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(Quatorze heures huit minutes)
Le Président (M. Doyon): Cette commission va
débuter ses travaux immédiatement.
Donc, la commission de la culture se réunit pour procéder
à une consultation générale sur l'énoncé de
politique en matière d'immigration et d'intégration
intitulé "Au Québec pour bâtir ensemble", ainsi que sur les
niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et
1994.
Mme la secrétaire voudrait-elle nous indiquer s'il y a des
remplacements de députés par d'autres?
La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est
remplacé par M. Bordeleau (Acadie).
Le Président (M. Doyon): Pour la durée de la
commission?
La Secrétaire: Pour la durée du mandat.
Le Président (M. Doyon): Pour la durée du mandat de
la commission. Très bien. Alors, on souhaite la bienvenue à M.
Bordeleau comme membre pro tempore de cette commission.
Nous allons commencer les travaux de cette commission tout d'abord par
les remarques préliminaires, le discours d'ouverture de la ministre qui
durera une vingtaine de minutes, suivi par celui du représentant de
l'Opposition officielle, pour un temps équivalent. Ensuite, nous
procéderons selon l'horaire qui nous a été remis en
entendant le Conseil du patronat du Québec qui devrait nous faire sa
présentation d'une heure et, ensuite, nous suivrons selon ce qui est
indiqué sur les feuilles qui ont été distribuées
aux membres de cette commission.
Alors, Mme la ministre, sans plus de préambule, je vous
cède la parole.
Remarques préliminaires Mme Monique
Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président et chers
collègues membres de cette commission, il me fait plaisir d'entamer les
travaux de cette commission parlementaire qui doit examiner
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration, ainsi que les niveaux d'immigration souhaitables de 1992
à 1994.
Je rappelle que c'est la troisième fois que cette commission
débattra d'immigration en six ans. On se souviendra qu'en 1985 la
commission, alors présidée par le député de
Westmount,
Richard French, avait abordé le thème de l'immigration
dans le cadre d'un mandat d'initiative portant sur l'avenir
démographique du Québec. En 1987, à la demande de la
députée-ministre de Bourassa, Louise Robic, la commission a
mené pour la première fois une consultation
générale sur les niveaux d'immigration. Pendant ces deux
consultations parlementaires, de même que pendant les consultations
ministérielles que j'ai menées en 1989 et 1990, les groupes
socio-économiques n'ont cessé de réclamer des
autorités gouvernementales qu'elles dotent le Québec d'une
politique d'immigration et d'intégration cohérente.
Dans la même foulée, une multitude d'intervenants nous
pressaient d'obtenir du gouvernement fédéral les programmes et
les pouvoirs nécessaires afin que nous puissions développer nos
propres outils et maîtriser davantage notre avenir dans ces domaines
d'importance stratégique pour la collectivité
québécoise.
C'est maintenant chose faite. Voilà pourquoi, je crois, presque
tous les mémoires qui nous ont été transmis
félicitent le gouvernement d'avoir présenté cette
politique. Ces encouragements réitérés au cours de ma
récente tournée régionale m'ont fait prendre conscience de
comment, au cours des trois derniers mois, avec l'énoncé
publié en décembre et avec l'accord
fédéral-provincial intervenu juste avant Noël et
ratifié il y a deux semaines, le Québec a franchi des
étapes décisives dans le domaine de l'immigration et de
l'intégration.
Permettez-moi d'abord, M. le Président, quelques mots sur cet
accord qui redéfinit le partage des responsabilités en
matière d'immigration et d'intégration entre Québec et
Ottawa, et qui remplacera l'entente Couture-Cullen dès le 1er avril
prochain. Ce qu'il faut en retenir, c'est que cet accord accroît la
maîtrise d'oeuvre du Québec en matière d'immigration et
d'intégration. Il nous confère la responsabilité exclusive
de la sélection des immigrants indépendants à
l'étranger, alors qu'auparavant c'était une responsabilité
partagée avec le fédéral.
Ce pouvoir de sélection exclusif est aussi valable sur le
territoire canadien, c'est-à-dire pour les demandes dont le gouvernement
fédéral décide, par dérogation, qu'elles pourraient
être étudiées sur place.
L'accord nous permet aussi de récupérer l'ensemble des
services touchant l'accueil et l'intégration linguistique, sociale et
économique destinés spécifiquement aux nouveaux arrivants.
Ainsi, le fédéral se retire complètement de ces champs
tout en versant au Québec une compensation financière de 332 000
000 $ au cours des
quatre prochaines années. Une formule d'indexation est
prévue à l'accord pour les années subséquentes.
Finalement, l'accord donne au Québec la possibilité de
recevoir chaque année un nombre d'immigrants proportionnel à son
poids démographique au sein du Canada, plus 5 % s'il le juge à
propos. En somme, avec ce nouvel accord, le Québec pourra
désormais mieux orienter son immigration en fonction de ses propres
objectifs de développement.
Cet accord s'inscrit dans un mouvement de prise en charge par le
Québec du domaine de l'immigration et plus largement de ses leviers de
développement. Il s'inscrit également dans la tradition de
coopération Ottawa-Québec en matière d'immigration et,
à cet égard, je tiens à rendre hommage à mes
prédécesseurs qui ont avant moi obtenu pour le Québec les
responsabilités que le présent accord est venu enrichir.
Le défi auquel nous faisons face maintenant est celui de la mise
en oeuvre de cet accord. Compte tenu des transferts d'activités que
l'accord prévoit et de la complexité administrative de cette
opération, la date du 1er avril constitue un délai
extrêmement court. Pensons qu'il faudra notamment augmenter le nombre de
classes en COFI, procéder à l'embauche de professeurs et
réviser un grand nombre de nos programmes existants.
Tout en obtenant, bien sûr, de nouvelles responsabilités
pour le Québec, il nous est apparu opportun de définir les
orientations qui présideront à leur application dans la
réalité. C'est ce que fait précisément
l'énoncé de politique intitulé "Au Québec pour
bâtir ensemble". Ce document d'orientation, M. le Président,
propose aux Québécoises et aux Québécois un nouveau
regard sur l'immigration, un regard qui reconnaît dans la venue de
nouveaux Québécois un apport nécessaire au
développement d'un Québec francophone prospère et
pluraliste, un apport qu'il nous appartient de mettre à profit en
fonction de nos défis de développement.
Cette vision se démarque d'une vision défensive de
l'immigration, aujourd'hui généralement marginale, qui y voyait
une menace à la sécurité culturelle de la majorité
francophone. Les questions d'ouverture et de pluralisme préoccupent
aujourd'hui un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens et
concitoyennes, et cette préoccupation est à notre honneur comme
société. Pour traduire cette nouvelle vision dans les faits,
l'énoncé fixe des objectifs et propose des moyens concrets.
D'abord, toujours convaincu que la prospérité économique
est le moteur d'une société ouverte et confiante en son avenir,
le gouvernement du premier ministre, Robert Bourassa, estime que l'immigration
répond aux besoins d'une économie en restructuration. Nous
proposons donc d'agir de sorte que l'immigration stimule l'économie par
l'apport de ressources humaines qualifiées et motivées, par
l'injection du savoir-faire, de capitaux neufs et des contacts internationaux
provenant des entrepreneurs et des investisseurs, ainsi que par
l'élargissement du bassin de consommateurs.
Le gouvernement libéral est aussi déterminé
à ce que l'immigration contribue à la pérennité du
fait français dans la seule société majoritairement
francophone en Amérique du Nord. C'est pourquoi l'énoncé
fixe comme objectif d'augmenter la proportion de francophones dans le flux
migratoire et annonce toute une série de mesures pour faciliter
l'apprentissage du français et encourager son usage.
Sur le plan démographique, nous avons tous pris conscience de
l'urgence d'un redressement, faute de quoi notre société est
menacée d'une décroissance et d'un vieillissement de sa
population. Des effets négatifs très sérieux sur la
main-d'oeuvre, sur l'activité économique et le maintien des
programmes sociaux, sans parler bien sûr du fait français,
seraient alors à prévoir. Dans la mesure où la
capacité d'accueil le permet, le gouvernement veut que l'immigration,
combinée à sa politique familiale, redonne au Québec une
vitalité démographique.
Mais nous sommes tout aussi conscients que l'apport de l'immigration
à notre développement, le succès du projet migratoire de
chaque individu, de môme que le maintien de rapports harmonieux entre les
Québécois et Québécoises de toutes origines
dépendent du degré d'intégration et de participation des
immigrants et de leurs descendants à notre société.
L'immigration étant un privilège qu'accorde la
société d'accueil, il est légitime que cette
dernière fasse connaître ses attentes aux immigrants pour qu'ils
apprennent à les partager. De même, la société
d'accueil doit prendre davantage conscience des obligations que lui propose son
propre projet démocratique à l'égard des citoyens et
citoyennes de toutes origines qui la composent.
En présentant cet énoncé, c'est la première
fois, à ma connaissance, qu'un gouvernement définit le
modèle selon lequel il entend intégrer ses immigrants. À
ce propos, les orientations générales qui guideront notre action
en matière d'intégration sont, premièrement, le partage du
français comme langue commune de la vie publique de la
société québécoise; deuxièmement, le droit
et le devoir de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de participer
et de contribuer pleinement à la vie économique, sociale,
culturelle et politique du Québec; et, troisièmement,
l'engagement à bâtir ensemble un Québec pluraliste
où les citoyens de toutes cultures et de toutes origines pourront
s'identifier et être reconnus comme des Québécois à
part entière.
De ces trois principes découle un énoncé d'attentes
réciproques entre les nouveaux arrivants et leur société
d'accueil, que j'ai appelé dans l'énoncé de politique le
contrat moral. C'est une rencontre du projet migratoire individuel et
du projet social de la société d'accueil. Le contrat
moral, dont la valeur est symbolique mais très importante, souligne que
l'intégration réussie se fait à deux, qu'elle est la
responsabilité autant de ceux qui s'enracinent que de ceux qui
accueillent. Le contrat moral met en relief deux des trois grands aspects du
modèle d'intégration que nous proposons, à savoir son
caractère multidimensionnel et le fait qu'il nécessite
l'engagement des deux parties. Le troisième aspect sur lequel il faut
insister est que l'intégration est un processus à long terme qui
s'étend normalement au-delà de la première
génération. Il s'agit ici de cheminement individuel où
chacun adoptera son rythme propre. C'est pourquoi la présente politique
prévoit des mesures de soutien à la pleine participation non
seulement des immigrants, mais également de leurs descendants.
Ces trois aspects de l'intégration font qu'on ne peut mesurer ce
phénomène comme on pourrait mesurer le degré de
connaissance du français à l'arrivée, par exemple. Il faut
donc bien se garder d'établir les niveaux d'immigration des prochaines
années sur la seule base d'indicateurs très partiels du
degré d'intégration de nos nouveaux concitoyens, car ce serait
là adopter une approche simpliste en regard d'une réalité
pour le moins complexe.
Afin de faciliter la pleine participation des immigrants et de leurs
descendants à la vie nationale, le gouvernement libérai entend
oeuvrer à lever les obstacles à l'égalité des
chances. Trois domaines sont particulièrement visés:
l'accès' au travail, aux services et au logement. Ainsi, nous entendons
soutenir l'adaptation des institutions à la réalité
pluraliste de notre société. Outre l'effort d'adaptation au sein
de l'appareil d'État, notre gouvernement soutiendra celui des
organismes, municipalités, institutions et entreprises privées.
Il les aidera à définir des services mieux adaptés
à l'ensemble de la clientèle, il facilitera la formation
interculturelle de leur personnel et développera un meilleur partenariat
avec les organismes des communautés culturelles.
Les secteurs des services sociaux et de la santé, de
l'éducation, de la sécurité publique et des communications
feront l'objet d'une attention toute particulière, car les services qui
y sont dispensés conditionnent largement le degré de
participation dans d'autres domaines de la vie sociale.
L'énoncé prévoit également le soutien
à la mise en oeuvre de programmes d'accès à
l'égalité par la Sûreté du Québec, les
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux, les commissions scolaires, les municipalités, ainsi que le
secteur privé. En outre, le gouvernement appuiera les initiatives
d'institutions et d'organismes communautaires contribuant à lutter
contre la discrimination dans l'emploi et interviendra pour favoriser un
égal accès au loge- ment.
Voilà qui résume les grandes lignes de cet
énoncé de politique. Permettez-moi maintenant quelques mots sur
le travail qu'amorce maintenant cette commission. M. le Président, je
viens de terminer, il y a quelques jours, une tournée d'information et
de consultation sur l'énoncé de politique à
Montréal, ainsi que dans plusieurs régions du Québec. La
très grande majorité des représentants de la
société d'accueil et des leaders des communautés
culturelles que j'y ai rencontrés, soit environ un millier de personnes,
ont émis des commentaires nettement favorables en regard du document "Au
Québec pour bâtir ensemble".
En dépit de cet accueil enthousiaste, pas question toutefois de
nous asseoir sur nos lauriers. Nous entendons plutôt participer aux
travaux de cette commission dans un esprit de réelle ouverture et nous
demeurons à l'affût d'idées constructives susceptibles
d'améliorer la politique gouvernementale. En ce sens, je serai
particulièrement attentive aux propositions de moyens pour faciliter
l'intégration des immigrants, que ce soit sur les plans linguistique,
économique ou social. Donc, les propositions concrètes et
réalisables seront évidemment les plus utiles.
Des partenaires socio-économiques comme des organismes des
communautés culturelles j'attends non seulement des réactions et
des demandes à l'endroit du gouvernement, mais aussi des engagements
concrets à travailler à l'épanouissement du
caractère pluraliste du Québec. Au terme de cet exercice
démocratique, je compte examiner sérieusement les suggestions qui
nous auront été faites et proposer au Conseil des ministres un
plan d'action triennal qui en tiendra compte. Ce plan d'action comprendra des
engagements précis de la part de tous les ministères et
organismes gouvernementaux concernés.
En conclusion, M. le Président, je souhaite que nos travaux
soient productifs et empreints de sérénité. Je connais
déjà l'intérêt de mes collègues
députés ministériels pour le sujet soumis à leur
considération et j'ai la conviction que l'Opposition saura faire preuve
d'une attitude constructive dans un dossier où les enjeux sont de
première importance pour le Québec que nous voulons tous
bâtir ensemble. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre.
C'est maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle - je pense que
c'est le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques -de nous faire part
de ses remarques préliminaires à cette consultation. M. le
député.
M. André Boulerice
M. Boulerice: C'est bien ça. M. le Président,
à titre de porte-parole par intérim, je me
permettrai d'abord de vous saluer et de saluer M. le
vice-président, mes collègues et Mme la ministre des
Communautés culturelles.
Je vous dirai, en guise de remarques préliminaires, que je vais
remercier l'ensemble des groupes qui ont répondu affirmativement
à l'appel de la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, et qui ont cru nécessaire de venir nous faire part de
leurs commentaires concernant l'énoncé de politique rendu public
en décembre dernier.
M. le Président, le nombre important de mémoires que nous
avons reçus nous démontre à quel point la question de
l'immigration est importante. Cela nous indique également l'urgence de
tenir un débat public pour répondre aux espoirs, mais
également, il ne faut pas s'en cacher, aux craintes que peut susciter
cette question auprès de notre population.
M. le Président, la société
québécoise, cette petite enclave francophone en Amérique
du Nord, ne peut entreprendre un débat sur l'immigration sans tenir
compte de la protection de sa spécificité. Cependant, comme
toutes les sociétés industrielles avancées, le
problème du vieillissement de la population lui impose d'entreprendre
une action concrète et surtout vigoureuse. Si nous ne prenons pas la
situation en main dès maintenant, les générations futures
devront assumer la charge sociale et économique que comporte le
vieillissement de la population, tout en étant toujours moins nombreux
pour répondre à l'appel.
En ce sens, la solution de l'immigration doit être absolument
envisagée, mais on ne doit surtout pas croire qu'il s'agisse là
de fa seule avenue. Il faudra aussi penser à un véritable
redressement de la natalité. C'est, d'ailleurs, la conclusion qu'on peut
tirer en consultant l'annexe portant sur le rôle de l'immigration
internationale et l'avenir démographique du Québec, rendue
publique au moment même où on rendait public
l'énoncé de politique de la ministre.
M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, je tiens
aussi à souligner l'importance et l'urgence de cette consultation eu
égard à la question constitutionnelle. Au moment même
où le Québec réfléchit à son avenir
politique et où l'option souverainiste est de plus en plus
envisagée comme la seule voie possible, un débat sur le
rôle de l'immigration dans le développement de la
société québécoise s'avère plus que
nécessaire. Une question se pose, cependant: L'énoncé de
politique soumis par la ministre nous permet-il de faire le débat?
Avant de répondre à cette importante interrogation, il
faut, croyons-nous, M. le Président, discuter du battage publicitaire
entourant le lancement de ce livre blanc. En effet, à en croire les
propos tenus en décembre dernier par la ministre et son entourage avant
que soit publié cet énoncé, les précédents
gouvernements, dont celui de ma formation politique, ne se sont pas
souciés de la question de l'immigration. Dans son discours de
décembre, la ministre annonçait même que c'était une
première au Québec.
À cet égard, M. le Président, je voudrais rappeler
à la ministre que déjà en 1979, dans le cadre de la
préparation du plan d'action du gouvernement du Parti
québécois, "Autant de façons d'être
québécois" - c'était le titre - une série de
colloques régionaux ont été tenus et, à ce moment,
on discutait les questions relatives à l'accueil et à
l'intégration des immigrants. D'ailleurs, dans son énoncé
de politique, la ministre reprend plusieurs idées déjà
contenues dans "Autant de façons d'être québécois".
Belle inspiration. Je l'en félicite, M. le Président.
Je tiens également à informer la ministre que c'est sous
un gouvernement du Parti québécois que s'est
négociée la première véritable entente
fédérale-provinciale sur l'immigration. On comprendra ici que je
fais évidemment référence à l'entente
Couture-Cullen ou Cullen-Couture. Je souligne à la ministre, M. le
Président, que l'exercice auquel nous nous livrerons au cours des
prochaines semaines est en partie possible grâce à l'action
positive de ce grand ministre de l'Immigration qu'a été M.
Jacques Couture. En effet, par son travail de précurseur, le
gouvernement du Québec a pu négocier un accord sur l'immigration
qui lui permettait, dans le contexte politique de l'époque, de
prétendre à certains pouvoirs en matière de
sélection des immigrants.
D'ailleurs, M. le Président, l'accord conclu entre la ministre et
son homologue fédérale, Mme McDougall, en décembre
dernier, ne lui permet pas de prétendre à beaucoup plus de
nouveaux pouvoirs en matière de sélection. Le Québec
continue toujours à sélectionner les immigrants
indépendants. La seule différence est qu'il peut maintenant le
faire aussi sur place. En ce qui concerne la réunification des familles
et les réfugiés, la ministre n'a aucun nouveau pouvoir et
veuillez croire que je le regrette. Je ne l'en blâme pas. Contrairement
à ce qu'affirmait dernièrement La Presse, l'immigration
est toujours un domaine de compétence partagée.
De plus, en matière d'immigration, l'action du gouvernement du
Parti québécois ne s'est pas limitée à cet
important accord. Elle a aussi permis aux Québécois et aux
Québécoises de comprendre le rôle humanitaire de
l'immigration. Rappelons-nous simplement le succès du programme
québécois de parrainage des réfugiés de l'Asie du
Sud-Est, lancé en juillet 1979, qui a permis l'implication de 20 000
Québécois et Québécoises, membres de groupes
humanitaires, répartis dans plus de 192 villes du Québec. Et je
me permettrai de sortir de mon texte pour rappeler à Mme la ministre
que, parmi ces villes, nombreuses étaient celles de sa région qui
ont fait école dans ce domaine.
Cette réalisation, véritable amorce d'une politique de
régionalisation de l'immigration,
permet aujourd'hui d'entreprendre ce projet en ayant conscience des
difficultés qu'il représente. L'établissement de ces
réfugiés de la mer dans diverses régions du Québec
nous aura tôt fait réaliser que la régionalisation est un
projet ambitieux dont la réussite dépend de plusieurs facteurs.
À cet égard, on doit dire que les mesures prévues dans
l'énoncé de politique sont pour le moins insuffisantes. (14 h
30)
Lors de son passage au pouvoir, le Parti québécois s'est
aussi préoccupé de la place et du rôle des
communautés culturelles dans la société
québécoise. Ainsi, en mars 1981, il lançait son plan
d'action à l'intention des communautés culturelles pour favoriser
le rapprochement entre les Québécois et les membres des
communautés culturelles. Parmi les mesures concrètes
réalisées grâce à la mise en application du plan
"Autant de façons d'être québécois", le gouvernement
a subventionné la construction et l'aménagement de 18 centres
communautaires. Il a multiplié par cinq, en six ans, le budget du
programme d'aide aux communautés culturelles, il a voté des
modifications à la Loi sur la fonction publique pour favoriser
l'embauche des néo-Québécois, et je préfère
toujours employer l'expression les Québécois nouveaux.
La réalisation de ces différentes mesures nous permet
aujourd'hui de compter sur la participation et la collaboration de plusieurs
groupes des communautés culturelles qui sont des intervenants de toute
première ligne pour l'accueil et l'intégration des nouveaux
arrivants.
Parmi les autres réalisations du Parti québécois,
on ne saurait passer sous silence la création, en avril 1985, du Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration. Des organismes
consultatifs, le Conseil est certes un de ceux qui jouissent d'une très
grande crédibilité. Il permet également aux
communautés culturelles de se faire entendre auprès du
gouvernement.
Comme on peut le constater, donc, bien avant ce livre blanc, les
gouvernements, et plus particulièrement celui du Parti
québécois, se sont préoccupés de la question de
l'immigration. L'effort de la ministre actuelle est louable, mais bien d'autres
avant elle peuvent se targuer de réalisations historiques en cette
matière, dont, entre autres, Jacques Couture et Gérald Godin, et
j'ai le plaisir, aujourd'hui, de parler en son nom.
Cette mise au point faite, M. le Président, l'Opposition tient
tout de même à souligner l'initiative de la ministre, mais note
cependant qu'après six années de pouvoir il était plus que
temps que le gouvernement libéral fasse connaître ses couleurs, et
cela dit, M. le Président, sans jeu de mots. Quant à
l'énoncé de politique, beaucoup de bonnes intentions, mais peu de
mesures concrètes, à mon point de vue.
Après cette brève mise au point sur l'action des
gouvernements précédents en matière d'immigration, il
convient maintenant de revenir à l'interrogation quts nous avons
soulevée en introduction: Le livre blanc que nous nous proposons
d'étudier dans les prochaines semaines est-il l'outil dont nous avions
besoin pour procéder à cet important débat? Voilà
la question.
D'emblée, M. le Président, l'Opposition officielle se dit
un peu déçue du document soumis à la consultation par la
ministre, car sa lecture nous a laissés sur notre appétit. En
effet, le contenu de la politique ne nous permet, finalement, qu'une
réflexion sur les grandes orientations du gouvernement en matière
d'immigration, orientations qui, croyons-nous, ne seront pas l'objet de grands
débats passionnés.
Qui de nous, M. le Président, peut s'opposer à ce qu'un
gouvernement du Québec opte pour une sélection au service de la
société francophone et d'une économie prospère,
à une hausse graduelle des niveaux d'immigration en fonction des besoins
et de la capacité d'accueil du Québec? Rares seront ceux
également qui se diront défavorables au développement de
services pour l'apprentissage du français et la promotion de son usage.
Qui, enfin, osera dire non à une pleine participation des
communautés culturelles à la société
québécoise et au développement de relations harmonieuses?
M. le Président, remettre ces orientations en question, ce serait tout
simplement s'opposer à la vertu.
L'Opposition aurait également aimé évaluer les
mesures concrètes pour réaliser ces orientations. Elle aurait
apprécié mesurer la volonté politique de ce gouvernement
par une analyse des budgets consentis pour la mise en application de cette
politique. Malheureusement, le projet de la ministre ne permet pas ce genre
d'exercice.
Au sujet des objectifs poursuivis par la ministre, je me dois
également de faire quelques remarques. Comme pour les orientations, il
nous est difficile de nous dire en désaccord. Nous pensons cependant que
certains commentaires s'imposent en ce qui a trait à quelques-uns
d'entre eux: les objectifs relatifs à la sélection, en premier.
M. le Président, parlons d'abord de ces objectifs relatifs à la
sélection. Parmi les cinq que privilégie la ministre, nous
discuterons de trois: l'immigration francophone, l'accueil des
réfugiés, ainsi que les niveaux d'immigration.
Je me permets de rappeler que je parlais d'immigration francophone,
à une certaine époque, il y a trois ans, et que la
prédécesseure de sa prédécesseure - puisque, dans
mon cas, j'ai toujours devant moi une ministre qui a toujours un
prédécesseur à son prédécesseur - donc Mme
la députée de Bourassa, me disait que parler de l'immigration
francophone, cela était discriminatoire. Je lui répondais que des
francophones, il y en avait des blancs, des jaunes ou des noirs, des verts et
des rouges, de toutes les couleurs et
que cela n'était pas discriminatoire de privilégier ceux
avec lesquels nous avions une parenté culturelle et linguistique. Je
m'aperçois que le langage gouvernemental a changé en changeant de
ministre et je m'en réjouis.
L'accueil des réfugiés, en second lieu, ainsi que les
niveaux d'immigration. En ce qui concerne l'immigration francophone, nous
devons dire que nous partageons cette priorité avec la ministre, puisque
nous avons été les premiers à l'énoncer. Je
m'empresse d'ajouter, cependant, que la maîtrise de la langue
française n'est pas le seul facteur d'Intégration; je l'avais dit
à l'époque. Ce qui importe davantage, M. le Président,
c'est la volonté des immigrants et des immigrantes de s'intégrer
à la société d'accueil. En ce sens, ces nouveaux arrivants
doivent être informés avant leur arrivée des
caractéristiques spécifiques de la société
québécoise. L'offre de cours de français dans les pays
d'origine est également indispensable. Ces mesures demandent cependant
des investissements importants et, dans ce domaine comme dans bien d'autres, on
sait à quelle enseigne se loge le gouvernement libéral.
Au sujet des réfugiés, je voudrais, M. le
Président, exprimer ma très grande déception quant aux
objectifs et mesures prévus dans la politique pour faire face à
l'importante mission humanitaire que représente leur accueil. À
cet égard, M. le Président, l'énoncé de politique
est plus qu'insatisfaisant. Quand on sait que plus de 1000 personnes
revendiquent le statut de réfugié chaque mois, que la nouvelle
procédure du gouvernement fédéral canadien pour traiter
l'arriéré ne donne pas les résultats espérés
et que l'actuelle est tout aussi inefficace, on s'étonne que la ministre
ne se soit pas souciée, ou si peu, de cet important problème dans
son énoncé de politique. On s'étonne davantage que le
gouvernement n'ait pas cherché à revendiquer plus de pouvoirs en
cette matière dans sa négociation aboutissant à l'accord
de décembre dernier.
Si le rythme actuel des entrées se poursuit, nous accueillerons
cette année 12 000 revendicateurs du statut, c'est-à-dire
près de la moitié du nombre total des immigrants que nous
recevons annuellement. M. le Président, il urge que le gouvernement
québécois développe une stratégie
particulière pour solutionner ce grave problème. Il ne sert a
rien de continuer de s'en remettre au fédéral dans ce domaine,
comme dans toute chose d'ailleurs, M. le Président.
Je m'en voudrais également de ne pas commenter les objectifs
relatifs aux niveaux d'immigration. Là encore, l'Opposition se montre
favorable, mais une question demeure: Arriverons-nous à attirer 55 000
immigrants chez nous d'ici 1994? À ce sujet, M. le Président,
j'entretiens de sérieux doutes. Avec des niveaux de 35 000, on n'arrive
pas à réaliser nos objectifs. Imaginons 55 000. M. le
Président, ce serait dommage que ce niveau de 55 000 connaisse le
même sort que la fameuse promesse du 1 % du budget pour la culture.
Pour atteindre ce niveau d'immigration, le gouvernement devra investir
des sommes importantes, et on assiste à des coupures un peu partout,
même au ministère de l'Environnement qu'on disait pourtant
intouchable. Il ne faudrait pas que ce niveau ne devienne qu'un symbole, comme
c'est le cas pour le 1 % à la culture. Il est primordial de l'atteindre,
accompagné, bien entendu, d'un solide redressement de la
natalité, si on veut remplir l'objectif de redressement
démographique.
Avant de conclure, M. le Président, chers collègues,
quelques mots sur les objectifs relatifs à l'intégration. Ici
encore, les buts recherchés par la ministre sont plus que louables,
mais, en ce qui a trait aux moyens pour les mettre en oeuvre, je vous avoue que
je suis sceptique.
Parlons d'abord de régionalisation. Il est évident, M. le
Président, que la région métropolitaine ne pourra
accueillir au cours des prochaines années encore beaucoup de nouveaux
arrivants sans que certaines tensions éclatent. N'ayons pas peur de la
vérité et de la réalité. D'ailleurs, quelques
mémoires, entre autres ceux préparés par les commissions
scolaires de l'île de Montréal, mettent très bien en
évidence ce problème. Pour le solutionner, cependant, il ne
s'agit pas simplement de parier de régionalisation, il faut
également présenter un projet précis et structuré
en ayant à l'esprit que cette démarche doit absolument
s'accompagner d'une stratégie de développement
régional.
L'état actuel de plusieurs régions du Québec, comme
l'a si bien démontré le Conseil des affaires sociales en publiant
"Deux Québec dans un", ne nous permet pas de fonder beaucoup d'espoirs
en cette avenue, malheureusement. Nos régions se vident parce qu'il n'y
a plus de travail. Peut-on vraiment demander à un nouvel arrivant de s'y
établir sans que l'on lui garantisse au moins un emploi? Pour
réaliser ce projet, M. le Président, il faudrait plus qu'une
volonté régionale; il faut avant tout que les populations
puissent vivre décemment dans les régions.
En ce qui concerne l'apprentissage du français, la ministre devra
certainement obtenir une meilleure collaboration du ministère de
l'Éducation quant à la clientèle scolaire. En ce qui
concerne les adultes, le rapatriement des budgets du gouvernement
fédéral dans le cadre des programmes actuels ne nous permettra
certes pas de répondre à la demande. La ministre devra nous dire,
outre les sommes déjà rapatriées, quels sont les montants
que son gouvernement veut investir.
Les réfugiés pourront-ils suivre des cours de
français? Les immigrants parrainés recevront-ils des allocations
pour leur formation? La ministre entend-elle développer toute une
strate-
gie particulière pour venir en aide aux femmes immigrantes?
Voilà autant de questions qui ne trouvent pas de réponse dans
l'énoncé que nous étudierons.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'insertion économique,
l'énoncé ne pèche pas par trop d'originalité. Le
Programme d'accès à l'égalité dans la fonction
publique annoncé l'année dernière étant
déjà un recul par rapport à la promesse électorale
du premier ministre, comment la ministre pourra-t-elle prétendre inciter
les entreprises privées à emprunter cette voie? Quelles sont les
mesures prévues afin que les immigrants ne se trouvent pas dans des
ghettos d'emplois? Pourquoi ne trouve-t-on pas dans cet énoncé
des mesures particulières pour faciliter la syndical isation des
travailleurs et des travailleuses immigrants qui vivent, pour plusieurs, des
conditions de travail inacceptables? Voilà encore des questions sans
réponse.
M. le Président, comme je l'affirmais plus tôt, le
débat que nous aurons au cours des prochaines semaines est plus que
nécessaire, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, il faudra s'entendre
clairement sur le rôle de l'immigration dans notre société;
il faudra par la suite évaluer avec rigueur l'énoncé de
politique que nous a proposé la ministre. Comme je viens de le
démontrer, ce programme est incomplet et de grands pans de la question
sont laissés de côté.
Les discussions que nous aurons permettront donc, je l'espère, de
bonifier ce projet, et je m'y engage. Il faudra aussi que la ministre exprime
clairement, par contre, la volonté politique de son gouvernement de
mettre en oeuvre une véritable politique de l'immigration. En ce sens,
M. le Président, l'Opposition s'attend à ce que la ministre
dévoile les budgets que son gouvernement lui accordera pour la
réalisation de ces objectifs.
Enfin, M. le Président, ma formation politique prend très
au sérieux l'objectif de 55 000 Immigrants pour 1994. La ministre devra
nous démontrer qu'elle pourra le réaliser. Il serait dommage que
la triste histoire de la promesse du 1 % pour la culture, ainsi que le triste
sort qui fut finalement réservé à la politique de garde se
répètent. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, il vous reste quelques minutes
sur votre allocution de tout à l'heure; vous pouvez disposer de ces
quelques minutes, si vous le désirez.
Mme Monique Gagnon-Tremblay (réplique)
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'aurai, tout au
long de cette commission parlementaire, le loisir de répondre à
l'Opposition, entre autres plus longuement sur les idées qui auraient pu
être reprises dans le plan d'action par l'actuel gouvernement,
idées qui avaient été énoncées dans "Autant
de façons d'être québécois". Et je dois vous dire
que, si elles le sont, c'est parce que la plupart n'avaient pas
été menées à terme par l'ancien gouvernement. (14 h
45)
J'aurai l'occasion aussi de répondre à l'Opposition sur
les gains majeurs que nous avons obtenus, contrairement à ce qu'on peut
en dire, avec la signature de l'entente avec le gouvernement
fédéral. Tout à l'heure, l'Opposition parlait, entre
autres, des revendicateurs du statut de réfugié, que nous aurions
dû obtenir beaucoup plus de pouvoirs. J'aurai l'occasion de questionner
l'Opposition, à savoir: Si nous avions plus de pouvoirs, est-ce que ce
serait pour ouvrir ou resserrer le contrôle des revendicateurs du statut
de réfugié?
J'aurai l'occasion aussi, bien sûr, de parler de la
régionalisation. Vous comprendrez que la liste des interrogations du
député est sans fin; ça ne m'a pas permis, finalement, de
connaître la véritable position de l'Opposition officielle. Bien
sûr que tout au long de cette commission parlementaire nous pourrons
connaître davantage la position de l'Opposition.
Donc, M. le Président, je vous demanderais que l'on puisse passer
peut-être immédiatement à l'écoute des personnes qui
doivent présenter des mémoires. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Compte
tenu du fait que nous avons plusieurs dizaines de groupes à entendre au
cours de cette consultation, nous allons commencer dès maintenant.
Alors, j'inviterais tout d'abord le Conseil du patronat du Québec et ses
représentants à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît,
à prendre place à la table de nos invités.
Avant de leur demander de s'identifier, je rappellerai que notre
façon de procéder, que vous connaissez déjà, est la
suivante. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour faire état des
représentations que vous voulez soumettre à cette commission.
Ensuite, les députés du côté ministériel
disposeront d'une vingtaine de minutes pour vous poser un certain nombre de
questions, y compris la ministre, et nous appliquerons la règle de
l'alternance. Ensuite, l'Opposition disposera d'un temps égal pour vous
poser aussi les questions qu'elle juge à propos de poser. Alors, sans
plus de préambule, si vous voulez bien vous identifier, présenter
les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.
Auditions Conseil du patronat du Québec
M. Laflamme (Guy): M. le Président, permettez-moi de vous
présenter M. Jacques Garon, qui est directeur de recherche au Conseil
du
patronat du Québec, et M. Jean Tremblay, qui est directeur
général de l'Association de l'industrie du bois ouvré du
Québec. Pour ceux qui ne me connaissent pas, mon nom est Guy Laflamme,
je suis président des Industries de la rive sud limitée et
également président du conseil d'administration du Conseil du
patronat.
Le Président (M. Doyon): Alors, bienvenue. Vous pouvez
commencer.
M. Laflamme: M. le Président, avant de passer au
mémoire en tant que tel, je voudrais d'abord excuser le président
du CPQ, M. Ghislain Dufour, qui devait présenter le mémoire cet
après-midi. Toutefois, ce matin - vous savez que M. Dufour siège
à la commission Bélanger-Campeau - à la dernière
minute, on a changé l'horaire, ce qui fait que, au pied levé,
j'ai remplacé M. Dufour. Il s'excuse de ne pouvoir être
présent parmi nous et participer aux travaux de la commission. Il vous
souhaite toutefois bonne chance avec vos travaux, et que ceux-ci
s'avèrent des plus rentables.
Avant d'aller plus loin, je demanderais à M. Garon de vous faire
un rapport sommaire de notre mémoire et après, bien, nous serons
disponibles pour les questions.
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Garon (Jacques): M. le Président, Mme la ministre, MM.
les députés, Mmes les députées, le Conseil du
patronat du Québec a pris connaissance avec beaucoup
d'intérêt de l'énoncé de politique en matière
d'immigration et d'intégration présenté par la ministre
des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec. Le CPQ
regroupe en effet 126 associations patronales de tous les secteurs de
l'activité économique québécoise, ainsi que plus de
450 entreprises également de tous les secteurs et de toutes les tailles.
Il représente ainsi directement ou indirectement les employeurs
d'environ 70 % de la main-d'oeuvre québécoise.
Il va sans dire, donc, que le dossier de l'immigration, par ses liens
avec le développement économique, lui tient à coeur et
l'intéresse beaucoup. C'est en fonction de cet intérêt
évident pour tout ce qui touche le développement
économique et non, nous tenons à le préciser, à
titre de spécialiste des questions d'immigration que le Conseil du
patronat du Québec vous livre quelques réflexions touchant, d'une
part, l'énoncé de politique et, d'autre part, les niveaux
d'immigration souhaitables pour les trois prochaines années.
Le Conseil du patronat a réagi positivement à
l'énoncé de politique en matière d'immigration et
d'intégration des immigrants rendu public en novembre dernier par le
gouvernement. Le CPQ se réjouit surtout de ce que l'énoncé
de politique réaffirme l'objectif à long terme du gouverne- ment
d'atteindre une proportion de 25 % de l'immigration canadienne, objectif auquel
le CPQ a déjà maintes fois souscrit, et ce, pour des raisons
démographiques et économiques.
En effet, avec un faible indice de fécondité ayant pour
conséquence prévisible la décroissance de la population
dès la fin du siècle, il est clair que l'immigration
internationale constitue un des facteurs de croissance de la population. Son
incidence sur la taille et sur la croissance de la population s'amplifie avec
le temps, puisque la population immigrée est au fil des ans
alimentée non seulement par les nouveaux venus, mais aussi par sa
descendance en sol québécois. Jusqu'en 1985, l'immigration
n'était pas suffisante et la position du Québec au chapitre du
solde migratoire interprovincial était négative. En 1985-1986, la
population du Québec a enregistré un gain net de 4116 personnes,
selon Statistique Canada, la première augmentation depuis 5 ans. Par la
suite, entre 1986 et 1989, le Québec enregistrait un gain net annuel
moyen de plus de 13 000 personnes.
Les statistiques du recensement de 1986 font état d'un
Québec qui vieillit, avec une croissance de la population très
faible et des niveaux d'immigration tout aussi faibles. En 1989, par exemple,
le taux de fécondité au Québec était de 1,5 par
femme, en moyenne, soit le plus bas de toutes les provinces canadiennes; la
moyenne canadienne était de 1,7. Dans les deux cas, c'est insuffisant
puisqu'il faut un taux de 2,1 au minimum pour assurer la relève des
futures générations.
Une faible fécondité contribue au vieillissement et une
population plus âgée produit, à son tour, moins de
naissances. Tout comme la croissance démographique qui s'est poursuivie
malgré une fécondité inférieure au niveau de
remplacement, parce que la majeure partie de la population est en âge de
procréer, la baisse démographique aura tendance à se
poursuivre chez une population plus âgée. Même si la
fécondité devait monter au-dessus du niveau de remplacement, le
nombre moins important de personnes en âge de procréer aurait
toujours pour conséquence de garder la natalité à un
niveau inférieur à la mortalité pendant un certain
temps.
Par ailleurs, le nombre de personnes âgées de 65 à
74 ans a augmenté de 50 % au Québec en 15 ans,
c'est-à-dire entre 1971 et 1986, et les 75 ans et plus, de 65 %. En
1986, il y avait plus de 650 000 personnes de 65 ans et plus au Québec.
Si l'on en croit les démographes, il y en aura près de 1 000 000
dans moins de 20 ans. Or, les niveaux d'immigration actuels au Québec
sont insuffisants pour pallier à cette carence démographique
puisque nous n'avons accueilli, en 1989, qu'environ 33 600 immigrants, soit
17,7 % de l'immigration canadienne, alors que le Québec
représente 26 % de la population du Canada.
C'est pourquoi une politique d'immigration
ouverte est essentielle au Québec, ne serait-ce que pour assurer
le renouvellement des générations futures.
Le déclin démographique prévu au Québec a
aussi des conséquences économiques, et on peut citer trois
phénomènes importants: l'alourdissement du poids
démographique et économique des personnes âgées, la
plus grande place occupée par la dépense publique en biens et
services et la réduction de l'épargne nette qui reste disponible
pour le financement des nouveaux investissements en équipements.
Étant donné que les immigrés reçus au
Québec depuis quelques années sont en moyenne âgés
de 16 à 30 ans et qu'une part relativement importante est très
scolarisée, leur apport économique est de toute évidence
bénéfique.
Par ailleurs, de nombreuses études réalisées
à ce jour démontrent que l'immigration ne concurrence pas
indûment les travailleurs sur place. Si les compétences
professionnelles des travailleurs immigrants sont prises en compte lors de la
sélection et correspondent aux perspectives à moyen terme de la
structure de l'emploi, il n'y a aucune raison de craindre que les immigrants
indépendants ne viennent grossir le rang des chômeurs au
Québec, d'autant plus qu'une partie de cette catégorie
d'immigrants est composée d'entrepreneurs et d'Investisseurs.
C'est ce qu'affirment, en effet, Samuel et Conyers dans une étude
commandée par le gouvernement fédéral et citée par
le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration dans son avis
du 5 mai 1986. Selon ces auteurs, "les immigrants sont susceptibles de
créer plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Même en 1983-1984,
année où la conjoncture économique commençait tout
juste à être un petit peu plus Favorable, les immigrants auraient
créé plus d'emplois qu'ils n'en auraient occupé." Ils
estiment que, "si la composition de l'immigration - en termes d'âge, de
catégorie d'admission, de taux d'intégration au marché du
travail et de propension à consommer - demeure inchangée, le
potentiel de création d'empiois continuerait de se réaliser avec
une immigration accrue". Selon eux, "l'immigration doit être vue comme
ayant un effet positif sur l'emploi".
Le Conseil du patronat se réjouit, à ce titre, que la
proportion d'immigrants indépendants soit passée de moins de 35 %
du nombre total d'immigrants en 1985 à 58 % en 1989. Les succès
atteints, selon l'énoncé de politique, sont
particulièrement notables en ce qui concerne les entrepreneurs, les
travailleurs autonomes et les investisseurs en valeurs mobilières. Outre
ses incidences directes sur les investissements et la création
d'entreprises, la venue de gens d'affaires apportant avec eux un savoir-faire
innovateur et un réseau de contacts international contribue à
dynamiser l'économie québécoise.
J'aimerais maintenant faire quelques commentaires au sujet de
l'énoncé de politique du gouvernement. Le Conseil du patronat
note avec satisfaction que le gouvernement met pour la première fois
l'accent, dans sa politique, sur l'intégration véritable des
Immigrants, un processus complexe et qui interpelle la société
d'accueil dans son ensemble. La nouvelle réalité sociale
québécoise, de nature pluraliste, exige désormais de nous
une plus grande ouverture d'esprit et une meilleure compréhension des
différentes ethnies qui la composent.
De manière générale, un effort remarquable est
prévu dans l'énoncé gouvernemental au chapitre des mesures
d'encadrement en matière d'accueil et de soutien à l'insertion
socio-économique des nouveaux arrivants. On remarque que
l'énoncé de politique met de l'avant des mesures pour mieux
encourager les immigrants à apprendre à communiquer en
français, que le gouvernement manifeste sa volonté de mieux
intégrer les immigrants à la culture québécoise et
que la clientèle connaissant l'anglais aura accès à un
programme à temps plein équivalent à celui dont
bénéficient les allophones se destinant au marché du
travail. Par ailleurs, la mise en oeuvre de certaines mesures favorisant la
régionalisation de l'immigration au moyen de projets-pilotes, lorsque se
sera manifestée une volonté régionale d'accueillir
davantage d'immigrants, doit être également encouragée, li
s'agit, en somme, d'accroître les volumes d'immigration en fonction de la
capacité d'accueil du Québec.
À ce titre, le Conseil du patronat s'est réjoui, M. le
Président, Mme la ministre, de la signature de l'entente
Québec-Ottawa en matière d'immigration qui confère au
Québec l'entière responsabilité de la sélection et
de l'intégration des immigrants qu'il souhaite accueillir sur son
territoire.
Suite à cette analyse, le Conseil du patronat du Québec
souhaite donc pour les années 1992, 1993 et 1994 une augmentation
soutenue et réaliste des niveaux d'immigration. Ainsi, pour 1992, nous
croyons que le Québec devrait accueillir 50 000 immigrants, soit 20 % du
total prévu au Canada. Par la suite, une augmentation progressive
jusqu'à 22 % du total canadien en 1994 devrait permettre au
Québec d'intégrer sans heurt les nouveaux arrivants.
Par ailleurs, même s'il est évident que le Conseil du
patronat favorise nettement l'arrivée d'immigrants indépendants,
il n'en considère pas moins que le Québec doit poursuivre
l'objectif humanitaire qui consiste à accueillir sur son sol un certain
nombre de personnes en situation particulière de détresse. Nous
suggérons, à cet égard, de maintenir une moyenne de 10 %
pour la période de 1992 à 1994 et au-delà.
Pour conclure, M. le Président, le Conseil du patronat appuie
l'initiative du gouvernement de mettre en oeuvre une politique
intégrée d'immigration au Québec. L'immigration de
personnes d'origines diverses a été une constante positive de
l'histoire du Québec. Nul doute qu'un
processus d'immigration bien planifié, à la mesure de la
capacité d'accueil du Québec, continuera de contribuer à
sa progression démographique et économique.
Nous croyons, par ailleurs, que l'immigration au Québec devrait
atteindre d'ici quelques années une proportion de 25 % de l'immigration
canadienne. Des raisons tant démographiques qu'économiques
justifient pleinement cet objectif. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. Est-ce qu'il y a
d'autres représentants du Conseil qui veulent prendre la parole pour
terminer?
M. Laflamme: Ça va.
Le Président (M. Doyon): C'est tout? Mme la ministre,
est-ce que vous avez certaines questions?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, M. le Président.
Bien sûr, je voudrais vous remercier pour la présentation
de votre mémoire. Je constate que vous avez bien cerné les
problèmes démographiques et les coûts que, faute
d'immigration, par exemple, ça pourrait comporter pour les
différents systèmes, entre autres de santé et
d'éducation. Je constate aussi que le Conseil du patronat
reconnaît que l'immigration est bénéfique pour
l'économie du Québec, et je m'en réjouis. (15 heures)
Vous mentionnez dans votre mémoire et vous recommandez, entre
autres, et en accord avec l'énoncé de politique, une augmentation
du niveau de l'immigration. Il ne faut pas se le cacher, pourtant, il y a
certains milieux qui s'inquiètent cependant d'une telle augmentation,
surtout dans le contexte économique actuel. Donc, pour le Conseil du
patronat, doit-il y avoir un lien entre les niveaux et la conjoncture
économique et, si oui, lesquels?
M. Laflamme: Mme la ministre, en ce qui concerne les immigrants
investisseurs, il est évident que leur venue en période de
difficulté économique ne peut que nous aider à
créer des emplois. En fait, nous pensons qu'il faudrait redoubler
d'efforts pour attirer ces immigrants, particulièrement lorsque la
conjoncture économique est défavorable comme celle qu'on vit dans
le moment, parce qu'on connaît les retombées
bénéfiques de leur contribution.
Pour ce qui est des professionnels et des autres immigrants qui ont une
qualification professionnelle, ça ne devrait pas être non plus
contingenté suivant la conjoncture économique, dans la mesure
où le Québec fait face à une pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux secteurs actuellement,
même si le taux de chômage demeure élevé.
Le Président (M. Ooyon): Merci, M. Laflamme. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, ce que vous soutenez, c'est que
parfois on retrouve des taux de chômage un peu plus élevé,
mais cependant il y a toujours une pénurie de maln-d'oeu-vre
qualifiée. Cette clientèle pourrait combler justement cette
pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et aussi, en période de
récession, souvent ce sont les seuls capitaux nouveaux que l'on peut
investir au Québec par l'entremise, justement, des investisseurs ou
encore des entrepreneurs. C'est un peu ça, finalement, que vous
mentionnez.
M. Laflamme: Surtout les immigrants investisseurs. Vous avez tous
ces gens et cet argent qui proviennent de Hong-Kong à l'heure actuelle,
ces gens-là sont définitivement des entrepreneurs qui
investissent au Québec et qui directement génèrent des
emplois, emplois qui souvent servent à nos bons Québécois.
M. Garon peut peut-être...
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président. Mme la ministre,
j'aimerais ajouter que la difficulté de la part du gouvernement, ce
n'est pas de faire venir ces immigrants; c'est plutôt la concurrence
féroce qu'il y a entre non seulement les provinces, mais les divers pays
qui voudraient bien accueillir ces immigrants investisseurs, qui est une
très grande considération. Je pense qu'à ce titre le
gouvernement doit probablement redoubler d'efforts pour tenter de les
accueillir.
Mme Gagnon-Tremblay: Justement, qu'est-ce que le Conseil du
patronat peut faire pour nous aider dans ce grand défi d'accueillir?
Parce que, comme vous le mentionniez tout à l'heure, c'est bien beau de
sélectionner des immigrants investisseurs ou entrepeneurs, mais encore
faut-il les retenir au Québec, parce que en premier lieu nous faisons de
l'immigration.
Je pense, par exemple, à tout le grand défi que nous
poursuivons au niveau de la régionalisation. On sait qu'actuellement
au-delà de 80 % des nouveaux arrivants s'installent dans la grande
région de Montréal et que non seulement nous avons l'intention
d'ouvrir, mais nous avons ouvert des directions régionales, entre autres
à Québec, à Hull et à Sherbrooke, et nous ouvrirons
également une direction régionale dans Montréal
même. Pour, bien sûr, pouvoir régionaliser, il nous faut
amener ces personnes, mais il faut aussi les accueillir, parce que la
régionalisation, on ne peut pas l'imposer, d'une part, à
l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. On
sait que nous aurons aussi des attitudes et des mentalités à
changer et nous devrons aussi nous doter de structures d'accueil,
surtout, je pense, avec les leaders économiques.
Qu'est-ce que le Conseil du patronat du Québec peut faire, par
exemple, avec les entreprises en région, entre autres, pour, je ne sais
pas, nous identifier, d'une part, cette main-d'oeuvre qualifiée qui est
en demande, de même que pour pouvoir faire ce lien ou cette harmonisation
entre l'offre et la demande?
Le Président (M. Doyon): M. Garon ou M. Lafiamme. M.
Garon.
M. Garon (Jacques): Oui, merci, M. le Président. Mme la
ministre, je pense que peut-être que le Conseil du patronat, avec
d'autres associations d'ailleurs - nous ne sommes pas les seuls, ça doit
être probablement un défi commun - devrait pouvoir peut-être
vous aider à identifier effectivement non pas dans la région
métropolitaine de Montréal, mais dans toutes les autres
régions du Québec les pénuries d'emplois s'il y en a,
parce que je pense que c'est un triple défi que de vouloir
régionaliser l'immigration. D'une part, comme vous le dites, 80 % des
nouveaux arrivants viennent s'installer dans la région
métropolitaine de Montréal simplement pour une raison: c'est
qu'il y a probablement beaucoup plus de coreligionnaires dans la région
du Montréal métropolitain qu'il y en a partout ailleurs au
Québec. Donc, c'est une première difficulté qu'il faut
pouvoir surmonter.
Mais la première chose, je pense, qui pourrait guider ces
immigrants, c'est d'être probablement assurés d'avoir un emploi.
S'il n'y a pas d'emplois, toutes les mesures d'accueil que l'on pourra bien
mettre comme encadrement, à mon avis, ne contribueront pas au
succès d'une telle entreprise parce qu'il faut véritablement
qu'on puisse s'intégrer, et s'intégrer, c'est, bien sûr,
mieux comprendre la culture, mieux comprendre la langue et l'apprendre si
nécessaire, mais surtout trouver un emploi; s'il n'y a pas d'emplois, il
n'y a rien à faire, je ne pense pas qu'on pourra y arriver.
Alors, dans ce sens, peut-être que le Conseil du patronat pourrait
effectivement collaborer avec le ministère, ainsi qu'avec de nombreuses
autres associations pour qu'à l'extérieur de Montréal on
puisse identifier de façon beaucoup plus précise là
où effectivement il y aurait des possibilités d'emploi auxquelles
dans la région on ne peut pas subvenir.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Est-ce que vous pouvez cependant
m'identifier certains secteurs de l'économie québécoise
qui sont les plus aptes à absorber, par exemple, cette main-d'oeuvre
qualifiée? Est-ce qu'il y a déjà une identification qui a
été faite par votre Conseil?
M. Garon (Jacques): Oui. Il y a de nombreuses études, M.
le Président et Mme la ministre, qui ont été faites
à ce sujet. On sait, par exemple, que l'aéroncLrtique qui est un
secteur en pleine expansion, avec la création d'un centre dans un
cégep, est un pas dans la bonne direction pour la formation de nouveaux
techniciens qualifiés, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une
très grande demande pour du personnel et des professionnels
qualifiés, particulièrement avec la venue de l'Agence spatiale
qui sera localisée dans la région métropolitaine. Donc,
ici, on parle de spécialistes en bureautique, on parle de
spécialistes en intelligence artificielle, en communication, en
conception et en fabrication assistée par ordinateur, enfin, bref, toute
la gamme des professionnels qui peuvent être intéressés,
par leurs qualifications, de près ou de loin à ce secteur.
Mais il n'y a pas que le secteur de l'aéronautique. Il y a aussi
l'industrie du plastique, par exemple, dont le Québec a à peu
près 600 entreprises, qui a une pénurie de main-d'oeuvre
absolument épouvantable et qui requiert, là aussi, des chimistes
spécialisés et d'autres spécialistes dans le domaine. On a
aussi beaucoup de pénurie dans de nombreux secteurs qui
requièrent des ingénieurs de toutes qualifications: en
métallurgie, en céramique, etc.
On a, par ailleurs, aussi - et ça, peut-être que c'est
moins su - une pénurie de main-d'oeuvre et de techniciens en
sylviculture; avec le programme de reboisement que nous avons au Québec,
on trouve très difficile d'aller chercher des gens qui vont justement
aller en région et qui n'ont pas les qualifications. Or, il n'y en a
pas. C'est-à-dire qu'il y en a peut-être, mais la demande est
là et on pourrait certainement accueillir beaucoup de professionnels
dans ce secteur.
Mais il y a aussi à un niveau du secondaire professionnel, si je
puis dire, un grand nombre de métiers où aussi il y a
pénurie. On pourrait vous citer de nombreuses industries qui
requièrent des soudeurs qualifiés. On pourrait aussi avoir des
machinistes et on s'aperçoit, quand on interroge nos membres, les
entreprises, qu'effectivement elles ont toujours beaucoup de
difficultés, et c'est un peu paradoxal avec le taux de chômage
qu'on a actuellement, à recruter ces professionnels qualifiés qui
ne sont pas nécessairement des ingénieurs, mais souvent des gens
de métier. Et je pense que le gouvernement, d'ailleurs, a beaucoup de
listes, qu'il tient à jour, de beaucoup de ces professions où
justement il y a une demande constante en dépit d'une conjoncture
économique très défavorable.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Bouierice: Oui, M. le Président. Je vous
remercie d'avoir remplacé au pied levé votre
président qui est en conclave actuellement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je sais que la tâche est très lourde.
J'aurais bien aimé l'entendre au niveau de l'immigration.
Dans votre mémoire, il y a quelque chose qui m'a vraiment un peu
chicoté, pour employer une expression du terroir. Depuis 1976, le
Québec accueille en moyenne 17,2 % de l'immigration canadienne. Alors,
pouvez-vous me dire comment vous pouvez qualifier négativement la
performance du Québec d'avant 1985, comme vous le faites d'ailleurs en
page 2 de votre mémoire, en sachant fort bien qu'en dernière
instance c'est le gouvernement fédéral qui détermine les
niveaux d'immigration?
M. Garon (Jacques): M. le Président, je pense que cette
performance négative n'est pas tout à fait due à une
politique voulue. C'est simplement que les migrations interprovinciales ont
joué en défaveur du Québec. Dans ce contexte,
jusqu'à date, on ne peut pas empêcher les gens, quand ils viennent
s'établir ici à un moment donné, de partir s'ils veulent
partir. Or, ce n'est que relativement très récemment qu'on a
obtenu des niveaux d'immigration positifs. Autrement dit, on a eu plus de gens
qui sont restés au Québec qu'on a eu de personnes qui sont
sorties du Québec pour aller ailleurs au Canada.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le
député.
M. Boulerice: Quels seraient les moyens pour les garder ici, cher
monsieur?
M. Garon (Jacques): Les moyens pour pouvoir...? Écoutez,
je pense que l'énoncé de politique du gouvernement qui a
été proposé tend en partie à répondre
à ça. Autrement dit, d'abord, c'est les emplois, c'est
évident. S'il y a du travail, on va pouvoir y arriver et, s'il y a un
encadrement qui va leur permettre de mieux s'intégrer à la vie
socio-économique du Québec, ça va certainement faciliter
les choses.
Par ailleurs, ce qui est non moins important, et je pense qu'on commence
vraiment à en parler au Québec, c'est de voir aussi que la
population d'accueil ne va pas être trop rébarbative à
accueillir ces nouveaux immigrants. Autrement dit, il faut qu'il y ait une
interdépendance beaucoup plus forte que ce que nous avons connu
jusqu'à maintenant pour éviter ce qu'on pourrait peut-être
appeler la ghettoïsation de certains groupes, pas seulement à
Montréal, mais ailleurs.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.
M. Boulerice: Je vous avoue que j'apprécie beaucoup le
discours que vous tenez au sujet de la régionalisation. Donc,
forcément aussi, vous parlez d'emploi. Vous avez parlé de
programme de reboisement, etc. La question que j'aimerais vous poser: Est-ce
que vous êtes prêts à mettre en oeuvre des programmes
d'accès à l'égalité?
M. Laflamme: Pardon? Pouvez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. Tremblay (Jean): Programme d'accès...
M. Boulerice: D'accès à l'égalité au
niveau de l'emploi. Pour les immigrants, là, il va de soi.
M. Tremblay (Jean): Vous dites bien les programmes d'accès
à l'égalité?
M. Laflamme: À l'égalité? Quelle
égalité?
Le Président (M. Doyon): L'égalité dans
l'emploi, j'imagine.
M. Boulerice: En emploi.
M. Laflamme: Bien oui! Évidemment, le Conseil du patronat
a toujours été d'accord avec cette position-là.
M. Boulerice: Mais dans l'entreprise, je parle.
M. Laflamme: Oui.
M. Boulerice: D'accord. Maintenant, vous avez insisté,
à juste titre, sur l'intégration. Il va de soi que
l'intégration se fait à l'école pour les tout-petits. Elle
peut se faire dans la rue ou le voisinage comme tel. Vous avez
été abondants en statistiques, et ce n'est pas un reproche que je
vous fais, au contraire. Je pense que vous avez un dossier assez
fouillé. Mais les statistiques nous prouvent également que
malheureusement le français comme langue de travail n'a pas
progressé autant qu'on l'aurait souhaité, malgré
l'application des lois linguistiques au Québec. Dieu seul sait qu'une
langue qui n'est pas utile au travail est une langue de vestiaire, comme je
dis. Qu'est-ce que le Conseil du patronat compte faire pour favoriser le
français comme langue de travail?
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Garon (Jacques): Oui. M. le Président, moi, je pense
qu'on a tout de même, depuis 20 ans, fait des progrès remarquables
en ce qui concerne la francisation, le français comme langue du travail
dans toutes les entreprises du Québec, en tout cas dans la très
grande majorité des entreprises au Québec. Je pense
qu'aujourd'hui ce serait assez difficile de trouver un
emploi sans une connaissance minime du français au Québec.
Je n'ai pas l'impression que, par ailleurs, on puisse immédiatement
forcer les Immigrants à adopter une attitude très positive si on
a au départ peut-être une attitude un peu rébarbative
à cet effet. C'est pourquoi nous pensons, en tous les cas, que cette
sélection des immigrants qui se fait doit s'accompagner, au
départ, avant même que l'immigrant arrive en sol
québécois, de très, très bonnes informations en ce
qui concerne le milieu de travail et particulièrement la langue du
travail. Je pense que quand l'immigrant arrive ici c'est trop tard.
Autrement dit, bien sûr, il va y avoir une intégration, il
va y avoir un encadrement, mais je pense que ça doit commencer,
dès le départ, dans le pays d'origine dans la mesure du possible.
Et ça faciliterait beaucoup les choses pour ne pas avoir le genre de
conflits ou, en tout cas, de difficultés auxquelles vous faites allusion
lorsque les immigrants arrivent ici. (15 h 15)
Le Président (M. Doyen): Merci, M. Garon. M. le
député.
M. Boulerice: Vous n'êtes pas sans savoir, puisque vous
êtes montréalais, que les travailleurs immigrants se concentrent
dans des secteurs souvent très précis de l'économie et que
malheureusement, dans certains secteurs, les travailleurs immigrants
deviennent, selon l'expression consacrée, du "cheap labor". On emploie
souvent cette expression. Vous me permettrez une deuxième fois
d'employer un terme anglais: les "sweatshops" que l'on voit, là, rue
Chabanel et compagnie. Je pense que vous connaissez la métropole autant
que moi.
Qu'est-ce que vous pensez de la syndicalisa-tion des travailleurs
immigrants qui sont ici, mais toujours d'une façon un peu
précaire, je parie socialement, dans un pays d'accueil, avec la peur
d'être refoulés, la méconnaissance des droits, etc.?
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Garon (Jacques): Vous posez une question un petit peu
paradoxale au Conseil du patronat, à savoir si on est en faveur de la
syndfcalisatlon. Je vous répondrai d'emblée que je ne pense pas
que ça entre tout à fait dans notre politique. Mais, en ce qui
concerne la rue Chabanel, je peux vous dire qu'en ce moment ce n'est pas
très rase et que même les ouvriers qualifiés
québécois ont à subir les effets de la récession.
Mais ça, ça ne règle pas le problème des
immigrants, j'en conviens.
Ceci dit, il ne faut pas oublier que, quand on a une politique
humanitaire et qu'on se dit volontaire pour accueillir une certaine
quantité de gens qui sont des réfugiés, pour toutes sortes
de considérations, vous ne pouvez pas contingenter ces gens-là
dans tel et tel endroit au
Québec, ni physiquement ni moralement. Alors, il est
évident que là vous n'avez pas un choix sur la question de la
compétence, sur la question de la langue, et c'esi. ià, je pense,
que vous retrouvez le plus grand nombre de difficultés. C'est un
problème à long terme qui ne peut se résoudre que par un
encadrement de plus en plus sophistiqué et une politique de plus en plus
intégrée au marché de l'emploi. On n'arrivera certainement
pas à résoudre ce problème du jour au lendemain. Je pense
que c'est un problème à long terme.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.
M. Boulerice: Je ne trouvais pas paradoxal de vous parler de
syndicalisation, puisque vos homologues allemands et autrichiens en parlent
très abondamment. J'en arrive, d'ailleurs. Ceci dit, une dernière
question. Il y a des délais qui sont encourus par les requérants
du statut de réfugié lorsqu'ils arrivent au Québec. Quelle
serait, d'après vous, la stratégie que le gouvernement devrait
adopter pour réduire ces délais atroces, même?
Le Président (M. Doyon): M. Garon. M. Garon (Jacques):
M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Ou M. Laflamme, c'est comme vous
voudrez.
M. Garon (Jacques): ...je pense qu'il faudrait peut-être
s'adresser au gouvernement. Je ne sais pas si c'est simplement une question de
procédure bureaucratique qui fait qu'il y a des délais. Est-ce
qu'il y a suffisamment d'officiers dans tous les ministères pour pouvoir
répondre à cette demande, à cette accumulation? Je
m'excuse, mais là je ne peux pas répondre plus avant à
cette question.
M. Boulerice: Mais vous comprenez le bien-fondé de ma
question parce que c'est ce fait-là qui fait - vous permettez le
pléonasme - qu'on les retrouve dans les ghettos d'emploi.
M. Garon (Jacques): Mais je ne sais pas si, le statut d'immigrant
reçu leur étant accordé, ça changerait
fondamentalement ce problème. Mol, j'ai un peu de doutes
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.
M. Laflamme: Est-ce que vous avez fait une étude pour
savoir la raison qui cause ces délais-là? Est-ce que c'est le
critère de sélection? Est-ce que c'est les enquêtes qui
prennent du temps? Je ne le sais pas. Écoutez, ce n'est pas nous qui
administrons le ministère de l'Immigration.
M. Boulerice: Je vous répondrais...
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Bouleiice: Là, c'est l'interviewer interviewé,
M. Laflamme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Je vous répondrais que c'est un peu de tout,
mais, comme vous avez une réputation d'excellents gestionnaires, je me
suis dit: Ils connaissent peut-être déjà la réponse
à la question, donc ils ont peut-être des éléments
de réponse. J'allais tout bonnement à la pêche.
M. Laflamme: Malheureusement, M. Boulerice, nous n'avons pas la
réponse. Si nous l'avions, nous serions très heureux de vous la
fournir.
M. Boulerice: Peut-être qu'à la fin de la
commission, effectivement, on pourra bénéficier du concours du
Conseil du patronat pour aider à solutionner cette question. Je ne sais
pas si mon collègue... Non. Alors, je vous remercie beaucoup, M.
Laflamme et M. Garon.
M. Laflamme: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Maintenant, en vertu de la règle de l'alternance,
la parole est au député de LaFon-talne qui me l'a
demandée.
M. Gobé: Merci, M. le Président. Bonjour,
messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir ici, moi aussi, et j'ai
noté avec plaisir que plusieurs passages de votre mémoire font,
si ce n'est l'éloge, au moins grand cas de la réforme et du livre
blanc proposés par le gouvernement et par la ministre. En particulier,
je note que "le CPQ note avec satisfaction que le gouvernement met pour la
première fois l'accent, dans sa politique, sur l'intégration
véritable des immigrants, un processus complexe et qui interpelle la
société d'accueil dans son ensemble". Je trouve ça
intéressant parce que, au Québec, j'ai l'impression que notre
problématique d'immigration n'est pas forcément la même que
dans les autres pays, car nous avons à faire face - je vous
écoutais parler et vous le faisiez ressortir, en plus, dans votre
mémoire - à deux grands objectifs qui sont parallèles et
qui peuvent être, à un moment donné, contradictoires tout
en étant complémentaires, et je m'explique.
Nous avons une politique d'immigration au Québec, j'ai
l'impression, parce que nous avons un problème démographique, et
vous le mentionnez dans votre mémoire à la page 2 où vous
dites qu'on a eu un solde migratoire négatif envers les provinces,
particulièrement dans les années 1981, 1982, et on comprendra
qu'à cette époque-là c'était l'accession de
l'ancien gouvernement au pouvoir. Il y avait eu à peu près 200
000 personnes qui étaient parties vers les autres provinces et les
États-Unis, mais on ne reviendra pas sur ça. C'était
cyclique. C'était probablement un accident qui ne se reproduira pas, et
souhaitons-le.
Mais il n'en reste pas moins que notre population est une population
déclinante en termes de naissance, en ternies de vieillissement de
population aussi et qu'on se doit, donc, d'avoir recours à des
stratégies d'immigration pour compenser.
En même temps, et vous le mentionnez très bien, on le voit
tous les jours, on a un certain nombre d'emplois très qualifiés,
qui demandent des ouvriers qualifiés avec certaines expériences,
pour lesquels nous n'avons pas de main-d'oeuvre au Québec et pour
lesquels nous devons faire appel à une main-d'oeuvre extérieure.
Le plus difficile est bien souvent de faire coïncider ce besoin
d'immigrants, au niveau démographique, pour combler ce déficit
et, en même temps, d'attirer ces employés, ces immigrants avec
certaines qualifications.
Vu que vous avez fait le diagnostic, et je le répète un
peu après vous, un peu après la ministre, d'ailleurs, j'aurais
une question à vous poser. Je me demande s'il ne pourrait pas y avoir,
avec une organisation comme la vôtre ou d'autres organisations
patronales, une collaboration avec le ministère qui aurait pour but,
d'abord, d'identifier clairement et d'une manière très pointue
non seulement les secteurs où il manque ce genre d'employés
là, mais les entreprises où il y a des besoins? Et est-ce que ces
entreprises, en collaboration avec le ministère, ne pourraient pas faire
le recrutement directement dans les pays concernés, en tenant compte de
certains critères et de la contrainte linguistique, bien entendu? Car on
sait qu'en plus des deux critères que j'ai énoncés
précédemment on a aussi, au Québec, une contrainte
linguistique. Pas la peine d'élaborer là-dessus, tout le monde le
comprend. Alors, est-ce que vous y avez pensé ou est-ce que vous ne
pourriez pas élaborer un peu sur cette idée?
Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.
M. Laflamme: M. le Président, si le ministère de
l'Immigration du Québec demande au CPQ de l'aider dans une
démarche semblable, le CPQ s'engage ici même à collaborer
de la manière la plus efficace possible auprès de ses
associations sectorielles pour identifier les secteurs et les professions en
demande de main-d'oeuvre qualifiée à l'heure actuelle. Dans un
premier temps, c'est une chose qui pourrait être faite: vous identifier
très bien les secteurs et, en fait, les positions qui sont en manque.
Suite à ça, on pourrait peut-être procéder à
un deuxième stade.
M. Gobé: Dans l'énoncé de la ministre, on
parle du contrat moral...
Le Président (M. Doyon): M. Garon voulait ajouter quelque
chose.
M. Laflamme: M. Garon va compléter. M. Gobé:
M. Garon, je m'excuse.
M. Garon (Jacques): Oui, je voudrais juste ajouter une petite
chose. C'est que peut-être, là, il y aurait lieu d'avoir un lien
avec le ministère de la Main-d'oeuvre parce que le ministre Bourbeau,
justement, a une Conférence permanente sur l'adaptation de la
main-d'oeuvre qui va probablement étudier cette problématique de
pénurie de main-d'oeuvre et, par conséquent, il devrait y avoir,
je pense, un lien très étroit pour que tout le monde marche
à l'unisson dans la même direction.
M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous
recommanderiez... Bien, vous recommanderiez, vous seriez favorable à une
concertation ministères de la Main-d'oeuvre, de l'immigration et
entreprise privée, une espèce de partenariat où il
pourrait y avoir une espèce de chambre consultative de l'immigration ou
des besoins de la main-d'oeuvre en ce qui concerne l'immigration.
M. Laflamme: Oui, de façon à mettre toutes les
chances sur le bon côté. C'est louable, cette nouvelle politique,
mais évidemment il faut l'aider si on veut qu'elle fonctionne et qu'elle
rapporte les dividendes nécessaires.
M. Gobé: C'est ça. C'est parce qu'on voit dans
l'énoncé de politique de Mme la ministre qu'on parie d'un contrat
moral entre le nouvel arrivant, ou celui qu'on veut faire venir, et
('État, le Québec, la société
québécoise. À ce moment-là, est-ce qu'on ne peut
pas parler de partenariat entre la société
québécoise et les entreprises privées de cette
société afin de participer non seulement à la
sélection, mais aussi, après ça, à l'accueil? Car,
si vous sélectionnez des gens qui correspondent à certains
critères dont vous avez besoin, il est évident qu'ils vont
être intégrés très rapidement dans la
société et qu'on aura, à ce moment-là, certainement
un critère de rétention très important de ces
immigrants.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
M. Gobé: Juste une dernière petite question, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Rapidement.
M. Gobé: On sait qu'une grande partie de ces immigrants,
particulièrement les moins favorisés, les moins
scolarisés, s'établissent dans la région de
Montréal, dans l'est de Montréal jusqu'à peu près
à Saint-Henri. On parle de près de 50 000 immigrants par
année dans quelque temps. Prenons pour acquis qu'une grande partie
seront, si on se fie à ce qu'on a maintenant, pas forcément des
immigrants de haut niveau de qualification professionnelle, mais plutôt
d'origine du tiers monde. On parie de 50 000 par année et
peut-être que 10 000 ou 20 000 vont s'établir dans cette
région-là. Y a-t-il un danger à moyen terme ou à
long terme à cette trop grande concentration pour leur
intégration à la société québécoise
et en termes de rejet par l'ensemble de la société de cette
immigration?
Le Président (M. Doyon): M. Garon ou M. Laflamme. M.
Garon.
M. Garon (Jacques) : Oui, M. le Président, d'où
l'importance de l'énoncé de politique du gouvernement. Si
l'intégration qui est suggérée ici peut être mise en
action relativement rapidement, les chances seront qu'on va éviter,
justement, de créer des ghettos, comme vous le suggérez, qui sont
un petit peu l'apanage de tous les pays neufs, de toutes les façons,
mais où il y aura une intégration bien meilleure qui sera
possible. Pour ces gens les plus défavorisés qui n'ont ni le
niveau d'éducation ni les compétences souvent professionnelles
requises pour les emplois en pénurie, je pense que c'est vraiment
l'encadrement qui doit permettre de mieux les guider pour qu'ils puissent
s'intégrer de façon beaucoup plus rapide et plus harmonieuse
à la société québécoise.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Très
rapidement, c'est juste une question et ça va dans le sens de ce qu'on
discute depuis quelques minutes. Je suis d'accord avec vous, il faut favoriser
l'immigration. Je pense que c'est unanime de plus en plus, en tout cas pour les
gens qui sont impliqués directement, parce qu'il y a des besoins de
population, des besoins de main-d'oeuvre. Ça, on en a traité
beaucoup. C'est surtout ce volet-là qui m'intéresse, c'est
sûr, à cause du taux de dénatalité, de
vieillissement et tout ça et, en plus, des richesses qu'on
possède. Il ne faut pas se le cacher, le Québec est un pays riche
et il ne peut pas faire autrement qu'être ouvert s'il veut se
développer, question de marchés et question de
développement.
Mais on en a traité en disant: Comment on fait pour garder les
gens qui viennent et comment on fait aussi pour les attirer et tout ça?
On revient toujours à la même chose, c'est l'emploi. Ce que
cherchent les Québécois, c'est le plein emploi et ce que
cherchent les gens quand ils déménagent, aussi, ils se cherchent
une place où ils vont avoir un emploi payant pour être capables de
mieux vivre. C'est ce que tout le
monde recherche, finalement.
On parte d'emploi, mais on relie toujours ça... Le plus grand
problème de l'emploi, au Québec, c'est la formation
professionnelle, la main-d'oeuvre qui n'est pas capable de répondre aux
besoins. Il n'y a rien de plus triste quand on voit les journaux de fin de
semaine, dans toutes les régions du Québec. Il y a un taux de
chômage à 13 % ou 14 % et des pleines pages d'entreprises qui
recherchent de la main-d'oeuvre. Ça n'a pas de bon sens. Il y a un
problème qui est grave et le problème, ce n'est pas
l'immigration. Le problème, finalement, c'est la formation
professionnelle.
Je suis d'accord avec vous, c'est une richesse par rapport à ce
que ça nous apporte, parce que c'est des individus de plus avec leur
bagage, leurs connaissances et leurs particularités. Quand c'est des
investisseurs immigrants, en plus, bien, ils nous amènent leurs
connaissances techniques et l'argent qu'ils vont investir. De ce
côté-là, ça va très bien. Par contre, quand
on va dans le reste en disant: Bien, là, il faut favoriser l'immigration
parce qu'on ne trouve pas toujours la main-d'oeuvre spécialisée
pour répondre a la demande des entreprises - vous avez pris des exemples
et on les retrouve dans toutes les régions du Québec: manque de
soudeurs et manque de mécaniciens - je dois vous dire que le
problème n'est pas nécessairement de société et ce
n'est pas parce qu'on manque de monde pour le faire qu'il faut faire venir des
gens de l'extérieur pour être soudeurs et mécaniciens. (15
h 30)
Ça veut dire que, là, on reconnaît d'une
façon formelle qu'on a un problème qui est grave et qu'au niveau
de notre politique de formation professionnelle, au niveau de la concertation
entreprise-école, c'est un fiasco. Parce que ça n'a pas de bon
sens quand on dit que, même pour des soudeurs et des mécaniciens,
au lieu de transformer notre façon de former nos gens, on va aller les
chercher à l'extérieur. Mais, même si on en faisait entrer
plus, ça va faire quoi? Ça va faire qu'on va combler... mais il
va rester notre taux de chômage élevé et des gens pas
préparés.
Je suis d'accord pour qu'on les accueille, puis qu'en attendant qu'ils
soient formés on ait des soudeurs et des mécaniciens de
l'extérieur qui soient des Québécois nouveaux, mais il ne
faudrait pas que, du revers de la main, on dise: On va aller les chercher
à l'extérieur et on ne fera pas d'effort de formation
professionnelle. Comme société, on n'a pas le choix de dire au
plus sacrant: Ça nous prend une politique efficace de formation
professionnelle; sinon on accepte qu'il y ait des victimes de la
société, des gens qui vont être sur le BS toute leur vie,
parce que notre système ne les forme pas correctement.
Qu'on la comble par rapport à des spécialistes qui vont
nous amener de la technologie et des connaissances nouvelles, d'accord, mais
qu'on comble notre lacune de formation professionnelle, pour des travaux de
manoeuvre, en allant chercher des gens de l'extérieur, je vous dirai que
c'est comme se cacher la vérité et dire que nous devons accepter
que, dans la société, il y ait des dizaines et des centaines de
milliers de gens qui ne peuvent même pas être soudeurs et qu'on va
aller les chercher ailleurs, pas parce qu'ils ne sont pas capables, mais parce
qu'on ne les forme pas. Je ne sais pas si je suis correct, mais je dois vous
dire qu'on a, autant chez les Québécois actuels que chez ceux qui
vont venir, un problème de formation professionnelle qu'il va falloir
combler très rapidement. Il va falloir travailler ensemble
là-dessus, avec vous autres spécialement, parce que le
rapprochement va se faire avec l'école et l'entreprise.
Le Président (M. Doyon): Qui veut réagir? M.
Laflamme.
M. Laflamme: Vous parlez de formation professionnelle. C'est une
chose qui nous tient énormément à coeur, au Conseil du
patronat. Il n'y a pas tellement longtemps - il y a à peine deux mois,
je crois - le bureau des gouverneurs du CPQ avait le plaisir de rencontrer te
ministre Pagé et nous avons eu l'occasion de dialoguer assez longuement
avec lui. Il nous a fait part - et je pense que tout le monde le sait - d'une
innovation qui vient d'être faite avec l'école des gens de l'air,
à Montréal, en formation professionnelle, où l'industrie
est impliquée dans la programmation, dans le choix des cours, dans la
matière à donner, etc. C'est un début, me direz-vous, mais
le ministre nous a assurés que cette manière de procéder
s'appliquera dans d'autres domaines, dans d'autres secteurs, dont celui du
meuble et celui du bois ouvré. Ils s'en viennent avec ce
programme-là et je pense que c'est important que l'industrie soit
impliquée dans la programmation des cours. Mais ça ne s'est pas
fait dans le passé. Malheureusement, pour des raisons qu'on ignore,
l'industrie n'était pas consultée. Les cours se donnaient, mais
sans consultation auprès de l'industrie. Maintenant, c'est une
innovation, ça commence. Alors, ça devrait déboucher et
améliorer les préoccupations que vous et nous avons.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. Tremblay, avez-vous
quelque chose à ajouter?
M. Tremblay (Jean): II y a également, dans ce que monsieur
mentionnait, des problèmes au niveau de la mentalité des
Québécois eux-mêmes. Il y a, au niveau de l'immigration,
une possibilité de combler rapidement, à court terme, si on fait
une bonne sélection... Si les industriels sont consultés, si le
monde des affaires est consulté, on peut peut-être vous dire: Oui,
on a des problèmes ici et là et, à ce moment-là, il
y aura
une sélection qui servira uniquement à régler les
problèmes à court terme. Mais, il y a partout chez nous un
problème au niveau de la formation professionnelle dans les
écoles secondaires et les cégeps où personne ne pousse nos
enfants à aller dans le secteur professionnel. Alors, nos enfants vont
soit à l'université, soit ils décrochent en cours de
route. On est, nous, Québécois, responsables de ça.
Il y a vingt et quelques années, je travaillais dans
l'hôtellerie et il n'y avait que des immigrants qui travaillaient dans
l'hôtellerie, parce que les Québécois aimaient mieux
travailler sur la construction et qu'ils n'y allaient pas. Ça se
retrouve à d'autres niveaux aujourd'hui. Il y a des jobs que les
Québécois n'ont pas envie de faire. Il y a, à
l'école du meuble, 80 finissants qui vont terminer leur cours au mois de
mai et il va y avoir 300 à 325 postes d'affichés de compagnies
qui sont prêtes à en engager, mais il y en a juste 80 et
l'école est à moitié vide. Pourquoi les
Québécois n'y vont pas? Il faut peut-être s'interroger sur
ce qu'on enseigne dans la maison chez nous. Ça, à court terme,
l'immigration peut, en partie, le corriger et, effectivement, la formation
professionnelle devrait s'ajuster, puis il devrait y avoir peut-être un
peu plus de concertation entre le monde de l'industrie et, possiblement, ceux
qui font les programmes à ces niveaux-là. Il faut se parler un
peu plus. Mais on n'a pas à se sentir coupable de manquer de soudeurs,
aujourd'hui; puis, demain, on va manquer de gens... Essayez de trouver des gens
qui veulent aller travailler dans les pépinières, qui veulent
aller travailler dans le secteur maraîcher. Ça prend des gens qui
viennent d'ailleurs parce que nos Québécois ne veulent pas le
faire, même si le salaire... Je comprends que ce n'est pas 22 $ de
l'heure, mais c'est au moins le salaire minimum, puis les gens ne veulent pas
faire ce travail-là. Alors, qui va le faire, ce travail-là?
Actuellement, au Québec, il y a une forte proportion de gens qui sont -
il ne faut pas se le cacher - des Mexicains qui viennent le faire. Ils sont
contents, puis ils repartent. On serait bien mieux de s'assurer de les garder
avec nous, puis peut-être qu'ils enseigneraient ça. Aujourd'hui,
dans l'hôtellerie, c'est des Québécois qui sont là.
Alors, il y a toute une éducation qui prend le temps que ça
prend.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tremblay. Le temps
étant terminé, je dois... Non. Je viens de vérifier, il ne
reste plus de temps.
M. Boulerice: Vous venez de vérifier, ah!
Le Président (M. Doyon): En tout cas, on va
vérifier de nouveau, si vous me le permettez. M. le député
de l'Acadie, et peut-être qu'on reviendra s'il reste du temps, mais on
vient de m'informer qu'il n'en reste pas.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord,
peut-être, faire un commentaire. C'est que je suis très heureux,
aujourd'hui, de participer à être commission parlementaire.
Étant député d'un comté où il y a
actuellement plus de 33 % d'allophones, je suis en mesure de voir l'apport des
communautés culturelles au Québec et la richesse que ces
gens-là ont apportée à tous les niveaux, économique
et social, dans la communauté québécoise. La
réalité qu'on vit actuellement dans le comté de l'Acadie
est peut-être quelques années en avance sur ce qu'on va vivre
ailleurs dans d'autres parties du Québec, dans d'autres régions
du Québec. Je pense que le défi majeur du Québec va
être, au fond, de gérer l'immigration en fonction de l'ensemble
des besoins de la société québécoise. Alors,
à ce titre-là, je suis très heureux de participer et je
suis également très heureux de voir que le premier mémoire
qui nous est présenté est celui du Conseil du patronat, ce qui
démontre bien l'importance que vous accordez à toute la question
de l'immigration.
Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir, c'est qu'on a
parlé de la question de l'ajustement des besoins de main-d'oeuvre par
rapport à la sélection au niveau de l'immigration. J'aimerais
avoir vos commentaires sur le phénomène suivant.
C'est-à-dire qu'on sait actuellement, au Québec, que la
population qui est ici, qui est née au Québec va avoir,
probablement, durant sa vie de travail, à faire des changements assez
fréquents; et c'est de plus en plus fréquent parce que la
structure du monde du travail change. La main-d'oeuvre doit s'adapter à
des changements importants. On dit qu'une personne va peut-être occuper
deux ou trois postes assez différents au cours de sa
carrière.
Quand on parle de l'immigration et de la sélection des immigrants
à l'étranger, évidemment, on parle de répondre
à des besoins de main-d'oeuvre que la société
québécoise a. À court terme, ça me semble
être un objectif qui est valable; à moyen terme et à long
terme, si c'est vrai que la société québécoise et
le monde du travail vont évoluer de façon assez rapide, est-ce
que la question de l'adaptabilité de ces personnes-là ne serait
pas aussi un critère très important? D'ailleurs, on mentionne,
pour la population québécoise, souvent des problèmes
d'adaptabilité qui sont peut-être dus à un manque de
formation dans les matières de base, dans les matières
fondamentales, ce qui fait que les gens ont peut-être plus ou moins de
difficultés à faire ces changements-là au fur et à
mesure que les besoins se présentent.
Alors, j'aimerais avoir vos commentaires sur ça. Est-ce que la
sélection des immigrants à l'étranger ne devrait pas tenir
compte, en plus, évidemment, des postes qu'ils sont capables d'occuper
à court terme en arrivant au Québec, de la question de
l'adaptabilité de ces personnes-là par la suite, compte tenu de
l'évolution et du
fait qu'elles seront des citoyens du Québec au mâme titre
que tous les autres et devront faire face à ces
réalités?
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. Laflamme, peut-être.
M. Laflamme: En ce qui nous concerne, un très grand pas
est fait pour l'intégration des immigrants lorsque ces derniers ont,
effectivement, un emploi. Que ce soit chez moi ou ailleurs, l'immigrant est
pris en charge et on essaie de l'adapter. En ce qui a trait au choix culturel
et linguistique que les immigrants doivent absorber lors de leur arrivée
au Canada et au Québec en particulier, en premier lieu, à
l'importance de l'encadrement que le ministère met à leur
disposition pour accélérer leur intégration sociale, qu'il
s'agisse de l'apprentissage d'une nouvelle langue ou tout simplement des lois
en vigueur, de leurs droits, on pense que l'immigrant, quel qu'il soit, devrait
avoir une solide base d'informations, même avant son arrivée. Il
devrait savoir ce qu'est le Québec, les lois, dans quoi il s'embarque,
comment ça fonctionne, etc., au lieu de débarquer sur un quai
sans savoir trop, trop où il va.
En second lieu, on reconnaît la valeur de l'énoncé
de politique du gouvernement. L'insertion socio-économique des
immigrants a d'autant plus de chances de réussir que notre
société d'accueil se montre plus ouverte. Dans ce sens, je pense
qu'un très grand effort de communication et de coordination entre toutes
les communautés culturelles du Québec et la population en
général devrait être une priorité du
ministère de l'Immigration. Sensibiliser les gens, c'est une nouvelle
politique; le ministère de l'Immigration va procéder d'une
manière différente, tant mieux, mais il faudrait que la
population du Québec soit sensibilisée à ça aussi.
Et ça, je pense que c'est un effort du ministère à faire
pour sensibiliser la population.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laflamme. Une toute
dernière question, M. le député.
M. Bordeleau: Vous avez parlé des problèmes
d'adaptation au point de vue social, mais ce à quoi je faisais
référence, c'était au fait qu'en plus de
sélectionner les immigrants sur la base des emplois qu'ils peuvent
occuper immédiatement en arrivant ici au Québec, est-ce qu'on ne
devrait pas également, au niveau de la sélection, tenir compte de
leur capacité de s'adapter à d'autres types de travail par la
suite? On dit qu'au niveau de la société québécoise
les gens vont avoir à occuper de plus en plus de postes. Donc,
travailler trop en fonction des besoins de main-d'oeuvre à court terme,
c'est peut-être se retrouver avec une main-d'oeuvre qui sera ici et qui
sera plus ou moins capable de s'adapter à des changements. S'il y a
évolution, si la structure du travail change, évidemment, les
emplois devront changer aussi. Alors, c'est à ce point particulier que
je faisais référence.
Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.
M. Laflamme: C'est peut-être un travail que, justement, vos
officiers d'immigration devraient faire. Quand ils font une sélection,
je ne sais pas comment ça fonctionne, mais j'imagine qu'ils doivent
rencontrer les gens, ils doivent vérifier leur passé, ils doivent
vérifier leurs capacités, leurs aptitudes, j'imagine.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laflamme. Très
rapidement, M. Tremblay, parce que le temps est terminé pour les
ministériels.
M. Tremblay (Jean): II faut peut-être aussi prendre les
immigrants comme des êtres humains, comme nous le sommes, nous autres
aussi. Moi, j'ai pu travailler 10 ans dans un domaine et, quand j'ai
changé, prenez pour acquis que je n'ai pas changé pour pire. Ces
gens-là sont sûrement dotés d'une grande capacité
d'adaptation, puisqu'ils partent d'un pays X, dans un contexte y, pour s'en
venir ici; il faut avoir une très grande ouverture. Moi, je pense qu'on
devrait s'assurer de leur offrir, à court terme, un encadrement qui leur
permette de s'insérer totalement dans la communauté. Et,
fiez-vous sur eux; s'ils ont été capables de partir de l'Asie,
quelque part, pour s'en venir au Québec, ils seront bien capables de
partir de Montréal pour s'en aller à Val-leyfield, ou le
contraire, et de changer de telle job à telle autre job. Ces
gens-là sont très capables de s'adapter, aucun doute
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Tremblay. Il reste
quelques minutes. Une dernière question du côté de
l'Opposition.
M. Boulerice: Je voulais poser une question, mais, après
avoir écouté mon collègue, le député de
l'Acadie, M. le Président, je vais plutôt émettre un
commentaire, en disant que les propos qu'il a tenus sont vraiment très
pertinents. Il ne faudrait surtout pas tomber dans le même piège
que les pays d'Europe de l'Ouest qui ont importé de la main-d'oeuvre,
mais de la main-d'oeuvre pour des secteurs très ponctuels - et je vais
remployer de nouveau le terme "cheap labor" - qui se retrouvent maintenant, on
le voit en France, avec des populations d'origine maghrébine et, en
Allemagne, avec des populations turques, et, là, ça a
généré des conflits, puisque ces emplois-là
n'existent plus et que ces gens sont là. Et ils sont partagés
entre: ils restent ou nous devons les expulser, avec l'odieux que cela comporte
compte tenu qu'une deuxième génération est
déjà arrivée. Donc, je me dis, finalement, est-ce que vous
apportez une certaine nuance quand vous dites: Notre premier
critère de sélection doit être l'emploi, mais avec
la notion que vient d'apporter mon collègue, le député de
l'Acadie? (15 h 45)
Le Président (M. Doyon): M. Garon.
M. Laflamme: Dans le mémoire...
Le Président (M. Doyon): M. Laflamme.
M. Laflamme: ...on se réfère à trois
catégories, si je me rappelle bien - je ne me rappelle pas à
quelle page - et on parle aussi des immigrants investisseurs. Ça fait
partie de ce dont on a parlé, vous avez l'emploi et vous avez,
évidemment, les réfugiés. Alors, il faut qu'il y ait une
moyenne qui se fasse dans tout ça. Je pense qu'on le cite quelque
part.
M. Garon (Jacques): Je pense que vous avez raison, mais
j'aimerais rajouter sur ce que mon collègue a dit, en tout cas, qu'on
est totalement convaincus que, s'il y avait des critères à
examiner pour la sélection des nouveaux arrivants au Québec, le
critère de l'adaptabilité serait probablement le dernier à
envisager. Autrement dit, je pense qu'il faut faire confiance à ces
gens-là et, quand ils arrivent en terre québécoise ou en
terre canadienne, bien souvent, leur réaction, ayant réussi
à arriver au Canada, ce serait de faire un petit peu comme le pape et
d'embrasser la terre québécoise quand ils arrivent ici. Et pour
le reste, faites-leur confiance, ils vont bien se débrouiller.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Garon.
Cela termine le temps dont nous disposions.
Quelques mots de remerciement, en conclusion, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Je
voudrais tout simplement souligner que la sélection se fait
déjà en fonction d'une grille de sélection et, bien
sûr, que le critère est un critère qui peut être
éliminatoire, par exemple, si l'emploi ne répond pas à un
guide d'emploi qui correspond aux objectifs économiques du
Québec. Cependant, je dois vous dire que nous expérimentons
actuellement, avant de modifier cette grille de sélection, le
critère d'adaptabili-té.
Alors, écoutez, en dernier lieu, je voudrais, bien sûr,
vous remercier pour la présentation de votre mémoire et aussi, en
somme, pour les solutions que vous y apportez et les commentaires très
importants que vous nous faites à l'égard de
l'énoncé de politique. Merci infiniment de votre
présentation.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vais me joindre à ma collègue, Mme
la ministre des Communautés culturelles, pour vous remercier de votre
mémoire, en retenant une chose, que l'immigration devra être faite
en partenariat avec vous, de toute évidence et, je vous le dis
très franchement, non pas en fonction uniquement de vos
intérêts très spécifiques, mais il faudra tenir
compte, dans une très large mesure, effectivement, des
éléments que vous nous avez apportés. Ça, j'en
conviens. Je vous remercie de votre présence.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup, merci aux
représentants du Conseil du patronat qui est le premier groupe qui a
commencé cette consultation. Nous allons continuer, en vous demandant de
vous retirer pour permettre à d'autres de s'approcher. Merci encore,
merci beaucoup. Dès que M. Laflamme, M. Garon et M. Tremblay se seront
retirés...
J'inviterai dès maintenant les représentants de
l'Association des manufacturiers canadiens à bien vouloir prendre place
à la table des Invités pour que nous puissions enchaîner
sans trop de retard. Alors, j'invite les membres de cette commission à
prendre place pour que nous puissions continuer nos travaux. Les discussions et
rencontres privées pourront se poursuivre en d'autres endroits, en
d'autres lieux et en d'autre temps.
Alors, bienvenue aux représentants de l'Association des
manufacturiers canadiens. Vous connaissez les règles, je pense que vous
étiez ici tout à l'heure: vous avez une vingtaine de minutes pour
faire votre présentation, puis il y a 20 minutes pour les
ministériels et 20 minutes pour l'Opposition, pour un certain nombre de
questions. Je vous invite à vous présenter et à
présenter les gens qui vous accompagnent. Nous commençons
dès maintenant. M. Le Hir.
Association des manufacturiers du
Québec
M. Le Hir (Richard): Merci beaucoup, M. le Président.
J'aimerais d'abord faire une première remarque. Nous avons eu
l'occasion, il y a quelques semaines, de changer de nom et nous nous appelons
désormais l'Association des manufacturiers du Québec.
Le Président (M. Doyon): Soyez ainsi connus.
M. Le Hir: La deuxième chose que j'aimerais faire, c'est
vous présenter les collègues qui m'accompagnent. Il y a, tout
d'abord, M. Gaston Charland, à ma droite, qui est le directeur du
secteur des ressources humaines au sein de notre groupe, et, également,
M. Alberto Sterzi, qui est lui-même président d'une PME de la
région de Saint-Hyacinthe qui produit des abrasifs.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous les
trois.
M. Le Hir: Merci beaucoup. L'Association des manufacturiers du
Québec souscrit pleinement à la nécessité pour le
Québec de développer un énoncé de politique en
matière d'immigration et d'intégration. À l'heure des
grands choix sociaux, il est opportun de bien définir les objectifs
visés en matière d'immigration et d'identifier les
mécanismes retenus pour en réussir l'intégration. Cette
réflexion de base doit s'inspirer du courant révisionniste qui
consiste à bien mesurer les enjeux auxquels nous devons faire face. En
autant que les manufacturiers sont concernés, l'énoncé de
politique et le niveau d'immigration ne peuvent se dégager du contexte
de compétitivité et de globalisation des marchés, lis
doivent également être applicables au niveau de la
société québécoise de sorte que les immigrants
puissent s'Intégrer rapidement.
Le premier point qui a attiré notre attention a été
la décision de bien identifier le Québec comme une
société ayant le français comme langue commune de la vie
publique. Ce choix social doit être clairement exprimé aux
immigrants. Le français est la langue du Québec. Par contre, nous
hésitons à dire que le gouvernement devrait accentuer son action
de francisation, surtout dans le cas des travailleurs
spécialisés, hautement spécialisés ou dans le cas
de tout autre travailleur dans les situations où le Québec est en
position de pénurie. L'objectif de 40 % du flux total de l'immigration
nous semble ambitieux. De plus, nous préférerions que les efforts
se situent au niveau des travailleurs plutôt que vers les gens d'affaires
dont l'apport économique est nécessaire à notre essor.
Nous croyons que l'apprentissage du français pour cette catégorie
sera favorisé, d'une part, par le marché du travail et, d'autre
part, par les liens que devront entretenir ces immigrants avec les gens
d'affaires québécois.
En ce qui concerne le niveau d'immigration, nous ne pouvons qu'appuyer
la décision du gouvernement de procéder à une
planification pluriannuelle des niveaux d'immigration de 1992, 1993 et 1994. Un
mécanisme de révision annuelle nous permettra sans doute de
suivre l'évolution des prévisions en regard des objectifs
atteints. Dans ce sens, des correctifs pourront être apportés pour
redresser la situation si le vécu de l'immigration dévie des
objectifs visés.
Deuxièmement, cette planification nous permet de répondre
à des questions fondamentales sur l'orientation que nous désirons
apporter à l'énoncé. Le Québec se doit de conserver
son poids démographique dans l'ensemble canadien qui est à peu
près, à l'heure actuelle, de 26 %. La stratégie
gouvernementale consistera alors à déterminer les meilleurs
moyens pour atteindre ce but. Le niveau d'immigration doit être
analysé dans ce contexte. Entre autres, il est particuliè- rement
difficile de prévoir ce que les experts, les démographes au fond,
qualifient d'indice de fécondité et, surtout après les
changements apportés à la Loi sur les normes du travail, leur
effet sur le niveau d'immigration. Ces avantages additionnels accordés
par le gouvernement pour favoriser l'aspect démographique de notre
population auront peut-être des résultats surprenants.
Selon les données disponibles au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, l'indice de
fécondité connaît présentement une
amélioration encourageante. Vous avez les chiffres qui... Je vous fais
grâce de la lecture de ces chiffres.
Cependant, nous pouvons, en souhaitant une amélioration continue
du nombre de naissances, nous rallier aux prévisions globales suivantes
qui devraient avoir pour effet d'atteindre graduellement l'objectif de
maintenir notre poids démographique. On reprend également les
chiffres sur une base annuelle.
Troisièmement, il s'agit de déterminer quelle devrait
être, à notre point de vue, la répartition des divers types
d'immigrants. Nous souscrivons a priori à une immigration qui vise
à regrouper les familles et à apporter un appui et une terre
d'accueil aux réfugiés dans le cadre de nos
responsabilités internationales. Cependant, notre position vise à
favoriser la catégorie "immigrants indépendants". La
compétitivité et la globalisation des marchés nous
obligent à attirer des travailleurs et des gens d'affaires qui
contribueront au développement de l'économie
québécoise. Nous privilégions donc le flux migratoire de
cette catégorie d'immigrants, qui est passé de 35 % en 1985
à 58 % en 1989.
Il faut examiner quelques données pour bien comprendre la
définition des "immigrants indépendants". En 1990, pour les trois
semestres complétés, nous avions une répartition qui est
celle qui apparaît sur le tableau. La catégorie "immigrants
indépendants" rencontre également des objectifs qui peuvent
être identifiés dans d'autres catégories. Par exemple, la
définition d'Immigrants indépendants" inclut les
dépendants immédiats, conjoint et enfants. De fait, ces derniers
pourraient également être calculés dans la catégorie
"immigrants famille", si la définition le permettait. Il faut se
rappeler que, pour chaque dossier immigrant "autres indépendants", une
demande signifie un travailleur intégré au marché du
travail et la venue de trois dépendants.
Nous avons cependant une préoccupation quant à la
perception de ces nouveaux travailleurs sur le marché du travail. Pour
faciliter l'intégration, les travailleurs doivent être choisis en
fonction des exigences du marché du travail et répondre à
des besoins spécifiques à cet égard. Il y a donc lieu de
s'assurer également que cette approche soit communiquée à
l'ensemble de la population par des campagnes
d'information.
En ce qui concerne les diverses catégories d'immigrants, nous
pouvons conclure que la répartitioh de l'immigration devrait être
la suivante...
L'intégration doit se réaliser sur la base du contrat
social démocratique. Nous souscrivons donc pleinement au fait que "les
immigrants et leurs descendants s'orientent au fait français, consentent
les efforts nécessaires à l'apprentissage de la langue officielle
du Québec et acquièrent graduellement un sentiment d'engagement
à l'égard de son développement". En regard du respect de
ces obligations, le Québec doit prendre des mesures d'intégration
appropriées.
Par contre, nous avons certaines réserves sur la stratégie
employée pour réussir cette intégration. Si nous nous
référons aux actions entreprises en matière
d'intégration économique dans le secteur privé, le
gouvernement préconise "le soutien à la mise en oeuvre de
programmes d'accès à l'égalité dans le secteur
prive". À notre connaissance, l'expérience de tels types de
programmes au Québec ou ailleurs est très limitée. De
plus, ceci s'adresse, non pas strictement à un problème
d'intégration des immigrants, mais vise d'autres catégories de
citoyens ou citoyennes. Nous préférerions donc une approche
beaucoup plus proactive où le gouvernement pourrait, à l'aide
d'incitatifs fiscaux, encourager et récompenser l'entreprise qui
prendrait des mesures pour attirer des immigrants à l'intérieur
de son organisation. Quoi qu'il en soit, le secteur privé rencontre
déjà une partie de l'objectif visé par la politique de
l'obligation contractuelle et il n'y a donc pas lieu de dédoubler les
actions de surveillance à cet égard
Aussi, la question de la régionalisation de l'intégration
des immigrants pose un défi de taille à tous les
Québécois. Nous avons consulté quelques données
à cet effet. En 1988, Montréal a reçu 88,1 % de
l'immigration et il y aurait lieu de prendre des mesures pour corriger cette
situation. Vous avez le tableau qui est bien connu de toutes les personnes qui
oeuvrent dans le domaine.
Il n'y a qu'une seule façon d'intéresser les immigrants
à aller vivre en région: l'emploi. À cet égard, la
politique d'intégration est fortement associée aux emplois
disponibles. Or, ces emplois sont déterminés par la
capacité des entreprises à se développer.
Sur un autre point, nous partageons pleinement les préoccupations
du gouvernement sur la faiblesse des banques de données. Il est
important d'identifier "des objectifs quantitatifs et une évaluation
plus précise de l'impact des décisions". Nous invitons les
autorités gouvernementales à ne pas hésiter à
investir rapidement pour s'assurer que la structure proposée maintienne
un lien approprié avec les clients et leurs besoins.
En dernier lieu, nous réitérons, de façon
générale, notre confiance en cet énoncé de
politique. Nous avons cru bon d'émettre quelques mises en garde pour
s'assurer que les résultats visés soient pleinement atteints.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Mme la
ministre, vous avez quelques questions.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. Merci beaucoup de
votre présentation, et je remarque la modification à votre nom
avec une consonance davantage québécoise.
M. Le Hir: Merci.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vous félicite. Dans l'introduction
de votre mémoire, vous mentionnez, bien sûr, que le
français est la langue du Québec. Par contre, vous mentionnez:
"Nous hésitons à dire que le gouvernement devrait accentuer son
action de francisation surtout dans le cas des travailleurs" très
spécialisés. Est-ce que ça pourrait vouloir dire, par
exemple, pour vous autres que, dans des cas d'une pénurie de
main-d'oeuvre très spécialisée, là on pourrait
aller chercher une main-d'oeuvre très spécialisée et que
le critère "langue" pourrait être non pas mis de
côté, mais pourrait être moindre? Parce que vous savez que
nous accordons actuellement, dans notre grille de sélection,
passablement de points pour la personne qui parle français. Est-ce que
ça suppose que, quand vous arrivez dans des secteurs très
spécialisés, ce critère-là devrait être moins
pris en considération? Est-ce que c'est ce que ça veut dire,
finalement?
M. Le Hir: Effectivement, dans les secteurs où il y a des
pénuries - et il y en a plusieurs, nous avons évidemment
bénéficié de la présentation qui a
été faite avant nous et nous aurions d'autres secteurs à
vous mentionner parmi la liste de ceux où il y a des pénuries -
il nous semblerait préférable, à ce moment-là,
d'agir en accordant une importance moindre, au départ, à la
connaissance du français, quitte à s'assurer que, par la suite,
on donne les moyens à ces gens-là de développer la
connaissance du français dont ils vont avoir besoin pour évoluer
dans la société québécoise.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça pourrait supposer,
finalement, de mettre peut-être moins - comment pourrais-je dire? -
d'emphase sur ce critère-là pour une main-d'oeuvre
spécialisée et, comme vous le mentionnez, toujours en
espérant que cette personne-là, une fois intégrée,
une fois arrivée ici, pourra avoir les moyens nécessaires pour se
franciser.
M. Le Hir: II faut bien comprendre, dans ce sens-là, que
la remarque que nous faisons ne vise
aucunement à remettre en question les politiques du gouvernement
à l'égard du français et de la sécurité
culturelle des Québécois. Cependant, il nous semble important de
faire réaliser à toute la société dans son ensemble
que les entreprises doivent réussir, sur le marché du travail
québécois, à trouver fa main-d'oeuvre dont elles ont
besoin. À défaut pour elles de ce faire, la tentation devient
très grande, à ce moment-là, d'aller voir ailleurs si
elles ne pourraient pas recruter plus facilement la main-d'oeuvre dont elles
ont besoin. Et, dans ce sens-là, nous vivons dans un monde ouvert et le
Québec également ne peut pas penser qu'il peut s'isoler
complètement de ce monde et fonctionner comme si le reste n'existait
pas.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, Mme la ministre. (16
heures)
Mme Gagnon-Tremblay: Vous mentionnez également, à
la page 2, que vous préféreriez que les efforts se situent
davantage au niveau des travailleurs plutôt que vers les gens
d'affaires". Est-ce que c'est parce que vous pensez que nous n'avons pas
suffisamment réussi dans notre projet de gens d'affaires ou si c'est
pour d'autres raisons?
On sait, par exemple, que la façon de régionaliser aussi,
c'est d'attirer vers les régions des gens d'affaires, des entrepreneurs,
entre autres, parce que nous ne pouvons pas non plus penser envoyer uniquement,
par exemple, la catégorie des réfugiés en région,
il faut aussi envoyer de l'immigration économique. Cependant, je dois
vous avouer que l'accueil n'a pas été ce qu'il aurait dû
être, qu'il a été loin d'être soutenu et que, de plus
en plus, maintenant, nous développons des services d'accueil -
d'ailleurs, je dois vous dire que, prochainement, nous aurons des bureaux
d'accueil aux aéroports de Dorval et de Mirabel - mais aussi que nous
sommes en train de travailler avec tous les leaders économiques, que ce
soient, par exemple, les commissaires industriels, que ce soient les villes ou
les municipalités, pour être capables non seulement de les
accueillir, mais de proposer à ces entrepreneurs qui arrivent des
projets d'entreprise, aussi de leur proposer des locaux et de leur faire
connaître, bien sûr, aussi les lois fiscales, les lois corporatives
du Québec.
D'ailleurs, nous avons déjà commencé des sessions
d'information au ministère en collaboration avec l'Industrie et le
Commerce, mais je me suis rendu compte qu'on accuse des lacunes à ce
niveau-là parce qu'on n'a pas joué le rôle qu'on aurait
nécessairement dû jouer. On est toujours portés à
penser à la sélection à l'étranger, mais,
cependant, il faudrait penser à ceux qui sont ici et il faudrait penser
aussi à ceux qui arrivent. Je vous donne un exemple: l'an prochain, par
exemple, arriveront 2000 entrepreneurs au Québec. Alors, si on fait
comme on a toujours fait jadis, qu'on laisse aller ces personnes-là et
qu'on ne les aide pas dans leurs projets d'entreprise, bien sûr qu'elles
ne créeront pas; elles vont peut-être ouvrir un petit commerce sur
le coin d'une rue, qui pourra fermer dans cinq mois ou dans six mois. Mais,
cependant, si on est en mesure de leur proposer de véritables projets
d'entreprise, soit de la coparticipation, soit encore, par exemple, des projets
dans des secteurs d'activité importants - tout à l'heure on
parlait du plastique, du métal - de leur proposer des locaux, mais aussi
de les aider, parce que l'expérience québécoise n'est pas,
naturellement, l'expérience de tous les pays, ne croyez-vous pas qu'a ce
moment-là on pourrait réussir, d'une part, à
régionaliser, mais aussi, bon, je pense, à améliorer,
finalement, ces projets avec les nouveaux entrepreneurs?
M. Le Hir: Dans les propositions que vous faites, H y a
évidemment des choses fort intéressantes qui méritent
d'être creusées. Je vous dirai cependant quand même une
chose; c'est qu'il n'y a aucun substitut, pour les immigrants investisseurs que
nous attirons ici, au dynamisme économique. Il ne faut pas oublier que
la raison principale pour laquelle ils cherchent à quitter leur propre
pays, en mettant de côté, évidemment, les questions
politiques et de répression qui peuvent exister dans leur pays
d'origine, c'est essentiellement la perspective d'améliorer leur propre
statut économique. Donc, dans ce sens-là, si, comme
société, nous-mêmes, nous ne manifestons pas le dynamisme
à la recherche duquel ils sont, évidemment, ils vont se
révéler rapidement déçus et ils vont s'envoler vers
des cieux qu'ils estiment plus cléments.
Alors, on n'échappera jamais, quelle que soit la qualité
des programmes qu'on mettra en place, à cette réalité
fondamentale. Je pense qu'au contraire - en fait, je dis au contraire, je
m'excuse, ça ne traduit pas ma pensée - je pense qu'en fait les
meilleures politiques qui pourraient être mises de l'avant pour attirer
et conserver ces immigrants-là, c'est des politiques qui sont de nature
à stimuler le niveau de l'activité économique au
Québec à un niveau qui excède celui des régions qui
sont en concurrence avec la nôtre pour l'attraction de ces
immigrants.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Je dois
vous dire que les gens d'affaires - dans la catégorie des gens
d'affaires, bon, nous avons fait récemment quelques petits chiffres et
chaque individu possède en moyenne de 575 000 $ à 600 000 $ - ne
demandent pas mieux, justement, que de créer des entreprises. Vous savez
qu'au niveau de la catégorie des entrepreneurs la personne doit
créer au moins trois emplois, excluant le sien. Aussi, les investisseurs
doivent investir des sommes quand même
assez considérables - c'était 250 000 $, mais ce sera
maintenant 350 000 $, pour une période de cinq ans - dans des
entreprises du Québec. Mais je pense que, comme je le mentionnais tout
à l'heure, si nous ne pouvons pas aider ces gens qui sont ici, qui
arrivent ici, parce que je ne parle pas seulement d'une sélection
à l'étranger, mais de ceux qui arrivent ici, à ce
moment-là, nous ne pourrons pas réussir à améliorer
notre façon de faire, notre système.
Cependant, quant aux indépendants que nous devons
sélectionner en fonction d'une pénurie de main-d'oeuvre, par
exemple, là aussi il va falloir avoir la collaboration des entreprises
du Québec pour nous identifier non seulement les secteurs, mais nous
identifier aussi les entreprises qui ont une pénurie de main-d'oeuvre.
Je le mentionnais tout à l'heure, c'est non seulement pour la
sélection, parce que, bien sûr qu'on peut faire de la prospection,
nous avons 15 bureaux à l'étranger, mais on sait cependant
qu'à partir du moment où la personne est
sélectionnée, qu'elle peut obtenir son visa du gouvernement
fédéral afin qu'elle puisse s'en venir et aussi liquider ses
biens avant d'arriver, ce projet migratoire est un projet d'environ un an.
Souvent, le marché a évolué. Souvent, par exemple,
l'entreprise a dû combler cette pénurie de main-d'oeuvre
qualifiée, d'où l'importance aussi d'avoir un système qui
nous permettrait ici, au Québec, d'agir sur la clientèle qui est
déjà en place, parce que vous savez que nous avons quand
même des gens qui arrivent régulièrement et qui sont
toujours à la recherche d'un emploi. Ce sont des personnes qu'on ne
retrouve pas, bien sûr, sur l'aide sociale, parce qu'elles arrivent avec
du capital, et ce sont des personnes qu'on ne retrouve pas non plus à
l'assurance-chômage, parce qu'elles n'ont jamais été sur le
marché de l'emploi, mais, parfois, ce sont des personnes aussi qui,
parce qu'elles n'ont pas cette expérience québécoise, sont
refusées dans les entreprises du Québec. Donc, est-ce que vous
croyez que nos entreprises sont également prêtes à faire un
effort pour donner, à ces gens qui arrivent, une expérience
québécoise ou à faire un effort pour embaucher ces
personnes, même si elles n'ont pas l'expérience
québécoise?
M. Le Hir: Vous allez me permettre de distinguer deux cas dans
les propos que vous avez tenus. Il y a d'abord le cas de la main-d'oeuvre
qualifiée et des pénuries de main-d'oeuvre. Je vais
répondre à cette partie de la question. En ce qui concerne les
entrepreneurs, je pense que la personne la plus qualifiée pour
répondre à cette question-là, c'est mon collègue
ici, M. Sterzi, qui a vécu cette situation-là et qui est
certainement en mesure de vous la présenter comme il faut.
En ce qui concerne, tout d'abord, les employés, la main-d'oeuvre
qualifiée et la question des pénuries de main-d'oeuvre, d'abord,
je pense que l'information existe déjà, même si, de toute
façon, nous sommes tout disposés à continuer de la fournir
à quiconque nous la demandera. Mais le ministère de la
Main-d'oeuvre, à l'heure actuelle, et on mentionnait plus tôt la
table permanente réunie autour du ministre Bourbeau, c'est
déjà un forum, et le Forum pour l'emploi, justement, est une
autre source de cette information-là. Donc, l'information est
disponible.
Pour peut-être ajouter à la liste qui vous a
été donnée et ne pas rester sous l'impression qu'il ne
manque que des machinistes et des soudeurs au Québec, j'aimerais tout de
même vous préciser que, dans un grand nombre de catégories
de métiers, certains d'entre eux étant très
spécialisés, il y a des pénuries et, le croiriez-vous, par
exemple, il y a une pénurie d'électriciens au Québec. Une
entreprise comme ABB, à Varennes, qui frabrique les gros transformateurs
qui sont destinés aux lignes de transmission d'Hydro-Québec et
les turbines qui vont être utilisées dans les barrages, a de la
peine, actuellement, à recruter une main-d'oeuvre qualifiée. Il y
a des dizaines, pour ne pas dire presque une centaine de postes qui pourraient
être ouverts dans cette entreprise-là à des personnes qui
auraient les profils de qualification adéquats.
Je peux vous mentionner également la même chose dans le
domaine de la métallurgie où, sans qu'il s'agisse
nécessairement, encore une fois, de machinistes ou de soudeurs, il y a
des pénuries de main-d'oeuvre. Il y a également le fait
qu'à l'heure actuelle, au Québec, pour toutes sortes de raisons,
on ait peu privilégié le développement de
compétences en génie industiel, en génie de production. On
a formé beaucoup d'ingénieurs au Québec, mais, que ce soit
pour des raisons culturelles ou aussi par le fait - encore une fois, c'est une
perception culturelle - que le travail en usine est peu gratifiant ou peu
valorisant en termes sociaux, ce ne sont pas nécessairement des secteurs
où nos gradués en génie se sont pressés aux portes,
avec comme résultat qu'à l'heure actuelle, pour faire
l'industrialisation du Québec, on a souvent dû compter sur une
main-d'oeuvre étrangère.
Aujourd'hui, le problème se pose dans les termes suivants: dans
les années cinquante et soixante, autant une main-d'oeuvre
qualifiée et bien formée pouvait se bousculer aux portes du
Canada pour demander l'admission comme immigrants et venir apporter au Canada
l'expertise qu'ils avaient acquise, autant aujourd'hui le profil des immigrants
est complètement différent et, ces mêmes immigrants ayant
souvent pris leur retraite, ceux qui sont arrivés en 1950 et 1960, et
n'ayant pas été remplacés par une main-d'oeuvre
autochtone, on se retrouve, aujourd'hui, pris avec la même situation.
C'est un problème assez profond, qui tient au fait qu'on a une forte
culture humaniste au Québec, qu'on a relativement une faible culture
scientifique et
qu'on n'a pratiquement pas de culture industrielle.
Alors, il faut combler ces lacunes-là. Mais mon collègue,
M. Sterzi, a certainement des commentaires à ajouter en ce qui concerne
le cas des entrepreneurs.
M. Sterzi (Alberto): Bonjour.
Le Président (M. Bordeleau): M. Sterzi.
M. Sterzi: Pour ce qui concerne l'entrepreneur - parce que j'ai
vécu les deux cas: je suis venu ici comme immigrant, alors
j'étais employé, et là je suis employeur, j'ai une
entreprise en région, à Saint-Hyacinthe - je suis d'accord et je
veux manifester le désir de tous les entrepreneurs en disant que nous
accepterions bien volontiers des immigrants à Saint-Hyacinthe ou
à Drummondville ou ailleurs. Seulement, la raison pour laquelle il n'y
en a pas, c'est que les immigrants eux-mêmes ne se présentent pas
à nos portes pour demander de l'emploi à Saint-Hyacinthe ou
à Drummondville. Le fait est qu'une fois qu'ils arrivent au
Québec ils restent à Montréal et qu'ils cherchent toujours
à rester très proches de leur communauté culturelle.
Tandis qu'il n'y en a pas de communautés culturelles à
Saint-Hyacinthe, je parle d'italiennes ou portugaises, etc.
Parce que je voudrais bien avoir des employés qui viennent avec
une certaine connaissance industrielle. Je reprends un petit peu ce qu'a dit M.
Le Hir tantôt, c'est qu'il y a certains pays où les connaissances
industrielles sont un petit peu plus valorisées, sont un petit peu plus
répandues à travers la population. Ici, au Québec, ce
n'est pas valorisant d'être un technicien. Je m'excuse, il faut
être avocat ou comptable. Être ingénieur ou être
technicien de quelque chose, c'est... Ici, c'est avoir la robe, avocat,
notaire, dentiste ou quelque chose comme ça. Être
ingénieur, ce n'est pas tellement valorisant. Et c'est pour ça
que même, des fois, s'il y avait opportunité de choisir, je
choisirais l'immigrant, par exemple, qui, aujourd'hui, vient de Pologne ou de
Tchécoslovaquie où il y a une certaine connaissance culturelle
industrielle qui manque ici. Alors, ça, c'est pour dire la position des
industriels, qu'ils soient en région ou à Montréal:
Bienvenus les immigrants qui sont prêts à venir travailler
à Saint-Hyacinthe. On n'a rien contre ça, au contraire.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Finalement, je me rends compte que,
pour être capables de faire cette relation entre l'offre et la demande...
Je parle surtout de ceux qui sont ici, parce que vous savez que vous avez quand
même ici, actuellement, une main-d'oeuvre hautement quali- fiée,
qui n'est pas sur le marché du travail, qui est à la recherche
d'emploi. Donc, est-ce que, par exemple, une banque d'informations permettrait
de faire cette relation entre vos besoins et, par exemple, la clientèle
que nous recevons, nous, à tous les jours, au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration?
M. Charland (Gaston): Mme la ministre, là-dessus, j'ai ici
un document de quatre pages de pénurie et de surplus de main-d'oeuvre,
surtout de pénurie, qui m'a été fourni, entre autres, par
les organisations de commissions de formation professionnelle. Lorsqu'on parie
de banque, on est tout le temps un petit peu hésitants parce qu'on se
dit: Jusqu'à quel point ça va répondre vraiment aux
besoins de l'industrie? On comprend qu'il faille avoir des données
quelque part, mais il faut aussi avoir une façon de répondre aux
besoins qui soit efficace. Et notre inquiétude là-dedans, c'est
de dire: Eh bien, écoutez, il y a des gens qui ont un rôle,
là-dedans, à jouer au niveau du Québec et c'est
peut-être là que la synthèse doit se faire.
Je ne vous dis pas un organisme plutôt que tel autre, mais, nous
autres, ce qu'on perçoit, c'est que, si on veut réussir au niveau
des immigrants, ils doivent être inclus dans la masse de main-d'oeuvre
et, à ce moment-là, par des moyens appropriés pour mettre
la main-d'oeuvre près des besoins de l'entreprise, c'est là qu'on
va atteindre les résultats.
M. Le Hir: Autrement dit, Mme la ministre... Le
Président (M. Doyon): M. Le Hir.
M. Le Hir: Excusez-moi. Autrement dit, le fait d'avoir une
banque, on n'est pas contre, ça peut être utile, mais la solution,
ce n'est pas la banque, c'est ce qu'on va faire avec.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est le lien.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (16 h 15)
Mme Gagnon-Tremblay: Souhaiteriez-vous plus d'ouverture de la
part des corporations professionnelles? Parce que vous savez, tout à
l'heure, vous pariiez, entre autres, des ingénieurs. Moi, je sais que
nous avons beaucoup - beaucoup, écoutez, c'est relatif, je suis toujours
un peu excessive dans mes propos - je veux dire que nous avons quand même
des ingénieurs qui arrivent au Québec qui, par contre, ne peuvent
pas entrer sur le marché du travail et on sent quand même peu
d'ouverture de la part des corporations professionnelles. Vous avez des gens -
je le disais tout à l'heure - qui sont hautement qualifiés.
Surtout quant à l'Ordre des ingénieurs, est-ce que vous
souhaiteriez un peu plus d'ouverture à ce niveau-là, pour
permettre d'aller chercher cette main-d'oeuvre
qualifiée?
M. Le Hir: Je pense qu'il en est des ingénieurs comme il
en est des entreprises. À l'heure actuelle, il faut bien que les
corporations professionnelles réalisent que, dans un contexte de
mondialisation des marchés, le protectionnisme et la - comment
dirais-je? - mainmise qu'elles pouvaient penser avoir sur un marché,
c'est une chose du passé, c'est révolu. Donc, les réflexes
corporatistes vont devoir, comme les autres, faire l'objet d'une mise à
jour et on va devoir, aussi rapidement que possible, disposer de ces reliquats
du passé.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Mme la
ministre, avez-vous une autre question?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Tout à l'heure, vous avez
parlé d'immigrants provenant d'Europe de l'Est et qu'on pourrait aller
chercher facilement une main-d'oeuvre hautement qualifiée parmi cette
nouvelle catégorie de gens qu'on pourrait sélectionner. Je dois
vous dire qu'on a ouvert un bureau à Vienne, récemment, et que
nous commencerons à sélectionner bientôt. Il y a
déjà de nombreuses demandes provenant de ces pays. Cependant,
nous nous sommes rendu compte que ces personnes, compte tenu de leur
passé, auront besoin énormément d'encadrement quant
à la recherche d'emploi, quant à l'aide. À ce
moment-là, compte tenu, justement, de cette suggestion que vous nous
faisiez, est-ce que, par exemple, l'Association des manufacturiers du
Québec pourrait jouer un rôle pour nous aider dans ce défi
qu'on aura à relever avec cette catégorie d'immigrants qu'on ira
sélectionner?
Le Président (M. Doyon): M. Le Hir.
M. Le Hir: Écoutez, ça, c'est une question bien
délicate. C'est sûr que, dans un élan de bonne
volonté, j'aimerais bien pouvoir vous dire que, effectivement, on va
pouvoir faire quelque chose, mais je suis loin d'être en position pour
vous garantir qu'on pourrait faire un suivi là-dessus. Il faut bien
comprendre que la raison d'être d'une association comme la nôtre
est bien limitée. À partir du moment où on nous demande
d'élargir le motif pour lequel notre association existe, on est
prêts à l'envisager, mais il faut bien comprendre qu'à ce
moment-là le rôle qu'on serait appelés à jouer
dépasserait largement le mandat que nos membres nous ont confié.
Ils sont tout disposés à envisager cette chose-là, mais,
comme vous pouvez bien vous l'imaginer, la question qui se poserait, c'est
celle du financement de nos activités dans un contexte pareil. Encore
une fois, on ne ferme pas la porte, mais il faut bien comprendre que ce que
vous nous demanderiez de faire déborderait le cadre du mandat que nous
avons reçu. Si tant est qu'il soit dans l'intérêt de nos
membres, à un moment donné, d'accepter un tel débordement,
il faudrait tout de même voir de quelle façon ce serait
faisable.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir. Merci, Mme la
ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Le Hir, ce que vous nous dites est très
intéressant. La liste, M. Charland, si vous aviez la gentillesse de la
déposer à la commission pour qu'on puisse la photocopier, je
pense que ça pourrait...
M. Le Hir: II s'agit déjà d'une photocopie. M.
Charland: C'est déjà une photocopie.
M. Boulerice: Déjà. Alors, une photocopie de la
photocopie, et je m'arrangerai bien avec ma collègue des Affaires
culturelles pour les droits d'auteur. Bon.
Le Président (M. Doyon): Vous la remettrez, M. Charland,
à la secrétaire de la commission, qui verra à la
distribuer. Elle ne sera pas vraiment déposée à cette
commission, parce qu'on ne peut pas le faire, mais elle sera distribuée
aux membres.
M. Boulerice: Dans le sens de nous la remettre. Oui.
Le Président (M. Doyon): Elle sera distribuée aux
membres de cette commission. Merci. M. le député.
M. Boulerice: Je n'irai pas tout de suite dans des questions
d'ordre philosophique; j'ai le goût de vous poser des questions
pratico-prati-ques. M. Sterzi nous fait état de son cheminement et je
pense que c'est un bel exemple qu'on a devant nous. Vous dites: Bien oui, on ne
vient pas nous voir, on ne vient pas frapper à la porte. Question
pratico-pratique: les communautés culturelles, forcément, sont
établies à Montréal et je dois vous avouer que, comme
Montréalais, moi, je m'en trouve très enrichi. Mes comportements
culturels ont été considérablement modifiés lorsque
j'ai quitté ma petite ville natale - tuque et bas de laine, comme on dit
- pour arriver à Montréal, dans un quartier où il y a
justement des Québécois d'origine italienne, d'origine
portugaise, d'origine grecque. Donc, il y a énormément de choses
qui ont été modifiées chez moi. Je pense qu'il y a un
nouvel homo quebecensis, si je peux employer l'expression... enfin, je n'irai
pas plus loin dans l'anthropologie. Mais, au départ, moi, je me sens
riche, à Montréal, de cela. Mais je me sens attristé,
effectivement, que, dans certaines villes, on ne le
vive pas. À Chicoutimi, la seule minorité visible, c'est
une dame qui est là, d'origine laotienne, princesse royale de
surcroît, fort jolie, très qualifiée, mais c'est la seule.
Elle ne peut pas donner à une agglomération aussi importante que
Chicoutimi ce que, moi, je reçois quotidiennement des gens qui habitent
mon quartier. Les écoles de ma circonscription reflètent ce
nouveau visage du Québec. J'ai un petit Québécois
d'origine haïtienne qui n'est pas impressionné par mon titre de
député et qui m'envoie promener avec un vocabulaire très
vert, très québécois; ça, c'est un symbole
d'intégration, je pense.
Ceci dit, la régionalisation, c'est presque une religion quand on
parle d'immigration, maintenant. Vous voyez le mot, on le veut, mais le saisir
- et je pense que Mme la ministre va en convenir avec moi - c'est
drôlement difficile. Vous dites: Oui, je n'arrive pas à les amener
à Saint-Hyacinthe parce qu'ils ont l'attrait de rester à
Montréal. D'accord. Mais avez-vous fait des incitatifs, dans le sens
que, puisqu'il y a une concentration à Montréal, donc il y a une
radio, il y a une télévision, il y a ce qu'on appelle ces fameux
journaux locaux qui sont dans différents clans, on les voit... Avez-vous
fait, par exemple, de la publicité en disant: Moi, je recherche un
soudeur avec une spécialisation bien précise? Je sais qu'il y en
a en soudure.
M. Sterzi: Je vais vous répondre. Je n'ai pas fait de
recherche à travers les journaux, mais j'ai appelé le
ministère de l'Immigration à Montréal et j'ai fait des
demandes pour savoir s'il y avait des gens qui pouvaient venir travailler
à Saint-Hyacinthe, et j'attends toujours des réponses, en fait.
Je n'ai pas fait d'autres démarches, comme mettre des annonces, non,
ça, je l'avoue, mais je me suis référé au
ministère de l'Immigration et je n'ai pas encore eu de réponse.
Le problème, je l'ai vécu personnellement parce que, quand je
suis arrivé au Québec, j'ai travaillé à Pierreville
et, je vais vous le dire, je voyageais tous les jours. Je faisais
Montréal-Pierreville tous les jours parce que je ne pouvais pas
concevoir d'habiter à Pierreville. J'étais tout seul à
Pierreville; j'étais l'Italien, à Pierreville, en fait. Et si on
ne règle pas ce problème-là... Je ne sais pas comment. Ce
n'est pas à moi de trouver la réponse à cela, mais je fais
face à un problème et c'est cela, le problème auquel on
fait face. À Saint-Hyacinthe, je n'ai pas de préférence
pour une certaine communauté culturelle plutôt que pour une autre,
mais, si je veux attirer de la main-d'oeuvre immigrante, je ne sais pas comment
faire. Est-ce que ce serait le gouvernement qui devrait donner des incitatifs
pour aller en région aux travailleurs? Vous avez aussi le même
problème avec les médecins, il me semble. Ce n'est pas seulement
un problème d'immigrants. Je pense que même les
Québécois qui sont habitués à vivre d'une certaine
façon, est-ce qu'ils ont de l'inté- rêt à aller
vivre à Chicoutimi, par exemple - je dis Chicoutimi, parce que... - ou
en Acadie?
M. Boulerlce: M. Sterzi, vous parlez d'incitatifs. Est-ce qu'il
faudrait aller aussi peut-être à des incitatifs dits culturels?
Écoutez, on s'entend, on ne recréera pas la Scala à
Drummondville, quoique j'aimerais bien, mais on pourrait donner certains
incitatifs aussi d'ordre culturel.
M. Sterzi: Oui. Je n'ai pas dit que ce sont des incitatifs au
niveau monétaire; j'ai dit que c'est un problème auquel il faut
faire face. Si on veut amener les immigrants en région, il faut qu'il y
ait quelque chose qui les attire en région. Est-ce que c'est seulement
la disponibilité d'un poste, d'un travail en région? S'il a le
choix... Je pense que, du moment qu'il a le choix, il va rester à
Montréal. Je ferais ça si j'avais le choix, je resterais à
Montréal plutôt que d'aller en région. Et c'est ça,
la difficulté, je pense, pour les entrepreneurs en région
d'attirer les immigrants. À part quelques avantages
spécifiques... Ou bien on parle d'emplois de haut niveau où il y
a des salaires qui sont hors du contexte et on ne parle pas de la
majorité des cas; là, on parle des cas spécifiques et je
pense que c'est hors les normes, point final. Mais, dans la majorité, je
pense que c'est ça, la problématique. Il faut je ne sais pas
quoi. Je n'ai pas de suggestion à vous proposer aujourd'hui. Il faut que
soient créés des incitatifs culturels et aussi je pense que la
première chose, c'est de créer des noyaux culturels à
certains moments. Ce n'est pas grand-chose, ça prendrait comme une
espèce de petite communauté qui ferait qu'ils se sentiraient
intégrés un petit peu. Après, l'intégration
deviendrait beaucoup plus facile. C'est de faire les premiers pas, c'est
peut-être de faire connaître un petit peu le Québec et les
avantages qu'il y a à vivre en région.
Je vais vous dire qu'en regardant un peu la problématique je
trouve que c'est une question même d'ordre économique. Pour
l'immigrant qui arrive ici, normalement, la première chose, ce n'est pas
d'acheter une voiture; alors, il a un problème même pour se
déplacer. Si, moi, j'affiche un emploi à Saint-Hyacinthe et qu'il
vient d'atterrir, comment il fait pour se rendre à Saint-Hyacinthe? Pas
de transport en commun, il ne sait même pas où prendre l'autobus
ou quoi que ce soit. Ce sont des problèmes qui semblent terre à
terre, mais ils sont là. Il y a des barrières qui ne sont pas...
Peut-être qu'on n'y pense pas, mais quelqu'un qui veut aller a
Pierreville, par exemple, où j'ai été... Je me souviens
que j'ai dû acheter une bagnole à 500 $ pour aller faire
l'entrevue à Pierreville. C'est aussi simple que ça. Tandis que,
si je dois faire une entrevue à Montréal, je prends l'autobus et
je m'en vais. Quelles sortes de facilités on offre à tous ces
gens-là? C'est ça, je n'ai pas de
réponse.
M. Boulerice: Sans aller dans votre vie personnelle...
M. Sterzi: Oui.
M. Boulerice: ...quand vous avez décidé d'immigrer,
M. Sterzi...
M. Sterzi: Oui.
M. Boulerice: ...vous avez rencontré un fonctionnaire. De
quelles villes vous a-t-il parlé?
M. Sterzi: Moi, je suis un petit peu un cas entre guillemets,
c'est-à-dire que je suis venu à Québec parce que mon
épouse est québécoise; elle m'a rencontré en Italie
et elle m'a parlé du Québec. Alors, j'ai rencontré...
M. Bouierice: Vous êtes un époux de guerre, comme on
dit.
M. Sterzi: J'étais plus informé par mon
épouse que par les fonctionnaires. Par contre, je sais qu'on parle de
Montréal, qu'on parie aussi d'autres villes, mais, dans la culture, je
parle de ma culture, quand j'ai étudié la géographie, il y
avait deux villes importantes: Montréal et Québec - je me
souviens - puis Toronto. Ils me pariaient du Canada, on parlait du grand
Canada, on pariait du Québec plus ou moins dans ce temps-là, je
parle d'il y a 30 ans à peu près.
M. Bouierice: J'aurais presque le goût de vous faire une
blague et qu'on suggère à Mme la ministre que le magazine Croc,
qui fait amplement la promotion de Drummondville, soit dans tous nos bureaux
d'immigration! Je vous remercie.
J'aimerais poser une question également à M. Charland.
Vous, vous avez la liste, je ne l'ai pas. Mais, ceci dit, tantôt, mon
collègue, le député de LaFontaine, a fait une assertion
qui m'a un peu heurté dans le cas de la qualification de citoyens en
provenance de pays dits du tiers monde; enfin, je pense qu'il faut parler du
"deux tiers monde", malheureusement, au moment où on est ensemble.
Mais, dans le cas où le nombre de candidats à une
spécialisation est trop faible - et je ne peux quand même pas
obliger mon collègue ici à devenir médecin avec un
revolver sur la tempe s'il ne le veut pas - vous ne trouveriez pas
intéressant que l'on favorise une immigration francophone - là,
je parie de la corne ouest de l'Afrique, le Maghreb et, enfin, l'ancienne
Afrique équatoriale française - qui serait
spécialisée ici, sur place, en partenariat avec vous?
M. Charland: Écoutez, c'est un peu ce que j'ai
essayé d'expliquer tantôt. C'est qu'il ne faut
définitivement pas essayer de régler le problème de
l'immigration en disant: On va complètement changer nos politiques de
main-d'oeuvre. Ce qu'il faut faire, c'est ie contraire, à notre point de
vue; c'est établir des politiques de main-d'oeuvre qui soient efficaces,
qui répondent aux besoins de l'industrie et, après ça,
permettre aux gens, à travers les réseaux qu'on
développera, qui vont être efficaces, qui vont répondre aux
besoins de l'industrie, en autant qu'on est concernés, d'être
capables de se qualifier pour les postes qu'on a de disponibles.
Maintenant, si je reviens à votre question: De quel endroit,
quelle va être la provenance des personnes qui vont pouvoir se qualifier?
à ce moment-là, je pense qu'il est approprié qu'on
respecte les politiques d'immigration qui seront élaborées
à la suite de l'énoncé sur lequel on travaille
présentement. (16 h 30)
M. Boulerice: Au choix, comme on dit, fort probablement, M. Le
Hir. Oui, vous favorisez la régionalisation. Je pense que le discours
est unanime de part et d'autre; il est unanime non pas uniquement aujourd'hui,
il est unanime depuis des années sur la régionalisation. Mais la
question que je me pose: Comment les immigrants et les immigrantes vont-ils
pouvoir trouver de l'emploi en région? Si on regarde les chiffres de Mme
la ministre, sur 55 000, il y aurait 2000 immigrants investisseurs. Oui, mais
là, 55 000 moins 2000, ça fait 53 000, et je vais vous donner un
exemple. La région qui avait - et qui a déjà reçu
de l'immigration - le taux le plus faible de chômage, c'était
l'Abitibi. Mais, maintenant, malheureusement, l'Abitibi connaît un taux
de chômage un peu similaire, identique aux autres régions, et
c'est pourtant une région qui a accueilli, il y a quand même un
bon bout de temps, une immigration ukrainienne et polonaise. Comment
pensez-vous qu'ils vont trouver du travail en région?
Le Président (M. Doyon): M. Le Hir.
M. Le Hir: C'est certain que ce n'est pas un problème
facile. Il n'y a pas de réponse facile. Cependant, je vous dirai qu'il y
a des pays dans lesquels il existe certaines traditions. Vous avez
mentionné vous-même tout à l'heure les Ukrainiens et les
Polonais, et vous avez mentionné qu'il s'en était retrouvé
un bon nombre en Abitibi pour des raisons bien simples, c'est que ces
gens-là viennent des pays de mines et il y avait des mines en
Abitibi.
M. Bouierice: Voilà.
M. Le Hir: Mais on ne peut pas nécessairement penser
trouver dans chaque cas une ethnie qui est particulièrement
adaptée aux besoins d'un marché particulier, quoique certains
pays européens aient fait ça. J'entendais quelqu'un
tantôt
parler de l'Allemagne avec ses gastarbeiters et le cas des travailleurs
turcs. N'empêche que je ne pense pas que ce soit un modèle qu'on
cherche à émuler, au contraire. Nous, on ne veut pas que les gens
viennent ici pour faire "trois petits tours et puis s'en vont". On veut, au
contraire, les intégrer et les faire participer au projet collectif
québécois. Alors, comme je l'ai dit en commençant, c'est
très, très difficile de trouver des solutions au problème
que vous faites. La meilleure solution, en fait, c'est celle que je donnais
à Mme la ministre un peu plus tôt. Les gens vont venir ou vont
aller quelque part parce qu'il va y avoir une motivation économique hors
du commun qui va les attirer là. Il s'agit, pour le Québec, de
devenir - et c'est son défi - un pôle d'attraction tellement fort
qu'il est irrésistible.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Le Hir.
M. Boulerice: Je ne sais pas combien il reste de temps, M. le
Président. Une dernière question, M. Le Hir. Vous avez sans doute
compris que je suis un député montréalais, en plein centre
de Montréal en particulier. Vous vous dites en faveur de la
planification plurian-nuelle pour les niveaux d'Immigration. Mais, à
votre avis - et je présume que vous êtes montréalais ou,
comme dit notre ami Doris Lussier, "montréallste", vous aussi - quel
serait le seuil d'accueil au-delà duquel la région
métropolitaine, plus spécifiquement l'île de
Montréal, dépasserait sa capacité d'accueil?
M. Le Hir: Je ne peux pas vous répondre à une
question comme celle-là. Je doute même qu'une telle réponse
soit possible. Je ne pense pas qu'on doive envisager la problématique
dans ces termes-là. Historiquement, même si on regarde dans le
passé, on se rend compte que Montréal a constitué un foyer
d'attraction à la fin de la guerre, au début des années
cinquante, qui excède de beaucoup ce qu'elle est maintenant et qu'elle
ne s'en est pas portée plus mal, loin de là. Alors, vous dire
qu'en ce moment ou au moment où on se parle on a atteint un seuil
quelconque, ou bien on est en deçà de ce seuil ou bien on est
au-delà du seuil, ça relève de la pure
spéculation.
M. Boulerice: Mais je vous posais la question, M. Le Hir, parce
que vous savez comme moi que, malheureusement, Montréal a un taux de
chômage égal à Terre-Neuve - c'est la seule comparaison
qu'on ait actuellement avec Clyde Wells et elle n'est pas à notre
avantage - que, dans "Le Québec cassé en deux", que vous avez
sans aucun doute lu, j'en suis persuadé, on fait état de
l'île de Montréal cassée en deux et qu'à
Montréal il y a énormément de problèmes aussi
d'habitation dans le sens de logements. Si je regarde un quartier comme le mien
et que j'ajoute Rosemont - parce qu'il faut faire attention aussi,
l'immigration ne doit pas être uniquement à l'ouest de la rue
Saint-Laurent; à mon point de vue, c'est très dangereux - si on
regarde toute la partie est, le stock de logements a 50 ans d'âge. C'est
la raison pour laquelle je vous disais: Oui, mais jusqu'à quel seuil
c'est absorbable pour Montréal sans qu'il y ait de tension? Parce que,
si on a une immigration avec tension, ce n'est pas une immigration reçue
et on en sera les premiers malheureux, et d'avoir créé des
malheureux aussi en leur disant: Bien, venez ici. Mais, là, ils seront
dans une situation où, malheureusement, ça ne sera pas ce qu'ils
avaient souhaité et ce qu'on aurait aimé qu'ils reçoivent
aussi.
M. Le Hir: D'abord, je pense qu'au départ il faut faire
bien attention à ne pas mélanger les problèmes. Vous
faites une corrélation entre l'immigration et la
détérioration du marché du travail pour une
catégorie de Montréalais ou plusieurs catégories de
Montréalais.
M. Bouierice: Non, non, non, je m'excuse. Je vous ai dit que,
malheureusement, il y a beaucoup de chômage à Montréal.
M. Le Hir: Oui. Écoutez, on ne peut pas, à notre
sens à nous, relier les deux problèmes. Si nous, comme
société, nous avons raté certains passages - et c'est le
cas - on ne peut pas penser qu'on doive nécessairement retarder le
progrès de la société jusqu'à ce que ces
gens-là l'aient rattrapé. Malheureusement, le temps court, le
temps passe, et il faut être ou évoluer au rythme de son temps.
Et, pour donner des exemples, on a un chômage structurel important au
Québec et à Montréal en particulier; c'est probablement
dû à certains choix que nous avons faits il y a 25 ou 30 ans. Je
vais vous donner un exemple du genre de choix qu'on a pu faire il y a 25 ou 30
ans qui ne donne pas les résultats escomptés, c'est celui de
notre réforme de l'éducation. On prévoyait, avec la
réforme de l'éducation, que 70 % de nos jeunes obtiendraient un
diplôme au...
M. Boulerice: Professionnel...
M. Le Hir: ...professionnel et 30 % au secondaire.
M. Boulerice: ...et ça a été l'inverse.
M. Le Hir: On se retrouve 25 ans plus tard et on a exactement la
proportion inverse. Il ne faut pas penser qu'on est capables de
récupérer les gens qui ont fait les mauvais choix ou qu'on a mal
orientés. Il faut faire en sorte qu'on minimise autant que possible
l'impact sur ces gens-là, mais, malheureusement, je suis obligé
de vous le dire et aussi dru que ce soit à dire, il y
a une génération sacrifiée et ça n'a rien
à voir avec nos besoins de main-d'oeuvre aujourd'hui. Et ce n'est pas en
temporisant ou en retardant l'accès à des immigrants qui
viendraient remplir des fonctions que nous, comme Québécois, nous
ne sommes pas capables de satisfaire qu'on corrigerait le problème; au
contraire, on l'accentuerait davantage.
M. Boulerice: Alors, une toute dernière question
brièvement, en conclusion, avant de vous dire merci pour votre
participation que j'ai beaucoup appréciée. Compte tenu des
éléments que je vous ai donnés pour Montréal, ce
portrait que vous connaissez, problème d'habitation,
vétusté du parc de logements, taux de chômage
élevé, d'après vous, est-ce que vous croyez qu'il devrait
y avoir, pour ce qui est de l'immigration, une stratégie
particulière lorsqu'on regarde Montréal versus l'immigration?
M. Le Hir: Je pense que vous me reposez d'une autre façon
la même question. Mais peut-être que M. Sterzi aimerait faire un
autre commentaire.
M. Sterzi: Premièrement, je voudrais dire...
M. Boulerice: Mais, vous me permettez, M. Sterzi, je ne fais
aucune corrélation entre chômage, programme d'habitation et
immigration. Je n'ai jamais dit et jamais je ne dirai qu'elle est cause de
cela. J'observe qu'il y a le phénomène et on doit en tenir
compte, à mon point de vue, dans une politique d'immigration vers
Montréal.
M. Sterzi: Oui, vous avez raison... Le Président (M.
Doyon): M. Sterzi.
M. Sterzi: ...jusqu'à un certain point, parce que je pense
que, dans une politique d'immigration, le contexte économique actuel
d'aujourd'hui, c'est un petit peu une parenthèse et je l'espère.
Je l'espère dans le sens que, normalement, il faut envisager une
politique d'immigration en supposant que tout marche normalement. Je pense
qu'en ce moment, économiquement parlant, on marche anormalement. Alors,
quand vous parlez des taux de chômage à Montréal de 13,4 %,
est-ce que c'est conjoncturel, à ce moment-ci, ou si ça va
être toujours comme ça? Une deuxième chose, il faudrait
éventuellement voir dans un autre contexte à augmenter l'emploi
à Montréal comme ailleurs. Je pense que les deux choses, l'emploi
et les programmes d'immigration, ça ne doit pas être, comment
pourrais-je dire? accolé ou bien nuancé à Montréal
parce qu'il y a un contexte économique actuel. Je pense que toute la
politique de l'immigration doit être faite compte tenu de ce que va
être le contexte politique dans deux ou trois ans. C'est une chose.
Si on parle des politiques d'emploi, etc., je reviens un petit peu
à ce que je voulais dire, c'est qu'ici, au Québec, il me semble
qu'on n'a jamais mis l'emphase sur l'industrialisation, et j'entends sur la
manufacture. La transformation de la matière première ou
secondaire, c'est-à-dire la valeur ajoutée faite par les
manufacturiers, ça a toujours été considéré
comme quelque chose... on la voyait, on ne la voyait pas. Mais si on regarde
quelles sont les deux puissances économiques émergeant dans le
monde d'aujourd'hui, ce sont deux pays où l'industrie
manufacturière est la plus importante au monde.
Quand je parle par des exemples aux employés, je dis: Ici, au
Québec, c'est comme si on était une grande famille: on fait
beaucoup de paperasse entre nous, avocats, notaires et comptables; on se passe
la note, chacun paie, mais qui sort cet argent? Comment on fait pour vivre? Qui
va produire les patates? Qui va produire le verre? Qui va le faire? On va
l'acheter à l'étranger, au Japon? Mais qu'est-ce qu'on va lui
donner en échange? Si on n'a rien à leur donner en
échange, ce n'est pas dans le secteur tertiaire et dans les services
qu'on peut leur donner quelque chose. Si on regarde les Américains, ils
font des films, ils peuvent vendre encore des films, ou l'aéronautique.
Mais il faut qu'ici, au Québec, on se préoccupe de
développer le plus possible l'industrie manufacturière et
d'être compétitifs vis-à-vis du monde entier; aujourd'hui,
c'est rendu un village. Si on n'envisage pas que c'est la création
d'emplois la plus facile et la plus directe, eh bien, on peut avoir bien des
politiques d'immigration, mais il faut créer des emplois davantage.
Alors, pour revenir à la question de la limite de
Montréal, je n'ai pas de réponse là-dessus, mais il faut
résoudre le problème de l'emploi, créer de l'emploi et,
selon moi, c'est à travers l'encouragement des initiatives
manufacturières qu'on va y arriver.
M. Boulerice: Merci, M. Sterzi.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député
de l'Acadie, une courte question.
M. Bordelesu: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais
revenir sur un point qu'on a déjà discuté, mais je suis
resté un peu sur mon appétit. À la page 9 de votre
mémoire, je cite juste une phrase: "il n'y a qu'une seule façon
d'intéresser les immigrants à aller vivre en région:
l'emploi." M. Sterzi nous a fait part, au fond, de son expérience.
Évidemment, c'est certain que, s'il n'y a pas d'emplois, c'est
impensable de faire en sorte que les gens aillent en région. Ici, c'est
toute la question de la régionalisation qui est extrêmement
importante; on en a parlé tout à l'heure et on s'entend tous
là-dessus.
Maintenant, M. Sterzi faisait référence à une
situation particulière qui n'est pas nécessairement un cas
unique: lui a un emploi et les gens n'y vont pas. On a essayé de cerner
un peu quels pouvaient être les facteurs qui pouvaient expliquer cette
situation, parce que, là, il y en a un emploi. Alors, on dit que c'est
la seule façon, pas nécessairement. C'est certain que c'est une
façon très importante, mais ce n'est pas nécessairement la
seule façon puisque, dans les cas où il y en a, les gens n'y vont
pas. Les immigrants ne sortent pas de la région. Donc, ce que j'aimerais
savoir de vous, comme vous êtes, au fond, responsable de l'Association
des manufacturiers du Québec: Est-ce qu'il y a des immigrants qui sont
allés en région à certains moments, peut-être
à des moments économiques plus favorables que celui qu'on vit
actuellement, et qui se sont établis dans certaines régions?
J'aimerais ça si vous pouviez nous donner plus d'informations sur ce qui
fait que ces personnes-là sont allées en région et ce qui
fait qu'elles sont demeurées en région. Je ne sais pas si vous
avez des données là-dessus. Si on avait des
éléments de réponse un peu plus précis
là-dessus, ça nous permettrait peut-être d'envisager d'une
façon plus concrète et plus réaliste toute la question de
la régionalisation et, si on n'a pas de réponse à ces
questions-là, ça va devenir très difficile de
réaliser une opération de régionalisation. Et j'ai
l'impression qu'on a une partie de la réponse dans des
expériences individuelles, peut-être un peu
éparpillées sur le territoire québécois, mais
certaines personnes l'ont fait et elles sont demeurées dans les
régions. Est-ce que vous avez de l'information ou des observations
à nous donner là-dessus? (16 h 45)
M. Le Hir: Malheureusement, il n'y a pas une pléthore
d'informations disponibles sur le sujet. D'abord, il faut bien comprendre que,
dans l'industrie, à part du cas, comme on l'a mentionné
tantôt, des Polonais qui ont été attirés vers les
mines de l'Abitibi, il n'y a pas un nombre considérable d'exemples comme
ceux-là dans le portrait dans notre histoire. Ensuite, il faut
réaliser que, industriellement, le Québec, au cours des 25 ou 30
dernières années, ça n'a pas été une terre
d'essor. Au contraire, ça a été un endroit qui
graduellement a perdu des plumes au profit de l'Ontario ou d'autres
régions à l'ouest du Québec. Donc, le dynamisme qu'on a
manifesté dans le secteur industriel n'était pas susceptible
d'être un gros facteur d'attraction pour ces gens-là. Ensuite, il
faut mentionner que, sur les immigrants qui se sont installés - et,
effectivement, il y a des cas de réussite, il y en a peu dans le secteur
manufacturier, mais il y en a davantage dans le commerce et les services -c'est
ailleurs qu'il faudra aller chercher l'information, pas nécessairement
chez nous. Il y a, bien sûr, des situations comme celle de M. Sterzi et,
vous voyez, il est ici aujourd'hui.
M. Bordeleau: Je vous remercie. Je pensais que vous pouviez avoir
certaines indications de ce côté-là. Mais, effectivement,
on a peut-être une partie de cette réponse-là dans les 12 %
qui sont allés à l'extérieur de Montréal et qui
demeurent là; peut-être que ces gens-là pourraient nous
expliquer pourquoi ils sont allés en région, pourquoi ils sont
heureux en région et pourquoi ils sont restés là.
Ça nous aiderait peut-être à... Oui, M. Sterzi.
M. Sterzi: Je connais deux cas. C'est que, par exemple, avec leur
formation, ils ne pouvaient pas trouver d'emploi à Montréal. Un
était ingénieur minéralogique; alors, il vit à
Asbestos, il ne pouvait pas évoluer à Montréal. L'autre
est ingénieur forestier. Je connais des personnes qui étaient des
techniciens dans le granite; alors, ils sont allés vers Saint-Augustin,
ici, au Québec, où il y avait des carrières. Mais c'est
toujours l'emploi qui fait que, du moment qu'ils ont un emploi bien
spécifique et qu'ils ne peuvent pas trouver de l'emploi à
Montréal, ils sont bien obligés d'aller en région. Une
fois qu'ils sont installés en région, ils s'intègrent. Je
vous parle surtout de l'expérience de personnes qui sont d'origine,
naturellement, italienne. Alors, l'intégration, je pense, avec le fait
francophone, en étant de langue latine, c'est beaucoup plus facile.
C'est le seul exemple que je peux vous apporter ici.
M. Bordeleau: Merci.
M. Charland: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose,
lorsque je parlais tantôt de besoin du client, dans le même sens il
serait important d'avoir de l'information. La question que vous posez, il est
important qu'on ait de l'information qui soit mise à jour pour savoir
les résultats, avoir un suivi des résultats pour nous permettre
de dire: Bien, voici quels sont les faits qui permettent de favoriser une
régionalisation, qui est l'objectif du gouvernement. Dans ce
sens-là, je pense que c'est important d'avoir cette
information-là et à très court terme, et j'invite le
gouvernement à mettre sur pied un système à cet
effet-là.
M. Bordeleau: Espérons qu'on aura tous ces
informations-là, parce qu'on les cherche, nous aussi.
Le Président (M. Paré): Merci. Étant
donné que le temps qui nous était imparti est maintenant
terminé, je demanderais à Mme la ministre si elle a quelques mots
pour conclure.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, je vous remercie pour
la présentation de votre mémoire. Vous aviez des propos tout
à fait justes
tout à l'heure lorsque vous disiez qu'on ne peut pas faire payer
à l'immigration les erreurs de notre passé. Je pense, d'ailleurs,
que tous les pays, toutes les provinces et toutes les villes finalement qui ont
été ouverts à l'immigration se sont enrichis non seulement
économiquement, mais culturellement aussi. Donc, c'est important aussi
que nous ne restreignions pas nos niveaux d'immigration parce qu'il y a une
concentration, mais je pense qu'il faut plutôt essayer de travailler sur
l'intégration et aussi sur la régionalisation même, on le
sait, si elle ne sera pas facile. Mais il y a quand même des
manières de s'y prendre et je pense qu'ensemble on pourra être
capables de relever ce défi-là.
Bien sûr, je vous remercie énormément de vous
être déplacés par une température aussi qui n'est
pas très, très clémente. Je vous souhaite un bon voyage de
retour.
M. Le Hir: Je vous remercie, Mme la ministre.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Je vais, encore une fois, me joindre à
ma collègue pour vous remercier, messieurs, en vous disant que je ne
sais pas comment vous en ressortez, mais, quant à moi, votre
participation et surtout les propos que vous avez tenus étaient
très intéressants. Je souhaiterais personnellement poursuivre le
dialogue avec vous dans fe cas de Montréal en apportant toujours la
précision qu'il n'est pas dans mon esprit de la limiter, mais bien de
rendre l'immigration à Montréal très harmonieuse puisque
vous savez comme moi, vous lisez les journaux, que, malheureusement, on a des
ratés à l'occasion et qu'un seul raté déjà
c'est un de trop. C'est un de trop. Je pense qu'on s'entend tous
là-dessus. Dans le cas de la métropole, puisque, on ne se le
cachera pas, la majorité sera toujours attirée vers
Montréal - il faut en attirer plus vers les régions, mais une
très forte proportion choisira toujours spontanément
Montréal - il ne faut pas qu'il y ait de ratés. C'est trop
important pour le développement et notre vie à l'intérieur
de notre métropole.
Messieurs, je vous remercie et, pour ce qui est de M. Sterzi, eh bien,
rassurez-vous, j'ai beaucoup parlé de Montréal, mais
j'arrêterai vous voir à Drummondville.
M. Le Hir: Saint-Hyacinthe.
M. Boulerice: Saint-Hyacinthe, pardon. Quand j'irai voir mon ami
Laurent Denis, j'arrêterai vous voir.
M. Sterzi: Je suis en face.
M. Boulerice: Vous êtes en face? Bon, eh bien, alors,
voyez-vous, je fais d'une pierre deux coups.
M. Sterzi: Mais j'habite Montréal.
M. Boulerice: Vous continuez à voyager. Vous n'habitez pas
Sainte-Marie-Saint-Jacques, par hasard?
M. Sterzi: Non.
M. Boulerice: Vous avez raté un beau quartier.
Le Président (M. Paré): M. Le Hir, M.
Sterzi, M. Chariand, merci de votre mémoire et de l'échange
fructueux avec les membres de la commission. J'inviterais maintenant les gens
du groupe Québec Multi-Plus à prendre place à la table,
ici en avant.
Alors, au nom des membres de la commission, je souhaite la bienvenue au
groupe Québec Multi-Plus et je vous inviterais, M. Constantin Charles,
président, à nous présenter les gens qui vous accompagnent
et, ensuite, à nous faire la présentation de votre
mémoire.
Québec Multi-Plus
M. Charles (Constantin): D'accord. Bonjour, Mme la ministre.
Bonjour, MM. et Mmes les parlementaires. Je suis effectivement avec
l'équipe de Québec Multi-Plus. J'ai à ma gauche Mme
Ana-Luisa, qui est consultante à Québec Multi-Plus et ici Mme
Lise Robitaille, consultante, et M. Gary Obas, qui est directeur de
Québec Multi-Plus. Je passe la parole à M. Gary Obas, il va
présenter le mémoire.
Le Président (M. Paré): Oui, M. Obas, la parole est
à vous.
M. Obas (Gary): Merci, M. le Président.
Premièrement, je vais vous brosser un peu un tableau de ce que fait
Québec Multi-Plus. Québec Multi-Plus se spécialise dans la
formation aux relations interculturelles et, en six ans d'existence,
l'équipe pluriculturelle et multidisciplinaire de Québec
Multi-Plus a touché une soixantaine d'institutions oeuvrant dans des
secteurs d'activité fort variés. Les personnes rejointes via nos
sessions se retrouvent dans tous les types de fonctions: des gestionnaires, des
responsables de l'application des programmes d'accès à
l'égalité, des préposés à l'accueil, des
intervenants, des professeurs, des étudiants, des commis de bureau, des
personnes de décision, des bénévoles, et ainsi de suite.
La liste serait assez longue.
À travers ces diverses expériences, Québec
Multi-Plus a développé sur le terrain une approche originale de
la formation, approche qui repose tout autant sur un solide contenu infor-matif
que sur des outils d'animation dynamiques
et participatifs qui deviennent le véhicule
privilégié de ce contenu. Nous avons comme mandat de sensibiliser
le public à la réalité pluri-culturelle du Québec.
Nous visons à développer plus d'empathie envers les membres des
groupes ethnoculturels, à sensibiliser à l'influence des
préjugés et stéréotypes sur les attitudes et les
comportements, à informer sur les caractéristiques et l'histoire
de l'immigration au Québec et au Canada, et à favoriser,
finalement, le développement d'échanges intercommunautaires.
Alors, aujourd'hui, c'est à titre de praticiens et d'intervenants
que nous prenons la parole pour vous faire part, finalement, de notre
expérience-terrain et de nos réflexions. Le mémoire porte
sur plusieurs points. Ils sont au nombre de 10.
L'apprentissage du français. Le fait de parler ou d'apprendre le
français ne constitue pas un gage d'intégration sociale ou
économique. Nous connaissons des groupes francophones, tels les
Antillais et les Africains, qui éprouvent beaucoup de difficultés
à se faire accepter. Et le fait français, bien que nous
l'appuyions, doit être assorti d'une ouverture d'esprit de la
société d'accueil.
En ce qui a trait à l'accroissement de l'immigration,
l'accroissement de l'immigration surtout francophone nous apparaît comme
une mesure voulant contrebalancer à tout prix le poids
démographique du Canada anglais. Dans cet esprit, nous ne voudrions pas
que les efforts d'intégration des immigrants déjà
installés au pays ne soient pas encouragés.
Troisièmement, la participation aux divers volets de la
société. Tout individu à qui on offre un accueil
chaleureux ne peut que rendre la réciproque. Les nouveaux arrivants
seront heureux, à notre avis, de mettre à profit leurs talents et
leurs capacités, en autant qu'on leur en offre l'opportunité. Le
seul fait de quitter leur pays d'origine témoigne de leur désir
de contribuer à l'essor de la société d'accueil.
Pour ce qui est du développement de relations
intercommunautaires, des organismes se le sont déjà donné
comme mandat. Le gouvernement, à notre avis, devrait leur octroyer un
soutien financier continu afin d'atteindre leurs objectifs fort louables. Il ne
faut pas se le cacher, les subventions accordées dans le cadre de
différents projets ou même de projets disparates ne font
qu'accroître la fragilité de ces organismes en les maintenant dans
une perpétuelle précarité. Ces organismes devenant
partenaires du ministère, comme c'est bien dit dans
l'énoncé de politique, aideront ce dernier à
concrétiser ses objectifs.
Les niveaux planifiés d'immigration. Le gouvernement, dans son
rôle de promoteur des attitudes favorables à l'immigration, devra,
par le biais de diverses manifestations comme les médias, des actions
concrètes, démontrer l'apport de l'immigration et ses incidences
sur le bien- être de la collectivité en général.
La représentativité équitable à la fonction
publique. Beaucoup de membres de groupes ethnoculturels placent ceci au centre
de leurs préoccupations, c'est-à-dire l'emploi, finalement. Le
travail leur est souvent difficilement accessible. Ils y trouveront
sûrement une forme de valorisation de soi et des postes - quand on parle
de postes, ça veut dire une représentativité
équitable - permanents seront plus appropriés puisqu'ils sont les
seuls à assurer une vraie représentativité et à
vraiment permettre aux gens de pouvoir planifier des projets d'avenir.
La reconnaissance de diplômes étrangers. Beaucoup de gens
ayant étudié à l'étranger ou ailleurs ne peuvent en
faire profiter la société d'accueil. Des politiques visant
à contrer ou à atténuer les effets du corporatisme
favoriseront la transférabilité des connaissances acquises
ailleurs et adaptables à la société d'ici.
La sensibilisation du public. Le public, on l'a constaté à
plusieurs niveaux, est très mal servi par les médias. Ils sont
très souvent davantage intéressés par le sensationnalisme.
L'information sur les différents groupes ethnoculturels, leur histoire
ne feront que développer de la compréhension, de la
tolérance, le désir de découvrir l'Autre, avec un grand A.
Les moyens sont multiples: annonces, capsules d'information dans les
médias, et il y en a pas mal d'autres.
L'élaboration d'un lexique. Ce lexique devra bannir certains
termes tels "Québécois de vieille souche", "minorités
visibles". Le premier fait référence à une
homogénéité des Québécois et à une
stratification quant à leur date d'arrivée au pays et le second,
"minorités visibles", à une stigmatisation ou à une mise
à l'écart. (17 heures)
La formation des employés du gouvernement. On se dit qu'il n'y a
aucune politique d'embauché à ia fonction publique des membres
des groupes ethnoculturels qui ne puisse se faire sans la collaboration des
employés qui se trouvent déjà à l'interne. Alors,
des problèmes de cohabitation risquent de surgir. Pour les
éviter, mieux vaut les prévenir en formant les employés
à la diversité culturelle. Comme l'embauche se fera, on le
souhaite, à tous les paliers et à tous les ministères, un
programme de formation adapté aux besoins de chaque ministère
s'impose. Le contenu sera essentiellement la démystification de
préjugés et de stéréotypes et l'information sur
différents groupes ethnoculturels et, pour les gestionnaires, un volet
sur le management interculturel, à savoir comment gérer la
cohabitation interethnique. Donc, l'intégration dans ces
institutions-là des groupes ethnoculturels se fera, à notre avis,
avec le moins de problèmes et le moins de heurts possible.
Enfin, nous voudrions vous souligner que bon nombre d'idées sont
bien reçues, telles la diminution du nombre d'années de
parrainage et tant d'autres. Et le fait d'avoir présenté cet
énoncé pouf nous faire part des désirs du
gouvernement démontre une volonté d'agir. Nous offrons tout notre
support dans le développement de meilleures relations entre tous les
Québécois. On vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la
présentation de votre mémoire. Est-ce qu'il y a d'autres
personnes qui veulent intervenir maintenant ou si on passe à
l'échange? Ça va? Alors, Mme la ministre, la parole est à
vous.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci beaucoup pour vos propos. La
présente commission parlementaire a pour but, bien sûr, de nous
faire connaître votre point de vue sur l'énoncé de
politique. Mais vous savez que nous voulons aussi connaître l'opinion de
ceux qui viendront se faire entendre, au cours des prochaines années,
sur les niveaux d'immigration, et on ne semble pas en avoir parlé dans
votre mémoire. Est-ce que vous pouvez me dire si vous avez une opinion
à ce moment-là? Le Québec, comme on le mentionne dans
notre politique, veut, par exemple, augmenter d'une façon soutenue et
réaliste les niveaux d'immigration; est-ce que vous êtes en faveur
d'un niveau supérieur? C'est quoi votre opinion? Est-ce que vous en avez
une à ce sujet-ià?
Mme Robitaille (Lise): Je peux peut-être intervenir. On est
d'accord avec ie principe qui est énoncé dans la politique en
matière d'immigration, comme quoi l'immigration est un facteur de
développement économique, social et culturel, excepté que
nous, ce qu'on a à dire, c'est: Oui, mais qu'est-ce qu'on fait pour
soutenir l'intégration économique et sociale de ceux qui sont
déjà ici? Par exemple, on a parlé tantôt des
Nord-Africains et des autres francophones. Alors, on reprend la position qui a
été reprise par d'autres organismes aussi, à savoir qu'il
faut miser sur l'emploi aussi. Et soutenir la réunification familiale,
entre autres, je pense que ça fait partie de l'accroissement de
l'immigration. Quant à accroître les volumes d'immigration, je
pense que ce qu'on aurait à dire aussi, c'est qu'on favorise la
régionalisation, comme c'est énoncé dans notre
énoncé. Mais on dit que c'est important aussi de soutenir les
organismes et les intervenants qui oeuvrent déjà dans le domaine.
Je pense à une région en particulier; je connais l'Outaouais. On
se pose beaucoup cette question, à savoir: Est-ce qu'on va devoir
fonctionner avec les mêmes ressources? Nous, on demande au MCCI d'avoir
un financement accru et on n'a pas de réponse à ce
titre-là. Alors, nous, ce qu'on aurait à dire, c'est: Oui pour
l'accroissement des volumes d'immigration, qu'on mise sur la
régionalisation, mais qu'on augmente Ses ressources financières
et qu'on reconnaisse le travail d'organismes, qu'on appelle de première
ligne.
Mme Gagnon-Tremblay: Donc, si je comprends bien, vous
n'êtes pas nécessairement en défaveur d'une augmentation
des niveaux, à la condition, bien sûr, que l'on puisse aussi avoir
une politique d'intégration.
Mme Robitaille: C'est ça.
Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. Tout à l'heure, vous
avez mentionné que... M. le Président, vous permettez? Oui.
Le Président (M. Paré): Oui, je pense que M.
Charles voulait intervenir.
Mme Gagnon-Tremblay: Je m'excuse, je ne suis pas habituée
de...
M. Charles: En effet, oui, je voulais intervenir. Absolument, on
est en faveur de l'accroissement de l'Immigration; ça, je pense que
c'est sans aucun doute. Moi, pour être intervenant dans un organisme de
première ligne, et ceci depuis quatre ans, pour travailler avec des
immigrants, des revendicateurs du statut de réfugié ou des
réfugiés de catégorie désignée,
c'est-à-dire ceux qui sont déjà
sélectionnés, d'outre-mer, je pense qu'il faut davantage donner
aux organismes communautaires, aux intervenants, les moyens afin de
créer des outils bien concrets pour pouvoir favoriser
l'intégration et l'adaptation de ces nouveaux arrivés. On peut
prendre un exemple. Étant donné qu'on vit à
Montréal, on connaît très bien la situation des nouveaux
arrivés ou la situation des personnes, étant donné qu'on
les identifie comme étant de seconde génération. On
connaît très bien le problème d'adaptation que vivent ces
groupes-là. Je pense qu'il faut aussi se pencher sur les
problèmes actuels, sur la réalité actuelle de
Montréal, mais ceci, à tous les niveaux, que ce soit au niveau
scolaire, par exemple. Prenons le cas des problèmes dans ies
institutions scolaires. Je pense que, quelles que soient les institutions, que
ce soit la CECM ou la CEPGM, on fait face à des problèmes
d'intégration pour les communautés culturelles. Depuis quelques
années, on fait face à ce problème. Jusqu'à
présent, je pense qu'on ne fait que soutenir des projets-pilotes. Je ne
pense pas qu'il y ait des actions concrètes afin de résoudre ce
problème. Ce qu'on suggère, c'est qu'on nous donne des moyens
financiers afin de créer des outils et qu'on se sente soutenus de la
part du gouvernement. Je peux vous dire que de la façon dont on
travaille présentement, les organismes, ce n'est pas vraiment
encourageant. Je peux vous donner un exemple concret de mon organisme; nous
sommes une vingtaine d'employés dans un organisme communautaire. Certes,
on a fait des demandes de subventions, qui doivent être entrées,
mais, par contre, on a des dépenses mensuelles de 20 000 $ et on a 4000
$ en poche, en banque présentement. On se demande: Com-
ment va-t-on payer nos employés? On sait qu'à la porte il
y a des dizaines de revendicateurs, deâ dizaines de personnes qui sont
ici depuis quatre ans, qui attendent nos services. Je pense qu'on doit sentir
davantage le soutien financier, qu'on doit se sentir plus
sécurisés aussi, les intervenants, de façon que l'accueil
de ces gens-là soit fart d'une façon équitable, j'ai
l'impression.
Mme Gagnon-Tremblay: Nous sommes à réévaluer
présentement l'ensemble de nos programmes de subvention, parce que nous
voulons que nos programmes de subvention répondent davantage aux
objectifs de notre énoncé de politique. Entre autres, nous
voulons que les organismes que l'on subventionne fassent davantage de
l'accueil, mais aussi beaucoup de rapprochement. Bien sûr, les organismes
qui invitent davantage à la ghettoïsation verront leur financement
disparaître, c'est l'objectif qu'on a visé jusqu'à
maintenant.
Cependant, je dois vous dire aussi qu'il y a des choses que le
gouvernement peut faire, c'est-à-dire que le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration peut faire, et d'autres
choses que les autres ministères peuvent faire. Il y a des choses que
des organismes gouvernementaux peuvent faire également; je pense, entre
autres, à des CLSC qui ont des responsabilités face à
l'intégration de cette clientèle. Et, bien sûr, il y a des
choses qui peuvent être faites aussi par des organismes communautaires
parce qu'ils ont l'expertise et aussi c'est plus facile pour des nouveaux
arrivants de contacter ces personnes.
Cependant, ce que je voudrais savoir, c'est: Comme organisme
communautaire, si, par exemple, les services que vous donniez étaient
des services complémentaires et qu'à ce moment-là nous
avions besoin de vos services, dépendam-ment du secteur où ils
sont donnés, est-ce que vous accepteriez une certaine évaluation,
un certain encadrement, afin que nous puissions signer des ententes et
créer un véritable partenariat pour offrir ces
services-là? Si, par contre, c'était davantage un organisme
subventionné sans encadrement ou avec toute autonomie, c'est quoi, pour
vous, un bon financement par rapport à du bénévolat?
Est-ce que, par exemple, le fonctionnement doit être financé
à 100 %, parce qu'on sait aussi que ça représente
généralement 90 % de salaires? Par exemple, quelle doit
être la proportion de bénévolat par rapport à la
proportion de sommes subventionnées? Aussi, en tant qu'organisme,
c'est-à-dire communauté de souche plus ancienne, est-ce que vous
êtes prêts aussi à ouvrir vos portes à toutes les
autres communautés de souche plus récente et à faire cette
mixité, à un moment donné?
M. Charles: Je crois que oui. En ce qui nous concerne, je crois
aussi pour Québec Multi-Plus et aussi pour l'organisme que je
représente ici, c'est un organisme multiethnique et très
multiethnique, on parle plus d'une quinzaine de langues. Alors, cela veut dire
que nous sommes prêts, d'ailleurs nous ouvrons nos portes à toutes
les communautés qu'on retrouve à Montréal
présentement.
En ce qui a trait à l'entente qu'on a avec le gouvernement - et
je pense que c'est valable aussi pour tous les autres organismes communautaires
- on parlait et on va continuer à parler toujours de partenariat. On
sent toujours qu'il y a - je ne sais pas si je peux l'appeler encadrement ou
supervision - un encadrement et ceci, par les agents de liaison, lis
rencontrent toujours la direction et les personnes responsables. Ils viennent
toujours aussi rencontrer les conseillers en administration. Ce qu'on aimerait,
par contre, c'est qu'on laisse une plus grande marge de manoeuvre à ces
organismes-là. Lorsqu'on leur donne, par exemple, une subvention de 20
000 $ pour deux employés pour faire un travail, pour accueillir des
centaines de personnes, c'est de considérer la masse de travail qu'ont
ces organismes communautaires. Ce qui arrive, c'est qu'on nous donne peu de
subventions et on nous demande beaucoup. Je pense que ça doit être
très bien balancé.
Mme Robitaille: J'aimerais ajouter d'autres choses par rapport
à ça.
Le Président (M. Paré): Oui, Mme Robitaille.
Mme Robitaille: C'est en lien avec les axes d'intervention qui
sont définis dans votre énoncé de politique et aussi en
lien avec la question que vous venez de poser. Nous, on travaille dans le
développement des relations intercommunautaires avec, je dirais, les
mêmes objectifs que le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration. Ça comprend deux choses:
développer la connaissance et la compréhension de la
société québécoise pour les nouveaux arrivants et
développer les connaissances et la reconnaissance de la
réalité pluraliste de la société
québécoise. Alors, ça serait autant pour les nouveaux
arrivants que pour les Québécoises et Québécois de
toutes origines qui sont ici depuis 10 ans, depuis des siècles. Alors,
à ce titre-là, nous aussi, on trouve qu'il y a encore des efforts
à faire et des projets, comment dire? oui, des projets ou organismes
à soutenir pour valoriser le pluralisme culturel auprès du public
en général. Quand on parle de financement, à date, ce
à quoi on a pensé, c'est: Pourquoi le MCCI ne subventionnerait-il
pas des organismes partenaires, quelques-uns plutôt que plusieurs? Je ne
sais pas combien il y a d'organismes, une centaine? Et nous aussi, on est
d'accord avec le fait de vouloir décentraliser, comment je dirais,
l'éducation interculturelle en subventionnant des projets
par ministère. À ce titre-là aussi, on a une
expertise qu'on a développée avec les années et . on est
prêts à collaborer de façon plus soutenue.
Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que je comprends bien quand vous
dites: Pourquoi ne pas subventionner des organismes avec qui on pourrait
créer de véritables partenariats plutôt que les multiplier?
Est-ce que ça veut dire que vous iriez jusqu'à dire, par exemple,
que ceux avec qui on ne peut pas créer de véritable partenariat,
aussi bien les voir s'effacer ou bien les éliminer? Est-ce que c'est
ça, finalement, que vous voulez dire?
Mme Robitaille: C'est difficile de me prononcer là-dessus,
mais je pense que je dirais oui, parce qu'il y a des organismes qui pourraient
être subventionnés d'une autre façon.
Mme Gagnon-Tremblay: Au lieu de la multiplication.
Mme Robitaille: Oui, au lieu de la multiplication, et ça
pourrait être subventionné par d'autres ministères que le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je
pense que c'est en lien. Quand on parle de décentraliser, c'est
ça.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. Merci, Mme la
ministre. Il me fait plaisir de vous accueillir, moi aussi, surtout que je suis
député d'une circonscription de la région
montréalaise où il y a un taux assez important de
néo-Québécois, particulièrement d'origine italienne
et haïtienne, donc, peut-être plus sujet aux situations ou aux
problèmes que vous venez d'énoncer. Il y a quand même un
certain nombre de choses qui me font tiquer dans votre "rapport". Vous parlez
de l'accroissement de l'immigration et, là, je vais relire parce que
peut-être que je n'ai pas bien compris: "L'accroissement de l'immigration
surtout francophone nous apparaît comme une mesure voulant contrebalancer
a tout prix le poids démographique du Canada anglais. Dans cet esprit,
nous ne voudrions pas que les efforts d'intégration des immigrants
déjà installés au pays ne soient pas encouragés."
Pourriez-vous me dire exactement c'est quoi? Est-ce que vous voulez dire par
là qu'on veut faire venir des francophones pour contrebalancer le reste
du Canada ou est-ce qu'on veut faire venir des immigrants pour peupler le
Québec, trouver des techniciens qui nous manquent ou des ouvriers
spécialisés et, autant que possible, vu que nous sommes
francophones, une société francophone, nous voulons qu'ils soient
francophones ou francophonisables afin de conserver notre société
québécoise? C'est quoi que vous pensez, vous, là?
Là, ça prête un peu à équivoque. (17 h
15)
M. Obas: Oui, il faut dire qu'on n'a rien contre,
c'est-à-dire qu'on ait une immigration francophone, mais ce qu'on se
dit, c'est qu'on a, pendant très longtemps, pensé que la
communauté italienne, par exemple, qui se trouve à
Montréal majoritairement, et la communauté grecque
préfèrent "s'anglophoniser", finalement. De plus en plus, on
remarque que c'est tout à fait le contraire qui se produit. Si l'on veut
parler en termes de convergence culturelle, il y a des gens d'origine autre,
c'est-à-dire immigrés, qui seraient prêts, même s'ils
ne sont pas d'origine francophone, à s'insérer au fait
français du Québec. Là, pourquoi privilégier, au
départ, une immigration francophone quand on sait qu'il y a des gens qui
sont aussi compétents et qui peuvent être
sélectionnés par la grille de sélection actuelle, bien
qu'on ne soit pas tout à fait d'accord avec, mais qui pourraient, en
venant au Québec, s'intéresser au fait français au
Québec et accepter le français comme leur langue de travail ou
leur langue de communication?
M. Gobé: O.K. Je vous remercie. Je n'ai pas fini, j'aurai
d'autres questions après. Juste une petite mise au point. Vous avez
quand même fait une assertion qui me semble un peu arbitraire pour cette
communauté, lorsque vous dites que la communauté italophone a
tendance à "s'anglopho-ciser" ou "s'anglophoniser"...
Une voix: S'angliciser.
M. Gobé: ...à s'angliciser, le mot est exact. Je
crois que vous faites là quand même une assertion un peu grosse.
La communauté anglophone de Montréal est une communauté
particulière et la communauté italophone est une autre
communauté. Dans la communauté anglophone, ils ont
généralement 95 % des gens qui parlent français, anglais
et italien. Le fait qu'ils s'expriment à l'occasion en anglais tient
à un passif historique avec les commissions scolaires, les écoles
montréalaises, et non pas à une volonté de ces gens de
vouloir absolument devenir anglophones, car on retrouve dans des pays
francophones comme la Belgique, par exemple, ou la France des
communautés itaiopho-nes, 1 000 000 en France et 300 000 et quelques en
Belgique, et ils parlent français. Alors, je pense qu'il faudrait quand
même faire attention à ne pas catégoriser. Mais je ne pense
pas que c'est ça que vous vouliez faire; je pense que c'est une image
que vous donniez du résultat de ce qui s'était passé.
Ceci étant dit, est-ce que vous avez des idées en
particulier de pays? Vous parlez des gens francophonisables ou francisabies
autres que les francophones d'origine. Vous devez avoir une
idée derrière la tête, vous. C'est quoi les pays ou
c'est qui ces gens-là? Où est-ce qu'on va les chercher? Comment
on les amène ici pour les franciser? Comment va-t-on chercher quelqu'un
dans un pays où on dit: Toi, tu n'es pas francophone; tu vas venir
immigrer au Québec, puis, maintenant, tu vas devenir un francophone et
on a des bonnes chances de penser que l'opération va avoir un
succès, un taux de réussite de 75 %? Où, dans quel pays,
et comment?
M. Obas: Si l'on prend un exemple très concret...
M. Gobé: Oui, oui, concrètement.
M. Obas: On va prendre les Latino-Améri-cains, qu'on met
habituellement dans un grand panier. Très souvent, ce qui arrive, c'est
que ces gens-là qui sont d'origine latine viennent au Québec et
sont prêts à parler français. Quand ils commencent à
apprendre le français, ce qu'on remarque très souvent, c'est
qu'en arrivant quelque part on sourcille déjà pour leur
démontrer qu'on n'a pas trop bien compris quand ils veulent s'exprimer
en français. Je vais vous donner un autre exemple. Même moi, quand
j'arrive, par exemple, je ne sais pas où, à la banque, même
avant d'ouvrir la bouche, même avant de parler, on sourcille
déjà en présupposant que je vais parler soit en anglais ou
parler un français, bon, je ne sais pas trop, qui n'est pas trop
correct. Alors, déjà, c'est l'attitude des gens avec lesquels on
intervient qui, très souvent, cause problème. Quand,
tantôt, je prenais la situation des italophones, c'était pour
démontrer la perception, jusqu'à présent, à
plusieurs niveaux; les gens pensent très souvent que les italophones,
c'est-à-dire les gens d'origine italienne, et les Grecs sont des
anglophones et c'est faux. Beaucoup de ces gens-là parlent
français et ont choisi de vivre en français.
M. Gobé: Donc, si je comprends bien, vous, vous diriez: Ne
favorisez pas à tout prix l'immigration parce qu'elle est francophone,
mais regardez ailleurs, dans d'autres bassins, il y existe aussi des gens
francisables.
M. Obas: Des gens qui seraient prêts à...
M. Gobé: C'est ça un peu... Je veux dire votre 2,
à la page 3, l'accroissement de l'immigration, c'est ça, le
message que vous voulez nous envoyer.
M. Obas: Oui.
M. Gobé: C'est bien ça.
M. Obas: Oui.
M. Gobé: Mais est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait
plus facile de franciser des francophones que de franciser des
hispanophones?
Mme Iturriaga (Ana-Luisa): Non, je ne pense pas. Je m'excuse.
Est-ce que je peux parler?
M. Gobé: Je m'excuse de faire un lapsus en disant
"franciser".
Mme Iturriaga: Je ne pense pas. Je pense qu'il faut voir qu'en
dehors de la langue... L'apprentissage d'une langue est facile à faire.
Ça dépend du milieu d'où on vient, du bagage qu'on a
culturellement. Mais je peux vous dire, étant moi-même mexicaine,
latino-américaine, que j'ai appris la langue en six mois; ce
n'était pas long. Je peux vous dire aussi que c'était
l'intérêt; je voulais comprendre les gens que j'avais en face de
moi. J'avais accepté de venir ici et je voulais m'insérer. Mais
l'apprentissage du français, ce n'est pas automatiquement
l'intégration ou l'adaptation. Il faut vraiment en faire deux
idées séparées. C'est pour ça qu'on dit qu'on a le
cas des Africains francophones, des Haïtiens qui sont francophones et qui,
par contre, ne sont pas intégrés. On ne les accepte pas dans la
société. Alors, vous voyez qu'il y a beaucoup de
caractéristiques, je pourrais dire des principes qu'on pourrait
énumérer pour pouvoir voir que le Québec va s'enrichir pas
juste au niveau de la langue. C'est sûr que la langue publique, et je
suis totalement d'accord, doit être le français. Par contre, si on
prend le cas des Latino-Américains, on est des latins; on a des traits
culturels et je pourrais vous nommer toutes les similitudes. Je dis: Pour moi,
les Québécois, c'est des Latino-Américains, c'est des
Latins d'Amérique. Comme les italophones, c'est des Latins. Alors, on a
des traits qui nous relient; on se ressemble. C'est facile. Comme il y en a
aussi par le fait du français.
Alors, il ne faut pas juste se borner à la langue; il faut voir
d'autres traits qui vont rendre possible une entente, un échange. Mais
pour ça, il ne faut pas toujours mettre la langue comme un
élément d'intervention, tout de suite, a priori, parce que, avec
le temps, je peux vous le dire, beaucoup de Latino-Américains se sont
très bien, si je peux dire, francisés, mais il y en a dans
d'autres communautés aussi, comme les Vietnamiens. Je pourrais vous
citer encore d'autres communautés: les Libanais, c'est des gens qui
arrivent, qui ont d'autres traits culturels, mais, quand même, ils ont le
fait français qui les aide dans la recherche d'emploi, dans leurs
démarches dans la société.
Moi, je pense que ce n'est pas de nier ou d'écarter le fait
d'aller chercher des francophones, mais il faudrait aussi voir plus loin que
juste la langue. Alors, c'est pour ça qu'on avait mis comme exemple de
ne pas se borner à la
langue et de ne pas voir la langue comme égale
intégration, adaptation. Il faut faire attention avec ça.
M. Gobé: Mais, dans un contexte nord-américain
où on est sujet tous les jours à l'influence des médias de
communication dans nos foyers, dans nos maisons, américains,
anglophones, où il y a beaucoup plus de chaînes de
télévision, beaucoup plus de postes de radio, où le
stéréotype de la réussite nord-américaine, en
général, il ne parle pas français, mais il parle
américain et il habite en Californie, à New York ou à
Toronto, est-ce que vous ne croyez pas que ces gens-là aient
plutôt, même s'ils parlent français et sont de bonne foi,
une tendance à vouloir s'identifier à la société
nord-américaine qui, elle, est anglophone plutôt qu'à la
société québécoise qui, elle, est francophone?
Mme Iturriaga: Mais voilà! Ça, c'est le mythe, qui
est déjà partout dans le monde, sur le Canada. Le Canada, c'est
l'Amérique.
Une voix: Oui.
Mme Iturriaga: Par contre, c'est notre devoir, comme
société québécoise, de s'ouvrir au monde et
s'ouvrir au monde, ça ne veut pas dire juste nous, ici, s'asseoir et
recevoir, ça veut dire aussi se faire connaître à
l'extérieur. Je vous donne un exemple. Moi, quand j'ai immigré -
je ne le savais pas et, pourtant, j'ai choisi; j'ai marié un
Québécois - je ne savais pas tous les enjeux de la
société. Je suis entrée dans le feu de l'action. Quand je
suis arrivée ici, j'étais toute perdue parce qu'il y avait des
Québécois et, si je disais "Canadiens", ils devenaient rouges
comme une tomate. Alors, là, j'ai commencé à comprendre
qu'il y avait tout un enjeu de société, que c'est un bagage
historique et, là, je me suis intéressée à la
société québécoise. Mais il faut dire que c'est
notre devoir et, vous l'avez énoncé dans votre
énoncé de politique, que maintenant le Québec doit,
à l'extérieur, donner la bonne information aux gens qui viennent
ici. Ce n'est pas une fois arrivés ici qu'il faut tout comprendre
où on a atterri. Il faut avoir un minimum d'information où on va
aller. Jusqu'à présent, je peux dire - je ne sais pas s'il y a eu
des améliorations; moi, ça fait huit ans que j'ai immigré
- que les lacunes au niveau de l'information sur le Québec,
c'était énorme et, une fois qu'on était parachutés
ici, on était perdus. Mais je peux vous dire qu'on se rattrape vite
parce que, veux veux pas, les paradis qui nous sont promis, quand ça
fait 15 jours qu'on n'a pas de logement, qu'on n'a pas de travail, qu'on n'a
pas ceci, on atterrit vite les pieds sur terre.
Je peux vous dire que c'est vrai qu'il y a tous ces
stéréotypes et toute l'image, les mythes de l'Amérique qui
sont dans le monde. Ce n'est pas juste parce que le Mexique est à
côté des
Américains qu'il y a cette influence du mythe Amérique.
Mais regardez les Africains, ils arrivent avec les mêmes idées,
ils pensent que tout est facile. C'est ça qu'on véhicule. Je ne
veux accuser personne, mais c'est ça qu'on véhicule comme Canada.
C'est ça qu'on véhicule partout dans le monde. Alors, c'est notre
devoir, je pense: si l'énoncé de politique qui est là,
c'est une volonté du gouvernement d'avoir maintenant des
mécanismes qui répondent avant même les mouvements
migratoires, avant même que la personne immigre, il faut qu'elle soit
informée où elle va et des enjeux, c'est quoi le Québec.
Je ne pense pas que ça reste juste au niveau des images.
M. Gobé: En terminant, madame, vous reconnaîtrez
quand même que c'est une réalité, cette vision de
l'Amérique, et que, quand même on voudrait l'occulter ou ne pas la
voir, elle est là et que l'influence est là pareil.
Peut-être que, pour un certain nombre de personnes, ça ne joue
pas, mais je crois que ça joue pour la majorité des gens, des
immigrants, car on sait que l'immigrant quitte son pays
généralement pour acquérir un statut social
économique - en général, je parle, d'accord -
supérieur à celui qu'il avait chez lui ou parce qu'il a un
rêve en avant de lui et...
Le Président (M. Paré): M. le député
de LaFontaine, je ne voudrais pas vous bousculer, mais, comme le temps est
passé, j'ai promis la parole quelques minutes au député de
Richelieu.
M. Gobé: Je m'excuse, M. le Président, oui.
Le Président (M. Paré): Je vais maintenant laisser
la parole au député de Richelieu en lui disant: Quelques minutes
à peine.
M. Gobé: Allez-y, M. le Président. Je m'excuse
d'avoir dérangé le temps et d'avoir abusé de votre
gentillesse.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je veux profiter de
l'occasion qui m'est offerte à ma première intervention à
cette commission pour mentionner à quel point, personnellement, je suis
très fier, très heureux de participer à cette
élaboration de politique, surtout qu'il y a quelques années, il y
a 22 ans, j'étais dans mon pays d'origine et qu'aujourd'hui je
représente un comté à l'extérieur de
Montréal qui est composé à 99 % de Québécois
pure laine. Comme Égyptien pur coton, je suis fier.
M. le Président, j'aimerais amener une réflexion et,
après ça, poser quelques questions. Dans un premier temps, je
suis d'accord avec vous à 100 % quand vous mentionnez que la
reconnaissance des diplômes étrangers doit être
agréée d'une façon un peu plus directe, plus ouverte, pour
permettre aux diplômés de l'ex-
térieur d'intégrer leur profession d'origine. Moi, le peux
parler comme dentiste en Egypte; le Collège des dentistes ici est
tellement fermé que c'est très difficile de
pénétrer cette profession.
Ma question ici: Comme vous êtes une première ligne, comme
le président l'a mentionné tantôt, voulez-vous m'expliquer
deux choses? D'après vous, c'est quoi le vrai problème
d'intégration dans la société québécoise
d'après votre analyse? Vous avez mentionné: Ce n'est pas la
langue, ce n'est pas la culture française qui peut être un
handicap à l'intégration. Vous l'avez mentionné.
Deuxième chose, votre action, est-ce qu'elle dépasse les limites
de Montréal et comment?
M. Charles: Avant, je voudrais faire une distinction. Je
travaille dans un organisme communautaire qui est un organisme de
première ligne et je suis le président de Québec
Multi-Plus qui fait de la formation. En ce qui a trait à votre question,
M. le député, effectivement, on voudrait qu'il y ait une plus
forte reconnaissance des diplômes étrangers. Ce qui arrive, c'est
que, le plus souvent - et c'est le cas et, présentement, c'est ce qu'on
retrouve effectivement -vous avez beaucoup de personnes qui sont très
bien qualifiées, non seulement qui ont déjà obtenu un
diplôme dans un domaine quelconque, mais qui ont des années
d'expérience et qui, arrivées en terre d'accueil, ne peuvent pas
travailler et ceci, en raison, d'une part, de la déqualification de
leurs études, de la non-reconnaissance de leurs expériences de
travail déjà faites ailleurs dans leur pays d'origine et, des
fois aussi, il y a certains règlements au niveau syndical même qui
empêchent d'embaucher ces personnes-là du fait qu'elles n'ont pas
eu des études faites au Québec. (17 h 30)
En plus, vous avez aussi l'accessibilité, par exemple, ou
l'acceptation, le fait d'être reconnus par une corporation. Prenons le
cas de quelqu'un qui a étudié le service social dans son pays, il
est vrai que c'est... On pourrait prendre un autre exemple. Il y a quelques
années, il y avait le problème des médecins de
l'extérieur; il faut être reconnu par l'association
professionnelle, ensuite, vous allez subir une déqualification, on va
vous retourner aux études à l'université, vous allez
encore subir d'autres déqualifications. Je pense qu'il y a lieu
d'encourager davantage cette ressource-là. C'est sûr que ce serait
très bénéfique pour le pays. Alors, c'est dans ce sens
qu'on supporte qu'il y ait une plus forte reconnaissance des diplômes
étrangers.
En ce qui a trait à notre champ d'action, malheureusement, on
retrouve la majorité des immigrants à Montréal. O.K.? Vu
nos moyens, vu le fait aussi qu'on n'est pas tout à fait
équipés... Mais on sait très bien que la
régionalisation, ça répondrait aux problèmes des
immigrants et ça comblerait beaucoup de lacunes à ce niveau.
Toutefois, si on nous en donnait les moyens, c'est sûr qu'on
l'appuierait et, en tant que partenaires, on ferait notre boulot dans ce
sens-là. Mais je voulais dire tout simplement que notre champ d'action
reste au niveau de la région métropolitaine.
M. Khelfa: Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant au porte-parole de l'Opposition.
M. Boulerice: (S'exprime en espagnol).
M. Gobé: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Saint-Jacques - on sait ses talents de polyglotte -
pour la bonne compréhension de son savant discours, pour les autres
membres de cette commission qui, malheureusement, ne parlent pas
l'espagnol...
Une voix: Pour la transcription.
M. Gobé: ...et pour la transcription des débats,
parce que c'est très important pour le mémoire que nous allons
devoir sortir, de bien vouloir nous donner l'exemple de sa connaissance de la
langue de Molière?
Le Président (M. Paré): Oui. J'inviterais le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques à nous traduire sa
pensée au fur et à mesure qu'il va l'exprimer.
M. Boulerice: M. le Président, comme le disait le
sénateur Jacob Javits, de New York, je vais suppléer à la
myopie linguistique de mon collègue...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...et je vais répéter en
français ce que je disais à Mme Iturriaga. Je lui disais que
j'étais député du quartier de Saint-Jacques et
Saint-Jacques, en espagnol, se dit Santiago, ce qui explique d'ailleurs que je
suis un député québécois très populaire
à Santiago du Chili. J'ai déjà dit que la francophonie et
rhispanité" étaient la contrepartie de la culture
américaine, contrapartida de la cultura america-na, et je pense que vous
en convenez avec moi. Et je disais que l'immigration francophone, pour nous,
n'était pas quelque chose d'exclusif, mais que c'était "pequita",
une petite préférence qui, à mon point de vue,
était normale.
Et, au sourire que m'a fait Mme Iturriaga, j'ai cru comprendre qu'elle
adhérait à mon propos, ce qui me permet d'ajouter que
j'adhère à son propos lorsqu'elle parle des communautés
originaires d'Amérique latine. La Mission Notre-Dame de la Guadeloupe
est située sur la rue de Champlain, vous la connaissez; l'église
Sainte-Brigide, vous la fréquentez sans doute. (S'ex-
prime en espagnol). Il y a chez moi une communauté d'origine
péruvienne, il y a forcément aussi beaucoup de "Chileno
Quebecences", comme ils s'appellent, c'est-à-dire des
Québéco-Chiliens. Et c'est un fait que l'immigration
latino-américaine est un très grand apport au point de vue
à la fois culturel et linguistique pour le Québec. Je pense que,
s'il y a des exemples à donner - et ce n'est pas dévaloriser ou
défavoriser les autres - il faut le donner, celui-ci. Effectivement,
c'est peut-être notre latinité qui a fait en sorte qu'on se
rejoigne aussi facilement.
Je remarque avec beaucoup de joie - et là, ça va me
permettre un peu de critiquer très gentiment votre mémoire - que
les communautés latino-américaines qui sont présentes dans
la circonscription où je suis n'ont pas attendu de publicité
gouvernementale pour ce qui est du rôle positif qu'elles jouent dans ce
magnifique petit coin de ville où j'habite, mais, spontanément,
sont venues et ont dit: Mais, hé! la fête nationale, le 24 juin,
ce n'est pas juste des fèves au lard, ça pourrait être des
"tacos" aussi. Et, résultat, il y a trois ans, eh bien, la fête
nationale, elle était très latino-américaine. Donc, je
pense que ces pas doivent être faits également par les
communautés, non pas se fier uniquement à des publicités
gouvernementales où, là, on est obligés de tenir compte
des structures, des ministères, des fonctionnaires, et tout ça,
c'est long et ce n'est pas certain que ça rapporte aussi rapidement,
mais bien faire le geste concret comme celui que je viens de vous
expliquer.
Ceci dit, j'étais content que vous posiez la question - et mon
collègue, le député de Richelieu, l'a fait - de la
reconnaissance des diplômes étrangers. Je crois qu'il se commet,
malheureusement, des injustices dans ce pays; je n'ai pas peur d'employer le
mot. Mon collègue n'a peut-être pas pensé à
l'employer, mais je sais qu'il le pense. Il y a eu de nombreuses injustices et
elles subsistent; il faudrait les corriger.
Vous faites de la sensibilisation. Est-ce qu'il y a uniquement des
groupes publics qui vous sollicitent ou s'il y a également des groupes
privés? Je parle d'entreprises privées qui vous sollicitent
également.
Mme Robitaille: Je vais commencer par répondre à
cette question-là. Tantôt, quand on répondait à M.
Khelfa, on disait que notre champ d'action était principalement à
Montréal. On a déjà fait de ia formation auprès de
la fonction publique québécoise, à Québec, ici, et
dans ' l'Outaouais aussi. Alors, la volonté est là. C'est juste
que, comme on disait, on a principalement développé... Ce sont
toujours des programmes de formation sur mesure qu'on offre, mais toutes les
possibilités sont là parce qu'on a l'expertise et, en plus, comme
on le disait, on est une équipe pluriculturelle et
multidisciplinaire.
J'aimerais revenir à ce qu'on disait tantôt par rapport
à l'accroissement de l'immigration.
Oui, nous aussi, on mise sur l'immigration comme étant un outil
de redressement démographique, mais, comme on le disait tantôt
aussi, en mettant l'accent sur la continuité du fait français.
Et, à ce titre-là, une des recommandations qu'on avait à
faire, c'est d'accroître l'accessibilité aux services et aux
programmes. Ici, on fait le lien aussi avec la reconnaissance des
diplômes, à savoir, pour ceux qui arrivent ici et qui ne parient
pas français, qu'on développe des programmes de francisation en
milieu de travail ou des programmes adaptés aux besoins
spécifiques, tels que des programmes de formation linguistique
adaptés pour les étudiants ou les professionnels. Pour revenir,
donc, à la sensibilisation que Québec Multi-Plus fait, c'est que,
nous, on fait de la sensibilisation en misant beaucoup plus sur le
développement des connaissances historiques, sociales et culturelles,
mais on mise beaucoup sur la capacité de l'individu à, comment je
dirais, prendre conscience de préjugés ou de
stéréotypes. On dit souvent que c'est plus par rapport à
une méconnaissance que l'ouverture d'esprit n'est pas là.
M. Boulerice: Une autre question que j'aimerais vous poser.
Alors, j'ai échangé tout de suite, très
spontanément, avec Mme Iturriaga. Tout le monde sait, malheureusement,
que l'Amérique latine a vécu de sombres et de très dures
dictatures. J'ai été le seul député
québécois et même canadien présent au Chili; j'ai vu
ce que ça pouvait être. Je ne parlerai pas de l'Argentine. Bon. On
pourrait faire une longue nomenclature. Je ne sais pas, messieurs, de quel pays
vous êtes originaires. Si vous êtes d'Haïti, je me
réjouis avec vous de l'élection du père Aristide. Mon
collègue y était; malheureusement, je n'ai pas pu accepter
l'invitation qu'il m'avait personnellement adressée, mais je suis
heureux de voir qu'il y a une grande similitude: Haïti a un pays et
cherchait la démocratie; nous avons la démocratie et nous,
Québécois, cherchons le pays. Voilà.
Donc, vous devez être forcément très sensibles au
problème des réfugiés. J'ai peur que, dans le débat
qui nous concerne durant cette commission, on évacue peut-être
trop rapidement le problème des réfugiés. Quant à
leur situation, d'après vous, qu'est-ce que le gouvernement devrait
faire de plus? Qu'est-ce qu'on doit faire avec l'arriéré des
réfugiés actuellement qui vivent des situations d'attente
atroces?
M. Charles: Je pense que vous l'avez bien qualifiée,
l'attente est atroce, elle est même plus qu'atroce, l'attente pour les
réfugiés. Attendre deux ans, trois ans, quatre ans, des fois
même, pour certaines familles, cinq ou six ans, se faire passer des
enquêtes, des enquêtes, des enquêtes interminables sans avoir
une réponse, on ne sait pas où ça va mener. En fin de
compte, la loi a été changée. On vous dit: Ça va se
régler tout
de suite; ça va se régler dans une année, dans deux
ans, réunification familiale, vous allez dans votre famille, etc.
Jusqu'à présent, ça traîne; ce n'est que quelques
dossiers qui ont été réglés. Alors, nous autres, il
faut évoluer dans ces dossiers, il faut travailler avec ces
réfugiés-là. D'ailleurs, je pense que, de la façon
dont ils se sont établis dans le pays, ils ont fait la preuve que, sans
cela, ils peuvent vivre au Québec. Ceux qui étaient entrés
avec quelques membres de leur famille, vous savez, ces gens-là de la
catégorie dont vous faites mention, ce sont des gens qui ont dû
fuir leur pays, qui ont dû laisser leur femme dans un pays ou les enfants
dans un autre pays. Alors, ils arrivent et la famille est morcelée. Et
ils doivent attendre et ils ne peuvent pas vivre, ils ne peuvent pas se
réunir, la famille ne peut pas les parrainer. Pour nous autres, je pense
que cette situation a trop duré et ça a un impact tout à
fait négatif sur la santé mentale des immigrants, et vous savez
peut-être plus que moi que, déjà, l'immigration en soi,
c'est une forme de traumatisme. Alors, garder ces immigrants-là, garder
ces gens qui ont un passé migratoire tout à fait tumultueux, des
gens qui ont connu la torture, d'autres qui ont connu la guerre, dans cette
situation, je trouve que c'est vraiment atroce.
Nous autres, ce qu'on pourrait suggérer face à cette
situation - étant donné que je pense que le gouvernement, en
fait, l'a toujours souligné et que le gouvernement est très
sélectif par rapport à la question des immigrants, qu'il doit
savoir effectivement qui va être ce nouveau Québécois, sa
capacité d'adaptation dans le pays, etc., ça, je pense qu'on n'a
rien contre - tout simplement, c'est d'essayer d'améliorer, de rendre
plus rapide l'étude de ces dossiers-là. En ce qui a trait
à ceux qui font partie du service de l'arriéré ou
"backlog", je pense que ce sont des gens qui vivent au Québec depuis
quatre, cinq ans, sur qui l'immigration a déjà beaucoup
d'informations. Il y a des gens qui ont connu deux, trois enquêtes; on se
demande pourquoi ces gens-là sont encore en attente; on se demande
pourquoi le gouvernement ne pourrait pas les accepter. Il y en a qui ont eu des
enfants; il y en a qui se sont mariés ici, qui travaillent
effectivement, et je pense que c'est bien prouvé. Vu la
procédure, moyennant que ces gens-là passent la première
enquête, ils sont éligibles à recevoir leur permis de
travail. Relativement à la lenteur de l'administration, automatiquement,
dès qu'ils ont en main leur permis de travail, ces gens-là, on
les retrouve sur le marché de l'emploi. Mais je pense qu'il est temps
qu'on puisse faire quelque chose et moi, mon souhait personnel, c'est de
pouvoir arriver à accepter tous les gens qui font partie de
l'arriéré.
M. Boulerice: M. Charles, je sais que mes collègues,
encore une fois, vont rugir, mais je ne peux jamais m'empêcher, quand je
suis en face d'amis haïtiens, d'employer cette phrase que j'aime beaucoup:
Pour moi, Haïti, c'est mon "kinam".
Vous ne pouvez pas faire ça en faisant du
bénévolat, c'est évident. Pour moi, là, on ne fait
pas le travail que vous faites sur une base de bénévolat. Il y a
une trop grande rotation. Il n'y aura, malheureusement, probablement pas le
suivi nécessaire et, après ça, je pense que vous avez
droit comme tout le monde de gagner votre pain. Donc, vous avez beaucoup
discuté tantôt de financement. Quelle devrait être,
d'après vous, la politique de subvention? Elle devrait reposer sur quoi,
cette politique de subvention? J'ai regardé M. Charles; ça peut
être l'un d'entre vous, madame ou messieurs. (17 h 45)
Mme Iturriaga: Effectivement, dans les organismes communautaires,
le travail est énorme et les ressources humaines ne sont pas
suffisantes, on a déjà dit ça. Tantôt, Mme Lise
Robitail-le a expliqué que, de plus en plus, le ministère doit
considérer des vrais partenariats et on est pour ça, parce qu'on
sait bien qu'il y a beaucoup d'organismes qui ont de la bonne volonté,
mais qui s'effacent après quelques mois ou même une année
d'existence. Il faut profiter de l'expertise des organismes qui sont
déjà en place, qui ont une structure et qui ont toujours
été près du ministère pour offrir vraiment un
partenariat avec des résultats. Je ne sais pas si c'est correct de le
dire, mais je veux profiter de l'occasion que j'ai de parler: Je pense que les
membres québécois des communautés culturelles ont fait
déjà beaucoup de bénévolat. On a souvent
été exploités pour nos connaissances, pour notre
expertise. Je pense que c'est juste, du moment que l'énoncé de
politique veut la participation active, son invitation à prendre notre
place. Mais, là, il faut aussi que ce soit réciproque, il faut
aussi que les autres Québécois, vous nous laissiez la place
aussi, parce que les connaissances, on les a, l'expertise, on l'a, mais je
pense que ça suffit, le bénévolat. On l'a fait et le fait
encore.
Mais je vous dis que les ressources financières et humaines dans
les organismes communautaires sont vraiment précaires; par contre, notre
expertise est toujours là. On est toujours appelés à
répondre, à collaborer, mais c'est essoufflant. Je pense qu'on
devrait voir vraiment les résultats et il faudrait voir, dans tous les
organismes que vous avez, vraiment quels organismes sont des vrais partenaires
pour pouvoir donner du soutien aux organismes communautaires qui offrent un
résultat à nos démarches, sur le terrain, comme on dit.
Parce que nous, on est des travailleurs sur le terrain, c'est nous qui sommes
dans le champ d'action. Et nous, comme formateurs, je peux vous dire qu'on fait
des affaires surtout avec les institutions publiques et parapubliques;
privées, jusqu'à date, on a beaucoup de réticence. Nous
aussi, on a été un peu
poussés à aller chercher d'autres façons de
financement, mais je peux vous dire que, jusqu'à date, c'est vraiment
nouveau. Les relations interculturelles, ça commence à être
à la mode. C'est la vogue dans le moment. Par contre, les institutions
privées ne sont pas encore prêtes à donner la formation
intercultureile. Elles ne veulent pas encore cet accessoire.
Avec l'énoncé de politique, on souhaiterait bien que les
gens prennent conscience qu'ils ne peuvent plus fermer les yeux à ce
qu'est le Québec aujourd'hui et à ce que va être le
Québec demain, et que, plus on va attendre, plus on peut se retrouver
dans des circonstances très malheureuses. Au niveau de l'emploi, on l'a
déjà constaté, nous, étant formateurs, il arrive
qu'il y a des événements assez nuisibles pour la boîte et
pour la vie des employés. Alors, la cohabitation en emploi, le
voisinage; on parle beaucoup de l'emploi, mais le voisinage, la vie de tous les
jours, c'est aussi important. Quand on prend le métro, aujourd'hui,
à Montréal, on ne peut plus dire que ce n'est pas vrai, les
relations interculturelles; on ne peut plus cacher ça.
Alors, pour tout ça - et je ne parle pas juste pour Québec
Multi-Plus; je pense aussi aux autres organismes qui ont l'expertise et qui
font de grands efforts - je pense que, maintenant, vous, comme politiciens,
vous êtes dans une position de pouvoir nous offrir le support.
Probablement que tes Québécois l'ont fait ailleurs, en
Nouvelle-Angleterre, dans le temps; ils ont fait du bénévolat ou
du "cheap labor", mais, à un moment donné, ils ont dit: Ça
suffit. Et, vraiment, ça suffit. Il faudrait aussi que, nous, on ait la
juste part.
Je voulais vous féliciter, Mme la ministre; dans
l'énoncé de politique, enfin on entend parler de contrat moral,
enfin on n'est plus, nous, immigrants, obligés de s'adapter. C'est un
travail réciproque, c'est à deux que ça se passe. Nous,
Québécois, les nouveaux arrivés, on est pour s'adapter,
mais vous, Québécois qui êtes depuis trois siècles
ici, est-ce que vous faites aussi la part des choses? Ce n'est pas juste de
demander et d'exiger. Pour qu'il y ait un vrai échange, ça prend
deux personnes qui font des ajustements, comme nous, on l'a fait. Il y a des
choses de notre culture qu'on a dû mettre de côté; elles ne
sont pas perdues, mais, quand même, on a acquis, on a enrichi notre
culture. Moi, je suis fière de dire que je suis québécoise
mexicaine, mais j'espère que demain, quand on va parler de
Québécois, on va arrêter de dire "de vieille souche", "de
nouvelle souche", "néo-Québécois", et tous les noms qui
sortent. On est tous québécois du moment qu'on vit dans ce
territoire, dans cet espace, et qu'on lutte tous pour avoir un projet de
société. Je ne sais pas si je vous réponds.
M. Boulerice: Vous permettez, M. Charles, parce que Mme Iturriaga
m'a tendu une très belle perche. Vous dites: Je suis fière
d'être une Mexicaine québécoise. Vous avez des enfants,
madame?
Mme Iturriaga: Non.
M. Boulerice: Quand vous aurez eu une fille, sans aucun
doute aussi jolie que vous, que sera-t-elle?
Mme Iturriaga: Elle va être québécoise.
M. Boulerice: Voilà. C'est la réponse que
j'attendais.
Mme Iturriaga: Avec les racines de sa mère,
mexicaines.
Mme Gagnon-Tremblay: Quels propos!
M. Boulerice: Pardon? Vous ne trouvez pas que madame est
élégante et jolie?
Mme Gagnon-Tremblay: Voyons! Je trouve que les messieurs, oui,
sont très élégants et jolis aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ah bien, oui. Mais là, madame, je n'ai pas
tout pris. Je vous en ai laissé. Vous connaissez ma
générosité.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paré): Si on revenait au
mémoire, s'il vous plaît.
M. Boulerice: Et si on me permet, j'aurais une... Oui, oui, M.
Charles, je vous en prie.
M. Charles: Je voudrais juste, pour compléter la
réponse de Mme Ana-Luisa, essayer de répondre à la
politique de subvention que pourrait avoir le gouvernement vis-à-vis des
organismes communautaires. Moi, je pense que ça pourrait se
résumer, étant donné qu'on nous appelle partenaires,
à nous considérer comme de vrais partenaires; c'est de ne pas
nous donner quelques dollars quand eux autres pourraient prendre des millions
pour réaliser un travail. Ce qui arrive, c'est qu'on nous donne une
subvention pour payer peut-être un ou deux employés pour faire un
travail et on ne considère pas les avantages sociaux pour cet
employé-là. En ce qui a trait au bureau, par exemple, on ne
considère pas qu'on doit avoir un espace physique, un bon
téléphone, on a beaucoup d'appels à faire; on ne
considère pas qu'il y a des choses essentielles pour pouvoir bien
travailler et, le plus souvent, ça ne les comprend pas dans la
subvention qu'on donne aux organismes communautaires. Et si, toutefois, dans
nos demandes, on l'avait mis...
Le plus souvent, ce qui arrive, c'est que, si on avait une subvention de
15 000 $, l'année suivante on demande le double et il y a seulement un
tout petit ajout. Le plus souvent, si c'est 15 000 $, c'est 1000 $ de plus ou,
du moins, ce ne sera pas beaucoup. Alors, moi, ce que je peux vous dire par
rapport à ça, c'est de nous considérer comme de vrais
partenaires et de nous donner l'argent suffisant pour faire un bon travail.
M. Boulerice: M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Paré): En concluant, s'il vous
plaît.
M. Boulerice: ...j'aimerais poser une question à M. Obas
sur un ton un peu taquin qu'il va sans aucun doute accepter. Vous m'avez
posé un problème de vocabulaire dès votre entrée en
commission - je ne me souviens plus exactement quelle est la formulation que
vous avez employée - en disant que je ne devais plus dire que
j'étais un Québécois de vieille souche. J'ai vu que mon
collègue de LaFontaine, lui, vous a traité de
néo-Québécois. Alors, je me suis...
Une voix: Qualifié.
M. Boulerice: Qualifié. Non, mais je fais... C'est pour
ça que j'ai dit à M. Obas que c'était sur le ton taquin,
ma question. Mais comment devrions-nous nous appeler entre nous?
M. Obas: Très souvent, "Québécois", ce
serait le terme le plus approprié, parce que j'imagine qu'en ce qui a
trait à la date d'arrivée d'un individu dans une
société d'accueil, ça ne devrait pas avoir un qualificatif
précis. En autant qu'on vit dans le même espace, peu importe la
date d'arrivée, on devrait tous être des Québécois,
parce que, de toute façon, on ne fait pas une politique de morts.
Comment on qualifierait les gens qui sont là depuis 100 ans, depuis 20
ans? Est-ce qu'on irait dire - bon, je ne sais pas, moi - un
Latino-Américain qui arrive ici ou un Haïtien, qui est d'origine
haïtienne, qui est arrivé ici il y a 20 ans, est-ce qu'il est plus
québécois que celui qui vient d'arriver hier ou, en autant qu'il
accepte de vivre au Québec et en français, est-ce qu'il n'est pas
un Québécois comme tout le monde?
M. Boulerice: C'est ce que M. Lévesque disait. Je suis
heureux de vous entendre.
Le Président (M. Paré): Étant donné
que le temps qui nous était consacré est terminé, je
demanderais à la ministre si elle a quelques mots pour conclure.
Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Prési- dent. Bien
sûr que mes dernières paroles, je les prononcerai en
français, puisque nous considérons que le français doit
être la langue de communication et de la vie publique au Québec,
tout en reconnaissant, bien sûr, à mon collègue, le
député de Saint-Jacques, sa capacité pour les langues.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Tremblay: Je dois vous dire que nous avons
parlé beaucoup de français et vous avez raison lorsque vous
mentionnez dans votre mémoire que la connaissance préalable du
français constitue un atout, mais, cependant, on sait qu'elle facilite
l'intégration des nouveaux arrivants qui peuvent communiquer dès
leur arrivée avec leurs futurs concitoyens. Elle permet aussi à
la société d'accueil de faire l'économie des coûts
liés à la francisation, mais ce n'est pas une panacée. On
sait aussi que, pour pouvoir s'intégrer, ça passe souvent par une
intégration économique, c'est-à-dire que l'emploi y est
pour beaucoup. Cependant, dans le contexte actuel où, par exemple, on
accueille actuellement tout près de 50 %, je dirais même
au-delà de 50 % d'al-lophones, de personnes qui ne connaissent ni le
français, ni l'anglais, vous comprenez que, pour nous, il est
justifié de vouloir atteindre un objectif d'immigrants parlant
français pour, finalement, contrebalancer jusqu'à un certain
point, mais ça ne veut pas dire des Français à tout prix.
Ça veut dire, finalement, des parlant français qui vont aussi
s'intégrer à la société, c'est-à-dire qui
vont répondre aux objectifs économiques du Québec.
Donc, dans ce sens-là, je pense que même l'effort que nous
voulons faire, c'est un effort qui ne sera pas facile à faire.
L'objectif est quand même un objectif, je dirais, qui va être
même très difficile compte tenu des bassins limités de
francophones, et ainsi de suite, et aussi du contexte de l'immigration
économique dont on parlait tout à l'heure.
Bien sûr, je voudrais vous remercier pour la présentation
de votre mémoire; je pense que vous nous avez fait valoir des points
intéressants, surtout des expériences vécues. C'est
toujours intéressant de nous faire connaître ces
expériences. Je vous souhaite un bon voyage de retour et, surtout, soyez
prudents parce que la température n'est pas tellement clémente
actuellement.
M. Obas: Merci beaucoup.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, très rapidement, en concluant.
M. Boulerice: Oui. Afin d'éviter à ma
collègue, la ministre, une syncope, je vais tout simplement lui dire
qu'à la dernière commission parlementaire sur l'immigration
j'avais conclu en
26 langues. Ceci dit, j'aimerais vous dire, Mme Iturriaga, Mme
Robitaille, M. Charles et M. Obas, que j'ai énormément
apprécié l'échange que nous avons eu. Je pense qu'il y a
un courant qui est passé et ça, c'est vraiment très
important. J'ajouterais très brièvement: Conservez, s'il vous
plaît, la raison sociale que vous vous êtes donnée,
Québec Multi-Plus, parce que cette appellation, à mon point de
vue, correspond exactement au Québec que je souhaite demain, mais de
préférence peut-être aujourd'hui même, ce qui serait
préférable. Mais, de toute façon, je crois qu'on a
l'intention d'y travailler ensemble, solidairement et conjointement, entre
Québécois, n'est-ce pas, M. Obas? Merci. Gracias.
Le Président (M. Paré): Alors, mesdames et
messieurs de Québec Multi-Plus, merci de votre très
précieuse collaboration à la commission. Je vais rappeler aux
membres que ce soir, à partir de 20 heures, deux groupes seront
entendus.
Une voix: Un groupe.
Le Président (M. Paré): Un groupe?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Paré): Ah! Un groupe sera entendu,
le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Donc, les
travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Doyon): II est passé un peu 20
heures. Donc, cette commission reprend ses travaux. Nous allons maintenant
entendre le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Je
les inviterais à s'avancer à la table de nos invités.
M. Boulerice: M. le Président, me permet-triez-vous, avant
de commencer, de vous souligner qu'aujourd'hui est une journée
exceptionnelle? C'est l'anniversaire de naissance de notre
vice-président.
Le Président (M. Doyon): Un grand jour, quoi! Alors,
joyeux anniversaire!
Une voix: Un grand jour pour le Québec.
Le Président (M. Doyon): Un grand jour pour le
Québec.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Et surtout pour la circonscription de Shefford,
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: C'est congé, là-bas.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): C'est congé de devoirs et
de leçons. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de joie dans les
chaumières du Québec. On se réjouit de la chose.
Une voix: Je peux faire un discours.
Le Président (M. Doyon): Non, surtout pas vous!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, tout en souhaitant la
bienvenue à nos invités qui comprendront que ce n'est pas le
manque de sérieux qui nous amène à sourire comme
ça, c'est tout simplement que des jours comme ceux-là, on
préfère les souligner en famille.
Je vous inviterais tout d'abord à vous présenter. Vous
connaissez nos règles, c'est une vingtaine de minutes pour votre
présentation, si vous en avez besoin. Ça peut être plus
court, particulièrement le soir, il n'y a aucune objection
là-dessus, le message s'adressant à Mme la ministre, aux
ministériels, ainsi qu'à l'Opposition. Présentez les gens
qui vous accompagnent et nous procéderons après avec des
questions. Si vous avez des réponses à nous donner, nous en
serons très heureux. Alors, à vous la parole.
Conseil québécois pour l'enfance et la
jeunesse
M. Boisvert (Jean-Claude): Mon nom est
Jean-Claude Boisvert, je suis directeur général du Conseil
québécois pour l'enfance et la jeunesse. J'ai avec moi, à
ma droite, Mme Renée Gagnon, qui est vice-présidente du conseil
d'administration du CQEJ, qui est orthopédagogue intervenante à
l'école Lucien-Pagé qui est une école, comme vous le
savez, en milieu multiethnique et, à ma gauche, Mme Olga Lebron, qui est
membre du personnel du CQEJ et qui est de la communauté argentine de
Montréal, qui est membre d'un comité de parents et
vice-présidente du comité d'orientation de l'école
Saint-Luc où il y a 85 nationalités. Elle pourrait même
souhaiter bonne fête en argentin à monsieur...
Le Président (M. Doyon): Non, ce serait trop! Alors,
bienvenue et nous vous écoutons.
M. Boisvert: D'accord. Écoutez, nous allons diviser nos
présentations de la façon suivante. Je vais vous présenter
très brièvement l'objet de notre visite et ce qu'est le CQEJ, le
Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. Je vais laisser
à Mme Gagnon le soin de résumer notre
mémoire. On a demandé à Mme Lebron, puisqu'elle est
parent de trois jeunes adolescents à l'école Saint-Luc, de vous
dire un petit peu, dans ses termes de mère, ce que ça veut dire,
ce mémoire, mais dans le sens de quelqu'un qui est sur le terrain.
Alors, le CQEJ, c'est un organisme que vous avez peut-être connu
sous le nom de Conseil québécois de l'enfance exceptionnelle -
ça existe depuis 29 ans maintenant - qui a changé de nom
voilà quatre ans, qui a pour mission de faire la promotion des
intérêts des enfants et des jeunes au Québec, et
d'améliorer ou de collaborer à favoriser la meilleure
qualité de vie possible pour eux. On a essentiellement deux mandats: un
mandat de promotion - les locaux, ici, nous sont familiers, dans le sens qu'on
est venus à plusieurs reprises; l'an passé, dans une
tempête de neige, on était, à peu près à la
même date, venus rencontrer M. Côté et la commission des
affaires sociales; on est venus, Mme Gagnon-Tremblay, rencontrer la Commission
sur les services de garde; on est venus sur la question du Centre permanent de
la jeunesse - et un mandat de support aux intervenants. Nous avons 750 membres
un peu partout au Québec; nous offrons congrès, colloques,
stages, dossiers techniques et nous éditons une revue scientifique
depuis 10 ans. Nous avons une subvention de deux de vos ministères et
nous avons été aidés par le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, il y a trois ans et deux
ans, pour un colloque qui s'est fait, que M. Sirros était venu
présider, sur la question des enfants des communautés
culturelles.
Pourquoi on est ici? Parce que, depuis quatre ans, on s'est
préoccupés de cette question des communautés culturelles:
colloques, stages, un numéro de la revue, des activités,
particulièrement autour de la démystification de la question de
la violence des jeunes en milieu scolaire, la question des changements de la
famille et de la composition ethnique à Montréal. On a voulu non
pas répondre à l'ensemble de l'énoncé de politique,
mais venir, à travers notre biais enfance-jeunesse, même si le
mandat du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration n'est pas directement centré sur l'éducation, la
santé, les services sociaux et la justice, vous dire combien
l'école est un noeud pour la réalisation de l'intégration
et de l'accueil des gens des communautés culturelles, des immigrants, et
combien c'est important qu'on puisse porter influence, au sein du gouvernement,
à ce que l'énoncé de politique puisse avoir même des
racines dans les autres ministères, jusque dans l'école.
Alors, je laisserai à Renée le soin de résumer
notre position.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Gagnon (Renée): Les objectifs du mémoire. On se
dit très concernés par les difficultés que rencontrent les
Québécois et les néo-Québécois. Nous croyons
que les intervenants ne sont pas suffisamment préparés et
supportés face à l'accueil et à l'intégration des
différentes communautés culturelles. Vous abordez plusieurs
dimensions de la vie collective québécoise dans votre
énoncé de politique "Au Québec pour bâtir ensemble".
Le CQEJ s'intéresse d'abord à favoriser la participation des
immigrés et des relations intercommunautaires harmonieuses.
Afin que le développement de l'enfant ne soit pas divisé
entre lui-même et sa famille et son entourage externe, nous croyons que,
pour favoriser la transmission des valeurs culturelles, nous devons
élaborer un système de communication qui permette
l'échange d'informations entre l'école et les différentes
communautés et entre les Québécois et les
néo-Québécois. Mais nous devons aussi être
très attentifs dans le message que l'on veut communiquer et les valeurs
que l'on veut transmettre. La démarche la plus importante est donc celle
qui consiste à faire respecter les différences, tout en faisant
ressortir aussi les ressemblances. Le milieu scolaire doit être sensible
aux dimensions multiculturelles de ses clientèles en autant que l'on
connaisse bien ce qui les caractérise. Ainsi, chaque commission scolaire
devrait définir l'approche à utiliser face à ces nouveaux
immigrants et formuler des objectifs précis pour favoriser leur
intégration.
Il est aussi primordial que l'on fasse connaître la dynamique des
relations interethniques aux adultes signifiants entourant l'enfant et à
l'enfant lui-même. Ceci aurait ainsi pour effet de viser les trois cibles
du concept défini par Ouellet, en 1984: une meilleure
compréhension des communautés culturelles, une plus grande
capacité à communiquer avec d'autres cultures, des attitudes plus
positives face aux différents groupes.
Cet échange d'informations doit se faire avec l'implication des
jeunes de toutes communautés culturelles et toutes les instances
entourant l'enfant et ce, par le biais d'activités et de projets
éducatifs.
Qui sont les personnes concernées? En fait, tous sont
concernés, les intervenants oeuvrant auprès des enfants, les
parents et les jeunes eux-mêmes. Nous croyons cependant que ce travail
d'intégration doit se faire tout d'abord dans le cadre scolaire. Nous
avons à travailler sur la perception mutuelle qui existe entre les
Québécois et néo-Québécois. Nous devons
avoir un souci d'effort d'harmonisation entre ces deux groupes.
Dans le milieu scolaire, cet effort repose sur l'implication des jeunes
et de leurs parents, surtout du personnel non enseignant, du personnel de
l'entretien ménager aux secrétaires et au personnel
administratif. Nous devons compter sur l'implication des membres des
différentes associa-
tions et regroupements culturels et faire en sorte aussi qu'ils soient
connus par tous. Tous ces acteurs doivent collaborer entre eux et avec les
jeunes à la mise sur pied d'activités et de projets
scolaires.
Toutefois, pour réussir une bonne communication et une bonne
intégration, nous devons mieux outiller les intervenants scolaires dans
une perspective d'amélioration de l'éducation multiculturelle.
Par exemple, trouver une personne-ressource capable d'exprimer les valeurs, les
caractéristiques et les similarités d'une culture, une personne
pouvant nous mettre en contact avec un intervenant d'une association ou d'un
groupe culturel, et fournir aux intervenants des perfectionnements, des
exercices de sensibilisation et de réflexion face à notre
façon de communiquer et à ses difficultés.
En conclusion, les autorités gouvernementales doivent donc
compléter les politiques en milieu scolaire, ces politiques et
programmes visant l'accès des enfants provenant des diverses
communautés culturelles aux services sociaux, aux services de la
santé et de la protection de la jeunesse. Nous devons, de toute urgence,
adapter nos méthodes de dépistage, de prévention et de
"counseling" au nouveau contexte culturel et linguistique. Nous
suggérons fortement à la commission de la culture de se pencher
sur les services sociaux, les services de la santé et du
ministère de la Justice afin de constater les politiques actuelles et de
rendre conséquente et cohérente l'implantation d'une nouvelle
politique.
Enfin, nous ne devons pas oublier qu'une démarche d'harmonisation
des relations interculturelles commence d'abord par la mise en évidence
des différences et des ressemblances, et que l'école joue un
rôle particulier pour aider l'enfant à se développer
à travers ces différences et ces mêmes ressemblances. (20 h
15)
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame. Mme
Lebron?
Mme Lebron (Olga): Oui. Moi, je viens plutôt
témoigner d'une situation, la situation des enfants dans des milieux
sociaux nouveaux autres, c'est-à-dire comment arrivons-nous à
intégrer ces enfants? Je vais vous raconter ça d'une façon
sommaire. Je ne veux pas, non plus, prendre beaucoup de votre temps. Je veux
expliquer la situation à l'école Saint-Luc. J'appartiens au
comité de parents et aussi au conseil d'orientation dans l'école,
et nous vivons une situation difficile: 85 ethnies sont
représentées à l'école et il y a une population
étudiante de 1300, dont 90 % sont des immigrants. Ce n'est pas le seul
problème à l'école Saint-Luc. De plus en plus, à
Montréal, on trouve que les enfants de l'ancienne souche,
c'est-à-dire les Québécois de souche, comme nous les
appelons, nous, les néo-Québécois, disparaissent de nos
écoles; c'est un phénomène tout à fait nouveau, il
y a une désertion. Alors, je me demande comment nous arriverons à
intégrer ces jeunes dans un nouveau milieu, dans une nouvelle
société si, véritablement, l'aspect typiquement
québécois nous manque, comme modèle - c'est plus faciie,
pour un jeune, de s'approcher d'un jeune que d'une personne beaucoup plus
âgée, un professeur ou un supérieur - pour leur donner
cette possibilité d'intégration. Mais s'il nous manque, à
nous, les modèles, comment arriverons-nous à intégrer les
jeunes néo-Québécois, comment arriverons-nous à
leur permettre de développer une, comment je pourrais dire, valeur
d'appartenance? C'est-à-dire que les modèles
caractéristiques nous manquent pour ces jeunes.
C'est évident que c'est une prise de conscience de la part des
parents et c'est une prise de conscience de la part, aussi, des gens qui se
trouvent plus haut dans notre société, de vous, nos
représentants, de vous pencher sur cette problématique. Si nous
n'arrivons pas à faire développer chez le jeune le sentiment
d'appartenance à cette nouvelle société, arriverons-nous
à pouvoir l'intégrer? Je pense qu'on est en train de manquer
notre coup. Je pense qu'on devrait développer davantage des programmes
qui permettent de véritablement bâtir ensemble et non pas
d'essayer de former des gens capables de fonctionner dans son système.
Ce n'est plus des enfants fonctionnels que nous voulons. Nous voulons
appartenir, faire partie intégrante de la société et nous
sentir comme tel.
Voilà. C'est tout ce que j'avais à vous dire comme parent,
comme néo-Québécoise, comme une personne qui veut, d'une
certaine manière, faire partie de cette société à
part entière, pas à demi. Je ne le veux pas non plus pour mes
enfants et je pense que les parents des enfants immigrants ne le veulent pas
non plus pour leurs enfants. On veut les intégrer, mais c'est à
vous de nous donner des cadres, de nous permettre d'intégrer ces
jeunes.
Le Président (M. Doyon): Merci de votre témoignage,
Mme Lebron. Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci surtout de vous être
déplacés aujourd'hui, particulièrement ce soir, avec la
température que nous connaissons présentement. Je voudrais
peut-être vous poser une question sur le dernier témoignage. Bon,
vous mentionnez la difficulté, par exemple, qu'ont les écoles
à haute densité ethnique à faire une intégration
réussie. À votre avis, à partir de quel pourcentage
devient-il difficile d'intégrer les élèves des
communautés culturelles et comment expliquez-vous, en particulier, que
certaines écoles anglaises aient réussi, dans le passé,
à intégrer des élèves italiens ou portugais qui
représentaient parfois jusqu'à 90 % de leur clientèle?
Est-ce qu'il y a
une façon de faire et qu'est-ce que vous pouvez nous
suggérer en plus?
Mme Lebron: Je pense que, pour qu'il y ait une
intégration, il doit y avoir d'abord une acceptation. C'est dans le
cadre de l'acceptation que se fait l'intégration. Si je me sens
acceptée dans une société, je vais travailler davantage
pour. Toujours pour, c'est évident. Mais si je n'arrive pas à me
placer, si je reste écartée, si les jeunes restent
écartés, ils n'y arriveront jamais. Dans quel pourcentage, me
demandez-vous, peut se faire une intégration? Je pense que plutôt
qu'en pourcentage nous devrions nous demander pourquoi nos jeunes, pourquoi les
Québécois désertent nos écoles. C'est la seule
façon dont va pouvoir se faire une intégration. C'est à
parties égales. C'est essayer d'équilibrer les poids.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, allez, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: ...pourquoi il y a cette non-acceptation,
pourquoi on ne les accepte pas, d'après vous?
Mme Lebron: Je pense que, d'une certaine façon, il y a une
méconnaissance des cultures. Alors, c'est évident que, quand
l'humain méconnaît quelque chose, il s'écarte. Pour cela,
on a besoin d'avoir des programmes ou de développer davantage des
programmes qui nous permettent de nous faire connaître, de montrer qu'on
est capables de s'intégrer, qu'on a des choses à donner.
M. Boisvert: J'aimerais ça, peut-être... Le
Président (M. Doyon): M. Boisvert.
M. Boisvert: ...aller dans la même ligne, à partir
des deux questions précédentes. C'est intéressant ce
qu'Olga soulève. Moi, je suis père de quatre enfants, mais j'en
ai trois à l'école Joseph-François-Perreault. On peut dire
qu'il y a à peu près 25 % de Joseph-François-Perreault qui
proviennent de communautés culturelles différentes de
francophone.
La question, c'est la question de la mixité à
l'intérieur d'une même école et à partir de quel
moment les gens de notre communauté francophone décident que
c'est un milieu qui appartient à d'autres et qu'on n'y inscrit plus les
enfants. J'ai l'impression, c'est ce qui est ressorti de notre colloque en
1987, que c'est beaucoup la communauté anglophone qui a
développé très rapidement - on n'a qu'à regarder le
campus de McGill ou de Concordia - l'accueil à des gens de
différents pays de l'extérieur favorisant même, par bourses
et autres program- mes, leur venue, alors que, dans nos milieux à nous,
c'a été davantage axé... Il y en a, évidemment,
à l'Université de Montréal ou ailleurs, mais c'est
beaucoup moins ouvert que dans d'autres milieux.
Moi-même, j'ai fait partie du conseil d'administration du Service
à la famille chinoise pendant deux ans, et je suis présentement
sur le conseil d'administration de l'Association mufti-ethnique pour
l'intégration des personnes handicapées. La différence
entre les deux, je vais vous l'avouer, et, là, je fais le
parallèle avec la milieu adulte: l'Association multiethnique, c'est
francophone pour des personnes haïtiennes, des personnes du Sud-Est
asiatique ou latino-américaines qui ont des handicaps. Le Service
à la famille chinoise, c'est typiquement anglophone. Mais les deux
modèles de travail, par rapport à la communauté, c'est
deux modèles tout à fait différents. Dans le fond, c'est
comme si ça nous renvoyait le portrait que nous, les francophones, on
n'a pas réussi à accepter certaines différences facilement
avec, peut-être, nos peurs de l'inconnu.
Je regarde les travaux qui sont faits, par exemple, à Saint-Luc
ou - Renée pourra en parler tantôt - dans d'autres écoles,
des semaines multiculturelles. Il y a beaucoup de craintes de parents à
franchir. C'est très difficile. Ça ne fait pas très
politique, entre guillemets, par rapport à tout ce que vous travaillez
présentement, mais il reste qu'il y a comme un sentiment... Et,
pourtant, il y a eu beaucoup d'efforts de faits au cours des dernières
années par votre ministère, par d'autres, par le gouvernement
québécois, pour différencier ces images, mais il reste
que, par exemple, quand mes enfants me parlent de l'école et des
conflits parfois interraciaux, il y a encore beaucoup de travail. Il y a des
images qui ne passent pas alors que, chez les anglophones, on a le sentiment
que d'avoir des gens d'autres communautés culturelles, c'est comme
déjà intégré, c'est un réflexe, bingo, il
n'y a pas de problème, ça fait partie de notre communauté
facilement. Chez nous, ce n'est pas facile.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. À la page 10 de votre
mémoire, vous soulignez l'importance des enfants comme source de
rapprochement, justement, entre les différentes communautés
culturelles du Québec, y compris, bien sûr, celles dites de
souche. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'il faut
intégrer la dimension interculturelle dans des projets éducatifs
et, comme vous le savez, notre gouvernement prévoit, entre autres,
mettre sur pied des projets favorisant le développement de relations
harmonieuses entre les Québécois et Québécoises de
toutes les origines en milieu scolaire et collégial.
Vous retrouvez ça à la page 82 de l'énoncé
de politique. Dans l'ensemble - on en a parlé tout à l'heure,
mais j'aimerais peut-être qu'on précise davantage - quel bilan
faites-vous de l'état des relations interethniques en milieu scolaire et
aussi en milieu collégial?
Le Président (M. Doyon): M. Boisvert.
M. Boisvert: O.K. Je vais foncer en vous faisant un petit
résumé, mais je vais demander à mes deux compagnes, qui
sont dans deux milieux scolaires différents, de compléter. Le
milieu collégial nous est moins familier, mais, au niveau secondaire, je
commencerais par dire qu'il y a, malheureusement, une adéquation faite
dans la population, beaucoup chez les intervenants, entre le
développement de la violence en milieu scolaire et les conflits raciaux.
C'est quelque chose qui se développe beaucoup depuis quelques
années. On me racontait ce matin, par hasard, qu'il y a une polyvalente
dans laquelle les corridors appartiennent à certaines
communautés; ce corridor-là appartient à la
communauté latino-américaine, puis ce corridor-là, si tu
n'es pas un Noir, tu n'y passes pas. Dans le fond, il y a comme des conflits de
territoires où chacun veut se retrouver "entre eux". Et, parce
qu'à l'adolescence, au secondaire, les pairs, c'est bien important, le
développement passe par les pairs, c'est évident qu'on se
retourne vers ce qui est ie moins menaçant, ceux qui nous ressemblent le
plus.
Par ailleurs, il s'est développé beaucoup - on a pu s'en
apercevoir lors du colloque de 1987 et les années suivantes - de
projets-écoles où il y a, des semaines, des activités
particulières. Mais le ministère de l'Éducation, les
commissions scolaires, bien sûr, devant les choix financiers qu'ils ont
à faire, ne privilégient pas nécessairement les projets
qui ont l'air de projets de loisir. On va privilégier maintenant
l'adaptation scolaire, les clientèles en difficulté,
l'apprentissage scolaire. Donc, c'est comme si on mettait de côté
des sous qui pourraient servir à des activités éducatives,
mais qui permettraient cette relation. D'où le fait que vous pouvez
influencer, à travers vos travaux interministériels, pour
favoriser que ça puisse se faire.
Maintenant, je sais que René est dans un milieu, aussi, où
la mixité existe. Peut-être qu'elle veut commenter.
Le Président (M. Doyon): Mme Gagnon.
Mme Gagnon: Vous savez, à Lucien-Pagé, il y a
beaucoup d'efforts qui se font sur la qualité du français. Mais,
avant ça, il y a beaucoup d'efforts qui se font aussi sur "parler en
français à l'extérieur des cours". Souvent, il y a de
l'intervention qui est faite auprès du personnel enseignant pour
demander aux étudiants de parler en français parce que la
plupart, souvent, dans les corridors, vont se parler en anglais. Et ça,
déjà, c'est une préoccupation que l'on a de demander au
minimum aux étudiants, en tout cas, de parler sn français entre
eux, mais... Bon. Il y a aussi beaucoup d'énergie juste sur la
qualité du français écrit, étant donné
qu'ils viennent tous de communautés culturelles différentes. Sur
cette qualité-là aussi, il y a beaucoup d'efforts. Quand on
arrive à la semaine multiculturelle, on en a une, les enseignants vont
s'impliquer beaucoup à mettre sur pied, mais c'est plus de cet ordre,
des spectacles sur les différences au niveau de la danse ou de la
culture d'expression.
Par contre, quand on essaie de comprendre les caractéristiques
qui différencient une culture d'une autre, je ne pense pas qu'on ait
beaucoup d'informations. Les profs sont aussi un peu comme blasés par
rapport, déjà, à ta première étape qui est
de demander aux étudiants de parler en anglais. Quand on arrive dans ces
semaines-là où on demande un peu plus d'implication de la part
des enseignants, déjà on sent un certain retrait aussi à
dire: Ah bon! Il y a une espèce d'abandon, déjà, en ce
sens-là. (20 h 30)
Par contre, chez nous, c'est assez actif au niveau de la semaine
multiculturelle. Comme je vous le dis, il y a beaucoup d'activités qui
sont préparées, cette semaine-là, pour essayer de faire
connaître à chacun les groupes, mais souvent sous une forme
d'expression culturelle au niveau de la danse, des chants, de ces
différences-là, mais pas tellement plus sur ce qui est plus
profond au niveau de leurs différences ou de leurs ressemblances avec
nous autres.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gagnon. Mme Lebron,
voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Lebron: Nous, c'est ce que nous essayons de faire à
l'école Saint-Luc. Étant donné qu'en plus c'est une
école qui se trouve dans un milieu anglophone, c'est beaucoup plus
difficile, la situation, c'est-à-dire que nous devons exiger un certain
compromis de l'étudiant. Quand l'étudiant sort de l'école,
le milieu qui l'environne est anglais, ce n'est pas un environnement
français. Alors, nous demandons, de la part des étudiants, un
certain compromis. C'est-à-dire que, quand ils s'inscrivent, ils ont un
agenda qu'on leur donne à l'école, dans lequel est inscrit le
code de vie de l'école. Alors, on leur demande de le signer afin de les
responsabiliser à essayer de s'exprimer plus en français. C'est
évident, la problématique de la francisation chez l'immigrant,
c'est difficile, de nos jours. C'est tout un problème politique. Et,
comme je vous l'ai expliqué auparavant, les intégrer dans notre
cadre à nous, très spécial, c'est difficile. C'est pour
cela que nous posons des gestes un petit peu plus sérieux. Nous allons
même leur demander un engagement par écrit. C'est ce que
nous pouvons faire maintenant. Nous sommes en train d'étudier,
d'envisager d'autres aperçus, mais, pour le moment, c'est tout ce que
nous faisons.
Pour les regrouper, pour les intégrer, nous leur donnons les
arts. C'est la musique qui rejoint les jeunes. L'école Saint-Luc est
réputée pour la capacité des jeunes de s'exprimer d'une
façon musicale; ils ont gagné déjà plusieurs
trophées; cette année, ils ont gagné les quatre
médailles d'or. C'est connu dans le milieu de l'enseignement. Mais c'est
important, c'est très important. Et c'est pour cela que je me suis
déplacée ce soir, pour essayer de mettre des énergies
davantage en ce qui concerne l'intégration de ces jeunes et leur donner
un encadrement beaucoup plus français, beaucoup plus adapté
à cette société, pour mieux les intégrer.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Lebron. Mme la
ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Boisvert, si je résume bien vos
propos de tout à l'heure, vous semblez dire que la façon de
rapprocher les jeunes ne passe peut-être pas obligatoirement, mais, au
moins, passe par les loisirs. On peut le faire dans les sports, les loisirs.
Est-ce que vous connaissez des expériences récentes qui ont
été menées dans ce domaine et auxquelles vous auriez pu
être associé, par exemple?
M. Boisvert: Non, pas spécifiquement, à part des
semaines culturelles organisées dans les polyvalentes. Il y a des
milieux de loisirs qui ont commencé, par exemple, à
Saint-Léonard et ailleurs, à inviter des jeunes de
différentes communautés à faire partie d'équipes
sportives, mais pas spécifiquement autour des loisirs organisés.
Il y a des centres communautaires. Le Centre communautaire sportif de l'est,
dans Hochelaga-Maisonneuve, commence à se donner un programme
d'intégration des jeunes des communautés culturelles. Je sais
que, dans la communauté anglophone, dans Saint-Louis-du-Parc, etc., par
exemple, il y a des projets communautaires financés par Centraide qui
ont eu des sous pour commencer à utiliser le temps après
l'école pour Inviter les jeunes de communautés culturelles
différentes à participer à des loisirs. Mais
spécifiquement ce sont des centres communautaires. Ce sont des
préoccupations qui ne viennent pas directement du milieu scolaire, ni de
la ville de Montréal ou de la Communauté urbaine. Ça vient
vraiment de centres communautaires épars sur le territoire, où
les gens tentent différentes expériences, parfois avec
succès, parfois avec insuccès.
Par exemple, il y a des communautés qui ont de la
difficulté, même entre elles, à se fréquenter, il
faut se le dire, même entre jeunes; par exemple, la communauté
haïtienne avec la communauté noire anglophone. C'est comme si on
répétait un certain schéma qu'on peut comprendre aussi
dans notre communauté. Donc, même entre les jeunes de
différentes communautés, c'est difficile. Je sais, par exemple,
qu'au Service à la famille choinoise, ils ont tenté des
expériences avec des enfants regroupés autour d'une fête de
Noël, etc. Oui, mais le petit Vietnamien n'est pas nécessairement
un petit Chinois, et le petit Cambodgien... Il y a des différences et
ils se discriminent un petit peu entre eux aussi. Alors, il y a comme des
susceptibilités nombreuses qui ne sont pas faciles à
contrôler. Il y a, pour nous, comme Québécois, à
vraiment mettre beaucoup d'énergie pour nous-mêmes. Ce qu'Olga
nous dit, c'est: Si nous désertons - on charrie - si on quitte beaucoup,
pour d'autres raisons, la ville de Montréal ou l'île de
Montréal et qu'on se retrouve dans les banlieues, c'est évident
que les écoles vont devenir de plus en plus des concentrations et
Montréal aussi. Alors, dans le fond, ce qu'Olga essaie de nous dire
indirectement, c'est: Ne partez pas et restez pour nous donner un modèle
typiquement québécois. Ce n'est pas facile.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert.
M. Boisvert: Les milieux associatifs, dans ce sens-là, que
vous financez déjà beaucoup dans les communautés
culturelles, pourraient être reliés au milieu scolaire davantage.
Évidemment, c'est une grosse porte à ouvrir à la CECM et
peut-être un petit peu moins difficile à ouvrir à la PSBGM,
mais ces deux empires, officiellement - je ne ferai pas fermer les micros, -
ont des politiques, mais, quand on regarde dans les écoles, ce n'est pas
évident. Le milieu associatif pourrait être très
intéressant et les parents sont bien conscients de ça.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être.
M. Boulerice: Oui. M. Boisvert, vous comprendrez que c'est avec
un petit peu de nostalgie que je vous reçois. L'éducateur
spécialisé que je suis se rappelle ces nombreux colloques
organisés par l'ancienne appellation et auxquels j'ai assisté.
Mais, là, je suis quand même très intéressé
de voir que vous vous intéressez à la question de l'immigration
à travers le prisme de la jeunesse. J'aurais bien des questions à
vous poser.
La première. Cet éducateur spécialisé est
devenu très rapidement responsable des classes d'accueil d'une
commission scolaire située sur la Rive-Sud de Montréal, la
régionale de Chambly. Je suis d'ailleurs en congé sans solde.
Pourquoi je cacherais mes origines? Je garde mes contacts. Vous savez comme mol
que la Rive-Sud est également une terre d'accueil pour ce qui est de
l'immigration, mais il n'y a pas, sur la Rive-Sud,
les problèmes que vous décrivez et qui sont vécus
à Montréal comme tel et à Montréal
centre-ville.
Je vous pose une question, mais je suis en train de donner la
réponse moi-même. Nous avions établi une politique
très ferme qui était: vous n'avez pas le choix de l'école,
dans le sens que nos classes d'accueil étaient situées à
des endroits précis, mais une fois que vous aviez terminé le
séjour en classe d'accueil - il nous reste à apprécier,
était-il suffisamment long ou trop court, etc.? - vous deviez aller
à l'école secondaire, entre guillemets, régulière
de votre secteur, parce qu'il y avait une géographie scolaire. Nous
avons donc évité la constitution de ghettos. Le problème
ne serait-il pas qu'à Montréal on n'ait pas adopté la
même politique et que l'on permette d'aller à l'école de
son propre choix et, là, d'aller augmenter un nombre et, finalement, de
créer une surpopulation qui devient ghettoïsante?
M. Boisvert: J'aimerais ça commenter ce que vous soulevez.
Je connais un petit peu, moi aussi, la Rive-Sud. Il y a deux commentaires qui
me viennent. Le premier, le pourcentage de concentration qui était
soulevé tantôt, le deuxième, c'est les endroits où
les gens des communautés culturelles ont voulu s'installer sur
l'île de Montréal - prenons l'île de Montréal - en
comparaison avec la dynamique sur la Rive-Sud. Sur l'île de
Montréal, c'est évident que les communautés, avec les
concentrations déjà existantes de certaines communautés,
se retrouvent dans les mêmes quartiers. Par exemple, la communauté
haïtienne a commencé à se développer beaucoup
à Montréal-Nord et à Saint-Michel. Bon, c'est
évident qu'il y a un effet d'entraînement; on va se retrouver
là avec une communauté haïtienne nombreuse. Les Grecs, la
communauté grecque, on sait où les gens ont voulu s'installer. Il
y a donc des concentrations. Il y a des communautés qui se
disséminent, d'autres qui se concentrent. Alors, indépendamment
des choix d'écoles qu'on aurait pu proposer aux gens, c'est
évident que, si les communautés se concentrent à certains
endroits, c'est dans ces écoles-là qu'on va les retrouver. C'est
une concentration qu'on n'a pas encore retrouvée sur la Rive-Sud, sauf,
peut-être, à Brossard où on commence à avoir
beaucoup de gens du Sud-Est asiatique et des West Indies. Moi, les échos
que j'ai, c'est que ça commence à se poser à
Brossard...
M. Boulerice: Ça commence, là?
M. Boisvert: ...parce que la proportion des personnes qui
viennent des communautés culturelles... Alors, c'est comme s'il y avait
un cap autour de 40 %, 50 %. Je pense que M. Jacob, de l'Université du
Québec, disait qu'il y avait un cap aux États-Unis et, lorsqu'il
y avait une concentration qui dépassait, on avait un problème
auquel on devait s'adresser. Moi, je pense qu'il y a peut-être un
élément en termes de favoriser l'accueil et l'insertion dans le
milieu scolaire pas concentré, mais dispersé sur le territoire,
mais, à mon avis, il y a une grande relation avec la concentration sur
l'île de Montréal de certaines communautés. Par exemple, la
communauté anglophone noire, c'est...
M. Boulerice: Notre-Dame-de-Grâce.
M. Boisvert: ...Notre-Dame-de-Grâce et c'est, un petit peu
plus haut, Côte-des-Neiges et, à Laval, on commence à voir
certaines concentrations aussi. Ça a un effet d'entraînement pour
le milieu scolaire aussi.
M. Boulerice: Ça va être quoi, la solution, M.
Boisvert?
M. Boisvert: Je pense que ce qu'Olga a soulevé, c'est...
Il n'y a pas de solution facile, mais, nous, le petit bout - puisque vous
êtes un ancien du CQEE - qu'on est venus dire aujourd'hui, c'est: II y a
beaucoup d'investissements qui peuvent être faits du côté
des enfants. Indépendamment des concentrations, des choix
d'école, favoriser ce contact entre jeunes Québécois de
souche et jeunes Québécois d'autres origines, loisirs
partagés, préoccupations, se familiariser avec la
différence et cette question du langage qui est cruciale dans bien des
concentrations, c'est déjà investir pour l'avenir. Pour ce qui
est des adultes, c'est une autre paire de manches, mais au moins, pour les
enfants, faire cet effort-là.
M. Boulerice: Corrigez-moi, je pense que c'est Margaret Mead qui
avait dit: Donnez-moi tous les enfants du monde durant un an et je changerai le
monde. Je pense que, malheureusement, ce n'est pas en notre pouvoir
aujourd'hui. Mais ce que vous dites, oui, je suis d'accord avec vous, et je me
permets aussi d'apprécier ce que Mme Lebron a dit tantôt. Il y a
un manque de référence à la société
d'accueil parce que les Québécois de vieille souche sont
quasiment absents de l'école. Je pense que vous avez touché,
effectivement, le fond du problème. Je suis tellement heureux de
l'entendre dire, d'une part, par une mère, donc, parent et
Québécoise nouvelle aussi. Je pense qu'il y a une portée
supplémentaire quand c'est vous qui le dites.
Mais ce que je ne comprends pas... Vous me dites que les enfants des
autres communautés dans l'école ne parlent pas entre eux leur
langue d'origine, mais plutôt l'anglais. Les petits
Québécois d'origine vietnamienne, enfin, peu importe, se parlent
entre eux dans la...
Mme Lebron: Exactement. Une voix: Pourquoi...
M. Boulerice: Madame répond, si vous le permettez.
Mme Lebron: Voilà la problématique, la nouvelle
problématique.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu... Mme Lebron, vous avez la parole.
Mme Lebron: Voilà la nouvelle problématique. Les
jeunes se parlent davantage en anglais et c'est sérieux. C'est quelque
chose de très sérieux. Je vous invite, d'ailleurs, si vous
méconnaissez la situation, à venir faire un tour à
Montréal, à l'école Saint-Luc, et vous allez voir de vos
yeux et entendre de vos oreilles que les enfants commencent à se parler
davantage en anglais. Pourquoi, disons-nous? Bon, peut-être que c'est la
problématique de la jeunesse, la musique, la société de
consommation, tout ce que vous voulez, monsieur, mais c'est ça,
peut-être, le problème. Et c'est grave, c'est très grave
parce que ce qui nous intéresse, nous, c'est d'intégrer l'enfant
ici, en fait, à son nouveau pays d'origine. Mais, pour cela, il faut que
nous, d'une certaine façon, touchions le coeur de ce parent adoptif
qu'est le Québec pour nous donner un coup de main.
M. Boulerice: II faut avouer que c'est facile de vivre en anglais
au Québec et, notamment, à Montréal. Il faut dire,
également, que le message du gouvernement actuel n'est pas tellement
clair quant à la présence et à l'importance du
français dans notre société. (20 h 45)
Mme Lebron: Effectivement.
Mme Gagnon: Moi, je voudrais juste ajouter que c'est probablement
le milieu francophone qui nous sauve à ce niveau-là parce que
l'école Lucien-Pagé, dans le territoire où elle est, c'est
un milieu francophone, ce qui fait que chez nous les communautés
culturelles se parlent d'abord dans leur langue, mais, je vais vous dire,
ensuite dans les corridors en anglais. On va entendre des jeunes de la
communauté haïtienne parler en français. On va entendre
certaines communautés favoriser un peu plus le français, mais,
dès qu'ils se retrouvent entre eux, ils vont parler d'abord dans leur
propre langue, mais très facilement ensuite en anglais. Mais c'est vrai
que le message, présentement, est à double sens et les jeunes se
disent à un moment donné: Si, moi, ça ne fait pas mon
affaire, de toute façon, je vais me diriger vers une école
anglophone. Dans le milieu français, on exige beaucoup de pression pour
qu'ils parlent en français et je ne crois pas qu'ils aient cette
pression-là, dans le secteur anglophone, de parler en anglais. Non, on
va parler en anglais facilement sauf que, nous, on met de la pression, par
exemple, pour qu'ils parlent en français. Et, déjà, je ne
pense pas que ce soit très accepté de la part de tous que de
sentir ça tout le temps. Mais nous, contrairement à elle qui est
déjà dans un milieu anglophone, c'est le secteur francophone qui
peut nous sauver. Tous les magasins, tout ce qu'il y a comme secteurs et comme
services est en français.
M. Boulerice: M. Boisvert tantôt disait: II y a un corridor
réservé à telle communauté, il y a un couloir qui
est pour telle autre, un escalier qui pourrait être attribué...
Quand, malheureusement, se sont produits les tragiques événements
du Golfe, moi, je vous avoue avoir craint, au niveau de nos écoles, des
conflits potentiels entre les petits Québécois d'origine arabe et
les petits Québécois d'origine juive, en me disant: Ce serait
dommage puisque ces deux communautés présentes au Québec
vivent quand même dans un climat d'harmonie exceptionnelle.
M. Boisvert: Mais, vous savez, ils ne sont pas du tout dans les
mêmes écoles.
M. Boulerice: Ils le sont peut-être au niveau du
cégep, en tout cas. La question que je voulais vous poser, en me servant
de cet exemple-là, c'est que, là, vous me dites: Oui, il y a
telle nationalité et telle nationalité. Est-ce qu'il y a des
choses qui se font? Parce qu'on dit: Bien oui, il faut qu'ils soient en contact
avec les Québécois de vieille souche, question d'avoir une
référence à la société. Ça, c'est les
propos de Mme Lebron. Est-ce qu'il y a des choses qui se font de façon
à ce que le jeune Québécois d'origine vietnamienne
apprenne un peu ce qu'est le jeune Québécois qui, lui, est
plutôt hispanique et qui se retrouve dans la même école que
lui? Est-ce qu'il y a des choses qui se font?
M. Boisvert: II y a des choses qui se font. Il y a des choses qui
se sont développées dans les polyvalentes et les écoles
primaires aussi. On a eu des reportages, il y a quelques mois, d'essais qui se
font et qui sont stimulants aussi, où, dans le cadre de certains cours,
à travers l'apprentissage de la langue ou l'apprentissage de l'histoire
ou de la géographie, on va se servir de la présence des enfants
pour illustrer, sur une carte, leur provenance, leurs coutumes, etc.
C'est davantage dans les choix. Vous m'amenez à commenter le fait
que, dans les choix auxquels l'école est confrontée par les
programmes-cadres du ministère de l'Éducation, on remet en
question la formation personnelle et sociale. On voudrait mettre l'accent
davantage sur les mathématiques et les sciences. Je comprends que, pour
les directeurs et les directrices d'école, les commissaires et les
professeurs, il faut faire de l'acrobatie pour trouver le temps par rapport aux
matières, pour intégrer dans le temps en classe les
apprentissages connexes. Ce n'est pas facile, ça vient en
compétition avec l'éducation sexuelle et d'autres
secteurs.
Il y a des écoles qui vont avoir des programmes avec des centres
communautaires, comme dans Saint-Henri, pour garder les enfants après
l'école pour les devoirs; il y a des enfants des communautés
culturelles qui commencent à les utiliser. La communauté noire
anglophone à LaSalle a ce programme-là aussi. Ça
dépend des écoles et ça dépend des milieux. Je
pense qu'il y a peut-être déjà eu un certain recensement au
niveau de l'éducation, des projets-écoles, mais c'est
embryonnaire, ce n'est pas comparable. Ce serait à évaluer.
C'est difficile pour les intervenants, la situation actuelle. Je vais
vous donner deux exemples. J'ai déjà été D.G. de
CLSC, alors j'essaie d'imaginer les gens qui travaillent dans le milieu des
CLSC centre-ville, par exemple, où il y a peut-être 50 ou 60
communautés différentes qui peuvent se présenter à
l'accueil. Faut-il avoir 50 ou 60 interprètes? On ne peut pas les avoir
sur place. Est-ce que je peux avoir une infirmière de chaque
communauté? Ou, par exemple, la DPJ, par rapport aux Haïtiens, pour
vous montrer... Les policiers de la STCUM ne vont plus dans la famille d'un
jeune qui a fait une fugue d'un centre d'accueil, parce qu'il commence à
y avoir des jeunes dans les centres d'accueil aussi, ne vont plus directement
chercher le jeune chez lui; ils passent par les gens de la communauté
parce que la violence est bien intégrée. Le méchant, c'est
le jeune et le jeune, dans la famille, et le corps policiers, aux yeux de la
communauté haïtienne, il y a une distance. Il y a
déjà du travail qui a été fait par la STCUM. Alors,
c'est compliqué pour les intervenants.
M. Boulerice: Ha! C'est pour ça, M. Bois-vert, que vous
aviez parlé de nouvelles pratiques judiciaires. O.K. Je n'en saisissais
pas le sens et, là, vous venez de me le donner.
M. Boisvert: La Loi sur la protection de la jeunesse, placement
dans les centres d'accueil par rapport à langues et cultures
différentes, ça commence à poser déjà des
problèmes.
M. Boulerice: Oui. Une très brève question parce
que mon collègue de Shefford veut poser une question. Vous avez
parlé d'initiatives qui se font dans certaines écoles comme
telles. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait véritablement des
programmes normes du ministère de l'Éducation, que le
ministère s'implique véritablement en concertation,
forcément, avec le ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration, que le ministère établisse des programmes
normes de façon à soutenir, au niveau scolaire, qui est la
première porte, ce que nous voulons faire, nous, avec le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration?
M. Boisvert: Je pense que, ce matin, vous avez vu les manchettes
de La Presse, le Conseil scolaire de l'île de Montréal qui
parlait de la pauvreté des jeunes et de la question des immigrants. Je
pense que le Conseil scolaire, ce qu'il met de l'avant, c'est que les
commissions scolaires de l'île de Montréal et des alentours,
concernées à divers degrés, parce que Sainte-Croix, c'est
différent aussi de l'est de IHe et la CECM de PSBGM ou Verdun. Donc, des
programmes normes, c'est peut-être difficile à la grandeur du
Québec, mais il y a sûrement des possibilités d'arrimage
des deux ministères avec le Conseil scolaire et les commissions
scolaires concernées pour avoir des sous consacrés à des
activités éducatives, milieu scolaire, relation parents et
associations pour favoriser cette... "Normes", je le comprends davantage pour
tout le Québec ou tout un milieu, mais...
M. Boulerice: Non, non, pas mur-à-mur là,
mais...
M. Boisvert: Je pense que le Conseil scolaire est en train de
faire ses propositions déjà dans ce sens-là. C'est ce
qu'il réclamait ce matin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. M. le
député de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. À entendre
les derniers témoignages, on vient de se rendre compte qu'on vient de
toucher ce qui va être, tout le long de ces audiences, probablement la
pierre d'achoppement de ce qu'on appelle l'intégration,
l'intégration pas forcément des parents, d'immigrants qui
arrivent aujourd'hui, mais de leurs enfants, de ceux qui, dans 15 ans ou 18
ans, vont former la société, entre parenthèses,
québécoise de ce moment-là. On écoutait les gens un
peu plus tôt, Multi-Plus...
M. Boisvert: Québec Multi-Plus.
M. Gobé: ...un peu avant vous, et ils l'effleuraient;
vous, vous entrez en plein dedans d'une manière extrêmement
percutante et je pense que c'est le premier coup, vraiment le premier coup de
cette commission.
C'est évident qu'il y a des grosses concentrations de groupes
ethniques ou de gens d'origines diverses dans certains quartiers. Il y a deux
raisons: ou, alors, le groupe ethnique se regroupe. C'est le
phénomène de la communauté; étant donné
qu'il y en a un certain nombre qui habitent déjà ce
quartier-là, ils se regroupent parce qu'ils partagent ensemble les
mêmes manières de penser, les mêmes manières de
vivre, les mêmes épiceries, le même genre de culture et,
là, ils vivent en autarcie, une espèce de petite autarcie avec
leurs propres institutions parallèles très souvent. Il y a aussi
la multi-
plicité des immigrants plus ou moins riches ou démunis qui
arrivent et cherchent des logements à bon marché, logements qui
étaient occupés précédemment par d'autres
personnes. Ça pouvait être, bien souvent, des Canadiens
français, des Québécois qui, s'enrichissant avec le temps,
ont migré vers les banlieues plus riches et plus prospères.
Alors, on se retrouve avec une multitude de gens d'un peu partout qui sont dans
des écoles où il n'y a plus de Québécois. C'est
à peu près ça que je vois comme tableau.
Il y a d'autres quartiers comme Saint-Luc. Je m'informais auprès
de Mme la sous-ministre, tout à l'heure, qui le confirmait un peu, c'est
qu'on vit là dans un milieu anglophone, traditionnellement. Les
logements bon marché sont, là aussi, disponibles. Les
communautés s'installent là. Ces gens-là n'ont pas le
droit d'aller à l'école anglaise. Donc, on fait une école
française pour ces gens-là. L'ensemble du milieu est anglophone
et eux vont dans une école française, donc sont
complètement déphasés de la réalité
ambiante.
Vous soulevez un certain nombre de problèmes que ça
crée, mais ça, c'est juste les problèmes d'aujourd'hui.
Et, madame, vous avez un cri au secours! Vous dites: Aidez-nous à nous
intégrer à une société. Car, en effet, si on
continue comme ça, dans 15 ans on va se retrouver avec une
génération de gens qui ne seront ni des Québécois
tels qu'on les connaît aujourd'hui, ni des Sri Lankais, ni des
Vietnamiens, ni des Pakistanais et qui ne seront pas, non plus, des
anglophones. Une espèce de société hybride et des gens qui
n'auront aucune valeur traditionnelle autre que celles véhiculées
par la télévision et par les modes qu'on va rencontrer. On
connaît, d'ailleurs, ça dans certaines régions d'Europe. On
connaît ça en Angleterre dans certaines banlieues, dans Liverpool
en particulier. On connaît ça dans certaines banlieues allemandes
avec la génération des jeunes Turcs qui ne sont ni allemands ni
turcs maintenant, et on connaît ça en France dans la région
parisienne avec les beurs, comme on les appelle, des jeunes gens qui ne sont ni
algériens ni français. Quand vous regardez ces villes-là,
on se rend compte des problèmes épouvantables qu'il y a de
délinquance juvénile, criminalité, taux de chômage,
problèmes sociaux ordinaires.
Maintenant, une fois qu'on a énuméré ça et
qu'on en a fait le constat, il y a la question de notre collègue, que
j'ai bien aimée, qui a dit: Qu'est-ce qu'on va faire, c'est quoi la
solution? Est-ce que la solution, c'est de prendre ces enfants-là et de
les éparpiller dans les écoles? Permettez-moi de douter que notre
société québécoise serait prête à ce
genre de réglementation sans que de hauts cris s'élèvent
et moi, personnellement, je verrais mal de petits enfants se faire prendre par
l'autobus le matin pour être transportés dans un autre milieu de
vie que celui dans lequel leurs parents vivent.
Maintenant, ces jeunes-là, c'est quoi leurs
stéréotypes? "C'est-u" les stéréotypes
québécois? Ils n'en voient pas à l'école. C'est les
stéréotypes québécois qu'ils voient à la
télévision? La télévision, c'est quoi, chez eux?
Bien, ça va être la télévision anglaise,
généralement; elle est plus simple, plus facile à
comprendre, elle est plus valorisante. C'est la réussite. C'est vraiment
l'image de l'Amérique. Tout immigrant, en étant un moi-même
à l'origine, je peux vous dire que, lorsqu'on part en Amérique,
qu'on abandonne nos familles, notre pays, qu'on abandonne nos habitudes, bien,
on y va pour acquérir quelque chose de meilleur, de la réussite.
On veut ce qu'il y a de mieux et on le veut pour nos enfants en plus. Alors, le
stéréotype de la réussite, et je le reprenais avec le
groupe qui vous précédait, c'est bien souvent l'Amérique
de Disneyland, l'Amérique de "Miami Vice", l'Amérique de
"Dallas". Et ce n'est certainement pas le soir, sur le canal 10 - je me trompe
peut-être de canal, je ne veux pas faire de publicité
-Télé-Métropole, "Terre humaine" ou "Entre chien et loup".
Moi-même qui suis français d'origine, j'ai un peu de
difficultés à m'identifier à ça, si ce n'est comme
une fresque un peu historique, amusante. J'imagine que je suis du Sri Lanka, de
Ceylan ou du Pakistan et que, dans mon école, il n'y a aucun petit
Québécois, quand je vois ces canaux de télévision
là, le soir, pour moi, ça ne me concerne pas. Donc, je m'embarque
sur la télévision anglaise.
Quand je dis qu'on touche la pierre d'achoppement, c'est que je ne vois
pas comment on va pouvoir intégrer de manière harmonieuse toutes
ces générations-là à la société
québécoise telle qu'on espère la définir,
francophone, avec un certain nombre de valeurs: de démocratie, de
liberté, de respect des autres. Je ne vois pas comment, si on continue
comme ça. Maintenant, la solution. Et tout le long de la commission, je
pense, ça va certainement nous revenir. On va le réentendre
constamment. On peut faire de l'angélisme et avancer des grands
principes, mais la réalité dure et pure... Tout à l'heure,
vous mentionniez, madame, que, dans certains couloirs d'école, ça
se parle en anglais entre communautés.
Le Président (M. Doyon): Vite, M. le député,
parce qu'il reste une minute.
M. Gobé: Oui. J'y arrive, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): II faudrait la poser parce qu'ils
n'auront pas le temps de répondre.
M. Gobé: Vous mentionniez que les gens se parlent en
anglais entre communautés; pas dans la même communauté
où, bien souvent, ils vont se parler dans leur propre langue. Mais entre
communautés, c'est plus facile pour eux de se parler en anglais.
Pourquoi? La raison, c'est
quoi? C'est plus facile pour eux. C'est la langue de la valorisation, la
langue du stéréotype américain.
Maintenant, je reviens à ma question. Comment vous pensez qu'on
peut passer outre à ces problèmes-là et essayer
d'intégrer ou d'identifier les jeunes à la société
québécoise, en tenant compte de ce qu'on vient de décrire
et de ce que vous avez décrit, vous aussi?
Mme Gagnon: En tout cas, c'est bien personnel comme
réflexion, mais je vais vous dire, en tant que Québécois,
si nous-mêmes on cherche une identité et une langue qui nous
appartiennent, comment peut-on fournir une identité, ainsi qu'une langue
à ces immigrants-là qui arrivent? On est divisés. Je me
dis que le jour où on sera... Bon, monsieur ne respecte peut-être
pas nécessairement ce que je dis. Je vous l'ai dit, c'est une opinion
très personnelle.
M. Gobé: Parce que, là, vous parlez pour moi,
madame ?
Mme Gagnon: Non. Je parle pour monsieur, à votre
droite.
M. Gobé: Ah bon! Excusez-moi.
M. Khelfa: Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Ooyon): M. le député de
Richelieu.
M. Khelfa: Ce n'est pas une affaire de respect, c'est que je ne
partage pas du tout votre analyse et, je constate que vous l'avez
mentionné, c'est personnel. Ce n'est pas une affaire de manque de
respect. C'est différent.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député
de Richelieu. Mme Gagnon, vous pouvez continuer.
Mme Gagnon: Je ne sais pas quoi vous dire exactement à
part ça. Ce qu'on constate, c'est ça, puis ce qu'on se fait dire
par les étudiants, c'est: Écoutez, de toute façon, moi,
ici, je vais probablement... Justement, hier, il y avait des étudiants
qui me disaient: De toute façon, probablement que, l'année
prochaine, en terminant notre classe d'accueil, on va se trouver une
école anglophone qui va pouvoir nous accepter.
M. Gobé: Ils n'ont pas le droit, avec la loi 101.
Mme Gagnon: Je le sais, mais c'est ce qu'ils véhiculent.
C'est ce que les jeunes véhiculent entre eux. C'est ce qu'ils nous
disent: Moi, de toute façon, en finissant ma classe d'accueil, je vais
me trouver une école anglophone. Qu'on leur dise: Oui? Ah bon! Tu n'as
pas le droit d'y aller, c'est quand même ce qu'ils véhiculent.
C'est cette facilité-îà, aussi, de pouvoir en sortir et de
dire: Moi, c'est l'anglais. Expliquez-moi comment ça se fart
qu'aussitôt qu'on sort des classes les étudiants parlent dans leur
propre langue et ils parlent en anglais. Je ne le sais pas. Je n'ai pas de
réponse. Peut-être que Jean-Claude en a une, mais...
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gagnon. Je vais
permettre à l'Opposition, en terminant, de finir l'échange avec
nos invités. M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être très court. Je vais essayer d'exprimer ce que je ressens
par rapport à ce que vous venez de dire, tous les trois, à la
table, que je trouve très intéressant, puis c'est vraiment le
noeud du problème et c'est l'avenir du Québec. Je pense qu'on ne
peut pas se le cacher. Je ressens de la joie et de la crainte. La joie, c'est
de voir à quel point vous cherchez, d'une façon
désespérée, comment on peut s'en tirer. Et peu importe
qu'on soit Québécois de souche, comme on s'appelle, ou nouveau
Québécois. Je dois vous dire que je trouve ça
superemballant de voir qu'on cherche une solution, mais, en même temps,
j'ai beaucoup de craintes par rapport à la réalité,
à l'image de la réalité que vous êtes en train de
nous projeter. J'entendais Mme Lebron dire que ce n'est pas une question de
langue, puis, effectivement, ils le parlent, le français, les nouveaux
Québécois. Ce n'est pas une question de langue, c'est une
question de culture. Et vous avez complété tantôt en
disant: C'est un problème politique. Il va falloir arrêter de se
mettre la tête dans le sable, puis, à un moment donné,
comme société, décider de ce qu'on veut.
Mais je me demande, et c'est là que j'ai un commentaire à
faire... Ce n'est peut-être même pas une question, puis c'en est
peut-être une, mais je le lance comme un commentaire. On a dit: Le
problème qu'on vit à Montréal n'est pas unique, on le
retrouve dans les autres grandes villes nord-américaines où,
à un moment donné, il y a une concentration de nouveaux venus qui
dépasse 40 % à 50 %, puis, nous, on laisse aller ou, en tout cas,
on se ramasse avec une réalité qui est à 80 %, 85 % et 90
%. Et, à l'intérieur de ces écoles, on constate qu'il y a
des rivalités par rapport aux différences des différents
groupes ethniques.
C'est une idée qui m'est venue comme ça en vous
écoutant: Est-ce qu'on ne pourrait pas finir par conclure, sans que
ça nous donne la solution, qu'effectivement il y a des rivalités
- on le retrouve dans toutes les autres municipalités où il y a
des concentrations importantes - et que, là, il doit y avoir des
disputes, mais que nous, à
cause de notre contexte particulier et de la dualité des deux
cultures, on se ramasse que le français devient le bouc émissaire
et l'anglais devient la soupape, et, nous, on est perdants sur tous les
tableaux? Et ça, il va falloir le regarder correctement. J'ai
l'impression, juste par ce que j'ai entendu tantôt, que le
français est victime des chicanes interculturelles possibles qui n'ont
pas lieu parce que c'est le français qui mange la claque. Et l'anglais
risque d'être la soupape; c'est là qu'ils se retrouvent ou c'est
là qu'ils se soulagent. Je ne suis pas sûr, mais je vais vous
dire, je me demande s'il ne faut pas regarder de ce
côté-là, s'il n'y a pas, finalement, quelque chose. Parce
que, s'ils se retrouvent dans les passages avec chacun leur couloir, mais
qu'ils se retrouvent en se parlant en anglais, le français est
l'obligation, mais ce n'est pas le lien, finalement. Je ne le sais pas, je
lance ça comme idée. Je ne sais pas si vous avez des commentaires
là-dessus.
Le Président (M. Doyon): M. Boisvert, voulez-vous
réagir à ça?
M. Boisvert: Simplement peut-être en résumant. Il y
a, d'une part, cette question linguistique qui a été
abordée, mais je voudrais qu'on puisse vous laisser avec le message:
c'est important d'agir par le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, une politique gouvernementale sur
écoles, projets, enfants, communautés, associations. C'est
important, dans le contexte linguistique particulier, d'agir rapidement. C'est
important de supporter les intervenants qui font face à cette grande
difficulté, qui, eux-mêmes, dans la grande majorité,
provenant de notre communauté québécoise, sont très
désemparés devant toutes les adaptations qu'ils doivent prendre
devant ce problème.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boisvert. Ceci termine
le temps qui était à notre disposition. Alors, au nom de la
commission et des membres, je vous remercie. Peut-être que Mme la
ministre veut ajouter quelques mots de remerciement aussi.
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je voudrais vous remercier et,
peut-être juste en passant, vous dire qu'actuellement plus de 70 % des
élèves allophones qui ont fait leur secondaire en français
choisissent librement le cégep français. Et leur propension
à choisir un cégep anglais est à peine plus
élevée que celle des francophones. Mais, cependant, je
considère que, l'immigration étant un privilège, c'est
important aussi, nous avons une responsabilité, de bien faire
connaître nos attentes à l'étranger pour que l'on sache
qu'au Québec ça se passe en français et que l'on puisse
choisir librement le Québec aussi. Alors, sur ça, je vous dis
merci. C'est une discussion qui a été très
intéressante et surtout fort enrichissante. Merci beaucoup. Bon voyage
de retour.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. J'interprète peut-être Mme
Lebron, Mme Gagnon et M. Boisvert et, dans votre cas, je dirai cher
collègue. J'ai l'impression, je me trompe peut-être, qu'on ne
retrouve pas les éléments qui, pour vous, sont essentiels,
là-dedans. C'est le sentiment que j'ai, que vos préoccupations ne
sont pas là-dedans.
Mme Gagnon-Tremblay: Attendons le plan d'action.
M. Boulerice: Oui, mais, ceci dit, je pense qu'il faut quand
même lancer des pistes. Sauf que je n'ai jamais douté des propos
que pouvait me tenir ma grande amie Louise Laurin. Je pense que vous avez
renchéri avec des exemples très percutants sur le discours que me
tient, depuis des mois, Louise Laurin que vous connaissez, d'ailleurs, autant
que moi, qui est très impliquée dans ce domaine, dans ce milieu.
Je ressens, moi aussi, du débat qu'on a eu, que j'aurais bien
aimé pouvoir prolonger encore beaucoup plus longtemps, mais il y a une
mécanique qu'on doit respecter, une espèce de sentiment de
frayeur parce qu'on est en train de regarder demain et j'ai l'impression qu'on
est obligé de dire que, pour ce qui est d'aujourd'hui, c'est un constat
presque de faillite, d'où l'inquiétude que j'ai...
Le Président (M. Doyon): En terminant, M. le
député. Je vous signale que c'étaient quelques mots de
remerciement, c'était tout le temps qui vous restait.
M. Boulerice: Oui, je les termine, monsieur. D'où
l'inquiétude que j'ai, l'ardeur du travail qu'on a à faire pour
qu'on retrouve tout ce qui est essentiel là-dedans, de façon
à ce que demain ne soit pas cette espèce de faillite que je
constate aujourd'hui, selon les propos que vous tenez, et je ne mets aucunement
en doute les propos que vous avez tenus. Je vous remercie.
M. Boisvert: Merci de nous avoir accueillis.
Le Président (M. Doyon): Alors, bon voyage de retour,
soyez prudents.
M. Boisvert: Oui.
Le Président (M. Doyon): Je signale aux membres de cette
commission que le groupe L'Amitié chinoise de Montréal a dû
se désister,
ils ont été victimes d'un accident en se rendant ici,
à Québec. Donc, leur comparution devant cette commission est
remise à une date ultérieure qu'on déterminera
ensemble.
Alors, cette commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 9 h
30, pour continuer notre consultation. Nos travaux sont ajournés.
(Fin de la séance à 21 h 8)