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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 5 mai 1993 - Vol. 32 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques pour le secteur financier du Québec »


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Gautrin): Le quorum étant atteint, la commission du budget et de l'administration va poursuivre ce matin ses consultations sur «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques pour le secteur financier du Québec».

Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement. Auditions

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je pense que le premier groupe... Vous étiez là depuis un certain temps, je vous remercie. Alors, je n'ai pas à vous appeler pour vous... C'est la SSQ, Mutuelle de gestion. Alors, je vous explique brièvement... Vous êtes assez habitués, mais enfin vous avez 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. La partie ministérielle aura 20 minutes et la partie de l'Opposition 20 minutes aussi pour vous questionner, qui pourront se fractionner en suivant une certaine flexibilité. Vous avez la parole.

SSQ, Mutuelle de gestion

M. Deniers (Yves): Merci, M. le Président. Mme la ministre...

Le Président (M. Gautrin): Mme la secrétaire me rappelle que vous devriez vous présenter, peut-être, et présenter les administrateurs qui sont avec vous, non pas pour moi, mais pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats.

M. Deniers: J'y arrivais justement, M. le Président. D'abord, je vous remercie de nous permettre de venir commenter les propositions de politiques pour le secteur financier du Québec. La délégation de la Mutuelle de gestion SSQ, je vous la présente. À mon extrême gauche, M. Jean-Claude Tremblay, administrateur; M. César Simon, secrétaire général; M. Pierre Genest, président et chef de l'exploitation de la SSQ, Société d'assurance-vie inc.; à mon extrême droite, M. Marcel Poulin, trésorier des entreprises SSQ; M. François Lebrun, administrateur; et moi-même, Yves Demers, président de la Mutuelle.

Je voudrais dire un mot sur la société que nous représentons ici ce matin. SSQ, d'abord, est une société née comme étant une petite coopérative de santé créée dans un quartier populaire de Québec en 1944. Cette petite société a évolué constamment jusqu'à devenir, aujourd'hui, une institution importante au Québec, et je pense que c'est reconnu. Une société qui a fait peu de développement en filiale, bien que les modifications apportées à la loi l'aient permis. Nous n'avons qu'une petite filiale en assurances générales et une petite société d'assurances qui fait de l'assurance-vie individuelle. Donc, nous nous sommes principalement concentrés dans la spécialité que nous avons développée et que nous menons au sein de SSQ, Société d'assurance-vie inc., une spécialité en assurance collective, ce qui est reconnu dans le milieu, donc, l'assurance-médicaments, Passurance-salaire, l'assurance-vie, les rentes, d'où nous avons développé une expertise absolument remarquable et un personnel hautement spécialisé.

Quelques chiffres rapides: 450 000 assurés, ce qui rejoint 1 250 000 personnes; 600 emplois, Québec, Montréal; 1 000 000 000 $ d'actifs; un chiffre d'affaires de 400 000 000 $. Nous appliquons et nous avons toujours appliqué, depuis la naissance de la SSQ, les principes coopératifs et mutualistes. Donc, nous procédons par des assemblées régionales à chaque année pour l'élection de délégués. Ces assemblées régionales là sont tenues à l'automne dans toutes les régions du Québec, et nous cherchons à atteindre le plus grand nombre d'assurés possible qui, eux, élisent leurs délégués.

Donc, 90 délégués qui se rencontrent à l'assemblée annuelle et qui représentent directement les assurés. Une personne, un vote, évidemment, les principes coopératifs. Nous n'utilisons pas les formules de procuration.

Nous notons dans notre mémoire, et je pense qu'on n'apprend rien à personne, une faiblesse évidente de capitalisation pour la plupart des compagnies d'assurances à charte québécoise dont la grande majorité sont des mutuelles ou résultant de mutuelles transformées. Et SSQ ne fait pas exception à la règle. Durement touchée en 1992, elle doit aujourd'hui rétablir sa capitalisation, et les mutualistes y perdent le contrôle de leurs compagnies d'assurances.

Notre mémoire fait état de l'importance économique pour le Québec des entreprises d'assurance sur les personnes, spécialement celles qui ont leur siège social au Québec. Il faut observer que les décisions d'investissement et d'achat se font normalement depuis le siège social et les retombées principales se font généralement dans la province où se trouve ce siège social. De plus, les emplois les plus spécialisés se retrouvent au siège social. (10 h 20) or, nous savons que 64 % des primes souscrites au québec le sont auprès de compagnies qui n'y ont pas leur siège social. on peut donc penser que la décision

d'investir toutes ces primes sera prise hors Québec. Il est extrêmement important, à notre avis, que le gouvernement du Québec appuie fermement ce secteur économique important en favorisant sa capitalisation. Les compagnies d'assurances à charte québécoise, mutuelles ou non, qui vont disparaître ne seront pas remplacées par d'autres compagnies à propriété québécoise. Les coûts de constitution, principalement la capitalisation de base requise, rendent pratiquement impossible la création de nouvelles compagnies à propriété québécoise. Le vide sera comblé par les grandes institutions nationales ou multinationales.

Pour nous, la formule mutualiste demeure la plus intéressante parce que, normalement, elle laisse la propriété de l'entreprise entre les mains des usagers. Au Québec, s'est développée une formule originale qui permet de transformer une simple mutuelle d'assurances en une mutuelle de gestion accompagnée d'une compagnie d'assurances à capital-actions.

Dans la première se regroupent les mutualistes propriétaires, donc, les assurés de la deuxième compagnie, et, dans la deuxième, la compagnie d'assurance-vie, se déroulent les opérations commerciales d'assurances. Cette transformation autorise la venue de capitaux dans la compagnie à capital-actions, ce qui, on le comprend bien, réduit d'autant la propriété par les mutualistes eux-mêmes. À la limite, l'entreprise d'assurances pourrait en venir à être détenue majoritairement à l'extérieur même du Québec.

Idéalement les mutualistes devraient capitaliser eux-mêmes leur mutuelle de gestion pour conserver leur droit de propriété sur la compagnie d'assurances. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas, faute de moyens adéquats. C'est pourquoi, à notre avis, il importe que se développe au Québec un mode, ou plusieurs modes de capitalisation pour les entreprises mutualistes.

D'autres groupes ou comités ont déjà étudié bien avant nous les moyens propres à faciliter la capitalisation des compagnies d'assurances. Aux pages 6 et suivantes de son mémoire, la SSQ relève quatre moyens qui auraient le mérite de pouvoir être examinés rapidement. Sûrement que d'autres suggestions seront faites. Ce qui importe, c'est que des solutions soient trouvées si nous voulons conserver au Québec un fort réseau de compagnies d'assurances à propriété québécoise.

Notre mémoire fait aussi remarquer que certaines qualités, que l'on veut aujourd'hui retrouver dans le capital, se retrouvent déjà dans la formule mutualiste, et nous faisons référence particulièrement à un article de la revue Harvard Business School qui dit, par exemple, que la propriété des entreprises devrait être partagée le plus largement possible entre, d'une part, des actionnaires à vocation financière, et, d'autre part, les administrateurs, qui seraient aussi actionnaires de leur entreprise, les employés, les gestionnaires, les clients, les fournisseurs, etc. Et on suggère de plus que les investisseurs poursuivent des objectifs à long terme dans lesquels les retombées sociales maximums auraient leur juste part, ce qui mettrait à contribution le milieu social dans les grandes entreprises telles que celles qu'on connaît ici.

Dans son mémoire, la SSQ propose quatre modes ou moyens pouvant faciliter la capitalisation des compagnies mutuelles. Un premier qui semble simple, mais qui reste lourd, c'est la contribution au capital de leur mutuelle par les assurés eux-mêmes. J'y reviendrai dans un moment. Deuxièmement, un autre moyen possible serait peut-être la contribution au capital par les employés, et même des personnes externes qui pourraient accepter de souscrire du capital dans des compagnies d'assurances en utilisant un modèle du type SPEQ qui, actuellement, n'est accessible ou réservé qu'aux employés de secteurs industriels ou commerciaux.

L'élargissement du régime d'investissement coopératif aux membres et employés des mutuelles d'assurances. C'est un modèle qui se développe, je pense, tranquillement, mais qui pourrait peut-être être étendu aux membres et employés des mutuelles, de telle sorte que ce régime pourrait servir à lever des capitaux.

Enfin, la constitution — et là-dessus on rejoint les propositions ou certaines suggestions que l'on retrouve dans les propositions générales de la politique — avec l'appui du gouvernement, d'un fonds de capitalisation, tel que le recommandait ou le recommande encore le groupe de travail sur la capitalisation des assureurs de personnes. Les modalités, évidemment, sont à discuter, sont à établir, mais je pense que c'est un véhicule qui pourrait être rapidement mis en place et qui serait extrêmement utile aux mutuelles du Québec.

Voilà, ce sont les grandes lignes de notre mémoire. Nous savons, par expérience, une expérience douloureuse, chez SSQ, l'urgence d'agir dans le domaine financier, dans ce domaine financier, dans ce domaine de l'assurance. La mobilisation de toutes les ressources est absolument nécessaire. Et vous pouvez certes compter sur SSQ chaque fois que vous jugerez utile de faire appel à nos services. Nous sommes déjà, mes collègues et moi, à votre disposition pour vous fournir un complément d'information si vous le jugez à propos.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie, M. Demers.

Mme la ministre, est-ce que vous auriez des questions à poser?

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. M. Demers, messieurs, bienvenue. M. le Président, ce mémoire que l'on a devant nous, bien sûr, élabore assez en profondeur les possibilités de capitaliser nos institutions financières. Vous faites également le voeu que nos institutions à caractère mutualiste continuent à bien progresser ici, et voyez ça comme une structure intéressante qui ne devrait pas disparaître.

Comment est-ce que vous verriez une aide possible dans une telle structure? Comment on peut aider ces entreprises à se capitaliser? On sait qu'il y a des véhicules de capitalisation possibles, certaines émissions, mais on se rend compte que les compagnies qui ont essayé d'aller sur le marché se sont rendu compte que c'était coûteux, que le rendement n'était peut-être pas assez

intéressant et, finalement, très peu de compagnies se sont prévalues de ces possibilités. Dans vos suggestions, entre autres, vous suggérez la capitalisation à travers la prime des contrats collectifs. Est-ce que ce n'est pas une chose que vous pourriez faire déjà, ça? Et pourquoi est-ce que ça n'a pas été essayé jusqu'à présent? Vous avez, là, déjà des moyens qui vous sont permis mais non utilisés. Alors, j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas tenté ces exercices-là.

M. Deniers: Vous permettez, madame? Oui, c'est une suggestion, d'abord, qui nous a été faite, au fil de l'année 1992 et au début de 1993, par nos assurés eux-mêmes que nous avons rencontrés en région. Ils voudraient, ils le disent, ils souhaiteraient pouvoir capitaliser eux-mêmes leur société, mais ce sont des individus isolés, finalement, ce n'est pas l'ensemble de nos assurés qui parlent en même temps. Mais je pense qu'il y aurait peut-être une certaine volonté à aller chercher. La difficulté serait probablement de s'assurer et d'être bien certain que cet ajout à la prime soit vraiment considéré comme du capital, qu'il puisse d'abord ne pas être taxé au niveau taxe sur les primes, etc., et non pas considéré comme un revenu de la société d'assurances, mais vraiment une partie de capital qui pourrait s'ajouter à cette prime-là et être versé à la mutuelle de gestion qui, elle, retournerait à sa compagnie d'assurances cette nouvelle capitalisation là.

La difficulté est probablement de distinguer, dans une prime donnée, la partie qui est du capital et qui devra être définie comme telle vis-à-vis des groupes, parce que la négociation doit se faire auprès de milliers de groupes, bien définir ce qu'est la partie capital de ce qu'est la partie prime et qu'elle ne soit pas confondue par qui que ce soit dans cette opération-là. Mais c'est une hypothèse, disons, qui demande un travail absolument énorme de convaincre tous les groupes, disons, dans une société comme la SSQ, d'adhérer à cette proposition-là. J'imagine que les députés de l'Assemblée nationale seraient enclins à accepter une proposition comme celle-là parce qu'eux-mêmes sont assurés chez nous, mais est-ce que tout le monde ferait de même partout au Québec? (10 h 30)

C'est un peu la difficulté qu'on a. On le donne comme étant une hypothèse, qui est lourde et longue à mettre en marche mais qui serait importante parce qu'une société comme SSQ, où on rejoint quand même 450 000 personnes à l'intérieur d'à peu près 3000 ou 4000 groupes, ce n'est pas une mission impossible. C'est une mission difficile, mais pas impossible. Et, au départ, il faudrait partir avec certains groupes qui accepteraient de jouer cette opération-là, en autant que ce soit vraiment considéré comme étant du capital et que ce soit considéré par les autorités comme étant vraiment du capital aussi.

Mme Robic: Vous rendriez cette prime obligatoire. Au moment de l'achat d'un contrat collectif, cette prime-là serait obligatoire pour chaque membre qui participe à cette police collective.

M. Deniers: Oui. J'imagine qu'au départ... Oui, c'est sûr que, disons, avec le groupe avec lequel on serait en négociations, la prime serait obligatoire à l'intérieur de ce groupe-là. Mais la rendre obligatoire à tout le monde, à tous nos groupes, il faudra les négocier un par un et ce n'est qu'à la longue qu'on arrivera à constituer cette capacité de lever du capital un peu originale.

Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est la partie... Disons qu'on est en concurrence avec d'autres compagnies qui, évidemment, peuvent arriver à ce moment-là avec des primes nettement moins élevées. Mais, si c'est une levée de fonds qui s'avère moins coûteuse que pour d'autres, peut-être que ça compenserait le...

Mme Robic: Cette prime se traduirait par une action? Un droit de vote?

M. Deniers: Ça pourrait...

Mme Robic: Quels seraient les avantages pour la personne de vouloir participer de cette façon-là?

M. Demers: C'est une capitalisation qui irait directement dans la mutuelle de gestion. Donc, ce serait une contribution directe à la capitalisation de la mutuelle de gestion qui, elle, utiliserait ce capital-là pour capitaliser sa compagnie d'assurance-vie.

Pour le groupe lui-même, on n'a arrêté aucune modalité, disons, d'opération. Ça peut être une debenture à perpétuité. Ça peut être du capital-actions privilégié ou une part sociale, plutôt une part sociale qui serait émise par la mutuelle de gestion et elle serait émise plus au groupe qu'à l'individu. Parce que, si on s'en va avec des parts sociales émises aux individus, je pense qu'on arrive à une comptabilité un peu impossible.

Mme Robic: Alors, c'est au moment où le groupe signe un contrat collectif avec vous qu'il y aurait un ajout de prime qui se traduirait par du capital dans la société de gestion.

M. Demers: C'est ça.

Mme Robic: Ça se ferait une seule fois, ça, ou à tous les ans?

M. Demers: Ça pourrait se faire une seule fois. Ça pourrait se répéter. Ça dépend un peu du montant qui serait, disons, demandé, mais ça pourrait être répétitif à chaque renouvellement du contrat, une fraction de... Je n'ose pas dire une fraction de la prime, c'est une somme d'argent qui s'ajoute à la prime et qui, elle, serait perçue de la même manière.

Mme Robic: Oui, mais ça ajoute à votre prime. Il y a un coût qui s'ajoute à cette prime-là.

M. Deniers: Oui, oui, absolument!

Mme Robic: Et vous êtes en compétition. Comment est-ce que vous pourriez vendre cet ajout de prime? Quels seraient les avantages pour un groupe de vouloir souscrire à ce genre de...

M. Demers: Disons d'abord qu'au départ la somme d'argent, si elle était annuelle, ne serait certainement pas élevée. Ça pourrait être, disons, 3 $, 2 $, 5 $ par année pour un assuré. Ce serait un montant, disons, que l'on qualifie quand même de modeste.

D'autre part, effectivement, ça dérange, ça nuit à la concurrence, disons, que l'on veut garder ou maintenir dans nos primes. Ça supposerait que les groupes, s'ils y vont sur une base volontaire, soient vraiment conscients et adhèrent à l'idée de capitaliser leur mutuelle.

Il y a des groupes, effectivement, qui sont sérieux sur ce côté-là, et j'ai jasé... Évidemment, ce n'est descendu à aucun niveau encore. Ça nous a été demandé en région par les assurés eux-mêmes, donc, la base. Mais, dans un groupe en particulier, on a parlé avec une représentante, disons, quand même assez influente dans le groupe et, elle, elle nous dit que ce serait une formule que le groupe, ce groupe-là qui est hautement vendu à l'idée mutualiste, disons, pourrait considérer probablement avec intérêt. Mais c'est un groupe parmi d'autres. Par contre, nous avons beaucoup de groupes qui sont très attachés à la SSQ comme entreprise et c'est un peu leur religion dans l'assurance. Ils y sont très attachés et ils se sentent capables d'appuyer une démarche comme celle-là.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Westmount, vous avez quelques questions?

M. Holden: Merci, M. le Président. Moi, je suis un de vos membres, je suppose, parce que vous avez parlé de 450 000 membres, mais c'est plutôt le groupe qui est membre. Chaque individu dans le groupe, est-ce que lui, individuellement, a un vote visant à nommer les administrateurs ou...

M. Deniers: Oui. Chaque assuré de chaque groupe a un vote lorsqu'il se présente à l'assemblée régionale qui se tient dans sa région, à Montréal ou un peu partout dans le Québec. C'est des assemblées qui se tiennent à l'automne et chacun des assurés a droit de voter pour choisir le délégué ou les délégués qui vont représenter cette région-là et ce sont les délégués qui, eux, ont droit de vote lors de l'assemblée annuelle. Par ailleurs, tous les assurés, évidemment, sont invités à l'assemblée annuelle, peuvent participer, peuvent assister à l'assemblée annuelle, peuvent poser des questions, peuvent discuter, mais le vote est pris par les délégués qu'eux-mêmes, les assurés, ont élus en région.

M. Holden: Je me demande qui est mon délégué. Vous n'avez pas d'idée?

M. Deniers: Je pourrais vous donner l'information. Il y en a 20 à Montréal.

M. Holden: On en parlera une autre fois. Là, les propositions de la ministre, du gouvernement, parlent de la possibilité de créer un régime québécois d'indemnisation en matière d'assurance des personnes et, à la page 26, on voit une question: Si le régime doit être public, doit-il s'appliquer aux engagements souscrits au Québec par toutes les compagnies faisant affaire au Québec ou par les seules compagnies québécoises, c'est-à-dire incorporées au Québec? Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Deniers: Je vais laisser M. Genest, le président et chef de l'exploitation de la SSQ-vie vous donner l'information.

Le Président (M. Gautrin): M. Genest.

M. Genest (Pierre): Je pense que c'est une opinion qui va être assez large, là. La question est large. Dans un plan d'indemnisation — je dois vous dire que j'ai une formation d'actuaire, ça fait qu'en partant ma formation m'indique la direction — ce qu'il faut avoir le plus possible, c'est une grande répartition du risque. Ce que l'on fait, en assurance, que ce soit l'assurance... Dans tous nos groupes d'assurances, en fait, on demande une petite prime à chaque assuré pour payer une grosse réclamation à un assuré, surtout quand on parle de l'assurance-vie ou de l'assurance-invalidité et, dans un plan d'indemnisation, ça devrait être la même chose. C'est d'ailleurs pourquoi ces plans-là, normalement, essaient d'être couverts par la plus grande quantité de primes possible. Donc, la première position que l'on a toujours tenue à la SSQ, c'est qu'un plan national, qui couvre l'ensemble des assurés canadiens, est plus sécuritaire qu'un plan qui couvrirait juste les employés du Québec ou de l'Alberta ou de l'Ontario, parce que, lorsqu'il arrive un malheur et que le premier malheur est arrivé au Québec et le deuxième dans l'Ouest, normalement, s'il y a plus de payeurs pour le payer... En fait, c'est les assurés, finalement, les autres assurés des autres compagnies qui paient pour la compagnie qui est en difficulté; plus la quantité de payeurs est importante, moins chaque payeur est obligé de verser un montant d'argent important. Donc, on pense qu'on devrait avoir un système le plus large possible. Maintenant, ce dont on s'aperçoit, c'est qu'on a eu un système large avec une application restreinte. On a un système où on dit: Ça couvre l'ensemble des assurés canadiens, l'ensemble des compagnies d'assurances canadiennes, mais, lorsqu'on arrive à l'application du premier problème, on dit: Oui, mais on avait prévu que c'est pour tout le monde, mais c'est juste les gens de la province dans laquelle ça arrive qui vont payer. On s'est objecté à ça énormément, parce que... (10 h 40)

Ça fait qu'on se dit: Si c'est ça, si on a des plans provinciaux, bien, là, je ne vois pas pourquoi on aurait

un plan provincial qui serait géré à Ottawa ou à Toronto. Si on a un plan qui est couvert par les assurés québécois et que, s'il arrive quelque chose au Québec, c'est les assurés québécois qui vont payer, je pense qu'on est capable de s'organiser nous autres mêmes et de le gérer, ce plan-là. Par contre, si c'est un plan québécois, ça devrait couvrir tous les assurés québécois et non pas juste les assurés des compagnies québécoises, parce que, là, ça devient un bassin qui est beaucoup trop petit. Et il va falloir se questionner beaucoup sur la capacité parce qu'il ne faut pas, non plus, construire un château de cartes. Il faut toujours imaginer... Si c'est la plus grosse qui a un problème, bien, si on a un plan québécois et que c'est la plus grosse compagnie d'assurances québécoise qui a un problème, est-ce que les autres compagnies ensemble sont capables de le supporter, le problème? Si elles ne sont pas capables de le supporter, il faut donc qu'il y ait une protection gouvernementale derrière tout ça pour les cas extrêmes. Ou bien il faut avoir quelque chose de très large dans l'industrie ou, si c'est moins large dans l'industrie, bien, là, il faudra quelque chose de plus large, qui est l'État.

M. Holden: Vous avez mentionné d'étendre les risques. Les investissements, maintenant, sont limités, si je comprends bien, dans les fonds d'assurance, mais des pays comme le Japon ou l'Allemagne, par exemple, permettent l'investissement dans les entreprises commerciales. Si vous avez la permission d'augmenter vos investissements, est-ce que ça augmente le risque? Quel est l'effet sur le risque quand on a des intérêts en dehors de l'assurance?

M. Genest: Chaque investissement a un risque défini. C'est bien sûr que, si on investit en obligations du gouvernement provincial québécois ou du gouvernement fédéral canadien, le risque est minime. Par contre, si on investit dans une... En principe, si on investit dans une municipalité, on a un risque un petit peu plus important. Et, lorsqu'on arrive pour investir dans une obligation de General Motors, bien, on a un risque plus important. C'est sûr que, si on achète des actions de General Motors, le risque est encore plus important. Si on achète des actions d'une petite compagnie ou si on devient propriétaire d'une petite compagnie, bien, là, on a encore un risque qui devient de plus en plus important. Ce qu'il faut toujours faire dans ça, c'est qu'il faut que le rendement soit compatible avec le risque. Et on voit de plus en plus qu'avec nos nouvelles méthodes d'évaluation des réserves actuarielles et tous les facteurs d'influence du risque je pense que, même sans contrôle gouvernemental, on va avoir une réaction. Tous les assureurs canadiens vont avoir une réaction d'aller placer leur argent, maintenant, dans des places où c'est plus secure parce que les rendements ne sont pas si différents que ça et les nouvelles méthodes actuarielles d'évaluation sont très sévères par rapport aux placements un petit peu plus risqués.

M. Holden: Actuellement, le rendement pour un mutualiste, à travers toutes les compagnies mutuelles, n'est pas énorme. Ce n'est pas un rendement équivalent à des grandes corporations. Est-ce que le rendement... Quel est, à peu près, le rendement pour le mutualiste, chez vous, par année, depuis les cinq dernières années, par exemple?

M. Genest: Pour les cinq dernières années, incluant 1992, je vais vous dire que c'était abominable, parce que, sur les cinq dernières années, on a perdu de l'argent. Il faut quand même comprendre qu'il y a, dans une entreprise mutualiste, une volonté des mutualistes... Ils sont toujours pris entre deux choses. Si vous avez un grand groupe d'employés... Prenons les employés du gouvernement du Québec. Dans ce grand groupe, chacun des membres est mutualiste chez SSQ, mais chacun des membres, aussi, est assuré chez SSQ. Lorsqu'on renouvelle le contrat d'assurance des fonctionnaires provinciaux ou des cadres du gouvernement ou des professionnels du gouvernement, les représentants des membres assurés, ils ont une chose en vue, c'est de payer le moins cher possible. C'est sûr, ils représentent leurs membres qui sont, à ce moment-là, des assurés et ils disent: On veut payer le moins cher possible. Par contre, ces mêmes membres sont aussi des propriétaires. Ils sont propriétaires collectivement avec les autres. Et on s'aperçoit très bien qu'avec les nouvelles structures où on doit aller chercher... Vous êtes au courant qu'on va chercher des capitaux à l'extérieur, mais les capitaux à l'extérieur, il faut les payer, il faut leur donner un rendement valable pour qu'ils viennent investir chez SSQ. ça fait en sorte que là les mutualistes, comme membres, ils vont être obligés de payer un petit peu plus comme assuré, parce que, si on calcule que, pour donner un rendement valable à nos nouveaux actionnaires, il faut faire passer notre cotisation... dans chacun des groupes, il y a une cotisation dans le contrat, au surplus de la société. on calcule qu'on était rendu à charger 0,5 % de la prime comme cotisation au surplus de la société, et l'on voit, lorsqu'on fait un calcul mathématique de rendement correct pour un nouvel actionnaire, il faut passer ça à 2 %. alors, c'est l'assuré qui va devoir payer plus cher, c'est-à-dire 1,5 % de plus de ses primes — tous les assurés de la compagnie — pour faire faire un rendement à l'actionnaire. mais, avant, l'assuré actionnaire propriétaire n'était pas nécessairement obligé de payer ça parce que des générations d'assurés ont bâti un surplus et les assurés actionnaires, c'est le même monde. ils ne veulent pas nécessairement un rendement de 20 % sur ce surplus-là. s'il y a un rendement de 5 % ou un rendement de 10 %, ils sont quand même satisfaits. là, il y a toute la balance entre... une coopérative, ça n'a pas besoin de faire des profits aussi importants qu'un entreprise financière.

M. Holden: Justement...

Le Président (M. Gautrin): Vous entrez sur

votre deuxième bloc. C'est comme vous préférez. Si vous préférez continuer...

M. Holden: On va attendre... La ministre va continuer un peu.

Le Président (M. Gautrin): Voulez-vous continuer? Il n'y a pas de problème...

M. Holden: J'ai juste une question là-dessus.

Le Président (M. Gautrin): ...vous entrez sur votre deuxième bloc.

M. Holden: Vous avez mentionné les coopératives. La formule coopérative est mutualiste. Est-ce que c'est un peu handicapé par les questions de capitalisation actuellement, en général?

M. Deniers: Je pense que toutes les compagnies mutualistes, disons, ont un handicap actuellement, c'est que la rentabilité, les normes de capitalisation demandées aux compagnies d'assurances supposent une augmentation des bénéfices annuels considérable. Ça s'explique parce qu'on accepte l'idée, on accepte le principe que les assurés doivent être couverts de façon très forte par les réserves et par les surplus de la compagnie. Que ce soit une mutuelle, une coopérative ou une compagnie à capital-actions, je pense que le besoin de capitalisation est toujours le même, il faut rencontrer toutes les normes disons des autorités de contrôle.

Et quand la compagnie est en forte progression au niveau de ses actifs, au niveau de son développement, elle doit faire d'autant plus de bénéfices pour supporter cette croissance-là. Évidemment, il y a une difficulté pour la compagnie mutuelle, ou la coopérative — appelons-la de même — de lever des nouveaux capitaux, alors qu'une compagnie à capital-actions pourrait toujours, disons, émettre du capital-actions, avec les difficultés que ça suppose dans certains cas.

M. Holden: Je sais que ce n'est pas pour ça que vous êtes ici aujourd'hui, mais bientôt — si j'ai bien compris notre réunion d'il y a quelques semaines — il sera question de capitaux dans la SSQ et aussi la question de contrôle des mutualistes. Et, ça, ça pose un problème. Avez-vous des remarques à faire en anticipant votre demande prochaine?

M. Deniers: C'est certain que ça pose des problèmes, mais les mutualistes qui ont été consultés en région ont eu à se prononcer lors de la dernière assemblée de la société, et ils ont compris très bien la situation, qu'à défaut pour eux d'être capables rapidement de capitaliser suffisamment leur société ils acceptent que ce capital vienne d'autres sources pour capitaliser la société.

Il faut remarquer que dans le cas auquel on fait allusion, SSQ, le groupe, les partenaires externes qui viennent capitaliser la société, ce sont déjà eux-mêmes des assurés de la société ou, tout ou moins, ils sont rejoints via leur centrale. (10 h 50)

M. Holden: Est-ce qu'il y a une possibilité de conflit, là, s'ils payent les primes et qu'en même temps ils sont les intéressés?

M. Deniers: Bien, ce serait...

M. Holden: Pas plus que les autres mutualistes, je suppose?

M. Deniers: Poussé à la limite, tous les mutualistes ont le même problème.

M. Holden: Merci. Peut-être que Mme la ministre veut...

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le député. Mme la ministre déléguée aux Finances, et députée de Bourassa.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Il est bien évident que le système mutualiste a été un système très dynamique, très recherché, à un moment donné, qui protégeait d'ailleurs nos entreprises contre des prises de contrôle possibles. Il y a de nouveaux moyens maintenant qui existent pour empêcher ces prises de contrôle. Cependant, on se rend compte qu'on est rendu à un stade où nos compagnies, si elles veulent faire compétition avec des compagnies internationales, doivent trouver de nouveaux moyens de se capitaliser. Et c'est là où il y a un choix à faire entre demeurer une compagnie mutuelle, et donc être restreinte dans son développement, ou aller vers des capitaux externes. C'est là où on en est rendu, et il faut trouver une façon de passer. Pour les compagnies qui choisissent de grandir, il faut leur trouver une façon de pouvoir mieux se capitaliser, de mieux s'adapter aux marchés publics et, également, pour habituer le consommateur à ces produits qui sont assez nouveaux maintenant. Donc, nous suggérons, pour faire cette transition, un véhicule de capitalisation. Et j'aimerais vous entendre sur ce véhicule. Je vois vous que vous êtes satisfaits, là, de ce qu'il y a dans l'énoncé, mais est-ce que vous avez réfléchi au genre de véhicule? Comment vous le voyez, ce véhicule-là? Est-ce qu'il a besoin d'un appui gouvernemental ou est-ce que ce que le véhicule pourrait offrir serait intéressant parce que ce serait un produit nouveau? On sait que les gestionnaires de caisses de retraite, par exemple, cherchent constamment de nouveaux produits pour minimiser les risques, avoir un portefeuille mieux diversifié. Alors, comment vous le voyez, ce véhicule-là?

M. Deniers: La première fois où il a été question d'un véhicule comme celui-là, ça date quand même de deux ans certainement, deux ou trois ans, et la SSQ était partie au comité qui avait travaillé sur la recherche d'une solution et avait élaboré l'idée d'un véhicule, à ce moment-là, qui supposait l'intervention de l'État pour

donner une garantie, de sorte que le taux d'intérêt qui aurait accompagné l'émission des debentures par ce véhicule, cette corporation, aurait été abordable, le taux des émissions garanties par l'État. Évidemment, c'était une suggestion d'un comité, qui avait son mérite. Je sais qu'elle a été reprise de manière un peu différente, et je sais que d'autres comités ou d'autres groupes travaillent et font des suggestions pour améliorer la formule, peut-être en substituant d'autres garanties qu'une garantie immédiate de l'État. Je ne sais, disons, où ils en sont. Chez nous, je vous avoue qu'on n'a pas réfléchi récemment sur ce que devrait être un nouveau véhicule comme celui-là, mais l'idée d'avoir un véhicule accessible aux compagnies, à toutes les mutuelles et les compagnies du Québec, serait certainement extrêmement intéressante et nous sommes prêts à collaborer pour essayer de trouver une application pratique, disons, pour tout le monde, c'est nécessaire. Je ne sais pas si M. Genest aurait quelque chose d'autre à ajouter ou M. Poulin, qui était là au début, je pense.

M. Poulin (Marcel): Si vous me permettez de mentionner que je suis, moi, dans...

Le Président (M. Gautrin): Pour les fins d'enregistrement des débats, si vous voulez rappeler votre nom, s'il vous plaît.

M. Poulin (Marcel): Oui, Marcel Poulin, trésorier du groupe SSQ.

Le Président (M. Gautrin): Merci.

M. Poulin (Marcel): Je suis dans le milieu de l'assurance depuis 35 ans; alors, vous le voyez un peu par la couleur de mes cheveux, j'ai plusieurs années d'expérience. Disons que j'ai vécu le développement des sociétés d'assurances québécoises, dont certaines étaient à capital-actions au début et qui se sont mutual isées comme il a été mentionné il y a quelques instants. Je pense, moi, que le milieu de l'assurance, le milieu mutuel des sociétés d'assurances québécoises, dans le moment, est à un point tournant de son avenir. Et les difficultés sont nombreuses. Le marché devient beaucoup plus concurrentiel qu'il l'était il y a un certain nombre d'années, je crois. Et on peut penser qu'il va falloir absolument trouver des moyens nouveaux pour permettre au milieu mutualiste des assurances québécoises de rester en vie et surtout de se développer. Présentement, je crois que le défaut de capitalisation rend impossible un développement majeur des sociétés québécoises mutualistes. Et je pense que, comme le président l'a mentionné tout à l'heure, il y a des projets qui ont été mis de l'avant pour ça. Le premier projet qui a été mentionné, il y a deux ans, parlait d'une certaine garantie d'État qui aurait été donnée. Et peut-être que la raison de ça, c'est que les sociétés qui ont présenté ce rapport-là se disaient que la force mutualiste des assurances au Québec, c'était une valeur qu'il était important de conserver et que ça pourrait peut-être mériter un certain appui d'État. Il fallait mentionner également que, dans les entreprises mutualistes, il y en a de tailles très différentes. Il y a des grandes entreprises mutualistes et il y en a des petites. Et je pense que le président l'a mentionné tout à l'heure, le défaut d'une grande mutuelle pouvait entraîner des difficultés majeures aux autres entreprises mutualistes.

Moi, je pense, personnellement, qu'il va falloir absolument trouver de nouvelles formules de capitalisation, que ce soit par des capitalisations qui pourraient être propres à chaque institution; comme le président, M. Demers, l'a mentionné tout à l'heure, peut-être une capitalisation par les membres. Ça, c'est quelque chose qui va être difficile à réaliser, parce qu'il ne faut pas oublier que nos membres n'ont pas davantage de fiscalité à prendre des parts sociales, mettons dans la SSQ, alors que, dans d'autres corporations, ils ont les avantages fiscaux. Alors, ils vont peut-être être portés, dans certains cas, à privilégier les endroits où ils peuvent investir avec des économies d'impôt, ce qui n'est pas le cas dans nos institutions. Alors, il y a juste un rendement possible, à ce moment-là. Et le rendement qu'on peut donner, ils peuvent le trouver ailleurs également. C'est une formule qui est peut-être applicable, mais qui va être très difficile à réaliser, à mon point de vue, et qui va demander des sommes très importantes.

Moi, je suis persuadé qu'il faut viser plutôt encore une capitalisation globale des sociétés d'assurances, avec un fonds commun. Et je pense qu'on n'en sortira pas. Il va falloir tourner toujours autour de ce problème-là. Je vous remercie.

Mme Robic: Je voudrais revenir, pour être bien sûre que je vous ai compris, quand vous avez parlé d'un fonds d'indemnisation et que vous avez parlé d'un fonds qui devait être largement réparti. Si je vous ai bien compris, vous êtes d'accord pour un fonds national où toutes les compagnies d'assurances se rendraient responsables de la faillite d'une autre compagnie d'assurances, où qu'elle soit au Canada. Vous seriez prêts, vous, à payer pour une compagnie, par exemple, qui ferait faillite en Colombie-Britannique. C'est ça que vous êtes en train de me dire?

M. Genest: Oui, c'est exactement ça, à condition qu'il y ait des normes de capitalisation connues, bien définies et bien suivies par toutes les compagnies, partout au Canada.

Mme Robic: Vous me dites que vous êtes d'accord avec ça s'il n'y a pas de faillites?

M. Genest: Pas s'il n'y a pas de... Mme Robic: Mais s'il y a des faillites?

M. Genest: Pas s'il n'y a pas de faillites. Il peut toujours y avoir des faillites, mais il faut qu'il y ait des normes de capitalisation. C'est sûr que s'il y avait une province, en particulier, qui n'avait pas de normes de

capitalisation, qui pourrait donner des permis à des assureurs... Il faut qu'il y ait une norme de capitalisation. On le sait très bien, il y en a une que les compagnies se sont donnée, qu'on est obligé de suivre. Elle n'est pas encore acceptée partout et elle n'est pas standard et elle est discutée. Mais je pense que s'il y a une norme harmonisée — pour utiliser le mot — c'est mieux d'avoir une protection complète pour les assurés. Et on sait bien que pour nos assurés c'est la protection de toutes les compagnies canadiennes, mais on sait que, de l'autre côté, ça nous engage à donner la protection, et, s'il y a une compagnie en Colombie-Britannique qui ne fait pas affaire au Québec qui a une faillite, on pourrait avoir à payer.

Le Président (M. Gautrin): II vous reste une minute, Mme la ministre.

Mme Robic: Ça va.

Le Président (M. Gautrin): Vous la conservez? Bon. Est-ce qu'il y a consentement...

Mme Robic: Je m'excuse, M. le Président, si vous me...

Le Président (M. Gautrin): Allez-y! Je vous donne tout, moi. (11 heures)

Mme Robic: On n'a pas touché à un aspect que je trouve important, celui de la responsabilisation. Dans le chapitre de la stabilité, on fait une révision des pouvoirs de l'industrie. On vous accorde, aux dirigeants, plus de pouvoirs, entre autres au niveau des pouvoirs de placement. On a élargi vos pouvoirs de placement en établissant des normes qui tiennent compte de la qualité des actifs et, au même moment, on donne plus de pouvoirs à l'Inspecteur général des institutions financières. Est-ce que vous avez regardé ce chapitre, et est-ce qu'on pourrait avoir vos commentaires sur ce sujet?

M. Deniers: Oui. Nous avons effectivement regardé ce chapitre. Nous n'avons pas fait de représentations directement dans notre mémoire, mais, puisque vous le demandez, je... Quant à la responsabilisation de la direction du conseil des dirigeants de la société, nous sommes d'accord pour accepter toute cette responsabilité-là de devoir maintenir des compagnies d'assurances et prendre des moyens pour assumer toute cette responsabilité de faire en sorte que la compagnie soit bien dirigée.

Quant à l'élargissement des pouvoirs de l'Inspecteur général, je souhaiterais beaucoup plus un allégement des contraintes administratives qui sont extrêmement coûteuses pour les sociétés. Les sociétés se doivent d'être responsables. Elles se doivent de prendre les moyens. À partir du moment où les normes de capitalisation sont connues, ça devient le devoir, la responsabilité du conseil d'administration de faire en sorte que ces normes-là soient rencontrées. C'est sûr qu'il y aura un inspecteur, il y aura un surintendant, il y aura toujours un préfet de discipline, c'est inévitable, mais ne demandez pas aux compagnies d'assurances d'ajouter aux pouvoirs de notre préfet de discipline, ce n'est pas notre souhait. Personne ne pourrait souhaiter ça.

Les frais sont déjà extrêmement élevés. Nous en savons quelque chose. Nous chercherions beaucoup plus une étroite collaboration dans un climat de grande confiance qui devrait se développer entre les autorités de contrôle et le conseil d'administration, en somme—j'emploierai le mot à dessein — une espèce de complicité pour arriver à développer nos compagnies d'assurances au Québec. Et je suis certain, personnellement, que ce serait tout aussi efficace qu'une mesure strictement disciplinaire ou une mesure autoritaire.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a consensus parmi les deux parties pour permettre au député de Jacques-Cartier, qui n'est pas membre de la commission, de poser une question?

Mme Robic: Certainement.

M. Holden: S'il la pose en français.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Westmount, le député de Jacques-Cartier peut s'exprimer dans la langue soit anglaise, soit française, à l'Assemblée nationale.

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: Je dois faire mes «apologies» mais je crains qu'il me faille la demander en anglais.

Le Président (M. Gautrin): Mais vous avez parfaitement le droit et je vous suggère de vous adresser en anglais.

M. Cameron: I just have a very brief question about the second of the four suggestions for capitalization. Perhaps I should direct it to Mr. Poulin. Is there not a problem with members-employees contributions as a means of raising capital for companies that are popular at the moment when the companies are making money and doing well, but they are not so popular when the companies have difficult years and there is a great deal of pressure on employees and firms, including financial firms, once you have such a method to be contributors or to be, if you like, forced capitalizes of the company?

We had a case in Canada recently of a failed trust company, which I think not only encouraged its members to be substantial contributors to its capitalization but lent the money to do so. Now, the equity is worthless but the loans are still alive. So, are there not problems with that particular method of raising money?

M. Deniers: We understand that there will be great problems in raising money through that mean. We

will look much closer to that proposal and will try to find out the exact method that we should retain in raising money. But this was the first proposal in the method to raise money. There are other methods that could be looked at and I would like to mention the use of the SPEQ which is a very popular method to raise money for companies, but actually it is not available for services companies like an insurance company. We would like to ask the government to look at the possibility to extend that method of raising capital to such companies as SSQ-vie.

M. Cameron: Merci.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Westmount, vous avez encore un peu de temps.

M. Holden: II en reste...

Le Président (M. Gautrin): Quelques minutes.

M. Holden: Oui. Vous mentionnez dans votre mémoire le fait qui est bien connu qu'une entreprise d'assurances est un réservoir de capital. Est-ce qu'il y a un avantage d'être très prudent et de confier vos capitaux à des grandes institutions, les actions «blue chips»? Est-ce que c'est l'approche de votre groupe ou est-ce que vous êtes plus ouverts à investir dans les investissements peut-être un peu moins sûrs?

M. Genest: Je pense que si vous regardez nos états financiers à la fin de 1992 vous allez voir qu'une grande proportion du milliard d'investissements a été investie en obligations du gouvernement du Québec, des municipalités, des commissions scolaires, etc., et on a également un portefeuille d'à peu près 300 000 000 $ en créances hypothécaires. Et, en créances hypothécaires, là aussi on a été prudents. On a fait des créances hypothécaires surtout sur des immeubles résidentiels. On a très peu de commercial. Donc, on aime mieux avoir un placement prudent qui rapporte un petit peu moins que de prendre plus de risques.

On n'a, à la fin de 1992, à peu près pas d'actions de compagnies canadiennes. Je pense que, sur 1 000 000 000 $ d'actifs, on a à peu près 4 000 000 $ de placés dans des actifs de compagnies, sauf notre filiale qui est une petite compagnie d'assurances générales. C'est une autre branche d'affaires d'assurances que l'on fait par une filiale parce que la loi ne nous permet pas de le faire directement dans la même compagnie. Mais, pour les actions du marché, on est très, très peu là.

On a une position, une philosophie de placements sécuritaires. Et on pense que cette philosophie de placements va devenir de plus en plus sécuritaire avec les années.

M. Holden: II y a quelque chose dans votre mémoire qui m'intrigue. C'est à la page 4: «Sans vouloir ériger des barrières autour de notre marché, il est nettement dans l'intérêt de la province d'avoir une "balance" favorable dans les entrées et les sorties de primes d'assurance». Je me demandais si vous possédiez de l'information à ce sujet, de l'information qui n'est peut-être pas connue par le public. Ça veut dire quoi au juste, cette... Est-ce que vous voyez un flux d'argent de la province?

M. Deniers: Non, ce n'était pas l'idée. D'abord, on fait référence au rapport annuel sur les assurances qui démontre qu'une grande proportion des affaires d'assurance-vie qui sont traitées au Québec le sont par des sociétés qui n'ont pas leur siège social au Québec. Ça ne veut pas dire que ce sont des mauvaises compagnies, mais ce ne sont pas des compagnies, disons, avec siège social à Québec. Or, nous insistons dans notre mémoire et j'ai insisté ce matin en disant que dans l'utilisation des primes qui sont perçues dans une province ou une région, la décision de replacer ces sommes-là appartient au siège social et elle est exécutée depuis le siège social, de telle sorte que les obligations de commissions scolaires et de petites municipalités locales ont plus de chance d'être acquises par des sociétés où le siège social est près de ces municipalités-là, ces commissions scolaires là.

Le Président (M. Gautrin): Le temps est terminé. Est-ce que vous pourriez brièvement remercier, l'un et l'autre, nos invités?

M. Holden: Oui. Je vous remercie beaucoup de votre apport à notre commission. La ministre va faire la même chose, je suppose?

Le Président (M. Gautrin): Mme la ministre.

Mme Robic: Vous nous faites plusieurs suggestions au niveau de capitalisation. Je peux vous assurer que nous allons vérifier toutes ces suggestions, tenter de les évaluer pour faire un choix judicieux à la fin du processus. On vous remercie de votre appui au niveau de notre document et de notre véhicule de capitalisation. (11 h 10)

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Demers, au nom de la commission, je tiens à vous remercier pour cette excellente présentation tout en admettant qu'on est un peu intéressé parce qu'on est membre aussi de votre mutuelle.

M. Demers: Merci.

Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, je vais suspendre deux minutes pour permettre au Mouvement des caisses Desjardins de bien vouloir s'approcher.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 13)

Le Président (M. Gautrin): Vous êtes un

professionnel de commission pour savoir comment manipuler ces fauteuils! Alors, M. Béland, on vous souhaite la bienvenue dans cette salle que vous connaissez bien. Est-ce que vous pourriez peut-être présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez les règles de notre Assemblée. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Le parti ministériel aura 20 minutes pour vous questionner. Le parti de l'Opposition aura 20 minutes pour vous questionner et ces 20 minutes pourront être fractionnées en différents petits blocs. Alors, M. Béland, vous avez la parole.

Mouvement des caisses Desjardins

M. Béland (Claude): Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent ce matin. À ma gauche, M. John Harbour, qui est président et chef de la direction de la société de portefeuille du Groupe Desjardins, Assurances générales inc.; à la gauche de M. Harbour, M. Claude Gravel, qui est président et chef de la direction de l'Assurance-vie Desjardins; à ma droite, M. Alban D'Amours, qui est premier vice-président et chef du développement et de la vérification à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins; à sa droite, M. Yves Morency, qui est directeur associé aux stratégies institutionnelles de la Confédération, et, à sa droite également, Mme Lise Nadeau, conseillère juridique principale de la Confédération.

Le Président (M. Gautrin): Merci.

M. Béland: Je voudrais également remercier les membres de cette commission de nous accueillir ici cet avant-midi et de nous permettre de faire connaître les vues du Mouvement des caisses Desjardins sur l'avenir du secteur financier québécois. D'entrée de jeu, je vous signalerai que notre organisation partage les objectifs proposés dans l'énoncé de politique présenté par Mme Robic, ministre déléguée aux Finances, à savoir une plus grande efficacité, une meilleure stabilité et une croissance soutenue du secteur financier québécois. Là-dessus, je pense qu'on s'entend très bien.

Mais, dans la même lancée, le Mouvement des caisses estime que l'efficacité, la stabilité et la croissance du secteur financier incombent, d'abord et avant tout, aux institutions financières elles-mêmes. La responsabilité de maintenir l'équilibre entre la rentabilité, la capitalisation et le développement appartient, au tout premier chef, à l'institution elle-même. Je pense que cette règle est essentielle. D'ailleurs, dans notre propre récente planification stratégique, nous accordons une place prépondérante au maintien de cet équilibre. Et c'est, à notre avis, principalement dans ce contexte que l'appui du gouvernement et des organismes de surveillance devient souhaitable et essentiel.

L'objectif partagé par tous les intervenants, notamment Desjardins, d'assurer une protection adéquate aux épargnants ne doit pas étouffer le dynamisme et la capacité concurrentielle dont les institutions financières ont tant besoin pour affronter la mondialisation des marchés et la concurrence accrue qui en découle.

Le gouvernement devra donc, à son tour, doser ses interventions en fonction du respect d'un sain équilibre entre la sécurité des épargnants et l'efficacité du secteur, afin de ne pas risquer de handicaper la croissance des institutions financières et, par conséquent, le développement économique du Québec.

Et je pense qu'il est bon de rappeler, à l'instar de l'énoncé de Mme Robic, que le processus d'allocation des ressources financières disponibles dans une économie repose sur le fonctionnement efficace de son secteur financier. De fait, lorsque cette allocation s'effectue de façon efficace, le financement des projets peut être réalisé aux meilleures conditions du marché, contribuant ainsi à la compétitivité des entreprises. Je pense que tout ça se tient.

Mais ce rôle capital de producteur et de distributeur de services financiers et de collaborateur au développement de l'économie s'exercera dans le cadre d'une concurrence — il faut en être conscient — qui va être de plus en plus vive. Au Québec, nous devons composer avec la présence d'un nombre croissant d'institutions financières étrangères. La mondialisation des marchés interpelle le Mouvement des caisses Desjardins, tout comme ses concurrents. Elle touche nos membres dans leur quotidien et enlève pratiquement toute influence aux frontières géographiques.

Or, on le sait, le Mouvement des caisses Desjardins s'est taillé, au fil des ans, une part de marché enviable parmi les fournisseurs de services financiers au Québec. Je pense que les Québécois et les Québécoises veulent conserver ça. Les caisses Desjardins devancent tous leurs concurrents sur chacun des principaux marchés de l'épargne et du crédit au Québec. Et nos sociétés filiales, l'assurance-vie des personnes, l'assurance-dommages, les services fiduciaires, le financement industriel occupent une position de tête dans leur créneau respectif, ce qui fait que l'ensemble des composantes du Mouvement affiche un actif québécois consolidé qui dépasse 54 000 000 000 $ et procure de l'emploi à plus de 36 000 personnes. De plus, si on tient compte des salaires versés, de l'achat des biens et de services auprès des fournisseurs, du paiement des taxes et des impôts, des études nous indiquent qu'un emploi direct dans le Mouvement des caisses Desjardins génère près de deux emplois indirects dans l'économie québécoise. La force de travail reliée à une activité relevant directement ou indirectement d'une composante de Desjardins représente plus de 3 % de l'emploi total au Québec.

Or, si les services offerts par le Mouvement des caisses Desjardins comportent de grandes similitudes avec ceux des entreprises concurrentes, il ne faut pas oublier que sa performance tient pour beaucoup à sa nature coopérative. Il y a là des valeurs, je pense, dont on parle de plus en plus, même dans notre société d'aujourd'hui. Le Mouvement se distingue de ses concurrents quant à son mode du partage de la propriété, une propriété très largement répartie, qui découle de la notion du propriétaire usager, du partage démocratique

du pouvoir — ce n'est pas le capital qui vote chez nous; un membre, une voix — et du partage des résultats: les ristournes, les services sociaux et communautaires, etc. C'est une réalité, je pense, qui a contribué largement au développement du Mouvement. Ce qui fait que le Mouvement veut continuer à grandir et à se développer dans le respect de sa spécificité coopérative au profit de ses membres et de l'ensemble du Québec. La poursuite de cette croissance, loin d'être un désir égoïste ou une aspiration purement commerciale, résulte d'un contexte mondial qui oblige chacune des communautés, désormais mises en interaction continue, à se donner les instruments les plus aptes à rendre ces ressources et leurs compétences pleinement productives.

D'ailleurs, au Canada, la taille de nos institutions financières, vous le savez, est plutôt modeste à l'échelle internationale. On sait que la première banque canadienne se classe à peine 56e au rang mondial, même si elle a un actif de plus de 140 000 000 000 $. Or, pour continuer de s'adapter à un tel contexte, Desjardins a besoin, avant tout, d'un cadre réglementaire qui lui assure souplesse d'adaptation, puisqu'il a des vertus et des valeurs différentes, un pouvoir d'innovation et une capacité de répondre aux forces du marché tant québécois, canadien qu'international. (11 h 20)

En effet, dans un environnement où les activités des institutions financières québécoises, en général, et celles de Desjardins, en particulier, débordent les frontières géographiques du Québec et même du pays, il faut s'efforcer de rendre la réglementation facilitante et souple. Dans ces conditions-là, l'enjeu de l'harmonisation, qui est un objectif proposé par l'énoncé de politique gouvernemental, devrait surtout, à notre avis, consister à éliminer le plus possible, de part et d'autre, les entraves au libre accès à ces marchés où toutes les institutions financières devraient bénéficier des mêmes avantages. Le gouvernement du Québec doit promouvoir un concept d'harmonisation, mais qui s'inspire des courants internationaux, de façon à bien couvrir l'ensemble des juridictions et des secteurs. Cette harmonisation de la réglementation ne signifie pas pour autant une parfaite homogénéité des législations quant aux pouvoirs, à la structure de propriété et aux opérations. C'est évident qu'un mouvement comme Desjardins, quand on parle de structure de propriété, on ne se compare pas à beaucoup d'institutions financières.

Au cours des 15 dernières années, d'ailleurs, le gouvernement du Québec a fait preuve d'innovation, d'adaptation au changement, d'ingéniosité en matière de réglementation des institutions financières au Canada, sans pour autant compromettre la stabilité du secteur financier québécois, loin de là. Le Québec se doit donc de maintenir son leadership et sa volonté d'ouverture en ajustant sa réglementation sur les consensus internationaux qui se dessinent et sur les courants novateurs qui émergent à travers le monde, plus particulièrement en Europe. Ni le Québec ni même les institutions qu'il réglemente n'ont intérêt, à moyen et à long terme, à se contenter de standards et de pratiques pancanadiens en deçà de ceux déjà en vigueur sur son territoire ou acceptés à l'échelle internationale. L'efficacité du système financier québécois tout entier, je pense, en sortirait amoindrie.

Par contre, devant l'objectif d'efficacité, la nécessité de réduire les coûts de la réglementation s'impose. Dans cette perspective, les organismes de réglementation doivent identifier correctement ce qui doit faire l'objet de contrôle et de surveillance et comment le faire, tout en tenant compte de la place grandissante qu'occupe Pautoréglementation au sein des institutions financières.

Il est à souligner qu'une surveillance indûment étroite ne fait qu'alourdir les dépenses administratives des institutions financières. De tels coûts sont, soit imposés aux utilisateurs de services financiers, soit absorbés par les institutions elles-mêmes au détriment de leur degré de compétitivité. D'ailleurs, au seul chapitre des caisses Desjardins, par exemple, les coûts de surveillance de l'Inspecteur général des institutions financières ont dépassé les 10 000 000 $ entre 1990 et 1992, auxquels il faut évidemment ajouter l'équivalent d'au moins deux personnes-année consacrées uniquement à fournir à ce dernier l'information qu'il requiert.

Par ailleurs, la stabilité du secteur financier est largement tributaire de la santé financière des institutions. La suffisance et la structure du capital représentent les éléments clés de l'évaluation de la santé financière de toute institution. La capitalisation adéquate des institutions financières et non leur surveillance devrait donc être au centre des préoccupations des gouvernements, car c'est davantage elle qui assure une protection adéquate du public. D'ailleurs, la mondialisation des marchés, l'étendue des transactions financières et la crédibilité du système financier international ont rendu nécessaire l'établissement de standards mondialement reconnus, notamment à l'égard de la suffisance du capital. Déjà, Desjardins, on s'arrime aux normes internationales. Et ce sont des normes qui reposent non seulement sur des critères quantitatifs mais également qualitatifs. Il ne s'agit plus uniquement d'un critère global mais il s'agit d'une pondération variable en fonction des risques de chaque élément d'actif considéré individuellement.

L'approche des normes de capitalisation discipline les entreprises en soi. C'est évident, quand on s'adresse aux marchés internationaux, il faut bien suivre leurs règles. Et ça nous incite à adopter des mesures pour se conformer aux exigences de la suffisance de capital. Dans ce contexte, l'intervention des autorités de surveillance peut se tenir à distance des opérations des institutions financières et être préventive et mieux ciblée.

Le Mouvement des caisses Desjardins se montre favorable aussi à l'idée de revoir la répartition des responsabilités entre les autorités réglementaires et souhaite l'établissement d'une nette distinction entre la fonction réglementation, la fonction surveillance et la fonction indemnisation. Il importe que chacun connaisse et respecte les limites de sa mission et jouisse d'une grande autonomie. Il faut, par ailleurs, limiter le plus possible tout ce qui pourrait donner lieu à une apparence

de situation de conflit d'intérêts.

La fonction de réglementation devrait être entièrement assumée par le ministère des Finances sous la responsabilité du ministre délégué aux Finances. En effet, il est essentiel que les personnes chargées de travailler aux politiques économiques du Québec aient aussi à analyser, discuter et concevoir des règles de jeu compatibles avec ces politiques et leur impact pour les institutions financières du Québec.

La fonction contrôle et surveillance devrait être assumée par l'Inspecteur général. Il est important que la fonction de contrôle et de surveillance ainsi que des pouvoirs d'intervention soient confiés à un organisme extérieur au ministère des Finances.

En outre, il nous apparaît fondamental que la responsabilité d'établir les règles du jeu soit distincte de la responsabilité d'en surveiller l'application. Et, de son côté, la fonction indemnisation devrait être assumée par la Régie de l'assurance-dépôts du Québec. La direction de la Régie devrait être indépendante de celle des fonctions de réglementation ou de contrôle.

De plus, un ou des sièges additionnels devraient être prévus pour y accueillir des représentants des institutions de dépôts à charte québécoise, comme c'était d'ailleurs à l'origine.

Tout mécanisme d'indemnisation dans le domaine de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages devrait être distinct de celui de l'assurance applicable aux institutions de dépôts. À ce chapitre, il est pertinent de rappeler que les régimes d'indemnisation ne doivent pas servir de caution de base pour assurer la stabilité et la crédibilité du secteur financier québécois. La solidité des institutions financières elles-mêmes s'avère la meilleure garantie, la garantie gouvernementale ne venant que compléter cette dernière. De fait, le Mouvement des caisses Desjardins considère que la responsabilité en matière de protection des épargnants doit être partagée entre les institutions financières, les épargnants eux-mêmes et l'ensemble des institutions conjointement avec le gouvernement.

Enfin, compte tenu de l'interrelation existante et de la nécessité d'une bonne cohérence entre les trois fonctions que je viens de décrire, le gouvernement du Québec aurait avantage, à notre point de vue, à créer un comité des autorités réglementaires composé du ministre délégué aux Finances, de l'IGIF et du responsable de la Régie de l'assurance-dépôts pour leur permettre d'échanger, de se concerter et de coordonner leurs actions et ce, évidemment, sur une base régulière.

De plus, nous suggérons la mise sur pied d'une table permanente des institutions financières où siégeraient des représentants de tous les secteurs de l'industrie sous juridiction québécoise et qui auraient des échanges réguliers avec le comité des autorités réglementaires. D'ailleurs, c'est une façon de refléter l'énoncé de politique qui soutient que la recherche d'efficacité, de stabilité et de croissance commande un véritable partenariat entre les intervenants.

Par ailleurs, une capitalisation adéquate constitue la véritable base à partir de laquelle une institution financière peut envisager de façon sécuritaire de prendre de l'expansion. On parle de croissance maintenant. C'est pourquoi toutes les institutions financières doivent avoir accès à des formes ou à des sources de capital, indépendamment de leur structure d'organisation. L'accès à des capitaux externes, c'est évident, on l'a mentionné tout à l'heure, constitue un défi important même pour un réseau comme le nôtre.

Lorsqu'on s'adresse au marché financier, on se réfère essentiellement à un monde capitaliste, c'est-à-dire à des entreprises et des institutions qui veulent investir dans des titres liquides, qui proposent un bon rendement et une plus-value éventuelle. Il en résulte que, pour le moment, de grands investisseurs institutionnels — ça, c'est la réalité — et de grands fonds de pension québécois ou étrangers investissent massivement chez nos concurrents, mais pas chez Desjardins qui est, pourtant, le plus grand réseau financier au Québec. Dans ces conditions, nous sommes d'avis qu'il faudra créer, avec l'appui du gouvernement du Québec, une passerelle qui permettra au Mouvement d'intéresser les détenteurs de capital, évidemment, sans dénaturer le regroupement coopératif.

A ce chapitre, le Mouvement des caisses Desjardins tient à rappeler qu'il lui a fallu près de 10 ans pour avoir accès à un régime comparable au régime d'épargne-actions et, si cette mesure lui a permis d'augmenter sa capitalisation de 325 000 000 $ par le véhicule des parts permanentes — nous sommes d'ailleurs reconnaissants au gouvernement du Québec à cet effet — trois banques concurrentes ayant leur siège social au Québec ont pu, pendant les 10 années précédentes, accumuler, elles, un capital de 1 300 000 000 $ grâce aux REA. Et, au-delà de sa capitalisation actuelle, constituée dans une proportion de 90 % de nos réserves générales auxquelles, maintenant, s'ajoutent les parts permanentes, il est nécessaire et urgent pour le Mouvement de créer de nouveaux moyens pour attirer du capital externe si on veut assurer sa croissance et son développement. (11 h 30)

En résumé — je termine là-dessus, M. le Président — le Mouvement des caisses Desjardins est profondément convaincu que le développement efficace et sécuritaire des institutions financières à charte québécoise doit reposer sur les principes directeurs suivants: 1° la confiance des consommateurs qui doit être fondée sur la stabilité des institutions financières elles-mêmes et leur capacité de rencontrer leurs obligations et non pas en fonction des garanties offertes par l'assurance-dépôts ou d'autres régimes d'indemnisation; 2° la protection des déposants doit être assurée par une réglementation souple et rigoureuse et un système de contrôle et de surveillance à distance bien ciblé et préventif; 3° une répartition claire des fonctions entre les autorités gouvernementales: réglementation sous la responsabilité du ministère des Finances; contrôle et surveillance sous la responsabilité de l'IGIF; indemnisation sous la responsabilité de la Régie de l'assurance-dépôts. Des règles applicables aux transactions intéres-

sees tenant compte de la nature et de la finalité des transactions au sein d'une organisation comme Desjardins. Il faut tenir compte de la structure de Desjardins; 4° une capitalisation adéquate, dont l'accès doit être indépendant de la structure d'organisation des institutions financières, pour tous les segments de l'industrie; 5° un concept d'harmonisation inspiré des courants internationaux; 6° la poursuite du décloisonnement de la distribution des produits et des services financiers; 7° finalement, le dernier principe et non le moindre à l'effet que l'efficacité des institutions financières passe d'abord et avant tout par une gestion compétente et prudente, pierre d'assise d'une autoréglementation efficace.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais vous présenter.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Mme la ministre déléguée aux Finances et députée de Bourassa, vous avez peut-être quelques questions.

Mme Robic: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais féliciter M. Béland et son groupe pour la qualité de votre mémoire qui a très bien couvert tous les éléments de l'énoncé de politique. Donc, c'est très intéressant à lire et facile à suivre, d'ailleurs. Je suis heureuse de vous entendre dire — et ça ne me surprend pas non plus que vous le disiez — qu'il incombe à l'industrie elle-même, en premier lieu, de remplir les conditions d'efficacité, de stabilité et de croissance que l'on énonce dans cet énoncé de politique. Et je pense bien que c'est très clair; dans l'énoncé de politique, d'ailleurs, on affirme que le rôle premier vous appartient.

Vous parlez également de concurrence plus vive, du besoin de bien positionner nos institutions financières pour faire face à cette concurrence qui est inévitable. L'internationalisation et la globalisation, c'est quelque chose que l'on va vivre, qu'on le veuille ou non. C'est à nos portes, c'est chez nous déjà, d'ailleurs.

Je vois d'ailleurs dans vos commentaires que vous semblez être assez favorable à notre énoncé de politique. Vous avez certaines réserves, cependant, et on pourrait peut-être élaborer sur ces réserves-là. Au niveau de l'harmonisation, par exemple, vous êtes favorable avec le concept d'harmonisation qui n'est pas un concept d'uniformisation. D'ailleurs, au niveau d'une harmonisation au niveau national, on a suggéré un modèle qu'on aimerait faire adopter par nos confrères des autres provinces. Je me demandais si vous aviez eu le temps de jeter un coup d'oeil sur ce modèle-là. Comment est-ce que vous le voyez, ce modèle-là? Nous avons voulu, à la page 8, créer cet espace financier canadien en proposant des tâches qui pourraient être applicables aux sociétés extraprovinciales, une série de règles qui pourraient être communes, d'autres tout simplement harmonisées et des règles tout à fait distinctes qui n'affectent pas le bon fonctionnement au niveau interprovincial, mais bien le fonctionnement interne.

M. Béland: Je vais demander à M. D'Amours de compléter.

M. D'Amours (Alban): Oui. Comme vous le dites, Mme la ministre, notre analyse de la proposition d'espace financier canadien, à plusieurs égards, rejoint les commentaires que nous faisons. Nous mettons de l'avant, cependant, une notion qui est plus large, celle qui rejoint nos préoccupations à l'égard de l'application de normes internationales de capitalisation et qui tient compte de cette mondialisation. On suggère avant tout une harmonisation inspirée du modèle européen et qui s'appuie sur la reconnaissance mutuelle des juridictions. C'est l'élément majeur, finalement, que nous mettons dans le mémoire, de sorte qu'une institution financière qui vient s'implanter au Québec et obtient sa charte du Québec puisse relever, finalement, de la compétence de nos organismes de surveillance, ici, même si elle opère ailleurs. C'est la même chose pour une institution d'ici qui va s'implanter ailleurs, avec une charte d'une autre province, qu'elle puisse avoir la même reconnaissance et soit sous la surveillance des organismes réglementaires et de surveillance d'ailleurs. Et, lorsque les normes auront été harmonisées — et c'est principalement notre point — nous réduirons les coûts et nous nous ferons confiance, d'une certaine façon.

Mme Robic: Alors, on parle d'un modèle similaire en se souvenant que nous ne sommes pas des pays souverains, mais une fédération, mais on voudrait bien que la province d'incorporation soit reconnue comme un peu sur le modèle européen et que la province où il se passe des activités ait un droit de regard seulement si, au niveau de la province d'incorporation, il y aurait une faiblesse au niveau de la surveillance. Et on pourrait, à ce moment-là, agir.

M. D'Amours: C'est le traitement national, aussi.

Mme Robic: Le traitement national, Oui. D'accord. Vous parlez de la création de tables de concertation, si on veut. Bien, je vais vous dire que déjà cette première table existe avec l'Inspecteur général et la Régie de l'assurance-dépôts. C'est la même personne. Ça ne fait pas beaucoup de... Ha, ha, ha!

M. Béland: La table ne doit pas être très grande.

Mme Robic: On ne fait pas quorum, mais c'est assez intéressant... Donc, je veux vous dire que c'est presque quotidiennement qu'on échange et j'apprécie d'ailleurs beaucoup ces échanges. Ici, au Québec, on a la même personne qui occupe ces deux chaises, et comme Inspecteur et à la Régie de l'assurance-dépôts. Au niveau fédéral, c'est le contraire; il y a deux personnes distinctes et le fédéral est à suggérer que ça devrait être la même personne qui occupe les deux sièges. Alors, c'est assez intéressant de voir que l'Inspecteur

général n'a pas à aviser son confrère à la Régie s'il y a un problème. Le confrère à la Régie le sait automatiquement. Ils couchent ensemble. Donc, ça évite un manque de communication, si vous voulez. Alors, il y a certainement des avantages à cela.

Où je vous rejoins, cependant, c'est d'élargir, peut-être, le conseil d'administration de la Régie pour aller chercher une expertise externe. Que cette expertise vienne du milieu, de gens actifs dans le milieu, là, je mets un bémol: danger, peut-être, de conflits, puisque les personnes déjà impliquées dans le milieu auraient de l'information privilégiée. Ça causerait certainement des problèmes, dans ma tête à moi. Peut-être qu'ils ne sont pas là, peut-être que je les vois et qu'ils n'existent pas, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Et, quant à une table de concertation de l'industrie avec l'Inspecteur, le ministre, nous, on est toujours à votre disposition. Je pense que vous vous en êtes rendu compte depuis les années que je suis ici. Il n'y a rien qu'on apprécie mieux, nous, que de pouvoir avoir un échange le plus ouvert possible. Ça facilite nos prises de décision, c'est bien sûr. (11 h 40)

M. Béland: Quant à la question de la cloison qu'il faudrait établir entre le responsable de la réglementation, de la surveillance et de l'indemnisation, on s'inspire un peu de ce qu'on nous impose ou de ce qu'on nous suggère fortement dans l'entreprise privée. Je pense que, si, chez nous, les caisses géreraient en même temps la corporation de fonds de sécurité, on plaiderait et on invoquerait le conflit d'intérêts. Alors, je me dis: Celui qui est responsable de faire le contrôle des caisses chez nous, on essaie de faire en sorte que ce ne soit pas lui qui décide ensuite s'il y a lieu d'indemniser ou pas, et dans quelle mesure on va indemniser, et à quelles conditions.

Je pense que cette cloison-là, cette démarcation-là qui se fait est toujours bénéfique parce que c'est toujours des yeux nouveaux, différents, avec des perspectives différentes, connaissant tout l'environnement du réseau, qui prennent des décisions. C'est simplement ça, puis il nous apparaît que lorsqu'on établit des missions claires de chacune des responsabilités, sans empêcher — puisqu'on suggère quand même un comité permanent — l'interaction, finalement, ça donne des résultats qui causent moins de turbulence comme ça peut arriver à l'occasion.

Quant à la question de la représentation, ça découle uniquement... Nous, on a vu ça pas tellement sur la base du conflit d'intérêts ou des avantages que des institutions financières pourraient obtenir sur le plan des informations, mais sur le principe de «no taxation without representation». C'est un principe bien connu. Et, lorsqu'on contribue pour 50 %, 53 % de primes à une entreprise qui est publique — ce n'est pas une entreprise privée — il m'apparaît tout à fait normal qu'on ait le droit d'aller dire notre point de vue sur la façon de partager les primes.

Le Président (M. Gautrin): Mme la ministre, vous avez fini votre temps pour le premier bloc. Mme Robic: Oh! C'est dommage!

Le Président (M. Gautrin): Mais vous pouvez continuer, si vous voulez. Vous pouvez revenir.

M. Holden: j'avais fait la même remarque à la ministre, en privé. on a eu une discussion. je crois qu'elle est toujours peut-être ouverte à l'argumentation que vous autres surtout... à un moment donné, on avait une discussion sur le pourcentage, mais c'est certainement plus de 50 % que vous payez à la régie, alors...

M. Béland: Je me suis fié au rapport de la Régie: quelque 53 %.

M. Holden: On a eu une discussion la ministre et moi, et je crois qu'elle est toujours ouverte malgré que des fois, quand elle se décide, c'est difficile de changer...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: M. le Président, la dernière fois qu'on est allé en commission, M. Béland et moi, et que lui a été intervenant, je ne me suis pas fait des amis chez Desjardins parce que j'ai critiqué le président. Mais, cette fois-ci, M. Béland, on est pas mal...

M. Béland: Vous êtes déjà pardonné.

M. Holden: ...sur la même longueur d'onde.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: On se souvient qu'on est allé à la Commission Bélanger-Campeau. On avait 5 minutes pour les questions et, si on trouvait que l'intervenant n'était pas tellement favorable à notre point de vue, on faisait durer la question 4 minutes et 50 secondes et la réponse était très brève. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Béland: J'espère. Ha, ha, ha!

M. Holden: On veut entendre vos idées, pas les miennes.

Le Président (M. Gautrin): Bon, alors, posez votre question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: II est autoritaire notre président. Oui, dans votre mémoire, vous semblez être assez tiède à l'égard de ce qu'on parle de centres financiers internationaux, et je me demandais pourquoi — ça c'est aux pages 15 et 16 — cette tiédeur?

M. Béland: Ce n'est pas une tiédeur comme le

désir de faire en sorte que ça soit revu, que ce soit précisé. Je pense que l'existence de centres financiers internationaux, on n'est pas contre ça. On le souhaite, sauf qu'on suggérait dans le mémoire que ce soit revu. Peut-être M. D'Amours, vous pourriez...

M. D'Amours: Oui, ça n'a pas entraîné, finalement, les retombées que l'on anticipait.

Une voix: C'est ça.

M. Holden: Avez-vous des données des retombées actuelles?

M. Béland: Pas ce matin, non.

M. Morency (Yves): II faut se reporter à l'origine, quand même, de ces centres internationaux...

Le Président (M. Gautrin): Pour les fins d'enregistrement, voulez-vous rappeler votre nom, simplement?

M. Morency: Yves Morency. À l'origine, quand même, il y avait eu un débat. Les pouvoirs, les activités qu'on devait accorder à ces centres-là étaient beaucoup plus étendus. Et on se souvient du lobbying du milieu financier ontarien, entre autres, qui a fait en sorte, quand même, de ramener à des dimensions beaucoup plus modestes ces centres financiers internationaux, de sorte que ça n'a pas apporté les avantages escomptés en termes d'emplois, entre autres, à Montréal.

Donc, tout ce qu'on dit, c'est qu'avant d'exten-sionner il y aurait peut-être lieu quand même d'approfondir pour voir quelles sont les raisons qui ont fait en sorte que ces centres-là n'ont pas apporté tous les éléments souhaités. Alors, ce n'est pas une opposition, au contraire. S'il y a lieu d'ajouter des éléments, on les souhaite.

M. Holden: Une citation que j'ai ici, de la page 4 de votre mémoire, et je cite: «L'an dernier, la Caisse centrale a été active notamment sur les marchés européens, américains et japonais avec des émissions voisinant 2 000 000 000 $.» Quelle sorte de titres est-ce que vous émettez pour...

M. Béland: Sur le marché financier, ce sont des emprunts que nous effectuons selon des termes différents, selon les disponibilités qu'il y a sur le marché. Ce sont des fonds que nous allons chercher sur les marchés internationaux pour approvisionner nos caisses. On sait qu'actuellement les dépôts ou les épargnes domestiques ne répondent pas toujours à la demande totale des crédits. Donc, il faut évidemment nous aussi être emprunteurs. Nous le sommes sur les marchés qui sont mentionnés dans le mémoire. De là l'importance d'harmoniser les législations pour faire en sorte que, pour Desjardins, ce soit facilitant d'atteindre les normes internationales de capitalisation qui sont maintenant reconnues.

Desjardins s'y approche, mais nous allons avoir à faire des efforts additionnels pour y parvenir. Parce que, comme l'intervenant précédent, les gens de la SSQ, nos réserves générales sont alimentées uniquement par nos excédents, par nos bénéfices. Et faire beaucoup de rentabilité, prendre nos profits, les verser dans nos réserves, c'est faisable, c'est comme ça qu'on s'est bâti depuis 90 ans. Mais la croissance est telle aujourd'hui que, pour atteindre les normes et les maintenir, nous avons besoin de types de capitalisation, évidemment, différents, parce qu'on ne réussira pas uniquement par le réinvestissement de nos excédents.

M. Holden: Et je vois que Desjardins est allé en Floride.

M. Béland: Oui, mais là ce n'est pas pour aller chercher des capitaux, c'est pour aller rendre service à nos gens qui passent des vacances dans le Sud.

M. Holden: Est-ce que c'est à Hollywood, votre...

M. Béland: C'est à Hallandale. Je vous donnerai l'adresse, M. Holden.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: Maintenant, le document de Mme la ministre veut mettre en place un régime commun concernant les transactions entre apparentés ou transactions intéressées, et vous semblez être peu favorables à l'idée à cause de la spécialité de votre Mouvement.

M. Béland: Bien, je pense qu'il faut réglementer les transactions intéressées, ça m'apparaît évident. Sauf qu'il faut être conscient de la structure très particulière du Mouvement Desjardins. Plusieurs de nos fonctions spécialisées, la Caisse centrale, vous l'avez mentionné tout à l'heure, et ces fonctions-là se font dans une entreprise qui est autonome, autonome mais qui appartient au réseau des caisses. Si on établit des règles relativement aux transactions intéressées en disant: C'est deux entreprises différentes, qui ne sont pas à distance, évidemment, on est désavantagé parce que pour nos concurrents, pour les banques qui ont une vice-présidence approvisionnement de fonds, qui ont une vice-présidence transport de numéraire, etc., tout ça est dans la même entreprise et là on ne parle jamais de transactions intéressées, parce qu'on dit: C'est la même entreprise. Chez nous, parce que c'est dans des entités juridiquement séparées, il faut quand même nous considérer comme un groupe. D'ailleurs la législation le fait. La Loi des caisses d'épargne et de crédit, relativement à la capitalisation du réseau, nous reconnaît comme groupe par fédération. C'est dans ce sens-là que je pense que, lorsqu'on applique ou qu'on édicté des règles relativement aux transactions intéressées, il faut être très attentifs à la structure particulière du Mouvement Desjardins.

M. Holden: Vous avez déjà parlé de vos soucis quant aux pouvoirs accrus de l'Inspecteur général. À la page 20 de votre mémoire, vous affirmez que la place grandissante qu'occupe l'autoréglementation doit éloigner les organismes de contrôle et de surveillance le plus possible des opérations. Je sais que vous avez déjà donné pas mal de renseignements là-dessus, mais est-ce que vous êtes en désaccord avec l'idée d'accroître les pouvoirs de l'IGIF? (11 h 50)

M. Béland: C'est-à-dire qu'en autant que les cloisons dont je parlais tout à l'heure entre la réglementation, la surveillance et l'indemnisation sont claires, que les missions sont claires, moi, je pense qu'il faudrait à ce moment-là donner à l'Inspecteur des pouvoirs accrus. Mais en autant que ce sont des pouvoirs vraiment de surveillance, pas d'intervention, pas d'avoir des moyens d'intervenir non plus par des interventions de la Régie de Fassurance-dépôts. En autant que ces pouvoirs de surveillance et de contrôle sont clairs, je pense que c'est souhaitable que l'Inspecteur ait plus de dents, ait des moyens d'intervenir d'une façon plus coriace. En autant, comme je dis, qu'on s'attaque aux normes, aux règles qui doivent s'appliquer et que, lorsqu'elles ne sont pas respectées, l'Inspecteur menace même de suspendre des permis ou des choses du genre, moi, je suis parfaitement d'accord. Mais de là à intervenir, d'avoir des pouvoirs qui sont flous, ce qui fait que, à l'occasion, on ne sait plus si on est dans les opérations ou pas, on intervient dans des pratiques commerciales, là, je ne suis plus d'accord. C'est sous cette réserve-là. Mais, une fois qu'on aura mis ça clair, je pense qu'il faut donner à l'Inspecteur des pouvoirs accrus.

Le Président (M. Gautrin): Votre première enveloppe de temps de 10 minutes étant épuisée, est-ce que vous voulez continuer ou...

M. Holden: Une question de plus, parce que...

Le Président (M. Gautrin): Une question sur votre deuxième enveloppe de temps.

M. Holden: C'est sur un autre sujet. Je vois qu'à la page 18 vous semblez entrevoir un rôle pour la Caisse de dépôt. Par ailleurs, vous dites qu'il y a lieu de se demander si une institution gouvernementale, telle que la Caisse de dépôt et placement, ne pourrait pas jouer un rôle plus actif dans la consolidation et le développement du secteur financier québécois.

M. Béland: Oui. C'est ce que je disais dans ma présentation tout à l'heure. C'est assez étonnant: le Mouvement Desjardins, évidemment, regroupe pas loin de 5 000 000 de Québécois, et, à côté de ça, la Caisse de dépôt et placement du Québec est une institution québécoise dont on est tous très fiers, mais les deux institutions ne puissent faire des affaires ensemble. On peut le faire sous forme de prêts, on peut le faire sous forme d'avances de fonds, mais sous forme de capi- tal — puisque c'est dans le chapitre de la capitalisation qu'on a fait cette remarque-là — la Caisse de dépôt peut investir, si elle veut, 1 000 000 000 $ dans les banques canadiennes, mais elle ne peut rien faire dans le Mouvement Desjardins. C'est assez étonnant. Parce que, dans son chapitre des placements boursiers, la Caisse de dépôt a tout avantage à acheter des actions de CIBC, Toronto-Dominion, Banque Royale, etc., mais acheter des actions de Desjardins, zéro, parce que des parts permanentes, ça ne l'intéresse pas. Dans ce sens-là, apparaît le besoin tout à fait évident, à mon point de vue, et c'est la demande que nous faisons... En tenant compte de la spécificité Desjardins, nous aurons des propositions à faire pour inventer cette passerelle qui nous permettrait d'intéresser des investisseurs institutionnels tels que la Caisse de dépôt, et d'autres fonds de pension, qui viennent cogner à nos portes, en disant: Comment se fait-il que je ne peux pas investir dans ce grand réseau qui est fort intéressant, qui a été très rentable en 1992? Et on lui dit: On n'a pas de titre qui répond à vos exigences. On ne peut en faire des coopéra-teurs, ça ne les intéresse pas. Donc, il faut faire la passerelle. On est dans une économie capitaliste, il faut établir cette passerelle-là.

M. Holden: II est un bon vendeur, n'est-ce pas, M. le Président?

Le Président (M. Gautrin): Excellent. Je vous remercie, M. le député de Westmount.

Mme la ministre déléguée aux Finances et députée de Bourassa.

Mme Robic: Oui, M. le Président. J'aimerais qu'on continue, parce que j'aimerais que vous puissiez élaborer sur l'établissement de cette passerelle. Vous voulez conserver la structure telle qu'elle existe chez vous. Elle a certainement des avantages et on ne la remet pas en cause. Mais, oui, comme les compagnies d'assurances mutuelles, ça cause des problèmes quand il s'agit d'aller sur les marchés de capitaux. Et vous nous parlez de la création d'une passerelle. Où en êtes-vous rendus et quel genre prendrait cette passerelle?

M. Béland: Dans nos études, on est rendu quand même passablement loin. Nous serons en mesure de vous faire des propositions ou des suggestions bientôt. Il est évident que l'intervention du législateur va être requise. Mais ce à quoi on songe, finalement, c'est d'avoir un seul titre Desjardins. Et quand je parle de Desjardins, je parle du réseau coopératif et du réseau corporatif. Et, au public et aux institutions, on offrirait un titre Desjardins, par une de nos filiales ou par une filiale à créer — ça n'a pas tellement d'importance — où les gens investiraient dans Desjardins, dans du titre, évidemment à rendement boursier, qui s'inscrirait à la Bourse, qui acquerrait, grâce à nos filiales à capital-actions, une certaine plus-value, avec le temps, et qui serait vraiment un titre à capital-actions, sauf qu'il y a, évidemment, toute la question du vote qu'on est en train

d'examiner. Est-ce qu'on renonce à donner un droit de vote à ces actions-là? Est-ce que c'est suffisamment alléchant, ce titre-là, pour intéresser les marchés? Les premières vérifications que nous faisons, la réponse est oui. Sauf que quand vous...

Vous donnez l'exemple des mutuelles. Évidemment, on profite d'une taille qui est importante, on profite d'un historique de rentabilité qui est bien établi, on profite d'une sécurité qui ne fait aucun doute; 2 400 000 000 $ de réserve générale, je pense que ce n'est pas négligeable. Donc, on peut immédiatement, je pense, offrir à l'investisseur un titre qui pourrait être intéressant sur tous les plans. C'est à ça que nous songeons. Je sais que ça ne répond pas, un titre comme ça, peut-être aux besoins du réseau des mutuelles, mais, quant à Desjardins, je pense qu'on aurait là un outil. Les vérifications que nous faisons avec des grandes maisons de courtage actuellement nous donnent des réactions favorables. Ce qui ferait que c'est le réseau coopératif, puisqu'il est propriétaire de tout ça, qui déciderait où il investit: dans ï'assurance-vie Desjardins, dans les caisses, etc.

Ce qui est important, c'est d'avoir la vision que les Québécois et les Québécoises, ensemble, constituent un seul actionnaire qui est le réseau coopératif, mais un gros, un pesant. Alors, c'est comme si les coopérateurs aujourd'hui, pour faire face à l'international, se disaient: Nous, le mouvement coopératif, on n'a pas été capables comme individus d'être des milliardaires, mais on est capables de l'être ensemble. Alors, on fait un bloc, les coopérateurs, qui s'unit avec les investisseurs capitalistes, et je pense qu'on peut faire un mariage sans se dénaturer.

Une voix: Merci.

Mme Robic: Mais là, en faisant ça, vous diluez la part des coopérateurs.

M. Béland: Bien, c'est là que j'insistais sur la question du vote. Si les investisseurs exigent d'avoir un droit de vote, évidemment, là, on va commencer à parler de dilution ou on parlera évidemment d'investissements additionnels du bloc coopératif dans la capitalisation du réseau.

Mme Robic: Vous vous prononcez contre notre véhicule de capitalisation. Je comprends que pour vous, dans votre milieu coopératif, c'est peut-être un instrument dont vous ne pourriez pas profiter, mais vous avez, au niveau corporatif, des compagnies d'assurances, vous avez une fiducie qui pourraient bénéficier d'un fonds ou d'un véhicule comme suggéré dans notre énoncé de politique. Vous ne voyez pas davantage à ce véhicule-là pour faire... Dans le fond, ce qu'on veut faire avec ce genre de véhicule, c'est de faire passer nos entreprises qui n'ont pas l'habitude d'aller sur les marchés et les investisseurs qui n'ont pas l'habitude d'investir dans ce genre de produit, les amener ensemble, grâce à ce véhicule-là, pour qu'ils s'approvisionnent les uns des autres. Et, éventuellement, bien sûr, il faudrait... Et surtout faire agir les forces du marché, aussi, là. Ça, c'est important. Quand on parle d'un véhicule, on parle d'un véhicule non gouvernemental mais privé, où agiraient les forces du marché et, éventuellement, amènerait les compagnies à pouvoir aller elles-mêmes sur les marchés.

M. Béland: Que les mutuelles se regroupent, comme le Mouvement Desjardins l'a fait dans son histoire, pour se donner des moyens de se capitaliser, évidemment, nous ne sommes pas contre. Ce que nous soulignions, et nous l'avons fait même avant cette commission-ci, c'est qu'on ne pense pas que c'est le rôle du gouvernement de lever des épargnes et d'investir dans les mutuelles. Qu'il donne les moyens de le faire, ça, je suis d'accord. Parce que la Caisse de dépôt est là et elle le fait très bien. En autant qu'on donnera aux mutuelles et au mouvement coopératif les titres qui intéressent la Caisse de dépôt et placement...

La Caisse de dépôt n'a pas de problème de capitaux. Elle a des fonds disponibles. La Caisse de dépôt est capable d'investir dans les institutions québécoises. Voyons donc! C'est évident, c'est son premier rôle. Elle est là pour assurer aussi le développement économique du Québec. Où le blocage se fait? C'est que les titres disponibles ne conviennent pas aux exigences de la Caisse de dépôt, et c'est là que le gouvernement, je pense... Le rôle du gouvernement, c'est de faire en sorte que nos mutuelles et le régime coopératif puissent avoir ces titres-là pour faire la passerelle entre le monde capitaliste et le monde coopératif. Mais de là à dire: C'est l'État qui va le faire, c'est l'État ou une autre caisse quelconque qui va lever des épargnes pour ensuite investir dans les mutuelles, là, on ne peut pas être d'accord avec ça. Je pense qu'on pense plutôt à un État qui est catalyseur, qui est orienteur, qu'un État qui rentre dans les opérations.

Mme Robic: Je ne pense pas que, quand on parle de la création d'un fonds, on parle d'obliger les institutions à se regrouper ou à investir dans quelque projet que ce soit. C'est un moyen additionnel, avec d'autres; c'est la passerelle dont vous parlez. Chez vous, elle s'articule différemment, mais pour d'autres compagnies c'est possiblement la passerelle dont elles ont besoin pour faire ce pas vers des marchés de capitaux. Et on pense que, certainement... Si la Caisse de dépôt est intéressée à investir dans ce véhicule, pourquoi pas? Et ce véhicule ne doit pas être un véhicule gouvernemental. Il doit être un véhicule privé qui fera en sorte, justement, d'aider nos institutions à faire le pont entre aller elles-mêmes sur ces marchés-là, apprivoiser ces marchés-là qu'elles ne connaissent pas tellement puisqu'elles n'ont jamais eu cette possibilité de les connaître... Même chose pour les investisseurs. Est-ce qu'il n'y aurait pas, pour un investisseur, une sécurité à investir dans un véhicule et à étendre ses risques... Comment est-ce qu'on dit ça, là? (12 heures)

Une voix: Diversifier.

Mme Robic: Diversifier, merci.

Le Président (M. Gautrin): Diversifier.

Mme Robic: ...diversifier ses risques dans un véhicule plutôt que d'aller aux entreprises, directement dans les entreprises?

M. Béland: Mais c'est ce que je vous disais, Mme Robic. Je pense que M. Demers vous le disait tout à l'heure: les mutuelles, il y en a de toutes tailles. Bon. Dans ce sens-là, on peut bien leur inventer un titre puis dire: Essayez d'intéresser les investisseurs pour qu'ils investissent dans votre titre. La solution... Et d'ailleurs, le Conseil de la coopération du Québec, où je suis, a déjà fait cette proposition-là. Comme ces titres-là... Nous, on a l'avantage d'être un grand regroupement et d'avoir un historique, comme je le disais tantôt. Donc, on a des titres qui peuvent intéresser l'investisseur. Mais la mutuelle plus petite, qui a moins d'historique, seule, ne pourra jamais réussir à émettre un titre qui va intéresser les investisseurs publics.

Dans ce sens-là, je disais que si elles se regroupaient et disaient: On va avoir un titre commun, et ensuite, comme on fait dans Desjardins, dire: Bon, bien, là, je vais en mettre un peu dans telle mutuelle, un peu dans l'autre, et la somme de ça... Là, vous avez votre diversification, vous avez la chance d'avoir une rentabilité. C'est simplement dans ce sens-là que je disais: Oui, se regrouper. Si vous me dites non, ils ne se regrouperont pas, c'est l'État qui va le faire; là, je ne suis pas d'accord. Et s'il faut la garantie de l'État, bien, mon Dieu! donnez-la leur. Mais je ne pense pas que ce soit nécessaire si on réussit à se regrouper.

Le Président (M. Gautrin): Votre enveloppe de temps est virtuellement finie.

Mme Robic: Non. C'est bien. C'est bien sûr que ce n'est pas à l'État de dire aux compagnies de se regrouper.

M. Béland: Non, non. Mais on peut leur dire, nous.

Mme Robic: C'est votre suggestion à vous. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gautrin): Votre enveloppe de temps étant finie...

Mme Robic: On s'est bien compris.

Le Président (M. Gautrin): ...est-ce qu'il y a consensus pour permettre au député de Jacques-Cartier de poser une question?

M. Holden: J'ai juste une question encore...

Le Président (M. Gautrin): Alors, avant... Mais certainement, M. le député de Westmount, avant que le député de Jacques-Cartier ne...

M. Holden: Vous décrivez dans votre mémoire le régime d'indemnisation qui existe chez vous et vous suggérez peut-être qu'il y aurait une compensation au point de vue de vos...

M. Béland: On l'a déjà, M. Holden. On l'a déjà. La Régie de l'assurance-dépôts nous accorde une réduction de la prime justement parce que nous assumons une partie du risque par notre corporation de fonds de sécurité.

M. Holden: Bon. Et, en parlant de la Régie, je veux savoir si vous avez eu une réponse satisfaisante en ce qui concerne le rôle de la Régie dans l'entente avec la Banque Nationale, l'Alliance et le Trust Général?

M. Béland: Si on était devant le tribunal, M. Holden, on dirait que vous êtes hors d'ordre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béland: Mais j'ai eu une partie de la réponse, oui.

Le Président (M. Gautrin): Bon. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: I woud like to ask a question of a slightly different kind of the point that you raised about the possible meeting of interests between the Caisse de dépôt and the caisses Desjardins. One can see the attractions of this, but other not problems as well... It is true that this three largest chartered banks represent an even larger concentration of capital but they also, at a much more geographically distributed loan portfolio, have restrictions on the concentration of ownership and they, for that matter, still have some restrictions on the extent to which they can invest directly in equities.

On the other hand, if the Caisse de dépôt and the caisses Desjardins acted together in the Québec market place, would you not face a certain problem from, certainly, I can imagine, Stephen Jarislowsky and a great number of other people being very unhappy with the idea that there was simply too large a concentration of capital and power acting on particular companies, from the standpoint of minority investors and that, therefore, would be difficult in raising capital for everything that was not in this great combination?

M. Béland: Mais je dois vous dire que, actuellement, la Caisse de dépôt et le Mouvement Desjardins investissent souvent ensemble dans des entreprises. Dans ce sens-là, on peut travailler ensemble.

Le seul point que j'ai soulevé, c'est qu'il ne m'ap-paraît pas normal que les contributions que les Québécois et les Québécoises, qui sont en grande partie aussi

membres de caisses, confient à la Caisse de dépôt ne puissent pas, en partie, une petite partie... Parce que c'est 43 000 000 000 $, la Caisse de dépôt. Si la Caisse de dépôt met 300 000 000 $, disons, en capital dans le Mouvement Desjardins, ce n'est pas beaucoup dans son portefeuille, mais si elle en met plus... Elle en met 100 000 000 $, 200 000 000 $, 300 000 000 $ dans les grandes banques, pourquoi ne le ferait-elle pas au Québec? Vous me dites, bien, c'est très concentré au Québec. Bien, le Mouvement Desjardins a 5 000 000 d'actionnaires. Je pense que c'est pas mal plus largement réparti que n'importe quelle grande banque canadienne. Oui, c'est nos actionnaires, ça, c'est 5 000 000.

Dans ce sens-là, la concentration du contrôle n'est pas inquiétante chez nous. Et, quant à la diversification de nos placements, de nos prêts, la qualité de nos actifs ne fait pas de doute puisque les cotes que nous accordent Moody's, Standard & Poor's sont aussi élevées que celles qu'on accorde aux grandes banques. Donc, je pense que les firmes d'évaluation doivent être en mesure de bien évaluer la qualité de nos actifs.

Le Président (M. Gautrin): Je pense... Il vous reste encore quatre minutes. Je pensais que vous aviez épuisé votre enveloppe de temps.

M. Holden: Oui, je ne serai pas très long. Mais, hier, on a eu la visite de Trust Prêt et Revenu, et ils ont plaidé en faveur d'une plus modeste compagnie de fiducie faisant affaire localement. Et, vous, dans votre mémoire, vous suggérez qu'on devrait évaluer la possibilité d'instaurer un régime où l'épargnant assumerait une couverture partielle de ses économies en cas de faillite d'une institution financière. Eux, ils ne seraient certainement pas d'accord avec vous. N'y a-t-il pas danger, M. Béland, que la coassurance affaiblisse, justement, les petites institutions financières?

M. Béland: Bien, c'est-à-dire que, nous, on plaide, dans Desjardins, depuis fort longtemps, la responsabilisation aussi du consommateur. Je pense qu'on ne peut pas simplement dire au consommateur: fais ce que tu veux, place où tu veux, va dans n'importe quelle institution, ne t'inquiète pas, le gouvernement est là pour payer les pertes, et l'institution financière est responsable.

On pense que — puis on l'a plaidé devant d'autres commissions parlementaires — la responsabilisation du citoyen doit aussi apparaître. Le citoyen doit exercer un jugement quand même adéquat, prendre une partie du risque, de là l'obligation de transparence des institutions financières, de l'information. Et je pense que, dans une bonne économie de libre marché, c'est une règle qui est à encourager.

M. Holden: Peut-être que vous vous souvenez d'avoir été déjà plus petit, dans le Mouvement Desjardins, où, certainement, historiquement, vous savez ce que c'est être une plus modeste compagnie de dépôt. De manière générale, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour aider les compagnies plus modestes? Il n'y en a pas tellement, des compagnies qui font affaire tout à fait localement.

M. Béland: Mais je vais simplement vous faire remarquer que le Mouvement Desjardins s'est développé et a grandi alors qu'il n'y avait aucune garantie gouvernementale, de qui que ce soit, et même pas des fédérations ou des caisses.

M. Holden: C'est Mme Desjardins qui a...

M. Béland: Non, mais je veux dire que pendant 70 ans le Mouvement s'est développé avec des gens qui disaient: Je sais que je fais affaire avec une institution financière qui n'a pas toutes les garanties, mais je veux la construire. Dans ce sens-là, je ne pense pas que la responsabilisation du consommateur soit un danger. Je pense que c'est le contraire. (12 h 10)

Les suggestions à faire pour que les petites fiducies progressent mieux? J'en ai fait quelques-unes tantôt, pour les mutuelles. Mais je ne pense pas que celle que vous citez ait de graves problèmes non plus, sauf que toutes les entreprises, quelles qu'elles soient, les entreprises financières, devront, si elles sont régionales, être fortement capitalisées. Il y a de belles études qui démontrent que ce n'est pas tellement la taille de l'entreprise qui est importante. Ce qui est important — et je prends Desjardins comme exemple — c'est d'être très présent dans son milieu. The Economist disait l'autre jour, dans un article fort intéressant: Les entreprises financières de l'avenir sont celles qui seront régionales et qui seront très fortement capitalisées. Et je crois beaucoup à ça.

Regardez ceux qui ont, depuis quelques années, pour bien paraître, acheté des entreprises un peu partout aux États-Unis. Ça fait bien, sur votre carte d'affaires: Royaume-Uni, partout. Aujourd'hui, on revient tranquillement. On rapatrie tout ça en disant: Si je veux être capable de conquérir les marchés étrangers, il faut d'abord que je sois très fort chez moi. Et, ça, c'est vraiment la ligne de conduite à suivre.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie pour cette...

M. Holden: Le temps est écoulé?

Le Président (M. Gautrin): Votre temps est écoulé, M. le député de Westmount.

M. Holden: Ah! Merci d'être venus, M. Béland et votre équipe. Ça a été très intéressant.

M. Béland: Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Gautrin): Mme la ministre.

Mme Robic: M. le Président, il n'y a jamais assez de temps...

Le Président (M. Gautrin): Ah!

Mme Robic: ...et je veux vous remercier, vous remercier, d'ailleurs, de l'appui que vous donnez à mon énoncé de politique. Avec les suggestions que vous nous faites, ça nous permettra de le rendre encore plus fonctionnel. Et je suis certainement ouverte à plusieurs de vos suggestions qu'on regardera de très près. Alors, je vous remercie de votre présence et je vous remercie de participer d'une façon aussi éloquente à nos délibérations et à l'économie du Québec également.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Béland, au nom de la commission, je tiens à vous remercier pour l'excellence de votre présentation, et je suspends les travaux pour quelques minutes de manière à permettre à l'Association d'hospitalisation du Québec (Croix Bleue) de s'avancer.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 16)

Le Président (M. Gautrin): La commission peut reprendre ses travaux. M. Ferron, vous représentez, je pense, l'Association d'hospitalisation du Québec. Je vous rappellerai brièvement dans quel cadre nous fonctionnons ici, comme commission. Vous avez une enveloppe de temps de 20 minutes pour pouvoir présenter votre mémoire. Il y aura une enveloppe de 20 minutes dévolue au parti ministériel et 20 minutes dévolues au parti de l'Opposition pour vous poser des questions, vos réponses étant comptabilisées dans l'enveloppe de temps de la personne qui pose la question.

Alors, M. Ferron, est-ce que vous pourriez commencer, peut-être, par présenter les personnes qui vous accompagnent, aux fins de l'enregistrement des débats?

Association d'hospitalisation du Québec (Croix Bleue)

M. Ferron (Claude): Bien sûr, M. le Président. À ma gauche, il y a M. Pierre Julien, qui est vice-président exécutif de l'assurance individuelle; à ma droite, il y a Mme Jacynthe Michaud, qui est secrétaire de la compagnie; et, à mon extrême droite, il y a M. Claude Boivin, qui est vice-président finance et administration.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs en premier lieu, j'aimerais peut-être situer la Croix Bleue dans le contexte, si vous voulez, des compagnies d'assurance de personnes au Québec. La Croix Bleue est une société de secours mutuel qui a une charte provinciale et qui oeuvre exclusivement dans le domaine de l'assurance-santé. Notre organisme est membre de l'Association canadienne des plans de la Croix Bleue et aussi de Blue Cross and Blue Shield aux États-Unis. Cette appartenance nous permet d'avoir, disons, des échanges assez fructueux dans le domaine de la santé.

C'est au nom, en fait, de son 1 000 000 de membres, dont un grand nombre se retrouvent parmi les aînés, et à titre de principal assureur en assurance-maladie individuelle ainsi qu'en assurance-voyage et en assurance collective que nous désirons présenter aujourd'hui notre point de vue à la commission sur le document intitulé «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec».

La Croix Bleue est présente au Québec depuis plus de 50 ans. Sa mission et son orientation sont en premier lieu axées sur la santé et la protection financière plutôt que sur l'accumulation de l'épargne. C'est pourquoi nous disons que nous sommes assez différents, si vous voulez, des compagnies d'assurance-vie alors que, à toutes fins pratiques, nos primes et nos cotisations sont plus élevées que notre actif. Nous produisons exclusivement des produits d'assurance-santé, d'assurance-hospitalisation, des soins dentaires et d'assurance-voyage. Notre association avec le mouvement Croix Bleue nous oblige à souscrire des garanties d'assurance-vie, d'assurance-invalidité et d'épargne par le biais de nos filiales.

La Croix Bleue comme telle, depuis cinq ou six ans, s'est créé un holding, si vous voulez, ou une société en aval, qui s'appelle la Corporation financière Canassurance qui, elle-même, contrôle une compagnie d'assurance-vie qui est Canassurance, compagnie d'assurance-vie, qui contrôle une compagnie d'assurances générales, l'Union québécoise. Et nous avons aussi une autre société d'assurances générales qui s'appelle Canassurance, compagnie d'assurances générales. En fait, comme je vous expliquais tout à l'heure, pour appartenir au mouvement Croix Bleue, nous devons souscrire exclusivement des produits d'assurance-santé et non des produits d'assurance-vie. (12 h 20)

Lorsqu'on regarde un peu le document qui a été présenté par Mme la ministre, nous avons quelques commentaires à formuler sur l'énoncé, si vous voulez, de politique. Nous souscrivons entièrement à l'idée de la composition du capital et surplus fondés sur les principes nationaux et internationaux reconnus. En raison de notre engagement à court terme de la Croix Bleue, les principales réserves sont des provisions pour les réclamations encourues et non produites, et le surplus vient protéger les membres contre les éventualités imprévisibles.

La Croix Bleue est soumise aux normes dictées par Blue Cross and Blue Shield Association et les a toujours respectées. Nous souhaitons que l'autorité de surveillance puisse en prendre connaissance et qu'elle nous donne son accord plutôt que de nous assimiler aux entreprises d'assurance-vie traditionnelles, reconnaissant ainsi le caractère particulier de notre type d'institution. Et, d'ailleurs, nous sommes classés comme la plus importante société de secours mutuel par l'Inspecteur général des institutions financières du Québec.

Nous sommes très heureux de l'orientation prise d'harmoniser la réglementation du Québec avec les autres juridictions canadiennes, principalement ce qui

touche le montant minimal requis en capital et surplus pour opérer. Nous avons eu du mal à connaître les normes financières actuellement utilisées par le comité de surveillance de l'Inspecteur général des institutions financières. Nous avons dû insister pour les connaître et nous tentons de nous y conformer.

Nous utilisons présentement les normes de la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes et nous souhaitons connaître le plus rapidement possible les nouvelles normes qui tiendront compte de notre spécificité et non des normes générales de l'industrie de l'assurance-vie. Nous espérons qu'un laps de temps sera alloué — entre cinq et sept ans — pour permettre à notre industrie, s'il y a lieu, de s'y conformer.

L'efficacité gouvernementale. Actuellement, nous sentons depuis l'histoire des Coopérants une certaine bureaucratie qui s'est installée, et nous avons tenté, dans notre document, de dégager ce qu'il faudrait peut-être faire dans le futur vis-à-vis, si vous voulez, du département des institutions financières et de nos institutions. Nous croyons sans aucun doute que la surveillance des institutions financières, telle que requise par la Loi sur les assurances et ses règlements, serait du rôle de l'Inspecteur général. Mais nous souhaitons aussi que la loi soit revue et probablement aussi ses règlements.

La détermination des normes de capital et surplus devrait se faire après consultation, aussi, avec les représentants de l'industrie. On parle ici surtout pour la juridiction du Québec. La duplication des coûts de vérification comptable et actuarielle que nous vivons depuis quelques années devrait être évitée. Le personnel de l'Inspecteur général des institutions financières devrait apprendre à travailler conjointement et étroitement avec nos vérificateurs internes et externes et les actuaires responsables de l'évaluation actuarielle de nos entreprises.

À cet égard, nous désapprouvons un peu le pouvoir discrétionnaire conféré à l'Inspecteur général des institutions financières dans l'article 298 de la Loi sur les assurances. Cet article, comme de raison, donne certains pouvoirs à l'Inspecteur général. Ce n'est pas tellement le pouvoir discrétionnaire, mais nous croyons qu'avant d'arriver au pouvoir discrétionnaire l'Inspecteur général devrait épuiser les autres ressources, à savoir le conseil d'administration, le président et les chefs de direction, le comité de vérification, les vérificateurs externes et les comptables et actuaires de façon à pouvoir peut-être user de son pouvoir discrétionnaire. Alors que ce que nous vivons actuellement, souvent, ça se passe avant plutôt qu'après consultation.

Nous ne croyons pas nécessaire non plus, à cette étape-ci, de donner de nouveaux pouvoirs à l'Inspecteur général des institutions financières. Nous croyons, comme nous le disions auparavant, qu'il serait peut-être opportun de réviser la Loi sur les assurances. Nous souscrivons entièrement à l'idée que l'Inspecteur général des institutions financières procède en énonçant des lignes directrices harmonisées avec les autres juridictions. Nous croyons aussi qu'il serait important, tel que d'autres l'ont souligné, qu'on puisse séparer la surveillance des institutions financières, la gestion quotidienne et le fonds d'indemnisation.

Concernant le fonds d'indemnisation, nous devons vous dire que la Croix Bleue souscrit seulement les contrats d'assurance-santé avec, si vous voulez, des contrats qui sont d'un an et moins pour plusieurs de nos contrats — comme l'assurance-voyage, ça excède rarement six mois. Nous avons de la difficulté, nous, à faire partie d'un organisme comme la SIAP qui, comme telle, a, si vous voulez, sous sa juridiction surtout des compagnies d'assurance-vie traditionnelles. C'est évident qu'à ce moment-là, lorsque est arrivé le problème des Coopérants, comme la cotisation a été fixée à 0,5 %, sur les primes, nous avons été drôlement frappés parce que, nous, nous avons beaucoup plus, si vous voulez... Comme dans la Croix Bleue nous avons 50 000 000 $ d'actif, nous avons à peu près 100 000 000 $ de revenus; alors, nous avons été frappés durement par le 0,5 % qui, avant tout, comme on le disait auparavant, est fondé sur les primes et non sur l'actif. alors, comme tel, c'est évident aussi que les normes qui doivent être utilisées pour la croix bleue... lorsqu'on regarde, nous, du côté de blue cross and blue shield, où ils ont plusieurs standards qui sont même très sévères, un des standards, c'est que nous devons toujours détenir 15 %, si vous voulez, des engagements sous forme de capital et surplus ou sous forme d'excédents. lorsqu'on arrive avec les normes, si vous voulez, en assurance-vie, ça peut être très différent. d'ailleurs, on l'a vu très bien chez nous parce que, comme je vous le disais tout à l'heure, on a une section — canassurance-vie — où on est membre de l'accap pour cette section-là. du côté croix bleue, nous ne sommes pas membres de l'accap, parce que nous n'avons pas d'intérêt, disons, à échanger avec les compagnies d'assurance-vie traditionnelles pour la partie, si vous voulez, croix bleue. et nous nous trouvons drôlement pénalisés, disons, par cette approche-là, et drôlement orphelins, parce que nous sommes très petits par rapport à l'ensemble de tous les autres intervenants.

Il est à remarquer qu'actuellement, aux États-Unis même, depuis, disons, le mois de décembre 1992, les Croix Bleue, les Blue Cross and Blue Shield aux États-Unis se sont intéressées à cette question de fonds d'indemnisation. Et, contrairement à ce qu'on pourrait penser, aux États-Unis, les Croix Bleue sont toutes indépendantes, par État, par juridiction, comme au Canada, d'ailleurs. Et ce qui a été suggéré, c'est que les Croix Bleue puissent adhérer, à un moment donné, à un fonds d'indemnisation qui soit sous leur juridiction — si c'est un État en particulier, l'État de New York ou l'État de Floride, etc. — plus que par un grand mécanisme qui pourrait être national. Nous, le mécanisme national, actuellement, nous fait extrêmement peur, parce que vous vous imaginez que, sur un plan national, il y a d'autres endroits en dehors de notre juridiction où — comme tel, chez nous, au Canada, chaque Croix Bleue a sa juridiction; il y en a huit, d'ailleurs — on deviendrait responsables de quelque chose, ou ça ne

nous apparaît pas, disons, important pour nous d'être responsables pour d'autres juridictions.

D'ailleurs nous favorisons grandement que le fonds d'indemnisation soit plutôt québécois, qu'il soit public, québécois. Moi, je me suis posé des drôles de questions, à un moment donné, quand... Parce que j'ai participé, il faut dire, pour Canassurance-vie, il y a quelques années, à la création de la SIAP. Mais il faut dire qu'à ce moment-là, ce qu'on pensait beaucoup plus, c'était de protéger les grosses compagnies contre les petites compagnies qui pourraient tomber en difficulté. Ce qu'on vit actuellement, c'est l'inverse, alors, vous vous imaginez que c'est un rapport de force qui est très différent.

Une deuxième chose: personne n'a pensé qu'on était pour avoir — surtout du côté de la SIAP — une déconfiture comme on a eue avec Les Coopérants ou La Souveraine. Alors, vous vous imaginez qu'ils se posent aussi des questions. Et même, dans son énoncé de principe, la SIAP, ou l'ACCAP, nous disait, à un moment donné, que, rendu à un certain niveau, peut-être qu'il faudrait demander au gouvernement de venir nous aider. moi, je réfléchis à tout ça, et je m'aperçois, d'ailleurs, que ce soient les banques ou les fiducies, que tout ce qui existe actuellement, c'est public. parce que, dans le fond, on fait affaire plus à une catastrophe, à un moment donné, qu'à quelque chose qui est normal. et je trouve ça très difficile de penser qu'on puisse continuer à risquer comme ça. j'aime autant ne pas penser qu'une des grosses compagnies au canada pourrait tomber. et ça pourrait arriver, imaginez-vous, parce que le lendemain matin je serai obligé de mettre la clef dans la porte, je serai obligé de dire: moi, je ne suis plus capable. parce que 0,5 % continuellement, ça devient très, très onéreux. alors, c'est un peu les réflexions, disons, que la croix bleue avait vis-à-vis de l'énoncé politique. (12 h 30)

Maintenant, du côté capitalisation, nous, on s'aperçoit, comme plusieurs mutuelles... Parce que, nous, enfin, on a deux chapeaux; il y a une partie mutuelle et il y a une partie capital-actions, avec Canassu-rance. Et on s'aperçoit aussi qu'aux États-Unis ça évolue énormément. En Californie, la Blue Cross and Blue Shield de Californie, actuellement, est une société de secours mutuel et elle a créé aussi un holding, comme nous ici, au Québec, pour éventuellement, peut-être, être capable de capitaliser, si vous voulez, la partie société de secours mutuel par des debentures, etc. Nous, on n'est pas encore rendus là, parce qu'on n'est pas aussi gros, mais on s'aperçoit que nous et d'autres mutuelles, si vous voulez, ou les compagnies à charte provinciale, ont actuellement besoin de capitaux. Et il faut avoir accès au marché des capitaux. Nous, on est trop petits. On a regardé ça à un moment donné, et émettre une émission de 25 000 000 $, ce serait peut-être possible dans quelques années mais, au moment où on se parle, ce serait assez difficile. Sauf que, si on est regroupés... Là, ce qu'on suggère, nous, c'est comme un fonds mutuel d'assurance qui pourrait être capitalisé — on a parlé de la Caisse de dépôt, ça pourrait être des caisses de retraite — et, au départ, peut-être une garantie gouvernementale. Parce que c'est certain que les compagnies à charte provinciale, nous inclus, il faut tomber dans une rentabilité qui va être assez permanente et qui a existé, disons, avant les années quatre-vingt et qui, depuis les années quatre-vingt, est un peu plus difficile.

Nous, il y a trois ans, on s'est adressés un peu à ce problème-là. Et je peux vous dire que, nous, notre organisation, depuis trois ans, on a retrouvé un certain niveau de rentabilité qui va nous permettre, disons, d'affronter l'avenir. Parce qu'on est très conscient que la Croix Bleue, qui a connu des armées glorieuses, si on veut, avant les années soixante ou soixante-dix, on s'aperçoit que dans les années qui s'en viennent il va certainement y avoir un marché très important du côté du domaine de la santé. Et il faut se préparer à capitaliser, à être capable d'affronter, disons, ces nouveaux défis.

C'est notre rapport, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous remercie, M. Ferron. Mme la ministre et députée de Bourassa.

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, mesdames.

Vous mentionnez dans votre mémoire, M. Ferron, que la Croix Bleue réclame un régime particulier. Vous réclamez un régime particulier. Vous dites que vous êtes assimilé à une compagnie d'assurance de personnes, mais que vous considérez que la nature de vos protections s'apparente à une compagnie d'assurance de dommages beaucoup plus qu'à une compagnie d'assurance de personnes. Et vous nous dites qu'il y a des normes qui existent aux États-Unis, je crois, à la Blue Cross and Blue Shield Association, qui sont spécifiques à cet organisme-là. Et j'aimerais que vous puissiez élaborer un peu plus là-dessus. Comment est-ce qu'ils sont considérés aux États-Unis?

M. Ferron: Aux États-Unis, ils se sont intéressés à ce problème-là. Actuellement, non seulement ce qu'ils suggèrent mais les standards qui s'en viennent: ils vont nous demander d'appartenir, si vous voulez, à un organisme de fonds d'indemnisation. Mais le fonds d'indemnisation qu'ils suggèrent, eux autres, il s'apparente beaucoup plus au plan de la juridiction qu'à un plan qui pourrait être national. Et, nous, c'est un peu la même chose que nous suggérons.

Lorsque nous disons que nous ressemblons beaucoup plus à une compagnie d'assurance de dommages, c'est en raison, si vous voulez, des contrats d'assurance que nous souscrivons, qui ne dépassent pas un an, alors que, dans l'assurance-vie, on connaît très bien des engagements qui peuvent durer 10 ans, 15 ans, etc., et même plus. Et, comme tel, c'est ça.

Deuxième chose, nous, ce qui nous particularise du côté Croix Bleue, c'est que, comme je l'indiquais au début, on n'a pas de produit d'épargne. Nous, l'actif est de 50 000 000 $ et, dans 10 ans, il va peut-être encore

être de 50 000 000 $. parce que, si vous voulez, à tous les ans, un peu comme une compagnie d'assurance de dommages qui... en fait, ce n'est pas l'actif qui la caractérise, c'est plus, si vous voulez, les primes, la qualité des primes ou la rentabilité. alors, nous, ça s'apparente beaucoup plus à une société d'assurance de dommages, pour la croix bleue. comme de raison, je me dis ceci, de ces propos-là, quand je parle, après ça, de canassurance-vie, qui est membre de l'accap, etc., et qui a des contrats d'assurance-vie collectifs surtout... il faut d'ailleurs que notre groupe... dans l'ensemble, 75 % de tous nos engagements sont de moins d'un an, sont de un an et moins, si vous voulez. alors, ça, c'est différent aussi, si vous voulez, de l'industrie d'assurance-vie traditionnelle.

Maintenant, on ne souscrit quasiment pas de produits d'accumulation comme les REER, ces choses-là, alors qu'on sait très bien que l'assurance-vie, depuis 10 ans, s'est transformée de façon importante. aujourd'hui, 60 %, 65 % de tous les revenus proviennent de ces produits-là. et on sait très bien que ces produits-là ont une marge de manoeuvre qui est très mince, qui est très difficile, si vous voulez. alors, nous, on n'est pas, disons, dans ce domaine-là; on est vraiment dans le domaine de la santé et de la protection financière.

Mme Robic: Oui. Bien sûr, vous avez remis en cause les pouvoirs de l'Inspecteur général, mais vous ne remettez pas en cause... Notre suggestion, par exemple, de pouvoir permettre à l'Inspecteur général de mettre de l'avant des lignes directrices, vous êtes assez favorables à ça?

M. Ferron: Ah! oui. Très favorables. Mme Robic: Oui.

M. Ferron: Je voudrais peut-être préciser que je ne mets pas en doute, si vous voulez, le rôle de l'Inspecteur général. Le comité de surveillance est extrêmement. ..

Mme Robic: Oui.

M. Ferron: ...important. Ce qu'on voudrait souligner, nous, c'est que ce rôle-là se joue de façon encore plus précise avec, si vous voulez, notre comité de vérification, nos vérificateurs externes, et de plus en plus on va avoir aussi des actuaires d'évaluation externes, et on voudrait qu'il y ait un rapprochement peut-être plus étroit entre nos mécanismes. Un exemple: chez moi, le comité de vérification, le président du conseil et moi, comme président et chef de direction, nous ne participons pas au comité de vérification. Quand on est invités, c'est pour répondre à certaines questions. Donc, 11 y a un souci, si vous voulez, d'indépendance vis-à-vis de ça, et on voudrait retrouver, si vous voulez, cette communication-là entre le vérificateur externe, le vérificateur interne chez nous, etc., avec les autorités de surveillance; et on ne sent pas ce mécanisme étroit là.

Mme Robic: J'ai l'impression que l'Inspecteur général aimerait beaucoup que ce mécanisme-là soit en fonction et qu'il puisse en profiter avec...

M. Ferron: Oui.

Mme Robic: Donc, on va tenter de l'établir. Mais il faut tout de même qu'il puisse agir, à un moment donné, et il ne peut pas seulement agir à la fin du processus, quand il n'y a plus de décision à prendre à part l'ultime décision de retirer un permis. Hein, c'est...

M. Ferron: Non. Ça, je n'ai aucun problème avec ça, et c'est vraiment le rôle de l'Inspecteur général. Je parle plutôt dans le courant des affaires comme la vérification triennale, et, à ce moment-là, peut-être commencer par s'asseoir avec nous pour voir l'étendue de sa vérification; ou, s'il veut aller plus en profondeur, nous, on n'a aucun problème. On va dire: Écoutez, asseyez-vous avec nos propres vérificateurs externes, si vous voulez, et vos vérificateurs, et là ils pousseront un peu plus loin. C'est contre le fait qu'à un moment donné on puisse nommer un bureau de comptables qui viennent au-dessus de tout ça, comme ça nous est arrivé, nous, au mois de septembre dernier. Ça, on a trouvé ça absolument très difficile au niveau du conseil d'administration, moi, comme président et chef de la direction, et aussi au niveau du comité de vérification et au niveau de nos vérificateurs externes qui étaient en place. Il y a eu quelque chose, là, qui a manqué. C'est peut-être juste un accident de parcours, mais on pense que c'est important qu'on puisse travailler.

Il y a quelqu'un, tantôt, qui a souligné quelque chose. Je pense que c'est M. Demers, de la SSQ. Moi, ça fait 27 ans que je suis dans le milieu. J'ai commencé avec La Laurentienne en 1966, après ça avec la Mutuelle des fonctionnaires en 1973, et je suis avec la Croix Bleue depuis 1982. Les compagnies à charte provinciale se sont développées, si vous voulez, avec une certaine complicité qui existait entre le surintendant des assurances du temps et les entreprises. Je peux vous dire qu'au moment où on se parle — et là je vous parle franchement — on a une difficulté. Il y a quelque chose, là, qui est un petit peu brisé. Je comprends que, l'histoire des Coopérants, ça a secoué bien du monde, nous inclus, c'est bien évident, et l'Inspecteur général aussi, mais il y a quand même quelque chose qu'il faut essayer de rapiécer pour continuer, si vous voulez, que nos compagnies à charte provinciale se développent de façon intéressante.

Mme Robic: II y a également des conditions économiques qui font qu'on doit pouvoir, sans s'inquiéter outre mesure, suivre nos institutions financières de plus près dans des moments plus difficiles. Bien sûr, il faut reconnaître cela aussi.

J'aimerais que vous me parliez du véhicule de capitalisation. Je vois que vous êtes ouvert à ce genre de véhicule, que vous le voyez nécessaire pour capitaliser nos petites compagnies qui pourraient difficilement aller

sur les marchés. Nos grosses compagnies, on n'a pas besoin de s'inquiéter pour elles, mais, pour les petites compagnies qui n'auraient que des émissions minimes à faire, ça pourrait être très coûteux pour elles, peut-être qu'il y aurait moins d'intérêt, et c'est là que le véhicule représente pour elles un attrait tout particulier.

M. Ferron: Oui. Si je regarde un peu l'historique des compagnies à charte provinciale, moi, quand j'ai commencé avec La Laurentienne, il y avait 40 000 000 $ d'actif en 1966. Quand j'ai joint la Mutuelle des fonctionnaires en 1973, comme directeur général, il y avait 25 000 000 $ d'actif, et je regarde aussi ce qui s'est passé dans les années 1970-1971 où les compagnies du Québec ont été les premières au Canada à se diversifier, soit dans l'assurance générale ou dans certaines activités, assurances collectives, etc. Et là on est probablement rendus aussi à une croisée des chemins où, suite, disons, à la loi, en 1984, qui a permis aux compagnies de se développer, on s'aperçoit que le double comptage de capital, maintenant, n'est plus permis, alors qu'il était permis auparavant. On s'était rendu, à un moment donné, jusqu'à une possibilité de 50 % de l'actif. Remarquez que c'est énorme. Je trouvais ça énorme dans le temps, puis je le trouve encore énorme, sauf qu'il faut quand même penser aujourd'hui de quelle façon, maintenant, nous allons pouvoir être capables de continuer dans cette voie-là. (12 h 40) nous, ce qu'on pense, c'est peut-être que si on pouvait avoir accès à une forme de fonds d'investissement d'assurance — appelons-le comme ça — ou soit la caisse de dépôt ou soit les caisses de retraite, avec une certaine garantie gouvernementale au point de départ... parce que, c'est évident, je pense qu'on l'a souligné, pour les compagnies, de façon générale, la rentabilité n'est pas là. on parle de 6 %, 7 % ou 8 % alors qu'on sait que ça devrait être beaucoup plus que ça. alors, c'est évident, mais, moi, j'ai bien confiance que les petites compagnies — parce que je représente les petites et les moyennes compagnies — vont retomber sur leurs pieds très rapidement, plus rapidement même qu'on ne pense, parce que je peux vous dire que tout le monde s'est adressé au problème depuis deux ou trois ans, et on commence déjà à changer des choses. on parle beaucoup plus, maintenant... quand vous parlez d'alliance stratégique, moi, j'y crois beaucoup. on a commencé, nous, à travailler avec plusieurs autres entreprises. dans le domaine de passistance-voyage, nous représentons actuellement, je ne sais pas, six ou sept ou huit compagnies, et ça va grossir tout le temps. c'est la même chose pour d'autres choses où, nous, comme tel, on a appris à travailler avec la florida blue cross dans le domaine de l'assurance-voyage. toutes nos réclamations sont faites là-bas, en floride; elles sont contrôlées par eux, et on a appris ces choses-là. alors, je pense bien qu'il faut avoir un climat, si vous voulez, favorable pour continuer cette chose-là.

Deuxième chose, il faut penser aussi qu'au Québec, dans le domaine de l'assurance générale, on a encore seulement 35 % ou 36 % du marché et, en assurance-vie, je ne sais pas, c'est peut-être 45 %. On a encore beaucoup d'espace, et je crois beaucoup, moi aussi, au développement régional. D'ailleurs, les Croix Bleue à travers les États-Unis et au Canada fonctionnent sur un développement régional. Nous travaillons beaucoup entre nous. Moi, ici, à Montréal, je travaille avec toutes les autres Croix Bleue au Canada. Nous avons un groupe comme le CN, pour vous donner un exemple; c'est de Montréal que, nous, on a le contrôle, ou encore on fait tous les travaux, mais on travaille en étroite collaboration avec toutes les autres Croix Bleue au Canada, qui paient les réclamations. Donc, il y a déjà des mécanismes qui sont là, qui sont en place, et il s'agit tout simplement de savoir comment on va être capable de capitaliser tout ça.

Alors, pour en revenir à l'histoire des fonds mutuels d'assurance, c'est évident que très rapidement on va devoir être rentable, parce que n'importe qui qui place, qui fait des placements, tient à ce que les organisations soient rentables. Ça va peut-être même être quelque chose qui va nous forcer encore plus à être rentables parce que, là, on va être obligés de rencontrer, si vous voulez, des critères sur le plan capitalisation et aussi sur le plan rentabilité.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Je vois que l'Association d'hospitalisation de la Croix Bleue est une société à but non lucratif. Est-ce que le groupe Croix Bleue Canassurance est aussi une société à but non lucratif?

M. Ferron: Non. Non. C'est seulement la partie Croix Bleue. La partie du holding financier, la corporation financière Canassurance, Canassurance-vie et Canassurance générale, ce sont des compagnies à capital-actions et qui ne sont pas des sociétés à but non lucratif.

M. Holden: Bon. Parce que ça fait une différence, n'est-ce pas...

M. Ferron: Ah oui! ça fait une différence.

M. Holden: ...d'administrer... Les normes de solvabilité de la Croix Bleue et de l'organisation aux États-Unis, vous en avez parlé. Est-ce que vous préférez ces normes-là aux normes de l'IGIF?

M. Ferron: Oui. Moi, je préférerais ces normes-là, parce que j'ai de la misère à appliquer, si vous voulez — je parle seulement pour Croix Bleue, là — j'ai de la misère à appliquer des normes de compagnies d'assurance-vie. À un moment donné, soit le surplus ou vis-à-vis de l'actif, ces choses-là, ça ne fonctionne plus.

D'ailleurs, la SIAP le reconnaît. On est en pourparlers avec eux, parce qu'ils ont réalisé, dans le fond,

qu'ils ne pouvaient pas appliquer les mêmes critères que pour une compagnie d'assurance-vie traditionnelle. Et, en passant, nous, on est membres de la SIAP pour une seule raison. Les autres Croix Bleue ne sont pas membres de la SIAP. La seule raison pour laquelle on est membres de la SIAP, c'est parce qu'au Québec on paie une taxe de prime. Alors, c'est ça...

M. Holden: Parce que quoi? M. Ferron: Pardon?

M. Holden: Vous êtes membres de la SIAP parce que, au Québec, quoi?

M. Ferron: Parce que nous payons une taxe de prime. Si nous avions eu le même avantage que les autres Croix Bleue à travers le Canada, nous ne serions pas membres de la SIAP.

M. Holden: Et ça vous coûte cher?

M. Ferron: Ça coûte beaucoup de sous. Moi, je peux vous dire que l'an passé, nos trois groupes Croix Bleue, ça nous a coûté 1 000 000 $, l'histoire des Coopérants. Ça, ça représente 5 % de notre surplus, et ce n'est pas fini. C'est ça qu'on trouve difficile.

M. Holden: Avez-vous des discussions? Vous avez dit que ça faisait longtemps que vous discutiez puis que vous n'arriviez pas à résoudre le problème.

M. Ferron: Bien, écoutez, on fait part, si vous voulez, de nos considérations. On comprend que, peut-être, éventuellement, avec les différentes interventions, avec tout ce qui se passe actuellement, probablement qu'on va avoir une écoute plus intéressante qu'on a eue dans le passé parce que, nous, la loi des assurances nous considère comme une mutuelle d'assurances, mais on est listé par l'Inspecteur général comme une société de secours mutuel. Et, dans le fond, la Croix Bleue comme telle, n'ayant pas d'assurance-vie, ne peut pas être listée parmi les compagnies d'assurance-vie. C'est bien normal!

M. Holden: Vous êtes pas mal différents. Vous parlez de 1 000 000 de membres, mais, ça, c'est des polices d'un an, de voyageurs ou...

M. Ferron: C'est ça.

M. Holden: Ça, c'est vos membres. Ce n'est pas comme une mutuelle où les membres sont là pour des années et des années, quoi!

M. Ferron: Non, c'est ça. Voyez-vous, comme Passurance-voyage, nous assurons 500 000 personnes par année.

M. Holden: Combien?

M. Ferron: C'est 500 000; mais, chaque année, il faut qu'ils renouvellent leur contrat. Et ça dépend aussi s'ils voyagent ou s'ils ne voyagent pas, s'ils vont en Floride ou pas. Mais il y a une certaine constance, et on s'aperçoit même d'une certaine progression depuis quelques années.

M. Holden: Dans les propositions de la ministre, on parle de plusieurs sujets en matière d'indemnisation et on parle de la SIAP, je pense. À votre avis, vous, vous proposez un système d'indemnisation plutôt québécois, n'est-ce pas?

M. Ferron: Oui, oui.

M. Holden: Et est-ce que c'est pour tous les assureurs traitant au Québec ou seulement les compagnies incorporées au Québec?

M. Ferron: moi, je parle pour la croix bleue, là, parce que les autres assureurs peuvent avoir des vues différentes, mais, moi, mon sentiment personnel vis-à-vis de cette situation-là, c'est que ça devrait appartenir à la juridiction québécoise. et, en même temps, c'est que, voyez-vous, un peu comme pour ma société, lorsqu'on a à payer 0,5 % des primes, c'est beaucoup, ça, chaque année, puis on le paie depuis quelques années, puis on est parti pour longtemps. nous, on dit: s'il y avait un régime québécois, on pourrait peut-être plus facilement étaler dans le temps, si vous voulez, cette incidence-là à payer. alors, nous, on dit: en cas de catastrophe, on pourrait, comme ça se fait dans plusieurs états américains, avoir un crédit sur la taxe de prime, à un moment donné, pour un certain nombre d'années, disons 0,5 %. au moins, on paierait moins la taxe de prime, mais, dans le temps, on finirait par tout payer, c'est bien évident. parce que c'est la responsabilité, comme je le disais hier, vis-à-vis de l'accap; finalement, c'est le consommateur qui paie tout ça. il ne faut pas se faire d'illusions.

M. Holden: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le député de Westmount. Mme la ministre et députée de Bourassa.

Mme Robic: Oui, M. le Président, je pense qu'on comprend mieux maintenant les enjeux pour votre compagnie d'être placée dans une catégorie qui ne fait pas tout à fait, là, qui ne cadre pas tout à fait avec vos activités. C'est bien sûr. Et je pense que c'est important de pouvoir en tenir compte quand on aura à revoir la Loi sur les assurances. Donc, je vous suis là-dedans.

J'avais... Excusez-moi, là, j'étais à vous écouter, puis... Oui. Vous parlez de votre désappointement au niveau de la diminution des coûts inhérents au respect de la réglementation, mais je pense que c'est assez évident dans le document, quand on parle du niveau de l'harmonisation, qu'un des résultats de cette harmonisa-

tion ce sera la diminution des coûts et pour les compagnies et pour le gouvernement qui assume, chez l'Inspecteur général, les coûts de la surveillance. Alors, pour nous, ça fait partie de nos priorités quand on tente de s'harmoniser, quand on tente de faire en sorte de responsabiliser également les gestionnaires, les directeurs. On essaie d'équilibrer, là. (12 h 50)

Peut-être que, pour certaines personnes, ce qui frappe dans le document, ce sont les pouvoirs additionnels que l'on accorde à l'Inspecteur général, mais on accorde également des pouvoirs additionnels aux directeurs des entreprises. On vous donne une plus grande marge de manoeuvre au niveau, par exemple, de vos placements, et on vous dit: Vous aurez une plus grande marge de manoeuvre, mais vous serez jugé par la qualité de vos actifs et vous aurez à agir comme de bons pères de famille, avec beaucoup de prudence. Mais, d'un autre côté, si on voit qu'il y a un relâchement de votre part, bien, l'Inspecteur aura des moyens plus efficaces pour pouvoir agir. Il y aura plus que tout simplement... Il faut que l'Inspecteur puisse non seulement avoir des pouvoirs de suggestion, là, mais bien avoir un pouvoir qui oblige les entreprises à suivre, par exemple, un plan de redressement. Et alors, là-dessus, on a essayé d'équilibrer ça; et en équilibrant ça, bien sûr, il devrait y avoir une diminution des coûts à la surveillance.

Le Président (M. Gautrin): M. Ferron, des commentaires?

M. Ferron: Oui, parce que nous aussi... Si vous regardez un petit peu la Croix Bleue, nous, il n'y a pas beaucoup d'actif — 50 000 000 $. On n'a pas de prêts hypothécaires. On a seulement des obligations et on a les actions du groupe, comme de raison. C'est évident qu'en raison de la nature de nos opérations on ne peut pas se permettre de faire, si vous voulez, certains investissements qui pouvaient être, à un moment donné, un petit peu particuliers, soit dans le domaine hypothécaire, ces choses-là, ce qui est moins vrai peut-être pour notre compagnie d'assurance-vie. Alors, c'est évident que, nous, on souscrit à ça. On n'a pas de problème avec ça.

La seule chose que, nous, on souhaiterait, c'est qu'il y ait, si vous voulez, je ne dirais pas une complicité mais qu'il y ait un rapprochement entre l'Inspecteur général et nos actuaires, nos vérificateurs externes et internes, de façon à ce qu'il n'y ait pas de dédoublement, si vous voulez, de la vérification, ces choses-là. C'est la seule chose qu'on souhaite, parce que le restant, ça, on comprend très bien. Étant moi-même comptable agréé, je comprends très bien la vérification et la surveillance, mais c'est le dédoublement de tout ça qu'on trouve peut-être difficile.

Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Est-ce que, M. le député de Westmount, vous avez des questions? Alors, écoutez, M. Ferron, je vais peut-être passer maintenant aux remerciements. M. le député de Westmout.

M. Holden: Oui. C'est la deuxième fois qu'on a le plaisir d'entendre M. Ferron, et j'espère qu'on va se revoir, peut-être lors des projets de loi de Mme la ministre.

Le Président (M. Gautrin): Mme la ministre.

Mme Robic: Je vous remercie infiniment de votre présentation. Ça a été intéressant.

Le Président (M. Gautrin): Alors, au nom de la commission, M. Ferron, je tiens à vous remercier de votre présentation qui a été très éclairante, et je suspends les travaux jusqu'à 16 heures, à moins d'avis contraire de la Chambre.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration poursuit sa consultation générale sur «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec», et nous sommes prêts à entendre l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec.

Je demanderais, s'il vous plaît, aux représentants ou aux représentantes de l'organisme de bien vouloir s'identifier. Et, dans un premier temps, la procédure va se dérouler de la façon suivante. Nous disposons globalement d'une heure, soit 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les deux formations politiques: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à entendre la représentante de l'organisme, ou le représentant. Qu'il nous présente les gens qui l'accompagnent et débute son exposé du mémoire.

Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (AIAPQ)

Mme Tremblay (Jocelyne): Alors, mon nom est Jocelyne Tremblay, et je suis présidente de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, tout d'abord, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à ma droite, j'ai M. John Gaudelli, qui est le président du conseil d'administration de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes, et, à ma gauche, j'ai Mme Lucie Granger, qui en est la directrice générale.

Alors, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec remercie cette commission de lui permettre de présenter, par ce mémoire, son point de vue quant aux propositions de la ministre déléguée aux Finances en matière de réglementation et de développement des institutions financières au Québec. (16 h 20)

Créée le 1er octobre 1989, notre association regroupe aujourd'hui 13 000 membres actifs, courtiers ou agents, qui constituent, à notre avis, le groupe d'intermédiaires le plus évolué au Canada quant à la qualité de sa formation et à l'encadrement de ses membres. Les membres de PAIAPQ, en vertu de la loi exigeante et stimulante qui les régit, sont tous des professionnels répondant à des normes d'éthique élevées et disposant des instruments nécessaires à leur constant perfectionnement.

Le souci principal de l'AIAPQ est d'assurer le dynamisme des services d'intermédiation financière au Québec, dans le respect le plus complet des droits et privilèges des consommateurs à qui s'adressent ces services. Dans une perspective plus large, l'Association favorise également la santé financière, l'essor et l'épanouissement du milieu québécois des institutions financières qui représente une composante stratégique essentielle de notre vitalité économique. De façon plus spécifique, elle souhaite que les institutions du domaine de l'assurance de personnes soient dynamiques et dotées d'une capitalisation solide.

Le document de réflexion déposé récemment par la ministre, Mme Louise Robic, bien qu'il contienne peu d'énoncés qui s'adressent directement aux intermédiaires financiers du secteur de l'assurance de personnes, touche cependant des aspects stratégiques qui sont au coeur même de nos préoccupations. La ministre souhaite un secteur financier québécois plus efficace, plus solide, plus stable et mieux outillé face à la concurrence mondiale qui constitue son cadre d'activité quotidien. Elle propose une harmonisation indispensable des lois régissant les institutions financières québécoises et canadiennes et propose des options susceptibles de consolider l'assise financière de nos institutions.

Nous ne pouvons que souscrire globalement à ses préoccupations et aux propositions qui en découlent. Nous avons, dans le présent mémoire, énoncé nos commentaires constructifs face aux propositions contenues dans le document intitulé «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec», en limitant notre intervention aux aspects qui influent le plus directement sur le secteur de l'assurance de personnes, qui constitue notre champ d'intervention privilégié. Cependant, notre démarche tient compte de l'évolution inévitable des services financiers vers un modèle décloisonné qui accentue l'interdépendance, voire la convergence des quatre piliers du secteur financier.

Maintenant, nous allons vous donner un bref résumé des points qui ont retenu tout particulièrement notre attention. L'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec est en accord avec les grandes orientations définies dans les propositions de politiques pour le secteur financier au Québec et elle suggère ou endosse plus spécifiquement les mesures suivantes: quant à l'amélioration de l'efficacité des institutions, des intervenants et des organismes qui les régissent, nous privilégions l'harmonisation des lois régissant les institutions financières au Canada et la création d'un véritable espace financier canadien défini par l'absence de barrières ou de divergences réglementaires entre les provinces et le respect réciproque, par tous les gouvernements, des droits et compétences des autres gouvernements en matière de réglementation et de surveillance des institutions financières; le resserrement des normes de capitalisation des institutions actives au Québec; la diminution des coûts inhérents à la réglementation, notamment par l'élimination de chevauchements et de dédoublements en matière de surveillance, et une responsabilité accrue de certaines instances.

Quant au renforcement de la stabilité du secteur financier québécois, nous privilégions: le resserrement de la réglementation quant aux pratiques financières des institutions; l'octroi à l'Inspecteur général des institutions financières de pouvoirs d'intervention accrus qui correspondent à ses responsabilités en matière de surveillance, notamment au sein d'institutions financières confrontées à des problèmes graves; l'amélioration des régimes d'indemnisation par la création d'un fonds d'indemnisation québécois en matière d'assurance des personnes, la gestion de ce fonds étant confiée à la Régie de l'assurance-dépôts du Québec afin d'éviter la création d'une nouvelle structure administrative; la création de mécanismes assurant une protection accrue de l'investisseur, et notamment la création de mécanismes d'arbitrage touchant les intermédiaires en assurance de personnes quant à la responsabilité des parties dans les engagements contractuels des consommateurs; la création d'un registre des avoirs abandonnés afin de protéger davantage les épargnants, investisseurs et assurés et leurs ayants droit.

Et quant au soutien, à la stabilité et à la croissance des institutions financières, l'Association appuie, mais à certaines conditions, la création d'un véhicule de capitalisation destiné à soutenir financièrement la stabilité et la croissance des institutions financières québécoises.

Et, en conclusion, M. le Président, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes félicite et remercie la ministre titulaire de poursuivre avec les intervenants du milieu un processus de consultation et de concertation qui favorisera utilement le dynamisme du milieu financier québécois et la protection des consommateurs de services financiers. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Tremblay. Mme la ministre déléguée aux Finances.

Mme Robic: Mme Tremblay, M. Gaudelli, Mme Granger, bienvenue à cette consultation. On vous remercie d'avoir accepté, d'ailleurs, de participer, et je vous félicite pour le mémoire que vous avez déposé. Je pense que vous avez bien ciblé un certain nombre de nos problèmes, mais j'ai également perçu qu'il y avait un appui pour l'énoncé de politique et que vous étiez, en majeure partie, assez d'accord avec ce qu'on retrouvait dans le document.

Au niveau de la capitalisation, vous nous faites certaines suggestions. Entre autres, vous nous suggérez l'établissement de règles de capitalisation par fonds distincts. J'aimerais peut-être que vous élaboriez sur le

mode de fonctionnement d'une pareille approche.

Mme Tremblay: Si vous me le permettez, Mme Robic, M. Gaudelli répondra à cette question.

M. Gaudelli (John): Pour la capitalisation des compagnies, nous comprenons que, dans certaines situations, il y a des compagnies qui ont besoin d'un certain fonds parce qu'elles ont peut-être des problèmes à court terme, et c'est important que ce soit à court terme. Nous pensons que c'est important que ces compagnies puissent avoir l'opportunité d'avoir du capital. Cependant, nous voulons faire attention qu'un fonds de capitalisation de ce genre-là soit assez vaste et secure pour que les consommateurs qui décident d'y contribuer soient à des risques minimes et que, s'il y a certains abris fiscaux avec ces fonds-là, ça ne taxe pas trop le gouvernement dans une situation où on reçoit l'argent, d'une part, pour aider les compagnies, et il sort d'une autre façon.

Mme Robic: Vous mentionnez également les coûts trop élevés de la réglementation et vous prétendez que le maintien de multiples paliers administratifs et de nombreux organismes qui se regroupent, se dédoublent, coûte cher. Je pense qu'on va être d'accord avec ça, certainement, mais j'aimerais que vous puissiez peut-être mieux préciser votre pensée là-dessus.

M. Gaudelli: Disons que c'est plus une inquiétude qu'une réalité comme telle. Nous savons que chaque fois qu'il y a des nouvelles idées qui viennent à la table, des fois, les idées sont excellentes et elles veulent atteindre certains objectifs, et, des fois, on peut avoir tendance à ne pas regarder le côté administratif. Peut-être qu'il y a des mécanismes qui sont déjà en vigueur, qui pourraient faire certains travaux administratifs. Donc, ce n'est pas une crainte que nous avons présentement, que nous ayons peur, c'est une inquiétude. Nous posons la question et disons juste de faire attention. Quand on veut atteindre certains objectifs avec une nouvelle réglementation, que ça n'encoure pas nécessairement des coûts qui peut-être peuvent être déjà réalisés par des organismes qui sont déjà présents. Donc, ce n'est pas quelque chose de très grave que nous voyons, mais c'est juste de faire un peu attention. Des fois, on est tellement excité avec une idée, une réglementation, qu'on s'en va à 100 milles à l'heure et on y arrive, et c'est seulement un peu après qu'on dit: Oh! Mais peut-être qu'on aurait pu arriver au même objectif mais d'une façon un peu différente, et on aurait sauvé des coûts en même temps. (16 h 30)

Mme Robic: D'ailleurs, vous suggérez que certaines fonctions de l'application de la réglementation devraient vous être confiées. Alors, quelles sont ces fonctions que vous croiriez être plus efficaces si elles étaient placées entre vos mains?

M. Gaudelli: Présentement, dans le dossier des intermédiaires, il y a les règlements qui existent, et l'Association est là pour s'assurer d'exécuter les règlements. Dans le dossier des Coopérants, nous avons vu que c'est une nouvelle réglementation, donc c'est sûr que, des fois, il y a des petites interprétations. Nous aimerions que nos enquêteurs, en termes de surveillance, qui font ça de bonne foi, soient immunisés de poursuites, parce qu'ils ne font que leur job. Et, de plus, si nous avons le pouvoir d'enquêter, que nous ayons aussi le pouvoir d'exiger de toute personne de qui on a besoin d'informations... que cette personne-là ou ces organismes-là soient obligés de nous les fournir. Nous avons eu le cas dans le dossier des Coopérants. Nous avions besoin de certaine documentation, et cette documentation-là était chez certaines compagnies d'assurances, et nous n'avons pas eu la coopération que nous souhaitions dans ces dossiers-là. Donc, ce n'est pas clair encore dans la réglementation que l'Association a le pouvoir de demander ces informations-là et que les personnes sont obligées de les donner. Donc, c'est des exemples de pouvoirs que nous pensons avoir, mais ce n'est pas clair que nous les avons.

Mme Robic: Dans le fond, ce que vous nous dites présentement dans votre énoncé, c'est de ne pas récupérer certaines fonctions qui sont faites par une autre association ou un autre groupe, mais bien renforcir votre propre...

M. Gaudelli: Absolument.

Mme Robic: ...réglementation, la rendre plus efficace, plus fonctionnelle. Vous avez rencontré, comme bien de nous, certains problèmes dans un premier épisode, là, et ce serait intéressant qu'on puisse en discuter plus à fond, de ça, et voir jusqu'où on peut aller à ce niveau-là.

M. Gaudelli: Oui.

Mme Robîc: C'est bien sûr que vous avez besoin des outils nécessaires pour faire votre travail. Nous devons tenir compte, cependant, d'autres considérations. Alors, jusqu'où on peut aller? Ce serait matière à discussion, ça, certainement, pour éviter les problèmes comme vous en avez vécu. Je ne suis pas sûre qu'on peut le faire, mais enfin il faudrait certainement en discuter.

Vous avez été très précis dans votre recommandation de la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les assureurs de personnes, un fonds public. Et j'aimerais peut-être que vous me disiez quelles sont les raisons qui vous portent à recommander la création d'un fonds public pour les assureurs de personnes.

M. Gaudelli: Présentement, le fonds qui ressemble à ce fonds-là, c'est le fonds qui est géré par la SIAP. Nous sommes contents que les assureurs, il y a quelques années, se soient dit qu'ils étaient conscients qu'ils voulaient bien servir le consommateur et se soient pris en main avant qu'il n'y ait une réglementation, en

disant: Au cas où il y aurait des problèmes, nous allons être là pour les sauver.

Cependant, c'était un fonds qui réagissait plutôt que prévenait. Nous avons vu, comme dans le dossier des Coopérants, que c'est seulement avec la pratique — et ce n'est pas nécessairement une pratique positive — qu'ils commencent à voir les problèmes d'un fonds d'indemnisation comme tel. Il y a aussi l'aspect de possibilité de conflit d'intérêts, puisque c'est des assureurs mêmes qui décident pour leurs compétiteurs de quelle façon ce fonds-là va être capitalisé, qui va payer. Et nous voyons, dans le dossier des Coopérants, qu'ils n'ont pas encore décidé quelles compagnies, à quel niveau, vont devoir payer et, en plus, quels produits sont protégés et lesquels ne le sont pas. et, donc, c'est pour ces raisons-là que nous disons qu'avec un fonds public que le gouvernement décidera il n'y aura plus, j'espère, de zone grise; ça va être noir ou blanc. ces produits-là sont protégés à x %, ces produits-là sont protégés à y %; tout le monde est obligé de suivre les mêmes règles. les règles ne changent pas après le fait, disons, mais, là, on pensait que c'était comme ci, et l'autre dit: mais, nous, on pensait que c'était comme ça. tout le monde le sait à l'avance, c'est quoi, les règles, et que c'est plus un côté préventif. donc, ils savent qu'ils doivent cotiser à l'avance et non après le fait.

Et je pense que le consommateur va se sentir, dans cette situation, beaucoup mieux protégé, dans le sens qu'il sait que les compagnies sont régies par les lois du gouvernement et non par des lois de compagnies, qu'elles se font entre elles. Et, comme nous l'avons indiqué dans le mémoire, ça pourrait fonctionner de cette façon: le temps que le fonds soit dans une position de pouvoir vraiment payer des sommes s'il y a une faillite comme telle, dans le cas où le fonds n'aurait pas eu assez de temps pour accumuler, le gouvernement pourrait avancer l'argent en termes de prêt que les compagnies seraient obligées de rembourser, et le consommateur pourrait se sentir vraiment bien protégé, et il n'y aurait pas de conflit d'intérêts.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Vous avez terminé, Mme la ministre. M. le député de Westmount, voulez-vous intervenir?

M. Holden: On revient...

Le Président (M. Lemieux): Ou bien si vous préférez laisser continuer Mme le ministre? À votre convenance.

M. Holden: Je vais parler pour deux ou trois questions, et on pourra revenir.

Le Président (M. Lemieux): Alors, la parole est à vous, M. le député de Westmount.

Mme Robic: Si vous avez droit de parole, je ne vais pas vous l'enlever.

Une voix: Si elle le veut, on l'en empêchera.

M. Holden: Heureusement qu'on a un président qui ne le permettrait pas, comme dans...

Le Président (M. Lemieux): Soyez-en assuré. Une voix: Si elle le veut, elle... M. Holden: Ah mon Dieu, merci!

Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va, M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Merci d'être venus, et vous avez le don de flatter la ministre avec votre conclusion.

M. Gaudelli: Nous avons le don d'être honnêtes.

M. Holden: Vous félicitez, vous remerciez la ministre et, pourtant, je ne vois pas beaucoup de mentions de votre domaine dans les propositions d'appui. Est-ce que vous avez trouvé des lacunes là-dedans, qu'on aurait voulu voir plus spécifiquement sur votre industrie?

M. Gaudelli: Nous avons regardé le document plus strictement de la façon que ça affecte les intermédiaires et pas nécessairement les compagnies comme telles. Je pense que l'ACCAP est venue ce matin donner son opinion sur la façon dont les compagnies voient les choses, et, nous, nous sommes ici pour donner la façon dont les intermédiaires voient les choses, pas nécessairement les compagnies; nous ne sommes pas là pour représenter les compagnies. Donc, ça peut porter à confusion, des fois.

M. Holden: Mais les intermédiaires ne sont guère mentionnés dans les propositions.

M. Gaudelli: Je ne veux pas vous corriger, mais ils sont mentionnés à plusieurs instances, que ce soit dans le document de la ministre ou dans le nôtre.

M. Holden: Ah! non, mais, je veux dire, dans les propositions. Il y a très peu de recommandations ou de propositions au sujet des intermédiaires.

M. Gaudelli: Je ne comprends pas la question.

(16 h 40)

Mme Granger (Lucie): Lucie Granger. Bien, je pense que, d'une part, il y a un encadrement spécifique pour les intermédiaires, et l'Association n'a pas saisi que c'était l'objet de la ministre à ce point-ci de questionner l'encadrement des intermédiaires. Je pense que ça se fera vraisemblablement à l'automne ou au début de l'année 1994, et l'Association aura toute l'opportunité, à ce moment-là, d'intervenir et de parler largement de tout le secteur plus spécifique de l'intermédiaire de

marché. Alors, à ce moment-là, ce sera vraiment à propos. Par ailleurs...

M. Holden: Je suis d'accord avec vous, et je vous signale simplement que, spécifiquement, il n'y a pas grand-chose sur votre industrie. Mais, comme vous dites, c'est plus général. Et vous avez une idée qui n'est pas... C'est une idée qui est nouvelle. Votre mémoire, à la page 25, mentionne que peut-être les problèmes de solvabilité des assureurs devraient être publicises dans le bulletin de l'Inspecteur général. L'Inspecteur général, l'autre jour, quand on a fait ses crédits, a reconnu que chez lui on a un système où on fait le triage des compagnies, ensuite on sort celles qui ont l'air pas tout à fait conformes. On a une situation de préalerte et on a une situation très aiguë, une situation d'alerte. Et là il va aller voir les compagnies et... Tout un système de contrôle. Mais, vous, vous dites: On devrait peut-être le mettre dans le bulletin. Si ça devenait public dans le bulletin, est-ce que ça n'aurait pas, peut-être, un effet contraire, dans le sens de faire paniquer le monde, surtout vos agents? Est-ce que ça serait peut-être un résultat contraire à ce que vous voulez, c'est-à-dire de précipiter une faillite au lieu de peut-être la prévenir avec l'Inspecteur général agissant plus tranquillement?

M. Gaudelli: Ce qui est important, idéalement, c'est d'avoir une réglementation semblable à celle qui est suggérée: que l'Inspecteur ait les pouvoirs, des vrais pouvoirs selon les responsabilités qu'il a. On peut se dire que, si une compagnie a un permis pour faire affaire au Québec, il n'y a pas de problème. Présentement, ce n'est pas nécessairement le cas. On vient d'en vivre, des situations. Aujourd'hui, un intermédiaire est en train de recommander un produit à un consommateur de la compagnie X, et la compagnie X, dans un mois, aura des problèmes. L'intermédiaire, il faut qu'il explique ça à son consommateur. C'est pas mal... Le mot «intermédiaire», c'est ça, le problème. On a l'intermédiaire entre... Donc, c'est un peu de tout. Il faut avoir une réglementation pour qu'on évite les faillites, premièrement. O.K.? S'il y a des faillites, que ce soit d'une façon un peu mieux organisée. On vient de le vivre avec le dossier de La Souveraine, après qu'on a vécu le fiasco des Coopérants; ce n'est pas idéal mais ça se règle d'une façon beaucoup plus organisée. Il y a moins de panique des consommateurs. Les intermédiaires ne sont pas placés dans une situation de devoir décider: Qu'est-ce que je fais avec mon client, là? Est-ce que je le change de compagnie ou est-ce que je ne le change pas? Qu'est-ce que je fais avec? Donc, ça se fait d'une façon beaucoup plus organisée.

Le consommateur, je pense, aurait le droit d'être mieux informé, quand il choisit de faire affaire avec une compagnie X, Y, Z, de savoir dans quoi il s'embarque. Alors, tant qu'une personne sait dans quoi elle s'embarque, il n'y a pas de problème. C'est sûr que si, moi, j'achète des actions d'une compagnie qui n'est pas cotée AAA, ou quelque chose, je sais que je prends beaucoup plus de risques, mais avec l'intention de peut-être faire un retour plus élevé. Et si je prends des actions avec une compagnie AAA, j'ai beaucoup moins de risques, mais peut-être que le potentiel est moins élevé.

M. Holden: Mais à quel stade vous demanderiez à l'Inspecteur général de vous aviser, dans son bulletin, des possibilités de faiblesses?

M. Gaudelli: Nous ne sommes pas rendus à exactement quel stade. Nous posons la question. Nous voulons que les discussions se fassent sur ce sujet-là pour que les intermédiaires et les consommateurs sentent qu'il n'y aura pas de surprise deux mois plus tard, après qu'ils auront acheté un produit d'une compagnie quelconque.

M. Holden: II y a quelque chose aussi dans votre mémoire, à la page 19. Vous souhaitez maintenant vous voir reconnaître certains pouvoirs spécifiques qui seraient de nature à vous aider à exercer les responsabilités qui vous ont été confiées par le législateur. C'est quoi, les pouvoirs?

M. Gaudelli: C'est exactement ce que nous venons de répondre à la ministre Robic. Ce n'est pas nécessairement des pouvoirs extra, additionnels, mais, selon la réglementation que nous avons déjà, d'éclaircir. Est-ce qu'on les a vraiment, ces pouvoirs? Et, si oui, que ce soit clair qu'on les a ou non. Donc, c'est exactement la même...

M. Holden: Et l'indemnisation, le régime d'indemnisation, vous en avez parlé un peu.

M. Gaudelli: Le fonds d'indemnisation, oui.

M. Holden: Oui. Expliquez-moi juste... Je sais que vous l'avez expliqué à la ministre, mais vous voulez que ce soient complètement des fonds gouvernementaux ou...

M. Gaudelli: Non. Pas du tout des fonds gouvernementaux.

M. Holden: Contrôlés par le gouvernement.

M. Gaudelli: Contrôlés par le gouvernement, réglementés par le gouvernement. Que les compagnies cotisent à ce fonds-là. Je vais juste mentionner que, quand c'est un fonds nouveau, il se peut qu'avant que le fonds ne soit dans une situation qu'il ait assez de réserve pour subvenir à des besoins le gouvernement puisse garantir les avances en termes de prêts et que les compagnies soient obligées de rembourser ces prêts. Donc, c'est toujours les compagnies qui sont responsables de cotiser, et que ce ne soit pas l'argent de nos consommateurs qui paient des impôts très élevés, déjà.

M. Holden: Et votre suggestion, à la page 13: que le Québec se rapproche des normes internationales;

pourriez-vous être un peu plus spécifique?

M. Gaudelli:oui. je ne vais pas être exact avec mes chiffres, n'étant pas actuaire, mais prenons un exemple. ici, au canada, présentement, une compagnie qui aurait 6 % ou 7 % de ses actifs en surplus liquide serait considérée une compagnie, en termes de capitalisation, assez bien. dans les règles internationales, ça serait plus vers les 15 %. donc, il y a une grande marge. et il y a aussi, dans les règlements internationaux, que, quand une compagnie décide d'investir dans une filiale ou quelque chose qui n'est pas directement relié aux produits qu'elles vend, elle doit augmenter ses liquidités de 10 % du montant qu'elle a investi, à chaque fois. c'est sûr que ce n'est pas quelque chose que, du jour au lendemain, on peut faire; c'est impensable. mais commencer à regarder de ce côté-là et se rapprocher avec les années, c'est ça, l'intention de ce que nous avons amené. et si c'est bon pour le restant du monde — et on commence à être dans un marché globalisé — ça serait peut-être une bonne idée de regarder ces normes-là et de commencer à se rapprocher de ces normes-là, puisque nous sommes dans une économie beaucoup plus internationale aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a peut-être 10 ou 15 ans.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez compléter?

Mme Robic: Oui. Est-ce que M. le député...

Le Président (M. Lemieux): II ne m'a pas demandé la parole. (16 h 50)

Mme Robic: D'accord. Je voulais juste revenir sur le fonds d'indemnisation, parce que j'ai trouvé intéressantes certaines de vos remarques et je les mets peut-être en contradiction avec d'autres remarques de ce matin. Mais je pense que c'est important parce que, vous, vous parlez bien de sauvetage, hein, de prévention et de sauvetage, et c'est assez intéressant. Ce matin, nous nous sommes fait dire que la SIAP, ce n'était pas un fonds qui avait le rôle de faire des sauvetages mais d'indemniser. Et je vois que, pour vous, le premier rôle d'un fonds d'indemnisation, c'est un rôle de sauvetage et que, si on doit agir pour, justement, faire en sorte qu'il n'y ait pas le mot «faillite» attaché à une institution financière, bon, d'abord, il y a une crédibilité, là, qui est en jeu, importante, pas seulement pour cette institution-là mais pour toute l'industrie en général. Il y a également le fait qu'il y a un coût beaucoup moins élevé pour l'industrie à ce moment-là. Alors, je trouvais ça intéressant, vos remarques, parce que, ce matin, ça m'a un peu surprise de me faire dire que le rôle de ces fonds-là, ce n'est pas de faire des sauvetages. Alors, je comprenais mal l'industrie qui se dit: On va se saborder et on va en payer les conséquences tout le monde ensemble au niveau de la crédibilité et au niveau des coûts. Alors, je suis heureuse de vous entendre dire que ce n'est tout à fait comme ça. Vous, vous le voyez d'une façon différente.

Est-ce que vous voyez un rôle au consommateur, un rôle de responsabilisation qu'il faudrait donner au consommateur de produits financiers, puis quel est ce rôle-là, qu'on devrait lui faire assumer, au consommateur?

M. Gaudelli: Le mot «assumer», c'est un dur mot, là. Les consommateurs, on a tous une certaine responsabilité. Moi, je peux vous dire personnellement que, dans mon métier, comme intermédiaire, je les encourage, les consommateurs, à prendre leurs propres responsabilités aussi, dans le sens qu'il y a toujours une raison pour des choses et, des fois, un consommateur, en essayant de sauver de l'argent, peut être en train de se causer une dépense beaucoup plus élevée plus tard, parce que tout a une réaction. A part le fait que le consommateur doit se dire qu'il est au courant de ce qu'il est en train de décider, que peut-être il est en train d'investir dans quelque chose qui est beaucoup plus risqué et qu'il reconnaît que ça l'est, de l'obliger à s'informer sur toutes les choses financières, c'est un peu difficile.

Mme Robic: Mais vous ne voyez pas une responsabilité du consommateur au moment, justement, d'une faillite, par exemple, d'une institution financière? Est-ce qu'il serait pensable que le consommateur ait à assumer une certaine responsabilité, une perte quelconque, ou vous ne voyez pas ça?

M. Gaudelli: Moi, je dirais plutôt au commencement, c'est-à-dire si le consommateur comprend que peut-être le produit, aujourd'hui, il coûte un peu plus cher qu'il ne coûtait il y a deux ans, mais ce qui vient avec ce produit-là, c'est que maintenant il y a un fonds d'indemnisation qui le garantit, etc., de cette façon-là il prend ses responsabilités. Je pense que c'est bien. De demander à un consommateur, après le fait, de contribuer, c'est presque comme lui dire: Nous, peut-être... Lui, il va relancer le ballon. Il va dire: Oui, mais c'était la job de qui de vérifier si la compagnie était bel et bien fonctionnelle, et tout? Ce n'était pas ma job, à moi. Vous autres, vous n'avez pas fait votre job, et tout ça. Donc, plutôt, au commencement du processus, absolument tout le monde doit contribuer un peu, mais une fois que... S'il y a, j'espère... Le mot «faillite», ça me fait du mal quand je le dis.

Mme Robic: On hésite tous à le dire.

M. Gaudelli: J'espère qu'il n'y en aura pas d'autres et, s'il y en a, que ça soit très minime. De le demander après le fait, d'être responsable d'une façon monétaire de quelque chose dont on ne lui avait pas dit

qu'il l'était avant, je ne pense pas que...

Mme Robic: C'est pour ça qu'il a besoin d'un bon conseiller, hein? Un intermédiaire.

M. Gaudelli: Absolument! Exactement! Oui.

Mme Robic: Vous avez semblé apprécier les propositions que l'on fait dans l'énoncé au niveau de l'arbitrage en valeurs mobilières, et vous semblez l'ajuster à votre industrie également. J'aimerais ça que vous m'explicitiez un peu la nature des problèmes que vous rencontrez, qui justifieraient une telle proposition. Et comment se ferait l'arbitrage dans votre domaine au niveau des intermédiaires? Est-ce que ce serait fait par l'Association, le conseil? Est-ce que vous avez réfléchi à ça, ou vous avez repris une de nos idées, tout simplement, et vous sembliez penser que ça pouvait également s'adapter chez vous?

Mme Granger: Alors, Lucie Granger. On a réalisé, à l'Association, un sommet sur l'éthique. On sait qu'on a des responsabilités qui sont importantes au niveau de l'encadrement des intermédiaires, et on s'est posé toutes sortes de questions. Je pense que, quand M. Gaudelli parlait tantôt de réflexion et de questionnement, il est amorcé, il est amorcé dans des dossiers qui sont les responsabilités propres de l'Association. Et on a cherché des méthodes alternatives de règlement de conflits, parce qu'on sait qu'en matière disciplinaire, bon, surtout pour une nouvelle réglementation comme on en parlait, ça pose certains questionnements, et il y a différents intervenants de l'industrie qui contestent l'ensemble des pouvoirs réglementaires. C'est un jeu qui est celui de la justice.

Alors, on voit, dans l'arbitrage, des éléments extrêmement positifs, qui sont nouveaux, qui sont dynamiques et qui vont avoir pour effet de diminuer le temps d'intervention, qui favorisent la communication entre les parties et qui permettent de ne pas alourdir le système judiciaire. Il est déjà suffisamment bien occupé. Et, dans ce sens-là, bon, on rencontre, dans des dossiers, actuellement, des évocations sur un ensemble de principes. À chaque fois qu'on fait un pas, on évoque la décision du président du comité de discipline.

Alors, je pense qu'à partir du moment où il y a cette possibilité d'arbitrage et qu'il y aurait un consensus au sein de l'industrie, vraisemblablement, le Conseil des assurances de personnes, qui est l'organisme d'auto-réglementation en assurances de personnes, devrait se positionner dans ce sens-là aussi, devrait être en faveur de ça compte tenu du fait que la composition du Conseil des assurances est un comité paritaire entre les assureurs et les intermédiaires.

Alors, s'il y a un consensus que c'est un mécanisme de résolution de conflits, ça pourra permettre aux différents intervenants... ça responsabilisera aussi les différents intervenants, parce qu'on sait qu'autant le Conseil a la responsabilité d'édicter les règlements, autant il n'a pas cette responsabilité-là pour édicter des normes de conduite aux compagnies, par exemple, quoique des compagnies siègent au Conseil des assurances.

Alors, s'il y a une participation... On parle souvent de droit, et il ne faut pas oublier le volet responsabilité, obligation. L'Association est d'avis qu'il est important d'utiliser ces nouvelles méthodes de résolution de conflits. C'est tout à fait positif. Je pense que ça va amener un questionnement au sein de l'industrie aussi, en matière de remplacement, notamment. Alors, il y a déjà un questionnement important, extrêmement positif, qui se fait, mais je pense que cette avenue-là est une avenue que l'Association privilégie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Granger. M. le député de Westmount?

M. Holden: Oui, M. le Président. Pour revenir à la discussion que vous avez eue avec la ministre au sujet du partage de responsabilités avec le consommateur, elle a parlé de la suggestion qui a été faite par M. Béland et les caisses Desjardins ce matin. Eux, ils voient le monde, je crois, comme un partage de responsabilités, mais, comme vous avez dit, si c'est le gouvernement qui s'occupe de l'indemnisation et si c'est l'Inspecteur général qui contrôle les renseignements, il faudrait que le consommateur en sache autant que l'Inspecteur général pour qu'il puisse faire un jugement avant. Et quels renseignements on donnerait aux consommateurs? Je n'ai jamais vu un bilan d'une compagnie, même une compagnie qui est sur le bord d'une crise économique, je n'ai jamais vu un bilan qui dénote que la compagnie est au bord de la faillite. (17 heures)

Alors, c'est une question de renseignements. C'est une question de se fier au gouvernement pour protéger le consommateur. Et, si l'Inspecteur général est prêt, comme vous l'avez suggéré, à mettre ça dans le bulletin et à prévenir et à donner des signaux pour que le consommateur puisse juger, peut-être qu'on pourrait demander au consommateur de partager la responsabilité. Mais je pense que votre réponse était très juste là-dessus. Ils ne se préoccupent pas de la question de solvabilité parce que, justement, c'est le gouvernement, c'est l'Inspecteur général qui s'en occupe.

Alors, je crois que vous avez bien fait de rappeler à la ministre que ce n'est pas la responsabilité du consommateur d'analyser les états financiers et d'accepter la responsabilité d'une faillite d'une entreprise quand le gouvernement ne lui dit même pas dans quel état l'Inspecteur général trouve la compagnie.

Mme Robic: Là, vous me mettez des mots dans la bouche. S'il vous plaît, là!

Le Président (M. Lemieux): Pardon, Mme la ministre, la parole est à M. le député de Westmount.

M. Holden: Non, non, je ne disais pas que la ministre avait dit ça...

Mme Robic: Non, non!

M. Holden: ...mais je dis que je ne veux pas que le consommateur prenne toute la responsabilité, ou même une partie. Moi, je n'étais pas d'accord avec M. Bel and, ce matin, qui voulait que le consommateur... Il n'a pas suggéré ça, il a demandé si on devait le faire. Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, Mme la ministre.

Maintenant, dans votre mémoire, vous parlez du Québec. Vous dites, à la page 13: «Le Québec, sur ce plan, devrait faire preuve d'une vigueur constante afin de protéger ses prérogatives exclusives et ses compétences légales.» Et, très peu après, vous parlez d'harmonisation. Et j'aimerais avoir vos idées sur l'importance pour le Québec de garder ses prérogatives et la difficulté d'harmoniser sur le plan canadien.

M. Gaudelli: Nous devons prendre soin de nous-mêmes avant de penser prendre soin des autres. Je pense que c'est dans cette philosophie-là que nous avons dit ça. Et, dans l'harmonisation des lois, ce n'est qu'une conséquence logique. L'Ontario, par exemple, eux autres, ils veulent prendre les règlements qu'ils veulent faire et obliger une compagnie qui fait affaire en Alberta, parce qu'elle a un siège social en Ontario, à suivre les mêmes règles. Ça, ce n'est pas harmoniser. Ça, c'est imposer.

Donc, nous, nous nous disons: prenons soin de nous et, si c'est des idées assez intelligentes, nous pouvons nous attendre que ça s'harmonise à travers le pays.

M. Holden: C'est ça que la ministre a dit l'autre soir. Mais elle est très optimiste sur l'acceptation par les autres. Et je vous demandais: Après avoir établi des belles règles ici, quelle est votre attitude envers la question de l'harmonisation? Est-ce que vous voyez des difficultés là-dedans?

M. Gaudelli: Des difficultés, ça dépend. Des défis plutôt, oui. C'est normal. Si nous regardons la réglementation des intermédiaires, nous sommes le seul groupe d'intermédiaires qui a la réglementation comme telle au Canada. Et qu'est-ce qui commence à se passer? Une certaine harmonisation commence à se passer. Les autres provinces commencent à voir les avantages, pour le consommateur et l'intermédiaire, d'avoir une telle réglementation, et ça commence à avoir un impact d'harmonisation à travers le pays. Il y a des difficultés, oui. Ça, c'est normal de penser... Le fait qu'il y ait des difficultés ne dicte pas que l'objectif ne peut pas être atteint.

M. Holden: Et comme dernière question, je voulais vous demander en quoi vous craignez... Vous parlez, à la page 18, des transactions intéressées, et j'aimerais que vous nous explicitiez un peu plus vos craintes dans ce domaine.

M. Gaudelli: Ce que nous vivons aujourd'hui est une conséquence des transactions comme telles, et des compagnies ont pensé qu'avec la libéralisation de la réglementation, là, tout était bien: on va investir ici, on va transiger là. Et on commence à voir aujourd'hui que ce qui fonctionnait il y a longtemps, des choses très simples, est vraiment la meilleure façon de faire les choses. Et, donc, nous, ce que nous disons, c'est... Et, ça, l'Inspecteur, s'il a les pouvoirs que nous voulons qu'il ait, peut restreindre certaines transactions qui n'ont pour but, des fois, d'une façon artificielle, que de montrer une façade différente de la réalité de cette compagnie-là. Et c'est dans ce sens-là que nous avons écrit ce paragraphe, ici.

M. Holden: Merci, M. Gaudelli.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Westmount. Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire, et nous suspendons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures, pour entendre le groupe La Laurentienne. Merci.

Mme Robic: M. le Président, me permettez-vous de remercier...

Le Président (M. Lemieux): Je vous le permets, Mme la ministre.

Mme Robic: ...le groupe? On vous remercie, M. le président. J'aimerais vous rappeler que ce n'est qu'en 1991 que la loi 134 est entrée en vigueur avec toute sa réglementation. Le Conseil des assurances de personnes et les associations des assureurs de personnes...

Le Président (M. Lemieux): Je vous permets de remercier les intervenants...

Mme Robic: Oh! Vous ne voulez pas que je fasse un discours, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je vous permets de remercier les intervenants, Mme la ministre.

Mme Robic: Vous savez ce que j'allais dire? Je vous félicite des efforts que vous avez faits et, M. le Président, je les remercie d'être venus à cette table.

Le Président (M. Lemieux): Et je permets la même chose à M. le député de Westmount. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je vous permets de remercier les intervenants.

M. Holden: Oui, et merci à vous autres aussi.

Le Président (M. Lemieux): Alors, maintenant, nous suspendons nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 8)

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