toute mesure qui viserait à l'établissement
d'immigrants en région doit être basée sur des incitations
et ne pas être directement ou indirectement obligatoire. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Costy.
M. Costy: Nous avons encore à dire, mais...
Le Président (M. Messier): Ah! mais ça viendra avec
la période d'échanges! Nous allons raccourcir la période
d'échanges, compte tenu que vous avez dépassé quelque
temps. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup pour votre
présentation. Dans votre mémoire, à la page 1, vous
affirmez qu'historiquement les Grecs ont scolarisé leurs enfants en
anglais, que depuis 1971 la communauté hellénique a compris
l'importance du fait français et qu'il y a un consensus au sein de cette
communauté pour encourager la promotion de la culture
québécoise et de la langue française. Bien sûr que
je me réjouis de cette prise de position qui dénote une
évolution très positive de votre communauté. J'aimerais
savoir, par contre, quels sont les principaux problèmes, s'il y en a
encore, qui limitent la francisation de certains secteurs de votre
communauté? Quels sont les principaux problèmes?
Mme Savidès: Je ne sais pas ce que vous voulez dire par ce
qui limite la francisation de certains secteurs. De quels secteurs parlez-vous,
Mme la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense à certains secteurs de la
communauté. Il y a plusieurs personnes, comme on le disait tout à
l'heure, qui ont soit transféré de la langue anglaise à la
langue française... On voit cette importance maintenant d'apprendre et
de se familiariser avec la langue, mais il y a certains secteurs qui ont encore
certaines difficultés.
Mme Savidès: Ce serait plutôt au niveau des adultes
et au niveau des personnes un peu plus âgées, la difficulté
étant une difficulté d'accessibilité et de capacité
d'apprendre. Moi, je suis travailleuse sociale et je remarque, par exemple, que
pour ta population des personnes âgées, c'est quasiment impossible
de commencer, dans notre communauté en tout cas, à parler d'une
adaptation ou d'un apprentissage linguistique. Moi, je travaille à la
DPJ, tandis que chez les jeunes, il y a toujours un enfant ou deux enfants qui
peuvent traduire pour la famille parce qu'ils fréquentent les
écoles françaises. Même ceux qui ont droit aux
écoles dites non françaises fréquentent souvent les
écoles bilingues. Donc, ils sont très aptes ou très
capables de communiquer en français. Ce serait plutôt une question
d'âge, je dirais, et aussi d'isolement. Je remarque, par exemple, que
chez les femmes de notre communauté il y a un plus grand, je dirais,
isolement linguistique. J'irais jusqu'à dire que, même au niveau
de l'anglais, elles sont plus unilingues - grec - pour toutes sortes de raisons
historiques, etc., que les hommes. C'est une question d'âge aussi. On le
dit toujours, mais j'aimerais le souligner encore une fois, si vous le
permettez, je pense que jusqu'en 1972 nous, les orthodoxes, on n'avait pas le
droit de fréquenter les écoles catholiques. Ça, il faut le
noter parce que ça dit beaucoup. C'est après 1972 qu'on a eu
accès aux écoles françaises. Avant ça, veut, veut
pas, c'était vraiment des efforts très personnels qui ont fait
pour qu'une personne finisse par apprendre le français. C'est une autre
...
Mme Gagnon-Tremblay: Quelles sont les formules qui pourraient
répondre le mieux aux besoins vécus par ces personnes, en termes
de programmes de francisation, par exemple? Quelles sont les formules, temps
partiel versus temps plein, milieu de travail, milieu scolaire versus CO FI et
versus organismes communautaires? Quelles sont les formules qui pourraient
répondre le mieux à ces besoins spécifiques de votre
communauté?
Mme Savidès: On parie toujours d'augmenter les ressources
données aux communautés culturelles ou aux organismes de
communautés culturelles. Je sais que, dans un contexte de redressement,
ça devient presque "embarrassing". Mais on trouve que, souvent, nos
propres communautés, la communauté hellénique, le
Congrès et d'autres ont été capables d'aider ceux qui
veulent apprendre la langue ou même d'agir comme pont pour ceux qui
n'étaient pas capables de remplir des formulaires, etc. Alors, on
aimerait vraiment soutenir que vous mainteniez cet apport et, si possible, de
l'augmenter comme vous pouvez, évidemment. C'est toujours sur une
base... Au Québec, on a cette tradition de toujours travailler sur une
base régionale, locale. Ça vient de très loin, ça,
et je pense que nous aussi, si on veut pénétrer ou travailler, il
faut toujours examiner la base, le local de la communauté, où est
la vie et comment ça fonctionne. Je pense qu'une fois qu'on a ça,
on est capable de vraiment bien communiquer.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Au tout début de votre
mémoire, vous vous dites en faveur de l'objectif d'accroissement du
volume d'immigration.
Mme Savidès: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Or, j'ai reçu certains
mémoires qui craignent que, si l'on va dans ce sens, la proportion des
Montréalais d'origine immigrée dépasse un seuil
donné et qu'on ne puisse plus intégrer les immigrants. Ce
discours vous inclut, les Québécois des communautés, avec
les immigrants, même si la communauté grecque est installée
ici depuis plusieurs décennies et même si vous faites maintenant
partie de la société d'accueil. Donc, comment
réagissez-vous à ce discours?
Mme Savidès: Première chose, merci. On est une
communauté de vieille souche en tout cas. Pour vous dire
honnêtement, on s'est basé plutôt sur des études ou
des recherches de macroéconomie qui nous démontrent que dans les
périodes de difficultés économiques l'augmentation de
l'immigration augmente le taux... "the standard of living". C'est tout
simplement sur cette base-là qu'on s'est dit que ça ne devrait
pas nuire à l'agrandissement de Montréal ou même de
Québec.
Mme Gagnon-Tremblay: Parce qu'on sait que, même en
période de récession, par exemple, ce sont souvent les seuls
capitaux nouveaux qu'on peut injecter et que souvent, même s'il y a un
fort taux de chômage, il y a également une pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée.
Mme Savidès: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Dans le même sens que ma question
précédente, comment vous réagissez à cette
idée de seuil qu'il ne faudrait pas dépasse??
Mme Savidès: Ah! Ça, c'était... Oui.
M. Costy: Le seuil du nombre d'immigrants par année? C'est
ce dont vous parlez, oui?
Mme Gagnon-Tremblay: Le seuil, les personnes qui ont peur que
Montréal, à un moment donné, soit envahi.
M. Costy: Ah! Qu'il y ait... Oui. Un point dangereux.
Écoutez, si le Québec reçoit même un
étranger, sa culture change.
Mme Savidès: C'est vrai.
M. Costy: La culture, c'est. une chose vivante, c'est un animal
qui change tout le temps, qui grandit, qui pousse, qui change de couleur.
Une voix: Ça, c'est mauvais.
M. Costy: Je crois que les immigrants sont encore en grande
minorité, mais, par contre, la culture québécoise a
déjà changé en ayant admis autant d'immigrants qu'elle en
a admis dans le passé. Alors, il y a une synthèse, une
troisième culture qui se forme.
Mme Savidès: Qui est peut-être aussi riche, sinon
plus.
M. Costy. Qui est aussi riche et peut-être plus riche que
les deux séparément. Donc, cette inquiétude, moi, je ne
l'ai pas.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, tout peuple qui évolue
s'enrichit.
M. Costy: Mais c'est sûr!
Mme Savidès: On évolue de toute façon.
Ça va dépendre comment on va évoluer. Je pense que
ça... Moi, je me sens très riche parce que j'ai eu accès
à autant de cultures. Ça m'a développée comme
personne et je pense qu'il ne faut pas avoir peur; il faut être
très sûr de notre culture. On est différent ici, au
Québec. Je remarque, chaque fois qu'on voyage à
l'extérieur et qu'on revient, on dit: On est au Québec. On sait
qu'on est au Québec parce que c'est différent, on le voit et on
le sent. Alors, il faut développer cette confiance en nous, se
connaître et, avec ça, on peut facilement développer et
enrichir ce qu'on a avec les autres.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous vous sentez immigrants ou
Québécois, après
plusieurs décennies au Québec?
Mme Savidès: Je vais vous répondre, pas
individuellement, mais en termes collectifs. Moi, je viens d'une
communauté qui a été, pendant plusieurs années,
isolée. Ce n'est pas toutes les communautés qui
répondraient de la même façon à votre question. Je
viens d'une communauté qui a été, pour plusieurs
années, isolée linguistique-ment et culturellement. On a un
ghetto très visible, avenue du Parc, on a été un peu sur
Parc Extension, après à Laval. Mais on est là. On a
tendance a ne pas se sentir immigrants malgré que, moi, je sois
immigrante, je ne sois pas née ici. Mais on appartient à une
communauté culturelle de Québec. Comprenez-vous? On se voit comme
Québécois, mais aussi comme Grecs, d'origine grecque ici au
Québec. (11 h 30)
Mme Gagnon-Tremblay: Grecs d'abord et Québécois
ensuite.
Mme Savidès: Non, excusez. On...
Mme Gagnon-Tremblay: Ou Québécois d'origine
grecque.
Mme Savidès: Québécois d'origine grecque. Je
remarque, je dirais que ce serait la réponse de la majorité des
membres de notre... Ils sentent qu'ils appartiennent à une
communauté culturelle. Il y a cette tendance. C'est une tendance assez
forte dans notre...
Mme Gagnon-Tremblay: Vos enfants? Vos enfants?
Mme Savidès: Mes filles. Mes filles. J'ai deux belles
filles. Elles sont jeunes encore.
Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'elles répondraient, vos
filles?
Mme Savidès: Je pense qu'elles se sentiront plus
Québécoises que moi je l'ai senti, c'est sûr. Je ne sais
pas. Elles font du patinage. Moi, je n'ai jamais osé faire du patinage.
J'avais toujours peur de me casser le bras ou quelque chose, mais elles,
c'est... Mais elles viennent d'une famille où on mangeait grec, on
parlait grec. Alors, il va y avoir dans leur personnalité un peu de
ça aussi. On ne peut pas le nier... "I do not think we could get away
from..." Mais je pense qu'elles vont se sentir plus
Québécoises.
Mme Gagnon-Tremblay: Ce sera peut-être à la
troisième génération.
Mme Savidès: Peut-être. Mais...
M. Costy: Est-ce que je peux parler de mon histoire aussi?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.
M. Costy: Moi, je suis un Anglais. Je suis né en
Angleterre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.
M. Costy: Oui. J'ai immigré à 19 ans. J'ai
passé les 30 dernières années à être... J'ai
été fonctionnaire fédéral à Ottawa.
Dès que j'ai pris ma pension, j'ai fui vers le Québec. Je me suis
installé à Montréal. Ça, ce n'est pas pour moi.
Pour moi, c'est ma réponse. Pour la communauté grecque, je dirais
qu'ils se sentent bien ici. Ils se sentent bien. J'ai fait un voyage à
Toronto récemment. J'ai parlé à la communauté
grecque là-bas. Ils ne se sentent pas comme s'ils appartenaient à
quelque chose, tandis que les Grecs ici sont conscients d'être au
Québec, ils sont bien. On leur parle d'aller à Toronto, c'est une
ville morte, etc., c'est des Anglais. Ils ne sont pas intéressés
à ça. Donc, je crois que je reflète un petit peu cette
tendance des Grecs, de la communauté grecque au Québec.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Messier): Compte tenu du temps
disponible, je vais laisser le député Yvan Bordeleau,
député d'Acadie, poser une question.
M. Bordeleau: Oui. D'abord, je vous remercie. Je suis très
heureux de voir votre présentation, d'autant plus heureux que ce matin
on a eu deux groupes très importants comme communautés
culturelles au Québec et dans mon comté, dans le comté
d'Acadie, j'ai, de fait, ces deux groupes. La communauté italienne et la
communauté grecque représentent des proportions très
importantes des citoyens de mon comté. Donc, je vous souhaite la
bienvenue. Je suis très heureux de voir que vous êtes venus faire
une présentation à la commission.
La question que j'aimerais... En fait, il y a deux points que j'aimerais
peut-être aborder. Dans l'énoncé de politique, on parle de
l'intégration des immigrants. J'aurais le goût de vous demander.
Qu'est-ce que c'est pour vous, un immigrant intégré?
Mme Savidès: Un immigrant intégré?
M. Bordeleau: Vous êtes des immigrants...
Mme Savidès: Justement. Comme madame m'a
posé...
M. Bordeleau: Vous vous considérez comme
intégrés ou... Qu'est-ce que ça représente pour
vous, un immigrant intégré? Quand, à votre avis à
vous, on peut dire qu'un immigrant est intégré?
M. Costy: Un immigrant intégré, pour moi et, je
crois, pour la communauté en général, pour les
communautés étrangères, c'est une personne qui sent
qu'elle nage dans un étang qui est à elle, c'est-à-dire
qu'elle n'est pas mise à part, elle n'est pas marginalisée,
d'aucune façon. Ça, c'est une personne qui est
intégrée dans la communauté, dans la société
dans laquelle elle vit.
S'il ressent, pour une raison, parce que son nom comporte 12 syllabes
comme quelques noms grecs, ou parce que sa figure est différente, sa
peau, etc., qu'il est marginalisé, qu'il est mal vu, qu'on ne lui
accorde pas l'entrée à certaines choses, il n'est pas
intégré. Alors, une partie de cette intégration, c'est les
efforts que lui va faire, mais aussi ceux que la société va faire
pour qu'il devienne intégré.
Mme Savidès: Quelqu'un qui est capable de négocier
le système auquel il a affaire, dans sa vie, capable de remplir des
formules, de travailler, de se trouver un emploi... comme ça.
M. Bordeleau: On parle de la société d'accueil dans
le document; qu'est-ce que vous pensez que, pour la société
d'accueil... Quels sont les critères, à ce moment-là, que
vous croyez que la société d'accueil se donne pour évaluer
si un immigrant ou une communauté est intégrée?
Mme Savidès: Oui. Parler de ça... On voulait faire
attention que ça ne devienne pas quelque chose de très personnel
pour la personne à l'immigration, pour celui qui prend tous les pouvoirs
de décider si cette personne est in-tégrable ou pas. Moi, je
trouve que ce serait ses antécédents, les
antécédents propres d'une personne.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Mme
Savidès. M. le député d'Acadie, malheureusement pour le
temps disponible, c'est terminé. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: De toute évidence, quand on va parler de
l'accueil aux réfugiés, M. Costy, je pense que vous allez
être un interlocuteur privilège puisque, comme vous l'avez si bien
dit, vous avez fui le Canada pour le Québec. Mais ceci dit, Mme
Savidès, vous vous doutez bien que mon collègue, l'ancien
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. Godin, m'a
chargé de vous adresser des salutations tout à fait
particulières. Tout le monde sait qu'il est depuis 15 ans
député de Mercier grâce à l'appui non
équivoque de ses concitoyens et de ses compatriotes d'origine
hellénique. J'ai eu, d'ailleurs, le plaisir de l'accompagner à
quelques reprises dans ce magnifique centre communautaire de la côte
Sainte-Catherine, qu'il a rendu possible d'ailleurs. Je ne vous cacherai pas
que j'ai toujours été un petit peu jaloux de l'affection que vous
lui portiez, j'aimerais bien en bénéficier un peu moi aussi.
J'aurais quelques questions à vous poser à la fois
à vous, M. Costy, et à Mme Savidès, compte tenu de votre
formation que je juge très importante dans le contexte, celle de
travailleur social. La première question. Vous dites en page 5 de votre
mémoire que le gouvernement devrait se préoccuper davantage de la
formation des fonctionnaires qui seront appelés à travailler dans
les services d'immigration. Est-ce que vous croyez que les nouveaux arrivants,
actuellement, sont - ce n'est pas un blâme, je postule - mal servis par
le gouvernement du Québec parce qu'on n'a pas pris toutes les mesures
nécessaires et les plus adéquates?
M. Costy: Non, ils ne sont pas mal servis, mais ils pourraient
être mieux servis parce que...
M. Boulerice: ...mieux servis.
M. Costy: ...un, une personne qui appartient à une
communauté culturelle au Québec est peut-être plus
sensibilisée, elle a une sensibilité spéciale au
problème de la façon de voir l'immigrant, le nouvel arrivé
ou même l'immigrant qui est ici depuis des années. Il y a une
tendance... Nous croyons que si les services pouvaient être
"semés" avec quelques personnes comme ça, ça pourrait
donner un caractère plus sympathique, pas que ça manque, mais
plus sympathique et plus sensible à ces services.
M. Boulerice: Vous avez fait des remarques assez pertinentes pour
ce qui est de l'accueil à l'aéroport.
M. Costy: Oui.
M. Boulerice: Moi-même, lorsque j'arrive à Mirabel,
je n'ai pas du tout l'impression d'arriver au Québec, j'arrive dans un
territoire, somme toute, étranger. Le douanier me parle français,
il va de soi, mais je n'ai pas l'impression d'arriver au Québec,
j'arrive dans un territoire de juridiction fédérale, etc. Je ne
sais pas, il y a une espèce de sensibilité inévitable que
j'ai. Donc, ce que vous suggérez en définitive... Mais là,
ça ne fait pas partie de l'entente comme telle.
M. Costy: Non, ce n'est pas une partie de l'entente.
M. Boulerice: Le ministère de l'Immigration du
Québec devrait, selon vous, littéralement investir
l'aéroport puisque c'est la première porte qui s'ouvre au nouvel
arrivant, qu'il provienne d'Athènes ou de n'importe quelle autre
ville.
M. Costy: N'importe où, oui.
M. Boulerice: Vous avez fait, à juste titre
d'ailleurs...
M. Costy: Absolument.
M. Boulerice: ...allusion à la Roumanie et ça,
j'apprécie.
M. Costy: Non, pour moi, c'est une question qu'au lieu... Les
services fédéraux, jusque récemment, j'imagine, ou
même maintenant, sont chargés de subvenir aux besoins des
immigrants qui arrivent. Alors, il y a deux parties: une partie documentation,
qui est faite et une partie, comme vous le savez peut-être, de
"counselling". Maintenant, le "counselling" est fait exclusivement pour ceux
qui ont des personnes, qui n'ont personne qui les reçoit. Alors il y a
un immigrant indépendant qui arrive, il n'a pas de connaissances ici, il
peut aller à ce service-là et puis avoir de l'aide du point de
vue des conseils, quoi faire le premier soir, le premier jour qu'il va
être dans le pays. Moi, je crois que ce deuxième service devrait
être pris par le Québec. Le premier, c'est la documentation, c'est
des pratiques internationales d'admission dans des pays, etc., mais le
deuxième, ça ne devrait pas être à la charge du
fédéral puisque ces personnes-là viennent pour
s'établir au Québec. Ça devrait être pris tout de
suite par les services et c'est déjà mentionné dans
l'énoncé. Je crois que la ministre et le service prévoient
ça.
M. Boulerice: Une question de très grande importance,
à mon point de vue, tout au moins, que j'aimerais adresser à Mme
Savidès et j'ai bien dit tantôt, compte tenu de sa formation, elle
est travailleuse sociale. Le Conseil québécois pour l'enfance et
la jeunesse qui intervenait hier nous a fait part de certains conflits
ethniques et même interethniques qu'il y avait dans les écoles. Il
parlait de ghetto - le mot est toujours difficile à prononcer,
aidez-moi, s'il vous plaît, M. le Président - de
ghettoïsation, n'est-ce pas, des écoles comme telles. Il
s'inquiétait de ce phénomène comme tel puisque la
première réussite pour ce qui est de l'immigration, je crois
qu'elle doit se passer à l'école. Je pense qu'on va en convenir
tous trois. Quelles seraient, d'après vous, les solutions pour pallier
à ceci?
Mme Savidès: Vous savez, on a toujours proposé
plusieurs solutions au niveau de la Commission des écoles catholiques,
entre autres, évidemment, la question d'information au niveau du
personnel par rapport aux enfants et leurs pays d'origine. Ensuite, il y a eu
la question des analphabètes parce qu'il y a eu des vagues
d'immigration. Parfois, on a tendance à nous mettre tous dans la
même chose, mais on est totalement différents, même parmi
nous. Les trois communautés que vous allez voir ici, vous allez voir des
différences. Mais quand on parle, par exemple, de la
problématique du Grec orthodoxe et unilingue qui commence à
l'école, qui est ici depuis... que sa famille est ici depuis un certain
nombre d'années et ensuite de la problématique d'un jeune
Haïtien analphabète, d'âge d'école secondaire,
là, tout de suite, on a des problèmes.
Comment est-ce qu'on brise... Mais la question était: Comment
est-ce qu'on brise les ghettos parce qu'on trouve que les ghettos...
Première chose, il faut établir si les ghettos sont aussi mauvais
que l'on pense, parce qu'il y a des choses positives sur les ghettos aussi. Il
y a toujours des choses négatives. Il faudrait peut-être voir
comment est-ce qu'il faut éviter l'aspect négatif du ghetto, mais
garder l'aspect positif. Parfois, c'est aussi un endroit où on a une
confiance en soi parce qu'on sent qu'on fait partie d'un groupe comme nous.
Peut-être qu'en donnant cette information et la formation sur les
différents aspects culturels de chacun, on peut briser les isolements
qu'on est en train de bâtir peu importe où on va. Ça fait
peur parfois, "you know."
M. Boulerice: Mme Savidès, hier soir, Mme Lebron nous
disait que dans certaines écoles la proportion - bon, on a toujours
notre problème éternel de vocabulaire - des
Québécois, tuque et bas de laine - c'est l'expression que
j'emploie, moi - était...
Mme Savidès: Oui, oui.
M. Boulerice: ...tellement faible...
Mme Savidès: Oui.
M. Boulerice: ...que les jeunes Québécois - et
là, j'emploie l'expression "les jeunes Québécois nouveaux"
- qui s'y trouvaient n'avaient que très peu de références
à la nouvelle société d'accueil compte tenu de l'absence
numérique des Québécois, tuque et bas de laine, comme j'ai
employé. (11 h 45)
Mme Savidès: Moi, je me disais... je ne suis pas
pédagogue malgré que je sois travailleuse sociale. Donc, ma
vision des choses, c'est peut-être différent de celle des
pédagogues. Mais je me pose le problème quand je dis: Notre
système d'éducation est un système très
coûteux.
M. Boulerice: À qui le dites-vous!
Mme Savidès: "All right." Puis je me demande, pour l'amour
du ciel, comment est-ce qu'on est arrivés là. On n'est pas
capables, à l'intérieur d'un système aussi coûteux
que ça, de se retrouver avec du monde qui fonctionne plus ou moins mal
que bien à l'intérieur de nos écoles. Je trouve qu'on a
tendance, parfois, à blâmer la victime. On fait ça aux
femmes. Tu
sais, les femmes violées. On fait ça aux enfants qui
n'apprennent pas le français. Ah oui! mais les autres... Puis je me
demande: Comment est-ce que je... Moi, je mettrais des efforts pour ceux dont
la langue - celle qu'on appelle la langue maternelle pour toutes sortes de
raisons, à tort ou à raison - n'est pas le français. Je
mettrais des efforts très particuliers parce qu'on a différents
systèmes d'apprentissage d'une langue. Pour moi, si c'est ma langue
maternelle, j'apprends comment écrire 'table", mais il ne faut pas que
j'apprenne que, ça, c'est la table. O.K.? Pour quelqu'un qui ne
connaît pas la langue, ça prend deux pas: un, le premier, c'est
que, ça, c'est la table, ensuite, comment l'écrire. Alors, il me
semble qu'il faudrait, pour ces enfants-là, trouver les moyens qu'ils
apprennent plus vite ou mieux. Maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour les
autres? On leur donne des choses enrichies, pour ceux qui savent
déjà que la table, c'est ça. Pour ma part, si
j'étais responsable de n'importe quoi en éducation, je serais
très inquiète. J'aimerais vraiment examiner tous les
systèmes pour trouver des solutions parce que ça coûte trop
cher pour qu'on ait des résultats, premièrement. Puis dire que
c'est à cause des immigrants, I am not sure it is that... que c'est
aussi facile que ça de régler le problème.
M. Boulerice: Mme Savidès, j'ai dit tantôt à
nos amis de la communauté italienne que cette communauté avait
fait de grands pas. Je pense que - enfin, je ne pense pas, je crois - j'affirme
que la communauté hellénique - et vous savez qu'elle
déborde, maintenant, dans ma circonscription et je m'en réjouis -
je crois, je pense, je dis qu'elle a fait de nombreux efforts, elle aussi, des
efforts immenses que, malheureusement, le temps de cette commission ne nous
permet peut-être pas d'étaler mais qui sont très
significatifs. Puis vous savez aussi, d'autre part, que j'ai d'excellentes
sources, je vous en ai nommé une première qui est mon
collègue Gérald Godin et, après, ma grande amie Nadia
Assimopoulos. Donc, je pense connaître bien des gestes que la
communauté hellénique a posés, mais je sens, dans votre
discours, comme je l'ai senti également auprès de nos amis
italophones tantôt, et peut-être chez ceux que nous recevrons un
peu plus tard, un discours qui disait: II y a encore des difficultés
d'acceptation de la part de la communauté principale d'accueil qui
serait nous. Est-ce que vous croyez - je m'adresse à vous, mais vous de
majesté, vous de pluriel aussi parce qu'il y a M. Costy qui est
là, mon réfugié préféré - que c'est
une ethnocentricité des Québécois de vieille souche qui
perdure et perdure ou est-ce que ce ne serait pas plutôt encore des
éléments de ce vieux réflexe normal d'une
société tellement minoritaire, en Amérique du Nord, que
l'autre est toujours un peu épeu-rant quand on le connaît mal, je
dis bien? Moi, plus j'ai appris à vous connaître, je veux dire,
vous n'êtes pas devenus une menace, vous êtes devenus un apport. Si
le Québec vous a apporté, votre présence m'a
énormément apporté et à bien des égards, moi
aussi.
Mme Savidès: Je dis à ça, je réponds
à ça, parfois, quand je m'étonne devant certains clients,
parce que moi, je travaille à la OPJ, que c'est une situation normale et
que c'est une réaction normale "to an unhealthy situation", à une
situation qui est malsaine pour commencer, qui est difficile pour commencer.
Oui, c'est sûr. Ecoutez, le développement historique n'est pas
là parce que... Il y a toujours des raisons pour lesquelles ils sont
là, évidemment, et ça ne fait pas très longtemps.
Souvent, on dit "accessibilité des services sociosanitaires
auprès des membres des communautés culturelles", c'est devenu
comme... Moi, je me dis: Oui, mais jusqu'à 1960, jusqu'à la
Révolution tranquille, les Québécois, chez eux, n'avaient
pas droit à leurs propres services dans leur propre langue. Ils ne
pouvaient même pas, jusqu'à tout récemment, travailler dans
leur propre langue, dans leur propre pays. Alors, évidemment, il y a
toujours des réactions à certains faits historiques. Moi, je
remarque qu'il y a quand même une nette amélioration parce que
ça fait longtemps que je suis impliquée, si vous voulez, je
remarque qu'il y a une nette amélioration dans nos relations, pour le
mieux. Mais, ceci dit, on espère toujours que ça va
s'améliorer. Les statistiques nous démontrent qu'il y a encore
des lacunes et des choses à faire, sûrement.
M. Costy: Est-ce que je pourrais dire deux mots là-dessus,
s'il vous plaît?
Le Président (M. Messier): Avec le plus grand des
plaisirs.
M. Costy: Quand je suis venu à Montréal, en 1949,
comme immigrant, mon premier pas, à moi et à tous les autres qui
étions des étrangers, on était des maudits DP.
Une voix: Des...
M. Costy: Des maudits DP, "displaced persons".
Mme Savidès: C'était le mot pour...
M. Boulerice: On vous le disait en anglais.
M. Costy: Oui.
M. Boulerice: D'accord.
M. Costy: Aiors, tout le monde, les Canadiens français et
les Québécois de souche française nous reconnaissaient,
nous mettaient comme ça: Vous êtes un maudit DP.
M. Boulerice: DP!
M. Costy: Oui. Vous ne connaissez pas ça, moi, je l'ai
vécu.
M. Boulerice: J'étais, malheureusement, pas tout à
fait né. Ha, ha, ha!
M. Costy: O.K. Alors, ça a marginalisé les
populations pendant longtemps. La première génération
d'immigrants, ceux qui ne parlaient pas le français ni l'anglais
même, n'a pas pu pénétrer et n'a pas voulu, dans des cas,
pénétrer cette barrière que faisaient les
Québécois à ce moment-là. Ils avaient d'autres
intérêts et d'autres préoccupations. Puis, ils
étaient mal formés, ils ne connaissaient même pas leur
propre langue d'une bonne façon, bien. Mais le temps a passé et
la première génération d'immigrants, ceux qui sont venus
les premiers, était prête à accepter une situation de ce
genre-là. La deuxième génération, les premiers qui
sont nés ici de ces parents-là se sont trouvés encore un
petit peu mis de côté. Mais les communautés culturelles
trouvent dur d'accepter que la troisième génération se
fasse encore bloquer. Je crois que c'est là qu'il faut
réfléchir comment les ponts vont être établis pour
qu'ils ne soient pas marginalisés, comme je l'ai dit avant, parce que
leur nom contient deux syllabes ou pour d'autres raisons.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Peut-être
quelques mots de remerciements, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, très très bref. Lorsque
j'étais responsable des classes d'accueil dans une commission scolaire,
les nouveaux arrivants d'origine grecque m'avaient hellénisé, on
m'appelait "M. Boularice"...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...et je vous avoue que j'y prenais un certain
plaisir. Alors, écoutez, pour conclure très brièvement,
puisque nous avons d'autres invités, je vous dirai très
simplement, mais très sincèrement "epharisto".
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais vous remercier, mais, bien
sûr, auparavant, je voudrais dire que le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques ignore justement que, dans l'entente que nous avons
signée avec le gouvernement fédéral, le Québec
dispense des services, et ça inclut l'accueil aux aéroports - je
dois dire que, d'ailleurs, c'est mentionné aussi dans notre politique,
à la page 63 plus précisément - justement parce qu'on veut
donner à l'accueil ce caractère québécois. Nous
serons en mesure d'ouvrir ces bureaux d'accueil d'ici à
l'été prochain. Aussi, en terminant peut-être sur une note
un peu humoristique, j'ai vu tout à l'heure que mon collègue
voulait vous mettre des paroles dans la bouche à l'effet que vous
donniez votre appui. D'après votre réaction, j'ai senti que, si
vous donniez votre appui, ce n'était pas au Parti
québécois, mais bien à l'homme, Gérald Godin.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup.
M. Boulerice: Vous avez bassement interprété mes
paroles, Madame, je le regrette, bassement interprété mes
paroles.
M. Costy: En conclusion...
Le Président (M. Messier): Oui, quelques mots, M.
Costy.
M. Costy: ...la communauté hellénique du
Québec, par l'intermédiaire de notre Congrès,
désire souhaiter à ('initiative courageuse que vous entreprenez
tous un grand succès.
Mme Savidès: Oui.
M. Costy: Ce succès sera assurément mesuré
en termes de résultats concrets et non seulement en termes de bonnes
intentions. Le Congrès hellénique se tient à la
disposition du gouvernement pour aider à l'épanouissement de ce
contrat moral que vous nous proposez, car sa réussite sera celle de
chacun de nous, autant que de notre collectivité
québécoise. Les Québécois d'origine
hellénique sont heureux de s'associer à cette initiative.
Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Costy, Mme
Savidès; on vous remercie énormément. On suspend les
travaux pour quelques instants et on prie le Congrès juif canadien de
venir en avant, s'il vous plaît. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 56)
(Reprise à 11 h 58)
Congrès juif canadien
Le Président (M. Gobé): La commission de la culture
va maintenant reprendre ses travaux. Nous allons entendre dans l'heure qui suit
les représentants du Congrès juif canadien qui est
représenté par M. Jack Jedwab, M. Max Bernard, M. Joël Moss
et M. Darius Kiaizadeh. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous nous
excusons un peu de ce retard mais vous savez qu'il y a toujours un petit
décalage dans les audiences afin de permettre aux gens de s'ex-
primer le plus librement posslbte en tenant compte de la contrainte
temps.
Je vous rappellerai que vous avez 20 minutes pour exposer votre
mémoire. Par la suite, une période de temps de 40 minutes sera
répartie entre les membres de l'Opposition et de la majorité
gouvernementale. Bien entendu, à la fin, il y aura une petite conclusion
de part et d'autre, pour quelques minutes.
Alors, sur ce, je vous inviterai maintenant à présenter
votre mémoire, et la personne qui le présente à se
présenter elle-même.
M. Bernard (Max): Merci, M. le Président, M mes et MM. les
commissaires, si je peux me permettre de vous présenter les membres de
notre délégation. À ma droite extrême, M. Joël
Moss, directeur du Service canadien d'assistance aux immigrants juifs; à
ma droite, M. Darius Kiaizadeh, secrétaire du Service canadien
d'assistance aux immigrants juifs; à ma gauche, M. Jack Jedwab,
directeur des relations communautaires au Congrès juif canadien,
région Québec, et mon nom est Max Bernard; je suis
président du comité des relations communautaires du
Congrès juif canadien, région Québec.
Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui est le
fruit d'un travail qui a été réalisé par les deux
organismes majeurs de la communauté juive qui ont trait aux immigrants.
Donc, le Congrès juif canadien, tout comme le Service canadien
d'assistance aux immigrants juifs, a toujours accordé une place
importante au dossier de l'immigration et de l'intégration et aux
conséquences que les politiques élaborées par nos
dirigeants pourraient avoir sur les membres de la communauté juive et
sur la société québécoise dans son ensemble.
Alors, pour cette raison, nous avons partagé notre
présentation en deux. Avec votre permission, je laisserai d'abord la
parole à M. Darius Kiaizadeh, qui est secrétaire du Service
canadien d'assistance aux immigrants juifs.
Le Président (M. Gobé): M. Kiaizadeh, vous avez la
parole.
M. Kiaizadeh (Darius): M. le Président, mesdames et
messieurs, nous sommes les représentants d'un groupe de professionnels
et d'immigrants qui se sont servis de près de 70 ans d'expérience
au Congrès juif canadien et au Service d'assistance aux immigrants juifs
(JIAS) pour vous soumettre le présent mémoire.
Nous formons une communauté caractérisée par sa
religion et sa culture. On retrouve à l'intérieur de notre
communauté les deux courants du judaïsme, soit celui des Juifs
ashkénazes canadiens d'origine essentiellement est-européenne et
celui des juifs séfarades d'origine nord-africaine et
moyen-orientale.
Notre communauté s'étant constituée grâce
à l'apport de diverses vagues d'immigration, elle compte aujourd'hui
environ 97 000 membres dont le tiers est né à l'extérieur
du pays; environ 25 % ont le français comme langue maternelle ou
académique. Ces dernières vagues d'immigrants étant
arrivées au Québec vers le début des années
cinquante, nos services communautaires se sont précipités pour se
doter du personnel bilingue pour les servir dans la langue de leur choix.
Comme on le remarque dans notre mémoire, il est important de
souligner que la communauté juive de Québec est une entité
cosmopolite qui est formée de membres provenant d'une
multiplicité de pays d'origine. La mosaïque de nos immigrants se
compose de membres qui arrivent d'Europe de l'Est, de la Russie, des pays de
l'Afrique du Nord, d'Afrique du Sud, de l'Iran et des pays du Moyen-Orient,
généralement de jeunes cadres avec des études bien
avancées, avec un ratio de natalité de 2,4 %, qui est un peu
supérieur au taux de natalité national.
Notre expérience nous prouve que la barrière linguistique
ne représente pas un obstacle important pour l'intégration de ces
immigrants généralement avec une formation académique.
À cette fin, je dois ajouter que le JIAS, sachant que le programme du
COFI souffrait d'une liste d'attente de plusieurs mois, a créé,
sous forme de projet-pilote, un département de formation qui va englober
nos immigrants quatre jours par semaine, dont trois matinées de cours de
français intensifs et une journée sous forme de
conférences socioculturelles durant lesquelles on essaie de fournir
à nos clients un aperçu sur le judaïsme
nord-américain et des informations concernant la vie culturelle et
économique québécoise, les services donnés par les
différents paliers de gouvernement et le "job hunting", comment chercher
et solliciter du travail. On va si loin dans ce dernier domaine, qu'à
l'aide d'un autre service communautaire nous avons créé un club
de placement qui va aider les immigrants à chercher un emploi, à
se placer dans un emploi.
Nous apprécions le voeu exprimé à la page 52 de
l'énoncé pour la création de projets-pilotes et invitons
le ministère à bras ouverts à venir examiner le
projet-pilote que nous avons démarré depuis le début de
novembre 1990. C'est un plaisir de remarquer que les Russes, les Iraniens, les
Polonais et les Éthiopiens, bien qu'appartenant à
différentes cultures, niveaux de vie et niveaux sociaux, ont un
point commun: ils s'expriment en français.
Dans notre mémoire, nous mettons l'accent sur plusieurs
catégories d'immigrants et nous énumérons certaines
améliorations à apporter. En bref, en ce qui a trait à la
classe des indépendants d'immigrants, comme nous le sollicitons dans
notre mémoire, nous souhaitons que le gouvernement allège
certaines exigences, en particulier dans le cas d'un contrat valable. Le
traitement des dossiers de demandes doit être
effectué plus rapidement pour remédier à ce
problème.
Pour la réunification des familles, bien que ce soit un domaine
fédéral, nous aurions souhaité que le concept de
réunification des familles soit élargi pour englober la famille
dans son ensemble: père, mère, enfants, soeurs, frères et
grands-parents, sans aucune limitation ou restriction.
M. le Président, pour s'épanouir, le Québec devra
compter sur la richesse que constituent les nouveaux arrivants, lesquels
apportent leurs talents, leur expérience et leur expertise au nouveau
pays de résidence. Ce dynamisme n'assure pas seulement le remplacement
de la population, mais aussi un bassin de main-d'oeuvre qualifiée qui
propulsera le développement économique de demain.
Pour ma part, selon mon expérience personnelle, je suis
arrivé de l'Iran à Montréal le 12 décembre 1976.
Deux ans plus tard, avec le déclenchement de l'anarchie iranienne, je me
félicitais d'avoir choisi, comme dans la chanson, la neige comme mon
pays. Mes enfants cavalent entre les universités de Montréal et
McGill. Chez moi, ça jase, ça "jouale" et ça brasse
modestement, comme dans tous les foyers québécois.
J'espère qu'avec l'implication de l'énoncé et notre
mémoire, à l'avenir, d'autres nouveaux Québécois
viendront à cette table pour proclamer leur joie et leur gratitude
envers notre pays. Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Kiaizadeh. Je dois comprendre que ceci met fin à votre
exposé.
M. Bernard: Non, M. le Président, avec tout le respect que
je vous dois, j'ai encore quelques minutes, si vous me permettez.
Le Président (M. Gobé): Certainement. M.
Bernard: J'ai aussi mon texte.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, M.
Bernard.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Alors, rapidement, ce
que j'ai à vous proposer, c'est ceci. La société dans
laquelle nous vivons s'est considérablement enrichie dans le
passé par l'apport des immigrants, quelle que soit leur origine, tant
sur les plans économique que social et culturel. Nous sommes donc
entièrement d'accord avec la notion d'encourager l'immigration. De son
côté, la communauté juive, dont la présence au
Québec remonte à près de 200 ans, a vu ses membres
contribuer de façon significative à l'épanouissement du
Québec, que ce soit dans les domaines académique, scientifique,
financier, culturel ou autres. Les immigrants juifs qui ont trouvé dans
le Québec une terre d'accueil sont aujourd'hui bien
intégrés et se considèrent comme Québécois
à part entière.
La société d'accueil joue un rôle essentiel au
bien-être et à l'intégration réussie de tant
d'individus qui ont fait du Québec leur terre de prédilection. Le
processus d'intégration des nouveaux immigrants doit demeurer le fer de
lance de tout programme gouvernemental visant à faire du Québec
une société dans laquelle tous les groupes pourront cohabiter et
former un ensemble prêt à affronter les défis de
l'avenir.
Cependant, nous croyons que la langue, bien qu'elle demeure un
élément crucial du processus d'intégration, ne peut
constituer le seul critère de sélection. Entre autres, des
considérations humanitaires devraient demeurer des facteurs importants,
vu que le Québec est une société libre et
démocratique qui valorise les droits fondamentaux. À titre
d'exemple, il ne faut pas oublier une importante immigration en provenance,
tout récemment, de l'Europe de l'Est.
Nous recommandons fortement que, pour que le processus
d'intégration des nouveaux immigrants soit efficace, les immigrants
potentiels soient mis au courant de la situation sociale et économique
en vigueur dans la société québécoise de
façon à leur assurer plus de chances de s'intégrer. Ceci
requiert évidemment que les ressources mises à notre disposition
à ces fins soient considérablement augmentées.
Les antécédents historiques de la communauté juive
de Montréal témoignent du rôle qui peut être
joué par le secteur du volontariat en coopération avec
l'État afin d'assurer que les nouveaux immigrants puissent être
harmonieusement intégrés au sein de la communauté et de la
société.
D'autre part, nous sommes heureux d'apprendre que le gouvernement a
augmenté les ressources dirigées vers la francisation des
nouveaux immigrants et, dans la même veine, a amélioré
l'accès aux programmes de langue française. Nous croyons, par
ailleurs, qu'il serait souhaitable de verser aux nouveaux immigrants des
allocations leur permettant de subsister pendant la période
d'apprentissage, pour ainsi les encourager à fréquenter les
COFI.
Nous soutenons depuis fort longtemps l'objectif de rapprochement entre
Québécois d'origines diverses. Étant donné qu'il
n'existe, à notre sens, aucune contradiction dans la promotion du
pluralisme retrouvé au sein de notre société, le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devrait
assumer la responsabilité d'assurer que des programmes soient entrepris
par les ministères concernés; à titre d'exemple, les
ministères de l'Éducation et celui des Affaires culturelles. De
tels programmes viseraient spécifiquement à la survie et à
l'épanouissement des communautés culturelles.
Nous sommes heureux que l'énoncé de politique fasse
mention de l'importance de combattre le phénomène du racisme et
nous
souhaiterions que soient proposées des solutions concrètes
à ce problème. Il arrive fréquemment que les immigrants
choisissent notre société afin d'échapper au racisme ayant
cours dans leur pays d'origine. L'énoncé politique propose,
à juste titre, de faire échec au développement de tensions
culturelles et raciales, dont l'émergence des gangs de jeunes constitue
un exemple éloquent.
Nous ne pouvons qu'appuyer ce genre de proposition visant à
inculquer à nos jeunes des valeurs de tolérance, de pluralisme
culturel et d'acceptation des différences.
Alors, voici, M. le Président, mesdames et messieurs les
commissaires, un bref aperçu de notre opinion sur l'importante question
de l'immigration et de l'intégration de nouveaux immigrants dans notre
société. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de nous
écouter si attentivement et serions heureux de répondre à
vos questions.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M.
Bernard. Je demanderai donc maintenant à Mme la ministre de bien vouloir
prendre la parole.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci pour la
présentation de votre mémoire. Je vous félicite aussi pour
la qualité de ce mémoire. Bien sûr, vous soulevez plusieurs
points et, malheureusement, on ne pourra pas s'attarder à toutes les
questions, à tous les points que vous soulevez dans votre
mémoire, mais on aura d'autres occasions pour en discuter plus en
profondeur.
Cependant, le premier point que je voudrais aborder... Le Congrès
souhaite que les résidents puissent parrainer leurs enfants
mariés, frères et soeurs, et que le concept de famille
élargie soit pris en considération également dans les
parents aidés. On doit comprendre que le Congrès juif souhaite,
en fait, la disparition de la sélection qui s'applique aux parents
aidés en plus du parrainage; donc, l'acception la plus large possible du
mot "famille".
Je voudrais vous dire que nous, en établissant la période
de l'engagement, on a essayé d'établir un lien entre la
durée de l'engagement et la capacité d'intégration
économique des personnes visées. Dans le cas, par exemple, des
conjoints et des enfants, il s'agit de personnes qui, normalement,
s'intègrent rapidement au point de vue économique. Donc, nous
avons estimé qu'un engagement pour une période de trois ans
était suffisant. Aussi, il faut se rappeler que l'existence d'un
engagement privait aussi la conjointe parrainée du soutien que
l'État peut accorder pour l'intégration économique. Je
pense, entre autres, pour les cours de formation professionnelle.
Je rappelle aussi qu'en plus de cet engagement il y a toujours aussi,
à l'intérieur de notre
Code civil, une obligation alimentaire qui est reliée aux
conjoints et enfants. En ce qui concerne les parents aidés,
c'est-à-dire les frères, les soeurs, les cousins et les cousines,
la période de cinq ans est demeurée inchangée.
Premièrement parce que l'argument d'établissement
économique qui s'applique, s'applique aussi de façon analogue...
C'est-à-dire qu'il s'applique de façon analogue aux père,
frères, soeurs, cousins et cousines; c'est-à-dire que ces
personnes ne sont pas couvertes par l'obligation alimentaire en vertu du Code
civil et elles peuvent donc être à la charge de l'État
à (a fin de l'engagement. C'est pourquoi nous avons conservé
cette période de cinq ans. (12 h 15)
Et quant aux grands-parents ou aux parents, c'est-à-dire les
ascendants, la période de 10 ans est demeurée inchangée
parce qu'il s'agit de personnes qui, selon notre expérience,
s'intègrent plus lentement et plus difficilement au point de vue
économique. Donc, le maintien d'une période de 10 ans nous
semblait raisonnable car, en cas de difficultés, l'obligation de
soutenir, dans notre société, est partagée entre les
familles qui les ont fait venir et l'État québécois. Donc,
c'est un petit peu la raison pour laquelle, nous, nous avons maintenu cette
durée.
Je dois vous dire, cependant, que c'est le gouvernement
fédéral qui indique la définition de la famille. Et vous
savez, par exemple, que tout récemment le fédéral nous a
fait part qu'il entendait réduire la possibilité d'une croissance
excessive de la catégorie famille au profit des travailleurs et que le
plan d'immigration 1991-1995, qui a été dévoilé par
mon homologue, Mme McDougall, prévoit aussi un resserrement des
dispositions réglementaires qui sont applicables pour prendre davantage
en compte les liens de dépendance véritable entre les membres de
la cellule familiale, mariés ou non. Les enfants devront donc être
inclus dans la notion de famille.
Donc, en ce qui concerne la famille élargie, c'est une
idée généreuse, mais ces personnes devront, d'une
façon ou d'une autre, intégrer le marché du travail. Donc,
n'est-il pas préférable pour nous, qui avons à faire cette
sélection à l'étranger, d'en tenir compte
immédiatement lors de notre sélection. D'autre part, quelle est
votre opinion concernant l'intention fédérale de modifier les
dispositions réglementaires applicables à la famille pour tenir
compte des liens de dépendance véritable?
M. Bernard: J'aimerais peut-être que M. Moss réponde
à cette question.
M. Moss (Joël): Écoutez, je dois faire un commentaire
général. Je ne sais pas si ça va répondre plus
précisément à votre question. Je m'excuse d'ajouter, Mme
la ministre, quelques commentaires sur votre intervention. Pour la
durée aussi, il faut tenir compte qu'il y a d'autres pressions.
Évidemment, il y a une pression économique pour la
société, qu'il faut considérer. En même temps, une
durée de 10 ans, c'est une pression sociale aussi pour une famille,
c'est-à-dire d'avoir quelqu'un dépendant de cette
façon-là. Et on a proposé autre chose dans ce
sens-là pour améliorer cette situation. Si on peut avoir des
garants conjoints, tel qu'il est possible maintenant dans d'autres
juridictions, ça va encourager les familles à participer et
à partager cette responsabilité. Au moins, si on ne va pas
diminuer la durée, on peut supporter dans ce sens-là de faciliter
les choses pour les familles. Ça va faciliter l'entrée à
l'évaluation et aussi dans le processus de support. On sait bien que la
juridiction de famille, pour le moment, ça reste au
fédéral. Mais on demande au Québec d'encourager le
fédérai à élargir cette définition-là
dans le sens qu'on a discuté.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, vous demandez au
fédéral d'élargir, au moment où le
fédéral pense peut-être resserrer un peu?
M. Moss: C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, ça signifierait de
conserver la notion de famille telle qu'elle est actuellement?
M. Moss: Oui, mais la définition...
Mme Gagnon-Tremblay: Parce que je pense que l'objectif qui est
visé aussi, bien sûr, c'est toujours l'objectif de la
capacité économique, de la capacité financière de
la province à assumer des coûts, à un moment donné,
de personnes qui auraient, comme je le mentionnais tout à l'heure, de la
difficulté à intégrer le marché du travail, pour
toutes sortes de raisons. Donc, il est important que la famille puisse aussi -
la famille qui a fait venir ces personnes - partager avec nous le coût de
ces services.
M. Moss: Oui. Notre expérience, c'est sûrement que
les familles ont démontré, dans notre communauté surtout,
je pense, leur capacité et leur volonté dans ce
secteur-là. Mais il faut ajouter aussi qu'on a une définition
légale de la famille et, dans les pays d'où viennent beaucoup
d'immigrants juifs, on a une définition de la famille un peu
différente dans le sens que, par exemple, en Union soviétique, un
cousin, ça peut être comme un frère ici. Dans ce
sens-là, le prix pour ne pas élargir cette définition,
c'est qu'on a des gens, ici, qui ont toujours des difficultés à
s'adapter dans le sens qu'il y a une partie de leur famille, une partie de leur
soi, dans un sens, qui est ailleurs. Élargir cette
définition-là, ça va aussi faciliter ces choses-là
et accélérer l'adaptation des immigrants.
Surtout, il faut encore rappeler que, malheureusement, la grande
proportion des immigrants juifs vient des pays où c'est très
important pour eux autres de quitter ces pays-là. Ce n'est pas seulement
pour un avantage économique qu'ils viennent au Québec. C'est
vraiment pour avoir une vie où on peut s'exprimer dans notre
société, dans ce sens-là, et fuir des dangers. Pour les
familles qui restent ici, au Québec, en sachant que leur famille,
ailleurs, est en danger, ça bloque vraiment une intégration
complète.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Selon le Congrès juif, on doit
augmenter la sélection des réfugiés à
l'étranger et l'arrivée des revendicateurs ne devrait pas avoir
d'impact sur la sélection à l'étranger. Je dois rappeler
que la triste réalité est que le Québec doit tenir compte
de ses capacités d'accueil et d'intégration dans son effort
humanitaire et que le fédéral, bien sûr, est le seul
responsable du contrôle des frontières et du processus
d'acceptation des revendicateurs du statut de réfugié. Et, plus
le Québec se fait imposer des réfugiés
sélectionnés sur place par le gouvernement fédéral,
moins il peut aller en chercher à l'étranger parce que le
mouvement imposé réduit d'autant le mouvement choisi.
Le Québec doit tenir compte, bien sûr, de ses niveaux
planifiés. On fait des consultations, justement, pour pouvoir, à
la suite d'un consensus social, déterminer des niveaux. Et aussi, on
doit maintenir une composition assez équilibrée du mouvement.
À la page 11 de votre mémoire, vous mentionnez que les
réfugiés sélectionnés à l'étranger ne
devraient pas être jugés selon leur capacité de
s'intégrer à la société québécoise.
Je tiens ici à vous préciser qu'il n'est pas dans l'intention du
gouvernement, bien sûr, de leur appliquer des critères de
sélection semblables à ceux des indépendants. Au
contraire, je pense que le choix d'accueillir un réfugié se fait
à partir de l'évaluation d'une série de facteurs
déterminant les chances d'adaptation et d'autonomie personnelle du
réfugié.
Est-ce que vous partagez mon avis à l'effet que ce ne sont pas
tous ces réfugiés, bien sûr, qui pourraient réaliser
une intégration réussie au Québec et qu'il devient alors
de la responsabilité du gouvernement de choisir ses
réfugiés en fonction de leur capacité
d'intégration, et ce, autant pour les intérêts des
réfugiés eux-mêmes que pour la société
d'accueil? Et, compte tenu du fait que les réfugiés admis au
Québec devront, d'une façon ou d'une autre, s'intégrer au
marché du travail alors qu'ils n'ont pas été
sélectionnés en fonction de ce marché, ne croyez-vous pas
inévitable d'en limiter le nombre?
M. Bernard: Alors, Mme la ministre, si vous me permettez, je
pense que, premièrement, on appuie énormément vos propos a
l'égard du fait que la sélection des réfugiés ne
devrait pas être
axée uniquement sur le critère d'intégration
économique ou sur le fait qu'ils pourraient ou ne pourraient pas causer
un drain économique à la société d'accueil.
Ça, c'est très clair là-dessus.
Par contre, il faut tenir compte du fait qu'un réfugié, en
premier, doit pouvoir se réfugier quelque part. Souvent, il est
peut-être facile d'imposer des critères qui font en sorte que les
réfugiés, en fin de compte, n'ont nulle part où aller,
c'est-à-dire nulle part de valable. La société
québécoise a pris beaucoup de plaisir, avec beaucoup de justesse
d'ailleurs, en étant une société très libre, une
société ouverte, une société démocratique
qui pourrait accueillir, chaleureusement d'ailleurs, des
réfugiés. Alors, d'abord, il faut leur trouver un endroit
où aller.
Ensuite, à ce moment-là, il faudrait considérer des
critères qui, je dirais, sont plutôt des critères de
deuxième ordre tels que les critères économiques. Mais je
ne pense pas qu'en collaboration avec le fédéral, vu le nouvel
accord qui a été signé, il est impossible de mettre en
place des critères de sélection qui vont respecter le
caractère de réfugié, tout en protégeant la
société d'accueil contre des contraintes ou du stress indu du
fait de leur arrivée en masse. Ce n'est pas du tout l'implication qu'on
donnait dans notre mémoire.
Mme Gagnon-Tremblay: Puisque nous ne pouvons limiter le nombre de
revendicateurs et qu'apparemment le gouvernement fédéral est
incapable de contrôler ce mouvement, est-ce que nous avons un autre choix
responsable que de limiter la sélection d'étrangers mais de bien
s'occuper de ceux qui seront reconnus sur notre territoire, finalement?
M. Bernard: Mais écoutez, vous pouvez certainement mettre
l'emphase sur ceux qui vont bien s'intégrer à la
société d'accueil qu'est le Québec. Ça, c'est
clair. Mais de là à dire qu'il faut nécessairement exclure
tous ceux qui pourraient, dans l'avenir, choisir de déménager du
Québec pour aller s'installer en fin de compte ailleurs, je pense que
ça serait illusoire. Même si...
Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Je pense que je vais préciser
davantage. C'est que nous avons... Chaque année, nous
sélectionnons à l'étranger un certain pourcentage de
réfugiés. Généralement, on les sélectionne
à partir de camps de réfugiés. Ça, c'est un
mouvement qui est d'environ de 10 % à 13 %, par exemple, de notre
mouvement global. Cependant, on se rend compte qu'il nous arrive encore tout
près de 1000 revendicateurs du statut de réfugié chaque
mois. Bien sûr que, parmi ces personnes, vous avez des
réfugiés, de véritables réfugiés. Vous avez
d'autres personnes qui viennent pour améliorer, par exemple, leur
condition économique, et ça prend énormément de
temps pour pouvoir régulariser chacun de ces cas.
Est-ce qu'à ce moment-là vous seriez d'accord pour que le
Québec, si ces personnes arrivent et que nous n'avons pas de
contrôle sur les frontières... Ces personnes qui arrivent ici,
à qui on a reconnu le statut de réfugié, ne devrons-nous
pas les comptabiliser, par exemple, avec le pourcentage qu'on va chercher
à l'extérieur? Parce que c'est une responsabilité
humanitaire mais, aussi, il y a certaines limites au niveau de l'accueil comme
tel.
M. Bernard: Si j'ai bien compris votre question, en d'autres
termes, il faudrait les compter à même les réfugiés
qu'on accueillerait.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça, oui. Est-ce qu'on devrait
les calculer à l'intérieur de nos 10 % ou 12 % de gens que nous
allons chercher à l'étranger, s'occuper de ceux qui sont sur
place, qui revendiquent, qui sont reconnus comme réfugiés,
s'occuper davantage de ceux-là?
M. Bernard: Oui, bien sûr, mais je pense qu'il y a des
commentaires à tout ça.
M. Moss: Je veux ajouter un commentaire, Mme la ministre. C'est
que pour notre communauté, en tout cas, la fermeture de la classe
désignée... Je sais que ça ne répond pas à
toute la problématique ici, au Québec, mais pour notre
communauté le phénomène de revendicateur est pas mal
nouveau. Quand je dis "nouveau", je dis peut-être de six à huit
mois. Avant ça, dans les deux années précédentes,
peut-être qu'on a eu une dizaine de revendicateurs.
Maintenant, ce qui arrive, pour notre communauté, c'est un cercle
vicieux. On ferme la classe désignée pour l'Europe de l'Est,
d'où viennent beaucoup de réfugiés pour notre
communauté. Le fédéral a parlé d'une normalisation
du "processing" à l'Europe de l'Est et à l'Union
soviétique sans avoir encore affecté les ressources
nécessaires. En ce sens-là, on encourage ce
problème-là et les réponses doivent être dans la
planification pour voir les conséquences d'une telle action. On
reconnaît bien qu'il y a un problème; on partage le
problème et, j'espère, les solutions.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Maintenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez
la parole.
M. Boulerice: Messieurs, je suis heureux de vous accueillir dans
le premier Parlement de l'Empire britannique qui a permis à un citoyen
d'origine juive de siéger à titre de député.
M. Bernard: Nous en sommes très reconnaissants!
M. Boulerice: Deux fois élu par les
Québécois, tuque et bas de laine, de Trois-Rivières, deux
fois destitué par le gouverneur-général anglais,
l'obstination québécoise étant reconnue, ils l'ont
réélu une troisième fois et Ezekiel Hart a
siégé dans ce Parlement.
En deuxième lieu, puisque j'ai bien lu votre rnémoire - et
je l'ai lu avec une attention tout à fait particulière, y
retrouvant des sensibilités qui sont également miennes -
j'aimerais vous rappeler que c'est à la demande du chef de l'Opposition,
M. Parizeau, que ce Parlement a vigoureusement condamné ces gestes
racistes qui 6ht été posés dans la circonscription
d'Outremont par ceux qu'on appelle les "skin heads", qui font également
des ravages dans ma circonscription. J'aime bien, d'ailleurs, la
définition que donne M. Parizeau d'un raciste. Il dit que c'est
quelqu'un qui est laid à l'intérieur. Et je peux vous assurer que
ma formation politique ne tolérera jamais que ces manifestations de
laideur se poursuivent dans ce pays. Il n'en resterait qu'un seul et nous
serions là pour le poursuivre, soyez-en assurés. (12 h 30)
Vous parlez dans votre mémoire - et vous êtes le tout
premier groupe qu'on reçoit qui le fait de façon aussi explicite
et je vous en félicite - des réfugiés. Quand je vous ai
dit qu'il y avait des sensibilités dans lesquelles je me reconnaissais,
je pense que, forcément, c'est l'expérience de l'immigration en
Union soviétique, qui a été tellement difficile, qui vous
a fait demander de diminuer les délais entre la demande d'immigration et
l'émission du visa. Dieu seul sait les conditions atroces qu'ils ont
vécues. On a vu d'ailleurs des images, régulièrement
à la télévision, de ces longues files d'attente, etc. Et
après aussi, malheureusement, un certain "parcage", si vous me permettez
l'expression, dans d'autres pays, avant l'arrivée vers la nouvelle terre
d'accueil, qu'elle soit chez nous ou qu'elle soit dans un autre pays pour
lequel vos coreligionnaires ont forcément une affection tout à
fait légitime et tout à fait normale, que je ne saurais nier en
aucune façon.
Vous avez également souligné, et là aussi, cela
m'intéresse - voyons, j'essaie de trouver le mot juste - la
capacité d'intégration. Vous avez fait un parallèle en
disant, oui, l'augmentation en immigration francophone. Vous avez émis
des réserves mais pas des réserves dans le sens négatif du
terme. J'ai répondu hier que, quand on en parlait - et je pense que la
ministre souscrit a mon propos - on n'a jamais parié d'immigration
francophone dans son sens exclusif mais bien de favoriser légitimement
des gens qui avaient une parenté culturelle et linguistique avec nous.
Je pense que c'est dans la nature même des choses et j'y reviendrai
tantôt dans la définition de "famille", puisque ça peut
avoir une corrélation. Mais quand vous dites qu'il faut miser davantage
sur les capacités d'intégration, quels sont, d'après vous,
les critères qui nous permettent de dire qu'un immigrant va bien
s'intégrer?
M. Bernard: Quel est le dernier mot de votre question,
monsieur?
M. Boulerice: Quels sont les critères qui vont nous
permettre de dire qu'un immigrant va bien s'intégrer, si nous excluons
la langue?
M. Kiaizadeh: Monsieur, on n'a pas dit dans notre mémoire
qu'on excluait le problème linguistique. On a dit qu'on le mettait
peut-être en délai, en attendant que l'immigrant arrive et qu'il
trouve un travail. On a essayé de lui donner un minimum de base
linguistique, mais... Vous prenez la majorité - je dirais 65 % - des
membres de notre communauté âgés de 40 ans et moins,
aujourd'hui, ils sont tous parfaitement bilingues. Ils parlent le
français aussi bien que vous et moi, ils parlent l'anglais et je dirais
qu'ils parlent une troisième langue aussi. Le fait même
d'être multilingue, ça a toujours servi à la
communauté juive pour s'enrichir à travers ça.
M. Bernard: Moi, je pourrais peut-être ajouter, si j'ai
bien saisi la portée de votre question, qu'il est impossible de
définir avec précision les critères d'intégration.
Il est clair que nous faisons, comme nous le suggérons dans notre
mémoire, une certaine démarche avant l'arrivée
d'immigrants. Au moment où ils décident d'immigrer et choisissent
le lieu où ils désirent immigrer, on leur explique bien ce qu'est
exactement la société québécoise. À ce
moment-là, c'est clair que les chances d'intégration
réussie de ces immigrants-là seront beaucoup
améliorées parce qu'ils auront choisi, en toute connaissance de
cause, le Québec comme leur destination.
Mais il y a ensuite le fait que - et nous appuyons
énormément l'énoncé de politique à cet
égard - la société qui accueille ces immigrants-là
a des démarches à faire pour que l'accueil soit chaleureux et
qu'ils ne se sentent pas, comme vous avez posé la question à une
autre délégation tantôt, ghettoïsés, d'une
certaine façon qui, en fin de compte, pourrait même être vue
comme une espèce de racisme. Alors, à ce moment-là,
j'appuie avec beaucoup d'enthousiasme les représentants de la
communauté grecque qui vous ont dit que, peu importe la longueur ou le
nombre de syllabes dans mon nom, à ce moment-là, je devrais me
sentir très à l'aise.
Alors, c'est vraiment une question d'appui des deux côtés,
d'intérêt de la part de l'immigrant à s'intégrer et
de beaucoup d'efforts de la part de la société pour rendre ce
processus d'intégration facile. Alors, à ce moment-là, je
pense que tous les critères d'intégration qui pourraient exister
sont actuellement dans la société québécoise. Mais
il demeure simplement une question de les mettre en vigueur et de les appuyer
avec enthousiasme afin de minimiser les
impacts négatifs ou les tendances négatives qui pourraient
exister au sein de la société.
M. Boulerice: Je lisais à la page 21 - et j'ai
trouvé ça très intéressant - que la promotion des
cultures d'origine ne doit en aucun cas être négligée. Vous
vous rappelez cette extraordinaire mesure qu'a adoptée le gouvernement,
issue de mon parti, qui s'appelait PELO, Programme d'enseignement des langues
d'origine, qui nous a permis d'éviter le "melting pot" américain
et de préserver les langues d'origine. "Puisqu'il n'existe aucune
contradiction dans la promotion des différentes cultures, le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devrait
assumer la responsabilité de s'assurer que ces programmes soient
entrepris par les ministères concernés, par exemple,
l'Éducation et la Culture."
Je vais faire un certain relais puisqu'on a parlé tantôt de
certaines manifestations répri-mandables, au plus haut niveau de
racisme. Quels sont les moyens qui devraient être entrepris de
façon à sensibiliser l'autre aux particularités d'un autre
et éviter ces choses-là? Moi, tout de suite, j'ai une solution
qui va peut-être vous faire sourire; ce livre m'a tellement
impressionné que je pense que toutes les bibliothèques, de toutes
les écoles, devraient avoir ce livre de David Rome, Juifs et
Canadiens français, 200 ans d'histoire commune, et peut-être
en faire une lecture obligatoire.
M. Jedwab (Jack): Premièrement, je pense que quand on a
parlé de promotion des cultures d'origine, si je peux soulever un
exemple de cette promotion... Je félicite le gouvernement dans le sens
qu'il appuie le programme PELO, le Programme d'enseignement des langues
d'origine, mais récemment, on a vu un programme à la Commission
des droits de la personne, lequel, je pense, était fort
intéressant, qui s'appelle le "Black history month". Ceci ne comporte
pas ia dimension de langue d'origine ou autres dimensions linguistiques, mais
je pense qu'un tel programme mérite l'appui de notre gouvernement. Je
pense qu'on a aussi appuyé ce programme. Ça tombe dans ce qu'on
appelle la promotion des cultures d'origine. Là aussi, je pense qu'il
faut dire que beaucoup de membres de la communauté noire qui arrivent au
Québec, souvent, ne sont pas au courant de leurs racines. On a le
même cas à l'intérieur de la communauté juive.
Souvent, il y a des Juifs qui arrivent de l'URSS, qui à cause de la
situation politique dans ce pays, ne sont pas au courant de leurs racines.
Alors, dans l'ensemble, ça devient très important de leur faire
apprendre leurs racines et, en même temps, de leur faire apprendre les
différents aspects de notre société
québécoise. Là, surtout, je pense que la formation se fait
dans les deux sens. C'est pourquoi on encourage beaucoup ce qu'on appelle le
rapprochement entre les différentes composantes de notre
société.
Selon notre opinion, il faut multiplier les contacts entre les
différents membres de la société, des contacts qui
étaient assez limités dans les décennies passées.
Comme je l'ai dit, il faut promouvoir la formation interculturelle, d'une part,
pour les membres de la communauté de souche, entre guillemets, si vous
me permettez cette expression courante, et d'autre part il est important
d'apprendre aux nouveaux arrivants et aux communautés cultureUes
l'histoire de la société québécoise et les aspects
tout à fait particuliers de la société
québécoise. Ceci va arriver, dans mon opinion et dans l'opinion
du Congrès, effectivement, surtout dans les écoles. Il faut
travailler beaucoup, par exemple, avec le ministère ou le ministre de
l'Éducation, M. Pagé. Actuellement, M. Pagé et d'autres du
ministère de l'Éducation ont un rôle important à
jouer. C'est non seulement la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, mais les autres ministres qui ont ce rôle à jouer
dans la formation, et c'est surtout avec la jeunesse qu'il faut travailler
à l'objectif que vous venez de mentionner, M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. Jedwab: C'est
ça.
M. Boulerice: M. Jedwab, je sais pertinemment qu'il y a un
système de jumelage qui existe entre les écoles juives et les
autres écoles. Je n'ai pas l'évaluation, comment cela se
comporte, où nous en sommes, à quel point, etc. Remarquez que
j'aimerais bien l'avoir mais je suis persuadé que, d'ici quelques
semaines, vous me la fournirez. Voilà. Je suis persuadé que
l'expérience est positive. Est-ce que vous croyez qu'elle devrait
être appuyée par l'État - quand je dis l'État, je
parle à la fois du ministère de l'Éducation et du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration,
l'ancien comité interministériel -et qu'elle doit
également être extensionnée? Je serais également
intéressé et je pense que les mentalités doivent
être changées très tôt. J'ai bien peur qu'à 84
ans, si jamais je me rends aussi loin, il y a peut-être des attitudes qui
seront difficiles à corriger chez moi, mais c'était beaucoup plus
facile de les faire changer lorsque j'en avais 17 ou 18. Ce serait
peut-être intéressant que l'école Socrates, puisque je
regarde nos amis qui sont là, nos amis helléniques, soit
également jumelée à l'école Marguerite-Bourgeoys
dans ma circonscription, qui, elle, est à très nette
prédominance tuque et bas de laine, puisqu'il faut toujours employer ce
vocabulaire.
M. Jedwab: Je suis tout à fait d'accord avec votre
intervention. Le groupe Action rapprochement, et je pense que c'est à ce
programme que vous avez fait référence, existe depuis 1980.
Oui,
on pense que c'est important que le gouvernement appuie ce programme,
d'une part. Il y a un certain appui qui existe déjà. C'est minime
toutefois.
D'autre part, je pense que le modèle peut être bien
appliqué aux autres écoles. J'aimerais ajouter cependant que
c'est non seulement le jumelage à l'intérieur de me de
Montréal qui doit être fait, mais le jumelage entre certaines
écoles à l'intérieur de la ville de Montréal, pour
nous, les Montréalais, qui sommes ici autour ainsi que pour les
personnes qui habitent à l'extérieur de la ville de
Montréal. Ça, c'est très important.
Comme je l'ai dit tantôt, c'est essentiel de multiplier les
contacts entre les différentes communautés. On a fait ça
surtout depuis les années soixante-dix. Il faut continuer de faire
ça et mettre l'accent sur le rapprochement. Ce rapprochement, dans le
contexte de notre projet de société, doit inclure aussi les
anglophones. Ceci est absent dans l'énoncé de politique mais,
pour faire un projet de société, tous les composants doivent
être inclus. Je pense que c'est très important pour beaucoup
d'anglophones d'avoir un contact accru avec les autres composants dans la
société.
M. Boulerice: Compte tenu de l'expérience que vous avez de
ce type de jumelage - je sais que, dans son énoncé, la ministre
le prévoit à titre expérimental - ne croyez-vous pas qu'on
a atteint un niveau suffisant pour dépasser même le niveau
expérimental et commencer même à l'institutionnaliser? Et
également, aussi... Bon, on ne va pas se reprocher d'être
Montréalais, que voulez-vous, on va vivre notre accident
géographique, mais le régionaliser également.
M. Jedwab: Si j'ai bien saisi votre intervention, vous êtes
en train de parler de régionaliser les...
M. Boulerice: Eh bien, dans le sens qu'on ne le fera pas
uniquement en région métropolitaine, mais peut-être en
jumelant une école de Montréal avec une école de
Chicoutimi. Parce que, comprenez la difficulté d'expliquer quelquefois
à Chicoutimi ce qu'est la communauté séfarade, ce qu'est
la communauté ashkénaze, ce qu'est la communauté
hellénique - je dois dire grecque parce que, hellénique,
quelquefois, ce n'est pas compris. Je ne les en blâme pas, mais... Alors,
je parlais de l'extensionner dans l'ensemble du Québec comme tel et ma
première réaction était: Compte tenu de
l'expérience que vous avez déjà de ce type de jumelage, ne
croyez-vous pas qu'on devrait immédiatement passer à une certaine
forme d'institutionnalisation puisque, déjà, nous avons une
expertise qui m'apparaît concluante? (12 h 45)
M. Bernard: Je pense que j'aimerais répondre à la
question de la façon suivante. Je pense que l'expérience qu'on a
eue a été très bonne. Je pense que c'est quelque chose qui
devrait certainement être appuyé par l'État et qui devrait
être élargi pour qu'effectivement, ça se produise dans les
régions et ainsi de suite. Mais il faut faire très attention que
ça ne devienne pas imposé parce que, si ça devient
imposé, ce n'est pas fait de façon volontaire. À ce
moment-là, ça devient une obligation au lieu d'un plaisir. Et
c'est ça, l'important. Alors, pour accroître les liens culturels,
c'est excellent comme programme, mais ça doit être un programme
volontaire avec l'appui de l'État.
M. Boulerice: Dans le style... Quand je disais
institutionnalisé, je disais de le rendre effectivement accessible et
d'en faire des projets du code... un menu à la carte, si vous voulez.
S'ils le souhaitent, ils le font. Si, par malheur, ils ne le souhaitent pas
pour des raisons qui leur sont propres et qui ne sont pas discutables, eh bien,
on attendra le moment où ils se seront fixés dans le menu, si je
peux employer l'expression.
Maintenant, il y a une autre question que j'aimerais vous poser. Vous ne
discutez pas du projet de régionalisation de l'immigration comme tel. Je
vous avoue que ça m'a un peu intrigué puisque tous les autres
l'abordent. Est-ce que vous croyez... Ne croyez-vous pas, dis-je plutôt,
qu'il s'agit quand même là d'une bonne solution pour favoriser
l'intégration des nouveaux arrivants? C'est évident.
M. Bernard: M. le député, nous avons ici un extrait
d'un sondage qui a été publié à l'automne 1989 dans
une revue de Statistique Canada, "Canadian Social Trends", qui nous donne les
immigrants en termes de pourcentage de la population des régions
métropolitaines, en date de 1986 qui a été la date du
dernier recensement. Et à ce titre, Montréal est, je pense,
à peu près dixième. Alors, le pourcentage d'immigrants
à Montréal n'est, en fin de compte, pas fort comparativement
à d'autres grandes régions ou grands centres municipaux du
Canada. Alors, le concept de favoriser l'implantation des immigrants en
régions autres que dans les grands centres urbains, je pense, est
certainement quelque chose d'intéressant. Mais c'est plutôt
l'attrait de l'endroit où ils vont s'établir qui doit les faire
choisir cet endroit-là plutôt que de les pousser à sortir
d'un milieu urbain.
Il ne faut pas non plus exclure de notre pensée le fait qu'eux,
le programme qui est proposé par le gouvernement dans son
énoncé de politique, ils pensent à y améliorer
l'accueil que fait la société en parlant du contrat moral par des
programmes qui pourraient être mis en place pour qu'un nouvel immigrant
se sente beaucoup plus à l'aise, beaucoup plus capable de
s'intégrer à la société. Je pense qu'on a toute une
étape à franchir avant que tout ce système, cette
infrastructure soit implantée dans des régions autres que
les régions urbaines.
Il est évident qu'avec les fortes concentrations de population
dans les régions urbaines, à ce moment-là, il y a
peut-être plus de fonds du gouvernement qui sont destinés à
la création et au maintien de certaines institutions qui pourraient
justement faire en sorte qu'un immigrant trouverait à cet
endroit-là son choix de lieu où s'installer. Alors, je ne parle
pas du tout de questions économiques parce que c'est évident, en
principe également, que l'attrait des centres urbains... Mais je dis
ceci: Écoutez, il faut certainement que des politiques qui sont mises en
place résultent en des régions devenant plus attrayantes au lieu
d'aller à l'inverse et de pousser les immigrants à s'installer en
région si ça ne leur est pas chaleureux de le faire.
M. Boulerice: Ma dernière question est sans doute des plus
importantes. D'après vous, est-ce que la définition de "famille"
se lit dans le dictionnaire d'Ottawa ou dans le dictionnaire de Québec?
On pourrait avoir le Larousse ou le Petit Robert, peu importe,
mais...
M. Bernard: Nous essayons de faire le lien avec les deux vu le
nouvel accord qui est mis. Mais j'aimerais peut-être céder encore
une fois la parole à M. Moss qui a déjà abordé ce
sujet.
M. Moss: Je dois dire que je n'ai pas saisi complètement
l'intention de votre intervention.
M. Boulerice: Le mot "famille" est défini par Ottawa.
M. Moss: Oui.
M. Boulerice: Et moi, je dis... Enfin, je vous pose la question:
Le mot "famille" peut-il être défini par Ottawa ou doit-il
être défini par Québec?
Une voix: Je vous remercie, M. le député. Une
voix: Je vais peut-être répondre...
Le Président (M. Gobé): Mais c'est là tout
le temps qui était alloué.
M. Boulerice: Pour ma question, mais pour la réponse, vous
allez quand même leur laisser le loisir d'y répondre?
Le Président (M. Gobé): Alors, très
rapidement, s'il vous plaît. Nous avons déjà
dépassé le temps imparti et nous devons...
M. Boulerice: On l'a fait pour nos collègues
tantôt.
M. Bernard: M. le député de Sainte-Marie-
Saint-Jacques, avec tout le respect, je ne suis pas ici pour parler de
questions constitutionnelles ou de partage de pouvoirs. Mais au point de vue de
la communauté culturelle juive, je peux vous répondre tout
simplement que notre suggestion, c'est d'avoir un certain degré de
collaboration entre les deux paliers de gouvernement de façon à
maximiser l'accès en élargissant la notion de famille, tel que
vous l'a mentionné tantôt M. Moss. J'espère que ça
répond à votre question.
M. Boulerice: Oui.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup,
M. Bernard, de cette réponse. Ceci met fin au temps de parole des
membres de l'Opposition. Et je vais maintenant passer la parole... Il reste
quelques minutes pour la majorité non pas présidentielle, mais la
majorité gouvernementale. Je passerai donc la parole à M. le
député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. À mon tour, je
vous souhaite la bienvenue. Vous avez présenté un mémoire
très étoffé, bien articulé. Comme résident
en région, dans un comté à l'extérieur de
Montréal, quand vous avez parlé de la régionalisation,
vous avez répondu en partie à ma question, mais je vais quand
même la poser de nouveau. Concernant la régionalisation des
immigrants à l'extérieur, dans votre organisme, vous militez en
général dans les grands centres et surtout à
Montréal. Vous avez mentionné que la régionalisation, pour
vous, doit se faire avec des mesures coercitives et incitatives. Est-ce que
j'ai bien compris?
M. Bernard: Ce sont plutôt des mesures incitatives au lieu
de coercitives.
M. Khelfa: Au lieu de coercitives. Qu'est-ce que vous pensez du
principe pour attirer les immigrants en région? D'après vous,
quelle est la meilleure méthode pour attirer les immigrants en
région?
Le Président (M. Gobé): Oui.
M. Jedwab: Premièrement, je pense qu'il faut remarquer
qu'il y avait des communautés juives à Trois-Rivières et
à Québec. Il existe toujours, dans certains coins du
Québec, des membres de notre communauté. Je pense que c'est
très important - peut-être que je peux utiliser ça comme
exemple - de créer des infrastructures. Je pense que,
premièrement, M. Bernard a répondu aux trois quarts à
cette question. Mais il faut créer des infrastructures qui vont
être attirantes pour attirer les nouveaux arrivants: l'infrastructure
économique et l'infrastructure communautaire. Quand on regarde
l'Ontario... Si on compare le Québec à l'Ontario, là, il y
a environ 8 ou 10 municipalités urbaines
de taille moyenne qui sont attirantes pour les immigrants parce qu'il y
a des infrastructures économiques, d'une part, et communautaires,
d'autre part. Je pense que c'est cet objectif que le Québec doit viser
si la société veut attirer dans les régions les nouveaux
arrivants.
M. Khelfa: Ça veut dire que proposer d'obliger les
nouveaux arrivants à s'installer dans les régions
périphériques, ce n'est pas une mesure qui pourra inciter
à une ouverture vers une nouvelle dynamique avec les immigrants dans des
régions périphériques.
M. Bernard: M. le député de Richelieu, si vous me
permettez un exemple très personnel, si j'avais le choix de m'installer
aujourd'hui à un endroit quelconque, il est évident qu'ayant des
enfants je regarderais premièrement la disponibilité des
écoles. C'est primordial. Si je compte... Ou, si je donne une certaine
importance à mes traditions religieuses et culturelles, à ce
moment-là, il est important pour moi de savoir si je suis
également capable de leur donner non seulement un enseignement
laïc, mais également un enseignement religieux et culturel. S'il
n'y a aucune façon de le faire dans un centre quelconque et si je ne
peux môme pas compter sur la présence de suffisamment de monde de
mon groupe, de ma religion ou de ma culture pour pouvoir nous-mêmes
commencer quelque chose et le supporter financièrement de notre poche,
à ce moment-là, il est clair que je ne vais pas du tout songer
à m'installer à cet endroit-là.
M. Khelfa: Juste pour terminer... Je suis bien content de vous
entendre parler. J'ai lu en fin de semaine un article de l'ancien
vice-président du Parti québécois, disant que
l'immigration doit être obligatoirement dirigée vers les
régions. Je suis bien content de constater que même le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques est en désaccord avec
ça.
Pour terminer ma question, concernant le niveau d'immigration, on parle
d'un objectif de 25 % de l'immigration canadienne. Qu'est-ce que vous pensez de
cet objectif de 25 %?
M. Moss: La question de niveau, c'est toujours difficile. Nous ne
le voyons pas en termes de pourcentage du taux canadien, mais pas de tout le
Canada. On voit plus quels sont les niveaux d'immigration qui peuvent
contribuer au développement continu du Québec. Et, dans ce
sens-là, ce n'est pas par rapport à un autre pourcentage qu'on
mesure le succès ou le niveau mais il faut le mesurer dans le sens de:
Quel niveau est optimal pour le Québec? On est très heureux que
l'énoncé ait donné des niveaux plus intéressants
pour le Québec mais, à notre avis, ces niveaux-là sont
plus élevés aussi.
M. Khelfa: J'aimerais, en terminant... Malgré la situation
économique actuelle du Québec, croyez-vous que l'économie
québécoise peut absorber ce pourcentage?
M. Moss: Là, il y a, je pense, un élément
d'évaluation qui doit être beaucoup plus élaboré
qu'on ne peut le faire maintenant ou qui dépasse les ressources de notre
communauté, évidemment. Tenant compte des ressources
professionnelles qui... Surtout, je dois faire référence aux
immigrants juifs; les ressources professionnelles, surtout des gens de l'Union
soviétique, c'est un ajout immédiat pour le Québec sur le
plan économique d'avoir des ingénieurs, d'avoir d'autres
professions qui peuvent immédiatement contribuer au développement
technologique et qui peuvent contribuer à la vie économique du
Québec dans ce sens-là.
M. Khelfa: Ça s'applique aussi aux régions et pas
seulement aux grands centres comme Montréal et Québec. Ça
peut être applicable dans les régions périphériques,
avec des mesures incttatives?
M. Moss: Oui. Et on retrouve dans notre communauté des
immigrants qui viennent - d'abord, il faut un autre élément dans
ce sens-là - ils viennent aussi rejoindre une famille, souvent. Et dans
ce sens-là, si la famille est à Montréal, c'est...
Évidemment, en plus des raisons que M. Bernard a citées,
être avec la famille, c'est une autre chose. Mais les incitatifs
économiques pour telle profession, ici et là, ça peut
toujours inciter des gens à se régionaliser.
M. Khelfa: Bien sûr, plutôt que des mesures
coercitives.
M. Moss: Absolument.
M. Kiaizadeh: Je vais ajouter à cette notion d'obliger
l'immigrant... on aura beau obliger l'immigrant, lors de sa demande, à
partir à Chicoutimi ou bien à partir au Lac-Saint-Jean mais
l'immigrant, une fois arrivé et installé au Canada, il
dépend de sa décision, pratiquement. Comment est-ce qu'on pourra
obliger un immigrant qui a reçu un permis bien cacheté par
l'ambassade canadienne ou les représentations québécoises?
Une fois qu'il est installé, qu'il commence à payer ses taxes,
qu'il commence à être le citoyen désirable que nous
cherchons, je ne vois pas comment on pourrait l'obliger.
M. Khelfa: Je vous remercie de votre précision.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup,
M. le député de Richelieu. Merci beaucoup, monsieur. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en conclusion,
rapidement,
je vois que l'heure se termine.
M. Boulerice: Oui, bien... je sais que le temps file
rapidement...
Le Président (M. Gobé): Trop vite.
M. Boulerice: ...trop vite, effectivement, pour nous. Je pense
que ces échanges pourraient être, dans le temps, beaucoup plus
longs et on s'en porterait sans aucun doute beaucoup mieux. Mais je remarque
essentiellement ce matin qu'autant nos amis allophones que nos amis
helléniques... Vous avez apporté énormément de
matière à réflexion, de façon à ce que: Oui,
il y a le Québec; oui, il faut le bâtir; mais je pense que les
éléments que vous apportez vont faire en sorte que le mot
"ensemble" soit en lettres majuscules et, forcément, "ensemble", c'est
au pluriel. Donc, ça nous inclut tous. Alors, je vous remercie beaucoup,
M. Kiaizadeh, M. Moss, M. Bernard et M. Jedwab, que je vois fréquemment,
d'ailleurs.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi aussi, je voudrais vous remercier. Bien
sûr qu'on a très peu de temps pour approfondir autant de
questions, comme je le disais au tout début. Cependant, compte tenu de
votre vaste expérience en intégration, je vous lance un appel
pour que vous puissiez nous aider dans ce grand défi qu'on aura à
relever et, plus particulièrement, quant aux communautés nouvelle
vague qui ont besoin des structures de communautés beaucoup mieux
établies pour pouvoir nous aider. J'en parlais récemment avec M.
Victor Goldbloom qui, justement, comme mon collègue le mentionnait tout
à l'heure, a été d'ailleurs le premier
député québécois d'origine juive à entrer au
cabinet - nomination qui avait été faite par M. Bourassa en 1970
- alors, je lui en parlais aussi parce qu'il s'intéresse
énormément à cette problématique de
l'intégration. Donc, je voudrais, bien sûr, compter sur votre
collaboration et votre appui pour que vous puissiez nous aider aussi concernant
les nouvelles vagues d'immigration. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. MM.
Jedwab, Bernard, Moss et Kiaizadeh, au nom des membres de la commission, je
vous remercie de votre contribution. C'était très
intéressant et je vous prierai de transmettre nos salutations aux
membres de votre communauté. Ceci étant dit, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, en cette
salle.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 14 h 25)
Bureau de la communauté chrétienne
des Haïtiens de Montréal
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons maintenant
entendre le Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens
de Montréal. Je crois qu'il est représenté par M. Icart
ainsi que par Mme Tardif à qui je souhaite la bienvenue.
Je vous indique que nous disposons d'à peu près une heure,
pas plus en tout cas, pour vous entendre. Vous avez une vingtaine de minutes
pour présenter votre point de vue sur la politique de la ministre. La
ministre réagira à vos commentaires avec certaines questions, si
elle le juge à propos, de même que les ministériels, pour
une vingtaine de minutes, et les représentants de l'Opposition
officielle feront de même.
Donc, je vous cède la parole, M. Icart ou Mme Tardif.
M. Icart (Jean-Claude): Merci. Bonjour, M. le Président,
Mme la ministre, MM. les parlementaires. D'abord, rapidement, si vous me
permettez de présenter le Bureau, qui fonctionne depuis 1972. C'est
l'une des premières associations de la communauté haïtienne.
Le Bureau est devenu au fil des années une référence aussi
bien pour la communauté que pour le milieu d'accueil.
Notre communauté est relativement jeune. On peut parler de
communauté haïtienne au Québec depuis peut-être une
trentaine d'années, mais c'est probablement la communauté sur
laquelle le Québec exerce le plus fort pouvoir d'attraction et
également de rétention. Les membres de notre communauté se
retrouvent dans les secteurs d'activité professionnelle les plus
variés et ils contribuent à leur façon au
développement du Québec.
Dans l'ensemble, on peut dire qu'outre les difficultés
reliées à l'immigration comme telle, nos problèmes sont
les mêmes que ceux de l'ensemble de la société avec,
cependant, cet élément déterminant, ce facteur
d'aggravation qu'est l'origine différente, dans le sens qu'on peut
parler de certaines de nos difficultés comme de véritables
révélateurs de difficultés de la société
dans son ensemble.
Nous nous réjouissons de cet énoncé de politique de
Mme la ministre et, principalement, le contrat moral qui nous apparaît
une excellente idée, d'une part, parce que cela suppose qu'on
reconnaisse qu'il y a certains problèmes pour lesquels le juridique ne
suffit pas. Je pense notamment à un exemple qu'on pourrait prendre, le
racisme, où il y a eu tout un arsenal juridique pour combattre le
racisme, peut-être perfectible très certainement, mais, quelque
part, on se dit qu'un problème de cette nature-là ne peut pas
être résolu uniquement par des mesures légales, des
mesures juridiques. Ça prend autre chose.
Deuxièmement, parler de ce contrat moral suppose aussi
l'existence d'un espace public, dans le sens assez ouvert pour établir
cette distinction entre le privé et le public. Ceci nous apparaît
important parce que le contrat moral suppose qu'il n'est pas nécessaire,
pour être Québécois à part entière,
d'abandonner certaines spécificités en autant, bien sûr,
qu'elles respectent les droits fondamentaux, les droits de tous, ce qui suppose
une certaine différence entre le privé et le public.
Une petite parenthèse. Le Québec a toujours
été perçu comme une société... L'une de ses
marques fondamentales, c'est cette forte conscience communautaire du
Québec. Or, justement, nous savons que le communautaire, c'est le lieu
par excellence de rencontre du public et du privé. C'est une notion sur
laquelle il faudra donc s'interroger un peu plus parce que ça veut dire,
dans la vie publique, le fait qu'on ait une spécificité
culturelle.
C'est sûr que ce contrat d'accord s'établit dès le
premier accueil. Cependant, on pensait qu'il était important qu'il soit
rappelé, notamment au moment de l'acquisition de la citoyenneté,
que c'est conjointement, ce contrat entre l'ensemble des citoyens et les
nouveaux arrivants. On pense que les organismes communautaires auront un
rôle particulièrement important à jouer à ce
niveau.
Quant à la deuxième partie sur les orientations en
matière d'immigration, c'est clair que le Québec doit se doter...
Enfin, de toute façon, depuis 1968, le Québec essaie de se doter
de mécanismes de sélection. Ce qui nous apparaît le plus
intéressant, c'est la sélection des indépendants à
avoir le programme expérimental, c'est-à-dire une
sélection basée d'abord sur le potentiel d'adaptabilité
professionnelle des candidats, pas seulement sur la capacité
d'investissement ou l'offre d'emploi garanti.
D'ailleurs, certaines études nous montrent qu'en termes de
retombées purement économiques cette catégorie
d'immigrants est aussi rentable, disons, que les investisseurs ou autres.
Une petite parenthèse. Il existe depuis quelques années un
programme spécial qui permet, parce que c'est un domaine où il y
a eu beaucoup... certains abus, dans le passé, à des
travailleuses domestiques de régulariser leur situation en territoire
québécois. On espère qu'il sera maintenu. Ce
n'était pas très clair dans l'énoncé de
politique.
En matière de réunification familiale, c'est sûr que
nous ne pouvons qu'approuver l'intention du gouvernement de réduire au
minimum les délais. Au cours des dernières années, dans
notre communauté particulièrement, on a été assez
souvent témoins de difficultés liées à la
dislocation familiale. On parle, par exemple, ces jours-ci du "backlog". Quand
on pense qu'il y a des gens qui attendent depuis 10 ans le statut de
réfugié au Canada, une bonne partie au Québec, environ 35
000, on se demande ce que sera la réunification familiale. Ces personnes
vont se retrouver dans quelques années, certaines d'entre elles face
à des étrangers, leurs enfants qui seront devenus des
étrangers. Et là aussi, quand on parle d'adaptation à la
société d'accueil, ce temps d'adaptation de la famille à
elle-même n'est pas du temps perdu, bien au contraire.
Nous avions également la décision de réduire ou
l'intention de réduire à 3 ans l'engagement souscrit par le
garant en faveur de son conjoint et de ses enfants. Nous pensons même que
cette mesure devrait être étendue à d'autres
catégories. Nous pensons notamment aux frères et soeurs qui vont
souvent se voir privés d'un certain nombre de programmes
gouvernementaux, notamment des programmes de formation professionnelle parce
que ayant été parrainés. Il nous apparaît quelque
part aussi... On dit que quelqu'un qui a 20, 25 ans... Est-ce que ça lui
prend absolument l'engagement de 10 ans comme quelqu'un qui aurait 60 ou 70
ans? Quelque part, il me semble qu'il y a quelque chose puisque, à 20
ans, on prive cette personne d'un certain nombre de mesures, notamment visant
à l'insertion sur le marché du travail.
Un peu plus bas dans le document, on parle du marché du travail
comme un secteur fondamental d'adaptation, alors que dans cette
partie-là on peut en quelque sorte - enfin je ne peux pas dire
handicaper - rendre plus difficile cette insertion sur le marché du
travail. Et c'est pourquoi on concluait que, finalement, la citoyenneté
devrait automatiquement annuler le parrainage dans la mesure où on se
retrouve avec des citoyens de seconde catégorie, de seconde zone,
c'est-à-dire qu'ils n'ont pas les mêmes droits que tous les
citoyens. On pense que la citoyenneté pourrait purement et simplement
abolir le parrainage.
Également, on ne parie pas du tout d'une mesure qui a
été souvent réclamée par des groupes, à
savoir la possibilité de parrainage conjoint pour un parent. Que
plusieurs membres d'une famille puissent parrainer le père ou la
mère, c'est une pratique courante qui existe partout ailleurs, dans
toutes les autres provinces, sauf au Québec.
Quant à l'adoption internationale, enfin, on y reviendra
peut-être, s'il y a lieu, un peu plus dans les questions. Mais notre
expérience avec des groupes qui ont adopté des enfants
était que ça se passait bien quand les gens adoptaient un enfant
pour avoir un enfant. Ce n'est un geste ni de charité, ni de
solidarité internationale. Ce n'est pas ainsi qu'on résout les
problèmes du tiers monde. Partir sur cette base, je pense que c'est
complètement faux et erroné et aller au-devant de graves
problèmes, aussi bien pour les enfants que pour les parents. Je pense
qu'adopter un enfant, surtout tel que défini par le Québec,
c'est-à-dire rupture de tous liens avec la famille biologique...
On adopte un enfant parce qu'on veut avoir un enfant. À partir de ce
moment, je pense que la perspective change. Mais présenter l'adoption
internationale comme le gros geste de solidarité internationale, etc.,
je ne sais pas. Je pense qu'il y a d'autres gestes qui peuvent être
posés. Je ne suis pas sûr que... Enfin, on y reviendra s'il y a
lieu.
Notre grande déception, quand même, dans ce document, a
été la question de l'arriéré des revendicateurs du
statut de réfugié. On s'attendait à quelque chose, disons,
de plus nerveux ou de plus clair parce que c'est un problème. Ça
représente environ 35 000 personnes sur le territoire du Québec.
On sait, si on se base sur les résultats du fédéral
à date, qu'une bonne partie, sinon une majorité sera
acceptée, par conséquent, restera en territoire
québécois. On parle de critères humanitaires. Cependant,
dans ce programme-là, les critères humanitaires du Québec
ne semblent pas pouvoir s'appliquer ou ne semblent pas pouvoir être au
moins différents de ceux du fédéral. On en parle dans le
document de sélection sur place, mais on ne pense pas à appliquer
ce programme de sélection sur place à cette catégorie. Et
plus le problème va traîner, plus les questions de
réunification familiale vont être difficiles, et c'est des
problèmes qui vont rester au Québec, si on se fie toujours sur le
taux d'acceptation actuel. Honnêtement, j'avais pensé qu'il y
aurait eu quelque chose de plus fort dans cette partie-là.
Enfin, notre petite déception là-dessus, c'est la
réorientation totale du fonds d'aide aux réfugiés. C'est
vrai qu'il y a des programmes intéressants dans les camps, aux
Philippines ou ailleurs, d'apprentissage du français pour des personnes
qui, éventuellement, seront acceptées par le Québec, dans
le cadre, notamment, des parrainages de groupes ou autres, mais le fonds d'aide
aux réfugiés n'est pas que cela. Ce n'est pas que cela et
ça a permis dans le passé, au Québec, d'aider des groupes
de réfugiés qui ne viendraient jamais au Québec. Je veux
dire, actuellement, la population de réfugiés - on parle
d'environ 15 000 000... C'est sûr qu'il y a des pays qui vont nous parler
de capacité d'accueil limitée, mais on espérait toujours
que ces pays, même en termes financiers, puissent supporter d'autres pays
où le HCR a géré disons entre guillemets, ces
laissés-pour-compte, ce qui ne semble pas être le cas et ce qui
rend de plus en plus dramatique la situation des réfugiés dans le
monde. J'espère que l'orientation première du fonds sera
maintenue et que tout le fonds ne passera pas uniquement dans les camps de
réfugiés, pour les personnes qui viennent au Québec.
Quant aux orientations en matière d'intégration, c'est
sûr que... La question linguistique, je pense qu'on ne va pas
s'arrêter là-dessus. De toute façon, ça n'a pas pris
de loi pour que la communauté haïtienne s'insère dans la
majorité francophone. Ce n'est pas ça, le problème. Le
problème, c'est qu'on donne l'impression, dans le document, notamment au
chapitre de l'école, qu'une fois que la question du français sera
réglée, tous les problèmes seront réglés. On
semble prêter trop de vertu, je pense, à la maîtrise de la
langue française. C'est vrai que le français a une place
particulière au niveau de la culture. C'est un peu le sanctuaire d'une
culture. Ce n'est pas seulement un moyen de communication, contrairement
à l'anglais, par exemple. On pourrait revenir là-dessus un peu
plus longuement. Mais la maîtrise de la langue, ce n'est pas toute
l'adaptation, notamment au niveau scolaire. L'école a quand même
un rôle fondamental qui est celui de transmettre un certain savoir, de
préparer des jeunes à devenir des citoyens à part
entière, à apporter pleinement leur contribution à la
société. Ce n'est pas que je veuille parler de façon trop
familière ou autre, mais avoir, au bout du compte, des petits cancres
qui parlent parfaitement français, je ne pense pas que ça
règle le problème. Comme le disait, je pense ici même, un
groupe hior: Pour du "cheap labour" sur Chabanel, même pas besoin de
parler français, en fait. Je veux dire que l'école, ce n'est pas
son rôle, finalement. C'est simplement apprendre la langue.
Il y a toute une série de recommandations, certaines depuis 10,
15 ans; je ne vais pas revenir là-dessus, mais, depuis 1976, il y a eu
une série de recommandations sur l'école. Il y a des efforts qui
commencent à être faits dans certaines commissions scolaires - je
pense notamment aux agents de milieu de la CECM, datant de mars 1990 - et c'est
des efforts qui doivent être encouragés. C'est beaucoup plus que
la question de la langue. C'est important. C'est la clé, d'accord, mais
ce n'est pas tout.
Bien sûr, on insiste sur l'école parce que les
mécanismes fondamentaux, les lieux fondamentaux d'adaptation, c'est bien
sûr l'école, pour les jeunes, et le marché du travail, pour
les adultes. On reconnaît la nécessité de combattre une
certaine marginalisation, les ghettos d'emplois sous-payés. On
espère simplement que ces mesures toucheront non seulement les
immigrants à venir, mais aussi qu'elles pourront
bénéficier à ceux et celles qui sont déjà
installés au Québec. C'est parce qu'il y a des expériences
négatives actuellement qu'on se dit: II faudra prévenir ça
dans le futur, mais, évidemment, on espère qu'on y sera là
aussi, pas seulement pour éviter que ça ne se reproduise, mais
pour corriger des situations existantes.
L'objectif de régionalisation, pas de problème, simplement
en soulignant que, d'une part, ça dépend du développement
régional au Québec. Deuxièmement, dans l'hypothèse
la plus optimiste, selon le document, 75 % des nouveaux arrivants continueront
de s'établir dans la région de Montréal, d'où la
nécessité d'une intervention
particulière dans cette région. D'ailleurs, ce n'est pas
par hasard que le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration est le seul à avoir son siège social à
Montréal. Quand on parle, un peu plus bas, du rôle du logement,
des loisirs et tout ça dans le processus d'adaptation, c'est
déjà pas mal des compétences municipales, d'où la
nécessité d'une très forte collaboration, à notre
avis.
On parle aussi de manifestations interculturelles, c'est vrai. C'est
vrai que tout le monde est attaché au patrimoine culturel, à
l'héritage culturel, mais aussi, de plus en plus, à des formes
d'expression nées de rencontres, du brassage à Montréal
même. Montréal, vous l'ignorez peut-être, c'est
peut-être l'une des capitales mondiales du "world beat", style fusion
provenant de rencontres de différents groupes, enfin, un peu... Dans
d'autres domaines, également, on pourrait parler de ce genre de
manifestations qui, des fois, je pense ne sont pas assez soulignées, la
primauté étant donnée trop souvent au folklore. Le
folklore, bien sûr, a sa place, mais il n'y a pas que ça.
Enfin, en conclusion, on voudrait simplement dire, affirmer que
l'immigration est un enjeu majeur pour le Québec. C'est aussi
reconnaître qu'elle constitue l'un des atouts permettant au Québec
de se réaliser pleinement. Pour nous, l'intégration et
l'adaptation se bâtissent aussi, surtout dans le coude-à-coude
quotidien avec d'autres organismes, groupes, associations et institutions avec
qui nous tentons de trouver des solutions concrètes à des
problèmes communs: lutte contre la pauvreté, contre la
discrimination sous toutes ses formes, contre la marginalisation, etc. C'est
à travers cette participation que nous voulons aussi pouvoir contribuer
à rendre la société québécoise toujours plus
démocratique, plus solidaire et plus juste, et ce, pour tous ses
citoyens. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Icart. Merci beaucoup.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Icart, de votre
présentation. Votre mémoire est concis, mais il est très
intéressant.
M. Icart: Merci, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais revenir à la page 4 de
votre mémoire. En ce qui concerne la durée de l'engagement, vous
proposez un engagement variable selon l'âge de la personne
parrainée. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Est-ce qu'en
particulier... Quelle devrait être, selon vous, la durée de
l'engagement pour une personne parrainée - je n'aime pas faire parfois
de la sélection - d'âge avancé?
M. Icart: À la page 4 on propose deux choses: d'abord, que
la citoyenneté annule le parrainage; deuxièmement, oui, que le
temps de parrainage puisse varier selon l'âge. Je me dis que quelqu'un
qui a 20 ans, les frères et soeurs... C'est souvent plus difficile de
les parrainer pour toutes sortes de raisons. Et vous savez comment ça se
passe maintenant, c'est plus facile de parrainer le père et de parrainer
l'ensemble de la famille, si on a les moyens, frères et soeurs, etc.,
même si au départ on visait surtout les frères et soeurs.
Les frères et soeurs ont, mettons, entre 20 et 30 ans. Il y a quand
même facilement 20, 30, 40 ans d'efforts, de vie active, productive en
avant d'eux. Les grands-parents qui arrivent à 60, 70 ans, n'en ont
quasiment plus. Est-ce que pour les deux ça prend le même support,
le même suivi, les mêmes contraintes, les mêmes obligations?
D'autant plus que le parrainage de 10 ans pour l'immigrant qui a 20 ou 25 ans
peut le priver pendant 10 ans d'un certain nombre de programmes parfois
extrêmement intéressants, parfois extrêmement importants,
notamment en termes de réalisation sur le marché du travail?
Exemple: un jeune de 23, 24 ans, parrainé n'a pas droit aux prêts
et bourses pour l'université. Un jeune de 23, 24 ans n'a souvent pas
droit à certains stages en milieu de travail. C'est le stagiaire
rémunéré avec des subventions gouvernementales, parce que
c'est comme si le parrain ne remplissait pas son rôle, son devoir de
supporter la personne. Donc, on prive ces personnes qui ont quand même
toute leur vie active devant elles d'une meilleure insertion sur le
marché du travail. (14 h 45)
Et, souvent, ces personnes vont se retrouver dans des secteurs; souvent,
ça va prendre - je pense notamment au niveau d'Haïti - certains
stages, en plus de la reconnaissance des acquis, enfin apprendre les techniques
d'ici et tout ça... et des stages seraient extrêmement importants
pour permettre à ces personnes d'exercer des compétences qu'elles
ont acquises. Peut-être qu'il n'y avait pas forcément le
même type de diplôme qu'au Québec ou autre, peut-être
que c'était plus un apprentissage. Mais ce genre de programmes devient
inaccessible à ces personnes. Quelqu'un qui a 60 ans, je pourrais
comprendre à la rigueur, mais quelqu'un qui a 20, 25 ans, toute sa vie
active est devant lui et au Québec. Je ne vois pas pourquoi on prive ces
personnes de ces facilités puisque, finalement, c'est le Québec
qui va en bénéficier. Si elles s'adaptent plus difficilement sur
le marché du travail, le problème devient un problème de
la société québécoise, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: En somme, nous, nous avons pris la
capacité de l'intégration économique des personnes
visées en considération. Quand on a réduit, par exemple,
pour 3 ans, pour la famille immédiate, la famille nucléaire,
c'est aussi parce qu'il existe quand même une certaine obligation; il
existe une obligation
alimentaire dans le Code civil du Québec. Donc, si, par exemple,
la personne ne respecte pas cet engagement, il y a aussi en vertu du Code civil
l'obligation alimentaire en faveur des conjoints et des conjointes de
même que des enfants, chose qui n'existe pas envers les frères et
soeurs, et c'est pourquoi la période pour les frères, soeurs,
cousins et cousines est demeurée à 5 ans. Elle est
inchangée. Elle n'est pas de 10 ans, celle-ci; elle est de 5 ans.
Lorsque vous parlez de parrainage, aussi de parrainage collectif, ne
croyez-vous pas qu'on aurait de la difficulté, à un moment
donné, à faire respecter cet engagement, je ne sais pas, si l'on
se retrouve une dizaine de personnes pour parrainer quelqu'un? Dans un cas
comme ça, quelle serait la marge de manoeuvre du gouvernement pour faire
respecter cet engagement, si l'engagement n'était pas
respecté?
M. Icart: Premièrement, je ne parlerai pas d'une dizaine
de personnes. Deuxièmement, ça se fait couramment dans la plupart
des autres provinces, et je ne suis pas sûr que ça pose tellement
plus de problèmes que le parrainage de l'individu.
Généralement, c'est le parrainage de deux...
Mme Gagnon-Tremblay: Pour le réfugié, ça va.
Celui du réfugié, je pense qu'on est d'accord.
M. Icart: Non je ne parle pas de réfugiés. Je parle
de familles.
Mme Gagnon-Tremblay: Des familles.
M. Icart: Des frères et soeurs, disons, deux frères
ou deux soeurs ou deux frères et une soeur, deux ou trois personnes qui
pourraient ensemble parrainer, donc, se répartir les charges en termes
d'obligation financière pendant 10 ans. Je pense que les mesures
seraient les mêmes que celles qui existent actuellement. Simplement, au
lieu de toucher une personne, ça toucherait deux personnes. Les
parrainages de groupes de réfugiés, là, qui impliquent
parfois 10, 15 personnes ou plus, en principe, sont respectés. En
principe, ça va bien là-dessus.
Mme Gagnon-Tremblay: Pour vous, est-ce qu'il y aurait un chiffre
magique? Pour la famille, frères, soeurs, cousins et cousines, ça
pourrait être un parrainage de combien de personnes?
M. Icart: Deux ou trois personnes. Parce que souvent la taille
des familles, c'est à peu près ça, la moyenne, et les
demandes qu'on a eues en ce sens, c'est à peu près ça, et
je pense que c'est à peu près ça qui existe dans les
autres provinces. C'est en moyenne deux ou trois personnes, plus souvent deux
personnes, mais, enfin, je ne verrais pas le parrainage de quinze personnes
quand même!
Mme Gagnon-Tremblay: Non.
M. /cart: Dans la pratique, ça se passe ainsi de toute
façon. Je veux dire que, même s'il y en a un qui parraine son
père ou sa mère, c'est l'ensemble des enfants ici qui va en
prendre charge. Ça existe déjà dans la
réalité. Ce n'est simplement pas officialisé face au
ministère.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous évoquez aussi brièvement
/es tensions entre /es jeunes et la police, à la page 6 de votre
mémoire. Plus généralement, est-ce que vous pouvez, par
exemple, nous éclairer sur la question de la violence chez les jeunes?
Nous savons que c'est une question complexe avec des causes profondes. On ne
peut pas dire qu'on a trouvé nécessairement des solutions toutes
faites à cet égard. C'est pourquoi nous nous sommes
engagés de façon un peu modeste à y
réfléchir davantage, mais pouvez-vous, par exemple, nous faire
part d'expériences réussies dans ce domaine et comment on
pourrait réussir peut-être aussi à travailler avec d'autres
communautés implantées avec des institutions aussi?
Ce matin, on avait l'occasion de recevoir, par exemple, la
communauté hellénique, la communauté
italo-québécoise, la communauté juive et j'avais
l'occasion de leur parler brièvement lors du dîner. Je leur
demandais: On sait que le rapprochement des jeunes se fait souvent par les
loisirs, par les sports. On sait que ces communautés, qui sont
maintenant très bien implantées, ont aussi des gymnases
très grands, des écoles, des institutions et surtout des gymnases
très grands. Est-ce que ces communautés pourraient partager, par
exemple, ces structures, ces équipements de loisir pour aider des
communautés qui sont peut-être un peu plus récentes et qui
ont de la difficulté, quant à la violence faite aux jeunes, quant
aux difficultés pour les jeunes, entre autres?
M. Icart: Ça peut être difficile dans la mesure
où, souvent, il y a un problème géographique. Je prends un
exemple. On parle de la communauté noire. Ce n'est pas
concrètement, on dirait, quelque chose... Souvent, le ministère
va dire: Ah bien! La communauté noire, mettez-vous ensemble et on va
avoir telle ou telle chose. Bon. C'est quoi les contacts quotidiens entre la
communauté haïtienne et la communauté noire anglophone? Au
départ, la plupart vont habiter Notre-Dame-de-Grâce, la Petite
Bourgogne ou autrement, on va se retrouver dans l'est de Montréal. On va
parler de la communauté grecque; il y a quand même un secteur bien
identifié. Même chose pour la communauté juive. Bien
sûr, il y a un très beau YMCA de la communauté juive sur
Sainte-Catherine, mais, pour le petit Haïtien de Montréal-Nord ou
de
Rivière-des-Pralries, ça peut peut-être faire un peu
loin. Il y a d'abord ce problème-là.
Ce serait intéressant, par contre, dans la mesure où,
très souvent, quand on parle de tensions, ce n'est pas seulement, ce
n'est pas toujours entre Québécois de vieille souche ou
Québécois d'origine canadienne-française, comme le dit
quelqu'un que je connais, et les nouveaux groupes d'immigrants. C'est sûr
que, parfois, entre ces groupes, entre eux, il y a aussi des tensions, et des
mesures de rapprochement seraient intéressantes. Mais, d'une part, il y
a que ces communautés essaient elles-mêmes de se doter d'un
certain nombre d'équipements ou encore de faire une meilleure
utilisation des équipements existants. Je pense notamment aux
équipements de la ville. Je pense, par exemple, aux efforts qui sont
faits du côté de la polyvalente Marquette, avec Jeunesse 2000, par
exemple, pour essayer de rejoindre les jeunes des communautés
culturelles sur ce territoire où il y a déjà un gymnase,
où il y a déjà des équipements à utiliser.
Des fois, ça peut être en termes de... Comment j'expliquerais
ça? Par exemple, dans certains quartiers de la ville, il y a eu des
petites chicanes. Dans tel quartier, les gens voulaient un terrain de baseball;
nous, peut-être qu'on était plus intéressés à
avoir un terrain de soccer. Donc, l'utilisation de l'espace, vous voyez,
où est-ce que ça peut cohabiter? Des fois, le terrain de soccer
et de football, etc., je ne le sais pas, mais il y a ça aussi. Mais, de
toute façon, quand on parle des problèmes des jeunes, c'est
peut-être un peu plus gros que ça quand même. Ce n'est pas
que ça. Il y a la séparation familiale, d'accord. Dans les
loisirs, il y a tout ça, d'accord.
Il y a l'école, pas mal de difficultés à
l'école. La moyenne d'âge à la CECM actuellement, comme
vous le savez, est d'à peu près 45 ou 46 ans. Le prof de 25 ans,
qui a l'énergie pour jouer au basketball avec les élèves,
le vendredi soir, après la classe, on ne le voit plus tellement. Et ces
équipements-là, il y en a une sous-utilisation très forte.
Au niveau des jeunes encore à l'école, les études
surveillées ou autre, ça n'existe quasiment pas. Le chômage
chez les jeunes, il ne faut quand même pas se faire d'illusion; on parle,
dans la communauté noire, dans la communauté haïtienne,
d'à peu près 30 % de chômage chez les jeunes adultes. Mais
c'est déjà à peu près à 17 % chez les jeunes
Québécois, ce qui est déjà trop important. Et c'est
dans ce sens-là que, parfois, je parle des problèmes des jeunes
des communautés culturelles comme des révélateurs des
problèmes de la société. C'est un problème qui
existe dans la société, mais il y a ce facteur d'aggravation qui
est, à l'origine, différent. Mais c'est un problème de la
société. Le jeune aura beau jouer au baseball, faire de la
natation ou tout ce que vous voulez, à un certain moment, c'est les
perspectives d'avenir qui l'intéressent. Je ne sais pas.. qu'il puisse
se trouver un bon travail, élever une famille, se marier, etc.,
ça aussi, c'est essentiel, et, dans la mesure où ces perspectives
paraissent plus faibles, plus sombres, dans la mesure où cet espoir ne
lui semble pas permis, eh bien, ça donne des comportements un peu
dommageables.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Merci beaucoup, monsieur.
M. Icart: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Icart. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme Tardif, M. Icart, je ne vous cacherai pas
le plaisir que j'ai de vous revoir et surtout de vous redire mon
appréciation pour l'extraordinaire travail que fait le Bureau. J'irai
tout de go sur deux questions que je considère comme assez importantes.
J'ai posé la question à des organismes qui vous ont
précédés et qui m'ont répondu non. Mais là,
je m'aperçois avec un certain réconfort que vous partagez mon
point de vue et, comme nous avons également l'appui d'une personne qui a
quand même une certaine influence ici, au Québec - je parle de Mme
Bissonnette, directrice du Devoir - donc, je crois qu'à trois
nous sommes moins seuls maintenant. Quand vous parlez d'une stratégie
particulière pour la métropole, d'après vous, quelle
devrait être cette stratégie particulière pour
Montréal?
M. Icart: Quels que soient les programmes de
régionalisation qui seront mis sur pied, quel que soit le succès
de ces programmes, on est d'accord qu'il y a une concentration de nouveaux
arrivants à Montréal, et c'est là pour rester. Il y a donc
un effort particulier à faire pour la région de Montréal.
Que ce soit un partenariat avec la ville ou avec la communauté urbaine -
et le document ouvre la porte à cette possibilité -il y a des
pouvoirs qui devront être, comme dans d'autres domaines,
délégués à la ville de Montréal.
Quand on parle de loisirs, de logement, de leur rôle dans
l'intégration, c'est sûr que c'est déjà
assumé largement par les autorités municipales. Quand on va
parler de relations des jeunes avec la police, c'est encore largement de
compétence municipale. Quand on va parler de participation, c'est
d'abord au niveau municipal, à mon avis. Est-ce qu'il y a beaucoup de
villes au Québec où le gouvernement provincial a
délégué certains pouvoirs, que ce soit en termes de
gestion de l'aide sociale ou autre? Est-ce qu'il y a moyen de s'en inspirer?
Est-ce qu'il y a moyen aussi que des querelles de paliers de gouvernement ne
freinent pas trop certains programmes, comme ça a peut-être pu
arriver avec d'autres paliers de gouvernement, dans la mesure où il
s'agit de questions... Bien, c'est
sûr que les premiers concernés... Bon, il y a de bonnes
raisons à ça. Il y a peut-être les intérêts
supérieurs de la nation ou autres, mais, des fois, les premiers
intéressés, ceux qui vivent ces difficultés au jour le
jour, aimeraient bien que ces programmes puissent débloquer. Est-ce
qu'on s'en va vers des querelles de partage de pouvoirs à ce
niveau-là? Je souhaite que non.
Je ne sais pas si Francine veut ajouter quelque chose. Francine Tardif,
qui est la secrétaire du conseil d'administration du Bureau.
Malheureusement, ça n'a pas été mentionné sur le...
Elle représente le Bureau de la communauté culturelle des
Haïtiens de Montréal.
Le Président (M. Doyon): Mme Tardif.
Mme Tardif (Francine): Je pense que Jean-Claude a bien
cerné une des préoccupations qu'on avait. C'est à
Montréal que les gens débarquent, c'est-à-dire que quand
les nouveaux arrivants... Le premier accueil nous semble à nous une
période extrêmement importante; c'est au premier accueil que
beaucoup de choses se jouent. Tout ne se joue pas là, mais beaucoup de
choses se jouent là, et c'est à Montréal que va se faire
le premier accueil. Dans ce sens-là qu'une attention particulière
soit certainement mise à la rencontre aussi du Québec... et
ça aussi, c'est une préoccupation qu'on avait,
c'est-à-dire que la rencontre qui va se faire avec le Québec,
ça va être le Québec montréalais d'abord. Donc, dans
ce sens-là, et malgré nos appuis à une
régionalisation de l'immigration, ça nous semblait plutôt
une constatation de fait que c'est d'abord à Montréal que
ça va se passer.
M. Boulerice: O.K. J'ai beaucoup aimé... Pardon. M. Icart.
J'ai beaucoup aimé, M. Icart, ce que vous avez dit tantôt au sujet
des jeunes, notamment pour ce qui est des études, des bourses, etc.
Lorsque je suis revenu du séjour que j'ai fait dans votre pays
d'origine, j'ai reçu énormément d'appels de jeunes qui
voulaient venir au Québec recevoir une formation. On sait,
malheureusement, que le système scolaire est dans un état de
dégradation en Haïti, mais je crois maintenant que bien des espoirs
sont permis et je m'en réjouis avec vous. (15 heures)
Le représentant du Conseil canadien des manufacturiers nous
présentait, hier, une liste d'emplois de champs d'activité
où le Québec manquait de compétences. Je lui faisais la
remarque en lui disant: Bon, écoutez, nous manquons peut-être de
soudeurs, mais non pas nécessairement parce qu'on n'est pas capables de
former de bons soudeurs. Mais il se peut que des jeunes Québécois
ne soient pas intéressés. On ne va quand même pas aller
avec un revolver leur dire: Bien oui, mais vous vous en allez en soudure. Et je
soulevais l'hypothèse: Pourquoi ne pas considérer l'immigration
aussi selon l'optique suivante? Et j'aimerais avoir votre commentaire
là-dessus, à savoir que nous pourrions identifier et pourquoi ne
pas prendre, par exemple, votre pays d'origine, puisque c'est un pays qui a une
parenté culturelle et linguistique avec nous, des jeunes qui ont les
aptitudes et qui pourraient être admis comme immigrants ici et qui
recevraient ici cette formation?
Ça serait, à mon point de vue, je crois, faciliter une
immigration, d'une part. Deuxièmement, comme bien des groupes font la
corrélation... oui, mais l'immigration doit absolument être
rattachée au marché de l'emploi. Eh bien, je pense qu'on a fait
la jonction des deux.
Le Président (M. Doyon): M. Icart.
M. Icart: C'est sûr que le marché de l'emploi joue
un rôle important, fondamental au niveau de l'adaptation, quand on parle
d'immigration, immigration régulière. Et le critère
d'adap-tabilité, ça me semblait intéressant, beaucoup plus
intéressant même que ce soit l'offre d'emploi garanti ou le
potentiel d'investissement. Est-ce que ces personnes auront la
capacité... Peut-être que je réfléchis trop à
votre exemple, parce que je connais la soudure. En fait, ce n'est pas qu'il
manquait de soudeurs au Québec, il y en avait, mais ça prenait
des soudeurs spécialisés. Et au niveau de la planification de la
main-d'oeuvre, cet ajustement n'a pas été fait. Ça prenait
des gens qui non seulement étaient soudeurs, mais qui pouvaient,
mettons, pendant trois mois, suivre une formation.
Exemple, il y a un an et demi, le contrat de Canadair, où c'est
une soudure très spéciale au niveau des ailes d'avion. Il n'y a
pas eu l'ajustement assez rapide de la main-d'oeuvre à ce genre d'emploi
plus spécialisé. C'est sûr que quelqu'un qui a
déjà une formation générale pourrait s'ajuster sans
problème, généralement en soudure,
électricité, mécanique. Ça ne poserait pas de
problème. Et quand on parte d'adaptabilité de la main-d'oeuvre,
oui, dans la mesure où cette personne peut aussi avoir accès
à ces programmes de formation. Et c'est un peu ce que je
déplorais, notamment pour certains jeunes parrainés de 20, 25
ans, qui n'ont pas accès justement à ce genre de programme parce
que, généralement, c'est des cours ou des stages
subventionnés par la Main-d'oeuvre ou le bureau du travail, etc. Ils
n'ont pas accès à ça, alors que le potentiel, la formation
générale de cette personne en technique, en mécanique lui
permettrait en deux, trois mois d'acquérir la compétence qui lui
permettrait d'occuper ce genre d'emploi. Et souvent, bon, il y a des
difficultés comme ça en ce sens que les gens sont mal pris.
parler de potentiel d'adaptation au niveau de la sélection, c'est en
plein ça.
M. Boulerice: Très brièvement, en terminant, vous
parlez d'un manque d'originalité des
mesures qui sont prévues dans l'énoncé pour
solutionner le cas des revendicateurs de statut. À votre avis, la
stratégie du gouvernement du Québec à cet égard
devrait être quoi?
M. Icart: Le gouvernement du Québec a possibilité
d'utiliser, soit des certificats de sélection du Québec, des
mesures humanitaires ou encore ce qu'il annonce, cette sélection sur
place qu'il annonce. Plus ça va prendre longtemps à
régler, plus, à mon avis, ça peut poser des
problèmes. Garder des gens dans l'incertitude pendant 3, 4, 5, 10 ans,
je pense que c'est inhumain.
M. Boulerice: Un crime psychologique.
M. Icart: Je crois que c'est inhumain. On sait, en se basant sur
les résultats du fédéral, que la majorité de ces
personnes demeureront au Québec. Est-ce qu'il n'y a pas moyen, est-ce
qu'il n'y a pas lieu de se pencher là-dessus dès maintenant?
Est-ce qu'il n'y a pas lieu que le Québec, en termes de pouvoirs de
négociation, moyens de pression auprès du fédéral,
essaie d'accélérer les choses, ou encore, sur la base des
pouvoirs qui lui sont dévolus, essaie de faire quelque chose
là-dessus? Je pense que tout le monde espérait que le
Québec aurait eu un éclair là-dessus. Malheureusement, on
n'en trouve pas. Je ne sais pas, Francine, si vous voulez ajouter.
Le Président (M. Doyon): Mme Tardif.
Mme Tardif: Oui, peut-être. C'est que comme le
Québec avait souvent eu un certain leadership en matière
d'immigration humanitaire et une manière humanitaire de régler
des problèmes dont on sait qu'ils vont devoir être
solutionnés sur place... De toute façon, peut-être qu'on
attendait ce même leadership humanitaire dans ce document. Je veux dire,
employons ces termes-là vis-à-vis de cette question-là qui
est en train de pourrir et dont tout le monde sait qu'à la fin une
grande partie de ces gens-là vont, de toute façon, rester
ici.
M. Icart: Et même le système utilisé
actuellement par le fédéral... j'aurais aimé entendre le
Québec faire des propositions au fédéral pour le
régler. Vous voyez, pendant longtemps, le Canada se voyait comme un pays
de second asile. Il y a eu des actions vraiment impressionnantes, en termes
d'accueil des réfugiés, surtout au niveau de la sélection
dans les camps et tout ça, de personnes déjà reconnues
comme réfugiés par le HCR, que le Canada va accueillir.
Évidemment, avec le développement de l'aviation, tout ça,
le Canada est devenu une terre de premier accueil, sans avoir forcément
les mécanismes pour sélectionner comme il le faut ces
réfugiés de premier accueil, puisque le système avait
toujours été pensé pour traiter des cas d'exception et non
pas de tels volumes. Donc, le système se "jammait" constamment, puisque
ce n'était pas ça la philosophie de base. La philosophie,
ça a toujours été: on est une terre de second accueil. Et
là, il n'y a pas de problème; ça a été
magnifique.
Mais quand on devient une terre de premier accueil, là, ça
ne marche plus parce qu'on ne s'est jamais vu comme ça. Mais plus la
planète se rétrécit avec l'aviation, tout ça, plus
on devient une terre de premier accueil. Alors, il faut quelque part se doter
des mécanismes pour... Il y a eu un effort, un nouveau système
adopté au début de 1989, mais il a été comme fait
à l'envers, à savoir: minimum de formés et pleine
audition, et non pas l'inverse et pleine audition. Et ce système
recommence encore à "jammer", à se bloquer. Évidemment,
une bonne partie de ces personnes, à cause de la place du
Québec... c'est une grande ville internationale, c'est le premier port
d'entrée pour des gens qui viennent de l'Europe et tout ça. Il y
en a un paquet qui vont arriver au Québec et qui vont demander d'abord
l'asile au Québec. Est-ce que le Québec va continuer à
dire que c'est de compétence fédérale ou est-ce que le
Québec va faire quelque chose là-dessus? De ces gens-là,
éventuellement, une bonne partie va rester au Québec. Je
m'arrête.
M. Boulerice: Je vous remercie beaucoup. Comme c'est le moment de
la conclusion, eh bien, je renouvelle ces remerciements, mon
appréciation de votre travail et surtout les éléments
très importants que vous nous avez apportés, notamment sur la
revendication de statut. Je pense qu'il y a des gens qui avaient une expertise
on ne peut plus, si vous me permettez l'expression latine, "accurate". Je pense
que c'était bien vous. Je vous remercie beaucoup, Mme Tardif. Je vous
remercie, M. Icart.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, en terminant
aussi.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vais seulement terminer sur la
question des revendicateurs de statut de réfugié pour vous dire
que si, finalement, nous n'avons pas été beaucoup plus explicites
dans l'énoncé de politique, c'est tout simplement parce que cette
question est toujours de compétence fédérale. La
détermination du statut de réfugié relève des
compétences fédérales, puisque c'est le gouvernement qui a
signé la convention de Genève, qui a signé aussi les
ententes internationales et qui signe aussi les ententes internationales. Bien
sûr que le mouvement va en augmentant et je dois vous dire aussi que
cette augmentation a pour effet d'engorger le mécanisme
fédéral d'examen, au point où on retarde de façon
indue, je pense, ces nombreux cas. J'ai eu l'occasion d'intervenir
auprès de
Mme McDougall à plusieurs occasions pour qu'on puisse, d'une
part, contrôler les frontières et, deuxièmement, aussi
traiter ces dossiers le plus rapidement possible parce qu'on sait que nous
avons toujours affaire à des personnes humaines aussi.
Quant à la sélection sur place, bien, à
l'intérieur de l'entente Canada-Québec, nous avons obtenu un
pouvoir de sélection sur place, mais, une fois que le gouvernement
fédéral a décidé, par dérogation, que la
personne pouvait être traitée sur place... Alors, la personne qui
demande un traitement sur place doit s'adresser au gouvernement
fédéral et c'est à ce moment-là que le gouvernement
fédéral décide si, oui ou non, elle doit être
traitée sur place. Et si elle est traitée sur place, c'est
à ce moment-là que le Québec applique ses critères,
applique sa grille de sélection pour faire le traitement sur place. Par
contre, bien sûr, nous avons obtenu la sélection exclusive
à l'étranger pour la catégorie des
indépendants.
Ajors, dans ce sens-là, je pense que ce que nous pouvons faire,
c'est tout simplement demander - je pense que Mme McDougall est très
préoccupée aussi par ce dossier - au gouvernement
fédéral d'ajouter des ressources pour permettre la normalisation
de ces dossiers le plus rapidement possible.
Alors, je veux vous remercier pour la présentation. Je pense que
vous aviez quand même des propos très pertinents que nous
prendrons en considération. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): M. I cart, Mme Tardif, soyez
assurés que cette commission a été extrêmement
heureuse de vous recevoir. Merci d'avoir été parmi nous. Alors,
si vous voulez bien vous retirer, nous allons maintenant entendre le prochain
groupe. Merci, M. Icart; merci, Mme Tardif.
Service à la famille chinoise du Grand
Montréal
Nos prochains invités sont les représentants du Service
à la famille chinoise du Grand Montréal. Ils sont
représentés par Mme Cynthia Lam, M. Jonas Ma ainsi que M. Wen Qi.
Je les inviterais à prendre place en avant et à s'installer. Nous
allons les écouter avec beaucoup d'attention.
Les mêmes règles s'appliquent: environ une heure; une
vingtaine de minutes ou moins pour votre présentation de mémoire;
la ministre vous pose quelques questions; ensuite, les ministériels,
s'ils le veulent aussi, de même que l'Opposition, pour un temps
équivalent. Nous vous écoutons avec beaucoup
d'intérêt.
M. Ma (Jonas): M. le Président, j'aimerais me
présenter. Mon nom est Jonas Ma. Je suis un membre du conseil
d'administration du Service à la famille chinoise. À ma droite,
c'est Mme
Cynthia Lam, qui est la directrice de notre
Service et M. Wen Qi, qui est travailleur au sein de notre
organisme.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue! Des voix:
Merci.
Mme Lam (Cynthia): Bonjour! Au nom du Service à la famille
chinoise du Grand Montréal, je voudrais vous remercier de nous avoir
donné cette occasion de présenter notre mémoire devant la
commission de la culture du Québec sur le nouvel énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration.
Introduction. L'histoire de l'immigration chinoise au Québec peut
remonter jusqu'en 1880. Malgré son caractère pacifique et
travailleur, cette population a été pendant longtemps victime de
la discrimination raciste au Québec comme ailleurs au Canada. En
dépit de cette injustice sociale, durant plusieurs décennies, un
nombre important de familles chinoises se sont installées
définitivement au Québec et ont considéré ce pays
comme leur nouvelle patrie. Or, rien ne prouve que la discrimination contre la
communauté chinoise n'existe plus maintenant au Québec. Elle
survit plutôt sous d'autres formes que jadis.
Pourtant, la communauté chinoise a sans doute apporté
beaucoup à la société québécoise.
Aujourd'hui, cette communauté est l'une des plus dynamiques du
Québec. Elle connaît d'ailleurs une croissance
démographique très rapide depuis ces dernières
années, alors qu'en 1989 les nouveaux arrivants chinois constituent le
deuxième groupe le plus important de l'ensemble des immigrants
reçus de l'année au Québec. Actuellement, elle est
composée d'environ 60 000 membres et aucun signe ne montre que son
nombre cesse de s'accroître désormais.
Fondé en 1976, le Service à la famille chinoise du Grand
Montréal représente à tous les niveaux cette
communauté chinoise. Il est devenu aujourd'hui un des organismes
communautaires les plus importants et les plus progressifs de Montréal.
À part un ensemble de services sociaux et communautaires qu'il offre aux
membres de la communauté chinoise de Montréal, notre Service a
établi des rapports de coopération avec les principaux organismes
communautaires au Québec et à travers le Canada. Il maintient
également des contacts très actifs avec tous les paliers de
gouvernement visant à les sensibiliser et à collaborer à
de nombreux projets, surtout au niveau de l'intégration de cette
communauté à la société d'accueil. (15 h 15)
C'est avec beaucoup d'intérêt et sur la base de son
expertise que le Service à la famille chinoise prépare ses points
de vue sur la politique en matière d'immigration et d'intégration
du
Québec et présente ce mémoire devant la
commission.
M. Qi (Wen): Situation vue par le Service à la famille
chinoise du Grand Montréal. Parmi les éléments sociaux les
plus influents sur l'enjeu politique au Québec, nous en avons
remarqué deux en particulier: le caractère francophone et
l'immigration. Autrement dit, entouré par un monde anglophone en
Amérique du Nord, le Québec doit faire face à tout
défi pour maintenir son identité francophone.
Deuxièmement, le Québec, pour maintenir la
prospérité et le développement de son économie
nationale, a besoin d'augmenter sa population active au moyen de
l'immigration.
Or, comme on peut le constater depuis quelque temps, ces deux facteurs
ne sont pas pour autant naturellement harmonieux dans l'élaboration de
la politique, ni surtout dans l'application de cette politique. Ils ne sont pas
sans doute contradictoires de nature, mais semblent plutôt
perturbés par des variables conflictuelles issues de l'environnement
actuel où se trouve le Québec ainsi que de ses rapports avec le
monde extérieur.
D'abord, il est bien entendu raisonnable de se soucier de maintenir
l'identité du Québec comme société francophone,
distincte et différente des autres provinces du Canada. Mais un
nationalisme extrême éventuel pourrait sans doute nuire à
cette société qui, en même temps, est fondamentalement
démocratique et pluraliste.
Ensuite, sans être prudent dans son application, la politique en
matière d'immigration, qui est pourtant très subtile, pourrait
parfois être mal interprétée par des intervenants et ainsi
décourager les immigrants non francophones à s'installer au
Québec.
Troisièmement, un programme de francisation peu efficace pourrait
provoquer une fausse impression à la société d'accueil sur
les immigrants non francophones ainsi que sur leur capacité et, par
conséquent, perdre un potentiel important pour l'économie
nationale du Québec et sa dynamique sociale. Ce même
problème empêcherait certainement les immigrants non francophones
de s'intégrer à cette société d'accueil.
Quatrièmement, demander seulement à sens unique une
adaptation des immigrants à la société d'accueil sans
pourtant comprendre et respecter leurs valeurs traditionnelles causerait
également l'échec ou l'inefficacité du programme de
francisation et de la politique d'immigration.
Enfin, le maintien du caractère francophone dépendrait
aussi, en effet, de l'intégration sociale des immigrants. Autrement dit,
dans le contexte où l'immigration se poursuivra au Québec, son
caractère francophone se maintiendra en dépendant du
succès de l'intégration des immigrants à cette
société. Cependant, sans avoir un programme d'accès
à l'égalité en emploi efficacement appliqué,
surtout au sein de la fonction publique, les immigrants resteraient toujours
loin de la société d'accueil et ceci, tant au niveau culturel
qu'au niveau sentimental.
En vertu de ces facteurs influents sur la situation de l'immigration et
de l'intégration des immigrants au Québec, nous avançons,
dans la prochaine étape, nos affirmations ou recommandations au sujet de
la nouvelle politique concernée du Québec.
Comme la plupart des Chinois viennent des pays non francophones, mais
peut-être "fran-cisables", j'aimerais parler un peu davantage sur le
processus de politique de sélection et de francisation.
En tant que société riche et démocratique, le
Québec doit mieux comprendre l'aspiration à une vie
agréable et à un système démocratique chez les gens
du tiers monde. Ainsi, une responsabilité envers ces pays pauvres et une
certaine humanité vis-à-vis des gens privés de moyens de
vivre devraient être envisagées dans l'élaboration de la
politique en matière d'immigration.
Dans la sélection des immigrants, le français et la
culture française ne peuvent être considérés comme
un seul critère déterminant, alors qu'il faudrait tenir compte
d'autres éléments importants tels que l'âge, la motivation,
la capacité linguistique, le potentiel de contribution à
l'économie nationale, le niveau de l'éducation, l'utilité
de la profession au marché du travail, la facilité de la
formation professionnelle, le potentiel démographique, etc. Par exemple,
un immigrant non francophone mais motivé, instruit et professionnel
pourra apporter beaucoup plus à la société
québécoise qu'un immigrant francophone non motivé à
l'implication sociale ou économique. D'ailleurs, un tel immigrant non
francophone est tout à fait "francisable" et s'adapte facilement
à la société d'accueil, s'il est motivé.
Nous sommes entièrement d'accord pour prendre les mesures
nécessaires en vue d'améliorer le programme de francisation et de
le rendre plus efficace. Mais nous croyons qu'il importe aussi d'élargir
l'accès au programme permettant également aux revendicateurs du
statut de réfugié et même aux citoyens d'en profiter.
L'objectif de ce programme doit viser à la fois la qualité et
à la quantité. En effet, avec un tel programme de francisation
efficace, on n'aurait plus besoin de se préoccuper d'une perte
éventuelle de l'identité francophone dans le processus
d'immigration.
Le gouvernement aurait à faire circuler plus d'informations
auprès des candidats avant leur départ pour le Québec,
tout en expliquant les attentes de la société d'accueil à
leur égard. Il importe de leur faire comprendre et accepter le contrat
moral dont on parle dans l'énoncé pour qu'ils soient prêts
à une nouvelle adaptation avant de partir Le cours de français
donné sur le terrain est une bonne initiative, mais on doit
faire davantage pour qu'il soit plus accessible et efficace.
Il est évident que le programme de francisation n'est pas le seul
moyen d'intégrer les immigrants à la société
d'accueil. Un immigrant d'origine française dont la langue maternelle
est la même que celle des Québécois pourrait se sentir
très étranger au Québec, s'il n'acquérait jamais un
sentiment d'appartenance à cette société d'accueil. Cette
conséquence devrait être encore plus grave pour un immigrant non
francophone. De ce point de vue, à part le cours de français,
d'autres mesures devront être prises pour encourager une acceptation
interculturelle entre les immigrants et la société d'accueil
ainsi qu'une adaptation mutuelle. Cela semble nécessaire pour que les
immigrants aient petit à petit un sentiment d'appartenance à la
société d'accueil.
Enfin, il ne faut jamais perdre de vue l'importance du programme
d'accès à l'égalité en emploi, en particulier au
sein de la fonction publique et dans les entreprises ayant un contrat
obligatoire avec le gouvernement. Une égalité réelle
à ce niveau sera certainement une des meilleures preuves de
l'intégration sociale.
J'aimerais aussi parler un peu de la question de la réunification
familiale. Dans plusieurs pays, la structure et la tradition familiales sont
fort différentes de cedes du Québec, au moins de celles du
Québec d'aujourd'hui. Nous proposons donc au gouvernement d'envisager,
quand il s'agit du moment, l'élargissement de certains critères
de sélection sur la réunification familiale en tenant compte de
cette réalité ethnique. Il ne faut pas négliger le fait
que, comme l'une des coutumes pour la plupart des communautés
culturelles, la réunification familiale constitue une condition
primordiale dans la vie privée. Un critère de sélection
suffisamment large et généreux en vue de la réunification
familiale pourra stabiliser sûrement l'installation de ces immigrants au
Québec.
Plusieurs générations habitent sous le même toit, ou
les enfants de la même famille, après leur mariage, habitent les
uns près des autres, ce qui constitue un phénomène courant
en Orient comme dans bien d'autres régions du monde. Pour respecter
cette tradition, il importe pour le gouvernement de considérer tous les
membres de la famille, que ce soient les parents, les grands-parents, les
enfants ou les petits-enfants, peu importe leur âge ou leur statut
civil.
Mme Lam: Maintenant, j'aimerais parier sur le sujet de la
valorisation des organismes non gouvernementaux.
La situation nécessite une participation active des organismes
non gouvernementaux au programme de francisation. Compte tenu de la
diversité des sources d'immigration au Québec, un cours de
français général organisé par le gouvernement
répond parfois très difficilement aux besoins des nouveaux
arrivants. Étant conscient de cette situation, le Service à la
famille chinoise du Grand Montréal offre, depuis septembre 1989, aux
nouveaux arrivants chinois des cours de français donnés dans leur
langue maternelle. Ces cours semblent avoir obtenu beaucoup de succès,
alors que bon nombre de jeunes inscrits au COFI ont abandonné leur cours
pour venir étudier chez nous. Ils ont confirmé que l'enseignement
est plus efficace chez nous du fait que le professeur connaît non
seulement la langue maternelle, mais surtout leur mentalité et leurs
problèmes d'apprentissage. Cet exemple est largement
représentatif au sein des communautés culturelles. Bien entendu,
la possibilité d'intervenir pour les organismes non gouvernementaux ne
se limite certainement pas à ce niveau. Il y a, en effet, un tas de
terrains où ils pourront jouer un rôle important. Une
participation active de leur part améliorera énormément la
performance du programme de francisation.
La même problématique se pose également à
l'efficacité des services d'accueil et d'adaptation fournis par le
gouvernement. À cause des barrières linguistiques et culturelles,
les intervenants des institutions gouvernementales se sentent souvent
impuissants dans leur opération. Une participation active des organismes
communautaires pourra cependant résoudre ce problème
embarrassant. À l'heure actuelle, il existe déjà certaines
formes de partenariat entre les ONG et les services publics. Nous croyons que
le gouvernement doit encourager davantage cette initiative. Grâce
à une telle coopération entre les deux côtés, dont
chacun possède son avantage et son expérience, les services
sociaux deviendront plus efficaces dans le nouvel environnement social
d'aujourd'hui et de demain. Les ONG, comme intermédiaires, favorisent
sans doute le rapprochement entre la société d'accueil et les
immigrants ainsi que leur adaptation mutuelle.
La situation demande une participation des ONG à
l'élaboration de la politique d'immigration et à son application.
Son expertise, qui devra désormais se valoriser davantage, est à
la fois importante et utile pour la société d'accueil. De plus,
une telle participation, comme le souhaite le gouvernement dans la nouvelle
politique, peut non seulement renforcer la démocratie dans notre
société, mais surtout aider à lutter contre le racisme et
la discrimination qui existent encore sous différentes formes dans notre
société. (15 h 30)
En dernier, notre conclusion. La volonté politique du
gouvernement se reflète inévitablement dans l'élaboration
de sa politique; elle passe ensuite par la distribution des ressources humaines
et matérielles. Une politique voyante et un investissement important
dans ce domaine apporteront sans aucun doute de bons fruits à la
société québécoise à tous les niveaux.
Pourtant, comme dans tout processus d'élaboration politique
et d'application, le gouvernement devra prévenir les effets
négatifs provoqués par l'immigration dans la
société québécoise, tels que le racisme,
l'intolérance, l'ignorance, etc. Il importe de prendre d'avance les
mesures nécessaires pour lutter contre ces tendances.
Enfin, nous proposons une participation totale des organismes non
gouvernementaux à l'évaluation de la nouvelle politique du
gouvernement en matière d'immigration et d'intégration sociale.
Ceci aidera effectivement à son amélioration dans l'avenir. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. Mme la ministre,
vous pouvez poser quelques questions si vous le désirez.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, madame et messieurs, pour votre
présentation. Comme vous l'avez dit de façon très juste,
votre communauté est, depuis fort longtemps, implantée au
Québec et vous avez développé une expertise tout à
fait intéressante et exceptionnelle.
Ma première question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre
vous, bien sûr, et concerne davantage les attitudes à
l'égard du français. Comme vous le savez, le gouvernement fait de
la connaissance du français et de son usage comme langue commune de la
vie publique un des trois axes majeurs de la politique d'intégration.
J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec cette prise de position,
quel bilan vous faites de l'intégration linguistique de la
communauté chinoise et s'il y a eu évolution récente
à cet égard.
M. Ma: Peut-être que je peux commencer. Je crois qu'il faut
mentionner que la communauté chinoise était perçue comme
une communauté anglophone. Nous avons connu une période, on peut
dire, d'adaptation, pendant les années soixante-dix où on a perdu
une bonne partie de notre communauté. Les gens qui s'étaient
instruits dans des institutions anglophones sont partis pour d'autres
provinces. Maintenant, depuis dix ans, au sein de notre communauté, il y
a une reconnaissance du fait français au Québec. Je crois que,
quand on dit que nous sommes l'un des plus progressistes au sein de notre
communauté, c'est que, un, je crois que nous ne sommes peut-être
pas le premier, mais peut-être un des premiers groupes à
reconnaître ce fait-là. On a travaillé très fort
dans ce domaine de la francisation depuis quelques années.
Oui, nous sommes totalement d'accord avec la politique, le fait que le
français soit, comme on dit, considéré comme langue de
communication dans le domaine public. Comme je vous l'ai dit, depuis des
années, on a fait des efforts pour aider notre communauté
à s'adapter à ce fait. Peut-être que Cynthia pourrait
parler un peu de notre action concrète à ce niveau-là.
Le Président (M. Doyon): Mme Lam.
Mme Lam: Oui. Comme on l'a mentionné plus tôt,
depuis 1989, on a instauré le cours de français au niveau
communautaire. On est situé dans le quartier chinois et c'est comme un
centre communautaire. Par exemple, à Montréal, pour les Chinois,
on ouvre depuis un an et demi cinq cours de français. C'est toujours
plein et il y a toujours une liste d'attente aussi pour s'inscrire à
notre cours. Par exemple, on adopte aussi certaines méthodes
adaptées pour répondre aux besoins de notre communauté,
surtout au niveau débutant, comme les nouveaux arrivants. Ça veut
dire qu'on engage un professeur de français très qualifié,
mais qui parle la langue chinoise et qui possède des connaissances de la
mentalité des nouveaux arrivants d'origine chinoise et aussi le
problème d'apprentissage spécifique. Beaucoup de gens qui sont
inscrits au COFI nous disent qu'il y a beaucoup de problèmes. Ils sont
très très découragés parce que, dans la classe, il
y a beaucoup d'autres étudiants latino-américains et tout
ça, et leur processus d'apprentissage est très très
différent. C'est pourquoi on pense qu'on doit adapter la méthode
à chaque communauté selon son besoin spécifique.
En même temps, on fait des décentralisations aussi. Par
exemple, maintenant, sur la rive sud, il y a une grande concentration de
population chinoise, et on travaille en collaboration avec les réseaux
locaux. Par exemple, avec le CLSC Samuel-de-Champlain et avec d'autres
institutions là-bas, on ouvre le cours de français aussi et il
reçoit beaucoup de succès. Il nous donne beaucoup de plaisir de
voir l'intérêt pour être francisé. C'est
énorme maintenant. Pour moi-même, c'est une surprise aussi, mais
c'est très positif.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. J'aimerais savoir quel est le profil de
cette clientèle. Vous parliez tout à l'heure de nouveaux
arrivants mais, aussi, est-ce que vous avez des personnes qui sont
arrivées depuis un peu plus longtemps? Quel est le profil? Est-ce que
c'est un profil plutôt jeune, d'âge moyen? Aussi, vous semblez me
dire qu'au niveau du COFI les nouveaux arrivants de votre communauté
semblent avoir de la difficulté. Est-ce que vous croyez que votre
organisme est mieux en mesure de donner, par exemple, les cours de
français à ces nouveaux arrivants de votre communauté que
ne l'est, par exemple, le COFI?
Mme Lam: À ce moment-ci, oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Que ne le sont les COFI,
c'est-à-dire.
Mme Lam: Si le COFI reste comme maintenant. J'aimerais mettre
l'accent sur notre cours
de francisation, surtout pour les débutants parce qu'on a
toujours cru en l'éducation avec le service au public. Par exemple, le
COFI, c'est un service public. C'est très important. Pour nous autres,
ce sont les nouveaux arrivants, au niveau débutant, qui ont besoin d'une
certaine préparation, par exemple, avant de s'inscrire et de profiter
des cours donnés par le COFI. Oui.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. M. le
député... Ah! Monsieur...
M. Qi: Je m'excuse. Si vous me permettez. Peut-être que je
vais ajouter un petit détail technique.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Qi.
M. Qi: Vu que la langue chinoise est une langue très
différente linguistiquement du français, évidemment, pour
ces nouveaux arrivants, surtout pour ceux qui ne connaissent que le chinois,
dans ce cas-là, il vaut mieux être conscient de leur
mentalité et donner dans leur langue maternelle un cours de langue
française. Comme ça, petit à petit, quand ils auront
acquis une base essentielle, à ce moment-là, ils pourront aller
au COFI. C'est ce que disait Mme Lam.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Qi. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Juste une petite précision, M.
le Président. Vous avez bien dit que les cours que vous donnez, ce sont
des cours qui sont donnés aux nouveaux arrivants avant qu'ils puissent
entrer au COFI. C'est-à-dire, pas toute la clientèle, mais je
veux dire pour les nouveaux arrivants. C'est-à-dire que vous leur donnez
des cours avant qu'ils arrivent au COFI et non pas après.
Mme Lam: Avant.
Mme Gagnon-Tremblay: Avant.
Mme Lam: Oui, parce que...
Mme Gagnon-Tremblay: Pour qu'ils puissent avoir les techniques de
base pour pouvoir bien suivre les cours du COFI par la suite.
Mme Lam: Oui. Ils ne peuvent pas suivre avec succès...
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Mme Lam: ...le cours au
COFI.
Le Président (M. Doyon): Oui, merci, Mme Lam. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, madame, monsieur, je n'ai malheureusement pas
réagi suffisamment à temps. J'aurais dû appeler un de mes
collaborateurs ici en haut. Si le français peut être difficile,
j'ai parmi mes adjoints quelqu'un qui parle couramment le mandarin et le
cantonais et l'écrit. Il aurait peut-être pu me permettre de
dialoguer avec vous dans cette langue. Lorsque vous me parlez des efforts
vraiment très marqués de la communauté chinoise, je vais
vous répondre, oui, parce que ses établissements principaux sont
à la toute limite de ma circonscription électorale. Donc, de
visu, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, depuis des années, je
suis en mesure de m'en rendre compte à un point tel, d'ailleurs, que je
racontais à une adjointe de Mme la ministre, une anecdote.
La première fois que je suis allé à Paris,
près de l'Odéon, je cherchais la rue Casimir-Delavigne, je crois,
et je demande à une jeune fille qui de toute évidence
était d'origine chinoise, je lui dis: "I beg your pardon, miss." Voyez
ce réflexe parce qu'à cette époque, au Québec, la
communauté chinoise n'était qu'anglophone. Mais devant son air
hébété, je me suis dit: Qu'est-ce qui se passe? Elle m'a
dit: Je m'excuse, je ne comprends pas. Je me suis rendu compte que
j'étais en France et qu'effectivement on pouvait parler français.
Là, vous nous en donnez un exemple merveilleux. C'est des exemples,
d'ailleurs, que je peux voir régulièrement à
Montréal, compte tenu, effectivement, de cette proximité que j'ai
avec la communauté chinoise là, dans ma circonscription. Des
choses qui peuvent même vous paraître drôles, un des
meilleurs restaurants de ma circonscription, le Shanghai, appartient à
des Québécois chino-soviético-francophones.
Mais sur un ton... Je pense que ces anecdotes-là méritent
d'être... parce que ce sont des illustrations qu'effectivement il y a des
choses qui se font. Ce sont toujours des petits bouts de chemin, mais ça
finit par faire, lorsqu'on les additionne, une longue route. C'est d'ailleurs
un vieux dicton qui vient de votre pays qui dit qu'un grand voyage commence
toujours par un premier petit pas. Voilà. Dans votre mémoire,
vous ne discutez pas de la question de la régionalisation. Est-ce que
c'est parce que vous ne la trouvez pas envisageable ou que les membres de votre
communauté y sont en principe réticents, c'est-à-dire
qu'ils préfèrent rester dans la métropole où
forcément il y a une concentration?
M. Ma: Je crois que la question de régionalisation, ce
n'est pas une question politique en autant qu'on puisse - comment dire -
déterminer le lieu où les gens veulent s'installer, dans le sens
qu'après quelques années ou quelques mois dans le programme
où ils sont entrés ils peuvent toujours déménager.
Puis la force économique ne permet pas vraiment aux gens de rester dans
une
région où il n'y a pas de travail, où il n'y a pas
de développement économique. Je crois que ça touche
plutôt une question de développement économique dans les
régions.
S'il y a du travail, s'il y a du développement économique,
oui, les gens vont y aller. Je raconte... Par exemple, une fois, je me suis
rendu à 111e Madeleine. C'était la première fois que
j'étais là, il y a trois ans, et puis j'ai rencontré une
famille. C'était peut-être la première famille chinoise qui
s'installait à l'île Madeleine parce que quelqu'un connaît
la famille dans la région du Québec. On a dit qu'il y a des
possibilités pour ouvrir un restaurant à l'île Madeleine.
Mais c'est parce qu'il y a beaucoup de tourisme là-bas.
Une voix: Aux Îles-de-la-Madeleine.
M. Ma: Ils sont arrivés et puis ils ont connu des
succès énormes. Il dit que je vais en parler avec d'autres
personnes dans notre communauté pour ouvrir un autre restaurant chinois
parce qu'il y a des demandes énormes là-bas.
M. Boulerice: Un Madelinot original!
M. Ma: Alors, c'est ça que je veux dire, c'est que, oui,
c'est important au niveau de l'intégration, au niveau de ne pas
concentrer les immigrants dans la région métropolitaine de
Montréal. Mais, comme vous voyez, les immigrants sont venus pour
chercher une qualité de vie meilleure peut-être et ça se
définit souvent en termes économiques. Puis, ici, il n'y a pas
d'événements économiques. Dans les régions, je
crois que tout discours sur la régionalisation est inutile, en fin de
compte, à cause de cette... parce qu'on ne peut pas régler le
mouvement du citoyen. C'est ça, le problème. (15 h 45)
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: Une question à double volet. Vous parlez
d'élargissement du concept de la famille. Quel est le concept qu'on
devrait lui donner? Deuxièmement, j'ai affirmé ce matin que
j'estimais que la définition du mot "famille" devait appartenir au
gouvernement du Québec et non pas au gouvernement fédéral.
Qu'en pensez-vous?
M. Ma: Je crois que je me souviens, vers l'année 1988 et
entre 1988 et la fin de 1989, que la politique du gouvernement
fédéral permettait, par exemple, qu'une soeur ou un frère
non marié soit parrainé par un autre frère ou soeur
installé ici si le parent l'accompagnait. Mais depuis le 1er janvier
1990, cette politique-là a été annulée. Comme on
sait que, maintenant, le Québec a obtenu le pouvoir de sélection,
je ne sais pas si ça touche la catégorie familiale. Mais si
le
Québec a le pouvoir de déterminer quelle catégorie
de membres de la famille, on suggère, on recommande qu'une
considération plus généreuse, plus ouverte, plus large
soit appliquée.
M. Boulerice: Cher ami, vous me permettrez de poursuivre, vous
n'avez pas tout à fait répondu. Je vous ai demandé:
Êtes-vous d'accord, oui ou non, à ce que ce soit le gouvernement
du Québec qui définisse le mot famille?
M. Ma: Oui. M. Boulerice: Merci. Des voix: Ha, ha,
ha! M. Boulerice: M. Qi.
Mme Lam: Si vous êtes d'accord avec notre recommandation,
tant mieux.
M. Ma: Nous ne sommes pas d'accord avec la politique
fédérale, par exemple. Alors, on espère qu'une politique
québécoise puisse considérer ce domaine-là.
M. Boulerice: Dans la culture chinoise, la définition de
famille est aussi très vaste, ce qui est merveilleux: premier
grand-oncle, deuxième grand-tante...
M. Qi: Justement, pour répondre à la
première partie de votre question en ce qui concerne le concept de la
famille. Évidemment, en Chine, à Hongkong comme à Taiwan,
c'est universel, c'est-à-dire que plusieurs générations
habitent toujours ensemble. Même si les enfants se sont mariés,
ils ont des petits-enfants et ils gardent toujours le grand-parent, et des fois
peut-être quatre générations. Donc, nous pensons aussi,
quand même, que c'est un aspect important. Peut-être que ça
ne se limite pas seulement aux familles chinoises mais aussi à un
certain nombre de familles issues de la communauté japonaise et autres
communautés asiatiques.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boulerice: Nous parlions tantôt de restauration. Donc,
je vais poursuivre en vous indiquant la mezzanine, Sainte-Catherine est, angle
Papineau. Vous y rencontrerez mon bon ami Greg Chang qui est originaire de
Taiwan, qui parle un excellent français, sauf qu'il est un peu - comment
dirais-je - agacé quelquefois, lorsqu'il prononce mal un mot, de voir
que le Québécois tuque et bas de laine le reprend en anglais.
Ça l'exaspère. Il m'avait fait part lui aussi - je n'en livrerai
pas le contenu - des critiques qu'il avait quant aux mesures de
francisation.
Vous vous dites en faveur de l'amélioration
des mesures de francisation pour les rendre plus efficaces. Alors, les
rendre plus efficaces, ce serait quoi, pour vous?
Le Président (M. Doyon): Mme Lam.
Mme Lam: Pour rendre le programme de francisation plus efficace,
je pense qu'il y a beaucoup de moyens. Par exemple, on doit chercher des
méthodes plus innovatrices. Par exemple, pour répondre encore
mieux aux besoins des communautés culturelles - ça comprend
d'autres communautés - et aussi à certains problèmes
d'apprentissage spécifiques... Comment peut-on chercher les
méthodes les plus innovatrices? Par exemple, chez nous, on cherche
toujours et, des fois, on trouve certaines solutions. Par exemple, on donne le
cours à l'école pour attirer les parents qui viennent à
l'école pour apprendre la langue française. Il y a deux buts, un
pour améliorer encore la francisation. Deuxièmement, dans le
contenu du cours, on donne de l'information et de la sensibilisation sur le
sujet des valeurs sociales, sur le système scolaire ici et
peut-être aussi - pas peut-être, définitivement - sur les
attentes de notre société. Ça veut dire, comme
annoncé dans la politique, le contrat moral. C'est quoi, les attentes,
pour vous, comme parents nouveaux d'origine chinoise qui êtes ici au
Québec? Pour nous autres, c'est notre rôle de partenaire, comme
organisme non gouvernemental qui travaille avec le service public, ensemble.
C'est un moyen d'attirer des parents qui ne sont peut-être pas faciles
à rejoindre. D'autres moyens comme le COF1 ou d'autres services
d'assistance...
Deuxièmement, on donne le cours dans les CLSC, dans les
institutions existantes, et encore avec des buts: un, pour attirer les gens et
les sortir de leur isolement social; deuxièmement, pour apprendre la
langue; troisièmement, pour comprendre, sensibiliser et être
informé, à savoir c'est quoi, le service d'assistance, c'est
quoi, les valeurs et les attentes. Aussi, pour promouvoir certaines chances
d'échanges.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
M. Boulerice: Si je vous interprète bien, Mme Lam, vous
parlez de déconcentration.
Mme Lam: Concentration.
M. Boulerice: De déconcentration de la francisation.
Mme Lam: Oui, c'est ça. On va où sont les gens.
M. Boulerice: Voilà! Mme Lam: Oui.
M. Boulerice: Merveilleux! Oui, je vous en prie, M. Qi...
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur... M. Qi: O.K. Si
vous permettez...
M. Boulerice: ...si M. le Président vous autorise. Sans
aucun doute.
Le Président (M. Doyon): M. Qi.
M. Qi: Si vous le permettez, je voudrais justement faire un
point. Évidemment, nous avons déjà parlé des cours
donnés au sein de la communauté chinoise; nous avons parlé
aussi des cours donnés sur le terrain, et c'est une très bonne
initiative. Par exemple, on donne un cours à Hongkong pour les gens qui
vont venir ici. Évidemment, on a parlé aussi du programme
d'accès à l'égalité. Je pense, et c'est un point
très important, que les gens commencent à être conscients
de l'importance non seulement au niveau de la communauté, mais surtout
au sein de la fonction publique. Moi-même, j'ai eu une expérience
parce que j'ai travaillé pendant un certain temps avec les nouveaux
arrivants chinois qui ont fait une demande de résident permanent. Ces
gens-là, par exemple, beaucoup d'étudiants chinois, après
la répression de Pékin, ont décidé de rester ici.
Ils commencent à étudier le français. Mais quand ils ont
commencé à chercher du travail, les gens leur demandaient: "Do
you speak English?" Puis, ils se sentaient très déprimés.
Ils disaient: Moi, je dois non seulement étudier le français,
mais aussi l'anglais. Je pense qu'étudier le français, c'est
très important, mais comment peut-on sensibiliser la
société et encourager ces gens-là? Fournir un certain
nombre de mesures positives pour ces chercheurs de travail, ça, c'est
très important aussi. Sinon, étudier le français... C'est
sûr qu'on a une langue commune de communication, mais, par contre, ils
doivent vivre, évidemment. Mais si ça ne les aide pas vraiment,
ils vont partir pour d'autres provinces.
M. Boulerice: Avant de vous dire au revoir et de vous remercier,
je vais me permettre un commentaire. Je le fais de façon très
amicale, mais dans votre mémoire j'ai lu que vous exprimiez des craintes
quant au danger d'un nationalisme trop fort. J'aimerais apporter la nuance, je
pense qu'elle est importante et qu'elle est malheureusement oubliée au
Québec. Compte tenu d'expériences malheureuses qui ont
été vécues ailleurs, le nationalisme
québécois a toujours été un nationalisme
d'affirmation culturelle, de survivance. Jamais, en aucun temps, il n'a eu de
connotation de supériorité raciale. Donc, je ne crois pas que ce
soit justifié d'avoir peur de ce nationalisme québécois.
Je pense que, quelquefois, malheureusement, des gens ont
tendance à coller nationalisme à national-socialisme qui
lui, malheureusement, a une connotation raciale et qui s'est
échappé avec je ne sais combien de dizaines de millions de
morts.
Alors, je pense que vous comprenez ce concept de nationalisme au
Québec, qui n'en est un que d'affirmation d'identité dans un
contexte où, vous le savez, nous sommes 40 fois minoritaires. Jamais il
n'a été pour dire que j'étais d'une race supérieure
à la vôtre. Je me permettrai également, si vous voulez
bien, de rajouter que l'Opposition officielle continue de croire qu'elle a bien
agi en appelant au boycott de l'ouverture du Festival des films du monde qui
faisait l'éloge du cinéma officiel chinois parce que nous
trouvions, à ce moment, que c'était d'oublier trop facilement le
massacre de la place Tien an Men. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Qi.
M. Qi: Si vous le permettez, je vais répondre d'abord
à cette questfon-là et ensuite, peut-être, M. Ma prendra la
parole.
Je voudrais, tout d'abord, attirer votre attention sur les termes que
nous avons utilisés. Nous avons parlé, dans le texte, de
l'éventualité d'un nationalisme extrême. Nous n'avons pas
parlé du nationalisme, surtout en ce qui concerne l'affirmation de
l'identité francophone. À ce propos, moi-même, je suis
très compréhensif vis-à-vis de ce nationalisme qui est
très bien fondé, qui est pertinent. Je trouve... Il importe de
maintenir ce caractère. Nous sommes tout à fait d'accord à
ce propos.
Par contre, il ne faut pas que ce nationalisme évolue à
l'inverse, dans le sens... c'est-à-dire que ça évolue,
éventuellement, vers un racisme, par exemple. Ça, je pense que
tout le monde le sait, aujourd'hui, dans notre société, ça
existe. Nous avons parlé seulement de cette possibilité.
M. Boulerice: Nous le combattrons tous ensemble.
M. Qi: D'accord.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Qi. Quelque chose
à ajouter, M. Ma?
M. Ma: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais ici
renforcer le message de M. Qi. C'est qu'on n'a pas constaté que
nationalisme égale racisme. Ce qu'on veut dire, c'est que dans le
mouvement nationaliste, il existe un certain pessimisme envers la
possibilité d'intégrer les immigrants parce que, d'après
les expériences des années cinquante et soixante, ou même
avant, les immigrants étaient plutôt intégrés au
milieu anglophone. Peut-être que ce n'était pas vraiment
anglophone, c'était peut-être une question du milieu des affaires
et les affaires se passaient en anglais, à cette
époque-là, et les gens devaient survivre sur ce plan-là.
C'est ce que M. Wen Qi a dit tout à l'heure. (16 heures)
C'est ça que j'aimerais dire, que ce pessimisme sur
l'impossibilité de l'intégration des immigrants peut amener une
position au sein du mouvement, du projet nationaliste, que l'entrée des
immigrants, ça va apporter peut-être des résultats
négatifs dans notre projet. C'est ce que je comprends du film
"Disparaître". Peut-être que ce n'est pas du tout ce qu'il veut
faire, mais c'est le message qui a été donné. C'est ce
qu'on a vécu, perçu de ce film-là. On pense que
nationalisme, ce n'est pas égal à racisme, mais il persiste une
sorte de point de vue ou attitude au pessimisme qui peut amener la
société peut-être dans une préoccupation ou
incertitude ou insécurité, et qui peut apporter des mesures qui,
peut-être, au fond peuvent être insensibles aux besoins des
minorités ici. C'est ça qu'on veut dire.
Le Président (M. Doyon): Très bien, merci, M. Ma.
M. le député d'Acadie, vous aviez une question.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Ce sera une question
très brève parce qu'on arrive à la fin du temps qui nous
était alloué. Vous avez mentionné tout à l'heure
toute la question de la francisation, des efforts que vous faites dans votre
communauté. Il y a également, au fond, quand on parle de la
question de l'intégration, il y a toute la question aussi du
rapprochement des communautés comme telles, des contacts quotidiens
qu'on peut avoir. Je me demandais, les organismes comme tels qui existent dans
votre communauté, dans quelle mesure ces organismes-là ont
créé ou créent actuellement des liens avec d'autres
organismes qui sont issus, par exemple, du milieu francophone du Québec,
de sorte qu'il y a peut-être un échange plus approfondi entre les
deux cultures. Est-ce que ça se fait actuellement et quelle forme
ça prend de façon plus précise?
M. Ma: Est-ce que je peux commencer?
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur. Allez.
M. Ma: De façon concrète, depuis je ne sais pas,
huit ans, on a un projet de jumelage avec le CLSC Centre-ville dont le
directeur était Mme Lam. C'est ce que je crois entendre. On a
créé un projet pour permettre aux personnes âgées du
quartier chinois de participer aux programmes du CLSC Centre-ville. D'ailleurs,
dans le domaine de l'éducation, on a commencé un projet avec les
enfants de l'école Saint-Luc à la commission scolaire catholique
de Montréal. Ce sont deux projets qui ont été
peut-être plus ou moins
établis et on a d'autres projets. Je vais demander à
Cynthia de nous expliquer un peu.
Mme Lam: D'autres projets. Ça nous donne beaucoup de
plaisir de vous en parler aussi... C'est encore sur le sujet de l'accès
à l'égalité en emploi. On a choisi ce thème et
organisé un colloque sur ces sujets-là: Égalité,
où en sommes-nous, accès à l'égalité en
emploi et minorités visibles. Pour nous autres, le programme
d'accès à l'égalité a pour but de corriger
certaines pratiques discriminatoires. Certaines institutions gouvernementales
ne donnent pas la reconnaissance aux gens qui viennent de groupes des
minorités visibles. C'est pourquoi on voulait mettre beaucoup plus de
conscience et beaucoup plus d'information à ce sujet-là. Pour
nous autres, c'est un projet qu'on a fait avec huit autres organismes culturels
et organismes de services publics et parapublics. On a l'intention de
poursuivre ce sujet aussi - pour nous, c'est un peu une meilleure
intégration sociale pour notre communauté - après que le
problème de francisation aura été un peu
réglé.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. M. Qi.
M. Qi: Nous avons une copie ici. Vers la fin de l'audience, nous
pourrons la déposer.
Le Président (M. Doyon): Ça nous fera plaisir. Vous
la laisserez en arrière, on s'en prendra une copie. M. le
député, avez-vous d'autres questions? Mme la ministre, en
terminant.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. En fait, je dois vous dire que j'ai
pris connaissance du document qui m'avait été envoyé
déjà il y a quelque temps. J'ai une dernière question.
Vous savez que l'un des objets de cette consultation porte aussi sur les
niveaux d'immigration, pour les années 1992, 1993, 1994. J'aimerais
savoir quelle est votre opinion là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'on
devrait continuer d'augmenter nos niveaux d'une façon graduelle? Quelle
est votre opinion?
Mme Lam: Je pense, selon notre connaissance, qu'il y a un grand
intérêt chez les jeunes de Hongkong, de Taiwan et de la Chine
continentale qui veulent essayer d'entrer au Canada et au Québec.
Toujours selon notre connaissance, il y a une période d'attente assez
longue pour certaines gens et ça a créé beaucoup
d'incertitude. En même temps, par exemple, il y a deux ans, je me suis
rendue à Hongkong où j'ai une grande, grande famille. Dans nos
réunions familiales, il y a eu seulement deux sujets de conversation;
un, c'est l'immigration au Québec parce que je viens du Québec
et, deuxièmement, ça, c'est autre chose... Comment dtt-on
ça? C'est comme à "Blue Bonnets".
Le Président (M. Doyon): Les courses.
Mme Lam: C'est ça. Oui, les courses. Mais le sujet de
l'immigration au Québec a suscité beaucoup, beaucoup
d'intérêt et c'est beaucoup plus important aussi.
Définitivement, il y a beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je
pense que, dans la catégorie des immigrants investisseurs
professionnels, tout le monde le sait très, très bien qu'il y a
un nombre très important de gens bien qualifiés. Mais il y a une
chose très importante pour nous autres, d'être traités
honnêtement, de faire connaître aux gens qui veulent venir ici
c'est quoi les attentes: notre civisme, nos valeurs, les exigences de la langue
et aussi le système d'ici. D'après notre expérience, il y
a beaucoup de malentendus et ça a créé beaucoup, beaucoup
de difficultés après leur arrivée. On peut faire quelque
chose et améliorer à ce niveau-là. Il y a deux choses:
donner la préparation de francisation tout d'abord et,
deuxièmement, donner l'information correcte et être au courant et
honnête aussi.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lam. Rapidement, M.
Ma.
M. Ma: Oui, une dernière intervention. J'aimerais
renforcer la question de garder les gens d'affaires qui sont entrés au
Québec parce qu'il y en a un grand nombre qui partent une fois qu'ils
sont entrés. Dans votre énoncé de politique, dans la
deuxième partie, les orientations en matière d'immigration, vous
avez parlé de créer et d'accroître les activités de
"counselling" pour faciliter leur établissement au Québec et dans
les diverses régions du Québec. On pense que, oui, on peut donner
des services spécialisés et professionnels du côté
gouvernemental mais, de notre part, comme organismes non gouvernementaux on
peut jouer un rôle de coordination, on peut aussi jouer un rôle de
soutien affectif et un rôle au niveau des informations. Même s'il y
en a beaucoup qui sont partis, il y a quand même une partie qui est
restée ici au Québec et qui a réussi plus ou moins
à s'intégrer, au niveau économique au moins.
Peut-être qu'ils pourraient partager leur expérience et leur
savoir-faire avec les nouveaux arrivants, ils pourraient s'impliquer dans un
"network" de personnes-ressources pour aider les nouveaux arrivants. Je crois
que, sur ce point-là, il y a des choses qu'on pourrait élaborer
et sur lesquelles on pourrait travailler. Il y a beaucoup à faire, bien
sûr. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Ma. Mme la ministre,
peut-être un mot de remerciement.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, c'est ça. Vous savez que nous
sommes à organiser d'ailleurs des structures d'accueil pour les gens
d'affaires. Bien sûr que votre aide à ce niveau-là nous
serait aussi précieuse, comme dans d'autres secteurs, d'ailleurs,
parce que nous voulons créer un véritable partenariat avec non
seulement les organismes, mais aussi tous les leaders socio-économiques.
Donc, merci infiniment, merci beaucoup pour votre présentation et bon
voyage de retour.
Le Président (M. Doyon): M. le député, un
mot de remerciement aussi.
M. Boulerice: Oui. Vous nous avez donné, je pense, vous
trois, un très bel exemple des efforts soutenus de la communauté
chinoise et j'aimerais dire à M. Ma que je suis personnellement
très optimiste quant à nos interrelations.
Je croyais, M. Ma, comme député, avoir tout vu. Eh bien,
j'ai vu, moi, compte tenu de ma circonscription, un bingo "callé" en
cantonais et j'ai vu, quelques semaines après, un club de l'âge
d'or de ma circonscription jouer frénétiquement au mah-jong.
Alors, je pense que l'intégration va se réussir de
façon...
M. Ma: II dit que je connais un ami qui ne parle pas beaucoup le
français, mais qui peut jouer au bingo en français.
Mme Lam: Bingo.
M. Ma: II connaît les chiffres en français.
M. Boulerice: Mais, moi, je vous avoue qu'on avait "callé"
en cantonais. Ha, ha, ha! Merci de votre présence.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup...
M. Boulerice: Aïe! C'était quelque chose.
J'étais épuisé.
Le Président (M. Doyon): ...d'être venus nous
voir.
M. Boulerice: C'était assez drôle, ce n'est pas
possible.
Le Président (M. Doyon): Nous allons maintenant demander
au prochain groupe de bien vouloir s'approcher dès que vous aurez
quitté. Il s'agit du Département de santé communautaire de
l'hôpital Sainte-Justine et du Conseil communautaire de
Côte-des-Neiges.
DSC de l'hôpital Sainte-Justine et Conseil
communautaire de Côte-des-Neiges
Je souhaite la bienvenue à M. Kinloch, Mme Barey, M. Oré
et M. Côté. Je vous invite à prendre place.
Vous connaissez notre façon de procéder. Une heure maximum
au total; une vingtaine de minutes pour votre présentation, moins si
vous pouvez le faire. La ministre vous pose des questions pendant un temps
équivalent et les autres députés de l'Opposition font la
même chose. Alors, vous avez la parole. Veuillez vous présenter.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Kinloch (John): Bonjour, M. le Président. Je m'appelle
John Kinloch. Je suis le président du Conseil communautaire de
Côte-des-Neiges-Snowdon. J'ai, à ma droite, Marie-Claude Barey qui
est aussi avec le Conseil, Martin Oré et Roger Côté,
à ma gauche.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue! Vous pouvez y
aller.
M. Kinloch: On va tous présenter notre mémoire cet
après-midi. Je vais commencer en vous donnant un aperçu du
travail, du rôle du Conseil communautaire de Côte-des-Neiges. Comme
vous pouvez le lire dans notre document, le Conseil communautaire est né
d'une volonté dans la communauté de Côte-des-Neiges, pour
les groupes existants, de travailler ensemble, de se concerter. C'est justement
le mot "concertation" qui, je pense, résume beaucoup le travail du
Conseil communautaire depuis 1987.
Parmi les membres du Conseil communautaire, vous pouvez voir, en annexe
à notre mémoire, à peu près une vingtaine de
groupes communautaires, des groupes ethniques, des groupes qui travaillent sur
la question du logement, de la pauvreté, de la jeunesse et de la lutte
contre le racisme, par exemple.
Les priorités pour le Conseil communautaire cette année
sont justement la question de la pauvreté, les différentes
facettes de pauvreté qu'on voit dans une communauté de
Montréal qui est vraiment touchée par le problème de la
pauvreté, la question de la faim et aussi la question du logement. On
est préoccupé par le problème de la jeunesse aussi et par
le problème économique qui existe dans notre secteur avec le peu
de ressources qui existent pour les chômeurs et les
bénéficiaires de l'aide sociale. On travaille justement avec la
ville de Montréal au développement d'une corporation de
développement économique communautaire.
Côte-des-Neiges, pour les gens qui ne sont pas au courant, est
l'un des secteurs de Montréal les plus multiculturels de la
région de Montréal. On a, dans notre secteur, à peu
près une trentaine de différentes langues, des gens de
différents pays; 40 % des gens qui habitent le secteur sont nés
en dehors du pays, alors ça affecte beaucoup le travail qu'on essaie de
faire dans la communauté. (16 h 15)
C'est quoi, au juste, le travail du Conseil communautaire, comme tel? On
tient un forum par mois qui est un lieu de rencontre pour les
différentes gens qui travaillent dans le secteur. À nos
rencontres mensuelles, on a des gens qui
viennent des différents groupements ainsi que des conseils
municipaux de la ville de Montréal. On a des représentants du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.
À peu près tout le monde qui est impliqué dans le secteur
vient à nos rencontres qui servent de partage d'informations et de
concertation.
Le mémoire qu'on va présenter aujourd'hui est
divisé en trois parties: la partie immigration, la partie
intégration et la partie relations intercommunautaires. Alors, il y aura
des présentations sur ces trois points.
En terminant, le conseil communautaire vous fait part de notre
satisfaction de voir le Québec se donner une politique globale
d'immigration et d'intégration. Je vais passer la parole à M.
Roger Côté.
M. Côté (Roger): Très brièvement,
juste avant de débuter, juste pour compléter ce que John a dit,
le quartier Côte-des-Neiges est vraiment un des quartiers de
première instance et de premier établissement pour bon nombre de
ressortissants, bon nombre de réfugiés, bon nombre de gens des
communautés culturelles. C'est un quartier qui est en continuelle
reconstruction de cette façon-là, surtout dans la partie nord
qui, malheureusement, est une partie assez défavorisée et qui est
un peu fuie par tout le monde, ce qui fait que des logements sont toujours
disponibles. Et, comme les gens arrivent, n'ont pas beaucoup de choix et ont
besoin de se loger rapidement, ça constitue un lieu de logement, de
concentration pour beaucoup de communautés culturelles. Et ces logements
sont très malfamés, ce qui fait que, continuellement, les gens y
arrivent et, dès qu'ils sont en meilleure situation économique,
ils évoluent, ils vont deux ou trois rues plus haut. Et,
continuellement, il y a des gens qui prennent leur place.
Dans ce sens-là, dans notre mémoire, on n'est pas pour
vous parler d'immigrants investisseurs. Ce n'est pas la constitution du
quartier. Les gens qui arrivent au début au Québec et qui
s'établissent dans le quartier Côte-des-Neiges, malheureusement, y
viennent un peu parce qu'il y a une place libre là. Ça
n'empêche pas qu'un petit peu plus tard, ça a un impact
économique important. Si vous vous promenez dans les rues
Côte-des-Neiges et Victoria, vous verrez à quel point c'est
important, la présence des communautés culturelles, tant au
niveau de la restauration et de l'alimentation que des services. Le quartier y
est très représenté, en termes de présence
économique, par des gens des communautés culturelles.
Juste pour terminer là-dessus, je pense que Marie-Claude pourra
présenter la partie sur l'immigration.
Mme Barey (Marie-Claude): C'est ça. Tout d'abord, on se
réjouit de la reconnaissance officielle du fait que la diversité
ethnoculturelle, l'immigration, soit un facteur de développement pour le
Québec. On trouve qu'on doit continuer à faire la promotion
active de cette idée même si on a l'impression que c'est quelque
chose de partagé dans notre société.
Au sujet de l'augmentation de l'immigration francophone, on se dit...
Bon, on pense que ça procède de la supposition que les immigrants
francophones sont plus faciles à intégrer. Devant ça, le
conseil communautaire pense que ce n'est pas forcément le seul facteur
à considérer et, non plus, le plus important. On pense que la
langue est un facteur effectivement important. On est tout à fait
d'accord que le Québec doive affirmer son caractère
français mais, pour la réussite de l'intégration, on doit
aussi consacrer des efforts aux mesures de francisation, ici même. Il ne
faut quand même pas remettre en question notre capacité de
franciser ici.
Et aussi, la sensibilisation aux institutions et services publics, le
renforcement des activités d'initiation au mode de vie et les autres
aspects de l'intégration sont très importants. On ne peut pas se
fier seulement à la langue et se dire: Voilà, c'est fait, les
gens parlent français, ils vont s'intégrer comme ça, tout
seuls. Il y a vraiment un travail à faire là, auquel nos
organismes, d'ailleurs, participent.
Pour ce qui est de soutenir la réunification familiale, on trouve
qu'effectivement c'est une valeur importante, la réunification
familiale, pour la qualité de vie et la santé mentale des
immigrants. Effectivement, le réseau familial, le soutien émotif,
le soutien technique même ou, des fois, monétaire, c'est
très important pour l'équilibre de n'importe qui, finalement, et
encore plus pour une personne nouvellement établie ici.
Et quand vous parlez de la durée de l'engagement, à propos
du parrainage des parents, on semble comprendre que ça resterait
fixé à 10 ans pour les parents, c'est-à-dire que, bon,
pour les enfants, s'il s'agit de parrainer ses enfants, c'est trois ans. On
trouve ça tout à fait intéressant. Maintenant, pourquoi se
limiter aux enfants et exclure les parents? Donc, on a une question,
là.
Ensuite, vous parlez aussi d'un mécanisme pour le respect des
engagements financiers des parrains. Maintenant, il y en a déjà
un qui est en place et on trouve que ses effets sont assez désastreux
sur la dynamique familiale. Quand un parrainé doit poursuivre son
parrain, son parent, ça crée une situation intolérable,
invivable, extrêmement destructrice du climat favorable à
l'intégration. Et on s'inquiète aussi de l'effet que ca va
entraîner, la hausse du niveau d'engagement financier, sur la
réunification familiale. On a l'impression qu'on va seulement favoriser
les personnes qui ont les moyens, seulement les nantis, alors on a l'impression
que ça va à rencontre du principe de la réunification
familiale. C'est bon, la réunification familiale, mais on
dirait que c'est juste bon pour ceux qui ont les moyens de payer; et
ça semble... Et si on veut augmenter le niveau d'engagement financier,
ça nous cause un problème.
Ensuite, évidemment, il y a la question des délais. On
trouve que les délais doivent vraiment être réduits pour
permettre aux familles de se réunir. Et, finalement, sur ce
sujet-là, le fardeau du parrainage, on aimerait bien qu'il soit
partagé, qu'il puisse aussi être partagé par des parents.
Il existe le parrainage collectif, mais on voudrait que le parrainage collectif
se fasse aussi par les familles, que différents membres d'une même
famille puissent parrainer leurs parents ou leurs proches; c'est ça.
En ce qui concerne la situation des réfugiés, nous
considérons que l'immigration doit être perçue vraiment
comme un acte d'aide humanitaire d'urgence et on a de la difficulté
à concevoir qu'on garde les mêmes critères de
sélection. On considère qu'ils devraient être suspendus. Et
on s'inquiète du fait que, dans l'énoncé, le gouvernement
propose qu'on prenne en compte les objectifs de la politique
québécoise dans le règlement de l'arriéré
des demandes de statut. Pour nous, quand on regarde la lenteur du processus,
tout ça, et que, finalement, en bout de ligne, 80 % des personnes sont
acceptées, on se dit: Comment peut-on se permettre de laisser ces
personnes d'abord attendre si longtemps, et avec moins de services pendant
qu'ils sont là? Ils n'ont pas droit aux mêmes services. Ça
complique leur vie, ça compromet beaucoup leurs chances
d'intégration.
Ils ont besoin de tout le support possible pour s'intégrer.
Alors, on ne peut pas faire semblant qu'ils vont s'en aller. Ils ne s'en vont
pas, ils sont là. Ils restent avec nous. On doit vraiment oeuvrer
auprès d'eux. Nous, on se sent appelé, en tant qu'organisme du
quartier, à les aider comme on aide les autres organismes, les autres
immigrants reçus. Je donne des exemples: les allocations familiales; ils
n'ont pas droit à la pleine participation aux programmes de
francisation; les frais de scolarité qu'ils doivent payer au tarif des
étudiants étrangers; l'impossibilité de se
prévaloir de la réunification familiale; toutes ces
choses-là entravent et alourdissent considérablement la
possibilité de s'intégrer correctement. Donc, on pense qu'il dort
y avoir des correctifs apportés dans ces cas-là où les
revendicateurs de statut sont pénalisés et que leurs chances
d'intégration harmonieuse sont compromises.
Pour ce qui est du niveau d'immigration, on est d'accord avec ce que
l'énoncé de politique avance, une hausse du niveau en tenant
compte de la capacité d'accueil du Québec. On souscrit aussi
à la recommandation de la table de concertation de Montréal sur
les réfugiés d'augmenter graduellement l'admission à 1 %
de la population totale. Alors c'est, pour cette partie-là, ce que je
voulais vous dire. Je vais passer la parole à Martin.
Le Président (M. Gobé): M. Oré, vous avez la
parole.
M. Oré (Martin): Merci, M. le Président. Je me sens
un peu nerveux et je me sens vraiment éloigné, comme si
j'étais à un kilomètre du micro.
Le Président (M. Gobé): Non, non. Prenez ça
calmement. Vous allez voir, ça va très, très bien. Vous
pouvez relaxer, ce sera sans douleur.
M. Oré: Merci. On m'a mandaté pour parler de
l'intégration. Mais voilà, c'est un sujet assez difficile
à exprimer pour quelqu'un qui vient justement de surmonter certaines
étapes d'intégration dans cette société.
Je soumettrais l'exemple des voyageurs québécois quand ils
décident d'aller passer quelques jours au soleil. Je pense que la
première chose à faire est de s'assurer d'un hôtel
où on va rester. C'est quelque chose de semblable qui se passe avec les
immigrants qui décident de s'installer ici, au Québec. Je pense
que, pour n'importe quel immigrant qui arrive ici ou pour n'importe quel
citoyen québécois qui décide d'aller ailleurs, il y a
toujours des besoins premiers à résoudre avant d'entreprendre
d'autres actions qui accéléreraient ou faciliteraient
l'intégration comme telle à la société qui les
reçoit.
Quant au Québec, moi, je dirais qu'on identifie deux besoins
premiers ou deux besoins de base qui vont peut-être être la pierre
angulaire de la réussite de toute politique d'intégration et
d'adaptation des ménages immigrés. En premier, le Conseil
placerait le logement et ensuite le travail. Le premier, le logement,
s'avère une question de base parce que, si on ne sait pas où on
va rester, si on ne sait pas où on hébergera la famille,
évidemment, on coupe toute relation, que ce soit au niveau de
l'école, que ce soit au niveau des échanges interculturels, que
ce soit à tout niveau. Je pense que l'espace physique, l'endroit qu'on
appelle maison, pour un immigrant, est très important, surtout si on
tient compte que l'immigration que reçoit le Québec est
composée presque à la moitié de ménages
latino-américains qui viennent de notre propre continent,
l'Amérique. Et les notions "famille" et "logement" sont souvent
intimement reliées.
Ensuite, après avoir résolu de façon satisfaisante
la recherche d'un logement, on fait face à la recherche d'un emploi.
L'autonomie financière s'ajoute alors à l'autonomie
résidentielle. C'est après qu'on commence à chercher les
cours de français et c'est après qu'on commence à chercher
à nouveau un emploi, peut-être, parce que l'emploi qu'on a
trouvé en premier ne nous comblait pas, ne nous satisfaisait pas.
Alors, on ne va pas explorer plus en profondeur la question du logement
parce qu'il y a un groupe membre du Conseil communautaire
Côte-des-neiges-Snowdon qui répondra peut-être
à ça bientôt. Je parlerai plutôt de l'accès et
de l'intégration au marché du travail.
Évidemment, le Conseil communautaire
Côte-des-neiges-Snowdon est très heureux de voir que les volets
travail et logement son inclus comme des pôles importants dans le
processus d'intégration des ménages immigrés. Mais on
pense que le travail est aussi une condition nécessaire à
l'intégration. Donc, on encourage les programmes d'accès à
l'égalité et on encourage aussi que des comités de
surveillance de l'application correcte de ces programmes soient faits en
partenariat et avec la participation des membres des communautés
culturelles. Ce n'est pas étonnant que, pour 60 % des Jamaïquains,
le taux de chômage s'élève à 60 % et que, pour les
Haïtiens de 15-34 ans le taux de chômage soit de 40 %, et pour les
Latino-Américains de 33 %. (16 h 30)
Un des obstacles qui gênent justement l'autonomie au niveau de
l'emploi, c'est le problème des équivalences. Il faudrait
reconnaître l'expertise professionnelle déjà faite à
l'extérieur. On se demande pourquoi ne pas encourager les centres de
recherche d'emplois dans les centres communautaires ou dans les organismes
ethniques ou multiethniques. Il n'y en a pas tellement; il y a de rares
expériences comme ça à Montréal. Moi, je connais
personnellement deux centres de recherche d'emplois qui sont dirigés,
orientés, supportés, encadrés par des
Québécois et des Québécoises, et ça marche
très bien. On se rencontre là, avec des Québécois
et des Québécoises, et on fait face à une
réalité qui est dure: la récession, le manque d'emplois.
Peut-être que ce sont ces ressources-là qui nous font justement se
rassembler et puis, on partage nos ressources en commun. Alors, des
expériences comme ça, je pense qu'elles sont très valables
et il faudrait encourager la prise en charge pour chaque immigrant à
trouver son propre emploi, l'orienter, lui apprendre comment chercher un emploi
ici, parce que ce n'est pas la même chose si on le fait en
Amérique du Sud ou en Afrique.
Il faudrait aussi relier cette démarche de recherche d'emploi
avec les cours de français, bien sûr. On était très
contents quand on a entendu Mme la ministre, à Montréal, dire
qu'il y aurait aussi certains cours de français, peut-être
orientés vers le domaine d'intervention des immigrants.
C'est-à-dire que ceux qui seraient ingénieurs auraient quelques
mots, quelque lexique justement rattaché au niveau de leur
carrière professionnelle; je trouve ça excellent.
Le Conseil communautaire suggérerait aussi la création de
comités multipartites, employeurs, syndicats et communautés
culturelles, justement pour surveiller que les objectifs des programmes
d'accès à l'égalité en emploi soient vraiment
exécutés.
Quant au français langue commune, on reconnaît que
l'apprentissage du français, accompagné d'une initiation à
la culture de la société d'accueil, est une condition
nécessaire à une participation féconde dans cette
société. Mais, vous savez, par exemple, quand je suis
arrivé ici à Montréal, il y a six ans, j'ai pris un cours
d'initiation à la vie québécoise à
l'Université de Montréal; il ne se donnait pas ailleurs. On m'a
appris comment le français a récupéré sa place au
Québec. On m'a appris à partir de quel moment le gouvernement du
Québec payait ses employés en français parce que, avant,
il le faisait en anglais. On m'a appris la culture québécoise et
on m'a appris les peintres québécois. Moi, j'ai lu "Le vaisseau
d'or". On m'a appris la chanson du phoque, celui qui tourne le ballon sur son
nez. Et moi, je me demande: Peut-être étaient-ce des
éléments qui m'ont aidé à mieux m'intégrer
à cette société, mais j'ai dû les chercher par mes
propres moyens parce que je n'ai pas trouvé les ressources dans les
structures publiques de cette société qui nous recevait.
Bon! Alors, on est tous d'accord que le français doit être
encouragé et pas nécessairement qu'on doit parler français
pour mieux s'intégrer. Je pense que, pour nous, les nouveaux arrivants,
parler français, c'est aussi une manifestation de respect envers cette
société qui nous reçoit.
Le Président (M. Doyon): En terminant, s'il vous
plaît...
M. Oré: Le COFI. Moi, j'ajouterais...
Le Président (M. Doyon): Un instant! En terminant, s'il
vous plaît, compte tenu qu'une vingtaine minutes doivent être
réservées pour les questions. Si vous pouvez
accélérer un peu, peut-être...
M. Oré: En terminant, j'exprimerais l'inquiétude,
au Conseil communautaire, de voir un projet de rassemblement des quatre COFI de
Montréal en un seul. On pense qu'on ne devrait pas centraliser les COFI.
D'ailleurs, COFI, c'est l'abréviation de Centre d'orientation et de
formation d'immigrants; je pense que ce rôle d'orienteur et de formateur,
il l'a déjà perdu depuis longtemps. Il faudrait
récupérer ces rôles d'orienteur et de formateur, il
faudrait que ces orientations-là se fassent en partenariat avec les
organismes communautaires ou ethniques qui auraient déjà
développé une expertise quant à certains domaines
d'intervention concrète. On vous reconnaît le rôle de
directeur et de planificateur, de concepteur des programmes, mais je pense que
l'exécution de toute cette politique-là et des mesures
concrètes doit être confiée aux organismes qui auraient
l'expertise reconnue.
Je pense qu'au niveau de l'école on n'a pas seulement besoin d'un
plus grand nombre de professeurs, mais aussi de ressources
supplémen-
taires, c'est-à-dire des agents de liaison et des agents du
milieu. Ces agents du milieu font un travail excellent dans les écoles.
Ils ne favorisent pas juste l'adaptation des élèves, des enfants,
mais aussi l'adaptation des parents des élèves qui vont à
l'école. Alors, ils font des rencontres entre les parents et on trouve
ça enrichissant, surtout dans notre quartier de Côte-des-Neiges
qui est le plus multiethnique au Québec.
Là, je passe encore la parole à Roger Côté.
Merci.
Le Président (M. Doyon): M. Côté, je vous
rappelle qu'il faudra qu'il reste un peu de temps pour les parlementaires pour
vous poser des questbns.
M. Côté (Roger): Bien, c'est ça. Alors,
très rapidement, sur la troisième partie qui porte sur les
relations intercommunautaires, moi, je me souviens d'avoir entendu
régulièrement... Je travaille au CLSC Côte-des-Neiges,
alors je rencontre continuellement des gens d'autres CLSC qui me disent:
Comment fais-tu pour travailler dans Côte-des-Neiges? Ça doit
être difficile, ce paquet d'ethnies, c'est compliqué. Il y a des
gens qui s'imaginent toujours que c'est une affaire impossible.
Quotidiennement, dans le quartier, il y a des difficultés qui sont
supplémentaires, compte tenu de la grande diversité de la
communauté, mais, lorsqu'on établit une relation de partenariat,
lorsqu'on établit une relation comme on en a instauré une au
Conseil communautaire, comme les groupes sur l'accueil l'ont fait, où on
fait de la concertation dans le quartier, ça donne des résultats
qui sont les résultats du Conseil communautaire, des résultats de
plein d'organismes dans Côte-des-Neiges.
Il y a présentement des cours de français qui se donnent
pour à peu près l'équivalent de 1000, 1500 à 2000
personnes par semaine, des gens qui vont à des cours dans les
écoles. Dans les organismes du quartier, il y a 12 organismes qui le
font. De rassembler tout le monde, à la fois des acteurs sociaux, de
l'éducation et des différentes communautés culturelles,
ça se fait; ça se fait et ça se fait bien, même dans
un contexte de difficultés majeures comme celui de
Côte-des-Neiges, compte tenu de la clientèle; comme je l'ai dit,
c'est une clientèle qui a déjà des difficultés, de
prime abord.
Alors, lorsqu'on a lu l'énoncé de politique, toutes les
mesures qui sont amenées nous réjouissent beaucoup. On dit
même qu'il en faudrait plus. Évidemment, il en faudrait plus si je
regarde par rapport à beaucoup de mon travail que je fais, qui est celui
de sensibilisation de mes compatriotes québécois de vieille
souche, tel qu'Inscrit, qui, pour certains, n'ont pas toujours des relations,
en tout cas, de bons jugements par rapport à l'arrivée des
immigrants et des communautés culturelles. Je pense qu'il y a encore
beaucoup de travail à faire dans ce sens-là. C'est effrayant ce
qu'on peut entendre venant des Québécois là-dessus. Il y a
beaucoup de travail, il ne faut pas lâcher à ce niveau-là.
Je ne vous dis pas, cependant, qu'il n'y a du travail à faire que sur
les Québécois. Je sais aussi, pour travailler avec toutes les
communautés, qu'il y a aussi beaucoup de travail à faire
là.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Côté. Mme
la ministre, peut-être.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, on sait que la méconnaissance
fait peur. Alors écoutez, je veux vous remercier pour votre
présentation et, bien sûr, un merci plus particulier à M.
Oré pour son témoignage, qui était d'ailleurs fort
intéressant et très pertinent.
Vous faites allusion, dans votre mémoire, à la situation
particulièrement alarmante des jeunes Noirs qui connaissent des taux de
chômage anormalement élevés. J'aurais deux questions. Selon
vous, quels problèmes particuliers sont à la source de ces
difficultés d'intégration socio-économique dans le cas de
la communauté noire, anglophone et francophone? Ma deuxième
question: Outre les mesures prévues à l'énoncé, en
ce qui a trait, par exemple, à la mise en oeuvre de programmes
d'accès à l'égalité, au développement de
programmes d'amélioration de l'employabilité, quelles mesures
concrètes devraient être prévues pour répondre
à ces problèmes beaucoup plus particuliers?
M. Côté (Roger): Pour la dernière partie,
j'aimerais vous dire, Mme la ministre, que lorsqu'il... Les programmes
d'employabilité, d'une certaine façon, si je regarde par rapport
à la situation de certains jeunes que je connais bien, il y a beaucoup
de ressentiment de leur part face... Ils arrivent ici et, pour beaucoup, ils
sont assez bien scolarisés. Cependant, ils ne peuvent pas entrer sur le
marché du travail pour toutes sortes de raisons, qui sont à la
fois discrimination et autres. Je pense que les programmes
d'employabilité comme tels, peut-être s'il y avait une
bonification supplémentaire pour les minorités visibles, ce qui
se passe... Ces gens-là n'ont pas nécessairement besoin d'un
programme d'employabilité; ils sont, comme tels, adéquats pour
être employés. Cependant, ils n'arrivent pas à se placer.
Est-ce qu'il y a possibilité de trouver une mesure supplémentaire
pour bonifier chez les employeurs l'accès à l'emploi par rapport
à certains jeunes?
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Est-ce que c'est un problème
d'expérience québécoise?
M. Côté (Roger): II peut y avoir de ça, il
peut y avoir... Vous savez, au niveau des jeunes
sur le marché du travail, II y a plusieurs ramifications pour
trouver un emploi. Évidemment, il y a les contacts, ce que certains
n'ont pas. Il y a le contact personnel; vous savez, l'oncle qui travaille
à tel endroit et qui, lui, place son neveu. Évidemment, si vous
n'avez pas d'oncle, vous n'en avez pas. Il y a évidemment
l'expérience québécoise. Mais je connais des jeunes qui
sont nés ici, ou ils sont arrivés, et qui n'arrivent pas à
trouver un emploi. Et ce n'est pas du tout parce qu'ils n'ont pas la même
scolarité que les jeunes Québécois. Et d'ailleurs, dans
les études du... Je pense que c'était l'étude de Mme
Chicha-Pontbriand, qui est de la Commission des droits de la personne, qui
situe bien que, finalement, les jeunes des communautés culturelles et
spécialement certains jeunes des communautés visibles sont plus
scolarisés, plus formés, mais ils n'arrivent pas... Il faut
trouver une façon d'aller plus loin dans les programmes d'accès
à l'emploi; je parle de tous les programmes qui existent. Ça
serait sûrement une façon, en tout cas, d'accélérer
l'accès. Évidemment, il y a aussi tous les programmes
d'accès à l'égalité qui sont instaurés, mais
qui n'ont pas encore donné de résultats probants.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. À moyen et à
long terme, encore...
M. Côté (Roger): C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: On n'a pas encore... Ça va prendre un
certain temps avant qu'on puisse en voir les effets
bénéfiques.
M. Côté (Roger): Oui.
M. Oré: J'aimerais ajouter juste quelques petits mots.
Le Président (M. Doyon): Oui, monsieur.
M. Oré: Quant à la communauté noire, c'est
vrai que c'est difficile des fois de la connaître en profondeur, surtout
quand on parle de la communauté anglophone. Votre question est
très précise. Ce n'est pas la communauté noire dans son
ensemble, c'est surtout la communauté anglophone. Je pense que la
communauté anglophone est très chanceuse parce qu'elle profite
d'un préjugé assez répandu, qu'ils ne sont pas de bons
employés. Souvent.. J'ai lu l'année dernière un rapport
d'un conseiller en service social sur la communauté noire à
Notre-Dame-de-Grâce, Montréal. Il disait que la plupart des
adolescents, après leur 25e anniversaire, déménageaient
à Toronto parce qu'il était plus facile de trouver du travail
pour un Noir à Toronto qu'à Montréal.
Je pense que des mesures appropriées justement pour contrer ou
dégager ces idées aideraient beaucoup à développer
aussi l'employa- billté des jeunes Noirs. C'est la population
économiquement active qui est là, qu'on gaspille de cette
façon-ià. Je pense qu'il faudrait d'abord... Et je suis d'accord
avec Roger.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: Ma deuxième question porte sur le
respect de l'engagement dont vous faites mention dans votre mémoire.
J'ai eu l'occasion aujourd'hui, au cours de la journée, de faire part de
ce qui avait finalement motivé le gouvernement à conserver cette
période de 10 ans, et de 5 ans, entre autres, pour la famille un peu
moins immédiate, mais, 10 ans pour les ascendants. Bien sûr que la
question de la capacité d'intégration économique des
personnes visées a joué beaucoup dans cette décision. Bien
sûr que, par exemple, si je pense aux ascendants, il est plutôt
difficile parfois de s'intégrer au marché économique.
Donc, c'est un peu pour ça qu'on se dit: II est important à ce
moment-là que la famille puisse aussi partager avec l'État
certaines responsabilités financières à ce
niveau-là.
Je dois vous dire aussi, dans un contexte de rareté des
ressources et en particulier comme vice-présidente du Conseil du
trésor, que je me dois aussi d'assurer une saine gestion des finances
publiques. Ce qui revient à dire dans ce cas-ci qu'il faut veiller aussi
au respect par le garant de son engagement. Nous l'avons réduit mais
nous voulons, bien sûr, que l'on puisse respecter cet engagement. Je
pense qu'on ne connaissait pas, qu'on sous-estimait vraiment la valeur de
l'engagement qu'on signait. Souvent, on s'imaginait que, parce qu'on obtenait
la citoyenneté canadienne, on était automatiquement
dégagé de ses responsabilités. Alors, le gouvernement n'a
jamais, jusqu'à présent, fait respecter nécessairement cet
engagement. Nous, nous voulons mettre beaucoup plus d'emphase pour que la
personne, lorsqu'elle signe son engagement, sache véritablement,
finalement, la responsabilité qui lui incombe et, deuxièmement,
la respecte. (16 h 45)
Vous me disiez tout à l'heure: Bon, il s'agit d'un effet
désastreux sur la dynamique familiale quand un parrainé doit
poursuivre le parrain qui le parraine. Je me dis qu'il y a peut-être un
autre moyen, par exemple. Il y a peut-être un meilleur moyen d'assurer le
respect de l'engagement pris par le garant. Je pense, entre autres, aux
conjoints et conjointes: les conjointes qui sont bénéficiaires de
l'aide sociale et dont les conjoints, normalement, peuvent subvenir à
leurs besoins. Lorsque, par exemple, la conjointe a obtenu un jugement de
pension alimentaire et que le conjoint ne pourvoit pas à cette
obligation, souvent, la personne est obligée d'aller chercher de l'aide
sociale. On voit dans certains cas que le gouvernement supplée, va
chercher et
fait respecter cet engagement ou ce jugement pour la pension
alimentaire. Par exemple, dans un cas comme celui-là, si l'engagement
n'était pas respecté, le gouvernement pourrait-il faire la
même chose au lieu de laisser les parents s'entre-déchirer pour
aller chercher les sommes nécessaires? Est-ce que ce serait un meilleur
moyen?
Le Préaident (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Barey: Je ne crois pas vraiment. C'est-à-dire que, de
toute façon, il semble qu'en ce moment même la situation est qu'il
y a beaucoup de personnes qui étaient parrainées qui sont
forcées, sinon par une politique gouvernementale, du moins par
l'application des lois, peut-être de l'aide sociale, de poursuivre leurs
parents. C'est ça qui se passe dans les faits en ce moment. Ce qu'on
vous dit, c'est que ça crée un climat désastreux. On est
tout à fait conscients du besoin de faire respecter l'engagement. Je
pense que c'est important que le gouvernement fasse mieux connaître la
portée de cet engagement-là. Il reste malgré tout que la
façon de le faire respecter en bout de ligne, les méthodes qui
sont appliquées en ce moment sont mauvaises.
Mme Gagnon-Tremblay: Le meilleur moyen pour faire respecter
ça, est-ce que vous pouvez me suggérer de meilleurs moyens pour
faire respecter l'engagement?
Mme Barey: Ce n'est effectivement pas facile à trouver
comme meilleur moyen. Maintenant, je pense qu'il y a certainement moyen de
trouver une façon. Ce n'est peut-être pas notre
spécialité à nous, au Conseil communautaire. Il y a
peut-être des groupes qui peuvent vous apporter des suggestions en ce
sens-là. Ce que je pense, c'est qu'il faut respecter l'objectif de
réunification des familles en ce sens-là aussi.
Mme Gagnon-Tremblay: Comprenez que le Québec est quand
même une province très ouverte à la réunification de
la famille, aux réfugiés. Le Québec est très
généreux aussi. Vous savez aussi, cependant, qu'il y a des
milliers, des milliers et des milliers de personnes qui veulent venir rejoindre
leur famille au Québec, que nous avons, bien sûr, 15 bureaux
à l'étranger, que nous avons des ressources qui sont
limitées et que, pour être capables de faire venir aussi ces
familles, il faut que ces familles soient intégrées au
marché du travail; ou bien, il ne faut pas non plus qu'elles soient -
comment pourrais-je dire, donc - aux crochets de la société.
Je pense que ce que les gens veulent ou ce que la société
québécoise veut, c'est des gens qui vont répondre aussi
aux objectifs économiques du Québec. Alors, on veut aussi une
société dynamique. En ce sens-là, si, par exemple, on fait
venir des familles et qu'on demande à quelqu'un de pourvoir à
leurs besoins pendant un certain délai, c'est pour permettre à
ces personnes, leur donner la chance de se familiariser pour pouvoir
intégrer le marché du travail et subvenir à leurs propres
besoins.
Mais si, cependant, il arrive, parce qu'on ne peut pas tout
contrôler, que ces personnes... c'est un cas vraiment exceptionnel, je
pense qu'il faut le comprendre, il faut l'accepter, parce qu'on peut avoir une
situation financière une journée et elle peut être
très changée en 3 ans ou 10 ans, comme c'était le cas.
Sauf que pour les personnes qui en ont les moyens et qui font venir ces
parents-là, ne croyez-vous pas qu'il est juste et normal pour le
gouvernement, qui doit aussi, comme je vous le disais tout à l'heure,
gérer les finances publiques d'une façon saine, compte tenu aussi
de toutes les autres familles qui désireraient venir et être
sélectionnées ici au Québec, qu'il puisse faire respecter
cet engagement?
Mme Barey: On n'est pas contre. Je pense qu'une des suggestions
que le Conseil fait par le parrainage conjoint de parents peut être une
solution dans le sens que le fardeau, à ce moment-là, est
réparti sur plusieurs parents et non pas juste sur un fils ou une fille.
Les frères et les soeurs peuvent se mettre ensemble pour faire venir
leurs parents, par exemple.
Mme Gagnon-Tremblay: Sauf qu'il reste toujours l'odieux de
poursuivre son parent, quand même.
Mme Barey: Oui, c'est sûr. Ça ne règle pas ce
problème-là mais disons que ça amène les gens dans
le... Bon, pourquoi les gens sont-ils obligés de poursuivre leurs
parents? Ce n'est pas forcément parce que les parents sont
irresponsables ou n'aiment plus leurs enfants; c'est simplement que, souvent,
leur situation économique a changé. La crise économique se
vit à tous les niveaux; alors, ces personnes se retrouvent dans une
situation économique différente et n'ont plus les moyens
d'assumer, cinq ans plus tard, la charge de leurs parents.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député
M. Boulerice: J'ai le goût de vous dire: Enfin, vous
voilà! Parce que je pense que vous nous avez donné ce qu'une
collection littéraire appelle Scènes de la vie quotidienne d'un
jeune immigrant. Je vois ce que M. Oré nous a livré, et vous,
vous insistez sur des facettes extrêmement importantes: le logement, la
pauvreté, le racisme. Il ne faut pas se le cacher et avoir peur des
mots. J'avais un peu craint que ce débat sur
l'immigration ne soit uniquement limité à cette
espèce de loterie de l'immigrant investisseur. C'est plus vaste que
ça; des facettes qu'on risquait peut-être d'oublier, je pense que
vous nous les avez mises, comme on le dit en bon québécois, en
pleine face, et c'est très utile que vous l'ayez fait comme tel.
Vous avez aussi abondé de façon assez opportune sur les
réfugiés et, quand on a vécu comme moi, madame et
messieurs, le tragique épisode des réfugiés turcs au
sous-sol de l'église Saint-Robert, on ne veut plus revivre ce drame,
d'où l'importance que j'attache à cette donnée du
problème. Je suis heureux de constater que c'est extrêmement
présent dans votre réflexion et dans le "transcrit" de votre
réflexion.
Vous tracez un portrait on ne peut plus montréalais - c'est le
discours que je tiens depuis le début et je ne vais pas en
dévier; d'ailleurs, vous me convainquez de continuer -un portrait
étonnamment montréalais en parlant justement du chômage,
des problèmes de logement et de ces poches de pauvreté. Donc,
l'allusion que j'ai faite hier à ce Québec cassé en deux
où on voft Montréal, ce "T" de pauvreté, vous êtes
dans l'une de ces lignes, dans Côte-des-Neiges. La situation que vous
décrivez nécessite-t-elle... Parce que j'ai posé la
question et certains groupes n'ont pas réagi. D'autres ont
répondu oui, mais de façon peut-être un peu timide. Je leur
ai posé la question: Croyez-vous qu'il soit nécessaire - et je
vous la pose - que le ministère adopte une stratégie
particulièrement montréalaise quand on aborde le dossier de
l'immigration? C'est chez nous que ça se vit, à au-delà de
90 %.
M. Oré: Je commencerais peut-être et tu
compléteras par la suite. Je pense que je serais favorable à
cette idée-là étant donné que vous êtes
confrontés à un quartier qui, de plus en plus, reçoit des
ménages vietnamiens. Je ne sais pas si c'est le cas de tous ceux
présents ici, mais Mme la ministre représente aussi Sherbrooke,
où il y a une certaine représentation des ménages
immigrés qui, après, vont se déplacer vers
Montréal. Alors, la ville de Montréal concentre, à elle
toute seule, à peu près 90 % de l'immigration qui entre au
Québec; donc, la réalité multiethnique se vit plutôt
à Montréal qu'à Québec.
Le problème qu'on retrouve, c'est que presque tous les programmes
en matière d'immigration, les programmes et politiques de services, sont
élaborés ici, à Québec, et ont comme objectif de
desservir l'ensemble de la population québécoise. Donc, souvent,
à partir de ce mécanisme d'élaboration, on ne tient pas
compte de certaines réalités qui pourraient être
vécues à Montréal, d'où l'expression de M.
Doré, le maire de Montréal, que c'est à Montréal
que la réalité ethnique se passe, se vit, mais c'est
Québec que ça concerne. Alors, je pense qu'il devrait y avoir des
politiques spécifiques pour Montréal parce que, en ce moment,
soyons objectifs, Montréal concentre la presque totalité des
immigrants.
Je penserais qu'au niveau, par exemple, des programmes d'habitation, des
programmes d'accès à l'employabilité, des programmes de
santé et d'adaptation des services, il faudrait aussi ajouter ou tenir
compte de cette réalité qui est tout à fait
incontournable.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré. M.
Côté.
M. Côté (Roger): Oui. Juste pour compléter.
Vous avez remarqué que, dans notre mémoire, on n'a pas
parlé de la régionalisation, qui est un objectif important, parce
qu'on s'est dit: Ça nous concerne moins. On est dans un quartier de
Montréal et, sans être contre la vertu, on a regardé
l'objectif de régionalisation et on s'est dit que c'est peut-être
un objectif à long terme; sauf que, présentement, c'est à
Montréal que ça se passe. On ne voit pas le lendemain où
ça va être modifié dans ce sens-là. Donc, s'il y a
des programmes et s'il y a des actions à y avoir venant du
ministère, Montréal est encore et ça demeure la
région la plus importante par rapport à ça.
Deuxième chose, lorsque je regarde les gens qui arrivent dans le
quartier Côte-des-Neiges et qui viennent s'établir, ils se sentent
très confortables de s'établir dans le quartier
Côte-des-Neiges parce que vous n'êtes pas le Vietnamien de Rimouski
ou le Cambodgien de Trois-Pistoles; vous êtes un Vietnamien qui vient
s'établir dans un quartier de Montréal. Et quelqu'un qui va aller
s'établir à Trois-Pistoles a, lui, la charge de l'immigration sur
le dos, la charge de l'intégration sur le dos et la charge de
l'intégration économique. Je peux comprendre que les gens se
sentent un peu inconfortables d'y être avec ce fardeau
supplémentaire.
Tandis que s'ils viennent s'établir dans un quartier à
Montréal où ils voient à la fois des Noirs, des
Vietnamiens, des Cambodgiens, bien, ils sont marginaux parmi d'autres
marginaux. Dans ce sens-là, il y a une situation d'inconfort qui est
plus partagée, ce qui fait qu'on est plus confortables dans ce
sens-là. C'est pour ça que les programmes de
régionalisation, j'émets un petit doute là-dessus
même si, dans le fond, c'est très vertueux. Je pense qu'on doit
continuer de l'être mais il va toujours y avoir cette question qui va
demeurer: Comment est-ce que les Québécois vont recevoir, eux qui
ne sont pas habitués, non pas de façon maligne mais... Parce que,
quelque part, vous allez toujours être le Cambodgien de Rimouski. C'est
beaucoup pour une personne.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Côté. M.
le député.
M. Boulerice: M. Côté, vous dites qu'on n'a pas
abordé la régionalisation sauf que je me souviens, à
l'époque où j'ai assumé de façon très
officielle le dossier des communautés culturelles et de l'immigration,
ma formation politique avait organisé une tournée qu'on avait
appelée Grandes Oreilles. Il y a des gens qui avaient fait des blagues
là-dessus mais ça avait été intéressant
puisqu'on avait fait le tour du Québec, dans l'ensemble. J'avais
trouvé ça extraordinaire parce que, quand un politicien arrivait
en région - et Mme la ministre le sait - il y a des années, on
disait: On veut notre CLSC, on veut notre bout de route. Mais quand je me suis
retrouvé dans l'Estrie, à Sherbrooke... Rappelez-moi comment
s'appelle ce merveilleux organisme qui existe chez vous.
Une voix:...
M. Boulerice: Je me suis retrouvé à
Trois-Rivières, je me suis retrouvé à Hull. Je voyais ces
gens-là qui étaient en majorité Québécois,
tuque et bas de laine - j'emploie toujours l'expression. Mais là, ce que
j'entendais comme discours, c'était: On veut nos immigrants. Vous vous
imaginez dans quelle situation j'étais. Je me disais qu'il y a quand
même des mentalités qui ont évolué au Québec
puisque déjà, en région, nous, Montréalais, oui, on
le vit et on croit que, seuls, nous avons cette préoccupation-là.
Mais c'est faux; l'ensemble des Québécois l'ont. Et ces
gens-là avaient vécu le système de parrainage, qui a
été extraordinaire. C'est une idée qui continue d'ailleurs
d'être retenue dans le livre et ça, je m'en réjouis. Ces
gens-là disaient: Je veux mes immigrants. Je trouvais ça
affectif. Bon.
Ceci dit, là, vous ne voulez pas le développer maintenant
mais moi, je vais transposer cette régionalisation sur notre belle He
à Montréal. Vous ne pensez pas qu'on devrait régionaliser
aussi, également, à Montréal? Pourquoi dans
Côte-des-Neiges? Il y a de la place dans Sainte-Marie-Saint-Jacques. (17
heures)
M. Côté (Roger): Je pense que ça va se faire
par une attraction naturelle, tranquillement. La raison pour laquelle ça
s'est fait à Côte-des-Neiges, c'est évidemment pour ce que
je vous ai dit. On se sent moins inconfortable dans un lieu où on est
moins marginal. Petit à petit, il y a un transport des populations. On
n'a qu'à voir la communauté asiatique sur la rive sud, qui
devient de plus en plus importante. Je ne comprends pas; du côté
de la rive nord, il y a quelque chose qui se passe entre Laval et
Montréal. Ça ne passe pas autant que sur la rive sud. Mais je
pense que, petit à petit... C'était impossible autrefois de
passer la rue Saint-Laurent; je pense que ça se traverse beaucoup
maintenant.
Je ne sais pas comment, spécifiquement par rapport à des
établissements, on pourrait faire.
Peut-être... Il y a à Montréal trois ou quatre
organismes qui sont responsables de chercher des logements pour
l'établissement des réfugiés, entre autres, et qui ont des
contrats avec les ministères: Hirondelle, La Maisonnée, le CSAI,
la Maison internationale. Peut-être qu'à travers ce
travail-là il faudrait essayer de disperser un peu plus et d'aller
à Sainte-Marie-Saint-Jacques. Ça pourrait être une des
solutions. Je sais que, traditionnellement, ces gens-là ont
trouvé des logements dans le quartier Côte-des-Neiges, pour des
raisons que j'ai expliquées tout à l'heure. Mais il y a
présentement 10 % ou 12 % de disponibilité au niveau des
logements à Montréal. Donc, il doit y en avoir ailleurs.
M. Boulerice: Bon. C'est là où je voulais
également vous amener. M. Oré en a fait mention tantôt en
disant qu'il y aurait potentiellement, je crois, un autre groupe qui en
parlerait. Mais peu importe, j'aimerais avoir également votre opinion.
Il a parlé du logement et vous parlez d'accès au logement. Oui,
il y a un taux de vacance assez important à Montréal au niveau du
stock de logements locatifs privés. Bon, il ne faut pas s'imaginer qu'on
va les envoyer dans les luxueux condos qu'on connaît dans toute la
périphérie de Côte-des-Neiges. Ils ne sont accessibles pour
personne, y compris tous ceux qui sont autour de cette table, ces
condos-là.
Donc, il y a un taux de vacance mais vous savez comme moi, M.
Côté, que les prix sont fous. Le prix des logements, c'est fou. Et
je mets quiconque au défi - et je suis prêt à un
débat public là-dessus - de me dire qu'il y a eu, depuis 1985,
une augmentation de la construction de logements sociaux. Au contraire, il y a
eu une baisse dramatique. Et il n'y a pas que l'immigrant investisseur qui
arrivera. Il y a une immigration qui va arriver avec un tout petit
pécule, ils ne peuvent pas s'en aller dans un quatre et demi à
650 $ et 700 $, parce que les prix flambent même dans ma propre
circonscription. Ça devient inabordable d'habiter une partie du
centre-sud et le Plateau Mont-Royal.
Comment va-t-on faire pour l'accès au logement? C'est un fichu
problème de dire à des gens: Venez chez moi; mais je ne suis
malheureusement pas le Mexique, on est obligés d'avoir un toit. Comme je
dis, au Mexique, je me contenterais d'un "palapas", parce qu'il y a la chance
de faire soleil. Mais ici, vous voyez ce qu'on a, ici, à
l'extérieur. Donc, il nous faut un logement abordable, confortable,
propre, etc. Mais comment va-t-on faire? Parce que ces gens-là n'ont pas
les moyens, à moins de revivre ce que bien des immigrations ont
vécu, de s'entasser à quatre ou cinq ou six familles à
l'intérieur d'un logement. Et Dieu seul sait que cette
promiscuité-là n'en est pas une de soutien. Au contraire. Elle
peut en être une de conflit.
Le Président (M. Doyon): M. Martin Oré.
M. Oré: Moi, j'aimerais juste parler de la première
partie de votre intervention, quant à la régionalisation. Moi, si
je pense à déménager... Moi, j'habite à
Montréal mais, si je pensais à déménager en Estrie
ou à Québec, l'effet immédiat que ça met bien dans
ma tête, c'est que je vais tomber en chômage. Et c'est ça.
Ensuite, je suis conscient que le problème de logement, c'est un
problème aigu; mais je ne suis peut-être pas aussi pessimiste que
vous l'êtes. Je pense qu'il y a toujours des pistes de solution et des
alternatives à proposer, surtout quand on échange entre
décideurs et clients, comme cette fois-ci. Je pense que c'est la
première fois dans l'histoire du Québec que des immigrants ou des
organismes ethniques sont au Parlement et discutent justement sur un
énoncé de politique qui est tout à fait valable et
défendable.
On sait que Montréal concentre, à lui tout seul, 90 % de
l'immigration; 25 % de la population montréalaise est immigrante,
reliée de près ou de loin à l'immigration. Est-ce qu'on
peut imaginer, si on retire tous les immigrants de Montréal, à
combien augmenterait le taux de vacance des immeubles locatifs? Voilà.
C'est grâce à l'immigration, justement, qui s'établit
année après année à Montréal, que le taux de
vacance à Montréal est d'à peu près 4,5 %.
Alors, le problème qui se pose c'est que, s'il y a un taux de
vacance, les logements les plus chers ne sont pas loués. Et il y a des
concentrations massives de communautés ethniques dans certains
arrondissements. C'est tout à fait vrai parce que, quand on arrive dans
une terre qu'on ne connaît pas, on cherche d'abord le support moral, le
support de la communauté et le support physique aussi. Alors, je pense
qu'il y a un problème de logement, on le reconnaît. Je pense qu'on
connaît assez bien la problématique. On en parlera peut-être
après, mais je pense que...
Vous savez qu'il y a quatre ans la Loi sur la Société
d'habitation du Québec, dans son article premier, disait: Faciliter
l'accès à la propriété par les citoyens
québécois dont l'immigrant et le résident permanent. Les
revendicateurs sociaux étaient pratiquement exclus. Ça a
changé. Ça a avancé beaucoup. Maintenant, les immigrants
reçus peuvent accéder à un logement coopératif,
peuvent bénéficier de l'accès à la
propriété et des programmes d'accès à la
propriété de 7000 $ par logement. C'est juste le revendicateur du
statut de réfugié politique ou de réfugié qui est
toujours pénalisé, même dans les COFI. Il n'y a pas de
structure d'hébergement temporaire au Québec pour accueillir des
nouveaux arrivants, et pire encore pour les réfugiés. Il n'y a
pas un cerveau capable d'orienter la recherche d'un logement. Où aller
plutôt qu'ailleurs? Un logement coûterait 400 $ à
Côte-des-Neiges; un logement semblable pourrait coûter
peut-être 250 $ ou 300 $ à Hochelaga-Maisonneuve ou dans le
centre-sud, par exemple.
Dans votre comté, vous avez une société ache-teuse,
la plus forte à Montréal, Interloge...
M. Boulerice: Oui, mais elle ne peut pas acheter parce que les
prix sont trop élevés.
M. Oré: ...et puis nous, par exemple, on encourage les
nouveaux arrivants à aller habiter dans votre comté...
M. Boulerice: J'espère bien.
M. Oré: ...parce que ça coûte un peu moins
cher qu'à Côte-des-Neiges. Pourtant, souvent, la qualité
matérielle d'habitabilité est meilleure. Vous voyez, c'est juste
qu'un nouvel arrivant ne connaît pas tellement bien le marché
locatif de la métropole et ne connaît pas non plus tellement bien
tout le programme et les organismes qui pourraient être à sa
portée pour l'aider.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Oré.
M. Boulerice: M. Oré, je trouve ça vraiment
très sympathique que vous vouliez assurer ma réélection
mais on ne fera pas le débat sur le logement.
Le Président (M. Ooyon): M. le député, je
vous signale que le temps est expiré.
M. Boulerice: Oui, monsieur. De toute façon, au niveau du
logement, je conclurai, M. Oré, en disant que, malheureusement,
l'entreprise privée ne fera pas de logement social; et il y a
malheureusement... Et je suis prêt à un débat public avec
qui que ce soit sur le désengagement de l'État dans le logement
social. Et s'il y a une augmentation du taux d'immigration, on risque d'avoir
un problème pour ce qui est de les loger. Je ne souhaiterais pas qu'on
les mette dans des camps de toile. Alors je pense que, quand vous avez
souligné le problème de logement, il était
extrêmement pertinent. Je pense qu'une politique de l'immigration, si
elle se construit avec le ministère de l'Éducation, elle devra
également se construire avec... Enfin, il n'y a plus de ministère
de l'habitation au Québec mais un ministre responsable de l'habitation.
Je suis persuadé que vous en convenez.
Le Président (M. Doyon): Alors, Mme la ministre, si vous
avez quelques mots pour les quelques minutes qu'il vous reste.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, je pense que je
n'argumenterai pas. On pourrait argumenter longtemps sur l'opinion de mon
collègue mais je pense qu'au-delà des mots, finalement, qu'est-ce
que c'est, une stratégie montréalaise? Pour moi, c'est de
l'action. Et dans l'énoncé de politique, les nombreuses mesures
qu'on retrouve, c'est pour, justement, 80 % à
85 % de la population de Montréal parce qu'elle est là,
elle est située là. Donc, c'est ça, finalement, la
stratégie: c'est l'énoncer par ses actions.
Il s'agit, par contre - c'est pour ça qu'on est ici - de bonifier
aussi ces actions-là, je pense. Je veux vous remercier. Je veux vous
remercier parce que vous nous avez enrichis de votre expérience. Et je
veux dire à M. Oré: Vous serez toujours le bienvenu dans la
région de l'Estrie, M. Oré.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Merci
d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer. Je pense que ça a
été très utile pour tout le monde. Maintenant, nous allons
vous permettre de vous retirer, si vous voulez bien, et demander au groupe qui
vous suit de prendre votre place à la table des invités. Alors,
M. Côté, M. Oré, madame, M. Kinloch, merci beaucoup.
Maintenant, nous avons le plaisir de recevoir le Congrès
hispano-canadien. Il est supposé y avoir le père Marcel Quirion
qui est ici, je lui demanderais de s'avancer. Mme Mon-réal, Mme Vera et
M. Guerra peuvent prendre place en avant.
Des voix:...
Congrès hispano-canadien
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Donc, c'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons le Congrès
hispano-canadien. Je leur souhaite la bienvenue au nom des membres de la
commission. Je leur demande, maintenant qu'ils ont pris place en avant, de bien
vouloir se présenter. Vous connaissez nos règles, elles sont
simples: une vingtaine de minutes pour la présentation et, ensuite, un
temps égal pour les deux partis représentés à cette
commission pour vous poser des questions ou faire des commentaires.
M. Quirion (Marcel): Je suis Marcel Quirion, président du
Congrès, de façon provisoire.
M. Guerra (Jorge): "Mi nombre", mon nom - excusez-moi - est Jorge
Guerra. Je suis président de l'Association latino-américaine de
Côte-des-Neiges et aussi membre du Congrès hispano-canadien,
section Québec.
Le Président (M. Doyon): Madame.
Mme Vera (Gloria): Je m'appelle Gloria Vera; je suis travailleuse
sociale et impliquée dans la démarche de l'actualisation des
forces vitales humaines à l'Institut de formation et de
rééducation de Montréal.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à vous trois et
soyez assurés que nous allons vous écouter avec beaucoup
d'intérêt. Vous pouvez commencer.
M. Quirion: D'abord, j'avouerai en public, à ce public-ci
pour le moins, mon enchantement quand j'ai pris connaissance de
l'énoncé de politique d'immigration et d'intégration;
ça a été un peu comme une bonne nouvelle qui vous
empêche de dormir après. Je comprends qu'on veut mettre des
enjeux, des objectifs poursuivis par cet énoncé comme
prioritaires dans le plan d'action du gouvernement. C'est une vision qui
mérite beaucoup de respect. Je vous dirai que les autres provinces du
Canada dont je connais quelques-uns des programmes et les pays d'Europe dont je
connais des programmes à travers l'ARIC, l'Association de recherche
interculturelle, seraient fiers d'avoir un programme politique comme
celui-là pour l'immigration.
L'autre dimension qui vient, s'annonçant depuis quelque temps,
c'est qu'on veut mobiliser tous les ministères qui sont près de
la société pour qu'ils offrent aussi leurs services, et non pas
limiter le problème de l'immigration au MCCI, au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration; ça, c'est d'une
très grande importance. Dans quelle mesure suivront-ils on ne
suivront-ils pas? Ça, je ne le sais pas. J'espère qu'ils
suivront. (17 h 15)
J'ai aimé aussi le contrat social et la façon dont il
était défini: L'intégration du projet de vie d'immigrant
avec le projet de la société québécoise. Mais - il
y a un "mais", malheureusement; il n'y a jamais rien de parfait dans ce
monde-ci - même si l'énoncé semble très complet et
très précis, à mon avis, il semble idéaliser la
pleine contribution et la pleine participation de l'immigrant. Cette
participation de l'immigrant m'inquiète. C'est pour ça que je les
accompagne depuis 40 ans; au Québec, depuis moins de temps, mais
à l'extérieur, oui. D'abord, je pense, comme première
observation, qu'on prend trop l'immigrant comme un autre
Québécois, mais un petit peu différent. Ce n'est pas vrai
du tout. Pour avoir passé plus de la moitié de ma vie avec eux et
avoir côtoyé leur monde intérieur, je peux vous dire qu'ils
sont très différents. D'abord, nous avons une culture
occidentale, rationnelle et le tiers monde aussi, il a sa raison; il se sert de
son jugement pour faire ses choix, mais il est surtout émotionnel,
émotif. La guerre du golfe Persique a pu illustrer un peu ça pour
celui qui était inquiet à ce point de vue là.
Ce que je crains, ce n'est pas un manque de motivation de la part de
l'immigrant pour s'intégrer; ce que je crains, ce sont ses blessures
psychologiques qu'il porte, qui l'empêchent de faire les pas qu'il
aimerait faire, qui l'empêchent d'être ouvert comme il voudrait
l'être, qui l'empêchent d'accompagner un projet qui lui est
présenté. Dernièrement, je lisais à travers la
littérature du Conseil canadien du multiculturalisme, toutes les
publications, tout le mouvement qui se faisait de Halifax à Vancouver
pour accompagner des élèves et accompagner des adultes face
à l'image qui était projetée du golfe Persique. On
s'occupe d'eux autres parce qu'on a peur qu'ils soient traumatisés.
Quand des coopérants partent pour l'Amérique latine ou partent
pour l'Afrique, on leur donne des sessions spéciales de
préparation pour que le choc psychologique ne soit pas trop fort. Est-ce
que l'immigrant ne mérite pas la même chose? Moi, je le pense.
Vous pouvez prendre les plus belles mesures du monde, mais si lui, dans son for
intérieur, ne vous accompagne pas, pour une blessure ou une autre, le
plan va rester à moitié chemin ou à peine... -
excusez-moi, je parle espagnol - il fera quelques pas, il restera
là.
Premièrement, je dirais - vous avez dû probablement lire le
rapport si vous avez eu le temps ou si vous avez la même patience que je
vois aujourd'hui, vous l'avez certainement lu - qu'il ne faut pas oublier qu'un
immigrant, c'est un coeur brisé, à la base, en arrivant ici. Il
est brisé parce qu'il est séparé de son milieu social, de
son milieu d'amitié, son milieu de relations, son milieu physique, parce
que la majeure partie d'entre eux sont de zones torrides ou tropicales. Ces
bonshommes-là, cette blessure de la séparation faite par une
violence ou économique ou politique, peu importe, ça, ça
ne se ferme pas du jour au lendemain, ni d'une année à l'autre
non plus. C'est déjà un handicap qu'eux portent dans toute leur
démarche ou leur vécu ici, au Canada.
À part ça, il ne faut pas oublier - parce que ce sont eux
qui me le disent, ce n'est pas moi qui l'imagine - qu'eux se sentent plus
défavorisés que n'importe quel Canadien. Je ne fais pas de
commentaire, c'est dans le rapport. Ils se sentent plus
défavorisés que le plus pauvre des défavorisés ici,
à Montréal; c'est comme ça qu'ils se sentent. Seulement
pour la pauvreté de leur français, eux sont loin de la
communication qu'ils pourraient faire avec les différents services. Ils
sont pauvres de l'information qu'ils devraient avoir sur les services qui
pourraient leur donner de l'aide. Ils sont isolés. Ils sont même
marqués comme peut l'être l'ex-détenu.
Je travaille, en même temps que je travaille avec les immigrants
latino-américains, dans les prisons; j'accompagne les bonshommes pour la
réhabilitation par après; eux sont marqués du doigt. La
plupart des employeurs n'en veulent pas. L'immigrant, c'est un peu comme
ça, c'est un étranger: Toi, tu n'es pas un
Québécois. Ça fait un bonhomme qui est très
vulnérable. Donc, n'importe quel geste ou parole qui semble manquer de
respect à sa personne le blesse. Un autre, ça ne le blessera pas,
mais lui, ça va le blesser. Par exemple, quand il recherche un loyer,
est-ce que le propriétaire a la même réaction en face de
lui qu'il a en face d'un
Canadien ou d'un Québécois? Ah non! La majorité:
non. Il y a quelques exceptions, oui. Parfois, je suis même allé
pour les personnes louer un appartement après qu'il eut
été refusé à un immigrant. L'appartement
était prêt. Vu que j'étais un Québécois, le
bonhomme me l'a loué.
Dans l'apprentissage du français, la plupart de vous autres
doivent connaître ma position là-dessus. J'ai été
dans la pédagogie pendant la majeure partie de ma vie. Je trouve qu'il
manque beaucoup, qu'il y a beaucoup à réviser. De temps en temps,
quand j'entends Mme la ministre ou d'autres dire qu'il va y avoir des
rénovations au niveau du COFI, j'en suis très heureux. Mais il y
a beaucoup à changer à ce niveau-là. Seulement au niveau
de ia classe, quelqu'un qui ne va pas à l'école depuis 15 ans,
qui n'a pas lu de livres, qui a peut-être lu le journal, lui donner 5
heures de classe de français par jour, 5 jours par semaine pendant 30
semaines, c'est fait pour vomir le français et non pas pour l'aimer.
Pour moi, l'important, c'est qu'il apprenne moins au COFI, mais qu'il prenne le
goût du français. Ça, c'est possible, par exemple. Comme
quelqu'un l'a mentionné ici tout à l'heure - je ne me souviens
pas qui - on fait la même chose au Carrefour latino-américain: on
fait des classes sur mesure, pour des petits groupes, avec beaucoup moins
d'heures. On a fait la comparaison entre ceux qui finissaient au COFI et ceux
qui finissaient chez nous. La différence n'est pas tellement grande.
Eux, ils étaient amourachés du français. C'était
toute la différence du monde.
J'aurai des suggestions tout à l'heure pour le COFI. C'est
certainement facile de couper les classes de français. Ils doivent vivre
ici, au Québec. N'est-ce pas aussi important d'apprendre à vivre
au Québec, avec des Québécois, que d'apprendre le
français? Je pense que c'est quelque chose en relation avec ça.
Même, ils doivent savoir les valeurs du monde québécois. Ce
n'est pas facile pour un étranger. Vous êtes en évolution
et notre culture n'est pas tellement définie et se cherche et,
heureusement - je suis content de ça - elle va s'enrichir. Mais pour
quelqu'un qui cherche qu'est-ce que c'est un Québécois et la
culture québécoise, il est perdu. Dans des écoles à
certains endroits, on en fait des classes d'histoire. Les immigrants aiment les
classes d'histoire, mais ce n'est pas ça qui va leur faire comprendre
qu'est-ce que c'est un Québécois. La Révolution tranquille
jusqu'à aujourd'hui, ça, ça va les aider.
Quelqu'un a publié un volume dernièrement: Un pays, une
culture, quelque chose du genre; c'est une dame qui a publié ça.
J'ai passé ça à plusieurs personnes. Ah! bien,
là... Ça faisait 15 ans qu'elles étaient ici. Ah!
Là, je sais ce que c'est un Québécois. Je comprends
pourquoi il est comme ça. Je comprends pourquoi il réagit comme
ça. Il y a des outils à penser. Il faut se pencher sur ces
problèmes-là pour aller un peu plus au fond.
Passons au problème aussi de la recherche d'un emploi. Ça
me fait mal parce que je sais que l'étranger donne plus de valeur au
travail que nous ne pouvons lui en donner. Lui, ce qui lui importe, ce n'est
pas le salaire. C'est sûr qu'il va faire attention d'avoir un bon
salaire, mais si le salaire n'est pas égal à celui d'un
Québécois, il va se sentir dévalorisé. Pour lui,
l'important, c'est de se réaliser comme personne, d'être le
soutien de la famille, d'être quelqu'un en travaillant, parce que s'il ne
travaille pas, il n'est personne. C'est bête comme ça. C'est pour
ça que plusieurs n'acceptent même pas d'aller chercher leur
bien-être. Ils ne veulent pas y aller parce que c'est trop
dévalorisant.
Des bonshommes - là, c'est peut-être une exception... Un
ingénieur en physique nucléaire qui est venu il y a
peut-être deux ans ici, actuellement, comme travail, il est manoeuvre
dans un entrepôt. Ça, c'est un exemple. J'ai remarqué que,
parfois, les Québécois n'aiment pas voir quelqu'un de
supérieur à eux, surtout s'il vient de l'étranger. Est-ce
que c'est ça la raison? Je ne mets l'étiquette nulle part, mais
c'est ça que je vis.
L'accès difficile aux services publics. J'appartiens au CGU, au
Conseil général des usagers, à tous les CLSC, à
tous les centres de sartté de Montréal et on se pose toujours la
question: Pourquoi les immigrants ne vont-ils pas aux services de santé?
Pourquoi ne vont-il pas aux CLSC? C'est une vieille question, ça, et il
y a des raisons. Même le gouvernement fédéral prend
ça comme motif. Il faut dire que l'immigrant coûte moins cher que
le Canadien parce qu'il ne va pas aux services de santé.
L'école. Pour un bonhomme du tiers monde, l'école, c'est
le foyer continué et le professeur, c'est le papa ou la maman qui fait
ce que le papa ou la maman ne fait pas. Quand on va reconduire son enfant
à l'école: Je te confie mon enfant. En disant: Fais avec mon
enfant ce que je ferais avec et peut-être mieux parce que toi, tu as plus
de connaissances. Quand on voit en plus le froid qui entoure les écoles,
les difficultés de pénétrer là-dedans, les
difficultés d'entrer en contact avec les autorités ou
l'enseignant, si vous saviez comme c'est dur pour eux à vivre. Il y a
deux ans, on a fait une expérience. On allait inviter les parents
latino-américains au nom du collège. Les parents qui n'y allaient
pas auparavant, on rencontrait quatre ou cinq parents, les deux fois qu'on a
cité ces parents-là, au nom du directeur de l'école, 98 %
ou 99 % des parents étaient là; ils manquaient d'ouvrage pour
aller à l'école. Qu'est-ce que ça veut dire ça?
Pour moi, ce sont des signaux qu'ils nous lancent. Ils veulent nous dire...
C'est un message qu'ils veulent nous envoyer. C'est facile d'organiser
ça, ça ne coûte rien pour être capable de les
approcher et de collaborer un peu plus avec l'école.
La discrimination. La discrimination, ce serait bon de voir quel effet
cela a. Ça, j'ai rarement vu ça. La discrimination a trois
effets: premièrement, ça me fait sentir inférieur à
l'autre; deuxièmement, la discrimination me fait dire que moi, je suis
voué à l'échec. L'échec est plus facile pour moi
que pour l'autre, c'est ça que ça veut dire, et il y a l'effet
Pygmalion. Si, dans la discrimination, on me dit que je suis comme ci et comme
ça, je suis porté à être comme ça, même
si je ne le suis pas. Ça, n'importe quelle psychologie moderne va vous
dire ça. Quand on fait de la discrimination, je pense qu'on n'est pas
conscient du dommage qu'on peut faire à ce moment-là. Combien me
reste-t-il de minutes?
Le Président (M. Doyon): ...minutes. Vous êtes
tellement intéressant que je pense que Mme la ministre et M. le
député vont consentir à ce qu'on continue de vous
écouter. Les questions seront peut-être moins longues, mais en
tout cas!
M. Quirion: O.K. Mais eux ont à intervenir aussi. Ce ne
sera pas long. L'autre problème. Là, ce n'est peut-être pas
au niveau gouvernemental, mais les gens ont une vie dure dans le public et en
famille aussi. Ça, c'est un phénomène nouveau pour eux.
C'est très nouveau. Les relations, les rôles ne sont plus les
mêmes une fois rendu ici. La femme regarde un peu la femme
québécoise, emprunte des choses, des comportements. Hum! papa
n'aime pas trop ça! Si le papa ne travaille pas, il se sent
inférieur parce que sa femme va aller travailler. C'est incroyable! Les
enfants ont l'air de traîtres parce que ce sont les enfants qui font
entrer la culture québécoise dans la maison et eux, ils veulent
la protéger. Imaginez-vous quelle sorte de relation ça fait!
Quand le papa est arrivé ici quatre ans avant et que la maman arrive
quatre ans après... Chacun fait son bout de chemin pendant quatre ans.
Est-ce qu'ils vont se rejoindre? il y en a qui peuvent le faire mais ce sont
des grands athlètes, ce sont des exceptions.
Pour faire court, je vous dirai dans les grandes lignes les
émotions ou les sentiments qu'eux vivent. D'abord, ils vivent une grande
désorientation. Heureusement que les organismes communautaires sont
là et qu'ils peuvent à un moment donné leur donner une
certaine sécurité. L'insécurité et la perte de
confiance en eux-mêmes... Il y a des bonshommes que j'ai connus en
Amérique latine. Je les revois ici, je ne les reconnais plus; comme
personnalité, je ne les reconnais plus. Ils sont bloqués. Il y a
une dévalorisation de soi qui n'est pas saine, sans parler de
l'angoisse, de l'accumulation des tensions, de l'accumulation de refoulements
et de frustrations, des peurs de toutes sortes. Il y a des personnes encore -
ce sont les personnes âgées, ce ne sont pas les jeunes qui font
ça -qui sentent le besoin de montrer leur passeport quand elles montent
dans le métro parce qu'elles
voient le chauffeur de métro comme une autorité. Ce sont
toutes ces dimensions émotives que je voudrais aujourd'hui vous
présenter, c'est-à-dire vous dire: Faites attention! Vos projets
sont beaux, mais c'est la façon dont vos projets vont être
appliqués qui va aider ou non. (17 h 30)
Avec un certain négativisme qui s'établit, il y a toute
une spirale d'émotions qui s'enregistrent l'une et l'autre et qui
produisent des blocages émotifs. Je cite deux exemples avant de
conclure. Une personne très équilibrée - je prends la
peine de dire "très équilibrée" - a fait son cours
d'administration ici, à l'université; une fois qu'elle a eu son
diplôme en main, elle a dû chercher un patron, se chercher de
l'ouvrage. Le centre d'emploi m'appelle: Viens donc! Il y a une dame, ici, qui
n'est pas capable de parler français à un patron. C'était
une personne équilibrée, dans tout le reste, oui, mais, dans ce
domaine-là, non. Une jeune fille qui avait été
classée par deux psychologues comme déficiente mentale et, par
son professeur, comme fieffée, un professeur-chef. La directrice de
l'école m'appelle: Viens donc voir cette jeune fille! Bien oui, mais
pourquoi voulez-vous me faire venir? Eh bien, il y a ça et ça.
Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Les professionnels l'ont classée
et ils ont dit ce qu'elle avait, et je ne pouvais rien faire là-dedans.
Oui, oui. Viens, viens, viens. J'ai jasé avec elle et je me suis rendu
compte qu'elle avait un blocage émotif. Ça faisait un an et demi
qu'elle ne disait pas un mot de français et qu'elle n'écrivait
pas un mot de français dans ses examens ou dans les tests qu'elle
passait. Elle savait son français. J'ai noté, dans la
conversation, une personne qu'elle aimait beaucoup. Je. lui ai dit: Est-ce que
je peux faire venir cette personne-là? Elle a dit: Oui, fais-la venir.
Au bout d'une heure: Es-tu prête à passer tes examens ià?
Elle a dit: Oui, mais assieds-toi à côté de moi. Elle a eu
un des meilleurs examens de la classe. Ça, faisons attention à
ça. Ces gens-là sont plus émotifs que nous; ils peuvent
bloquer plus facilement en chemin que nous ne pouvons bloquer.
Pour finir, les correctifs à cette situation, les correctifs
possibles. Les centres communautaires, c'est sûr qu'ils offrent des
services, mais ils peuvent offrir un service au point de vue culturel que
personne d'autre ne peut offrir. Quand on a des problèmes émotifs
profonds, même si on a le meilleur psychologue du Québec qui
reçoit cette personne-là, pour dire ses émotions, il faut
les dire dans sa langue maternelle même si on maîtrise le
français. Après un certain nombre d'années, ça
changera, mais, dans les débuts, ça ne peut pas être comme
ça.
Un autre, c'est qu'il faudrait préparer, de la même
façon qu'on prépare aujourd'hui les "televidente" - ceux qui
regardent la télévision, comment on dit ça, en
français?
Une voix: Les téléspectateurs.
M. Quirion: Les téléspectateurs. Oe même
qu'on ne peut pas voir les coopérants ou le choc émotif qu'ils
vont vivre en changeant de pays, il faudrait avoir quelque chose de semblable.
C'est pour ça que j'ai amené celle-là cet
après-midi; elle est à l'École de formation et
d'éducation de l'Uruguay. Elle vous expliquera en quelques mots en quoi
consiste... C'est très sain. C'est un système qui est
appliqué au Honduras, qui est appliqué dans la jungle de
l'Amazonie, qui est appliqué au Pérou, en Afrique, partout, et il
marche à merveille. Il fait découvrir aux personnes les
ressources qu'elles ont. Une fois qu'elles sont sûres
d'elles-mêmes, qu'elles sont confiantes, là elles peuvent regarder
avec tranquillité leurs problèmes. Il n'y a pas de
problème. Elles les solutionnent, leurs problèmes.
Un autre. Peut-être... Ah! Ce que je voulais dire à propos
des COR, le COFI devrait réserver des temps où on enseignerait
comment vivre au Québec et il devrait conter petit à petit ce que
c'est, la Révolution tranquille, pour qu'ils comprennent les
Québécois. Les enseignants actuellement sont pris, sont
débordés, sont menacés: Comment je dois faire, moi? J'ai
18 élèves de 18 nationalités différentes en classe.
Comment je vais faire avec ça? Où je vais apprendre ça?
J'ai 50 ans, j'ai 52 ans. J'attends ma pension. Pourquoi prendre le
problème de ce côté-là? Pourquoi on ne le prend pas
autrement? On explique aux professeurs, aux enseignants quels sont les
défis de l'adaptation et quel est l'impact de l'adaptation. Là,
c'est beaucoup plus facile. Il y a moyen d'apprendre. On peut tâter
différentes traces sur le même niveau. Ça, ce n'est pas
quelque chose d'un autre monde.
Je me demande si la famille devrait faire ça ou je me demande si
le gouvernement devrait faire ça. Comment être capable d'appuyer
un peu plus les familles? Toutes les tensions de la société sont
dans la famille. Un papa pour qui ça ne marche pas, qui a des
problèmes de travail, avec qui il va se défouler? Avec un
compagnon de travail? Avec son patron? Non. Il va se défouler avec sa
femme et ses enfants. La maman qui est en diable, quand son mari arrive, avec
qui elle va se défouler? Avec ses enfants ou avec son mari? C'est clair.
Ça crée des bombes à retardement dans ce milieu-là
et eux ont besoin d'être accompagnés pour être capables
d'affronter ce que ça veut dire changer de pays, partir d'une famille
élargie à une famille rétrécie. Vous n'avez pas
d'idée de la différence que ça fait. Une famille
élargie, tous les recours sont là. La banque est là pour
la famille élargie, les services sociaux sont là, l'hôpital
est là. Tout est là. Là, il tombe tout seul, il n'a plus
personne. Et il y a des conflits conjugaux. La famille élargie, un homme
accroche un mari à son travail ou le mari en parle à un homme.
Ils se parlent entre eux. La femme parie avec l'autre femme, avec sa
voisine de la famille élargie. Puis quand ils se rencontrent le
soir, le problème est réglé sans se parler. Mais ils n'ont
pas appris à se parler. Ça, ce n'est pas instinctif. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. Merci
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, monsieur... Oui?
Le Président (M. Doyon): Préférez-vous
attendre que Jorge...
Mme Gagnon-Tremblay: On pourra peut-être avec des questions
compléter.
Le Président (M. Doyon):
O.K.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, écoutez, je pense que ma
première réaction serait que j'aurais le goût de vous
applaudir. Je pense que c'est beaucoup de choses qu'on connaît, dont on
est au fait; cependant, se les faire redire, et vraiment dans le quotidien de
tous les jours, je pense que c'est important. Je souhaiterais tellement
justement que la population puisse entendre ce discours-là assez
régulièrement pour que l'on puisse partager ensemble les
difficultés et que l'on puisse mieux se comprendre. On sait que
ça passe aussi par l'éducation interculturelle, la connaissance
des autres, le partage. Que ce soit à tous les niveaux, dans les
institutions, que ce soit dans les COFI, que ce soit, par exemple, dans nos
gestes quotidiens, c'est tellement important.
Bien sûr qu'il y a des mesures, mais, comme je l'ai
mentionné, et vous l'avez dit vous-même que vous étiez en
accord avec l'énoncé de politique et tout ça, nous sommes
conscients cependant que nous pouvons le bonifier, cet énoncé de
politique. Nous pouvons aussi bonifier les différentes mesures. C'est
pour ça d'ailleurs que nous sommes en commission parlementaire. Vous
savez qu'il y aura un plan d'action qui sera déposé, possiblement
en juin prochain. Bien sûr qu'on compte sur votre expertise pour pouvoir
nous aider à bonifier aussi cette action parce que c'est quantité
de petits gestes, de petites mesures qui vont nous permettre finalement
d'atteindre les objectifs qu'on se donne. Alors, je veux vous remercier de
votre présentation.
Je voudrais cependant profiter de l'occasion qui m'est donnée
pour vous poser quelques questions, entre autres, sur le rôle que peuvent
jouer dans le processus d'intégration, sur le plan psychologique, par
exemple, les organismes des communautés culturelles. Au niveau du
système scolaire aussi. Le ministère, tant lors de la
sélection, par exemple, que dans les services d'accueil, aussi bien que
d'autres institutions de la société québécoise,
quel rôle finalement pourrait-on faire jouer à ces
institutions?
M. Quirion: Je laisse la parole à Jorge. S'il y a quelque
chose à complementer, je le ferai avec plaisir.
Le Président (M. Doyon): Monsieur.
M. Guerra: De mon côté, ce que je pourrais dire,
ça touche la question du partenariat qu'on a soulignée à
plusieurs reprises. Je pense que le document est intéressant et nous
sommes contents de ça. Justement, nous pensons que ce partenariat doit
se traduire justement dans une relation de reconnaissance de l'expertise des
organismes gouvernementaux. Je pense qu'on a plusieurs expertises, soit
concernant les soins au niveau de l'adaptation, dans le jargon des services
sociaux. D'un autre côté, nous avons des services qui sont
reliés justement à ces services psychologiques, cet appui
psychologique. Oui, nous avons des ressources au niveau de la communauté
latino-américaine. Nous avons des médecins, nous avons des
psychologues et nous avons des gens qui travaillent là-dessus. Oui, nous
avons des ressources encore au niveau de l'intégration au travail. Mais
ces ressources-là, bien sûr... Nous avons des ressources, par
exemple, concernant la question des jeunes, qui est très importante de
plus en plus. Mais nous avons des ressources justement qui ont des moyens
insuffisants, qui ne possèdent pas, d'un côté, l'appui
nécessaire pour justement profiter de cette expertise-là. D'un
autre côté, nous avons l'expertise, oui, mais nous avons une
expertise qui n'est pas seulement l'expertise pratique. C'est une expertise qui
est basée sur la formation de ces gens-là.
Nous avons des gens qui sont formés ailleurs, et des gens,
même, qui sont formés ici, qui peuvent justement desservir la
communauté et permettre une meilleure intégration. Mais ces
ressources, jusqu'à maintenant, ne sont pas considérées.
On les perd parce qu'on n'a pas l'argent pour les payer, parce qu'elles ne sont
pas absorbées par les services sociaux, parce que les programmes sur
l'égalité sont encore loin d'avoir réussi justement
à tourner la page à ce niveau-là.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
M. Quirion: J'aurais une autre suggestion. Un truc bien simple,
mais assez difficile à organiser. Mais avec la bonne volonté des
Québécois, ça s'organise très bien. Avoir des
personnes qui accompagnent les gens quand ils arrivent aux différents
services parce qu'à ce moment-là la présence du Canadien
invite le fonctionnaire à être plus délicat, plus
respectueux envers lui. Le problème ne traîne pas en longueur, en
termes d'une conversation qui ne se comprend pas. Il se crée des liens
entre l'im-
migrant et le Canadien qui vont continuer et qui continuent, ce qui,
petit à petit, serait bâtir le tissu social de gens qui se
comprennent, qui veulent se donner la main, qui s'aiment. Ça, je peux
vous dire qu'on a fait l'expérience, c'est merveilleux.
C'est d'autant plus précieux que les premiers souvenirs des
immigrants restent toujours. Les autres peuvent disparaître, les premiers
ne disparaissent pas. Ça fait qu'un petit réseau, des
réseaux de personnes... J'ai fait une annonce à un moment
donné dans La Presse, pour des bénévoles
là-dessus. Ils sont apparus le lendemain avec des grands sacrifices et
ils étaient contents d'accompagner.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous savez, actuellement, nous sommes
à réévaluer nos programmes de subvention pour les
organismes communautaires et bien sûr que ces programmes sont
évalués en fonction des objectifs que l'on veut bien, qu'on s'est
fixés dans notre énoncé de politique, par exemple, quant
à l'accueil et au rapprochement, mais non pas, par exemple, en vue de
ghettoïser certaines communautés. Je pense que non seulement on
essaie de réévaluer nos programmes, mais aussi je pense qu'il
faut identifier les besoins dans certains secteurs. Commencer par identifier
les besoins, voir qui les donne actuellement, comment ils sont donnés.
C'est sûr qu'on aura toujours besoin d'un certain encadrement. Il faudra
aussi en faire une certaine évaluation.
Hier, cependant, il y avait une recommandation qui a été
faite par un groupe et on nous disait: Quand vous avez un groupe communautaire
qui donne des services qu'on peut vraiment évaluer, qui sont bons, que
ce sont des services importants et qu'ils sont bien donnés, qu'ils
atteignent les objectifs que vous vous fixez, n'y aurait-il pas lieu de
conserver ces organismes et de bien les financer, au risque de voir
disparaître d'autres organismes qui ne donnent pas les mêmes
services, ou pour éviter aussi la multiplication d'organismes?
J'aimerais vous entendre sur ça.
Le Président (M. Doyon): Père Quirion ou M.
Guerra.
M. Quirion: Oui, oui. Je vais donner mon opinion et lui donnera
la sienne. Oui, ça fait longtemps que je regarde marcher le
ministère des Communautés culturelles. Ça fait longtemps
que je suis en contact avec eux autres. Mais un des points névralgiques
de décision comme celle que vous voulez dire, d'un choix qu'on doit
faire, c'est d'établir des critères. Mais je pense que c'est
possible d'établir des critères. Ils ont peur. Probablement que
la peur du ministère, c'est d'être obligé de
définancer d'autres organismes subventionnés. C'est possible.
Mais qu'il en donne moins à un et plus à l'autre. Celui qui a
plus ordinairement, celui-là il faut le renforcer. J'imagine que c'est
simple.
Il y a une expérience, une compétence qui s'établit
à ce moment-là et qui permet de donner un service beaucoup plus
rapidement et plus efficacement et plus profondément. Ça, c'est
ma position. Il faut faire attention entre organismes et organismes aussi. Ils
donnent le service et les autres sont très nombreux. (17 h 45)
Le Président (M. Doyon): M. Querra.
M. Guerra: Oui. Moi, j'irais un peu plus loin aussi dans le sens
que je pense que, quand on parle justement des nécessités de
financement de ces organismes-là, on ne va pas chercher, aller voir ce
que le voisin est en train de faire. Mais ce que nous sommes en train de
dire... Par exemple, je vais prendre un exemple concret: les projets de jeunes.
Nous travaillons, à Côte-des-Neiges, par exemple, ensemble avec le
CLSC Côte-des-Neiges, l'Association latino-américaine de
Côte-des-Neiges, la maison de jeunes de Côte-des-Neiges pour un
projet de jeunes qui concerne les jeunes décrocheurs, mettant l'accent
essentiellement sur la communauté latino-américaine, en sachant
qu'il y a d'autres communautés qui en ont autant ou plus besoin que nous
autres, en sachant que la communauté noire, par exemple, en a besoin, en
sachant que la communauté asiatique en a besoin. Mais, malheureusement,
nous n'en avons, financièrement, que pour une personne. Alors,
voyez-vous ce que je veux dire? Une seule personne, quand elle est
employée pour 300 - c'est en train d'être défini,
justement, maintenant - ce qui ne nous permet pas, justement, d'engager plus de
monde qui pourrait justement faire un travail de lien entre les services qui
sont offerts par les organismes, les services publics d'un autre
côté, et permettre à ces jeunes-là de se
réintégrer, soit à l'école, soit sur le
marché du travail, pour les empêcher d'être une proie facile
pour la délinquance ou la drogue. C'est ça que nous voulons
empêcher.
Mais nous nous attardons à des problèmes comme...
Écoutez, c'est un projet-pilote, ça va durer trois ans. Quand ce
sera fini, ce sera fini. Alors, tant pis si vous ne vous êtes
arrangés pour trouver du fric ailleurs; ça va être
difficile de vous en trouver chez nous. C'est ça la
problématique, aujourd'hui. Ça, c'est un problème
intéressant parce que le coût social, quand on ne prend pas
d'action, aujourd'hui, pour prévenir ce qui va devenir, après, un
délinquant ou un jeune qui va être dans des maisons
correctionnelles, etc., le coût social va être beaucoup plus grand
que peut-être financer trois ou quatre personnes pour qu'elles fassent un
bon travail dans un secteur. Je pense que c'est cet esprit-là qu'on veut
que vous révisiez, dans le sens de dire: Ce n'est pas juste à
court terme qu'il faut en
parler; il faut regarder qu'est-ce que ça va nous coûter
à long terme quand on ne prévoit pas un bon travail, aujourd'hui.
Je pense que, dans ce sens-là, le partenariat, on doit le comprendre
aussi; au moins, on le comprend comme ça, nous autres.
C'est-à-dire que nous, nous avons... Nous pouvons vous parler beaucoup
plus qu'en commission parlementaire parce que nous n'avons pas le temps, mais
pouvoir en parler avec des personnes responsables dans les ministères et
dire: Écoutez, c'est ça notre vision des problèmes
concrets que nous avons et c'est ça la solution que nous proposons.
Parce que nous avons des solutions à proposer, pas seulement d'aller
chercher de l'argent mais des solutions, comme donner
bénévolement du temps, des choses comme ça, mais pas
seulement du temps donné bénévolement, bien sûr.
Alors, c'est ce type de choses que nous pouvons voir, mais il faut
être ensemble. Il faut créer des comités, si vous voulez,
ou des tables de concertation entre les services gouvernementaux, les
ministères; de l'autre côté, les syndicats, parce qu'ils
sont un élément important, parce que c'est vos travailleurs puis,
de l'autre côté, les gens du communautaire. Je pense qu'en
coordonnant ces trois paliers, nous pouvons arriver à des ententes
formelles au niveau de s'organiser pour trouver des solutions
concrètes.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guerra, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Guerra, chère Gloria, père
Quirion, je ne vous poserai pas de questions. Non pas que j'aie la
prétention de connaître vos réponses, quoique je m'en
doute, puisqu'on se connaît depuis de nombreuses années. Je peux
vous dire que j'ai rencontré l'abbé Bouchard, il y a trois
semaines, et on parlait de vous. Je disais que vous étiez un Everest de
solidarité et de sensibilité. Je pense que vos paroles,
tantôt, le démontraient à ceux qui, par malheur, ne vous
connaissent peut-être pas autant que moi, j'en ai le
bénéfice.
Je lisais votre mémoire et je voyais, pour ce qui est des
réfugiés, une phrase: L'absence de la famille élargie. Je
lisais ce texte et, en le lisant, père Quirion, je voyais
redéfiler devant moi ces femmes qui, depuis très exactement un an
et deux mois, viennent à mon bureau de circonscription comme elles vont
au bureau de mon collègue, le député de Gouin, appeler
dans leur patrie d'origine leur enfant dont elles sont séparées
parce que le Québec ne peut les admettre; la décision appartient
à Ottawa. Je vous laisse les 19 minutes qu'il me reste. Parlez-nous des
réfugiés, je vous en supplie, père Quirion.
Le Président (M. Doyon): Père Quirion.
M. Quirion: Avant que Gloria ne dise son mot, il est très
important... C'est un agir pratique, une intervention que j'ai
découverte dernièrement et que je trouve très favorable
parce qu'elle a été expérimentée partout. Mais
avant de laisser la parole, au cas où je ne l'aurais pas après,
merci, M. Boulerice, de me donner 19 minutes... Si on ne solutionne pas
l'équilibre émotif de l'immigrant, ne pensez pas à
l'intégration. Il va être intégré parce qu'il
travaille. Il va être intégré parce qu'il maîtrise le
français. Il va être intégré parce qu'il ne fait pas
de problème. Mais où est sa participation à construire une
société? Vous ne l'aurez pas si on ne fait pas attention à
son climat émotif. Souvent, ça ressemble beaucoup plus au
désert du golfe Persique, avec des trous et tout le reste, qu'à
une plage de Miami. Il faut faire attention pour que son monde intérieur
ressemble à une belle plage où on est content d'être, de
rester, de penser tranquille et de se reposer. Conte ton expérience.
Le Président (M. Doyon): Madame.
Mme Vera: Pour moi, c'est tellement quelque chose de
précieux de me mettre en face de vous, et je vous remercie fortement. Je
m'excuse pour mon français; je l'aime quand même, mais je suis
encore en train d'apprendre. Plutôt que de présenter un
exposé, je voudrais vous présenter mon témoignage
personnel qui peut, en partie, vous illustrer ce que mes camarades peuvent vous
dire d'une façon plus généralisée et
analysée.
Moi, depuis 1988, je suis arrivée ici, au Canada, avec ma
famille, dans la province de Québec, à Montréal,
travailleuse sociale de profession dans la spécialité du
développement social dans la communauté, avec 18 ans
d'expérience professionnelle. Quand je suis arrivée ici, il s'est
passé 6 mois où je ne pouvais pas rentrer dans un magasin, avec
ma personne, avec mes forces. J'ai regardé, mais tout le temps, ma
pensée était très loin. J'ai trouvé. Maintenant je
le vois, je peux voir avec mes yeux le passé, avec les yeux du
présent le passé que j'ai passé. Je vois qu'il y a un
passage d'une société traditionnelle à une
société moderne. Je viens de là pour faire face à
une société moderne. Je viens d'une société
solidaire dans une société individualiste; c'est un passage. Je
me suis toujours dit: Qu'est-ce que je vais faire ici? Quand j'étais
dans mon pays... J'ai quatre enfants. Mes enfants, dans mon pays, avaient un
statut - comment je pourrais dire -très "alto"...
Une voix: Très haut.
Mme Vera: ...très haut. Je viens ici, le monde
était réduit. Il y avait un téléphone. Mais
ça coûte cher pour pouvoir garder le contact
avec mon histoire, avec mon origine. C'est tellement pénible.
Mais malgré que j'aie eu beaucoup de personnes accueillantes ici, au
Canada, qui m'ont donné des choses pour me refaire, pour m'installer...
Je les remercie beaucoup parce que ce sont des choses matérielles dont
j'ai eu besoin dans ce temps-là. Je me demandais toujours: Comment
pouvoir rentrer, vivre? Quelqu'un qui m'a connue dans le COFI, parce que comme
réfugiée je ne pouvais pas rentrer dans te COFI de 5 heures qui
vient, j'aurais aimé... mais j'ai pris le COFI, de 7 heures à 10
heures le soir, 3 soirs par semaine. Alors, un professeur qui m'a connue m'a
dit: Gloria, tu dois aller à un institut, il y a un cours pour toi, pour
pouvoir t'aider à relever ce défi. J'ai toujours... Je me
souviens de la parole de ce professeur. Je suis allée à la
recherche... J'ai recherché l'institut une semaine, deux semaines, je
l'ai trouvé. Il y avait une session de sensibilisation, même si
mon français était très petit, mais quand même, je
me lançai.
J'ai trouvé tellement dans... L'institut est venu me chercher,
moi. J'ai donné le premier pas, mais c'est l'institut qui est venu me
chercher, ma personne. Il est venu chercher mes forces, mais ça fait un
an que j'ai été là et un soir par semaine, mais j'ai
commencé à délibérer, j'ai commencé à
penser: Gloria, qui es-tu? C'est Gloria qui est venue du Pérou, mais
j'ai laissé mes forces où? Où sont-elles? Dans ce
temps-là, l'institut m'a donné un accompagnant - accompagnant,
oui, ça se peut, accompagnant, oui -pour m'aider à me retrouver,
pour pouvoir me ramasser, mon expérience, mon vécu, toute la
richesse que j'apporte et la mettre devant moi en regardant ma force pour
pouvoir faire quelque chose dans ma situation. C'est moi qui dois donner le
pas. Mais comment? Je pense que c'est très important, très,
très important de faire la reconstruction de l'identité
psychosociale de la personne. C'est utile pour relever le défi. Je l'ai
vécu, j'ai encore... J'ai dit: Je peux aider les autres immigrants,
pouvoir faire un facteur multiplicateur des instruments utiles, aller chercher
la personne dans ses forces pour reconstruire son identité psychosociale
et pouvoir donner les premiers pas dans cette société.
Je pense que c'est très important pour commencer le processus,
pour faire face à l'impact social d'adaptation et commencer à
s'intégrer à une société.
Le Président (M. Doyon): Oui, père Quirion, vous
voulez ajouter quelque chose.
M. Quirion: Elle me contait que son petit gars de deuxième
année du secondaire, aujourd'hui, ce matin, recevait un certificat de la
commission scolaire des écoles catholiques de Montréal, en disant
que son petit gars avait été le meilleur de la région. Il
y a deux ans, dans un examen de français, il avait 59, il était
un peu découragé. Le mois suivant, il est monté à
78; le troisième trimestre, il est monté à 94 et il a fini
l'année en étant le meilleur en français. C'est parce
qu'il était accompagné, c'est là qu'est le
problème, il faut qu'être accompagné d'une façon ou
d'une autre. Quand tous les ministères embarquent, c'est un genre
d'accompagnement, mais il faut que ce soit un accompagnement qui soit un peu
chaleureux. C'est là qu'est le problème. Si vous avez ça,
vous avez tout le reste. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. M.
Guerra. (18 heures)
M. Guerra: Je voudrais ajouter quelques chiffres qui, je pense,
sont importants pour saisir vraiment l'importance de la communauté
latino-américaine au Québec. Premièrement, je pense qu'il
y a de la recherche qui a été faite au niveau de la
communauté latino-américaine. Quelques chiffres n'ont pas pu
être publiés parce qu'il nous manquait d'argent
présentement pour le faire, mais d'autres ont déjà
été faits.
Ça nous démontre que 82 % de la communauté
latino-américaine parle français. La communauté
latino-américaine, en général, commence... le gros de la
communauté est arrivé ici vers les années soixante-dix, en
avant; 41 % de la communauté latino-américaine est bilingue; 8 %
de la communauté latino-américaine ne parle ni l'une ni l'autre
langue encore; 10 % de la communauté latino-américaine parle
essentiellement l'anglais. Alors, voyez-vous les pourcentages et l'importance
au niveau du français et au niveau de la communauté
latino-américaine? C'est aussi un élément, 90 % de cette
communauté-là habite Montréal.
Troisièmement, je pense qu'il y a un élément qu'il
faut comptabiliser, c'est politique et c'est social; l'intégration de la
communauté latino-américaine depuis son arrivée a
été justement à côté du choix en
général du peuple québécois. Ceci dit, la
communauté latino-américaine s'est prononcée, par exemple,
favorablement lors du référendum en 1981. Cependant, ce que nous
voyons aujourd'hui, et c'est cela qui nous inquiète, nous voyons
aujourd'hui qu'on se bute de plus en plus à des obstacles de la part de
cette même communauté qui était ouverte au début et
qui, aujourd'hui peut-être, face à une immigration de plus en plus
visible, a plus de préjugés justement, met plus de freins,
disons, face à une intégration de ce genre-là. C'est plus
difficile aujourd'hui, cette intégration-là, à tous les
niveaux.
Je pense qu'il y en a certains peut-être, le plus important pour
nous autres, à part le français qui n'est pas un fait naturel
peut-être parce que c'est une langue latine, celle que nous parlons en
Amérique latine... À part le fait d'être
"francophonisables", ils savent - et c'est un élément que,
justement, on ne fait pas ressortir
à notre goût justement dans les documents de l'entente
ministérielle entre le Québec et le Canada... Mais ils devaient
demander ça... Ça a toujours été une
communauté profrancophone, "francophonisable", mais qui n'est pourtant
pas plus intégrée. Je ne parle pas des gens qui commencent
à arriver ici et qui sont ici depuis 1 à 5 ans, je pense aux
autres qui sont ici depuis 16, 17, 18 ans ou moins que ça, et qui ne
peuvent pas faire valoir encore, avec tout ce temps vécu au
Québec, essentiellement à Montréal, leurs diplômes,
faire valoir leurs études, même faites au Canada. Voilà des
questions de frein au niveau de leur intégration. Pour nous, le travail,
c'est important dans cette intégration-là. Pour nous, le travail,
c'est, comme disait le père Quirion, un élément essentiel
à notre intégration. Il faut qu'on reconnaisse que nous avons une
expertise. On dit: Écoutez, l'expérience canadienne est disparue,
on ne l'applique plus. Mais quand on va faire une application dans le secteur
public, on la demande encore; on demande deux ans ou huit ans
d'expérience. Qu'est-ce que ça traduit, cette
expérience-là? Ah! Cette expérience-là, c'est
l'expérience canadienne.
Il y a toute cette sensibilisation qu'il faut justement
développer dans le secteur public. Il faut développer une
sensibilisation face à cette problématique et je pense que c'est
important. Il faut que les employés soient plus susceptibles de
comprendre cette réalité-là. En même temps qu'on
applique les programmes d'accès à l'égalité, en
même temps qu'on applique des mesures concrètes
d'accessibilité aux services, il faut qu'on sensibilise en même
temps pour outiller ces employés, pour pouvoir exiger de ces
employés-là et pouvoir se comporter justement d'égal
à égal avec les immigrants qui parlent français.
On disait: De l'autre côté, ça nous inquiète,
la question de la francisation. Oui, nous sommes pour la francisation des
immigrants, mais attention! Pas parce qu'on n'a même plus d'immigrants
supposément francophones, ils ne sont plus intégrés
nécessairement à la société
québécoise. On ne prône pas que vous n'ameniez pas ces
immigrants-là, mais on dit: Attention! Vous êtes en train de
tomber dans ce mythe, ce mythe: parce que ce sont des francophones, ils sont
intégrés. Je vous dis: Moi, j'ai travaillé à la
ville de Montréal, dans les ressources humaines, et là, j'avais
des centaines de curriculum vitae de gens de pays francophones ou de pays
"fran-cophonisés" parce qu'on était colonisés, qui sont
sans travail parce qu'il y a encore de la discrimination, discrimination
systémique dans les examens, discrimination des fois directe par les
employeurs. C'est à ce type de choses qu'il faut s'attaquer. C'est
là, je pense, un des points importants pour nous et de là
développer les autres comme les jeunes, l'intégration sociale,
etc. Mais un des points importants pour commencer, c'est la question du
travail. On veut être reconnus en tant que minorité visible,
ensemble avec les Asiatiques, ensemble avec la communauté noire, qu'ils
nous reconnaissent nos droits en tant que citoyens à part
entière, à un certain moment. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Guerra. M. le
député, vous voulez exprimer quelques remerciements.
M. Boulerice: Oui. Muchas gracias por su participacion y yo digo
a usted: Francofonia y Hispanidad son la contrapartida de la cultura
anglofonia.
Le Président (M. Doyon): Merci. La quatrième...
M. Quirion: Pour Mme la ministre, une petite affaire.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Quirion: Pour le ministère. Un détail simple
comme bonjour qui semble une montagne mais qui ne l'est pas. Je l'ai
crié sur les toits; en public, en privé. Le cours des COR, on dit
qu'on enseigne le français pour se trouver de l'emploi. Quand les gens
arrivent sur le marché du travail, ils se rendent compte que ce n'est
pas vrai, surtout avec l'immigrant, on demande les deux; on demande le
français et l'anglais. Qu'est-ce que ça coûterait aux COFI?
On vous enseigne le français. C'est que vous soyez capables de
communiquer avec les Québécois, c'est tout et c'est beaucoup plus
près de la personne. Ce n'est pas un objectif intéressé,
il faut être capables de se parler, c'est tout!
Le Président (M. Doyon): Merci, père Quirion. Mme
la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je prends bonne note de vos remarques.
Je voudrais, bien sûr, féliciter Gloria pour la qualité de
son français et vous remercier aussi pour toutes vos remarques. Je vous
lance un appel de collaboration, aussi un appel à la participation. Je
pense que vous pouvez jouer un rôle important dans l'élaboration
de notre plan d'action qui sera déposé prochainement. Je compte
beaucoup sur votre expertise. Merci beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Je me fais sûrement
l'interprète de tous les membres de cette commission en vous remerciant
chaleureusement de vos présentations. Tout le monde vous a
écoutés avec beaucoup d'intérêt, comme vous avez pu
vous en rendre compte. Merci beaucoup et bon voyage de retour.
Alors, pour terminer cette partie, cet après-midi, nous allons
inviter le dernier groupe avant que nous allions manger, la
Fédération des organismes de Trinidad et Tobago du Québec,
à
bien vouloir s'approcher. Les personnes qui sont censées
être là sont MM. Cecil Alfred, Mme Goin, M. Parris, M. Bowlesdove
et Mme Bastida.
Bienvenue à tout le monde, à tous les cinq. Vous
étiez ici dès le début, depuis un certain temps en tout
cas. Vous savez comment on procède: vous disposez d'une dizaine de
minutes pour faire la présentation. Veuillez tout d'abord vous
présenter et ça va nous faire plaisir de vous entendre.
Fédération des organismes de Trinidad et
Tobago du Québec
M. Alfred (Cecil): Good evening, Mr. Chairman, Mme la ministre.
On my right is Sylvan Bowlesdove, the liaison officer; Mr. Arnold Parris, the
public relations officer; Mrs. Carmen Bastida, intercultural relations officer
and Mrs. Wendy Goin, intercultural relations officer. My name is Cecil Alfred
and I am the president of the Federation of Organizations of Trinidad and
Tobago of Québec.
Le Président (M. Doyon): Welcome to everybody.
M. Alfred: Thank you. We have a script. Is it possible that we
could hand it out? It is on culture, something that we have just tabled.
Le Président (M. Doyon): You do as you wish.
M. Alfred: Yes.
Mme Bastida (Carmen): Donc, on peut distribuer, c'est un
ajout.
Le Président (M. Doyon): Oui, quelqu'un va s'en charger,
laissez-le là. Mme la secrétaire, vous pouvez vous occuper de
distribuer les documents.
Mme Bastida: Oui, s'il vous plaît.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Mme Bastida: C'est un ajout au mémoire.
Le Président (M. Doyon): Très bien.
Mme Bastida: Merci.
Une voix: De rien.
Le Président (M. Doyon): O. K. Go ahead.
M. Alfred: I would just like to give a brief history of the
Federation. The Federation of Organizations of Trinidad and Tobago of
Québec was formed for the purpose of uniting all former nationals to
share information and resources available from the Provincial Government; to
establish a better communications link with the Québec community; to
retrieve more information to ensure a sense of direction through social and
cultural communications from the Provincial and Federal Governments; to bring
awareness and understanding of our culture to the Québec Government and
citizens; to find ways of integrating collectively in the Québec social
and cultural communities; to work in harmony in building a better Québec
for all. The Federation comprises nine social and cultural organizations.
We would now like to present to you our proposal and recommendations
regarding student services, French language, social integration and cultural
integration. Under student services, conferences have been held over the past
year to discuss Black youth related problems in Montréal. One of these
conferences was to examine the social and educational situation of Black youth
and to allow for the exploration of the initiatives that have been undertaken
by various jurisdictions with the purpose of serving the needs of Black youth.
We therefore propose funding to facilitate a conference that would be conducted
by the Provincial Government, Black youth, adults, and the respective
sponsoring organizations to establish a plan of action and to address the
social and educational situation of Black youth.
Under French language, we recommend that continued efforts be made by
the Provincial Government and concerted action is needed for the success of
linguistic integration. Mr. Chairman, we feel alone having to deal with this
situation, since relevant information is often difficult to come by.
We recommend easier access to French classes and a breakdown on the
number of students attending to help improve the quality of the French
language. We also would like more information from the French institutions
which offer services to visible minorities.
Under integration, we recommend, to ensure the distinctiveness of
Québec, the full participation of all cultural communities and equal
participation in all events organized by the Provincial Government on
integration and access to resources to promote intercultural relationships.
I would just like to give you all a brief history of our culture, under
cultural integration. In 1877, Roume de Saint-Laurent, a French planter,
visited the Island of Trinidad. He then asked for permission to reside on the
Island. Permission was granted and that resulted in an exodus of immigrants
from France to the Island of Trinidad. A new form of culture was introduced to
the Islanders which has been handed down from generation to generation. That
culture was carnival. Carnival was responsible then for the birth of calypso
which was composed and sung in French around 1814. It was also
instrumental in developing the steel pan instrument which is known today
as the only musical instrument to have been created in the 20th Century. Today,
Mr. Chairman, carnival in Trinidad and Tobago has become one of the world's
best festivals, and all thanks to Roume de Saint-Laurent. (18 h 15)
It is said that Black English-speaking immigrants find it difficult to
integrate in Québec because of its culture and language. As a former
Trinidadian myself, I find it difficult to believe that Trinidadians cannot
adjust to the Québec culture. Growing up in Trinidad, broken French we
call patois, Spanish and English were spoken in our homes. The practices of the
French culture were always evident.
Some of us choose to reside in Québec because of our cultural
ties with France, while some choose for their social and economic needs. This
is not to say, Mr. President, that difficulties do not exist. One of the major
problems we are faced with today is the uncertainty of not knowing where we
stand or what role is expected of us in the new Québec. The barriers are
still there despite our complaints and efforts to remove them. It is sometimes,
Mr. Chairman, disheartening to see and hear the prejudice and discrimination
being practiced against Blacks or other ethnic groups.
We feel the remedy clearly lies in the hands of the Government to openly
discuss its policies with all Quebeckers regardless of race, to define what is
expected of Black immigrants and the role, if any, leaders from the community
should play in the integration process.
Mr. Chairman, we propose funding to assist in our effort to find space.
For the purpose of conducting meetings, intergroup relations, workshops, French
courses, intercultural communication links with Quebeckers, and rehearsal that
is needed to maintain and improve our cultural heritage. We propose easier
access of information regarding social, cultural and economic integration.
The Federation, Mr. Chairman, respects and acknowledges the need to
preserve the Québec culture and distinctiveness, but feels helpless, not
knowing what is expected of us or the role we should play.
I thank you, Madam Minister, Mr. Chairman.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président,
merci de votre présentation. Après vous avoir
écouté, vous avoir compris et vous avoir suivi en anglais, vous
nous permettrez de vous demander peut-être de faire, pour certains
d'entre nous, le même effort de nous comprendre et de nous suivre en
français parce que certains membres voudront probablement s'adresser
à vous en français et vous comprendrez que nous avons très
bien compris votre message en anglais. Je suis sûr que vous pouvez faire
la même chose.
Nous nous permettrons de nous adresser à vous en français.
Mme la ministre, vous voulez commencer.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci de votre présentation. Il
y a une première question que j'aimerais bien vous poser: Est-ce que
vous comprenez tous le français ou si vous avez de la
difficulté?
M. Alfred: On comprend le français beaucoup avec Carmen,
avec Sylvan.
Une voix: Très bien. Une voix: Vous aussi?
M. Alfred: Moi aussi, oui. Je ne parle pas français.
Le Président (M. Doyon): Vous nous répondrez en
anglais, si vous voulez.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous préférez qu'on vous parie
en français ou en anglais?
M. Alfred: Les deux, parce que M. Arnold Parris ne parle pas
beaucoup français.
Mme Gagnon-Tremblay: Qu'est-ce qu'on fait?
Une voix:... ils parlent français. Une voix: Un
peu.
Mme Gagnon-Tremblay: Well, then, I will try half and half.
M. Alfred: Merci beaucoup.
Mme Gagnon-Tremblay: English for me is not as perfect. In your
brief, you are asking the Government to finance a conference on the educational
and social situation of the Black youth. This idea of a conference of that kind
seems to me quite interesting, but I am wondering if you already got in touch
with other organizations of the Anglophone Black community for that conference.
And I am wondering if they have accepted and are they going to participate in
that conference?
M. Alfred: Carmen, would you please answer?
Mme Bastida: Oui, d'accord. Mme la ministre, pour répondre
un peu à la question au nom de la Fédération, je crois que
point n'est besoin de s'inquiéter à ce sujet. Je crois que la
Fédération... je crois que les gens ici représentent la
Fédération des organismes de Trinidad et Tobago du Québec,
mais sont également en contact avec,
finalement, la troisième communauté culturelle la plus
importante du Québec, c'est-à-dire la communauté noire.
Donc, si un tel événement était supporté, voire
même peut-être financé en partie par l'actuel gouvernement,
la Fédération se ferait un plaisir et même... Je crois que
nous avons testé un peu le terrain et je crois que l'ensemble de la
communauté noire serait tout à fait d'accord et participerait
à une telle conférence des jeunes qui mettraient, finalement, en
valeur leur problématique.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que l'Association des gens d'affaires
et de professions de race noire pourrait être un partenaire
socio-économique de cette conférence?
M. Alfred: We have not had the opportunity, Madam Minister, to
have such a conference on the economic situation.
Mme Gagnon-Tremblay: Je trouverais ça... C'est sûr
que là, vous êtes encore à l'idée, vous songez
à préparer une telle conférence, mais je constate que vous
n'êtes pas encore allés aussi loin que faire les contacts avec les
autres organismes ou encore vous ne savez pas tout à fait avec qui vous
pourriez vous associer. Je pense aussi à un contact qui serait
intéressant, c'est celui du milieu universitaire qui, fort probablement,
pourrait être intéressé à une telle
conférence parce qu'on sait que ce milieu universitaire élabore
souvent aussi des études en fonction de problématiques
spécifiques.
Mme Goin (Wendy): Oui, Mme la ministre. Je suis quand même
de la Fédération des organismes de Trinidad; je suis aussi la
présidente d'un organisme Westean, qui est une partie de l'organisme. La
plupart de ceux qui sont avec nous autres sont des jeunes, des jeunes gens de
13 ans jusqu'à 20 ans. Je sais qu'il y a des problèmes à
l'école avec les Noirs, les jeunes, et on sait qu'il faut commencer
à faire quelque chose avec ça. C'est pour ça qu'on a eu
l'idée d'une conférence. On sait que c'est une
nécessité d'avoir cette conférence. On attend encore. On a
fait toutes les démarches. C'est pour ça qu'on approche le
gouvernement, maintenant, mais on sait qu'il faut contacter... On a
déjà fait des démarches auprès d'autres organismes:
au niveau municipal, tous les autres organismes, à l'école aussi
avec les professeurs. Moi, je pense, personnellement, qu'il y a un
problème. Le problème existe pour les Noirs, les jeunes. Les
problèmes d'adaptation et d'intégration sont causés par la
pauvreté et on a les femmes et les parents seuls qui ont des
problèmes avec leurs enfants. On veut savoir des enfants: Qu'est-ce qui
se passe? Qu'est-ce que vous pensez? Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour
vous autres? Les adultes ont des idées et vous autres aussi.
Les parents, moi, je pense, des immigrés doivent aussi assister
aux cours de français. Quand les élèves apprennent le
français à l'école, ça cause des problèmes
à la maison parce que les parents continuent à parler en anglais
ou dans leur langue. C'est pour ça qu'on veut mettre ensemble tous les
parents et les jeunes aussi. On sait qu'il y a un problème et on
espère que le gouvernement puisse donner la force que les autres niveaux
ne sont pas capables. C'est pour ça qu'on approche le gouvernement,
premièrement.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Prêssident (M. Doyon) Mme la ministre, merci. M. le
député de Satnte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je dois avouer, au départ, que vous m'avez
donné une merveilleuse leçon d'histoire et je vous en remercie.
Je ne savais pas qu'il y avait eu un établissement français dans
ces îles. Donc, je vais considérer ça comme une indication
très suggestive de voyage pour moi, aller voir sur place. Est-ce que je
me trompe en disant que vous organisez également un carnaval à
Montréal?
M. Bowlesdove (Sylvan): No. We, ourselves, do not organize. We
are part of the organization that organizes the Carnival in Montréal,
but we do not have a say in that, really, we participate as a group.
M. Boulerice: Est-ce que je me trompe en disant que cette
année, ou l'an dernier, il a été fait au parc LaFontaine?
Non? Oui.
Des voix: Oui. Une voix: Oui, au...
M. Boulerice: Oh! that is a very good habit because it is in my
riding.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice: I promise I will attend next time. Besides that,
Léo Ferré, in a song said: We are all German Jews. And I guess
that he meant that everyone, in some regards, might one day suffer from
discrimination. When I look at your paper - I will use that word - you insist
on discrimination and if there is a word I hate, it is that word,
"discrimination". Earlier, to a group, I said that racists were people ugly
inside themselves. That is a word that comes from my president, Mr. Parizeau,
and stick to that sentence because I do believe it is true. We have to be very
careful, sometimes, people are very hypocrite. They will say to a Black or
a
Yellow: You are my brother, but in the back of his mind, it is: Yes, but
you will never be my brother-in-law. You know how it works; it is just so
hypocrite.
But, anyway, you said that, unfortunately, it still exists here. And if
it does exist, this National Assembly has voted a resolution which we call...
Would the Minister come to help his counter-minister? Comment dit-on? La
déclaration interraciale. I mean it was a very solemn proclamation in
this National Assembly and I felt very proud of it. And it came in second,
after our Charter of Rights. And our Charter of Rights was described by the
Minister of Justice, Mr. Rémillard, as the best, even better than the
Canadian one. So, I guess we should be proud of that.
But my question is: In what field is this discrimination happening? Is
it in school? Is it at work? Is it in the neighbourhood? Or is it - and I hope,
God, you will not say yes - in all those fields? And if so, could you indicate
to me - because we might pass a third resolution, but I do not think it will
solve the problem -what would be the very specific action? We have denounced
what happened to the Jewish Community in Outremont, a few months ago. You have
probably heard that some skin heads have been beating up people in the
Carré Saint-Louis, which is my territory, and I just do not accept it.
And if I have to look after them by myself, I will. I mean, I will not make
justice myself, but I will spot them so they can be arrested as soon as
possible. So, are those acts of discrimination in many different fields of
activity or are they only concentrated in one aspect?
And then, the second question I am asking you is: Could you give us
strong measures that could be applied as soon as possible, including relations
with the police force? These we have, as a matter of fact, because, if I may
say so, those after the skin heads attacks at the Carré Saint-Louis, we
have, the municipal counsellors, the federal MP and myself, established a kind
of consultation table with the district police force and it is working
beautifully. We might try it.
Le Président (M. Doyon): Qui est prêt à
prendre la parole là-dessus? Mme Goin.
Mme Goin: Merci bien. Moi, ce que j'ai cru, c'est que le
gouvernement continue a faire les démarches, à éduquer les
gens qui vont être en contact avec les immigrés, soit les
immigrés, les minorités visibles comme nous autres, les Noirs.
Les agents de police continuent encore à les éduquer, des cours.
Il faut qu'ils continuent d'entrer dans le milieu des Noirs à
Côte-des-Neiges, soit à Notre-Dame-de-Grâce, sur la rue
Walkley. Il faut aussi que le gouvernement continue à engager des agents
de police de la même race et qu'il les envoie dans divers secteurs
où il y en a. Comme, à Montréal, il y a des coins
où il y a une concentration de jeunes gens noirs, comme à
Côte-des-Neiges ou à Notre-Dame-de-Grâce. S'ils voient un
agent de police qui est comme eux ou comme elles, si c'est une femme, ils vont
peut-être être plus à l'aise. Le contact sera plus facile.
Les relations ensemble vont être à l'aise. Maintenant, quand ils
vont... souvent, les jeunes gens jouent dans la rue, ils voient les polices, il
y a toujours des Blancs. Quand ils les voient, ils disent: Oh! La police, et
ils s'enfuient. Peut-être que s'ils voient quelqu'un qui peut parler avec
eux, leur dire: Qu'est-ce que vous faites ici? Faites attention quand vous
faites... Ce qu'il faut, c'est parler avec eux autres au lieu d'agir comme
s'ils ne se connaissaient pas, et qu'ils aient peur. C'est comme la situation
à Oka et à Kanesatake avec les Mohawks. C'est la même
chose. Ils ont engagé des Mohawks pour être policiers, je pense,
à Kahnawake ou à Oka, où sont concentrés des gens
de la même race, peut-être pour avoir des relations plus à
l'aise. Les professeurs de l'école aussi, je pense, il faut qu'ils
continuent à faire des cours ou des échanges culturels avec eux
autres. Pour le public en général aussi, faire des annonces
publicitaires. Je pense au gouvernement du Canada qui en fait avec les photos
de tous les différents... C'est ici Québec, le Québec du
futur. Ils vont montrer des gens de toutes races. Ils faut qu'on s'habitue
à vivre ensemble, qu'on essaie de partager le pays. C'est une belle
province, le Québec, et tout le monde peut le partager en paix, ici. On
est ensemble. On réalise que tout le monde est ici pour de vrai.
Personne ne va dire: Va-t-en chez toi, tu n'es pas chez toi. C'est ici notre
maison, maintenant; c'est ici notre pays. On peut sûrement rester
ensemble à partager cette idée. Je pense que c'est une des
façons dont on peut le faire.
Aussi à l'école, après l'école, comme je
l'ai dit plus tôt, on pourrait avoir des projets - je ne sais pas comment
le dire en français - "Big Brothers, Big Sisters" pour les parents. Il
faut avoir quelqu'un qui peut parler français avec les parents et les
élèves en même temps et avec les petits. Des cours pour les
adultes pourraient être plus accessibles.
Il y a un problème d'adaptation à la culture
québécoise. La culture québécoise, pour les Noirs,
ils ne font pas de ski, ils ne jouent pas au hockey parce que c'est trop cher
pour les immigrés, je pense, mais on va à la cabane à
sucre. Tout le monde va à la cabane à sucre. On devrait continuer
à faire des annonces de ça dans le milieu. Ce sont mes
idées personnelles. C'est tout ce que j'ai ici. Peut-être que
quelqu'un peut continuer. Merci, madame. C'est ce que je pense.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Goin. M. le
député, le temps étant terminé, si vous voulez les
remercier ou une dernière remarque, peut-être.
M. Boulerice: I will say thank you. What you are really
suggesting, Wendy, is that we should copy Benetton sponsoring "united colours
of the world", when we are sponsoring Québec activities.
Mme Goin: Yes.
M. Boulerice: By the way, such action like having your Carnival
in a very, very French-speaking district such as mine is something great. Those
are little steps that make us get together, know each other much better and,
then, getting all the prejudices off. So keep going with it, i promise I will
be there next time.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je voudrais conclure en vous disant que
juste avant Noël, j'ai rencontré un groupe de la communauté,
une vingtaine de personnes de la communauté noire anglophone de la
région de Montréal et nous avons convenu de former un
comité de travail pour, entre autres, identifier certains
problèmes plus spécifiques et voir aussi quelles solutions on
peut y apporter. Je trouve que l'idée de votre conférence peut
apporter aussi une espèce d'éclairage et peut peut-être
nous aider. Donc, comme vous le savez, ma sous-ministre est à mes
côtés et je lui en ai déjà fait part. Quelqu'un du
ministère entrera en communication avec vous pour développer
cette idée et voir comment on pourrait tenir une telle
conférence. Je vous remercie de la présentation de votre
mémoire.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, merci
d'être venus nous rencontrer, merci de la présentation que vous
avez faite. Bon voyage de retour et ça nous a fait plaisir de vous
recevoir. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures
précisément, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 37)
(Reprise à 20 h 9)
Collectif des femmes immigrantes du
Québec
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Richelieu. À l'ordre, s'il
vous plaît! Est-ce qu'on a le plaisir d'avoir Mme Bizzarri ou Mme
Villefranche?
Mme Bizzarri (Aoura): Mme Bizzarri.
Le Président (M. Messier): Mme Bizzarri. Bonsoir,
madame.
Mme Bizzarri: Bonsoir.
Le Président (M. Messier): Ça va bien?
Mme Bizzarri: Oui. Et vous?
Le Président (M. Messier): Oui. Très heureux de
vous recevoir ce soir, au nom du Collectif des femmes immigrantes du
Québec. Nous allons débuter avec quelques minutes de retard votre
présentation, qui devrait durer une quinzaine de minutes et,
après ça, on aura un échange de part et d'autre du parti
ministériel. Et vous aurez le plaisir d'échanger avec le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. Boulerice. On vous
laisse pour une quinzaine de minutes, madame.
Mme Bizzarri: Je représente ici le Collectif des femmes
immigrantes, qui est un organisme à but non lucratif, multiethnique et
provincial. Nous avons 33 organismes membres actuellement. Ce sont des
organismes qui... c'est 33 groupements qui cohabitent et agissent de concert,
au-delà des différentes origines, des religions et des milieux
socio-économiques différents.
L'objectif fondamental du Collectif est de défendre les droits
des femmes immigrantes, de lutter contre les racisme, le sexisme et, bien
sûr, de sensibiliser la société québécoise.
Maintenant, ces objectifs, on essaie de les réaliser de
différentes façons, soit en mettant l'accent sur la formation
linguistique et professionnelle. On revendique la mise en place des programmes
d'accès à l'égalité, mais, également, on
travaille directement dans le sens qu'on essaie de faire... Comme l'objectif
est de rapprocher les communautés culturelles à la
communauté québécoise francophone, ce qu'on essaie de
faire dans la réalité, d'un côté, c'est de
sensibiliser la société québécoise par
différents programmes, colloques, documents, etc., et, de l'autre,
d'Intégrer les immigrants à la société
québécoise, soit en les informant de leurs droits, des
ressources, soit en donnant des sessions d'information thématique, soit
en donnant l'information sur des métiers comme tels, pour qu'ifs
puissent s'intégrer plus facilement en milieu de travail. Donc, grosso
modo, en résumé, c'est ce que fait l'organisme.
Maintenant, l'immigration, on va... Je vais faire une brève
entrée en matière avant d'arriver aux recommandations du
Collectif. C'est sûr, c'est très clair que l'immigration a
toujours représenté pour la société d'accueil un
avantage en termes d'accroissement des forces de travail, des ressources
humaines, des pouvoirs de consommation et d'investissement des capitaux. Donc,
le Québec doit compter de plus en plus sur l'immigration pour assurer
son avenir démographique et économique et, donc, la
décision d'augmenter le niveau d'immigration, ça ne nous surprend
pas.
Maintenant, il faut bien constater, à la
lecture de l'énoncé, que la nouvelle politique
québécoise en matière d'immigration donne avant tout la
priorité à une intégration économique.
Rentabilité, prospérité sont les objectifs prioritaires du
gouvernement, et on trouve que l'objectif humanitaire est quand même un
peu délaissé. Bien sûr, compte tenu du temps, on n'a pas
réagi à tous les points de l'énoncé. On a
réagi à certains ceux où l'on n'est pas
nécessairement d'accord, à ceux que l'on juge, nous, prioritaires
et à ceux qui sont plus de notre compétence. Donc, notre
mémoire ne touchera pas... et moi non plus, ce soir, je ne toucherai pas
à tous les points.
Je vais commencer par celui où le Collectif n'est pas
nécessairement en accord avec l'énoncé. C'est la
sélection des immigrants. Donc...
Le Président (M. Messier): ...quand vous êtes
pour.
Mme Bizzarri: Oui.
Le Président (M. Messier): Parfait.
Mme Bizzarri: C'est le seul où je suis contre, pour une
fois. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): On vous écoute.
Mme Bizzarri: Donc, pour nous, le Collectif, c'est très
important que le Québec garde une immigration ouverte à tous et
à toutes et sans discrimination en regard de la couleur, de la race, de
la culture ni de la langue d'origine.
Dans notre expérience d'organisme provincial et multiculturel,
rien ne nous a prouvé, jusqu'à maintenant, qu'une ethnie
s'intègre mieux qu'une autre même si, au départ, elle parle
français.
Le Québec, aujourd'hui, c'est un pays aux couleurs du monde et,
d'après nous, il devrait le rester. La volonté du gouvernement du
Québec de mieux contrôler et de mieux orienter son
intégration et la volonté légitime des
Québécois de préserver et défendre la culture
francophone, d'après nous, ne doivent pas se traduire par une politique
de sélection et de recrutement discriminatoire. Le fait d'adopter une
série de mesures discriminatoires ne contribuera pas à instaurer
une société meilleure, tolérante et pluraliste.
D'après nous, la solution, c'est de faire venir les immigrants ici, peu
importent lesquels, francophones aussi, mais une fois qu'ils sont ici, que les
jeux soient clairs. Ici, c'est en français que ça se passe et
qu'on mette sur pied les ressources nécessaires pour que la francisation
se fasse. Là, je passe justement à la francisation.
Donc, les immigrants, par rapport au chapitre de la francisation, ce que
j'ai à dire, c'est que les immigrants qui viennent ici, bien sûr,
viennent avec l'espoir d'une vie meilleure.
Ils sont très conscients, ifs savent très bien que cela
passe par l'apprentissage du français, car c'est essentiel pour
communiquer, pour travailler, pour s'intégrer. Sans la langue
française, on est comme si on était muets; on ne parle pas, on
n'a pas de voix. Donc, aujourd'hui que le Québec est maître en
matière d'intégration et de francisation de ses immigrants, il ne
faut pas qu'il manque l'occasion de faire d'une pierre deux coups. Ça
veut dire que, d'un côté, il va satisfaire les immigrants qui
revendiquent depuis longtemps l'accès à l'apprentissage du
français et, de l'autre côté, il va contenter ia
société québécoise de souche qui tient à
préserver sa langue d'origine.
Donc, les mesures qui sont proposées par rapport à la
francisation des immigrantes dans l'énoncé, en
général, sont toutes bonnes, mais il me semble qu'avant toutes
ces mesures-là, nous, ce qu'on attendait, ce qu'on aurait voulu voir, la
chose qu'on revendique depuis des années, c'est l'accès universel
pour toutes les immigrantes à la formation linguistique et
professionnelle, aux allocations et aux services de garde, sans exclusion
basée sur les statuts d'immigration ou les années de
résidence au pays. Ça, on aurait voulu le voir dans
l'énoncé et il n'y est pas. Donc, on est en accord avec toutes
les autres mesures de francisation, bien sûr, mais pourquoi pas
l'accès à tous les Immigrants à l'apprentissage du
français? C'est ça que j'aurais voulu voir et que je n'ai pas
vu.
Maintenant, toujours par rapport au français, on parle aussi de
projet-pilote pour enseigner le français dans les pays d'origine. On est
d'accord avec cette mesure-là comme avec les autres, mais, dans notre
façon de raisonner ou de compréhension, on s'est posé la
question. Il me semble qu'avant d'aller franciser les immigrants avant qu'ils
arrivent ici, la première chose à faire serait de donner
accès à tous ceux qui sont ici à l'apprentissage du
français. C'est sûr que nous ne sommes pas contre cette
mesure-là, mais pourquoi pas, avant, ne pas régler ceux qui sont
sur place ou que, déjà, on fait venir? Ensuite, s'il nous reste
de l'argent, s'il nous reste de l'énergie, bien oui, on peut les
franciser avant qu'ils viennent. Mais qu'on s'occupe au moins de ceux qui sont
là avant.
Bien sûr, on est d'accord aussi pour des cours de français
en milieu de travail, quoique, là aussi, on considère que la
première des choses à faire, c'est de les franciser en arrivant,
et la francisation dans les milieux de travail est très bien pour ceux
qui n'ont pas pu suivre les cours de français au départ.
Une revendication ou recommandation du Collectif, je ne le sais pas, en
tout cas, on va l'arranger comme... donc, c'est que la formation linguistique
actuelle, celle qui est donnée aux COFI, est très bien et elle va
permettre aux immigrants de se débrouiller. Maintenant, elle ne permet
pas aux immigrants de se trouver un
travail ou de suivre un cours de formation professionnelle. Donc, la
recommandation du Collectif, c'est qu'une formation linguistique plus longue et
plus approfondie soit offerte à tous les immigrants qui se destinent au
marché du travail parce que la formation actuelle, c'est juste pour se
débrouiller un petit peu et ça ne sert pas à
intégrer le marché du travail ni à suivre un programme de
formation.
Ensuite, pour nous, une des priorités à nos yeux, c'est
l'utilisation du français comme langue au travail. Alors, si la
promotion et l'enseignement du français en milieu de travail
s'avèrent primordiaux, encore faudrait-il pouvoir travailler en
français. Tant que les immigrants gagneront leur vie dans la langue
anglaise, les problèmes de francisation des immigrants et la survie de
la langue française au Québec ne seront pas résolus. Donc,
il faut considérer aussi que le gouvernement du Québec devra
prévoir des mesures pour sauvegarder la langue française au
Québec et pour que le français devienne réellement la
langue du travail. Parce que c'est bien beau de donner l'accès aux
immigrants à l'apprentissage du français, mais si, ensuite, quand
ils vont sur le marché du travail, le marché du travail où
vont les immigrants est majoritairement anglophone, à ce
moment-là, on vient de les perdre dans le sens de la langue
française. Donc, voilà.
Celui-là, je vais le sauter parce que j'ai peur de ne pas avoir
le temps. Ensuite, les immigrants de la catégorie de la famille. Le
collectif des familles immigrantes tient à féliciter le
gouvernement pour la mesure qu'il pense prendre par rapport à la
réduction du temps du parrainage et au délai du traitement des
candidatures. Cependant, on est inquiet quand vous parlez de
réévaluation du niveau de l'engagement financier exigé du
garant. Ces exigences économiques supplémentaires
demandées au garant n'auront pour effet que de restreindre cette
catégorie d'immigrants et elles vont renforcer une discrimination
d'ordre économique. Ça veut dire que si on applique cette mesure,
avec cette mesure, seules les classes riches, qui ont le plus d'argent,
pourront voir leurs familles réunies.
Un autre point d'interrogation pour nous, quand vous parlez des
mécanismes entourant le respect des engagements du parrain. Mon point
d'interrogation ici est le suivant. Le mécanisme pour s'assurer que les
parrains gardent ces engagements... Est-ce que le MCCI ou, en tout cas,
quelqu'un au gouvernement va faire comme au BS, le bien-être social,
là, qu'il y a les tontons macoutes qui vont voir qu'est-ce qui se passe.
En tout cas, ça, c'est un point d'interrogation. Ce n'est pas clair par
rapport à l'énoncé, ce que ça veut dire pour
nous.
Maintenant, toujours par rapport à la catégorie de la
famille, un point différent. Nous, on considère que pour
permettre à un plus grand nombre d'immigrants de s'intégrer
à la société québécoise francophone les
parrainés devraient - attendez... On demande que les besoins de
formation linguistique ne fassent pas partie des engagements du garant parce
que, de plus, l'actuel obstacle à ta francisation empêche les
immigrants parrainés de suivre aussi les programmes de formation, du
fait qu'ils ne peuvent pas suivre un programme de français. Ils ne
pourront pas non plus suivre un programme de formation et s'intégrer au
marché du travail. Donc, notre recommandation, c'est que tout immigrant
ou immigrante parrainé devrait avoir accès à la formation
linguistique, aux services de garde et aux allocations, au même titre que
la catégorie des indépendants. Alors, on laisse les autres
engagements au parrain, oui, mais, au moins, celle de la francisation,
d'après nous, ce serait très important qu'elle ne fasse pas
partie des engagements. Autrement, on ne francisera pas ces gens-là
aussi facilement que ça.
Par rapport au partenariat avec les organismes des communautés
culturelles, les organismes des communautés culturelles ont une
connaissance de la clientèle, ont une expertise et ont aussi une
façon de travailler que le gouvernement ne peut pas avoir. Maintenant,
comme vous le dites dans l'énoncé, on devrait développer
des liens de collaboration plus étroits. Mais, pour ce faire,
d'après nous, il faut reconnaître tout d'abord l'expertise des
organismes de communautés culturelles, puis il faut aussi nous donner
des moyens pour qu'on puisse opérer mieux à partir de ce qu'on
fait. Actuellement, le financement des organismes est basé sur un
financement au fonctionnement, puis un fonctionnement de projet. Donc, la
recommandation, ce serait qu'il y ait plus de financement de fonctionnement,
moins de projets, et que le financement se fasse plus à long terme.
Je vais prendre notre organisme comme exemple. Nous sommes un organisme
de rapprochement et nous avons reçu, dans l'année en cours, 20
000 $ de subvention du MCCI. Pour les avoir, nous avons dû
présenter deux demandes de subvention sur six mois. Or, quand on fait
une planification de six mois en six mois, je peux vous garantir que ça
n'aide pas l'efficacité d'un organisme. Donc, si on veut
développer le partenariat, c'est une question de reconnaissance, oui,
mais c'est une question aussi de nous donner les moyens pour qu'on puisse se
programmer un peu plus à long terme que de six mois en six mois. De
toute façon, l'argent arrive toujours après les six mois qui sont
passés, alors, on ne sait jamais: Est-ce qu'on va les avoir, oui ou non?
Et je pense que c'est dans un intérêt commun que cette
collaboration-là devrait s'établir.
Un autre point...
Le Président (M. Messier): Un dernier point, madame, parce
que nous allons commencer l'échange après ça, par la
suite.
Mme Bizzarri: Oui. Ça va. J'ai une minute? Encore une
minute?
Le Président (M. Messier): Quelques minutes, oui.
Mme Bizzarri: O. K. Donc, à la page 70 de
l'énoncé, on parle de représentativité des
communautés culturelles à des instances décisionnelles et
consultatives. Alors, moi, c'est le consultatif qui me reste un peu en travers
de la gorge. Pour nous, les femmes des communautés culturelles, l'heure
n'est plus à la consultation. Nous voulons être associées
aux prises de décision et être des partenaires véritables.
Nous faisons partie intégrante de la société
québécoise et, à ce titre, nous sommes concernées
pour toutes les décisions relatives à son fonctionnement. Donc,
nous désirons être associées à tous les projets,
à toutes les activités et à toutes les instances où
les programmes et les énoncés politiques seront
élaborés et décidés.
Nous avons à offrir plus que nos bras et que notre force de
travail. Nous avons aussi des cerveaux, nous avons des connaissances, nous
avons une expertise, et la société entière devrait en
bénéficier. De plus, nous sommes convaincues que si, dans les
lieux décisionnels, il y avait plus de minorités les
décisions prises seraient meilleures, car elles tiendraient compte de la
diversité des composantes de notre société. Donc,
associées, on considère qu'il est temps qu'on soit
associées aux décisions, parce que des consultations, on en a
faites pas mal, et pas les moindres.
Si j'ai encore juste 30 secondes... Par rapport aux relations
interculturelles, nous sommes en général en accord avec ce que
l'énoncé propose. Cependant, dans tout ce qui est proposé,
il y a deux choses qui nous semblent prioritaires: une, c'est la mise en oeuvre
d'un plan de sensibilisation de la population en ce qui concerne l'apport de
l'immigration au développement de la société
québécoise, et l'autre, qu'on priorise dans celles qui sont
proposées, c'est la mise sur pied d'une campagne de promotion
axée sur une image positive des minorités visibles pour
l'ensemble de la population. Bon, je pense que mon temps est fini.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame, merci beaucoup.
Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Mme Bizzarri, merci de votre
présentation. Je suis très heureuse de vous retrouver aux
communautés culturelles après avoir travaillé longtemps
avec vous à la condition féminine. Je sais que vous poursuivez
encore votre oeuvre auprès des femmes.
Vous avez parlé, tout à l'heure, Mme Bizzarri, de rendre
plus accessibles, entre autres, les cours de français. Vous avez fait un
certain reproche, par exemple, comme quoi le gouverne- ment, avant de franciser
ou de donner des cours de français à l'extérieur du pays,
devait penser davantage à améliorer les cours que nous donnons
ici.
Juste, peut-être, une petite remarque en passant. Nous avons
expérimenté un programme. Lorsque je suis allée à
Hongkong, l'automne dernier, j'ai signé avec l'Alliance française
une entente pour permettre aux gens, surtout aux gens d'affaires qui veulent
venir s'établir au Québec, de suivre des cours de
français. Je dois vous dire, cependant, que ces cours-là sont
à la charge, aux frais des investisseurs ou des gens d'affaires. Ce
n'est pas le Québec qui paie. Cependant, nous avons un professeur du
Québec parce que nous voulons aussi qu'il y ait un contenu de culture
québécoise. Mais je dois vous dire que c'est une
expérience quand même... C'était un genre de projet-pilote;
nous l'expérimentions. Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de demandes
et que je suis agréablement surprise de voir que ces gens suivent des
cours de français.
Donc, c'est une bonne indication pour nous que la personne ait la
motivation de demeurer au Québec, non seulement de venir, mais de
demeurer au Québec. Mais encore une fois, je vous dis que c'est un
mode... Par contre, la personne paie pour actuellement. Ce n'est pas le
gouvernement qui défraie ces cours de français et, bien
sûr, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut rendre davantage
accessibles nos cours de français, de façon qu'ils soient plus
flexibles, pour rejoindre toutes les clientèles, là où
elles se trouvent.
Alors, dans votre mémoire, à la page 5, Mme Bizzarri, vous
vous montrez particulièrement intéressée à la
formule de cours de français en milieu de travail, afin de rejoindre la
clientèle qui n'a pas eu accès à une formation
linguistique valable. C'est une préoccupation aussi que partage le
gouvernement et qui prévoit développer des projets-pilotes dans
diverses entreprises. J'aimerais savoir: En quoi cette formule
répondrait-elle à des besoins particuliers de la clientèle
des femmes et connaissez-vous des expériences dans ce domaine?
Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Non, je ne connais pas d'expériences dans le
domaine. Maintenant, c'est sûr que c'est souhaitable parce que vous savez
aussi bien que moi qu'il y a une majorité d'immigrants qui ne passent
pas à travers les cours de français en arrivant au pays et, donc,
qui nous échappent, toujours par rapport à la langue
française. Alors, c'est sûr que la façon de rattraper ces
gens-là, c'est de donner des cours de français en milieu de
travail. Donc, dans ce sens-là, c'est utile. C'est ce qu'il faudra
sûrement considérer dans ce projet-là. Il faut voir aussi
les types de travail, les types d'emploi où
ces gens-là sont, parce que c'est sûr que ce ne pourra pas
être les mêmes cours donnés à tout le monde. Il faut
voir aussi les niveaux de fatigue, les niveaux de travail que ces
gens-là vont faire. Est-ce qu'on va demander à quelqu'un qui lave
les planchers de 8 heures à 17 heures d'apprendre le français sur
la demi-heure de travail? En tout cas, c'est à voir.
Donc, les questionnements par rapport à ça, je les ferai
dans ces termes-là, selon les types de travail que ces gens-là
font. Est-ce qu'à ce moment-là, c'est sur l'heure du dîner?
Est-ce qu'on les garde encore une heure de plus? Est-ce qu'on enlèverait
peut-être une demi-heure de travail et on donnerait une demi-heure de
français? Ce serait à voir dans ces termes-là,
d'après moi, pour que ce soit quand même... pour que ces
gens-là puissent en profiter, parce que, selon là où ils
travaillent, le niveau de réceptivité peut être
différent.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (20 h 30)
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez des expériences
d'enseignement, c'est-à-dire de cours un peu plus poussés de
formation, un peu plus pointus, par exemple, pour des catégories, des
professions que pratiquent certaines femmes, des professions libérales,
ou bien encore des métiers et puis une formation plus pointue qu'on leur
donne? Je sais, par exemple, qu'il y a eu une expérience, à un
moment donné, avec un groupe de femmes, et je pense que c'étaient
des femmes africaines, entre autres, pour être capable de
développer, justement, un vocabulaire, aussi, et une pratique dans un
secteur plus spécialisé. Avez-vous eu vent de cette
expérience? Croyez-vous que c'est une bonne formule?
Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Donc, ce qu'on a remarqué, avec
l'expérience du Collectif, on offre des cours de formation en soudure.
C'est le deuxième groupe qu'on a; c'est la deuxième année.
Donc, on est allé dans les COFI pour écouter ces gens-là
et, bien sûr, on les a choisis selon leur volonté de faire un
métier non traditionnel, mais aussi c'étaient ceux qui parlaient
français le mieux. C'étaient les finissants du COFI qui se
débrouillaient le mieux en français qu'on a choisis. Parce que le
cours en soudure, même si c'est un cours manuel, ça demande quand
même une certaine compréhension du français, et c'est en
français que ça se passe.
Donc, ce qu'on a pu constater en offrant ce cours-là, on avait
déjà une dizaine... Dans le premier projet, on donnait une
dizaine de semaines de français après le COFI. Donc, on avait 10
semaines de français, quelques semaines de rafraîchissement de
mathématiques. Ensuite, on les mettait en soudure et ce dont on s'est
rendu compte, c'est que la formation du COFI est très bien pour se
débrouiller, mais elle n'est pas suffisante pour suivre un cours de
formation, même si c'est un cours de métier manuel. Je ne parle
pas de secrétariat ou quelque chose comme ça où il faut
avoir un très bon français. Même un cours qui ne demande
pas un excellent français, qui demande uniquement la
compréhension, ça ne suffit pas.
Donc, il faut avoir des cours d'appoint ou spécialisés
spécifiques pour les gens qui vont retourner sur le marché du
travail ou qui veulent suivre des cours de formation. Et là,
actuellement, le deuxième projet qu'on a fait, on a augmenté
la... De 10 semaines, on en a 14 au niveau du français. Donc, c'est un
cours de français qui a été fait un peu sur mesure pour
nous. On l'a demandé à votre ministère et on a dit: Bon,
ce n'est pas seulement de quel côté on va mettre l'accent; on a
donné les livres de soudure; c'est ça qu'il faut qu'ils
comprennent. Donc, il y a une formation de français par rapport au
métier qu'elles vont devoir apprendre par la suite. Donc, c'était
quand même une formation spécifique et, sans ça, c'est
absolument impossible pour ces femmes-là de suivre un programme de
formation, donc c'est très, très important d'avoir des cours de
formation particuliers pour la clientèle des communautés
culturelles, parce que même si elles sont passées par les COFI, ce
n'est pas suffisant. Donc, il faut pousser plus.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez qu'actuellement le gouvernement
octroie un crédit d'impôt aux entreprises qui veulent faire de la
formation professionnelle. Mais on se rend compte que très peu
d'entreprises l'utilisent pour les cours de français parce que le cours
de français peut servir aussi, est accepté comme formation
professionnelle. Qu'est-ce que vous pensez d'un crédit d'impôt qui
est accordé à l'entreprise pour l'inciter davantage à
donner des cours de français dans le milieu de travail?
Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Je pense que c'est bon. Mais là, je ne
comprends pas pourquoi ils n'acceptent pas, en tout cas, pourquoi c'est
difficile.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est peut-être parce que ce n'est pas
suffisamment connu, je me rends compte... On ne s'imagine peut-être pas
que les cours de français font aussi partie de la formation
professionnelle.
Mme Bizzarri: Donc, l'idéal, ce serait peut-être de
faire un peu de publicité dans ce sens-là. Moi, je sais, par
rapport à l'expérience du Collectif, qu'on commence depuis 10 ans
à essayer d'avoir des rapports avec les entreprises,
mais ce n'est pas facile. C'est nouveau pour une entreprise, en tout
cas, pour certaines entreprises, d'avoir affaire à une clientèle
immigrante, et une chose dont nous, on s'est aperçu, par exemple, c'est
quand on disait: c'est le Collectif des femmes immigrantes... On appelait pour
placer nos femmes en stage; ça raccrochait vite. Donc, on a appris aussi
à avoir des stratagèmes. Je ne sais pas si c'est le bon mot. On
ne disait pas Collectif des femmes immigrantes, on disait: CFI,
subventionné par Emploi et Immigration Canada. Là, on avait une
chance de prolonger le discours, essayer de planter notre clou pour dire: Bien,
on a des femmes; ça ne vous coûte rien. Est-ce que vous les prenez
en stage? Donc, il y a probablement des stratégies auxquelles je n'ai
pas pensé. En tout cas, je n'ai pas de réponse à votre
question, mais il y a sûrement des stratégies à
développer avec les entreprises. Je serais très heureuse de
collaborer avec vous ou quelqu'un de votre ministère pour
élaborer cette stratégie-là, vu qu'à ce
moment-là je serai comme dans le décisionnel et pas le
consultatif.
Mme Gagnon-Tremblay: Là, je reconnais bien les groupes de
femmes qui sont encore obligées d'utiliser toutes les stratégies
pour arriver à leurs fins. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Boulerice: Oui. Mme Bizzarri, si vous me le permettez, avant
d'aller vers vous, je vais me permettre une petite question à Mme la
ministre. Il y a quelques années, Mme la ministre, il y avait une
compagnie qui faisait une publicité à la radio et elle disait:
Notre principale richesse, nos employés; notre principale
qualité, nos produits. Je ne me souviens plus quelle compagnie, mais en
tout cas, je me souviens forcément que le slogan était percutant
puisque des années après, ça doit faire peut-être 15
ans, je m'en souviens. Pardon?
Une voix: Sidbec-Dosco.
M. Boulerice: Ah bon! Merci, cher collègue. Oui, vous avez
posé la question à Mme Bizzarri, mais...
M. Gobé: ...1978-1979.
M. Boulerice: Nous sommes déjà si vieux, cher
collègue. Que le temps fuit!
M. Gobé: J'étais jeune à l'époque.
J'étais très jeune...
M. Boulerice: Oui. Et nous mourrons, malheureusement...
M. Gobé: ...contrairement à vous.
M. Boulerice: ...mais enfin! Ceci dit, oui, vous en avez
parlé avec Mme Bizzarri, mais ne croyez-vous pas, Mme fa ministre, qu'il
faudrait peut-être faire une certaine offensive envers ces entreprises?
Je trouve ça un petit peu particulier que l'État leur offre quand
même un crédit d'impôt, ce qui est quand même
significatif. Un crédit d'impôt, pour employer le vocabulaire
courant, ce n'est pas des pinottes pour qui l'emploie parce que, effectivement,
la principale richesse, c'est leurs employés. J'avoue que je suis un
petit peu étonné de voir le faible taux de réponses de la
part de nos entreprises. Est-ce que c'est parce que ce n'est pas ancré
dans nos mentalités encore?
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que c'est parce qu'on ne
connaît pas suffisamment bien le programme, et on s'imagine que ça
s'adresse davantage à de la formation professionnelle, mais que
ça n'inclut pas les programmes de francisation. Donc, je pense qu'on a
aussi un peu de publicité à faire autour de ce programme. Je dois
vous dire que j'ai rencontré aussi, il y a quelque temps, des
représentants de l'association de l'hôtellerie et, justement, ils
étaient très, très attirés par ça. Ils
trouvaient ça quand même important et, souvent, on me disait
justement que vous avez du personnel aux chambres, par exemple, qui, si on
pouvait lui donner cette connaissance du français, pourrait fort bien
travailler dans la cuisine et, par la suite, faire le service aux tables. Donc,
on voit l'importance, dans le milieu de travail, de donner aussi cette chance
d'apprendre le français dans le milieu de travail. Mais il faut
prendre... Je pense qu'avec chaque entreprise il faut faire des ententes avec
chacune et les sensibiliser à l'importance de le faire.
M. Boulerice: Alors, vous comprendrez, Mme Bizzarri, qu'il est
important que je pose la question à Mme la ministre parce que j'ai
trouvé effectivement très intéressant que vous l'exprimiez
dans votre mémoire, que les cours de français dans les
entreprises sont nécessaires - et vous avez même ajouté
indispensables. Sauf que, vous allez convenir avec moi que ça va
probablement causer peut-être certaines difficultés d'application.
Je pense notamment à ce qu'on appelle les ghettos d'emploi. Je les situe
toujours géographiquement à Montréal parce que c'est
très identifié: Chabanel, ces emplois dans le textile où
on sait qu'il y a une très forte concentration de femmes immigrantes au
salaire minimum, sans protection aucune, d'ailleurs. Ce qui préoccupe
toujours un syndicat en particulier, et les autres le sont également,
mais un en particulier que je connais bien - ses bureaux sont à
côte des miens - qui est la CSN, qui revient toujours à la charge
là-dessus. Effectivement, il y a un problème au niveau des femmes
immigrantes et de l'emploi comme tel.
Mme Bizzarri, vous avez indiqué... et ça aussi, je
trouvais ça important. Le Collectif déplore l'absence de
modèles d'identification pour les enfants d'immigrants. Tantôt,
vos collègues et amis de Trinidad et Tobago ont fait quelque chose d'un
peu identique en disant: Oui, mais il y a des modèles d'identification
généraux qui n'existent pas. Là, quand vous dites:
l'absence de modèles d'identification pour les enfants d'immigrants...
La première image qui me vient en tête, et ce sera probablement
peut-être un beau jour une belle identification de voir que le jeune
joueur de hockey le plus applaudi au Québec sera un petit
Québécois d'origine, je ne sais pas, moi, ivoirienne,
haïtienne, ou bien vietnamienne. Est-ce un peu dans cet esprit-là
que vous le pensiez également? Parce que c'est valorisé pour les
enfants, ces modèles-là. Moi, je souhaiterais que ce soit un
violoniste aussi, parce que je m'occupe beaucoup de culture.
Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Je vais essayer de prendre une question à la
fois. Donc, par rapport aux cours de langue, quand on dit que c'est
indispensable, les cours de langue en milieu de travail, c'est vrai et c'est
aussi parce que jusqu'à maintenant il y a une majorité
d'immigrants qui ne sont pas passés par des cours de français
tout d'abord et qui n'y ont pas eu accès. En ce sens-là, oui,
ça devient indispensable.
Maintenant, pour le Collectif, ça reste toujours la
première des choses de notre première recommandation,
revendication, c'est l'accès pour tous les immigrants aux cours de
français en arrivant au Québec. Alors, ceux qu'on n'a pas pu
rejoindre de cette façon-là, qu'on les rejoigne de n'importe
quelle façon dans le milieu de travail aussi. Mais c'est sûr que
l'idéal, c'est qu'on francise les immigrants aussitôt qu'ils
arrivent.
Maintenant, l'autre, par rapport à l'intégration des
enfants de communautés culturelles. Oui, ça pourrait être
comme vous dites. Maintenant, moi, je ne l'avais pas pensé en ces
termes-là. Ça, c'est des choses qui vont sûrement revenir
avec le temps. Vous savez, parfois, on a l'impression que les enfants
s'intègrent. Ils s'intègrent plus vite que leurs parents, c'est
sûr. Ils sont jeunes, mais ça ne se fait pas si facilement que
ça. Compte tenu que les parents à la maison ne sont pas
nécessairement francisés, bien, ça n'aide pas non plus
l'enfant à s'intégrer assez vite. Dans les écoles, dans le
système scolaire actuel, ces enfants-là ne sont pas
identifiés. Il n'y a rien qui leur fait sentir qu'ils font partie de la
boutique, de la botte. Le personnel enseignant n'est pas sensibilisé; il
est formé pour enseigner une matière et il n'est pas formé
pour enseigner à 30 enfants, dont 10 ou 12 nationalités
différentes pour lesquels certaines choses ne veulent pas dire la
même chose. Aussi, ils sont très réticents à
utiliser l'expertise des organismes des communautés culturelles. Donc,
pour qu'on puisse se rendre, qu'il y ait un joueur de hockey autre, en toui
cas, que je ne le sais pas, haïtien, africain ou qu'il y ait une
escrimeuse italienne... Ma fille fait de l'escrime. Elle a déjà
gagné les championnat provinciaux...
M. Boulerice: Ah oui! Ah!
Mme Bizzarri: Maintenant, elle ne va pas bien. Donc, avant de se
rendre jusque-là, il y a des mesures qu'il va falloir prendre. Donc, il
faut que les commissions scolaires élaborent une politique
d'embauché de personnel des communautés culturelles. Ça
veut dire que, si on a ce personnel-là, l'enfant peut s'identifier
à quelqu'un. Il faut que le personnel enseignant reçoive des
cours de sensibilisation aux différentes réalités
culturelles et aussi, à notre avis, on a besoin d'activités qui
suscitent un sentiment d'appartenance de ces jeunes-là. Ces
jeunes-là, c'est les Québécois de demain. Donc, ce n'est
pas juste une question de leur apprendre le français.
Oui, bien sûr mais il faut aussi qu'ils se sentent partie de ce
pays. Ils ont déjà des parents à la maison qui,
peut-être, n'ont pas eu la chance, n'ont pas eu l'accès à
l'apprentissage du français. En plus, dans les manuels scolaires, ils ne
voient pas nécessairement des têtes frisées comme la leur
ou de couleur aussi foncée. Ensuite, l'enseignante, avec toute la bonne
volonté du monde, n'est pas formée et ne sait pas trop quoi
faire. Donc, oui, il faut des programmes de sensibilisation pour les
enseignants; il faut embaucher du personnel immigrant; il faut des
activités qui donneraient un sentiment d'appartenance à ces
jeunes-là dans les écoles.
Il y a aussi, d'après nous, des ressources qui devraient
être mises à la disposition des organismes communautaires.
Ça pourrait être le gouvernement aussi qui le fasse. En
général, ça coûte moins cher quand c'est les
organismes communautaires qui le font, et cela viserait à rejoindre les
parents des enfants, pour les mettre au courant de ce qu'est le système
scolaire ici, comment ça se passe. Ce n'est pas nécessairement
comme dans les pays d'origine. Donc, il faut que les parents aussi soient
conscients du système scolaire québécois, de la
façon, aussi du besoin, qu'ils s'impliquent pour aider leur enfant. Bien
sûr, il y a une chose: il ne faut pas s'attendre actuellement, avec le
non-accès à l'apprentissage du français pour la
majorité des immigrants, que le parent d'un enfant immigrant puisse le
soutenir dans les travaux scolaires.
Moi, ma fille, je l'ai aidée jusqu'à ce qu'elle soit en
troisième primaire; maintenant, c'est elle qui me dit où mettre
les accents. Donc, tout ce que je fais, c'est dire: Est-ce que tu as fait tes
devoirs? Mais je ne peux pas la soutenir.
II faut aussi être conscient de ça, qu'il y a une
majorité de parents qui ne peuvent pas soutenir ces enfants-là.
Donc, il faut que le milieu scolaire tienne compte de ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bizzarri. M. le
député.
M. Boulerice: Oui. Vous avez parlé également, Mme
Bizzarri, de favoriser l'accès des femmes des communautés
culturelles au milieu de pouvoir. Je pourrais vous donner deux exemples qui,
à mon point de vue, sont merveilleux. Je pourrais citer Mme
Frulla-Hébert qui est ministre des Affaires culturelles et active
à l'intérieur du parti ministériel et... Pardon? Je
pourrais vous parler aussi, dans notre cas à nous, de Mme Nadia
Assimopoulos, qui a assumé des fonctions très importantes
à l'intérieur de notre formation politique: présidente de
l'exécutif national. Pardon?
M. Gobé: Jean Alfred.
M. Boulerice: Je parle de femmes, monsieur, et je vous prierais
de vous taire quand je parle, M. le député de LaFontaine!
Le Président (M. Doyon): Adressez-vous au
président, M. le député. C'est le président qui
ramène les députés à l'ordre et non...
M. Boulerice: Exercez, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Alors, demandez-le-moi, M. le
député.
M. Boulerice: Alors, je vous demande de demander à M. le
député de LaFontaine... Ses incartades, depuis le début de
la commission, commencent à peser lourd.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
LaFontaine, je vous prierais d'être prudent dans vos propos. Vous avez la
parole, M. le député.
M. Gobé: J'en prends bonne note, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Boulerice: Vous allez me dire: Ce n'est que deux personnes que
j'ai nommées, mais c'est quand même des exemples qui ont force de
valeur. Mais ceci, c'était, pour vous dire: Est-ce que vous avez des
relations avec un groupe-Non, je ne me rappelle plus exactement l'appellation,
mais comme Mme la ministre a été ministre de la Condition
féminine le groupe de Mme Debas qui s'occupe beaucoup de
l'accès...
Une voix:...
(20 h 45)
M. Boulerice: FRAP voilà! qui est un groupe qui fait un
travail extraordinaire pour l'accès des femmes justement au milieu du
pouvoir, milieu économique également. Je pense qu'elles font un
travail admirable et je pense que ce serait peut-être intéressant
que le Collectif fasse la jonction avec ce groupe.
Mme Bizzarri: J'ai la parole!
M. Boulerice: Enfin, je vous donne comme suggestion comme
telle...
Mme Bizzarri: Oui, pourquoi pas!
M. Boulerice: ...parce que je trouvais intéressante
l'introduction de cette notion-là de favoriser l'accès des femmes
des communautés culturelles aux lieux de pouvoir. Mais une question
vraiment qui me tient à coeur... Dans votre mémoire, vous ne
discutez pas de la situation de plusieurs femmes immigrantes qui sont en
attente du statut de réfugié et ça, vous savez que c'est
une condition extrêmement difficile. Je pense que ce n'est pas moi qui
vais vous l'apprendre. Votre organisme a-t-il des données sur la
situation économique de ces femmes, le type d'emploi, le taux de
chômage, etc., et que devrions-nous faire?
Mme Bizzarri: O.K. Bon. Je m'excuse. Je vais en prendre une
à la fois et j'en aurais aussi une à commenter... à la
fois. Bon. Alors, par rapport au pouvoir, première question. Par
rapport... Donc, c'est bien sûr que les organismes, entre nous, on garde
les contacts et, en tout cas, on collabore. Maintenant, quand on parle d'avoir
des femmes des communautés culturelles associées aux prises de
décision, ce n'est pas uniquement de les associer à un organisme
qui pousse dans cette direction-là. C'est parfait. Ce que je suis en
train de demander ici, c'est que le gouvernement ait une porte plus grande
ouverte et qu'il y ait un autre point de vue plus ouvert par rapport... pas
juste à un organisme qui pousse dans le dos des femmes pour qu'elles
prennent le pouvoir. Il faut aussi, une fois qu'on vient cogner à la
porte, que la porte s'ouvre. L'endroit où est le pouvoir, il faut bien
que la porte s'ouvre.
M. Boulerice: On a essayé dans LaFontaine.
Mme Bizzarri: Donc, je pense que le gouvernement a son rôle
à jouer par rapport à donner l'accès aux décisions
à tous les citoyens minoritaires ou pas parce que, au fait, si on met
toutes les minorités, communautés culturelles, autochtones,
handicapés et toute l'affaire, les femmes, eh bien, on va finir par
être une majorité. Et donc, nous, on pense que toutes les
minorités devraient avoir accès aux prises de décision au
même titre que les autres, parce
qu'on est convaincu que les décisions vont être meilleures
une fois qu'on sera là-dedans.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Est-ce que ça répond à votre
question?
M. Boulerice: Oui, et pour la situation des femmes immigrantes en
attente du statut de réfugié?
Mme Bizzarri: Est-ce que ça vous déplairait de me
reformuler la question par rapport aux réfugiés? Je vous avoue
que j'ai oublié.
M. Boulerice: Dans votre mémoire... Mme Bizzarri:
II n'y a rien.
M. Boulerice: Ce n'est pas un reproche, Mme Bizzarri. Vous n'en
parlez pas...
Mme Bizzarri: Oui.
M. Boulerice: Et personnellement, j'attache
énormément d'importance à ce volet de l'immigration, des
femmes immigrantes qui sont en attente du statut de réfugié. On
sait que c'est long. On sait dans quel climat vivent ces femmes, etc. La
question que je vous posais, c'est: Votre organisme a-t-il les données
qui pourraient peut-être nous permettre de mesurer l'ampleur de tout
cela, des données sur la situation économique de ces femmes, le
type d'emploi, le taux de chômage qui peut exister chez ces femmes
immigrantes en attente du statut de réfugié?
Mme Bizzarri: Nous n'avons rien présenté dans notre
mémoire par rapport aux réfugiées, un, parce que le
délai était assez court et on a beaucoup d'autres engagements,
à part celui de présenter le mémoire, et aussi parce qu'on
ne s'occupe pas spécifiquement des femmes. Donc, il y a d'autres
organismes, comme la table de concertation sur les réfugiés, dont
on s'attend à ce qu'ils mettent l'accent sur ce point-là. Nous,
non, on n'a pas de données par rapport à ça. Bien
sûr, on trouve que l'attente pour régler le statut de ces
gens-là est trop longue. En attendant, ces gens-là ont ici, au
Québec uniquement, un accès à l'apprentissage du
français qui est quand même limité. Je ne sais plus combien
de classes il y a en ville, à Montréal, pour apprendre le
français, le soir, à temps partiel, chose très difficile
pour quelqu'un qui est réfugié, donc qui a un travail
déjà précaire et assez dur. Donc, c'est sûr qu'il
faudrait voir à ces changements-là. Maintenant, ce n'est pas
notre... Comment est-ce que je pourrais dire? On n'a pas une connaissance
spécifique par rapport à ça.
Le Président (M. Doyon): D'accord.
Mme Bizzarri: Ce n'est pas pour rien qu'on n'a pas
touché...
M. Boulerice: Mme Bizzarri, votre organisme, comme tous les
autres organismes de même nature que le vôtre, ont parlé de
financement, ont parlé du subventionnement de l'État à ces
organismes, d'une augmentation des subventions. Les budgets, semble-t-il, ne
répondent pas aux besoins que vous avez pour le fonctionnement. Donc, je
pense qu'on n'entreprendra pas une longue discussion au sujet du
bien-fondé de l'augmentation de ces budgets. Mais vous avez,
tantôt, fait un exemple qui est important, à savoir que vous
passez 6 mois à remplir le formulaire, 6 mois d'attente avant de vous
faire répondre que, oui, c'est accepté, et 6 mois avant que le
chèque arrive. Donc, si vous avez bien calculé comme moi,
ça fait 18 mois déjà que vous avez...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...embarqué sur l'année suivante. Et
là, vous recommencez encore ce même cycle. Est-ce que ce ne serait
quand même pas un certain avantage tout de suite au départ? Dans
l'hypothèse que, malheureusement, il n'y a pas d'augmentation, mais s'il
y avait au moins la possibilité d'obtenir un budget triennal, ce qui
vous éviterait de vivre à la petite semaine et d'aller dans une
planification ou une certaine priorisation, ne serait-il pas... Je m'excuse,
mais, le temps avançant, l'élocution flanche. Est-ce que ce ne
serait quand même pas un petit pas en avant qui pourrait faciliter la vie
des organismes comme le vôtre?
Mme Bizzarri: Bon. Alors, c'est sûr que l'augmentation est
nécessaire. Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ha, ha, ha!
Mme Bizzarri: Maintenant, je voudrais juste mettre les points sur
les "i". Je n'ai pas dit que ça prend six mois pour remplir un
formulaire.
M. Boulerice: Mais, des fois, ça peut aller très
longtemps.
Mme Bizzarri: Non. Ce qu'on trouve pénible, c'est de
devoir faire des demandes de subvention de six mois en six mois. Donc,
ça ne prend pas six mois pour le faire. En tout cas, faire une
programmation de six mois, quand on a la réponse à la fin des six
mois, alors là, c'est sûr que ça n'aide pas dans
l'efficacité d'un organisme. Donc, bien sûr, l'augmentation serait
bienvenue. De toute façon, la ministre et d'autres savent c'est quoi,
les conditions économiques des
organismes et les finances, ce qu'on a à notre disposition.
Maintenant, au cas où il n'y aurait pas d'augmentation, ce serait quand
même très bénéfique que les subventions soient
stables et plus à long terme. Déjà, ce serait un bon pas.
Alors, je ne veux pas renoncer à l'augmentation en disant ça,
mais c'est sûr que, si on est financé, supposons, sur deux ans ou
trois ans, ça peut être le même montant pendant trois ans,
l'un après l'autre, sauf qu'on sait qu'on va les avoir chaque
année sur trois ans. Là, on se fait un programme autre que de six
mois en six mois. Donc, l'augmentation, c'est bien parfait, mais ce qui est
très important, c'est de savoir que pendant deux ans ou trois ans on
peut fonctionner. Donc, on peut prévoir des activités à
plus long terme, et on devient plus rentable. En tout cas, le service qu'on
offre est plus rentable, si c'est fait d'une façon...
M. Boulerice: Parce que ça se fait. En tout cas, pour ce
qui est de la culture - je peux vous en parler longuement - il resterait
à souhaiter que Mme la ministre fasse la jonction avec sa
collègue pour voir quelle est la mécanique du ministère
des Affaires culturelles, mais je pense que ça pourrait assez
facilement... De toute façon, je la vois assez réceptive à
ce niveau-là.
Mme Bizzarri, je vais terminer en vous remerciant de votre
participation. J'ai surtout remarqué que ce dossier, vous en parlez avec
le coeur et la raison, donc avec une certaine passion. Je pense que c'est un
gage d'avancement pour votre collectif d'avoir une personne comme vous à
sa direction. Je vous remercie de votre présence, madame.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu, est-ce que vous avez toujours une question à poser?
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je vais être
court pour donner l'occasion à mon collègue de LaFontaine de vous
poser une petite question. Mme Bizzarri, dans un premier temps, j'aimerais vous
féliciter, vous dire personnellement que je vous admire. Vous êtes
toujours très active. On a eu la chance de se rencontrer à
quelques reprises. Vous participez à la vie active du Québec.
J'aimerais vous demander si vous pouvez me donner votre propre
expérience. Comment vous avez réussi à développer
cette implication sociale et à prendre en main des causes qui sont
justes et à les faire avancer, comme la cause de la femme, la famille
immigrante et la femme, en général? Comment avez-vous
réussi à avoir cette maîtrise du français? Quel
support financier avez-vous eu? Comment vous pensez prendre le modèle
que vous avez eu et le transporter aux nouveaux arrivants?
Le Président (M. Doyon): Mme Bizzarri.
Mme Bizzarri: Donc, si j'ai bien compris, la question est
personnelle. Comment est-ce que, moi...
M. Khelfa: Si vous me permettez de la poser.
Mme Bizzarri: Oui, oui. Si les autres n'ont pas de
problème, moi, je n'en ai pas. Alors, je ne le sais pas trop. Donc,
c'est sûr qu'il y a une chose. Moi, j'ai été de la
catégorie chanceuse qui avait accès aux COFI. Donc, comme je l'ai
dit tantôt, ce n'est pas suffisant pour se trouver un travail
décent et tout le reste. Maintenant, j'ai quand même eu la chance
de suivre un cours de français, pendant six mois, aux COFI, ce qui m'a
donné une connaissance de base, qui m'a permis, par la suite, de faire
d'autres pas. Bien sûr, j'en ai fait un après l'autre. Ça
fait 19 ans que je suis là. Alors, voyez-vous, je n'ai pas fait de
grands sauts. Je monte les marches une à la fois.
M. Khelfa: Plusieurs, peut-être.
Mme Bizzarri: J'aimerais bien pouvoir voler! Ce n'est pas le
cas!
Donc, c'est ça. Je veux dire que je n'avais pas d'autre
financement ou d'autre source que celle que le gouvernement a offerte par
rapport aux cours de français. Je suis partie de la manufacture, donc,
je ne viens pas... J'ai travaillé à la manufacture avant. Le
cours de français m'a aidée dans une certaine mesure, et
ça m'a permis après de changer. Pourquoi, moi, j'ai fait ce que
j'ai fait? Pourquoi j'ai mis autant de coeur et de passion, pas dans certains
dossiers, dans tous les dossiers où je mets les mains?
M. Khelfa: C'est normal. Vous prenez à coeur la
société québécoise. Je vous félicite. Mais
là, si je comprends bien, le déclencheur, c'a été
le COFI et votre volonté de faire quelque chose pour la
société.
Mme Bizzarri: Ça s'est fait à deux. Ça s'est
fait à deux dans le sens que c'est sûr qu'il faut que la
société québécoise donne un coup de main, et c'est
les immigrants aussi. Donc, ça s'est fait à deux. Maintenant, si
l'immigrant ou moi, je n'avais pas eu cet accès-là et
j'étais tout le temps restée à la manufacture,
peut-être qu'avec mon caractère je serais sortie pareil. Ça
aurait pris beaucoup plus longtemps parce que le besoin primordial de remplir
le frigidaire passe avant tout, pour moi comme pour n'importe qui d'autre.
Alors, si je n'avais pas eu cette chance-là, eh bien, ça m'aurait
pris peut-être plus longtemps et peut-être pas non plus.
M. Khelfa: Juste une dernière...
Mme Bizzarri: Sans vouloir rien enlever à mes
qualités personnelles... mais c'est sûr que
l'ai eu besoin du minimum. La société, il faut aussi
qu'elle ouvre les portes aux immigrants pour que nous, on puisse participer...
(21 heures)
M. Khelfa: À partir de votre expérience - et je
termine avec ça - lesquelles vous semblent répondre le mieux aux
besoins des femmes immigrantes en matière de francisation? Est-ce que
c'est le pays d'origine, le milieu scolaire ou bien les médias
ethniques?
Mme Bizzarri: Est-ce que vous...
M. Khelfa: Pour franciser une immigrante...
Mme Bizzarri: Oui.
M. Khelfa: C'est quoi le milieu le plus propice pour vous?
Mme Bizzarri: Bon. Moi, tout d'abord, je reviens avec la
même chose; depuis 1983, je le dis. Tout d'abord, il faut que toutes les
immigrantes aient accès à l'apprentissage du français avec
une allocation minime qui leur permette de survivre. Parce que si j'ai
accès mais je n'ai pas un sou noir, bien, je vais aller sur le
marché du travail, et le marché du travail auquel les immigrants
ont accès ou ont une chance d'être engagés n'est pas
francophone. On parle uniquement francophone. Donc, ce n'est pas seulement une
question de milieu favorable pour apprendre le français. La question
première, d'après nous, au Collectif, c'est que toutes les
immigrantes devraient avoir accès à l'apprentissage du
français. Tu arrives au Québec. Bien, voilà, ma
chérie, six mois de cours de français! Et je te donne, même
si c'est très peu, un minimum pour que tu ne meures pas de faim pendant
que tu suivras ces cours-là.
Parce que, au fait, les allocations que le fédéral,
jusqu'à maintenant, a données et que le provincial a
gérées, là - ce qu'on fera par la suite, on verra bien -
ce sont des allocations qui équivalent au BS, au bien-être social.
Donc, moins que ça pour survivre, on ne peut pas l'avoir, donc, c'est
ça le départ; c'est ça et une fois qu'on a ça, je
pense qu'après... on verra, après. Donnez-nous ça. On
verra après si ce sont les organismes communautaires, si c'est ci, si
c'est ça. Donnez-nous l'accès à l'apprentissage
après que les cours eurent été donnés aux COFI.
Qu'ils soient donnés dans l'organisme à côté du
nôtre, est-ce que ça a vraiment une importance? Je ne suis pas
sûre.
En tout cas, c'est comme le droit de vote aux femmes. Quand les femmes
n'avaient pas le droit de vote, on disait... Il y en avait qui disaient: Ah!
mais elles ne sauront pas pour qui voter, peut-être qu'elles voteront
mal, peut-être qu'elles n'iront pas voter, elles ne seront pas
intéressées; en tout cas, plein de choses.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame...
Mme Bizzarri: Une fois qu'on leur a donné le droit de
vote, elles l'ont utilisé. Donc, donnez-nous l'accès à
l'apprentissage du français; après, on verra bien les milieux les
plus favorables. C'est l'accès et des allocations qui vont nous
permettre de survivre, qui vont faire qu'on va se franciser.
Le Préaident (M. Doyon): Merci, Mme
Bizzarri. Le temps est écoulé. Vous permettrez
à
Mme la ministre de vous remercier en quelques mots.
Mme Gagnon-Tremblay: Bien sûr que je voudrais remercier Mme
Bizzarri. Et je retrouve en elle la batailleuse, celle qui ouvre encore, et je
dirais même, qui défonce encore des portes pour pouvoir atteindre
les objectifs qu'elle se fixe. Alors, je vous encourage à continuer et
je vous remercie beaucoup aussi des propositions que vous nous avez faites, et
je les prends en considération. Merci beaucoup, Mme Bizzarri. Bon voyage
de retour.
Le Président (M. Doyon): Au nom de tous les membres de la
commission, Mme Bizzarri, merci beaucoup.
Mme Bizzarri: Est-ce que j'ai le droit de dire quelque chose
encore ou non?
Le Président (M. Doyon): Ah! si vous avez quelque chose
à ajouter, allez.
Mme Bizzarri: Bien, j'espère, Mme Gagnon-Tremblay, de
défoncer votre porte aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Elle est déjà ouverte.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Bonsoir.
Mme Bizzarri: Bonsoir.
Le Président (M. Doyon): Nous allons maintenant, en
permettant à Mme Bizzarri de se retirer, demander aux
représentants de la Maison d'Afrique, Mme Hekpazo et M. Ndiaye, de bien
vouloir s'approcher.
Maison d'Afrique
Mme Hekpazo (Jacqueline): Juste Mme Hekpazo.
Le Président (M. Doyon): Alors Mme Hekpazo, soyez
doublement bienvenue. Vous savez
comment on fonctionne à peu près. Mme Hekpazo:
Oui.
Le Président (M. Ooyon): Une vingtaine de minutes pour
vous et, ensuite, on se partage le reste du temps. Nous vous
écoutons.
Mme Gagnon-Tremblay: Bonjour, madame.
Mme Hekpazo: Bonjour. Alors, une mise au point
préliminaire. Dès la préface de l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration, les limites
de l'exercice sont clairement posées par le premier ministre
lui-même: "Dans le cadre constitutionnel actuel, nous ne possédons
pas tous les pouvoirs nécessaires pour atteindre seuls les objectifs du
présent énoncé." De fait, selon l'article 95 de la
Constitution, une incompatibilité des lois peut limiter le pouvoir des
provinces. Dans ce cas, lorsque l'application d'une loi ou d'un
règlement provincial entraîne la désobéissance
à une loi ou à un règlement fédéral, c'est
la loi fédérale qui a prépondérance.
En outre, les politiques d'accès au territoire canadien sont de
plus en plus restrictives et ce, depuis l'adoption des lois
fédérales C-24 en 1976, C-55 et C-84 en 1988. Pourtant,
d'après Statistique Canada de 1984, il faudrait 275 000 immigrants par
année pour avoir un taux d'accroissement de la population d'à
peine 1 %.
Que dire également de la Loi sur les langues officielles - C-72 -
qui prône le bilinguisme, alors qu'au Québec existe une Charte de
la langue qui tend à franciser l'ensemble de l'activité
économique et sociale, la loi 101?
Malgré ce que semble croire la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration, ce n'est pas la première fois que le
Québec se dote d'orientations dans ce domaine. En effet, "Autant de
façons d'être Québécois" exprimait
déjà une vision ainsi qu'un plan d'action en faveur des
communautés culturelles, un plan qui avait d'ailleurs suscité
beaucoup d'espoir mais qui est resté lettre morte.
Le ministre délégué aux Communautés
culturelles, quant à lui, pose une facette essentielle de la
problématique immigration-intégration. Les rapports
intercommunautaires harmonieux sont plus faciles à établir quand
il n'y a pas de lien entre le statut socio-économique des individus et
leurs attributs ethniques. À la fin de son message, quand le ministre
délégué écrit: "Les Québécois des
communautés culturelles sont d'abord et avant tout des
Québécois tout court", il semble oublier toute la
problématique constitutionnelle en cours.
Quelques commentaires sur la première partie de
l'énoncé. Les auteurs de l'énoncé semblent croire
que l'immigration, de façon générale, est un choix. Pour
nous qui sommes originaires d'Afrique, donc du tiers monde, ce sont les
conditions matérielles et sociales d'existence extrêmement
difficiles qui nous amènent, pour la majeure partie d'entre nous, de
l'exode rural à la ville et au chômage et de là, à
l'immigration. En outre, le fait de s'établir au Québec est
dû à ce que le Canada était l'un des derniers pays
occidentaux relativement ouverts pour l'immigration. Du moins, c'est cette
image qui perdure à l'étranger car, dans les faits, la migration
a toujours été éminemment sélective au niveau de la
classe socio-économique. Il y a, d'une part, des immigrants
indépendants, travailleurs qualifiés et productifs et, d'autre
part, des immigrants parrainés, en majorité non qualifiés
ou, au mieux, dont les qualifications ne sont pas
considérées.
En outre, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la
politique d'immigration du Canada souffrait du cadre discriminatoire dit du
traitement préférentiel. Jusqu'en 1967, les personnes de race
noire faisaient face à des politiques très restrictives en
matière d'immigration; sauf en 1955, où le gouvernement
fédéral accepte l'entrée de 280 Antillaises anglophones se
destinant à des emplois de domestiques. Cette mesure comblait un besoin
temporaire de main-d'oeuvre dans un domaine peu valorisé. Jusqu'en 1967,
l'immigration noire était principalement anglophone, féminine,
cantonnée dans des secteurs d'emploi dits féminins: les
infirmières, ouvrières ou domestiques. Ceci étant
posé, qu'en est-il de l'entente Cullen-Couture?
L'entente Cullen-Couture reconnaît au Québec des
responsabilités en ce qui concerne la détermination du volume et
la sélection de ses immigrants. En fait, le Québec
sélectionne seulement les immigrants indépendants auxquels s'est
ajoutée, depuis quelques années, la catégorie des
immigrants investisseurs. Or, les immigrants indépendants sont ceux qui
ne répondent ni à la catégorie de la réunification
de la famille ni à celle des réfugiés qui, eux, comptent
pour environ la moitié de l'ensemble des arrivées en 1988 et
échappent à tout contrôle du Québec.
En outre, il est bon de souligner qu'un investisseur investit pour son
profit propre et très secondairement pour le bénéfice du
pays d'accueil. Le fédéral garde aussi l'exclusivité de la
mission au niveau des règles relatives à la santé et
à la sécurité. L'entente Cullen-Couture de 1978 n'abordait
pas directement la question de l'intégration des immigrants, mais le
fédéral intervient par le biais de la politique du
multiculturalisme et par ses responsabilités dans le domaine de
l'emploi.
On notera encore ici une incompatibilité fondamentale entre le
concept d'une société francophone distincte et celui d'une
société multiculturelle. L'échec de l'accord du lac Meech
a remis en question ces conceptions. Le Canada est-il une mozaïque de
communautés ethniques, une juxtaposition multiculturelle, étant
entendu alors que les Canadiens français sont un groupe ethnique parmi
les autres? Mais ni le Québec ni
les autochtones ne se reconnaissent ainsi. Ou bien le Canada est-il une
fédération où toutes les provinces sont égales?
Dans ce cas, il n'y aurait aucune raison pour que le Québec ait un
statut distinct de celui des autres provinces. C'est donc dans ce contexte
qu'il faut comprendre les questions soulevées par l'immigration et
l'intégration.
Le fédérai fixe donc toujours les nonnes et objectifs
nationaux. C'est toujours lui qui détermine le nombre d'immigrants que
le Canada accepte, le Québec n'obtenant que le droit d'en accueillir un
nombre proportionnel à sa part de la population canadienne plus 5 % pour
des raisons démographiques. Le premier ministre canadien le dit ainsi:
"L'entente sur l'immigration ne défavorise donc aucune province. Nous
ajouterions qu'elle n'en favorise aucune et qu'elle ne favorise donc pas le
Québec pour les raisons que le premier ministre cite lui-même:
"Personne n'interprète cette disposition comme un engagement ferme de la
part du gouvernement fédéral à envoyer un certain nombre
d'immigrants au Québec. Elle n'est pas non plus un engagement de la part
du Québec à accueillir un certain nombre d'immigrants. De plus,
personne ne peut garantir que tous ceux qui s'établissent au
Québec vont y demeurer étant donné que le principe de
libre circulation et d'établissement des personnes prime dans la Charte
et garantit que les immigrants venus au Québec restent libres de
s'installer dans une autre province."
À propos de l'obligation contractuelle et du programme
d'accès à l'égalité dans la fonction publique, en
considérant ce qui se fait au niveau fédéral dans ce
domaine, nous pourrons mieux juger des difficultés de réalisation
de ces deux points.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi fait
obligation pour les entreprises sous juridiction fédérale
comptant 100 employés et plus de produire un rapport annuel sur
l'état d'avancement de leurs programmes d'équité en
matière d'emploi. Mais la loi ne prévoit aucune sanction pour les
sociétés qui n'atteignent pas un taux satisfaisant de
représentation. Le pourcentage de représentation d'un groupe
cible donné au sein de la fonction publique peut être
considéré, quant à lui, comme un indicateur de la place
réservée dans la société à ce groupe
donné, à l'instar du PNB comme indicateur de développement
d'un pays donné.
C'est ainsi qu'une étude du Conseil ethno-culturel du Canada,
basée sur les rapports de 13 sociétés nationales, souligne
la piètre performance de la représentation des minorités
visibles au sein de ces sociétés soumises à la
réglementation fédérale. Alors que les minorités
visibles constituent 6,3 % de la population active au Canada, leur taux de
représentation est nettement inférieur.
En outre, l'étude notait que les travailleurs des
minorités visibles occupent surtout des emplois
semi-spécialisés, manuels et de soutien administratif. Ils
doivent faire face, de plus, à la discrimination systémique
ancrée dans ces entreprises.
Au niveau québécois, concernant cette question de
sous-représentation dans la fonction publique, ce que l'on constate,
c'est que la proportion des minorités ethniques va en
décroissant: 4,3 % en 1986; 4,14 % en 1987; 3,8 % en 1989.
À la lumière de ces chiffres qui touchent l'ensemble des
groupes ethniques, nous nous demandons comment le pourcentage de 12 % va
être atteint, et ce, d'ici à 1993. Et, spécifiquement, quel
sera le taux de représentation des minorités visibles à
l'intérieur de ce pourcentage? Surtout que, comme le déclarait
l'ex-ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme
Louise Robic: "À ce niveau, le plus grand problème qui se pose
est celui de la diminution de la taille de l'État, prônée
par le gouvernement libéral. Ainsi, on ne recrute pratiquement plus dans
le secteur public, qui compte à peine, parmi ses effectifs, 3 % des
représentants des minorités ethniques."
À propos de l'avenir démographique du Québec, selon
une étude rendue publique en décembre 1989 par le gouvernement
fédéral, il est montré que la proportion des francophones
du Canada continue de diminuer et n'est plus que de 23 % de l'ensemble
canadien, après avoir atteint 30 % en 1950.
D'après une projection du Bureau de la statistique du
Québec, à partir des données du recensement de 1981, en
1981, la population québécoise constituait 27 % de l'ensemble
canadien. Elle serait de 20 % dans 40 ans. Et à partir des
données de 1986, la part du Québec diminue sans cesse de 26 %
à 24,5 % de l'ensemble national entre 1986 et 2011, sur une
période de 25 ans, donc moins du quart de la population du Canada. Ces
données posent directement le problème de la diminution du poids
relatif du Québec dans l'ensemble canadien, ceci pouvant amener une
érosion de son poids politique.
Pour 1990, il fallait autour de 40 000 immigrants pour que le
Québec accueille 25 % des immigrants du Canada. Or, il y a eu 25 000
immigrants en 1988; 30 000 en 1989; 35 000, probablement, en 1990. Selon Mme
Nicole Brodeur, pour 1990, 30 000 à 33 000 immigrants étaient
prévisibles. De 1980 à 1988, la moyenne annuelle est d'environ 20
000 immigrants pour le Québec, c'est-à-dire 17 % de l'ensemble
canadien. On est loin des 25 %. Pour remonter la côte, ne pourrait-on pas
considérer la suppression de l'arriéré qui concerne 35 000
personnes environ au Québec? De 1980 à 1989, le Québec
aura donc reçu environ 230 000 immigrants, soit une moyenne annuelle de
23 000, comme la décennie précédente. C'est en 1967 que le
chiffre record de 55 000 immigrants a été atteint pour le
Québec. Cela coïncidait avec un taux de chômage
de moins de 6 %. En 1984, par comparaison, c'est un peu moins de 15 000
immigrants qui arrivent au Québec. Cela coïncidait avec la fin
d'une récession qui portait des taux de chômage de 13 % à
14 % par endroits.
Le Québec n'ayant pas actuellement de politique de plein-emploi,
il est à craindre que, tout comme au fédéral, les
politiques d'immigration développées par les deux gouvernements
se rejoignent dans le fait que l'entrée au Canada est favorisée
pour les capitaux et les personnes fortunées, et l'accès est
rendu plus difficile aux travailleurs ordinaires, avec peu ou pas de
qualification, ainsi qu'aux personnes démunies ou en détresse.
L'énoncé de politique se dirige donc dans la même
direction.
À propos de la pérennité du fait français,
Ses autorités fédérales admettent que leurs politiques en
matière d'immigration favorisent les anglophones. En 1987, 31 % des
immigrants étaient des anglophones, 19 % des francophones; alors qu'en
1983 32, 7 % étaient francophones et 21 % des anglophones. En 1988, sur
160 000 immigrants au Canada, 12 124, soit 3 %, connaissaient le
français et 46 % l'anglais. Et cette proportion demeure inchangée
depuis au moins une décennie, admettent ces mêmes
autorités. M. Jean Dorion de la SSJBM évalue le pourcentage
d'immigrants sans connaissance du français à leur entrée
au Québec, de 62 % qu'ils étaient en 1985 à plus de 70 %
en 1988. Il est normal dans ce contexte d'insister sur la francisation et d'en
demander le financement nécessaire au fédéral.
On peut souligner aussi que les coûts engagés pour la
francisation sont minimes par rapport aux coûts engagés par les
pays d'origine pour la formation de ces travailleurs qui émi-grent
ensuite pour le bénéfice du pays d'accueil.
A propos du contrat moral, il est écrit que "l'immigration est un
facteur nécessaire et un atout", et un peu plus loin, "l'immigration
constitue un privilège accordé par la société
d'accueil". Il semble donc y avoir quelque contradiction dans les termes! (21 h
15)
Nous ne pensons pas qu'il y ait une morale attachée au
phénomème de l'immigration. C'est une nécessité de
part et d'autre, autant pour la société d'origine que pour la
société d'accueil. L'immigration comble des besoins. Pour le
Québec, il s'agit d'un besoin de main-d'oeuvre et de capitaux, d'un
besoin linguistique et culturel et d'un besoin démographique. Pour
l'immigrant, il s'agit d'un besoin de travail et d'un besoin d'améliorer
ses conditions de vie. Il y a donc convergence des besoins
socio-économiques et cette convergence peut se faire non pas sous le
signe de la culture, mais bien plutôt sous le signe de
l'égalité. S'il faut parler de contrat, c'est donc plutôt
d'un contrat social dont il faudrait parler. Le Québec est en pleine
redéfinition actuellement; il est à la veille de se doter d'un
nouveau contrat de société. Il est essentiel que les groupes
ethniques en général et les minorités visibles
particulièrement soient parties prenantes également de ce
processus de redéfinition.
Commentaires sur les autres parties de l'énoncé. Nous
constatons l'absence de l'Afrique noire au titre de grand bassin de migrants
potentiels et donc l'absence également d'un service permanent
d'immigration du Québec. Ce désintérêt est
présent également au niveau fédéral. Le
gouvernement fédéral a confié l'Afrique et le Moyen-Orient
à 19 agents d'immigration tandis que 68 autres couvrent l'Asie et le
Pacifique. L'immigration suit en cela le chemin de l'économie. Il y a un
seul agent canadien à Rabat, pour les pays d'Afrique du Nord, et 3 pour
les 21 pays francophones d'Afrique. Dans ce contexte-là, à quoi
peut bien rimer le beau discours sur la francophonie, tant au niveau
fédéral qu'au niveau provincial? Faudra-t-il qu'un candidat
à l'immigration au Québec, originaire d'Afrique noire, se rende
à Paris pour pouvoir être sélectionné ou qu'il
attende la venue d'une mission spéciale de sélection au
Maghreb?
Concernant la notion d'adaptabilité professionnelle,
l'expérience n'a-t-eile pas suffisamment démontré qu'un
immigrant travaille rarement, à son arrivée, dans le secteur pour
lequel il a été formé. Ce critère sert-il à
dissuader le candidat de se plaindre advenant qu'il ne puisse travailler dans
son domaine une fois au Québec? L'obligation d'accepter tout type de
travail fait-elle partie du contrat moral de tout futur immigrant?
A propos des réfugiés, nous approuvons
l'élaboration d'instruments d'information et d'éducation de la
population sur la situation des réfugiés dans le monde. La
population québécoise sera à même de constater que
c'est le continent africain qui renferme le plus grand nombre de
réfugiés de par le monde. Sur les 15 000 000 de
réfugiés recensés de par le monde, le continent africain
en abrite plus de la moitié. L'accueil des réfugiés
étant du ressort du fédéral, environ un tiers des
réfugiés admis au Québec sont réellement choisis
alors que le Québec reçoit plus de la moitié des
revendicateurs du statut de réfugié.
Nous déplorons vivement le fait que l'énoncé de
politique reprenne les mêmes critères d'analyse en cette
matière que ceux du fédéral. Nous sommes très
surpris de voir également que les auteurs de l'énoncé
pensent réellement que les lois C-55 et C-84 ont suscité beaucoup
d'espoir. Au contraire, ces lois ont soulevé un énorme
tollé de protestations.
Recommandations. Amnistie ou plutôt régularisation des
dossiers pour les revendicateurs du statut de réfugié en attente
depuis plusieurs années et qui, pendant toutes ces années, ont
contribué par leur travail au développement économique du
pays d'accueil; que l'argent ainsi libéré au
fédéral puisse servir à faciliter leur insertion au
Québec. Le nombre estimé de ces
personnes est de 36 070.
Acceptation d'un plus grand nombre d'immigrants et de
réfugiés, c'est-à-dire jusqu'à 50 000 personnes par
année. Selon l'Office de planification démographique du
Québec, la population prévue pour 2001 est de 7 062 000
habitants. Si l'on compte accueillir 40 000 immigrants par année
à partir de 1990, soit sur une période de 11 ans, le
Québec, recevra donc 440 000 personnes; ajoutons quelques cas
spéciaux de réfugiés, par exemple, environ 10 000 par
année. Pendant la même période, cela nous donne un total de
550 000 personnes, soit un apport d'un peu plus de 500 000 personnes sur un peu
plus de 7 000 000 de Québécois.
Rapatriement total des pouvoirs par le Québec au niveau de la
main-d'?uvre et de l'immigration, car emploi et immigration sont les
véritables plaques tournantes de l'avenir sociolin-guistique du
Québec. Abrogation de l'article 95 de la Constitution. Reconnaissance de
la prévalence de fa loi 101 sur la loi C-72. Suppression du contrat
moral pour que les Néo-Québécois deviennent des
Québécois à part entière.
Ne faudrait-il pas qu'il y ait un Québec qui soit un pays
à part entière? L'octroi de la nationalité canadienne,
symbole de l'acceptation en tant que citoyen à part entière,
relève du gouvernement fédéral. Le Québec, lui, n'a
pas encore le pouvoir d'octroyer la nationalité, la citoyenneté.
Le défi de l'immigration n'est pas tant l'intégration en soi,
mais la gageure, l'enjeu est bien plutôt que celle-ci se fasse sous le
signe de l'équité.
Renforcement des structures d'accueil déjà existantes des
organismes communautaires et populaires au niveau des services de
première ligne d'aide aux immigrants et aux réfugiés. En
créer au besoin. Accès facilité au statut d'immigrant
reçu pour les travailleurs et travailleuses avec permis de travail
temporaire, après un an de séjour au Québec. Mise en
oeuvre d'une politique conséquente de développement de l'emploi
dans les régions ainsi que la mise sur pied de structures d'accueil et
d'appui adéquates pour qu'une régionalisation de l'immigration
ait des chances de réussite. Révision de la configuration du
réseau et des ressources consacrées au service d'immigration en
Afrique noire. Revalorisation de l'enseignement de l'histoire et de la
géographie. Information et éducation sur le
phénomène de l'immigration et ses causes. Abrogation de l'article
93 de la Constitution qui protège les commissions scolaires des deux
majorités confessionnelles à Montréal et à
Québec. Inscription dans la Charte des droits et libertés de
l'interdiction de discrimination contre un immigrant, basée sur le fait
qu'il n'est pas citoyen.
Transfert des communautés culturelles au ministère des
Affaires culturelles. Les cultures d'apport ne doivent pas être
reléguées à un niveau secondaire. La
hiérarchisation des cultures ne doit pas être. La
caractéristique d'une culture est d'être vivante, ouverte sur
l'avenir. Ce n'est pas le cas jusqu'à présent. On croirait en
effet qu'il existe d'une part une culture en mouvement, en perpétuel
renouvellement, qui est la culture québécoise et de l'autre, des
curiosités, des cultures figées qui végètent et
qu'on appelle les communautés culturelles. Pour une culture
féconde, la confrontation culturelle est nécessaire. La culture
se vit mais ne se morcelé pas. Les cultures d'apport ne doivent pas
rester statiques. Les échanges interculturels doivent se
développer davantage pour que puisse grandir une culture francophone
active à vivre ensemble.
Élimination des barrières que sont l'obligation de
l'engagement du garant et le niveau d'engagement financier. Soutien aux
organismes de lutte contre le racisme. Soutien accru aux programmes d'aide au
développement. Il n'est pas inutile de rappeler que le système
économique international étant marqué par
l'inégalité des échanges entre les pays du Nord et ceux du
Sud, l'immigrant originaire du Sud va porter cette marque
catégorisatrice déjà porteuse de discrimination. M.
Régis Vigneau, ex-sous-ministre adjoint du MCCI, déclarait en
1986: 'Tant que les pays industrialisés ne consentiront pas à
assurer aux pays non industrialisés les conditions de leur
développement chez eux, l'exode de ressortissants de ces pays vers les
nôtres ne pourra que s'accentuer."
En conclusion, l'énoncé de politique provinciale en
matière d'immigration et d'intégration ne se démarque pas
de la politique fédérale en la matière. L'immigration se
fait toujours en fonction des besoins du pays d'accueil, que ce soit pour son
image de marque humanitaire, pour ses besoins en main-d'oeuvre à bon
marché et de professionnels déjà formés, pour ses
besoins en capitaux: immigrants investisseurs, ou pour ses besoins
démographiques: familles et femmes immigrantes parrainées qui ne
coûtent rien au pays d'accueil. Quant à l'intégration,
regardons ce que disait le rapport final du Comité spécial sur la
participation des minorités visibles dans la société
canadienne. "Dans la société canadienne, il existe une tension
entre les partenaires européens originaux de la
Confédération, qui dominent les institutions canadiennes, et les
autres peuples qui désirent partager entièrement la vie
institutionnelle du pays. La participation égalitaire des pièces
de la mosaïque est inhérente à la notion de la
diversité de la société canadienne.
Pourtant, la société canadienne est en fait une
mosaïque verticale avec quelques morceaux surplombant les autres. Une
surface inégale. Tant et aussi longtemps que nous nous obstinerons
à maintenir la rhétorique des deux peuples fondateurs, les
Canadiens possédant un héritage autre que français ou
anglais ne pourront se faire reconnaître comme égaux dans le
développement du Canada, ni ne pourront acquérir un
sentiment d'appartenance. Le droit à la différence doit
s'accompagner du devoir d'égalité économique et sociale;
sinon cela peut mener de la marginalisation à l'exclusion. La question
de l'intégration des immigrants ne pourra être que très
problématique tant que le contexte constitutionnel est ce qu'il est.
En effet, tant que la question nationale n'est pas résolue au
Québec, toute la problématique de l'immigration et de
l'intégration resteront comparables au mythe de Sisyphe. J'ai fini.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Hekpazo. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci aussi, Mme Hekpazo, de votre
présentation. Et je passe immédiatement aux questions. Aux pages
4 et 5 de votre mémoire, vous manifestez votre inquiétude sur la
proportion des minorités ethniques dans la fonction publique
québécoise. Le gouvernement est très sensible à
cette problématique et, vous savez, c'est pourquoi il a annoncé
en 1989 la mise en oeuvre du programme d'accès à
l'égalité dans la fonction publique, étant donné la
concentration de la fonction publique à Québec, nous avons en
particulier décidé d'éliminer le critère de
résidence dans la région de Québec pour la dotation de
postes. Et une stratégie visant à attirer les
Québécois des communautés culturelles à postuler
aux divers emplois disponibles va également être mise sur
pied.
Donc, présentement aussi, nous sommes à mettre sur pied
des cours sur la fonction publique à l'intention des
Québécois des communautés culturelles. Et pour vous, quel
type de collaboration votre organisme pourrait-il nous apporter pour faire
mieux connaître la fonction publique et la possibilité d'y faire
carrière auprès d'éventuels candidats de votre
communauté?
Mme Hekpazo: II y a déjà eu des
représentations de faites de la part de fonctionnaires du gouvernement
à l'annonce du plan. Donc, ça fait depuis 1989 et on est en 1991.
Il y a plusieurs banques de candidats qui se sont formées et nous sommes
en lien avec les organismes qui suivent, justement, les dossiers. Mais
ça fait déjà plus d'un an et il n'y a toujours pas
d'avance réelle.
Mme Gagnon-Tremblay: Pouvez-vous me dire, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, allez, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: ...cependant, parmi les candidats ou
candidates que vous avez suggérés ou que vous avez inscrits dans
la banque, est-ce qu'il y a des personnes, parmi ces personnes, qui ont
passé un concours?
Mme Hekpazo: Oui, des concours et différents tests. Ils
ont réussi. Il y en a qui ont été embauchés pour
des périodes temporaires, mais c'est sur une base temporaire.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais, je voulais dire, temporaire ou
occasionnelle?
Mme Hekpazo: Occasionnelle. C'est ça le mot, oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Parce que vous savez que vous avez des
occasionnels pendant 10 ans aussi dans la fonction publique; mais finalement,
il y a quand même eu un résultat. Vous avez certains
résultats positifs, là.
Mme Hekpazo: Sur de courtes périodes. Mme
Gagnon-Tremblay: Oui.
Mme Hekpazo: On est conscients que c'est sur du long terme mais
quand on sait que, dans la plupart des gouvernements, on a tendance à
dégraisser la fonction publique, je vois mal, s'il n'y a pas un
redressement ou un changement en termes de politique d'ouverture d'emploi,
comment ça pourra se faire, disons, à moyen terme.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais ces personnes qui ont été
embauchées de façon occasionnelle, est-ce qu'elles sont encore en
poste actuellement ou si elles sont déjà sorties de la fonction
publique?
Mme Hekpazo: II y en a quelques-unes qui sont sorties et qui sont
un peu désabusées. Mais on essaie toujours de les repousser pour
qu'elles maintiennent leur candidature et pour voir justement si,
effectivement, au bout de quelques années, il y a des chances beaucoup
plus sûres de percer, disons.
Mme Gagnon-Tremblay: Et parmi les candidats ou les candidates qui
n'ont pas réussi le concours, est-ce qu'on vous a indiqué
certains problèmes, les raisons pour lesquelles ils ou elles croyaient
ne pas avoir réussi le concours? Parce que je pense que ce qui est
important au niveau du programme d'accès à
l'égalité, c'est d'être capable de travailler sur les
causes mêmes, sur les causes de... Qu'est-ce qui fait, par exemple, qu'on
ne peut pas réussir le concours? Je pense que c'est là qu'est la
clé du succès, finalement.
Mme Hekpazo: Disons que c'est dans l'élaboration,
peut-être aussi, des textes ou du contenu des examens eux-mêmes. Il
faudrait peut-être voir aussi ce qui est demandé, ce qui
correspond aussi un peu à l'expérience des personnes. Mais,
ça, ça se justifie très rarement parce que la plupart des
postulants ont étudié ici avec les mêmes étudiants
québécois, dans les
mêmes domaines...
Mme Gagnon-Tremblay: O.K.
Mme Hekpazo: ...et avec comme résultat, pas
d'embauché au bout, pas de façon sûre.
Mme Gagnon-Tremblay: Les personnes qui ont été
embauchées, est-ce qu'elles l'ont été plutôt dans
des organismes, dans des ministères situés à
Montréal?
Mme Hekpazo: C'est plutôt à Montréal,
oui.
Mme Gagnon-Tremblay: À Montréal. Quels sont, selon
votre expérience avec des gens originaires d'Afrique, les
éléments qui pourraient les attirer dans la région de
Québec pour y vivre?
Mme Hekpazo: Bien, comme on dit, le gagne-pain. S'il y a une
assurance de travail, je pense que la plupart des gens sont prêts
à aller là où il y a du travail, où il y a des
gagne-pain, où il y a une possibilité de vie qu'on peut planifier
pour s'installer, pour rester là, oui. Ce n'est pas uniquement aussi
dans la région de Québec. Ça peut être dans les
autres régions du Québec. Mais comme on l'a mentionné,
s'il n'y a pas de programme politique de développement régional,
s'il n'y a pas de mesures de soutien avec, je ne vois pas comment ça
pourrait réussir.
Mme Gagnon-Tremblay: D'après votre expérience, les
personnes qui ont suivi le concours, qui ont réussi le concours, ces
personnes-là, si le poste avait été à
Québec, elles auraient accepté volontiers de se déplacer,
de venir vivre à Québec, vous croyez?
Mme Hekpazo: Je pense que oui. Mme Gagnon-Tremblay:
Oui.
Mme Hekpazo: Si c'est un poste ferme, même si c'est pour un
an, de par les conditions de chômage des gens de notre communauté,
je pense qu'il n'y a pas réellement un choix. On va prendre, c'est
certain.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vous disais tout à l'heure que
nous sommes à mettre sur pied des cours sur la fonction publique
à l'intention des Québécois et des communautés
culturelles. Est-ce que vous avez des suggestions concernant les
éléments qu'on pourrait inclure dans un tel cours?
Mme Hekpazo: Vous l'avez déjà mentionné.
Enfin, si vous pensez à un programme de coordination dans les
différents ministères concernant ce qu'on appelle la formation
interculturelle et le mode de vie québécois, etc., mais comme je
vous le dis, la plupart des postulants ont étudié ici. Ce sont
des gens qui sont formés comme les Québécois. Ils ont, en
plus, l'expérience de leur pays d'origine, paice que, souvent, on doit
doubler notre temps d'études, recommencer ou s'orienter autrement. Donc,
je pense qu'il y a... Sauf si vous avez vraiment, s'il y a des arcanes du
pouvoir dans la fonction publique, là, je dis d'accord; on serait
intéressé à rentrer dedans. (21 h 30)
Mme Gagnon-Tremblay: Dans votre mémoire, vous
démontrez aussi un souci marqué de rapprocher les
communautés originaires de l'Afrique de la population
québécoise. Vous insistez aussi sur l'aspect dynamique des
cultures en présence, la minorité comme la majorité, qui
doivent accepter de se modifier. Avez-vous initié des activités
visant, par exemple, à faire mieux connaître cette culture aux
Québécois de souche?
Mme Hekpazo: Oui. Disons que depuis plusieurs années,
enfin, plus particulièrement dans les années quatre-vingt, nous
avons eu un festival de l'échange. Alors, c'étaient les
communautés du tiers monde qui se réunissaient, qui
étaient ensemble, d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique, pour
faire connaître les réalités des pays d'origine à la
population québécoise. Ça a eu un succès
mitigé, c'est certain, parce que, aussi, le degré d'accueil de la
société québécoise n'était pas encore
tellement développé, pas comme dans ces années qui
viennent; enfin, je l'espère. Il y a beaucoup d'organismes qui sont en
lien avec la Maison d'Afrique et qui postulent, qui soumettent leurs projets
divers de manifestations culturelles originaires, enfin, originales, de leur
propre pays. Mais, comme l'a mentionné l'autre intervenante auparavant,
il n'y a pas de financement. Et si on considère la part africaine en
général aux minorités visibles, on peut dire qu'on passe
en dernier. Le montant maximal que les organismes peuvent avoir pour faire leur
projet, pour le réaliser, je pense que c'est 8000 $. Ça,
ça permet juste de tenir l'événement et il n'y a pas de
suivi; il n'y a pas d'effet d'entraînement. Donc, si on y assiste telle
année... Ça va être, par exemple, le festival du Têt
pour la communauté asiatique; pour nous autres, ça va être
un repas africain avec une danse africaine, puis rendez-vous l'année
prochaine.
Mais est-ce que c'est ça une culture vivante? Je ne pense pas. Il
n'y a pas d'échange, déjà, entre les principales
communautés culturelles et la culture québécoise, disons,
qu'on a mis dans le ministère des Affaires culturelles, par exemple.
Alors, ça, ce serait une approche intéressante que le volet
strictement promotion culturelle des cultures d'apport soit
considéré - surtout en ce moment où il est question de
redéfinir une politique culturelle pour le Québec - partie
intégrante de ce ministère-là, un peu comme PELO, le
programme d'enseignement
des langues d'origine, qui est intégré avec le milieu
scolaire. Donc, c'est un peu cette démarche-là que, nous, on
favorise.
Mme Gagnon-Tremblay. Je prends bonne note de votre
recommandation. Je voudrais aussi savoir comment se vit quotidiennement
l'adaptation culturelle des personnes d'origine africaine. Est-ce qu'il y a des
ajustements, des conflits de valeurs parfois difficiles, entre les parents et
les enfants, par exemple? Avez-vous initié des activités
permettant à votre communauté d'harmoniser les valeurs de leur
culture d'origine avec celles de la société
québécoise?
Mme Hekpazo: Disons que nos valeurs ne sont pas
différentes en ce qui a trait à l'essentiel, c'est-à-dire
le sens de la famille et la solidarité internationale. Je me rappelle,
quand vous êtes venue à Montréal, vous avez parlé
aussi du respect des valeurs démocratiques et, entre autres, de
l'égalité de l'homme et de la femme. Je pense que ça
aussi, dans les nouvelles générations... Parce qu'il y a eu
plusieurs vagues d'immigration aussi. Ceux de l'ancienne vague sont un peu plus
comme nos parents ou les gens de notre âge, avec certaines valeurs, mais
la force des choses et les circonstances socio-économiques font qu'on
est obligés de s'adapter; sinon, on reste de côté, on est
marginalisés. On n'est déjà pas reconnus, donc si, en
plus, on s'exclut en ne participant pas d'une manière ou d'une autre, je
pense qu'on n'y gagnera rien.
Je voulais mentionner aussi un fait que vous pensiez, surtout quand vous
êtes venue à Montréal, la réflexion que vous aviez
faite à propos, par exemple, de la période de trois ans pour
l'obligation du garant. Alors, si on dit que la société
québécoise est pour l'égalité de l'homme et de la
femme, pour l'autonomie des personnes, je vois mal comment vous pouvez demander
au garant - en général, c'est le mari - qu'il prenne sa femme,
disons, en tutelle pendant trois ans, avec ses enfants. Donc, c'est comme une
dépendance. Et ça, c'est contradictoire, à mon avis, parce
que, si on reconnaît l'autonomie des personnes, l'égalité
des personnes, quand on vient ici, on ne doit pas nous remettre une
barrière qui nous dit: Vous êtes dépendante, donc vous
n'êtes pas autonome; vous êtes dépendante de votre mari.
Alors, c'est principalement pour ça que nous, on n'est pas d'accord.
Parce que si on prétend à l'égalité des hommes et
des femmes, la femme est en situation de dépendance, surtout la femme
parrainée pendant trois ans. Alors, qu'on les réduise, c'est
déjà bien, mais je pense que ça ne devrait pas
être.
Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez qu'il y a une semaine
interculturelle qui se tiendra bientôt et que nous misons sur tous les
organismes pour pouvoir en faire une réussite. Est-ce que la Maison
d'Afrique prévoit faire une activité quelconque au cours de cette
semaine interculturelle?
Mme Hekpazo: C'est comme l'annonce de l'énoncé de
politique, on a été vraiment avertis une fois que c'était
fait. Alors, c'est par intérêt de notre groupe que,
nous-mêmes, on fait toujours les démarches pour aller s'informer,
pour être là quand il y a des choses qui se passent, que nous
estimons important d'aller défendre. Alors, ça aussi, si on
l'avait su un petit peu plus à l'avance, peut-être qu'on y aurait
participé. Ça, c'est sûr. De toute manière, on sera
là en tant que simples spectateurs.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, madame.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Hekpazo, moi qui suis un assidu de "Vue
d'Afrique", je ne vous cacherai pas que je suis particulièrement heureux
ce soir d'avoir la voix de l'Afrique. Je pense qu'il était important
qu'elle se fasse entendre à cette commission. Vous faites allusion,
à l'intérieur de votre mémoire, à la francophonie.
Vous savez fort bien qu'à l'intérieur de ma formation politique
je suis chargé de la francophonie. Et je m'aperçois que la chute
du mur de Berlin a provoqué une espèce d'attitude un petit peu
B.C.B.G. où il fait bon courir de Budapest à Bucarest et de
Prague à Varsovie. Mais ma grande crainte est que, durant ce
temps-là, on oublie d'autres capitales dans un continent que l'on a
colonisé, que l'on a exploité et que l'on a souvent à bien
des égards aussi, ruiné. C'est une interrogation que j'ai et que
je véhicule le plus souvent possible. J'ai très peur que
l'ensemble des pays occidentaux - et à ce niveau-là, j'inclus le
Québec même si, constitutionnellement, il n'est pas encore un pays
- nous ne souffrions du même travers que tous les autres pays.
Dans tout ce que vous avez dit, vous êtes allés, je crois,
à certains égards, au fond des choses: Décidons ce que
nous voulons être; je pense qu'on sera mieux équipés pour
décider ce que nous voudrons faire après. Je pense que c'est une
règle à laquelle on ne peut échapper comme tel, quoi qu'en
pense, quoi qu'en dise, comme disait un général
célèbre, tout ce qui grouille, grenouille et scribouille.
Je regardais les 14 recommandations que vous faites et, si vous
êtes intéressés par mon pointage, je vais vous le donner.
Je cotais oui, inconditionnellement, 11 sur 14, et 3 que j'aimerais bien
discuter avec vous, mais j'ai peur que le temps ne nous manque. Mais de toute
façon, ce soir, c'est une première prise de contact. Je suis
persuadé qu'on pourra continuer à entretenir le dialogue. Je
regarde au départ, la première, où vous dites: À
bas l'hypocrisie! L'amnistie pour les revendicateurs du statut de
réfugié en attente
depuis plusieurs années! On sait fort bien qu'au-delà de
90 %, au minimum des minimums, vont être acceptés. Mais durant ce
temps-là on continue à jouer au yo-yo avec des êtres
humains. Vous avez le courage de le dire très clairement: Amnistie, et
tout de suite, et qu'on en finisse! Et que ce pays-là, après, se
donne des politiques de contrôle de ses frontières s'il le veut
mais qu'il ne fasse pas des victimes de sa propre incurie, parce que c'est
ça. Là, on regarde les revendicateurs du statut de
réfugié. Maintenant, bien oui, on les a; on les a, mais qui
ouvrait les portes? Est-ce qu'il y avait quelqu'un devant les portes? Je pense
que là-dessus notre discours, et notamment les voix qui nous viennent
d'Ottawa, sont passablement hypocrites. Eh voilà! J'apprécie que
vous l'ayez précisé.
Vous partez au point 3 du rapatriement total des pouvoirs pour le
Québec au niveau de la main-d'oeuvre et de l'immigration car l'emploi et
l'immigration sont les véritables plaques tournantes de l'avenir
socio-linguistique du Québec. Comment pourrais-je ne pas être
d'accord avec une chose comme celle-ci? Renforcement des structures d'accueil
déjà existantes des organismes communautaires et populaires au
niveau des services de première ligne d'aide aux immigrants et aux
réfugiés; en créer au besoin, soit! Nous tenons, nous, les
parlementaires, des discours vantant le bénévolat dans nos
circonscriptions, en disant: Bien, qui connaît mieux les besoins d'eux
que vous? Vous êtes en première ligne. Et pourquoi cela ne
s'appliquerait-il pas justement au niveau des structures d'accueil quand il
s'agit d'immigration? Si on tient le discours, il faut le tenir dans tous les
secteurs où cela est vrai. Vous avez eu la justesse de l'indiquer.
L'accès facilité au statut d'immigrant reçu pour
les travailleurs et travailleuses avec permis de travail temporaire,
après un an de séjour au Québec. Bien oui, mais s'ils ont
fait la preuve qu'ils étaient capables de travailler ici et qu'ils
travaillaient, on va leur dire: Rembarquez-vous maintenant parce que
c'était temporaire. Mais c'est, encore là, jouer au yo-yo avec
des êtres humains. L'immigration, ce n'est pas la comptabilité de
boîtes de conserve; ce sont des femmes et des hommes avec des sentiments.
Je ne sais pas si vous avez écouté tantôt le père
Quirion qui a cette sensibilité-là; il y a une très longue
nomenclature. Je ne vais pas pratiquer mon vieux métier, là, mais
les séquelles psychologiques qui peuvent exister... D'où la
raison de vous dire tantôt qu'à bien des égards vous
êtes allée au fond des choses, madame.
Révision de configuration du réseau et des ressources
consacrées au service de l'immigration en Afrique noire. Le gouvernement
fédéral a refusé au gouvernement du Québec - je me
souviens, c'était mon parti politique qui était au pouvoir -
l'établissement d'une délégation générale
à Dakar. Certains privilégient encore une juridiction
partagée des relations internationales. On sera encore en quête
d'un statut à Dakar. Remarquez que Dakar, c'est un accident
géographique; ça pourrait être Abidjan comme Bamako. Mais
si on n'a pas ça, quelle ouverture effectivement avons-nous vers
l'Afrique? Via Paris, à quelques milliers de kilomètres, encore
une fois? Donc, vous êtes là, encore une fois, allée au
fond des choses. Et aller au fond des choses, je vous préviens,
ça choque toujours. Mais vous avez le courage de le faire. C'est un
courage qui est méritoire.
Vous parlez de l'inscription dans la Charte des droits et
libertés de l'interdiction de discrimination contre un immigrant,
basée sur le fait qu'il n'est pas citoyen. Mais c'est la plus
élémentaire loi de l'hospitalité. Je ne vous ai pas encore
remis ce beau petit certificat plastifié et je ne vous ai pas, compte
tenu de notre régime constitutionnel, fait prêter serment
d'allégeance à Sa Très Gracieuse Majesté, la reine
du Canada. On dit Elisabeth II, c'est une erreur historique; c'est en
réalité Elisabeth 1ère du Canada. On n'a jamais eu de
reine Elisabeth au Canada, donc elle est première et non pas
deuxième. C'est une anecdote, en passant, qu'il m'amuse bien de raconter
à l'occasion mais encore là, vous êtes allée
effectivement au fond des choses.
Vous parlez du transfert des communautés culturelles au
ministère des Affaires culturelles. Je vous avoue que là, cette
question-là m'intéresse particulièrement puisque vous
n'êtes pas la première personne qui fait cette réflexion.
D'autres personnes, issues de communautés culturelles, l'ont
présentée. Et je pense que vous lui donnez une dimension, encore
là, qui mérite une certaine attention. Il faut faire attention:
Est-ce que communauté culturelle est communauté culturelle dans
le sens de distribution de subventions? À ce moment-là, ça
peut s'appeler un office. Mais si on veut, lui donner une grande dimension, je
pense que l'idée de rattacher peut-être à un
ministère des arts et de la culture serait effectivement
intéressante. (21 h 45)
Bon. J'ai commencé à vous faire mon pointage, comme tel,
des remarques que vous avez faites. La dernière, il n'est pas inutile de
rappeler que le système économique international étant
marqué par l'inégalité des échanges entre les pays
du Nord et ceux du Sud... Bon, bien ça, cette phrase de mon ami Vigneau,
Régis Vigneau, je pense, qu'elle est fort à propos et, encore
là, je pense qu'elle vient renforcer ce que je disais tantôt
à propos du danger qui guette les pays occidentaux de se
détourner de l'Afrique envers laquelle ils ont une immense
responsabilité historique. Je tenais à vous faire ces
commentaires, madame, et j'aurai à ajouter une question.
Vous parlez, et c'est là, dans mon pointage, où je n'ai
pas dit le "oui" spontané, en me réservant une petite
négociation avec vous; mais rassurez-vous, ce n'est pas le lac Meech
qu'on
va vivre tous les deux. S'il y a suppression de ce contrat moral,
quelles sont, d'après vous, les obligations que vous estimez avoir en
tant qu'immigrante, envers le pays d'accueil?
Mme Hekpazo: Comme je l'ai souligné tout à l'heure,
le pays d'origine, en l'occurrence l'Afrique, est dans la situation
économique que vous connaissez bien. Les problèmes
d'émigration à l'intérieur du pays, comme je l'ai
souligné, en général, dans le milieu rural, les jeunes
s'en vont à la ville en espérant trouver du travail. Bon. Il y a
encore moins de politique de développement de l'emploi en Afrique qu'il
n'y en a ici, pensée de façon cohérente, soutenue, etc.,
à cause de certaines conditions, autant locales qu'internationales.
Alors, le choix n'est pas un choix réel parce que, si on avait
à choisir, je pense que chacun serait content de vivre dans son pays, de
pouvoir s'y développer, développer le pays et puis mener une vie
qui a de l'allure. Alors les contraintes socio-économiques font que
c'est comme une nécessité d'émigrer. Là, on en
arrive au fameux choix: Dans quel pays peut-on aller? Depuis 1974, en Europe,
les barrières sont réelles; il n'y a pratiquement plus
d'immigration, sauf avec certaines ententes et certains pays. Ce qui restait
comme pays, c'était le Canada, jusqu'aux années 1981 à
1984. Et là, depuis l'institution du même type de lois qu'il y a
en Europe, par exemple, c'est de plus en plus difficile d'entrer comme
immigrant ici. Alors, nous, ce qu'on a à offrir, comme disait
tantôt l'intervenante, ce n'est pas seulement les bras, la main-d'oeuvre;
il y a aussi la matière grise. À partir du moment où on
est là, si on reconnaît que chaque être humain est, comme on
dit, égal à tout autre devant la loi, on est là. Il y a eu
un droit d'accès contrôlé par la politique d'immigration,
on a été accepté, donc on est égal. Moi, je verrais
ça non pas comme un contrat moral parce que, comme je le dis, il n'y a
pas de moralité là-dedans, c'est un échange de services.
Alors, pour que ça ne soit pas marqué d'une éthique
d'échange inégal, c'est un échange égal de
services, de personne à personne.
Moi, je viens ici pour travailler. J'améliore autant ma condition
personnelle que je participe au développement économique, social
et culturel ici. Je paie des impôts comme tout le monde. Je fais les
mêmes choses que la population québécoise. Alors, pour
éviter de créer des citoyens, je ne dis même pas de seconde
zone mais de troisième zone, je pense que, si vraiment il y a une
égalité de départ il ne doit pas y avoir de
considération comme un privilège. Parce que, dès qu'on dit
privilège, ça fait référence au temps de la
royauté ou au temps des seigneurs, c'est-à-dire: Je t'accorde le
droit. C'est très condescendant, c'est très paternaliste.
Déjà, s'il y a cette mentalité au départ à
l'intérieur de cet énoncé, c'est dommageable dès le
départ. Je préfère tout ce qui est échange de
services, contrat social d'égal à égal, comme tout le
monde. Mais comme on part de beaucoup plus bas que tout le monde on ne doit
pas, en plus, nous mettre ce contrat moral là-dessus. On est prêts
à travailler. Je pense que les gens, les immigrants en
général, veulent se faire tout petits. Une fois qu'ils sont
entrés ici, ils pensent juste à leurs revenus pour pouvoir
élever leur famille, quand ils en ont une, et pour pouvoir aussi envoyer
un peu d'argent au pays, parce que les conditions au pays sont très
difficiles. Donc, en général, on va dire: On se tient tranquille,
on fonctionne dans la société selon les règles du jeu.
Alors, je ne vois pas... Le contrat moral, moi, je le mettrais sur les
investisseurs, ceux qui sont bien nantis ici. C'est-à-dire ceux qui ont
vraiment la part de capital ou d'investissement pour le Québec,
majoritairement, et non pas pour le simple travailleur qui est là et qui
n'a même pas voix au chapitre, de toute manière, le plus
souvent.
M. Boulerice: L'abrogation de l'article 93 de la Constitution,
c'est la Constitution canadienne. C'est lorsque nous adopterons une
constitution québécoise que nous pourrons l'abroger. Et cela sera
en concordance avec l'article 1.16 du chapitre 4 du programme de ma formation
politique.
Par contre, à l'article 1.8, pour vous et pour le
bénéfice de certains collègues de cette commission, nous
disons "Favoriser l'établissement des immigrants et immigrantes à
l'extérieur de Montréal - j'ai bien dit "favoriser" - au moyen
d'une politique de régionalisation de l'immigration qui serait un
élément de la politique de développement régional
du gouvernement du Québec. Cette régionalisation serait
strictement incitative. Quand je parle des régions, je parie de la
grande région du Richelieu également, ça va de soi.
Comment réagissez-vous à la régionalisation, madame?
Mme Hekpazo: Comme je l'ai dit, on n'est pas contre la
régionalisation dans la mesure où, dans les régions, on a
aussi notre travail et aussi les services qui vont avec. Il ne faut pas faire
comme on a fait pour la désinstitution-nalisation, c'est-à-dire
larguer les gens dans les rues, sans soutien de quelque ordre que ce soit.
Ça, ça ne donne rien du tout parce que même vous avez
vécu l'expérience avec les gens de la communauté asiatique
que vous aviez installés à Sherbrooke, je crois, et qui sont
revenus en ville après. S'il n'y a rien pour vivre, là-bas, pour
envisager un avenir un peu plus souriant, je vois mal comment les gens vont
rester là. Comme on a déjà émigré de bien
loin, ça ne nous coûtera rien d'émigrer encore un peu plus
loin et de continuer à circuler comme ça. C'est la libre
circulation qu'on dit, des biens, des marchandises et des personnes.
La régionalisation, quand on voit le phéno-
mène ici, les Québécois de souche, ceux qui
participaient à la commission Bélanger-Campeau, les jeunes, les
gens des régions, sont tous venus dire: Bon, il faut un programme de
développement régional parce que les jeunes quittent, parce
que... Même pour ceux qui voulaient vivre de l'agriculture, il y a eu des
états généraux. On s'en vient en ville parce qu'il faut
s'en sortir d'une façon ou d'une autre parce qu'il y a une situation
économique difficile.
Alors, s'il n'y a pas de coordination au niveau gouvernemental pour les
politiques de développement régional, donc, les politiques de
développement de l'emploi ainsi que les politiques familiales... Parce
que si on pense à l'avenir démographique, les familles
immigrantes ont les mêmes besoins que les familles
québécoises. Donc, ça fait appel à tous les
services de soutien: les services de garde, les cantines scolaires comme il y
en a d'établies dans quelques endroits, etc. Alors, ce n'est pas juste
la régionalisation de l'immigration. Il faut coordonner ça avec
d'autres politiques parce que c'est un morceau par ci, un morceau par
là. Si ce n'est pas relié de façon cohérente, on va
se retrouver dans trois ans d'ici, au prochain énoncé, au
prochain plan triennal, pour dire les mêmes affaires.
M. Boulerice: Mme Hekpazo, je vais vous remercier et surtout vous
redire ma vive appréciation pour ce qui est de votre participation
à cette commission parlementaire et mon souhait de poursuivre ce
dialogue dans un avenir rapproché.
Mme Hekpazo: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. J'ai trouvé
votre mémoire extrêmement intéressant, madame, même
si certains points ont un peu écorché mes oreilles. Mais j'ai
l'impression que, dans l'ensemble, c'est quand même un mémoire
très bien travaillé et très bien préparé. On
voit que vous savez ce dont vous parlez; on n'est pas obligés d'en
partager tout à fait l'essence, mais, au moins, on doit
reconnaître que vous avez fait là un travail extrêmement
appréciable, un travail qui a une certaine rigueur et les choses que
vous avez pointées sont généralement des choses qui
sont... on les accepte ou pas, mais elles sont au moins pertinentes et
d'actualité dans notre société. En particulier lorsque
vous parlez des revendicateurs, près de 36 700 revendicateurs, il est
évident qu'on a là un problème. Maintenant, ce
problème peut s'expliquer par diverses raisons; vous avez omis de les
mentionner. Pourriez-vous m'indiquer pourquoi, selon vous, la moitié des
revendicateurs viennent au Québec plutôt que dans d'autres
provinces?
Mme Hekpazo: Bien, parce qu'il y a quand même... Quand on
débarque là, selon le point de débarquement et aussi selon
l'origine des revendicateurs du statut de réfugié, on a toujours
des points de contact. Il y a comme des réseaux parallèles, si on
peut employer l'expression. Quand on débarque quelque part, on sait
qu'il y a Untel ou Unetelle qui habite à tel endroit; ça commence
comme ça. On sait aussi qu'il y a des politiques un peu plus ouvertes,
enfin il y a un discours. C'est surtout le discours d'ouverture au niveau
québécois, donc il y a aussi des mesures d'aide à ceux qui
arrivent, qui font qu'on se dit: Pourquoi pas? En fait, ça dépend
aussi de la distribution; quand on débarque, si on tombe sur un bon
agent ou quoi que ce soit, il va nous dire: Bon bien, allez donc à tel
endroit ou allez donc à tel autre. Il y a beaucoup de facteurs qui
entrent en ligne de compte aussi, là.
M. Gobé: D'accord. Moi, votre idée d'amnistier ces
gens-là, en général, dans la mesure où il pourrait
être prouvé que, depuis qu'ils sont au Québec, ils n'ont
pas été à la charge de la société mais
qu'ils ont subvenu à leurs besoins ou à ceux de leurs
dépendants, s'ils en ont, sur le fond, je n'y vois pas un gros
problème. Mais ce qui m'inquiète, et j'aimerais vous entendre
là-dessus, c'est qu'une fois qu'on a vidé ce bassin - disons
qu'on le vide demain, qu'on s'entend avec nos collègues
fédéraux - qu'est-ce qui nous dit que, dans deux autres
années, on n'a pas un autre bassin de 36 000...
Mme Hekpazo: Non si... Pardon.
M. Gobé: ...ceci devenant une forme parallèle pour
faire de l'immigration en passant pardessus les réseaux, le circuit
normal, et en pénalisant à ce moment-là l'immigrant qui,
lui, fait sa demande naturellement?
Mme Hekpazo: S'il y a réellement une politique de
sélection, s'il y a vraiment un droit d'accès, un contrôle
réel, pas seulement des frontières parce que, pour quelques faux
réfugiés comme... Ça me fait penser un peu, comme l'a dit
l'autre intervenant pour les problèmes de quelques faux assistés
sociaux, je pense que la majorité est réellement en situation de
détresse et a besoin d'aide. Et, si la politique de sélection est
menée de façon efficace, ce qui n'est pas le cas jusqu'à
présent parce qu'il y a beaucoup de lacunes au niveau des fonctionnaires
et de leur travail, au niveau des simples agents d'immigration, etc. - enfin,
ça, c'est des problèmes internes au ministère de
l'Immigration - l'image que ça aura si déjà on fait une
régularisation des dossiers de ces revendicateurs de statut, ce sera une
image de générosité et de bon sens. Alors, je pense que ce
n'est pas négatif en termes politiques.
Pour après, s'il n'y a rien qui est fait dans les autres types de
politiques, surtout les politiques au niveau international - mais comme
ça ne dépend pas du Québec uniquement, ça aussi,
c'est un point d'interrogation - si on sait, dans les pays d'origine... Parce
que, en général, pour les revendicateurs de statut, c'est
toujours ceux qui proviennent du tiers monde qui poseraient problème.
Ça, c'est clair aussi. Alors, s'il y a des efforts qui sont faits en
termes de politique internationale, de politique étrangère par
rapport à ces pays-là, si vraiment il y a un discours
honnête et réellement d'engagement en faveur des populations du
Sud, je pense que tout ça, ça se sait aussi parce qu'il y a un
système de fonctionnement. Bon, il y a les voies officielles, il y a les
voies parallèles. Il y a ce qu'on appelle la radio trottoir ou le
téléphone arabe pour ceux qui le connaissent. Ça, c'est
très bien et ça aussi, ce n'est pas négligeable en termes
d'image.
Si le Canada a une image humanitaire, pourquoi le Québec n'a-t-il
pas un autre type d'image beaucoup plus cohérente, beaucoup plus
sérieuse et réellement en faveur des pays du Sud?
M. Gobé: Lorsqu'on regarde votre résumé
ainsi que vos recommandations, on se rend compte que vous avez une très
grande considération pour les problèmes du tiers monde, entre
autres choses. Et quelque chose qui me semble un peu paradoxal malgré
tout, c'est qu'on sait que, dans le tiers monde, il y a des problèmes
très importants de cadres qualifiés, des problèmes
très importants de gens ayant des expériences ou capables de
faire en sorte que leur société soit fonctionnelle,
structurée et efficace.
Lorsqu'on regarde, par contre, l'autre côté du
mémoire, vous dites qu'il faut faire du recrutement dans les pays
d'Afrique noire. Je connais un petit peu les pays d'Afrique noire. Je ne lis
pas souvent Jeune Afrique comme mon collègue. Je peux vous
assurer que je l'ai lue dans le temps, mais je préfère vous dire
la vérité; je ne l'ai pas lue depuis longtemps, même si je
connais le titre. J'aurais pu vous la citer, ça m'aurait fait grand
plaisir.
Ceci étant dit, madame, ne croyez-vous pas qu'on ne rend pas un
grand service ou qu'on risque de démunir ces pays-là de leurs
meilleurs cadres en allant faire du recrutement dans ces pays? Parce que, bien
entendu - on ne se racontera pas d'histoires - les critères actuels de
l'immigration vont faire en sorte de recruter cette clientèle, cette
clientèle qui est plus intéressée, à cause de sa
scolarisation, à vouloir partir.
Mme Hekpazo: C'est pour ça que je dis...
M. Gobé: Comment peut-on entrer entre les deux,
là?
Mme Hekpazo: Je comprends bien mais ça pose un
problème réel, ne serait-ce qu'un problème de conscience,
aussi. Si, justement, il n'y a pas d'ouverture en rapport avec les
thèmes de l'immigration, etc., pour les pays d'Afrique noire, c'est pour
ça qu'on dit: Un soutien accru à l'aide au développement.
Alors, ça aussi, comme ce n'est pas du ressort québécois,
c'est un point d'interrogation. Mais il peut y avoir des pressions quand
même pour que, justement, le fameux 0,7 % de l'aide au
développement, on y arrive, non pas en l'an 2000, en l'an 2025 ou 2026,
parce qu'on sera mort d'ici là.
M. Gobé: Parce que j'ai connu, dernièrement,
l'exemple parfait. J'étais en Haïti pour assister aux
cérémonies pour la nomination du nouveau président de la
république et j'ai été à même de constater
que l'avion d'Air Canada que je prenais pour me rendre à Port-au-Prince
était rempli de près de quelque 300 personnes, tout près
de 95 % d'Haïtiens occupant des positions assez enviables au
Québec, qui retournaient là-bas pour la fête du
président et le carnaval. Lorsque je suis arrivé à
Port-au-Prince, j'ai été à même de découvrir
qu'on avait besoin de coopérants pour faire fonctionner le pays,
coopérants venant, entre autres, du Québec, de la France, de
l'Allemagne ou d'ailleurs. J'ai trouvé ça un peu paradoxal.
Mme Hekpazo: C'est pour ça que, nous aussi, on travaille,
enfin, on essaie, parce que ça aussi, c'est toujours difficile de percer
dans les institutions - il va dire - québécoises. Au niveau de
l'association québécoise et des organismes de coopération
internationale, depuis un peu plus de 10 ans, on essaie de faire valoir qu'ici,
les immigrants originaires du Sud, qui sont des cadres, qui sont des gens
à diplôme ou tout ce que vous voulez, ou même des simples
travailleurs, on est intéressés à coopérer et
à aller au pays, mais à titre d'ONG québécoise qui
serait formée aussi d'immigrants africains puisque, pour nous, ça
fonctionne...
M. Gobé: Une dernière petite question, juste comme
ça.
Le Président (M. Ooyon): Oui, rapidement, M. le
député, votre temps est terminé.
M. Gobé: Oui, je termine, M. le Président.
J'apprécie votre grande patience à mon égard. Madame, vous
avez parlé de régionalisation de l'immigration. On parle
d'implantation en province, en région. Seriez-vous d'accord que nous
obligions - pas nous - que les immigrants soient obligés, à leur
arrivée au Québec, de s'établir dans une région ou
une autre pendant un certain nombre d'années, sous peine de ne pas
recevoir leur visa ou leur acceptation d'immigration, comme ça s'est
fait dans certains pays? Je sais
que, dans certains pays, vous êtes obligés de vous
établir dans le Nord, dans le Sud, dans l'Est.
Mme Hekpazo: Oui, mais comparaison n'est pas raison, là.
Si vous voyez déjà le tollé que ça a soulevé
au niveau des mémoires qu'il y a eus pour les politiques de
français à la CECM, je pense que si vous allez de l'avant avec
une idée pareille vous allez être mis au ban de la Commission des
droits de la personne.
M. Gobé: Je suis heureux de vous l'entendre dire. C'est
l'idée de l'ancien vice-président du Parti
québécois, dans Le Soleil de cette semaine.
Mme Hekpazo: Ah bon!
M. Gobé: Je voulais avoir votre impression
là-dessus. Il était candidat dans le comté de Rosemont en
1989 et il disait que, dans un Québec souverain, il faudrait obliger les
immigrants à s'établir en région. Alors, je voulais avoir
votre opinion, vous qui avez vécu dans le Nord et dans le Sud. Sur ce,
j'ai terminé, madame, et je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, Mme la ministre,
quelques mots de remerciement à l'adresse de Mme Hekpazo.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Il ne me reste qu'à vous
remercier, madame, et je prends bonne note de tous vos propos. Je profite de
l'occasion aussi pour vous souhaiter bon voyage de retour.
Mme Hekpazo: Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: Je sais qu'il est déjà
très tard et que vous avez encore une longue route à faire.
Mme Hekpazo: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Merci et bon
retour. Au revoir.
M. Boulerice: Vous avez sans doute appris qu'il y avait des
députés du Front national à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Doyon): Cette séance est
ajournée.
(Fin de la séance à 22 h 5)