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(Quinze heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! La commission du budget et de l'administration
entreprend cet après-midi une consultation générale et des
auditions publiques sur le document intitulé «L'appui au secteur
financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques
pour le secteur financier du Québec». Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez tous reçu
l'ordre du jour, qui se lit comme suit: Déclarations d'ouverture, 15
heures. Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, 15
h 40. Trust Prêt et Revenu, 16 h 40. Suspension à 17 h 40. Nous
reprenons nos travaux à 20 heures avec le Bureau d'assurance du Canada,
et, à 21 heures, avec l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. L'ajournement est à 22 heures. Est-ce que
l'ordre du jour est adopté?
M. Gautrin: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Adopté. Je vous
remercie.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles de
l'audition, telles que convenues entre les groupes parlementaires. La
période des déclarations d'ouverture durera 40 minutes,
réparties de la façon suivante: 20 minutes pour Mme la ministre
déléguée aux Finances, et 20 minutes pour le porte-parole
de l'Opposition officielle concernant les institutions financières, M.
Holden, député de Westmount. La durée totale de l'audition
des organismes entendus aujourd'hui sera répartie de la façon
suivante: 1 heure, soit 20 minutes pour l'exposé du mémoire et 40
minutes pour les échanges avec les parlementaires; donc, 20 minutes pour
le groupe parlementaire formant le parti ministériel et 20 minutes pour
l'Opposition. Le temps de parole des députés sera de 10 minutes,
en respectant les règles de l'alternance dans les interventions.
J'inviterais maintenant Mme la ministre...
M. Gautrin: M. le Président. Le Président (M.
Lemieux): Oui.
M. Gautrin: Est-ce que ça veut dire que les
députés ministériels ne peuvent pas faire de remarques
préliminaires? Est-ce qu'on est tenu par cette entente? Je pense qu'il y
avait un jugement de votre part, qui était...
Le Président (M. Lemieux): II a été convenu
entre les groupes parlementaires qu'effectivement il y aurait un temps de
parole de 20 minutes qui serait consacré... La commission est autonome.
Effectivement, nous ne sommes pas liés, M. le député de
Verdun, par cette entente entre les leaders. La commission est maîtresse
de ses travaux, et, si vous m'en faites la demande, M. le député
de Verdun, je n'hésiterai pas à vous céder la parole pour
une déclaration d'ouverture...
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): ...considérant les
droits des parlementaires, de part et d'autre. Alors, nous allons maintenant
entendre Mme la ministre pour sa déclaration d'ouverture, pour une
durée de 20 minutes.
Déclarations d'ouverture Mme Louise
Robic
Mme Robic: Alors, je vous remercie, M. le Président.
M. le Président, il nous fait grand plaisir de prononcer
aujourd'hui quelques mots à l'occasion de l'ouverture de la commission
parlementaire sur l'énoncé de politique intitulé
«L'appui au secteur financier: des dividendes pour le
Québec», que j'ai rendu public le 11 mars dernier. Je suis
d'autant plus satisfaite, M. le Président, de voir que l'industrie va
activement participer à compléter le processus déjà
entamé, à savoir le réalignement de l'environnement dans
lequel oeuvrent nos institutions financières.
Le taux élevé de participation, soit par la voie de
mémoires ou par la voie d'une présentation orale, et le fait que
tous les acteurs du secteur financier soient représentés,
démontre que ces institutions ont la volonté de s'outiller
adéquatement à l'aube d'une ère nouvelle, qui en sera une
de prospérité si nous choisissons ensemble les bonnes avenues. Il
s'agit d'un projet de longue haleine, dont les retombées
bénéficieront au public consommateur de produits financiers et
à l'industrie elle-même.
Dans le cadre du débat sur le discours d'ouverture de la
deuxième session de la trente-deuxième législature, il y a
un an maintenant, j'ai mentionné que les réformes en cours, tant
au Canada qu'à l'étranger, les traités internationaux qui
touchent les services financiers, la
globalisation des marchés, de même que la conjoncture
économique allaient immanquablement influencer le développement
de nos propres institutions. J'ai également souligné que ces
phénomènes contemporains nous forceraient à adapter nos
politiques touchant le développement de nos institutions, leur
surveillance et contrôle ainsi que tout autre volet de protection de
l'épargne.
La protection de l'épargne n'étant pas un objectif
statique, il nous faut sans cesse revoir notre politique, la remettre en
question et l'ajuster aux conditions du marché. Cette protection n'est
pas, non plus, un objectif désincarné, car elle est
étroitement liée au développement de nos institutions et
au bien-être économique de nos concitoyens et concitoyennes. C'est
dans cet esprit que j'ai entrepris, à titre de ministre
déléguée aux Finances, de concert avec l'industrie et
toutes les parties intéressées, une réévaluation de
nos politiques, et c'est ceci qui a donné lieu à mon
énoncé.
Cet énoncé vise essentiellement à améliorer
l'efficacité, la stabilité et la croissance du secteur financier
québécois, tout en amorçant le début d'un nouveau
cycle de développement de notre industrie des services financiers. Au
chapitre de l'efficacité, les mesures que nous privilégions
portent sur l'harmonisation des lois régissant les institutions
financières au Canada, l'accès des institutions
québécoises au réseau de la Caisse canadienne de
dépôt de valeurs, la cohérence intersectorielle et la
diminution des coûts inhérents au respect de cette
réglementation.
En ce qui a trait à l'harmonisation des lois régissant les
institutions financières au Canada, il faut noter qu'au fil des ans les
gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté des lois
concernant le secteur financier. Ainsi, durant la dernière
décennie, des différences importantes au niveau des approches
retenues et des normes mises en place sont apparues, plaçant du
même coup les institutions extraprovinciales face à des
réalités difficilement conciliables.
Ces institutions sont également confrontées à des
situations de double emploi et de chevauchement de réglementations. Le
gouvernement fédéral prétend s'autoriser à
réglementer les activités de ces institutions dans les provinces,
une compétence qui est pourtant sauve dans le cas des banques de
compétence provinciale. Les différences qui existent au niveau
des approches et des normes introduites au Canada se sont traduites par des
contraintes majeures qui entravent la compétitivité et
l'efficacité des institutions financières et du système
financier canadien dans son ensemble. En 1988, un processus intergouvernemental
d'harmonisation des lois régissant les institutions financières a
été amorcé pour améliorer la cohérence
normative entre les divers secteurs, tout en simplifiant et rationalisant le
cadre de réglementation et de surveillance des institutions actives dans
plusieurs provinces.
Il est important de rappeler que l'harmonisation recherchée, qui
vise à assurer une meilleure compatibilité des cadres de
réglementation au Canada n'est pas synonyme d'uniformisation. À
cet effet, chaque législateur doit pouvoir continuer à tenir
compte des spécifici- tés et des objectifs
socio-économiques qui lui sont propres, tout en demeurant conscient
cependant des avantages inhérents au respect de normes minimales
généralement reconnues aux plans national et international.
Comme le signale l'énoncé de politique, les propositions
que nous mettons de l'avant veulent éviter d'entraver l'innovation en
matière de règles et d'initiatives de surveillance et
épargner aux sociétés extraprovinciales les coûts
reliés à la superposition de ces règles initiatives, tout
en mettant en place un régime globalement compatible, dans le cadre
duquel chaque réglementation est substantiellement reconnue par les
autres juridictions. Voilà l'objectif ultime que devrait permettre
d'atteindre un exercice d'harmonisation des lois régissant les
institutions financières agissant au Canada.
Je tiens à signaler que ces discussions intergouvernementales ont
permis d'obtenir certains résultats très tangibles. En
témoigne éloquemment une entente d'échange d'information
entre le ministre responsable des institutions financières ainsi que la
conclusion, en 1991, d'une première entente interprovinciale
d'harmonisation. Depuis lors, la participation du gouvernement
fédéral a ajouté à la complexité du
processus d'harmonisation, notamment à cause des dédoublements
auxquels j'ai fait allusion tantôt, et qui empiètent sur les
compétences provinciales. (15 h 30)
Si le gouvernement du Québec a décidé
d'élaborer activement une approche simplifiée à la
réglementation et à la surveillance des institutions
financières, il n'en demeure pas moins préoccupé par la
protection de sa compétence sur toutes les institutions présentes
sur son territoire. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme et d'optimisme que
nous avons développé une hypothèse de travail sur la mise
en place d'un espace financier canadien efficace et fonctionnel. Cette
hypothèse est d'autant plus réaliste qu'elle tient compte des
différentes juridictions provinciales et elle intègre la
participation du gouvernement fédéral, dont la compétence
constitutionnelle se limite, bien entendu, aux banques et à
l'incorporation de compagnies ayant des objets autres que provinciaux.
Ce que nous proposons est fort simple: une véritable
méthode de rationalisation et d'encadrement des institutions
financières au Canada, en nous inspirant de l'expérience
vécue à l'égard des sociétés de fiducie et
des sociétés de prêts, et en nous appuyant sur le concept
d'institutions extraprovinciales. Les caractéristiques essentielles de
notre proposition consistent à définir les termes de
réglementation qui devraient être communs, harmonisés ou
traités de façon distincte, puis à prévoir ceux qui
devraient faire l'objet d'une approche concertée quant à
l'exécution des tâches de contrôle et de surveillance. En
assurant une réduction sensible des chevauchements, et par
conséquent, des coûts y afférents supportés par les
gouvernements et les institutions, ce départage des tâches
améliorerait grandement l'efficacité du système.
Comme notre proposition d'espace financier canadien découle d'une
indéfectible volonté de réduire la
complexité de la réglementation et de la surveillance des
institutions, nous entendons la promouvoir activement dans les discutions
d'harmonisation à venir. La fonction de la Caisse canadienne de
dépôt de valeurs ayant connu un développement
phénoménal au cours des dernières années, nous
croyons qu'il est impératif que l'accès soit accordé
à nos institutions québécoises, afin d'assurer
l'efficacité du secteur.
Actuellement, la possibilité, pour une institution
financière, de réaliser des transactions de valeurs au sein d'un
réseau efficace de compensation devient de plus en plus un
prérequis à sa capacité de desservir économiquement
et concurrentiellement sa clientèle. Les conséquences
immédiates seraient alors des gains appréciables en termes
d'efficacité et une réduction des coûts de transaction.
Pour ce faire, nous aurons à régler le problème des
garanties qui doivent être consenties sur les éléments
d'actif, car nos règles ne permettent pas actuellement à nos
institutions de nantir de tels éléments pour obtenir un statut
d'adhérent auprès de la CCDV. Nous aurons également
à nous assurer que la CCDV soit dotée d'un régime de
surveillance mieux coordonné à travers le Canada.
Il nous semble important d'améliorer la cohérence
intersectorielle en ce qui concerne les normes de capital et les transactions
intéressées. Il nous semble primordial que toute norme de capital
place les institutions sur le même pied, dans une mesure compatible avec
leurs natures respectives, car elles jouent un rôle important dans la
réglementation des institutions financières et dans leur
évaluation par les marchés financiers. C'est pour cette raison
que nous entendons faire preuve d'une cohérence rigoureuse dans
l'adoption de normes de capital à l'intention des sociétés
de fiducie, des sociétés d'épargne, des assureurs, des
assureurs de personnes et de dommages, ainsi que des caisses d'épargne
et de crédit faisant affaire sur notre territoire.
Il va sans dire que ces normes s'inspireront de principes
internationalement reconnus en matière d'exigences, de composition et de
suffisance de capital pour les institutions de dépôt. Nous avons
également l'intention de faire en sorte que les principes de
réglementation des transactions intéressées soient communs
à tous les secteurs.
Comme vous le savez déjà, probablement, la
législation québécoise prévoit présentement
trois régimes de contrôle des transactions
intéressées: un premier qui s'applique aux caisses
d'épargne et de crédit; un deuxième, aux
sociétés de fiducie et sociétés d'épargne;
et un troisième, aux assureurs. Cette situation fait en sorte qu'au sein
des groupes de conglomérats financiers, dont font partie une importante
proportion du secteur financier québécois, on retrouve des
institutions soumises à des régimes fort différents. Le
gouvernement entend donc élaborer un ensemble de principes, au sein
duquel le concept de personne intéressée sera uniformisé
dans toute la mesure du possible, afin de pouvoir être utilisé
dans chaque secteur avec un minimum d'adaptation. Il devrait en être de
même pour les conglomérats à contrôle
québécois, qui regroupent à la fois des institu- tions
financières québécoises et des institutions
fédérales, qui doivent pouvoir transiger efficacement entre
elles.
Je tiens à préciser que ces règles seront
établies de manière à ne pas affecter inutilement les
relations entre institutions au sein des groupes financiers, et, par
conséquent, nous privilégierons des dispositions
spécifiques pour contrôler ces relations plutôt que de les
interdire généralement.
Il est difficile, voire impossible, de traiter de l'efficacité de
notre secteur financier sans aborder l'épineuse question de la
diminution des coûts inhérents au respect de la
réglementation. Le gouvernement est fermement résolu à
contribuer aux efforts déployés par le milieu en vue de diminuer
ses coûts d'opération. Cette contribution, qui s'effectuera au
niveau des politiques et des normes, consistera, dans un premier temps,
à harmoniser nos règles concernant les institutions
financières. Comme je l'ai indiqué à maintes reprises, la
protection du public est la préoccupation centrale du gouvernement dans
l'élaboration de ses politiques à l'égard du secteur
financier. L'intérêt du consommateur, qu'il soit déposant,
assuré, investisseur ou prestataire de services financiers est donc la
pierre angulaire de toute la démarche que nous avons entreprise.
Or, dans le secteur financier, le bon fonctionnement, la
crédibilité et l'attrait d'un système de surveillance et
d'indemnisation reposent sur quatre facteurs essentiels: des normes
transparentes et accessibles; des agents administratifs, publics ou
privés, dont le cadre d'intervention est clair, complémentaire et
synergique; l'octroi à ces agents de pouvoirs suffisants pour
prévenir et régler les situations problématiques en
perturbant le moins possible le cours normal des affaires; des communications
efficaces entre les composantes du système.
C'est pour toutes ces raisons, au chapitre de la stabilité, que
nous entendons faire porter nos efforts sur une nouvelle approche
réglementaire, l'octroi de nouveaux moyens d'intervention et de
supervision de l'Inspecteur général des institutions
financières, une révision des responsabilités
administratives, la réévaluation des régimes
d'indemnisation et des mesures de protection du public.
Au niveau de la nouvelle approche réglementaire, force nous est
de constater que l'évolution rapide du secteur financier appelle la mise
en place de mécanismes propres à susciter l'autodiscipline des
institutions. En contrepartie d'un élargissement de leur liberté
d'action, le gouvernement exigera, notamment, le maintien par les institutions
d'un montant adéquat de capital dans leurs entreprises pour faire face
aux pertes qui pourraient être occasionnées par la
réalisation de risques considérés normaux.
Le Québec entend donc inscrire ses actions dans la tendance de
normes de capital qui soient en fonction des risques associés aux
activités de l'institution, et apporter une attention
particulière à la qualité de ses éléments
d'actif et non seulement la quantité. Il est important de noter que
l'allégement des exigences visant certains éléments
d'actif précis en raison de l'application d'une
norme de capital ne constitue pas un relâchement de la
réglementation. Dans les faits, il s'agirait plutôt de la
contrepartie du transfert, du gouvernement aux gestionnaires d'institutions, de
la responsabilité d'exercer un jugement empreint de prudence et d'agir
avec diligence. En effet, ces gestionnaires devront respecter le principe du
gestionnaire prudent édicté par la législation et
s'imposer eux-mêmes des balises et des mesures de contrôle quant
à la gestion de l'actif et au maintien de sa qualité. En
revanche, l'autorité de surveillance aura la capacité
d'intervenir rapidement et efficacement dans les situations où ce
jugement n'aurait pas été convenablement exercé.
De plus, les normes de capitalisation auxquelles sont assujetties les
sociétés de fiducie et les sociétés de prêts,
les caisses d'épargne et de crédit et les assureurs de dommages
seront réévaluées en fonction de trois objectifs
principaux: le premier est d'élargir le rôle joué par le
capital dans la réglementation des institutions; de combler le besoin de
cohérence intersectorielle constaté au Québec; et
d'assurer la cohérence des normes du Québec avec celles en
vigueur dans le reste du pays, dans la mesure où ces dernières
respectent les usages et tendances prévalant dans les principaux pays
industrialisés.
Nous nous apprêtons à introduire des normes de capital
à l'intention des assureurs de personnes, conformément à
ce que j'avais annoncé dans le rapport quinquennal sur l'application de
la Loi sur les assurances, que j'ai rendu public au mois de juin 1990, sous
réserve d'une compatibilité de normes en vigueur au Canada. Il va
cependant de soi que les assureurs de personnes bénéficieront
d'une période de transition pour respecter ces normes.
Par ailleurs, les principes qui seront utilisés pour
définir les normes de capital visant les assureurs de personnes seront
appliqués mutadis mutandis aux autres types d'institutions régies
par les loi du Québec. Comme pour les assureurs, nous entendons tenir
compte des risques afférents aux éléments d'actif dans
l'établissement du niveau de capital à maintenir. Quant à
la composition du capital disponible, c'est l'équité entre les
différents types d'institutions et la cohérence des règles
qui détermineront nos choix. De façon générale, ce
sont les tendances et pratiques constatées au niveau international qui
serviront de guide dans l'élaboration de ces normes, de façon
à assurer une compétitivité optimale de nos institutions
financières. (15 h 40)
II en découle la nécessité de faire évoluer
les moyens d'intervention et de supervision au même rythme que la
réglementation des institutions en ce qui concerne l'octroi de nouveaux
moyens d'intervention et de supervision à l'Inspecteur
général des institutions financières. Concrètement,
l'Inspecteur général disposerait du pouvoir d'établir des
lignes directrices à l'intention des institutions autorisées
à exercer certaines activités au Québec. Ces nouveaux
moyens d'intervention lui permettraient d'annoncer à l'avance les
paramètres, balises et procédures en fonction desquelles il
exercera son pouvoir discrétionnaire. L'émission de telles lignes
lui donnerait la possibilité de simplifier et d'augmenter la
transparence de l'encadrement au bénéfice des institutions
faisant affaire au Québec.
Nous envisageons également de doter l'Inspecteur
général des institutions financières de pouvoirs
d'application générale, qui lui permettraient d'imposer un plan
de redressement comportant des mesures, qui, selon lui, devraient être
prises pour éviter qu'une institution québécoise ne
devienne insolvable, et de contester, selon une nouvelle procédure, la
valeur des éléments d'actif et de passif d'une institution.
À l'instar de la Commission des valeurs mobilières du
Québec, l'Inspecteur pourrait aussi se voir confier le pouvoir de
recommander au ministre responsable, en certaines circonstances, la
déchéance d'un membre du conseil d'administration d'une
institution québécoise qu'il surveille ou son inhabilité
à exercer de telles fonctions. L'énoncé de politique
propose également que l'Inspecteur publie un bulletin, qui aurait pour
but de rendre plus prévisible le cadre réglementaire. Vous
n'êtes pas sans savoir que la réforme fédérale de
1987 avait posé, comme condition d'accès à l'assurance
offerte par la Société d'assurance-dépôts du Canada,
le respect par ses membres d'une obligation de conformité à des
normes de pratiques commerciales et financières saines qui seraient
fixées par cet organisme.
Tout en souscrivant à cet objectif fort louable de maintenir
à un niveau supérieur la qualité des pratiques des
institutions de dépôt et des assureurs, nous ne croyons pas que
c'est l'organisme d'indemnisation lui-même qui doit être titulaire
du pouvoir d'établir des normes régissant ces pratiques. Afin
d'améliorer l'efficacité et la souplesse du régime
québécois d'assurance-dépôts, je proposerai des
ajustements à la Loi sur les assurances, à la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit ainsi qu'à la Loi sur les
sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne, afin d'investir l'Inspecteur d'un pouvoir d'initier la mise
en place de normes de pratiques commerciales et financières saines
à l'intention des institutions de dépôts autorisées
à poursuivre des activités au Québec.
La révision des responsabilités administratives fera en
sorte que le gouvernement sera ultimement responsable de l'adoption des normes
et règles applicables aux institutions. De son côté,
l'Inspecteur général des institutions financières verra
son rôle de surveillance renforcé. Quant au rôle des
différents organismes d'indemnisation privés ou publics, il sera
recentré, tandis que celui de la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec verra le sien limité
à l'indemnisation. Nous sommes convaincus que cette nouvelle
répartition des responsabilités générera des
bénéfices substantiels.
En ce qui concerne les régimes d'indemnisation, tant dans le
secteur de l'assurance que dans celui des institutions de dépôt,
ils seront réévalués afin de répondre à un
certain nombre de préoccupations, comme leur coût, la
définition de leurs responsabilités et le besoin de
cohérence intersectorielle. À cet égard,
l'énoncé formulé pose certaines questions qui seront
examinées lors de la
consultation qui sera tenue par cette commission parlementaire, à
compter d'aujourd'hui.
En ce qui concerne les mesures de protection du public, elles
consisteront à promouvoir le recours à l'arbitrage comme mode de
règlement des litiges entre les courtiers en valeurs mobilières
et leurs clients, et en outre, entre les courtiers eux-mêmes; à
accorder à l'individu non averti, qui a réalisé un
investissement régi par la Loi sur les valeurs mobilières, le
bénéfice de la procédure sommaire devant la division des
petites créances de la Cour du Québec; et à permettre le
développement des boutiques institutionnelles, sous réserve de
certaines exigences inhérentes à la stabilité du
marché, à la confiance du public et à un juste
équilibre concurrentiel parmi les opérateurs du marché des
valeurs.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste deux minutes, Mme
la ministre.
Mme Robic: Oh... M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Alors, environ. Et sur
consentement du...
Mme Robic: Au chapitre... Ça va, monsieur...
Le Président (M. Lemieux): Pas de Problème? Pas de
problème, M. le député? Vous pouvez continuer, madame.
Mme Robic: Ça va, M. le Président, je vais tenter
de...
Au chapitre de la croissance, nous nous empresserons de bâtir sur
les acquis, tout en créant un véhicule de capitalisation et en
favorisant l'accès au capital étranger. En premier lieu, nous
appliquerons certaines recommandations du groupe de travail sur la
capitalisation des assureurs des personnes, dont celle de maintenir les
pouvoirs actuels, qui sont ceux d'investir en filiale. En second lieu, nous
analyserons les retombées générées à ce jour
par le programme des centres financiers internationaux à
Montréal. Le cas échéant, nous étudierons la
pertinence d'élargir ce programme aux activités de
réassurance et de courtage en assurance de dommages.
Le gouvernement a aussi l'intention de mettre sur pied un
véhicule de capitalisation, qui permettra assurément de
répondre aux objectifs globaux du gouvernement, de voir le secteur
financier se stabiliser et amorcer une nouvelle période de croissance,
après avoir consolidé ses bases financières et
adapté sa structure pour faire face au défi des marchés
publics de capitaux d'ici quelques années. La mission de ce
véhicule sera de contribuer à la poursuite du
développement d'un secteur financier à contrôle
québécois et de maximiser son impact bénéfique sur
l'économie du Québec.
Finalement, notre vision de l'avenir inclut une injection de capital
étranger dans la stratégie de capitalisation des institutions
québécoises. C'est dans cette optique que l'énoncé
propose un relâchement de la règle de propriété
étrangère pour les institutions à capital- actions. Si nos
institutions doivent rencontrer les objectifs de capitalisation,
l'investissement étranger doit être encouragé, et ceci peut
être accompli sans perdre le contrôle du secteur financier
québécois.
Telles sont les propositions que le gouvernement entend mettre de
l'avant, M. le Président, pour aider nos institutions financières
à consolider leurs acquis et à entrer dans le prochain
millénaire sur des bases solides. Avec ce plan d'action bien
intégré, le gouvernement veut concilier ses actions avec les
tendances et les phénomènes qui s'expriment au Québec, au
Canada et à l'échelle mondiale. La voie étant maintenant
tracée, il nous incombe de relever, à l'enseigne de la
concertation, un défi d'avenir de première importance, celui de
créer ici, chez nous, une masse critique capable d'affronter une
concurrence mondiale de plus en plus vive. C'est alors que nous croyons que les
Québécois et les Québécoises seront en mesure de
tirer pleinement profit de leur extraordinaire potentiel. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Westmount, la parole est à vous. On aura la
même liberté, la même largesse d'esprit que pour Mme la
ministre, à votre égard, eu égard au temps de parole, M.
le député de Westmount.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Merci, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup
d'intérêt les engagements et les documents sur les propositions de
politiques pour le secteur financier du Québec, et je dois remercier la
ministre, son équipe et tous ceux et celles qui ont conçu le
document.
Certaines orientations sont adéquates, pas toutes, mais il n'en
demeure pas moins que c'est un document instructif, malgré que j'aie
trouvé bien des voeux pieux parmi des suggestions plus substantielles.
C'est un document qui sollicite des questions et qui suggère des
orientations. Bref, un document qui aligne bien les travaux de cette
commission, qui a comme tâche, comme but, de s'informer, d'informer
toutes les personnes concernées, afin de permettre, lors de la prochaine
étape, des analyses scientifiques sérieuses des différents
éléments du projet, analyses devant servir de substrat aux lois
qui en découleront.
M. le Président, à l'occasion de l'étude des
crédits de la Commission des valeurs mobilières et de
l'Inspecteur général, je me suis interrogé sur le peu de
groupes qui avaient annoncé leur participation à cette
consultation, et je constate à nouveau qu'au cours des prochains jours
nous n'entendrons que 13 témoignages. Ça m'ap-paraît peu,
compte tenu de l'importance des institutions financières.
Je ne crois pas que la ministre puisse tirer beaucoup profit des appuis
qu'elle pourrait recueillir cette semaine, dans le cadre de cette consultation.
À vrai dire, le contraire serait inquiétant, puisque son document
est, pour l'essentiel, un énoncé de voeux pieux et
d'éléments qui vont de soi. Comme on le dit souvent:
Comment pourrait-on avoir l'âme assez basse pour être contre
la vertu?
Je note également que, pour l'essentiel, le document reste vague
et imprécis. Je comprends qu'il s'agit d'un énoncé de
politique et non de mesures concrètes, mais je comprends aussi que, pour
les organismes qui ont eu à préparer des mémoires, il n'a
pas dû être facile d'apprécier les vraies intentions du
gouvernement. Cela explique peut-être le pourquoi du peu de
témoignages que nous entendrons dans les prochains jours.
Chose certaine, M. le Président, les organismes auraient sans
doute eu plus de facilité à mesurer de façon
concrète les effets des intentions de la ministre si elle avait
présenté un projet de loi ou un avant-projet de loi. Je ne
connais pas de façon précise les intentions de la ministre
à cet égard, ni le calendrier qu'elle compte respecter.
Peut-être aura-t-elle l'occasion de nous donner plus d'indications dans
le cadre de cette consultation, ou à l'occasion de ses remarques de
clôture, qu'on attend avec impatience! (15 h 50)
Les propositions de politiques pour le secteur financier du
Québec découlent d'une longue démarche articulée
depuis les années soixante. Déjà, en 1969, le rapport
Parizeau regroupait les éléments fondamentaux de ce qui est
devenu par la suite la politique québécoise en matière
d'institutions financières, politique qui a créé un
réseau public d'entreprises financières et a permis la croissance
du plus important réseau pancanadien d'entreprises financières du
secteur privé. C'est ça, une vision à long terme. C'est
aussi une belle démonstration de développement économique
et social. Depuis ce temps, des milliers d'emplois furent créés,
comme s'est créée une communauté de solidarité,
dont les avantages et les services bénéficient à toute la
société. Mais des difficultés assaillent nos entreprises,
conséquence des circonstances économiques, bien sûr, mais
aussi, conséquence de nos faiblesses et de nos erreurs. Ne le taisons
pas. Au contraire, diagnostiquons nos maux et corrigeons-les. C'est d'abord
ça, la manifestation des gestionnaires compétents et
avisés.
Il faut continuer, il faut faire plus et il faut faire mieux. Il faut
mettre fin à l'ingérence régressive du
fédéral. Il faut augmenter la part du marché
québécois par les entreprises québécoises. Il faut
augmenter la part du marché canadien et étranger par les
entreprises québécoises. Il faut augmenter le savoir par la
recherche et l'activité industrielle. Il faut augmenter la
solvabilité et la rentabilité de nos entreprises, et
réorganiser les autorités de surveillance. Il faut concevoir des
principes et directives d'éthique et de devoir pour les autorités
de surveillance. Il faut diminuer et réaménager la
fiscalité. Il faut revoir les règles applicables au secteur
public, en matière de structure financière. Il faut voir au
maintien et à la sauvegarde de nos entreprises, surtout les
coopératives. Il faut concevoir de sains principes financiers,
actuariels, comptables, juridiques, et à cet effet, y impliquer les
corps professionnels concernés. Il faut concevoir des systèmes
d'analyse financière individuelle et collective, ainsi qu'un
système d'analyse et de comptabi- lité économiques. En
somme, comme le souhaitent beaucoup d'intervenants, un plan global d'analyse et
d'action.
À cette fin de recherche et de planification, nous
suggérons la formation d'une équipe de travail comprenant
notamment des représentants du notariat, du Barreau, de l'actuariat, de
la comptabilité financière, de l'administration et des secteurs
financiers public et privé, pour aider le gouvernement à
articuler le dispositif législatif.
Alors, M. le Président, comme la ministre nous a fait une revue
des documents, les trois principaux axes de l'énoncé de politique
d'orientation de la ministre tournent autour des trois éléments
qui constituent autant de grands chapitres, soit: améliorer
l'efficacité, renforcer la stabilité et favoriser la croissance.
On ne peut pas être contre cela. Quant à l'efficacité, il
est peu probable que le premier chapitre donne lieu à des articles de
loi dans un proche avenir. Ce chapitre relève davantage de voeux pieux
que d'autre chose. En effet, les suites que l'on pourrait donner à ce
chapitre supposent qu'il y ait eu entente entre le Québec, le
gouvernement fédéral et les autres provinces. Les
Québécois, qui ont une longue expérience des débats
constitutionnels, comprendront rapidement de quoi je parle.
Quant à la question constitutionnelle, M. le Président, le
palier fédéral finalisait sa réforme de la
réglementation des institutions financières en adoptant, en
décembre 1991, quatre projets de loi, soit la Loi sur les
sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, la
Loi sur les sociétés d'assurances et la Loi sur les associations
coopératives de crédit. Ces lois confèrent notamment aux
institutions financières à charte fédérale la
capacité d'acquérir des filiales dans tous les secteurs de
services financiers, calquant en cela le modèle québécois,
à quelques détails près. Les filiales peuvent être
à charte fédérale ou à charte provinciale. On ferme
donc la boucle entamée en 1987, alors que le Parlement
fédéral habilitait les institutions financières à
charte fédérale à faire l'acquisition des maisons de
courtage en valeurs mobilières.
Force est de constater, M. le Président, et de déplorer
que le palier fédéral s'est servi de la réforme de la
réglementation des institutions financières pour étendre
la portée de son pouvoir réglementaire au détriment des
provinces canadiennes. À ce titre, les réformes
fédérales viennent confirmer des velléités qui
s'étaient exprimées à plusieurs reprises au cours des 30
dernières années. Le rapport Porter en 1964, le rapport Anisman
en 1979, le livre vert de Mme McDougall en 1985, le rapport du Comité
permanent des finances, du commerce et des questions économiques en
1985, le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du
commerce de 1986, les réformes de Thomas Hockin de 1987, ou
l'étude du gouvernement fédéral de 1989, intitulée
«Federal Involvement in the Canadian Securities Industry». Tous ces
rapports, propositions ou lois préconisent, à des degrés
divers, l'accroissement des pouvoirs du gouvernement central en ce qui concerne
la réglementation des institutions financières et la
réglementa-
tion du commerce des services financiers.
À ce dernier chapitre, le gouvernement fédéral
souhaite particulièrement avoir la mainmise sur le domaine des valeurs
mobilières, une matière relevant, de manière non
équivoque, de la compétence provinciale, tel qu'en font foi des
initiatives répétées ayant cette finalité. La
réforme fédérale est donc venue accentuer le chevauchement
des réglementations québécoise et fédérale
en ce qui a trait aux institutions financières. Elle constitue, de plus,
une menace pour la compétence du Québec dans les domaines
reliés au commerce des services financiers, notamment les valeurs
mobilières.
Mme la ministre elle-même le reconnaît, d'ailleurs, sans
détour, dans son document «L'appui au secteur financier»,
alors qu'à la page 4 le document affirme, et je cite: «Quant aux
doubles emplois, on en retrouve des exemples dans les récentes lois
adoptées par le gouvernement fédéral. Par l'introduction
d'une approche qui regroupe une série de pouvoirs réglementaires
relatifs à un grand nombre d'activités des institutions
financières fédérales, le gouvernement canadien s'autorise
à réglementer les activités de ces institutions dans les
provinces. Or, sauf dans le cas des banques, cette compétence est
provinciale. À cette tendance sont venus se greffer des
dédoublements reliés à d'autres aspects de la
réglementation fédérale.» Et je continue la
citation: «Ces différences d'approches ou de normes mises en place
au Canada par les différentes législations ont
généré des contraintes importantes qui nuisent à la
compétitivité et à l'efficacité des institutions
financières et du système financier canadien dans son
ensemble.» Fin de la citation. (16 heures)
L'empiétement du gouvernement fédéral sur des
compétences provinciales exclusives est particulièrement
préoccupant à deux égards. Premièrement, l'approche
consolidée, qui se trouve systématisée dans les
récentes lois fédérales. Dans l'encadrement normatif mis
en place par les nouvelles lois fédérales, une approche
consolidée est favorisée. Cela signifie que l'encadrement
normatif se rapporte à une institution à charte
fédérale et à l'ensemble de ses sociétés
affiliées, comme s'il s'agissait d'une seule et même
entité. Dans les faits, le gouvernement fédéral se donne
donc le pouvoir de réglementer une institution ayant une charte
québécoise affiliée à une institution
financière fédérale. Il étend ainsi ses pouvoirs de
réglementation au détriment des provinces, et de plus, le
chevauchement réglementaire qui en résulte accroît
inutilement les coûts assumés par l'industrie et nuit ainsi
à sa compétitivité.
Deuxièmement, l'empiétement du gouvernement
fédéral. Le fédéral se dote de pouvoirs
réglementaires visant des activités qui sont pourtant des
compétences provinciales exclusives. L'envahissement par le gouvernement
fédéral des compétences du Québec en matière
de réglementation des institutions financières et des services
financiers, et l'enchevêtrement réglementaire qui en
résulte, démontrent une fois de plus le non-sens du
système fédéral actuel. L'Opposition officielle ne
tolérera pas l'amoindrissement des pouvoirs du Québec en ce qui a
trait à la réglementation des institutions financières et
des services financiers. L'affaiblissement de ces pouvoirs marquerait un recul
considérable pour le Québec et mettrait en péril sa
capacité de mettre en oeuvre une stratégie économique qui
soit à son image et à la mesure de ses besoins et de ses
priorités et objectifs. L'Opposition officielle dénonce aussi le
gaspillage et les coûts inutiles imputables à ces chevauchements
qui réduisent l'efficacité, nuisent à la croissance de nos
institutions financières sans pour autant rehausser la protection de
l'épargnant ou la stabilité du système financier.
En ce qui concerne le volet harmonisation, dans les propositions de la
ministre, l'Opposition officielle souscrit au principe sous-jacent à la
démarche d'harmonisation proposée par le document
ministériel. Il faut cependant retenir, à notre avis, qu'une
entreprise d'harmonisation ne conduit pas à l'uniformisation.
L'État québécois se doit de conserver la marge de
manoeuvre nécessaire pour aménager un cadre qui tienne compte de
la spécificité de l'organisation du secteur financier
québécois et de ses institutions: en particulier, la
spécificité du mouvement coopératif
québécois.
Nous croyons aussi qu'il faut orienter l'effort d'harmonisation vers les
normes internationales qui se dessinent. L'Opposition officielle est donc
favorable au maintien d'un espace financier Québec-Canada fonctionnel,
étant entendu que cela ne signifie pas le renforcement du pouvoir
central. Cet espace financier peut se réaliser par l'entremise d'un
processus d'harmonisation des normes. À ce titre, le système du
passeport unique, adopté par les pays de la Communauté
économique européenne, constitue un exemple probant qu'un espace
financier peut se réaliser par l'harmonisation des règles de la
coopération. Je dois dire en passant que nous étions d'accord
avec les remarques de la ministre, telles que rapportées aujourd'hui,
quand elle a exhorté l'Ontario à moderniser sa
réglementation.
Il m'est difficile, aujourd'hui, de voir autre chose, dans le chapitre
sur l'efficacité, qu'un nombre de voeux pieux. Prenons, par exemple, le
sujet de l'harmonisation. Quand le document dit, et je cite:
«Éviter d'entraver l'innovation en matière de règles
et d'initiatives de surveillance et épargner aux sociétés
extraprovinciales les coûts reliés à la superposition de
ces règles et initiatives, tout en mettant en place un régime
globalement compatible dans le cadre duquel chaque réglementation est
substantiellement reconnue par les autres juridictions, voilà l'objectif
ultime que devrait permettre d'atteindre un exercice d'harmonisation des lois
régissant les institutions financières au Canada»,
ça serait difficile d'être contre un tel énoncé
tellement général. Mais on semble en être loin, puisque,
quelques paragraphes plus loin, la ministre accuse Ottawa, comme j'ai
déjà dit, d'avoir généré d'importants effets
de dédoublement avec sa réforme.
Parfois, le document gouvernemental apparaît imprécis.
Ainsi, au sujet des transactions intéressées, la ministre indique
qu'elle élaborera un ensemble de principes de réglementation des
transactions intéressées qui
soient communs à tous les secteurs. À moins d'être
devin, on ne voit pas très bien de quoi il s'agit. M. le
Président, on ne peut pas être contre une meilleure
définition du rôle de chacun, une plus grande clarification de la
compétence de tous. La ministre a fait une proposition en ce sens, mais
on devine que cela donnera lieu à des négociations impliquant les
provinces et le fédéral. Partant de là, nous ne pouvons
qu'attendre pour voir.
Quant à la stabilité, il sera sans doute question au cours
des prochains jours des nouveaux pouvoirs que la ministre
déléguée aux Finances compte donner à l'Inspecteur
général. Ici, je dois avouer que l'Opposition officielle
s'interroge sur la pertinence de la volonté de la ministre et sur les
motifs qui l'animent. L'IGIF a-t-il véritablement besoin des pouvoirs
que certains jugent exorbitants? N'y a-t-il pas une volonté d'expliquer
aussi les déboires des Coopérants? Ces déboires
auraient-ils pu être évités si l'Inspecteur
général avait eu les pouvoirs dont la ministre parle dans son
énoncé de politique? N'y a-t-il pas là la négation
de l'autonomie de gestion du conseil d'administration des institutions
financières?
L'Opposition officielle ne nie pas les responsabilités qui
reviennent à l'État et à l'Inspecteur
général, en matière de surveillance. Ce n'est pas pour
rien qu'avant de faire adopter la loi 75, en 1984, laquelle ouvrait la porte au
décloisonnement, le gouvernement avait créé le poste
d'Inspecteur général.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux normes de pratiques commerciales et
financières saines, j'ai été surpris de lire que
l'Inspecteur général devrait faire rapport à la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec relativement
à toute institution qui ferait défaut de se conformer aux
règles que l'Inspecteur général aurait
déterminées. Je rappelle que l'Inspecteur général
est aussi le président de la Régie. Il se fera rapport, donc,
à lui-même. Indi-que-t-on, par là, la volonté
d'enlever de l'Inspecteur général la responsabilité de la
Régie de l'assurance-dépôts? On se le demande.
Puisqu'on aborde la question de l'indemnisation des épargnants,
je dois souligner que l'énoncé de politique ne propose rien de
précis. La lecture du document suggère que le gouvernement ne
sait pas sur quel pied danser. Il se contente d'interroger cela se
comprend dans un contexte de consultation mais je fais aimablement
remarquer à la ministre qu'elle a affirmé que son
énoncé était le fruit de nombreuses consultations
privées. Je rappellerai que c'est elle qui indique, sur la page
couverture de son document, qu'il s'agit de propositions de politiques. Force
nous est de constater qu'il n'y a pas de propositions directes et
concrètes.
En ce qui concerne la croissance, je dois dire que ce chapitre est un
peu décevant. Il y a déjà plusieurs années qu'on
parle de la possibilité de favoriser la capitalisation de nos
institutions, et en particulier, de nos mutuelles d'assurance-vie. Alors, on va
certainement suivre les discussions avec intérêt, M. le
Président.
Je vais terminer mes remarques. Je souhaite que cet exercice donne lieu
à des échanges constructifs, et on verra, par la suite, comment
la ministre y donnera suite dans ses projets de loi. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Camden): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
remarques préliminaires?
Mme Louise Robic
Mme Robic: Quelques petites remarques, M. le Président.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le député de Westmount de ses
bons mots. Quand on parle d'un document d'orientation adéquat, d'un
document instructif, qui enligne bien les travaux de la commission, et
très informatif, je pense que ce sont tous des compliments. Alors, je
remercie le député de Westmount de réaliser l'importance
de ce document et du contenu de ce document. (16 h 10)
M. le Président, vous comprendrez que le député de
Westmount me fait un peu sourire quand il met en question la possibilité
de créer un espace économique canadien. D'ailleurs, est-ce que ce
n'est pas là un terme que vous avez adopté vous-même, au
Parti québécois? C'est un terme qu'on retrouve dans votre
document «Le Québec dans le monde». Alors, est-ce que vous
êtes en train de me dire qu'il faut détruire un pays pour pouvoir
le reconstruire de la même façon, que vous, vous ayez du
succès, et moi, croyant au fédéralisme participatif, je ne
pourrais pas arriver à atteindre les mêmes objectifs? Eh bien,
laissez-moi douter de votre façon de faire et préférer la
mienne. La preuve en est que la mienne n'est pas si mauvaise, mon approche,
puisque j'ai déjà signé des ententes avec les provinces,
des ententes de...
Le Président (M. Camden): Mme la ministre, est-ce que je
peux vous inviter à conclure en quelques mots, considérant que
nous avons déjà quelque 30 minutes de retard?
Mme Robic: Oui... d'accord. Alors, M. le Président, tout
simplement pour dire au député de Westmount, si vous me le
permettez, que j'espère qu'il va faire plus qu'écouter à
cette commission, et qu'il va pouvoir participer et nous aider tous à
trouver les solutions, afin que, de ce document-là, sortent des projets
de loi qui pourront faire renforcir notre secteur financier
québécois.
Auditions
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre.
J'inviterais immédiatement les gens du Regroupement des cabinets de
courtage d'assurance du Québec à bien vouloir prendre place ici,
en face de moi, à la table des témoins, s'il vous
plaît.
Je demanderais au porte-parole de l'organisme, dans un premier temps, de
bien vouloir s'identifier, de nous présenter les gens qui
l'accompagnent, et je vous ferai état du déroulement des
procédures par la suite.
Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec (RCCAQ)
M. Young (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est
Pierre Young. Je suis le président du Regroupement des cabinets de
courtage d'assurance du Québec. Je suis accompagné de notre
directeur général, M. Jean-Marie Derome, à ma droite, et
de notre aviseur légal, Me André Bois, à ma gauche.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous disposez d'une
période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire.
Suivra un échange entre les deux formations politiques le parti
ministériel et le parti de l'Opposition pour une durée
totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes
pour l'Opposition officielle, représentée ici par le
député de Westmount.
Alors, sans plus tarder, nous sommes prêts, monsieur, à
écouter l'exposé de votre mémoire.
M. Young: Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés, nous vous remercions de votre invitation. Il
nous fait plaisir de vous faire part de nos idées sur votre document,
aujourd'hui.
Comme vous le savez, le Regroupement des cabinets de courtage est un
syndicat professionnel dont la mission est la défense et la promotion
des intérêts économiques de ses membres. Nous
représentons environ deux tiers des courtiers d'assurances de la
province, étant donné que l'adhésion au Regroupement est
volontaire.
Votre document fait part, dès le départ, d'une distinction
entre le secteur de production et de distribution. Nous croyons donc opportun
de vous faire part de nos idées, étant donné que nous
représentons un réseau de distribution dans le secteur des
assurances. Étant donné que vous avez consulté notre
document, j'aimerais attirer votre attention sur nos recommandations.
J'essaierai d'être un peu plus explicite à l'aide de certains
extraits de notre document ou à l'aide de mes propres paroles.
Alors, notre première recommandation dit: «Que le
Québec exerce pleinement sa juridiction exclusive dans le domaine de la
protection de la vie privée ainsi que dans le domaine de la
réglementation des ententes de réseau et de la prestation de
conseil financier.» En effet, selon nous, ces matières
relèvent du domaine de la distribution des produits financiers, de sorte
que leur réglementation affecte directement le réseau des
intermédiaires de marché financier. Voilà pourquoi le
RCCAQ est préoccupé par cette question.
Les articles 16 et 49 à 57 de la Loi sur les
intermédiaires de marché témoignent de la volonté
du gouvernement québécois de promouvoir des mesures
législatives contrôlant l'intégrité et
l'indépendance du réseau de distribution de produits financiers
au Québec. À cet égard, il convient de rappeler que
l'article 16 de la loi précitée édicté ce qui suit:
«Sous réserve des règlements du gouvernement, un
intermédiaire de marché en assurance ne peut à la fois
exercer des activités à ce titre et être à l'emploi
d'une institution financière qui n'est pas un assureur.»
Notre deuxième recommandation dit: «Que le Québec
favorise la stabilité du secteur de l'assurance par les moyens suivants:
le contrôle de la tarification, un encadrement des agents
généraux et une surveillance de la mise en oeuvre des ententes de
réseau.» Nous préconisons, tout d'abord, un contrôle
de la tarification. En effet, comme il se produit actuellement dans certains
États américains, les assureurs d'assurances
générales doivent soumettre aux instances gouvernementales leur
tarification, afin d'observer une saine gestion des opérations, et non
pas uniquement une rentabilité des placements. Nous aimerions voir
mettre en application ce principe. Deuxièmement, un encadrement des
agents généraux. Comme il est actuellement
préconisé, nous sommes d'avis que, lors de la révision en
Ontario, les agents généraux devraient obtenir un permis
d'opération et être supervisés, pour éviter des
transferts de profit de l'assureur vers l'agent général. Comme
nous l'avons déjà connu dans notre province, certains agents
généraux ont mis en péril la solvabilité de
l'assureur. Alors, l'émission d'un permis et un contrôle
viendraient vérifier le tout. Troisièmement, nous demandons une
surveillance de la mise en oeuvre des ententes de réseau.
Notre troisième recommandation: «Que le rôle de la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec soit
limité à l'indemnisation des déposants.» Comme vous
le préconisez dans votre document, le RCCAQ appuie une telle
proposition, pour le motif suivant. Le modèle de cantonnement à
la seule fonction d'indemnisation existe déjà dans la Loi sur les
intermédiaires de marché, où les fonds d'indemnisation
exercent une fonction limitée à la seule indemnisation. La
réglementation des conditions d'indemnisation relève des
conseils. La cohérence intersectorielle exigera donc que ce
modèle soit suivi et appliqué dans tout le domaine des
institutions financières.
Quatrièmement: «Que l'Inspecteur général des
institutions financières soit chargé de la surveillance des
conseillers financiers, incluant les courtiers en valeurs mobilières, et
que PIGIF soit investi du pouvoir de recommander la destitution d'un
administrateur d'une institution financière à charte
québécoise.» Nous voyons cette recommandation sous un
concept global. En effet, les différents conseillers financiers
que ce soit un courtier en assurance générale, en assurance IARD,
un planificateur financier devraient être contrôlés
et supervisés par la même instance, et nous préconisons que
ce soit par l'Inspecteur général des institutions
financières. Nous conseillons de mettre sur pied une nouvelle mutuelle
de sécurité, englobant trois directions, soit, comme je viens de
le mentionner, la protection des dépôts, les assurances de
personnes et les assurances de dommages.
Notre cinquième recommandation: «Que l'on rationalise le
système d'indemnisation des personnes transigeant avec des institutions
financières en décloisonnant un tel service et en le confiant
à un organisme
public contrôlé par le Québec.» Nous voulons
décloisonner les institutions; alors, pourquoi ne pas
décloisonner les fonds d'indemnisation? (16 h 20)
Notre sixième recommandation: «Que les assurés
puissent avoir la faculté de contraindre un assureur à
régler par voie d'arbitrage un différend fondé sur un
contrat d'assurance.» Tout comme vous le préconisez dans votre
document pour les courtiers en valeurs mobilières, pourquoi, dans le
domaine de l'assurance générale, nous n'aurions pas recours,
également, à un système d'arbitrage? Lorsqu'un client a un
problème avec un assureur lors d'une réclamation, pourquoi ne
pourrait-il pas faire appel à un arbitre avant d'attendre un
délai de quelques années pour comparaître, en vertu du Code
civil, afin d'accélérer le processus et l'image de
l'industrie?
Notre septième recommandation: «Que les mesures de
protection des renseignements personnels recueillis par les institutions
financières soient contenues dans une loi à portée
générale plutôt que dans une loi relative aux institutions
financières, soit une loi sectorielle. Nous sommes d'avis que le
Québec devrait avoir pleine juridiction et instituer une loi de
protection sur les renseignements personnels, une loi qui soit aussi
importante, par exemple, que la charte québécoise. Nous voulons
éviter que des institutions à charte fédérale,
comme des banques, qui opèrent également dans la province de
Québec, puissent dire qu'elles ne sont pas assujetties à cette
loi. Ils doivent être tous dans le même encadrement.
Finalement, notre dernière recommandation: «Que le
Québec stimule la croissance de l'activité
d'intermé-diation financière par une voie alternative: le recours
aux conseillers financiers.» Nous sommes d'avis qu'il faudrait aussi
accroître l'intermédiation financière par de nouveaux
moyens. En bref, le capital étranger ou le nouveau capital peut
transiter non seulement par les banques ou les institutions financières
traditionnelles, mais également par les banquiers invisibles que sont
des intermédiaires de marché, qui seraient
réglementés par les provinces et qui agiraient, notamment, comme
courtiers en financement.
Nous vivons de plus en plus, dans nos cabinets, avec la nouvelle Loi sur
les intermédiaires de marché, un nouveau phénomène.
Que ce soit un courtier en assurance de dommages, un courtier en assurance de
personnes, un courtier en valeurs mobilières ou un planificateur
financier, nous avons de plus en plus à mettre sur pied une
planification de stratégie financière pour nos clients. Alors,
nous sommes d'avis que tous ces conseillers devraient être régis
par la nouvelle loi. C'est pourquoi nous préconisons de stimuler
l'émergence d'une profession de conseiller et de planificateur
financier, titre et activité réservés, dont les fonctions
seraient encadrées selon le modèle de la Loi sur les
intermédiaires de marché.
Alors, voilà, en bref, les éclaircissements sur les huit
recommandations que comporte notre rapport. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, est-ce que
vous avez des commentaires?
Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. D'abord,
j'aimerais saluer M. Young, M. Bois et M. Derome à cette table.
Bienvenue, messieurs. Vous avez dit, tout à l'heure, dans le
début de votre présentation, que vous représentez les deux
tiers des courtiers en assurance de dommages. C'est combien, ça, les
deux tiers? Ça représente combien?
M. Young: Environ 1700 courtiers, actuellement.
Mme Robic: II y en a 1700. Alors, M. le député de
Westmount, on commence très bien avec une représentation de 1700
courtiers en assurance de dommages. C'est tout de même important, cette
représentation-là!
Je vous remercie de votre mémoire, mais votre mémoire
soulève quelques questions. La première... Voulez-vous
m'éclairer, s'il vous plaît, et me dire ce que c'est que des
agents généraux?
M. Young: Un agent général, en fait, peut
être considéré premièrement comme un distributeur ou
un grossiste. Il fait affaire, la plupart du temps, avec un seul assureur et il
peut distribuer les produits d'un assureur auprès de différents
coutiers d'assurances générales. Le problème que nous
soulevons, c'est qu'il y a une relation apparentée entre certains
assureurs et certains agents généraux. Nous avons noté un
échange de profits entre l'agent général et l'assureur en
question. Alors, l'agent général peut empocher une partie
peut-être un peu trop grosse des profits, du fait que l'assureur
se ramasse avec une certaine partie des réclamations très
importante ce qui affecte la solvabilité des opérations de
l'assureur et le met en péril.
Mme Robic: Un «middleman». C'est un
«middleman» entre la compagnie d'assurances puis les courtiers?
M. Young: Oui, si on peut dire. Légalement, j'aimerais
peut-être... Si notre aviseur légal a des points plus
précis...
M. Bois (André): L'agent général dont on
parle, c'est l'équivalent de ce qu'on désigne en anglais comme le
«general managing agent», qui ne traite qu'avec un assureur, et
qui, présentement, n'est pas assujetti à la Loi sur les
intermédiaires de marché, parce qu'il offre des produits
d'assurance à d'autres courtiers, mais pour le compte d'un seul
assureur.
Mme Robic: À d'autres courtiers, pour le compte de?
M. Bois: D'un seul assureur d'accord? parce qu'un
agent général qui offre des produits d'assurance pour plusieurs
assureurs à d'autres courtiers est régi par la Loi sur les
intermédiaires de marché. Mais
un agent exclusif, qui s'occupe de toute la gestion d'un assureur et qui
offre des produits aux courtiers, actuellement, n'est pas régi par la
loi. Ce qui se produit, c'est que l'agent général se prend une
cote très importante lors de la distribution du produit.
Alors, un exemple bien concret. L'agent général a
discrétion pour établir les primes. Il va établir la prime
de l'assureur. Disons que, sur une dépense totale de 1000 $, il va
établir la prime à 300 $, et lui va se réserver des frais
de gestion de 400 $. Alors, pardonnez l'expression, il
«crème» le marché. L'assureur se retrouve avec une
prime nettement adéquate et les véritables profits de
l'opération de souscription se retrouvent chez l'agent
général. Ou on retrouve parfois, comme par hasard, chez l'agent
général, des actionnaires qui viennent du holding de la compagnie
d'assurances. Alors, on enrichit l'agent général et,
graduellement, on appauvrit la compagnie d'assurances. Ce
phénomène-là s'est produit au Québec, il y a
quelques années, mais dans un contexte différent, avec un certain
courtier que je ne veux pas nommer, qui représentait un assureur en
particulier. L'assureur a fait faillite, et c'est le courtier très
important qui, comme agent général, se gardait tous les profits.
Alors, l'assureur n'avait même pas une prime adéquate.
Dans le rapport ontarien, il est proposé, et ça correspond
à votre souci d'harmonisation interprovinciale... M. Charlton recommande
que ce type d'intermédiaire-là soit au moins licencié pour
que les autorités de surveillance voient s'il y a du «transfer
pricing» ou du transfert de profit.
Mme Robic: II doit y avoir quelque chose que je ne comprends pas,
parce que... Quels sont les avantages, pour une compagnie d'assurances, de
faire affaire avec un agent général?
M. Bois: Les compagnies d'assurances utilisent l'agent
général pour effectuer des opérations que l'assureur
ferait habituellement lui-même: par exemple, imprimer les polices,
inspecter les risques sur le site. Alors, elle confie à l'agent
général une partie des tâches administratives qu'elle
accomplirait habituellement elle-même. Mais ce faisant, elle
surrémunère l'agent général, volontairement, pour
faire en sorte que tous les profits de l'opération d'assurance se
retrouvent chez l'agent général au lieu de se retrouver, au moins
pour une part équitable, chez l'assureur.
Alors, ça donne lieu également à d'autres pratiques
un peu étranges, et dont j'ai été moi-même
témoin. L'agent général émet une police d'assurance
je pourrai le nommer à l'Inspecteur général en
privé, j'ai vu ça dans un contexte judiciaire la
première page de la police indique une prime de 1000 $, et la
deuxième page indique une prime de 800 $. Ça, ça se
produit dans notre province. Alors, c'est un agent général
lié à l'assureur et lié au holding de l'assureur, ce qui
fait en sorte que l'assureur, lui, court des risques, et l'agent
général ne court pas de risques. Dans un souci, je suppose, de
solvabilité et de stabilité des institutions finan-
cières, bien, il faudrait éviter ce
phénomène-là. Ce n'est pas seulement que ça se
produit, ça a été observé en Ontario.
Mme Robic: Je vous avoue que, pour moi, c'est tout à fait
nouveau. J'ai quelque problème à voir l'utilité et les
avantages, pour une compagnie, de s'affaiblir en faveur de son agent
général. Peut-être qu'il y a des choses que je ne saisis
pas. Je viens de me faire donner une leçon, mais enfin, je pense qu'il
faudra regarder ça de plus près. C'est la première fois
que j'entends parler d'un agent général. Oui, M. Young. (16 h
30)
M. Young: Mme la ministre, si je peux ajouter, c'est que,
souvent, ces assureurs présentent des produits spéciaux pour un
marché difficile. Comme ils n'ont pas de réseau de distribution,
c'est pourquoi ils s'adressent à un grossiste. Ça peut être
des assureurs qui viennent de l'extérieur on en a connu à
Montréal. C'est un grossiste connu, à Montréal, qui, lui,
a un certain réseau de courtiers d'assurances générales.
Ça lui permet d'entrer dans le marché.
Mme Robic: Alors, il s'agira de regarder ça de plus
près, d'aller obtenir plus d'information, et de voir la pertinence de
les assujettir, comme on a voulu assujettir toutes les personnes qui
évoluaient dans un domaine, aux mêmes règles de formation,
si vous voulez, aux mêmes règles déontologiques. Il serait
intéressant de voir si ces gens-là doivent faire partie du groupe
spécifique des intermédiaires de marché et avoir à
rencontrer, eux aussi, certaines normes pour pouvoir agir.
Contrôle de la tarification. Qu'est-ce que vous faites des forces
du marché, vous autres? Vous voulez que ce soit nous qui
établissions la tarification?
M. Young: Pas les établir, mais les vérifier.
Mme Robic: Pas...
M. Young: On ne demande pas de les établir, mais de les
vérifier ou de les accepter. Nous voulons faire un parallèle
entre les profits... entre une saine gestion d'opération et une
solvabilité de placement. Il est connu que certains assureurs ont
présenté, pendant plusieurs années, des déficits
d'opération et ont dû cesser leurs opérations à un
moment donné. Tout ce temps-là, il y avait des profits de
placement. Alors, comme il se produit dans certains États importants,
aux États-Unis, les assureurs doivent présenter leur table de
tarification aux instances gouvernementales afin d'assurer une saine gestion
d'opération. Tout ça pour éviter, justement, une
compétition sur le marché, qui est moins saine que plus saine. Si
les assureurs doivent présenter des profits d'opération, on va
arrêter de connaître une compétition qui est souvent
illégale ou moins juste. Alors, on demande ça pour éviter
certaines faillites qu'on a connues dans notre domaine, dans les
dernières années. Je pense que M. Derome aurait peut-être
quelque chose à ajouter là-dessus.
M. Derome (Jean-Marie): L'idée, dans ça, ce n'est
pas de réglementer et de déterminer la prime que les assureurs
doivent charger, sauf que c'est d'éviter qu'une compagnie, année
après année, indique des profits, des rendements de placement, et
que, dans ses opérations, année après année, elle
fasse des déficits, des pertes techniques, ce qui fait que le rapport
primes-pertes n'est pas justifié. On continue à subir des pertes
dans le rapport primes-pertes, ce qui fait que, pour combler les pertes, on va
venir chercher une partie des bénéfices de rendement de
placement, ce qui peut grandement affecter le rendement de la compagnie. Donc,
d'utiliser, en fait, de l'argent qui pourrait servir de capitalisation à
la compagnie et de l'envoyer dans des pertes inutiles.
Mme Robic: Ce n'est pas ce qu'on peut appeler de la bonne
gestion, ça. Ça fait partie de la responsabilisation des
administrateurs de nos entreprises, qui doivent prendre leurs
responsabilités, et s'assurer que les décisions qu'ils prennent
sont des décisions qui assurent la bonne santé de leur
entreprise.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Westmount... Je vais peut-être revenir tout à l'heure, à la
page 15 de votre mémoire, sur les CMS, ce qui semble assez
intéressant, et sur l'arbitrage en matière de valeurs
mobilières, mais préalablement, je vais vous passer la parole, M.
le député de Westmount, pour respecter la règle de
l'alternance.
M. Holden: merci, m. le président. je veux aussi dire un
mot de bienvenue au regroupement des cabinets de courtage d'assurance. vous
avez dit, je crois, que vous représentez 60 % des cabinets de
courtiers?
M. Young: En fait, l'adhésion au regroupement, sur une
base volontaire... Nous sommes composés d'environ 770 cabinets,
actuellement, soit environ deux tiers des courtiers de la province.
M. Holden: Sur les grandes lignes de l'énoncé de
politique de Mme la ministre. Actuellement, qu'est-ce que vous pensez du
contrôle en général sur vos gens, sur les courtiers en
assurance? Quel est le système de contrôle et qu'est-ce que vous
en pensez? Est-ce que c'est trop onéreux, est-ce que c'est trop lourd,
ou est-ce que ça va bien? Quelle est votre attitude
là-dessus?
M. Young: Nous sommes présentement régis par la
nouvelle Loi sur les intermédiaires de marchés, la loi 134, qui
est entrée en vigueur en septembre 1991, comme vous le savez. Le
Regroupement des cabinets de courtage a été officiellement
accrédité, avec deux sièges au sein du Conseil des
assurances de dommages. Ce Conseil des assurances de dommages représente
une table de réflexion de l'industrie. On y retrouve des
représentants des courtiers d'assurances, des assureurs, du public, de
tous les intervenants, des experts en sinistres. Nous sommes en faveur, nous
travaillons très ardemment de concert avec le Conseil des assurances de
dommages, car nous sommes maintenant, tous les intermédiaires de notre
domaine, régis pas un même organisme.
M. Holden: Alors, ça va bien actuellement?
M. Young: Oui. L'évolution avec le Conseil des assurances
de dommages va très bien. C'est une très bonne table de
concertation pour l'évolution de notre profession.
M. Holden: Dans les propositions de la ministre, il y en a une
où il est question d'étudier la pertinence d'élargir le
programme des centres financiers internationaux, notamment, aux
activités de courtage d'assurance de dommages. Je me demande si vous
avez pris connaissance de cette proposition. Quelle est votre
réaction?
M. Young: J'aimerais passer la parole à notre aviseur
légal, étant donné qu'il a étudié plus en
détail que moi le document.
M. Bois: On s'est interrogé sur la signification de la
proposition et on n'a pas osé avancer de commentaire, vu qu'on ignorait
l'ampleur de la proposition. On souhaiterait...
M. Holden: Qu'est-ce que vous comprenez, vous autres, de cette
proposition?
M. Bois: Ce qu'on en comprend, à une première
lecture, c'est qu'il y aurait un système parallèle de courtage,
ce qui serait peut-être à déplorer si ça introduit
un encadrement parallèle. Mais c'est impossible, à notre point de
vue, pour le moment, de détecter l'orientation de cette proposition. On
préférerait le voir dans un texte normatif avant de se
prononcer.
M. Holden: Actuellement, comment fonctionne... Quelle est la
situation actuelle pour le marché international?
M. Young: Nous ne nous sommes pas penchés sur cette
question du tout.
M. Holden: Non?
M. Young: Non. Nous avons étudié les implications
de ce document face à notre réseau, à l'intérieur
de la province de Québec, car nous représentons...
M. Holden: Vous êtes surtout concernés par le
marché à l'intérieur du Québec.
M. Young: Oui, parce que le Regroupement des cabinets de courtage
représente surtout les petits et moyens cabinets de la province qui
opèrent à l'intérieur de la province de Québec. (16
h 40)
M. Holden: À la page 14 de votre mémoire, vous
parlez de la création d'un régime québécois
d'indemnisation. Vous décrivez des régimes privés non
québécois. Je cite votre mémoire: «les conditions
que ces régimes imposent à leurs adhérents ont tendance
à se modeler à des politiques qui ne sont pas
nécessairement en harmonie avec celles prônées par le
Québec». Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple pour
illustrer votre pensée?
M. Young: Je céderai la parole à notre directeur
général, M. Derome.
M. Derome: Quand on dit de confier un fonds d'indemnisation
à un régime public, et qu'on dit dans un même temps que ce
fonds d'indemnisation-là devrait être limité à payer
les indemnisations, et non pas à réglementer le fonds
d'indemnisation lui-même... S'il y a un fonds d'indemnisation qui est
créé, privé, dans n'importe quel secteur et qu'on lui
permet de réglementer ce secteur-là, les règlements du
fonds même pourraient venir contrevenir aux lois du Québec ou aux
lois de capitalisation du Québec. On pourrait empêcher une
compagnie de participer au fonds parce que les règles de capitalisation
privée ne sont pas les mêmes que celles que le gouvernement exige
de ses propres compagnies, des compagnies opérant au Québec.
Alors, s'il y avait un fonds d'indemnisation qui était
créé, public, surveillé par le gouvernement, qui n'avait
d'autre but que d'indemniser les personnes, il y aurait moins, peut-être,
de danger d'ingérence des fonds privés d'indemnisation dans la
détermination de la capitalisation des compagnies.
M. Holden: La ministre vous a posé une question au sujet
de vos idées sur la tarification et elle a demandé la même
question que je me posais. Les tarifs, actuellement, sont fixés par le
jeu du marché? Est-ce que c'est comme ça qu'on fixe les tarifs
d'une police d'assurance, actuellement?
M. Young: Effectivement, par la libre compétition.
M. Holden: Votre idée de faire accepter vos tarifs par, je
ne sais pas... l'Inspecteur général, ou je ne sais pas qui...
À qui vous demandez de vérifier vos tarifs, là?
M. Bois: Oui, la mécanique, là, est la suivante. Il
n'est pas demandé à l'Inspecteur général de
ratifier les tarifs, mais il est demandé plutôt de soumettre des
tarifs à l'Inspecteur général, qui, dans des cas
d'imprudence notoire dans la fixation du prix, pourrait intervenir et dire
à la compagnie d'assurances: Vous êtes nettement en bas du
coût technique du risque, ça fait 4 ans que vous faites
ça... À titre d'exemple, Les Coopérants. Pendant au moins
sept ans, Les Coopérants (générale) sept
années continues ont affiché des pertes techniques
on n'a pas remonté en arrière des pertes techniques en
assurance générale. Alors, ce système-là existe
dans un pays éminemment capitaliste, aux États-Unis, dans
plusieurs États américains, où pour l'assurance des
particuliers, on ne parle pas de l'assurance commerciale; les tarifs sont
soumis au «Insurance Commissioner» et il a 60 jours pour refuser ou
pour faire des remarques au sujet du tarif. Évidemment, dans l'esprit de
libre concurrence, ce n'est que dans des circonstances très
particulière que les autorité de surveillance vont intervenir. Un
système comme ça, selon nous, serait tout à fait
compatible avec la législation existante, puisque, dans la Loi sur les
assurances, telle qu'elle est actuellement, on dit que l'Inspecteur
général délivre le permis si la compagnie a des pratiques
commerciales saines. Les pratiques commerciales, ce n'est pas seulement dans le
placement, c'est dans l'opération.
Pour citer un grand auteur américain, ou deux auteurs, Cooper and
Fraser, dont l'ouvrage est intitulé «Banking Deregulation and the
New Competition in the Financial Services Industry», le paradoxe des
institutions financières, c'est qu'elles doivent être à la
fois compétitives et ne pas faire faillite. Or, il est de l'essence de
la compétition, ultimement, d'être éliminé.
L'équilibre fragile dans la surveillance des institutions
financières, c'est à la fois d'encourager la compétition,
mais également d'empêcher le résultat de la
compétition. Alors, le mécanisme qui existe déjà,
pas dans tous les États américains qui est très
critiqué, soit dit en passant mais dans certains États,
c'est au moins d'avoir une intervention ad hoc lorsqu'il y a abus. Intervention
tout aussi musclée, dans le cas, par exemple, de la destitution d'un
administrateur, où il y a un pouvoir d'ingérence, avec lequel
nous sommes d'accord.
Alors, voilà le système. Je le répète, il ne
s'agit pas de ratifier les tarifs, mais de donner, dans les cas extrêmes,
un pouvoir d'intervention pour noter qu'il y a pratique commerciale
malsaine.
M. Holden: En d'autres termes, il y aurait quelqu'un, un expert,
disons, dans le bureau de l'Inspecteur général, qui remarquerait
si un tarif est en dehors des normes et s'il y a risque de faillite ou...
M. Bois: Oui, mais c'est très facile. Quand vous voyez
qu'une compagnie et ces rapports-là sont
publicsdépense 1,10$, alors qu'elle perçoit 1 $ de prime,
ou dépense 1,30 $, et que ça fait 10 ans qu'elle fait ça,
à un moment donné...
M. Holden: Mais je ne comprends pas pourquoi...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Westmount.
M. Holden: .. .une compagnie ferait de la sorte. M. Bois:
Ah non? Bien, c'est la compétition. M. Holden: Juste pour
avoir les primes...
M. Bois: Oui, bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Alors, Mme la ministre, la
parole est à vous.
Mme Robic: Oui, M. le Président, je vous remercie. Je
viens à la conclusion que vous êtes tout à fait satisfaits
de l'énoncé dans le document, qui départage les pouvoirs
des organismes: la réglementation au gouvernement; l'application de ces
règlements-là, réservée à l'Inspecteur
général des institutions financières; et l'indemnisation,
à l'organisme d'indemnisation. Vous êtes d'accord avec ce
concept-là, que nous avons élaboré dans notre
document.
M. Bois: En effet.
Mme Robic: J'aimerais également, pendant qu'on est dans le
rôle de chacun, que vous nous parliez des pouvoirs de l'Inspecteur
général. Vous sembliez être assez satisfaits, là
également, de nos suggestions, du document. Comment est-ce que vous
voyez ça, vous? À quel niveau est-ce qu'il doit intervenir? Vous
lui donnez beaucoup de pouvoirs, quand on parle même d'examiner la
tarification. Je peux m'imaginer la difficulté de l'opération.
Peut-être que vous la simplifiez, vous, quand vous dites: Bien, ça
coûte tant, une police. Il y a tant de commissions payées, et
c'est plus que ce que la prime vaut. Mais vous savez fort bien que ces
primes-là, il y a un équilibre qui se fait après tant
d'années. Alors, je vois mal comment un organisme peut
réglementer, faire la surveillance de ça. Ce n'est pas si simple
que ça. Moi, j'aimerais vous entendre, cependant, sur les pouvoirs de
l'IGIF. Qu'est-ce que vous aimeriez que l'on donne comme pouvoirs à
l'IGIF?
M. Young: Actuellement, nous sommes...
Mme Robic: Je m'excuse. Non seulement les pouvoirs, quand il y a
un problème qui arrive, là, mais tout au long du processus,
même quand il n'y a pas nécessairement une évidence de
problème. Est-ce qu'il doit être très présent?
Comment est-ce que vous voyez ça?
M. Young: Tout d'abord, au niveau philosophique, nous
préconisons un cadre-contrôle identique pour tous les
intermédiaires de marché. C'est pour ça qu'à deux
ou trois reprises, dans notre document, nous apportons des pouvoirs
additionnels aux pouvoirs actuels de M. l'Inspecteur. Comme je vous le disais,
nous vivons de plus en plus concrètement, dans nos cabinets, une
nouvelle façon d'opérer. Nous devons de plus en plus mettre sur
pied une planification de stratégie financière pour nos clients,
que nous soyons courtiers d'assurances générales, que nous ayons
à l'intérieur de nos bureaux un planificateur financier ou un
assureur-vie. Alors, il y a un «mix» qui se fait entre ces
intermédiaires, maintenant, depuis que la loi 134 nous le permet. Nous
préconisons qu'une autorité, soit l'Inspecteur, encadre ces
différentes disciplines.
Quant à l'application et au suivi, soit la dernière partie
de votre question, j'aimerais céder la parole à M. Bois ou M.
Derome, s'ils ont des informations à rajouter. (16 h 50)
M. Bois: La remarque la plus judicieuse que nous ayons vue
là-dessus, c'est le pouvoir d'intervention de l'Inspecteur pour remettre
en cause l'évaluation des actifs portés aux livres de certains
assureurs. Je pense à un certain assureur qui avait acheté
massivement des bureaux de courtiers à des prix inflationnistes et tout
à fait exagérés, et il les représentait au bilan
à ce prix irréaliste. Alors, nous avons cru déceler, dans
le document, que l'Inspecteur général, qui n'avait pas ce pouvoir
très clair avant, aurait le pouvoir clair, en certains cas, de remettre
en cause les valeurs représentées aux états financiers des
assureurs. Alors, c'est une mesure non pas d'ingérence, mais de
prévention, dans la philosophie qu'on indiquait tout à l'heure de
ce fameux équilibre entre la compétition puis le souci de ne pas
laisser faillir le compétiteur. C'est la mesure la plus remarquable qui
puisse être contenue là-dedans, une mesure de prudence, de
prévention.
Mme Robic: Est-ce que vous iriez aussi loin que ce que l'on
retrouve dans la loi fédérale C-48, par exemple, la
possibilité pour l'Inspecteur général, au bout de
l'opération, de se substituer aux actionnaires pour forcer une
transaction à se faire, si une compagnie était en condition
d'insolvabilité, par exemple?
M. Bois: Vous parlez de forcer des fusions, forcer...
Mme Robic: Forcer une fusion, forcer une acquisition. ..
M. Bois: Forcer... Mme Robic: ...d'accepter... Une
voix: Une vente. Mme Robic: ...une vente.
M. Bois: Ça existe déjà dans d'autres
secteurs de l'économie, des pouvoirs. On voit, dans plusieurs lois du
gouvernement du Québec, qu'il y a des pouvoirs de consolidation, pour
certaines industries, qui peuvent être impulsés par des
autorités de surveillance, mais le Regroupement ne s'est pas
penché là-dessus. Je ne voudrais pas m'avancer, alors que les
élus ne se sont pas penchés là-dessus.
Mme Robic: Vous semblez avoir apprécié le chapitre
sur l'arbitrage au niveau des valeurs mobilières et vous nous dites
qu'on devrait peut-être tenter de l'appliquer, également, dans
votre domaine. Comment est-ce que vous verriez... Je ne vois pas les
mêmes
problèmes, nécessairement, chez vous que pour le petit
investisseur. Il me semble qu'il y a des recours, chez vous, qui sont plus
faciles pour un porteur de police que pour un petit investisseur.
M. Young: En effet, nous sommes d'accord avec ce que vous
préconisez quant aux courtiers en valeurs mobilières, mais nous
aimerions que vous alliez plus loin, et que vous fassiez la même chose
pour notre domaine. Un exemple concret: un client subit une perte à sa
résidence, et la perte est litigieuse. Alors, l'assureur peut tout
simplement refuser de payer pour le moment et demander au client d'aller
éclaircir le cas devant la cour. On sait tous qu'il y a un délai
minimum de deux ans. Alors, le client, premièrement, attend avant de
savoir s'il va être indemnisé ou non, et deuxièmement,
ça peut créer une certaine réputation douteuse dans
l'industrie. C'est ce que nous voulons prévenir. Un accès plus
rapide auprès d'un arbitre, qui pourra trancher immédiatement si
l'assureur doit ou non indemniser.
Mme Robic: Est-ce que vous verriez également cela comme un
bon moyen de régler des litiges entre des courtiers? Est-ce que c'est
quelque chose qui arrive chez vous, dans votre domaine, des litiges entre
courtiers? Non?
M. Young: Des litiges entre courtiers?
Mme Robic: Oui, entre deux courtiers.
M. Young: Non.
Mme Robic: Non?
M. Young: Non, du tout.
Mme Robic: Alors, allez, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. Il y a
un élément intéressant, qui va sûrement
intéresser mon collègue, le député de Verdun, et le
député de Lotbinière. À la page 16 de votre
mémoire, vous parlez de mesures de protection du public et, tout
particulièrement, vous faites état... Vous nous dites que... En
gros, je vais résumer votre page. Ça se résumerait
à ceci: que les assurés devraient avoir le pouvoir de contraindre
un assureur à régler, par voie d'arbitrage, un différend
fondé sur un contrat d'assurance. Je parle, ici, de pouvoir de
contrainte; vous parlez davantage d'option de choisir entre ça et le
recours judiciaire.
Ce qui m'intéresse dans cette optique-là... Est-ce que
ça se fait ailleurs, ça?
M. Young: Vous voulez dire le choix?
Le Président (M. Lemieux): Oui. Est-ce que ça
existe ailleurs, ou si c'est de votre cru, de votre esprit, de votre
imagination?
M. Bois: À notre connaissance, ça existe
déjà pour arbitrer l'évaluation des dommages quand
l'assureur et l'assuré ne s'entendent pas sur le montant même du
dommage. Ça existe déjà dans notre système de droit
au Québec, mais quand il s'agit de couverture ou de
non-couverture...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Bois: ...parce que l'assureur prétend, par exemple,
qu'il y a une exclusion...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Bois: ...ça n'existe pas au Québec. Mais je dois
vous dire que, dans le cadre du marché commun, on se penche très
sérieusement, actuellement, sur des méthodes alternatives de
résolution des différends entre les assureurs et les
assurés, en commençant, d'abord, par la conciliation...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Bois: ...et, ensuite, l'arbitrage. Ce n'est pas à
l'état de directives, mais c'est étudié de très,
très près.
Le Président (M. Lemieux): Ce serait souhaitable et au
bénéfice du grand public, nécessairement, eu égard
aux délais et ainsi de suite.
M. Bois: Oui, pas parce que l'arbitre serait
nécessairement plus sage qu'un juge, c'est le problème... Et
ça les courtiers le vivent. C'est que, surtout dans les cas d'incendie,
vous avez un créancier hypothécaire, vous avez des gens qui se
demandent s'ils auront de l'argent pour reconstruire leur maison. Ils veulent
savoir tout de suite... L'assureur peut avoir des motifs très valables
pour refuser de payer, et la cause n'est pas réglée. Alors, les
deux parties en bénéficieraient. D'une part, l'assureur n'aurait
pas des réserves en suspens. D'autre part, l'assuré saurait
à quoi s'en tenir plus vite. C'est une question de délais. Mais
pour répondre précisément à votre question: Est-ce
que ça a été implanté ailleurs? Pas à notre
connaissance.
Le Président (M. Lemieux): Mais c'est une suggestion qui
vous apparaît valable?
M. Bois: Oui.
Le Président (M. Lemieux): À la page 15,
rapidement, les CMS, les caisses mutuelles de sécurité. Encore
une fois: Est-ce que ça existe ailleurs, un tel système? Vous le
définissez à la page 15 de votre mémoire, dans le
deuxième paragraphe.
M. Bois: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Vous dites ceci: «Le
système pourrait consister en une caisse mutuelle de
sécurité...» Vous définissez,
brièvement peut-être, le type de financement et, peut-être,
l'administration. Mais la composition, le rôle d'un tel organisme, sa
composition principalement, son financement; ce qui m'intéresse c'est
davantage son financement. Comment ce financement se ferait?
M. Young: Premièrement, la première partie de votre
question. À notre connaissance, ce principe-là n'existe pas. Nous
l'avons imaginé...
Le Président (M. Lemieux): Ça, c'est de votre
imagination?
M. Young: Oui, totalement. Faire un peu de concert, si vous
voulez, avec une table de concertation, style Conseil des assurances de
dommages, à laquelle nous retrouvons plusieurs intervenants de
l'industrie. Nous avons pensé à ce principe-là.
Le Président (M. Lemieux): Le financement se ferait tel
qu'il est défini au troisième paragraphe: «La cotisation au
fonds serait calculée selon le chiffre d'affaires des institutions
financières...»?
M. Young: Exact. Oui, au prorata.
Le Président (M, Lemieux): O.K. Ça va. Je n'ai pas
d'autres questions. M. le député, ça va? On me dit que je
n'ai plus de temps. Alors, nous vous remercions pour votre participation
à cette commission parlementaire.
Je m'excuse, M. le député de Westmount, il vous reste du
temps. J'ai failli vous priver de votre temps, involontairement. On m'a
ramené à l'ordre. Allez-y, M. le député de
Westmount.
M. Holden: Ah! J'ai quelques petites questions, M. le
Président. À un moment donné, dans votre mémoire,
vous parlez de créer une nouvelle profession. Ce n'est pas parmi vos
recommandations, mais c'est à la page 20, je crois.
M. Young: En fait, c'est notre dernière recommandation, la
huitième: «Que le Québec stimule la croissance de
l'activité d'intermédiation financière par une voie
alternative: le recours aux conseillers financiers.»
M. Holden: C'est quoi exactement, un conseiller financier et un
courtier du crédit? Comment ça marche?
M. Young: Conseiller financier et...
M. Holden: Vous mentionnez qu'un courtier en assurance place les
risques de sa clientèle, qu'un conseiller financier peut exercer
l'activité du courtier pour le compte d'un prêteur et pour le
compte d'un emprunteur. Alors, ce serait un conseiller... Quel serait le titre
de ce nouvel élément de votre profession?
M. Young: En fait, la philosophie derrière ce nouveau
concept, comme je vous le disais, c'est que, de plus en plus, nous devons
mettre sur pied une planification de stratégie financière
personnelle pour nos clients. À l'aide de cette stratégie
financière, on peut conseiller à notre client, soit une
assurance-vie avec ou sans valeur de rachat, lui conseiller un REER, lui
conseiller des placements à court terme, à long terme. Alors,
c'est pour ça que nous préconisons une nouvelle vocation par
laquelle il n'y aurait pas que les banques qui puissent faire appel à
des capitaux, soit intérieurs ou étrangers. Également, le
conseiller financier pourrait faire appel à certains capitaux pour le
bien de son client.
M. Holden: Ça existe déjà des...
M. Young: Je pense que Me Bois aurait quelque chose à
ajouter là-dessus.
M. Bois: Ce qui sous-tend cette suggestion-là, c'est ce
qui suit: les institutions financières fédérales viennent
de se voir accorder le pouvoir d'agir comme conseiller financier. L'article
409, paragraphe 2 de la Loi sur les banques, accorde expressément ce
pouvoir aux banques. Vous avez l'équivalent dans les lois
fédérales sur les assurances et les compagnies de fiducie. On
accorde également, à l'article 468 de la Loi sur les banques, le
pouvoir d'une banque d'incorporer des sociétés de conseillers
financiers. On appelle ça des conseillers en investissements. Mais on
sait très bien qu'au ministère des Finances, à Ottawa, on
considère que ces gens-là vont pouvoir conseiller sur à
peu près toutes sortes de produits financiers, incluant l'assurance-vie.
(17 heures)
Nous croyons qu'il serait opportun que le Québec intervienne pour
réglementer cette activité professionnelle que les institutions
fédérales ont maintenant le pouvoir d'exercer, et que les
courtiers d'assurances exercent déjà. M. le président,
Young fait état que, sans être trop précis... Mais il y a
des courtiers, déjà, qui négocient des financements pour
leurs clients. Ils font donc une forme d'intermédiation
financière. C'est peut-être souhaitable pour activer
l'intermédiation, mais si ce n'est pas encadré, ça
pourrait être préjudiciable pour le consommateur. Alors, cette
activité-là est encore marginale pour les courtiers d'assurances
générales, mais elle ne l'est pas pour les banques. Demain, par
exemple, la Banque de Nouvelle-Ecosse pourrait incorporer Scotia Consultants,
qui va faire une planification financière complète, se disant
conseiller en investissements, et recommander à quelqu'un d'abandonner
sa police dans La Survivance, parce que les valeurs de rachat qui se trouvent
là seraient bien mieux placées avec Scotia Bank, et que Scotia
Life, elle, prendrait avantageusement charge, n'est-ce pas, de
l'assurance-vie.
Alors, ça n'a pas été très
élaboré, mais c'est un peu dans la ligne de préoccupation
du document ministériel, qui propose que le Québec exerce ses
compétences dans l'harmonisation, évidemment, mais ses
compéten-
ces. Si on laisse le champ libre aux institutions
fédérales, elles vont exercer des activités qui devraient
normalement être réglementées par les provinces.
Nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper de
ça. Le président de la Commission des valeurs mobilières
de l'Ontario, il y a environ huit mois on ne peut pas le taxer
d'excès d'autonomisme en matière d'excès de juridiction
a déploré un vide réglementaire dans ce
domaine-là.
M. Holden: Vous pouvez vous imaginer que nous déplorons
toute ingérence du fédéral dans des domaines exclusivement
québécois.
Des voix: C'est nouveau! C'est nouveau! M. Holden: J'ai
dit «nous».
Le Président (M. Lemieux): C'est dans une autre commission
parlementaire, ce genre de débat.
M. Holden: Dans votre conclusion, vous mentionnez la question des
renseignements personnels et vous formulez le voeu que ce soit une loi qui
gouverne la question, parce que, actuellement... Et la ministre nous a fait une
explication très claire de toutes les différentes lois sur la
protection des renseignements personnels, à la page 32 des
propositions.
Alors, pourriez-vous juste expliciter un peu comment vous voyez une loi
qui pourrait résoudre tous les problèmes, à tous les
niveaux et tous les différents aspects de cette question des
renseignements personnels?
M. Young: Nous avons récemment présenté un
mémoire à la commission de la culture, dans le cadre du projet de
loi 68, et nous préconisions une loi globale quant à la
protection des renseignements personnels au lieu de légiférer
sectoriellement, pour éviter que certaines institutions
financières à charte fédérale puissent supposer le
fait qu'elles ne sont pas régies par les lois sectorielles de la
province de Québec. C'est pour ça que nous préconisons une
loi globale aussi importante, par exemple, que peut l'être le Code
civil.
M. Bois: Ce qu'on peut ajouter là-dessus, c'est que vous
avez déjà un exemple. Il y a, pour examen au Sénat, un
règlement sur la protection des renseignements personnels recueillis par
les institutions financières. Il est sous examen actuellement, et ce
règlement, dans sa version actuelle, prévoit qu'il s'applique aux
filiales des institutions financières fédérales, sans
égard à leur lieu de constitution. Alors, le problème de
chevauchement qu'on y voit, c'est le suivant. Reprenons encore Scotia Bank. Si
Scotia Bank contrôle Scotia Realty, une compagnie de courtage en immeuble
qui serait filiale de cette compagnie-là, en vertu de ce
règlement fédéral, c'est le règlement
fédéral qui contrôlerait l'activité de cueillette
des renseignements personnels, par la filiale de la banque, alors que,
lorsqu'on a une loi plus générale, il me semble que les
débats constitutionnels, dont tout le monde est las, je suppose, peuvent
au moins être évités, si on a une loi de portée
générale, qui réglemente tout le secteur de la vie
privée. C'est ce que nous avons proposé à la commission de
la culture, parce que ce qui va se produire, c'est que, si vous avez une loi
sur la protection des renseignements personnels uniquement dans le secteur
financier, la première réponse que vous allez avoir, c'est que
les banques à charte vont dire: Nous, nous ne sommes pas régies
par ça. Même si elles cueillent leurs renseignements personnels
dans des nouveaux secteurs d'activité, qui n'étaient pas
dévolus aux banques autrefois, je ne sais pas, moi, pour la vente de
tickets d'autobus, je ne pense pas, même si elles ont le droit de les
vendre, que ça relève du «banking», au sens de la
Constitution. Par contre, les banques n'ont jamais prétendu qu'elles
n'étaient pas assujetties aux lois générales que le
Québec adopte dans sa sphère de compétence. Notre
appréhension... Et je dois vous souligner également que
l'Association des courtiers d'assurance du Canada, la Insurance Brokers
Association of Canada, a déjà représenté au
fédéral qu'elle appréhendait ces conflits de juridiction
en matière de protection des renseignements personnels. Alors,
voilà le pourquoi d'une loi non pas sectorielle, mais d'une loi
générale protégeant les renseignements personnels.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de
votre participation à cette commission parlementaire, et j'inviterais
les représentants... Je vais suspendre environ une minute pour permettre
aux représentants de Trust Prêt et Revenu de bien vouloir prendre
place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 10)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux pour entendre les représentants de
Trust Prêt et Revenu. Dans un premier temps, je demanderais au
porte-parole de l'organisme de bien vouloir s'identifier et de nous
présenter les gens qui l'accompagnent. Dans un deuxième temps, je
vais faire état de la procédure parlementaire.
Groupe Prêt et Revenu
M. Tardif (Paul): Alors, M. le Président, mon nom est Paul
Tardif. Je suis président et chef de la direction de Trust Prêt et
Revenu. À ma droite, M. Jean Tardif, qui est président et chef de
la direction de La St-Maurice, compagnie d'assurances; et Me Robert Archer, qui
est vice-président, affaires juridiques, chez Trust Prêt et
Revenu.
Le Président (M. Lemieux): Alors, la procédure
parlementaire fonctionne de la façon suivante. Nous disposons,
globalement, d'une heure. Vous disposez de 20 minutes pour l'exposé de
votre mémoire. Suivra un
échange parlementaire entre les deux formations politiques: 20
minutes pour le parti ministériel, et 20 minutes pour le parti de
l'Opposition, en respectant la règle de l'alternance. Alors, nous sommes
prêts à vous écouter immédiatement pour
l'exposé de votre mémoire.
M. Tardif (Paul): Je vous remercie, M. le Président.
Alors, permettez-nous tout d'abord de vous remercier de l'occasion qui nous est
donnée de présenter notre point de vue à la commission.
Nous apprécions certes tout le travail que représente votre
mémoire, et nous vous en félicitons.
Notre intervention, aujourd'hui, n'a pas pour objet de reprendre les
commentaires contenus dans le mémoire préparé par les
associations dont les compagnies membres de notre groupe financier font
respectivement partie. Mentionnons que, sur l'ordre du jour, c'est Trust
Prêt et Revenu qui est mentionné. Notre mémoire est
présenté au nom du Groupe Prêt et Revenu, dont les origines
remontent à 1928, et qui est composé du Trust Prêt et
Revenu, de Aeterna-Vie, compagnie d'assurance, dont le siège social est
à Montréal, et de La St-Maurice, une compagnie d'assurances
générales.
Alors, notre mémoire se veut plutôt le fruit de notre
réflexion sur le rôle de la réglementation gouvernementale
dans un contexte de globalisation des marchés, sur la priorité
à accorder à la vocation locale de nos institutions par rapport
à leur vocation internationale, et sur les mesures de soutien à
la croissance des institutions financières qui sont prévues au
chapitre 3 du document déposé par le gouvernement.
Alors, le rôle de la réglementation versus la globalisation
des marchés. Dans le cadre de la réévaluation des
politiques générales du gouvernement du Québec à
l'égard du secteur des institutions financières, nous croyons
à propos de prendre un certain recul par rapport au
décloisonnement des institutions, que nous connaissons, au Canada,
depuis le début des années quatre-vingt. Sous l'influence des
tendances américaines de l'époque, et avec pour objectif de
permettre aux institutions de prendre de l'expansion, il a été
décidé d'abattre progressivement les barrières qui
existaient entre les quatre piliers traditionnels. Cette décision a
donné lieu, non pas à ce qu'on a souvent qualifié,
à tort, de déréglementation du secteur financier, mais
plutôt à l'adoption d'une multitude de nouvelles mesures
législatives afin que les différents types d'institutions
deviennent de plus en plus semblables. Ces nouvelles règles du jeu ont
eu plusieurs effets négatifs sur nos institutions financières.
Parmi celles-ci, mentionnons un accroissement de la compétition entre
les institutions et, pour la majorité, des effets sur leur
rentabilité.
À l'exemple du décloisonnement dans plusieurs industries
réglementées, celui dans le secteur financier s'est fait en
essayant d'envahir le champ d'action du voisin, sur une base de coûts
marginaux, c'est-à-dire en croyant que les marges de profit avec
lesquelles fonctionnent une compagnie ne seront pas affectées par le
décloisonnement et suffiront pour amortir les coûts fixes de
l'entreprise, et qu'alors, on peut se satisfaire d'une marge moins grande dans
les activités que l'on peut ajouter. Comme le concurrent adopte une
stratégie identique, le résultat final est que toutes les
compagnies voient leur marge de profit diminuée ou même
disparaître.
Une réduction importante du nombre d'institutions
financières canadiennes. Enfin, la disparition, au Québec, d'un
certain nombre d'institutions financières sous juridiction provinciale.
Les récentes transactions impliquant des institutions financières
québécoises vont également entraîner de nombreuses
pertes d'emploi et la disparition, dans certains cas, des
sociétés acquises.
Nous connaissons présentement la libéralisation et la
globalisation du commerce des services financiers. À notre avis, si une
des principales conséquences de ce phénomène est
d'accroître la compétition à laquelle doivent faire face
les institutions financières québécoises, il est
primordial que la réaction gouvernementale, tant au niveau
réglementaire qu'au niveau taxation, n'ait pas pour effet d'augmenter
cette compétition, et pour corollaire, de diminuer la rentabilité
de ces institutions.
Les institutions financières jouent un rôle important
d'intermédiaire financier, donc d'agent économique. Elles peuvent
être des collaborateurs utiles et importants dans la réalisation
d'un plan de développement économique pour une
société. Il nous semble donc important que les institutions
financières locales soient à la fois bien encadrées,
profitables, près de leur marché afin d'en connaître les
besoins, et en assez grand nombre, afin d'assurer une vitalité au milieu
financier, le développement et la pérennité du
savoir-faire et d'une expertise en la matière.
À la lumière de l'exemple de certains pays, la
réglementation gouvernementale se doit d'être un instrument pour
assurer la solidité et la rentabilité des institutions
québécoises et autres qui opèrent au Québec. Ces
deux objectifs ne contredisent en aucune façon les objectifs
décrits dans le document de consultation et se concilient très
bien avec la priorité accordée à la protection du
public.
L'attitude gouvernementale face à la mondialisation des
marchés financiers doit, à notre avis, s'apparenter aux autres
mesures gouvernementales lorsqu'il s'agit de réglementer d'autres
secteurs de l'économie. Tout en respectant les accords signés
dans le cadre du libre-échange nord-américain, nous croyons que
le gouvernement peut, tout comme les autres pays signataires de ces accords,
légiférer de telle sorte qu'il existe, sous sa juridiction et
dans l'espace géographique qu'il contrôle, un cadre juridique et
réglementaire qui assure que les institutions qui y oeuvrent soient en
santé et rentables. Nos institutions locales seront ainsi capables
d'assurer leur développement et de contribuer par leurs activités
au développement économique de la société au sein
de laquelle elles opèrent.
Il faut bien comprendre qu'agir de la sorte ne constitue pas du
protectionnisme ou un refus du fait que nous vivons dans une ère de
globalisation du commerce des services financiers. Au contraire, adopter une
telle attitude, c'est faire preuve de réalisme par rapport aux
mesures mises de l'avant par d'autres juridictions pour protéger
leurs institutions, et c'est également jouer la partie comme elle doit
maintenant être jouée. Il faut mettre en place un cadre
réglementaire, fiscal et d'affaires, qui assurera que nos institutions
locales seront saines. Un tel cadre s'appliquera également à tous
ceux qui viendront faire affaire ici.
Vocation internationale versus vocation locale. Nous croyons à
propos, pour le gouvernement du Québec, de poursuivre le processus
d'harmonisation de ses lois régissant ses institutions
financières avec celles des autres juridictions afin de leur permettre
de s'implanter efficacement à travers le Canada. De même,
l'élaboration de nonnes cohérentes de composition et de
suffisance de capital sont nécessaires pour renforcer la
stabilité du secteur financier et pour permettre éventuellement
à un nombre restreint d'institutions financières relevant de la
juridiction du Québec d'accéder aux marchés
extérieurs.
Ces préoccupations, dont le document de travail fait état,
ne doivent certainement pas nous faire perdre de vue les besoins de notre
marché local. À cet égard, nous avons certaines
interrogations. À quoi servira-t-il d'avoir 1/20 de 1 % du marché
mondial des institutions financières détenu par des institutions
financières du Québec si, d'autre part, chaque année, nos
institutions financières locales perdent une partie de plus en plus
importante de leur marché au Québec?
L'expérience internationale de la majorité des
institutions financières canadiennes sur le marché international
est révélatrice et, pour la plupart, les a amenées
à un repli sur le marché local. Désirons-nous conserver au
Québec un nombre suffisant d'institutions financières ayant leur
siège social au Québec pour assurer le développement d'une
expertise dans le domaine et des débouchés à nos
gradués universitaires désireux de travailler dans le secteur
financier?
Les besoins de la société québécoise pour
des services financiers seront-ils mieux satisfaits dans un environnement
financier où se retrouveront uniquement des institutions
financières de grande taille? Désirons-nous permettre aux petites
institutions dynamiques, qui ont su démontrer leur efficacité et
leur expertise en passant au travers des soubresauts du secteur financier
durant la dernière décennie, de continuer à servir le
public et à se développer?
Nous croyons qu'il y a encore de la place dans le marché actuel
pour les institutions financières de petite taille par rapport aux
géants de l'industrie financière. Ces petites institutions
fournissent généralement des services plus personnalisés
par rapport aux géants de l'industrie qui sont orientés vers un
marché de masse. L'exploitation efficace de services
spécialisés, recherchés par une certaine clientèle,
mais mal adaptés au mode d'opération des grandes institutions
peut assurer le succès des petites institutions.
Tout cela est sous réserve que le cadre réglementaire et
opérationnel continue d'offrir des possibilités
intéressantes aux petites institutions. Au niveau réglementaire,
les mesures mises de l'avant doivent continuer d'offrir aux petites
institutions la souplesse requise pour survivre et soutenir la concurrence.
Quant au cadre opérationnel, le gouvernement se doit de suivre de
près certaines situations afin de s'assurer que l'environnement
financier demeure équitable pour toutes les institutions
financières. À titre d'exemple, le contrôle exercé
par les grandes banques sur le système canadien des paiements doit
être surveillé. La mainmise par un groupe restreint d'institutions
sur les systèmes modernes de paiement, tels Interac (paiements
électroniques et cartes de débit) et CDS ou CCDV (système
de compensation et de dépôt pour les valeurs mobilières)
leur donne le pouvoir de décider qui peut être admis à
participer, quels produits sont offerts et à quel prix, et du même
coup, de réduire ou d'exercer un contrôle sur la concurrence. Ici,
il faut bien comprendre, par exemple, que, dans CDS, il est facile qui
est dominé et contrôlé pas les plus grandes institutions,
les grandes banques et leurs filiales de maisons de valeurs mobilières
ils peuvent facilement contrôler l'accès, tout simplement
par la tarification. Alors, c'est très facile que la tarification ne
soit pas faite sur le volume, mais plutôt sur l'utilisation, et ça
devient presque des barrières à l'entrée.
De la même façon, actuellement, je veux attirer votre
attention. Il y a un débat sur l'assurance-dépôts, la
Société d'assurance-dépôts du Canada, au niveau
fédéral, où on parle davantage de coassurance.
Évidemment, les grandes banques poussent cet aspect, parce qu'elles
considèrent que ça ferait monter le prix du coût
d'acquisition des dépôts pour les autres, les plus petites
institutions, et ça pourrait ainsi les tasser de la compétition.
De même, lorsqu'on souligne ici le contrôle qu'elles ont sur les
systèmes Interac et les systèmes de débit ou les chambres
de compensation, encore là, par une tarification, on peut facilement
exclure ou arriver à charger plus cher aux autres institutions et tasser
la compétition petit à petit.
Les grands marchés de compensation, les grands systèmes de
compensation, par exemple aux États-Unis, ne sont pas
contrôlés par les plus grandes institutions. Alors, je pense
qu'ici aussi les gouvernements, tant au niveau fédéral que
provincial, doivent veiller à ce que six banques ou sept banques ne
contrôlent pas totalement les systèmes de compensation ou les
systèmes de valeurs. Puis, actuellement, je pense qu'il y a une partie
qui est en train de se jouer et qui est très importante. Sur ça,
il est important que le gouvernement provincial intervienne pour
protéger ses institutions. (17 h 20)
Les mesures de soutien à la croissance des institutions
financières. La lecture de plusieurs propositions contenues dans le
document de consultation nous permet de croire que le Québec
désire mettre de l'avant des mesures efficaces pour répondre aux
besoins exprimés par l'industrie tout en protégeant le public.
Nous trouvons particulièrement à propos le premier paragraphe du
chapitre 1, intitulé «Mesures d'amélioration de
l'efficacité», à l'effet que: «L'industrie des
services financiers doit aspirer à l'efficacité et il lui
appartient de définir les
stratégies qui lui permettront d'en augmenter le niveau à
l'intérieur de ses activités. Le gouvernement peut toutefois lui
faciliter cette tâche.» Pour nous, il est évident qu'il
revient à chaque institution de définir elle-même les
moyens qui lui permettront de maintenir sa capacité concurrentielle et
d'assurer son développement.
Le rôle du gouvernement est de mettre en place des mesures pour
lui faciliter cette tâche. Sur les mesures essentielles que le
gouvernement doit adopter pour remplir sont rôle, nous estimons que
celles relatives au soutien à la croissance qui se retrouvent au
chapitre 3 du document de consultation sont d'une importance vitale pour que
plusieurs institutions financières québécoises puissent
poursuivre leur progression à long terme. Au rythme où
évoluent les choses dans le secteur financier, nous croyons qu'il y a
lieu d'adopter rapidement des mesures qui facilitent la capitalisation des
petites et moyennes institutions. Dans un milieu en constante évolution,
l'adoption à court terme de mesures appropriées, même si
elles ne sont pas parfaites, serait à notre avis une meilleure
réponse aux attentes de l'industrie que de longues études sur le
sujet. De toute manière, les mesures adoptées peuvent être
modifiées ultérieurement suite à des études
à plus long terme ou en fonction de l'évolution du
marché.
Si le gouvernement désire légiférer et
réglementer de manière à protéger à la fois
le public et favoriser l'expansion de ses institutions financières, il
doit non seulement adopter des normes de santé financière
appropriées et des mesures de contrôle efficaces, mais,
simultanément, mettre en place des mécanismes pour favoriser la
transition.
L'adoption unilatérale de mesures plus contraignantes, sans qu'en
contrepartie soient adoptées d'autres mesures pour adoucir la
transition, aurait des conséquences néfastes sur les objectifs
déclarés du gouvernement de voir le secteur financier sous son
contrôle se stabiliser et amorcer une nouvelle période de
croissance.
Nous accueillons donc favorablement la proposition portant sur la mise
sur pied d'un véhicule de capitalisation. Nous croyons primordial qu'il
soit accordé autant d'importance à cette mesure qu'aux autres
annoncées dans le document de consultation. Dans ce domaine, nous
croyons que le gouvernement devrait contribuer aux efforts de certaines de ses
institutions financières pour augmenter la capitalisation dont elles ont
besoin, pour rencontrer les nouvelles normes édictées et
permettre leur croissance. À notre avis, l'intervention du gouvernement
en ce domaine est tout à fait justifiée, compte tenu qu'il a
déjà favorisé, par des mesures fiscales, le
développement d'institutions financières et de certains secteurs
tels que l'exploration minière ou la production de films.
Nous nous posons certaines questions lorsque le document de consultation
aborde, au paragraphe 3.2 du chapitre 3, la capitalisation des institutions
financières québécoises. On y mentionne que le
gouvernement désire répondre à la situation en
contribuant, si nécessaire, aux efforts de ces institutions vers le
capital externe, «mais d'une façon et dans une mesure qui devront
à la fois répondre à d'autres éléments de
problématique.» Nos interrogations portent principalement sur les
deux premiers éléments de problématique. Ainsi, lorsqu'on
mentionne le besoin des institutions de créer des alliances avec
d'autres organisations plus importantes afin de pouvoir accéder à
de nouveaux marchés, cela peut être justifié pour certaines
institutions, alors que pour d'autres, les moyens qui leur permettront de
maintenir leur capacité concurrentielle et d'assurer leur
développement peuvent être tout autres. Nous espérons donc
que cet élément mis de l'avant ne devienne pas un critère
à la contribution du gouvernement aux efforts de capitalisation des
petites sociétés.
Lorsqu'on parle, par exemple, d'alliance stratégique ou de
fusion, je dois mentionner que, à deux reprises que j'ai en tête,
on nous a parlé justement, dans notre cas, au Trust, de nous fusionner.
Même, des tiers sont intervenus pour dire que ça pourrait
être approprié de le faire. Si on avait fait ça, je peux
dire que, dans les deux cas, aujourd'hui, on serait en faillite! Alors, ce qui
peut être bon pour certaines organisations ne l'est pas automatiquement
pour d'autres; ça dépend de la stratégie de
développement de ces institutions.
Quant à la pénétration des marchés
étrangers qui est citée comme second élément de
problématique, est-il à propos que la majorité de nos
institutions penchent dans cette direction, à la lumière de
l'expérience de nos institutions canadiennes sur les marchés
étrangers? Pour la majorité de nos institutions
financières locales, leur succès dans les années futures
repose en grande partie sur leur capacité à maintenir et à
augmenter leur part de marché au Québec. Le contrôle du
marché local par nos institutions aura des effets positifs sur la
création d'emplois situés au Québec et sur le
développement de notre expertise en matière d'institutions
financières. Nous souhaitons donc que la pénétration de
marchés étrangers ne devienne pas un critère de l'aide
à la capitalisation que pourrait accorder le gouvernement.
Encore là, une façon de regarder froidement cet aspect
d'investissement à l'étranger, ça serait peut-être
de regarder de l'extérieur si on voit... Si on regarde, par exemple,
l'État de la Géorgie, de l'Alabama ou de l'Ohio... Si les
compagnies qui sont là qui sont peut-être de taille moins
grande décidaient, tout d'un coup, si elles étaient
très importantes, d'avoir une vocation internationale, la
réaction, vue de loin, ça serait peut-être de dire qu'il
serait plutôt très important de se solidifier et d'avoir une forte
mainmise sur les marchés financiers de leur État, et de laisser
les institutions, à New York, s'attaquer au marché international.
C'est un peu, peut-être, la même réaction qu'on a ici, au
Québec, où on a tellement à concentrer nos efforts pour
dominer davantage notre marché. Puis, la connaissance des marchés
financiers, lorsqu'on veut aller du côté international, en fait,
c'est toujours une connaissance locale, c'est-à-dire que, pour aller
faire du «banking» ou de l'assurance internationale, il faut
connaître les règles locales, là où on fait affaire.
Alors, ça prend de la capitalisation, une taille d'entreprise et un
«know how» toujours local, alors que très peu d'institutions
peuvent
se le permettre, au Canada.
Quant au véhicule de capitalisation le plus approprié pour
répondre aux besoins de capitalisation des institutions
financières québécoises, nous avons déjà,
lors de rencontres avec la ministre et certains hauts fonctionnaires,
présenté des projets. Dans le but de trouver une réponse
rapide et adéquate aux besoins de capitalisation, il serait
peut-être à propos d'examiner les véhicules
déjà disponibles afin de vérifier si l'adoption de
certaines modifications aux règles de ces régimes ne serait pas
une réponse appropriée aux besoins des institutions locales.
Cette façon de procéder aurait l'avantage de ne pas avoir
à adopter un nouveau cadre législatif avec tous les délais
que cela implique. Pour notre part, nous sommes toujours disposés
à collaborer avec le gouvernement pour trouver une solution
appropriée.
Nous accueillons avec satisfaction les propositions relatives à
l'accès au capital étranger, prévues au paragraphe 3.3 du
chapitre 3. Nous croyons toutefois que, dans le cas des compagnies d'assurances
IARD, il ne devrait pas y avoir de limite. À cet égard, le
gouvernement devrait harmoniser sa position avec celle des autorités
fédérales. La situation des compagnies d'assurances
générales est différente de celle des
sociétés de fiducie et des compagnies d'assurance-vie, car elles
ne contrôlent pas de l'épargne. À titre de compagnies de
services, les compagnies d'assurances générales devraient, en
regard de l'accès au capital étranger, être traitées
de la même manière que toutes les autres compagnies offrant des
services.
On doit également tenir compte du contexte canadien des
compagnies d'assurances générales qui, pour la très grande
majorité, sont contrôlées par des intérêts
étrangers. Le fait de limiter les investissements étrangers dans
ces compagnies peut amener la perte d'emplois au Québec et la
disparition de sièges sociaux. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Tardif. Mme la
ministre.
Mme Robic: Merci, M. Tardif. Je pense que vous avez
déposé un mémoire fort intéressant, et vous faites
d'excellents points, d'ailleurs. Je ne voudrais pas que vous partiez avec
l'impression que, pour nous, la seule priorité, c'est les grosses
compagnies ou les groupes, et que nous avons l'intention d'abandonner les
petites compagnies. Je crois qu'il y a de l'espace, au Québec, pour tout
genre d'entreprise. Bien sûr, à travers le monde, il y a de ces
grands groupes qui sont déjà organisés depuis longtemps.
Si nous avons modernisé nos lois, c'était pour pouvoir mieux
positionner nos compagnies, pour faire face à ces groupes
étrangers qui viennent faire affaire chez nous, même qui
investissent sur nos marchés. Donc, il faut s'assurer que nos
entreprises à nous soient de taille à faire face à cette
compétition.
Maintenant, on réalise, également, que ce qu'on appelle
nos grosses compagnies sont souvent de petites compagnies, quand on se compare
au marché international. C'est là où il devient fort
important de pouvoir créer des alliances stratégiques avec ces
compagnies-là, pour pouvoir, justement, aller sur les marchés
étrangers, non pas seules comme entreprises, mais avec des partenaires
étrangers qui connaissent très bien le marché de leur
pays. C'est essentiel. Il y a bien des compagnies qui sont allées
à l'étranger seules et qui ont été obligées
de faire marche arrière parce que, comme vous l'avez très bien
dit, elles se sont rendues compte que, ne connaissant pas la culture du pays,
ne connaissant pas les personnes avec qui faire affaire, elles se trouvaient
à être défavorisées. (17 h 30)
Donc, de là le discours que l'on tient, l'importance de
créer ces alliances si une compagnie veut pouvoir profiter d'un
marché plus large que le marché québécois. Mais, en
même temps, il est important de se rappeler qu'il y a de la place pour
des compagnies qui ne veulent faire affaire qu'au Québec, qui veulent se
choisir des niches bien spécifiques, exceller dans ces niches et
être des experts dans les produits que ces compagnies veulent bien
offrir. Et ça, bien sûr, elles représentent pour nous un
apport important au niveau des services, mais au niveau, également, de
la création d'emplois, souvent, dans toutes les régions du
Québec. Alors, il n'est pas question pour nous d'abandonner ces
compagnies-là, bien au contraire. On veut traiter nos compagnies
à un niveau égal, d'ailleurs. Je pense qu'on le dit, dans le
document, assez clairement là-dessus. D'ailleurs, on dit même,
dans le document si ma mémoire est bonne, c'est à la page
6 ou 7 où on fait la différence, quand on parle de normes,
d'harmonisation, on fait bien la différence entre une compagnie qui veut
faire affaire au niveau national versus une compagnie qui veut s'en tenir
à faire affaire seulement dans une province. On ne voudrait pas forcer
cette compagnie-là à rencontrer des normes nationales qu'elle
n'aurait pas à rencontrer puisqu'elle agit seulement sur un terrain
particulier où on peut très bien suivre ses activités,
où l'Inspecteur peut très bien suivre ses activités.
Alors, on fait la différence là. On ne veut certainement pas
forcer ces compagnies à rencontrer des normes qui pourraient leur causer
plus de dommages que de bien. On tente de faire la distinction.
Dans le début de votre énoncé, vous faites un peu
un retour en arrière, et vous faites l'analyse des conséquences
du décloisonnement. J'aimerais que vous élaboriez un peu
là-dessus, parce que ça a été, bien sûr, des
années où on a vu ça comme étant très
dynamique, comme étant nécessaire pour nos entreprises, de
prendre une certaine ampleur. Vous semblez mettre ça en doute, un peu.
Vous vous questionnez sur la pertinence de cette ouverture. J'aimerais vous
entendre, peut-être que vous pourriez élaborer plus à fond
sur ça. N'est-il pas vrai, par exemple, que ce n'est pas
nécessairement la structure qu'on a permise qui a créé les
problèmes? Il y a eu des décisions de gestionnaires. Il y a eu un
contexte économique. II y a des décisions qui, quand elles ont
été prises, semblaient être les bonnes décisions,
mais s'en est suivi un contexte économique. Ça peut
dépendre également d'une gestion plus ou moins serrée des
entre-
prises. Alors, en tenant compte de tout ça, j'aimerais vous
entendre.
M. Tardif (Paul): Voici. Effectivement, ça dépend
toujours, évidemment, en bout de ligne, peut-être, d'une
décision administrative fautive. J'essaie de comprendre... de faire
valoir, et la même chose dans notre mémoire. C'est que ça
dépend toujours des règles du jeu qui sont établies. Ici,
par exemple, actuellement, si on parle de s'harmoniser avec le reste du Canada
ou avec le monde entier, dans le fond, nous... ma perception, comment on doit
jouer la partie, ça, ça nous est imposé. On n'a pas le
choix, ça nous est imposé. Nous, là où on a le
choix et ce qu'il faut décider, c'est comment on va jouer cette partie.
Quand est arrivé... Si je remonte, par exemple, à 1980 ou
à la fin des années soixante-dix, quand on a adopté des
règles de décloisonnement pour donner plus de possibilités
aux organisations, on a changé les règles du jeu. Lorsqu'on
changeait les règles du jeu, évidemment, on ne savait pas, dans
ce temps-là, ce qu'on sait aujourd'hui. Mais en changeant les
règles du jeu, à ce moment-là, c'était en se
disant: Si, nous, on est plus fins et plus vite, peut-être qu'on va
arriver à gagner des choses. Puis là, c'était par rapport,
disons, à d'autres organisations internationales ou par rapport aux
banques, les organisations québécoises par rapport aux banques.
Mais ce que ça fait, dans les faits, c'est que, en
déréglementation ou en décloisonnement, ça permet
à l'un, par exemple à l'assureur, d'aller faire du
dépôt. Chacune entre dans les affaires de l'autre. Il arrive
exactement la même chose que dans l'aviation. En plus de ça,
stratégiquement parlant, au fil du temps, si on regarde en
arrière, ce n'est jamais à l'avantage du plus petit de faire du
décloisonnement; c'est toujours à l'avantage du plus gros.
Évidemment, si vous êtes les États-Unis ou le Japon,
vous allez prôner le libre-échange et le décloisonnement;
c'est normal de le faire. Là, vous établissez les règles
parce que vous êtes capables de dominer le marché. De toute
façon, en plus de ça, quand il arrivera quelque chose qui vous
déplaira dans le marché, vous mettrez n'importe quelle sorte de
règle et vous serez capable d'arrêter l'évolution pendant
assez de temps, devant n'importe quel tribunal. On le voit, par exemple... Je
peux vous donner des exemples avec l'acier, le bois d'oeuvre, le papier...
Quand les États-Unis... si la règle... ou dans l'agriculture,
vis-à-vis de la France... Quand la règle ne fait pas leur
affaire, ou ils changent la règle, ou ils mettent un stop pour un temps,
ou ils négocient et l'interprètent autrement. Alors, c'est la
même chose. Eux, ils vont toujours prôner le
décloisonnement, parce que c'est la loi du plus fort dans le
décloisonnement.
Nous, ce qu'on a fait ici, au Québec, à ce
moment-là, on a fait des règles de décloisonnement. On
pensait aller plus vite ou gagner des choses. Mais ce qui est arrivé
avec le temps, c'est que, dans des décloisonnements, l'un entre dans les
affaires de l'autre, comme je le dis dans mon texte, et il le fait sur une base
de coûts marginaux. Le faire sur une base de coûts margi- naux,
ça veut dire... Par exemple, moi, j'opère une compagnie
d'assurance-vie. Alors, je me dis: Je fais de l'argent avec ma compagnie
d'assurance-vie, je fais une rentabilité normale. Si j'allais faire de
la business que lui fait, par exemple, en dépôts, la compagnie
voisine, qui est soit une banque ou un trust, je n'aurai pas besoin de faire
autant d'argent que lui parce que, moi, mon «computer» est
déjà payé. Je n'aurai pas besoin de plus de personnel, je
n'aurai pas besoin de plus de locaux. Alors, je n'ai pas besoin d'amortir mes
coûts fixes. Je vais y aller... J'ai juste besoin de faire un petit peu
plus d'argent, puis ça va être de la crème sur le
gâteau. C'est intéressant. Le gars dit: Je vais faire ça,
une compagnie d'assurance-vie, les opérations vont continuer de la
même manière. Par contre, si le gars qui est courtier en valeurs
immobilières, lui, il dit: Moi, tous mes coûts sont payés
par mes transactions de valeurs immobilières. Alors, je vais faire des
régimes d'épargne-retraite, des choses... si je veux rentrer dans
la business de l'autre sur un base de coûts marginaux. Moi, je ne
chargerai rien pour la garde de valeurs ou pour agir comme fiduciaire,
zéro! Évidemment... Alors, l'autre, qui est dans la compagnie de
fiducie, lui, il dit: Bien moi, je vais entrer dans l'assurance-vie, puis je
vais entrer dans le commerce des valeurs immobilières, ça aussi,
sur une base de coûts marginaux. alors, qu'est-ce qui arrive? c'est que
tout le monde descend ses marges de rentabilité. là, ça
devient aussi une question, justement... le temps de dire: ii me faut
croître. alors, acheter du marché. si les gens se mettent à
acheter du marché en essayant d'aller avec d'autres gens dans le
marché du voisin, ils font encore ça sur une base de coûts
marginaux. alors, toutes les rentabilités de tout le monde baissent.
là, quand vous êtes sous la règle du plus fort, qu'est-ce
qui arrive? il arrive que, pour assurer la croissance, pour assurer la
rentabilité, vous allez peut-être avoir 10 %, 20 % ou 30 % des
organisations qui vont dire: je ne change pas mes règles de placements,
je ne change pas... tu continues de la même manière. d'autres
organisations ont absolument besoin, pour soutenir leur croissance, de changer
leurs règles de placements. alors, elles entrent, disons, dans le
prêt commercial, ou elles entrent dans de la deuxième
hypothèque. elles entrent dans quelque chose qu'elles ne connaissaient
pas avant, où elles n'ont pas l'expertise. à court terme, de
toute façon, elles en ont besoin pour montrer les chiffres et pour
assurer leur survie. alors, étant donné qu'on a mis des
règles qui font en sorte que les gens changent leurs méthodes de
placement, on aboutit, quelques années après, avec des graves
problèmes. (17 h 40)
C'est sûr qu'il y a des mauvaises décisions administratives
qui sont prises. Mais, qu'est-ce que vous voulez, le cadre d'opération
et les règles du jeu faisaient en sorte qu'il fallait qu'il y ait des
risques qui soient pris. Puis, lorsque vous analysez, par exemple je ne
veux pas donner de noms les institutions aujourd'hui. Ce n'est pas
qu'elles ont des problèmes, ce n'est pas automatiquement les plus
petites... C'est celles qui, pour
attaquer une business, faire des affaires et un marché qu'elles
n'avaient pas auparavant, ont été obligées de prendre des
risques et de faire des choses différentes. À un moment
donné, elles avaient besoin de ça, avaient besoin du volume
à cause des nouvelles marges, pour être capables de survivre.
Alors, je pourrais vous le mettre dans le sport. Si vous changez... si
vous prenez le hockey, par exemple, puis que vous faites jouer les joueurs sur
une patinoire de 50 pieds moins longue, puis 25 pieds ou 30 pieds moins large,
probablement qu'ils vont se cogner plus souvent. Puis, si vous les faites jouer
sur une patinoire deux fois plus longue, puis deux fois plus large,
probablement qu'ils vont se cogner moins souvent. Alors, selon la grandeur de
la patinoire, puis les règles qui existent, bien, il arrive des choses
comme il arrive. C'est la même chose avec l'aviation. Ça a
été la même chose avec le changement de
réglementation aux États-Unis sur les «savings and
loans», puis dans n'importe quelle sorte de business.
Lorsque je mentionne qu'ici, au Québec, on doit envisager le
décloisonnement et l'harmonisation non pas... On s'est fait imposer ces
règles-là, mais, nous autres, on doit apprendre à jouer
avec ça. Bien, je peux donner un exemple... bien, je peux vous en donner
plusieurs. Mais, disons, en France.
La France dans les banques fait en sorte que vous n'avez
pas le droit de payer de l'intérêt sur un compte en banque. Alors,
peut-être que ce n'est pas bon pour le gars qui a son compte de
chèques, il n'a pas d'intérêt, mais c'est bon pour le
système financier français. Alors, ils ont décidé
que le cadre d'affaires en France ferait en sorte que les banques, bien, elles
vont être solides. puis, à l'automne, lorsque j'étais
là, la barclay's, qui est une banque anglaise, a décidé
que... elle, elle est arrivée avec un produit. elle a dit: je vais payer
de l'intérêt, moi, sur les comptes en banque. alors, il y a eu
tellement de pression que le ministre français a dit: en france, on ne
paie pas d'intérêt. il est intervenu, il a bloqué le
produit de la barclay's, puis, en répondant bien honnêtement:
écoutez, monsieur, c'est juste. vous non plus, la barclay's, quand vous
faites affaire en france, vous ne payez pas d'intérêt sur les
comptes en banque. alors, évidemment, c'est extraordinaire, parce que la
barclay's, qui fait affaire en angleterre, bien, elle paie probablement de
l'intérêt sur 90 % de ses comptes en banque. puis, si elle a 3 %
en france, il y a 3 % sur lesquels elle ne paie pas d'intérêt.
mais la banque nationale de paris, la société
générale ou le crédit agricole, bien, ils ont 90 % de
leurs comptes en banque sur lesquels ils ne paient pas d'intérêt.
puis, quand ils font affaire en angleterre, il y a peut-être 4 % sur
lesquels ils paient de l'intérêt. ça fait que, quand ils
sont rendus qu'ils font affaire en angleterre ou ailleurs en europe, bien, ils
sont peut-être capables de payer un quart de plus, parce qu'il y a 90 %
de leurs affaires sur lesquelles ils n'en paient pas. d'accord?
Bien, je vais vous dire, c'est la même chose à l'envers,
ici. si on fait un programme comme «mon taux, mon toit», puis qu'on
nous oblige à prêter à 0,25 % de moins que le taux du
marché, ou «corvée habitation». on dit: vous allez
prêter à 0,25 % de moins que le taux du marché. bien,
qu'est-ce qui arrive? si la majorité de nos affaires sont au
québec, on est bien plus influencé, puis que notre marge de
rentabilité théorique est peut-être de 1,25 %, on vient de
perdre 20 % de notre marge de profitabilité. si j'ai 90 % de mes
affaires au québec, 80 %, bien, je suis affecté. mais si, par
exemple, je fais affaire beaucoup en ontario, et que j'ai 4 % de mes affaires
au québec, je peux même ignorer totalement le programme, puis, ce
n'est pas grave.
Alors, c'est ça le cadre d'affaires, le cadre
réglementaire où il faut, dans notre stratégie, nous
assurer que... C'est la même chose avec la taxe sur les salaires. On peut
dire que la taxe sur les salaires, c'est égal pour tout le monde, parce
que ça remplace la TVQ, ou que c'est égal pour tout le monde,
parce que, si vous êtes au Québec par rapport... La Banque Royale
fait affaire au Québec ou un autre fait affaire au Québec, bien,
ça baisse. Ils sont traités de la même façon. Us
sont peut-être traités de la même façon, mais ils
sont traités de la même façon sur 20 % de leurs affaires,
puis, nous autres, sur 90 %. Si c'est désavantageux sur 90 %, les
sociétés québécoises sont beaucoup plus
affectées.
Alors, c'est le message qu'on veut un peu livrer ici. Il faut être
certains qu'au Québec, notre cadre d'affaires le cadre
réglementaire, puis le cadre d'environnement dans lequel on agit
fait en sorte que les sociétés qui y oeuvrent peuvent agir de
manière normale et être en santé et profitables.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, je vous remercie,
Mme la ministre. Est-ce que vous me permettez, M. le député de
Westmount? J'aurais peut-être... Il y a certains éléments
de ce rapport-là qui me fatiguent un petit peu là. On va rester
peut-être dans le hockey. Je dis ceci: Si je conserve Pierre Pagé
comme instructeur des Nordiques de Québec, il n'y a pas de
problème. Mais, si je pose la question: Est-ce que je dois conserver
Pierre Pagé? Ça sous-entend une foule de choses;
À la page 3 de votre mémoire, vous posez des questions
très, très substantielles: «À quoi servira-t-il
d'avoir 1/20 de 1 % du marché mondial des institutions
financières détenu par des institutions financières du
Québec si, d'autre part, chaque année, nos institutions
financières locales perdent une partie de plus en plus importante de
leur marché...?» La deuxième: «Désirons-nous
conserver au Québec un nombre suffisant d'institutions
financières ayant leur siège social au Québec pour assurer
le développement d'une expertise...?»
Les questions que vous posez... Il y a des réponses qui se
cachent derrière ces questions-là réponses, j'en
suis certain, que vous connaissez. Il me semble avoir vu un semblant de
réponse à la page 5, dans le deuxième paragraphe:
«Dans ce domaine, nous croyons que le gouvernement devrait contribuer
aux
efforts...», ainsi de suite. Mais, à part ça,
croyez-vous que, d'une certaine façon, les petites institutions sont
victimes d'une forme de discrimination, ou quoi? Qu'est-ce qui se cache
derrière toutes ces questions-là? Entre vous et moi, là,
il n'y a personne, on est tous les deux.
M. Tardif (Paul): C'est ça. Bien, en fait, je
répéterais un peu les choses que je viens de dire. On l'a vu, au
cours des dernières années, la manière dont les
règles de la partie ont été faites. On a juste à
regarder les faits.
Le Président (M. Lemieux): À titre d'exemple,
j'imagine, les dépôts bancaires du gouvernement du
Québec.
M. Tardif (Paul): Oui, mais au Canada... Au Québec, on a
perdu de nos institutions qui sont disparues. Les étrangers sont
intervenus et en ont pris. On a fait pour bien faire dans les règles de
décloisonnement et tout ça, sauf que, si ça n'a pas
joué en faveur de nos institutions domestiques
québécoises, à un moment donné, on ne doit pas
avoir, il me semble, comme stratégie, de dire: Visons pour avoir 1/20 du
marché international et avoir 3 000 000 $ d'affaires à
Londres.
Le Président (M. Lemieux): Si ça a comme
conséquence la disparition...
M. Tardif (Paul): Ce qui est important, il me semble, pour nous,
c'est, au Québec, d'avoir un contrôle fort sur l'assurance-vie,
par exemple, par des sociétés d'assurance-vie
québécoises. La même chose dans les dépôts,
dans les trusts. C'est important, il me semble, de bien contrôler nos
biens financiers et de conserver l'expertise ici. S'il reste au Québec
juste un trust ou deux trusts, s'il reste juste une banque ou deux, une
compagnie d'assurances ou deux, comment vous allez faire le renouveau? Les gens
qui vont sortir des universités, ils vont aller travailler pour qui, au
juste? Comment allez-vous conserver votre expertise?
Aux États-Unis, il y a 6000 banques. On dit qu'il va y avoir une
rationalisation, ça va peut-être baisser à 4000. Ça
en fait pas mal. En Suisse, c'est gros comme le Québec, ils ont 300
banques, des banques privées. Partout où vous avez des
institutions financières, vous voulez avoir du «know how»,
vous voulez avoir de la vivacité. Moi, je dis que c'est important, au
Québec, de garder de la vitalité dans ce milieu-là et de
s'assurer que les institutions qui y sont vivent dans un cadre d'affaires
où elles vont pouvoir survivre. Alors, le cadre réglementaire
je reviens sur ça le cadre réglementaire et
d'affaires doit être là pour assurer que ces compagnies-là
survivent. Ce cadre-là, d'affaires, va faire en sorte que si les autres
compagnies étrangères veulent venir faire affaire ici, elles
peuvent venir faire affaire. Elles viennent depuis tout temps. Elles peuvent
venir faire affaire, mais elles adopteront ces règles-là et on se
sera assuré que ces règles-là font en sorte que nos com-
pagnies québécoises peuvent continuer d'exister sainement et en
santé.
Le Président (M. Lemieux): M. Tardif, si on inverse les
rôles, vous êtes assis dans la chaise de Mme la ministre, la
première mesure que vous prendriez serait laquelle?
M. Tardif (Paul): Ah! Mon Dieu! D'abord, actuellement, au point
de vue de la capitalisation, il faudrait favoriser la capitalisation. Alors, on
a proposé des mesures. Et il y a «first year», «second
year», dans les institutions. Au niveau de «first year», du
point de vue fiscal, je favoriserais les investissements dans les
sociétés. Alors, soit, comme ça a été
favorisé, par exemple, par les Lloyds, il y a des avantages fiscaux
à le faire, soit que ça a été fait en modifiant le
REA pour favoriser que les gens investissent. Je me dis comme vous
dites, entre vous et moi que, quand je vois l'argent qui est investi
dans les films, probablement que les institutions financières... Quand
je regarde le recul qu'on a depuis plusieurs années, il me semble que
ça vaut la peine de faire un effort pour contrôler, avoir la
mainmise et le «know-how» pour assurer la vitalité de nos
institutions financières. Je n'irais pas vers une
déréglementation, moi, comme... Juste, O.K. «Second
year», ça veut dire deuxième, c'est de la dette. On
pourrait favoriser facilement, sans aucun coût pour le gouvernement...
Ça, le ministre des Finances va être heureux, qu'on puisse
émettre de la dette en achetant de l'assurance, comme, par exemple, la
SDI offre à d'autres. Ça, ça serait très facile.
Mon «feeling» à moi, c'est que ça serait ma
perception très facile à faire. Ça aiderait la
capitalisation des institutions financières. Par exemple, si j'ai besoin
d'émettre 5 000 000 $, 10 000 000 $ de billets en sous-ordre, je
paierais une assurance, comme on paie à la Société
canadienne d'hypothèques, comme des compagnies peuvent payer à la
SDI, pour émettre de mon papier. (17 h 50)
Comme, actuellement, on a une période de transition, comme il est
parfaitement expliqué ici, où il y a une reréglementation
et une harmonisation et que ces règles-là font en sorte qu'elles
affectent les sociétés québécoises, si on pouvait
au moins émettre ce papier-là, ça ferait passer cette
période de transition, et ça aiderait les compagnies
québécoises à faire un pas en avant. Alors, ça,
c'est deux choses importantes.
Au niveau de la réglementation, moi, je n'aurais pas tendance
à aller dans le sens du décloisonnement. Moi, je pense que
ça prend une bonne réglementation. J'aime mieux, parce que c'est
juste les grandes règles... Comme on est un plus petit marché
avec des plus petites institutions, c'est utopique de penser que moins de
réglementation va nous servir. Ça prend, au contraire,
probablement, un cadre plus strict pour s'assurer que, dans ce cadre-là,
les institutions qui font affaire au Québec vont être saines, vont
croître, vont être solides. Si on se met à contrôler
de plus en plus notre marché, on va grossir, et on va devenir de plus en
plus gros.
Dans le fond, étudiez les stratégies du Japon, de la
France, de la Suisse, vous allez voir que c'est ça qu'ils font. C'est
impénétrable leur marché. Ils ont leurs règles,
puis c'est sévère. Alors, ils protègent leurs
institutions. Ils peuvent toujours dire à un autre: Vous pouvez venir
faire affaire ici, mais vous allez adopter les règles du pays. Ça
c'est correct. Mais les règles du pays, ça assure que
l'institution continue à survivre, puis qu'elle est forte. De
façon générale, si les compagnies peuvent survivre, elles
parviennent assez bien à servir leurs concitoyens. Alors, il s'agit de
s'assurer qu'on ait un cadre pour que nos compagnies puissent survivre.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous voulez
compléter, Mme la ministre? Je crois que vous vouliez
compléter.
Mme Robic: Oui, M. le Président. J'écoutais,
c'était assez intéressant. Dans le fond, je pense que je vais
prendre votre analogie, M. le Président, quand vous parlez d'un joueur
de hockey. Moi, je vais vous parler de la glace, de la grandeur de la glace.
Vous aimeriez ça qu'on reste, chez nous, sur notre patinoire. Mais,
malheureusement, la réalité est tout autre. Il y a beaucoup de
monde qui sont sur notre patinoire. Si on était restés tout seuls
sur notre patinoire, peut-être... Même pas sûr, parce que
notre clientèle est bien petite, finalement. Mais il y a bien des gens
qui nous arrivent sur notre patinoire.
Alors, il faut que nos compagnies soient bien équipées
pour pouvoir «compétitionner» ces gens-là, qui
existent depuis longtemps, et qui arrivent avec leurs grosses compagnies, leurs
machines, si vous voulez, pour venir vendre des produits, offrir des produits.
Ces compagnies-là, ce n'est pas... il ne faut pas les voir comme
étant... Comment je dirais? Ce sont des adversaires en affaires, mais ce
n'est pas mauvais qu'elles soient là. Elles stimulent le marché,
elles font travailler des gens. Il n'y a pas seulement les compagnies à
charte du Québec qui donnent des emplois au Québec, il y a des
compagnies étrangères qui donnent des emplois également.
Alors, ce n'est pas seulement néfaste. Il y a des bons
côtés à tout ça. Mais il y a, sur la patinoire,
beaucoup plus de joueurs, et quand ces joueurs ont commencé à
arriver ici au Québec, on s'est rendu compte que, peut-être, nos
joueurs étaient mal équipés face à cette nouvelle
compétition, et qu'il fallait bien les équiper. Sans oublier pour
autant qu'il y a des joueurs qui ont décidé de jouer, de rester
sur une plus petite patinoire, et de jouer d'une façon très
spécialisée. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas... il y a
différents joueurs et il faut les reconnaître ceux-là. Je
pense que ce serait une erreur de penser qu'on peut rester seuls sur notre
patinoire. C'est là où on serait en danger de
disparaître.
Vous avez raison quand vous dites: C'est dangereux, quand vous avez des
programmes que, nous, comme compagnie québécoise, on met de
l'avant, qui nous coûtent il y a un coût au bout de ce
programme-là et que les compagnies étrangères
peuvent même ignorer le programme. Si elles l'adoptent, ce
programme-là, dans la partie qui est investie au Québec, c'est si
petit que, dans leurs livres, ça ne dérange pas beaucoup. Mais
c'est pour ça également qu'il faut qu'on ait des compagnies qui
aillent ailleurs, pour pouvoir équilibrer, justement, diversifier les
risques, pour ne pas que les risques soient tous au même endroit. Donc,
c'est une protection, ça aussi, la diversification des risques.
En conclusion, j'aurais voulu qu'on élabore sur le
véhicule de capitalisation. C'était un point essentiel de leur
présentation, et ils nous ont dit que c'était, d'ailleurs, ce
qu'ils calculaient de plus important. Alors, j'aurais aimé ça
s'ils avaient eu le temps un peu d'élaborer sur le véhicule de
capitalisation. Comment est-ce que vous voyez ça, vous, ce
véhicule-là?
M. Holden: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, M. le
député... Alors, M. le député de Westmount,
allez-y.
Mme Robic: Je m'excuse, M. le député.
Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y. Nous allons vous
donner tout votre temps. Vous avez été très
«collaboratif».
M. Holden: J'ai été très heureux de partager
avec vous, M. le Président, mais la ministre a amplement le temps de
faire valoir ses vues. Peut-être que le mémoire de Trust
Prêt et Revenu ne plaît pas à la ministre, je ne sais pas.
Moi, je suis très sensible à votre argumentation, et j'aimerais
demander... Quand vous parlez de... En tout cas, vous êtes un trust qui
n'est pas de l'envergure de Trust Royal ou...
M. Tardif (Paul): Non. Seulement...
M. Holden: Est-ce qu'il y a des chiffres que vous pourriez
me...
M. Tardif (Paul): Oui. Les compagnies membres du groupe Trust
Prêt et Revenu, qui a son siège social ici, à
Québec, qui fait affaire partout en province, qui a un bureau à
Ottawa, a des actifs de 675 000 000 $, des biens sous garde, sous gestion,
d'à peu près 6 000 000 000 $. La compagnie Aeterna-Vie, compagnie
d'assurance-vie dont le siège social est à Montréal, a des
actifs d'environ 225 000 000 $. La St-Maurice, compagnie d'assurances IARD, qui
a son siège social ici, à Québec, écrit pour
à peu près 35 000 000 $ de primes annuellement. Alors, ce sont
les trois compagnies qui forment notre groupe financier.
M. Holden: Est-ce que vous verriez deux vitesses ou deux niveaux
de réglementation, ou est-ce que ça se ferait par exception, pour
les compagnies qui font affaire plus localement? Comment vous envisagez
ça?
M. Tardif (Paul): En fait, non. Je pense qu'il y a un
système de réglementation. Est-ce qu'il peut y avoir certaines
exceptions pour les compagnies qui font localement? Honnêtement, ce ne
sont pas des choses auxquelles nous nous sommes attardés. Nous avons
concentré notre mémoire sur seulement quelques points. Puis, pour
la réglementation, nous, c'est un système, un cadre d'ensemble.
Mais, justement, notre approche sur la réglementation, au Québec,
c'est de faire en sorte qu'elle assure, que ce soit un mode d'opération
qui assure la survie, puis la santé de nos institutions
financières. Il ne faut pas qu'il soit surcompétitif ou... Puis,
là, on est dans une période de transition. Alors, il faut
s'assurer qu'on franchit bien cette période de transition. Un des points
les plus importants, à ce moment-là, c'est la capitalisation.
M. Holden: Vous avez prôné même une
réglementation assez sévère. Vous avez mentionné le
Japon. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que l'Inspecteur
général devrait avoir le pouvoir d'aller réorganiser les
compagnies, tel qu'explicité un peu dans les propositions de la
ministre? (18 heures)
M. Tardif (Paul): Pour nous, c'est une autre chose. Notre
approche sur la réglementation... J'ai de la difficulté,
probablement, à faire valoir ce point-là. Lorsque Mme la ministre
parlait de la globalisation... La globalisation, pour nous, on n'est pas contre
ça. On ne peut pas fermer le Québec. On sait bien que... D'abord,
les compagnies d'assurances étrangères, elles sont ici depuis 100
ans. Alors, ce n'est pas... Ça, on sait ça. Ce qu'on dit, c'est
qu'il faut une réglementation, au Québec, qui, justement, dans la
partie... Ce n'est pas une partie de hockey, mais la partie de mondialisation
qui se joue actuellement, nous, il faut la jouer de telle façon, en
mettant des règles qui font en sorte que nos compagnies locales peuvent
survivre, étant donné qu'on sait qu'il va y avoir des compagnies
de partout qui viendront faire affaire ici et qui adopteront des règles.
Qu'on impose des règles qui font en sorte que ça assure au moins
que nos compagnies vont survivre.
Votre question sur la réglementation. Alors, on pense, à
ce moment-là, que le cadre réglementaire et le cadre d'affaires
doivent être importants et doivent être assez
sévères. On aime davantage un cadre réglementaire plus
explicite qu'un cadre réglementaire moins explicite, et, à ce
moment-là, sur une base qui peut être plus subjective, plus
aléatoire, prévoir des interventions, soit du bureau de
l'Inspecteur général ou du ministre. Il me semble que ce serait
mieux d'avoir un cadre réglementaire plus explicite et, à ce
moment-là, avoir des pouvoirs pour l'Inspecteur général
qui, oui, se doivent d'être importants. Ils doivent être aussi
explicites. Dans ça, l'approche, comme on parle d'autres pays, doit
être aussi un entre les institutions financières et
le bureau de l'Inspecteur, qu'il y ait davantage de partenariat. On est
là pour bâtir des institutions financières ici, et de
collaboration.
M. Holden: Je suis impressionné par... Quand vous parlez
de la prédominance des grandes banques, je suis d'accord avec vous. Vous
dites que le pouvoir des banques sur le système canadien des paiements
leur donne ça, ça vient de votre mémoire le
pouvoir de décider qui peut être admis à participer, quels
produits sont offerts, et à quel prix, et, du même coup, de
réduire ou d'exercer un contrôle sur la concurrence. Je vois que,
parmi vous trois, il y en a deux qui sont avocats ou peut-être notaires,
je ne sais pas.
M. Tardif (Paul): Avocats, oui.
M. Holden: Au sujet de la compétence constitutionnelle,
est-ce que vous avez des commentaires à faire sur cette ingérence
par les banques dans les domaines de juridiction exclusive des provinces?
M. Tardif (Paul): Honnêtement, au point de vue
constitutionnel, on ne s'est pas mis à étudier ça, on ne
s'est pas attardés véritablement. Ce n'est pas sur ce point de
vue qu'on s'est attardés. Nous, notre préoccupation, c'est
davantage au point de vue affaires. Les banques, ce qu'on veut... Au Canada, on
va avoir six, sept banques et c'est tout qui vont
contrôler, si ça continue, tous les trusts, les compagnies de
valeurs mobilières. Puis, peut-être, dans 10 ans, toutes les
compagnies d'assurances... Est-ce que c'est ça qu'on veut? On va trouver
que ça ne fait pas un marché où il y a beaucoup de
vitalité. D'ailleurs, déjà, je ne suis pas certain que,
dans les banques, il y a la vitalité et le nombre qu'il devrait. Alors,
c'est surtout à ce point de vue là. On s'en va vers un oligopole
pour contrôler tout.
Puis, dans des règles de décloisonnement...
inévitablement, à un moment donné, à la longue,
ça va être l'exception qui va vivre en dehors de ça, parce
que les grandes banques vont être de plus en plus grosses. Quand vous
pouvez vous payer des erreurs de 200 000 000 $, 300 000 000 $, bien, ça
aide, même plus.
M. Holden: De 6 000 000 000 $ avec la famille Reichmann. Je
pourrais même vous suggérer quelque chose que vous n'êtes
pas obligé de commenter, mais ça se peut qu'un Québec
souverain serait mieux adapté pour protéger les petits trusts
contre les grosses banques que le système actuel. Mais je ne vous
demanderai pas de commenter.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît!
M. Chagnon: M. le Président, si vous vouliez dire à
votre député qu'il prend de l'âge.
Le Président (M. Lemieux): Sur ce, est-ce que vous
avez...
M. Holden: Non. J'ai suggéré ça à nos
visiteurs, et j'ai dit qu'ils n'étaient pas obligés de
commenter... et vous non plus!
Le Président (M. Lemieux): Non, je m'excuse. M. le
député de Saint-Louis, la parole... Mme la ministre, la parole
est à... M. le député de Verdun, la parole était
à M. le député de Westmount. Alors, il avait raison de
dire que vous n'aviez pas de commentaires à apporter à sa
question.
Maintenant, je vous remercie, M. le député de Westmount.
Je remercie les membres de cette commission parlementaire. Je vous remercie
d'avoir présenté votre mémoire, et nous suspendons nos
travaux jusqu'à 20 heures, pour entendre Mme la
secrétaire, s'il vous plaît le Bureau d'assurance du
Canada.
M. Gautrin: Est-ce qu'on va laisser nos...
Le Président (M. Lemieux): C'est à votre
discrétion, M. le député de Verdun.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Chagnon): Je demanderais aux membres du
Bureau d'assurance du Canada de bien vouloir prendre place. Nous allons
commencer immédiatement.
Messieurs, est-ce que vous auriez l'obligeance de vous présenter,
s'il vous plaît.
Bureau d'assurance du Canada (BAC)
M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Mon nom est
Raymond Medza. Je suis le directeur général du Bureau d'assurance
du Canada au Québec. Je suis accompagné de M. Réal
Circé, qui est le président et chef de la direction de La
Capitale, compagnie d'assurances générales; de M. Jean Tardif,
qui est le président de La St-Maurice, compagnie d'assurances; et de M.
Jean Bouchard, qui est le président du conseil de La Laurentienne
générale, compagnie d'assurance inc.
C'est ce dernier, d'ailleurs, qui était chargé du groupe
de travail sur l'analyse des propositions de politiques pour le secteur
financier du Québec. C'est lui-même qui vous présentera
tout à l'heure les commentaires du BAC, au nom des assureurs à
charte du Québec.
Juste avant, M. le Président, quelques mots pour vous rappeler
que le Bureau d'assurance du Canada est l'organisme qui représente la
majorité des assureurs de dommages opérant au Canada. Au
Québec, les orientations sont déterminées par le
comité BAC-Québec qui regroupe les chefs de la direction des
compagnies d'assurances de dommages parmi les plus importantes au
Québec.
Quoique fondamentalement en accord avec plusieurs des propositions de la
ministre, le BAC souhaite vous faire ses commentaires et certaines
recommandations qui, d'ailleurs, s'inscrivent tout à fait dans la ligne
de pensée que le BAC a déjà tracée lors de
l'analyse de différents projets de loi ou de documents de consultation
présentés ici, au gouvernement du Québec.
J'inviterais donc M. Bouchard à poursuivre, si vous me le
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Absolument. Je voudrais tout
simplement souligner que vous avez 20 minutes pour faire votre
présentation. Suite à cela, les membres de la commission, de
l'Opposition et du parti ministériel vous poseront des questions comme
il se doit.
M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Comme vient de
le mentionner M. Medza, le BAC est fondamentalement d'accord avec plusieurs des
propositions de la ministre. Toutefois, nous désirons rappeler les
besoins particuliers des assureurs de dommages du Québec, afin de
favoriser leur croissance et ce, même si le secteur des assurances de
dommages n'est mentionné que très peu dans le document de
consultation.
C'est pourquoi, d'entrée de jeu, nous désirons
énoncer ce que nous qualifions d'environnement favorisant la croissance
de l'assurance de dommages au Québec. Nous souhaitons donc, et je ne
répéterai pas l'ensemble du mémoire que nous avons soumis,
mais je tâcherai simplement de donner les grandes lignes pour... On
pourrait peut-être prendre plus de temps pour la discussion, s'il y a
lieu. (20 h 10)
Alors, nous souhaitons particulièrement que... D'abord, un
encadrement qui reconnaît les spécificités du secteur de
l'assurance de dommages, qui sont différentes du secteur de l'assurance
de personnes; 2° un encadrement législatif et réglementaire
amélioré qui favorise une plus grande efficacité de nos
sociétés; 3° des règles qui assurent la
stabilité financière des institutions tout en respectant les
acquis que nous avons eus au cours des années passées; et enfin,
un environnement propice au développement, c'est-à-dire où
l'État n'agit pas comme concurrent de l'entreprise privée,
où le régime fiscal ne pénalise pas les institutions, un
régime qui favorise des investissements pouvant supporter son
développement et qui favorise l'accès au financement.
Comme nous partageons des objectifs qui sous-tendent le document
ministériel, nos commentaires porteront sur ces grands objectifs,
à savoir l'efficacité, la stabilité du système et
sa croissance.
D'abord, ce que nous entendons par un environnement efficace. Il est,
à notre sens, conditionné par les quatre éléments
suivants.
La cohérence entre les diverses législations. La
cohérence doit se retrouver à l'intérieur d'un même
secteur, mais pas nécessairement à l'échelle
intersectorielle, puisque chaque secteur d'activité doit comprendre ses
propres spécificités.
En deuxième lieu, et ce qui nous apparaît très
important, c'est la reconnaissance mutuelle des juridictions au Canada. Dans
l'environnement actuel qui évolue et s'internationalise, il y a urgence
de s'entendre sur la reconnaissance mutuelle des juridictions, tout comme sur
l'harmonisation, au moins sur des éléments fonda-
mentaux. En ce sens, le modèle de licence unique de la
Communauté économique européenne est intéressant en
ce que la juridiction d'incorporation est mandatée pour effectuer la
surveillance et le contrôle et fournir l'information aux autres
juridictions dans lesquelles l'assureur opère.
Également, des normes minimales de solvabilité. Nous
convenons que l'établissement de normes minimales de composition et de
suffisance de capital applicables aux assureurs de dommages est une condition
essentielle à l'harmonisation des normes et la reconnaissance d'une
juridiction, d'autant plus que ces normes sont nécessaires
également pour la crédibilité financière de notre
industrie. Nous soumettons toutefois que ces normes doivent être
basées sur des principes internationalement reconnus. Nous discuterons
d'ailleurs un peu plus tard de cet aspect.
Nous souhaitons également l'allégement des lourdeurs
administratives. Nous croyons que la bureaucratisation exagérée
des organismes de contrôle est contre-productive, autant au niveau de
l'appareil gouvernemental qu'au niveau des entreprises qui sont sous
contrôle.
Nous recommandons d'abord de créer un environnement
législatif et réglementaire qui s'apparente de plus près
aux normes et pratiques reconnues internationalement. Deuxièmement,
d'évaluer l'impact de toute nouvelle loi, et n'implanter aucune mesure
qui nécessiterait des ressources additionnelles dans l'appareil
gouvernemental. Une analyse d'impact devrait de plus tenir compte du fardeau
additionnel aux entreprises et mesurer les conséquences en termes de
coûts et de pertes d'énergie sur la compétitivité
des assureurs.
Ce que nous entendons par un environnement stable. Nous sommes d'accord
que la stabilité du secteur d'assurance de dommages repose sur les trois
éléments suivants: d'une part, des normes de solvabilité;
un pouvoir de contrôle et de surveillance et un régime
d'indemnisation. L'application des normes de solvabilité doit être
établie selon les principes suivants. Les normes devraient être
définies selon des critères propres au secteur d'assurance des
dommages. Ce devrait être des règles qui s'inspirent de normes et
pratiques reconnues internationalement. La reconnaissance de ces règles
devrait se faire par l'ensemble des juridictions canadiennes, de façon
à ne pas pénaliser particulièrement les entreprises sous
juridiction québécoise. Nous recommandons donc de créer un
comité d'étude composé de représentants de
l'industrie et du gouvernement, mandaté pour l'analyse des règles
actuelles et l'identification des alternatives en matière de
solvabilité, capitalisation, financement et placements.
L'exercice du pouvoir de surveillance et de contrôle des
autorités réglementaires. Nous sommes d'accord pour qu'une
surveillance raisonnable soit exercée par l'Inspecteur
général des institutions financières. Dans notre rapport,
les remarques que nous faisons ne visent aucunement les individus en place,
mais simplement un cadre de politique et un cadre d'opération qui soient
acceptables, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau des opérations
du secteur. À notre avis, le seul rôle de l'Inspecteur
général devrait être de s'assurer de la santé
financière des assureurs et son action devrait se limiter à ce
qui est nécessaire à cette fin. Souventefois, les rapports
demandés sont coûteux, autant pour le gouvernement qui doit en
faire l'analyse, que pour l'industrie des assurances, qui doit les
préparer. À notre avis, certaines de ces demandes
dépassent les besoins de renseignements utiles pour s'assurer de la
santé financière des institutions. À titre d'exemple, nous
ne croyons pas que nous ayons besoin ou que l'Inspecteur
général ait besoin de s'enquérir des tarifs des
assureurs en vue de protéger l'assuré. Dans un contexte aussi
concurrentiel que celui de l'assurance des dommages, il nous apparaît que
c'est un rôle superflu.
Un autre exemple. Après avoir reçu les états
financiers contenant le rapport des vérificateurs, après avoir
reçu la certification actuarielle, et suite à
l'établissement d'un fonds d'indemnisation, serait-il nécessaire
que l'Inspecteur collige l'information pour la traiter lui-même dans ses
propres systèmes pour se satisfaire de la situation financière
d'un assureur? Nous ajoutons qu'on ne peut pas tenir les administrateurs et
dirigeants responsables des résultats s'ils ne sont pas, en même
temps, maîtres des décisions qu'ils prennent.
Nous recommandons donc fortement de revoir les pouvoirs accordés
aux autorités de surveillance et de contrôle et de les
redéfinir selon des paramètres raisonnables reflétant les
réalités du secteur et les réalités
économiques. Nous souhaitons également un régime
d'indemnisation qui protège les assurés selon les limites
prévues. Chaque secteur d'activité financière
présente des différences fondamentales au niveau de la nature du
risque, de l'ampleur et de l'impact d'une mauvaise situation
financière.
En assurance de dommages, le BAC considère que le régime
mis en place répond bien aux besoins. La Société
d'indemnisation en matière d'assurance IARD a été
créée en 1988, avec l'accord de tous les assureurs de dommages au
Canada et leur adhésion individuelle. C'est une mécanique qui a
été également acceptée par l'ensemble des
autorités de contrôle au Canada. Un mécanisme
d'indemnisation existait déjà même avant la création
de la Société. Il était administré par le Bureau
d'assurance du Canada et subventionné par les assureurs. En 1988, la
Société prenait en charge les dossiers de liquidation,
particulièrement de sociétés à charte autre que du
Québec, qui étaient alors en cours, et en a continué la
gestion depuis.
Nous croyons que le système d'indemnisation au niveau de
l'assurance IARD fonctionne bien, semble efficace, et le tout, à des
coûts raisonnables. Compte tenu de ces éléments, il ne nous
apparaît pas utile de le remettre en question à ce moment-ci.
Cependant, s'il s'avérait que des modifications de fonctionnement
devaient être discutées, nous serions quand même ouverts
à le faire.
Un environnement propice à la croissance. En dernier lieu, nous
désirons vous faire connaître nos vues sur ce que constitue un
environnement propice à la
croissance, vers lequel doit tendre toute proposition concernant notre
industrie. Nous déplorons d'abord l'intervention continuelle et
quotidienne du gouvernement dans les marchés et un protectionnisme qui
ne devrait plus avoir cours dans l'économie actuelle.
Cet interventionnisme comporte des conséquences négatives,
soit d'enlever à l'entreprise privée des parts importantes d'un
marché déjà restreint, et d'augmenter les impôts et
les taxes prélevés, qui ont déjà atteint un niveau
inacceptable et qui créent des déficits successifs de plus en
plus élevés contribuant à un endettement national
critique.
Dans ce contexte, nous sommes d'avis que, parmi les conditions
essentielles à un environnement propice à la croissance, nous
retrouvions au moins les suivantes, qui constituent nos quatre dernières
recommandations.
Que le gouvernement n'envahisse plus les champs qui peuvent être
gérés par l'entreprise privée, et qu'il libère...
qu'il trouve une façon de libérer les champs d'activité
déjà occupés à titre d'assureur.
Que soit revue la taxation des assureurs de dommages, et donner à
notre industrie les allégements fiscaux requis pour lui donner au moins
une position de chance égale, ou de «level playing field»,
pour employer l'expression anglaise, par rapport aux autres institutions
financières et par rapport aux institutions financières
également sous d'autres juridictions.
Donner aux assureurs de dommages l'accès aux capitaux nationaux
ou étrangers sur le plan de la propriété. Faciliter
l'accès au financement, soit par des emprunts ou des placements qui sont
permis dans d'autres secteurs financiers.
En conclusion, pour employer les mêmes termes que le rapport
ministériel, nous souhaitons la création d'un espace financier
invitant et approprié au secteur de l'assurance de dommages. La
réflexion, quant à notre secteur, doit tenir compte de
l'environnement économique global mais également du contexte
particulier de notre industrie.
Alors, c'étaient mes remarques préliminaires, M. le
Président.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M.
Bouchard. J'inviterais maintenant Mme la ministre à commenter votre
mémoire.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, M.
Bouchard, M. Circé, M. Medza, oui, et vous êtes accompagnés
de M. Tardif, cet après-midi. M. Bouchard, est-ce que je peux vous
demander, avant même de débuter, combien de membres vous
représentez à cette table? (20 h 20)
M. Bouchard: En termes de nombre exact, nous
représentons... Le Bureau d'assurance du Canada représente
environ, je dirais, en termes de primes souscrites, 85 % des primes souscrites
au Canada. En termes de nombre d'assureurs, ça représente la
très grande majorité du nombre d'assureurs, mais je n'ai pas le
nombre exact 184 groupes d'assureurs, qui représentent au-
delà de 80 % des assureurs qui souscrivent de l'assurance au canada.
Mme Robic: Merci. Je vous remercie de votre présentation.
Je ne crois pas me tromper en disant que le mémoire... Notre
énoncé de politique, finalement, semble rejoindre vos
préoccupations, pour la majeure partie, ou j'ai mal compris votre
intervention. Il semblait que vous nous suiviez au niveau de l'harmonisation,
de la création d'un espace financier canadien. Vous sembliez être
d'accord avec nous. Quand nous présentons cet espace financier canadien,
on fait une suggestion dans le document, à la page 8, si je ne me trompe
pas. J'aimerais peut-être que vous puissiez commenter ce modèle
que l'on a mis de l'avant.
Également, j'aimerais... Voulez-vous commenter tout de suite?
M. Bouchard: Si vous voulez. Enfin, à votre
goût.
Mme Robic: Allez! Allez! Ça va.
M. Bouchard: Nous sommes, en effet, d'accord sur... Enfin, votre
document présente un ensemble de principes. Je pense que vous avez
entièrement raison. Nous sommes d'accord sur un ensemble de principes,
particulièrement au niveau de l'espace financier canadien. Je pense que
nous avons fait référence nous-mêmes, et je crois que...
Même, dans un discours que vous prononciez hier, Mme la ministre, je
pense qu'on faisait rapport... Enfin, on était tous les deux à
des tribunes différentes, et on faisait, les deux,
référence à la reconnaissance des règles
d'application au niveau de la Communauté économique
européenne. Je pense que l'approche prise à la page 8 de
votre document de politiques est quelque chose qui s'apparente d'assez
près à ce qui se passe au niveau de la Communauté
économique européenne.
Là où, quand même, nous avons des
inquiétudes, c'est que, pour employer une expression un peu populaire,
disons pour avoir ce tango avec d'autres partenaires, il faut que les deux
veuillent danser. Il nous apparaît que... Au niveau d'autres
juridictions, je ne sens pas nécessairement la même ouverture, et
je pense que c'est revenu à différentes reprises dans les
représentations que nous avons faites dans le passé.
On parle d'harmonisation, oui, mais on parle beaucoup aussi... et je
pense qu'on a toujours mis l'insistance sur la reconnaissance des juridictions
respectives au niveau canadien. C'est, je pense, à ce niveau-là
que le débat politique doit se faire. Il m'apparaît que c'est
urgent de le faire. Tant que nous avons des sociétés
enfin, si on parle de sociétés à charte
québécoiseà charte québécoise, je
pense que c'est important que le débat se fasse à ce
niveau-là, parce que... et cela a été souligné
à différentes reprises. Si vous reculez, par exemple, d'une
vingtaine d'années, l'harmonisation était à peu
près parfaite au Canada parce que c'étaient des
sociétés fédérales et que l'harmonisation se
faisait au
niveau fédéral. Les sociétés qui
étaient québécoises à ce moment-là
n'opéraient qu'au Québec. Dès que nous voulons sortir du
Québec avec des sociétés à charte
québécoise, si nous ne rencontrons pas les normes
fédérales, nous avons d'énormes problèmes. Je pense
que je ne vous révèle rien en disant ça. Donc, sur le plan
des principes, je suis d'accord avec vous.
Sur le plan de la réalisation, si le gouvernement
fédéral et les gouvernements des autres provinces ne sont pas
prêts à débattre, disons, des normes minimales
d'harmonisation... On ne parle pas de s'harmoniser sur l'ensemble de ce qui
encadre toutes les institutions financières, mais, au moins, de normes
minimales qui permettent à nos sociétés d'opérer
à la grandeur du Canada.
Mme Robic: Je suis plus optimiste que vous. Ce ne sont pas des
exercices qui sont souvent faciles, mais je pense qu'avec de la bonne
volonté et le vouloir politique, il y a une façon d'arriver
à des ententes.
Vous avez touché aux pouvoirs de l'Inspecteur
général, des organismes de surveillance je pense que c'est
important également. Dans notre document, nous avons tenté
d'équilibrer en donnant plus de responsabilités aux entreprises,
aux compagnies, en leur donnant plus de pouvoirs au niveau de leurs placements
et en établissant des normes de solvabilité qui sont
basées sur la qualité des actifs, sauf que là, nous vous
donnons beaucoup plus de latitude. Mais, en contrepartie, cependant, nous
regardons la possibilité de donner plus de pouvoirs à
l'Inspecteur général. J'aimerais, peut-être, que vous nous
donniez vos impressions sur cette politique, et jusqu'où... ou comment
voyez-vous... Quand vous me dites que l'Inspecteur général doit
jouer son rôle, quel est son rôle, et où doit-il le jouer,
ce rôle-là? Jusqu'à quel point est-ce qu'il doit le jouer,
son rôle?
M. Bouchard: D'accord. Je pense que nos remarques se font... Je
pense qu'on a essayé de cerner de façon aussi précise que
possible, mais c'est un document, quand même, qui laissait beaucoup de
latitude quant aux commentaires que nous pouvions faire. Comme industrie, nous
avons à coeur d'avoir toute la crédibilité dont nous avons
besoin pour opérer dans les marchés. Donc, pour tout ce qui
touche la solvabilité des entreprises, je pense que nous partageons les
mêmes objectifs. Ça, il y a une question de degré, à
un certain moment donné. Si je regarde... Par exemple, quand on regarde
la solvabilité des entreprises, nous avons déjà la
certification des réserves qui a été établie par la
Loi sur les assurances, depuis déjà 1984. Même ici, au
Québec, je pense qu'on avait été un peu plus catholiques,
parce que plusieurs des institutions avaient déjà, avant que la
loi ne le force, étaient déjà forcées par leurs
propres conseils d'administration d'avoir des certifications actuarielles de
leurs réserves. Bon. Alors, ça existe. Donc, nous partageons cet
objectif-là. Peut-être devrions-nous aller... Disons, s'il y a des
préoccupations... C'est ce que nous avions de la difficulté
à percevoir, parce que votre document semblait s'adresser à
l'ensemble des institutions financières. Alors, on ne pouvait pas
percevoir exactement ce qui s'adressait au secteur des assurances de dommages
par rapport au secteur des assurances de personnes, par rapport aux banques,
institutions de dépôt, sociétés de fiducie, etc.
Alors, en ce qui touche les sociétés d'assurances de
dommages, s'il y a des préoccupations par rapport aux nombres actuels,
on aimerait les comprendre, parce que, pour l'instant, on a quand même
tout un encadrement, avec les normes requises au niveau du capital, la
certification des réserves par nos actuaires, la certification des
primes non acquises. On a également tout le pouvoir d'inspection que
l'Inspecteur général a déjà. On s'est doté,
comme industrie, quand même, d'un filet de sécurité, au cas
où les choses tourneraient mal pour certaines institutions. Alors, on se
dit: On est d'accord pour regarder s'il y a un problème, pour voir si on
doit être plus contraignants que nous le sommes présentement au
niveau de la solvabilité.
Ce qu'on ne voudrait pas, quand même, c'est que vous créiez
ici, au Québec, un environnement qui soit plus contraignant que ce qui
existe sur le plan international. On sait, quand même... Je regarde...
Strictement, par exemple, au niveau de la reconnaissance des placements dans
les filiales, dans les institutions internationales. Je pense que si certaines
des grandes compagnies internationales ne pouvaient pas reconnaître, sur
une base d'équité, sur une base qu'on appelle l'«equity
accounting», leurs filiales dans leurs actifs, je pense qu'il y aurait un
certain problème. Je ne sais pas comment certaines compagnies auraient
fait pour faire des acquisitions aux États-Unis, de la façon dont
elles l'ont fait, sans avoir cette possibilité-là. Donc, je me
dis qu'il ne faut pas non plus être plus contraignants à
l'intérieur de notre propre territoire que les entreprises avec qui on
va être portés à être en concurrence. Il
m'apparaît que le Québec a été, je pense, quand
même, un endroit, un environnement où il y a eu quand même
une bonne solvabilité de nos entreprises en assurance de dommages.
Je me dis que, s'il y a un problème appréhendé, on
aimerait s'asseoir avec vous autres pour en discuter avant que vous arriviez
avec des règles plus contraignantes que ce que nous avons
présentement. Donc, on veut préserver certains acquis. Autrement,
il y a risque que les sociétés disent: Bien, écoutez, si
on n'a pas ce genre d'environnement-là, que pour opérer sur le
plan fédéral, dans les autres provinces, il faut avoir une charte
fédérale... La tendance, pour un homme d'affaires, pourrait
être forte de dire: Bien, coudon, je pense que si on a plus de
désavantages à certains endroits, on est peut-être mieux de
considérer les choses différemment.
Mme Robic: Mais je pense qu'à travers le document
souvent, vous me l'avez vous-même entendu dire pour nous,
l'essentiel, c'est d'avoir des normes qui font en sorte qu'on s'assure de la
bonne santé de nos institutions financières, sans pour autant
vous empêcher de pouvoir vous développer. Encore une fois, je
pense
que, si nous avons pris le temps nécessaire pour arrêter
ces normes, c'est qu'on a voulu justement consulter, voir ce qui se faisait
ailleurs, pour être bien sûrs qu'on ne mettrait pas plus de
pression sur nos institutions à nous qu'ailleurs.
Cependant, c'est bien sûr que les règles du jeu changent
chez nous, mais elles changent également ailleurs. On se rend compte que
les normes, qu'elles soient au niveau du BRI ou de la Communauté
économique européenne, deviennent plus serrées
également. Alors, ce que l'on tente, nous, c'est d'être le plus
compatible possible sans, encore une fois, vous mettre des pressions indues et
vous forcer à rencontrer des normes qui seraient en deçà
de tout ce que l'on voit. Ça, c'est bien sûr. Ça ne serait
pas dans notre intérêt non plus. Sur la page... (20 h 30)
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la
ministre, et vous m'excuserez de vous interrompre. La règle du jeu de
notre commission c'est, évidemment, de répartir le temps de la
façon la plus équitable possible, ce qui implique des temps de 10
minutes qui sont impartis à chacune des formations politiques.
J'inviterais donc maintenant le critique de l'Opposition officielle en
matière d'institutions financières et député de
Westmount à prendre la parole...
M. Holden: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): ...et je reviendrai à
votre tour, madame.
M. Holden: C'est un mémoire étoffé que vous
avez présenté, messieurs. Je vous en félicite. Un de vos
éléments ou vos lignes directrices semblent être la
taxation que vous subissez. Je sais que vous prônez un traitement... pas
spécial, mais un traitement pour votre industrie par opposition à
l'assurance-vie.
Je regarde votre mémoire, l'Annexe III, mémoire
prébudgétaire, à la page 2, et il semble y avoir un
tableau qui illustre le rendement des capitaux propres, assurances
multirisques. Ça me semble pas mal irrégulier et un peu faible,
si je peux m'exprimer. Si on augmente le montant des capitaux minimum requis,
est-ce qu'on risque d'être incapable de rémunérer
convenablement les capitaux dans votre industrie? Avez-vous un commentaire sur
cette observation?
M. Bouchard: II y a deux aspects à votre question, M.
Holden. Le premier, c'est sur l'irrégularité des résultats
des sociétés d'assurances de dommages. Je pense que vous avez
entièrement raison de noter cette chose-là. Nous sommes une
industrie qui est extrêmement cyclique, et dont... traditionnellement,
même. Vous pourriez reculer sur 50 ans, et vous verriez toujours cette
irrégularité-là qui se manifeste. C'est un domaine,
particulièrement ici au Canada ce serait vrai également
dans d'autres parties du monde peut-être à des
degrés divers, selon les régions, mais nous sommes, en assurance
de dommages, dans un secteur qui est très capitalisé au Canada.
C'est un secteur qui est présentement dominé par... qui l'a
été, enfin, depuis le début de la colonie, je dirais, ou
au début de l'assurance des dommages par des sociétés
étrangères, et où il y a eu toujours amplement de capitaux
disponibles pour assurer les risques. Donc, c'est un endroit où la
concurrence est très forte, ce qui a provoqué ce genre de
réaction-là où, par exemple, les primes baissent
considérablement à certains moments donnés. Les
résultats des assureurs se détériorent. Donc, le retour
sur équité se détériore considérablement. Il
y a réaction et surréaction, et il y a également d'autres
phénomènes comme des phénomènes cycliques au niveau
atmosphérique, par exemple, qui viennent affecter les assureurs.
Alors, il y a définitivement irrégularité au niveau
du retour sur équité. Quand on le regarde... Par exemple, si on
essaie de faire une moyenne sur une période d'années, les
compagnies d'assurances de dommages ont eu un retour sur équité
qui était un peu inférieur à celui, par exemple, de
l'industrie bancaire. Ce n'est pas faramineux. Ceci, non pas en tenant compte
uniquement des revenus qui proviennent de la tarification, mais qui proviennent
également des revenus de placements, ce à quoi vous faites
référence avec la deuxième partie de votre question.
On peut dire que, essentiellement je dirais depuis les 10
dernières années les profits des sociétés
d'assurances de dommages l'ont été à partir des revenus de
placements qu'elles font et non pas à partir des revenus
d'opération.
Maintenant, si vous me demandez: Quelle est la proportion qui provient
des capitaux propres des entreprises? On ne l'a pas. Je ne peux pas vous la
donner. On pourrait la retrouver, mais je ne l'ai pas pour vous la donner
immédiatement. Mais la profitabilité ou le profit qui est
retiré par les actionnaires dans les compagnies d'assurances de dommages
vient essentiellement des revenus de placements qu'elles ont et non pas des
revenus d'opération.
M. Holden: La page suivante indique l'impact fiscal sur
l'industrie de votre mode d'assurance, l'assurance de dommages. Dans votre
mémoire, vous mentionnez à plusieurs endroits cet impact fiscal
à la page 3, à la page 14, où il est question
d'impact. Moi, ce que je vous demande: Est-ce que les revenus constitutifs des
surplus minima sont taxés ou imposés?
M. Bouchard: Tous nos revenus, quels qu'ils soient, sont
taxables, sont sujets à l'impôt sur le revenu. Tous nos revenus,
même les revenus que nous faisons pour constituer des réserves,
quelles qu'elles soient. Enfin, on n'a absolument aucune façon de se
constituer des réserves libres d'impôt. Ça n'existe pas
dans notre secteur.
M. Holden: Est-ce que vous auriez des recommandations ou est-ce
que ça devrait être exonéré, ces...
M. Bouchard: Écoutez, pour certains aspects,
c'est sûr. Enfin, je n'ai pas fait un mémoire qui touche
strictement à toute la réforme de la fiscalité qui
pourrait être permise. Mais on a fait quand même... Lors de
présentations que nous avons faites pour certains types de risques, par
exemple, au niveau de la couverture de risques catastrophiques, ils ont fait
certaines suggestions déjà à l'effet qu'il y aurait
peut-être avantage à constituer des réserves libres
d'impôt pour prévoir les sinistres de nature catastrophique, tels
que les tremblements de terre ou des choses de cette nature-là. Mais,
pour l'instant, ce n'est pas une chose que nous avons présentement. Mais
il est clair que, enfin, c'est une... Avoir des nivellements, par exemple,
trouver des façons de niveler les résultats des assureurs pour
prévoir les grands risques pourrait être une façon, ce
pourrait être une approche possible, mais notre mémoire n'a pas
porté sur ces éléments-là.
M. Holden: Merci. À la page 5 de votre mémoire,
vous faites une déclaration qui me fait chaud au coeur. Vous demandez
que le fédéral cesse l'envahissement des autres juridictions.
Alors, peut-être que vous pourriez nous suggérer un moyen
d'empêcher définitivement le fédéral de nuire
à la croissance, notamment, des institutions d'assurance de
dommages.
M. Bouchard: Je ne voudrais pas entrer dans des débats
politiques, ce n'est pas mon rôle...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: ...mais ce qui se passe, en réalité,
c'est que, nous, ce que nous suggérons, en tant que représentants
des institutions constituées ici au Québec parce que c'est
quand même une partie importante des sociétés qui font
partie du Bureau d'assurance du Canada ce que nous disons, c'est que
nous voudrions, enfin, ce que nous souhaitons le plus ardemment, c'est que les
juridictions qui ont été accordées aux différents
niveaux, comme au niveau des provinces, soient respectées par le
gouvernement fédéral. Maintenant, il y a toujours un argument
là-dessus et les débats constitutionnels, je pense, peuvent
être très longs. Mais ce sont des débats politiques, il n'y
a pas nécessairement unanimité, et ce que nous disons n'est pas
toujours, non plus, nécessairement l'Évangile.
Il reste que, pour nous, comme hommes d'affaires, nous croyons que si
nous avons... Par exemple, si nous pouvons nous constituer en entités
corporatives à l'intérieur d'une juridiction qui a le pouvoir de
nous donner, de nous faire opérer, de nous laisser opérer, ces
pouvoirs-là devraient être respectés par les
différents autres niveaux de gouvernement, que ce soit le
fédéral ou que ce soit le provincial. Chaque fois qu'il y a
empiétement, pour nous, ça devient une difficulté
additionnelle d'opérer sur le territoire canadien. C'est surtout cet
aspect-là que nous touchons. C'est un aspect opérationnel pour
nous et non pas... On ne veut pas se lancer dans l'aspect politique du
débat. (20 h 40)
M. Holden: Mais ça ajoute à vos coûts
aussi.
M. Bouchard: Toute duplication de contrôle, enfin, toute
complexité qui est ajoutée à l'opération d'une
entreprise ajoute aux coûts, paralyse son développement ou nuit
à son développement. Ça a cet impact-là.
Évidemment, il y a un coût à l'assuré parce que,
nous, enfin, on passe ce coût-là aux assurés,
éventuellement.
M. Holden: Sur un thème plus général, si on
revient aux propositions de politiques de la ministre, il est question de
transactions intéressées. On en parle assez longuement et c'est
très intéressant. Ce que je trouve là-dedans, c'est qu'on
propose de les contrôler plutôt que de les abolir. Est-ce qu'il y a
un danger dans l'approche du document sur les propositions de politiques?
Est-ce qu'il y a des possibilités de situations chroniques de conflit
d'intérêt?
M. Bouchard: Écoutez, à mon sens, pas dans la
proposition, pas dans le document que nous avons vu. Je pense qu'en principe,
lorsqu'on parle de transactions entre parties liées, il nous
apparaît normal... D'ailleurs, jusqu'à un certain point,
même ici au Québec, l'autoré-glementation a fait que les
entreprises se sont donné elles-mêmes des codes d'éthique
pour que, lorsque vous faites des transactions... Par exemple, dans un groupe
corporatif, disons, où vous avez une société de
portefeuille qui détient différentes entités, si nous nous
vendons des actifs l'un à l'autre, on ne peut pas prohiber ça. Je
pense qu'il faut s'assurer, lorsque ça se passe, que le tout se fait
à un prix acceptable, à un niveau, à un prix de
marché acceptable pour ne pas agir au détriment ou trop à
l'avantage de l'une ou l'autre des sociétés. Je pense donc que
ça prend des normes ou un mode de fonctionnement qui nous assure que ces
transactions-là vont se faire à un niveau de marché
acceptable. D'ailleurs, je pense que ce qui est prévu actuellement avec
les comités de déontologie ou comités de transactions
entre parties liées par la composition de ces comités-là,
qui existent déjà, qui sont prévus par la loi et la
réglementation, où vous devez avoir des administrateurs
indépendants qui siègent sur ces comités-là, qui
voient à ce que les transactions se passent bien. Il m'apparaît
normal, au sens de l'éthique même des entreprises, que ces
choses-là se passent de cette façon-là.
Ce que nous voulons éviter, c'est qu'on nous ajoute une trop
grande réglementation. Je pense qu'il faut qu'il y ait une
conscientisation. Je pense qu'il faut que cette préoccupation existe de
par la loi, et je pense que... il y a des choses qui se passent
présentement ici, qui sont déjà très contraignantes
au niveau... Je regarde, par exemple, ce qui touche les compagnies d'assurances
de dommages.
M. Holden: Juste une dernière question. Vous parlez, dans
votre mémoire, de l'État qui fait concurrence et qui, souvent,
prend la place des gens de votre industrie. Pourriez-vous nous donner un
exemple de cette situation?
M. Bouchard: Oui. Il me fera plaisir de le faire, d'ailleurs.
Évidemment, on est ici au Bureau d'assurance du Canada. C'est un
débat qui date quand même de quelques années. Par exemple,
pour plusieurs ou pour certains, vous vous souviendrez du débat sur
l'assurance automobile qui a eu cours dans les années soixante-dix
où, suite à ce qui s'est appelé le rapport Gauvin, il y a
eu une analyse assez exhaustive qui a été faite de tout le
système, de tout le régime d'assurance automobile au
Québec. Le Bureau d'assurance du Canada, à ce moment-là, a
été très actif dans le débat. Nous avions
proposé des solutions.
M. Holden: Le Barreau aussi.
M. Bouchard: Le Barreau, d'ailleurs. Vous avez entièrement
raison. Je vois que vous étiez présent dans ce
débat-là. Mais ce qui s'est produit et ce que nous disons, c'est
qu'un régime peut être changé. Le régime, en
réalité, change l'environnement dans lequel vous devez
opérer. Il aurait été très possible, lorsque ce qui
s'appelle maintenant la Société de l'assurance automobile du
Québec a été créée, d'avoir le même
régime, mais administré par des sociétés
privées et non pas une société d'État. C'est
là-dessus que nous disons, nous, quand il y a intervention, lorsque ce
sont des choses qui peuvent être faites efficacement par l'entreprise
privée, pourquoi avoir l'intervention gouvernementale? C'est un peu
là où... enfin, c'est un peu à ça que nous faisons
référence, à un débat de cette nature-là. On
sait qu'il y a d'autres domaines aussi, probablement, qui mériteraient
d'être réexaminés, où peut-être on a des
critiques à certains niveaux. Par exemple, je pense que ce n'est une
révélation pour personne, quand on regarde ce qui se passe au
niveau de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, on sait qu'il y a des critiques énormes qui sont faites par de
nombreux intervenants, et je pense que personne n'est totalement satisfait de
voir des déficits de l'ordre de ceux qu'on voit présentement. Je
ne dis pas que l'industrie privée pourrait administrer un tel
régime à profit. Au contraire, je pense que le régime qui
produit ces résultats-là est un régime qui, probablement,
pourrait être corrigé. Je pense que, dans un régime
corrigé, il est possible que les sociétés d'assurances
privées aient un rôle à jouer. C'est un peu dans ce
sens-là que nous faisons nos remarques.
M. Holden: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le
député de Westmount. Nous avons le député de
Jacques-Cartier qui a manifesté son intention de poser des questions.
Comme le prévoit notre règlement, le député de
Jacques-Cartier n'étant pas membre de cette commission, ça me
prendrait un consentement. Est-ce qu'il m'est accordé?
M. Cameron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Le député de
Jacques-Cartier parle sur le temps imparti à l'Opposition,
évidemment. Allez, M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Cameron: Pourrais-je parler en anglais?
M. Bouchard: Absolument, il n'y a pas de problème.
M. Cameron: Merci. I would like to ask...
M. Bouchard: Si M. le Président le veut. Écoutez,
je n'ai pas à vous donner la permission.
Le Président (M. Chagnon): Oui. M. le
député de Jacques-Cartier, je ne vous entends pas.
M. Cameron: I would like to ask just a few very brief questions
for information. First of all, is your brief one that covers the concerns of
the reinsurance business as well, or is this really speaking only for property
and casualty? Is there a separate set of concerns from the reinsurers? Maybe I
should just run through the questions. You can think that over for a
minute.
Secondly, I would be interested in knowing exactly what relationship
your companies have with the actuaries. Does each property and casualty firm
deal with the Mercer Towers Perrin, or whatever, much like it would with an
accountant, where you undertake a fixed business relationship, but then he
provides you with a certificate or a bill of health, so to speak, or is there
some general standard practice that applies for actuarial risk and if so, is
this something the Inspector General of Financial Institutions knows about? In
other words, do the actuaries base their rules on what the Inspector General
wants or do they base it on just a set of understood rules in the business?
And finally, it is quite clear from your whole memorandum, as others
have observed, that you have lots of things to complain about in Canada and in
Québec, in terms of competing jurisdictions and costs and so on. Do you
actually have much hope that very many of these things can be changed, that
is... I can see what kind of problems you are talking about. But if you talk
about conflicting jurisdictions, for example, for financial institutions, even
for all the talk today about... you know, deregulation and so on, and some of
this is something like about a century of Canadian history after all. I mean,
you know, the multiple ways of chartering things and so on.
Do you conceive of a real possibility of effective action, either by the
Government of Québec or by the federal authorities, that could improve
the situation, or are you asking rather hopefully but without much conviction
for fairly modest changes? And finally, does the tax cost represent your main
problem? Does the tax cost represent your main problem? That is it.
M. Bouchard: Actually, the Reinsurance Research Council is a
member of the... There is a body which is called the Reinsurance Research
Council of Canada, it is a member of IBC. Now, when we talk
about Québec chartered companies, there are not any reinsurers
with a Québec charter. So, I am not saying that we are not taking the
concern of the reinsurers, I am just saying that we have not addressed that
aspect specifically. Now, I am not sure that it would have changed much of our
report if we had, but we have not, to answer to your question.
With respect to actuaries. Actually, actuaries... Our reserves have to
be certified by certified actuaries and those actuaries have to report
according to rules and regulations which are given by the Inspector General.
They have to be certified actuaries. Now, they have their own bodies which also
govern how they have to do their things, and they have to do their own
examinations.
So they do not do it on our behalf, as an insurance company. They have
to abide by rules which are specified by the Inspector General, and they report
to the Inspector General, not to us. Even though they would be staff actuaries,
even though the Mercer or Tillinghast or whatever, even though they would be on
our payroll, for this type of report, they report to the Inspector General,
according to his rules.
With respect to conflict of jurisdictions. All we are saying is that
conflict of jurisdictions is costly. That is what we are saying. We hope and we
wish all the best to the Minister who wants to solve it, and we believe that
what she is proposing in her paper would set a good pace of understanding. I
think that we would support her and try to do whatever we can to help to
resolve the problem.
But, as business people, I think we have to manage businesses and maybe
some of us operate only on the Québec territory, but some others also
operate outside the Province of Québec, and this is where the problems
arise. So we hope that it is going to be resolved. If you were asking me: On a
scale of 1 to 10, is it 5 or 8 or 3? I do not know. I think that you have heard
the Minister earlier, and we certainly are going to be very supportive to
whatever she does to resolve the problem. (20 h 50)
As to the tax cost. It is not the major burden but it is a burden. And
what is worse... For example, for companies located here or having their head
office here in the Province of Québec, our tax burden could... you know,
the payroll tax affects us. The more employees you have the more taxes you pay.
So if you have your businesses outside, then... If you have a head office in
Ontario, for example, and you have more of your work done outside the Province
of Québec, you are in a better position.
M. Cameron: O.K. Merci.
Le Président (M. Chagnon): ...Mr. Member. Maintenant, Mme
la ministre.
Mme Robic: Oui, M. le Président. C'est assez
intéressant de voir comment le député de Westmount semble,
à mesure que l'on avance dans nos discussions, être tout à
fait d'accord avec mon énoncé de politiques. Il ne veut pas
l'admettre, mais c'est évident, dans certaines des choses qu'il...
M. Holden: Je comprends que ça se voit dans mon
visage!
Mme Robic: Oui, ça va... Plus que ça, vos paroles,
c'est assez intéressant, d'ailleurs. Mais je voudrais également
lui faire remarquer, M. le Président, que c'est vrai que vivre dans une
fédération, ça amène, des fois, des discussions qui
sont longues. Des fois, ce n'est pas évident que ces
discussions-là vont aboutir. Mais, avec les années, on s'est
rendu compte que, oui, il y a des choses qui se passent. D'ailleurs, c'est
assez intéressant de voir que, dans cette fédération, le
Québec a pu développer le système financier le plus
important au Canada après le gouvernement fédéral. Alors,
c'est intéressant de voir qu'on peut faire des choses, qu'on peut
créer des institutions financières à qui on donne des
rôles très spécifiques, et qui se sont
développées d'une façon différente,
peut-être, que d'autres. C'est magnifique de pouvoir considérer
ça.
Pour revenir à votre mémoire, vous nous dites que...
Excusez-moi, à la page 12, vous semblez dire qu'il y a peut-être
trop de rapports demandés et que, finalement, c'est bien coûteux
tous ces rapports-là, et peut-être pas aussi nécessaire
pour suivre l'évolution des compagnies d'assurances et nous assurer que
ces compagnies-là sont en bonne santé. Alors, vous pourriez nous
citer certaines choses où vous voyez qu'il y a peut-être, sans
parler d'abus, des exagérations, en essayant toujours de vous mettre
dans la chaise de l'Inspecteur général qui, lui, a un rôle
que je qualifierais, à des moments, d'assez ingrat. Alors, si vous
étiez l'Inspecteur général, là, qu'est-ce que vous
voudriez avoir comme...
Le Président (M. Chagnon): Si je comprends bien, Mme la
ministre, ce n'est pas là le premier choix de M. Bouchard!
Mme Robic: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: M. le Président, je me sens très
indigne de prendre la chaise de l'Inspecteur général, mais il y a
quand même... Je pense que nous sommes tombés d'accord sur le fait
qu'il doit avoir les pouvoirs nécessaires pour surveiller la
solvabilité des entreprises. J'ai fait référence, tout
à l'heure, je pense, lors de la présentation ou enfin... Je
prends, par exemple, enfin, un rapport qui est très... Enfin,
peut-être qu'on ne devrait pas critiquer parce que, de façon
générale, il est flatteur pour les sociétés
d'assurances qui opèrent au Québec, mais c'est le rapport sur la
tarification en assurance automobile que nous recevons à chaque
année. Enfin, c'est un pouvoir, c'est même un devoir, je pense,
pour l'Inspecteur général de le faire parce que la loi demande
qu'il le fasse la Loi sur l'assurance automo-
bile du Québec demande qu'il le fasse. Mais, de telle sorte qu'il
puisse se prononcer sur l'ensemble de la tarification des
sociétés d'assurances au Québec, il faut que nous lui
fassions des rapports sur notre tarification. Chaque manuel de tarifs doit lui
être soumis. À l'occasion, nous devons soumettre, par exemple, des
rapports additionnels sur certaines cellules de tarification, parce qu'à
un moment donné il peut arriver... On est dans un marché
extrêmement concurrentiel, je pense que vous le savez. Bon, d'autres
intervenants ont peut-être eu l'occasion de vous le dire. Il arrive que,
même le manuel que nous avons tablé, à un moment
donné, qu'on a envoyé... Ce n'est pas une permission qu'on
demande lorsqu'on envoie notre manuel à l'Inspecteur
général, c'est pour lui dire: Voici, ce sont les tarifs que nous
voulons utiliser. Il arrive, à un moment donné, qu'il puisse y
avoir des déviations qui sont faites par... pour différentes
raisons.
Alors, pour être en mesure... pour que l'Inspecteur
général soit en mesure de faire son analyse de tarification, il
faut que nous lui soumettions des rapports additionnels. Il faut qu'il nous en
demande, etc. C'est un des exemples. Enfin, je n'en ai pas
préparé une série, mais il y a des choses comme ça.
Je pense qu'il y aurait lieu... Vous savez, il y a des choses qui sont faites,
probablement, qui originent peut-être depuis un certain nombre
d'années. Il y aurait lieu, à notre sens, un peu comme nous le
faisons dans l'entreprise privée, de temps à autre, de revoir ces
choses-là. Est-ce que c'est encore tellement utile ou nécessaire,
à notre époque, à une époque où tout le
monde tâche d'être le plus efficace possible, sans nuire au
rôle premier... On dit au rôle premier, ce qui est quasiment le
rôle essentiel de l'Inspecteur général, qui est de voir
à la solvabilité des entreprises... Est-ce que c'est
nécessaire d'avoir l'ensemble de ces choses-là sous sa
juridiction ou d'être obligé de contrôler ça pour
faire des rapports qui peuvent être très intéressants sur
le plan intellectuel, mais qui, sur le plan pratique... Je ne pense pas que le
fait de nous dire qu'on a une tarification change grand chose sur le plan de la
concurrence ou de la solvabilité des entreprises. C'est agréable
à entendre, mais...
Mme Robic: Cependant, il y a un groupe que l'on a entendu cet
après-midi qui, lui, voyait certains avantages à faire
connaître la tarification à l'Inspecteur, parce que lui voyait
qu'à des moments donnés il y a des abus à ce
niveau-là, où peut-être on ne charge pas le coût
réel de la police. Là, il y a des pertes, donc un affaiblissement
pour l'entreprise. Il nous disait que c'était peut-être un des
éléments qui devraient être suivis de plus près par
l'Inspecteur général, pour la protection de l'entreprise et,
également, bien sûr, du consommateur.
M. Bouchard: Je ne partage pas du tout cet avis. Je pense que le
contrôle sur la solvabilité des entreprises est une chose. La
façon dont on opère, par exemple... Si, par exemple, dans un
territoire, qu'on appellera territoire 4, mon collègue et concurrent, M.
Circé, veut charger une certaine prime et que, moi, je veux charger une
telle autre prime, est-ce que ça fait que sa société ou la
mienne sont plus ou moins rentables? Je ne pense pas que ce soit ça qui
soit le problème. Je pense que c'est un problème... Ce qu'on veut
regarder, c'est le problème de s'assurer que les entreprises sont
solvables.
Je pense que la concurrence, elle-même, voit à ce que les
primes chargées soient au meilleur coût pour le consommateur. Je
pense que l'environnement concurrentiel dans lequel nous vivons est une des
meilleures protections comme quoi il n'y a pas abus du public. Quand vous voyez
la diversité des assureurs, la diversité des mécanismes de
distribution, la concurrence qui existe sur le marché, je ne pense pas
qu'il puisse y avoir risque d'abus du public.
Par ailleurs, au niveau de la solvabilité, je ne pense pas que ce
soit au niveau de la tarification qu'on la juge. Si nos tarifs sont à un
niveau un peu plus bas et qu'on fait des pertes d'exploitation, il reste que
les sociétés, même si elles ne sont pas des banques et
qu'on ne gère pas les actifs comme des banques ou comme des
sociétés d'assurances de personnes, les profits des assureurs
proviennent, en grande partie, de leurs revenus de placements.
Donc, il y a un ensemble de moyens qui peuvent justifier ou qui peuvent
permettre à l'Inspecteur général de juger de la
solvabilité des entreprises. Le niveau de réserves qu'elles
gardent: s'assurer que les primes non acquises ou que l'ensemble des
réserves que nous avons pour primes non acquises ou sinistres sont
correctes. S'assurer que nos placements sont bien faits: qu'il y ait
adéquation, par exemple, entre les actifs et les passifs. S'assurer que
nous avons les bonnes liquidités pour que, réellement, quand
surviennent des sinistres, nous ayons les actifs pour y pourvoir. Je pense que
c'est cet ensemble de mesures là qui font que l'Inspecteur
général est en mesure de juger de notre solvabilité.
Le Président (M. Chagnon): ...Mme la ministre. Au
député de Westmount, s'il a encore une question, et lui permettre
en même temps de remercier nos invités s'il en a l'intention,
comme je le présume.
M. Holden: J'avais juste une petite question, s'il y a... Combien
de temps?
Le Président (M. Chagnon): Allez-y. M. Holden: Dans
les propositions...
Le Président (M. Chagnon): Une petite question et une
petite réponse.
M. Holden: Oui, oui. Dans les propositions de Mme la ministre, on
parle de normes internationales de capital. Alors, avez-vous des commentaires?
Je vais juste vous mentionner quelques points que j'ai soulevés.
L'industrie québécoise serait-elle défavorisée par
ce principe? Si les normes internationales sont insuffisantes, doit-on y
suppléer? Qui devrait établir ces normes?
M. Bouchard: À notre sens, lorsqu'on fait
référence à des normes internationales, c'est que nous
sommes quand même une industrie qui est à portée
internationale. Donc, on se dit que nous n'avons pas... Je pense qu'on a
à s'assurer que nos entreprises sont solva-bles, oui, mais on n'a pas,
non plus, à aller à l'extrême et à les rendre
tellement solvables qu'on va rendre l'atmosphère irrespirable en
étant trop purs.
Il ne m'apparaît pas que les sociétés
québécoises seraient désavantagées si les normes
internationales étaient appliquées. L'exemple que je donnais tout
à l'heure, par exemple, au niveau de la reconnaissance des actifs des
sociétés ou de leurs placements, des filiales. Je pense que c'est
une chose qui est reconnue sur une base internationale. C'est une chose que
nous avons déjà, mais qui est très contestée au
niveau fédéral et au niveau d'autres juridictions provinciales.
C'est un peu à ça que nous faisons référence. Si on
veut totalement enlever la reconnaissance des filiales dans les placements,
à notre sens, on serait défavorisés. Mais les normes
internationales, à notre connaissance, ne font pas ça. Elles
acceptent le principe de l'«equity accounting», mais elles ne
reconnaissent pas nécessairement le «goodwill».
Enfin, des achalandages basés sur des profits futurs, je pense,
ne sont pas accordés, mais elles acceptent quand même
1'«equity accounting». À ce moment-là, nous serions,
quand même, je pense... Les normes québécoises
m'apparaissent être des normes satisfaisantes, celles que nous avons
présentement. (21 heures)
Le Président (M. Chagnon): Mot de la fin, peut-être,
monsieur...
M. Holden: Merci beaucoup de nous avoir fait cette
présentation magistrale.
Le Président (M. Chagnon): Mme la ministre.
Mme Robic: Merci infiniment. C'est toujours un plaisir de vous
recevoir.
Le Président (M. Chagnon): Alors, MM. Bouchard,
Circé, Tardif et Medza, je me permettrai aussi de vous remercier, au nom
de tous les membres de cette commission. J'ajournerai nos travaux pour deux
minutes, afin de permettre à l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. de prendre place à l'avant.
(Suspension de la séance à 21 h 1)
(Reprise à 21 h 3)
Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes (ACCAP)
Le Président (M. Chagnon): Nous avons l'Association
canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. Oui, nous avons
l'Association canadienne.
Est-ce que vous auriez l'obligeance de vous présenter, s'il vous
plaît.
M. Millette (Yves): Bonsoir. Je suis Yves Millet-te,
vice-président principal, Affaires québécoises, de
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.
M'accompagnent ce soir, à ma gauche, M. Claude Ferron, président
de Canassurance, compagnie d'assurances sur la vie...
Le Président (M. Chagnon): Votre gauche?
M. Millette: À ma gauche à moi, oui. Et M.
Gaétan Gagné, président et chef de la direction de
L'Entraide assurance-vie, société de secours mutuels. Ce sont
deux compagnies membres de l'ACCAP. Devait être présent, M.
Jacques Labrecque, président et directeur général de la
Mutuelle des fonctionnaires, mais qui est probablement retenu par une
réunion qui s'étire, réunion de la SIAP, en passant.
Le Président (M. Chagnon): Je vous rappelle les
règles du jeu de la commission, c'est-à-dire que vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire. Le temps,
évidemment, qui restera aux fins de la commission pourra permettre aux
membres de cette dernière de vous questionner sur votre
mémoire.
M. Millette: Parfait! M. le président de la commission,
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, l'Association
canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP, regroupe quelque
102 compagnies d'assurance-vie faisant affaire au Canada. De ce nombre, quelque
20 membres à charte du Québec, ou y ayant leur siège
social, forment le Comité permanent des affaires
québécoises. Ils forment une forte présence
régionale et sont le fer de lance du dynamisme économique et
social de toute l'industrie.
Les dernières années ont mis à rude épreuve
le secteur financier canadien, notamment celui des assurances de personnes.
L'ACCAP profite donc de la présente consultation pour amorcer une
réflexion importante pour son avenir.
Dès le départ, nous réitérons que
l'industrie des assurances de personnes au Québec n'est pas une
industrie malade, comme voudrait le laisser croire une certaine presse.
L'industrie est généralement en bonne santé et prête
à relever les défis qui se posent à elle.
L'industrie des assurances de personnes a pris ses
responsabilités face aux difficultés d'un de ses membres, Les
Coopérants, et a fait face à la tempête
générée par cette première faillite des temps
modernes de l'industrie. La Société canadienne d'indemnisation
pour les assurances de personnes protège les consommateurs et elle
entend continuer de le faire. La SIAP soumettra un mémoire devant cette
commission. Toutefois, nous désirons vous rappeler que l'industrie
partage les vues qui y sont exprimées, et qu'elle est ouverte aux
discus-
sions avec les autorités gouvernementales et, au premier chef,
avec le gouvernement du Québec.
Une matière urgente doit retenir notre attention maintenant, et
c'est celle de la capitalisation des compagnies d'assurances de personnes. Le
législateur a changé d'orientation en matière de double
comptage de capital et d'achalandage depuis l'amorce du décloisonnement
des institutions financières et le marché s'est
transformé. Si le gouvernement du Québec tient à une
industrie régionale des assurances de personnes, il doit se pencher en
priorité sur sa capitalisation et son financement, sinon elle sera
absorbée par des entreprises de l'extérieur ou elle
disparaîtra.
Dans les propositions de politiques pour le secteur financier du
Québec, le gouvernement propose de contribuer de trois façons
à l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés. Il propose que ce
soit l'industrie québécoise de l'assurance de personnes qui doive
faire les choix qui s'imposent. Les politiques gouvernementales, me dit-on,
respecteront ces choix. Ces choix sont la libéralisation de
l'accès au capital d'origine étrangère, mais en
s'assu-rant que le contrôle du secteur financier demeure au
Québec. L'ACCAP a toujours été d'accord avec la position
du gouvernement du Québec, qui a été inscrite dans la Loi
sur les assurances, en 1990, et a toujours favorisé la liberté
d'investissement. Au même titre que, dans l'Accord de
libre-échange, on trouve une liberté d'investissement entre le
Canada et les États-Unis, l'ACCAP a toujours cru que cette
liberté devait aussi s'étendre à d'autres pays à
travers le monde.
La consolidation des acquis collectifs de manière à
accroître les retombées potentielles d'initiatives en cours et de
programmes existants. Encore là, l'ACCAP trouve intéressant de
constater que le gouvernement du Québec veut étendre, dans la
mesure du possible, les programmes d'aide à l'entreprise aux
institutions financières.
Finalement, la mise sur pied d'un véhicule de capitalisation des
institutions financières pour soutenir leur croissance. Le
véhicule de capitalisation proposé constituerait un portefeuille
diversifié, et ce nouveau véhicule pourrait recevoir, au besoin,
un appui concret de la part du gouvernement, dont la forme et l'ampleur restent
à définir.
En fait, ces propositions de politiques résument 10 années
de mémoires, de recommandations faites par des groupes de travail ou
d'amendements législatifs, mais l'industrie québécoise de
l'assurance de personnes constate que, tout au long de cette période, il
n'y a eu aucun avantage fiscal dessiné pour l'industrie de l'assurance
de personnes, de façon particulière.
Le gouvernement, nous croyons, aujourd'hui, doit apporter un appui
concret à ce véhicule de capitalisation qu'il propose, sous la
forme d'une garantie minimum de rendement ou sous la forme d'une garantie quant
à la sécurité de l'investissement. Un fonds
d'indemnisation qui, soit dit en passant, n'est pas la SIAP, la
Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de
personnes, mais un fonds qui pourrait s'apparenter, par exemple, à ce
qui existe en matière de valeurs mobilières ou un autre fonds du
même genre.
À défaut, nous croyons que le gouvernement devrait
permettre à l'industrie québécoise de l'assurance de
personnes d'obtenir des capitaux de ses assurés. On pourrait facilement
imaginer un produit de rentes qui serait admissible pour les REER, où
une proportion de 10 % à 15 % de l'épargne pourrait être
canalisée dans les capitaux de l'assureur.
L'utilisation du réseau de distribution des compagnies
d'assurances de personnes pourrait entraîner un problème de
juridiction avec la Commission des valeurs mobilières du Québec,
mais nous croyons que l'industrie et le gouvernement du Québec
pourraient rechercher des accommodements, comme cela a été
possible dans le cas du Fonds de solidarité, par exemple. (21 h 10)
Par ailleurs, l'industrie québécoise de l'assurance de
personnes estime que le gouvernement doit mettre sur pied le véhicule de
capitalisation qu'il propose. Évidemment, notre accord ne peut valoir
que pour l'industrie de l'assurance de personnes, que nous
représentons.
Cependant, nous ne croyons pas que cette proposition gouvernementale
devrait être jumelée à d'autres éléments de
la politique gouvernementale comme l'alliance avec des organisations plus
importantes ou dotées d'une expertise de pointe, la
pénétration des marchés étrangers, le maintien d'un
secteur financier contrôlé par des intérêts
québécois. Ces éléments de politique sont
très louables, mais nous croyons que si une compagnie peut
démontrer à l'investisseur qu'elle est capable de s'adapter aux
exigences des marchés de capitaux en ce qui concerne la
compétitivité, la rentabilité et la bonne gestion, elle ne
devrait pas être empêchée de faire une proposition de
financement au fonds de capitalisation.
Autrement dit, les politiques gouvernementales, qui sont très
louables en soi, de consolidation d'industries et autres ne devraient pas
s'appliquer a priori mais a fortiori, après que le véhicule de
capitalisation ait conditionné son investissement dans une compagnie
d'assurances à la réalisation de certains objectifs qui ne se
seraient pas réalisés. La rencontre de ces objectifs, ou le
défaut de rencontre de ces objectifs pourrait comporter la
transformation du titre de prêt en titre de contrôle comportant des
droits de vote plus ou moins nombreux selon le manquement de la compagnie.
C'est le véhicule de capitalisation qui devrait déterminer les
objectifs à atteindre, dans chaque cas, en accord avec la compagnie
elle-même.
Nous proposons également que la mise en place et la gestion du
fonds soient confiées à la Caisse de dépôt et
placement du Québec. Il y a déjà presque 10 ans que
l'industrie québécoise de l'assurance de personnes tente d'amener
le gouvernement à mettre en place les outils de financement qui lui sont
nécessaires. Nous sommes prêts à entreprendre des
discussions pour la mise en place de véhicules de financement pour les
assureurs de personnes opérant au Québec. Nous croyons que le
gouvernement doit agir maintenant dans ce domaine.
Il est aussi urgent de finaliser des règles harmonisées
sur le capital et surplus minimum requis pour opé-
rer une compagnie d'assurances de personnes. Il en va autant de
l'efficacité des compagnies qui veulent bien connaître les normes
qui vont s'appliquer à elles, que de la protection des consommateurs. Le
changement d'orientation de la politique québécoise en
matière de double comptage de capital et d'achalandage doit être
stabilisé le plus tôt possible pour permettre aux entreprises de
s'ajuster par une capitalisation adéquate.
Dans sa livraison de mars 1993, le bulletin financier de Standard &
Poor's évaluait que l'industrie des assurances de personnes au Canada a
suffisamment de ressources pour faire face à la crise actuelle, mais,
à moyen terme, la perspective est moins favorable que par le
passé. La raison principale en serait que l'industrie a
déplacé son centre d'activités vers les produits
d'accumulation de l'épargne où les marges
bénéficiaires sont faibles. De plus, selon Standard & Poor's,
bien peu de compagnies canadiennes pourront prétendre à une
stratégie internationale de développement.
En conséquence, la stratégie gouvernementale devrait
être de favoriser le maintien d'une industrie régionale forte, en
promulguant une politique favorisant un renforcement de la base en capital de
ces compagnies, et en élaborant une stratégie de concertation
avec l'industrie pour développer une gamme de produits qui pourraient
s'allier à la question des soins de santé, par exemple. Une telle
stratégie de concertation permettrait d'améliorer la
«profitabilité» des compagnies tout en favorisant une
stabilisation du coût des services de santé dispensés par
les régimes publics.
Mais «profitabilité» veut dire aussi réduire
les coûts indirects et la bureaucratie. À notre avis, les pouvoirs
de l'Inspecteur général des institutions financières ne
devraient pas être étendus avant que la Loi sur les assurances ait
fait l'objet d'une refonte complète. Cette législation doit
être repensée pour tenir compte du coût en argent et en
perte d'énergie qu'elle impose aux compagnies. Le gouvernement pourrait
apporter cette contribution pour améliorer la
compétitivité des assureurs opérant au Québec.
Par ailleurs, le fardeau de la fiscalité indirecte au
Québec est particulièrement lourd à supporter pour les
compagnies qui ont la majeure partie de leurs affaires au Québec. Les
taxes indirectes payées au Québec représentent 40 % du
total payé au Canada. Ceci constitue un handicap à la
compétitivité de ses assureurs. En passant, vous allez remarquer,
au tableau de la page 14, que les taxes surprises dont on parle sont
plutôt des taxes sur primes.
L'harmonisation des règles avec les autres juridictions
canadiennes doit être accélérée. L'industrie
constate que, par le passé, il existait un forum important
d'échanges qui a disparu: la réunion des surintendants des
assurances. Le forum des ministres des Institutions financières pourrait
être adapté pour accommoder les possibilités
d'échanges, car il constitue un environnement propice à rajuster
le tir, de telle sorte que l'objectif visé de l'harmonisation soit
atteint plus rapidement et au meilleur coût possible.
Par ailleurs, la cohérence intersectorielle ne de- vrait pas se
limiter aux organismes de surveillance et de contrôle. En effet,
l'industrie des assurances de personnes est complémentaire aux
activités de régies comme la Régie de l'assurance-maladie
du Québec, la Régie des rentes ou la CSST. Il serait important de
créer des comités intersectoriels qui seraient chargés de
proposer des moyens d'accélérer la synergie entre ces organismes
et l'entreprise privée, maximiser l'utilisation des impôts, et
favoriser un véritable partenariat dans le meilleur intérêt
des consommateurs.
Le gouvernement doit veiller à neutraliser l'effet de sa taxation
pour toutes les entreprises en situation de concurrence,
particulièrement en matière d'indemnisation et en matière
de capitalisation et d'avantages fiscaux. En matière d'indemnisation,
l'industrie des assurances de personnes a mis sur pied la SIAP, qui a offert
aux assurés des Coopérants une protection complète, dont
le coût est estimé à plus de 140 000 000 $. La SIAP n'est
pas, comme la Société d'assurance-dépôts du Canada
ou la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, une
société d'État financée par des emprunts garantis
par le gouvernement. Le coût de cette indemnisation doit être
assumé par l'industrie.
Les gouvernements doivent participer au financement et à
l'absorption des coûts découlant d'une liquidation qui
excéderait les ressources de la SIAP. C'est une question de «level
playing field» avec les autres institutions financières au
Canada.
L'une des principales conséquences de la faillite des
Coopérants aura été de faire apparaître que, faute
d'autres possibilités, la SIAP pourrait bien être un instrument de
consolidation de l'industrie, un peu comme ce qu'on a vu avec la
Société d'assurance-dépôts du Canada et les grands
dossiers qu'elle a eu à traiter au cours de la dernière
année. La SIAP n'a pas été constituée à
cette fin.
Le temps est venu de considérer la situation qui est faite
à l'industrie des assurances des personnes dans ce domaine. Les
institutions de dépôt ont joui, au cours des 10 dernières
années ou plus, d'avantages fiscaux directs et de subventions
gouvernementales à la Société
d'assurance-dépôts ou à la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec. À moins d'un parti
pris des gouvernements, l'industrie des assurances de personnes devrait
profiter d'un traitement comparable pour lui permettre de se faire
connaître sur les marchés financiers et de se capitaliser
adéquatement.
Nous insistons, encore une fois, sur l'urgence d'agir. Tant que ce volet
de la réforme de 1984 n'aura pas été
complété, l'industrie des assurances de personnes au
Québec sera désavantagée par rapport aux autres
institutions financières. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M.
Millette. J'inviterais maintenant Mme la ministre des Institutions
financières à vous répondre ou à vous
questionner.
Mme Robic: C'est un mémoire, M. le Président, qui
demande beaucoup de réflexion. C'est un mémoire
qui fait, je pense, une très bonne analyse de la situation. Je
suis heureuse de voir que vous rétablissez les faits également en
nous disant, d'entrée de jeu, que l'industrie de l'assurance de
personnes au Canada est en bonne santé et que les analyses qui en sont
faites sont positives.
Cependant, on ne peut pas cacher le fait que, dans votre industrie comme
dans d'autres, on a vécu des épisodes assez troublants. Vous
mentionnez les Coopérants, je vais vous mentionner La Souveraine. Il ne
faut pas oublier non plus que c'est arrivé ailleurs, pas seulement chez
nous. (21 h 20)
Je voudrais peut-être que vous reveniez, qu'on parle un peu plus
de ce fameux véhicule avec lequel vous êtes d'accord, bien
sûr, mais il y a certaines remarques que vous avez faites. Vous sembliez
croire qu'on attachait ce véhicule à d'autres
considérations, et là, j'avais de la difficulté à
vous suivre. Je ne sais pas si j'ai simplement mal compris, là. Pour
nous, le véhicule, c'est une chose. Comment il doit s'articuler,
ça, je suis intéressée d'entendre vos remarques
là-dessus. Quant à la possibilité d'investisseurs
étrangers qui viendraient investir dans nos entreprises, c'est une autre
chose. Ce n'est pas lié là. Est-ce que j'ai mal compris? Vous
sembliez... peut-être qu'on liait l'un et l'autre... ou j'ai tout
simplement mal compris votre intervention?
M. Millette: C'est probablement notre compréhension, fort
probablement et nous la souhaitons erronée de certains
passages du document, de l'énoncé de politiques qui a
peut-être fait peur à un certain nombre de compagnies plus
petites.
Mme Robic: Est-ce qu'on peut peut-être, là,
très ouvertement en parler, parce que je pense qu'il y a une
incompréhension, un malentendu ici. On va tenter de le dissiper.
M. Millette: Nous serions fort heureux de comprendre qu'il s'agit
d'un malentendu. Je peux peut-être laisser un ou l'autre des autres
présidents élaborer là-dessus.
Le Président (M. Chagnon): M. Ferron, M. Gagné?
Oui, c'est un témoignage éloquent!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robic: Ça allait bien, M. Millette.
M. Millette: C'est parce que s'il s'agit d'un malentendu,
effectivement, on va se dépêcher de le corriger. Je sais
qu'à la dernière réunion du comité des affaires
publiques de l'ACCAP, du Comité permanent des affaires
québécoises de l'ACCAP, il s'agissait d'une préoccupation
majeure des membres, qui se disaient que la consolidation de l'industrie peut
être une bonne chose, mais qu'elle ne devrait pas se faire d'une
façon forcée, et qu'elle devrait être laissée aux
compagnies qui la choisissent. La même chose pour les capitaux
étrangers ou les investissements étrangers.
Les compagnies qui veulent choisir cette route-là, comme je l'ai
dit tantôt, doivent être les bienvenues de le faire.
Mme Robic: Alors, c'est réellement un malentendu. Jamais
il n'est question dans ce document de forcer quoi que ce soit. Je pense que
tout ce qu'on tente de faire avec le document, c'est de réellement
réorienter l'industrie pour dire que nous passons à la
deuxième phase, à une deuxième phase, une phase
d'efficacité, de stabilité et de croissance. Au niveau de la
croissance, on développe certains... on pense que vous avez... La
croissance ne se fera pas nécessairement par acquisitions, comme elle
s'est faite dans les années quatre-vingt, mais plus par des alliances.
Ça peut se faire à travers des alliances stratégiques et
par, également, une meilleure capitalisation.
C'est là où on suggère la création d'un
véhicule quelconque pour aider nos institutions financières
à investir les marchés de capitaux. Également, une autre
façon de capitaliser nos institutions financières, c'est à
travers des investissements qui viendraient de l'étranger et qui
pourraient non seulement fournir à nos compagnies d'assurances ou
d'autres, à nos institutions financières, des capitaux, mais
également souvent une expertise et la possibilité de créer
des liens importants dans un marché qui s'internationalise. Mais un
n'est pas rattaché à l'autre. C'est des moyens là,
ça, hein?
M. Millette: Souhaitons qu'il en soit ainsi, et nous sommes
heureux de constater qu'il en est ainsi, parce que, effectivement, les
compagnies... La réforme de 1984 a mis beaucoup d'efforts la Loi
sur les assurances et sur le décloisonnement sur la
capitalisation des compagnies d'assurances. Ces véhicules-là ont
donné des résultats plus ou moins concluants et on s'est rendu
compte qu'un des grands problèmes était justement de passer d'une
forme mutuelle à une forme de compagnie pouvant se financer sur les
marchés de capitaux normaux.
Dans ce sens-là, je pense que l'industrie trouvait
intéressante la question du véhicule de capitalisation, mais elle
ne voulait pas que cela devienne prétexte à forcer des fusions.
Les compagnies comprennent très bien qu'elles doivent améliorer
leur rentabilité, et que, pour continuer à se développer,
elles ont besoin de capitaux. Mais ce processus doit, comme je le disais dans
mon exposé, se faire a posteriori et non pas a fortiori.
Mme Robic: Cependant, personne ne sera forcé,
là.
M. Millette: C'est ça.
Mme Robic: Cependant, elles auront elles-mêmes à
faire l'analyse de leurs compagnies, à voir quels seront les meilleurs
moyens pour elles de se capitaliser.
Peut-être que ça ne sera même pas... Peut-être
qu'il y en aura qui choisiront de ne pas aller vers un véhicule de
capitalisation, mais plutôt vers l'extérieur pour aller chercher
le capital requis. Mais est-ce que les compagnies, devant un genre de
véhicule comme celui-là... D'ailleurs, vous le dites
vous-même, vous le suggérez vous-même, qu'il doit être
non gouvernemental. Donc, ces compagnies-là devront faire face aux
forces du marché. C'est les forces du marché qui vont
s'opérer, là.
M. Millette: Effectivement. Il est évident que des
compagnies qui ont toujours été sous forme mutuelle, qui devront
s'adapter, ou qui doivent s'adapter depuis déjà une dizaine
d'années, à la présence de capitaux et des exigences que
cela comporte, vont devoir s'y conformer et appliquer les règles
je vais appeler ça les règles du capitalisme, là
des marchés de capitaux. Ça, tout le monde est d'accord et je
pense que tout le monde est conscient que s'ils faillissent à la
tâche, il est normal que l'investisseur exige des comptes. Mais on ne
voudrait pas qu'il les exige a priori.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la
ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Oui, M. le Président. C'est un plaisir
d'échanger avec vous autres comme avec les autres intervenants. Est-ce
que je me trompe ou est-ce que la SIAP a sauvé les meubles dans la
malheureuse aventure des Coopérants?
M. Millette: Non. La SIAP a indemnisé les
assurés.
M. Holden: Oui, oui, je sais, mais si... Ce n'était pas
exactement la raison d'être de la SIAP, au fond, de venir sauver une
faillite de cette envergure. Est-ce que je me trompe?
M. Millette: Bien, comme je l'ai mentionné tantôt,
la SIAP n'est pas là pour... n'a jamais été pensée,
jusqu'à aujourd'hui je parle toujours jusqu'à aujourd'hui
pour être un instrument de consolidation de l'industrie, mais bien
comme un instrument d'indemnisation d'éventuelles victimes. La SIAP a
joué ce rôle d'indemnisation des victimes, à venir
jusqu'à maintenant, avec succès. On souhaite, on prend tous les
moyens pour qu'il continue d'en être ainsi. Mais nous devrons dans...
D'ailleurs, il y a un groupe de travail qui a été formé
à ce sujet-là, à l'intérieur de l'industrie. La
SIAP devra s'adapter à l'environnement actuel. Elle ne souhaite pas
devenir un organisme de consolidation de l'industrie, mais à
défaut d'autres mécanismes, elle pourrait être
forcée de le faire, ce qui poserait des pro- blèmes majeurs
à l'industrie qui n'est pas subventionnée de quelque façon
que ce soit pour le faire.
M. Holden: Dites-moi si je résume bien les lignes
directrices de votre mémoire. D'abord, si le Québec tient
à une industrie régionale forte, il doit s'occuper de la
capitalisation et du financement de ses entreprises d'assurance de personnes.
Est-ce que ça résume un peu votre...
M. Millette: C'est essentiellement notre argumentation. C'est le
seul volet, pourrions-nous dire, de la loi, de toutes les législations
en matière d'assurance au Québec depuis les 20
dernières années, je dirais qui n'a pas connu un
succès complet, parce qu'il exigeait un changement assez important dans
le fonctionnement ou dans la philosophie des compagnies, qui sont
passées de compagnies mutuelles sans attache avec les marchés de
capitaux à des compagnies qui ont besoin de trouver, sur les
marchés, pour toutes sortes de raisons dont j'ai parlé dans le
mémoire, les capitaux nécessaires pour continuer à se
développer. Cette capitalisation-là est devenue quelque chose de
très important.
M. Holden: Est-ce que vous croyez toujours au concept de
mutualisation, du mutuel? Est-ce que ça doit être repensé?
(21 h 30)
M. Millette: Je pense qu'une compagnie qui est mutuelle et qui
veut le rester peut en faire le choix. Elle est absolument libre de le faire.
Mais une compagnie mutuelle qui veut continuer de se développer dans un
marché aussi concurrentiel que celui d'aujourd'hui doit
nécessairement repenser ses stratégies, et peut trouver, dans des
lignes d'affaires plus profitables ou dans d'autres moyens internes, les
capitaux nécessaires. Cependant, elle devra trouver les capitaux
nécessaires à son développement, même si elle
choisit la forme mutuelle.
M. Holden: Maintenant, dites-moi si, encore, je résume
bien votre pensée. Le gouvernement du Québec doit favoriser la
capitalisation des assureurs de personnes présents au Québec en
favorisant la création d'un véhicule collectif de financement.
C'est une autre de vos préoccupations?
M. Millette: C'est une préoccupation, je pense bien, de
l'énoncé de politiques. Je pense bien que ce sont les termes de
l'énoncé de politiques.
Mais oui, nous souscrivons tout à fait que ce soient ou
non les termes de l'énoncé de politique à la
nécessité d'avoir au Québec une industrie forte. S'il y a
des véhicules de placement, s'il y a des véhicules qui sont
permis comme cela avait été le cas avec les REA, dans le
cas des banques je pense que ces véhicules-là ne doivent
pas exclure a priori une entreprise qui fait affaire chez nous.
M. Holden: Vous préconisez, comme bien d'autres, le
«level playing field»?
M. Millette: Si on veut parler d'internationalisation des
marchés, de concurrence avec l'étranger, je pense qu'on doit
parler de «level playing field». Je pense que c'est la base de
toute compétition. Autrement, l'industrie qui serait avantagée ou
la partie d'industrie qui serait avantagée délogerait assez
rapidement les autres, dans un milieu aussi concurrentiel que celui des
institutions financières, en 1993.
M. Holden: Maintenant, dans les propositions de Mme la ministre,
il est question de confier à l'Inspecteur général la
tâche de concevoir et de superviser l'application de normes de pratiques
commerciales et financières saines. J'aimerais avoir votre
réaction. Est-ce que vous acceptez le concept? Quelle est votre
réaction?
M. Millette: Notre réaction est... La loi sur les
assurances du Québec encore là, je me limite à la
Loi sur les assurances ou à l'industrie de l'assurance de personnes
a été le résultat d'une consolidation, pour la
dernière fois, dans les années soixante-dix, en 1974. La loi a
été amendée, je ne sais pas, peut-être 15 fois, au
moins 7 ou 8 fois depuis cette époque-là, sans compter les
amendements au règlement. On a changé les bases comptables, on a
changé les états financiers. On a ou on veut introduire des
nouvelles normes de capitalisation, de surplus minimum requis. On a
donné à chaque amendement... Chaque fois qu'on donnait des
pouvoirs supplémentaires aux compagnies, on donnait des pouvoirs
supplémentaires à l'Inspecteur général.
À un moment donné, je pense que, sans s'opposer à
quelque nouveau pouvoir que ce soit, on devrait commencer par rationaliser tout
ce qu'il y a dans la législation, la Loi sur les assurances. Il y a
énormément de pouvoirs qui ont été
conférés au cours des années à l'Inspecteur
général. Je ne veux pas parler pour lui, mais moi,
personnellement, je finirais par me sentir mal à l'aise d'avoir
énormément de pouvoirs et de ne pas toujours être certain
de pouvoir les appliquer.
Je vais en prendre juste un au hasard, comme ça: celui qui permet
à l'Inspecteur général de refuser un placement d'une
compagnie d'assurances. C'est un pouvoir qu'il a depuis fort longtemps dans la
législation sur les assurances. S'il avait exercé un tel pouvoir,
je ne sais pas, il y a cinq ou six ans, et qu'il avait décidé de
déclasser des placements immobiliers dans Bramalea, Olympia & York
ou autres, je pense qu'il aurait été mal vu de le faire, alors
qu'aujourd'hui il y en aurait peut-être qui seraient tentés de lui
reprocher de ne pas l'avoir fait. Il y a toutes sortes de pouvoirs comme
ça qui, éventuellement, sont discrétionnaires et qui
peuvent être difficiles à exercer quand on est quotidiennement
dans un véhicule.
Je pense que tout ça devrait être repensé et
rationalisé pour un meilleur contrôle, une meilleure surveillance,
contrôle et surveillance de l'industrie des assurances de personnes. Je
pense que l'occasion est bien choisie de le faire.
M. Holden: Mme la ministre a demandé à M.
Bouchard de se mettre à la place de l'Inspecteur...
Le Président (M. Chagnon): ...de M. Bouchard. M.
Holden: ...Bouchard.
Le Président (M. Chagnon): Elle a demandé à
M. Bouchard de se mettre à la place de M. Bouchard!
M. Holden: ...de se mettre à la place de l'Inspecteur
général. Mais je vois que, vous, vous n'avez pas de
problème, parce que vous seriez mal à l'aise, à la place
de l'Inspecteur général.
M. Millette: Mais je ne suis pas l'Inspecteur
général, remarquez.
M. Holden: Non, mais...
M. Millette: C'est plus facile d'en parler. Ha, ha, ha!
M. Holden: Ha, ha, ha! Dans bien des mémoires, on parle de
l'empiétement du gouvernement fédéral dans le champ
provincial de l'État du Québec. Est-ce que vous avez des
réactions similaires là-dessus?
M. Millette: Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a un
besoin d'harmonisation des législations au Canada. Ça, c'est
certain. Comme le Québec est une juridiction, je dirais, un peu
spéciale, parce qu'elle est une des seules au Canada à avoir un
aussi grand nombre d'institutions financières sous sa charge, moi, je
pense bien qu'il faut en tenir compte.
M. Holden: Je crois que le député de
Jacques-Cartier voulait demander une question sur le temps de l'Opposition; ce
serait peut-être le moment de le faire, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): J'ai bien observé cela,
M. le député de Westmount, et...
M. Holden: J'ai vu les signaux qui se passaient entre vous...
Une voix: Un lien de solidarité.
Le Président (M. Chagnon): J'attendais que vous ayez
fini.
M. Holden: Mon ancien collègue, je veux bien...
Le Président (M. Chagnon): J'attendais que vous ayez fini
votre intervention pour lui céder la parole.
M. Holden: On aurait une autre... Je pense qu'on va revenir?
Le Président (M. Chagnon): Oui, oui, je vais
vous permettre de revenir, absolument. M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Cameron: Merci. I will be very brief. I would just like to ask
a couple of things. I wonder if you could possibly tell me just in
ballpark figures, not exactly what percentage of the investment
portfolio of the insurance companies is in commercial real estate, compared to,
say, stocks and bonds. Not exactly, I just mean like in the general kind of
area. Are we talking about 5 %, or 10 %, or a third? And secondly, whether you
can do that or not, is the value of commercial real estate held, charged at the
cost, at the time of purchase, or at the current market price, when measuring
the assets of the insurance company?
M. Millette: Well, your first question, I have no figures here
tonight, and I cannot answer your question, personally. For the other one, you
will know that the accounting rules have changed over the years and they have
gone to strict cost account, book value, at the beginning. There has been an
evolution, and this evolution has not been necessarily the same in
Québec and with the federal government. For example, Québec has
never followed the if I remember well federal government with
that increase in the value of real estate, which may be increased by a certain
percentage with a surplus, with some provision to the surplus for that, which
is done for shares and other things. So, I do not know if Québec has
made that, but I am not sure. I think they never went with that until a recent
date. There have been different situations, and at this time, I do not think
there is any similarity within the Québec companies and the federal
companies as to the accounting principle concerning real estate and
mortgages.
M. Cameron: Do you think it can raise any problems for the
insurance companies?
M. Millette: Well, a certain number of companies have made
adjustments to their annual statement, but I have not seen any particular
problems, except maybe with Sovereign Life, which failed last year. But it is
the only one that was, at that stage, with real estate, as far as I can
see.
M. Cameron: So... thank you. (21 h 40)
Le Président (M. Chagnon): Do you have more questions, Mr.
Member?
M. Cameron: Non, c'est tout. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Thank you very much. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Robic: Oui. M. le Président, je voudrais
peut-être parler des organismes d'autoréglementation, deux
minutes. On n'ira pas dans le détail parce que la SIAP va
présenter un mémoire, et je pense qu'on va vous revoir avec la
SIAP. On pourra aller plus en détail.
C'est bien sûr que ces organismes d'indemnisation, c'est des
organismes qui... C'est sécurisant pour le consommateur, c'est une
protection pour le consommateur, et je ne pense pas qu'on tienne à
remettre ça en cause. Cependant, ça enlève
également une responsabilité au consommateur vis-à-vis de
l'institution financière qu'il choisit. Il n'a pas à
s'inquiéter aujourd'hui, à savoir s'il va à l'institution
financière A, B ou C. Le consommateur se dit: De toute façon, mon
dépôt est protégé, ma police d'assurance est
protégée, mes rentes sont protégées parce qu'il y a
maintenant des fonds d'indemnisation qui sont là s'il arrivait qu'une
compagnie soit en danger.
Également, au niveau des compagnies, de l'industrie, je dirais,
le même phénomène se produit en disant: On a
peut-être moins d'efforts à faire pour sauver une compagnie parce
que, de toute façon, la clientèle de cette compagnie va
être protégée. Là, je me dis que, peut-être,
on manque notre coup, et qu'on ne joue pas tout à fait notre rôle,
tous et chacun, dans ce domaine-là. Je crois qu'il faudrait
peut-être regarder de plus près comment on peut s'assurer que
chacun joue son rôle, que chacun est responsable de ses choix et ne s'en
remet pas tout simplement aux organismes d'indemnisation, en disant: Bien, de
toute façon, il y a quelqu'un qui va payer au bout de la ligne; alors,
on n'a pas besoin de s'inquiéter. Je vous avoue que ça
m'embête et ça m'ennuie. C'est toujours facile de dire que c'est
la faute du gouvernement et que le gouvernement va payer, mais on arrive
à un point où on dit: Notre gouvernement n'est plus capable de
payer, de toute façon, parce qu'il n'a plus les moyens.
Mais pour revenir à la responsabilité des personnes et des
groupes, il y a des personnes, il y a des gens qui suggèrent que le
consommateur devrait assumer une partie de responsabilité au moment
d'une faillite, et que, peut-être, qu'un certain montant... Avant
même que la Société d'indemnisation indemnise, il pourrait
peut-être y avoir un montant qui resterait la responsabilité du
consommateur. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce genre de...
M. Millette: Je peux vous dire que nous avons formé, dans
l'industrie, un groupe de travail conjoint, ACCAP-SIAP, pour étudier un
certain nombre de propositions, et cette proposition-là est sur la
table. Mais je peux vous dire aussi que je ne pense pas que la SIAP, pas plus
que la Société d'assurance-dépôts du Canada ou la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec, veuille
être la première à imposer une telle mesure. Je pense bien
que, s'il devait y avoir une telle mesure, elle devrait être
généralisée à l'ensemble des institutions
financières ou à l'ensemble des fonds d'indemnisation. Autrement,
la première industrie qui imposerait une telle limite à la
protection de ses clients verrait des problèmes de concurrence assez
importants. Donc, théoriquement, je pense que, oui, tout le monde est
conscient que les gouvernements ont atteint des limites, que l'industrie
qui
cherche de la capitalisation n'a sûrement pas 0,5 % de ses volumes
de primes à investir dans les faillites de compagnies bien, bien
longtemps ou éternellement. Effectivement, il faut trouver des
solutions. Mais, comme je vous dis, et selon la fameuse notion de «level
playing field», je ne pense pas qu'on veuille être les premiers
à instaurer une telle mesure.
Mme Robic: Et les compagnies, elles? Vous dites que la SIAP n'a
pas le mandat de faire des sauvetages de biens, de payer, d'indemniser au
moment d'une faillite. Pourtant, avant que la SIAP existe, vous n'avez jamais
laissé une de vos compagnies faire faillite.
M. Millette: Exact.
Mme Robic: L'industrie faisait des sauvetages. Pourquoi ce
changement? Parce que, maintenant, il y a un fonds d'indemnisation, pourquoi ce
changement de philosophie, qui est d'abord très coûteux pour
l'industrie, en premier lieu, et qui affecte votre
crédibilité?
M. Millette: je pourrais vous répondre que je ne
sais pas dans le temps, il y avait la corvée. aujourd'hui, il y a
les compagnies d'assurances pour payer les dégâts. mais la siap
est peut-être un filet de sécurité qui a fait en sorte que
des gens ont pu se sentir libérés. deuxièmement, et en
plus, je pense qu'il y a une question de saturation du marché aussi, qui
n'existait pas avant, et peut-être qu'on parlait des normes de
capitalisation. si vous devez, pour bien paraître dans les normes de
capitalisation ou pour bien figurer auprès de standard & poor's ou
de n'importe quel autre organisme de cotation, si vous devez maintenir 125 %,
130 %, 140 %, 150 % de surplus pour bien paraître dans les états
financiers, ça devient excessivement onéreux de faire des
acquisitions, parce que vous êtes obligés, en plus de faire
l'acquisition, d'augmenter votre capitalisation pour rencontrer les nouvelles
normes.
Donc, de plus en plus, les entreprises considèrent que c'est plus
difficile. Comme la capitalisation, on en parle depuis tantôt, n'est pas
facile à aller chercher, ça peut être un autre frein. Il y
a plusieurs raisons, et je dois vous avouer qu'on n'a pas fait le tour des
raisons, mais, nous aussi, c'est une question qui nous préoccupe parce
que, effectivement, il y a eu des problèmes avant et il y en a encore
dans le dossier de La Souveraine. On ne trouve pas facilement un
acquéreur dans le dossier. Il n'y a pas une lignée de 20 ou 30
assureurs prêts à prendre le dossier. Il y en a, mais il n'y a pas
foule aux portes. Donc, oui, effectivement, il y a un problème.
M. Gagné (Gaétan): Moi, je dirais que, finalement,
il y a beaucoup de pompiers volontaires. À un moment donné, il y
a peut-être...
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous pourriez vous
nommer pour les fins de notre...
M. Gagné: Gaétan Gagné, président de
L'Entraide.
Le Président (M. Chagnon): Merci.
M. Gagné: Pour répondre à l'interrogation de
Mme Robic. Évidemment, il faut voir que, lorsqu'il y avait des
entreprises qui étaient en mauvaise position financière, n'ayant
pas de mécanismes, ça se réglait souvent à
l'amiable entre deux exécutifs. À partir du moment où il y
a un mécanisme, il y a tout le processus d'appel d'offres. Toute la
partie qui est impliquée pour négocier un transfert de
portefeuille va vouloir le faire selon des règles bien précises
pour éviter d'être critiquée par d'autres membres de
l'industrie. C'est le processus qui veut ça. En ayant une
sécurité d'un côté, évidemment, on doit
s'assurer de passer par certaines procédures qui font en sorte que c'est
peut-être moins intéressant pour des gens de bâtir, de voir
à essayer d'obtenir une entreprise sur le principe de
négociations en tête-à-tête.
M. Ferron (Claude): Moi, j'aurais quelques commentaires sur le
fonds d'indemnisation. Il ne faut pas oublier quelque chose. C'est qu'au bout
de la ligne, finalement, c'est le consommateur qui paie. Que ce soit
Passurance-dépôts ou que ce soit Les Coopérants, le
coût, actuellement, est astronomique pour les compagnies d'assurances du
Québec, à court terme je parle pour mon organisation. On
s'aperçoit que, finalement, autrefois, comme vous dites, il y a eu
plusieurs fusions, il y a eu plusieurs organisations qui ont réussi
à s'arranger. On a l'impression maintenant qu'avec la SIAP c'est comme
si ça devait être la SIAP qui règle tout et c'est
peut-être là l'erreur fondamentale plutôt que
d'essayer de trouver d'autres mécanismes.
Moi, j'ai une conviction assez grande, c'est qu'une compagnie
d'assurance-vie, pour vraiment tomber en faillite, même Les
Coopérants, il faudrait que ce soit non seulement désastreux,
mais... même là, encore... parce que ce qui peut manquer, à
un moment donné, c'est la partie capital. Il restait quand même
qu'il y avait des portefeuilles d'assurances, je pense Les
Coopérants qui étaient encore très sains, il n'y a
aucun doute, sauf que c'était peut-être la question des actifs,
que ce soient immobiliers ou autres. (21 h 50) alors, moi, je me questionne
beaucoup, parce qu'on s'aperçoit que ce mécanisme-là,
actuellement, de la façon qu'il fonctionne, peut être très
coûteux à court terme. il peut même déranger notre
rentabilité. un demi de 1 %, ça c'est le maximum, et là,
on parle de monter à 1 %. je peux vous dire que c'est beaucoup. alors,
disons que c'est les considérations que j'ai actuellement. il faut
penser que les américains, aux états-unis, ils ont aussi des
fonds de garantie. ils ont trouvé en fait, je crois qu'il y a
seulement trois états qui n'ont pas de fonds de garantie des
mécanismes qui sont propres à leurs juridictions, partout. des
fois, c'est un peu comme on a avec l'assurance-dépôts, il y a des
primes qui sont
payées d'avance. Dans d'autres cas, c'est un peu comme pour la
SIAP, et dans d'autres cas, il y a des mécanismes aussi qui sont
associés à des crédits de taxe de primes. Il faut penser
que, nous, les compagnies d'assurance-vie, nous payons 2,15 % de taxe de
primes. Je peux vous dire que c'est des montants très importants, si
vous regardez toutes les primes qui sont souscrites. Moi, je pense aussi que,
lorsqu'il y a quelque chose comme ça, disons Les Coopérants ou
une autre, il faudrait trouver des mécanismes aussi dans le temps et non
pas à très court terme. Si on pouvait avoir un mécanisme
sur 5 ou 10 ans, même si on doit tout le payer, ça nous donnerait
vraiment la chance de pouvoir retomber sur nos pieds plus rapidement et
peut-être de faire plus attention aussi.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Ferron.
Mme la ministre.
Mme Robic: Merci.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Westmount, peut-être avez-vous d'autres questions et un mot de la
fin.
M. Holden: Juste peut-être deux questions. D'abord, dans
votre mémoire, il est question de stratégie internationale de
développement. Alors, est-ce que vous pourriez me dire quelle doit
être la stratégie, la priorité de l'industrie
québécoise? Est-ce que c'est le développement
international ou le développement québécois?
M. Millette: Oui, évidemment, quand on parle... M.
Holden: Ou les deux?
M. Millette: On ne peut pas ignorer la mondialisation de
l'économie. Les entreprises québécoises, avant de se
lancer à la conquête du monde, je pense qu'elles doivent avoir une
base régionale forte. Et ça, je pense qu'il est essentiel
qu'elles commencent d'abord par se capitaliser et développer un ensemble
de produits rentables avant de songer à se lancer au plan international.
Je suis bien d'accord que les compagnies québécoises pourraient
et devraient rechercher des ententes avec des partenaires étrangers,
soit pour du financement ou une participation, soit pour développer un
«know how». Ça, c'est certain. Mais de là à
dire d'avoir une stratégie internationale de développement, je
pense bien que Standard & Poor's dit bien qu'il n'y a pas tellement de
chance. Je lisais The Economist, il y a quelques semaines, qui parlait
de la mondialisation et qui donnait une liste de 80 ou 100 compagnies à
travers le monde qui détiennent 60 % des marchés internationaux.
Il n'y avait aucune entreprise canadienne dedans. Donc...
M. Holden: La charité bien ordonnée commence chez
nous.
M. Millette: Je pense qu'il est nécessaire d'avoir...
Même s'il y a mondialisation de l'industrie, je pense qu'il y aura
toujours place pour une industrie régionale forte. Quand je parle de
«régionale», je ne parle pas juste de
québécoise, je parle de canadienne, parce que, au plan
international, le Canada est une petite région.
M. Holden: Vous mentionnez aussi dans votre mémoire, et je
vous cite... À la page 10, vous proposez au gouvernement
d'élaborer une stratégie de concertation avec l'industrie afin de
stabiliser les coûts des services de santé dispensés par
les régimes publics. Peut-être que vous pourriez expliciter un peu
plus cet énoncé.
M. Millette: Oui, je pourrais expliciter un peu et je pense que
M. Ferron pourrait en parler encore plus.
M. Holden: M. Ferron est avec la Croix Bleue, je crois.
M. Millette: La Croix Bleue. Il y a énormément
d'expériences qui se font aux États-Unis depuis le milieu des
années 80, où on peut commencer à offrir des programmes
à long terme qui peuvent être jumelés à d'autres
contrats, soit d'assurance, soit de rentes en capitalisation, des rentes en
accumulation, et qui peuvent s'appliquer, par exemple, à certaines
maladies spécifiques comme des maladies débilitantes ou qui font
perdre l'autonomie d'une personne. Ce sont des programmes qui, accumulés
au cours d'une période de temps certains de ces
programmes-là peuvent être pris aussi tôt que l'âge de
50 ans, par exemple peuvent permettre à cette personne-là
d'être indépendante financièrement advenant son placement
dans une maison, parce qu'elle est en perte d'autonomie. Donc, des choses comme
ça peuvent, si elles sont bien gérées et bien
montées, être intéressantes pour l'industrie de
l'assurance, et peuvent aussi être intéressantes pour les
gouvernements. Mais je suis certain...
M. Holden: Est-ce que M. Ferron a été appelé
par Mme Clinton pour donner ses avis?
M. Ferron: non, non, mais je pense qu'ils vont assez bien
régler leurs problèmes, parce que... lorsqu'on regarde un peu
aussi ce qui se fait aux états-unis, on s'aperçoit que c'est vrai
que ça coûte très cher. ils sont rendus à 14 % du
pib. nous, on est rendus à 10 %. on s'aperçoit que, dans les
années qui s'en viennent, je pense bien que les compagnies d'assurances
vont pouvoir jouer un rôle important. on s'aperçoit que, depuis
quelques années, pas seulement au québec, mais un peu à
travers le canada, les gouvernements désassu-rent un peu les
régimes. ce sont les assureurs privés qui prennent la
relève, sauf qu'actuellement je vous rappellerai qu'en assurance
collective on a une taxe de 9 % qui s'ajoute lorsqu'on vient ajouter des
bénéfices comme ça. ça, je trouve ça
extrêmement difficile, pour nos assurés d'abord, et aussi, je
pense bien, pour l'industrie
qui, comme telle, avant de donner quelque bénéfice, elle
doit payer 9 %. Je pense qu'il y a une petite anomalie, disons, de ce
côté-là.
Pour le restant, moi, j'ai bien confiance que si on regarde un peu ce
qui se passe aux États-Unis, si on regarde ce qui se passe au Canada...
C'est vrai que les États-Unis ont un problème avec 35 000 000
d'assurés, mais je pense bien, avec ce qui s'en vient, soit le
«pay or play», les approches qui vont être faites, qu'ils
vont réussir à couvrir ça. Ce qui est plus important,
peut-être, c'est ce qu'ils ont commencé à mettre de
l'avant, ce qu'ils appellent le «managed care». Ça, c'est
appelé à prendre énormément d'ampleur, et ça
va permettre probablement aussi de mieux contrôler les coûts de
santé. Nous, on l'expérimente actuellement avec Florida Blue
Cross, pour les gens qui voyagent hors Canada. On s'est aperçu qu'il y
avait des retombées extrêmement importantes sur le plan des
coûts, sur la qualité aussi.
M. Holden: Je vous remercie, messieurs, de votre
présentation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le
député. Mme la ministre.
Mme Robic: Merci infiniment. C'était intéressant.
Merci, M. le député, de votre participation.
M. Millette: Merci beaucoup.
Le Président (M. Chagnon): Je tiens à vous
remercier, MM. Millette, Ferron et Gagné. Nous allons ajourner nos
travaux à demain matin, 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 58)