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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Aujourd'hui le 25 avril, à l'ordre du jour, étudier les
crédits budgétaires du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
Présents, MM. Blais (Terrebonne), Champagne (Mille-Îles),
Dauphin (Marquette), French (Westmount), Gauthier (Roberval), Hains
(Saint-Henri), Payne (Vachon).
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue au ministre, à sa
sous-ministre, Mme Barcelo, à ses fonctionnaires et aux membres de son
cabinet. Je voudrais également dire comment la commission
apprécie le fait que nous ayons eu la documentation suffisamment
à l'avance pour permettre une bonne étude des crédits. La
documentation est très claire et très volumineuse. Elle est
très clairement organisée. C'est donc un outil de travail
extrêmement valable pour nous. Nous vous en sommes très
reconnaissants.
Commentaires préliminaires
Dans le cours normal des choses, je pense que nous inviterons
directement le ministre à faire ses commentaires préliminaires.
Le document a été distribué. S'il y a des
députés qui ne l'ont pas reçu, je vous inviterais à
nous faire signe. M. le ministre.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, je veux d'abord vous remercier
de rendre hommage à mon équipe qui, par tradition, distribue
très tôt dans l'année et assez longtemps avant
l'étude des crédits les documents pertinents à mon
ministère.
Par ailleurs, comme je ne veux pas que mon discours prenne trop de
temps, mais que plutôt les questions prennent du temps dans cette
commission, je ne ferai pas un long discours ce matin. Je vais plutôt
faire un très bref résumé de ce qui s'est passé au
ministère cette année. Je pense que le discours a
été donné à tout le monde et que les faits
saillants sont là.
Je vais d'abord présenter Mme Juliette Barcelo, sous-ministre, M.
Régis Vigneau, sous-ministre adjoint, M. Roger Prud'Homme, sous-ministre
adjoint aussi, Mme Micheline Lachance, chef de cabinet, M. Normand
Lemay, des services financiers, M. Pierre-Etienne Laporte, de la
recherche. Ils sont là pour compléter les réponses
à vos questions au cas où je ne pourrais pas les donner
moi-même.
Je veux aussi remercier Mme Louise Harel qui a fait du beau travail
pendant qu'elle était mon successeur au ministère, entre autres,
pour la campagne de financement pour l'Éthiopie et la création et
l'adoption de la loi 10 créant le Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration.
Je vous annonce aussi en primeur que la présidente du Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration a été
nommée hier au Conseil des ministres, Mme Juanita
Westmoreland-Traoré. Nous avons un curriculum vitae à vous
distribuer à son sujet immédiatement. Est-ce que vous l'avez, Mme
Lachance? Il est en voie d'impression. Les deux vice-présidents seront
annoncés dans les semaines qui viennent, M. le député de
Marquette. Les deux vice-présidents seront nommés bientôt
et les treize autres membres seront nommés aussi dans les semaines qui
viennent. Donc, pour ce qui est de la loi qui prescrivait de nommer la
présidente au début d'avril, mission accomplie.
Par ailleurs, ce qu'il y a de nouveau au ministère cette
année, c'est que les niveaux d'immigration seront établis
après une large consultation auprès des organismes du conseil
pour déterminer Ies niveaux souhaitables pour le Québec. De plus,
c'est un fait nouveau, ces niveaux seront dorénavant approuvés
par le Conseil des ministres en réunions régulières. Le
conseil dont je viens d'annoncer la présidente répond à un
besoin qui a été exprimé à plusieurs reprises par
les communautés culturelles et par les intervenants
socio-économiques concernées par l'immigration. D'ailleurs, une
recommandation du sommet "Québec dans le monde" allait dans le
même sens. Ce conseil fait suite au CIPACC; il devient une structure
permanente équipée d'une équipe de recherche et d'un
budget dignes de ce nom. Ce conseil a pour fonction d'éclairer le
ministre et de faire rapport à la population du Québec et au
Parlement de ce qui va bien ou de ce qui ne va pas bien dans le domaine de
l'immigration et des groupes ethniques au Québec.
D'autre part, l'année 1984 a été une année
exceptionnelle en ce qui touche le domaine des immigrants investisseurs. En
effet, 525 d'entre eux ont reçu un visa. Ils
disposaient de 250 000 000 $ qui sont investis au Québec. Notre
bureau de Hong Kong a connu une augmentation de 93% des personnes
sélectionnées par le Québec pour l'année en cours.
À tel point que nous songeons l'an prochain à grossir le bureau
de Hong Kong de deux à quatre conseillers, c'est-à-dire deux de
plus que ce que nous avions jusqu'à maintenant, car nos dossiers
s'accumulent de façon quotidienne au bureau de Hong Kong. Les
investisseurs de Hong Kong sont extrêmement attirés par le
Québec et nous voulons bénéficier au maximum de cette
période chaude, je devrais dire. Les gens de Hong Kong sont inquiets
quant à l'avenir de leur territoire et se cherchent un lieu stable
où ils espèrent faire leur vie et mettre sur pied des entreprises
rentables pour eux et leurs descendants.
De plus, nous aurons un conseiller de plus au bureau de Paris et nous
avons ouvert un nouveau bureau à Düsseldorf en Allemagne où
il y avait une augmentation notable des candidatures à la suite de
missions faites par nos agents d'immigration en provenance de Montréal
ou de Paris, dans cette partie de l'Europe; on a constaté qu'à
Düsseldorf aussi il existait un bassin potentiel important de candidats
dotés de compétence, d'expertise, de "know-how" et d'argent,
choses qui font défaut au Québec et que nous espérons
aller chercher dans les pays qui en disposent. Aussi, ils sont prêts
à déménager, à quitter leur pays natal pour se
refaire une vie dans des pays qu'eux estiment beaucoup plus stables et beaucoup
plus propices aux investissements et au développement
économique.
Mon discours a été déposé également
au Journal des débats; il sera inscrit au Journal des débats du
Parlement. (Voir annexe).
Nous avons également rencontré au cours des voyages que
nous avons faits, mon sous-ministre et moi, en Europe des candidats potentiels
du Moyen-Orient, du Liban, de l'Arabie Saoudite, des candidats
extrêmement intéressants sur lesquels nous travaillons toujours,
qui sont venus au Québec, qui ont visité des entreprises, qui ont
visité le pays, le territoire, qui devraient bientôt se brancher
et décider de venir ici au Québec éventuellement, dans le
domaine agricole, l'agriculture sous serre en particulier, et dans d'autres
domaines où le Québec a un retard. Nous tentons donc de choisir
des candidats dans des secteurs où le Québec a vraiment un
retard, où il est sous-développé de manière que la
mosaïque industrielle du Québec soit la plus
développée possible.
Ce sont mes remarques, M. le Président. Maintenant, un dernier
mot, peut-être, sur les réfugiés. De 7000 à 10 000
réfugiés sont au Québec. Nous les appelons maintenant "les
revendicateurs du statut de réfugié", ce qui est une expression
fédérale. Une décision récente de la Cour
suprême va prolonger le processus déjà très long de
parachèvement de leurs dossiers. Il faut donc absolument trouver une
solution à ce problème et, en ce sens, Mme Flora MacDonald et
moi, nous nous verrons à Ottawa, le 7 mai, afin d'éclaircir
ensemble ce problème et de tenter de trouver une solution conjointe,
puisque nous sommes partenaires d'égal à égal dans ce
secteur.
M. le Président, ce sont mes remarques préliminaires. Je
passe maintenant la parole aux membres de la commission et à
vous-même.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. M. le
député de Marquette est, je pense, le critique de l'Opposition
officielle. Avez-vous des commentaires préliminaires?
M. Dauphin: Oui.
Le Président (M. French): S'il vous plaît.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, Mme la sous-ministre, M. le sous-ministre,
mesdames et messieurs, je vais être très bref, moi aussi, puisque,
pour la bonne compréhension de nos travaux, nous allons étudier
en deux tranches nos crédits, soit aujourd'hui et le 8 mai, si je ne
m'abuse. Nous allons surtout nous concentrer sur l'aspect des
communautés culturelles aujourd'hui et nous reviendrons sur l'aspect
spécifique de l'immigration et de la loi 101 le 8 mai. Je vais
être bref. J'ai seulement sept ou huit pages.
Le Président (M. French): M. le député,
notre compréhension n'est pas semblable, je pense.
M. Godin: Peut-être une précision. Aujourd'hui,
c'est l'étude des communautés culturelles et de l'immigration et,
le 8 mai, ce sera la loi 101. Rien n'empêche de parler de l'immigration
aujourd'hui, évidemment.
Le Président (M. French): Est-ce que cela va?
M. Godin: Mon équipe de l'immigration est ici au complet
aujourd'hui. Donc, toute question sur l'immigration devrait être
posée aujourd'hui. L'entente avec votre collègue, M. Rivest - de
quel comté est-il? - était que la loi 101 serait
étudiée le 8 mai et les communautés culturelles et
l'immigration aujourd'hui.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette, est-ce que cela vous crée des problèmes?
M. Dauphin: C'est-à-dire que M. Rivest, qui s'occupe de la
loi 101 au sein de notre formation politique, m'a dit qu'en une heure, au
maximum, il pourrait disposer de la loi 101. C'est pour cette raison que,
étant donné que nous avons deux heures à notre disposition
le 8 mai, si je ne m'abuse, j'avais prévu un peu de temps pour
l'immigration, mais, quand même, on va essayer de s'adapter, de
s'accommoder. Est-ce que cela cause des problèmes?
M. Godin: C'est-à-dire des problèmes, pas pour moi qui
suis toujours ici de toute façon les mardi et mercredi, mais pour mes
collègues du ministère qui doivent travailler, comme vous le
savez, à Montréal où le bureau se trouve. Cela les forcera
à revenir ici. Mais ce n'est pas un problème insurmontable,
remarquez bien.
Le Président (M. French): Essayons donc, si vous me le
permettez, de voir comment cela va. À la fin de cette séance,
nous allons tenter de décider ensemble quels seraient les meilleurs
arrangements. Je comprends très bien que, puisque la plupart des bureaux
du ministère sont localisés à Montréal, il serait
évidemment, souhaitable qu'on puisse, dans la mesure du possible,
épuiser les crédits du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration aujourd'hui. À la fin de la
séance d'aujourd'hui, on sera au moins en mesure de savoir ce qui reste,
de sorte que, si on pouvait désigner cette partie pour le
bénéfice du ministre et de la sous-ministre, pour leur
planification, on rappellerait quelques personnes, mais pas toute
l'équipe pour la prochaine fois. Je ne sais pas, c'est une suggestion
que je propose.
M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, je préciserais que,
normalement on doit adopter les programmes 1, 2 et 3 à la fin de notre
séance et le programme 1, c'est l'immigration, le programme 2, les
communautés culturelles et le programme 3, c'est la Charte de la langue
française. Donc, si on pouvait adopter aujourd'hui les programmes 1 et
2, ce serait dans les règles et dans la tradition. Si nous pouvions
adopter aujourd'hui les programmes 1 et 2 de notre budget, puisque c'est une
étude de crédits, nous serions comblés.
M. Dauphin: Finalement, on verra à la fin de la
séance.
M. Godin: D'accord.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Je vais commencer tout de suite. Mesdames, messieurs,
deux dossiers auront marqué au cours de cette dernière
année le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration soit, d'une part, l'abolition du CIPACC et la création du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration par la sanction
de la loi 10 en décembre dernier.
En effet, le printemps dernier, le gouvernement, par la voix de son
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration,
annonçait la dissolution du Comité d'implantation du plan
d'action à l'intention des communautés culturelles, soit le
CIPACC. Pour le remplacer, le ministre avait suggéré comme
palliatif un ombudsman, un superfonctionnaire, dont le rôle était
d'être l'intermédiaire entre les différents
ministères et organismes gouvernementaux et le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, de même qu'entre ce
dernier et les représentants des communautés culturelles.
À pareille date l'an dernier, lors de l'étude des
crédits de ce ministère, l'Opposition libérale avait mis
en doute ce palliatif pour remplacer le CIPACC. Nos inquiétudes
reposaient sur le fait que, pour la représentativité des
communautés culturelles au sein du gouvernement, avoir uniquement une
personne, si compétente soit-elle, représentait un recul
inquiétant, que la voix des communautés culturelles allait en
s'amenuisant. Nous avions à ce moment-là formulé le
souhait, qui était avant tout celui des membres des communautés
culturelles, de voir remplacer le CIPACC par un comité
indépendant qui serait dignement représenté par les
membres des milieux des communautés culturelles et de l'immigration et
qui se verrait ajouter plus de pouvoirs. D'ailleurs, la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration s'est souvenue de cette
suggestion puisque, lors de son discours sur l'adoption du principe de la loi
10 le 14 décembre dernier, elle mentionnait: "Nous avions
envisagé à l'époque, grâce aux suggestions du
député de Marquette, d'ailleurs, de mettre sur pied un organisme
autonome permanent et doté d'un budget significatif. "
Effectivement, l'Opposition libérale a été heureuse
de constater que le gouvernement avait pris en considération cette
suggestion en déposant l'automne dernier le projet de loi 10, soit la
Loi sur le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Nous
avons, par ailleurs, accepté d'emblée de collaborer à son
étude pour qu'elle puisse être sanctionnée en
décembre dernier.
Nous souhaitons que, pour le gouvernement, le conseil ne se
révèle pas un organisme sans importance et sans voix, que ses
recommandations seront écoutées et mises en application par la
suite dans les plus brefs délais.
II serait donc important pour commencer que le gouvernement nomme les
membres qui formeront ce conseil le plus tôt possible - d'ailleurs, le
ministre nous a fait part de la nomination de la présidente -puisque,
à notre connaissance, cela n'a pas encore été fait,
même si la loi est entrée en vigueur le 1er avril dernier.
D'ailleurs, sur ce point, nous aurons des questions bien précises
à poser au ministre quand viendra le moment d'étudier le
programme 2 du ministère qui porte justement sur ledit conseil.
Maintenant, attaquons-nous aux actions de ce gouvernement dans le
secteur des communautés culturelles et de l'immigration. En 1981, un
mois avant les élections d'avril, le gouvernement du Parti
québécois lançait à grand renfort de
publicité son plan d'action sur les communautés culturelles,
intitulé "Autant de façons d'être québécois".
Nous avions soulevé le fait l'an dernier, à la lecture du premier
rapport du CIPACC, que le bilan du plan d'action gouvernemental était
pratiquement inexistant. Le ministre nous avait alors répondu
qu'à la lecture du second rapport du CIPACC, qui fut également
son rapport final, nous verrions une nette amélioration dans le
processus d'application du plan d'action, allant même jusqu'à nous
dire que 80 % des objectifs de ce plan avaient été mis en
place.
Force nous est de constater qu'à la lecture du rapport final du
CIPACC no 2 notre affirmation demeure: Le bilan est fort mince.
Dans le plan d'action "Autant de façons d'être
Québécois", que M. Jacques-Yvan Morin, alors ministre
d'État au Développement culturel et scientifique, avait rendu
public en 1981, on indiquait ceci: "Sans définir de balises
quantitatives, ce qui dans la pratique s'avère le plus souvent
improductif, le gouvernement s'engage à annoncer sans délai le
processus de correction qui s'impose. Il s'engage à prendre des moyens
plus vigoureux si d'ici 1985 les mesures actuelles n'ont pas eu pour effet
d'équilibrer la représentation des communautés culturelles
dans les secteurs de la fonction publique dont les services touchent de
près la population. Par ailleurs, l'échéancier
prévoit une évaluation et une révision de la
stratégie après trois ans. "
Maintenant, dans le dernier rapport d'activités du CIPACC, on lit
ceci: "Cependant, l'objectif fondamental visé par le CIPACC, à
savoir la prise en charge de la politique gouvernementale par l'ensemble des
organismes concernés, n'est pas encore atteint. Dans plusieurs
ministères et organismes, cette politique n'est pas encore placée
au premier rang. II y a même des signes qui démontrent que la
sensibilisation et l'information relatives au plan d'action, dans plus d'un
cas, sont restées limitées à un cercle restreint de
gestionnaires ou parfois même au seul chargé du dossier. "Il
faudra beaucoup de temps et une volonté politique soutenue pour voir
s'imposer comme une priorité la politique d'ouverture aux
communautés culturelles dans les organismes. "
Un peu plus loin, le rapport trace les grandes lignes de la situation
actuelle, ce qui prouve hors de tout doute que le plan d'action du gouvernement
n'a guère progressé depuis quatre ans.
Je reviens aux membres du CIPACC qui disent: "Au chapitre de
l'accès à la fonction publique, les progrès
enregistrés sont d'ordre législatif et administratif. Il s'agit
maintenant de commencer le recrutement de manière à opérer
les redressements souhaités. "
Une parenthèse ici pour souligner avec quelle emphase le
gouvernement, lors du lancement du plan d'action en mars 1981, avait mis
l'accent sur cet aspect, soit "La politique d'accès égal à
la fonction publique" qui était à la fois le symbole et la
locomotive de tous son plan d'action. Or, on constate qu'on en est encore rendu
aux préliminaires.
Plus loin dans le rapport, on indique: "Dans le domaine des
communications, on a constaté de nombreuses réalisations
sectorielles, mais elles demeurent inégales et peu coordonnées.
"En ce qui concerne les services, là non plus on n'est pas arrivé
à la formulation et à l'adoption d'une politique globale. "
Toujours selon les membres de l'ex-CIPACC: "Dans le domaine de
l'éducation, un certain nombre de mesures mentionnées dans le
plan d'action sont en place: pour la plupart, d'ailleurs, elles existaient
avant la publication de ce plan d'action. Cependant, on ne peut pas en dire
autant pour d'autres mesures, notamment celles relatives à
l'éducation des adultes et à la formation des maîtres. Par
ailleurs, la sensibilisation des milieux scolaires n'est pas encore
généralisée et permanente. "Quant à la condition
des femmes, la question commence à préoccuper les organismes
spécifiques à la condition féminine mais cette
préoccupation est loin d'avoir gagné l'ensemble de l'appareil
gouvernemental. "
Comme on peut le constater, nous sommes loin de la réalisation du
plan d'action que le gouvernement lançait en 1981 et où le
ministre Jacques-Yvan Morin avait affirmé que "des mesures draconiennes
s'imposeraient si ce délai "de trois ans" n'était pas
respecté". Cela a, d'ailleurs, été repris dans la Presse
du 24 mars 1983.
Le Comité d'implantation du plan d'action des communautés
culturelles, aboli l'an dernier, mettait donc les cartes sur table dans son
rapport final, en indiquant que
beaucoup de travail restait à compléter. À cela,
une autre voix s'est ajoutée, soit celle des communautés
culturelles elles-mêmes, au cours de l'année qui vient de
s'écouler, et qui démontre le peu d'avancement de ce plan
d'action.
(10 h 30)
En septembre dernier avait lieu à Montréal un colloque sur
les communautés culturelles que, d'ailleurs, le ministre et
député de Mercier avait proposé et organisé et qui
portait sur les "perspectives et priorités" de celles-ci. Plus de 200
personnes ont participé à ce colloque où différents
dossiers ont été abordés en atelier, tels les jeunes, les
femmes, les services de santé et les services sociaux, le milieu de
travail, etc. Ces participants ont donné un bon aperçu de la
réalité des communautés culturelles et de leur
vécu.
À cette occasion, on a relevé plusieurs lacunes des
politiques gouvernementales portant sur les communautés culturelles; en
voici quelques-unes: un manque d'outils de communication et ce, dans divers
milieux comme celui du travail, dans le réseau scolaire, des services
offerts par le gouvernement, etc; l'apprentissage du réseau scolaire,
à la fois par les enfants et les parents, à cause d'un manque de
connaissance du réseau, des difficultés rencontrées dans
leur adaptation, d'un système qui tend à les assimiler et non
à les intégrer dans le respect de leurs différences, etc.;
la représentativité des communautés culturelles au sein du
gouvernement et de l'appareil gouvernemental; les politiques inefficaces et
insuffisantes pour la formation et l'apprentissage de la langue
française.
D'ailleurs, nous disons immédiatement au ministre que nous avons
scruté avec attention les remarques, suggestions, critiques
formulées par les membres des communautés culturelles lors de ce
colloque et nous y reviendrons pour une grande part dans nos interventions. On
constatera de ce fait qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir et que
plusieurs aspects soulevés tendent à démontrer que le
gouvernement a failli dans la mise en place de sa politique d'action pour les
communautés culturelles.
Pour démontrer qu'à quelques reprises lors de ce colloque
on pouvait être fort critique et porter un jugement sévère
sur les actions du gouvernement, voici un extrait des discussions qui ont eu
lieu dans l'atelier portant sur les femmes: "Plusieurs personnes
présentes constatent que les actions du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration en regard de ces
dernières ont été presque nulles, sinon exclusivement de
nature bureaucratique. " Ceci est tiré du journal du rapport du
colloque.
Enfin, en conclusion, au cours de cette dernière année, le
ministère des Communautés culturelles aura connu à la
tête de sa gestion et de son administration trois titulaires
différents, passant des mains du député de Mercier
à celles de la députée de Maisonneuve, puis, durant un
certain moment, dans celles du ministre de la Justice et député
d'Anjou. Nous sommes cependant heureux de constater le retour du
député de Mercier à la tête de ce ministère,
puisque cela correspond au recouvrement de sa santé, que nous lui
souhaitions très sincèrement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. French): Merci, M. le
député.
M. le député de Vachon ou M. le député de
Terrebonne, je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires à faire
à ce stade-ci?
M. Payne: En préliminaire?
Le Président (M. French): Oui. M. le député
de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: J'aimerais remercier le ministre. J'aurai quelques
questions, un peu plus tard, qui vont s'orienter plutôt vers deux groupes
qui sont aux antipodes de la société mondiale, à savoir
les réfugiés, d'une part, et les investisseurs plus
fortunés, d'autre part. Je pense que cela témoigne d'une
diligence de la part du ministère qui semble démarquer la
politique actuelle du ministère par rapport aux années
précédentes.
Il serait intéressant d'un point de vue sociodémographique
d'essayer de situer cette discussion dans la tendance qu'on a vue s'accentuer
depuis plusieurs années, à savoir l'arrivée massive,
particulièrement au cours des six dernières années, de
milliers d'immigrants venus d'Asie, des Antilles et, dans une moindre mesure,
de l'Amérique latine, pour discuter de quelle manière les
politiques du ministère ont dû s'adapter à cette nouvelle
réalité, parce que, si cette situation peut être source de
richesse aux plans culturel et économique, encore faut-il être en
mesure de relever le défi qui consiste à adapter les nouveaux
venus et d'assurer leur plein épanouissement au Québec.
Ce qui m'a impressionné dans la lecture des crédits de
cette année, c'est justement ce dynamisme de la part du ministère
d'accueillir, d'une part, de manière beaucoup plus cohérente et
beaucoup plus généreuse les réfugiés, mais aussi,
d'une manière pragmatique, réaliste et souhaitable, d'aller
chercher Ies investisseurs à l'étranger, profitant ainsi de
l'accueil que recherchaient certains investisseurs du Moyen-Orient,
particulièrement de Hong Kong pour placer leurs capitaux.
En ce qui concerne les réfugiés, je pense que les
problèmes sont plus aigus. Ce qui m'intéresse plus
particulièrement, ce serait de savoir où le gouvernement du
Québec se trouve à ce moment-ci avec les discussions du
fédéral touchant les réfugiés revendicateurs.
Pour faire un petit commentaire, mais cela fera partie d'une discussion
dans quelques minutes, je pense que tout le monde est sensible au sort
excessivement difficile des réfugiés. Je pense que, sans qu'il y
ait concertation étroite avec le gouvernement fédéral,
suivant son changement de politique ou, au moins, ses mesures administratives
depuis deux ou trois ans, ce sera vraiment une situation chaotique. On est
conscient, je pense, des efforts considérables du ministère de
l'Immigration et des Communautés culturelles pour contrecarrer les
effets négatifs de la politique administrative du fédéral.
Je pense que, maintenant, avec la carte d'identité, cela aide en partie;
c'est plutôt un "Band-Aid" souhaitable, nécessaire dans
l'immédiat, mais, en réalité, ce que vous cherchez, selon
ce que je lis dans les rapports évidemment, c'est une nouvelle politique
cohérente avec le fédéral. On pourrait peut-être
discuter de cela dans quelques minutes, de notre côté de la
Chambre au moins.
En ce qui concerne les investisseurs, l'étude Archambault a
aidé un petit peu à faire le portrait des investisseurs. Cela
aussi, dans le contexte d'un portrait sociodémogra-phique qui est en
constant changement, indique qu'il y a de nouveaux défis qui se posent
quant à la langue d'origine. Bien sûr, ceux qui viennent de
l'Orient ont tendance à parler de plus en plus l'anglais. Dans quelle
mesure l'accueil s'est-il adapté à cette réalité
suivant leur arrivée au Québec ou dans le reste du monde, selon
l'entente entre la Chine et la Grande-Bretagne?
Une autre chose qui m'intéresse fait partie d'une discussion que
nous avons eue à la commission de la culture qui s'est donné
comme mandat d'initiative d'étudier la situation démographique,
le taux de natalité, le problème de l'immigration internationale
et d'autres réalités. Je pense qu'il serait intéressant de
discuter le taux de rétention des investisseurs étrangers. Dans
quelle mesure le Québec a-t-il une structure qui peut non seulement les
attirer, mais les retenir? Je serais intéressé de savoir dans
quelle mesure le ministère a les structures pour faire un suivi des
investisseurs.
J'aimerais aussi discuter, parce que la question est soulevée par
le député de Marquette - on a eu les mêmes discussions l'an
passé, j'ai suivi de très près le Journal des
débats l'an passé - de sa préoccupation au sujet de
CIPACC. On avait eu une discussion très fructueuse sur le changement de
cap avec la Loi sur le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration. Tout le monde était impatient de voir les nominations. On
a l'annonce de la nomination de Mme Westmoreland ce matin.
Une voix: Un "scoop".
M. Payne: J'aimerais bien avoir les autres noms pour savoir au
moins quand ils vont...
M. Godin: Plus tard.
M. Payne: Ah, oui! À midi?
M. Godin: À midi, mais peut-être pas
aujourd'hui.
M. Payne: Je suis tenté, mais je pense que ce n'est pas
dans la tradition de cette commission, d'avoir un petit débat avec
l'Opposition sur sa politique de l'immigration, parce qu'il y a très peu
de chose dans le programme du Parti libéral, "Maîtriser l'avenir"
- un beau nom - qui touche l'immigration. Il y a effectivement seulement sept
lignes. Peut-être qu'on mettra de côté la polémique,
étant donné que nous avons seulement une heure et demie.
Par contre, j'aimerais bien sérieusement discuter
l'évaluation qu'on peut faire de CIPACC, parce que je ne suis pas du
tout d'accord avec l'Opposition. Par contre, j'ai enregistré l'an
passé les quelques réserves que j'avais. Je pense que le
potentiel du conseil est assez prometteur pour l'avenir. On y reviendra un peu
plus tard avec des questions spécifiques. C'est là l'encadrement
de mes préoccupations.
Le Président (M. French): Je vous remercie, M. le
député. J'ai le député de Mille-Îles et la
députée de Maisonneuve sur ma liste. Je ne sais pas si le
député de Saint-Henri a envie de se faire ajouter.
M. Hains: Merci.
Le Président (M. French): Non. M. le député
de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
ministre, je vous remercie de nous avoir distribué les notes sur le
discours de la défense des crédits. C'est quand même un
document de 18 pages, que vous n'avez pas lu, hélas, et que je voudrais
peut-être souligner, parce que, pour le Journal des débats, c'est
une bonne chose que ce soit peut-être enregistré. Pardon?
M. Godin: II est inscrit aux Débats. Il en fait
partie.
M. Champagne: Enfin, il est déposé. M. Godin: Le
Journal des débats l'a eu.
Le Président (M. French): Excusez-moi. Il est
distribué. Il est attaché au rapport qui est fait à
l'Assemblée nationale, mais il n'est pas inscrit dans le Journal des
débats.
M. Godin: II fera partie des débats. C'est ce qu'on m'a
dit. À moins que vous n'ayez d'autres renseignements.
Le Président (M. French): C'est le secrétaire qui a
autorité finale sur toute la question.
M. Godin: Si le secrétaire dit non, je m'incline
humblement.
Le Président (M. French): Je pense que c'est le cas, mais,
enfin, je l'ai feuilleté rapidement, je pense que beaucoup des
données qui sont là sont essentiellement...
M. Godin:... les mêmes que dans le bouquin.
Le Président (M. French): Je suis convaincu que vous aurez
l'occasion, au cours de nos questions et réponses, d'ajouter des
éléments de réponses qui vont puiser amplement
là-dedans.
M. Godin: Maintenant, si les membres souhaitent que je le lise et
qu'ils aient moins de temps pour Ies questions, je peux le faire aussi,
remarquez bien.
M. Champagne: Non, ce n'est pas cela. Enfin, je voulais prendre
le fait que vous ne l'ayez pas lu pour faire ressortir peut-être certains
points pour le bénéfice aussi des membres de la commission
parlementaire. Deux points, entre autres. Le premier, c'est pour souligner le
fait que le Québec, sous le nom de Secours Éthiopie-Afrique, a
quand même fait une levée de fonds très importante
grâce au rôle de Mme Harel, la députée de
Maisonneuve, II y avait un engagement de la part du ministère et du
gouvernement du Québec qu'à chaque dollar levé au niveau
privé le gouvernement du Québec ajoutait un dollar. Nous avons
recueilli dans cette campagne humanitaire au-delà de 3 300 000 $
grâce à l'initiative de votre ministère. Je pense que cela
vaut la peine de le souligner, et de souligner aussi l'entraide venant soit de
la Fondation Jules et Paul-Émile Léger, de l'Aide à
l'enfance, d'Oxfam-Québec et de l'Entraide universitaire mondiale du
Canada. Il y a aussi les organismes comme Développement et Paix. Tous
ces organismes ensemble au Québec ont été très
généreux et, dans une oeuvre de solidarité d'envergure
mondiale, ont souscrit plus de 10 000 000 $. Je pense que c'est un fait
à souligner. C'est une de mes premières remarques.
M. Godin: Je pense qu'on peut ajouter que les renseignements
qu'on a maintenant, c'est que le nombre de décès dans les camps
de réfugiés en Éthiopie et au Soudan a diminué de
façon significative depuis quelques mois. Donc, ces efforts faits ici et
ailleurs portent fruit.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.
M. Champagne: II y avait un autre point à la page 16,
où on parle de la création du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration. Nous avons voté un projet de loi, le
projet de loi 10. Nous avons, ce matin, eu le nom de la nouvelle
présidente de cet organisme. Je pense qu'on peut se féliciter
d'avoir ce Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Vous
avez aussi la création, par un décret, du Comité
interministériel des communautés culturelles et de l'immigration.
Je pense qu'on s'en va dans la bonne voie. C'est un comité qui est
composé du sous-ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, du sous-ministre de l'Éducation, du sous-ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du sous-ministre du
Travail, de la secrétaire générale associée
à la Condition féminine, du secrétaire
général associé aux Relations avec les citoyens. En plus
de cela, le président du Conseil des communautés culturelles va
assister aux délibérations. On s'aperçoit que, pour la
politique des communautés culturelles et de l'immigration, il y a
beaucoup de coordination, beaucoup de concertation. Ces deux structures, je
pense, vont aider à ventiler des idées et des politiques
très bénéfiques ici au Québec. Je pense que c'est
tout à l'honneur du ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration d'avoir pris ces initiatives de concertation. (10 h 45)
Je voudrais peut-être ajouter un dernier point. J'allais dire que,
comme député d'arrière-ban, parfois on n'a pas la chance
de faire valoir ce qui se passe aussi dans son milieu. Il y a deux mois,
à Laval, il y a eu la fondation du Congrès ethnique de Laval. Il
représente sept ou huit groupes ethniques. Il y a eu, quand même,
plusieurs réunions depuis cette fondation. J'ai assisté à
un dîner-causerie. L'exécutif est venu me voir à mon bureau
de comté pour avoir un appui, des conseils et de l'information. Je donne
comme information au ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration qu'entre autres, à la ville de Laval, il y aura un
Congrès ethnique de Laval Inc. Il va représenter l'ensemble des
communautés
ethniques de Laval. Très prochainement, il aura des contacts avec
vous pour pouvoir, justement, trouver des moyens afin que les
communautés ethniques de la ville de Laval s'intègrent davantage
dans les politiques d'emploi, dans les politiques d'intégration, dans
les politiques linguistiques et autres. C'est un peu partisan, qu'on m'excuse,
mais je voulais souligner la création de ce nouveau Congrès
ethnique, à Laval.
Le Président (M. French): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, pour enchaîner avec ce
que disait le député de Marquette, est-ce que je peux
déposer le nouveau rapport du coordonnateur, M. Egan Chambers, avec ma
lettre de réception de son document?
Le Président (M. French): Je vous remercie, M. le
ministre. Il ne sera pas déposé, mais il sera distribué si
les membres de la commission sont d'accord.
M. Godin: II sera distribué, d'accord. Dans ce rapport, on
verra, non pas pour contredire, mais pour compléter ce que disait le
député de Marquette...
Le Président (M. French): M. le ministre, si vous voulez
répondre, je vous inviterais à attendre la fin de tous les
commentaires préliminaires des députés.
M. Godin: C'est ce que je fais, sauf que, parfois, je sursaute
sur ma chaise. Mais on va attendre. On va attendre patiemment que tout le monde
ait terminé.
Le Président (M. French): Excusez-moi, M. le ministre. Je
pense que Mme la députée de Maisonneuve avait quelques
commentaires à faire. On voudrait d'abord lui souhaiter la bienvenue
à la commission en tant que membre. Nous sommes très heureux
qu'elle ait accepté de devenir membre de la commission.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le ministre, vous
savez combien votre ministère me tient à coeur. Je crois que,
parfois à l'insu de bien des gens sur la colline parlementaire, il se
joue à ce ministère, qui est à Montréal, une partie
importante de l'avenir du Québec. Il a principalement, pour la suite des
choses dans la société québécoise, ce défi
de promouvoir ou de vivre la diversité culturelle en français. Je
suis fort contente d'apprendre, ce matin, la nomination de Mme Westmoreland.
J'ai eu l'occasion de bien la connaître lorsque j'étais
étudiante à la faculté de droit. J'ai donc pu profiter de
son enseignement. Je connais ses états de service nombreux dans la
défense des droits et libertés de la personne ici même dans
plusieurs organismes québécois.
M. le ministre, vous avez déposé des notes, enfin un
discours pour la défense ce ces crédits et je voudrais
immédiatement vous indiquer que l'utilisation d'une expression en
particulier m'a profondément inquiétée. Je vous le signale
immédiatement. J'ai, d'ailleurs, appelé au bureau pour qu'on
vérifie bien dans le Petit Robert ce qu'était la
définition du mot "revendicateur" dans l'expression "revendicateur du
statut de réfugié". Je vais m'expliquer là-dessus. Vous
savez que les mots ne sont pas innocents, vous plus qu'un autre qui êtes
responsable du Conseil de la langue française...
M. Godin:... plus.
Mme Harel:... et qui êtes poète, évidemment.
Vous savez que tous les mots ont une signification, ont un sens et sont
chargés de sens. Ils sont donc chargés de signification. Souvent,
nous les femmes y sommes plus sensibles que d'autres, puisque nous savons
souvent que ne pas exister dans les mots, c'est ne pas exister tout court dans
la vie publique, tout au moins. On a, ici même au Québec, connu un
effort soutenu pour écarter de l'usage des mots tous les sens
péjoratifs qui pouvaient leur avoir été attribués
au fil des années. Je pense, par exemple, à l'expression
"mère célibataire" qui a été remplacée par
"chef de famille monoparentale", à l'expression "minorité
visible" et à combien d'autres qui, au fur et à mesure de
l'évolution de nos mentalités, ont remplacé ces mots qui,
auparavant, étaient chargés d'un sens péjoratif.
Dans le Petit Robert, le mot "revendicateur" - à maintes et
maintes reprises vous utilisez l'expression "revendicateur du statut de
réfugié" - est décrit de la façon suivante:
"Personne qui revendique" et "sujet atteint d'un délire de
revendication". C'est là la définition même. Tandis que le
mot "requérant", qui jusqu'à maintenant me semblait très
largement utilisé, signifiait "qui demande au nom de la loi". À
ce que je sache, le Canada est signataire de la convention de Genève;
c'est donc au nom de cette loi que cette demande de statut de
réfugié se fait. On pourrait fort bien remplacer
"requérant" par demandeur ou par appelant: le Petit Robert dit à
cet effet que c'est une "personne qui demande fréquemment" - c'est
peut-être le cas pour les réfugiés - ou personne qui a
l'initiative de la demande. Cela dit, je souhaiterais beaucoup qu'on n'utilise
pas cette expression "revendicateur du statut de réfugié", car
les personnes qui ont à faire cette demande
étant dans des situations qui sont parfois difficiles, dans un
contexte qui l'est aussi, je crois que c'est chargé de sens.
M. Godin: M. le Président, une courte note...
Le Président (M. French):... lexicogra-phique.
M. Godin:... une "foot note", comme on dit en anglais. Vous
connaissez le Grand Robert, le Grand Littré, le Grand Larousse. Nous
avons le grand Vigneau chez nous qui peut expliquer les raisons pour lesquelles
nos dictionnaires ont retenu cette expression. M. Vigneau.
Le Président (M. French)! M. Régis Vigneau. Cela
va? Non, il n'y a pas de micro, le micro est au bout.
M. Vigneau (Régis): La raison pour laquelle nous avons
retenu la terminologie "revendicateur du statut de réfugié",
plutôt que "requérant", c'est, d'une part, que nous avons
décidé de prendre exactement la même terminologie que celle
utilisée par le gouvernement fédéral. Sans récuser
les arguments de Mme Harel, le premier point, c'est exactement la même
terminologie que celle utilisée par le gouvernement
fédéral. Dans la réglementation fédérale, un
requérant, c'est quelqu'un qui a obtenu le droit de déposer sa
demande sur place, alors que le revendicateur, c'est celui qui n'a pas encore
obtenu la permission de déposer sa demande sur place. C'est afin
d'éviter les confusions tant dans les statistiques que dans nos
échanges avec le gouvernement fédéral. Comme nous
traitions la même clientèle avec des termes différents,
cela engendrait beaucoup de tracas à tout le monde. Donc, nous avons,
par un souci de clarté, au moins utilisé les mêmes mots
pour désigner les mêmes personnes par rapport au gouvernement
fédéral.
Le Président (M. French): Mme la
députée.
Mme Harel: Peut-être serait-il souhaitable, M. le ministre,
que, lors de votre prochaine rencontre avec Mme MacDonald, vous lui
suggériez une utilisation plus judicieuse des expressions. J'aimerais,
lorsque vous aurez à répondre à l'ensemble de nos
collègues qui sont intervenus à cette commission, que vous nous
indiquiez le nombre de requérants, au sens où l'a utilisé
le sous-ministre Vigneau, du statut de réfugié qui sont sur le
territoire québécois présentement et le nombre de
revendicateurs.
Le Président (M. French): Cela va, madame?
Mme Harel: Merci.
Communautés culturelles et immigration
Le Président (M. French): Merci, Mme la
députée. M. le ministre, le moment que vous avez si patiemment
attendu: vous pouvez répondre aux députés de Marquette, de
Vachon, de Mille-Îles et de Maisonneuve.
Intégration de non-francophones dans la
fonction publique
M. Godin: Pour revenir sur les propos de mon collègue de
Marquette, je vous dirai que nous souhaitons qu'effectivement les membres des
groupes ethniques, des communautés culturelles se retrouvent beaucoup
plus nombreux dans chacun des ministères le plus tôt possible,
mais le document de M. Chambers, le coordonnateur, est très clair
là-dessus. Il a un inventaire du nombre de personnes qui se sont
présentées à des concours du gouvernement et le nombre est
très faible. La prochaine étape est donc de voir pourquoi le
nombre est si faible. Il suffit de s'adresser peut-être à d'autres
médias ethniques ou anglophones, pour s'assurer que tous ceux qui
veulent travailler à Québec dans les ministères au moins
sachent que des postes s'ouvrent et qu'ils puissent soumettre leur
candidature.
D'autre part, je rappellerais des statistiques qui nous viennent d'un
travail fait chez nous. Dans des réseaux publics tels l'éducation
et les affaires sociales, les représentants des communautés
culturelles se situent à 20 % pour ce qui est de l'éducation, et
à 17 % du personnel total pour ce qui est des affaires sociales. Donc,
dans les réseaux où les contacts se font avec les personnes - je
pense qu'il y a plus de contacts avec Ies personnes pour une infirmière,
par exemple, ou une préposée aux malades dans un hôpital ou
une enseignante qu'il n'y en a pour un agronome à l'agriculture ou au
cadastre - là où il y a des contacts avec la population de
façon directe, la population ethnique du Québec est
représentée de façon conforme à son poids
réel dans le Québec, 20 % éducation et 17 % affaires
sociales. Si nous groupions le public et le parapublic, nous arriverions
à une moyenne de 9 %, je crois, ce qui est le poids exact des groupes
ethniques dans la population totale du Québec.
Est-ce qu'on doit tenir compte des deux grands réseaux publics au
Québec? Je pense que oui, parce que je pense que c'est là que
cela se passe pour la clientèle et pour les nouveaux citoyens du
Québec qui arrivent ici et qui ont recours soit aux écoles, soit
aux services sociaux ou de santé. Nous pensons qu'il est plus important
d'avoir un représentant des communautés culturelles dans un
hôpital qu'au ministère des Finances,
par exemple, même s'il faudrait qu'il y en ait là
aussi.
Dans un deuxième temps, je dirais qu'il y a des mesures qui
viennent de la part du ministère de la Justice; dans la foulée de
la révision de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec, les programmes d'égalité en emploi seront
bientôt déposés et feront partie de la Gazette officielle
du Québec. On aura mieux en vue à ce moment-là les mesures
plus précises recommandées par M. Jacques-Yvan Morin dans son
premier document qui a amené la création du CIPACC, "Autant de
façons d'être Québécois". Donc, on peut dire que des
mesures concrètes ont été prises, seront prises. J'ajoute
que la loi 51, qui a été adoptée récemment,
était accompagnée de certaines mesures qui prennent effet le 1er
février 1985, donc depuis quelques mois, et qui portent sur le rangement
par niveau, ce qui est le meilleur moyen de parvenir à choisir des
personnes qui sont des groupes cibles déterminés par nos
programmes d'égalité en emploi: femmes, communautés
culturelles et autres. Donc, depuis quelques semaines déjà, ces
règlements sont en vigueur et on saura dans quelques mois l'effet que
cela aura sur les chiffres qu'on mentionne dans les rapports du CIPACC et de M.
Chambers depuis quelques années.
Maintenant, Mme Westmoreland-Traoré, justement, se voit confier
le soin d'imaginer pour le Québec des mesures, des programmes qui vont
dans le sens recommandé par M. Jacques-Yvan Morin dans le document en
question. Le passé de Mme Westmoreland montre qu'elle s'est
préoccupée de cela de façon suivie et que, d'autre part,
elle sait comment cela se fait dans d'autres pays du monde, entre autres, aux
États-Unis. Je suis convaincu qu'elle nous suggérera d'ici
quelques mois des moyens qui compléteront la panoplie ou l'arsenal des
moyens déjà en place pour s'assurer que les objectifs
visés seront atteints.
M. le député de Marquette, je vous pose la question
à vous, en tant qu'homme sage de la rive sud. Il y a deux modèles
pour arriver aux résultats visés: l'un qui est le
contingentement, ce qu'on appelle en anglais "quota", et l'autre qui est le
volontariat, c'est-à-dire que le gouvernement incite les entreprises
contractuelles du gouvernement ou des ministères à atteindre un
tel objectif. On incite, donc et prend des moyens plutôt souples pour y
parvenir ou on impose des contingentements. L'expérience
américaine montre que les contingentements ont souvent des effets qu'on
appelle en anglais "counterproductive", créent des tensions à
l'intérieur et peuvent même être contestés à
la cour comme discriminatoires. Donc, j'aimerais avoir l'opinion du critique
officiel de l'Opposition dans le domaine qui est le mien. Quel serait son choix
à lui par rapport aux méthodes à prendre ou à
appliquer pour atteindre les objectifs qui nous sont communs? Le
contingentement ou quota ou l'incitation ou volontariat, encadrés et
suivis par le gouvernement? (11 heures)
Le fait que le gouvernement et ses ministères sont situés
à Québec est un facteur qui empêche bien des gens de
Montréal de se présenter à des concours. Ils ne veulent
pas quitter Montréal pour des raisons qu'on peut comprendre, n'est-ce
pas, M. le Président? Il y a beaucoup de gens donc qui ne se
présentent même pas parce qu'ils veulent rester là
où ils sont; leurs enfants vont dans une école de
Montréal, etc. Ce sont des facteurs de famille qui font qu'ils veulent
travailler à Montréal. Le résultat, c'est que le seul
ministère qui compte un nombre significatif de tels représentants
est le nôtre qui est situé à Montréal
précisément.
L'idée, donc, serait d'élargir la base des journaux
utilisés pour faire connaître ces concours et,
deuxièmement, d'ajouter, au gouvernement et à ses
ministères, les entreprises contractuelles du gouvernement. Toute
entreprise, mettons, qui aurait des contrats du gouvernement de 500 000 $ ou de
1 000 000 $ par année serait sujette à des programmes
d'égalité en emploi. C'est un des chemins qu'on envisage
présentement.
Mais au-delà de cela, est-ce que vous croyez qu'il est mieux de
procéder par contingentements ou quotas ou par des programmes
volontaires légèrement encadrés par le gouvernement, de
manière à ne pas forcer les entreprises à faire des choses
qui iraient à l'encontre de leur bonne santé sociale ou
financière?
Le Président (M. French); M. le député de
Marquette. Je ne suis pas certain que ce soit tout à fait conforme au
règlement, mais, en tout cas, le ministre pose une question au
député. M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Justement, il est certain que je pensais poser des
questions et non pas y répondre. Mais il est bien évident...
M. Godin: C'est que je cherche vos lumières, M. le
député. Ce ne sont pas des réponses que je veux, ce sont
vos lumières. Quand vous en avez, je n'hésite pas.
M. Dauphin: Oui. M. le ministre, pour répondre à
votre question, il est bien évident qu'en principe l'imposition, si vous
me permettez l'expression, de quotas, a priori me laisse un peu hésitant
à m'embarquer là-dedans. Je favoriserais plutôt la base
volontaire, c'est bien évident, sauf qu'à un moment donné,
autant pour les femmes qui
revendiquent au même titre que les communautés culturelles,
il y a un choix politique à faire qui est peut-être difficile.
C'est la raison pour laquelle on demande que la fameuse réglementation
soit adoptée au plus vite, en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne, pour avoir ces programmes
d'égalité, ces programmes d'action positive. A un moment
donné, on se doit presque de l'imposer.
Alors, pour répondre bien clairement, je serais hésitant
à l'imposer, mais, à un moment donné, effectivement dans
la réalité, on se rend compte qu'on se doit de l'imposer. C'est
pour cette raison que le gouvernement doit commencer à donner l'exemple,
doit être le premier à embarquer dans ce genre de
réglementation. Il est certain que si, par simple incitation, on pouvait
améliorer la représentativité des communautés
culturelles, on pourrait, après un an, deux ans, trois ans,
peut-être faire des conclusions. Mais on se rend compte que,
malheureusement, c'est à petits pas que cela évolue dans ce
milieu. Je réponds par un oui et par un non.
M. Godin: Je reconnais bien là votre sagesse, M. le
député. Maintenant, j'ajouterais qu'au colloque sur les
communautés culturelles tenu en septembre il y a eu une
résolution très précise là-dessus, votée par
la majorité et par laquelle les communautés elles-mêmes se
disaient contre les contingentements et les quotas. Elles estiment,
d'après l'expérience faite aux États-Unis et ailleurs, que
cela ne les sert pas du tout. Au contraire, cela amène souvent des
tensions à l'intérieur des usines ou entreprises frappées
de tels contingentements ou quotas.
Maintenant, pour répondre à la question de ma
collègue de Maisonneuve...
Le Président (M. French): Là-dessus, M. le
ministre, si vous me le permettez...
M. Godin:... ma prédécesseure (avec un e muet), les
revendicateurs sont entre 7000 et 10 000 au Québec; les
requérants sur place, pour employer les termes que la loi nous prescrit
d'utiliser, Mme la députée de Maisonneuve, en 1984 ils
étaient de 3630, dont 581 étaient des réfugiés.
Donc, les revendicateurs étaient entre 7000 et 10 000; les
requérants étaient 3630, dont 581 réfugiés. M. le
Président, j'ai terminé.
Le Président (M. French): Je voulais tout simplement vous
poser la question au sujet de la proposition sur les contingentements ou les
quotas, qui a été soulevée au colloque. Quel organisme l'a
proposée? On ne s'en souvient pas?
M. Godin: On peut connaître la réponse d'ici la fin
des travaux.
Le Président (M. French): Parfait. Oui, Mme la
sous-ministre.
M. Godin: Mme la sous-ministre peut...
Mme Barcelo (Juliette): M. le Président, c'est que le
colloque était organisé en ateliers. Alors, ce n'est pas une
personne; c'étaient des ateliers de travail. M. le député
en a mentionné plusieurs d'ailleurs. Il y a eu une résolution de
ces ateliers indiquant que les communautés culturelles étaient
contre les concours réservés aux membres des communautés
culturelles.
Le Président (M. French): J'avais compris que quelqu'un
avait proposé les contingentements ou les quotas et que cela a
été refusé. Ce n'était pas le cas.
Mme Barcelo: Non, non.
Le Président (M. French): Au contraire, les gens se sont
exprimés quasi spontanément contre.
M. Godin: Contre le contingentement.
Le Président (M. French): Quel que soit le moyen
adopté - et personnellement, je ne suis pas sûr que je sois
prêt à une forme d'imposition quelconque - il y a toujours le
problème de l'offre ou de l'intérêt qui est affiché
dans ces communautés.
M. Godin: Qui est fondamental.
Le Président (M. French): Chez moi, on est prêt
à critiquer le gouvernement et à dire que ce n'est pas
représentatif, mais on n'est pas très nombreux à vouloir
demander des jobs. D'autant plus que le mouvement est tellement minime
actuellement que, dans le contexte fiscal où on se trouve, c'est
difficile. Cependant, je dirai que le gouvernement aurait dû savoir, au
moment où il a fait ses annonces avec tellement de publicité et
tellement d'enthousiasme en 1980-1981, que des temps difficiles s'en
venaient.
M. Godin: Si nous avions eu un prophète, majeur ou mineur,
au gouvernement, on aurait peut-être pu savoir ce qui s'en venait, mais
comme il n'y a pas de prophète ici, pas plus d'ailleurs que chez vous,
il était imprévisible que les finances de l'État seraient
en posture si serrée si peu de temps après l'annonce du livre
blanc de M. Morin.
Le Président (M. French): En tout cas, pour ma part,
à l'époque, je me rappelle - je ne me souviens pas si
c'était avec le député
de Vachon ou avec le député de Prévost, ministre
délégué à l'Emploi et à la Concertation -
avoir dit qu'il serait impossible d'atteindre ces objectifs, parce qu'on
n'engagerait pas suffisamment de monde de toute façon, parce qu'on
n'aurait pas assez d'argent.
Oui, M. le député de Vachon. Je savais que j'allais le
provoquer avec cela.
M. Payne: J'ai résisté à la tentation, mais
quand même cela m'intéresse beaucoup. Dans le plan d'action, il y
avait une mesure qui était fort intéressante afin d'accueillir
davantage, de faciliter l'accès à la fonction publique, par
exemple, à ceux qui s'exprimaient mal ou pas assez en français.
On avait entrepris de mettre sur pied des mesures; l'approche était de
préparer des mesures qui faciliteraient l'intégration des
non-francophones dans la fonction publique.
Personnellement, je suis toujours contre l'idée de quotas pour
toutes sortes de raisons. Je n'interviendrai pas sur ce sujet maintenant, mais,
dans "Autant de façons d'être Québécois", il y avait
une mesure qui était fort utile. Je vais l'expliquer premièrement
et deuxièmement en tirer une conclusion. Comment cela se ferait-il? Un
aspirant candidat à la fonction publique pourrait passer, dans un
premier temps, son test en anglais ou en français. Si c'est en
français, à ce moment-là, bien sûr, il serait
évalué sur sa compétence professionnelle et à
fortiori, implicitement, sur sa compétence dans la langue
française. À ce moment-là, il serait jugé apte ou
pas, capable ou incapable de répondre aux critères
d'admissibilité.
S'il choisit l'avenue B, par exemple de passer son test en langue
anglaise, il aurait six mois pour prouver qu'il a une compétence
suffisante dans la langue française. Pendant tout ce temps,
l'État lui offrirait la possibilité de suivre des cours de
rattrapage afin qu'il puisse mieux maîtriser la langue française.
Dans un premier temps, il serait simplement jugé sur ses aptitudes
professionnelles. C'est une mesure concrète, précise et
très progressiste. C'était jugé préférable
au fait d'imposer directement des quotas.
Mais qu'est-ce que cela a comme effet? En réalité, cela a
été bien accueilli par toutes les communautés culturelles
chez ceux qui s'expriment mal dans la langue française. Par contre, en
ce qui concerne les demandes formelles, les demandes trop souvent n'y sont pas.
Ce n'est pas une affirmation absolue que je fais, mais ce n'est pas si
important, il y a toutes sortes d'autres dispositions qui entrent en ligne de
compte, par exemple, la nécessité de déménager de
Montréal à Québec, etc. C'est assez compliqué
d'accueillir quelqu'un. On n'avait jamais vraiment fait une étude
empirique sur les raisons pour lesquelles le taux d'attraction est moins fort
chez les ressortissants non francophones que chez les francophones. Je pense
que c'est toujours mieux d'utiliser des mesures incitatrices semblables que des
quotas. Je m'excuse pour la longueur de mon intervention.
Le Président (M. French): Les secrétaires de la
commission m'informent qu'elles ne comprennent pas pourquoi les
non-francophones résidant à Montréal ne veulent pas venir
à Québec.
M. Payne: Il y en a quelques-uns.
Le Président (M. French): M. le ministre, voulez-vous
répondre à cela?
M. Godin: Est-ce qu'elles sont venues à Montréal
souvent?
Quelle est la question, M. le député de Vachon, s'il vous
plaît?
M. Payne: Pardon?
Le Président (M. French): Ce n'était pas
nécessairement une question, M. le ministre. M. le député
a fait une constatation.
M. Godin: Ce que je peux vous donner comme renseignement, c'est
de vous référer au rapport de M. Chambers, à la page 13,
qui établit que le pourcentage des membres des groupes ethniques est
présentement de 13 %. Il y a, bien sûr le marais, les
fonctionnaires, mais il y a également les organismes au sein desquels le
gouvernement nomme les personnes. Donc, au-delà des concours,
au-delà des différentes étapes à franchir pour un
futur fonctionnaire, le gouvernement en est rendu à 13 % dans ses
nominations faites chez les groupes ethniques au sein de ses organismes et
conseils. Il y a donc une performance que M. Chambers souligne avec
satisfaction. Je peux vous dire que chacun de mes collègues qui n'a pas
encore fait sa part dans ses organismes est saisi de demandes précises
et concrètes pour qu'il le fasse et que, dans chacun des organismes
importants du gouvernement, comme la Régie des rentes et
Hydro-Québec, il y ait au sein du CA des gens qui représentent
les intérêts, les aspirations et la spécificité des
communautés anglaise et allophone du Québec.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Sur le même sujet, M. le ministre. Je sais bien
que la province de Québec est différente des autres provinces
canadiennes, mais dans les autres provinces, par exemple l'Ontario dont la
majorité est anglaise, est-ce que la représentativité
des
communautés culturelles au sein de la fonction publique est un
sujet d'actualité ou si cela passe inaperçu?
M. Godin: M. le Président, je dois participer, les 13 et
14 mai, à Winnipeg, à un sommet fédéral-provincial
organisé par M. Jack Murta, auquel participeront tous les ministres
provinciaux préoccupés ou chargés de ces
questions-là. Je leur demanderai, à eux ou à elles, car il
y a des ministres femmes qui s'occupent de cela dans diverses provinces, quels
sont leurs programmes - à ces provinces - et ce qu'elles font. J'aurai
donc des réponses à vous fournir dès après la
mi-mai. On pourra s'entendre tous les deux pour une question plantée. Je
vous enverrai un rapport écrit, ce sera peut-être plus simple.
M. Dauphin: Ce serait intéressant de savoir cela, M. le
ministre.
M. Godin: On s'en préoccupe aussi. Mon rêve
là-dedans est, évidemment, que le Québec soit le meilleur
- we are number one - et que nous puissions même donner des leçons
et des conseils à nos collègues des autres provinces.
Je présume qu'en Ontario il y a sûrement un début de
programme qui va dans ce sens-là, dans la mesure où là-bas
la population ethnique est plus élevée qu'ici. Je m'en informe
quand même pour être bien sûr.
M. Dauphin: D'accord.
Le Président (M. French): Si vous avez d'autres questions,
M. le député de Marquette ou M. le député de Vachon
ou Mme la députée. Moi j'en ai.
M. Dauphin: J'en ai plusieurs, toujours en rapport avec le
colloque de septembre dernier et ses différents ateliers, où Mme
la députée de Maisonneuve était présente. Est-ce
qu'on peut aborder cela tout de suite?
Le Président (M. French): M. le député, nous
avons Communautés culturelles et Immigration devant nous et vous avez le
champ libre.
M. Dauphin: C'est donc à moi, je peux commencer?
Le Président (M. French): Allez-y, s'il vous
plaît!
Adaptation de l'école québécoise
à la réalité multiculturelle
M. Dauphin: D'accord. Dans les différents ateliers, M. le
Président et M. le ministre, notamment dans l'atelier sur les jeunes -
on a lu, évidemment, le rapport du colloque en question - dans plusieurs
interventions - je fais l'énumération de quelques-unes - on
disait notamment: II y a une contradiction entre le discours officiel et la
réalité; le discours officiel nous incite à vivre nos
différences et le message réel nous dit de nous intégrer.
L'école est assimilatrice par sa structure, son personnel, ses
programmes.
Dans l'atelier sur les jeunes, les points suivants ont fait consensus:
la nécessité d'améliorer la formation des enseignants et
des cadres scolaires, ainsi que leur sensibilisation face à la nouvelle
réalité multiculturelle québécoise; la
nécessité de concevoir le projet éducatif de
l'école en relation avec l'ensemble de la clientèle scolaire, ce
qui inclut, évidemment, les jeunes des milieux défavorisés
et ceux des communautés culturelles; le besoin que les organismes des
communautés culturelles fassent des efforts pour sensibiliser les jeunes
de leurs communautés à l'histoire et à la culture de leur
pays d'origine; la nécessité aussi au niveau de l'ensemble du
réseau scolaire d'une véritable éducation interculturelle,
c'est-à-dire qui s'adresse à tous les enfants, peu importe leur
origine; la nécessité de mener une campagne d'information et de
sensibilisation quant aux relations parents-enfants. On a parlé aussi
d'un sommet des jeunes des communautés culturelles. (11 h 15)
Ma question est la suivante, M. le ministre, elle est très
générale: Vis-à-vis des différentes recommandations
faites à ce colloque et des différents points soulevés,
est-ce que depuis septembre dernier, au sein de votre ministère, il y a
eu des démarches de faites dans le sens de ces propositions?
M. Godin: À ma connaissance, le principal suivi qu'il y a
eu, cela a été à l'Éducation, qui a confié
à un groupe présidé par M. Max Chancy et composé
des gens du ministère chez nous un rapport qui étudiait
l'adaptation de l'école québécoise à cette nouvelle
réalité de la composition multiculturelle des écoles
françaises du Québec. Je ne sais pas si vous avez pu prendre
connaissance de ce rapport, M. le député, mais il fait des
recommandations très précises dont est saisi le ministère
de l'Éducation et il y aura un suivi le plus tôt possible.
Concrètement, ce que nous organisons avec l'Éducation dans
la foulée de ce rapport, c'est un colloque conjoint MEQ,
(Éducation) et MCCI (Communautés culturelles et Immigration),
à l'automne qui vient. Je pense que le principal problème
était dans l'ignorance de nos professeurs face à cette
multiplicité culturelle qu'ils ne connaissaient pas. Donc, pour les
sensibiliser à cette réalité de manière qu'ils
aient le respect de
la diversité culturelle et des cultures des 80 nations qui sont
au Québec, nous avons un colloque, disons, de sensibilisation, qui aura
lieu à l'automne conjointement avec le MEQ et notre ministère.
Donc, des mesures, pour l'instant peut-être purement verbales, vous avez
raison, mais les gouvernements fonctionnent comme cela, comme vous le savez. Il
y a des mesures qui s'en viennent en plus d'un concours assez ancien, qui
s'appelait "Mes amis de partout", grâce auquel chaque école,
chaque prof dans chaque classe était incité à soumettre
à ses étudiants un concours de rédaction ou toute autre
sorte de travail scolaire pour voir s'il y avait dans l'école, parmi les
jeunes étudiants et élèves, une réflexion
quelconque qui se faisait sur le fait qu'il y a dans l'école des enfants
d'autres origines, d'autres cultures, d'autres religions et d'autres
couleurs.
Je ne sais pas le nombre d'écoles ou de classes qui ont
donné suite à ce programme, mais ce que j'en sais, c'est que cela
a eu un succès assez remarquable dans certaines écoles de mon
comté où je me suis rendu pour vérifier sur place ce qui
se passait. J'ai moi-même organisé dans mon comté un
concours de dessins auprès des jeunes, avec des prix minimes qui
viennent du budget hors normes, d'ailleurs, que vous connaissez, demandant aux
enfants des écoles de nous illustrer par des dessins leur perception de
la présence dans leur école de diverses communautés, de
diverses autres nations et groupes culturels. Encore là, cela a
été un succès. Le nombre d'enfants qui y ont
participé a été remarquable et les travaux aussi.
Donc, il y a, je dirais, peut-être pas un programme universel
appliqué partout, mais des tentatives limitées peut-être
qui illustrent qu'il y a une volonté réelle des profs de se
sensibiliser à cette question. À mon avis, c'est une question de
temps avant que... Et un des effets non prévus de cette
opération, c'est que, quand des enfants canadiens-français ou
québécois amènent chez eux de leurs collègues
scolaires d'autres nations, les parents les découvrent eux aussi. Les
enfants contribuent donc à ouvrir les yeux de leurs parents à la
réalité multicultu-relle.
Au niveau de l'école, c'est ce qu'il y a de plus important qui
s'est passé depuis un an ou deux. Il y a une sensibilisation et des
jeunes et des parents par les jeunes. Le résultat est que dans les
comités de parents dans les écoles maintenant c'est multiethnique
et on voit côte à côte, réfléchissant sur le
cadre scolaire, le curriculum de l'école ou des classes, toutes les
ethnies de Montréal qui travaillent ensemble là-dessus. Cela
reflète vraiment le multiculturalisme nouveau de Montréal et du
Québec.
Pour ajouter à vos autres questions, dans le cadre de
l'année de la jeunesse, il y a des projets à Montréal,
à Québec et dans l'Outaouais qui impliquent des jeunes. On a un
budget au ministère de...
Mme Barcelo: 400 000 $ répartis ainsi: 1984-1985, 200 000
$, 150 000 $ en 1985-1986 et la fin du programme en 1986-1987.
M. Godin: 50 000 $.
Mme Barcelo: Ce sont des projets qui proviennent des jeunes
eux-mêmes dans le cadre de l'année de la jeunesse et qui
correspondent un peu aux demandes de l'atelier.
M. Godin: En d'autres termes, on attend d'eux qu'ils nous
soumettent des projets concrets qui vont dans le sens d'une intégration
plus grande et d'un respect plus grand des uns et des autres dans ce nouveau
contexte de diversité culturelle au Québec et à
Montréal. On attendra, évidemment, les projets des jeunes et le
choix sera fait en fonction des objectifs du gouvernement qui sont
également endossés, je pense, par vous, à tout le
moins.
On me dit - la machine va plus vite que le ministre - que pour
1984-1985, on a déjà choisi des projets et c'est
déjà en marche. Maintenant, je pourrai vous transmettre des
détails sur chacun des projets qui ont été retenus par le
jury du ministère.
M. Dauphin: Sur le même sujet, toujours en rapport avec
l'Année internationale de la jeunesse, on m'a informé que le
budget du Secrétariat à la jeunesse était de 10 000 000 $.
Est-ce exact?
M. Godin: C'est bien ça, oui.
M. Dauphin: Les 450 000 $ dont Mme la sous-ministre parle, c'est
mis à part les 10 000 000 $ prévus pour l'année de la
jeunesse à l'intérieur de votre ministère.
Mme Barcelo: Les 400 000 $ proviennent du budget du
ministère et on a obtenu en plu3 50 000 $ des ces 10 000 000 $ pour
compléter les projets.
M. Dauphin: D'accord. Autrement dit, à l'intérieur
des 10 000 000 $ du Secrétariat à la jeunesse, il n'y a pas de
montant prévu pour les communautés culturelles.
M. Godin: En fait, cher collègue, chaque ministère
a été chargé de trouver, de débloquer dans ses
budgets des fonds pour les jeunes qui relèvent de lui. On a fait notre
part. On a fait compléter notre budget par le ministère de M.
Michel Clair pour avoir un chiffre qui corresponde aux demandes qu'on avait
reçues.
M. Dauphin: D'accord. J'aimerais que vous nous fassiez parvenir
la liste des demandes.
M. Godin: Vous l'aurez; une liste des projets retenus. Ou
même la liste de tous les projets soumis, si cela vous intéresse,
pour mesurer sur pièce, disons, l'imagination des jeunes de ces
communautés. Cela m'intéresse autant de voir les projets non
retenus que ceux qui sont retenus, en principe. On peut même vous envoyer
les deux listes. Est-ce que cela répond à votre question?
M. Dauphin: Oui, ça va, M. le ministre. Est-ce que je peux
continuer?
Le Président (M. French): Oui, M. le
député.
M. Dauphin: En rapport toujours avec l'école, M. le
ministre, vous êtes sûrement au courant d'un sondage qui a
été effectué sous les ordres de la CECM relativement
à la discrimination, au racisme et à tout cela. Jean-Pierre
Proulx, du quotidien Le Devoir, faisait état dans un article du 30
novembre d'une enquête auprès des professeurs, des parents et des
élèves noirs et métissés. Malheureusement, on doit
constater, avec les résultats obtenus, comme le dit Jean-Pierre Proulx,
que le phénomène de manifestations racistes n'est pas
généralisé dans les écoles de la CECM, mais on peut
cependant considérer ces manifestations comme des cas isolés
seulement. En fait, il y en a beaucoup plus. Le sondage ou l'enquête en
question révèle que 64 % des élèves noirs ont le
sentiment que leurs enseignants sont racistes; 56 % d'entre eux
révèlent avoir subi des affronts; 41 % des élèves
noirs ont souffert de leur accueil. C'est le résultat de
l'enquête. On mentionne également que 75 % des parents ne
connaissent pas le système scolaire québécois et que 66 %
des élèves ont de multiples difficultés dans leur
démarche d'adaptation.
Ces données, évidemment, confirment les réflexions
des jeunes lors du colloque dont on parlait tantôt. On sait aussi que le
plan d'action du gouvernement mettait beaucoup l'accent sur l'information, la
sensibilisation des parents et des enfants par leur adaptation au réseau
scolaire. Évidemment, on se rend compte qu'il reste beaucoup à
faire. Est-ce que le ministre a pris connaissance de cette enquête?
M. Godin: C'est l'enquête Noël, je pense.
M. Dauphin: L'enquête Noël?
M. Godin: Noël, je crois. J'en ai pris connaissance et,
d'ailleurs, j'ai immédiatement pensé à convoquer les
professeurs de la région de Montréal, qui est la plus
touchée par le multiculturalisme des élèves maintenant
dans les écoles. On réfléchit ensemble avec Mme
Dolorès Heynemand, de l'UQAM, et M. Chalom, de l'Université de
Montréal, un expert de la question, pour informer les profs de ce qui
est subi ou senti, parce que ce sont souvent des perceptions, par les
élèves noirs. Il est fort possible qu'il y ait effectivement des
réactions de friction, sans aller jusqu'au racisme, entre ces
élèves et le corps enseignant ou l'école. Il faut
absolument que nous sensibilisions les professeurs, d'une part, mais, d'autre
part, les élèves aussi, parce que, souvent, il y a des conflits
entre les groupes d'élèves. M. Prud'Homme et son espèce
d'équipe volante, lorsque les problèmes étaient intenses,
s'occupait d'appliquer des mesures. Je me souviens, par exemple, qu'à
l'école Émile-Nelligan, dans mon comté, un groupe
d'étudiants haïtiens avaient été l'objet de toutes
sortes de pressions, de tensions ou de frictions. Comme solution, on avait
décidé de présenter la culture haïtienne, la musique
haïtienne. Le résultat a été une meilleure
compréhension, je dirais, un respect nouveau des étudiants blancs
par rapport à la culture haïtienne et une diminution des tensions
racistes qui existaient dans cette école entre étudiants
haïtiens et étudiants blancs, les étudiants haïtiens se
sentant beaucoup plus fiers d'eux, de leur culture, de leurs racines et de leur
origine après avoir montré ce qu'ils étaient aux
étudiants blancs, les étudiants blancs constatant que leurs
collègues haïtiens étaient aussi respectables qu'eux dans
l'école. Cela a contribué à baisser la tension. Chaque
fois qu'un tel problème s'est présenté dans les
écoles de Montréal, le ministère a joué un
rôle de rapprochement à partir du modèle suivant: il faut
montrer ce qui fait l'intérêt de la culture de l'autre et
provoquer ainsi la fierté de ce qu'on appellerait l'autre et le
rapprochement entre les francophones et les nouveaux citoyens du Québec.
Le modèle a été, à mon avis, le meilleur
choisi.
Il y a eu également au ministère la production de
monographies imprimées sur une trentaine de communautés
culturelles. Elles sont distribuées et accessibles aux étudiants
et aux professeurs afin de mieux connaître chacun des groupes ethniques
qui ont des enfants dans les écoles de Montréal. Le travail n'est
pas terminé. Cela vient de commencer, sauf que - je ne sais pas si vous
êtes d'accord avec moi - je pense qu'on peut dire que le Québec,
aujourd'hui, a une tout autre perception des communautés culturelles
qu'il n'avait il y a cinq ou dix ans. Il y a maintenant une acceptation
beaucoup plus grande de la réalité multiculturelle du
Québec et de la culture des autres.
Lorsque je vais, chaque année, inaugurer la fête du
Têt, la fête des
Vietnamiens au complexe Desjardins, où il y a des stands et des
kiosques qui illustrent la cuisine vietnamienne et la production culturelle
vietnamienne, je constate qu'il y a autant de bons vieux Montréalais de
vieille souche francophone, comme on disait dans le temps, catholiques blancs,
qui vont là et qui dégustent aussi bien au sens de la cuisine
qu'au sens culturel les productions des Vietnamiens. Là, il y a un
rapprochement concret qui se fait par la base et dans la pratique, et je pense
que c'est aussi efficace, sinon plus, que toute autre mesure gouvernementale.
Je pense que ce qui se fait naturellement apporte plus de fruits que ce qui se
ferait avec l'épée dans le dos. Le Québec a changé,
Montréal a changé.
Je dois dire que, très souvent, l'initiative a été
prise par les communautés elles-mêmes de montrer ce qu'elles
faisaient, d'abord, dans les cuisines, dans les restaurants, qui est souvent la
porte d'entrée des Québécois francophones dans l'univers
de l'autre, comme vous le savez. Deuxièmement, il y a le voyage à
l'étranger, qui est la deuxième étape, qui est plus
coûteuse évidemment qu'un simple souvlaki au coin de Duluth et
Parc Lafontaine, mais c'est souvent par la cuisine que les
Québécois francophones découvrent le monde de l'autre, s'y
habituent et s'y attachent. On voit - mon collègue French, a
sûrement déjà vu cela; mon collègue le
président, pardon - sur Prince-Arthur des files de 30 à 40
couples québécois francophones de vieille souche catholique qui
attendent avec une bouteille de vin dans un "brown bag" - "BYOB", c'est ainsi
qu'on dit cela: "Bring your own bottle" d'aller manger de la cuisine grecque
patiemment chez de nouveaux citoyens du Québec qui en tirent des revenus
considérables. Vous savez que la restauration au Québec, c'est 1
000 000 000 $ par année. Ce sont des millions de dollars en
activités satellites de toutes sortes; livraison, camionnage et autres,
importation de produits d'autres pays. (11 h 30)
Un ami des douanes fédérales me disait que l'importation
de produits chinois, de Taiwan ou d'ailleurs, pour les restaurants chinois au
Québec, malgré les crises qu'on peut connaître, n'a jamais
cessé d'augmenter d'année en année. C'est 1 000 000 000 $
par année d'activité économique et je pense que c'est
extrêmement important. Cela contribue au rapprochement aussi, en plus de
cette activité économique. Donc, c'est, par plusieurs
côtés, très positif pour les objectifs poursuivis par le
livre blanc et par le gouvernement et, d'ailleurs, soutenus par le Parti
libéral à cet égard.
Le Président (M. French): M. le ministre, sur le
même sujet, on sait que tous les problèmes de racisme et de
discrimination ne sont pas le monopole de la communauté francophone.
Avez-vous la même responsabilité ou la même capacité
d'intervenir ou avez-vous été appelé à intervenir
dans les cas de racisme ou de discrimination possible au sein de la
communauté anglophone, qui a parfois pour cible la communauté
noire anglophone, qui n'est pas une communauté d'immigrants
récente? C'est une communauté établie depuis assez
longtemps, mais il y a quand même des tensions. Je pense à
Notre-Dame-de-Grâce, notamment, au sud de mon comté et du
comté de Sainte-Anne. Il y a des tensions là aussi. Avez-vous
pris connaissance de tout cela? Êtes-vous en mesure d'intervenir?
J'ajoute que je suis d'accord avec vous que ce n'est pas l'État qui doit
régler tout cela; cependant, il me semble que l'État doit
être conscient de ce qui se passe.
M. Godin: Oui. Je n'ai pas été saisi, M. le
Président, de tensions semblables dans le West Island, si vous voulez,
pour parler en termes larges.
Le Président (M. French): Oui, mais...
M. Godin: Mais si vous voulez m'en saisir, je ferai
sûrement des travaux ou des recherches pour voir si cela existe et s'il y
a des solutions. Ce que je sais, par ailleurs, c'est que la communauté
noire de votre comté a créé il y a quelques années
un centre communautaire. La présidente du conseil vient, d'ailleurs, de
cette communauté et, ayant vécu elle-même, d'après
son propre aveu à une émission que j'ai vue à
Radio-Québec, de telles tensions au début de sa carrière
comme adulte au Québec, elle sera sûrement en mesure de nous
donner des suggestions précises et concrètes sur les moyens
à prendre. On l'a choisie en partie pour cela aussi, c'est qu'elle
représente les noirs québécois avec ce qu'ils ont eu
à subir pendant un certain nombre d'années, en plus d'avoir
d'autres cordes à son arc. J'ai tenu à la prendre, elle, en
particulier, parce qu'elle avait vécu ce problème-là que
peu de Québécois ont vécu et que peu de candidats ou de
candidates au poste de président connaissaient. Dans la mesure où
elle nous informera de ce qui se passe concrètement et des moyens
à prendre pour que cela ne se produise plus, sûrement qu'on
entreprendra des mesures.
Mais remarquez qu'il y a constamment le recours à la Commission
des droits de la personne, il y a des institutions qui existent
déjà et qui nous permettent, au moins, de nous exprimer et de
faire connaître nos tensions et les tensions qui existent. À ma
connaissance, peut-être pour des raisons que vous connaissez mieux que
moi, on n'a pas
entendu dire qu'il y avait un refus des taxis haïtiens dans
l'Ouest, comme on l'a entendu dire dans l'Est de Montréal. Maintenant,
si cela se présentait, on interviendra certainement de la même
manière.
Le Président (M. French): C'est un sujet très
intéressant que je voudrais poursuivre, mais je soupçonne que
j'empêcherais quelques-uns de mes collègues de poser des
questions. Puisque moi aussi j'ai d'autres questions à poser, je vais
donner la parole au député de Mille-Îles, suivi du
député de Vachon.
Les immigrants investisseurs
M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je vois
dans votre livre des crédits, à la page 93, que vous parlez des
immigrants investisseurs. Lorsqu'on parle d'investissements, c'est toujours
assez intéressant pour la création d'emplois et le reste. Vous
dites qu'en 1984 vous avez fait l'étude de 818 dossiers d'immigrants
investisseurs et que vous avez accepté ces personnes qui ont
apporté un capital total de 533 000 000 $. C'est une augmentation de 40%
par rapport à 1983. Disons que c'est une constatation, j'espère
que vous avez fait des démarches en prospection. Je le vois aussi
à la page suivante. Vous avez aussi des candidats en vue pour l'an
prochain; vous avez fait des missions à l'étranger, vous avez
fait des rencontres avec les médias d'information.
J'ai trois questions à poser. Dans vos prospections, quelle est
la clientèle qui est visée, à savoir quels pays visez-vous
particulièrement pour 1985-1986? Je voudrais savoir dans quelles
sphères d'activité vous voulez les diriger, à savoir si
c'est du primaire, du tertiaire ou du secondaire. Ensuite, quel est le nombre
de personnes que vous pensez inviter ici au Québec pour l'an prochain
dans ces différentes sphères d'activités?
M. Godin: Je vous réponds personnellement et je passe
ensuite la parole à mon collègue, Charlie Mayer, comme on disait
au hockey, dans le temps. Quels pays? D'abord, on constate d'année en
année des hausses de demandes de certains pays et on se concentre sur
ces pays pour voir ce qui amène ces hausses. Souvent, on constate que le
potentiel est plus grand qu'on ne l'avait imaginé, entre autres,
l'Allemagne, depuis quelques années, Hong Kong, pour des raisons
connues. L'Allemagne - c'est curieux, mais peut-être pas curieux du tout
pour ceux qui connaissent l'histoire - c'est la crainte de la guerre qui les
amène à fuir l'Europe et à venir ici et, également,
le fait de la pollution en Allemagne.
Le Président (M. French): La terre, les espaces verts,
oui.
M. Godin: Ils cherchent l'espace, les espaces verts. Ils
cherchent le caribou, le chevreuil, l'orignal, la truite, le saumon. En
Allemagne, me dit-on, ce sont des choses qui n'existent plus, sauf
empaillées dans les musées.
Mme Harel:... l'érable à sucre.
M. Godin: En fait, ils ont vécu des passes très
difficiles. Dans certains cas, ils ont vu leur père, leurs frères
ou leurs soeurs tués dans des guerres. Ils savent le nombre d'heures que
cela prendrait à un tank, à un char soviétique pour se
rendre là où ils sont. Ils calculent deux heures et demie. Donc,
ils se disent: Si j'étais à Montréal, ou à
Saint-Blaise, ou à Causapscal, cela ne se rendrait pas ici. Donc, ils
choisissent le pays qui leur semble le plus propice à la paix et surtout
où il y a le plus d'espaces verts. Donc, nos espaces verts, il faut les
protéger, parce que cela a un impact réel sur l'immigration, et
on constate que ces gens d'Allemagne ou d'ailleurs ont des expériences
industrielles ou financières qui sont peu répandues au
Québec. Ils amènent ici des notions souvent entièrement
nouvelles. Je pense aux commerçants de Hong Kong ou du Liban. Vu les
conditions difficiles dans lesquelles ils exercent depuis des années,
ils ont développé une musculature cervicale et mentale qui fait
d'eux les plus résistants des hommes d'affaires québécois.
Dans le domaine du textile, entre autres, un Chinois de Hong Kong va
réussir ici dans un domaine, le textile, où un
Québécois francophone ou anglophone y perd sa chemise et tombe en
faillite en quelques années. Il y a chez eux une expérience du
commerce, des affaires qui est beaucoup plus grande que celle qu'on a ici.
Donc, on va chercher, je dirais, la fine fleur de ce qui nous manque au
Québec et dans bien des cas, entre autres, en agriculture, les
immigrants investisseurs d'Europe - parce que, dans ce cas-là,
c'était l'agriculture - ont renouvelé entièrement les
modes de production maraîchère au Québec. Le fromage
québécois est un apport des nouveaux arrivants français ou
suisses. Il n'existait pas avant au Québec de camembert ni d'emmenthal.
Maintenant, cela se fait parce que les immigrants venus d'ailleurs ont
importé leurs techniques ici, se les ont fait copier par des
Québécois de vieille souche et cela a contribué à
relancer l'agriculture du Québec.
Donc, selon les hausses de demandes que l'on observe et selon aussi
l'expérience que les populations de ces pays ont accumulée - Hong
Kong; commerce et finances, Allemagne: production industrielle,
Suisse, France: agriculture - le profil est déjà là
au départ, si vous voulez. Quand on ouvre un bureau en Suisse, on sait
que le recruté est un agriculteur spécialisé dans le lait
ou le fromage. Si c'est en France, cela peut être un maraîcher,
quoiqu'il y ait également des exceptions qui confirment la règle,
l'industriel français. Quand on va au Liban, on découvre un tout
autre profil de personnes et d'expertises industrielles et commerciales. Donc,
on peut dire que c'est vraiment le jardin botanique des investisseurs avec
toute la variété imaginable d'expériences et d'expertises
dont on a besoin au Québec.
M. Champagne: Maintenant, on demandait peut-être...
M. Godins Peut-être que M. Vigneau pourrait compléter ma
réponse par des choses plus précises et moins floues.
M. Champagne: Non, non, c'est une bonne réponse...
M. Godin: Merci, M. le député.
M. Champagne:... mais, maintenant, je demanderais peut-être
le nombre de personnes que vous visez.
M. Godin: M. Vigneau peut vous répondre
là-dessus.
M. Vigneau: Nous avons, comme le disait le ministre dans ses
notes liminaires, augmenté déjà nos représentants
à l'étranger, ce qui signifie que c'est surtout du
côté où on a augmenté qu'on vise une
clientèle plus importante. Nous aurons à partir du mois de
juillet un conseiller en immigration supplémentaire en France. Hong Kong
est, depuis cette année - certainement l'an prochain et pour les deux ou
trois prochaines années - le principal bassin qui nous fournit les
immigrants investisseurs. Il y a eu effectivement une augmentation de 93 %
à Hong Kong. Pour l'an prochain, on attend encore une augmentation qui
devrait être à peu près de 100 % par rapport à ce
qu'on a réussi cette année. Mais il ne faut pas oublier que,
traditionnellement, les pays de l'Europe de l'Ouest ont été notre
principal bassin. Dans les pays de l'Europe de l'Ouest, en 1984, on a eu une
légère diminution par rapport aux années passées.
Il y a une diminution d'à peu près 10 % à 12 % pour la
France qui s'explique principalement par le fait qu'il y a moins d'agriculteurs
qui viennent de l'Europe de l'Ouest.
Traditionnellement, le secteur primaire, c'est-à-dire les
agriculteurs, essentiellement -je vais répondre également
à votre question sur les sphères d'activité - parce qu'il
arrivait très peu de pêcheurs, les agriculteurs venaient soit de
France, de Belgique ou de Suisse, dans une moindre proportion de Hollande et
quelques-uns d'Allemagne. Mais, à cause de certaines modifications dans
les règles du marché commun pour obtenir des prêts pour
acheter des terres, il se trouve qu'on en subit les contrecoups dans la mesure
où il est beaucoup plus difficile de vendre sa terre présentement
en Europe qu'il l'était dans les années passées. Donc, les
gens, réussissant moins à vendre ou vendant moins cher, ont moins
tendance à émigrer, bien sûr. C'est ce qui explique la
diminution peu importante mais diminution réelle du côté de
l'Allemagne et du côté de la France.
On a donc essayé, à la suite J'un voyage que le ministre a
fait dans ces différents pays, de prendre des mesures pour augmenter
notre rendement, si je puis dire, du côté de l'Allemagne
particulièrement. Donc, il y a déjà en poste depuis un peu
plus d'un mois un conseiller d'immigration qui a un mandat tout à fait
spécial, à Düsseldorf, celui d'essayer de recruter des
investisseurs allemands.
Il faut savoir que l'Allemagne est un des principaux pays fournisseurs
d'immigrants investisseurs pour l'ensemble du Canada. Mais il y a très
peu de ces investisseurs allemands qui viennent au Québec. La raison me
semble assez évidente, la colonie allemande au Canada se retrouve
ailleurs qu'au Québec. On en retrouve beaucoup en Ontario et dans les
provinces de l'Ouest. Évidemment, les gens ont tendance à se
retrouver là où ils ont un cousin, un oncle, un parent. On va
alors essayer de briser en quelque sorte ce rythme-là en ayant un
conseiller qui va faire du recrutement.
Le nombre de personnes visées. En fait, on ne s'est pas
fixé comme tel un chiffre précis en disant, on va passer de 400
à 800. Sinon que du côté de Hong Kong, oui, on a un
objectif qui serait de doubler le nombre des investisseurs de Hong Kong qui ont
été sélectionnés l'an dernier. Je puis dire que
c'est le seul secteur géographique où on a un objectif aussi
précis. Notre objectif pour l'ensemble des autres pays est effectivement
d'augmenter. On prévoit des missions qui, à partir de
Montréal, vont couvrir l'Amérique latine. On prévoit une
mission importante en Amérique latine. On prévoit
également des missions au Moyen-Orient. On en a eu deux cette
année. On en prévoit trois pour l'an prochain.
Lors du voyage du ministre, effectivement, nous avons rencontré
plusieurs investisseurs très importants. D'ailleurs, de ceux que vous
avez rencontrés, M. le ministre, il y en a déjà deux qui
sont entrés au Québec avec chacun un capital de 20 000 000 $.
M. Champagne: Ah! On n'est pas au courant de cela. Je ne dis pas
qu'il faudrait
avoir un communiqué de presse pour annoncer cela, mais je pense
que des investissements de cet ordre sont quand même de bonnes
nouvelles.
Enfin, de toute façon, j'ai reçu des réponses
à mes questions. Je vous en remercie. M. le ministre, est-ce que vous
vouliez ajouter quelque chose?
M. Godin: Je dirais que, dans la mesure où nous sommes
liés par le secret relatif aux noms des personnes, on ne peut pas citer
quoi que ce soit jusqu'au jour où les personnes elles-mêmes
décident de se lancer en affaires ou de créer elles-mêmes
une entreprise au Québec. À ce moment-là, nous pouvons
dire que c'est grâce au ministère si une telle entreprise voit le
jour.
Si on fait une liste des nouvelles entreprises qui ont vu le jour au
Québec, c'est assez étonnant. C'est même extrêmement
significatif. Il y aura du riz produit au Québec dans quelques
années. Un investisseur italien a acheté une terre dans le
comté de L'Assomption. Il a obtenu, grâce à
Hydro-Québec, des tarifs spéciaux d'électricité
pour chauffer l'eau qui est nécessaire à la production du riz.
Dans quelques années, il y aura une récolte de riz
québécois dans la vallée de L'Assomption au Québec.
(11 h 45)
Bientôt on aura des vins provenant entièrement de raisins
qui auront poussé ici, des vins purement du Québec. Je ne sais
pas s'ils seront bons, c'est une autre question; on verra bien. Donc, ils ont
vraiment innové dans le secteur agricole, d'une façon très
importante, et on souhaite que leur esprit d'innovation se retrouve dans tous
les secteurs d'activité au Québec de manière qu'on se
sorte de l'idée qu'ils volent les jobs. Ils créent des jobs.
Le Président (M. French): Bravo, M. le ministre!
M. Godin; Ils créent des entreprises nouvelles au Québec
et ils amènent un renouvellement et une concurrence nouvelle dans bien
des secteurs qui étaient somnolents; ils les réveillent. Donc, en
ce sens, nous n'avons aucune intention de freiner nos efforts dans ce domaine
du recrutement d'immigrants investisseurs partout dans le monde où il y
en a, évidemment.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon.
M. Payne: C'est toujours intéressant, la question de
l'investissement des étrangers. Je viens d'arriver d'Amsterdam.
J'étais là il y a dix jours, durant l'intersession du Parlement,
afin de rencontrer quelques investisseurs pour le comté de Vachon. Je
vais annoncer dans quelques semaines un investissement majeur dans la
fabrication de serres, la construction de serres pour la culture des tomates et
des concombres. Les tendances des Hollandais, jusqu'à ce moment-ci,
était d'aller en Ontario. C'e3t un investissement de plusieurs millions
de dollars et j'en suis assez content parce que j'y suis allé à
mes frais. Cela va plus vite comme cela.
C'est intéressant, le comté de Vachon. Ce n'est pas un bon
exemple des meilleurs investissements dans le passé; il y a à peu
près 65 investisseurs étrangers sur le rôle
d'évaluation de Saint-Hubert, dans mon comté. C'était il y
a quinze ans, au moment où les terres étaient vendues aux
étrangers, plutôt aux spéculateurs qui restaient à
l'étranger; donc, ils spéculaient sur ces terres. Les terres
étaient morcelées, divisées. Ces gens, comme à la
Bourse, étaient mal conseillés et leurs investissements n'ont
rien produit. Les Québécois ne sont pas gagnants car à ce
moment-ci on fait face à l'obligation de remembrer ces terres qui sont
maintenant protégées par la Loi sur la protection du territoire
agricole et on doit remettre en valeur les mêmes terres. C'est un
processus extraordinaire.
L'ironie de la situation est qu'on est obligé d'aller chercher
à l'extérieur la technologie, dans les jardins de l'Europe, en
Hollande, en ce qui concerne l'horticulture, les fleurs, les tomates et les
légumes de toutes sortes. C'est intéressant pour le Québec
qui importe 70 % des légumes frais. Au moment où les deux tiers
du monde crèvent de faim, je trouve scandaleux que nos terres ne soient
pas développées à 100 %. On voit les autres villes du
monde, comme Londres et Paris, où elles sont bien
protégées; il n'y a pas un pied carré qui est disponible
pour la culture, tout est en culture.
Au Québec, nous avons des régions
périphériques comme Saint-Hubert où les terres sont en
friche, non utilisées. Je pense que c'est assez remarquable et que ce
serait bien qu'on accueille davantage d'étrangers. Dans mon cas, par
exemple, j'ai intéressé les Hollandais à venir au
Québec plutôt qu'en Ontario où se trouve, comme les
Allemands, leur terre d'accueil traditionnelle, jusqu'à ce
moment-ci.
Le statut d'immigrant réfugié
J'aurais d'autres questions là-dessus, mais je ne voudrais pas
oublier la question des revendicateurs du statut de réfugié. Cela
devient très compliqué, avec le jugement de la Cour
suprême, venant deux ans après que le gouvernement
fédéral, au mois d'octobre 1982, a cessé son aide, faisant
en sorte que ces mêmes réfugiés se retrouvent à
l'aide sociale du Québec, là où il n'y avait pas un
accueil suffisant.
Je voudrais demander au ministre quel est l'état des
négociations, des discussions avec Mme MacDonald. Quel est
l'échéancier? Effectivement, comme on le disait plus tôt,
si, suivant le jugement de la Cour suprême, on fait en sorte de retarder
pendant des années et des années les audiences, les
requérants ou les revendicateurs du statut se trouveront avec une
"Band-Aid" solution. Je pense qu'on va faire face à une crise
d'envergure d'ici quelques mois et sûrement d'ici quelques années.
D'abord, quel est l'état des négociations et quels sont les
objectifs du ministre?
M. Godin: Une rencontre est prévue avec Mme MacDonald le 7
mai, à Ottawa. Les points à l'ordre du jour sont
précisément quelle mesure on prend maintenant que la Cour
suprême s'est prononcée sur des droits nouveaux pour les
requérants au statut de réfugié, Mme la
députée de Maisonneuve, et quelle manière devrons-nous
prendre pour réduire le délai de traitement de ces dossiers
maintenant qu'ils ont davantage le droit de contester des décisions
canadiennes ou québécoises.
D'autre part, on abordera également le fait du financement
conjoint des frais occasionnés par ces personnes-là au
Québec et au Canada. Vous savez qu'à cause de Mirabel surtout le
Québec accueille le plus grand nombre de tels requérants au
statut de réfugié de tout le Canada. Dès qu'ils ont un
document indiquant leur adresse et leur résidence au Québec, nous
leur donnons la carte-soleil d'assurance-maladie, le droit d'envoyer leurs
enfants à l'école française et, également, l'aide
sociale. Comme le fédéral contribue à 50 % de l'aide
sociale, il dit: Nous, cela suffit. La question qui se pose
ultérieurement est l'accès au COFI. L'idéal serait que
toutes ces personnes puissent avoir accès au COFI où il y a des
périodes d'adaptation à la vie québécoise et
surtout des cours de français aussi essentiels à l'adaptation.
Cependant, cela coûte cher. Il faudrait donc obtenir du
fédéral des budgets supplémentaires pour répondre
aux besoins de toutes ces personnes-là. Sûrement que les points
à discuter avec Mme MacDonald, M. le député de Vachon,
seront ceux que j'ai mentionnés.
M. Payne: Comment fonctionne la division du changement de statut,
comment cela a-t-il été mis sur pied, comment est-ce
structuré...
M. Godin: Je vais passer la question à mon collaborateur,
M. Vigneau.
M. Payne:... pour traiter les demandes? M. Vigneau:
À la suite de la décision du Conseil des ministres de mai
dernier où il a été décidé d'accorder l'aide
sociale plus la carte d'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation aux
demandeurs du statut de réfugié, nous avons mis sur pied un
centre de services intégrés qui reçoit de la part du
fédéral l'ensemble des demandeurs du statut de
réfugié. Pour comprendre le processus, toute personne qui arrive
au Canada, soit à Mirabel, soit par Blackpool, peu importe l'endroit,
peut faire une demande de statut de réfugié. Dès l'instant
où elle fait une demande de statut de réfugié et qu'elle
est au Québec, depuis l'entente que nous avons eue avec le gouvernement
fédéral, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 1985, elle e3t
automatiquement envoyée sur la rue McGill, chez nous. Nous la recevons,
nous prenons sa demande, nous prenons note de son nom, des renseignements
minimaux la concernant, nous transférons ces renseignements à la
Régie de l'assurance-maladie et nous lui remettons également une
formule de demande d'aide sociale. C'est le 355 McGill qui centralise
l'ensemble de ces opérations. La division des changements de statut est
responsable du contrôle, de l'acheminement et du traitement de toutes les
demandes présentées par les demandeurs du statut de
réfugié.
M. Payne: Combien la structure compte-t-elle d'effectifs?
M. Vigneau: Actuellement, qui s'occupent exclusivement des
demandeurs... Si vous voulez, je vais prendre 30 secondes pour expliquer ces
techniques, parce que cela peut mélanger les gens. Il y a deux
catégories de requérants sur place, d'une part, toute personne
qui obtient du fédéral l'autorisation de faire une demande
d'immigration sur place. Ce peut être quelqu'un qui est marié avec
un résident permanent ou un citoyen, ce peut être toutes sortes de
cas qui obtiennent des permis qui n'ont rien à voir avec le statut de
réfugié. Ces gens-là sont aussi traités par la
division des changements de statut. Autrement dit, ce sont des gens qui
demandent le changement de leur statut sur place. Avant, ils étaient
touristes, étudiants et ils demandes d'être résidents
permanents.
En plus, vous avez les demandeurs du statut de réfugié
qui, eux, n'ont pas obtenu l'autorisation d'être des requérants
sur place. Il n'ont pas encore obtenu l'autorisation de faire les
formalités d'immigration sur place. Pour traiter l'ensemble du
problème des demandeurs du statut de réfugié, nous avons
actuellement une quinzaine de personnes qui ne font que cela à temps
plein. Nous avons à peu près le même nombre de personnes
qui traitent les autres dossiers, c'est-à-dire les véritables
requérants sur place, donc toutes les autres personnes.
M. Payne: Merci.
M. Vigneau: C'est uniquement du point de vue des
formalités d'immigration; cela ne comprend pas, les chiffres que je
viens de vous donner, les personnes relevant de mon collègue Prud'Homme
qui s'occupent de l'accueil de ces personnes en termes d'interprètes, en
termes de leur trouver un logement, etc.
M. Payne: D'accord. Qu'est-il advenu du comité
formé par le Conseil des ministres ou par le ministre, qui avait comme
objet d'étudier le statut par lequel le gouvernement
québécois pourrait contrôler seul ces
réfugiés?
M. Godin: Remarquez que vous abordez là une revendication
historique du Québec dans ses négociations avec le
fédéral. Nous souhaiterions qu'effectivement le Québec
soit le seul responsable de la délivrance du statut d'immigrant
reçu aux réfugiés parce que d'abord nous estimons que cela
simplifierait la vie desdits candidats au statut de réfugié, les
demandeurs. Aussi, nous avons une expertise aussi développée que
celle du fédéral en cette matière. Évidemment, cela
ne saurait se faire sans un transfert de fonds du fédéral vers
nous pour nous permettre d'assumer ces nouvelles responsabilités.
Il n'y a pas de développement autre, sauf qu'il est possible que
dans le document constitutionnel que M. Lévesque doit remettre
bientôt à M. Mulroney la question soit abordée de
façon directe dans le paquet, dans le "package" de demandes du
Québec au fédéral pour avoir une adhésion au
"Canada Bill".
M. Payne: C'est parce que je voudrais encourager...
M. Godin: Maintenant, mon sous-ministre a un complément de
réponse à une de vos questions.
M. Vigneau: Donc, à la suite du mémoire
présenté par le ministre Godin à ses collègues du
Conseil des ministres au mois de mai, l'an dernier, il y a un comité
présidé par le ministère de la Justice qui a
été mis sur pied pour étudier la notion de
résidence dans la législation et la réglementation
québécoise. Ce comité qui devait remettre son rapport le
31 décembre n'a pas été en mesure, compte tenu de la
complexité - la notion de résidence se retrouve dans 400 lois et
règlements québécois et la notion varie selon la loi ou la
réglementation dans laquelle on la retrouve... Le comité a donc
été incapable de remettre son rapport le 31 décembre. Il a
obtenu un prolongement de mandat jusqu'au 31 mars. Il n'est pas
complété mais le rapport préliminaire, lui, est
terminé. Il doit être acheminé au ministre d'ici au plus
tard quinze jours.
M. Payne: Je pense qu'il serait intéressant d'avoir un
débat public, c'est-à-dire une discussion publique dans
l'immédiat à ce sujet qui pourrait être parallèle
aux réflexions entamées par le ministère, mais avec le
comité interministériel. Il y a quelques commentaires, quelques
éditoriaux qui paraissent sporadiquement, comme celui de Jean-Claude
Leclerc de l'an passé, parfois un peu raides. Je pense que cela
n'empêche pas qu'une discussion de fond devrait être entamée
dans le public à savoir dans quelle mesure le Québec est vraiment
intéressé comme nation, comme État, à être le
revendicateur d'une nouvelle politique de réfugiés. Cela serait
intéressant s'il y avait plus de discussions publiques. Peut-être
que cela pourrait aider par la publication de quelques papiers, quelques
réflexions faites par le comité. Je pense que ce n'est pas
seulement des revendications politiques entre le gouvernement du Québec
et le gouvernement d'Ottawa, mais, si on veut changer radicalement la politique
de réfugiés, c'est quelque chose qui devrait être
élargi à tout le public. (12 heures)
Le Président (M. French): Mme la députée de
Maisonneuve, sur le même sujet, je crois.
Mme Harel: Merci. Puisque vous avez vous-même, M. le
ministre, abordé cette question des discussions - on ne peut
peut-être pas dire négociations - ou des conversations
constitutionnelles qui ont lieu présentement, j'imagine que, comme moi,
vous avez pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des
propositions contenues dans le chapitre du programme du Parti libéral
récemment adopté en matière d'immigration.
M. Godin: Oui, absolument.
Mme Harel: J'aimerais connaître vos réactions sur
cette proposition qui souhaite que le Québec ait pleine et
entière juridiction en matière d'immigration, avec toute la
problématique derrière sur la nécessité,
maintenant, pour le développement du Québec, compte tenu de son
taux de fécondité, de contrôler les mouvements migratoires.
Quand j'ai lu une déclaration du premier ministre, à savoir que
les propositions constitutionnelles du gouvernement n'iraient pas en
deçà des propositions contenues dans le programme du Parti
libéral, je me suis donc dit: Le Québec va réclamer
juridiction en matière d'immigration. Est-ce que j'ai raison ou
tort?
M. Godin: Je dois dire pour prendre cela de façon plus
large, que j'ai lu avec
intérêt le document du Parti libéral,
"Maîtriser l'avenir", et je me suis réjoui de voir que, dans le
domaine de l'immigration, qui laisse bien des gens froids des deux
côtés de la Chambre, en général, il y avait une
politique et nous nous en sommes inspirés largement dans notre document.
C'est bien normal qu'on se serve les uns des autres et les uns dans les autres.
En réponse à votre question, il y aura des choses dans le
document constitutionnel qui sont au moins équivalentes à ce que
le Parti libéral requiert comme résultat de ces
négociations.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Une question peut-être indiscrète, est-ce
que c'est bien cela que le Parti libéral revendique? "Un gouvernement
libéral - "Maîtriser l'avenir", page 51 - ira plus loin dans cette
direction. " On parle de l'entente. "Il réclamera la reconnaissance
constitutionnelle du droit à la détermination conjointe du nombre
et à la sélection des personnes immigrant chaque année au
Québec. "
Le Président (M. French): M. le député, moi
je...
M. Payne: Je me suis permis de vous poser une question, et je
vous invite à y répondre.
M. Dauphin:... évidemment, dans les prochaines semaines,
puisque le premier ministre a l'intention en privé de faire rapport de
ses revendications. C'est sûr que le débat va s'ouvrir largement,
mais effectivement, ce que vous venez de lire, on ne peut pas vous contrarier
là-dessus, mais on a une position, comme le ministre l'a dit, en
matière d'immigration. Maintenant, je ne crois pas que, dans les 20
minutes qu'il nous reste, on puisse engager le débat là-dessus.
On pourra le faire après, si vous voulez.
M. Payne: Ce que je lis là-dedans...
M. Dauphin: J'ai 50 questions et j'en ai posé 2. Il m'en
reste 48 et il reste 20 minutes. Maintenant, on peut y revenir tantôt, je
n'ai aucune objection.
Le Président (M. French): II nous reste un peu plus de 20
minutes, M. le député, je vous assure, parce qu'on a
commencé un peu en retard. Mme la députée, avez-vous
terminé, êtes-vous satisfaite?
La situation des femmes immigrantes
Mme Saint-Amand: Je m'excuse. M. le ministre a parlé
brièvement tout à l'heure des COFI. À l'intérieur
des COFI, il y a un secteur qui s'appelle les garderies de COFI qui
connaît certaines préoccupations. J'aurais quelques questions
à poser au ministre sur les garderies de COFI. Des craintes ont
déjà été mentionnées par le collectif des
femmes immigrantes, entre autres. Le 15 février 1983, le collectif a
adressé au ministre un certain nombre de recommandations, de demandes.
On sait que, depuis que les garderies de COFI forment des corporations tout
à fait autonomes sans but lucratif, le ministère doit conclure
des ententes avec ces garderies pour assurer le maintien de
l'accessibilité des services à la clientèle des COFI.
Ma question serait celle-ci: Est-ce que le ministre a renouvelé
les ententes avec les garderies? Cela se terminait le 31 mars.
M. Godin: La réponse est oui.
Mme Saint-Amand: C'est déjà fait, merci.
M. Godin: Le 31 mars, tout était signé.
Mme Saint-Amand: Tout était signé. Maintenant,
est-ce que vous vous engagez à reconnaître la
nécessité de continuer ces services pour la clientèle des
COFI dans les COFI?
M. Godin: Je vais vous donner une réponse un peu plus
vaste. Dans le passé, le Québec et le fédéral,
conjointement, versaient de l'argent aux COFI pour couvrir les besoins des
enfants dont les mères étaient aux études dans les COFI.
De façon unilatérale, le fédéral a
décidé de procéder différemment,
c'est-à-dire d'envoyer l'argent non plus aux COFI mêmes, mais aux
parents qui, ainsi, ont le loisir de faire garder leurs enfants par la famille,
par la grand-mère, par le grand-père et, dans le cas de familles
immigrantes, comme vous le savez peut-être, la famille est souvent toute
ici au pays et cela fait quelques dollars de plus dans les poches de la
famille. Donc, bien des familles ont décidé d'appliquer ce
régime, de confier à leurs grands-parents ou à leurs
tantes et cousines le soin de garder les enfants, mais elles se rendent
maintenant compte, à l'expérience, que ce n'est pas la meilleure
solution, la solution étant la socialisation des enfants afin de
permettre aux enfants d'être le plus vite possible en contact avec les
enfants du Québec, parce que c'est une phase d'intégration et
d'adaptation extrêmement importante. Donc, on est en révision, du
côté fédéral, quant à la politique de donner
les "vouchers", comme on le dirait en bon français, aux parents dont les
parents fréquentent les COFI.
Nous avons gardé notre même système,
c'est-à-dire on réserve un nombre de places dans ces garderies
pour la clientèle actuelle
et éventuelle d'enfants de Néo-Québécois, de
nouveaux Québécois dans les COFI. C'est préservé.
Nous continuons à verser l'argent pour que les enfants soient dans les
garderies et nulle part ailleurs que dans les garderies.
Mme Barcelo: Quant aux parents qui n'ont pas les allocations du
fédéral pour charge de famille pour payer la garderie, le
Québec assume la part du parent à même nos budgets du
ministère. Il y a des compléments de l'Office des services de
garde, par ailleurs.
M. Godin:... qui s'y ajoutent.
Mme Saint-Amand: M. le Président, j'aimerais savoir de la
part du ministre si c'est une entente à long terme ou si c'est encore
une entente uniquement d'un an.
Mme Barcelo: Ce sont des contrats d'un an. Cela a toujours
été des contrats d'un an avec les garderies. Je pense que cela
permet une souplesse de part et d'autre. Il peut y avoir des ajustements
à venir. En plus, comme c'est un nouveau système, on ne peut pas
encore prévoir - le temps est peu long depuis le changement des
politiques fédérales - quel va être le choix des parents.
Dans ce nouveau système, c'est le choix des parents qui est prioritaire
par rapport à l'ancien système. Il n'y a rien qui dit qu'un jour
on ne pourra pas signer des contrats à plus long terme. C'est sujet
à l'adoption de crédits à l'Assemblée nationale,
bien sûr.
Mme Saint-Amand: II semble, M. le Président, qu'il serait
souhaitable de négocier des ententes à plus long terme, parce que
celles à court terme créent une espèce
d'instabilité qui leur fait toujours craindre pour la durabilité
des contrats.
M. Godin: Mme la députée de Jonquière, je
pense que l'instabilité a été créée par la
situation fort mouvante et fort floue créée par le changement de
politique du fédéral, mais nous devons rester en "stand-by", si
vous voulez me passer l'expression, face à des changements qui peuvent
survenir n'importe quand. Si le fédéral, comme on l'entend dire,
change d'idée et revient à l'ancien système, nous devons
être prêts à modifier nos ententes. C'est à cause de
cela qu'on a des ententes ouvertes. Dès que la situation se
régularisera de façon assez certaine, nous avons l'intention
d'avoir des baux plus longs, des contrats à plus long terme. Mais comme
il y a flottement, pour la raison que je vous dis, il nous a semblé plus
sage, expérience faite, de laisser certaines options ouvertes en ayant
des baux annuels.
Je pense que, si les garderies ou si les parents avaient porté
plainte auprès de notre partenaire fédéral, il aurait
été possible que le résultat soit plus rapide, au lieu de
s'en prendre uniquement au provincial qui n'a fait que poursuivre sa politique,
que tout le monde avait accepté à l'époque. Cela m'a
vraiment assez étonné de voir que le chien dans le jeu de quilles
vient du fédéral et qu'on s'en prend au Québec qui n'a
rien fait de mal, qui n'a rien changé de ce qui allait bien avant.
Enfin, cela m'étonne, mais on verra pourquoi plus tard.
Mme Saint-Amand: Ma dernière question,
M. le Président. Est-ce que les conditions de l'entente sont les
mêmes que l'an dernier?
Mme Barcelo: Les contrats?
M. Godin: Oui.
Mme Saint-Amand: Oui.
Mme Barcelo: Les contrats sont les mêmes. Le nombre de
places réservées peut être différent. Il est plus
grand que celui de l'an dernier, le nombre de places réservées
pour les enfants des COFI, puisque ce sont des garderies qui accueillent des
enfants de stagiaires de COFI et des enfants du quartier. On a augmenté
le nombre de places réservées par le MCCI. Les autres conditions
sont les mêmes.
Mme Saint-Amand: Combien avez-vous réservé de
places, cette année?
Mme Barcelo: Cela varie. Il y a cinq contrats, madame. On
pourrait vous donner les renseignements par la suite.
M. Godin: On pourrait vous déposer les contrats, si vous
le voulez.
Mme Barcelo: On peut vous déposer les contrats.
Mme Saint-Amand: La gratuité est-elle toujours
assurée aux femmes immigrantes?
Mme Barcelo: Cela dépend.
Mme Saint-Amand: Pour celles qui n'ont pas l'allocation du
gouvernement fédéral?
Mme Barcelo: C'est exact, c'est assuré.
Mme Saint-Amand: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. French): Je vous remercie, Mme la
députée de Jonquière. Je soupçonne mon
collègue de Marquette d'avoir encore beaucoup de questions à
poser, alors je lui donne la parole.
M. Dauphin: Oui, M. le Président. D'ailleurs, vous m'aviez
fait part du fait que, vous aussi, M. le Président, vous aviez des
questions.
Le Président (M. French): Oui. Cela n'a pas l'air parti
pour cela.
M. Dauphin: Je vais en poser quelques-unes et, ensuite, on fera
le tour de table régulier.
Toujours sur les femmes, M. le ministre, je lisais dans le rapport du
colloque de septembre dernier une première constatation: La plupart des
femmes ont été réticentes à aborder
différents sujets ou problèmes puisque celles-ci mentionnent
qu'elles ont eu l'occasion de le faire lors du colloque "Femmes
immigrées, à nous la parole" en juin 1982. À cette
occasion, 111 recommandations avaient été formulées, et je
cite: "Plusieurs personnes présentes constatent que les actions du
ministère, MCCI, en regard de ces dernières, ont
été presque nulles, sinon exclusivement de nature bureaucratique.
" Un peu plus loin, on mentionne en résumé: "Elles rappellent que
la balle est dans le camp du ministère depuis plus de deux ans et elles
souhaitent que celui-ci passe maintenant à l'action en les y associant.
"
C'est donc la première réflexion lors de cet atelier sur
les femmes, un jugement très sévère à l'endroit un
gouvernement. On a parlé effectivement de leur rôle et de leur
place - on parle toujours des femmes - dans les associations des
communautés culturelles, dont la majorité sont des hommes. On
nous dit qu'elles ont bien l'intention de s'impliquer, mais c'est un peu un
cercle fermé et elles doivent former leur propres organismes.
Malheureusement, lorsque ces associations sont formées, elles ont de la
difficulté à survivre du fait que le processus
d'accessibilité aux subventions du ministère est beaucoup trop
long. On a d'ailleurs suggéré au ministère
d'accélérer le processus.
La question est la suivante: Le ministre a-t-il pris des actions? A-t-il
tenu compte de la suggestion de l'atelier des femmes lors de ce colloque,
c'est-à-dire de raccourcir les délais d'accessibilité aux
subventions?
M. Godin: Je vous dirais deux choses là-dessus. Quand un
organisme est formé par des femmes des communautés culturelles et
qu'un tel organisme nouveau féminin ou féministe fait une demande
d'aide au ministère, la demande est traitée au même titre
que les autres et je ne pense pas qu'il y ait une discrimination de la part du
ministère entre les organismes féminins et masculins des
communautés. Il y a égalité absolue.
Au sommet des femmes qui aura lieu le 16 mai et qui est convoqué
par ma collègue, non encore députée de Bertrand, un
siège a été réservé pour les femmes des
communautés culturelles. Également, le ministère a
nommé une agente ministérielle qui siège au comité
de préparation de ce sommet et les demandes des femmes immigrantes sont
intégrées à la liste des résolutions et des
recommandations des femmes ayant participé à ce sommet, au moins
à sa préparation. Déjà, je peux vous dire que
plusieurs des recommandations faites auront des décisions favorables qui
seront prises d'ici à la fin de ce sommet, entre autres, dans le domaine
des garderies, invoqué par votre collègue de Jonquière, et
dans le domaine de l'accès aux cours de français dans les
COFI.
M. Dauphin: Justement, c'était mon prochain sujet. Le
délai est normalement de combien de temps pour avoir la subvention dans
le cas d'un nouvel organisme?
Le Président (M. French): Allez-y.
M. Prud'Homme (Roger): Merci. Le délai pour les organismes
nouveaux, c'est trois mois au maximum parce que les organismes ont la chance de
présenter leurs demandes après une période de trois mois.
Maintenant, s'il arrive des questions d'urgence, immédiatement le cas
est considéré comme un cas spécifique ou particulier dans
l'ensemble.
M. Godin: Pour évaluer l'action de l'association
l'année précédente, pour voir si les subventions
versées dans le passé ont été
dépensées de la façon prescrite à l'entente ou
selon les règles du ministère, il y a des rapports à
soumettre, évidemment, comme dans n'importe quel cas de subvention ou
d'aide gouvernementale. Donc, il peut se produire que certaines
décisions prennent du temps parce que nous voulons être certains
que, dans la mesure où le budget n'est pas illimité, l'argent est
dépensé dans les meilleurs organismes et pour les meilleures fins
et que l'objectif prévu l'année précédente est
atteint l'année suivante. Donc, on suit, si vous voulez, de très
près les dépenses faites par les organismes en question. C'est
peut-être pour cela que cela peut paraître long à certains.
Ceux qui font une bonne "job", en général, ce n'est pas
très long - enfin, un bon travail, pour parler français. (12 h
15)
M. Dauphin: Est-ce qu'on peut continuer?
Le Président (M. French): Oui, M. le
député.
M. Dauphin: Cela va bien, M. le Président. Relativement
toujours - vous en
avez d'ailleurs fait état - à la formation linguistique,
il me semble que les ressources soient inexistantes concernant les moyens des
femmes immigrantes pour l'acquisition de la connaissance de la langue
française, à part le programme de formation aux adultes. Il faut
noter que dans leurs recommandations sur l'apprentissage de la langue, lors du
colloque de juin 1982 que je mentionnais tantôt, on indiquait ces
mêmes besoins. Entre autres, on mentionnait que le ministère
devrait mettre sur pied, pour les travailleuses immigrantes qui estiment que
leur niveau de connaissance du français est insuffisant, des cours de
français oral et/ou écrit. Ces cours seraient dispensés
sans préjudice et sans réduction de salaire pendant les heures de
travail.
D'autre part, on souhaite que les cours de langue en COFI soient plus
diversifiés et mieux adaptés aux besoins des femmes immigrantes.
On mentionnait aussi: "Puisque la majorité des allophones du
Québec sont des femmes, on recommande que celles-ci aient accès
en priorité aux programmes d'apprentissage du français; que la
commission d'emploi et d'immigration ne fasse pas pression sur les stagiaires
de COFI pour les obliger à accepter un emploi avant que leur cours de
français soit complété; et, finalement, pour les femmes
qui n'ont pas accès au COFI, que des cours de français soient
organisés dans les CLSC, des services de halte-garderie ayant
été offerts. " Ce sont des résolutions du congrès
de 1982 que je mentionnais tantôt. La plupart de ces points
soulevés en 1982 se sont retrouvés, deux ans plus tard, au
colloque que vous avez organisé vous-même, M. le ministre.
En parallèle à cela, le Journal de Montréal, le 10
mars 1985 - il y a un mois -rapportait que la majorité des femmes
immigrantes ne parlent pas français - on disait 68 % - et, à
cause de ce fait, sont en état d'isolement, de solitude et sont donc
sans voix. Donc, la situation est loin d'être rose. Il y a encore
beaucoup de chemin à parcourir. La question est la suivante: Quels actes
précis - au pluriel - le ministre entend-il prendre dans ce dossier? Les
femmes immigrantes ont dit leur insatisfaction en 1982. Elles l'ont
répétée en 1984 et la situation ne semble pas s'être
améliorée.
M. Godin: Je vais vous donner un début de réponse,
quitte à ce que ma sous-ministre complète. Il y a eu un colloque
sur l'éducation des adultes organisé récemment et,
à ce colloque précisément, une demande pressante faite par
l'ensemble des participants et des participantes a été que les
cours de français soient plus généralisés au
Québec et fassent partie, presque, des obligations de l'éducation
des adultes, mais cela prend des bidous, comme on dit en bon français,
et, les bidous étant rares, on s'est tourné vers le
fédéral pour que le fédéral fasse sa part aussi
dans la mesure où il est partenaire à temps complet du
ministère de l'Immigration du Québec dans ce domaine. Nous avons
obtenu 750 000 $ de plus dans les ententes fédérales-provinciales
pour dispenser des cours de français aux femmes immigrantes. Donc, un
pas a été fait dans la bonne direction.
D'autre part, au-delà de cela, il y a également un
éventail de cours à temps partiel ou sur mesure. "Sur mesure",
cela correspond précisément à ce qui est demandé,
les cours halte-garderie. Les cours "sur mesure" sont souvent des cours dans
les usines ou dans les cuisines, où on convoque les femmes d'un quartier
donné, à l'heure qui leur convient, à des cours dans la
résidence de l'une d'entre elles. Cela marche très bien. Il y a
des dizaines de groupes qui se sont organisés et cela marche très
bien. Le meilleur lieu où l'on puisse enseigner le français,
c'est probablement, d'après l'expérience faite, dans les cuisines
des quartiers de Montréal où il y a des concentrations de femmes
immigrantes.
Mais Mme Barcelo a un complément de réponse à vous
donner.
Mme Barcelo: Ce budget additionnel de 750 000 $, qui a
été donné par le gouvernement du Québec, s'ajoutait
à un budget de plus de 1 000 000 $ déjà. L'engagement
quant au montant de 750 000 $ était de privilégier la
clientèle féminine. Nos statistiques montrent que 65 % des femmes
suivent ces cours à temps partiel par rapport aux hommes. Il y a eu
également un engagement au sommet du Québec dans le monde,
à la suite d'une demande, de faire des projets pilotes d'enseignement du
français en milieu de travail. Il était intéressant que
cet engagement soit fait à un sommet où il y avait des
partenaires socio-économiques parce que ce sont des discussions qui
doivent avoir lieu avec le patronat et le syndicat. Ce n'est pas le
ministère, même si on s'est engagé à payer les
professeurs, qui peut négocier finalement avec les entreprises pour
donner ces cours de français sur les lieux de travail, sans diminution
de salaire. Mais on a ouvert la porte et on discute avec des syndicats et le
patronat en ce moment.
M. le ministre parlait de la diversité des cours sur mesure, dans
certains cas, justement pour rejoindre des femmes qui ne sont pas à
l'aise de sortir de leur milieu géographique et physique. Il y a des
cours dans les sous-sols, dans les cuisines. Bien sûr, l'éventail
des cours à temps partiel rejoint toutes sortes de gens parce qu'on en
donne le samedi, le dimanche. On a des formules beaucoup plus souples
peut-être que dans des réseaux plus organisés. Il y a aussi
des cours le soir. Je pense également qu'il y aura
peut-être des choses annoncées ou en cours ou en vue au
sommet des femmes sur la question.
M. Dauphin: Merci. Une autre petite question, M. le
Président.
Le Président (M. French): Oui, une petite, s'il vous
plaît.
M. Dauphin; Une petite question. D'ailleurs, j'en avais fait
état l'an dernier lors de l'étude des crédits. À
chaque colloque ou atelier, la question revient toujours au sujet des femmes
immigrantes, effectivement, quant aux moyens de communication relativement aux
normes minimales de travail ou, si elles ne comprennent pas le français,
en ce qui a trait à l'affichage. J'ai lu que l'affichage était
impossible dans d'autres langues pour des raisons réglementaires et
législatives. Est-ce à cause de la loi 101, ça?
M. Godin: Précisément.
M. Dauphin: Dans le cas des normes minimales de travail, il
serait intéressant, je ne sais pas, d'arriver à un moment
donné à une solution pour qu'elles soient au courant des
normes.
M. Godin: M. le député de Marquette, dans la mesure
où c'est un problème qui revient souvent et dont la critique, je
pense, est fondée, nous allons tenter de trouver une solution qui
permette d'afficher les règles de sécurité et les normes
minimales de travail, partout où il y a des gens qui ne parlent ni le
français ni l'anglais, dans la langue qu'ils ou elles comprennent. Je
pense que c'est élémentaire. On trouvera une solution
réglementaire ou législative pour répondre à cette
question qui, à mon avis, est fondée.
M. Dauphin: Très prochainement? M. Godin: C'est un
engagement. M. Dauphin: D'accord.
Le Président (M. French): M. le député de
Vachon doit partir à 12 h 30. Je signale cela au ministre.
M. Payne: Oui. Il était prévu qu'on termine
normalement à 12 h 30.
Le Président (M. French): C'est cela, sauf qu'on va
continuer jusqu'à 12 h 45.
M. Payne: Quelques brèves questions. D'abord, est-ce que
l'organigramme reflète la situation actuelle?
M. Godin: Le nouvel...
Mme Barcelo: Nous avons déposé sous le titre
"L'inédit", qui est le titre de notre journal interne, le nouvel
organigramme du ministère.
M. Payne: C'est déposé? Mme Barcelo: C'est
distribué.
Le Président (M. French): On ne peut pas déposer en
commission parlementaire.
M. Payne: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?
Le Président (M. French): Mais oui.
Les ententes de sécurité sociale
M. Payne: Où en est le secrétariat de
l'administration des ententes de sécurité sociale? On a des
ententes avec la plupart des pays concernés: les États-Unis, la
France, le Portugal, l'Italie, la Grèce; y a-t-il d'autres ententes en
vue?
M. Godin: Cela va très bien, cela dépasse
même nos espérances avec plusieurs pays. Entre autres, pour faire
rêver les gens, les ex-Canadiens français américains qui
reviennent ici obtiennent leur pension en dollars US, dépensent leurs
dollars US au Québec et contribuent ainsi à l'économie du
Québec. Par ailleurs, il y a quelques pays où il y a des choses
qui accrochent; entre autres, le Portugal. Mon sous-ministre adjoint, M.
Prud'Homme, doit bientôt aller au Portugal pour tenter de raffiner les
derniers détails qui accrochent. M. Prud'Homme, je vous cède la
parole.
Le Président (M. French): M.
Prud'Homme.
M. Prud'Homme: M. le Président, M. le ministre, pour vous
donner une idée générale de comment le programme
évolue, disons qu'il y en a environ 6500 Québécois
d'origine italienne qui reçoivent en moyenne 200 $ par mois qui rentrent
au Québec, ce qui nous donne une idée de l'ordre de grandeur.
Pour la France, il y en a environ 200 qui reçoivent 200 $ par mois
également, des allocations qui viennent de leur pays d'origine. De plus
en plus, avec les États-Unis, cela devient fort intéressant. La
moyenne générale est de 300 $ US par mois et nous comptons,
à l'heure actuelle, avoir au moins de 7000 à 8000 personnes qui
vont pouvoir immédiatement bénéficier de ces programmes.
Ce sont souvent des Québécois qui ont travaillé le long
des frontières contingentes au Québec et qui peuvent
bénéficier de ces ententes.
Cela permet également à des compagnies... À l'heure
actuelle, nous
sommes à informer les compagnies dont le personnel du
Québec va travailler aux États-Unis qu'il peut contribuer au
Régime de rentes du Québec sans être obligé de
contribuer au régime américain, ce qui ne pénalise
personne et qui permet aux avoirs de demeurer au Québec.
M. Payne: La Grande-Bretagne?
M. Prud'Homme: À l'heure actuelle, il n'y a pas d'entente
avec la Grande-Bretagne.
M. Payne: Je sais, je commence à m'y
intéresser.
M. Prud'Homme: On n'a pas eu écho qu'il y avait des
ententes à venir prochainement avec la Grande-Bretagne. Il y a des
ententes actuellement et certains pourparlers avec certains pays de
l'Europe.
M. Payne: Non, mais avec la Grande-Bretagne est-ce que les
discussions sont sérieuses, avancées?
M. Prud'Homme: Cela n'avance pas vite. Cela pose des
problèmes. Ce que nous savons de la Grande-Bretagne, c'est qu'elle ne
veut pas s'engager trop rapidement parce qu'elle devra également,
à l'intérieur du Commonwealth, faire les mêmes ententes et
cela a des répercussions qui ne touchent pas que le Québec et le
Canada.
M. Payne: "Thank you".
M. Godin: En tant qu'officier bénéficiaire d'une
telle entente, si jamais cela se présentait...
M. Payne: Je suis pour Ies accords de
réciprocité.
M. Godin: Je peux vous dire que l'histoire de ces ententes, c'est
simple. La pression vient d'abord de la communauté ici. Elle transmet sa
pression ou sa demande au ministère chez nous. Nous en avisons nos
négociateurs du ministère des Relations internationales, d'une
part. D'autre part, la communauté ici fait pression sur les consuls,
ambassadeurs et autres représentants grecs, portugais ou italiens. Si
vous voulez, c'est une action en pincette. On essaie de coincer des deux
côtés les deux gouvernements. Le résultat, c'est qu'il y a
des ententes.
Par ailleurs, il n'y a pas une communauté britannique
suffisamment importante au Québec - j'entends de fraîche date, je
ne parle pas de l'ancienne, évidemment - pour être une masse
critique assez importante pour influencer les consuls et ambassadeurs. Je
compte sur vous, M. le député de Vachon, pour animer cette
communauté réduite en nombre, mais non moins importante pour
nous, pour qu'on en arrive à une semblable entente.
Au fond, c'est une entente très bonne pour le Québec.
M. Payne: Si vous me payez un voyage, j'irai volontairement.
Faites attention, je sonne l'alarme parce que, justement, la Grande-Bretagne
cherche des investisseurs étrangers. Si on suit les journaux des
dernières semaines, il y a un "brain drain". On cherche des chercheurs,
ceux qui sont engagés dans l'informatique; j'en connais quelques-uns qui
font l'objet d'une séduction moins que subtile de la part des compagnies
britanniques au Québec, actuellement.
M. Godin: On a suivi cela de près, M. le
député de Vachon.
M. Payne: C'est intéressant.
M. Godin: Au fond, ce n'est que justice que tôt ou tard
"the chicken comes home to roost". Nous recrutons des experts en
Grande-Bretagne pour nos besoins qui sont l'objet d'un boom, mais quand ils ont
un boom ils reviennent chez nous pour recruter des gens. Ils en ont besoin et
c'est normal, je pense, qu'après avoir pris nous donnions.
M. Payne: La toute dernière question brièvement,
concernent la recherche. Cela m'a peut-être échappé. Est-ce
qu'il y a une liste des études qui ont été accomplies dans
les douze derniers mois?
M. Godin: Cela n'est pas dans les crédits.
M. Payne: Est-ce qu'on pourrait s'informer? Cela
m'intéresse.
M. Godin: Oui. M. Pierre Laporte, directeur de la recherche chez
nous.
Le Président (M. French): M. Laporte.
M. Laporte (Pierre): Oui, d'abord, il y a la continuation d'une
étude sur l'adaptation socio-économique des
réfugiés indochinois. C'est une étude qui en est à
son deuxième rapport. Il y a deux rapports de terminés. Il y a un
troisième rapport qui est en préparation et qui devrait
être terminé d'ici à deux mois. Ensuite, il y a eu des
études faites sur les questions démographiques pour alimenter, en
particulier, la préparation des travaux qui ont été faits
pour cette commission.
Il faut dire aussi - je pense qu'il faut le mentionner - qu'étant
donné que j'arrive au ministère, comme directeur de la recherche,
il y a une bonne partie de mon temps et de celui des agents de recherche du
ministère qui a été consacrée à
réviser
les orientations du programme de recherche du ministère.
Antérieurement, le programme de recherche était surtout
basé sur deux préoccupations principales: l'impact
économique de l'immigration et l'impact démographique de
l'immigration. Maintenant, on commence beaucoup plus à
s'intéresser à des questions d'impact culturel de l'immigration.
Donc, on est en voie de préparer des projets là-dessus. (12 h
30)
II y a aussi une étude qui a été
déposée, mais qui est en train d'être
complétée, par M. Bouthillier, de l'Université de
Montréal, sur les politiques des États touchant la reconnaissance
de l'identité culturelle des immigrants. Il y a eu une question de
posée plus tôt au sujet non seulement de l'identité
culturelle, mais de la comparaison qui se fait entre le Québec et
l'Ontario et d'autres provinces touchant les programmes
d'égalité. On a fait une étude documentée sur les
différences et les similitudes qui existent entre les différents
ministères ou à différents paliers, municipal,
fédéral et provincial. Ensuite, il y a eu une toute petite
étude qui a été faite sur les politiques canadienne et
québécoise en matière de reconnaissance de
l'identité culturelle des immigrants, mais il faut que j'insiste pour
dire qu'on est dans une période de réflexion.
M. Payne: Cela m'intéresserait de voir peut-être une
liste sélective au moins des choses les plus intéressantes. C'est
sûr qu'il y a des études spécifiques pour les ministres,
mais les plus importantes, cela m'intéresserait personnellement de les
voir.
M. Laporte: Oui, on va vous les faire parvenir.
Le Président (M. French): Par le truchement du
secrétaire de la commission.
M. Payne: Personnellement, cela me rassure beaucoup que quelqu'un
de la compétence et de l'expérience de M. Laporte soit directeur
de la recherche pour un domaine aussi important. Merci.
Le Président (M. French): C'est tellement vrai. J'ai
quelques questions à poser. M. le ministre, si vous me le permettez, on
va continuer dans l'espoir d'épuiser au moins un des deux
programmes.
M. Godin: Je me sens très bien ici, M. le
Président.
Le Président (M. French): Le niveau projeté
d'immigration pour 1984, c'était 16 000 personnes, alors que le niveau
réel se situait autour de 14 600. Je comprends que ce n'est pas possible
d'arrimer complètement la vie et les plans, Dieu le sait, mais c'est
quand même une sous-performance de quasiment 10 %. Est-ce que le ministre
a quelques commentaires à faire là-dessus? Peut-il nous expliquer
pourquoi cela s'est produit? Est-ce un problème inquiétant? M.
Vigneau.
M. Godin: Je laisse la parole à mon sous-ministre adjoint,
M. Vigneau, puisqu'il m'a déjà donné la réponse
à cette question-là.
M. Vigneau: Alors, il y a plusieurs explications au fait que nous
n'ayons pas atteint le niveau prévu, d'une part, parce que nous ne
contrôlons pas toutes les catégories d'immigrants. Il faut bien
comprendre la notion de niveau. Dans la notion de niveau, il y a un aspect
volontariste, c'est-à-dire qu'on peut, comme gouvernement,
décider qu'on veut sélectionner 2000 réfugiés
à l'extérieur. Ce n'est pas compliqué, on a simplement
à donner le mandat à nos agents, on ne se trompe pas, à
dix personnes près. Dans plusieurs autres catégories, c'est une
estimation que l'on fait. Or, vous savez que depuis plusieurs années la
catégorie de la famille représente environ 50 % des immigrants
qui arrivent au Québec. Dans la catégorie de la famille, on peut
prévoir qu'il va arriver dans une année 5000, 6000, 7000, 8000
personnes, mais, évidemment, on n'a aucun contrôle
là-dessus. Si les gens qui sont ici ne font pas de demande pour faire
venir leurs parents ou si leurs parents qui sont à l'étranger,
même s'ils peuvent rentrer, décident de retarder leur
entrée, on ne peut pas le contrôler. Or, l'explication principale
du fait de la non-atteinte des niveaux réside justement dans la
famille.
Le Président (M. French): Vous fonctionnez par rapport aux
attentes?
M. Vigneau: Je crois que l'on peut croire que les familles se
sont dit: On traverse une période économique difficile; oui, on
peut faire venir notre famille, mais encore faut-il que notre famille, en
arrivant, puisse se trouver du travail. On a l'impression que les familles ont
eu, autrement dit, exactement le même réflexe que nous par rapport
aux immigrants indépendants et qu'elles ont attendu en quelque sorte
avant de porter leur décision jusqu'à son aboutissement,
c'est-à-dire obtenir un visa et venir chez nous.
Le Président (M. French): Allez-vous ajuster vos
projections en fonction de ce comportement-là?
M. Vigneau: Pour les niveaux 1985...
Le Président (M. French): Qui sont de 1000 personnes de
plus.
M. Vigneau: 1000 personnes de plus, effectivement, nous croyons
qu'en 1985 nous devrions atteindre 17 000, parce qu'il y a eu une certaine
reprise économique, elle se vérifie. Pour ce qui est des garants
- les garants, ce sont les personnes qui viennent chez nous, qui se portent
garantes pour faire venir leur famille - leur nombre a augmenté,
logiquement le nombre de membre de la famille va donc augmenter. De la
même façon, du côté des indépendants, le
programme des investisseurs augmente, alors, chaque investisseur vient avec son
conjoint, sa femme et ses enfants. Le niveau de 17 000 nous paraît donc
raisonnable, encore qu'il soit important de souligner qu'il y a une partie de
ce niveau qu'on ne contrôle pas, mais cela nous paraît raisonnable
et on croit atteindre 17 000 en 1985.
Le Président (M. French): L'essence du manque de
contrôle, ce n'est pas la juridiction soi-disant partagée, c'est
plutôt le comportement humain, les décisions des individus.
M. Vigneau: Exactement. M. Godin: Des personnes.
Le Président (M. French): Des personnes.
M. Godin: Les mille et une décisions prises par les mille
et une personnes qui émigrent ou n'émigrent pas.
L'engagement de professeurs d'université
étrangers
Le Président (M. French): Je voudrais également
soulever un problème qui me semble important, qui crée des
difficultés pour les universités québécoises, c'est
celui des permis de travail pour les candidats-professeurs recrutés par
les institutions québécoises à l'extérieur du
Canada. On sait que, pour bien protéger les emplois des
Québécois, il y a certaines procédures qui sont
normalement appliquées. Est-ce que l'employeur a bien affiché ses
besoins dans les médias? Est-ce qu'il a contacté les centres de
main-d'oeuvre, etc. ? Il y a probablement une trentaine de choses que
l'employeur québécois devrait faire pour démontrer qu'il
n'a pas pu trouver de candidat intéressant, acceptable, à
l'intérieur du Québec.
En gros, l'application de ces procédures, de cette grille
d'analyse, pour le recrutement dans les universités
québécoises s'est avérée jusqu'ici un succès
et les relations sont utiles et fructueuses entre les universités et le
ministère. Cependant, tout récemment, deux problèmes ont
semblé se présenter. D'une part, à cause de l'implication
du ministère des Affaires sociales dans le recrutement des professeurs
de médecine d'outre-mer, il y a un problème sérieux sur
l'application de cette question. Y a-t-il un Québécois
qualifié pour remplir l'emploi ou s'il n'y en a pas un, etc. ? Le
ministère des Affaires sociales joue un peu à la place du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration dans un
tel dossier. Cependant, je pense que le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration est également impliqué.
Pour ce qui est d'autres professeurs, j'ai eu deux cas récemment
de deux institutions différentes. L'un des cas a été
réglé finalement entre l'institution et le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration; l'autre cas, j'en ai
parlé cette semaine avec les fonctionnaires, je pense que cela va se
régler. Mais il semble y avoir une tendance de resserrement de la part
des fonctionnaires responsables de l'application de ces jugements d'offre
d'emploi, encore une fois, aux non-Canadiens ou aux gens de l'extérieur
du pays. Voici ce qui réglerait le problème. C'est que si on veut
avoir des professeurs aussi compétents, aussi intelligents que possible,
si on veut avoir dans les universités des chercheurs capables
d'entreprendre le fameux virage technologique et de manifester de l'excellence
dans nos institutions - et je pense que c'est la première obligation de
ces institutions envers les étudiants québécois et tous
les Québécois - on ne peut pas vraiment, une fois les
procédures normales entreprises, accepter une situation en vertu de
laquelle un fonctionnaire, qu'il soit au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration ou au ministère des
Affaires sociales, dit à une institution d'enseignement supérieur
qu'il y a des candidats québécois ou qu'il faut prouver la
non-existence des candidats québécois acceptables. C'est
même ces mots qui ont été utilisés et qui sont un
peu fous, parce qu'on ne peut pas prouver la non-existence de quelque chose ou
de quelqu'un.
Tout cela pour suggérer au ministre, et plutôt au
sous-ministre et au sous-ministre adjoint, qu'il me semble qu'un
problème se dessine et qu'on devrait peut-être impliquer le
ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration et le ministère des
Affaires sociales, lorsqu'il s'agit des médecins, pour clarifier
l'application de la grille d'analyse qui est utilisée, je pense, de
façon très réaliste envers les travailleurs
spécialisés, mais qui n'est pas tout à fait convenable
pour le recrutement des professeurs, alors que c'est l'excellence qu'on
recherche.
Cela veut dire qu'un pédiatre n'égale pas un autre
pédiatre, un professeur de
"business policy" n'égale pas un autre professeur de "business
policy" pour ce qui est du recrutement dans une université
québécoise. Je me demande si le ministre, le sous-ministre ou M.
Vigneau ont des commentaires là-dessus et si ce serait possible de
clarifier ce genre de problème.
M. Godin: M. le sous-ministre adjoint, M. Vigneau.
M. Vigneau: Effectivement, ce problème des professeurs
d'université est un problème auquel nous avons à faire
face depuis plusieurs années. Je suis bien au courant des cas auxquels
vous faites référence. Il faut préciser d'une part qu'il
s'agit, dans ces cas, de personnes qui font une demande non pas en tant
qu'immigrants, mais de travailleurs temporaires. Or, l'entente Couture-Cullen
prévoit que, dans le cas des travailleurs temporaires, il faut l'accord
des deux parties: la partie fédérale et la partie
québécoise. Les deux parties ont droit de veto et nous avons
convenu d'une procédure conjointe. L'institution qui veut faire venir un
travailleur temporaire doit remplir un formulaire fédéral, qui
s'appelle le 2570. Elle peut s'adresser chez nous ou s'adresser au
fédéral mais, de toute façon, la demande va être
étudiée par les deux parties et elle doit effectivement faire la
preuve qu'il y a eu des efforts raisonnables de faits pour recruter localement,
et localement, dans ce cas-ci, cela veut dire dans tout le Canada. Localement,
ce n'est pas uniquement au Québec, mais elle doit faire un effort dans
tout le Canada pour recruter les personnes qu'elle cherche à faire
venir.
Nous avons pendant un certain temps eu des problèmes, non pas
avec les universités, mais avec les associations de professeurs. Je me
souviens encore très bien de nombreuses lettres dans les journaux
d'associations de professeurs qui accusaient tant le gouvernement
fédéral que le gouvernement québécois de laxisme
quant à la mise en application de ces politiques, disant: Vous autorisez
des professeurs étrangers à venir ici alors qu'ici, il y a des
professeurs suffisamment compétents.
Nous avons, dans des cas très récents, eu également
beaucoup de difficultés puisque, pour les universités, ce n'est
pas toujours si simple, ni si clair que cela de déterminer qui a le
pouvoir d'engager.
Le Président (M. French): Qui a...
M. Vigneau: Qui a le pouvoir d'engager un professeur...
Le Président (M. French): D'accord.
M. Vigneau:... et il y a eu des chicanes qui, elles aussi, ont
fait la manchette des journaux, surtout à l'Université McGill,
où le corps professoral s'est prononcé pour l'engagement d'un
citoyen québécois, d'un citoyen canadien, alors que le doyen,
lui, soutenait dur comme fer qu'il était incompétent et qu'il
fallait un professeur étranger. Très souvent, on se tourne vers
nous et on nous demande de trancher ce genre de débat. Vous comprenez
que les fonctionnaires...
Le Président (M. French): Ce n'est pas leur
responsabilité d'aucune manière.
M. Vigneau:... ce n'est pas leur responsabilité et,
après entente avec le gouvernement fédéral, nous avons
décidé d'appliquer une façon d'agir que je ne dirais pas
rigoureuse, mais d'appliquer tout simplement la réglementation tant
fédérale que québécoise, et nous avons
demandé aux gens de nous faire la preuve qu'effectivement il y avait eu
une recherche. Nous n'avons jamais refusé, dans des cas particuliers qui
nous ont été soumis, de rencontrer tant les autorités
universitaires que parfois les autorités syndicales. J'ai moi-même
à plusieurs reprises rencontré ces autorités. Il y a peu
de cas qui n'ont pas connu un dénouement heureux mais je crois bien
connaître les cas auxquels vous faites référence. Il y a
des cas où, effectivement -je parle des professeurs universitaires
autres que des professeurs de médecine, j'arriverai après cela
à la médecine...
Le Président (M. French): Oui, d'accord, c'est un cas
différent.
M. Vigneau: Non, pour l'ensemble du corps professoral, je crois
que la façon dont on applique la réglementation, tant le
fédéral que nous, ne pose relativement pas de problème.
J'insiste sur le fait que, même si nous, au Québec, nous voulions
là-dessus être plus larges, on se ferait facilement renverser
notre décision par le gouvernement fédéral, puisqu'il faut
qu'il y ait consensus. Si lui dit "non", même si nous disions "oui", cela
n'avancerait à rien. On a toujours cherché à avoir un
intérêt, une entente, et à traiter les cas à peu
près sensiblement de la même façon.
Pour ce qui est des professeurs de médecine, c'est plus
compliqué d'une certaine façon, puisque c'est toute la question
des médecins étrangers qui passe par ce biais...
Le Président (M. French): Sauf que ce n'est pas la
même problématique.
M. Vigneau: Non, ce n'est pas la même problématique.
Je vais vous expliquer comment nous le voyons et comment nous essayons de le
traiter. Il y a des demandes qui sont faites par des institutions
universitaires.
Dans ces cas, nous demandons aux institutions universitaires de faire
avaliser leur demande par le ministère des Affaires sociales.
Ultimement, c'était nous, et malgré l'avis du ministère
des Affaires sociales, le ministre de l'Immigration peut accepter quelqu'un
même si le ministère des Affaires sociales nous dit non. Là
encore, il y a le problème d'entente avec le gouvernement au
fédéral. Il faut donc qu'on ait une politique conjointe parce
qu'autrement c'est voué à l'échec. Nous avons fait de
nombreuses représentations auprès du ministère des
Affaires sociales pour que la politique soit établie le plus clairement
possible. Je crois qu'il y a une commission parlementaire qui, les 14, 15 et 16
mai, se penchera sur ce sujet. C'est sûr que, dans le passé, il y
a eu un certain nombre de problèmes, nous en avons été
conscients. Je peux dire qu'il y a eu aussi des cas où sans être
nécessairement des abus, les gens ont trouvé que, pour faire
venir des médecins étrangers, la solution, c'était de leur
trouver une heure d'enseignement par six mois. Cela est un peu ce qui a fait
que le système ne marche plus.
Le Président (M. French): Je vous remercie, M. Vigneau.
J'ajouterai tout simplement que j'apprécie des réponses qui me
démontrent qu'il y a une conscience du problème et cela est
très rassurant. Ce qui me semble quand même très
fondamental, c'est que, si nous voulons que nos étudiants et nos jeunes
Québécois, à l'occasion, travaillent ailleurs, il va
falloir un certain minimum de réciprocité. Je me rappelle
très bien que, lorsque je suis allé sur le marché du
travail avec mon doctorat, j'avais une offre de cinq ans à Johns Hopkins
et une offre de trois ans à Princeton. J'avais aussi eu une offre d'un
an à York et j'en avais refusé deux autres à Simon Fraser
et à l'Université du Nouveau-Brunswick. Alors, en tant que
Canadien, je faisais mieux aux États-Unis. S'il y avait eu un
protectionnisme du genre que les syndicats aimeraient avoir, je n'aurais pas pu
travailler aux États-Unis non plus. C'est une histoire personnelle, mais
cela illustre bien... Ce n'est pas le lot du ministère de l'Immigration
de trancher ce genre de chose, c'est quasiment impossible pour lui. Tout ce
à quoi je m'attendrais du ministère, en tant que
député - et ceci a été démontré par
le passé, à ce que je sache, cela est clair dans mon image -
c'est qu'on ne demande pas à des fonctionnaires d'appliquer les grilles
d'analyse dans un domaine où il est très difficile pour eux de
comprendre la nature même du marché du travail. S'il y a des abus
institutionnels, s'il y a un manque de clarté à
l'intérieur de l'institution, c'est la faute de l'institution, il n'y a
aucun doute à cela. Encore une fois, c'est très difficile
d'assimiler le marché du travail dans un domaine hautement
spécialisé comme la médecine ou un autre discipline du
genre à un marché pour travailleurs spécialisés
dans une usine de puces quelconque ou toute autre usine
spécialisée. Dans la mesure où le ministère est
conscient de ce problème, j'en serai très satisfait. Cependant,
les délais créent des problèmes aigus de recrutement,
parce que les personnes, par définition, sont les personnes en demande.
Lorsqu'on dit à notre candidat: Écoute, cela peut prendre encore
trois semaines, il dit: C'est "just too bad", je m'en vais à Duke
University ou je m'en vais à l'Université de Louvain ou je m'en
vais à UCLA et j'accepte une autre offre. Ce n'est pas
nécessairement la faute du gouvernement mais le gouvernement se trouve
malheureusement dans ce processus. Si la prise de décision pouvait
être hâtée quelque peu, ce serait peut-être valable.
Encore une fois, c'est surtout dans le domaine de l'éducation, dans des
écoles de médecine, et cela n'est pas la faute du
ministère.
Adoption des programmes 1 et 2
M. Godin: Est-ce que les programmes 1 et 2 sont adoptés,
M. le Président?
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette, avez-vous une proposition à nous faire pour régler la
situation dans laquelle on se trouve?
M. Dauphin: Oui. On en a d'ailleurs discuté dès le
début de nos travaux. Il est évident que nous revenons à
la commission le 8 mai pour étudier...
M. Godin: Ce n'est pas encore confirmé non plus...
M. Dauphin: Pardon!
M. Godin: Ce n'est pas encore confirmé non plus pour la
Charte de la langue française, le 8 mai. On en est encore à
négocier avec les leaders des deux partis.
M. Dauphin: Ah! Je n'étais pas au courant de cela.
Le Président (M. French): De notre part, il y avait
à un moment donné un problème avec la commission, M. le
ministre, et la commission veut vous dire que pour nous cela ne crée pas
de problème.
M. Godin: Bon! le 8, cela irait pour vous?
Le Président (M. French): Excusez-moi?
M. Godin: Le 8 mai, pour vous, cela irait?
Le Président (M. French): Cela va. M. Godin: Pour
nous aussi.
Le Président (M. French): C'est clair maintenant que cela
va. Ce n'était pas clair il y a une semaine, c'est clair
maintenant...
M. Godin: Bon, d'accord! Peut-être que c'est
réglé effectivement.
M. Dauphin: Nous aussi, c'est clair pour le 8 mai, il n'y a aucun
problème. Je n'aurais pas d'objection à adopter les programmes,
sauf que j'aimerais - je ne sais pas si c'est possible à
l'intérieur de notre règlement - me réserver quelques
questions en matière d'immigration pour le 8 mai. Maintenant, je ne veux
pas non plus faire venir le sous-ministre ou les fonctionnaires pour rien.
Le Président (M. French): M. le ministre et M. le
député, serait-il possible d'adopter le programme 2 en laissant
la recherche à M. Prud'Homme et, je pense, à une bonne
moitié de nos fonctionnaires, et de retenir le programme 1, à
moins que M. Vigneau aille outremer afin de recruter de la main-d'oeuvre
hautement spécialisée?
M. Godin: Tout est dans le même programme.
Le Président (M. French): Excusez-moi?
M. Vigneau: L'immigration et les communautés culturelles
sont dans le même programme.
Le Président (M. French): Ils sont dans le même
programme.
M. Godin: Le programme 2, c'est uniquement le conseil.
Mme Barcelo: Le programme 2, c'est le Conseil des
Communautés culturelles et de l'immigration. Le programme 1, ce sont les
communautés culturelles et l'immigration.
M. Dauphin: Et l'immigration.
Le Président (M. French); Alors, dans ce cas, est-ce que
ce serait possible? On peut soit les adopter tous les deux et inviter M.
Vigneau à revenir.
M. Godin: On peut adopter le programme 2 et, suivant les
questions que le député de Marquette déterminera,
réinviter ici soit Mme Barcelo, M. Vigneau ou M. Prud'Homme, selon la
partie du programme 1 que vous visez.
Le Président (M. French): Je pense que
M. le député vient de dire que M.
Prud'Homme, a terminé la partie de ses interventions qui touchent
la recherche et tout cela.
M. Godin: Donc, ce sera M. Vigneau ou Mme Barcelo.
Le Président (M. French): Je pense, effectivement, que
c'est cela, M. le ministre. D'ailleurs, nous regrettons de vous forcer à
revenir, mais, en deux heures et demie, nous essayons de faire "une job" loyale
et on n'a pas eu l'occasion de couvrir tous les dossiers qu'on voulait
soulever.
M. Godin: Mme Barcelo nous confirme qu'elle pourrait être
ici le 8 mai. M. le sous-ministre adjoint? Évidemment, dit-il.
M. Dauphin: D'accord, sauf qu'on s'entend, M. le ministre, pour
qu'au début de la semaine prochaine, si, effectivement, il n'y a pas
utilité de faire revenir M. Vigneau, je vous le dirai, je communiquerai
avec vous mardi.
M. Godin: Vous nous prévenez, merci. D'accord.
Le Président (M. French): Est-ce que les programmes 1 et 2
sont adoptés?
M. Godin: Adopté, sous réserve de l'entente.
Le Président (M. French): Adopté, sous
réserve de...
M. Godin: Une dernière chose, M. le Président.
Est-ce que je peux suggérer, sans être désagréable,
à mon collègue de Marquette de réviser son
communiqué de presse envoyé avant les crédits parce qu'il
y a des changements qui surviennent, qui rendent désuètes
certaines phrases de son communiqué de presse? Je ne voudrais pas vous
nuire dans votre comté, ni dans vos journaux. La présidente a
été nommée, contrairement à ce que vous dites, vous
l'avez su ici, et je vous ai déposé le rapport de M. Egan
Chambers, coordonnateur, qui a démenti un peu un paragraphe de votre
communiqué de presse. Donc, pour vous être utile...
M. Dauphin: Je comprends très bien, c'est parce que vous
nous en avez fait l'annonce ce matin.
M. Godin: C'est pour vous être utile seulement...
M. Dauphin: D'accord.
M. Godin:... et de bonne compagnie.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le ministre, de la remarque.
Le Président (M. French): La commission ajourne ses
travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 12 h 53)
ANNEXE
Notes pour le discours de la défense des
crédits du ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration du Québec, M. Gérald Godin
M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission. Il en
va de la vie des ministères comme de la vie des hommes et des femmes.
Certaines années semblent très tranquilles, très calmes,
les jours s'écoulent sans que rien ne vienne perturber leur
symétrique cadence. D'autres années sont par contre
marquées par des changements tant rapides que profonds. L'année
qui s'achève aura été pour le ministère, et pour
son titulaire, j'allais dire pour ses titulaires, une année
agitée, certes, mais surtout féconde. Vous me permettrez, M. le
Président, de remercier d'entrée de jeu Mme Louise Harel ainsi
que M. Pierre-Marc Johnson, qui ont, l'une pendant quelques mois, l'autre
pendant quelques semaines, assuré la responsabilité du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Le peu
de temps où ils auront occupé cette fonction leur aura tout de
même permis d'être associés à des
événements très importants de la vie du
ministère.
Comme vous avez tous reçu le cahier préparé par les
fonctionnaires du ministère, pour l'étude des crédits, je
ne voudrais pas dans mon discours essayer de résumer les quelque 300
pages qu'il contient. Je me contenterai d'attirer votre attention sur des
faits, des événements, des orientations, peut-être un peu
plus significatifs, et qui méritent à mon avis de retenir
davantage notre attention. J'aimerais remercier les fonctionnaires de mon
ministère qui, sous la responsabilité de Mme Barcelo, ma
sous-ministre, et de MM. Prud'Homme et Vigneau, mes sous-ministres adjoints,
ont réalisé ce cahier qui nous sera très utile pour la
défense des crédits, bien sûr, mais je crois qu'il pourra
nous être utile tout au long de l'année pour suivre mieux les
activités de mon ministère.
L'immigration au Québec en 1984
Le Québec a accueilli en 1984 14 600 ressortissants
étrangers. C'est, si on peut dire, une "petite année" par rapport
aux années antérieures. On se souvient que la moyenne annuelle
des 10 dernières années est de 20 595 entrées pour le
Québec. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette diminution du nombre
d'entrées officielles d'immigrants au Québec en 1984. Au premier
rang de ces raisons, il faut, bien entendu, souligner la situation
économique en général et la situation de l'emploi en
particulier. En effet, devant le taux de chômage important que nous
connaissons, nous avons jugé qu'il eût été
irresponsable de notre part d'accueillir des travailleurs sans emploi
assuré qui n'auraient fait qu'augmenter le nombre de chômeurs
québécois. Mais le resserrement de notre grille de
sélection en fonction du marché du travail n'explique pas
à elle seule la diminution du nombre d'entrées. Si nous regardons
les statistiques d'un peu plus près, nous nous rendons compte que, en
1983, 7830 personnes étaient entrées au Québec au titre de
la réunification de la famille. En 1984, 6326 personnes sont
arrivées chez nous à ce titre; il s'agit donc d'une diminution de
19, 2 %. Or, les personnes sélectionnées au titre de la
réunification de la famille ne sont pas évaluées sous le
facteur emploi. On voit donc que les familles québécoises, qui
ont encore un de leur membre à l'étranger, ont
hésité à entreprendre les démarches pour
compléter la réunification de leur famille. C'est cette
même prudence qui a guidé l'action du ministère envers les
indépendants.
En 1984, 36 % des immigrants connaissaient le français, 36 %
l'anglais et 39 % ne connaissaient ni le français, ni l'anglais. Si on
compare ces données à celles de l'an dernier, on se rend compte
qu'il y a eu une légère
diminution du nombre d'immigrants qui connaissaient le français,
puisqu'en 1983, 43, 3 % des immigrants déclaraient connaître le
français. Cette légère diminution est principalement due
à certaines modifications quant aux pays d'où proviennent nos
immigrants.
Vous comprendrez facilement, M. le Président, que nous cherchions
à sélectionner des immigrants qui auront de la facilité
à s'adapter au Québec. Il n'est pas étonnant, dans cet
esprit, que nous portions un intérêt particulier aux personnes qui
parlent la langue de la majorité, mais les statistiques que je viens de
vous fournir, sur le nombre de personnes acceptées par nous et ne
connaissant pas le français, soit pour 1984, 64 % du total des
immigrants accueillis par le Québec, démontrent très
clairement, s'il en était encore besoin, que nous ne faisons pas de ta
connaissance du français une condition sine qua non d'acceptation.
Permettez-moi également, M. le Président, d'attirer l'attention
des membres de la commission sur le fait qu'en 1984, nous avons accueilli un
même pourcentage d'immigrants parlant français que d'immigrants
parlant anglais, ce qui témoigne de façon éloquente que
nous sommes très loin du sectarisme dont on nous accuse parfois.
Je ne saurais clore cette partie de mon discours consacré
à l'immigration au Québec en 1984 sans vous parler des
immigrants-investisseurs. Voilà plus de 10 ans que le ministère
de l'Immigration, puis le ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration, ont mis en place une structure administrative totalement
dévouée au recrutement et à la sélection
d'immigrants-investisseurs. Depuis deux ans, nous avons obtenu dans le cadre du
plan de relance du gouvernement des crédits additionnels en vue
d'améliorer l'efficacité des efforts fournis par le
ministère dans le recrutement de ces personnes qui amènent, avec
elles, connaissance, expérience et capitaux. Je suis évidemment
très heureux de vous confirmer, M. le Président, que nos efforts
n'ont pas été vains et, si vous me permettez de citer le
poète, je vous dirai que les fruits ont passé la promesse des
fleurs. En effet, pour la seule année civile de 1984, 525 ressortissants
étrangers ont reçu un visa au titre d'entrepreneur à
destination du Québec. Ces personnes disposaient d'un capital total de
249 millions de dollars, soit une moyenne de 425 000 $ par dossier. Si nous
regardons maintenant ces chiffres par rapport à ceux de 1983, nous
constatons qu'il y a eu une augmentation de 50 % du nombre de candidats ayant
obtenu un visa et une augmentation de 87 % des capitaux dont ils disposaient.
Si l'on jette maintenant un coup d'oeil sur le nombre de candidats
d'immigrants-investisseurs, qui ont été acceptés par nos
services sans avoir par contre complété l'ensemble des
formalités d'immigration, qui donc n'ont pas encore reçu leur
visa, on se rend compte que, là aussi, il y a eu une augmentation
importante. En effet, 818 dossiers ont été acceptés en
1984, ce qui représente un capital total de 533 millions de dollars. Il
s'agit, par rapport à l'année précédente, d'une
augmentation d'environ 10 % du nombre de dossiers acceptés. Ce chiffre
grimpe à 44 % lorsqu'on considère le capital disponible. Il me
semble important de signaler, M. le Président, que la totalité
des personnes qui ont vu leur dossier accepté par nos services, ne
viendront pas nécessairement s'établir au Québec, soit que
leur dossier se voit refusé par les autorités
fédérales pour des raisons statutaires, soit tout simplement
qu'elles décident de ne pas donner suite à leur projet
d'immigration, voire même qu'elles décident de s'établir
ailleurs au Canada. L'expérience toutefois nous montre qu'un minimum de
70 % des candidatures acceptées par nous s'établissent de facto
au Québec. Je crois donc qu'il y a toute raison d'être fier des
résultats obtenus, mais je m'en voudrais de ne pas signaler les quelques
ombres qu'il y a au tableau. L'augmentation massive du nombre de candidats
acceptés, tout autant que des capitaux dont ils disposent, est
principalement due aux excellents résultats que nous avons obtenus
à Hong Kong. Ceux-ci ne doivent pas nous faire oublier que nous avons
assisté à une diminution du nombre de candidats en provenance de
l'Europe de l'Ouest, qui fut traditionnellement notre bassin ie plus important.
Face à cette situation,
j'ai décidé d'entreprendre, au cours de l'automne 1984, un
voyage qui m'a conduit dans nos principaux bureaux en Europe, pour voir, avec
l'aide de mes fonctionnaires, quelles mesures nous pourrions prendre pour
remédier à cette situation. Je suis heureux d'informer cette
commission que nous avons affecté un conseiller en immigration à
la Délégation du Québec à Düsseldorf. Ce
conseiller a reçu un mandat tout à fait spécial concernant
le recrutement d'investisseurs allemands. Nous avons reçu l'appui du
ministère des Relations internationales, et je dois également
vous dire que j'ai constaté auprès de l'ambassade canadienne
à Bonn un esprit de collaboration dont je ne peux que me
féliciter. De plus, dans le but de développer le recrutement
d'investisseurs en provenance de nos sources traditionnelles, j'ai
décidé, toujours en accord avec mon collègue du
ministère des Relations internationales, d'affecter un conseiller
supplémentaire à Paris, la France demeurant, comme le montrent
les tableaux que vous retrouvez dans le cahier de la défense des
crédits, notre deuxième bassin de recrutement
d'immigrants-investisseurs à destination du Québec, Voilà
déjà plusieurs minutes que je vous entretiens au sujet des
statistiques relatives à l'immigration en 1984 et d'un certain nombre de
considérations au sujet du mouvement migratoire de l'an dernier. Vous me
permettrez, M. le Président, et cela me servira de transition pour
introduire la deuxième partie de cette allocution, de vous parler
quelques instants encore de ces statistiques. En effet, je vous ai dit que 14
600 immigrants avaient été acceptés au Québec en
1984. Ces chiffres, qui sont les plus récents dont nous disposons, ne
tiennent pas compte d'un volet pourtant fort important des arrivées en
1984. Je veux dire par là qu'en plus de ces 14 600 personnes
dûment identifiées comme immigrants au Québec en 1984, il
faut en ajouter quelques milliers d'autres qui, bien qu'étant
réellement sur le territoire québécois, n'apparaissent pas
encore en termes de statistiques. Je veux parler bien sûr des
revendicateurs du statut de réfugié.
Les revendicateurs du statut de
réfugié
L'an dernier, à la même époque, devant les membres
de cette même commission, je vous faisais part de mon inquiétude
devant l'ampleur que prenait le mouvement des revendicateurs du statut de
réfugié. Inquiétude quant au nombre sans cesse croissant
des personnes qui revendiquent sur place le statut de réfugié,
quant aux coûts de plus en plus lourds pour l'administration
québécoise et quant à l'absence de volonté
politique et administrative de la part du gouvernement d'Ottawa de chercher des
solutions adéquates à ce problème. L'année qui
vient de s'écouler ne nous aura guère rassurés, bien au
contraire. En effet, certaines mesures annoncées par Ottawa, comme
l'exigence d'un visa pour les ressortissants de certains pays, n'auront
donné aucun résultat. Loin d'avoir diminué, le nombre de
revendicateurs du statut de réfugié a augmenté dans une
proportion d'environ 50 %. Les délais de traitement des requêtes
ont aussi augmenté, passant de deux ans à plus de trois ans.
Enfin, une décision très récente de la Cour suprême,
avec laquelle nous ne pouvons qu'être en accord, aura un effet
catastrophique d'un point de vue administratif sur les délais d'audition
des requêtes. À la suite du jugement rendu le 4 avril dernier par
la Cour suprême, les revendicateurs du statut de réfugié
ont obtenu le droit à être entendus en personne devant la
commission d'appel de l'immigration. Nous sommes tout à fait d'accord
à ce que l'on reconnaisse à ces personnes un des droits
fondamentaux de notre justice, mais nous n'osons penser à l'impact
administratif d'une telle décision. Je vous disais tantôt
qu'à l'heure actuelle il peut s'écouler jusqu'à trois ans
avant qu'un revendicateur obtienne une décision définitive sur
son dossier. Si l'on sait qu'au Québec seulement, il y a environ 7000
revendicateurs du statut de réfugié dont la très grande
partie vont obtenir dorénavant le droit de se présenter
eux-mêmes devant la commission d'appel de l'immigration, on peut
imaginer, avec tout ce retard
accumulé, le nombre d'années, je dis bien d'années
supplémentaires qui seront nécessaires avant d'en arriver
à une décision définitive. Évidemment, il faut que
tout le processus soit revu et je ne manquerai pas, lors d'une rencontre
prochaine avec mon homologue fédéral, Mme Flora MacDonald,
d'aborder franchement cette question car, bien que le Québec ne soit pas
partie à la décision formelle de reconnaissance du statut de
réfugié, il est directement concerné par les conditions de
vie sur son territoire de ces personnes. D'ailleurs, au mois de mai 1984,
à la suite d'un mémoire que j'ai présenté au
Conseil des ministres, celui-ci a pris une série de décisions
concernant les revendicateurs engageant la responsabilité du
gouvernement du Québec et impliquant des coûts d'une vingtaine de
millions de dollars. Je souhaite que ma prochaine rencontre avec Mme MacDonald
nous permettra enfin de trouver dans un esprit de collaboration et dans le
respect de nos juridictions des solutions qui respectent les droits
fondamentaux des revendicateurs du statut de réfugié et ceux de
la société québécoise qui, par son gouvernement, a
la responsabilité de déterminer sa capacité d'accueil.
L'adaptation des immigrants
Toutes ces immigrantes, tous ces immigrants qui, au cours de 1984, ont
décidé de venir continuer leur vie au Québec, soit pour
retrouver leur famille, soit pour occuper un emploi spécialisé
qu'aucun Québécois disponible ne pouvait combler, soit encore
pour échapper à la souffrance d'un pays qui les opprime, tous ces
immigrants, dis-je, il nous faut, en plus de les sélectionner, savoir
les accueillir et les aider, j'allais dire les accompagner dans la difficile
démarche d'une adaptation à une société nouvelle.
De nombreux services existent à mon ministère qui ont pour mandat
explicite d'aider à l'adaptation des immigrants et de faire en sorte,
avec nos partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux, que cette
adaptation se fasse dans les meilleures conditions possible. C'est ainsi qu'aux
aéroports de Dorval et de Mirabel des fonctionnaires de notre
ministère ont accueilli 10 193 personnes durant l'année qui vient
de s'écouler. Ces rencontres nous ont permis de fournir à cette
clientèle une foule de renseignements concernant le logement, le
transport en commun. Nous profitons également de ce moment pour remettre
aux personnes que nous rencontrons des documents traduits en huit langues, qui
constituent en quelque sorte un vade-mecum des démarches à
entreprendre pour s'installer au Québec. Ce premier contact avec notre
clientèle se poursuit et j'allais dire s'amplifie au siège social
de notre ministère rue McGill. Nous y avons en effet accueilli plus de
20 000 personnes qui se sont adressées à nos services d'accueil
et, de là, ont pu être référées à
divers services du ministère, soit à des services d'autres
ministères, soit à des organismes non gouvernementaux qui ont
assuré un relais indispensable dans la transmission d'informations et de
renseignements. Y a-t-il besoin de préciser qu'une partie importante de
nos services d'accueil a été monopolisée soit par
l'accueil des réfugiés sélectionnés par nos
services à l'étranger, soit par les quelque 2500 revendicateurs
du statut de réfugié qui se sont présentés à
nos bureaux entre le 1er juillet 1984 et le 1er mars 1985. Nous sommes bien
conscients, M. le Président, qu'il n'appartient pas à notre
ministère de se charger à lui tout seul de l'accueil et de
l'adaptation des immigrants. Aussi avons-nous consacré plus d'un million
deux cent mille dollars à différents programmes d'aide
financière ayant pour but d'étayer le travail des organismes
communautaires auprès des immigrés. On retrouvera d'ailleurs,
dans le livre préparé pour la défense des crédits,
une ventilation détaillée de l'usage qui a été fait
de ces importantes sommes.
Il n'est pas possible, au Québec, de parler d'adaptation des
immigrants sans aussitôt penser aux COFI. Ces Centres d'orientation et de
formation des immigrés sont responsables de ce qui m'apparaît
être la partie la plus importante de l'adaptation des immigrants au
Québec, je veux dire l'apprentissage de la langue française. Car
même si nous nous refusons à
faire de la connaissance du français une condition sine qua non
pour être accepté au Québec, nous croyons que la
connaissance usuelle de la langue française est une condition
indispensable à l'épanouissement des immigrés que nous
recevons et à une parfaite adaptation à la société
québécoise. L'importance que nous accordons à
l'apprentissage du français se reflète dans les budgets qui sont
consacrés à la formation linguistique. Cette préoccupation
rejoint, je tiens à le souligner M. le Président, les efforts qui
ont été accomplis au cours de la dernière année
dans la mise sur pied d'une réforme pédagogique dans les COFI. Ce
projet s'inscrit dans le cadre de la priorité gouvernementale visant
l'amélioration des services à la clientèle. Par cette
démarche, mon ministère cherche à répondre de
façon plus adéquate aux besoins langagiers de notre
clientèle immigrante. Notre réforme pédagogique s'est
également donnée un second objectif, celui de
l'élaboration d'un matériel pédagogique
spécifiquement destiné aux immigrants adultes, qui tiendra compte
des besoins particuliers de la clientèle, de même que de la
dimension socioculturelle des Québécois. Jusqu'ici nous sommes
trop souvent contraints d'utiliser des matériels pédagogiques
préparés pour une bonne part en France; vous conviendrez avec moi
que, quelles que soient les qualités intrinsèques de ce
matériel, par ailleurs, me dit-on, fort désuet, on trouvera pour
le moins cocasse d'accueillir nos immigrants avec des images de bérets
basques et de tour Eiffel. D'autre part, il est à mon avis fort
important que l'action des COFI s'inscrive dans le courant moderne de
l'enseignement des langues. Il est à noter que toute cette
démarche s'inscrit dans une optique d'écoute des besoins de la
clientèle afin d'être en mesure de fournir des services qui soient
le mieux adaptés à leur réalité et à leur
société d'accueil.
Je vous disais il y a quelques minutes, M. le Président, qu'il
était impossible de parler "d'adaptation des immigrants à la
société québécoise" sans aussitôt faire
référence aux COFI. De la même manière, il nous est
pratiquement impossible de parler des COFI sans nécessairement parler
des services de garderie offerts par ces derniers. Vous savez que les COFI ont
joué un rôle particulièrement innovateur en ce domaine
puisqu'ils ont été parmi les toutes premières institutions
québécoises à offrir sur place des services de garde
à leur clientèle. Depuis sa création le réseau COFI
propose à sa clientèle un service gratuit de garderie, tant sur
place que par le biais des contrats de services passés avec
différents partenaires. Selon les volumes annuels d'immigration et le
nombre de jours-élèves négocié avec le gouvernement
fédéral, ce service a pu rejoindre jusqu'à 500 enfants par
année. Pendant près de 15 ans, le service de garderie dans les
COFI a fonctionné sans problème majeur et à la très
grande satisfaction des parents. Mais voici que l'an dernier, sans que nous
ayons été impliqués dans la décision, le
gouvernement fédéral a modifié sa réglementation
découlant de la loi sur le Programme national de la formation
professionnelle. Cette modification a entraîné le versement
d'allocations pour charge de famille aux parents nécessitant un service
de garde et permettait aux bénéficiaires le libre choix du mode
de garde pour leurs enfants. Pour sa part, mon ministère a dû,
face à cette situation, revoir ses engagements contractuels avec
différentes garderies. De nouvelles dispositions mises en place avec de
nouveaux partenaires ont permis de maintenir les services déjà
offerts par les COFI tout en respectant le choix des parents relatif au mode de
garde retenu par ceux-ci. En résumé, les parents
dorénavant peuvent choisir entre la garde dans le milieu familial,
l'utilisation d'une garderie près du domicile familial ou encore le
service de garderie du COFI. Cette situation qui offre le maximum de
liberté aux parents semble, en théorie du moins, l'idéal.
Nous ne sommes pas sûrs que la réalité donnera, en cette
matière, raison à la théorie et j'ai demandé
à mes fonctionnaires de suivre de très près
l'évolution de la situation et, le cas échéant, de voir
avec leurs homologues fédéraux les correctifs qu'il serait
à propos d'apporter à cette approche.
Les communautés culturelles
Nous avons tour à tour parlé de la sélection des
immigrants, de leur accueil et de leur adaptation au Québec, nous allons
maintenant aborder un autre volet de l'activité de mon ministère:
celui de l'épanouissement, chez nous, des communautés
culturelles.
De nombreux programmes et événements sont liés aux
activités du ministère concernant les communautés
culturelles. Vous trouverez à partir de la page 221 du cahier
préparé pour la défense des crédits, un
compte-rendu détaillé de ces activités. Toutefois, je m'en
voudrais de ne pas signaler l'attribution en 1985 du Prix des
communautés culturelles à M. Paul Dejean qui s'est, depuis 15
ans, distingué par son dévouement envers la communauté
haïtienne et sa volonté de faire en sorte qu'elle participe
entièrement à la vie québécoise.
Vous vous souviendrez que nous avons lancé en 1984 un concours
annuel en vue d'acquérir des oeuvres d'art créées par des
artistes issus des communautés culturelles. Ce concours, qui dispose
d'un budget annuel de 50 000 $ poursuit deux objectifs; d'une part, il permet
d'accorder une forme d'aide financière à ceux et celles dont les
oeuvres seront retenues par le jury et surtout, il permet une plus grande
diffusion de l'art de ces artistes dont la contribution à la culture
québécoise mérite d'être soulignée. Alors
qu'en 1984, 263 artistes issus des communautés culturelles avaient
présenté des oeuvres, en 1985 plus de 300 se sont inscrits
à ce concours. Ces données témoignent de la
vitalité et de la créativité des communautés
culturelles.
Je me garderais bien, M. le Président, de vous
énumérer l'ensemble des programmes dont vous avez pu prendre
connaissance ailleurs, cependant il serait impardonnable que je n'attire pas
l'attention des membres de la commission sur ce qui fut, sans contredit,
l'événement majeur de l'année écoulée en ce
qui a trait aux communautés culturelles. En mars 1981, l'adoption par
notre gouvernement du plan d'action "Autant de façons d'être
Québécois" a créé de nombreuses attentes au sein
des communautés culturelles. Le comité provisoire pour
l'implantation de ce plan d'action, mieux connu par son sigle de CIPACC ainsi
que le coordonnateur pour l'implantation du plan d'action ont fait un travail
qui a permis que nombre de recommandations de ce plan soient
réalisées. En juin 1981, l'Assemblée nationale adoptait un
projet de loi modifiant le nom du ministère de l'Immigration pour en
faire un ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, précisant du même coup les responsabilités
du ministère en matière de planification, de coordination, de
mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives à
l'épanouissement des communautés culturelles et à leur
entière participation à la vie québécoise. L'an
dernier, à l'occasion de la défense des crédits de mon
ministère, j'informais les membres de cette commission que je n'avais
pas l'intention de renouveler le mandat du CIPACC qui s'est terminé le
11 mars 1984. Je soulignais ma satisfaction devant le travail accompli par le
CIPACC et j'annonçais mon intention de nommer M. Egan Chambers,
coordonnateur chargé de suivre l'implantation du plan d'action. Le
mandat que je confiais alors au coordonnateur s'est terminé, tel que
prévu, le 31 mars dernier. Je tiens à souligner publiquement le
remarquable travail accompli par M. Egan Chambers dans la tâche qui lui a
été confiée.
Au printemps dernier, je vous informais aussi que nous nous penchions
très sérieusement sur l'après-CIPACC et que nous songions
à organiser un colloque auquel seraient invités les principaux
intervenants des communautés culturelles et du milieu, non seulement
pour examiner ce qui reste à réaliser du plan d'action mais aussi
pour étudier les autres aspects de la réalité tels que
vécus par les communautés culturelles. Les nombreuses
consultations que j'ai eues pendant plusieurs années avec des
représentants de toutes les communautés culturelles me portaient
en effet à croire qu'il y aurait lieu d'instaurer un conseil doté
de véritables pouvoirs et de véritables moyens.
Le colloque intitulé "Les Communautés culturelles:
perspectives et réalité" et les consultations qu'il a rendu
possibles dans le milieu auront rapidement convaincu, s'il en était
besoin, le nouveau ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration d'alors, Mme Louise Harel, de la nécessité de
procéder rapidement à la mise en place d'une structure
permanente, autonome, qui répondrait aux aspirations des
communautés culturelles. Permettez-moi, M. le Président, de
profiter de cette occasion pour féliciter et remercier Mme Louise Harel
pour l'enthousiasme, le dynamisme et la compétence dont elle a fait
preuve pendant le court laps de temps où elle fut titulaire du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. La
préparation, la présentation et l'adoption de ce projet de loi,
malgré divers événements qui, à ce
moment-là, touchaient les titulaires successifs du ministère,
montrent à quel point le gouvernement, dans son ensemble, tenait
à mettre sur pied un organisme qui réponde aux aspirations des
communautés culturelles. Il n'est peut-être pas inutile de
rappeler, pour la petite histoire, qu'à la suite du colloque qui eut
lieu le 29 septembre 1984, un mémoire au Conseil des ministres
recommandant l'adoption d'un projet de loi fut déposé au Conseil
exécutif le 24 octobre par Mme Harel. Le projet de loi portant sur la
création du Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration fut présenté, quant à lui, à
l'Assemblée nationale le 14 novembre 1984, puis adopté le 20
décembre 1984 et sanctionné le lendemain.
Voilà qui témoigne, bien entendu, de la volonté
gouvernementale et aussi du travail accompli par les fonctionnaires du
ministère et, notamment, par ma sous-ministre Mme Juliette Barcelo, dont
je tiens à souligner le rôle éminent dans la
préparation de tout ce projet de loi. La loi 10 a donc
créé un organisme d'étude et de consultation, nommé
"Conseil des communautés culturelles et de l'immigration" qui a pour
fonction de conseiller le ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration sur toute question relative aux communautés culturelles et
à l'immigration. De plus, il doit donner son avis au ministre sur toute
question que celui-ci lui soumet. Il peut rendre publics les avis qu'il
transmet au ministre. Enfin, à la demande ou avec l'autorisation du
ministre, il peut former des comités spéciaux pour l'étude
de questions particulières et déterminer leurs attributions. En
cette première année d'opération, le conseil disposera
d'un budget de 550 000 $. Parallèlement à la création du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, le gouvernement
a adopté un décret créant un Comité
interministériel des communautés culturelles et de l'immigration.
Ce comité, composé de la sous-ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration, du sous-ministre de l'Éducation, du
sous-ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du
sous-ministre du Travail, de la secrétaire générale
associée à la Condition féminine et du secrétaire
général associé aux Relations avec les citoyens et auquel
participera le président du Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration, a reçu pour mandat d'assurer la coordination et la
concertation des politiques gouvernementales relatives aux communautés
culturelles et à l'immigration et d'établir un bilan annuel des
réalisations. La mise en place de ces deux structures administratives
permettra, j'en suis sûr, d'atteindre les objectifs que nous nous sommes
fixés à l'égard de l'épanouissement des
communautés culturelles et à leur pleine et entière
participation à la vie québécoise, de même qu'elle
nous permettra de mieux débattre l'ensemble des questions reliées
à l'immigration. Je m'en voudrais de prolonger indûment ce
discours, M. le Président, mais en terminant, vous me permettrez de
rappeler la participation très active de mon ministère et du
gouvernement du Québec en général à l'organisation
de la campagne de levée de fonds tenue sous le nom de
"Secours-Éthiopie-Afrique". Ici encore je souligne le rôle
d'animatrice joué par Mme Harel auprès des organismes qui ont
participé à cette importante levée de fonds. C'est en
effet dans l'enceinte de notre ministère qu'eurent lieu les
premières rencontres avec les organismes où fut
décidé d'organiser une levée de fonds
à travers tout le Québec. Devant l'ampleur du fléau
qui s'abattait sur les populations de la corne de l'Afrique et, d'une
façon générale, sur toutes les populations du Sahel, le
gouvernement prit la décision de verser un dollar pour chaque dollar
recueilli auprès des Québécoises et des
Québécois désireux de venir en aide aux victimes
impuissantes de la sécheresse. C'est donc plus de 3 300 000 $ qui furent
versés par notre ministère aux organismes Développement et
Paix, la Fondation Jules et Paul-Émile Léger, l'Aide à
l'enfance, Oxfam-Québec et l'Entraide universitaire mondiale du Canada.
Ces organismes ont par ailleurs continué à recueillir des fonds
au Québec et, au total, pas moins de 10 000 000 $ auront
été consacrés par les Québécois à
cette oeuvre de solidarité. Si, à ce montant pourtant
déjà important, on ajoute la quote-part québécoise,
en plus des sommes allouées par l'ACDI, on ne craindra pas de dire, avec
fierté, que le Québec a certainement été par
tête d'habitant et au niveau mondial, l'un des contributeurs les plus
généreux.
Un dernier mot, M. le Président, pour vous dire
l'intérêt de mon ministère pour les travaux entrepris par
cette commission sur l'impact des tendances démographiques actuelles. Si
le temps nous le permet aujourd'hui ou, sinon, lors d'une prochaine
réunion de la commission, je serai heureux de vous faire part de
l'état de nos réflexions sur cette question.
Madame et messieurs les membres de la commission, M. le
Président, je vous remercie de votre attention.