Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux relativement à une consultation
générale et des auditions publiques sur «L'appui au secteur
financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques
pour le secteur financier du Québec». Je demanderais aux membres
de la Corporation du Groupe La Laurentienne de bien vouloir prendre place ici,
à la table des témoins.
(Consultation)
Le Président (M. Lemieux): Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Je n'ai aucun remplacement.
Mémoires déposés
Le Président (M. Lemieux): On m'a fait état aussi
de demandes de dépôt de certains mémoires qui auraient
été, je dirais, communiquées au service du
secrétariat. Il s'agit du mémoire de l'Association des banquiers
canadiens, mémoire 17M, de celui de M. Patrice Fortin, mémoire
1M, de ISEC stratégie économique, 4M et 4R et du Conference Board
du Canada, 11M, 11MA et 11MB. Alors, Mme la secrétaire, j'en autorise
officiellement le dépôt.
Auditions
Je demanderais aux membres de la Corporation La Laurentienne, s'il vous
plaît, immédiatement, de bien vouloir prendre place ici, à
la table des témoins. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir
vous identifier?
Corporations du Groupe La Laurentienne
M. Forget (Claude E.): Oui, M. le Président. Claude
Forget, vice-président principal de la Corporation du Groupe La
Laurentienne.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Forget. Permettez-moi
de vous rappeler brièvement les règles que, j'en suis certain,
vous n'avez pas oubliées. Alors, nous disposons totalement d'une
période d'une heure. Vous disposez de 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire. Suivra un échange entre les
deux formations politiques: 20 minutes pour le parti ministériel et 20
minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à vous entendre
immédiatement.
M. Forget (Claude E.): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, MM. les membres de la commission du budget et de l'administration,
j'aimerais d'abord vous remercier personnellement et au nom de mon groupe pour
l'occasion qui nous est fournie de nous exprimer publiquement devant vous au
sujet des propositions de politiques formulées récemment par Mme
la ministre d'État.
J'aimerais peut-être, avant de commencer dans le vif du sujet,
indiquer les regrets de mes collègues, en particulier de M. Richard...
Jacques Drouin là, j'étais sur le point de faire le
même lapsus que d'autres ont fait et qui, à cause d'un
engagement prévu de longue date, ne pouvait malheureusement pas
être avec nous ce matin.
Alors, le document qui a été soumis à la
consultation, intitulé «L'appui au secteur financier: des
dividendes pour le Québec», est une occasion de réflexion
pour tous ceux qui, surtout à l'intérieur du secteur financier,
s'interrogent sur l'avenir du secteur et l'avenir des politiques
gouvernementales. Et c'est une occasion de réflexion qui, d'ailleurs, ne
s'arrête pas, probablement, ni dans le cas de la ministre ni dans le cas
des membres des institutions financières, à la préparation
des mémoires, de leur mémoire respectif. La réflexion se
poursuit, et j'imagine que la discussion de ce matin va nous permettre d'en
témoigner.
Je ne prendrai pas beaucoup de temps pour résumer notre
mémoire qui, comme vous le savez, est très bref et qui porte
essentiellement sur quatre points que nous avons choisis, parmi l'ensemble des
questions touchées dans le document, comme étant pratiquement les
seuls sur lesquels nous nous sentions en mesure de faire des commentaires.
En premier lieu, l'espace financier canadien, ce concept nous
apparaît très séduisant et, bien évidemment, nous
l'appuyons sans aucune réserve. Le fonctionnement d'un groupe financier
où sont présentes des entités incorporées,
certaines à Ottawa, d'autres au Québec, d'autres en Ontario
frôle ce que l'on pourrait appeler, peut-être sans beaucoup
d'exagération, le cauchemar. C'est une existence très difficile
et, chaque année, alors qu'on a pensé stabiliser une certaine
situation, à chaque année on découvre de nouveaux aspects,
et presque inévitablement désagréables, de cette
cohabitation réglementaire. Donc, tout ce qui pourrait nous sortir d'une
telle situation serait bienvenu.
Cependant, dans le mémoire, vous avez sans doute noté que
nous exprimons un certain scepticisme,
scepticisme que les principes louables qui sont mis de l'avant par Mme
Robic pourront s'appliquer. Nous ne voyons pas beaucoup de probabilité
d'une issue favorable, malheureusement. Je reviendrai là-dessus tout
à l'heure, d'ailleurs.
Le deuxième point que nous avons touché, c'est les
propositions relatives à la SIAP et au bureau de l'Inspecteur
général des institutions financières. On suggère
des modifications possibles. Notre message est très simple: nous
préférons le statu quo quant à l'ensemble des dispositions
actuelles, pour des raisons sur lesquelles je pourrai revenir, mais je crois
qu'elles sont clairement expliquées dans notre mémoire.
En troisième lieu, la question du caractère confidentiel
des données personnelles. Je pense que vous avez pu constater, à
la lecture de notre mémoire, une certaine irritation. L'irritation vient
du fait que, sous un même gouvernement, sur une période de trois
ans, nous voilà devant la quatrième remise sur le métier
de cette question. Ça nous semble beaucoup. Pour parodier une certaine
expression: deux fois, c'est une mésaventure, trois fois, ça
commence à avoir l'air de la maladresse. Je comprends que la protection
du caractère confidentiel des données personnelles, c'est un peu
la saveur du jour, la saveur du mois. On en fait beaucoup état dans bien
des milieux, et je ne veux pas, d'aucune manière, diminuer l'importance
du sujet. Mais le nouveau Code civil contient des dispositions qui entreront en
vigueur en janvier 1994; la loi des assurances, qui a été
modifiée en 1991, je pense, comporte des dispositions nouvelles, et le
ministre des Communications proposait des amendements à une commission
parlementaire qui a eu lieu en février dernier. C'est ce à quoi
je référais quand j'ai dit que c'était trois fois. Et,
dans le document de consultation, on fait allusion au fait que peut-être
il sera nécessaire d'y regarder une quatrième fois encore
que, de ce côté-là, je ne sais pas exactement ce que le
document propose. Il fait un énoncé du problème, un peu
dans les mêmes termes que je viens de le faire, mais laisse entrevoir la
possibilité qu'il pourrait y avoir une quatrième
législation sur cette question-là. Ça nous semble
beaucoup. Ça nous semble disproportionné par rapport à
l'importance réelle du problème, pas son importance
théorique ou son importance au plan des principes mais son importance
comme source véritable de griefs. (10 h 20)
Nous nous interrogeons également sur l'aspect extrêmement
juridique sous lequel la question est présentée, en ce sens que
les groupes financiers comme le nôtre sont obligés, en vertu des
lois, d'incorporer, dans le fond, très souvent pour des raisons de
contrôle et des raisons comptables, toutes les opérations
auxquelles on se livre. Et il faut se poser la question: Quel est le sujet de
droit qui est visé par les restrictions sur le respect du
caractère confidentiel? Est-ce que c'est toutes et chacune des
incorporations ou est-ce que c'est le groupe dans son ensemble? Le groupe dans
son ensemble, c'est malgré tout la réalité, si vous
voulez, sociologique et opérationnelle. Les incorporations sont faites
pour des raisons, encore une fois, de comptabilité, de contrôle,
des raisons juridiques, mais c'est un voile qui masque la réalité
qu'un groupe fonctionne comme une entité. Et il nous semble que ces
obligations de respect du caractère confidentiel devraient s'adresser au
groupe dans son ensemble, à sa réalité vécue
plutôt qu'à toutes ces exigences qui sont là pour d'autres
raisons.
Quatrièmement et dernièrement, quelques remarques sur la
structure de l'industrie, la mondialisation et ce que ce
phénomène que l'on observe entraîne au plan des structures
et des exigences légales. Nous applaudissons l'ouverture qu'ont
manifestée la ministre d'État et le gouvernement du Québec
vis-à-vis de la question du contrôle ou des participations, plus
correctement des participations étrangères, dans l'industrie de
l'investissement étranger. Nous croyons que c'est là la
réalité, un élément de la réalité
nouvelle dans laquelle nous vivons, et nous applaudissons, évidemment,
à l'intention d'élargir à toutes les catégories
d'institutions financières contrôlées au Québec les
mêmes règles plus libérales d'interprétation.
Nous rappelons que tout ça est commandé par la
nécessité d'avoir accès à du capital, ce qui est
important dans le secteur financier, et qu'au-delà des questions
d'accès au capital et de sa provenance il y a le problème des
formes juridiques de l'industrie de l'assurance-vie, en particulier au
Québec, c'est-à-dire la mutualisation, la réorganisation
mutuelle et, finalement, la démutualisa-tion. Et nous avons toujours
proclamé que, même si nos transformations de structures sont
faites par des lois privées et que, donc, dans une large mesure, ce
problème-là était pour nous dans le passé il
est réglé il nous apparaissait malgré tout
souhaitable que la Loi sur les assurances contienne des dispositions de
caractère général qui rendraient plus faciles et qui
normaliseraient, qui banaliseraient, en quelque sorte, les transformations
structurelles que nous avons nous-même connues. C'est une question, si
vous voulez, de crédibilité financière, de normalisation,
parce que des structures qui sont ad hoc sont toujours plus difficiles à
faire comprendre et à faire accepter à des investisseurs
possibles ou à des partenaires possibles que des structures qui
s'inscrivent dans le cadre général des lois. Donc, nous
souscrivons à tout cela très volontiers. Alors, ceci termine mon
résumé de notre mémoire comme tel.
Cependant, il y a deux autres points sur lesquels il serait
peut-être important de revenir, à mon avis. J'ai mentionné
tout à l'heure le scepticisme que nous éprouvions face à
la possibilité de réaliser l'objectif d'harmonisation des lois.
Cette semaine, lundi, pour être précis, c'était la
journée d'ouverture du congrès canadien de l'assurance IARD.
D'ailleurs, Mme la ministre a fait, a donné l'allocution du midi. Et,
à la suite de son allocution, dans l'après-midi, il y a eu un
certain nombre de participants, dont M. Lawrie Savage, qui est l'inspecteur des
assurances de l'Ontario, M. Mabee de l'OSFI, et quelques autres participants
qui ont presque engagé le dialogue sur la question soulevée par
la ministre dans
son document, sur cette question d'harmonisation.
Et il est évident, d'après moi, que même si la
volonté existait du côté du Québec... Et,
évidemment, ce sont des déclarations de fonctionnaires, ce qui
veut dire qu'ils ne prennent pas les devants par rapport à la politique
de leurs gouvernements respectifs, mais ils reflètent malgré tout
un climat et un climat qui peut peut-être même indiquer
l'état de pensée au niveau politique. Et je dois dire que ce
climat semble être assez peu favorable à la poursuite d'une
démarche d'harmonisation.
On peut faire des procès d'intention, évidemment, à
la fois à l'Ontario ou au gouvernement fédéral,
relativement à cela, mais je pense qu'il est bon de commencer de tels
exercices en se demandant si notre propre attitude et, quand je dis
«notre attitude», c'est l'attitude du Québec dans son
ensemble est vraiment dotée de la limpidité et de la
détermination qui seraient peut-être susceptibles de vaincre
certaines résistances.
Ce que j'ai à l'esprit en particulier et ça me
fournit l'occasion d'en parler un peu c'est cette question du
véhicule de financement auquel le document québécois fait
allusion. Et c'est une phrase, «véhicule de financement», ce
n'est pas une proposition précise, mais cela envoie quand même un
message qui, à mon avis, trouble l'atmosphère. Et le message, il
me semble, est le suivant: c'est que, oui, on veut avoir accès; par
exemple, que les entreprises à charte québécoise aient
accès au marché de l'Ontario, mais par la porte d'en
arrière, en quelque sorte. Nous allons nous assurer que les mêmes
règles ne jouent pas nécessairement. On va avoir un accès
privilégié au capital, et on va... Dans le passé, depuis
1984, il y a eu, évidemment, certaines règles, et notre groupe en
a bénéficié. Donc, je ne lance l'accusation à
personne ici, je fais simplement réfléchir. Je voudrais savoir si
notre attitude a la limpidité qu'il faudrait pour véritablement
viser un objectif d'harmonisation.
Depuis 1984, nous avions, dans le secteur des assurances, des pouvoirs
exorbitants par rapport aux pouvoirs des compagnies d'assurances
incorporées ailleurs. Bon, là-dessus, on a eu un certain
mouvement de repli, sur le plan législatif comme sur le plan des
stratégies corporatives. Et il demeure qu'on veut maintenant substituer
à cette approche une approche d'accès privilégié au
capital sans vraiment dire de quoi il sera question. Il reste malgré
tout cette impression qui est créée, et cette impression peut
très bien alimenter la notion selon laquelle, oui, on veut avoir
accès à tous les marchés, mais on veut jouer selon les
règles que l'on définit en partie soi-même, et qui nous
avantageraient. Et, dans ce contexte-là, je pense qu'on peut faire des
procès d'intention aux autres et on aurait de bon motifs de le faire. On
peut se poser des questions sur l'intérêt véritable de
l'Ontario à aller dans le sens d'une harmonisation, sur le fait
qu'à Ottawa on peut juger que le temps joue en faveur d'une juridiction
fédérale accrue et que, donc, on n'a pas besoin de
négocier ce qu'on va obtenir sans cela, mais il demeure que notre
message, le mes- sage du Québec, peut être aussi un peu ambigu.
(10 h 30)
Comme j'ai abordé cette question du véhicule de
financement, vous me permettrez, M. le Président, très
brièvement, de commenter un peu la formule, parce que je sais que
différentes compagnies québécoises ont là-dessus
des positions, dans le fond, qui vont dans toutes les directions. Et autant
essayer de clarifier, en anticipant peut-être des questions de la part
des membres de la commission, ce qu'on peut en penser. Il nous semble que cette
formule qui, dans le fond... Et il faut ici l'interpréter pour pouvoir
la commenter, parce qu'elle est quand même assez vague au niveau du
document de consultation. Cette formule semble ressembler beaucoup à la
formule mise de l'avant il y a quelques années par un comité
présidé par M. Garneau. Nous avions, à l'époque,
exprimé des réticences à l'égard de cette formule,
et nous continuons à le faire vis-à-vis de ce que nous comprenons
de la proposition actuelle.
Il est difficile d'imaginer qu'il serait dans l'intérêt des
investisseurs individuels, auxquels on semble destiner ce véhicule,
d'une part, de vraiment investir de manière profitable dans un tel
véhicule. Et la raison en est que simplement offrir du financement
à des conditions privilégiées sans qu'aucune mesure ne
soit envisagée pour créer de la valeur ajoutée pour
utiliser l'expression du milieu mais pour dégager les synergies,
des économies d'échelle, un meilleur positionnement sur les
marchés, et espérer que cela va résulter automatiquement
de la disponibilité de financement additionnel, à mon avis, c'est
se faire une illusion. Et nous ne croyons pas que cette formule serait efficace
pour les investisseurs qui y placeraient leurs fonds, pour le trésor
public ou même pour les industries, en définitive, qui en
bénéficieraient à court terme mais dont les
problèmes à plus long terme demeureraient intacts, et qui
auraient peut-être plus de chances de demeurer intacts avec un tel
véhicule qu'autrement, puisqu'on étendrait les
échéances et qu'on créerait un sentiment que,
temporairement, les problèmes sont réglés.
Enfin, j'aimerais insister sur un certain sentiment d'urgence. Le monde
financier, à l'heure actuelle, au Canada et dans le monde entier,
traverse une période de bouleversement considérable. Lorsqu'on
est dans la même année qui a vu s'effronder, par exemple, le Royal
Trust pour ne pas parler des autres qui ont mordu la poussière
durant les derniers deux ans on doit se rendre compte que des choses
sont en train de se passer. Le train a quitté la gare, dans un grand
nombre de cas, et les petits ajustements dans les politiques et les
orientations ne sont pas pertinents, ne sont plus pertinents. La supposition
selon laquelle le temps travaille en faveur d'une solution qui permettrait de
consolider l'industrie financière basée au Québec, par
exemple, ou même de consolider la présence du gouvernement du
Québec comme facteur d'influence significative dans l'évolution
de l'industrie, je pense que cette hypothèse n'est pas fondée. Je
ne veux pas jeter une alarme déplacée, et, quand je parle du
temps, je ne parle pas d'heures, de
jours ou de semaines, mais il reste qu'il y a une situation qui demande
une attention urgente, et il ne me semble pas avoir lu entre les lignes du
document de consultation ce sentiment d'urgence. Il n'est pas exprimé de
façon explicite, mais il ne me semble pas l'avoir vu, et ceci
m'inquiète un peu.
Alors, M. le Président, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Forget. Mme la
ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je remercie M. Forget
de sa présentation, et je comprends très bien que des engagements
retiennent M. Drouin à l'extérieur de Québec. D'ailleurs,
j'ai parlé à M. Drouin ce matin.
Vous faites des remarques qui sont fort pertinentes, qui nous
amènent à la réflexion, bien sûr. Vous êtes
cependant tout à fait d'accord avec notre concept d'espace financier
canadien, et vous parlez d'une harmonisation que vous qualifiez même
d'uniforme. Nous, on a préféré traiter de cette
harmonisation d'une façon plus souple, qui tient compte des
spécificités et des objectifs socio-économiques et qui
veut tenir compte également de la possibilité pour de
l'innovation, des initiatives qui font en sorte que ça a permis à
des provinces comme le Québec d'avoir été à
l'avant-garde de politiques canadiennes, et il ne faudrait surtout pas se
priver de cela dans l'avenir.
Vous mentionnez également que vous mettez en doute la
possibilité d'une entente au niveau de cette harmonisation. Le
député de Westmount va vous dire tout à l'heure que je
suis très optimiste. Oui, je suis une personne optimiste, il le faut. Il
le faut. D'ailleurs, quand on fait le métier que l'on fait, si on
n'était pas optimiste et si on n'avait pas le courage de nos convictions
et qu'on n'allait pas les défendre, on n'aurait pas d'affaire à
être assis ici, bien sûr.
Cependant, nous avons reconnu que la difficulté est certainement
de convaincre les provinces d'un modèle qui voudrait être
uniformisé. Et, encore là, pour nous, on se voit se lier les
mains avec un mandat d'uniformiser. Donc, nous allons avec un mandat
d'harmoniser, mais qui offre la possibilité d'innovation et qui est
beaucoup plus souple. Il est présenté à la page 8. Et je
ne sais pas si vous avez eu la chance de l'examiner et, si oui, j'aimerais
peut-être que vous nous le commentiez. J'aurais eu l'espoir que ce
modèle... J'ai bon espoir que ce modèle, cette proposition qu'on
met sur la table suite à des négociations... Il y a
déjà des comités qui existent. On a fait des
progrès au niveau de ces comités. On a signé des ententes.
Déjà deux ententes ont été signées.
Donc, suite à toutes ces négociations, suite à ces
pourparlers, on a identifié un peu où se logeaient les provinces,
où se logeait le fédéral, et on a tenu compte de cela dans
nos propositions. Alors, c'est à partir de ça que j'ai bon espoir
qu'on pourrait encore faire des progrès plus substantiels avec notre
proposition d'espace financier canadien. Vous voulez commenter?
M. Forget (Claude E.): Oui, mais, écoutez, je crois que...
J'ai perdu un peu la mémoire de mes classiques, mais je crois que c'est
Boileau qui disait: «II faut qu'une porte soit ouverte ou
fermée». Et, dans un certain sens, je reconnais qu'on peut vouloir
harmoniser sans être uniforme. Je comprends ce concept. Mais, à
force de qualifier une idée, on finit peut-être aussi par en
perdre le sens. Je crois que ce qui est important, c'est de savoir ce que l'on
veut vraiment. Si l'on veut vraiment l'harmonisation, bien, il faut prendre les
moyens pour la réaliser. Et disons qu'en lisant le texte, parfois, je me
demande: Est-ce que l'on se reconnaît d'abord à la primauté
à un but d'harmonisation qui reflète le fait que nous
fonctionnons essentiellement dans le même monde et que ce monde-là
ignore, dans une large mesure, les frontières provinciales et même
nationales? Est-ce que c'est ça, l'idée de base, et,
après, on essaie de composer avec un certain nombre d'autres
préoccupations, ou est-ce que, d'abord et avant tout, on veut donner la
primauté à ce qui nous distingue et nous caractérise, tout
en faisant quelques compromis sur le plan de l'harmonisation? Je ne sais pas de
quel côté, dans le fond, la balance penche. (10 h 40)
Et cette description toute en nuances me laisse songeur, à la
fin. Je ne sais pas si vraiment on est engagés dans un processus qui
nous amènera à un système plus simple, plus uniforme, ou
si on s'y résout un peu de mauvaise grâce parce qu'on ne peut pas
l'éviter. Ça, je pense que c'est important et, quant à
moi, comme lecteur, ça ne ressort pas avec la clarté que
j'aimerais. Donc, je me dis que d'autres lecteurs et d'autres interlocuteurs du
gouvernement du Québec pourraient avoir la même interrogation. Et
c'est un peu ce que je visais tout à l'heure, en disant: Est-ce que
notre propre message est clair? Est-ce que nos priorités sont bien
ordonnancées un, deux et trois ou est-ce que tout
ça apparaît à peu près sur le même pied? Parce
qu'on ne peut pas poursuivre plusieurs lièvres à la fois,
à mon avis.
Ceci étant dit, si on prend pour acquis que, oui,
l'harmonisation, c'est l'objectif, il faut permettre à nos entreprises
de fonctionner dans un cadre plus large et, pour ça, il faut
essentiellement l'harmonisation, cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas,
grâce à la négociation et, d'ailleurs, c'est ce que
nous suggérons essayer d'obtenir en contrepartie quelque chose
qui nous avantagerait. Mais se laisser des portes ouvertes dont on n'indique
pas à l'avance quel usage on en fera me semble miner la
crédibilité de l'exercice.
Mme Robic: C'est bien sûr qu'on doit mettre la
priorité sur l'harmonisation. Je croyais que c'était
évident dans mon document qu'on mettait la priorité sur
l'harmonisation. On ne peut pas, comme vous l'avez dit, on ne peut plus ignorer
l'internationalisation, la globalisation des marchés. Nos institutions
dépassent les frontières. D'ailleurs, ça cause des
problèmes aux gou-
vernements parce que c'est bien sûr que ce n'est pas
évident, surtout au niveau des services financiers, que, dans quelques
années, vont exister des frontières. Donc, c'est impératif
que l'on trouve une façon de s'harmoniser le plus possible au niveau
national, et en tenant compte également des nonnes internationales. On
ne veut pas être obligé de recommencer l'exercice à tous
les ans pour se mettre au diapason. Bien au contraire, on tente justement
d'anticiper pour que nos entreprises soient bien positionnées.
Mais il y a également une nécessité de conserver
une certaine distinction dans ce que l'on fait, et cette distinction-là,
je voudrais vous rappeler, aux gens, ici, que c'est ça qui a permis
à La Laurentienne de se développer. Si on avait eu à
attendre les autres, je pense que ça aurait été dommage,
et ça nous aurait retenu pendant une dizaine d'années; ça
a forcé des choses à se produire, et c'est bon. Je pense qu'on a
montré la voie, et c'est bon.
Et c'est pour ça que, nous, on croit que, oui, l'harmonisation,
c'est urgent, c'est prioritaire. Il y a certainement des concessions à
faire. On a tenté, nous, dans notre modèle, de faire certaines de
ces concessions-là tout en gardant encore la possibilité de
l'innovation et de l'initiative, là, donc la possibilité pour le
Québec et pour d'autres provinces, si elles voulaient le faire, et
le fédéral s'il veut le faire de suggérer des
choses, faire avancer les choses, faire changer des choses.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Westmount.
M. Holden: M. le Président, merci. J'ai souvent dit que
Mme la ministre est optimiste; je crois que M. Forget est réaliste et
qu'il demande au gouvernement du Québec un peu de limpidité. Je
dirais que notre option, de ce côté-ci, est assez limpide dans le
contexte général. Mais vous avez fait une remarque qui m'a
intéressé. Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire.
Vous avez dit que le temps jouait en faveur d'Ottawa. J'ai marqué
«Ottawa», mais vous avez dit quelque chose d'autre. C'est ça
que j'ai compris: le temps joue en faveur du fédéral. Qu'est-ce
que vous voulez dire par là, M. Forget?
M. Forget (Claude E.): Tout simplement que depuis juin 1992 et
depuis l'adoption du nouveau train de législations
fédérales, les banques peuvent désormais être
actives dans tous les domaines de l'activité financière. Depuis
déjà quelques années on sait qu'elles sont actives dans le
domaine du courtage mobilier et on sait l'importance qu'elles jouent maintenant
dans ce domaine. Elles peuvent, depuis l'an dernier, être actives dans le
domaine des opérations fiduciaires, et on a sous les yeux presque
quotidiennement le spectacle des effets de cette nouvelle disposition. Combien
d'années cela pren-dra-t-il aux banques pour contrôler plus de 50
% de l'activité fiduciaire au Canada? Chacun est libre de prendre des
paris, mais je ne prendrais certainement pas le pari qu'elles ne
réussiront pas.
M. Holden: Vous parlez d'échec. Vous parlez de Royal Trust
et...
M. Forget (Claude E.): Bien, parfois, c'est par ces
moyens-là, parfois c'est simplement par des acquisitions ou par la
création de novo, en quelque sorte, d'opérations fiduciaires. Je
crois que la Banque de Montréal, par exemple, a opté pour la
création d'un fiducie, et donc ils sont dans la fiducie de plus en plus.
Et ils le sont au moins via la propriété, et de façon
limitée dans la distribution des produits d'assurance. Là aussi
on peut faire des paris. Est-ce qu'à la fin de la présente
décade, à la fin des années quatre-vingt-dix, ils
représenteront plus de 30 %, plus de 40 % ou plus de 70 % de l'industrie
de l'assurance? C'est encore là un motif de débat et de
spéculations, mais je dirais qu'ils ont une certaine longueur
d'avance.
Qu'arrivera-t-il concrètement, substantiellement, à la
compétence provinciale en matière d'institutions
financières quand le décloisonnement d'ailleurs, il y a
une certaine ironie dans tout ça aura progressé
suffisamment pour que tous les secteurs de l'activité financière
soient sous le contrôle des banques qui, comme on le sait, sont
elles-mêmes réglementées seulement par Ottawa? Je crois
que, ça, c'est très bien compris dans le milieu financier, c'est
très bien compris par les autorités fédérales. Et
mettez-vous à leur place. Pourquoi déborderaient-elles, ces
autorités, de zèle et d'ardeur à négocier des
ententes alors que peut-être simplement en laissant s'écouler le
temps elles auront, à la fin de la décennie, l'immense
majorité du contrôle sur la quasi-totalité des
opérations? Bien sûr, la Constitution ne sera pas amendée,
mais quelle sera sa portée réelle? Quel sera son contenu
réel? Et c'est ce à quoi je faisais allusion quand je disais: Le
temps joue en faveur des autorités fédérales.
Donc, il n'y a peut-être pas de volonté politique
très aiguë de s'entendre avec le Québec sur l'harmonisation.
De toute façon, on en parle depuis des années, et le mouvement,
à cet égard-là, se fait de façon très
intéressante. C'est que le fédéral a, si je comprends
bien, refusé de parler d'harmonisation tant que ses lois
n'étaient pas adoptées. C'est une très curieuse
façon de faire de l'harmonisation que de dire: Écoutez,
laissez-moi décider de tout et, après ça, on verra
comment, vous, vous pourrez vous harmoniser à ce qu'on a fait. Il y a un
message dans tout ça. Il y a un message selon lequel on croit qu'on a le
bon bout du bâton de ce côté-là et que le temps joue
en faveur des autorités fédérales. Et c'est
peut-être de cette façon-là que l'harmonisation va se
faire. Elle ne se fera peut-être pas par des ententes, elle va
peut-être se faire simplement par le déroulement des
événements.
M. Holden: En général... Bien, je ne veux pas trop
déprimer Mme la ministre. Le système européen de
soi-disant harmonisation, c'est-à-dire de se faire gouver-
ner par les règles de l'endroit d'incorporation, est-ce que
ça vous sourit, ce système-là? (10 h 50)
M. Forget (Claude E.): Oui, tout à fait. C'est une
très bonne idée. Encore faut-il avoir du levier pour obtenir une
telle situation, et c'est de ce côté-là, je pense, que j'ai
des problèmes avec des réserves sur la portée même
de l'harmonisation. Si on exprime trop de réserves et qu'on laisse trop
de portes ouvertes du côté de l'harmonisation, c'est-à-dire
avoir les mêmes règles, on affaiblit, me semble-t-il, notre cause,
ou le gouvernement du Québec, du moins, affaiblit sa cause pour dire:
Bien, écoutez, maintenant qu'on s'est entendus sur les mêmes
règles, acceptez au moins que les entreprises qui sont
incorporées chez nous soient surveillées seulement par nous et
qu'elles puissent automatiquement exercer leur activité à travers
le Canada puisque nous appliquons les mêmes règles. C'est du
donnant, donnant. Si on a les mêmes règles, on peut plus
facilement demander, me semble-t-il, cette reconnaissance de juridiction que si
on dit: Oui, on va avoir les mêmes règles, mais seulement dans
certains cas, seulement pour certaines choses; et, pour le reste,
écoutez, on veut avoir les mains libres. Si on a trop les mains libres,
les gens vont dire: Bien, écoutez, on va quand même continuer de
surveiller ce que vous faites à l'extérieur de vos
frontières. Il faut pouvoir offrir quelque chose, dans cette
négociation, et il me semble que, compte tenu de tout ce qu'on dit, on
n'offre rien de très clair.
Maintenant, je sais que les négociations ne se font pas sur la
place publique et, dans une certaine mesure, je ne voudrais pas non plus penser
ou laisser croire que la négociation se fait nécessairement de
cette façon-là. Mais, puisqu'on nous consulte et qu'on nous
consulte publiquement, il faut bien dire que ça suscite certaines
réserves.
M. Holden: Si je ne connaissais pas mieux vos
antécédents politiques, M. Forget, je dirais que vous ne seriez
pas totalement hostile à l'idée de l'indépendance du
Québec. Mais, sur un autre sujet, là, parce que vous êtes
à la fois gouverné ou régi, réglementé par
le palier fédéral et Québec, parce que vous avez les deux,
comment vivez-vous cette superposition des réglementations? Est-ce que
c'est difficile?
M. Forget (Claude E.): Mal.
M. Holden: Mal?
M. Forget (Claude E.): On vit ça très mal.
M. Holden: Expliquez un peu ce qui se passe.
M. Forget (Claude E.): Bien, parce que toutes ces entités
qui sont réglementées soit à Québec, soit à
Ottawa, ne sont pas indépendantes les unes des autres, bien sûr.
Par définition, elles font partie du même groupe. Donc, certaines
entités sont des filiales. Par exemple, une entité
incorporée à Ottawa peut être une filiale d'une
entité incorporée au Québec, ou vice versa. On a les deux
situations. Et, dans chacun des cas, l'autorité de réglementation
se dit, par rapport à la filiale incorporée ailleurs, qu'il y a
quand même là quelque chose dont elle doit s'inquiéter et
s'informer, et il y a parfois des incompatibilités dans les
règles. Il y a parfois des situations où deux
sociétés sont incorporées et font des affaires ensemble,
mais pas nécessairement l'une étant subordonnée à
l'autre. Leurs affaires deviennent mélangées, leur
comptabilité devient, dans un certain sens, non pas
mélangée mais combinée, à certains égards,
certainement leurs opérations sont combinées. Et, ça,
ça rend les autorités de réglementation très
inconfortables. Elles nous font part de leur inconfort. Elles nous font part,
même, de leur désir que l'on sépare ce qui est uni dans la
réalité opérationnelle. Ce qui veut dire que ce que l'on
croit nécessaire de faire pour le bien de l'entreprise et la
prospérité de nos affaires devient difficile ou impossible parce
que ça complique indûment la vie des autorités de
réglementation. Et c'est un problème dont je ne veux pas
nécessairement faire état publiquement, mais c'est un
problème que nous vivons de façon aiguë actuellement.
M. Holden: Est-ce qu'il y a des coûts reliés
à ça? Dernière question.
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, allez-y. On va
être un petit peu tolérant.
M. Forget (Claude E.): Oui, il y a des coûts, parce que,
s'il faut défaire et désorganiser ce que nous avons
employé des années à faire et à organiser, il y a
des coûts juridiques, il y a des coûts comptables, il y a des
coûts de temps et d'énergie. Et, probablement, pendant qu'on
s'intéresse seulement à ça, ça distrait l'attention
de la direction de la conduite des affaires.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.
Mme Robic: M. le Président, je n'en reviens pas! Le
député de Westmount, là... Je n'en reviens pas! Vous allez
séparer le Québec, vous allez créer un pays. Vous n'avez
rien compris de ce qu'il vous a dit, là? La globalisation des
marchés, ça dépasse les frontières.
M. Holden: Le système européen marche très
bien avec des pays indépendants. J'ai bien compris, Mme la ministre.
J'ai bien compris.
Mme Robic: Oui.
M. Holden: C'est vous qui n'avez pas compris.
Mme Robic: Oui. Ça dépasse les frontières,
et c'est là où on doit travailler, malgré les
difficultés, à s'harmoniser, parce que vous allez être
obligés de vous harmoniser vous autres aussi. Ce n'est pas un
problème
canadien, ce besoin d'harmonisation, c'est un problème mondial.
On regarde le GATT, l'ALENA, les règles du jeu sont tout à fait
changées. Et, pour les entreprises, c'est bien sûr que ça
ne facilite pas la façon de faire les choses. Et pour les prochains 10
ans, sans doute, il y aura une réorganisation de la façon que
nous allons faire les choses à travers le monde, et de là la
nécessité pour le Québec de conserver des institutions
financières qui ont un mandat particulier qui fait en sorte qu'elles
jouent un rôle important dans le développement économique
du Québec. mais il faut également se rendre compte que nos
institutions,, pour grandir, il faut qu'elles dépassent les
frontières québécoises, canadiennes. et c'est là la
nécessité pour les gouvernements de trouver un terrain d'entente.
et le terrain d'entente doit faire que les gouvernements ou les organismes de
surveillance se sentent en confiance quant aux normes que les autres organismes
mettent en place. et ces normes-là, c'est la bonne santé
financière des institutions. quand on arrive à du détail
comme on rencontre... et je peux vous en nommer. à notre page 8, ici,
là, je pense bien qu'il y a des choses qu'une province peut faire, qui
ne mettent pas en doute, là, les pouvoirs résiduels, les permis,
les enregistrements. ça ne cause réellement pas un
problème pour une autre juridiction si ce n'est pas à 100 %
harmonisé. ces éléments-là ne sont pas à 100
% harmonisés. c'est de trouver, dans un premier temps, une base de
discussion, une harmonisation tout à fait acceptable, qui fait qu'on
peut reconnaître la province de juridiction, et qui pourrait,
éventuellement, également élargir cette harmonisation pour
toucher d'autres éléments. mais la priorité, pour vous et
pour nous, c'est une harmonisation qui va faire en sorte que vous allez trouver
à faire affaire partout d'une façon plus facile et moins
coûteuse. il y a un début dans tout ça, et qu'on ait
n'importe quel genre de système politique il va falloir trouver une
façon de s'harmoniser. peut-être que c'est plus facile de le faire
à l'intérieur d'une fédération qu'à
l'extérieur.
M. Forget (Claude E.): je suis tout à fait d'accord avec
mme la ministre. comme nous l'avons indiqué, les objectifs sont
impeccables. notre seule réserve était basée sur: est-ce
possible, et est-ce que la volonté politique est là, et quels
sont les ingrédients qui doivent être présents pour rendre
possible cette négociation-là? il est clair que, pour nous, nos
activités sont à la grandeur du canada; et, dans le domaine de
l'assurance, 40 % de nos activités sont mêmes à
l'extérieur du canada. donc, il est clair qu'il n'y a pas d'intention de
revenir en arrière de ce côté-là.
Mais, pour résoudre ces problèmes pratiques, il faut
effectivement régler, mais vraiment régler ces problèmes
d'harmonisation le plus tôt possible.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Westmount, vous avez d'autres commentaires? Mme la ministre, avez-vous
terminé? Il vous reste encore du temps.
Mme Robic: Non, je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, allez-y. (11
heures)
Mme Robic: Je pourrais passer deux heures. Je voudrais
peut-être revenir sur le véhicule de capitalisation. Là
aussi, vous avez certaines inquiétudes au niveau de ce véhicule
de capitalisation. Ce véhicule-là, de capitalisation, ne serait
pas réservé aux compagnies à charte
québécoise. C'est un véhicule qui tient compte des
ententes, justement, internationales, et qui se veut ouvert aux entreprises qui
font affaire ici, au Québec. C'est un véhicule qui voudrait tout
simplement faire en sorte que nos entreprises, nos institutions
financières puissent aller vers les marchés publics. Je n'ai pas
besoin de vous expliquer, à vous, les problèmes qu'une compagnie,
une institution financière peut rencontrer quand elle tente d'aller sur
les marchés publics avec les véhicules qui lui sont
accordés présentement. On croyait qu'avec ce véhicule les
institutions pourraient apprivoiser ces marchés et qu'il y aurait
peut-être un intérêt, non seulement des particuliers mais
des gestionnaires de portefeuilles également, à un nouveau
produit. On cherche toujours à avoir un portefeuille
équilibré, bien diversifié. On trouvait qu'il pouvait y
avoir un intérêt particulier.
Vous avez fait mention, entre autres, que ça pouvait ressembler
étrangement à la proposition du rapport Garneau. Non. Pas
nécessairement. Les modalités ne sont pas arrêtées.
On regarde, on fait étudier ce véhicule-là par des maisons
de courtage qui nous disent que le marché pourrait certainement
être intéressé à investir dans un véhicule
comme celui-là. Les institutions financières ont une bonne
réputation; ça peut sembler être intéressant. Et,
encore là, ce n'est qu'un pont; éventuellement, tout le monde
doit voler de ses propres ailes.
M. Forget (Claude E.): S'il y avait une demande pour un fonds
mutuel d'institutions financières, on peut présumer qu'il
existerait déjà. Il y a des centaines de fonds mutuels offerts
aux investisseurs individuels au Canada, et balancés de toutes sortes de
façons: seulement des placements pour gagner des revenus, ou des
entreprises en développement, etc. On en a de tous les modèles.
Et il y en a peut-être parmi tout ça qui se spécialisent
dans les institutions financières. Je n'en sais rien, je dois vous
l'avouer, mais il est clair que s'il y a un marché il existe
probablement déjà, ce véhicule.
Cependant, je pense qu'il y a plus que ça. Il y a l'indication
d'un régime fiscal différent, et c'est peut-être le
régime fiscal qui deviendrait l'élément d'attrait plus que
la composition du portefeuille. Pour ce qui est de la composition du
portefeuille, on est dans une période assez difficile pour vendre des
titres de cette nature. Avec les décotes observées sur la plupart
des holdings financiers, avec les mauvaises nouvelles qui ont été
largement diffusées sur des organismes comme... Que ce soit Central
Guarantee, que ce soit Royal Trust-co, que ce soit le groupe Hees Holdings, on
voit
assez mal comment un titre qui offre un portefeuille diversifié,
qui est un pur holding financier, pourrait avoir la faveur des investisseurs
actuellement, parce que tellement se sont fait brûler les doigts dans ce
genre de situation, et même ceux qui sont valables en souffrent et
souffrent d'une décote considérable, c'est-à-dire une
valeur au marché qui est bien inférieure à leur valeur
réelle.
Alors, on doit conclure que c'est les fonds publics, via des avantages
fiscaux, qui donneraient tout son attrait à un fonds comme
celui-là. Et, franchement, même si ça peut sembler
paradoxal pour quelqu'un qui est dans le secteur financier, je ne crois pas que
je donnerais le conseil à un ami d'investir dans un tel fonds,
même avec les avantages fiscaux, parce que le désavantage d'un tel
fonds, c'est qu'il semble voué à une carrière assez
passive face au secteur. C'est-à-dire que c'est un peu un comptoir de
financement où, évidemment, il y aurait quelques critères
à passer pour se mériter le financement. Et c'est très
vague quant à la nature de la structure de décision qui,
essentiellement, assumerait cette responsabilité-là. Si c'est des
gens de l'industrie, alors, vous aurez des problèmes de conflit
d'intérêts; si c'est des gens qui ne sont pas de l'industrie, il y
aura peut-être des problèmes de compétence. C'est une
situation assez difficile. Et à moins d'une restructuration, en
particulier du secteur de l'assurance au Québec, je ne pense pas qu'on
aura la promesse de valeur ajoutée qui permettrait d'aller dans le
public. C'est là le grand défi. C'est une espèce de
proposition pour être à moitié enceinte, si vous voulez, il
me semble, cette formule de financement. Et, comme toujours, ce n'est jamais
des propositions qui me semblent capables d'être d'une vie
intéressante et vigoureuse. Alors, j'ai de grandes réserves
à cause de tout ça.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Westmount.
M. Holden: M. Forget, on va laisser de côté les
discussions constitutionnelles. À la page 4, je lis, dans votre
mémoire: «II existe également un certain danger pour le
trésor public québécois dans le fait d'octroyer à
l'Inspecteur général de nouveaux moyens d'intervention. D'une
part, il nous semble que la Loi sur les assurances confère
déjà à l'IGIF tous les pouvoirs dont il a besoin pour
exercer sa juridiction.» Et, dans votre présentation, vous avez
parlé du statu quo; peut-être que vous pourriez élargir un
peu. Pourquoi vous ne voyez pas de changement dans ce domaine?
M. Forget (Claude E.): En essayant de ne pas me
répéter, je veux tout simplement indiquer que la loi des
assurances, à l'heure actuelle, donne des pouvoirs quand même
étendus à l'Inspecteur général d'obtenir toutes les
informations dont il a besoin et de suspendre même un permis à une
entreprise qui ne rencontre pas les critères prudentiels. Et même,
la menace d'une telle suspension est telle qu'elle peut amener des entreprises
à se réformer.
Si on lui donne des pouvoirs si étendus que, finalement, il
deviendrait inévitable qu'on déplace la responsabilité
pour la non-faillite ou la faillite d'une entreprise, s'il a des pouvoirs
tellement étendus qu'il peut, en quelque sorte, gérer
l'entreprise à la place de ses gestionnaires, le gouvernement,
implicitement, assumera la responsabilité soit d'avoir agi trop tard,
soit d'avoir agi prématurément. Mais dans la mesure où un
groupe quelconque éprouverait un détriment financier, un
désavantage financier, on pourra présumément poursuivre le
gouvernement du Québec pour une action qui a provoqué ou
empêché d'éviter le désastre.
Et toute cette discussion est inspirée, de façon assez
évidente, de la discussion qui s'est déroulée et qui
continue de se dérouler en parallèle à Ottawa. L'an
dernier, une loi a été adoptée pour donner à un
organisme, à Ottawa je pense que c'est le... Je ne sais pas si
c'est l'assurance-dépôts ou si c'est le... Oui, c'est
l'assurance-dépôts, merci où on permet, en quelque
sorte, une prise en charge, on permet à OSFI enfin, ça,
c'est le nom anglais, c'est le bureau du Surintendant des institutions
financières on lui permet en quelque sorte de se substituer aux
actionnaires et aux créanciers dans les cas où une entreprise
doit être liquidée, ou fusionnée, ou cédée.
(11 h 10)
Enfin, nous avons vécu, nous, comme acquéreurs, la
situation qui est essentiellement visée par cette nouvelle
législation. Lorsque la Banque La Laurentienne a fait l'acquisition de
Standard Trust, nous avions fait une première offre. Et cette
première offre a été refusée par l'assemblée
des créanciers. Il y avait une centaine de banques internationales parmi
ces créanciers, et certains de ces banquiers étaient trop loin,
ne se sont pas déplacés, ont probablement exprimé leur
vote par fax. De toute façon, la majorité ou l'unanimité
requise n'a pas été atteinte, ce qui veut dire que notre offre a
été refusée, tout est resté dans le marasme pendant
deux mois. Standard Trust s'est détérioré davantage, a
perdu encore plus de valeur et, finalement, le Rubicon a été
franchi et notre deuxième offre, qui était d'ailleurs moins
favorable aux créanciers et aux actionnaires, a été faite,
parce que ça devait refléter, la deuxième offre,
l'état de détérioration relative de la fiducie en
question. Donc, tout le monde a payé pour ça. Nous avons acquis
un actif qui était en moins bonne valeur, les créanciers ont
reçu moins d'argent, tout le monde a perdu. Et, alors, on a fait le
raisonnement, à Ottawa, qu'il fallait donc, dans des situations comme
celle-là, avoir beaucoup de pouvoirs. Et j'imagine que c'est le
même raisonnement qu'on fait, ici, à Québec, qu'il faut
avoir beaucoup de pouvoirs.
Et je ne nie pas la validité de ce raisonnement, mais je ne suis
pas sûr s'il s'applique de la même façon sur le plan
québécois qu'il s'applique à Ottawa, parce que les
candidats possibles sont, évidemment, moins nombreux ici. Et, dans le
même souffle, on parle de la nécessité de permettre aux
entreprises financières québé-
coises d'aller chercher des capitaux pour mieux se financer à
l'avenir. Alors, on envoie, là aussi, un message qui peut être
ambigu. Les investisseurs possibles vont se dire: Voici qu'il y a maintenant
des pouvoirs et on peut se substituer à moi lorsque viendra une
période difficile, et je n'aurai plus le pouvoir de m'exprimer et
d'exercer mes droits, comme créancier ou comme actionnaire. Il y a un
danger à ça, mais il y a aussi un danger à ne pas avoir
ces pouvoirs.
AuKlelà de ça, il y a le débat actuel qui se
déroule sur l'assurance-dépôts. Et il me semble, et c'est
ce que nous disons dans le mémoire, qu'on est en train de
mélanger les choses. L'assurance-dépôts a été
conçue, à l'origine, comme une façon de protéger le
petit épargnant contre des risques, mais quand même des risques
plafonnés. On ne voulait pas protéger tout le monde contre tout
danger de perte. Le milieu financier, c'est un milieu où on prend des
risques, par définition. Et d'imaginer que ce secteur peut fonctionner
et protéger ceux qui font les placements de tout risque de perte, je
pense que dans le monde entier on réalise de plus en plus qu'il s'agit
d'une erreur.
Mais F assurance-dépôts a son rôle à jouer, et
il faudrait peut-être qu'il soit plus restreint qu'il ne l'est dans le
moment, ce rôle. De là à faire fonctionner les organismes
de surveillance, le bureau de l'Inspecteur ou le bureau du Surintendant,
à Ottawa, comme des espèces d'organismes qui vont fonctionner
d'une telle manière que plus jamais personne ne va faire faillite dans
le secteur financier, alors, là, c'est une aberration totale. C'est une
aberration totale. Et donner prise à des poursuites en justice contre
les gouvernements pour des actions qui auraient été posées
ou pas posées et qui auraient pour but de prévenir toute
faillite, alors, c'est rendre, effectivement, le contribuable responsable
ultime de la santé financière de tout le secteur financier. On
devrait savoir que ce n'est pas possible. Avec le désastre de Savings
and Loan, aux États-Unis, je pense que tous les gouvernements qui
ont, d'ailleurs, bien d'autres problèmes à régler sur le
plan financier ne devraient pas se mettre sur le dos même
l'apparence d'assumer cette responsabilité-là.
Ce qui nous fait peur dans des pouvoirs accrus, c'est que, finalement,
des pouvoirs accrus confirment la notion que, si jamais il y a une faillite, il
y a quelqu'un qui n'a pas agi au bon moment ou avec la force requise, et ce
quelqu'un est situé au gouvernement. Alors, faisons attention. Toutes
ces questions-là sont liées les unes aux autres et, comme on n'y
voit pas encore très clair même à Ottawa et, je
dirais, à plus forte raison à Ottawa, parce que là on
débat toutes les options possibles il me semble qu'il vaudrait
mieux...
M. Holden: En ces temps...
M. Forget (Claude E.): ...laisser tomber la poussière.
M. Holden: Est-ce que, en ces temps, il y a plus de pensée
éclairée à Ottawa qu'ici? Non, non. C'est juste une
remarque. Mme la ministre...
Une voix: ...
M. Holden: Oui, mais peut-être que Mme la ministre voudrait
demander quelque...
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, Mme la
ministre, il vous reste 1 minute et 10, 15 secondes, et il reste 2 minutes
à M. le député de Westmount.
Mme Robic: M. le Président, 1 minute et 15 secondes, avec
tout ce que je voudrais dire, c'est très court. Je voudrais tout
simplement rappeler certaines choses; je pense que c'est important. D'ailleurs,
au niveau du fonds de capitalisation, vous semblez le voir comme un fonds
absolument passif. Au contraire, c'est un fonds très actif, qui devrait
répondre aux forces du marché. Donc, je vois mal pourquoi ce
fonds-là ne pourrait pas être considéré comme tous
les autres fonds qui existent et je vous trouve tout à fait pessimiste.
Vous êtes en train de nous dire qu'il ne faut pas investir dans les
institutions financières, presque, là. Alors, vous me surprenez
grandement.
Quant aux pouvoirs de l'Inspecteur général, bien, je pense
que, non, on ne veut certainement pas se substituer aux actionnaires.
Cependant, ce que l'on suggère ici, nous, c'est d'être plus
transparent à travers des lignes directrices. On s'est inspiré,
à ce moment-là, d'instructions générales, et dans
votre mémoire vous mentionniez que vous étiez d'accord avec
ça. C'est dans cette ligne-là que l'on se dirige.
Quant à donner des pouvoirs accrus à l'Inspecteur, vous
avez raison, on ne peut peut-être pas sauver toutes les compagnies, mais
il faut faire tous les efforts possibles pour éviter des faillites au
niveau des institutions financières. C'est un désastre quand il y
a une faillite d'une institution financière. Ça touche toute
l'industrie, ça ébranle l'industrie. Et nous avons une industrie
canadienne, d'institutions financières canadiennes, qui a toujours eu
une réputation excellente à travers le monde. Donc, il faut
s'assurer de conserver cette réputation, protéger les
investisseurs qui sont souvent, en majeure partie, de petits investisseurs, et
faire en sorte que la note ne soit pas trop haute pour la population
également. Vous avez raison, au bout de la ligne, c'est le peuple qui
paie la facture. Donc, il faut éviter ça le plus possible. Et
c'est pour ça qu'il faut faire de la prévention, autant que
possible. Et, ça, ça peut sembler être embêtant pour
les compagnies, bien sûr, mais je pense que le rôle de
l'Inspecteur, c'est un rôle de prévention.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. Vous
avez 15 à 20 secondes de plus, M. le député de Westmount.
Mme la ministre a abusé de ses pouvoirs.
M. Holden: Je remercie la secrétaire d'avoir bien
gardé le temps. Peut-être, M. Forget, que la ministre
oublie un peu qu'on est en consultation, ici. Il y a des gens qui sont pour les
propositions, il y a des gens qui sont contre les propositions, et vous avez
mentionné une certaine irritation au sujet des renseignements, la
question des renseignements. Qu'est-ce que vous verriez, pour vous satisfaire
dans le domaine des renseignements?
M. Forget (Claude E.): Nous indiquons dans notre mémoire
qu'il nous paraît que, d'une part, bien sûr, le Code civil contient
des dispositions qui, nous dit-on, sont conformes aux normes
suggérées par l'OCDE dans leur esprit et dans leurs principes. Il
y a des recours qui sont prévus en fonction de ça. Il y aura donc
une jurisprudence qui va s'édifier en fonction de ces dispositions du
Code civil. C'est un premier niveau qui est le plus universel possible et qui
nous semble tout à fait approprié.
En outre, l'Inspecteur général demande et reçoit,
présumément, de toutes les compagnies des engagements à
l'effet que des procédures internes et des normes internes sont mises en
place de manière préventive sans qu'on attende de se faire
poursuivre, en quelque sorte que des politiques appropriées sont
adoptées par chaque institution financière. Et il nous semble que
c'est un régime qui n'a pas encore fait ses preuves, puisque tout
ça est tout récent. Alors, avant de légiférer
encore, il nous semble qu'il faudrait juger si, oui ou non, ce que l'on a
déjà mis en place est suffisant.
M. Holden: Merci beaucoup, M. Forget.
Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, M. le
député de Westmount. Je vous remercie pour votre participation
à cette commission parlementaire. Nous allons suspendre une minute afin
de permettre aux gens de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain de bien vouloir prendre place à la table des
témoins, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 20)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Chagnon): J'invite donc les membres
à prendre place, s'il vous plaît. La commission reprend ses
travaux, et nous entendrons la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain. J'inviterais, évidemment, le porte-parole de la
Chambre à se présenter et à nous présenter
également les membres qui l'accompagnent.
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
M. Laflamme (Pierre): Bonjour, mon nom est Pierre Laflamme.
À titre de président du comité ad hoc de la Chambre sur la
finance internationale, la Chambre m'a mandaté pour présenter
notre mémoire.
Je suis accompagné de M. Bernard Motulsky, à ma droite,
qui est le vice-président aux affaires publiques de la Bourse de
Montréal, de M. Nicolas Roy, à mon extrême droite, qui est
assistant-directeur et commissaire général adjoint à la
Commission d'initiative et de développement économique de
Montréal c'est un organisme de la ville de Montréal
de M. Jean Labon-té, à ma gauche, qui est trésorier du
Cercle de la finance internationale de Montréal et président du
Bureau des établissements financiers internationaux de Montréal,
ainsi que de Mme France Beaudoin, à mon extrême gauche, qui est
vice-présidente du Bureau des établissements financiers
internationaux de Montréal.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Laflamme,
et je vous rappelle que vous avez une période de 20 minutes pour
présenter le contenu de votre mémoire, et ce sera
évidemment suivi d'une période de questions répartie
à parts égales entre, d'une part, les députés
ministériels et Mme la ministre, et, d'autre part, l'Opposition, soit le
porte-parole, le député de Westmount. Alors, si vous voulez
commencer votre présentation, M. Laflamme.
M. Laflamme: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais remercier la ministre qui, par son document «L'appui au
secteur financiers: des dividendes pour le Québec», a offert la
possibilité à la Chambre de commerce de Montréal de venir
présenter un mémoire, et je remercie le président de la
commission d'avoir bien voulu accepter de le recevoir. Ce mémoire vous
est soumis au nom de la Chambre de commerce de Montréal, mais tel qu'en
témoignent les personnes qui m'accompagnent il est appuyé tant
par la Bourse de Montréal que par la ville de Montréal
elle-même.
D'abord, quelques statistiques pour mettre en place l'importance du
secteur financier dans la région de Montréal. C'est un secteur
qui emploie plus de 70 000 personnes. C'est un secteur économique majeur
pour la ville de Montréal, et ceci est même confirmé dans
le dernier document de la ville de Montréal: «Montréal,
ville d'affaires», qui est, en fait, le plan de développement
économique de la ville de Montréal, déposé en
avril, et qui souligne l'importance du secteur financier pour la vie
économique de Montréal. C'est un secteur qui est dynamique et
compétent. Juste quelques statistiques: à Montréal, chaque
jour, il y a des opérations de change pour un montant de 5 000 000 000
$. L'an dernier, à la Bourse de Montréal, sur le marché
des options et contrats à terme, les valeurs sous-jacentes
négociées étaient de 540 000 000 000 $. Et, finalement, il
s'est transigé en Bourse des actions pour une valeur excédant 21
000 000 000 $. C'est donc un secteur substantiel.
On en a parlé tout à l'heure, et c'est un fait, le secteur
financier doit faire face à la mondialisation des marchés et,
à ce titre, Montréal, comme marché finan-
cier, doit affronter une vive concurrence, particulièrement au
Canada, donc de Toronto spécifiquement, et, évidemment, doit
essayer de tenir son bout, lorsque possible, avec des villes telles que Londres
et New York.
La Bourse de Montréal, au cours des récentes
années, a eu plusieurs initiatives fort heureuses, notamment un
investissement majeur dans l'informatique et la création du lien
électronique avec la Bourse de Boston. Malgré tout, le secteur
financier de Montréal a besoin de l'appui du gouvernement du
Québec. Cet appui-là, elle l'obtient régulièrement
et l'a obtenu de façon fort efficace lorsque, après des
démarches entreprises principalement par la Chambre de commerce, le
gouvernement du Québec a créé, en 1986, une
législation fiscale pour favoriser l'établissement et la
croissance, à Montréal, de centres financiers internationaux. Je
prendrai quelques minutes pour vous expliquer en quoi consistent les grandes
lignes de cette législation. Je vous réfère à la
page 9 du mémoire, où on décrit un petit peu les
caractéristiques de cette législation-là.
Les incitatifs fiscaux pour l'entreprise. Tout d'abord, les profits
générés par les opérations qui sont
éligibles ou qui se qualifient à titre de centres financiers
internationaux, c'est... Les profits, donc, générés par
ces activités-là ne sont pas assujettis à l'impôt
corporatif québécois. Comme je le mentionnais récemment,
avec l'augmentation des taux d'impôt québécois corporatif
l'an dernier, il s'agit d'un avantage qui est de plus en plus
intéressant. Il y a également une exemption de taxe sur le
capital, sur le capital engagé dans les opérations au; CFI. Et,
finalement, les employés qui travaillent, qui oeuvrent dans le cadre
d'un CFI, jouissent... Les salaires ne sont pas assujettis à
l'obligation de contribuer au régime de l'assurance-maladie du
Québec. C'est une économie pour l'employeur.
Du côté des employés, si l'employé provient
de l'étranger pour s'établir dans un centre financier
international, pendant deux ans il n'est pas assujetti à l'impôt
québécois. Quant aux autres employés et après deux
ans pour, originalement, le non-résident, un tiers de leur
rémunération n'est pas assujetti à l'impôt
québécois. (11 h 30)
Alors, voici les avantages fiscaux. Et ce que le gouvernement du
Québec a tenté de stimuler en accordant cet avantage-là,
c'est décrit aux «Activités admissibles», au point b.
Il s'agit du courtage, c'est-à-dire l'activité en tant que
courtier en valeurs, l'opération d'une chambre de compensation de
valeurs, l'activité de conseiller en valeurs, dans la mesure où
le service est rendu à des non-résidents ou porte sur des valeurs
internationales.
On parle d'activités bancaires: les prêts et
dépôts pour le compte de non-résidents, des montages
financiers, dans la mesure où ils sont reliés à un projet
devant être réalisé exclusivement hors du Canada.
Essentiellement, ce qu'on tente de faire, c'est de rapatrier à
Montréal des activités où des non-résidents sont
impliqués, et qui pourraient être réalisées partout
à travers le monde. Alors, c'était la mission que s'était
fixée le gouvernement en permettant ces avantages fiscaux là.
Vous vous rappelez, à l'époque, le gouvernement
fédéral avait été sollicité pour contribuer
également à une législation qui facilitait ce type
d'investissement là. Et on a consenti à Montréal une
législation, un allégement fiscal, mais strictement dans le cadre
d'opérations bancaires extrêmement restreintes, évidemment,
ce qui réduisait l'impact qu'avait la législation
québécoise. D'ailleurs, la Chambre de commerce considère
la possibilité de revenir à la charge et de retourner au
gouvernement fédéral, auprès des autorités
fédérales, et de s'assurer qu'il n'y aurait pas encore
peut-être un bout de chemin à faire par le
fédéral.
Dans le cadre de cette législation-là, on a mis sur pied
le Bureau des établissements financiers internationaux de
Montréal. C'est un bureau qui met à contribution le
ministère des Finances, la ville de Montréal et la Bourse. Les
objectifs de ce bureau-là sont la promotion pour intéresser la
venue à Montréal de centres financiers internationaux, la gestion
administrative du programme, et il constitue aussi une place d'accueil pour des
institutions financières internationales qui voudraient s'établir
à Montréal. Et, à ce moment-là, le Bureau joue un
rôle de plaque tournante, d'intermédiaire pour faire rencontrer
les gens du milieu. Ce bureau est supporté et, encore ici, on le
voit tant par la ville, la Bourse et la Chambre de commerce de
Montréal. en page 14, on constate les résultats des efforts
effectués depuis 1986. il y a actuellement, à montréal, 31
centres financiers internationaux. à la page 14, on répartit les
activités. alors, il y a des banques d'annexé a, d'annexé
b, les fiducies et beaucoup de courtages, gestion de portefeuilles, qui
constituent plus de 50 % des cfi.
En page 15, le tableau nous explique la répartition selon les
résidents ultimement propriétaires de ces centres financiers
internationaux, et on constate que seulement six sont de
propriété ultime canadienne. Donc, les objectifs visés,
qui étaient d'amener à Montréal des institutions
étrangères, semblent se concrétiser. Et, d'ailleurs
puis c'est un point marquant dans les 23 dossiers cibles qu'a
actuellement le Bureau, un seul est ultimement de propriété
canadienne. Donc, les 22 autres cibles sont actuellement de
propriété étrangère, ce qui est vraiment le but
même du programme, qui est d'attirer à Montréal des
institutions étrangères pour y établir un centre financier
international.
La Chambre de commerce appuie donc la législation en place. Et
d'ailleurs, la ville c'est intéressant, et M. Roy pourra
éventuellement aller plus en détail a mis sur pied
l'Institut des services financiers internationaux pour susciter le
développement de l'enseignement spécialisé dans le secteur
financier. C'est donc dire que, grâce, entre autres, à la
législation CFI, on est en train d'établir à
Montréal une masse critique d'experts en finance internationale.
De là, je vais lire avec vous les neuf recommanda-
tions de notre mémoire, que vous retracez à la page 23. La
recommandation 1: Que les activités internationales de
réassurance soient admissibles à titre de transactions prescrites
d'un centre financier international.
Recommandation 2: Que les activités internationales de courtage
en assurance de dommages soient admissibles à titre de transactions
prescrites d'un centre financier international. À l'égard de
cette recommandation-là, la recommandation 2, il y a une certaine
urgence. La Chambre a été informée qu'il y a actuellement
un processus décisionnel en cours, où Montréal risque de
perdre ou de gagner des emplois, et nous comprenons que l'admissibilité
de ces activités-là aux CFI serait un facteur décisif dans
la prise de décision.
Alors, recommandation 3: Que la réglementation régissant
les CFI soit harmonisée avec le règlement de la loi des valeurs
mobilières afin que les valeurs synthétiques soient admissibles
également à la législation CFI.
Recommandation 4: Que soit étudiée la possibilité
d'exonérer d'impôt les fonds techniques de prévoyance des
entreprises.
La recommandation 5: Que soit étudiée la
possibilité de rendre admissibles les activités de financement
par voie de location d'équipement à des non-résidents
on parle, entre autres, du financement d'avions de
propriété étrangère. Également, les
activités de financement par voie de «titrisation»
pourraient être admissibles dans la mesure où elles seront
effectuées pour des non-résidents ou que les titres sont
émis à des non-résidents. À cet
égard-là, la «titrisation», c'est un secteur en
émergence où des transactions d'une ampleur considérable
ont lieu au Canada, et ça semble faire boule de neige de façon
exponentielle.
À la recommandation 6: Que soit analysé l'ensemble des
transactions financières aux fins de déterminer si certaines
d'entre elles pourraient devenir des activités admissibles. À
titre d'exemple, le domaine des opérations fiduciaires pour des
non-résidents pourrait être analysé.
La recommandation 7: Que soient revues les difficultés
d'interprétation et d'application de la législation CFI en vue
d'apporter les amendements utiles pour assurer une administration plus souple
et efficace du programme.
La recommandation 8: Que soit analysée l'application des TPS et
TVQ aux services financiers rendus à des non-résidents, et, le
cas échéant, que les amendements pertinents soient
apportés. Contrairement aux principes des TPS et TVQ,
généralement, lorsqu'on fait une exportation, ces
services-là ou les biens vendus pour exportation ne sont pas assujettis
à ces taxes-là. Malheureusement, dans le cas de services
financiers rendus par des CFI, les services, même s'ils sont
effectivement exportés, sont assujettis à ces taxes-là. On
comprend que c'est un problème que le Québec ne peut gérer
seul, parce qu'il y a quand même une certaine équivalence avec la
TPS, mais il s'agit d'un problème, donc, sur lequel il faudrait se
pencher.
Et la recommandation no 9: Que le gouvernement du Québec appuie
les activités de l'Institut des services financiers internationaux et en
soutienne la croissance.
Sommairement, la Chambre réitère l'importance du secteur
financier à Montréal, confirme son appui aux centres financiers
internationaux et recommande que leur champ d'application soit
élargi.
C'était notre présentation. Merci.
Mme Robic: M. le Président, je suppose que vous me passez
la parole? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Effectivement, Mme la ministre,
et avec plaisir. Je voulais avoir une voix moins nasillarde.
Mme Robic: C'est ça. Je vous souhaite de vous
guérir de votre grippe, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): On vous remercie de vos bons
soins.
Mme Robic: M. le Président, c'est un plaisir d'accueillir
à cette consultation la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain, qui est très bien entourée, d'ailleurs,
d'un membre de la CIDEM, d'un membre de la Bourse de Montréal et des
gens des établissements financiers internationaux.
Ce n'est pas par hasard, M. le Président, que ces
personnes-là se retrouvent à la même table, au même
moment, pour nous parler des centres financiers internationaux. Et je pense que
je ne redirai pas ce qui a été dit par M. Laflamme, puisque vous
avez pu réaliser l'importance que ces centres-là prennent non
seulement pour Montréal mais bien également pour le
Québec. C'est depuis seulement 1986 qu'ils existent, et on sent
déjà que, grâce à ces centres financiers et aux
avantages que le gouvernement leur a donnés, nous avons attiré au
Québec des institutions financières étrangères et
nous avons également créé des emplois. Donc, ces centres
jouent un rôle important, malgré qu'il semblerait que certaines
personnes n'aient pas encore réalisé la portée de ces
centres-là. Et, malheureusement, de ces personnes-là, il y a des
gens d'institutions financières, alors, c'est assez surprenant. (11 h
40)
Depuis l'existence des centres financiers, depuis 1985-1986, est-ce que
vous avez fait un bilan de ces activités et est-ce que vous pourriez
peut-être élaborer là-dessus et peut-être voir...
Vous nous parlez, vous êtes tout à fait d'accord avec nous de
donner des pouvoirs, de rajouter des activités telles la
réassurance et le courtage en assurance de dommages et vous mentionnez
d'autres activités également. Est-ce que vous verriez, à
long terme ou à moyen terme, d'autres activités s'ajouter aux
présentes activités et à celles que l'on discute
présentement?
M. Laflamme: Tout d'abord, le bilan est simple et difficile
à faire. Simple: on n'a qu'à regarder la liste
présente des CFI, c'est la partie facile. La partie difficile,
c'est peut-être de quantifier le nombre d'institutions
financières. Vous vous rappelez, Mme la ministre, ça a
été créé à l'époque où il y
avait un vent vers Toronto au niveau financier. Donc, la partie difficile de
l'évaluation, ce serait de quantifier le nombre d'institutions qui ne
sont pas déménagées à Toronto ou qui n'ont pas
transféré certains services à Toronto grâce à
la qualité de la législation fiscale au Québec.
Nous parlions récemment d'une banque d'une envergure certaine,
qui a eu à prendre cette décision-là il y a deux ans. Et,
dans sa décision de demeurer à Montréal, la
législation habilitante de CFI a été une
considération importante. Donc, cet aspect-là est difficile
à quantifier.
Quant aux aspects positifs, bien, il y a des CFI en place, et je pense
que M. Labonté pourrait expliquer... Entre autres, il y en a un de nulle
part, qui est venu s'installer à Montréal, qui est vraiment
quelque chose d'intéressant et qui est en croissance. M.
Labonté.
Le Président (M. Camden): M. Labonté.
M. Labonté (Jean): Merci, M. le Président. M. le
Président, il est évident et je replacerais un peu
l'historique, peut-être que les centres financiers internationaux
existent légalement depuis 1986, mais la période de promotion du
concept et du programme a commencé, évidemment, après la
terrible chose qui nous est arrivée en octobre 1987, c'est-à-dire
que les premiers clients intéressants se sont pointés à
l'horizon quelc 'e part en 1988, et la démarche a été, au
début, intéressante et facile pour la simple raison qu'on avait
un nouveau produit et qu'on avait, pour la première fois, dans le fond,
une exemption d'impôt, une incitation, réellement, par la
fiscalité.
La démarche est toujours plus facile pour les premiers, dans le
sens que le produit est nouveau et le marché est grand. Et c'est comme
ça qu'on a réussi à dépasser, dans les
premières années, les objectifs prévus. On a
accrédité, au total, 35 centres financiers internationaux et,
comme l'a dit le président tantôt, en fait, 23 de ceux-là
sont des étrangers. Et c'est vrai qu'il est difficile de comptabiliser
comme tel, parce que l'économie d'impôt ou le volume d'affaires
faites dans le centre financier international est une information
privilégiée que le contribuable CFI a avec, évidemment, le
ministère du Revenu.
Il est difficile aussi de quantifier exactement le nombre d'emplois. Il
y a une certaine partie des employés des centres financiers
internationaux qui y travaillent à temps plein. Ceux-là, on les
compte très bien; c'est de l'ordre de 160. Mais énormément
de personnes ne demandent pas l'exemption personnelle d'impôt et
travaillent quand même à temps partiel dans les centres financiers
internationaux. Quand on fait le bilan, il est positif. Positif dans le sens
que le produit est accepté, le produit est bien utilisé par un
grand nombre de ces gens-là, et le ministère du Revenu pourrait
vous le dire encore. Mais, seulement, pour nous, en fait, on n'a pas ce genre
d'information là.
L'intérêt que portent les clients potentiels de notre liste
de prospection dans le moment prouve, en fait, que le programme a du
mérite. Et, quand on demande qu'il soit élargi, ça veut
dire qu'il soit élargi à d'autres types d'entreprises du secteur
financier, qui ne sont pas, dans le moment, des entreprises admissibles au
programme. Et c'est pour ça qu'on parle de réassurance. C'est
pour ça, évidemment, qu'on parle de services financiers à
l'étranger dans le cas de la location à long terme
d'équipement, qu'on parle de ce qu'on appelle vous me permettrez
l'anglicisme un «onshore trust for nonresidents», qui est
une opération qui se fait à Vancouver et qu'on voudrait bien
amener un peu à Montréal, en fait, dans l'Est.
Alors, on suppose que le programme, sans faire des vagues énormes
et régler tous les problèmes du Québec, le programme a
fait son bout de chemin. Le programme a besoin d'un nouveau souffle dans
d'autres secteurs financiers, et on demande au gouvernement de nous aider
à le faire, tout simplement. Merci.
M. Laflamme: Mme la ministre...
Le Président (M. Camden): M. Laflamme.
M. Laflamme: Vous aviez également un volet sur d'autres
activités. La Chambre s'est prêtée à cet
exercice-là en compagnie d'autres intervenants, mais les délais
relativement courts nous ont permis d'en identifier quelques-uns qui sont dans
les recommandations. Mais, à la recommandation 6, c'est exactement notre
recommandation: que, dans un débat un petit peu plus large et avec un
petit peu plus de temps, on ait la chance de déterminer si d'autres
activités pourraient être éligibles. Et là on parle
d'analyser vraiment différentes activités dans le secteur
financier et d'en déterminer quelques-unes.
Mme Robic: D'accord. Alors, ça nous fera plaisir de
contribuer à ces discussions. M. le Président, j'aimerais
peut-être profiter de la présence de M. Roy et de la mention que
M. Laflamme a faite de l'Institut des services financiers. Vous savez qu'il y a
un intérêt, pour notre gouvernement, à la formation, et je
vois là possiblement un excellent moyen de former chez nous des experts
dans le domaine des affaires internationales. Je pense que ça manque
peut-être chez nous, et j'aimerais savoir comment vous vous dirigez
à ce niveau-là et quelles seraient les attentes chez vous.
Le Président (M. Camden): M. Roy.
M. Roy (Nicolas): Mme la ministre, M. le Président, en
premier lieu, je voudrais vous souligner à quel point la ville de
Montréal accorde d'importance au développement de toutes les
institutions financières. En décembre 1992, notre dernier
recensement nous a dé-
montré qu'il y avait, sur le seul territoire de la ville de
Montréal, quelque 55 000 emplois qui sont reliés à ce
secteur d'activité. Depuis 1986, la ville de Montréal a
participé aux activités du BEFIM et elle a clairement
manifesté, dans son plan d'action économique rendu public la
semaine dernière, qu'elle continuerait sa collaboration avec le
BEFIM.
Par ailleurs, dans une réflexion que nous poursuivons depuis
bientôt deux ans, en collaboration avec des collègues de la
Commission des valeurs mobilières du Québec et du Centre
d'études en administration internationale des HEC, le CET AI, nous avons
peaufiné un projet de création de l'Institut des services
financiers internationaux. L'Institut, légalement, a été
créé, et il est présentement en développement comme
projet. Sa principale mission, c'est celle de participer de façon active
à la formation de cadres spécialisés, non seulement pour
les institutions financières mais également pour les entreprises
dont plusieurs ont des besoins spécifiques de personnel
spécialisé pour traiter de matières
financières.
Alors, l'Institut se propose de développer des enseignements et
des instruments pédagogiques destinés initialement aux
étudiants inscrits dans les concentrations de gestion financière
au niveau de baccalauréat, de maîtrise ou de doctorat
d'institutions tant canadiennes qu'étrangères. C'est un volet que
développent les HEC pour nous. Également, nous entendons
développer un volet de coopération technique afin, en premier
lieu, de desservir la communauté d'affaires du Québec, notamment
les sociétés exportatrices ou éventuellement quali-fiables
à l'exportation de même que des sociétés de pays
partenaires. Une autre mission que l'Institut entend poursuivre, c'est
l'organisation d'événements spéciaux; entre autres, l'ISFI
est à préparer pour l'automne prochain, si tout va bien, un
congrès de nature internationale qui pourrait se tenir en collaboration
avec une importante société étrangère, à
Montréal, pour lancer de façon plus formelle l'Institut. (11 h
50)
Pourquoi la ville de Montréal et ses principaux collaborateurs
ont pensé à ce projet de façon particulière?
Peut-être à cause de l'expérience acquise par nos services
au cours des dernières années. Nous avons collaboré
à la mise sur pied, par exemple, de l'École des métiers de
l'aérospatiale, qui est présentement en construction à
Montréal. C'est une collaboration avec l'industrie. Et nous avons
collaboré de façon importante à la mise sur pied d'un
programme de maîtrise de gestion en aviation internationale avec
l'Université Concor-dia, qui a démarré il y a
bientôt deux ans.
On s'aperçoit qu'un des volets pour lequel on peut être le
plus en appui à l'industrie et au service aux entreprises, c'est celui
de la formation. Et nous comptons énormément sur la collaboration
et l'appui du gouvernement du Québec à cet égard.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président. Oui, Mme la ministre a
mentionné que certaines personnes dans le domaine ont questionné
les retombées des CFI. Il ne faut pas se le cacher, ce n'est pas un
secret, c'était M. Béland, de Desjardins. Mais tout ce qu'eux
demandaient c'était une étude sur les retombées, parce
qu'ils se demandaient si, peut-être, ce n'était pas bien
établi. Et votre explication du nombre d'emplois qui existent à
cause de ça, c'est très difficile à établir.
Combien n'ont pas été mutés à Toronto? C'est pas
mal difficile à établir. Mais, de toute façon, je pense
que, d'après vos chiffres, ça commence à marcher assez
bien.
Est-ce que vous seriez d'accord avec une étude pour
établir les retombées, ou est-ce que c'est inutile? Quelle est
votre réaction?
Le Président (M. Camden): M. Laflamme.
M. Laflamme: Évidemment, on peut faire des études.
C'est évident.
M. Holden: Tout le monde en fait, oui.
M. Laflamme: Oui, il n'y a pas de problème. Je pense
qu'à moins d'avoir un projet spécifique pour nuancer il y a
quelque chose qu'on peut faire aujourd'hui, c'est un constat, il y a eu des
emplois de créés. Il y a 31 CFI qui existent. On a
rencontré récemment un président de banque
étrangère qui nous a confirmé que sa banque serait
peut-être à Toronto n'eût été ce
programme-là. Ce sont des faits. C'est un constat. À partir de
là, si Mme la ministre croit opportun de faire une étude sur un
secteur plus spécifique, peut-être, d'intervention, il fera
plaisir à la Chambre de contribuer.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Oui, ça se peut que le ministère du
Revenu ait des chiffres, à cause des exemptions. Est-ce que la
concurrence de Vancouver vous nuit, ou quel est l'effet d'avoir la même
situation à Vancouver?
Le Président (M. Camden): M. Laflamme.
M. Laflamme: Le marché de Vancouver est quand même
un marché géographiquement différent. Alors, on
s'intéresse aux investisseurs provenant, donc, de l'Orient, alors que
Montréal s'intéresse à des investisseurs provenant
plutôt de l'Europe. Donc, nos marchés cibles, bien qu'il puisse y
avoir certaines duplications, sont normalement différents. On ne se
leurrera pas, notre compétition, c'est Toronto.
M. Holden: Oui.
M. Laflamme: Alors, dans ce cadre-là, ça va
très bien. Vancouver ne constitue pas un obstacle majeur ou
un concurrent majeur au niveau des CFI. Par contre, on peut noter que
Vancouver y va d'une démarche assez agressive, demandant un
élargissement tant provincial... surtout fédéral qui,
à ce moment-là, ferait disparaître complètement la
qualité de Montréal comme lieu privilégié au niveau
fiscal au Canada.
M. Holden: Je présume que si on donne un avantage fiscal
à Vancouver on va le donner à Montréal, quand
même.
M. Laflamme: Le risque...
M. Holden: Puisque Mme la ministre a un penchant vers le
gouvernement fédéral, elle peut certainement influencer le
gouvernement fédéral pour qu'il soit juste envers le
Québec.
M. Laflamme: Le risque, M. le député, c'est que
s'il est donné «at large», et c'est ce que Vancouver
souhaiterait, le bénéfice sera accordé également
à Toronto.
M. Holden: À Toronto? M. Laflamme: Oui.
M. Holden: Est-ce que Toronto bénéficie
actuellement...
M. Laflamme: Non. Alors, là, on perdrait quand mêrr
i une carte, un atout par rapport à Toronto lorsqu'on sollicite des
investisseurs ou des firmes étrangères pour s'établir au
Canada ou en Amérique du Nord.
M. Holden: II y aurait donc trois centres financiers
internationaux au lieu de deux?
M. Laflamme: C'est ce que Vancouver souhaiterait, et Vancouver
souhaite ça dans le même environnement que je vous
décrivais, M. le député. C'est que Vancouver ne se sent
pas en compétition directement avec Toronto et Montréal, ayant
son marché, appelons-le «cible», qui est plutôt du
côté de l'Orient, ce qui n'est pas le cas de Montréal,
évidemment.
M. Holden: L'Institut, si j'ai bien compris, c'est une entreprise
qui est de coopération entre CIDEM et... Est-ce que c'est le
ministère de l'Éducation qui est partenaire là-dedans,
ou...?
M. Roy: L'Institut des services financiers, tel que conçu,
n'est pas celui qui dispense l'enseignement. Ce sont les HEC qui sont
dûment reconnus, comme tout le monde le sait, comme institution tout
à fait remarquable d'enseignement. L'Institut est simplement un moyen de
mettre en coordination les efforts de la ville de Montréal avec ceux des
HEC et, présentement, de la Commission des valeurs mobilières du
Québec en matière de services internationaux. On entend
s'adjoindre de nouveaux partenaires au cours des prochains mois pour former un
groupe, là, plus serré, et progresser dans l'activité.
M. Holden: Est-ce que vous coopérez avec d'autres
universités à part les HEC?
M. Roy: L'Université McGill doit normalement se joindre au
projet. Il y a une entente qui lie HEC et Université McGill, et l'une et
l'autre vont de pair. Et il y a des discussions avec des universités
ailleurs au Canada, comme Queen's University. Une fois le projet lancé,
ces universités-là pourront plus facilement juger du produit et
donc se joindre au réseau.
M. Holden: Et vous êtes rendu à quel... M. Roy:
Quel stade?
M. Holden: Qu'est-ce que vous avez comme physique, là, le
nombre de personnes, et tout ça?
M. Roy: Présentement, l'Institut est formé
corpo-rativement...
M. Holden: Oui.
M. Roy: ...mais il n'est pas encore opérationnel. On
entend le rendre opérationnel à l'automne. Ce qu'on a fait, c'est
surtout définir sa mission, ses objectifs, et les partager avec des
partenaires que nous désirons associer à ce projet au cours des
prochains mois. C'est ce que nous avons fait auprès des
représentants, soit du gouvernement du Québec ou du gouvernement
fédéral. Et aussi, comme la Chambre de commerce ce matin, on est
là pour témoigner de l'intérêt à
développer ce produit.
M. Holden: Et est-ce que vous aurez le droit d'émettre
des...
Une voix: Des diplômes. M. Holden: ...des
diplômes?
M. Roy: L'Institut lui-même n'émettra pas de
diplôme. Cela ressort des institutions d'enseignement; les HEC ont des
diplômes spécialisés. Peut-être que ce qui ressemble
le plus à ce que nous visons, c'est... Les HEC ont déjà un
programme en gestion pétrolière présentement, et ils ont
des candidats qui viennent de partout à travers le monde, qui
reçoivent ici, à Montréal, la formation
spécialisée en gestion pétrolière. Alors, c'est un
programme qui va lui ressembler, et ce sont les HEC qui vont, comme institution
d'enseignement, gérer le CET AI, qui vont gérer le programme.
M. Holden: Et lorsque vos gradués vont faire des
merveilles à travers le monde, ils vont hausser la
réputation de l'Institut, quoi.
M. Roy: C'est ce que l'on souhaite. Il faut dire qu'on vise aussi
la clientèle québécoise. Ça, c'est très
important pour nous, la formation de cadres québécois.
M. Holden: Oui. Bien. Vous avez pas mal bien expliqué
votre cible, pour la majeure partie. Vous vous occupez des centres financiers
internationaux, et vous les appuyez, et vous les encouragez, et je crois que
vous avez raison de le faire. Alors, je n'ai pas d'autre question, M. le
Président.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Westmount. Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président,
si vous me le permettez, je vais profiter de la présence de M. Motulski,
de la Bourse de Montréal. Je sais que la Bourse sera certainement en
commission lors du dépôt du rapport quinquennal sur les valeurs
mobilières, mais tout de même vous allez me permettre un peu de
toucher au domaine des valeurs mobilières parce que, dans mon
énoncé de politiquej'en parle à la page 38 on
suggère le développement d'un marché organisé de
capitaux pour les entreprises de petite et de moyenne capitalisation. On tente
de faciliter l'accès au financement public pour ce type de compagnies
québécoises, qui forment d'ailleurs le tissu économique du
Québec. Et j'aimerais peut-être... Nous suggérons
d'étudier certains des marchés qui existent ailleurs, entre
autres au États-Unis, au Japon, en Grande-Bretagne. C'est les trois pays
que l'on mentionne. Et j'aimerais peut-être avoir vos opinions
là-dessus et voir si la Bourse a fait elle-même un certain travail
dans ce domaine.
Le Président (M. Camden): M. Motulski. (12 heures)
M. Motulski (Bernard): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, je vous remercie de poser la question, parce que vous touchez une
préoccupation importante de la Bourse de Montréal, qui a toujours
eu et qui continue à avoir, je pense, comme mission première
d'aider au financement des entreprises québécoises. D'ailleurs,
je rappelle, pour ceux qui l'auraient oublié, que jusqu'en 1973 il y
avait deux Bourses à Montréal. Il y avait la Bourse de
Montréal et la Bourse canadienne qui était beaucoup plus une
Bourse de compagnies plus spéculatives ou plus à des stades de
démarrage. Donc, on partage avec vous, Mme la ministre, le constat d'un
besoin de trouver à combler un certain fossé qui existe à
l'heure actuelle entre le financement sous forme de capital de risque, qui est
effectué soit par des sociétés de capital de risque, soit
par des institutions telles que la Caisse de dépôt, le Fonds de
solidarité, investissement Desjardins, la Banque fédérale
de développement, la Société de développement
industriel, et le marché bour- sier beaucoup plus traditionnel au sens
où il existe à l'heure actuelle, qui est un marché qui est
peut-être plus favorable aux entreprises qui ont atteint une certaine
taille.
Ceci dit, on constate que depuis 1987 il y a eu des grands
bouleversements dans le marché boursier. Entre autres, au milieu des
années quatre-vingt, la majorité des transactions provenaient des
individus. Aujourd'hui, à la Bourse de Montréal, on a plus de 60
% de nos transactions qui proviennent des institutions. Alors, la
présence des institutions et vous l'avez sans doute vu dans la
série d'articles de presse sur l'impact que les caisses de retraite
peuvent avoir sur les institutions dont elles sont actionnaires
ça a un effet sur le marché. Il y a un certain nombre
d'institutions qui sont devenues actionnaires ou partenaires de
sociétés en phase de développement. Et la perspective de
trouver le moyen pour permettre à ces entreprises en
développement, à ces PME, d'aller chercher un capital
supplémentaire tout en conservant la présence des institutions
devrait être une voie, je pense, qu'on pourrait étudier de
façon un peu plus approfondie.
Ça pose toute une série de questions. La question est
d'abord de trouver des intermédiaires qui sont intéressés
à ce marché-là. Et il y a certains de nos membres que
ça intéresse, mais, bien sûr, pas tous nos membres. Dans la
mesure où il y a une volonté collective à la fois des
institutions, des dirigeants d'entreprise et des intermédiaires, on
pense qu'il y a un marché qui peut être intéressant. Quand
on regarde la performance des indices d'entreprise qu'on qualifie à
faible capitalisation, l'année dernière, cette performance a
été bien supérieure à la performance de l'ensemble
du marché canadien, de l'indice XXM ou du TSE.
C'est donc une avenue dans laquelle il y a une solution. Je pense que
l'énoncé de politique pose de façon assez précise
la question. La réponse... La Bourse s'est penchée sur la
question; on n'a pas la réponse précise, mais on pense que les
conditions sont assez favorables pour pouvoir développer un instrument
ou un lieu de rassemblement entre des investisseurs potentiels et des
entreprises qui sont à des phases préliminaires
d'activité. Pas aux phases de démarrage parce que, là, on
a déjà, je pense, des instruments qui sont capables d'intervenir,
mais à la phase intermédiaire après les trois ans, cinq
ans de phase de démarrage.
Je veux, en terminant, rappeler que les critères d'accès
à la Bourse de Montréal sont extrêmement souples, et que
ces entreprises-là, en principe, peuvent s'inscrire à la Bourse
de Montréal si on prend les critères actuels où on exige 1
000 000 $ d'actif comme base minimale. Alors, la Bourse n'est pas favorable
à la création d'un marché ou d'une Bourse
parallèle. On pense qu'avec l'infrastructure que la communauté
québécoise s'est donnée avec sa Bourse on a tous les
moyens pour offrir un produit comme celui-là. Il s'agit de voir quelles
sont les conditions par lesquelles on peut faciliter un certain rapprochement
entre investisseurs et émetteurs. Je vous remercie.
Le Président (M. Camden): Mme la ministre.
Mme Robic: Oui. Merci, M. Motulski. Pour revenir aux centres
financiers internationaux, vous mentionnez dans votre mémoire qu'il
existe des difficultés d'interprétation et d'application de la
législation sur les CFI en vue d'apporter... Et vous mentionnez le
besoin d'apporter certains amendements. J'aimerais que vous nous illustriez
certains des problèmes que pose la définition actuelle des
transactions autorisées. Et est-ce que vous croyez que la Loi sur les
impôts est toujours le bon véhicule pour servir de base au
programme CFI?
Le Président (M. Camden): M. Laflamme.
M. Laflamme: Merci. Mme la ministre, l'avantage de la loi de
l'impôt comme véhicule pour agir comme incitatif à ce
secteur d'activité là, c'est qu'effectivement vous
appelons ça une subvention ne subventionnez que si l'entreprise
est établie à Montréal, et uniquement sur ses profits.
Donc, elle doit d'abord être en opération sérieusement et
réaliser des profits avant que le gouvernement du Québec ne mette
en place ses avantages fiscaux. Donc, il nous apparaît que c'est le
véhicule, sinon un des meilleurs véhicules, que le gouvernement
peut utiliser pour passer ses incitatifs.
Quant à la législation elle-même, nous n'avons pas
voulu, dans le document, aller trop dans les détails techniques. On
parle d'assouplissement, on parle aussi de précision. À titre
d'exemple, on dit que le terme «va ur» est décrit dans la
législation fiscale, est défini, et il réfère
notamment à la définition de valeur assujettie aux fins de la Loi
sur les valeurs mobilières. Sauf que, par voie technique, il semble que
les options sur des valeurs synthétiques, bien qu'en principe la
Commission des valeurs mobilières, en vertu de l'article 4.1, se croie
liée pour les superviser, techniquement, elles ne sont pas incluses
à la définition de «valeur» à l'article 1 de
la loi des valeurs mobilières. Alors, appelons ça des ajustements
techniques qui assoupliraient l'application et, dans certains cas, pourraient
même créer, dans un cas précis, la venue d'un CFI;
peut-être pas un majeur, mais un CFI. On parle, entre autres, d'options
sur denrées. Alors, comme vous le savez, la Bourse de Montréal a
beaucoup de produits synthétiques depuis quelques années, qui
n'étaient pas en place à l'époque où la loi avait
été rédigée. Alors, c'est peut-être tout
simplement une mise à jour plus que quelque chose de majeur.
Mme Robic: Merci.
Le Président (M. Camden): Mme la ministre.
Mme Robic: II paraît que j'ai fini.
Le Président (M. Camden): Non, vous avez encore 70
secondes.
Mme Robic: D'accord. Alors, ça a rapport directement avec
votre recommandation 3...
M. Laflamme: La recommandation no 7, Mme la ministre.
Mme Robic: ...qui dit... qui a besoin d'harmonisation, là,
et tout ça.
M. Laflamme: Voilà.
Mme Robic: Merci beaucoup.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Oui, M. le Président. On a parlé de la
Bourse. Je ne sais pas si vous avez... En étudiant les propositions du
gouvernement, avez-vous étudié la question de l'arbitrage en
valeurs mobilières? Et, si oui, avez-vous des commentaires sur les
propositions de la page 29 de l'étude?
M. Motulski: Ce que je peux vous mentionner en ce qui concerne
l'arbitrage, c'est que nous travaillons au sein d'un comité. Un de mes
collègues, vice-président aux affaires juridiques, est membre
d'un comité qui travaille sur les questions d'arbitrage avec la
Commission des valeurs mobilières, et je pense que l'ACCOVAM est
également membre de ce comité. La Bourse n'est pas en mesure de
prendre une position ferme. Je pense qu'en principe le fait que l'on participe
à des travaux sur la mise en place de structures d'arbitrage c'est un
élément positif. L'arbitrage, c'est un peu comme la vertu. Je
pense que tout le monde est pour l'allégement du règlement des
différends qui peuvent exister, surtout dans un domaine comme
celui-là.
M. Holden: Sauf les avocats. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Motulski: II y a des questions, je pense, fondamentales qui se
posent, entre autres sur le financement du processus d'arbitrage. Si
l'arbitrage est trop accessible, le processus risque d'être
débordé. Si l'arbitrage est financièrement difficilement
accessible, à ce moment-là, il ne règle pas la solution.
Mais je pense que sur le principe on travaille dans cette direction.
M. Holden: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Camden): C'est complété?
Alors, est-ce que vous avez un commentaire final, Mme
la ministre? Et il sera suivi de... (12 h 10)
Mme Robic: Oui. Merci, M. le Président. Encore une fois,
je dis que je suis heureuse que vous ayez consenti à venir
présenter un mémoire. Je pense que tout le monde se trouve mieux
renseigné après vous avoir écoutés. Et je dois vous
dire que vous avez mon appui entier. Si on peut trouver des moyens pour
stimuler ces centres-là, nous allons le faire et encourager les gens
à venir s'installer chez nous. On est en compétition avec des
villes assez importantes, tout de même, et vous avez bien réussi
jusqu'à aujourd'hui, et on espère que ça va continuer.
C'est assez excitant de voir le travail qui est fait au niveau de l'Institut,
et c'est absolument une initiative essentielle, hein. Si on veut faire face
à la globalisation, il faut qu'on ait des gens bien formés dans
tous les domaines. Mais on sait que les secteurs financiers, au niveau de la
globalisation, vont avoir un rôle primordial à jouer, essentiel.
Alors, on vous félicite. Et, encore là, vous pouvez compter sur
notre appui.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Westmount, vous avez quelques commentaires finaux?
M. Holden: Oui. Je suis d'accord avec la ministre. Ça n'a
pas été souvent aujourd'hui, mais...
Mme Robic: Vous allez finir par comprendre.
M. Holden: On va finir par s'entendre sur les bonnes... Merci, M.
le Président, et merci à nos visiteurs.
Le Président (M. Camden): Sans doute vous êtes vous
déjà entendus sur certaines options mais, évidemment, dans
le temps, ça a différé! Ha, ha, ha! Évidemment, on
remercie les représentants de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain pour leur présentation et leur collaboration
à la solution des problèmes. Alors, on vous remercie et on vous
souhaite une bonne fin de journée. Et, sur ce, évidemment, la
commission suspend ses travaux à cet après-midi, 15 heures. Et on
m'indique qu'il devrait y avoir un avis du leader du gouvernement indiquant que
les travaux de la commission devront se poursuivre à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine.
Mme Robic: Donc, on change d'endroit, M. le Président?
Le Président (M. Camden): Oui.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses
travaux pour consultation générale et audi- tions publiques sur
«L'appui au secteur financier: des dividendes pour le
Québec». Nous avons, à la table des témoins,
l'Association des compagnies de ficucie du Canada. Je demanderais au
représentant de cette Association de bien vouloir s'identifier,
d'identifier les gens qui l'accompagnent, et, par la suite, je vous ferai
état du déroulement de la procédure parlementaire. S'il
vous plaît.
Association des compagnies de fiducie du
Canada
M. Bachand (Jean-Claude): M. le Président, merci. Je me
nomme Jean-Claude Bachand, je suis vice-président exécutif du
Montréal Trust et je représente aujourd'hui l'Association.
À ma gauche, Mme Brigitte Goulard, qui est analyste principale des
politiques aux services juridiques de l'Association des compagnies de fiducie
du Canada, et, à ma droite, M. André Forest, le président
de la section Québec de l'Association des compagnies de fiducie.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Bachand.
Alors, le déroulement est de la façon suivante: nous disposons
globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire; suivra, entre les deux formations politiques, un échange
avec votre Association, pour une durée totale de 40 minutes; 20 minutes
pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition.
Nous sommes prêts immédiatement à vous écouter
relativement à l'exposé de votre mémoire.
M. Bachand: Merci, M. le Président. Mes collègues
et moi sommes heureux, mesdames et messieurs, d'être ici aujourd'hui pour
présenter le commentaire de l'Association des compagnies de fiducie sur
le document présenté par la ministre
déléguée aux Finances relatif à des propositions
politiques pour le secteur financier du Québec. Avec plus de 35 000
employés dans tout le Canada, le total des actifs des
sociétés de fiducie atteint les 150 000 000 000 $ et le total des
actifs sous administration, 350 000 000 000 $. Il y a plus de 30
sociétés de fiducie qui opèrent au Québec, soit
avec une charte québécoise ou autre, et contrôlent un
nombre de dépôts de l'ordre de 15 000 000 000 $ au
Québec.
Le gouvernement du Québec, qui a été un pionnier de
la réforme de l'industrie des services financiers au cours des ans n'a
jamais hésité à adapter son cadre de réglementation
pour qu'il reflète adéquatement l'évolution de ce secteur.
L'Association loue l'initiative du gouvernement du Québec qui, encore
une fois, sait reconnaître les changements que traverse l'industrie et
adapter au contexte nouveau les moyens d'action existants.
Nos commentaires visent en fait à appuyer, dans la mesure de nos
moyens, le gouvernement du Québec et la ministre
déléguée aux Finances dans la poursuite de ses objectifs
et l'assurer de notre coopération à cet
effet. On nous a d'ailleurs informé, M. le Président,
qu'une étude plus détaillée portant sur l'examen
quinquennal de la Loi sur les sociétés de fiducie et les
sociétés d'épargne serait présentée en juin
et nous présenterons alors à ce moment-là nos commentaires
de nature plus technique sur cette loi qui affectera plus spécifiquement
l'industrie fiduciaire.
L'industrie des services financiers, M. le Président, subira des
transformations profondes au cours des années à venir. Nous
continuerons certainement à assister à une fusion croissante des
fonctions traditionnellement assurées par les banques, les fiducies, les
compagnies d'assurances et de courtage en valeurs mobilières, qui
déjà est commencée depuis longtemps mais qui s'accentuera
encore. Ce mouvement s'est déjà manifesté, à la
fois par un élargissement des pouvoirs directement exercés par
chaque catégorie d'institutions, aussi certainement que par
l'acquisition de sociétés affiliées évoluant dans
les autres piliers, tel qu'illustré récemment de façon
plus dramatique par les acquisitions par des banques à charte
d'importantes sociétés de fiducie.
D'autre part les progrès de la technologie et des communications
contribuent également de plus en plus à ouvrir le marché
canadien aux institutions financières étrangères, tout
comme ils permettent aux Canadiens d'avoir accès à des produits
et services offerts hors des frontières du Canada. Cette
évolution de la technologie et des communications a suscité la
création de nouveaux produits et services et l'adoption de
méthodes nouvelles et plus efficaces de distribution des services
financiers. Les cartes de débit, les transactions bancaires à
domicile, -. gestion de portefeuille informatisée, la
dématériali-saticn de valeurs mobilières ne constituent
que quelques exemples de ces innovations. D'autres produits, comme les fonds
communs de placement, concurrencent maintenant les dépôts à
demande et à terme, et forceront certainement les intermédiaires
financiers à se repositionner à la lumière d'un contexte
nouveau. Toutes ces transformations et innovations technologiques placent sans
aucun doute les institutions de dépôt, et particulièrement
les sociétés de fiducie, devant de redoutables défis sur
le plan des affaires et de la concurrence, et, quant à certaines d'entre
elles, sur le plan même de leur survie.
M. le Président et Mme la ministre, l'Association des compagnies
de fiducie il est important de le souligner appuie la grande
majorité des orientations définies dans le document et
certainement en particulier les efforts déployés par le
gouvernement du Québec en vue de promouvoir l'harmonisation des
législations régissant les institutions financières.
L'harmonisation de ces lois et l'harmonisation des lois régissant plus
particulièrement les sociétés de fiducie à la
législation bancaire est essentielle au succès des
sociétés de fiducie. C'est essentiel et indispensable, non
seulement pour établir des règles du jeu équitables entre
les divers intervenants de l'industrie, mais également pour rationaliser
le cadre de réglementation qui étouffe présentement notre
industrie et qui nous place certainement dans une situation très
difficile par rapport aux banques à charte qui ont l'immense avantage,
à ce point-là, de n'avoir à traiter que dans un seul cadre
de réglementation, avec un seul patron, pour toutes leurs
opérations canadiennes.
La création proposée d'ailleurs à cet effet d'un
espace financier canadien est, dans ce contexte, une notion intéressante
qui doit être poursuivie. Nous n'entretenons cependant aucune illusion
quant aux difficultés inhérentes à sa réalisation
qui dépend de la volonté d'autres gouvernements d'adopter des
régimes semblables. La proposition du Québec se bute surtout
à ce qu'on appelle communément l'«equals' approach»
de l'Ontario, cette approche en vertu de laquelle les sociétés de
fiducie ayant des opérations en Ontario sont tenues d'appliquer les
règles de l'Ontario à l'ensemble de leurs opérations au
Canada. Ainsi, toute société de fiducie québécoise
ou fédérale qui opère en Ontario serait incapable de
profiter, comme elle l'est maintenant, de l'approche préconisée
par le Québec, et toute réforme québécoise se
heurte dès le départ à cette volonté de l'Ontario
de contrôler l'existence même des sociétés de fiducie
y opérant. D'autre part, la proposition du Québec destinée
à répartir et on parle encore une fois de proposition
relativement à l'espace financier canadien les tâches de
supervision et de contrôle entre l'organisme de surveillance de la
juridiction d'origine, d'une part, de l'institution et celui de la juridiction
autre pourrait ne pas être acceptable aux autres gouvernements. bien que
nous croyons qu'il sera en pratique difficile de mettre en oeuvre cette
proposition, nous encourageons certainement le gouvernement du québec
à continuer de promouvoir l'harmonisation dans ses pourparlers avec les
autres gouvernements et à exercer les pressions politiques requises pour
amener l'ontario à abandonner i'«equals' approach». si
seulement cet aspect de l'harmonisation était résolu, 90 % des
problèmes qu'on a seraient réglés
immédiatement.
D'ailleurs, nous en profitons pour féliciter certainement le
bureau de la ministre et également le bureau de l'Inspecteur
général. Tous les échos encore une fois c'est
l'Association des compagnies de fiducie du Canada qui parle que nous
avons, de toutes les rencontres interprovinciales qui ont eu lieu depuis
plusieurs années visant l'harmonisation, font certainement part de la
présence très active du Québec dans ces discussions, tant
au niveau de la ministre qu'au niveau de l'Inspecteur général, du
rôle de leadership que nous jouons dans ces différentes
discussions. Premier régime de commentaires, donc.
Plus spécifiquement maintenant, quant à deux points, nos
commentaires quant à certaines autres propositions du document, et
surtout principalement l'accès à la Caisse canadienne de
dépôts de valeurs je pense que tout le monde est d'accord
avec ça, il n'y a pas de problème mais, étant
donné on voudrait simplement le souligner que les dates du
transfert des obligations du Canada à cette caisse centrale sont
prévues pour début septembre 1993, il est impératif que
les obstacles à la participation à cette caisse des
institutions
de dépôt du Québec soit supprimés aussi
rapidement que possible. Nous faisons référence
particulièrement, bien sûr, à la prohibition actuelle des
nantissements d'actifs pour les fins de compensation, qui pourraient
certainement être abolis, nous le présumons, par voie de
règlement. Encore une fois, c'est un nouveau produit qui rejoint, comme
on le disait, la dématérialisation des valeurs mobilières
dans laquelle les sociétés de fiducie sont très actives
elles-mêmes.
Finalement, M. le Président, l'Association et ce sera la
plus large partie de nos commentaires appuie, bien sûr, toutes les
propositions du gouvernement relatives au renforcement de la stabilité
du secteur financier. Non seulement il y va de l'intérêt du
consommateur et du public, mais il y va également de
l'intérêt premier des institutions financières
elles-mêmes, dont le seul actif véritable, rappelons-le toujours,
est la confiance et l'image de stabilité qu'elles projettent aux yeux du
public. Toute atteinte à cette confiance ou tout doute quant à la
santé d'une institution financière aura, comme nous l'avons vu
dans le passé récent, des répercussions inévitables
sur la santé de l'institution financière elle-même. (17 h
10)
Nous appuyons donc plus particulièrement toutes les propositions
relatives à l'adoption de normes de capitalisation fondées sur
des principes internationalement reconnus, permettant non seulement aux
institutions financières québécoises de profiter de
règles du jeu équitables par rapport aux institutions
fédérales, mais renforçant également leur
capacité de soutenir la concurrence sur le marché international.
D'ailleurs, en fait, il n'y a pas de choix. Toute institution financière
d'envergure, maintenant, ne serait-ce que par les emprunts qu'elle fait
à l'étranger et la nécessité d'obtenir des
«ratings» des principales agences, indépendamment que ces
nouvelles normes de capitalisation qui sont basées sur celles de la
Banque des règlements internationaux ne soient pas encore
légalement en place au niveau québécois ni au niveau de
l'Ontario... D'ailleurs, de toute façon, vous êtes obligés
de leur fournir les chiffres comme si elles étaient en place et de leur
dire quels sont vos ratios selon les règles de la Banque des
règlements internationaux. Alors, il n'y a pas de choix, et nous pensons
que ce serait très important d'officialiser la pratique pour les
institutions, en tout cas les plus importantes.
Nous sommes également tout à fait d'accord avec le projet
d'établissement, entre guillemets, de normes de pratique commerciales et
financières saines qui seraient émises à l'intention des
institutions de dépôt autorisées à exercer leurs
activités au Québec. Dans le respect du souci d'harmonisation
déjà évoqué, il serait essentiel que ces normes
soient le plus possible semblables aux normes déjà
élaborées par la Société
d'assurance-dépôts du Canada qui, elles-mêmes, ont
été élaborées à la suite de consultations
approfondies avec l'industrie, et dont les principes ont déjà
reçu d'ailleurs l'appui de l'Association des compagnies de fiducie. Il y
a un grand nombre de ces codes de pratique commerciale sur la gestion des
risques de change, du portefeuille de titres, des liquidités, la gestion
du risque de crédit, l'évaluation de biens immobiliers et autres
qui ont déjà été publiés et qui sont
déjà en place actuellement.
Un manque d'uniformité entre ces normes et celles du
Québec entraînerait un traitement inégal des
sociétés membres de la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec et la Société
d'assurance-dépôts du Canada en plus, bien sûr, d'engendrer
une confusion et une hausse des coûts inhérents au respect de la
réglementation d'un ensemble de normes différentes. D'ailleurs,
toutes ces normes, quelles qu'elles soient, quand elles sont
élaborées en consultation avec l'industrie, sont très
souvent, et dans la très grande majorité des cas, des normes qui
sont déjà suivies par des institutions fiables et stables et qui
ne viennent donc révolutionner en rien mais qui viennent imposer un
cadre beaucoup plus réglementaire pour la poursuite d'activités
de sociétés qui seraient peut-être moins importantes.
Enfin, le gouvernement du Québec et ce sont les
commentaires que nous voulions faire peut-être avant de répondre
à certaines questions se propose également d'accorder
à l'Inspecteur général de nouveaux pouvoirs de
surveillance. Étant donné que nous ne connaissons pas
précisément encore quelle sera la nature de ces pouvoirs, il est
trop tôt pour se prononcer, ce que nous ferons cependant, bien sûr,
à l'occasion de la présentation d'études plus
détaillées en juin à laquelle nous avons fait
référence plus tôt.
Quelques commentaires d'ordre général pourraient cependant
être utiles à ce stade-ci. D'une part, l'Association a toujours
préconisé la nécessité de pouvoirs de surveillance
forts et bien structurés, avec tous les outils pour assurer, autant pour
le bien du public, encore une fois, que pour le bien de l'industrie, le respect
de la loi et des règlements. La possibilité de faire appel
à l'épargne publique est un privilège qui doit
nécessairement être accompagné de balises et de normes pour
assurer la protection de tous ceux qui confient leurs économies à
ces institutions.
Par exemple, l'Association des compagnies de fiducie a été
très active dans l'élaboration de certaines normes au niveau
fédéral, au niveau québécois et au niveau de
l'Ontario relativement, par exemple, à l'interdiction pour les
sociétés de faire des transactions avec ce qu'on appelle les
parties liées ou les parties intéressées, selon les lois,
c'est-à-dire tous ceux qui ont ou peuvent avoir une influence sur le
déroulement des activités de l'industrie. Nous sommes d'accord
avec ces règles-là, nous les avons supportées et nous les
supporterons encore. Et c'est l'exemple de pouvoirs très forts qui sont
là et avec lesquels nous sommes entièrement d'accord. Il y va
d'ailleurs c'est très simple de l'intérêt
même des institutions de dépôt, dont le seul actif
véritable, à cause des multiples capitalisations qu'elles
opèrent et qui caractérisent leurs opérations: la
confiance, on l'a dit, on le répète et l'image de
stabilité qu'elles projettent dans le public... Comme nous l'avons
trop
bien connu au cours des dernières années, les
problèmes de toute institution financière en difficulté
ont des répercussions inévitables sur les intervenants, les
autres intervenants dans la même industrie et c'est pourquoi
l'Association, non seulement dans l'intérêt du public, encore une
fois, mais dans son intérêt propre, a toujours appuyé ces
propositions visant le renforcement des pouvoirs des organismes de surveillance
dans des cadres, bien sûr, bien définis que nous aurons l'occasion
de commenter ci-après. Commentaire no 1.
Deuxième commentaire, encore une fois, quant au renforcement des
pouvoirs relativement à la stabilité. Le nouveau pouvoir de
restructuration que l'on se proposerait par exemple d'accorder à
l'Inspecteur général dans le document de consultation ressemble
beaucoup, à certains égards, au mécanisme de
restructuration des institutions financières qui a récemment
été adopté dans la Loi sur la Société
d'assurance-dépôts du Canada et dont les principes ont reçu
l'appui de l'Association. Vous savez, c'est cette intervention exceptionnelle
qui permet maintenant au gouvernement au niveau fédéral, et donc
uniquement les organismes qui sont sous la juridiction fédérale,
d'intervenir et même, en certains cas, d'exproprier dans des cas ultimes
l'institution pour le bien du public. Trop souvent, au cours des
dernières années, et plusieurs de nos membres en ont
été malheureusement les victimes, on a dû vivre des
expériences pénibles où un mariage proposé entre
une institution saine et une institution en difficulté, qui aurait pu
être salutaire à tous, a en fait avorté à cause des
actionnaires ou des créanciers d'institutions malades qui jugeaient par
xemple le prix insuffisant. Quelques semaines plus tard ou quelques mois plus
tard, on se rendait compte que, de toute façon, les mariages
proposés devaient être en fait acceptés, devraient
être forcés, soit à cause d'une faillite, soit à
cause d'autres restructurations, mais à des coûts, autant pour les
institutions en cause que pour les pouvoirs publics qui devaient intervenir
à ces moments-là, tout autres que ce qu'ils auraient
été si les pouvoirs publics avaient eu l'occasion d'intervenir
dans ces circonstances-là. Rappelons toujours que l'institution
financière de dépôts en difficulté est non seulement
un bien endommagé, c'est un bien périssable et la protection du
public doit primer dans ces cas.
Nous sommes bien conscients que le gouvernement, actuellement, ne le
propose pas nécessairement, mais l'évoque, et on voulait
simplement vous faire part de certains commentaires, Mme la ministre, à
ce point-ci.
Troisièmement, nous sommes également d'accord dans ce
contexte avec l'énoncé du document quant à l'importance
d'une répartition claire des responsabilités entre les organismes
de réglementation, le gouvernement, de surveillance, l'Inspecteur
général, et d'indemnisation, en ce qui nous concerne, la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec. Toute
imprécision dans ce domaine, tout chevauchement des interventions, toute
duplication de responsabilités ne peuvent que créer des
incertitudes néfastes et causer des problèmes analogues à
ceux que cause le manque d'harmonisation que nous vivons présentement en
matière de conflit entre les différentes législations.
Quatrièmement, quant à la nature discrétionnaire de
certains des pouvoirs de surveillance que le gouvernement se proposerait
d'accorder à l'Inspecteur général, il s'agirait
d'être très prudent. Tout en reconnaissant que l'organisme de
surveillance doit disposer de certains pouvoirs discrétionnaires,
notamment dans le contexte d'un régime de suffisance de capital
pondéré en fonction du risque, il faut, dans toute la mesure du
possible, que soit précisée et divulguée à l'avance
toute règle utilisée pour orienter les pratiques
financières ou commerciales des institutions financières, ce qui
permettra d'ailleurs aux institutions d'adapter leur comportement à des
règles qui ne seraient pas arbitraires ou suggestives. C'est comme un
match de hockey, je pense que les joueurs doivent savoir si l'arbitre va,
durant le match, interdire les accrochages ou pas parce que l'absence de ces
règles et la trop grande discrétion pourraient créer
beaucoup de frustrations. Un pouvoir discrétionnaire trop grand en
matière de supervision pourrait non seulement vouloir dire en pratique
que l'organisme de surveillance exerce un contrôle sur l'existence
même d'une société, mais il pourrait, dans certains cas
également, entraver l'esprit novateur au sein d'une entreprise en
introduisant un élément d'incertitude dans la prise de
décision commerciales. (17 h 20)
Je pense qu'il convient ici immédiatement de dire que c'est
exactement la même position que l'Association a prise avec les organismes
de surveillance fédéraux et, au cas où ça aurait
besoin d'être précisé, l'importance de ne pas avoir trop de
règles discrétionnaires ne vient remettre en aucune façon
actuellement la compétence ou les interventions actuelles du bureau de
l'Inspecteur général actuel. Mais je pense que nos commentaires
doivent être faits en fonction du fait que les structures existent, que
les responsables changent et qu'on n'aura pas nécessairement toujours
des gens dans le bureau de l'Inspecteur qui sont aussi compétents et
aussi connaissants de la loi que ceux que nous avons présentement.
Enfin, et je pense que c'est important, toute intervention ou tout
pouvoir qui pourrait affecter la survie même d'une institution devrait
être exercé par le gouvernement, sur avis de l'organisme de
surveillance, bien sûr, ou à tout le moins, si on l'exprime
autrement, toute décision de l'organisme de surveillance qui pourrait
affecter la survie même d'une institution devrait être soumise
à un pouvoir de révision de la ministre. Les institutions
financières de dépôt et, si c'est la
troisième fois qu'on le répète, c'est parce que c'est trop
important et on l'a trop vécu opèrent dans un contexte de
vulnérabilité permanente quant à la confiance qu'on leur
témoigne et, souvent, peu de choses peuvent briser cette confiance. La
suspension temporaire d'un permis d'opérer, sa continuation sur une base
temporaire ou bien sur le retrait du permis ont des répercussions
immédiates qui sont toujours presque
mortelles, à cause de la perte immédiate de confiance que
ces gestes entraînent et qui ne se renouvelleront pas. Ça prend
des années, comme pour les individus, aux institutions
financières à se faire une réputation. Ça prend des
journées à la perdre et ça ne revient pas. Par exemple, la
législation à laquelle nous avons fait...
Le Président (M. Lemieux): Je vais vous permettre de
conclure, si c'est possible.
M. Bachand: Oui, j'en ai pour trois minutes exactement, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Trois minutes? Alors, on va
enlever ces trois minutes-là au député de Westmount. On
n'aura pas de problème.
M. Bachand: Ah! Je ne voudrais pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bachand: Avec votre permission.
Le Président (M. Lemieux): Trois minutes.
M. Bachand: Par exemple, dans la législation à
laquelle nous avons fait référence tout à l'heure, qui est
le pouvoir de restructuration et le pouvoir de redressement des entreprises, on
a veillé, au fédéral, à ce que ces pouvoirs soient
utilisés de façon judicieuse en précisant que le pouvoir
ne pouvait être exercé qu'au terme d'un examen faisant intervenir
le Surintendant des institutions financières, la Société
d'assurance-dépôts, le ministre des Finances et même le
gouverneur en conseil. Nous soutenons que tel pouvoir de restructuration,
encore une fois, tout pouvoir qui peut mettre en danger la vie d'une
institution financière doit être soumis à un processus
d'examen semblable.
Finalement, M. le Président, en terminant, nous tenons encore une
fois à féliciter le gouvernement du Québec pour avoir de
nouveau démontré son leadership en reconnaissant la
nécessité d'adapter la loi à l'évolution de
l'industrie des services financiers au Canada. Nous encourageons le
gouvernement québécois à poursuivre ses initiatives et
attendons avec intérêt la publication du document de consultation
au mois de juin, plus précisément relative aux
sociétés de fiducie, et on peut vous assurer et assurer tous les
membres de cette commission de notre entière disponibilité et de
notre entière coopération à cet effet. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Bachand. Mme la
ministre, la parole est maintenant à vous.
Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président,
c'est toujours un plaisir d'écouter des gens nous faire une
présentation d'un mémoire d'une façon aussi claire, aussi
limpide, avec...
Le Président (M. Lemieux): Vous avez aimé la
conclusion, Mme la ministre.
Mme Robic: J'ai aimé toute la présentation, M. le
Président. Je veux vous remercier de vos bons mots, d'ailleurs, et de
l'appui que vous nous donnez dans cette démarche. D'ailleurs, vous avez
confirmé, par certaines de vos remarques, cet après-midi,
certaines choses que j'ai dites, ce matin, à mon confrère. Alors,
c'est doublement un plaisir d'entendre des experts.
Vous nous dites que votre plus grande préoccupation, bien
sûr, c'est au niveau... Vous aimez le concept de l'espace financier
canadien et vous nous dites que l'harmonisation doit être une de nos
priorités. Et vous comprendrez, et vous avez vu par notre document que,
pour nous, c'est une priorité. Ce matin, on nous disait que, cependant,
ce serait une opération tout à fait difficile à accomplir
puisqu'il semblait qu'il n'y avait que la volonté du Québec
à arriver à cette harmonisation. Moi, je crois que c'est
possible, parce que nous réalisons la nécessité, pour nos
institutions financières, d'opérer dans un espace canadien, sinon
international, de façon la plus efficace possible, avec des coûts
les moins élevés possibles. Donc, j'ai l'impression qu'on ne doit
pas être les seuls, c'est à l'international qu'on se rend compte
du besoin de s'harmoniser. Alors, moi, j'ai bon espoir que le restant du Canada
et le gouvernement canadien autant que les gouvernements provinciaux
désirent cette harmonisation. Vous avez raison, il y a cependant
l'Ontario qui s'accroche toujours à son «equals' approach».
Ce qu'on tente de faire avec la proposition qui est sur la table, c'est de
prouver à l'Ontario qu'ils n'ont pas besoin, pour se sécuriser,
de cet «equals' approach», que nous pouvons établir des
normes communes qui feraient en sorte, pour eux, de réaliser que ces
compagnies-là qui ne sont pas de chez eux, mais qui opèrent chez
eux, sont en bonne santé, parce qu'elles ont toutes à rencontrer
des normes qui sont communes. Donc, on croit que, si on réussit à
convaincre l'Ontario de cela, l'Ontario n'aura pas besoin de conserver son
«equals' approach». Et là-dedans, M. le député
de Westmount, je voudrais vous rappeler que nous avons l'appui du gouvernement
canadien qui, lui aussi, déplore cet «equals' approach».
Vous vous questionnez également sur... Vous vous dites curieux de
voir, quand on fait notre proposition d'espace financier canadien, qu'on
suggère trois groupes qui seraient harmonisés, mais
peut-êre de façon différente: un groupe qui serait
harmonisé, qui aurait des normes communes, d'autres qui pourraient
être harmonisés et d'autres, qu'on ne pourra pas
nécessairement harmoniser. Et là vous vous demandez un peu
comment ça va fonctionner tout ça. Alors, j'aimerais vous dire
que le respect des normes, des règles communes est une condition
d'accès à un marché provincial, tandis que, dans le cas
des règles harmonisées, ce sont les règles de la province
d'incorporation qui s'appliquent, sous réserve, bien sûr, du fait
qu'elles soient cohérentes avec les autres régimes existants, et
qu'elles n'affectent pas la concurrence sur un même marché
provincial. Alors, on pense que ça nous donne la souplesse
nécessaire à faire un premier pas au niveau de l'harmonisation.
Il y aura d'autres choses qu'on pourra harmoniser éventuellement, mais,
suite à de nombreuses rencontres, on croit qu'on a bien
écouté nos confrères, et qu'on offre ici une position qui
n'est peut-être pas la position idéale, mais qui serait
peut-être plus facile à négocier en ce moment, ici.
Vous parlez également du besoin de nos institutions
financières de pouvoir profiter de la Caisse canadienne de
dépôts. On est tout à fait d'accord avec vous. Nous tentons
de négocier pour que toutes nos institutions financières puissent
en faire partie. On en a mentionné une en particulier, parce que c'est
certainement la plus grosse, et on est tout à fait d'accord avec vous,
c'est de créer un «level playing field», c'en est un. Alors,
là-dessus, vous pouvez compter sur nous. Nous tentons de trouver la
solution à cela, et je pense qu'on est sur la bonne voie en ce moment.
(17 h 30)
Quant aux pouvoirs de l'Inspecteur, nous sommes en consultation. Je
pense qu'il est important de réaliser que c'est une consultation. On n'a
pas voulu aller trop loin dans tout ce domaine-là. On voulait
plutôt vous écouter. Cependant, j'aimerais vous rappeler ici qu'on
accorde également des pouvoirs accrus aux compagnies, aux dirigeants de
compagnie. Vous avez des pouvoirs au niveau des placements qui sont
élargis et, bien sûr, on tente de vous responsabiliser de plus en
plus, de faire en sorte que vous puissiez vous autoréglementer. Mais, en
contrepartie, bien sûr, nous voulons nous assurer que le bur au de
l'Inspecteur général est bien armé pour agir si bescm
était. S'il y avait découverte d'un manque flagrant de
responsabilité chez une institution, il faudrait que l'Inspecteur puisse
agir, et agir d'une façon assez ferme. Il y a certaines personnes qui
nous ont dit que, pour elles, le rôle de prévention était
peut-être moins nécessaire que le rôle d'agir à la
fin du processus quand la compagnie est moribonde. Moi, je ne suis pas tout
à fait d'accord avec ça. Je pense que le rôle de
l'Inspecteur, son premier rôle, c'est un rôle de prévention.
Ça peut être agaçant, ça, pour des compagnies, parce
que vous allez peut-être nous dire qu'on est là quand tout va
bien, mais, si on ne va pas voir, on ne saura pas si ça va bien ou si
ça va mal. Alors, il y a ce rôle-là que l'Inspecteur doit
jouer, et il doit avoir également plus que des moyens, des voeux pieux.
Il faut qu'il puisse avoir la possibilité d'obliger la compagnie
à agir, par exemple quand il force un plan de redressement. Et je
croyais que c'était important qu'il ait ces pouvoirs-là.
Quant au pouvoir de se faire superposer aux actionnaires, à un
moment donné, pour nous, tant pour l'Inspecteur que pour la ministre,
c'est un pouvoir qu'on aimerait avoir.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Robic: Mais, encore, c'est très fragile, ce
pouvoir-là, et ça peut, comme on l'a vu dans une certaine
instance, amener une compagnie à actionner le Surintendant en disant
qu'il avait agi trop rapidement ou dans les mauvais intérêts de la
compagnie. Alors, c'est très délicat.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Robic: J'ai
parlé beaucoup?
M. Holden: Est-ce que le groupe des fiducies veut prendre mon
temps pour répondre à la ministre ou pour réagir?
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, la façon
pour eux de répondre à Mme la ministre...
Mme Robic: II reviendra dans 10 minutes.
Le Président (M. Lemieux): ...comme Mme la ministre n'a
plus de temps, c'est que vous posiez une question et qu'ils répondent
à la fois à Mme la ministre et à vous-même.
M. Holden: Oui.
Mme Robic: Mais ils auront 10 minutes pour me revenir tout
à l'heure.
M. Holden: Oui, O.K.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Westmount, la parole est à vous.
M. Holden: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Et je ne peux pas guider, vous
comprendrez, les réponses ou la réponse que pourraient faire les
témoins.
M. Holden: Oui, c'est ça. J'aimerais apprendre un
peu...
Le Président (M. Lemieux): Mais je comprends votre
observation. Allez-y.
M. Holden: Maintenant, le malheur, c'est que je suis de la
vieille école, et j'ai toujours fait affaire avec les banques,
jusqu'à une couple d'année quand j'ai décidé... Le
monde me disait: Bon, allez à une compagnie de fiducie, vous avez de
bons services. J'ai choisi le Central Guarantee et ça n'a pas
été un gros succès.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: Alors, vous comprendrez que je n'ai pas tellement
d'expérience dans les compagnies de fiducie. Maintenant, parlons de la
situation de l'Ontario. Mme la ministre, vous avez dit qu'Ottawa déplore
aussi
le «equals' approach». Mme Robic: Oui.
M. Holden: Est-ce que quelqu'un a déjà
contesté ou songé à contester la constitutionnalité
de cette théorie de l'Ontario?
M. Bachand: C'est une excellente question. La réponse est
oui, d'abord.
M. Holden: Oui.
M. Bachand: D'ailleurs, il y avait des discussions, il y a
plusieurs années, quand le juge Estey, qui était de la Cour
suprême, était, à ce moment-là...
M. Holden: À ma compagnie de trust.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bachand: C'est ça. Mais il était
également...
M. Holden: II était le «chair...
M. Bachand: Oui, C'est ça. Il était
également actif au conseil d'administration de l'Association des
compagnies de fiducie. Et on avait eu une grande discussion à cet
effet-là. Je ne sais pas ce que les tribunaux diraient, mais
certainement que la question de la constitutionnalité de cette
approche-là avait été discutée. Et vous comprenez
que c'est difficile, pour des institutions ou un groupe d'institutions, de
contester judiciairement les autorités qui leur accordent des permis
d'opérer ou des permis de continuer à opérer. Finalement,
on avait tous, autant à des niveaux d'autres gouvernements
également, présumé que la méthode de la
consultation et la méthode des discussions était
préférable. Et c'est ce qui se fait actuellement et c'est ce qui
se prévoit.
Mais vous avez raison, M. le député de West-mount, le
fédéral est aussi très opposé à ça.
Et ça été discuté à de nombreuses reprises,
à tel point d'ailleurs corrigez-moi si je me trompe,
c'était dans un communiqué de presse récemment, ou dans
des journaux que la situation des compagnies de fiducie a
évoqué la possibilité que les sociétés de
fiducie puissent éventuellement pouvoir se convertir en banques à
charte, de l'annexe 2 ou 3, ou pour différentes raisons. Et une des
raisons principales, si ça ne se règle pas, c'est «to have
a level playing field with the banks» et avoir un seul niveau. Ce n'est
pas parce qu'il est moins bon ou meilleur à un endroit ou un autre, mais
en avoir 1 plutôt que 11, et surtout en avoir 1 plutôt que 2, si
vous incluez l'Ontario, pour permettre d'opérer dans tout le Canada.
Parce que, là, il y a un enchevêtrement de législations qui
est incroyable et qui fait que, quelquefois d'ailleurs, le bureau de
l'Inspecteur général est très au courant et compatit, je
dois dire, à nos problèmes dans des institutions de
fiducie qui opèrent à travers tout le Canada ou dans des
institutions de fiducie comme les plus importantes pour n'en mentionner
que deux, le Trust Royal et le Montreal Trust qui non seulement opèrent
à travers tout le Canada, mais opèrent avec deux compagnies de
fiducie, une à charte provinciale québécoise et une
à charte fédérale souvent, vous ne pouvez pas poser
un geste, vous êtes sûr que vous serez dans
l'illégalité quelque part. Et il faut essayer de manoeuvrer du
mieux qu'on peut avec la compréhension des autorités de tutelle
dans ces cas-là.
M. Holden: Vous avez mentionné 30 compagnies
incorporées au Québec.
M. Bachand: Non, 30 compagnies de fiducie qui
opèrent...
M. Holden: Qui opèrent? Oh! Vos compagnies
québécoises qui opèrent en Ontario, est-ce qu'il y en a un
grand nombre?
M. Bachand: Je n'ai pas le chiffre en tête, mais toutes les
compagnies, je pense... Peut-être qu'il n'y en pas un grand nombre. Je
peux citer le Montreal Trust, le Trust Général, avant qu'ils ne
vendent leur filiale ontarienne. Je ne pense pas que la fiducie Desjardins
opère en Ontario. C'est un problème qui affecte certaines des
plus importantes de ces fiducies. Évidemment, le Trust Royal
opère en Ontario également, le Montreal Trust, les plus
importantes. Ça affecte également au même niveau les
grandes sociétés de fiducie à charte
fédérale qui opèrent également au Québec et
en Ontario mais qui ont, au Québec, une compréhension qui est
différente de celle qu'elles peuvent avoir en Ontario, parce que le
Québec n'essaie pas de se substituer à la juridiction d'origine,
«the home juridiction» comme l'Ontario essaie de le faire
actuellement.
M. Holden: On ne discutera pas de l'harmonisation, parce que je
pense qu'on a des opinions différentes. Vous êtes un peu
sceptiques quant aux chances d'harmonisation selon le plan de la ministre,
n'est-ce pas?
M. Bachand: Encore une fois, nous encourageons fortement.
Ça va exactement dans le bon sens. On est un peu sceptiques parce que,
évidemment, le Québec ne peut pas opérer seul
là-dedans et, pour faire un espace financier canadien, ça prend
déjà des paramètres de base dans certains des secteurs que
la ministre mentionnait. Si on ne peut pas s'entendre sur quelque chose d'aussi
fondamental que l'«equals' approach» de l'Ontario, c'est difficile
d'imaginer qu'on va s'entendre à 11 juridictions. Mais il faut... (17 h
40)
M. Holden: On l'encourage pareil.
M. Bachand: ...toujours avoir espoir, absolument. ..
M. Holden: On l'encourage.
M. Bachand: ...et continuer le rôle de leadership que le
gouvernement du Québec a depuis le début dans ces
matières.
M. Holden: Dans votre mémoire, vous vous interrogez sur le
mécanisme de restructuration. Ça, c'est une institution
fédérale assez récente.
M. Bachand: Oui. Ce à quoi on faisait
référence non seulement dans le mémoire écrit, mais
dans les commentaires ici, c'est le pouvoir, finalement, qui est accordé
à la Société d'assurance-dépôts du Canada de
recommander, avec l'accord du Surintendant des institutions financières
à Ottawa, et le ministre des Finances, et le gouverneur en conseil, le
pouvoir, éventuellement, d'imposer non seulement des plans de
redressement aux institutions financières, mais de forcer la vente ou le
mariage entre des institutions financières malades et des institutions
financières saines. Alors, on fait référence à
ça en disant que si la ministre avait l'intention... Ce n'est pas
exprimé, on évoque la possibilité. On n'aurait pas
nécessairement d'objection de base parce que, encore une fois, on
répète qu'on a besoin et on reconnaît aux organismes de
surveillance et au gouvernement la nécessité, dans les cas
exceptionnels, dans l'intérêt du public, d'avoir des pouvoirs
forts pour permettre de solutionner des problèmes. Encore une fois, une
institution financière malade, ce n'est pas seulement endommagé,
c'est périssable. Plus vous attendez avec les sem; nés et les
mois, plus les dépôts se retirent, plus les gens ne
déposent pas et, en fin de compte, c'est finalement le public qui paie
par la voie des régimes d'indemnisation publics qui existent
actuellement.
M. Holden: Est-ce que vous verriez que la ministre crée
une institution similaire au Québec?
M. Bachand: On n'est pas opposé. Certainement, on n'est
pas opposé à l'existence de ces pouvoirs-là à
l'intérieur de balises bien déterminées. C'est
ça...
M. Holden: Vous l'avez mentionné tout à
l'heure.
M. Bachand: ...qui est quand même important, qui implique
plusieurs intervenants certainement.
Et, encore une fois, M. le député de Westmount, ce n'est
pas par altruisme uniquement, ce n'est pas que pour le bien public, c'est pour
l'industrie également parce que, quand on a des membres malades,
ça implique, en dernier ressort, des pertes pour les déposants ou
pour les créanciers ou des fonds publics; ça contamine toute
l'industrie, et c'est ça qu'il faut éviter.
M. Holden: Vous êtes au courant de la situation du Trust
Général et les négociations avec la Banque Nationale.
Justement, quand on parlait avec la ministre, elle trouvait que c'était
plus vite fait chez nous que selon le long processus du fédéral.
On espère qu'on va régler la situation du Trust
Général à peu près en arrière de la porte,
quoi! mais que ça ne se fera pas avec des soumissions et plusieurs
compagnies qui vont avoir un mot à dire là-dedans, selon le
système qu'on avait choisi au fédéral. Pas
nécessairement sur le cas du Trust Général, mais si une
compagnie est en difficulté, avez-vous des préférences
à savoir comment on règle le cas?
M. Bachand: Pour des raisons évidentes, on n'a aucun
commentaire à faire sur la situation du Trust Général,
mais je pense que chaque cas est un cas d'espèce. Chaque cas est un cas
très délicat. «You are damned if you do, damned if you do
not, in a lot of cases.» Et j'ai beaucoup de respect, je dois vous le
dire, pour les organismes de surveillance et les organismes politiques qui,
dans des cas similaires à ceux-là et d'autres cas au
fédéral que nous avons connus récemment, doivent
intervenir en essayant de marier les intérêts de tout le monde,
les dépôts du public, mais en étant toujours très
conscients et ça, le bureau de l'Inspecteur, on peut vous le dire
par expérience, est extrêmement conscient de l'importance de la
confiance du public dans les institutions. Alors, souvent, malheureusement, ce
n'est pas dans la presse que ça se discute et vous ne pouvez pas le
faire autrement. Et c'est très délicat. Chaque cas est un cas
d'espèce. Alors, on n'a pas de préférence, mais on veut
donner au gouvernement et aux autorités tous les pouvoirs requis
à l'intérieur de balises dans le bien de l'industrie et dans le
bien des déposants. Encore une fois, c'est un privilège que nous
avons de pouvoir recevoir des dépôts du public et c'est un
privilège qui doit être balisé.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.
Mme Robic: M. Bachand, il paraît que j'ai parlé
longtemps. Est-ce que vous auriez des remarques à faire sur ce que j'ai
dit au début où on s'entendait pour...
M. Bachand: Mme la ministre, je n'ai pas de remarques
particulières à faire là-dessus. Je pense que nous l'avons
couvert dans nos points.
Mme Robic: Je voudrais peut-être revenir ici sur le
véhicule de capitalisation, où vous semblez être favorable.
Comme vous avez vu, dans le document, on n'a pas voulu trop élaborer sur
le genre de véhicule et on se demandait si vous pouviez peut-être
nous décrire ce qui serait pour vous un véhicule de
capitalisation intéressant pour nos institutions financières.
M. Bachand: Malheureusement, Mme la ministre, actuellement,
étant donné que c'est tout simplement un principe, on n'a pas de
commentaires particuliers autres que tout instrument qui peut aider les
institutions financières à renforcer leur capitalisation,
d'où qu'il vienne ou quel qu'il soit, est certainement bienvenu. La
capitalisation des institutions financières est à la base
de leur stabilité, leur profitabilité aussi, bien sûr.
Alors, on accueillera en principe toute mesure visant à permettre encore
une fois aux institutions financières de renforcer leur capital, mais on
n'a pas de commentaires plus précis et spécifiques en l'absence
de détails sur les intentions relativement à ce véhicule
dont vous avez fait part dans votre mémoire.
Mme Robic: Vous voyez le bien-fondé de ce véhicule
et vous voyez qu'il pourrait y avoir un intérêt pour les
compagnies à s'en prévaloir et pour les investisseurs, petits ou
institutionnels, à investir dans un véhicule qui leur offrirait
de nouveaux produits et qui ferait en sorte de leur permettre de diversifier
encore le portefeuille.
M. Bachand: Encore une fois, on n'a pas d'opposition de principe
avec tout véhicule qui permet d'augmenter la capitalisation des
entreprises. On préférerait ne pas se prononcer sur des
véhicules précis que l'on ne connaît pas actuellement mais
vous pouvez certainement être assurée de notre collaboration pour
étudier des alternatives et des modalités de fonctionnement de
certains de ces véhicules que nous regarderons certainement avec
beaucoup d'intérêt.
Mme Robic: Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. Vous
avez d'autres commentaires, M. le député de Westmount?
M. Holden: Je n'ai pas d'autres questions et je remercie le
monde.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de
cette participation à cette commission parlementaire. Nous allons
suspendre environ une minute pour permettre à l'Institut canadien des
actuaires de bien vouloir prendre place à la table des
témoins.
(Suspension de la séance à 17 h 48)
(Reprise à 17 h 53)
Le Président (M. Lemieux): La commission poursuit ses
travaux avec l'Institut canadien des actuaires. Je demanderais à son
président, M. Chambers, de bien vouloir nous présenter les gens
qui l'accompagnent et, dans un deuxième temps, je vous ferai part de la
procédure parlementaire.
Institut canadien des actuaires (ICA)
M. Chambers (Morris): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Mo Chambers et je suis le président de l'Institut canadien des
actuaires. Pour cette présentation, je suis accompagné de Yvon
Charest, vice-président de l'Institut canadien des actuaires, et de Nick
Bauer, membre de la commission de discipline et ancien vice-président de
l'Institut.
Le Président (M. Lemieux): Merci. La durée de cette
audition est d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire; suivra un échange entre les deux formations politiques:
20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle.
M. Chambers: Merci. Je vous prie d'excuser ma difficulté
de m'exprimer en français.
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez le faire en
anglais, si vous préférez, aussi. Vous pouvez vous exprimer en
anglais, si vous le préférez.
M. Chambers: Non.
Le Président (M. Lemieux): Non? Ça va?
M. Chambers: Mais il faudrait traduire mon français en
français.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chambers: Pour cette raison, j'ai demandé à mes
deux collègues de servir de porte-parole. Je présume que les
actuaires sont peu connus du public. J'aimerais donc vous rappeler la mission
de l'Institut canadien des actuaires.
L'Institut canadien des actuaires est l'organisme national de la
profession actuarielle au Canada. L'Institut est voué au service de la
population par la prestation de services et conseils actuariels de la plus
haute qualité. À cette fin, l'Institut favorise l'avancement de
la science actuarielle et parraine des programmes de formation et de
qualification des membres actuels et futurs. Il dirige des programmes afin de
veiller à ce que les services actuariels fournis par ses membres
répondent aux normes professionnelles reconnues. L'Institut fournit, en
outre, des services aux actuaires au Canada afin de les aider à
s'acquitter de leur responsabilité professionnelle.
Pour la suite de la présentation, je passe maintenant la parole
à Yvon Charest.
Le Président (M. Lemieux): M. Charest.
M. Charest (Yvon): Merci. En fait, il y a deux thèmes
qu'on voudrait discuter avec vous, deux questions. La première question,
c'est: Pourquoi l'actuaire est dans une position privilégiée pour
assurer, dans la mesure du possible, la solvabilité des compagnies
d'assurances et comment les changements législatifs peuvent et doivent
appuyer l'actuaire dans ses fonctions?
Le deuxième thème, que mon collègue Nick Bauer va
traiter, c'est: Comment l'Institut canadien des actuai-
res s'assure que ses membres sont à la hauteur des
responsabilités qui leur sont confiées? je voudrais mentionner,
au départ, que les commentaires de l'institut concernent la loi sur les
assurances, qui traite autant des compagnies d'assurance-vie que des compagnies
d'assurances iard. vous savez peut-être que l'actuaire est responsable du
calcul des provisions mathématiques et que ces provisions
mathématiques englobent environ 80 % du bilan d'une compagnie
d'assurances. cette réserve mathématique est basée sur une
foule d'estimés quant à des hypothèses de
mortalité, morbidité, intérêts et dépenses et
l'actuaire est spécialisé dans l'évaluation de ces
risques, dans le calcul de l'impact financier de chacun de ces risques. non
seulement il est spécialisé dans ce domaine, mais c'est un
domaine qui comporte des risques à très long terme. nous croyons
donc que l'actuaire est dans une position privilégiée pour
assurer la solvabilité des compagnies d'assurances.
De plus, je vous rappelle la mission de l'Institut canadien des
actuaires ou son principe directeur no un qui est de faire primer le devoir de
la profession envers le public sur les besoins de sa propre profession et de
ses membres.
Alors, en 1989, parce qu'il y avait des changements de plus en plus
rapides dans le domaine financier, l'Institut canadien a décidé
de promouvoir l'accroissement du rôle de l'actuaire, l'actuaire qui est
responsable des évaluations des réserves. On a ajouté un
terme nouveau qui est celui de 1'«actuaire désigné»
et on a rencontré chacun des surintendants des assurances des pro\ nces
ainsi que le Surintendant fédéral de façon à ce que
les changements législatifs soient faits pour appuyer ce rôle
accru de l'actuaire désigné. C'est la raison pour laquelle, dans
notre mémoire, vous avez certaines références à la
loi fédérale. C'est que la loi fédérale a
été changée en juin 1992 et les changements qui ont
été apportés dans cette loi reflètent de
façon presque intégrale les demandes de l'Institut canadien des
actuaires.
Alors, les changements que nous aimerions voir apporter dans la Loi sur
les assurances pour venir appuyer la tâche de l'actuaire sont les
suivants. Il y en a quatre. (18 heures)
Premièrement, nous voudrions que l'actuaire désigné
soit à l'abri de pressions possibles de la direction des entreprises.
Cela signifie, par exemple, que l'actuaire désigné soit
nommé par le conseil d'administration, ce qui est déjà
fait dans la loi du Québec, et nous espérons qu'il n'y ait pas de
changement à cet égard. Nous désirons aussi qu'il y ait un
mécanisme qui informe les intervenants lors de la démission d'un
actuaire désigné ou de son remplacement. Et, encore là,
nous sommes heureux de constater que cette demande de l'Institut canadien est
déjà incorporée dans la loi du Québec dans
l'article 291.1. Nous aimerions cependant aller un peu au-delà du texte
actuel de façon à ce qu'un actuaire désigné qui
remet sa démission puisse informer à la fois la direction et le
nouvel actuaire, le futur ac- tuaire des circonstances qui ont amené sa
démission. Donc, c'est le premier élément où nous
désirons que la loi vienne appuyer les tâches de l'actuaire,
c'est-à-dire de mettre l'actuaire à l'abri de pressions de la
direction.
Dans un deuxième tamps, nous avons demandé à tous
les surintendants provinciaux et au Surintendant fédéral, en
1989, que l'actuaire désigné puisse bénéficier
d'une protection légale, c'est-à-dire qu'il n'encoure aucune
responsabilité civile suite à certains gestes qu'il pourrait
poser. Nous réalisons que, dans la loi du Québec, cette
protection est déjà accordée aux vérificateurs
externes ou à certains spécialistes qui ne sont pas
employés des compagnies. Nous désirons cependant que cette
protection légale soit également donnée à
l'actuaire désigné qui peut ou ne peut être un
employé de la compagnie les deux sont possibles.
Troisièmement, nous souhaiterions que certaines
responsabilités de l'actuaire désigné soient
incorporées dans la loi ou soient maintenues dans la loi. Par exemple,
que les réserves soient calculées selon les PCGR, les principes
comptables généralement reconnus. Cet élément
apparaît déjà au règlement 91 de la loi, et nous
aimerions qu'il n'y ait pas de modification à cet
égard-là. Nous aimerions également, en termes de
responsabilités nouvelles qui soient incorporées dans la loi,
qu'il y ait tout d'abord une responsabilité concernant un rapport que
l'actuaire désigné ferait à tous les ans directement au
conseil d'administration de la compagnie. Ce rapport aurait pour but d'indiquer
les principales menaces à la solvabilité future d'une compagnie
et comporterait des recommandations visant à amenuiser le plus possible
ces menaces.
Dans un quatrième temps, nous aimerions également que
soient ajoutés dans la loi certains rapports que l'actuaire
désigné ferait à la direction ou certains rapports que
l'actuaire désigné devrait, par la loi, remettre à la
direction de la compagnie s'il juge qu'il y a des menaces prévisibles
à court terme à la solvabilité de l'entreprise. Et, dans
la mesure où ni la direction ni le conseil d'administration ne donne
suite au rapport de l'actuaire désigné, nous recommandons que
l'actuaire désigné en informe l'Inspecteur général
des institutions financières.
Ces changements-là, ces quatre types de changements là,
ces quatre types d'appui que nous aimerions voir dans la loi du Québec
ont également été suggérés à tous les
surintendants provinciaux ainsi qu'au Surintendant fédéral des
assurances; et chacun de ces quatre changements-là se retrouve
maintenant intégralement dans la loi fédérale sur les
assurances.
Je vais maintenant passer la parole à Nick Bauer qui va vous
indiquer comment l'Institut canadien s'assure que ses membres sont à la
hauteur des responsabilités qui leur sont confiées.
M. Bauer (Nicholas): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mme la ministre, MM. les députés, avant
l'entrée en matière au niveau de l'Institut et de montrer comment
notre institut assure la qualification de ses
membres, les assujettit à la discipline, à la norme
professionnelle, j'aimerais ajouter un petit commentaire à ce que vient
de dire M. Charest. C'est au niveau de la responsabilité de l'actuaire
dans l'accomplissement de ses tâches qu'il a besoin des informations, il
a besoin de l'accès plein à l'information de toute sorte, autant
au niveau des contrats que des actifs, des gestes posés par sa
compagnie. Et nous pensons important que la loi lui octroie le droit d'exiger
le plein accès à toute l'information voulue pour lui permettre de
compléter ses rapports, et en même temps que la loi soit la
protection contre la poursuite civile à tous les intervenants qui
peuvent fournir des informations à l'actuaire, à sa demande.
Au niveau de l'Institut, je pense qu'il est assez évident que
l'Institut canadien des actuaires est le seul institut professionnel reconnu au
Canada dont les membres, dont les «fellows» ont déjà
un droit de pratique exclusive dans un nombre de domaines actuariels, entre
autres précisés déjà dans la loi des assurances du
Québec, la Loi sur les sociétés d'assurance du Canada et
maintes autres lois.
Nous avons, pour rencontrer nos devoirs d'assurer que nos membres sont
à la hauteur de leur travail, implanté des normes de pratique et
des procédures disciplinaires de façon à assurer une haute
compétence professionnelle de la part de tous nos membres, tant en
formation qu'au niveau d'un code de déontologie, que leur travail soit
conforme à des standards de pratique précis de façon
à en assurer la consistance et la comparabilité entre compagnies.
Nous assurons une façon, une méthode de consultation, un forum
pour consultation pour les autorités publiques en matière
actuarielle quand ils ont besoin de conseils et d'assistance. Nous avons
implanté une procédure pour surveiller la conformité de
nos membres avec les standards, et nous l'avons supportée avec des
procédures disciplinaires, y compris des tribunaux publics avec des
sanctions pouvant, en cas de lacune professionnelle, aller à
l'extrême jusqu'à la perte de droit d'appartenance à
l'Institut canadien des actuaires.
Dans le cas des assureurs en particulier, nous avons promulgué
une foule de standards précis régissant la façon de faire
des calculs de façon à compléter les rapports des
actuaires désignés, autant au niveau des assureurs-vie que des
assureurs IARD. Également, régissent leur travail des normes au
niveau de l'exploration des conditions futures de l'assureur et de l'impact que
pourraient avoir les menaces auxquelles l'assureur peut faire face.
Pour résumer, M. le Président, le rôle de
surveillance de la situation financière des assureurs et de l'examen
continu de leur condition financière future est, selon nous,
indispensable pour assurer au maximum la solvabilité de ces
sociétés. Ainsi, nous proposons un rôle parfaitement
adapté à l'appui des objectifs des autorités
réglementaires. Nous croyons que dans un contexte financier en
évolution aussi rapide, autant au niveau québécois qu'au
niveau pancanadien et même international, il est impossible d'implanter
des normes d'évaluation et de surveillance susceptibles d'évoluer
suffisamment rapidement pour ne pas risquer de devenir périmées
en peu de temps. (18 h 10)
Afin de nous permettre de rencontrer les responsabilités
très onéreuses que nous proposons de nous accorder, nous avons
soulevé quatre conditions que vient de mentionner mon collègue,
M. Charest, à être entérinées dans la loi et
susceptibles de créer les conditions nécessaires afin de nous
permettre de nous acquitter de nos responsabilités.
Les quatre conditions dont je parle sont l'assurance de
l'objectivité et l'indépendance de l'actuaire face à
l'ingérence possible de la direction, la capacité d'obtenir toute
l'information voulue; deuxièmement, la protection contre la poursuite
civile; troisièmement, la responsabilité de certification
publique des passifs d'une compagnie d'assurances et, quatrièmement, la
responsabilité de remettre à la direction et, indirectement,
à l'Inspecteur général un rapport détaillé
sur la condition, sur la position financière courante de l'entreprise et
sur sa capacité de rencontrer les menaces futures. Nous notons que ces
conditions font déjà partiellement partie de la loi existante. Il
ne s'agit alors que de compléter le processus.
De notre part, nous avons posé une foule de gestes afin de rendre
nos membres habiles à faire leur travail de façon hautement
professionnelle, selon des normes précises et exigeantes et sous peine
de sanctions potentiellement sévères en cas de lacunes
professionnelles ou en cas de manque de respect des normes. Nous nous sommes
également dotés des procédures de surveillance pour
assurer la conformité de nos membres actuaires désignés
avec ces mêmes normes.
Merci, M. le Président, et nous nous ferons un plaisir de
répondre à toutes les questions qui pourront nous être
posées.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
souhaiter, messieurs, la bienvenue, MM. Chambers, Charest et Bauer, à
cette table, et on vous remercie d'avoir accepté de participer à
cette consultation. Le rôle que vous avez à jouer devient de plus
en plus important au niveau des entreprises, puisque ces entreprises, ces
institutions financières sont plus complexes que jamais, et vos
responsabilités, donc, sont grandissantes.
Je veux vous rassurer, d'entrée de jeu: on n'a pas l'intention de
modifier nos lois. Ce que l'on vous a accordé, on a bien l'intention que
vous le conserviez. Peut-être que ce qu'il faudrait faire, c'est
d'élargir certaines de vos responsabilités. Vous faites certaines
recommandations. Vous l'avez dit à la fin de votre intervention, elles
se retrouvent, pour la plupart, déjà dans nos lois, et, donc,
pour nous, c'est de l'acquis. S'il y a certains ajustements à faire, ce
serait intéressant,
peut-être, d'en discuter avec vous pour pouvoir voir quels sont
ces ajustements qui sont à faire.
Vous nous dites que vous êtes tout à fait d'accord avec
l'objectif proposé d'élaborer des nonnes compatibles avec les
normes des autres juridictions au Canada et d'inclure une période
transitoire. J'aimerais, si vous vouliez, un peu élaborer sur les normes
de capital qui seraient basées sur les risques de l'entreprise. Est-ce
que vous trouvez que nous sommes sur la bonne voie, et est-ce que c'est le
genre d'exercice que l'on devrait faire?
(Consultation)
Mme Robic: Prenez votre temps.
M. Bauer: Mme la ministre, de façon officielle, notre
Institut n'a pas retenu une prise de position sur les normes de
solvabilité statutaire. Malgré ceci, beaucoup d'actuaires ont
été individuellement impliqués dans le
développement des normes de solvabilité, autant au niveau
fédéral qu'au niveau de la SIAP. Comme vous le savez, la SIAP
impose ses propres normes pour appartenance. Et je pense qu'on est
généralement d'accord que de baser de telles normes sur les
risques auxquels font face les assureurs est une façon raisonnable
d'approcher l'affaire.
Mme Robic: Peut-être que je vais vous poser une question
délicate, là. L'appréciation, justement, sur les normes de
la SIAP, est-ce que vous trouvez qu'elles sont satisfaisantes, et est-ce qu'on
devrait, nous, revoir nos propres normes, aborder nos normes d'une façon
différente?
(Consultation)
M. Charest: M. le Président, Mme la ministre, dans le
passé, l'Institut canadien des actuaires a donné son opinion
suite à certaines questions précises de différentes
autorités de surveillance, et la réponse officielle de l'Institut
canadien a été la suivante. L'Institut canadien a
développé une norme de pratique qu'on appelle examen dynamique de
solvabilité. Le but de l'exercice est d'essayer d'analyser les tendances
concernant la solvabilité future d'une entreprise. La norme de pratique
en question est maintenant une norme officielle et, en 1992, les actuaires
désignés de toutes les compagnies d'assurances, qu'elles soient
à charte fédérale ou à charte
québécoise ou d'une autre province, en 1992, ces actuaires
désignés devaient projeter la situation financière de leur
entreprise pour les cinq prochaines années, c'est-à-dire de 1992
à 1996, analyser les tendances, vérifier les menaces les plus
importantes et recommander, le cas échéant, des changements
à la gestion de l'entreprise.
La position officielle de l'Institut canadien est de dire que le
meilleur outil pour s'assurer de la solvabilité des assureurs est
d'analyser ces tendances-là. Et c'est la position officielle que nous
avons communiquée concer- nant cette question.
M. Bauer: Si je pouvais ajouter un mot. Nous pensons qu'une autre
façon d'approcher l'affaire est d'examiner l'évolution
potentielle dans le temps des capitaux, des excédents d'un assureur face
aux divers risques et menaces auxquels peut faire face l'assureur. C'est une
façon de bien employer les nonnes de solvabilité
nécessairement rigides que peut implanter une autorité
réglementaire. L'évolution de la situation dans le temps d'un
assureur peut changer assez rapidement dépendant des gestes
posés, et les assureurs, tous et chacun, ont leur situation très,
très particulière.
Malgré ceci, une formule de normes de solvabilité
générale comme ça est quand même, je dirais,
bénéfique et sécurisante pour le public, et nos essais
dynamiques de solvabilité s'axent un peu là-dessus, parce que ce
qui a suivi le plus, c'est l'évolution des capitaux
excédent-taires des assureurs face à ces normes implantées
par une autorité ou l'autre. (18 h 20)
Je ne pense pas quand même que nous devons, comme Institut,
commenter les facteurs particuliers de ces normes parce que, en grande mesure,
c'est une question plus ou moins politique et qui doit être prise en
collaboration avec l'industrie, plutôt qu'une question
professionnelle.
Mme Robic: D'accord. L'entraide entre les actuaires et les
autorités de surveillance, c'est certainement un principe auquel nous
adhérons sur le plan de la supervision. Parlez-nous de votre
expérience à ce sujet pour les compagnies
fédérales. Est-ce que cela génère des conflits
d'intérêts, et comment vous les vivez, ces nouveaux pouvoirs que
vous avez?
M. Bauer: Je n'ai pas tout à fait suivi. Conflit
d'intérêts au niveau...
Mme Robic: Vous avez maintenant, au niveau fédéral,
la possibilité d'informer les autorités fédérales
de surveillance quand vous décelez des problèmes à
l'intérieur d'une entreprise. Est-ce que vous avez eu de ces
expériences-là? Et, si oui, est-ce que ça vous a
causé des problèmes de conflit d'intérêts? Parce que
vous avez un client, là, et ça s'appelle... Je n'ose même
pas utiliser le mot. Est-ce que ça peut être vu comme de la
délation, finalement? Est-ce que vous avez rencontré certaines
résistances de vos clients? Et comment est-ce qu'on peut vous
protéger contre cela?
M. Charest: En termes de protection, Mme la ministre, nous avons
déjà indiqué que, dans la Loi sur les assurances, au
Québec, à l'article 295.2, on dit: «Le vérificateur
ou la personne visée au troisième alinéa de l'article
295.1 qui de bonne foi fait un rapport conformément à cet article
n'encourt aucune responsabilité civile de ce fait.» Alors, lorsque
vous posez la question de quelle façon la loi des assurances peut
protéger l'ac-
tuaire, c'est définitivement en élargissant cet
article-là pour inclure l'actuaire désigné.
M. Bauer: Et, en sus de ça, elle protège tous et
chacun qui lui fournissent des informations de façon à lui
permettre de s'acquitter de ses tâches.
Maintenant, pour répondre spécifiquement à votre
question, je pense que la responsabilité professionnelle n'est pas
équivoque, et je connais au moins un exemple où un actuaire
désigné a déjà posé un tel geste.
Effectivement, il a écrit au conseil d'administration d'une
société que si telle et telle lacune n'était pas
corrigée dans un très bref délai il serait obligé
de communiquer avec le Surintendant fédéral. À ma
connaissance, la lacune... J'ignore si, finalement, la lacune a
été corrigée ou non, mais je pense que oui. Mais disons
que l'actuaire n'a pas hésité à rencontrer ses
responsabilités.
Je pense qu'une autre de nos recommandations supporte la protection de
l'actuaire face à un tel conflit d'intérêts, entre
guillemets, dans le sens que, si le conseil d'administration ou encore la
direction de la compagnie décide de mettre un terme à la
nomination de l'actuaire désigné, il est obligé d'informer
l'autorité réglementaire au Québec c'est l'IGIF
et de lui donner l'opportunité d'expliquer non seulement au
conseil mais à tout actuaire nommé pour lui succéder
pourquoi il pense que sa nomination est terminée. Alors, si de telles
pressions sont apportées, il y a quand même potentiellement des
sanctions, et réglementaires et professionnelles, qui entrent en
jeu.
Mme Robic: Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M. Lemieux): Non, vous n'avez
malheureusement plus de temps. J'avais une petite question, M. le
député de Westmount.
M. Holden: Ah! vous en avez une. Allez-y, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Bien, c'est parce que, vous
savez, quand je vois que l'Institut canadien des actuaires vient
témoigner devant nous et fait état de cette notion d'actuaire
désigné, de l'importance pour les administrateurs des
institutions financières d'avoir à désigner un actuaire
désigné, je dois vous avouer que, dans un premier temps et
je pense au public, je pense à la protection du public il semble
que, dans votre exposé, ce que vous semblez nous dire, c'est que les
actuaires n'ont peut-être pas l'indépendance qu'ils devraient
avoir, ni la forme de protection qu'ils devraient avoir. Et ça voudrait
peut-être dire ceci: que, dans certaines occasions, vous pouvez les
trouver juge et partie. On dit, en droit, nemo débet esse judex in
propria causa, à la fois juge et à la fois partie.
Ça m'inquiète. Ça m'inquiète en ce sens
qu'une fausse représentation actuarielle peut avoir des
conséquences énormes eu égard à l'évaluation
que les actuaires peuvent avoir à faire de la situation
financière d'une entreprise. En ce sens-là vous êtes assez
dur, d'une certaine façon, dans vos propositions. Vous allez assez loin
dans vos propositions lorsque vous allez jusqu'à dire que l'actuaire
désigné devrait signaler au président... Je ne dis pas que
je suis contre, au contraire. Je trouve ça même
rafraîchissant qu'une organisation comme la vôtre vienne nous le
dire ici, devant cette commission parlementaire. Lorsque vous dites que
l'actuaire désigné devrait signaler au président d'une
société les opérations ou conditions qui ont des effets
négatifs importants sur l'état des finances de la
société et nécessitent un redressement... Et, si ça
ne débouche pas, vous allez plus loin que ça, vous dites à
cette personne-là: Ça ne fait pas; je communique avec
l'Inspecteur général des institutions financières.
Ce que j'aimerais savoir: vous proposez la création d'une
commission d'examen. Elle fonctionnerait comment, cette commission d'examen
là, à vos yeux? Comment, pratiquement, peut-elle être
instituée? Comment, pratiquement, peut-elle être
créée? Est-ce que, nécessairement, on devra fonctionner
par voie législative? Est-ce que c'est ça que vous dites à
Mme la ministre, que, nécessairement, pour en arriver à
peut-être une plus grande protection du public, on devra mieux encadrer
le rôle que doit jouer un actuaire au sein des institutions
financières, du moins un actuaire désigné? Vous comprenez
le sens de ma question? J'aimerais vous entendre là-dessus,
rapidement.
M. Charest: J'aimerais donner trois éléments de
réponse, et peut-être que mon confrère Nick Bauer va
ajouter certains commentaires. Dans un premier temps, la commission d'examen
dont il est fait mention dans notre mémoire n'est pas la création
d'une commission nouvelle. Ce que nous indiquons, c'est qu'à
l'intérieur même de l'Institut canadien nous avons une commission
d'examen ainsi qu'une commission de discipline qui ont pour but de s'assurer
que les actuaires désignés suivent les normes de pratique.
Concernant la commission d'examen, c'est ouvert à toute personne du
public et à tout surintendant des assurances de questionner sur base
confidentielle le travail d'un actuaire désigné. Et, à
chacune de nos rencontres avec les différents surintendants provinciaux
des assurances, nous leur indiquons que, s'ils ont des raisons de croire qu'un
de nos membres n'a pas agi conformément aux normes de pratique, le cas
peut être référé, sur base confidentielle, à
notre commission d'examen.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que c'est arrivé
à quelques reprises dans les faits? C'est ça qui
m'intéresse.
M. Charest: Malheureusement, je dois vous avouer que plusieurs
cas ont été transférés à notre commission
d'examen. Et je dois malheureusement vous indiquer que dans certains cas le
dossier, par la suite, est allé à la commission de discipline. Et
je dois malheureusement vous indiquer que la prochaine étape est
un tribunal, tel que mentionné par mon confrère Bauer, et
que ce tribunal sera appelé à siéger sous peu sur deux cas
précis.
C'était mon premier élément de réponse. Le
deuxième élément concerne votre préoccupation que
l'actuaire désigné puisse ne pas être indépendant.
Il faut comprendre que les états financiers des compagnies d'assurances
sont sous la responsabilité conjointe de l'actuaire et du
vérificateur externe, chacun ayant une portion d'ouvrage à
effectuer. Les deux organismes, l'Institut canadien des actuaires et l'Institut
canadien des comptables agréés, ont développé une
prise de position conjointe ces dernières années. Et, dans cette
prise de position conjointe, il est indiqué dans quelle mesure un
professionnel peut utiliser le travail de l'autre. Et, par exemple, à la
section 17 de cette prise de position conjointe, il est indiqué les
raisons qui pourraient amener le vérificateur externe à se
questionner non pas sur l'indépendance de l'actuaire
désigné mais sur son objectivité. Alors, vous avez un
système qu'on peut appeler «check and balance» ici, qui fait
en sorte que la préoccupation d'un des deux experts permet de pousser
l'étude plus loin. Je ne sais pas si ça répond à
vos questions... (18 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Charest: Nick veut peut-être...
M. Bauer: Peut-être si je pouvais ajouter, M. le
Président, qu'on est conscient du rôle onéreux que nous
nous proposons. Pour le supporter, je pourrais mentionner uand même que
le rôle de l'actuaire désigné ou son analogue est
déjà en place depuis 18 ans dans le Royaume-Uni et, selon nos
collègues du Royaume-Uni, il a eu une influence salutaire sur la
solvabilité de leurs sociétés et le déroulement des
transactions financières de leurs sociétés.
Je dois également signaler que j'appuie les dires de mon
confrère, le point de vue que le noeud de l'affaire n'est pas
nécessairement l'indépendance comme telle parce que, moi, je suis
actuaire-conseil, ça fait que je suis, entre guillemets,
indépendant de mes clients, supposément, tout comme un
vérificateur externe. Mais on n'est jamais tout à fait
indépendant, de toute façon. Si on a un client qui fournit les 30
%, 40 % de nos honoraires, même 20 %, il est très difficile de
dire qu'on est complètement indépendant.
Alors, je dirais que la clé, ce n'est pas l'indépendance,
c'est l'objectivité. Et toutes nos propositions sont orientées
vers la protection de cette objectivité. Toutes nos normes de pratique
sont orientées vers l'implantation de cette objectivité et le
«nourrissement» d'une attitude d'objectivité de la part des
actuaires désignés.
Vous avez raison, le monde n'est pas parfait. On n'est pas parfait. On
regarde toujours le monde autour de nous de notre propre façon. Mais,
quand même, je pense que ces normes de pratique, avec la protection
statutaire que nous cherchons, iront loin afin de supporter les
autorités réglementaires en protégeant la solvabi-
lité des assureurs.
Le Président (M. Lemieux): Je trouve vos propos
très rafraîchissants. M. le député de Westmount.
M. Holden: Oui. Comment est-ce qu'on dit, en anglais,
«actuaire désigné»?
M. Bauer: Appointed actuary.
M. Holden: Est-ce que ça existe maintenant? Je veux dire,
chaque compagnie a un actuaire désigné, ou vous demandez à
ce que ça soit obligatoire?
M. Bauer: Oui, dans le cas de chaque compagnie à charte
fédérale, le rôle de l'actuaire désigné
existe déjà. Chaque compagnie est obligée, depuis le
premier juin 1992, de nommer, par son conseil d'administration, un actuaire
désigné et d'en informer tout de suite le Surintendant
fédéral.
Au Québec, pour le moment, on a un actuaire d'évaluation.
C'est une fonction un peu analogue, mais avec des responsabilités un peu
plus restreintes. Mais, même au Québec, on est obligé...
C'est le conseil d'administration qui nomme l'actuaire d'évaluation dont
la nomination doit être rapportée tout de suite à
l'Inspecteur général des institutions financières, autant
que sa démission ou si le conseil met un terme à sa
nomination.
M. Holden: J'ai une question très générale;
vous allez probablement parler pendant un bout de temps: Quelle est la
démarcation entre le rôle du vérificateur et celui de
l'actuaire?
M. Bauer: le vérificateur est responsable du bilan de
l'entreprise, de l'examen de la qualité et de l'existence de ses actifs,
de ses passifs autres que le passif actuariel. comme vient de le mentionner mon
collègue, m. charest, normalement, le passif actuariel est de loin le
passif le plus important dans le bilan d'une société
d'assurances. ça peut aller jusqu'à 80 % et 85 % du total des
passifs.
Alors, l'expertise spécialisée de l'actuaire, et en
particulier l'actuaire désigné, est d'établir le montant
de ces passifs actuariels en fonction des actifs, du pouvoir des actifs de
gagner des revenus de placements et également en fonction des divers
risques qu'a acceptés l'assureur, tels les risques de mortalité,
les risques de morbidité, les risques de survie, etc.
Deuxièmement, l'actuaire au niveau fédéral
ce que nous vous proposons, comme nous l'avons, à l'époque,
proposé au fédéral doit adopter comme
responsabilité non seulement d'évaluer la position
financière courante de l'assureur, c'est-à-dire le bilan du
moment, mais également d'examiner comment ce bilan-là peut
évoluer dans le temps dépendant des risques et des menaces
auxquels peut faire face l'entreprise. Que ce soit la chute des taux
d'intérêt, que ce soit le défaut de
délinquance accrue des actifs comme on l'a vécu
dernièrement au niveau des prêts hypothécaires, que ce
soient des dépenses excédentaires comparées à la
tarification de la compagnie, etc., si des évolutions et des tendances
adverses comme ça peuvent survenir dans le temps, l'actuaire est en
mesure de s'en rendre compte, de le communiquer à la direction de la
compagnie et de la conseiller sur la façon de prévenir le mieux
ces menaces ou d'y faire face.
M. Holden: Vous avez probablement pris connaissance des
propositions de Mme la ministre et...
M. Bauer: Oui, M. Holden.
M. Holden: ...à la page 18, on semble suggérer
qu'on va substituer aux exigences d'éléments d'actif
déterminés la notion ou le principe du gestionnaire prudent.
M. Bauer: Oui.
M. Holden: Qu'est-ce que l'Institut ou vous autres vous en pensez
de cette notion de gestionnaire prudent?
(Consultation)
M. Bauer: M. le député de Westmount, notre
réponse est que ce n'est pas une question professionnelle, et alors
notre Institut n'a pas une prise de position professionnelle là-dessus.
Mais disons que notre opinion à nous trois, comme actuaires individuels,
est que l'implantation des principes de gestion prudente nous semble tout
à fait saine et normale et souhaitable, surtout étant
donné l'évolution rapide de la situation financière et la
difficulté de se tenir au courant des règles
particulières, qualitatives ou encore quantitatives, des normes pour les
actifs qu'on avait auparavant.
Alors, je dirais, moi, personnellement, que je la trouve tout à
fait saine, normale et souhaitable. Ça permet aux entreprises de
répondre et de s'adapter rapidement aux conditions en pleine
évolution.
M. Charest: Puis-je rajouter un commentaire? Je souhaite plus
souvent conserver un article qu'en ajouter un. C'est peut-être aussi
important. Ça concerne l'article 248 concernant la politique de
placement, qui dit: «Tout assureur doit se doter d'une politique de
placements approuvée par le conseil d'administration.» Et la
phrase sui.'onte est la phrase clé: «Cette politique doit
comprendre notamment l'accord des échéances de ses placements
avec ses engagements financiers et la diversification des placements.»
(18 h 40)
Cet article-là, ce que ça vient dire, c'est que
dépendant des risques qu'un assureur prend, dépendant du type de
produit qu'il commercialise, il doit avoir une politique de placements qui est
conséquente avec ça. Et c'est peut-être le meilleur article
de gestionnaire prudent, au-delà de tous les pourcentages, de toutes les
limites quantitatives qui peuvent apparaître dans une loi.
M. Holden: Ah! Excusez...
Le Président (M. Lemieux): II resterait trois minutes
à Mme la ministre et sept minutes pour vous. Alors...
M. Holden: Mais, je...
Mme Robic: Continuez! Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): ...vous pouvez continuer,
puis...
M. Holden: La ministre est tellement enthousiaste que je pensais
qu'elle avait repris la parole. Vous avez peut-être répondu
à cette question, mais je veux être clair. Entre le
vérificateur et l'actuaire, sur la question des actifs, qui est le vrai
responsable? Qui devrait faire l'évaluation des actifs? Comment c'est
divisé entre les deux?
M. Charest: Bon. Je vais essayer cette fois-ci; ça va
être une version un peu modifiée. La responsabilité
générale des états financiers repose sur le
vérificateur. Par contre, le vérificateur utilise le travail d'un
spécialiste, le spécialiste étant l'actuaire. Sa
tâche est d'évaluer, du côté du passif, le montant
requis pour prévoir tous les coûts futurs de l'entreprise. Ce
passif-là, pour le calculer, on doit estimer quel montant
d'intérêt ce passif-là va pouvoir gagner durant les
prochaines années. Et, pour estimer le taux d'intérêt que
ce passif-là va gagner, on doit analyser de façon
détaillée tous les placements de l'assureur qui sont du
côté de l'actif. Alors, ma réponse, c'est de vous dire que
l'actuaire doit avoir une connaissance détaillée de l'actif de la
compagnie de façon à être capable de faire l'ouvrage de
spécialiste que le vérificateur lui demande, qui est d'indiquer
le montant des provisions mathématiques qui sont au passif de
l'assureur.
M. Bauer: Peut-être qu'il y a une troisième
façon de trancher l'affaire, qui pourra vous aider davantage, et c'est
que c'est le vérificateur externe qui est responsable pour assurer, pour
se satisfaire de l'existence des actifs énumérés dans le
bilan ou inclus dans le bilan d'une société et se satisfaire de
la bonne condition ou non, selon le cas, de ces actifs. Mais c'est un travail
qui se situe au moment de l'établissement du bilan en question,
c'est-à-dire que c'est un moment dans le temps disons que,
normalement, c'est le 31 décembre d'une année donnée.
L'actuaire, sa tâche entre en jeu où termine le
vérificateur externe. Lui, il se dit: Étant donné qu'on a
ces actifs aujourd'hui, que le vérificateur externe a
vérifié et m'a assuré que ça existe et qu'ils sont
en bonne condition, etc., quels sont les risques auxquels
ces actifs sont exposés dans l'avenir? Quelles sont les
probabilités qu'on va perdre les revenus prévus à cause
d'une délinquance, à cause d'un défaut? Et, alors, quelle
quote-part de ces actifs faut-il mettre de côté pour
protéger les assurés et faire en sorte que les obligations de
l'entreprise soient pleinement rencontrées? C'est la tâche de
l'actuaire. C'est l'avenir, à partir de la date de
l'établissement du bilan dans l'avenir. Le vérificateur externe,
par contre, sa responsabilité est surtout au moment de
l'établissement du bilan.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Oui, allez-y, M.
Holden.
M. Holden: Juste pour compléter. Vous avez parlé
des renseignements qu'il vous faut et vous avez mentionné les contrats.
C'est pour faire ce jugement-là que vous avez besoin des
renseignements...
M. Bauer: C'est exact.
M. Holden: ...et que vous voulez... Je n'ai pas compris tout
à fait. Vous voulez avoir le droit d'obtenir les renseignements, mais
qu'il n'y ait pas de responsabilité quelconque?
M. Bauer: Ce que nous demandons, c'est d'entériner dans la
loi une protection accordée, et à l'actuaire
désigné lui-même et à toute personne qui fournit des
renseignements à l'actuaire désigné, de bonne foi, contre
la responsabilité civile, contre la poursuite civile pou avoir bien fait
son travail ou encore pour avoir suivi la loi.
Le Président (M. Lemieux): Alors, Mme la ministre, il vous
reste un petit peu moins de trois minutes et, M. Holden, il lui reste encore
pas loin de sept minutes. Alors, on va revenir avec M. Holden.
Mme Robic: Alors, seulement une petite question, et je passerai
la parole au député de Westmount, M. le Président. Est-ce
que vous avez encore une pénurie d'actuaires? Parce que j'ai eu,
à un moment donné, à retarder à mettre en place un
article de ma loi parce que vous ne pouviez pas combler la demande, là,
et je me demandais si, finalement, ça s'était
résorbé, ce besoin-là.
M. Bauer: Mme la ministre, je dois répondre:
Malheureusement, non.
Mme Robic: Non.
M. Bauer: Non. Je dirais que la pénurie d'actuaires est
disparue pleinement au niveau des actuaires vie. Peut-être qu'il en reste
encore un peu au niveau des actuaires IARD, mais grâce au fonctionnement
de très haute qualité et quantité de nos
universités, et en particulier de l'Université Laval, ici, en
ville, je dirais que nos besoins seront comblés relativement d'ici peu.
C'est d'accord?
M. Charest: Oui. Effectivement, le problème concernait le
nombre d'actuaires spécialisés en IARD ayant
complété le nombre d'examens nécessaires pour certifier
certains états financiers; le besoin était strictement là.
Ailleurs, comme dans toute autre profession, l'offre est plus forte que la
demande. On peut considérer aujourd'hui que ce problème-là
est pratiquement résolu.
Mme Robic: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. Il vous
reste encore une belle période de sept minutes, M. le
député de Westmount. C'est à vous, tout à vous.
M. Holden: Oui. Merci. Je ne prendrai pas tout le temps, mais ces
messieurs, peut-être... Il y a des situations où le
président de la compagnie est actuaire, il emploie des actuaires et on a
l'actuaire désigné. Il doit y avoir, des fois, des
différences d'opinion. Comment arrangez-vous avec... Disons que le
président de la compagnie Sun Life est un actuaire de l'Ecosse, et il
vient dire qu'il connaît mieux l'actuariat que des employés.
Est-ce que ça existe, ces situations-là?
M. Charest: M. le député de Westmount, pour
répondre à votre question, je dirais que, contrairement à
un bureau de vérificateurs, la signature de l'actuaire
désigné est une signature personnelle. Il certifie
personnellement les états financiers. Il ne les certifie pas au nom des
actuaires de la compagnie, il ne les certifie pas au nom d'un bureau, c'est une
certification personnelle. Il peut y avoir bien des discussions dans une
compagnie, mais à la fin de la journée, je pense, il n'y a pas un
actuaire désigné qui oublie qu'il est en train de signer
personnellement les états financiers.
M. Holden: Et c'est un peu pour ça que vous ne voulez pas
être responsable après avoir prouvé votre bonne foi.
M. Charest: Et cet actuaire désigné ne signe pas en
tant que vice-président de l'entreprise, il signe en tant que
«fellow», Institut canadien des actuaires, pour que le public en
général comprenne que la personne ne vient pas agir à
titre d'un des cadres de l'entreprise mais elle vient de certifier des
états financiers à titre d'un professionnel d'un organisme
reconnu.
M. Holden: Qu'est-ce que vous pensez de... Des fois, les gens
disent: On va limiter l'actuaire désigné à trois ans ou
cinq ans, pour ne pas être trop lié. Parce que ça doit
être comme le vérificateur, il doit être nommé par le
«board», chaque année, je suppose. Alors, est-ce qu'on
discute, chez vous, la question de limiter le nombre de mandats qu'on peut
avoir? (18 h 50)
M. Bauer: M. le député de Westmount, pour
répondre à votre question, la nomination d'un actuaire
désigné n'est pas annuelle. La nomination est une fois pour
toutes, tant et aussi longtemps que le conseil d'administration est prêt
à l'avoir comme actuaire désigné et que, lui, il est
prêt à servir, bien évidemment.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le
député de Westmount? Vous n'avez plus d'autres questions?
Alors, nous remercions l'Institut canadien des actuaires de la
présentation de son mémoire, qui fut fort intéressant, et
nous suspendons nos travaux environ trois minutes. Nous entendrons la
Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de
personnes inc.
M. Bauer: Merci, M. le Président. Merci. (Suspension de la
séance à 18 h 51)
(Reprise à 18 h 58)
Le Président (M. Lemieux): Mesdemoiselles, en
arrière, s'il vous plaît! Silence, s'il vous plaît!
Alors, dans quelques minutes, je devrais dire dans quelques secondes,
j'ose espérer... Elle est prête? S'il vous plaît. Alors,
voici Mme la ministre. Je demanderais, s'il vous plaît, au porte-parole
de l'organisme de bien vouloir s'identifier, nous présenter les
personnes qui l'accompagnent et, par la suite, je vous ferai état de la
procédure parlementaire. Nous sommes prêts à vous
écouter.
Société canadienne d'indemnisation pour
les assurances de personnes inc. (SIAP)
M. Millette (Yves): M. le Président, je suis Yves
Millette, et je suis vice-président de la Société
d'indemnisation pour les assurances de personnes. Je suis accompagné
aujourd'hui, à ma gauche, de Me Daniel St-Pierre, qui est conseiller
juridique à la Société d'indemnisation pour les assurances
de personnes, et de Me Michel Deschamps, à ma droite, qui est
avocat-conseil chez McCarthy, Tétrault, qui est la firme
d'avocats-conseils de la SIAP.
Le Président (M. Lemieux): Alors, la procédure est
la suivante, et je suis certain que M. Millette la connaît fort bien,
parce qu'on a eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises en
commission parlementaire. Nous disposons globalement d'une heure; 20 minutes
pour l'exposé de votre mémoire, et suivra un échange entre
les parlementaires, d'une durée maximale de 40 minutes: 20 minutes pour
le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition. Nous
sommes prêts à vous écouter relativement à
l'exposé de votre mémoire.
M. Millette: Alors, M. le Président, Mme la mi- nistre,
les membres de la commission, la Société canadienne
d'indemnisation pour les assurances de personnes, la SIAP, a
débuté ses opérations le 1er janvier 1990; 11 des 13
gouvernements au Canada ont rendu obligatoire la participation à la
SIAP. La Nouvelle-Ecosse et l'Ontario devraient en faire autant prochainement.
La SIAP est un fonds d'indemnisation privé dont la formation a
été suscitée par les gouvernements. L'industrie est
commise envers ce fonds et elle est prête à faire les
modifications nécessaires à son bon fonctionnement. La SIAP est
prête à discuter avec le Québec tout changement que
celui-ci voudrait voir apporter. (19 heures)
Notre Société est un fonds avec assises provinciales, tout
comme le fonds d'indemnisation en assurances générales ou celui
de l'assurance-dépôts, tel que conçu à l'origine et
encore appliqué par la Régie de l'assurance-dépôts
du Québec. Le mécanisme de la cotisation anticipée a pu
laisser croire à la mise en place d'une cotisation nationale. La
décision que la Cour d'appel du Québec rendra bientôt
viendra éclairer la situation et permettra à l'industrie de
clarifier les règlements de la SIAP selon la volonté des membres
et des autorités gouvernementales impliqués.
La SIAP est un fonds conditionné par l'existence de règles
minimales de capital et surplus. L'industrie a toujours associé
étroitement fonds d'indemnisation et règles de capital et surplus
minimum harmonisées au Canada. Si l'intention du gouvernement du
Québec est de favoriser un système avec cotisation nationale,
nous ne saurions trop insister sur son appui dans les négociations en
cours en vue d'en arriver à une solution concernant ce test.
La SIAP est un fonds axé sur la liquidation du concurrent
atteint. Une des règles fondamentales de notre organisme pour
éviter les conflits d'intérêts est de n'intervenir
qu'après la prise en charge de l'administration provisoire par le
responsable de la réglementation. La réglementation de la SIAP a
été élaborée dans l'environnement de la Loi sur les
liquidations, qui est une législation fédérale qui n'a
jamais été adaptée au contexte contemporain. Pour pallier
à cette situation, la SIAP a garanti les assurés des
Coopérants au-delà des limites de couverture; elle recherche
actuellement une formule de réassurance proportionnelle dans le dossier
de La Souveraine et elle pourrait éventuellement créer sa propre
compagnie d'assurances.
Dans le dossier des Coopérants, une tentative de
réassurance globale avait été tentée pendant la
phase de prise en charge mais a échoué à cause de
l'ampleur du financement requis. On se rappellera qu'à cause des
obligations hors bilan il était devenu très difficile
d'établir exactement le financement requis. La SIAP a maintenant
modifié ses règlements pour instituer un mécanisme
d'emprunt directement auprès de ses membres. Elle a aussi
créé un comité de surveillance formé
d'administrateurs indépendants qui pourront entrer plus tôt en
contact avec les responsables de la réglementation,
sans être en conflit d'intérêts.
La couverture du fonds d'indemnisation de la SIAP est tout à fait
comparable à la protection de la Société
d'assurance-dépôts du Canada ou de la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec. La SIAP, lors des amendements
qu'elle vient d'apporter, a spécifié que sa garantie
s'étendrait à tout contrat couvert de bonne foi, même si un
tribunal devait estimer ultérieurement qu'il ne s'agit pas d'un contrat
d'assurance aux fins de la Loi sur les liquidations. Cette protection sera
étendue aux assurés des Coopérants et de La Souveraine, le
cas échéant.
Nous avons constitué un groupe de travail pour proposer, d'ici la
fin de 1993, des modifications à la Loi sur les liquidations et un
nouveau mécanisme de cotisation pour étudier la
possibilité d'introduire le préfinancement et les surcharges
reliées aux risques, l'intervention préalable à une
liquidation ainsi que la coassurance. enfin, la siap recherchera un accord de
principe sur une éventuelle participation des gouvernements au
financement et à l'absorption des coûts découlant d'une
liquidation qui excéderaient les ressources de la siap. nous avons
prouvé à la population que l'intention de l'industrie canadienne
des assurances de personnes d'instituer un régime d'indemnisation de la
clientèle de qualité égale au régime
étatique offert à la clientèle canadienne des institutions
financières de dépôts n'était pas vaine. la siap a
déjà déboursé près de 100 000 000 $ en
indemnités aux clients des coopérants, et elle prévoit que
l'indemnité totale à cette clientèle au terme de la
liquidation, l'amènera à verser une sormne totale
dépassant les 140 000 000 $. puisque plus de 95 % de la clientèle
de cet assureur étaient au québec, ce sont les épargnants
du québec qui sont à même de témoigner de la
qualité de notre intervention.
Il est bien certain qu'une telle intervention, pour un organisme qui
commençait à peine à opérer, fut un exercice
difficile. La SIAP a dû rapidement se doter d'un personnel de
professionnels. Des liquidateurs qui n'avaient jamais connu de
l'intérieur l'opération d'une compagnie d'assurance de personnes
se sont résolument mis à la tâche et ils ont abattu une
lourde besogne.
Depuis la mi-décembre 1992, la SIAP est engagée dans un
deuxième exercice de liquidation, cette fois d'un assureur qui faisait
affaire partout au Canada, La Souveraine. Dans ce nouvel exercice, l'engagement
de la SIAP et de l'industrie canadienne des assurances de personnes demeure
inchangé: la protection de l'épargne. Des ajustements ont lieu,
des décisions judiciaires sont rendues, mais l'engagement envers la
communauté des épargnants de notre pays demeure. La SIAP
protège et elle entend continuer de le faire. Cependant, elle le fera en
accord avec les autorités de surveillance et de contrôle et sur
une base de «level playing field» avec les autres institutions
financières au Canada. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je souhaite la
bienvenue aux gens de la SIAP, M. Millette qu'on connaît bien, M.
St-Pierre, M. Deschamps. Merci d'avoir accepté de participer à
cette commission.
Vous venez de mentionner, M. Millette, que vous avez fait plusieurs
amendements aux règlements de la SIAP. Peut-être que vous pourriez
nous énumérer ces changements-là et les comparer avec ce
qui existait, avant les changements.
M. Millette: Me Daniel St-Pierre va faire l'énoncé
des changements qui ont été apportés.
Mme Robic: Merci.
M. St-Pierre (Daniel): M. le Président, parmi les
principaux changements que la SIAP a apportés à ses
règlements, il y a d'abord l'augmentation du nombre des administrateurs
indépendants, de deux à cinq, ce à quoi M. Millette a fait
allusion. Il y a un changement à la définition de «police
couverte» pour donner à la SIAP la possibilité de couvrir
des polices qui pourraient être déclarées ne pas être
des polices au sens de la Loi sur les liquidations. Ensuite on a
mentionné le manque de financement la SIAP s'est donné une
capacité d'emprunt auprès de ses membres, dont le maximum est
fixé à 1 % des primes canadiennes couvertes, ou de la moyenne des
primes canadiennes couvertes des cinq années précédentes.
Actuellement, cette capacité d'emprunt équivaudrait à
environ 190 000 000 $. Ces emprunts-là peuvent se faire de deux
façons: soit un appel direct de fonds auprès des membres, avec
déboursés immédiats, ou une cotisation pour prêt
où les membres souscrivent des billets promissoires qui peuvent
être donnés en garantie et qui pourraient être
appelés ou demandés lorsque le besoin se fait sentir et, à
ce moment-là, les membres devraient verser les montants au comptant. Je
pense que ce sont là les principaux amendements.
Mme Robic: Au niveau de l'augmentation d'administrateurs
indépendants, que vous passez de deux à cinq, est-ce que
ça veut dire que, dans l'exercice, vous avez diminué le nombre de
vos autres administrateurs ou vous n'avez fait qu'augmenter le nombre?
M. St-Pierre: Nous n'avons fait qu'augmenter le nombre
d'administrateurs indépendants.
Mme Robic: Alors...
M. St-Pierre: Alors, le nombre des autres administrateurs demeure
le même.
Mme Robic: Et ils sont combien?
M. St-Pierre: II y en a trois... je pense qu'il y en a trois
de... (19 h 10)
M. Millette: II va y en avoir 16 maintenant. Mme Robic:
Seize en tout? M. Millette: Oui, on passe de 13 à 16. Mme
Robic: De13...
M. Millette: II y a trois administrateurs de grandes compagnies,
trois administrateurs de compagnies moyennes et trois administrateurs de
petites compagnies. Il y avait deux administrateurs indépendants et deux
administrateurs sans droit de vote, qui sont les deux présidents, le
président de la SIAP et le président de l'ACCAP, et il y a
maintenant trois administrateurs indépendants qui vont s'ajouter.
Mme Robic: Additionnels. Quand vous dites que vous avez fait des
ajustements pour couvrir des polices qui n'étaient peut-être pas
couvertes, ou ce n'était pas explicite que certaines polices
étaient couvertes par la SIAP, on parle, bien sûr, ici des REER,
entre autres, que vous avez reconnus comme étant des polices
d'assurance, si je ne me trompe pas quand je vous dis ça,
là...
M. St-Pierre: C'est exact, Mme la ministre.
Mme Robic: C'est ça, oui. Est-ce qu'il y a eu une
décision de prise au niveau des contrats de gestion? Par exemple, de
l'argent qui vient de fonds de pension et qui est donné à des
compagnies pour qu'elles administrent ces contrats-là et qui, en ce
moment, là, crée problème? Est-ce que vous avez
examiné cet aspect-là, et est-ce que vous êtes
arrivés à une décision là-dessus?
M. Millette: Je pense qu'il faut d'abord faire une distinction
entre les contrats d'administration qui sont complétés par une
offre de transformation en rentes, et les contrats qui ne contiennent pas une
telle clause. Les deux genres de contrat font, à l'heure actuelle,
l'objet de décisions devant les tribunaux, deux décisions
séparées qui seront entendues par la Cour d'appel bientôt.
Dans un cas, le tribunal de première instance a déterminé
que ces contrats-là n'étaient pas des polices au sens de la Loi
sur les liquidations. Dans l'autre cas, elle a déterminé que
c'étaient des polices au sens de la Loi sur les liquidations.
Donc, pour l'instant, c'est là que nous en sommes dans ce
domaine-là. Lorsque la SIAP a amendé ses règlements
dernièrement, elle l'a fait d'abord et avant tout i»our le futur
et elle a amendé ses règlements tels qu'existants,
c'est-à-dire ses règlements avec leurs limites et avec leurs
exclusions. Alors, c'est pour ça que je dis qu'elle l'a fait pour le
futur. On reviendra au passé plus tard. Elle l'a fait pour le futur, et
elle a décidé d'apporter sa couverture au genre de contrats qui
sont déjà couverts, qui sont déjà inclus dans la
protection donc, ne pas couvrir ceux qui sont exclus à l'annexe A
de nos règlements et elle a décidé de le faire dans
les limites de sa couverture, c'est-à-dire, dans le cas des REER, 60 000
$. Ça, c'est la décision du conseil d'administration de la
SIAP.
Nous avons déterminé que cette décision-là
pourrait être rétroactive, c'est-à-dire s'étendre au
dossier des Coopérants et de La Souveraine. À ce moment-ci,
évidemment, étant donné que les tribunaux se penchent
encore sur la question, notre offre vaut effectivement pour les contrats
couverts, et jusqu'à la limite prévue par nos règlements.
Vous allez comprendre qu'on n'a pas voulu prendre, à ce moment-ci, un
engagement plus précis. On parlait tantôt d'engagements qui
pourraient atteindre 140 000 000 $; dépendant des jugements des
tribunaux, ces sommes-là pourraient atteindre dépendant
qu'on couvre ou pas la totalité des créances ou la
totalité des contrats et même dépasser les 200 000
000 $. Donc, pour l'instant, nous préférons attendre l'issue des
décisions des tribunaux avant de nous prononcer.
Mme Robic: Je vous comprends, là, mais vous avez bien dit
au début que votre rôle, c'était la protection de
l'épargnant, hein. Et, moi, je voudrais le protéger le plus
possible et comprendre, si des administrateurs d'un fonds de pension confient
des sommes de ce fonds de pension à une institution financière
pour qu'elle gère cet argent-là sous forme de contrat de gestion,
comment on va faire pour protéger ces sommes-là et faire en sorte
que ça sera reconnu comme faisant partie d'un fonds de pension comme
tel. Il faut les différencier, alors comment on va faire pour les
différencier? Je sais que c'est une vieille pratique, là, de
confier des montants d'argent pour administration... On me regarde. Est-ce que
je me fourvoie, là? Non? Bon, alors, s'ils me disent que c'est correct,
je vais continuer.
Alors, il semble que c'est une pratique courante, ça. Mais,
là, je vois que c'est peut-être manquer de prudence, cette
pratique-là. Est-ce que vous vous êtes penché sur ce
problème, et est-ce que vous allez nous faire des suggestions pour
éviter que ça se reproduise?
M. Millette: Je dois vous dire d'abord que la protection offerte
aux régimes de retraite par la SIAP est ni plus ni moins la même
que celle qui est offerte par la Société
d'assurance-dépôts du Canada ou du Québec. C'est la
même chose, à l'exception que la SIAP n'offre pas les 60 000 $ de
garantie qui sont offerts par la Société
d'assurance-dépôts. Mais, pour une caisse de retraite, on parle de
60 000 $ par caisse; donc, ce n'est quand même pas beaucoup. Mais, pour
le reste, tout dépend des décisions qui vont être rendues
par la Cour d'appel, et éventuellement d'autres tribunaux, sur la nature
de la créance des caisses de retraite. Est-ce qu'elle est
privilégiée ou ordinaire?
Dans le cas des sociétés de dépôts, le
problème ne se pose pas. Elles sont ordinaires, et tout le monde est
ordinaire, donc il n'y a pas de question qui se pose. Mais, comme je vous le
disais tantôt, la Loi sur les
liquidations, qui est une vieille législation
fédérale qui n'avait jamais servi dans le cas des assurances,
prévoyait pour leur protection que les assurés, dans une
compagnie d'assurances, étaient des créanciers
privilégiés. Maintenant, toutes ces questions-là sont
débattues devant les tribunaux. Et vous comprendrez que notre intention
est d'accorder le plus de protection possible mais, comme je le disais en
complétant ma présentation, toujours sur une base de «level
playing field» avec les autres institutions financières. Et c'est
bien notre intention de rester, autant de possible, à parité avec
la Société d'assurance-dépôts. Et, sur ça, il
y a peut-être une incompréhension de la part des administrateurs
de régimes de retraite parce que, effectivement, les administrateurs de
régimes de retraite ont tendance, à l'heure actuelle, à
dire que leurs dépôts dans une compagnie d'assurances peuvent
être protégés différemment, ce qui n'est pas le
cas.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Hol-den... M. le
député de Westmount, pardon.
M. Holden: Merci, M. le Président. Prenez
différents scénarios. Si la Cour d'appel accepte l'argumentation
de votre organisation, combien vous allez perdre et payer? Et, inversement,
s'ils n'acceptent pas ou bien s'il y a des appels, qu'est-ce que ça peut
vous coûter, à peu près, en chiffres ronds?
M. Millette: Si on gagne tous les appels qui ont
été logés, si les décisions des tribunaux de
première inst; ice ne sont pas modifiées, notre coût sera
de l'ordre ae 140 000 000 $ peut-être un petit peu moins à
cause de la réserve qui avait été mise pour les contrats
U. Si on était forcé de maintenir les contrats U, ça
serait 140 000 000 $, parce qu'on avait déjà prévu une
indemnisation pour ces contrats-là, les contrats U étant les
fameux contrats de dépenses sans garantie de rente. Et, sinon, bien, si
on perdait sur toute la ligne, comme je le disais tantôt, ça
pourrait atteindre et dépasser 200 000 000 $.
M. Holden: À part les honoraires d'avocats. Ha, ha,
ha!
M. Millette: Incluant les honoraires d'avocats. Ha, ha, ha!
M. Holden: Incluant. Et la dernière question: Vous parliez
de créer votre propre compagnie d'assurances. Expliquez un peu comment
ça entre dans le portrait global.
M. Millette: Oui. Pour faire une histoire courte, on s'est rendu
compte que, lorsque vient le temps d'intervenir, le facteur temps est un
facteur important. Et, à certaines occasions, certains portefeuilles ne
sont pas acquis par d'autres compagnies d'assurances. Qu'on prenne le dossier
des Coopérants, par exemple, où toutes les polices d'assurance
ont été vendues, sauf les contrats de rentes qui sont en
sous-administration par un tiers à l'heure actuelle. Donc, toujours en
vue de sauver des coûts et en vue d'avoir une meilleure administration,
il pourrait être profitable de faire administrer ces contrats-là
directement par une compagnie d'assurances qui, elle, pourrait les administrer
à long terme et, lorsque l'opportunité se présenterait,
pourrait revendre ces portefeuilles à d'autres compagnies. Je pense que,
plus tôt cette semaine, vous me posiez des questions, à savoir
pourquoi les compagnies d'assurances n'interviennent pas plus tôt; cette
compagnie-là pourrait maintenant être une compagnie qui pourrait
présenter des offres pour acheter un portefeuille et,
éventuellement, sauver de l'argent ou l'avoir à de meilleures
conditions pour les assurés. (19 h 20)
M. Holden: Et il n'y a pas de conflit possible
là-dedans?
M. Millette: En théorie, non, parce que le liquidateur
n'est jamais la SIAP; c'est le liquidateur qui détermine, qui choisit
les soumissionnaires.
M. Holden: Ça serait après que le...
M. Millette: C'est après. C'est que, à l'heure
actuelle, le fonctionnement de la SIAP, comme je l'ai dit tantôt, est un
fonctionnement après mise en liquidation. La SIAP n'est pas
adaptée, à l'heure actuelle, pour fonctionner avant la mise en
liquidation. Évidemment, le groupe de travail dont j'ai parlé va
se pencher sur cette question-là, à savoir si la SIAP peut
devenir un tel organisme. À ce moment-là, l'existence d'une
compagnie d'assurances de la SIAP pourrait être différente, je ne
le mets pas en doute. Mais, effectivement, un tel changement dans les
fondements de la SIAP exigerait probablement une participation gouvernementale,
parce que l'industrie elle-même ne pourrait pas, à cause des
conflits d'intérêts dont vous parlez, elle-même financer
tous ces sauvetages avant la faillite.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Wesmount?
M. Holden: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député, je
vous permettrais de conclure, et je vous accorderai un temps de cinq minutes
pour conclure les travaux de cette commission dans l'ensemble.
M. Holden: On va remercier les visiteurs avant, et...
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez conclure
immédiatement, et nous remercierons les visiteurs après. Alors,
je serai, ainsi, certain qu'ils demeureront assis à leur
siège.
Des voix: Ha, ha, ha!
Conclusions M. Richard B. Holden
M. Holden: Bien, c'est sûrement trois jours où j'ai
appris considérablement, M. le Président. En tout cas, il
apparaît que nous avons un consensus autour de la question des normes de
capitalisation, de la nécessité de respecter des normes de
capitalisation et de faire en sorte que ça équivaille aux normes
internationales. Il semble y avoir un consensus autour de la
nécessité de permettre à nos institutions
financières un bon accès au marché des capitaux, en
particulier pour nos institutions de type coopératif. Et il
apparaît que, si l'on juge important d'arriver à une certaine
harmonisation au Canada, les nombreuses réserves qui ont
été exprimées quant à la probabilité,
ça existe. Je n'ai pas compté s'il y avait plus d'optimistes ou
de pessimistes, mais il me semble qu'il y avait plus de pessimistes. En tout
cas, peut-être que je prête une oreille plus attentive aux
pessimistes qu'aux optimistes.
Mme Robic: Connaissant vos allégeances politiques, je vous
comprends.
M. Holden: Oui. Et, d'ailleurs, mon autre oreille entend souvent
la ministre, qui est optimiste, alors... Et l'attitude de l'Ontario semble
difficile. Je sais que la ministre et le gouvernement fédéral
vont faire en sorte... Je ne sais pas si un changement de gouvernement va
arriver bientôt en Ontario; en tout cas, le gouvernement actuel a des
problèmes qu'on connaît tous.
En ce qui a trait à l'indemnisation et aux pouvoirs qu'on veut
confier à l'Inspecteur général, il y a des questions pour
et contre. L'Inspecteur général ne parle pas en termes de
pouvoirs, il parle en termes de responsabilités. Et c'est vous, Mme la
ministre, qui devez décider, à la fin, si, effectivement, vous
allez donner des pouvoirs. Bon. Quand vous allez déposer le projet de
loi, c'est sûr qu'on aura le temps de tout discuter, alors... Pour le
moment, ça m'a appris beaucoup, et je félicite tous ceux et
celles qui sont venus témoigner devant nous. Leur travail, les
mémoires étaient substantiels. Et je remercie la ministre qui a
gardé son sens de l'humour habituel et son visage amical; et, M. le
Président, vous avez aussi, vous et vos autres collègues, bien
mené les discussions. Alors, je crois que c'étaient trois jours
bien dépensés, surtout dans une harmonie qui ne semble pas
être le cas pour le débat sur la langue qui s'en vient.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Merci beaucoup, M. le
député de Westmount. Mme la ministre, vous avez un temps maximal
de cinq minutes.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président,
tout d'abord, aux gens de la SIAP, pour vous dire qu'on trouvera un autre
moment pour continuer cette conversation, parce que je n'ai pas
épuisé les questions que je pouvais avoir pour vous, et je suis
sûre que vous avez encore des choses à nous dire. Alors, on pourra
se rencontrer dans un deuxième temps. Quant au député de
Westmount, après vos remarques, je m'attends à ce que vous soyez
d'accord avec notre projet et que vous voterez avec nous. m. le
président, vous me permettrez de prendre quelques minutes pour conclure
nos travaux. en premier lieu, je dois souligner notre grande satisfaction
à l'égard des groupes qui ont déposé des
mémoires. au-delà de l'excellente qualité de leurs
commentaires, permettez-moi également de souligner leur
représentativité. le député de westmount
s'inquiétait un peu de cette représentativité, bien, elle
est impressionnante. le secteur de l'assurance était
représenté en force: l'accap, l'association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes, qui regroupe presque toutes les
compagnies d'assurances de personnes au canada, dont une vingtaine à
charte québécoise; le bureau d'assurance du canada, avec 80 % de
ses assureurs de dommages au canada, dont les plus importants au québec;
les deux tiers des courtiers d'assurances du québec,
représentés par le regroupement des cabinets de courtage
d'assurance; 13 000 intermédiaires en assurance de personnes,
représentés par l'association des intermédiaires en
assurance de personnes du québec; les fiducies de l'ensemble du canada
ont été représentées par l'association des
compagnies de fiducie du canada.
Nous avons également déposé le mémoire de
l'Association des banquiers canadiens, qui couvre toutes les banques à
charte du pays. D'importantes institutions financières sont
également venues présenter leur point de vue: le groupe
Prêt et Revenu, la SSQ, la Croix Bleue, le Groupe La Laurentienne et,
bien sûr, le Mouvement Desjardins qui, à lui seul, touche
près de 5 000 000 de Québécois. Sans compter les autres
mémoires, dont celui de la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain, qui représente le coeur économique du
Québec et à laquelle s'étaient joints la ville de
Montréal, la Bourse de Montréal et le BEFIM. Enfin, soulignons la
présence de la SIAP et de l'Institut canadien des actuaires.
M. le Président, ces groupes fort représentatifs du
secteur financier du Québec et du Canada nous ont permis de passer en
revue plusieurs propositions contenues dans l'énoncé de politique
en ce qui a trait aux mesures d'efficacité, de stabilité et de
croissance. Nos échanges constructifs se sont logés à
l'enseigne du réalisme, du pragmatisme, du respect des
compétences du Québec, de la détermination et, n'en
déplaise au député de Westmount, de l'optimisme.
Permettez-moi, d'ailleurs, de souligner à ce dernier qu'il devrait faire
provision d'optimisme. S'il croit que les solutions jailliront
après avoir brisé le pays, je ne le crois pas.
De façon générale, M. le Président, il est
entendu que nous prendrons le temps d'analyser les mémoires à la
lumière des propos recueillis lors de cette commission. Je crois
cependant qu'il se dégage certains consensus, notamment en ce qui touche
les principes d'harmonisation, la notion d'espace financier canadien et les
coûts inhérents au respect de la réglementation. De
même, on peut considérer que le gouvernement a adopté une
bonne approche en ce qui concerne les normes de capitalisation et les normes de
pratique commerciale saine qui augmentent l'autonomie des gestionnaires tout en
les responsabilisant. (19 h 30)
J'ai aussi noté une certaine appréhension à propos
de l'intention du gouvernement d'investir l'Inspecteur général
des institutions financières de nouveaux moyens d'intervention. Je tiens
à réaffirmer ici qu'il ne s'agit aucunement d'un changement
d'orientation de la politique du gouvernement, laquelle, vous le savez tous,
privilégie l'autodiscipline des acteurs du marché. Le
gouvernement a toujours eu comme politique de «prioriser»
Fautoréglementation. Le gouvernement est d'avis que la stabilité
du secteur financier repose sur l'effet conjoint d'une gestion responsable,
prudente et saine des institutions et d'un pouvoir d'intervention
véritable de l'autorité publique.
Les mesures qui sont préconisées aux fins de renforcer la
stabilité du secteur financier québécois comportent un
engagement clair du gouvernement de consacrer une place accrue à
l'autodiscipline de l'industrie dans la réglementation. Nous entendons
traduire ce principe par une révision exhaustive du régime
normatif des institutions québécoises au profit d'une implication
plus grande des équipes de direction en vertu du principe du
gestionnaire prudent. Cette opération ne se veut pas un
relâchement des responsabilités de l'État; elle consiste
plutôt en une passation de certaines responsabilités
réglementaires du gouvernement vers les gestionnaires, lesquels sont en
position privilégiée pour les exercer sur une base
quotidienne.
Compte tenu de l'importance des responsabilités ainsi
transférées, le gouvernement croit nécessaire...
Le Président (M. Lemieux): Un instant, Mme la ministre.
Est-ce que j'ai votre consentement pour qu'elle poursuive?
M. Holden: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Westmount. Vous pouvez poursuivre, Mme la ministre.
M. Holden: Ça ferait de la peine à monsieur, si je
disais non.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous pouvez poursuivre,
madame...
Mme Robic: Vous êtes...
Le Président (M. Lemieux): ...puisqu'il y avait une
entente à l'effet qu'il y avait cinq minutes à la fois pour le
député... Alors, je me dois d'obtenir votre consentement. Vous
pouvez poursuivre, madame.
Mme Robic: Compte tenu de l'importante je remercie le
député de Westmount, d'ailleurs responsabilité
ainsi transférée, le gouvernement croit nécessaire
d'instaurer en corollaire certains mécanismes lui permettant de
continuer de s'acquitter convenablement des responsabilités qu'il assume
dans ce domaine. C'est dans cet esprit que le gouvernement étudie la
possibilité d'octroyer à l'Inspecteur général
certains pouvoirs spéciaux lui permettant de réagir avec
célérité et efficacité aux situations où le
principe du gestionnaire prudent ne serait pas convenablement exercé.
L'octroi de ces pouvoirs devrait donc être considéré comme
un complément à l'accroissement des responsabilités que
seront appelés à remplir les gestionnaires et non comme un
substitut au rôle joué par ces derniers.
Enfin, on note un appui généralisé à
plusieurs mesures contenues dans l'énoncé de politique. Il est
clair et on a démontré que cela est largement
partagé que la santé du secteur financier repose sur la
confiance de l'épargnant. Le gouvernement a donc raison de tabler sur le
fait que le bon fonctionnement des marchés repose sur une protection
optimale du public. C'est dans cette optique, M. le Président, que nous
entendons traduire nos positions par des mesures concrètes que nous
ferons connaître dans un prochain avenir.
Je vous remercie, et j'espère pouvoir continuer d'avoir la pleine
collaboration du député de Westmount. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme la
ministre. Je remercie les membres de cette commission parlementaire. Je
remercie aussi l'ensemble des fonctionnaires qui y ont participé, tous
les butineurs et butineuses qui vous entourent, Mme la ministre.
Et je terminerai en disant que la commission du budget et de
l'administration a complété son mandat relativement à la
consultation générale et aux auditions publiques sur
«L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec.
Propositions de politiques pour le secteur financier du Québec»,
et nous ajournons nos travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 19 h 34)