Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix-sept heures)
Le Président (M. French): À l'ordre! Je voudrais
inviter tous ceux et celles qui sont ici, à la commission de la culture,
à prendre place. À l'ordre du jour, poursuite de l'étude
des crédits du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration pour l'année financière 1985-1986.
Nous regrettons le début tardif des auditions; nous sommes
victimes de ce que le président prétend depuis longtemps
être une aberration dans le règlement de la Chambre, mais, puisque
la majorité de ses collègues n'est pas d'accord, cela reste
toujours dans le règlement.
M. Champagne (Mille-Îles), présent; M. French (Westmount),
présent; M. Payne (Vachon), présent; M. Marx (D'Arcy McGee),
présent.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais que vous excusiez le député de
Marquette qui est retenu à Montréal. Il n'est pas ici aujourd'hui
pour cette raison, mais il aurait bien aimé être ici parce qu'il a
des questions à poser au ministre.
Le Président (M. French): II faudrait également
ajouter que le député de Jean-Talon, qui est responsable de la
langue française, est malheureusement retenu également par
l'étude des crédits d'un autre ministère dont il est
responsable dans une autre salle en même temps. Tout cela,
évidemment, est le résultat de la décision de
présenter le budget au milieu des deux semaines prévues pour les
crédits; donc, cela a créé un problème d'ordre
structurel dans l'étude des crédits.
Étude des crédits
Bienvenue, M. le ministre. Je pense que vous avez fait vos commentaires
préliminaires la semaine dernière. Je vois que vous êtes
accompagné par la "phalanx" de mise, l'armée, presque, de vos
conseillers et collègues. Est-ce que nous devrions continuer à
poser des questions sur l'immigration? Est-ce que d'autres membres de la
commission ou le ministre ont des commentaires à faire
là-dessus?
M. le député de D'Arcy McGee.
Communautés culturelles et immigration
(suite)
M. Marx: M. le Président, je pense que c'est le devoir de
l'Opposition de poser certaines questions que les gens de l'extérieur
aimeraient poser. Comme ils n'ont pas le droit de poser des questions en
commission parlementaire au ministre, je me fais leur porte-parole.
Effectivement, il y a trois questions qu'on m'a demandé de poser au
ministre. Je vais poser les trois questions en même temps, ce sont des
questions assez simples, je pense, pour avoir une réponse.
Premièrement, dans les sociétés d'État,
quelle est la représentation des personnes venant des groupes ethniques?
Le ministre a dit que dans la fonction publique il y en a 2, 5 %; dans le
secteur parapublic, 20 %. On aimerait savoir quel en est le pourcentage dans
les sociétés d'État.
Deuxièmement, nous avons des programmes d'échange
d'étudiants avec différents pays. Est-il vrai... J'attends
d'avoir l'attention du ministre.
M. Godin: Oui.
M. Marx: Vous m'écoutez? D'accord. Deuxième
question. Nous avons des programmes d'échange d'étudiants avec
différents pays. Est-il vrai que jamais des étudiants venant des
communautés culturelles au Québec ne sont envoyés è
l'étranger pour les fins de ces échanges?
La troisième question. Quelqu'un m'a demandé de poser
cette troisième question aussi: Est-il vrai que c'est plus facile pour
des francophones de l'étranger d'avoir des amnisties que pour les
anglophones venant d'autres pays? C'est-à-dire est-ce plus facile pour
des francophones venant des pays africains d'avoir une amnistie que pour des
anglophones venant des pays africains? Ce sont les trois questions qu'on m'a
demandé de poser.
M. Godin: M. le Président, est-ce que le
député pourrait répéter la deuxième question
qu'on n'a pas très bien saisie?
M. Marx: Nous avons des programmes d'échange
d'étudiants avec différents pays. On veut savoir si des
étudiants venant des communautés culturelles ont
été envoyés à
l'étranger dans le cadre de ces programmes d'échange.
C'est-à-dire est-ce qu'on envoyait un Québécois d'origine
grecque, italienne ou hongroise à l'étranger dans le cadre de
tels programmes?
M. Godin: L'organisme parapluie qui voit à distribuer les
voyages et les séjours, c'est l'Office franco-québécois
pour la jeunesse qui relève du ministère de l'Éducation.
Nous pourrions nous enquérir auprès de ce ministère de la
façon dont l'office répartit ces voyages, ces stages à
l'étranger et, d'ici à une semaine ou deux, vous donner une
ventilation précise par origine ethnique au Québec des gens qui
ont eu accès à ces programmes-là.
M. Marx: Merci. C'est parfait, M. le Président. On va
attendre cette information.
M. Godin: Pour la première question, je vais vous donner
les chiffres tels qu'ils émanent du rapport le plus récent de M.
Egan Chambers qui était le coordonnateur qui a suivi l'application du
CIPACC jusqu'à la fin. Il y aurait 13 % de personnes émanant des
communautés culturelles dans les conseils d'administration des
sociétés d'État.
M. Marx: Les conseils d'administration?
M. Godin: Les postes déterminés par le Conseil des
ministres, sans concours ou sans autre forme de sélection que celle du
Conseil des ministres lui-même.
M. Marx: Avez-vous des chiffres pour les gens qui travaillent
dans les sociétés d'État?
M. Godin: Non. Nous avons un inventaire fait par Statistique
Canada qui couvre la fonction publique et les deux réseaux parapublic,
éducation et affaires sociales. Dans les affaires sociales, 17 % du
total sont des citoyens du Québec qui émanent des
communautés culturelles. Dans l'éducation, c'est 20 %.
M. Marx: Nous avons ces chiffres. Je pense qu'ils ont
été donnés l'autre jour. Pour les sociétés
d'État, si je comprends...
M. Godin: Malheureusement, on n'a pas de chiffres quant aux
employés d'Hydro-Québec, mais on peut les obtenir, c'est une
question de temps.
M. Marx: Le ministre est au courant que le Parti libéral a
demandé au ministre de la Justice de bien vouloir déposer le
règlement en ce qui concerne les programmes d'accès à
l'égalité. Nous avons déjà demandé au
gouvernement de prévoir des programmes d'accès à
l'égalité dans les ministères, dans les
sociétés d'État, dans tout le secteur public.
M. Godin: Dans le respect de l'autonomie de ces
sociétés d'État - vous savez qu'elles sont autonomes, M.
le député de D'Arcy McGee - on va leur demander de nous donner
ces renseignements, de faire un inventaire comme on l'a fait chez nous.
Dès que possible...
M. Marx: D'accord.
M. Godin:... je déposerai ces renseignements ici en
commission parlementaire.
M. Marx: Troisième question. M. Godin: Allez-y!
M. Marx: Les amnisties, est-ce plus facile?
M. Godin: Ce que je peux vous donner comme statistiques, c'est
sur la masse globale des immigrants qui sont venus au Québec pour
l'année qui se termine maintenant, à partir de leur pays
d'origine, un pourcentage qui donnerait leur langue maternelle.
M. Marx: Pour les amnisties, est-ce plus facile pour les
francophones venant de l'Afrique d'avoir une amnistie une fois ici que pour les
anglophones venant d'Afrique? Par amnistie, peut-être qu'il voulait dire
un certificat de sélection une fois qu'ils sont ici, un permis du
ministère.
M. Godin: Pour ce qu'on appelle un "illégal" ou un
revendicateur du statut de réfugié, l'amnistie est
décidée par le fédéral seulement. Nous
décernons un CSQ que vous connaissez, un certificat de sélection
du Québec, et on peut vous donner, par rapport aux personnes qui ont
bénéficié d'un tel certificat, leur pays d'origine et leur
langue d'usage. Il y avait au total 36 % de parlant français et 36 % de
parlant anglais.
M. Marx: C'est l'égalité parfaite, ça.
M. Godin: Parfaite.
Des voix: Ah!
M. Marx: Parfait. Merci. J'ai d'autres questions, mais qui
portent sur l'application de la loi 101.
M. Godin: La loi 101.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Moi aussi, c'est sur la loi 101.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, M. le vice-président.
M. Godin: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. French): Oui, M. le ministre.
M. Godin: Êtes-vous au courant s'il y aura d'autres
questions qui touchent l'immigration ou les communautés culturelles d
manière que ma sous-ministre, Mme Barcelo, reste avec moi ici ou si,
maintenant, on va plutôt passer à la loi 101...
Le Président (M. French): J'allais
précisément en parler, M. le ministre.
M. Godin:... auquel cas...
Le Président (M. French): Je m'excuse.
M. Godin:... je changerais d'équipe?
Le Président (M. French): Je comprends très bien.
Je vais vous le dire. Je vais poser une couple de questions sur l'immigration,
si vous me le permettez. Ensuite, je pense que...
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon.
M. Payne: À quelle heure va-t-on terminer?
Le Président (M. French): On n'a pas le choix. Il faut
terminer à 18 heures.
M. Payne: À 18 heures.
Le Président (M. French): Oui.
M. Godin: À moins d'une entente cordiale.
Le Président (M. French): L'entente cordiale, on aimerait
cela, M. le ministre, sauf qu'on recommence à 19 heures, nous.
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. French): Encore une fois, c'est le
résultat de la décision du gouvernement de mettre le budget au
milieu de la période des crédits. Donc, les deux partis ont
été obligés de faire d'autres arrangements pour les
crédits, les étalant sur d'autres semaines, et voilà le
résultat.
M. le ministre, dans le rapport de M.
Chambers, on nous informe qu'il y a un problème de recrutement ou
de sous-représentation qui découle, au moins en partie, d'un
manque de demandes d'emploi de la part des membres des communautés
culturelles. C'est bien beau de demander la représentation, si les
candidats ne se présentent pas, une certaine partie de ce
discours-là... J'ai déjà mentionné que j'avais de
la sympathie pour cela parce que je vous avoue que j'entends le discours, mais
que je ne vois pas beaucoup - en tout cas, chez moi - de demandes d'emploi ou
même d'intérêt. Je suis obligé de constater dans le
rapport Chambers un indice important qui me semble une observation, une
conclusion, un constat à savoir que l'Office des ressources humaines
devrait faire un plus grand effort pour annoncer dans les médias qui
sont lus par les non-francophones, plus particulièrement, je pense
à la Gazette. Après tout, quelque 18 annonces par année
dans la Gazette, ce n'est pas susceptible d'attirer l'attention des gens. Je me
demande si vous êtes d'accord avec ce genre de constatation ou si vous
trouvez que la procédure est adéquate.
M. Godin: M. le Président, dès que j'ai pris
connaissance du rapport Chambers, j'ai immédiatement écrit une
lettre à mon collègue des Communications, M. Bertrand, pour
souligner ce problème et l'inciter à se conformer à la
suggestion de M. Chambers de publier des annonces dans la Gazette en
français et de choisir les médias ethniques sur d'autres
critères que les médias francophones ou anglophones,
c'est-à-dire le critère du tirage. Comme il n'y a pas de rapport
"audité" ou vérifié du tirage de ces journaux, qu'on se
serve d'autres moyens de vérifier lesquels ont le plus grand nombre de
lecteurs et, déjà, c'est fait. Je peux vous déposer les
lettres que j'ai envoyées à mon collègue.
Le Président (M. French): Je n'ai pas besoin de la lettre,
M. le ministre.
M. Godin: Vous me croyez sur parole. Merci bien.
Le Président (M. French): Ma deuxième question.
M. Godin: En plus, je vais suivre de près ce dossier et,
bientôt, au Conseil du trésor où je siège, il y aura
sûrement des dérogations demandées pour donner suite
à ces propositions de M. Chambers. Je verrai à ce que ces
dérogations-là soient acceptées.
Le Président (M. French): Je vous remercie. Je suis
rassuré par les paroles du ministre.
Ma deuxième question. Il y a eu tout
récemment un rapport d'un comité permanent de la Chambre
des communes, à Ottawa, le Comité permanent du travail, de
l'emploi et de l'immigration, et ce rapport a porté sur la politique
d'immigration du gouvernement du Canada. Je me demandais si le Québec,
puisque le Québec n'est pas une province comme les autres dans le
domaine de l'immigration, a participé ou a fait savoir à ce
comité ses préférences, sa contribution et ses
intérêts par rapport à la politique fédérale
qui, quand même, nous influence.
M. Godin: M. le Président, non seulement elle nous
influence, mais nous en sommes une partie intégrante. La suite qui a
été donnée à cela, c'est que le ministère a
envoyé des documents imprimés, écrits qui donnent un peu
le point de vue du Québec sur certaines questions abordées par
toute la question de l'établissement des niveaux. Mais on a fait porter
surtout nos efforts sur la question des immigrants investisseurs. (17 h 15)
Le Président (M. French): C'est quoi, la dernière
partie?
M. Godin: Nos efforts ont porté surtout sur les immigrants
investisseurs; au cours de l'année qui se termine, ce secteur du
ministère s'est révélé le plus actif et c'est
là qu'on a récolté le plus grand nombre de candidats. On a
donc informé le fédéral de nos efforts dans ce
domaine.
Le Président (M. French): Mais on parle du comité
de la Chambre des communes et non pas du gouvernement.
M. Godin: Oui, oui. Tout à fait.
Le Président (M. French): Bon.
M. Godin: Tout à fait. J'ai écrit au
président de ce comité au sujet des investisseurs qui ont
été le secteur d'activité du Québec en 1984 le plus
actif, si vous voulez. Il voulait savoir précisément nos
expériences dans ce domaine parce qu'il avait été
informé que les efforts du Québec avaient été
couronnés de succès plus que dans toute autre partie du pays.
Le Président (M. French): Si on juge par les
résultats de leur rapport, ils ont été
impressionnés par le fait qu'il pourrait y avoir un plus grand effort
dans le domaine des immigrants investisseurs. Je vous remercie. Je n'ai pas
d'autre question sur l'immigration et les communautés culturelles.
Je dois croire, M. le ministre, que vous pouvez changer d'équipe
maintenant. Je vous remercie beaucoup, Mme la sous-ministre et tous vos
collègues. Encore une fois, nous aurions voulu aller plus à fond,
mais nous ne disposons pas du temps suffisant. Je pense que c'est M. le
député de Vachon qui va commencer, s'il le veut.
Charte de la langue française
M. Payne: Avec plaisir. Au nom de notre formation, j'aimerais
remercier le ministre pour les documents que nous avons reçus. Notre
intérêt serait de discuter de quelques éléments qui
m'inquiètent au sujet de la loi 101 et qui touchent deux domaines assez
distincts: d'abord, le droit de travailler en français et,
deuxièmement, la question de l'étiquetage et
particulièrement l'article 51.
Le français au travail
II y a eu des discussions au cours de l'année dans cette Chambre,
à la période des questions et dans quelques débats, sur le
statut de la langue française. Il y a eu aussi un certain nombre de
jugements en 1984 assez inquiétants, particulièrement celui de la
Cour d'appel dans l'affaire Myriam où on a appris qu'un employeur n'est
obligé d'utiliser le français dans ses communications que
lorsqu'il s'adresse à l'ensemble de son personnel et non à chacun
de ses employés. Dans un premier temps, ma question serait très
simple: Est-ce que le ministre a envisagé des mesures
législatives pour contrer cette attaque fondamentale, à mon avis,
à la loi 101 et à ses objectifs? Si oui, est-ce qu'il a eu des
discussions auprès de ses collègues du Conseil des ministres? Si
oui, est-ce qu'on pourrait avoir un rapport?
M. Godin: M. le Président, dans un premier temps, l'avis
de M. Gaston Cholette, le président de la Commission de protection de la
langue française ou de surveillance, comme on l'appelle maintenant, a
été expédié au Conseil de la langue
française en vue d'obtenir un avis. L'avis m'a été remis.
Il n'a pas encore été rendu public, malheureusement, parce que je
n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance. C'est une question de jours
avant que ce soit fait.
Nous allons donc voir en profondeur quelles mesures on peut adopter face
aux craintes soulevées par M. Cholette, si elles sont fondées et
s'il y des moyens législatifs concrets de les résoudre. Votre
deuxième question, M. le député?
M. Payne: Oui. Le conseil lui-même avait exprimé
quelques préoccupations dans son avis qui a été rendu
public au début de l'année, à la fin de janvier. Les
mêmes préoccupations ont été enregistrées. Je
pense que le travailleur, face à ce jugement, devrait se sentir
très menacé lorsqu'il s'agit de communications personnelles. Si
quelque chose est important, ce sont les communications personnelles que le
travailleur francophone doit avoir avec son
employeur, spécialement dans notre contexte
socio-économique, où très souvent les rapports
employeur-travailleur sont des rapports de superviseur ou de "senior" face
à quelqu'un qui est "junior".
À cet égard, je déplore que le gouvernement n'ait
pas pris de mesures pour vraiment renforcer préférablement, sur
le plan constitutionnel, la loi 101, qu'on appelle une charte, mais qui n'est
qu'une lot ordinaire, malheureusement et pour répliquer d'une
manière vigoureuse. Je pense qu'il y a moyen, avec des amendements
à la loi 101, d'apporter des correctifs pour faire en sorte que le
travailleur francophone puisse avoir la possibilité de recevoir les
communications en français, dans sa langue.
M. Godin: L'article 41 de la loi, dit: "L'employeur rédige
dans la langue officielle les communications qu'il adresse à son
personnel. " Certains avocats consultés nous disaient...
M. Payne: C'est à quel article?
M. Godin: À l'article 41, à la page 9 de la loi
101. Il était, disons, admis par les avocats consultés et le
personnel juridique consulté à notre commission et ailleurs que
cette phrase impliquait que toutes les communications à une seule
personne ou à l'ensemble devaient être rédigées en
français seulement. Mais un jugement a été rendu qui
disait le contraire. Donc, nous en sommes maintenant au stade d'une
évaluation juridique de la rédaction, d'une interprétation
des lois et des textes, un phénomène que le député
de D'Arcy McGee connaît fort bien. Dès que nous aurons des avis
finals sur notre interprétation de cette question, nous allons
intervenir de manière que l'esprit de la loi soit respecté,
l'esprit étant que le français doit être la langue des
communications internes d'une entreprise, d'un patron à ses
employés.
Le Président (M. French): Pour le cas Myriam? M. le
député.
M. Payne: Cela ne touche pas seulement les communications au
travail, mais les services professionnels, l'affichage publicitaire commercial
dans un certain sens, c'est-à-dire que les retombées indirectes
à long terme sont en ce sens. Il m'apparaît que cela touche un des
piliers de la loi 101 parce que l'existence d'un droit fondamental, cela peut
être correct. La première réaction face à ce
jugement pourrait aller dans le sens suivant, que cela n'affecte pas les droits
fondamentaux, mais en réalité, si un droit fondamental existe,
mais que les conditions n'existent pas pour que ce droit puisse s'exercer,
c'est quasiment un droit symbolique.
Il m'apparaît que le législateur peut être vigoureux
pour contrecarrer toute tentative ou tentation de la part des tribunaux de
diminuer la portée de l'article 41.
M. Godin: C'est précisément à cause de
l'importance de la question que vous soulevez que nous avons confié au
Conseil de la langue française le mandat de voir à évaluer
la situation telle que décrite par M. Cholette, le président de
la commission, et à nous proposer des modifications aux
règlements et aux lois qui permettaient précisément
d'arriver au respect de l'esprit de la loi 101 qui est qu'un travailleur
québécois, au Québec, a droit à ce que l'entreprise
pour laquelle il travaille, s'adresse à lui par écrit ou
verbalement.
M. Payne: Je pensais que l'avis était assez clair. Est-ce
qu'il y a d'autres...
M. Godin: Vous faites référence à un avis,
M. le député Vachon, que je n'ai pas, malheureusement.
M. Payne: Pardon?
M. Godin: Pourriez-vous me dire de quel avis vous me parlez?
M. Payne: De quel avis?
M. Godin: La référence de l'avis, oui.
M. Payne: Le conseil a publié un avis. Je pense que
c'était à la fin de janvier 1985. Il s'appelait la situation
linguistique actuelle. Là-dedans, au début, il fait
référence à plusieurs jugements, notamment à
l'affaire Myriam. Il y a une longue discussion sur les conséquences de
ce jugement.
M. Godin: Ce n'est pas l'avis auquel je fais
référence, avis qui suivait le bilan de fin d'année que
nous avait expédié le président de la commission de
surveillance. C'est un avis du Conseil de la langue française sur la
situation du français à une certaine époque au
Québec, mais ce n'est pas un avis sur la question soulevée par le
président de la commission de surveillance.
M. Payne: L'avis en question touche la situation
linguistique...
M. Godin: En général.
M. Payne:... actuelle, en général.
M. Godin: Oui, d'accord.
M. Payne: L'une des préoccupations concerne le jugement
sur l'affaire Myriam
particulièrement aux pages 4 et 5. Je peux citer la toute fin:
"Bref, si les jugements n'ont pas affecté la plupart des dispositions
essentielles de la Charte de la langue française, ils ont
commencé d'en modifier sérieusement la dynamique interne et son
effet d'entraînement social. " Tous les discours du conseil
m'apparaissent très cohérents. Je suis solidaire avec les
conclusions de cette discussion. Le ministre a-t-il reçu des
recommandations autres que celles contenues dans l'avis? Va-t-il en demander
d'autres en vue de préparer une loi qui peut effectivement redresser la
balance?
M. Godin: Le principal dossier là-dessus vient de la
Commission de surveillance de la langue française. C'est le rapport
moral de M. Cholette sur cette question. On l'a soumis au Conseil de la langue
française pour un avis supplémentaire, si vous voulez, pour
être sûr de frapper juste si jamais on modifiait les
règlements ou la loi. On l'a en main, mais on n'a pas encore
procédé à une analyse approfondie de cet avis. Dès
que ce sera fait, on informera le député de Vachon, M. le
Président, du suivi qui sera donné à cet avis.
M. Payne: Je partage vos préoccupations. La page 38 est
très claire. M. Cholette, dans son bilan de fin d'année, parle
aussi des mêmes préoccupations. Je me demande si le ministre
attend d'autres avis pour préparer un projet de loi.
M. Godin: Non. La réponse est non.
L'étiquetage et l'affichage
M. Payne: L'autre question concernait l'article 51. Il y avait
des préoccupations semblables concernant l'étiquetage qui
était toujours un problème difficile, mais c'est là
où la loi 101 sera jugée comme efficace ou pas. C'est un peu
comme l'affichage. Un problème considérable a été
soulevé par le Conseil de la langue française. Y a-t-il des
mesures proposées par le ministre pour faire en sorte qu'on puisse mieux
préciser qui est responsable ou qui peut être poursuivi s'il y a
une infraction touchant l'article 51? C'est difficile de savoir si on devrait
poursuivre le fabricant, celui qui imprime les étiquettes ou simplement
le détaillant ou le dépanneur du coin. C'est l'une des questions
les plus importantes. C'est là-dessus que la commission de surveillance
reçoit le plus grand nombre de demandes d'information et de
plaintes.
M. Godin: On peut peut-être demander à M. Cholette,
le président de la commission de surveillance, ce qu'il pense de cette
question et si, selon lui, on a identifié dans la loi de façon
suffisamment claire la personne qui devrait être prise à partie
s'il y a une infraction à l'article 51 de la loi 101. M. Cholette,
président de la Commission de surveillance de la langue
française.
Le Président (M. French): Oui, M. Cholette. (17 h 30)
M. Cholette (Gaston): Je crois que l'article 51 ne permet pas
d'intenter des poursuites sur une base efficace parce qu'il faudrait qu'on
puisse prouver hors de tout doute raisonnable que c'est telle personne physique
ou morale qui a rédigé soit les inscriptions ou les documents.
Cela devient devient quelque chose de très difficile. Ce que nous
faisons en définitive, depuis quelques années, c'est que nous
avons pratiquement renoncé à transmettre des dossiers au
ministère de la Justice et nous essayons de faire corriger les
situations en tâchant de trouver chez les gros détaillants des
alliés de la commission. Donc, nous avons eu beaucoup de séances
de travail avec les grands magasins à rayons de Montréal qui nous
ont, en général, accordé une excellente collaboration.
Nous faisons des pressions par leur intermédiaire auprès des
fabricants, auprès des concessionnaires. Nous faisons nous-mêmes
ces pressions. Nous écrivons. Dans certains cas, la situation est
corrigée, cela se règle. Mais, dans beaucoup de cas, nous
recevons des réponses, par exemple, de présidents de compagnies
multinationales qui nous disent: Le marché québécois ne
vaut pas la peine ou encore: Vous nous demandez plus que ce que la France nous
demande. On vend la même chose en France de la même façon.
Or, nous avons fait beaucoup de vérifications en France et, la plupart
du temps, c'est faux. Ce qui est vendu en France est conforme à la loi.
Ce qui nous est vendu ici, les mêmes produits qui nous sont vendus ici ne
sont pas conformes à la loi.
Donc, à toutes fins utiles, en ce qui concerne la commission,
nous avons pratiquement renoncé à transmettre les dossiers au
ministère de la Justice ou au bureau du Procureur général
parce qu'il y avait toujours quelque chose qui manquait. C'est pratiquement
impossible de prouver que c'est un tel qui a rédigé
l'étiquette ou le document. Ce que j'ai proposé dans mon
document, c'est qu'on puisse faire porter la responsabilité non pas sur
tous ceux qui touchent à un produit, mais soit sur le fabricant, soit
sur le distributeur, le grossiste, soit sur certains détaillants.
Je voudrais, en somme, qu'on puisse toucher certains agents qui sont
dans la chaîne de la distribution en plus du fabricant parce qu'à
l'heure actuelle on ne peut en réalité toucher personne. On ne
veut pas, non plus, poursuivre tous les petits détaillants et
dépanneurs, etc., qui vendent
certains produits qui ne sont pas corrects. C'est sûr
qu'économiquement et moralement cela n'aurait pas de sens. Mais on
voudrait au moins pouvoir toucher les agents qui jouent un rôle
important, parce qu'il y a beaucoup de requins là-dedans. Les grands
magasins de Montréal en particulier - ils ne sont pas des requins, au
contraire - font des efforts énormes pour acheter des produits conformes
et souvent il y a des versions conformes de certains produits, mais il y a
d'autres magasins spécialisés qui, eux, vont s'approvisionner
directement aux États-Unis. Ils achètent des produits qui ne
respectent pas les normes techniques canadiennes, qui ne respectent pas la
législation fédérale en matière
d'étiquetage, qui ne respectent pas la Charte de la langue
française. On ne peut rien faire contre eux. Les grands magasins de
Montréal sont fatigués d'être nos alliés. Ils nous
l'ont dit récemment. On a eu une séance de travail avec des
représentants d'une dizaine de ces grands magasins. Ils ont dit: On est
prêt à continuer, mais on est fatigués. On voudrait que
vous touchiez aussi d'autres que nous. On ne veut pas que les produits que nous
allons sortir de nos magasins se retrouvent dans des magasins ailleurs.
À l'heure actuelle, si la persuasion ne marche pas, on ne peut rien
faire.
Le Président (M. French): M. le ministre.
M. Godin: Brièvement là-dessus, il y a des
règlements nouveaux modifiés à la suite des critiques
faites par le doyen de la faculté de droit de l'Université de
Montréal, M. Ouellette, M. le député de D'Arcy McGee et
d'autres groupes. Les règlements, donc, sont refaits. Ils seront soumis
au Conseil des ministres d'ici quelques semaines, publiés dans la
Gazette officielle très rapidement et M. le député de
Vachon ou tout autre groupe intéressé pourront faire des
suggestions pour modifier les règlements de manière qu'on
identifie mieux les vrais responsables de cet aspect de la présentation
des produits.
Par ailleurs, je tiens à dire que chez M. Cholette, on suit de
très près l'expérience française. La loi
Bas-Lauriol porte en grande partie sur les produits de consommation. Il y a des
contacts suivis entre la commission de surveillance du Québec et les
organismes français qui voient à protéger le
français pour le consommateur sur les produits vendus en France et
même on se sert du marché français, de ce qui se fait
là-bas par des multinationales pour les inciter à faire la
même chose pour nous. Donc, il y a une espèce de front commun
France-Québec, franco-québécois, en fait, pour que le
Québec soit vu comme une extension du marché français pour
les fins de la présence du français sur les produits ou les
documents qui accompagnent les produits.
J'ajouterais que, dans ces domaines, je pense que le meilleur
défenseur du français, c'est le consommateur. Il faut que le
consommateur exige du français de son commerçant, de son
fournisseur. Il y a peut-être un travail à faire aussi du
côté des acheteurs de produits. On a constaté, par
ailleurs, que Rufiange, très souvent, dans sa chronique du Journal de
Montréal et du Journal de Québec, cite le français
absolument invraisemblable des traductions des guides d'accompagnement ou des
modes d'emploi. Voilà un appui très populaire, si vous voulez.
Mais je pense qu'il faut que le consommateur lui-même se prenne en main
et décide d'exiger du français quand il met son argent sur la
table. C'est à lui, d'abord et avant tout, de s'assurer que sa langue
soit respectée. S'il ne le fait pas, les lois n'ont plus aucun sens et
les règlements, non plus.
Le Président (M. French): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, en ce qui concerne
l'étiquetage, j'aurais une remarque à faire. Étant
donné qu'il y a une réglementation fédérale
semblable à la réglementation québécoise, si on ne
peut pas efficacement appliquer la réglementation
québécoise, j'aimerais suggérer au ministre qu'il demande
à son homologue fédéral d'appliquer la loi
fédérale dans ce domaine. Peut-être que cela
réglerait un certain nombre de problèmes.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Tout le monde voudrait aborder un certain nombre de
sujets. J'aimerais qu'on définisse davantage combien de temps nous avons
à notre disposition de chaque côté.
Le Président (M. French): Nous allons terminer à 18
heures. Le président essaiera de donner à tous et à chacun
l'occasion d'intervenir. Le député de D'Arcy McGee pose une
question sur le même sujet que vous poursuivez. J'ai pensé que ce
serait valable de ne pas briser le rythme et de lui permettre de poser sa
question.
M. Godin: M. le Président, je trouve la suggestion du
député de D'Arcy McGee très raisonnable. Je vais
effectivement voir à faire front commun avec mon collègue du
fédéral chargé de la présence du français
sur les produits de consommation courante pour qu'ensemble, avec Ottawa et la
France en plus, nous arrivions à des résultats concrets.
M. Marx: Parce qu'on veut le bilinguisme "coast to coast" sur
l'étiquetage. Bon. Le fédéral le veut "coast to
coast".
J'aurais seulement une remarque et une question, M. le Président.
J'ai eu beaucoup de plaintes en ce qui concerne l'administration et
l'application de la loi 101. Je peux vous donner trois exemples, M. le
ministre. Premièrement, la Régie des rentes du Québec n'a
pas voulu envoyer des dépliants en anglais aux hôpitaux
anglophones parce que le président m'a écrit que c'était
défendu par la loi 101. Effectivement, j'ai reçu une lettre du
président de l'Office de la langue française me disant que ce
n'était pas défendu. Après un échange de lettres et
après quelques mois, le président de la Régie des rentes
m'a écrit que ce n'était pas interdit. Il a donc envoyé
des dépliants en anglais aux hôpitaux anglophones. J'ai même
reçu récemment une lettre de la régie me disant que,
maintenant, elle a certaines formules disponibles en langue anglaise.
Deuxièmement, le ministère de la Justice a refusé
d'envoyer un exemplaire de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne aux écoles anglophones où les
adultes apprennent à lire. On aurait voulu utiliser la version anglaise
de la charte québécoise comme matière de lecture. Le
ministère a refusé et, après une intervention d'un
éditorialiste de la Gazette, il a accepté.
Le troisième exemple: la Place Bonaventure. Un de mes
électeurs est allé à la Place Bonaventure où on lui
a remis un calendrier des événements uniquement en
français. Il a demandé un exemplaire en anglais et on lui a
répondu que c'était interdit par la loi 101. Après une
intervention à la télévision, j'ai reçu une lettre
disant que, maintenant, ils auront des calendriers en anglais et en
français. Auparavant, ils ont pensé que c'était interdit
par la loi 101. C'est donc dire qu'il y a très peu de monde qui comprend
la portée de la loi 101. Peut-être que cela a été
appliqué de façon à semer une certaine confusion. De toute
façon, il y a un certain "chilling effect", un effet de dissuasion,
c'est-à-dire que les gens appliquent la loi d'une façon
zélée et refusent d'offrir des services souvent aux anglophones
en plaidant faussement que c'est défendu par la loi 101.
J'aimerais demander au ministre, quand il va à Hong Kong, quand
il va à l'étranger, comment il explique le régime
linguistique du Québec. Souvent, nous avons l'impression que le
gouvernement parle, comme on le dit dans les films westerns, avec une "forked
tongue". On dit une chose à Hong Kong, une autre à Québec,
une troisième à New York et ainsi de suite. On a l'impression,
quand le ministre est allé à Hong Kong inviter des investisseurs
au Québec, qu'il a vanté les avantages d'une région ou
d'une province où il y a beaucoup de gens qui parlent anglais, où
il y a des écoles anglaises, des institutions anglaises à
Montréal et ainsi de suite. Comment le ministre explique-t-il notre
régime linguistique quand il va à l'étranger, à
Hong Kong, pour inviter des investisseurs à venir ici?
M. Godin: M. le député de D'Arcy McGee, je dis la
vérité pure, qu'il y a ici un régime scolaire
français et un anglais et qu'un immigrant au Québec doit envoyer
ses enfants à l'école française; par ailleurs, qu'il y a,
en plus, un réseau hospitalier anglophone dans l'ensemble du
Québec, plus développé même que dans d'autres
provinces purement anglaises, et que, dans ces hôpitaux, centres de
services sociaux et centres de santé, un patient peut être
traité en anglais.
M. Marx: Mais vous n'allez pas parler aux étrangers de ce
qui va se passer quand ils vont tomber malade. Il ne faut pas commencer par
cela quand on invite des gens au Québec, en leur parlant de leurs
maladies possibles. Il faut leur dire d'autres choses, j'imagine.
M. Godin: Je leur dis qu'il y a ici deux réseaux de
services publics dans le domaine de la santé et de l'éducation,
un en français et un en anglais; que les nouveaux venus au Québec
doivent envoyer leurs enfants à l'école française, c'est
bien sûr. En général, ils acceptent parce que, pour eux,
connaître une troisième langue ou une quatrième - ils
parlent déjà le mandarin, le cantonais, l'anglais,
évidemment - colonie anglaise -comme le français, c'est un actif
supplémentaire et non pas une punition, comme cela semble être le
cas pour certains anglophones du Québec. Je ne parle pas de vous, M. le
député de D'Arcy McGee, ni de vous, M. le Président.
Donc, je leur dis les choses telles qu'elles sont. Je leur ai dit que le
Québec était une province où on voulait vivre dans les
deux langues, où on peut avoir accès dans les deux langues
à la télévision, à la radio, à des journaux,
à des magazines, à toute la vie, en fait. Je pense que c'est un
fait. Je leur dis aussi que, pour ce qui touche l'école, c'est
l'école française seulement, à moins d'obtenir une
exemption qui viendrait du fait qu'ils auraient vécu au Québec
plus tôt et que leurs enfants auraient fréquenté
l'école anglaise au Québec ou alors qu'ils viennent du
Nouveau-Brunswick.
M. Marx: Un permis temporaire s'ils viennent pour deux ou trois
ans.
M. Godin: II y a aussi cet autre facteur. Je tends à leur
donner le portrait le plus exact possible de la réalité. Le
résultat, c'est qu'ils sont venus 800 l'an dernier, M. le
député de D'Arcy McGee, 800 personnes de Hong Kong pour un
investissement de 250 000 000 $. Nous visons pour l'an prochain 1000 personnes
de Hong Kong. Si on
en juge par la liste d'attente que nous avons, nous allons facilement
atteindre ce chiffre. Nous leur disons les choses telles qu'elles sont et je
peux vous dire, de plus, qu'il y a consultation régulière entre
les gens de Hong Kong établis ici et ceux qui sont encore chez eux. Ils
s'écrivent, ils se téléphonent, ils se
télégraphient. Ils savent ce qui se passe pas seulement de la
bouche d'un ministre péquiste, mais également de leurs anciens
compatriotes.
M. Marx: Est-ce qu'il y a une coordination au niveau
gouvernemental? Est-ce que tout le monde parle avec une voix? Est-ce que le
ministre de l'Industrie et du Commerce, la Communauté urbaine de
Montréal, tout le monde livre le même message, parle du même
régime?
M. Godin: J'espère que oui, M. le Président.
M. Marx: Je ne sais pas si le ministre a vu ce dossier
"Décision Montréal"?
M. Godin: Oui.
M. Marx: Vous l'avez vu?
M. Godin: Je m'en suis servi abondamment à Hong Kong. (17
h 45)
M. Marx: Vous vous en êtes servi abondamment à Hong
Kong. Voici un dépliant qui fait partie de ce dossier publié par
l'Office de l'expansion économique, Communauté urbaine de
Montréal. Le titre est: "Bilingualism, your competitive edge". En
feuilletant ce dépliant, on peut avoir l'impression que Montréal
est une ville bilingue dans le sens qu'on pourrait peut-être même
afficher en français et dans une autre langue. Le ministre sait que ce
n'est pas possible.
M. Godin: Effectivement, ce n'est pas possible. On leur a dit,
d'ailleurs, que ce n'était pas possible. Il reste que dans une
école française on peut fort bien apprendre l'anglais. Cela a
été mon cas à Trois-Rivières, "of all places",
à l'ombre de Maurice Duplessis. J'ai appris l'anglais à
Trois-Rivières et non pas à Montréal. Il y a dans chaque
école du Québec des cours d'anglais qui sont de mieux en mieux,
me dit-on. On constate partout au Québec, d'ailleurs, un
intérêt grandissant pour apprendre la deuxième langue qui
est l'anglais. On peut dire que l'anglais fait des progrès remarquables
dans la classe écolière québécoise.
M. Marx: M. le ministre, vous avez dit que vous avez abondamment
utilisé ce dossier...
M. Godin: Surtout pour ce qui touche les chiffres, les tarifs
d'électricité au Québec, autour de Montréal,
comparativement aux mêmes tarifs pour les États américains
frontaliers et les provinces anglaises.
M. Marx: Oui, mais si le ministre a abondamment utilisé ce
dossier, il a pris tout le dossier envoyé à tout le monde.
Comment le ministre pourrait-il concilier la vision de la région
montréalaise de "Bilingualism, your competitive edge" où on donne
cette impression que c'est une région bilingue avec le régime
linguistique qu'il explique quand il est à Hong Kong et le fait que, par
exemple, ici il est interdit d'afficher autrement que dans la langue
officielle, quoique à Pékin, à Hong Kong, à Canton,
à Tokyo, partout au monde, sauf dans la région
montréalaise au Québec, on puisse le faire? Or, on dit quand
même "Bilingualism, your competitive edge". On ne peut pas afficher en
français et en chinois ici.
M. Godin: M. le Président, vous savez très bien -
je peux en témoigner moi-même par ma propre expérience
depuis bientôt quinze ans à Montréal - que Montréal
est effectivement une ville bilingue où on peut vivre en français
ou en anglais selon le choix qu'on fait ou le quartier où on vit. Je
sais que, si je fais mon marché sur la rue Saint-Laurent, je peux le
faire en anglais aussi bien qu'en français. Donc, c'est une ville
bilingue, Montréal, et on n'a pas à en rougir, parce que c'est un
fait qui est maintenant reconnu par les Québécois que
Montréal est une ville bilingue.
M. Marx: Si c'est une ville bilingue, pourquoi le ministre, pas
le ministre...
M. Godin: Le gouvernement.
M. Marx: La bonne foi se présume en vertu du Code civil.
Pourquoi le gouvernement veut-il cacher ce bilinguisme qui existe? Le ministre
nous dit que cela existe, mais on veut le cacher derrière un village
à la Potemkine.
M. Godin: C'est votre vieille image, pour ne pas dire cassette,
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, mais il faut répéter la même
chose quinze fois pour que le gouvernement comprenne.
M. Godin: Je vous dirais que l'affichage anglais, pour nous, est
une chose symbolique, comme la reine pour les Anglais, c'est symbolique.
M. Marx: Bilingue, pas anglais.
M. Godin: Enfin, la présence de l'anglais dans l'affichage
commercial, pour nous, a une valeur symbolique très impartante et on y
attache autant d'importance que les Américains à leur drapeau ou
que les Anglais, canadiens et britanniques, à leur reine, dont on voit
partout la jolie figure sur les dollars, sur les bouteilles de gin, de scotch
et autres. Entre autres, comment s'appelle ce scotch avec la figure de la reine
Victoria? Avec la reine Victoria, M. le député de Westmount?
M. Marx: Mais quand la Cour supérieure...
M. Godin: Le gin Bombay, avec la figure de la reine Victoria.
M. Marx:... a décidé que la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne
permettrait à quelqu'un d'afficher dans deux langues, ce n'est pas une
exigence. On ne va jamais exiger que tout le monde ait l'affichage bilingue. Ce
serait une possibilité. En parlant de l'affichage, est-ce que le
ministre...
M. Godin; M. le Président, j'ai un commentaire là-dessus.
Je peux vous dire que la réflexion du Conseil des ministres sur cette
question n'est pas terminée.
M. Marx: Est-ce que le ministre peut nous expliquer l'importance
de son sondage dont le premier ministre ne semble pas être au
courant?
M. Godin: Cela fait partie d'une réflexion qui se fait
dans le Québec là-dessus.
M. Marx: À supposer que seulement 20 % de la population...
Ce n'est pas le cas, parce que c'est à peu près 80 %, mais
à supposer que 45 %, 49 % de la population soit d'accord pour
l'affichage bilingue, le cas échéant... Je vois bien qu'à
Trois-Rivières, à Chicoutimi...
M. Godin: M. le Président, on verra à ce
moment-là, sauf qu'il y a une chose qui me frappe, M. le
Président, et je peux vous le dire, à vous qui êtes un ami.
Quand on a adopté la loi pour franciser les affiches, cela a
été des hauts cris. On a dit que cela coûterait une fortune
et que cela nuirait à la rentabilité économique des
commerçants. Mais quand il s'agit de remettre de l'anglais sur les
affiches, cela ne coûte plus rien. On n'entend aucune critique qui dit
que changer une troisième fois pour une affiche bilinque, cela
représenterait des coûts pour l'entreprise qui nuiraient aux
profits de l'entreprise, alors qu'on entendait cela dans le temps du
français. Il me semble, à moi, qu'il y a vraiment un "double
standard" au Québec de la part des anglophones de ma belle ville de
Montréal, pour ce qui touche notre langue maternelle. Il y a vraiment
une sympathie tellement grande pour l'anglais qu'on dépense pour mettre
de l'anglais sur l'affiche sans s'en rendre compte et sans même protester
d'aucune façon. Je trouve que...
M. Marx: Le ministre a mal interprété cette
question de l'affichage. À un moment donné, l'Assemblée
nationale a adopté une loi, avant 1976, pour exiger l'affichage
bilingue. Donc, tout le monde qui avait un affichage seulement en anglais l'a
modifié pour qu'il soit bilingue.
M. Godin: La loi 22.
M. Marx: Le gouvernement actuel arrive au pouvoir, et, on exige
l'affichage unilingue français.
M. Godin: À ce moment-là on dit: Mon Dieu...
M. Marx: Oui, mais les gens ont été forcés
de dépenser de l'argent. Supposons qu'on permette l'affichage bilingue,
personne ne sera forcé de modifier son affichage. Ce n'est pas une
question d'argent.
M. Godin: Vous souvenez-vous, M. le député de
D'Arcy McGee, qu'il y a eu des critiques à l'époque quant au
coût de la francisation de l'affichage? Maintenant, tout le monde se bat
pour remettre le français et l'anglais sur les affiches et personne ne
parle de coûts. C'est curieux.
M. Marx: Non, parce qu'autrefois c'était exigé. Ils
y étaient forcés. Les gens devaient dépenser. Maintenant,
on ne le sait pas, peut-être qu'il y a des entrepreneurs anglophones qui
vont garder leur affichage seulement en français, si, par exemple, ils
sont aux Îles-de-la-Madeleine ou à Chicoutimi ou à
Rosemont.
Le Président (M. French): M. le député, je
voudrais vous inviter à terminer assez rapidement, s'il vous
plaît.
M. Marx: Je pense que c'est un débat...
M. Godin: Historique, qui nous ramène huit ans en
arrière.
M. Marx:... qu'on ne peut pas terminer sauf si le ministre...
Non, on peut terminer le débat sur l'affichage, si le ministre et son
gouvernement sont prêts a accepter la suprématie de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne. S'ils
sont prêts à accepter cela, le débat est clos. Mais
tant
qu'on parle de modifier la charte des droits pour donner
préséance à la Charte de la langue française sur la
charte des droits, le débat est interminable.
M. Godin: M. le Président, mon collègue de D'Arcy
McGee me permettra de dire que la réflexion se poursuit là-dessus
au Conseil des ministres et que, d'ici quelques jours, je pense, il aura des
lumières supplémentaires qui viendront du document
déposé par MM. Lévesque et Mulroney.
M. Marx: Seulement une dernière question. Est-ce que le
ministre est d'accord pour accepter la décision du plus haut tribunal en
ce qui concerne l'interprétation de la Charte québécoise
des droits et libertés des personnes relativement à la Charte de
la langue française et à l'affichage bilingue? Est-ce qu'il est
prêt à accepter cela?
M. Godin: M. le Président, comme vous le savez, la cause
étant en appel présentement, il ne m'est pas permis de...
M. Marx: De parler. Vous pouvez parler. Je vous l'assure.
M. Godin:... commenter. Je ne peux intervenir dans le
déroulement d'une cause qui est présentement devant les
tribunaux.
Le Président (M. French): M. le député
de...
M. Godin: Je n'apprendrai pas cela à un savant juriste
comme vous, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Vous pourrez me répondre au café.
Le Président (M. French): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez bel et bien utilisé votre temps de parole. Le
député de Vachon m'a prié de lui donner l'occasion de
rouvrir une discussion qu'il poursuivait avec le ministre. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Oui, parce qu'il y a deux côtés de la
Chambre.
Le Président (M. French): Oui, il y a trois participants
aussi, M. le député. Je voudrais vous indiquer que, quant
à moi, je vous cède mon droit de parole, et je ne voudrais pas me
faire dire que c'est votre droit, parce que ce n'est pas le cas.
M. Payne: Je regrette, mais ce n'est pas une question de me
céder la parole. Je pourrais invoquer le règlement. Le droit de
parole de chacun, c'est ça.
Le Président (M. French): C'est mon droit de parole
maintenant et je ne l'ai pas utilisé. Je vous le cède. Est-ce que
c'est suffisamment clair?
M. Payne: Merci pour votre remarquable
générosité.
Le Président (M. French): Ne comptez pas là-dessus
une deuxième fois.
M. Payne: Est-ce que le Conseil exécutif a l'intention de
renforcer la portée de l'article 41 en ce qui concerne les
communications dans la langue française avec le personnel?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 51, le législateur ou
le Conseil exécutif pourraient-ils recommander à
l'Assemblée nationale d'adopter des amendements pour faire en sorte que
la loi soit plus qu'un "tigre de papier" afin qu'à cet égard on
puisse, là où c'est judicieux, intenter des poursuites?
Peut-être que, dans la même réponse, on pourrait nous faire
savoir s'il y a eu une seule poursuite en fonction de l'article 51.
En terminant, une suggestion: pourquoi le législateur ne
modifie-t-il pas quelques règlements en vertu de 93 pour faire en sorte
qu'on puisse mieux définir qui doit être responsable de la
traduction de certaines étiquettes? Ma dernière question serait:
Qu'est-ce qu'on pense de la recommandation du Conseil de la langue
française, qui est très sensée pour moi, suggérant
qu'on devrait peut-être mieux garantir certains droits dans le cadre
d'une charte constitutionnelle?
M. Godin: J'ai perdu la dernière phrase de mon
collègue de Vachon.
M. Payne: J'ai dit, en gros, est-ce que le ministre voudrait bien
faire suite à la recommandation du Conseil de la langue
française, recommandation qui m'intéresse beaucoup depuis de
nombreuses années, pour faire en sorte que quelques droits fondamentaux
linguistiques puissent être enchâssés dans une charte
constitutionnelle québécoise?
M. Godin: Je répète ce que je disais plus tôt
au député de Vachon, M. le Président: Les
règlements nouveaux qui découlent des amendements apportés
à la loi 101 par la loi 57 seront publiés dans la Gazette
officielle dans les semaines qui viennent. Ces règlements ont fait
l'objet d'une consultation très vaste auprès des gens de
l'entreprise et de plusieurs groupes, dont le Conseil de la langue
française. La publication 60 jours avant l'officialisation permettra aux
groupes et aux personnes intéressés de faire connaître au
gouvernement leurs suggestions par rapport à des aspects des
règlements qu'ils estiment
n'être pas assez clairs ou de ne pas aller assez loin.
Je recommanderais une deuxième fois à mon collègue
de Vachon d'attendre cela et de suivre de près la Gazette officielle du
Québec, pour voir si les règlements nouveaux, qui ont
été faits - je le répète -à la loupe,
correspondent à vos objectifs par rapport aux articles 41 et 51.
M. Payne: Le projet va-t-il contenir des dispositions qui vont
faire en sorte qu'un règlement touche l'article 51 pour mieux
définir la portée de cet article-là?
M. Godin: Les règlements visent, en fait, à
incarner, si vous voulez, dans des textes praticables, la nouvelle loi 101
amendée par la loi 57. Vous serez en mesure, dès qu'ils seront
publiés, de vous rendre compte vous-même si les changements faits
aux règlements correspondent à vos objectifs que nous partageons
entièrement.
M. Payne: Pour l'article 41? M. Godin: La même chose.
M. Payne: Y a-t-il un règlement là-dessus?
M. Godin: Oui, il est inclus. M. Payne: Et la
constitution?
M. Godin: Pour la constitution, j'ai eu l'occasion de
répondre à cette question. Mon point de vue est le suivant: la
question de la langue au Québec doit relever de ce Parlement-ci et des
élus qui siègent dans ce Parlement-ci plutôt que de toute
autre institution.
M. Payne: Oui, mais...
M. Godin: Donc...
M. Payne: Non, non, mais...
M. Marx: Dans la Confédération, ce n'était
pas cela. On a enchâssé certains droits linguistiques pour les
anglophones du Québec et les francophones hors Québec.
M. Payne: Un instant! C'est mon tour.
M. Godin: Je vous donne mon opinion. M. le Président, je
donnais mon opinion.
Le Président (M. French): M. le ministre et messieurs les
députés, je voudrais quand même appuyer le
député de Vachon qui posait une série de questions. Je
n'aimerais pas qu'un débat entre le ministre et le député
de D'Arcy McGee s'amorce à ce point-ci.
M. Godin: Je donnais mon opinion, M. le Président.
Le Président (M. French): Oui.
M. Godin: On peut être parfaitement en désaccord
avec moi. Je respecte les désaccords d'où qu'ils viennent, en
fait. Mais je vous répète que, selon moi, la place du
français au Québec doit relever du Parlement du Québec.
Cela s'inspire de très vieilles observations faites par Thomas Jefferson
et Abraham Lincoln qui avaient, à l'égard de la Cour
suprême de leur pays, des points de vue pas aussi unanimes que certains
Canadiens aujourd'hui qui voudraient que les juges règlent tout. Si,
dans un pays, des questions fondamentales, telle la langue, sont
réglées par les juges et uniquement par les juges, les lois
fussent-elles les meilleures au monde, je ne crois pas que nous ayons un
processus de modification et de réaction à l'opinion publique et
à la réalité culturelle vécue dans un pays
donné, qui est le Québec en ce qui nous concerne.
M. Payne: Je ne comprends pas. Une constitution, adoptée
par l'Assemblée nationale et qui peut être ratifiée par la
population québécoise, présumément contiendrait une
formule d'amendement. Donc, le législateur et l'institution qu'est le
Parlement auraient tout le loisir de modifier une telle charte
constitutionnelle...
M. Godin: Oui, oui.
M. Payne:... pour faire en sorte que les droits fondamentaux
seraient mieux protégés. Cela n'aurait rien à faire avec
les juges, sauf pour son interprétation.
M. Godin: D'accord. Je me rallie à vos propos, M. le
député de Vachon. En fait, les deux jugements, Boudreau et Dugas,
je pense, rappellent et soulignent fortement que le Québec a le droit de
légiférer en matière linguistique. C'est une
évidence. Ce que nous voulons discuter avec M. Mulroney bientôt,
c'est la reconnaissance de ce pouvoir du Québec de
légiférer en matière linguistique parce que la langue doit
relever du Parlement. À mon avis, qu'il y ait une constitution
québécoise interprétée par des juges
québécois éventuellement, c'est inévitable.
M. Payne: Quand? On n'a pas besoin de négocier avec
Mulroney le loisir d'adopter quelque chose...
M. Godin: M. le député de Vachon, dans un premier
temps, nous estimons que nous pourrions tenter d'obtenir de nos
collègues canadiens, sous le parapluie fédéral, un accord
sur ce principe que, le Québec étant
le dépositaire du français au pays, ce même
dépositaire ait des pouvoirs spécifiques et particuliers qui
seraient dans sa charte a lui - s'il en avait une - et que des juges
québécois interpréteraient cet aspect de la charte
québécoise dans les cours du Québec et du Canada.
M. Payne: Il y ades droits fondamentaux linguistiques qui ne
relèvent pas du gouvernement fédéral et c'est, justement,
sur ces droits fondamentaux que l'institution québécoise qu'est
le Parlement doit pouvoir agir, pas seulement pour modifier et corriger - dans
un premier temps, on le fera bien sûr - les articles dont on vient de
discuter. Les grands droits fondamentaux en matière de la langue
relèvent exclusivement du Québec. Je pense que cela devrait
être préalablement établi. Si cela peut être
renforcé sur le plan constitutionnel, tant mieux pour le Québec
et pour la population québécoise.
Cela pourrait être le fer de lance pour les négociations
avec le premier ministre du Canada ou une position de repli, mais je pense que
c'est une recommandation sérieuse qui devrait être analysée
en profondeur par le Québec. Mon avis, comme parlementaire, serait qu'on
devrait clarifier notre position linguistique le plus tôt possible,
l'adopter et enchâsser les droits fondamentaux dans les plus brefs
délais.
M. Godin: Je pense, M. le Président, que, finalement,
c'est ce vers quoi on se dirigera et ce à quoi on en arrivera, ce qu'a
décrit le député de Vachon. C'est le point où nous
en sommes présentement. Le point de départ, c'est d'obtenir une
entente Québec-Ottawa qui reconnaisse au Québec, dans la charte
canadienne dans un premier temps, des droits dont il fera usage après
dans sa propre charte à lui.
M. Payne: Je suppose que notre temps est
écoulé.
Le Président (M. French): II semble que oui. Je ne sais
pas si vous avez quelques commentaires à ajouter, M. le
député. Je ne voudrais pas couper court à votre
intervention, mais, si vous avez épluché la question, dans la
mesure où c'est possible à cette heure-ci, on devrait
peut-être terminer.
M. Payne: Allez-y!
Le Président (M. French): M. le ministre?
M. Godin: M. le Président, je m'étais
engagé, à la première séance de notre étude
des crédits, à déposer des documents qui touchent
l'immigration et les communautés culturelles. Je dépose donc
aujourd'hui une copie des contrats intervenus entre le ministère et les
garderies Les Gardelunes, Enfankiri et Autour du Monde Inc., une liste des
projets retenus par le ministère dans le cadre de l'Année
internationale de la jeunesse, ainsi que les travaux de la recherche pour
1984-1985 retenus au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. Nous
acceptons le dépôt de ces documents.
Je m'en voudrais si je ne mentionnais pas, à ce point-ci de nos
travaux qui se terminent très rapidement, l'excellent travail qu'a fait
M. Michel Plourde. On sait qu'en tant que président du Conseil de la
langue française ce seraient ses derniers crédits. On
apprécie hautement le sérieux avec lequel il a dirigé le
conseil, surtout, même si on ne partageait peut-être pas ses
prémisses, la façon délibérée,
sérieuse, fondée avec laquelle il avançait les positions
du conseil. J'ajouterai que je ne vois pas les mêmes qualités dans
le rapport moral du président de la Commission de surveillance de la
langue française, sans préjudice aux conclusions auxquelles il en
vient. Je voudrais dire, en terminant, que M. Plourde a été
décoré ou sera décoré par le gouvernement de la
France pour sa contribution au développement et à la protection
de la langue française. Sans doute, nous aurons en temps et lieu nos
propres décorations de ce genre. Enfin, je voudrais qu'il sache, en tout
cas de la part de la commission de la culture, que nous sommes très
reconnaissants de l'excellent travail qu'il a accompli dans son poste.
M. Godin: M. le Président, j'endosse parfaitement vos
propos, sauf ceux qui touchent M. Cholette, que je considère, moi, comme
un excellent serviteur du français au Québec, de la cause du
français. Une dernière correction. Je voudrais remplacer une page
qui n'est pas conforme tout à fait aux chiffres du cahier des organismes
de la charte. Ceux qui ont gardé leur cahier, j'ai une page que je vous
remets pour remplacer la section Conseil de la langue française.
Le Président (M. French): Merci beaucoup. M. le
député de D'Arcy McGee a quelque chose à ajouter.
M. Marx: J'aimerais féliciter M. Plourde pour le travail
qu'il a fait au Conseil de la langue française. J'aimerais lui souhaiter
bonne chance à l'Université de Montréal. Je m'attends
à le rejoindre là d'ici une couple de mandats.
Le Président (M. French): M. le député
de Vachon me demande le mot de la fin.
M. Payne: J'aimerais appuyer cette motion sans préavis,
qui est fort pertinente parce que je pense que tout le monde reconnaît le
travail assidu de Michel Plourde et la qualité de ses rapports; il a une
manière assez rare ces jours-ci d'écrire et de rédiger les
textes d'une façon limpide, articulée et succincte. Je pense que
c'est un exemple pour tous les Québécois de la valeur de la
langue française. Je pense que tout le monde lui en est reconnaissant,
spécialement nous, de ce côté de la Chambre, qui avions le
plaisir d'adopter la loi 101 qui a effectivement fondé le Conseil de la
langue française.
Le Président (M. French): Les programmes 2 et 3 des
crédits du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration sont-ils adoptés? Adopté. Merci beaucoup tout le
monde. Tous les crédits du ministère sont adoptés.
Adopté. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise à 19 h 15)
Consultation générale
Le Président (M. French): La commission de la culture
reprend ses travaux. Nous entreprendrons ce soir la consultation
générale sur le mandat d'initiative de notre commission, soit
l'étude de l'impact des tendances démographiques actuelles sur
l'avenir du Québec comme société distincte.
Nous avons deux intervenants ce soir, les deux plus grandes
communautés urbaines du Québec, c'est-à-dire la
Communauté urbaine de Montréal et la Communauté urbaine de
Québec. Nous allons commencer avec la Communauté urbaine de
Montréal, sachant que nos amis, les Montréalais, doivent
retourner dans leur ville ce soir.
Les membres de la commission sont M. Hains (Saint-Henri), M. Champagne
(Mille-Îles), M. French (Westmount) et M. Marx (D'Arcy McGee). Nous
attendons Mme Harel, députée de Maisonneuve.
Communauté urbaine de Montréal
M. Des Marais, permettez-moi de vous dire combien nous apprécions
votre déplacement et plus particulièrement votre mémoire
et votre contribution à nos délibérations.
Nous nous sommes donné un mandat d'initiative qui est à la
fois limité et très grand; limité dans le sens qu'en tant
que commission de la culture nous avons dans notre domaine de
responsabilité, primo, le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, secondo, l'avenir de la langue
française, et deux autres ministères, soit le ministère
des Communications et le ministère des Affaires culturelles. Donc, nous
n'avons pas un certain nombre de ministères et de portefeuilles
ministériels dans les domaines économique et social. Nous voulons
cependant essayer, d'une part, de décrire un certain nombre de
phénomènes importants sur le plan démographique comme
arrière-plan - ces phénomènes-là ont des impacts
divers évidemment - et, par la suite, essayer de voir s'il n'y a pas
quelques recommandations de façon plus précise et surtout dans le
domaine, pour nous, de l'immigration, de la culture et du mélange
ethnique. Je sais que je parle de deux questions qui, pour vous, sont
très importantes, puisque Montréal est en effet la terre
d'accueil de la plupart des immigrants qui viennent au Québec et,
également, la partie de la province la plus diverse sur le plan
ethnoculturel et linguistique.
Je voudrais cependant vous inviter à faire part de toutes vos
préoccupations, dans votre mémoire et dans vos commentaires,
quelle que soit leur relation avec nos responsabilités formelles puisque
nous croyons qu'une partie de notre responsabilité est tout simplement
d'éveiller les Québécois, et les Montréalais plus
particulièrement peut-être dans le contexte de votre
mémoire de ce soir, à un certain nombre d'enjeux qui
découlent de la situation démographique. Bienvenue. Si vous
pouvez nous présenter vos coéquipiers et amorcer votre
exposé.
M. Des Marais II (Pierre): M. le Président, messieurs les
membres de la commission, madame. À ma droite, M. Guy Gravel, qui est le
directeur du service de la planification du territoire à la
Communauté urbaine de Montréal; à ma gauche, M.
André Gamache, qui est adjoint au président, et M. Pierre
Campeau, qui est conseiller technique à mon bureau et qui a
particulièrement travaillé dans ce dossier.
M. le Président, je dois tout d'abord vous remercier et prendre
la chance de vous féliciter ainsi que les membres de votre commission de
vous pencher sur ce sujet qui, comme vous l'avez mentionné, est vaste et
recoupe certaines des responsabilités très larges de votre
commission.
Pour celui qui vous parle, c'est non seulement au nom de mes concitoyens
de la communauté urbaine, au nom de l'organisme que je
représente, au nom de mes collègues du comité
exécutif que je me présente ici avec intérêt; c'est
aussi à la suite de plusieurs années de réflexion et
d'intérêt pour le sujet qui est le vôtre, que ce soit dans
le temps, plus localement, comme maire d'Outremont, ou encore comme
président du comité exécutif de la communauté, que
le
sujet de la démographie et de l'évolution
démographique de notre territoire et de la périphérie nous
a - et m'a - intéressés.
Toute cette question reflète sans doute un dynamisme social,
économique d'une collectivité, particulièrement la
nôtre. Nous avons entrepris des études non seulement par
l'intérêt qui était le nôtre, mais aussi à
cause de la responsabilité qui était la nôtre de
présenter un schéma d'aménagement et, à
l'intérieur des études qui ont mené au schéma, des
études techniques qui nous ont amenés à nous pencher sur
la géographie, l'identification de sites, etc., on s'est aussi
penchés sur cette question-là et on a fait appel à des
spécialistes pour qu'on nous indique si les chiffres ou les
renseignements que nous avions semblaient exacts quant à
l'évolution démographique du territoire de la
communauté.
Nous vous avons présenté, M. le Président, un
mémoire que je n'ai pas l'intention de lire en son entier.
Peut-être que je résumerai l'essentiel et j'engagerai un dialogue
avec vous et les membres de la commission.
Les données statistiques du mémoire, les mouvements de
population qu'elles permettent de déceler s'appliquent à notre
territoire, le territoire de la Communauté urbaine de Montréal.
C'est donc une description significative mais partielle, par rapport
évidemment à l'ensemble de la région montréalaise,
que les chiffres que nous allons échanger ensemble et que vous avez
reçus.
En second lieu, il faut mentionner que, même si les données
statistiques disponibles indiquent certaines tendances à la baisse, les
plus récentes données suggèrent qu'un changement
perceptible s'opère en faveur des centres urbains. M. le
Président, j'insiste là-dessus parce que tout ce qui est
très officiel nous indique des tendances à la baisse, mais ce qui
est officieux et les renseignements que nous pouvons colliger au moment
où on se parle nous indiquent que peut-être ce mouvement à
la baisse a cessé et que nous allons nous retrouver avec des
augmentations et non des diminutions. En conséquence, les constatations
que nous avons été appelé à faire, et de
façon officielle pour les fins de notre schéma
d'aménagement et pour les fins du mémoire que nous vous
présentons, subiront peut-être des changements ou seront
modifiées de façon substantielle quand il y aura à nouveau
des statistiques officielles qui seront disponibles.
Ma troisième remarque préliminaire porte sur les
mouvements de population, la mobilité de la main-d'oeuvre et le
déplacement des emplois. Ceux-ci ne peuvent être
considérés que sous le seul aspect démographique. En
effet, ces mutations complexes sont la cause et parfois l'effet de forces
économiques sous-jacentes. Nous tentons d'analyser, à la
communauté, les données démographiques dans le cadre du
système régional global. Ainsi, s'il est exact d'affirmer que la
population du territoire de la communauté a subi l'effet d'une baisse
démographique, il faut également ajouter que de plus en plus de
gens viennent au centre de notre territoire pour y travailler, consommer,
produire, se récréer et se transporter. C'est pourquoi j'entends
illustrer ces propos par certaines données économiques pour mieux
situer l'évolution démographique de la Communauté urbaine
de Montréal. Par exemple, les augmentations annuelles du rôle
d'évaluation sur le territoire de la communauté illustrent de
façon frappante qu'une population moins nombreuse au cours des
récentes années s'est partagée un patrimoine immobilier
qui a pris une valeur considérable. En 1984, l'augmentation du
rôle d'évaluation était de 600 000 000 $ et elle
était de 900 000 000 $ en 1983.
Nous remarquons d'ailleurs au tableau que l'augmentation des
évaluations de 1979 à 1980 fut de l'ordre de 8 %; de 1980
à 1981, de 13 %; de 1981 à 1982, de 18 %; l'année
suivante, de 11 %; et, l'année suivante, de 9 %. Je pense que c'est
important quand on considère tous les éléments, cela
indique aussi que notre taux théorique de taxation sur le territoire de
la communauté - parce que vous le savez, M. le Président, nous ne
taxons pas directement nos concitoyens, mais nous répartissons les
dépenses de la communauté entre les différentes villes
membres - qui était à peu près de 1 $ en 1981, est
maintenant de 0, 83 $. On peut sans doute tirer des conclusions sur la
situation de nos concitoyens, même s'ils sont peut-être moins
nombreux.
D'ailleurs, en 1985, nous remarquons que l'augmentation se continue, et
on compte au-delà de 400 000 000 $ d'addition au rôle
d'évaluation pour ces quatre premiers mois, ce qui nous indique, si on
le projette pour l'année, probablement une augmentation de... Le
rôle pourrait être supérieur à 1 000 000 000 $ en
1985.
Quant au mémoire, les différentes analyses
démographiques portant sur la Communauté urbaine de
Montréal révèlent que le taux de croissance de la
population de notre territoire est en régression. On y observe une
tendance au vieillissement de la population. Ces phénomènes
s'inscrivent sans doute à l'intérieur des tendances
générales observées au Québec et au Canada. C'est
d'ailleurs au centre-ville de Montréal que l'on enregistre des pertes de
population importantes, alors qu'on est passé de 52 424 à 9370
résidents de 1951 à 1981. Le territoire de Montréal-Centre
a vu sa population baisser de 1 094 648 à 1 005 695 résidents.
L'ensemble de la couronne suburbaine est passée de 219 076 à 1
075 635 et la région métropolitaine, de
1 539 308 à 2 835 755 résidents au cours de la
période de 1951 à 1981.
Ce ralentissement dans la croissance sur notre territoire est
accentué par d'autres facteurs comme les migrations inter et
intraprovinciales, la répartition de la population à
l'intérieur des unités spatiales de notre territoire, les
mouvements urbains et ruraux et la contre-urbanisation, c'est-à-dire la
renaissance rurale dans les zones non agricoles.
Cette configuration démographique a des incidences sur l'offre et
la demande des services publics, notamment le transport en commun, et affecte
également la population active, l'emploi, les ventes et le
développement économique en général.
Diverses hypothèses d'évolution démographique ont
été élaborées. La combinaison des
différentes hypothèses de fécondité, de
mortalité, de migration internationale, de migration interprovinciale et
de migration intraprovinciale offre seize scénarios possibles pour
l'horizon 1996. Nous en avons retenu trois comme probables aux fins de
prévisions.
Selon ces scénarios, en 1996, la population de la région
métropolitaine pourrait - j'insiste, M. le Président, sur
"pourrait" - se situer entre 2 855 848 et 3 019 152 habitants. Cela
représente un accroissement de 0, 7 % à 6, 5 % par rapport
à l'effectif de 2 835 745 recensé en 1981. Dans le même
temps, le reste du Québec gagnerait de 6, 9 % à 11, 6 %, ce qui
aurait pour effet de réduire la part de la région
métropolitaine dans la population québécoise à un
pourcentage de l'ordre de 42 % alors qu'il était de l'ordre de 44 % en
1981.
À l'intérieur de la région métropolitaine,
l'évolution récente de la population se poursuivra aussi bien au
niveau de la Communauté urbaine que de la couronne suburbaine. D'une
part, la population de la communauté urbaine pourrait se situer, en 1996
- j'insiste à nouveau, M. le Président, sur le mot "pourrait" -
entre 1 575 149 et 1 673 578, soit une diminution relative de 4, 9 % à
10, 5 % par rapport à l'effectif recensé en 1981, soit 1 760 140
résidents. D'autre part, la population de la couronne suburbaine
poursuivra sa croissance pour atteindre une augmentation relative de 19, 1 %
à 30, 5 % par rapport au niveau de 1981. Dans ces conditions, la part de
la population de la région métropolitaine résidant sur le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal ne
représenterait plus, en 1996, qu'un pourcentage légèrement
supérieur à 55 % par rapport à 62, 1 % en 1981 et 85, 8 %
en 1951.
Quelles sont les conclusions à tirer de toutes ces données
statistiques? Face à cet état de fait, les paliers de
gouvernement doivent intervenir sur le territoire de la communauté
suivant des axes de développement bien précis et, en toute
logique, avec les orientations d'aménagement retenues par la
communauté dans son schéma. En effet, l'intervention
gouvernementale jusqu'à ce jour a permis de mettre en place des
infrastructures importantes qu'il faut utiliser au maximum afin de rentabiliser
davantage ces investissements. La Communauté urbaine de Montréal
a retenu pour son développement, et je cite, l'option
préférable d'aménagement qui préconise la
consolidation du tissu urbain à l'intérieur du
périmètre urbanisé actuel et le
réaménagement accéléré de l'Ile de
Montréal en termes de qualité de vie. La communauté sera
favorable à toute intervention gouvernementale qui s'inscrit dans cette
orientation dont le but principal est d'arrêter la baisse de population
sur son territoire et d'inverser ces tendances démographiques dans la
mesure du possible afin de rentabiliser les investissements publics.
Nous souhaitons également que le gouvernement coordonne encore
plus ses interventions sur le territoire de la communauté en fonction de
la réalité montréalaise en supportant le rôle moteur
de la région montréalaise, en accélérant la reprise
et en dynamisant la métropole.
Il est important de rappeler à cette commission, en terminant, le
rôle régional de la Communauté urbaine de Montréal
qui offre des services et des infrastructures aux usagers de toute
l'agglomération. Une population active de plus de 1 500 000 personnes
constitue un bassin de main-d'oeuvre important alors que la communauté
offre plus de 1 300 000 emplois. On y retrouve les deux tiers des emplois dans
les activités de fabrication, la moitié des expéditions de
produits manufacturés, la moitié des ventes au détail, la
majeure partie des activités de recherche et de développement,
ainsi que la plupart des grands sièges sociaux et mondiaux. (19 h
30)
La communauté regroupe environ 50 % des achats en gros
effectués par les commerces de détail, jusqu'à 70 % des
importations de services aux entreprises et attire 80 % des voyageurs provenant
de l'étranger. Près de 192 000 résidents, dans les
couronnes nord et sud, viennent travailler sur le territoire de la
Communauté urbaine de Montréal alors que 27 000 personnes
quittent la communauté pour aller travailler dans les couronnes nord et
sud.
Ce rôle moteur a des répercussions sur les
différents services de la communauté. Dans le transport en
commun, par exemple, la communauté dessert en moyenne 649 000 passagers
par jour dont 66 000 viennent de l'extérieur du territoire, soit une
proportion de plus de 10 %.
Les contribuables de la communauté n'y
trouvent pas leur compte lorsqu'on considère la
réciproque. Il n'y a en effet que 1 % des passagers de la
communauté qui utilisent les infrastructures en dehors du territoire de
la communauté.
M. le Président, messieurs les membres, au nom de mes
collègues du comité exécutif, je vous remercie de nous
avoir entendus et nous tenterons de répondre à vos questions.
Merci!
Le Président (M. French): Merci, M. le président.
En tout cas, pour ma part, votre exposé et votre mémoire
suscitent toute une série de questions. Peut-être qu'avec la
permission de mes collègues... Allez-y, M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne: Enfin, je ne voudrais pas enlever la place du
président, s'il avait préparé certaines questions.
Le Président (M. French): Commençons donc avec une
question qui me paraît extrêmement importante. Le
déplacement de la population dont vous nous faites part dans votre
mémoire et brièvement dans vos commentaires préliminaires
amène avec lui des pertes fiscales importantes. Avez-vous des
estimations de l'importance de ces pertes fiscales d'abord sur le plan des
pertes interprovinciales et deuxièmement sur le plan de3 pertes de la
communauté vers les régions ou entre les deux couronnes, comme
vous les appelez dans votre mémoire?
M. Des Marais II: M. le Président, notre réflexion
nous a amenés à cette question. Je dois vous répondre
qu'au point de vue fiscal municipal il n'y a pas de perte et c'est un peu pour
cette raison que nous vous avons mentionné qu'il y a eu des additions au
niveau de notre rôle d'évaluation; des additions de
qualité, sans doute, et des additions de quantité parce qu'il y a
eu sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, disons
sur une période de 20 ans, des disparitions de bâtiments, des
démolitions, etc., mais il y a eu aussi beaucoup de constructions dans
le domaine résidentiel et aussi dans le domaine commercial et
industriel. Quand on voit les augmentations importantes dans notre rôle
d'évaluation, on ne vous a pas donné le détail des
additions, ce qu'on pourrait faire et que je n'ai pas avec moi, mais je vous
dirais de mémoire que l'amélioration ou la plus-value des
propriétés en fonction des valeurs marchandes compte
peut-être pour la moitié de l'augmentation du rôle en
pourcentage et que l'autre moitié vient d'additions.
Pour nous, notre potentiel fiscal et notre fiscalité, durant
cette période, se sont améliorés. Si on allait à
l'extrême - je suis sûr que les spécialistes ne
partageraient pas mon point de vue - on pourrait dire qu'un seul citoyen de la
Communauté urbaine de Montréal qui aurait à sa disposition
le rôle que nous avons serait probablement le citoyen le plus riche,
municipalement pariant, du Québec et du Canada.
Le Président (M. French): En tout cas, c'était
justement ce problème de pertes fiscales vis-à-vis de votre base
fiscale qui me préoccupait. Je vous avoue que je suis très
naïf par rapport à la démarche intellectuelle
nécessaire pour évaluer la perte, mais je me dis que, si on
n'avait pas un solde migratoire négatif et significatif, le rôle
aurait augmenté davantage puisqu'il y aurait eu plus de constructions,
un usage plus intense des bâtiments déjà disponibles, donc,
une hausse de valeur. D'abord, est-ce que c'est vrai? Deuxièmement,
est-ce que c'est possible de faire des estimations sur ce plan?
M. Des Marais II: Je suppose que ce serait possible, mais je
considère que ce seraient réellement des hypothèses. Par
exemple, s'il y avait 160 000 résidents de plus sur notre territoire
à 1, 6 résident par logement, il y aurait sans doute un plus
grand nombre de logements. Ces logements auraient une valeur de 25 000 $
à 100 000 $. Alors, on pourrait multiplier tout cela et en revenir
à une addition au rôle, mais qui n'est pas une addition
très importante.
Par ailleurs, il n'y a rien qui empêche, si ces citoyens ne sont
pas sur notre territoire, qu'ils viennent y travailler et c'est là
où on trouve les gens de l'extérieur du territoire de la
communauté qui viennent à tous les jours travailler.
Quand on considère que nos édifices commerciaux, par
exemple, au sujet desquels il y a eu de nombreuses additions au cours des
dernières années, se retrouvent avec un taux de vacance de
l'ordre de 6 %, 7 % au moment où les constructions les plus importantes
se terminent et qui rapidement se résorbe vers 4 %, 5 %, cela veut dire
que nos espaces commerciaux sont occupés. La même chose pour nos
espaces industriels où le taux de vacance est peut-être un peu
plus élevé parce que les ajustements prennent un peu plus de
temps, et cela s'inscrit probablement dans le rôle de Montréal et
de la communauté qui s'est modifié aussi aux points de vue
industriel et commercial.
Le Président (M. French): Commençons d'une autre
façon. Quels sont les coûts additionnels à la
communauté occasionnés par le déplacement de la
population, par la sous-utilisation d'infrastructures? Avez-vous
évalué cela?
M. Des Marais II: Non. Tout d'abord, M. le Président, si
vous me permettez, il faut se poser la question à savoir si nos
concitoyens sont partis ou si, simplement, ils ne sont pas là. Sans
doute qu'au cours des travaux de votre commission vous avez
réalisé que le nombre de personnes par unité d'habitation
avait diminué de beaucoup au cours des quinze dernières
années en particulier. Il y en a certainement qui sont partis mais il y
en a qui tout simplement ne sont pas là parce qu'ils sont
décédés, ils n'ont pas été remplacés
par des enfants dans les familles.
Où l'on retrouve un coût à la communauté,
c'est particulièrement dans le domaine du transport en commun. On
pourrait peut-être en retrouver un autre au niveau de l'utilisation des
infrastructures de nos villes, mais disons donc que cela s'annule probablement
par des revenus additionnels.
Où on l'a identifié très clairement au cours des
années, et cela a d'ailleurs fait l'objet de propositions de celui qui
vous parle et de la communauté au niveau d'une structure
régionale de transport en commun, particulièrement pour
répartir les revenus des gens qui viennent de l'extérieur du
territoire et qui utilisent notre réseau où, de mémoire,
le coût de chaque voyageur est d'un dollar et quelque chose tandis que le
revenu est d'à peu près 0, 46 $, la différence
étant répartie entre les subventions et l'apport municipal, c'est
surtout dans le transport en commun, M. le Président.
Le Président (M. French): En termes extrêmement
crus, l'essentiel du message ou, en tout cas, le point le plus important pour
vous, et c'est un travail de longue haleine comme vous le savez, c'est de
sensibiliser la commission, la population et le gouvernement au fait qu'il ne
serait pas possible ou qu'il serait très difficile ou au moins injuste
envers les contribuables de la communauté de continuer à fournir
toute l'infrastructure qui est la vôtre sans qu'il y ait une contribution
accrue des deux couronnes.
M. Des Marais II: Particulièrement, M. le
Président, dans le domaine du transport en commun; on sort
peut-être des préoccupations de votre commission, mais
particulièrement...
Le Président (M. French): Non, mais je crois que ce sont
vos préoccupations, par exemple.
M. Des Marais II: Oui; aussi, notre réflexion nous a
amenés à nous dire qu'il ne fallait quand même pas s'en
aller à l'extrême et que notre population continue à
diminuer tel que les prévisions semblent l'indiquer. J'insiste beaucoup
là-dessus, M. le Président, parce qu'au cours de nos travaux
-
sans doute vos spécialistes pourront vous indiquer si nous
avions raison ou pas - on s'aperçoit qu'on doit traiter les
prévisions avec beaucoup de délicatesse parce que dans ce domaine
on voit que les prévisions se modifient de façon très
considérable sur de très courtes périodes. On est
obligé de travailler avec ces prévisions-là mais on
s'aperçoit par ailleurs qu'au niveau de notre territoire les gens sont
là quand même. Il n'y a pas de logements vides, il n'y a pas de
commerces vides, il n'y a pas d'édifices commerciaux vides, il n'y a pas
d'édifices industriels en grande quantité qui sont vides. Alors,
on se dit: Tout le monde est occupé, tout le monde est là, on
occupe probablement plus d'espace qu'on en occupait il y a 50 ans; tout le
monde est heureux.
Le Président (M. French): II n'y a pas de
sous-utilisation, il y a le problème de répartition du fardeau
fiscal par rapport à l'utilisation des services.
M. Des Marais II: Exactement.
Le Président (M. French): Je voudrais bien aborder un
autre sujet, mais M. le député de Mille-Îles, qui a
probablement entendu parler des deux couronnes, est très
intéressé, parce qu'il représente un comté dans une
des deux couronnes...
M. Champagne: J'aimerais que vous identifiiez réellement
les deux couronnes.
Le Président (M. French): Les deux couronnes sont
l'île de Laval, d'une part, et la rive sud, d'autre part.
M. Champagne: Ah, c'est cela. Je pensais que cela allait
même aux Basses-Laurentides. Enfin, il s'agissait de délimiter les
deux couronnes.
Le Président (M. French): C'est cela.
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le président de la
communauté urbaine, d'avoir présenté votre mémoire.
Je m'étais attardé à votre conclusion de la page 39. Vous
avez présenté votre résumé ce soir, mais à
la page 39 de votre mémoire - j'ai lu cela; cela m'a jeté un
froid dans le dos - on dit: "Depuis au moins dix ans, tous les facteurs
démographiques combinés convergent vers une baisse de la
population du territoire de la communauté. " On donne les facteurs
suivants, à savoir: "les taux de croissance de la population du Canada
et de celle du Québec sont en baisse depuis 1951; l'accroissement
démographique du Québec est en régression; les taux de
croissance de la communauté sont en baisse; l'indice de
fécondité est à la baisse; le centre-ville se
dépeuple; le vieillissement de la population; le solde
migratoire négatif du Québec et de la communauté en
termes de mouvements interprovinciaux; la contre-urbanisation. " Qu'est-ce que
cela amène? Un affaiblissement de sa capacité de payer et
d'utiliser des services publics du territoire.
Je ne suis pas resté indifférent, voyant une espèce
de cri d'alarme que vous envoyez. Mais j'étais à me demander:
Est-ce que la Communauté urbaine de Montréal, face à cette
étude, à cette constatation et à cette prospective, a pris
le taureau par les cornes, comme on pourrait dire? Je voudrais savoir ce que
vous avez fait pour avoir une politique d'immigration pour qu'on revienne
à la ville, ce que vous avez fait comme politique du logement. Je sais
bien que j'ai entendu parler des 20 000 logements, mais qu'est-ce que cela a
donné? Est-ce que cela ne réglera pas le problème? Je
pousse plus loin, je ne sais pas si c'est du domaine de la communauté
urbaine, est-ce que vous avez quand même, comme représentant de
tout un grand territoire, une politique familiale?
M. Des Marais II: M. le Président, M. le
député, tout d'abord il y a eu des efforts dans le domaine du
logement qui sont la responsabilité de nos villes; ce n'est pas la
responsabilité de la communauté que le logement. C'est la
responsabilité des villes. D'ailleurs, c'est la ville de Montréal
qui s'est lancée dans cette opération de 20 000 logements avec un
bon succès; la ville a rentabilisé des terrains qui lui
appartenaient ou qu'elle a acquis dans d'autres cas. C'est ce qui a permis une
construction sans doute plus accélérée sur son territoire.
Nos autres villes aussi ont continué à se développer, tout
en se rappelant qu'il y en a plusieurs qui ont atteint le développement
immobilier pratiquement ultime, par exemple, des villes comme Westmount,
Outremont, Mont-Royal, Montréal-Nord. Ce sont des villes qui sont
pratiquement complètement construites. Alors, on pourrait
peut-être amener un peu plus de densité, mais pas beaucoup.
Le développement domiciliaire se répartira sans doute dans
l'ouest de l'île où il y a encore un certain nombre de terrains
disponibles, dans l'est, en particulier dans Rivière-des-Prairies et
Pointe-aux-Trembles où les développements... Mais, quand on
regarde ces développements, qui ne sont pas dans des zones à
haute densité, il faut bien dire que, sur un acre de terrain, on ne
retrouve pas un très grand nombre d'habitants. Ce n'est probablement pas
là, nécessairement, que cela réside. Il y a des
opérations de rentabilisation de bâtiments qui sont en marche au
centre-ville, où on retrouve aussi certaines personnes qui veulent vivre
là dans des conditions différentes de celles de la
périphérie ou de la banlieue. Cela dit, pour nous, je vous le
répète, au niveau municipal, nous nous inquiétons que nous
ayons moins de citoyens. Mais, au point de vue de notre richesse, on n'y a pas
perdu, on y a trouvé notre compte. Quand on voit que le taux... Je
mentionnais tantôt que le taux théorique de taxation des services
de la communauté - services qui ont augmenté au cours des
années puisque nous avons mis en marche, par exemple, notre usine
d'épuration des eaux, ce sont des coûts qui n'existaient pas
auparavant - a baissé. (19 h 45)
Vous nous demandiez ce que nous faisions. On le fait au chapitre du
développement économique. La communauté a une
responsabilité dans le développement économique, nous
avons un Office d'expansion économique qui, en collaboration avec les
villes, s'occupe de promouvoir, à l'extérieur de notre territoire
- nous sommes présents presque partout dans le monde de façon
occasionnelle - le fait que la Communauté urbaine de Montréal est
un endroit intéressant pour s'installer, pour y faire des affaires, pour
installer son usine et je pense qu'on l'a fait avec succès au cours des
années.
Votre dernier point: qu'est-ce qu'on fait du domaine familial? Je dois
bien avouer que, au plan collectif, ce n'est pas notre responsabilité,
M. le Président.
Le Président (M. French): II faut dire que le
président a fait sa part.
M. Champagne: Mais la Communauté urbaine de
Montréal a quand même des responsabilités pour - je ne sais
pas -favoriser l'emplacement de garderies et des services à la
communauté au point de vue familial. C'est dans ce sens que se voulait
ma question.
M. Des Marais II: M. le Président, c'est une
responsabilité qui appartient aux villes. Ce n'est pas une
responsabilité de la communauté. J'ai mentionné souvent -
peut-être pour expliquer ma réponse - qu'il était
important, chez nous, de bien déterminer les responsabilités de
chacun. Les responsabilités qui sont de nature métropolitaine
appartiennent à la communauté; les responsabilités qui
sont propres aux villes sont assumées par les villes et sont bien
assumées dans la plupart des cas. Ce que vous mentionnez - le cas des
garderies - je sais que la plupart des villes ont rendu, par des modifications
à leur règlement de zonage, possible l'établissement de
garderies dans plusieurs secteurs. Je pense que nos villes, même si ce
n'est pas notre responsabilité, ont fait ce qu'elles avaient à
faire dans ce domaine.
M. Champagne: Cela peut aller assez loin quand même. Cela
va jusqu'au contrevenant qui, à un moment donné, dans
des édifices à multiples logements - cela arrive, on
entend parler de cela - n'accepte pas de familles avec des enfants. Enfin, je
pense que la politique de la famille, en règle générale,
soit dans des règlements, dans des services à la
communauté et à la famille, dans la récréation,
dans les parcs pour favoriser l'amusement des enfants - je ne veux pas vous
donner une leçon - c'est une préoccupation de tous les citoyens
et, à plus forte raison, d'une communauté urbaine et de tous les
maires des municipalités.
M. Des Marais Il: M. le Président, M. le
député a touché un sujet qui est le nôtre, qui est
de notre responsabilité: les parcs régionaux. Nous l'assumons,
notre responsabilité. Avec la collaboration financière du
gouvernement du Québec, nous avons mis sur pied un programme de parcs
régionaux, en laissant aux villes le soin d'assumer la
responsabilité des parcs locaux. Nous avons acquis la majorité
des terrains qui avaient été identifiés, nous avons
adopté, tout récemment, un règlement d'emprunt pour nous
permettre l'aménagement de ces parcs qui devrait être
terminé dans les années qui viennent et qui répondrait
sans doute à cette question que vous posez dans le domaine des parcs
régionaux et du loisir.
M. Champagne: Je suis un Montréalais de naissance, j'ai
émigré à Laval, j'allais demander ce que vous allez offrir
à un ancien Montréalais - j'allais dire - pour me
récupérer en voulant dire: Est-ce que Montréal - c'est
bien sûr avec les 20 000 logements, cela a été une
politique, cela peut être dans le domaine du transport... Qu'est-ce que
vous allez faire pour récupérer les personnes qui ont
été portées vers l'exode du centre-ville de
Montréal ou d'autres? Est-ce que vous avez une politique à ce
sujet?
M. Des Marais II: M. le Président, tous les gestes
posés par la communauté urbaine et par les villes sont
convergents, en ce sens que chacun, dans son domaine, veut améliorer la
qualité des services, améliorer la qualité...
Peut-être - si je prenais un exemple qui, comme tous les exemples, peut
être boiteux - qu'il y a vingt ans quelqu'un voulait quitter le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal parce que,
pouvait-on dire, l'atmosphère était polluée mais,
aujourd'hui, ce n'est plus le cas et les indices de pollution, je suis
convaincu, à Montréal, dans le centre-ville, ne sont pas plus
élevés que dam les environs, que dans la couronne. C'est un
problème qui a été réglé.
La question du transport routier. Il y a 20 ans, 25 ans, les autoroutes
qui ont été construites depuis ce temps n'existaient pas. Elles
existent aujourd'hui. Elles permettent évidemment de voyager sur le
territoire; elles permettent aussi - et c'est le côté
négatif - aux gens d'aller vivre à l'extérieur et de
voyager plus rapidement. Nous avons un système de transport en commun
qui est hors pair et dont on aura l'occasion de parler plus en détail
dans les mois qui viennent pour indiquer comment, en comparaison pratiquement
avec toutes les villes nord-américaines, nous avons le meilleur service,
la plus grande qualité, la plus grande quantité de services. Ce
sont ces choses que nous voulons mettre de l'avant pour indiquer aux gens: Si
vous revenez à Montréal ou si vous voulez y demeurer, vous allez
y trouver des avantages. C'est sûr que si vous voulez exploiter une
ferme, quoiqu'il y en ait chez nous encore, ce n'est pas le bon endroit; mais
venez si vous voulez vivre plus près des grandes activités, tout
en n'étant pas dérangé, dans une ville et une
communauté qui sont extrêmement sécures, il faut bien le
dire - on peut se promener dans le centre-ville de Montréal à
n'importe quelle heure du jour ou de la nuit sans être molesté, de
façon générale. Je pense que ce sont ces positions que
nous allons mettre de l'avant afin d'indiquer que cela devient un bon endroit
et, sans forcer les gens, parce que je crois à la liberté de tout
un chacun d'aller vivre là où il le veut.
Il est sûr que des éléments comme -M. le
Président, si vous me le permettez, cela ne fait pas partie du
mémoire, mais étant donné les questions qui me sont
posées par M. le député - l'élimination du
péage sur les autoroutes, c'est quelque chose avec lequel, comme
Montréalais, on ne peut pas être totalement en accord parce qu'on
se dit que cela ne permet que l'étalement, puisque ce sera plus facile
d'aller vivre plus loin à pas plus cher, si on n'est pas appelé
à payer son écot. Je sais que nos concitoyens de Laval ne
partagent pas cette opinion. C'est une décision qui n'est pas la
nôtre, mais il faut bien constater que cela n'aide pas le territoire de
la Communauté urbaine de Montréal.
M. Champagne: Vous pourriez avoir une réponse à
cela, M. le président de la Communauté urbaine de
Montréal, si vous acceptiez d'avoir une carte intermodale au point de
vue du transport. Peut-être que les Lavallois qui ne paieraient qu'un
transport auraient plaisir à aller au centre-ville le plus souvent
possible.
Une voix: Vous ne vivriez pas là?
M. Champagne: Un dernier élément, M. le
Président. Vous parlez aussi du vieillissement de la population. En
1981, c'était 11, 5 % et, en 1996, ce sera 17 %. Sûrement que cela
aura quand même un impact sur le territoire. Avez-vous fait des
études à ce sujet? Qu'est-ce que vous pensez mettre en
place au point de vue des services, considérant que la population sera
vieillissante dans quelques années, dans un pourcentage assez
élevé?
M. Des Marais II: De mémoire, il n'y a pas de services
particuliers. Encore une fois, ce n'est pas une responsabilité de la
communauté. Dans nos villes, se développent, au fur et à
mesure, des activités qui s'adressent plus particulièrement
à ces gens. Que ce soit des jardins communautaires qui sont
réservés à des gens du troisième âge, ou la
possibilité de construire des maisons pour des personnes du
troisième âge, cela s'est fait au cours des années.
Le Président (M. French): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Si vous le voulez bien, on va rester dans la
conclusion. C'est vrai que le début de la conclusion était un peu
pessimiste, mais à la page 40 vous vous ressaisissez très bien.
Vous demandez un peu d'aide des gouvernements, qui vous a été
fournie, d'ailleurs, comme vous le dites dans le premier paragraphe, pour des
infrastructures vraiment importantes et coûteuses. Vous voulez qu'il y
ait du monde pour exploiter le plus possible ces infrastructures.
Dans le paragraphe suivant, vous faites votre choix pour
vous-même. Vous nous dites que la communauté a choisi et
préconise la consolidation du tissu urbain à l'intérieur
du périmètre urbanisé actuel et le
réaménagement accéléré de l'île de
Montréal. C'est tellement simplifié que j'aimerais que vous
développiez un peu votre choix pour garder et augmenter si possible
notre population.
M. Des Marais II: Cela se retrouve tout d'abord dans une
décision du gouvernement du Québec quant à l'option
préférable d'aménagement de l'île de Montréal
qui est le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Cela
a été exprimé au début de 1977 par le gouvernement
du Québec. Les gestes qui ont été posés depuis ce
temps étaient en concordance avec cette expression d'opinion. Où
on retrouve particulièrement notre niveau, c'est dans les propositions
du schéma d'aménagement qui permettent ou qui favorisent cette
consolidation du territoire et qui empêcheraient un étalement plus
grand.
Comme vous le savez, le schéma d'aménagement a fait
l'objet de longues discussions et d'études avec mes collègues du
conseil de la communauté; c'est un processus qui est long, complexe mais
qui avance bien et qui nous mènera vraisemblablement à une
adoption finale l'an prochain. Si cela se développe de la façon
dont cela a été accepté de façon
préliminaire, on retrouvera dans le schéma d'aménagement
cette consolidation du tissu urbain pour notre territoire. C'est un peu ce que
ce court paragraphe veut dire.
M. Hains: Je vous rends hommage et je rends hommage aussi
à mon bon compagnon, M. Yvon Lamarre. C'est que depuis quelques
années Saint-Henri n'est presque plus reconnaissable. Les gens me
disent, des fois: Ne me dis pas que tu es député de Saint-Henri,
en voulant dire: Tu n'as pas choisi le plus bel endroit. Je leur dis alors:
Revenez dans Saint-Henri et vous allez voir que Saint-Henri, depuis quinze ans,
n'est plus reconnaissable. Je me dis que dans quinze ans cela deviendra un
endroit sélect de Montréal tout aussi bien que Westmount.
Voyez-vous?
M. Des Marais II:... espère-t-on.
M. Hains: Cela dit, vous continuez, à la fin de votre
conclusion, et vous demandez encore une plus grande coopération au point
de vue gouvernemental. Est-ce que vous pourriez là aussi nous dire un
peu en quoi vous aimeriez que le gouvernement davantage vous aide
davantage?
M. Des Marais II: Je dois dire encore une fois, après
cette déclaration du gouvernement de l'option préférable
d'aménagement et les gestes qui ont été posés,
qu'on considère qu'il y a eu convergence. C'est simplement de rappeler,
à l'occasion du dépôt de ce mémoire, au gouvernement
que, l'île de Montréal, le territoire de la Communauté
urbaine de Montréal étant le moteur économique du
Québec, il faut se poser la question si en fonction de cette diminution
de population on voit là des signes d'affaiblissement. Si oui, quels
gestes faudrait-il poser? Je pense que c'est plutôt au gouvernement de
déterminer lui-même ce qu'il veut faire. J'ai mentionné
tantôt qu'au niveau municipal, peut-être très
égoïstement, on s'aperçoit que notre économie et
notre actif se sont améliorés au cours des dernières
années. Si on était venus ici vous présenter des
statistiques qui indiquaient que notre potentiel fiscal, que notre rôle
d'évaluation avait diminué de 50 %, soit par une diminution de la
valeur des propriétés ou la démolition, je pense qu'on
serait beaucoup plus inquiets que nous le sommes actuellement. C'est simplement
pour situer et rappeler cette baisse de population qui est importante à
ce point que votre commission a décidé de se pencher sur cette
question.
Le Président (M. French): M. le député de
Saint-Jean? Non? Je voudrais poursuivre dans les traces de mes deux
collègues. Je ne
veux pas vous acculer au pied du mur, mais il me semble qu'il y a une
curieuse inégalité entre le mémoire et l'intervention du
président de la Communauté urbaine de Montréal, en ce sens
que le mémoire nous invite à réfléchir de
façon assez soutenue sur un avenir démographique et sur un
passé immédiat, qui est aussi évoqué, qu'ici tout
n'est pas noir, mais ce n'est certainement pas un avenir comparable à
celui de la ville de Toronto. En gros, avec les inconvénients et les
avantages, si, sur le plan démographique et économique,
Montréal semblait avoir un avenir semblable à celui de Toronto,
je pense que tout le monde serait un peu moins inquiet. Ce n'est pas que je dis
qu'elle fait mieux que nous dans le sens qu'il y aurait des vertus
intrinsèques, inhérentes à Montréal par rapport
à Toronto, et vice versa. C'est plutôt qu'il y a là
matière à réflexion importante.
Cependant, il me semble que par votre présence ce soir vous
reculez devant nos tentatives de vous inviter à nous aider quant au
problème de la population de la région de Montréal. De ce
qu'on peut toucher et comprendre en tant qu'homme politique ou femme politique,
c'est surtout le problème de payer les services du transport en commun
de la région de Montréal, ce qui est un problème
important, mais qui n'épuise pas, il me semble, tous les enjeux de
l'avenir démographique de l'île de Montréal.
Peut-être que cela aiderait si je vous invitais à commenter
à titre personnel et non pas à titre de président, si je
vous assurais que la commission - et, j'espère, la presse qui nous
écoute - ne considère pas ce que vous dites en réponse
comme une politique de la communauté, mais plutôt comme une
opinion personnelle ou les idées personnelles du président. (20
heures)
Encore une fois, je vous invite à nous faire part, au-delà
de la question des relations fiscales entre les couronnes, les villes de
banlieue et l'île de Montréal, si vous pouvez nous offrir d'autres
idées, d'autres pistes que nous pourrions suivre en tant que commission
afin de renverser un peu les tendances démographiques qui se dessinent
à la fin de votre mémoire. Après tout, vous
évoquez, par exemple, que, depuis cinq ou dix ans, la ville de Toronto a
repris 1 % de l'importance relative dans la population du Canada que la ville
de Montréal a perdue. J'ai été frappé par cette
consonance, même si je sais qu'il n'y a aucune relation de cause à
effet démontrée, mais il n'est pas difficile d'en faire une
hypothèse et vous faites quasiment dans votre mémoire la
même hypothèse que celle que j'évoque.
Il me semble que ça devrait nous inquiéter et
inquiéter plus particulièrement le président de la
communauté urbaine. Je vous rappelle que le maire de Westmount n'est pas
équipé pour réfléchir là-dessus. Même
l'administration de la ville de Montréal n'est pas très
équipée pour y contribuer. Il me semble que, s'il y a une
entité autre que le gouvernement de la province qui peut parler pour la
région montréalaise, elle est devant nous. Je vous invite, tout
en répétant que je ne vous invite pas à nous donner les
politiques établies, discutées et acceptées par tous les
intervenants de la communauté, à nous donner vos idées
personnelles ou les hypothèses qu'on peut émettre, même
sans les endosser devant ce genre de problématique.
M. Des Marais II: Je vous remercie, M. le Président, mais
vous savez qu'il est difficile de dissocier un intervenant,
particulièrement à une commission... Je ne suis pas ici comme
individu mais particulièrement à titre de président du
comité exécutif de la communauté.
Je dois vous avouer que je ne pourrai pas vous répondre, ni
à titre personnel, ni dans le poste que j'occupe, et voici pourquoi.
Dans un premier temps, cette réflexion, aidée par des
techniciens, s'est amorcée chez nous il n'y a que quelques
années. Les outils dont nous disposons, nous ne sommes pas sûrs
qu'ils soient complètement exacts. Souvent on se pose des questions sur
Ies dix ans de recensement. La comparaison avec Toronto, je l'ai
étudiée pour comparer par exemple les zones de recensement. Quand
on dit Toronto et Montréal, comme vous le savez, M. le Président,
on ne parle pas de la ville de Toronto ou de la ville de Montréal, ni de
la région métropolitaine de Toronto ou de la Communauté
urbaine de Montréal. On parle d'une zone de recensement selon des
critères déterminés par les spécialistes. On
s'aperçoit que d'un recensement à l'autre ces zones varient
légèrement. Elles incluent ou pas certaines agglomérations
à l'extérieur du territoire selon, si je me rappelle bien, le
critère d'un certain nombre de personnes qui oeuvrent dans ces secteurs
dans le territoire central.
Je dois vous dire que nous n'avons pas complété cette
démarche et ces études pour déterminer en fonction de
quoi, par exemple, 1000 citoyens d'une agglomération en
périphérie dans le recensement d'il y a dix ans ne se retrouvent
plus aujourd'hui dans la zone de recensement de Montréal ou de Toronto
parce qu'ils travaillent chez eux, qu'une usine s'est construite là,
etc. On n'a pas complété notre réflexion là-dessus
et nous allons sans doute continuer à nous pencher là-dessus.
D'autre part, je vous répète, M. le Président, et
j'ajoute ce renseignement additionnel, que, quand je vous parle de notre valeur
foncière, on s'inquiète moins parce que des statistiques nous
indiquent
aussi que notre taux d'émission de permis de construction sur le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal est le double,
depuis les deux dernières années, de n'importe quel autre
territoire au Canada.
Le Président (M. French):...
M. Des Marais II: En pourcentage, en chiffres de dollars
d'évaluation.
Le Président (M. French): En chiffres de dollars
d'évaluation potentielle d'un bâtiment construit.
M. Des Marais II: Exact. On pourrait dire que tous les permis
émis ne mèneront pas nécessairement aux bâtiments
éventuellement. Il y a des gens qui vont chercher un permis et qui ne
construisent pas, mais cela vaut partout. L'un portant l'autre, c'est aussi bon
à Halifax qu'à Vancouver ou à Toronto. Quand on parle du
double, on peut se dire que notre territoire est en plein
développement.
Notre développement économique est présent. C'est
peut-être un peu pour ça que, quant à la question
démographique, on se dit: Bon, il y a moins de monde, mais ce
n'était pas pour nous une question très très prioritaire.
C'est une question qui nous préoccupe, nous allons continuer notre
réflexion là-dessus et en faire part à cette commission ou
à qui de droit en temps utile. Encore une fois, l'exercice du
schéma d'aménagement nous a amenés, pour la
première fois, à faire un peu une projection au niveau de la
communauté, au niveau de nos villes et cet exercice n'est pas
terminé, il prend du temps, mais c'est peut-être mieux que cela
prenne du temps, que cela se fasse bien pour que nous ayons des données
qui soient exactes.
Le Président (M. French): Je retiens que ce qui
préoccupe surtout la Communauté urbaine de Montréal - et
je soupçonne que ce sera la même chose pour la Communauté
urbaine de Québec - c'est la conscience démographique avec
laquelle le gouvernement supérieur essaie de diviser ou de
répartir les coûts de l'agglomération montréalaise.
Vous voudrez demander aux décideurs d'être très conscients
des réalités démographiques au-delà de ce que
l'histoire nous a légué en termes de municipalités
structurées ou de communautés urbaines structurées.
Autrement dit, notre structure est toujours de dix à quinze ans en
arrière des réalités démographiques et des
réalités du transport et tout cela. Vous nous invitez, je pense,
à être très conscients de cela; d'une part, à
respecter les axes de développement que vous avez identifiés dans
notre schéma d'aménagement et, d'autre part, à être
très conscients, surtout pour ce qui est du trans- port en commun, de la
répartition du fardeau du coût du réseau.
M. Des Marais II: M. le Président, c'est de rappeler cela
et de rappeler aussi - parce qu'on s'imagine que les gens sont toujours bien au
fait - l'importance du moteur économique que sont l'île de
Montréal et le territoire de la Communauté urbaine de
Montréal pour le Québec.
Le Président (M. French): Là, vous ouvrez encore la
porte que je veux vous voir franchir et vous refusez de le faire. Oui, je veux
bien la promotion économique, c'est d'accord... J'ai remarqué
cela, M. le député. Mais j'imagine, par exemple, que, devant une
population vieillissante, vous auriez pu nous dire que la communauté
voudrait voir un gouvernement provincial plus agressif sur le plan de
l'immigration et que cela vous aiderait, surtout si c'étaient des
immigrants investisseurs, avec la possibilité de créer des
marchés, marchés qui vont changer radicalement si la structure et
l'âge de la population continuent de changer. Après tout, vous
avez une industrie du vêtement très importante qui, avec le
vieillissement et certains changements technologiques et tout cela, est
menacée. On peut imaginer qu'une population plus jeune serait meilleure
pour cette industrie. J'émets des hypothèses "off the top of my
head". Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Je peux imaginer un certain
nombre de choses que vous pourrez nous dire à partir de l'analyse de vos
besoins économiques dans laquelle entreraient des données
démographiques qui alimenteraient nos réflexions.
M. Des Marais II: M. le Président, je solliciterai une
invitation à poursuivre vos travaux pour répondre à cette
question-là.
Le Président (M. French): Une dernière question de
ma part. Certaines villes américaines ont vécu un peu le
même genre de problèmes. Avez-vous étudié un peu ce
qu'elles ont fait pour freiner les problèmes qu'on a
évoqués ou essayer de rebâtir les centres-villes comme
"contre-attractions"? Cela vous concerne-t-il? Est-ce surtout la ville de
Montréal qui est concernée?
M. Des Marais II: M. le Président, si on regarde les
villes américaines qui ont subi beaucoup plus que nous des exodes de
population et particulièrement une détérioration de la
qualité de la vie dans leur périmètre - je n'ai pas
l'intention de nommer des villes, nous les connaissons tous les villes
américaines où cela s'est réellement
détérioré - on s'est aperçu qu'il y avait dans
certains cas des promotions technologiques qui ont aidé
l'économie du lieu, mais, si on visite ces villes-là, on
s'aperçoit que c'est par l'amélioration de la
qualité de la vie, la construction, l'amélioration des
infrastructures, l'ouverture vers les plans d'eau, quand il y en a, que ce soit
l'océan, les lacs et les rivières, la revitalisation des vieux
ports, les activités de loisirs qui sont plus importantes... Si on les
prend une à une, on s'aperçoit que là où cela a
recommencé à fonctionner, c'est que ces
éléments-là se sont retrouvés. Chez nous, nous
avons l'avantage que cela ne s'est pas détérioré de
façon considérable. On a vu une amélioration constante de
la qualité de la vie sur notre territoire, avec une rapidité plus
ou moins grande, selon les périodes, des constructions d'infrastructure,
des ouvertures, etc., qui font encore une fois que nos concitoyens... On
pourrait dire que le fardeau fiscal est important pour celui qui veut
s'installer, mais beaucoup plus l'environnement dans lequel il est, lui et les
siens, fait que cela l'intéresse plus de s'installer dans le
centre-ville de Montréal, dans le Vieux-Montréal, à
Pointe-Claire, à Montréal-Est, dans Westmount, à
Outremont, etc. C'est là où on se sent le mieux à des
coûts à peu près équivalents. Quand les coûts
sont équivalents - c'est un peu pour cela que je vous mentionnais
tantôt la question du transport en commun - il faut que ces coûts
demeurent. Les gens ont tendance à aller là où il y a le
plus d'attractions et nous pensons que, sur le territoire de la
communauté, c'est là où il y a le plus d'attractions, sans
doute.
Le Président (M. French): Certains intervenants, des
démographes surtout, qui sont venus devant nous ont évoqué
- je reviens à ma première question - la perte de population du
centre-ouest de Montréal par les migrations interprovinciales. Ils
disaient qu'on ne sait pas vraiment pourquoi cette perte s'est faite, mais que,
sûrement, cela a affecté et affectera beaucoup l'avenir de la
communauté urbaine. Je veux bien que votre base de taxation reste
relativement forte. N'est-il pas inquiétant de voir 100 000 personnes
par quinquennat partir? Quelle attitude la Communauté urbaine de
Montréal adopte-t-elle devant ce phénomène? Est-ce qu'elle
essaie tout simplement de reconnaître cela et de dire que c'est
essentiellement la responsabilité d'une autre juridiction? Est-ce que la
communauté serait prête à endosser des mesures plus
agressives pour garder ces personnes-là? Je vous pose la question et je
ne veux pas vous faire parler de choses que vous trouvez trop
controversées.
M. Des Marais II: Pas du tout, M. le Président. Dans ce
domaine, nous avons assumé une responsabilité. Nous avons
trouvé que certains de nos concitoyens se posaient des questions sur la
qualité de la vie sur notre territoire pour toutes sortes de raisons qui
dépassaient, dans certains cas, de beaucoup la responsabilité
municipale. Nous avons produit un film qui donne des témoignages de gens
qui vivent ou qui sont venus vivre sur le territoire de la communauté.
C'est un film qui, si votre commission décidait de le visionner, est
très intéressant. Je pense que c'est un film d'une durée
de 15 ou 20 minutes. Il fait dire - ils le font de façon absolument
libre - à des gens qui travaillent soit dans des industries de haute
technologie, soit dans le domaine bancaire: "I love being here", "J'y suis
depuis cinq ans, depuis dix ans, depuis quinze ans", "C'est un endroit
extraordinaire", "Je me trouve bien dans mon milieu de travail", "Je me trouve
bien comme professionnel". Il y a un ingénieur, entre autres, dans le
film qui vient dire comme il se trouve dans une atmosphère, dans son
bureau d'ingénieur qui a une vue "mondiale", à toutes fins
utiles, comme il est bien et comme il est bien, lui et sa famille, dans le
centre-ville de Montréal, là où il réside, dans sa
maison. Nous avons huit ou dix témoignages de cet ordre-là. Au
niveau personnel, nous sommes intervenus et nous présentons ce film sur
Montréal. Ce film est utilisé par des industries, des entreprises
qui ont à faire bouger du personnel de différentes provinces ou
de différents pays.
Nous avons aussi publié une brochure qui s'appelle
Décision Montréal. Des présidents de grandes
sociétés qui oeuvrent à Montréal nous ont
donné des témoignages absolument extraordinaires sur la
façon dont on faisait les affaires chez nous, la qualité de la
vie, tout ce qu'ils y retrouvaient. Évidemment, chaque ville fait sa
promotion économique, mais je dois dire qu'en comparaison avec toutes
sortes de dépliants que j'ai vus de toutes sortes de villes, en
particulier en Amérique du Nord, c'est probablement - je le dis sans
fausse modestie celui dans lequel on retrouve les témoignages les plus
sincères et les plus importants. Dans ce domaine, à notre office
d'expansion économique, nous sommes très actifs pour montrer ce
que nous avons. Une fois qu'on l'a montré et démontré, on
s'aperçoit que les gens viennent investir, viennent vivre à
Montréal, viennent chez nous.
On a beaucoup parlé de l'évolution du centre des affaires
du Canada vers Toronto, et je suis sûr que vous en avez parlé avec
de plus grands spécialistes que moi, mais c'est un mouvement
nord-américain. On l'a vu de Boston à New York vers Chicago, vers
la côte ouest. Je pense que, dans cette évolution,
Montréal, la Communauté urbaine de Montréal et tout notre
environnement se retrouvent - nous le voyons aujourd'hui - et se retrouveront
en très bonne situation dans un endroit où il fera
extrêmement bon vivre et où on va retrouver tous les services,
à
toutes fins utiles. (20 h 15)
Évidemment, on ne retrouvera pas les mines - on ne retrouvera pas
cela chez nous - mais on va retrouver les services financiers normaux. Il y en
aura à Toronto, il y en aura ailleurs. On a vu au cours des
dernières années l'expansion de la Bourse de Montréal, qui
vient de l'initiative de certaines personnes. On a vu que nous étions
présents dans ces domaines. On a vu l'évolution des
Québécois qui se sont intéressés aux choses que
nous offrons, qui sont à Montréal aujourd'hui dans des domaines
où ils étaient absents il y a plusieurs années. Alors,
à mon avis, notre territoire aujourd'hui, pour les gens qui y vivent,
est favorable, de meilleure qualité qu'il l'était il y a25 ans et de moins bonne qualité qu'il le sera dans 25 ans, j'en
suis convaincu, M. le Président.
Le Président (M. French): Je retiens de cela un refus de
l'alarmisme ou du pessimisme et un optimisme que je partage entièrement
sur le plan économique quant à l'atmosphère pour le monde
des affaires à Montréal, à la Communauté urbaine de
Montréal.
Une autre question. Le vieillissement de la population de la CUM doit
avoir des implications importantes, il me semble, sur le schéma
d'aménagement et le développement de la ville. Est-ce que cela a
été -c'est peut-être à M. Gravel de répondre
- un facteur important dans... Est-ce que cela entre encore en ligne de compte
ou est-ce que c'est trop prématuré d'essayer de voir toutes les
implications de ce phénomène qui est nord-américain mais
qui est aigu, comme vous le démontrez dans votre mémoire, pour la
Communauté urbaine de Montréal?
M. Gravel (Guy): Oui, M. le Président, comme mon
président le disait tantôt, le schéma d'aménagement
est en cours de fabrication. C'est un document évolutif. Nous avons
déposé une version préliminaire. C'est un document qui se
raffine. La version définitive sera produite dans quelques mois.
Évidemment, ces données qui vous sont présentées ce
soir sont raffinées continuellement. Les études se poursuivent.
Nous savons que le vieillissement de la population commande, par exemple, des
équipements qu'on ne retrouvait peut-être pas en aussi grand
nombre sur notre territoire. Ces choses font l'objet de nos
préoccupations.
Quand je parlais tantôt d'accessibilité d'un plus grand
nombre de citoyens, par exemple, à des équipements de transport,
d'une part pour les rentabiliser et d'autre part pour les rendre accessibles
à ces gens qui en ont le plus besoin, c'est un petit peu plus loin dans
le schéma d'aménagement et surtout vers la version
définitive qu'on retrouvera une volonté de répartir ces
nouveaux équipements ou ces équipements additionnels et de les
conjuguer avec des éléments qui sont déjà en place,
toujours avec le but ultime que poursuit le schéma d'aménagement
d'améliorer cette qualité de la vie sur l'ensemble du
territoire.
Je comprends qu'uniquement l'ensemble de la population de la
communauté ne devrait pas avoir ces équipements à sa
charge. Je pense qu'il va falloir à un moment donné se pencher
sur des phénomènes comme ceux-là où des populations
vieillissent plus rapidement dans certains secteurs et les populations jeunes
se retrouvent ailleurs. Il faut, je pense bien, créer un
équilibre et, quand cet équilibre sera atteint, je pense qu'on
aura une mosaïque qui rendra la vie d'autant plus intéressante. Je
ne peux pas aller plus loin que cela ce soir, mais cela fait partie de
l'ensemble des préoccupations qu'on voudra retrouver dans nos
propositions à venir.
Le Président (M. French): Merci, M. Gravel. M. le
président, avez-vous quelque chose à ajouter? Alors, M. le
député de Saint-Henri.
M. Hains: Je voulais seulement dire ceci. Au point de vue du
dépeuplement de la ville et de la communauté, on peut dire qu'on
demeure un peu inquiet. Au point de vue de la valeur foncière, vous en
êtes très très fier, je pense bien, et cela va de mieux en
mieux. Votre choix est donc d'améliorer surtout la qualité de
vie. C'est marqué ici: "Pour attirer de nouveaux résidents et, en
même temps, garder ceux qu'on a. " Et, pour cela, vous bâtissez
beaucoup. On rénove le milieu. Il y a des arbres, des fleurs, des parcs,
le port, tous les équipements culturels. Les gouvernements, comme on le
disait aussi, investissent beaucoup dans les grosses infrastructures. Je vous
demande combien de temps vous vous donnez, messieurs, pour réaliser ce
beau plan de réaménagement afin qu'on puisse dire un jour que la
fierté a une communauté, celle de Montréal.
M. Des Marais II: M. le Président, je pense qu'on pourrait
dire aujourd'hui que cette fierté se retrouve partout sur le territoire.
Il faut bien dire que tous les éléments que vous avez
mentionnés, M. le député, sont déjà en
cours. Si on venait ici en vous disant: Nous avons un beau plan, nous allons
commencer demain et, dans X années, ce sera terminé, on dirait:
peut-être. Mais, tout ce que nous avons mentionné, c'est en cours.
L'intervention des gouvernements supérieurs se fait depuis plusieurs
années. Il s'agissait un peu de cadrer ces activités; le
schéma d'aménagement va le faire. Il y a de ces
éléments qui dépendent tellement de la volonté ou
des disponibilités financières des deux autres gouvernements,
à
toutes fins utiles, que je ne pourrais pas répondre et que je
serais bien malvenu de fixer un échéancier quelconque; on va le
faire à la limite des capacités financières de ceux qui
participent au financement et de notre participation aussi.
Par exemple, quand on a décidé d'aller de l'avant avec
l'aménagement de nos parcs régionaux, nous n'avons pas attendu
que le gouvernement du Québec nous indique qu'il voulait y participer
très clairement. On nous a dit oui, à un moment donné
mais, au moment où on se parle, notre règlement est adopté
et nous pourrions procéder à ces investissements et il n'y a pas
d'engagement du gouvernement du Québec d'y aller. Nous avons
démontré que nous pouvions assumer nos responsabilités. Si
le gouvernement du Québec - et nous l'espérons - à travers
les différents programmes - par exemple, Archipel ou d'autres - vient
collaborer, cela nous permettra d'en mettre un peu plus ou
d'accélérer. À mon avis, nous sommes en bonne voie.
Prenons le cas de l'épuration des eaux, par exemple. C'est un
programme qui devrait se terminer dans cinq ans, à peu près.
Déjà, la rivière des Prairies, qui est, au point de vue de
l'utilisation, le plan d'eau le plus important, a commencé à se
nettoyer. Le lac Saint-Louis, rapidement, quand le premier intercepteur sera en
marche, d'ici quelques années, commencera à se nettoyer et le
fleuve Saint-Laurent par la suite. L'épuration des eaux, cela sera
fait.
J'ai parlé de la qualité de l'air, c'est
déjà fait, c'est réglé. Les infrastructures de
transport: il ne nous reste, à toutes fins utiles, que deux lignes
importantes sur lesquelles portent nos discussions: la ligne 7, dans l'axe du
boulevard Pie-IX, et la ligne 3, sur la ligne du CN. Le développement du
centre-ville se fait bien. Il y a des projets. Le gouvernement du Québec
a adopté un décret, récemment, pour se pencher sur la
question des abords de l'autoroute Ville-Marie, à l'est du Palais des
congrès, c'est un projet très important; a un moment
donné, il y a certainement des choses qui vont se faire là. Tout
est, soit terminé, ou fort bien amorcé. Je pense qu'il n'y a pas
un seul projet dont on pourrait dire aujourd'hui: On n'a rien fait dans ce
domaine et nous allons commencer demain. Nous avons, ou complété,
ou commencé la plupart des projets qui mèneront à
l'amélioration de cette qualité de vie sur notre territoire.
M. Champagne: Je pense qu'il faudrait même ajouter que le
gouvernement va faire en sorte aussi de favoriser un centre banquaire
international, éventuellement, un parc agro-alimentaire et une salle de
concert. Il ne faudrait peut-être pas arrêter la nomenclature
à ce sujet. Je pense que ce sont tous des éléments qui
vont rendre davantage Montréal accueillante et la progression
démographique va se faire sentir aussi; on va l'espérer.
M. Des Marais II: M. le Président, mon
énumération n'était pas limitative et il y en a sans doute
d'autres. Ce qui serait intéressant - je pense que même les
spécialistes que nous consulterions aujourd'hui ne pourraient pas nous
donner la réponse -c'est quels vont être les effets de tous ces
gestes, dans cinq ans, dans dix ans? On verra. On ne peut que penser que ce
sera mieux, mais on verra.
M. Hains: Le rêve, par conséquent, c'est que nos
familles soient heureuses et nous donnent beaucoup de nouveaux petits
Montréalais.
Le Président (M. French): M. le président, MM.
Campeau, Gravel et Gamache, on vous remercie. Nous allons suspendre pour une
couple de minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 24)
(Reprise à 20 h 28)
Communauté urbaine de Québec
Le Président (M. French): Je souhaite la bienvenue
à nos amis de la Communauté urbaine de Québec.
M. Rivard, je vais vous inviter tantôt à présenter
vos compagnons, mais je voudrais dire, bien que vous sachiez, je pense, qu'il
n'y a pas de député de la région de Québec ici, que
ce n'est pas pour autant que nous ne sommes pas hautement
intéressés par ce que vous avez à dire. J'ajouterai que
nous n'avons pas pu étudier votre mémoire. Alors, je vous
prierais d'aller relativement lentement pour qu'on puisse tous assimiler. Vous
avez vécu avec, mais pour nous c'est du tout neuf. Donc, cela nous
aiderait beaucoup si vous pouviez aller lentement et peut-être -je sais
que ce n'est pas long - nous permettre d'assimiler cela au fur et à
mesure.
M. Rivard (Michel): Avant de présenter mes
collègues, je dois quand même dire que beaucoup de
problèmes qui ont été exposés par mon
collègue de la CUM sont les problèmes également de la CUQ,
ce qui veut dire que les deux mémoires se ressemblent
étrangement.
M. le Président, messieurs les députés, madame,
permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma
gauche, M. Maurice Bergeron, directeur général de la
Communauté urbaine de Québec; à l'extrême droite, M.
Edouard Lafrance, urbaniste qui
travaille au Service d'aménagement du territoire de
la Communauté urbaine de Québec, et finalement, à ma
droite immédiate, M. Jean Guyard, urbaniste, directeur du Service
d'aménagement du territoire. Alors, on va y aller lentement comme vous
me l'avez suggéré, M. le Président.
L'intérêt manifesté par la
Communauté urbaine de Québec à l'égard des diverses
composantes de son territoire remonte aux premières heures de son
existence. En effet, la CUQ s'est engagée dès 1970 à la
réalisation d'inventaires techniques et d'études portant sur les
caractéristiques physiques, socio-économiques et
démographiques de son territoire.
Ayant obtenu, en 1978, du législateur
québécois une confirmation de ses pouvoirs habilitants en
matière d'aménagement du territoire, la CUQ complétait
dans le cadre de la préparation de son schéma
d'aménagement différents travaux et analyses. Elle
développa, entre autres, avec la participation de chercheurs de
l'Université de Montréal, un modèle de projections
démographiques à micro-échelle. Révisées
à plusieurs reprises pour tenir compte des données disponibles,
le Service d'aménagement du territoire rendait publique, en janvier
1984, une nouvelle version des projections de population de la région
métropolitaine de Québec.
Le présent mémoire tentera de sensibiliser
les membres de la commission sur les particularités de
l'évolution démographique du territoire de la région
métropolitaine de Québec et, plus spécialement, de la
Communauté urbaine de Québec et de ses municipalités
constituantes.
De plus, une analyse comparée et critique des
projections de population réalisée par le Bureau de la
statistique du Québec et la Communauté urbaine de Québec
sera présentée dans le but d'évaluer les effets
prévisibles de tels résultats opposés sur le public en
général.
En dernier lieu, la Communauté urbaine de
Québec soumettra, pour le bénéfice des membres de la
commission parlementaire sur la culture, des propositions d'interventions, eu
égard aux remarques soulevées lors de l'analyse critique des
perspectives démographiques du BSQ et de la CUQ.
L'évolution démographique de la région
métropolitaine de Québec: ses caractéristiques et ses
problèmes. L'analyse des données rétrospectives de
population pour l'ensemble de la Communauté urbaine de Québec et
de la région métropolitaine de Québec (RMQ) laisse
entrevoir des changements importants, tant au niveau du rythme d'accroissement
de la population que de la répartition de celle-ci sur ces territoires.
Les périodes 1956-1961 et 1961-1966 furent celles où la
région métropolitaine de Québec connut ses plus forts taux
d'accroissement de population. Or, depuis 1966, on enregistre une diminution
substantielle de la progression de la population pour l'ensemble de cette
région. Cette réduction du rythme suit d'assez près les
comportements observés dans ce domaine dans les principales
agglomérations urbaines du Québec. Je pense que M. Des Marais II
l'a démontré clairement.
Par ailleurs, il est possible d'observer depuis 1966 une
distribution spatiale fort différente de la croissance
générale de la population par rapport à celle
observée au cours des années antérieures. La
répartition des volumes d'accroissement dans l'ensemble du territoire de
la région métropolitaine de Québec met en évidence
la diminution de la progression de la population sur le territoire de la
Communauté urbaine de Québec au profit des territoires qui lui
sont adjacents. Entre 1956 et 1961, la CUQ accaparait à elle seule
près de 83 % de l'accroissement total de population de la région
métropolitaine de Québec. Le recensement de Statistique Canada de
1981 indique que la Communauté urbaine de Québec n'a
absorbé, entre 1976 et 1981, que 33 % de l'accroissement total de la
population du territoire de la région métropolitaine de
Québec. À l'opposé, la rive sud de Québec continue
d'augmenter substantiellement sa performance en attirant sur son territoire
plus de 50 % de l'augmentation totale de la population de la région
métropolitaine de Québec.
À cette évolution particulière de la
répartition des accroissements de population sur le territoire de la
RMQ, s'ajoutent des changements inquiétants dans la distribution
géographique de la croissance à la CUQ. En effet, des variations
importantes de population s'observent à travers plusieurs territoires de
la communauté. Le dernier recensement fédéral de 1981 met
en évidence l'accélération du processus de
dépeuplement de la région urbaine centrale. L'envergure du
phénomène provoque de sérieux problèmes
d'ajustement tant au niveau de la gestion courante des affaires publiques qu'au
cours des exercices de planification des principales composantes du territoire
urbanisé. Il laisse également perplexes autant les
administrateurs élus que les planificateurs, face à
l'éventualité d'un réajustement à court terme des
tendances observées en ce domaine.
Par ailleurs, cet exode de la zone urbaine centrale de la
CUQ affecte d'une façon plus précise certains secteurs des
municipalités constituantes. Une diminution de 52 000 personnes
enregistrée dans les anciennes limites de la ville de Québec
entre 1956 et 1981 traduit l'ampleur, sinon la gravité, de ce
phénomène. Je vous invite à prendre connaissance du
tableau dans la page de gauche. On se rend compte qu'entre 1971 et 1981 la
population s'est accrue de 36 740;
par contre la zone urbaine centrale a diminué de 31 700, alors
que la zone périphérique s'est engraissée de 64 160
citoyens, la zone rurale et forestière, de plus de 4280.
Souvent interprété comme le résultat
inévitable de la mise en place d'infrastructures autoroutières
dans le territoire de la CUQ et de la région métropolitaine de
Québec, ce transfert de la croissance démographique ne devrait
pas, dans l'état actuel des choses, se résorber ni
s'atténuer à court terme. En fait, certains espaces situés
à l'extérieur de la zone urbaine centrale de la communauté
demeureront encore longtemps attractifs, compte tenu principalement de leur
excellente accessibilité routière avec les principaux pôles
d'emplois et de services de son territoire.
Quoiqu'un certain essoufflement puisse s'observer à moyen terme
quant à la part de croissance captée par les municipalités
de la rive sud, il semble cependant assuré que l'ouverture
récente des autoroutes de la rive nord - de la 440 en 1977, de Henri-IV
en 1976, de la Capitale en 1975 et de l'autoroute Montmorency en 1983 - est
suspectible de contribuer de nouveau, au cours des prochaines années,
à cette forme d'essaimage de la population à l'extérieur
de la partie centrale de la CUQ.
Les ménages. À l'instar des tendances observées en
ce qui a trait aux accroissements de la population sur le territoire de la CUQ
et de la région métropolitaine de recensement de Québec,
les dernières statistiques sur les ménages révèlent
dans les derniers recensements de 1971, 1976 et 1981 des signes importants de
changements au sein de notre collectivité.
D'abord, la répartition depuis 1971 du nombre de ménages
à travers les différents secteurs compris à
l'intérieur de la région métropolitaine de Québec
témoigne d'une évolution tendancielle jugée
défavorable au poids et à l'importance reconnue à la CUQ
dans l'échiquier régional. En effet, la répartition des
ménages pour chacun des secteurs compris à l'intérieur de
la région métropolitaine de Québec, suivant les
années 1971, 1976 et 1981, met clairement en évidence les
particularités de cette évolution tendancielle. Quoique la
diminution en valeur relative de l'accroissement du nombre de ménages
sur le territoire de la CUQ demeure moins marquée que celle
observée en ce qui a trait à la population, cette baisse traduit
néanmoins un malaise, une inquiétude que l'on peut difficilement
nuancer. En fait, il est reconnu qu'une baisse relative de l'accroissement du
nombre de ménages se traduit inévitablement au plan pratique par
une baisse de l'accroissement de la demande de logements. Encore une fois, on
peut se référer à la carte du côté gauche, la
carte no 2. On y voit qu'entre 1971 et 1981 il y a plus de 45 800
ménages familiaux ou non familiaux; la région urbaine centrale
s'est accrue de 20 250; la zone urbaine périphérique et rurale
s'est enrichie de 25 550 nouveaux ménages.
Les variations enregistrées en ce qui a trait aux types de
ménages témoignent du caractère et de l'intensité
des transformations qui s'opèrent présentement dans ce domaine
sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Ces
transformations nécessitent et nécessiteront de la part du
marché du logement, pour ne citer que celui-ci, des ajustements
significatifs. En effet, les secteurs les plus densément
urbanisés de la CUQ voient accroître substantiellement leur nombre
de ménages non familiaux pendant que les secteurs
périphériques de la communauté absorbent près de 75
% entre 1971 et 1976 et 100 % entre 1976 et 1981 de l'accroissement brut de
ménages familiaux.
L'évolution de la taille des ménages -on peut voir le
graphique à la page 8 -soulève également des signes
importants de changements. L'envergure de ces transformations implique des
ajustements significatifs tout au long des opérations de gestion et de
planification des composantes clefs du territoire de la communauté.
Ainsi, face aux effets combinés de cette réduction de la taille
des ménages et de la perte nette de population dans ses parties
centrales, il est possible de spéculer sur les bénéfices
éventuels d'une telle évolution socio-démographique
à l'égard des fonctions urbaines, économiques et sociales
du territoire.
Les projections démographiques: leurs pertinences, leurs limites
et leurs risques. Le Bureau de la Statistique du Québec rendait
publiques en décembre 1984 des projections de population pour l'ensemble
des communautés urbaines et des MRC du Québec. À la
lecture de ce document, on constate pour la région métropolitaine
de Québec une perte de population d'environ 23 000 personnes pour la
CUQ, entre 1981 et 1996, alors que les MRC adjacentes à la
communauté verraient leurs populations croître de 43 000.
Par ailleurs, la CUQ publiait en janvier 1984 une nouvelle version de
ses projections de population pour la région métropolitaine de
Québec et de ses composantes sous-régionales. Cette étude
proposait une augmentation de l'ordre de 44 000 personnes pour la CUQ entre
1981 et 1996, et une augmentation de population d'environ 38 000 personnes pour
l'ensemble des communautés régionales adjacentes à la
CUQ.
Contrairement aux projections présentées par le BSQ, la
CUQ indiquait clairement que ses projections de population pouvaient être
considérées comme optimistes
mais que, compte tenu de leurs utilisations principales dans le cadre du
schéma d'aménagement, il semblait justifié et justifiable
dans un tel contexte de véhiculer des projections de population
légèrement à la hausse. Ayant obtenu la confirmation
auprès des responsables du BSQ que leurs projections de population
n'étaient élaborées que sur la base d'indicateurs
exclusivement démographiques, les administrateurs élus de la CUQ
communiquaient alors avec le ministre responsable de l'époque, M.
Jacques Parizeau, pour tenter de faire introduire au document du BSQ les
nuances nécessaires et pertinentes à l'utilisation de ces
données. Il s'avérait impérieux pour la CUQ que des
projections de population aussi pessimistes soient au moins accompagnées
de nuances nécessaires permettant de prendre en considération les
enjeux spécifiques aux territoires urbanisés de la région
03. De plus, les administrateurs élus de la CUQ jugeaient pertinent que
l'étude du BSQ ait au moins la décence d'indiquer les tendances
observées dans l'évolution des mises en chantier, du
rééquilibre qui se manifeste à l'égard des
structures de taxation des municipalités périphériques,
entre autres de la rive sud, par rapport à celles des
municipalités centrales de la CUQ et des phénomènes de
saturation observés sur certaines voies de communication qui permettent
d'envisager sérieusement le plafond des taux de croissance des
municipalités périphériques de la CUQ. (20 h 45)
II ne faudra pas se surprendre des effets négatifs que va
entraîner la parution des projections démographiques
réalisées par le BSQ. La publication de ces résultats ne
peut être que néfaste pour toute la région
métropolitaine de Québec. Le comité exécutif
signifiait dans sa lettre au ministre des Finances, M. Duhaime, en date du 5
décembre 1984, le danger qui résulterait de telles projections de
population, et je cite: "Comment peut-on espérer intéresser des
investisseurs aux avantages comparatifs de notre communauté lorsque le
gouvernement vient de ratifier pour l'avenir un constat aussi pessimiste?
Sommes-nous sûrs que les milieux financiers internationaux
n'interpréteront pas négativement, lors d'emprunts, le potentiel
fiscal futur de nos municipalités membres? "Le fait d'entériner
en quelque sorte de telles données ne vient-il pas créer de faux
espoirs d'investissements futurs en infrastructures lourdes pour les
municipalités périphériques, tels pont
supplémentaire, usines d'épuration, autoroutes, etc. ? Est-ce que
le gouvernement du Québec veut encourager, dans la préparation
des schémas d'aménagement des MRC limitrophes a la CUQ, de tels
projets d'implantation?"
L'intervention directe de la CUQ dans le débat entourant les
projections démographiques ne se veut pas une guerre de chiffres afin de
savoir qui a raison et qui a tort dans ce domaine. En fait, tous les organismes
s'entendent pour reconnaître à la région de Québec
une situation problématique dans le domaine de l'évolution de sa
population. Or, comme cette situation pourrait vraisemblablement avoir des
répercussions sur l'économie régionale, il apparaît
essentiel qu'une étude visant à établir le portrait
démographique de la région de Québec puisse être
réalisée et prenne en considération l'ensemble des
indicateurs permanents dans ce domaine.
Finalement, le suivi. Comme il est important de s'instruire du
passé, la connaissance du futur s'avère tout aussi pertinente
dans l'exercice des mandats et responsabilités des différents
paliers de gouvernement. L'analyse de l'évolution de la population des
centres urbains du Québec mériterait d'être
réalisée plus en profondeur et selon une vision plus
élargie des mécanismes de développement de ces milieux.
Ainsi, les indicateurs démographiques, économiques, urbanistiques
de ces mêmes territoires devraient être introduits à cette
étude. dans le but d'en venir à une perception globale et
intégrée des facteurs de croissance ou de décroissance. En
fait, une analyse plus fine devrait être réalisée pour
répondre à cette absence presque totale d'information sur les
perspectives démographiques et les impacts réels des
transformations qui se font dans ce domaine au sein de la collectivité
québécoise.
M. George Mathews, de l'INRS-Urbanisation, nous a indiqué dans
son dernier ouvrage que la société québécoise sera
confrontée, à brève échéance, a un choc
démographique. Les effets appréhendés d'un tel choc
mériteraient sans aucun doute d'être évalués avec
plus de précision, d'autant plus si les grands centres urbains du
Québec s'inscrivent dans une décroissance de leur population. Une
telle étude devrait se pencher sur les conséquences urbanistiques
et économiques de ces transformations. Ainsi, ayant, d'une part,
à organiser l'espace en fonction d'une population vieillissante
composée de ménages de plus en plus nombreux, mais de plus en
plus petits et, d'autre part, ayant à réaliser des
investissements publics considérables pour répondre aux nouveaux
besoins formulés par cette population, il semble, pour toutes ces
raisons et pour bien d'autres, que le gouvernement du Québec devrait, en
collaboration avec les principales collectivités régionales,
engager les ressources nécessaires pour réaliser un tel exercice
prospectif. En fait, c'est devant de telles perspectives de croissance et
à l'égard des responsabilités de chacune des
administrations publiques que doivent s'unir
tous les efforts en vue de permettre une meilleure planification des
villes et des régions de la fin du siècle actuel.
Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M.
Rivard. Comme je vous l'ai dit tantôt, nous apprenons au fur et à
mesure ce qui est contenu dans votre mémoire et nous constatons que,
même s'il est court, il y a beaucoup de contenu. J'espère que vous
nous pardonnerez si nous essayons de nous y retrouver sans, évidemment,
saisir tout du premier coup. Vous avez fait référence à un
rapport que vous avez fait à la suite du rapport du gouvernement
provincial. En haut de la page 7, vous dites "la CEQ publiait en janvier 1984".
Serait-il possible de nous faire parvenir copie de cette étude? Je pense
que M. Mathews, qui est notre expert-conseil, serait très
intéressé.
M. Rivard: Ce que je pourrais vous dire également, c'est
que, comme vous le savez probablement, la CUQ a été le premier
organisme important - telles les communautés urbaines, entre autres -
à adopter son schéma d'aménagement; et, dans ce
schéma, nous avons tous les constats qui pourront être utiles
à votre réflexion. Par contre, on vous enverra quand même
l'extrait que vous voulez avoir.
Maintenant, nous demandions à M. Parizeau de retenir la
diffusion, sinon de la modifier en y apportant des notes, en disant, par
exemple: Si on ne fait pas tel geste concret, bien sûr, les
prévisions seront à la baisse. Par contre, si certains gestes
sont faits... À tire d'exemple, qu'on se souvienne d'un projet qui,
heureusement, a été mis au ban par le gouvernement, c'est le
projet de l'axe Orléans qui, en dollars d'aujourd'hui, est
évalué à un milliard. Il est bien clair qu'un tel axe
Orléans - un pont entre Beaumont, l'île d'Orléans et
Beauport -n'aurait pour seul résultat que d'amener un exode encore plus
important de nos citoyens vers la rive sud plutôt que l'effet contraire.
Bien sûr, la population s'est déplacée sur la rive sud il y
a quelques années avec l'ouverture du pont Laporte et
l'amélioration du service de traversiers entre Québec et
Lévis. Loin d'avoir été un geste pour densifier la
communauté urbaine, au contraire, cela a eu un effet d'étalement
vers la rive sud. On peut dire que c'est un mirage parce que, pendant quelques
années, certaines populations de la rive sud ont pu garder des taux de
taxation inférieurs jusqu'au moment où elles ont
été prises avec les mêmes problèmes que nous avons
sur la rive nord, que ce soient des corps policiers qu'on doit maintenant
mettre sur pied, du transport en commun dispendieux, des infrastructures en
loisir - centres sportifs, à titre d'exemple. Dix ans après, les
citoyens qui ont quitté la région de Québec pour aller
dans ce supposé paradis terrestre, ils se rendent compte qu'ils ont les
mêmes problèmes qu'ils avaient lorsqu'ils vivaient sur la rive
nord.
Le Président (M. French): L'essentiel de votre
différend avec le BSQ, c'est justement une série de constatations
que vous faites en tant qu'administrateur, au niveau municipal et
régional, dont on n'a pas tenu compte dans les projections plus ou moins
mécaniques des tendances démographiques, comme l'écart de
taxation qui s'amincit comme l'achalandage sur les routes qui s'aggrave...
M. Rivard: Justement, on n'a pas tenu compte de ces facteurs pour
prévoir la population de la fin du siècle. Comme il était
clairement dit - on donnait deux exemples - nous allons
régulièrement sur les marchés des emprunts, que ce soit le
marché européen ou même le marché local, et il n'est
pas certain, avec de telles prévisions, que les prêteurs nous
consentiront les taux compétitifs que nous avons présentement.
Encore une fois, il est très rare qu'un investisseur qui cherche un
endroit propice choisisse une région qui est supposée voir sa
population décroître de façon considérable au cours
des années qui viendront. Et cela a, je crois, cet effet. Encore une
fois, nous sommes en mesure - et nous venons de le prouver avec le
dépôt de notre schéma - de mettre en place des
mécanismes pour garder le compte de taxes à un niveau acceptable
en accentuant la densification plutôt que l'étalement. On s'est
donné, entre autres, des mécanismes... Avant d'ouvrir des
nouveaux secteurs résidentiels, nous devons commencer à combler
énormément de terrains qui sont viabilisés. Dans le
schéma, à titre d'exemple, vous allez vous rendre compte que nous
pouvons dès aujourd'hui construire au-delà de 12 000 logements,
ce qui ne coûte rien ou presque rien au contribuable. Il y a 80 000 000 $
d'infrastructures qui sont payées par l'ensemble des citoyens qui ne
sont pas utilisées et les villes...
Le Président (M. French): Excusez-moi, combien...
M. Rivard: II y a actuellement pour 80 000 000 $
d'infrastructures dans le sol de la CUQ qui ne servent à peu près
pas parce que les terrains ne sont pas développés.
Le Président (M. French): Les terrains ne sont pas
développés.
M. Rivard: Exactement. Nous avons établi également
que nous sommes privés de 18 000 000 $ de taxes annuelles du fait que
ces terrains ne sont pas développés. Alors, avec notre
schéma, nous allons accentuer la
densification. Nous avons privilégié - c'était un
voeu unanime des 34 élus du grand conseil de la CUQ. Excusez-moi, sauf
une personne qui était contre - le retour au centre-ville de
Québec pour rentabiliser tout ce qui est là, les commerces, etc.
Permettez! Même, on s'est donné un moratoire sur les centres
commerciaux parce que, comme la population est stable ou diminue,
naturellement, le pouvoir d'achat ne grandit pas. Nous avons
pensé...
Le Président (M. French): C'est par le zonage, le
moratoire s'effectue par le zonage.
M. Rivard: Le moratoire, c'est que -peut-être que M. Guyard
peut m'éclairer sur le nombre de pieds carrés - passé un
certain nombre de pieds carrés, il est impossible d'établir de
nouveaux centres commerciaux sur notre territoire, et ce, pour au moins les
trois prochaines années. Nous pourrons réévaluer dans
trois ans si nous maintenons notre moratoire ou non.
Le Président (M. French): Avant de passer la parole
à mes collègues, vous avez entendu M. Des Marais II, et,
malgré le mémoire que vous n'avez pas lu mais qui évoque
toute une série de problèmes qui vont pas mal au-delà de
la fiscalité municipale, il semblait très satisfait en
définitive du fait que la base fiscale de la CUM était
appelée à connaître un avenir plus ou moins rose. Bien
qu'il y eût quelques petites inquiétudes ici et là, en gros
cela allait bien. Pouvez-vous nous dire - parce que je trouvais
intéressant la taille des ménages, le vieillissement, etc., au
centre-ville - si vous avez la même expérience et si vous
êtes aussi rassuré que M. Des Marais II semblait l'être?
M. Rivard: Relativement optimiste. Il est bien sûr que le
potentiel fiscal croît d'année en année, mais il reste
quand même que, la population étant pour le moins stagnante ou
diminuant quelque peu, c'est là qu'est notre inquiétude. C'est un
fait que les nouveaux commerces, les nouvelles résidences accroissent
notre potentiel fiscal chaque année, peut-être pas aussi en
flèche que dans la région de Montréal, étant
donné l'infrastructure de Québec qui est une ville de
fonctionnaires. Dieu sait si la fonction publique ne croît plus. À
partir de cela, on a plus de problèmes que la région de
Montréal mais quand même la CUQ, qui est responsable de la
promotion industrielle, est agressive et le sera encore plus pour attirer sa
juste part des nouvelles industries. On est tout de même moins optimistes
que notre collègue de Montréal.
Le Président (M. French): J'ai une foule d'autres
questions, mais je passe la parole au député de Mille-Iles.
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux
remercier Ies représentants de la Communauté urbaine de
Québec de s'être présentés devant nous. C'est avec
beaucoup d'intérêt que nous avons lu son mémoire. J'avais
quelques questions à poser. Votre préoccupation est -
j'étais pour dire matérielle - physique. Je ne pense pas que vous
soyez contre le progrès et que vous disiez: On ne bâtit pas de
pont pour la rive sud. Enfin, simplement je ne pense pas que ça soit
cela. Voici une des premières questions, comme entrée en
matière. Que faites-vous pour garder la population au point de vue
physique et au point de vue humain? J'aurai aussi une sous-question à ce
sujet.
M. Rivard: Écoutez, il n'y a pas de grandes mesures
incitatives qu'on puisse faire. On ne peut pas, à titre d'exemple,
offrir à un citoyen qui s'apprête à quitter la CUQ pour la
rive sud un dégrèvement de taxes, c'est impossible de le faire.
On ne peut pas avoir de telles mesures. Ce qu'on vous demande, vous, au
gouvernement qui faites les infrastructures... Il faut bien admettre que la
région de Québec, le territoire de la CUQ est
équipé, au point de vue d'infrastructures routières et de
ponts, pour accueillir pratiquement autant de population que nous en avons
présentement. Cela a actuellement comme effet que les gens peuvent, par
exemple, franchir des distances assez importantes en très peu de temps
si l'on compare avec la région de Montréal.
Hier, nous étions invités par le CRIQ à une
rencontre. Cela me passe encore par la tête, un des
vice-présidents m'a dit: Moi, je suis fier de dire que je demeure
à Beaupré, cela me coûte moins cher. C'est un ancien
Montréalais et il m'a dit: Je traverse trente milles pour aller chez moi
en moins de trente minutes. Dans le temps que je demeurais à
Montréal, la même distance m'aurait pris environ une heure et
demie à deux heures. Alors, toutes ces infrastructures font que c'est
facile pour un citoyen qui veut venir seulement travailler à
Québec, à titre d'exemple, de rester dans des banlieues plus ou
moins lointaines. Cela a pour effet que les gens vont s'établir à
l'extérieur et cela nous cause un problème de
dépeuplement. Alors, on dit que nous avons les infrastructures
routières présentement, nous sommes gâtés, et on ne
voudrait pas qu'on en fasse d'autres sans nous consulter au niveau local. (21
heures)
M. Champagne: D'accord. Cela demeure des aspects physiques qui
ont une influence sur l'immigration. Je suis d'accord avec vous, mais il y a
d'autres éléments aussi, vous le
dites à la page 6, lorsque vous parlez du nombre de
ménages non familiaux entre autres. Vous parlez aussi de la
réduction de la taille des ménages, des familles.
J'ai des questions à vous poser. Quand même, la
Communauté urbaine de Québec a-t-elle pensé aux loisirs
familiaux en fonction, je ne sais pas, des parcs qui y sont? Est-ce que vous
favorisez quand même les services de garderie? Est-ce que vous avez une
politique de restauration de vieux logements qui ferait en sorte que ce serait
plus accueillant et que ce seraient peut-être des loyers à prix
modique? Est-ce que vous avez des logements aussi pour des personnes avec des
enfants? En tout cas, est-ce que vous tenez compte de ces
éléments plus humains?
M. Rivard: La plupart des villes importantes constituant la CUQ
ont ce genre de politiques, mais ce n'est pas de la responsabilité de la
CUQ. Je sais que Québec, entre autres, a une politique de logements et
favorise les garderies. Certaines autres villes importantes de la CUQ le font.
Ce n'est peut-être pas le cas des treize villes de la communauté
urbaine, mais ce n'est pas de la responsabilité de la Communauté
urbaine de Québec.
M. Champagne: Enfin, si vous vous plaignez, comme
communauté urbaine, d'une diminution de la population, faut-il qu'il y
ait quand même des éléments qui fassent en sorte que la
population reste, que ce soit peut-être une des treize
municipalités qui a une politique de restauration de vieux logements
pour avoir des logements à prix modique. C'est une des mesures. Je pense
que la communauté urbaine ne peut être indifférente
à cela.
M. Rivard: Non, on n'est pas indifférent. Bien sûr
aussi, les gens qui forment la communauté urbaine sont des élus
dans leur ville. Ils le font individuellement, mais ce n'est pas la
responsabilité de la CUQ. Je sais que certaines villes le font,
favorisent, par exemple, des parcs, favorisent des garderies comme vous le
dites. Cela se fait dans certaines villes, mais est-ce que c'est suffisant pour
garder une population sur notre territoire pour empêcher l'exode vers les
MRC avoisinantes ou la rive sud? Le grand attrait pour les gens qui ont
quitté la CUQ - je pense qu'on pourrait peut-être faire une
enquête bien exhaustive sur cela, mais c'est évident parce qu'on
le sait - c'est le taux de taxation qui est inférieur dans les autres
municipalités.
Prenez le cas de Québec, par exemple, qui perd sa population.
C'est évident que, le taux de taxation à Québec
étant le plus élevé et de beaucoup par rapport aux autres
villes, si une personne a la chance de quitter la ville de Québec, elle
le fait. Alors, nous cherchons des moyens. D'ailleurs, nous savons qu'il y aura
une commission d'étude qui va être formée incessamment pour
faire des constats, pour trouver des solutions, mais c'est à peu
près tout ce que nous pouvons faire.
M. Champagne: Est-ce que vous avez envisagé...
M. Rivard: Si vous me le permettez, j'ai une note importante que
j'oubliais. Je remercie mon collègue de m'en faire part. Dans le
schéma d'aménagement, entre autres, nous avons mis encore une
fois des mécanismes pour la densification. La densification veut dire,
justement, une baisse des coûts des services. Aller porter, par exemple,
le transport en commun à l'extrémité du territoire dans
certaines rues où il y a dix maisons, cela coûte sûrement
plus cher que de passer dans les quartiers populeux de Québec.
Avec le schéma, l'outil que nous avons maintenant, cela va nous
aider à garder nos citoyens par des services à des coûts
inférieurs et de meilleure qualité.
M. Champagne: Est-ce que vous avez déjà
envisagé, comme Montréal le réalise actuellement, une
opération 20 000 logements au niveau, pas nécessairement de la
communauté urbaine, mais d'une des municipalités, que ce soit la
ville de Québec ou...
M. Rivard: Cela existe présentement. Il y a un projet qui
s'appelle Kabir-Koubat qui est le repeuplement du centre-ville de
Québec. La ville de Québec a cela; elle prête à des
taux d'intérêt inférieurs pour attirer également de
l'industrie. Québec a un fonds industriel. Elle peut prêter
à certaines entreprises à des taux inférieurs au taux du
marché. D'autres villes ont d'autres bons programmes. Je pense que,
même si on constate une situation pour le moins inquiétante, on
réagit. On ne fait pas que constater les dégâts. On fait
les efforts qu'il faut pour garder notre population et tenter de
l'augmenter.
Le Président (M. French): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Si je comprends bien, M. le Président, vous
n'acceptez pas et vous vous opposez beaucoup aux statistiques qui ont
été publiées par le BSQ.
M. Rivard: On ne les accepte pas. On les conteste.
M. Hains: Vous les contestez, c'est cela.
M. Rivard: On dit que, même si elles ont une certaine
valeur, on n'a pas tenu compte de certains facteurs. Il aurait pu y avoir des
annotations indiquant que, si ta situation actuelle se maintient, il y aura un
dépeuplement. Si, par contre, des mesures sont prises, il pourra y avoir
une augmentation de population. Grâce à notre schéma, nous
prévoyons certains gestes qui vont nous aider à garder une
population, soit en abaissant le compte de taxes ou, du moins, en le conservant
à un rythme moins accéléré. Alors, avec des choses
concrètes comme cela, on dit que la population devrait un peu augmenter
d'ici 1996.
M. Hains C'est ce que vous nous dites d'ailleurs, je crois,
à la page 7, que vous publiiez, en janvier 1984, une nouvelle version de
vos projections. Vous prévoyiez une augmentation de 44 000
personnes.
M. Rivard: Oui.
M. Hains: Maintenant, sur quoi basiez-vous - je pense que vous
l'avez dit tout à l'heure, mais redites-le-moi - ces...
M. Rivard: Sur les... M. Hains:... projections?
M. Rivard: D'accord. Sur les constats que nous avons faits,
lorsque nous avons étudié le nombre de ménages,
l'âge de la population et tout; ce sont tous ces renseignements qui sont
contenus dans notre brique du schéma d'aménagement que nous vous
avons fait parvenir récemment, qui a été envoyé
à certains ministres, mais qu'on pourra mettre à la disposition
de la commission.
M. Hains: Vos 80 000 000 $ d'infrastructures, dont vous avez
parlé tout à l'heure...
M. Rivard: II y a, présentement, pour 80 000 000 $
d'infrastructures qui sont payées par l'ensemble des contribuables de la
CUQ, qui ne servent pas présentement parce qu'il y a 12 000 logements
qui peuvent être construits sans coût supérieur. Il y a ce
qu'on appelle des terrains viabilisés; mais viabilisables, ce sont les
terrains très près des infrastructures, qui peuvent être
raccordés à très peu de frais. Cela, nous en avons quelque
50 000 qui peuvent être faits.
Alors, la région de Québec fait penser un peu à un
fromage gruyère avec un lot de trous qu'on veut combler, maintenant. On
s'est donné des mécanismes pour inciter. On ne pourra plus faire
des développements anarchiques comme on le voit sur le territoire,
surtout dans les petites villes qui font la couronne. Cela coûte
énormément cher en transport scolaire, en transport en commun.
Alors, avec les mécanismes qu'on s'est donnés, je pense qu'on
devrait arrêter le problème. Mais on demande quand même...
Je réitère la demande au gouvernement: Avant de penser à
améliorer les systèmes routiers, que ce soit des ponts vers la
rive sud, un troisième pont, ou un axe comme l'axe Orléans, on
demande d'être consultés et qu'on pèse les implications qui
peuvent affecter la Communauté urbaine de Québec.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. French): Vous avez entendu, M. Rivard, le
président de la Communauté urbaine de Montréal... Je
m'excuse, Mme la députée de Maisonneuve, vous alliez me faire
signe...
Mme Harel: Non, allez-y, M. le Président.
Le Président (M. French): Vous avez entendu le
président de la Communauté urbaine de Montréal. Il
évoque la nécessité de répartir, parmi un plus
grand nombre d'usagers et d'usagers potentiels, le coût de certaines
infrastructures, notamment le transport en commun. Je vous avoue que ce n'est
pas la préoccupation centrale de la commission. Vous ne semblez pas axer
votre intervention sur ce genre de problématique, mais plutôt sur
une problématique peut-être antérieure un peu. C'est que
vous nous dites: Ayons une discussion à la lumière d'une analyse
démographique sur une base régionale avant d'établir les
infrastructures.
Pour ce faire, vous nous dites que la région ne peut pas se
concerter pour le faire puisque les intérêts et les structures
historiques des villes, des communautés urbaines et de la rive sud ne se
prêtent pas vraiment à ce genre de concertation, qui ne pourrait
que faire - excusez-moi, pas ce genre de concertation, mais ce genre d'analyse
démographique. Ce genre n'étude ne pourrait se faire avec
crédibilité que par une entité au-delà de la
région; évidemment, une entité qui accepterait les
opinions de tout le monde, qui ajouterait son expertise et son
objectivité. Est-ce que c'est à peu près cela que vous
nous dites?
M. Rivard: Oui, c'est un fait. Il reste quand même que la
région de Québec, la CUQ affronte des concurrents, soit les MRC
et la rive sud. Là, je fais une parenthèse. Vous savez
qu'à la suite du sommet économique de la région de
Québec, l'année dernière, on a formé un
comité; on l'appelle la table de concertation régionale, à
laquelle assistent, bien sûr, les gens de la rive sud. Je comprends les
gens de la rive sud qui nous proposent, à titre d'exemple, au point de
vue du transport en commun, que les
billets d'autobus qui servent pour la rive sud servent également
pour la rive nord. Je comprends que, pour ce qui est de la rive sud, cela va
être extrêmement intéressant pour eux; mais, encore une
fois, cela va être au détriment des gens de la rive nord. Si des
gens veulent s'établir sur la rive sud, ils pourront utiliser les deux
transports. Donc, on va, encore une fois, faciliter cela. On est devant des
concurrents assez importants et, des fois, on nous donne des allures de
personne qui défend trop sa peau et qui n'a pas d'esprit
régional. On l'a mais surtout pour la Communauté urbaine de
Québec. Je ne voudrais pas jouer le rôle des MRC de la rive
sud.
Le Président (M. French): Alors, la problématique
de la répartition des coûts existe, mais vous ne l'évoquez
pas comme axe principal de votre mémoire.
M. Rivard: Non.
Le Président (M. French): Ce que j'ai retenu du
mémoire, c'est particulièrement la nécessité de
prendre les décisions sur les infrastructures au niveau régional
à la lumière d'une analyse plus exhaustive que les analyses qui
existent et qui sont faisables par des entités comme la
communauté urbaine et les villes; l'OPDQ ou le gouvernement du
Québec, ou une extension de ces autorités, devrait le faire.
M. Rivard: Je m'excuse, je ne saisis pas votre question.
Le Président (M. French): Non, alors passons à la
fin de votre mémoire où vous nous dites: "L'analyse de
l'évolution de la population des centres urbains du Québec
mériterait d'être réalisée plus en profondeur, et
selon une vision plus élargie des mécanismes de
développement de ces milieux. Ainsi, les indicateurs
démographiques, économiques et urbanistiques de ces mêmes
territoires devraient être introduits à cette étude", etc.
Et vous demandez au gouvernement du Québec de prendre cette
responsabilité, si j'ai bien compris.
M. Rivard: On fait allusion à une étude qui vient
du Bureau de la statistique du Québec. Ce sont des statistiques que vous
pouvez avoir, auxquelles vous avez accès, que vous faites
vous-mêmes. Également, avec Statistique Canada. On veut que les
chiffres que vous nous avez présentés soient faits d'une
façon plus exhaustive que ce qui nous a été
présenté, en tenant compte des facteurs qu'on vient de vous
donner.
Le Président (M. French): Alors, là, je comprends
mieux. Alors, c'est tout simple- ment de demander aux autorités
statistiques - qui, je vous rappelle, ne sont pas l'Assemblée nationale
- du gouvernement du Québec et du Canada d'être plus soucieux de
la réalité de la vie humaine, qui est plus complexe que leurs
statistiques peuvent le démontrer, à un moment donné. Une
meilleure analyse plus sophistiquée devrait être faite.
Pourrait-on explorer quelque peu les implications pour l'administration
municipale ou l'administration de la Communauté urbaine de Québec
de la diminution de la taille des ménages et du vieillissement? Vous
dites quelque part dans votre mémoire qu'on peut formuler des
hypothèses quant aux implications, "qu'il est possible de
spéculer sur les bénéfices éventuels d'une telle
évolution sociodémographique à l'égard des
fonctions urbaines, économiques et sociales du territoire. " Les
bénéfices, les coûts, quel genre de changements cette
évolution fait-elle par rapport aux responsabilités de la
Communauté urbaine et des villes composantes? Qu'est-ce qu'un
gouvernement ou un effort de mieux comprendre ces tendances pourrait faire face
à cette problématique?
M. Rivard: Si notre population reste stable ou augmente, les
coûts des services ne pourront qu'être amoindris. Si, au contraire,
la population nous quitte et, surtout, si les statistiques que nous contestons
s'avèrent réelles, on va se ramasser avec un coût
supérieur.
Le Président (M. French): Alors, pouvez-vous faire des
estimations de ces coûts supérieurs? Allez-vous en faire?
Avez-vous fait...
M. Rivard: Honnêtement, ce n'est pas quantifié.
Le Président (M. French): Et ce n'est peut-être pas
quantifiable. Je vous pose une question en tant que profane.
M. Rivard: C'est difficile. Je réponds comme M. Des
Marais, c'est extrêmement difficile à établir. Mais cette
chose est certaine, c'est évident; plus on est pour séparer le
gâteau, moins la pointe de taxe est importante. C'est évident. Si,
au Québec, nous étions le double de population pour le même
budget, cela coûterait moins cher à tout le monde. C'est le
même raisonnement au niveau supramunicipal.
Le Président (M. French): Sauf que je vous rappelle que M.
Des Marais ne semblait pas préoccupé par cela. Sa
préoccupation était de mettre plus de monde dans l'assiette de
taxes pour ses transports en commun, mais au-delà de cela il
était bien heureux. Il
n'était pas... En tout cas, j'exagère quelque peu, je
caricature.
M. Rivard: Bien, moi, je l'applique à tout. C'est la
même chose. Si on est plus de monde, ce n'est pas seulement le transport
en commun qui va être moins dispendieux, ce sont tous les autres services
qu'on a à se donner. Cela ne coûtera pas plus cher au corps
policier, cela ne prendra peut-être pas beaucoup plus de policiers
à Québec ou sur le territoire pour 10 % ou 15 % de population de
plus.
(21 h 15)
Le Président (M. French): Cela me semble très
évident, mais cela ne semble pas l'être dans l'exposé de M.
Des Marais. D'accord.
Mme la députée.
Mme Harel: Évidemment, les interventions des gouvernements
dans le domaine du transport peuvent être très structurantes; on
le voit dans le transport en commun à Montréal en particulier. Je
pense que l'exemple que vous donnez, enfin, l'hypothèse d'un autre pont
qui pourrait desservir la rive sud montre que ce sont des interventions qui ne
sont pas sans conséquence. Je pense juste à la station de
métro à Longueuil qui, il y a bien 20 ans de cela, a eu un effet
d'entraînement et éventuellement à une desserte de la
population de Rivière-des-Prairies, en fait, qui serait meilleure que ce
qui est le cas présentement à Montréal. On pourrait
peut-être ravoir...
Est-ce que vous en arrivez même à privilégier des
programmes gouvernementaux? Je pense à Corvée-habitation, par
exemple, un programme qui a eu des effets dont on dit qu'ils ont
été bénéfiques et je crois qu'on peut le constater
très objectivement. Est-ce que vous allez jusqu'à recommander que
des programmes comme ceux-là se fassent en privilégiant certaines
zones et pas d'autres?
M. Rivard: Ce serait extraordinaire, ce serait trop beau
même pour le faire. Je vous fais un parallèle, encore une fois,
entre des programmes. Je pense, par exemple, à Loginove, qui a
été expérimenté dans un quartier de mon ex-ville,
Beauport, dans le quartier Montmorency. Cela a eu un effet
bénéfique. Alors, si on pouvait faire de tels programmes, comme
des programmes de restauration de logements, j'aimerais peut-être mieux
cela que des programmes comme Corvée-habitation.
Corvée-habitation, dans le cas de Québec, je ne pense pas que
cela ait attiré beaucoup de personnes de l'extérieur parce qu'il
était disponible dans l'ensemble de la province. Mais le programme
Loginove a permis la restauration de logements sur le territoire; cela a
peut-être empêché des gens de se construire à
l'extérieur du territoire.
Mme Harel: Mais les 12 000 unités de logement qui
pourraient être construites sur le territoire dont vous avez
parlé...
M. Rivard: Oui. Ce seraient peut-être des programmes
où certaines villes...
Mme Harel: Spécifiques.
M. Rivard:... pourraient offrir des dégrèvements de
taxes si des personnes s'établissent. Ce sont des mesures qui peuvent
être prises, comme on peut, par exemple, pour garnir les deux parcs
industriels qui relèvent de la communauté urbaine, s'entendre
avec certaines villes. Prenons les cas de Beauport, de Saint-Augustin. Pour ces
deux endroits où sont situés les parcs, on pourrait
peut-être penser à des programmes de dégrèvement de
la taxe d'affaires ou de la taxe foncière, pour un certain temps. Ce
sont des mesures incitatives, bien sûr.
Mme Harel: J'imagine que M. Mathews proposerait que ce soit
associé à l'utilisation de ces éventuelles 12 000
unités de logement par des familles qui ont fait le choix d'un
troisième enfant.
Le Président (M. French): On ne s'y opposerait
sûrement pas.
Une voix: Je n'ai pas le droit de parler.
M. Rivard: Et même si on vous cite.
Le Président (M. French): II y aurait quand même une
raison sociale qui ne serait pas nécessairement nataliste, si tel
était le cas.
Mme Harel: C'est-à-dire que cela répondrait,
à ce moment-là, à plusieurs objectifs.
Le Président (M. French): Bien, entre autres, au fait que
le troisième ou le quatrième enfant crée, au point de vue
du logement, des coûts supplémentaires...
Mme Harel: C'est cela.
Le Président (M. French):... beaucoup plus
élevés que pour les premier et deuxième enfants.
M. Rivard: Écoutez, il y a beaucoup de mesures qui peuvent
être prises. Il y en a qui sont prises par certaines villes. Mais, au
point de vue du schéma d'aménagement que nous venons d'adopter
comme je vous le dis encore une fois, nous avons pris des mesures pour garder
notre population et, surtout, pour abaisser les coûts. Je pense que cela
n'aura
pas d'autre effet que le but visé, soit garder nos citoyens et,
autant que possible, en attirer de nouveaux. Mais j'insiste toujours, pour ce
qui est des décisions gouvernementales pour de nouvelles
infrastructures, sur le fait que nous devrions être consultés et
non pas toujours être mis devant un fait accompli. Il me vient encore une
idée: l'autoroute 440, qui longe le fleuve pour se diriger vers le pont
de l'île, quant à nous, c'est une erreur monumentale avec le peu
de population qu'on a. Cela n'a eu pour effet, pour ce qui est des citoyens,
que de les faire sortir du territoire parce que la desserte est très
facile; cela a fait mourir un lot de commerces sur le boulevard Sainte-Anne,
des restaurants, des stations-service, etc. Quant à moi, c'était
inutile parce que ce n'était pas justifié. C'est sur des points
comme celui-là, sur des décisions comme celle-là qu'on
aimerait être consulté avant d'être devant un état de
fait.
Mme Harel: M. le Président, j'aimerais saisir l'occasion
pour demander aux autorités de la CUQ s'il y a des programmes ou s'il y
a déjà eu un débat ou une réflexion sur une
présence qui est très faible en termes d'immigration. Parce que,
enfin, vous souhaitez, je pense, attirer, comme vous dites, une nouvelle
population. Il est vraisemblable que cela ne puisse se faire que par des
transferts d'une région à l'autre, mais dans le cas d'une
population immigrante, les chiffres de la Communauté urbaine de
Montréal révèlent, je crois, que c'est presque 80 %, 77 %
en tout cas, des nouveaux arrivants qui s'installent dans la région de
Montréal proprement dite et à peu près 23 % dans
l'ensemble du Québec, mais je crois que c'est essentiellement aussi dans
la ceinture de Montréal. Est-ce qu'il y a des programmes? Est-ce qu'il y
a déjà eu une réflexion qui s'est faite à votre
niveau à ce sujet-là?
M. Rivard: Je dois vous dire honnêtement que non, mais, a
priori, c'est bien sûr que nous serions heureux d'accueillir plus
d'immigrants ici à Québec, surtout des investisseurs. Maintenant,
encore une fois, c'est une politique qui ne relève pas de nous, mais
à première vue on y serait favorable. C'est un fait que la
plupart des nouveaux arrivants s'établissent dans la région de
Montréal; du moins, au Québec, ils s'établissent dans la
région de Montréal. Quant à nous, si on pouvait avoir
notre part... Encore une fois, il y a toutes sortes de nouveaux arrivants. Nous
avons des arrivants qui viennent ici sans aucune spécialité, qui
s'accaparent de tout ce qu'on appelle le "cheap labor", mais c'est au
détriment des personnes qui sont en place. On aggrave plutôt le
problème. Si on veut accueillir des gens qui ont des professions, des
gens avec des métiers spécialisés et surtout même
des investisseurs, bien sûr, ils seront les bienvenus.
Mme Harel: Est-ce que des démarches ont été
faites auprès des services qui s'adressent aux investisseurs immigrants?
Est-ce qu'il y a des démarches qui sont faites, par exemple, à
l'étranger de la part de la CUQ?
M. Rivard: À ma connaissance, cela ne se fait pas
présentement. Les seules démarches que nous faisons à
l'étranger, c'est pour attirer les industries. Nous avons un
département de promotion industrielle qui est de plus en plus agressif.
Nous nous unissons, bien sûr, avec la Société Inter-Port
pour faire la promotion sur les marchés extérieurs, mais pour
aller chercher des individus, non; c'est surtout sur les entreprises que nous
mettons nos efforts présentement.
Mme Harel: Je dois comprendre qu'il n'y a pas eu de contact avec
les services gouvernementaux qui s'adressent aux investisseurs immigrants.
M. Rivard: À ma connaissance, non.
Mme Harel: II y a déjà eu une réflexion sur
le fait qu'il y avait peu d'immigrants qui venaient dans la région de
Québec?
M. Rivard: À ma connaissance, encore une fois, on n'a
jamais étudié la raison pour laquelle on choisit plutôt
Montréal. Est-ce qu'il s'agit d'une question de langue? C'est bien
sûr qu'un immigrant français va peut-être favoriser
Québec plutôt que Montréal. Si c'est un anglophone, si
c'est un Italien -nommons toutes les races - est-ce que la région de
Montréal est plus favorable à cause de son caractère plus
bilingue que la région de Québec qui est à 99, 8 %, 99, 9
% uniquement francophone? Je ne saurais vous le dire, c'est une étude
que nous n'avons jamais poussée.
Le Président (M. French): Avant de donner la parole
à mon collègue de Saint-Henri, je voudrais vous dire quelque
chose qui ne se veut absolument pas un reproche en aucune manière, mais
que je trouve intéressant. Cela m'a frappé d'une façon on
ne peut plus claire ce soir. C'est que vous, étant administrateurs
municipaux, vous vivez de façon beaucoup plus aiguë, les
implications de l'évolution démographique qu'un élu ou un
administrateur au niveau provincial. Cela est très évident.
Cependant, si vous me le permettez - je le dis en tout respect - je pense que
vous ne vous êtes pas encore rendu compte des outils, des instruments,
des attitudes, des politiques ou
des programmes qui pourraient être mis en branle au niveau
provincial pour vous aider, vous, à mieux résoudre vos
problèmes.
Vous nous en parlez comme si le problème était
essentiellement de savoir si, oui ou non, Ils viennent. Je suis d'accord avec
vous. Sans doute qu'il y a bien des infrastructures qui ont été
installées par des politiciens ambitieux qui voulaient faire la
manchette, être prodigues avec l'argent de la population et qu'à
la longue cela ne fait que réduire le potentiel pour tout le monde.
C'est un éparpillement, c'est stupide, je suis d'accord. Pour vous,
c'est tellement évident parce que c'est tellement tangible.
Au-delà de cela, vous êtes en mesure de dire aux
élus du gouvernement du Québec et du gouvernement du Canada que
vous, vous vivez "on the front lines" de la dépopulation, de la
nécessité de recycler nos investissements et nos infrastructures
historiques, tant privés que publics. Mais, si vous me permettez, vous
manquez peut-être du vocabulaire nécessaire pour le faire parce
que l'immigration ne relève pas de vous. Les migrations
interprovinciales ne relèvent pas de vous. Vous ne le voyez pas de
façon assez claire, sauf que vous vivez des résultats on ne peut
plus clairs. Je ne vous demande pas de me répondre, mais je vous dis -
c'est un argument que j'aurais dû apporter à M. Des Marais II
également - que je pense que nous essayons, nous, de façon
très modeste et sans grand intérêt de la part de nos
collègues, d'ailleurs, et surtout pas du gouvernement... Non,
excusez-moi, ce n'est pas un argument qui se voulait partisan. C'est un
exercice qui se fait un peu dans le vide, sauf qu'il me semble que c'est
également à vous non pas de nous aider, mais de batailler pour
votre paroisse et vos propres intérêts. C'est très clair
pour moi ce soir que vous avez beaucoup à dire, mais il ne faudrait pas
vous limiter à une problématique de la politique régionale
ou municipale parce que les enjeux se jouent également à un
niveau beaucoup plus généralisé. À ce niveau, par
contre, les décideurs ne sont pas conscients de vos problèmes ou,
en tout cas, ne sont pas conscients de ce qu'ils pourraient faire pour
vous.
M. Rivard: Alors, on va tâcher, dans les prochains mois et
les prochaines années, de vous sensibiliser à tous nos
problèmes. C'est peut-être un manque, mais, comme je vous le
disais, on a toujours été mis... Moi non plus, je ne fais pas de
partisanerie. Tous les gouvernements qui se sont succédé ne nous
ont jamais consultés pour savoir si on était d'accord ou non avec
des projets d'infrastructure. On est trop souvent mis devant le fait accompli.
Encore une fois - on donne suite un peu à votre suggestion - le fait
qu'on conteste la façon dont les statistiques ont été
établies, c'est peut-être un commencement de contestation qu'on
amènera sur tous les paliers.
Le Président (M. French): Si, dans les politiques de
logement ou de recyclage, dans les politiques d'immigration, il y avait une
plus grande conscience du potentiel et des problèmes que vous avez dans
les communautés urbaines, on saurait mieux comment roder et ajuster ces
programmes. M. le député de Saint-Henri.
M. Hains: Une dernière question. Moi aussi, j'ai
été frappé parce que vous préconisez des mesures
très drastiques pour conserver votre monde à la CUQ. Vous
demandez d'être consultés au moins - vous ne refusez pas - sur
l'ouverture de nouveaux ponts, de nouvelles autoroutes, etc. La question que je
me pose, sans être méchant, c'est: Est-ce que ce n'est pas un peu
refuser le progrès? Est-ce que ce n'est pas en même temps des
causes possibles de frictions et même de conflits avec les
municipalités environnantes?
M. Rivard: Non, je ne partage pas... Ce que je retiens surtout,
c'est "refuser le progrès".
M. Hains: Non, j'ai dit: "Est-ce que ce n'est pas"...
M. Rivard: Écoutez, on prévoit que la population de
la CUQ va légèrement diminuer; c'est la même chose que pour
la CUM. Je crois que, pour l'ensemble de la province, c'est stagnant. Est-ce
qu'on va attirer de nouveaux citoyens avec des autoroutes, avec de nouveaux
ponts? Dans l'ensemble, le même problème s'applique à votre
niveau de gouvernement. Il s'agit de faire des choix. Si, à un moment
donné, il y a de l'argent à investir et qu'on est pris... Je
comprends qu'actuellement c'est l'assainissement des eaux qui a la
priorité. On est tous d'accord, il y a un problème de pollution
qu'il faut régler. Il y a dix ans, c'était les écoles et,
avant cela, c'était un autre domaine. Les problèmes que nous
vivons, vous les avez également et on vous demande de faire des choix.
Si vous voulez que les paliers supramunicipal et municipal participent à
votre pensée pour vous aider à prendre des décisions, on
est prêts à le faire avec vous.
M. Hains: La deuxième partie de ma question était:
Est-ce que cela ne crée pas, quand même, des rivalités ou,
enfin, des frictions avec des municipalités environnantes?
M. Rivard: C'est sûr, c'est certain. Je me souviens encore
des réactions lorsque nous avons rendu public notre schéma
d'aménagement, nous avons eu des critiques de la part des gens de
la rive sud comme des MRC environnantes. On prend des mesures pour garder nos
citoyens, en prenant des mesures incitatives pour commencer à combler
nos terrains vacants, à titre d'exemple. Cela ne fait pas l'affaire des
MRC et de la rive sud qui aimeraient attirer ces citoyens. Malheureusement, on
se fait une compétition parce qu'il n'y a pas assez de nouveaux
citoyens. La dénatalité, c'est évident, on la vit, et
c'est la cause de nos problèmes. On joue du coude. Je reviens toujours
sur le schéma parce que je pense qu'on s'est donné des moyens
pour rationaliser tout cela. (21 h 30)
Le Président (M. French): Mme ladéputée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je trouve cela extrêmement intéressant
parce que je pense que votre problématique, celle que vous avez
exprimée ce soir, est quand même de plus en plus connue et
partagée. On peut vraiment constater qu'il y a eu un cran d'arrêt
à ce qu'on appelait l'exode commercial, l'exode industriel et l'exode
résidentiel. Ce qu'a connu la Communauté urbaine de Québec
est en fait un scénario semblable à ce qui s'est vécu
à Montréal. Il y a eu ces exodes qui, dans le fond, ont
été comme amplifiés, justement, par les grandes politiques
d'autoroutes. C'était l'exode commercial au profit des centres
commerciaux, au détriment des artères commerciales, l'exode
résidentiel sur souvent des bonnes terres agricoles et l'exode
industriel avec les parcs industriels, les commissariats industriels qui
étaient subventionnés par les deux gouvernements à
l'extérieur des centres-villes, au détriment des infrastructures
industrielles qui étaient plus vétustes et qui, elles,
n'étaient pas subventionnées parce qu'elles existaient
déjà. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais il y a quand
même eu un cran d'arrêt. On ne considère plus le
progrès maintenant comme étant les grands échangeurs. On
ne voit plus les échangeurs d'autoroutes comme étant le
progrès. Il y a eu certaines mesures. Je pense à ReviCentre; je
crois que c'est une mesure, dans le domaine commercial, qui a pu être
intéressante.
Maintenant, il ne faut pas seulement un cran d'arrêt. J'imagine
qu'il faut des mesures positives, ce qu'on peut appeler de la discrimination
positive pour rétablir, d'une certaine façon, l'équilibre.
Je comprends très bien et je partage un peu le point de vue du
président quand il disait: Cela dit, cela ne peut pas être qu'un
problème de transfert de population; il y a aussi un problème -
c'est peut-être là la problématique à
développer à la commission - d'accroissement tout court de la
population. Parce que, malgré qu'on puisse souhaiter que cette
population soit densifiée, à un moment donné, on ne pourra
pas, non plus, se faire transférer d'une grande densification à
une autre.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne: Je voulais vous poser la question, mais vous
n'êtes peut-être pas des spécialistes. Nous, comme membres
de la commission, qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va favoriser davantage
l'immigration? Est-ce qu'au lieu d'avoir, je ne sais pas, 40 000 immigrants
cette année, on devrait peut-être penser à 60 000 l'an
prochain? Ou bien, je ne sais pas, je donne un chiffre au hasard, est-ce que
c'est...
Mme Harel: On en a 15 000 par année.
M. Champagne: Alors, 15 000 par année avec une politique
bien établie ou bien est-ce qu'il y aura aussi des politiques
natalistes? Qu'est-ce qu'on devrait favoriser pour une politique familiale?
C'est cela, notre préoccupation. C'est bien sûr que vous ne devez
pas nécessairement répondre à cela.
M. Rivard: Mais je me pose les mêmes questions que vous.
Encore une fois, je me pose des questions sur les nouveaux citoyens qui
viennent de l'extérieur. Quel genre de citoyens? Est-ce qu'on va prendre
des "boat people"? Si on allait chercher les Éthiopiens qui
crèvent de faim pour les nourrir ici, est-ce que cela
améliorerait l'économie? J'en doute fort.
Comme la politique de natalité, est-ce qu'on devrait augmenter
les dégrèvements d'impôt plutôt que faire l'inverse,
comme on l'a vu dernièrement? C'est une question que je me pose. Je ne
suis pas un fiscaliste, mais c'est bien sûr que plusieurs mesures
incitatives peuvent être prises. Je ne pense pas qu'une campagne de
sensibilisation à la télévision, par exemple, pour dire:
Faisons des enfants, cela pourrait avoir un bon effet. J'en doute fort aussi.
Je ne connais pas la formule miracle, mais nous faisons tous ensemble le
même constat: nous avons un problème de population. Comme
entité québécoise, nous avons une population qui,
malheureusement, ne s'accroît pas au même rythme que d'autres
nations.
Le Président (M. French): Je dirais tout simplement ceci
en guise d'observation, M. Rivard: C'est ironique, mais les "boat people", ne
vous en faites pas, "no problem", ils vont créer plus d'emplois que
n'importe quel Québécois arbitrairement
sélectionné. Par contre, probablement que les Africains du sud du
Sahara auraient beaucoup plus de difficulté à s'ajuster. Ce n'est
pas aussi simple que cela peut en avoir l'air. Même si
un immigrant arrive sans un sou, son équipement culturel est
beaucoup plus important que son équipement physique. On aimerait bien
qu'ils soient tous millionnaires, mais... Cela n'est pas un reproche que je
vous fais, mais je vous souligne que c'est trop facile parfois de porter ces
jugements.
Je voudrais ajouter que nous sommes très sensibles, quand
même, à vos arguments qui sont: Soyons intelligents sur le plan
démo-économique. Essayons ensemble de mieux comprendre les
dynamiques dans les communautés urbaines et leurs régions
environnantes. Consultez avant d'annoncer les grands projets. Essayons d'avoir
des analyses qui ne sont pas trop unidimensionnelles. Présentez des
scénarios différents pour qu'on puisse essayer de choisir entre
ces scénarios plutôt que de présenter un scénario
unique qui prétende être la vérité mais qui ne l'est
presque jamais. Je ne sais pas si je saisis bien vos constatations, mais c'est
cela que je retiens.
M. Rivard: Vous avez l'heure juste.
Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M.
Bergeron, M. Guyard, M. Lafrance et M. Rivard.
M. Rivard: Je vous remercie moi-même au nom de mes
collègues de nous avoir accueillis ce soir et de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. French): La commission de la culture
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 21 h 36)