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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux pour continuer l'exercice du mandat qui lui a
été confié par l'Assemblée. Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. Khelfa (Richelieu) est
remplacé par Mme Bégin (Bellechasse), et M. Lemire
(Saint-Maurice) est remplacé par M. Leclerc (Taschereau).
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Donc, est-ce qu'on
considère l'ordre du jour que vous avez entre les mains comme
étant l'ordre du jour qui est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, bienvenue
à tout le monde. Nous allons donc commencer par la Conférence des
recteurs et des principaux des universités du Québec. Je vais les
inviter à s'approcher, s'il vous plaît.
Bonjour, M. le recteur. Alors, saluant tous les gens qui sont à
la table des intervenants, en leur souhaitant la bienvenue, je les invite donc
à se présenter et à nous faire part de leur
mémoire. La façon de procéder, vous la connaissez. C'est
une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou
d'un résumé de votre mémoire, les deux formations
politiques disposant d'environ le même temps pour vous poser certaines
questions ou vous demander certains éclaircissements. Donc, M. Kenniff,
vous avez la parole.
Conférence des recteurs et des principaux des universités
du Québec
M. Kenniff (Patrick): M. le Président, merci. C'est un
plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui avec la délégation
de la Conférence des recteurs. On vous remercie de cette occasion qui
nous est donnée de vous faire part de notre mémoire et de nos
commentaires sur le projet de loi 62.
Je désire présenter la délégation qui
m'accompagne aujourd'hui. À ma droite, Mme Claire McNicolf, qui est la
directrice générale de la Conférence des recteurs.
À ma gauche, Me Francine Verrier, qui est membre du groupe de travail
des conseillers juridiques et la conseillère juridique à
l'Université de Montréal. M. Jacques Genest, qui est
président du comité des secrétaires généraux
de la CREPUQ, et secrétaire général de l'Université
Laval. Également, M. Yvon Albert Laurendeau, qui est chargé de
recherche à la Conférence des recteurs et secrétaire du
comité des secrétaires généraux.
Vous m'invitez à faire en 20 minutes le résumé d'un
mémoire qui n'a que trois pages, M. le Président. Ce serait un
tour de force.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): J'ai l'habitude de dire que
l'heure n'est pas obligatoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kenniff: C'est ce que j'appelle la loi de Gay-Lussac
appliquée aux réunions de commissions et de comités. Je ne
laisserai pas mes paroles remplir uniformément le temps disponible, mais
je voudrais tout de même vous signaler à quel point nous nous
intéressons à ce projet de loi et à quel point nous nous
sommes intéressés, depuis un bon moment, à tout ce
processus de révision de la loi de l'accès. C'est d'ailleurs
dès le rapport sur la mise en oeuvre de la loi d'accès, en 1987,
qui avait été présenté par la Commission
d'accès à l'information, que la Conférence des recteurs a
présenté un premier mémoire concernant ce rapport,
mémoire qui a été présenté devant la
commission de la culture en février 1988.
Depuis cette époque, nous avons suivi les travaux de la
commission et du ministère des Communications et nous avons soumis des
documents, des commentaires et des rapports à diverses étapes du
processus qui a conduit au dépôt du projet de loi 62. Le
deuxième mémoire de la Conférence est celui que vous avez
devant vous aujourd'hui, et je dois vous dire à quel point nous avons eu
la collaboration du ministère dans ce processus d'échange et de
consultation concernant, notamment, les dispositions qui visaient plus
directement les universités.
Dans le projet de loi 62, en fait, il n'y a qu'une disposition qui
concerne les universités directement. Ça n'enlève rien
à notre intérêt pour les autres dispositions du projet de
loi, mais c'est l'article 47, effectivement, qui touche directement toute la
question de la confidentialité des avis et des recommandations d'ordre
académique. Je dois vous dire, M. le Président, et aux autres
membres de la commission parlementaire, que ce texte de l'article 47 nous
semble très bien représenter une solution aux divers courants de
débat que nous avons entendus depuis bientôt deux ans, sur la
protection des renseignements contenus dans les avis et les recommandations
d'ordre académique. Donc, ça représente une solution tout
à fait acceptable pour le milieu universitaire. Et il faut
souligner,
je pense, que dans ce domaine des avis et des recommandations d'ordre
académique qui touche, notamment, des domaines tels que l'admission des
étudiants au niveau des deuxième et troisième cycles, en
ce qui a trait aux recommandations pour l'obtention d'aide financière,
et ainsi de suite, il y a évidemment une pratique universitaire qui date
de très longtemps et qui consiste à ce que ces avis et ces
recommandations, qui sont souvent donnés à la demande de
l'intéressé, ces avis et recommantations, dis-je, demeurent
confidentiels. Ce qui est très important, et d'ailleurs le texte de
l'article 47 le reconnaît, dans ces dossiers-là, c'est le droit
pour l'intéressé d'avoir une décision qui soit
motivée et circonstanciée, et qui permette à
l'intéressé de savoir les motifs pour lesquels il est
accepté ou refusé pour la demande qu'il a formulée. Et
cette pratique existante, je pense, est respectée par l'article 47, et
c'est ce pourquoi nous souscrivons entièrement à ce texte et nous
appuyons son adoption.
M. le Président, ayant fait ces quelques remarques introductives
et voulant vous épargner une lecture du mémoire que vous avez
devant vous, je pensais peut-être utiliser un petit peu du temps qui nous
est alloué en demandant à Me Verrier d'apporter peut-être
certaines précisions sur les commentaires que je viens de faire en
rapport avec le texte de l'article 47.
Le Président (M. Doyon): Volontiers, Me Verrier.
Mme Verrier (Francine): Histoire de mettre un peu de chair
à l'os, je vais essayer d'illustrer les cas qui sont visés par
l'article 47. Dans les universités, il y a, en fait, deux contextes bien
précis, dans lesquels des recommandations sont faites, et ce sont
également ces deux contextes qui étaient principalement
visés par la demande des universités depuis le début du
processus de révision de la loi. Alors, ces deux contextes sont les
suivants: le premier, c'est dans le cadre des demandes d'admission aux
études supérieures, et le deuxième, c'est celui des
demandes de bourses. Je m'arrête ici pour vous expliquer que les demandes
de bourses en ce qui concerne les universités, ce sont
généralement des bourses de doctorat que les universités
décernent à leurs étudiants. Je vous soulignerais
également qu'entre ces différentes demandes soit d'admission ou
de bourses, en ce qui concerne les recommandations qui sont fournies, il existe
quelques différences, mais je ne crois pas utile ici de relever ces
détails pour les fins des travaux de la commission. Évidemment,
si vous avez des questions, ça me fera plaisir d'aborder ce sujet
davantage.
En ce qui concerne la demande d'admission, qu'est-ce qui se passe en
fait? C'est que l'université demande à l'étudiant, au
candidat de fournir deux lettres d'appréciation de sa candidature par
deux personnes choisies par lui. Qu'est- ce que ces lettres contiennent? C'est,
en fait, une appréciation, une évaluation de la candidature de
celui qui demande l'évaluation et les critères de cette
évaluation sont les suivants: on va aborder la question d'S
connaissances acquises du candidat, les aptitudes aux études
supérieures, son jugement et ses capacités scientifiques
générales. Alors voilà, grosso modo, quels sont les
critères qui guident l'évaluation du répondant.
Maintenant, qui sont ces répondants? Oui sont les signataires de
ces lettres? Comme on l'a dit, ce sont des personnes choisies par le candidat
et il arrive fréquemment que ce soit des personnes qui sont
intégrées à un projet de recherche ou au même projet
de recherche que l'étudiant lui-même lorsque les étudiants,
par exemple, veulent passer du deuxième cycle au troisième cycle.
Alors ce sont des gens qui peuvent travailler à l'université
ensemble à la réalisation d'un projet de recherche. Ils
travaillent donc quotidiennement ensemble. Évidemment, le choix du
candidat fait présumer d'un certain lien ou d'une certaine relation de
confiance qui peut exister, effectivement, entre le répondant choisi et
le candidat lui-même.
Donc, à ce stade-ci, je pense qu'on peut retenir trois points
importants qui permettent de démontrer un peu le contexte
légitime dans lequel ces recommandations sont obtenues. D'abord, les
candidats de même que les répondants savent que ces lettres sont
confidentielles. Elles sont traitées de façon confidentielle.
C'est une pratique qui est établie depuis plusieurs années.
Enfin, le deuxième point, l'identité des répondants est
effectivement connue des candidats. Forcément, puisqu'ils sont choisis
par eux. Troisième point, les recommandations ne sont pas obtenues a
l'insu du candidat puisque c'est lui-même qui doit faire la demande
auprès des répondants.
Maintenant, quels seraient les effets de la divulgation des lettres aux
candidats? On peut, d'ores et déjà, prévoir que ces
lettres perdront la crédibilité qu'elles ont actuellement et
l'utilité qu'elles ont. Cette perte de crédibilité et
d'utilité compromettra sans aucun doute tout le mode de
sélection, le processus de sélection des candidats à
l'admission et à une bourse. Je m'explique ainsi. Les répondants,
sachant que les lettres seront accessibles aux candidats, risquent peu
d'être critiques face au candidat lui-même. Cela aura
évidemment pour effet de faire en sorte que les appréciations
seront davantage complaisantes, peut-être bien, et ce sera certainement
encore plus vrai dans le contexte où le répondant fait partie de
l'équipe de recherche de la même manière que le candidat en
fait partie. Alors ce seront des gens qui auront quotidiennement à se
rencontrer, à travailler ensemble, et, donc, on pourrait prévoir
une détérioration si, effectivement, l'appréciation
était critique. Donc, détérioration du climat de
travail au sein de l'équipe de recherche et des conflits de
personnalité, possiblement. Alors, la perte de la
crédibilité et de l'utilité de ces lettres, ça
voudra dire également une évaluation des candidatures très
approximative de la qualité des candidatures puisque l'évaluation
serait faite uniquement sur la base des résultats académiques.
Entre un étudiant qui a 80 % de moyenne et un autre qui a 85 %, comment
dire lequel est le meilleur? Les résultats académiques n'offrent
aucune indication sur les connaissances acquises au cours de diverses
expériences ou encore sur les aptitudes particulières des
candidats à la recherche ou encore aux études supérieures,
ce qui nous fait dire qu'en bout de ligne les étudiants, en fait, des
étudiants pourront être pénalisés si les lettres de
recommandation sont accessibles. En fait, ce sont les étudiants qui
seraient aptes à des études supérieures ou à la
recherche, mais qui n'auraient pas les plus fortes notes. Il faut comprendre
aussi que c'est très limité. Si on prend l'exemple des demandes
de bourses, bien souvent, ii va n'y avoir qu'une seule bourse pour plusieurs
candidats, une dizaine de candidats. Alors, les critères
d'appréciation sont très importants ici.
Cela étant dit, les universités se disent quand même
très heureuses de la solution qu'apporte l'article 47 parce que cette
solution favorise l'ouverture et la transparence par le fait de
reconnaître aux candidats la possibilité d'obtenir une
décision motivée et circonstanciée sur la foi de ces
lettres. Et je signalerais que cette solution rejoint en quelque sorte
l'objectif de la Commission d'accès lorsqu'elle recommandait justement
que tes lettres de recommandation soient accessibles.
J'aimerais faire référence au rapport de la Commission, le
tout premier rapport qui s'intitule: "Une vie privée mieux
respectée, un citoyen mieux informé. " C'est à la page
180. En fait, on lit que la Commission, l'objectif qu'elle vise, c'est de
permettre aux candidats de connaître les éléments
pertinents sur lesquels la décision se fonde. Je citerais maintenant le
passage pertinent. C'est au milieu de la page 180. "Ce sont ces renseignements
- donc, ceux qui sont contenus aux avis et recommandations - qui fondent la
décision et l'éclairent. Sans ceux-ci, l'individu est
laissé à lui-même, dans l'ignorance des
éléments les plus pertinents de son propre dossier. Cela lui est
le plus souvent inacceptable et incompréhensible. " Alors, la solution
de l'article 47 permettrait d'éviter tout cela parce que
l'étudiant ou le candidat, en fait, aurait une décision
motivée et circonstanciée. L'objectif en soi visé par la
Commission serait atteint. De là, je pense qu'on peut faire le constat
que les universités et la Commission, en fait, ne sont pas d'opinion
contraire en ce qui concerne l'objectif qui est visé. Là
où il y a divergence, c'est plus en ce qui concerne les moyens pour y
parvenir. À partir du moment où les moyens sont atteints,
l'objectif est atteint. Un moyen ou un autre, en fait, ça
s'équivaut. Cependant, nous pensons que le moyen qui est mis de l'avant
par la Commission, celui de donner accès directement aux
recommandations, aurait des effets néfastes sur le bon fonctionnement
des universités. Pour cela, nous croyons que la solution de l'article 47
devrait être privilégiée.
J'aimerais maintenant terminer en abordant de façon brève
ce qui se passe aux États-Unis et en ce qui concerne la loi
fédérale canadienne, la Loi sur la protection des renseignements
personnels. La Commission, dans son avis sur le projet de loi 62, faisait,
état de la législation américaine et canadienne. En ce qui
concerne la législation américaine, il est vrai que cette loi
assujettit les universités à son application et que le principe
général est l'accès aux dossiers scolaires.
Évidemment, le principe général est le même ici en
ce qui concerne l'accès aux dossiers scolaires. Il existe cependant un
règlement américain adopté en vertu de cette loi qui fait
en sorte que les étudiants peuvent renoncer au droit d'accès
à des lettres de recommandation. Nous avons copie de ce
règlement. Si vous êtes intéressés à
l'obtenir, on pourra le faire, il n'y a pas de problème. Donc, ce
règlement permet au candidat, à l'étudiant, de renoncer
spécifiquement aux lettres de recommandation qui sont contenues dans son
dossier scolaire. Cette solution parait à première vue
alléchante, mais, quand on en fait le tour, on voit qu'elle comporte des
lacunes. C'est un peu la solution qui veut ménager la chèvre et
le chou mais qui a le défaut de, finalement, ne satisfaire personne.
D'abord, la renonciation, pour les universités, si c'était
le cas ici, ne réglerait pas le problème de ceux qui ne renoncent
pas à l'accessibilité aux lettres de recommandation. Et pour ceux
qui auraient renoncé, on n'a pas de compromis possible, on ne donne pas
accès à une décision motivée et
circonstanciée. Alors, je pense que la solution que propose l'article 47
est plus intéressante que l'exemple américain.
En ce qui concerne maintenant la loi fédérale, la Loi sur
la protection des renseignements personnels, le principe général
est que les opinions d'autrui sont accessibles à la personne qu'elles
concernent. Mais je pense qu'il faut immédiatement préciser que
les universités canadiennes ne sont pas assujetties à cette loi,
et que le principe général de la loi comporte des restrictions,
puisque le nom de la personne auteur de l'opinion peut être soustrait au
droit d'accès. Compte tenu, en ce qui nous concerne, que
l'identité de l'auteur des recommandations est nécessairement
connue du candidat, cette solution de la loi canadienne ne serait d'aucune
efficacité pour nous.
Enfin, voilà, grosso modo, les commentaires dont je voulais vous
faire part. Ça termine donc ma présentation. Je vous
remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Verrier. Avez-vous
quelque chose à ajouter? Non? Ça fait le tour à peu
près de la question. Mme la ministre, vous voudriez avoir des
éclaircissements peut-être?
Mme Frulla-Hébert: Premièrement, je voudrais vous
remercier de cette présentation. Comme vous pouvez le voir, nous avons
quand même été sensibles à vos arguments, puisque
nous avons introduit l'article 47. Ceci dit, j'aurais une question, justement,
pour Me Verrier. Vous disiez tantôt que la divulgation de lettres leur
fera perdre leur crédibilité et leur utilité. Je dois vous
dire aussi qu'hier on a entendu certains groupes qui nous disaient qu'ils ne
voyaient pas de justification à la dérogation que vous demandez.
On a même parlé de: Est-ce que c'est parce que les
étudiants seraient des citoyens de deuxième classe? Pourquoi eux
n'ont pas droit? Parce que vous savez comme moi que des lettres, même si
on a droit à la décision qui est justifiée, on n'a souvent
pas tous, dans la décision justifiée, les éléments
des lettres qui amènent a cette décision. Alors, vous dites que
la divulgation de lettres leur ferait perdre leur crédibilité et
leur utilité, parce que les étudiants connaissent justement ceux
qui les évaluent, d'une part. Mais, dans un monde professionnel, si on
veut, j'ai de la difficulté à voir pourquoi les gens n'iraient
pas, justement, au bout de leur conscience professionnelle et seraient mal
à l'aise ou, finalement, gênés d'émettre leur
opinion par lettre, puisque c'est ce que la tâche professionnelle leur
demande?
Mme Verrier: Je pense que le contexte universitaire y fait pour
beaucoup. Bien des répondants font partie des équipes de
recherche desquelles les étudiants également font partie. Alors,
ils ont à travailler quotidiennement ensemble, et je pense qu'une
opinion d'une personne relativement à la compétence ou aux
qualités d'une autre, pour qu'elle soit le plus objective possible, il
faut nécessairement qu'on puisse garantir aux personnes qui donnent ces
opinions qu'elles seront gardées confidentielles. Je ne vois pas que les
droits des étudiants ici sont bafoués, puisque, par l'obtention
d'une décision motivée, ils connaîtront les
éléments pertinents de la décision, de sorte qu'ils
pourront la contester sur les éléments qui la motivent. Ils
auront donc toutes les possibilités pour contester ces décisions.
(10 h 30)
Maintenant, c'est un compromis, peut-être, que l'on fait. Je pense
que le résultat, c'est que les droits des candidats ne sont pas
bafoués, si vous voulez. Actuellement, les étudiants connaissent
les règles du jeu et les acceptent. Je vous dirais qu'à notre
connaissance aucune plainte n'a été portée contre les
universités à la Commission d'accès. Et ce n'est pas
à cause du nombre de plaintes que la Commission a proposé cette
modification qu'on connaît. Alors, je pense que la situation actuelle ne
pose pas de problème. Mais elle en poserait advenant le cas où on
donnerait accès. Cette situation qui prévaut actuellement, elle a
fait ses preuves et semble satisfaire les intéressés. Alors,
c'est un peu... Je pense que ce sont des éléments importants et
le contexte universitaire y fait pour beaucoup.
Mme Frulla-Hébert: J'essaie de bien vous comprendre. En
quoi, par exemple, le contexte universitaire est différent d'une
certaine façon du milieu médical? Parce que vous savez que dans
le milieu médical, par exemple, dans certaines
spécialités, il y a très peu de spécialistes, si on
veut, qui oeuvrent dans ces spécialités-là. Et bien
souvent pour devenir soit patron ou, enfin, pour devenir directeur d'un certain
secteur donné dans sa spécialité, on doit demander l'avis
ou, enfin, les recommandations de nos pairs. Donc, pourquoi le milieu
médical finalement n'aurait pas une certaine dérogation et le
milieu universitaire en aurait une?
Mme Verrier: Écoutez, je connais peu le milieu
médical, mais...
Mme Frulla-Hébert: Entre autres, là.
Mme Verrier: Mais en ce qui concerne des recommandations faites
dans le cadre de promotions ou autres, généralement les
modalités de ces recommandations, si vous voulez, ou les façons
dont seront traitées ces recommandations, elles sont
généralement traitées en vertu des conventions collectives
qui prévalent, de sorte qu'on peut donner accès comme on peut ne
pas le donner. Ça se joue généralement, en tout cas,
à ma connaissance, sur un autre terrain, alors qu'en ce qui concerne les
étudiants et l'université il n'y a aucun contrat de travail ou
autre contrat qui existe et, à ce moment-là, c'est difficilement
comparable, à mon avis.
Mme Frulla-Hébert: Vous dites aussi que pour l'instant il
n'y a pas eu de plainte à la Commission d'accès. Une
précision. La Commission d'accès prônait plus que
l'étudiant ait accès aux lettres. Vous dites qu'il n'y a pas eu
de plainte. Maintenant, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il n'y a pas de
plainte justement parce que les étudiants connaissent les règles
du jeu? Mais si on ouvrait et on donnait accès aux lettres,
peut-être que les étudiants l'apprécieraient.
Mme Verrier: Écoutez...
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que je veux juste voir
l'argument qui dit: On ne veut pas faire finalement deux classes de
citoyens.
Mme Verrier: Non, effectivement.
Mme Frulla-Hébert: Dans d'autres milieux, ils ont droit
aux lettres, etc. Mais dans le milieu universitaire, parce que c'est la
tradition, parce que c'est un milieu extrêmement, finalement,
professionnel dans le sens pur du terme, eux n'ont pas droit.
Mme Verrier: Mais je pense, comme je le soulignais tout à
l'heure, qu'il y a des chances que les étudiants soient
pénalisés en bout de . ligne de l'accès direct aux lettres
de recommandation, parce que, actuellement, on tient compte de plusieurs
critères que les seuls résultats académiques de
l'étudiant ne peuvent pas évaluer. On ne peut pas savoir à
partir des résultats académiques quelles sont les
compétences, les connaissances acquises au cours de diverses
expériences, etc. Donc, l'intérêt des étudiants,
c'est que les lettres de recommandation soient les plus claires possible et les
plus élaborées possible et qu'elles soient les plus
crédibles possible, justement. Alors, je ne pense pas que, pour eux,
d'avoir accès va nécessairement dans leur
intérêt.
Le Président (M. Doyon): M. le recteur Kenniff, vous
voudriez ajouter quelque chose?
M. Kennrff: M. le Président, un complément,
peut-être, par rapport aux questions qui viennent d'être
posées par la ministre. C'est qu'il faut comprendre que les cas dont on
parle ici, il faut faire bien attention de comprendre que ce n'est pas un
débat contradictoire ou un processus judiciaire qui s'engage entre
l'étudiant qui demande son admission à un programme de
maîtrise, par exemple, qui demande de l'aide financière, et
l'institution qui l'admet. Et un argument qui est invoqué pour avoir
accès à des lettres de recommandation avant que la
décision soit prise, c'est pour justement pouvoir répondre dans
un contexte judiciaire à ce qui pourrait être énoncé
dans ces lettres-là, lorsque le processus d'évaluation qui est en
place dans les universités depuis fort longtemps est la pratique
courante, partout en Amérique du Nord, quelle que soit la nature de la
législation qui s'applique, et c'est justement un processus qui est
jugé nécessaire au monde scientifique pour apprécier et
faire des choix qui sont des choix, soit d'admission, soit d'aide, pour
constituer, finalement, le groupe d'étudiants qui feront partie d'un
programme donné. Je pense que c'est bien important de comprendre que ce
qu'on veut, évidemment... Dans la mesure où la décision
rendue est motivée et circonstanciée, à ce
moment-là, évidemment... ça se prête à une
contestation judiciaire de la part d'un étudiant qui se sentirait
lésé par la décision ou se sentirait la victime d'une
injustice. Donc, c'est pour ça que nous avons trouvé que la
formule de l'article 47 protégeait quand même le processus en ce
qui a trait à des abus potentiels et que, également, il
protégeait la pratique qui était en place depuis fort
longtemps.
Je voudrais également tout simplement souligner le fait que, dans
la mesure où, ailleurs, des recommandations deviennent publiques en ce
qui a trait à ce genre de dossier, il semble se
généraliser une pratique de recommandations davantage verbales,
qu'écrites et il y a un danger qu'on puisse - comme Me Verrier l'a
souligné - peut-être mettre en péril tout ce
système-là qui existe dans les universités et qui est
apprécié à la fois par les professeurs et les
étudiants, si jamais on passait à un régime où les
véritables recommandations se faisaient autrement que par écrit.
Alors, je pense que c'est tout simplement les précisions que je voulais
apporter.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Saint-Hyacinthe - si vous permettez Mme la ministre - vous avez une courte
question?
M. Messier: Oui, peut-être au recteur. Combien y a-t-il
d'étudiants qui ont fait une demande pour voir les lettres de
recommandation suite à un refus, soit du registraire ou du
secrétariat général?
M. Kenniff: Aucune.
M. Messier: Aucune. Donc, c'est de la prévention que vous
voulez faire et non... C'est strictement un élément de
prévention parce que vous ne voulez pas vous faire accuser plus tard ou
aller devant la justice pour prouver hors de tout doute qu'effectivement la
lettre de recommandation qui a servi à l'admission ou à la
non-admission de l'étudiant en question avait des
éléments, là-dedans, qui pouvaient peut-être porter
préjudice à l'établissement, compte tenu du fait que vous
auriez accepté ou non la candidature en question.
M. Kenniff: Si j'ai compris vos propos, ce que vous voulez dire
sur ce qu'on veut faire, c'est de ne pas essayer de réparer un
système qui fonctionne bien. La réponse, c'est oui.
M. Messier: Quand j'ai été admis à la
maîtrise, je connaissais très bien les deux répondants qui
ont signé ma lettre et j'ai vu la lettre de recommandation. Moi, je l'ai
vue. Donc, pour la majorité des étudiants qui font une demande,
ils sont conscients un petit peu du contenu de la lettre en question. Est-ce
que ce n'est pas la majorité des cas ou si c'est une minorité qui
sont conscients de...
M. Kenniff: Écoutez. Au-delà du texte d'une loi,
au-delà d'une pratique générale, il y a évidemment
une foule de cas particuliers. Je me
souviens aussi d'un professeur qui m'a dit. Écoutez, j'ai
envoyé ma lettre de recommandation directement à
l'établissement mais j'aimerais bien que vous en ayez une copie: voici.
Ça se fait souvent mais, évidemment, c'est sur une base
volontaire et non pas sur une base légiférée. Il y a
également les professeurs ou les répondants qui vont dire:
Écoutez, monsieur ou madame, je vous connais très bien et je vous
incite à aller chercher une lettre de recommandation ailleurs. Il y a ce
genre de situation aussi. Il y a une foule de situations particulières
qui vont exister et vont continuer d'exister au-delà du texte de loi
quel qu'il soit.
M. Messier: Est-ce qu'il est de pratique courante de refuser des
candidatures à la maîtrise ou au doctorat, strictement sur des
lettres de recommandation?
M. Kenniff: Les lettres de recommandation servent d'appui au
dossier et ce ne sont pas des éléments de preuve ou - comme
dirait l'autre - des pièces à conviction. Le dossier de
l'étudiant est constitué du dossier académique de premier
cycle, mais qui est insuffisant. C'est pour cette raison-là, d'ailleurs,
qu'au niveau des deuxième et troisième cycles les lettres de
recommandation viennent appuyer le dossier. Parce que c'est insuffisant d'avoir
tout simplement le dossier académique de premier cycle. Mais il y a
quand même le dossier académique de premier cycle qui permet un
premier tri. Les lettres de recommandation viennent faire état de la
capacité de recherche, d'analyse qu'aurait développée
l'étudiant au niveau de ses études de premier cycle ou à
l'occasion de travail effectué sur des projets de recherche. Il y a,
dans certains cas, des entrevues personnelles qui peuvent être faites
également par les responsables du programme. Ça varie
énormément, la pratique. Mais, en générai, au
niveau des deuxième et troisième cycles, nous allons trouver le
dossier académique de premier cycle, ainsi que les lettres de
recommandation.
Le Président (M. Ooyon): Merci, M. le recteur. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Une dernière question, pour moi.
Le fonds subventionnaire et les universités, selon vous, M. Kenniff,
auront toujours l'obligation de donner à la personne concernée
une décision motivée et circonstanciée?
M. Kenniff: II me semble...
Mme Frulla-Hébert: Parce que, je ne sais pas, ce n'est pas
clair. Est-ce que c'est une obligation, selon vous, de toujours donner une
décision qui est motivée et circonstanciée, non
l'accès aux lettres, mais à la décision?
M. Kenniff: Cette obligation peut découler de
différentes sources et je ne saurais vous dire, je ne voudrais pas me
faire conseiller juridique à la commission là-dessus, où
se trouve l'obligation. L'article 47 sembla indiquer que la décision
circonstanciée et motivée doit être communiquée
à l'individu qui désire l'obtenir. Et je pense que cela laisse
présupposer qu'il y a une obligation de rendre une décision
motivée et circonstanciée À ma connaissance, dans beaucoup
de dossiers semblables, c'est le cas. D'où provient l'obligation
juridique, je ne saurais vous dire. Peut-être que M. Genest pourrait nous
aider, là-desssus.
Le Président (M. Doyon): M. Genest.
M. Genest (Jacques): Pas strictement, M. le Président,
dans l'ordre juridique, mais ce dont je pourrais témoigner, c'est que se
développent de plus en plus, dans les universités, des
règles, des politiques énonçant très
précisément les droits des étudiants à ces
évaluations ou à ces décisions motivées, soit dans
les règlements pédagogiques, lorsqu'il s'agit d'une
décision d'ordre pédagogique à strictement parler, ou
soit, lorsqu'il s'agit de droits plus larges, dans les déclarations de
droits des étudiants qui sont adoptées par les différents
établissements, et qui prévoient, notamment en tout cas en ce qui
a trait à l'Université Laval, le droit de recevoir une
explication motivée des décisions concernant les
étudiants. C'est évidemment avec tout un appareil d'appel, dans
le cas où une décision non motivée serait rendue et ou
l'étudiant jugerait qu'il a droit, en fonction de cette
déclaration solennelle des droits des étudiants, à ce que
son droit soit reconnu. Ce n'est donc pas toujours de l'ordre des tribunaux,
mais je pense que, dans la plupart des universités, il existe des
précisions très nettes concernant le droit des étudiants
à avoir des explications sur les décisions qui les concernent.
C'est inscrit, en tout cas, en toutes lettres, tel quel dans la
déclaration des droits des étudiants de l'Université
Laval, en ce qui nous concerne.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Genest. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. Eh bien, moi aussi
je vous souhaite la bienvenue, en vous remerciant d'avoir préparé
le mémoire et de vous être présentés pour être
capables de répondre à nos interrogations.
Ce que vous dites, effectivement, quand on lit le mémoire, ce
n'est pas très long, mais très significatif, par contre. Mais ce
qui est dit, c'est que vous êtes très heureux que, par l'article
47, il y ait le non-accès aux avis et recommandations d'ordre
académique pour les étudiants. Par contre, en compensation, vous
dites: L'accès est garanti, ou en tout cas assuré
passablement, par rapport à une décision qui est finale,
motivée et circonstanciée. Mais la décision est finale.
C'est quand même important parce que cette information sert, comme vous
le dites dans votre lettre, soit pour l'admission aux études
supérieures, les bourses de doctorat et les subventions de recherche.
Donc, c'est quand même des choses importantes par rapport, entre autres,
à l'admission. Et que, si jamais on ne reconnaissait pas ça par
l'article 47, on viendrait mettre en cause, les termes que vous utilisez, la
validité, la crédibilité et même la pertinence du
processus actuel. Et les raisons pour lesquelles vous dites qu'il n'y a pas
d'inquiétude, c'est le fait que le demandant fait le choix
lui-même du répondant. Donc, il est sensé y avoir une
espèce... Bon, définitivement, il devrait y avoir une relation de
confiance, et c'est ou des professeurs, ou des collègues, ou des
confrères, des gens qu'ils connaissent bien.
Tout ça, oui c'est beau, mais, en même temps, nous on doit
se questionner ici, parce que ce qu'on est en train d'étudier, ce n'est
pas une procédure administrative d'un type d'institution, mais c'est la
loi qui s'appelle, et il faut bien le reconnaître, là,
l'accès aux documents personnels. La loi qu'on est en train
d'étudier, c'est une loi qui modifie la loi de confidentialité
des documents personnels, mais aussi l'accès aux documents, à nos
documents, les documents personnels, et ces documents, ici, sont des documents
qui non seulement décrivent un individu mais peuvent l'aider ou lui
nuire et, au moment où il y a une connaissance à partir de la
coutume que vous êtes en train de nous expliquer, c'est une
décision qui est finale.
(10 h 45)
Habituellement, quand on décide d'appliquer pour des
études supérieures, ou pour un poste, ou pour une promotion, on
se fait un "kit" dans lequel on y met tout ce qui est favorable et positif,
dont des lettres de recommandation que l'on voit habituellement, à ma
connaissance toujours... Comme le disait le député de
Saint-Hyacinthe: C'est nous qui devons utiliser tous les arguments pour
être capable de convaincre les gens de nous accorder le cours, de nous
accorder la promotion, de nous accorder l'augmentation ou de nous embaucher.
Ça, c'est un principe qui est connu. Moi, je dois vous dire que j'ai
toujours pensé que c'était comme ça à peu
près dans tous les domaines, y compris ceux des institutions publiques
dont vous êtes, les universités. Là, vous avez des bons
arguments et c'est pour ça que je suis heureux que vous y soyez pour
qu'on puisse en discuter mais, en même temps, je vous rappelle ce que je
disais tantôt. Ce qu'on étudie ici, ce n'est pas une
procédure administrative mais bien une loi fondamentale qui
reconnaît le droit à l'accès aux documents personnels,
spécialement quand ils peuvent avoir des conséquences aussi
importantes que l'admissibilité ou non à des cours
d'études supérieures.
Je lisais dans votre document, ça va être ma
première question... À la page 2, il est dit que l'article 47
représente l'aboutissement de nombreuses démarches et
consultations intervenues entre le ministère des Communications, le
ministère de l'Enseignement supérieur et les universités.
Ma première question, toute simple et toute naïve: Est-ce que les
associations étudiantes se sont prononcées là-dessus?
M. Kenniff: Je pense que la réponse très courte
c'est non.
M. Paré: Donc, comme groupe, les étudiants n'ont
pas eu l'occasion de se prononcer. Ils ne sont peut-être pas
informés comme ça. Ce qu'ils connaissent probablement, et c'est
là où probablement l'absence d'intervention ou de prise de
position des gens pourrait être favorable... Je vais vous le dire
là, c'est juste pour connaître leur intention et non pas
présumer de ce qu'ils feraient comme choix. Mais, s'ils ne sont pas
représentés pour donner leurs commentaires par rapport à
l'article 47 du projet de loi, c'est ou ils ignorent finalement qu'on va
inclure dans la loi ce principe ou bien non, pour eux autres, l'habitude, la
coutume est tellement connue que les gens pensent que c'est immuable et
inchan-geable; je ne le sais pas. C'est quoi votre "feeling" par rapport
à ça?
M. Kenniff: Je pense que M. le député de Shefford a
mal interprété la réponse courte que j'ai donnée.
Alors, je vais me permettre d'ajouter quelques propos. Je n'ai pas dit que les
étudiants n'avaient pas eu l'occasion de se prononcer là-dessus.
Vous m'avez demandé si les étudiants s'étaient
prononcés là-dessus et j'ai dit: Non. Je pense que les
associations étudiantes, dont nous ne sommes pas les
représentants... Soyez assuré, elles vous diront ça
elles-mêmes. C'est que les associations étudiantes ont eu la
même occasion que nous, comme les associations de professeurs, de se
prononcer sur un projet de loi qui est public et qui leur est connu. Je dois
présumer, jusqu'à preuve du contraire, que s'ils ne l'ont pas
fait c'est qu'ils n'avaient pas de commentaires à faire. Alors, c'est
très différent que de dire qu'ils n'ont pas eu l'occasion
vraiment de se prononcer.
Évidemment, la Conférence des recteurs représente
les établissements universitaires et les recteurs des
universités. À l'intérieur de chacun de nos
établissements, sur des grandes questions comme celle-là, nous
avons l'occasion - et moi je l'ai régulièrement - d'informer les
professeurs et les étudiants des grands dossiers qui sont
discutés et de recueillir leurs commentaires au niveau de chaque
établissement et je dois vous dire que je n'ai pas entendu de
commentaires négatifs par rapport à la solution qui est
proposée ici, ni à la pratique qui existe dans les
universités depuis fort longtemps.
Là-dessus, si vous me permettez, M. le Président,
peut-être juste un autre petit commentaire en marge des remarques que le
député de Shefford vient de faire. C'est qu'il est vrai que vous
êtes à étudier un projet de loi, il est vrai que ce projet
de loi établit un certain nombre de principes, mais il est vrai aussi
qu'il est très important que le processus législatif tienne
compte et cherche à épouser les particularités des divers
systèmes qu'il cherche à réglementer. L'université,
ce n'est pas l'hôpital; l'hôpital, ce n'est pas la fonction
publique, etc. Et je pense que la sagesse du législateur c'est de savoir
donner à cette règle générale les
tempéraments qui s'imposent pour tenir compte de la pratique qui existe
dans chaque catégorie d'établissements. Nous ne nions pas notre
statut d'institution publique, mais nous soulignons très vivement
à la commission le caractère très particulier du milieu
universitaire qui fait en sorte, par exemple, ce qui était un peu en
filigrane, par exemple, dans les remarques de M. Genest, tout à l'heure,
que depuis fort longtemps, et c'est reconnu par les tribunaux, les
universités constituent et ont créé des juridictions et
cela depuis le Moyen Âge, le début des universités, des
juridictions internes, des tribunaux, comme on dit, domestiques qui
règlent un grand nombre de questions. C'est heureux qu'il en soit ainsi
et que les étudiants ne soient pas obligés à tout bout de
champ d'aller devant les tribunaux de droit commun pour faire valoir leur
droit. Dans chacun de nos établissements, nous avons des
procédures administratives, nous avons des codes de déontologie,
nous avons des mécanismes pour régler à l'interne des
situations d'injustice ou d'iniquité qui peuvent surgir. Je pense que ce
serait très néfaste si le législateur s'avisait de balayer
ça. Je ne dis pas que vous le faites. Mais je dis: Si, de façon
générale, on adoptait l'approche de balayer tout ça pour
le remplacer par des recours de droit commun? Je pense que c'est le commentaire
que je ferais en marge de votre remarque très appropriée, que
vous êtes ici pour faire des lois. Je pense que le processus
législatif qui a conduit à l'article 47 est un excellent
processus et le résultat aussi.
M. Paré: Merci beaucoup de vos commentaires et d'avoir
précisé, sauf que je reviens quand même là-dessus.
De toute façon, c'est le point qu'on doit éclaircir ce matin et
s'assurer qu'on ne fait pas d'erreur. C'est que la loi qu'on discute
présentement, c'est une loi fondamentale qui doit avoir
préséance sur les autres. C'est un droit reconnu à des
citoyens et le citoyen, il est avec ses droits de sa naissance à sa mort
normalement. Donc, l'accès à des documents, il doit l'avoir tout
au long de sa vie dans des documents qui, en plus, ont une incidence sur son
avenir. Donc, il a droit à ces documents avant d'être à
l'université et, quand il sera sur le marché du travail ou dans
sa vie d'adulte ensuite, il va avoir droit à ces documents selon la loi
qu'on étudie, la charte qui lui reconnaît le droit à
l'accès à ces documents. Et on lui garantit, ce qu'on est en
train de regarder, le droit d'accès à des documents personnels.
Et là, on dit: On met une exception.
Dans une loi fondamentale, quand on met des exceptions - je ne dis pas
qu'il ne doit pas y en avoir, c'est pour ça qu'on discute ici ce matin -
il faut que ce soit drôlement justifié parce que les exceptions
doivent être justifiées. Quand on décide ou qu'on accepte
comme législateur un précédent, une porte ouverte, une
exception, un cas à part, et ce n'est pas pour mettre en doute
l'importance, la qualité et le sérieux des universités,
absolument pas... Je dois vous dire que j'ai été assez longtemps
vice-président de la commission de l'éducation pour savoir le
rôle essentiel que vous jouez dans la société et la
façon dont vous le jouez aussi. Ce n'est pas du tout ça qui est
mis en cause ici ce matin. Ce qui est mis en cause, c'est que nous, on accepte
ici, en adoptant l'article 47, de faire une exception sur un droit qui est
reconnu aux individus. Comme on doit décider de ça ici, on doit
se baser sur le droit général et on doit se baser sur des
commentaires qui sont laits, des suggestions qui sont faites.
Entre autres, quand la Commission d'accès à l'information
nous passe un commentaire comme celui qu'on retrouve dans le mémoire...
Madame en a fait mention tantôt sauf que je veux quand même y
revenir. C'est important parce que la Commission, il ne faut pas l'oublier, a
l'expertise, l'expérience, depuis 1982 qu'elle est en place, pour
s'assurer du respect des droits des citoyens et de l'accès aussi aux
documents. Quand elle nous fait un commentaire, à mon avis, il faut en
tenir compte. Ça ne veut pas dire qu'il faut toujours accepter mais, au
moins, il faut en discuter parce que, l'expertise étant là et ces
gens-là ayant l'expérience, il faut en tenir compte.
À la page 12 du mémoire qui a été
présenté, c'est dit en toutes lettres: "L'article 25 du projet de
loi traduit substantiellement la reconnaissance de la Commission à cet
égard. Toutefois, les articles 44 et 47 restreignent largement la
portée de ce nouveau droit dans le secteur universitaire et la
Commission ne comprend pas quelle logique a pu conduire à l'introduction
de telles limites. La Commission souligne d'ailleurs que d'autres juridictions
ont déjà pris cette voie sans entrave évidente au bon
fonctionnement des organismes publics. À titre d'exemple, aux
États-Unis, les universités américaines sont assujetties
aux Family Educational Rights. Cette loi, en vigueur depuis 12 ans, s'applique
à toute maison d'enseignement financée en tout ou en partie par
le gouvernement fédéral. Elle accorde à tout
étudiant l'accès à son dossier scolaire, y compris les
recommandations des professeurs et ce, sans restriction. " Comme commentaire,
vous avez dit
tantôt: Les étudiants peuvent renoncer. Oui, c'est une
façon de voir les choses, sauf que ce n'est plus maintenant le droit
qu'ils ont perdu, c'est le droit qu'ils ont de renoncer. C'est
différent. Si, aux États-Unis, on a décidé de
donner le droit de renoncer, mais qu'on n'a pas enlevé le droit, par
exemple, d'avoir accès, c'est probablement qu'on en est venu à la
conclusion que le droit d'accès à l'individu n'était pas
touchable ou était mieux d'être préservé.
La Commission continue en disant: "Suivant cette même approche, la
Loi sur la protection des renseignements personnels, adoptée par le
Parlement canadien en 1982, prévoit explicitement que les idées
et les opinions d'autrui au sujet d'une personne constituent des renseignements
personnels auxquels la personne concernée peut avoir accès."
C'est pour ça que je vous dis: Oui, vous avez de bonnes explications, on
doit en tenir compte. De toute façon, c'est dans la loi, donc, on n'en
discute pas comme d'un projet à venir, mais comme quelque chose qui peut
être adopté. Mais, par rapport aux exemples
nord-américains, le gouvernement canadien, les États-Unis et
l'application qu'on en fait ici, au Québec, est-ce que, d'après
vous, l'habitude, la coutume, la connaissance qu'ont les étudiants de
votre mode de fonctionnement ne sont pas des garanties suffisantes, puisque
vous avez dit tantôt qu'il n'y avait pas eu de plainte? Est-ce que la
coutume n'est pas suffisante et que, comme il n'y a pas eu de problème,
ce ne serait pas plus sage pour le législateur de ne pas enlever un
droit qui est reconnu dans la charte?
M. Kenniff: D'abord, je dois dire que, dans les propos de Me
Verrier au début de sa présentation, nous avons souligné,
par rapport à deux des points qui étaient dans le rapport de la
Commission et que le député de Shefford vient de lire, que,
évidemment, dans le cas des États-Unis, la règle est
énoncée dans la loi, et l'exception, qui est tout à fait
courante et qui respecte d'une certaine façon la pratique existante, se
trouve dans le règlement d'application. Évidemment, la Commission
n'en a pas fait état dans son rapport. Nous avons tenu a souligner
à cette commission que ce règlement existe et, de fait, dans la
pratique, cette renonciation est plutôt la règle que
l'exception.
De plus, au-delà de la loi et du règlement, il y a cette
pratique à laquelle j'ai fait allusion et qui est fréquente, et
même jusqu'à un certain point institutionnalisée aux
États-Unis, de procéder autrement que par l'écrit en ce
qui a trait aux recommandations, et ça, évidemment, ça
crée une situation peut-être encore plus dangereuse que la
perception que vous pouvez avoir de la pratique actuelle. Donc, je vous dis:
Nous avons tenu, pour cette raison-là, à accepter une solution
qui était différente de la solution américaine, d'autant
plus, comme nous l'avons souligné, que le bassin de répondants,
dans un contexte comme celui du Québec, est beaucoup plus restreint que
le bassin de répondants qui peut exister dans une juridiction comme
celle des États-Unis. Donc, évidemment, c'est beaucoup plus en
famille et beaucoup plus une situation délicate à
l'intérieur de chaque établissement que ce que l'on retrouve
généralement aux États-Unis.
En ce qui a trait à la législation fédérale,
elle est là. Elle ne s'applique pas aux universités canadiennes.
Et, d'après les connaissances et les études que nous avons, il
n'existe pas de disposition semblable dans la législation provinciale
qui s'applique aux universités. Comme nous l'avons souligné, le
fait de publier l'avis et de taire le nom du signataire, c'est une solution qui
ne s'applique pas véritablement à ce qui est à
l'étude ici, parce que très souvent le répondant est une
personne qui agit à la demande du candidat. Donc, l'identité est
connue. Taire l'identité du répondant, ça ne donne
vraiment aucun résultat. Alors, pour cette raison-là, nous avons
cherché peut-être, dans les échanges que nous avons eus
depuis un an et demi ou deux ans, à trouver une façon d'atteindre
l'objectif qui, je pense, est derrière la règle de base que vous
avez énoncée. Vous avez dit: II y a une règle de base,
c'est une loi fondamentale. M. le Président, il n'y a aucun doute
là-dessus, nous ne contesterons pas cette affirmation, mais une loi
fondamentale ou une règle de base vise à garantir ou à
atteindre un certain nombre d'objectifs. Et ce sont des objectifs, j'imagine,
d'équité, de justice, de protection des droits de l'individu. (11
heures)
Si, dans un contexte comme le contexte universitaire, on peut atteindre
cet objectif qui est au coeur de la loi de l'accès à
l'information d'une manière différente et une manière qui
protège une pratique qui existe depuis fort longtemps et qui fonctionne,
il me semble que cette voie de solution est meilleure que celle qui
consisterait à dire: On va changer complètement le système
et on va exiger que ça se fasse de la même manière
qu'ailleurs alors que le contexte est différent. Je pense que c'est
ça qui est fondamental. C'est quoi, l'objectif? Je pensé que
l'objectif doit être protégé. Je pense qu'il est
protégé par l'article 47. C'est le point de vue que nous
défendons.
M. Paré: Oui, je comprends. Je vous l'ai dit, je ne
voulais pas remettre tout en cause par rapport au fonctionnement des
universités au Québec, au contraire. Sauf qu'on doit tenir
compte... Et je reviens et vous m'amenez là-dessus. Vous avez
utilisé dans vos dernières paroles deux mots qui sont importants,
"équité" et "justice". Et on doit en tenir compte ici aussi
à la commission. Et ça m'amène aussi à citer un
paragraphe du Groupe de recherche informatique et droit qui va présenter
un mémoire. Je pense
que c'est cet avant-midi, en tout cas, aujourd'hui. Et il est dit dans
son mémoire et je le cite, parce que "équité" et
"justice", vous allez voir où ça m'amène: "Les
universités sont allées se chercher dans ce projet de loi une
exception qui exclut l'accès d'une personne aux avis ou recommandations
d'ordre académique la concernant (article 47 de la loi modificatrice,
à comparer avec l'article 86.1 nouveau). On voit mal pourquoi seules les
universités (ainsi que les fonds de développement scientifique et
technologique) échapperaient à cette règle
élémentaire de justification publique de leurs décisions
qui peuvent affecter l'avenir professionnel de dizaines de milliers
d'individus." Et c'est là où ça m'amène à
"justice" et "équité". Je n'en ai pas du tout contre les
universités. Mais, si on accepte cette exception par l'article 47 pour
des raisons très importantes que vous avez
énumérées, pourquoi d'autres groupes ne viendraient pas
demander dans les mois, les années à venir, se basant sur cette
ouverture, l'exemption d'autres groupes? Je pense qu'il faut en tenir compte,
nous, ici, de cette possibilité. Ce n'est pas barré. Ce n'est pas
fermé. C'est une possibilité, par exemple, qu'on doit absolument
considérer.
Le Président (M. Ooyon): M. le recteur.
M. Kenniff: M. le Président, loin de moi de vouloir
défendre le dossier de tous les autres groupes à l'avenir qui
pourraient venir demander des exceptions. Mais j'ose espérer que cette
commission et que l'Assemblée nationale témoigneraient d'autant
d'ouverture à l'égard des circonstances particulières qui
pourraient exister pour ces groupes-là. Et je ne prétends pas les
défendre. Ce que je connais, c'est le milieu universitaire. Ce que nous
défendons aujourd'hui, c'est le contexte de ce milieu universitaire. Et
ce que nous prétendons, c'est que justice et équité seront
là avec l'article 47 et qu'on aura l'avantage additionnel de pouvoir
continuer à fonctionner dans ce système qui fonctionne bien. Je
dis... Je pense qu'il ne faut pas chercher à réparer quelque
chose qui fonctionne. À l'heure actuelle, nous avons des
mécanismes pour protéger les étudiants contre
l'arbitraire. Ces mécanismes-là fonctionnent. Et je pense qu'avec
l'article 47 la situation va continuer, même si elle nous impose quelques
obligations additionnelles. Je pense que les universités sont bien
prêtes à accepter ces obligations.
M. Paré: Alors, moi, j'ai seulement à vous
remercier d'avoir répondu à nos questions et on va certainement
prendre bonne note de vos éclaircissements. On en avait besoin.
Le Président (M. Doyon): Alors, moi, si vous me permettez,
M. le recteur - et je vois le député de Sherbrooke ici -
j'aimerais tout simplement indiquer que l'Université Laval est dans le
beau comté de Louis-Hébert, comme tout le monde le sait. Il y a
15 000 étudiants qui y résident. Et, évidemment, les
étudiants ne se gênent pas pour venir faire des
représentations de toutes sortes. Évidemnru nt, le
député est là et c'est normal qu'ils aient recours
à nos services quand ils ont quelque chose à nous dire. Et,
écoutant ce que vous dites, j'essayais de me creuser la mémoire
pour essayer de me rappeler des étudiants, membres de l'UGIL, par
exemple, qui seraient venus me voir et qui m'auraient soulevé ce
problème-là. Dieu sait qu'ils ne se sont pas gênés
de le faire quand ça a été la question de l'augmentation
des frais de scolarité, et c'était très bien comme
ça. Ils concevaient qu'il y avait là un problème et ils
sont venus voir le député. Ils en ont fait part de toutes sortes
de manières, parfois assez percutantes. Mais ça, ça fait
partie de la "game". Mais sur l'exemption qui est accordée aux
universités, je n'ai eu aucune représentation dans ce
sens-là. Je vois mon collègue ici de Sherbrooke, qui a
l'Université de Sherbrooke. Peut-être qu'il pourra
témoigner en son nom. Mais je voudrais dire, et j'en fais part à
la ministre, que les 15 000 étudiants, et ce n'est pas rien, qui
demeurent dans le comté de Louis-Hébert, qui y votent et qui y
ont feu et lieu n'ont jamais, pour un ou une, pris la peine de venir me voir
à mon bureau de comté ou de me parler à
l'université quand j'y vais - et c'est fréquent - pour me faire
part qu'il y avait un problème là. Et je me dis que, quand il n'y
a pas de victime, il n'y a pas de crime. C'est peut-être le signe que la
situation n'est pas dramatique. Et je donne, là-dessus, la parole au
député de Sherbrooke qui a peut-être quelque chose à
faire valoir dans ce sens-là ou dans le sens contraire. Il me fait signe
que c'est à peu près la même chose.
M. Kenniff: M. le Président, je ne suis pas du tout
offusqué que vous ayez utilisé l'Université Laval comme
modèle et je pense que vos propos sont confirmés par
l'expérience des autres recteurs. Et vous pouvez peut-être
interroger vos collègues qui représentent les circonscriptions
où sont situées les universités du Québec et je
pense que vous allez avoir la même réponse.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je tiens à vous remercier tous
d'avoir défendu votre position. Je pense que les clarifications sont
fort appréciées et aussi nécessaires. Je veux seulement
répondre aussi au député de Shefford. Dans le projet de
loi actuel, pour être très clairs, nous avons introduit qu'une
personne devrait avoir accès à une opinion écrite sur elle
en tout temps et de façon générale. C'est ça,
lorsqu'il y a une décision rendue. Maintenant... Évidemment,
comme on disait hier, s'il n'y a pas de décision...
Mais ce que je retiens surtout de l'intervention, c'est que l'absence de
dérogation - là, je veux être claire - contribuerait, selon
vous et votre présentation, à détériorer la
situation actuelle que, vous, vous jugez convenable, dont les étudiants
semblent se satisfaire, d'une part. Et que l'étudiant - et ça,
pour moi, c'est très important - aura toujours droit à une
décision motivée et circonstanciée et que
l'université ou le fonds de recherche aura l'obligation de rendre une
décision motivée et circonstanciée. Moi, de
l'échange, c'est ce que je retiens. Alors, cela dit, je vous remercie
encore de votre présentation et des clarifications que vous nous avez
apportées.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. Merci
beaucoup à tout le monde. Alors, ceci termine l'audition du premier
groupe. Nous allons maintenant passer au deuxième. Il s'agit de la
Centrale de l'enseignement du Québec qui est représentée
par M. Johnston et M. Lapierre à qui je fais l'invitation de s'avancer
et de prendre place.
Alors, je reconnais là des habitués des commissions
parlementaires. Je sais qu'ils sont venus à quelques reprises et je leur
souhaite la bienvenue. Ils savent comment ça fonctionne. Sans plus de
retard, je les invite à se présenter et à prendre la
parole.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Johnston (Raymond): Oui, M. le Président, je suis
Raymond Johnston, vice-président de la CEQ. Jean-Marcel Lapierre, qui
m'accompagne, est avocat salarié de la Centrale et il a largement
contribué à l'élaboration de notre position sur le projet
de loi qui est examiné par la commission, aujourd'hui.
Je voudrais brièvement situer les gens qui sont peut-être
moins familiers avec nous un peu sur l'organisation que nous
représentons. La Centrale de l'enseignement du Québec
représente environ 130 000 salariés au Québec qui sont,
pour la vaste majorité, dans le secteur de l'éducation:
enseignants, professionnels, personnel de soutien, travailleuses et
travailleurs de garderie. Elle représente aussi du personnel dans Je
secteur de (a santé et des services sociaux, du personnel dans le
secteur du loisir et, également, dans le secteur des communications et
de tous petits groupes dans le secteur qu'on peut identifier de la fonction
publique québécoise.
Je voudrais aussi, avant d'entrer dans la présentation formelle
de notre texte, attirer l'attention des membres de la commission sur le fait
qu'on a fait un choix délibéré de produire un
mémoire très court, qui ciblait une question que nous identifions
comme étant une question centrale. Et nous avons fait ce choix parce que
nous considérons que, mine de rien, les politiques gouvernementales sont
en train de déployer des mécanismes de contrôle social
très importants. Ça a commencé avec la loi 37 sur la
sécurité du revenu. Ce n'étaient pas des mécanismes
de contrôle de même nature, même d'enquête; d'aucuns
les ont qualifiés de boubous macoutes et super boubous macoutes,
ça faisait image. Le printemps dernier, sans trop avoir mesuré
tous les effets de ça, le gouvernement reprenait des dispositions de
contrôle et d'enquête de même nature dans la Loi sur l'aide
financière aux étudiants. C'est seulement devant un tollé
de prostestations que le ministre Ryan lui-même a pris l'initiative de
retirer ces dispositions qui, disait-il, étaient là presque
simplement par concordance avec la Loi sur la sécurité du revenu:
Parce qu'il y en avait à une place, il fallait qu'il y en ait à
l'autre, mais il ne cherchait pas nécessairement les mêmes effets,
disait-il. On est contents que le ministre Ryan ait reculé, mais ce qui
nous inquiète, c'est que, si ces mécanismes de la loi 37 n'ont
pas été retenus à l'intérieur de la Loi sur l'aide
financière aux étudiants, on va, par le traitement des
renseignements personnels, par l'utilisation des banques de données, par
le couplage des banques de données, par la création de banques de
données centrales, créer un autre type d'appareil de
contrôle social. Avec ce type d'approche, on va multiplier les groupes
cibles susceptibles d'avoir contrevenu à une loi ou à un
règlement ou susceptibles de profiter d'avantages auxquels ils n'ont pas
droit, et on va systématiquement les passer au peigne fin par couplage
de données. On va donc utiliser, on risque donc d'utiliser cet appareil
de contrôle pour aller à la pêche pour l'identification de
présumés contrevenants à la loi et aux règlements.
Il faut bien voir la portée des termes. Quand on parle de personnes
susceptibles d'avoir contrevenu à une loi ou à un
règlement ou susceptibles de profiter d'avantages auxquels ils n'ont pas
droit, ce n'est pas du tout de même nature que quand on parle de
personnes pour lesquelles on a des motifs très raisonnables de croire
qu'elles ont contrevenu à. C'est très différent comme
approche.
L'autre dimension qu'on veut porter à votre attention, et la
Commission d'accès à l'information l'avait fait aussi, c'est que,
sous l'empire des dispositions qui ont été modifiées en
1985, déjà l'article 67 sert de façon très
importante à aller chercher des renseignements nominatifs à la
pièce, dans des banques de données, pour des fins de
contrôle, pour des fins de comparaison.
(11 h 15)
La portée de ce qui apparaît maintenant dans le projet de
loi, à l'article 68, c'est à la fois dangereux, donc, parce que
ça peut devenir un appareil de contrôle social très
important mais c'est aussi inquiétant parce que ça limite le
champ où il y a contrainte d'entente entre organismes publics. Le champ
réglementé des échanges de renseignements diminue, le
champ non réglementé augmente. C'est dangereux aussi parce que,
à notre point de vue, on ajoute dans
le projet de législation la possibilité qu'il puisse y
avoir approbation d'entente sans qu'on ait la garantie que l'avis de la
Commission d'accès à l'information, qui aurait pu être
défavorable, continue d'être déposé à
l'Assemblée nationale.
Nous suivons aussi le raisonnement de la Commission d'accès
à l'information quand elle nous dit: Avec l'évolution des
nouvelles technologies, la portée de l'article 68 tel qu'il existe
devrait être modifiée pour s'assurer que la notion de fichier
couvre plus large que ce que ça couvre actuellement, parce qu'on sait
bien que c'est facile dans un appareil gouvernemental, avec des systèmes
où il peut y avoir facilement de l'échange d'informations d'un
micro à un autre-Une voix: Ha, ha, ha!
M. Johnston: Là, je ne parle pas de micro pour transporter
la voix. ...sans qu'il n'y ait nécessairement appariement, ou
comparaison, ou juxtaposition de banques de données
complètes.
L'autre facteur qui nous inquiète aussi, c'est qu'on ne chemine
pas beaucoup dans le sens de la démocratisation du débat sur le
contrôle des banques de données gouvernementales.
Là-dessus, je vais vous référer aux quelques idées,
aux quelques suggestions qui ont été soumises par la Ligue des
droits et libertés auxquelles nous souscrivons dans l'ensemble sur cette
question. Je pense que l'article 70 de la loi sur l'accès à
l'information aurait besoin d'être retravaillé pour permettre
véritablement l'organisation d'un débat démocratique sur
les ententes de couplage de données.
Finalement, je voudrais aussi signaler qu'il y aurait lieu de prendre
des précautions à l'intérieur de la loi pour s'assurer que
ce qui ne pourrait pas être fait sans contrôle par les organismes
publics, entre organismes publics, ne puisse pas se faire indirectement en
utilisant des banques de données privées constituées par
des agences privées et ainsi contourner, en quelque sorte, les
dispositions législatives qui demeurent.
Je veux donc, pour conclure cette présentation brève d'un
mémoire très bref, appeler les membres de la commission et Mme la
ministre à considérer avec beaucoup d'attention les risques de
glissement imperceptibles probablement pour une large fraction de la population
tant et aussi longtemps qu'on discute des textes mais dangereusement
perceptibles au moment où ils pourraient être appliqués. On
n'a pas de grosse tradition, au Québec, de débat structuré
autour de questions aussi complexes que ça, mais il ne faudrait pas
profiter du fait qu'il n'y a pas de tradition de débat public
développée au Québec pour amenuiser en quelque sorte la
portée de la loi et se refuser à une forme de raffermissement qui
est probablement nécessaire si on veut que les citoyens et les
citoyennes aient le sentiment d'être protégés dans leur vie
privée, tout autant à l'égard du traitement et du couplage
de données qu'à l'égard des saisies qui peuvent être
faites dans leur domicile privé. Des comparaisons sont peut-être
difficiles à établir parce que ça ne se traduit pas de la
même façon en réalité, mais les effets sur les
personnes peuvent être vraisemblablement de même nature.
J'ajouterai que dans un contexte où il peut y avoir des pressions
très importantes pour créer une bonne industrie de traitement de
banques de données, il faut aussi que la loi soit resserrée et
que le gouvernement assure la population qu'il la met à l'abri de
l'utilisation de banques de données développées dans le
privé à des fins de contrôle social et gouvernemental. Je
m'arrêterai là-dessus. Je pense avoir couvert l'essentiel. Je suis
disposé à répondre à vos questions.
Le Président (M. Messier): Merci, M.
Johnston. Est-ce que Me Lapierre aurait quelques considérations?
Ça va. Mme la ministre, en réplique.
Mme Frulla-Hébert: M. Johnston, Me Lapierre, je vous
remercie de vos commentaires. Je ne sais pas si vous étiez là
hier.
M. Johnston: Non, madame.
Mme Frulla-Hébert: Bon. Hier matin, lors du discours
préliminaire d'ouverture, on s'est rendu compte - on le savait de toute
façon, mais je l'ai sorti et mis en évidence - que toute la
politique ou, enfin, toute la question de couplage, c'est une question,
évidemment, qui est très sensible et avec raison parce qu'on a
tous à coeur de protéger aussi nos renseignements personnels,
d'une part.
Deuxièmement, vous savez que la politique de couplage a
été acceptée unanimement par l'Assemblée nationale
le 20 juin 1985. Quand on a apporté la modification au niveau du
couplage, l'intention était celle-ci. L'intention n'était
nullement de mettre en danger ou en péril la population sur ce sujet,
mais surtout d'essayer d'alléger, justement, le processus administratif
de la CAI qui, elle, nous l'avait souligné en 1987 quant à des
couplages pour des fins qu'on appelait, à ce moment-là,
administratives, c'est-à-dire des changements d'adresse, par exemple,
pour que les gens puissent avoir accès plus rapidement à des
programmes qui, des fois, sont bloqués par un manque d'information, si
tu veux, au niveau administratif.
On s'est aperçu, finalement, que cette question qui se voulait,
qui était nécessaire pour essayer d'alléger le fardeau de
la CAI et la rendre plus efficace, cette modification à l'article,
c'était quand même un point très chaud et sensible. Alors,
comme notre position n'était pas d'insécuriser la population,
nous avons décidé d'enlever l'article 68.1 et de revenir au
principe que la CAI, qui est finalement l'organisme
responsable d'appliquer la loi sur l'accès, se devra de toujours
donner un avis sur tout couplage. Alors, j'espère que ça clarifie
un peu la situation, d'une part.
Deuxièmement, quant au développement de la technologie,
d'un côté on veut bénéficier du développement
de la technologie et de l'autre, évidemment, ça rend la situation
- et vous avez bien raison - complexe, parce qu'il y a une prolifération
de renseignements sur nous qui se promènent un peu partout. C'est
complexe, ce n'est pas facile non plus à régler. On a
formé un comité interministériel qui travaille
spécifiquement là-dessus en fonction d'entrer justement en 1992
pour apporter, si on veut, des recommandations ou, enfin, des ajouts ou des
amendements quant à cette question spécifique.
Je veux vous poser la question: Est-ce que vous croyez qu'il est
possible - c'est la question qu'on se pose tous - d'utiliser l'informatique de
façon optimale, d'une part, parce qu'on ne peut pas l'éviter,
tout en sauvegardant nos valeurs qui nous sont si précieuses comme
celles de la vie privée? Effectivement, c'est la question qu'on doit se
poser et qu'on va se poser finalement dans la prochaine décennie et
sinon plus. Mais, selon vous, est-ce qu'il y a une incompatibilité?
Est-ce possible?
M. Johnston: Je ne me prétendrai pas spécialiste,
mais je pense qu'on n'a pas le choix que de rendre ça possible. Il y a
de l'accumulation de données par des organismes gouvernementaux. Je
pense qu'il n'y a pas de problème dans la mesure où les
organismes traitent les renseignements qui ont été fournis
à des fins spécifiques pour ces fins. Là où il
commence à y avoir des problèmes qui sont de l'ordre de ce qu'on
peut appeler le viol de la vie privée, c'est quand des informations sont
fournies à une fin et peuvent éventuellement passer à
travers l'ensemble des organismes gouvernementaux à des fins de
dépistage, alors qu'elles n'ont pas été fournies pour
ça. C'est une question de crédibilité pour la population.
Comment voulez-vous que les citoyens et les citoyennes puissent avoir confiance
en un appareil gouvernemental qui utilise des données fournies de bonne
foi à des fins qui sont complètement étrangères
à celles pour lesquelles elles ont été fournies? C'est un
premier problème et il faut le régler. Pour le régler,
c'est bien sûr que ce n'est peut-être pas approprié d'aller
demander chaque fois le consentement personnel de l'individu, mais, comme la
Ligue des droits, nous croyons que le développement d'ententes sur le
couplage de données devrait faire l'objet d'un débat sur la
finalité de l'entente avant qu'elle soit finalement ratifiée et
appliquée. Ça permettrait aux gens d'avoir une prise
là-dessus, puis de peut-être assurer un équilibre entre le
développement de la capacité de traitement de données, de
couplage de données, puis les besoins de protection de la
population.
Hier, je n'étais pas ici quand vous avez fait votre
déclaration d'ouverture, mais je souhaite que vous ayez
déjà indiqué la volonté de faire disparaître
les termes "susceptibles de" et je souhaite aussi qu'à travers la
nouvelle formulation que vous allez proposer vous allez chercher à
rétablir la suprématie de la loi sur l'accès à
l'information et de la protection des renseignements personnels sur les lois
ordinaires et non pas aller dans le sens d'un glissement pour en faire une loi
ordinaire qui ne sert que de filet de sécurité dans les cas
où les lois ordinaires ne prévoient rien.
(11 h 30)
Je pense donc qu'il n'y a pas de réponse absolue dans ce que je
vous dis. Je ne me prétends pas spécialiste pour donner une
réponse au finish, mais je pense qu'une question qui est au centre des
enjeux démocratiques ne peut pas se régler autrement que par le
soin d'organiser de véritables débats démocratiques sur
les enjeux de chaque formule de couplage de données.
Mme Frulla-Hébert: D'abord, je pense que je vais aller
au-delà de vos espoirs parce que l'article 68.1, on l'enlève.
Alors, vous ne verrez pas le mot "susceptibles" et vous ne verrez pas l'article
non plus.
Le Président (M. Messier): Mais avant, M. Lapierre avait
peut-être d'autres considérations à apporter.
M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui, je voudrais ajouter certaines
remarques. Je ne suis pas spécialiste plus que Raymond Johnston. La
question est extrêmement complexe mais c'est certain qu'il y a un
objectif qui est d'utiliser l'informatique de manière optimale et il y a
l'objectif de la protection de la vie privée. Il y a des enjeux. Il faut
trouver un équilibre par rapport à ces objectifs et par rapport
aux enjeux. Il me semble qu'il y a une bonne technique qui était
suggérée par la Commission qui nous semble adaptée
à l'évolution de l'informatique qui est l'élargissement de
la notion de fichier. Ça nous a semblé être adapté
à l'évolution et je pense que c'est un exemple de technique
juridique qui peut être utilisée pour augmenter la protection. Par
. ailleurs, ça nous rassure dans une certaine mesure que devant cette
question complexe là la CAI dise qu'elle poursuit actuellement une
étude sur la question de la transmission des renseignements personnels.
Je pense que ça va être intéressant d'avoir les
résultats et que ça va probablement apporter des
éclairages qui permettront de développer une nouvelle technique
juridique et d'avoir des politiques adaptées a la situation.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Lapierre.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, je veux quand
même vous préciser que nous avons annoncé hier aussi la
mise sur pied d'une politique de commercialisation de ces banques de
données parce que, évidemment, nous sommes contre aussi que des
banques de données qui ont été accumulées avec
l'argent des contribuables servent à des entreprises privées pour
fins tout simplement de profits. Alors, c'était l'objectif de l'article
de la loi, cet objectif reste toujours. Je suis profondément,
profondément contre cette utilisation personnelle des banques de
données qui sont colligées. Par contre, nous allons non seulement
mettre sur pied ce groupe de travail sur la commercialisation des banques de
données mais, à ce moment-là, le rapport deviendra public
et il y aura une discussion là-dessus. Donc, d'une part, il y a un
comité interministériel pour regarder toute la question de
l'évolution de la technologie. D'autre part, en collaboration aussi avec
la CAI qui fait son bout de chemin et travaille avec nous, débat public
sur la commercialisation des banques de données parce qu'effectivement
on a beau se creuser la tête ici et dire: On va arriver avec une solution
simple ou, enfin, une solution toute cuite, vous avez raison, elle sera
évolutive.
Il y a une chose qui me chicotte un petit peu dans votre
présentation. C'est que, hier, on a aussi découvert, notamment
avec M. Winters, de The Gazette, qu'il y a un problème d'attitude au
niveau de cette loi-là. De toute façon, c'est-à-dire quand
les gens vont ou essaient d'avoir des renseignements, il y a une espèce
de réticence de la part des organismes. C'est ce qu'on nous a dit nier.
Nous, au niveau du ministère des Communications, avec la CAI, on sait
qu'il y aura un effort de pédagogie à faire. La loi est
méconnue ou mal connue. Et deuxièmement, encore là, nous,
on avait décelé une espèce de réticence face
à cette loi-là.
Cela dit, dans le but de corriger l'attitude, de rendre les gens qui
s'en servent ou qui y sont soumis, de les rendre positifs à travers
cette loi qui est une loi effectivement prépondérante d'une part
et qui touche les droits fondamentaux, on voudrait un peu changer le dialogue,
c'est-à-dire d'en arriver avec des termes ou un dialogue très
positif entre la population et les organismes. Et je vous entends et vous me
dites: Les organismes essaient de profiter des banques de données pour
aller chercher des contrevenants, bon, et je veux savoir si j'ai bien compris,
là, parce que vous savez comme moi que des contrevenants... Vous
êtes un contribuable. On en est tous ici, et que dans le cas de la
sécurité du revenu, il y en a pour 30 000 000 $ de gens qui
fraudent. Je ne pense pas que ça nous tente. On voudrait bien que notre
argent serve à aider ceux qui en ont besoin, pas ceux qui fraudent le
système non plus. Donc, il y a un besoin là aussi. Et ça,
il en va de nos droits aussi comme contribuables. Mais je sens et je
perçois, et dites-moi si j'ai tort, que d'un côté les
organismes publics sont finalement les mauvais partis, si on veut, ceux qui
essaient de cacher, et de l'autre côté il y a ceux qui essaient
d'avoir de l'information et à juste i fre. Et nous, ce qu'on
essaie de faire maintenant, c'est de rendre tout ça positif. Je ne pense
pas que les organismes publics sont ceux aussi qui veulent absolument... qui
sont réticents ou essaient de cacher, d'une part, en
général, et que ceux qui se servent des renseignements ou qui
veulent avoir des renseignements publics ou encore qui essaient de conserver
leur vie privée sont tous aussi, si on peut dire, vierges de
défauts. Alors, j'essaie juste de voir... de ramener ça sur un
débat positif.
M. Johnston: Écoutez, moi, je ne veux pas créer de
confusion. Je n'ai pas accusé les organismes publics de partir à
la chasse pour faire du couplage de données. Ce dont je faisais le
procès, c'est de l'article 68.1 qui était proposé et qui
ouvrait ça. Je n'accuse pas les organismes publics dans leur
comportement actuel. De toute façon, je n'ai pas fait d'enquête
suffisamment approfondie pour être capable de porter des accusations et
de les soutenir. Mais, il y a une chose claire cependant, c'est que ce que nous
ne voulons pas voir arriver serait permis avec l'article 68.1 que vous avez
annoncé vouloir retirer. Et c'est là-dessus que j'intervenais.
Oui, il faut de l'ouverture. Oui, il faut un débat public. Oui, il faut
que les organismes gouver-mentaux soient en relation avec la population. Et il
faut que le rôle des organismes publics et la façon dont ils
gèrent les banques de données soient tellement bien connus, que
la population soit tellement bien rassurée que les choses soient claires
pour tout le monde et qu'il ne puisse pas y avoir de procès d'intention
non fondé ou juste sur des vagues "feelings". Et l'organisation d'un
débat sérieux sur la gestion des données, débat
démocratique ouvert sur la gestion des données, ça
permettrait ça, madame.
Mme Frulla-Hébert: Alors, M. Johnston, je pense qu'on
poursuit les mêmes objectifs. Je répète que l'intention du
gouvernement face à l'article 68.1 n'était pas, mais pas du tout,
de restreindre ou, enfin, d'ouvrir la porte à des couplages indus. Au
contraire, c'était tout simplement pour essayer, tel que la Commission
nous l'avait demandé en 1987, d'alléger justement le travail et
le fardeau de la Commission quant à des couplages administratifs qui des
fois prennent sept mois et, souvent, c'est la personne en bout de ligne qui est
privée d'un certain programme, parce que ces couplages-là sont
longs. Maintenant, je pense que, justement avec un dialogue, on a pu conserver
le principe d'essayer d'être plus efficaces au niveau administratif. Mais
il y a l'autre principe de protection qui dit que c'est la CAI qui, par un
avis, sera l'organisme dont la responsabilité sera de voir
à ce que tout couplage soit finalement justifié.
Le Président (M. Messier): Merci. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vous
souhaite la bienvenue et je dois dire que je trouve ça
intéressant la vision que vous apportez par rapport à votre
mémoire, mais surtout l'entrée... ce que vous nous avez dit au
début. C'est vrai que, comme société, on n'a pas beaucoup
de débats au moment où on se parle. Et le message que moi, en
tout cas, j'ai perçu, c'est que vous voulez profiter de cette courte
rencontre pour en faire un débat de société et ne pas se
laisser leurrer par des points précis. Et, ça, je trouve que vous
avez raison. La discussion qu'on a, on les prend point par point, il faut le
faire, c'est un projet de loi. Sauf qu'on n'est pas à l'étude
article par article et on a le droit d'aller au-delà des mots qui sont
écrits, mais d'aller dans le sens et l'orientation qu'on prend comme
société. Le discours que vous tenez et la lecture de votre
document, de même que la lecture d'autres mémoires qui ont
été présentés ou qui vont l'être cet
après-midi, nous montrent effectivement beaucoup d'inquiétudes
dans la société par rapport à ce que vous avez
appelé tantôt le glissement. Oui, il y a un glissement, et il y a
un glissement dans cette loi-là que, moi, je perçois; un
glissement que je considère très inquiétant comme
société démocratique, puis je le dis tel que je le pense,
par rapport à ce que j'ai entendu chez vous, par rapport aux discussions
qu'on a et par rapport à la lecture des mémoires que j'ai
effectuée.
Il y a des glissements et il y a des choses qui sont significatives, je
pense. On dit que le législateur ne doit pas parler pour rien. C'est
reconnu, puis j'espère que c'est toujours vrai. Si le législateur
ne doit pas parler pour rien, ça veut dire que ce qu'on retrouve dans le
projet de loi, ce sont des indications vers où on s'en va. Et quand on
regarde certains articles, on a le droit de se questionner puis de
s'inquiéter. Et on n'est pas les seuls à le faire, la preuve, ce
sont les groupes qui sont ici, qui ont présenté des
mémoires et qui sont presque unanimes sur une dizaine de points. Quand
on regarde les mémoires qui ont tous été
présentés, il y a à peu près dix articles sur
lesquels il y a un consensus peut-être pas entre les intervenants et le
gouvernement, mais il y a un consensus entre les intervenants pour qu'on ne
modifie pas certaines choses ou pour qu'on aille dans un sens qui est
retrouvé d'une façon presque continue dans l'ensemble des
documents.
Quand vous parliez de glissement, il y a l'article 2 sur les
municipalités. Vous me dites: II est modifié. Oui, il est
modifié, sauf que ce qu'on retrouve dans un projet de loi, à mon
avis, normalement, ce n'est pas mis par erreur, c'est parce qu'il y a une
intention gouvernementale qui est manifestée dans un projet de loi. Un
projet de loi, ça ne nous arrive pas, normalement, comme un accident;
ça nous arrive comme une préparation, j'espère. Si
ça nous arrive comme quelque chose de bien préparé,
planifié et demandé par le gouvernement ou par des ministres
sectoriels, c'est qu'on a des intentions, et on les retrouve. Là, il y a
des intentions graves qui sont manifestées, à mon avis, et on
s'en rend compte plus on discute du projet de loi. Heureusement, on
amène des correctifs, mais, au-delà des correctifs, ce qu'on
retrouve dans le projet, c'est des intentions, et c'est là où il
y a des glissements dangereux. Vous avez raison de nous amener sur un dossier
qui est plus vaste.
Vous l'avez centré spécialement sur un article - ça
aussi vous avez raison - vous l'avez amené sur l'article 19 qui vient
modifier l'article 62.1; il est important, celui-là aussi. Ah! Je
m'excuse, l'article 68.1. Il est très important, au point où,
effectivement, tous les groupes ont demandé des modifications, et le
ministre a accepté d'en apporter. Bon. Bravo! On va connaître plus
en détail, lors de l'étude article par article, le contenu comme
tel, sauf que j'ai écouté hier, j'ai écouté encore
ce matin quand la ministre a dit qu'on va revenir au principe. Bravo! Qu'on
revienne au principe! Sauf que l'impression que beaucoup de gens ont et que,
vous, vous manifestez clairement, cet article-là venait faire en sorte
d'appliquer une volonté gouvernementale, et vous avez
spécifié des groupes bien précis. Vous avez parlé,
dans votre intervention du début, de la loi 37. Quand on la regarde, la
loi 37, c'est vrai qu'elle s'applique maintenant partout; la loi 37, c'est
devenu, puis je le dis tel que je le pense, au Québec,
présentement, presque une loi générale et fondamentale.
Elle oriente, elle dirige, elle guide, elle influence à peu près
tous les secteurs, à partir de maintenant: directement les
assistés sociaux dans leurs prestations; ça touche l'habitation
dans l'accès au logement et le coût des logements; ça les
touche maintenant dans et directement avec Acrofax sur leur vie privée
et légitime. Et ça, c'est la loi 37. Moi, l'impression que j'ai,
je le dis clairement, c'est que cet article-là, ce n'est pas un
accident, cet article-là, c'est une décision, c'est une
orientation gouvernementale dans le sens de l'application de la loi 37.
(11 h 45)
Et je ne sais pas si c'est vous, parce que je sais que vous y faites
allusion, je ne sais pas si vous allez aussi loin qu'un autre groupe qui dit
que, finalement, cet article-ià permet de faire en sorte qu'il y ait,
comme il y a deux Québec dans un, maintenant deux catégories de
citoyens: les pauvres sur qui on peut plus facilement avoir des banques de
données et faire en sorte qu'ils risquent d'être les plus
pénalisés, et les autres
qui ne le sont pas. Je pense que ce n'est pas dans votre mémoire
mais dans un autre - on va y revenir - où on dit finalement: C'est parce
qu'on est pauvre, parce qu'on n'est pas en santé et pour toutes sortes
de raisons, pas très souvent mais malheureusement c'est comme ça,
c'est très interrelié, pauvreté et maladie. On s'en rend
compte dans des quartiers de Montréal. Ça veut dire que ces
gens-là sont à peu près sur toutes les listes. Donc, ils
risquent d'être catalogués. Donc, les pauvres vont être plus
catalogués que les riches. C'est un danger. Ce que je veux, c'est qu'on
soit juste sensibles à ça et c'est pour ça que je profite
de votre mémoire qui amène une vue globale de la
société, parce que vous l'avez commencé comme ça,
pour qu'on s'en rende compte, parce que c'est le discours qu'on entend partout
au Québec et dans nos comtés de ce temps-là. Les gens
trouvent que, oui, on est beaucoup numérotés et catalogués
et que de plus en plus il y a de fichiers. Justement, dans La Presse de ce
matin - je ne dis pas que je suis contre - ça confirme: Le fichier
central enregistre ses premières données, le Groupe des
assureurs. C'est ça et, nous, on s'en va heureusement - il en a
été question hier et je suis content - vers une politique de
commercialisation. Il est temps. Il va falloir, comme vous le disiez
tantôt, que ce soit bien encadré, bien clair et que ça ne
soit pas confus pour que les gens connaissent leurs droits et leur protection.
Vous avez raison de l'amener sur ce débat-là. Je suis sûr
que d'autres groupes vont l'amener aussi, mais il faut qu'on soit clairs
là-dessus. Il ne faut pas profiter d'une loi comme ça pour
changer nécessairement des choses acquises dans la
société, sinon c'est un danger et un danger grave.
Je donne juste un autre exemple là-dedans. Quand il nous est dit,
à l'article 8... l'histoire de la sécurité interne
à l'intérieur des services gouvernementaux. Vous avez tous
entendu ça et même on l'utilise dans les discours en disant
qu'Hydro-Québec est devenue un État dans l'État. Les
sociétés deviennent très omniprésentes et
superpuissantes - les sociétés d'État - et on va leur
donner, encore une fois, un pouvoir de plus. C'est ça quand je dis:
C'est des attitudes. La ministre utilise, elle, le thème "attitudes".
C'est vrai que c'est des attitudes mais c'est aussi des perceptions par rapport
à la population. Il faut faire attention de ne pas augmenter la
perception négative par rapport à l'État et par rapport
aux sociétés d'État et c'est par des lois comme ça
qu'on risque de changer des choses.
Maintenant, quand on regarde directement votre mémoire, ce que
vous dites et ce que vous demandez, à la page 5, ce sur quoi vous
appuyez, la Commission d'accès à l'information, effectivement,
pour nous, est la société, par rapport au sujet qui nous
intéresse, par excellence, de par son expérience, son expertise,
qu'on doit écouter comme législateur lorsqu'on doit
légiférer. Donc, elle nous en fait des bonnes recommandations.
Elle en fait une à l'effet que, lorsqu'on fera des fichiers ou du
couplage, on obtienne non pas un avis, ce que vous demandez, mais une
autorisation de la Commission. J'aimerais ça que vous élaboriez
davantage là-dessus.
M. Johnston: Jean-Marcel va répondre.
M. Lapierre: En fait, notre recommandation de la page 5 ne porte
pas sur la question de couplage. Elle porte sur la question de l'obtention par
un organisme public de renseignements déjà colligés par un
organisme privé. C'est plutôt la question de la transmission des
renseignements d'un organisme privé à un organisme public.
Actuellement, la loi prévoit que ça peut se faire en en informant
la Commission. Il y a une obligation d'information qui est prévue
à l'article 66. La CAl recommandait dans son rapport que ce ne soit pas
seulement une obligation d'information, mais que ce soit une obligation
d'obtenir une autorisation. Nous soutenons cette recommandation parce qu'on
pense qu'il peut y avoir un problème très important de
transmission d'information d'organismes privés à organismes
publics qui peut compromettre les objectifs de la loi.
M. Paré: Juste une dernière question. Vous
étiez dans la salle tantôt. Je sais qu'on ne le retrouve pas dans
votre mémoire mais comme je pense que c'est important, en tout cas, en
termes d'éclairage pour les membres de la commission, le sujet dont on a
traité avant c'est par rapport à l'accès aux documents
pour les étudiants par rapport aux avis et recommandations qui sont
faits pour être capable de les rendre admissibles aux subventions, aux
bourses et à l'admissibilité même aux cours d'enseignement
supérieur. Les recteurs nous ont dit que, de toute façon, c'est
ouvert. C'est comme un sujet connu, qu'il n'y a pas de problème avec
ça, que de toute façon les professeurs et les étudiants
sont très bien informés. J'aimerais avoir votre avis par rapport
à l'article qu'on va inclure et qui va permettre une exception ou une
limitation au droit d'accès pour les étudiants.
M. Johnston: Si vous me le permettez, je voudrais attirer votre
attention, avant de répondre à votre question, sur un autre
problème que je n'ai malheureusement pas abordé. On a,
aujourd'hui, à débattre du projet de loi 62 et de possibles
modifications. À la même période où ce projet de loi
a été déposé, il y a deux autres projets de loi qui
touchent à la question de l'accès à l'information et au
traitement des renseignements personnels qui ont aussi été
déposés à l'Assemblée nationale: l'un qui venait
amender la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le
projet de loi 76, et un autre qui venait amender - si ma mémoire est
bonne - la
Loi sur l'assurance-maladie du Québec et la Loi sur la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, le projet de loi 42.
Moi, je voudrais souligner à la commission, et à la
ministre en particulier, que je trouve que ce traitement
différencié de ces trois pièces législatives
déposées quasiment en même temps, qui portent
fondamentalement sur les mêmes enjeux de fond, ça pose
problème. On regarde aujourd'hui une pièce, qui est le projet de
loi 62, mais en parallèle, dans d'autres lieux, le monde adopte des
projets de loi, des lois, qui viennent tasser les principes qui sont
déjà contenus dans la loi sur l'accès à
l'information et la protection des renseignements personnels.
Pour répondre plus précisément à votre
question, maintenant, nous n'avons pas fait d'étude fouillée de
cette question. Comme nous le disions d'entrée de jeu dans notre
mémoire, notre court mémoire, nous avons pris connaissance, par
ailleurs, de la position que la Ligue des droits a défendue devant cette
commission et, de façon générale, nous soutenons les
propositions et les orientations que contient le mémoire de la Ligue des
droits et libertés, sauf les nuances qui apparaissent dans notre texte.
Donc, il y a là des éléments de réponse.
D'autre part, je pense qu'il y a une difficulté
supplémentaire qui n'est peut-être pas prise en compte de
façon suffisante. Il se peut, comme il était mentionné
tantôt, qu'à l'occasion l'accès à des
recommandations par les étudiantes et les étudiants puisse
créer des problèmes pour certaines catégories de
personnels à l'intérieur de l'université ou certains
individus parmi le personnel à l'université. Il se peut, par
ailleurs, que ça exerce une pression à l'intérieur de
l'université.
Dans les propos qu'on entendait tantôt, on entendait surtout
l'effet que pourrait avoir une recommandation négative qui serait connue
d'un étudiant, dont l'auteur serait également connu par
l'étudiant. On lie toujours la question à une décision
finale. Peut-on imaginer qu'il puisse arriver des cas où la
première décision rendue - parce que tantôt on
évoquait qu'il pouvait y avoir des mécanismes à
l'intérieur des universités et une mécanique interne
d'appel, disait-on - puisse être renversée quand l'étudiant
ou l'étudiante serait en mesure d'exploiter à sa connaissance,
dans les recours internes à . l'université, le contenu des
recommandations qui sont dans son dossier pour faire renverser une
première décision? Que tout ça soit sous le boisseau
jusqu'à décision finale, ça veut dire que le seul recours
qui reste, le cas échéant, c'est un recours devant les tribunaux
civils et, bien souvent, il n'y a pas beaucoup d'avantages pour
l'étudiant, parce que le profit qu'il pourrait en tirer est tellement
éloigné que ça ne règle pas son vrai
problème. Donc, je pense qu'il y a plusieurs éléments de
réflexion dont il faut tenir compte autour de ça, mais on n'a pas
arrêté une position définitive fignolée sur cette
question-là et je pense qu'il y a d'autres éléments dont
il faut tenir compte autour de ça. De façon
générale, la position que la Ligue des droits avait
avancée là-dessus nous irait à ce moment-ci. Donc, on ne
partagerait pas l'opinion qui a été émise par le groupe
qui nous a précédé.
M. Paré: Merci.
M. Johnston: Peut-être que Jean-Marcel peut
compléter.
M. Lapierre: Oui. Je voudrais peut-être ajouter une
remarque. Il nous semble que, pour échapper à une politique
générale reliée à un droit fondamental comme le
droit à l'information, il faut être très convaincant et il
nous semble que le fardeau de la preuve est à ceux qui demandent
d'échapper au principe général d'accès à
l'information. Nous ne sommes pas convaincus qu'on ait démontré
qu'une exception était nécessaire.
Le Président (M. Doyon): Merci. M. le
député, avez-vous d'autres questions à poser?
M. Paré: Non, ça va.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Pour conclure, je vous remercie de vos
représentations. On voit que vous êtes très
préoccupés par l'ensemble de la problématique des
renseignements personnels. Je dois vous dire que moi aussi, pour
répondre aux allégations du député de Shefford, qui
remplace mon critique habituel, le député de Gouin. Pour nous qui
travaillons avec cette loi depuis, enfin, pour moi, depuis que j'en suis
responsable, je tiens seulement à vous rassurer sur ceci: notre
intention a toujours été, d'une part, d'améliorer et de
bonifier la loi. Évidemment, on essaie de concilier les demandes des
différents groupes qui sont souvent à l'opposé. On va le
voir tantôt. Les groupes s'opposent et ce n'est pas facile non plus de
trancher. Chose certaine, jamais il a été dans notre intention et
d'ailleurs, par toutes les consultations qui ont été faites:
trois jours de commission parlementaire en 1988, 300 consultations, le projet
Moreau-Fecteau en 1988... On essaie de le relever pour voir s'il n'y aurait pas
encore des choses à y apporter et c'est sûr qu'il va toujours y en
avoir, cette loi-là est une loi qui est évolutive.
Cela dit, quand nous avons présenté le projet de loi en
fin de session - c'est toujours en fin de session finalement - ce qui
était important, c'était de le présenter en
deuxième lecture. Pourquoi? Parce que, si on n'avait pas réussi
à le faire, on revenait au processus zéro et je pense qu'on
aurait tous été perdants.
C'était ça l'objectif. Qu'on ait cette discussion-ci, je
pense qu'elle est d'autant plus constructive que nous avons rencontré
tous les groupes cet été justement pour essayer de déceler
des inquiétudes, de parler des appréhensions.
Les amendements qu'on apporte sont des amendements fondés sur une
grande écoute parce que, comme je le disais dans mon discours
d'ouverture, cette loi-ci c'est notre loi, elle a été
adoptée à l'unanimité, il faut que les gens s'y sentent
confortables et nous essaierons, dans la mesure du possible, non seulement de
voir à la problématique future qui est ce développement
technologique, renseignements privés, etc. - ça, je vous le dis,
on y voit - mais, encore une fois, d'être toujours à
l'écoute des différents groupes et ensuite de concilier les
diverses demandes et là, là-dessus, on devra prendre une
décision. Mais je pense que ce qui est important, d'abord et avant tout,
c'est aussi de changer les attitudes par rapport à cène loi, de
changer les attitudes aussi par rapport à certains groupes en disant:
Bon, est-ce que le gouvernement veut nous cacher des choses et tout ça?
Avec cette loi-ci et tant que je serai responsable, je veux qu'il y ait un
dialogue continu et je veux que, encore une fois, cette loi ne soit pas
punitive, qu'elle soit évolutive parce qu'elle est à la grandeur,
si on veut, des citoyens du Québec, parce qu'on dit que c'est une des
meilleures lois et une des plus avant-gardistes au monde et on veut la garder
comme telle. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Paré: Non, ça va. Je vous remercie beaucoup de
votre présentation et de votre présence.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci,
messieurs.
Nous allons maintenant... Voulez-vous qu'on suspende quelque quatre ou
cinq minutes? Quatre ou cinq minutes de suspension, donc.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 12 h 12)
Le Président (M. Ooyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux.
Nous avons déjà entendu deux groupes. Maintenant, c'est au
tour de la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec à se faire entendre. J'inviterais ses
représentants, M. André Noël, d'après ce que je
comprends, et M. Claude Robillard, à bien vouloir prendre place à
la table et à nous présenter leur mémoire ou à nous
faire leurs remarques générales avant de répondre aux
questions de la ministre ainsi que des députés.
Donc, vous connaissez la façon de procéder: une vingtaine
de minutes et, après ça, les 40 minutes qui suivent sont
partagées à peu près également entre les deux
groupes parlementaires. Vous avez la parole, M. Noël, je pense.
Fédération professionnelle des journalistes du
Québec
M. Noël (André): Oui, André Noël,
président de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec. Je remercie la ministre et les gens de la
commission de la culture de nous avoir invités. C'est la première
fois que je participe à une commission parlementaire, alors, vous
m'excuserez de ne pas toujours suivre le protocole et de ne pas être le
plus grand orateur qui soit non plus.
Pour résumer, la FPJQ est la principale organisation
professionnelle des journalistes au Québec. On regroupe environ 1100
journalistes. On est, par contre, une fédération avec très
peu de moyens financiers. Il y a un seul employé permanent qui est
Claude Robillard, assis à ma gauche. On n'a pas les moyens, par exemple,
d'embaucher des avocats pour faire des études légales des projets
de loi ou des choses comme ça, ce qui fait que, des fois, vous nous
excuserez, sur certains points, de n'être pas toujours au fait des
subtilités légales et je vous demanderais d'accepter plutôt
ce qu'on dit sur le fond.
Je vais passer rapidement à travers le mémoire. Il y a
certains passages que je vais lire et d'autres sur lesquels je vais passer vite
parce que la ministre a annoncé ses intentions et puis c'est inutile de
s'étendre là-dessus. C'est le cas, par exemple, pour l'article 2
du projet de loi pour les organismes paramunicipaux. La ministre a
annoncé son intention d'éviter toute confusion là-dessus.
C'est-à-dire qu'on craignait qu'avec le projet de loi 62 il y ait des
organismes paramunicipaux qui soient exclus de l'application de la loi. Venant
de Montréal, ça nous inquiète beaucoup. Notamment, par
exemple, si vous vous souvenez de certains organismes, comme l'AMARC, qui ont
fait l'objet d'enquêtes journalistiques intéressantes où il
y a eu des débats sur l'application de la loi. L'AMARC, qui est
l'association qui gère la Ronde, à Montréal, où il
y a eu des allégations de conflits d'intérêts,
prétendait que la loi ne s'appliquait pas à elle et il y a eu
tout un débat là-dessus. Donc, on est satisfaits de voir qu'il va
y avoir un papillon et que tout organisme relevant de l'autorité d'une
municipalité, peu importe son statut, va être sujette à
l'application de la loi.
Maintenant, sur l'article 5 du projet de loi, la question des banques de
données, je ne veux pas non plus m'étendre longtemps
là-dessus parce que la ministre a annoncé la création d'un
groupe de travail; la FPJQ verra plus tard si c'est pertinent pour elle de
participer à ce
comité.
Sur l'article 8 du projet de loi, c'est quelque chose qui est un peu
plus difficile. Je vais vous lire les passages des pages 4 et 5 de notre
mémoire: L'article 8 du projet de loi prévoit la
désignation par règlement des organismes publics dont les
services de sécurité pourront se prévaloir des
restrictions contenues dans l'article 28 de la loi. Il nous apparaît
inutile de spécifier de la sorte que certains organismes tombent sous
l'autorité de 28 sans être astreints de nommer alors tous les
autres organismes ou services qui pourraient se prévaloir de l'article
28. L'article 8 est d'autant plus inutile que les autres éléments
de la loi suffisent à atteindre les buts recherchés par le
législateur.
Mais il y a plus. La FPJQ s'inquiète du dérapage que cet
article concrétise. À l'origine, dans l'esprit de la commission
Paré - qui est à l'origine de la loi et de la Commission
d'accès à l'information - cet article visait avant tout à
protéger le travail des forces policières, ce qui est un souci
légitime. Mais l'article 28 est utilisé de façon de plus
en plus large, de manière à protéger également le
travail d'une nuée de fonctionnaires qui peuvent tous prétendre
plus ou moins avoir un pouvoir d'enquête ou une mission de
prévenir le crime ou les infractions aux lois.
Je vais résumer, ici, un peu rapidement. Fort heureusement, la
Commission d'accès interprète l'article 28 de façon assez
juste. C'est-à-dire qu'elle considère que les enquêtes qui
sont menées par des fonctionnaires, les enquêtes
routinières doivent être publiques, mais les enquêtes qui
sont faites dans un but de poursuite judiciaire, elles, peuvent ne pas
être publiques. Sauf qu'il s'agit encore d'une interprétation pour
l'instant et ce qu'on craint, c'est que, s'il y a des changements
éventuels à la Commission d'accès, ça pourrait
aussi être interprété d'une autre façon. Alors,
l'article 28 de la loi en général nous inquiète et non pas
seulement l'article 8 du projet de loi. C'est qu'on est
préoccupés par l'ampleur croissante des restrictions à
l'accès qu'impose l'article 28. Cette préoccupation est d'autant
plus fondée qu'un récent jugement de la Cour du Québec -
le journaliste Robert Winters contre la CUM - a interprété
l'article 28. 5 comme signifiant qu'un document ne devient accessible
qu'à l'expiration du délai pendant lequel l'organisme public a le
droit d'intenter des poursuites, sans quoi, estime la Cour, on peut causer un
préjudice à l'objet du renseignement.
La possibilité de procédures remplace l'existence de
procédures comme critère pour évaluer la pertinence des
restrictions à l'accès. Cette jurisprudence est très
dangereuse pour l'intérêt public et, en cette matière, les
autres lois existantes, dont celle sur la diffamation, suffisent pour
éviter les abus. L'élargissement continuel de la portée de
l'article 28 au détriment de l'accès à l'information doit
être non seulement stoppé, mais inversé.
Donc, nos recommandations, c'est que l'article 8 du projet de loi soit
supprimé, la formulation actuelle de la loi suffisant amplement; que
l'article 28 de la loi actuelle ne s'applique tel quel qu'aux forces
policères. Quant aux autres instances chargées de prévenir
les infractions aux lois, elles ne devraient pouvoir invoquer l'article 28 que
dans la mesure où un individu, et non une personne morale, est
visé par les renseignements obtenus; que l'article 28. 5 soit
clarifié de manière à ce que la divulgation d'un
renseignement ne puisse être interprété comme causant un
préjudice en regard d'éventuelles poursuites dans
l'hypothèse où une enquête n'est plus en cours, l'article
28. 2, et où des poursuites ne sont pas déposées.
Maintenant, l'article 9 du projet de loi qui traite des tribunaux quasi
judiciaires. Je m'excuse, ici, je vous poserais une question. Il y a eu des
intentions, je pense, aussi qui ont été annoncées
concernant cet article-là. Alors, on ne va pas non plus s'étendre
là-dessus, mais il est clair pour nous que toutes les décisions
des tribunaux quasi judiciaires doivent être publiques. Bon, on a
soulevé ici un cas de la Commission d'appel sur la langue d'enseignement
qui avait refusé de communiquer ses décisions au journaliste
Jean-Pierre Proulx, sur les motifs de ses décisions. Moi-même,
j'ai eu un cas, je viens d'en parler ici avec quelqu'un de la police de la CUM;
j'ai eu un cas où je demandais des décisions du comité de
discipline de la police de la CUM. On ne m'a pas donné accès
à ces décisions-là, c'est-à-dire que le seul
document auquel j'ai pu avoir accès, c'est le rapport du service interne
de la police de la CUM, mais les décisions à savoir, par exemple,
qui était condamné par le comité de discipline, il n'y
avait pas moyen de le savoir.
Alors, on réclame sur cette question-là que l'article 9 du
projet de loi ainsi que l'article 29. 1 de la loi actuelle soient abolis afin
que prévalent les dispositions plus généreuses qui
existent dans la charte sur les caractères publics de la justice, une de
nos traditions les mieux établies. Il est clair et évident pour
nous que toutes les décisions des organismes quasi judiciaires doivent
être publiques. D'ailleurs, ç'a été reconnu par
l'Office de la protection du consommateur, excusez-moi, l'Office des
professions, tous les tribunaux des...
Le Président (M. Doyon): M. Noël, si vous me
permettez...
M. Noël: Oui.
Le Président (M. Doyon):... je vois que la ministre a
peut-être quelque chose à vous faire part là-dessus...
M. Noël: D'accord.
Le Président (M. Doyon): ...dès maintenant, alors
ça évitera peut-être...
M. Noël: Oui.
Le Président (M. Doyon): ...de prolonger.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Pour
vous rassurer, c'a été dit, nous avons travaillé, cet
été, avec entre autres M. Jacoby. Cet article-là sera
reformulé, on le verra article par article, de telle sorte qu'il n'y ait
pas de confusion. Cet article-là précisera que les
décisions ou enfin que toutes les décisions seront accessibles
à tous.
Alors, ça satisfait, d'ailleurs...
M. Noël: Oui.
Mme Frulla-Hébert: ...M. Jacoby et je pense que ça
va vous satisfaire aussi.
M. Noël: Alors, ça nous soulage, ce sera
sûrement un progrès.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M.
Noël, vous pouvez y aller.
M. Noël: Merci. L'article 14 du projet de loi, ça
c'est l'article qui est le plus controversé et nous-mêmes, la
FPJQ, ne nous entendons pas même avec la Commission d'accès
à l'information, ni même avec la Ligue des droits et
libertés sur cet article-là. Alors, je vais vous en faire la
lecture au complet et, tantôt, j'aimerais qu'on ait une discussion plus
approfondie sur cet article-là, plus là-dessus que sur les autres
aspects de la loi.
L'article 14 du projet de loi modifie l'article 59 de la loi, lequel
interdit à un organisme public de communiquer un renseignement nominatif
à un tiers sans le consentement de la personne concernée.
L'article 14 du projet de loi crée une nouvelle exception qui permet de
communiquer un tel renseignement aux personnes impliquées dans un
incident relaté dans un rapport de police, sauf s'il s'agit de
l'identité d'un témoin ou d'un dénonciateur. Pour la FPJQ,
l'article 14 ne va pas assez loin et ne règle pas les problèmes
importants que cause l'article 59 de la loi. À l'heure actuelle, se
retranchant derrière l'article 59, la police de la CUM refuse de
communiquer aux journalistes l'identité des victimes d'accident de
même que l'identité des personnes arrêtées sans
même consentir l'effort de demander leur consentement.
Il nous apparaît, au contraire, du plus haut intérêt
public que soit connue l'identité des personnes arrêtées.
C'est une sorte de garde-fou démocratique qui peut permettre d'exercer
une surveillance publique sur les activités policières. Au
Québec, voilà 20 ans, 400 personnes étaient
arrêtées et détenues parfois des semaines sans qu'aucune
accusation ne soit jamais portée contre eux. La formulation actuelle de
la loi n'aurait théoriquement pas permis d'en connaître
l'identité. Si demain matin les chefs syndicaux étaient
arrêtés, le public devrait pouvoir en être informé
aussitôt sans devoir attendre le dépôt de poursuites.
Sans revêtir la même importance pour les libertés
publiques, l'identité des victimes d'accidents et d'actes criminels n'en
constitue pas moins une information pertinente, d'intérêt public.
La divulgation de leur identité fait l'objet d'un large consensus parmi
la population qui s'attend à ce que les médias ne lui cachent pas
d'autres tranches de la réalité en plus de celles qui doivent
être déjà dissimulées, l'identité d'un mineur
agressé sexuellement, par exemple.
Notre recommandation: Qu'on ajoute à l'article 14 un
dixième alinéa précisant que l'identité (nom,
adresse, âge) des victimes d'accidents et d'actes criminels, de
même que l'identité des personnes arrêtées sont
considérées comme des renseignements nominatifs qui peuvent
être communiqués sans l'accord des personnes concernées
sauf en ce qui a trait aux exceptions prévues par d'autres lois.
On reviendra un peu plus tard là-dessus au cours du débat,
mais je veux donner un exemple. Comme, par exemple, quand l'agent Allan Gosset,
de la police de la CUM, a tué Anthony Griffin, un jeune Noir, il a
été impossible sur le coup de connaître ni
l'identité de M. Gosset, ni l'identité de Anthony Griffin et
ça a été seulement par la suite qu'on a pu le savoir et
non pas par des voies officielles. Alors, c'est quelque chose qui est
absolument aberrant. Il est important de connaître les noms des personnes
qui sont impliquées dans des incidents comme ça. Et des fois
ça permet aussi au journaliste de vérifier certains rapports de
police et de jouer son rôle de chien de garde de la démocratie,
notamment en ce qui concerne la police.
Les articles 33 à 40 du projet de loi. Le projet de loi... Je
m'excuse, je voudrais demander: Combien de temps me reste-t-il avant la...
Le Président (M. Doyon): II vous reste huit minutes.
M. Noël: II me reste huit minutes. Le projet de loi cherche
à simplifier les procédures d'appel des décisions de la
Commission d'accès à l'information réduisant notamment le
nombre de juges de trois à un lors de l'appel et en éliminant la
nécessité de déposer un mémoire. La FPJQ
considère que, s'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, il convient
cependant d'aller plus loin. Je vais ici résumer plutôt que lire
au complet.
Notre position, c'est qu'il n'y ait pas d'appel possible des
décisions de la Commission d'accès à l'information. C'est
évident qu'en droit criminel je pense que c'est indispensable qu'il y
ait un appel. Maintenant, en droit ad-
ministratif, je ne crois pas que les décisions de la Commission
aient, je dirais, un impact sur la vie des gens. Je veux dire, ce n'est quand
même pas une, question de vie ou de mort et il faut voir que la
procédure d'appel est beaucoup plus utile aux organismes publics qui
s'en servent pour contrer les décisions de la Commission d'accès
à l'information qu'aux citoyens et même qu'aux médias. Les
grands médias peuvent se permettre d'embaucher des avocats quoique, dans
cette période de restrictions, probablement que ça va être
de plus en plus difficile. Mais les citoyens et les journalistes de petits
médias, eux, ne peuvent pas se permettre d'aller en appel souvent des
décisions de la Commission d'accès. Ça, c'est d'une part.
D'autre part, la Commission d'accès est la mieux placée pour
décider de tout ce qui a trait à l'application de la loi
d'accès et la Cour d'appel, on n'est pas certains qu'elle ait la
même expertise, chez les juges de la Cour d'appel, que dans ia Commission
d'accès pour pouvoir déterminer l'application de la loi
d'accès.
Les problèmes de fa loi actuelle sur l'accès, l'article
37. Cet article indique qu'il est possible pour un organisme public de ne pas
rendre public avant 10 ans un avis ou une recommandation fait par un de ses
membres ou par un consultant. Cet article figure parmi les articles les plus
souvent invoqués contre les demandes d'accès des journalistes.
Alors, il est assez ironique de voir que... Je vais dire, un peu par boutade:
Pour nous, à la FPJQ, la loi pourrait se résumer à
l'article 9: Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux
documents d'un organisme public. Et on serait bien heureux. Tout le reste est
constitué de restrictions à l'article 9. Alors, quand on lit,
dans l'article 37, qu'un organisme public peut refuser de communiquer un avis
ou une recommandation fait depuis moins de 10 ans par un de ses membres, un
membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre de
personnel de cet autre organisme dans l'exercice de leurs fonctions... C'est
que c'est très souvent utilisé par les organismes publics.
Généralement, les rapports que les journalistes demandent, il y a
des recommandations dedans ou c'est des analyses puis, à ce
moment-là, c'est presque systématiquement utilisé et
ça vient amoindrir énormément la portée de
l'article 9. Alors, on voudrait clarifier la question des recommandations, des
avis et des analyses pour qu'il soit clair que les opinions qui sont
émises dans les rapports, que ça, ça soit public et que
seule soit restreinte la question des recommandations.
Alors, notre propre recommandation là-dessus, c'est que le projet
de loi précise qu'un avis ou une recommandation est, selon la
jurisprudence établie par la CAI, une proposition de ligne de conduite
que la personne ou l'organisme visé est libre de suivre on non. On doit
ainsi exclure explicitement du concept d'avis ce qui est tout bonnement une
opinion sur un sujet; que le délai d'interdiction pour communiquer un
avis ou une recommandation soit ramené à deux ans, et que le
délai d'interdiction de cinq ans pour les analyses soit ramené
à deux ans.
L'article 126 de la loi actuelle. L'article 126 autorise un organisme
à demander la permission de ne pas tenir compte de demandes
d'accès manifestement abusives par leur nombre ou leur caractère
systématique. Un jugement de la Cour du Québec contre le
journaliste Robert Winters - je ne sais pas si Robert est encore ici, mais
c'est le journaliste qui utilise le plus la loi d'accès - vient de
donner de cet article une interprétation fort large qui menace
sérieusement l'économie générale de la loi en
entravant considérablement le recours à la loi. Ce jugement
stipule en effet que la Commission d'accès commet une erreur de droit
lorsqu'elle juge recevables des demandes d'accès à des dossiers
plutôt qu'à des documents. Ce litige est extrêmement
important et, si cette décision de la Cour du Québec doit
être retenue à l'avenir, la loi québécoise sur
l'accès se traînera loin derrière la loi
fédérale. En effet, un journaliste ou un citoyen qui cherche
à faire la lumière sur un sujet donné ne peut pas toujours
savoir quels sont les documents précis qui existent. Il ne travaille
tout de même pas dans l'organisme public visé. Les listes de
documents des organismes sont, pour leur part, parfois impeccables, mais aussi
trop souvent fort vagues, malgré l'article 16, et elles
n'énumèrent pas tous les documents existants.
Je dois vous donner ici un exemple personnel. J'ai demandé
récemment à la ville d'Oka de me donner tous les documents et
dossiers qui concernent le terrain de golf. Le greffier de la ville m'a
répondu: Oui, mais de quels documents s'agit-il? Et il m'a
demandé que je lui spécifie les titres de documents que je
cherche. Mais, évidemment, je ne les connais pas. C'est impossible
à savoir. Et c'est une façon pour une municipalité de
faire traîner des demandes. Alors, il faut voir qu'il y a une habitude
dans les municipalités, et dans les petits organismes publics qui n'ont
pas des responsables d'accès qui sont forcément les plus
futés, d'utiliser cette confusion-là.
Notre recommandation: Qu'il soit précisé dans la loi sur
l'accès que le droit d'accès aux documents détenus par les
organismes publics s'étend également aux dossiers.
Ajout à la loi actuelle. La FPJQ se montre fort
préoccupée par les délais entraînés par les
demandes de révision auprès de la Commission d'accès
à l'information. Ces délais tendent même à
s'allonger compte tenu des demandes de plus en plus nombreuses qui sont
acheminées à la Commission d'accès y tandis que le nombre
de commissaires n'augmente pas. Alors, il faut voir ici que les journalistes...
Quand on fait une demande d'accès, quand on a besoin de documents,
souvent c'est pertinent au moment où on
te demande. Mais, au bout d'un an, c'est d'un intérêt
d'archives, ce n'est plus tellement d'un intérêt public. Si je
prends l'exemple du débat sur le golf d'Oka, c'est intéressant
maintenant, mais je ne suis pas sûr que, dans un an, ça va avoir
le même intérêt.
Ce qu'on demande, c'est que la Commission d'accès
établisse un rôle prioritaire pour disposer des demandes de
révision qui présentent un caractère pressant et que le
nombre de commissaires de la Commission d'accès soit porté de
trois à cinq. Et je pense que, dans ce rôle prioritaire, la
Commission d'accès devrait pouvoir tenir compte avec un
préjugé faborable des demandes des journalistes.
C'est-à-dire que les journalistes ne travaillent pas seulement pour leur
intérêt privé, mais pour le droit du public à
l'information. Ce n'est pas la même chose qu'un citoyen, par exemple, qui
veut avoir accès à des documents dans une cause qui
l'intéresse, lui personnellement, contre un organisme.
C'est-à-dire que ce qu'on écrit et ce qu'on diffuse comme
information sert toute la population. Et, dans ce sens-là, la Commission
d'accès, qui d'ailleurs a été un peu créée
grâce aux journalistes, devrait pouvoir accorder un rôle
prioritaire à plusieurs demandes des journalistes. Avec l'accroissement
du nombre de demandes en vertu de la loi, on pense que trois commissaires ne
suffisent pas, d'autant plus qu'un de ces trois commissaires-là est le
président lui-même de la commission et qu'il a d'autres
tâches que d'écouter les demandes d'accès.
(12 h 30)
Ajout à la loi actuelle. La FPJQ considère que la loi sur
l'accès ne doit pas "fétichiser" les restrictions qu'elle
contient. Si, en temps normal, la plupart de ces restrictions peuvent se
comprendre, rien ne saurait cependant les justifier lorsque la santé et
la sécurité d'une personne sont menacées ou lorsque
l'environnement court de sérieux risques. La population accepterait mal
qu'on se retranche derrière l'article 39 sur les analyses, par exemple,
pour ne pas communiquer un document qui donnerait des informations sur ces
questions et qui permettrait d'éviter des drames. C'est une autre
façon de reconnaître l'obligation de porter assistance à
une personne en danger.
D'ailleurs, dans certaines autres législations sur
l'accès, il existe une clause générale dite
d'intérêt public qui permet de passer outre aux restrictions
normales à l'accès. Il ne s'agit par là que de transcrire
sous forme législative ce que dicte le bon sens. On sait, par exemple,
dans le cas de la Loi sur la qualité de l'environnement, que l'article
118 est plus large, en fait, ou semble plus large que ce qui est prévu
dans la loi d'accès. À notre avis, c'est quelque chose qui est
anormal, parce que la loi d'accès devrait servir de modèle pour
toute la législation. Non seulement pour la législation, mais
aussi doit servir de modèle pour les habitudes dans la fonction
publique, et doit élargir le plus possible l'accès à
l'information.
Donc, notre recommandation: Que la loi sur l'accès comprenne une
clause, maintes fois demandée par la Commission d'accès, qui
indique que les restrictions contenues dans la loi ne peuvent être
invoquées lorsqu'il existe un danger grave pour la santé et la
sécurité d'un individu ou lorsqu'un péril sérieux
menace l'environnement.
Notre dernier point, c'est l'article 33 de la loi. L'article 33 de la
loi établit à 25 ans le délai d'interdiction des documents
du Conseil exécutif; il est de 20 ans au fédérai. Ces
délais apparaissent inutilement trop longs. Donc, que le délai
d'interdiction de 25 ans soit ramené à 15 ans. Par exemple,
maintenant, c'est le 20e anniversaire de la Crise d'octobre. Il serait assez
intéressant maintenant d'avoir accès aux documents du Conseil
exécutif sur toutes les décisions et tous les débats qui
avaient été pris lors de la Crise d'octobre. C'est un exemple
qu'on peut donner.
Maintenant, pour conclure, je voudrais juste revenir sur l'impact de la
loi. C'est une impression qui est difficilement quantifiable, mais, de notre
pratique, on a l'impression ici, au Québec, qu'il n'existe pas le
même souci de transparence qu'il y a dans d'autres provinces du Canada et
qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, grâce au premier
amendement, les fonctionnaires se sentent souvent l'obligation de
répondre aux questions des journalistes, tandis qu'ici on a souvent
l'impression que c'est le contraire; les fonctionnaires et les organismes
publics ont, comme premier réflexe, de cacher des informations. Il y a
même des politiques qui existent dans les ministères, comme le
ministère de l'Environnement, où le sous-ministre André
Trudeau a demandé aux fonctionnaires de ne pas répondre aux
questions des journalistes, que toutes les questions devaient être
référées à des agents d'information, lesquels
agents, souvent, on ne peut pas rejoindre. Je pense que tous les débats
sur la Loi d'accès doivent non seulement servir à modifier la loi
dans un sens de plus grand accès, mais aussi à changer les
habitudes des gens qui travaillent dans les organismes publics. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bienvenue M. Noël, ça me
fait plaisir. Je vous remercie aussi de votre contribution, je pense qu'on a eu
des discussions au mois de juin. Il y a certaines précisions,
d'ailleurs, que vous nous avez aidé à apporter, ainsi que les
autres groupes, durant le cours de cet été, et ça nous
fait plaisir de le faire. Maintenant, il y a une précision que je
voudrais apporter moi-même quand vous dites: La Loi d'accès
devrait donner priorité aux droits des
journalistes. Vous savez, dans une société où on
protège les droits individuels aussi, c'est difficile de dire que le
droit d'une personne qui a besoin d'avoir accès à ces choses est
plus ou moins important que le droit à l'information du public. C'est
difficile à quantifier, un peu, la notion de droit. Là-dessus, je
voudrais enchaîner sur une demande que vous nous avez faite, et vous
réalisez que ça ne fait pas le consensus au niveau de la Ligue
des droits, au niveau du Protecteur du citoyen, de la CAI, et c'est d'avoir
accès à ce que vous mentionniez tantôt: au nom de la
victime. Moi, j'aimerais vous demander ceci: Comment, dans un premier temps,
pouvez-vous concilier votre demande d'avoir accès, justement, au nom de
la victime, avec le droit des individus à la protection de leur vie
privée? Parce que c'est l'argument qu'on nous donne de l'autre
côté.
M. Noël: On est conscients qu'il s'agit de deux principes un
peu contradictoires, puis la loi elle-même essaie de concilier deux
principes un peu contradictoires, mais il s'agit de voir lequel des deux
apporte le plus d'avantages. Premièrement, avant de passer à la
question des victimes d'accidents, concernant les arrestations, pour nous,
ça ne fait absolument aucun doute que les noms des personnes qui sont
arrêtées doivent être publics. Et c'est très
important, c'est une question démocratique que le public soit au courant
des personnes qui sont arrêtées. Même s'il n'y a pas de loi
des mesures d'urgence actuellement qui permet à la police de
détenir pendant plusieurs jours les gens qui sont arrêtés,
il y a toujours une possibilité pour la police de faire des arrestations
abusives. Alors, là-dessus il me semble qu'autant on est d'accord, par
exemple, pour taire le nom des suspects dans des cas d'enquête
policière, il me semble qu'une arrestation est un geste public et que la
population est en droit de le savoir.
Maintenant, sur la question des victimes d'accidents. Il faut voir
déjà que ce qui est proposé... Pas ce qui est
proposé... mais il y a un risque de recul. Actuellement, par exemple,
sur les victimes d'accidents, la Sûreté du Québec remet les
noms des victimes d'accidents. Vous pouvez voir ça dans les journaux du
lundi, la liste des victimes d'accidents de la fin de semaine. À notre
avis, on ne viole pas là le droit à des informations
confidentielles et ce qui est pénible, de toute façon, pour les
gens, c'est de voir que quelqu'un de leurs proches est mort durant la fin de
semaine et qu'ils l'apprennent malheureusement parfois pas les médias.
C'est déplorable, mais je pense que c'est quelque chose qui doit
continuer à être d'intérêt public.
Il faut voir aussi qu'il y a eu des enquêtes, qu'il y a eu des cas
où la publication du nom des victimes et leur adresse a pu permettre
à des journalistes de remettre en question certains rapports de police.
Je vais vous donner ici un exemple. Est-ce que j'ai le temps de vous lire
quelque chose?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Noël: Oui. Je vais essayer de vous faire une traduction.
C'est un rapport qui vient d'un forum public qui s'est tenu en mai dernier
à Toronto. Alors ici, c'est un journaliste qui donne l'exemple de ce qui
s'est passé avec la police du Toronto métropolitain.
Le dimanche 18 février de cette année, la police a
émis un rapport qui disait que Donna Bennett, 54 ans, 63 Bellshop Place,
app. 1304... reports that on February 17th, at about... - bon, je passe
là-dessus - she was walking westbound on Bellshop Place when she was
approached from behind by a male suspect. At this time, the suspect grabbed the
victim's purse from her arm, then forced her into the lobby of an apartment
building. At this location, the suspect also removed the quantity of jewelry
from the victim's person and fled the scene in an unknown direction. The victim
sustained minor injuries but no medical attention was required.
Now this report gives the impression that the woman was a victim of one
attacker and suffered only minor injuries for which no medical attention was ,
required. But, when the Toronto Star reporter looked into the incident, a very
different picture emerged. The Star learned that the 50-year-old grandmother
was knocked in the head, robbed, dragged and dumped in the lobby of her
apartment after going to the store for a can of pop. The Star learned that
there were three male attackers, not one. It learned that the mother of eight
actually spent five hours in surgery and was terrified to go back home. She
said they tried to pull the rings off her fingers and to take her necklace
too.
But most interesting of all, what we learned, when the reporter got into
this, was that her children believed that the men were trying to get money to
buy crack and cocaine. It seems that crack had turned their mother's
neighbourhood into a war zone, so that they were all afraid to enter after
dark.
Il s'agit d'un cas où, si la police n'avait pas donné le
nom de la personne et l'adresse, il aurait été impossible de
connaître cette histoire-là. Il y a des cas aussi... Je ne sais
pas si vous vous souvenez, je pense que c'est l'année dernière,
il y a un policier de la CUM qui a tué une personne. C'est dans l'est de
Montréal. C'est à la suite d'une dispute de cette
victime-là avec son amant. Le rapport de police disait que la personne
qui était morte tenait un couteau et que les policiers se sentaient en
état de légitime défense et avaient dû tirer des
coups de feu. Et puis, finalement, je pense que c'est la Gazette qui avait
rapporté cette histoire-là. Le témoignage d'un voisin, qui
était au-dessus de la cour où se déroulaient les
événements et qui a
rapporté une tout autre histoire, disait que la victime, enfin,
la personne qui est morte, ne menaçait pas épouvantablement les
policiers. Il se tenait plutôt loin, qu'il était là avec
son couteau. Autrement dit, que la police avait probablement tiré de
façon abusive.
Je pense que c'est important, dans des cas comme ça, d'avoir
justement les noms des victimes et, si on n'a pas ça, ça laisse
place à des abus de toutes sortes. Voilà.
Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ce que vous m'apportez, effectivement,
bon, vous m'apportez des cas particuliers, dans l'ensemble. Nous, on doit quand
même défendre le grand principe. Si je vous dis qu'inversement une
personne qui est injustement arrêtée, par exemple, n'a pas
intérêt, d'une certaine façon, à ce que son cas soit
rendu public et, effectivement, son cas est protégé par la Charte
des droits et libertés. Si vous parlez des personnes impliquées,
effectivement, la Charte des droits et libertées protège ces
gens-là.
Alors, moi, la question que je me pose, et qu'on se pose,
évidemment avec des groupes qui prônent - plusieurs groupes,
d'ailleurs - l'inverse, c'est qu'il y a une espèce d'affrontement entre
le droit à l'information, la liberté d'expression, la protection
de la vie privée. Je vous demande, parce qu'il va falloir statuer:
Qu'est-ce que vous me suggérez finalement pour concilier votre demande
face à la Charte des droits et libertés? Vous m'arrivez avec,
finalement, des exemples précis, mais au niveau du droit, au niveau de
la défense, finalement, du grand principe?
M. Noël: Bien, si on revient à la question des
arrestations qui, pour nous, est encore plus importante que la question de
l'identification des victimes d'accidents, c'est que la même question
pourrait être posée pour les personnes qui sont injustement
accusées. C'est sûr que quelqu'un qui est accusé
injustement d'un délit, actuellement, c'est tout à fait public et
si cette personne-là, après ça, est...
Mme Frulla-Hébert: Innocente.
M. Noël: ...innocentée, on peut dire que le mal est
fait, en partie. Mais, à notre avis, c'est la même chose qui vaut
pour les arrestations. C'est-à-dire qu'on espère que la police...
Je ne crois pas que la police arrête des gens de façon,
très souvent, abusive...
Mme Frulla-Hébert: Non, mais ça peut arriver, une
erreur.
M. Noël: ...enfin, on espère que non, mais je pense
que c'est la même chose. L'arrestation... Si la personne est
arrêtée et ensuite n'est pas accusée, au point de vue de la
déontologie des médias, ça doit être
mentionné. Mais, pour nous, c'est exactement la même chose. C'est
que, effectivement, il faut mettre dans la balance, à ce
moment-là, l'intérêt de la transparence et la protection
des renseignements personnels.
Je pense que dans un cas de... Ce qu'on défend, finalement, ce
sont des principes démocratiques importants, une société
démocratique, et la transparence, oui, d'une certaine façon doit
être protégée à tout prix quitte à ce que,
parfois, il y ait certains désagréments, notamment en ce qui
concerne la protection des renseignements personnels. Mais on est très
conscients que ce sont deux droits qui entrent en contradiction.
Je vous reposerais la question, où est-ce qu'on peut nous citer
beaucoup d'exemples où la divulgation des noms des victimes et des
personnes qui sont arrêtées porte un grave préjudice?
Mme Frulla-Hébert: Bon, au niveau des exemples, ça
il faudrait quand même fouiller et demander aux gens qui prônent
l'inverse aussi leurs arguments. Je tiens à préciser, par
exemple, qu'il y a la victime, mais, juste une précision dans ce que
vous disiez, c'est qu'une personne qui est accusée, souvent, a eu un
procès, et ce n'est pas toujours le cas pour une personne qui est
arrêtée. C'est tout ça. On chevauche tout le temps entre,
justement ce que je disais tantôt, ce que prône la Charte des
droits et libertés, d'une part, puis, deuxièmement, ce droit de
la population d'être informée. Je dois dire qu'il y a de
très bons arguments aussi de l'autre côté.
Mais il y a une chose, par exemple... Il y a une autre question que j'ai
posée, d'ailleurs, à M. Winters et que j'aimerais vous poser
parce qu'on parie maintenant de droit à l'information. Est-ce que... La
population a le droit d'être informée et sans restriction. Vous
avez dit tantôt aussi qu'on devait lever toute restriction à
l'accès dans certaines situations où l'intérêt
public est concerné, n'est-ce pas? L'environnement, la santé,
etc. Moi, j'aimerais vous poser la question: Qui va décider d'une
situation d'intérêt public? Comment qualifier? Quelle est la
qualification d'intérêt public?
M. Noël: Bien, on peut donner un exemple en terme
d'environnement. Il vient d'y avoir une décision récente de la
Commission d'accès concernant un lieu très contaminé,
où il existe des documents qui prouve que ce lieu-là est
contaminé.
Mme Frulla-Hébert: Après le fait.
(12 h 45)
M. Noël: C'est Goodfellow. Je pense que c'est à
Saint-André-Avellin et puis la Commission a donné raison. C'est
Greenpeace contre le
ministère de l'Environnement où... Enfin, je vous cite
ça, mais je n'ai pas participé à ces audiences-là.
Alors, c'est clair, il existe un rapport où on prouve qu'un site est
contaminé. Là, maintenant, les compagnies vont en appel de la
décision de la Commission d'accès à la Cour du
Québec en faisant valoir que ça risque de violer le secret
industriel. Entre ces deux droits-là, entre la question de protection du
secret industriel et la protection du droit en environnement et à la
santé des gens, je pense que là aussi c'est la première
qui doit prévaloir.
La Commission d'accès, il me semble, est bien placée pour
savoir qu'est-ce qui est d'intérêt public et qu'est-ce qui n'est
pas d'intérêt public.
Mme Frulla-Hébert: Ne trouvez-vous pas qu'il y aurait
peut-être lieu d'avoir un débat là-dessus? Parce qu'on a
beau dire: Oui, la Commission d'accès, c'est vrai, la Commission
d'accès va donner son jugement. Mais dans l'éventualité
où ce serait justement le responsable de l'accès qui prend la
décision, qu'il y a un appel à la CAI, ensuite à la Cour
du Québec, par exemple, parce que ce sont les processus dans lesquels...
bon, c'est notre système aussi... Vous ne croyez pas qu'au moment
où la situation va être tranchée la situation
d'intérêt public, comme vous le disiez tantôt, n'existera
plus? Alors, c'est pour ça que la question qu'on s'est posée hier
et que je vous pose, c'est: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait peut-être
lieu d'avoir un débat public justement en ce qui concerne ce qu'on
qualifie d'intérêt public?
M. Noël: Un débat public sur quoi exactement? Sur le
droit à l'information, ou sur l'intérêt public?
Mme Frulla-Hébert: Non, non, sur ce que ça veut
dire l'intérêt public, l'information d'intérêt
public.
M. Noël: Qu'est-ce que ça veut dire une information
d'intérêt public?
Mme Frulla-Hébert: Et qualifier c'est quoi,
l'intérêt public? D'une part, ce que vous demandez est vraiment
légitime, notre droit à être informé. On se retourne
d'un autre côté, on voit la Ligue des droits et libertés,
le Protecteur du citoyen qui disent non. Dans le fond, ces gens-là ont
le droit - victime, personne impliquée - aussi à leur vie
privée. Alors, les deux demandes sont un peu... sont
contradictoires.
M. Noël: Oui, je pense que c'est contradictoire. Il n'y a
pas à sortir de là. Il n'y a pas moyen de satisfaire ces deux
droits-là de façon pleine et entière. Ce qu'il faut voir
ce sont les dangers de l'application rigide probablement d'un de ces deux
droits-là. Quand on demande que les noms des victimes et des personnes
arrêtées soient divulgués, pour nous c'est une question
démocratique vitale, mais ça ne veut pas dire que les
médias, eux, vont publier tous les noms. Comme, par exemple, les cas de
suicide actuellement. Il y a déjà un code de déontologie
qui fait que les médias ne publient pas les noms des personnes qui se
suicident à moins qu'il s'agisse d'une personnalité publique. Si
Robert Bourassa se suicidait, cet après-midi, je pense bien qu'on
récrirait. Si c'est Mme Tremblay, de la rue Panet, qui se suicide, on ne
l'écrira pas. Je veux dire... je pense qu'il faut aussi faire confiance.
C'est qu'il faut voir que plus on apporte de restrictions à la
liberté d'information, c'est à mon avis des restrictions à
la démocratie. J'espère que les organismes qui veulent
préserver la démocratie, comme la Ligue des droits et
libertés, vont comprendre ce genre de débat-là. Mais
d'avoir un débat là-dessus, oui, ce serait effectivement
très souhaitable.
Mme Frulla-Hébert: Parce que dans le fond l'application de
la démocratie, vous avez raison, mais finalement une
société démocratique c'est aussi de respecter les droits
individuels. C'est ça là et nous, évidemment, il faut
travailler avec le consensus et voir finalement les avantages et les
désavantages des deux situations. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je vous
souhaite la bienvenue. J'écoutais le début de votre intervention
et vous nous disiez que vous n'aviez pas d'étude légale et que
votre mémoire avait été fait comme s'il n'avait pas
été complet. Je dois vous dire, je vais plutôt vous
féliciter parce que votre mémoire, je trouve qu'il montre une
vision très claire du projet de loi et qu'il est bien
étoffé. J'en veux pour conclusion que vous avez touché
à tous les points qui sont amenés à peu près par
tous les groupes, qui sont litigieux, qui sont importants et qui sont
fondamentaux.
Moi aussi, je veux revenir sur l'article 14, mais je vais le garder pour
la fin parce que j'ai deux, trois petites questions avant. À l'article
2, vous dites que finalement vous étiez inquiet par rapport à la
possibilité de questionner les organismes municipaux, mais que
finalement ça ne vous préoccupe plus étant donné
qu'il y a un amendement qui a été apporté. Je ne sais pas
si vous avez eu le temps de réfléchir à ça par
rapport à l'amendement parce qu'il y a la Coalition démocratique
de Montréal qui va venir cet après-midi et qui mentionne son
inquiétude par rapport au libelle de l'amendement quand on parle
d'organismes relevant de l'autorité de Montréal. Est-ce que
ça ne vous inquiète pas cette nouvelle définition, sachant
maintenant à
quel point les municipalités utilisent les services d'organismes
privés? Est-ce que, même si on veut la même chose, donc,
voulant la même chose, c'est-à-dire être capable de
questionner l'ensemble des organismes qui rendent des services publics
municipaux, est-ce que l'ancien article ne serait pas plus rassurant que
l'amendement qui est apporté? C'est l'argument, en tout cas, qu'utilise
la Coalition démocratique de Montréal.
M. Noël: Je ne connaissais pas leur argumentation mais
l'impression qu'on avait, c'est que l'ajout de ce paragraphe, "de même
que tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une
municipalité", couvrait absolument tous les organismes pararnunicipaux.
Maintenant, vous me parlez de groupes privés qui sont embauchés
par des municipalités?
M. Paré: Vous savez que dans les municipalités, de
plus en plus, il est...
M. Noël: Oui.
M. Paré: ...question de créer des organismes, qui
ont presque l'air indépendants à un certain moment donné
dans les villes, qui vont s'occuper de loisir, de planification, de protection
du patrimoine...
M. Noël: C'est-à-dire qu'elles font appel à
ces organismes-là?
M. Paré: Qui font affaire avec des
bénévoles, des gens de l'entreprise, des gens du milieu. Je ne
sais pas, mais eux autres semblent dire que l'amendement est moins
précis et moins clair que l'article actuellement en vigueur. Remarquez
bien...
M. Noël: Oui.
M. Paré: ...si vous ne vous êtes pas
arrêtés là-dessus...
M. Noël: Disons qu'on n'a pas vu... Enfin, là, vous
nous mettez la puce à l'oreille, je dois dire.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Paré: Ah! On verra.
M. Noël: On avait l'impression qu'il ne s'agissait pas avec
cet amendement-là, si c'est bel et bien fait, d'un recul. Maintenant, je
pense que le problème que vous soulevez, les organismes privés
avec lesquels les organismes municipaux font affaire, ils ne sont pas couverts
de toute façon par la loi et éventuellement il faudrait voir si
peut-être ils devraient être couverts. C'est quelque chose à
quoi on n'a pas pensé.
M. Paré: O.K. De toute façon, on fera le
débat cet après-midi avec l'organisme mais c'était juste
pour savoir si vous vous étiez arrêtés à
ça.
Un autre point. Probablement qu'à l'article 33, donc le dernier,
votre dernière recommandation, de ramener tout ce qui est passé
au Conseil exécutif à 15 ans, question d'harmonisation comme on
fait souvent et de plus en plus... Vous seriez certainement d'accord avec 20
ans pour que ce soit les mêmes délais minimums que le gouvernement
fédéral pour qu'on puisse, quand on étudie des situations
qui relèvent des deux gouvernements, au moins avoir une information
complète et non pas juste une partie. Si c'était...
M. Noël: Le ministère se loue d'avoir la loi la plus
avant-gardiste, alors je ne vois pas pourquoi il ne continuerait pas dans la
même veine. Je ne suis pas sûr de ce que j'affirme mais il me
semble qu'aux États-Unis, c'est 10 ans, mais je ne suis pas... Je ne
sais pas si quelqu'un est au courant, ici, mais il me semble que, pour les
décisions du Conseil exécutif aux États-Unis, le
délai est de 10 ans et non pas de 20 ans.
M. Paré: O.K. Si vous demandez un délai plus court
à la loi québécoise par rapport à la loi
fédérale, c'est que vous dites: On a déjà une loi
avant-gardiste, continuons dans ce champ-là.
M. Noël: Tant qu'à nous, ça devrait être
un délai de quelques mois. Je veux dire, il faut bien voir que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Noël: ...nous, ce qu'on veut c'est l'information la plus
totale. C'est déjà un compromis, 15 ans.
M. Paré: Dans d'autres demandes que vous faites, je dois
dire que je suis très sensible et sympathique, entre autres, quand on
parle de dossiers par rapport à documents, toujours dans le sens de la
transparence de l'intérêt public, de l'information
générale. Effectivement, à certains moments, si vous
voulez être capables de donner de l'information à la population
sur un sujet d'actualité précis, il faut connaître le
dossier, si on veut être capables de faire un bon reportage et donner
toute l'information, et non pas demander un document en particulier,
spécialement quand on entre dans un nouveau dossier. De ce
côté-là, il va certainement falloir l'étudier
sérieusement lorsqu'on sera article par article. Moi, en tout cas, je
dois dire que je suis très sensible à ça,
spécialement si on considère que dans d'autres
Législatures on est ouvert à ça. Je pense qu'il faut non
seulement être avant-
gardiste mais au moins être à l'égal des autres
Législatures.
M. Noël: Oui et c'est une question de logique aussi. Je veux
dire que c'est évident que les citoyens comme les journalistes ne
peuvent pas connaître les noms des documents qui les intéressent
en tout temps.
M. Paré: Un autre point avant d'arriver sur l'article 14.
À la page 8, concernant les articles 33 à 40. À cause des
délais, vous arrivez avec une recommandation qui va à
l'extrême un peu en disant que le projet de loi, plutôt que de
prendre la voie de la simplification des procédures d'appel,
élimine complètement la possibilité d'aller en appel des
décisions de la Commission à la Cour du Québec. Ne
trouvez-vous pas que c'est limitatif, le fait de faire une recommandation
semblable? Qu'il y ait des délais, que ce soit long, je comprends que
c'est achalant, encombrant et même, surtout dans le cas des journalistes,
pas très pratique et même, nuisible à la fonction que vous
avez et que vous exercez d'informer la population. Il faut être dans les
délais, il faut être d'actualité. Par contre, il y a un
recours qui est possible, c'est d'aller en appel. Vous dites: Comme les
délais sont trop longs, plutôt que de raccourcir ou de simplifier
les délais, bien, tout bonnement, qu'on enlève la
possibilité d'appel. Ne trouvez-vous pas que ce serait mieux, au moins,
que ça reste et que vous ne l'utilisiez pas plutôt que de
l'enlever complètement comme possibilité?
M. Noël: Non. Premièrement, sur la question des
délais, on demande deux choses, soit l'abolition du recours possible
à la Cour d'appel et, l'autre chose, c'est le rôle prioritaire,
qu'il ne soit pas seulement pour les journalistes, mais qu'à ce
moment-là la Commission tienne compte des demandes des journalistes.
Sur la question de la Cour d'appel, c'est qu'il me semble qu'il y a un
débat, actuellement, sur la déjudiciarisation - on ne m'a pas
appris à dire ça à l'école - du système
administratif. Comme je le disais tantôt, en droit criminel, c'est
évident, je veux dire que c'est une chose sur laquelle on ne se pose pas
de question. Là, il s'agit quand même de droit administratif.
C'est sûr que dans certains cas ça peut être
justifié, les recours à la Cour du Québec, mais il faut
voir ici qu'en pratique ça fait deux poids, deux mesures. En pratique,
les organismes publics ont les moyens d'aller en appel et les citoyens et les
journalistes, souvent, n'ont pas les moyens d'aller en appel. Je veux dire
qu'en pratique c'est quelque chose qui vient limiter l'accès à
l'information et non pas le contraire. Ce n'est pas une procédure qui
permet surtout au public et aux journaux d'avoir plus facilement accès
aux documents. C'est majoritairement utilisé, actuellement, par les
organismes publics qui veulent contester les décisions de la Commission
d'accès.
Il y a une autre chose. Enfin, j'espère qu'il n'y a pas de juge
de la Cour du Québec ici, mais on sait souvent que plus on grimpe dans
la hiérarchie judiciaire, plus on est conservateur. La loi
d'accès est une loi, comme on dit, assez avant-gardiste et je ne suis
pas sûr qu'elle soit toujours bien comprise à la Cour du
Québec. Je ne suis pas sûr, moi, que les juges qui siègent
là comprennent toujours l'esprit de la loi. Il me semble qu'on ne vient
pas bafouer un droit démocratique, fondamental, en éliminant
cette possibilité d'appel.
M. Paré: Par rapport à un point que vous venez de
soulever en disant qu'il faudrait prioriser, finalement, les demandes...
M. Noël: Oui.
M. Paré: ...quand on regarde le texte de votre
mémoire à la page 11, on dit qu'il y a l'intérêt
général de la population à être informée et
votre recommandation qui suit immédiatement: "Que la loi stipule que la
CAI doive établir un rôle prioritaire pour disposer des demandes
de révision qui présentent un caractère pressant". Est-ce
que votre demande, en clair, c'est de donner priorité aux journalistes,
étant donné que c'est dans l'intérêt
général de la population?
M. Noël: Bien, c'est-à-dire que, légalement,
ce serait un peu difficile de demander quelque chose comme ça.
Maintenant - je parlais avec M. O'Bready tantôt - il existe d'autres
organismes judiciaires, tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires qui ont des
rôles prioritaires et je ne vois pas pour quelle raison la CAI ne
pourrait pas faire la même chose. On espère que les commissaires
soient sensibilisés, effectivement, aux demandes des journalistes. Ce
qu'il faut voir quand je dis que ce n'est pas juste une demande
égoïste, c'est que c'est vrai, quant aux demandes des journalistes,
qu'on ne fait pas ça uniquement dans notre intérêt
personnel. Je veux dire que c'est la population qui en profite. Comme l'exemple
que je vous donnais, si on pouvait savoir tout ce qui s'est passé, tous
les débats qu'il y a eu sur la question de l'acquisition du terrain de
golf d'Oka, il me semble que ce serait intéressant à savoir
maintenant. Ce serait très intéressant de savoir maintenant quels
sont tous les intérêts qui sont liés à ce terrain de
golf, quels sont les débats qu'il y a eu et quelles sont les personnes
qui sont là-dedans, naturellement. C'est plus intéressant pour la
population de savoir ça qu'un citoyen qui veut avoir accès
à un document, je ne sais pas, moi, sur l'aménagement des rives
de son chalet ou quelque chose comme ça. Il me semble que ça va
de soi. (13 heures)
M. Paré: Je conclus et j'en arrive maintenant à
l'article 14. Je dois dire que c'est vrai
que c'est le défi ou c'est vraiment la difficulté qu'on a
quand on regarde le rôle que vous avez, et vous l'indiquez
immédiatement dans l'introduction: "La Fédération ne
défend d'autre cause que - et c'est là qu'est le défi - la
liberté de presse et le droit du public à l'information dans le
respect de la vie privée." C'est là qu'est toute la
difficulté, par rapport à l'article 14 et, finalement,
l'identification des victimes et des personnes qui sont
arrêtées.
D'autres groupes sont venus avant vous. Ce n'est pas la première
fois qu'on en parle à la commission depuis hier matin et c'est bien
qu'il y ait le débat. Mme la ministre a dit qu'effectivement il fallait
en faire un débat; donc, ça veut dire un débat à
venir. Probablement qu'on saura au cours de la commission quand et quel genre
de commission un peu plus tard, mais il devrait y avoir un débat plus
large que celui qu'on tient ici aujourd'hui. Mais je pense qu'il est quand
même important, étant donné que vous l'amenez et que vous
avez le goût d'en traiter. On trouve ça important, parce que vous
êtes les gens directement intéressés par rapport à
cet accès.
Le débat est important, parce que ça confronte
effectivement deux principes, qui sont ce que vous dites, et c'est très
bien dit: le droit du public à l'information, c'est la transparence.
C'est même ça qui est la base de notre démocratie et on ne
peut pas être contre cela d'avoir le maximum d'information. C'est ce qui
fait la beauté et la force de notre système démocratique,
mais, en même temps, c'est dans le respect de la vie privée. Les
citoyens, il ne faut pas l'oublier, ont des droits reconnus. Ça va loin
aussi, le droit à la vie privée. Selon notre Code civil aussi, on
est présumé innocent jusqu'à accusation. On a des choses
qui nous protègent. Et heureusement. C'est ce qu'il y a de beau dans
notre système: l'individu est probablement ce qu'il y a de plus
fondamental dans la société. Donc, l'individu, à condition
qu'on lui reconnaisse des droits.
Mais, aussi, on veut être informé et je vais dire comme
vous, être informé ça veut dire qu'on aime avoir des
détails et rapidement. On aime que ce qu'on lit dans les journaux soit
d'actualité. Mais comment faire pour avoir le respect des uns et des
autres? Au moment où on se parle, on a une loi, l'article 14 vient
améliorer un peu l'accessibilité, mais vous dites qu'on ne va pas
assez loin et vous demandez maintenant que ce soit l'ouverture
générale, l'accessibilité dès qu'il y a un mandat
qui est signé par un corps de police. C'est sûr que quand on prend
des exemples comme ceux que vous avez utilisés, qui ne sont pas
nécessairement excessifs, qui sont vécus, mais en même
temps il est peut-être plus facilement explicable qu'on veuille que ce
soit sur la place publique quand ça touche des groupes... Les exemples
que vous avez donnés sont très connus, mais je n'ai pas
l'impression que c'est la majorité des cas qui sont du même
intérêt pour M. et Mme Tout-le-Monde. Et, en même temps, il
y a des victimes aussi.
Vous avez fait, et je dois dire que c'est un peu remarquable, dans vo re
présentation ou dans votre discussion avec Mme la ministre, à un
moment donné, une division ou une différence entre ce qui est
arrestation et ce qui est victime. C'est déjà une
possibilité de regarder les deux. Une arrestation, c'est qu'il y a eu
enquête, alors qu'une victime, il y a eu un incident et non pas une
enquête qui amène à une arrestation. Il faut faire
attention dans les situations qui sont particulières, parce que
là on s'adresse à des individus. Votre collègue du journal
The Gazette hier nous disait: Oui, vous pouvez ouvrir totalement, comme vous
nous le demandez, en se basant sur d'autres garanties et parmi ces
garanties-là, qu'il nous a mentionnées hier, il y a le code de
déontologie. Vous avez même ajouté la confiance par rapport
au professionnalisme - finalement, ça rentre dans le code de
déontologie - et il y a déjà des gens qui sont
protégés par des lois. Je pense aux mineurs. Oui, c'est une
avenue qu'il faut envisager, mais, entre nous, et je vous pose la question
d'une façon très naïve: II y a le code de déontologie
puis, effectivement, on peut penser que la grande majorité des
journalistes et des médias va s'adapter à ça. Mais ne
craignez-vous pas qu'il puisse y avoir utilisation abusive, pas de façon
générale, mais ce qu'on
M. Noël: C'est qu'on est conscients qu'il y aura des
inconvénients et de la même façon que je le disais
tantôt à Mme Frulla-Hébert, la dictature a certains
avantages sur la démocratie à l'extrême,
c'est-à-dire qu'on peut prendre en dictature des décisions plus
rapidement qu'en démocratie, par exemple.
Ce qu'il faut voir ici, c'est que la situation actuelle fait qu'il y a
des abus graves qui se produisent. Et je vous pose la question: Quand il y a un
policier qui tue un noir, est-ce que vous ne pensez pas que ça doit
être connu immédiatement, à savoir de qui il s'agit?
Actuellement, si on appliquait à la lettre la législation
actuelle, M. Parizeau se ferait tuer ici, dans la ville de Québec, et la
police de la Communauté urbaine de Québec ne pourrait pas
divulguer son identité. Il y a quelque chose d'absolument absurde dans
une situation comme celle-là et qui risque de bafouer des droits
démocratiques de façon beaucoup plus grave que la divulgation
abusive des noms des victimes. Il faut voir que les journaux, quand même,
ne s'intéressent pas à la vie de tous et chacun et
s'intéressent principalement à la vie des gens publics ou des
événements publics, et que toute restriction à
cette possibilité de rapporter des faits publics est une entrave
démocratique sérieuse. Aussi, ça limite le rôle de
chien de garde des médias. Mais je vous pose la question. Prenez cet
exemple-là, du cas de Allan Gosset et de Anthony Griffin, où ia
question s'est posée de façon très précise.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Paré: Deux choses là-dessus par rapport aux
commentaires que vous venez d'émettre. La première, quand vous
disiez qu'un policier tue un noir à Montréal, que ça ne
soit pas connu, ce n'est pas correct. Moi, je dois vous dire, entre nous, qu'un
policier tue n'importe quel individu...
M. Noël: Non, non, je vous donne cet exemple-là parce
que ça s'est passé.
M. Paré: Non, mais ça m'a... Je dois vous dire...
O.K.?
M. Noël: Oui, oui.
M. Paré: Dès qu'il y a effectivement... Là,
vous avez un point. Moi, je pense que, de toute façon, il doit y avoir
un rapport de la Commission de police dans des situations semblables et,
dès qu'il y a rapport d'une commission quelconque, je pense
qu'effectivement, comme c'est dans l'exercice d'un mandat d'une personne en
poste au niveau public, il faut que ce soit connu. Mais est-ce qu'on doit
immédiatement... Vous donniez l'exemple tantôt. Moi, je ne
voudrais pas apprendre par la voix des journaux, par exemple, que quelqu'un de
ma famille est décédé. À première vue, je
dois vous dire que c'est comme quelque chose qui est... Humainement, ça
doit être quelque chose à vivre. Par contre, les deux exemples que
vous avez pris, si M. Bourassa ou M. Parizeau, il leur arrivait quelque chose
et que la population puisse être informée rapidement, oui, parce
qu'il y a des gens qui ont les mêmes droits et ils ne doivent pas avoir
de privilèges, mais qui ont choisi d'avoir une vie publique, c'est pas
mal plus normal, je pense. De toute façon, on ne peut pas le cacher et
ça devient public. Il y a tout ce choix-là. C'est pour ça
que le débat... Je dois vous dire: J'ai l'impression que la porte est
à peine entrouverte sur toute l'importance du débat qu'on va
tenir.
M. Noël: Qui va décider? Prenons un exemple inverse.
Le caporal Lemay qui s'est fait tuer cet été, est-ce que ce n'est
pas important que son nom soit immédiatement connu, qu'on sache ce qui
est arrivé, comment ça s'est passé? Je veux dire: Qui va
décider si la loi dit que ces informations-là ne doivent pas
être publiques? C'est qu'on risque d'arriver à des situations
absolument absurdes. C'est qu'il va y avoir des corps de police qui vont
interpréter la loi dans un sens et d'autres corps de police qui vont
l'interpréter dans d'autres sens. D'ailleurs, c'est le cas actuellement
où la police de la CUM ne divulgue pas les noms des victimes d'accidents
et d'incidents alors que la Sûreté du Québec divulgue ces
renseignements-là, d'une certaine façon, en violant la loi
actuelle, parce que la Commission d'accès à l'information a
donné raison à la police de la CUM. Et notre grande crainte
maintenant, c'est que la Sûreté du Québec suive l'exemple
de la police de la CUM.
M. Paré: Je ne vous dirai pas dans quel sens je serais le
plus porté à pencher, mais s'il y a une chose, par exemple,
à laquelle je serais prêt à adhérer, c'est qu'il y
ait au moins une ligne de conduite commune par rapport aux différents
organismes qui détiennent ces informations.
M. Noël: Actuellement, il y en a une, une ligne de
conduite.
M. Paré: Bon.
M. Noël: Et la ligne de conduite est que ces
informations-là ne sont pas publiques. La police de la CUM agit de
façon très légale actuellement en ne divulguant pas les
noms. C'est quelque chose qui... En tout cas, ça m'étonne
d'ailleurs que la SQ n'ait pas suivi encore cet exemple-là. Mais, je
veux dire, c'est une question de temps avant que la Sûreté du
Québec fasse la même chose et c'est quelque chose qui doit
absolument arrêter. La tendance doit être exactement le contraire.
Il faut avoir une ligne de conduite dans le sens d'une plus grande transparence
et non pas dans le sens d'un plus grand secret.
M. Paré: Oui, une plus grande transparence dans le respect
de la vie privée.
M. Noël: Mais c'est qu'on ne nous a pas donné
d'exemple probant comme quoi la vie privée des gens au Québec
était vraiment menacée actuellement ou pourrait être
vraiment menacée et qu'il y aurait des entorses graves à leur
droit démocratique à la vie privée.
M. Paré: Alors, je vous remercie beaucoup de la
présentation de votre mémoire et surtout des réponses aux
questions et j'espère que très bientôt on se retrouvera
spécifiquement sur ce point.
M. Noël: Je l'espère aussi.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci. Mme la
ministre, quelques mots de remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup du débat et
on va le continuer, vous pouvez en être sûr. J'ai une bonne
nouvelle, par exemple, pour vous puisqu'on veut tous, finalement, changer
les
attitudes et essayer de mettre du positivisme à
l'intérieur de tout ça. Vous savez que l'article 10 du projet de
loi modifie l'article 44 en disant ou en spécifiant que le responsable
de la loi d'accès maintenant ne sera pas seulement celui qui
reçoit la demande mais doit absolument aider justement le
requérant à l'identification du document demandé.
Autrement dit, quand la loi sera en application, si vous demandez, justement,
les documents d'Oka et qu'on vous répond: Quels documents? la personne
est obligée de vous aider. Alors, ça, c'est une bonification
qu'on a apportée parce que, effectivement, on s'est rendu compte, avec
la Commission d'accès d'ailleurs, qu'il y avait des problèmes.
Alors, j'ai l'impression que ça va vous aider beaucoup dans votre
travail et il y aura aussi toute la question de formation des responsables et
ça, nous en sommes aussi très conscients. C'est une loi qui est
relativement neuve, 1982, appliquée après, en 1985, quand on a
fini par soumettre tous les organismes. Alors, il faut maintenant beaucoup de
pédagogie.
Cela étant dit, nous allons travailler ensemble à
développer les consensus nécessaires pour faire évoluer la
loi. Et comme on l'a spécifié tantôt, je veux initier...
j'initierai, pas je veux, j'initierai un débat public sur toute la
question de la définition de ce qu'est une information
d'intérêt public. Et, à ce moment-là, nous allons le
faire sous quelle forme? C'est à définir. Chose certaine, c'est
que nous allons essayer de le faire ensemble et je pense que ça va
beaucoup nous aider aussi à essayer finalement, d'un côté,
de regarder la question qui est le droit collectif à l'information et,
de l'autre côté, question prônée aussi par la Charte
des droits et libertés, c'est-à-dire, finalement, protection de
la vie privée. Et un grand dialogue et un grand débat, non
seulement par des organismes - parce que souvent on en a eu des débats,
mais c'était la Fédération des journalistes, entre nous,
au niveau des médias, à l'époque quand j'y étais -
mais là on va essayer de l'élargir peut-être au public et
ça va probablement nous éclairer tous au niveau de ce consensus
social. Je pense qu'il est temps qu'on se pose la question. Alors, cela
étant dit, merci encore de votre apport. Ce fut très
intéressant.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Noël. Merci, M.
Robillard. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures et, à
cette heure-là, nous entendrons la Coalition démocratique de
Montréal. Les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise à 15 h 11)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux, et nous allons dès maintenant entendre les
représentants de la Coalition démocratique de Montréal,
qui sont M. Mélançon, M. Boskey et M. Nadeau. Je les inviterais
à prendre place, s'il vous plaît.
Alors, bienvenue, je pense que vous étiez ici cet avant-midi, je
ne suis pas trop sûr, vous savez comment ça fonctionne: Vous
présentez votre mémoire pendant une vingtaine de minutes, et le
restant du temps est partagé également entre les deux formations
politiques. Vous avez donc la parole, et si vous vouliez bien vous
présenter, pour commencer. Merci beaucoup.
Coalition démocratique de Montréal
M. Boskey (Sam): Bon, merci. Je m'appelle Sam Boskey, je suis
conseiller municipal à Montréal. Je suis accompagné par M.
Gaétan Nadeau, qui travaille comme recherchiste pour la Coalition
démocratique. Nous sommes des représentants des partis
d'opposition à l'hôtel de ville de Montréal, actuellement.
Notre leader parlementaire, M. Mélançon, a malheureusement
été retenu à Montréal aujourd'hui. C'est nous deux
qui allons présenter le mémoire.
Pour deux raisons, je ne veux pas lire tout le mémoire. D'abord,
je suis vice-président d'une commission permanente à
l'hôtel de ville moi-même, et je sais que c'est plate ^'entendre
des gens lire des choses quand on a déjà des textes. Je prend
pour acquis que, ou bien vous ou vos recherchistes avez déjà lu
ça ou vont lire ça à l'avenir. Ce que nous voulons faire,
c'est peut-être de lire quelques extraits, mais surtout de faire un
certain nombre de commentaires généraux, parce que nous touchons
beaucoup de petits points, mais on voudrait mettre l'emphase sur des points
qui, pour nous autres, sont les plus importants.
Quelques commentaires généraux, au début. Je pense
qu'on aurait préféré, peut-être, après cinq
ans de cette loi, voir peut-être une révision un peu plus globale
que ce qu'on a vu dans la loi 62, pas juste quelques petits ajustements. Il y
avait beaucoup de jurisprudence, et étant donné que la loi
était toujours, en plus d'être une loi sur l'accès à
l'information, c'était aussi une codification de toutes les exceptions
à la loi sur le droit à l'accès, peut-être,
après cinq ans, après l'expérience, on aurait pu constater
qu'il y a certaines exceptions qu'il n'était pas nécessaire de
garder dans la loi.
Mais une chose qu'il est très important de signaler et qui est
à la base de notre orientation face à ce dossier, c'est qu'il ne
faut jamais, pendant la révision de la loi, oublier le principe de base,
c'est, que normalement, tout ce qui est gouvernemental devrait en principe
être public et ouvert, et tout ce qui est des renseignements personnels
doit être privé. Parfois, en faisant la lecture de certains
articles du projet de loi, c'est un peu difficile de dégager cette
optique et c'est pourquoi on a certains commentaires. Pour
nous qui utilisons de temps en temps la loi, on regarde les propositions
de modifications suggérées, non pour voir comment ça va
aider les fonctionnaires, mais comment vraiment ça va protéger
les droits du public. Notre expérience, dans les derniers cinq ans,
concernant la loi, on a vu que, dans les mains des gens qui n'aiment pas les
principes dedans, on peut utiliser la loi pour faire un certain genre de
harcèlement. Juste pour vous donner un petit exemple de cela, quand nous
avions trois ou quatre appels devant la Commission, des demandes de
révision le même jour, le même moment concernant le
même article de loi, il y avait des instances où on nous envoyait
trois avocats différents, trois dossiers différents et
c'était l'équivalent d'un harcèlement. N'importe quelle
loi et surtout quelque chose où les délais sont très
importants, c'est ouvert à un certain harcèlement et il n'y a pas
nécessairement des modifications dans des questions de procédure
ici qui peuvent protéger le public.
Un autre grand commentaire, c'est quelque chose qui n'était pas
dans la loi et qu'on aurait voulu voir peut-être. C'est qu'il y a
beaucoup de motifs de refus. Il y a ceux qui sont obligatoires: L'organisme
public doit refuser. Il y en a d'autres qui disent: L'organisme public peut
refuser. D'après la jurisprudence de la Commission, on n'exige pas une
justification pour le "peut". Très souvent un organisme va refuser et il
n'y a pas de raison vraiment. La Commission ne veut pas regarder en
arrière du refus.
Il reste - évidemment, ça va un peu plus loin que la loi
62 - un grave problème dans la loi sur l'accès à
l'information. D'après nous, c'est que ça donne accès aux
décisions après que les décisions sont prises. Pour nous,
à Montréal, par exemple, à l'hôtel de ville de
Montréal, la plupart des décisions sont prises à huis clos
par le comité exécutif. Ce n'est qu'une petite partie qui vient
au conseil municipal. Pour des gens qui sont en politique et pour des gens qui
voudraient participer pleinement dans une vie démocratique, ce n'est pas
beaucoup pour influencer les gouvernements si on ne peut que prendre
connaissance des faits accomplis. Dans la loi, tel que ça existe,
souvent c'est après que des décisions finales sont prises qu'on
peut avoir accès. Et ça n'aide pas du tout la participation
démocratique.
Je voudrais peut-être lire juste un paragraphe ou deux. Ça
se trouve à la page 2 de notre mémoire concernant aussi l'autre
volet qui est la question des renseignements personnels. Ce paragraphe se lit
comme suit: "La loi, loin de protéger les renseignements personnels
détenus par l'État, a servi de paravent pour autoriser une
dégradation constante et critique du respect du droit à la vie
privée. La situation des assistés sociaux du Québec, les
récents contrats avec la compagnie Acrofax, tes couplages de fichiers
d'ordinateurs, la carte de santé à mémoire qu'on nous
annonce pour bientôt, le commerce des renseignements personnels par le
gouvernement du Québec, le transfert de données vers le secteur
privé dans le domaine de l'assurance automobile, par exemple autant de
preuves que les organismes publics ont une définition pour le moins
restrictive et positiviste du droit à la vie privée. "Notre
analyse de la situation, en matière de protection de la vie
privée, nous amène au triste constat suivant: La vie
privée est d'abord et avant tout une question de richesse. La logique de
la cueillette et du traitement de l'information dans le secteur public, tout
comme dans le secteur privé, confirme le vieil adage: Vaut mieux
être riche et en santé que pauvre et malade. Avec l'arrivée
de la carte de santé à mémoire on peut dire qu'à
maladie égale, les riches s'en tireront mieux que les pauvres, du strict
point de vue de leurs dossiers personnels. Les pratiques d'embauché de
la ville de Montréal sont là pour démontrer la pertinence
de nos propos." On réfère ici à des questionnaires
utilisés à la ville de Montréal qui posaient des questions
concernant des avortements, des tests de sang qu'ils ont utilisés et qui
pourraient avoir des préjugés contre des gens de certaines races,
et d'autres questions semblables. "En matière de protection de la vie
privée, le Québec attend toujours sa révolution
tranquille. On ne pourra pas impunément avaliser le système
actuel qui, même au niveau de la protection des renseignements
personnels, crée deux Québec en un." C'est la façon de
dire que, je pense, on aurait préféré voir dans fe projet
de loi 62 des choses qui vont rendre beaucoup plus secure la protection de la
vie privée. Certains amendements ici, d'après nous, vont dans le
sens contraire.
La deuxième chose que j'aimerais dire, ce sont des choses qui ne
sont pas dans la loi, juste peut-être adresser un mot aux membres de la
commission concernant l'administration de ta loi tel que ça existe
actuellement. Une loi sur l'accès à l'information et la
protection de la vie privée peut être très importante si
c'est quelque chose qui est utilisé régulièrement et si
tout le monde est au courant. Mais, malheureusement, il y a très peu de
publicité concernant la loi. Il y a beaucoup de publicité
concernant Loto-Québec toutes les dix minutes à la radio et
à la télévision, mais, concernant une loi qui devrait
être une loi fondamentale, la plupart des membres et le public ne savent
pas que ça existe. Les recours ne sont pas bien publicises. Une autre
raison pour laquelle c'est bien important qu'il y ait de la publicité,
c'est que ça va avoir un effet dissuasif face aux organismes publics.
Avec une campagne de publicité constante et permanente, les organismes
publics seront aussi beaucoup plus au courant de leurs responsabilités
et de leurs obligations.
On m'avait informé, à l'hôtel de ville de
Montréal, qu'il n'existe pas actuellement beau-
coup d'aide du ministère des Communications face aux responsables
des organismes. Il n'y a pas de cours de formation permanente, il n'y a pas
vraiment beaucoup d'aide, il n'y a pas de cours dans des universités, et
souvent les gens sont un peu isolés. Par coïncidence, j'ai
reçu un avis: à Toronto, les 27 et 28 septembre prochain, le
gouvernement d'Ontario organise un grand grand colloque sur les
municipalités et la loi sur l'accès à l'information. Ce
serait peut-être intéressant pour les membres de la commission de
prendre note des détails, peut-être que quelqu'un pourrait y
assister.
Nous trouvons, à Montréal, à cause de ce manque de
sensibilisation, des situations un peu bizarres. Dans notre mémoire, qui
a été rédigé il y a deux mois à peu
près, on parle d'une situation avec une société
paramunicipale de la ville de Montréal où la
société paramunicipale exigeait l'autorisation du
secrétaire général de la ville de Montréal avant de
regarder une demande d'accès. On a trouvé cette situation un peu
bizarre et, depuis le temps où le mémoire a été
rédigé, la situation s'est clarifiée. Apparemment,
c'était une erreur et le secrétaire général a
clarifié la situation, mais ça démontre que, même
des années après que la loi est entrée en vigueur, des
responsables de grandes sociétés paramunici-pales ne sont
même pas au courant de la façon de gérer un dossier en
vertu de cette loi. C'est très important, je pense, pas juste d'adopter
la loi, mais de voir à son application. À ce sujet, je pense
qu'on pourrait voir beaucoup d'amélioration.
Je voudrais maintenant prendre quelques articles de la loi et faire nos
commentaires article par article. Le premier article qui a attiré notre
attention, c'était l'article 2 qui mentionnait la question des
sociétés paramunicipales de la ville. Je ne sais pas, au moment
où on se parle, quel est exactement l'état de l'article 2. J'ai
entendu qu'il y aurait ou bien des modifications, ou j'ai entendu des rumeurs
voulant que ça pourrait peut-être être changé ou
retiré. Mais je voudrais dire que ni l'ancienne définition ni la
définition dans la loi 62 n'étaient adéquates. Il faut
avoir une définition qui soit adéquate pour la
réalité que nous avons à la ville de Montréal.
À Montréal, le conseil municipal gère de moins en moins
les affaires de la ville. Il y a beaucoup beaucoup de sous-traitance avec des
sociétés paramunicipales et avec des organismes de tous ordres.
Je voudrais juste lire un paragraphe de notre mémoire, à la page
6: "...le conseil de ville est de moins en moins le maître d'oeuvre du
développement et de la gestion de Montréal. À la
centralisation à outrance de l'administration Drapeau a
succédé le démantèlement bureaucratique de
l'administration Doré. Les prérogatives du conseil municipal sont
redistribuées à divers organismes paramunicipaux, de toutes
natures, dont la gestion est confiée à des non-élus et la
surveillance aux journaux. L'exercice s'est révélé un
échec. À toutes fins utiles, ces organismes sont hors de
contrôle. Un redressement s'impose et la loi sur l'accès à
l'information est, pour le moment, l'outil privilégié pour
connaître les actions et inactions de ces organismes qui
détiennent une bonne part du pouvoir à Montréal."
La loi et les derniers amendements dont on a pris connaissance ajoutent
une ligne. On dit: Des organismes dont le conseil d'administration est
composé majoritairement des membres du conseil d'une municipalité
- je le dis tout de suite, à Montréal, ça n'a aucune
pertinence parce que, depuis quelques années, il n'y a pas d'élus
du tout sur les conseils de sociétés paramunicipales - de
même que tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une
municipalité. Je voudrais essayer de vous expliquer que c'est
très difficile de savoir ce que ça voudrait dire à
Montréal. À Montréal, il y a des sociétés
para-municipales dont on peut penser qu'elles relèvent de
l'autorité d'une municipalité, des sociétés
paramunicipales traditionnelles qui sont créées en ven^u de la
charte de la ville de Montréal. On peut regarder l'AMARC, la
Société d'habitation et de développement de
Montréal, et quelques autres. Il y a certaines autres
sociétés, que nous appelons chez nous du type B, qui ne sont pas
créées en vertu de la charte, mais ce sont des compagnies
créées en vertu de la partie III des compagnies, qui sont, pour
la plupart, indépendantes, mais qui sont, à toutes fins
pratiques, des sociétés paramunicipales. Je donne un exemple:
Dernier Recours Montréal, l'abri pour les sans-abri. Dernier Recours
Montréal, les requêtes en vertu de la Loi sur les compagnies ont
été faites par trois fonctionnaires de la ville. Il occupe un
édifice qui appartient à la ville. Le personnel est tout
prêté par la ville. Ils ont un numéro de
téléphone de la ville. Le budget a été voté
à 100 % par la ville. Je me corrige.
Le budget n'est pas voté. Le conseil municipal a donné une
subvention à cette corporation, mais leur dirigeant ne vient jamais
devant le conseil municipal. On ne peut jamais poser de questions et c'est
comme une entreprise complètement indépendante dont la ville
assume 100 % des responsabilités, mais le conseil municipal,
juridiquement, n'exerce aucune autorité. Il y a beaucoup de ces exemples
de ces nouveaux styles de corporation. La corporation du 350e anniversaire de
Montréal en est une comme ça. La société de gestion
de l'île qui gère toute 111e Notre-Dame en est une comme
ça.
Le vérificateur de la ville de Montréal, dans ses rapports
annuels de 1988 et 1989, a fait des plaintes à deux reprises en disant
que même lui ne pouvait pas avoir accès à des comptes et
à des renseignements concernant ces sociétés
paramunicipales, et l'administration municipale n'a pas encore donné
suite à ces recommandations. Si le vérificateur ne peut pas
avoir accès, comment un citoyen ordinaire peut-il avoir
accès? il y a toute une autre série de catégories des
projets et ce serait très difficile de voir comment on peut tomber dans
une définition qui dit: Relève autrement de l'autorité
d'une municipalité. Des sociétés paramunicipales comme
SIMPA, qui s'occupe du Vieux-Montréal, ou SODIM, qui est une
société de développement industriel, ont l'habitude
maintenant d'entrer dans des "joint ventures", avec des compagnies
privées. Elles vont chercher ensemble à devenir partenaires dans
une nouvelle compagnie à numéros, qui va acheter, vendre, faire
de gros développements immobiliers. Le groupe... juste à
côté de l'hôtel de ville de Montréal, en serait une.
Vous avez peut-être lu des choses concernant le Centre de commerce
mondial où une société paramunicipale est un partenaire.
Le complexe. Juste pour rire qui a été annoncé
récemment, où des sociétés paramunicipales vont
investir des millions et des millions de dollars, à même l'argent
des Montréalais. Mais le conseil municipal n'a aucune juridiction
là-dessus.
Ces corporations ne seront pas du tout, je pense, dans mon
interprétation... on ne peut pas tomber dans une définition qui
dit: Un organisme relevant de leur autorité. Même pour des
sociétés paramunicipales standard du vieux type. La ville de
Montréal est en train de changer ses relations avec les
sociétés paramunicipales pour leur donner de plus en plus
d'autonomie. Il y a un protocole type maintenant qui régit les relations
entre Montréal et les sociétés, mais ça donne
beaucoup plus d'autonomie aux sociétés. Bien que je comprenne
l'intention de l'amendement proposé pour que tout ce qui est municipal
puisse être assujetti à la loi, je suggère qu'on a besoin
de nouvelles rédactions, après avoir examiné en
détail les bêtes qui existent actuellement à
Montréal, parce que ça devient facile' pour une administration.
de trouver des façons de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire
directement.
Évidemment, la ville, en vertu du protocole, n'exerce aucun
contrôle sur la gestion de la loi sur l'accès à
l'information dans la vie interne de ces sociétés
paramunicipales. Et le contrôle de la qualité, comme on a eu cette
expérience triste, il y a quelques semaines, c'est que parfois les gens
là-bas ne sont pas complètement au courant de leurs
obligations.
On avait quelques commentaires à faire sur l'article 5 de la loi
J'ai appris dans les journaux, ce matin, que Mme la ministre a annoncé
que ce sera retiré, au moins pour l'instant. Eh bien, j'en passe. On
passe maintenant à l'article 6 qui touche l'article 13 de la loi. Dans
le deuxième paragraphe, je vais lire juste une phrase: "... le droit
d'accès à un document produit par un organisme public ou pour son
compte et devant faire l'objet d'une publication ou d'une diffusion dans un
délai n'excédant pas six mois... " Nous voyons là-dedans
une possibilité de toutes sortes d'abus. D'abord, aujourd'hui nous
sommes à moins de deux mois d'une élection municipale. Est-ce que
c'est possible pour une administration de mettre un gel sur beaucoup beaucoup
de choses pendant les derniers six mois avant une campagne électorale,
en disant: Tout sera publié après?
(15 h 30)
Montréal a pris l'habitude de publier et de déposer
à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale et même
vendre de plus en plus de documents. De plus en plus de choses peuvent tomber
à l'intérieur de cet article, si ça existait, et ça
aura l'effet possible de retirer l'accès pendant six mois. Qu'est-ce qui
se passe s'il y a un engagement de la ville de publier quelque chose et que la
ville décide, après quelques mois, que ce n'est plus pertinent de
le publier? Il y a des documents dont l'accès, peut-être, ne sera
pas disponible.
Évidemment, il ne faut pas oublier que, quand il y a des
gouvernements qui prennent des décisions, qu'on voudrait surveiller les
activités de toutes sortes d'organisations publiques, lime is of the
essence. " On dit toujours: "Justice being delayed is justice being denied. "
Si on ne peut pas avoir accès aux documents au moment où on en a
besoin, parfois, c'est trop tard et la vie démocratique en souffre.
L'article 6, d'après nous, ouvre une porte qui peut être
assez dangereuse et je vous invite à le regarder à deux fois
avant d'adopter ça dans la loi.
Le prochain article, c'est l'article 19 de la loi qui touche des
fichiers... des questions... "Un organisme public peut, sans le consentement de
la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements
personnels ou un extrait d'un tel fichier aux fins de créer un fichier
contenant des renseignements sur des personnes susceptibles d'avoir contrevenu
à une loi ou à un règlement... " Nous avons pris
connaissance d'une proposition d'amendement qui ajoute, à la fin: "si
c'est nécessaire à l'application d'une loi" qui peut clarifier un
aspect, mais qui ne clarifie pas du tout notre objection principale.
Notre suggestion pour cet article 19, pour l'instant, c'est de retirer
ça purement et simplement. Nous voyons ça comme un article qui
est très très dangereux.
Normalement, dans la règle ordinaire des choses, si un tribunal,
si un individu, quelqu'un qui voudrait poursuivre quelqu'un voulait faire un
attentat à la vie privée, il faut aller chercher un mandat devant
un juge pour entrer dans une maison. Il faut démontrer qu'on a une cause
prima facie. On doit démontrer qu'on a "reasonable grounds for
suspicion. " En ce moment, ça prend un mandat et la permission.
Quelqu'un ne peut pas se donner le pouvoir de faire un attentat à la vie
privée. Mais, ici...
Le Président (M. Doyon): En terminant, il vous reste 30
secondes.
M. Boskey: Pour nous, ici, c'est vraiment un attentat à la
vie privée, l'article 19. Bon, je vais conclure en disant qu'au niveau
municipal, étant donné que la vie municipale n'est pas quelque
chose où la participation démocratique est le plus
développée ni au Québec ni au Canada, la loi sur
l'accès, ça devient quelque chose qui est assez important et
moins il y a de restrictions qui sont ajoutées, plus ça devient
quelque chose qui rend, d'après nous, la vie démocratique un peu
plus difficile, et on vous invite vraiment à regarder nos suggestions
avec soin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boskey. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bon, alors, merci beaucoup de votre
intervention. Ça nous permet aussi d'apporter certaines clarifications
quant à l'article 2, d'une part. Avant de débuter, par exemple,
j'aimerais seulement vous informer. Vous parliez de la loi, etc., en Ontario et
du colloque. Vous savez qu'en Ontario les organismes municipaux ne sont pas
sous la loi d'accès et ils ont voulu le faire par étapes. Donc,
là-dessus, nous sommes pas mal plus avancés que la province de
l'Ontario.
M; Boskey: Ça va entrer en vigueur le 1er janvier prochain.
Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais, nous, on l'a
déjà depuis 1984. Ceci dit, le projet deux de l'article qui
voulait modifier, finalement, l'article 5... Ce que nous avons fait,
d'ailleurs, c'était pour justement assujettir encore plus d'organismes
publics ou municipaux. Il fallait quand même changer un peu le
libellé pour que celui-ci s'arrime à la Loi sur le
ministère des Affaires municipales parce que, comme vous le savez, la
loi sur l'accès est prépondérante et il faut toujours se
référer, ensuite de ça, à la loi des
différents ministères.
Nous avons décidé d'apporter un amendement qui est,
finalement, le même amendement à la loi, c'est-à-dire qu'on
a remis ce qui était dans la loi depuis 1982 en disant: Et les
organismes constitués à titre d'agents de l'une ou de l'autre de
ces municipalités ou relevant autrement de leur autorité.
C'était vraiment pour préciser. Le Comité de
législation nous disait qu'on n'en avait pas besoin. Il y avait de
l'insécurité. Alors, on s'est dit: Pourquoi pas? Il est là
de toute façon. On va préciser.
Ceci dit, vous savez qu'en vertu de la loi on ne peut pas assujettir les
organismes privés. On n'en est pas là. On parle, d'ailleurs, d'en
faire un débat prochain en tout ce qui concerne organisme privé
avec le ministère de la Justice.
Mais il y a une question que je voudrais vous poser: Les
sociétés paramunicipales dont vous avez parlé avant, comme
Dernier Recours Montréal, ces sociétés-là
sont-elles les mandataires de Montréal?
M. Boskey: Pas d'après la loi. À ma connaissance,
peut-être... J'ai quand même... À ma connaissance, c'est
seulement, je pense, l'Office municipal d'habitation où c'est
mentionné dans sa loi consultative que c'est un mandataire... certaines
autres sociétés sont créées en vertu de la charte
de la ville. Eh bien, on peut présumer qu'elles sont des mandataires.
Mais il y a toute cette série d'autres... ils sont mentionnés. Le
pouvoir de créer, ce n'est mentionné nulle part dans la charte.
Ce sont des individus qui sont des hauts fonctionnaires de la ville qui font
une demande en vertu de la Loi sur les compagnies et la partie III.
Et s'ils sont mandataires... D'après moi, je pense que non. Mais
ce n'est écrit nulle part dans leurs lettres patentes qu'ils sont des
mandataires de Montréal. La ville leur accorde des subventions. Ce ne
sont pas des budgets. D'après nous, notre compréhension de
ça, c'est que c'est une façon d'éviter un certain
contrôle par le conseil, un certain contrôle par le
vérificateur. Évidemment, il y a des effets aussi en vertu de la
loi sur l'accès. Ces sociétés, par exemple, n'ont jamais
nommé des responsables d'accès à l'information.
Mme Frulla-Hébert: Ça, c'est un autre
problème. C'est parce que lorsque... Je veux bien comprendre, là,
parce que notre compréhension est un peu différente de la
vôtre. Lorsque la ville de Montréal donne des fonds à ces
sociétés, elle le fait par voie de mandat.
M. Boskey: La ville... Il y a deux façons
différentes dont la ville donne l'argent. Ou bien, pour certaines
sociétés paramunicipales de style traditionnel, l'AMARC, Terre
des hommes, la Société d'habitation et de développement,
une fois par année, la ville adopte, approuve... le conseil approuve
leur budget. Parfois, ces corporations sont rentables, parfois, il y a des
subventions. Mais c'est la ville qui approuve leur budget. Pour d'autres, le
conseil ne voit jamais leur budget. On leur accorde des subventions, c'est
tout, comme ils sont complètement indépendants. Bien que les
fonctions, par exemple, pour gérer l'île Notre-Dame ou
gérer la politique des sans-abri ou gérer toutes sortes de choses
qui sont, dans un sens, une sous-traitance à des secteurs non lucratifs,
mais complètement gérés indirectement par la ville...
Et nous voyons un certain démantèlement de ce qui est
défini comme le public, les organismes publics et, évidemment,
des craintes politiques face à la question du
démantèlement du pouvoir du conseil et du
vérificateur.
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que la loi prévoit,
d'une part, soit que ces sociétés-là, comme l'AMARC, sont
des mandataires couverts par loi, ou on dit qu'elles relèvent autrement
de leur autorité, avec le papillon, et c'est couvert par la loi. La
seule chose... Ou si ces sociétés-là ont un contrat assez
large qui fait en sorte qu'elles sont soumises, de par le contrat, à
l'autorité de la municipalité couverte par loi, la seule chose
que la loi ne couvre pas, ce sont des sociétés privées. Ce
n'est pas dans le mandat présent de la loi d'accès d'inclure les
sociétés privées, ce qui se fera probablement dans une
prochaine étape quand on ouvrira le débat sur les organismes
privés. Mais tout le reste, s'ils sont, par contrat, mandataires ou ont
un lien d'autorité avec la ville, c'est couvert par la loi.
M. Boskey: Notre problème, c'est que ce lien autoritaire
est souvent loin d'être apparent. Nous voudrions, évidemment, que
la loi sur l'accès touche tout, mais on demande à la commission
de s'assurer que la loi soit le plus clair possible, sinon, le fardeau va donc
rester sur un individu qui va traîner quelque chose devant les tribunaux.
Ça peut prendre des années pour décider si le dernier
recours est un oui ou un non.
Étant donné qu'il y a toute une série de structures
un peu compliquées à Montréal actuellement, c'est
important que la rédaction corresponde à la
réalité. C'est très clair comme principe de dire: Oui,
tout ce qui relève de leur autorité... Mais étant
donné qu'on a toutes sortes de problèmes avec ça,
ça vaudrait la peine d'examiner la situation clairement, à
Montréal, et peut-être d'exiger que dans les lois de ces
sociétés l'existence ou non d'une autorité ou d'un mandat
soit clarifiée. Ça, c'est peut-être une façon de le
régler, mais pour appliquer l'article tel que rédigé, pour
un certain nombre de sociétés, ce n'est pas du tout clair,
d'après moi.
Mme Frulla-Hébert: C'est sûr que s'il s'agit juste
d'un contrat isolé, l'entreprise privée, ce n'est pas couvert par
la loi, mais, dans tous les autres ça, ça l'est. Ce qui me
ramène à un point très juste que vous avez soulevé
et c'est le manque de publicisation et la méconnaissance de cette loi;
on l'a relevé au fur et à mesure de ces deux jours. Il y a le
besoin, justement, non seulement de la publiciser, mais un besoin de
pédagogie au niveau de cette loi auprès des organismes,
auprès des gens qui auront, maintenant, non seulement la
responsabilité d'accepter ou non, enfin, de recevoir les demandes des
requérants, mais de les aider. Alors, ça, c'est une bonification
qu'on apporte à la loi. Évidemment, toute la formation de ces
gens qui seront responsables de la loi, je dois vous dire que, ça, on va
s'y attaquer de très près.
Il y a une précision que je veux apporter aussi au niveau de
l'article 19 qui modifiait l'article 68. 1. Nous, ce qu'on voulait, c'est tout
simplement alléger le processus de la CAI. Durant ces deux jours, les
gens nous disaient: Bien, les demandes, ça prend beaucoup de temps,
c'est long, la Commission d'accès ne fournit pas, et avec raison, parce
qu'elle a une multitude de demandes. Oui, on peut ajouter des gens. On peut
alléger aussi le processus. Alors, c'était tout simplement des
couplages aux fins d'alléger le processus, surtout en ce qui concerne
les couplages administratifs seulement, comme les changements d'adresse, par
exemple. Vu, justement, l'inconfort des gens par rapport à cet article
qui ne voulait pas restreindre ou, enfin, encourager les couplages, mais tout
simplement alléger le processus pour la CAI, nous avons
décidé de le retirer et la CAI sera mandatée de donner un
avis sur tout couplage. Alors, je veux vous rassurer là-dessus. Quant au
reste, M. le Président, ça va aller. Je reviendrai.
Le Président (M. Doyon): Très bien, merci Mme la
ministre. M. le député de Shefford.
M. Paré: Alors, messieurs, je vous souhait la bienvenue
à la commission parlementaire. Je dois dire qu'à la lecture de
votre document on constate que vous faites une évaluation assez dure et
négative par rapport à la protection des renseignements
personnels. Je vais juste lire, à la première page: Pour ce qui
concerne la protection des renseignements personnels, la loi a servi de
paravent pour autoriser une dégradation constante et critique du respect
du droit à la vie privée. La situation... Et, là, vous
donnez des exemples, je dois dire que plusieurs cas sont très
d'actualité. De ce côté-là, je reconnais que vous
avez des inquiétudes qui sont justifiées, mais est-ce que toute
la loi, par contre, mérite la dureté des propos que vous y avez?
Je pense qu'on va avoir quelques minutes pour en discuter. Vous avez des
constats qui sont très durs et, de ce côté-là,
à plusieurs points de vue, je partage vos préoccupations.
D'ailleurs, je l'ai dit ce matin. Quand vous dites que la vie privée est
d'abord et avant tout une question de richesse, je l'ai dénoncé
ce matin; effectivement, il y a des risques. Il y a des risques que ce soient
les plus pauvres qui paient le plus cher des changements dans nos comportements
et dans nos lois. Mais là où vous allez, à la page 3, je
trouve que le constat est dur. C'est quand vous dites: "... le projet de loi
vise uniquement à faciliter le travail des fonctionnaires qui doivent
quotidiennement assumer la fonction de responsables d'accès à
l'information... "
M. Nadeau (Gaétan): Ce n'est pas une remarque qui se
voulait, à prime abord, négative. On voulait prendre pour acquis
que le projet de loi ne visait pas justement à couper des droits aux
personnes, mais bien à régler des problèmes
administratifs dont on a parlé tantôt. Il faut le prendre
dans le sens positif.
M. Paré: O.K. Ça va. J'aurais envie d'aller
directement à des points, sauf peut-être en passant à la
page 6 où vous dites: "Notre première demande sera donc à
l'effet de s'assurer que les présentes modifications ne seront mises en
oeuvre que le, ou après le 4 novembre 1990." J'ai l'impression que je
peux presque vous rassurer en n'étant pas ministre. Normalement, vous
auriez au moins une de vos demandes qui va être exaucée. Je serais
très surpris qu'il y ait des modifications qui vous empêchent de
procéder avec la loi telle qu'on la connaît présentement.
(15 h 45)
Moi aussi, je veux revenir sur l'article 2. Vous y faites passablement
allusion. Il semblerait que vous avez une préoccupation majeure par
rapport à ça et que vous vivez dans un contexte particulier
à Montréal ou, en tout cas, que plusieurs groupes ont mis en
lumière, dont d'autres groupes ce matin qui traitaient d'autres articles
du projet de loi. Si on a un peu de temps, peut-être qu'on y reviendra
tantôt. Mais, concernant l'article 2, vous dites... et je vais citer
quelques petits bouts en disant: "...que le législateur ne parle pas
pour ne rien dire - toujours en parlant de l'article 2 - Comme il n'y a pas eu
de conflits, par le passé, pour déterminer si un organisme
paramunicipal est lié ou non par la loi sur l'accès à
l'information, on reste confondu devant le sens à donner aux
modifications proposées. La modification proposée ne
répond à aucune demande des usagers. Cette modification ne vient
mettre fin à aucun problème identifiable ou connu." Et,
là, vous ajoutez, et c'est là que Mme la ministre a parlé
du mot tantôt et je voudrais qu'on échange un peu
là-dessus, et je cite: "II reste les organismes relevant autrement de
l'autorité d'une municipalité. De belles pages de doctrines
seront nécessaires pour déterminer la portée du mot
"autorité"."
Là, je me permets de réfléchir tout haut. Je vous
le dis, ce ne sont ni des déclarations ni des prises de position que je
fais, je réfléchis tout haut avec vous parce que, par rapport
à l'échange que vous venez d'avoir avec Mme la ministre,
ça m'a amené à voir le problème d'une façon
différente... peut-être pas d'une façon différente,
mais d'amener un éclairage ou la lumière sur un volet qui va
prendre de plus en plus de place dans notre société, c'est
effectivement la création d'une foule d'organismes selon la
troisième partie de la loi. Vous le mettez dans le contexte de votre
responsabilité de Montréal, mais, si on le prenait dans le
contexte aussi de nos responsabilités à Québec, il se
crée de plus en plus d'organismes selon la troisième partie.
Quand on crée des régies, des sociétés
d'État, c'est autre chose. Là, la loi les contraint en fonction
de ce qu'on connaît, mais si ce sont des organismes à but non
lucratif, ça devient privé.
C'est la discussion que je lance. Je vous le dis, l'idée m'est
venue ou, en tout cas, l'éclairage par rapport à la discussion
que vous aviez tantôt. Là, je prends un exemple; vous en avez pris
des exemples, et j'en prends un: lorsque le gouvernement, par le
ministère de la Santé et des Services sociaux, décide de
donner une subvention pour faire vivre une maison des jeunes, la maison des
jeunes, c'est selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies.
Donc, c'est un organisme à but non lucratif, c'est privé.
Pourtant, c'est un organisme qui vit grâce à une subvention
gouvernementale, qui n'est pas contraint par la loi actuelle et, dans ce
cas-ci, je trouve que c'est correct parce qu'il y a un conseil d'administration
et les comptes sont rendus aux gens qui sont membres du conseil
d'administration et les jeunes qui l'utilisent et les comptes qu'ils doivent
rendre au ministère lorsqu'ils font une nouvelle demande.
Ça veut dire qu'au gouvernement on permet la création de
sociétés semblables et probablement que, dans ce cas-ci,
l'accès qu'on peut désirer par rapport aux informations les
concernant, ce sera réglé au moment où on aura
réglé le secteur privé, dans ce cas-ci. Quand vous
apportez des exemples de Montréal, je dois dire qu'il y en a qui me
chatouillent pas mal plus que l'exemple que je viens de vous donner. C'est
là-dessus que je voudrais qu'on échange. Vous avez donné
des exemples, oui, et si c'est ça je pense qu'on va devoir
réfléchir et se pencher là-dessus pas mal
sérieusement. Si Montréal crée des organismes comme le
ministère de la Santé et des Services sociaux que je vous disais
tantôt pour venir en aide à une partie de la population pauvre ou
mal prise de Montréal, je pense que ça peut être acceptable
parce que c'est une subvention qu'on donne pour aider un groupe. Vous avez pris
des exemples et, là, ce n'est plus pareil, ce sont des droits de
gérance, de regard et de développement de la municipalité
ou de secteurs de la municipalité. Vous avez parlé de l'île
Notre-Dame ou des îles. Je dois vous dire que je ne pourrais pas croire
et accepter... Pour ma part, j'étais conseiller municipal et,
même, comme député à Québec, ça me
chicote si ce que vous me dites c'est ça, et j'aimerais que vous
complétiez là-dessus. Si c'est vrai que Montréal
crée une société qui n'a pas de comptes à vous
rendre mais qui, pourtant, est responsable d'une partie du territoire de la
ville que sont les îles, la même chose - ensuite je vous laisse la
parole - si la commission ou l'organisme - je ne sais pas comment on l'appelle
- qui a été créé et chargé d'organiser les
fêtes du 350e anniversaire est totalement autonome et n'a pas de comptes
à vous rendre, on a des questions à se poser. Ce n'est
peut-être pas ici, mais c'est peut-être aux Affaires municipales ou
ailleurs. On a probablement des questions très sérieuses à
se
poser, à savoir si on n'a pas trouvé dans certaines
administrations une espèce de canal qui permet de s'exempter de rendre
des comptes en créant des sociétés non pas fantômes
mais des sociétés avec une autonomie exagérée.
Est-ce que je suis correct dans les propos que je tiens?
M. Nadeau: On peut donner un exemple très frappant de ces
nouvelles façons d'administrer, surtout au niveau municipal. Prenons le
cas de la SIMPA qui a pour fonction de s'organiser avec les édifices qui
représentent un certain patrimoine, du point de vue architectural.
Alors, on a appris par le journal The Gazette finalement que cet organisme
avait un projet de développement d'une partie du Vieux-Montréal
qui allait coûter, au bas mot, 1 500 000 000 $. Ce n'est quand même
pas des "peanuts", 1 500 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Mais cette
corporation municipale ne se sentait pas obligée d'en informer ni le
conseil municipal ni le conseil exécutif, sous prétexte que
c'était un "joint venture" avec des compagnies à numéro
avec lesquelles on s'entendait pour développer cette partie du
Vieux-Montréal. On se rend compte tout de suite des effets et de la
volonté que ça sous-tend, ces organismes-là. Cet
organisme-là veut développer une partie du Vieux-Montréal,
donc va lui donner un aspect différent. Ça a un
intérêt ou un impact urbanistique indéniable, des aspects
financiers importants. Si The Gazette nous a si gentiment informés,
c'est que, justement, dans les contrats qui avaient été
signés jusqu'à date, il y avait des choses qui étaient
pour le moins louches et importantes à rendre publiques. Alors, cette
corporation, la SIMPA, ne se sentait pas, à prime abord, du tout
obligée d'informer le conseil municipal de ses actions. Je vois d'ici,
à peu près, le portrait de ce qu'on nous répondrait si on
voulait leur opposer l'article qu'on nous propose. On nous dirait fort
probablement qu'on va demander au tribunal de bien vouloir nous dire quelle est
la portée du mot "autorité" et, là-dessus, la
jurisprudence, elle a ses effets et ses mérites. On se souvient que, sur
la question de savoir qu'est-ce qu'une chose nécessaire en vertu de la
loi sur l'accès à l'information, le tribunal a répondu que
c'était quelque chose d'utile. On voit qu'il y a une marge quand
même importante entre les deux définitions qu'on aurait pu penser.
Donc, la cueillette d'informations, par exemple, alors qu'on croyait que les
organismes publics ne récoltaient que celles qui étaient
nécessaires pour la gestion de leur mandat, on nous a répondu:
Non, non, c'est ce qui peut être utile. Alors, ça change pas mal
le portrait. Autrement dit, n'importe quoi, pour autant qu'on démontre
qu'on peut l'utiliser. Ça, c'est l'affaire Gilles Bellerose contre
l'Université de Montréal. Ça a été jusqu'en
Cour provinciale. Après ça, ça devenait trop lourd
à porter pour les reins de la personne qui voulait aller en appel. Donc,
ça, nous avons l'intime conviction que tout au moins, une chose
certaine, c'est qu'à partir du moment où des enjeux importants
seront mis sur table et que ce seront des montants importants ou des personnes
tout aussi importantes, on va la plaider, cette modification à la
législation. Elle a besoin d'être solide et bien organisée.
Ça, ce genre de "joint venture" où, finalement, le budget d'une
paramunicipale se trouve à plus que doubler, décupler dans ce
cas-là... En principe la SIMPA est un organisme paramu-nicipal qui a un
budget quand même relativement restreint et, là, on
s'aperçoit que ces gens-là drainent 1 500 000 000 $, sinon plus.
Donc, il y a un changement d'attitude important.
Et cette jonction dont on a parlé tantôt entre le
privé et le public, et c'est devenu omniprésent... Je me suis
rendu compte dans mes recherches, la semaine passée, que la
Société d'habitation de Montréal utilise des dossiers de
crédit pour faire la gestion de ses rapports avec ses locataires. La
qualité desdits dossiers, bon, on la connaît à peu
près. Les locataires ne sont pas informés du fait qu'on va
chercher ces dossiers-là. Ils n'y ont pas accès. Ils ne peuvent
pas les faire corriger. Quelle est la nature de ce dossier une fois qu'il est
entre les mains d'un organisme paramunicipal? Est-ce qu'il peut lui-même
le revendre ailleurs et le réutiliser à d'autres sauces, par
exemple avec les couplages informatiques dont on a parlé tantôt?
Ce qui serait de la nature normale des choses puisqu'ils font, ces
gens-là, par exemple du logement social. Ils pourraient donc
théoriquement non seulement passer par le ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu pour avoir les dossiers
d'Acrofax, mais bêtement par ce petit contrat signé
déjà depuis cinq ans avec Acrofax pour avoir des... non pas avec
Acrofax, je m'excuse, Action bureau de crédit Montréal, et avoir
accès au même genre de dossier sans que rien n'y paraisse. Et ce
ne sont pas, à ce moment-là, des agents-enquêteurs. Ce sont
de simples fonctionnaires sans mandat particulier leur permettant d'avoir
accès comme ça.
Comme vous voyez, il y a toutes sortes de passoires qui se créent
et au moment où on nous dit: Bien voici, il y a une pièce
législative qui s'applique et c'est colmaté, ça part
ailleurs. À notre point de vue là-dessus, pour avoir quand
même une assez vaste expérience dans le domaine, pour avoir
travaillé à la Ligue des droits et libertés auparavant,
entre autres, et même au GRID que vous allez entendre tantôt, il
n'y en aura pas de solution tant et aussi longtemps qu'effectivement le secteur
privé ne sera pas soumis à des règles minimales.
M. Paré: Oui, ça, là-dessus, je suis
même heureux que vous apportiez ces arguments qui sont connus, mais dont
on n'a pas encore traité ici et dont on va devoir tenir compte et
rapidement, je dois vous dire, au niveau des HLM,
donc, les offices municipaux d'habitation qui utilisent les dossiers de
crédit. C'est connu.
M. Nadeau: Pour être précis, surtout pour les fins
de transcription, c'est la SHDM, la Société d'habitation, dont on
a pu obtenir... À l'Office municipal d'habitation, je n'ai trouvé
aucun fonctionnaire capable de me confirmer qu'on faisait de telles pratiques,
ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que ça ne se fait pas.
M. Paré: Je le sais, parce qu'étant critique en
matière d'habitation il en a été question dans une autre
commission à quel point on protège les citoyens et à quel
point on donne des chances égales aux citoyens qui veulent appliquer
pour du logement social! Et ça va loin. Non seulement on utilise... On
utilise les dossiers de crédit pour faire quoi? Pour en faire des
listes. Et les listes noires servent à quoi? À empêcher des
gens d'avoir accès à du logement social. Ça, c'est un
autre volet sur lequel il faut vraiment se pencher.
Moi, je veux revenir sur la SIMPA dont vous m'avez parlé. Il
existe, dans des municipalités et probablement dans presque toutes les
municipalités du Québec avec une certaine population, des
organismes qui sont là à titre de suggestions, de conseils ou
mandatés pour acheter des terrains, préparer des programmes
particuliers d'urbanisme ou toutes sortes de choses. Mais ils ont un mandat
précis. Ils relèvent de la ville totalement. Il y a même
des conseillers municipaux qui sont membres du conseil d'administration, et
leurs décisions... De deux choses: ou ils sont là pour faire des
suggestions et ils les amènent à la ville qui prend les
décisions ou ils peuvent être mandatés, ils ont le droit de
prendre des suggestions, sauf qu'ils ont des comptes à rendre à
la ville et ils n'ont pas la possibilité de dépenser ou, en tout
cas, c'est à partir d'un budget qui est approuvé par la ville et
ils rendent des comptes.
La façon dont vous parlez, la SIMPA, dans les décisions
qu'elle a prises par rapport à l'aménagement d'un secteur du
Vieux-Montréal, êtes-vous en train de dire qu'elle a signé
des contrats, qu'elle peut vendre ou acheter des terrains, qu'elle peut signer
des ententes avec des compagnies privées, sans même qu'elle ait de
comptes à rendre à la ville ou de budgets à faire
approuver?
M. Nadeau: Tous ces budgets-là, ces comptes, ces contrats
qui sont le fruit d'un "joint venture"... Par exemple, dans le cas de la SIMPA,
ils se sont donné le mandat et c'est une façon de se financer.
Probablement que c'est apparu comme ça à première
ébauche. Ils se sont dit: Comme on est bien placés, on
connaît... on peut faire office, ni plus ni moins, de guichet unique pour
les promoteurs. Ils prennent des études de
préfaisabilité.
Alors, ils vont aller voir des entrepreneurs ou des entrepreneurs vont
venir les voir, les promoteurs. Et ils vont aller systématiquement
chercher toutes les subventions possibles et imaginables, vérifier les
terrains qui sont accessibles ou pas, de quelle façon les
différents organismes municipaux, provinciaux ou fédéraux
peuvent intervenir pour donner un coup de pouce. Et sous prétexte que
c'est finalement un contrat qu'ils ont pris de l'extérieur, la nature de
ces activités-là n'est pas divulguée au conseil municipal,
d'une part. Et, lorsque les projets s'annoncent comme intéressants, ils
vont faire des "joint ventures" précis, mais, là, ils
créent une compagnie à numéro, la plupart du temps, avec
une autre compagnie avec laquelle ils ont majoritairement voix au chapitre, la
plupart du temps des compagnies privées. Et, là, ils partent un
développement. Et, ça, en aucun temps ils n'ont compris qu'ils
devaient informer le conseil municipal.
Évidemment, on dit: C'est pour éviter \a
spéculation... 1 500 000 000 $. Bon. Pensez bien que, si jamais on
rendait publics nos projets, il y aurait des gens qui en profiteraient. The
Gazette s'est rendu compte que, même si c'était très secret
et que le conseil municipal n'était pas informé, il y en avait
d'autres qui l'étaient. On ne s'est pas gêné pour aller
chercher des profits de 100 % sur certains terrains. Et on parle de montants
fort importants, 125 000 000 $ dans une transaction.
Alors, c'est un peu alarmant et pas normal. C'est certainement, quant
à nous... Et, là-dessus, ça devient très complexe
d'appliquer cet article de loi là sur ce genre de procédure
là et de procéder.
M. Paré: Les gens qui sont au conseil d'administration de
SIMPA, est-ce qu'il y a des conseillers municipaux et est-ce qu'au moins, sur
une base annuelle, il y a un rapport qui est déposé à
l'hôtel-de-ville? (16 heures)
M. Boskey: Il n'y a rien dans la loi qui dit oui ou non. Sous
l'ancienne administration, l'administration Drapeau, il y avait souvent ou bien
des conseillers municipaux ou, souvent, beaucoup de hauts fonctionnaires de la
ville qui formaient le conseil d'administration. Sous l'administration
actuelle, l'administration Doré, tous les élus ont
été retirés des conseils d'administration de toutes les
sociétés paramunicipales. Il ne reste aucun élu qui... Je
pense qu'il y en a peut-être un sur la société des terrains
à Angus qui... Je ne sais pas s'il est toujours là ou pas. Mais,
en général, de tous les autres, les élus sont
retirés. SIMPA ou SHDM vient une fois par année pour voter son
budget et c'est tout. C'est la seule fois pendant l'année où des
conseils municipaux rencontrent, par exemple, les fonctionnaires. Certaines
sociétés paramunicipales, il n'y a rien sur l'ordre du jour du
conseil d'une
année à l'autre. Je donne un exemple: la Commission des
services électriques. Ils ont un gros, gros budget, beaucoup
d'activités et les gens physiques se sont présentés devant
le conseil. Je suis conseiller depuis huit ans. L'année dernière,
suite à un contrat de gestion, on les a invités à venir.
C'était la première fois en huit ans qu'ils ont paru devant le
conseil. Les rapports qu'ils déposent une fois par année sont des
rapports sommaires, Ce n'est pas nécessairement une liste de toutes
leurs activités. On n'a pas nécessairement accès à
leur plan d'action ou à la liste de leurs projets. On a un rapport
financier et un budget pour l'année suivante. Mais les profits qu'ils
font entre-temps ou les terrains qu'ils achètent ou vendent entre-temps,
ça ne passe pas du tout par le conseil.
M. Paré: On me dit que mon temps est malheureusement
écoulé. Je vous remercie beaucoup et certainement qu'on va tenir
compte de vos suggestions et vos demandes présentées dans le
mémoire. Merci de votre déplacement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Je voudrais seulement, suite à
la discussion, il serait intéressant de savoir quelle est la nature du
lien entre la SIMPA et la ville de Montréal. Est-ce que c'est par
contrat, par subvention? Qui est la-dessus? Parce que ce que vous
décrivez provient bien souvent beaucoup plus du contrat et du lien entre
la ville et l'organisme. Comme je vous dis, on ne peut pas, on ne couvre pas
les organismes privés. Pour l'instant, c'est un fait. C'est beaucoup
plus de la nature du contrat et de l'intention du contrat que, finalement, ce
qu'on peut y trouver au niveau de notre loi. Nous, on essaie de tout couvrir,
en fait, ce dont on a la possibilité ou, enfin, légalement, la
possibilité légale de faire. Maintenant, c'est sûr que
là, si on essaie sciemment de contrevenir... Mais j'aimerais savoir la
nature du contrat. Est-ce que c'est par mandat? Est-ce qu'il y a un lien
d'autorité? Est-ce que...
M. Boskey: Je suggérerais que c'est peut-être
différent d'une société paramunicipale à d'autres
parce que certaines sont créées en vertu de la charte de la ville
de Montréal. La ville, par exemple, pendant la dernière session
de l'Assemblée nationale, a cherché le pouvoir, un amendement
à la charte pour se donner le pouvoir de créer deux nouvelles
sociétés paramu-nicipales: une pour gérer le nouveau
Biodôme et une, je pense, sur peut-être les musées ou des
institutions culturelles. La SIMPA, c'est une exception aussi parce que la
SIMPA a été créée en vertu d'une entente entre la
ville et le ministère des Affaires culturelles de la province de
Québec. Il y a cette entente MAC-villes et le Québec a, je pense,
un certain nombre de membres et Montréal aussi pour la SIMPA. C'est un
peu différent de certaines autres. La SODIM, la Société de
développement industriel de Montréal, qui est en train de
gérer l'endroit dans le Vieux-Montréal, juste à
côté de l'endroit qui est géré... n'a aucun lien
avec le gouvernement provincial, même direct, du tout. Ça veut
dire que, souvent, ces compagnies sont des cas d'espèce et chacune a
été mise sur pied avec une mission un peu différente et
cherche son argent d'une façon un peu différente. Mais la ville
vote, le conseil municipal vote un budget pour SIMPA une fois par année,
oui, mais on ne vote pas leur plan d'action, leur plan de travail ni leurs
missions. C'est juste qu'on approuve leur budget et, parfois, avec la SIMPA,
évidemment, il y a des contributions de la ville. Certaines
sociétés paramunicipales ont même fait des profits
certaines années. Eh bien, la ville approuve le budget. C'est
limité à ça.
Mme Frulla-Hébert: Dans ce cas-là, ça
pourrait justement s'inscrire à la loi. Ça peut être... Il
s'agit de regarder les cas un par un et de voir maintenant si ces cas-là
s'inscrivent dans la loi. Cette loi-là est quand même assez...
elle est très large et, ensuite de ça, elle est
prépondérante. Et je reviens encore au point que vous avez
apporté qui est aussi un manque - ce n'est pas une loi facile, on
s'entend - de publicité, manque de connaissance de la loi et
jusqu'où la loi peut aller au niveau même des organismes. On
couvre quand même 3800 organismes au Québec. C'est beaucoup.
Alors, j'ai l'impression que le problème que vous avez soulevé,
qui est un problème de manque de connaissance, d'attitude aussi qu'on a
soulevé durant les deux dernières journées, encore
là, vous y faites la prpuve, tel que d'autres aussi, qu'il y a
définitivement un problème là-dessus. Et ça, je
peux vous assurer qu'avec la Commission d'accès on va y voir
sérieusement.
Maintenant, vous avez parlé aussi de l'article 6. Vous savez
qu'on a annoncé une politique de commercialisation. Donc, je pense que
ça aussi, ça devrait vous rassurer. C'est-à-dire que nous,
notre intention, par l'article 5, c'était d'empêcher une
utilisation commerciale finalement des données qui ont été
cueillies à même... grâce à l'argent des
contribuables. Donc, notre intention était celle-ci. Nous maintenons
cette intention, mais nous allons plus loin. C'est-à-dire que nous
allons créer un groupe de travail pour justement adopter des politiques
de commercialisation au niveau des banques de données, d'une part, et,
deuxièmement, en faire un débat public. La seule chose, puis je
pense que vous devez être sensibles à ça, c'est que je
pense que ce n'est pas juste pour une municipalité, par exemple, pour 40
$ de fournir son rôle puis que la personne puisse le publiciser et le
revendre,
enfin, en faire un commerce et le revendre pour 10 000 $ à 15 000
$ sans contrôle, par exemple. Vous devez avoir quand même des
exemples là-dessus, non?
M. Nadeau: Ça, c'est un aspect... un angle à
travers lequel on peut voir ce débat-là. Il y a un
problème là, effectivement, le coût que les gens peuvent
tirer de ça. L'autre aspect, si on se place du point de vue de la
personne qui est fichée dans ces banques de données c'est que...
Par exemple, la loi sur l'accès à l'information et la protection
des renseignements personnels est une loi qui visait, surtout pour la
protection des renseignements personnels, à nous assurer que jamais il
n'y aurait un gouvernement qui puisse instantanément recueillir toutes
les informations sur une personne, alors qu'on est en train de voir
l'émergence de ce genre de pratique dans le secteur privé. Donc,
s'il y a une difficulté au niveau du coût ou de la
rentabilité qu'on peut assumer avec ce genre de banque de
données, il faut signaler aussi l'autre phénomène de ces
corporations qui prennent cette banque de données pour une fin, qui vont
faire un couplage avec d'autres banques de données tout aussi publiques,
par ailleurs, auxquelles, à la pièce, on n'a pas d'objection
à ce que (es gens aient accès, c'est normal. Et là on va
tirer une nouvelle information avec laquelle on va pouvoir combiner d'autres
informations, ce qui fait qu'au bout de la ligne, ce qu'on ne voulait pas avoir
dans le secteur public, on va l'avoir dans le secteur privé et sans
aucune possibilité de le contrôler. Et ça, c'est beaucoup
plus avancé qu'on peut l'imaginer. Il y a des services qui sont offerts
actuellement dans le marché privé. En fonctionnant uniquement
avec les codes postaux, on peut vous tirer les vers du nez en une
rapidité déconcertante. Si la population savait ce qui se passe
actuellement et dans le couplage dans le secteur privé et aussi dans le
secteur public, ça ne se passerait pas si facilement que ça se
passe là. Ça, c'est l'évidence même.
Mme Frulla-Hébert: En fait, c'est ce qu'on voulait dire
aussi quand on s'est rendu compte, de toute façon, de cet abus et qu'on
disait: Bon, bien, l'utilisation, c'est sans contrôle. Alors, de toute
façon, on garde l'objectif du manque qu'on avait observé de ce
qu'on voulait faire. Et, je pense, la politique de commercialisation avec,
finalement, débat aussi au niveau du rapport, débat public,
espérons-le, en tout cas, pourrait être une solution à
cette utilisation des banques de données pour fins commerciales et sans
contrôle.
Donc, en terminant, moi, ce que je retiens de votre intervention, c'est
que, d'une part, vous aimeriez une révision plus substantielle pour
1992. Parce que vous savez qu'en 1992 on révise encore la loi.
Deuxièmement, on voudrait toute la question de l'évolution
technologique, informatique, il y a un comité interministériel
présentement qui y travaille et la CAI aussi y travaille, parce que
c'est quand rrême assez complexe, et on entame la discussion, si on veut,
sur la question du secteur privé, d'une part.
Au niveau de l'administration de la loi, vous pariiez d'un manque de
publicité, méconnaissance. Ça, nous sommes très
d'accord avec vous et on veut y remédier - la Commission d'accès
aussi - le plus rapidement possible. Évidemment, au niveau de l'article
2, notre intention, c'était justement de pouvoir englober dans ce qu'on
peut faire le plus d'organismes municipaux possible tout en prenant note que,
pour l'instant, on ne couvre pas le secteur privé.
Éventuellement, ça va se faire mais, pour l'instant, on ne le
couvre pas. L'intention était celle-ci: c'est que tout mandataire, tout
lien d'autorité soit couvert à l'intérieur même de
la loi sur l'accès qui chapeaute aussi la Loi sur le ministère
des Affaires municipales.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
ça termine le temps qui était alloué à la Coalition
démocratique de Montréal. Merci beaucoup, M. Boskey. Merci
beaucoup, M. Nadeau.
M. Nadeau: S'il vous plaît... Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Nadeau: ...avant de vous quitter, vous signaler
l'intérêt que l'on porte à l'apparition, très
bientôt, de la carte d'assurance-maladie avec une puce incorporée.
Les pratiques d'embauché à la ville de Montréal - Dieu
sait qu'elles ne sont pas suspectes à prime abord - nous ont
démontré quel usage on pouvait faire de ce type d'information et
combien peu de droits les gens ont lorsqu'un employeur dit: Avant de
t'em-baucher ou même de recevoir ton document comme quoi tu veux
travailler ici, ton dossier médical, et ça vient de finir. Ceux
qui auront les moyens de se payer des médecins privés, ils vont
pouvoir cacher des choses mais les autres ne l'auront pas. En plus, on se rend
compte qu'il y a des maladies qui ont des caractères politiques. Par
exemple, à Montréal, le sida n'est pas une maladie sur laquelle
on s'informe des antécédents de la personne mais les avortements,
oui. Pourquoi? L'administration n'a pas réussi à nous
démontrer la distinction qu'on fait là. Ce ne sont pas les droits
des personnes qui déterminent le genre de question qu'on accumule sur
elles et le traitement de leur dossier, mais des décisions de cet ordre
politique. Alors, il y a une autre facette de l'accès à
l'information, du traitement de données, qui mérite d'être
approfondie aussi.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Nadeau.
M. Nadeau: Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Merci, M.
Boskey. Ça termine donc la présentation par la Coalition.
J'inviterais maintenant les membres de l'Association des quotidiens du
Québec à se présenter. Est-ce qu'ils sont ici? Il est 16 h
10 et c'était prévu pour 16 heures.
Suspension quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'inviterais les représentants de l'Association des
quotidiens du Québec à s'avancer pour nous faire part de leur
mémoire et de leurs remarques préliminaires. Ils connaissent la
façon de procéder et, donc, je les invite à commencer
après s'être présentés.
Association des quotidiens du Québec
M. Winters (Robert): Merci. Mon nom est Robert Winters. Je
travaille pour le journal The Gazette. Aujourd'hui, M. Jean Sisto,
président de l'Association des quotidiens du Québec m'a
demandé de représenter l'Association avec Me Doray. M. Sisto
envoie ses regrets de ne pouvoir venir lui-même aujourd'hui.
La commission de la culture est en train de faire cette étude du
projet de loi qu'on accueille chaleureusement. L'Association des quotidiens du
Québec tient d'abord à remercier le président de la
commission parlementaire de la culture, la ministre des Communications ainsi
que l'ensemble des membres de cette commission de lui avoir donné
l'occasion de commenter.
L'Association des quotidiens du Québec regroupe les principaux
journaux publiés au Québec sur une base quotidienne. Font partie
de cette association: La Presse, The Gazette, Le Soleil, Le Nouvelliste de
Trois-Rivières, La Tribune de Sherbrooke, La Voix de l'Est de Granby, Le
Quotidien de Chicoutimi et, enfin, Le Droit d'Ottawa.
L'Association des quotidiens s'est toujours fait un devoir de prendre
publiquement position dans les débats publics relatifs à la
liberté d'expression et à son corollaire, l'accessibilité
à l'information privée et publique. Lors de l'adoption de la loi
sur l'accès en 1982, l'Association s'était réjouie de
cette initiative devant marquer une nouvelle ère de transparence de
l'appareil d'État québécois. Depuis lors, les journalistes
du Québec utilisent couramment cette loi afin d'obtenir les documents
qui leur permettent d'informer le public sur les décisions des
organismes du gouvernement. Malheureusement, ils se heurtent encore trop
souvent aux tracas- series juridico-administratives et à la lenteur du
processus quasi judiciaire qui les empêchent souvent d'obtenir des
informations en temps utile.
C'est dans cette perspective d'ailleurs que l'Association a pris
connaissance du projet de loi 62 et qu'elle tient aujourd'hui à faire
part de ses remarques et de ses inquiétudes. Certaines dispositions de
ce projet de loi, soit par l'imprécision du texte ou encore par leur
présence même, risquent de compromettre le droit à
l'information reconnu par la réforme de 1982. Aussi croyons-nous que
cette loi, qui originalement avait été adoptée à
l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale, doit faire
l'objet d'une attention particulière dans la perspective de ne pas
mettre en péril le droit fondamental des citoyens à
l'information. Me Doray va donner des détails sur notre analyse des
articles.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Winters. Me
Doray.
M. Doray (Raymond): Mme la Présidente, Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, je me présente: Raymond Doray, du
cabinet Lavery, O'Brien, à Montréal. Je voudrais tout d'abord
m'excuser du retard à vous transmettre le mémoire de
l'Association des quotidiens du Québec; on a eu quelques petits
problèmes d'intendance, et j'espère que cette commission
pardonnera cet impair. Dans un second temps, j'aimerais aussi m'excuser pour
avoir dû faire remettre notre position sur la liste; j'étais
malheureusement retenu à Montréal et c'était vraiment
impossible de me soustraire à mes obligations. Je remercie en passant la
Coalition démocratique de Montréal de bien avoir voulu accepter,
avec votre convenance bien sûr, l'interversion sur la liste.
Si vous le permettez, j'aborderai quelques-unes des dispositions du
projet de loi 62 qui posent problème à l'Association des
quotidiens du Québec. Je sais que cette commission siège
maintenant depuis deux jours entiers, que vous vous êtes penchés
sur les différents problèmes ou les différentes
incompréhensions qu'ont pu susciter les divers articles de cette loi-la.
Nous avons eu vent de certaines modifications que la ministre proposera
vraisemblablement à l'Assemblée nationale, du moins pour
certaines des modifications dont j'ai pu prendre connaissance tout
récemment. J'essaierai d'insérer dans mon texte ou dans mes
commentaires une réaction à ces possibles modifications.
Vous noterez aussi que certaines des remarques ou certains des propos
que je ferai dans les prochaines minutes sont sensiblement analogues aux propos
qui ont été présentés par Southam News,
l'éditeur du journal The Gazette, étant entendu que The Gazette
est un des membres de l'Association des quotidiens québécois;
tout ce beau monde se parle, bien entendu,
et on réagit souvent aux mêmes aspects ou aux mêmes
problèmes suscités par le projet de loi 62.
Sans plus attendre, je voudrais commencer en parlant de l'article 2 du
projet de loi. Justement, il s'agit d'un de ces articles pour lequel il y a,
semble-t-il, sur la table, un papillon qui vole ou qui même se
sera1' posé récemment. Ce papillon proposerait
justement d'ajouter au texte du projet de loi la mention "de même que
tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une
municipalité". Je me permets de souligner qu'il s'agit effectivement
d'une amélioration du texte antérieur qui laissait
échapper certains organismes paramunicipaux. Néanmoins, vous me
permettrez de dire que cette modification proposée n'est probablement
pas suffisante pour régler tous les problèmes, et je
m'explique.
La notion d'agent ou de mandataire - je pense que certains organismes
vous l'ont fait comprendre dans les jours qui viennent de se passer - est une
notion assez floue qui ne permet pas de regrouper ou d'assujettir tous les
organismes paramunicipaux. La notion d'organisme relevant de l'autorité
d'une municipalité n'est pas non plus, à notre avis, suffisante,
parce qu'il y a beaucoup d'organismes paramunicipaux qui ne sont pas
institués par une municipalité. La Loi sur les cités et
villes prévoit que les municipalités - c'est l'article 28, si je
ne m'abuse; j'ai appris tout à l'heure les modifications, alors vous ne
m'en voudrez pas trop de réagir un peu à l'emporte-pièce -
si ma mémoire est fidèle, l'article 28 de la Loi sur les
cités et villes prévoit qu'une municipalité peut
subventionner un organisme sans but lucratif, notamment pour des fins de
stimulation industrielle ou, enfin, pour encourager le développement
industriel ou culturel sur son territoire. Ces sociétés sans but
lucratif qui sont et qui existent, il y en a plusieurs dans notre
système administratif, ces organismes sans but lucratif ne sont pas
institués par une municipalité, il faut bien se comprendre, ce
sont des organismes qui sont institués par l'Inspecteur
général des institutions financières qui leur accorde des
lettres patentes. Pourtant, ce sont des organismes oui, à part
entière, vont assumer des fonctions municipales - par exemple, le
développement industriel dans le parc industriel de
Saint-Joachim-de-Tourelle - et qui, dans la plupart des cas, fonctionnent sur
un budget qui, à près de 100 %, origine de fonds municipaux. Ces
organismes-là, je pense que, dans la logique de la loi sur
l'accès et dans la démarche du législateur depuis 1982, il
y a tout lieu de les assujettir. Ce sont des fonds publics qui servent à
ces organismes-là, les personnes qui y travaillent, d'ailleurs, voient
leurs émoluments provenir de fonds publics et, malheureusement, à
l'heure actuelle, avec le texte de la loi sur l'accès, on ne pouvait pas
les toucher, on ne pouvait pas les assujettir, mais je ne crois pas plus
qu'avec les modifications proposées on réussisse à les
attraper dans le filet de la loi sur l'accès. Vous excuserez la
comparaison, mais je suis convaincu que certains organismes publics
perçoivent la réalité comme telle.
Dans les circonstai ces, je pense qu'une modification devrait être
apportée, de manière que l'article 2 du projet de loi vise
vraiment toute la panoplie des organismes paramunicipaux. Et, quand je pense
à toute la panoplie, ce sont autant les organismes qui sont
institués par une municipalité, autant les organismes qui
relèvent de l'autorité d'une municipalité. Cette notion,
je le soulève en passant, est particulèrement floue. Ce que c'est
qu'un organisme qui relève de l'autorité d'une
municipalité, je suis sûr que vous allez en avoir autant
d'interprétations que d'avocats au Québec, c'est-à-dire
à peu près 14 000, et ça augmente. En plus, je pense que
la définition devrait être complétée pour
prévoir, bien sûr, les organismes qui sont mandataires ou agents
d'une municipalité, et un autre critère que nous vous proposons,
qui est celui des organismes dont plus de 50 % du budget proviennent d'une
municipalité. Je pense qu'avec un critère supplémentaire
de cet ordre-là, l'Assemblée nationale sera beaucoup plus
assurée qu'il n'y aura pas d'organismes qui relèvent de fonds
publics et qui assument des mandats municipaux qui échapperont à
l'application de la loi sur l'accès.
Je ne sais pas de quelle façon vous voulez procéder.
Est-ce que vous voulez que l'on parle de chacune des dispositions, auquel cas,
vous allez réagir à certaines d'entre elles, ou si vous voulez
que je procède à une analyse de a à z, et ensuite, quand
je serai à bout de souffle, vous pourrez réagir? À votre
convenance.
La Présidente (Mme Bégin): Mme la ministre, que
désirez-vous? Habituellement, on procède à
l'exposé; par la suite, le ministre vous pose des questions. À
moins que Mme la ministre ou M. Paré désire procéder
autrement.
Mme Frulla-Hébert: Non, effectivement... Bienvenue. On
vous a manqué hier. Ça nous fait plaisir de vous voir
aujourd'hui. Non, je préférerais, finalement, que vous
procédiez. On prend note de ce que vous dites. On sait que vous
connaissez quand même la loi très bien. Alors, on prend bonne
note, d'une part.
Deuxièmement, il y a eu du travail de fait cet été,
d'abord. L'amendement à l'article 2, ça, on l'a apporté au
mois de juin dernier, lors de la deuxième lecture, pour être
certain parce que notre intention était d'essayer d'inclure le plus
d'organismes possible, comme vous le savez.
Maintenant, il y a d'autres choses aussi qu'on a apportées au
courant de l'été et même on a donné des
précisions hier et une partie d'aujourd'hui qui pourront peut-être
répondre à votre question. Donc, allez-y et, ensuite de
ça, on entamera la discussion.
La Présidente (Mme Bégin): Me Doray, vous pouvez
poursuivre.
M. Doray: Je vous remercie. En deuxième lieu, j'aimerais
aborder concurremment les parties dir mémoire de l'Association qui
touchent les articles 5 et 6 du projet de loi et cette problématique de
l'accès et de la diffusion des banques de données.
L'Asssociation des quotidiens du Québec a aussi été
informée de la proposition d'amendement au projet de loi qui viendrait
circonscrire un peu mieux la portée de l'article 12 en précisant
que les conditions que l'on peut imposer à une personne ne s'appliquent
qu'au cas où cette personne a l'intention de faire une utilisation
lucrative ou commerciale d'une banque de données gouvernementale.
Ce n'est pas sous cet aspect-là précisément que
l'Association a des commentaires à formuler. Ce qu'il faut voir un peu,
c'est le nouveau portrait qui se dessine par l'application des articles 5 et 6.
D'un côté, regardons l'article 6. L'article 6 dit: Le gouvernement
peut songer à commercialiser certaines de ses banques de données.
Ce n'est pas écrit noir sur blanc mais on sait tous que c'est ça
que ça veut dire. Que ce soit pour des documents papiers, mais a
fortiori pour les banques de données parce que je pense qu'il y a une
réflexion qui se fait sur ce point-là, le gouvernement pourra
même se donner une période de six mois aux fins de la
commercialisation d'une banque de données, ce qui lui permettra de
refuser, finalement, la transmission de ses documents sur base informatique
qu'il a l'intention de vendre à un meilleur prix pour, d'une certaine
façon, récupérer les sommes qui ont été
investies.
Voilà pour le premier côté. Le gouvernement se dit:
Moi, j'aimerais éventuellement commercialiser certaines de mes banques
de données et je me donne un coussin de six mois, lorsque la
commercialisation n'est pas rendue à terme. On n'est pas tout à
fait prêt à investir le marché mais on s'en vient et on ne
veut pas se faire couper l'herbe sous le pied par des gens qui
décideraient de commercialiser des documents qu'ils ont obtenus d'un
organisme gouvernemental.
Le deuxième volet, celui-là, c'est celui de l'article 5.
Le gouvernement dit ou le législateur dira: Certaines banques de
données qui pourraient être éventuellement
commercialisées, si c'est là l'intention du demandeur, on pourra
lui imposer des conditions. Et les conditions ne sont pas mentionnées,
ne sont pas explicitées dans l'article 5. Ça pourrait être
toutes conditions, que ce soient des conditions financières, que ce
soient des conditions relatives à la protection de la vie privée,
ou que ce soient des conditions particulièrement difficiles à
rencontrer si tant est que peut-être on découragera bien des
individus qui voudraient commercialiser des banques de données.
(16 h 30)
Si on met bout à bout les deux dispositions de la loi, qu'est-ce
qu'on a comme portrait? On a le gouvernement qui dit: Je peux me lancer dans la
commercialisation peut-être dans six mois. Mais on n'a aucune garantie
que le gouvernement va effectivement commercialiser certaines de ses banques de
données. En plus, on s'est mis un écran, une protection
supplémentaire: Avec la ceinture, voici les bretelles. On a dit: On
pourra mettre des conditions à ceux qui veulent commercialiser les
banques de données du gouvernement, conditions qui iront peut-être
jusqu'à décourager tout individu qui voudrait utiliser ces
banques de données ou ces disquettes que l'on peut obtenir dans des
municipalités ou auprès de certains organismes publics. Le
problème, c'est que de plus en plus le gouvernement ou les organismes du
gouvernement consignent des données intéressantes sur des
supports magnétiques. On vit en 1990 et c'est, effectivement, un outil
flexible et tout à fait bien adapté à la masse
documentaire et à la masse informationnelle que gèrent les
organismes gouvernementaux. Par exemple, en matière d'environnement, on
sait que le ministère de l'Environnement du Québec consigne sur
supports magnétiques tous les renseignements relatifs aux manifestes de
transport, c'est-à-dire les milliers d'autorisations qui sont
accordées à des entreprises pour transporter des déchets
dangereux. De la même façon, plusieurs renseignements ou plusieurs
données relatives aux matières dangereuses stockées sur le
territoire du Québec sont exclusivement consignées sur un support
magnétique. On ne retrouve pas de document papier parce que ce serait
trop volumineux, on peut facilement le comprendre.
Pensons à un document de ce type et essayons d'y appliquer les
articles 5 et 6 du projet de loi. Vous êtes journaliste et vous voulez
obtenir le fichier informatisé des manifestes de transport de
déchets dangereux qui ne se retrouve que sur support magnétique.
Ou bien vous le demandez à l'organisme public qui vous répond:
Écoutez, on a l'intention de le commercialiser dans six mois, ce qui
vous empêche d'y avoir accès, sinon en vous rendant sur place dans
les officines gouvernementales. Et, pour ce qui est l'accès à un
document informatique à l'intérieur d'une officine
gouvernementale, vous comprendrez que ça ne permet pas la recherche et
le recoupage de l'information que tout journaliste voudrait faire pour obtenir
une enquête valable au sujet d'un transport de matières
dangereuses ou encore d'une situation qu'il soupçonne d'être
inacceptable ou susceptible d'intéresser son public. Sinon, il pourrait
se faire répondre par les canons de l'article 5 qui permet à
l'organisme public de lui imposer toutes les conditions possibles et
impossibles, notamment un montant d'argent faramineux, ce qui l'empêchera
d'avoir accès à ce document.
Avec l'amendement prévu, c'est-à-dire que l'article 5 ne
viserait que l'utilisation lucrative des banques de données, je ne pense
pas qu'on règle tout à fait le problème. Je pense qu'on
est dans la bonne voie, ceci dit, mais je ne pense pas qu'on règle tout
à fait le problème parce que, d'une part, cette notion est
très floue et, indirectement, d'aucuns vous diront qu'un journaliste qui
vend son papier exerce des activités lucratives. D'autre part, pour que
cette banque de données qu'un journaliste va obtenir - à l'heure
actuelle, d'ailleurs, on peut les obtenir auprès du ministère de
l'Environnement dû Québec - pour qu'elle soit vraiment utilisable,
encore faut-il travailler dessus et, généralement, ce sont des
entreprises spécialisées qui vont permettre à un
journaliste d'avoir un programme lui permettant d'utiliser ces données
brutes qui sont consignées sur un support magnétique.
C'est tout un domaine qui n'a malheureusement pas été
investigué par le législateur, je pense, cette question des
documents informatiques. Je pense qu'on ne peut pas nier qu'il y a
effectivement des problèmes que cela soulève, mais ce que veut
faire ici l'Association, c'est attirer l'attention sur le fait
qu'indirectement, par le biais de ces deux articles-là, si on les met
bout à bout, on risque d'empêcher l'accès à certains
documents puisque l'État pourra promettre de les éditer, mais ne
le fera pas nécessairement parce qu'on n'a aucune garantie qu'il le fera
et il pourra aussi mettre des conditions qui empêcheront ceux qui
utilisent ce type de documents de plus en plus courants de les utiliser
à plein parce que ce n'est pas en se rendant dans les bureaux du
gouvernement que l'on peut véritablement procéder au couplage de
l'information que permet ce type de base de données. C'est là,
d'ailleurs, toute leur pertinence et je pense qu'un journaliste bien
informé, en 1990, a besoin de faire ce type d'enquête, de
recoupage de l'information. On déplore souvent que les journalistes du
Québec ne vont pas très loin dans leurs dossiers. Encore faut-il
leur donner les arguments qui leur permettront d'être un peu plus
sérieux dans leurs recherches.
J'aimerais maintenant aborder la question de l'article 8 du projet de
loi qui vise, en fait, l'article 28 de la loi actuelle. C'est un ajout qui a
pour but de permettre...
La Présidente (Mme Bégin): Me Doray, je m'excuse, mais
j'aimerais vous rappeler qu'il reste un minute pour passer votre document.
M. Doray: J'essaierai d'être très rapide, Mme la
Présidente, dans les circonstances. Pour ce qui est de l'article 8, je
pense que nos propos se limitent à dire que c'est un ajout qui est
excessif, de permettre à un organisme public de refuser et même
l'obliger à refuser, parce que l'article 28 de la loi sur l'accès
est péremptoire.
Les rapports concernant des enquêtes sur les fonctionnaires et sur
les dirigeants d'un organisme public, c'est très dangereux, puisqu'on
n'a aucune garantie que ces enquêtes-là donneront lieu à
des poursuites. Ce qui veut dire qu'avec l'adoption de cet ajout à
l'article 28 de la loi sur l'accès il sera désormais impossible
d'obtenir les résultats d'une enquête interne menée
à l'intérieur d'un organisme public sur les malversations ou sur
les gestes illégaux ou illégitimes posés par un haut
fonctionnaire, et c'est particulièrement inquiétant pour les gens
qui se préoccupent de l'information au Québec.
Pour ce qui est de l'article 9 de la loi sur l'accès qui concerne
les organismes quasi judiciaires, nous avons pris connaissance de la
modification suggérée, à l'effet de permettre
l'accès aux décisions des organismes quasi, judiciaires, mais je
porte à l'attention de la commission que ça ne règle pas
le problème. Je pense qu'on est en train de s'enfoncer dans un
embrouillamini absolument inutile. Les organismes quasi judiciaires sont
assujettis aux règles de la justice naturelle et à des principes
constitutionnels qui veulent que toute leur mission d'adjudication doit
être faite en public. Les tribunaux l'ont encore rappelé, il n'y a
pas si longtemps, et je pense que c'est une perte de temps que d'essayer de
faire un article de loi qui voudrait contourner cette obligation
constitutionnelle. On serait bien mieux de mentionner clairement dans la loi
sur l'accès que l'activité ou le mandat d'adjudication des
tribunaux administratifs n'est pas visé par la loi sur l'accès et
que ce sont les règles de la justice naturelle qui s'appliquent,
règles qui prévoient d'ailleurs l'accessibilité à
tous les documents, sauf lorsque l'intérêt ou l'ordre public le
requiert.
Pour ce qui est de l'article 14 du projet de loi, j'éviterai d'en
parler, puisque je pense que M. Winters en a touché un mot dans sa
prestation d'hier, et les propos que j'avais à vous mentionner au nom de
l'Association sont tout à fait du même effet.
Pour ce qui est de l'article 25 finalement du projet de loi, ce que nous
soulignons, c'est que, dans la formulation telle que proposée dans le
projet de loi, la démarche est fort intéressante,
c'est-à-dire de permettre aux citoyens d'obtenir les avis et les
recommandations lorsqu'une décision les concernant a été
rendue. Effectivement, le jeu des articles 87 et 37 de la loi sur
l'accès causait un sérieux problème à cet
égard-là puisque, jusqu'ici, les avis et recommandations
mêmes concernant des individus pouvaient être gardés
confidentiels pendant une période de 10 ans. Néanmoins, dans la
formulation telle que proposée à 86.1, il y a un doute qui surgit
encore. Il faudrait, à notre avis, être beaucoup plus
spécifique et noter que cette disposition s'applique malgré
l'article 37 ou, à l'inverse, prévoir, par une forme plus
positive, que tout citoyen a le droit d'obtenir les avis et recom-
mandations lorsqu'une décision le concernant a été
rendue. La notion de décision finale, elle aussi, peut porter à
confusion et pourrait malheureusement donner lieu à des abus, et nous
croyons qu'elle n'est pas vraiment appropriée.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, ça
termine à peu près le temps qui vous était alloué.
Mme la ministre, avez-vous des questions à poser?
Mme Frulla-Hébert: Oui. Me Doray, on va reprendre un peu
l'article 2. Comme je vous le disais tantôt, c'était notre
intention d'assujettir le plus d'organismes municipaux possible. Je rappelle
qu'on a déjà assujetti 3800 organismes publics, ce qui est pas
pire. À votre connaissance - parce que c'est important, vous nous
apportez des suggestions qui peuvent être intéressantes -
l'expression "relevant de l'autorité de... Des fois, dans les lois -
vous le savez, vous êtes avocat, moi je ne le suis pas - on les laisse
assez larges, pour qu'ils soient généreux, pour inclure le plus
d'organismes possible. Est-ce que cette expression, si on veut, a
créé des problèmes d'interprétation devant un
tribunal déjà?
M. Doray: À ma connaissance, il y a eu des
décisions de la Commission où on a eu à
l'interpréter, mais la Commission, suivant son mandat, l'a
interprétée assez largement. Mais le problème, Mme la
ministre, c'est qu'on ne sait pas exactement ce que ça vise, même
si la Commission elle-même a tendance à en donner une
définition assez large. Une chose est certaine, c'est que
l'autorité d'une municipalité, c'est le pouvoir qu'elle exerce.
Donc, si une municipalité a institué un organisme paramunicipal,
je pense qu'il n'y a pas de doute que, puisqu'elle l'a institué, elle
peut aussi lui donner son congé; donc, elle le contrôle. S'il y a
une majorité de membres du conseil municipal qui siègent au
conseil d'administration d'une société paramuni-cipale, on peut
aussi assez facilement dire que cet organisme paramunicipal relève de
l'autorité de la municipalité. Le problème se pose
lorsqu'il ne s'agit pas, comme je l'expliquais tout à l'heure, d'un
organisme qui a été institué, c'est-à-dire
créé par la municipalité elle-même ou encore qui est
simplement financé par elle. Quand il s'agit d'un organisme... Je vous
parlais des organismes sans but lucratif, des corporations sans but lucratif
qui voient 90 % de leur budget provenir d'une municipalité. On ne peut
pas dire, en droit, qu'ils relèvent de l'autorité d'une
municipalité. Leurs fonds, leur budget de fonctionnement provient d'une
municipalité, mais ça prend l'allure d'une subvention. Donc, le
critère de relever de l'autorité d'une municipalité n'est
pas pertinent dans ce cas-là, même si 90 % du budget de cet
organisme paramunicipal provient directement des fonds municipaux. Vous allez
me dire: C'est bête comme tout. J'en conviens avec vous, mais, dans ce
domaine-là, je pense qu'il faut prendre les devants et éviter
toute ambiguïté possible, et je vous souligne que l'expression
n'est peut-être pas des plus heureuses.
Mme Frulla-Hébert: À ce moment-là, est-ce
que... Habituellement, quand un organisme reçoit, par exemple, du
financement de la ville - subvention, etc. - n'est-il pas mandataire de la
ville?
M. Doray: La notion d'agent ou mandataire...
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Doray: ...d'un organisme public est une notion qui peut faire
couler énormément d'encre et qui en a fait couler beaucoup. Je me
permets de le souligner, pour avoir étudié pour un client,
l'année dernière, cette question, un client qui était un
organisme public. La notion est très floue. On ne sait pas exactement.
Il y a des critères. Il y a 12 critères identifiés par la
jurisprudence pour savoir si un organisme public est un mandataire du
gouvernement, et c'est la même chose qui se reproduit pour savoir si un
organisme paramunicipal est un mandataire de la municipalité en
question. Les critères, par exemple, ça peut être le
contrôle politique, ça peut être le fait que le
vérificateur de la société paramunicipale est le
vérificateur de la municipalité, ça peut être que
son rapport annuel est remis à la municipalité; une kyrielle de
critères, mais très aléatoires. Si tant est qu'au
Québec, par exemple, certains organismes au niveau central, comme la
Caisse de dépôt, c'est très clair qu'ils sont des
mandataires du gouvernement, mais d'autres, comme la SGF, c'est loin
d'être clair. Alors, vous voyez que c'est un critère sur lequel on
ne peut pas se fier de façon totale et rassurante.
Mme Frulla-Hébert: D'accord. Parfait. On va prendre bonne
note, de toute façon, de vos suggestions.
Article 5 et article 6. Pour l'article 5, nous avons
décidé finalement d'aller un peu plus loin. D'ailleurs, jamais on
n'a voulu limiter l'accès à l'information. Comme vous l'avez
mentionné, par exemple, nous voulions limiter l'utilisation injuste, si
on peut dire, des banques de données pour fins commerciales, d'une part.
Et un bon point aussi qui a été apporté par la Coalition -
le groupe tantôt - c'est la protection de la vie privée aussi,
d'autre part. Alors, dans le but de maintenir cet objectif mais d'aller plus
foin, on va tout simplement créer un comité de travail sur la
commercialisation des banques de données. Hier, d'ailleurs, nous avions
la repré-
sentation de votre client, Directron Média, qui nous a
apporté une vision de l'entreprise privée qui était
intéressante et qui, lui, disait qu'il ne fallait pas empêcher non
plus l'entreprise privée de se développer. Alors, nous allons
créer un comité de travail avec des représentants et du
ministère et de la CAI, des entreprises privées, des organismes
publics et, finalement, le rapport sera dévoilé publiquement et
fera objet de discussions. Mais, chose certaine, l'objectif que l'on voulait
est observé. D'abord, qu'on observe les objectifs et qu'on les garde.
D'autre part, il faut quand même répondre aux abus qui sont
injustes avec l'argent des contribuables.
(16 h 45)
Ceci dit, l'article... Je veux revenir sur le service de
sécurité interne. Il y a eu un rapport, par exemple, dans les
sociétés, si on veut, paragouvernementales, Hydro-Québec,
la Société des alcools, par exemple, Loto-Québec où
vous savez, comme moi, qu'il y a des vols. On fait état... On dit: Au
cours des dernières années... c'est dans un mémoire qui
nous a été présenté, dans le cas de la
Société des alcools, en 1988... Et on disait qu'au cours des cinq
dernières années ils avaient appréhendé 1395
personnes pour vol à l'étalage, ce qui représentait une
perte de 2000 $ à 3000 $ par jour, par exemple; vols à main
armée: 376 vols à main armée représentant une perte
de 500 $ par vol; vols à l'interne, 97 employés. La moyenne: 2400
$ pour chaque employé congédié. Ça, c'est seulement
pour la Société des alcools. Même cas pour Hydro. Alors, le
service de sécurité interne permettrait tout simplement de faire
enquête. Comme on sait, on ne peut pas avoir non plus des policiers
municipaux sur place pour prévenir ça.
Quelle serait votre suggestion? Vous êtes contre le principe de
sécurité interne, parce qu'à un moment donné il
faut tout de même faire enquête sur des gens. Et pour faire une
enquête efficace, vous savez comme moi qu'il faut pouvoir procéder
à l'enquête. La personne a accès à la
décision, mais on ne peut pas quand même lui bâtir des...
elle ne peut pas se bâtir des alibis non plus. Quelle serait votre
suggestion si vous êtes contre ce qu'on propose face à des
problèmes qui, encore là, nous pénalisent tous,
contribuables?
M. Doray: Je comprends très bien le sens de l'intervention
et je me souviens d'avoir lu le mémoire de la Société des
alcools et d'Hydro-
Québec. Je pense que le problème, c'est que l'article 28
est une disposition impérative. C'est le premier problème qu'on
peut identifier. Même si les autorités de l'organisme voulaient
rendre public le rapport produit à l'occasion d'une enquête sur un
de leurs employés ou un de leurs cadres, elles ne pourraient pas le
faire. Et, ça, c'est un problème sérieux.
Il y a un deuxième problème qu'on retrouve dans cet
ajout-là. C'est que, finalement, il y a un conflit
d'intérêts dans certains cas et je pense que l'Assemblée,
la commission aura une certaine facilité à le comprendre. C'est
que cette disposition-là peut servir lussi pour empêcher la
divulgation de toute enquête sur le comportement d'un fonctionnaire ou
d'un haut fonctionnaire. Et, ça, ça relève du domaine
public. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard qu'à l'article 57 de la Loi
sur l'accès et suivant la jurisprudence qui en a découlé
à la Commission d'accès à l'information tous les gestes
posés par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, ce sont des
renseignements qui ont un caractère public. Ce n'est pas personnel,
puisque le fonctionnaire agit au nom du public. Il est payé sur des
fonds publics et les citoyens ont le droit de savoir exactement ce qu'il a fait
de bien, mais aussi ce qu'il n'a pas fait de bien ou ce qu'il a fait
d'illégal.
Le problème à l'heure actuelle, c'est que le maillet est
peut-être un peu trop gros pour le clou qu'on veut enfoncer et on risque
de casser la branche ou la planche. Cet article-là, dans son
libellé actuel, ouvre la voie à de la rétention
d'information d'un grand intérêt, parce qu'effectivement les
enquêtes internes sur des comportements de fonctionnaires, ça
existe tout le temps. Et le libellé actuel pourrait permettre de garder
confidentiel - et même obliger de garder confidentiel - tout mémo
dans lequel on a un semblant de rapport d'enquête sur le comportement
d'un fonctionnaire ou d'un haut fonctionnaire.
Je n'ai pas de libellé à vous proposer, mais ce que je
veux simplement souligner, ce sont les écueils possibles d'un tel
libellé que celui qu'on a entre les mains, à l'heure
actuelle.
Mme Frulla-Hébert: Mais quand on parle de service de
sécurité interne, si, par exemple... Bien, en fait, c'est ce
qu'on suggère, de le normer, de le baliser sérieusement dans un
règlement gouvernemental... Parce que vous savez, d'un
côté, nous sommes responsables, si on veut, des fonds publics, et
j'en suis; d'une part, on veut donner accès et protéger les
renseignements privés, de l'autre, excepté qu'on a tout de
même une responsabilité. On sait que ça se passe. Alors, on
dit: On fait quoi? Et on s'était dit que le service de
sécurité interne, si on pouvait le baliser, vraiment en faire un
règlement et normer tout ça, ça pourrait finalement
contrevenir, si on veut, à ces abus.
M. Doray: Mme la ministre, je pense que les objectifs que vous
poursuivez, l'Association des quotidiens du Québec ne s'y oppose pas. Je
pense que la collectivité ne veut pas se faire exploiter par certains
individus qui abuseraient du système. Mais peut-être faudrait-il
prévoir dans cette disposition-là que les rapports
d'enquête de ces enquêteurs internes seront accessibles à
partir d'un moment donné. Le problème
de l'article 28, c'est qu'il a une application indéfinie dans le
temps. L'article 28 prévoit la confidentialité à peu
près pour toujours, dans une large mesure, même si la
jurisprudence a tendance à en réduire un peu la portée.
Peut-être que c'est dans ce sens-là qu'il faudrait chercher une
solution, c'est-à-dire que tout rapport d'enquête, à ce
moment-là, deviendra accessible dès que l'enquête sera
terminée. Il y a une distinction importante à faire...
Mme Frulla-Hébert: C'est ça.
M. Doray:... entre ce cas-ci et les autres cas d'application de
l'article 28 qui visent les infractions aux lois ou le crime. En matière
de crime et d'infraction aux lois, les enquêtes sont faites par des
policiers et les policiers sont, dans notre système juridique,
détachés du pouvoir politique lorsqu'ils doivent prendre la
décision de prendre des poursuites. Ils sont redevables au Code
criminel, point à la ligne. Ils ne peuvent pas faire l'objet - du moins,
notre système le veut ainsi - de pressions politiques. Quand ils
constatent un crime, ils doivent le rapporter et citer quelqu'un à son
procès. Pour les enquêtes internes, on n'a pas un tel
mécanisme de contrôle. Il n'y a rien qui oblige l'enquêteur
maison d'un organisme public de prendre des poursuites judiciaires contre un
haut fonctionnaire ou un fonctionnaire qui aurait commis un geste
illégal. Donc, en plus, mettons là-dessus la pression politique
que l'on sait tous tout à fait existante et non pas dans ce gouvernement
plus que dans un autre mais qui peut exister, à savoir que l'on ne veut
pas déterrer les histoires qui ne sont pas particulièrement
drôles. Il est bien évident que l'accessibilité à
l'information risque d'en souffrir parce que personne ne prendra de poursuite,
le rapport ne sera pas accessible à cause de l'article 28 nouvellement
modifié et, évidemment, le secret sera total et absolu.
Mme Frulla-Hébert: Me Doray, on s'entend parfaitement
parce qu'il est précisé que nous mettrons dans un
règlement ce qui sera refusé. Alors, effectivement, l'article...
Finalement, ce n'est pas un article qui est apposé là seul mais
le règlement vient avec l'article et ce qui sera refusé sera
précisé et, à ce moment-là, on pourra le...
M. Doray: Et le temps pendant lequel... Mme
Frulla-Hébert:... regarder. M. Doray:... il sera...
Mme Frulla-Hébert: Oui. Donc, on s'entend
là-dessus. M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue en
commission. Je dois dire que c'est très intéressant, les propos
que vous tenez, les informations, les éclaircissements que vous ajoutez
dans des domaines et sur des sujets dont on a discuté déjà
passablement. Mais c'est intéressant d'avoir votre point de vue. Moi, je
veux revenir très rapidement sur deux points pour ensuite passer sur un
sur lequel on n'a pas eu vraiment le plaisir de vous entendre.
Sur l'article 2, depuis déjà le matin, effectivement, on
essaie... Je pense qu'on avance passablement aussi par rapport aux
problèmes vécus au niveau des organismes municipaux. Vous
n'êtes pas le seul. Le groupe juste avant vous qui était la
Coalition démocratique de Montréal, si on lit juste un paragraphe
de ce qu'elle disait: "II reste les organismes relevant autrement de
l'autorité d'une municipalité. De belles pages de doctrines
seront nécessaires pour déterminer la portée du mot
"autorité". " Effectivement, c'est important de définir par
rapport à ce que vous avez ramené et que le groupe avant vous
avait aussi amené comme exemple, c'est-à-dire les organismes sans
but lucratif. Il semblerait que de plus en plus ou, en tout cas, il y a
plusieurs cas où les municipalités maintenant
délèguent des pouvoirs, des responsabilités ou permettent
des gestes qui sont posés par d'autres.
Tantôt, le groupe avant vous a donné quelques exemples. Il
y avait l'organisme SIMPA et la Corporation du 350e anniversaire de la ville de
Montréal qui sont des organismes... quand on regarde ce qu'ils font, ce
qu'ils gèrent, comment ils sont payés et tout ça, et le
fait qu'ils rendent d'une façon annuelle le rapport aux autorités
municipales, je pense qu'on ne peut pas faire autrement que d'en déduire
qu'il s'agit d'organismes paramunicipaux. Sauf qu'on ne les retrouve pas au
niveau de la loi d'accès, étant donné que ça ne
répond pas... La loi telle quelle leur permet de se sortir de
l'obligation de répondre aux questions qui leur sont posées
autrement que par le rapport annuel, probablement. Ça, c'est vraiment
une inquiétude sur laquelle il va falloir se pencher. L'intervenant
avant vous nous a amenés sur le débat qu'on tient
présentement et on s'est dit... En tout cas, il a été
mentionné que possiblement il va falloir regarder aux Affaires
municipales ce qu'il y a à faire. Mais, moi, je pense, avec la
discussion, l'échange que vous venez d'avoir avec Mme la ministre,
qu'effectivement c'est nous que ça regarde ici, au niveau de
l'accès à l'information par rapport à ces
organismes-là. C'est permis dans la loi de créer des organismes
sans but lucratif en fonction de la troisième partie de la charte des
entreprises, des compagnies. Donc, si c'est possible, comme
société, on doit accepter que les corporations municipales
constituent des organismes semblables. Donc, c'est fait en toute
légalité, c'est reconnu et, à moins de modifica-
tions légales, ce n'est pas contestable et on vit avec.
On s'aperçoit, par contre, que ça nous enlève
à l'ensemble de la société et spécialement aux
journalistes qui peuvent aller aux informations avec plus de facilité
que chacun des citoyens.... On se rend compte que ces gens-là
réussissent à contourner finalement la loi, à ne pas
devoir répondre. Donc, moi, je pense que c'est à nous,
effectivement, à faire ce que le groupe avant vous nous demandait: de
définir finalement "autorité" ou, en tout cas,
"municipalité" ou "organisme paramunicipal". Je ne sais pas comment. Je
ne sais pas si vous avez des conseils, comment on pourrait l'inclure, parce
que, et je vous le dis, quand vous donnez des exemples à l'article 2, je
ne suis pas sûr, en disant: "dont le conseil d'administration est
composé majoritairement de membres du conseil de la municipalité,
dont plus de 50 % du budget provient d'une municipalité, qui sont des
mandataires ou des agents d'une municipalité", si ce n'est pas
même plus restrictif que ce qui est amené par Mme la ministre.
Est-ce que, d'après vous... En tout cas, ce ne sont pas les deux
premiers points qui viennent nous permettre d'aller chercher l'information
qu'on veut, je pense, parce que ça, c'est contournable; peut-être
le troisième. Est-ce que, d'après vous, le troisième nous
permet de contourner l'organisme à but non lucratif ou, sinon, est-ce
que vous avez d'autres suggestions à nous faire?
M. Doray: Je pense que, dans un domaine comme celui-là, je
vais reprendre la comparaison ou l'image que j'ai utilisée tout à
l'heure. On peut se permettre la bretelle avec les ceintures. Certains des
critères risquent de se recouper, mais il n'y a aucun mal a ça.
Le critère suggéré par Mme la ministre, à savoir
les organismes qui relèvent de l'autorité d'une
municipalité, je pense qu'on peut ratisser un peu avec ça, la
même chose pour les trois autres critères qui sont
mentionnés ici.
Un qui me semble fort important et qui règle une grande partie du
problème des organismes sans but lucratif qui sont financés par
des municipalités, c'est le critère bête et plate du "50 %
du budget provient d'une municipalité". C'est simple comme bonjour et je
pense que ça assure le contrôle qu'on veut. On ne veut pas qu'il y
ait des organismes qui fonctionnent sur des fonds publics et qui
échappent à la transparence, parce que justement ce serait trop
facile d'aller instituer de nouveaux organismes pour s'éviter le
contrôle public. C'est peut-être le critère le plus simple
auquel il faudrait revenir, non pas comme critère unique, mais comme
l'un de ceux qu'on tiendra en compte pour compléter le texte actuel de
l'article 5 de la loi sur l'accès. Je pense qu'il règle une
grande partie des problèmes, ce critère du 50 % du budget. Je
pense qu'il faut aussi penser qu'il y a des organismes qui reçoivent une
subvention, qui peuvent être des organismes de loisir, une subvention qui
va être 10 % ou 20 % de leur budget. Il n'est pas nécessaire
qu'ils soient assujettis à la loi sur l'accès. C'est une loi qui
fait quand même peser sur les organismes et les petits organismes une
pression particulièrement lourde. Il ne faut pas s'en cacher. Toutes ces
déclarations de fichiers et autres tracasseries, s'il faut appliquer
ça à tous les petits organismes de loisir municipaux qui
reçoivent une subvention importante de la municipalité, ils ne
sont pas sortis de l'auberge. Alors, il faut une certaine parcimonie. On ne
peut pas dire: Tout ce qui bouge dans le domaine municipal est visé par
la Loi sur l'accès. Je pense que ce serait de l'abus et, tôt ou
tard, on risque d'obtenir une réaction très vive de la part de
l'Association des loisirs de Saint-Jean-de-Matha qui fonctionne avec un budget
de 3500 $ par année, dont 1800 $ viennent de ce que le maire leur a
donné lors de sa dernière visite au parc municipal. Je pense
qu'il faut une certaine parcimonie. Mais le critère du budget est
certainement un de ceux qui ratissent le plus large, à mon avis. (17
heures)
M. Paré: Mais vous dites qu'un organisme qui reçoit
plus de 50 % en subventions... "en subventions" avec un s, pas
nécessairement en subventions municipales, parce que là
c'était en ce qui concerne les organismes paramunicipaux Je prends un
exemple: un organisme comme Dernier Recours Montréal ou un organisme qui
s'occupe des sans-abri ou de gens avec toutes sortes de problèmes qu'on
connaît, malheureusement, ça peut être un organisme qui a
été mis sur pied à l'initiative de la ville de
Montréal, mais c'est un organisme à but non lucratif donc qui est
considéré comme totalement autonome, qui peut recevoir 40 % de
subventions de la ville de Montréal et 60 % du ministère de la
Santé et des Services sociaux. À ce moment-là, il arrive
quoi?
M. Doray: Vous soulevez un autre problème, mais je ne
pense pas que ce soit un problème relié à l'application de
l'article 5. L'article 5 vise le domaine municipal et, par rapport aux
municipalités, l'Association est d'avis que, 50 % du budget, c'est un
critère raisonnable. Ça met de côté ceux qui ne font
que profiter accessoirement des largesses d'une municipalité et qui
sont, en fait, des organismes privés ou des organismes sans but lucratif
de loisir, mais ça permet de recouvrir et d'assujettir des organismes
qui assument une véritable tâche municipale; lorsque plus de 50 %
de votre budget vient de la municipalité, vous devez sensiblement ou
vraisemblablement assumer une tâche municipale. Le problème que
vous soulevez me semble d'un autre ordre. Est-ce que l'on veut assujettir
à la loi sur l'accès tout ce qui reçoit des subventions?
Je pense que c'est un débat qui n'a jamais eu lieu,
si vous me permettez. Je suis prêt à l'ouvrir, si vous
insistez, mais je pense qu'on risque d'y passer quelques heures.
M. Paré: Non, je ne veux pas l'ouvrir, je le prenais
seulement à titre d'exemple. C'est vrai que de le prendre au niveau
social, c'est comme mêler les cartes. Je vais essayer de le prendre
autrement, parce que ce sur quoi je veux qu'on se penche c'est sur la
définition de l'autorité par rapport à des organismes
paramunicipaux. Je prends un autre exemple qui pourrait très bien
être tout à fait la réalité: la Corporation du 350e
anniversaire de Montréal. Moi, je pense que ça intéresse
la population et qu'on a le droit de savoir ce qui se passe là-dedans.
Supposons qu'elle a été créée par la ville de
Montréal, en collaboration avec les gouvernements supérieurs -
j'en suis certain - et supposons que la ville de Montréal met 33 % du
budget puis que les autres gouvernements mettent la différence, c'est
là où la subvention... et c'est pourquoi je vous posais la
question: Si la subvention municipale n'est pas de 50 % du budget, est-ce qu'on
a accès ou si, là, parce que les subventions viennent d'ailleurs,
il n'y a plus personne qui a accès aux informations?
M. Doray: II y a un problème, effectivement, de passer
entre deux dispositions de la loi. La loi a fait une typologie des organismes
publics par secteurs. Évidemment, il y aurait moyen de prévoir
une clause dans la loi qui viendrait dire, par exemple, que tout organisme dont
une partie essentielle du budget provient du domaine public est visé par
la loi. Là, on a un critère, dans l'article 3 de la loi - si ma
mémoire est fidèle - qui nous parle de certains organismes dont
le fonds social provient du domaine public. On a cette expression, "domaine
public", qui est très large, mais on ne vise que des
sociétés à actions, dont les actions sont détenues
par des organismes publics. On pourrait s'inspirer de ça pour
prévoir une disposition qui réglerait le problème que vous
soulevez et qui me semble effectivement existant.
Une autre façon de le régler qui est peut-être plus
simple, c'est que, lorsque le gouvernement accorde une subvention importante
à une société, comme la Corporation du 350e anniversaire
de Montréal, il devrait insister, lors de la formation de cette
société-là, pour que l'on prévoie qu'il s'agit bien
d'une mandataire de la municipalité, et on aurait réglé le
problème. Je pense que c'est donnant, donnant. À ce
moment-là, le gouvernement devrait avoir la politique suivante: Lorsque
je donne tant de milliers ou de millions de dollars à un nouvel
organisme qui ne va vivre que pour une période ponctuelle, bien, je
m'attends à ce qu'il soit prévu, dans sa loi constitutive, ou
dans son décret de formation, ou dans le règlement qui
prévoit sa constitution, qu'il s'agit d'un mandataire de la
municipalité ou d'un organisme relevant de l'autorité de la
municipalité, et on éviterait tout problème de chercher
une définition qui sera toujours, de toute façon,
incomplète, parce qu'il y aura des façons de constituer un
organisme pour passer entre deux dispositions de la loi. C'est un petit peu la
réalité et la contingence qui nous amènent à ce
constat-là.
M. Paré: Bonne suggestion à retenir, très
intéressant comme discussion, mais, malheureusement, je sais qu'on n'a
pas grand temps avant que le président me dise que j'achève. Je
ne reviendrai pas sur les articles sur lesquels vous avez échangé
avec Mme la ministre. Les articles 8, 40, 26 et les autres sont
intéressants, mais on ne vous a pas entendu sur un sujet
élaboré, soit l'article 14. C'est un sujet dont on a
traité passablement aujourd'hui et qui, de toute façon, est assez
important par rapport à ce qu'on discute comme société
où il y a des valeurs qui se confrontent, finalement. D'ailleurs, ce
matin, la Fédération professionnelle des journalistes en a
parlé et votre collègue en a parlé hier dans le
mémoire du journal The Gazette.
C'est tout le débat qui veut qu'on mette en balance la
liberté de presse, le droit du public à l'information, puis le
respect de la vie privée. Si on se fie à ce qui a
été dit par tout le secteur des communications depuis le
début de la commission, c'est, finalement, pour tout ce qui est rapports
produits par la police, que tout doit être ouvert et connu dès
qu'il y a un document qui est rempli. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
M. Doray: Écoutez, la position de l'Association des
quotidiens est la même que celle des deux organismes que vous avez
mentionnés précédemment. Ce que je pense, c'est que,
effectivement, c'est une question de fond qui ne peut pas être
réglée à l'emporte-pièce. Je pense qu'on peut
comparer ce qui se passe dans un petit village pour ensuite se demander ce qui
se passe dans un grand village ou dans une province comme la nôtre.
Dans un petit village, s'il y a un événement qui survient,
qui exige l'intervention de la police, tout le monde va le savoir. La police va
se rendre sur les lieux, les voisins vont voir ce qui s'est passé. La
même chose s'il y a un événement violent qui se produit,
s'il y a du sang ou quelques incidents qui se produisent, les gens vont
être au courant. Ça fait partie de la vie dans la cité et
ça existe depuis que l'on vit en société. Le
problème se pose aussi quand on élargit le
périmètre de la ville où les incidents en question se
produisent. On spécialise un peu les tâches dans une
société où on est nombreux et, chez nous, la police est un
corps constitué qui assume le maintien de l'ordre pour la
collectivité.
Comme on n'est pas dans un petit village,
on n'est pas mis au courant de ce qui se passe de la même
façon et on ne peut pas, directement, être mis au courant des
événements qui concernent la vie civile, parce qu'un incident,
quel qu'il soit, qui génère de la violence et l'intervention de
la police, ça concerne la vie civile. C'est notre vie en
collectivité. On a décidé de tous vivre dans un ensemble
et ça nous donne des droits aussi un peu sur les gestes illégaux,
ou les gestes violents, ou les incidents qui arrivent à nos voisins.
Est-ce qu'on doit changer les règles du jeu parce que nos
sociétés sont plus anonymes et que la police, à ce
moment-là, est la seule à savoir qu'il y a eu une intervention
qui a eu lieu dans un quartier X ou dans un quartier Y ou est-ce que juste les
gens qui habitent dans ce secteur-là ont le droit d'être mis au
courant parce qu'ils on vu la scène, mais que les gens de l'ouest de la
ville n'y étaient pas? Je pense que c'est là tout le
problème. C'est là qu'il se pose.
Les journalistes, dans une société plus populeuse, ont
cette mission de distribuer de l'information et de l'étendre à
tout le monde puisqu'on ne peut pas être partout à la fois, comme
on le serait dans un petit village. Et là, on leur dit: Bien,
écoutez, non, ce n'est plus du domaine public les incidents, les
accidents, la violence, c'est du domaine strictement privé parce qu'on
est dans une société plus grande, plus populeuse, plus anonyme.
Je ne suis pas sûr que c'est vraiment une amélioration ou un trait
de civilisation que de faire de la rétention d'informations dans tous
les cas, en traçant une ligne et en disant: Écoutez, parce que
c'est la police qui a agi au nom de la collectivité, c'est la police qui
garde ces informations-là. Je pense que, comme citoyen, on a le droit de
savoir ce qui s'est passé. C'est ça que les journalistes
réclament et c'est ça que l'Association essaie de faire
valoir.
Évidemment, l'abus est toujours possible et c'est ça que
l'Assemblée nationale veut éviter et nous le comprenons
parfaitement. Ce que dit l'Association, c'est qu'il y a des moyens pour
éviter l'abus. Dans les moyens, il y a les poursuites en libelle ou en
diffamation. Notre droit est assez sophistiqué à cet égard
et ce n'est pas parce que, comme le disait le mémoire de Southam, vous
publiez des faits véridiques que vous êtes à l'abri de
toutes poursuites en libelle ou en diffamation.
Il n'est permis à un journaliste de publier des informations que
dans la mesure où c'est d'intérêt public de les dispenser
ou de les étaler sur la place publique. Donc, il y a un mécanisme
de contrôle qui existe dans notre société, qui n'est pas la
Loi sur l'accès, mais qui est peut-être un peu plus nuancé
que la Loi sur l'accès.
Il y a les nouvelles dispositions du projet de loi modifiant ou portant
réforme au Code civil du Québec relatif aux droits de la
personne, où un droit des citoyens à la vie privée va
être reconnu. L'Assemblée nationale a adopté le projet de
loi. Il n'est pas entré en vigueur, mais on nous le promet pour
bientôt. Il y a des dispositions très précises et
très vigoureuses quant à la vie privée des individu; qui
viendront, elles aussi, faire contrepoids à de possibles ou potentiels
abus de la presse. Dans cette mesure, la démarche de l'Association,
c'est de dire: Ce n'est pas le bon mécanisme, la loi sur l'accès.
C'est encore une fois aller de façon beaucoup trop stricte.
Empêcher toute divulgation d'informations dont a pris connaissance la
police, c'est couper les citoyens d'une partie de la vie civile à
laquelle ils ne peuvent pas assister parce que nos villes ou nos
sociétés sont très populeuses et qu'on ne peut pas
être partout à la fois. C'est aussi simple que ça.
M. Paré: Je trouve intéressants vos commentaires,
spécialement votre comparaison par rapport aux municipalités
moins populeuses. Je vais vous dire que je viens de Granby où il y a un
de vos membres, les gens de La Voix de l'Est. Une petite municipalité de
40 000 citoyens avec un quotidien, effectivement, ça nous amène
peut-être plus d'informations ou de facilités d'être
près de ce qui se passe tous les jours parce que c'est dans le
périmètre d'une municipalité et, chaque jour, on en fait
le tour. C'est très local et on aime ça se reconnaître dans
le journal. On me dit qu'il me reste deux minutes, donc je suis obligé
de conclure là-dessus.
On dit, au Québec, qu'on est très chanceux d'être
dans une société aussi libre et aussi démocratique. En
même temps, on reconnaît que la presse a un pouvoir important.
Ça, c'est une réalité, c'est connu, c'est vrai et c'est
bien. C'est un outil de la démocratie. Mais, d'pnrès vous, est-ce
que notre droit à l'information nécessite pareille modification -
quand je parle de "pareille modification", c'est une modification dans le sens
où vous la demandez - ou bien si ça faciliterait? La preuve,
c'est qu'on retrouve quand même dans les journaux, à tous les
jours, dans les quotidiens, passablement d'informations. Ce n'est pas une
nécessité, la modification, pour faire une bonne job, on en a la
preuve, sauf que ce serait une facilité.
M. Doray: Mais, plutôt que d'avoir le rapport de la police
qui donne les événements tels qu'ils se sont produits, les
journalistes devront interroger l'une ou l'autre des personnes,
malheureusement, des fois une seule et avoir, soit une information partielle,
soit une information beaucoup moins rigoureuse. Il faut faire attention:
à donner de l'information partielle, on crée un biais. Des fois,
on reproche à la presse d'être tendancieuse, mais encore faut-il
lui donner les moyens de faire une analyse complète de ce qui s'est
produit, de ce qui s'est passé. Ce que vous me dites, c'est que, dans le
fond, à l'heure actuelle, par des moyens indirects, les
journalistes réussissent à encrer leur papier tous les
jours. C'est vrai, mais peut-être le feraient-ils encore mieux s'ils
avaient ce constat généralement assez neutre et objectif qu'est
le rapport de police qui dit: À telle heure, telle personne est venue
à tel endroit. Ce n'est pas dans tous les cas et je pense que
l'Association reconnaît très bien la pertinence de garder, pour la
police, certaines informations d'enquête.
L'article 28 a sa raison d'être dans une large mesure et ce n'est
pas à ça qu'on s'en prend. Ce qu'on dit, c'est qu'on a le droit
de connaître les événements qui se sont produits, qu'on a
le droit de savoir quand des poursuites sont prises. Dans le milieu, quand il y
a une enquête de police, il faut que la police puisse faire son travail
et, entre ces deux paramètres, l'article 28 peut très bien
exercer son rôle. Mais il y a deux segments, là: le premier,
c'est-à-dire l'événement qui se produit dans la vie
civile, d'une part, et la poursuite judiciaire intentée, d'autre part.
Ce sont les deux bouts dont on a besoin pour assurer un contrôle,
d'abord, pour être sûrs que les gestes répréhensibles
seront poursuivis, parce que, si vous avez eu l'input, vous attendez un jour
l'output, vous allez faire pression sur le gouvernement pour qu'il prenne des
procédures judiciaires. Pour ce qui est de la partie du milieu, la loi
semble assez bien adaptée au travail des policiers. Je pense qu'ils se
sont bel et bien dessiné un article qui protège leur travail de
recherche et d'enquête.
M. Paré: Alors, merci. J'espère que votre
association sera de ceux qui seront présents au fameux débat sur
le sujet dont on vient de traiter.
(17 h 15)
M. Doray: Mme la ministre, est-ce que ce serait possible de
laisser à M. Winters une demi-minute? Il voudrait apporter une
précision par rapport à ce qui a été dit dans son
mémoire, hier, au sujet de l'appel à la Cour du Québec.
C'est suite à une réflexion peut-être. La nuit portant
conseil, il voudrait vous permettre d'avoir un meilleur éclairage sur la
position de Southam, de The Gazette et de l'Association.
La Présidente (Mme Bégin): Donc, comme il y a
consentement de part et d'autre de cette commission, je vais reconnaître
M. Winters pour quelques instants.
M. Winters: Merci beaucoup. Ce sera très court. Vous avez
peut-être remarqué que, dans notre mémoire, au sujet de
l'appel, on mentionne, dans le cas des trois juges, qu'idéalement c'est
mieux trois juges, mais que, pratiquement, on comprend qu'avec trois juges ce
n'est pas toujours facile d'avoir une décision rapide. On n'a pas
donné la même mise en garde pour les deux paragraphes avant
où on parie des appels jusqu'à la Cour supérieure. C'est
pour ajouter cette mise en garde qu'idéalement c'est mieux d'avoir
recours à tous les autres niveaux de tribunaux, mais qu'on comprendra
si, à cause des questions pratiques, c'est limité. Dans le
mémoire, il faut ajouter cet élément de précision,
cette nuance.
À l'article 2, les municipalités, si on ajoute le mot
"créer" avec les 50 %, si on ajoute l'idée de créer par
municipalité, ça pourrait couvrir d'autres cas qui ne sont pas
touchés. Mais, à l'article 14, je voudrais clarifier les choses.
On avait dit qu'on ne voulait pas une législation hâtive, mais, en
réalité, ce qu'il faut clarifier, c'est que The Gazette et
l'Association des quotidiens cherchent un changement pour que ce soit
très clair que l'identité des victimes et des personnes
arrêtées soit disponible.
Le dernier point c'est qu'on parlait hier des dossiers et documents. Me
Doray a formulé un endroit dans la loi où ce problème
pourrait être réglé, à l'article 9. C'est une
façon dont ce problème pourrait être réglé.
Si on ajoute: Toute personne qui en fait la demande a le droit d'accès
aux documents d'un organisme public, y compris tout dossier constitué
par un organisme public, ça pourrait éliminer la confusion que
semble avoir apportée ou amenée la Cour du Québec, une
situation qui nuit beaucoup aux quotidiens du Québec, dans son
utilisation de la loi d'accès. Si on ajoutait... Parce que c'est
vraiment l'article 9 qui a été cité par la Cour du
Québec pour dire: Ah! vous avez droit juste à des documents, pas
à un dossier, vous ne pouvez pas demander un dossier. C'est un endroit
où cette correction du législateur pourrait faire les
précisions dont la Cour du Québec semble avoir besoin.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Winters. Je
remercie également Me Doray de s'être déplacé. Mme
la ministre, je m'excuse, est-ce que vous voulez conclure?
Mme Frulla-Hébert: En conclusion, merci à tous les
deux. On va prendre bonne note, de toute façon, de vos recommandations,
avec, évidemment, le Comité de législation. En ce qui a
trait à l'article 2, évidemment, tout ce qui s'appelle
paramunicipal demeure une question encore en suspens à laquelle je suis
très sensible. Il faut aussi aller vérifier au niveau de la Loi
sur le ministère des Affaires municipales, puisque eux nous ont
demandé de nous arrimer avec eux, de telle sorte qu'on ait tous les
mêmes définitions. Alors là, finalement, on verra où
vont les définitions, d'une part. J'espère avoir calmé
toutes vos inquiétudes concernant l'accessibilité à
l'information gouvernementale. Le groupe de travail qui sera formé - le
groupe de commercialisation dont on parle - verra, finalement, à prendre
en compte tous les aspects de la question autant du secteur privé que du
secteur public, des organismes, etc., mais on va essayer
de le faire assez rapidement parce qu'on a un problème, on a un
problème d'abus.
En terminant, il faut que je souligne que - et je pense que vous
êtes sûrement d'accord puisque vous connaissez très bien la
loi et que, de toute façon, vous collaborez avec nous pas mal - le
problème de cette loi est quand même particulier parce qu'elle
régit, d'une part, des droits qui peuvent être divergents et
souvent même opposés - on l'a vu - que ce soit les droits des
individus, du public en général, des organismes privés. On
a des exemples. Vous voulez avoir le droit à l'accès à la
victime; le Protecteur du citoyen et la Charte des droits et libertés
disent: Non. Vous parlez de l'article 9 du projet de loi qui vise à
modifier l'article 29. 1 sur les organismes quasi judiciaires, vous y voyez un
problème; la FNC nous félicite. Alors, à
l'intérieur de tout ça, on va essayer d'avoir une loi qui
regroupe le plus grand consensus possible. Chose certaine, c'est qu'il va
falloir procéder à l'entérinement de cette loi pour qu'on
puisse démarrer, pour en arriver à d'autres modifications
prévues dans la loi en 1992, parce qu'à la fin de ces deux jours
on s'aperçoit qu'on peut continuer et, justement, c'est la nature de la
loi, vous le savez. C'est une loi qui est évolutive. Donc, on peut
continuer à discuter et on va encore trouver des choses ensemble. Alors,
on va faire tout notre possible pour chercher un plus grand consensus. On va
essayer de plaire et de rassurer aussi le plus grand nombre possible. Je sais
qu'il y a certaines décisions qui feront l'affaire des uns mais qui ne
feront pas l'affaire des autres, mais on continuera à évoluer et
on continuera à discuter en ce qui a trait au projet de loi ou, enfin,
à la loi sur l'accès et, encore là, on a 92 modifications
ou clarifications, etc. Il y a le secteur privé à ajouter, il y a
le secteur technologique ou le développement technologique à
ajouter, l'informatique. Alors, on sera vigilant. Merci.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la
ministre.
M. Doray: Merci, Mme la Présidente, M. le
député.
La Présidente (Mme Bégin): On vous remercie, Me
Doray et M. Winters, de vous être déplacés pour venir faire
valoir les représentations de l'Association des quotidiens du
Québec.
Maintenant, j'inviterais le Groupe de recherche informatique et droit,
qui est représenté par M. Pierre Mackay ainsi que M. René
Laperrière, à prendre place.
Groupe de recherche informatique et droit
M. Laperrière (René): Mme la Présidente, Mme
la ministre, Mmes et MM. les députés...
La Présidente (Mme Bégin): Je m'excuse. M.
Laperrière: Oui.
La Présidente (Mme Bégin): Pour le
bénéfice de l'enregistrement des débats de cette
commission, est-ce que vous pourriez vous présenter ainsi que la
personne qui vous accompagne, pour savoir qui parle et à qui on a
affaire?
M. Laperrière: Oui. Je suis René Laperrière,
professeur à l'Université du Québec à
Montréal au département des sciences juridiques et membre du
Groupe de recherche informatique et droit. Je suis accompagné par mon
collègue Pierre Mackay, du même département, directeur de
ce groupe de recherche.
Le Groupe de recherche informatique et droit travaille sur les questions
de droit et d'informatique depuis 1984. Nous sommes heureux de cette occasion
qui nous est donnée pour pouvoir faire des représentations sur la
loi d'accès et de protection des renseignements personnels, qui est une
loi très importante au Québec compte tenu de la
prépondérance qui lui est donnée. Nous avons pris
connaissance du projet de loi 62 et nous avons rédigé notre
mémoire avant une série d'hypothèses, de propositions et
de modifications qui ont circulé depuis, de telle sorte que nos
remarques porteront sur le projet de loi tel qu'il avait été
déposé au mois de juin, mais nous essayerons de tenir compte des
diverses propositions et modifications qui ont pu survenir depuis, lorsque nous
répondrons à vos questions.
Par ailleurs, le projet de loi 62 fait partie d'une certaine
multiplicité de lois. Il y a d'autres lois qui ont été
adoptées à la session de juin et il y en a qui ont
été retirées. Nous essayerons donc de tenir compte de ce
contexte global.
Nos analyses reposent sur deux prémisses qui sont les objectifs
poursuivis par la loi: celui de la transparence de l'information
gouvernementale et celui de la protection de la vie privée et des
renseignements personnels, et c'est dans le sens de ces objectifs que nous
désirons faire quelques remarques. Maintenant, nous ne nous en tiendrons
pas au texte de notre mémoire, parce que nous croyons que tout le monde
a pu en prendre connaissance, mais allons insister sur certains points qui
demeurent peut-être encore en suspens.
En ce qui concerne le champ d'application de la loi d'accès, on a
abondamment discuté ici des organismes municipaux ainsi que des
décisions des organismes quasi judiciaires. Mais nous aimerions insister
sur la question des pouvoirs qui seraient donnés aux services de
sécurité interne, c'est-à-dire sur l'obligation qui leur
serait faite de garder le secret sur leurs enquêtes. Nous croyons que,
déjà, le libellé de l'article en question, l'article 28,
est très large, parce qu'il permet de couvrir non seulement les
opérations policières, mais toute espèce
d'enquête ayant trait aux infractions aux lois. Et, dans ce contexte,
d'élargir encore la portée de l'article 28 pour y inclure les
services de sécurité interne nous paraît une extension de
ces services qui les rend semblables à des services policiers, alors que
les services de sécurité interne ne sont pas soumis aux
mêmes obligations que les services policiers.
Par ailleurs, nous avons fait état de l'augmentation de la
discrétion administrative et, là-dessus, nous pensons que
certains articles laissent un peu trop carte blanche à l'administration.
Alors, nous aimerions insister sur trois points: celui de la commercialisation,
celui des avis et recommandations et celui des échanges.
En ce qui concerne la commercialisation, je pense que tout le monde sera
d'accord qu'on doit tenir compte d'une politique de commercialisation, faire
une politique de commercialisation des informations gouvernementales.
Actuellement, il n'y a aucun encadrement juridique particulier et c'est un
problème qui se pose de façon très complexe. Alors, nous
pensons que, plutôt que de changer l'article 12 pour énoncer une
règle générale, il y aurait lieu quand même de faire
enquête pour pouvoir considérer les cas particuliers dans lesquels
cette commercialisation peut être faite.
En ce qui concerne les avis et recommandations, nous sommes en
présence d'un chassé-croisé de dispositions qui sont
l'article 37, l'article 87 de la loi dans son état actuel, l'article 86.
1 qui vient la modifier et une disposition particulière qui concerne les
universités. Alors, seulement pour commenter, en ce qui concerne les
universités, nous croyons que le libellé de l'article 47 de la
loi modificatrice ferait que les universités échapperaient
à une règle élémentaire de justification publique
de leurs décisions et leur donnerait un statut tout à fait
particulier, hors du commun.
On a probablement oublié qu'il y avait des étudiants dans
les universités et que cette disposition-là ne s'appliquerait pas
seulement à l'évaluation des professeurs, de leurs projets de
recherche ou de leurs subventions, mais pourrait aussi s'appliquer aux
étudiants et que cela constituerait une négation de certains
droits fondamentaux. C'est assez difficile de pouvoir réclamer une telle
exception aux règles élémentaires de la transparence
démocratique quand, par ailleurs, les corps professoraux ont permission
d'enseigner, de respecter et de promouvoir les droits fondamentaux.
(17 h 30)
En ce qui concerne les échanges de renseignements personnels
maintenant, probablement qu'un des problèmes les plus graves qui se
posent à l'heure actuelle, c'est que le secteur privé n'est pas
réglementé au Québec, de telle sorte que l'article 66
permet aux organismes gouvernementaux de recevoir de l'information du secteur
privé, cette information-là n'étant soumise à
aucune des règles de collecte auxquelles sont soumis les organismes
publics actuellement. Les articles 67 et 68, à certaines conditions,
permettent aux organismes privés de transmettre de telles informations
au secteur privé de telle sorte que nous sommes dans une situation
où on a deux poids deux mesures. Un grand nombre d'échanges de
renseignements personnels se fait de plus en plus avec le secteur privé
sans que ce soit régi par la loi d'accès. On assiste à un
certain nombre de contournements de la loi d'accès par ce
mécanisme.
Par ailleurs, le libellé de l'article 67 est formulé en
termes très larges et permet de communiquer des renseignements qui sont
nécessaires à l'application d'une loi. Sans autre
précision, cet article est une porte ouverte à tous les abus
possibles parce que, par définition, un organisme public est
chargé de l'application d'une loi. On peut présumer que le
concept de nécessité n'est pas tellement restreint qu'il ne
permette pas de faire plusieurs opérations qui rendent finalement
l'article 68. 1 sur les couplages inopérant, étant donné
qu'un organisme public peut toujours estimer que ses communications de
renseignements avec d'autres organismes sont nécessaires à
l'application d'une loi ou même que ses communications de renseignements
avec l'entreprise privée sont aussi nécessaires à
l'application d'une loi.
En ce qui concerne l'article 68. 1 sur - appelons-le - les couplages,
qui a fait couler beaucoup d'encre et qu'on essaie d'examiner sous plusieurs
angles en soulevant plusieurs hypothèses, nous croyons que le principal
danger des couplages, ce sont les erreurs qui peuvent se produire à
l'occasion de ces couplages. Nous ne sommes pas à l'abri des erreurs
techniques. Nous ne sommes pas à l'abri non plus de l'information
erronée, de telle sorte qu'il est assez difficile pour les citoyens de
contester des informations qui peuvent être stockées dans les
banques de données. Par ailleurs, certaines versions de cet article 68.
1 font peser un soupçon généralisé sur la
population, un soupçon de fraude qu'on essaierait de vérifier
sans pour autant donner des garanties aux gens concernés que leur parole
pourrait être crue à un moment donné et qu'on ne donnerait
pas un avantage indu à l'administration dans le traitement de leur
dossier. Par ailleurs, d'autres versions visent essentiellement les programmes
sociaux, donc les populations démunies qui sont très mal
placées généralement pour essayer de contester ce genre
d'opération, de telle sorte que nous estimons qu'il faudrait, pour la
question des couplages, un encadrement beaucoup plus sérieux. Je vais
vous en parler tout à l'heure.
Alors, pour insister sur ce qui nous apparaît comme les tendances
lourdes de ce projet de loi, nous croyons que, dans son état actuel, il
restreint encore davantage l'accès aux
documents des organismes publics et la protection des droits des
individus en augmentant la discrétion administrative et en favorisant
les échanges à l'intérieur de l'administration publique
comme avec le secteur privé qui, rappelons-le, n'est astreint à
pratiquement aucune norme publique de bonne gestion de ses données. Ces
tendances s'inscrivent dans le double phénomène de la croissance
d'un marché de l'information, lucratif mais menaçant pour les
libertés si aucun contrôle n'est imposé à son
expansion, et de l'expansion des contrôles sociaux par le quadrillage
informationnel des populations. Sans garde-fou, nous nous acheminons rapidement
vers une société où les pouvoirs publics et privés
savent tout sur les individus et leur en cachent le plus possible.
L'information étant devenue une condition sine qua non de l'exercice du
pouvoir, son contrôle revêt une importance stratégique et
politique considérable.
Dans une étude récente qui sera bientôt
publiée par le ministère fédéral de la Justice, le
GRID a fait enquête sur le développement des flux
transfrontières de données personnelles. Des échanges de
renseignements importants sont effectués avec des organismes ou des
entreprises à l'étranger, sans aucun contrôle. Dans bien
des secteurs, nous dépendons de nos échanges informationnels avec
d'autres pays, principalement les États-Unis d'Amérique, pour
assurer la gestion de nos organismes et de nos entreprises et ces autres pays
possèdent et traitent par le fait même une masse importante de
renseignements qui nous concernent, dont le contrôle nous échappe
entièrement. Il est vrai que le Canada a adhéré, mais du
bout des lèvres, aux lignes directrices de l'OCDE concernant la
protection des données à caractère personnel. Mais il n'a
encore pratiquement rien fait pour appliquer au secteur privé les
principes reconnus internationalement, et toutes les juridictions canadiennes
permettent des échanges extensifs avec un secteur privé
pratiquement non réglementé.
Outre les dangers que représente la violation de ces principes
pour la préservation des libertés et de la démocratie, la
négligence de nos gouvernements pourrait nous fermer, à moyen
terme, tout le marché européen de l'information personnelle. Je
vous signale la discussion récente et l'adoption imminente d'une
directive du Conseil de la Communauté européenne sur la question
de l'information personnelle. Dans le cadre de la politique
québécoise d'internationalisation de nos échanges et de la
promotion de notre rôle d'intermédiaire entre l'Amérique et
l'Europe, nous pourrions nous voir opposer, en vertu du principe de
l'équivalence de protection, un refus des Européens de continuer
de transiger avec nous, parce qu'ils s'estimeraient mal protégés
par notre absence de lois régissant le secteur privé. De leur
côté, les États-Unis d'Amérique ont
légiféré dans plusieurs secteurs d'activité des
entreprises privées, notamment les banques, les assurances, la
câblodiffusion, pour réprimer ou empêcher les abus de
l'informatisation généralisée. Serons-nous, au
Québec, les derniers à prendre au sérieux ces graves
problèmes et à y remédier?
Nous nous réjouissons de penser que le gouvernement a l'intention
d'effectuer à l'automne une consultation publique sur
l'opportunité de réglementer le secteur privé. Mais nous
devons rappeler ici qu'il est urgent et très urgent que des
contrôles soient institués dans ce secteur, en raison, notamment,
des liens étroits qui se tissent actuellement sous forme de
réseaux et d'échanges de services avec le secteur public.
Et là, j'aimerais rectifier un passage en page 12 de notre
mémoire qui parlait des projets de loi 42, 71 et 76. L'information dont
nous disposions au mois de juin n'était pas complète
là-dessus et j'aimerais refaire le point un petit peu de ce
côté-là. Actuellement, en ce qui concerne les
possibilités de couplage et de communication de données, le
projet de loi 42 a été retiré. Mais le projet de loi 76,
dans le secteur public, entre organismes publics, permet des échanges
entre la CSST et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui
peuvent se communiquer tous renseignements concernant les indemnités et
le paiement d'assistance médicale à des gens qui sont des
assistés sociaux. Et, à ce moment-là, il s'agit d'une
disposition qui a été adoptée et permise sans que nous
ayons, effectivement, une politique de couplage et pendant que nous continuons
de discuter de ces choses-la, dans le cadre du projet de loi 62. Par ailleurs,
avec le secteur privé, là, nous avons repéré
l'adoption de la Loi sur l'aide financière aux étudiants, qui est
la loi des prêts et bourses, disons, le chapitre 11 des lois de 1990,
article 37, adopté au mois de juin. Alors, on part d'un bon pied avec un
bon principe que c'est l'étudiant ou l'étudiante qui va fournir
les renseignements sur son dossier à l'administration. Sauf qu'il y a un
article 46 dans cette loi, qui est maintenant sanctionnée depuis le 8
juin 1990, à l'effet que "le gouvernement peut autoriser le ministre
à conclure avec toute personne, société, corporation ou
ministère - ça comprend donc le secteur public et le secteur
privé - toute entente ayant pour objet de faciliter l'application de la
présente loi." Ça pourrait viser les couplages, les appariements
de dossiers, etc. Alors, ce que nous pensons, c'est qu'il faudrait songer quand
même à agir sur la globalité du problème au lieu de
jouer les apprentis sorciers et de consolider à l'avance des situations
qui deviendront rapidement incontournables, compte tenu des investissements
lourds que suppose la mise en place de systèmes d'information et de
réseaux de communication.
Les couplages pourraient être réglementés aussi, en
tout cas, ils ne devraient pas devenir des routines administratives et on
pourrait
s'inspirer minimalement des balises fixées par la loi
fédérale américaine concernant les couplages
informatiques. Ceux-ci, aux États-Unis, doivent être
expressément permis par la loi, annoncés dans leur
équivalent de la Gazette officielle du Québec qui est le Federal
Register au moins 30 jours à l'avance et soumis à une
évaluation préalable par un comité de la Chambre des
représentants, un comité du Sénat et l'équivalent
de notre Conseil du trésor qui est l'Office of Management and Budget
pour en apprécier les effets sur la protection de la vie privée.
Alors, vous voyez qu'on prend le problème très au sérieux
et qu on lui donne un bon encadrement juridique. L'Office of Management and
Budget doit émettre des directives et assurer la surveillance de toutes
ces opérations. La loi interdit spécifiquement d'établir
un fichier national - qui est une des craintes qu'on peut avoir dans tous les
pays - qui combinerait l'information de plusieurs agences gouvernementales ou
même de divulguer des renseignements au secteur privé pour
permettre des couplages informatiques. Alors, si on veut s'inspirer de ce qui
se passe aux États-Unis, il y a déjà pas mal de
réglementation sur le sujet.
Évidemment, il y a d'autres ressources ou recours que les recours
juridiques. Et là, nous avons fait état de suggestions de notre
collègue Jean-Pierre Lemasson - vous pourrez toujours les consulter -
pour utiliser la technologie informatique plutôt que les lois et les
recours, pour pouvoir assurer effectivement la protection de la vie
privée des citoyens, particulièrement dans le secteur
privé.
Alors, pour conclure, nous pensons que le projet de loi, tel qu'il avait
été rédigé, en tout cas, méritait une
sérieuse révision pour correspondre aux objectifs de transparence
de l'administration et de protection de la vie privée qui ont
présidé à l'adoption de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et qui devraient continuer à en
inspirer l'évolution.
Nous croyons aussi qu'il ne s'agit pas seulement, pour améliorer
cette loi, d'augmenter les droits ou de perfectionner les droits qui sont
donnés aux citoyens, il faut aussi avoir un oeil et une surveillance
constante sur la gestion des bases de données en particulier, pour
éviter que se présentent des situations qui sont liberticides.
Par ailleurs, nous déplorons un peu que nous ayons affaire à une
situation où on adopte des lois en pièces
détachées. On a un projet de réforme du Code civil qui a
été adopté et sanctionné mais non mis en vigueur;
on a un projet de loi 62; on a un projet de loi 76 qui a été
sanctionné; on a la Loi sur l'aide financière aux
étudiants, enfin, un tas de dispositions dont il est difficile de voir
les conséquences sur l'ensemble. Et même, dans le processus
actuel, quand on suggère toutes sortes de modifications, quelquefois,
une modification qui est suivie par une autre modification nous empêche
de voir quel est le bilan global de ce qui se passe. Là-dessus, par
exemple, la proposition de l'article 86. 1 est extrêmement difficile
à interpréter, parce qu'on ne peut pas savoir de quel
côté ça va tomber, et ce serait très
aléatoire. C'est d'autant plus déplorable que nous avons affaire
à une loi très générale et à une loi
prépondérante au Québec. Alors, on devrait mettre un grand
effort pour que cette loi-là puisse avoir la meilleure cohérence
possible et qu'elle ne soit pas contredite, qu'elle ne risque pas d'être
contredite par d'autres lois particulières. Je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M.
Laperrière. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des
Communications.
Mme Frulla-Hébert: M. Laperrière, merci de vos
interventions. Je sais, de toute façon, pour vous avoir entendu à
quelques reprises, à la télévision entre autres, que toute
la question de recherche, d'informatique, de développement
technologique, tel que nous, d'ailleurs, vous inquiète beaucoup quant au
couplage. Il y a une question que j'ai posée ce matin, qui semble
générale, mais j'aimerais quand même... Selon votre
expérience, pensez-vous qu'éventuellement il va être
possible, finalement, de baliser le développement - à la vitesse
qu'il se fait - de la technologie, si on veut, spécialement
informatique, pour justement protéger la vie privée, si on veut,
cette protection de la vie privée? Je sais que la réponse c'est:
Oui, il le faut, mais est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles vous
travaillez, par exemple, qui peuvent nous donner certaines pistes pour y voir
clair? On a un comité interministériel qui y travaille
présentement, la CAI y travaille aussi présentement, mais est-ce
que, vous, de votre côté, vous faites, avec votre groupe, un
cheminement?
M. Laperrière: Avec votre permission, je vais laisser mon
collègue s'exprimer sur cette question.
La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.
(17 h 45)
M. Mackay (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Le Groupe de
recherche informatique et droit - on vous l'a dit - a été
fondé il y a déjà sept ans et c'est l'objet principal de
ses préoccupations, de ses réflexions et de ses travaux. Nous
avons des projets et des programmes de recherche dans ces secteurs qui
impliquent à la fois l'étude des législations
comparées et des progrès qui se font au niveau des organismes
internationaux. L'information, vous le savez très bien, est un
phénomène. On vit dans une société d'information et
l'internationalisation du phénomène nous amène à
réfléchir dans le cadre de l'informatisation, de
l'internationalisation de ce phénomène et de ces marchés
parce que l'infor-
mation est aussi un marché.
Pour répondre plus spécifiquement à votre question
et si on compare à la législation d'un certain nombre d'autres
pays, il me semble, il semble à notre groupe qu'une question
fondamentale qui concerne les renseignements personnels, leur collecte, leur
stockage, leur traitement et leur échange, qu'un principe fondamental
n'est pas traité dans cette loi et c'est la question de la
finalité pour laquelle ces renseignements sont colligés,
traités, analysés et font l'objet d'une utilisation
quelconque.
On demande à des citoyens et à des citoyennes de donner
à l'administration publique, pour des fins particulières -
admission aux études, obtention d'une bourse, obtention d'un service ou
d'une prestation sociale, dossier médical, permis de conduire et ainsi
de suite - un certain nombre de renseignements qui sont essentiels à
l'administration de cette loi. Ça va bien jusque-là et le citoyen
fournit ces renseignements sur la base de la finalité qu'on lui
présente ou qu'on lui propose.
Or, le concept de finalité dans le traitement de ces
informations-là, ou dans le couplage, ou dans l'appariement de ces
informations-là n'est pas indiqué comme étant le
critère auquel devrait se mesurer soit la commercialisation, soit
l'appariement, soit le couplage de ces informations-là. Il est
évident qu'un fichier, lorsqu'il existe, est constitué à
des fins précises mais que l'information existant dans un fichier peut
très bien être réutilisée. On va trouver toutes
sortes de nouvelles utilités, toutes sortes de nouvelles
finalités à cette information-là et on va se dire,
à un moment donné: Si la RAMQ avait l'information qu'a la RAAQ ou
ainsi de suite, on pourrait aller plus loin.
Or, l'information a été colligée auprès du
citoyen sur la base d'une finalité donnée. Si on fait un
transfert de dossier, un appariement de dossier, un couplage pour d'autres fins
ou d'autres finalités, il nous semble qu'il y a là un abus dans
l'utilisation de l'information. Il y a peut-être une piste
générale ou une réflexion générale à
faire sur les finalités pour lesquelles sont créés les
dossiers, les fichiers, et se poser la question, très
sérieusement: Est-ce qu'on peut utliser ces informations
colligées à d'autres fins et à d'autres finalités
et dans quelles conditions?
C'est une approche que la Cour supérieure du Québec a
retenue dans une affaire impliquant (a vente, par une communauté
urbaine, de ses fichiers, de ses rôles municipaux où la cour
municipale a dit qu'un contribuable était en droit d'exiger que des
renseignements, qu'il est obligé de fournir à sa
municipalité comme locataire ou propriétaire, ne soient
utilisés que pour les fins prescrites et diffusés ou rendus
accessibles uniquement selon les modalités apparaissant à la
loi.
Ça nous apparaît être une piste, en tous cas, qui
n'est pas actuellement dans la loi et qui peut être un principe
unificateur en termes de trouver un arbitrage entre la nécessaire
information, l'échange d'informations, si ces informations sont
échangées pour des fins analogues, dans la même
finalité, parce qu\n les a colligées à ces fins-là
et que, dans une espèce de contrat tacite avec l'administré, il a
livré à l'administration publique des renseignements pour obtenir
tel permis, telle prestation, etc., donc que ces renseignements-là ne
soient pas utilisés à d'autres fins.
Alors, là, il y a peut-être une piste ou une voie de
recherche. On n'a qu'à regarder, par exemple, la législation
française qui a des dispositions précises quant à
l'utilisation relative aux finalités.
M. Laperrière: Si vous me permettez d'ajouter, une des
préoccupations majeures de noire groupe, c'est un peu de
démystifier quelques présupposés qu'on a par rapport
à l'informatique en soulignant, par exemple, les possibilités
d'erreurs très graves qui peuvent se glisser dans ces
systèmes-là, en soulignant, aussi, les possibilités
d'établissement de profils qui feraient que les décisions de
nature administrative ou judiciaire pourraient être complètement
changées dans leur justification parce qu'on se fierait à des
profils sur des individus plutôt que d'examiner les cas particuliers - ce
qui est un des principes de notre justice, évidemment - de sorte que,
quand on a affaire à la dimension informatique, y compris dans la loi
sur l'accès qui n'en parle pas spécifiquement, à ce
moment-là, on a presque un bon qualitatif, c'est la nature des
problèmes qui change parce que les opérations... Prenez, par
exemple, la constitution des listes noires de locataires qui se faisait
à partir du fichier de la Régie du logement. Évidemment,
quand c'est informatisé, on va chercher la bobine, on la met dans notre
système, on a notre liste noire et on peut mettre ça à
jour, etc. Dossier par dossier, ça ne pouvait pas se faire. Alors,
toutes les informations de nature judiciaire, par exemple, si elles deviennent
accessibles sans qu'il y ait de balises, à ce moment-là,
ça crée des dangers considérables pour la vie
privée des citoyens et pour notre système de justice. Donc, quand
l'informatique s'introduit quelque part, il faut vraiment
réaménager nos lois, nos réglementations pour tenir compte
de ces dangers qui sont tout à fait nouveaux, qu'on ne pouvait pas
prévoir avant que ne surviennent ces nouvelles techniques.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, comme je vous le
dis, on est en train - le comité est formé, d'ailleurs, depuis,
je dirais, presque huit mois - de le regarder. On aura l'occasion de venir vous
consulter là-dessus. Je voulais aussi seulement apporter certaines
précisions. À l'article 5, sur les banques de données,
bon, l'article est retiré parce qu'on veut parler de
politique de commercialisation et vous aurez probablement l'occasion,
justement, de participer à ça avec nous. L'article 19 sur le
couplage, bien, la CAI va toujours donner son avis sur le couplage. Notre
intention, c'était, évidemment, d'alléger le processus
administratif. Déjà, on dit que la CAI est
débordée, que ça prend du temps pour avoir des
décisions justement à cause de la multitude des demandes. D'une
part, il y avait eu une intention, même de la part de la CAI, de se voir
alléger d'un processus administratif quant aux changements d'adresse,
par exemple. Vu les malaises que ça peut apporter, la CAI, étant
l'organisme responsable de la loi, devra donner un avis pour tout couplage,
premièrement. Deuxièmement, on continue d'évoluer en ce
qui a trait au couplage.
Quant à l'extension dans le secteur privé, dans un avenir
très prochain, il y aura une commission parlementaire, initiée
par mon collègue, le ministre de la Justice, Gil Rémillard,
à laquelle participera aussi le ministère des Communications
pour, justement, s'attaquer à ce problème qui est complexe de
tout le secteur privé.
Ceci dit, M. Laperrière, j'aimerais seulement revenir un peu
à votre remarque qui disait: Bon, il v a eu des amendements,
il y a eu des apports. Vous savez que, sur la loi d'accès, il y a eu
trois jours de commission parlementaire en 1988. On a consulté 300
organismes. L'an dernier, en 1989, on en a consulté encore. Cet
été, on en a consulté encore et, effectivement, c'est une
loi, comme vous dites, prépondérante, donc qui chapeaute les
autres. Il faut connaître aussi les autres lois, telles les lois des
ministères, par exemple, qu'elle chapeaute. Tout cela pour vous dire,
effectivement, que ce n'est pas facile, mais les ajouts ou les amendements que
l'on apporte, c'est pour essayer, du mieux qu'on peut, de bonifier la loi.
Chose certaine, c'est que, les deux derniers jours, on s'est aperçu que
les intérêts de l'un étaient souvent diamétralement
opposés aux intérêts d'un autre groupe. Alors, il va
falloir trancher. On essaiera de le faire dans la mesure, comme je le disais
tantôt, du plus grand consensus possible, mais je ne pense pas, M.
Laperrière, que vous pouvez nous blâmer d'avoir
écouté ou, enfin, d'avoir été à
l'écoute en termes de dialogue.
M. Laperrière: Ce n'était pas mon intention, Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Alors, nous essaierons, de toute
façon, de la qualifier, de la délégaliser dans le sens de
changer des attitudes, de la publiciser aussi ou, enfin, de faire de la
pédagogie autour de cette loi, dans la mesure où, à la
suite des deux derniers jours, on s'aperçoit que ce n'est pas facile de
faire un consensus.
La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.
M. Mackay: Je voudrais peut-être parler de deux questions.
Vous avez parlé de l'article 5 qui a été retiré. Je
pense que, dans son état actuel, c'était bien de le faire. Il
faudra cependant penser à une période intérimaire entre
maintenant, où beaucoup de choses sont possibles, et une politique qu'on
souhaite voir venir bientôt, mais qu'on souhaite, aussi, intelligente et
cohérente. Il y a une espèce de vide et il faudra songer à
un encadrement peut-être un peu plus précis dans le contexte de
cet intérim.
On parlait tantôt de questions de contrat type, ou d'entente type,
ou d'un balisage qui pourra permettre aussi l'évaluation d'un balisage
et de voir comment les acteurs interviennent. Je pense que ça va dans le
bon sens; ça nous permettra de donner à la politique une
substance ou une matérialité qui tienne compte de la
réalité des acteurs et des intervenants, tant dans le secteur
privé que public.
Sur la question de l'article 14, voilà un des exemples où
il y a des tiraillements dans les deux sens. Nous avions souhaité, dans
notre mémoire, aller plus loin dans la protection à accorder aux
renseignements personnels. D'autres - et on le sait - les journalistes en
particulier, vont plutôt dans le sens d'un accès
général et global. Nous croyons cependant qu'on ne vit plus dans
un petit village où il n'y avait pas de journaliste et qu'il y a aussi
toute une série de commerces qui se font - et on ne vise pas, bien
sûr, la plupart du temps, les grandes entreprises de presse - il y a tout
un commerce qui se fait de ces informations où le sang à la une
se vend bien et où on peut créer des drames épouvantables,
parce que, dans un petit village, il y a 22 personnes qui le savent, mais, dans
une grande municipalité, ça peut avoir des effets très
dramatiques sur la vie et la carrière des personnes.
Nous souhaitions que les victimes soient incluses dans l'article 14 de
la loi modificatrice et, sur la notion de victime, nous pourrions
suggérer de se référer à la définition qu'en
donne la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Pour
être indemnisé comme victime d'un acte criminel, il n'est pas
nécessaire d'avoir un auteur trouvé, puni et condamné par
les tribunaux. Certains actes sont de par leur nature des résultats ou
des victimes sont des victimes d'un acte qui est criminel même s'il n'y a
pas un criminel qui a été accusé et trouvé
coupable; c'est un crime sans auteur trouvé, mais je pense que la loi
d'indemnisation a réglé ce problème d'une façon
parfaitement adéquate. C'est la suggestion qu'on voulait faire, dans ce
sens-là, de ne pas négliger les victimes dans ce
contexte-là et de se référer peut-être au concept de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels pour dire que les victimes
peuvent effectivement être couvertes dans cette protection.
Mme Frulla-Hébert: M. Mackay, on abonde
dans votre sens au niveau des victimes. On prend bonne note de la
suggestion. Nous, ce qu'on voulait, dans le fond, c'était pouvoir donner
accès à d'autres victimes, si on veut, finalement, à
l'identité d'autres victimes pour qu'elles puissent avoir un recours
collectif s'il le faut. C'était plus dans cette intention. Maintenant,
sur l'intention de divulguer, il n'y a pas de consensus social là-dessus
et, effectivement, nous avons commencé ce matin un débat public
sur ce qu'est l'information pour l'intérêt public et nous allons
faire appel à des groupes, justement, représentants les deux
côtés, parce qu'on défend deux droits: le droit à
l'information, qui est un droit fondamental dans une société
démocratique, et le droit à la vie privée, qui est un
autre principe fondamental. Tant qu'il n'y aura pas, justement, ce
débat, je pense qu'il est de notre devoir aussi de protéger au
maximum les divers individus. (18 heures)
Ceci dit, je veux seulement conclure en disant que nous essaierons
finalement, de travailler de très près encore une fois avec vous
pour voir comment, dans toute la question d'informatique, de
développement informatique et de banques de données, finalement,
cette loi pourrait être la plus adéquate possible versus
l'évolution de la technologie.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre.
M. Laperrière, voulez-vous compléter?
M. Lapenière: Oui, si vous me permettez de réagir.
Quand vous avez mentionné, Mme la ministre, que la CAI était
débordée actuellement en ce qui concerne la question des
couplages plus précisément, nous sommes d'avis et nous l'avons
déjà exprimé dans une étude qu'on a faite pour le
gouvernement, que peut-être que, si la Commission est
débordée, c'est qu'elle a beaucoup à faire de processus
judiciaire pour entendre des plaintes. C'est peut-être légitime de
le faire, mais il faudrait aussi que la Commission puisse surveiller de plus
près la gestion des bases de données publiques,
c'est-à-dire investir davantage dans la surveillance de la gestion parce
que, quand on surveille la gestion, on fait du préventif. Si on
évite un couplage catastrophique sur le plan de la protection des
droits, on va peut-être éviter une avalanche de plaintes à
la Commission. C'est la raison pour laquelle la Commission fait tout son
possible pour pouvoir faire plus d'inspections, pour pouvoir faire plus de, ce
qu'on appelle vérifications de système, mais c'est encore
très insuffisant par rapport à tous les problèmes que l'on
voit. Alors, ça nécessiterait, à notre opinion en tout
cas, un investissement plus considérable dans les tâches de
surveillance de la gestion qui sont confiées à la Commission.
D'ailleurs, le gouvernement peut prendre lui-même l'initiative de ce
côté-là, comme ça s'est fait au niveau
fédéral où le Conseil du trésor a fait une
enquête sur la question des couplages, il y a déjà plus de
cinq ans, et où il s'est concerté avec le bureau du Commissaire
à la protection de la vie privée pour émettre des
directives qui sont applicables dans toute l'administration
féJérale actuellement sur ces questions. Alors, ça ne
nécessite pas des augmentations budgétaires considérables
et ce n'est pas nécessairement seulement la Commission qui doit
être investie de la tâche de surveiller ce qui se passe. Le
gouvernement a aussi sa responsabilité à assumer de ce
côté-là.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Laperrière. Je
vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.
M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous
souhaite la bienvenue à la commission et je trouve très
intéressants les propos que vous tenez en disant... À bien des
points de vue, d'ailleurs, vous êtes un peu, pas mal, en opposition par
rapport à d'autres témoignages qu'on a entendus depuis hier et je
trouve ça très intéressant. Je dois vous dire qu'à
la page 2, quand vous dites que la loi est nettement négative et en
réaction aux objectifs initiaux poursuivis par l'adoption de cette loi
de 1982, vous avez raison. Heureusement, il y a eu beaucoup de modifications
qui vont nous permettre maintenant de penser que c'est beaucoup plus
acceptable, quand on pense que ça se traduit par des amendements, par
une politique de commercialisation, par un débat sur l'article 14, sur
lequel je voudrais échanger un peu avec vous, et par un engagement pour
l'automne d'une commission du ministère de la Justice concernant le
secteur privé. Là-dessus, je dois dire - j'ai lu attentivement
votre document et j'ai écouté tantôt - que vous avez une
préoccupation majeure et importante par rapport à l'urgence de
procéder dans le domaine de l'informatique, dans tout ce qui concerne le
couplage - pas le couplage, je veux dire - l'information comme telle dans le
secteur privé. C'est majeur et vous donnez des arguments qui sont loin
d'être négligeables. Je pense, entre autres, quand vous dites que,
déjà, on a commencé dans le secteur concernant, par
exemple, les étudiants, qu'on a commencé dans des
sociétés qui sont publiques; quand on met ensemble des fichiers
de la CSST et de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, c'est
la preuve qu'il y a urgence de légiférer par rapport à une
politique là-dedans.
Vous allez plus loin en disant que c'est déjà en place,
que c'est déjà en train de s'installer, que c'est commencé
autant dans le public que dans le privé et qu'on ne sait probablement
même pas tout, qu'on a des doutes, qu'on en connaît une partie,
mais qu'on ne connaît certainement pas l'ensemble de ce qui se fait
déjà dans ce domaine. Vous parlez de tissage et vous amenez un
argument qui ne nous avait pas été amené encore mais qui
est important. Le
groupe qui est venu l'autre jour, représentant l'entreprise
privée - ce qui était très intéressant à
entendre aussi et, effectivement, on a fait le tour pas mal des intervenants -
disait qu'on avait l'urgence d'agir par rapport à notre retard, ici, en
Amérique du Nord et au Canada. Là, maintenant, vous nous amenez
la menace qui pèse sur nous si on n'agit pas du fait de ne pas se
conformer par rapport à ce qui se passe aussi dans les pays de l'OCDE.
C'est vrai que placé où est placé le Québec, de par
sa place géographique mais aussi sa place culturelle et son contact avec
l'Europe, si on ne sait pas en profiter, finalement, on perd une belle occasion
et je pense que, comme société, il ne faudrait pas la perdre. Si
on a la chance d'être encore plus prêts et de se rattacher avec
l'Europe 1992, ne manquons pas notre chance! Ça veut dire qu'il faut se
dépêcher à prendre les mesures qui vont faire qu'on va
être éligibles et présentables, finalement, pour être
capables d'avoir quelque chose.
J'ai pris bonne note de ça et vous pouvez être sûr
qu'on va se reparler et qu'on va insister pour que ça se fasse
rapidement, l'engagement qui est pris par rapport à ça où
on doit se pencher là-dessus pour arriver avec quelque chose qui va,
j'espère, être concluant.
Ça, c'est un point. Je ne serai pas très long, parce que
vous avez eu des échanges avec Mme la ministre qui ont répondu
pas mal à mes questions, mais il y a deux points sur lesquels je veux
revenir rapidement, entre autres, en ce qui concerne les universités. Je
trouve ça important qu'on en parle quelques minutes, parce que l'article
47. apporte, effectivement, une autre exception à la règle
d'accès à l'information par rapport à plusieurs dizaines
de citoyens qui peuvent et qui vont être concernés, en tout cas,
à qui on enlève un pouvoir.
Ce matin, les gens de la CREPUQ sont venus nous dire - en tout cas,
c'est ce qu'ils ont laissé entendre - que tout le monde le sait, alors
qu'on sait très bien que tout le monde doit connaître les lois,
mais qu'on connaît ce à quoi on s'intéresse et
l'information sur laquelle on a la chance de tomber. On est loin de tout
connaître. Dans le domaine de l'enseignement, les professeurs et les
étudiants, je serais très surpris qu'ils soient tous chez eux
à se demander de quoi on est en; rain de placoter nous autres ici et si
on va changer leur avenir. À savoir que la commission va se
réunir et qu'on va décider de modifier des choses, ça,
c'est une autre affaire!
Sauf que ce qui s'est dégagé ce matin, suite à
l'échange qu'on a eu avec les gens de la CREPUQ, c'est que les
professeurs et les étudiants le savaient. S'ils n'ont pas
manifesté d'opposition c'est que, finalement, il semblerait que c'est
généralement compris et accepté et que c'est correct.
J'aimerais ça avoir votre interprétation par rapport à
l'article 47, la connaissance qu'a le milieu de ce qu'on est en train
d'apporter et si on... On parle beaucoup d'information ou de sensibilisation.
Si on allait faire un tour dans une université pour annoncer ce qu'on
adopte, ce serait quoi, la réaction des professeurs - on a dit qu'ils
étaient d'accord - et des étudiants?
La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.
M. Mackay: C'est une excellente question et je pense que le
processus a été déclenché dans une période
qui n'était pas très active dans le milieu universitaire, la
période d'été; la consultation a débuté, je
pense, en début d'été. Je suis loin d'être certain
que tout ce projet a filtré et a été largement
analysé par ce milieu, peut-être à l'exception de la
CREPUQ.
Je vais laisser mon collègue Laperrière parler des
universités, comme telles. Je voudrais parler d'un sujet connexe qui est
l'article 44, les organismes subventionnaires. Je pense qu'on peut avoir des
préoccupations de dire, effectivement, quand on évalue un projet
de subvention, qu'il y a peu d'experts et qu'on connaît les gens.
À ce moment-là, que l'évaluation soit livrée ou ne
soit pas livrée, si le résultat est négatif et qu'il y a
trois experts au Québec, on saura toujours bien que c'est un de ces
trois experts là et, s'il y en a plus, je pense que ce n'est pas un
grand danger.
La solution fédérale qui existe dans la loi
fédérale m'apparaît être la bonne. On permet aux
organismes subventionnaires de rendre ces évaluations, mais
"dénominalisées", c'est-à-dire rendues anonymes. On
répondra que, bien sûr, une fois rendues anonymes, avec le peu de
personnes qu'il y a, ça nous permet de nous douter bien de qui c'est,
d'une part. Mais, d'autre part, si on n'avait pas eu, au Québec, cette
disposition, beaucoup de chercheurs québécois n'auraient pas les
taux de réussite qu'ils ont aujourd'hui dans les organismes
subventionnaires fédéraux, parce qu'ils n'auraient jamais eu les
commentaires des experts qui ont permis à de nombreux chercheurs
d'améliorer leurs demandes une fois qu'ils avaient subi un refus. Et il
ne faut pas croire non plus que tout est fait arbitrairement dans les
comités d'évaluation. Il y a du travail très
sérieux qui se fait et la plupart des gens qui font un travail
sérieux sont prêts à défendre leur évaluation
de façon sérieuse.
Ça, c'est sur les organismes subventionnaires. Je pense que le
modèle fédéral est le bon, le modèle de la loi
fédérale, c'est-à-dire remettre les évaluations
quand on les demande, mais rendues anonymes. Ça m'apparaît
être valable.
Sur la question, maintenant, de l'exception pour les universités,
outre le fait que toute la période de consultation s'est faite durant
une période très inactive dans te milieu universitaire, où
les gens sont à d'autre chose, sur le contenu...
M. Lapenière: Oui, bien, je serai...
La Présidente (Mme Bégin): M.
Laperrière.
M. Laperrière: Je serai assez bref là-dessus. La
façon dont l'article 5.1 de la Loi sur les établissements
d'enseignement de niveau universitaire serait libellé est très
très large par rapport à ce qu'on retrouve
généralement dans la loi d'accès. On se surprend que, dans
les universités qui aiment bien donner une image vertueuse au public de
ce qui se passe chez eux, on veuille cacher certains éléments
d'avis ou de recommandation d'ordre académique parce que ça ne
concerne pas que des professeurs, ça peut aussi concerner et ça
peut surtout concerner des étudiants. Ça peut ruiner des
carrières, quand on n'arrive pas à contester une recommandation
d'ordre académique, parce que tout est gardé secret. Quelqu'un
qui se fait refuser sa thèse de doctorat, par exemple, ça cause
des drames épouvantables pour ces gens-là qui investissent des
années de leur vie là-dedans. Alors, on ne voit pas ce qui
justifierait - moi, ça fait 22 ans que j'enseigne à
l'université - je ne vois pas ce qui pourrait justifier les
universités de demander une exception aussi large aux dispositions d'une
loi qui est censée être prépondérante au
Québec. C'est vraiment un cas qu'on n'a jamais vu.
Par ailleurs, j'aimerais revenir peut-être juste sur la situation
en Europe. Je pense que vous faites bien de le souligner, mais il faudrait
prendre conscience qu'en Europe, sur la question de la protection des
renseignements personnels, ils ont dépassé les
déclarations de principe de l'OCDE et même de la convention du
Conseil de l'Europe. Ils deviennent opérationnels. La Commission de la
Communauté européenne, qui est chargée de faire l'union de
1992, non seulement émet une directive à tous les gouvernements,
mais crée un comité. Ce comité-là va dresser une
liste des pays dans lesquels on a une protection équivalente à
celle qui est offerte par l'unification des lois européennes sur la
question et va examiner de très près les législations de
ces pays-là. Il se peut fort bien que, pour des motifs qui ne seraient
peut-être pas des motifs juridiques mais des motifs de concurrence
économique tant que vous voudrez, ça leur donne un bon
prétexte pour mettre (e Canada, en particulier, sur leur liste noire,
parce qu'on est encore beaucoup moins avancés que les États-Unis,
je vous le disais tout à l'heure. En matière de couplage, ils ont
une loi aux États-Unis. Ce n'est pas vrai que le secteur public est non
réglementé aux États-Unis. Il l'est beaucoup plus qu'ici.
Les banques sont réglementées aux États-Unis. Ici, elles
n'ont pratiquement aucune réglementation qui s'applique à elles.
Alors, ça va devenir opérationnel très très vite
et, si on n'est pas capable de montrer patte blanche, ce sont des occasions de
commercialisation de nos bases de données, de nos logiciels, etc.
Dès que cette commercialisation impliquera des renseignements
personnels, on va pouvoir se faire mettre sur la liste noire et ils auront
toutes les meilleures justifications du monde pour le faire. Il va falloir
courir derrière très sérieusement.
Je vous donne un petit exemple: dans l'étude qu'on avait faite et
qu'on a déposée en 1985, on recommandait qu'il y ait un droit de
blocage comme en Allemagne, lorsqu'il y avait une contestation sur des
données personnelles, qu'un organisme public ou privé ne puisse
pas utiliser ces informations ni surtout les diffuser. Bon, ça existe en
Allemagne, qui n'est pas le pays économiquement le plus
arriéré à l'heure actuelle. C'est adopté par la
Commission de la Communauté européenne. Le droit de blocage va
devoir s'appliquer dans toute l'Europe et nous, on oublie ça. On n'en a
plus reparlé. Nous, on en a fait la suggestion, mais on n'a pas revu
ça dans aucun des projets, ou des documents, ou des commentaires. Ce
sont des éléments comme ceux-là qui vont faire
trébucher nos lois à un moment donné. Ça va se
faire sur le même plan que les négociations du GATT, l'Accord de
libre-échange, etc. Ça va prendre cette importance-là,
à un moment donné, parce que l'information devient une
denrée très précieuse sur le plan des échanges
internationaux.
La Présidente (Mme Bégin): Mme la ministre a une courte
précision, M. le député de Shefford.
(18 h 15)
Mme Frulla-Hébert: Oui, deux choses. D'abord, une
précision au niveau de la demande de la CREPUQ. Vous dites que c'est
nouveau. La CREPUQ nous fait - de toute façon, vous êtes dans le
milieu universitaire - cette demande-là depuis 1987. L'amendement a
été apporté ce printemps-ci mais c'est quand même
depuis 1987 qu'ils sont convaincus qu'ils auront des problèmes, si on
veut, pour avoir des opinions professionnelles, de libres opinions sur certains
sujets puisque les gens sauront qui donne des opinions sur eux. Donc, ils y
tiennent quand même depuis 1987, ce qui fait que... On parle toujours
d'accès aux décisions qui sont motivées et
circonstanciées, mais ils n'ont pas... Le milieu universitaire, en tout
cas, n'en a pas démordu depuis tout ce temps-là.
M. Mackay. Si c'était la pratique d'avoir, dans le milieu
universitaire, des décisions motivées et circonstanciées
de façon systématique qui se fondraient, elles, sur des avis, des
opinions ou des analyses obtenues antérieurement, j'aurais
déjà un bon préjugé en faveur de l'argument. Mais
ça fait 17 ans que je suis dans le milieu universitaire et combien
d'opinions ou d'évaluations ai-je vu passer avec une ligne, un mot: bon,
excellent, mauvais, un chiffre comme motif! Ça ne me convainc pas
beaucoup sur le droit de l'étudiant ou sur le droit d'un collègue
ou d'un professeur d'obtenir une opinion motivée
et circonstanciée. Par ailleurs, je réitère
l'idée de l'expérience de ce qui se passe dans la loi
d'accès fédérale et en matière d'organismes
subventionnaires. Que je sache, les grands conseils nationaux, CRSNG, CRSH, le
Conseil de recherches médicales du Canada, n'ont pas de
difficultés à obtenir des évaluateurs, ou ils ont de la
difficulté parce que ça demande beaucoup de temps et que c'est
une tâche lourde. Et, en ce qui concerne les évaluations de
professeurs, je pense que, dans l'immense majorité des
universités ces dispositions-là sont couvertes par des
conventions collectives qui prévoient les mécanismes, comment les
avis sont versés aux dossiers des professeurs, comment ils peuvent y
réagir, etc., et je ne pense pas que cette disposition-là va
renverser ou modifier les dispositions des conventions collectives.
Il reste donc les étudiants qui sont visés par ça.
Et j'ai été impliqué en particulier dans un cas de
contestation d'une évaluation de doctorat dans une université
québécoise où, si l'étudiante n'avait pas eu
accès aux documents d'évaluation, jamais elle n'aurait pu
contester la décision et elle a maintenant son doctorat et c'est un
docteur en biologie. Il y avait, je vous jure, un certain nombre de motifs qui
n'étaient pas reluisants derrière cette
évaluation-là. Et jamais cette personne-là... Donc, je
pense que ça implique, comme l'a mentionné mon collègue,
des carrières et des enjeux majeurs. Je suis un universitaire et je ne
vois pas pourquoi je serais privilégié de n'avoir pas à
rendre compte des opinions que je donne sur des carrières qui ont des
incidences sur des vies professionnelles d'étudiants et pourquoi je
serais à l'abri du regard critique. Je ne me considère pas dans
une tour d'ivoire et je ne voudrais pas que les universitaires le soient par
une telle disposition.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Mackay. M. le
député de Shefford. C'est votre heure.
M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente. En
conclusion, une dernière question concernant justement les victimes d'un
rapport de police. Dans votre mémoire, on se rend compte que,
concernant, finalement, l'identification ou non des victimes lors des
arrestations ou des accidents, lorsqu'il s'agit d'un rapport de police, vous
êtes d'accord avec la prise de position de la Commission d'accès
à l'information. Je pense que vous étiez ici pour un ou deux
groupes qui vous ont précédés, lesquels étaient en
totale opposition par rapport à l'option que vous défendez. Quels
sont les arguments que vous allez probablement utiliser lors du débat
qu'on aura là-dessus? On a entendu ici, pendant deux jours, surtout ou
presque exclusivement des gens, sauf les gens de la Commission, de groupes qui
sont venus par la suite, qui défendaient, finalement, la position du
droit à l'information, pas contre le respect de la vie, mais qui
disaient que, finalement, on devait avoir copie de tout rapport rempli par la
police, qu'on devait avoir une information immédiate, donc un
accès total et immédiat à tout rapport. Donc, comme vous
avez la version qui. est contraire à ça, j'aimerais ça
avoir un peu d'explications ou que vous m'expliquiez, que vous me donniez des
arguments.
M. Mackay: Je pense qu'on n'a pas une heure.
M. Paré: Non, vous n'avez pas une heure.
M. Laperrière: C'est sûr qu'il peut se faire un
certain abus dans l'exploitation des renseignements qui sont obtenus par la
police sur les victimes d'actes criminels, particulièrement d'abus
sexuels. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui vont courir à
la police pour dénoncer la situation. Dans une section de la
criminologie qui s'appelle la victimologie, on a beaucoup analysé le
sort qui est fait aux victimes et ça revient assez souvent, quand on
discute des lois sur le plan du droit criminel et même du droit civil. Il
est sûr que, dans certaines circonstances, les victimes ont besoin d'une
protection et qu'elles ont besoin aussi de jouir de la présomption
d'innocence. Quand j'entends des entreprises journalistiques venir dire
qu'elles ont besoin de toute l'information pour informer le public sur les
victimes, probablement que, dans bien des cas, cette information-là
"victimise" encore plus la personne. Donc, c'est assez dangereux de laisser
ouvertes toutes les possibilités d'information à n'importe qui
pour pouvoir mettre une pression sur ces victimes-là. Moi, je connais
des gens qui ont été indirectement victimes d'actes criminels,
leurs enfants qui se sont fait assassiner, des choses comme ça, ils
apprennent ça dans les journaux. Je ne sais pas si vous vous rendez
compte de ce que ça peut représenter pour une personne. Alors, ce
sont des gens qui sont aussi victimes de ces situations-là et qui ont
besoin d'une protection, et je ne pense pas que, par un grand principe,
même celui de la liberté de presse, on puisse régler
facilement cette question-Jà. Alors, il y aurait peut-être lieu
d'approfondir, mais l'idée même de protéger les victimes
est une idée qui, en soi, est extrêmement importante. On ne
devrait pas laisser ça de côté. Il y a déjà
assez d'abus comme ça envers les victimes sans les consacrer par un
texte de loi.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M.
Laperrière. M. Mackay, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Mackay: Ceci est la réponse courte. Je pense que je
partage entièrement les préoccupations de mon collègue
Laperrière, mais je pense que l'idée d'aller plus loin... parce
qu'on a
devant nous vraiment deux droits en conflit, et c'est vraiment un
endroit où ils sont en conflit avec une particulière
vivacité: le droit à l'information, bien sûr, mais le droit
aussi de contrôler certains abus qui peuvent se révéler
dans les corps policiers. Il y a beaucoup de bonnes intentions de vouloir faire
tout ça, puis il y a aussi des intentions moins louables, et il y a
aussi le droit à la vie privée et au respect de ces valeurs
fondamentales.
Je souhaiterais qu'on puisse s'exprimer plus en profondeur et
étudier ça plus longuement. Et je pense que les criminologues,
entre autres, auraient beaucoup de choses à dire sur ces
questions-là. Je pense à des gens comme Pierre Landreville de
l'Université de Montréal qui ont étudié ces
questions de l'impact sur les victimes. Vous savez que notre système de
droit pénal, il a beaucoup de qualités, mais, malheureusement, il
a un grand défaut, c'est que la victime est expulsée
complètement du processus et que ça crée un certain nombre
de frustrations très importantes. Il faut voir certains
événements récents, pour ne pas les nommer, où les
victimes se sentent un peu mises de côté. Mais ce n'est pas unique
à ces événements, c'est le sort qui leur est
réservé dans le processus pénal. Il faudrait
peut-être y songer et cet élément-là en est un parmi
d'autres qui permettrait de leur réserver un sort un peu plus humain que
celui qu'on leur réserve jusqu'à maintenant.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Mackay. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Mon temps est fini, hein!
La Présidente (Mme Bégin): En conclusion.
M. Paré: En conclusion. Merci d'avoir
préparé le mémoire, puis d'être venus nous le
présenter et de l'avoir défendu.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le
député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci,
évidemment, de votre participation. Je veux quand même nous
laisser tous sur une note un peu positive. C'est vrai qu'aux États-Unis
ils sont très avancés en ce qui a trait à la protection
des banques de données. D'une part, ils n'ont pas un organisme central
telle la Commission d'accès, donc les gens doivent aller aux tribunaux,
comme vous le savez. Nous, on peut se vanter, quand même, d'avoir un
organisme central qui se veut très efficace. Chose certaine, c'est qu'on
a compris l'urgence aussi. M. Laper-rière, je pense qu'on a
déjà fait appel à vos bons conseils; on va continuer.
Finalement, notre objectif pour insérer la question informatique
à l'intérieur de la loi c'est 1992 mais, chose certaine, en fait,
on est là-dedans, mais on va essayer d'activer ça pour,
justement, rencontrer l'échéancier nous aussi pour qu'on ne soit
pas pris de court. Ceci dit, encore une fois, un grand merci de vos
recommandations.
Au niveau de la CREPUQ, on me dit qu'on veut des décisions
motivées et circonstanciées. De toute façon, on a encore
quelques semaines pour voir si on est capables de satisfaire au groupe... Ceci
dit, on va essayer, justement, de prendre une décision. Comme vous venez
du milieu universitaire, alors on prend bonne note de vos suggestions et de vos
commentaires aussi. Alors, merci.
Mémoires déposés
La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre.
Avant de clore les débats de cette séance, je vais
déposer, devant cette commission, les mémoires qui ont
été déposés par le Barreau du Québec ainsi
que par la Commission des droits de la personne du Québec.
Nous avons terminé les travaux pour cette journée. Je vais
donc ajourner sine die les travaux de la commission de la culture qui a
procédé aux consultations particulières sur le projet de
loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics...
Mme la ministre, on m'informe que vous avez certaines remarques finales
à faire.
Conclusions Mme Liza Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: En fait, pour conclure le tout et pour
résumer officiellement les deux jours que nous avons passés, nous
et plusieurs groupes, à discuter du projet de loi 62 - nous sommes
rendus au terme de ces deux journées d'audience - je veux d'abord
remercier particulièrement tous ceux et celles, individus et organismes,
qui ont exprimé leur avis sur le projet de loi et souligner leur
contribution constructive et enrichissante à l'amélioration de
notre loi sur l'accès à l'information. Je veux remercier aussi
tout particulièrement ceux et celles qui ont déposé des
mémoires devant cette commission et, comme le disait Mme la
Présidente, je ne peux pas passer sous silence la contribution
d'organismes comme le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la
personne ainsi que le Barreau du Québec à la bonification du
projet de loi. Également, mes remerciements s'adressent à la
Commission d'accès à l'information pour son excellente
collaboration et aussi à la commission de la culture qui siège et
qui nous a aidés évidemment à passer ces deux jours.
Si on dresse un bilan global des audiences des deux premiers jours, on
se doit de constater, dans un premier temps, la qualité des
interventions. Cette qualité témoigne d'un souci manifes-
te de bonifier la loi sur l'accès à l'information et,
comme je le disais hier dans mon discours d'ouverture, d'un souci de
préserver les valeurs fondamentales qui en font un modèle
unanimement reconnu.
J'ai constaté, en second lieu, que deux préoccupations
générales reviennent constamment dans les interventions. D'une
part, il y a la sensibilisation des citoyens à l'égard de la
protection des renseignements personnels et, d'autre part, l'importance, selon
les intervenants, que le gouvernement intervienne rapidement en matière
de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Je
rappellerai à ce sujet que le ministère de la Justice convoquera,
au cours des prochains mois, une commission parlementaire sur cette question,
ainsi qu'il l'a lui-même annoncé. C'est bien là
l'illustration de la préoccupation du gouvernement à
l'égard de la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé.
J'ai tenu à annoncer aussi hier, dès le début de la
commission parlementaire, mon intention d'introduire trois modifications au
projet de loi 62. Deux de ces modifications sont, en fait, des
améliorations à la rédaction de deux articles du projet de
loi en ce qui touche l'accessibilité aux décisions des organismes
quasi judiciaires et la définition des organismes municipaux assujettis
à la loi sur l'accès. Je constate que sur ces deux questions
l'unanimité est acquise et que nous nous entendons sur le fond de la
question, c'est-à-dire sur les objectifs et la portée de ces deux
articles. La troisième intention que j'ai annoncée hier touche le
couplage des fichiers. J'ai manifesté l'intention de retirer cet article
du projet de loi de façon que, tout comme par le passé, il ne
puisse y avoir de couplage quel qu'il soit sans l'avis de la Commission
d'accès à l'information. Nous convenons tous, me semble-t-il,
qu'il faut poursuivre davantage nos réflexions sur cette question.
N'oublions pas, cependant, que l'informatisation de l'administration publique
est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer.
(18 h 30)
Le président de la Commission d'accès à
l'information faisait hier état des travaux que son organisme
mène sur les couplages et dont les résultats seront disponibles
dans quelques mois. Je prendrai connaissance de ses conclusions avec le plus
vif intérêt et le ministère des Communications mène
également des travaux dans le cadre d'un groupe de travail
interministériel comme nous l'avons mentionné tantôt. Il
importera rapidement aussi, comme nous l'avons mentionné, de
dégager des consensus sur cette question pour profiter des avantages
qu'offre la technologie tout en rassurant les citoyens sur la protection des
renseignements personnels détenus par les organismes publics.
J'ai souligné dans mon discours d'ouverture aussi que l'exercice
de la démocratie ne se limite pas exclusivement à permettre la
libre expression des opinions et que, parfois, des arbitrages doivent
être faits entre des positions parfois divergentes ou même
opposées qui ont pu être exprimées en toute bonne foi par
différents groupes. Ces arbitrages ne peuvent cependant se faire sans un
minimum de consensus social. Il existe deux questions qui ont été
abordées et sur lesquelles ce consensus actuellement n'existe pas
suffisamment pour que l'on puisse les trancher de façon
équitable. La première concerne l'identité des personnes
impliquées dans un événement. On y retrouve deux positions
diamétralement opposées. Tout d'abord, la position des organismes
de protection des droits individuels. Ceux-ci me demandent de spécifier,
à l'article 14 du projet de loi, que personne ne puisse avoir
accès à l'identité d'une victime, ainsi que plusieurs
autres organismes, tel qu'on les a entendus. À l'opposé, les
journalistes me demandent de déclarer dans la loi sur l'accès et
la protection des renseignements personnels que les noms des victimes ainsi que
ceux des personnes arrêtées par la police ont un caractère
public, c'est-à-dire qu'ils seraient accessibles pour tout le monde en
tout temps. Comment concilier ces deux positions? Un large débat public
sur ce sujet me semble être la prochaine étape sur cette question.
Dans l'intervalle, j'entends conserver l'article 14 du projet de loi tel que
proposé.
En second lieu, nous devons poursuivre la réflexion sur la
question de la commercialisation des banques de données
gouvernementales. Je rappelle d'abord que notre intention, telle
qu'exprimée dans le projet de loi, n'a jamais été de
limiter l'accès aux banques de données gouvernementales, mais
bien d'encadrer et de baliser la commercialisation de celles-ci. Or, en
l'absence d'un consensus suffisant, je préfère, pour le moment,
retirer cet article et le remplacer par le dépôt d'une politique
sur la commercialisation de l'information gouvernementale.
Je propose en plus la création d'un groupe de travail sur la
commercialisation de l'information gouvernementale. Celui-ci devrait être
formé, entre autres, de représentants de la Commission
d'accès à l'information, du ministère des Communications,
d'organismes publics et de représentants d'entreprises. Ce groupe de
travail aura pour mandat de suggérer les mécanismes aptes
à circonscrire la problématique de la commercialisation des
banques de données et de l'information gouvernementale en regard non
seulement des avantages économiques que cela comporte mais en prenant
surtout en considération la nécessaire protection des
renseignements personnels. Nous essaierons d'ailleurs d'en arriver avec une
politique le plus rapidement possible. Il y a déjà certaines
ébauches de politiques que nous avons et qui ont été
faites en collaboration avec la Ligue des droits et libertés, entre
autres, mais, en attendant, s'il y a lieu d'assurer l'intérim, nous y
verrons.
Donc, Mme la Présidente, je tiens à faire,
en terminant, une mise au point importante quant à
l'intégrité du processus démocratique qui a
été suivi tout au long de la révision du projet de loi
modifiant la loi sur l'accès. Ce processus a été
exhaustif, transparent et honnête. Tous ceux qui ont voulu s'exprimer sur
le projet de loi ont pu le faire, tant avant la commission parlementaire qu'au
cours des présentes auditions. Il était important que ce projet
de loi soit déposé au printemps dernier afin que nous ne soyons
pas obligés de reprendre l'ensemble du processus d'étude du
projet de loi depuis le début. Je suis maintenant convaincue qu'au terme
de ces deux jours d'audiences le projet de loi qui résultera de notre
démarche commune sera le fruit d'un consensus aussi large que possible.
Ce consensus s'inscrit dans la tradition de transparence qui a jusqu'à
maintenant caractérisé la législation
québécoise en matière d'accès à
l'information et de protection des renseignements personnels. Je tiens à
vous remercier tous sincèrement. Merci à la commission de la
culture, encore une fois. Merci au député de Shefford, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre.
M. le député de Shefford, quelques remarques finales.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente, Mme la
ministre. Je dois dire que je suis heureux, moi aussi, qu'on se retrouve ici
avec ce que je pourrais appeler une nouvelle loi, grâce à
l'été et grâce à beaucoup d'intervenants que vous
avez rencontrés durant l'été et qui sont venus discuter de
leur mémoire. Je vais commencer par les remercier, tous les groupes qui
ont pris le temps de nous préparer des mémoires, de nous les
soumettre et qui se sont déplacés aussi pour venir discuter avec
nous autres du projet de loi et de leur mémoire, et remercier
spécialement les gens de la Commission d'accès à
l'information qui eux n'ont jamais cessé de travailler,
d'améliorer la loi, parce qu'effectivement c'est le genre de loi qui va
être appelée à être modifiée toujours, parce
que ça doit s'adapter à l'évolution et à la
modernité. Donc, ces gens-là non seulement étaient ici,
ont tout suivi, ont préparé, ont fait de bonnes recommandations
aussi... Et, d'ailleurs, peut-être qu'une des déceptions, c'est
qu'on n'a pas tenu compte de la majorité des recommandations de la
Commission comme telle, même s'il y en a qui sont incluses, heureusement,
mais ce n'est pas la majorité des recommandations de la Commission
d'accès à l'information. Et on n'a rien retenu non plus parmi les
recommandations majeures qui avaient été amenées par la
commission de la culture, qui a travaillé au cours des dernières
années sur ce dossier. Mais, par contre - et je le disais tantôt -
je suis heureux que la loi ait subi suffisamment de modifications pour
être beaucoup plus acceptable.
Évidemment, il nous reste un boulot important à faire,
c'est l'étude article par article. Maintenant, il faudra rendre en
termes légaux tout ce qui a été dit par rapport aux
engagements qui y ont été pris, le suis plus heureux de le voir
maintenant tel qu'il est là, parce qu'en juin ce projet de loi là
était très inquiétant, au point où il a
été dénoncé en termes assez virulents par certains
organismes et, effectivement, c'était une orientation qu'on voulait
donner et ce n'était pas acceptable: la preuve, et heureusement, c'est
l'ensemble des modifications qui sont apportées. Je dois dire que je
suis très heureux de ces amendements qui sont importants. J'aimerais
juste en répéter quelques-uns, parce que c'est du boulot qu'on
est en train de se donner, d'abord vous, Mme la ministre, comme ministre et
votre ministère, la Commission d'accès à l'information et
les membres de la commission ici et la commission de la justice. Parce que,
parmi ce qui a été dit, il ne faut pas oublier qu'en ce qui
concerne la politique de commercialisation, le groupe de travail, si on veut
être constants et rendre justice à ce qu'on a dit ici, ça
veut dire que, très rapidement, il faut agir, parce qu'on a dit,
spécialement avec le dernier groupe, qu'il y avait urgence par rapport
à ce secteur. Donc, un groupe de travail avec une politique de la
commercialisation.
Pour ce qui est du service de sécurité interne,
j'espère, Mme la ministre, qu'il sera possible qu'on connaisse, au
moment de l'étude article par article, la réglementation dont il
a été question au cours des débats. Pour ce qui est,
maintenant, des victimes, tout ce qui est l'identification comme telle,
ça, c'est un sujet sensible, majeur - on l'a vu - avec beaucoup de
divergence, qui mérite un débat. Donc, ça aussi, on va
s'attendre à un débat rapidement.
Dans les autres choses importantes aussi, il y a eu des amendements. Il
y a eu des modifications. Il y a aussi ce que je considère comme un
engagement, une décision puisque vous en avez parlé comme de
quelque chose de formel: la commission de la justice qui va se réunir
à l'automne pour permettre de regarder tout le secteur privé. Il
y a eu d'autres articles. Entre autres, quand on regarde, le projet de loi dans
son ensemble était bon, mais il y avait une dizaine d'articles qui
étaient contestés et ils ont été ramenés ici
par les principaux groupes qui sont venus présenter leur mémoire:
pour beaucoup - je viens de les énumérer - il y a eu des
décisions de prises, pour d'autres, il y a eu des amendements, pour
d'autres, il n'y a pas de décision comme telle, sauf qu'il va falloir
statuer. Je pense, par exemple, à l'article 37 que beaucoup de gens ont
discuté. L'article 126 en est un autre. Il va falloir en tenir compte.
Il y a le secteur privé que les gens trouvent aussi important et un que
beaucoup de groupes ont amené et qui mérite qu'on le
considère, c'est ce qui concerne l'accessibilité aux documents en
ce
qui concerne la santé, la sécurité et les dangers
par rapport à l'environnement. Et si c'est vrai que cette loi - et c'est
vrai, c'est une réalité, la loi dont on discute, elle est
fondamentale et elle a été votée à
l'unanimité - doit toujours être modifiée, amendée
et qu'on doit toujours la suivre avec un consensus, s'il y a quelque chose de
clair par rapport aux articles que je viens de mentionner, c'est qu'il y avait
consensus par rapport aux intervenants, et je pense qu'il va falloir en tenir
compte. Là, moi, j'ai tout simplement hâte, et je vais vous dire
probablement que je vais être présent, comme vice-président
de la commission, au débat qui va avoir lieu lors de l'étude
article par article où, je vous le dis, Mme la ministre, on va reprendre
les mêmes débats, avec l'enrichissement qu'on est allés
chercher grâce à nos invités et à tout le
débat qu'on a eu, puis qu'on va poursuivre dans le meilleur
intérêt des gens du Québec.
La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le
député de Shefford. Ceci clôt les travaux de la commission
sur la consultation concernant le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels et d'autres dispositions législatives. Avant
de terminer, je vais remercier MM. Mackay et Laperrière de s'être
déplacés pour venir présenter à la commission leurs
représentations. Je vais ajourner, sine die, les travaux de cette
commission.
(Fin de la séance à 18 h 42)