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(Neuf heures cinquante-quatre minutes)
Le Président (m. lemieux): à l'ordre, s'il vous
plaît! la commission du budget et de l'administration poursuit ce matin
une consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics. m. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. Boisclair (Gouin) est
remplacé par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière); M.
Forget (Prévost) est remplacé par M. Richard (Nlcolet-Yamaska);
M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Dufour
(Jonquière).
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
secrétaire.
Est-ce que les gens ont pris connaissance de l'ordre du jour?
M. Filion: Nous en avons pris connaissance, M. le
Président, mais avant l'adoption, on aimerait présenter, bien
sûr... on aimerait présenter, comme vous l'avez si bien dit hier,
une motion pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour et qu'on puisse
la débattre à cette commission...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que je peux prendre...
Vous faites état...
M. Filion: ...pour être en conformité avec votre
jugement d'hier.
Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire que vous
décidez ce matin de présenter une motion...
M. Fiiion: Et de l'inscrire à l'ordre du jour pour
être en conformité avec le jugement que vous avez
déclaré, hier, sur l'opportunité de recevoir ou non une
motion à cette commission.
Le Président (M. Lemieux): Oui, sur la recevabilité
de la motion... Un instant! Nous allons en faire faire quelques copies.
M. Filion: Alors, si vous le permettez, M. le Président,
je peux la lire à cette commission.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais vous entendre, M. le
député de Montmorency.
Motion proposant le dépôt des
études et
des analyses du gouvernement au sujet
des dédoublements et des chevauchements
administratifs entre le gouvernement
du Québec et le gouvernement
fédéral
M. Filion: Alors, la motion, M. le Président, se lit comme
suit: «Que la commission du budget et de l'administration souhaite, dans
le cadre de son mandat sur le financement des services publics au
Québec, que le président du Conseil du trésor mette
à la disposition des membres une copie des études, documents ou
analyses préparées par les divers ministères et traitant
des dédoublements et des chevauchements administratifs entre le
gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral.»
C'est le contenu de la motion, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Beauce-Nord, vous avez des commentaires eu regard à la
recevabilité.
Débat sur la recevabilité M. Jean
Audet
M. Audet: Oui, M. le Président.
Je vous demanderais de déclarer cette motion irrecevable dans la
mesure où c'est un souhait. C'est très imprécis, ce qu'on
demande là, d'autant plus qu'on fait référence à
des documents. Quels sont ces documents? Est-ce qu'ils existent, ces
documents-là? On ne les nomme pas, ici. S'ils existent, est-ce que,
à ce moment-là, il n'y a pas des documents là-dedans qui
ne pourraient pas être d'intérêt public, qui ne sont pas
d'Intérêt public? Alors, on ne possède pas, je pense, les
informations minimales nécessaires.
D'ailleurs, à cet égard-là, je crois qu'il y a des
décisions qui ont été rendues en vertu de l'article 162
qui dit que c'est le président qui peut accepter...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît,
voulez-vous permettre au député de Beauce-Nord de finir son
argumentation?
M. Audet: ...le dépôt en commission, parce que c'est
le président qui peut accepter le dépôt en commission de
documents. Alors, puisqu'on ne connaît pas ces documents-là, je
vous demande de déclarer la motion irrecevable.
Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien
conscient qu'il ne s'agit pas d'un dépôt, mais d'une
motion.
M. Audet: Oui, effectivement...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, je vous écoute sur la recevabilité.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: M. le Président, pour faire suite à ce
que vient de dire le député de Beauce-Nord, ce genre de motion
avait déjà été déposé, si je me
rappelle bien, dans une des commissions qui avaient été
créées par la loi 150 et elle n'avait pas été...
peut-être avait-elle été reçue parce qu'on ne savait
pas... mais elle n'avait certainement pas été acceptée, et
je vais refaire le même type d'argumentation que j'avais fait à ce
moment-là.
Nous n'avons aucune indication quant à l'existence de tels
documents. Il n'existe, que je sache, de la part des déclarations
ministérielles, aucune déclaration disant que ces études
ont été faites. Dans le cadre de la loi 150, bien sûr, la
commission d'accès à la souveraineté a fait des
études. Elles sont actuellement publiques, et j'imagine qu'il n'y a
aucune difficulté pour cette commission de se saisir du rapport
préliminaire qui avait été fait par la Commission
d'étude des questions afférentes à l'accession du
Québec à la pleine souveraineté. Mais là, je trouve
qu'on est sur une demande de dépôt de documents purement
hypothétiques, et je me demande, M. le Président, si, par motion,
on peut demander de déposer quelque chose dont on ne connaît pas
l'existence et dont on ne sait pas que ceci existe.
Alors, c'est la question sur laquelle je vous demande de statuer, M. le
Président. Est-ce que, par motion, je pourrais dire: Est-ce qu'on peut
déposer quelque chose qui, j'imagine, existe? À mon sens non,
non. Vous devez statuer que tant qu'on n'a pas la preuve de l'existence de
telles études, on ne peut pas demander de déposer des choses qui
sont purement hypothétiques.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Verdun.
M. le député de Montmorency, s'il vous plaît.
M. Jean Fiiion
M. Fiiion: Merci, M. le Président.
À cette commission, depuis le début qu'on recherche une
transparence, qu'on recherche une information complète, qu'on recherche
à informer la population, M. le Président, sur ce qui se passe
sur nos finances publiques... Les gens veulent comprendre pourquoi ils sont
taxés, mal taxés, surtaxés et à quoi on
dépense tous ces fonds-là. Vous vous attaquerez bientôt
à vouloir les couper à nouveau dans différents services
publics.
Le Président (M. Lemieux): Sur la recevabilité de
la motion et non pas sur le fond de la motion.
M. Fiiion: Sur la recevabilité, M. le Président,
j'y arrive, j'y arrive, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): C'est ça qui
m'intéresse.
M. Fiiion: Oui. La recevabilité, M. le Président...
On débat actuellement du fond. On parle d'imprécision, on parle
également d'existence des documents, etc. Ça a été
admis à diverses reprises par des ministres, M. le Président, ce
genre de dépôt de motion où, effectivement, on a
reçu la motion et on l'a examinée ensemble, on l'a
débattue et on a pris un vote, M. le Président. C'est
arrivé à une multitude de reprises que ce genre de motion a
déjà été déposée et acceptée
sur la recevabilité. (10 heures)
Hier, vous avez rendu un jugement, M. le Président, vous avez dit
qu'elle n'était pas recevable parce que ce n'était pas opportun.
Aujourd'hui, on s'est conformé effectivement à votre jugement
pour la déposer selon les règles de l'art de Assemblée
nationale.
Alors, je crois bien que, normalement, M. le Président, elle
devrait être recevable, cette motion-là.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Lotbinière.
M. Camden: M. le Président...
M. Fiiion: Et les documents existent, M. le Président,
parce que ces documents-là ont déjà été
cités...
Le Président (m. lemieux): pardon! pardon! ça... je
vous ai dit tout à l'heure... l'important pour moi, ce n'est pas de
savoir si les documents existent ou non. ce n'est pas ça qui est
important, à ce stade-ci, et je ne veux pas qu'on aille sur le fond de
la motion.
M. le député de Lotbinière
M. Fiiion: ...parce qu'on a fait mention.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lotbinière.
M. Fiiion: Mais on est allé, tout à l'heure, M. le
Président, sur le fond.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lotbinière. M. le député de Lotbinière, sur la
recevabilité.
M. Lewis Camden
M. Camden: Oui, certainement, M. le Président.
Concernant la recevabilité, ce qu'on constate, c'est que
lorsqu'on fait la lecture de la motion qui est déposée, on
emploie le verbe «souhaiter». Ça m'apparaît être
un voeu, et la commission n'a pas, à mon sens, à faire des
appréciations sur les voeux. On comprend fort bien que les motivations
premières, et on l'a constaté depuis quinze jours, c'est que les
gens d'en face recherchent la constitutionnalisation de la commission. Ce
qu'ils recherchent, bref, c'est de faire de cette commission la phase 2 de la
commission sur la souveraineté et, également, de faire la phase 2
de la commission Bélanger-Campeau.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lotbinière, sur la recevabilité. Vous avez tous tendance à
vous égarer.
M. Camden: J'y arrive, M. le Président. C'était
pour vous mettre en situation, bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. Camden: Vous comprendrez bien que les motifs ici qui animent
et les documents réclamés font référence,
évidemment, semblerait-il... sont fondés sur
l'authenticité de tels documents. Nous ne croyons pas qu'il y ait
authenticité de tels documents et que les mômes documents
réclamés ont déjà été
déposés devant la commission Bélanger-Campeau et devant la
commission sur la souveraineté, si documents il y a.
M. le Président, j'ai constaté que vous ne
m'écoutiez pas lorsque je faisais valoir mes motifs.
Le Président (M. Lemieux): J'ai bien entendu vos motifs,
M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Vous êtes comme le député de
Lévis. Vous pouvez marcher et mâcher de la gomme en même
temps? Je m'en réjouis.
Le Président (M. Lemieux): Non, non, non, M. le
député de Lotbinière. J'ai bien écouté vos
motifs. Ne vous inquiétez pas. M. le député de Verdun, et
c'est la dernière remarque.
M. Gautrin: M. le Président...
M. Filion: Monsieur, monsieur... Avant, M. le
Président...
Le Président (M. Lemieux): Alors, un instant! M. le
député de Montmorency, l'alternance. Mais là, ce sont les
dernières remarques, vous et M. le député de Verdun, et
c'est fini.
M. Filion: Oui, oui. De toute façon, M. le
Président, je pense que vous avez suffisamment d'information depuis
qu'on dépose ce genre de motion cette semaine pour que vous puissiez
prendre tout ça en délibéré.
On a des invités qui attendent déjà depuis quelques
minutes, et je pense qu'on sera en mesure d'attendre votre décision
cette fois-ci des plus constructive et positive, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va, M. le
député.
M. le député de Verdun, pour terminer.
M. Gautrin: M. le Président, si nous votons et si vous
recevez cette motion et si nous la votions, prenons l'exemple que vous la
receviez et que nous la votions, je comprends bien qu'elle demanderait un
dépôt que vous devriez accepter ou non sur la base de l'article
162 puisque, à ce moment-là, après on ne peut pas...
La commission souhaiterait, si j'ai bien compris, que le
président du Conseil du trésor dépose, et on ne peut pas
déposer un document sans l'approbation du président.
Une voix: II y a le souhait, M. le député. M.
Gautrin: Donc, on souhaite...
Le Président (M. Lemieux): Ça va, ça va. M.
le député de Verdun, ça va. Ça va là-dessus.
Vous reprenez la même argumentation que tout à l'heure.
M. Gautrin: Vous avez compris.
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui.
M. Gautrin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Comme j'avais bien compris le
député de Lotbinière.
Décision du président
Écoutez, j'ai rendu une décision, hier. J'ai dit hier que
l'élément primordial, dans un premier cas, hier, ce
n'était pas juger pour moi de la recevabilité sur le fond, mais
de l'opportunité. Il va sans dire qu'au moment où je vous parle
il n'est pas opportun de présenter cette motion-là puisque
l'ordre du jour n'a pas été adopté. Hier, je me suis fait
un devoir d'avoir à regarder, à étudier et à lire
l'ensemble de la jurisprudence sur ce cas-là, de même que les
auteurs.
Il va sans dire que, ce matin, je m'attendais à ce que cette
motion soit présentée. J'ai aussi pris la peine, hier soir, de
lire l'ensemble de la doctrine et de la jurisprudence. L'élément
primordial, la question que je me dois de me poser: Est-ce que cette motion
empêche l'exécu-
tion de l'ordre de l'Assemblée nationale, dans un premier temps,
ou en retarde le passage? Est-ce qu'elle est contraignante dans sa substance,
dans sa nature pour le ministre?
Alors, comme j'en arrive à la conclusion, eu égard
à la jurisprudence qui a déjà été
citée à la commission de l'Assemblée nationale, à
la commission des affaires sociales, eu égard à une
décision du vice-président Saintonge du 21 décembre 1988,
et ainsi de suite, j'en arrive à la conclusion que, effectivement, elle
n'est ni contraignante et elle n'empêche pas l'exécution de
l'ordre.
Maintenant, en ce qui a trait à la question du I'hypothèse
que ces documuments là existent ou non, c'est un souhait, c'est
très, très bien dit dans la motion. Il y a une jurisprudence qui
est claire à cet effet-là qu'exprime le pétitionnaire de
la motion. À mes yeux, à ce stade-ci, elle est recevable.
Je vous dirais même plus que ça. J'ai vérifié
une vingtaine de ces motions-là, et elle est de ce qu'il y a de plus
classique, à la fois au niveau des virgules et des points. C'est vrai
qu'il n'y en a pas beaucoup, il y a seulement un point à la fin et une
couple de virgules. Mais elle est des plus classiques, cette
motion-là.
Alors, pour moi, elle ne pose aucun problème d'ordre juridique et
elle est recevable.
Alors, vous disposez d'une durée de... je pense que c'est...
Est-ce que vous préférez... Afin que nous puissions entendre les
invités le plus rapidement possible, on pourrait fixer un moment pour en
débattre?
M. Filion: On peut en débattre immédiatement, M. le
Président.
Le Président (M. Lemleux): Vous voulez en débattre
immédiatement?
M. Filion: Ne prendre qu'une minute et passer rapidement au vote
pour l'acceptation.
Le Président (M. Lemieux): D'accord. Alors, nous vous
écoutons.
M. Filion: Alors, merci, M. le Président.
M. Gautrin: Est-ce qu'il y a accord pour qu'on prenne une minute?
Pas du tout. Moi, je trouve que c'est le genre de motion qu'on doit
débattre en profondeur. Il n'est pas question de limiter le débat
sur cela.
Le Président (M. Lemieux): Non, c'est-à-dire que je
ne tiens pas à limiter le débat, M. le député de
Verdun. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, dans le cas d'une
motion de cette nature-là, celui qui a présenté la motion
dispose d'un temps de 30 minutes, à ce que je sache, de même que
le parti ministériel, et l'ensemble des autres députés
disposent d'un temps de 10 minutes chacun. Alors, tout le monde a 10
minutes.
Alors, nous sommes prêts à écouter le...
M. Gautrin: Sur une question comme telle, j'aurais posé la
question parce que, quand même, on a des invités qui sont ici.
Est-ce qu'on va débattre de cette motion? Je comprends que vous avez 30
minutes. Nous sommes ici 7. Chacun pourra parler...
M. Filion: Nous ne prendrons pas 30 minutes.
M. Gautrin: 10 minutes, ça veut dire 70 minutes.
M. Filion: Nous ne prendrons pas 30 minutes, M. le
Président.
M. Gautrin: Ça veut dire 100 minutes devant vous. Est-ce
qu'on est en débat maintenant, M. le Président?
Une voix: Ce n'est peut-être pas important.
M. Gautrin: Est-ce que c'est important d'en débattre
maintenant?
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, j'ai effectivement signifié au député de
Montmorency que j'aurais préféré qu'on en débatte
à un autre débat, mais M. le député de Montmorency
préfère, comme elle est recevable, qu'elle soit débattue
immédiatement. Ma marge de discrétion est très,
très limitée. Je me dois de faire respecter la procédure
et le règlement des deux côtés, de même que je...
C'est mon devoir de faire respecter le droit des parlementaires, et c'est du
droit du député de Montmorency d'avoir à décider
s'il veut débattre de sa motion immédiatement, puisque je la
déclare recevable.
Alors, nous vous écoutons, M. le député de
Montmorency.
Débat sur la motion M. Jean Filion
M. Filion: Alors, je comprends très bien, M. le
Président, et nous allons commenter la motion quand même d'une
façon... dans un temps pas très long. Mais, M. le
Président, c'est très important, cette motion.
On est actuellement en train de parler des finances publiques au
Québec. Tous les gens qui sont venus nous voir depuis le début
par des mémoires nous disent effectivement que, les dépenses
publiques, c'est dispendieux. On se rend compte, et tout le monde se rend
compte qu'on paie en double constamment, qu'on se chevauche, qu'on se
dédouble, qu'on a des orientations différentes à deux
paliers de gouvernement, ce
qui entraîne des déboursés incroyables à la
population. Les gens sont tannés de payer en double, M. le
Président, et aimeraient comprendre et savoir pourquoi ils paient en
double. On est ici pour faire le débat des finances publiques. Alors, M.
le Président, c'est très pertinent.
Il y a des études qui existent ou qu'on nous a fait miroiter qui
existaient. Pour le bon déroulement de la commission, pour qu'on puisse
enfin mieux comprendre l'état de nos finances publiques, je pense que ce
genre d'études là devient des plus pertinents et des plus
appropriés. C'est bien beau de nous donner, pour fins de cette
commission, un document «Les finances publiques du Québec: vivre
selon nos moyens». C'est bien beau de donner ça à la
population, M. le Président, à la dernière minute, pour
dire: Voici, ramassez ça, allez-vous-en avec ça, faites un
débat des finances publiques et essayez de nous convaincre qu'on ne doit
pas vous couper. M. le Président, les gens veulent comprendre.
Pour une fois, au Québec, on s'assoit autour d'une table et on
demande à des intervenants du milieu de venir nous expliquer leur
positionnement et de nous dire comment on doit se réorienter II devient
nécessaire que l'on ait tous les outils disponibles au gouvernement qui
pourraient être d'intérêt public et qui pourraient informer
le public dans son ensemble du comment sont utilisés les fonds publics
et leur surtaxation. Ces études-là deviennent des plus
pertinentes et devraient faire partie intégrante du débat
à cette commission. Quand on demande et qu'on souhaite que, dans le
cadre du mandat que l'on a actuellement, soient déposées de
telles études, M. le Président, ce n'est pas pour le plaisir de
la chose, c'est simplement pour aller au fond des choses. Les gens vont mieux
comprendre tout à l'heure, lorsque le président du Conseil du
trésor va les couper, quand le président du Conseil du
trésor va couper dans ses dépenses, parce qu'on sait
qu'effectivement l'opération de cette commission, c'est de couper. Mais
les gens veulent comprendre pourquoi ils vont être coupés et, dans
cet esprit-là, on doit les informer qu'effectivement voici le gaspillage
de fonds publics, comment il s'opère.
Il s'opère sur deux paliers où on paie des dépenses
pour rien. C'est des millions et des millions et des centaines de millions de
dollars, M. le Président. Le secrétariat de la commission
Bélanger-Campeau, dans son étude présentée juste
sur deux aspects, M. le Président, au niveau de l'impôt sur le
revenu, les deux ministères, il y a 23 ministères où on se
dédouble au gouvernement fédéral. Le ministère
à Ottawa et le ministère à Québec, 23 se
dédoublent; non pas 1,23! (10 h 10)
Alors, M. le Président, on parle de chevauchement et de
coûts d'environ 500 000 000 $ pour deux ministères: 300 000 000 $
juste au niveau du ministère de l'impôt sur le revenu, et la
main-d'oeuvre et la formation, c'est la même mécanique.
M. le Président, ce sont des informations essentielles pour
être constructifs, pour être positifs. C'est sûr que si on
veut parler pour ne rien dire, M. le Président, à une commission
comme la nôtre, c'est très facile, mais les gens sont venus nous
dire depuis le début que le parlementarisme doit changer, doit devenir
plus sérieux, doit devenir crédible. C'est ce que les gens nous
disent depuis 15 jours à cette commission. Là, on présente
une motion justement pour redorer le blason des députés, pour
leur montrer qu'ils sont sérieux, qu'ils veulent aller au fond des
choses, étudier les problèmes avec toutes les informations
pertientes, et là on présente une motion justement pour montrer
aux gens qu'on veut être sérieux. Alors, M. le Président,
j'espère que les députés de cette commission vont
démontrer une responsabilité envers les finances publiques,
qu'ils vont démontrer qu'ils sont responsables envers la population et
qu'ils ont un désir de les informer et de leur donner toute
l'information pertinente au présent débat.
Je vous remercie, M. le Président, des quelques minutes que vous
m'avez accordées pour expliquer à la populutiun toute
l'Importance d'avoir de telles études pour qu'on puisse bien travailler
à cette commission. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Montmorency.
M. le député de Verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: M. le Président, la position du
député de Montmorency démontre à quel point nos
amis d'en face refusent de regarder réellement en face les
problèmes des finances publiques. Au lieu de regarder réellement
nos problèmes, vous voulez continuer à laisser croire que c'est
à cause du fédéralisme qu'on se trouve dans la situation
dans laquelle on est. Les questions de dédoublement, les questions de
coûts de la souveraineté, les questions du coût du
séparatisme ont été étudiées dans le cadre
de la commission sur l'accès du Québec à la pleine
souveraineté, dans la loi 150. Ce rapport existe. On peut parfaitement
l'avoir avec nous. On n'a pas besoin de le déposer, c'est un rapport
public. Mais, maintenant, vous voulez laisser croire qu'il y a des
études cachées, qu'il y a des choses qui ont été
faites par ce gouvernement qui vont démontrer des risques, ce que vous
dites depuis le début, que les dédoublements coûteraient
énormément...
Le trouble, le malheur dans votre argumentation, c'est que ces
études ont été faites, sont publiques, existent. Elles ont
été faites par la commission d'accès à la
souveraineté et elles ont justement démontré qu'il n'y
avait pas de risque
de dédoublement. Ça existe, je m'excuse, là-dedans,
prenez le rapport.
Alors, M. le Président, qu'est-ce que ça veut dire, de
voter en faveur de la motion? Ça veut dire de laisser croire que c'est
dans cette direction-là qu'il y a un problème face aux finances
publiques. Vous voulez encore voiler la question; voiler la question! Moi, je
trouve ça absolument inacceptable et, dans ce cadre-là, on va
voter contre votre motion, tout en disant que, parfaitement, l'information sur
les coûts de la souveraineté, sur les 9 000 000 000 $ que
ça coûterait aux Québécois de vouloir aller vers la
séparation, elle est présente dans les rapports
préliminaires de la commission créée suite à la loi
150.
Alors, M. le Président, je pense que cette commission est une
commission sérieuse, qui veut réellement trouver des solutions
aux problèmes des finances publiques au Québec et non pas partir
vers des risques et des faux problèmes, et on va voter contre la
proposition.
Une voix: Bravo!
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Verdun.
Vous voulez intervenir, M. le député de
Lotblnière?
Mme Carrier-Perreault: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame, vous voulez
intervenir? Mme la députée...
Mme Carrier-Perreault: ...est-ce qu'il y a alternance?
Le Président (M. Lemieux): Oui, il y a alternance.
Mme Carrier-Perreault: Toujours, oui.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président, quelques
mots seulement.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais j'entends les propos du
député de Verdun et j'en suis renversée, des propos
semblables. Je ne comprends pas qu'on en soit rendu à dire des
aberrations pareilles.
M. le Président, je vais appuyer la motion qui a
été présentée par mon collègue, le
député de Montmorency. Je pense, effectivement, moi aussi, que la
population a le droit de savoir avant de se faire couper des services. Ici, on
laisse entendre aux gens que c'est uniquement les services qui coûtent
cher. C'est vrai que ça coûte très cher, les services, mais
il y a d'autres dépenses au niveau du gouvernement. Encore hier, il y a
des groupes qui sont venus nous dire qu'il ne fallait pas couper dans les
services. Toute la semaine, la semaine dernière la même chose, les
gens disent: Attention! Il faut maintenir les acquis, il ne faut pas couper
dans les services. Allez du côté des chevauchements et des
dédoublements, allez du côté des dépenses autres que
le gouvernement fait.
Ça a été reconnu, à la commission
Bélan-ger-Campeau, ces dédoublements et ces chevauchements, la
majorité des gens sont venus nous dire qu'il fallait justement prendre
des mesures pour arrêter l'hémorragie des dépenses à
ce niveau-là. Plusieurs ministres, même, ont dit et ont admis, en
commission, que ces études-là avaient été
effectuées. Je pense que c'est important que la population en prenne
connaissance; pire que ça, je disais plusieurs ministres parce
qu'effectivement il y en a plusieurs qui ont dit qu'il y avait eu des
études. Maintenant, même le premier ministre, dans le discours sur
la loi 150, dit que des études ont été commandées.
Alors, quand ces études-là ont été
commandées, elles ont été faites probablement, quand c'est
sur l'ordre du premier ministre.
Je trouve que c'est absolument important qu'on puisse prendre
connaissance des dépenses, des montants qui sont alloués à
ce genre de dédoublements avant qu'on n'en arrive à nous dire: On
va vous mettre un ticket modérateur au niveau de la santé, on va
couper dans les services, on va couper dans l'universalité.
Alors, M. le Président, c'est dans ce sens-là que j'appuie
la motion de mon collègue.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. M. le
député de Lotbinière.
M. Lewis Camden
M. Camden: Merci, M. le Président.
Brièvement. Nous sommes en face de mesures qui ont
été déposées avec un objectif très
précis, qui n'ont qu'un effet dilatoire. Essayer de profiter
également de la présence de caméras, de la diffusion de la
commission, de détourner évidemment la commission de son objectif
premier...
Le Président (M. Lemieux): Je ne voudrais pas que vous
prêtiez... Écoutez...
M. Camden: Ah! je ne prête rien, je fais un constat!
Le Président (M. Lemieux): Je pense que... Ne prêtez
pas d'intentions aux députés de l'Opposition, s'il vous
plaît.
M. Camden: M. le Président, tout simplement pour vous
indiquer que l'objectif recherché
par l'Opposition, il était possible de rejoindre cet objectif via
la demande d'une séance de travail de la commission, et que cette
séance de travail des membres de la commission aurait fait en sorte de
déterminer de nouveaux mandats ou d'étendre le mandat actuel de
la commission.
Je vous rappelle simplement que, cette semaine, le député
de Labelle nous indiquait que, dans la répartition du temps et qu'on
avait des gens, ici, à l'arrière qui avaient été
prévus pour une heure fixe pour être entendus et que, depuis tout
ce temps-là, on a perdu trois quarts d'heure alors que, cette semaine,
on se faisait reprocher de vouloir reprendre 15 minutes d'avance.
Ça m'apparaît n'être que des mesures dilatoires. M.
le Président, pour ces raisons, je vais voter contre.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lotbinière. Alors, il n'y a pas d'autres
interventions? Est-ce qu'il y a d'autres...
Oui, M. le président du Conseil du trésor.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Très brièvement, car le
député de Montmorency me prend à parti, nommément,
ici comme étant le dépositaire ou le gardien de documents.
M. le Président, je dis ici que je n'ai pas connaissance
personnelle, que je n'ai jamais, que je ne connais ni n'ai en ma possession ou
à ma garde quelque document qui resssemble, de près ou de loin,
à ce dont le député parle. Et si, d'aventure - je ne sais
pas pourquoi j'ajoute ça, sinon pour que ce soit bien complet - j'avais
en ma possession ou sous ma garde des documents comme ceux-là,
probablement que le règlement m'interdirait de les déposer parce
que ça a affaire aux relations intergouvernementales.
Alors, je souscris entièrement à l'explication du
député de Lotbinière.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor. Alors, il n'y a pas d'autres interventions?
M. Filion: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît...
M. Filion: Je ne pense pas que la motion allait dans le sens du
président du Conseil du trésor. On ne disait pas que c'est lui
qui les gardait. On lui demandait de vérifier si...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, je m'excuse, mais votre droit de parole...
M. Filion: Alors, vote nominal, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): ...n'est pas... Ça va,
vous avez bien compris.
M. Filion: Vote nominal.
Le Président (M. Lemieux): Vote nominal. M. le
secrétaire, qu'on appelle les députés...
Le Secrétaire: Le vote?
Le Président (M. Lemieux): ...pour le vote nominal.
Mise aux voix
Le Secrétaire: M. Filion (Montmorency)? M. Filion:
Pour.
Le Secrétaire: Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour.
Le Secrétaire: M. Richard (Nicolet-Yamas-ka)?
M. Richard: Contre.
Le Secrétaire: M. Chagnon (Saint-Louis)?
M. Chagnon: Contre.
Le Secrétaire: M. Després (Limoilou)?
M. Després: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
M. Audet: Contre.
Le Secrétaire: M. Camden (Lotbinière)?
M. Camden: Contre.
Le Secrétaire: M. Gautrin (Verdun)?
M. Gautrin: Contre.
Le Secrétaire: M. Savoie (Abitibi-Est)?
M. Savoie: Contre.
Le Secrétaire: M. Johnson (Vaudreuil)?
M. Johnson: Contre.
Le Secrétaire: M. Levesque (Bonaventure)?
M. Levesque: Contre.
Le Secrétaire: M. Lemieux (Vanier)?
Le Président (M. Lemieux): Abstention. Une voix:
...député de Labelle.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle n'est pas présent, M. le député... S'il vous
plaît, M. le président du Conseil du trésor.
Voulez-vous donner le résultat, M. le secrétaire?
Relativement à la motion, résultat:
Pour: 2
Contre: 6
Abstentions: 1.
La motion est donc rejetée.
Nous reprenons immédiatement nos travaux pour entendre l'Union
des municipalités du Québec. Je demanderais à ces
personnes de bien vouloir prendre place à la table des témoins,
s'il vous plaît.
Bienvenue à cette commission, messieurs. Dans un premier temps,
je tiens à m'excuser personnellement du retard du début de cette
commission. J'en suis, effectivement, le responsable ce matin, puisque je suis
arrivé 20 minutes en retard pour des petits problèmes de
santé personnels. Alors, je tiens à m'excuser auprès des
membres de l'Union des municipalités du Québec.
Dans un deuxième temps, permettez-moi de demander au responsable
de cet organisme de bien vouloir se présenter et de nous
présenter les membres qui l'accompagnent.
Et dans un troisième temps, je vais vous faire état de la
procédure parlementaire. Nous disposons d'une heure: 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les
deux formations politiques, pour une durée totale de 40 minutes: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle. Alors, je suis prêt à entendre le
porte-parole de l'organisme.
Auditions (suite) Union des municipalités du
Québec (UMQ)
M. Mercier (Ralph): Alors, M. le Président, M. le
président du Conseil du trésor, M. le ministre des Finances, Mmes
et MM. les députés, il nous fait plaisir d'être avec vous
aujourd'hui et de pouvoir, évidemment, contribuer à la
réflexion du gouvernement du Québec sur le financement des
services publics. (10 h 20)
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Raymond L'Itaiien, à
ma gauche, directeur général de l'Union des municipalités
du Québec et, à ma droite, de M. Serge Belley, conseiller en
fiscalité à l'Union.
Selon nous, M. le Président, MM. et Mmes de cette commission,
cette problématique doit être abordée dans une perspective
large qui remet en question nos modes de gestion et de financement à la
lumière des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés
et qui appellent à une redéfinition de nos consensus sociaux.
Trois moyens traditionnels s'offrent au gouvernement pour équilibrer ses
revenus et ses dépenses et réduire son déficit:
premièrement, augmenter les impôts et les taxes;
deuxièmement, réduire ses dépenses; ou,
troisièmement, recourir à ces deux avenues
simultanément.
Il n'est pas nécessaire d'élaborer très longuement
sur la question des impôts et des taxes, car, politiquement parlant, nos
gouvernements respectifs sont très près d'avoir atteint le seuil
de tolérance des contribuables. En ce qui concerne la rationalisation
des dépenses, les résistances politiques internes et externes
à l'appareil gouvernemental font que, là aussi, les changements
s'effectuent très lentement et de façon marginale. Mais
voilà que, depuis quelques années, une quatrième solution
fait partie des stratégies financières des gouvernements. Il
s'agit tout simplement de contenir l'augmentation du déficit en refilant
à d'autres niveaux de taxation la responsabilité d'acquitter un
certain nombre de factures. Après avoir subi ce traitement par le
gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec a
décidé, en 1990, que le tour des municipalités
était venu. Le nouveau partage des responsabilités
Québec-municipalités qui occasionnera, en 1992, un transfert net
de 221 000 000 $ aux municipalités et, en 1993, tout près de 240
000 000 $, incluant le transfert de la voirie, est en effet
présenté comme une mesure de réduction des dépenses
dans le document gouvernemental «Vivre selon nos moyens». Certains
des intervenants qui nous ont précédés ont sans doute
souscrit à la décentralisation, mais connaissent-ils vraiment les
effets d'une telle mesure sur les finances municipales? Quant à nous,
c'est un véritable partage de responsabilités, assorti de
nouveaux revenus de transferts correspondants que l'on réclame
plutôt qu'un pelletage de factures dans la cour du voisin.
Qu'on se le tienne pour dit, les municipalités ne constituent pas
le réceptable naturel des problèmes financiers du gouvernement du
Québec. Ne nous leurrons pas, les contribuables québécois
sont mécontents et ils ont conclu, depuis un certain temps
déjà, à l'impuissance des gouvernements supérieurs
à contrôler leurs dépenses et à réduire leur
appétit fiscal. La décentralisation ne saurait être la
solution magique à tous les problèmes que posent la gestion et le
financement des services publics au Québec Pour l'UMQ, la
décentralisation n'est souhaitable que si elle permet de mieux servir le
citoyen et à moindre coût, et que si elle se réalise dans
le respect des capacités et de l'autonomie administrative et
financière des gouvernements locaux.
De plus, dois-je rappeler aux membres de cette commission qu'il est faux
de prétendre que
les municipalités sont riches. L'obligation légale de
produire un budget équilibré amène les
municipalités à accumuler des surplus. Il ne s'agit pas là
d'un indice de richesse, mais d'une protection essentielle pour éviter
les déficits d'opération que nous interdit la loi. Autrement dit,
nous sommes tenus de prévoir l'imprévisible et de nous doter
d'une marge de manoeuvre pour y faire face. Les surplus accumulés ne
sont que le résultat d'une saine gestion.
Ceci dit, il faut souligner que le poste le plus important dans le
budget des municipalités en 1992 demeure le service de la dette, qui
accapare 1 600 000 000 $. Ce montant représente 21 % des revenus
budgétaires des municipalités comparativement à environ 13
% dans le cas du gouvernement du Québec. La situation budgétaire
et financière actuelle des municipalités est plus fragile qu'il
n'y paraît, compte tenu, d'une part, de leur dépendance quasi
exclusive envers une seule source de revenus qui est l'impôt foncier et,
d'autre part, de l'évolution économique prévisible
à moyen terme qui laisse entrevoir une croissance beaucoup plus lente de
leur assiette fiscale.
Les élus municipaux continueront à subir néanmoins
de fortes pressions sociales et politiques en faveur d'une augmentation des
services. S'ajoute à cela le désengagement de l'État dans
plusieurs domaines. Le champ d'impôt foncier n'est donc pas loin, lui
aussi, d'avoir atteint son niveau de saturation. En l'occurrence, notre unique
source de revenus qui devrait servir, en principe, à financer des
services à la propriété ne peut continuer à
financer une quantité toujours plus grande de services à la
personne, tels que la culture, les loisirs, le transport en commun,
l'habitation, l'aide aux sans-abri, pour ne citer que ceux-là. La base
du régime fiscal municipal apparaît aujourd'hui de plus en plus en
porte-a-faux avec les nouvelles responsabilités sociales qu'assument les
municipalités. La prise en compte des réalités municipales
actuelles commande une revue en profondeur sérieuse et concertée
du partage des compétences et des sources de revenus entre nos deux
ordres de gouvernement.
Par ailleurs, au fil des années, l'appareil technobureaucratique
s'est habitué à une vue théorique et abstraite des choses
et s'est éloigné graduellement des clients qu'il prétend,
pourtant, toujours bien connaître et servir. L'UMQ estime, à cet
égard, que les possibilités d'allégement ou de
simplification des contrôles gouvernementaux susceptibles
d'améliorer la prestation des services municipaux et de réduire
les dépenses gouvernementales sont nombreuses.
Nous proposons, dans notre mémoire, une série de mesures
à cet effet, notamment l'assouplissement de certaines dispositions de
l'actuel régime d'exceptions prévu au Code du travail touchant
les policiers et pompiers municipaux. Si le débat sur les finances
publiques se situe actuellement à un niveau théorique, je peux
vous assurer que, lorsqu'on parle d'amendements de ce type, on est
plongé directement dans la pratique, car voilà un cas
précis où le gouvernement peut nous appuyer dans nos efforts de
rationalisation des dépenses publiques locales. C'est d'ailleurs ce que
nous avons fait valoir en commission parlementaire, ces derniers jours,
auprès des ministres concernés.
D'ailleurs, je tiens ici, M. le Président, à
féliciter le ministre du Travail, M. Normand Cherry, également
aussi le ministre des Affaires municipales et de la Sécurité
publique, M. Claude Ryan, pour leur réceptivité à
l'endroit des municipalités à l'égard, effectivement, de
cette problématique et, finalement, par l'adoption hier, en commission
parlementaire, du Code du travail, modifications au Code du travail par
l'article, la loi 74.
D'autres mesures politiques administratives devront aussi être
prises afin de permettre à l'appareil gouvernemental d'être plus
performant. Mentionnons, entre autres, la nécessité de poursuivre
et d'intensifier les efforts de modernisation de l'administration publique par
l'accroissement de la productivité, la valorisation des ressources
humaines et l'implantation de l'évaluation de programmes dans tous les
ministères. L'élimination des dédoublements de programmes
avec le gouvernement fédéral et la réduction par attrition
des effectifs gouvernementaux devront aussi être poursuivies. L'Union des
municipalités du Québec appuie ces mesures, dont plusieurs ont
déjà été évoquées par le gouvernement
lui-même.
L'enjeu que représente le financement des services publics au
Québec renvoie, en grande partie, à la capacité du
gouvernement de réformer en profondeur ses modes actuels de
décision et de gestion. Cette réforme devra s'accompagner d'une
responsabilisation plus grande des citoyens face aux coûts
qu'entraînent les demandes sociales en faveur d'une amélioration
et d'une extension des services publics. Mais, M. le Président, si on
parle en termes de responsabilisation, on a pu constater au cours des derniers
jours, à la commission parlementaire sur la loi 74, que les membres de
l'Opposition ont largement contribué à sa bonification et qu'ils
ont fait, en quelque sorte, qu'on puisse véritablement voir les
problèmes d'aujourd'hui, mais particulièrement les solutions
aussi de demain. (10 h 30)
Les administrations municipales, plus facilement capables d'initiative
dans leur milieu, sont disposées comme institutions
décentralisées à faire plus pour leur population, à
condition que le gouvernement révise ses contrôles afin de
permettre de gérer plus efficacement, dis-je, les deniers publics. Il
est impérieux que le gouvernement entreprenne, de concert avec les
municipalités, un exercice sérieux de révision des normes
et des contrôles qui encadrent et alourdissent inutilement la gestion
municipale. Autre-
ment, il serait sûrement illusoire de penser que les
municipalités pourraient faire plus et surtout mieux que le gouvernement
dans de nouveaux champs d'activité à leur être
confiés.
Je remercie les membres de cette commission de nous avoir entendus
jusqu'à maintenant, et nous sommes disposés, bien sûr,
à répondre aux questions qui pourront nous être
transmises.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des
Finances, la parole est à vous.
M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président.
Je voudrais immédiatement souhaiter la plus cordiale bienvenue
aux représentants de l'Union des municipalités du Québec,
une institution extrêmement importante et qui groupe les gouvernements
locaux, qui sont souvent très près, encore plus près des
problèmes que vit la population. C'est donc une institution que je salue
d'une façon particulière, étant donné que nous
avons souvent des problèmes communs; nous devons faire face, souvent,
à des contribuables qui sont les mêmes. Et nous avons,
évidemment, à vivre certains arbitrages qui ne sont pas toujours
faciles mais qui sont faits, comme vous le savez fort bien, dans ce qui est vu
comme l'intérêt général de la population.
Il est d'abord réjouissant de constater que, sur plusieurs
aspects, l'Union des municipalités du Québec partage les
préoccupations exprimées par le gouvernement dans le document
«Vivre selon nos moyens». On nous dit, par exemple, dans votre
mémoire, que le gouvernement du Québec doit poursuivre ses
efforts de réduction du déficit. Vous dites: Nous avons atteint
le seuil de tolérance fiscale des contribuables. Vous dites
également qu'il faut poursuivre et intensifier les efforts de
rénovation de l'administration publique. Le mémoire rappelle
également les mesures du réaménagement des
responsabilités Québec-municipalités qui sont
entrées en vigueur au début de 1992.
Il est important de rappeler que cette réforme avait pour but
d'augmenter l'efficacité du secteur public. C'est dans cette perspective
qu'il faut voir, par exemple, la réforme du financement du transport en
commun ou encore le transfert aux municipalités du réseau routier
local. J'aimerais rappeler, cependant, que, par rapport à la
première présentation que nous avions faite il y a
déjà quelque temps et à laquelle nous assistions, il y a
eu des mesures d'assouplissement qui ont été apportées par
la suite. Par exemple; réduction de 50 000 000 $ de la charge
financière à l'égard du transport en commun suite à
l'introduction d'une contribution des automobilistes; réduction de la
tarification proposée pour les services de police par rapport au
scénario initial; réduction, moins importante que prévue
initialement, des compensations tenant lieu de taxes; maintien des subventions
de fonctionnement aux MRC jusqu'en 1994-1995, soit 8 000 000 $; augmentation du
coût par kilomètre reconnu. On parlait de 3000 $ du
kilomètre dans la voirie, on est passé à 3800 $. Et il y a
eu plusieurs autres mesures comme les programmes qui totalisent près de
150 000 000 $ pour la voirie locale, la compensation pour limiter à 0,14
$ des 100 $ de richesse foncière uniformisée l'effort des
municipalités au titre des routes locales, la péréquation
qui a été introduite, les compensations de plafonnement, les
compensations transitoires, les droits sur les divertissements, etc.
Donc, nous avons travaillé ensemble. Ce n'était pas
agréable, je le comprends, pour l'Union des municipalités d'avoir
à faire face à cela. On dit souvent: Bien, le gouvernement
fédéral a pelleté chez les gouvernements des provinces, et
les provinces ont pelleté du côté des municipalités.
Cependant, ce n'est pas du même ordre de grandeur, c'est sûr. Ce
que nous avons eu comme coup de pelle, nous, c'était une vraie
pelletée, et je pense que ça prenait de la machinerie assez
lourde pour faire le transfert. Mais, tout de même, je note que, dans
votre mémoire, vous dites ceci: La décentralisation ne saurait
être la solution magique à tous les problèmes que posent la
gestion et le financement des services publics au Québec. Pour l'Union
des municipalités du Québec, la décentralisation n'est
souhaitable que si elle permet de mieux servir, à moindre coût, le
citoyen et que si elle se réalise dans le respect des capacités
et de l'autonomie administrative et financière des gouvernements locaux.
Alors, si vous lisez la page 130 du document que nous avons
déposé à la commission, «Vivre selon nos
moyens», vous trouverez que nous avons une approche qui n'est pas en
contradiction avec la vôtre.
Il y a peut-être seulement deux ou trois petits points que
j'aimerais ajouter sur certains chiffres qui apparaissent dans votre
mémoire et que vous n'avez peut-être pas utilisés ce matin,
mais... Du côté du service de la dette, vous mentionnez que le
service de la dette accapare 1 600 000 000 $. Le montant représente 21 %
des revenus budgétaires des municipalités comparativement
à 13 % dans le cas du gouvernement du Québec. Je vous
rappellerais simplement ceci: c'est que, dans le cas des municipalités,
on tient compte non pas seulement du paiement des intérêts mais
également du remboursement du capital, tandis que, dans notre cas, dans
le cas du Québec, on ne tient pas compte de ce facteur extrêmement
important. C'est donc dire que si on réconcilie les chiffres comme il me
semble qu'ils devraient l'être - et je le dis avec la plus grande
humilité - pour les municipalités locales, le ratio service de la
dette par rapport au revenu budgétaire serait plutôt de 11,8 %
tandis que, pour le gouvernement du Québec, c'est 13,6 %; et si on
ajoute les subventions pour
paiement d'intérêt dans les réseaux, on arrive
plutôt à 17,4 %. Alors, c'est simplement une rectification qui
s'impose.
Quant à la dette elle-même, vous ne soulignez pas que le
ratio dette-PIB des municipalités est passé de 8,7 % en 1980
à 7,5 % en 1990, alors que celui du Québec est passé de
20,3 % à 29,8 % au cours de la même période. Ce n'est pas
pour vous faire des reproches. Au contraire, vous êtes chanceux de
pouvoir avoir une diminution de ce côté-là, par rapport au
PIB, alors que nous avons à subir une augmentation qui est devenue
réellement inacceptable. (10 h 40)
Je pense que c'était un peu ces choses-là... Du
côté des transferts, par exemple, on pourrait ajouter que, sur la
base des données présentées dans les comptes publics du
gouvernement pour 1991-1992, dans les crédits pour 1992-1993 on
constate... Parce que, là, les chiffres... Vous parlez de diminution de
transferts de 24 % en 1992. Si on prend les chiffres qui apparaissent dans les
comptes publics, on s'aperçoit que les transferts du gouvernement du
Québec vers les municipalités - et, ça, ça comprend
la péréquation municipale, les transports en commun,
l'assainissement des eaux, les «en lieu» de taxes - pour un total
de 1 458 220 000 $ en 1991-1992 sont passés à 1 356 000 000 $ en
1992-1993. La réduction n'est pas de 24 %, d'après les comptes
publics, mais plutôt de 7 %. Là aussi, il faudrait peut-être
se rencontrer pour voir la méthodologie employée.
Mais, de toute façon, ça ne change pas l'esprit qui doit
nous guider, un esprit de coopération, un esprit de
compréhension. Je sais que vous avez mentionné il y a quelques
instants votre appréciation pour le travail de certains de nos
collègues, et nous voulons continuer. Je sais que M. Ryan, le ministre
des Affaires municipales, veut continuer d'avoir ces discussions très
positives avec vous autour de la table Québec-municipalités. Nous
avons l'intention de continuer cette consultation et nous voulons pouvoir
travailler ensemble, le gouvernement du Québec et l'Union des
municipalités du Québec, comme avec l'Union des
municipalités régionales de comté, dans
l'intérêt de nos contribuables qui sont, enfin, les mêmes et
qui comptent sur une bonne collaboration des divers niveaux de
gouvernement.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le
ministre des Finances?
M. Mercier: M. le Président, évidemment, je suis
heureux d'entendre M. Levesque nous indiquer, finalement, dans le fond, sur le
plan de la gestion municipale, qu'elle semble être excellente. Au moins,
on peut peut-être convenir de ça ici, ce matin, sur le plan des
finances publiques.
D'autre part, évidemment, vous apportiez certaines indications ou
certaines précisions sur des données qu'on retrouve dans notre
mémoire. Évidemment, vous conviendrez avec moi qu'il y a des fois
où on peut peut-être y voir des différences en raison des
méthodologies appliquées. Je pense qu'on ne s'appliquera
peut-être pas ici, ce matin, à faire une guerre de chiffres
là-dessus. Ce n'est peut-être pas nécessairement l'endroit
et l'occasion de le faire, mais on aura peut-être d'autres circonstances
pour en reparler. Parce que je diffère, évidemment, de point de
vue à cet égard avec vous sur certains des éléments
que vous avez indiqués.
D'autre part, il faut voir aussi que, dans les transferts ou la
réforme Ryan, finalement, les transferts qui ont été
rendus aux municipalités, c'est vrai qu'il y a eu des allégements
sur ce plan. Mais, d'autre part aussi, il faut voir encore une fois, à
l'intérieur de ces transferts, qu'ils se retrouvent toujours sur la taxe
foncière. Et on est d'avis, on l'a indiqué dans notre
mémoire, qu'actuellement, sur le plan de la taxe foncière, elle
étend ses limites. On ne peut pas abuser davantage, je pense, de cette
source de revenus, et il va falloir retrouver d'autres moyens, finalement,
d'ajuster les finances publiques et ne pas tenter de transférer
davantage vers les municipalités.
Cependant, il faut bien admettre qu'on est prêt à assumer
des responsabilités additionnelles en autant qu'on ait les revenus qui
sont correspondants à ces mêmes responsabilités. Ça
ne veut pas dire, je vous le dis bien, ça n'indique pas ici, ce matin,
d'ajouter encore une fois sur la taxe foncière; les citoyens en ont
suffisamment. La capacité de payer est à ses limites. Et,
également, la taxation sur le plan municipal a des fins qui sont
propres, évidemment, à ce qui avait déjà
été indiqué dans la loi. Donc, on tente quand même,
depuis les dernières années, de peut-être bifurquer un
petit peu sur ça. C'est davantage une taxation qui doit être
rendue pour les services municipaux; et on voit aujourd'hui, évidemment,
des services rendus à la personne qui se retrouvent dans ce
secteur-là. Je pense que ce n'est pas nécessairement le
rôle des municipalités - malgré que les
municipalités veulent collaborer, bien sûr - d'assumer cette
mission qui en est une nationale sur le plan de la personne.
M- Levesque: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Est-ce que M. le député de Jonquière... Il y a eu
un remplacement. Alors, M. le député de Jonquière, on va
vous permettre de prendre la parole.
M. Dufour: Merci, M. le Président.
D'abord, permettez-moi, en premier lieu, de souhaiter la bienvenue, bien
sûr, aux représentants de l'Union des municipalités et de
vous dire que c'est la première fois que j'assiste à ce
débat concernant l'équilibre des finances du gouvernement du
Québec. C'est évident que, lorsqu'on écoute le ministre
des Finances, il utilise un peu la langue de serpent, dans le fond, en disant
d'une façon très doucereuse: C'est vrai qu'on vous a fait mal,
les municipalités, mais on ne vous a pas tout enlevé, on vous en
a remis. Tant est-il qu'il manque quelque chose encore: ils n'ont pas remis
autant qu'ils ont pris. Et, ce qu'ils ont remis, ils l'ont repris dans les
poches du contribuable.
C'est un tour de passe-passe. C'est l'excuse classique. C'est que, nous,
on s'en est fait pelleter un coup dans notre cour par le fédéral.
Il faut bien l'appeler par son nom, le fédéral est là. Les
comptes à comptes sont rendus équilibrés, c'est
zéro à zéro. Néanmoins, le gouvernement d'en face
ou les amis d'en face, comme on dit si bien, persistent à dire que c'est
un bon système, un système qui va nous appeler, de plus en plus,
à contribuer au reste du Canada, à contribuer à leur
bien-être au détriment, quelque peu, des municipalités et
des contribuables dans leur ensemble.
Moi, je suis obligé de... Il faut avoir le courage de ce qu'on
dit et de ce qu'on affirme. Si on se fait pelleter des coûts par
d'autres, bien, on ne se revenge pas sur les autres. Le gouvernement du
Québec a pris cette fâcheuse habitude: lorsqu'il a un coup de
pied, il ne le dénonce pas mais il se sert de ça comme
prétexte pour aller ailleurs, pour fouiller dans les poches de tout le
monde. Moi, je n'apprécie pas tellement ce procédé,
surtout qu'il fait payer par des gens qui ne sont pas coupables, pas
responsables. Ce n'est pas parce que vous avez eu un coup de poing sur la
gueule de votre voisin que vous êtes obligé de vous revenger sur
l'autre qui est à côté; mais il était plus proche,
c'est aussi bien de frapper celui-là. Comme on sait que le gouvernement
a la main haute sur les municipalités, c'est beaucoup plus facile de les
écraser ou de les forcer à contribuer.
Ceci étant dit, je voudrais vous rappeler, d'abord, qu'il y a des
éléments, tout de même, qui viennent de se passer encore,
puis le gouvernement du Québec est encore la bouche cousue; motus et
bouche cousue, ça, c'est leur «motto». Le gouvernement
fédéral n'est pas contribuable à part entière au
point de vue des taxes, ni le gouvernement du Québec; ils ne le sont
pas, ni l'un ni l'autre. Mais, c'est encore plus grave, le gouvernement
fédéral, juste avec un avertissement, il vient geler les comptes
de taxes pour les municipalités pour les deux prochaines années.
Avez-vous entendu quelqu'un, à Québec, parler? Chez nous, il y a
une couple de maires qui ont parlé, ils ont dit: On le savait. Mais ce
n'est pas parce qu'on sait qu'on a un cancer que ça guérit le
cancer; on l'a pareil. C'est ça qu'on vient de subir, les
municipalités. Je n'en entends pas parler beaucoup; ça se fait
entre amis, entre nous autres.
Moi, je n'accepte pas ça. Il faudrait que le gouvernement du
Québec prenne ses responsabilités et dise au
fédéral: Arrêtez! Là, on ne pelleté pas juste
dans la cour du gouvernement du Québec, le fédéral frappe
les municipalités aussi. On est deux pour bâtonner. Je ne sais pas
lequel va réussir à avoir la peau de l'autre, mais, actuellement,
on est en frais de les étouffer. On les pleume; on est en frais de
pleumer les municipalités. On n'entend pas grand-chose alentour de
ça, il n'y a rien qui se passe.
Donc, ça, c'en est un, moyen, M. le ministre, que je vais vous
donner, moi, au nom des municipalités: d'essayer de dégeler le
gouvernement fédéral. Vous savez, dans les municipalités,
si tous les contribuables agissaient comme l'exemple qui nous est donné
par les gouvernements supérieurs, ça serait décourageant.
On n'aura jamais assez de police pour réglementer sur le territoire du
Québec si on continue comme on est parti là. Le
fédéral donne de mauvais exemples, le gouvernement du
Québec donne de mauvais exemples aux contribuables, parce qu'ils se font
justice eux autres mêmes. Ils décident unilatéralement que
c'est ça qu'on va faire dans le futur. Et c'est inacceptable, c'est
inacceptable. Ce n'est pas de même qu'on...
On va perdre des partenaires. On aura beau parler et essayer de dire
qu'on n'est pas si pire que ça, mais, dans les faits, il faut toujours
constater ce qui se passe. C'est que, actuellement, le fédéral,
c'est un mauvais payeur, c'est un mauvais coucheur. C'est vrai, et il faut le
dire haut. Le Québec n'est pas mieux, il se conduit exactement pareil.
C'est bien beau de dire: On vous aime bien gros; on vous aime tellement qu'on
va vous étouffer. Ça, c'est de l'amour... Ce n'est pas de l'amour
platonique; c'est dangereux, ça, et c'est ce qu'on a commencé.
Et, si on continue comme ça, pour les municipalités, ne parlons
plus d'autonomie. Ça va être de l'à-plat-ventrisme, des
pèlerinages qui datent de 1940 ou de 1950.
Ce qu'on a voulu faire, ce que le gouvernement du Québec a voulu
faire entre les années 1976 à 1985, on les a remises dans un
état de responsabilité. Et on les a remises dans un état
dépendant. Ça, c'est malheureux, mais c'est vraiment de la
pédagogie à l'envers: au lieu de responsabiliser, on
déresponsabilise. (10 h 50)
À l'intérieur de votre mémoire, M. le
Président, on parle de commissaire aux plaintes. Moi, je me rappelle que
l'Opposition s'était opposée fortement au commissaire aux
plaintes. Ils ont essayé. Ça a été imposé
dans une loi de l'agriculture. Ce commissaire aux plaintes doit coûter
entre 400 000 $ et 500 000 $. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de
couper ça au
plus sacrant? On n'a pas besoin de cours classique pour ça. Allez
donc à l'intérieur du travail du commissaire aux plaintes et
allez voir ce qu'il fait sur le territoire. On a tout dénoncé
ça au départ, mais, comme ça vient de l'Opposition,
ça ne peut pas être intelligent, ça ne peut pas avoir de
bon sens.
Moi, depuis huit ans ou sept ans, je suis en contact avec les ministres,
puis il y en a beaucoup qui ont cette fâcheuse habitude ou, je pourrais
même dire plus loin que ça, je pourrais en charger un peu plus:
c'est que les ministres, au lieu d'écouter ce qu'on dit, ils essayent de
défendre ce qu'ils ont fait puis ce qu'ils n'ont pas fait. Et une des
premières qualités d'un homme, d'une personne, en politique,
c'est d'abord de savoir écouter.
Le commissaire aux plaintes, on l'a dénoncé. Environ 500
000 $, et ça fait déjà trois à quatre ans qu'on
paie ça inutilement; 2 000 000 $. Vous le soulignez, je suis d'accord
avec vous. Le gouvernement du Québec devrait l'écrire puis en
faire rapidement un de ses... C'est 500 000 $, ce n'est pas rien! Ce n'est pas
grand-chose dans tout le déficit qu'on a, mais on ne cherche pas, quand
on a... Tu sais, il y a des chercheurs qui cherchent, puis il y a des
chercheurs qui trouvent. Moi, je pense que j'aime mieux un chercheur qui trouve
qu'un chercheur qui cherche. On vous l'a dit l'an dernier. Ça a
été dénoncé, ça, à l'Assemblée
nationale, le commissaire aux plaintes. Il n'a rien à foutre sur le
territoire. Puis examinez ce qui se passe. Vous allez voir que ça ne
prend pas un grand cours pour savoir le résultat. Étudiez-le. 400
000 $ à 500 000 $ absolument gaspillés! Ce n'est pas grave,
ça! C'est ce gouvernement. Le gouvernement, il a droit de tout faire,
lui. Il peut faire... C'est ça!
Le Code du travail, je suis surpris que vous en parliez. Je ne sais pas
si vous en parlez, mais la loi, des décrets de la construction... Je
sais que vous avez fait beaucoup de représentations pour obtenir des
adoucissements qui ne seraient que justes et raisonnables, à mon point
de vue. C'est évident qu'il y a probablement des difficultés
à le faire, mais il y a eu des commissions parlementaires, puis c'est
resté lettre morte.
Dans le fond, quand je regarde votre mémoire, ce que je constate,
c'est que vous ne donnez pas des moyens, nécessairement, au gouvernement
d'assainir ou d'améliorer ses finances; vous dites: Lâchez-nous la
paix! Laissez-nous travailler! Le moins qu'on vous demande, c'est de nous
permettre, a nous autres, de respirer. Puis, pour vos troubles, on va essayer
de vous donner l'exemple. C'est un peu de même que je le prends.
Peut-être que je vais rapidement dans les conclusions, mais, pour moi,
votre mémoire est surtout de dire au gouvernement: Laissez-nous donc la
paix! On est prêts à prendre des responsabilités, mais
à condition qu'on respecte les règles du jeu. Si vous nous donnez
une responsabilité, transférez-nous-la.
Et c'est là-dessus que, moi, je veux vous laisser réagir
un peu sur ce que j'ai dit. Si ce n'est pas suffisant, je vais aller dans des
questions plus précises.
M. Mercier: M. le Président, je pense qu'il est
intéressant d'entendre M. le député sur ce qu'il vient de
nous rendre comme contenu.
Il est vrai, M. le Président, qu'il y a des problèmes avec
les gouvernements supérieurs puis avec le gouvernement
fédéral. Et, sur le plan du gouvernement fédéral,
là, on sait, M. le Président, que le gouvernement du
Québec, lorsqu'il a pris la décision de transférer aux
municipalités une charge additionnelle sur le plan fiscal, nous avait
bien dit, comme le ministre des Finances aussi nous l'a indiqué ce
matin, qu'il y aurait certaines mesures de compensation, entre autres une
mesure, bien sûr, qui se voulait la surtaxe sur le
non-résidentiel, la surtaxe foncière.
M. le Président, il faudrait se rendre à l'évidence
que le gouvernement fédéral vient de prendre la décision
de geler l'évaluation foncière sur les propriétés
fédérales, ce qui nous privera, nous, les municipalités,
de 90 000 000 $ de revenus. La question s'est posée tout
récemment à la table Québec-municipalités et au
gouvernement, à son représentant aux Affaires municipales, le
ministre, M. Claude Ryan: Est-ce que le gouvernement du Québec va nous
compenser pour ces 90 000 000 $ en pertes? La question se posait.
D'autre part, M. le Président, il faut aussi voir que, dans le
mémoire, on n'a pas nécessairement apporté directement des
solutions aux problèmes des finances publiques du Québec - dans
le mémoire. Sauf que je dois vous rappeler qu'en 1990, au mois de juin,
sur demande de l'Union des municipalités du Québec, le premier
ministre, M. Robert Bourassa, s'était engagé à tenir des
assises Québec-municipalités, les mêmes assises ou le
même modèle que nous avions connu dans les années 1978-1979
et qui avait conduit, quand même, à une paix - je vous dirais
bien, à une paix sociale - et à une façon de vivre aussi
avec ses partenaires gouvernementaux qui était plus
qu'intéressante.
M. le Président, l'objectif de ces assises était justement
de s'asseoir avec notre gouvernement et de trouver des avenues possibles de
solution, ce qui pourrait, bien sûr, comprendre des ajustements sur le
plan des finances publiques par rapport à certains transferts qui
pourraient se faire vers des municipalités. Mais, vraiment, dans ce
cas-là, plutôt que de subir les décisions du gouvernement -
comme, par exemple, au cours de la réforme Ryan - plutôt que de
subir ces décisions, on peut s'asseoir, évidemment, avec notre
partenaire, notre premier partenaire, celui qui devrait être notre
premier partenaire, s'asseoir avec celui-ci et voir de quelle façon on
pourrait, effectivement, être
plus efficient, plus efficace en gestion sur le plan de l'administration
publique et, possiblement, nous, municipalités, puisque nous sommes plus
près du citoyen, assumer certaines responsabilités, en autant que
nous ayons des revenus correspondants, évidemment, à ces charges
additionnelles.
M. le Président, je vous rappelle très rapidement que la
réponse fut négative, malgré un engagement que, je trouve,
à regret, un engagement écrit du premier ministre de nous laisser
savoir que, effectivement, il y aurait des assises
Québec-municipalités. M. le Président, l'Union des
municipalités du Québec est toujours disposée - et c'est
pour ça, d'ailleurs, que nous sommes ici ce matin - à s'asseoir
avec le gouvernement, à regarder de façon pointue - près
et pointue - des possibilités de transfert et à faire en sorte
qu'on puisse rendre le système, la gestion publique plus efficace et,
par le fait même, économiser de l'argent aux
Québécois.
M. le Président, je le répète encore une fois, il
faut voir aussi que le citoyen en a assez. La capacité de payer est
à ses limites, et c'est pour ça qu'on est ici ce matin, pour
tenter aussi, en quelque sorte, dans le fond, de sortir le gouvernement un peu
du bourbier fiscal dans lequel il se retrouve. Les solutions ne sont
peut-être pas faciles, c'est vrai. Les citoyens vont peut-être
aussi, dans certains cas, devoir faire certains efforts additionnels. Et je
pense qu'ils ont peut-être la volonté de le faire en autant qu'on
ne continue pas d'abuser, de tenter de presser le citron, comme on pourrait le
dire, sur le plan, quand même, de la taxation. Et sur le plan,
évidemment, de la taxation qui est issue du secteur foncier, il est
nettement à sa limite - celui, évidemment, qui appartient au
municipal. Il est à sa limite, et il faut trouver d'autres
solutions.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, je vous remercie, M. le Président.
Je remercie ces messieurs d'être venus ce matin témoigner
de leur connaissance de la chose municipale et de la qualité des
rapports Québec-municipalités, et également d'avoir
été à l'écoute attentive de ce qui se passait ici
à l'avant, de part et d'autre.
Je dirais simplement au député de Jonquière qu'il a
oublié de mentionner, évidemment, dans sa longue diatribe sur les
grandes et belles choses qui se sont passées de 1976 à 1985,
d'une part, et sur les affres qui auraient été la marque de
commerce des dernières années, qu'au titre des transferts vers
les municipalités des responsabilités financières
celles-ci se sont accompagnées de certains transferts de champs fiscaux.
Ça a été mentionné par mon collègue tout
à l'heure, mais je pense que c'est important de le rappeler, alors que
les transferts entre le fédéral et les provinces ne sont pas
ainsi accompagnés des champs fiscaux qui viennent quand même
permettre de rétablir quelque peu - pas parfaitement, tout le monde sait
ça - l'équilibre. Et les débats qu'on a eus sur la source
du mal et l'emploi de cette solution-là ont été, à
mon sens, parfaitement compris, sinon totalement acceptés par les
autorités municipales qui connaissent la position concurrentielle du
Québec, ce que nous sommes obligatoirement tenus de faire quand on fait
notre devoir, avec les difficultés que ça a causé. Et
ça, personne ne veut les minimiser. (11 heures)
Je ne peux pas m'empêcher de relever, par ailleurs, en passant, ce
que le... Parce que ça se rapproche quand même de certaines des
pistes de solution dans l'allégement que vous souhaitez de l'encadrement
et du contrôle centralisateur qui pèserait sur les instances
locales. Vous indiquez le poids additionnel que peut représenter l'appel
au commissaire aux plaintes et les exigences législatives en
matière d'aménagement, par exemple, que ça peut
représenter. Ça a été repris à son propre
compte par le député de Jonquière. Je veux juste faire, en
30 secondes, l'historique deçà.
Je ne peux pas m'empêcher de le dire parce que j'étais
là, le député était là, c'est suite à
des allégations qui ont été démontrées comme
non fondées, du beurrage mur à mur de la part de l'Opposition, de
certaines personnes du nord de Montréal qui nous ont amenés
à dépenser des centaines de milliers de dollars pour faire des
études de titres pour démontrer qu'il n'y avait rien là
dans les allégations de magouillage dans les terrains, de faire appel
à un avocat eminent, qui a préparé un rapport complet que
le gouvernement a mis en vigueur absolument de a à z, y compris,
évidemment, quand on met une bretelle, des ceintures, des verrous, des
clés dans les portes, un tas de paliers de contrôle additionnels
pour rien. La réalité, c'est qu'il n'y avait rien là tout
ce temps-là, mais que la pression politique a fait en sorte que le
gouvernement a dépensé beaucoup d'argent pour démontrer
son intégrité. Ce qui me fait dire, moi, que ce n'est pas la
démocratie qui coûte cher, c'est la démagogie Et là,
on en a eu un exemple absolument parfait.
Ce qui m'intéresse le plus, évidemment, pour revenir
à la substance de votre mémoire, c'est ce qu'on retrouve à
la page 13, l'évolution que vous notez dans les fonctions municipales,
où on pourrait, je dirais, formuler ça dans le sens de
s'éloigner des services publics ou compléter la gamme des
services publics adressés à la propriété, ramasser
les déchets, le feu et, évidemment, les services policiers, le
transport, des choses comme ça, le déneigement et quoi que ce
soit, pour prendre acte - et c'est vrai évidemment des grandes
municipalités de plus en plus - de la situation sociale qu'elles
traversent,
et de constater, elles aussi, qu'on n'a pas des moyens
flllmités. Parce que j'ai l'impression qu'on dit: Nous comblons un vide,
nous, les municipalités. Il y a des itinérants, il y a
désinstltution-nalisation, il y a de la violence faite aux femmes, aux
enfants, et on s'en occupe, dites-vous, par défaut,
sous-entendez-vous.
Je veux bien qu'on constate tout ça ensemble, là, mais
est-ce que vous croyez qu'on devrait faire des transferts fiscaux vers les
municipalités pour qu'elles s'occupent des programmes et des
problèmes sociaux? Est-ce que c'est ça, la solution? Que, nous,
on va se désengager des problèmes sociaux pour donner ça
aux municipalités? J'aurais plutôt tendance à croire qu'au
niveau local on s'occupe du cadre de vie, je vous donne tout de suite ma
perspective là-dessus, et qu'on tente ensemble, par ailleurs, de
régler les problèmes sociaux qui peuvent se dégager dans
ce cadre de vie là. Il ne m'apparaîl pas que ce soit une solution
fiscale qui tourne autour de la capacité des municipalités de
s'occuper de ces problèmes-là. Ou, alors, on va tous constater
qu'il y a un déficit qui va croissant, de toute façon, ce qui
nous a amenés ici, évidemment, pour voir quel genre de
priorités et quelle sorte de choix on devrait faire.
Parce que ça tient à ça. Est-ce que c'est un
mauvais choix de laisser les municipalités s'occuper de programmes
sociaux? Est-ce que c'est un mauvais choix d'avoir fait des subventions aux
entreprises au lieu de faire du social? Est-ce que c'est un mauvais choix de
s'occuper de l'assainissement des eaux plutôt que d'éducation?
Dans le fond, tout le monde nous dit: Occupez-vous de tout, mais on ne veut pas
que ça coûte plus cher! Et vous venez nous dire qu'il y a des pans
de murs dont vous semblez hériter. En conséquence, c'est parce
qu'il n'y a pas assez d'argent quelque part, ou que l'argent n'est pas à
la bonne place. Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner un petit
peu votre perspective sur ce déséquilibre que vous voyez entre
nos capacités relatives de niveaux de gouvernement de nous occuper des
problèmes très réels?
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous
écoutons relativement aux propos du président du Conseil du
trésor.
M. Mercier: M. le Président, il est évident que
ça amène des problèmes sociaux, ça amène des
charges sociales additionnelles aux villes. Probablement en raison du fait
qu'on est, bien sûr, les plus près du citoyen, on est très
rapidement interpellés. Et je pense qu'un peu partout au Québec
actuellement les municipalités ne veulent pas laisser les citoyens ou
ceux qui sont en besoin nécessairement en désarroi. Donc, il y a
évidemment, je pense, une contribution, qu'on le veuille ou pas, qui est
assumée à l'intérieur des budgets municipaux et qui touche
certains secteurs donnés. Mais il faut voir aussi que, lorsqu'on a des
problèmes sociaux, ça a aussi des impacts, par exemple, sur le
plan de l'augmentation de la criminalité. Si on parle d'augmentation de
la criminalité, je n'ai pas besoin de vous faire de dessin ici ce matin
pour vous dire que ça influence aussi les budgets sur le plan du secteur
de la protection publique. Il y a aussi, dans d'autres villes d'Importance,
toute la question, je pense, de l'intégration, bien sûr, des
immigrants. Il y a aussi, de par la désinstitutionnalisation, des
charges additionnelles qui se sont retrouvées à la charge des
villes. Vous avez, bien sûr, le transport adapté qui est en partie
assumé par le ministère des Transports, par le gouvernement,
mais, encore une fois là-dessus, il y a une large partie qui est
assumée aussi par la municipalité.
Je pense, M. le Président, qu'on se rend à
l'évidence qu'on aurait intérêt, on aurait
véritablement intérêt, tel que l'Union le souhaitait,
à pouvoir se retrouver à table, possiblement dans une forme de
forum, comme des assises, ce qui ferait en sorte qu'on puisse regarder
ensemble, effectivement... On a . intérêt à regarder les
avenues de solution possibles qui pourraient tantôt, possiblement,
apporter une aide au gouvernement du Québec sur ce plan-là.
On est prêt, les municipalités sont prêtes à
assumer des responsabilités, sauf que, lorsque la charge se retrouve
dans notre cour sans que, nécessairement, les revenus qui proviennent du
foncier doivent servir à ça, c'est là qu'on a un
problème important pour nous. Mais, malgré tout ça,
jusqu'à maintenant, je pense que les municipalités ont
raisonnablement passé à travers. Mais on est à la limite,
dans le moment, et l'élastique est étiré à son
maximum et les citoyens n'ont plus les moyens. La capacité de payer est
à ses limites. Il va falloir retrouver d'autres solutions qui
vont pallier, évidemment, aux problèmes qui découlent
effectivement d'une foule de mesures qui sont peut-être aussi
appliquées sur le plan du gouvernement du Québec et qui,
éventuellement, finalement, découlent dans notre cour.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Jonquière, il vous reste six minutes.
M. Dufour: Oui. Je voudrais juste reprendre un peu ce que le
président du Conseil du trésor me donne comme réponse au
commissaire aux plaintes, parce que je pense qu'il coupe court un peu.
L'historique est un peu plus grand que ça. En fait, il y a eu une loi
et, à l'intérieur de la loi, possiblement qu'il y a eu des
plaintes et qu'elles étaient fondées.... Moi, je crois qu'elles
étaient fondées en partie. Vous avez fait votre devoir. En tout
cas, vous avez tenté de faire vos devoirs. À partir de ce
constat-là, vous nous dites: On a mis en place un commissaire aux
plaintes. Mais rappelons-nous une chose: l'Opposition s'est opposée
parce que vous ne lui donniez pas de pouvoirs. Dans le fond, c'est un poste que
vous vouliez créer. Je ne sais pas ce
que vous voulez protéger là-dedans, mais on vous l'a
dénoncé. On vous l'a dit. Vous nommez un commissaire aux plaintes
et vous ne lui donnez pas de pouvoirs. Vous le laissez se promener sur le
territoire. Ça donne quoi, ça?
Moi, je vous félicite pour l'effort que vous faites pour
défendre une position indéfendable, mais, encore là, moi,
vous ne me vendrez pas ça, parce que ça manque de sérieux.
Moi, je pense que ça, c'est couper court. Quand on n'a pas de
réponse, on ne parle pas. On laisse couler l'eau et on dit: On va
regarder et on va fouiller un peu plus. Je vous engage, je vous souhaite de
fouiller un petit peu plus ce dossier-là, et vous allez probablement
avoir les réponses. On n'aura pas la peine de vous les soumettre. (11 h
10)
Par rapport, M. le Président, à l'Union des
municipalités... Moi, j'ai vu des résolutions de conseils
municipaux adressées au gouvernement, qui disaient: Ayez des budgets
équilibrés. On souhaite que vous ayez des budgets
équilibrés. Bon! Là-dessus, ça s'adressait autant
au gouvernement, je pense, qu'à l'Opposition. Moi, j'ai regardé
de quelle façon on pouvait recevoir une résolution comme
ça. J'ai répondu au moins une fois à une résolution
semblable en disant: Est-ce que vous êtes d'accord que vous n'ayez pas,
en retour... Si vous demandez que le gouvernement équilibre ses budgets,
ça veut dire que vous acceptez, d'une certaine façon, de ne pas
obtenir d'autres montants d'argent en retour. Parce qu'on ne peut pas avoir la
poule et l'oeuf. On a à choisir.
Si les municipalités insistent pour que le gouvernement
équilibre ses budgets, ça veut dire que les subventions vont
être de plus en plus courtes. Mais il y a peut-être un pendant
à ça, et c'est là-dessus que je voudrais qu'on s'enligne
un peu. Est-ce que vous trouveriez que ce serait une façon pour les
municipalités, versus les gouvernements, qu'il y ait une espèce
de contrat social ou un contrat tout court, où les municipalités
sauraient où elles s'en vont, pendant un certain nombre d'années,
et qu'elles vous laisseraient la paix un peu pour travailler? Ça ne veut
pas dire de ne pas améliorer et bonifier des lois, mais ça veut
dire que vous savez exactement quels sont vos revenus, sur quelles sources vous
pouvez compter et c'est quoi, vos responsabilités. Ça, il me
semble qu'on pourrait essayer, tenter d'améliorer quelque chose, surtout
pour vous autres. Le gouvernement, ici, il aura à faire ses devoirs et
ses classes aussi.
M. Mercier: M. le Président, en réponse au
député M. Dufour, je dois vous dire: Oui, on aurait
intérêt, effectivement, à convenir d'un certain contrat
social avec le gouvernement. Je pense, encore une fois, que si nous avions pu
tenir, en tout cas jusqu'à maintenant, si nous avions pu tenir en 1990
les assises Québec-municipalités, on en serait peut-être
venus, effectivement, à ce type de contrat social. Mais je pense que
ça s'impose. Aujourd'hui, ça s'impose.
D'ailleurs, il faut aussi dire qu'on a demandé au gouvernement de
reconnaître les municipalités comme légitimement des
gouvernements locaux. Il y aurait peut-être lieu que cette forme de
contrat social soit revêtu, dans le fond, d'une charte de
collectivité locale, qu'on reconnaisse effectivement la
légitimité des gouvernements locaux. Actuellement, nous sommes
les créatures du gouvernement, et on sait que l'on subit
également les décisions du même gouvernement. C'a
été le cas sur le plan des transferts.
M. Dufour, d'autre part, encore une fois, vous reveniez au commissaire
aux plaintes. C'est vrai, nos évaluations, à l'Union, ont fait
voir qu'un commissaire aux plaintes, d'après nous, c'était une
structure déjà, au moment de sa mise en place, qui pouvait
assumer, sur le plan budgétaire, 750 000 000 $ qui, à notre avis
aussi, étaient inutiles.
Il y a un autre domaine, lorsqu'on parle d'allégement des
contrôles, qui est frappant. On est assujetti à des conventions
collectives, à l'intérieur des municipalités, où on
doit assumer évidemment une échelle de salaires qui convient aux
différentes fonctions des employés. Saviez-vous que, en plus de
ça, parlant de contrôles, on est assujetti également au
décret de la construction? Qu'est-ce que le décret de la
construction vient faire dans les municipalités alors qu'on est
assujetti par nos propres conventions? Mais, à ce moment-là,
c'est la convention qui va effectivement bonifier la
rémunération. Si c'est celle de la construction qui bonifie la
rémunération, c'est celle-là qu'on devra appliquer. Si
c'est le sens contraire, bien, c'est évident que ça aussi,
ça s'applique. Ce n'est pas sur le plan, évidemment, des services
dits de professionnels reliés à la construction. On ne parie pas
de la construction de nouveaux édifices, mais on parle en matière
de rénovation. Donc, quand on parie d'un allégement des
contrôles, c'en est un exemple. On contrôle à outrance.
Je vous indiquerais, même ici ce matin, qu'on aurait
Intérêt, effectivement, dans une démarche qui pourrait se
poursuivre à l'intérieur d'assises, de regarder aussi la
composition de l'ensemble des ministères. La question s'est
posée: Est-ce que c'est absolument nécessaire de retrouver un
ministère qu'on connaît bien, qui est celui des Affaires
municipales? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de décentraliser
effectivement ce ministère, être capable de donner davantage de
responsabilités aux municipalités et faire en sorte que, sur
certains aspects peut-être plus pointus qui sont gérés par
le ministère, ça puisse se faire ailleurs dans d'autres
ministères?
Il y a des moyens, il y a des possibilités d'alléger la
charge fiscale du gouvernement et de diminuer, en somme, dans les
dépenses. Mais il faudrait s'asseoir à la table, je pense, avec
les
municipalités, pour être capables de discuter largement sur
la question.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre
participation à cette commission parlementaire et j'inviterais
immédiatement les membres du Parti vert du Québec à bien
vouloir prendre place à la table des témoins.
Nous suspendons nos travaux pour une durée maximale de deux
minutes, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprisée 11 h 17)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration... S'il vous
plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration
reprend ses travaux pour entendre le Parti vert du Québec.
Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Je demanderai,
dans un premier temps, au responsable de ce groupe de bien vouloir s'identifier
et de présenter les gens qui l'accompagnent. Nous disposons globalement
d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un
échange entre les deux formations politiques pour une durée
maximale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20
minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, nous sommes
prêts à vous entendre immédiatement.
Parti vert du Québec
M. Ouimet (Jean): Bonjour, M. le Président et les membres
de la commission. Je me présente. Mon nom est Jean Ouimet. Je suis le
chef du Parti vert du Québec. À ma droite, Jean-François
Labadie et, à ma gauche, Stéphane Boutin. Nous sommes ici, donc,
pour vous présenter un peu notre vision sur comment envisager de vivre
selon ses moyens.
Pour nous, vivre selon ses moyens, oui, c'est un bel objectif. Je pense
que c'est une direction à prendre, mais, ce qu'il faut surveiller, c'est
d'éviter que l'élimination prévue du déficit
budgétaire en cinq ans ne se fasse au détriment de la dette
écologique et de la dette sociale qui, elle, est liée à la
contamination de notre environnement, à la diminution des ressources
renouvelables, au décrochage scolaire et au nombre croissant des
sans-emploi. Pour nous, le gouvernement du Québec doit souscrire au
développement viable, un peu comme on peut le retrouver dans le dernier
rapport de la Banque mondiale qui invite, justement, les gouvernements à
réconcilier le développement et la protection de
l'environnement.
Alors, on peut lire, dans le rapport de 1992 de la Banque mondiale,
à la page 36... La citation commence comme suit: Faire passer dans les
faits le concept de soutenabiiité n'est pas sans soulever des questions
fondamentales quant à l'évaluation de la qualité de vie
des générations actuelles et futures. Que devons-nous laisser
à nos enfants et à nos petits-enfants pour qu'ils aient le
maximum de chances de ne pas vivre plus mal que nous? La question se complique
du fait que nos enfants n'héritent pas simplement de la pollution et
d'un épuisement des ressources, mais qu'ils profitent aussi des fruits
de notre travail par l'éducation, la formation, le savoir ainsi que les
biens matériels. Ils peuvent également bénéficier
de ce que nous investissons en ressources naturelles, bonifier des sois et
reboiser, par exemple. Ainsi, pour évaluer convenablement ce que nous
transmettons aux générations futures - toujours dans le rapport
de la Banque mondiale - il nous faut prendre en compte l'ensemble du capital
matériel, humain et naturel qui déterminera leurs conditions de
vie et ce qu'ils légueront à leur tour aux
générations qui suivront. (11 h 20)
Alors, vivre selon ses moyens, c'est donc de ne pas laisser une dette
qui s'alourdit auprès des générations futures. Un peu plus
loin, on peut même lire que la méconnaissance des problèmes
d'environnement hypothéquera à long terme les chances de
développement. Alors, c'est dans cette perspective-là, nous,
qu'on veut s'incrire à ce que la Banque mondiale recommande, qu'on fasse
un virage vers le développement viable, vers une prise en
considération des coûts sociaux et des coûts
écologiques. Pour nous, il faut s'engager collectivement à
considérer ces trois types de capitaux dans nos choix de
société et à intégrer les coûts sociaux et
écologiques dans l'évaluation des coûts réels de nos
gestes comme consommateurs et comme producteurs.
Le gouvernement doit encourager de tels gestes responsables. Le
gouvernement doit transférer, selon nous, les coûts sociaux et les
coûts écologiques vers les producteurs et les consommateurs
irresponsables et soutenir les producteurs qui sont, eux, responsables.
Actuellement, c'est le contraire. En permettant à une entreprise comme
Tioxide de polluer, on lui accorde indirectement une subvention en plus des
subventions directes. On encourage ainsi, selon nous, un comportement
irresponsable. Alors, le gouvernement du Québec doit éliminer ce
type de subventions. D'ailleurs, on retrouve dans le même rapport de la
Banque mondiale, en 1992, une référence à ces
subventions-là. On peut lire: Les subventions qui entraînent des
dégradations de l'environnement en encourageant l'utilisation des
ressources sont monnaie courante. Ce serait une bonne chose, tant du point de
vue économique que du point de vue écologique, d'éliminer
les subventions qui encouragent la consommation d'électricité,
des pesticides et de l'eau d'irriga-
tion ainsi que l'expansion des pâturages et des coupes de bois
dans les terrains domaniaux. Ces réformes exigeront une grande
volonté politique, car les subventions profitent
généralement à des gens politiquement influents.
D'ailleurs, même le GATT demande que les gouvernements cessent de
subventionner directement ou indirectement les producteurs afin de permettre
que les prix reflètent les coûts réels.
Alors, pour nous, pour que le gouvernement puisse effectuer un tel
virage et qu'il supporte les comportements responsables, il est essentiel que
toute la population participe à de tels choix de société
et s'engage non seulement à défendre ses droits et ses
libertés, mais aussi à être prête à assumer
ses responsabilités, entre autres des responsabilités
économiques.
On retrouve plusieurs pays de l'OCDE, comme l'Allemagne, les Pays-Bas,
la Suède où la population s'est engagée à
être plus responsable au niveau des coûts sociaux et
écologiques, et il y a plusieurs instruments économiques qui ont
été mis en place depuis le début des années
quatre-vingt pour, justement, réduire les subventions directes et
indirectes à différents secteurs industriels et à
différents types de produits de consommation.
Pour nous, l'implantation de tels instruments économiques, bien,
ça fait suite, en fin de compte, à l'adoption du principe
pollueur-payeur qui a été adopté par les pays de l'OCDE
dans les années soixante-dix. Et on retrouve dans notre mémoire,
à la page 56, un tableau où on peut justement voir comment le
Canada est le pays qui utilise le moins ces instruments économiques la
pour faire en sorte de transférer vers les consommateurs et les
producteurs les coûts sociaux et les coûts écologiques
liés à la consommation et à la production.
Si on a à envisager de réduire les dépenses du
gouvernement, ce serait peut-être d'arrêter de subventionner
directement et indirectement de cette façon-là des modes de
production polluantes.
Depuis, plusieurs pays ont pris le virage écologique, qui sont
attelés avec des instruments économiques de cette
nature-là, et ont soutenu la recherche et le développement de
technologies liées à la protection de l'environnement, comme
celle du recyclage, à la décontamination, au transport
électrique et de nombreuses autres technologies qu'on a besoin d'avoir
pour être capable de pouvoir prendre le virage écologique. Alors,
ça aura permis à ces pays-là de prendre un leadership dans
ces nouvelles technologies. On peut penser même au Japon qui, au niveau
de l'efficacité énergétique, a des longueurs d'avance
là-dessus.
Pour nous, c'est dans cette perspective que nous recommandons de
repenser l'économie en fonction d'une nouvelle vision globale et dans la
direction du développement viable qui repose, en fin de compte, sur un
entrepreneurship respon- sable. C'est ça qui nous intéresse
d'avoir au Québec.
L'économie du Québec doit suivre les tendances mondiales
pour demeurer compétitive, rentable et productive, sinon le fossé
va continuer à s'élargir et notre endettement va continuer
à grandir aussi.
Voici des recommandations que nous présentons à cette
commission pour faire en sorte que le gouvernement du Québec ne soit pas
trop en retard sur le développement de nouveaux secteurs industriels
liés à la protection de l'environnement.
Les correctifs qui pourraient être apportés au
régime fiscal actuel, entre autres, ce seraient l'élimination des
Incitatifs fiscaux à l'exploration des ressources
québécoises et le remplacement par une mesure fiscale
d'incitation à la restauration des sols contaminés. Quand on
regarde la quantité de terrains qui sont contaminés au
Québec, c'est une urgence quand on parle de santé publique parce
que ça va avoir des effets de plus en plus importants sur la population.
Il est urgent qu'on fasse des investissements dans ce sens-là et qu'on
encourage donc le développement de technologies pour pouvoir restaurer
les sols contaminés.
Il conviendrait aussi d'étendre les catégories 24 et 27
concernant l'amortissement fiscal accéléré du
matériel de lutte contre la pollution à tous les contribuables et
aux produits recyclés. Actuellement, ces catégories ne couvrent
que les biens neufs, ce qui crée une discrimination à
l'égard des produits recyclés. Les entreprises qui recyclent les
biens sont pénalisées. Or, le recyclage doit être
encouragé, car il permet la conservation d'énergie et des
ressources naturelles.
En ce qui concerne les taxes à la consommation, pour nous, il
conviendrait d'envisager l'extension de la taxe sur les carburants en
éliminant certaines exemptions comme celles relatives au mazout. On
entendait encore hier M. Clinton qui semblait aller dans cette
direction-là aussi.
Alors, pour nous, donc, la réduction de taxes aussi à
l'égard du carburant diesel devrait être supprimée, et le
taux général devrait être restauré. En ce qui
concerne la taxe de vente du Québec, le non-remboursement de taxe sur
les Intrants devrait être étendu à tout véhicule
routier ainsi qu'à tous les carburants visés par la taxe sur les
carburants. Le Parti vert du Québec estime que le double taux de la TVQ
devrait être utilisé selon que les produits ou services respectent
ou non l'environnement.
Dans cette optique, il conviendrait également d'envisager
l'accroissement du différentiel entre les taux, qui pourraient
s'établir, par exemple, à 4 % et 12 %. En effet, l'association
d'un bas taux pour les produits et services propres et d'un taux
élevé pour les produits non écologiques, les produits
jetables, les polluants,
les pesticides, constituerait un incitatif pour accroître la
durée de vie économique des produits et stimuler les
activités bénéfiques au point de vue social et
écologique, comme le recyclage et les économies d'énergie.
Là, on peut faire un virage en utilisant des mesures de cette
nature.
Sur les redevances sur les engrais et les pesticides, le Parti vert du
Québec recommande l'adoption, à l'instar d'autres pays tels les
Pays-Bas, la Suède, le Danemark, d'une redevance sur les engrais
pesticides qui aurait pour objectif l'incitation et le financement. Les
recettes perçues à même cette mesure pourraient être
versées à un fonds d'aide à l'agriculture, grâce
auquel des programmes de formation et d'aide technique seraient établis
pour permettre aux agriculteurs une transition vers une agriculture plus
écologique. Les programmes permettraient de réduire les
coûts liés à la pollution et d'abaisser les prix des
aliments biologiques.
Maintenant, une taxe d'encouragement à l'économie de
carburant. Le Parti vert du Québec recommande l'adoption d'une mesure
fiscale semblable à la «Tax for fuel conservation» en
vigueur dans la province de l'Ontario depuis le 1er juillet 1989. Cette mesure
fiscale consiste en une taxe sur les automobiles à forte consommation de
carburant, combinée à un crédit pour les véhicules
dont le taux de consommation d'essence est inférieur à 6 litres
aux 100 kilomètres.
La mesure qui est proposée ici intègre les recommandations
faites par la Commission de l'équité fiscale à l'effet
d'étendre la mesure fiscale aux camions et aux fourgonnettes ei
d'augmenter progressivement, sur une période de trois ans,
l'écart du différentiel entre les crédits et les taxes.
Alors, on retrouve aux pages 25 ei 26 de notre mémoire, le tableau,
justement, sui les paramètres de la mesure fiscale.
En terminant, une taxe sur le carbone. Le Parti vert du Québec
recommande une analyse sur les impacts de l'adoption d'une taxe sur le carbone
au Québec. Quatre pays d'Europe, déjà - la Finlande, les
Pays-Bas, la Norvège ei la Suède - ont récemment
adopté une telle taxe. Par ailleurs, la Communauté
économique européenne est à envisager l'introduction d'une
taxe environnementale sur l'énergie et, éventuellement, d'une
taxe sur les émissions de dioxide de carbone.
Plusieurs organismes mondiaux, tels que la Banque mondiale, le Fonds
monétaire international et l'OCDE ont examiné la
possibilité d'instaurer une taxe sur le carbone à
l'échelle internationale, et même les Américains parleni
d'une taxe sur l'énergie. Donc, il y a un contexte international
où on se rend compte qu'il faut commencer à taxer la consommation
d'énergie, taxer les émissions de carbone.
En guise de conclusion, je veux revenir sut l'importance de jumeler le
développement viable à l'économie et considérer
trois types de richesses, lorsqu'on parle d'endettement - il ne faul pas que
ça rebondisse de l'un à l'autre - tout en permettant aux citoyens
de participer aux prises de décisions économiques qui vont les
toucher directement. C'est ensemble qu'on va pouvoir relever ce
défi-là d'éliminer le déficit budgétaire,
mais il ne faut pas que ce soit pour augmenter le déficit
écologique. Il faut repenser l'économie dans un contexte de
responsabilité et de mesures économiques compétitives et
préventives. Mieux vaut prévenir que guérir. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. le président du Conseil du trésor. (11 h 30)
M. Johnson: Oui, je vous remercie, messieurs, de votre
présentation.
C'est toujours un défi de lier l'écologie et
l'environnement à la fiscalité et aux emplois dans un contexte
nord-américain où la sensibilité à ces enjeux n'est
peut-être pas aussi élevée qu'elle devrait être, ou
qu'elle l'est, évidemment, dans des pays européens où la
densité de la population et la politique tout simplement ont
marqué des avances réelles dans la conscience des gens qu'il doit
se passer des choses. On doit modifier notre façon de produire des biens
et de les consommer si on est soucieux du développement durable.
Ça nous amène, à chaque fois, à
considérer la vitesse et les moyens qu'on peut observer, je dirais, pour
arriver aux objectifs que vous poursuivez. Jusqu'à quel point, autrement
dit? C'est peut-être là-dessus qu'on pourrait échanger.
Est-ce qu'on a les moyens d'être des précurseurs? Est-ce qu'on
peut être des précurseurs, en Amérique du Nord, dans toutes
les dimensions que vous suggérez? Si oui, à quel rythme est-ce
qu'on peut le faire, parce qu'il y a toujours une question de réalisme
d'application? Sinon - et c'est plutôt l'approche que je
privilégie à chaque fois - comment déterminez-vous les
priorités? Qu'est-ce qui est le plus important de faire?
Par exemple, une taxe sur le carbone. Généraliser
l'application de ce concept-là, vérifier, là,
assidûment, quels sont ces résultats pour qu'on puisse faire
l'ajustement requis, etc., et qu'on atteigne la quasi-perfection dans une
activité fiscale qui touche l'environnement, parce que ça
touche... à cause des ramifications que le carbone peut avoir dans ses
effets sur l'atmosphère et notre environnement, de façon
générale, ça peut être celui qu'on va
privilégier. Ou alors, est-ce que c'est l'exploitation des richesses
naturelles, comme telles, dans notre forme d'économie à nous, au
Québec, dans notre contexte nord-américain, qui devrait faire
l'objet d'une attention particulière? Autrement dit, comment nous
assurer que nos arbres, non seulement sont là pour toujours, mais pour
beaucoup plus longtemps que ça - si je peux me permettre de faire de la
poésie - dans le sens, qu'en fin d'année, dans une
génération ou deux,
on en aura coupé moins que ce qui aura poussé pendant
l'année. Donc, on va véritablement contribuer, de façon
encore plus large, à régénérer l'environnement
aérien de la planète. Est-ce que c'est de ce
côté-là qu'on devrait aller? Sachant - parce que,
là, je veux juste vous émettre un conseil de prudence - qu'on n'a
pas tous les moyens, tout le temps, et tout l'argent pour faire toutes ces
choses-là à la fois, aussi importantes soient-elles.
Alors, ce qu'on cherche à voir, les gens qui viennent nous faire
des présentations, c'est dans quel ordre vous voyez une action fiscale -
c'est essentiellement le but de votre propos - qui ait des incidences
bénéfiques pour l'environnement? Par où on devrait
commencer, sachant qu'on ne peut pas tout faire?
M. Ouimet: Je pense que le pas le plus important, c'est de mettre
la population dans le coup. Je pense qu'on ne peut pas imposer - on l'a vu avec
la taxe sur le tabac - des mesures pour taxer plus certains produits quand les
gens décrochent et vont ailleurs. Je pense que ça doit être
la même chose. Si, à un moment donné, on veut imposer
à la population quelque chose qu'elle n'est pas prête à
assumer, ça ne marche pas non plus.
Alors, je pense qu'une première étape c'est de faire une
consultation vraiment large sur l'état de la situation, et
jusqu'à quel point la population est prête à s'engager
à assumer les coûts réels de ses gestes, comme
consommateurs, et les producteurs des entreprises, comme producteurs. En
Allemagne, c'est ce genre de démarche là qui est présent,
qui est derrière toute la démarche de l'Allemagne et des pays qui
ont fait le virage. C'est qu'il y a une volonté de la population
à se retrousser les manches et à faire le virage. C'est ce qui
fait que ça fait avancer aussi bien les entreprises que le
gouvernement.
Alors, je pense que la première étape, c'est d'aller voir
la population et de faire un topo de la situation, un peu comme on est en train
de le faire sur l'état de la situation financière au
Québec. À ce moment-là, de voir jusqu'où les gens
sont prêts à s'engager, et à quel rythme ils vont le
faire.
C'est sûr que le contexte nord-américain, il ne faut jamais
le perdre de vue, et c'est intéressant d'avoir entendu, hier, le
discours de M. Clinton, où on veut faire un virage dans le sens d'une
taxe sur l'énergie. Je pense qu'on a notre plus gros partenaire
économique qui veut aussi faire un virage. Alors, on pourrait
probablement s'aligner pour que ce virage-la puisse se faire en harmonie avec
ce que les Américains vont faire, comme je citais également
l'Ontario, qui a mis en place des mesures depuis 1989, qui sont une base de
référence aussi.
Alors, on n'est pas obligé d'aller plus vite que les autres. Sur
certaines façons, on peut les accompagner, mais les accompagner de
façon serrée, parce que, d'une certaine façon, sur
certaines mesures en matière écologique - en sortant un peu du
domaine de la fiscalité - les Américains sont un peu plus en
avance. Si on regarde le papier recyclé aux États-Unis, ils ont
pris des mesures, et on s'est fait prendre de court. Alors, on n'était
pas en avance, là, on était en arrière. On a tellement
traîné en arrière qu'on s'est fait surprendre au niveau de
nos industries papetières, et, là, il y a des industries qui
ferment parce qu'elles ne sont pas capables de produire du papier
recyclé. Alors, il faut peut-être les suivre de plus près
aussi. Il faut être juste...
M. Johnson: Oui.
M. Ouimet: ...de ce côté-là. Donc, pour moi,
le premier point, c'est vraiment que la population soit dans le coup, et qu'on
s'engage à être responsable.
Si on parle au niveau de la forêt, je pense que vous soulevez un
point important aussi. Le taux d'actualisation ou bien le taux... à quel
rythme on devrait récolter nos forêts pour faire en sorte de
maintenir une productivité à long terme? Je pense que, quand on
regarde les données de Statistique Canada qui sont parues en 1991, on
voit que, sur l'ensemble du Canada, on coupe les arbres plus vite qu'ils ne
repoussent. Alors, il va falloir qu'on s'ajuste de ce
côté-là pour éviter le même problème
qu'on a eu au niveau de l'industrie des pêcheries où, à un
moment donné, c'était un effondrement du stock de poissons. Il y
a beaucoup d'écologistes au Québec qui vont vous dire
qu'actuellement, avec le genre de gestion qu'on fait de la forêt, on s'en
va vers une situation de rupture de stocks. Alors, il va falloir...
Bien, ça dépend comment on évalue ça... il y
a, en termes de surface qui est replantée, mais il y a aussi en termes
de monoculture qui fragilise aussi les écosystèmes. Alors, les
gens vont vous dire: Vous replantez peut-être beaucoup, mais vous
fragilisez en même temps votre écosystème. Aussi, quand on
veut avoir une vision à long terme, il faut maintenir la
diversité des espèces au niveau de la forêt. C'est ce qui
permet d'éviter des épidémies, et c'est ce qui permet de
retrouver un équilibre plus intéressant.
Alors, je pense qu'il y a un rythme à évaluer. Nous, le
Parti vert du Québec, on n'a pas les ressources actuellement pour faire
toutes ces évaluations-là. Il y a plusieurs groupes, plusieurs
chercheurs, qui ont mis de l'avant certains rythmes pour la gestion des
ressources renouvelables, mais je pense qu'on pourrait s'inspirer de ces
recherches-là pour se donner un rythme de production du bois qui
permette de respecter le taux de renouvellement de la forêt. Je ne peux
pas aller plus loin que ça parce que nous, on n'a pas toutes les
ressources pour vous
donner un chiffre précis, mais je pense que c'est des
éléments, là.
M. Johnson: Non, c'est correct. Je pense que le processus est
important. Il est important, comme vous dites, que les gens soient dans le
coup, pour des mesures précises, je penserais, parce que vous ne mesurez
certainement pas beaucoup de résistance chez la population pour des
gestes proenvironnementaux. Je pense bien que ça, c'est acquis dans la
conscience populaire. Les gens n'ont peut-être pas encore fait le lien
avec les coûts que ça peut représenter...
M. Ouimet: Oui, c'est sûr.
M. Johnson: ...de traîner ton emballage non recyclable au
magasin, comme en Allemagne, ou d'acheter à prix plus
élevé, évidemment, des biens dont on doit rapporter
l'emballage au magasin, comme en Allemagne toujours. Alors, il y a des choses
qui ont été imposées, évidemment, aux entreprises
là-bas, mais la technologie leur permet de faire des gains de
productivité quand même.
De la même façon, je ne peux pas m'empêcher de
relever, évidemment, que l'aspect, je dirais, l'imposition par les
Américains de la pâte à papier journal, du papier journal
recyclé, comme source privilégiée pour les imprimeurs.
Ça a l'avantage énorme pour eux de nous empêcher d'exporter
de la pâte ou du papier journal à partir d'ici, parce que, pour
faire du papier journal recyclé, ça prend du vieux papier
journal, puis eux en ont, puis nous on n'en a pas. Faire venir des centaines de
milliers de tonnes de journaux, tous les jours, du sud des États-Unis,
pour installer ça quelque part à Port-Alfred, faire de la
pâte, puis la retourner sur le marché américain, ce n'est
pas parfaitement économique. Alors, je n'ai jamais été
impressionné par l'altruisme des Américains, évidemment.
S'ils étaient tous aussi sévères pour l'industrie
automobile qu'ils le sont pour l'industrie forestière, là on
commencerait à les croire un petit peu.
Mais je note de votre intervention que vous privilégiez un
préalable que sont des campagnes de sensibilisation précises, pas
simplement de dire: L'environnement c'est beau, mais voici ce que ça
peut coûter; voici pourquoi ça vaut la peine, etc. Malgré
tout, est-ce qu'il y a des champs d'intervention si on revient au carbone, aux
ressources ou au consommateur de tous les jours? Est-ce qu'on devrait le
frapper dans ce dont II s'aperçoit? Par exemple, l'emballage au magasin,
le coût de son automobile ou le coût de l'essence?
M. Ouimet: Je pense qu'au niveau de l'industrie du recyclage il y
a un coup de pouce à donner de ce côté-là pour que
ça puisse décoller sérieusement au Québec, parce
qu'il y a une déception de la population qui, à un moment
donné, constate que la contribution qu'elle apporte en faisant un
partage de ses déchets que, par la suite, c'est des fois enfoui à
la même place. Puis, ça, c'est démobilisant.
Alors, je pense qu'il y a un soutien à accorder à
l'industrie du recyclage, comme ça a été fait aux
Pays-Bas, pour faire en sorte que l'industrie puisse décoller, en
soutenant le prix des matières premières, des matières
recyclées, et pour faire en sorte que ça puisse être
rentable. Alors, c'est sûr qu'il y a un aspect rentabilité
là-dedans, puis le gouvernement a une responsabilité de ce
côté-là, de faire en sorte, de s'assurer que le
décollage puisse se faire. Une fois que c'est mis en branle, la roue,
bien là, à un moment donné, la quantité va pouvoir
augmenter, puis la quantité augmentant, la rentabilité fait en
sorte que le gouvernement ne serait pas obligé de toujours soutenir le
décollage d'une telle industrie du recyclage. Je pense que c'est au
niveau du quotidien, parce que si vous regardez à travers le
Québec, tous les problèmes de la gestion des déchets
domestiques, avec les incinérateurs, on n'est pas sortis du bois avec
ça. Il y a plein d'endroits où les gens disent: Non, on ne veut
pas avoir d'incinérateur. (11 h 40)
Alors, la façon, c'est de réduire la quantité de
déchets qu'on produit, et le recyclage est une solution importante de ce
côté-là. Alors, je pense que le recyclage, c'est un point
important à mettre de l'avant au niveau des mesures fiscales pour
encourager un virage, pour que ça décolle vraiment, l'industrie
du recyclage au Québec. Je pense que, ça, c'est un point.
C'est sûr qu'au niveau de l'automobile aussi, au niveau de la
consommation de pétrole, on est un pays, au Québec et au Canada,
où le transport en commun est minime par rapport à d'autres pays.
Il pourrait être beaucoup plus développé. Le transport
ferroviaire pourrait être encouragé; le transport
électrique pourrait faire en sorte de réduire ça. Mais on
pourrait peut-être taxer un peu plus au niveau de la consommation. Une
taxe sur le carbone permettrait d'augmenter les incitatifs à utiliser
des transports moins polluants, comme des transports en commun
électriques. Je pense que, de ce côté-là aussi,
ça va être une direction Importante à prendre.
Je voulais peut-être aussi mentionner quelque chose. C'est
important aussi, je pense, de... C'est des mesures qui ne sont pas faciles,
peut-être, pour la population, à envisager, à assumer
toujours ces coûts-là. Vous allez me dire qu'ils en ont
déjà une grosse charge, c'est vrai, mais ils sont aussi
conscients que la jeunesse est en train de désespérer par rapport
à l'avenir, que les jeunes décrochent, que les jeunes se
suicident parce qu'ils ne voient pas d'avenir, qu'ils n'ont pas de perspectives
d'avenir. Je pense que les
adultes, si, à un moment donné, ils ont à donner un
petit coup au niveau de leur portefeuille pour redonner de l'espoir aux jeunes
- en disant: Oui, on se prend en main, et on commence à assumer nos
actes et à être plus responsable - je pense que cela aurait un
impact important quand on parle d'avenir. Parce que des jeunes qui ont perdu
espoir dans l'avenir, c'est difficile de les amener à l'école
après ça. C'est difficile de les amener à s'impliquer dans
le marché du travail et à créer leurs propres emplois.
Alors, je pense qu'on a une responsabilité, d'une certaine
façon, à faire ce virage-là, et je pense qu'il y a
beaucoup d'adultes, beaucoup de parents, beaucoup de personnes qui sont en
moyens et qui seraient prêts à donner un coup de main de ce
côté-là, à payer un petit peu plus cher pour
redonner de l'espoir aux jeunes.
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Parti
vert, à son président, M. Ouimet, pour l'excellent travail, bien
sûr, que vous avez soumis à la commission et, également,
les éléments de réflexion.
Vous touchez à la fiscalité, vous semblez vouloir,
effectivement, intensifier davantage les mesures fiscales pour encourager les
gens à dépolluer, encourager les gens à assainir
l'environnement, je pense, qui est essentiel à la qualité de
vie.
Vous soulevez, par contre, un point dans votre mémoire, et
j'aimerais que vous m'en parliez un peu davantage. C'est au niveau des taxes.
Vous dites que des taxes de non-conformité sont imposées lorsque
les pollueurs ne respectent pas certaines réglementations. Le montant
perçu dépend des gains découlant de la
non-conformité. Avez-vous i'impression, actuellement, que la
réglementation qui existe, la façon dont s'opère la
taxation au niveau, justement, des pollueurs, c'est suffisant? Est-ce qu'on
aurait des améliorations à apporter de ce
côté-là? Est-ce que, vraiment, on fait respecter nos lois
sur le territoire pour s'assurer, au moins, que ce qui est déjà
acquis est bien respecté?
C'est parce que vous soulevez la non-conformité, et j'aimerais,
les gens du milieu, si vous pouviez nous parler de ça un peu.
M. Ouimet: C'est sûr qu'on constate, lorsqu'on voit les
procédures qui sont mises en branle pour essayer d'arrêter des
industries de polluer, comment, pour elles, ça coûte moins cher de
payer ce qu'ils auraient comme contravention, si on veut, comme
pénalité à payer, que de se conformer à la
réglementation. Alors, souvent, les pénalités ne sont pas
suffisamment importantes, et les taxes donc de non-conformité ne sont
pas suffisamment importantes. Alors, il faut relever ça pour
créer une incitation, vraiment, à respecter les normes qui sont
fixées en matière d'environnement.
Il faudrait aussi avoir un ministère de l'Environnement qui ait
un peu plus les moyens d'assurer l'application, le respect de ces
normes-là. De ce côté-là, on se rend compte que le
ministère de l'Environnement est de plus en plus restreint dans ses
moyens pour être capable d'assurer le respect des différentes
normes environnementales pour les différents secteurs. Alors, je pense
qu'il va falloir qu'il y ait plus de volonté politique pour doter le
ministère de l'Environnement de meilleurs moyens, pour faire en sorte de
s'assurer que les normes environnementales sont respectées, et d'avoir
des taxes qui créent des incitations plus fortes. Parce que si on lit le
document de l'OCDE sur les instruments économiques pour la protection de
l'environnement, on se rend compte que les différents taux de redevance
doivent être suffisamment élevés pour créer vraiment
une incitation auprès du producteur à développer des
technologies qui vont lui permettre de moins polluer, donc d'avoir à
payer moins de redevances, alors que si les redevances sont toutes trop basses,
c'est sûr qu'à ce moment-là l'incitation n'est pas
suffisamment importante. Souvent, on va se laisser traîner les pieds
jusqu'à temps qu'on ferme l'usine parce qu'à un moment
donné il arrive une période où ce n'est plus rentable de
la modifier.
Alors, je pense qu'il faut qu'il y ait une volonté claire, mais
c'est pour ça que ça doit venir de la population. Ça ne
peut pas venir juste du gouvernement. Il faut qu'il y ait vraiment une
volonté collective de se prendre en main, de se lever debout, et de
dire: On se retrousse les manches et on relève ces
défis-là. Le gouvernement seul ne peut pas y arriver. Les
entreprises sont capables de faire des pressions importantes - on le volt
constamment dans différents dossiers - pour pouvoir contourner les lois
et les règlements.
Alors, il faut que la population soit derrière le gouvernement,
et les entreprises vont embarquer. À ce moment-là, on va se
donner des taux de taxation suffisamment importants pour que ce soit une
incitation à faire un virage suffisamment serré pour pouvoir
restaurer la qualité de notre environnement, parce que si on regarde le
rapport de la Commission Charbonneau sur la quantité de déchets
qu'on produit annuellement au Québec, c'est des quantités
épeurantes. Si on place ça par habitant, ça donne, en
résidus miniers, 12 tonnes de résidus miniers par habitant par
année, 3 tonnes de déchets agricoles par habitant par
année. Imaginez ce qu'on produit actuellement, ce qu'on est en train de
rejeter dans notre environnement.
Si on n'investit pas pour faire un virage, si on n'a pas des mesures en
place, des incitations financières importantes pour réduire cette
quantité de déchets qu'on produit annuellement, on va se ramasser
dans un contexte très pollué, comme on l'a découvert dans
des pays d'Europe de l'Est. Ça va nous prendre plus de temps, mais on va
y arriver aussi.
Alors, je pense que, dans ce sens-là, il y a une urgence de
donner un signal clair aux entreprises, et il faut que la population soit dans
le coup pour que le signal passe bien.
M. Filion: Est-ce que vous avez une idée du mordant que
pourrait avoir la taxe, comment on pourrait appliquer une taxe avec du mordant?
Est-ce qu'il y a des philosophies auxquelles vous avez pensé vraiment
pour décourager le pollueur, lui dire: Bien là, les
pénalités vont être tellement importantes que ça va
l'inciter, ça va vraiment l'inciter à agir en conformité
avec l'environnement et la nature? Est-ce que vous avez une idée de
grandeur qu'on peut penser? Avez-vous pensé à ce genre de...
M. Ouimet: C'est sûr que fixer un taux, c'est difficile.
Comme M. le président du Conseil du trésor le mentionnait, il y a
tout un contexte nord-américain qu'il faut aussi être capable de
prendre en considération, parce qu'on ne veut pas non plus faire fermer
les entreprises au Québec. Ce n'est pas ça qu'est notre objectif.
Je pense qu'il faut créer des emplois tout en protégeant
l'environnement.
Il faut être capable de voir, dans le contexte
nord-américain, dans le contexte mondial, par rapport à ce qui
existe ailleurs... puis comme on voit qu'en Europe il se développe
différents types de taxes, au niveau du carbone ou sur l'énergie,
qui se mettent en place avec des taux peut-être plus importants qu'ici en
Amérique du Nord... Alors, c'est sûr que ce contexte-là va
être un facteur déterminant pour élaborer le taux ici qui
serait acceptable pour les entreprises, et aussi la volonté de la
population à se tenir debout face à ça, puis à
dire: On est prêt à accepter peut-être que certaines petites
entreprises ferment, parce qu'elles sont trop des gros polluants, en
échange de quoi on peut créer d'autres emplois qui sont
liés à l'industrie du recyclage, à l'industrie de
l'agriculture biologique. Alors, à ce moment-là, il y a un
échange que la population peut saisir puis, à un moment
donné, elle peut être prête à dire: Dans ce
secteur-là...
Si je pense, mettons, à l'Abitibi. Des déchets et des
déchets miniers en Abitibi, c'est quelque chose qui est assez
particulier. À un moment donné, de voir jusqu'où les gens
là-bas voient qu'il y a une alternative au niveau de i'emploi, puis
qu'il y a une volonté de créer des emplois dans d'autres
secteurs. Puis, en fonction de ça, ils vont dire: II faudrait mettre des
normes en termes de déchets des résidus miniers pour que
ça arrête de polluer l'environnement, certains taux puis...
Mais, ça, c'est en fonction de la volonté de la
population, puis du contexte économique nord-américain et
international. Alors, ça nous serait difficile, pour le moment, de
présenter un chiffre. C'est une étude qui doit être faite.
C'est un équilibre subtil, parce qu'il faut quand même respecter
la notion de rentabilité pour une entreprise puis, les profits, il faut
que ce soit présent aussi. Mais il faut, en même temps, qu'ils
sentent qu'il y a une pression qui va dans ce sens-là.
Alors, c'est un virage qu'on ne peut pas faire tout seuls au
Québec, mais on peut être parmi ceux qui sont à
lavant-garde de ça, plutôt que de traîner de la patte, comme
on le fait actuellement.
M. Filion: Dans votre mémoire, vous abordez
également un autre sujet. En tout cas, je vous pose la question, parce
que vous en partez un peu. Vous dites: Les consommateurs de cigarettes et
d'alcool n'assument pas complètement les coûts sociaux
engendrés par la consommation de ces deux drogues. J'aimerais avoir, en
même temps, votre «feeling». Vous savez, c'est un
sujet...
Bon, il est sûr, on est tous conscients que ça nuit
à la santé, mais, en même temps, ça a d'autres
répercussions sociales importantes au moment où on se parle.
C'est un fléau qui a donné naissance à la contrebande de
cigarettes. De votre point de vue, comment vous voyez... À quel genre de
mesures on pourrait penser? Avez-vous une idée comment on pourrait
travailler ce dossier-là, qui nuit énormément à la
santé des gens? Avez-vous pensé à une façon dont on
devrait approcher le problème, pour qu'on puisse essayer de trouver une
solution collective où on va retrouver un équilibre
intéressant pour tout le monde?
M. Ouimet: Je reviens à ce que je mentionnais
tantôt. Je pense qu'il y a un débat fondamental à faire au
Québec, à savoir que les gens veulent avoir le droit de fumer, le
droit de boire une bière. Je suis tout à fait d'accord avec
ça, la liberté de pouvoir le faire aussi, mais il y a aussi une
responsabilité par rapport aux gestes qu'ils posent. Je pense que c'est
un débat collectif qu'on doit avoir sur les droits, les libertés
et les responsabilités qu'on est prêts à assumer et
à partager entre les consommateurs, les citoyens, les entreprises et
l'État. C'est ça, notre contrat social qu'on a à formuler
clairement, puis à voir jusqu'où on est prêts à
s'engager. Si les gens ne sont pas prêts à s'engager à
être plus responsables, ils vont continuer à aller magasiner aux
États-Unis, puis à faire de la contrebande de cigarettes. (11 h
50)
Si les gens se rendent compte que si on veut maintenir un niveau de
qualité de services en santé et en éducation, et qu'on
puisse même l'améliorer parce que, actuellement, ce n'est pas ce
niveau-là qu'on voudrait maintenir, il faudrait même
l'améliorer, alors, si les gens veulent s'engager là-dedans, ils
vont se rendre compte qu'en étant peut-être plus responsables des
coûts qui sont liés à leur consommation de cigarettes ou
d'alcool, on pourrait les assurer d'avoir encore accès gratuitement
à des services de santé quand ils sont malades et de ne pas
être obligés d'attendre trois heures à l'urgence quand ils
ont besoin de passer
Alors, je pense qu'il y a des choix de société à
être faits, et il faut que ce soit clairement présenté
à la population, à savoir quel est l'équilibre qu'on est
prêt à assumer au niveau des droits, des libertés et des
responsabilités - et quand je parle de responsabilité, à
cette commission-ci, je parle de responsabilité économique
à l'égard des coûts sociaux et des coûts
écologiques - et présenter ça clairement à la
population, quels sont les enjeux, et si on veut redonner de l'espoir aux
jeunes, eh bien, qu'on soit capable de voir comment on est prêt à
s'engager à être responsable. Et ça, c'est le premier
débat, c'est le premier pas à faire.
On ne pourra pas embarquer la population dans des taxes plus
élevées au niveau de l'alcool ou de la cigarette s'il n'y a pas
un engagement à être plus responsable. Et ça, ça
devrait se refléter, nous, on dit, même dans une charte
québécoise. Ça ne devrait pas être juste une charte
des droits et libertés, mais aussi une charte des droits,
libertés et responsabilités. Et ça, c'est le point majeur.
Je pense que même dans le principe pollueur-payeur de l'OCDE, on revient
sur la nécessité d'articuler la notion de responsabilité.
Elle est au coeur du principe pollueur-payeur. Si ce n'est pas de la
responsabilité qui est à la base de ça, ce serait
peut-être plus de la répression, et nous, ce n'est pas
l'écolo-fascisme qui nous intéresse, c'est plutôt un
écologisme où les gens sont responsables, se prennent en main et
permettent à ce moment-là de faire un virage
intéressant.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: M. le Président, j'aurais une autre petite
question. J'aimerais entendre nos représentants. C'est au niveau...
Vous soulevez l'orientation en matière de taxation au niveau du
carbone, le CO2. Vous amenez comme mesure de taxer davantage cette source
d'énergie polluante, mais, en même temps, avez-vous regardé
un peu le seuil de tolérance au niveau de l'économie, parce qu'on
sait actuellement que... On regarde ici, là, on sait que le
Québec est la province qui taxe le plus l'essence. On est à 0,19
$ le litre, et on est la province championne. On est les champions de la
taxation au niveau de l'essence. Dans cette optique-là, ça
crée quand même des conséquences économiques
importantes parce que vous savez, c'est le transport qui écope. Les
gens, aujourd'hui... bon, beaucoup ont accès à un transport en
commun, mais plusieurs ne l'ont pas non plus, l'accès au transport en
commun. Moi, je regarde les gens de IHe d'Orléans, ils n'en ont pas, de
transport en commun. Ils voudraient bien en avoir un, là, et avoir la
possibilité de s'en financer un, mais en tout cas, ce n'est pas
possible, les études de faisabilité et d'impact ne donnent pas la
rentabilité nécessaire. Alors, il y a des gens qui, à
toutes fins pratiques, avec une politique comme celle-là, vont se
retrouver taxés encore davantage au niveau du carburant.
Je voulais savoir, de votre part, si vous aviez regardé, dans une
politique de taxer davantage, comment vous verriez une application comme
ça sur notre territoire, pour qu'on crée quand même une
équité à travers les usagers qui peuvent prendre le
transport en commun et ceux qui ne peuvent pas le prendre, le transport en
commun.
M. Ouimet: Je dirais qu'une des clefs des redevances qui sont
mentionnées dans le rapport de l'OCDE, c'est d'avoir des taxes
liées à des services qui sont donnés en échange.
Lorsque quelqu'un paie pour une taxe, il a un service en échange. Alors,
on pourrait avoir une taxe sur le carbone, qui pourrait servir à
financer le transport en commun au Québec pour faire en sorte, à
ce moment-là, que les gens paient pour réduire leur consommation
de pétrole, en échange de quoi on leur donne des meilleurs
services de transport en commun.
Alors, là, ça sert à quelque chose. Un peu comme
tantôt on parlait d'une taxe sur tes engrais et pesticides, que ce soit
une taxe liée à une formation des agriculteurs pour qu'ils
sachent comment en utiliser moins. Et là, c'est intéressant,
beaucoup plus intéressant pour le consommateur de savoir que cette
taxe-là sert à lui donner un service, à financer un
service qui l'aide à pouvoir réduire sa consommation, donc
à pouvoir réduire les taxes qu'il a à payer. Je pense
qu'il faut développer plus cette notion-là de taxe liée
qui, pour le consommateur et le payeur de taxe, est beaucoup plus
intéressante parce qu'on sait à quoi ça sert.
C'est un peu la même chose au niveau du tabac et de l'alcool, de
dire avoir une taxe... La taxe sur la cigarette, ça ne devrait pas
être vu comme une taxe pour payer le stade olympique. C'est une taxe pour
soigner les gens quand ils sont malades de tabagisme. Là, à ce
moment-là, c'est une autre orientation. Je pense que, là, on a le
sentiment de payer pour quelque chose qui nous revient en retour. Lorsque je
serai malade, je sais que ça va servir à ça. Dans ce
sens-là, je pense que les citoyens seraient plus facilement
embarqués là-dedans, comme on l'a constaté dans les
pays d'Europe où, avec les taxes liées, les gens disent plus
facilement oui à un tel changement.
M. Filion: Effectivement, je partage cette façon de voir
parce que les gens, actuellement, nous le reprochent beaucoup. Si je prends
l'exemple de mon comté, quand la moitié de l'île paie une
taxe parce qu'ils n'ont pas de transport en commun, et que l'autre
moitié de l'île ne paie pas la taxe parce qu'elle n'a pas de
transport en commun, essayez d'aller faire comprendre à des citoyens,
qui vivent sur la même île, qu'il y en a qui payent une taxe et que
d'autres ne la payent pas...
Une voix: C'est ça.
M. Filion:... pour financer un transport en commun dont, de toute
façon, ni l'un ni l'autre ne bénéficient. Alors, c'est
évident que ce genre de mesure-là, en matière de taxation,
doit être revu. C'est ce qui, d'ailleurs, à mon point de vue,
à moi, crée des tensions...
Une voix: Tout à fait.
M. Filion:... sociales, et les gens viennent qu'ils ne peuvent
plus prendre rien en matière de taxation. Ils ont l'impression
d'être traités inéquitablement. Il y a un principe
d'utilisateur-payeur, et je pense que ça doit être effectivement
considéré et revu dans notre système de taxation, pour que
les gens se sentent un peu plus traités sur le même pied
d'égalité que leur voisin Dans ce sens-là, effectivement,
je partage votre opinion et, encore une fois, votre mémoire va nous
aider grandement à réfléchir sur l'orientation fiscale des
finances publiques au Québec.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie, M. le
député de Montmorency.
Nous vous remercions pour votre participation à cette commission
parlementaire, et j'inviterais l'Association générale
étudiante de l'Université du Québec à
Montréal à bien vouloir prendre place.
Nous suspendons environ deux minutes seulement. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 57)
(Reprise à 12 heures)
Le Président (M. Després): Au nom des membres de la
commission du budget et de l'administration, il me fait plaisir de vous
recevoir ici aujourd'hui.
Nous avons une période maximum d'une heure à notre
disposition, dont 20 minutes pour votre présentation, après quoi
on pourra partager le temps entre les députés ministériels
et les députés de l'Opposition pour pouvoir s'interroger et
discuter sur la présentation de votre mémoire. Donc, je
demanderais au responsable de se présenter et de présenter les
gens qui l'accompagnent. Vous pouvez débuter dès maintenant la
présentation de votre mémoire.
Association générale
étudiante
des secteurs sciences humaines,
arts, lettres et communication
de l'Université du Québec
à Montréal (AGEUQAM)
M. Rioux (Claude): Merci. Je vais commencer. On va se partager la
parole tout au long de notre présentation. Je vais présenter
Robert Dubois, étudiant en sciences politiques à l'UQAM et
responsable à l'externe de l'exécutif de l'AGEUQAM, Association
générale étudiante de l'UQAM. Il y a aussi Benoit Renaud,
en histoire, maîtrise en histoire et ex-membre de l'exécutif de
l'AGEUQAM; moi-même, Claude Rioux, étudiant en sciences
politiques, membre de l'exécutif de l'AGEUQAM.
L'Association générale étudiante de l'UQAM
représente 15 000 membres des secteurs sciences humaines, arts, lettres
et communication de l'UQAM. Fondée en 1920, elle a été de
toutes les luttes...
Une voix: II y a 20 ans.
M. Rioux: II y a 20 ans? Excusez-moi. Fondée il y a 20 ans
- et non pas fondée en 1920 -on a été de toutes les luttes
pour le droit à l'éducation, autant aussi pour les luttes des
autres couches de la société pour plus d'égalité
sociale. L'Association générale ne défend pas juste les
intérêts et les droits de ses membres, mais aussi de tous et
celles qui n'ont pas accès à l'université actuellement et
de ceux et celles qui sont menacés par les coupures
préconisées par le gouvernement dans l'éducation, au
niveau de la réforme des cégeps aussi. Donc, on est solidaires
ici... en tant qu'universitaires, on est aussi solidaires avec les personnes
qui s'opposent à la réforme des collèges.
En 1990, on a été en grève pendant un mois contre
le dégel des frais de scolarité parce qu'on pensait que ça
réduirait l'accessibilité à l'éducation, et c'est
effectivement ce qui s'est passé. Les données dont on dispose
démontrent toutes l'impact négatif qu'a eu le dégel des
frais de scolarité, et on entend lutter contre toute autre augmentation
des frais de scolarité.
La raison pour laquelle on est ici, c'est qu'on réagit vivement
au document qui a été présenté, «Vivre selon
nos moyens». On trouve que, finalement, l'Association ne pourrait pas
laisser passer comme ça un document dans lequel on disait qu'on allait
poursuivre le rattrapage de la moyenne canadienne des frais de scolarité
sans
dire un mot. On est toujours vigilants et vigilantes pour
répondre aux attaques contre le droit à l'éducation. Avec
ce document-là, tout semble décidé d'avance sur cette
commission parlementaire-ci. Néanmoins, si on ne peut pas vous
convaincre des orientations qu'on préconise, on veut essayer au moins de
vous dissuader de prendre des mesures qui pourraient restreindre
l'accessibilité à l'éducation. Nos membres ne se font pas
prendre par le discours volontairement alarmiste du document «Vivre selon
nos moyens» ni par les traités de dogmatisme libéraliste du
gouvernement actuel. Notre optique à cette commission-ci, je pense qu'on
est en solidarité avec les centrales syndicales qui ont
dénoncé le fait qu'on se place sur le terrain comptable des
finances publiques plutôt que de se placer sur le terrain de la
fiscalité. Peut-être que le gouvernement a peur des conclusions
qu'une enquête sur la fiscalité amènerait.
On n'est pas non plus venus vous dire comment couper dans
l'éducation et dans les services sociaux. On est plutôt venus vous
dire que ce serait incohérent de le faire. On est aussi venus vous dire
que la vision purement comptable du gouvernement, ce n'est pas un projet de
société. L'éducation, ce n'est pas seulement une question
d'économie, c'est aussi une question de culture et de
société et, pour nous autres, l'éducation, c'est d'abord
et avant tout un droit.
Je vais passer la parole à Benoit Renaud qui va présenter
le mémoire.
M. Renaud (Benoit): On ne fera pas la lecture intégrale du
mémoire, ce qui serait un peu compliqué, un peu long. On s'excuse
pour les petites erreurs qu'il peut y avoir dans le document, étant
donné le délai assez court qu'on a eu pour le produire. En quatre
jours, pour être franc avec vous autres, avec les moyens qu'on a,
ça a été extrêmement difficile. Depuis qu on vous a
envoyé le mémoire, il y a eu des discussions dans nos instances,
notamment en assemblée générale, sur cette
question-là, ce qui fait que les positions qu'on va vous
présenter aujourd'hui sont peut-être à quelques nuances de
différence par rapport à ce qu'est le contenu du mémoire.
Donc, je vais plutôt résumer en gros l'argumentation qu'on
présente.
Étant donné qu'on a décidé d'emblée
de se placer dans l'optique des questions posées par la commission,
c'est-à-dire la question des finances publiques, et d'essayer de faire
un lien entre la question des finances publiques et l'éducation, qui est
notre domaine de prédilection... En premier lieu, je pense que tout le
monde peut sen tendre pour identifier les causes profondes du problème
des finances publiques, c'est-à-dire le sous-emploi de la population
dans le sens où il y a une trop faible proportion de la population qui
travaille. Donc, il y a de plus en plus de difficultés à assumer
les charges pour l'ensemble de la société. Ce sous emploi est
dû, en bonne par- tie, à un chômage structurel très
élevé, également au vieillissement de la population. Mais
s'il n'y avait pas autant de chômage chez les jeunes, sûrement que
le vieillissement de la population serait plus facile à assumer
collectivement.
L'autre ensemble de causes, c'est les politiques du gouvernement
fédéral, notamment une réduction drastique des paiements
de transferts aux provinces qui, d'après le document du gouvernement, va
se poursuivre dans les prochaines années. C'est une véritable
dégringolade. Ce n'est pas simplement un gel ou un plafonnement, mais
c'est une diminution radicale de ces paiements de transfert. Également,
des politiques économiques qui sont faites beaucoup plus dans
l'intérêt des centres métropolitains de Toronto et de
Vancouver que du développement économique du Québec.
La question du chômage, c'est quelque chose qui nous concerne
particulièrement parce qu'on est des jeunes. Les jeunes sont
particulièrement frappés par le chômage. Les femmes aussi
sont particulièrement frappées par le chômage. La
majorité de nos membres sont des femmes. Malgré le portrait que
présente notre délégation présentement, il ne
faudrait pas penser qu'on est représentatifs tout à fait de cette
réalité. D'ailleurs, les femmes ont tellement de misère
à arriver que, quand elles essaient de faire des études, il n'y
en a pas beaucoup qui ont du temps à mettre pour les activités
syndicales étudiantes. C'est pas mal pour ça qu'on est trois
gars, ce soir.
Ce qui frappe sur la question du chômage, c'est que, même
dans sa prévision la plus optimiste, le gouvernement prévoit un
taux de chômage de près de 10 % après plusieurs
années de croissance. Donc, on se demande ce serait quoi, une
prévision pessimiste. Quand l'optimisme est à 10 % de
chômage, je pense qu'on devrait se poser de sérieuses questions
sur nos méthodes d'analyse et sur notre vision de l'économie et
de l'emploi. Je pense que ça pose un problème particulier.
Le lien entre ça et l'éducation est évident quand
on regarde les statistiques, les derniers recensements. Le recensement de 1991
n'a pas pu être traité encore parce que les données
viennent juste de sortir, mais, dans celui de 1986, on indiquait que le
chômage moyen des personnes qui n'ont pas de diplôme
d'études secondaires était de 18 % alors que celui des personnes
qui détiennent un baccalauréat était de 7,3 %. C'est
presque du 3 pour 1. Je pense que le lien entre la sous-scolarisation de la
population et le chômage structurel est assez évident. La
conclusion de ça, c'est que l'accès à l'éducation
devrait être un axe fondamental d'une politique de plein emploi. Si notre
population est sous-scolarisée par rapport aux besoins de
l'économie, aux besoins d'une société
développée, ça va être impossible d'avoir une
véritable politique de plein
emploi et, sans une véritable politique de plein emploi, on ne
peut pas régler les problèmes de fond des finances publiques
parce qu'il va toujours y avoir trop peu de gens qui travaillent en proportion
dans l'ensemble de la population.
Un autre chiffre qui est très clair par rapport au lien entre le
chômage et l'éducation... Il y a une enquête du
ministère de la Main-d'oeuvre fédéral qui indiquait que 50
% des nouveaux emplois qui ont été créés au
début des années quatre-vingt demandaient un diplôme
universitaire. (12 h 10)
Donc, quand on sait que le taux de réussite du
baccalauréat en ce moment, au Québec, est de 12 %, il y a
immédiatement une inadéquation flagrante entre les besoins du
marché du travail et le niveau de scolarisation de la population. Donc,
suite à ça, on a constaté une convergence de vues
évidente entre notre point de vue et celui du Conseil supérieur
de l'éducation tel qu'il a été présenté dans
son mémoire de septembre dernier, où le Conseil supérieur
préconisait de doubler la proportion de diplômés du
baccalauréat pour la prochaine génération, donc d'ici l'an
2000. doubler la proportion de bacheliers et de bachelières, c'est un
objectif extrêmement ambitieux et qui demande des mesures vigoureuses. ce
n'est certainement pas en augmentant encore une fois les frais de
scolarité universitaire qu'on va pouvoir atteindre cet
objectif-là qui est un élément important de tout projet
social visant à régler le problème des finances publiques.
pour expliquer pourquoi on a un taux de réussite du baccalauréat
de seulement 12 % présentement, c'est qu'il y a 45 % des jeunes qui
entrent à l'université qui abandonnent avant d'avoir
terminé leur bac. 45 %! on parle souvent du décrochage au
secondaire. là, on commence à parler un peu du décrochage
au collégial. mais le dé-crochayo au niveau du
bucculauréut. c'osl colui qui est, en proportion, le plus
élevé. c'est là que les gens lâchent, à
l'université. pourquoi? parce que ça coûte plus cher, parce
que les conditions financières sont beaucoup plus difficiles qu'au
niveau collégial.
Évidemment, pour régler le problème du
décrochage et de l'abandon des études, ce n'est pas simplement
des mesures économiques. On ne se fait pas d'illusions là-dessus.
La question des frais de scolarité ou des prêts et bourses ne
permettrait pas de régler l'ensemble du problème. Il y a aussi
des mesures d'ordre pédagogique, des mesures d'ordre plutôt
social. Le décrochage est un phénomène qui peut se
prévenir, même en très bas âge, d'après,
notamment, le document «Un Québec fou de ses enfants», qui a
été édité il n'y a pas très longtemps, qui
donnait plusieurs moyens de prévenir le décrochage. Sauf que pour
notre part, étant donné qu'aujourd'hui on discute de la question
des finances publiques, on a décidé d'aborder surtout la
dimension économique de l'accès à l'éducation.
Récemment, le recteur de notre université, M. Claude
Corbo. a fait une allocution devant la Chambre de commerce de Montréal
sur la question de la combinaison travail-études. On sait que de plus en
plus les étudiantes et les étudiants du collégial ou de
l'université combinent travail et études de toutes sortes de
façons: travailler à temps plein et étudier à temps
partiel, étudier à temps plein et travailler à temps
partiel, et il y a même du monde qui trouve le moyen d'étudier et
de travailler à temps plein en même temps, ce qui n'est pas
évident. Pour avoir des «A» dans ses cours, quand tu fais 35
heures par semaine en plus de 4 cours d'université... Je connais des
gens qui tentent de le faire, mais c'est extrêmement difficile. Ce
problème-là est très grave.
Il y a une enquête qui vient d'être faite par
l'administration de l'UQAM qui démontre qu'au-delà de 15 heures
de travail par semaine, le travail nuit considérablement à la
réussite des études. On sait que c'est une proportion importante
de nos membres qui travaillent en même temps qu'ils étudient.
Une autre chose qui est ressortie de cette recherche-là, c'est
que plus les parents ont des revenus élevés, plus leurs enfants
sont portés à travailler pendant qu'ils étudient. Ha, ha,
ha! Ça peut sembler étrange, cette corrélation-là,
mais ça ne l'est pas quand on connaît bien le régime de
prêts et bourses qui donne effectivement moins d'argent aux gens... Plus
leurs parents ont de l'argent, moins on leur donne d'aide financière.
Donc, le fait que les gens travaillent plus quand leurs parents ont plus
d'argent est un symptôme, on pourrait même dire une preuve du fait
que le régime d'aide financière est encore inadéquat,
malgré la réforme un peu timide qui a été
introduite il y a quelques années.
L'autre chose qui avait été mentionnée par M Corbo,
c'ost quo pour encourager les entre prises à financer l'éducation
et à donner des bourses d'études, il leur a dit, et je cite,
selon une source du journal La Presse: «Des bourses en dollars de
1993 coûtent moins cher que du chômage en dollars de 2003».
Bon. Quand j'ai vu ça, je me suis dit: Effectivement, notre recteur est
tout à fait sur la même longueur d'onde que nous sur cette
question-là. C'est très évident que l'éducation, ce
n'est pas une dépense, ce n'est pas de l'argent garroché par les
fenêtres, c'est un investissement, et il faut avoir une vision à
long terme de la question des finances publiques pour se rendre compte de
ça et pour agir en conséquence. Je dirais que la principale
lacune, d'après moi, dans la vision du document «Vivre selon nos
moyens», c'est que d'emblée, dès le début, on dit...
Le gouvernement annonce qu'il veut aborder cette question-là à
court et moyen terme, et on ne voit pas plus loin que cinq ans en avant. On ne
peut pas régler des problèmes aussi fondamentaux que le
vieillissement de la population et le chômage structurel en ayant une
vision à cinq ans d'avance, puis une vision de
comptabilité au niveau des finances publiques.
Maintenant, notre revendication principale présentement, c'est
toujours ça, c'est une revendication qui est vieille comme le mouvement
étudiant lui-même, c'est la gratuité scolaire à tous
les niveaux. On nous dit toujours: Ah! ce n'est pas réaliste, la
gratuité scolaire, on n'a pas les moyens de se payer ça,
évidemment, comme le dit le titre du mémoire du gouvernement.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les moyens de s'en passer et
qu'à long terme la société québécoise ne
peut pas se permettre de sacrifier un grand nombre de ses jeunes en les
excluant des études universitaires par toutes sortes de barrières
économiques. C'est extrêmement difficile d'étudier et de
réussir, comme je le disais tout à l'heure, quand on est
obligé de combiner travail et études, quand on est dans une
situation de pauvreté. D'ailleurs, ces problèmes-là,
toutes les études démontrent qu'ils touchent
particulièrement les femmes, particulièrement les jeunes des
familles à revenus moyens ou modostos. Donc, c'est aussi une mesure
d'équité sociale, la gratuité scolaire.
L'autre dimension du problème, c'est évident, c'est que
l'augmentation des frais de 300 % qu'on a subie dans les dernières
années, ce n'est pas accompagné d'une augmentation en
conséquence des revenus de la population étudiante, ce qui fait
que l'appauvrissement de la population étudiante est très grave;
il se fait à un rythme accéléré. La seule chose qui
a augmenté dans les revenus de la population étudiante depuis
trois ou quatre ans, c'est l'endettement. Ça, c'est un piège
parce que l'endettement, ça donne des revenus, mais aussi ça
dissuade beaucoup de personnes de poursuivre de longues études. Quand tu
envisages de t'endetter de 20 000 $ pour faire une maîtrise, ça
décourage un peu, ça pousse les gens à écourter
leurs études, à faire plutôt des certificats, des bacs,
à faire plutôt un D.E.C. qu'un bac, à faire plutôt un
bac qu'une maîtrise. Ça, c'est quelque chose qui coûte
extrêmement cher, à long terme, à la société.
En plus, l'augmentation récente des frais n'a pas du tout
réglé le problème de sous-financement des
universités parce que, selon les chiffres qu'elles nous donnent,
l'administration de l'UQAM entre autres, les subventions du gouvernement ont
diminué en proportion de l'augmentation des frais. Donc, les
universités se retrouvent avec le même budget, se retrouvent
obligées de continuer à couper dans leurs services; les
bibliothèques sont dans un état lamentable. On est en train de
rattraper des conditions tiers-mondistes, en matière
d'éducation.
L'autre argument en faveur de la gratuité scolaire, je vais
revenir à ce que j'énonçais tantôt sur la question
du chômage, sur la question de la rentabilité de
l'éducation du point de vue des finances publiques, c'est que les frais
de scolarité constituent la principale barrière économique
à l'accès à l'éducation, celle qui est la plus
dissuasive. Si le gouvernement décidait d'allouer, disons, un budget de
50 000 $ ou 100 000 $, peu importe, si le gouvernement dégageait un
certain budget en se donnant pour objectif: On va investir cet argent-là
pour faciliter l'accès à l'éducation universitaire, la
mesure qui serait la plus efficace, selon toutes les études
économiques qui ont été faites sur la question, ce serait
de diminuer les frais de scolarité, plus que des améliorations au
régime d'aide financière, plus que n'importe quelle autre mesure.
C'est la diminution des frais qui a l'impact psychologique, l'impact concret le
plus visible et qui encourage le plus les gens à poursuivre leurs
études.
Ensuite, quand on dit: La gratuité, ce n'est pas
réaliste... On nous compare toujours avec les États-Unis, avec le
Canada anglais, mais il faut se dire qu'il y a beaucoup de pays
d'Amérique latine qui sont beaucoup moins riches que nous et qui ont la
gratuité scolaire; il y a beaucoup de pays en Europe, dont l'Allemagne,
la France, qui ont la gratuité scolaire et qui ne sont pas en train do
s'appauvrir pour autant Au contraire, ce sont des pays qui sont très
dynamiques du point de vue économique. Donc, tout, pour nous, toutes les
lignes d'arguments qu'on peut élaborer nous amènent à la
même conclusion, à savoir que la gratuité scolaire serait
un très bon choix social pour le Québec, tel qu'il avait
été prévu, d'ailleurs, par la commission Parent dans les
années soixante. Mais cet objectif-là, on le sait, a
été abandonné par la suite. (12 h 20)
Maintenant, revenons à la question de fonds, de la
fiscalité. Il y a une enquête qui a été faite par un
organisme rattaché au ministère de l'Éducation qui
s'appelle «La rentabilité du diplôme», qui a
été faite par un économiste, M. Marius Demers, et qui a
été publiée l'automne dernier. Cette
enquête-là démontre qu'une augmentation de la scolarisation
de la population québécoise rapporte énormément
plus aux finances publiques que ce que ça coûte. Ça
rapporte plus parce que les gens qui sont plus éduqués ont de
meilleurs emplois, donc paient plus d'impôts et, au bout du compte, le
gouvernement récupère quelque chose comme, dépendant des
niveaux de diplôme, entre 300 % et 500 % de profit, on pourrait dire,
pour l'argent qu'il investit dans l'éducation. Mais ça, c'est
à long terme, encore une fois; il faut avoir une vision à long
terme de ça; c'est sur 10, 15 et 20 ans qu'on peut ressentir les effets
de ce type de politique au niveau des finances publiques, mais l'effet est
à la fois profond et à long terme.
L'autre aspect... Est-ce que c'est possible d'avoir cinq minutes? Parce
qu'il y a mon ami ici, à côté, qui veut...
Le Président (M. Després): Oui, oui. Il n'y a pas
de problème. On vient de me faire signe,
Mme la députée de...
M. Renaud: On a une houre, globalement
Le Président (M. Després): Oui, O.K. On me fait
signe des deux côtés parce que, normalement, on avait
déterminé 20 minutes...
M. Renaud: Oui.
Le Président (M. Després): ...mais on vient d'avoir
consentement. Donc, vous pouvez continuer.
M. Renaud: Parce qu'on est trois, et je me suis
étiré plus que je ne l'avais prévu.
Le Président (M. Després): Allez-y.
M. Renaud: Merci beaucoup. Il faut qu'on aborde la question de
fond, la question immédiate de la commission qui est la
fiscalité.
Donc, d'une part, l'augmentation de la scolarisation rapporte
énormément plus que ce qu'elle ne coûte en matière
de fiscalité, quand on regarde la question à long terme. D'autre
part, quand les gens sont plus scolarisés, ils coûtent moins cher
au gouvernement parce que, quand les gens sont plus scolarisés, comme je
l'ai mentionné au début, ils sont moins portés à
être au chômage, ils sont moins portés à être
sur l'aide sociale; ils sont portés aussi à avoir de meilleures
habitudes de vie, donc à consommer moins de services de santé.
Donc, à tous les niveaux, l'éducation est quelque chose qui
rapporte énormément au niveau des finances publiques, beaucoup
plus que ce que ça ne coûte. Il suffit d'avoir une vision à
long terme pour s'en rendre compte.
Maintenant, on parle d'une vision à long terme. C'est bien beau,
mais vous allez me dire qu'il faut aussi gérer les choses au quotidien
et qu'on ne peut pas complètement sacrifier la situation actuelle pour
une perspective à long terme. On ne peut pas non plus s'endetter outre
mesure parce que ça augmenterait les coûts en matière
d'intérêt. Donc, on s'est penché sur: Comment financer,
à court terme, les mesures qu'on propose? Là-dessus, notre
proposition, depuis 1990, c'est d'augmenter la taxation des entreprises ou,
encore, de diminuer les exemptions fiscales aux entreprises, qui est une
façon d'augmenter la fiscalité, mais je pense que ce serait plus
simple, plus efficace de simplement diminuer certaines exemptions fiscales qui
sont présentes là-dessus. On est absolument en désaccord,
évidemment, avec le constat qui est posé dès le
départ par le gouvernement sur le fait que la fiscalité, il ne
faut pas la changer, qu'elle est parfaitement compétitive comme
ça et que, bon, tout est beau.
Là-dessus, je donnerais deux chiffres qui semblent parler par
eux-mêmes. Je vais laisser à mon ami, à côté,
un des deux chiffres en question. Mais sur la question des exemptions fiscales
aux entreprises, il nous semble que la plus récente, l'exemption sur la
taxe de vente, n'est pas vraiment efficace, en matière de
création d'emplois à tout le moins, parce que le gouvernement
lui-même dit que cette exemption fiscale, qui coûte au gouvernement
850 000 000 $ en entrées fiscales perdues, crée 17 000 emplois.
Je ne sais pas si vous avez une calculatrice à la portée de la
main, mais ça donne environ 50 000 $ par emploi. Il me semble que c'est
un peu cher, en fait de création d'emplois, 50 000 $ par job. À
ce rythme-là, il faudrait que le gouvernement accorde 2 000 000 000 $
d'exemptions fiscales aux entreprises pour faire baisser le taux de
chômage de 1 %. Donc, pour nous, ça semble assez évidemment
ne pas être une mesure efficace.
Je vais laisser la parole maintenant à Robert Dubois.
M. Dubois (Robert): Bon...
Le Président (M. Després): Oui, M. Dubois.
M. Dubois: ...je vais reprendre aussi le taux d'abandon dans les
universités.
Des études de M. Simard, de Université de Montréal,
en 1989, précisaient qu'il y avait 46 % des étudiants de l'UQAM
qui abandonnaient durant la première année de
baccalauréat, 30 % à l'UDEM et 25 % à McGill. Dans ce
contexte-là, on considère qu'avec un taux d'abandon aussi
élevé, on est loin d'arriver aux 24 % que le gouvernement
aimerait voir dans le taux de diplomation. Si on considère que si on
réduisait de 8 % seulement les abandons au baccalauréat,
ça rapporterait en revenus, à long terme, au gouvernement 398 000
000 $ par année de plus de taxes à percevoir parce que,
d'après l'étude que M. Renaud a mentionnée, «La
rentabilité du diplôme», un universitaire paie 700 000 $
d'impôt en l'espace de 30 ans de travail, comparativement à
quelqu'un qui va faire son secondaire, qui va payer à peu près
198 000 $ d'impôt. Donc, la différence de 500 000 $ sur toute une
vie d'impôt multipliée par le nombre d'universitaires, ça
fait des montants assez astronomiques. pour ce qui est du rattrapage que le
gouvernement n'arrête pas de nous mentionner, ce qu'on répond
à ça, nous, l'ageuqam, c'est qu'on se demande si le gouvernement
est aussi préoccupé lorsqu'on parle de la fréquentation
des universités, s'il veut faire le rattrapage au même niveau que
la fréquentation des universités en ontario, si le gouvernement
est aussi préoccupé par la charge fiscale des entreprises ou pour
financer le système d'éducation. si on regarde les chiffres de
l'ocde, de 1989, le canada a taxé les entreprises de 6 % pour financer
les universités, entre autres, comparativement à 14 % pour la
france, 9 % pour l'allemagne, 12 % pour
l'Italie. On est le plus bas. C'est comme un paradis fiscal pour nos
entreprises au Québec. On a la formation, ça ne nous coûte
rien, on peut la critiquer, on peut dire tout ce qu'on veut, puis augmenter les
frais de scolarité, puis leur mettre des barrières de plus en
plus contraignantes pour arriver au baccalauréat. On peut parler de
toutes sortes de mesures tarifaires et non tarifaires. L'endettement aux
prêts et bourses est une mesure qui réduit le plus
l'accessibilité. Si on considère qu'en 1989, le prêt
étudiant était de 2400 $, puis que les frais de scolarité
étaient de 250 $ par session, donc 500 $ annuellement, l'étudiant
est obligé d'injecter 20 % de son prêt dans le paiement de ses
frais de scolarité.
Aujourd'hui, on est dans la situation qu'avec 1500 $ de frais de
scolarité annuellement et 2900 $ de prêts, on met 50 % des
prêts que le gouvernement nous accorde dans le paiement de nos frais de
scolarité. Donc, on réduit considérablement nos revenus,
puis on est loin de la bonification dont M. Ryan parlait en 1989, qui disait:
Oui, oui, on va vous augmenter, mais considérant ce fait, on va bonifier
le système des prêts et bourses. Effectivement, le système
de prêts a été bonifié à notre
désavantage, malheureusement. Mais le système de bourses est
resté tel quel, il n'a pas été bonifié.
Lorsqu'on parle du rapport que vous avez produit, «Vivre selon nos
moyens», nous autres, les étudiants, puis les
Québécois, on se demande, nos moyens, c'est de qui vous parlez.
Les moyens du gouvernement? Les moyens du peuple? Les moyens des entreprises?
Ce n'est pas trop, trop évident, ça. C'est loin d'être
évident, ça. On pnnso (|uo nos moyons. avoc
Une voix: Les frais de scolarité sont déjà
au-dessus de nos moyens.
M. Dubois: Déjà, effectivement, les frais de
scolarité sont au-dessus de nos moyens, qu'on verse à peu
près 40 % de nos revenus, en tant que population, au gouvernement en
impôt et en taxes diverses. Je pense que nos moyens, on les donne au
gouvernement, puis ce qu'il nous reste, on en a besoin pour vivre. Le
gouvernement devrait songer peut-être plus à aller chercher dans
une autre poche, parce que notre poche à nous autres est vide. On n'a
plus rien. Tout ce qu'on nous met pour la remplir, c'est des prêts qu'on
va rembourser à la fin de nos études qui vont alourdir, en fin de
compte, notre capacité de suivre des cours à l'université,
puis de réussir, puis promouvoir la société
québécoise au niveau économique.
Nous, de l'AGEUQAM, on considère que la gratuité scolaire
est un objectif de société. Il ne coûte pas si cher que
ça au gouvernement de fournir la gratuité scolaire quand on peut
voir ce qu'elle peut rapporter à long terme. Nous autres, à
l'AGEUQAM, on pense que le gouvernement devrait avoir des politiques non pas
électoralis- tes, mais des politiques sociales à long terme de
société, puis être responsable à ce
niveau-là. On croit aussi que le gouvernement devrait tenir une
consultation publique sur l'enseignement supérieur et ne pas
déposer des rapports la veille de l'ouverture de la commission
où, là, on n'a pas le temps d'étudier les dossiers, on n'a
pas le temps de voir si les chiffres sont véridiques, on n'a pas le
temps de faire de consultations. Je trouve, personnellement, que c'est une
mascarade, cette commission-ci. (12 h 30)
M. Renaud: En conclusion, très brièvement, un des
principaux arguments qui sont invoqués par le gouvernement, c'est la
question de la dette publique et du poids qui pèse sur les
générations futures. Bon, bien, les générations
futures, la première de ces générations futures là,
c'est nous, et je pense qu'il faudrait peut-être qu'on nous consulte
avant de faire quelque chose supposément pour nous rendre service Je
pense que nous, comme génération future, on est totalement contre
le genre de politiques qui sont préconisées dans le document
«Vivre selon nos moyens», parce qu'il ne s'agit probablement pas de
nos moyens à nous, manifestement.
On terminerait par quelque chose de peut-être un peu
poétique. Pour paraphraser une intervention, tout à l'heure, de
M. Johnson, on nous a appelé la génération
sacrifiée, à un moment donné, au début des
années quatre-vingt. On est aussi la génération des
suicides, la génération marginalisée parce que beaucoup
moins nombreuse que d'autres.
Une voix: On ost aussi la génération du taux de
chômage à 25 %, du bien-être social à 150 $ par mois.
On a été la génération du dégel des frais de
scolarité.
M. Rioux: Mais ce qu'il est important de vous dire aussi, c'est
que, si vous continuez comme ça, on va aussi devenir une
génération exaspérée, fâchée,
révoltée et mobilisée. Je pense que, cette fois-ci, il n'y
aura pas assez de matraques dans tout le Québec pour nous
réprimer.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Renaud, pour cette présentation, M. Dubois et M. Rioux.
Je vais maintenant passer la parole au président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Oui. Je vous remercie, messieurs, y compris pour les
finales toujours spectaculaires dont vous seuls avez le secret, même si
ça ne fait pas avancer le dossier, là.
Vous disiez au début que vous ne pouviez pas laisser passer la
commission sans relever certains énoncés que vous trouviez dans
les documents qu'on a publiés Moi non plus, je ne peux pas laisser
passer ce que vous dites, être la
génération sacrifiée, exaspérée ou
quoi que ce soit. Vous n'êtes certainement pas la
génération rigoureuse. Quand on vient ici, je comprends que vous
avez juste quatre jours, mais encore il faut savoir lire les choses avant de
les critiquer.
Quand vous dites qu'on parle d'un plan de redressement qui va faire en
sorte que le chômage va être 9, 9 % quand la page à laquelle
vous référez parle de 8, 4 %, qui est le taux de chômage le
plus bas depuis 25 ans, à ce moment-là, il ne faut pas partir sur
la mauvaise «track» Si on part tous sur la vraie voie, avec les
vrais chiffres, on n'aura aucune difficulté à se comprendre. Il
s'agira ensuite de décider à quelle vitesse on se rend et quels
sont les moyens qu'on doit prendre pour emprunter la voie sur laquelle on s'est
entendu. Mais la voie, telle qu'elle existe, c'est une voie où on est
endettés, vous êtes endettés, je suis endetté,
madame est endettée, ceux qui nous écoutent sont endettés,
tout le monde est endetté en venant au monde. Et la situation ne
s'améliore pas.
Ma question est de savoir comment rentabiliser les ressources qu'on a.
Et là, dans le fond, on arrive dans le vif de votre propos.
L'éducation, l'enseignement supérieur est un investissement et,
comme n'importe quel investissement, on doit examiner sa rentabilité
dont vous êtes et dont la société peut être les
bénéficiaires. La question est de savoir qui
bénéficie de quoi, de combien, donc qui doit investir. C'est
essentiellement ça qui est en cause. Et, évidemment, vous vous
référez à une étude de 1991 sur la
rentabilité des études. Vous n'avez pas remarqué que, dans
cette étude-là, il est dit, je cite:... qu'il serait tentant pour
un lecteur non averti de comparer directement les bénéfices
fiscaux et les coûts de formation. Mais vous ne vous êtes pas
gênés pour le faire. Il y a des choses de base qu'il faut
respecter. C'est là qu'on se démarque.
S'il y a, pour la société, un bénéfice
réel de quelque ordre que ce soit que ses membres aient accès et
complètent... Avoir accès, c'est une chose; compléter des
études d'enseignement supérieur, c'en est une autre. S'il y a des
bénéfices pour la société, personne ne va me faire
croire qu'il n'y en a pas pour l'individu. Je dirais même que c'est
infini. J'emploie le mot «infini» au sens arithmétique.
C'est infini, les bénéfices pour l'individu de compléter
des études supérieures comparativement aux
bénéfices qui existent pour la société. Il y en a
également pour la société, ça ne fait pas de doute.
C'est quelqu'un qui va payer plus d'impôt. Puis, s'il paie plus
d'impôt, est-ce qu'on peut penser que c'est parce qu'il a plus de
revenus? Et avoir plus de revenus plutôt que ne pas en avoir du tout,
c'est infini comme ratio. Ça ne se compare même pas, ça ne
se compare même pas.
Je veux remettre en perspective que les données, l'accès
à l'enseignement supérieur, toutes les données de tous les
pays démontrent que, si ça tient à quelque chose, ce n'est
certainement pas aux frais de scolarité. Vous parlez de quelque chose
que vous brandissez absolument constamment comme un obstacle à
l'enseignement supérieur. Vous me direz que ce n'était pas
généralisé, il y a 25 ans, l'enseignement
supérieur, que c'était élitiste, etc. C'est fort possible,
mais je veux juste que vous sachiez que les gens de mon âge, si on
voulait payer nos frais de scolarité lorsque j'étais à
l'université, il fallait littéralement qu'on travaille à
plein temps pendant 6 mois dans les jobs auxquels on avait accès pour
payer les frais de scolarité.
Aujourd'hui, à ma connaissance personnelle, là, dans mon
entourage, au maximum 3 semaines ou 4 semaines de travail permettent de payer
les frais de scolarité, pas 6 mois, pas 6 semaines, 4 semaines, 3
semaines. C'est ça, l'ordre de grandeur. Le salaire minimum est à
5, 85 $, il était à 0, 65 $ à l'époque, et les
frais de scolarité étaient les mêmes. Moi, je payais la
même chose en 1963 à l'Université de Montréal que
mon fils 23 ans plus tard, 28 ans plus tard. Alors, tu sais, les choses se sont
améliorées considérablement au point de vue de
l'accessibilité.
La question est de savoir comment, à partir du moment où
nous sommes tous endettés, tous, comment rentabilisons-nous les
ressources que nous avons. Un discours rigoureux vise à chercher, si
vous parlez d'investissements, quelles sont les ressources disponibles et
comment on les investit de la façon la plus rentable pour la
société. Dans une cohorte d'étudiants qui
représentent, une fois qu'ils ont complété leur
diplôme d'études collégiales, une infime minorité de
la population. Des gens dont toutes les statistiques disent qu'ils ont les
meilleures chances de toute la population d'avoir un emploi lorsqu'ils vont
compléter.
Ne venez pas me dire, là... moi, je ne peux pas accepter
ça que ce sont les frais de scolarité les plus bas en
Amérique du Nord qui font que vous êtes incapables de
compléter un diplôme. Je ne le crois pas parce que c'est une
partie infime des coûts d'aller à l'université que les
frais de scolarité. C'est une partie infime. Ce n'est pas un obstacle.
C'est un des coûts, qui n'est pas négligeable, mais c'est un des
coûts. Et le coût d'opportunité est plus important, les
choix personnels, la façon d'aménager son horaire pour, oui,
gagner, emprunter, avoir une bourse et consacrer le temps qu'il faut,
là, pour compléter avec succès, pas un séjour
à l'université, mais des cours qui permettent d'apprendre quelque
chose. Et ça, là, c'est les autres qui vous en doivent.
Vous vous êtes excusés au départ. Vous
n'étiez pas obligés de le faire. Les difficultés que vous
avez eues, du peu de temps, de la facture, enfin, de la qualité de la
langue... Je crois comprendre que vous faites partie de l'association qui
trouve que les tests de français, ce
n'est pas important. Ça se peut.
Une voix: Pas important, il faut nuancer, là.
M. Johnson: Ça se peut. On va en reparler dans deux
minutes. Vous me corrigerez, là.
Une voix: II faut faire attention de ne pas déformer les
propos.
M. Johnson: Mais vous n'êtes pas obligés, parce
qu'on vous a formés... On vous a formés, vous êtes
allés dans des institutions d'enseignement et, si vous êtes mal
formés, ça n'a pas été de l'automalformation. Tout
le monde doit faire sa job pour vous préparer pour l'avenir, mais vous
aussi, je pense que vous devez investir. Si ça a une valeur,
l'éducation, il faut que vous le sachiez. Il faut établir ce
lien-là, comme n'importe quel service public, entre la valeur que
représente . l'enseignement dont vous bénéficiez et
l'effort qu'on a tous à consentir, parce qu'on n'a plus les moyens de
tout donner, même si on voulait. Parce que s'il y a un endroit où
on devrait le faire, ce serait à votre endroit, mais on n'a plus les
moyens. C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.
Le Président (M. Després): M. Renaud. M. Renaud:
Oui.
Le Président (M. Després): La parole est à
vous. (12 h 40)
M. Renaud: Merci bien.
On parle que l'individu fasse sa part. La première chose, les
comparaisons. On compare avec le passé. On compare avec le reste de
l'Amérique du Nord. Pour nous, la première comparaison qu'on
fait, c'est entre ce qu'on fait comme effort, présentement,
collectivement, en matière d'éducation et ce qu'on pourrait
potentiellement faire. Nous aussi, on constate, effectivement, que c'est une
toute petite minorité qui a accès à l'université,
et les gens qui, comme moi, se rendent jusqu'à la maîtrise sont
encore une plus petite minorité, mais, justement, raison de plus pour
faire des efforts importants, pas simplement en matière de conditions
économiques d'études, mais aussi, comme je l'ai mentionné
tantôt, en matière de prévention du décrochage
à l'université, en matière d'encadrement
pédagogique, de ressources à vos universités pour aider
les gens à réussir leur programme, puis pas simplement,
effectivement, de faire un séjour. On est parfaitement d'accord avec
ça.
Maintenant, parlons de l'individu. L'individu, il fait sa part d'une
façon très évidente. Bon, l'étude de M. Demers
démontre assez clairement que le coût, pour la
société, de nos études, on le rembourse amplement
après la fin de nos études. Il y a d'autres associations
étudiantes avec lesquelles on n'est pas d'accord, qui proposent un
impôt postuniversitaire, mais il y a déjà un impôt
postuniversitaire évident. Les gens qui font des études
universitaires paient plus d'impôt. Donc, ils remboursent à la
société le coût de leur formation. Le problème,
c'est qu'on ne peut pas payer plus maintenant. On compare avec les
États-Unis, tout ça, avec le reste du Canada, mais il faut faire
attention de voir que les sociétés...
Notre société est distincte, on le sait très bien.
On a des caractéristiques particulières. On a encore du
rattrapage à faire en matière de scolarisation. On est
sous-scolarisés par rapport à nos propres besoins. Je pense qu'il
faut arrêter de se comparer toujours avec ailleurs et comparer
plutôt ce qu'on fait avec ce qu'on pourrait faire, comparer ce qu'on
réalise présentement avec ce qu'on pourrait réaliser si on
regardait les choses sous un angle à plus long terme et sous un angle
plus social que purement économique.
Parce que la question de la rentabilité de l'éducation,
ça reste à évaluer. Ça peut être
évalué de toutes sortes de façons, la rentabilité.
Ce qui est rentable pour certaines personnes n'est peut-être pas rentable
pour d'autres, et ce qui est rentable à court terme n'est pas
nécessairement rentable à long terme. Je pense que, notamment,
préconiser une formation générale plus polyvalente, tout
ça, c'est plus rentable à long terme parce que ça donne
aux personnes plus de mobilité, une capacité à s'adapter
à révolution du marché du travail, tandis qu'une
rentabilité à court terme commanderait plutôt de donner aux
gens une formation très pointue, très spécialisée.
C'est bon à court terme, mais à long terme, ça coûte
plus cher parce que les gens sont obligés de revenir aux études
quand leurs connaissances sont désuètes.
Donc, il faut voir que la rentabilité, ce n'est pas une notion
univoque. Ça peut changer selon les catégories sociales.
Ça peut changer selon que l'optique est à court ou à long
terme, selon qu'on considère ou pas les aspects culturels et sociaux de
l'éducation et qu'on regarde les choses non pas seulement d'un point de
vue économique.
Une voix: Sûrement qu'il y en a d'autres qui ont des choses
à répondre ici.
Le Président (M. Després): M. Rioux.
M. Rioux: Moi, je voudrais rajouter à propos du fait qu'on
dit que les frais de scolarité ne sont pas un véritable obstacle
à l'accessibilité à l'éducation.
Le ministère de l'Éducation du Québec a
publié... bien, là, c'est-à-dire que c'est le Conseil
supérieur de l'éducation qui, à partir des sources du
ministère, a publié des chiffres qui nous ont semblé
très intéressants et qui, je dois l'admet-
tre, à l'Université du Québec à
Montréal, le petit graphique qu'on a fait avec ça est un
instrument de mobilisation en soi. Les gens sont très
fâchés quand ils voient ça.
C'est que, depuis la fin des années soixante, les effectifs
universitaires, comme vous le savez sûrement, n'ont cessé
d'augmenter, sauf que, depuis 1986-1987, là, ça a commencé
un petit peu à augmenter moins rapidement, et le dégel des frais
de scolarité, en 1989-1990, marque la fin de l'augmentation des
effectifs universitaires au Québec. Depuis ce temps-là, ça
a baissé seulement de 300. Sur 222 000 personnes, ça a
baissé de 300 entre 1989-1990 et 1990-1991. On peut dire que ce n'est
pas beaucoup comme baisse, c'est minime, sauf que si on remet ça dans la
perspective d'une augmentation sur 30 ans, bien, c'est la première fois
que ça descend, là. Donc, on peut se rendre compte par rapport
à ça...
Là, nous autres, on n'a pas les chiffres ici, actuellement. On
nous dit, semblerait-il, que ça ne baisse plus, que c'est encore stable,
mais la stabilité, on n'a jamais vu ça dans les effectifs
universitaires au Québec. Ça augmente habituellement, depuis la
fin des années soixante. Là, on est dans une période de
stabilité et, en plus, il faut ajouter à ça qu'il y a la
crise économique, il y a le phénomène du
«drop-in», qu'il y a des gens qui, faute d'emploi, retournent aux
études. Les années 1990, 1991, 1992 ont été des
années de récession. Donc, même par rapport à
ça, les effectifs universitaires plafonnent et baissent. La
corrélation est très claire avec le dégel des frais de
scolarité, en 1990.
M. Johnson: C'est important. Oui, brièvement, pour les
chiffres, j'aimerais avoir la source parce que vous venez d'affirmer le
contraire de ce que nous, qui payons et comptons les élèves,
là, découvrons depuis 1985. De 1985 à 1989, le taux de
croissance annuel moyen a été de 2 % par année dans les
universités, et c'est 2,5 % depuis ce temps-là.
M. Rioux: Le ministère de l'Éducation du
Québec.
M. Johnson: Oui, oui. La source, la date, le numéro...
M. Rioux: «Statistiques de l'éducation 1990»,
page 45.
M. Johnson: Oui, oui. C'est correct. Vous viendrez me le porter
tout à l'heure parce que ce n'est pas ça qui arrive. C'est pour
ça que ça coûte plus cher, parce qu'il y a plus de monde.
Ce n'est pas en moins.
M. Renaud: Les chiffres qu'on a démontrent que ça
plafonne.
M. Johnson: Correct, correct. Les chiffres que vous avez et les
chiffres qu'on a, on va les comparer. Ce que je vous dis, c'est que ça
coûte plus cher à tous les ans. Vous le savez pourquoi? Parce
qu'il y a plus de monde. Alors, vous m'annoncez qu'il y a moins de monde; on se
fait voler. À un moment donné, les choses ou l'autre,
là...
M. Renaud: II faut aussi regarder cette chose-là en
comparaison avec les objectifs que le Conseil supérieur fixe en
matière de diplomation. Si les objectifs continuent, disons, à
augmenter très lentement ou à rester stagnants, on ne pourra
jamais atteindre l'objectif de 25 % de bacheliers et de bachelières en
l'an 2000. C'est impossible.
M. Dubois: Puis, pour ce qui est, bon, de l'individualisme, donc,
vous taxez les étudiants au sens que vous dites: C'est l'individu qui y
gagne. Moi, je crois que non, ce n'est pas seulement l'individu qui y gagne.
C'est la société avant tout, parce que quand on permet à
un étudiant d'aller au bac et d'aller à la maîtrise, qu'il
paie plus d'impôts, bien, c'est un coût de moins en chômage
et en aide sociale, et en soins de santé, et en soins divers qui
coûtent de moins au gouvernement. Donc, en plus de recevoir de l'argent
de cette personne-là en tant qu'impôts, taxes et taxes de
consommation, on diminue les frais qu'elle peut encourir pour la
société.
C'est un discours très, très libéraliste de dire
«Ah, c'est l'individu, c'est lui qui profite, c'est lui qui paie»
quand le premier qui profite de ça, c'est l'entreprise. Qu'est-ce
qu'elle donne, l'entreprise, pour les étudiants? Rien du tout. C'est de
la formation gratuite qu'elle reçoit. Il y a tant de
responsabilités, puis prendre ses responsabilités en tant que
gouvernement et dire aux entreprises: Bien, vous en bénéficiez,
il est temps de payer. C'est un non-sens de dire aux étudiants: Vous
allez profiter au gouvernement. Vous allez profiter aux entreprises. Puis, en
plus, vous allez payer, vous allez vous endetter et, quand vous allez sortir de
votre bac ou de votre maîtrise, vous allez devoir 30 000 $ à long
terme. Donc, c'est quasiment un «cash down» de maison, ça.
Ça n'a pas de sens.
Le Président (M. Després): Merci, M. Dubois, pour
votre intervention.
Je vais maintenant passer la parole à la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le
Président.
Au nom de ma formation politique, ça me fait plaisir de vous
souhaiter la bienvenue à cette commission. Je vous remercie aussi pour
le mémoire que vous avez présenté.
Vous y faisiez référence, tout à l'heure, quatre
jours, ce n'est pas long pour faire un mémoire. On sait que le document
gouvernemen-
tal est sorti très tard. Alors, avec les moyens dont vous
disposez, je trouve ça très bien que vous ayez pu
présenter un mémoire.
Bien sûr, votre mémoire est très critique, et vous
portez un jugement très sévère sur le document du
gouvernement. Je comprends l'attitude, si on veut, du président du
Conseil du trésor. Ce n'est pas facile, des fois, de prendre certaines
critiques, mais je veux vous dire que vous n'êtes pas les seuls à
avoir critiqué de façon assez virulente le document
gouvernemental. D'autres sont venus aussi et se sont exprimés sur le
sujet dans le même sens que vous.
La différence, c'est que vous avez un style qui est assez clair,
qui est assez précis. On n'a pas besoin de chercher entre les lignes
pour comprendre ce que vous voulez nous dire. Contrairement à certains
documents, des fois, qui nous viennent du gouvernement, dans votre
mémoire, c'est très clair et c'est dit de façon
très explicite. On n'a pas besoin de faire de gymnastique de l'esprit
pour comprendre vos propos.
Vous avez fait allusion, vous avez soulevé des
inquiétudes, bien sûr, dans plusieurs domaines, dans
différents dossiers. Mais, bien sûr, ça porte surtout au
niveau de l'éducation, et on comprend très bien votre position.
Quand vous dites que l'éducation est un investissement et qu'il faudrait
avoir une vision, voir un peu plus loin, d'ailleurs, on me faisait remarquer
que le titre était très significatif. Là-dessus, II y en a
d'autres aussi qui sont venus expliquer et qui sont venus donner à peu
près le même genre de données que vous nous avez
expliquées, tout à l'heure, concernant l'emploi versus la
scolarisation, et des organismes très structurés comme la
Fédération des commissions scolaires sont venus nous dire cela
justement, cette semaine. (12 h 50)
Alors, là-dessus, je pense que vous avez des notions qui sont
très précises et qui sont justes aussi. Vous avez
été très clairs, vous avez été très
sévères. J'ai été surprise, d'une part, de ne pas
retrouver le mot «incohérence» parce que certains groupes
sont venus nous dire qu'on manquait totalement de vision. Vous, vous nous dites
de voir plus loin, mais certains groupes ont dit que le gouvernement n'avait
aucune vision globale. Dans votre cas, vous n'avez pas soulevé cet
aspect-là aussi clairement, si on veut. On pourrait parler même
d'incohérence parce que, au fond, au niveau du discours, ici, on entend
des discours sur la nécessaire formation, les besoins. On incite les
jeunes à aller à la formation, tant professionnelle
qu'universitaire.
J'ai assisté à l'automne à la commission sur
l'enseignement supérieur concernant les collèges, les
cégeps, et on a entendu beaucoup de beaux discours aussi, et de la part
du gouvernement aussi.
Alors, on a un discours au niveau gouvernemental qui fait, d'une part,
qu'on incite à la formation, on déplore le décrochage
scolaire et on se demande quel genre de mesures on va mettre en place.
Même que le gouvernement fédéral s'en mêle pour
être sûr qu'on va réussir à contrer le
décrochage scolaire. Remarquez bien que, quand le fédéral
s'en mêle, je me pose toujours bien des questions sur combien ça
va nous coûter en bout de ligne parce qu'on sait que, dans bien des
domaines, et là comme ailleurs, il y a des chevauchements et des
dédoublements qu'il faudrait peut-être regarder avant de penser
à des coupures dans les services.
Puis ça, c'est au niveau du discours. On déplore et on
incite les gens à aller se faire former, puis, en même temps,
bien, quand on arrive au niveau des gestes, au niveau des propositions,
à certains égards, on vient limiter l'accès à la
formation. Dans ce sens-là, j'aimerais vous demander de vous exprimer
là-dessus. Est-ce que vous trouvez aussi qu'il y a une certaine
incohérence au niveau du discours et de l'action?
Le Président (M. Després): M. Rioux.
M. Rioux: Oui. Effectivement, on nous a fait savoir qu'on
trouvait qu'on manquait de rigueur, mais je pense que cette accusation devrait
être retournée au gouvernement parce que, finalement, on parle
d'incohérence, effectivement. À la lecture du document, si on
enlevait l'introduction et la conclusion, on pourrait dire que le document
mène exactement... toute l'argumentation mène exactement au
contraire des recommandations du document qui sont là. On ne voit pas
vraiment... On voit les problèmes, puis là, les solutions qu'on
nous amène, pour nous, c'est comme... ça ne règle rien de
tout ça.
Donc, c'est ça. Et puis, donc, c'est ça aussi, pour la
question de la rigueur, puis c'est encore... Je reviens aussi sur les
conclusions versus le contenu du document.
C'est qu'on nous dit dans le document: Un des problèmes urgents,
un des problèmes les plus flagrants, c'est les coupures du
fédéral qu'on peut prévoir encore qui vont baisser. Mais
là, entourloupettes, nous autres, on appelle ça des
entourloupettes méthodologiques On manque de rigueur et on dit non...
C'est vrai, notre programme dit: Nous autres, on est des
fédéralistes.
Donc, il faut faire attention pour que nos conclusions ne reprennent pas
les choses qu'on a relevées, les problèmes qu'on a
relevés. Donc, il y a un problème là au niveau de la
cohérence, effectivement, du gouvernement. Il fait des recherches.
Ça devrait l'amener à telle conclusion. Mais là, il y a la
politique qui rentre en jeu, il a son programme, puis là, bon bien, on
fait des déviations pour arriver à d'autres recommandations.
Ça, c'est ce qu'on appelle l'incohérence. Si ça prend
l'indépendance du Québec pour résoudre certaines
questions, bien, ça va prendre l'indépendance du Québec.
Il ne
faut pas avoir peur de poser les gestes qui vont avec l'analyse qu'on a
faite.
M. Renaud: L'autre chose, la question de l'incohérence. Je
serais un peu... Je dirais que je critiquerais un peu la critique qu'on fait
habituellement du gouvernement que je trouve un peu naïve,
c'est-à-dire qu'on... Bon, certains groupes vont dire que ce que le
gouvernement présente n'a pas de sens. Moi, je n'irai pas dans ce
sens-là. Je pense qu'on n'a pas affaire à des gens totalement
incompétents ou stupides. Non. Absolument pas.
Mme Carrier-Perreault: Ce n'est pas supposé.
M. Renaud: Je donne le bénéfice à M. Johnson
et aux gens qui travaillent pour lui d'avoir une bonne formation et une bonne
intelligence. Je pense que ce n'est pas ça qui est le problème.
Ce n'est pas une absence de vision, mais c'est plus une vision qui est
différente. Je pense que, quand on étudie à
l'université, on sait qu'il n'y a pas juste une rationalité,
qu'il n'y a pas juste un point de vue possible sur un sujet. Il peut y avoir
plusieurs points de vue. C'est ce qu'on appelle le pluralisme. C'est ça
qui rend la démocratie utile.
C'est normal que tout le monde ne soit pas d'accord. Le gouvernement a
une vision, puis nous autres, on a une autre vision. Les deux sont
cohérentes, mais les deux n'ont pas exactement la même logique.
C'est ça qu'il faut voir.
Moi, je pense que c'est un... Il ne faut pas caricaturer les gens avec
qui on n'est pas d'accord, parce que ça ne permet pas de faire avancer
les choses non plus. La chose, cependant, que je trouve la plus tragique, je
dirais, dans... Quand j'ai lu le document du gouvernement, je l'ai lu au
complet, du début à la fin, et la chose la plus tragique, qui m'a
frappé le plus, c'est que j'ai eu le sentiment, là, de... bon, je
n'ai pas eu le temps de le lire cinq fois, là, dans le temps qu'on a eu
pour faire le mémoire, mais ce qui se dégageait, c'est une
espèce de spirale descendante, c'est-à-dire: plus on coupe, moins
on a d'argent; moins on a d'argent, plus il faut qu'on coupe, parce qu'on a
moins d'argent, puis, finalement, ça n'a pas de fin, ça n'a pas
de fin.
C'est qu'on a nettement l'impression qu'on a abandonné une
idée, tu sais, qui est née avec la révolution industrielle
- moi, j'étudie en histoire, c'est une déformation
professionnelle - qui est l'idée du progrès. Ça fait 200
ans qu'on a toujours l'Idée qu'on progresse, tu sais, que, comme... Aux
Etats-Unis, le débat s'est fait beaucoup là-dessus aux
élections présidentielles. Là, on va tous avoir pour la
première fois une génération qui va vivre moins bien que
ses parents. Je pense qu'il faut se poser des questions de fond face à
un phénomène comme celui-là, parce qu'on a une vision de
la richesse, on a une vision de la prospérité, du
côté du gouvernement, d'après moi, qui est très
contestable, parce que les services publics aussi, c'est une richesse. Ce n'est
pas parce qu'un service public est gratuit-Un service public qui est gratuit,
il faut considérer ça comme un revenu pour les gens qui en
bénéficient. C'est comme un revenu, tu leur donnes quelque chose.
Ça fait partie de leur richesse, même s'ils ne paient pas pour
l'avoir. Si on coupe dans les services publics, on appauvrit les gens; on
n'appauvrit pas tout le monde, parce qu'il y a toujours des gens qui vont
pouvoir se les payer, ces services gratuits là qu'on abolit. Mais on
appauvrit les gens en abolissant des services gratuits, et on réduit
la...
Comme on a montré, il y a une corrélation très
étroite entre la sous-scolarisation et le chômage
élevé. Si on continue à couper dans l'éducation, il
va y avoir encore plus de chômage structurel, on va être encore...
l'inadéquation entre la formation des gens et les besoins du
marché du travail va aller en s'accentuant, puis, à long terme,
on va s'appauvrir collectivement. C'est sûr que ce n'est pas
nécessairement tout le monde qui va s'appauvrir. Mais je dirais que la
grande majorité de la population va s'appauvrir, et c'est ça qui
fait qu'il y a peut-être des visions différentes.
M. Dubois: Moi, ce que je pourrais noter sur
l'incohérence, oui, il y a une Incohérence au niveau social, au
niveau des services sociaux, au niveau du progrès social; mais il y a
une grande cohérence au sens de la vision du gouvernement. Soit, il y a
une cohérence que le patronat a dit, bon, que les jeunes ne sont pas
assez formés, que ça coûte trop cher, il faut couper. Donc,
le gouvernement a décidé de répondre à ces
demandes-là en augmentant les frais de scolarité, en chargeant,
en facturant un secteur, soit les étudiants, pour leur formation, pour
plaire aux entreprises privées, qu'eux autres vont
bénéficier deçà.
Donc, il y a une cohérence dans le rapport, sauf que la
cohérence, elle ne se fait pas dans notre sens à nous. Elle se
fait au sens de la vision du gouvernement, très près, qui a une
idéologie de privatisation, là, à l'extrême. Peu
importe l'individu, peu importe la société, ce qu'on veut, c'est
des entreprises qui sont productives et qui peuvent aller dans la globalisation
des marchés, puis on se fout de l'individu. Mais l'individu, il faudrait
que le gouvernement se rappelle que c'est lui qui le met au pouvoir, et le
gouvernement est juste représentant des individus; et ça, quand
il oublie ça, à un moment donné, bien, il arrive que
l'incohérence, la population, elle va la dénoter et elle va
prendre les mesures qui s'imposent pour répondre au gouvernement.
Mme Carrier-Perreault: Par rapport aux en-
treprises, justement, puisque vous êtes en train d'en discuter,
vous avez apporté certains éléments et tout ça.
Tantôt, vous avez mentionné des bourses d'études. Mais
ça serait quoi, le biais, parce que ça aussi, c'a
été longuement discuté, lors de la dernière
commission sur l'éducation?
M. Renaud: ...par quel moyen les entreprises devraient
contribuer...
Mme Carrier-Perreault: Oui, quel moyen vous
privilégieriez, par exemple?
M. Renaud: Bon. Pour nous, ça pourrait prendre l'objet...
l'aspect, comme j'ai mentionné tantôt, d'une réduction de
certaines déductions fiscales qui sont déjà en place, pas
nécessairement d'imposer des nouveaux impôts, mais de
réduire les subventions, réduire les exemptions fiscales. C'est
rendu, depuis quelques années, que, globalement, les entreprises
reçoivent plus de paiements de transfert qu'elles ne paient
d'impôts, là. Donc, je pense que ça, c'est une
première chose.
Tu sais, on n'a pas nécessairement besoin d'inventer une nouvelle
taxe, mais plutôt de réduire certains abris fiscaux qui sont
présents, notamment l'exemption de la taxe de vente qui coûte,
comme j'ai dit tantôt, 850 000 000 $, ce qui est une somme astronomique,
beaucoup plus élevée que le coût de toutes nos
revendications. Donc, ce serait une première avenue. (13 heures)
Éventuellement, peut-être... on calculait, à un
moment donné, qu'une taxe sur la masse salariale de 0,25 % serait
suffisante pour nous donner la gratuité scolaire. Bon, ce n'est pas une
augmentation astronomique du fardeau fiscal des entreprises, surtout quand on
compare, effectivement, avec les statistiques qu'on a de l'OCDE de 1990 qui
montrent que le Canada fait porter... La proportion du fardeau fiscal qui est
portée par les entreprises est plus faible au Canada que dans tous les
autres pays du Groupe des Sept. Donc, je pense que ça ne serait pas trop
demander, une légère diminution des abris fiscaux ou une
légère augmentation des Impôts aux entreprises.
Il y a une chose qu'il faut qu'on dise clairement, qu'on n'a pas eu le
temps d'expliquer tantôt, c'est que - je vais vous le mentionner un petit
peu - pour nous, c'est important de maintenir un système public
d'éducation. On est totalement contre les élans vers la
privatisation de l'enseignement supérieur et tout ça, puis, bon,
de refiler de la formation professionnelle dans les entreprises. La ministre
Robillard a annoncé dernièrement qu'elle prônait des
certificats d'enseignement technique maison dans chaque collège.
À un moment donné, c'est, comme je disais... ça peut
être rationnel à court terme, du point de vue des entreprises, de
former des gens à avoir une formation très pointue pour faire la
job x dans l'entreprise y, mais pour la personne qui reçoit cette
formation-là, elle est complètement démunie si jamais son
entreprise ferme ou si elle se fait congédier. Elle n'a aucune
compétence ailleurs si sa formation est trop
ultraspécialisée. Ça, c'est quelque chose qu'on condamne.
C'est pour ça qu'on s'opposerait à ce que les entreprises
puissent décider: On va financer le programme x du cégep machin
chose et on ne financera pas le reste du système d'éducation.
Ça, on est totalement contre parce que ça amènerait
à privilégier les intérêts à court terme des
entreprises plutôt que les intérêts à long terme de
l'ensemble de la société.
Mme Carrier-Perreault: Autrement dit, une formation
générale de base importante pour tout le monde, et ça, il
faut préserver ça. La formation pointue, la spécialisation
appartient toujours...
M. Renaud: Puis, même au niveau de l'enseignement
technique, c'est important que les gens qui ont un enseignement technique aient
un minimum de polyvalence, un minimum de mobilité, puis ça,
ça demande plus qu'un an d'études. Ça n'a pas de bon
sens.
Mme Carrier-Perreault: Vous avez aussi parlé du dossier
des femmes. Écoutez, là, je sais qu'il me reste très peu
de temps. Vous avez parlé des problèmes que les femmes et les
filles connaissent au niveau du marché, les iniquités, les
inégalités. Vous avez aussi parlé des problèmes au
niveau de la possibilité d'atteindre la formation, d'avoir des
prêts et bourses, entre autres. C'est ce dossier-là surtout.
J'aimerais ça que vous expliquiez ça davantage parce que, hier
justement, les groupes de femmes sont venus. Il y en a plusieurs qui ont
expliqué que, justement, la formation devrait être la
priorité aussi chez les femmes, était une des
priorités.
Le Président (M. Després): Juste une courte
réponse puisque, avant même de poser votre question, Mme la
députée...
Mme Carrier-Perreault: Je navals pas fini, M. le
Président.
Le Président (M. Després): ...le temps était
terminé. Donc, vous étiez dans la dernière minute. On
m'avait déjà fait signe, avant que vous commenciez à
parler. Vous étiez... Donc, une courte réponse, le temps
étant déjà...
Mme Carrier-Perreault: Bien, je pense que ça serait
peut-être intéressant d'entendre...
M. Renaud: Est-ce qu'on peut avoir un petit deux minutes,
étant donné l'importance de cette question-là? Vu que 60 %
de nos membres sont
des femmes, on aimerait pouvoir répondre deux minutes.
Le Président (M. Després): Non, non. Je ne vous ai
pas empêché de répondre. Je vous ai dit tout simplement
de...
M. Renaud: Ah, O.K. C'est correct. Je voulais juste être
sûr.
Le Président (M. Després): ...d'être
bref.
M. Renaud: Merci bien. Je dirais qu'il y a plusieurs
éléments qui font que la situation des étudiantes n'est
pas la même que celle des étudiants. Entre autres, il y a beaucoup
de mères monoparentales qui étudient à
l'université. Ces personnes-là vivent des situations de
pauvreté extrême, ont des problèmes de service de garde. Je
connais des cas, par exemple, de femmes qui ont une subvention pour la
garderie jusqu'à 17 heures, mais que leur cours est de 18 heures
à 21 heures. Donc, elles n'ont pas de garderie pendant leur cours, puis,
bon, il y a des problèmes comme ça.
Les services de garderie en institution dans les universités sont
nettement inadéquats, tout ça. Puis les universités n'ont
pas les ressources pour en assumer de meilleurs parce qu'elles sont
systématiquement sous-financées. Elles ont de la misère
à acheter des livres dans les bibliothèques, tout ça.
Ça, ça fait partie des services de petites choses simples. De
donner des services de garderie aux étudiantes qui ont des enfants pour
leur permettre d'aller à leurs cours, c'est des choses très
simples comme ça.
Et aussi, une autre différence Importante, c'est la situation des
femmes après les études, c'est-à-dire que les femmes sont
encore confinées, pour une bonne part, dans des ghettos d'emploi, tout
ça, sous-rémunérés et tout. Puis il y avait une
statistique assez... qui m'a jeté en bas de ma chaise quand je l'ai vue,
du recensement de 1986, que le revenu moyen des femmes qui ont un bac
était inférieur à celui des hommes qui ont un
diplôme d'études secondaires. Donc, c'est tout un ensemble de
problèmes. Ce n'est pas juste à l'université qu'on peut
régler ce problème-là. Entre autres, pour l'accès
à l'éducation, la question des congés de maternité,
des garderies, tout ça, est extrêmement importante pour les
étudiantes, pour leur permettre d'avoir un accès équitable
à l'éducation. Il y a la question de l'autonomie
financière versus le conjoint, aussi, qui est assez importante.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.
Le Président (M. Després): Merci, M. Renaud. Juste
une courte intervention pour remercier, que le ministre...
M. Johnson: Je remercie M. Renaud et ses deux
collègues d'avoir mis, surtout à la fin, quelques points sur les
«i». Je pense que c'était important de voir qu'il y a une
différence de vision, là, comparer la situation d'aujourd'hui
avec ce qu'on pourrait faire. C'est parfaitement valable, sauf que nous, on est
obligés d'ajouter, compte tenu de ce qu'on a les moyens de faire et de
ce que les autres font autour de nous. C'est ça, la dimension qui vient
rendre l'exercice plus complexe, et on est à la recherche d'une
solution, évidemment, pour ne pas vous endetter davantage. C'est
ça, notre objectif; on ne veut pas vous endetter davantage que vous ne
l'êtes actuellement.
Le Président (M. Després): M. Renaud, M. Dubois, M.
Rioux, on vous... au nom des membres de cette commission, je vous remercie de
votre présence sur la consultation sur les finances publiques.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures...
Une voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Després): ...pour recevoir
l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
(Reprise à 14 h 16)
Le Président (M. Lemieux): Nous attendons les membres de
l'Opposition. Des circonstances vraiment particulières empêchent
les membres de l'Opposition d'être présents. C'est des
circonstances d'ordre professionnel et technique, à ce qu'on me dit. On
m'a demandé d'attendre encore deux minutes. Je vais attendre encore deux
minutes, là - ce sont des choses sur lesquelles je n'ai pas de
contrôle - et nous allons commencer. (14 h 17 - 14 h 18)
S'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration
reprend ses travaux pour entendre l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec.
Je demanderais au porte-parole de l'organisme de bien vouloir
s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Le
débat sera d'une durée totale d'une heure: 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un échange avec les deux
formations politiques, d'une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour
le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition
officielle. Alors, nous sommes prêts à vous écouter.
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec (APCHQ)
M. Beaudoin-Rousseau (Orner): Merci, M. le
Président.
M. Levesque, M. Johnson, membres de ladite commission, mon nom est Orner
Rousseau. Je suis vice-président exécutif de l'Association
provinciale. Je vais me permettre de vous présenter, évidemment,
la table. Donc, à ma gauche, c'est M. Marc-André Régnier,
conseiller en santé et sécurité; à mon
extrême droite, M. François Bernier, directeur du service
économique, qui aura aussi la tâche de faire la
présentation du document - en tout cas, quant à son contenu - et
aussi le président de l'Association provinciale, M. Gaétan
Rouillard, qui est un entrepreneur en construction.
Alors, sur ce, je veux simplement vous dire que mon intervention se
limite à ceci, pour l'instant, et j'aurai peut-être à
intervenir dans le cadre des questions. Je demanderais simplement au
président d'en faire la présentation.
M. Rouillard (Gaétan): M. le Président, MM. les
ministres, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du
Québec, l'APCHQ, est un organisme à but non lucratif qui regroupe
plus de 10 000 entreprises oeuvrant principalement dans l'industrie de
l'habitation. Ensemble, les membres de l'Association réalisent plus de
80 % des travaux de construction résidentielle au Québec. Depuis
30 ans, l'APCHQ est le principal porte-parole de l'industrie de l'habitation.
En 1976, nous avons institué le programme de Garantie des maisons
neuves, qui couvre et qui a couvert, à partir du début, plus de
250 000 unités résidentielles. En 1985, nous avons
institué aussi le programme de Garantie rénovation en vue
d'encourager et de structurer le monde de la rénovation. Aussi, i'APCHQ
tient à travers la province une dizaine d'Expo-Habitat en vue de
promouvoir, toujours, les produits et les achats à faire au niveau de
l'habitation.
De façon générale, les constructeurs d'habitations
du Québec, l'Association APCHQ, ont largement contribué à
élever les normes de qualité en usage au sein de l'industrie et
à Informer adéquatement les consommateurs
québécois. C'est donc à titre d'experts en habitation et
de représentants d'une part importante du patronat, agissant dans tous
les secteurs de la construction, que nous vous soumettons notre position sur le
présent dossier. Je vais céder la parole à M.
François Bernier, qui est économiste à l'APCHQ, pour vous
présenter le dossier. Merci.
M. Bernier (François): Merci. Alors, à mon tour,
j'aimerais peut-être signaler que notre mémoire,
évidemment, a touché un certain nombre de points et, autant que
possible, j'essaierai de revenir et de commenter chacun de ces
points-là. Mais je pense qu'en ouverture c'est important d'essayer de
donner aussi clairement que possible le message qu'on tente de laisser Ici,
à la commission.
Alors, je pense qu'en prenier lieu le message est simple, dans le sens
qu'il s'agit pour le gouvernement de réduire la taille de ses
activités. Autant qu'on peut en juger par les documents qui nous ont
été présentés, les positions qui ont
été émises, alors, je pense qu'on est devant un constat
qui est là, pour le gouvernement, de réduire tout simplement la
taille de l'appareil. Et, parallèlement à ça, notre
position est qu'il est important d'engager un processus de
déréglementation dans certaines industries. À mesure que
le gouvernement pourra se retirer du fonctionnement de la mécanique dans
plusieurs industries, dont la nôtre, alors, on va atteindre
parallèlement, je pense, deux objectifs importants: la réduction
de la taille de l'État va de pair avec la santé économique
générale. (14 h 20)
C'est une question d'équilibre fiscal pour le gouvernement; c'est
une question de compétitivité pour les entreprises que de voir le
gouvernement se désengager. Il est temps de donner de l'air à
l'industrie de l'habitation en particulier, en réduisant au niveau
fiscal toutes les charges qui sont indirectement liées à la
main-d'oeuvre elle-même, qui touchent à la main-d'oeuvre, et
particulièrement, dans ce domaine-là, ce qui touche à la
CSST. Or, on verra tout à l'heure dans quelle mesure les frais
liés à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail ont un poids considérable pour la
performance des entreprises de construction. Alors, il faut modifier, je pense,
pour donner de l'air, encore une fois, à l'industrie.
Il est important de jeter un regard sur les règles de
fonctionnement de la taxe de vente du Québec et sur d'autres
règles qui sont bien particulières au fonctionnement de notre
industrie, quand on pense à notre matière première, entre
autres, qui est le terrain. Alors, sur ces points-là, on essaiera de
revenir. Il est important également, comme orientation
générale, d'éviter l'accroissement des taxes. Qu'on parle
de taxation des entreprises ou de taxation des particuliers, je pense que c'est
une avenue à éviter autant que possible et à conserver
à l'esprit. Et la dernière grande ligne de pensée, c'est
qu'il est important d'éviter de solutionner un problème de
déficit en référant le problème à d'autres
instances de gouvernement, notamment les instances locales. En tout cas,
certainement pas avant qu'il y ait consensus avec ces instances-là, et
pas sans compensation financière appropriée.
Alors, pour revenir sur ces points, le premier: Sur la fiscalité
des entreprises en particulier, je pense que certaines études qui vous
ont été présentées ont démontré,
à toutes fins pratiques, que le... Si on prenait, par exemple, le
secteur manufacturier, le poids de la fiscalité dans son ensemble
était suffisant et était comparable à ce qu'on retrouve
dans d'autres juridictions, notamment en Ontario. Alors, il a été
identifié que la source, ce qui
faisait qu'on avait une taxation assez élevée et
suffisante dans le secteur manufacturier, était essentiellement la taxe
liée à la masse salariale. C'est ça qui faisait qu'on
était pas mal taxé, finalement, au Québec, au niveau des
entreprises manufacturières.
On a dit, à cette occasion-là, que cette structure de
taxation, qui se fie beaucoup sur la masse salariale, avait des
désavantages pour les petites entreprises et, évidemment, posait
problème lorsqu'il y avait des retournements de la conjoncture
économique. Alors, il y avait tout un danger de dérapage et de
voir les entreprises ne pas survivre à une mauvaise conjoncture
économique. Or, le secteur résidentiel, par rapport à tout
ça, est certainement un secteur où on retrouve de petites firmes,
des firmes pour qui la main-d'oeuvre a une très grande importance et des
firmes, donc, qui vont subir le plein fouet d'un régime de taxation qui
mise beaucoup sur la main-d'oeuvre. D'ailleurs, à cet effet-là,
on a voulu présenter un tableau - je crois que c'est celui de la page 22
- et peut-être signaler... J'espère que ce n'est pas le cas pour
vous, mais il semble que, dans le tableau 7 de la page 22, il manque, dans
certaines des copies, dans un des petits carreaux, la référence;
alors, sous Régie de l'assurance-maladie du Québec, RAMQ,
évidemment, c'est le titre CSST qui doit figurer là.
J'espère que vos copies sont complètes; certaines ne
l'étaient pas.
Alors, ce tableau-là vise à faire un résumé
de la situation, justement, de ce qui se passe relativement à la masse
salariale dans notre industrie. Globalement, on peut constater que, dans le
secteur de la construction, pour un entrepreneur général ou
spécialisé, nos deux grandes catégories d'intervenants,
les taux, une fois cumulés et en tenant compte, encore une fois, de la
CSST, sont facilement de moitié plus élevés, sinon deux
tiers plus élevés que ce qui peut être Identifié
dans Ie secteur manufacturier. Cette réallté-là nous
frappe d'autant plus que, en partant, les salaires, la
rémunération elle-même dans le secteur de l'habitation est
de l'ordre de 38 % plus élevée que la moyenne des salaires dans
le secteur manufacturier. Alors, on a deux facteurs qui se combinent, et ce
n'est pas long qu'on peut voir toute l'importance que prend la taxation sur la
masse salariale.
Peut-être pour mettre ça en relief, en dernier lieu, c'est
le tableau de la page suivante, qui montre la progression des items, des divers
items qui touchent à la masse salariale. C'est assez frappant de voir,
si on regarde complètement à droite, l'indice des prix à
la consommation, comment tous les autres éléments de notre
structure de coûts liés à la main-d'oeuvre sont partis en
flèche depuis 10 ans. Alors, c'est considérable, et je pense
qu'il est important de prendre note de cette tendance-là. Donc, s'il y a
un message, peut-être, à retenir au niveau de la fiscalité
des entreprises québécoises dans le secteur de l'habitation,
c'est évidemment de porter une attention particulière au poids
des charges liées à la main-d'oeuvre et, autant que possible, de
mettre en place les mesures qui vont permettre d'alléger le poids de
cette taxation-là.
L'autre facteur qui est intimement lié au fonctionnement de notre
industrie, c'est la réglementation même de notre industrie qui va
amplifier... On le mentionnait tout à l'heure au niveau des salaires,
nos salaires sont réglementés, et ce n'est pas,
évidemment, le seul item qui est réglementé dans notre
industrie. Il faut prendre conscience que la réglementation de notre
Industrie, combinée à la fiscalité elle-même,
crée une situation tout à fait étouffante pour les
industries du secteur de l'habitation. On a compté très
facilement des lois qui, directement ou indirectement - 20 ou 25 lois -
viennent régimenter notre industrie, mais principalement une loi au
niveau des relations de travail, qui nous cause un grave problème.
Alors, si on peut reprendre, dans l'ensemble, la situation, il y a
deux recommandations qu'on tient à laisser. Alors, en même
temps que le gouvernement se désengage, qu'il fasse sauter,
évidemment, les règles administratives inutiles et qu'il
déréglemente le secteur de l'habitation. C'est une question de
compétitivité pour nous. Et plus particulièrement par
rapport à la taxation de la masse salariale, je pense que l'item CSST
saute tellement au visage qu'il est temps qu'on entreprenne des mesures
correctrices à ce niveau-là. Notamment, il est temps qu'on
examine la privatisation du système. Mais peut-être, en tout
premier lieu, qu'il est temps qu'on réexamine la couverture
elle-même du système. C'est un régime beaucoup trop
généreux, qui devient insupportable.
En deuxième lieu, sur le plan local, encore une fois, on a
souvent utilisé le mot «pelletage», mais parions de partage
de responsabilités entre le niveau provincial et le niveau local. C'est
une opération qui a été commentée lorsqu'elle a eu
lieu et qui avait, pour nous, une incidence bien particulière pour le
secteur de l'habitation. L'introduction de taux différenciés de
taxation entre le secteur de l'habitation et les autres secteurs, dans notre
optique, ressemblait beaucoup à ce qui était le modèle
ontarien, et pouvait mener a une situation où le secteur de l'habitation
serait l'enfant pauvre du financement des municipalités. Et, tôt
ou tard, il faudra rééquilibrer le système et, comme par
magie, c'est évidemment le secteur de la construction neuve qui va
ramasser cette facture-là, puis c'est le cas en Ontario.
Alors, il est important d'éviter de répéter une
expérience selon le cadre qu'on a devant nous et, à ce niveau...
Si, par contre, il doit y avoir un nouveau partage de responsabilités,
je pense qu'une des avenues quand même intéressante c'est de voir
à ce que les instances locales aient accès à autre chose
que le foncier, parce
qu'on sait tous... Je veux dire que c'est quand même la
principale, sinon l'unique source de financement des instances locales. Alors,
il serait intéressant, éventuellement, de se pencher sur les
autres formes de financement qui pourraient s'offrir au niveau local.
Finalement, un commentaire au niveau de la taxe de vente du
Québec. Je pense qu'il y a lieu de signaler, en tout cas, que pour ce
qui concerne le secteur de l'habitation, face à nos clients et à
l'intérieur de nos entreprises, la taxe de vente du Québec, quand
même, cause problème. Il s'agit d'un régime qui effraie un
peu les consommateurs; la visibilité n'aide pas, mais on comprend cette
réalité-là. Ce qui est, par contre, le principal enjeu
pour nous, c'est que l'harmonisation demeure boiteuse avec le régime de
la TPS. C'est vraiment au niveau des crédits et des modalités de
déclaration que se situe le coeur du problème de l'application de
la TVQ à l'heure actuelle. C'est une taxe qui passerait 10 fols mieux
dans cette industrie-là si on avait une bonne harmonisation des
crédits à la base et, évidemment, des périodes de
déclaration. Toute la lourdeur administrative est liée à
ça.
Face aux clients, c'est un autre enjeu et, évidemment, je pense
qu'il est très Important de rappeler que c'est une taxe qui a
définitivement porté l'industrie à s'interroger sur quel
serait l'impact de ça à long terme et pour la clientèle,
pour l'accession à la propriété. En tout cas, toute autre
mesure qui viendrait toucher la taxe de vente du Québec devra, à
notre avis, garder en lumière un principe de neutralité de la
taxe de vente du Québec dans le secteur de l'habitation. Alors, au
départ, une harmonisation des crédits et, pour la suite, un
principe de neutralité doit faire partie de la réflexion.
Je pense que je dois presque terminer. C'est tout? Alors, je vous
remercie. Ah! Est-ce que j'ai un petit peu de temps? Je croyais que je devais
abréger.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, oui, si vous avez
quelque chose à ajouter. Est-ce que vous avez terminé?
(14 h 30)
M. Bernier: Ah! Il y a un point. Je m'excuse, je croyais avoir
vraiment écoulé mon temps. Sur la question des terrains, on a
voulu commenter la situation bien particulière des terrains qui sont
pour nous, évidemment, un intrant. Du point de vue de la taxe de vente
du Québec ou de la TPS on ne questionne pas le fait que c'est un
intrant. Si on a de la taxe à payer - et encore - évidemment,
cette taxe-là sera reconnue, déductible; pas de problème,
on va en prendre crédit.
Par contre, il y a un autre aspect de la fiscalité des
entreprises de construction qui fait en sorte que, bon, au-delà d'un
certain montant de terrain, les intérêts que l'on verse sur les
emprunts contractés pour financer ces terrains-là ne sont pas
déductibles. Il nous semble que cette mesure-là n'a pas lieu.
Peut-être qu'à une époque elle a eu lieu parce qu'on
était venu à juger que l'achat de terrains, c'était de la
spéculation et il fallait, à toutes fins pratiques,
peut-être un peu pénaliser les gens qui faisaient de la
spéculation. Mais, pour nous, il est très clair, dans le
marché actuel, que ce n'est qu'un intrant et que, comme tout intrant
d'entreprise, comme tout inventaire de matières premières dans
une entreprise, les intérêts qu'on paye sur ces
terrains-là, sur nos matières premières, devraient
être déductibles. Alors, par esprit d'équité,
c'était le dernier point qu'on voulait soulever.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Alors, M. le Président, permettez-moi de
souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec et à leurs
représentants, qui ont présenté un mémoire fort
bien étoffé, fort intéressant, touchant les points
évidemment qui nous concernent dans ce forum sur le financement des
services publics.
Évidemment, ça concerne... Comme vous l'avez dit dans
votre présentation, vous voulez plutôt parler de votre affaire que
de toutes les affaires en général, et c'est pour ça
peut-être que vous avez oublié nos préoccupations,
c'est-à-dire comment faire face à l'endettement accumulé.
Je ne m'imagine pas que vous voulez l'augmenter, malgré que vous dites
que d'autres se prononceront au sujet de la dette publique ou du financement
des services sociaux. Alors, enfin, je m'imagine bien que vous êtes de
l'avis de plusieurs qui sont venus ici nous dire que l'endettement était
suffisamment élevé, car si ce n'était pas le cas,
j'aimerais vous l'entendre dire. Vous dites, cependant: «Que le
gouvernement renonce à taxer davantage les travailleurs et les
entreprises. Qu'il songe plutôt à réduire la taille de
l'État, car le déséquilibre des finances publiques semble
structurel.» Alors, vous répondez là, évidemment,
partiellement à la question.
Vous avez abordé, par la suite, des sujets qui portent surtout
sur votre propre fonctionnement comme constructeurs d'habitations. Vous me
permettrez simplement de toucher trois points qui semblent être
très importants dans votre approche. D'abord, lorsque vous parlez de la
CSST... C'est là évidemment que, lorsqu'on regarde vos tableaux,
on s'aperçoit que le différentiel qui peut exister avec d'autres
secteurs de l'industrie ou le secteur manufacturier vient surtout du fait de la
CSST. Si on regarde un tableau du secteur construction, on s'aperçoit
que, dans la promotion, construction ou rénovation de bâtiments,
installation de maisons préfabriquées, le taux serait de 8,74 %,
taux général; travaux de démolition, 21,94 %; travaux de
ciment, 12,38 %; montage de charpen-
tes métalliques, 17,58 %, alors que la moyenne du secteur
construction, taux moyen, est de 2,75 %. Alors, c'est les chiffres qu'on m'a
remis, il y a quelques instants. Si ce n'est pas exact, je vous prierais de
m'en informer et je ferai parvenir à ceux qui m'ont fourni ces chiffres
les correctifs que vous voudrez bien y apporter. Mais soyez sûrs de votre
affaire, parce que, d'habitude, les chiffres sont assez exacts, de ce
côté-ci.
La CSST, je comprends que ça peut créer un
problème, mais vous savez que nous avons apporté des
modifications législatives, il y a moins d'un an, par exemple, par la
possibilité pour la CSST d'avoir recours à une contre-expertise
médicale et de ne plus être liée au bout d'un délai
de 30 jours par la décision du médecin traitant du travailleur;
par l'assouplissement et la simplification du processus d'arbitrage
médical; par la restriction du droit d'appel aux causes impliquant un
montant d'au moins 1000 $; par l'application immédiate des
décisions des bureaux de révision, même en cas d'appel.
Alors, peut-être il faudrait voir comment ces choses-là vont se
traduire dans le déficit de la CSST, comment, autrement dit, vous
pourriez être soulagés par les effets de cette...
Il faut attendre un peu pour voir les effets, mais ça ne change
pas le fait que, d'après les chiffres que vous avancez, c'est un
problème chez vous. C'est clair. Mais est-ce que c'est le risque qui est
plus élevé chez vous, pour justifier des taux comme ça? La
CSST ne relève pas d'un ministère du gouvernement comme tel.
Comme vous le savez vous-même, c'est un organisme qui est autonome et
où on trouve, au conseil d'administration, une situation où c'est
la parité qui règne entre l'entreprise, le patronat et le
syndicat. Alors, vous avez évidemment des représentations
à faire là, en premier lieu. Vous avez sans doute fait ça.
J'en suis convaincu.
Vous parlez ensuite de la TVQ. Ça, ça relève plus
directement de celui qui vous parie. Vous parlez d'une nécessité
d'harmonisation. Or, soyez sûrs que c'est exactement ce que nous voulons.
Et nous avons, justement, pris des dispositions, il y a déjà deux
ou trois ans, pour être sûrs que nous puissions arriver à
une harmonisation parfaite. Elle est imparfaite pour le moment, mais nous avons
franchi des étapes extrêmement importantes lorsque nous avons
réussi, et ça, c'a été, à mon sens, un plus
qu'on ne voit pas souvent, de voir que le tout soit sous une seule
administration. La TPS fédérale et la TVQ sous une seule
administration, et l'administration, c'est le Québec. Ça, c'est
une chose qui n'était pas facile à réaliser. C'est
réalisé maintenant.
Deuxièmement, il est vrai que, sur le côté des
remboursements des taxes sur les intrants, le remboursement se faisait
mensuellement et, ailleurs, ça se faisait trimestriellement. Il y avait
donc une non-harmonisation entre le Québec et le gouvernement
fédéral. Nous avons, tout der- nièrement, réussi
à faire disparaître une grande partie de cela, alors que, sur les
400 000 mandataires, il y en a 265 000 qui peuvent maintenant faire une
déclaration trimestrielle.
Sur la question de la façon que ça procède, il y a
encore une harmonisation nécessaire, et vous avez raison de le
souligner. Mais, là il y a une question constitutionnelle qui nous barre
la route pour ne pas avoir le même processus par étapes par lequel
s'exerce la TPS. On voudrait bien que ça se passe en même temps et
de la môme façon à la TVQ, mais il y a là des doutes
au point de vue constitutionnel. Nous avons pris des dispositions afin que nous
puissions, dans un avenir pas trop éloigné, voir à ce que
cet empêchement-là soit enlevé, soit par une
décision de la Cour suprême, qui réglerait la question,
dans un avis que la Cour suprême pourrait nous donner, ou encore, par un
amendement constitutionnel. Mais je pense qu'il est désirable de pouvoir
avoir une harmonisation complète de ce côté-là. (14
h 40)
Donc, ce que vous suggérez, d'avoir une harmonisation
complète, c'est ça que nous désirons. Nous avons fait
beaucoup de chemin de ce côté-là, il en reste encore
à faire, mais n'oubliez pas que ce n'est que depuis le 1er juillet
dernier que nous avons entrepris toute cette administration unique. Le ministre
du Revenu ici, lui, II est bien fier d'avoir pu faire autant de choses dans si
peu de temps. Vous autres, vous êtes encore plus pressés, je vous
comprends, mais soyez sûrs que c'est notre objectif de pouvoir
réaliser pleinement cette harmonisation.
Quant à la structure d'attaque... Vous parlez de la masse
salariale. C'est entendu que c'est une structure dont nous avons
hérité de nos prédécesseurs, qui, en 1981, si ma
mémoire est fidèle, ont changé cette structure. Mais il
faut être juste aussi. En changeant la structure, autrement dit en
mettant un accent sur la masse salariale, le financement des services de
santé, d'une part, la taxe sur le capital, d'autre part, il y a eu, en
même temps, une diminution des taux d'impôt des revenus des
corporations. Autrement dit, une corporation qui fait des profits, qui est
réellement en train de bien réussir, elle va sûrement
être plus heureuse, à moins qu'elle ait une masse salariale
tellement forte par rapport aux autres éléments que ça
puisse peut-être avoir des effets sur l'équilibre. Mais, en
général, le fait est que, au lieu d'avoir, comme dans les autres
provinces, un taux d'impôt plus élevé, nous avons ici un
taux d'impôt, et pour les petites entreprises et pour les grandes,
beaucoup moindre qu'ailleurs. Alors, ça, il faut en tenir compte quand
on parle du fardeau du financement des services de santé ainsi que la
taxe sur le capital.
Je voulais simplement rappeler ça parce que c'est un fait
historique. Ça dure depuis 12 ans
comme ça au Québec. Ça ne veut pas dire que c'est
éternel. Peut-être qu'à un moment donné on jugera
à propos de changer cette structure, mais la structure a
été apportée à un moment... Vous vous rappelez,
c'était l'autre récession, avant, alors que les
bénéfices de société étaient un peu comme
aujourd'hui, ils avaient tombé d'une façon assez drastique, de
sorte qu'on a pensé pouvoir avoir des revenus en allant du
côté de la masse salariale et du côté de la taxe sur
le capital, tout en diminuant l'impôt sur le revenu des corporations, qui
était devenu moins intéressant pour l'État. Bon. Alors,
nous avons continué dans ce sens-là, mais je pense qu'en toute
justice il fallait rappeler qu'il y a eu là des modifications qui ont
été apportées pour, un peu, équilibrer les
choses.
Alors, je vous laisse avec ça. Cependant, si vous aviez des
commentaires à faire sur ce que je viens de dire, des correctifs
à apporter, soyez bien à l'aise.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Beaudoin-Rousseau: II y aurait peut-être lieu,
justement, de revenir sur votre premier point qui concerne la CSST. Si tu
veux...
M. Régnier (Marc-André): Oui.
M. Beaudoin-Rousseau:... Marc-André, tu pourrais
peut-être faire le point là-dessus. Je comprends, par exemple,
préalablement, que, au niveau de la CSST, c'est un organisme à
part qui s'administre à part, donc qui ne fait pas partie,
évidemment, du gouvernement. Néanmoins, ils ont à
administrer des lois que les gouvernements passent, et lorsque,
évidemment, c'est-à-dire... Les lois exigent quand même des
façons de compenser; alors, évidemment, on est aux prises avec,
peut-être, le problème de le financer, comme le gouvernement le
mentionne. Néanmoins, je pense qu'on pourrait peut-être faire
quelques commentaires. Marc-André.
M. Régnier: Simplement, rapidement. Les taux que vous nous
avez donnés, M. Levesque, reflètent...
M. Levesque: Si vous permettez, c'était le taux moyen
général, hein...
M. Régnier: Général.
M. Levesque:... pas seulement sur la construction.
M. Régnier: Exactement. De plus, les taux que vous nous
avez cités pour le secteur construction étaient les taux
effectifs en 1992. Or, depuis le 1er janvier 1993, vous pouvez majorer ces taux
de moyenne de 20 %. Je prends un exemple rapidement.
Travaux de démolition, on est passés de 21, 94 $ à
27, 74 $ depuis le 1er janvier. Par tranche de 100 $ de masse salariale, une
hausse effective de 26 % et un peu plus. C'est le taux...
M. Levesque: Alors, ça ne fait que confirmer votre
thèse à l'effet que la CSST est pour vous un problème.
M. Régnier: Est un fardeau...
M. Levesque: À moins que vous soyez un problème
pour la CSST, je ne le sais pas.
M. Régnier:... important. M. Levesque: Ha ha,
ha!
M. Régnier: Justement, vous nous avez posé la
question très justement, à savoir: Est-ce que, entre le
manufacturier et la construction, c'est simplement l'indice de risque qui
faisait varier? Il est évident que l'indice de risque est
supérieur. Toutefois, on est aux prises avec certains problèmes
au niveau de la gestion même de la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles. Rapidement, le fait que les travailleurs de la
construction ne soient pas reconnus comme travailleurs saisonniers aux (Ins de
calculer l'indemnisation des travailleurs pose un sérieux
problème. On voit des gens qui, normalement, établissent des
revenus de 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $, 35 000 $ se voir compenser à
pleine mesure par la CSST jusqu'au maximum assurable que l'on connaît, de
46 500 $. Ça, c'est un problème fondamental au niveau de la
construction.
L'autre problème est celui qui touche également et
notamment le Conseil du trésor. C'est le fait que 90 % du salaire, qui
était la volonté du législateur au niveau de
l'indemnisation, se traduit, dans les faits, par des montants qui peuvent aller
jusqu'à 115 % du revenu du travailleur, dépendamment des
périodes de prestations et du jeu d'équilibre qui se fait entre
les périodes de travail et les périodes de prestations. Alors,
ça, ce n'est pas caractéristique aux problèmes de la
construction, mais vient ajouter au poids que l'on donne.
Pour revenir rapidement également sur le projet de loi 35, on est
d'accord sur le fait qu'il n'a pas été encore mis à
l'épreuve, si on veut, mais, pour les raisons que Je viens de vous
citer, on pense que, de toute façon, II faut travailler au niveau des
bénéfices de la CSST, de la façon dont les calculs sont
faits au niveau de l'indemnisation, essentiellement.
Un problème également que l'on trouve dans la
construction, c'est celui du col blanc. Je vous laisse simplement sur les taux
qu'on a donnés tout à l'heure, qui s'adressent également
aux travailleurs de bureaux dans l'industrie de la construction, sans parler ou
sans égard à l'indice de
risque. Si je suis un entrepreneur en démolition et que j'ai une
secrétaire à temps plein dans le bureau, je vais payer, par
tranche de 100 $ de masse salariale de cette secrétaire, le taux de
27,74 $, soit 28 % presque de la masse salariale de ma secrétaire.
Ça pose un problème certain, d'autant plus que les masses
salariales sont assez importantes ou, en tout cas, de beaucoup plus importantes
que celles du manufacturier.
Le Président (M. Lemleux): Est-ce qu'il vous est
déjà arrivé de contester ces taux à la CSST?
M. Régnier: De façon régulière, nous
avons affaire avec la CSST. Nous leur présentons un mémoire
année après année. En fait, même au niveau du projet
de loi 35, on a envoyé un mémoire assez éloquent au
ministre où on faisait état de ces problèmes, pour les
libeller, à ce moment-là.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marais: Merci, M. le Président.
Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom
de ma formation politique. Je trouve votre mémoire fort
intéressant, et je vais venir avec des questions assez précises.
Mais, cependant, j'aimerais peut-être, à ce moment-ci de nos
travaux, faire remarquer au ministre des Finances qu'il s'est assez bien
adapté, finalement, à la taxe sur la masse salariale, puisqu'il a
continué de la hausser sans la modifier. Alors, donc, ça ne
devait pas lui déplaire tant que ça, et cela fait au moins sept
ans qu'il est ministre des Finances.
Cela étant dit, il a fait état aussi de problèmes
constitutionnels relativement à l'imposition de certaines formes de
taxes qui ne sont pas de l'autorité des provinces et, donc, avec
lesquelles le Québec a certaines difficultés. Vous nous faites
remarquer, dans votre mémoire, que les gouvernements devraient payer
leur «en lieu» de taxes promis aux municipalités. C'est une
des recommandations, d'ailleurs, de votre mémoire. Je vous ferai
remarquer qu'un autre gouvernement que celui qui est ici à Ottawa a
décidé, justement, dans ses dernières mesures
budgétaires et fiscales, de geler les paiements d'«en lieu»
de taxes et dans les hausses qui étaient prévues en termes de
paiements d'«en lieu» de taxes. Ce que ça veut dire, c'est
qu'on pelletera sans doute encore un peu plus de déficit de notre
côté, et ça viendra alourdir d'autant plus le fardeau des
Québécois et des Québécoises. Bon. (14 h 50)
Je veux maintenant venir à des questions précises. Vous
suggérez, dans votre mémoire, qu'il y ait des discussions avec le
gouvernement fédéral en ce qui concerne l'application de
l'assurance-chômage dans le secteur de la construction. Et vous dites:
«D'un régime de soutien au revenu, ce régime doit retrouver
sa vocation d'assurance. Il doit également favoriser la présence
au travail plutôt que l'inverse.» À quoi pensez-vous quand
vous suggérez qu'il y ait des négociations entre Québec et
Ottawa sur ces questions?
Vous savez que le ministre a, à toutes fins pratiques,
reçu une fin de non-recevoir pour ce qui a trait à
l'intégration de toutes les mesures de formation professionnelle et de
soutien à l'emploi dans le sens d'une réinsertion par la
formation. Ce dossier-là est aussi un dossier, évidemment,
très Important pour tout ce qui concerne le soutien au revenu.
Alors, j'aimerais un peu vous entendre sur les attentes que vous avez
à cet égard-là d'une façon un peu plus
précise.
M. Bernier: Je pense qu'il est important de signaler quand
même la problématique de notre industrie, dans un premier lieu.
C'est connu, c'est connu de tout le monde. Le chômage, dans notre
Industrie, c'est quelque chose qui est non seulement courant, ça atteint
presque un mode de vie. D'ailleurs, si on veut voir le problème à
l'envers, on en a discuté récemment, il n'y a pas
d'intérêt pour un travailleur de la construction sur le
chômage à quitter sa situation et revenir travailler. On a
regardé au moins deux scénarios faciles, je veux dire, deux types
de travailleurs, selon leur situation familiale. Le résultat net de se
représenter sur le marché du travail, ça lui rapporte 3,50
$ ou 5,00 $ dans ses poches. Les gens ne sont pas sans connaître la
réalité du chômage et la désincitation que le
chômage... Et le reste de nos programmes sociaux rajouté à
tout ça vient créer une désincitation au travail. Alors,
il va falloir qu'on trouve moyen de redonner, tout simplement, un
intérêt pécuniaire aux individus à revenir au
travail. Il s'agit peut-être de modifier la pénalité qu'on
rencontre quand on revient sur le marché du travail. Il va falloir
adoucir la transition. C'est trop élevé comme marche.
M. Beaudoin-Rousseau: Bref, ce qu'il voulait dire, c'est qu'il y
a des travailleurs qui, évidemment, après un certain nombre
d'heures x, mettons 800 heures, n'ont plus d'intérêt à
travailler sur le taux du décret, ils ont un intérêt
à s'en aller sur l'assurance-chômage. Et, parallèlement
à l'assurance-chômage, ils peuvent effectivement travailler au
noir. Donc, c'est pas mal plus payant et pas mal plus sécurisant,
évidemment.
Mme Marais: Je sais qu'il y a eu des formules que vous avez
présentées, les syndicats en ont présenté d'autres.
Il y a sûrement un travail à faire de ce
côté-là, c'est évident. Parce qu'il y a eu un temps
où il y avait une certaine forme de connivence, dans le fond. Ça
arrangeait tant l'industrie que les travailleurs. Je ne veux
as charrier, mais je pense que c'est un peu ça, hein. Il y a des
habitudes qui se sont créées, malheureusement. Je suis bien
consciente de ça aussi. Mais c'est plus que, Je dirais, des amendements
mineurs ou des amendements de type coer-citif qu'il faudra amener au
régime, parce que je pense que c'est une façon différente
de voir le régime et de le... Il faudra le redéfinir, je
crois.
M. Bernier: Si on pouvait le dire en un seul mot, ça doit
s'appeler une assurance-chômage. Ça ne doit pas s'appeler un
soutien au revenu pour le reste de l'année.
Mme Marois: C'est ça.
M. Bernier: II y a non seulement l'assuran-ce-chômage, mais
il y a quand même d'autres modalités qu'on tente d'introduire dans
notre propre industrie qui sont là comme des soutiens au revenu. De
l'encouragement à rester au chômage et à travailler au noir
en parallèle, franchement, il faut renverser cette tendance-là.
Ça doit demeurer une assurance ou le redevenir, en tout cas.
Mme Marois: Oui. Je suis d'accord aussi que ce serait sans doute
plus facile de faire cela si on avait l'ensemble de la gestion, justoment,
des systèmes d'assurance et d'assistance. Parce que là, II
faut bien le voir, Ottawa a la responsabilité de l'assurance et
Québec a la responsabilité de l'assistance. C'est comme ça
que ça se départage actuellement. Je pense que si on veut refaire
un vrai brassage, réajuster et réenligner le tir, ce avec quoi je
suis d'accord, je pense qu'il y a un rebrassage à faire, encore
faut-il être capable de le faire dans un tout cohérent.
Alors là, qu'on regarde juste les mesures qui vont s'appliquer,
actuellement, à l'assurance-chômage, il va y avoir un coût
sur nous que vous recasquerez par l'impôt, parce que si on prend
davantage de bénéficiaires d'aide sociale parce que les gens
doivent quitter l'assurance-chômage, on le paie autrement. Bon. Alors, je
pense qu'il faut rebrasser ça complètement.
Mon deuxième champ d'intérêt, c'est justement ce que
vous abordiez, c'est le travail au noir. On n'en a pas beaucoup parlé
ici. Je sais que ça s'est discuté dans d'autres commissions
auxquelles vous avez été invités à participer,
comme association et comme groupe. Mais je pense que, compte tenu de l'Impact
que ça a sur les finances publiques du Québec, on doit en parler
ici. Vous en faites état dans votre mémoire. Vous parlez
d'estimés qui pourraient atteindre 1 500 000 000 $ qui sont actuellement
dépensés au noir dans votre industrie. Si on pense ce que cela
peut représenter en termes de rentrées de fonds qui ne sont pas
là, et on ajoute à cela ce qui se passe, actuellement, dans
d'autres secteurs - on a largement discuté des questions du tabac, cette
semaine - ce n'est pas un portrait très rose.
Mais j'aimerais que vous me parliez... Je sais que ça s'est
débattu ailleurs, mais j'aimerais que vous m'identifiiez un peu quelles
sont, à votre point de vue, les avenues qui devraient être
explorées de ce côté-là pour faire une pression
à la baisse sur le travail au noir.
M. Beaudoin-Rousseau: Je pense qu'une des premières
solutions, évidemment, se retrouve toujours quand on est capable
d'Identifier la cause. Et la cause, c'est très clair, s'il y a du
travail au noir, c'est parce qu'effectivement il y a avantage pour les gens de
faire affaire avec ces gens-là parce que le coût est moindre.
C'est donc dire qu'on revient au système de négociations
où la loi des relations de travail oblige l'industrie à
négocier une convention collective qui s'applique à l'ensemble de
toute l'industrie, que ce soit du secteur commercial, industriel ou de
l'habitation. C'est donc dire qu'on ne se soucie pas à savoir quelle est
la capacité de payer du consommateur par rapport à la
capacité de payer d'un gouvernement. Aujourd'hui, peut-être que je
pourrais dire que le consommateur est peut-être en meilleure position de
payer que le gouvernement. Mais, ceci étant dit, je voudrais tout
simplement dire qu'il est à peu près temps que le gouvernement
accepte de regarder la loi des relations de travail et de permettre que, dans
l'industrie de la construction, il y ait des possibilités pour qu'une
convention collective soit à la mesure du consommateur et à la
capacité de payer aussi du consommateur. Quelque 20 $ l'heure
brut...
Quand on regarde ça, qu'il faut engager un salarié puis
qu'il faut payer 40 $ ou 45 $ l'heure, c'est très évident, par
rapport à un consommateur, que son choix est vite fait. Il s'en va
là où il peut obtenir ce même travail pour 16 $ l'heure. Et
le travail au noir se fait alentour de ça, c'est-à-dire 14 $
à 16 $ l'heure sur laquelle, d'ailleurs, il ne paie même pas
d'impôt.
Alors, c'est toute la structure de la négociation. Et ce qu'on
rencontre très souvent, c'est que, quand les parties sont en
négociations et qu'elles arrivent à la fin du délai pour
conclure une convention, elles sont de connivence pour ne pas s'entendre, elles
viennent voir le gouvernement puis elles disent: Écoutez, s'il vous
plaît, on ne s'entend pas. Voulez-vous intervenir? Et, là, le
gouvernement impose. Est-ce qu'on voudrait laisser la chicane, dans le fond,
prendre dans l'industrie de la construction? On va peut-être arriver
à un résultat. À moins que le gouvernement accepte
vraiment de changer les règles du jeu au départ et faire en sorte
que l'habitation ne soit pas sujette aux mêmes règles que le
reste, les autres secteurs.
Mme Marois: Le domiciliaire, là...
M. Beaudoin-Rousseau: Le domiciliaire est
un secteur à part. Il est à considérer. Mme
Marois: Mais...
M. Bernier: C'est déjà le cas partiellement dans le
domaine de la rénovation, il s'agit d'étendre ça, une fois
pour toutes, à tout ce qui s'appelle construction résidentielle.
Une fois qu'on a rendu la ligne là, l'industrie s'organise.
Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie.
M. Bernier: Merci.
Le Président (M. Lemieux): II reste deux minutes du
côté ministériel.
Oui, M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, pour remercier nos visiteurs de leur
présence moi aussi.
On s'est quand même attardés, tout à l'heure, sur la
santé et sécurité et sur la complexité, c'est le
moins qu'on puisse dire, des coûts du régime. On a deux minutes,
apparemment, là. Qu'est-ce que vous suggéreriez, en deux minutes?
Du côté du régime d'indemnisation ou alors du
côté de l'administration? Parce que je pense que vous le savez, il
faut toujours distinguer les deux. On a un régime qui, sur papier,
à bien des égards, comme le 90 % du net... Je compare,
finalement, avec le 70 % à 90 % du brut, mais taxable ailleurs. Mais du
côté de l'administration, comme telle, est-ce qu'il y a des
suggestions que vous apporteriez aujourd'hui?
M. Régnier: Dans le mémoire qui vous est
présenté, il est parlé de privatisation globale au niveau
de l'indemnisation. La raison est fort simple. C'est qu'après
étude de divers pays qui, eux, ont adopté des systèmes
comme ceux-là où ce n'est pas des monopoles d'État, on
s'est aperçu que les coûts de la santé et
sécurité sont souvent de beaucoup moindres. On parle
jusqu'à 50 %, dans les cas extrêmes, pour des
bénéfices à peu près comparables. C'est le cas,
notamment, de la Belgique, c'est le cas du Portugal, c'est le cas de
différents pays que nous avons eu l'occasion de vérifier.
Alors, la privatisation, pour nous, est-ce qu'elle est absolument
nécessaire? Elle ne le serait pas dans la mesure où la CSST
mettrait en place des systèmes de contrôle efficaces, des
contrôles de deux façons. La CSST devrait émettre des
contrôles au niveau de l'admissibilité et du suivi des dossiers.
Ça serait déjà un premier pas comparativement au laxisme
dont elle fait preuve actuellement. Dans un deuxième temps, une
compagnie d'assurances privée serait contrôlée par le
gouvernement, et je ne crois pas que quiconque permettrait une
sous-capitalisation d'une compagnie d'assurances privée, comme c'est le
cas actuellement, à la CSST. Il y a un suivi qui serait fait depuis
longtemps. Je crois qu'on aurait cherché à redresser la situation
depuis très longtemps. Alors, essentiellement, c'est au niveau du
contrôle. (15 heures)
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions pour votre
participation à cette commission parlementaire.
M. Filion: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Une rapide. Allez-y, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Rapidement. C'est simplement une question qu'on a
reçue cette semaine en commission.
La Corporation des maîtres électriciens et la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie ont soulevé le fait
que l'harmonisation nuisait énormément à l'application de
la construction. Pour eux, c'était rendu très lourd, etc. Est-ce
que, pour vous, ça demeure toujours, l'harmonisation, un problème
prioritaire, urgent, pour permettre un meilleur fonctionnement dans le monde de
la construction?
M. Bernier: L'harmonisation, en tout cas... Le sens de nos
commentaires par rapport à l'harmonisation, c'est
véritablement... Il faut voir au niveau des crédits et des
modalités de déclaration. L'harmonisation, dans ce
sens-là, c'est un «must». Il faut la faire. Ce que les
maîtres électriciens ont soulevé, je crois, ça
référait beaucoup à la difficulté qu'ils ont
à traiter des taux de 4 % et de 8 %, ces notions de meuble et
d'immeuble, et je pense que, de façon assez complète, ils ont
abordé le sujet. Nous, on est plus haut dans la chaîne, en quelque
part, et je dirais, au niveau de l'administration, on n'a pas
nécessairement de commentaires à formuler là-dessus. On ne
voulait pas mettre ça en évidence, mais bien ce qui se passe au
niveau des crédits.
Le Président (M. Lemieux): On vous remercie. Nous vous
remercions pour votre participation à cette commission parlementaire, et
j'inviterais immédiatement la Société Makivik à
bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous
suspendons une minute seulement.
(Suspension de la séance à 15 h 2) (Reprise à 15 h
3)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses
travaux. J'invite maintenant la Société Makivik à prendre
place. Si vous voulez vous approcher, messieurs, s'il vous plaît. Les
gens de la Société Makivik, si vous voulez vous avancer, s'il
vous plaît, et prendre place.
Alors, je vous rappelle brièvement nos rè-
gles de procédure. Vous disposez d'une période de 20
minutes pour nous exposer votre mémoire, et ensuite suivront des
échanges pendant une quarantaine de minutes. Je vous inviterais, avant
de procéder à votre présentation, à vous
identifier, s'il vous plaît.
Une voix: M. le Président, est-ce qu'il y a un service de
traduction?
Le Président (M. Audet): Vous pouvez y aller en anglais,
il n'y a pas de problème.
Une voix: Très bien, merci. You were asked to introduce
yourself, your colleagues.
Administration régionale Kativik (ARK) et
Société Makivik
M. Watt (Charlie): My name is Charlie Watt, I am the President of
Makivik Corporation. I leave up the other part... and the person at the end is
the Treasurer to the Makivik Corporation, Willy Watt; Mark T. Gordon is the
Second Vice-President of Makivik Corporation. Mark Malone, one of our resource
persons, had to replace... One of our delegates just got sick and had to be
taken to the hospital quickly, and I was hoping that he would be here to
represent the Kativik Regional Government, but unfortunately he is not going to
be able to be here, so Mark Malone is going to be speaking on his behalf.
Let me first start off saying that we are happy to be here, and I do
believe this is your last day. And on top of that, I would like to acknowledge
that... especially the two committee members. I am happy to see them around the
table, that is the Treasury - excuse my language, Sir - the President of the
Treasury Board and the Finance Minister.
As you all know, the North is the North and the South is the South. The
difference between the two, implication of it, reflect in many different ways.
That is to say that the cost in the North is very high compared to our
counterpart, that is the South, and It has been an ongoing problem for us for
quite a number of years. I guess, on one hand - you can put it this way - we
have waited for this type of forum to address our issues. The opportunity came
and we are grateful for that.
I do not want to come across to the comittee members... that what I have
to say is negative. What we are trying to do here is to enlighten you, as a
committee, to take the matters that we are going to put forward as serious
matters. Once in the past, I have dealt with the GST, at the Senate level, and
knowing the fact that how much impact that would have on the North, and I was
not able to succeed what I was out to do, but mind you, though, when they took
the vote on the issue, it was the closest tie that ever took place within
the
Senate, dealing with the question of taxation. And if I were able to
persuade maybe one or two members from the Opposition side, I probably would
not be confronting the same problems that we are facing today. But,
nevertheless, the problem was here even before that.
As you know, the Makivik and the Kativik regional governments, over the
years, since 1975, have worked very closely together on the basis of a... more
of a partnership, and those two organizations have been confronting with a
number of different problems related to taxation. Our objective is to enlighten
you as much as possible, to realize that there has to be fairness in terms of
taxation. At this point, we do not feel there is fairness in recourse to
taxation. Just to give you an example, on the GST plus Québec Sales Tax,
in the South, It is 15 %. When you take into account the transportation
aspects, only to Kuujjuaq, that same 15 % becomes 23 %. In one of our
communities, which is the farthest North, it represents 30 %. As you can see,
taking those into account, there is no purchasing power left in the hands of
the individuals, and it also affects, it is affecting some of the small
businesses that we are trying to create in the North. We view the small
business as one of the most important elements for the purpose of establishing
a tax basis. (15 h 10)
Just to give you an idea on our experience. If you are handling in one
year 800 000 $, you will be lucky If you generate revenue, as a clear profit,
within the ranks of 23 000 $ to 25 000 $. As you can see, the high cost of
transportation is affecting us a great deal. As I mentioned, individuals that
are living in the North have no purchasing power, practically. Today, if you go
into any household, you find out that they are living in modern houses - for
which we are grateful to the Government of Québec - but, nevertheless,
the problem did not disappear. That is the house is practically empty, no
furniture because they have no purchasing power. And the people who are earning
some form of wages today have no choice but to share that one man wages
properly spread into two or three additional households.
The factor is also related to a lot of opportunities for employment. So,
if you are looking at the South of the planet, at these so-called third world
countries, we are almost there basically. If I remember, back at the time when
I was growing up, living in the isolated communities, before the bureaucracy
moved into our territory, there were only basically the Hudson Bay Companies,
at times, and at second, RCMP. And I remember that hard time, I was a product
of that hard time, and I have lived through that. We are almost back to the
same predicament that we were in, back in the early 1950s. That is how serious
it is.
Therefore, committee members, honourable
Members, we have specific recommendations that we wanted to... sensitize
you to a number of recommendations which are In the blue text that we have
furnished you before the committee... before we came here. There are six
Items.
What is suggested here are some recommendations that the commission
dealing with the budget administration take into consideration the creation of
a Nunavik-Québec Task Force, which would include the main provincial
departments, such as Finance, Revenue and S. A. A., and the northern
representatives in order, as of December 1993, to make a practical proposal
with respect to the establishment of a specific Nunavik Territory tax regime,
which would reflect northern economy realities, both in terms of philosophy and
in terms of process. That is n° 1 recommendation. And also it goes on to
develop and expand a genuine Nunavik tax basis.
Recommendation n° 2. That, in the course of a second phase, and in
the recognition of a complex effect of the intergovernmental taxation
trade-off, that the task force engage in talks with the federal Department of
Finance and Revenue, with a view to consolidation of a Nunavik regional tax
regime, with reference to proposals made by the provincial Nunavik group, as of
December 1993, to develop and expand a Nunavik tax basis.
Recommendation n° 3. That négociations commence immediately
between, for the first part, KRG, which is the Kativik Regional Government, and
Makivik Corporation, and, for the second part, Québec departments of
Finance and Transport, as well as S. A. A., as to how to subsidize air and sea
service operators to Nunavik. In this respect, the North Shore and Magdalen
Islands precedent would provide useful guidelines. The working group on
northern transportation would, of course, invite federal representatives from
the departments of Transport and Northern Affairs of Canada.
Recommendation n° 4. That the Québec Department of Revenue
implement, in cooperation with KRG and the Makivik Corporation, a system to
facilitate the filing of tax returns by the residents of Nunavik. As you know,
most of our people, today, do not file income tax returns. Why they do not file
income tax returns? First, they do not understand when it is written either in
English or French. So, the majority of the... Basically, If you want to call it
«being put into file 13», which is the garbage can. Unfortunately!
And, therefore, we had no choice, but to provide some assistance to those
individuals, as Makivik Corporation. We had no choice, recently, at the last
executive meeting, but to establish a department within Makivik, to provide
some assistance to individuals, in the sense that if they do not file their
income tax, they are not even going to be able to receive their family
allowances. So, how are they going to survive? We have to do whatever we can to
provide some assistance in that area. Recommendation n° 4. That the
Québec Department of Revenue Implement, in cooperation... I have already
said that.
Recommendation n° 5. That Québec legislation and regulations
be revised with regards to indirect taxation and taxation of consumption, in
order to provide Inuit hunters with the same fiscal exemptions enjoyed by other
food producers in the province, including farmers. I do not think that this has
ever been taken into account, especially when people have to help themselves to
provide for and to bring the bread and butter to their families, that they have
to, first, equip themselves either by snowmachine, by boat or by canoe,
including the hardware that they need in order to capture the wildlife in order
to bring the country food back home. So, that is important.
Recommendation n° 6. That the provincial Department of Revenue
repeal regulations respecting retroactive taxation of allowances, and benefits
at the same time, in the corporations with Nunavik employees. It would
formulate a stable and protective regime which would be made for public.
Those are the six items as a recommendation that we put forward to you.
Before I conclude my remarks, I want to stress the fact that, as Inuit living
in the far North, we are very different from the Indians. We are taxpayers just
like you, and we are happy to be taxpayers, but it has to be fair. And some of
the points that we highlighted are very important in order to advance ourselves
and move in the direction to establish more tax basis.
As you know, the tax can also kill tax basis. We would like to find the
solutions with you, and I think we can, because you are not dealing with a
large number of populations. I think it is a good avenue that should be taken
seriously by the Government of Québec. More of a test case, how can we
advance ourselves, stepping aside of that and examining what we can do
together? This is one of the reasons why we are here in front of you.
So I leave the questionning up to you.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Ça va?
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances. (15 h
20)
M. Levesque: Well, I would like to extend our warmest welcome to
you, Mr. Senator, and those who are with you. We are prlviledged to have you
here today. We thank you for your interest in trying to find solutions to the
financial difficulties of our times. I would not say only of the Québec
government, but also of many governments. I imagine that you hear much of it
wherever you are in the country or even outside.
I think that you have presented your case
very well. We shall certainly have time to look into this and analyse
it. You mentioned, for instance, the creation of a task force with your group
and Finance, Revenue and the Secrétariat aux Affaires autochtones. The
latter is... The normal way to get to the government is through the
Secrétariat aux Affaires autochtones. The Minister of Revenue knows much
about it, as he was responsible for that Department not so long ago, and he
will probably have a few words to say on this, as well as the Chairman of the
Treasury Board.
But I would like simply to say that our Department of Finance is
proceeding now with a certain work on fiscal matters applicable to Native
people, and this brief that you are presenting today will help us in this
work.
However, all this will have to be considered in a larger context. What
kind of agreement can be reached concerning the responsibilities of a local
nature or governmental nature, which could be achieved between the Native
people and the Québec government? But I feel that this can be looked
into after we are through and through the Secrétariat aux Affaires
autochtones.
You also suggest that this same task force work with the federal
Department of Finance and the federal Department of Revenue. I think that the
federal Minister of Finance has already indicated his interest for this
suggestion, but you might be more explicit on this, because you are closer, I
Imagine, to what is going on at the federal level. I imagine that you will have
some more information from that source.
You have mentioned also - I will just finish, giving others the chance
to come across - something about the sales tax, the Québec sales tax.
You gave an example which I have noted, that the goods, when they arrive at
destination, are not at the same price as when they leave here. And, therefore,
the sum of tax that has to be paid on is higher than if it were here.
Therefore, you are asking for some consideration, there.
Well, those are some of the things that we will look into. I cannot give
you any answer right now, you did not expect any either, I imagine, to be
precise. However, I would like, before concluding this exchange, to have you
say a few words on... Did you ask for the same thing from the federal
government? I Imagine that when the GST comes there, it has the same effect as
the Québec sales tax. So, sometimes, you know, harmonization happens.
Did you get any indication that you would get a favorable answer from the
federal government on this?
Le Président (M. Audet): Mr. Watt.
M. Watt (Charlie): O. K., Mr. Chairman.
First, let me, Mr. Levesque... I will go back to the first point that
you have mentioned, that you are going to undertake and examine what can be
done for the Native people. That is always troublesome for me and also for my
colleagues when the word «Native» is used to lump everybody
together. And the same thing, it is also of concern and troublesome for me when
the people use «aboriginal» in brackets, because we are not treated
the same way, neither do we want to be treated the same way, Mr. Minister.
M. Levesque: I was referring though to what is the name given to
the Department, and I was trying to find a translation for what we call
«le Secrétariat aux Affaires autochtones». How would you
translate it?
M. Watt (Charlie): Well, I can only translate it to ourselves,
that is that we are Inuit, we are not Indians!
M. Levesque: Yes. Well, I could not say that because it would not
have been right. I understand the distinction...
M. Watt (Charlie): Yes.
M. Levesque:... I respect it. I would have liked to say that, but
there was only one French word for it and I was trying to find a translation...
I asked Mr. Savoie, the Minister of Revenue, if my translation, before I spoke
to you, if that was good... We were still discussing when I had to say
something!
M. Watt (Charlie): I guess the point that I would like to make,
and that I have been making... Every opportunity that I get, i try to stress
this point, the fact that we are not Indians, that we are taxpayers just
like everybody else. You know, we are not living on a reserve concept, and when
politicians are talking, in political terms, they have a tendency to lump
everybody under one, so what I am basically saying to you is that you cannot,
no longer, lump us into one, because we are not the same and, on one hand, we
are taxpayers, and we are going to continue to be taxpayers. What we want to
do, rather, Is to try to find some way of expanding the tax basis, otherwise,
the scheme, the regime that is applied today is killing us. It is killing every
opportunity that might exist. 80, we just want you to open the eyes to that
concept.
Coming back to the point you made, the time that I made a presentation
in the Senate, in recourse to GST, there was a willingness to listen. There was
an interest that was there. But when it comes time to vote, the politics
override the logic. A reality, if you want to put it that way. And, therefore,
I was put to vote and I was missing two... If I would have had two more people,
we probably would have made some mileage with that. But nevertheless... and I
have been told by Inside sources from the Government
of Canada that they are still willing to sit down and try to work out
some solution.
So, I think there is some positive in there that will be some beneficial
to you as a minister of Finance. And being able to open the doors... and I
think you and I probably have to... I might need your help also. That is
basically what... I am trying to send the message to you that, I alone, I might
succeed but, then again, I do not want to take any chances. I am going to need
your help. Sometimes, as a senator, Sir, I look at that as a... very
differently from the rest of the politicians, as you know. We are just barely
surviving. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Mme la députée de
Taillon. (15 h 30)
Mme Marois: Je vous souhaite la bienvenue, à mon tour,
à notre commission - je vais parler lentement - au nom de ma formation
politique. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt.
Je pense que la discussion que vous aviez avec le ministre des Finances est
très intéressante et éclairante quant au fait que vous
voulez bien que votre peuple et que votre communauté soient connus et
présentés, tel qu'ils sont dans leurs institutions, leurs
façons de faire et d'être. Vous avez l'impression, parfois, si
j'ai bien compris votre point de vue, d'être assimilés à
des groupes qui sont davantage dépendants.
Par exemple, dans la Loi sur les Indiens, où on sait qu'il y a
des commaunautés qui dépendent essentiellement de cette loi, dans
le sens où elles ont un statut particulier, alors que, vous, je pense
que ce que voulez nous dire - si j'ai bien compris, et c'est un peu le sens de
la discussion que vous aviez avec le ministre des Finances - c'est qu'on ne se
retrouve pas dans les mots que vous utilisez habituellement, votre
Secrétariat, et on voudrait pouvoir apparaître aussi dans vos
documents et dans le vocabulaire que vous utilisez. Je trouvais ça fort
intéressant comme échange.
Alors, cela étant dit, je suis très sensible à ce
que vous présentez... Remarquez que rien n'irait à rencontre,
n'irait contre le fait que notre commission puisse recommander la
création d'un comité comme celui que vous suggérez, pour
se pencher sur les questions fiscales concernant votre communauté, parce
que, si j'ai bien compris, ce que vous souhaiteriez que notre commission fasse,
c'est qu'elle prenne en débat, en délibération des
propositions que vous nous faites aujourd'hui et que ça ne soit pas
seulement traité à l'intérieur du gouvernement, mais que
ce soit discuté ici, à cette commission.
Alors, je voudrais d'abord m'assurer que cela est bien une de vos
attentes. Ce que je peux vous dire, c'est que ça ne va pas à
rencontre des possibilités qui nous sont offertes ou qui sont
disponibles à la commission du budget et de l'administration. Nous
pouvons débattre et étudier des problèmes comme ceux que
vous nous apportez et nous pouvons aussi, comme membres de l'Assemblée
nationale, faire des recommandations au gouvernement. Alors, rien ne nous
empêcherait de pouvoir le retenir. Je voudrais bien comprendre si c'est
ça, la demande que vous faites auprès de la commission
aujourd'hui.
M. Watt (Charlie): First, Madam, I thank you for recognizing the
importance and also the fact that we are different from the other colleagues of
ours, If we want to call them that, the Natives or Aboriginals. Definitely, if
you are highlighting the fact that not only the Government can make
recommendations, I would have to say to you that I am in favour of whatever
pressure group that could be created, because we are dealing with a big problem
area.
And as you probably heard, it is happening also in our community, but I
am not trying to undermine the other Aboriginal groups. If you take a look at
Davis Inlet, for example, the condition of the community has generated a lot of
social problems. When you have economic problems, you end up having social
problems. And I am not looking for a way to answer our social decay, if you
want to put it that way, I would rather look towards economic avenues to help
out the social problems. I think this is the only way that we are going to be
able to spearhead It and come up with the answers. If you examine it from the
other side of the coin, from the social problem and then try to create, I think
the outcome will be very different.
Keeping that in mind, I am all for any pressure group that could be
generated, but what I see, the importance in this is that the governments today
definitely have to take their responsibilities seriously, with all due respect.
We need to establish a formal table so something will really take place, not
just for the purpose of exchanging ideas back and forth. One of the reasons why
we want to be involved in this is because we can contribute the knowledge that
we have. When you are so far away from the sensitive area, it Is pretty hard,
especially when you are being preoccupied with a bigger picture, to see the
smaller picture. What we are trying to do here is to sensitize you to the
smaller problem. Then the bigger problems that you have... And the outcome of
that smaller problem, If we can find the solution, at least maybe a little,
small percentage of that will help the bigger problems. So, that is the
direction we wanted to take, and I think it Is feasible. I think it is the
time, now, to genuinely examine that together.
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous qu'il faut qu'il y ait,
effectivement, un forum pour débattre et discuter de la
réalité, parce que ce n'est pas qu'un problème -
là, je veux faire la nuance - de la réalité que vous
vivez, mais, à
cause de l'application de certaines lois, de certains règlements
ou de façons de faire qui peuvent vous créer des problèmes
ou vous empêcher de trouver des solutions qui vous permettraient de
progresser et de vous développer.
Moi, je veux vous remercier de l'excellent mémoire que vous nous
avez présenté. Quand on le lit, et quand je vous écoutais
tout à l'heure le présenter, effectivement, vous faites
état d'une réalité qui, souvent, nous échappe, nous
du Sud - si vous me permettez cette expression, même si on n'a pas
l'impression de l'être tout à fait parfois - et que seuls vous
êtes en mesure de bien nous présenter si on veut tirer des
conclusions et, surtout, apporter des solutions qui vous conviennent. Et
là, on peut parler de choses plus précises.
Quand vous parlez du transport, je pense que c'est l'exemple que tout le
monde peut très bien comprendre. Il y a des coûts énormes
que vous avez à encourir, ce qui fait que, finalement, il y a des sommes
absolument inimaginables que vous devez payer pour les mêmes services
que, nous, on a à des coûts beaucoup moindres. Donc, ça
crée une pression sur votre économie qui est évidemment
difficile à accepter.
Alors, je vous dis que votre mémoire est fort intéressant
et pertinent. Je suis prête à ce que l'on débatte ici de
recommandations à faire au gouvernement pour qu'il y ait un forum, pour
qu'il y ait un lieu de discussion des réalités auxquelles vous
êtes confrontés pour que se dégagent, par la suite, des
pistes d'action et de solutions. Je vous offre, à cet égard,
notre pleine et entière collaboration.
M. Watt (Charlie): Thank you very much, Madam. This Is very
encouraging, hearing you recognizing the importance. First, I would like to say
that I would not like to put it in the form of our being ignored. I do not
think that is the proper term for it. I think the real problem is that it is
more of an oversight or lack of knowledge, a lack of understanding because of
the distance between the two. (15 h 40)
I would like to go into the fact that you mentioned that transportation
is an item that skyrockets the cost of merchandise or any items that needs to
be absorbed by the consumer. As you know, we own two airline companies. One is
Air Inuit that services around the coast. Recently, three years ago, we
purchased another airline company that operates from Ottawa and Montréal
to Kuujjuaq, on up to Frobisher Bay, and on up to Greenland. As you know, the
aviation Industry today, it is not comfort, and we are the only regional
airline left in Canada. We had to do whatever we could with that airline
company to turn It around, because when we bought it, it was in bad shape. It
was at the bankruptcy state when we purchased it. I am happy to say that we
were able to turn it around, even during economic hard times. We are doing
everything we can to reduce the price as much as possible, but at the same time
that airline company has to survive.
So we are at the point where we are being pinched very hard, and both
ways. As you know, the subsidies that we enjoyed before from the Government of
Canada, postal subsidies, have been reduced. Not only by half, not only by 25
%, but by a lot less than that. So, we are struggling and, at the same time, we
are sensitive to the consumer side. Our consumers are speaking very loud and
they do not even have to speak any more. As I mentioned, all you have to do is
to go Into one household. You will realize what is happening. When they do have
a little bit of dollars to spend, they are very, very selective now to buy only
essential needs. Essential needs, that could be flour, lard, baking powder, tea
and things of that nature. Forget about something that they need to... what you
call... My English gets rough too at times, so excuse me. They cannot even
afford to buy meaningful food, let us put it that way. So that Is the
problem.
Again, thank you very much for your intervention.
Mme Marois: Je ferai une dernière remarque, M. le
Président.
Je pense que ce qui est intéressant aussi dans votre
mémoire, c'est que vous faites référence à des
façons qu'ont trouvées d'autres pays - vous mentionnez le
Danemark, évidemment, et leur façon de faire - et je pense que
ça pourrait être utile que l'on puisse regarder comment ça
se passe ailleurs dans des conditions semblables à celles que vous
vivez, confrontés à des réalités comparables, pour
qu'on puisse peut-être s'en inspirer. Je pense que ça ne serait
pas inutile comme démarche. En tout cas, on peut souhaiter qu'un travail
soit fait dans ce sens-là.
Je vous remercie de votre intervention auprès de notre
commission.
M. Watt (Charlie): Merci. Once again, Madam, I feel that I should
say something, a comment, at least, in that area. I just came back very
recently from an international organization's conference in Anchorage, Alaska.
The participants of that group, who were dealing with economy In a global
sense, were people from Groenland, people from the Northwest Territories,
people from Alaska including Siberia. Siberia's input... That was the third
time, now, that they have been involved in that area.
You are right. The individuals In Greenland do not pay taxes, sales
taxes, that is, even though they are paying taxes to the Government of Canada
and things of that nature. They are probably also paying taxes to Denmark, but
no sales tax. I do agree with you, that is an area
that we should examine, because, as I mentioned earlier, if you overtax,
it kills every possible opportunity to establish a tax basis.
So, I do agree, those are the areas, the models that we should be
looking at and even, going further, to see whether we can improve them. For
example, Greenland Is finally...
Minister Savoie, you and I were in Greenland at one time and I think
both of us came back a little bit discouraged. I do not think that is a secret
to anybody. Now, they are finally dealing with things that you and I were
trying to talk about. They are restructuring their economy now, and they plan
to rechannel their economy through Canada, some parts at least, rather than
importing from Denmark, you know, all the way through.
So, the reason I am highlighting this is that, as the Inuit of
Québec, regardless of how small we are, we are one of the major
international players today. And that is something that Québec as a
whole can benefit from.
I guess what I am trying to say, Madam, in that area, is: Do not look at
us as a negative, look at us as more of a positive, because together we can go
a hell of a lot further. And we need your help and your input in our
deliberations dealing with some of the international events.
There are a lot of opportunities out there to be made, to make a dollar.
We could be an arm for the Province of Québec, and this Is not being
examined, it is being ignored. And again, It is not your fault. It Is a lack of
knowledge again, lack of understanding.
Thank you.
Le Président (M. Audet): O. K. Je vais maintenant
reconnaître le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Je vous remercie, M. le Président.
Very briefly, I welcome you in our former Senate here, right in this
particular room. So I am sure you feel comfortable, as you should.
One of the points that you raised is, of course, the cost of travelling
South from your land. My own inclination, if we are looking for equity, given
the fact that I am President of the Treasury Board and having an expenditure
problem, would be to restore equity by abolishing all grants for all forms of
transportation to and from absolutely everywhere. Now, that is not practical.
This is not what you had in mind, especially, and you do, indeed, and can make
a case that your special situation might require some relief in transportation
costs because of the fact that you already support a cost of living which
cannot even begin to compare with the rest, certainly, of Québec.
How would you state that case - there is one - from your point of view,
of asking the government, federal and/or provincial, to recognize that special
situation in terms of air transport to and from your land going South?
M. Watt (Charlie): First, I would like to just make a remark that
is totally unrelated to the issue that we are talking about, maybe because I am
naïve about certain parts of politics.
When I saw you on the Liberal side and I saw your brother on the PQ
side, I used to wonder: What is going on there?
Des voix: Ha, ha, hal
M. Johnson: And our father on neither, as you are well aware.
M. Watt (Charlie): Ha, ha, ha! Anyway, I always wanted to point
that out to you, so... Anyway.
Nevertheless, I do not really have a clear answer to the questions that
you are asking. Maybe Mark will be able to give you an answer in that area.
M. Johnson: Sure.
Le Président (M. Audet): Mr. Gordon?
M. Watt (Charlie): Mark T. Gordon.
M. Gordon (Mark T. ): Yes. Thank you. I would like to try to,
maybe with the time that we have, briefly answer part of the question and
expand a bit more on it. For us, we have 14 small communities - some people
might be amazed that some of them are quite small, 100 people, the largest one
being about 1500 - scattered over the coastal areas of Northern Québec.
We do cover a very large region. The distances are very great. The fuel cost
alone represents about 30 % of the operating cost of an aircraft in our area,
basically because we have to store fuel or the seller has to store fuel for the
full year and bring it in by ship three months of the year during the
summertime. Not to mention the fact that we do not have any roads in the
region. We did have a subsidy through the post for food from the federal
government which was initiated for a very basic need: to help us survive. We
were in danger of being malnourished because of the lack of food of certain
types, and the Government saw that there was actual need for a subsidy to be
given for food Items. But in the past few years, these subsidies have
diminished to half of what they were three or four years ago - less than half -
and the amount of food that could be shipped by mail is diminishing on a yearly
basis. (15 h 50)
Does that mean that we are getting healthier and the danger is gone? Far
from it.
We have seen our population expand quite tremendously. We have a lot of
people on welfare, unemployment. Even though... Our food costs might be
anywhere from 45 % to 65 % more than what you pay down here. The rates of
welfare paid and unemployment paid are the same as what you get paid down here,
even though our food costs are tremendously high. I feel that we Inuit, even
though we live in a remote area, have the basic right to pay the same amount of
money for food as you do, living in the South.
We still feel that it is very dangerous for our people to live in their
conditions today, even though a lot of Improvement has been made with the help
of the Government of Québec and also the Canadian government, but much
needs to be done. We try to do as much as we can by ourselves, but it is very
limited as to what we can do without the help of proper policies made by the
Government of Québec, taking into account that some of these policies
might have to span many years due to the fact that the region where we live is
very isolated and quite different than what you see down here.
We identify ourselves more with the Northwest Territories Inuit. We live
in the same conditions as the Inuit in NWT, taking into consideration the
landscape, the water and our lifestyle. It is fortunate that we still live off
the land, which is why we are able to survive living off the caribou and the
fish. When you take policies into consideration, do not assume that we are
going to survive like anybody else down here because we cannot. We have to be
taken in context, differently, because the region where we live is much too
different.
Thank you.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.
Well, I would like to salute our guests as well and note that we took
pleasure in reading the mémoire which you presented and some of the
remarks which resulted in that presentation.
I have noticed that, in your recommendation 4, you say that one of the
problems is filling out an income tax report on an annual basis because of the
language difficulty. As you do have to fill them out, as there is a legal
obligation to that effect, we would certainly like to make sure that you comply
as much as possible. And although we have 12 points of service throughout the
Province of Québec to assist people, I realize that, finally, for your
communities, there is no straight assistance from the Government of
Québec, from the Ministry of Revenue.
And so, what I Intend to do Is approach Mr. Sirros and Mr. Maltais and
try to work out with them the possibility of having somebody, perhaps in
Kuujjuaq, to work with the com- munities, who could perhaps assist them in
filling out the necessary tax forms. You also have businessmen up there who
must have considerable difficulties in filling out all the various forms that
have to be filled out by a local businessman. So, we will look into that, into
that possibility, trying to set up somebody up there who we can form or who
will receive the necessary formation to deal with these forms and to work with
the local residents of the communities, of the Inuit communities. Perhaps that
will give you satisfaction and perhaps it will also give us some money in
return, seeing as how you people have denoted the wish to be able to execute
your rights. So, we will.
M. Watt (Charlie): I am very glad that you have put an interest
in this recommendation 4. We would like to see some changes in the wording
within this recommendation. It should read: «That the Québec
Ministry of Revenue implement, in cooperation with KRG and Makivik
Corporation». And instead of «a system», it should read:
«Put an office in the region and train local Inuit to facilitate the
filing of income tax returns by residents of Nunavik.»
M. Savoie: While we are still interested even with that change,
perhaps the officer responsible for that could also deal necessarily with the
federal forms. Perhaps that in the next week we could sit down with Mr. Maltais
or Mr. Sirros to see what we can do to get that ball rolling. And if we can
come to some kind of working agreement, whereby an officer - I think a resident
of Kuujjuaq is important - could be formed, trained to assist you in filling
out those forms, getting the vocabulary down right in both languages, then
perhaps we could get the federal government involved in that as well. Because
If you fill out the provincial tax form, you also have to fill out the federal
tax form. I am sure that will please Mr. Watt no end, and I think that it will
be good for the community. I think that it will be a positive step, and it will
be our pleasure to participate with you in this realization.
As for the other measures, well, I think that, perhaps in conclusion,
the Minister of Finance has demonstrated that he is willing to look at some of
the elements with the federal government on this, that he recognizes certainly
that the Inuit government is doing everything In its power to participate fully
with the Government of Québec, and as such, we appreciate that. I do not
think we say that enough, that we appreciate Inuit participation in our
activities such as this commission, that we frequently see you and that every
time that you do come, it is appreciated. And whenever we can give you
satisfaction, we will, because we realize that it is important to look after
our Northern communities.
M. Watt (Charlie): Mr. Minister, we definitely will follow that
up. As a matter of fact, as an example, this is almost a month ago now, one of
our long-term board members, which you probably know very well, Tommy Kaukai
from Payne Bay, came to me one time and said: Look, I am in trouble. And I
asked: What kind of trouble are you in? He said: I received a bill from Revenue
Canada. I have not worked for many years and they are asking me to make the
payment of 7000 $. So, I looked at his case and gave it to some of our
professional people to make an assessment of it because I know that Revenue
Canada, when they do not have the correct information, they just come up with
their own assessment, whether they are right or wrong. And fortunately, the
7000 $ payment that he had to make to Revenue Canada turned out to be 1500 $
payment that he had to make. Those are the types of things that are really
troublesome. And I would not be a bit surprised at all if some of the people,
without being properly assessed, I bet you that a lot of them have made a
payment. Because it is not everybody who are not filing their returns. Some
people are making a return on their income tax.
So, during that time - just to say the first thing that comes into my
mind - I picked up the telephone and I was trying to call the Department of
Indian Affairs here, in Québec City, for the same idea that you are
suggesting. Definitely, we are going to follow that up. I think this aspect in
relation to tax return and having somebody that understands, dealing with
people, and educating and all that, this could be dealt with outside of this
form we are talking about.
M. Savoie: O.K. Good. Glad to hear it. M. Watt (Charlie):
Thank you.
Le Président (M. Lemieux): Thank you for your
participation in this committee.
Maintenant nous allons entendre le Relais-Femmes. Nous allons suspendre
pour environ deux minutes.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 3)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour
entendre le groupe Relais-Femmes. Je demanderais, dans un premier temps,
à la responsable de l'organisme, de bien vouloir s'identifier, de nous
présenter les personnes qui l'accompagnent. Et, dans un deuxième
temps, la procédure est la suivante: nous disposons globalement d'une
heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un
échange entre les deux formations politiques, 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.
Nous sommes prêts à écouter immédiatement la
responsable de ce groupe.
12 groupes provinciaux de femmes et L'Intersyndicale
des femmes
Mme Signori (Céline): Bonjour. Mol, je vais
spécifier tout de suite que l'organisme Relais-Femmes n'est pas
l'organisme qui est ici en commission parlementaire. Nous représentons
20 groupes de femmes et, je vais les nommer: 12 pour les groupes de femmes et,
la balance, pour L'Intersyndicale des femmes qui sont comme des comités
de condition féminine de centrales syndicales.
Je suis très contente de voir M. Johnson revenir, j'étais
un peu inquiète, je pensais qu'il était parti.
Le Président (M. Lemieux): M. Johnson est toujours
là, madame.
Mme Signori: C'est bien, ça!
Le Président (M. Lemieux): Toujours, toujours!
Mme Signori: Merci. Alors, mon nom est Céline Signori, je
suis présidente de la Fédération des femmes du
Québec; mes collègues, en commençant par la droite,
Danielle Falardeau du Syndicat des professionnelles et professionnels du
gouvernement du Québec; à ma droite, Ruth Rose, qui est
professeure d'économie à l'UQAM; Yvette Brunet, qui est Ici pour
représenter les aînés, les femmes aînées et
qui est aussi de l'Association québécoise de la défense
des droits des retraités-es et préretraités-es.
Alors, nous représentons la Fédération des femmes
du Québec, le Regroupement des centres de femmes du Québec,
Naissance-Renaissance, Information-ressources Femmes et logement, le
Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, le
Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour
femmes victimes de violence conjugale; le Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel; la Fédération des associations de familles monoparentales
du Québec; le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail; l'Association des collaboratrices et partenaires en affaires; la
Fédération du Québec pour le planning des naissances; et
Relais-Femmes.
Du côté de L'Intersyndicale des femmes, l'Association
professionnelle des technologistes médicaux du Québec, la
Centrale de l'enseignement du Québec, le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec, le Syndicat des professionnelles et
professionnels du gouvernement du
Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la
Fédération des infirmières et Infirmiers du Québec,
le Syndicat des agents de la paix et services correctionnels du
Québec, la Fédération autonome du collégial.
Je tenais à spécifier parce que c'est plus vaste et, en
même temps, on vous donne un peu l'image des femmes qu'on
représente ici.
Le Président (M. Lemieux): C'est très bien, madame.
Alors, nous sommes prêts, maintenant, à vous écouter.
Mme Signori: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à vous écouter relativement à l'exposé de votre
mémoire.
Mme Signori: Nous sommes prêtes à parler aussi.
Le Président (M. Lemieux): Je n'en doute pas, madame.
Mme Signori: J'aimerais aussi, au tout début, mettre les
choses claires - c'est ma politique en général et ça m'a
bien servie jusqu'à maintenant - vous dire, M. Johnson, qu'on participe
à...
Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez vous adresser au
président, s'il vous plaît.
Mme Signori: Oh! Excusez-moi!
Le Président (M. Lemieux): De rien, de rien, ce n'est pas
bien grave.
Une voix: C'est la règle.
Mme Signori: Peut-être que si vous vous étiez
présenté, ça nous aurait aidées aussi. Je m'excuse,
M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas bien grave.
Mme Signori: Alors, l'exercice, on le fait en toute
honnêteté, aujourd'hui, mais, en quelque part, on est un peu
déçues parce que les groupes syndicaux et les groupes de femmes,
et plusieurs groupes ici, au Québec, avaient demandé depuis
longtemps une révision de la fiscalité, une commission
parlementaire sur la fiscalité. Ça a bifurqué un peu en
cours de route et, ce qui nous a aussi un peu déçues - on a fait
l'exercice avec les moyens qu'on connaissait - c'est que le document
«Vivre selon nos moyens» a été déposé
au public la veille du dépôt des mémoires. Alors, comme
groupes, nous, on se trouve un peu frustrées par ça.
Le mémoire sera en quatre parties. Pour commencer, on va prendre
les grands principes qui nous ont fait nous présenter en commission
parlementaire, et les autres, le plan du mémoire, c'est les principes de
l'universalité, les femmes et le marché du travail, les moyens
dont on a besoin pour réaliser le travail et s'y rendre, la
fiscalité, et les recommandations qui sont à l'intérieur
de notre mémoire.
On est aussi très conscientes qu'on est à contre-courant
de tout ce qui s'est probablement dit ici, certainement de ce que le
gouvernement nous présente aussi, mais notre présentation
respecte beaucoup plus, d'après nous, les principes
d'équité, de justice et d'efficacité.
L'État est l'instrument qui permet à la
collectivité de choisir son projet de société et
d'intervenir dans l'économie de façon à ce qu'elle
réponde aux valeurs fondamentales qui sous-tendent ce projet de
société. Parmi ces valeurs fondamentales, nous, les groupes de
femmes signataires de ce mémoire, comptons pour toutes les personnes qui
le veulent:
Le droit à un emploi stable avec des conditions de travail
décentes et un salaire qui permet de vivre au même standard de vie
que la majorité des citoyennes et citoyens;
Des services, des conditions de travail et des programmes de
sécurité de revenu qui reconnaissent positivement le rôle
particulier des femmes dans la reproduction et dans les soins et
l'éducation des enfants et qui leur permettent, ainsi qu'aux hommes,
d'exercer ce rôle sans sacrifier leur droit à un revenu
décent et à l'autonomie financière;
Une réduction des écarts de revenus et une plus grande
égalité sociale, en général;
Le droit à des services universels, gratuits et de bonne
qualité dans les domaines que nous considérons essentiels pour
l'épanouissement de l'être humain, notamment dans la santé,
l'éducation, les services municipaux de base, les services de garde et
d'autres services sociaux. Quoique certains de ces services peuvent être
offerts avantageusement par des organismes communautaires plutôt que par
le secteur public ou parapublic, ils ne devraient pas faire l'objet de profits
qui ne peuvent que les détourner de leur objectif premier et nuire
à la qualité;
Le droit à un environnement sain et non pollué.
Nous sommes conscientes que l'État québécois a
actuellement un problème de déficit et de dette publique, mais
vivre selon nos moyens veut dire utiliser pleinement tous nos moyens. Tant
qu'il y a des ressources humaines inutilisées et des capacités de
production oisives, incluant des usines toutes neuves comme la papeterie
à Matane ou l'usine Hyundai à Bromont, on est en train de
gaspiller nos ressources, nos moyens. (16 h 10)
II nous semble qu'un des rôles fondamentaux de l'État,
c'est de s'assurer que la société est capable de mobiliser ses
ressources pour répondre
à ses besoins.
Dans le domaine des services publics, la société
québécoise a beaucoup de besoins. Tant qu'il y a des ressources
humaines capables d'offrir ces services, il faut les développer, non pas
les couper.
Maintenant, je vais laisser parler ma collègue qui va vous
entretenir de l'universalité, fondement de la solidarité
sociale.
Mme Brunet (Yvette): Je commencerai par vous faire état de
la situation des femmes âgées dans notre société.
J'ai un tout petit bout à vous lire là-dessus.
Beau temps mauvais temps, les femmes constituent au moins 59 % des
personnes pauvres au Canada et au Québec. C'est évidemment leur
rôle particulier auprès de la famille qui est la cause
première de cette situation-là. Non seulement sont-elles les
seules à pouvoir enfanter, mais ce sont elles qui assument la vaste
majorité du travail domestique, le travail ménager, les soins et
l'éducation des enfants, et les soins aux personnes handicapées
ou invalides ou âgées.
Je vous dirais que les femmes de ma génération disent
qu'elles sont punies pour être restées au foyer. Et quand on
regarde la situation de ces femmes-là aujourd'hui, on pense que c'est
vrai que ces femmes-là n'ont pas pu accumuler de rentes, n'ont pas pu
accumuler de pensions, et on a toujours considéré que le travail
que ces femmes faisaient et font encore n'est pas tellement important dans la
société. Par ailleurs, si on était obligé de payer
ces femmes-là aujourd'hui, parce que, pour la plupart, elles occupent
leur temps à travers le bénévolat... Et j'entendais
à la télé l'autre soir que c'est un milliard, million -
j'ai bien de la misère à faire la différence entre les
milliards et les millions - c'est énormément d'argent que... Oui,
ça vous fait sourire, mais, si j'étais dans les finances, je
n'aurais pas de misère, je pense, à faire la différence.
Mais ces millions ou milliards - je pense que c'est «milliards» -
ça fait que le gouvernement n'est pas obligé de payer ces
personnes-là; et le bénévolat est principalement
assuré par les femmes.
Alors, quelle reconnaissance qu'on a, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui
pour ces femmes-là? Alors, on peut dire, quant aux soins et aux services
qu'on accorde dans la société depuis 10 ans, qu'ils sont
dégradés sensiblement, étant donnés par les CLSC.
Vous savez comme moi - j'aimerais ça, M. Johnson, que vous
m'écoutiez, parce que c'est important, ce que je dis.
M. Johnson: Madame, à l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît...
M. Johnson: ...ça fait deux fois que je fais ça,
là, avec toute la politesse dont je suis capable. Mme Brunet, vous ne
m'empêcherez pas de me renseigner sur le déroulement des travaux
pendant que vous pariez. On est obligés de faire ça ici.
Mme Brunet: O.K.
M. Johnson: Autrement, on va vous interrompre, et là, on
va se parler, et on va recommencer...
Mme Brunet: Alors, je continue.
M. Johnson: Alors, j'entends tout ce que vous dites. Je l'ai lu
à part ça, avant. Alors, tout va bien.
Mme Brunet: Tant mieux, j'en suis très heureuse.
Le Président (M. Lemieux): Et un autre mot d'ordre, s'il
vous plaît. S'il vous plaît, adressez-vous au président.
Mme Brunet: Au président. O.K.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, c'est ça, la
fonction que j'ai, c'est qu'il y ait du décorum dans cette salle, et je
pense que vous me comprenez très, très bien.
Mme Brunet: Ça va, j'ai bien compris.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Alors, merci.
Mme Brunet: Ça va. M. le Président.
Bon, je disais que les soins et les services qui étaient
universels et gratuits ne sont plus universels et gratuits, dispensés
par les CLSC. Je dirais que c'a été dans les premières
coupures que le gouvernement a faites. Je dirais que c'est beaucoup de femmes
qui sont à la maison, qui veulent rester à la maison, qui ont
besoin des services. Alors, actuellement, les services qui étaient
dispensés par des auxiliaires familiales... Les auxiliaires familiales
recevaient une formation, c'est-à-dire une sorte de façon
d'être avec les personnes, les bénéficiaires, qui faisait
que c'était de la prévention. Et je pense que la
prévention, au bout de la ligne, tout le monde s'accorde pour dire que
ça coûte beaucoup moins cher. Maintenant, les auxiliaires
familiales ne font que du ménage, et le gouvernement accorde une
allocation directe. Est-ce que tout le monde sait ce que ça veut dire,
une allocation directe? Je vais vous dire un petit mot là-dessus.
L'allocation directe vient du gouvernement qui envoie un montant d'argent - 9 $
l'heure pour une grande ville, 6 $ pour des petites municipalités -
à la personne pour qu'elle gère elle-même ses services.
Ça veut dire que, d'une certaine
façon, le gouvernement encourage le travail au noir. Par
ailleurs, on considère que cette personne-là reçoit un
revenu et qu'elle doit faire un rapport d'impôt. Actuellement, les
avocats sont en train de débattre de la question parce que cet
argent-là, elle ne le garde pas.
Et, un autre aspect de ça, apparemment les CLSC sont
supposés voir à ce que les allocations soient bien
dépensées, mais ce n'est pas ça qui arrive dans les faits.
Un très grand nombre de personnes qui ont exposé aux CLSC
qu'elles avaient besoin de services, le prennent et le dépensent pour
n'importe quoi d'autre. Alors, ce sur quoi je veux en venir, est-ce qu'on peut
dire que le gouvernement gère bien les dépenses et l'argent qu'il
renvoie dans le système de santé? Je pense qu'on peut dire: Non.
Et, ce qu'on dit, et on le dit dans le mémoire que les femmes
présentent, c'est: Revoyez. L'année passée, quand il y a
eu une commission parlementaire, presque tout le monde, presque tous les
groupes ont dit: Revoyez les dépenses. Le Vérificateur vous l'a
dit: II y a des dépenses qui sont inutiles, absurdes et qui n'ont aucune
affaire avec les dépenses du gouvernement.
Alors, je pense que ça serait important pour le bien-être
de la population et des femmes âgées pour qu'elles demeurent le
plus longtemps possible chez elles et ne se retrouvent pas
découragées et font une demande pour entrer dans les centres
d'accueil. On sait que, dans la région de Montréal, il y a 2000
personnes qui attendent pour entrer dans un centre d'accueil. Et construire un
centre d'accueil, ça coûte très cher, et 90 % des personnes
âgées, des femmes principalement, veulent rester chez elles.
Mme Signori: Je demanderais à ma collègue de parler
de l'aspect des femmes sur le marché du travail.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons,
madame.
Mme Rose (Ruth): Pour nous, la façon de régler le
déficit, c'est une politique de plein emploi. Nous croyons que la raison
pour laquelle on a des problèmes aujourd'hui, c'est parce que les gens
sont en chômage. Il y a eu diverses estimations du coût de ce
chômage-là. La dernière que j'ai vue, c'est que, au niveau
du Canada, ça coûte 110 000 000 000 $. Ça veut dire qu'il y
a 25 000 000 000 $ au Québec et, au niveau des finances publiques, si
ces gens-là n'étaient pas en train de recevoir des prestations
d'aide sociale et d'assurance chômage, s'ils étaient en train de
payer les taxes, nous n'aurions pas de problèmes de déficit au
Québec.
En tant que femmes, nous sommes souvent celles qui portent le plus grand
fardeau du chômage et, quand ce n'est pas du chômage, c'est le
sous-emplol, le temps partiel, les emplois sous-payés, les emplois
instables. Ce sont aussi nos enfants qui en souffrent. Alors, si vous voulez
faire de la prévention, si vous voulez avoir une main-d'oeuvre à
l'avenir qui sera productive, si vous voulez avoir moins de violence et de
délinquance et moins de dépenses de ce
côté-là, il faut Investir dans l'emploi et, par
ticulièrement, dans l'emploi des femmes. Une politique de plein emploi,
c'est évidemment une politique multidimensionnelle, une politique qui
est complexe. Nous croyons qu'il faut effectivement appuyer l'entreprise
privée et surtout les petits entrepreneurs et les entrepreneures femmes,
mais il faut aussi investir dans les services publics.
Globalement, dans l'économie, le secteur manufacturier et le
secteur primaire, agriculture, mines, sont devenus trop productifs. Nous avons
trop de capacité de production; c'est pour ça que les entreprises
ferment et mettent des gens à pied. Là où nous avons des
besoins, c'est dans les services et particulièrement dans les services
sociaux: la santé, l'éducation, les soins à domicile pour
les personnes âgées, les services de garde, les loisirs pour les
jeunes. On a les besoins, on a les ressources; le rôle du gouvernement,
c'est de mobiliser la société pour qu'on puisse répondre
correctement à ces besoins-là. (16 h 20)
Alors, nous avons fait plusieurs suggestions, dont la réduction
de temps de travail; aussi, le développement des services publics. Nous
croyons aussi qu'il faudrait offrir un meilleur financement aux organismes
communautaires. Comme vous le savez, ce sont surtout des groupes de femmes qui
offrent, généralement à très faible salaire, des
services aux autres membres de la communauté dans les maisons
d'hébergement ou dans les services aux ex-psychiatrisés ou aux
exprisonniers, les services de garde. Et, en donnant un meilleur financement
à ces groupes-là, on offrirait de meilleurs services et on
pourrait aussi mettre l'argent dans la poche des gens qui, eux, vont aussi
acheter dans la société et créer des profits et d'autres
emplois chez nos entrepreneurs et dans le secteur privé.
Évidemment, il y a des grands besoins de logements et, surtout,
de logements sociaux abordables et d'infrastructures dans la communauté.
Aussi, on parle beaucoup de programmes de formation. Nous avons aussi des
revendications spécifiques pour les femmes, en particulier
l'accès à temps partiel pour les gens qui sont à l'aide
sociale parce que, souvent, ce sont des mères de famille. Elles ne sont,
surtout quand leurs enfants sont jeunes, pas en mesure de faire ça
à temps plein, mais à temps partiel. Ça prendrait un peu
de temps, mais ça serait un excellent investissement. Nous plaidons
aussi pour le maintien et le renforcement des services externes de
main-d'oeuvre voués spécifiquement aux femmes. Les études
que j'ai vues du ministère de la Maln-d'oeuvre montrent qu'ils sont
parmi les plus rentables des services qui sont
offerts et II faut...
Souvent, il y a un problème de clientèle dans l'aide
sociale, mais il y a plein de femmes qui ne sont pas sur l'aide sociale qui
aimeraient avoir accès à ces programmes-là, et il faudrait
les développer. Ça aussi, c'est un investissement dans
l'avenir.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur la recommandation 12, qui
est un petit élément qui serait très facile, c'est le
programme APPORT. C'est un programme qui vise justement à aider l'aide
sociale, qui est un piège de pauvreté. Si une famille
monoparentale veut sortir de l'aide sociale, il faut qu'elle puisse gagner au
moins 15 000 $ par année, et ça, c'est beaucoup plus qu'un temps
plein au salaire minimum. Le programme APPORT vise à aider à
faire la transition de l'aide sociale vers le marché du travail, mais il
ne rejoint pas les gens. C'est un programme qui est compliqué, c'est des
démarches compliquées pour une femme qui a aussi un enfant, des
enfants et un emploi à temps plein. Alors, nous demandons que les gens
qui y ont droit puissent réclamer, au moment où ils font leur
rapport d'impôt, encore mieux que quand ils sont admissibles. Le
gouvernement fait les calculs, puis il leur envole le chèque, comme on
le fait de plus en plus avec d'autres programmes sélectifs qui sont
aussi très compliqués.
Mme Signori: Alors, je reprends le flambeau pour défendre
le dossier des pensions alimentaires.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute.
Mme Signori: II nous reste une minute? Le Président (M.
Lemieux): Oui. Mme Signori: Ah, mon Dieu! Le Président (M.
Lemieux): Ça va vite.
Mme Signori: Je ne suis pas sûre si on n'a pas des... On a
commencé dépassé 16 heures un peu?
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, on pourra quand
même... Écoutez, on va vous laisser quand même terminer,
là, il n'y a pas de problème. Mais c'est simplement parce que le
débat...
Mme Signori: Non, je vais faire ça le plus court
possible.
Le Président (M. Lemieux): C'est parce que le débat
va être un petit peu plus court. Alors, on vous écoute, allez-y.
Prenez votre temps.
Mme Signori: Je vais essayer d'y aller avec mes tripes. En
général, ça va mieux.
Alors, je pense qu'ici, au Québec, on a un problème pour
la perception et l'attribution des pensions alimentaires. Mais ce que je
voudrais aussi laisser, le message, ici, à M. le Président et
à tous ceux qui l'entourent, ceux et celles qui l'entourent, c'est qu'il
y a un comité fédéral-provincial et territorial sur le
droit de la famille qui discute dans le moment du dossier des fixations des
pensions alimentaires. Et ce que je veux vous dire, c'est: N'écoutez pas
ce qu'ils disent dans le document qu'ils vous ont présenté parce
que c'est absolument farfelu, leurs hypothèses. Je vais vous donner une
hypothèse. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi on le
dénonce. On a passé trois jours à l'étudier
fortement.
Une des hypothèses, c'est qu'on peut élever un enfant avec
1,10 $ par jour. Moi, je vous dis, M. le Président, que 1,10 $ par jour,
l'enfant doit se promener nu jusqu'à sa majorité et être
allaité. Je pense qu'on a un problème là en partant.
Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous,
madame.
Mme Signori: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous.
Mme Signori: C'est pour ça que je vous dis: Faites vos
propres études et voyez la façon la plus efficace possible.
Évidemment, on réclame aussi un service de perception automatique
des pensions alimentaires prélevées à la source. Ça
se fait déjà dans quatre provinces ici au Canada. On avait
l'habitude d'être avant-gardistes ici au Québec, on tire un peu de
la patte. Mais on se met dans le cadre de l'Année Internationale de la
famille. Ce serait peut-être intéressant d'y penser
sérieusement. On voit, en Ontario, tout le bienfait que ça a
donné déjà et toute l'amélioration que ça a
apporté à la pauvreté des femmes et des enfants de ces
familles monoparentales, et je pense que c'est important d'avoir toujours en
tête que les enfants sont nos futurs citoyens du Québec.
Je vais être obligée de terminer là. Je trouve
ça triste parce que j'aurais bien des choses à dire.
Le Président (M. Lemieux): Mais écoutez, si vous
avez des choses primordiales, allez-y, et le débat... Écoutez,
prenez... Oui, on va vous donner cinq minutes de plus. Allez-y, madame.
Mme Signori: Bien, c'est parce que je...
Le Président (M. Lemieux): On n'est pas à une
minute près, là. Allez-y. C'est parce que, moi, je me dois de
faire en sorte...
Mme Signori: C'est qu'il y en a d'autres... On avait comme
divisé notre travail. Alors, je voudrais bien que ma collègue
aussi puisse parler.
Le Président (M. Lemieux): Ah bien! alors, ça va.
Ça va.
Mme Signori: On reprendra le débat ensuite. Le
Président (M. Lemieux): Ça va. Allez-y.
Mme Signori: Vous nous poserez des questions, tiens.
Le Président (M. Lemieux): O.K. Ça va.
Mme Falardeau (Danielle): Sur la partie 6 qui s'intitule
«Divers éléments de la fiscalité», M. le
Président, dans cette partie, nous voulons attirer l'attention sur le
fait que, lorsque le manque d'argent devient chronique, que ce soit dans une
famille ou dans un gouvernement, il y a lieu de questionner les sources de
revenus autant que les dépenses. Et, en ces temps où le discours
est beaucoup à la tarification des services essentiels, on se dit que
vivre selon ses moyens, c'est vivre selon les moyens de tous,
c'est-à-dire questionner la capacité de payer non seulement du
gagne-petit pour savoir quelle forme de tarification on va lui donner ou du
gagne-moyen pour savoir combien il va pouvoir payer en plus, mais,
également, la capacité de payer encore plus de la part des
gagne-beaucoup et des entreprises. Vivre selon ses moyens, c'est questionner
l'ensemble de ses revenus et aller chercher plus là où c'est
possible.
Et, à la recommandation 23, il y a certaines suggestions qui sont
faites, comme: rapatrier au Québec l'ensemble des pouvoirs de taxation,
quitte à faire un transfert au gouvernement fédéral pour
les services qu'il nous rend. On trouve passablement dangereux
d'intégrer le discours fédéral de la coupure des
transferts de taxation sans rebondir; rehausser les taux marginaux les plus
élevés et mieux étaler les taux de la classe moyenne. On
fait nôtres les suggestions qui ont été faites par certains
groupes de rehausser les taux marginaux à compter de 60 000 $;
rééquilibrer la contribution des entreprises aux finances de
l'État en tenant compte, par exemple, de l'abolition de la taxe sur les
achats des entreprises, en vigueur depuis juillet 1992; réduire les
taxes à la consommation dont le taux actuel incite aux ententes hors
taxes, au magasinage à l'étranger, au troc, etc.
En recommandation 24, instaurer un programme systématique de
vérification des rapports d'impôt des entreprises et des
contribuables à revenus élevés. Au fédéral,
il a été prouvé que, pour chaque dollar investi
là-dedans, ça rapporte 17 $; réexaminer soigneusement les
divers abris fiscaux ainsi que les programmes de subventions aux entreprises de
façon à ne retenir que ceux qui produisent les effets
escomptés, qui sont réellement rentables pour la
société dans son ensemble. En quelque sorte, instaurer un
impôt minimum effectif.
Et, fort intéressante, la recommandation 26, revoir les
règles de fonctionnement internes du gouvernement afin d'éliminer
le type de gaspillage qu'a relevé le Vérificateur
général. En cela, M. le Président, quand on parle de
fonctionnement interne, c'est aussi étudier les dédoublements
avec la fonction publique fédérale et le fait de fusionner tout
ce qui se fait là-bas et ici ferait de fortes économies,
finalement, pour le contribuable. C'est éliminer les
dédoublements à l'intérieur même de la fonction
publique québécoise et entre elle et les sociétés
d'État. C'est miser sur des changements dans l'organisation même
au lieu de seulement... enfin, d'aller beaucoup vers la sous-traitance.
En recommandation 27, c'est une vieille demande, enfin, qui revient
régulièrement chez les femmes, soit de convertir les
crédits non remboursables pour adultes en crédits remboursables,
ce qui permettrait aux femmes au foyer de profiter elles-mêmes de
l'avantage fiscal accordé à leur nom. Il pourrait permettre une
révision intéressante des programmes d'aide sociale et rendre la
fiscalité plus progressive.
Et, finalement, en recommandation 28, de revoir la définition de
la famille monoparentale en fiscalité.
Alors, ça va, c'est le mot de la fin.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous
remercions.
M. le président du Conseil du trésor, avez-vous des
commentaires?
M. Johnson: Oui, plusieurs, M. le Président, parce que
c'est une commande phénoménale que vous venez de nous livrer.
Au-delà des 4 600 000 000 $ de déficit qui existe cette
année, probablement qu'il faudrait augmenter ça de, pas de
millions, mais de milliards, en l'occurrence, Mme Brunet. C'est essentiellement
une longue liste de demandes financières que vous logez au gouvernement
du Québec alors que moi, je croyais, jusqu'à tout à
l'heure, qu'il y avait un consensus autour des difficultés
réelles que le monde industrialisé traverse en matière de
finances publiques. Je n'en conclurai pas que vous n'êtes pas au courant,
mais je vais en conclure que vous trouvez qu'il y a des choses qui sont
tellement importantes qu'il faut s'endetter davantage afin de rencontrer les
besoins réels que vous avez identifié, là.
Sauf que je cherche comment, avec vous, réallouer les ressources
qu'on a parce que je n'ai pas saisi qu'il y avait une pensée magique
pour créer des revenus fiscaux, ce n'est pas ça qui est en cause,
mais, chose certaine vous parlez d'une politique de plein emploi.
Dans le fond, à force de se faire dire ça, les
gouvernements manifestent beaucoup, beaucoup de patience en ne s'impatientant
pas devant un discours comme celui-là, parce que si vous vous Imaginez
qu'on est Ici, qu'on se fait élire, qu'on est dans nos comtés,
tout le monde, les 125, pour une autre raison que de faire en sorte que la
qualité de vie de nos concitoyens s'améliore, vous avez une
mauvaise connaissance de la vie politique. Moi, je suis profondément
convaincu que vous représentez vos membres pour améliorer leur
sort. Je n'ai jamais pensé une seconde que les gestes que vous posez, y
compris venir dans les galeries a l'Assemblée nationale, a quelque autre
objectif que ce soit que d'améliorer le sort de vos membres. C'est la
même chose pour nous autres, améliorer le sort des gens de notre
comté où on observe nous aussi qu'il y a du sous-emploi,
où on voit qu'il y a des difficultés réelles de certaines
clientèles, que vous avez identifiées, et on cherche, avec de
l'argent qu'on emprunte, à rencontrer, à trouver les solutions
à ces problèmes-là. (16 h 30)
II y a un minimum de responsabilité qu'on doit exercer. On doit,
par exemple, contrôler à qui on verse cet argent-là. Vous
trouvez exhor-bitant, lorsqu'il est question d'aller contrôler le soutien
financier qu'on peut donner à des clientèles, vous trouvez
exorbitant, une invasion inacceptable de la vie privée et de
l'intimité des gens, de nous assurer que quelqu'un qui est sur le
bien-être social n'est pas un propriétaire, comme c'est
arrivé dans la région de Québec récemment, de
plusieurs blocs appartements, de plusieurs voitures de luxe, et qui
reçoit toujours son chèque d'aide sociale. C'est inacceptable.
C'est inacceptable de laisser des choses comme ça se dérouler. Il
faut mettre sur pied des contrôles pour s'assurer que l'argent des
contribuables ne serve pas à financer les dépenses luxueuses et
exagérées de quelqu'un qui n'en a pas besoin. Alors, là,
on essaie de faire ça, et on contrôle en même temps,
évidemment, du côté de la perception. Et j'en sais quelque
chose; on en sait tous quelque chose, comme députés, avec le
genre de lettres qu'on reçoit de gens qui nous disent: Dites au
ministère du Revenu de nous laisser la paix. J'en reçois, des
lettres, moi, comme député. Alors, le ministère du Revenu
s'occupe de son affaire, ça, je peux vous le dire. Alors, il n'y a pas
beaucoup de potentiel de ce côté-là, il n'y a pas beaucoup
de potentiel.
Vous voulez assurer l'universalité des programmes. Effectivement,
si je suis votre raisonnement, on croit faire une économie en limitant
aux gens qui gagnent moins de 55 000 $ par année l'accès à
l'allocation PRALMA. Il y a 8000 personnes au Québec, là, qui
vont être exclues de ce programme; ça fait presque 3 000 000 $.
Est-ce que ça doit vraiment être universel, des prestations
taxables, dans les mains de gens qui font 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $, 80 000
$ par année? 360 $, le délai de carence, c'est taxable. Est-ce
qu'on doit maintenir ça? Et, si oui, pourquoi?
Moi, ça me renverse de voir que vous plaidez pour
l'universalité des programmes additionnels. Vous savez qu'on a un
problème financier; vous dites: Créez de l'emploi. C'est
ça qu'on essaie de faire, avec beaucoup de difficultés, mais nos
voisins ont le même problème. Et, évidemment, vous arrivez
en bout de ligne avec la demande de hausser les impôts, sans dire
à partir de quel niveau, quelle sorte d'impôt, quelle
clientèle, de baisser les impôts des petites entreprises mais pas
des grosses. Mais quand est-ce qu'on est petit et quand est-ce qu'on est gros,
là? Allez dire ça dans un village qui vit de Cascades ou d'une
autre entreprise qui embauche des centaines de personnes, qui a des dizaines,
des centaines de millions d'investissements. Ce village-là ne
mérite pas que l'entreprise qui crée des emplois soit soutenue,
mais le village où on trouve 8 petites entreprises de 40 personnes
mérite un soutien financier? Quel genre d'équité entre les
Québécois est-ce qu'on est en train de créer lorsqu'on
catégorise les gens comme ça?
Moi, je pensais que l'équité, c'était traiter tout
le monde de la même façon, mais que c'est un principe qui est
tempéré par, je dirais, une façon de mettre de l'ordre
d'importance dans ce qu'on peut faire, mais pour tout le monde. Mais, à
partir du moment où on a moins d'argent, si on croit que le soutien
à la famille est important, il m'apparait qu'on doive le réserver
à ces familles qui en ont vraiment besoin. Alors, là,
l'universalité en prend un petit peu pour son rhume. On nous a
même suggéré...
C'est Camille Bouchard, évidemment, de l'Université du
Québec à Montréal, qui venait plaider pour les enfants,
comme il l'a fait dans son rapport, avec raison. Il venait plaider pour la
prévention et il reconnaissait qu'on n'a pas d'argent pour en mettre
partout. Il faut donc en mettre là où ça fait le plus
grand bien. C'est une autre brèche dans l'universalité,
reconnaissant qu'on n'a pas des moyens illimités.
Alors, ce qui me prend toujours un petit peu de court dans les
démonstrations de groupes de pression, c'est ce sentiment qu'il y a de
l'argent illimité et qu'il y a des clientèles qu'on ne doit, mais
alors là, jamais toucher, que l'universalité est un principe
sacré, quels que soient nos moyens. Ce que je me demande, c'est si, dans
les faits, une fois qu'on a regardé les chiffres, c'est si absolu que
ça, la présence et le soutien de l'État à l'endroit
de toutes les clientèles que vous avez mentionnées.
J'espère que vous allez dire non, et j'espère surtout que vous
allez me dire à partir desquelles on devrait travailler, parce qu'il y a
des choses dont on doit s'occuper.
Est-ce que le soutien aux petites entreprises passe avant ou
après les familles monoparentales? Poser la question, c'est y
répondre, entre
nous, mais j'aimerais que vous me démontriez que ce n'est pas
vrai qu'il y a 30 choses qu'on doit faire absolument. J'aimerais mieux que vous
me démontriez que la première, c'est elle, la deuxième,
c'est elle et la troisième, c'est elle, et quelles sont les limites
raisonnables que notre société doit observer, si on veut
être responsable avec l'argent des contribuables et faire le plus grand
bien possible, hein. C'est une question d'investissement. Quel est le meilleur
retour sur cet investissement-là en termes sociaux - pas seulement
économiques, là, en termes sociaux. Si on a juste 1 000 000 $,
juste 1 000 000 000 $ -peu importe, disons qu'on en a juste un - qu'est-ce
qu'on fait avec? Qu'est-ce qu'on fait avec? Est-ce qu'on dit: On s'est
trompé, les gens de 65 ans ne devraient pas payer 2 $, qui est le tarif
le moins élevé, numérique, là, pour les
médicaments? Ou est-ce qu'on devrait plutôt restaurer PRALMA pour
les femmes qui gagnent plus que 55 000 $ pour leur donner 360 $ qui va servir
à des fins qui ne sont pas des fins aussi nécessaires et de base
que dans les familles où le revenu est peut-être autour de 25 000
$ ou 30 000 $?
Alors, si vous pouviez juste apporter des précisions
là-dessus pour qu'on sache dans quelle direction on s'en va tous
ensemble.
Le Président (M. Lemieux): Avez-vous des commentaires
relativement aux propos du président du Conseil du trésor?
Mme Signori: Est-ce qu'on peut répliquer?
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, oui, madame. Oui,
oui.
Mme Signori: Ah bon! On ne parlait pas de s'endetter davantage.
Nous, on parle d'une redistribution équitable de la richesse. Je vais
vous donner juste un exemple qui est tout à fait à jour,
l'histoire de M. Malenfant.
Le gouvernement a quand même aidé beaucoup M. Malenfant, et
on voit ce que ça a donné aujourd'hui. Il y a d'autres exemples
comme ça que je pourrais... Je me souviens d'une période
où le gouvernement québécois a aidé aussi les
chevaux de Blue Bonnets. Bon, bien, mon Dieu! Je pense que les gens qui sont
les plus démunis auraient plus besoin de ça. Vous parlez du
programme PRALMA, monsieur... Bien, là, je m'adresse toujours au
président. Excusez-moi. Je voudrais répondre, mais, en tout
cas... Pour le programme PRALMA, on parle du budget. Il faudrait
reconnaître aussi que le budget qui est calculé, de 55 000 $, M.
le Président, il est calculé sur le budget familial, et c'est la
femme qui a un congé de maternité, à date. Je comprends
que ce n'est pas encore rendu une fois à l'homme, une fols à la
femme. Le congé de maternité reste encore un congé de
maternité, de mère, et c'est calculé sur le budget
familial. Et je pense que c'est illogique aussi, dans ce sens-là; c'est
encore la femme qui sera pénalisée.
Il faudrait peut-être aussi aller voir, M. le Président, du
côté de tous les abus qui ont été
dénoncés par le Vérificateur. Je n'irai pas vous donner
des exemples; vous les savez aussi bien que moi. Et je demanderai à ma
collègue Ruth aussi, qui avait des exemples beaucoup plus scientifiques
que les miens à vous donner.
Le Président (M. Lemieux): Pour compléter la
réponse, madame. (16 h 40)
Mme Rose: Je pense que vous caricaturez notre mémoire,
parce que ce qu'on vous dit, c'est: le critère pour décider les
dépenses, c'est l'emploi. Tout comme M. Clinton, je pense, qui a fini
par comprendre que la façon de régler le déficit, c'est de
remettre les gens au travail.
J'aimerais attirer votre attention sur la page 59 des documents que,
vous, vous avez préparés. C'est là où on voit,
justement, l'évolution des dépenses et des recettes du
gouvernement. Ce dont on se rend compte, c'est que les dépenses,
d'abord, depuis 1985, sont inférieures aux recettes. Donc, ce n'est pas
le problème des dépenses sociales qui est un problème.
D'ailleurs, le niveau des dépenses, avant la récession en 1989, a
été le même niveau qu'en 1973. Évidemment, c'est la
récession qui les a fait remonter. Même en 1992, les
dépenses pour les programmes sont encore inférieures aux
recettes.
Alors, je ne peux pas croire que le problème, c'est qu'on a trop
de dépenses sociales Ce qui est problème, c'est les
intérêts. Et les taux d'intérêt sont excessivement
élevés. Ils le sont à cause... C'est vrai qu'on ne
contrôle pas la politique de la Banque du Canada ici, au Québec,
mais quand les taux d'intérêt sont rendus à 14 % pour
maintenir un dollar à 0,85 $ alors que toutes les entreprises sont
d'accord que c'est ça qui mine notre compétitivité, c'est
là où les déficits se sont accumulés, et ils sont
devenus incontrôlables.
Nous autres, on contribue au problème quand, au lieu d'investir
dans les emplois, d'investir dans les services publics... C'est là
où on est en désaccord: c'est qu'on croit que l'investissement
dans les services publics, non seulement répond aux besoins qui sont
réels mais il met les gens au travail, il met l'argent dans les poches
des gens, et ils sont capables de payer leur part de taxes. On économise
l'impôt directement, parce qu'ils ne sont pas sur l'aide sociale. On
économise aussi parce qu'ils paient des taxes. On économise parce
que ces gens-là dépensent. Ils créent des demandes. On
aurait moins de faillites dans les entreprises. Ces entreprises-là
redeviendraient rentables et paieraient leur part de taxes aussi.
Alors, si, au lieu d'avoir des mégaprojots à la Baie
James, qui soulèvent l'opposition des peuples autochtones dans ces
régions-là - Hydro-
Québec serait moins obligée d'emprunter, et ce serait
peut-être plus facile pour le gouvernement du Québec d'emprunter
de son côté - si, à la place, on investissait dans la
conservation d'énergie, peut-être qu'on créerait plus
d'emplois avec le même argent. Même chose avec les alumineries. On
a un surplus d'aluminium au niveau du monde, mais ça ne nous
empêche pas de faire des grands prêts et d'investir
là-dedans, dans un domaine qui est extrêmement polluant.
Alors, le critère, pour nous, M. Johnson, M. le Président,
c'est la création d'emplois. Nous sommes convaincus que chaque dollar
dépensé reviendra au Trésor multiplié.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie.
Mme la députée de Taillon, vous voulez intervenir?
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Je suis très heureuse de vous entendre aujourd'hui. Je pense que
c'est très intéressant, ce que vous soulevez. Je voudrais revenir
sur quelques propos du président du Conseil du trésor, parce
qu'il y a des choses que je ne peux pas laisser passer.
D'abord, un, je suis d'accord avec lui; que ce soit de leur
côté ou de notre côté, comme députés
à l'Assemblée nationale, représentant des citoyens et des
citoyennes, nous recherchons tous et toutes que la qualité de la vie de
nos concitoyens et concitoyennes s'améliore. Mais, cependant, il y a des
philosophies, des façons de faire qui peuvent se différencier
d'un parti à l'autre. Et ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est: Nous
voudrions que le gouvernement québécois s'oriente vers le choix
de critère qui va être celui de l'emploi lorsqu'il y a des
décisions à prendre, que ce soit en matière fiscale ou en
matière de sécurité du revenu. Je trouve un peu
dommage...
J'aimerais attirer l'attention du président du Conseil du
trésor, M. le Président, si vous le permettez, sur un certain
nombre de recommandations qui sont au document présenté par le
groupe qui est devant nous aujourd'hui, parce qu'il y en a, des propositions
qui sont faites, qui exigent un investissement minimal maintenant et qui
permettent à des gens de devenir autonomes et, par la suite, de devenir
des citoyens et des citoyennes qui vont contribuer d'abord à leur
bien-être - parce que le fait d'aller se chercher un revenu, c'est
d'abord cela que ça permet - mais qui vont être des citoyens et
des citoyennes aussi qui contribuent aux services collectifs qu'on s'est
donnés par les taxes qu'ils vont payer à l'État. Puis je
vais venir sur des questions là-dessus, mais il m'apparaissait que cette
remarque-là devait être faite.
Une autre aussi: on identifie toujours la personne, quelque part dans un
système, qui fraude le système. Il y en a dans la
sécurité du revenu, le ministre a raison. Il y en a aussi
à l'impôt. Il y en a partout dans nos sociétés, sauf
qu'on a toujours l'air de mettre le poids particulièrement sur les
personnes qui sont à la sécurité du revenu. Et le
problème que ça soulève, c'est que ça jette le
discrédit sur les autres. Ce n'est pas l'intention du ministre, je n'en
disconviens pas, sauf que l'impression que ça laisse, c'est quand
même ça. Et c'est inacceptable, parce que ce n'est pas le cas. Il
y a des extrêmes dans tous nos systèmes, que ce soit au niveau
fiscal, que ce soit au niveau de la sécurité du revenu, des gens
qui exploitent les systèmes. Ils sont l'exception, et tant mieux! Mais
ne faisons pas peser le poids sur celles qui sont à la
sécurité du revenu en disant que l'exception, c'est plutôt
la règle, ou en le laissant entendre.
Ces remarques étant faites, je reviens à votre
mémoire. Je suis d'accord avec vous quant aux outils qui nous ont
été fournis pour faire le débat. Nous avons eu aussi les
documents à la toute dernière minute, et il y a, d'autre part,
des éléments d'information que nous n'avons pas. Et, justement,
c'est là que votre mémoire devient intéressant.
Je regarde, entre autres, la recommandation 25, et j'attire l'attention
du président du Conseil du trésor. La recommandation 25 dit ceci:
«Réexaminer soigneusement les divers abris fiscaux ainsi que les
programmes de subventions aux entreprises, de façon à ne retenir
que ceux qui produisent les effets escomptés et qui sont
réellement rentables pour la société dans son ensemble.
Instaurer un impôt minimum effectif.» On ne dit pas ici:
Éliminer tous les abris fiscaux. On dit: Chacun des abris fiscaux qui
existe, quels sont ses impacts réels au plan économique? Et, ce
qu'on nous dit, c'est que le critère qui devrait être
utilisé pour évaluer leur impact, c'est l'emploi. Sauf qu'on n'a
pas, dans le document qui est ici - à moins que vous n'ayez vu
ça, vous, quelque part - l'effet réel des outils fiscaux
utilisés, mais surtout à qui ils profitent. Qui en retire des
avantages? Je ne crois pas que l'on ait ici, aux documents, les outils pour
faire ça. Alors, je trouve ça intéressant, parce que c'est
un bel exemple, justement, de ce que vous proposez et auquel le
président du Conseil du trésor devrait être sensible.
Je vais revenir maintenant sur des propositions qui concernent
particulièrement certains programmes ou certaines mesures qui pourraient
- je suis d'accord avec vous - être utilisées différemment
et être plus efficaces. J'ai toujours l'impression, quand je regarde
certaines économies de bouts de chandelles qu'on fait, en rognant un
programme par ci, en rendant un critère d'admissibilité par
là plus compliqué, qu'on passe à côté des
cibles. Je vais prendre votre recommandation 9.
Vous dites - et, ça, c'est un bel exemple; je pense que le
président du Conseil du trésor va
être sensible à ça, et je veux que vous m'en parliez
- «Mieux aménager les programmes de formation et de
réinsertion au marché du travail pour les responsables de famille
monoparentale. En particulier, il faudrait permettre des études à
temps partiel pour des périodes beaucoup plus longues et permettre aux
personnes catégorisées - quel jargon! mais, enfin, c'est
celui-là - "aptes non disponibles" à l'aide sociale de suivre des
programmes de formation - c'est là où on retrouve les
monoparentales avec des enfants d'âge préscolaire.»
Qu'est-ce qu'elle dit, cette phrase-là? Et là je veux que
vous me donniez des exemples, mais ce que je comprends, c'est qu'elle dit: Une
chef de famille ou un chef de famille... Mais, généralement,
c'est les femmes qui sont chef de famille, en tout cas, à 85 % encore.
Les femmes chef de famille qui sont à l'aide sociale, si elles ont des
enfants d'âge préscolaire, elles ne sont pas disponibles.
Même si elles veulent se former, elles sont considérées
comme pas disponibles. Donc, on ne met pas en place des mesures qui sont
intéressantes pour les aider à se former et à se
réinsérer dans le marché du travail. Alors, on a voulu
rogner, on a voulu économiser, sauf que, dans les faits, on a l'effet
pervers inverse: on fait en sorte que des gens restent plus longtemps à
l'aide sociale et aient plus de difficultés à s'en sortir par la
suite. C'est un bel exemple d'un tout petit investissement qui permettrait
à des gens de mieux s'en sortir. (16 h 50)
Je veux que vous me parliez de ça, et je veux que vous me parliez
de la formation et des fameux services externes de main-d'oeuvre, les CEMO.
Dites-moi un petit peu, là, ce que vous souhaiteriez qui se fasse de
plus ou de différent? Parce que je pense que ce n'est pas
nécessairement l'ajout de ressources, mais c'est de faire
différemment pour permettre que ce soit plus efficace en termes de
support à l'emploi.
Ça va être mes questions, M. le Président, parce que
ma collègue veut aussi intervenir plus tard.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous
écoutons.
Mme Signori: Je ne sais pas s'il y a vraiment une réponse.
Vous avez presque tout dit pour les programmes de réinsertion aux
programmes de formation pour les femmes monoparentales. C'est vrai qu'elles
sont «aptes non disponibles» quand le ou les enfants ont en bas de
six ans. Et si on leur permettait le temps partiel, elles pourraient diminuer
l'écart qui existe présentement quand les enfants ont
passé l'âge, et retourner sur le marché du travail. C'est
qu'en leur permettant maintenant un programme de formation à temps
partiel ou un programme d'études à temps partiel, tranquillement,
leur esprit serait comme préparé à retourner sur le
marché de l'emploi.
Il faut avoir été assez impliqué dans le milieu des
familles monoparentales pour voir concrètement comment ça se vit,
la monoparen-talité, quand tu es complètement démunie et
pour comprendre aussi à quel point notre estime de soi a beaucoup
diminué, et que c'est très difficile ensuite de rattraper les
autres. Alors, en permettant des programmes de formation ou des programmes
d'étude à temps partiel, ça diminuerait l'écart et
ça permettrait d'atteindre l'autonomie le plus tôt possible.
Pour les programmes CEMO, est-ce que vous pourriez me
répéter la question?
Mme Marois: Je voudrais savoir ce qui fait recommander le fait
que ça dépasse la clientèle seulement des personnes
à l'aide sociale mais que ça puisse s'offrir à d'autres
groupes que les gens qui sont à la sécurité du reveu.
Mme Signori: Les programmes CEMO, comme les services de
main-d'oeuvre, ont été beaucoup pensés pour permettre aux
femmes de retourner sur le marché du travail, sauf qu'avec la
période difficile que l'on retrouve, ces services-là, maintenant,
sont accessibles aux hommes et aux femmes et, par région, c'est parfois
les femmes qui sont... Ce sont des hommes et des femmes, mais surtout des
hommes qui vont profiter de ces services-là. Il reste parfois, selon les
régions, des places de libres et, à ce moment-là, on
dirait de donner l'avantage aux femmes qui sont...
Mme Marois: Qui ne sont pas nécessairement
bénéficiaires de l'aide sociale.
Mme Signori: Oui. Qui pourraient ensuite profiter de ce
service-là.
Mme Marois: D'accord. J'aurais beaucoup d'autres commentaires et
de questions, mais ma collègue veut en poser. Oui, madame...
Mme Rose: Sur les CEMO, le CIAFT nous a dit qu'actuellement ils
reçoivent leurs subventions si au moins les trois quarts de leur
clientèle sont des gens sur l'aide sociale, alors que nous croyons que
c'est une prévention de permettre aux femmes qui ne sont pas
nécessairement assistées sociales d'accéder à
ça, parce que toute femme est potentiellement une monoparentale. L'autre
problème aussi, c'est qu'il y a beaucoup de pressions pour faire
admettre des hommes dans les programmes qui sont conçus pour les femmes.
Or, ces programmes-là fonctionnent parce qu'ils utilisent des
méthodes d'animation qui sont spécifiquement dirigées vers
les femmes, et ça ne peut pas se faire dans des groupes mixtes.
Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président.
Je veux commencer par dire qu'il y a un point qu'on partage, du moins de
ce côté-ci, c'est que l'importance de l'emploi reste probablement
la question majeure sur laquelle on a à se pencher. Une fois que j'ai
dit ça, je dois vous dire que les solutions que vous proposez m'ont
l'air un peu simplistes, et j'imagine que vous avez probablement
été un peu plus loin que ce que vous avez écrit dans votre
réflexion. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans la crise qu'on
traverse sur les questions d'emplois, il y a deux types de chômage: il y
a un chômage qui est purement structurel, dû à la crise
qu'on traverse, et il y a une partie qui est conjoncturelle.
C'est-à-dire qu'il y a un changement, actuellement, de notre
marché du travail, puis il y a le fait qu'on est à la fin d'un
cycle économique, ou du moins, j'espère, au début d'une
reprise.
Comme gouvernement, on est préoccupé aussi par cette
question du chômage. On a, pour toucher à tout ce qui est
conjoncturel, essayé d'accélérer les investissements
publics. Vous en parlez en partie lorsque vous parlez d'accélérer
la construction et la rénovation du logement social. Vous savez qu'on a
augmenté les subventions à l'intérieur du programme PRIL,
qu'on a voulu accélérer les investissements dans la construction
des autoroutes, des écoles et des hôpitaux pour essayer
d'accélérer la reprise.
On a, par contre, un autre problème qui n'est pas lié
à la conjoncture mais qui est lié, j'imagine que vous êtes
d'accord avec moi, à une mutation en profondeur de notre
économie, et sur laquelle on essaie d'adapter la main-d'oeuvre à
l'aide des programmes de formation. Et une des priorités de ce
gouvernement, c'est d'améliorer tous les programmes de formation
professionnelle et de les ouvrir aussi, parce que je comprends que vous
êtes intéressées par cette question, dans les
métiers non traditionnels aux femmes que vous représentez. Et
j'imagine que vous êtes d'accord avec ce qu'on fait.
L'autre point où j'ai du mal à vous suivre, c'est lorsque
vous dites strictement: pour créer de l'emploi aussi, il faut augmenter
les investissements publics non productifs mais socialement productifs. Je
pense que vous n'avez pas utilisé ce terme-là, mais j'imagine que
c'est ce que vous avez derrière. Or, dans la crise des finances
publiques qu'on traverse actuellement, du moins à court terme, c'est
absolument et extrêmement difficile d'aller dans cette
direction-là, c'est-à-dire d'investir dans des emplois qui sont
des pseudo ou de faux emplois économiques comme tels.
Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur cette question-là.
J'imagine qu'on a peu de temps pour débattre, parce que c'est un
débat qui serait...
Le Président (M. Lemieux): Nous n'avons déjà
plus de temps, M. le député de Verdun...
M. Gautrin: Alors, je vais vous laisser...
Le Président (M. Lemieux): ...mais nous allons vous
écouter.
M. Gautrin: ...parce que c'est un débat majeur. Parce
qu'elles vont répondre, et j'aurai après à
«rerépondre» sur la réponse; mais j'imagine que votre
réflexion n'est pas limitée à l'approche un peu simpliste
que vous avez dite.
Le Président (M. Lemieux): Madame.
Mme Signori: Est-ce que vous pourriez me spécifier la
recommandation?
M. Gautrin: Je parle essentiellement de la recommandations...
Mme Signori: 6!
M. Gautrin: ...dans laquelle vous parlez d'une politique de plein
emploi. Et, de ce côté-ci, on est évidemment en faveur du
plein emploi. Vous insistez sur ce que j'appellerai les investissements
sociaux. Vous ne touchez pas les deux types de chômage. Entre le
chômage qui est à la fin de la crise qu'on traverse... Mais il y a
aussi quelque chose de plus profond actuellement, qui est réellement non
pas lié à la conjoncture mais qui l'est à une structure de
notre économie et sur lequel on essaie d'intervenir par le biais des
programmes de formation professionnelle. On pourrait débattre
là-dessus. J'aurai aussi, probablement, à
redébattre...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, concluez, s'il vous plaît!
M. Gautrin: Bon! Alors, c'est ma question là-dessus, si
vous voulez...
Mme Rose: C'est drôle comment, quand on a fait des guerres,
on n'a pas eu de problème de chômage et on n'a pas eu de
problème de déficit. Le niveau de déficit qu'on a
accumulé pendant la Deuxième Guerre mondiale, on n'a pas eu de
problème pour le résorber par la suite. Alors, je pense que nous
avons compris que les coupures et les hausses d'impôt sur la classe
moyenne n'ont pas fonctionné. J'espère que nous entrons dans une
nouvelle époque où nos partenaires commerciaux, notamment les
États-Unis et les Européens, vont commencer, eux, à
investir dans l'emploi, ce qui va rendre beaucoup plus facile pour nous autres
aussi d'investir dans l'emploi. Mais j'ai de la misère à
comprendre comment, à mesure qu'on devient plus riche et plus
produc-
tif, on ne peut plus se payer ce qu'on se payait avant.
Alors, au niveau de la formation aussi, évidemment, tout le monde
est pour la formation, mais on ne réussit pas à former des gens
pour les emplois qui n'existent pas. Alors, les programmes de formation vont
devenir rentables quand on saura pourquoi on forme les gens, qu'on aura des
débouchés. Alors, on peut créer des emplois quand on sait
pourquoi on a des besoins.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière,
brièvement aussi, s'il vous plaît!
Mme Carrier-Perreault: II me reste six minutes, je pense, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): C'est ça, madame? Six
minutes. Ah bon!
Mme Carrier-Perreault: Alors, je vais essayer d'être
brève pour laisser le temps à nos invitées de pouvoir
s'exprimer. Je trouve que c'est un mémoire qui est quand même
très intéressant, qui met en lumière et qui met en
évidence un ensemble de situations, un ensemble de problèmes
auxquels il faudrait apporter des correctifs, peut-être à court,
à moyen ou à long terme. Mais, en tout cas, je trouve que c'est
très bien exprimé, très clair. Je pense que ça
mérite d'être lu et réfléchi.
Bien sûr qu'il y a plusieurs recommandations, vous en avez 30.
Ça dépend, évidemment... Comme ma collègue, moi, je
pense que vous avez des recommandations qui, à moyen terme ou à
long terme, pourraient amener aussi des retombées économiques. Le
président du Conseil du trésor parle d'une commande
phénoménale. Bien sûr, ça dépend du point de
vue où on se place. Si on pense seulement au prochain budget, c'est
peut-être phénoménal, mais je pense qu'on est ici pour
discuter des orientations. Et je reprendrai les propos du gouvernement: on dit
qu'il faut discuter des orientations fiscales et budgétaires
souhaitables pour l'avenir. Alors, je trouve que c'est tout à fait dans
le ton d'amener des propositions comme celles-là. (17 heures)
Moi, j'aimerais que vous expliquiez de façon peut-être plus
claire comment il y a des retombées, sur deux points, entre autres, de
votre mémoire. J'aimerais que vous expliquiez ça au
président du Conseil du trésor, comment il peut aller
récupérer des sous, sauver de l'argent par deux mesures que vous
nous avez recommandées. Je pense à la recommandation 8 sur
l'équité salariale et à la recommandation 15 sur le
mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires. Vous avez
tout à fait raison. On tire de la patte non seulement dans le dossier
des pensions alimentaires, mais on tire aussi de la patte au Québec dans
le dossier de l'équité salariale.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons,
madame.
Mme Rose: L'équité salariale, c'est surtout une
question de justice, mais c'est aussi vrai que les femmes sont les moins bien
payées et celles qui ont le plus de besoins, surtout celles qui ont des
enfants. Alors, mettre l'argent dans les poches des pauvres a toujours un effet
multiplicateur beaucoup plus grand que les autres dépenses, et c'est un
peu ça, la réponse. Mais l'équité salariale, c'est
surtout, d'abord, un problème de justice.
Le Président (M. Lemieux): Vous voulez compléter,
madame?
Mme Signori: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez
compléter.
Mme Signori: Moi, je réponds à la deuxième
question.
Le Président (M. Lemieux): Alors, répondez à
la... Madame, voulez-vous compléter suite à l'intervention?
Mme Brunet: Pas directement là-dessus, mais sur la
politique de plein emploi. Je trouve très, très important qu'on
débatte le sujet parce que, à un moment donné, le travail
cesse et c'est la retraite. Je reviens toujours à ça parce que
c'est là-dedans que je travaille, et je dois défendre les
intérêts de ces personnes-là. On sait que les conditions de
vie à la retraite dépendent énormément des
conditions de travail qui ont précédé. C'est automatique
ou presque. On sait que seulement 40 % des travailleurs et travailleuses
contribuent à un fonds de pension et que le reste doit se bâtir un
fonds de pension quand il a la capacité financière de le
faire.
Alors, je ne prendrai pas plus de temps, mais je veux surtout appuyer
sur une politique de plein emploi, à savoir que si on réussit
à la faire, en bout de ligne, ça va coûter bien moins cher,
encore une fois, au gouvernement. Il n'aura pas les personnes à la
retraite sur le dos, être obligé de leur donner un petit peu de
ci, un petit peu de ça. Je pense que si les gens avaient un revenu
convenable à la retraite, ils seraient toujours organisés, ils
seraient encore capables de s'organiser.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme Signori.
Mme Signori: Oui. Je voudrais répondre
comment l'État pourrait sauver des sous.
Je pense que c'est tout à fait... c'est clair. Il y aura beaucoup
moins de gens sur l'aide sociale si les pensions alimentaires sont
adéquates et si elles sont versées régulièrement.
Un service de perception - quand on veut aller trop vite, on bafouille -
automatique des pensions alimentaires prélevées à la
source, je ne crois pas que ce soit si onéreux que ça. Ça
s'est fait ailleurs, et j'aimerais bien que M. le président du Conseil
du trésor vérifie... Et j'ai appris! Il commence à
être temps!
Le Président (M. Lemieux): C'est bien.
Mme Signori: Qu'il vérifie en Ontario les résultats
qui ont été donnés dernièrement, comment
l'État a économisé depuis le service de perception
automatique des pensions alimentaires à la source en Ontario. Alors, il
y a des millions qui ont été économisés là
parce que ça a enlevé des gens de l'aide sociale et ça a
permis aux gens d'atteindre une forme d'autonomie.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, madame.
Malheureusement, je ne peux permettre à M. le président du
Conseil du trésor de vous répondre, le temps étant
épuisé. Alors, nous vous remercions de votre participation
à cette commission parlementaire.
Je suspens deux minutes, et j'invite immédiatement le Conseil de
la famille à bien vouloir prendre place à la table des
témoins, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprisée 17 h 6)
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! La
commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux. Je
demanderais au responsable du Conseil de la famille de bien vouloir prendre
place. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. Je demanderais au Conseil de la famille
de bien vouloir prendre place à la table des témoins.
Alors, j'invite la ou le représentant du groupe à bien
vouloir s'identifier et à présenter les personnes qui
l'accompagnent, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, la forme
procédurale est la suivante. Nous disposons globalement d'une heure; 20
minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange
d'une durée globale de 40 minutes entre les deux formations politiques:
le parti ministériel, pour une période de 20 minutes, et
l'Opposition officielle, pour une période de 20 minutes. Nous sommes
donc prêts immédiatement à vous entendre.
Conseil de la famille (CF)
M. Fortin (Bernard): Merci, M. le Président.
Je suis Bernard Fortin, président du Conseil de la famille. M. le
Président, MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, je
voudrais remercier les membres de la commission de nous faire l'honneur de nous
entendre. Mes remerciements s'adressent aussi, ensuite, aux responsables de la
commission pour la flexibilité dont Ils ont fait preuve pour nous
recevoir. Permettez-moi, en premier lieu, de vous présenter les
personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui, avec moi et au nom des membres
du Conseil, tenteront de vous sensibiliser, peut-être de vous convaincre
non seulement de l'urgence mais de la nécessité de prendre en
compte la réalité familiale, presque au terme de vos
délibérations et dans les décisions qui vont en
découler.
Je voudrais d'abord vous présenter Mme Céline Signori,
vice-présidente du Conseil de la famille. À ma gauche, M.
Jean-Pierre Lamoureux, secrétaire général du Conseil, et,
à l'extrême droite, M. André Lareau, professeur à la
Faculté de droit de l'Université Laval et qui, pour le
bénéfice du Conseil, mène actuellement une recherche sur
toute la question de la fiscalité et des familles.
Il nous est apparu utile de dire quelques mots sur notre Conseil. La loi
94 constituant le Conseil de la famille a été sanctionnée
le 1er juin 1988 et est entrée en vigueur le 28 septembre de la
même année. Les considérations du préambule
incorporé à cette loi résument la philosophie et les
principes qui ont guidé l'Assemblée nationale du Québec en
présentant cette pièce législative. «La famille, y
dit-on, est le premier milieu de vie, d'apprentissage et de socialisation. Le
bien-être de la famille et des individus qui la composent est la base du
bien-être de la société.» Deuxième
préambule: «La contribution sociale des parents comme premiers
responsables des familles et de la prise en charge d'enfants mérite
d'être soutenue et encouragée par la volonté collective. Il
y a lieu, nous dit-on enfin dans ce préambule, de favoriser l'expression
des familles, de leurs représentants, des milieux et des institutions
concernés par les questions d'intérêt familial.» (17
h 10)
Sur la base de la reconnaissance par l'État de l'importance de la
famille et du rôle des parents, l'Assemblée nationale a
confié au Conseil de la famille le mandat de veiller aux questions
d'intérêt familial. Il est utile de rappeler également que
le gouvernement a voulu préciser l'objectif général de sa
politique familiale en ces termes: Reconnaître l'importance de la famille
en tant qu'institution et milieu de vie, notamment par le soutien collectif aux
parents qui sont les premiers responsables de la prise en charge d'enfants et
du milieu familial, cela pour le bien des familles, des individus qui les
corn-
posent et de la société tout entière, mais en
particulier pour bien appuyer la relation parents-enfant qui est le noyau
commun à toutes les formes de famille. Organisme d'étude, de
recherche et de consultation, le Conseil de la famille, par son mandat, veut
être attentif aux besoins des familles pour rendre compte au gouvernement
de la réalité vécue par les familles du Québec au
moment de la révision ou de l'adoption de politiques ou de programmes
qui ont des incidences sur la famille. En venant devant vous aujourd'hui, les
membres du Conseil sont d'abord inspirés par les voeux de M. Bourassa,
à l'occasion de Noël 1992, où il nous disait: «Cette
solidarité, c'est d'abord au sein de la famille, la pierre d'assise de
notre société, qu'elle se manifeste avec le plus de force. Tout
au long de notre histoire, elle a constitué une source de dynamisme et
nourri notre volonté collective de marcher vers le progrès. Elle
a assuré la sauvegarde de notre identité et renforcé de
génération en génération notre sentiment
d'appartenance. Aujourd'hui encore, l'évolution de notre peuple lui
confère un rôle tout aussi vital puisqu'elle demeure le
véhicule privilégié de ces valeurs qui font notre
fierté.»
Nous sommes aussi rassurés par un extrait du communiqué de
presse de M. Levesque, le communiqué de presse 2, où, parlant des
orientations fiscales et budgétaires possibles, il soulignait que le
gouvernement considère important de s'assurer de la
compétitivité du régime fiscal tout en ciblant, à
l'intérieur de ces moyens, les activités qu'il juge prioritaires,
telles que la politique familiale, la recherche et développement, la
formation de la main-d'oeuvre.
Nous sommes enfin, M. le Président, enthousiasmés par la
préparation et la célébration de l'Année
internationale de la famille qui adviendra en 1994, où nous
réfléchirons ensemble sur les ressources et les
responsabilités de la famille dans un monde en mutation. À
l'instar des groupes familiaux et des groupes préoccupés par la
situation des familles, nous voulons aujourd'hui vous parler au nom des
familles et des parents du Québec, en particulier de ces PME originales
dont la parole est si peu entendue, de ceux et celles dont la contribution au
produit national brut n'est pas encore assez prise en compte, de leurs
responsabilités sociales et économiques enfin. Sans faire de
démagogie, nous voudrions que la famille, qui est un lieu de
solidarité et d'entraide, d'affection, d'amour et de tendresse, de
ténacité et d'ingéniosité, d'unité comme de
fraternité, de projets mais aussi, surtout, de confiance en l'avenir
serve d'inspiration et d'exemple pour que se développe au Québec
une société à son image. Le fait que nous soyons ceux qui
bouclerons la boucle ou presque - on n'aura pas le plaisir de vous envoyer en
vacances parce qu'il y a d'autres personnes qui passent après nous -
donc, puisque nous sommes ceux qui bouclerons probablement une partie de la
boucle de vos délibérations, ce fait nous apparaît
indicateur, évident du centrage qu'il nous faut tous ensemble
effectuer.
M. Lamoureux (Jean-Pierre): La conjoncture économique
inquète les familles du Québec tout autant que leur propre
situation. Dans la plupart des cas, les familles subissent les effets multiples
non seulement de la récession et de l'endettement public, mais aussi de
toutes les décisions gouvernementales. Pour n'en nommer que
quelques-unes, mentionnons l'avènement de la TPS et de la TVQ, du filet
de sécurité sociale qui se resserre sur celles dont le revenu se
situe aux limites d'accession aux programmes, les frais de scolarité
à l'université, l'éventualité des frais au niveau
collégial, des taxes et des déboursés qui concernent les
fournitures scolaires, des transferts des services aux municipalités, on
pense au transport public, à l'entretien des routes, qui
entraînent forcément de nouvelles taxes récurrentes qui
devront être payées par la majorité des familles. Pensons
enfin à la réforme de la santé et des services sociaux et
dans certaines restrictions qui s'annoncent concernant les soins
destinés aux enfants.
Une tendance générale se dégage de tous ces
mouvements. Elle consiste en une augmentation des taxes directes à la
consommation courante, un accroissement des impôts fonciers municipaux et
scolaires et une tarification des services là où la prise en
charge des enfants ou encore là où le nombre d'enfants n'est pas
considéré. En effet, dans les rapports d'impôt, les enfants
et leur nombre sont pris en compte, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de
dépenses de transport en commun, de taxes sur la consommation de l'eau,
des loisirs pour les enfants, d'activités culturelles, des effets
scolaires, de l'essence, des tarifs d'électricité, du prix du
logement, des vêtements, des chaussures, des meubles, des couches pour
les bébés ou encore pour les bouteilles de lait. Avec la
très grande majorité des parents, créanciers
privilégiés au Québec, le Conseil de la famille est
d'accord avec l'intention du gouvernement d'atteindre l'équilibre
budgétaire, et il vous appuie dans votre démarche. Les parents
sont confrontés quotidiennement à ce défi de joindre les
deux bouts. Ils font des choix, pour faire cela, en fonction de leurs valeurs
et de leurs priorités. C'est ce qu'en leur nom nous vous demandons de
faire.
Le problème qui se pose actuellement avec acuité pour les
familles, c'est que les parents du Québec paient davantage de taxes
directes et indirectes parce qu'ils ont des enfants. Il y a aussi le fait que
les contribuables qui ont des enfants à charge sont
démesurément taxés par rapport à ceux qui n'ont pas
d'enfant. Il y a là matière à correction évidente
pour instaurer un nouvel équilibre. La fiscalité doit être
basée sur la capacité de payer des contribuables en fonction de
leurs responsabilités et elle doit demeu-
rer l'instrument servant à la redistribution des ressources
collectives pour favoriser l'égalité des chances.
Trois principes doivent alors être sauvegardés: les besoins
essentiels des membres de la famille doivent être exemptés de
l'imposition; tous les frais occasionnés par la prise en charge des
enfants devraient bénéficier d'une compensation adéquate,
indépendamment du revenu ou du statut familial; enfin, certaines
familles démontrant des besoins particuliers devraient être
aidées davantage. Nous pensons ici aux jeunes familles et aux familles
monoparentales.
Bien sûr, il y a eu dans le système fiscal et dans le
système de compensation quelques améliorations
intéressantes pour les parents en vue d'une cohérence et d'une
meilleure équité, mais la critique des parents envers le
système fiscal demeure permanente. La plupart des familles sont
incapables d'évaluer ou même de quantifier l'aide qu'elles
obtiennent. Le Conseil de la famille attire ici l'attention sur deux situations
fiscales qui tiennent de circonstances familiales et qui mériteraient
d'être revues: celle, par exemple, du paiement des pensions alimentaires
et celle des frais de garde.
Concernant les pensions alimentaires, il y a lieu de rappeler comment
elles provoquent questionnement, inéquité et
incompréhension. La déductibilité du paiement de la
pension alimentaire et l'obligation de l'ajouter sur le revenu du parent
gardien font problème au plan du bénéfice fiscal et de
l'équité avec les autres familles. En outre, en plus de vivre des
situations conflictuelles, trop de familles se retrouvent démunies
financièrement et dépendantes de l'aide sociale, après la
rupture d'union du couple parent, parce que les pensions alimentaires ne sont
pas payées. Le gouvernement doit prendre les moyens pour civiliser cette
démarche et pour faire en sorte que les responsabilités
financières soient assumées par le parent non gardien des
enfants.
Toute la fiscalité entourant la garde des enfants mérite
aussi une révision en profondeur, car elle soulève plusieurs
frustrations. La déductibilité des frais de garde reconnue
seulement lorsque la dépense a été encourue dans le but de
gagner un revenu fait en sorte que les parents dont l'un demeure au domicile
familial afin d'élever les enfants ne peuvent profiter
d'allégements fiscaux d'aucune sorte. Mentionnons, en outre, que les
frais de garde ont été laissés de côté
lorsqu'on a converti plusieurs déductions en crédits
d'impôt. Il en résulte que, sous forme de déductions, les
frais de garde profitent aux contribuables selon l'importance de leurs revenus,
ce qui n'est certes pas approprié. Dans le domaine du gardiennage, il
faut penser aussi au travail au noir important qui s'y développe
à cause du coût et de l'accessibilité des services, bien
sûr, mais aussi parce que le traitement fiscal et administratif de la
garde des enfants est d'une complexité incroyable.
De toutes ces considérations économiques et fiscales, il
résulte que les parents du Québec paient plus que leur part dans
les revenus de l'État, que la solidarité de tous les citoyens
envers les parents, qui est le sens même de la politique familiale, est
tronquée et que le traitement fiscal des familles n'est pas
cohérent, non plus juste. On taxe les enfants au Québec.
Augmenter les taxes dans ces circonstances et les impôts ou maintenir
certaines taxes liées à la présence d'enfants ou encore
établir une taxe universelle sur la consommation, sans compensation pour
les enfants, risque d'étouffer les parents qui consacrent toutes leurs
ressources à remplir leur rôle et à répondre aux
besoins des enfants. (17 h 20)
Mme Signori: En fait, M. le Président, les parents veulent
que l'on tienne compte des dépenses supplémentaires qu'ils ont
à assumer à cause de leurs enfants. Cela requiert des ressources
financières, en premier lieu, puis des services comme une
amélioration du système de service de garde ot du système
scolaire, de meilleures structures d'intégration des jeunes au
marché du travail et une meilleure conciliation du travail et des
responsabilités familiales.
L'Année internationale de la famille, qui se profile pour 1994 et
que nous préparons maintenant, peut donner au Québec
l'opportunité rêvée de joindre au réflexe
économique le réflexe familial pour qu'ils se complètent
mutuellement. Développer le réflexe familial, cela veut dire
vérifier, soupeser, évaluer toutes les décisions et se
demander si elles encouragent et renforcent la stabilité des familles,
si elles soutiennent et complètent l'effort des familles, si elles
favorisent la solidarité familiale, si elles considèrent, dans
les faits, les familles comme des partenaires économiques et sociaux
respectables et compétents, si elles tiennent compte de toutes les
familles et si elles apportent plus à celles qui sont dans le plus grand
besoin. C'est là l'esprit même de la politique familiale dont nous
parlions plus haut et qui interpelle tous les milieux en lien avec
l'économie. C'est à travers le quotidien de la vie familiale que
s'expriment nos forces, nos rêves, nos aspirations et nos craintes, en
résumé notre avenir. C'est pour cela qu'il faut aller de l'avant
avec les familles. Cette commission doit contribuer à jeter un meilleur
éclairage sur le genre de société souhaitée et
suggérée, et suggérer des pistes de solutions qui
tiendront compte de la famille dans toutes ses dimensions et ses
diversités, afin que le devenir de la société et celui de
la famille se conjuguent naturellement.
En fait, dans la nécessaire rationalisation des dépenses
publiques, il ne faut pas réduire les services destinés aux
enfants. Au contraire. Ainsi n'y a-t-il pas lieu d'envisager avec
volonté différents moyens propres à soutenir les
efforts
des parents: développer des services de garde en plus grand
nombre et plus accessibles financièrement afin de faciliter la
tâche des parents et de créer de l'emploi pour les jeunes;
investir dans le système scolaire et dans la formation professionnelle
parce qu'elle constitue les prolongements directs de la famille pour amener les
enfants à devenir des citoyens responsables; développer tout le
secteur de l'emploi, particulièrement pour faire une meilleure place aux
jeunes, comme nous y conduisent les travaux du Forum sur l'emploi; favoriser
économiquement et fiscalement les jeunes parents, de manière
à leur donner non seulement le goût d'avoir des enfants, mais
aussi de les amener à décider d'en avoir; réviser la
fiscalité à l'égard des familles pour éliminer
toutes les discriminations liées au statut des parents et pour
établir une meilleure équité entre les parents
contribuables et les autres contribuables qui n'ont pas d'enfant, ainsi
qu'entre les familles; régionaliser le développement
économique et social pour que l'ensemble du territoire du Québec
soit un milieu de vie favorable à la famille et aux enfants et moins
tributaire de la fermeture de grands complexes; prendre toutes les mesures
nécessaires pour permettre aux parents de concilier leurs
responsabilités familiales avec leurs responsabilités de travail;
prévoir une analyse d'impact sur les familles de toutes les
législations politiques ou programmes pour qu'ils facilitent les
responsabilités des parents ou, à tout le moins, qu'ils ne leur
nuisent pas.
M. Fortin: Le Conseil de la famille estime que les parents du
Québec fournissent déjà suffisamment à l'effort
collectif, social et économique. Un plus grand prélèvement
de taxes ou d'impôts à partir des revenus des parents ne saurait
sûrement pas se motiver honnêtement. La famille est
pressurisée, mais tient bon, malgré tout, devant les exigences
qui lui sont faites. Les parents réclament une société
plus accueillante pour ceux qui ont charge d'enfants et pour les enfants qui
représentent notre richesse la plus naturelle, la plus abondante, la
plus importante et qui se trouve renouvelable, en plus. Une
société qui croit aux enfants et en ceux qui en prennent la
responsabilité est une société qui croit en son avenir. Il
faut créer au Québec un climat de confiance, dégager une
perspective de stabilité sociale et économique qui va donner le
goût aux jeunes de fonder une famille et permettre aux parents
d'accompagner leurs adolescents et leurs enfants avec la meilleure
sérénité possible. Le gouvernement du Québec s'est
donné une politique familiale en 1987. Depuis, il s'est engagé
à deux reprises, dans des plans d'action, à mieux soutenir les
parents qui ont la charge d'enfants. À l'occasion de cette discussion
publique sur le développement de notre société et
l'endettement public, il faut que le gouvernement renforce ses engagements et
donne un signal positif aux jeunes et aux parents du Québec à
l'effet qu'il soutient infailliblement les familles qui sont responsables, en
très grande partie, du développement de notre capital humain et
de notre société.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du trésor, avez-vous des commentaires?
M. Johnson: Oui. Bonsoir, monsieur, madame... messieurs. Vous
avez évidemment touché le coeur même de l'action sociale du
gouvernement. Les politiques dont vous avez fait état et que vous avez
rappelées, celle de la fiscalité à l'endroit des familles,
comme M. Levesque l'indiquait dans son communiqué en janvier, demeurent
des dimensions essentielles, pour nous, à protéger, du soutien
que le gouvernement peut et doit accorder à ses membres, aux membres de
la société. Évidemment, il faut que ça s'articule
autour de certaines valeurs, des valeurs de stabilité, que vous dites
avec raison, que la famille représente, des valeurs de qualité,
des valeurs d'espoir parce que, par définition, la famille est un lieu
où couve l'avenir. Il faut savoir équiper nos familles ou ceux
qui, comme parents, de toute façon ont la charge de préparer les
enfants... Il faut savoir les équiper avec les bons outils, je
dirais.
On en a mis sur pied. Les gouvernements, successivement, ont mis sur
pied toute une panoplie, je dirais, d'aide aux familles soit par du soutien
financier direct, par la fiscalité, ou alors par des programmes d'aide
financière sous forme d'allocations diverses, ou alors sous forme de
services. Essentiellement, on a fait le tour une fois qu'on a dit ça.
Vous conviendrez qu'à l'examen nous avons, en grande partie,
privilégié le soutien financier par le biais de la
fiscalité, de telle sorte qu'aujourd'hui, c'est important de le
répéter, une famille où on retrouve deux enfants à
charge - une famille: deux parents, deux enfants - paie de l'impôt sur le
revenu des particuliers au Québec à partir d'un peu plus de 26
000 $ alors que c'était, il y a sept ans, un peu plus de 10 000 $, ce
seuil d'imposition nulle, et on pourrait penser que, depuis sept ans, l'indice
des prix à la consommation n'a pas augmenté de 160 %. On a donc
élargi énormément, agrandi le nombre de familles qui
bénéficient d'un seuil d'imposition nul. Ajoutez à cela,
évidemment, au titre - avant que vous ne nous le souligniez - des taxes
à la consommation, nous avons introduit, évidemment, un
système de crédits qui vise justement à compenser,
jusqu'à un certain montant, les achats taxables qui sont
effectués par les Québécois, ce qui tient compte de leur
niveau de revenus. (17 h 30)
II y a donc des choses qu'on a accomplies, faisant passer de 800 000 000
$ à
2 300 000 000 $, en quelques années, le soutien fiscal à
la famille comme telle. Il y a d'autres allocations, je ne m'étendrai
pas sur toutes les mesures qui peuvent être décrites.
Il y a également, et c'est ce que vous soulevez, d'autres
façons d'aider les familles par des allocations que je qualifierais
d'extra-familiales, les frais de scolarité. Évidemment, c'est une
charge que d'envoyer un enfant à l'école de quelque façon
que ce soit. Il y a des fournitures à lui acheter, des livres, des frais
divers de toutes natures. Vous dites qu'il faut avoir ça à
l'esprit. À la limite, il faut avoir à l'esprit les frais de
scolarité à l'enseignement supérieur comme un des
éléments qui vient améliorer la capacité d'une
famille de pousser le plus loin possible le développement de ses
enfants. Il y a des services de garde, que ce soit en milieu privé,
communautaire, sans but lucratif ou avec but lucratif, en milieu scolaire, qui
permettent le répit aux parents, à tous deux, également de
contribuer, dans la mesure de leur talent et de leurs intérêts,
à l'activité économique du Québec. C'est un exemple
parmi plusieurs.
Il y a donc ou bien du soutien financier direct, ou du soutien
parafinancier, ou alors des services, purement et simplement, mais dans la
mesure où ce n'est pas illimité, la capacité de
l'État, je pense que vous le reconnaissez. À tout le moins pour
les familles québécoises, il serait irresponsable de les endetter
davantage. Sr on doit réallouer des ressources limitées, ce que
j'aimerais savoir de vous, c'est les choix que vous faites sur le genre de
soutien, le genre d'intervention que vous souhatiez que, s'il y a une marge de
manoeuvre, le gouvernement consacre davantage à la famille. Est-ce que
c'est par la fiscalité qu'il laisse les gens libres de disposer de leurs
moyens financiers comme ils le veulent, un régime de liberté,
là? Ou est-ce que ce sont par des services qu'on met sur pied qui ne
servent évidemment qu'à ceux qui en ont vraiment besoin, mais qui
sont presque, je dirais, un empiétement sur la liberté de
disposer du soutien qu'on peut accorder aux gens pris individuellement ou pris
comme famille?
C'est simplement cette question qui m'appa-raît une question de
fond, de savoir si l'État est là pour dispenser les services par
des infrastructures ou alors pour faire en sorte que chaque citoyen ou chaque
famille - c'est ce qui vous préoccupe, c'est ce qui nous
préoccupe - puisse bénéficier davantage de moyens
financiers, suite à des politiques fiscales ou des politiques
d'allocations plus généreuses?
Le Président (M. Lemieux): ...à vous
écouter.
M. Fortin: M. le Président, vous comprendrez très
bien que je comprenne que M. le président du Conseil du trésor
cherche des recettes. Je le comprends, et il cherche des moyens. Vous me
permettrez de lui proposer une réponse familiale à sa question,
puisqu'on pourra évidemment se compléter l'un l'autre sur cet
aspect-là.
L'intuition de fond des propos que nous venons tenir aujourd'hui, j'ai
vu le président du Conseil du trésor sourciller sur une des
phrases que nous avons dites là-dedans, tout à l'heure, quand on
a dit qu'on taxait les enfants. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a écrit
comme ça. C'est parce qu'on voulait que quelqu'un sourcille des yeux.
C'est en même temps pour dire qu'une des choses qui nous apparaissent
importantes, nous, c'est qu'on ne soit pas comme parents surtaxés parce
qu'on a des enfants et, dans son mot, tout à l'heure, il a bien
relevé tous les éléments qui font que les taxes à
la consommation, qu'on ait un, deux, trois ou quatre enfants, on paie deux,
trois et quatre fois des taxes sur les choses que l'on achète. C'est
parce que l'on est parents et qu'on a charge d'enfants qu'on est... C'est dans
cet esprit-là qu'on a lancé cette phrase un peu lapidaire, et
j'imagine qu'il comprend notre point de vue.
L'autre intuition de notre document - et Mme Signori le soulignait, tout
à l'heure - c'est d'essayer de faire en sorte, et ça a
été le premier avis majeur du Conseil, que se développe
dans l'appareil gouvernemental un réflexe que nous, on appelle un
réflexe familial, de faire en sorte qu'avant que les décisions
soient prises, on évalue l'impact sur les familles. On sait qu'on le
fait pour l'économie, je pense qu'il n'y a personne qui mette en doute
cette parole-là qu'il n'y pas une décision qui se prend au niveau
gouvernemental sans qu'on ait vérifié combien ça va
coûter.
Nous, ce qu'on demande d'ajouter, c'est combien ça va
coûter aux parents avant qu'on prenne une décision. C'est
ça, le réflexe, dit de façon aussi lapidaire, et
j'espère que vous le comprendrez. Alors, l'intuition est
celle-là, le message est celui-là: Pas chez les enfants et,
deuxièmement, s'il vous plaît, avant de prendre quelque
décision que ce soit, combien ça va coûter aux familles,
parce que ce sont des familles et non pas parce que ce sont des contribuables?
Parce qu'il y a un impact particulier.
Moi, j'ai donné deux accents à notre document, puis
j'invite mes collègues à compléter.
M. Lareau (André): Si vous permettez, M. le
Président, la fiscalité a comme rôle, finalement, une
redistribution de la richesse. Cette redistribution de la richesse veut que les
gens qui sont plus fortunés, finalement, paient davantage que les gens
qui en ont moins. Le gouvernement l'a compris, évidemment, dans sa
politique, mais, à l'intérieur même du cadre
législatif qui existe actuellement, il y a, je pense, des
disparités qui mériteraient d'être corrigées, mais,
bien entendu,
ceci étant indiqué uniquement dans la mesure où le
gouvernement décidera de réviser en profondeur sa
fiscalité familiale, à tout le moins.
Par exemple, au niveau des frais de garde d'enfants, les interrogations,
évidemment, que je me pose, dans la recherche que je fais pour le compte
du Conseil de la famille, indiquent que ces frais sont accessibles à une
catégorie de gens qui, peut-être, n'en ont pas besoin. Si on prend
un niveau de revenu, pour citer, finalement, le président Clinton, hier
soir, qui mentionnait un niveau de revenus de 140 000 $ au-delà desquels
les gens doivent payer un peu plus, or, ce revenu ou un autre doit être,
je pense - en fait, c'est une question que je me pose - peut-être un
plafond au-delà duquel la déduction de frais de garde d'enfants
pourrait être questionnée. Est-ce qu'on doit quand même
l'accorder aux gens qui n'en ont peut-être pas besoin?
Cet allégement fiscal accordé au titre de frais de garde
d'enfants existe sous forme de déduction, actuellement, ce qui veut dire
que les gens qui ont un revenu qui est imposé à 50 %, si on prend
les deux niveaux de gouvernement, bénéficient d'un retour
d'impôt généreux, très généreux,
comparativement aux gens qui ont un taux d'imposition de 15 %, 20 % ou 25 %. On
peut se demander, effectivement, pourquoi ne pas convertir cette
déduction en crédit. Cette réallocation permettrait,
évidemment, des rentrées de fonds pour le gouvernement qui
pourraient être appréciables. Bien entendu, on ne veut pas dire au
gouvernement de réallouer ces sommes-là à d'autres sources
ou à d'autres fins. Nous prétendons... peut-être qu'il
serait possible... enfin, du moins, je prétends ou, enfin, c'est ce que
les recherches m'indiquent, qu'on pourrait peut-être réallouer ces
ressources à des fins plus utiles.
Par exemple, si on prend une personne monoparentale qui reçoit
une pension alimentaire, la pension alimentaire n'est pas
considérée, pour les fins du revenu gagné, pour les fins
des frais de garde d'enfants, ce qui veut dire que cette personne, qui est
monoparentale, qui reçoit une pension alimentaire uniquement, qui
désire aller aux études pour parfaire son éducation, ne
peut même pas bénéficier de l'allégement fiscal
causé ou occasionné par les frais de garde d'enfants, puisque la
pension alimentaire ne constitue pas un revenu gagné et, finalement, les
frais qui sont encourus de toute façon sont des frais qui proviennent
d'un revenu, mais après impôt. Aucun allégement n'est
accordé à cette personne-là. Donc, on peut se poser des
questions, ici.
L'autre exemple, évidemment, c'est au niveau de la pension
alimentaire. On a vu, récemment, des jugements des tribunaux qui nous
indiquent que la pension alimentaire reçue par un conjoint, mais pour le
bénéfice de son enfant, constitue - et la jurisprudence est
claire à ce sujet-là - un revenu pour le
bénéficiaire de cette pension-là, même si le montant
a été reçu pour le soutien d'un enfant. On se demande,
dans les questions qui sont posées dans le cadre d'une étude
qu'on effectue actuellement, dans quelle mesure on ne pourrait pas rejoindre un
système identique ou semblable à celui adopté aux
États-Unis, qui prévoit que la fiscalité n'a
peut-être pas besoin de se mêler de ce qui se passe dans la chambre
à coucher, finalement, des invididus ou des problèmes familiaux.
C'est-à-dire que la fiscalité pourrait, à ce
moment-là, rester neutre, et les gens pourraient peut-être faire
un choix, décider s'ils veulent que la fiscalité se mêle de
leurs affaires ou décider s'ils veulent être exempts de la
fiscalité.
Ce qui voudrait dire que, pour le payeur d'une pension alimentaire, il
n'y aurait pas d'impact, aucune déduction; pour le
bénéficiaire, donc créancier de la pension alimentaire,
aucun impact, donc, aucune inclusion. Or, on minimise ainsi les débats
qui pourraient être générés par cette question
fiscale entre les parties, on minimise les frais que les parties vont avoir
à encourir et, bien entendu, ceci constitue un allégement fiscal
pour le gouvernement.
Pourquoi? Parce que le payeur de la pension alimentaire est une personne
qui a des ressources plus importantes que le bénéficiaire de la
pension. Ayant des ressources plus importantes, son taux d'imposition est plus
élevé. Or, le taux étant plus élevé,
effectivement, la déduction lui occasionne un retour d'impôt plus
élevé que l'impôt qui est payé par le
bénéficiaire de la pension. De là, effectivement, un gain
substantiel pour le gouvernement. (17 h 40)
Or, c'étaient peut-être les deux exemples que je voulais
vous citer, à l'heure actuelle, et peut-être que je passerai la
parole à mes collègues.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Oui, vous pouvez
ajouter un peu, M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: ...je crois? M. Lareau: M. Lareau.
M. Johnson: M. Lareau, oui. À l'égard de la
fiscalité des pensions alimentaires, évidemment, vous connaissez
le principe. Vous avez soulevé un tas de lièvres.
Évidemment, celui qui paie ou celle qui paie la pension alimentaire,
n'ayant pas droit à la déduction, n'a plus de ressources pour
payer l'impôt sur cette somme qui est disparue, là. Il faut avoir
ça à l'esprit. C'est plus une question, à mon sens... et
on m'a confirmé qu'il y a des conférences
fédérales-provinciales-territoriales sur le sujet, sur le droit
de la famille. Il s'agit de sensibiliser les magistrats carrément, les
procureurs, aux effets avant et après impôt,
aux niveaux, aux utilisations de la pension alimentaire.
L'exemple que vous avez donné du revenu de pension alimentaire
qui ne donne pas ouverture à la déductibilité des frais de
garde m'appa-raît un problème de compréhension de la part
des gens qui déterminent les niveaux et qui tiennent compte ou pas
compte des effets fiscaux entre les mains de la récipiendaire, en
l'occurrence, la bénéficiaire d'une pension alimentaire.
Et la question est de savoir: Est-ce qu'on règle ça par
des règles fiscales universelles ou est-ce qu'on ne demande pas à
la magistrature, en l'occurrence, de se rapprocher de la réalité
fiscale pour tenir compte des effets que vous avez mentionnés? C'est
sûr que changer les lois de l'impôt, ça a un effet
immédiat. On pourrait s'en occuper comme ça, sauf que ça
jette un petit peu de confusion chez ceux qui, de tout temps, ont tenu compte
de ces effets-là et fixent les montants, compte tenu de la
réalité fiscale que vous avez décrite.
Mais on est parfaitement conscients de ça. On a un comité
interministériel, ici même au gouvernement du Québec, afin
d'arrêter une position pour sensibiliser, justement, je dirais, les
praticiens du droit de la famille sur les effets pervers que vous avez
décrits, avec raison.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez un commentaire.
Oui?
M. Fortin: C'est une courte phrase pour... Le Président
(M. Lemieux): Ça va, allez-y.
M. Fortin: ...compléter la préoccupation de M. le
président du Conseil du trésor, puis je vous la passerai tout de
suite après. Je vais le dire comme ça, mais vous comprendrez que
ça peut se faire dans un sens ou dans l'autre.
Le père de famille qui dépense pour ses enfants en union
stable, donc, qui n'a pas de pension alimentaire à payer, lui aussi n'a
pas de place de déduction fiscale pour entretenir ses enfants.
M. Johnson: Là, ça va être une question de
niveau. Il lui reste, après impôt, moins qu'avant impôt,
mais ce sera toujours vrai. Ce sera toujours vrai que le marché
devrait... et c'est justement cette situation-là qui doit être
reflétée dans les niveaux de pensions alimentaires qui sont
octroyées et non pas, je dirais... Ça n'appelle pas, à mon
sens, un changement du système, mais bien une compréhension du
système pour fixer les niveaux de pensions à des niveaux
comparables qui n'avantagent pas indûment la famille dite
éclatée.
Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur, vous
aviez...
M. Lareau: Oui, M. le Président, la Cour d'appel, depuis
quelques années, a maintenu la position à l'effet qu'en
matière de pensions alimentaires, il est clair, les parties doivent
tenir compte des impacts fiscaux des pensions alimentaires, ce qui veut dire
que le payeur de la pension alimentaire, forcément, paie plus parce
qu'il peut déduire la pension. Si la pension n'était pas
déductible, il paierait moins, à ce moment-là.
Évidemment, le bénéficiaire de la pension recevrait moins
aussi, mais il est important de voir combien va recevoir, après
impôt, le bénéficiaire de la pension, d'une part.
D'autre part, quand vous dites que les magistrats doivent
peut-être appliquer la loi différemment, ils doivent simplement
appliquer la loi. Et la loi est claire. Il doit y avoir inclusion de la pension
alimentaire, que le montant ait été payé pour le
bénéfice d'un enfant ou pour le bénéfice du parent,
bien que la Cour des petites créances de Trois-Rivières ait
mentionné différemment... Bon, on a vu ça dans les
journaux, récemment, avec respect... Mais c'est un peu la position du
droit actuellement.
Le Président (M. Lemieux): Monsieur, vous avez un
commentaire, un dernier commentaire?
M. Johnson: Oui, sinon que c'est encore évidemment plus
compliqué que ça, à partir du moment où il y a
l'exemption, le crédit d'impôt pour enfants à charge et la
destination éventuelle de l'allocation, dans d'autres cas, au titre de
l'enfant qui doit être également tenu en compte. Alors, dans la
mesure où un payeur n'a pas d'enfants à charge, qu'ils sont
à la charge du conjoint qui reçoit la pension, dans un cas,
évidemment, il pourrait le déduire, étant donné que
c'est au titre d'un enfant indirectement qu'il verse la pension, alors que, si,
dans une famille stable, évidemment, et unie, il y a les crédits
d'impôt qui viennent la compenser, la non-déductibilité,
dites-vous, de ces sommes ainsi dépensées au titre et à
l'endroit, au bénéfice des enfants...
Enfin, ce n'est pas simple, c'est ce qu'on démontre, et on a
justement des gens qui tentent d'égaliser ces traitements qui, dans
certains cas, sont si divergents que c'est pratiquement injuste, dans le fond,
la situation, et vous avez raison.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Mme la députée de Taillon, vous vouliez intervenir.
Mme Marois: Oui, s'il vous plaît. Merci, M. le
Président.
Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, au nom
de ma formation politique. Je trouve votre mémoire très
intéressant à bien des égards. Je pense même que la
discussion que vous venez d'avoir avec le président du Conseil
du trésor est tout à fait intéressante pour
imaginer des avenues un peu différentes dont on pourrait traiter... avec
lesquelles on pourrait traiter la question des pensions alimentaires qui
soulève des problèmes réels, particulièrement chez
les femmes, évidemment.
Moi, je veux vous amener sur deux réflexions que vous faites dans
votre document, une qui est assez significative de l'incohérence de
certaines politiques. J'aimerais un peu vous entendre sur cela. Vous dites: Le
présent système... à la page 8 de votre mémoire
principal - je ne suis pas au résumé, là, j'ai lu le
mémoire au complet: «Le présent système est complexe
et très difficile à comprendre, même par des
spécialistes. L'aide financière qui découle de la
fiscalité n'arrive pas toujours au moment opportun. La plupart des
familles sont également incapables d'évaluer, même de
quantifier l'aide qu'elles obtiennent. Comme ce système montre de
nombreuses iniquités ou incohérences, ne serait-ce qu'à
cause des deux orientations divergentes, fédérale et provinciale,
il ne joue pas son rôle de guide dans les décisions des familles.
Ce système, se transformant constamment, n'est d'aucune utilité
pour les parents dans la planification à moyen, à court ou
à long terme de leurs actions familiales.»
J'aimerais ça que vous nous démontriez ici, à
partir d'un principe que vous énoncez, à la page 7, à
savoir que «tous les frais occasionnés par la prise en charge des
enfants devraient bénéficier d'une compensation adéquate,
indépendamment du revenu ou du statut familial». Vous faites
référence à l'universalité de certaines mesures. Si
c'est autre chose, j'aimerais vous entendre. J'aimerais que vous me disiez,
à partir de cette affirmation, de ce principe que vous énoncez,
à la page 7 de votre mémoire, le mettre en relation avec la
lecture que je viens de faire du paragraphe qui concerne des choix
différents auxquels a procédé le gouvernement
fédéral par rapport au gouvernement québécois et
que vous nous expliquiez l'impact que cela a sur les familles.
M. Fortin: Vous me permettrez une réponse encore
familiale, M. le Président.
M. Lamoureux: Dans une espèce de préambule, je
dirais que la décision, d'abord, de fonder une famille et, ensuite,
d'avoir des enfants, relève d'une décision de confiance dans un
certain avenir. Quand le Conseil de la famille, avec le Conseil permanent de la
jeunesse, ont mené certaines consultations qui ont été
colligées dans un avis qui s'appelle «Être jeune et
parent», les jeunes ont dit: Fonder une famille, oui, je veux le faire,
c'est dans mes projets. Les jeunes hommes et les jeunes femmes disent, par
ailleurs: J'ai besoin de deux garanties pour pouvoir le faire et passer
à l'action; d'abord, une garantie économique. Je n'ai pas
l'impression qu'une fois que j'aurai un enfant, que le soutien
économique ou que le soutien moral que l'État est en mesure de
m'apporter va être stable. Donc, j'ai l'impression de faire un saut dans
le vide et, tant que je n'aurai pas un emploi un peu stable, tant que je
n'aurai pas des perspectives d'avenir avec mes études, je ne ferai pas
le saut.
La deuxième garantie que les jeunes réclamaient,
évidemment, c'est une garantie émotive, c'est-à-dire qu'on
aimerait bien savoir que la famille qu'on va fonder avec le conjoint qu'on
choisit sera là également encore dans quelques années.
Donc, c'est un motif de confiance qui fonde forcément la fondation d'une
famille. Or, la perception, comme je cherche à le montrer, des gens dans
le soutien économique, c'est qu'il n'y a pas de stabilité. (17 h
50)
Pourtant, si on étudie la question, on sait qu'il y en a une
certaine. Le gouvernement s'est engagé progressivement en aidant, par
exemple, les familles nombreuses, les familles de trois enfants et plus au
début, à partir de... du moins pendant deux ans; maintenant,
c'est rendu à cinq ans Laide au troisième onfant eaî
stable, mais la perception, c'est qu'il y a tellement de gens qui critiquent
ça ou que la perception n'est pas claire, qu'ils se disent: Le
gouvernement va-t-il sabrer là-dedans? Est-ce que je veux m'en-gager
avec un bébé, un poupon et, dans six ans, me retrouver avec des
frais de scolarité, avec le collégial qui est en train de changer
et l'université, etc.?
Donc, il n'y a pas de perspectives stables. Le revenu qui me viendra
avec mes études, sera-t-il stable, etc.? Donc, il y a le
phénomène de ceci. Il s'introduit également une distorsion
dans la façon de vivre cette situation-là, entre le soutien qui
nous vient du gouvernement fédéral et le soutien qui nous vient
du gouvernement provincial. Actuellement, les parents sentent l'effort du
gouvernement québécois dans leur famille. Il y a un
préjugé favorable. On n'entend pas suffisamment souvent le
premier ministre parler de la famille, mais on sait qu'il y a quelque chose
pour la famille.
Au gouvernement fédéral, ce qui est ressenti, c'est un
désengagement. On n'en parle pas, de la famille, au Canada. Le
gouvernement s'était engagé en promesse électorale pour un
réseau national de services de garde. Il s'est retiré de ce
projet-là, qui était un besoin essentiel, et le Québec
était même allé à fonder sa propre politique de
développement de services de garde sur cette promesse. Il a dû
reculer. On recule par rapport au fédéral, et la récente
grande réforme des prestations familiales fédérales qui,
de façon très alléchante, dit qu'on regroupe dans un
programme unique plusieurs formes d'aide, en fait est alléchante au
premier abord, mais dans les faits, elle représente pour la
majorité des familles du Québec un recul dans l'aide
financière
Pourquoi? C'est que le gouvernement n'a pas réduit l'aide
financière aux familles, mais il a pris aux familles plus aisées
pour en donner davantage aux familles plus pauvres, si on peut dire. C'est bien
comme intention, et c'est fort louable probablement, mais l'effet direct sur
les familles, c'est que les parents ne savent pas ce qui les attend. Alors, en
ce sens-là, la fiscalité québécoise et
fédérale, que les parents font en même temps au printemps,
amène des distorsions et ne permet pas, même aux parents, de
savoir ce qui leur revient par rapport à un exercice financier
passé, ce qui ne les renseigne pas non plus pour prendre une
décision dans l'avenir. C'est ça qu'on dit dans ce paragraphe,
dans cette considération-là.
Le Président (M. Lemieux): Quelqu'un veut compléter
la réponse de M. Lamoureux? Ça va? Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Moi, j'aimerais vous entendre revenir sur... parce
qu'on a eu la discussion, hier, avec le Conseil du statut de la femme, sur ce
qui fonde l'universalité, parce que c'est ça que vous dites.
Dans le fond, quand on regarde ce qu'a fait le fédéral, il
l'a enlevée; il a remodifié tous ses systèmes et a
enlevé cette universalité. Vous dites, dans votre principe, ici,
il faut qu'il y ait une compensation, s'il y a présence d'enfants, peu
importe le revenu ou statut familial. Alors, qu'est-ce qui fonde cette
nécessité d'être solidaires les uns des autres à
l'égard des enfants?
M. Fortin: Je répondrais en deux phrases. C'est la
reconnaissance sociale du rôle joué par ceux et celles qui donnent
à notre pays des citoyens et des citoyennes, et c'est une
solidarité avec ceux et celles qui en prennent cette
responsabilité. Parce qu'il n'y a pas d'autre chose qui peut
établir la solidarité qu'on doit garder avec ceux qui prennent
ces responsabilités-là, au nom de l'ensemble de la
collectivité, parce que c'est ça qui se passe. Parce que
ça ne se passe peut-être pas consciemment dans la tête de
chacun et de chacune, mais le geste qui est posé est un geste social. Je
pense qu'on a pensé trop longtemps que c'est un geste privé. Il
est au moins les deux, ce geste-là, de mettre au monde des enfants, et
l'universalité vient reconnaître ce geste-là et vient
rendre l'ensemble de la population solidaire des parents et de ceux qui en
prennent la responsabilité.
Moi, c'est comme ça que j'y répondrais. Je ne sais pas si
d'autres ont des compléments à donner.
M. Lamoureux: Concernant l'universalité, c'est que toute
discussion là-dessus fait peur parce que, quand on sent des
brèches dans l'universalité, les seuils sont tellement bas que
ça pénalise l'ensemble des familles. Placer un plafond d
universalité ou de mesures à 26 000 $, c'est toucher presque
personne, c'est toucher les plus pauvres. Actuellement, le revenu familial
moyen, il est à 47 000 $.
Mme Marois: 47 000 $, oui.
M. Lamoureux: Mais il faut voir que ce revenu familial là,
c'est composé de deux revenus. Ça prend deux revenus au
Québec, pour la majorité des familles, pour avoir un minimum
décent. Mais 47 000 000 $, c'est 30 000 $ plus 17 000 $ ou c'est 23 000
$, 23 000 $. Écoutez, ce n'est pas 45 000 $, 2000 $. Ce n'est pas
ça...
Mme Marois: C'est ça. Ce n'est pas faramineux.
M. Lamoureux: ...la réalité familiale. La
réalité familiale, c'est que ça prend souvent deux revenus
ou un bon revenu de 60 000 $ avec une personne à la maison pendant un,
deux, trois quatre ans pour s'occuper des jeunes enfants. C'est ça que
les jeunes, dans le fond, préfèrent le plus, mais ce n'est
peut-être pas ce qui est le plus profitable à court terme,
à moyen terme et à long terme quand on est jeune parent. C'est
ça, la réalité.
Alors, fixer l'universalité à 60 000 $, revenu familial -
je ne parle pas de revenu individuel, je veux dire - c'est déjà
être très bas. L'universalité ou l'aide minimale que le
gouvernement pourrait accorder en termes de reconnaissance sociale et de
reconnaissance de la solidarité des autres envers ceux qui ont des
enfants, elle pourrait être minimale, mais il faut, d'après le
Conseil de la famille, la garder. Il faut que le Québec garde cette
universalité.
Mme Marois: Je vous remercie, parce que je trouve que c'est
important qu'on les... Ça l'air drôle que j'insiste en disant...
Il me semble que c'est tellement à l'évidence, sauf que je pense
que c'est important qu'on les aie, ces discussions-là et ces
débats-là. Sans ça, rapidement, on peut tomber dans la
démagogie très facile et dire: Bon, bien, tel petit montant,
ça ne vaut pas la peine de l'envoyer. Donc, enlevons-le à tel
type de famille. Telle autre chose, ça ne vaut pas la peine, alors qu'il
y a quelque chose de beaucoup plus fondamental que ça qui fait qu'une
société se sent responsable de ses enfants. Et que j'en aie ou
que je n'en aie pas, mais je vais contribuer à cette
responsabilité-là et je vais donc me sentir concerné. En
tout cas, pour moi, c'est fondamental, dans nos sociétés
développées, que l'on ait cette perspective de solidarité.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. le président du Conseil du trésor, vous avez quelques
minutes, pas plus que ça, pour
conclure et, après, je vous demanderais de venir à Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui dispose de plus de
cinq minutes, six minutes.
M. Johnson: Oui. Sur mon sourcillement d'un peu plus tôt,
M. le Président, sur le fait qu'on taxerait les enfants, dans le
discours sur le budget du printemps dernier, je suis obligé de vous dire
que ce qu'on a démontré, c'est le fait qu'on soit obligé
d'avoir deux rapports d'impôt au Québec, - donc, on a une
autonomie fiscale - nous a permis de consacrer 467 000 000 $ de plus
qu'autrement parce qu'à l'occasion de son budget fédéral -
et les neuf autres provinces ont été obligées
d'emboîter le pas - le fédéral a aboli, justement, la
distinction que vous faites entre les familles qui ont des enfants, donc, qui
ont des charges et celles qui n'en ont pas, donc, qui n'ont pas de charges.
C'est ainsi que nous, on a maintenu la reconnaissance, du fait que
toutes les familles supportent des responsabilités financières,
la nécessité d'accorder une attention spéciale aux
familles à faibles revenus et l'importance de soutenir les familles les
plus nombreuses. Et le ministre des Finances disait alors: C'est pourquoi
j'annonce que, contrairement aux autres provinces et au fédéral,
nous maintiendrons le plein montant des crédits d'impôt pour
enfants. Les autres ne pouvaient pas dire ça, les autres provinces, en
tout cas, une fois que le fédéral a décidé de faire
ça. Alors, au Canada, on taxe les enfants, mais pas au
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
président du Conseil du trésor?
Vous avez un commentaire? Un bref commentaire parce que,
déjà, le temps de l'équipe ministérielle est
maintenant épuisé, là, et...
M. Fortin: Je vous remercie de m'y autoriser, M. le
Président.
C'était juste pour préciser notre point de vue. Quand on
parle de taxer les enfants, c'est sur les achats et la consommation
quotidienne, parce qu'ils sont des enfants, pas parce qu'ils sont des enfants,
mais parce qu'ils sont des consommateurs par le biais de leurs parents. C'est
ça qu'on veut dire, là. Quand on achète des couches, quand
on achète toutes sortes de choses de cet ordre-là pour les
enfants, des bottines, des bottes, etc., il y a des taxes. C'est ça.
C'est ce qu'on veut dire, là.
Le Président (M. Lemieux): Brièvement,
brièvement, oui. Ha, ha, ha!
M. Lareau: brièvement, m. le président, pour vous
indiquer qu'à mon avis le gouvernement provincial est complice, de toute
façon, avec le fédéral, lorsqu'on nous dit qu'au
fédéral on laxe les enfants.. pardon? (18 heures)
Le Président (M. Lemieux): Bon, allez-y. Ça va.
M. Lareau: Oui, parce que je vous rappelle, donc, dans le
discours, dans le budget à la page 18, on indique ici,
évidemment... le fédéral, donc, il n'y aura plus
d'allocations fédérales, donc, aucune inclusion au niveau de
l'impôt provincial pour ce qui est de la portion d'allocations
fédérales. On dit alors: «Ainsi, la majoration
supplémentaire actuelle de la réduction d'impôt a
l'égard des familles et de la déduction additionnelle ne sera
plus nécessaire», ici, au Québec, «puisque la
nouvelle prestation fédérale ne constituera pas un revenu aux
fins fiscales.» On nous dit, à ce moment-là: La pension
alimentaire fédérale n'étant plus imposée ici, au
provincial, on va donc aller vous enlever l'ajout qu'on vous donnait pour les
familles. On est donc complices, en quelque sorte, à mon avis, de ce...
en fait, de la prestation fédérale qui vient taxer les enfants,
à toutes fins pratiques.
Le Président (M. Lemieux):... M. Johnson: M. le
Président, oui.
Le Président (M. Lemieux): Je sais que vous...
M. Johnson: Ça fait juste prouver qu'on fait le maximum de
ce qu'on peut avec ce qu'on a.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Johnson: On fait le maximum possible.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Alors, je vous remercie, M. le
Président.
Écoutez, je pense que le mémoire du Conseil de la famille
est assez clair, assez explicite. Moi, disons que j'aurais une question
maintenant, au moment où on en est de nos échanges, concernant la
régionalisation.
Vous avez, à la page 15 de votre mémoire, une mesure,
c'est très précis, mais j'aimerais que vous y apportiez des
précisions: régionaliser le développement
économique et social pour que l'ensemble du territoire du Québec
soit un milieu de vie favorable à la famille et aux enfants. Il y a
beaucoup de groupes qui sont favorables et qui nous disent que oui, ça
nous aiderait à rationaliser, d'une part, et avoir vraiment une
meilleure idée des besoins et combler de façon plus efficiente,
si on veut.
Par ailleurs, on a des groupes qui sont venus nous dire, et je pense
entre autres au Conseil du statut de la femme, hier, qui nous disait quo
régionalisation, oui, mais attention, on risque aussi de créer
des écarts par rapport aux ré-
gions. Il y en a qui sont mieux nanties que d'autres, etc. Alors,
j'aimerais que vous précisiez votre position dans cette partie-là
de votre mémoire.
M. Fortin: Je pense que l'intention qui se cache derrière
cette réflexion-là n'est sûrement pas dans la perspective
où il faudrait provoquer des différences notables entre les
régions. Je pense que l'idée qui se cache derrière
ça, c'est qu'en favorisant le développement régional on va
éviter l'exode des régions. On va éviter le fait que les
gens s'en viennent à Montréal ou s'en viennent à
Québec. On va faire en sorte que les gens seront heureux là
où ils sont, et on fera en sorte que les familles sont capables de
survivre là où elles sont.
Ce que l'on vit actuellement, c'est un déplacement
continuellement vers des milieux qui sont susceptibles d'offrir plus d'emplois.
Mais l'idéal, et ce que les gens et ce que les familles souhaitent, dans
la Gaspésie ou dans l'Outaouais, en Abitibi ou dans l'Estrie, c'est
d'être capables de gagner leur vie, de vivre et d'être heureux
là où elles sont, ces familles.
Notre perspective, dans cette recommandation-là, elle est
foncièrement familiale. C'est de faire en sorte que les gens soient
heureux où ils sont. Et favoriser le développement
régional, c'est développer le sentiment d'appartenance parce que,
quand on se déracine, des fois, on a de la misère à
s'enraciner. Il vaut mieux rester là où on est, si on est capable
de le faire. Je pense que c'est l'esprit qu'il y avait derrière cette
perspective.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie. M. Fortin: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Lemieux): Monsieur lisait de façon
exceptionnelle, M. le président du Conseil du trésor, et je
devrai permettre à Mme la députée de Taillon la même
chose.
M. Johnson: Ah oui? Je vais faire comme M. Lareau. Je vais lire
la même page que lui, mais je vais continuer deux lignes plus loin. La
majoration supplémentaire actuelle, annexe A, page 18, du dernier
budget. Ainsi, la majoration supplémentaire actuelle, la
réduction d'impôt à l'égard des familles, la
déduction additionnelle ne sera plus nécessaire, nous a dit M.
Lareau. Je continue: «...puisque la nouvelle prestation
fédérale ne constituera pas un revenu aux fins fiscales.»
J'ajoute que ça fait en sorte que le seuil d'imposition nul va demeurer
virtuellement au même endroit et même plus pour les familles - je
continue à lire - ces modifications se traduisent par une hausse de leur
revenu disponible de 70 000 000 $.
Le Président (M. Lemieux): ...conclure. En conclusion.
M. Johnson: En conclusion, l'échange est
intéressant.
Le Président (M. Lemieux): ...les remerciements, oui, les
remerciements, M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je remercie les gens qui sont venus nous parler de la
famille, de la politique familiale. Moi, j'en ai retiré certains
exemples extrêmement précis d'amélioration qu'on doit
apporter. Et on va tenter de refléter ça, évidemment, dans
nos décisions. C'est le moins qu'on puisse faire.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon, maintenant.
Mme Marois: À mon tour, je vais vous remercier pour cette
réflexion très en profondeur sur toute la question qui concerne
les familles, mais qui peut, je pense, s'étendre plus largement au
débat qu'on a ici, qui est de souhaiter que l'on redonne espoir et
confiance à nos concitoyens et à nos concitoyennes s'ils veulent
investir dans les ressources plus précieuses qu'une
société a, d'abord, ses enfants, qui seront ensuite ses citoyens
et ses citoyennes. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions pour votre
participation à cette commission parlementaire. Votre mémoire
était des plus intéressants, et nous devons suspendre nos travaux
jusqu'à ce soir, à 20 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses
travaux relativement à la consultation générale et aux
auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.
Nous allons maintenant entendre la Conférence des recteurs et des
principaux des universités du Québec. Je demanderais à ces
personnes de bien vouloir prendre place ici, en face de moi, à la table
des témoins, s'il vous plaît.
Dans un premier temps, je demanderais à la personne responsable
de ce groupe de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens
qui l'accompagnent. En ce qui concerne la procédure parlementaire, nous
disposons d'une heure: 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire; suivra un échange avec les parlementaires, pour une
durée totale de 40 minutes: 20 minutes avec le parti ministériel
et 20 minutes avec le parti de l'Opposition officielle. Nous sommes prêts
à entendre le porte-parole de cet organisme.
Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec (CREPUQ)
M. Gervais (Michel): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de la commission, mon nom est Michel Gervais. Je suis le
recteur de l'Université Laval et président de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec. Je suis heureux de vous présenter ceux qui
m'accompagnent. À mon extrême gauche, M. Patrick Kenniff, recteur
de l'Université Concordia, M. Claude Hamel, président de
l'Université du Québec et, à ma droite, M. Jacques
Bordeleau, directeur général de la Conférence des recteurs
et des principaux des universités du Québec.
Les travaux de la commission du budget et de l'administration sur le
financement des services publics constituent une occasion
privilégiée de réfléchir collectivement sur le
contrat social qui lie les diverses composantes de la société
québécoise et de convenir des meilleures voies à emprunter
pour assurer l'avenir du Québec. Car, fondamentalement, c'est de cela
qu'il s'agit ici. La sévère récession que l'on a connue,
avec la lente et longue reprise que l'on prédit, a permis, par son
impact dramatique sur les finances publiques, de mettre en relief en les
exacerbant certains des problèmes les plus importants auxquels notre
société fait face en cette fin de siècle. Parmi ceux-ci,
la nécessité de répondre aux impératifs de la
concurrence internationale est primordiale, car en cette ère de
circulation de plus en plus libre de l'information, des biens, des capitaux et
des personnes, elle conditionne la capacité du Québec d'assurer
le bien-être et la sécurité de ses citoyens. Or, de quoi
s'agit-il lorsqu'on parle des impératifs de la concurrence
internationale, sinon de formation de main-d'oeuvre hautement qualifiée,
d'avancement des connaissances, de recherche et développement et de
transferts technologiques qui sont à la base de la capacité de
restructurer l'économie et d'attirer les capitaux nécessaires au
développement du Québec?
Le document «Vivre selon nos moyens» le fait bien ressortir
lorsqu'il affirme, d'une part, et je cite: «Au cours des prochaines
années, les économies qui auront du succès seront celles
qui investiront dans la formation de leur main-d'oeuvre». Et, d'autre
part, et je cite encore: «Avec l'accélération des
progrès technologiques, les pays qui veulent se hisser au rang des
économies à forte valeur ajoutée doivent investir dans la
'«cherche et l'innovation».
En mentionnant ces choses, on se rend compte que les universités
sont un acteur incontournable dans cette entreprise. C'est la raison pour
laquelle nous avons jugé opportun de faire le point avec vous sur
quelques aspects de la vie de nos établissements, choisis à la
lumière de la problématique des finances publiques. Ces aspects
touchent l'état de développement du système universitaire,
sa situation financière, sa productivité et la question des
droits de scolarité. Avant d'y venir, toutefois, laissez-moi vous dire
un mot de l'esprit qui nous anime comme représentants des chefs
d'établissements universitaires du Québec au moment où
nous nous présentons aujourd'hui devant vous.
Nous avons une claire conscience de la situation difficile des finances
publiques. Nous sommes entièrement solidaires du Québec dans le
nécessaire effort de rationalisation des dépenses et
d'augmentation de la productivité. Nous avons une volonté ferme
de contribuer, de façon dynamique et efficace, à améliorer
la capacité du Québec de créer la richesse collective dans
un contexte de compétition internationale.
Avant de décider des orientations pour l'avenir, il importe
d'abord de nous situer. Et, pour pouvoir porter un jugement sur le
développement de notre système universitaire, il convient
d'utiliser des points de référence externes et des indicateurs
pertinents pour fins de comparaison. La référence à
l'Ontario et au Canada nous paraît, à cet égard,
significative.
Pour ce qui est des indicateurs, nous n'en avons choisi que quelques-uns
parmi les plus éloquents et les plus significatifs. Entre 1971 et 1991,
le nombre d'étudiantes à l'université passait de 33 300
à 141 334, et le nombre d'étudiants, de 60 280 à 107 714.
En 1971, 52,5 % des professeurs détenaient un doctorat. Cette proportion
atteint aujourd'hui, en moyenne, 73,2 %, ce qui se compare avantageusement
à ce que l'on retrouve ailleurs au Canada
En 1992, la proportion de la population âgée de 15 ans et
plus qui détenait un diplôme universitaire était de 11,5 %
au Québec, alors qu'elle était de 13,9 % en Ontario et de 12,4 %
au Canada. En 1990, le rapport entre le nombre de diplômés de
maîtrise et de doctorat et le nombre total de diplômés est
de 11,8 % au Québec, de 15 % en Ontario et de 13,3 % au Canada. En 1988,
la dépense intérieure brute en recherche et développement,
en proportion du PIB, s'établissait à 1,29 % au Québec,
à 1,72 % en Ontario et à 1,34 % au Canada qui, lui-même, se
situe dans le peloton de queue des pays de l'OCDE.
Dans le domaine de la recherche, il nous suffira de rappeler
l'excellente performance de nos chercheurs, notamment auprès des
conseils subventionnaires qui, pour octroyer leurs subventions, font appel
à des jurys de pairs formés d'experts non seulement
québécois mais aussi canadiens et étrangers. Il faut enfin
souligner l'existence de partenariats de plus en plus nombreux entre les
universités et les entreprises.
Sur ce thème de la recherche, s'il est vrai que le Québec
comme le Canada connaissent une performance plutôt modeste pour ce qui
est des sommes globales consacrées à la recherche et
développement, la situation est tout autre en ce qui concerne la
recherche universitaire. En effet,
lorsque l'on prend les sommes investies en recherche universitaire en
pourcentage du produit intérieur brut, on constate qu'en 1989 le
Québec, avec un pourcentage de 0,41 %, se classait au cinquième
rang parmi les pays les plus industrialisés, sur un pied
d'égalité avec l'Allemagne et derrière les
États-Unis avec 0,43 %, les Pays-Bas 0,47 %, le Japon 0,55 % et la
Suède 0,82 %. Le Canada et l'Ontario montraient pour leur part des
pourcentages de 0,34 % et 0,31 % respectivement. Ajoutons qu'en 1990-1991 nos
chercheurs universitaires ont obtenu 26,5 % des subventions octroyées
par les organismes subventionnaires fédéraux, alors qu'ils
représentaient 22,3 % des effectifs professoraux.
Étant donné la faiblesse relative de R & D
effectuée par le secteur privé, on constate l'importance
considérable du rôle joué par les universités dans
le domaine de la recherche au Québec. On se rend compte que les efforts
du gouvernement du Québec en faveur de la recherche, notamment par le
financement qu'il accorde aux frais indirects, de même que la performance
des chercheurs québécois auprès des conseils
subventionnaires fédéraux, ont contribué à placer
le Québec à l'avant-garde dans le domaine de la recherche
universitaire. Par ailleurs, on constate que la synergie qui s'est
développée avec le secteur privé et les nombreux
partenariats qui en découlent et qui continuent de croître sont un
atout majeur pour le développement économique du Québec.
(20 h 10)
Les universités pourraient jouer un rôle encore plus
important pour attirer des entreprises à fort contenu technologique et
scientifique et, le cas échéant, participer elles-mêmes
à leur création si on leur donnait les moyens de le faire. Les
modalités que cette action pourrait emprunter restent à
définir dans une large mesure, même s'il existe déjà
des expériences fort intéressantes, mais les universités y
voient un potentiel de retombées économiques très
important pour le Québec.
Venons-en à la situation financière des
établissements. En dépit des compressions et des sous-indexations
qu'ont connues les subventions de fonctionnement au cours des dernières
années, l'effet combiné de leur augmentation, même
insuffisante, et des hausses de droits de scolarité a néanmoins
permis aux établissements universitaires d'amorcer un redressement de
leurs finances et, pour ceux qui en ont, de s'attaquer plus résolument
à la résorption de leur déficit accumulé. Mais il
ne faut pas s'imaginer que la question du sous-financement des
universités est réglée pour autant, alors qu'il n'y a
même pas la moitié du chemin de parcouru par rapport à
l'objectif de rattrapage de 150 000 000 $ établi dans la foulée
des travaux de la commission de l'éducation sur le financement des
universités et présenté au premier ministre lors d'une
rencontre tenue il y a quatre ans.
Il faut, par ailleurs, être conscient que le relatif
équilibre budgétaire des universités est fragile et qu'il
serait sérieusement compromis si la hausse marginale annoncée de
1,9 % des droits de scolarité pour 1993-1994 était
accompagnée d'une diminution des subventions. Il importe en effet de
réaliser que ce n'est pas en quelques années que l'on peut
résoudre les problèmes structurels consécutifs à
plusieurs années de sous-financement conjuguées à des
hausses importantes de clientèle. C'est, de fait, seulement par un
effort soutenu que l'on pourra résoudre les problèmes
d'insuffisance et de vieillissement des effectifs, de pénurie et de
dégradation des collections des bibliothèques, d'insuffisance et
de désuétude des équipements scientifiques, de manque
d'espace et de vétusté des immeubles. Et ce, d'autant plus que
depuis que ces problèmes sont apparus la situation économique a
évolué de façon telle que le prix des ressources, tant
humaines que matérielles, qui entrent dans la fonction de production
universitaire a augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que le
taux d'inflation ou que le taux de croissance du PNB. Ainsi, le marché
de la main-d'oeuvre hautement qualifiée dans lequel on recrute les
professeurs-chercheurs est de plus en plus international et marqué par
une vive concurrence. De la même façon, les prix des
équipements scientifiques, comme ceux des abonnements aux revues et des
monographies, ont augmenté à un rythme nettement supérieur
au taux d'inflation. Sur la question des espaces et des immeubles, les
universités tiennent à souligner les efforts faits par le
gouvernement du Québec à l'occasion des plans
d'accélération des investissements publics, qui
représentent des pas importants dans la bonne direction.
Cet examen de la situation financière des établissements
révèle donc que, si les universités contrôlent leurs
dépenses, il n'en demeure pas moins que des problèmes importants
subsistent, dont la solution serait d'autant plus coûteuse qu'on la
reporterait dans le temps. Et ceci au moment où les étudiants
continuent, heureusement pour le Québec, dans le fond, d'affluer aux
portes de nos universités.
L'amélioration de la productivité est une autre piste
fréquemment proposée par le gouvernement pour freiner la
haussé des dépenses. C'est une voie que les universités
connaissent bien, puisqu'elles y ont recours depuis fort longtemps. Quelques
statistiques permettent, croyons-nous, d'illustrer éloquemment notre
propos.
Mentionnons d'abord que la proportion des dépenses
consacrées à l'enseignement universitaire sur l'ensemble des
dépenses gouvernementales est demeurée stable, autour de 4 %
depuis plusieurs années, et ce, en dépit des hausses soutenues
des clientèles. Entre 1981 et 1991, le nombre d'étudiants s'est
accru de 34 %, et les subventions et contrats de recherche, de 290 %,
pour atteindre quelque 460 000 000 $ en 1991-1992, alors que le nombre
de professeurs augmentait de 15 % seulement. Le ratio
étudiants-professeur passait de 16,1 en 1981 à 19,4 en 1991,
alors qu'il est de 17,7 en Ontario. Enfin, le nombre de diplômés
augmentait globalement de 45 % de 1980 à 1990, et cette augmentation
atteignait 61 % pour les diplômes de maîtrise et 108 % pour les
doctorats.
Nous ne voulons pas inonder de chiffres la commission, mais il nous est
apparu utile de présenter ces quelques indicateurs fort
révélateurs des gains de productivité
réalisés au cours des dernières années. Nous
croyons qu'à cet égard la performance des universités se
compare à celle de n'importe quel autre organisme qui émarge au
budget de l'État. Cela dit, les universités n'ont pas pour autant
le réflexe de s'asseoir sur leurs lauriers, et c'est résolument
qu'elles poursuivent leurs efforts de rationalisation, et ce, tant au niveau de
chacun des établissements que de l'ensemble. Mais elles ne peuvent en
même temps s'empêcher de constater qu'il y a des limites à
ce qu'elles peuvent faire en cette matière sans risquer de compromettre
la qualité de l'enseignement et de la recherche en n'offrant pas
à leurs étudiants et étudiantes des ressources
documentaires et un encadrement adéquat ou en les formant avec des
équipements scientifiques insuffisants et souvent désuets.
Notre mémoire aborde la question de la tâche des
professeurs. Je ne reprendrai pas le contenu de cette partie de notre texte,
quitte à y revenir durant la période d'échange. Je me
contenterai de mentionner que, sur la base des seules données
comparatives dont nous disposons, il appert que la charge de travail des
professeurs du Québec est comparable à celle de leurs
collègues de l'Ontario et de l'ensemble canadien.
Venons-en à la question des droits de scolarité. Les trois
voies qui sont les plus fréquemment proposées pour assurer le
redressement des finances publiques sont lo contrôle des dépenses,
l'augmentation de la productivité et la hausse des revenus. Nous avons
déjà traité des deux premières. Qu'en est-il de la
dernière?
Il faut d'abord souligner que les porte-parole gouvernementaux excluent
d'entrée de jeu toute hausse des emprunts. Pour ce qui est des revenus
de source fiscale, ils affirment la nécessité d'avoir une
fiscalité concurrentielle et indiquent qu'en cette matière la
limite semble avoir été atteinte, et ce, tant pour ce qui est des
impôts des particuliers et des corporations que des taxes à la
consommation. Ayant posé ces jalons et à l'instar de ce que l'on
retrouve dans des sociétés comparables, on met plutôt de
l'avant une philosophie de participation des citoyens au financement des
services publics qui vise non seulement à les sensibiliser à la
réalité des coûts mais aussi à leur faire assumer
directement une part du fardeau. Les universités sont d'accord sur le
principe sous-jacent à cette orientation générale qui, de
toute façon, est déjà prise dans leur cas par
l'intermédiaire des droits de scolarité. Il vaut d'ailleurs la
peine de mentionner que ces droits représentent sans doute
l'investissement le plus rentable qu'il soit donné à un individu
de faire au cours de son existence.
Mentionnons au passage que c'est bien à tort qu'on a parlé
dans le passé de gel des droits de scolarité puisque, en termes
réels, ils n'ont cessé de décroître entre 1968 et
1989. S'ils avaient seulement été indexés à l'IPC,
à l'indice des prix à la consommation, ils seraient aujourd'hui
de 2500 $. Ils sont de 1511 $, ce qui équivaut, en dollars de 1968,
à 331 $ alors qu'ils étaient à l'époque de 547
$.
On note aussi, à juste titre, les écarts importants qui
subsistent entre les droits de scolarité universitaire qui sont
payés au Québec et ceux qui sont payés ailleurs au Canada.
Les écarts sont encore plus grands lorsqu'on les compare à ceux
qui prévalent dans les universités publiques américaines,
et ce, en dépit des hausses importantes des droits de scolarité
que l'on a connus au cours des dernières années, après un
prétendu gel de 20 ans. Or, non seulement nos étudiants
paient-ils moins mais ils le font, pour la plupart, moins longtemps dans la
mesure où, en Ontario, par exemple, le premier cycle universitaire est
d'une durée de quatre ans et où les étudiants des
collèges d'arts appliqués et de technologie, l'équivalent
de notre collégial professionnel, acquittent eux aussi des droits de
scolarité.
Nous ne voulons pas, en disant cela, proposer l'imposition de droits de
scolarité au niveau collégial. Ce constat vise plutôt
à situer le contexte dans lequel s'inscrit la problématique des
droits de scolarité et à s'assurer que tous soient conscients des
choix sociaux que nous avons faits. Cela dit, si l'on veut une fiscalité
concurrentielle tout en offrant des services comparables, il faudra, pour
être conséquents, sur une période plus ou moins longue et
en tenant compte des efforts déjà consentis, viser à
rattraper la moyenne canadienne des droits de scolarité
universitaire.
Au terme de cet exposé, nous tenons d'abord à dire que
nous sommes conscients de l'état précaire des finances publiques
du Québec et du fardeau considérable que représente, dans
ce contexte, le retrait du gouvernement fédéral du financement
des programmes établis. Il y a cependant une conviction profonde que
nous voulons partager avec les membres de la commission, et c'est celle de la
rentabilité, tant sur le plan individuel que social, des sommes qui sont
investies dans l'enseignement et la recherche universitaire. La performance des
pays qui nous ont déjà devancés en cette matière
est d'ailleurs là pour en témoigner. (20 h 20)
Les diplômés universitaires ont un taux
d'activité beaucoup plus élevé que les autres
travailleurs. en 1992, il était, au québec, de 84,4 % contre 61,7
% pour la population en général; et, pour ce qui est des
personnes ayant une scolarité se situant entre zéro et huit
années, ce taux d'activité se situe à 34,4 %. leurs
revenus sont deux fois supérieurs. ainsi, les détenteurs de grade
universitaire en 1991, au québec, avaient un revenu moyen de 40 537 $,
alors que ceux qui avaient fait seulement des études secondaires et
postsecondaires, sans avoir un grade universitaire, avaient un salaire de 24
514 $ en moyenne et que ceux qui avaient une scolarité de zéro
à huit années avaient un salaire de 18 138 $. le chômage
les affecte trois fois moins. ainsi, en décembre 1992, on constate un
taux de chômage de 5,8 % chez les détenteurs d'un grade
universitaire au québec, comparativement à un taux de 13,7 % chez
ceux qui n'ont complété que des études secondaires et
postsecondaires, sans grade universitaire, et à un taux de 21 % chez
ceux qui ont entre zéro et huit années de scolarité. et
ces proportions sont relativement stables depuis quinze ans. les
diplômés universitaires ont une espérance de gain, sur leur
vie entière, qui dépasse largement celle des autres travailleurs.
et ceci, en retour, se traduit par des revenus accrus pour l'état et
pour la société en général. de fait, nous
n'hésitons pas non plus à affirmer que la disponibilité
d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée constitue présentement et
constituera de plus en plus l'un des facteurs les plus importants de la
localisation des entreprises.
Par ailleurs, il va sans dire que la recherche représente l'autre
clé de voûte du développement économique. Nous avons
vu précédemment qu'il reste encore beaucoup à faire dans
ce domaine, tant au Québec qu'au Canada. Nous ne saurions cependant
laisser passer cette occasion de saluer de façon particulière les
efforts importants du gouvernement du Québec par son soutien aux
organismes subventionnaires québécois, par sa contribution aux
frais indirects de la recherche par le programme SYNERGIE et par sa
fiscalité pour promouvoir la recherche universitaire et favoriser la
collaboration entre les universités et les entreprises. Ces mesures
placent le Québec à l'avant-garde des provinces canadiennes en ce
domaine, et il faut espérer qu'elles seront maintenues.
Au-delà du contrôle des dépenses et de
l'amélioration de la productivité qui devront demeurer des
préoccupations permanentes de tous, y compris, bien sûr, des
universités et des universitaires, il est certain qu'à moyen et
à long terme la solution aux difficultés financières du
Québec et de ses citoyens est intimement liée à la
santé de son économie. Celle-ci, en retour, est appelée
à se développer dans un environnement de plus en plus
concurrentiel dont le poids sera d'autant plus déterminant que le
Québec a un secteur extérieur relativement important. Dans pareil
environnement, il y a des choix de société qui s'imposent et qui
touchent non seulement les arbitrages à faire entre les diverses
composantes de la société mais aussi entre les
générations actuelles et futures. Le pari en faveur d'une
formation et d'une recherche de qualité représente, dans ces
circonstances, la meilleure garantie que l'on puisse offrir aux
Québécois et aux Québécoises pour l'avenir.
Je voudrais, en terminant, remercier les membres de la commission de
leur attention et les assurer, au nom de mes collègues et en mon nom
personnel, de la collaboration des universités dans leur important
travail.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Merci, M. le Président.
Merci, messieurs, pour votre présentation. Vous êtes, selon
les diverses expressions consacrées, le dessert, ou la cerise sur le
sun-dae - ou, enfin, choisissez - vous êtes les derniers d'une longue
liste de quelques douzaines d'organismes et de citoyens qui ont
décidé de venir s'exprimer ici, devant cette commission
parlementaire, pour nous faire partager leurs réflexions.
Vous êtes, évidemment, au coeur du développement
économique du Québec, et le soutien que la société
peut apporter à l'enseignement supérieur et aux institutions que
vous représentez est également une priorité
gouvernementale. On en profite - je suis sûr que ça va faire
plaisir à mon collègue de gauche - pour remarquer au passage ou
souligner - enfin, moi, je vais le faire aussi - ce que vous retenez de la
fiscalité à l'égard de la recherche et du
développement dans la mesure où on peut assurer la jonction entre
université et entreprise dans nombre de programmes que vous
décrivez ici et qui, ma foi, ne sont pas négligeables dans leur
contribution au développement économique.
Autonomie oblige. Je ne penserais pas vous dire comment contribuer
à rétablir l'équilibre des finances publiques. Mais est-ce
par manque de temps? Je le crois, plutôt que par discrétion. Vous
avez dû négliger la lecture de votre passage sur la tâche de
professeur dans votre présentation il y a quelques instants. C'est par
manque de temps, de toute évidence. C'est préférable qu'on
échange là-dessus.
Vous avez évoqué une recherche de 1986 qui place les
professeurs d'université du Québec dans la bonne moyenne
canadienne. Finalement, c'est relativement comparable, le fardeau de nos profs
d'université avec ce qui se fait ailleurs. Globalement, oui, c'est vrai,
mais c'est la répartition qui, à mon sens, devrait
peut-être faire l'objet d'une certaine attention, dans la mesure
où, dans le coeur de l'action, les cours dispensés, le nombre
d'heures consacrées à
l'échange avec les étudiants en classe ou autrement nous
démontrent, selon les chiffres que vous avancez, un léger
avantage en faveur des professeurs du Québec, avantage dans le sens
qu'ils passent moins de temps que leurs collègues ontariens en
présence des étudiants. Ils dispensent moins de cours par
session, mais consacrent, ma foi, d'après les chiffres que j'avais mais
que je ne retrouve pas instantanément, quelque peu plus de temps
à des tâches administratives; 12 % à 15 % en heures ou en
minutes, peu importe, à l'administration de plus que chez nos voisins
ontariens.
Et si on rétablissait, par exemple, un équilibre où
les professeurs du Québec auraient une charge d'un cours par
année de plus et qu'on rognait un peu du côté des
tâches administratives, il y aurait 40 000 000 $, là, qu'on
pourrait aller chercher assez facilement.
Est-ce qu'on pourrait échanger rapidement là-dessus, sur
le profil de la tâche, dans le fond, de nos professeurs et les
explications de fond que vous mettez de l'avant sur cette situation et les
coûts que ça peut engendrer?
M. Gervais: D'accord. Sur la question de la tâche des
professeurs, comme nous l'indiquons dans le mémoire, les seuls chiffres
comparatifs dont nous disposions montrent que les écarts sont
légers. Effectivement, il y a un léger écart en faveur de
la tâche d'enseignement des professeurs de l'Ontario et du reste du
Canada. Par ailleurs, il y a une portion de temps plus importante
consacrée à la recherche, et cela se reflète, d'ailleurs,
dans les résultats dont je vous ai parlé tantôt
auprès des organismes subventionnâmes puisque, en quelque sorte,
les professeurs du Québec représentent 22 % des effectifs
professoraux du Canada et qu'ils vont chercher quelque chose comme 27 % des
subventions de recherche auprès des organismes fédéraux.
Et, ma foi, je crois qu'il y a peut-être lieu de se réjouir de cet
accent mis sur la recherche au Québec.
Un autre élément sur lequel je veux insister est qu'il y a
quand même des différences de système importantes entre le
Québec et les autres provinces au niveau de l'enseignement
supérieur, et il y a, entre autres, le fait que nous avons, au
Québec, un cours de trois ans, qu'ils ont un cours de quatre ans au
premier cycle et que, notamment, c'est au niveau de la première
année de l'«undergraduate», dans les provinces canadiennes,
que se retrouvent les grands groupes, que se retrouvent aussi les cours
à caractère répétitif, et tout cela.
Pour ce qui est des tâches administratives, je n'ai pas
d'explication sur l'écart favorable au reste du Canada. Peut-être
que les latins...
M. Johnson: Mais ça peut être à force de
compléter des formulaires pour les organismes subventionnâmes,
évidemment. (20 h 30)
M. Gervais: Ha, ha, ha! Mais il peut y avoir aussi le besoin,
peut-être, des francophones de discuter davantage, en comité et
autres. Je ne sais.
M. Johnson: Oui. Je reviendrai. Merci, M. Gervais.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Alors, bienvenue et merci de votre
mémoire, au nom de l'Opposition officielle.
Je voudrais, s'il y a moyen, avoir copie des dernières
statistiques que vous avez citées...
M. Gervais: D'accord.
M. Léonard: ...en particulier sur les taux de
chômage quant aux diplômés, aux personnes qui viennent du
secondaire et du postsecondaire, mais sans diplôme, et les autres.
Ça me paraît très utile, parce que j'ai toujours
trouvé que la publicité faite autour du fait qu'il y avait 25 %
de diplômés d'université en chômage était une
publicité très dommageable et inexacte, parce que ces 25 % se
situaient sur un créneau très précis, et ce qu'il aurait
fallu dire, c'est que tous les jeunes qui sortent des universités
trouvent, pour 75 %, un travail dans leur formation dans la première
année. Et, ça, c'est plus juste et ça rend compte pas mal
plus de la situation. Je le dis, parce qu'il y a sûrement des jeunes qui
nous écoutent. Je voudrais passer le message qu'il ne faut jamais se
décourager; au contraire, c'est beaucoup plus prometteur d'aller
à l'université qu'autrement.
Ceci étant dit, le président du Conseil du trésor
cherche 40 000 000 $ dans l'administration. Moi, j'aimerais vous poser une
question en rapport avec la situation des universités canadiennes, parce
que je trouve qu'on se compare généralement, dans les
universités québécoises, aux universités
canadiennes. Les comparaisons sont faciles, et on sort assez difficilement de
ces comparaisons. Or, le problème qu'il y a, c'est qu'au Canada les
finances publiques sont très nettement détériorées,
et il va se passer des choses dans les années qui viennent. Ne serait-ce
que dans les FPE, il y a eu, depuis le début des années
quatre-vingt, une coupure de 1 800 000 000 $. Et il y aura, dans les transferts
fédéraux, tel que le prévoient ou que le
prévoyaient les derniers discours sur le budget fédéral,
des coupures de 2 000 000 000 $ à venir d'ici à cinq ans.
Encore là, on ne sait pas où ça va s'arrêter
parce que les nouvelles qu'on a quant au déficit fédéral
ne sont pas bonnes, par les temps qui courent. Dans les couloirs, il circule
que le déficit serait cette année, au lieu des 27 000 000 000 $
prévus, de 38 000 000 000 $ à 40 000 000 000 $. Il va y avoir des
décisions qui
vont se prendre. Donc, j'en suis à me poser la question que...
Si, finalement, il y a des décisions difficiles, il y en a qui peuvent
affecter les universités. Ma question, c'est: Qu'en est-il par rapport
à d'autres systèmes universitaires aux États-Unis, au
Japon et en Europe? Au fond, il me semble que, compte tenu qu'on est dans la
queue du peloton des pays de l'OCDE, il va falloir regarder ce que les autres
font là-dessus et comment rattraper les choses. Je n'aime pas ça
être à la queue.
M. Gervais: D'accord. Si on se compare au système
nord-américain et, en particulier, américain, ce qu'on peut dire,
c'est que la comparaison que nous faisons avec les universités
ontariennes, qui nous permettent d'établir un certain sous-financement,
doit tenir compte du fait que les universités ontariennes
elles-mêmes s'estiment, après étude, sous-financées
de l'ordre de 25 % par rapport aux universités publiques
américaines, sans rien dire des universités privées comme
Harvard, Princeton ou ce type d'université là. Alors, si on veut
rester concurrentiel, compétitif - et je crois qu'on doit
réaliser que, dans l'enseignement et la recherche universitaires, on
fonctionne de moins en moins à l'intérieur de limites
restreintes, mais à un niveau international - je crois qu'il y a des
questions à se poser, effectivement.
À mon avis, fondamentalement, la question est de savoir si l'on
considère les sommes investies dans l'enseignement et la recherche
universitaires comme de pures dépenses ou comme de l'investissement dans
l'avenir.
M. Léonard: Oui, je comprends. Effectivement, quand on est
à l'université, on investit dans l'avenir, ce sont les jeunes qui
sont là, mais est-ce que... Vous comparez seulement le financement, mais
dans les modes d'administration, les façons de procéder, les
charges aux membres, est-ce qu'il y a une comparaison qui peut
s'établir, à l'avantage ou au désavantage du
Québec?
M. Gervais: Écoutez, c'est assez difficile de comparer les
systèmes entre eux. On le voit lorsqu'on examine les travaux de l'OCDE,
etc. Toutefois, moi, en tout cas, toutes les études que j'ai vues, par
exemple, qui faisaient état des ratios professeur-étudiants
montrent des différences importantes au désavantage du
Québec par rapport à d'autres systèmes. Il faut tenir
compte d'autres aspects, mais quand on parle du Japon, par exemple, le ratio
professeur-étudiants est extrêmement avantageux comparé au
système québécois. Il en va de même dans la plupart
des pays que...
M. Léonard: Mais, M. le recteur, il n'en a pas toujours
été comme ça parce que, quand même, les
ressources...
Par exemple, prenons le Japon. Les ressources du Japon après la
guerre, ça ne devait pas être beaucoup. Alors, qu'est-ce qui a
fait qu'à un moment donné ia tendance s'est inversée? Au
départ, la part du PIB consacrée aux dépenses
universitaires, disons, immédiatement après la guerre, ça
devait être à peu près zéro. Donc, il y a eu une
évolution et, au fond, il y a eu des gains de productivité
considérables durant cette période qui fait que, maintenant, le
Japon est à la tête.
M. Gervais: Je n'ai pas de commentaire sur l'évolution de
l'économie japonaise qui...
M. Léonard: Bien, j'imagine qu'au sortir... Lorsque les
gouvernements auront pris la décision de rééquilibrer les
finances publiques et de lancer tout cela dans la bonne direction, on sera un
peu comme le Japon au sortir de la guerre; il va falloir qu'il y ait quelque
chose qui se passe, et à tous les secteurs, à tous les niveaux de
la société.
M. Gervais: Je crois que M. Kenntff a un commentaire à
faire là-dessus.
M. Kenniff (Patrick): Écoutez, je ne peux pas
prétendre, M. le Président, être un expert dans
l'économie du Japon, mais il reste quand même que, dans tous les
pays industrialisés, à l'heure actuelle, on constate un lien
très direct entre la force du système universitaire, d'une part,
et la force de l'économie, d'autre part. Il ne faut pas essayer de
chercher la poule et l'oeuf là-dedans, il y a une influcence
réciproque qui se fait. C'est sûr que le fait que
l'économie du Japon ait progressé si rapidement après la
guerre a permis, d'une part, de développer un réseau
universitaire et, d'autre part, évidemment, le produit de ce
système universitaire a permis de renforcer davantage l'économie
japonaise. Je ne suis pas un spécialiste...
M. Léonard: O.K.
M. Kenniff: ...mais, si on regarde ça, c'est le même
phénomène qui se produit également aux
États-Unis.
M. Léonard: Si on revient, par exemple, aux
États-Unis, il y a beaucoup de concurrence entre les universités
américaines. Est-ce qu'ici, au Québec, ce serait une chose
à favoriser, la concurrence entre les universités, pour qu'il y
ait des choses qui se passent sur ce plan-là?
M. Kenniff: M. le Président, nous sommes assis ici
ensemble ce soir, mais, lorsque nous quittons cette salle, il y a quand
même une vive concurrence entre nos établissements universitaires.
Ça existe, à l'heure actuelle, au Québec. C'est un
phénomène qu'on constate au Québec et
dans l'ensemble du Canada par rapport aux États-Unis, c'est que
le réseau universitaire au Canada et au Québec, c'est un
réseau beaucoup plus homonège en termes de qualité que
c'est le cas aux États-Unis, où il y a évidemment de
très grandes universités, mais il y a aussi des
universités dont la faiblesse est reconnue vis-à-vis de la
moyenne au Canada. C'est des systèmes qui sont très difficiles
à comparer.
On cherche ici à comprendre comment l'université peut
contribuer à résoudre les problèmes auxquels on fait face
à l'heure actuelle, notamment au plan des finances publiques. Les
diminutions des paiements de transferts de la part du gouvernement
fédéral, c'est un problème très sérieux qui
a beaucoup affecté le Québec sur un plan négatif. Nous
essayons de voir comment, à l'heure actuelle, nous pouvons, à
partir des gains de productivité très importants qu'on a
réalisés dans le réseau universitaire au Québec, on
peut continuer à contribuer. On a évoqué un certain nombre
de facteurs qui peuvent aider possiblement à résoudre la
situation, sans pour autant prétendre que ces gains-là peuvent
être très importants, compte tenu des gains déjà
réalisés. M. le président du Conseil du trésor a
mentionné, par exemple, qu'on parle de gains au plan d'une charge accrue
d'enseignement des professeurs. Nous estimons que, dans l'ensemble du
réseau universitaire québécois, ces gains seraient
relativement faibles par rapport, je suis persuadé, à vos
objectifs dans le domaine des finances publiques. Vous avez
évoqué un chiffre de 40 000 000 $. Nous, tout simplement pour
revenir à la situation en Ontario qui est un écart de 0,3, en
fait, de charge d'enseignement par session, ça représenterait
possiblement un gain d'à peu près 10 000 000 $.
M. Léonard: Juste sur un autre plan, on sait que, oui, il
y a eu des programme de recherche et développement, il y a eu des choses
qui ont été faites, mais nous sommes encore, au Québec,
très loin derrière la barre, 1,5 % environ du PIB en recherche et
développement, peut-être 1,56 %, là, les derniers chiffres,
mais effectivement, depuis 7 ans, c'est passé de 1,47 % à 1,56 %
à peu près. Il reste que les programmes qui sont annoncés,
en réalité, ne sont pas dépensés. Je me suis
toujours posé la question comment ça se fait qu'on ne
dépensait pas. Dans le Fonds de développement technologique, par
exemple, on a annoncé 350 000 000 $. Il y a 61 000 000 $ ou 68 000 000 $
au maximum de dépensés au moment où on se parle, 4 ans
après la mise en route du programme.
Qu'est-ce qui fait que ceci ne se fait pas? Puisqu'on parle de sommes
annoncées, de programmes existants, les fonds ne débloquent pas
parce que ça ne marche pas, là. Qu'est-ce qui fait que ça
ne marche pas?
M. Gervais: Je ne saurais pas dire, mais je sais que ce qui
existe dans le cas du Fonds de développement technologique, c'est un
processus d'évaluation rigoureuse. Il y a un certain nombre de projets
qui ont été présentés, mais qui n'ont pas
été retenus parce qu'on estimait que ce n'étaient pas des
investissements valables. À l'heure où on cherche
désespérément à résoudre le problème
des finances publiques, je pense qu'il faut être prudent dans le choix
des investissements qu'on fait. (20 h 40)
M. le Président, me permettez-vous de revenir à un point
que vous avez mentionné tout à l'heure? Bien sûr, je vais
mettre à votre disposition les chiffres que nous avons sur le taux de
chômage relatif des diplômés universitaires et autres, mais
dans ma présentation, tout à l'heure, j'ai fait une erreur en
parlant du salaire moyen des diplômés universitaires
comparativement aux autres. C'est que j'avais des colonnes et j'ai pris - Mme
Marois va sûrement noter cela - le chiffre qui valait pour les femmes. SI
on prend le salaire moyen des hommes et des femmes, II est plutôt, dans
le cas des diplômés universitaires, des personnes détenant
un grade universitaire, de 50 607 $, et j'ai mentionné tantôt 40
537 $; c'était pour les femmes, mais le salaire moyen, c'est 50 000 $.
Pour ceux qui ont des études secondaires et postsecondaires, mais qui
n'ont pas de diplôme universitaire, c'est 30 717 $ et pour ceux qui ont
entre zéro et huit années, c'est 24 000 $.
M. Léonard: Oui. Je voudrais revenir au Fonds de
développement technologique. Je comprends que les critères de
sélection peuvent être très difficiles, et je pense qu'il
faut qu'ils soient stricts, sévères, mais en même temps,
est-ce que vous ne pouvez pas faire valoir, comme université, que votre
apport, c'est en particulier la formation de chercheurs, donc des jeunes, et
que, sur ce plan-là, un projet sérieux doit être
évalué en fonction aussi de la formation des chercheurs? Est-ce
que ce critère est retenu dans l'administration du Fonds de
développement technologique?
M. Gervais: Écoutez, il y avait une partie du Fonds de
développement technologique qui était accessible aux
universités...
M. Léonard: Oui.
M. Gervais: ...mais la grosse partie du Fonds de
développement technologique ne l'était pas directement. En tout
cas, le projet devait être dirigé par une entreprise.
M. Léonard: Mais là, vous êtes rendu à
30 000 000 $ sur les 350 000 000 $, à peu près; 32 000 000 $, je
pense.
M. Gervais: Oui, c'est possible. Je n'ai pas
les chiffres en mémoire. Je pense que, pour cette
partie-là, les universités y ont eu accès et ont
présenté des projets.
M. Léonard: Est-ce que vous pourriez en faire plus
là-dessus?
M. Gervais: Dans le cas du Fonds de développement
technologique, sans doute, mais il y a tout de même certaines limites aux
possibilités que les universités ont de participer à des
projets de recherche en relation avec l'industrie, compte tenu de leur mission
fondamentale de formation et de recherche. Toutefois, on pense qu'on pourrait
peut-être être plus inventif et aller plus loin dans le
démarrage de nouvelles entreprises, par exemple.
Je l'ai mentionné tantôt, il y a une expérience que
nous avons faite à Québec qui m'ap-parait très
intéressante. J'en parle parce que je la connais mieux. C'est la
création avec le cégep de Limoilou du CREDEQ, Centre de recherche
et de développement d'entreprises de Québec. Pour ce
centre-là, nous avons eu une subvention de 100 000 $ du ministère
de l'Industrie et du Commerce et, l'an dernier, le chiffre d'affaires -
j'étais heureux de le mentionner à M. Gérald Tremblay -
des entreprises dans ce centre-là était de 5 400 000 $. Il y
avait des entreprises qui avaient été créées par
des diplômés de l'Université Laval et qui avaient
progressé très rapidement. Je pense à l'entreprise
Biogénie inc. qui, comme vous le savez, dépollue à l'aide
de bactéries des sites pollués. Ce genre de choses, à mon
avis, va devoir s'accroître. Il va falloir, entre autres choses, que,
dans la formation universitaire, on insiste beaucoup plus sur l'esprit
d'initiative, l'entrepreneuriat, car il est de moins en moins fréquent
que des diplômés universitaires se trouvent immédiatement
un emploi dans leur domaine de spécialité en sortant. Il y a
quelques années, les diplômés en génie
mécanique, par exemple, étaient tous engagés avant
même d'avoir fini leurs études. Ce n'est pas le cas aujourd'hui,
surtout en période de récession. Il va falloir développer
chez les étudiants et les étudiantes la mentalité que
peut-être ils vont devoir se créer leur propre emploi,
individuellement ou en groupe.
M. Léonard: Oui, mais cela nous conduit un peu à la
taille des projets de recherche. Dans le Fonds de développement
technologique - je vous en parle parce que c'est peut-être le fonds dont
on a le plus parlé... L'autre, Innovatech, il commence. On verra. On a
eu des discussions là-dessus. Mais sur le Fonds de développement
technologique, c'était, à l'origine, destiné à des
projets mobilisateurs à plusieurs millions.
Est-ce que vous ne pensez pas que, si on parle de recherche et
développement au Québec et compte tenu de l'évolution, on
doit, disons, porter beaucoup d'attention aux petits projets et pas
nécessairement juste aux grands projets? Est-ce que, là, il n'y a
pas une piste qu'il faudrait pousser vraiment beaucoup plus loin que
maintenant?
M. Gervais: En tout cas, une chose est certaine. Si on regarde
les nouveaux emplois créés au Québec dans les dix
dernières années, on sait l'importance qu'a eue la petite et
moyenne entreprise. Peut-être sommes-nous invités à penser
plus petit et plus efficace. Maintenant, je ne saurais dire, là...
M. Léonard: Je comprends. On ne peut pas être contre
les grands projets s'il y en a qui sont valables.
M. Gervais: Exact.
M. Léonard: Je suis tout à fait d'accord. Mais on
en trouve un par année, de ces grands projets-là, tandis que les
petits projets, on peut aller chercher beaucoup de choses et établir une
collaboration avec de la PME. C'est ça. C'était mon point,
là.
M. Gervais: Oui, parce que quand vous parlez...
M. Léonard: En termes d'orientation. Là, si on
parle d'investissements, c'est cela. Je pense que, quant à moi,
même en période de difficultés financières et
budgétaires majeures, on doit conserver au moins deux créneaux
dans lesquels investir: la recherche et développement et le marketing
à l'exportation, les subventions à l'exportation.
M. Gervais: D'accord. En tout cas, pour revenir à un de
vos propos antérieurs, je pense qu'une chose est certaine, c'est que,
lorsqu'on investit dans la recherche universitaire, on fait d'une pierre deux
coups. Il y a le développement des connaissances, certes, mais il y a la
formation des chercheurs, et ça, c'est une dimension extrêmement
importante d'une politique de recherche dans un pays.
M. Hamel, je crois que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Hamel (Claude): Simplement pour dire que c'est effectivement
ce qui se passe dans les universités. Notre mémoire signale que
le financement de la recherche dans les universités a augmenté de
290 % depuis les 10 dernières années. Si on regarde dans le
détail comment ça se passe, je pense que c'est le même
phénomène à peu près dans chaque
établissement. L'accroissement le plus important est du
côté de la recherche contractuelle plutôt que de la
recherche subventionnée, qui est la recherche plus fondamentale. C'est
la recherche contractuelle que l'on conduit avec des partenaires soit gou-
vernementaux, soit privés. Généralement, comme vous
le dites, dans le cadre de projets plus modestes, il y en a un grand nombre
dans chacun de nos établissements, et je dirais qu'en recherche, sans
avoir fait une analyse détaillée de ça, c'est le secteur
qui, depuis plusieurs années, est en croissance très rapide dans
nos universités. Il y a une ouverture, de ce
côté-là, de nos professeurs, de nos chercheurs qui va dans
le sens que vous souhaitez, je pense.
M. Gervais: Quand on parle - si vous permettez - de la faiblesse
de la recherche au Québec, ce n'est certainement pas... je crois qu'on
l'a montré du côté de la recherche universitaire, mais
c'est la faible présence de la recherche en entreprise dans le secteur
privé, en particulier, qui explique qu'on soit à la queue du
peloton de l'OCDE.
M. Léonard: Oui. Les PME ont de la difficulté
à s'organiser pour en faire, et c'est là que la collaboration
avec les universités est particulièrement importante.
M. Gervais: Aussi avec les cégeps, en passant.
M. Léonard: Oui. Je reviendrai pour le reste.
Le Président (M. Lemleux): Merci, M. le
député de Labelle.
Permettez-moi de vous faire état que j'ai effectivement pris
connaissance de votre mémoire. Je le dis sans méchanceté,
sans mauvaise foi, j'ai été déçu, moi, comme tel.
Je m'attendais des centres universitaires, qui sont un peu le foyer, je dirais,
de notre cogitation intellectuelle, d'avoir des avenues de solutions plus
pragmatiques au niveau du financement des finances publiques comme telles. Je
me dis que c'est sans doute le temps. Vous n'avez peut-être pas eu assez
de temps. Considérant que vous disposiez de toutes les ressources, je
dirais, financières, matérielles et humaines pour le faire, mais,
au-delà de tout ça, je me suis permis... Je vais être plus
pragmatique, je vais vous poser la question suivante.
Je me suis permis de faire venir les organigrammes de vos
différentes universités, de regarder la nature et le niveau de
vos emplois, de regarder, dans l'ensemble de vos universités, le taux
d'encadrement. Ma question est la suivante: Est-ce que vous êtes en
mesure de me répondre si, effectivement, au cours des trois
dernières années, votre taux d'encadrement a diminué ou
s'il a augmenté et, subsldialrement, êtes-vous en mesure de nous
dire ici, devant cette commission parlementaire, si vous êtes capables de
faire en sorte qu'au cours des années à venir ce taux
d'encadrement là pourrait diminuer à un taux qui serait similaire
à ce que veut faire le gouvernement, soit 20 % sur une période de
trois ans? Ma première question.
M. Gervais: Pour ce qui est de l'encadrement, par exemple, de la
présence du personnel administratif, je vous avoue que, l'an dernier,
nous avons eu, en lisant le discours du budget et lorsqu'on a parlé
d'une coupure de 10 % sur cinq ans dans le personnel administratif, de 2 % par
année, une certaine difficulté à voir comment on pourrait
le faire, compte tenu des coupures qu'il y avait eu dans le personnel
administratif dans les années précédentes. En tout cas,
dans ma propre université, je pourrais vous montrer des chiffres qui
montrent que, malgré des augmentations très importantes de
clientèles étudiantes, malgré les augmentations
d'activités de recherche très importantes, il y a eu diminution
dans les cinq dernières années du personnel administratif, du
personnel professionnel. La seule catégorie d'emploi où il y a eu
augmentation, et légère, c'est le corps professoral. (20 h
50)
Le Président (M. Lemieux): Vous me permettrez seulement de
vous informer. Ce qui est fatigant un peu lorsqu'on regarde ça,
lorsqu'on regarde vos propres documents, c'est le niveau des emplois.
Ça, je vous le dis, ça m'inquiète grandement, dans
certaines de vos universités, le niveau des emplois.
M. Gervals: Qu'est-ce que vous voulez dlro. au juste?
Le Président (M. Lemieux): Lorsque je dis l'attribution...
Lorsque vous évaluez un emploi, vous lui donnez certains niveaux. Je
pense, entre autres, à l'Université du Québec où
j'ai été un petit peu frappé, à certaines
occasions, de voir les niveaux d'emploi qu'on avait donnés eu
égard à certaines fonctions que les gens avaient à faire.
C'est simplement pour vous sensibiliser. Mais ma question demeure la
même: Est-ce que, quand même, pour l'avenir... Vous avez vu ce qui
s'est passé aux États-Unis avec le président Clinton. Il a
lui-même diminué le taux d'encadrement qui l'entoure. M. le
président du Conseil du trésor en fait une priorité.
Ma question: Est-ce que, dans l'avenir, vous serez davantage sensibles
au fait qu'on doit faire en sorte, eu égard à l'état des
finances publiques - et je parle à la fois pour les corporations qui
sont décentralisées - que vos taux d'encra-drement, vous puissiez
fonctionner avec un maximum d'efficacité et d'efficience avec un taux
d'encadrement qui soit moindre que celui qu'on connaît actuellement?
M. Hamel (Claude): Je crois comprendre que, quand vous parlez de
taux d'encadrement, vous faites référence au personnel cadre dans
nos établissements et non pas au personnel administratif ou au personnel
de soutien
Le Président (M. Lemieux): Cadre.
M. Hamel (Claude): C'est une question de définition de
statut.
Le Président (M. Lemieux): Oui. Au moins, je veux attirer
votre attention là-dessus. Ça me paraît excessivemenent
important dans les mois qui s'en viennent.
Une autre question aussi. J'ai regardé la politique salariale des
différentes universités. Est-ce que la politique salariale
gouvernementale est suivie dans toutes les universités à peu
près de la même manière qu'elle l'est... Est-ce que la
politique salariale gouvernementale, justement, est suivie dans toutes les
universités et pour toutes les catégories d'emploi?
Je regarde particulièrement la dernière convention
collective qui a été signée à Laval versus les
professeurs et les bénéfices marginaux. Est-ce que vous avez une
certaine équité eu égard à vos politiques
salariales?
M. Gervais: Oui, effectivement. D'ailleurs, pour la
première fois dans cette convention avec le Syndicat des professeurs, il
a été écrit que les salaires et les augmentations de
salaire, etc., devaient suivre la politique gouvernementale. C'est comme
ça maintenant dans l'ensemble des universités du Québec
pour l'ensemble des catégories d'emploi.
Le Président (M. Lemieux): Sur l'ensemble des
catégories d'emploi?
M. Gervais: Oui. Le personnel administratif, professionnel et
autres.
Le Président (M. Lemieux): Une autre question: Est-ce que
vous êtes en faveur des frais de scolarité au cégep?
M. Gervais: Nous ne nous sommes pas prononcés
là-dessus. Nous avons parlé de cette question-là, mais
dans un contexte bien précis où nous avons montré que les
droits de scolarité payés au Québec l'étaient sur
trois ans et que, donc, les étudiants universitaires
québécois payaient moins de droits de scolarité que les
étudiants des autres provinces canadiennes et qu'ils en payaient moins
longtemps. C'est un choix de société qu'on a fait. Est-il bon?
N'est-il pas bon? Nous n'avons pas assez étudié cette
question-là. Je dirais qu'elle relève davantage de vous.
Le Président (M. Lemieux): Vous trouvez qu'elle
relève davantage de nous?
M. Gervais: Du gouvernement.
Le Président (M. Lemieux): L'augmentation des frais de
scolarité au cégep.
M. le président du Conseil du trésor, j'ai terminé.
Comme l'Opposition a terminé sa période...
Oui, vous avez des commentaires? S'il vous plaît, oui.
M. Hamel (Claude): Pour revenir sur la question des frais de
scolarité, en fait, ce que nous disons de façon significative, je
pense, pour votre commission, c'est que nous sommes d'accord avec la
stratégie de la tarification augmentée. La hausse des frais de
scolarité nous apparaît une possibilité, si on tient compte
de notre situation par rapport aux autres provinces canadiennes. Il y a une
annexe au document de travail de la commission qui montre que la moyenne des
frais de scolarité au Québec est de 1500 $; ailleurs au Canada,
2250 $. Mais si on tient compte des trois ans à quatre ans, ça
veut dire qu'au Québec un étudiant paie 1500 $ trois fois pour
obtenir un baccalauréat. Dans les autres provinces canadiennes, il va
payer 2250 $ quatre fois pour obtenir un baccalauréat, donc 9000 $. Ce
qui signifie que nos frais de scolarité sont la moitié de ce que
sont les frais de scolarité, en moyenne, dans les autres provinces
canadiennes. La raison de cela, c'est, bien sûr, le niveau
collégial où il y a un choix politique qui a été
fait de ne pas imposer de frais de scolarité. Mais si on calcule en
fonction du coût aux étudiants, l'écart est
considérable.
L'objectif qui a été proposé, il y a quelques
années, d'un rattrapage progressif des frais de scolarité au
Québec à la moyenne canadienne, c'est un objectif avec lequel
nous sommes d'accord dans la mesure où on y va progressivement et
où l'on se rappelle aussi d'où on vient, à savoir qu'on
les a triplés depuis trois ans.
M. Léonard: Oui. Il paraît qu'il me reste deux
minutes. Sur les droits de scolarité, j'aurais juste une remarque
à faire. Je comprends votre attitude, c'est une suggestion d'aller piger
un peu du côté du cégep, mais ça m'inquiète
toujours que la loi des rendements décroissants ne s'applique, là
aussi, comme cela s'est appliqué dans le domaine du tabac où on a
vu que, là, il n'y a plus rien qui marche parce qu'on a
exagéré. Sur ce plan-là, je crois qu'il faudrait faire
attention, parce que le Québec n'a pas tout rattrapé encore.
Donc, ce qui est important, à mon sens, c'est beaucoup plus de se poser
la question de la productivité en général du
système universitaire québécois, et là, je ne fais
pas référence à la productivité des professeurs
uniquement; je le prends dans son ensemble et je me pose la question: Comment
aller plus vite, mieux, plus loin et avoir de plus en plus d'étudiants
qui sortent du système bien formés, et qu'il en entre aussi, au
Québec? Je suis d'accord avec vous que c'est la clé pour relancer
l'économie.
Quand on parle de relancer l'économie où,
là, il y a des rentrées de fonds autrement plus
importantes qu'en essayant de couper à droite et à gauche de
façon parfois aveugle, parce que l'État n'est pas méchant,
mais il est bête, c'est à peu près ça qu'on pourra
en tirer... Je pense que c'est ça, l'attitude que j'aurais
là-dessus. Mais je crains toujours d'aller taxer des étudiants
qui finissent de plus en plus endettés et qui ont de plus en plus
à se trouver, à la fin de leurs études, une bonne job et
un bon boss, actuellement. Ça, ça en décourage beaucoup.
J'avais cette remarque-là à faire. Je comprends que vous cherchez
des fonds et qu'il faut en trouver, là.
M. Gervais: D'abord, je dirais que nous n'avons pas fait, pour
être bien clair, la suggestion d'imposer des droits de scolarité
au niveau collégial. Nous avons fait remarquer que, puisqu'on n'en
impose pas, ça veut dire qu'actuellement le rapport entre les droits de
scolarité de quelqu'un qui veut obtenir un bac, au Québec, c'est
du simple au double par rapport à l'Ontario parce qu'il paie moins et il
paie moins longtemps; donc, que l'objectif de la moyenne canadienne est
à considérer et que, pour un individu, il faut se rendre compte
que c'est un investissement, en général, extrêmement
rentable que celui dans sa formation universitaire. Vous connaissez aussi les
études qui ont été faites sur le caractère
régressif de la gratuité scolaire au niveau universitaire.
Vous parliez de votre crainte du rendement décroissant. Ce que
l'on constate, en tout cas dans les universités, c'est qu'il n'y a pas
eu les décroissances appréhendées de clientèles
étudiantes suite à l'augmentation des droits de scolarité,
mais on a noté un phénomène intéressant
d'accroissement de la proportion d'étudiants et d'étudiantes
inscrits à temps complet. Je crois qu'il y a lieu de se réjouir
de cela parce qu'il y a un lien étroit entre le phénomène
de l'inscription à temps complet et la diplomation.
Du côté de la diplomation, on doit constater, au
Québec, que le taux d'abandon, au premier cycle universitaire, n'est que
de 25 % si ion tient compte, lorsqu'on regarde les chiffres, des passages d'une
université à l'autre.
Par ailleurs, pour ce qui est... Je reviens, si vous le permettez, sur
les propos de M. Leclerc. Je crois que les universités sont
fières, et avec raison, des efforts qu'elles ont faits depuis quelques
années pour améliorer leur situation. Elles ont augmenté
leur productivité, on l'a montré tantôt; j'ai parlé
des augmentations de clientèles étudiantes, des augmentations
spectaculaires de diplomation, particulièrement au niveau des
études de maîtrise et de doctorat; j'ai parlé
également de l'augmentation spectaculaire des activités de
recherche, avec une performance extraordinaire comparé au niveau
canadien. Les universités ont diversifié leurs sources de
financement. Pensez aux campagnes de souscription qui ont été
lancées dans à peu près toutes les universités du
Québec. Elles ont réduit leur déficit. Leur personnel a
accepté volontairement des limitations de salaires, et je pense qu'elles
ont aussi convaincu les étudiants et les étudiantes d'accepter
des augmentations de droits de scolarité. Il n'y a pas eu de
révolution au Québec suite à l'augmentation des droits de
scolarité.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Lévis faisait remarquer qu'il s'agit du
député Lemieux, de Vanier. Alors, ça l'a amusé que
vous m'appeliez Leclerc. Mais ce n'est pas bien grave. C'est un
collègue...
M. Gervais: Excusez-moi.
Le Président (M. Lemieux): ...qui est vraiment
sympathique...
M. Gervais: Excusez-moi.
Le Président (M. Lemieux): ...qui est le
député de Taschereau. Je veux seulement vous faire remarquer...
Essayez de comprendre mon inquiétude, tout à l'heure. Je vous ai
dit que j'ai fait venir toutes sortes de documents, j'ai regardé
ça. Vous savez, je l'ai sur une certaine période, je constate que
- une période de 10 ans - les cadres ont augmenté dans nos
universités de 100,3 %; pendant que le personnel enseignant augmentait
de 117,1 %, les autres personnels, de 152,6 %, alors que le taux de
fréquentation chez nos étudiants, lui, n'augmentait que de 94,6
%. Vous savez, ce sont des statistiques qui parlent. (21 heures)
Alors, vous comprendrez que moi, comme parlementaire, comme
président de cette commission sur les finances publiques, je ne peux
qu'éprouver certaines inquiétudes. Je vous dis: Si la rationnante
doit se faire, elle ne doit pas se faire simplement du côté du
gouvernement, mais du côté des corporations
décentralisées telles que la vôtre. Je pense qu'on doit
être collectivement solidaire de notre approche.
M. Gervais: Nous le sommes, M. le Président, mais je dois
vous dire que je suis forcé, contraint de contester complètement
les chiffres que vous me donnez là, à partir des chiffres dont
nous disposons. On va échanger nos chiffres. Chez nous, en tout cas,
à Laval, il n'y a pas eu augmentation d'un seul cadre dans les cinq
dernières années. Alors, je me dis: La situation est probablement
analogue dans les autres... On va regarder ça.
Le Président (M. Lemieux): Je vais en faire part
à... On est prêt à s'échanger les...
M. Gervais: Très bien.
Le Président (M. Lemieux): Alors, si vous
êtes consentant...
M. Gervais: On en a ici, d'ailleurs.
Le Président (M. Lemieux): ...on va faire en sorte que les
fonctionnaires concernés puissent vous rencontrer.
M. Gervais: Très bien.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a
d'autres...
Oui, M. le député de Limoilou.
M. Després: Oui. Juste une courte réponse, parce
que les chiffres, de toute façon, qu'on cite, viennent du Conseil du
trésor. Donc, j'ai l'impression qu'il doit y avoir avantage à ce
que le Conseil du trésor et les universités puissent comparer
leurs chiffres. Juste une courte réponse, parce que je sais qu'il reste
peu de temps.
J'ai bien compris, tout à l'heure, qu'en nombre d'heures les
professeurs, au Québec, font plus de recherche, étant
donné qu'on va chercher 27 % de la part des subventions en recherche.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez la tâche administrative au
niveau d'un professeur parce que, en même temps qu'on fait plus de
recherche, on fait un petit peu moins d'enseignement par rapport à
l'Ontario et par rapport à la moyenne canadienne. Donc, on se trouve
à faire plus d'administration. Mais justement, je comprends qu'il n'est
pas question de vous demander de baisser la recherche, parce que je pense que
c'est une chose qui est importante, mais ce qui nous intéressait,
c'était la productivité au niveau de la charge de cours qui a un
effet au niveau financier pour le gouvernement et pour les universités.
Et je me demandais si c'était toujours au professeur à faire,
justement, ces tâches administratives et c'est quoi, les tâches
administratives d'un professeur? Moi, j'aimerais bien savoir.
M. Gervais: Très bien. Dans la mesure, incidemment,
où l'on ne veut pas augmenter le personnel administratif dans les
universités, il faut s'attendre à ce qu'une partie des
tâches qui relèveraient normalement de personnel administratif
soit accomplie par des professeurs. Au-delà de ça, il y a
différents comités, par exemple, dont font partie les
professeurs; il est normal que, par exemple, dans un programme de relations
industrielles, il y ait quelques professeurs qui oeuvrent à l'admission
des étudiants, qui oeuvrent à l'examen des dossiers, qui
surveillent l'encadrement des étudiants aux deuxième et
troisième cycles, le progrès des étudiants dans leurs
études, qui revoient périodiquement le programme de
baccalauréat en relations industrielles. Et il en va de même dans
l'ensemble de l'université. Il est normal qu'il y ait des professeurs
qui participent à un comité aviseur, un comité conseil de
la bibliothèque, au centre de traitement de l'information. C'est normal,
si on veut que la fonction service soit ajustée aux besoins des
professeurs et des étudiants. Quand on parle de tâche
administrative du professeur, c'est de ça qu'il est question.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Je m'excuse, M. le
député de Limoilou, c'est terminé.
M. le député de Montmorency, de consentement, m'a
demandé 30 secondes. Mais vraiment 30 secondes, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Ah oui, rapidement. C'est simplement une question de
coût de formation et, en même temps, essayer de comprendre la
problématique au niveau, entre autres, des étudiants en
comptabilité.
On sait qu'il y a deux tiers de ces étudiants qui ont de la
difficulté ou qui ne réussissent pas les examens nationaux des
comptables agréés, et c'est quand même des coûts
sociaux importants. Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut justifier ce genre
de problématique ou de résultat?
M. Gervais: Puis-je vous expliquer ça en 10 secondes? Si
vous avez 100 finissants en comptabilité, à Laval, et que vous
permettez aux 100 étudiants de se présenter à l'examen des
comptables agréés et qu'il y en a 50 ou 60 qui
réussissent, vous avez un taux de succès peut-être plus bas
qu'une autre université qui va en choisir 50 sur les 100 et qui va n'en
présenter que 50; elle va avoir un taux meilleur, mais, en
réalité, la performance qu'on a eue, cette année, à
Laval, était tout à fait exceptionnelle. Si nous n'avions
présenté que la crème, comme le font certaines
universités, on aurait eu un taux de succès formidable. Mais nous
pensons que, laissant se présenter tous les étudiants, nous
permettons à des jeunes finissants et finissantes que l'on aurait exclu
de l'examen de réussir malgré tout.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de
votre participation à cette commission parlementaire.
Nous n'allons suspendre que deux minutes pour permettre, entre les deux
groupes, les remarques finales qui auront lieu dans l'ordre suivant: le parti
de l'Opposition suivi du ministre, suivi du parti de l'Opposition officielle
suivi du parti ministériel, l'Opposition officielle et le parti
ministériel.
(Suspension de la séance à 21 h 5)
(Reprise à 21 h 6)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend
ses travaux pour en arriver aux remarques finales suivant cette consultation
particulière sur le financement des services publics au
Québec.
Dépôt de documents
Avant de procéder aux remarques finales, j'aimerais
déposer, afin de les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils
avaient été présentés devant la commission, les
mémoires de personnes et organismes qui nous ont été
transmis, mais dont les auteurs n'ont pas été entendus dans le
cadre de cette consultation, à savoir: l'Association canadienne de
l'industrie du médicament, l'Association des banquiers canadiens,
l'Association des biochimistes cliniques du Québec, le Barreau du
Québec, M. Yves Boulet, M. Jean Guevremont, M. Denis Héroux, M.
Fernand Houde et M. Loui Sansfaçon.
Ces mémoires font dorénavant partie de cette commission
comme ayant été entendus.
Remarques finales
Maintenant, nous passons aux remarques finales avec M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Alors, nous terminons cette consultation comme nous l'avons
commencée, pratiquement. Et je dirai qu'il s'agit encore une fois, comme
je l'ai dit au départ, d'une consultation tronquée, où les
documents nous sont parvenus à la dernière minute, pas seulement
à l'Opposition, mais à ceux qui sont venus ici, devant nous, nous
le dire pratiquement à chaque mémoire, qu'ils avaient dû
rédiger leur mémoire alors qu'ils n'étaient pas en
possession des derniers renseignements qui ont été rendus publics
par la suite. Et cela a faussé le débat.
Nous avons tenté, quant à nous, d'avoir deux ou trois
jours additionnels pour discuter, par exemple, du document qui avait
été rendu public le 19 janvier dernier, «Vivre selon nos
moyens», parce qu'il y avait des questions à poser au gouvernement
là-dessus. Et le gouvernement l'a refusé - l'a refusé -
comme il a refusé aussi d'entendre d'autres personnes, d'autres experts
qui auraient pu nous éclairer sur toutes les questions qui
étaient du ressort de la commission.
Donc, c'est un premier point que je voulais souligner parce que nous
aurons entendu des groupes, mais nous n'aurons pas conclu devant le public sur
ce qu'ils nous ont dit. Et cela nous amène, finalement, au contexte dans
lequel la commission siège, que j'avais mentionné au
départ. Nous sommes à la veille d'un dépôt de
crédits, d'un nouveau budget, probablement préélectoral.
Nous sommes à la veille aussi de nouvelles négociations de
conventions collectives et, au fond, c'était le contexte que
s'était donné le gouvernement. Le 31 mars, il y aura un
dépôt de crédits, et je crois que, pour lui, il
était important de faire une opération de conditionnement
politique, ce qu'il a tenté de faire - je ne dirai pas qu'il a
réussi, mais ce qu'il a tenté de faire. Parce que de notre
côté, nous disons, au fond, que, effectivement, la situation
financière des gouvernements est très grave, qu'elle
mérite des solutions urgentes, mais que, si l'on doit amener des
solutions, il faut au moins qu'on en fasse une analyse correcte, qu'on pose un
diagnostic qui prenne en compte toutes les dimensions de la question et pas
seulement un échéancier de court terme parce que, au fond, il y a
plusieurs dimensions qui n'ont pas été traitées au cours
de cette commission, qu'on n'a pas voulu traiter, qu'on a escamotées en
quelque sorte. (21 h 10)
Cela relève, évidemment, de problèmes de vision
quant à l'avenir, d'une vision de la société
québécoise et qui se reflète, effectivement, dans les
finances, d'une philosophie politique, oui, et il faut le comprendre comme
cela. Mais, quant à nous, les grandes dimensions de la question des
finances publiques se retrouvent d'abord au fédéral, qui a
accumulé des déficits, lesquels ont entraîné des
taux d'intérêt réels de 7 % depuis au moins 10 ans, ce qui
est considérablement au-dessus de ce qui se paie dans les pays de
l'OCDE. Et cela piège gravement la relance économique. On voit
très bien avec quelle difficulté le Canada, comme les
États-Unis, mais le Canada en particulier depuis plus longtemps, a des
difficultés à relancer son économie. Les recettes, donc,
viennent à baisser.
Et je donnerai juste un indicateur. Dans le discours de M. Mazankowski,
du 2 décembre dernier, il manquait 8 000 000 000 $ aux recettes
fédérales. Ce n'est pas rien. C'est ça qui expliquait
l'augmentation du déficit fédéral. Cela entraîne un
freinage considérable des investissements, une surenchère
à l'épargne que nous payons, nous, au Québec,
premièrement par notre service de la dette, où le taux
réel d'intérêt est de 7 % plutôt que de 3 % ou 4 %.
Ça nous coûte au moins 2 000 000 000 $ là; par une
diminution des transferts fédéraux depuis 10 ans à peu
près, 3 600 000 000 $, et il y en aura encore 2 000 000 000 $ qui vont
s'ajouter d'ici 5 ans. Tout cela sur une base annuelle. C'est
considérable! Et pourtant, ces questions-là, on les a
escamotées, on n'a pas voulu en traiter.
Et je ne parle pas, là, encore des dédoublements, des
chevauchements, un autre 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $, entre 1 000 000 000
$ et 2 000 000 000 $ sûrement. Tout cela fait partie du problème.
Il faut poser un diagnostic là-dessus et il faut prendre la question de
front. Au fond, les 7 % de taux réel
d'intérêt au Canada qui font que le fédéral
lui-même creuse ses déficits et que le Québec fait la
même chose viennent de l'indécision. Très bien, mais on
refuse d'envisager cela. Le seul point sur lequel on s'est attardé,
c'est: où pourrait-on couper? Et c'est la seule question lancinante que
le gouvernement a posée aux groupes qui venaient ici.
Certains ont manifesté que, peut-être, il faudrait regarder
aussi du côté des revenus, combien coûtent les abris
fiscaux, parce que le moindre petit programme de dépenses est
listé à 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ près, et les abris
fiscaux coûtent des dizaines de millions, peut-être des centaines
de millions. on l'a vu l'an passé quand le gouvernement s'est
fourvoyé dans les programmes, les crédits à la recherche
et développement, il est disparu 250 000 000 $ comme rien. c'est ce
qu'on a lu dans les journaux, chiffre qui n'a jamais été
démenti pratiquement. considérable! au fédéral,
ça a été 3 000 000 000 $ dont on a parlé. toutes
des choses qu'il faudrait quantifier. si l'on veut quantifier les programmes de
dépenses, il faut aussi quantifier les dépenses fiscales. je
pense que la transparence l'exige. ce serait fondamental qu'on fasse
l'étude sur tous ces aspects.
Qu'il y ait de la rationalisation des programmes à examiner,
à consolider, à reprendre, peut-être à abolir,
très bien, je pense qu'il faut aussi regarder dans les dépenses.
Mais il faut aussi regarder ailleurs. Et là, à un moment
donné, le bain arrêterait de se vider, parce qu'il y a le
fédéral, il y a le Québec, je comprends qu'on ne veut pas
traiter la question sous cet angle, mais la question nationale n'est pas
réglée. On a mis de côté, parce que ça fait
mal, la question constitutionnelle, mais les aspects économiques,
financiers, budgétaires, administratifs de toutes les structures qui
nous gouvernent n'ont pas été pris en compte de façon
générale et globale. C'est le problème auquel on a
à faire face.
Alors, je considère, M. le Président, que cette
commission, à ce stade-ci, se termine en quelque sorte en queue de
poisson, parce qu'il n'y a pas de conclusion, sauf ces quelques remarques que
je tire. Il y en aura peut-être au dépôt des crédits,
peut-être bien au discours sur le budget. Je comprends, mais, à ce
moment-là, nous sommes retournés aux perspectives de court terme
que j'avais déjà mentionnées, c'est-à-dire des
perspectives vraiment de 31 mars prochain pour couper dans les dépenses
et, après ça, de gratouiller dans le budget ultérieurement
et de prévoir une convention collective où on veut clencher les
fonctionnaires, la fonction publique et puis sans regarder ce qu'on fait parce
que les dépenses de ce gouvernement ont augmenté beaucoup plus
vite que les salaires.
Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire
à ce stade-ci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
M. le ministre des Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: Alors, M. le Président, nous arrivons
évidemment au terme de cette commission parlementaire qui a
siégé - nous sommes déjà dans la troisième
semaine de session - où nous avons eu l'occasion de recevoir près
de 80 mémoires en même temps que plusieurs de nos concitoyens et
concitoyennes qui sont venus ici nous présenter leur point de vue sur le
financement des services publics.
On se rappelle le mandat de la commission; c'était d'examiner les
orientations de court et de moyen terme souhaitables en matière de
dépenses gouvernementales, de fiscalité, de déficit et
d'endettement. Nous avions comme objectif d'approfondir notre
compréhension des problèmes, de dégager les options
possibles, de comprendre les points de vue des divers groupes de la
société, d'ailleurs, qui ont été fort bien
représentés ici au cours de ces échanges, et convenir des
choix les plus appropriés.
Nous avons eu l'occasion, évidemment, pour quelques-uns, de
mettre l'accent sur l'emploi. C'est quelque chose qui nous a toujours tenu
à coeur et qui continuera de nous inspirer comme objectif primordial.
Notre parti, d'ailleurs, a comme article no 1 de son programme le
développement économique, la création d'emplois. Nous
n'avons pas changé de cap.
Nous avons reçu des suggestions fort valables au cours de cette
commission. On a parlé évidemment que les déficits et
l'endettement causaient un problème tel qu'on ne pouvait plus songer
à poursuivre dans cette direction; lorsqu'on pense à un
déficit, disons, des environs de 5 000 000 000 $, il ne faut pas faire
ça trop souvent, parce qu'à chaque fois que ça arrive,
ça veut dire que l'année suivante, on a un demi-milliard de plus
d'intérêts à payer, donc un demi-milliard de moins de
services à donner à la population.
Je pense que cette commission a eu au moins cet avantage et cette fin,
de pouvoir sensibiliser l'opinion publique à la situation que
décrivait le député de Labelle comme une situation grave.
Et ceux qui sont venus dire que la situation n'était pas grave, que tout
allait bien, je pense qu'ils pensaient plus à protéger leurs
intérêts qu'à réellement traduire une
réalité. D'ailleurs, ceux qui ont dit ça sont tellement
peu nombreux parmi tous ceux qui sont venus ici qu'on peut dire que le
consensus était d'arrêter l'endettement, les déficits.
Et on a ajouté également, quant à la
fiscalité, que le fardeau fiscal était suffisamment
élevé. Quant à la fiscalité, en plus du niveau dont
il a été question, il a été question
également de s'assurer d'une équité fiscale, et
ça,
évidemment, nous avons pris plusieurs notes pour faire des
vérifications afin de nous assurer de l'équité fiscale.
Nous avons fait des efforts considérables depuis quelques années
pour mettre l'accent sur la progressivité, mettre l'accent sur la
protection des familles, le soutien à la famille
québécoise. Nous avons augmenté considérablement
les sommes versées dans cette direction. Nous avons également
été préoccupés par le sort des régions. Nous
allons continuer de l'être. Nous avons voulu avoir une
équité fiscale réelle. Nous allons faire de nouvelles
vérifications à la suite de ce que nous avons entendu pour
être sûrs qu'il n'y ait pas d'injustice ou d'iniquité de ce
côté-là. (21 h 20)
On a parlé, par exemple, des abris fiscaux. Bien, personne ne
nous a dit de cesser les abris fiscaux en exploration minière, par
exemple. Personne ne nous a dit de cesser les abris fiscaux ou les
dépenses fiscales en matière de culture, dans les films, par
exemple. On ne nous a pas donné, par exemple, de piste à suivre
dans l'abolition des dépenses fiscales en matière de recherche et
de développement, en matière de main-d'oeuvre. Les seuls endroits
où c'a été précisé un petit peu plus,
c'était du côté des gains de capital. Nous avons
regardé tout ça, malgré qu'il y ait là une
situation où il faut faire attention pour éviter la
mobilité qui est très présente lorsqu'on a des conditions
qui ne peuvent pas être concurrentielles dans l'environnement
géographique.
Nous avons parlé, évidemment, une fois que nous avons mis
de côté ensemble, il semble bien y avoir un consensus de ne pas
augmenter, mais plutôt de faire disparaître le déficit, de
ne pas augmenter le fardeau fiscal, mais de rester compétitifs. Il reste
que les dépenses, qu'on le veuille ou non, ont toutes été
pointées du doigt comme devant être contrôlées,
réduites encore plus. On a parlé d'augmenter la
productivité, soit. La seule chose que j'ai remarquée, c'est que
chacun ou chacune qui a parlé de diminuer les dépenses n'a pas
tellement été loquace dans la précision des
dépenses qui devaient être coupées.
Plusieurs sont venus plutôt nous donner des bonnes pistes pour
augmenter ces dépenses-là. Évidemment, ça se
comprend. Les gens pensent à leur milieu, à leurs membres, s'il
s'agit d'une association. Et à ce moment-là, évidemment,
on n'est pas porté à demander une réduction des
dépenses dans son propre cas. Là, évidemment, il va
falloir que nous prenions nos responsabilités. Ce n'est pas toujours
facile. Nous avons accepté de jouer le rôle que nous jouons et
nous allons continuer de le faire ayant à l'esprit le bien commun. Il
faut faire des arbitrages qui sont très difficiles, peu
agréables. Et d'ailleurs, lorsqu'on a parlé de la fonction
publique, tout à l'heure, ça n'a pas été
agréable, j'imagine, pour nos gens d'en face, de faire certains gestes,
de poser certains gestes dans le passé. Et, pour nous, ce n'est pas plus
agréable aujourd'hui de poser certains gestes que nous devons poser,
mais nous tâchons de le faire d'une façon la plus équitable
possible pour ne pas que ce soit une personne ou un groupe, ou un secteur de la
population qui soit appelé à avoir seul le fardeau. Nous allons
essayer de le faire de la façon la plus équitable, la plus juste
possible. Mais, aussi, il faut avoir l'oeil sur l'avenir et garder à
l'esprit l'importance d'accompagner cette reprise, cette relance pour la
création d'emplois.
Alors, il va falloir évidemment continuer d'assainir les finances
publiques, mais ayant toujours à l'esprit qu'à côté
de l'assainissement des finances publiques il y a tout cet avenir pour nos
jeunes, pour les générations montantes, pour notre population. Il
faut qu'on mette l'accent encore et toujours sur tout ce qui peut encadrer,
tout ce qui peut faire en sorte de rendre les conditions propices à la
création d'emplois. Le gouvernement ne peut pas créer des
emplois, mais il peut favoriser la création d'emplois. Il peut
créer un contexte tel qu'on peut avoir les investissements
créateurs d'emplois.
Ceci étant dit, je veux remercier encore une fois les membres de
la commission, d'un côté comme de l'autre de cette table, et vous,
M. le Président, et tous ceux qui vous accompagnent dans l'exercice de
vos fonctions, ainsi que tous ceux et celles qui sont venus ici nous faire des
recommandations. Je pense que tout le monde a fait du bon boulot et
j'espère que nous en sortirons enrichis de l'expérience commune
que nous avons pu retenir de cette commission.
Je vous remercie beaucoup, M. le Président, et je vous souhaite
à tous et a toutes une bonne soirée.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
La parole est maintenant à Mme la députée de
Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Je voudrais, à mon tour, remercier tous ceux et celles qui ont
pris la peine de venir réfléchir avec nous, nous présenter
leur point de vue et qui l'ont fait sûrement avec toute la
sincérité dont on les sait capables.
En fait, les personnes prises individuellement ou collectivement, que ce
soient les populations ou les peuples, ont besoin, pour se mobiliser, se
concerter, entreprendre et réussir... En fait, les peuples ont besoin de
défis, d'espoirs, de projets et de perspectives. Faire des sacrifices
maintenant pour un avenir meilleur, bien sûr. Faire preuve d'audace, de
courage, ça va de soi. Le président Clinton, d'ailleurs, l'a bien
compris, lui qui a dit à ses concitoyens et
ses concitoyennes: J'ai besoin de vous, j'ai besoin de votre
contribution à l'effort collectif parce que, si vous contribuez à
cet effort collectif, nous en sortirons gagnants, grandis, parce que nos
enfants vont être rassurés, parce que nous pourrons nous offrir
une meilleure qualité de vie, des services de santé,
d'éducation, un meilleur environnement, parce que l'Amérique va
retrouver la confiance en elle-même.
Et je pense que, s'il y a un endroit où le gouvernement a failli,
M. le Président, c'est bien là. En fait, le gouvernement a
raté sa cible. Il a fait consensus, mais il a fait consensus contre sa
courte vue, contre son absence de projet social, son absence de projet
économique, son absence de projet de société un peu
rassembleur et mobilisateur. En fait, il ne voulait pas faire le débat,
ni le ministre des Finances, ni le président du Conseil du
trésor. Et la meilleure preuve en est sûrement le fait que l'on
nous a déposé un document gouvernemental après que tous
les groupes, toutes les personnes qui ont souhaité témoigner
aient présenté leur mémoire.
En fait, le président du Conseil du trésor n'avait qu'une
idée en tête: son prochain budget de dépenses, où
couper, quoi couper, où taxer par des tickets dits modérateurs.
Il était tellement obnubilé par la solution à son
problème de court terme qu'il a complètement oublié, M. le
Président... Malgré des propositions faites par les gens de
l'Opposition, il a mis de côté des pans entiers qui ont un impact
sur les finances publiques et d'une façon significative dans une
perspective de résoudre les problèmes auxquels on est
confronté.
Le plus important de ceux-là, bien sûr, ce sont, entre
autres, les chevauchements entre les gouvernements: celui d'Ottawa et celui de
Québec. Et j'en ai pour preuve une étude faite par l'École
nationale d'administration publique qui dit: 58 programmes
fédéraux sur 100 sont en chevauchement par rapport à des
programmes québécois; 61 programmes sur 100, des programmes
québécois, sont en chevauchement par rapport aux programmes
fédéraux. Mon collègue de Labelle disait: 1 500 000 000 $,
2 000 000 000 $ que l'on pourrait retrouver là. En plus du fait que nos
concitoyens y trouveraient davantage leur compte, M. le Président, on a
mis ça de côté. On a mis de côté une
réflexion en profondeur sur le travail au noir, sur les fraudes
fiscales, sur les abris fiscaux et leur impact réel sur
l'économie. Nous avons la nomenclature des abris fiscaux, mais qu'est-ce
que cela a comme effet sur la préoccupation que nous disait avoir le
ministre des Finances sur l'emploi, entre autres? (21 h 30)
Oui, je pense que les gens sont prêts à faire leur effort,
sont prêts à contribuer au redressement non seulement de leurs
finances publiques mais de l'économie du Québec. Parce que, qu'on
soit employeur, qu'on soit travailleur ou travailleuse, qu'on représente
des groupes communautaires, des groupes de femmes, des groupes de jeunes, des
corporations, des institutions, des groupes environnementaux, en fait, on est
sensible à la situation présente, mais on voudrait que ça
se situe dans une perspective globale, dans une vision de
société, dans un projet. Si on ne fait pas cela, dans cinq ans,
dans six ans, ce seront d'autres interlocuteurs que nous, mais nous serons
confrontés exactement aux mêmes problèmes que nous avons
abordés depuis trois semaines, M. le Président.
Bien- sûr que les solutions vont venir, non seulement de tous ces
éléments que je mentionnais - chevauchements, meilleur enraiement
du travail au noir, etc. - mais il viendra aussi d'efforts que l'on devra faire
à l'interne, d'efforts propres à l'action gouvernementale,
à son organisation. Et je pense qu'il y en a, des consensus qui se sont
dégagés à partir des témoignages que nous ont faits
les gens qui sont venus nous présenter leur point de vue, entre autres
sur une amélioration du travail accompli par la fonction publique, mais
à condition que cette fonction publique se sente responsable, qu'elle
sente qu'elle peut agir, avoir un Impact, être associée aux
décisions et aux projets pris par le gouvernement.
Je faisais référence à M. Clinton, au
président des États-Unis; s'il peut, avec 13 secrétaires
d'État, diriger un pays qui a plus de 250 millions d'habitants, sans
doute qu'on peut réfléchir sur certaines réorganisations.
Bien sûr, on peut faire ça. Il y a des avenues
Intéressantes, mais à condition que les gens se sentent
concernés, se sentent interpellés et se sentent associés
au travail à accomplir.
Il y a aussi, bien sûr, d'autres avenues. La transparence. Qu'un
citoyen puisse savoir ce qu'il lui en coûte, comme citoyen, de consulter
un médecin, de séjourner dans un centre hospitalier, d'obtenir
des services d'un centre local de services communautaires. Avant qu'on ne le
taxe pour l'utiliser, peut-être que ce serait intéressant de lui
dire combien ça lui coûte réellement. Combien aussi
coûtent les abris fiscaux aux citoyens et aux citoyennes? Quel est le
manque à gagner qu'a le gouvernement à ne pas imposer tel profit,
à ne pas imposer telle mesure? Il y a un coût, il y a de l'argent
qui n'entre pas, M. le Président. C'est combien? Je pense que nos
concitoyens et nos concitoyennes demandent de la transparence. Ils demandent
à être informés parce que, pour être responsable, il
faut d'abord savoir, être informé, et bien informé. Il y a
donc des avenues intéressantes à explorer, et plusieurs des
groupes qui sont venus témoigner nous en ont mentionne une foule
d'autres.
Mais je vais venir au fond de la question à laquelle on est
confronté, parce que je crois que la véritable solution à
moyen et à long terme passe par une augmentation de la richesse
collective et, sans aucune espèce de réserve, par
l'emploi. Si on pense que c'est nécessaire d'améliorer le
niveau d'emploi, il faudrait peut-être savoir ce que nous coûte le
chômage. Une étude du Mouvement Desjardins, dans sa revue
Bulletin en perspective, mettant à jour les données faites
dans le cadre des écrits sur l'emploi, évaluait à 37 000
000 000 $ en coûts directs pour le Québec le niveau de
chômage et de sous-emploi que nous connaissons maintenant. Cela ne
comprend pas, M. le Président, les coûts reliés à la
maladie, à la criminalité, au stress et aux difficultés
que vivent les familles dû à cette situation-là.
Je crois que nous pouvons mettre le cap sur l'emploi. Il y a des mesures
précises à prendre, il y a des gestes concrets à poser,
mais il y a d'abord et surtout un engagement politique sans réserve par
rapport à l'emploi, une participation des partenaires qui sont
concernés, des décideurs, qu'ils soient employeurs, qu'ils soient
financiers, qu'ils soient travailleurs ou travailleuses. Il faut que les
régions du Québec participent à cet effort collectif, que
nous décentralisions les décisions pour que les gens se sentent
concernés, puissent agir sur l'emploi à leur niveau respectif.
Cela demande des politiques actives en matière économique, en
matière de marché du travail, en matière de
développement économique régional.
Je termine, M. le Président, en vous disant que, ce qu'il faut,
c'est resolidariser le Québec, le resolidariser autour d'un projet
national, d'un projet social, d'un projet économique. En fait, il faut
inviter le Québec à participer à une vaste corvée
collective qui va faire qu'il va préserver des services de
qualité en matière de santé et d'éducation, mais
qu'il va retrouver aussi la fierté comme peuple autonome, M. le
Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. le ministre du Revenu.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Très rapidement, je voudrais à mon tour remercier
l'ensemble des intervenants qui ont présenté des mémoires,
qui ont voulu nous assister dans cette réflexion qui visait,
évidemment, à déterminer davantage les mécanismes
qui pourraient nous permettre de vivre selon nos moyens.
Bien sûr, nous avons eu droit de la part de l'Opposition à
une certaine interrogation, non pas vis-à-vis du fond du dossier,
crois-je, mais bien plutôt un index accusateur pointé comme
ça, surtout vers Ottawa. Dans l'ensemble des interventions, on l'a
constaté, c'était la faute d'Ottawa; ce n'était pas,
évidemment, la faute d'un service généreux qu'offre le
gouvernement du Québec depuis deux générations. On a
cherché des solutions faciles. De la part, par exemple, du
député de Montmorency, on disait: Un rapport d'impôt. Il
est revenu avec insistance sur ce terme-là, d'une façon
constante, une solution qui n'est guère acceptable à ce
moment-ci.
On a cherché, finalement, à faire avec cette
réflexion un peu de politique, beaucoup trop, peut-être
même, selon plusieurs. J'ai entendu à quelques reprises des
commentaires à cet effet-là, qu'effectivement l'orientation, le
souhait qu'on avait formulé au début de cette réflexion
qu'il y ait, finalement, une espèce de symbiose qui se développe
au sein de la commission pour, justement, aller chercher le meilleur qu'on
pouvait de la part des intervenants... Je ne crois pas que - enfin, du
côté de l'Opposition - cet élément-là se soit
vraiment produit. On n'a pas eu ce développement-là, et ça
a nui un peu, en quelque sorte, je pense, à la qualité des
présentations qu'on a eues lors des interrogations.
Au niveau des intervenants, il a été intéressant de
constater que la majorité reconnaissent que la situation est difficile
et que, évidemment, on doit intervenir d'une façon directe. Il y
a eu très peu de mémoires, là, qui n'ont pas tenu compte
du fait qu'il fallait procéder à des coupures, à des
réductions. Il y a très peu de mémoires qui ont
questionné le fait que la situation financière au Québec
demandait une intervention rapide. Bien au contraire, on a pu constater le
sérieux d'une bonne réflexion de la majorité des
intervenants. On a pu constater qu'ils avaient, ici et là, des
présentations très concrètes.
Pour ma part, je pense qu'on a retenu plusieurs éléments.
Il va y avoir un suivi de donné au niveau de plusieurs dossiers; qu'on
pense, justement, à Makivik qui nous a fait une présentation cet
après-midi, ou bien, si on peut remonter à il y a trois semaines,
lorsqu'on nous a demandé d'améliorer, par exemple, les services
de renseignements. Ce genre d'interventions qui visent, finalement, à
faciliter la tâche, ont été retenues et sont toujours des
plus bienvenues.
Cette semaine a paru un article dans le Globe and Mail, le 16,
mardi le 16, où on faisait un résumé du rapport qui a
été déposé par l'Institut C. D. Howe, et on nous
signale, évidemment, que la crise est à la porte. On ne peut plus
attendre. On menace de voir une autre génération faire des
interventions beaucoup plus brutales auprès de ceux qui les ont
précédés - par la coupure de pensions, s'il le faut - pour
redresser la situation, puisque les portes qui sont ouvertes pour régler
la situation sont fort limitées. On parle également d'une
difficulté de financer l'ensemble des déficits, que ce soit
d'Ottawa ou des provinces, sur les marchés internationaux, avec une cote
inférieure àAA.
Je pense que cette réalité-là est très
concrète, et je pense que l'article qui, finalement, est là pour
sensibiliser va le faire cer-
tainement pour une partie des Québécois et des Canadiens.
Je pense que ce travail que nous faisons aussi aujourd'hui est encore un
élément beaucoup plus important de sensibilisation. Par cette
démarche, par, évidemment, l'utilisation de la
télévision, je pense qu'il y a eu bon nombre de
Québécois et de Québécoises qui ont pu prendre
connaissance de la difficulté. Je pense qu'il y a eu bon nombre de
Québécois et de Québécoises qui ont pu,
effectivement, constater les difficultés, les difficultés qui
doivent nécessairement être adressées par notre
gouvernement, et qui seront adressées par notre gouvernement, comme ont
pu le souligner quelques-uns, au cours des prochaines semaines. (21 h 40)
On doit, pour nos enfants, pour ceux qui vont nous suivre, laisser plus
qu'un déficit. On doit, pour nos enfants, leur permettre d'avoir droit
à un minimum de services sans obligatoirement présenter, par
exemple, des montants importants au service d'une dette à laquelle ils
n'ont pas participé, d'aucune façon. Toute autre solution est
irresponsable. Toute autre solution qui ne vise pas à assumer nos
responsabilités vis-à-vis d'un dépassement constant
créé essentiellement par des services qui, finalement,
dépassent nos capacités mérite certainement beaucoup plus
que les travaux que va faire cette commission, mérite des interventions
à très court terme. Et je suis certain que ceux et celles qui ont
suivi cette démarche vont être pleinement d'accord que le
gouvernement prenne en main une sensibilisation importante, une
réduction importante au niveau des opérations du gouvernement en
ce qui concerne le déficit.
On a cette prise de conscience qui existe maintenant tout partout en
Amérique du Nord. On croyait, finalement, pendant longtemps, être
les seuls à tenir un discours sur la réduction des
dépenses. On a constaté, par exemple, que les États-Unis,
tout dernièrement... Pas plus tard qu'hier soir, avec Bill Clinton, on a
eu, je pense, une évocation très concrète de ce que
pourrait être une situation aux États-Unis, qui pourrait
peut-être dépasser les capacités de payer, finalement, du
pays le plus riche, le plus fort au monde, lorsqu'il évoquait l'an 2000
avec un déficit de 627 000 000 000 $. Il a clairement indiqué
qu'il fallait poser des choix, qu'il fallait poser des gestes. Et Je pense que
c'est ce discours que nous tenons depuis déjà plusieurs
années. Je pense que le moment est venu, que l'orientation donnée
par le gouvernement de vivre selon nos moyens n'est plus
«retardable», dans le sens qu'il faut agir dans les plus brefs
délais. Sensibilisation importante de vivre selon nos moyens, un
avertissement clair de réflexion sur la place publique devant cette
commission qui va certainement donner les résultats qu'on
escomptait.
Là-dessus, M. le Président, il ne reste qu'à vous
remercier également pour votre travail, remercier les collègues
qui ont participé et, encore une fois, tous les intervenants qui ont
voulu présenter un mémoire à cette commission pour nous
aider, justement, à déterminer, avec l'ensemble des autres
membres de l'Assemblée nationale, des mesures pour assurer que nous
puissions, pour l'avenir, vivre selon nos moyens. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du
Revenu.
M. le député de Montmorency.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président.
Nous avons, bien sûr, eu une commission très
intéressante, je pense. On a eu plusieurs intervenants qui sont venus
expliquer à cette commission l'importance de rationaliser les
dépenses publiques et, en même temps, l'importance de changer
notre forme de taxation à deux volets. Et je pense qu'il y avait
unanimité.
Les gens, dans un premier temps, disaient: Écoutez, nous, on a
l'impression d'être traités injustement sur le plan de la
fiscalité. Plusieurs ont apporté des exemples, des cas concrets
où on se disait, par exemple: Écoutez, ça n'a pas de bon
sens que l'on taxe tout le monde sans vraiment identifier qui a le service. Le
service de l'utilisateur-payeur est revenu souvent. Les gens veulent sentir
effectivement, quand ils paient un montant de taxes, qu'ils en ont pour leur
argent. Et je pense que c'est un principe qui a été
soulevé à maintes reprises, dans plusieurs mémoires.
D'autres personnes sont venues nous voir et nous ont effectivement
parlé de simplifier l'appareil gouvernemental au niveau des services,
mais aussi de simplifier au niveau de la possibilité de respecter nos
lois en matière fiscale, entre autres. Je pense à l'Ordre des
comptables agréés qui est venu nous dire - ce n'était pas,
d'ailleurs, la première fois, M. le Président; ils avaient fait
des demandes dans le passé - de voir à simplifier les
déclarations d'impôt et de voir effectivement à ce qu'on
puisse espérer, nous, les Québécois, un jour, être
traités comme les autres provinces, c'est-à-dire une
déclaration d'impôt, produite seulement, bien sûr, à
la province de Québec qui peut, à toutes fins pratiques,
administrer au nom du fédéral la perception des impôts sur
notre territoire. Ça a été également
corroboré par le Mouvement des caisses Desjardins, M. le
Président, un mouvement important où tout le monde sent qu'on
doit aller de l'avant et continuer, effectivement, à regarder les
possibilités d'économiser des deniers publics au niveau de nos
dépenses et simplifier la vie des gens.
Également, on a entendu plusieurs mémoires où les
gens sont venus nous parler de marché au noir, où les gens sont
venus nous dire jusqu'à
quel point ils étaient un peu découragés de voir
que l'État avait perdu le contrôle de l'opération
économique et qu'actuellement on se retrouvait dans un
phénomène d'érosion qui nuisait considérablement
à nos finances publiques, où on se rend compte qu'effectivement
il y a un manque à gagner de, je dirais, presque plusieurs milliards de
dollars si on regarde l'aspect de la construction, si on regarde l'aspect du
vidéopoker, si on regarde l'aspect de la contrebande du tabac. Juste
avec le tabac, fédéral, Québec, on parle de plus de 1 000
000 000 $ de manque à gagner. Des mémoires sont venus corroborer
ces informations-là, plusieurs mémoires.
Toute cette problématique de manque à gagner
déstabilise de façon marquée les finances publiques au
Québec et, dans cette optique-là, les gens semblaient vouloir
dire au gouvernement en place: Écoutez, contrôlez
l'opération, contrôlez l'économie, faites en sorte que les
gens soient incités à nouveau à comptabiliser leurs
revenus dans un système économique où tout le monde paie
ses impôts, non pas seulement une partie. Et les gens nous disaient
aussi, en même temps: Écoutez, les gens ne déclarent plus
leurs revenus parce qu'ils veulent eux-mêmes se faire leur propre justice
fiscale. Et, ça, c'est malheureux, M. le Président. On doit
prendre en considération ces mémoires-là, et les gens qui
sont venus dire: Écoutez, faites quelque chose pour éliminer la
contrebande du tabac, faites quelque chose pour qu'effectivement
l'illégalité, l'opération de domaines comme le
vidéopoker, puisse un jour opérer dans la légalité.
Et je pense que, de ce côté-là, même si le
gouvernement en place semble vouloir dire que ce qui compte, c'est de couper
dans les dépenses, parce qu'il faut vivre selon nos moyens, moi, je
pense, M. le Président, qu'il faut également mettre en place des
mécanismes pour que les gens puissent payer leur impôt à
juste titre et de façon équitable. Ça, c'est un son de
cloche qui a été général, du début à
la fin, et tout le monde y est allé de ses remarques dans ce
sens-là.
Beaucoup de personnes ont également reproché la
régressivité des taxes; les gens disent: Écoutez, les
mieux nantis de notre société depuis sept, huit ans ont
reçu des retours et des réductions de taxation beaucoup plus
importants que les moins bien nantis de notre société. On a
reproché beaucoup les abris fiscaux. On dit que les abris fiscaux
actuellement n'atteignent plus les objectifs économiques et qu'à
toutes fins pratiques ça sert uniquement à redonner un retour
d'impôt aux mieux nantis. Les gens ont demandé de revoir la
problématique des abris fiscaux. Même, il y avait un
mémoire des HEC qui reconnaissait qu'on avait perdu, au
fédéral, des milliards de dollars au niveau de l'application de
certains abris fiscaux.
Alors, ce sont des manques majeurs que la commission a
révélés au cours de son exercice, qui doivent porter, je
pense, l'Assemblée natio- nale à réflexion. Je pense que
ce serait un peu bête que de sortir d'une commission comme
celle-là et de penser uniquement que, tout ce qui nous reste à
faire, c'est de couper dans les dépenses publiques. Je pense qu'on a
plus qu'à couper dans les dépenses publiques, comme
réflexion de société. On doit revoir et remettre en place
les mécanismes pour qu'à la fois on puisse percevoir ces revenus
et traiter, bien sûr, nos citoyens et leur donner un service pour
l'argent qu'ils paient sur le plan de la fiscalité. (21 h 50)
Également, les différents intervenants ont souligné
souvent, et à maintes reprises - et ça a fait l'objet,
d'ailleurs, d'une motion de la part de l'Opposition, M. le Président -
les dédoublements que l'on vivait comme société au
Québec, qui nous coûtaient très cher. D'ailleurs, suite
à plusieurs remarques, entre autres au niveau de la main-d'oeuvre
où, actuellement, on cherche des solutions pour arrêter de
dépenser en double et aller chercher des économies de centaines
de millions de dollars au niveau de la gestion de la main-d'oeuvre via un
guichet unique, pour ne parler que de celui-là, et les gens
étaient conscients qu'on devait arriver à trouver des solutions
et qu'on devait continuer notre démarche et faire en sorte de faire
comprendre à Ottawa l'importance d'économiser des fonds publics
au niveau des dédoublements.
Et on doit continuer cet exercice-là d'une façon
rigoureuse pour qu'on puisse enfin se retrouver dans une situation où on
va aller chercher des économies de deniers publics importantes. Et, M.
le Président, vous savez, si on économise les deniers publics,
quelque part dans le temps, on va pouvoir penser alléger le fardeau
fiscal, ça va de soi. Les dépenses, c'est le signe qui
détermine le niveau de taxation. Alors, M. le Président, c'est
évident qu'au niveau des dépenses il faut penser les
réduire. Et, si on perçoit des revenus, on va pouvoir en
même temps penser à alléger le fardeau fiscal des
contribuables québécois.
Je pense que plusieurs intervenants ont été en même
temps déçus d'avoir été convoqués
très tard à une commission comme celle-là. Plusieurs nous
ont dit: On trouve ça dommage de ne pas avoir eu assez de temps pour se
préparer et présenter des mémoires encore plus
détaillés et mieux soutenus. Et je pense qu'effectivement une
commission comme celle-là, M. le Président, aurait dû,
quant à moi, s'échelonner sur une plus grande période de
temps pour la préparation et également pour la tenue de la
commission, pour qu'on puisse aller vraiment à fond dans tous les
thèmes et qu'on puisse, à toutes fins pratiques, se retrouver
avec des solutions très concrètes et où on aurait pu
penser à enligner nos finances publiques au Québec sur les deux
plans: le plan revenus et le plan dépenses.
Alors, M. le Président, cette commission a été
très constructive. On n'a pas eu assez de
temps pour en discuter. J'aurais préféré vraiment
recevoir les études qui ont été faites par le gouvernement
au niveau des dédoublements pour qu'on puisse mieux expliquer à
la population où va son argent, à quoi servent les taxes, mais je
pense que le gouvernement en a décidé autrement. Il a jugé
que ce n'était pas important, que le but de la commission, au fond,
c'était de dédouaner, à très court terme. On sait
très bien que très bientôt ils auront à prendre des
décisions de coupures, et je pense que le but de la commission, sur le
plan médiatique, c'était de dire aux gens: Bien, écoutez,
on va vous couper; attendez-nous, on s'en vient. Et on fait un petit exercice
public pour vous dire qu'on va vous couper dans un mois. Et l'ensemble des
finances publiques, dans ses grandes orientations, a été
laissé pour compte. Je pense que c'est dommage, M. le Président.
On aurait dû avoir plus de temps et aller plus loin dans tout ce
débat des finances publiques au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Montmorency.
Maintenant, M. le Président du Conseil du trésor.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
La commission parlementaire s'est déroulée en discutant
d'un document qui s'appelle «Vivre selon nos moyens». Pas selon mes
moyens, selon vos moyens, selon les moyens de qui que ce soit, Pierre, Jean,
Jacques, selon nos moyens à tous. Il s'agissait d'étaler au grand
jour la situation, sous toutes ses coutures. C'est ce qu'on a réussi
à faire pour pouvoir prendre des décisions qui vont affecter,
oui, le court terme, mais le moyen et le long terme également.
On a pris une chance lorsqu'on a fait un appel à la
non-partisanerie. C'était de toute beauté de voir ça, cet
après-midi, alors que l'Opposition demandait aux gens venus ici
témoigner de bonne foi: Expliquez-nous donc l'incohérence du
gouvernement. Moi, je veux bien. Ça embarrasse étrangement les
témoins qui, dans les pires des cas, se sont rendus d'une façon
ou d'une autre à des désirs un peu obscurs de l'Opposition en
admettant que, peut-être, les priorités des gens qui venaient nous
voir n'étaient pas les mêmes que les nôtres. Ça, on
peut être d'accord, on peut même trouver ça légitime.
Il s'agissait, si on n'a pas les mêmes priorités, au moins de
s'entendre sur le diagnostic.
Le diagnostic, les gens en ont réalisé la synthèse.
La grande constatation de cette commission, c'est que les gens ont
réalisé la synthèse entre le fait que nous sommes
endettés, que les taxes sont élevées et qu'en
conséquence on ne peut ni emprunter ni lever des impots et que
l'État ne peut plus être partout. D'autres diront que ça
veut dire que l'État ne doit être nulle part. Non, ce n'est pas
vrai. L'État peut être à la bonne place, et c'est ce qu'il
s'agit de trouver ensemble. Il s'agit, à partir du constat que les gens
ont fait qu'il y a un lien entre les finances publiques et leur santé,
entre la protection des programmes sociaux et des conditions qui permettent de
créer des emplois, de savoir que ce lien-là existe et qu'on doit
le préserver. C'est d'abord et avant tout ça, la
responsabilité du gouvernement.
Et les gens sont allés à l'essentiel. Ils ont
décidé qu'on commence par améliorer ce qu'on a. Ils nous
ont dit: Faites le ménage, mettez de l'ordre dans les programmes
gouvernementaux, contrôlez davantage, faites des exercices de
productivité. Les gens du privé nous ont dit qu'eux en ont fait,
le gouvernement aussi peut en faire; se soucier de la qualité, se
soucier de décentraliser ou de déréglementer, s'assurer,
dans bien des cas, qu'on motive davantage - et, ça, c'est absolument
essentiel - qu'on motive davantage nos employés.
Il n'y a pas de gens qui ont même pensé que contrôler
les dépenses publiques, ça veut dire mettre les fonctionnaires
dehors. S'il y en a qui pensent ça, ils se trompent, parce que le
gouvernement agit par des ressources humaines. Il n'agit pas par des choses ou
des machines, il agit par 400 000 personnes, le gouvernement du Québec.
Ce sont ces gens-là qui sont en première ligne, et c'est à
eux qu'on demande de faire des gains de productivité, d'assurer la
qualité et d'alléger l'appareil bureaucratique. Ça prend
des gens qui sont donc motivés.
On doit s'attarder à maintenir l'équilibre entre nos
programmes et les besoins de nos concitoyens à partir de
l'équilibre qu'on a réussi à trouver dans les relations
entre l'État et ses employés.
On peut améliorer ce qu'on a, mais il va en manquer. Avec des
déficits comme ceux dont le ministre des Finances nous parle, ce n'est
pas en jouant un peu en productivité, 2 %, 4 %, 8 %, 10 % ici et la
qu'on va trouver des sommes de cette ampleur-là. Les gens ont dit: Bien,
il va falloir élaguer et alléger en plus les programmes
gouvernementaux et la présence de l'État. Mais, là, c'est
là qu'intervient le jugement sur les valeurs qu'on doit suivre, les
priorités. C'est de ça que les gens nous ont parlé: leurs
priorités. Et, moi, ce que j'en dégage, c'est que ce n'est pas
dépenser à la bonne place que les gens souhaitent, c'est qu'on
débourse, c'est-à-dire qu'on investisse à des endroits qui
sont rentables pour notre société en termes de protection de nos
programmes sociaux, de maintien et de soutien des emplois et de création
d'emplois - si on peut dégager ces marges de manoeuvre là, parce
que la dépense, c'est à court terme, et on a un problème
de redressement à long terme. Et,
ça, on y voit en investissant aux bons endroits, mais encore
faut-il avoir la marge de manoeuvre pour investir.
Les gens nous ont également dit: Dans les services publics, il
faut qu'on sache ce que ça coûte. Ils réalisent que
ça coûte cher; ils ne s'en rendent pas compte lorsqu'ils les
consomment. Ce n'est pas universel de vouloir tarifer au lieu de donner, mais
c'est certainement quelque chose qui est ressorti: la transparence dans les
coûts des programmes gouvernementaux doit se traduire par un geste ou
deux ou trois plus que symboliques pour que les gens s'aperçoivent de ce
que ça coûte, les services publics, pour qu'il y ait une
consommation rationnelle et non pas illimitée de ces
ressources-là qui, elles, sont limitées. Alors, les gens disent:
Investir au lieu de dépenser, dans la prévention au lieu du
curatif, dans les jeunes, dans l'éducation, dans la formation
plutôt que dans le correctif un peu plus tard. C'est ça, des
priorités. Il faut s'en inspirer. Lorsqu'on élague, il faut
garder l'essentiel.
Deuxième chose, ça doit se faire en toute
équité, équité dans la protection qu'on doit donner
à certaines clientèles. Ce n'est pas ces
clientèles-là qui sont venues le demander nécessairement,
c'est tout le monde qui a dit que les familles qui se sentent
découragées ou les jeunes qui sont bons à être
rescapés le plus rapidement possible, les personnes âgées
qui se sentent abandonnées, les femmes qui sont
désemparées, tout le monde a dit qu'il faut qu'on s'occupe de ces
gens-là. C'est ça, l'équité. Mais il faut payer
pour tous ces services-là, et l'équité consiste à
s'assurer qu'on sait tous qu'on a contribué à cet
effort-là. L'équité ne consiste pas à dire: On y a
tous échappé, on a tous sauvé nos meubles, personne n'est
venu jouer dans la cour de personne, ça ne nous a rien
coûté, à personne. Ce n'est pas ça. La contribution,
c'est d'avoir le sentiment qu'on a contribué et que les autres l'ont
fait et qu'on doit donc tous sentir qu'on a contribué à
préserver l'avenir. Les contribuables vont le sentir, les
bénéficiaires de services publics le sentiront, les
clientèles et nos employés aussi. Ça doit se faire avec
tous nos partenaires, et il y a des pistes intéressantes de concertation
qui ont été ouvertes, qui ont été
mentionnées.
Je pense au Forum pour l'emploi. Il y a, dans notre
société, des gens qui se préoccupent de ces
choses-là et qui veulent en discuter pour qu'on arrête ensemble
des priorités. Mais, la priorité des priorités pour
dégager notre marge de manoeuvre, notre capacité de
protéger les programmes sociaux, de soutenir les emplois et de
créer éventuellement des emplois, c'est d'assainir les finances
publiques. Ça, tout le monde s'en est rendu compte. (22 heures)
M. le Président, nous aurons des responsabilités à
exercer, des gestes à poser dans les semaines qui viennent. Pour le
court terme, c'est difficile de dire que tout ce qu'on a entendu ici va se
traduire dans les crédits 1993-1994, mais il faut au moins annoncer - et
on le fera - des gestes qui, sur une période de temps raisonnable, vont
permettre de dire: Nous avons redressé les finances publiques; les gens
ont compris le problème; ils comprennent quelles priorités on
doit privilégier; Ils sont tous prêts à contribuer. C'est
dans ce sens-là, il me semble, que la commission va avoir
été utile. Plus qu'utile, elle va avoir permis de réaliser
un consensus autour du diagnostic - au moins, tout le monde sait ce qui se
passe - et autour des solutions.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Alors, je remercie les membres de cette commission, les personnes, les
groupes et organismes qui ont participé à cette commission
parlementaire et y ont apporté leur collaboration positive.
La commission du budget et de l'administration ayant rempli son mandat
de consultation générale sur le financement des services publics
au Québec, nous ajournons maintenant sine die.
(Fin de la séance à 22 h 2)