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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Doyon): Ayant constaté que cette
commission a maintenant quorum, je déclare la séance ouverte et
rappelle très brièvement le mandat de cette commission. Il est le
suivant: C'est de procéder à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude détaillée du
projet de loi 62, intitulé Loi modifiant la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels et d'autres dispositions législatives.
Donc, c'est ce mandat. Je demanderais peut-être à Mme la
secrétaire de nous indiquer s'il y a des remplacements à cette
commission.
La Secrétaire: Oui. M. Khelfa (Richelieu) est
remplacé par Mme Bleau (Groulx) et M. Lemire (Saint-Maurice) par M.
Leclerc (Taschereau).
Le Président (M. Doyon): Alors, on leur souhaite la
bienvenue in absentia. Ils vont nous arriver tout à l'heure. Très
brièvement, je demanderais peut-être à cette commission
d'adopter l'ordre du jour qui a été distribué et que vous
avez en main. L'ordre du jour prévoit qu'il y a des déclarations
d'ouverture de la ministre des Communications pour commencer. Elle m'indique
que ça durera environ une quinzaine de minutes. Après ça,
c'est le porte-parole de l'Opposition officielle qui disposera du même
temps ou à peu près, pour passer au premier groupe qui fera sa
présentation. Il s'agit de la Commission d'accès à
l'information qui disposera d'une heure.
La façon de procéder, c'est environ une vingtaine de
minutes pour la présentation du mémoire, le côté
ministériel disposant d'une vingtaine de minutes pour interroger, s'il y
a lieu, les membres de la commission, ainsi que le même temps pour
l'Opposition officielle - une vingtaine de minutes - ce qui fait une heure. On
n'est pas obligé de prendre une heure. Je vous signale en passant que,
si jamais c'est 40 minutes, ça fait pareil. Ne vous gênez pas! On
ne vous en tiendra pas rigueur. Mme la ministre, ça s'applique à
vous aussi. Ha, ha, ha!
Ensuite, nous écouterons le mémoire du mouvement
Retrouvailles qui est ici présent pour, ensuite, à 12 h 30,
normalement ou à peu près, entendre la Ligue des droits et
libertés. Dans l'après-midi, nous aurons, à 15 heures,
Directron Média inc; à 16 heures, le journal The Gazette,
le quotidien The Gazette et nous terminerons la journée par
la Fédération nationale des communications.
Alors, c'est ça, notre ordre du jour. Est-ce qu'il est
adopté? Alors, il est adopté. Donc, sans plus de
préambule, Mme la ministre, si vous avez des remarques
préliminaires ou des déclarations d'ouverture, nous vous
écoutons.
Remarques préliminaires Mme Liza
Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
D'ailleurs, je tiens à vous accueillir tous et vous dire comment il me
fait plaisir de vous voir aujourd'hui. Vous savez que nous sommes réunis
ici afin d'entendre les personnes et les groupes qui souhaitent faire part,
devant cette commission, de leur opinion sur le projet de loi 62. Ce projet de
loi vise à modifier la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et
d'autres dispositions législatives.
Cette loi avait été votée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1982. Ses principes
découlent de deux droits inscrits dans la Charte des droits et
libertés de la personne, c'est-à-dire le droit à
l'information et le droit à la vie privée. Depuis le moment de
son élaboration, au début des années quatre-vingt, les
discussions et les échanges sur les principes de la loi ou sur son
application ont toujours été placés sous le signe de la
transparence et de la recherche du plus grand consensus possible.
Il nous faut poursuivre dans ce sens et, dépassant les
intérêts particuliers ou même les attitudes partisanes,
bonifier une loi qui est d'ores et déjà mondialement reconnue,
malgré son jeune âge, comme un modèle. Le
législateur a prévu dans la loi qu'à tous les cinq ans, un
processus de révision doit être enclenché. Le début
de ce processus de révision est le dépôt, à cette
Assemblée, d'un rapport sur la mise en oeuvre de la loi par la
Commission d'accès à l'information.
Ainsi, en octobre 1987, le rapport de la Commission d'accès
à l'information était déposé dans cette Chambre.
Intitulé "Une vie privée mieux respectée, un citoyen mieux
informé", ce rapport contenait 33 recommandations. Le législateur
avait également prévu dans la loi qu'une commission de
l'Assemblée nationale devait être réunie à la suite
du dépôt du rapport de la Commission d'accès à
l'information, ceci afin d'entendre les représentations du public et des
organismes assujettis à cette loi.
C'est ainsi que durant trois jours, soit les 8 et 9 février et le
15 mars 1988, la commission de la culture a entendu les représentations
d'une trentaine d'intervenants incluant des citoyens, des groupes
d'intérêt et des organismes publics. Inspiré par les
recommandations des deux corn-
missions, le ministère des Communications a
élaboré, au cours de l'été 1988, un avant-projet de
loi modifiant la loi sur l'accès. Cet avant-projet de loi a fait
l'objet, à l'automne 1988, d'une vaste consultation des
ministères et organismes publics, consultation qui visait à
mesurer l'impact des modifications proposées auprès de l'ensemble
des 3800 organismes publics assujettis à cette loi. À la suite de
cette large consultation auprès des organismes responsables de
l'application de cette loi, un projet de loi était déposé
en juin 1989 dans cette enceinte. Maintenant, comme vous le savez, ce projet de
loi n'a pas eu de suite à cause du déclenchement des
élections à l'été 1989.
Nommée titulaire du ministère des Communications l'automne
dernier, j'ai tout de suite pris l'engagement de réactiver le dossier.
Mon intention était d'apporter à la loi les ajustements
nécessaires après une période, somme toute, assez
brève de rodage. C'est donc dire que les occasions pour les organismes,
les personnes et les groupes désireux d'exprimer leur opinion sur le
projet de loi ont été nombreuses. Les commentaires recueillis ont
d'ailleurs été abondants et constructifs. Nous nous retrouvons
donc aujourd'hui pour poursuivre dans ce sens et pour fermer la boucle, avant
d'entreprendre l'analyse article par article du projet de loi 62.
Il est apparu important, lors de cette première révision,
de préserver un juste équilibre entre les deux principes
fondamentaux inscrits dans la loi, à savoir l'accès aux documents
des organismes publics et la protection des renseignements personnels. La loi
sur l'accès, en plus d'être une excellente loi, en est une aussi
considérée comme étant très avant-gardiste de par
les recours qu'elle prévoit et les droits qu'elle protège. Elle
est l'expression de notre démocratie, de la transparence de
l'État et de la protection des droits de la personne.
S'opposer aux principes fondamentaux de cette loi équivaudrait
à mettre en péril les droits et libertés dont le
Québec s'est doté avec la Charte des droits et libertés.
Mais l'exercice de la démocratie ne se limite pas exclusivement à
permettre la libre expression des opinions, il suppose qu'au nom des
intérêts supérieurs de notre société, des
arbitrages soient faits entre des positions parfois divergentes ou même
opposées qui sont peut-être exprimées, en toute bonne foi,
par différents groupes.
Nous faisons tous partie de la même société.
L'État peut, dans l'intérêt général, imposer
aux citoyens, aux groupes ou aux organismes des devoirs ou des restrictions, et
ce, dans le but de préserver des valeurs qui sont fondamentales. Ces
arbitrages ne sont pas toujours faciles à faire. Ils peuvent susciter
des réactions ou du mécontentement parce qu'il est rarement
possible de satisfaire tous les intérêts et de répondre
à toutes les attentes. Par ailleurs, le fait que la loi sur
l'accès soit une loi prépon- dérante et à
portée générale requiert une attention minutieuse
lorsqu'il s'agit d'examiner des suggestions ou des modifications
proposées.
Le projet de loi 62 vise essentiellement un seul but: bonifier la loi
sur l'accès pour la rapprocher des citoyens et la rendre plus efficace.
Les modifications que nous proposons visent une série d'objectifs, et
les voici: s'assurer que tous les organismes publics sont assujettis à
la loi, faciliter l'exercice du droit d'accès aux documents par les
citoyens, améliorer la protection des renseignements personnels
détenus par les organismes, apporter des aménagements
administratifs aux obligations des organismes publics et alléger la
procédure d'appel à la Cour du Québec des décisions
de la Commission d'accès à l'information.
On peut présumer d'un large consensus sur ces objectifs, mais
autant il est facile de faire consensus sur des orientations
générales, autant ça devient difficile lorsqu'il s'agit
d'en débattre les moyens. Des choix doivent nécessairement
être faits.
Le dépôt du projet de loi 62 à l'Assemblée
nationale a suscité des commentaires publics et a fait l'objet d'une
large couverture médiatique. Nous vivons, il ne faut pas l'oublier,
à l'ère des communications et ce n'est pas moi qui vais m'en
plaindre. Les développements fulgurants qu'ont connus les technologies
au cours des dernières années ont un impact direct sur la
façon dont l'information est stockée et sur les supports
utilisés pour la véhiculer. Je crois que les citoyens sont de
plus en plus désireux de voir leur vie privée respectée.
Ils craignent que les développements de l'informatique ne menacent le
respect de leur vie privée et ouvrent la porte à des abus. Ils
veulent des garanties sérieuses de confidentialité. Nous devons
être à l'écoute de ces craintes et de ces
appréhensions, même si elles ne sont pas toujours fondées.
Elles font partie de ce que l'on peut appeler les perceptions sur la loi, et
sur l'environnement technologique et informatique dans lequel elle est
inscrite. En même temps, les citoyens veulent profiter des services et de
la qualité de vie accrue que leur offre la technologie.
Les commentaires émis récemment, ainsi que certaines
interrogations au sujet du projet de loi au début de
l'été, touchaient essentiellement trois sujets:
l'assujettissement des organismes publics à la loi sur l'accès,
l'accessibilité aux décisions des organismes quasi judiciaires et
le couplage des fichiers. Dans le cas de l'assujettissement des organismes
publics à la loi sur l'accès, certains ont cru que le projet de
loi aurait pour conséquence de soustraire les organismes municipaux ou
leurs mandataires du champ d'application de la loi Cela n'a jamais
été notre intention, bien au contraire. En effet, il faut tendre
à ce que tous les organismes publics soient assujettis à la loi.
À cet effet, nous avons décidé de revoir la
rédaction de l'article 2 du
projet de loi, afin de nous assurer que le libellé correspond
bien à notre intention. Je déposerai donc un amendement lors de
l'analyse article par article du projet de loi.
En second lieu, l'accessibilité aux décisions des
organismes quasi judiciaires a été soulevée. Certains ont
exprimé la crainte que le projet de loi n'assure pas l'accès aux
décisions de ces organismes. Ici encore, notre intention a toujours
été d'accroître l'accès pour les citoyens, non de le
restreindre. Pour éviter qu'il y ait confusion, nous allons
améliorer la rédaction de l'article 9 du projet de loi, et un
nouvel article sera présenté lors de l'analyse article par
article.
Mais c'est la question du couplage des fichiers qui semble avoir
soulevé le plus de passions. Rappelons en premier lieu que les couplages
de fichiers, aux fins de l'application d'une loi au Québec, sont
prévus à la loi sur l'accès depuis 1985. Ils
résultent de l'adoption du projet de loi 48 voté à
l'unanimité le 20 juin 1985, mais ils sont conditionnels à
l'autorisation du gouvernement, après avis préalable de la
Commission d'accès a l'information. La procédure, qui requiert un
décret approuvé par le Conseil des ministres, prend en moyenne
sept mois. Notre intention, avec le projet de loi 62, était
d'alléger la procédure, de réduire les délais et de
limiter l'obligation d'une entente écrite aux seuls cas dangereux pour
les droits et libertés de la personne. Il aurait été ainsi
permis aux organismes publics de vérifier l'admissibilité d'une
personne à un programme gouvernemental lorsqu'il existe un motif
raisonnable de croire qu'une erreur a pu être commise. Cependant, aucune
décision affectant les droits d'une personne n'aurait pu être
prise par un organisme public sur la seule foi de cette vérification. Je
vous donne un exemple: il aurait été permis, par exemple,
à certains organismes, telle la Régie de l'assurance automobile
du Québec, de comparer son registre d'adresses à celui de la RAMQ
pour pouvoir s'assurer de l'exactitude des adresses des détenteurs de
permis de conduire, pour pouvoir leur envoyer leur formulaire de renouvellement
de permis de conduire ou d'immatriculation. Nous avions pensé que ce
genre de couplage, qui n'entraîne pas de décision au niveau des
droits des individus, aurait pu être dispensé de l'avis de la
Commission d'accès à l'information.
Compte tenu de notre volonté d'améliorer encore le projet
de loi, j'ai décidé de proposer des modifications à cet
amendement de façon à ce qu'il ne puisse y avoir de couplage,
quel qu'il soit, sans l'avis de la Commission d'accès à
l'information. Cependant, afin d'alléger la procédure
administrative, je propose que lorsque l'avis de la Commission sur une demande
de couplage est positif, l'obligation pour le gouvernement d'estampiller par un
décret les décisions de la Commission d'accès soit abolie.
Comme par le passé, toute entente devra être publiée
à la Gazette officielle, dans les 30 jours de son
dépôt à l'Assemblée nationale.
(10 h 30)
Je demeure néanmoins convaincue que des efforts doivent
être faits afin d'accélérer les délais pour les avis
de la Commission d'accès à l'information, lorsque les organismes
publics doivent procéder à des couplages, il en va de
l'amélioration des services à la population et de la protection
des contribuables. Je le répète: Si nous sommes réunis
ici, M. le Président, c'est pour bonifier une loi fondamentale et
nécessaire au plein exercice de la démocratie dans notre
société. Nous devons tous avoir à coeur de
préserver ce qui en fait un modèle de transparence et
d'équité. Nous devons faire en sorte de rendre cette loi encore
meilleure et encore plus facile à utiliser. Nous devons également
garantir qu'au fur et à mesure de l'évolution des technologies,
on assure le plus adéquatement possible la protection des renseignements
personnels tout en profitant des avantages qu'offrent ces technologies. C'est
donc dans un esprit d'ouverture que j'entends recevoir vos commentaires au
cours des prochaines heures. Je serai receptive à toutes les suggestions
que vous formulerez pour atteindre ces objectifs. N'oublions pas qu'il s'agit
de notre loi votée unanimement à l'Assemblée nationale en
1982, celle qui nous accompagnera dans notre cheminement comme
société. Il nous appartient d'en faire le miroir non seulement de
ce que nous sommes mais également de ce que nous voulons être. En
ce sens, ce n'est pas uniquement la réalité d'aujourd'hui que
nous désirons circonscrire, nous voulons aussi préparer l'avenir.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, je
cède maintenant la parole au représentant de l'Opposition
officielle, M. le député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Mme la ministre,
chers invités, c'est évidemment avec beaucoup de satisfaction que
les membres de l'Opposition officielle se retrouvent ici aujourd'hui, à
l'occasion de cette consultation particulière portant sur le projet de
loi 62. Rappelons que de concert avec plusieurs organismes^
intéressés par les questions d'accès à l'informa-'
tlon et de protection sur les renseignements personnels, notre formation
politique insistait, en juin dernier, pour qu'un tel débat public ait
lieu puisque le projet de loi 62 comportait trop d'irritants pour être
adopté à toute vapeur en fin de session. M. le Président,
d'entrée de jeu, nous aimerions souligner, de la même façon
que la Commission des droits de la personne le faisait dans une lettre que le
président adressait à la secrétaire de la commission de la
culture le 7 septembre 1990, vous dire que nous sommes un peu
étonnés de voir que les membres de cette
commission et que l'ensemble des parlementaires aient été
privés d'un certain nombre d'informations. Il y a eu un certain nombre
de rencontres d'information avec des responsables au ministère,
où on nous avait annoncé un certain nombre d'amendements, mais
nous avons, en tout cas, peine à comprendre lorsqu'on nous annonce
aujourd'hui, malgré le fart que je ne me prononce pas sur le fond de la
pertinence des amendements proposés, on aura sûrement l'occasion
d'y revenir avec les autres intervenants et aussi à l'occasion de
l'étude article par article, particulièrement sur l'obligation,
deux éléments qui sont... c'est la première fois qu'on en
entend parler, sur le couplage qui ne sera pas autorisé sans l'avis de
la Commission d'accès à l'information et, deuxièmement,
l'obligation d'estampiller par un décret gouvernemental qui serait
abolie torsque la recommandation est positive. D'aucune façon nous
n'avons été informés de ces amendements-là et il
est un peu surprenant de voir qu'on nous arrive aujourd'hui... On
présume qu'il y a eu consultation auprès d'un certain groupe,
mais il est un peu surprenant de voir, avant même qu'on commence les
travaux de cette commission, qu'on nous arrive avec des amendements. On
présume qu'il y a eu des consultations avec certains groupes, que
d'autres, par le fait même, ont été tenus à
l'écart de ces consultations-là. Et, pour que la Commission des
droits de la personne écrive dans sa lettre du 7 septembre: La
Commission a été informée que des modifications seront
apportées aux dispositions que nous avons commentées dans le
mémoire que nous vous avons transmis le 13 août dernier. Nous ne
croyons donc pas opportun de présenter notre mémoire qui porte
sur des articles qui seront vraisemblablement modifiés, écrit le
président de la Commission des droits de la personne du
Québec.
La Commission considère donc qu'il lui sera très
difficile, voire impossible, de donner un avis sans avoir eu l'occasion
d'analyser les dispositions du projet de loi dont elle n'aura pris connaissance
que le jour où elle doit les commenter. Alors, vous comprenez donc,
malgré le fait que l'Opposition officielle à plusieurs reprises a
demandé à la ministre de déposer ces amendements ou,
à tout le moins, d'en informer les groupes... Déjà, il y
avait quatre amendements qui circulaient sur les articles 2, 9, 5 et un autre,
19. Nous savions qu'il y avait des amendements qui circulaient. J'ai
moi-même fait parvenir copie de ces amendements à un certain
nombre de groupes qu'on savait qui venaient présenter un mémoire
à la commission, qui étaient inscrits auprès du
secrétariat. Mais il aurait été beaucoup plus utile pour
les travaux de cette commission que les membres qui viendront se prononcer au
cours des deux prochains jours puissent bien être au fait de ces
amendements-là pour qu'ils puissent les commenter dans leur
mémoire. Alors, d'entrée de jeu, on se retrouve dans une
situation où les organismes intéressés qui ont
travaillé à construire un mémoire... Il faut savoir ce que
c'est et ce n'est pas toujours simple, surtout sur une question qui est souvent
assez technique, à savoir la loi d'accès à l'information,
et qu'on se rappelle aussi... J'écoutais la ministre tout à
l'heure qui insistait sur le fait que cette modification à la loi
d'accès... Elle insistait sur le fait que la loi d'accès est une
des lois fondamentales qui a pratiquement le statut de charte, qui est
supérieure à toutes les lois qui lui seraient contraires, de voir
qu'on a un peu, perniettez-moi l'expression, M. le Président,
"barouetté" le projet de réforme de cette loi-là d'une
telle façon...
Permettez-moi juste de vous montrer, M. le Président, l'horaire
de la commission parlementaire d'aujourd'hui et toutes les modifications qu'on
y a apportées depuis le projet initial. Le Barreau du Québec
même s'est désisté. Pourtant, c'est le même Barreau
qui écrivait, au début des commentaires généraux du
mémoire qu'il présentait à la commission: "Enfin, le
Barreau du Québec ne peut que constater que la consultation de deux
jours en commission parlementaire est bien courte". Le Barreau insistait sur la
pertinence de la commission. Il disait même que deux jours, c'est bien
peu pour discuter d'une telle question, mais à notre surprise, qu'est-ce
qui arrive? Les gens du Barreau... On présume qu'ils ont sans doute
dû être consultés par la ministre, on lui a fait part
d'amendements, mais d'aucune façon les membres de cette commission n'ont
été mis au courant des amendements, sauf pour ceux que j'ai
soulignés à l'occasion d'une rencontre avec le sous-ministre et
des responsables du ministère, des amendements qui m'ont
été transmis. Je dois aussi souligner, je crois, qu'il y a un ou
deux amendements qui m'ont été remis à ce moment et dont
la ministre n'a pas fait part dans son discours d'ouverture. Peut-être
qu'elle reviendra sur ces amendements à l'occasion de l'étude
article par article.
Donc, vous comprenez que, d'entrée de jeu, nous sommes un peu
étonnés et nous nous sentons interpellés devant la
démarche qu'a décidé de mettre de l'avant la ministre.
D'autant plus que la même ministre nous disait: C'est un petit projet de
loi, nous venons bonifier le projet de loi. Mais, ô surprise! lorsque
nous avons... Et on nous assurait que toutes les consultations avaient
été faites, M. le Président. Alors, quelle a
été notre surprise de voir que, lorsqu'on a commencé
à consulter le Barreau du Québec, la Commission d'accès
à l'information, la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec, la Ligue des droits et libertés et
d'autres groupes qui avaient des réticences importantes et qui ont
été largement commentées dans les journaux, dans le fond,
d'un côté on prétendait que toutes les consultations
avalent été faites et, d'un autre côté, lorsqu'on
vérifiait sur le terrain,
qu'il y avait de grandes réticences.
La ministre aurait très bien pu, sur un projet de loi aussi
important que celui-là, s'assurer que ces consultations aient
été faites d'avance, ce qui aurait sans doute permis de faire un
travail peut-être plus constructif, ici, en commission. Et, rappelons-le,
c'est à la demande de l'Opposition officielle que nous nous retrouvons
ici, aujourd'hui, alors que la ministre et le gouvernement
préféraient procéder rapidement à la fin de la
session, à toute vapeur. Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers
avec le processus, il faut savoir qu'en fin de session ce n'est pas là
que les débats les plus éclairés se produisent. Nous avons
souvent à intervenir dans des circonstances qui ne sont pas toujours
faciles. Mais souhaitons, M. le Président, que nos deux jours de
consultation permettront donc aux membres de la commission d'obtenir toute
l'information dont ils ont besoin pour accomplir un travail sérieux lors
de l'étude article par article du projet de loi. Au terme de
l'évaluation quinquennale de la loi entreprise en 1987, cet exercice
nous apparaît indispensable. La Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est une
loi fondamentale en matière de droit de la personne et des citoyens et
citoyennes. Elle est si fondamentale qu'elle est la seule, avec la Charte
québécoise des droits et libertés, à avoir
préséance sur toute autre loi qui lui serait contraire. Comme le
disait le rapport Paré, en 1981, à la page 16: "Adoptée
par les représentants du peuple, à la suite d'un débat
public, une loi est l'expression d'une volonté commune et non d'une
simple volonté administrative. Elle interdit l'arbitraire et contraint
l'action gouvernementale. Elle concrétise et consacre un nouveau
consensus. Elle a une valeur symbolique et pédagogique qui ne sont pas
de simples directives. Elle uniformise les pratiques; elle incite davantage au
respect des normes nouvelles. Elle fonde plus solidement la
responsabilité et les droits de chacun. " C'est donc le 23 juin 1982 que
l'Assemblée nationale adoptait la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
L'absence d'esprit partisan, comme le rappelait avec pertinence la ministre, et
une studieuse atmosphère avaient marqué l'étude du projet
de loi en commission parlementaire. L'exceptionnelle unanimité de
l'Assemblée nationale à l'égard de la loi
témoignait aussi de sa signification et de son importance. Cette
circonstance assez rare, habituellement réservée aux lois
modifiant nos institutions ou affirmant des valeurs sociales fondamentales, lui
conférait une légitimité et un caractère
particulier.
Ces événements servent aujourd'hui à nous rappeler
que le rapport étroit avec le caractère démocratique de
notre société que le législateur y avait vu. Cette loi,
comme je le mentionnais plus tôt, revêt un caractère
particulier puis- qu'elle doit faire l'objet d'une évaluation
quinquennale visant à mesurer l'opportunité de son maintien et,
le cas échéant, sa révision. En octobre 1987, la
Commission d'accès à l'information publiait donc le rapport sur
la mise en oeuvre des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels intitulé "Une vie privée mieux
respectée, un citoyen mieux informé". La Commission concluait en
recommandant le maintien de la loi et proposait plusieurs modifications, soit
pour faciliter l'exercice des droits reconnus aux citoyens, soit encore pour
renforcer les objectifs et les origines de la loi. Au total, la Commission
proposait 33 recommandations, dont plusieurs ont été
complètement écartées du projet de loi 62. Nous entendrons
d'ailleurs le président là-dessus, puisqu'il est le premier
invité à l'occasion de la consultation qui commence
aujourd'hui.
Soulignons aussi que le rapport de mise en oeuvre rédigé
par la Commission d'accès à l'information a donné lieu,
à l'hiver 1988, à une consultation générale en
commission parlementaire, ce qui a amené la commission de la culture
à rédiger son propre rapport intitulé: "La vie
privée, un droit sacré". Aux yeux de plusieurs personnes,
l'actuelle consultation pourrait donc paraître superflue. Toutefois,
l'analyse du projet de loi 62 et les réactions qu'il a suscitées
chez les spécialistes de cette question révèlent que cet
exercice est nécessaire. Tant la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, la Ligue des droits et
libertés, la Commission d'accès à /'information, le
Protecteur du citoyen, le Barreau du Québec que des
éditorialistes réclamaient des bonifications au projet de loi 62,
en juin dernier. On pouvait même lire le titre suivant dans Le Devoir
du 18 juin: "Bâclé, le projet de loi 62 doit être remis
en chantier". Nous savons que la ministre des Communications a
déjà manifesté son intention d'apporter certains
amendements à son projet de loi. Il sera d'ailleurs pertinent d'entendre
les intervenants là-dessus et nous aimerions demander d'ailleurs,
d'entrée de jeu, à la ministre qu'elle dépose le
libellé des amendements pour que, à tout le moins, des gens qui
pourraient réagir et intervenir aient l'occasion de le faire et qu'on
n'attende pas d'être en commission parlementaire à faire
l'étude article par article pour réagir aux amendements parce
que, sachant déjà les coquilles qui se sont glissées dans
le projet de loi, il pourrait fort bien y avoir aussi des amendements qui ne
pourraient pas répondre à la volonté des organismes.
M. le Président, j'aimerais aussi faire un certain survol des
thèmes qui devront être abordés au cours de cette
consultation, et particulièrement à quelque chose qui tient
à coeur à l'Opposition officielle, à savoir l'extension et
l'élargissement du champ d'application de la loi au secteur privé
qui sera, selon nous, certainement une question sur laquelle nous
reviendrons fréquemment, puisque le projet de loi 62 en fait
complètement abstraction. Rappelons d'abord que dans son rapport de mise
en oeuvre, la Commission d'accès à l'information soulignait le
caractère préoccupant de l'assujettissement des organismes
privés à des règles de protection de renseignements
personnels et que la commission de la culture recommandait "d'étendre
à certains secteurs prioritaires de l'entreprise privée, comme
les agences de crédit, les assurances et les banques, les principes de
protection de renseignements personnels." La réflexion des membres de la
commission de la culture nous apprenait que cette question qui préoccupe
l'ensemble des pays industrialisés a d'ailleurs déjà fait
l'objet d'accords internationaux. La commission soulignait également les
efforts de nombreux pays européens, comme la France, qui ont
adopté des législations pour protéger les renseignements
personnels sur les fichiers informatiques, que ceux-ci soient détenus
par un organisme public ou privé.
L'Opposition officielle estimait également que la loi devait
être élargie au secteur privé. L'ex-député de
Taillon, M. Claude Filion, disait d'ailleurs ceci, au moment de la prise en
considération du rapport de la commission de la culture du 19 octobre
1988: "Si la législation ne contient pas d'éléments
d'amorce sérieuse d'un élargissement à une partie du
secteur privé des principes contenus dans la loi sur l'accès
à l'information, j'aurai l'impression d'avoir manqué le bateau,
M. le Président. Le gouvernement ne devra pas reculer sur cette presque
obligation qu'est la sienne de faire évoluer dans le bon sens la loi sur
l'accès à l'information." Malheureusement, force nous est de
constater que le projet de loi 62 continue de maintenir à l'écart
le secteur privé. Certes, le gouvernement libéral nous promet
qu'une commission parlementaire aura lieu dans les prochains mois. Ces
promesses sont de moins en moins crédibles quand on sait qu'à la
fin de 1988, le ministre de la Justice promettait de légiférer
avant novembre 1989 sur l'extension au secteur privé des principes de la
loi d'accès. Nous sommes déjà en septembre 1990, M. le
Président, et aucune consultation n'est encore amorcée ni
officiellement annoncée.
M. le Président, on m'indique qu'il ne me reste que deux minutes.
J'aurais aimé vous parier d'un certain nombre de préoccupations
plus particulières, à savoir l'article 5, l'article 9 et
l'article 19 du projet de loi et d'autres éléments. On pourrait
aussi parler de l'article 2. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais en
conclusion, M. le Président, j'ose espérer que cet exercice
démocratique auquel nous nous livrerons pendant deux jours aura des
effets positifs sur le produit final du projet de loi 62. Le processus de
révision quinquennale de la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels doit se
clore avec l'adoption d'un projet de loi qui répondra
véritablement aux exigences des différents intervenants. (10 h
45)
Trois années de travail, M. le Président,
commencées par la rédaction du rapport sur la mise en oeuvre de
la loi par la Commission d'accès à l'information ne peuvent se
terminer sans cet effort supplémentaire et nécessaire. Nous
devons en effet mettre toutes les chances de notre côté pour que
la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels préserve toute sa
signification.
En conclusion, M. le Président, j'insiste et je demanderais
à la ministre qu'elle puisse collaborer avec les membres de
l'Opposition, avec aussi ceux et celles qui auront à intervenir devant
cette commission pour qu'elle dépose immédiatement tous ses
amendements au projet de loi, pour que les parlementaires puissent être
tenus au courant des différentes intentions de la ministre. Les
intervenants en commission auront à réagir sur un projet de loi,
mais un pan complet des modifications nous est à l'heure actuelle
inconnu, est inconnu à certains organismes. Il y a peut-être
certains organismes qui ont été privilégiés par la
ministre, qui sont au courant des amendements qui ont été
déposés, mais force aussi nous est de conclure que les membres de
l'Opposition officielle, comme certains autres organismes aussi, n'ont pas du
tout été informés des textes qui circulaient. Alors, s'il
y a des textes qui ont circulé auprès de certains organismes, des
propositions d'amendement, de la même façon que la ministre, je le
conçois, m'a remis un certain nombre d'amendements, je constate qu'il y
en a qui ne nous ont pas été remis. Alors, au moins, a
défaut de les déposer formellement, je ne sais pas si notre
règlement - M. le Président voudrait peut-être y
répondre - nous permet de déposer ces amendements-là,
mais, à tout le moins, elle pourrait nous les distribuer à titre
d'information. Et ça, rien ne l'empêchera de le faire.
Là-dessus, M. le Président, je conclus en disant que nous
espérons tout de même, nous souhaitons et nous sommes convaincus
aussi que cette commission que nous avons demandée, pourra nous
permettre et éclairera le législateur dans ces travaux à
l'occasion de l'étude article par article du projet de loi 62.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le
député. Mme la ministre, vous voulez utliser quelques minutes de
réplique.
Mme Liza Frulla-Hébert (réplique) i Mme
Frulla-Hébert: Oui, M. le Président. En : réponse,
finalement, à certaines de vos demandes et à certaines craintes,
il y aussi certaines i précisions que je tiens à apporter.
Premièrement,
si je comprends ) bien, on ne critique pas les améliorations sur
le fond, mais on critique peut-être un peu les devants qu'on ait pris
pour le faire, mais je vais vous expliquer. Cet été,
effectivement, dans cet esprit d'écoute et d'ouverture, parce que je
répète que ce projet de loi est notre projet de loi,
au-delà de toute partisanerie, on a rencontré tous les groupes,
tous. Et je dois dire que ces rencontres et ces discussions ont porté
fruit. D'ailleurs, la Commission des droits de la personne, pour
répondre à ce que vous dites, se montre satisfaite des nouvelles
améliorations, sous réserve, évidemment, d'en
connaître le libellé. Le Protecteur du citoyen également;
d'ailleurs, j'ai une lettre ici du Protecteur du citoyen qui dit, en terminant,
qu'il a beaucoup apprécié notre ouverture d'esprit ainsi que la
collaboration et la disponibilité de notre sous-ministre M. Pigeon et de
tous les conseillers du ministère. Alors, celui-ci, maintenant satisfait
des garanties qu'on lui donne, ne sentait pas le besoin de venir se
présenter. Même chose, quant au Barreau. C'est à leur
demande que nous les avons rencontrés avant la commission parlementaire.
Il s'est montré heureux aussi de l'ouverture dont nous lui avons fait
part. Maintenant, quant aux mémoires, l'envoi de mémoires fait
partie du présent exercice et nous comptons en retenir aussi, s'il y a
lieu, certaines recommandations. Les amendements que l'on apporte sont des
amendements qui sont plus une intention; nous allons déposer ces
amendements, selon le règlement, lors de l'étude article par
article, mais nous sommes ici aussi pour entendre, nous sommes ici pour
discuter et nous sommes ici pour écouter tous les groupes. De toute
façon, M. le député de Gouin, vous le savez, puisqu'on
vous a donné trois "brefs" au niveau de la loi sur l'accès
à l'information fournis par le ministère et les avocats du
ministère qui y ont participé.
Je dois quand même dire que, sur ce qu'on dit en disant qu'on veut
procéder à la vapeur, ça n'a jamais été
notre intention, jamais. Mais il était important de passer en
deuxième lecture parce que si, à la fin des travaux, nous
n'avions pas été jusqu'en deuxième lecture, ça
aurait été un processus que nous aurions dû recommencer
à zéro et, évidemment, tout le monde en aurait
été perdant. Le fait d'être en deuxième lecture,
maintenant, nous permet cette discussion et nous permet aussi certaines
améliorations, non quant aux objectifs de la loi et aux droits qu'elle
défend, mais surtout aussi quant à la formulation, quant aux
libellés pour que tous se sentent confortables avec notre loi. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
s'il n'y a pas d'autres interventions... Très brièvement, M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Très brièvement, je suis heureux de
voir que le Barreau du Québec est satisfait du projet de loi. Je suis
heureux de voir que le Protecteur du citoyen - et là, Je me fie à
la ministre, je n'ai pas parlé récemment au Protecteur du citoyen
- je suis heureux de voir qu'il y a des garanties, mais c'est là toute
la faiblesse de l'argumentation de la ministre. Comment peut-elle donner des
garanties aux différents organismes qui devaient venir se
présenter devant cette commission? Elle a donc dû, pour obtenir
l'aval du Barreau et d'autres intervenants, leur présenter un certain
nombre d'amendements. Pourquoi, alors, refuse-t-elle de déposer devant
cette commission les amendements? Pourquoi refuse-t-elle de communiquer ces
amendements aux différents groupes qui viendront en commission? C'est
donc là, à mon avis...
Par le fait même, on se trouve un peu à occulter tout le
processus. Pourquoi deux poids, deux mesures? Pourquoi est-ce qu'on transmet
les amendements au Barrreau du Québec à l'occasion de rencontres?
Pourquoi on ne les remettrait pas aux autres groupes qui ont été
tenus à l'écart? Pourquoi on ne les remettrait pas aux membres de
l'Opposition officielle et aux membres de cette commission qui sont
intéressés par le projet de loi? La ministre dit qu'elle cherche
à obtenir le consensus, qu'elle veut recréer cette belle
unanimité qui a mené à l'adoption de la loi sur
l'accès.
Mais, ma foi du bon Dieu, mettons tous un peu d'eau dans notre vin!
Collaborons avec les membres de la commission de la même façon que
vous avez semblé l'avoir fait avec un certain nombre d'organismes.
Pourquoi cet entêtement à ne pas déposer les amendements
pour que, d'entrée de jeu, on puisse être très clair? Il ne
faudrait surtout pas, M. le Président, se réfugier
derrière la procédure parlementaire pour ne pas déposer
ces amendements. Peut-être que notre règlement empêche. Je
ne le sais pas. Je dis ça comme ça. Je réfléchis
à voix haute. Mon conseiller me dit que non. On pourrait très
bien les déposer. Alors, pourquoi ne pas les déposer, M. le
Président? Pourquoi deux poids, deux mesures? Comment peut-on rassurer
à la fois les membres de la Commission des droits de la personne du
Québec, le Barreau du Québec, le Protecteur du citoyen et que, de
notre côté, on refuse de consulter les parlementaires, ces
mêmes parlementaires qui auront à se prononcer en votant à
l'Assemblée nationale ce projet de loi-là?
La ministre cherche à recréer cette unanimité qui a
mené à l'adoption du projet de loi. Si elle veut avoir cette
même unanimité au moment de l'adoption du projet de loi 62, il
serait des plus utile et des plus opportun qu'elle dépose ses
amendements immédiatement pour qu'on puisse questionner les groupes qui
viendront et qu'elle les dépose, bien sûr, comme document
d'information, de la même façon que ce
que M. Pigeon, le sous-ministre, m'a remis quatre amendements au tout
début lorsque ça faisait la manchette dans les journaux. Pourquoi
ne pas continuer ce même esprit de collaboration pour essayer de
recréer cette unanimité-là? Pourquoi ne pas déposer
les amendements?
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Alors, Mme la ministre, une courte intervention et,
après, nous passons derechef.
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, la commission
parlementaire... Nous sommes ici pour écouter les gens. Les amendements
que nous avons apportés sont des intentions. Que ce sort le Barreau, le
Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, ils se sont dit
satisfaits de l'ouverture. De toute façon, quand nos amendements seront
fixés tel le règlement, nous les étudierons article par
article. Nous sommes ici maintenant pour écouter les gens. Nous le
ferons avec une grande ouverture d'esprit. S'il y a des choses à
apporter, nous sommes prêts à revoir et à revérifier
au niveau du libellé. Nous sommes ici, encore une fois, pour faire
évoluer cette loi et pour montrer aussi que cette loi n'est pas une loi
punitive mais une loi évolutive, et vous pouvez vous attendre à
toute notre collaboration.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford, brièvement, avant que nous passions
à l'écoute du groupe qui est prêt à nous faire sa
présentation. M. le député.
M. Paré: Oui, merci M. le Président. Très
rapidement, effectivement, c'est que j'ai écouté très
attentivement la ministre depuis le début. Tout d'abord, dans sa
présentation, elle nous a parte de l'article 2 qui serait libellé
à nouveau, de l'article 19 qui était pour être
changé et d'autres articles qui étaient pour être
modifiés. Là, elle nous dit maintenant que les amendements sont
des intentions.
Je veux lui dire que je pense que nous, les gens de la commission et les
intervenants, méritons mieux que ça, à savoir
effectivement si ce sont des amendements formels ou si ce sont seulement des
intentions- Et j'ai deux questions là-dessus. La ministre a aussi dit
que son ministère, spécialement son sous-ministre, avait
rencontré tous les groupes, cet été. Est-ce que tous les
groupes ont eu la même information, c'est-à-dire le contenu des
amendements qui semblent être acceptés, ratifiés et
semblent satisfaire des groupes? Est-ce que tous les groupes ont eu la
même information, c'est-à-dire le contenu des amendements? Et si
la ministre refuse de les déposer, les amendements, ça veut dire
quoi par rapport à la discussion qu'on va avoir pendant deux jours?
Est-ce que ça veut dire qu'on va discuter du projet de loi 62 tel que
déposé? Ou si on va plutôt discuter des amendements
possibles qui sont seulement des intentions? Moi, je pense qu'on doit savoir de
quoi on discute ici, ce matin.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Alors, j'inviterais maintenant... Mme la ministre, vous
aurez l'occasion peut-être de faire une mise au point, si vous avez envie
d'en faire une, en répondant, en intervenant pendant le temps qui vous
sera alloué tout à l'heure. Autrement, on ne commencera pas, et
il faut commencer si on veut finir.
Alors, j'inviterais la Commission d'accès à l'information
à s'approcher et à nous faire part de son mémoire, de ses
représentations, après nous avoir présenté les gens
qui accompagnent M. le président et à qui je souhaite la
bienvenue. Vous avez la parole.
Auditions Commission d'accès à
l'information
M. O'Bready (Jacques): Je vous remercie, M. le Président,
de ces mots de bienvenue, pour la deuxième fois en à peine une
dizaine de jours.
M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les
députés, il me fait plaisir d'être de nouveau avec vous
aujourd'hui, en compagnie de mes collègues commissaires, Mmes
Thérèse Giroux et Carole Wallace qui sont à ma gauche,
ainsi que du secrétaire et directeur du service juridique, Me
André Ouimet, qui est à ma droite, et du directeur de l'analyse
et de l'évaluation, M. Clarence White, qui est assis à
l'arrière ici.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de reprendre
textuellement dans cette présentation le contenu de l'avis de la
commission sur le projet de loi 62. Vous l'avez en main depuis un bon moment
déjà, vous avez dû l'examiner à la loupe et, dans
l'heure qui vient, pour chacune des recommandations qu'il contient, nous
tenterons d'apporter tout l'éclairage dont vous avez besoin pour bien
comprendre leur fondement. À cette occasion, il sera aussi
intéressant d'échanger sur l'ensemble des propositions que
contient le projet de loi 62. Cependant, avant d'entreprendre cet
échange, permettez-moi de vous rappeler le contexte à l'origine
de cette importante réflexion axée sur la meilleure
manière d'actualiser pour le citoyen à la fois son droit
d'accès à l'information et son droit à la vie
privée, deux droits déjà reconnus par la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne. Le 23
juin 1982, comme d'ailleurs on l'a dit, ceux qui m'ont
précédé, l'Assemblée nationale adoptait la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels. L'absence d'esprit partisan, comme le soulignait le
député de l'Opposition, avait marqué l'étude du
projet de loi en commission pariemen-
taire. L'exceptionnelle unanimité de l'Assemblée nationale
témoignait aussi de son importance et lui conférait une
légitimité particulière. Ces événements
servent aujourd'hui à nous rappeler le rapport étroit avec le
caractère démocratique de notre société que le
législateur y avait vu. L'entreprise n'avait en effet rien de timide. La
loi sur l'accès énonce deux principes: l'accessibilité des
documents de l'administration publique et la confidentialité des
renseignements que celle-ci détient sur les citoyens. Elle les fait
cohabiter dans un même texte législatif et elle en confie la garde
à un tribunal spécialisé et en impose le respect à
plus de 3700 organismes publics.
De surcroît et assez exceptionnellement, la loi présente un
caractère prépondérant sur les autres lois
québécoises. Il faut dire que l'ampleur de la loi n'a
d'égal que les préoccupations qui la sous-tendent. Les
gouvernements des états modernes ont vu leurs responsabilités et
leurs champs d'activité s'étendre et se complexifier au point
où le citoyen le mieux informé a toutes les difficultés
à porter un jugement éclairé sur la performance de ceux
qu'il a élus. Parallèlement, le citoyen confie de plus en plus de
renseignements personnels aux différentes structures d'un état
dont la capacité de recueillir et de traiter l'information
s'accroît à un rythme vertigineux. Bien que le projet de loi
s'inspirait de la réflexion, des lois et de l'expérience d'autres
pays, il n'en constituait pas moins du droit nouveau et pouvait
éventuellement présenter des effets insoupçonnés.
(11 heures)
C'est pourquoi le législateur a prévu à la loi une
clause quasi crépusculaire obligeant à une évaluation
périodique afin de décider de son maintien ou de sa modification.
Le rapport de la commission d'accès intitulé: "Une vie
privée mieux respectée, un citoyen mieux informé" remis au
gouvernement en 1987, répond à cette obligation. Il fait le bilan
des trois premières années de mise en oeuvre de la loi et il
propose une réflexion appuyée sur l'expérience acquise par
la Commission. Bien que ce rapport fut déposé il y a trois ans,
la position de la Commission est toujours sensiblement la même. De
façon générale, la Commission est convaincue que les
principes qui ont présidé à la mise en oeuvre de la loi
demeurent tout aussi actuels aujourd'hui que les moyens choisis pour la
réaliser furent, dans l'ensemble, adéquats et efficaces.
Au cours de son examen, la Commission a été surtout
préoccupée de mieux servir le citoyen. Les changements
proposés visent d'abord et avant tout à parfaire le texte
législatif de telle sorte que le citoyen puisse exercer, avec le minimum
de contraintes, les droits qui lui sont reconnus. À titre d'exemple,
dans son rapport sur la révision de la loi, la commission a
recommandé qu'à moins d'y répondre positivement, tout
employé d'un organisme public devrait transmet- tre aux responsables
toute demande d'accès ou de rectification qu'il reçoit.
Du même souffle, la Commission a aussi tenté de
répondre aux préoccupations d'organismes qui ont
déploré le fardeau de certaines charges administratives qu'impose
la loi. Par exemple, elle a recommandé l'abrogation des articles 74 et
75 qui, en définitive, donnaient peu de droits au citoyen, tout en
imposant des tâches additionnelles à l'administration. Toutefois,
dans ces derniers cas, avant de proposer des modifications allégeant la
tâche des organismes publics, la Commission s'est d'abord assurée
que le citoyen y gagnait, lui aussi, au change.
La Commission est très consciente que toute loi qui
reconnaît des droits fondamentaux n'est jamais achevée et qu'il
faut revoir les mécanismes qui en favorisent l'exercice à la
lumière de l'expérience. C'est pourquoi, dans l'état
actuel de nos connaissances et grâce à l'expérience
vécue, la Commission d'accès estime qu'avec les modifications
qu'elle propose, la loi constituerait une oeuvre équilibrée dont
le citoyen québécois aurait raison d'être fier.
Dans une prochaine étape, en raison même de
révolution rapide des technologies et du besoin insatiable des
administrations de colliger toujours plus de renseignements sur les citoyens,
il faudra réfléchir sur les besoins réels de l'État
et sur les usages inquiétants que fait le secteur privé de la
masse d'informations qu'il possède sur les individus.
Ceci dit, la Commission est heureuse de constater la
préoccupation du gouvernement de donner suite et de traduire, par voie
législative, quelques-unes des recommandations contenues dans son
rapport précité sur la mise en oeuvre de la loi. Aux yeux de
notre Commission, le projet de loi 62 constitue un effort certain pour
concrétiser la première révision de la loi amorcée
il y a plus de trois ans. Il a le mérite d'apporter plusieurs
modifications visant à parfaire le texte législatif. C'est le cas
notamment pour l'assujettissement de certaines personnes ou organismes à
la loi, l'article 1; l'obligation pour le responsable de l'accès aux
documents d'aider une personne à identifier le document
recherché, les articles 10 et 26; et pour l'assouplissement de certaines
obligations administratives imposées aux organismes, l'article 21.
Dans la foulée des articles de la loi sur l'accès assurant
la transparence de l'État, la modification ayant pour effet de
reconnaître un caractère public à certains renseignements
relatifs aux nom et adresse d'affaires d'un détenteur d'un permis
public, ce qui est prévu à l'article 13 du projet, reçoit
également l'aval de la Commission. Un appui complet de la part de la
Commission à de telles modifications législatives est donc
assuré.
La commission souhaite néanmoins que ce projet de loi soit
bonifié substantiellement afin de solutionner certains problèmes
identifiés dans
le rapport sur la révision de la loi. Structuré,
d'ailleurs, à partir de ce rapport, l'avis de la Commission est plus
qu'une simple étude du projet de loi 62.
Nous venons de traiter des recommandations de la Commission retenues
dans le projet de loi. Quant aux modifications qui diffèrent des
recommandations de la Commission, aux recommandations de la Commission qui
n'ont pas été retenues et aux modifications nouvelles
suggérées par cette dernière et, enfin, aux
problèmes particuliers, ils font l'objet de 14 recommandations que vous
me permetterez de vous rappeler et d'ailleurs qui apparaissent, M. le
Président, en annexe au mémoire que nous avions soumis, il y a
quelques mois maintenant, sur le projet de loi 62.
Première recommandation: qu'un droit d'accès soit
établi pour qu'une personne impliquée dans un
événement ayant donné lieu à la rédaction
d'un rapport de police obtienne les renseignements relatifs à
l'identité des personnes également impliquées, mais
à un titre autre que témoin, plaignant ou victime; 2°
qu'aucune modification ne soit apportée à l'article 28 de la loi
sur l'accès pour le moment, article 28 qui traite des renseignements qui
peuvent être soustraits lorsqu'ils ont été colligés
par des agents de la paix dans toute une série de situations; 3° que
l'existence d'un risque immédiat pour la santé et la
sécurité d'une personne ou d'atteinte sérieuse à la
qualité de l'environnement rendent inopérantes, non seulement les
restrictions concernant les renseignements dont la divulgation aurait une
incidence sur l'économie, mais toute restriction au droit
d'accès; 4e que l'opinion d'un tiers sur une personne soit
accessible pour la personne concernée; 5° que les articles 37 et 39
de la loi ne puissent être invoqués en tout temps, par quelque
organisme public que ce soit, lorsqu'une personne désire avoir
accès à son dossier personnel; 6° que l'article 37 soit
modifié de façon à substituer le mot "conseil" au mot
"avis"; 7° que la loi établisse une obligation pour tout
employé d'un organisme public de transmettre au responsable toute
demande d'accès ou de rectification en cas de refus de sa part; et ici,
je précise qu'il y avait une coquille dans la première
transmission de notre avis, c'est que les mots "en cas de refus de sa part"
avaient été oubliés. Alors, ce n'est qu'en cas de refus de
la part du responsable que nous demandons que ce soit transmis,
c'est-à-dire de tout employé, que ce soit transmis au
responsable; 8° que le libellé des articles 46 et 162 de la loi soit
modifié afin d'en assurer le respect en matière de poursuites
pénales; 9° que l'autorisation de la Commission soit
nécessaire pour qu'un organisme public puisse recueillir des
renseignements déjà colligés auprès d'un tiers;
10° que l'appel, devant la Cour du Québec, soit possible uniquement
sur les décisions rendues lors d'une demande de révision faite en
vertu de l'article 135 de la loi, 11° que le statu quo soit maintenu quant
à l'article 5 de la loi sur l'accès. Je précise que...
Non, c'est l'autre recommandation, excusez-moi. 12° que l'article 5 du
projet de loi soit retiré; ça, c'est l'article qui a trait
à la commercialisation des banques de données. Si le
législateur entend aller de l'avant avant même qu'une étude
débouche sur des propositions concrètes, nous recommandons qu'il
exempte tout au moins les renseignements à caractère personnel de
la commercialisation. Nous pourrons revenir sur ce point-là, M. le
Président, qui est un des points sur lesquels la Commission a d'ailleurs
transmis un addenda à notre avis sur la loi 62. 13e que
l'article 9 du projet de loi soit revu, dis-je, dans sa rédaction de
façon à éviter d'empêcher les tribunaux
administratifs de publier certaines de leurs décisions; alors
évidemment, l'annonce qui a été faite par Mme la ministre
nous réjouit, il s'agira dans, j'imagine, une étape
ultérieure, de voir si le rédigé, le libellé de
l'article comme tel rencontre nos prétentions. 14° enfin, qu'aucune
modification ne soit apportée aux articles de la Loi sur l'accès
relatifs au couplage des fichiers de renseignements nominatifs pour le moment,
cela également a fait la part d'une annonce d'intention par Mme la
ministre, on pourra y revenir.
La Commission est consciente que toute modification apportée
à la loi qui touche à l'exercice de droits fondamentaux peut
toujours faire l'objet de discussions, puisque la société
elle-même raffine sans cesse ses exigences dans ce domaine. Aussi, dans
le but d'aider à la recherche de solutions satisfaisantes, la Commission
assure la ministre et les parlementaires de toute sa collaboration et de celle
de son personnel.
Alors voilà, M. le Président. Nous pourrons revenir
tantôt à un genre de discussion article par article, ou
recommandation par recommandation. Vous me permettrez, je l'espère, de
permettre à des personnes qui ont une formation technique et qui
m'accompagnent, sort le directeur des services juridiques de même que M.
White de vous apporter peut-être certaines précisions à
caractère plus technique. Je veux simplement ajouter, étant
donné les notes d'introduction de Mme la ministre et les commentaires du
critique de l'Opposition, que la Commission se réjouit, bien sûr,
pour le moment, de certaines annonces qui ont été faites par Mme
la ministre, tantôt, à savoir que certaines modifications seront
apportées au projet de loi - nous n'en connaissons par le
libellé, nous connaissons l'intention - sur des points assez
fondamentaux. Vous retrouverez dans ces recommandations-là des
représentations que nous avions faites sur les organismes municipaux, la
commercialisation des banques de données, évidemment, qui nous
préoccupe au plus haut point, et je pourrai y revenir, de même que
la question de couplage des fichiers où, semble-t-il, si j'ai bien
compris, on veut favoriser le statu quo, avec cette différence de
procédure pour alléger un deuxième problème, qui
était les trop grands délais, que lorsque l'avis de la Commission
est positif, ça ne requiert plus de décret du Conseil
exécutif. Bon, alors je pense que la Commission est prête à
faire son bout de chemin elle aussi, à corriger cette
problématique de délai. Il faudrait par contre peut-être
que le couplage, on en reparle au niveau de certaines recherches, de certaines
études, de certains comités de travail, je ne sais trop. Tout ce
que je peux vous dire, c'est que la Commission a déjà
initié un travail assez important de recherche sur le sujet qui sera
prêt quelque part à l'automne, et dont nous pourrons transmettre
les conclusions. Évidemment, ce seront des conclusions peut-être
relativement techniques. Il y aura tout le débat politique qui sera
à faire sur ça. Nous serions également heureux de nous
associer à toute espèce de recherche ou de groupe de travail qui
pourrait se pencher sur la problématique de la commercialisation des
banques de données, toujours, bien sûr - je le précise
parce que je considère ça important, M. le Président -
à l'intérieur des limites des pouvoirs de la Commission qui, je
le rappelle une fois de plus, a quand même un rôle très
important d'adjudication en même temps qu'un rôle de surveillance
et de contrôle. Alors, vous aurez compris que l'arrimage entre l'exercice
de ces deux juridictions est parfois délicat, en ce sens qu'on nous
parle fréquemment du droit de réserve. Je n'aime pas tellement le
terme parce qu'on peut le galvauder, mais ce que je veux dire, c'est que la
Commission doit toujours garder ses distances, jusqu'à un certain point,
au cas où elle devrait trancher en cas de conflit ou de litige qui peut
opposer un citoyen à l'État ou un des organismes assujettis.
Alors, pour mes remarques liminaires, c'est l'essentiel, M. le
Président. Je vous remercie et je suis à la disposition des
parlementaires.
Le Président (M. Paré): Alors, merci M. le
président, de votre présentation et de votre offre de
collaboration. Nous allons passer maintenant à Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Je tiens
à souligner, quand même publiquement et à vous remercier,
d'ailleurs, les gens de la Commission d'accès, M. O'Bready. Je tiens
à dire aussi publiquement que la collaboration que vous avez
apportée, parce que, effectivement, c'est une loi qui n'est pas facile,
qui est technique, qui n'est pas facile à comprendre et pas facile
à appliquer non plus. Ça prend énormément de
discernement, énormément de jugement et je tiens quand même
à souligner votre participation et votre collaboration au
ministère qui ont toujours été constantes et fort
appréciées.
Ceci dit, seulement pour faire une mise à jour, une mise au point
aussi, à tous ceux qui sont ici, vous n'êtes pas ici pour rien,
vous le savez. On est ici pour vous écouter. Les intentions quant
à la précision de certains libellés sont des intentions
qui sont formelles quant au fond, mais nous voulions, avant de les
enchâsser et couler ça dans le ciment, si on veut, entendre
d'abord tous les intervenants.
Quant à la rédaction, bien, la rédaction, elle sera
finalisée après la commission et, ensuite de ça,
étudiée article par article. Mais, je tenais quand même
à dire à tous qui sont ici qu'on apprécie votre
présence et que, effectivement, on est ici non seulement pour vous
écouter mais pour travailler ensemble à bonifier cette loi.
M. O'Bready, il y a quand même quelques questions. J'ai lu votre
mémoire et tout ça. Il y a quelques questions qui me viennent
à la tête. D'abord, vous avez fait des recommandations très
spécifiques qui concernent la santé et aussi l'environnement. On
sait qu'on est tous ici de plus en plus sensibles aux questions de santé
et d'environnement. Moi aussi, la première. Maintenant, vous savez aussi
que le législateur a fait régir les renseignements de la
santé et de l'environnement par deux types de loi. D'ailleurs, de
façon générale, nous avons la loi d'accès, mais
aussi, de façon particulière, il y a les lois sectorielles,
c'est-à-dire les lois sur la qualité de l'environnement et aussi
les lois sur la protection de la santé publique.
Donc, si je prends exemple, dans le domaine de l'environnement, le
législateur a pris soin d'énumérer, si on veut, aux
articles 118.4 et 118.5, des renseignements spécifiques qui doivent
être dévoilés au public en matière d'environnement.
Maintenant, cet article-là, c'est un article qui est beaucoup plus large
et beaucoup plus généreux que la loi sur l'accès parce que
c'est un article qui donne droit à des analyses, des opinions, des avis,
des études d'impacts et aussi des recommandations. C'est un article
aussi, étant spécifique, qui a été modifié
plusieurs fois pour donner accès à d'autres documents, si
nécessaire, justement pour lever le voile quant à certaines
questions et pour protéger aussi le public en terme d'environnement et
de santé, par exemple.
Vous ne croyez pas, finalement, que s'il y a des précisions
à apporter au sujet d'autres documents, par exemple, qui devraient
être fournis et devraient être rendus accessibles au public, ce
serait dans cette loi-là qu'ils devraient être
précisés, en particulier parce que, bon, le législateur a
mis justement ces lois-là sous la responsabilité d'autres
ministres qui sont respon-
sables, justement, de ces secteurs spécifiques et non pas
à l'intérieur même de la Loi d'accès qui, elle,
évidemment, se veut prépondérante et qui s'arrime aux lois
des autres ministères? (11 h 15)
M. O'Bready: Écoutez, comme vous le dites, Mme la
ministre, évidemment, la loi est prépondérante et la
règle générale qui est prévue dans cette
loi-là, c'est l'accès, les exceptions ou les restrictions
étant vraiment des exceptions et des restrictions. Vous savez
également que la Commission d'accès s'est toujours opposée
au principe de l'introduction dans des lois sectorielles de "nonobstant" ou de
"malgré". Alors, pour nous, je pense que, sans vouloir jouer au
légiste, l'inclusion dans d'autres lois sectorielles d'exceptions au
droit d'accès prévu dans notre loi peut poser des
problèmes. De policer, également, ces exceptions-là peut
poser des problèmes.
Il est vrai de dire qu'il existe dans la Loi sur la qualité de
l'environnement les articles 118.4 et 118.5, il est vrai de dire qu'il en
existe aussi dans d'autres lois. Je prends l'exemple des municipalités.
Il n'existe rien, à ma connaissance, ni dans le Code municipal, ni dans
la Loi sur les cités et villes, ni dans les différentes chartes,
pour les municipalités qui ont des chartes, des dispositions à
cet effet. Des risques pour la santé et pour la sécurité
d'une personne, ça n'existe pas qu'au niveau du ministère de
l'Environnement, ça peut exister au niveau du ministère de
l'Énergie, ça peut exister au niveau du ministère,
j'imagine, on va dire Loisir, Chasse et Pêche; en tout cas, il y a toute
une quantité d'organismes assujettis.
Alors, je pense, madame, avec tout le respect pour l'opinion contraire,
qu'on pourrait se lancer dans un processus qui serait peut-être fort
complexe. Nous, notre prétention, c'est que dans la loi sur
l'accès, qui est une loi spécialement construite, je vous le
répète, pour permettre l'accès aux documents des
organismes publics, qui a tout un encadrement, toute une série de
balises, parce que, vous l'avez dit vous-même, quand on a des exceptions,
entre autres la protection de données personnelles, mais il y a
également d'autres exceptions.
Je sais qu'on a exprimé certaines craintes au niveau
gouvernemental, par exemple que des délibérations du Conseil des
ministres pourraient devenir publiques. Moi, je vous dis immédiatement
que ça, ça peut déjà être exclu, ce ne sera
pas un précédent parce que, dans l'économie de la loi, il
est déjà prévu, à l'article 33, que des
délibérations effectivement, au paragraphe 6°: Les
mémoires ou les comptes rendus des délibérations du
conseil exécutif, dis-je, ou d'un comité ministériel...
Or, nous sommes conscients, à la Commission, que... toute
vérité n'est pas nécessairement - avec toutes les balises
que je peux y mettre - bonne à dire. Il y a des choses qui peuvent
être protégées, que ce soit à cause du
système parlementaire britannique, la con- fidentialité des
délibérations du cabinet, question de sécurité
nationale, bon. Il y a toute une série... Je n'entrerai pas dans
ça.
Mais je veux vous dire, pour répondre précisément
à votre question, que nous sommes réticents à ce qu'on
vienne, dans des lois sectorielles, jouer dans la loi sur l'accès parce
qu'on pense que ça peut poser des problèmes de - je n'aime pas le
mot - "poliçage", en toui cas, de régir ça, de
réglementer ça, de surveiller ça.
Mme Frulla-Hébert: Ça, là-dessus on est
d'accord, par exemple, vraiment d'accord que ce ne sont pas les lois
sectorielles qui doivent régir la loi sur l'accès. Mais c'est
parce que les lois sectorielles ne spécifient pas des exceptions. Ce
sont des obligations, finalement, à remettre. Puis, quand on parle de
risques, évidemment, si on parie des municipalités, ce ne sont
pas les municipalités qui sont responsables, mais vraiment... Le dossier
de l'environnement, par exemple, appartient et relève du
ministère de l'Environnement qui est soumis, finalement, à la loi
de l'environnement. Mais on parle vraiment d'obligation, là, et non pas
d'exception.
M. O'Bready: Sauf qu'évidemment, vous savez un petit peu
comme moi que toute espèce d'obligation est normalement assortie de
certaines restrictions, certaines balises. À mon expérience,
c'est rare qu'on va donner une espèce d'obligation comme ça, de
droit, c'est-à-dire d'obligation tous azimuts. On va normalement,
peut-être possiblement, baliser.
En tout cas, moi, la réponse, c'est ce que je vous
répète, c'est que la loi sur l'accès est une loi qui a
été faite, vous l'avez dit vous-même et ça a
été mentionné à plusieurs reprises par
différents intervenants, pour avoir une prépondérance sur
les autres lois et nous pensons que moins on va la disséquer pour en
retrouver des dispositions dans d'autres lois, le mieux ça peut
être pour tout le monde.
Mme Frulla-Hébert: Malgré que la loi,
c'est-à-dire l'article 26 de la loi sur l'accès défende
déjà d'invoquer plusieurs restrictions en matière de
santé et d'environnement. Ce que j'essaie de dire, c'est que vous avez
la loi sur l'accès qui a, elle aussi, ses défenses et qui
protège et qui s'arrime avec les lois des ministères. Alors,
c'est vraiment au niveau de la synergie des deux qui...
Mme Wallace (Carole): Si je peux juste ajouter, Mme la ministre.
Le problème ici, c'est que c'est sûr que l'article 26 fait en
sorte qu'on ne peut pas invoquer les articles concernant l'économie pour
refuser l'accès à un document qui contient un renseignement
concernant un risque pour la santé ou la qualité de
l'environnement. Ça, c'est vrai; mais on pourrait quand même
invoquer les articles 32 ou 37 ou 39. Je
voulais juste insister sur quelque chose que M. O'Bready a dit tout
à l'heure: ce n'est pas que le ministère de l'Environnement qui
détient des renseignements concernant l'environnement. Il y a la CUM,
par exemple, il y a les régies des déchets, il y a beaucoup
d'organismes qui sont susceptibles de détenir ce genre de
renseignements. Ils ne se trouvent pas tous au ministère de
l'Environnement. Alors, je pense que c'est ça un peu, le...
Mme Frulla-Hébert: O.K. Vous voulez quand même avoir
une espèce de protection supplémentaire. C'est ce que vous me
dites, là?
Mme Wallace: Oui, dans ces cas-là où il s'agit
vraiment d'une question d'intérêt public. Certainement.
Mme Frulla-Hébert: Enfin. Il y a aussi une autre
recommandation sur laquelle je voulais vous poser des questions et c'est au
sujet des espèces de services secrets... les services, là...
policiers... l'article 28. Vous savez que l'article 28... Finalement, on se
disait: Bon, ce serait peut-être bon, aussi, de pouvoir permettre
à certains organismes de se prévaloir, si on veut, de services
pour contrer certains abus. Par exemple, la Société des
alcools... parce qu'on a fait sortir des chiffres... parce qu'on s'est dit:
Eux, ils ont fait leurs représentations selon un mémoire, je
pense, en 1988, si je ne me trompe pas. Et, c'est la Société des
alcools, Hydro-Québec, Loto-Québec, par exemple. Et eux disent
ceci. Par exemple, la Société des alcools, les cinq
dernières années, quand on parle de vol à
l'étalage, ils ont pris 1395 personnes pour un total de 4 385 000 $; vol
à l'interne: 97 employés congédiés pour vol. Total:
environ 250 000 $. Et là, on a le rapport et de toute façon,
ça continue, ça continue. Nous, notre intention était
celle-ci. C'était de dire: Parfait. On va baliser vraiment là, et
on va leur donner des normes très strictes et très
précises, au niveau de la sécurité interne, de permettre,
d'une part... de pouvoir... à ces organismes-là, voir à ce
que... finalement... non, pas des abus, mais des vols, carrément...
puissent leur donner la facilité, finalement, de contrevenir à
ça, d'une part, et de l'autre côté, de leur permettre par
des normes extrêmement précises d'avoir un service de
sécurité interne. Parce qu'on ne peut pas demander à la
police municipale, par exemple, de se tenir dans une société des
alcools tous les jours, et... Votre argument, vous, c'est de dire: Oui, mais,
bon, c'est prévu. Quant à l'écoute électronique
ou... Mais ce n'est pas suffisant. Eux disent: Ça prend des gens sur
place, ça prend des espèces d'inspecteurs sur place, si on veut,
pour pouvoir contrevenir à ça. Parce que 4 385 000 $... La
Société des alcools du Québec étant une
société d'État, ça... Là, je ne parle pas
d'Hydro et je ne parle pas du reste. Qu'est-ce que vous répondez
à ça? Comment...?
M. O'Bready: Je vais peut-être vous répondre d'une
façon un petit peu générale, d'abord, en vous disant que -
je n'y étais pas à ce moment-là - lors du "sunset"... ce
qu'on appelle le "sunset"... l'étude qui a été faite et
à laquelle on a fait référence plusieurs fois, je pense
que toutes les représentations étaient essentiellement à
l'effet de limiter l'utilisation de l'article 28 à vraiment des services
policiers. L'histoire de ce que moi, j'ai lu, en tout cas, dans les
différents rapports, c'était un petit peu ça.
Deuxièmement, il y a toujours eu une certaine propension et je peux vous
dire qu'il y en a encore, une propension, au fur et à mesure que se
crée... Et là, je ne voudrais pas stigmatiser un ministère
plus qu'un autre mais si c'est vrai, par exemple, pour la Société
des alcools du Québec ou si c'est vrai pour Hydro-Québec,
ça pourrait peut-être être vrai pour la police verte,
éventuellement, du MENVIQ. Ça pourrait être vrai pour la
nouvelle police routière qu'on voudrait... Ça peut être
vrai pour toute une série de... Alors, la Commission d'accès a
toujours été réticente à ce qu'on élargisse
vraiment la portée de l'article 28. On me dit que le débat avait
été fait et je vais peut-être passer la parole,
tantôt, à M. Ouimet qui vous expliquera particulièrement
les réflexions qui ont été faites par les corps policiers
internes où on me dit, d'ailleurs, qu'il n'y a jamais eu un
problème. Il y en a eu un avec les policiers, je pense, du Service de
transport de la Communauté urbaine de Montréal et il a
été réglé sur la simple base de dire: Comme il
s'agit d'agents de la paix, il rentre dans l'article 28 et il n'y a pas de
problème. Pour l'écoute électronique et tout ça,
évidemment, on disait que c'était couvert par l'article 29.
Ça, c'est le premier commentaire de la Commission. Ma deuxième
réponse, c'est que nous sommes inquiets de l'introduction de ce principe
d'ajouter des exceptions par pouvoirs réglementaires. Je vous
concède qu'on veut baliser ces pouvoirs réglementaires là,
mais il reste que lorsqu'on réglemente, ça ne donne pas lieu aux
mêmes consultations, par exemple, que lorsqu'on légifère.
C'est évident que la Commission d'accès s'inquiète un peu
de ce qui s'est... Elle a un peu le pied dans la porte. Si on vient amender des
articles par un pouvoir réglementaire, je vous concède qu'il y
aurait des balises. Ça ne serait pas tous azimuts non plus. Mais
ça, c'est une deuxième inquiétude que nous avons. Je vais
peut-être demander à Me Ouimet de vous expliquer un peu le
débat qui avait été fait. Moi, je n'y étais pas au
moment du "sunset", mais il pourrait vous expliquer ce débat, en
particulier sur la multiplication des corps policiers, si je peux prendre cet
exemple-là.
M. Ouimet (André): Bon, en outre de ce que M. O'Bready
vient de dire, je voudrais juste, moi, ajouter qu'à l'époque de
la commission parlementaire en 1988, on n'avait aucun cas où
un citoyen ou un employé avait demandé accès
à un dossier de cette nature. On s'était dit que si jamais le cas
se présentait, peut-être que l'article 29 pourrait répondre
et empêcher la divulgation du renseignement.
Depuis ce temps-là, on a eu une demande. Ça concernait la
STCUM, comme le disait M. O'Bready, et, dans ce cas-là, la Commission a
déterminé que le service, appelons-le, de police de la STCUM,
répondait aux critères de l'article 28 et qu'il pouvait refuser
en vertu de l'article 28. On n'a pas eu à tester les autres; ça
ne s'est jamais présenté dans les autres cas, les autres cas
étant la Société des alcools et Hydro-Québec, si ma
mémoire est bonne.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: II y aurait peut-être une autre
question. Vous savez, on a eu de grandes discussions, vous et moi, surtout avec
M. O'Bready, sur la perception de cette ioi-là. On disait, finalement,
et on s'est aperçu, au fur et à mesure de l'exercice, surtout
cette année... Je dois vous dire que j'ai été surprise,
après toutes les consultations qu'on a faites et tout ça. Bon,
ça faisait trois ans que le processus était enclenché pour
bonifier la loi et, en 1988, personne... Bon, tout le monde semble satisfait,
pour 1989, bon, les gens sont insécures. Là, on se disait, M.
O'Bready et moi, qu'il y a un grand effort de pédagogie à faire
à travers la population sur cette loi-là. D'abord, il y en a
beaucoup qui ne savent pas vraiment qu'elle existe et comment l'appliquer et
comment s'y référer, et ça, c'est une promesse qu'on s'est
faite en disant que, après l'exercice, II y aura une espèce de
sensibilisation au niveau de la population, d'une pan".
Deuxièmement, on s'est dit aussi qu'il ne faudrait pas que cette
loi-là soit perçue comme étant une loi punitive, une loi
régressive. Il ne faudrait pas que les organismes non plus se disent:
Bon, bien, parfait, il faut se soumettre à la loi, puis qu'ils le
fassent vraiment de mauvaise volonté. Là, je ne leur prête
pas aucune intention, là. Je pense juste au niveau de la perception de
la loi et de l'atmosphère. Je pense que c'est une loi qui, comme je le
disais tantôt, est une des plus avant-gardistes et
considérée, on se le fait dire, comme une des meilleures au
monde, et il faudrait garder, quand même, cet esprit-là.
Vous avez demandé, à un moment donné, une
espèce de changement du régime pénal de la loi sur
l'accès. Je me demande si vous y tenez encore. Vous recommandez que les
fonctionnaires puissent être reconnus coupables d'avoir enfreint la loi
sur l'accès sans qu'on soit obligé de prouver leurs mauvaises
intentions. Moi, je dois vous avouer que ça, peut-être que vous
n'y tenez plus, mais c'est parce que ça me fait un petit peu grincer des
dents d'abord parce que c'est comme donner deux catégories de
fonctionnaires qui appliquent d'autres lois, ou enfin, qui travaillent dans
différents ministères. Pourquoi le fonctionnaire qui sera
responsable à la loi sur l'accès, lui, serait vu, ou enfin serait
pénalisé, s'il a commis une erreur ou... Déjà, on
leur dit: bon bien, ce n'est peut-être pas une erreur, là. C'est
parce qu'il a fait exprès. C'est cette question de
pénalité au niveau du fonctionnaire sans qu'il soit trouvé
coupable, c'est tout ça que je trouve, en tout cas, c'est un peu contre
la perception qu'on veut donner à cette loi-là. Y tenez-vous
encore?
M. O'Bready: Je vais vous dire d'abord, je pense, qu'à la
Commission d'accès, ni de ma part ni de la part de mes collègues
commissaires, nous souhaitons que la loi devienne une loi pour frapper sur les
gens. Je dois vous dire, par contre, Mme la ministre, qu'il y a quand
même huit ans d'existence à la toi, mais disons six ans
d'existence pratique parce que la Commission a vraiment commencé
à fonctionner en 1984. Mais, vous savez, six ans plus tard, moi, je suis
un peu frustré de voir qu'il y a encore toute une série
d'organismes délinquants. Donc, pour certains, on peut presque vraiment
faire la preuve, entre autres pour les déclarations de fichier, dans
certains cas on peut presque vraiment faire la preuve, une espèce de: Je
m'en foute de la loi d'accès.
Je vous admets qu'à date, nous avons pris une fois des
procédures contre un organisme et vraiment on était allé
au bout. On avait fait faire des constats sur place. Il y avait vraiment des
fichiers. Il avait été offert l'aide technique aux responsables.
Je vous répète que notre but, ce n'est pas ça. Nous
partageons également votre philosophie de dire II faut faire de la
pédagogie. Moi, lors de mon arrivée à la Commission
d'accès, un de mes premiers textes, c'était ça.
Écoutez, on va tenter d'informer les gens. (11 h 30)
Vous disiez tantôt que la population, les gens ne savaient pas
trop comment se servir de cette loi-là. C'est vrai. Mais les organismes
aussi, il y en a qui ne savaient pas trop comment s'en servir et il y a
beaucoup de petits organismes, 3700 organismes. Ce ne sont pas toutes des
communautés urbaines de Montréal ou des ministères des
Finances. Il est bien évident qu'il y a de petits organismes, il y a de
petites municipalités avec moins de 200 habitants, où le
secrétaire-trésorier - comme je le disais, l'autre fois,
lorsqu'on s'est rencontrés pour étudier notre rapport annuel -
est "part time", comme on dit. Bon, la loi de l'accès, il a un peu de
problèmes avec ça. Mais c'est vraiment, nous, parce que... On ne
pourra jamais se rendre à des procédures parce que c'est
marqué: sciemment. Il faut quasiment prouver la mens rea. Je ne suis pas
un criminaliste mais il faut quasiment prouver que la personne est
méchante et qu'elle veut manquer à la loi de l'accès.
Sinon, il est
évident que... Moi, je vous répète qu'on partage
votre préoccupation de pédagogie et c'est ce qu'on veut faire,
sauf qu'on fait un peu rire de nous, parfois, et on se dit: Si la loi avait un
petit peu plus de mordant, il y aurait peut-être quelques responsables
ou... Et je pourrais vous donner un autre exemple, aussi, qu'on a vécu
récemment.
Je n'identifierai pas les parties parce que ce n'est pas tout
réglé mais... Un responsable d'organisme qui a transmis tout un
fichier complet de tout le personnel d'un organisme important à une
institution financière qui s'en sert pour faire de la publicité.
On peut difficilement fermer les yeux là-dessus et on dit: Oui, je
savais que ce n'était pas permis et je l'ai transféré
pareil parce que j'ai des "chums" là-dedans. C'est à peu
près la réponse, un peu folklorique, qu'on nous a faite.
Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On peut envoyer une lettre de
réprimandes à l'organisme, c'est bien évident, pour dire:
Ton responsable, il a agi comme un imbécile. Il reste qu'il va se
retrouver maintenant, dans cette institution-là... Vous connaissez comme
moi la confection de listes... de "mailing lists" là, qui est un
problème majeur aux États-Unis d'ailleurs. C'est ce genre de
chose qu'on veut tenter de sanctionner. Mais je vous dis et je veux rassurer la
commission, ici, que la Commission d'accès n'a pas l'intention
d'être... de partir en guerre et de prendre des procédures contre
tout le monde et de taper sur le dos de tout le monde. Ce n'est pas ça
qu'on veut. Mais on dit: Peut-être que si on a un instrument de plus pour
faire respecter la loi, il y a du monde qui va y penser à deux reprises
avant de mal se comporter, pour dire le moins.
Le Président (M. Ooyon): Merci, M. le président.
Mme la ministre, je constate que le temps qui vous était alloué
est terminé. Alors, je demanderais peut-être maintenant au
député de Gouin de poser certaines questions, s'il le veut.
M. Boisclair: Oui. M. le Président, je voudrais,
premièrement, remercier le président de la Commission ainsi que
les gens qui l'accompagnent. Je pense que vous savez jusqu'à quel point
les membres de cette commission apprécient votre participation.
J'aimerais aborder essentiellement deux ou trois sujets avec vous, dont on
avait commencé à discuter un peu rapidement à l'occasion
de l'étude du rapport annuel: l'extension au secteur privé. Je
prends note, dans votre mémoire, que vous soulevez avec pertinence...
que vous dites que le projet de loi doit être bonifié
substantiellement. La Commission, dans différents rapports, a
déjà fait part d'un certain nombre de secteurs prioritaires
où la loi sur l'accès devrait s'étendre auprès des
banques, auprès d'autres secteurs. Surtout dans un contexte, aussi, de
déréglementation des institutions financières où on
parle de plus en plus de liens en aval qui vont se faire avec
différentes institutions, où le problème se pose encore
avec beaucoup plus d'acuité. Le projet de loi 62 ne parle pas... On a
déjà manifesté clairement notre déception à
cet égard-là. On sait qu'il y a... Cependant, on nous annonce une
commission parlementaire qui aurait dû siéger et qui n'a pas
encore commencé à siéger. Quant à cette
réflexion, à la Commission, sur l'extension au secteur
privé, où en êtes-vous rendus? Est-ce qu'il y a des moyens
que vous privilégiez? On sait qu'il y a différentes façons
d'étendre la loi au secteur privé. Il peut y avoir une sorte
d'autoréglementation, une loi-cadre. Bon, il y a différentes
possibilités, tl s'agit de regarder ce qui se passe en Europe. Où
en êtes-vous rendus, la, à ce...? Où en est votre
réflexion, sur l'extension?
M. O'Bready: Tout à fait. Quand...
M. Boisclair: Jugez-vous qu'il est à-propos... Vous
soulevez, dans votre mémoire, que le nombre de renseignements qui sont
détenus par des organismes privés sont de plus en plus
importants. Vous le soulevez dans votre mémoire.
M. O'Bready: Bon. Je pense que définitivement...
M. Boisclair: Qu'est-ce que vous souhaitez, là-dessus?
M. O'Bready: Définitivement. Et on le soulève, dans
notre mémoire, comme une des recommandations, étant conscients,
bien sûr, qu'il n'y a rien dans le projet de loi 62 et qu'au moment
où il a été fait, il ne pouvait peut-être pas y en
avoir parce que, justement, cette fameuse commission parlementaire à
laquelle vous avez fait référence tantôt - qui est
d'ailleurs, si ma mémoire est fidèle, chapeautée par ou
dirigée par le ministère de la Justice et à laquelle
participent, évidemment, plusieurs autres intervenants - n'a, à
date, pas tenu ses audiences. Alors, il est évident que la Commission
d'accès à l'information partage toujours cette
préoccupation qu'éventuellement - et je ne sais pas encore par
quels moyens, quels seront les mécanismes, quels seront les outils
appropriés - il faudra que du moins certains secteurs du secteur
privé soient assujettis. Vous me parliez tantôt, dans vos
remarques, de banques, d'agences de crédit. On a vécu certaines
expériences concernant des agences de crédit. Je ne veux pas les
stigmatiser non plus. Elles ont droit de cité et c'est un commerce qui
est aussi légitime que tout autre mais qui doit, je pense, obéir
à certains impératifs et à certaines règles du jeu.
Bon, vous le dites vous-même, il y a bien des façons de
procéder. M. le ministre de la Justice, dans, si ma mémoire est
fidèle, dans le chapitre 20 de la révision du Code civil, dit que
tout le monde a
droit au respect de sa réputation et à la protection de sa
vie privée. Voilà toute une série de règles du jeu
qui sont là, qui ne sont pas encore en vigueur et qui seront
policées comment? Je ne le sais pas. S'il faut se ramasser en Cour
suprême, en Cour d'appel, ce ne sont pas toujours les... Vous savez,
quand il n'y a pas d'issue vraiment monétaire immédiate, les
personnes -on le voit chez nous - sont parfois réticentes à aller
très loin dans les tribunaux de droit commun.
Vous voyez, en tout cas, il y a une section dans le Code civil; qu'au
moins elle soit mise en vigueur ou en application le plus tôt possible,
ça donnerait déjà certains paramètres. Il y a
également, vous l'avez mentionné, peut-être des
règles d'autoréglementation, je ne suis pas un spécialiste
en la matière, mais je sais qu'en Europe, ça existe dans certains
secteurs.
La Commission, pour vous répondre, partage toujours ces
préoccupations. Elle est toujours Intéressée à se
faire entendre au moment où il y aura une commission parlementaire sur
le sujet, elle n'est pas seule, pour le moment, qui porte le ballon mais est
celle qui pourrait probablement agir comme elle le fait pour le secteur public,
advenant qu'on extentionnerait au secteur privé. Je pense qu'il
appartient à plusieurs intervenants, d'autres décideurs que nous
de dire, oui, il faut imposer ça, oui, il faut l'imposer de telle
manière. D'après moi, c'est une réflexion collective de
plusieurs intervenants dont nous sommes et nous sommes toujours prêts
à y participer. Pour le moment, malheureusement, moi, je ne peux pas
vous dire que c'est rendu beaucoup plus loin que ça, parce que ce n'est
pas rendu beaucoup plus loin que ça, mais je pense que ça devra
éventuellement faire son chemin.
M. Boisclair: Le problème, M. le Président, c'est
qu'il ne semble pas y avoir personne qui soit porteur du ballon. Autant on se
relance la balle entre la Justice et les Communications, on sait qu'il y a
quatre articles de la réforme du Code civil. On attend de les mettre en
vigueur. On parle du respect de la réputation, mais vous savez, comme
moi, que ces articles-là ne seraient pas suffisants pour atteindre les
objectifs que vous soulevez dans votre mémoire. Mais il serait
Intéressant, à tout le moins, en tout cas, qu'il y ait quelqu'un
qui prenne ses responsabilités et qui prenne le leadership dans ce
dossier-là d'extention au secteur privé.
La Commission, je suis convaincu, détient une expertise de...
Elle a quand même la responsabilité de... Peut-être pas la
responsabilité dans la loi, mais de par ses expériences et de par
les contacts qu'elle entretient avec d'autres organismes semblables à la
Commission. Elle a quand même une expertise sur ce qui pourrait
être possiblement un modèle pour étendre la loi
d'accès au secteur privé. Moi, j'ai... On parlait tout à
l'heure de législation sectorielle. J'ai été surpris en
siégeant, la semaine dernière, à la commission du budget
et de l'administration où les compagnies d'assurances qui
étaient... La Corporation des courtiers d'assurances, corporation
professionnelle qui a comme responsabilité de voir à la
sécurité du public, soulevait, avec beaucoup de pertinence,
jusqu'à quel point la protection des renseignements nominatifs,
détenus par des entreprises privées, pouvait facilement se
transférer dans un contexte de déréglementation à
d'autres institutions qui seraient en aval.
Cette corporation professionnelle demandait à la ministre
déléguée aux Institutions financières de pouvoir
soit mettre un code de déontologie sur pied ou d'apporter des
amendements substantiels a la loi. Vous comprenez que déjà, ce
que je veux simplement illustrer, c'est qu'il y a déjà
différents secteurs de l'activité économique qui sont en
train de se doter de certaines règles d'éthique ou de code de
déontologie ou appelons ça comme on voudra mais, voyant que
déjà des initiatives sont prises sur le terrain, je pense qu'on
fait tout simplement la démonstration qu'il y a quelqu'un qui ne prend
pas son leadership dans ce milieu-là puisque déjà le
milieu, par lui-même, demande qu'il y ait un plus grand contrôle.
Alors, moi, ce que je souhaiterais, en tout cas, et là peut-être
que la Commission n'en a pas les moyens en termes de ressources ou de choses
semblables, ça vous me réponderez, mais la Commission serait
quand même celle qui pourrait être appelée à jouer un
rôle important là-dedans.
M. O'Bready: Bien, écoutez, je pense l'avoir
précisé lors de notre dernière rencontre, mais je vous
répète que nous avons participé à tous ces travaux
du comité de travail qui était chapeauté ou dirigé
par le ministère de la Justice.
Deuxièmement, on a déjà fait connaître notre
intention d'être entendu à cette commission parlementaire qui
devait avoir lieu et qui, à différentes reprises, pour des
raisons que j'ignore, a été remise. Nous avons déjà
chez nous des personnes, au niveau de la recherche, qui ont
préparé des réflexions sur le sujet.
Troisièmement, et je peux le répéter, c'est que
c'est bien sûr qu'à la Commission d'accès, on croit que si
jamais il y avait extension au secteur privé ou, en tout cas, certaines
disciplines du secteur privé, nous pourrions avec évidemment plus
de ressources financières et humaines, je ne dis pas ça pour
aller chercher une augmentation de mon budget, Mme la ministre, mais je dis que
si jamais les responsabilités, un peu comme on le disait au municipal,
pas des responsabilités additionnelles sans une fiscalité
assortie. Je vous ressers le même argument ici en disant: Pas de
responsabilités additionnelles à la Commission d'accès
sans des moyens, des ressources humaines et des ressources financières
accrues.
M. Boisclair: Est-ce que la Commission a été
invitée à participer à des travaux, à une
réflexion, dans une... Là, vous me dites que ça a
été reporté, mais est-ce qu'il y a une nouvelle date, une
nouvelle échéance qui a été fixée?
M. O'Bready: Non. Pour le moment, à ma connaissance, non.
Le comité de travail avait terminé ses travaux, avait produit un
volumineux rapport, puis avec un bon résumé de ça qui a
été étudié chez nous. M. White a très
activement suivi tous ces débats-là, tous ces travaux-là.
Et, au niveau du service d'analyse et d'évaluation, chez nous, il y a un
projet de mémoire qui est déjà sur la table de travail
pour être prêt à se présenter en commission
parlementaire mais, au moment où je vous parle, très franchement,
c'est l'état du dossier, à ma connaissance du moins.
M. Boisclair: Je vous remercie. Un autre sujet. Vous avez
mentionné aussi votre intérêt à vouloir rediscuter
de cette question-là, qui est l'article 5 du projet de loi qui modifie
l'article 12 sur la commercialisation et les banques de données.
J'insistais tout à l'heure pour que la ministre dépose ses
amendements, parce qu'elle m'en avait déposé un, mais elle ne les
a pas. Qu'elle les fasse venir. Il y avait un amendement qui était sur
la table et là, dans ses intentions, elle n'en a pas parlé, un
amendement à l'article 5 qui se lirait comme suit: "L'article 5 du
projet de loi est modifié par l'insertion, dans la troisième
ligne, après le mot "soit", des mots "dans le but d'en faire le
commerce". Alors, essentiellement, ce qu'on voulait, c'est empêcher la...
On voulait préciser la portée de l'article en disant que
l'article 5, qui modifie l'article 12 de l'actuelle loi, s'applique uniquement
pour les gens qui veulent en faire le commerce. Donc, la crainte que la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec
avatt, la crainte que plusieurs organismes aussi ont manifestée en
termes de restrictions supplémentaires au droit d'accès
s'estompait. Cependant, la question de fond demeure, vous le soulevez dans
votre mémoire: Est-ce que c'est de la portée ou c'est un des
objectifs de la loi d'accès que de réglementer le commerce des
documents détenus par l'État? C'est une question de fond
intéressante. Votre avis est non. J'aimerais peut-être que vous
poussiez votre réflexion, et peut-être aussi demander à la
ministre si elle a toujours l'intention de déposer l'amendement à
l'article 5. M. O'Bready.
Le Président (M. Doyon): M. le président.
M. O'Bready: Écoutez, je pense que les commentaires que
nous avons farts dans notre mémoire sont toujours... On est toujours, on
partage toujours ces commentaires-là. Nous sommes d'avis, effectivement,
que ce débat, qui est peut-être un débat assez fondamental,
n'a pas nécessairement été fait au moment de l'adoption de
la loi d'accès. Le commerce de l'information, cette nouvelle,
peut-être, profession ou vocation de courtier en information s'est
peut-être développée plus au cours des dernières
années. Je sais qu'elle s'est développée, d'ailleurs, pas
juste au niveau du Québec mais au niveau canadien, et même mon
ancien collègue, le commissaire ontarien, avait à peu près
la même réflexion. Bon. Il reste que la Loi d'accès
maintenant permet d'aller chercher d'immenses banques de données. Je
parle des rôles d'évaluation, puis, sous toutes réserves,
des débats devant les tribunaux, que ce soient des rôles
d'évaluation, que ce soient des fichiers qui appartiennent à des
ministères, ça peut permettre d'aller chercher ça.
Il y a deux problèmes qui se posent. Il y a un premier
problème, c'est un problème de nature un peu monétaire, on
dit: Ça n'a pas d'allure de donner un rôle d'évaluation qui
a coûté quelques millions à bâtir, comme à la
communauté urbaine X, puis de le donner pour 35 $ ou 40 $, premier
problème. Mais il y a un deuxième problème plus
fondamental qui se pose aussi, ce qui est un peu le détournement de
finalité par rapport à ces renseignements-là. Moi, je ne
suis pas certain que, quand on a compilé ou colligé toutes sortes
d'informations dans un fichier gouvernemental, dans un ministère
donné ou dans une communauté urbaine ou dans une ville,
c'était pour qu'on puisse donner ça à une entreprise qui,
en toute légitimité de son commerce, je le répète,
prend ça puis va "matcher" ça avec toutes sortes d'autres
informations, qu'on rebâtit des banques de données
complètement différentes qu'on peut établir sur vous, par
exemple, votre profil, à savoir que vous êtes administrateur de
trois compagnies, que vous avez deux maisons à Outremont, une à
Sherbrooke, deux à Chlcoutimi, que vous êtes également, je
ne sais pas, moi, dans un autre fichier, avec un permis de chasse, etc. Alors,
c'est ça qu'on pense qui doit faire l'objet d'un certain
débat.
Nous nous opposons un peu à ce qu'on tente de régler
ça un peu rapidement dans le projet de loi en introduisant une notion
fort délicate qui est l'intention du demandeur. Dans la loi
d'accès, actuellement, on n'a pas à se poser de questions.
Pourquoi le demandeur veut-il avoir accès à tel document? On lui
donne. Tandis que là, on imposerait un peu cet odieux-là à
une compagnie ou à un individu qui le demande, dire: Pourquoi tu veux
avoir ça? Le gars dit: Parce que j'ai un commerce puis je me sers de
ça. On pense que ce n'est peut-être pas la façon de
régler. Alors, on partage l'objectif, en tout cas, de protéger
des renseignements personnels coiligés pour une fin bien donnée;
on comprend la préoccupation de certains organismes qui est à
caractère un peu plus pécuniaire, mais on comprend
également qu'il y a des entreprises qui disent: II faudrait
peut-être... nous autres, on a
le droit de cité aussi, puis on a le droit de vivre, on voudrait
peut-être que tout ça... Alors, moi, avec tout le respect, je
pense que, ça, ça devrait faire l'objet de recherche,
d'étude, d'un comité technique quelconque qui se pencherait sur
cette question-là et qu'il ne faut peut-être pas tenter de
régler ça un peu rapidement dans la loi d'accès.
Maintenant, si on doit maintenir, bien, on dit: Au moins, il faudrait
peut-être protéger les renseignements qui ont un caractère
personnel, parce que c'est vraiment... Je le disais dans mes notes
d'introduction: Cette propension que tout le monde a à ramasser des
renseignements sur tout le monde fait qu'on se réveille avec des
fichiers, par exemple, qui sont colossaux, à certains organismes
gouvernementaux où il y a, je le comprends, des compagnies qui
paieraient probablement des fortunes pour avoir le fichier de la RAMQ ou de la
RAAQ ou des choses comme ça. (11 h 45)
M. Boi&clair: Ou de l'Inspecteur général des
institutions financières.
M. O'Bready: Ou de l'Inspecteur général des
Institutions financières qui est présentement devant les
tribunaux. Je m'abstiendrai donc de commenter.
M. Boisclair: On entendra d'ailleurs Directron Média, dans
le courant de l'après-midi.
M. O'Bready: Voilà. Mais je le dis...
Écoutez...
M. Boisclair: Est-ce que vous êtes d'avis... Parce que,
là, comme je vous dis, je travaille encore avec l'article 5 tel que
libellé dans le projet de loi. Il y avait possibilité d'avoir un
amendement et on n'en a pas. Comme je vous dis, je travaille un peu en fonction
de l'information qui est à ma disposition. Est-ce que vous êtes
d'avis, M. le président, que... L'avis de la Ligue des droits et
libertés, qui soulevait dans son mémoire et qui disait, de la
façon dont l'article 5 est libellé, disait: Ainsi un journaliste
ou un groupe écologiste, par exemple, pourra toujours avoir accès
à un document en matière d'environnement détenu sur
support informatique, mais l'organisme qui le détenait pourra, à
loisir, leur refuser toute autorisation de reproduction ou de diffusion en tout
ou en partie et sous quelque forme que ce soit pour en informer la population.
Un journaliste ou un citoyen qui diffuserait quand même le document
serait passible d'amende en vertu d'un nouvel article 159.2 qu'introduit ce
projet de loi. En plus, rien n'interdit à un organisme de prévoir
parmi les conditions qu'il détermine le paiement de dommages civils
astronomiques en cas de non-respect de celles-ci.
Essentiellement, il y a des craintes importantes qui ont
été manifestées quant à l'article 5 tel que
libellé sous sa forme actuelle, mais est-ce que vous partagez l'opinion
qui a été présentée par la FPJQ,
présentée par la Ligue des droits et libertés, à
savoir que, dans le fond, on pourrait se servir de ce nouvel article pour
restreindre, de façon importante, le droit d'accès et, par
conséquent - n'ayons pas peur d'utiliser le mot - démanteler un
pan important de la loi quant à l'accessibilité des
documents?
Mme Wallace: Je crois bien que, dans notre mémoire, on
avait soulevé ce problème-là, qu'interprétée
d'une certaine manière, cette disposition pourrait devenir un accroc
majeur au droit d'accès. Je pense que c'est...
M. O'Bready: Effectivement, ça a été
mentionné, M. le député, que, non seulement sur le
principe de la commercialisation dont j'ai traité tantôt, mais
également que l'interprétation des mots, par exemple, "reproduire
ou diffuser une banque de données". Alors, est-ce que c'est juste pour
des fins commerciales? Ça pouvait poser certains problèmes.
Deuxièmement, l'autre question qu'on se posait, on disait: "Par un
organisme public, doit conclure une entente avec celui-ci", il arrive quoi
s'ils ne s'entendent pas sur les termes de l'entente? Qui a juridiction
là-dessus? Nulle part c'était marqué que ce serait la
Commission d'accès qui pourrait Imposer les termes d'une entente, sur le
libellé.
Par après, dans certaines discussions que nous avons eues - il
appartiendra à la ministre d'en parler plus abondamment si elle le
souhaite - mais, c'était que l'intention était plutôt
d'empêcher cette espèce de commercialisation dont j'ai fait
mention tantôt. C'était plutôt ça qu'on visait,
qu'une diffusion, par exemple, d'un journaliste qui va chercher une
information, qui veut la transmettre dans son journal pour informer la
population, semble-t-il que ce n'était pas ce qu'on visait.
C'était plutôt cette espèce de propension à
commercialiser.
Vous voyez déjà qu'il y a bien des points d'interrogation.
De là, c'est pour ça que la Commission a dit: Écoutez, on
peut comprendre, il y a des objectifs certainement intéressants dans
ça et il y a des discussions à avoir qui sont fondamentales.
Nous, ce qu'on dit dans le fond... Mettez le statu quo pour le moment, mais il
faudrait peut-être s'asseoir, tous ceux qui sont intéressés
par le sujet, autour d'une même table et en parler. Parce que, moi je
sais que ça se produit, par exemple, c'est encore pire au niveau du
commissaire canadien, parce que ce sont les banques, vous savez.
M. Boisclair: Vous soulevez aussi, un peu plus loin dans votre
mémoire, vous dites: 'Tout d'abord, la loi sur l'accès ne vise
pas à réglementer la reproduction ou la diffusion des documents.
C'est là justement la vocation d'une autre législation - vous le
soulevez avec beau-
coup de pertinence, là - soit celle, relative aux droits
d'auteurs, à la propriété intellectuelle.
M. O'Bready: II y a également tout ce
débat-là qui n'a pas été fait. Mais je vous
rappelle que fondamentalement, pour nous... Moi, je ne suis pas certain que, si
j'ai donné des informations à ma municipalité pour fins de
mon rôle d'évaluation, si j'en ai données à
l'Inspecteur général des institutions financières - je
vais prendre cet exemple-là parce que je suis administrateur d'une
compagnie - je ne suis pas certain que je veux retrouver tous ces
renseignements-là, moi, pour d'autres fins que celles pour lesquelles je
les ai donnés. Il y a peut-être...
J'admets qu'il y a tout le débat à faire. Ils sont
déjà à caractère public, oui, mais je vous jure que
si vous n'avez pas accès à la bande informatique du rôle
d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal, bonne
chance si vous allez recopier ça au bureau du greffier, vous en avez
pour quelques jours, je pense.
L'informatique a changé énormément les
règles du jeu dans ça. Il y a tout ce débat-là.
Écoutez...
M. Boisclair: C'est le support sur lequel...
M. O'Bready: Oui, mais c'est quand même que c'est...
M. Boisclair: Vous, pour revenir sur un cas dont on a
discuté un peu l'autre jour, qui est le cas d'Acrofax, vous
précisez dans votre mémoire qu'il est urgent de modifier la loi
de façon à ce qu'un organisme qui possède ce genre de
renseignements doive obtenir l'autorisation préalable de la Commission
d'accès à l'information. C'est une disposition qui... C'est un
fait intéressant à noter. Corrigez-moi si je me trompe, mais, au
moment de votre avis sur le projet de loi 62, avant de soumettre votre
mémoire à cette Commission, c'est une proposition, je crois, qui
ne se trouvait pas dans le premier avis et qui a été
ajoutée... Peut-être qui s'y trouvait...
Une voix: Si, si...
M. Boisclair: Elle s'y trouvait déjà?
M. O'Bready: C'était là depuis le "sunset", me
dit-on. La seule nuance, c'est qu'actuellement on nous informe, on n'est pas
obligé d'obtenir notre autorisation, alors... Si on nous informe une
fois la situation acquise, évidemment, ça risque de causer des
problèmes.
M. Boisclair: C'est justement, dans les amendements, qu'est-ce
que vous voulez, on va en discuter, quand même, on va discuter des
intentions, parce que c'est ça qu'on a devant la table... L'obligation
demeurera toujours, bien sûr, pour la Commission d'autoriser ces
différentes ententes-là. Mais ne trouvez-vous pas aussi que cette
obligation de consulter, d'avoir l'aval de la Commission d'accès
à l'information, lorsqu'on l'a vu dans le cas d'Acrofax, avec le
ministère du Revenu, de l'Enseignement supérieur, le
ministère de la Main-d'oeuvre... Est-ce ce que vous ne croyez pas aussi
que cette obligation devrait être assortie d'une obligation de la part de
l'organisme public d'informer la personne concernée qu'on fait des
recherches auprès d'Acrofax, de banques privées...
M. O'Bready: C'est une des conditions que la Commission a
effectivement imposée dans le cas des ententes avec Acrofax et le
ministère du Revenu, si ma mémoire est fidèle, et le
ministère de l'Éducation pour la question des débiteurs de
bourses, bon. Mais je voudrais juste vous rappeler que la problématique,
c'est que l'article 66 actuellement, ce n'est pas une approbation de la
Commission, c'est qu'on informe la Commission. Alors, il peut bien y avoir des
cas, remarquez, où on n'a pas du tout informé et où on n'a
pas du tout été informés donc on n'a définitivement
pas pu se prononcer sur la teneur de l'entente. Nous, c'est que pour
éviter des affrontements comme certains qu'on a vécus, si on
devait donner une approbation, bien, au moins, les choses ne seraient pas
faites avant qu'on ait eu une chance de s'asseoir avec l'organisme, d'en
discuter. Deuxièmement, c'est que la Commission, elle, a le droit
d'imposer, lorsqu'elle approuve des ententes, toutes sortes de conditions quant
à savoir qui aura, par exemple, qui va avoir accès à ces
informations-là, comment elles doivent être traitées,
comment la confidentialité de ça doit être
assurée... Est-ce qu'on doit détruire ces informations-là,
une fois que c'est terminé? Est-ce qu'on a le droit de rendre ça
interactif? Par exemple, je te donne de l'information et tu m'en redonnes?
C'est tout... Alors, si c'est déjà fait dans un protocole dont
nous sommes simplement informés, bien, la Commission... Puis ça,
ce n'était pas un débat qui est arrivé simplement au
moment d'Acrofax. Ça a ravivé certainement des discussions qui
avaient eu lieu avant, me dit-on.
Le Président (M. Ooyon): M. le député, on
m'informe que l'heure à être consacrée à la
Commission est terminée. Alors, une dernière question,
rapidement.
M. Boisclair: Juste pour bien saisir. Ce que la Commission
demande, ce que vous demandez, essentiellement, c'est qu'il y ait une
autorisation de la Commission qui soit nécessaire pour qu'un organisme
public puisse recueillir des données auprès d'un tiers.
M. O'Bready: Oui, pour les raisons que je vous explique.
Recueillir une autorisation plutôt que de me donner une simple
information.
M. Boisclair: Que l'autorisation avec...
M. O'Bready: L'autorisation, c'est qu'on va mettre des
conditions.
M. Boisclair: C'est justement. M. O'Bready: Bien oui.
M. Boisclair: La Commission fixerait un certain nombre de
conditions pour approuver ces contrats-là et, advenant... Quel genre de
recours la Commission pourrait avoir?
M. O'Bready: On peut toujours bloquer une entente. Excusez. On
peut bloquer... Comme actuellement les ententes d'échange de
renseignements nominatifs entre organismes...
M. Boisclair: Je comprends... M. O'Bready: Comprenez-vous?
M. Boisclair: Je comprends très bien.
M. O'Bready: Ce serait un peu le même "pattern".
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup... M.
Boisclair: Ce serait le même "pattern"...
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre,
mot de remerciement envers la Commission.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Effectivement, merci, M. le
Président. Je vous remercie, comme je le disais tantôt, d'avoir
participé. Je tiens à rassurer quand même fa Commission,
quant à tout ce qui concerne... Deux choses: d'abord, le secteur
privé. Évidemment, c'est le ministère de la Justice qui
prend en main, si on veut, toute cette grande discussion du secteur
privé. Maintenant, il ne faut pas non plus s'en faire outre mesure, en
ce sens où on a tout de même la Charte des droits et
libertés, d'une part. On parlait des banques, on parlait des compagnies
d'assurances, la plupart sont à charte fédérale aussi.
Alors, il y a un certain nombre de protections. Par contre, il faut engendrer
cette grande discussion publique quant au secteur privé, et
effectivement le ministre de la Justice m'a assurée que cette commission
ou, enfin, le début de ses travaux aurait lieu cet automne. Autre chose
aussi, c'est que je tiens à vous rassurer quant à la banque des
données informatiques, cet échange informatique, vous savez qu'il
y a un comité interministériel qui siège
présentement pour regarder tout ces complexes d'évolution des
technologies et de l'arrivée de l'informatique dans, justement, ce
secteur, si on veut, de collection des données. Et il y aurait des mesu-
res définies pour ajouter à la loi, là, pour 1992. Vous
savez comme moi que c'est un travail de longue haleine; d'ailleurs, on le
travaille avec vous. Ceci dit, merci énormément de votre
présence ici et les discussions que nous avons eues aujourd'hui - de
toute façon, nous allons continuer d'en avoir - nous en prenons bonne
note. Enfin, merci encore de votre bon travail.
M. O'Bready: Je vous remercie, M. le Président, Mme la
ministre, M. le critique de l'Opposition. Je veux juste vous dire que, comme on
passe en premier, nous serons quand même présents pour toutes les
autres présentations des organismes. SI jamais à la toute fin, en
commission parlementaire, vous aviez une demi-heure de "spare" parce qu'il y a
quelqu'un qui ne s'est pas présenté et que vous voudriez avoir
notre opinion, on sera toujours d'accord. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président. M.
le député de Gouin, rapidement.
M. Boisclair: J'aurais peut-être souhaité, M. le
président, qu'on puisse avoir plus de temps pour discuter ensemble,
parce que vous comprendrez que votre mémoire est quand même
très substantiel. Les règles font que nous avons chacun 20
minutes. De toute façon, je sais qu'on n'est jamais plus loin
qu'à un coup de fil. Vous vous rappellerez que vous avez ouvert un
débat très intéressant - et vous le soulignez avec
beaucoup de pertinence - sur toute la question de la commercialisation des
banques de données. Je rappelle encore que l'article, de la façon
dont il est libellé - et vous me l'avez confirmé - vient
d'enlever une protection importante au droit d'accès, de la façon
dont il est libellé. Comme le soulevait la FPJQ, comme le soulevait la
Ligue des droits et libertés, un journaliste qui demanderait un document
pourrait se voir refuser, contraint par l'organisme du simple fait qu'il serait
diffusé dans un avenir rapproché. Tout le monde s'entend pour
dire que c'est une atteinte sérieuse au droit d'accès. Moi, je
veux vous dire, M. le Président, que cette réflexion, nous
voulons la faire et nous souhaitons aussi que la ministre nous rassure quant
à l'article 5 de son projet de loi. Elle avait pourtant
déposé un amendement dont elle n'a pas encore fait mention et je
pense que la présentation du président de la Commission
d'accès a mis encore bien en évidence cette problématique
soulevée par l'article 5.
Tout ça pour dire, en tout cas, qu'on ne vous oublie pas, qu'il y
a d'autres recommandations dont on discutera à l'occasion de
l'étude article par article. Vous comprendrez qu'on prendra chacune de
vos recommandations au moment d'étudier chacun des articles. Je voudrais
en profiter pour aussi prendre quelques instants pour m'excuser auprès
d'un certain nombre de personnes, à savoir que je ne pourrai pas,
à
votre instar et à celui des membres de votre équipe,
assister à tous les travaux de la commission, faute d'une entente avec
le leader du gouvernement quant à l'agenda. J'ai des obligations qui
font que je devrai quitter pour l'étranger ce soir. Vous comprendrez que
j'ai fait la lecture exhaustive de tous les mémoires. Je surveillerai
aussi les débats qui seront faits en commission, mais, hélas, je
devrai m'absenter en soirée. M. Paré s'occupera de
représenter l'Opposition officielle. Merci beaucoup de votre
contribution.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le président,
merci à la Commission, merci à ses membres. Je demanderais
maintenant aux représentants du mouvement Retrouvailles de bien vouloir
s'avancer et de nous faire leur présentation.
Quelques mots pour vous souhaiter la bienvenue et vous dire que cette
commission est heureuse d'avoir l'occasion de vous entendre. Je suis sûr
que vous avez des représentations très intéressantes
à nous faire. La ministre ainsi que tous les députés
seront sûrement tout ouïe. Je vous demanderais de commencer la
présentation et peut-être, tout d'abord, de nous présenter,
Mme Bérubé, je pense, les gens qui vous accompagnent.
Mouvement Retrouvailles
Mme Bérubé (Lise): Alors, il me fait
énormément plaisir de vous présenter Mme Solange Haran,
vice-présidente au mouvement Retrouvailles, ainsi que directrice de la
région de Portneuf et présidente du comité des
bénéficiaires du Centre de services sociaux de Québec; Mme
Cécile Comeau, conseillère politique, à ma droite, et M.
Laurent Deschênes, conseiller dans la région de Portneuf ainsi que
moi-même, Mme Lise Bérubé, présidente du mouvement
Retrouvailles et directrice de la région de Montréal.
Le Président (M. Doyon): Alors, merci, Mme la
présidente. Donc, si vous voulez procéder à la
présentation. Je vous signale ce que vous savez déjà: vous
avez 20 minutes environ, pas plus, en tout cas, pour la présentation de
votre mémoire. Mme la ministre disposera du même temps ainsi que
M. le député de Gouin. (12 heures)
Mme Bérubé: Alors, le mouvement Retrouvailles du
Québec est heureux de se présenter aux auditions de la commission
parlementaire sur l'étude du projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels et d'autres dispositions législatives. Nous
avons constaté avec grande joie que ce projet de loi venait enfin
corriger, en partie, les sérieuses lacunes de la loi sur l'accès
à l'information du Québec, lacunes qui entravaient très
sérieusement et presque complètement l'action de nos trop peu
nombreux travailleurs sociaux affectés aux tâches de retrouvailles
dans nos services de postadoption des centres de services sociaux du
Québec. Nous avons longuement discuté de ces lacunes dans notre
mémoire présenté en janvier 1990, en commission
parlementaire sur l'étude de l'avant-projet de loi de la Santé et
des Services sociaux. Nous vous prions donc de vous référer
à ce mémoire ainsi qu'au Journal des débats du 24 janvier
1990 de ladite commission afin de vous documenter davantage sur nos
recommandations.
Le mouvement Retrouvailles du Québec dépose le
présent mémoire pour les auditions de septembre en commission
parlementaire, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et
d'autres dispositions législatives. Ce mémoire s'inscrit dans la
même ligne de pensée. Le présent mémoire renferme
trois parties et une annexe. Dans la première partie, nous parlerons
brièvement de la problématique qui résulte de la
présente loi sur l'accès à l'information du Québec
et de ses conséquences sur les 12 000 membres du mouvement Retrouvailles
du Québec. Dans la deuxième partie, nous proposons des solutions
au règlement de problèmes imputables à l'ancienne loi, et
ce, autant pour les centres de services sociaux que pour les citoyens et
citoyennes à la recherche d'enfants ou de parents.
En conclusion, nous débouchons sur les travaux
préparatoires à la révision de 1991 du Code civil du
Québec. Pour vous en dire davantage sur la problématique, je
passe la parole à Mme Haran.
Le Président (M. Doyon): Mme Haran.
Mme Haran (Solange): Oui. Merci. Moi, ce que je peux dire, c'est
que, pour le mouvement Retrouvailles, la loi sur l'accès à
l'information nous a été défavorable, et je m'explique.
Présentement, la loi sur l'accès à l'information, telle
que rédigée aux articles 62, 65, 123, 126, 127 et 128, rend
impossible l'application des articles 631 et 632 de la loi 89 du Code civil de
la province de Québec en matière de retrouvailles entre les
parents dits biologiques et leur enfant. Tout à l'heure, Mme la ministre
disait que la loi de l'accès à l'information devait faciliter
l'accès aux documents. Pour ce qui est de l'adoption et des
retrouvailles, ça n'a pas facilité, ça a fait un blocage.
Parce que, comment faire pour retracer une personne quand il faut passer par un
tiers, sans briser le sceau de la confidentialité des dossiers
d'adoption et donner en même temps la raison de son intervention? Ces
deux obligations sont complètement contradictoires.
Depuis novembre 1988, on avait demandé, entre autres, des outils.
Au lieu d'avoir des outils, je crois que l'accès à l'information
a engendré un blocage systématique de tous les
centres de services sociaux parce que les intervenants sont
réduits au silence parce qu'ils ne peuvent contacter une tierce personne
sans divulguer la confidentialité du dossier d'adoption et des
renseignements nominatifs. Ce qui a fait que dans bien des CSS il y a 12 000
dossiers en tout en attente, mais ces dossiers-là vont être en
attente jusqu'à 30 ans, pour l'individu qui fait une demande dans le
moment présent. Alors, si vous considérez, par exemple, qu'un
adopté... Je prends juste l'exemple d'une personne qui a 45 ans, s'il
faut qu'elle attende 30 ans, avez-vous pensé à l'âge
qu'elle va avoir quand elle va pouvoir contacter sa mère qui, soit dit
en passant, ne sera plus là?
Ce qui fait peur aussi au mouvement Retrouvailles, c'est l'article 126,
et je le cite: "La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public
à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur
nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère
systématique." Alors, le nombre, ici, il nous fait réellement
peur si on pense à nos 12 000 dossiers qui sont en attente. Alors, ce
sont toutes ces choses-là qui ont fait qu'on a fait une
présentation à la Commission d'accès à
l'information. Et je cède la parole, maintenant, à Mme
Cécile Comeau. Merci.
Mme Comeau (Cécile): M. le Président, Mme la
ministre, messieurs et mesdames de la commission, on vous a expliqué
très brièvement la problématique que nous avons
vécue conséquem-ment aux dispositions de l'ancienne loi sur
l'accès à l'information. Il est évident que ça a
été très mal perçu de la part des membres du
mouvement Retrouvailles qui se disent: Coudon, sommes-nous des citoyens de
seconde zone? Par exemple, en juin 1989, j'adressais une missive à M.
Mario Lebrun, qui était alors chef de cabinet de Mme
Thérèse Lavoie-Roux, pour lui demander: Existe-t-il des
statistiques quelque part concernant les dossiers d'adoption au Québec?
On n'avait rien dans les CSS, on s'envoyait la balle d'un à l'autre; on
ne savait vraiment pas ce qu'était la gestion de la demande. J'avais
envoyé cette lettre-là à M. Lebrun et on n'a toujours pas
eu de réponse. Tout ce qu'on a réussi à avoir avec
ça, c'est un petit tableau, une feuille 8 et demi sur 11, sur laquelle
on lisait que dans tel CSS il y a tant de demandes, et le temps d'attente est
de 30 ans; tel CSS, il y a tant de demandes, et le temps d'attente est de 15,
20 ou 25 ans. Alors, on se dit: Comment un ministère peut-il
établir une politique, évaluer des besoins, s'H ne connaît
pas sa clientèle spécifique? On ne comprend pas qu'il n'y ait pas
au Québec des statistiques détaillées concernant les
dossiers d'adoption. Nous sommes le seul groupe de citoyens qui ne disposons
pas de données statistiques détaillées en ce qui nous
concerne. Allez voir en Ontario, dans la majorité des pays du
Commonwealth ou européens, vous cognez à la porte et vous
demandez combien d'enfants sont nés en 1950, combien d'enfants sont
nés en 1925, combien ont été adoptés à
l'étranger, on vous donne immédiatement ces
informations-là. La création d'un fichier informatisé,
bien entendu, ne devrait pas permettre l'interrogation à outrance, par
exemple, de ces données-là. Ça devrait simplement
être conservé comme un outil de travail et de planification. Il
n'est pas question de brancher ça sur un réseau de
télécommunications où n'importe qui, de son terminal,
pourrait littéralement faire sauter le système de
sécurité et aller chercher des informations là-dedans.
Deuxièmement, nous sommes très satisfaits des
modifications apportées aux articles 62 et 65 de l'ancienne loi. La
fameuse notion de tierce personne qui bloquait tout le monde,
l'impos-siblité d'aller chercher des informations dans les bases de
données gouvernementales, par exemple, faisait qu'on ne trouvait pas les
gens parce que les situations ont changé, les mères d'hier ne
sont plus aux adresses d'aujourd'hui, puis elles ont changé
d'identité; elles ont même changé de province, de pays.
Alors, on a fait une évaluation l'année passée. Ça
a monté à à peu près 10 500 000 $ pour
répondre aux 12 000 dossiers en attente alors qu'avec l'accès
pour nos travailleurs sociaux, je ne dis pas un accès donné
à tout le monde, mais à des personnes dûment
compétentes, dûment indiquées, ça réduirait
les coûts à 2 000 000 $, 2 500 000 $. Alors, je pense que c'est
assez intéressant. On a aussi besoin d'outils très performants,
compte tenu de la complexité géographique puis temporelle du
problème.
Aussi, nous demandons que les articles 62 et 65 puissent être
interprétés simultanément et réciproquement par nos
travailleurs sociaux, pour ne pas qu'ils soient limités rien que par un
type de base de données, pour ne pas qu'on leur dise: Vous, les
travailleurs sociaux, pour identifier la bonne personne, vous devrez avoir
seulement accès au fichier du ministère de la Santé. On
veut que ce soit vraiment à la grandeur de tout le réseau
d'archives mêmes gouvernementales. Je vous donne un exemple: c'est
possible que, pour une raison ou pour une autre, un citoyen ait ses
donnés sorties temporairement du fichier de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec pour des corrections ou des mises à
jour. Alors, si on sait que ce citoyen-là travaille pour tel
ministère, le travailleur social devrait être autorisé
à communiquer avec la direction du personnel de ce
ministère-là pour dire: M. Untel ou Mme Unetelle, est-ce que
ça travaille chez vous? Pour permettre de localiser la bonne personne
rapidement. Je cite, comme exemple, le cas hypothétique d'une dame
Tremblay qui viendrait du Lac Saint-Jean. Alors, là, comment va-t-on
faire pour savoir si on a la bonne Mme Tremblay. Je crois que ça prend
vraiment des outils fiables.
On demande aussi que nos travailleurs sociaux aient accès aux
banques de données fédérales. Par exemple, ça se
peut qu'on ait seulement un numéro d'assurance sociale ou que le
père soit un ancien combattant. Alors, ce sont des choses qui... Les
banques de données provinciales, bien entendu, puis internationales...
Seulement dans les années soixante, j'ai su de source très bien
informée que 10 000 de nos enfants avaient été
envoyés aux États-Unis. Alors, il faut être capable de
récupérer ces gens-là quand le besoin s'en fait
sentir.
Les archives des secteurs public et parapu-blic, ne serait-ce que, par
exemple, des archives d'un hôpital pour essayer de retracer quelqu'un,
bien entendu, pour savoir si la personne a le sida ou quelque chose comme
ça... Les greffes de notaires ou d'avocats, c'est très important
parce qu'il y en a certains qui ont participé à des adoptions
privées. Alors, il faut aller chercher cette information-là. Les
registres religieux et civils, je crois que ça se dit tout seul, les
archives des communautés religieuses, pour la simple et bonne raison que
si on m'arrive demain et qu'on me dit: Ta mère, c'est soeur Une-telle -
avec un nom long comme ça - au point de vue des registres civils,
ça ne nous dit pas grand-chose. Il faut être capable de remonter
à la source.
Les dossiers médicaux et judiciaires, ainsi que les dossiers
policiers, pourquoi on a mis ça? C'est qu'avec le nombre montant
d'itinérants ou de sans-abri, c'est possible qu'on perde la trace de
quelqu'un, mais que, par exemple, la personne ait dû consulter un
médecin ou qu'elle ait dû se rendre à l'urgence d'un
hôpital, ou ait été arrêtée pour vagabondage
par la police. C'est pour permettre aux gens, aux travailleurs sociaux, de
retracer les bonnes personnes, bien entendu, de ne pas connaître... Il
n'est pas question d'aller prendre connaissance du contenu d'un dossier
policier, médical ou judiciaire.
Les dossiers de tous les ministères et organismes du
fédéral ou du provincial, les dossiers des sociétés
privées et publiques d'adoption. Quand on parle de
sociétés privées, là, c'est autant pour celles du
passé que les présentes qui ont été
autorisées à resurgir à la suite de la loi 70 modifiant la
Loi sur l'adoption internationale. C'est passé dans le courant de juin.
Les sociétés publiques d'adoption, pourquoi? Parce que c'est
possible que des gens aient été référés, par
exemple, par un bureau d'adoption public d'Ontario, dans les années
cinquante, pour venir chercher un enfant ici, à Québec.
Alors, les archives et les dossiers des sociétés
privées ou institutions de généalogie, j'ai appris, il y a
très peu de temps, que l'institut de généalogie Drouin
possédait des dossiers, c'est-à-dire possédait des
registres d'adoption et des originaux de certificats de naissance qui vont du
début du siècle à 1945 et il semble que ça leur
aurait été transmis... Il aurait acheté ça du
ministre de la Justice du temps. Du temps, je ne sais pas si c'est Ti-Toine
Rivard ou Maurice Duplessis. Une chose est certaine, c'est que les dossiers
d'adoption, ils sont confidentiels ou ils ne le sont pas. S'ils sont
confidentiels, ils le sont pour tout le monde et on ne refile pas des dossiers
d'adoption à une société privée qui va charger 1000
$ à 2000 $ à une mère ou à un enfant pour se
retrouver. Je pense que la loi doit être la même pour tout le
monde. Je pense qu'on l'a assez entendu dire avec les événements
de cet été.
Il y a aussi les archives et les dossiers des compagnies d'assurances.
On peut apprendre, par exemple, qu'une personne a contracté une police
d'assurance avec telle compagnie ou est décédée et
était assurée avec telle compagnie; ça nous permet de
retrouver, par exemple, des frères, des soeurs, des choses comme
ça. Les archives et les dossiers des groupes privés en recherche
en matière de retrouvailles et aussi les archives des
évêchés et des archevêchés, parce qu'il est
arrivé souvent que des églises perdent leurs registres. Il est
arrivé aussi qu'elles se les fassent voler ou que ça
brûle.
Alors, pour ce qui est de la Commission d'accès à
l'information, nous sommes convaincus que vous avez tous très bien lu
notre mémoire et que nous ne voulons plus que cette Commission ait
quelque autorité que ce soit en matière de dossiers d'adoption et
que cette compétence soit retournée au ministère de la
Santé, sous la responsabilité de M. Côté et des
centres de services sociaux. La raison pour laquelle... C'est que nous avons
appris que cette Commission-là a pris un cas d'espèce et en a
fait un cas de jurisprudence, qu'elle a tenu compte du bien commun d'une
très petite minorité pour bloquer la majorité des citoyens
pour qui la loi avait été faite pour leur plus grand bien. Je
vais vous passer à M. Laurent Oeschênes, qui a des informations
à vous communiquer à ce sujet-là.
Le Président (M. Doyon): M. Deschênes.
M. Deschênes (Laurent): Merci, M. le Président.
Suite à une enquête de la Commission d'accès à
l'information aux centres de services sociaux, de juin 1988, dont le rapport a
été déposé en septembre 1988 et qui amène
l'ambiguïté qu'on a en ce moment, moi, à travers
différentes recherches dont mon cas, à un moment donné,
où je travaillais mon dossier, et pour le compte du mouvement
Retrouvailles, j'ai fouiné un petit peu à l'accès à
l'information. Donc, en octobre 1988 et en février 1989 - je ne peux
malheureusement pas nommer de noms parce que, quand même, ce sont des
conversations privées - on m'a affirmé que s'il y avait eu une
action, telle que l'enquête que la Commission d'accès à
l'information avait faite au Centre de services sociaux de Québec,
c'était tout simplement par une pression de l'APAQ, l'Association
des parents adoptifs du Québec, qui regroupe une minorité
de gens - évidemment, ce sont des parents adoptifs, la majorité
du temps - pour empêcher le mouvement qu'il y avait, le mouvement de
recherche d'antécédents biologiques, qui a pris quand même
une ampleur très grande depuis le jugement de 1984 qui permettait aux
centres de services sociaux d'aller informer un parent qu'il était
recherché par... soit les enfants, ou les parents par les enfants. (12 h
15)
Et puis, depuis ce temps-là, le Centre de services sociaux de
Québec ne peut travailler adéquatement parce que, là, on a
limité son champ d'action parce que... Vous devriez le savoir ou vous
devez le savoir, vous douter que l'information qui a été
donnée il y a 20, 30 ou 40 ans n'est à peu près plus bonne
aujourd'hui. L'adresse a changé, le lieu a changé; le plus
souvent, c'était un nom fictif qui apparaissait au dossier. Le centre de
services sociaux était obligé de travailler avec d'autres moyens:
il passait par des tierces personnes, il passait par des curés pour
réussir à avoir de l'information. Et, depuis que l'accès
à l'information les a empêchés de continuer à faire
ce travail-là, on est rendus à rien. Le nombre de dossiers
introuvables, où on vient à un cul-de-sac, grandit sans cesse et
puis amène évidemment des mécontentements dans la
clientèle. J'aimerais qu'on tienne compte que l'APAQ, qui est quand
même un petit groupe comparativement au mouvement Retrouvailles qui est
de 12 000 membres au moins, plus les parents adoptifs... Parce que, quand
même, il y des parents adoptifs qui sont intéressés aux
retrouvailles aussi. Je me dis que c'est un groupe de gens qui demandent tout
simplement à ce que l'accès à l'information facilite le
travail des travailleurs sociaux de la province de Québec. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Deschênes.
Mme Comeau: Alors, si vous permettez, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, madame.
Mme Comeau: Je vais conclure concernant nos recommandations. Pour
terminer, concernant l'article 2. 1 qui parle de la confidentialité des
dossiers d'adoption, nous vous recommandons fortement de songer
sérieusement à modifier cet article-là au moment où
nous aurons déposé nos recommandations modifiant le Code civil,
à la révision 1991. Cette confidentialité des dossiers
d'adoption vient en contradiction avec l'article 1 de la Charte des droits de
l'enfant des Nations Unies où cet article-là stipule que le
premier droit de l'enfant est de voir ses parents. Aussi, si je me souviens
bien, la Commission des droits de la personne du Québec a émis un
avis, en 1985 ou aux alentours de 1985, où l'on disait que le fait de
divulguer à un enfant l'identité de ses parents ne constituait
pas une violation de la vie privée de ses parents. Comme par exemple,
moi, je sais très bien que M. Robert Bourassa est premier ministre du
Québec, mais ça ne constitue en rien une violation à sa
vie privée. Et puis ça, ce principe-là, il y a beaucoup de
pays dits civilisés qui l'ont compris, où des gens ont droit
à leur certificat de naissance original, sans nom fictif. Il y a
l'Écosse, depuis 1930. Il y a l'Angleterre, depuis 1975. Il y a la
Finlande, depuis 1925. Il y a Israël, depuis 1960, la Hollande, depuis
1956, où même les adolescents, avec l'accord des parents adoptifs,
ont le droit de savoir qui sont leurs parents biologiques, et la
Nouvelle-Zélande, depuis 1984. J'ai des statistiques pour la
Nouvelle-Zélande où on dit que 80 % des mères sont
très contentes - celles qui ont retrouvé - 10 % sont
indifférentes et 10 % ne veulent plus revoir l'enfant. Il y a un droit
de veto qui est là simplement pour préparer tes gens à se
rencontrer. Ce n'est pas un droit de veto absolu. C'est un droit de veto en
voulant dire... La personne dit: Moi, je ne suis pas prête tout de suite.
C'est à ça que ça sert et, au bout de 10 ans, ça
tombe et ça n'a plus aucune valeur. Aussi, la Chambre des
représentants des États-Unis est en train d'instituer une
commission où on est en train de voir la possibilité de changer
toutes les lois aux États-Unis pour ouvrir les dossiers d'adoption. Le
président de cette commission-là - j'ai ici une lettre de ce
monsieur-là - c'est M. George Miller, Chairman, Select Committee on
Children Reform
Families, à la Chambre des représentants à
Washington.
Pour terminer, avant de passer la parole à Mme
Bérubé, il ne faut pas oublier que nous, au Québec, nous
avons été enregistrés d'après des procédures
de droit canon et non pas des procédures de droit civil, que les papiers
d'abandon signés par nos mères avant 1964 n'ont aucune valeur
légale parce que signés sous la pression, sans temps de
réflexion, et que la confidentialité, la Régie de
l'assurance-maladie s'en est complètement contre-foutue quand elle a
transmis, dans un but humanitaire, tout son fichier aux Amputés de
guerre du Canada. Alors, Mme Bérubé, s'il vous plaît.
Le Président (M. Doyon): Mme Bérubé.
Mme Bérubé: Alors, pour conclure, je pense qu'au
mouvement Retrouvailles les droits que nous demandons pour les adoptés
du Québec et les mères naturelles sont des droits tout à
fait légitimes et nous pensons que la Commission d'accès à
l'information peut nous donner les outils et donner les outils
nécessaires aux travailleurs sociaux du Québec qui, eux,
possèdent nos dossiers confidentiels pour nous permettre d'avancer dans
le dossier.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Bérubé.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Mme Bérubé, vous tous, je
vois que ce que vous défendez, c'est effectivement un droit qui nous
appartient à tous de connaître nos parents. Grand bien vous fasse
et c'est à votre honneur, je vois que vous prenez ça très
à coeur. Vous savez, je vous écoutais parler et je
m'aperçois, finalement, qu'il y a deux valeurs qui sont difficiles
à harmoniser, si on veut: d'une part, il y a l'accès d'un
adopté aux renseignements qui le concernent; d'autre part, il y a aussi
la confidentialité des renseignements qui concernent aussi le parent
biologique. Il y a finalement ces deux valeurs et ce sont deux principes qui
sont quand même assez difficiles d'application.
On a proposé, d'ailleurs, certaines modifications, tel que vous
le disiez, à l'article 65 pour, justement, vous aider à
poursuivre votre cause. Maintenant, on veut aussi faire en sorte qu'il soit
possible d'harmoniser, d'une part, l'accès et, d'autre part aussi, la
protection des renseignements personnels. J'aimerais que vous m'expliquiez.
Vous avez les enfants qui recherchent leurs parents, d'un côté,
et, de l'autre côté, il y a des parents qui ne veulent pas
être trouvés. Alors, comment défendez-vous ces deux
valeurs? Comment les appliquez-vous? Parce que ce n'est pas facile.
Mme Bérubé: Alors, je vais vous donner un exemple
bien personnel parce que moi, j'ai eu l'opportunité de retrouver ma
mère et je pense que vous allez très bien comprendre. Ma
mère ne me recherchait pas et je respectais sa vie privée.
D'après le jugement André-Guy Carrier de 1984, au moment
où on a informé ma mère que j'étais à sa
recherche, elle était libre de dire: Oui, j'accepte et non, je ne veux
rien savoir. À ce moment-là, le travailleur social qui appelle,
lui, ne peut pas solliciter une deuxième fois. Alors, ma mère,
par toute la culpabilité... Parce que soyez certaine que ces
femmes-là qui nous ont donné la vie, elles sont tellement
coupables d'avoir posé un geste qui, pour elles, n'a pas
été facile à vivre, elles ont peur. Alors, dans bien des
cas, les mères chercheraient leur enfant, demain matin, si on leur
garantissait certaines choses, mais, par la crainte, elles ne le font pas.
Beaucoup de mères, justement, après 20, 30, 40 ans, quand elles
se rendent compte que l'enfant a fait la première démarche, vont
souvent accepter. La confidentialité, là, je vais vous le dire,
elle vient de sauter pour elles.
Le moyen qu'on veut, nous, c'est de dire: Bien, écoutez, donnez
les moyens nécessaires aux travailleurs sociaux. Vous prenez la
mère qui est originaire de Trois-Rivières, elle vient vous mettre
au monde à Québec et, vous, vous avez été
adopté en Abitibi; elle, maintenant, demeure à Montréal.
Alors, tout le monde a voyagé dans tout ça, autant l'enfant que
la mère. Ce qu'on veut dans tout ça, c'est, oui, protéger
la confidentialité. Tantôt, quand on vous faisait part de
l'institut Drouin, et c'est ce qui est notre crainte, c'est que ces instituts
privés font des démarches et, ça, on en est conscients. On
a les preuves de tout ça. Moi, je vois très mal et je
n'accepterais pas d'avoir à aller cogner à la porte de ma
mère et dire: Bonjour, maman, me voilà! Je ne suis pas sûre
qu'elle accepterait. Alors, il faut respecter. Ce qu'on veut dans tout
ça, oui, la confidentialité. On veut que tout le monde soit
respecté et je pense que c'est notre premier cheval de bataille, le
respect, autant d'un côté comme de l'autre. Écoutez, le
droit à ses origines, savoir qui nous a donné la vie, à
qui on ressemble, qui est notre famille, je pense que vous la connaissez pour
l'avoir vue à la télévision, votre famille, mais vous
êtes fiers de dire: Bien, ça, c'est ma mère; ça,
c'est mon père; ça, c'est mon frère; ça, c'est ma
soeur. Nous, on ne l'a pas, cette chance. On s'en va dans la rue et,
inconsciemment... Moi, avant que Je ne la retrouve, je m'en allais dans la rue
et les dames de 50 ans et plus, je les regardais toutes. Pourquoi? Parce que je
voulais retrouver un visage quelque part. C'est important. Il ne faut pas se
leurrer. Si vous allez vous acheter un chat de race dans un "pet shop", on vous
donne le pedigree ça de long. Nous qui sommes adoptés, on n'a
rien, on est des êtres humains, on n'est pas des marsiens.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Mme la
ministre.
Mme Haran: Est-ce que je peux rajouter quelque chose?
Le Président (M. Doyon): Oui, allez-y, madame.
Mme Haran: Lorsque vous parliez justement de la question de
confidentialité, c'est qu'on respecte aussi bien cette idée.
Comme pour faire suite à ce que Lise disait, dans le mouvement
Retrouvailles, il y a des gens qui, dans le moment, ont des rencontres dans la
clandestinité, si vous voulez, que personne ne sait, sauf les deux
personnes qui se sont retrouvées. Alors, c'est pour vous prouver
jusqu'à quel point un adopté est prêt à respecter la
vie privée de l'autre personne. Il n'y a personne d'autre que ces deux
individus qui savent qu'ils se sont retrouvés. C'est encore une autre
façon de comprendre pourquoi on veut avoir l'accès, tout en
respectant la confidentialité de l'autre personne. Il n'y a personne du
mouvement qui est contre cette idée-là et ça restera
toujours valable, la question de la confidentialité. Ce qu'on veut
seulement, c'est l'ouverture des dossiers et la possibilité depuis 1984
d'aller informer. C'est ça qui nous tient à coeur et c'est
sur ça qu'on se débat et sur ça qu'on veut avoir
les outils nécessaires, l'accès à l'information, pour
aller informer ces personnes-là, tout en respectant la
confidentialité de l'autre personne.
Le Président (M. Doyon): Merci.
Mme Frulla-Hébert: Merci. Je vais passer la parole au
député de Gouin et je vais revenir. Je veux juste apporter une
précision cependant, c'est qu'on parte de l'institut Drouin et tout
ça, et vous savez que notre loi ne couvre pas le secteur privé,
on en a discuté tantôt. Alors, quant aux demandes, ça
viendra comme on dit, ce sera un dossier qu'on va aborder cet automne, mais
elles ne couvrent pas... Alors, il y a certaines demandes dont vous faisiez
part. Ça dépend de la juridiction. Mais je pense à quelque
chose; je vais y revenir. Je veux juste passer la parole au
député.
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, c'est le
président qui a cette fonction-là. Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, excusez-moi. On
me ramène à l'ordre. Vous avez raison.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Gouin, si vous avez des questions à poser, vous avez la parole.
M. Boisclair: Je veux vous dire qu'on ne peut pas rester
insensibles au genre de témoignage que vous venez de nous apporter: des
gens qui se battent un peu pour une dignité humaine, une cause qui est
juste. C'est sûr qu'on en est tous pratiquement émus.
J'écoutais le témoignage de monsieur et ce que vous disiez tout
à l'heure, c'est sûr qu'on ne reste pas indifférents
à ça. Nous avons un mandat bien particulier qui est d'analyser le
projet de loi 62, d'essayer de le bonifier pour essayer de tenir compte des
revendications légitimes de l'ensemble des groupes qui viennent se
présenter devant nous. Je vous dis très honnêtement que
tout le processus d'adoption, je ne suis pas tellement familier avec cette
réalité des problèmes que vous pouvez vivre avec des
travailleurs sociaux et des choses semblables, parce que c'est un peu à
l'extérieur de notre champ de compétence comme tel qui est de
surveiller l'application de la loi et d'essayer de la bonifier.
Le projet de loi 62, comme le soulignait la ministre, apporte certaines
modifications. Vous parliez avec pertinence tout à l'heure de l'article
65 de la loi. Vous savez que l'article 65 est modifié dans le projet de
loi 62 par l'article 16 du projet de loi, et on le spécifie très
clairement. Permettez-moi d'attirer votre attention. On dit: 'Toutefois, une
personne dûment autorisée par un organisme public qui
détient des dossiers ayant trait à l'adoption de personnes et qui
recueille un tel renseignement aux fins de l'un de ces dossiers, n'est pas
tenue d'informer la personne concernée ou le tiers de l'usage auquel est
destiné le renseignement ni des catégories de personnes qui y
auront accès." Comment réagissez-vous à cet amendement
à l'article 65 de la loi actuelle?
Une voix: Quelle était votre question, monsieur?
M. Boisclair: Comment réagissez-vous à l'article 16
qui déjà, comme le soulevait la ministre, vient apporter
certaines modifications, parce qu'on le souligne très clairement quant
aux cas d'adoption?
Mme Bérubé: L'article 65 répond très
bien et cette modification-là a été apportée par
une plainte qui a été faite par le Centre de services sociaux de
Québec. Je vais vous donner juste l'exemple, et j'en suis très
consciente pour l'avoir aussi vécu. Ceux qui ont été
adoptés, que ce soit dans une paroisse quelconque ici, au Québec,
l'enfant qui a été adopté est placé dans un cahier
tout à fait à part des registres de la paroisse. Alors, si le
travailleur social appelait M. le curé X pour retrouver, par exemple,
l'enfant adopté, il fallait qu'il lui dise pourquoi il l'appelait. Et si
M. le curé - on sait fortement qu'on s'est fait un peu bafouer, à
un moment donné, par le clergé - n'était pas en accord
avec tout ça, alors, on refermait carrément la ligne, ce qui
faisait qu'on ne pouvait pas continuer les démarches. Et, dans ce
sens-là, l'article 65 - et ça on vous le dit clairement dans le
mémoire - on est... c'est, en tout cas, là où on a
été le plus content pour le moment.
M. Boisclair: Vous soulevez, en conclusion dans votre
mémoire, quant aux modifications qu'on devrait apporter à
l'article 2.1 lorsque viendra la réforme du Code civil en 1991... Vous
parlez de l'article 2.1 de l'actuelle loi, qui est la loi d'accès,
l'article 2.1 dit: La présente loi ne s'applique pas aux actes et
registres de l'état civil.
Mme Comeau: Si Mme la vice-présidente veut me passer mon
ancien projet de loi, s'il vous plaît. Merci. Pour répondre
à monsieur...
M. Boisclair: C'est ça. Je voudrais juste savoir,
l'article 2.1, c'est...
Mme Comeau: O.K. Moi, d'après la copie que j'ai qui
date...
M. Boisclair: De la loi...
(12 h 30)
Mme Comeau: ...de la mise à jour du 24 octobre 1988, c'est
l'article 2... On les a quelque part, les trucs sur... Attendez un petit peu.
O.K. C'est l'article 2.1. Je crois, monsieur, que vous étiez à
l'article 2, premier alinéa, au lieu de l'article 2.1 concernant les
mesures d'exception...
M. Boisclair: O.K.
Mme Comeau: ...de la loi sur l'accès à
l'information. Est-ce que ça va? C'est un petit peu plus bas.
M. Boisclair: Oui, ça, je le comprends. Vous dites... Vous
avez même soutenu qu'en fonction d'une décision qui a
été rendue par la Commission des droits de la personne, qui
reconnaît le droit de retrouver nos parents biologiques, ce
n'était pas une contrainte à l'accès à la vie
privée de ces parents-là, suite à un avis...
Mme Comeau: Non, pas de retrouver, monsieur. La commission... Si
je me souviens bien... Je vais essayer de remettre la main sur l'avis. Mais, si
je me souviens bien de l'avis, l'avis disait que le fait de divulguer à
quelqu'un l'identité de ses parents biologiques...
M. Boisclair: Ce n'était pas une atteinte aux
droits...
Mme Comeau: ...ne constituait pas une attaque à la vie
privée. Par contre, le fait qu'un adopté ou un enfant jamais
adopté, un orphelin, passe par-dessus le refus de consentement de ses
parents, là, à ce moment-là, c'est une atteinte à
la vie privée. Autrement dit, moi, je sais que M. Bourassa, c'est le
premier ministre du Québec. Il n'y a pas d'atteinte à sa vie
privée. Si, demain matin, je m'en vais chez lui et que je mets des
barricades vis-à-vis son entrée de cour, là, à ce
moment-là, c'est une atteinte à sa vie privée. Alors, je
crois que c'est... Est-ce que c'est un peu plus clair là? Dans le sens
que l'atteinte à la vie privée va résider dans le fait de
contacter quelqu'un ou de vouloir le voir malgré... en l'absence de son
consentement ou quand il nous a signifié un refus. Il y a
déjà d'ailleurs, je crois, des mandats de paix qui ont
été émis à cet effet-là. Puis le refus, ce
sont des dispositions qui sont déjà prévues dans la loi
89, chapitre sur l'adoption, l'article 631 ou 632, quelque chose comme
ça. O.K. Quand on parle de l'article 2.1, c'est l'accès aux
documents...
M. Boisclair: Oui.
Mme Comeau: ...contenus dans un dossier ayant trait à
l'adoption d'une personne...
M. Boisclair: En quoi... Ça, je suis capable de lire comme
vous. Mais en quoi l'article 2.1... Exactement, que voulez-vous qu'on fasse
à l'article 2.1?
Mme Comeau: C'est parce que nous, nous allons, nous... on
s'invite tout de suite, on va être présents en commission
parlementaire sur la révision du Code civil. O.K.
M. Boisclair: Oui, ça, je comprends.
Mme Comeau: Et nous, nous allons demander de très grosses
modifications à la Loi sur l'adoption. Nous allons, entre autres, nous
enligner sur le projet de loi du Parlement de New South Wales en Australie, qui
est très avant-gardiste et qui garantit le respect des droits de tout le
monde, mais de tout le monde, tant des parents adoptifs que des enfants
biologiques adoptés ou même des parents biologiques. Et
peut-être que la confidentialité des dossiers d'adoption, à
un moment donné, elle ne sera plus nécessaire quand la
majorité d'entre nous aurons retrouvé nos parents. Les gens vont
voir: Bon, ça ne mord pas, ça ne fait pas mal, ce n'est pas
dangereux. Alors, ça ne sera plus une nécessité. Ça
ne sera plus une nécessité pour nos mères, parce qu'elles
comprendront davantage, parce que mieux informées aussi qu'il n'y a
aucun danger à rencontrer son enfant. Nous parlions de ça dans
notre mémoire de janvier déposé à la commission de
la santé.
M. Boisclair: Je vais laisser la ministre conclure et je
reviendrai.
Le Président (M. Doyon): Ce sera peut-être le
président qui verra à ça.
M. Boisclair: Ah, oui. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez
peut-être de poser une question: Votre organisme existe depuis combien de
temps?
Mme Bérubé: L'organisme existe depuis 1983.
Le Président (M. Doyon): Donc, c'est un organisme qui est
connu, dont on entend parler. Est-ce que... Évidemment, il n'y a pas la
contrepartie de votre organisme qui serait l'organisation des femmes qui ne
veulent pas qu'on sache qu'elles ont eu un enfant. Ça n'existe pas comme
tel, par définition. Mais vous autres, étant donné que
vous existez - je suis curieux de savoir - est-ce que vous avez
déjà reçu des communications, des lettres, quelque chose,
où des femmes vous auraient écrit vous disant: Mêlez-vous
donc de vos affaires; moi j'ai eu un enfant, ça ne vous regarde pas,
arrêtez de faire des pressions pour que mon enfant me retrouve? Parce que
vous êtes un organisme de pression, vous êtes un organisme qui
facilite les
retrouvailles, justement. Et est-ce que des femmes vous ont
déjà écrit pour vous dire: Vous seriez mieux de faire
autre chose que de travailler dans le sens où vous le faites? Est-ce que
vous avez déjà eu des lettres dans ce sens-là? Parce que
je me dis, ce qu'on entend toujours, ce sont les gens qui peuvent s'organiser.
Moi, je suis sympathique, je trouve que votre argumentation se tient.
J'aimerais aussi entendre l'envers de la médaille, puis je me demande ce
que je ferais pour ('entendre. Là, vous me donnez le vôtre,
j'aimerais que les mères, les mères qui ont eu des enfants et qui
les ont donnés en adoption, puissent se faire entendre, puis je n'ai pas
de moyen de les entendre. En passant par vous, peut-être que vous me
diriez si vous avez eu des communications dans ce sens-là. C'est le sens
de ma question.
Mme Bérubé: Écoutez, des mères qui
ont dit: Mêlez-vous de vos affaires, on ne veut pas revenir sur le
passé, oui, il y en a eu. Il y a eu ce qu'on appelle, nous, dans notre
jargon d'adopté, des refus. Mais on s'est rendu compte qu'après
quelques mors ou quelques semaines ces gens-là... Écoutez, on
vous informe que votre enfant, à qui vous avez donné naissance
voilà 30 ans, 40 ans, est à votre recherche. Inconsciemment,
intérieurement, ça joue avec les sentiments. Alors, beaucoup de
ces dames-là, oui, avaient dit non, mais ont révisé leur
réponse. Et quand...
Le Président (M. Doyon): Quelles sont les raisons que les
gens donnent pour refuser de voir, de recevoir, de rencontrer leur enfant?
Mme Bérubé: Bon...
Le Président (M. Doyon): Quelles sont les raisons qui vous
sont données?
Mme Bérubé: Écoutez, la mère qui vous
a donné naissance il y a 40 ans, depuis 40 ans elle a refait sa vie,
elle est mariée, elle a d'autres enfants. La réponse qu'on entend
le plus souvent, c'est que le mari n'est pas au courant. On a peur, mais, par
contre, il y a tout le côté de mère qui veut dire oui. En
bout de ligne, ce sont les préjugés du temps qu'elles ont subis
à l'époque qui font qu'elles ne répondent pas.
Le Président (M. Doyon): C'est la réponse
principale. Une autre question qui me vient à l'idée, c'est:
Est-ce que, compte tenu de la situation actuelle où les gens peuvent
espérer, normalement, une femme qui donne son enfant en adoption, que,
par le passage du temps, etc., ça va tomber dans l'oubli et puis elle
n'en entendra pas parler, puis tout ça... Est-ce que vous ne craignez
pas que s'il y avait une procédure qui permettrait de retrouver
facilement et automa- tiquement - ce contre quoi je ne suis pas - il y aurait
un réflexe où peut-être des femmes qui ne se font pas
avorter actuellement seraient portées à se faire avorter, se
disant: S'il est pour revenir, cet enfant-là que je vais mettre au
monde, s'il est pour venir me voir... Est-ce que vous avez
déjà... Est-ce que c'est un élément auquel vous
avez déjà songé? L'avortement étant, d'après
moi - je vous le dis, c'est une opinbn personnelle - la pire des solutions, la
pire des solutions, est-ce que l'argument par lequel on peut convaincre une
jeune fille qui ne veut pas avoir son enfant, en lui disant: II y a des gens -
et c'est vrai - il y a des gens qui sont prêts à les adopter, il y
a des gens qui sont à la recherche d'enfants... Tu pourras facilement le
donner en adoption et faire des parents très heureux, et ce sera la
dernière décision que tu auras à prendre. Est-ce que vous
vous êtes déjà interrogés sur la possibilité
que le fait de permettre des retrouvailles plus faciles - ce contre quoi je ne
suis pas, comme je vous le signale - ne pourrait pas amener certaines femmes
à accepter plus facilement la solution de l'avortement?
Mme Comeau: Si vous le permettez, M. le Président, je vais
répondre à cette question-là. L'argument que vous apportez
n'est pas fondé par rapport aux statistiques que nous avons et aux
personnes que nous avons consultées. Je m'explique II y a des praticiens
dans nos centres de services sociaux qui cherchent
désespérément pour avoir des enfants à adopter au
Québec, qui n'en trouvent pas et qui disent que les petites filles
aiment mieux se faire avorter plutôt que de ne pas savoir où va
aller leur enfant, ce qu'il va advenir de lui. Je m'explique. Des gens qui
maltraitent leurs enfants vont se les voir redonner à leur garde
après quelques séances de psychothérapie quelconque, O.K.,
mais des mères n'ont pas le droit de savoir où est passé
leur enfant, ce qu'il est advenu de leur enfant. Alors, l'adoption ouverte va
résoudre en partie les problèmes d'adoption internationale
où on risque d'avoir un troc d'enfants absolument inadmissible.
L'adoption ouverte va justement faire qu'une petite fille de 15 ou 16 ans, qui
est aux études, qui n'a pas la capacité d'élever un
enfant, va peut-être consentir plus facilement à ne pas se faire
avorter, mais à mener sa grossesse à terme et à choisir
une excellente famille d'adoption pour son enfant, en sachant que son enfant ne
sera pas considéré comme un objet de commerce: Je suis ton
père, j'ai été te chercher à l'orphelinat. Un peu
comme il a été chercher son char chez le concessionnaire Ford.
Alors, ce sont des mentalités à changer, et je crois que les
familles adoptives en attente d'enfants vont partager cet avis-là. Mme
Bérubé, je ne sais pas si vous voulez continuer.
Mme Bérubé: Non, ça va.
Le Président (M. Doyon): Merci, c'est éclairant.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui, bon. J'aurais peut-être une
suggestion. Vous savez que la loi d'accès c'est comme la Charte des
droits et libertés, on défend un principe général
basé sur deux droits, on l'a dit tantôt. C'est difficile,
d'ailleurs, de gérer ce principe général sur un cas
particulier, aussi louable, et croyez-moi, aussi louable que puisse être
la cause, si on veut, du mouvement Retrouvailles. Vous allez avoir des
évolutions, je sais que vous allez participer, justement, à des
modifications au niveau du Code civil. Mais je vous écoutais parler, et
je disais tantôt que, par exemple, la loi ne s'applique pas aux
organismes prives. Ce que je peux vous suggérer, parce que, pour
l'instant, il va falloir que vous travailliez avec la loi aussi... Si vous
êtes contre les ordonnances, il y a des recours à la Cour du
Québec, etc. Ce que je vous suggère, ce n'est pas très
orthodoxe ce que je fais, c'est que nous, au ministère, nous avons des
experts dans la loi, tels que Me Piette, par exemple, et Mme McNicoll, aussi.
Et celles-ci peuvent vous aider, peut-être, si vous trouvez que vous en
avez besoin, parce qu'elle est complexe, compliquée, à bien la
saisir, la comprendre, travailler avec elle, et voir, même aussi, quels
sont les avantages de cette loi-là, pour vous, et quels sont aussi les
désavantages et comment, finalement, fonctionner avec elle. Parce que je
dis bien que c'est difficile, là, de gérer le principe
général de cette loi-là sur des cas d'exception.
Maintenant, on va peut-être avoir le temps, M. le Président,
d'entendre, à la fin, la Commission d'accès. Peut-être que
la Commission d'accès à l'information a des suggestions ou,
enfin, des recommandations à apporter à ce que vous dites. Mais
si vous avez besoin de précisions, ou besoin de nous, nous sommes
à votre disposition.
Ceci dit, continuez votre beau travail, parce que vous êtes
très émouvantes.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Je vous remercie de votre présentation. Je
pense que le défi qu'on aura, comme membres de cette commission, c'est
de traduire concrètement vos préoccupations en textes
législatifs. Parce que, au-delà d'énoncer un certain
nombre d'intentions, certaines de vos préoccupations sont très
claires. Vous demandez le retrait d'un certain nombre d'articles, tout en
respectant ce juste équilibre entre le droit d'accès à
l'information et la protection de la vie privée, où il y a
toujours un certain nombre de compromis à faire, un certain nombre de
zones grises, nous en sommes conscients. Lorsque vient le temps de faire une
définition, bien, il y a toujours des gens qui sont exclus de cette
définition-là. Notre défi, je pense qu'il s'adressera
à nous à l'occasion de l'étude article par article, ce
sera de traduire cette préoccupation, que vous avez si bien
exprimée, en textes législatifs, et d'essayer aussi de penser
à une réflexion qu'il faut en parallèle à la loi
d'accès. Vous parlez de la réforme du Code civil, d'autres lois.
Je pense que cette préoccupation que vous soulevez est que, justement,
il faut tenir compte des réformes qui se font aussi à d'autres
niveau. Je pense que c'était pertinent de le faire. Je vous remercie de
votre contribution, tous et toutes, en espérant qu'on sera capables,
dans un avenir rapproché, de répondre adéquatement
à vos demandes.
Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez à mon
tour de vous remercier et de vous féliciter pour le travail que vous
faites. Je conçois que les problèmes auxquels vous avez à
faire face sont des problèmes humains avant tout. Il est sûr que
les épreuves qui ont été connues, par les femmes dans bien
des cas, font en quelque sorte qu'on leur impose une double peine, si on veut,
en les privant très souvent... Et la société est
très souvent très responsable de ça. C'est la
société, premièrement, qui est responsable. On a tous
notre part de responsabilité, dans le sens qu'on a, jusqu'à un
certain point, participé à ce sentiment de culpabilité
qu'on a voulu développer chez des gens qui avaient, finalement,
très souvent agi selon leur sentiment personnel. On ne doit pas
prolonger cette façon de punir les gens, et c'est porter un jugement
alors qu'on n'a pas à en porter. Le travail que vous faites est
extrêmement valable. Je vous félicite et j'espère qu'il y
aura un moyen terme, tel que l'indiquaient Mme la ministre ainsi que M. le
député de Gouin, qui sera trouvé et qui permettra aux gens
de retrouver leur filiation, et qui pourront, comme ça, savoir qui ils
sont vraiment, parce qu'on est ce que nos parents ont été, avant
tout. Alors, merci beaucoup.
Une voix: Nous remercions...
Mme Bérubé: Ce que nous espérons, c'est que
nous aussi, un jour, on pourra faire notre généalogie, et nous
serons toujours disponibles pour vous aider dans la loi.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.
Alors, on peut peut-être suspendre quelques instants, pour
reprendre rapidement, cependant. Suspension, donc.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise à 12 h 52)
Le Président (M. Doyon): La commission
reprend ses travaux à l'instant. Nous sommes maintenant à
entendre les représentants de la Ligue des droits et libertés. Je
vois qu'ils sont déjà à la table des intervenants. Je leur
souhaite la bienvenue et je leur demande de se présenter. Nous sommes
prêts à les écouter. Je leur indique ce qu'ils savent
déjà. Ils étaient ici tout à l'heure. C'est une
heure: 20 minutes pour vous autres, 20 minutes pour le côté
ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. D'accord? Allez-y.
Ligue des droits et libertés
M. Langlois (Denis): Merci, M. le Président. Mon nom est
Denis Langlois. Je suis responsable des communications à la Ligue des
droits et libertés. Je suis avec, à mes côtés, M.
Pierrot Péladeau, qui est chercheur juridique, responsable de ce
dossier-là à la Ligue des droits et libertés. M.
Péladeau travaille déjà depuis plusieurs années sur
les questions d'informatisation, de télématique et en rapport
avec les libertés fondamentales, les droits et libertés.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, M. le critique de
l'Opposition, MM. et Mmes les députés, la Ligue des droits et
libertés est heureuse de se présenter devant cette commission
parlementaire pour vous faire part de ses observations concernant le projet de
loi 62. Déjà, depuis un certain temps, la Ligue
s'intéresse aux questions de transparence de la gestion gouvernementale
tout autant qu'à l'un des droits les plus fondamentaux dans nos
sociétés démocratiques, celui du respect de la vie
privée. On est intervenus juste pour mémoire sur
différentes questions concernant à la fois la
sécurité nationale, les activités de la police
secrète au Québec, dans des colloques sur l'informatisation des
processus informationnels. On a commenté les lois fédérale
et provinciale d'accès à l'information. On a coproduit aussi un
ouvrage de sensibilisation sur les dangers inhérents au
développement de l'informatique: "Gérard et Georgette, citoyens
fichés, informatique et vie privée", qu'il s'appelait, cet
ouvrage-là. On est aussi intervenus auprès de la Commission
d'accès à l'information à certaines reprises, notamment
sur le rapport que la Commission d'accès à l'information a fait
sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès dans le cadre de l'actuel
processus de révision de la loi. Bref, étant donné le
statut particulier de cette loi-là, il n'était pas
étonnant que la Ligue décide d'accorder toute l'attention
nécessaire à l'examen du projet de loi.
Je dois d'abord rappeler le sens de nos interventions dans ce dossier
depuis plusieurs années. C'est celui de la démocratisation la
plus grande possible de l'accès aux documents publics afin de favoriser
la plus grande transparence dans la gestion gouvernementale. On rencontre,
à ce moment-là, dans ce sens-là, les objectifs de la loi
et c'est à la lumière de cette préoccupation que nous
avons étudié le volet accès aux docu- ments du projet de
loi 62.
À cet égard, cependant, si on doit se réjouir de la
tenue de la commission parlementaire pour examiner dans de meilleures
conditions la révision d'une loi aussi importante que la loi sur
l'accès, nous ne pouvons pas passer sous silence un certain sentiment
d'improvisation dans le processus. En juin, il était envisagé de
faire adopter le projet de loi 62 sans véritablement faire un nouveau
débat public en commission parlementaire et un peu dans la foulée
des fins de session parlementaire. Je dois dire que, heureusement, il y a
plusieurs organismes - dont le nôtre mais d'autres aussi - qui ont fait
part de leurs inquiétudes en identifiant des problèmes
importants, des problèmes majeurs qui étaient contenus dans le
projet de loi. Plus récemment, lorsqu'il s'est agi d'étudier le
projet de loi, il a fallu composer avec certaines annonces d'amendements. Mais
là je viens d'apprendre ce matin qu'il s'agissait peut-être
d'annonces mais qu'ils ne sont pas sur la table. Je dois simplement signaler
que notre mémoire tient compte de ces annonces d'amendements. Il y a
trois ou quatre projets où on avait annoncé des amendements.
Alors, dans le mémoire que nous avons rédigé, il faudra
évidemment tenir compte du fait qu'il tient compte de ces annonces
d'amendements. Donc, il faudra ajuster en conséquence.
De ce point de vue, on se réjouit effectivement d'apprendre qu'il
y a non seulement matière à discussion et qu'il y a
matière à échange dans l'amélioration de cette loi,
mais qu'il y a aussi beaucoup de place pour amélioration. Toutefois, la
manière dont les choses se sont passées nous laisse un peu moins
satisfaits. De ce point de vue, je veux juste vous signaler qu'une des
recommandations de notre mémoire - c'est à la fin du
mémoire, page 43 - c'est précisément de faire en sorte que
dans le processus de révision d'une loi qui a ce statut particulier...
'Toute modification à la présente loi ou toute modification
à une loi générale ou spéciale
énonçant s'appliquer malgré la présente loi devrait
faire l'objet d'une étude par la commission désignée par
la commission de l'Assemblée nationale", donc en tout temps, et cette
commission devrait entendre à ce sujet les personnes et les organismes
intéressés afin d'assurer qu'étant donné le statut
particulier de cette loi aucune révision majeure ne puisse être
entreprise sans l'organisation systématique de ce débat
public.
Deuxième chose avant de passer la parole à M.
Péladeau. Il est un autre droit important qui nous préoccupe de
plus en plus à la Ligue, c'est celui du respect de la vie privée.
L'article 5 de la charte en fait un principe fondamental au niveau de nos
libertés. Les scénarios de "big brother" ne sont pas si loin de
nous. À cet égard, notre mémoire formule plusieurs mises
en garde et plusieurs commentaires, suggestions concernant la protection des
renseignements
personnels. Mais si la protection des renseignements personnels, et
ça a été soulevé, je pense, dans la discussion avec
la Commission d'accès à l'information - on est arrivés un
peu vers la fin - est régie par une loi dans le secteur public, il ne
faut pas oublier qu'aucune loi ou réglementation ne la régit dans
le secteur privé. Ça, ça continue de nous
inquiéter. Pourtant, lors du 25e anniversaire de la Ligue des droits et
libertés, M. Rémillard, ministre de la Justice, avait promis le
dépôt d'une loi avant la fin de 1989. Nous attendons toujours.
J'ai appris ce matin qu'il y a une autre déclaration d'intention du
ministre de la Justice pour l'automne en commission parlementaire. Je veux dire
que c'est quelque chose qui nous réjouit effectivement parce que les
banques de données personnelles sont déjà couplées,
comparées. Elles font l'objet d'un commerce de plus en plus important et
certaines atteintes au droit à la vie privée ne sont pas toujours
empêchées. De ce point de vue, on espère que,
effectivement, les engagements qui sont annoncés vont être tenus
véritablement. Une législation sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé s'impose assez
tôt.
Avant de céder la parole à M. Péiadeau, je tiens
à rappeler que notre présence ici, à la commission
parlementaire, se veut constructive pour améliorer une loi à
laquelle on croit, qu'on a demandée aussi dans tout le processus
d'adoption depuis quelques années et dans tout le processus de
révision. Et même si nos commentaires ou nos critiques peuvent
s'avérer parfois un peu virulentes, à la Ligue des droits et
libertés, on se donne... Seulement de là, disons... Nous sommes
de ceux qui croient un peu en la vertu de la critique.
Je tiens aussi à remercier le ministère des Communications
de s'être donné la peine de consulter notre spécialiste, M.
Péiadeau, sur ces questions, il y a quelques semaines et j'espère
que nos commentaires seront accueillis non seulement avec intérêt,
mais aussi avec une sympathie assez suffisante pour conduire à modifier
le projet de loi. (13 heures)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Lan-glois. M.
Péiadeau.
M. Péiadeau (Pierrot): Évidemment, on ne reprendra
pas l'ensemble des éléments du mémoire, mais on va
concentrer sur les éléments majeurs, le premier étant
l'article 5 du projet de loi 62 qui modifie l'article 12 de la loi sur
l'accès. Outre les sévères critiques qu'on avait faites
publiquement au printemps dernier et dans notre mémoire sur le fait que
cet article-là constitue finalement un chèque en blanc qui
était laissé à tout organisme, quel qu'il soit, de
disposer d'une discrétion qu'on considérait peut-être
exorbitante et incontrôlée qui pouvait affecter
éventuellement le droit à l'information des citoyens, la
principale constatation que nous faisons, c'est que cet article n'a pas sa
place dans la loi sur l'accès à l'information.
En fait, l'article 5 ne vise pas vraiment à mettre en oeuvre un
droit d'accès. En fait, cet article établit plutôt un
régime de propriété intellectuelle sur les banques de
données des organismes publics. Il établit le droit des
organismes publics d'établir toutes les conditions, comme on le sait,
qu'ils jugent à propos quant à la production et la diffusion des
banques de données produites par eux ou pour leur compte.
Cela, en soi, soulève toute une série de questions et de
problèmes qu'on a mentionnés dans le mémoire. Cependant,
pour être bref, on peut dire qu'il est certain que si les dispositions
actuelles du droit à la propriété intellectuelle peuvent
être insatisfaisantes pour les producteurs et propriétaires de
banques de données. Cependant, si le Québec tient à
légiférer en ces matières, pour tant est qu'il le puisse
actuellement - il y a des questions constitutionnelles qui se posent et qu'on a
soulevées - ii devra le faire non pas par une unique disposition
glissée dans une loi relative à des droits fondamentaux et qui
font que les dispositions sur la propriété auraient une valeur
prépondérante sur toutes les autres lois du Québec, mais
plutôt, à notre avis, dans un texte achevé en
matière de propriété intellectuelle des banques
d'informations.
Par ailleurs, on considère que l'adoption d'un tel article est un
tout petit peu prématurée, parce que cet article-là
s'inscrit dans un cadre beaucoup plus large, un débat social beaucoup
plus large qui n'a pas encore été abordé à fond,
c'est-à-dire celui de la commercialisation des banques d'informations
des organismes publics au Québec, un débat dont l'importance et
les enjeux sont au moins aussi grands que ceux relatifs à l'accès
à l'information et la protection des renseignements personnels dans le
secteur public de même que le débat sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. Notre mémoire,
d'ailleurs, insiste longuement sur cette démonstration.
Ce qui est ironique, c'est que le ministère des Communications du
Québec est peut-être un des organismes à travers le monde
qui sont le mieux préparés actuellement pour faire face à
ce débat. On cite même les travaux du ministère des
Communications en exemple, en Europe. En effet, depuis 1986, le
ministère des Communications a travaillé activement. On sait que
le ministère a travaillé activement à étudier les
diverses implications de la commercialisation des informations gouvernementales
et on sait qu'aujourd'hui le gouvernement du Québec serait en mesure de
déposer rapidement un projet de politique en matière de diffusion
des banques d'informations gouvernementales.
À notre avis, il en ressort qu'on devrait peut-être
procéder dans un autre ordre. En fait,
il ressort que, premièrement, il est clair que le Québec
ne peut pas faire l'économie d'un débat public sur l'insertion de
l'information gouvernementale dans le marché global d'information,
c'est-à-dire qu'il y a des conséquences industrielles, politiques
et juridiques à une politique qui serait prise. Il est clair qu'il
s'agit d'un débat important, qui a d'importants enjeux, d'autant plus
que, dans ce débat-là, on devra s'assurer la consolidation des
acquis en matière d'accè6 à l'information et de protection
des renseignements personnels.
Ce débat devrait donc précéder l'adoption des
normes juridiques et non l'inverse. Consé-quemment, nous proposons que
l'article 5 soit retiré du projet de loi justement parce que
prématuré et que le projet de politique du gouvernement du
Québec sur la commercialisation puisse être publié dans les
plus brefs délais ou dans les meilleurs délais pour ultimement
faire l'objet d'un débat public par lequel on pourra établir un
certain consensus ou, au moins, établir des lignés... que le
gouvernement va pouvoir établir des lignes, que lé gouvernement
va pouvoir établir des règles du jeu pour tout le monde
vis-à-vis de cette importante question.
L'article 6 modifiant l'article 13 de la loi sur l'accès comporte
à peu près la même problématique, en ce sens qu'on
considère que c'est peut-être aussi un tout petit peu
prématuré, dans la mesuré où ça entre dans
ce cadre d'étude sur la commercialisation. Ce qu'on reproche, cependant,
au nouvel article 13 qui est proposé, c'est, premièrement, qu'il
interdit toute forme d'accès autre que la consultation sur place pendant
les heures de travail. Ça, on trouve qu'il s'agit d'une mesure qui a des
effets discriminatoires puisque seules les personnes qui ont les moyens de se
rendre sur place durant les heures de travail peuvent exercer ce droit
d'accès.
Par ailleurs, on trouve que le test prévu pour faire tomber une
demande d'accès à un document sous cet article, sous
l'application du second alinéa, en particulier, de l'article 13, est
inacceptable puisque n'importe quel organisme pourrait l'invoquer sans qu'il
ait un critère objectif et verifiable éventuellement. Plus
précisément, en tout cas, si on maintenait cette disposition, le
délai devrait courir non pas à compter de la date de la demande
d'accès, mais à compter de la date de production du document.
Ainsi donc, nous sommes d'avis que, premièrement, dans la mesure
où cet article est arrivé par surprise, il n'y a pas eu de
débat préalable qu'on a pu déceler sur cette question,
donc, on n'a pas fait encore, à ce qu'il nous semble, la
démonstration de la nécessité d'adopter une telle
disposition. Deuxièmement, nous croyons, en conséquence, que
l'article 6 devrait être retiré jusqu'au moment où il y
aurait, justement, un débat public sur la politique du gouvernement du
Québec sur la commercialisation. Si, au terme du débat, à
notre avis, le principe des modalités différentes d'exercice du
droit d'accès était retenu, nous croyons qu'on devrait
prévoir, parmi les modes d'accès possibles, le prêt du
document. Le prêt de document a l'avantage d'éviter toute forme de
discrimination dècouvant du lieu de résidence, de l'emploi ou de
la capacité financière des individus. Il a l'intérêt
tout en même temps de limiter le nombre de copies qui seraient produites
pour un document qui serait en demande puisque, de toute manière, on
avait prévu l'éditer-.
Ce qu'on dit, c'est que d'aucune manière les dispositions
s'appliquant à l'accès aux documents publiés ou à
être publiés ne devraient être rédigées de
manière à Interdire l'accès par des mécanismes
informels autres que ceux qui découlent des obligations d'accès
des organismes publics en vertu de la loi.
L'autre élément d'article qui a soulevé,
évidemment, des questions, c'était l'article 19 qui modifiait
l'article 68. 1 de la loi sur l'accès. On considère que,
même avec les amendements qui ont été annoncés au
printemps dernier, cet article devrait être retiré parce qu'il
constitue une diminution considérable des contrôles de la
Commission d'accès à l'information, du gouvernement et de
l'Assemblée nationale sur les communications de renseignements sans le
consentement des personnes concernées et, deuxièmement, parce que
les développements technologiques en cours vont le rendre inapplicable
à terme. En fait, on connaît finalement... Il n'est
peut-être pas nécessaire de rappeler que le principe, en
matière de protection des renseignements personnels, c'est le principe
d'abord du consentement de la personne, de la confidentialité et donc du
consentement d'abord, et que toutes les exceptions au principe de la
confidentialité et du consentement pour la communication devraient
être permises selon des critères clairement définis dans de
strictes conditions.
Donc, à notre avis, il faut resserrer ces termes. De plus, ce
qu'on constate, c'est qu'à cause des développements de la
télématique la nécessité des couplages de fichiers
qui étaient couverts par cet article tend à disparaître au
profit des consultations en direct, au cas par cas et autres techniques de
communication, de comparaison et d'appariement de renseignements personnels
plutôt que par dossier, plutôt que par information individuelle.
C'est pourquoi nous avons fait une proposition d'amender cet article en
remplaçant les mots "fichiers de renseignements personnels" par
"renseignements nominatifs", de manière à couvrir tous les cas
qui vont permettre le développement technologique.
Par ailleurs, la situation actuelle nous apparaît peu acceptable
parce que toute la procédure visant à évaluer et
contrôler ces opérations exclut totalement les personnes
directement concernées. Ceci, à notre avis, est relativement
inacceptable en regard justement des principes de démocratie et de
protection des
renseignements personnels que sous-tend la loi. C'est pourquoi, à
l'instar du Privacy Act fédéral américain et d'autres
législations équivalentes aux États-Unis, nous proposons
que soit prévue une procédure générale de
démocratisation des développements des systèmes
d'information relatifs aux citoyens et, en particulier, dans le cas de
l'étude des ententes des communications de renseignements personnels
sans le consentement des personnes concernées. Ça me
paraît, à défaut du consentement, un meilleur
élément. Ce qu'on constate dans ce genre de procédure,
c'est que, d'une part, un des... L'expérience américaine,
c'était clair que ce sont les articles qui ont eu le plus d'impact sur
le contrôle, sur le développement de la surveillance et le
développement des fichiers de renseignements personnels. Ce sont les
articles qui ont été le plus utiles autant pour le Congrès
américain, l'exécutif américain, que la population, pour
permettre de contrôler les développements.
Les avantages des procédures qu'on a proposées, notamment
à l'article 70 et à l'article 68.1, c'est le fait que, d'une
part, les personnes concernées sont informées du projet avant que
la Commission donne son avis et, deuxièmement, que la Commission, quand
elle donne son avis, a entre les mains non seulement les avis ou les opinions
des organismes impliqués, mais aussi les avis des personnes directement
concernées, que ce soient les personnes fichées ou les
fonctionnaires ou autres organismes qui sont impliqués dans ces
communications, ce qui serait mieux à même pour la CAI de lui
permettre de se faire une opinion indépendante de celle des organismes
et d'évaluer plus précisément les implications sociales et
juridiques des opérations qu'on lui demande d'étudier.
Finalement, en terminant, on voudrait signaler l'importance des
prochaines étapes à ce niveau-là. Particulièrement,
il y en a deux et on souhaiterait - il y a des annonces et on parle de
l'automne pour un de ces débats-là - que les débats sur la
protection des renseignements personnels dans le secteur privé
québécois et la politique de commercialisation de l'information
gouvernementale soient entamés le plus tôt possible. Les documents
de discussion sur ces deux débats sont presque près; il y en a
même un qui a été publié par le ministère de
la Justice pour ce qui est de la protection des renseignements personnels dans
le secteur privé. À notre avis, il n'y a plus aucune raison
d'attendre plus longtemps. Il en va même de la conservation des acquis de
la présente loi. Par exemple, tantôt, au niveau du mouvement
Retrouvailles, on parlait du fait que dans le secteur privé les
mêmes informations circulent beaucoup plus facilement que dans le secteur
public.
Quand on discute avec les responsables d'accès, c'est un autre
facteur de démotivation; les informations qu'eux protègent et
dont ils essaient d'assurer la confidentialité, ils savent que, parfois,
les mêmes informations circulent déjà dans le secteur
privé. À notre avis, il est relativement urgent, surtout pour ce
qui est de la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé... Les problèmes sont criants, il y a eu plein de rapports
sur cette question-là. On n'a qu'à rappeler le rapport de la
commission de la culture de 1988, "La vie privée, un droit
sacré", qui le fait très éloquemment et statue à
l'unanimité qu'il faut intervenir. De toute manière, les plaintes
qui sont portées dans les différentes organisations de
consommateurs ou la Ligue ou autres, l'intérêt des médias
montre qu'il est important, et on se rend compte qu'il est d'autant plus
important... Je peux peut-être signaler un effet du retard actuel par
rapport à l'échéancier qui avait été
annoncé par le ministre Rémillard, on est un an et demi en
retard. Or, ce qui arrive, c'est que présentement le gouvernement
fédéral est en train de prendre l'initiative.
Présentement, à l'heure où on se parle, ça fait
déjà un an que le gouvernement fédéral a entrepris
une démarche et on prévoit que d'ici quelques mois il va avoir
réussi à mettre en place un code de pratique en matière de
système de transfert électronique de fonds. Ce code-là qui
comporte un volet sur la protection des renseignements personnels va affecter
directement les rapports entre les consommateurs, les marchands et, entre
autres, aussi les rapports entre les employeurs et les employés. Un
champ d'intervention qui est clairement de juridiction provinciale. (13 h
15)
On considère qu'il faudrait peut-être mettre les pendules
à l'heure et qu'on sache clairement si le gouvernement
québécois a l'intention d'intervenir dans un champ qui est de sa
propre juridiction ou s'il a l'intention de laisser l'initiative au
gouvernement fédéral qui semble la prendre de façon assez
intéressante, dans la mesure où il a mis en place, il y a
déjà un an, un des comités dont le ministère de la
Justice avait annoncé la création dans le document "Vie
privée, zone à accès restreint", c'est-à-dire le
comité sur la question des transactions bancaires.
Le gouvernement québécois avait annoncé, dans un
rapport de 1988, qu'il allait créer, parmi une série de
comités sectoriels, ce comité-là pour établir la
réglementation dans le domaine. Eh bien, le gouvernement
fédéral a pris l'initiative et c'est le gouvernement
fédéral qui a mis sur pied ce comité-là et qui est
en train de prévoir la réglementation en matière de
protection des renseignements personnels dans le domaine des transferts
électroniques de fonds.
Donc, nous, il y a peut-être une espèce de mélange,
en tout cas, dans cette loi-ià où on se rend compte que le
gouvernement fédéral vient jouer dans les plates-bandes du
Québec alors que le Québec, justement par l'article sur les
banques d'information, a tenté de jouer dans les plates-bandes du
gouvernement fédéral qui a une
juridiction sur les droits d'auteur.
À notre avis, il est clair que... En tout cas, sur la question de
la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, il y
a urgence et on pense que le gouvernement du Québec est aussi capable
que l'île-du-Prince-Édouard, je pense, de légiférer
en cette matière puisque le Québec est en retard sur la
majorité des provinces canadiennes, l'essentiel des États
américains, les USA et aussi l'essentiel des pays industrialisés.
Je pense que ce retard là va même affecter la capacité
concurrentielle des industries.
On a vu en Europe que c'est l'industrie qui avait demandé, par
exemple en Angleterre, sous Margaret Thatcher, en 1984, d'adopter une
législation parce que, dans la mesure où il n'y avait pas de
telle législation, le secteur des services perdait des contrats au
profit d'autres pays européens qui, eux, avaient des législations
en matière de protection des renseignements personnels.
Donc, il en va autant de la protection des renseignements personnels des
citoyens que même, à la limite, des intérêts de notre
industrie. Je termine là.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M.
Péladeau. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Ça me fait plaisir de vous
rencontrer, M. Péladeau, en personne. Deux choses. Premièrement,
à propos de ce que l'on a dit, vous savez, vous dites: Vous avez
déposé le projet de loi au mois juin, bon, rapidement. Il y a une
chose, par exemple, c'est qu'en 1988, avec une commission parlementaire qui a
duré trois jours, une rencontre de plus de 300 personnes, en juin 1988,
le projet de loi a été déposé. Ce qu'on a fart,
c'est que - et il n'y a personne qui a... tout le monde semblait d'accord -
alors, on a repris le projet de loi pour s'assurer que le projet de loi
apportait les bonifications nécessaires. Je le répète,
ça n'a jamais été dans notre... Vraiment... et on a
rencontré tous les organismes ensuite... ça n'a jamais
été notre intention de le déposer, au contraire. Et quand
on a vu, finalement, qu'il y avait certaines insécurités, on
s'est arrêté et ça nous fait plaisir maintenant d'avoir une
consultation, d'ailleurs, et d'avoir un dialogue constant, d'une part.
Deuxièmement, oui, nous avons discuté cet
été. D'ailleurs, le député de Gouin disait que
c'est vrai qu'en commission parlementaire, une heure, ce n'est pas beaucoup, ce
qui fait que nous, nous avons pris de l'avance pour ren contrer, justement, les
groupes et pour pouvoir discuter, finalement, sur le fond.
Les amendements qu'on vous a dit qu'on était pour apporter, on va
les apporter officiellement. Effectivement, le libellé, bien, on attend
justement la fin de la commission, en ce qui a trait au libellé, si on
veut, et bon, vous aurez la chance de vous prononcer là-dessus.
Quant à la protection des renseignements privés, bien
évidemment, ça relève de mon confrère le ministre
de la Justice, mais je vais faire part de cette... D'ailleurs, ça nous
achale aussi. Alors, je vais lui faire part des commentaires de tous, dans le
fond, pour essayer d'activer tout ce dossier.
Autre chose, par exemple. Une chose sur laquelle on peut statuer, c'est
la politique de commercialisation. Effectivement, dans l'article 5, ce
n'était pas du tout notre intention de restreindre. Moi-même
provenant des médias, ce n'était pas du tout de restreindre
l'accès, au contraire, mais c'était pour éviter cette
commercialisation indue parce qu'il y a quelque chose d'injuste en disant que
quelqu'un peut payer 40 $ un rôle d'évaluation et le vendre pour
10 000 $ à 15 000 $, sinon plus. Il y a quelque chose d'injuste
là-dedans. Alors, le Comité de législation nous a dit que
l'article tel que formulé répondait à nos besoins, si on
veut. Bon, il semblerait que ça a créé de
l'insécurité, alors c'est pour ça qu'on s'est dit: On va
apporter un amendement qui dit "pour fins de commercialisation". Et toujours
dans le principe de dire: II y a quelque chose là-dedans qui n'a pas de
bon sens. Il faut quand même aussi protéger le droit des
contribuables. Ceci dit, qu'est-ce que vous pensez si, effectivement, votre
suggestion au niveau de la commercialisation - et je sais que vous y avez
travaillé - votre suggestion au niveau de la politique de
commercialisation me sourit, on en a besoin d'une. Ce qu'on pourrait faire,
c'est justement de mettre cet ou ces articles-là, parce que c'est un
problème, un peu sur la glace jusqu'à temps qu'on ressorte cette
politique de commercialisation. À ce moment-là, nous, on est
d'accord pour procéder avec ça. Mais on voit qu'il y a un besoin
profond, là, et puis il y a des abus qui se font et il y a quelque chose
d'injuste dans le système
Le Président (M. Doyon): Vous pouvez répondre.
M. Péladeau: Oui, ce serait pour répondre
rapidement. Je pense que, effectivement, nous, cet article-là, ce qui
posait problème, c'était le manque de balises, le fait qu'il est
pour guider les organismes publics et aussi le fait que la décision de
l'organisme public était sans appel. Dans la mesure où il y
aurait des balises claires - il s'agira de voir l'économie d'une
politique, il s'agit de voir l'économie d'une politique - mais dans la
mesure où il y aurait des balises claires, dans un premier temps pour
savoir quand un organisme public va donner l'information, va demander, va poser
des conditions financières ou autres pour la diffusion... Je pense que,
dans la mesure où il y aurait ça, surtout pour les organismes qui
n'ont pas l'habitude de se lancer dans des opérations
comme ça - je pense, par exemple, à une
municipalité qui se fait demander son rôle d'évaluation -
dans la mesure où il y aurait ces balises-là, ça
permettrait, là, d'ouvrir la porte à ce genre de... à des
articles, à des modifications législatives qui permettraient de
donner ces droits aux organismes d'imposer éventuellement ces
conditions. Et d'ailleurs, ce qu'on peut dire, en tout cas l'enquête
à laquelle j'ai participé avec Mme McNicoll et pour votre
ministère, on signalait, on avait remarqué que, effectivement,
les organismes en général avaient une politique implicite, les
organismes qui étaient habitués à ce genre de pratique
là avaient une politique implicite: Quand est-ce qu'on donne
l'information? Quand est-ce qu'on la vend? Quand est-ce qu'on subventionne pour
la diffuser? Donc, dans ce sens-là, je pense que dans la mesure
où on aurait un contexte général, qu'on ferait un
consensus sur ce que le gouvernement veut faire, non seulement en termes de
simplement les demandes d'accès, mais en termes de promotion de la
commercialisation de l'information - c'est un autre aspect important - nous, on
est tout à fait ouverts à ce qu'éventuellement on
réintroduise des dispositions législatives dans cette loi-ci, si
ça convient, ou dans une autre loi, si c'est plus approprié. Ce
qu'on dit, c'est que la disposition telle quelle était n'était
pas une disposition qu'on pouvait qualifier d'affectant le droit
d'accès, c'était plus une disposition qui touchait la
propriété intellectuelle, donc on trouvait difficilement
justifiable que cette disposition-là ait un caractère
prépondérant sur toutes les autres lois du Québec.
L'autre question qui se posait, c'était: Pourquoi
légiférer, par exemple? Il y a plein d'autres questions qu'on a
soulevées dans notre mémoire, mais, entre autres: Pourquoi le
gouvernement du Québec, les organismes gouvernementaux auraient-ils des
droits sur leur banque d'informations, alors que les entreprises privées
n'auraient pas les mêmes droits? Il y a toutes sortes de questions qui se
posaient, de logique, à ce niveau-là. Mais, en fait, on est
très ouverts, à partir du moment où il y a un débat
qui est mis sur la table...
Mme Frulla-Hébert: C'est parce qu'il faut
être...
M. Péladeau: Tous les intervenants vont pouvoir
intervenir, à ce moment-là.
Mme Frulla-Hébert: II faut être conscient aussi de
notre problème. C'est qu'à court terme on a tout plein de
demandes.
M. Péladeau: Oui.
Mme Frulla-Hébert: C'est ça, on a tout plein de
demandes, puis des abus aussi. Alors là, y a-t-il quelque chose que vous
pouvez nous suggérer? Qu'est-ce qu'on fait en attendant?
M. Péladeau: C'est ça. En fait, dans la mesure
où je sais que la politique aurait pu... ça fait
déjà... être un petit peu prête depuis un petit bout
de temps, je pense qu'effectivement ce qui aurait dû être fait,
c'est ne pas attendre que les coups arrivent. Bon, ça, c'est facile
à dire après coup, mais je pense qu'il va falloir peut-être
vivre avec... Personnellement, dans la mesure où on est une ligue des
droits, on préfère que les droits fondamentaux soient d'abord
définis, qu'on vive un petit peu avec fes coups. Parce qu'il y a des
problèmes, ils existent depuis très longtemps. Je vous ferai
remarquer que le ministère de la Justice donne ses informations venant
du plumitif à Acrofax depuis des années. Ce cas-là est
connu depuis des années, on l'a dénoncé depuis des
années, depuis 1983 qu'on dénonce ce cas-là et, au
ministère de la Justice, on n'a toujours pas réagi. Ça
fait que là, dans ce sens-là, on dit qu'il en va aussi non
seulement de la protection des intérêts des citoyens en tant que
détenteurs collectifs des banques d'information gouvernementale, mais
aussi même des droits fondamentaux comme le droit à la vie
privée. Donc, dans ce sens-là, on dit: Si on a attendu depuis
1982 alors qu'on le sait, je pense qu'on peut attendre quatre mois et on va
essayer de vivre avec...
Mme Frulla-Hébert: Je vous les enverrai, M.
Péladeau.
M. Péladeau: C'est ça, oui. Parfait. Mme
Frulla-Hébert: Merci. Je vais...
Le Président (M. Doyen): Merci, Mme la ministre. Alors, M.
le député de Gouin.
M. Boisclair: Je veux vous remercier pour votre
présentation et, surtout, pour le mémoire qui est un texte quand
même assez substantiel et qui nous sera, bien sûr, des plus utiles
au moment de i'étude article par article, particulièrement, tout
simplement, à cause de sa présentation parce que vous avez cru
bon aussi intervenir sur les textes amendés qui étaient des
textes qu'on croyait qui étaient présentés. Je comprends
bien de la présentation de la ministre que l'article 5 va être
retiré du projet de loi.
Mme Frulla-Hébert: Différé.
M. Boisdair: Je comprends aussi - et ça, c'est
intéressant puisque c'est la première fois que je l'entends dire
- qu'elle vous a aujourd'hui donné l'assurance que vous seriez aussi
consultés sur les amendements, ce qui veut donc dire que les amendements
ne seront pas déposés à la dernière minute, au
moment de l'étude article par article. Donc, encore là, je
reconnais la sagesse
remarquable de la ministre à cet égard.
Vous soulevez, à l'article 5, dans la discussion... alors, la
question serait déjà réglée. Alors, passons
à un autre article où, encore, nous avons peu d'indications quant
à... si ce ne sont ces fameux amendements que nous avons reçus
à un moment donné sur l'article 19 qui modifie 68.1. Cest
définitivement un des articles qui, à la fois et pas seulement
vous, à la fois la Commission d'accès à l'information,
à la fois le Protecteur du citoyen-Dans votre mémoire, vous
soulevez... et là, je veux juste retrouver exactement l'article 6...
Juste un instant que j'y arrive. Vous soulevez et vous dftes très
dairement que cet article-là doit être... Vous rejetez
complètement, dans le fond, le libellé de l'article 19.
Où je voudrais revenir et avoir un peu vos commentaires...
Prenons pour acquis que les amendements qui nous ont été transmis
seront déposés au moment de l'étude article par article,
sur l'article modifié où on dit: Si cette communication est
nécessaire à l'application d'une loi. Vous dites essentiellement,
si on tient compte de l'économie générale de la loi et des
principes qui sont énoncés dans d'autres articles de la loi, que,
dans le fond, cette précision n'est pas satisfaisante, eu égard
aux critiques que vous avez formulées quant à l'article 19.
J'aimerais peut-être mieux comprendre et que vous explicitiez. Ça
a été fait dans le mémoire mais, particulièrement
en ce qui a trait aux directives de l'OCDE, jusqu'à quel point serait-il
pertinent de les retrouver dans notre texte de loi?
M. Langlois: Avant de laisser M. Péladeau répondre
à votre question, je voudrais juste signaler une chose à propos
de cet article-là qui nous chicote beaucoup. Ce n'est pas la
première fois d'ailleurs, dans ce projet de loi, qu'on retrouve
l'expression et je pense que ça a chicoté d'autres organismes de
droits et libertés. Ce sont les personnes susceptibles d'avoir
contrevenu à une loi.
On ouvre la porte à des enquêtes sur la base de simples
soupçons et, rigoureusement parlant, on parle de tous les citoyens du
Québec, y compris le premier ministre Bourassa. C'est de ça qu'on
parle. Alors, il faudrait... Ce n'est pas la première fois qu'on
retrouve ça dans un projet de loi et ça commence à nous
chicoter s'il n'y a pas une habitude. Il y a la Loi sur l'aide sociale
où on a retrouvé la même expression, la Loi sur les
prêts et bourses où on a retrouvé la même expression
et je pense qu'on la retrouve... Ce n'est pas le seul endroit, à 68.1
dans cette loi-là, où on la retrouve. C'est le genre d'expression
qui laisse place à tellement d'interprétation qu'on peut,
effectivement, lancer des enquêtes sur simples soupçons.
Je pense qu'il faut abolir littéralement cette
expression-là des projets de loi gouvernementaux, puis vraiment s'en
tenir aux personnes qui effectivement contreviennent à la loi.
Là, évidemment, on n'est pas en désaccord, loin de
là, pour qu'il y ait enquête à leur sujet. (13 h 30)
M. Boisclair: Si vous me permettez juste rapidement, vous
illustrez très bien, c'est tout le cas du contrat d'Acrofax avec le
ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. On nous
dit que pour répondre, justement, déjà le ministère
apporterait certaines modifications au contrat dans son libellé. Nous
souscrivons, bien sûr, à cette représentation que vous avez
faite, mais particulièrement sur... Je ne veux pas exclure, bien
sûr, les commentaires précédents qui me semblent tout aussi
pertinents, mais, juste pour que nous soyons peut-être à
même de faire un travail intéressant au moment de l'étude
article par article, vous entendre plus particulièrement sur
l'amendement proposé, qui vous apparaît toujours non conforme.
M. Péladeau: En fait, ce n'est pas qu'il... En fait, il
est... Ce n'est pas tellement qu'il est non conforme, c'est dans la mesure
où, d'une certaine manière, dans la mesure où l'article
68.1, bon... Parce qu'il est déjà dit qu'on peut faire des
communications si c'est nécessaire à l'application d'une loi. Il
y avait une question de redondance, là, dans le fond ça revient
à peu près à la même chose. Nous, le
caractère inacceptable, ce n'est pas tellement dans le projet de loi,
c'est par rapport au statu quo. La situation actuelle, c'est que ce genre de
technique là est appelé à se multiplier. On fait de plus
en plus appel à ce genre de technique là, dans la mesure de la
disponibilité technique. De plus en plus les fichiers sont
informatisés, de plus en plus on a les moyens techniques de les
communiquer, tout ça. Nous, ce qui nous préoccupe, c'est le fait,
d'une part, que l'article 68.1 s'adresse principalement à une technique
particulière qui s'appelle les couplages, alors que dans l'ensemble des
techniques de communication, c'est en train de s'élargir. Et, d'autre
part, qu'on ne se donne pas les moyens, qu'on ne donne pas les moyens,
peut-être, à la Commission d'accès d'avoir tous les
éléments, en tout cas, d'avoir la possibilité d'avoir tous
les éléments possibles pour juger. Parce qu'il est assez
difficile d'établir dans une loi des balises universelles qui
s'appliqueraient à tous les couplages. C'est ça, la
difficulté. Donc, il faut analyser cas par cas. Si on regarde
même, d'ailleurs, les décisions de la Commission d'accès,
on se rend compte que - ou les avis de la Commission d'accès, pour
être plus précis - on se rend compte que parfois ils introduisent
des modifications, dire: On devrait couvrir moins large, ou peut-être
prendre plus d'informations pour éviter des dommages. Donc, chaque cas
devrait, doit être étudié, non seulement en fonction de
critères légaux, mais aussi en fonction de critères
d'opportunité et aussi de critères d'évaluation des
impacts sociaux que
peut avoir l'utilisation de telles pratiques. Donc, dans ce
sens-là, à notre avis, il serait bon de, justement, faire comme
on fait aux États-Unis, c'est-à-dire que tout nouveau fichier ou
toute modification de fichier existant ou d'utilisation de fichier existant
doit faire l'objet d'un avis, et peut faire l'objet de représentations
par les personnes concernées. Ça a permis souvent de se rendre
compte que, par exemple, un fichier, une simple création d'un nouveau
fichier créait tout d'un coup des problèmes constitutionnels aux
États-Unis. On s'est rendu compte qu'il y avait d'énormes... Il y
a eu plein de cas où on a pu évaluer, mieux évaluer
l'impact de ces fichiers-là, parce qu'on avait une telle
procédure. Donc, à notre avis, dans la mesure où la
règle, c'est le consentement et que cette technique-là qui, de
toute manière, va être utilisée - ou on n'aura
peut-être pas le choix de l'utiliser - dans cette mesure-là
où elle est une exception au principe de la confidentialité du
consentement, à notre avis... En tout cas, ce qui est le plus proche de
ça serait justement une procédure d'avis public, de
démocratisation de la décision qui ferait que la Commission
d'accès à l'information, comme le gouvernement et comme
l'organisme lui-même aussi, pourrait avoir une meilleure opinion de ce
qui peut, enfin des impacts possibles de cette décision, de
manière que la décision soit faite de façon
éclairée. C'est pour ça que nos revendications vont plus
de ce côté-là plutôt que vers l'ajout de conditions
dans la loi, à toutes fins pratiques. Je voudrais peut-être
juste... Je ne sais pas si ça répond à la question.
Je voudrais peut-être juste rajouter un élément
d'information, en réponse à la question que Mme la ministre avait
posée concernant qu'est-ce qu'on fait avec toutes les fameuses demandes,
bon. En tout cas, sur la question volet protection des renseignements
personnels, il y a un geste qu'on peut poser immédiatement parce que
tout est là, ce serait de mettre en vigueur immédiatement le
chapitre du Code civil sur la protection des renseignements personnels et la
protection de la vie privée. C'est un chapitre qui peut s'adopter, qui
est tout à fait autonome dans le Code civil, donc il peut être
adopté immédiatement, et qui introduit, bon, un critère
travail, là, donc ce sont les tribunaux qui vont avoir à
trancher, mais qui introduit au moins la question de légitimité
pour une entreprise ou une personne privée d'avoir des renseignements
personnels, de faire la cueillette de renseignements personnels. Ce qui
permettrait, en tout cas, pour ce qui est de toute une série d'aspects
commerciaux, économiques et autres, mais sous le volet protection des
renseignements personnels, c'est-à-dire qu'on demande l'accès
à une banque de données, une banque d'informations publiques, qui
contient des renseignements personnels, non pas nécessairement ayant un
caractère nominatif, mais des renseignements personnels qui, une fois
qu'ils vont être dans le secteur privé, de toute manière,
pourront devenir des renseignements nominatifs... Dans ce cas-là, si on
mettait en vigueur immédiatement le Code civil, il y aurait un test, la
question de la légitimité, qui pourrait voir à
préciser les conditions par lesquelles un organisme peut acquérir
cette information-là.
Et deuxièmement, ce qui est important, c'est que ça
donnerait le droit aux individus sur lesquels les informations seraient
obtenues, de pouvoir les faire corriger et, éventuellement,
peut-être même les faire retirer, en vertu des quelques droits qui
sont prévus dans ce chapitre-là. Donc, ce chapitre-là a
été adopté en 1987. Il s'agirait peut-être
d'annoncer sa mise en vigueur pour que l'industrie soit mise au courant, voie
venir le coup, mais, à notre avis, en tout cas, c'est une solution qui
peut être rapidement appliquée, face aux cas problèmes dont
vous avez parlé. Ça règle une toute petite partie du
problème, mais c'est au moins disponible.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Péla-deau. M. le
député.
M. Boisclair: Je vais revenir à la page 39 de votre
mémoire, les autres modifications à la loi sur l'accès
à l'information. Ce matin, on a discuté d'un point que vous
soulevez dans votre mémoire et qui est l'accessibilité de
certains renseignements relatifs à la qualité de l'environnement,
dans lequel vous soutenez sans réserve la proposition de la Commission
d'accès à l'information d'abroger l'article 26 de la loi et d'y
ajouter l'article 14.1, tel que vous le présentez. La Commission, tout
à l'heure, le président, M. O'Bready, soulignait le
problème, et la ministre a aussi essayé de le mettre en
lumière, de ces lois sectorielles et d'une possible duplication avec la
loi d'accès. J'aimerais peut-être entendre votre réflexion
là-dessus, je présume que vous étiez présent au
moment où... Je ne sais pas si vous y étiez.
M. Péiadeau: J'étais... Peut-être que
non...
M. Boisciair: Mais j'aimerais, en tout cas, pour qu'on puisse
revenir, et ce serait intéressant aussi que la ministre puisse
reprendre, tout à l'heure, son argumentation sur cet article-là,
que vous puissiez approfondir votre réflexion sur cette partie du projet
de loi.
M. Péiadeau: En fait, ce qui arrive, c'est qu'à ce
niveau-là, bon, personne ne va contester le fait que quand il y a
l'existence d'un risque immédiat pour la santé ou la
sécurité des personnes, ou d'une atteinte irréparable
à son droit à la qualité de l'environnement, non
seulement, à la limite, l'organisme ne pourrait plus utiliser des
exceptions à la loi, mais on pourrait même considérer qu'il
aurait un devoir d'information, à ce niveau-là. C'est clair qu'il
y a des dispositions sectorielles qui s'appliquent. Je
pense qu'il y a toujours deux opérations qui peuvent... D'une
part, il faut rappeler que la loi sur l'accès est toujours
prépondérante, sauf changement, et je n'ai pas entendu parler de
cet amendement-là, en tout cas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Péladeau: ...et que de toute manière, dans le
cadre... pour ce qui est de cette opération-là, ça pourra
faire l'objet d'une opération en soi, où on pourra regarder
toutes... Un peu comme on l'a fait au moment de l'étude de toutes les
dispositions inconciliables avec la Loi sur l'accès, ce qu'on pourrait
faire... C'est ça le problème en droit de l'information, c'est
qu'à peu près toutes les lois gèrent, d'une manière
ou d'une autre, la circulation de l'information. Donc, c'est clair qu'à
un moment ou l'autre il peut y avoir de l'interférence. Je pense que ce
qui pourrait être fait dans cette opération-là, et
peut-être que la Commission d'accès à l'information
pourrait faire l'étude, ou le ministère des Communications, c'est
de faire l'étude de toutes les dispositions qui touchent la circulation
de l'information sur la question de la santé et sécurité
et le droit à la qualité de l'environnement. Et qu'on puisse
avoir une vision d'ensemble de l'économie de ça, et après
on pourra adopter ou modifier les dispositions qui s'imposent. Je pense qu'il y
a une question de principe, c'est qu'il faut que le principe, en tout cas, je
pense que c'est là-dessus qu'il faut tabler, c'est le fait que, dans
tous les cas où il y a danger et risque immédiat pour la
santé et sécurité ou une atteinte irréparable
à son droit à la qualité de l'environnement, je pense que
non seulement il y a un droit d'avoir accès, mais même, à
la limite, ça devrait être un devoir de l'organisme d'informer. Je
pense... qu'on s'entende sur ce principe. Pour ce qui est des modalités,
effectivement, s'il y a des problèmes, je pense que ce qu'on pourrait
faire, c'est faire une étude exhaustive de toutes les dispositions qui
pourraient entrer en interférence avec cette disposition-là.
M. Boisclair: Sur un autre sujet, parce que là-dessus je
pense qu'on peut s'entendre, il restera à voir s'il y a des amendements
qui seront déposés. Vous êtes un des seuls groupes qui
souligne toute la question, en page 44 de votre mémoire, de la
nomination des commissaires, au-delà des problèmes des articles
de loi sur lesquels plusieurs mémoires se recoupent. Il y a certains
consensus qu'on peut facilement tirer, mais vous êtes le seul, à
ma connaissance, qui abordez cette question de la nomination des commissaires.
Qu'est-ce qui vous a, d'une part, mené à faire cette
réflexion et quelles sont les conclusions que vous tirez?
M. Péladeau: En fait...
M. Boisclair: II faut comprendre que ce sont des règles
très strictes qui, à l'heure actuelle, régissent la
nomination de personnel.
M. Péladeau: Oui.
M. Boisclair: Comment pourrait-on tenir compte des balises? Dans
votre mémoire, vous dites: "Sachez que nous jugerons dorénavant
les nominations à venir en fonction de ces balises."
M. Péladeau: C'est ça. Bien, dans le sens qu'on
pourra évaluer... Parce que, de toute manière, il faut
s'attendre...
M. Boisclair: Comment, concrètement, pourrait-on
tenir...
M. Péladeau: C'est qu'il faut...
M. Boisclair: Connaissant le processus de nomination qui existe
à l'heure actuelle, comment, concrètement, pourrait-on tenir
compte, de façon objective, des critères que vous soulevez?
M. Péladeau: En fait, la question de la façon
objective, il ne s'agit pas d'instaurer un test à tous les nouveaux
candidats. Ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est de tenir... En fait, ce
qu'on demande, c'est que toutes les personnes qui sont impliquées dans
une nomination aient en tête ces critères-là. Ce qui nous a
amenés peut-être... Dès le départ, ce qui nous a
amenés à en parler, ce sont deux éléments. La
première chose, c'est révolution prochaine, éventuelle de
la Commission d'accès, c'est-à-dire que, si on lui donne des
mandats nouveaux et tout simplement pour répondre à la demande
croissante des demandes de révision, il est clair que déjà
la Commission commence à connaître des difficultés à
répondre rapidement à toutes les demandes de révision et
même à répondre à toutes les demandes en
général qui lui sont faites, d'une part. Et il y a le fait que,
si on lui donne un nouveau mandat et tout ça, il est possible qu'en plus
du remplacement, du départ de Mme Giroux il y ait d'autres postes
à créer et à pourvoir. L'autre élément,
ça s'inscrit aussi du fait que la Commission va avoir, après la
période de rodage de la loi, probablement un rôle de plus en plus
visible dans la société québécoise et la question
de la crédibilité, la question de la... justement de... Bon,
c'est une question qui devient de plus en plus sensible. Plus un organisme
devient visible, plus la question de sa crédibilité et sa
capacité de jouer à l'intérieur des règles du jeu
deviennent importantes. Il y avait aussi un dernier élément,
c'est le fait qu'il y avait l'étude de David Flaherty, l'étude
internationale comparative dans cinq pays, qui venait d'être
publiée quelques mois auparavant et, à mesure qu'on en avait pris
connaissance, on se disait: Compte tenu du contexte, ce serait peut-être
bon de
regarder comment on pourrait reprendre ça. Il est clair, je
pense, qu'on n'a pas à imposer une... En ce sens qu'il ne s'agit pas
d'une modification à la loi, il ne s'agit pas d'imposer une
procédure. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'à l'avenir, quand on va
nommer... Â cause de l'importance de ces postes, et on a
l'expérience d'autres types d'organismes du genre au Québec ou
ailleurs où on sait que, finalement, c'est à peu près les
mêmes règles qui peuvent s'appliquer... D'expérience, je
pense qu'il faut être très vigilant, autant au niveau
gouvernemental qu'au niveau de l'Opposition qu'au niveau de la population. Il
faut suivre ces processus et s'assurer finalement que les personnes les plus
à même de faire face à l'ensemble des défis qui vont
être de plus en plus grands, qui vont être imposés à
la Commission d'accès, que la Commission d'accès ne sera pas
affaissée parce que la tendance naturelle... Et ça, David
Flaherty l'a montré, mais ce n'est pas vrai uniquement pour les
Commissions de... Il disait que ce sont des chiens de garde qui ont tendance
à perdre leurs dents, avec le temps, en vieillissant. Ce n'est pas vrai.
Ça peut aussi se renverser. Il y a eu des cas notoires de commissions
qui ont repris du poil de la bête; on pourrait en nommer plusieurs ici et
ailleurs. Mais il est clair que le simple fait de l'âge et du fait aussi
que l'organisme devient de plus en plus visible, cette fonction devient aussi
de plus en plus politique dans ce sens-là et, donc, la tendance à
essayer de peut-être nommer quelqu'un qui va faire plus l'affaire de tout
le monde, qui va créer le moins de vagues, c'est la tendance en
général alors qu'au contraire, comme le démontre David
Flaherty, il faut que ce soit quelqu'un qui soit capable de manoeuvrer dans la
tempête, donc jouer peut-être avec la vague plutôt que d'en
créer, mais qui soit capable à certains moments de prendre des
positions fermes, d'être solide et d'avoir la crédibilité
pour ce faire. Donc, c'est plus dans ce contexte. Il n'y avait pas
d'élément d'urgence ou d'élément de mauvaise
expérience avec la Commission qui justifiait d'aucune manière ces
recommandations. Nous, ce qu'on disait, c'était... On regardait
l'avenir, le fait que la Commission va se développer, elle va être
de plus en plus visible, il va peut-être y avoir une augmentation du
nombre de commissaires. Donc, dans ce contexte, dans la mesure où
c'est... Ce qu'on voulait simplement signaler, c'étaient des
critères qui pourraient... Parce qu'on met des chercheurs de têtes
aussi dans ce genre d'opération. Bien, ça peut être les
critères qu'on peut donner aux chercheurs de têtes pour faire le
recrutement de candidats possibles. Je ne sais pas si ça répond
à votre question. (13 h 45)
M. Boisclair: Oui. Il y a... Je discutais avec le
président de la Commission d'accès, il y a quelques semaines, de
son rapport annuel et on en arrivait aux mêmes conclusions. Il y a
dès le départ un tableau très clair en termes du nombre
d'augmentations, du volume de demandes, du volume de révisions. Vous
soulevez aussi... On connaît aussi certains délais que la
Commission aimerait bien pouvoir diminuer. Elle propose dans le projet de loi,
d'ailleurs... La Commission, plutôt, a proposé un certain nombre
d'amendements qui pourraient être repris dans le projet de loi. Est-ce
que vous avez une réflexion plus globale outre les amendements
très précis qui sont suggérés? La Loi sur
l'accès, si on regarde tout simplement... Je comprends que le volume a
beaucoup augmenté, mais, si on regarde le nombre. comme tel de demandes
qui sont adressées à la Commission, ça demeure, dans le
fond... je n'oserais pas dire très peu significatif, mais, dans le fond,
il ne s'agit pas d'un nombre très élevé, malgré le
fait que le volume augmente et que c'est appelé à augmenter avec
les années. Est-ce que... Comprenons aussi que la loi d'accès
reconnaît un certain nombre de droits qui, souvent, sont méconnus
des gens, c'est-à-dire que les recours sont souvent aussi
méconnus de bien des gens. Est-ce qu'il n'y a pas là
matière à réflexion au-delà du simple projet de loi
62? Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus pour s'assurer
que vraiment cette loi-là soit comprise, cette loi-là... qu'on
puisse en diffuser de façon plus large ses objectifs, ses
différents recours qui sont contenus dans la loi? Est-ce que vous avez
déjà étudié, entre autres, si ce n'est que le
volume pour faire des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs? Je sais que
toute comparaison peut être boiteuse, mais, en termes de volume, avec ce
qui peut se passer aux États-Unis ou ailleurs, en termes d'utilisation
de la loi.
M. Péladeau: En tout cas, en fait, en
général, ce qui est presque partout, je pense que c'est presque
une règle, c'est que ce sont en général des lois
méconnues. Mais, malgré que ce soit méconnu, elles
connaissent une utilisation croissante. En tout cas, il semble... Et
même, je prends, par exemple... On parlait du dernier rapport de la
Commission d'accès à l'information. On prend le dernier rapport
du commissaire fédéral à la protection de la vie
privée. Il signalait aussi la même chose. C'est que cette
loi-là est extrêmement méconnue, sauf que le nombre de gens
qui l'utilisent est vraiment énorme, c'est-à-dire que... Il faut
dire qu'il n'y a pas de processus de révision dans leur cas, c'est un
processus de plainte. Donc, il est clair que le principe de l'accès
à l'information, bon, c'est plus ou moins connu. Il y a même des
gens du secteur privé qui se posent la question, à savoir si
ça s'applique à eux. C'est clair que ce n'est pas très
connu. Donc, à ce niveau-là, ça va.
Pour ce qui est de la question de l'information du public, nous, on a
participé, on a collaboré, entre autres, avec les médias
à faire mieux connaître cette loi-là. On a fait des
conférences. On a l'intention, nous, aussi de
mettre en place des mécanismes de formation auprès des
groupes communautaires pour qu'ils puissent... Ce sont des groupes cibles, des
utilisateurs potentiels de la loi et qui ne l'ont pas autant utilisée
comme on l'aurait voulu, comme on aurait pensé qu'ils l'auraient
utilisée, ces groupes de citoyens. Donc, faire des sessions
d'information et sur la protection des renseignements personnels et sur
l'accès à des groupes communautaires, des groupes de citoyens et
aussi faire de l'éducation auprès de la population en
général sur l'ensemble de la problématique des droits. En
fait, d'autant plus que nous, notre priorité, évidemment, il faut
mieux faire connaître la loi d'accès, les mécanismes, mais
il y a aussi le fait que, en tout cas, si on se fie aux demandes qui nous sont
faites par les citoyens, il y a beaucoup de demandes qui touchent aussi le
secteur privé, autant le secteur privé que le secteur public, des
questions très concrètes auxquelles les citoyens veulent avoir
une réponse claire. Par exemple, si on me demande le numéro
d'assurance sociale, quand est-ce que je le donne, quand est-ce que je ne le
donne pas? Des choses comme: Je veux un emploi. On me fait remplir des
questionnaires. Est-ce que je dois dire que j'ai un casier judiciaire? Bon, il
y a des choses dans ce genre. Donc, nous... En tout cas, il y en a plein, il y
en a beaucoup concernant autant le secteur privé que le secteur
public.
Nous, on a l'intention de se lancer dans une opération de ce
côté-là dans les mois à venir. On demandera
éventuellement la collaboration du ministère, mais, en tout cas,
c'est une bonne idée, tant qu'à y être, oui. Ha, ha, ha!
C'est dit, bon. Oui, c'est ça, tiens. Oui, oui, on pourra en profiter,
effectivement. En tout cas, nous, il est clair que cette loi-là est
méconnue, mais il s'agit de faire connaître son existence,
permettre à des groupes, des intermédiaires, c'est-à-dire
des gens qui sont des agents multiplicateurs, de la faire connaître
à leur tour. Donc, c'est pour ça qu'on vise les groupes
communautaires. Je pense que c'est possible. En tout cas, pour ce qui est...
Parce que je pense que le principal acquis, c'est qu'il faut regarder ça
dans le temps. Avant 1982, au Québec, les questions d'accès
à l'information et de protection des renseignements personnels,
c'était une question relativement... En tout cas, on ne se battait pas
dans le métro pour ces questions-là, pas plus aujourd'hui
d'ailleurs, mais on était plus sensibles à ces
questions-là alors que, sur tout le reste du continent américain,
c'était du "bread and butter", en ce sens que c'était comme la
tarte aux pommes. C'était aussi important, la question d'accès
à l'information, on se battait là-dessus, et les questions de
protection de renseignements personnels. Depuis 1982, il y a eu un revirement.
Le simple fait de l'adoption de la loi, que les médias l'ont
publicisée, que, bon, il y a eu des débats autour de ça,
il y a eu, au niveau de la sensibilité publique et qu'on constate aussi
via la sensibilité des médias, un revirement.
Le Québec était un des endroits en Amérique du Nord
où on se préoccupe le plus de ces questions-là, surtout la
protection des renseignements personnels. On s'en préoccupe beaucoup par
rapport... alors que l'intérêt est resté relativement
stable sur le reste du continent. Donc, on peut se rendre compte que là
l'intérêt est suscité. Les gens posent des questions
maintenant et là, nous, on les reçoit comme ça. Avant, les
gens avaient des plaintes. Ils disaient: Bon, comment fait-on? Maintenant
là, les gens ont des questions précises: Comment, moi, je peux
prendre en charge mon droit à l'information? Comment, moi, je peux
prendre en charge ma protection des renseignements personnels? Les gens sont
tannés de dire, entre autres, au secteur privé: Bon, on attend
une loi, on attend une loi. Qu'est-ce que je peux faire maintenant? Donc, dans
ce sens-là, je pense que le terrain est mûr. On peut dire que le
terrain est beaucoup plus mûr. En tout cas, ce qu'on constate depuis
1982, c'est qu'il y a une évolution de la sensibilité du public
et, là, je pense que le public est maintenant prêt à
entendre, à recevoir les messages et comment se servir de la loi sur
l'accès, comment mieux utiliser son droit à l'information,
comment mieux protéger ses renseignements personnels dans le secteur
public comme dans le secteur privé.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Péla-deau.
Ça termine le temps qui était alloué à
l'Opposition. Mme la ministre, vous avez encore quelques minutes dont vous
pouvez disposer.
Mme Frulla-Hébert: Oui, rapidement. Premièrement,
votre suggestion de nous aider à la faire connaître, ça va
nous faire plaisir. Si vous participez, ça va nous coûter moins
cher. On va le faire ensemble, s'occuper de l'argent des contribuables de part
et d'autre. Plus on fait de bruit, bon... Deuxièmement, je voudrais
avoir votre opinion parce qu'il y a des groupes qu'on va recevoir cet
après-midi, tels que The Gazette et la Fédération
professionnelle des journalistes. D'ailleurs, on a un article ici qui... Eux
prônent qu'ils doivent avoir accès au nom de la victime, par
exemple, et des groupes comme le vôtre, M. Jacoby, Protecteur du citoyen,
la CAI sont contre. Et, justement, à ce niveau-là, qu'est-ce que
vous pensez de ça, vous, donner accès ou protéger, parce
qu'on prône ça nous aussi, protéger justement
l'identité de la victime?
M. Péladeau: Bon. on a abordé cette
question-là brièvement dans notre mémoire.
Peut-être, en fait, pour être bref, je pense que la Loi sur
l'accès donne finalement les balises déjà. Finalement,
c'est de dire que, dans ces cas-là qui sont carrément
privés, la personne... Je ne sais pas, la femme qui vient d'être
battue par son conjoint n'a rien fait pour être mise sur la place
publique, son nom sur la place publique. Donc, quand un organisme
public, dont un corps policier, a ces renseignements-là, il devrait
peut-être les traiter avec tout l'égard qu'il y a pour
protéger la vie privée de ces personnes-là. Mais il y a le
principe du consentement aussi, c'est-à-dire que la personne pourrait
consentir explicitement à ce que... Il y a des gens qui sont tellement
en colère ou qui ont vécu des choses, qui sont prêts, qui
sont très verbaux sur ces questions-la pour dénoncer ce qu'ils
ont vécu, que ce soit implicitement ou explicitement. Explicitement, la
personne pourrait autoriser les corps policiers et dire: Dans ce cas-là,
oui, oui, vous pouvez laisser aller l'information. Ou implicitement, dans la
mesure où elle s'est adressée directement aux journalistes ou
quelque chose dans le genre. Je pense qu'il faut faire attention au niveau du
droit à l'information. C'est qu'on a eu tendance pendant des
années à dire: II y a des secteurs qui sont, par
définition, publics et des aspects qui sont, par définition,
privés alors que la réalité est beaucoup plus floue que
ça maintenant. La famille, ce n'est plus uniquement privé.
L'État intervient pour protéger les membres de la famille,
l'entreprise. Les décisions d'une entreprise, ce n'est plus uniquement
privé. Quand il y a une décision en matière
d'environnement ou autre, ça devient une décision qui est
publique, qui est discutable publiquement. La même chose, par exemple,
pour les tribunaux. Ça, c'est un exemple. Justement, on disait que
c'était, par définition, public et que le droit à
l'information était basé là-dessus, alors que, par
exemple, le tribunal... Après, je reviendrai sur la question des
victimes, parce que c'est un bon exemple.
Le tribunal est justement, au contraire, la rencontre entre le
privé et le public. Et je pense qu'il faut peut-être
redéfinir ce qui est public, ce qui doit être sous le regard
public par rapport à ce qui doit être conservé sous la
protection privée. Il y a des Américains qui font des
propositions de redéfinition du privé et du public qui vont dans
le sens suivant: Serait considéré comme public uniquement ce qui
constitue l'exercice d'un pouvoir qui a des conséquences sociales
quelconques et auquel, donc, on devrait appliquer à la fois les
principes de liberté et de démocratie. Et serait
considéré privé tout ce qui concerne l'exercice libre des
libertés privées et, donc, uniquement les critères de
liberté s'appliqueraient dans ce cas-là.
Prenons le cas de ce que ça donnerait, par exemple, au niveau des
tribunaux. Il est clair que le juge, les juges, en tout cas, le collège
judiciaire exerce un pouvoir qui doit être contrôlé
démocratiquement et c'est pour ça que les médias doivent
absolument rendre compte de ce qui se passe dans les tribunaux. Et, à
mon avis, je suis même un petit peu contre certaines procédures de
huis clos. Il y a peut-être... non-divulgation, ça va, mais qu'il
y ait un huis clos, même en matière familiale, j'ai des
réserves là-dessus. La même chose pour ce qui est de rendre
compte du travail de l'appareil policier. L'appareil policier exerce un pouvoir
important qui doit être contrôlé démocratiquement et,
donc, les médias doivent intervenir, doivent rendre compte de ça.
À mon avis, c'est important.
Quand c'est en matière criminelle, c'est clair que quelqu'un qui
est accusé, par exemple, de voie de fait ou, peu importe, d'un
méfait ou d'un acte criminel quelconque a exercé un pouvoir ou
fait créer un abus de pouvoir qui doit être sanctionné
publiquement, à notre avis. Il peut y avoir des exceptions, de toute
manière. Les juges vont faire des ordres de non-publication. C'est
à eux... Il va falloir définir des règles pour eux. Mais,
à mon avis, en principe, ça devrait être public.
Il reste que la victime là-dedans, elle n'a posé aucun
geste pour être mise sous le regard public. Et prenons les
problèmes les plus extrêmes. Un femme qui s'est fait battre ou les
enfants qui ont été violentés. Il est clair que ces
personnes-là n'ont rien fait pour être sous le regard public et
elles n'exercent rien qui nécessite un regard démocratique ou
l'exercice de démocratie. Dans ce sens-là, on doit avoir beaucoup
d'égard vis-à-vis de cette situation. Et, dans ce sens-là,
il ne faut pas empêcher les journalistes de pouvoir enquêter sur ce
genre de situation, de pouvoir éventuellement révéler
c'est quoi la situation de ces femmes-là et tout ça, y compris
sous le couvert de l'anonymat, donc, éventuellement d'avoir accès
par des mécanismes x.
Mais je pense que la règle, ce sera un peu comme en
matière d'adoption dont on parlait tantôt, de retrouvailles. C'est
le seul principe du consentement, c'est-à-dire que quand ce sont
des victimes... Et c'est pour ça qu'on intervenait sur toute la
question de la victime.
Le Président (ML Doyon): ...M. Péladeau.
M. Péladeau: Parfait. Très vite. Bon. Donc, dans le
cas, nous, ce qu'on dit, c'est que le principe, ça doit être celui
du consentement de la victime aux divulgations des informations. Dans ce
sens-là.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre,
quelques mots.
Mme Frulla-Hébert: De toute façon, on va revoir et
on va en parler... Je serais plus pour un débat public. Je trouve la
situation extrêmement délicate. Ce que je peux...
M. Boîsclair: Vous permettez, M. le Président, avant
que la ministre conclue. Je voudrais juste demander le consentement des membres
de la commission pour poser une dernière question sur le sujet
particulier que vous avez soulevé. Si
les membres de la commission...
Le Président (M. Doyon): Rapidement, M. le
député.
M. Boisclair: Oui, rapidement. Juste sur l'article 14 du projet
de loi. J'ai en main un certain nombre d'avis juridiques et j'aimerais obtenir
votre commentaire là-dessus et juste vous lire un extrait, si vous le
permettez. Certains soulignent que l'exclusion du témoin n'est pas
nécessairement compréhensible, et on soulignait: Comment peut-on
savoir qu'une personne impliquée dans un événement serait
appelée à être témoin? Cette exception peut
permettre au service de police de refuser tout renseignement à un
individu, sous prétexte que les personnes impliquées peuvent
être éventuellement témoins.
De plus, pourquoi exclure ainsi un témoin? D'aucuns
prétendent qu'il s'agit de protéger la sécurité ou
la vie d'un témoin. Et on soulignait que c'est un faux prétexte
et on soulignait la pertinence que le témoin n'appartient pas aux
parties. En droit criminel, par exemple, la poursuite divulgue très
tôt l'identité de ses témoins à la défense,
à l'étape ou à l'enquête pro forma. C'est la
communication de la preuve. C'est là un élément du
principe d'une défense pleine et entière. Cette disposition
législative pourra alors, dans certaines circonstances, aller à
rencontre de ce principe de droit criminel et être, par
conséquent, inconstitutionnelle, puisqu'il revient au Parlement de
légiférer en matière de droit criminel, en fonction de 91
de la constitution canadienne. Est-ce que vous souscrivez à cet
avis-là?
M. Péladeau: En partie, oui, effectivement, sauf qu'il
faut se rendre compte que l'article 14 qui modifie l'article 59... En fait,
l'effet, ça va être plutôt d'agir entre le moment de
l'incident et le moment de la plainte formelle ou du moment où les
tribunaux, l'appareil judiciaire va se charger du dossier. Là, le
dossier est rendu public. C'est cette marge de manoeuvre que ça laisse
aux policiers. Effectivement, on peut choisir, c'est là que ça
intervient, quand l'incident... Là, le problème, ce sont tous les
cas où il n'y aura pas de plainte formelle qui va être
portée, où ce ne sera pas récupéré par
l'appareil judiciaire. C'est peut-être pour ces cas que ça peut
poser des problèmes, entre autres, au travail journalistique. Je ne
pense pas qu'il va y avoir... En tout cas, ma conviction - pour faire une
réponse brève - c'est qu'il n'y aura pas de solution claire sur
le plan législatif. Il est clair qu'il va falloir donner à
quelqu'un, quelque part, une certaine marge de discrétion pour
apprécier cas par cas. Dans certains cas, on va jouer carrément
avec la vie des personnes; dans d'autres cas, ça n'aura aucun impact.
C'est un témoin par hasard, ce qui n'aura pas d'impact. Le témoin
va peut-être lui-même aller voir les journalistes pour en parler.
Donc, dans ce cas-là, je pense qu'il va falloir voir qui va jouer ce
rôle de discrétion. Il est clair que, dans une certaine mesure,
les médias doivent aussi faire preuve de discrétion dans les
décisions de publier ou non certaines informations, mais il est clair,
je pense, qu'il va falloir en discuter. À mon avis, il est clair qu'on
ne pourra pas résoudre, pour être bref, toute cette question par
un seul article législatif. Ça, ça me semble
évident.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Péladeau.
Ça termine votre présentation. Mme la ministre, deux mots de
remerciement.
Mme Frulla-Hébert: Encore là, c'est là que
je ramène ça, je mettrais beaucoup plus ça sur la place
publique parce que tout ce qui est accès, justement, à
l'information et aussi à la diffusion, le droit du public d'être
informé par les médias, je pense qu'il y aurait lieu d'avoir une
bonne discussion publique là-dessus. Maintenant, juste en terminant,
premièrement, je vous remercie de la qualité de vos interventions
et de tous vos commentaires, M. Péladeau. On va vous tenir au courant,
de toute façon, des libellés et des changements.
Quant à l'article 5, ce qu'on va faire, c'est qu'on va le
déférer parce que le principe, je pense qu'on y tient. Ce n'est
pas juste toute cette commercialisation indue, et nous allons prévoir
une politique de commercialisation. On va faire un groupe de travail et on va
ensuite produire un rapport qu'on va rendre public pour fins de discussion. On
va essayer de le faire quand même assez rapidement parce qu'effectivement
on a des demandes et je pense aussi que les demandes sont justes. Ceci dit,
bien, on va essayer, de toute façon, de satisfaire le plus possible les
demandes. Évidemment, on s'attend à avoir encore une fois une
collaboration. Il y a des choses qui vont être finalement... Quand je
disais à la révision... au niveau de tout le dossier
informatique, bien, on y travaille présentement. Ça ne sera pas
prêt - on peut le dire - avant 1992, mais autre chose qu'on va pouvoir
activer plus rapidement, on va essayer de le faire. Merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Boisclair: Je voudrais rapidement vous dire que je souscris,
dans le fond, aux deux grands principes qui ont guidé la
rédaction de votre mémoire: la transparence et la
démocratisation. Je retiens de l'échange, particulièrement
avec la ministre, qu'elle vous a assurés que vous seriez
consultés sur les amendements qui seront présentés. Nous
espérons que les membres de cette commission seront aussi
consultés avant l'étude article par article. Il serait
intéressant que vous puissiez travailler à définir quel
genre
de discussions ou le format plutôt des discussions quant à
cette question de la commercialisation des banques de données. On nous
parie de consultation. Il s'agirait de voir quelle forme de consultation la
ministre privilégiera, mais soyez assurés de
l'intérêt des membres de cette commission à discuter de la
question. Merci beaucoup pour la qualité de votre
présentation.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député, merci, M. Langlois, merci, M. Péladeau. Je
suspends donc les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 14 h 5)
(Reprisée 15 h 12)
Le Président (M. Doyon): Cette commission de la culture
reprend donc ses travaux. Nous avons entendu trois groupes ce matin, nous en
avons trois à entendre cet après-midi, selon les mêmes
modalités. Je souhaite la bienvenue à Directron Média inc,
qui est représentée, je pense, par M. Christian Varin. Je vois
qu'il est à la table des intervenants, je l'invite à prendre la
parole, à présenter son mémoire, ou faire une
présentation succincte de ce qu'il a à nous dire. Il dispose de
20 minutes pour ça, après les 40 minutes seront partagées
à peu près également entre les deux formations politiques.
Je signale qu'il n'est pas obligatoire de prendre l'heure. Vous avez la parole,
M. Varin.
Directron Média inc.
M. Varin (Christian): Merci. Je voudrais remercier le
président ainsi que la ministre de me permettre cette
présentation de Directron Média. Pour présenter
l'entreprise Directron Média, c'est une jeune entreprise dans le domaine
de l'information électronique qui se spécialise principalement au
niveau de la diffusion de l'information dans le monde des affaires
québécois. On diffuse plusieurs banques de données comme
telles. On a parlé beaucoup des rôles d'évaluation, on en
diffuse, des rôles d'évaluation; de plusieurs
municipalités. On offre aussi, par le truchement de Consommation et
Corporations Canada, les marques de commerce. On diffuse aussi des banques
d'appels d'offres, et aussi des renseignements sur les entreprises, à
savoir les secteurs d'activité des entreprises au Québec, ainsi
que le nombre d'années en opération. Mais, en
général, ces informations-là sont obtenues à l'aide
de l'accès à l'information et, aussi, ces informations-là
ont toutes un caractère public. On ne diffuse pas d'informations
à caractère personnel. Ce sont des informations que tous et
chacun peuvent obtenir, soit, si on parle de rôle d'évaluation, en
se présentant dans un hôtel de ville ou, si on parle de marques de
commerce, on peut aller directement à Ottawa chercher ces
informations-là.
L'objectif de Directron Média, c'est de permettre aux gens qui
utilisent ces informations-là, au lieu de se déplacer vers
l'hôtel de ville ou de se déplacer dans des endroits qui pour eux
ne sont pas accessibles, c'est de leur offrir l'information, la même
information, mais de la leur offrir à leur bureau comme tel, d'une
façon rapide et économique. Aujourd'hui, on a
développé cette expertise-là, et on a des clients partout
au Canada qui peuvent consulter nos informations. Mais on ne crée pas
d'information, on ne fait pas de clonage d'information, si on peut prendre le
mot, on diffuse la même information présentée souvent d'une
façon plus simple, et on enlève les codes pour mettre des mots
que tout le monde comprend. Donc, on s'arrange pour que l'information soit
homogène comme telle, et aussi on diffusera bientôt des banques de
données publiques de l'Ontario pour le marché de l'Ontario. Donc,
on voit vraiment qu'on veut diffuser de l'information pour permettre à
toutes les entreprises au Québec d'avoir des outils pour pouvoir
fonctionner comme tel.
On parle aussi que les banques de données, on peut les obtenir au
coût de 40 $ par ruban magnétique. Il ne faut pas oublier que
l'information comme telle, qui est brute, n'a aucune programmation. Il nous
faut développer une expertise télématique, il faut faire
des programmes pour rendre ces informations cohérentes et, ça,
ça coûte quand même... Ça demande beaucoup de
recherche et développement pour rendre ça efficace et il y a
aussi des sommes immenses investies pour rendre ça facile d'utilisation
et accessible partout. Et, aussi, la valeur des données ne réside
pas souvent dans l'information brute, mais la façon qu'on peut en
retirer comme telle. On a, par exemple, des banques de données de 200
000 entreprises au Québec. Si on les compare - on en a une en janvier
1989 et une en janvier 1990 - ça peut donner des informations
intéressantes comme savoir la saturation d'un secteur d'activité
dans une localité. Ça peut nous donner des informations sur les
nouvelles entreprises au Québec ou faire savoir les secteurs
d'activité en croissance. Ce sont tous des outils qui sont
intéressants pour la clientèle commerciale, pour les entreprises
du Québec, pour pouvoir finalement s'orienter et obtenir des
informations rapides.
En résumé, on veut offrir simplement la même
information déjà disponible chez des organismes mais la
rapprocher du citoyen qui est le médium de l'informatique finalement. La
même chose qu'on retrouve avec les médias finalement. On rapproche
l'information d'où cette information est visualisée et c'est dans
les bureaux, chez les entreprises.
Donc, Mme la ministre nous a dit, ce matin, que l'article 5 serait
abrogé. Ça me fait plaisir parce qu'on avait des craintes par
rapport à
toutes les conditions que les 3700 organismes auraient pu imposer
à chaque fois qu'on aurait fait une demande d'accès par rapport
à la commercialisation ou à la diffusion de ces banques de
données. Ça permet finalement aux entreprises d'information
électronique de pouvoir commercialiser ces informations, mais c'est
sûr que comme dans d'autres organismes gouvernementaux la diffusion de
ces banques de données peut entraîner des ententes commerciales
qui permettent, par exemple, une ristourne à l'organisme dont la source
provient de ces banques de données, ou des ententes sur la protection de
la vie privée. Donc, des choses qui peuvent se faire. Mais c'est bien
sûr que ces champs-là, ces conditions-là devraient
être fixées et seraient uniformes pour les 3700 organismes, sinon
chaque organisme pourrait décider de la façon que lui voit telle
condition. Ça pourrait causer... Finalement, ce serait une façon
que l'article 5 devienne impraticable à cause de toutes ces conditions
qui seraient différentes d'un organisme à un autre. Comme je le
précise, sans règles claires, c'est la confusion et je pense que
le Québec n'a rien à gagner d'une confusion par rapport à
la commercialisation de banques de données.
Aussi, il est important de dire que le Québec a un retard par
rapport au reste du Canada, par rapport à l'information
électronique. L'Ontario et le Canada ont un avantage, finalement, une
avance sur le Québec et c'est malheureux parce qu'on pourrait se donner
une industrie télématique forte, une industrie de l'information
électronique forte parce que c'est quand même un secteur de
pointe. Quand on regarde dans les rapports du ministère des
Communications, on voit, à la page 19, de l'information
électronique où on dit que c'est quand même un
marché intéressant et que c'est un marché où le
Québec devrait être présent parce qu'il n'y a pas de
frontières dans un marché comme le marché de l'information
électronique. Les Américains pourraient, à la limite,
venir chercher des banques de données d'information ici et les diffuser
à partir de Washington, de Los Angeles ou de n'importe quel endroit au
monde. Il n'y a pas de territoire géographique. Donc, il faudrait qu'il
y ait une politique de commercialisation de banques de données pour
permettre aux entreprises québécoises d'aller chercher le
potentiel qui réside dans l'information électronique.
Il y a aussi dans le même document, à la page 58, le
dossier 10, où on parle de l'information électronique. On y
précise, finalement, qu'on devrait aussi, pour les entreprises dans le
secteur privé, faire un effort pour donner un accès et
développer des liens avec le secteur privé. Donc, il faudrait
vraiment que la loi d'accès... On parle aussi d'un rôle de
partenariat avec l'entreprise privée pour la diffusion et aussi imposer
des conditions - un peu comme M. Péladeau l'avait mentionné -
pour s'assurer que la vie privée ne soit pas atteinte et qu'il y ait des
conditions pour permettre l'accès à tous à ce type
d'information, à ce type de support.
Il y a l'article 6 qui est pour nous, aussi, une problématique
parce que, même si on obtenait une entente de commercialisation avec un
organisme public, l'organisme public pourrait, du jour au lendemain, une fois
qu'on a commercialisé ces informations, revenir deux ou trois ans par la
suite et décider de commercialiser lui-même ces informations.
Donc, on ne peut pas développer une industrie dans le secteur de
l'information électronique sachant que, demain matin, un organisme
public pourrait dire: Ça a l'air a bien fonctionner cette base de
données privées, ils retirent des informations de chez nous, on
va maintenant prendre la relève et on va couper ces sources
d'approvisionnement parce qu'on va la commercialiser comme telle. Ça, je
trouve ça un petit peu dangereux parce qu'une entreprise ne peut pas
vivre sans savoir si le lendemain, une fois que tout le travail est fait, tout
le travail de marketing, et qu'il y a déjà des clients à
travers tout le Québec, si demain matin, grâce à l'article
6, un organisme ne pourrait pas décider de lui-même de faire sa
propre commercialisation de ces banques de données avec simplement un
avis de commercialisation. Je trouve que c'est très dangereux, si on
veut vraiment que l'entreprise et l'Etat aient un rôle de partenariat
comme tel.
Donc, on voudrait savoir où se situe l'État par rapport
aux banques d'information. Est-ce que l'État veut la commercialiser
elle-même, développer sa propre expertise ou permettre à
des entreprises qui ont déjà l'expertise, qui fonctionnent
déjà dans le domaine de l'information électronique, de
faire un peu comme on a fait avec les compagnies comme Lavalin, SNC? On leur a
permis de l'expertise de la construction des grands barrages et, aujourd'hui,
toutes ces entreprises-là sont partout dans le monde et c'est le
rayonnement du Québec qui s'en trouve grandi. C'est un petit peu les
interventions à ce niveau-là.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci, M. Varin.
Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Varin. Vous savez, dans votre
mémoire, vous parlez de la situation en Ontario et aussi, au niveau du
fédéral. C'est quoi la situation exactement au niveau justement
de la commercialisation des banques de données? Je veux avoir votre
explication à vous et un peu l'avantage que vous semblez dire qu'eux
donnent à l'entreprise privée versus nous.
M. Varin: Je vous donne simplement un exemple À
Consommation et Corporations Canada, il y a un organisme qui a
été désigné,
un organisme privé qui, lui, diffuse, qui distribue l'information
sur les corporations, mais un rôle qu'on appellerait de distributeur
secondaire. Ça veut dire qu'il reçoit des bandes
magnétiques du gouvernement, de Consommation et Corporations et cet
organisme privé a des distributeurs tertiaires qui, eux, les
distributeurs tertiaires, ont un contrat avec le gouvernement
fédéral et les organismes distributeurs tertiaires diffusent
cette information-là "on line", d'une façon électronique,
remettent un pourcentage aux distributeurs secondaires qui, eux, font des
copies des bandes magnétiques et versent aussi un pourcentage au
gouvernement fédéral, et tout ça dans le cadre d'un
contrat. C'est un contrat qui spécifie qu'il n'y a pas de couplage de
données, que l'information doit être exacte, il parle d'une
vérification pour être sûr de la qualité du service,
puis, bon, toutes les conditions pour que le gouvernement
fédéral, finalement, puisse s'assurer que l'information qui est
diffusée soit, un peu comme le CRTC finalement, correcte et faite dans
des objectifs précis.
Mme Frulla-Hébert: Les pourcentages dont vous parlez, qui
est-ce qui les fixe?
M. Varin: C'est le gouvernement fédéral pour
Consommation et Corporations. On a un fichier sur les marques de commerce. En
ce moment, il n'y a pas d'entente, on a des marques de commerce et aussi, de la
division des faillftes, on reçoit à chaque semaine des bandes
magnétiques sans frais. Pour Consommation et Corporations Canada, c'est
une ristourne de 20 %. Je trouve ça raisonnable comme tel, une ristourne
de 20 %, qui nous assure un approvisionnement et une mise à jour
constante à chaque semaine.
Mme Frulla-Hébert: Je voulais juste aussi préciser
une chose. Vous avez dit, à un moment donné: La ministre a
décidé d'aboger l'article, là. L'article 5, je ne l'abroge
pas. Ce que je fais, c'est qu'on veut le mettre en déféré
et développer une politique de commercialisation. C'est pour ça
que je vous faisais développer, parce que, effectivement, ce dont vous
me pariez, c'est d'une polrtique de commercialisation. Et je pense qu'on va
essayer de... C'est-à-dire qu'on va sortir la polrtique de
commercialisation, débat là-dessus, pour, finalement, essayer de
répondre aux abus. Vous êtes d'accord avec moi quand même
qu'il y a abus ou, enfin, qu'il y a potentiel, plutôt, d'abus. C'est
parce qu'on a des cas précis maintenant et des demandes précises
de municipalités, par exemple, qui disent que pour 40 $ on est
obligés de donner le rôle de la ville, par exemple, et que,
finalement, les gens en font un commerce sans conditions.
M. Varin: Non, c'est sûr qu'on peut imposer des conditions,
mais des conditions qui permettent une viabilité de l'entreprise de
l'information électronique et qui s'assurent aussi de
l'approvisionnement. Je pense qu'il y a 3700 organismes au Québec. On ne
peut pas penser que chaque organisme développe ses propres conditions,
on n'arrivera à rien de cette façon-là. Il faut qu'il y
ait des balises, et qu'on s'assure que... On parle de 20 % dans tous les cas,
on parle même que l'organisme aurait un droit de regard pour que ces
informations soient diffusées correctement, qu'il n'y ait pas une
erreur, qu'à un moment donné un organisme mêle deux
fichiers puis qu'on se retrouve propriétaire d'un centre d'achats quand
on est propriétaire de rien. Donc, finalement, de voir à ce que
l'information soit bien disposée et d'aussi permettre aux entreprises
québécoises de ne pas laisser ça simplement à un
organisme, mais de permettre aussi un système où toutes les
entreprises dans le domaine de l'information électronique pourraient
accéder aussi à ces bases de données là pour qu'il
y ait une certaine compétition. On sait que la compétition peut
permettre l'évolution du côté de l'information
électronique.
On parle aujourd'hui de l'information électronique avec
simplement des caractères mais, dans quelques années, si ce n'est
pas déjà fait, on va parler d'information électronique
avec des images, avec de la voix. Donc, ça va être une banque de
données presque multimédia. Le Québec a déjà
un retard, je pense qu'il faut s'assurer - je pense que ce serait quand
même superintéressant - qu'il y ait une politique claire de
commercialisation. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va chercher des banques en
Ontario et on les commercialise. On exporte, finalement, notre expertise en
Ontario puis dans le reste du Canada.
Mme Frulla-Hébert: Alors, sur la politique de
commercialisation, je pense qu'on s'entend. Ce que vous me suggérez,
c'est aussi de penser au partenariat là-dedans avec l'entreprise
privée, finalement.
M. Varîn: Oui. Je pense que c'est essentiel, parce que
c'est sûr que le gouvernement peut tout faire. Il peut se voter, je
pense, des budgets pour garder de l'information, mais on ne va pas
développer de cette façon-là l'expertise dans le secteur
privé qui va déboucher à aller chercher d'autres
marchés à l'extérieur. Et ça, je pense que c'est
important.
Mme Frulla-Hébert: Ça, là-dessus, je dois
vous dire qu'au niveau du ministère, si on parle de l'informatique et
des télécommunications, le ministère a souvent le
rôle de rassembleur au niveau des industries, du gouvernement et aussi
des institutions universitaires.
M. Varin: C'est ça.
Mme Frulla-Hébert: Alors, on va tenir ça en
ligne de compte.
M. Varin: C'est pour ça que je comprenais mal l'article 6
avec la politique stratégique que votre ministère avait
développée. Je ne voyais pas, là...
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que l'article 6, je dois
dire, il faut aussi... On parie de droit d'auteur, etc. C'est parce que
l'article 6, à un moment donné, stipule un peu, si on se
réfère au gros bon sens, qu'on peut travailler très fort
à colliger, finalement, de l'information, en faire un document qui se
tient. On parle de le commercialiser parce que ça a coûté
très cher à faire et on gère toujours l'argent des
contribuables, dans le fond. Et souvent, vous savez comme moi ce qui peut
arriver, c'est que, si on peut mettre la main sur le document, on reprend les
mêmes informations, on les trafique un peu et on peut publier avant,
justement, que l'organisme puisse le publier. C'est toujours, dans le fond,
pour protéger encore une fois, comme je le dis, l'argent du contribuable
qui, lui, paie les services ou, enfin, la main-d'oeuvre puis la matière
grise qui fait en sorte qu'un document puisse être, premièrement,
colligé, puis ensuite publié. (15 h 30)
M. Varin: Qu'est-ce qui se passe si on a
développé... Je vous donne un exemple. On a
développé un rôle d'évaluation. On a mis sur pied
tout un système qui permet à des citoyens d'une
municipalité - on va prendre Rimouski - d'accéder au rôle
d'évaluation, d'aller chercher des informations. Et, trais ans
après, la ville de Rimouski décide, elle, de commercialiser son
même rôle d'évaluation. Donc, on ne peut pas créer
une entreprise solide si on ne sait jamais si demain matin... Oui, ça
fonctionne bien. Et tout d'un coup, le conseil de la ville décide: On va
le faire nous-mêmes. Là, on ne peut pas avoir une entreprise
solide en information électronique si on peut se faire couper l'herbe
sous le pied ou avoir cette épée de Damoclès toujours
au-dessus de nous parce que, à un moment donné, il y a quelqu'un
qui a dit: On est capables de faire aussi bien qu'eux; faisons-le. Et
là, on va se retrouver avec un produit étatique et puis un
produit public.
Mme Frulla-Hébert: C'est pour ça dans le fond qu'il
faut penser à une politique puis y avoir à l'intérieur
aussi ou, enfin, penser à des liens contractuels finalement.
M. Varin: Exactement.
Mme Frulla-Hébert: Au niveau d'une politique de
commercialisation.
M. Varin: On regarde la mission du gouvernement
fédérai. Il se dit: On ne développe pas d'expertise
télématique à l'intérieur, chez nous.
On va la faire développer par les entreprises privées. Et
lorsqu'il a des contrats... Je sais que le gouvernement fédéral a
demandé à ceux qui avaient des expériences en
télématique de développer un service
télématique pour la TPS. Si le gouvernement avait gardé
toute son expertise à l'intérieur, il n'y aurait aucune
entreprise qui aurait pu offrir ou remplir ce contrat.
Mme Frulla-Hébert: Effectivement, on fait ça, nous,
avec des entreprises, telles DMR, CGI. Mais on s'entend sur une politique, en
fait... Ce que vous me suggérez - et on est un peu d'accord - c'est une
politique de commercialisation tenant compte du partenariat avec l'entreprise
privé, un peu comme on procède dans la plupart des secteurs de
communication, en tout cas, en ce qui a trait au ministère.
M. Varin: Un partenariat, si je peux me permettre, où il
n'y aurait pas de barrière d'entrée. Je veux dire: Si vous voulez
commercialiser cette banque de données là, ça coûte
150 000 $. Il ne faudrait pas qu'on arrive à mettre les barrières
assez élevées que des entreprises qui veulent entrer dans ce
domaine-là... une barrière d'entrée à cause que
ça serait inaccessible.
Mme Frulla-Hébert: Mais là-dessus, comme je l'ai
annoncé ce matin, de toute façon, il va y avoir un comité
qui va être formé. Et la politique soumise sera publique. Et on
aura l'occasion d'en débattre pas mal et d'entendre finalement l'opinion
des divers groupes sur cette politique de commercialisation. Je pense que c'est
important. On va essayer de la faire assez rapidement parce que, encore
là, il y a des abus et il faut y contrevenir.
M. Varin: Oui, d'accord.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi, M.
Varin, je vous souhaite la bienvenue.
M. Varin: Merci.
M. Paré: Je dois dire que je trouve ça
intéressant qu'il y ait une entreprise privée qui se
présente à la commission et qui vienne nous faire valoir ce point
de vue. C'est intéressant, parce que dans la société il y
a du culturel, il y a du social, évidemment, et il y a de
l'économique. Ça, on s'en rend compte. On dit toujours: Pour
partager la richesse, il faut la créer, et c'est par les entreprises.
C'est important que vous y soyez sur un sujet aussi important. On dit
même que c'est une loi fondamentale. Donc, on parle souvent et on parle
régulièrement... Je m'en suis rendu compte ce matin. À
chacun des
mémoires qui ont été présentés aussi,
on parle du secteur privé. Sauf qu'on en parie, mais on ne lui parle pas
souvent. Alors, disons que c'est une occasion, je pense, qui est
privilégiée et il faut en profiter.
Vous avez élaboré... Et lorsqu'on lit votre
mémoire, vous êtes à la défense d'un secteur
à développer, d'une expertise aussi qui est déjà
commencée - la preuve, c'est que vous êtes ici - et des
inquiétudes pour le développement. C'est sûr que nous, on a
une préoccupation, et l'ensemble des intervenants dans la salle et les
membres de la commission par rapport, par exemple, au fondement même et
à la base de la politique. Et tous les intervenants, je pense, ce matin
ont élaboré sur une vision d'avenir par rapport à la loi
qui nous concerne où on dit, et ça semble de plus en plus faire
l'unanimité, qu'avant bien lontemps... Et, d'ailleurs, le ministre de la
Justice a presque un mandat là-dessus, maintenant, avec un
échéancier à déterminer sur l'assujettissement des
entreprises privées par rapport à la loi qui nous concerne.
Est-ce que vous vous êtes penché là-dessus et qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Varin: Je pense que tout le monde a à coeur la vie
privée de tous et de chacun. Ça touche... Les banques de
données dans le secteur privé, c'est énorme. Il y a des
banques de données où il y a de l'information vraiment
très très complète. Nous, c'est un petit peu
différent parce qu'on utilise plus de l'information dite publique, donc
une information qui est déjà disponible et qu'on rend beaucoup
plus accessible. Mais c'est sûr qu'il y aurait une réglementation
à faire de la protection de la vie privée, s'assurer que les
informations colligées sur nous soient correctes, ou qu'on puisse faire
les corrections qu'il faut, et avoir une politique générale au
niveau de la protection de la vie privée.
Mais il faut aussi dire, sur la protection de la vie privée,
qu'il faut aussi mettre, à un moment donné, pas une
barrière, mais savoir qu'est-ce qui est privé et qu'est-ce qui
est public. Si je prends, par exemple, le rôle d'évaluation parce
que je pense que je suis surévalué par rapport à mon
voisin, il faut que j'aie les moyens de pouvoir aller voir le rôle
d'évaluation, soit par l'adresse comme telle, et de savoir si mon voisin
est surévalué par rapport à mon niveau, de connaître
son évaluation. C'est sûr que ça peut paraître de
l'information privée de savoir que ma maison est évaluée
à 150 000 $, tandis que mon voisin, sa maison est évaluée
à 85 000 $, et que c'est le même type de bâtiment. Ça
peut sembler de l'information privée, mais c'est essentiel, dans une
démocratie, de savoir s'il y a eu inéqurté.
C'est la même chose au niveau des entreprises. Moi, je voudrais
savoir qui se cache derrière telle entreprise. C'est sûr qu'aller
chercher de l'information sur une entreprise, avoir les noms des
administrateurs, le nom de l'administrateur peut être de l'information
privée. Mais, dans une démocratie, on doit, à un moment
donné, dire ce qui est le plus important: Est-ce qu'il faut ne pas
afficher l'information sur l'administrateur, soit son nom comme tel, parce
qu'il risque d'être reconnu et qu'on va toucher à sa vie
privée, ou identifier que, pour tout administrateur d'une compagnie,
c'est normal qu'il fasse des affaires sous un nom de compagnie qui, des fois,
ne donne aucune information à savoir qui se cache derrière cette
entreprise-là...
Il y a aussi une chose qui est importante, lequel administrateur... Si
on prend un exemple, un nom connu, mettons, Pierre Trudeau, mais des Pierre
Trudeau, au Québec, il peut y en avoir 250. Lorsque vous avez une
entreprise, vous avez le nom Pierre Trudeau, lequel Pierre Trudeau est-ce?
Donc, on est souvent obligés, pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté, de mettre l'adresse de l'individu, et même sa
localité, pour être sûrs que c'est bien cette
personne-là, qui habite à tel endroit, qui est le bon
administrateur de cette compagnie-là. Donc, des fois, on est
obligés de mettre de l'information complémentaire pour s'assurer
qu'on ne se trompe pas de personne. Et c'est sûr que c'est une chose dont
il faut que les gens s'aperçoivent, que souvent, on doit donner des
informations sur la vie privée pour ne pas se tromper de personne. Sinon
on pourrait se méprendre sur le nom, à savoir si c'est bien ce
personnage-là qui a bien cette compagnie-là, si on ne donne que
le nom de l'individu.
M. Paré: Je comprends qu'il faut de la clarté,
enlever ambiguïté et confusion par rapport à... et surtout
avoir toujours à l'idée l'équité et la justice, et
le respect de la vie privée.
M. Varin: Oui.
M. Paré: Ce que vous expliquez, je trouve ça
très intéressant, mais est-ce que je comprends bien en disant que
c'est une ouverture par rapport au fait qu'on ait une volonté commune
d'assujettir le secteur privé à la loi d'accès à
l'information?
M. Varin: Oui, je pense que oui. Ça va permettre,
finalement, que tout soit clair. Je pense qu'autant le secteur privé que
le secteur public ont besoin de cette loi-là, pour savoir quels sont les
paramètres, parce que, quand vous voguez dans la brume, c'est
néfaste pour tout le monde, parce que personne ne sait à quoi...
Si on se fait des règles claires et précises que la vie
privée c'est ça et la vie publique c'est ça, ces
informations-là sont à caractère extrêmement
privé, c'est ça.
Et il y a plus que ça, il y a les informations à
caractère privé, mais il y a aussi la façon de questionner
l'informatique. Les requêtes,
qu'on appelle, au niveau informatique, peuvent aussi entraîner...
Des fois ce n'est pas seulement l'information, mais les requêtes. Si on
demande, par exemple... Ça aussi, ça peut devenir de
l'information privée. Ce n'est pas seulement l'information, mais la
façon dont on pose la question à l'informatique qui peut
être "statuée" comme correspondant à la protection de la
vie privée.
M. Paré: Mais quand on parle d'inclure le secteur
privé, avec la discussion qu'on a eue et l'orientation où on va,
on va loin aussi, il ne faut pas l'oublier. Il va y avoir des contraintes et
des contrôles. Quand on parle des sociétés...
M. Varin: Ça risque d'être très pesant,
d'être très lourd parce que des banques de données, de plus
en plus il s'en fait. Quand on parle de banques de données, ça
peut être des microfiches aussi. Ce n'est pas relié qu'à
l'informatique, mais ça peut être aussi de relier tout à...
Tantôt on va parler de l'informatique mais tantôt on va parler
aussi des disques au laser. Mais tout le stockage de l'information, si on fait
une loi sur... Il faudrait qu'il y ait une autoréglementation. Ça
serait assujetti avec des normes très précises parce que, si
l'État prend en charge toutes les banques de données
privées, il va y avoir beaucoup d'ouvrage et beaucoup de contrôle
à faire comme tel.
M. Paré: C'est un sujet qui est très vaste de toute
façon parce que quand on parle de contrôle, de surveillance ou de
protection minimum, quand on le fait au niveau des institutions publiques, on
dit qu'on en touche déjà quelques milliers. Si on va à
l'extérieur, ça voudra dire dans le secteur privé. On a
parlé des compagnies d'assurances, des banques, des institutions
financières mais ça va aller au-delà de ça.
Ça peut être même les fameuses listes noires dans le domaine
de l'habitation ou dans d'autres secteurs aussi. C'est vaste là.
M. Varin: Et le commissaire a dit que même à
l'intérieur du secteur public il avait, des fois, des difficultés
à faire comprendre la loi d'accès et il y avait, des fois, des
choses qui étaient plus ou moins agréables qui se passaient.
Imaginez-vous dans le secteur privé. Ça va être encore plus
lourd à administrer mais il faut que ça soit fait pareil. Au
moins qu'il y ait des balises et des normes spécifiques pour que tout le
monde sache à quoi s'attendre dans ce domaine.
M. Paré: Juste pour revenir un peu à ce que vous
discutiez tantôt avec Mme la ministre par rapport à toute
l'expertise qu'on peut développer. C'est un secteur d'avenir
effectivement. Tout ce qui est communication, c'est...
M. Varin: L'échange électronique des données
et tout ça.
M. Paré: Oui. Les sociétés qui ne s'en
préoccupent pas vont finir par être finalement
pénalisées à très court terme. On ne parle
même plus de long terme. Il faut s'en occuper et vous dites... Bon, vous
êtes contents, finalement, qu'on art décidé de
déférer l'article 5 pour nous permettre de discuter maintenant
sur une politique de commercialisation. Et, là, vous dites: On pourrait,
on doit aller dans le sens des exemples qui nous sont donnés par le
fédéral et l'Ontario, sinon on va encore aggraver le retard par
rapport au reste du Canada. Est-ce que vous pourriez me parler... Selon vos
connaissances du domaine, est-ce que notre retard est grand et est-ce qu'il est
récupérable facilement? (15 h 45)
M. Varin: Je pense qu'on peut toujours récupérer un
retard si l'intention est là et si, surtout, l'industrie peut avoir un
signe clair que les bases de données gouvernementales vont être
d'abord commercialisées par l'entreprise privée avec des
barèmes et que l'État ne va pas se développer une propre
expertise télématique pour faire concurrence à une
entreprise privée. Si on peut avoir des signes clairs que pour toute la
diffusion de l'information électronique on va d'abord passer par
l'entreprise privée qui, elle, qui a déjà l'expertise,
peut la faire et qui va aussi permettre de concurrencer des entreprises
américaines ou des entreprises ontariennes, je pense qu'on est capables
de reprendre ce retard parce que ce n'est pas nécessairement un
problème technologique, mais c'est plus la façon aussi de
commercialiser. Parce que c'est beau d'avoir une technologie
télématique, mais s'il n'y a aucun utilisateur et qu'il n'y a
personne qui est branché sur votre service, ça ne fonctionnera
pas longtemps. Donc, il faut aussi développer tout le côté
de la commercialisation, de la promotion des banques de données et de
mettre aussi cette information-là la plus facile. Il y a de la formation
à faire. Je prends rien que l'exemple de SOQUIJ qui est un exemple
intéressant de commercialisation de banques de données. Bien si
on pouvait avoir des SOQUIJ privées qui puissent s'alimenter de banques
de données publiques, on pourrait faire... Comme je vous le dis, on a
toute l'expertise qu'il faut pour aller chercher des... exporter parce que,
comme je vous l'ai dit, l'information électronique n'a pas de
barrière géographique. Donc, demain matin, je pourrais offrir un
service d'information électronique où je pourrais vendre, par
exemple, partout dans le monde On a un réseau planétaire. On
parle d'un village global. Donc, on va compéti-tionner demain non pas
avec des entreprises de l'Ontario mais aussi avec des entreprises qui peuvent
venir de n'importe où. La distance n'a plus d'importance dans ce
domaine.
M. Paré: Dans votre mémoire, vous dites que
l'article 6 qui est proposé dans le projet de loi ajoute de nouvelles
restrictions dans le sens que c'est d'abord juste l'accès pour
consultation sur place et qu'ensuite, bon, si on... On va refuser même la
communication là si les seuls motifs qui sont amenés, c'est pour
la commercialisation.
M. Varin: S'il y a une intention.
M. Paré: L'article tel qu'il est là, vous dites
qu'il va pénaliser le développement de votre secteur. Est-ce que
ce que vous demandez, c'est le retrait de l'article ou si vous avez des
propositions d'amendement à faire?
M. Varin: Je pense que ce serait le retrait de l'article et
d'aller avec l'article 5 pour mettre une politique... Je pense que l'article 5
et l'article 6, dans le fond, c'est le même article. C'est dire: Est-ce
qu'on va proposer à l'entreprise privée une politique de
commercialisation? Si on fait une politique de commercialisation claire, je
pense que l'article 6 n'a plus de fondement comme tel.
M. Paré: Dans votre esprit, les articles 5 et 6 sont
directement interreliés.
M. Varin: Interreiiés.
M. Paré: Et votre demande, si j'essaie de conclure
à ce que vous avez dit, c'est que, dans votre esprit, en tout cas, si
l'article 5 est déféré, l'article 6 devrait
l'être.
M. Varin: Oui, exactement.
M. Paré: Moi, ça répond à mes
questions. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Mme la ministre, quelques mots de remerciement, si vous
n'avez pas autre chose.
Mme Frulla-Hébert: Oui. En fait, ce qu'on disait...
Premièrement, vous avez mentionné: Est-ce qu'on va créer
d'autres SOQUIJ? Au début des années quatre-vingt, c'était
une tendance de créer comme ça des sociétés
d'État. En tout cas, ce qu'on voit et la politique de commercialisation
qu'on voudrait mettre sur pied, je ne pense pas.
En terminant, ce que je veux conclure, d'abord, c'est que ça a
été très intéressant, comme le disait M. le
député, de constater que vous êtes disposé aussi
à collaborer. C'est très intéressant aussi de voir le
point de vue de l'entreprise privée. Ce que vous demandez, si je conclus
bien, c'est que des organismes comme le vôtre puissent continuer à
commercialiser des banques de données, notamment des banques de
renseignements à caractère public. Maintenant, il faut comprendre
aussi que ce genre d'activités doit être encadré et aussi
balisé - je pense que vous l'avez mentionné - dans la mesure
où l'information qui est colligée provient d'organismes qui
l'accumulent avec des fonds publics. Alors, il y a toujours cette
vigilance-là qu'il faut, comme membre du gouvernement aussi, ne jamais
perdre de vue. C'est vraiment dans cette optique que je propose que
l'entrée en vigueur de l'article 5, comme je le disais tantôt,
soit retardée jusqu'au dépôt de notre politique de
commercialisation qui, elle, aura fait l'objet d'un débat public. Alors,
si c'est pour vous rassurer, on va essayer finalement de répondre
à vos besoins, d'une part, et aussi, de corriger les excès et les
abus de l'autre. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Paré: Ça va. Merci beaucoup du point de vue que
vous avez exprimé.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci, M. Varin.
Alors, là se termine l'audition du premier intervenant. Nous allons
maintenant passer au quotidien The Gazette qui est
représenté par M. Robert Winters, journaliste à ce
quotidien. M. Winters, je vous invite à prendre place.
Alors, M. Winters, vous souhaitant la bienvenue, vous connaissez la
façon dont nous procédons. Vous disposez donc d'une vingtaine de
minutes pour faire la présentation qui est la vôtre. Ensuite, le
côté ministériel interviendra pour à peu près
la même période de temps ainsi que le représentant de
l'Opposition. Vous avez la parole, M. Winters.
The Gazette
M. Winters (Robert): Merci beaucoup. Je voudrais remercier votre
commission et la ministre de nous avoir invités ici. C'est un plaisir
d'être ici avec vous aujourd'hui.
La loi 62 a été reçue avec un peu de surprise par
les médias dans la province de Québec. Comme vous savez, les
médias ont une relation spéciale avec la loi d'accès
à cause de leur rôle d'informer le public. Certainement n'importe
quelle loi d'accès est mieux que de n'avoir aucune loi d'accès
mais il y a des améliorations majeures qui pourraient être faites
à la loi d'accès, qui pourraient élargir la qualité
d'information que le public reçoit concernant le processus
décisionnel du gouvernement et aussi le rôle de plus en plus actif
dans certains domaines que le gouvernement joue dans certains secteurs.
Quand le processus de révision de la loi d'accès a
été commencé en 1987, The Gazette espérait
que la loi serait améliorée en termes de réduire les
exemptions ou en termes de réduire l'ampleur des exemptions qui
étaient trop larges
ou qui sont encore trop larges dans la loi existante. C'est assez
difficile, quand on fait une demande à un organisme public, de trouver
les renseignements qui sont disponibles, parce que les exemptions jouent; quand
ce n'est pas une, c'est une autre. Quand ce ne sont pas ces deux-là, il
y en a une troisième puis une quatrième et môme, des fois,
on a cinq ou six articles d'exemptions qui sont cités par l'organisme
comme raisons pourquoi il ne peut pas donner ces renseignements-là. De
la façon que les articles sont construits, c'est assez difficile de
trouver les documents qui sont disponibles à cause que les exemptions
sont construites d'une façon très large.
The Gazette inclut une copie de son mémoire de 1988 qui a
été présenté à votre commission, qui avait
un ton avec beaucoup d'espoir que la révision de la loi finirait par des
améliorations. Malheureusement, le processus de réforme
commencé en 1987 a mené à la loi 62 qui était une
déception, parce que, sous plusieurs aspects, la loi 62 proposait des
changements dans la loi qui auraient l'effet d'augmenter la latitude des
organismes publics de refuser de fournir les documents demandés par un
journaliste qui dépose une requête sous le couvert de la loi
d'accès.
Il est encore temps pour le gouvernement et votre commission d'examiner
sérieusement les façons multiples d'améliorer la loi avec
les changements, les modifications ou les ajouts qui pourraient être
faits à la loi 62.
Si vous regardez le mémoire de The Gazette, on parle, par
exemple, à la page 2 des organismes municipaux, l'article 2 du projet de
loi 62. The Gazette partage l'opinion exprimée dans r"Avis de la
Commission d'accès concernant le projet de loi 62" à l'effet que
cette modification pourrait, par inadvertance, soustraire un certain nombre
d'agences municipales de l'application de la loi.
The Gazette est donc d'accord avec la Commission d'accès
à l'information sur le fait que les dispositions actuelles de la loi
sont préférables aux modifications proposées.
Les amendements à la loi 62 qui semblent être en avant, qui
étaient en forme de modifications qui pourraient dire: Par l'addition,
dans la quatrième ligne du paragraphe 1° des mots "de même que
tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une
municipalité" semblent satisfaisants. Mais on se demande pourquoi on a
besoin de cet article ou de cette modification.
Pour les banques de données, The Gazette juge que, dans sa
forme actuelle, la loi s'applique à tout document des organismes
publics, peu importe la forme ou le support. En introduisant la notion de
banques de données, la modification proposée aurait pour effet de
soustraire un grand nombre de documents à l'application de la loi. En
effet, dès qu'un document ou un renseignement serait incorporé
dans une banque de données, l'organisme public aurait toute
discrétion pour en interdire la publication et il ne resterait aux
citoyens aucun recours pour contester cette décision.
L'article 5 du projet de loi 62 doit donc être retiré. On
comprend le but de l'article qui est d'introduire des limites à la
commercialisation des renseignements publics, mais la façon dont c'est
fait avec cet article interdit ou rend la vie très facile pour les
organismes publics qui n'agissent pas de bonne foi quand ils reçoivent
des demandes d'accès. Je pourrais dire qu'il semble y avoir plusieurs
organismes publics qui n'ont pas une attitude favorable à la loi
d'accès. En 1988, The Gazette a suggéré qu'une
priorité importante était la formation des coordonnateurs qui
s'occupaient de la loi d'accès pour les encourager à trouver des
façons ou des attitudes qui favoriseraient les demandes d'accès
au lieu de nuire à ces demandes.
Pour les services de sécurité interne, l'article 8 du
projet de loi, The Gazette partage l'opinion de la Commission
d'accès à l'information à l'effet que l'article 28 est
déjà suffisamment général et qu'il n'est nul besoin
de désigner nommément les organismes publics ayant un service de
sécurité interne.
Si vous tournez à la page 9 du mémoire, en bas, on parle
de l'intérêt public. Ça, c'est une notion qui est absente
de la loi d'accès et de la loi 62 qui pourrait augmenter la valeur de la
loi pour les médias et le public. The Gazette estime que la loi
pourrait être nettement améliorée par l'inclusion d'une
clause dérogatoire générale permettant de lever les
restrictions donnant accès à l'information dans tous les cas
où l'intérêt public est en jeu. Le seul critère
serait de déterminer si la divulgation est d'intérêt
public.
Si vous regardez le dernier point dans le mémoire, c'est:
Dossie/s ou documents. Comme M. Norman Webster, rédacteur en chef de
The Gazette, le souligne dans sa lettre, c'est une question importante
que la commission devrait regarder. The Gazette suggère que le
législateur intervienne pour corriger ce qu'elle croit être
respectueusement une décision erronée de la Cour du
Québec. Dans la cause de la ville de Montréal contre Winters, la
Cour du Québec est jugé que les demandes d'accès ne
pouvaient viser que des documents spécifiques des organisme; publics et
non pas leurs registres ou dossiers Cette décision fait abstraction du
fait que le citoyen qui présente la demande ignore souvent quels
documents spécifiques existent et n'a pas d'autres choix que de demander
accès au registres ou dossiers de l'organisme public sur un sujet
donné. Ça ferait une harmonisation ou ça correspondrait
aux articles de la loi fédérale qui permettent une demande pour
les dossiers et pas seulement pour les documents.
J'attirerais l'attention de la commission si les points soulevés
dans le mémoire en 1988 II
a trois domaines. Il y a le domaine des délais pour les
décisions, pour les délibérations du Conseil des
ministres. Maintenant, c'est 25 ans. The Gazette suggère que ce
soit réduit à 15 ans; 25 ans, c'est beaucoup trop long pour ces
documents. Quant aux avis des fonctionnaires, 10 ans, c'est beaucoup trop long
et ça devrait être immédiatement quand une décision
est prise et un an si la décision n'est pas prise. C'est la même
chose pour les études de consultants et les avis d'autres organismes.
Les délais dans la loi sont vraiment trop longs. Je vous remercie
beaucoup. (16 heures)
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci. Alors, Mme
la ministre, pour donner suite aux propos de M. Winters, est-ce que vous avez
des questions à lui poser?
Mme Frulla-Hébert: M. Winters, bienvenue. Je vous remercie
d'ailleurs de votre mémoire. J'avais hâte de vous rencontrer,
parce qu'on sait l'intérêt de The Gazette, ainsi que de la
Fédération professionnelle des journalistes et du milieu, et
comme j'en viens, alors, il y a des choses sur lesquelles je voulais justement
poser des questions et discuter avec vous.
Ce que vous dites sur l'accès aux documents, par exemple, au
niveau des organismes, on a apporté une modification à la loi,
une amélioration qui fait que les gens, maintenant, ceux qui sont
responsables de la loi ne doivent pas faire comme avant, c'est-à-dire
tout simplement dire: On n'a pas l'information. Ils sont obligés
maintenant d'aider celui qui demande accès. Donc, on espère et on
pose de grands espoirs à ce que ça facilite justement cette
demande, d'une part. Ce que vous dites, par exemple, de former ces
gens-là puis de sensibiliser non seulement les organismes mais aussi de
bien les entraîner, de bien les former, je pense que, ça, c'est un
besoin. On l'a identifié d'ailleurs, avec la Commission d'accès,
durant l'année, et on va essayer d'y remédier parce que
effectivement, il y a beaucoup de pédagogie à faire autour de
cette loi-là et il faut que les organismes la voient comme une loi,
comme je le disais ce matin, évolutive et non punitive. Alors, on va
essayer d'y remédier dans la mesure du possible.
Il y a une chose que je voulais vous demander. Par exemple, quelques
questions. Vous me demandez de lever toutes les restrictions à
l'accès dans certaines situations où vous me dites que
l'intérêt public le commande. Qui va décider qu'est-ce
qu'une situation d'intérêt public? Parce que c'est vague,
ça. Puis on va ensuite parler des victimes, c'est à peu
près la même chose, c'est beaucoup d'interprétation. Ce qui
peut être d'intérêt public pour un groupe peut avoir une
autre signification pour un autre.
M. Winters: Oui. Pour commencer avec le premier point, vous avez
raison, c'est une grosse amélioration d'exiger que les responsables de
l'accès à l'information aient la responsabilité d'aider
quelqu'un qui demande des renseignements. J'attirerais votre attention sur la
décision de la Commission d'accès dans le dossier qui est
allé en appel à la Cour du Québec, qu'on a perdu, Ville de
Montréal contre Winters, où, dans la décision, on avait
beaucoup de documents qui avaient été demandés, puis la
Commission d'accès a exigé de la ville de Montréal de me
donner une liste des documents. Là, j'aurais pu choisir ceux que je
voulais, ce qui aurait allégé la tâche de l'organisme
public. Ça a été une espèce de règlement
proposé par la Commission d'accès, réglementation qui a
été jugée hors juridiction par la Cour d'appel. Puis
ça a été une façon détaillée d'exiger
que les responsables de l'accès aident la personne qui demande des
renseignements. Ça fait que j'attirerais votre attention sur l'essai qui
a été fait par la Commission d'accès dans ce
dossier-là.
Les responsables de l'accès, souvent, ont l'attitude que...
L'organisme pour lequel ils travaillent les encourage à donner le moins
de documents possible. C'est une réussite s'ils réussissent
à ne pas donner trop de documents. Comme ils travaillent des fois
à temps partiel dans le domaine de l'accès, c'est un poids
très lourd pour essayer de contrer. Ça fait qu'il faut... Moi, je
suggère de la formation pour aider à professionnaliser ces
gens-là, pour leur faire sentir qu'ils ont une responsabilité de
trouver les documents, de sortir les documents, pas de cacher les documents,
d'avoir l'instinct de les sortir au lieu de les cacher.
Pour retourner à votre question sur l'intérêt
public, la Commission d'accès à l'information et les tribunaux
n'auraient qu'à mettre en balance l'intérêt public et les
restrictions à l'accès à l'information, d'autre part. Ce
qu'on suggère, c'est que les tribunaux sont là pour ça.
Les tribunaux ont un sens de ce que ça veut dire, l'intérêt
public. Ils vont développer une jurisprudence qui mettrait en balance
les questions d'intérêt public et (es questions des
intérêts de l'État qui souvent ou qui parfois ne
correspondent pas. C'est aux tribunaux, un pouvoir indépendant, qu'il
faut confier cette tâche. On pourrait peut-être... Je sais, dans
vos réponses à la Commission d'accès, vous dites que
ça pourrait aller même jusqu'aux délibérations du
Conseil des ministres si une notion comme ça a été
incluse. Et on pourrait quand même essayer de trouver un mécanisme
qui ferait que ça pourrait exempter les délibérations du
Conseil des ministres, qui suivrait un respect pour la tradition parlementaire
et la confidentialité des délibérations du Conseil des
ministres. J'accepterais qu'une exemption comme ça s'applique à
des cas d'intérêt public.
Mme Frulla-Hébert: Pour revenir à tout ce qui
s'appelle intérêt public, ce matin, on disait
que la loi sur l'accès, c'est une loi qui est
prépondérante, qui est large. Finalement, il y a des lois dans
chacun des secteurs. On parle beaucoup, surtout question environnement, de la
sécurité publique, donc, environnement, santé. Et il y a
des lois qui sont sectorielles, par exemple, la Loi sur la qualité de
l'environnement, la Loi sur la santé publique. Ces lois-là sont
plus larges et plus généreuses que la loi sur l'accès, et
spécifiquement, donnent accès à des analyses, à des
opinions, des avis, des études d'impact, toutes les recommandations, et
tout ça. Est-ce que dans votre travail ou, enfin, au niveau du milieu...
Est-ce que ça, c'est suffisant? Ou encore, ]e reviens à ceux
à qui vous faites appel... Et c'est là que ça bloque.
C'est parce que Je veux savoir: Est-ce que les mécanismes sont en place?
Ils sont là. Maintenant, évidemment, ceux qui se doivent de
donner le service, eh bien, est-ce que c'est plutôt là que
ça bloque?
M. Winters: L'exemple que vous donnez est sûrement une
amélioration. Ce n'est pas assez commun. C'est assez rare comme
situation qu'une loi ait ce pouvoir-là. Je ne crois pas que ce soit
très fréquent qu'on voie ça. C'est comme un organisme
public. Si un fonctionnaire donne un avis, dix ans après, les
décisions, ça fait longtemps que c'est oublié. Et c'est
moins intéressant. L'Union des municipalités du Québec et
la Fédération des journalistes professionnels du Québec
ont créé un comité il y a trois ans sur l'accès aux
documents municipaux. Moi, je faisais partie de ce comité. La
résolution de ce travail, c'était que les deux organismes soient
d'accord pour que les avis et les recommandations des fonctionnaires soient
disponibles après qu'une décision soit prise. Et cette
résolution - même les rapports des consultants - on était
d'accord qu'on devrait avoir droit, que les médias devraient avoir ie
droit de consulter ces rapports après qu'une décision soit prise.
Et les résolutions, l'accord a été signé par les
deux présidents, ça été envoyé sous forme de
lettre à la Commission d'accès expliquant qu'on était
d'accord. Je ne sais pas si on en a fait part à votre ministère,
mais ça démontrait, dans mon esprit, quand des gens raisonnables
s'assoyaient autour de la table, qu'il était évident que dix ans,
c'était trop long, que le public a le droit de comprendre pourquoi les
élus prennent les décisions, et surtout au niveau municipal,
quand il n'y a pas de secrets d'État qui sont là, ou peu souvent
C'est un problème dans le sens que, pour ies médias, on essaie de
donner au public les outils d'information pour qu'il puisse juger de la
qualité des décisions de leurs élus, dans tous les
organismes publics, ou des gens qui dirigent les organismes publics. Et les
gens ne peuvent pas juger de la qualité dos décisions s'ils n'ont
pas les mômes renseignements. On ne les demande pas avant que la
décision soit prise; mais après qu'elle soit prise, alors
là, les médias devraient être capables de fournir à
la populatior des renseignements sur lesquels les décisions ont
été basées. Et c'est à eux de décider. Les
dirigeants peuvent dire: Bon, on a décidé è cause de
ça ou de ça. Et la population va avoii tous les
éléments qui étaient devant les gens qu prenaient les
décisions.
Mme Frulla-Hébert: II y a une question que je voulais vous
poser. C'est toujours une question de temps, mais je vais le demander à
tous Je n'ai vraiment pas le consensus sur un sujet, et je dois dire que c'est
un sujet, aussi, qui me perturbe beaucoup, c'est avoir accès à
l'identité des personnes arrêtées par la police, et
à celle des personnes impliquées dans un événement
ayant fait l'objet d'un rapport public. Vous demandez, en fait, que tous ces
renseignements aient un caractère public, dont soient accessibles
à tout le monde et en tout temps. Maintenant, vous savez que bien des
organismes, notammeni ceux qui travaillent à la protection des droits ei
libertés, préconisent plutôt un resserrement de la
protection des renseignements à ce niveau-là, surtout au niveau
des victimes, par exemple. Alors, pouvez-vous nous dire, dans un premier temps,
comment vous conciliez votre demande, au niveau de l'accès aux victimes,
avec le droit des individus à la protection de leur vie privée?
Parce qu'on a un groupe qui, finalement, est fortement contre. On dit: Bien,
peut-être, si eux acceptaient... Mais on voit qu'il y a une certaine
réticence, et c'est une peur, aussi. Et comme il faut harmoniser les
deux droits dans cette loi-là, comment voyez-vous ça, vous?
M. Winters: Dans le milieu journalistique, on est de plus en plus
sensibles aux questions d'essayer de comprendre jusqu'où va le droit du
public à savoir, et quand commence le droit de quelqu'un à sa vie
privée. C'est une question à laquelle le milieu devient de plus
en plus sensibilisé. Je crois que la façon dont moi je le vois,
c'est que quand un service d'autorité dans notre société,
comme un service de police, agit et invervient, je crois que le public devrait
être conscient de ce qui se passe. Si les policiers arrivent et tuent
quelqu'un sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, comme c'est
déjà arrivé, et ils ne veulent pas donner le nom de la
victime... C'était par hasard, dans un échange de coups de feu,
suite à un vol. Les médias n'avaient pas le droit de savoir qui
avait été tué par des policiers sur la rue
Sainte-Catherine, à Montréal. On a trouvé les
renseignements ailleurs, mais on n'avait pas le droit, officiellement de les
avoir. (16 h 15)
Dans notre société, les médias prennent position
que quand l'État ou ses agents Interviennent, si c'est devant une cour
de justice ou si c'est une action policière, le public es1
concerné. Le public a le droit de savoir ce qui se passe. Je
comprends que la question des victimes est importante mais je crois que c'est
surtout dans les cas où les victimes sont des victimes d'abus de nature
sexuelle, par exemple. Il y a des lois spécifiques qui protègent
l'identité des victimes mais il y a d'autres types de victimes. C'est
peut-être de l'intérêt public de savoir leur identité
si elles sont victimes... Si quelqu'un est tué par un policier, par
exemple, un Noir qui est tué par un policier lors d'une confrontation,
si quelqu'un est mort, peut-être qu'il va y avoir une enquête
là-dessus. On va avoir une enquête publique et peut-être
qu'on va avoir l'identité après un certain temps, il y a d'autres
gens qui vont nous dire l'identité.
C'est rendu maintenant que, à cause de ce blocage, les
médias prennent d'autres moyens et ils obtiennent souvent un
renseignement moins fiable et il y a plus de risques que les renseignements ne
soient pas bons. Dans les médias, je pense, qu'on sent qu'il y a
certaines situations où c'est dans l'intérêt public... Je
crois que les médias, eux-mêmes, ont un rôle à jouer
dans ces décisions-là, dans ces jugements qui sont assez
abstraits, souvent. Je crois qu'il faut laisser une marge de manoeuvre aux
médias. Il y a quand même des façons civiles ou des
mécanismes du Code civil pour que les gens puissent nous actionner. Avec
les nouvelles révisions qui sont en train de se faire du Code civil,
ça va être de plus en plus facile pour les gens qui sentent que
leur vie privée a été envahie par les médias
d'avoir recours devant les tribunaux.
Je crois que ça peut sembler facile de dire: Laissez-nous faire,
mais je crois que c'est quand même... Je crois que ce serait bon
d'identifier certains types de crimes ou certains types de situations mais de
ne pas avoir un règlement général qui a un effet pervers
qui est de cacher ou de rendre inaperçues les actions de
l'autorité dans notre société qui sont les forces de
police, souvent.
Mme Frulla-Hébert: M. Winters, je vous comprends. Comme je
vous dis, là-dessus, on n'a pas le consensus et on a certaines
réticences, de grosses réticences valables d'autres groupes. Je
pense que, sur toute cette clause-là de victimes, d'intérêt
public et tout ça, il y aurait peut-être lieu d'avoir, justement,
un débat public sur ce sujet-là, parce qu'on voit, finalement,
l'évolution au niveau des techniques, l'évolution aussi de la
présence des médias. Et j'en viens, alors je suis quand
même assez bien placée pour en parler. Alors, je connais les
forces et je connais les faiblesses aussi.
Quand on me dit... Et je vous comprends, parce que je sais qu'il faut
avoir accès. Ça fait partie justement du droit d'informer et
ça fait partie du travail, d'une part, mais aussi, d'un autre
côté, il faut comprendre toute cette clause de protection, si on
veut, et dire: Bon, bien, laissez-nous finalement un pouvoir de
discrétion. Vous savez comme moi que c'est aussi un peu arbitraire parce
que quand la guerre des cotes d'écoute part, la guerre des tirages part
et tout ça, des fois, c'est difficile aussi à juger même
pour vous. Alors, peut-être qu'il y aurait lieu d'avoir un débat
public là-dessus. Spécialement à la suite des derniers
événements, il serait peut-être intéressant,
justement, d'entendre les différents groupes. On joue d'ailleurs avec
l'idée très fortement.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors,
maintenant, M. le député de
Shefford, malgré le signe que vous fait la ministre, je vous
passe la parole.
M. Paré: Merci, M. le- Président. Moi aussi, je
vous souhaite la bienvenue et, effectivement, il faut reconnaître que les
gens des médias sont des intervenants très importants dans un
débat comme celui qu'on tient ici aujourd'hui. Vous embrassez finalement
une facette très Importante de l'accès à l'information,
parce que non seulement vous êtes de ceux qui, par tous les moyens
possibles, essayez d'avoir accès au maximum d'information dans le but,
évidemment, de donner de l'information aux gens et d'en faire finalement
une information générale, la publication des informations que
vous pouvez aller chercher... Donc, c'est important, la facette que vous
amenez, et le point de vue. C'est pour ça que je vais reprendre un peu
les mêmes points que Mme la ministre avant moi avec des visions... ou, en
tout cas, pour compléter un peu la discussion qui a eu lieu.
Vous, ce que vous dites, tout en commençant votre mémoire,
c'est que c'est avec surprise que vous en avez pris connaissance. Ce que vous
espériez, c'était d'abord une réduction des exemptions et
de faciliter l'accès aux informations. Ce n'est pas ce que vous
retrouvez, en tout cas, pas partout et pas à votre satisfaction. Vous
n'êtes pas le seul à le demander, dans certains cas, en tout cas,
certains articles, et j'en prends un en particulier parce qu'il en a
été question et que je le trouve important. Entre autres,
même la Commission d'accès à l'information, dans une de ses
recommandations, dit que l'existence d'un risque immédiat pour la
santé et la sécurité d'une personne ou d'atteinte
sérieuse à la qualité de l'environnement rend
inopérantes non seulement les restrictions concernant les renseignements
dont la divulgation aurait une incidence sur l'économie mais toute
restriction au droit d'accès.
Non seulement parce que c'est un sujet important, l'environnement
sensible, c'est majeur et on s'en rend compte. C'est capital avec ce qu'on a
connu comme catastrophe depuis quelques années au Québec. On ne
peut pas ignorer ce sujet-là et, de toute façon, toute la
population
est non seulement sensible mais exige des gestes. On s'est rendu compte
au cours des dernières années qu'il manquait beaucoup
d'information. Les gens vivent souvent dans l'inquiétude ou ont des
mauvaises surprises. Et, là, on pourrait citer des cas à la
dizaine, que ce soit la ville de Mercier, l'eau contaminée, qu'on
apprend, mais on n'a pas l'information. On est obligés de questionner
les gens sur place. Le meilleur exemple, c'est le Bureau d'audiences publiques
en environnement et le fait de ne pas dévoiler... ou juste de dire - de
la part du président passé, le Dr GoldWoom - que, s'il fallait
qu'il dise ce qu'il sait en environnement, ce serait terrible, ce serait une
catastrophe et les gens auraient peur. Ça a même amené,
finalement, sa destitution. Le président a été
remplacé parce que non seulement il ne pouvait pas dévoiler, mais
il a dit publiquement qu'il ne dévoilerait pas.
Donc, on se rend compte qu'effectivement, pour protéger la
population, il nous manque de l'information spécialement dans le secteur
de l'environnement. La ministre, de ce côté-là, nous dit:
Oui, mais il y a des articles dans la loi sur l'environnement qui vont plus
loin, dans le sens que ce n'est pas seulement de permettre, par exemple, ou ce
n'est pas de donner ou d'enlever des exemptions, mais c'est de donner des
obligations de divulgation.
Moi, j'ai une vision différente de ça et je vous la pose
d'une façon interrogative. Le fait de donner des obligations par rapport
à certains points précis, d'être précis dans les
obligations qu'on donne, c'est que ça met l'accent là-dessus mais
ça libère le reste et, finalement, au lieu d'être mieux
parce que ça donne une obligation, c'est plus restrictif ou c'est plus
limitatif parce qu'au contraire, en mettant tout l'accent sur certains points
précis, ça donne l'argument à tous les gens ou à
tous /es organismes qui demandent de l'information sur les autres points
d'avoir comme réponse: Écoutez, on n'a pas l'obligation parce que
la loi sur l'environnement nous dit: L'obligation, c'est spécifiquement
les points qui sont énumérés. Donc, plutôt que de
renforcer sur l'ensemble de l'environnement, ça renforce, d'accord, sur
les points qui sont énumérés mais ça vient
libérer le reste et faire en sorte que ça affaiblit ou ça
amoindrit la possibilité d'avoir des informations en matière
d'environnement parce que le bel argument du ministère, c'est de dire:
Tout ce qui n'est pas inclus dans l'obligation, c'est comme si on avait la
liberté totale de tout refuser.
Moi, c'est l'interprétation que j'en fais. Je ne sais pas si vous
la voyez plus comme ça que l'interprétation qui dit que
l'obligation de certains points vient renforcer l'ensemble de la
responsabilité environnementale. Je ne sais pas si vous avez des
commentaires là-dessus.
M. Winters: Oui, je crois que, souvent, les organismes publics
qui reçoivent des requêtes, tout de suite, ils donnent ça
à leurs conseillers juridiques qui, souvent, ont le loisir de prendre
sérieusement la demande et de trouver les articles avec lesquels ils
peuvent bloquer la demande. Ils vont chercher... Ils cherchent tout. Suite
à plusieurs expériences, pour avoir été
confronté à des avocats d'organismes publics, j'ai toujours
été content d'avoir mon propre avocat à côté
de moi parce que c'était vraiment une guerre légale chaque fois
qu'un organisme résistait. Il arrivait que l'avocat pouvait dire: Le
législateur voulait ça ou, si le législateur voulait
ça, il l'aurait dit mais, comme il ne Ta pas dit, il ne le voulait pas.
C'est assez abstrait comme jeu légat.
Je ne sais pas jusqu'à quel point les juges prennent ça
sérieusement. Ça doit dépendre du commissaire qui prend la
décision. Ça doit dépendre du juge de la Cour du
Québec qui va être obligé de trancher un appel d'une
décision de la Commission. Mais je crois que c'est dur pour moi de dire
ce que serait la fin légale de ça parce que, en
réalité, c'est toujours dur de savoir quels arguments sont
maintenus ou pas. Je trouve que ça dépend beaucoup du juge qui
s'occupe de cette cause-là. Mais je sais que c'est un argument qu'on
entend. C'est un argument... En analysant la loi, un avocat va dire: Si le
législateur voulait ça, il l'aurait dit. C'est pour ça que
c'est très bon de dire que, dans un domaine spécifique comme
l'environnement, ça va un petit peu plus loin. Mais je crois que
ça n'aide pas les autres domaines.
Maintenant, je crois que le public... On a une évolution
très forte de la conscience publique en faveur de l'environnement. C'est
quelque chose qui va continuer à augmenter, cette conscience. Je crois
qu'il faut que le législateur réponde à ce besoin d'en
savoir de plus en plus au sujet de l'environnement. Mais je crois qu'if faut...
On a une population de plus en plus instruite qui a besoin d'en savoir plus sur
son environnement total. Des fois, ça dépasse les limites du
ministère de l'Environnement. Je crois que les mêmes principes qui
aident maintenant l'accès aux documents en environnement, je pense que
ce serait mieux qu'ils soient élargis pour toucher les autres domaines
justement pour ne pas porter à confusion ceux qui interprètent la
volonté du législateur qui, parfois, est très dure
à déceler pour les avocats. Ils peuvent... C'est assez subjectif
d'interpréter la volonté du législateur. C'est pour
ça que si on spécifiait qu'on va plus loin dans plusieurs
domaines, dans tous les domaines, ça aiderait. C'est quelque chose.
C'est mieux. Pour les médias, même cet effet pervers, c'est mieux
que rien. C'est comme j'ai dit pour la loi d'accès. Même si c'est
une loi d'accès qui bloque beaucoup de documents, c'est encore mieux que
rien. Les médias aimeraient ça que ça aille plus loin
encore.
M. Paré: Oui. Mord. Dans votre mémoire,
à
la page 10, dans la section Dossiers et documents, vous
référez à la cause Ville de Montréal c. Winters,
1989. Est-ce que vous pourriez, pour les bénéfices des membres de
la commission, nous dire certains détails sur cette affaire? (16 h
30)
M. Winters: Oui, la décision est attachée en annexe
II au mémoire. C'est une décision qui... Ça a
commencé avec... C'était à l'époque du maire Jean
Drapeau, en 1985. Moi-même, avec The Gazette, on a demandé
des renseignements de la ville de Montréal au sujet de plusieurs
dossiers. Puis comme on avait fait certaines expositions, on a essayé
d'avoir des documents d'impact des services et, finalement, la ville de
Montréal a été vraiment contre la loi d'accès.
C'était un des pires organismes publics à l'époque.
Je crois que ça a changé depuis, jusqu'à un certain
point. Mais, à l'époque, c'était vraiment une attitude
féroce contre la loi d'accès. Et la ville de Montréal est
venue à la Commission d'accès et elle a cité l'article 126
de la loi qui donne le droit à un organisme public, avec autorisation,
de refuser de répondre à des demandes d'accès. Et la
commission Paré qui a préparé cette loi avait
l'intention... ou cet article a été inclus dans le but... On peut
trouver ça dans les débats législatifs que le but de cet
article, c'était pour ne pas avoir une guerre avec des milliers de
fonctionnaires qui, chacun, demandaient des dizaines de dossiers en même
temps pendant une confrontation syndicale avec le gouvernement.
C'était une façon de bloquer un "attentat" de paralyser la
fonction publique avec des demandes d'accès dans un contexte syndical.
Cet article-là a été utilisé comme outil pour
simplement refuser de répondre. On avait demandé les salaires des
hauts fonctionnaires, les dossiers de pollution du centre d'incinération
de la ville de Montréal. On a demandé même des dossiers au
sujet du crime organisé, les délibérations du conseil
exécutif de la ville de Montréal des années cinquante au
sujet du crime organisé et des demandes au sujet des Jeux
olympiques.
Finalement, c'était une façon de fermer la porte. La
Commission d'accès a trouvé ça farfelu. Elle a
rejeté les demandes de la ville de Montréal. Elle est
allée en appel à la Cour du Québec qui est une
décision finale, comme vous savez. Puis la Cour du Québec a
maintenu la décision et a dit qu'on n'avait pas le droit de demander un
dossier... Dans cette demande, comme exemple, j'avais demandé des
dossiers au sujet de la pollution par le centre d'incinération de la
ville de Montréal entre telle date et telle date. Puis la cour a
jugé qu'on n'avait pas le droit de demander un dossier, qu'il fallait
demander un document spécifique et que la Commission d'accès, en
exigeant qu'on donne une liste des documents, est allée trop loin, parce
qu'elle n'avait pas ce pouvoir-là. Alors, finalement, on a la situation
où elle a une obligation de nous aider, mais l'obligation reste vague si
on n'a pas le droit de savoir le contenu des dossiers. Avec la loi
d'accès fédérale, c'est assez clair qu'un document est
disponible et un dossier aussi. Alors, c'est un changement qui aiderait
beaucoup. The Gazette croit que la Cour du Québec a fait une
erreur d'interprétation de cet article, mais que l'article pourrait
être modifié pour clarifier l'intention du législateur. Je
crois que l'Intention de la loi, c'est quand même d'ouvrir l'accès
aux documents et c'est dur de savoir le contenu des dossiers, s'il faut
demander des documents spécifiques.
M. Paré: Merci. Sur un autre point qui a été
traité, d'ailleurs, dans votre échange avec Mme la ministre
tantôt, mais je tiens à y revenir parce qu'il est important. Vous
traitez, à un moment donné, de l'article 14, les rapports de
police. Vous soutenez, là-dedans, que, lorsqu'un corps de police
intervient dans les affaires d'un citoyen qu'il est censé
protéger, son intervention tombe ipso facto dans le domaine public et,
de ce fait, tous les détails de l'intervention doivent être rendus
publics. C'est vrai que la loi est là pour donner l'accès
à l'information et l'information, lorsqu'on y a accès,
spécialement les gens qui sont dans les communications, bien ça
devient maintenant de l'information publique. Donc, on ne va pas juste chercher
de l'information parce qu'on veut la connaître. On va la chercher parce
qu'on veut la diffuser. A ce moment-là, c'est la publication. Ça
devient l'affaire de tout le monde.
La loi dit bien: Oui, c'est l'accès à l'information, mais
il y a aussi l'autre volet qui est fondamental et qui est capital, c'est la
protection des renseignements personnels. Il ne faut pas oublier que le
fondement majeur de notre société démocratique, c'est
l'individu, les droits individuels aussi. Oui, on peut être
appelés, à un moment donné, à apparaître sur
un rapport de police pour toutes sortes de raisons, on peut apparaître,
et c'est le lot de beaucoup trop de gens, probablement, comme victime. On a
assez d'être victime de quelque chose qui nous arrive peut-être
sans, en plus, être victime de voir notre histoire racontée
partout, une histoire banale, mais qui, pour nous, peut compromettre notre
avenir. C'est ça que la loi dit. C'est de faire le juste partage entre
les deux qui n'est pas facile. Et la presse a aussi un rôle essentiel et
fondamental à jouer au niveau de la démocratie, mais la
démocratie, c'est une information publique qui doit être connue
par l'ensemble de la population et l'individu, le citoyen, lui, se ramasse
victime par rapport à un geste, à une action, à quelque
chose qui se présente, à un moment donné, et il se trouve
là au moment où ça arrive.
Ne croyez-vous pas que ce que vous suggérez va un peu contre ce
qu'on défend
souvent, ce qu'on entend souvent, les droits individuels, la protection
du citoyen et de ['individu? Vous avez répondu en partie, tantôt,
en disant: Oui, mais le citoyen a toujours le recours final et légal. Il
peut toujours aussi aller en Cour et demander une correction.
Premièrement, c'est une démarche qui s'ajoute. C'est des
coûts. Il faut que l'individu, s'il lui est arrivé un accident et,
ensuite, que c'est rendu sur la place publique, qu'on a détruit, si on
voulait le pousser au maximum... Vous avez pris des exemples sur lesquels on
peut être d'accord. L'exemple que vous avez pris, c'est un policier qui
tire sur un citoyen d'une communauté visible. Je dois vous dire qu'on ne
peut pas faire autrement que d'être d'accord pour dire qu'il faut que ce
soit connu parce que ça devient un débat môme de
société, par rapport au traitement qu'on fait à nos
minorités visibles. Il y a des cas qui peuvent être - pas plus
pathétiques, parce que ça l'est ça aussi -
pathétiques, mais en même temps qui ne sont pas des débats
qui méritent d'être traités sur la place publique. Avec ce
que vous demandez, c'est que tous les cas très privés et
personnels pourraient être traités sur la place publique.
L'individu qui a déjà eu un accident quelconque et en plus,
peut-être, une attaque - ça ne veut pas dire qu'il est
accusé - finalement, à sa réputation, ce qui fait qu'il
n'aurait peut-être même plus le goût ni les moyens de se
rendre ensuite jusqu'à exiger réparation... Est-ce qu'on ne va
pas un peu à l'envers de ce que la loi veut aussi garantir? S'il y a
l'accès pour permettre qu'il y ait divulgation et publication, il y a
aussi la deuxième partie qui est la protection. Ne trouvez-vous pas que
vous allez un peu loin par rapport à l'ensemble des citoyens?
M. Winters: Je vais changer de chapeau pour répondre
à ça. Moi, je suis membre du Conseil de presse du Québec
depuis cinq ans. Je suis sur le comité des cas depuis cinq ans. Je
représente l'Association des quotidiens du Québec au sein du
conseil, puis les exemples auxquels vous vous référez seraient
des bons cas. Puis jusqu'à quel point les médias agissent dans
l'intérêt public en parlant d'un incident dans telle sorte de
circonstances ou dans un autre type de circonstances, c'est vraiment un domaine
qui tombe dans les normes ou dans les balises professionnelles de la couverture
médiatique, qui est un domaine où les lois ne sont pas assez
précises. Elles ne sont jamais assez précises pour enlever ce
qu'il faut enlever sans nuire au reste, puis ça devient un domaine
où il faut que les médias respectent un code
déontologique. Il faut qu'ils acceptent.
The Gazette a un bureau d'ombudsman depuis cinq ou six
années, même plus, maintenant, qui répond aux lecteurs.
The Gazette a toujours encouragé les autres journaux, les autres
médias à adopter un système d'ombudsman justement pour
répondre à des cas où les médias sont allés
trop loin. Je crois que c'est dangereux pour le législateur d'embarquer
dans ce domaine. Je crois que c'est quand même du domaine de la
déontologie professionnelle, la couverture des médias. Il
faudrait peut-être trouver d'autres façons de conscientiser les
médias, comme Mme la ministre parlait tantôt, un colloque
important sur la vie privée et les médias, pour que tout le monde
arrive à un consensus sur ce qui est correct et ce qui n'est pas
correct. Je crois que c'est plus à ce niveau-là que ce
problème peut se régler. C'est plus à ce niveau qu'au
niveau législatif qui, souvent, a des effets qu'on ne prévoit
pas. Ça fait que ma position se situe un petit peu où il faut
laisser les médias libres, mais j'ai aussi l'impression que les
médias, de plus en plus, adoptent des types d'institution où un
consensus peut être en train de se développer sur ce qui est
correct ou pas correct. C'est sûr qu'il peut y avoir certains
médias qui n'acceptent pas ce consensus-là. Puis s'ils ne
l'acceptent pas, là, c'est une autre question. Si on a un média
qui, d'une façon répétitive, ne respecte pas les nonnes
sociales qui s'appliquent aux médias, là, ça tombe dans un
autre casier ou dans un autre secteur. Mais, pour le moment, moi, je
suggère qu'on pense à bâtir un consensus dans les
médias, dans la population, sur ce qu'il est acceptable de publier, sur
ce qu'il n'est pas acceptable. Je crois qu'il y a un processus de
réflexion et de débats qui devrait continuer avant
d'éliminer ou avant de limiter trop vite les domaines de couverture. Je
ferais exception pour les crimes sexuels où l'identité des
victimes est protégée par d'autres lois, puis ceux qui sont en
bas d'un certain âge. L'identité de ces personnes est
protégée par certaines lois. Mais, pour le moment, je pense que
ce serait mieux d'aller plus loin au niveau d'une réflexion de
société avant de passer à une législation
hâtive.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Winters. Mme la
ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?
(16 h 45)
Mme Frulla-Hébert: Oui. M. Winters, juste un petit
commentaire. Quand vous parlez de déontologie, j'en suis; quand vous
pariez d'ombudsman, j'en suis aussi, mais l'ombudsman vient après.
Souvent le dommage est fait. Alors, je pense qu'au niveau du débat
public, moi, je suis non seulement d'accord, étant très sensible
pour avoir été artisane justement dans les médias, mais
oui, effectivement, il va y avoir une discussion. On va essayer, en tout cas,
avec le milieu et avec la population aussi, d'avoir une discussion maintenant
sur toute la question d'intérêt public, jusqu'où on doit
aller. Je pense que c'est très important.
Il y a une chose... une précision que je voulais apporter quand
vous dites, au niveau de l'environnement, par exemple, que l'accès est
important. Comme la loi sur l'accès est une loi
qui est prépondérante, donc, comme je dis, elle est... Et
ce sont les lois sectorielles qui sont plus généreuses. Je vais
prendre juste la Loi - que j'ai fait sortir - sur la qualité de
l'environnement, l'article 118.4 qui dit: Toute personne a droit d'obtenir du
ministère de l'Environnement copie de tout renseignement disponible
concernant la quantité, la qualité ou la concentration des
contaminants émis, dégagés, rejetés ou
déposés par une source de contamination." Et ensuite de
ça, l'article 118.5, et je l'ai; de toute façon, je vous en fais
grâce. On a toutes les précisions et le reste est couvert par la
loi sur l'accès. Ce qui m'amène à dire que, suite aux
commentaires et à ce que vous dites, il me semble, en tout cas, que
c'est beaucoup plus - parce que c'est couvert - un problème d'abord de
connaissance ou de non-connaissance profonde, d'une part, pour certains, ou
encore d'attitude, pour d'autres. Parce que effectivement, les organismes sont
obligés, tel l'environnement, telle la santé, de donner
accès à des documents qui font référence, si on
veut, s'il y a une mise en garde finalement, à la santé publique.
Ils sont obligés de le faire. Maintenant, encore là, il s'agit de
former les gens pour donner accès. Il s'agit de les former maintenant et
de les bien renseigner. Moi, j'ai l'impression que c'est là qu'il est,
le problème.
M. Winters: Peut-être une très courte suggestion.
Peut-être qu'on pourrait donner d'autre argent à ta Commission
d'accès ou à un programme. Je sais que c'est une période
où...
Mme Frulla-Hébert: Pour la formation.
M. Winters: ...on n'a pas beaucoup d'argent. Mais c'est quand
même... Je crois que c'est une priorité de la
société.
Mme Frulla-Hébert: Oui.
M. Winters: On pourrait mettre un petit peu d'argent pour
informer. Même les journalistes, qui informent la population, comment ils
peuvent mieux utiliser la loi.
Mme Frulla-Hébert: II y a tout le réseau aussi.
D'ailleurs, on regarde le réseau de Communication Québec, par
exemple. C'est un réseau aussi pour informer la population, et tout
ça, et se servir de nos différents réseaux. Parce que
c'est la même chose, et je veux revenir à l'article 2 concernant
les organismes municipaux. Encore là, ce n'était pas notre
intention, mais pas du tout, d'exclure certains organismes, au contraire. Mais
on a refait l'article justement pour que cet article s'harmonise avec la Loi
sur le ministère des Affaires municipales, par exemple, qui, elle,
incluait tous les autres articles municipaux, alors, apporter un amendement
pour lui donner des précisions. Mais honnêtement, selon le bureau
de législation, on n'a pas besoin de le faire. On précise pour
sécuriser, mais on n'a pas besoin de le faire, parce qu'il faut toujours
penser que cette loi-là est prépondérante et s'harmonise
aux autres. Donc, il faut aller voir les lois à l'intérieur des
ministères aussi, sinon on ne finirait plus, on se retrouverait avec une
loi assez compliquée finalement à rédiger et à
gérer. En tout cas, en terminant, moi, je vous remercie
énormément de votre rapport. Vous nous avez
éclairés aussi au niveau de l'attitude. On sait que ça
existe, mais c'est bon aussi d'avoir des témoignages pratiques
vécus d'une part.
Quant au débat public au niveau de tout ça... de tout ce
qui concerne l'intérêt public, la demande aussi, ça serait
intéressant de demander aux journalistes quels sont leurs
critères pour évaluer ça aussi, l'intérêt
public dans leur travail quotidien, par exemple. Alors, tout ce
débat-là, on est en train d'y réfléchir
sérieusement avec des membres aussi, justement, des médias pour
essayer de mettre ça sur pied, d'une part. Et je tiens aussi à...
parce que c'est un sujet qui a beaucoup soulevé l'intérêt
des médias, quant à l'article qui parle de la commercialisation,
par exemple. L'article 5, encore là ce n'est pas notre intention,
jamais, de bloquer l'accès à qui que ce soit. C'est encore pour
éviter les abus au niveau de la commercialisation. Nous avons
décidé, de toute façon, de procéder à une
politique de commercialisation, d'en faire un débat public. Pour
l'instant, on maintient le statu quo et, s'il y a lieu d'avoir un article qui
l'inclut après le débat public, on le fera. Chose certaine, notre
seule intention, c'était d'éviter ces abus qui finalement ne sont
pas justes et ne sont pas justes non plus pour les contribuables qui paient,
finalement, pour toute cette collection d'informations. Alors, merci
encore.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Bien, moi aussi, je vous remercie de nous avoir
permis d'entreprendre la discussion par rapport à l'accès
à l'information et la protection et en même temps la vision du
monde des communications qui est important. Et d'ailleurs, avec d'autres
groupes, on va certainement poursuivre la discussion. Merci, c'était
très intéressant.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Merci, M. Winters pour votre présentation.
J'inviterais maintenant la Fédération nationale des
communications à bien vouloir prendre place et à nous faire leur
présentation.
Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Lévesque et à
Mme Pineau et les invite à commencer peut-être dans quelques
secondes. Notre collègue de Shefford est absent pour 30 secondes. Je
vais vous parler un peu de faire la
présentation tel que ça a été fait pour les
autres groupes: une vingtaine de minutes pour vous autres et le reste du temps
est partagé entre les deux partis politiques. Alors, c'est la
façon dont nous allons procéder. Donc, vous pouvez y aller. Nous
vous écoutons attentivement.
Fédération nationale des
communications
Mme Lévesque (Louiselle): Alors, je me présente. Je
suis Louiselle Lévesque de la Fédération nationale des
communications. Il y a, à mes côtés, Anne Pineau, qui est
avocate au service Juridique de la CSN.
Alors, la Fédération nationale des communications est une
fédération de 89 syndicats représentant plus de 4600
membres dont 1500 Journalistes qui oeuvrent principalement dans les Journaux,
à la radio et à la télévision. La FNC est
affiliée à la Confédération des syndicats
nationaux, la CSN.
Alors, depuis sa fondation en 1971, la FNC est intervenue
régulièrement sur les questions touchant le secteur des
communications et ce, particulièrement, devant le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. De plus,
depuis le mois de juin 1990, la FNC délègue deux des six
journalistes qui siègent au Conseil de presse du Québec. La FNC
est aussi affiliée à la Fédération internationale
des journalistes qui regroupe plus de 175 000 journalistes dans les 5
continents, ce qui en fait, la plus importante, la plus grande organisation
mondiale de défense de la liberté de la presse.
Alors, la FNC porte donc un intérêt particulier aux
questions touchant l'accès à l'information donc le droit à
l'information ainsi qu'à la protection des renseignements personnels
détenus par l'administration publique, donc le droit à la vie
privée. Et comme vous le verrez dans notre mémoire, la FNC a
tenté d'aborder les différents aspects de ce projet de loi qui
touche l'ensemble des membres de la CSN et non pas seulement les
journalistes.
Alors, concernant les organismes assujettis à la loi, la FNC se
déclare satisfaite de la modification que la ministre a annoncé
qu'elle apporterait à l'article 2 du projet de loi 62 par l'addition des
mots "de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité
d'un telle municipalité".
Concernant les banques de données, la FNC se déclare
satisfaite et soulagée de l'importante clarification apportée
à l'article... en fait, que la ministre a annoncé qu'elle
apporterait à l'article 5 du projet de loi 62 par l'ajout des mot "dans
le but d'en faire le commerce". Cette modification change complètement
le sens de cet article au point d'en faire un aspect positif du projet de
loi.
Concernant les services de sécurité interne, à
l'instar de la Commission d'accès à l'information, la FNC
s'oppose vivement à la modification apportée par l'article 8 du
projet de loi 62 à l'article 28 de la loi en cause. Il nous
apparaît inacceptable que le gouvernement ait le pouvoir, par simple
règlement et sans débat public, d'autoriser des services de
sécurité interne aux organismes publics de jouir des mêmes
privilèges d'enquête que les services de police composés
d'agent de la paix au sens du Code criminel. La FNC propose donc de retirer
l'amendement proposé par l'article 8 du projet de loi 62.
Au sujet des organismes exerçant une fonction quasi judiciaire,
même s'il apparaît souhaitable que ces organismes soient
placés dans la même position que les autres organismes publics,
sauf, bien sûr, dans les cas d'audition à huis clos ou sous le
coup d'une ordonnance de non-divulgation, la FNC revendique certaines
précisions à ce nouvel article afin de ne pas faire échec
à un principe fondamental du droit à l'accréditation des
associations de salariés. En effet, l'article 36 du Code du travail du
Québec, stipule ce qui suit: 'L'appartenance d'une personne à une
association de salariés ne doit être révélée
par quiconque au cours de la procédure d'accréditation ou de
révocation d'accréditation, sauf au commissaire
général du travail, au commissaire général adjoint
du travail, au commissaire du travail, à l'agent d'accréditation,
ou au juge d'un tribunal saisi d'un recours prévu au titre VI du livre V
du Code de procédure civile relatif à une accréditation.
Ces personnes ainsi que toute autre personne qui prend connaissance de cette
appartenance sont tenues au secret. "
Or, de nombreuses personnes ont tenté de recourir à cette
importante interdiction en utilisant les mécanismes prévus par la
Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels et d'autres dispositions
législatives. Cependant, la Commission d'accès à
l'information a toujours refusé un tel accès aux cartes
d'adhésion personnelle à une association de salariés et
ce, sur la base de l'actuel article 29. Voir Turcotte contre le
ministère du Travail, 1987, Commission d'accès à
l'information 317. Tel que proposé par l'article 9 du projet de loi 62,
l'article 29. 1 ne suffirait plus à empêcher la divulgation de ces
renseignements. Il faudrait se rabattre sur d'autres dispositions, mais
lesquelles? À notre avis, afin d'éviter tout conflit entre
l'article 36 du Code du travail du Québec et la loi ici en cause, et ce,
compte tenu de l'effet des articles 168 et 169 de cette loi, il faudrait
préciser que cet article 29. 1 n'a pas pour effet de limiter
l'interdiction prévue à l'article 36 du Code du travail.
Concernant la confection d'un fichier central, la FNC s'oppose à
cet amendement. Non seulement il permet la confection d'un fichier central qui
créerait une situation potentiellement dangereuse pour le respect des
droits et libertés de la personne, il permet aussi de le faire sur toute
personne susceptible d'avoir contrevenu à
une loi. Cette notion, tout à fait discriminatoire et arbitraire,
est beaucoup trop large et ouvre la porte à une discrétion
incontrôlable de l'administration publique. La FNC demande donc le
retrait de l'article 19 du projet de loi 62.
Concernant l'enregistrement des consultations de fichiers, la FNC ne
comprend pas très bien pourquoi on abroge les articles 74 et 75 de la
loi d'accès qui prescrivent l'identification des personnes qui
consultent un fichier de renseignements personnels. Il s'agit là,
pourtant, d'une garantie appréciable susceptible de prévenir des
abus, puisque le citoyen peut consulter ces registres et savoir qui a
consulté son dossier, et pourquoi il l'a fait. La FNC demande le retrait
de l'article 21 du projet de foi 62.
Au sujet d'un renseignement nominatif contenu dans une recommandation,
la FNC croit que cet amendement, qui est tout de même une
amélioration par rapport à la loi actuelle, ne va pas assez loin.
Bien sûr, il est important que le citoyen ait accès à des
renseignements le concernant, une fois que l'organisme a rendu une
décision finale. Cependant, ii nous apparaît autant, sinon plus
essentiel que ce renseignement soit accessible à la personne
concernée avant que la décision finale soit rendue. En effet,
permettre le contraire nous semble contredire le devoir de l'administration
d'agir équitabiement envers les citoyens. La personne concernée
devrait toujours avoir accès à ces renseignements afin de lui
permettre de les contredire, le cas échéant, et éviter
ainsi la commission d'une injustice à son égard. Bien sûr,
il existe souvent des mécanismes d'appel. Cependant, dans certains cas,
ils sont inexistants, et même, dans les cas qui le permettent, pourquoi
ne pas assurer un processus véritablement équitable qui
contribuerait sûrement à soulager le rôle des tribunaux
administratifs et judiciaires?
La FNC réclame que l'article 86.1, introduit par l'article 25 du
projet de loi 62, soit modifié pour obliger tout organisme public
à communiquer à la personne un renseignement nominatif lorsqu'il
est contenu dans un avis ou une recommandation la concernant, et ce, même
avant qu'une décision finale ne soit rendue par l'organisme. (17
heures)
Et concernant les établissements d'enseignement de niveau
universitaire, la FNC s'explique mal le régime particulier qu'accordent
les articles 44 et 47 du projet de loi à ces établissements.
À notre avis, aucune susceptibilité ne peut justifier un tel
accroc à une règle générale permettant à un
citoyen de bénéficier du droit d'être informé que
des renseignements nominatifs le concernant ont servi à la prise d'une
décision finale de l'administration. La FNC demande donc le retrait des
articles 44 et 47 du projet de foi 62.
Au sujet de la Loi sur les accidents de travail, la FNC s'oppose
à ce que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et la Régie de l'assurance-maladie du
Québec bénéficient d'un traitement de faveur pour
l'échange de renseignements, d'autant plus que dans l'exercice de leurs
compétences respectives ces organismes détiennent des
informations à caractère hautement confidentiel sur l'état
de santé des citoyens. Conséquemment, l'échange de
renseignements entre ces organismes devrait être préalablement
soumis à l'examen de la Commission d'accès à
l'information. La FNC demande donc le retrait des articles 42 et 43 du projet
de loi 62.
Relativement à l'accessibilité de renseignements relatifs
à la santé et à la sécurité d'une personne
ou à la qualité de l'environnement, la FNC demande, en fait, que
l'article 26 de la loi sur l'accès soit modifié afin qu'en toute
circonstance un organisme public soit obligé de communiquer tout
renseignement qu'il détient lorsque le renseignement permet de confirmer
ou de connaître l'existence d'un danger pour la santé et la
sécurité d'une personne ou d'une atteinte sérieuse au
droit à la qualité de l'environnement.
Actuellement, cette prépondérance ne s'applique qu'en
regard des articles 22, 23 et 24 de la loi sur l'accès. Cela nous
apparaît nettement insuffisant compte tenu de l'importance vitale des
questions environnementales et de celles concernant la santé ou la
sécurité d'une personne. Oe plus, dans ce dernier cas, l'exigence
d'un risque immédiat nous apparaît beaucoup trop restrictive
surtout quand on connaît l'influence à long terme que certains
contaminants peuvent avoir sur la santé d'une personne. L'existence d'un
danger sans connotation temporelle serait plus appropriée, et ce,
à l'instar des règles existantes dans la Loi sur la santé
et la sécurité au travail. Conséquemment, la FNC
réclame que l'accès à ces renseignements ne soit pas
limité aux seuls cas d'urgence.
Il y a quand même certains points positifs de ce projet de loi que
l'on tenait à souligner comme: l'obligation de conserver des documents
demandés durant le processus d'épuisement des recours, article 11
du projet de loi 62; la juridiction de la Commission d'accès à
l'information est étendue sur l'approbation des ententes entre
organismes publics pour l'échange de renseignements, article 20 du
projet de loi 62; le mécanisme du dépôt à la Cour
supérieure des décisions de la Commission d'accès à
l'Information assurera leur exécution, article 32 du projet de loi 62;
l'allégement de la procédure d'appel devant la Cour du
Québec et la nouvelle juridiction qui lui est accordée de cerner
les questions en litige au stade de la permission d'appel, articles 33 à
39 du projet de loi 62. Voilà!
Le Président (M. Messier): Mme Lévesque, je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci, Mme. Lévesque. Je
voulais seulement vous rassurer. Vous pariez, à un moment donné,
d'un service de sécurité interne et vous dites: II n'y a pas eu
de débat public. Je voulais juste vous informer que, oui, il y a eu un
débat public. Ce débat s'est fait devant la commission, ici, et
la décision a été prise ici, à la commission, parce
que le service de sécurité interne, comme je l'expliquais ce
matin, c'est pour contrevenir à certains abus qui avaient
été présentés, - les vols - je pense que c'est en
1987, sur des organismes parapublics tels qu'Hydro, la Société
des alcools, Loto-Québec. Les mémoires qui nous avaient
été remis à l'époque faisaient lieu de cas
très précis qui, justement, pariaient de perte, si on veut, de
millions de dollars à cause des vois. Donc, comme on ne peut pas
s'attendre à ce que la police d'une municipalité soit
présente sur les lieux 24 heures ou, enfin, durant les heures
d'ouverture par exemple, il avait été décidé qu'il
y avait lieu d'accepter un service de sécurité interne mais
vraiment balisé par le gouvernement, selon les normes gouvernementales,
de telle sorte que, d'une part, on observe la loi mais, que d'autre part, on
puisse contrevenir à ces vols si on veut. Alors c'est une
précision que je tenais à apporter.
Autre chose aussi. Vous avez parié de l'article 5 et vous dites:
Bon, c'est un soulagement puisqu'on dit tout simplement "pour fins
commerciales. " Je répète encore que ça n'a jamais
été dans notre intention de minimiser l'accès à
l'information, au contraire. Mais on fait plus que ça
présentement. C'est le statu quo sur ça et on attend la politique
de commercialisation et le débat public et, s'il y a lieu, on
décidera ensemble s'il y a lieu justement de faire un autre article, de
conserver l'article, mais après le débat sur la
commercialisation, donc, pour vous sécuriser davantage.
Maintenant, vous soumettez à cette commission qu'il est essentiel
que les organismes quasi judiciaires conservent le pouvoir de protéger
la confidentialité de certains documents qui leur sont confiés
dans l'exercice de leur fonction d'adjudication. J'ai lu ça dans votre
mémoire. Vous avez cité comme exemple les cartes
d'adhésion à un syndicat. Est-ce que, dans le domaine où
vous oeuvrez, il y a d'autres renseignements à protéger face
à ça parce que ç'a été très important
pour nous, ça?
Mme Pineau (Anne): Effectivement, il y a l'article 36 qui est une
des balises du cadre législatif à l'intérieur duquel on
évolue. Il y a aussi l'article 32 du Code du travail qui prévoit
que l'employeur n'est pas partie intéressée au caractère
représentatif d'une association. C'est une donnée très
importante parce que ça fait en sorte que l'employeur ne peut pas avoir
accès, par exemple, au statut, à la constitution du syndicat, aux
résolutions permettant le dépôt d'une requête en
accréditation de même qu'aux procès verbaux
d'assemblées de fondation, tous des documents que, à l'heure
actuelle, les employeurs ont tenté d'obtenir par le biais de la
Commission d'accès et qu'on leur a refusés par l'article 29. 1.
Ça comporte aussi même les cartes dénominalisées
dans ce sens que la Commission, dans deux décisions qu'elle a rendues
sur cette question-là, décide finalement que, dans la mesure
où c'est l'article 29. 1 qui s'applique et que l'article 29. 1
protège le mode par lequel on a obtenu le document, l'article 14 n'a pas
d'application. Donc, c'est ce régime-là qu'on veut voir
préserver ici et la modification proposée finalement à
l'article 29. 1 nous inquiète dans ce sens que le deuxième
paragraphe ferait en sorte que... On dit finalement: "Un tel organisme peut
refuser de communiquer un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction
d'adjudication lorsque ces communications révéleraient un
renseignement dont la confirmation de l'existence ou la communication doit ou
peut être refusée en vertu d'une disposition de la présente
loi. " Or, ce n'est pas en vertu de la loi d'accès qu'on peut soustraire
ces documents-là actuellement, c'est par le Code du travail.
Mme Frulla-Hébert: On m'informe que ça peut
être refusé en vertu des deux. Mais, de toute façon, on va
prendre bonne note de ce que vous dites et on va vérifier ça.
Mme Pineau: D'accord.
Mme Frulla-Hébert: II y a aussi "dans le but de
l'accès par la personne concernée aux opinions écrites
à son sujet. " C'est de lui permettre aussi de pouvoir contester
éventuellement une décision qui est prise à son sujet et
d'avoir tous les renseignements nécessaires pour faire cette
contestation. Maintenant, moi, je vous demande pourquoi et dans quel cas
estimez-vous qu'une personne pourrait avoir besoin de ce genre de
renseignements-là avant qu'une décision soit prise? Même si
aucune décision n'est prise parce que le problème, c'est qu'on
peut avoir accès, mais il n'y a aucune décision qui se prend
finalement. Alors, pourquoi cette personne-là aurait besoin justement
des recommandations à son sujet avant qu'il y ait décision parce
qu'elle y a droit après?
Mme Lévesque: Nous, ce qu'on se disait, c'est: Pourquoi
attendre finalement qu'il y ait une décision finale de prise? Alors,
ça peut être un processus qui est très long. Supposons
qu'il y a une erreur dans le dossier de la personne, la personne ne peut pas la
corriger, cet erreur-là. Le processus suit son cours sur la base d'une
erreur qui aurait pu se glisser. C'est un peu l'argument qu'on se faisait.
C'est pourquoi la personne ne pourrait pas avoir accès
immédiatement à ces renseignements-là qui la
concernent
pour faire en sorte que, justement, peut-être dans un an, il va y
avoir une décision finale de prise sur la base d'une erreur qui aurait
pu se glisser et qu'elle n'aurait pas pu corriger en cours de route?
Mme Frulla-Hébert: C'est parce que, effectivement, il y a
un point... Vous avez un point de votre côté. Par contre, comme
c'est une loi qui s'applique de façon générale, il y a
quand même certaines restrictions de... D'un autre côté,
j'hésite finalement... Oui, vous avez raison, si le processus est long
puis tout ça; par contre, si les gens émettent certaines
recommandations, puis que, finalement, il n'y a pas de décisions qui se
prennent, ça peut âtre difficile aussi dans le cas où on a
besoin d'aller chercher des recommandations. Les gens peuvent être
très hésitants, si on veut, à donner des recommandations,
sachant qu'au fur et à mesure que le processus évolue la personne
peut y avoir accès. Finalement, c'est difficile à jouer,
même s'il n'y a jamais de décision au niveau du processus, mais on
va le considérer.
Mme Lévesque: On trouve quand même que le projet de
loi améliore la loi actuelle...
Mme Frulla-Hébert: Merci.
Mme Lévesque: ...là-dessus, mais on se disait qu'on
pourrait peut-être aller un peu plus loin.
Mme Frulla-Hébert: Je reviens aussi au niveau des
dérogations proposées à l'égard des lettres de
recommandation en milieu universitaire. Ne croyez-vous pas que l'obligation de
donner une décision motivée et circonstanciée peut
garantir, si vous voulez, les droits d'appel des personnes qui sont
concernées par ces lettres-là? Parce que, finalement, dans
l'article, on oblige ça. Et, en fait, toutes les décisions au
niveau universitaire... De toute façon, on va entendre demain la CREPUQ,
alors, c'est pour ça qu'on aimerait avoir votre opinion un peu
là-dessus.
Mme Pineau: Finalement, on s'explique mal pourquoi un
régime particulier pour le milieu universitaire. Est-ce que c'est parce
que ce sont des étudiants? Est-ce qu'on veut faire une catégorie
de seconde zone avec le milieu étudiant? Il y a quelque chose d'un
peu...
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire que l'argument...
Bien, je ne veux pas argumenter pour, mais l'argument qu'on nous
présente c'est que, dans un milieu universitaire, habituellement, on
choisit la personne qui fait des recommandations sur nous. Alors,
c'était peut-être... Eux trouvaient que... Bon, pour avoir une
décision qui est objective, parce que si, moi, je vous choisis, puis que
vous devez faire des recommandations sur moi, et puis vous êtes...
Peut-être que le fait d'y avoir accès peut vous empêcher,
justement, de donner des recommandations objectives. Maintenant, la CREPUQ va
nous présenter ses cas, demain, et on jugera, mais c'est pour ça
qu'en vertu de ses arguments j'aurais aimé avoir un peu...
Mme Pineau: Bien, c'est parce que ça pourrait être
valable dans tout autre milieu, à ce compte-là, ce type de
raisonnement là, je veux dire...
Mme Frulla-Hébert: Mais eux disent que, dans un milieu
universitaire, finalement, c'est particulier au milieu universitaire, puisque
les personnes choisissent leur évaluateur, si on veut. Alors, c'est plus
restreint. De toute façon, on verra demain, ils vont présenter
leur mémoire demain, ils vont le défendre.
Le Président (M. Messier): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Je vous remercie. Mémoire court et clair,
je dois le dire. Bravo! C'est facile et intéressant, et vous nous amenez
le côté protection des travailleurs, ce qui est très
important, je dois dire. Il ne faut pas oublier ça, surtout quand c'est
une loi fondamentale comme ça. Effectivement, ça couvre tellement
grand et tellement large, ça couvre toute la société,
qu'il ne faudrait pas, en voulant aider, qu'on puisse nuire. Donc, ne pas
oublier, finalement, tout le côté accréditation, et ne pas
se ramasser en créant plus de problèmes qu'on veut en
régler. Je trouve que ce que vous avez amené va nous obliger, en
deuxième lecture, à en prendre vraiment bonne note.
Moi aussi, très rapidement, en touchant plusieurs points. Le
premier: Qu'est-ce que vous pensez des amendements qui ont été
apportés à l'article 19 concernant le fichier central? Je sais
que c'est un dossier qui a été d'actualité, on en a
parlé beaucoup, il y a des groupes qui ont manifesté, qui ont
contesté. Non seulement j'ai eu de la visite à mon bureau, j'ai
même manifesté avec des groupes parce que, avant qu'on catalogue
des groupes dans la société et, plus souvent qu'autrement, des
groupes démunis qui n'ont pas les moyens de s'en sortir ou de
s'organiser, moi, je pense qu'il faut regarder les lois qu'on passe ici, pour
ne pas pénaliser des gens, des groupes, et spécialement les
groupes les plus démunis ou les moins organisés. Donc, d'avoir un
fichier central, d'avoir un fichier par rapport à des Individus qui va
faire qu'il va y avoir des gens catalogués, ça nous oblige
à être prudents puis à en discuter. Là, la ministre
a dit qu'à l'article 19, maintenant, elle est prête à
apporter un amendement où, finalement, ça va prendre l'avis de la
Commission d'accès à l'information, tout en n'ayant plus besoin
du
décret, question de rapidité et d'efficacité.
Est-ce que, pour vous autres, c'est suffisant, ça vous fait
adhérer au principe de l'article 19 que vous aviez demandé de
retirer, môme si on y garde certaines zones grises ou points noirs ou
confusion, dans le sens peut-être de toute personne susceptible d'avoir
contrevenu à une loi ou à un règlement? Par rapport
à l'amendement qui n'est pas déposé mais qui s'en vient,
vous en pensez quoi? (17 h 15)
Le Président (M. Messier): Mme Pineau.
Mme Pineau: Finalement, ce que vous nous dites, c'est que
l'article 68. 1 demeure tel qu'au projet de loi avec l'obligation pour
l'organisme de procéder par une approbation de la Commission? C'est
ça, le sens? Non?
M. Paré: Ce n'est pas celle-là?
Le Président (M. Messier): Mme la ministre, en
réplique.
Mme Frulla-Hébert: Non. Finalement, ce qu'on a
décidé ce matin, c'était que... En 1987, la Commission
d'accès nous a demandé d'alléger un petit peu le processus
en disant que peut-être, quand on parle de couplage au niveau de tout ce
qui est administratif, changement d'adresse, par exemple, alors, à ce
moment-là, on se disait: Bien, peut-être qu'il y aurait lieu
d'alléger tout ça, parce que ça prend sept mois. Alors,
c'est pour ça qu'on avait mis l'article 68. 1 qui, finalement, ne
concerne pas les couplages dangereux, qu'on appelle, ou ce qui a toujours
besoin de l'avis de la Commission: publication, décret gouvernemental.
Mais on se disait que dans tout ce qui concerne le secteur administratif,
à ce moment-là, peut-être qu'il y aurait lieu tout
simplement de faire des fichiers. Parce qu'il ne faut pas oublier que le
couplage de fichiers existe depuis le 20 juin 1985 et il a été
adopté de façon unanime, parce que, finalement, la Commission ne
pouvait plus accéder aux demandes. Blés étaient trop
nombreuses. Quand on s'est aperçu que ça, toute la question de
couplage, a été une question extrêmement sensible
auprès de la population, on peut comprendre. Notre désir, nous,
c'était d'alléger au point de vue administratif la Commission
d'accès, mais pas du tout manquer de vigilance au niveau des
couplages.
Alors, ce qu'on a décidé finalement, c'a été
de retirer l'article 68. 1, de garder le statu quo au niveau des couplages. Par
contre, pour encore garder notre objectif d'alléger au niveau
administratif, c'est que si on parle de couplage administratif seulement, on
n'aurait pas besoin d'un décret gouvernemental. Autrement dit, l'avis de
laCommission suffit et on n'a pas besoin de passerà
travers le Conseil des ministres, etc., qui fait que ça allonge
le processus pour finale- ment des couplages qui sont juste d'ordre, comme je
le disais tantôt, administratif. Mais tout couplage se doit d'être
approuvé par la Commission d'accès. Donc, on retire l'article 68.
1. Mais au niveau du fonctionnement, quand on parle de changement d'adresse,
par exemple, on n'aura pas besoin d'un décret gouvernemental. Quand on
parle de couplages dangereux, recherche de contrevenants, et tout ça,
là, on garde le processus tel qu'on l'a. Toujours l'avis de la CAI en ce
qui concerne les couplages.
Mme Pineau: La dangerosité des couplages est
décidée par qui? Est-ce que c'est énuméré
à un endroit quelconque, quel type de couplage vous considérez
administratif, comme l'adresse, donner l'adresse?
Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire que c'est l'avis de
la CAI. Comme la CAI finalement est l'organisme qui réglemente, il faut
un avis de la CAI dans tous les cas de couplage, tous. Et si la CAI
détermine que c'est un couplage administratif, alors, à ce
moment-là, pas de décret gouvernemental, si elle est d'accord.
Sinon, on procède tel qu'on procède présentement. Je pense
que ça, ça aura pour but de rassurer. Mais il faut quand
même être conscient qu'au niveau des couplages qu'on appelle
dangereux, par exemple, effectivement, il faut énormément de
vigilance. Parce que, avec les moyens technologiques que l'on possède,
c'est sûr qu'il faut faire extrêmement attention. Et le processus,
tel qu'on le voit maintenant, permet cette vigilance. Mais, d'autre part, il
faut dire... Et je donne un exemple. Dans la recherche de contrevenants, par
exemple, seulement en ce qui concerne la sécurité du revenu, il y
a quand même pour 30 000 000 $ de fraude que les contribuables doivent
assumer. Alors, il s'agit finalement de voir, et c'est la CAI qui
détermine à savoir s'il y a lieu oui ou non de faire des
couplages.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Paré: Oui, je me rends compte que, finalement,
l'amendement aurait pu être déposé, parce que c'est
déjà très clair. Moi, je continue rapidement par rapport
à certaines de vos recommandations. Vous dites: Un renseignement
nominatif contenu dans une recommandation, et que la personne concernée
devrait toujours avoir accès à ces renseignements afin de lui
permettre de les contredire, le cas échéant. Moi, je dois vous
dire qu'on ne peut pas être contre un principe semblable. C'est important
et on le retrouve. Quand on regarde même dans le sectoriel, dans les
ministères sectoriels, on se rend compte que ça, on ne l'avait
pas à certains endroits et, maintenant, on l'a. Pourquoi? Parce qu'on a
jugé qu'il faut prévenir les gens avant coup et non pas
après. Vaut mieux prévenir que guérir et un exemple, c'est
la Commission de
protection du territoire agricole. Les décisions étaient
prises avant et tout ce qu'on savait, c'est que les gens qui n'étaient
pas satisfaits devaient recommencer tout le processus, ce qui fait que
ça prenait des autorisations, des délais, des
déboursés et finalement, bien... C'est peut-être à
cause qu'on ne s'est pas bien compris. Maintenant, on envoie la fiche technique
et l'individu reçoit, pas le jugement à l'avance, mais une
orientation et une description de sa situation, ce qui lui permet de corriger
des choses ou de compléter. Et ça, je dois dire que, si c'est bon
dans le sectoriel, ça doit être bon aussi dans le
général et sur les principes. Moi, je pense que, si on veut que
l'individu ait accès aux informations qui le concernent, il doit l'avoir
en tout temps.
Quand je continue aussi... Vous dites de ne pas catégoriser par
rapport aux jeunes de niveau universitaire. Moi, j'en prends bonne note. Il va
en être question demain. Effectivement, on va tenir compte de ce que vous
dites parce que ça aussi, moi, j'ai des inquiétudes
là-dessus. Ce n'est pas vrai qu'il faut cataloguer ou catégoriser
des gens par rapport soit à leur lieu ou à leur âge,
finalement, parce que ce sont encore des informations les concernant. Donc, si
on reconnaît le principe, on doit le reconnaître pour ces
gens-là aussi. Je pense, en tout cas.
Vous arrivez aussi sur un autre sujet qui est d'actualité et dont
on a traité presque avec tous les groupes depuis le matin: c'est
l'environnement. Et vous demandez qu'un organisme public soit obligé de
communiquer tout renseignement. Je suppose que quand vous incluez ça
dans une de vos recommandations, même si, dans la loi de l'environnement,
on oblige le ministère, finalement, à rendre des choses
publiques, l'obligation est que, de façon globale - selon l'expression
de Mme la ministre - on peut aller au-delà de ça même si,
malheureusement, la réalité des derniers mois montre qu'on n'a
pas eu tout ce qu'on voulait. Mais, au moins, on dit que c'est l'attitude qui
ne répond pas, finalement, au principe. Est-ce que ce que vous voulez
là-dedans, c'est l'élargir et rendre l'obligation aussi aux
municipalités et aux autres organismes, sans qu'ils ne soient
privés, évidemment, puisque ça, c'est un autre
débat qu'on fera un peu plus tard?
Mme Pineau: Effectivement, on considère en fait que les
valeurs en cause dans l'article 26, qui sont la santé d'une personne, la
sécurité d'une personne, justifient qu'il n'y ait pas d'exception
au cas où on doive fournir une information qui peut mettre en danger la
santé ou la sécurité. Relativement à la
qualité de l'environnement... C'est parce que ce ne sont pas les seules
questions, a notre sens, qui peuvent être en cause. Même si dans la
Loi sur la qualité de l'environnement il peut y avoir plein de
mécanismes donnant accès à des informations, il peut y
avoir autre chose que, comme telle, la qualité de l'environnement... je
ne sais pas... de nature épidémiologique, qui relèverait
plus de la protection de ia santé publique. Ça peut être...
je ne sais pas, moi... l'architecture d'un bâtiment, un barrage
d'Hydro-Québec. Il y a plein de choses qui peuvent mettre en cause la
santé et la sécurité publique et on considère que
la Commission d'accès devrait juger si effectivement, dans un cas, la
santé ou la sécurité est en cause, et permettre, sans
qu'il n'y ait d'exception, la divulgation du renseignement, quitte à ce
que, comme c'est même permis dans la loi, le gouvernement suspende la
décision si vraiment il y a un renseignement qui ne doit pas être
rendu public.
M. Paré: Je me rends compte que vous avez fait pas mal le
tour du projet de loi. Et en même temps, quand vous commencez votre
mémoire, vous identifiez l'ensemble des gens que vous représentez
mais aussi les affiliations que vous avez, et un secteur important d'une partie
de vos membres ce sont les journalistes. Et dans votre mémoire, par
contre, on ne retrouve pas de points précis, de recommandations, de
modifications, ni dans la première partie où on demande des
modifications ou d'enlever des articles, ni dans la seconde partie où on
se dit d'accord avec des aspects positifs. Mais on ne retrouve pas ce que vous
percevez ou ce que vous recommandez par rapport, justement, à l'article
qui traite de la divulgation des documents qui sont remplis par les
policiers.
Mme Lévesque: Le cas des victimes, là? M.
Paré: Oui, oui, le cas des victimes.
Mme Lévesque: Le nom des victimes? Bien, c'est vrai qu'on
n'en a pas traité dans notre mémoire mais je peux quand
même vous dire que je suis assez d'accord avec ce que M. Winters, du
journal The Gazette, a dit tout à l'heure. C'est vrai que nos
médias manquent souvent d'éthique. Tous les médias n'ont
pas toujours des règles d'éthique à toute épreuve
mais je ne suis pas sûre en apportant des restrictions, que l'on ne
causerait pas plus de tort, des restrictions sur la divulgation des noms des
victimes. Je ne suis pas sûre qu'on ne causerait pas plus de tort qu'on
apporterait de solution parce que ce n'est pas en mettant des barrières
supplémentaires qu'on va améliorer notre presse.
Je pense que ce serait beaucoup plus par des moyens comme le
suggérait Mme Lisa Frulla-Hébert et M. Winters, aussi, je pense,
qui abondait dans le même sens, c'est-à-dire faire un
débat, parce qu'on ne pourra jamais tout prévoir dans des lois.
C'est beaucoup plus en développant la conscience professionnelle des
journalistes, ce sur quoi, nous, on tente de travailler, à la
Fédération nationale des communications.
Régulièrement, on a aussi une revue qui est distribuée
à nos membres et on essaie d'aborder toutes ces questions pour
faire en sorte que notre presse soit beaucoup plus respectueuse mais, à
la fois, qu'elle reste libre. Parce que je ne suis pas sûre qu'en lui
mettant des barrières c'est comme ça qu'on va l'améliorer,
mais c'est en essayant de faire adopter à l'ensemble de la
communauté journalistique des règles d'éthique, en les
faisant réfléchir sur les choix qu'ils font. Parce que ce n'est
pas juste sur le cas des victimes dont on pourrait discuter, on pourrait
discuter de beaucoup d'autres points et je pense qu'un débat comme
celui-là pourrait justement... peut-être sur le cas particulier
des noms des victimes et déborder sur beaucoup d'autres choses qui se
passent dans la profession journalistique.
Alors, j'abonde assez dans le sens de M. Winters là-dessus, la
nécessité de lancer un débat mais pas de prévoir,
dans des législations, des restrictions.
M. Paré: Si vous êtes prêtes à
participer à un débat concernant, justement, cette facette du
sujet qui nous, intéresse, vous n'en parlez pas non plus. Mais je
suppose que vous êtes d'accord avec l'autre débat sur lequel on a
déjà annoncé, finalement, nos intentions d'inclure le
secteur privé relativement au projet de loi qui est ici-pas au projet de
loi qui est ici mais à la loi d'accès.
Mme Lévesque: Ah, bien oui, ça. M. Paré:
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Frulla-Hébert: Bon, alors, pour terminer,
premièrement, je vous remercie sincèrement. Effectivement, vous
avez regardé le projet de loi de près et on prend bonne note de
certains des commentaires que vous avez faits. On va voir maintenant avec Mme
Piette et Mme McNicoll voir si on peut les inclure.
Maintenant, j'aimerais, en terminant, vous rassurer sur les
modifications apportées à la Loi sur les accidents du travail et
à la Loi sur l'assurance-maladie. Ces modifications ne changent aucun
droit, n'accordent aucun privilège à ces organismes et ne
changent rien à l'obligation de conclure des ententes en ce qui concerne
les échanges de renseignements nominatifs. On a tout simplement
supprimé une référence à la loi sur l'accès.
Cette référence-là est inutile parce que la loi sur
l'accès est prépondérante et ça, il ne faut jamais
l'oublier, et puis on a tendance à l'oublier. Elle est
prépondérante; donc, il faut fouiller dans les lois des
ministères parce que celle-là, elle est évidemment
au-dessus de toutes et elle s'applique aux organismes sans qu'on soit
obligé d'en faire mention. Ça fait que là-dessus ne vous
inquiétez pas. D'ailleurs, la loi sur l'accès, comme je le disais
tantôt, s'applique à tous les organismes publics sans qu'il en
soit fait mention dans les lois sectorielles. Automatiquement, ils y sont
soumis.
Je veux apporter une deuxième précision pour qu'on m'ait
bien comprise sur le couplage. Il n'y a aucun couplage qui ne peut se faire
sans avis de la Commission d'accès. Elle est responsable de...
Finalement, c'est l'organisme responsable et il n'y a aucun couplage qui se
fait... Maintenant, si la Commission décide que le couplage est
administratif, pas besoin de décret gouvernemental, sinon la
procédure telle quelle.
Je suis, finalement, très contente que vous abondiez dans le sens
de l'idée qui a été soumise aujourd'hui,
c'est-à-dire de parler d'un débat public quand à ce qui
est de l'information dans le secteur pour le besoin, finalement, du public et
à toute la qualité de l'information.
Quand on dit qu'on met des barrières supplémentaires, au
niveau de la victime, par exemple, c'est le statu quo, présentement, on
n'a aucune barrière au niveau de l'information. On nous demande d'avoir
accès mais, pour l'Instant, la presse n'a pas accès. Et comme on
n'a pas le consensus social, il va falloir, justement, en parler tous ensemble.
Alors, merci encore, et merci beaucoup de votre apport.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pineau, merci, Mme
Lévesque. Bonsoir!
Alors nous ajournons nos travaux à demain matin 10 heures, pour
entendre d'autres groupes.
(Fin de la séance à 17 h 31)