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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 18 février 1993 - Vol. 32 N° 38

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures cinquante-quatre minutes)

Le Président (m. lemieux): à l'ordre, s'il vous plaît! la commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics. m. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. M. Boisclair (Gouin) est remplacé par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière); M. Forget (Prévost) est remplacé par M. Richard (Nlcolet-Yamaska); M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Dufour (Jonquière).

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.

Est-ce que les gens ont pris connaissance de l'ordre du jour?

M. Filion: Nous en avons pris connaissance, M. le Président, mais avant l'adoption, on aimerait présenter, bien sûr... on aimerait présenter, comme vous l'avez si bien dit hier, une motion pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour et qu'on puisse la débattre à cette commission...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que je peux prendre... Vous faites état...

M. Filion: ...pour être en conformité avec votre jugement d'hier.

Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire que vous décidez ce matin de présenter une motion...

M. Fiiion: Et de l'inscrire à l'ordre du jour pour être en conformité avec le jugement que vous avez déclaré, hier, sur l'opportunité de recevoir ou non une motion à cette commission.

Le Président (M. Lemieux): Oui, sur la recevabilité de la motion... Un instant! Nous allons en faire faire quelques copies.

M. Filion: Alors, si vous le permettez, M. le Président, je peux la lire à cette commission.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais vous entendre, M. le député de Montmorency.

Motion proposant le dépôt des études et

des analyses du gouvernement au sujet

des dédoublements et des chevauchements

administratifs entre le gouvernement

du Québec et le gouvernement fédéral

M. Filion: Alors, la motion, M. le Président, se lit comme suit: «Que la commission du budget et de l'administration souhaite, dans le cadre de son mandat sur le financement des services publics au Québec, que le président du Conseil du trésor mette à la disposition des membres une copie des études, documents ou analyses préparées par les divers ministères et traitant des dédoublements et des chevauchements administratifs entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.»

C'est le contenu de la motion, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Beauce-Nord, vous avez des commentaires eu regard à la recevabilité.

Débat sur la recevabilité M. Jean Audet

M. Audet: Oui, M. le Président.

Je vous demanderais de déclarer cette motion irrecevable dans la mesure où c'est un souhait. C'est très imprécis, ce qu'on demande là, d'autant plus qu'on fait référence à des documents. Quels sont ces documents? Est-ce qu'ils existent, ces documents-là? On ne les nomme pas, ici. S'ils existent, est-ce que, à ce moment-là, il n'y a pas des documents là-dedans qui ne pourraient pas être d'intérêt public, qui ne sont pas d'Intérêt public? Alors, on ne possède pas, je pense, les informations minimales nécessaires.

D'ailleurs, à cet égard-là, je crois qu'il y a des décisions qui ont été rendues en vertu de l'article 162 qui dit que c'est le président qui peut accepter...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, voulez-vous permettre au député de Beauce-Nord de finir son argumentation?

M. Audet: ...le dépôt en commission, parce que c'est le président qui peut accepter le dépôt en commission de documents. Alors, puisqu'on ne connaît pas ces documents-là, je vous demande de déclarer la motion irrecevable.

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien

conscient qu'il ne s'agit pas d'un dépôt, mais d'une motion.

M. Audet: Oui, effectivement...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, je vous écoute sur la recevabilité.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, pour faire suite à ce que vient de dire le député de Beauce-Nord, ce genre de motion avait déjà été déposé, si je me rappelle bien, dans une des commissions qui avaient été créées par la loi 150 et elle n'avait pas été... peut-être avait-elle été reçue parce qu'on ne savait pas... mais elle n'avait certainement pas été acceptée, et je vais refaire le même type d'argumentation que j'avais fait à ce moment-là.

Nous n'avons aucune indication quant à l'existence de tels documents. Il n'existe, que je sache, de la part des déclarations ministérielles, aucune déclaration disant que ces études ont été faites. Dans le cadre de la loi 150, bien sûr, la commission d'accès à la souveraineté a fait des études. Elles sont actuellement publiques, et j'imagine qu'il n'y a aucune difficulté pour cette commission de se saisir du rapport préliminaire qui avait été fait par la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la pleine souveraineté. Mais là, je trouve qu'on est sur une demande de dépôt de documents purement hypothétiques, et je me demande, M. le Président, si, par motion, on peut demander de déposer quelque chose dont on ne connaît pas l'existence et dont on ne sait pas que ceci existe.

Alors, c'est la question sur laquelle je vous demande de statuer, M. le Président. Est-ce que, par motion, je pourrais dire: Est-ce qu'on peut déposer quelque chose qui, j'imagine, existe? À mon sens non, non. Vous devez statuer que tant qu'on n'a pas la preuve de l'existence de telles études, on ne peut pas demander de déposer des choses qui sont purement hypothétiques.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Verdun.

M. le député de Montmorency, s'il vous plaît.

M. Jean Fiiion

M. Fiiion: Merci, M. le Président.

À cette commission, depuis le début qu'on recherche une transparence, qu'on recherche une information complète, qu'on recherche à informer la population, M. le Président, sur ce qui se passe sur nos finances publiques... Les gens veulent comprendre pourquoi ils sont taxés, mal taxés, surtaxés et à quoi on dépense tous ces fonds-là. Vous vous attaquerez bientôt à vouloir les couper à nouveau dans différents services publics.

Le Président (M. Lemieux): Sur la recevabilité de la motion et non pas sur le fond de la motion.

M. Fiiion: Sur la recevabilité, M. le Président, j'y arrive, j'y arrive, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça qui m'intéresse.

M. Fiiion: Oui. La recevabilité, M. le Président... On débat actuellement du fond. On parle d'imprécision, on parle également d'existence des documents, etc. Ça a été admis à diverses reprises par des ministres, M. le Président, ce genre de dépôt de motion où, effectivement, on a reçu la motion et on l'a examinée ensemble, on l'a débattue et on a pris un vote, M. le Président. C'est arrivé à une multitude de reprises que ce genre de motion a déjà été déposée et acceptée sur la recevabilité. (10 heures)

Hier, vous avez rendu un jugement, M. le Président, vous avez dit qu'elle n'était pas recevable parce que ce n'était pas opportun. Aujourd'hui, on s'est conformé effectivement à votre jugement pour la déposer selon les règles de l'art de Assemblée nationale.

Alors, je crois bien que, normalement, M. le Président, elle devrait être recevable, cette motion-là.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Lotbinière.

M. Camden: M. le Président...

M. Fiiion: Et les documents existent, M. le Président, parce que ces documents-là ont déjà été cités...

Le Président (m. lemieux): pardon! pardon! ça... je vous ai dit tout à l'heure... l'important pour moi, ce n'est pas de savoir si les documents existent ou non. ce n'est pas ça qui est important, à ce stade-ci, et je ne veux pas qu'on aille sur le fond de la motion.

M. le député de Lotbinière

M. Fiiion: ...parce qu'on a fait mention.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lotbinière.

M. Fiiion: Mais on est allé, tout à l'heure, M. le Président, sur le fond.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lotbinière. M. le député de Lotbinière, sur la recevabilité.

M. Lewis Camden

M. Camden: Oui, certainement, M. le Président.

Concernant la recevabilité, ce qu'on constate, c'est que lorsqu'on fait la lecture de la motion qui est déposée, on emploie le verbe «souhaiter». Ça m'apparaît être un voeu, et la commission n'a pas, à mon sens, à faire des appréciations sur les voeux. On comprend fort bien que les motivations premières, et on l'a constaté depuis quinze jours, c'est que les gens d'en face recherchent la constitutionnalisation de la commission. Ce qu'ils recherchent, bref, c'est de faire de cette commission la phase 2 de la commission sur la souveraineté et, également, de faire la phase 2 de la commission Bélanger-Campeau.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lotbinière, sur la recevabilité. Vous avez tous tendance à vous égarer.

M. Camden: J'y arrive, M. le Président. C'était pour vous mettre en situation, bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Camden: Vous comprendrez bien que les motifs ici qui animent et les documents réclamés font référence, évidemment, semblerait-il... sont fondés sur l'authenticité de tels documents. Nous ne croyons pas qu'il y ait authenticité de tels documents et que les mômes documents réclamés ont déjà été déposés devant la commission Bélanger-Campeau et devant la commission sur la souveraineté, si documents il y a.

M. le Président, j'ai constaté que vous ne m'écoutiez pas lorsque je faisais valoir mes motifs.

Le Président (M. Lemieux): J'ai bien entendu vos motifs, M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Vous êtes comme le député de Lévis. Vous pouvez marcher et mâcher de la gomme en même temps? Je m'en réjouis.

Le Président (M. Lemieux): Non, non, non, M. le député de Lotbinière. J'ai bien écouté vos motifs. Ne vous inquiétez pas. M. le député de Verdun, et c'est la dernière remarque.

M. Gautrin: M. le Président...

M. Filion: Monsieur, monsieur... Avant, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Alors, un instant! M. le député de Montmorency, l'alternance. Mais là, ce sont les dernières remarques, vous et M. le député de Verdun, et c'est fini.

M. Filion: Oui, oui. De toute façon, M. le Président, je pense que vous avez suffisamment d'information depuis qu'on dépose ce genre de motion cette semaine pour que vous puissiez prendre tout ça en délibéré.

On a des invités qui attendent déjà depuis quelques minutes, et je pense qu'on sera en mesure d'attendre votre décision cette fois-ci des plus constructive et positive, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va, M. le député.

M. le député de Verdun, pour terminer.

M. Gautrin: M. le Président, si nous votons et si vous recevez cette motion et si nous la votions, prenons l'exemple que vous la receviez et que nous la votions, je comprends bien qu'elle demanderait un dépôt que vous devriez accepter ou non sur la base de l'article 162 puisque, à ce moment-là, après on ne peut pas...

La commission souhaiterait, si j'ai bien compris, que le président du Conseil du trésor dépose, et on ne peut pas déposer un document sans l'approbation du président.

Une voix: II y a le souhait, M. le député. M. Gautrin: Donc, on souhaite...

Le Président (M. Lemieux): Ça va, ça va. M. le député de Verdun, ça va. Ça va là-dessus. Vous reprenez la même argumentation que tout à l'heure.

M. Gautrin: Vous avez compris.

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui.

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Comme j'avais bien compris le député de Lotbinière.

Décision du président

Écoutez, j'ai rendu une décision, hier. J'ai dit hier que l'élément primordial, dans un premier cas, hier, ce n'était pas juger pour moi de la recevabilité sur le fond, mais de l'opportunité. Il va sans dire qu'au moment où je vous parle il n'est pas opportun de présenter cette motion-là puisque l'ordre du jour n'a pas été adopté. Hier, je me suis fait un devoir d'avoir à regarder, à étudier et à lire l'ensemble de la jurisprudence sur ce cas-là, de même que les auteurs.

Il va sans dire que, ce matin, je m'attendais à ce que cette motion soit présentée. J'ai aussi pris la peine, hier soir, de lire l'ensemble de la doctrine et de la jurisprudence. L'élément primordial, la question que je me dois de me poser: Est-ce que cette motion empêche l'exécu-

tion de l'ordre de l'Assemblée nationale, dans un premier temps, ou en retarde le passage? Est-ce qu'elle est contraignante dans sa substance, dans sa nature pour le ministre?

Alors, comme j'en arrive à la conclusion, eu égard à la jurisprudence qui a déjà été citée à la commission de l'Assemblée nationale, à la commission des affaires sociales, eu égard à une décision du vice-président Saintonge du 21 décembre 1988, et ainsi de suite, j'en arrive à la conclusion que, effectivement, elle n'est ni contraignante et elle n'empêche pas l'exécution de l'ordre.

Maintenant, en ce qui a trait à la question du I'hypothèse que ces documuments là existent ou non, c'est un souhait, c'est très, très bien dit dans la motion. Il y a une jurisprudence qui est claire à cet effet-là qu'exprime le pétitionnaire de la motion. À mes yeux, à ce stade-ci, elle est recevable.

Je vous dirais même plus que ça. J'ai vérifié une vingtaine de ces motions-là, et elle est de ce qu'il y a de plus classique, à la fois au niveau des virgules et des points. C'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup, il y a seulement un point à la fin et une couple de virgules. Mais elle est des plus classiques, cette motion-là.

Alors, pour moi, elle ne pose aucun problème d'ordre juridique et elle est recevable.

Alors, vous disposez d'une durée de... je pense que c'est... Est-ce que vous préférez... Afin que nous puissions entendre les invités le plus rapidement possible, on pourrait fixer un moment pour en débattre?

M. Filion: On peut en débattre immédiatement, M. le Président.

Le Président (M. Lemleux): Vous voulez en débattre immédiatement?

M. Filion: Ne prendre qu'une minute et passer rapidement au vote pour l'acceptation.

Le Président (M. Lemieux): D'accord. Alors, nous vous écoutons.

M. Filion: Alors, merci, M. le Président.

M. Gautrin: Est-ce qu'il y a accord pour qu'on prenne une minute? Pas du tout. Moi, je trouve que c'est le genre de motion qu'on doit débattre en profondeur. Il n'est pas question de limiter le débat sur cela.

Le Président (M. Lemieux): Non, c'est-à-dire que je ne tiens pas à limiter le débat, M. le député de Verdun. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, dans le cas d'une motion de cette nature-là, celui qui a présenté la motion dispose d'un temps de 30 minutes, à ce que je sache, de même que le parti ministériel, et l'ensemble des autres députés disposent d'un temps de 10 minutes chacun. Alors, tout le monde a 10 minutes.

Alors, nous sommes prêts à écouter le...

M. Gautrin: Sur une question comme telle, j'aurais posé la question parce que, quand même, on a des invités qui sont ici. Est-ce qu'on va débattre de cette motion? Je comprends que vous avez 30 minutes. Nous sommes ici 7. Chacun pourra parler...

M. Filion: Nous ne prendrons pas 30 minutes.

M. Gautrin: 10 minutes, ça veut dire 70 minutes.

M. Filion: Nous ne prendrons pas 30 minutes, M. le Président.

M. Gautrin: Ça veut dire 100 minutes devant vous. Est-ce qu'on est en débat maintenant, M. le Président?

Une voix: Ce n'est peut-être pas important.

M. Gautrin: Est-ce que c'est important d'en débattre maintenant?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, j'ai effectivement signifié au député de Montmorency que j'aurais préféré qu'on en débatte à un autre débat, mais M. le député de Montmorency préfère, comme elle est recevable, qu'elle soit débattue immédiatement. Ma marge de discrétion est très, très limitée. Je me dois de faire respecter la procédure et le règlement des deux côtés, de même que je... C'est mon devoir de faire respecter le droit des parlementaires, et c'est du droit du député de Montmorency d'avoir à décider s'il veut débattre de sa motion immédiatement, puisque je la déclare recevable.

Alors, nous vous écoutons, M. le député de Montmorency.

Débat sur la motion M. Jean Filion

M. Filion: Alors, je comprends très bien, M. le Président, et nous allons commenter la motion quand même d'une façon... dans un temps pas très long. Mais, M. le Président, c'est très important, cette motion.

On est actuellement en train de parler des finances publiques au Québec. Tous les gens qui sont venus nous voir depuis le début par des mémoires nous disent effectivement que, les dépenses publiques, c'est dispendieux. On se rend compte, et tout le monde se rend compte qu'on paie en double constamment, qu'on se chevauche, qu'on se dédouble, qu'on a des orientations différentes à deux paliers de gouvernement, ce

qui entraîne des déboursés incroyables à la population. Les gens sont tannés de payer en double, M. le Président, et aimeraient comprendre et savoir pourquoi ils paient en double. On est ici pour faire le débat des finances publiques. Alors, M. le Président, c'est très pertinent.

Il y a des études qui existent ou qu'on nous a fait miroiter qui existaient. Pour le bon déroulement de la commission, pour qu'on puisse enfin mieux comprendre l'état de nos finances publiques, je pense que ce genre d'études là devient des plus pertinents et des plus appropriés. C'est bien beau de nous donner, pour fins de cette commission, un document «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens». C'est bien beau de donner ça à la population, M. le Président, à la dernière minute, pour dire: Voici, ramassez ça, allez-vous-en avec ça, faites un débat des finances publiques et essayez de nous convaincre qu'on ne doit pas vous couper. M. le Président, les gens veulent comprendre.

Pour une fois, au Québec, on s'assoit autour d'une table et on demande à des intervenants du milieu de venir nous expliquer leur positionnement et de nous dire comment on doit se réorienter II devient nécessaire que l'on ait tous les outils disponibles au gouvernement qui pourraient être d'intérêt public et qui pourraient informer le public dans son ensemble du comment sont utilisés les fonds publics et leur surtaxation. Ces études-là deviennent des plus pertinentes et devraient faire partie intégrante du débat à cette commission. Quand on demande et qu'on souhaite que, dans le cadre du mandat que l'on a actuellement, soient déposées de telles études, M. le Président, ce n'est pas pour le plaisir de la chose, c'est simplement pour aller au fond des choses. Les gens vont mieux comprendre tout à l'heure, lorsque le président du Conseil du trésor va les couper, quand le président du Conseil du trésor va couper dans ses dépenses, parce qu'on sait qu'effectivement l'opération de cette commission, c'est de couper. Mais les gens veulent comprendre pourquoi ils vont être coupés et, dans cet esprit-là, on doit les informer qu'effectivement voici le gaspillage de fonds publics, comment il s'opère.

Il s'opère sur deux paliers où on paie des dépenses pour rien. C'est des millions et des millions et des centaines de millions de dollars, M. le Président. Le secrétariat de la commission Bélanger-Campeau, dans son étude présentée juste sur deux aspects, M. le Président, au niveau de l'impôt sur le revenu, les deux ministères, il y a 23 ministères où on se dédouble au gouvernement fédéral. Le ministère à Ottawa et le ministère à Québec, 23 se dédoublent; non pas 1,23! (10 h 10)

Alors, M. le Président, on parle de chevauchement et de coûts d'environ 500 000 000 $ pour deux ministères: 300 000 000 $ juste au niveau du ministère de l'impôt sur le revenu, et la main-d'oeuvre et la formation, c'est la même mécanique.

M. le Président, ce sont des informations essentielles pour être constructifs, pour être positifs. C'est sûr que si on veut parler pour ne rien dire, M. le Président, à une commission comme la nôtre, c'est très facile, mais les gens sont venus nous dire depuis le début que le parlementarisme doit changer, doit devenir plus sérieux, doit devenir crédible. C'est ce que les gens nous disent depuis 15 jours à cette commission. Là, on présente une motion justement pour redorer le blason des députés, pour leur montrer qu'ils sont sérieux, qu'ils veulent aller au fond des choses, étudier les problèmes avec toutes les informations pertientes, et là on présente une motion justement pour montrer aux gens qu'on veut être sérieux. Alors, M. le Président, j'espère que les députés de cette commission vont démontrer une responsabilité envers les finances publiques, qu'ils vont démontrer qu'ils sont responsables envers la population et qu'ils ont un désir de les informer et de leur donner toute l'information pertinente au présent débat.

Je vous remercie, M. le Président, des quelques minutes que vous m'avez accordées pour expliquer à la populutiun toute l'Importance d'avoir de telles études pour qu'on puisse bien travailler à cette commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Montmorency.

M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, la position du député de Montmorency démontre à quel point nos amis d'en face refusent de regarder réellement en face les problèmes des finances publiques. Au lieu de regarder réellement nos problèmes, vous voulez continuer à laisser croire que c'est à cause du fédéralisme qu'on se trouve dans la situation dans laquelle on est. Les questions de dédoublement, les questions de coûts de la souveraineté, les questions du coût du séparatisme ont été étudiées dans le cadre de la commission sur l'accès du Québec à la pleine souveraineté, dans la loi 150. Ce rapport existe. On peut parfaitement l'avoir avec nous. On n'a pas besoin de le déposer, c'est un rapport public. Mais, maintenant, vous voulez laisser croire qu'il y a des études cachées, qu'il y a des choses qui ont été faites par ce gouvernement qui vont démontrer des risques, ce que vous dites depuis le début, que les dédoublements coûteraient énormément...

Le trouble, le malheur dans votre argumentation, c'est que ces études ont été faites, sont publiques, existent. Elles ont été faites par la commission d'accès à la souveraineté et elles ont justement démontré qu'il n'y avait pas de risque

de dédoublement. Ça existe, je m'excuse, là-dedans, prenez le rapport.

Alors, M. le Président, qu'est-ce que ça veut dire, de voter en faveur de la motion? Ça veut dire de laisser croire que c'est dans cette direction-là qu'il y a un problème face aux finances publiques. Vous voulez encore voiler la question; voiler la question! Moi, je trouve ça absolument inacceptable et, dans ce cadre-là, on va voter contre votre motion, tout en disant que, parfaitement, l'information sur les coûts de la souveraineté, sur les 9 000 000 000 $ que ça coûterait aux Québécois de vouloir aller vers la séparation, elle est présente dans les rapports préliminaires de la commission créée suite à la loi 150.

Alors, M. le Président, je pense que cette commission est une commission sérieuse, qui veut réellement trouver des solutions aux problèmes des finances publiques au Québec et non pas partir vers des risques et des faux problèmes, et on va voter contre la proposition.

Une voix: Bravo!

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Verdun.

Vous voulez intervenir, M. le député de Lotblnière?

Mme Carrier-Perreault: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, madame, vous voulez intervenir? Mme la députée...

Mme Carrier-Perreault: ...est-ce qu'il y a alternance?

Le Président (M. Lemieux): Oui, il y a alternance.

Mme Carrier-Perreault: Toujours, oui.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président, quelques mots seulement.

Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais j'entends les propos du député de Verdun et j'en suis renversée, des propos semblables. Je ne comprends pas qu'on en soit rendu à dire des aberrations pareilles.

M. le Président, je vais appuyer la motion qui a été présentée par mon collègue, le député de Montmorency. Je pense, effectivement, moi aussi, que la population a le droit de savoir avant de se faire couper des services. Ici, on laisse entendre aux gens que c'est uniquement les services qui coûtent cher. C'est vrai que ça coûte très cher, les services, mais il y a d'autres dépenses au niveau du gouvernement. Encore hier, il y a des groupes qui sont venus nous dire qu'il ne fallait pas couper dans les services. Toute la semaine, la semaine dernière la même chose, les gens disent: Attention! Il faut maintenir les acquis, il ne faut pas couper dans les services. Allez du côté des chevauchements et des dédoublements, allez du côté des dépenses autres que le gouvernement fait.

Ça a été reconnu, à la commission Bélan-ger-Campeau, ces dédoublements et ces chevauchements, la majorité des gens sont venus nous dire qu'il fallait justement prendre des mesures pour arrêter l'hémorragie des dépenses à ce niveau-là. Plusieurs ministres, même, ont dit et ont admis, en commission, que ces études-là avaient été effectuées. Je pense que c'est important que la population en prenne connaissance; pire que ça, je disais plusieurs ministres parce qu'effectivement il y en a plusieurs qui ont dit qu'il y avait eu des études. Maintenant, même le premier ministre, dans le discours sur la loi 150, dit que des études ont été commandées. Alors, quand ces études-là ont été commandées, elles ont été faites probablement, quand c'est sur l'ordre du premier ministre.

Je trouve que c'est absolument important qu'on puisse prendre connaissance des dépenses, des montants qui sont alloués à ce genre de dédoublements avant qu'on n'en arrive à nous dire: On va vous mettre un ticket modérateur au niveau de la santé, on va couper dans les services, on va couper dans l'universalité.

Alors, M. le Président, c'est dans ce sens-là que j'appuie la motion de mon collègue.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député de Lotbinière.

M. Lewis Camden

M. Camden: Merci, M. le Président.

Brièvement. Nous sommes en face de mesures qui ont été déposées avec un objectif très précis, qui n'ont qu'un effet dilatoire. Essayer de profiter également de la présence de caméras, de la diffusion de la commission, de détourner évidemment la commission de son objectif premier...

Le Président (M. Lemieux): Je ne voudrais pas que vous prêtiez... Écoutez...

M. Camden: Ah! je ne prête rien, je fais un constat!

Le Président (M. Lemieux): Je pense que... Ne prêtez pas d'intentions aux députés de l'Opposition, s'il vous plaît.

M. Camden: M. le Président, tout simplement pour vous indiquer que l'objectif recherché

par l'Opposition, il était possible de rejoindre cet objectif via la demande d'une séance de travail de la commission, et que cette séance de travail des membres de la commission aurait fait en sorte de déterminer de nouveaux mandats ou d'étendre le mandat actuel de la commission.

Je vous rappelle simplement que, cette semaine, le député de Labelle nous indiquait que, dans la répartition du temps et qu'on avait des gens, ici, à l'arrière qui avaient été prévus pour une heure fixe pour être entendus et que, depuis tout ce temps-là, on a perdu trois quarts d'heure alors que, cette semaine, on se faisait reprocher de vouloir reprendre 15 minutes d'avance.

Ça m'apparaît n'être que des mesures dilatoires. M. le Président, pour ces raisons, je vais voter contre.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lotbinière. Alors, il n'y a pas d'autres interventions? Est-ce qu'il y a d'autres...

Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Très brièvement, car le député de Montmorency me prend à parti, nommément, ici comme étant le dépositaire ou le gardien de documents.

M. le Président, je dis ici que je n'ai pas connaissance personnelle, que je n'ai jamais, que je ne connais ni n'ai en ma possession ou à ma garde quelque document qui resssemble, de près ou de loin, à ce dont le député parle. Et si, d'aventure - je ne sais pas pourquoi j'ajoute ça, sinon pour que ce soit bien complet - j'avais en ma possession ou sous ma garde des documents comme ceux-là, probablement que le règlement m'interdirait de les déposer parce que ça a affaire aux relations intergouvernementales.

Alors, je souscris entièrement à l'explication du député de Lotbinière.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Alors, il n'y a pas d'autres interventions?

M. Filion: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît...

M. Filion: Je ne pense pas que la motion allait dans le sens du président du Conseil du trésor. On ne disait pas que c'est lui qui les gardait. On lui demandait de vérifier si...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, je m'excuse, mais votre droit de parole...

M. Filion: Alors, vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): ...n'est pas... Ça va, vous avez bien compris.

M. Filion: Vote nominal.

Le Président (M. Lemieux): Vote nominal. M. le secrétaire, qu'on appelle les députés...

Le Secrétaire: Le vote?

Le Président (M. Lemieux): ...pour le vote nominal.

Mise aux voix

Le Secrétaire: M. Filion (Montmorency)? M. Filion: Pour.

Le Secrétaire: Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière)?

Mme Carrier-Perreault: Pour.

Le Secrétaire: M. Richard (Nicolet-Yamas-ka)?

M. Richard: Contre.

Le Secrétaire: M. Chagnon (Saint-Louis)?

M. Chagnon: Contre.

Le Secrétaire: M. Després (Limoilou)?

M. Després: Contre.

Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?

M. Audet: Contre.

Le Secrétaire: M. Camden (Lotbinière)?

M. Camden: Contre.

Le Secrétaire: M. Gautrin (Verdun)?

M. Gautrin: Contre.

Le Secrétaire: M. Savoie (Abitibi-Est)?

M. Savoie: Contre.

Le Secrétaire: M. Johnson (Vaudreuil)?

M. Johnson: Contre.

Le Secrétaire: M. Levesque (Bonaventure)?

M. Levesque: Contre.

Le Secrétaire: M. Lemieux (Vanier)?

Le Président (M. Lemieux): Abstention. Une voix: ...député de Labelle.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle n'est pas présent, M. le député... S'il vous plaît, M. le président du Conseil du trésor.

Voulez-vous donner le résultat, M. le secrétaire?

Relativement à la motion, résultat:

Pour: 2

Contre: 6

Abstentions: 1.

La motion est donc rejetée.

Nous reprenons immédiatement nos travaux pour entendre l'Union des municipalités du Québec. Je demanderais à ces personnes de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.

Bienvenue à cette commission, messieurs. Dans un premier temps, je tiens à m'excuser personnellement du retard du début de cette commission. J'en suis, effectivement, le responsable ce matin, puisque je suis arrivé 20 minutes en retard pour des petits problèmes de santé personnels. Alors, je tiens à m'excuser auprès des membres de l'Union des municipalités du Québec.

Dans un deuxième temps, permettez-moi de demander au responsable de cet organisme de bien vouloir se présenter et de nous présenter les membres qui l'accompagnent.

Et dans un troisième temps, je vais vous faire état de la procédure parlementaire. Nous disposons d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les deux formations politiques, pour une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, je suis prêt à entendre le porte-parole de l'organisme.

Auditions (suite) Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Mercier (Ralph): Alors, M. le Président, M. le président du Conseil du trésor, M. le ministre des Finances, Mmes et MM. les députés, il nous fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui et de pouvoir, évidemment, contribuer à la réflexion du gouvernement du Québec sur le financement des services publics. (10 h 20)

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Raymond L'Itaiien, à ma gauche, directeur général de l'Union des municipalités du Québec et, à ma droite, de M. Serge Belley, conseiller en fiscalité à l'Union.

Selon nous, M. le Président, MM. et Mmes de cette commission, cette problématique doit être abordée dans une perspective large qui remet en question nos modes de gestion et de financement à la lumière des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés et qui appellent à une redéfinition de nos consensus sociaux. Trois moyens traditionnels s'offrent au gouvernement pour équilibrer ses revenus et ses dépenses et réduire son déficit: premièrement, augmenter les impôts et les taxes; deuxièmement, réduire ses dépenses; ou, troisièmement, recourir à ces deux avenues simultanément.

Il n'est pas nécessaire d'élaborer très longuement sur la question des impôts et des taxes, car, politiquement parlant, nos gouvernements respectifs sont très près d'avoir atteint le seuil de tolérance des contribuables. En ce qui concerne la rationalisation des dépenses, les résistances politiques internes et externes à l'appareil gouvernemental font que, là aussi, les changements s'effectuent très lentement et de façon marginale. Mais voilà que, depuis quelques années, une quatrième solution fait partie des stratégies financières des gouvernements. Il s'agit tout simplement de contenir l'augmentation du déficit en refilant à d'autres niveaux de taxation la responsabilité d'acquitter un certain nombre de factures. Après avoir subi ce traitement par le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec a décidé, en 1990, que le tour des municipalités était venu. Le nouveau partage des responsabilités Québec-municipalités qui occasionnera, en 1992, un transfert net de 221 000 000 $ aux municipalités et, en 1993, tout près de 240 000 000 $, incluant le transfert de la voirie, est en effet présenté comme une mesure de réduction des dépenses dans le document gouvernemental «Vivre selon nos moyens». Certains des intervenants qui nous ont précédés ont sans doute souscrit à la décentralisation, mais connaissent-ils vraiment les effets d'une telle mesure sur les finances municipales? Quant à nous, c'est un véritable partage de responsabilités, assorti de nouveaux revenus de transferts correspondants que l'on réclame plutôt qu'un pelletage de factures dans la cour du voisin.

Qu'on se le tienne pour dit, les municipalités ne constituent pas le réceptable naturel des problèmes financiers du gouvernement du Québec. Ne nous leurrons pas, les contribuables québécois sont mécontents et ils ont conclu, depuis un certain temps déjà, à l'impuissance des gouvernements supérieurs à contrôler leurs dépenses et à réduire leur appétit fiscal. La décentralisation ne saurait être la solution magique à tous les problèmes que posent la gestion et le financement des services publics au Québec Pour l'UMQ, la décentralisation n'est souhaitable que si elle permet de mieux servir le citoyen et à moindre coût, et que si elle se réalise dans le respect des capacités et de l'autonomie administrative et financière des gouvernements locaux.

De plus, dois-je rappeler aux membres de cette commission qu'il est faux de prétendre que

les municipalités sont riches. L'obligation légale de produire un budget équilibré amène les municipalités à accumuler des surplus. Il ne s'agit pas là d'un indice de richesse, mais d'une protection essentielle pour éviter les déficits d'opération que nous interdit la loi. Autrement dit, nous sommes tenus de prévoir l'imprévisible et de nous doter d'une marge de manoeuvre pour y faire face. Les surplus accumulés ne sont que le résultat d'une saine gestion.

Ceci dit, il faut souligner que le poste le plus important dans le budget des municipalités en 1992 demeure le service de la dette, qui accapare 1 600 000 000 $. Ce montant représente 21 % des revenus budgétaires des municipalités comparativement à environ 13 % dans le cas du gouvernement du Québec. La situation budgétaire et financière actuelle des municipalités est plus fragile qu'il n'y paraît, compte tenu, d'une part, de leur dépendance quasi exclusive envers une seule source de revenus qui est l'impôt foncier et, d'autre part, de l'évolution économique prévisible à moyen terme qui laisse entrevoir une croissance beaucoup plus lente de leur assiette fiscale.

Les élus municipaux continueront à subir néanmoins de fortes pressions sociales et politiques en faveur d'une augmentation des services. S'ajoute à cela le désengagement de l'État dans plusieurs domaines. Le champ d'impôt foncier n'est donc pas loin, lui aussi, d'avoir atteint son niveau de saturation. En l'occurrence, notre unique source de revenus qui devrait servir, en principe, à financer des services à la propriété ne peut continuer à financer une quantité toujours plus grande de services à la personne, tels que la culture, les loisirs, le transport en commun, l'habitation, l'aide aux sans-abri, pour ne citer que ceux-là. La base du régime fiscal municipal apparaît aujourd'hui de plus en plus en porte-a-faux avec les nouvelles responsabilités sociales qu'assument les municipalités. La prise en compte des réalités municipales actuelles commande une revue en profondeur sérieuse et concertée du partage des compétences et des sources de revenus entre nos deux ordres de gouvernement.

Par ailleurs, au fil des années, l'appareil technobureaucratique s'est habitué à une vue théorique et abstraite des choses et s'est éloigné graduellement des clients qu'il prétend, pourtant, toujours bien connaître et servir. L'UMQ estime, à cet égard, que les possibilités d'allégement ou de simplification des contrôles gouvernementaux susceptibles d'améliorer la prestation des services municipaux et de réduire les dépenses gouvernementales sont nombreuses.

Nous proposons, dans notre mémoire, une série de mesures à cet effet, notamment l'assouplissement de certaines dispositions de l'actuel régime d'exceptions prévu au Code du travail touchant les policiers et pompiers municipaux. Si le débat sur les finances publiques se situe actuellement à un niveau théorique, je peux vous assurer que, lorsqu'on parle d'amendements de ce type, on est plongé directement dans la pratique, car voilà un cas précis où le gouvernement peut nous appuyer dans nos efforts de rationalisation des dépenses publiques locales. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait valoir en commission parlementaire, ces derniers jours, auprès des ministres concernés.

D'ailleurs, je tiens ici, M. le Président, à féliciter le ministre du Travail, M. Normand Cherry, également aussi le ministre des Affaires municipales et de la Sécurité publique, M. Claude Ryan, pour leur réceptivité à l'endroit des municipalités à l'égard, effectivement, de cette problématique et, finalement, par l'adoption hier, en commission parlementaire, du Code du travail, modifications au Code du travail par l'article, la loi 74.

D'autres mesures politiques administratives devront aussi être prises afin de permettre à l'appareil gouvernemental d'être plus performant. Mentionnons, entre autres, la nécessité de poursuivre et d'intensifier les efforts de modernisation de l'administration publique par l'accroissement de la productivité, la valorisation des ressources humaines et l'implantation de l'évaluation de programmes dans tous les ministères. L'élimination des dédoublements de programmes avec le gouvernement fédéral et la réduction par attrition des effectifs gouvernementaux devront aussi être poursuivies. L'Union des municipalités du Québec appuie ces mesures, dont plusieurs ont déjà été évoquées par le gouvernement lui-même.

L'enjeu que représente le financement des services publics au Québec renvoie, en grande partie, à la capacité du gouvernement de réformer en profondeur ses modes actuels de décision et de gestion. Cette réforme devra s'accompagner d'une responsabilisation plus grande des citoyens face aux coûts qu'entraînent les demandes sociales en faveur d'une amélioration et d'une extension des services publics. Mais, M. le Président, si on parle en termes de responsabilisation, on a pu constater au cours des derniers jours, à la commission parlementaire sur la loi 74, que les membres de l'Opposition ont largement contribué à sa bonification et qu'ils ont fait, en quelque sorte, qu'on puisse véritablement voir les problèmes d'aujourd'hui, mais particulièrement les solutions aussi de demain. (10 h 30)

Les administrations municipales, plus facilement capables d'initiative dans leur milieu, sont disposées comme institutions décentralisées à faire plus pour leur population, à condition que le gouvernement révise ses contrôles afin de permettre de gérer plus efficacement, dis-je, les deniers publics. Il est impérieux que le gouvernement entreprenne, de concert avec les municipalités, un exercice sérieux de révision des normes et des contrôles qui encadrent et alourdissent inutilement la gestion municipale. Autre-

ment, il serait sûrement illusoire de penser que les municipalités pourraient faire plus et surtout mieux que le gouvernement dans de nouveaux champs d'activité à leur être confiés.

Je remercie les membres de cette commission de nous avoir entendus jusqu'à maintenant, et nous sommes disposés, bien sûr, à répondre aux questions qui pourront nous être transmises.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des Finances, la parole est à vous.

M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président.

Je voudrais immédiatement souhaiter la plus cordiale bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités du Québec, une institution extrêmement importante et qui groupe les gouvernements locaux, qui sont souvent très près, encore plus près des problèmes que vit la population. C'est donc une institution que je salue d'une façon particulière, étant donné que nous avons souvent des problèmes communs; nous devons faire face, souvent, à des contribuables qui sont les mêmes. Et nous avons, évidemment, à vivre certains arbitrages qui ne sont pas toujours faciles mais qui sont faits, comme vous le savez fort bien, dans ce qui est vu comme l'intérêt général de la population.

Il est d'abord réjouissant de constater que, sur plusieurs aspects, l'Union des municipalités du Québec partage les préoccupations exprimées par le gouvernement dans le document «Vivre selon nos moyens». On nous dit, par exemple, dans votre mémoire, que le gouvernement du Québec doit poursuivre ses efforts de réduction du déficit. Vous dites: Nous avons atteint le seuil de tolérance fiscale des contribuables. Vous dites également qu'il faut poursuivre et intensifier les efforts de rénovation de l'administration publique. Le mémoire rappelle également les mesures du réaménagement des responsabilités Québec-municipalités qui sont entrées en vigueur au début de 1992.

Il est important de rappeler que cette réforme avait pour but d'augmenter l'efficacité du secteur public. C'est dans cette perspective qu'il faut voir, par exemple, la réforme du financement du transport en commun ou encore le transfert aux municipalités du réseau routier local. J'aimerais rappeler, cependant, que, par rapport à la première présentation que nous avions faite il y a déjà quelque temps et à laquelle nous assistions, il y a eu des mesures d'assouplissement qui ont été apportées par la suite. Par exemple; réduction de 50 000 000 $ de la charge financière à l'égard du transport en commun suite à l'introduction d'une contribution des automobilistes; réduction de la tarification proposée pour les services de police par rapport au scénario initial; réduction, moins importante que prévue initialement, des compensations tenant lieu de taxes; maintien des subventions de fonctionnement aux MRC jusqu'en 1994-1995, soit 8 000 000 $; augmentation du coût par kilomètre reconnu. On parlait de 3000 $ du kilomètre dans la voirie, on est passé à 3800 $. Et il y a eu plusieurs autres mesures comme les programmes qui totalisent près de 150 000 000 $ pour la voirie locale, la compensation pour limiter à 0,14 $ des 100 $ de richesse foncière uniformisée l'effort des municipalités au titre des routes locales, la péréquation qui a été introduite, les compensations de plafonnement, les compensations transitoires, les droits sur les divertissements, etc.

Donc, nous avons travaillé ensemble. Ce n'était pas agréable, je le comprends, pour l'Union des municipalités d'avoir à faire face à cela. On dit souvent: Bien, le gouvernement fédéral a pelleté chez les gouvernements des provinces, et les provinces ont pelleté du côté des municipalités. Cependant, ce n'est pas du même ordre de grandeur, c'est sûr. Ce que nous avons eu comme coup de pelle, nous, c'était une vraie pelletée, et je pense que ça prenait de la machinerie assez lourde pour faire le transfert. Mais, tout de même, je note que, dans votre mémoire, vous dites ceci: La décentralisation ne saurait être la solution magique à tous les problèmes que posent la gestion et le financement des services publics au Québec. Pour l'Union des municipalités du Québec, la décentralisation n'est souhaitable que si elle permet de mieux servir, à moindre coût, le citoyen et que si elle se réalise dans le respect des capacités et de l'autonomie administrative et financière des gouvernements locaux. Alors, si vous lisez la page 130 du document que nous avons déposé à la commission, «Vivre selon nos moyens», vous trouverez que nous avons une approche qui n'est pas en contradiction avec la vôtre.

Il y a peut-être seulement deux ou trois petits points que j'aimerais ajouter sur certains chiffres qui apparaissent dans votre mémoire et que vous n'avez peut-être pas utilisés ce matin, mais... Du côté du service de la dette, vous mentionnez que le service de la dette accapare 1 600 000 000 $. Le montant représente 21 % des revenus budgétaires des municipalités comparativement à 13 % dans le cas du gouvernement du Québec. Je vous rappellerais simplement ceci: c'est que, dans le cas des municipalités, on tient compte non pas seulement du paiement des intérêts mais également du remboursement du capital, tandis que, dans notre cas, dans le cas du Québec, on ne tient pas compte de ce facteur extrêmement important. C'est donc dire que si on réconcilie les chiffres comme il me semble qu'ils devraient l'être - et je le dis avec la plus grande humilité - pour les municipalités locales, le ratio service de la dette par rapport au revenu budgétaire serait plutôt de 11,8 % tandis que, pour le gouvernement du Québec, c'est 13,6 %; et si on ajoute les subventions pour

paiement d'intérêt dans les réseaux, on arrive plutôt à 17,4 %. Alors, c'est simplement une rectification qui s'impose.

Quant à la dette elle-même, vous ne soulignez pas que le ratio dette-PIB des municipalités est passé de 8,7 % en 1980 à 7,5 % en 1990, alors que celui du Québec est passé de 20,3 % à 29,8 % au cours de la même période. Ce n'est pas pour vous faire des reproches. Au contraire, vous êtes chanceux de pouvoir avoir une diminution de ce côté-là, par rapport au PIB, alors que nous avons à subir une augmentation qui est devenue réellement inacceptable. (10 h 40)

Je pense que c'était un peu ces choses-là... Du côté des transferts, par exemple, on pourrait ajouter que, sur la base des données présentées dans les comptes publics du gouvernement pour 1991-1992, dans les crédits pour 1992-1993 on constate... Parce que, là, les chiffres... Vous parlez de diminution de transferts de 24 % en 1992. Si on prend les chiffres qui apparaissent dans les comptes publics, on s'aperçoit que les transferts du gouvernement du Québec vers les municipalités - et, ça, ça comprend la péréquation municipale, les transports en commun, l'assainissement des eaux, les «en lieu» de taxes - pour un total de 1 458 220 000 $ en 1991-1992 sont passés à 1 356 000 000 $ en 1992-1993. La réduction n'est pas de 24 %, d'après les comptes publics, mais plutôt de 7 %. Là aussi, il faudrait peut-être se rencontrer pour voir la méthodologie employée.

Mais, de toute façon, ça ne change pas l'esprit qui doit nous guider, un esprit de coopération, un esprit de compréhension. Je sais que vous avez mentionné il y a quelques instants votre appréciation pour le travail de certains de nos collègues, et nous voulons continuer. Je sais que M. Ryan, le ministre des Affaires municipales, veut continuer d'avoir ces discussions très positives avec vous autour de la table Québec-municipalités. Nous avons l'intention de continuer cette consultation et nous voulons pouvoir travailler ensemble, le gouvernement du Québec et l'Union des municipalités du Québec, comme avec l'Union des municipalités régionales de comté, dans l'intérêt de nos contribuables qui sont, enfin, les mêmes et qui comptent sur une bonne collaboration des divers niveaux de gouvernement.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le ministre des Finances?

M. Mercier: M. le Président, évidemment, je suis heureux d'entendre M. Levesque nous indiquer, finalement, dans le fond, sur le plan de la gestion municipale, qu'elle semble être excellente. Au moins, on peut peut-être convenir de ça ici, ce matin, sur le plan des finances publiques.

D'autre part, évidemment, vous apportiez certaines indications ou certaines précisions sur des données qu'on retrouve dans notre mémoire. Évidemment, vous conviendrez avec moi qu'il y a des fois où on peut peut-être y voir des différences en raison des méthodologies appliquées. Je pense qu'on ne s'appliquera peut-être pas ici, ce matin, à faire une guerre de chiffres là-dessus. Ce n'est peut-être pas nécessairement l'endroit et l'occasion de le faire, mais on aura peut-être d'autres circonstances pour en reparler. Parce que je diffère, évidemment, de point de vue à cet égard avec vous sur certains des éléments que vous avez indiqués.

D'autre part, il faut voir aussi que, dans les transferts ou la réforme Ryan, finalement, les transferts qui ont été rendus aux municipalités, c'est vrai qu'il y a eu des allégements sur ce plan. Mais, d'autre part aussi, il faut voir encore une fois, à l'intérieur de ces transferts, qu'ils se retrouvent toujours sur la taxe foncière. Et on est d'avis, on l'a indiqué dans notre mémoire, qu'actuellement, sur le plan de la taxe foncière, elle étend ses limites. On ne peut pas abuser davantage, je pense, de cette source de revenus, et il va falloir retrouver d'autres moyens, finalement, d'ajuster les finances publiques et ne pas tenter de transférer davantage vers les municipalités.

Cependant, il faut bien admettre qu'on est prêt à assumer des responsabilités additionnelles en autant qu'on ait les revenus qui sont correspondants à ces mêmes responsabilités. Ça ne veut pas dire, je vous le dis bien, ça n'indique pas ici, ce matin, d'ajouter encore une fois sur la taxe foncière; les citoyens en ont suffisamment. La capacité de payer est à ses limites. Et, également, la taxation sur le plan municipal a des fins qui sont propres, évidemment, à ce qui avait déjà été indiqué dans la loi. Donc, on tente quand même, depuis les dernières années, de peut-être bifurquer un petit peu sur ça. C'est davantage une taxation qui doit être rendue pour les services municipaux; et on voit aujourd'hui, évidemment, des services rendus à la personne qui se retrouvent dans ce secteur-là. Je pense que ce n'est pas nécessairement le rôle des municipalités - malgré que les municipalités veulent collaborer, bien sûr - d'assumer cette mission qui en est une nationale sur le plan de la personne.

M- Levesque: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

Est-ce que M. le député de Jonquière... Il y a eu un remplacement. Alors, M. le député de Jonquière, on va vous permettre de prendre la parole.

M. Dufour: Merci, M. le Président.

D'abord, permettez-moi, en premier lieu, de souhaiter la bienvenue, bien sûr, aux représentants de l'Union des municipalités et de vous dire que c'est la première fois que j'assiste à ce débat concernant l'équilibre des finances du gouvernement du Québec. C'est évident que, lorsqu'on écoute le ministre des Finances, il utilise un peu la langue de serpent, dans le fond, en disant d'une façon très doucereuse: C'est vrai qu'on vous a fait mal, les municipalités, mais on ne vous a pas tout enlevé, on vous en a remis. Tant est-il qu'il manque quelque chose encore: ils n'ont pas remis autant qu'ils ont pris. Et, ce qu'ils ont remis, ils l'ont repris dans les poches du contribuable.

C'est un tour de passe-passe. C'est l'excuse classique. C'est que, nous, on s'en est fait pelleter un coup dans notre cour par le fédéral. Il faut bien l'appeler par son nom, le fédéral est là. Les comptes à comptes sont rendus équilibrés, c'est zéro à zéro. Néanmoins, le gouvernement d'en face ou les amis d'en face, comme on dit si bien, persistent à dire que c'est un bon système, un système qui va nous appeler, de plus en plus, à contribuer au reste du Canada, à contribuer à leur bien-être au détriment, quelque peu, des municipalités et des contribuables dans leur ensemble.

Moi, je suis obligé de... Il faut avoir le courage de ce qu'on dit et de ce qu'on affirme. Si on se fait pelleter des coûts par d'autres, bien, on ne se revenge pas sur les autres. Le gouvernement du Québec a pris cette fâcheuse habitude: lorsqu'il a un coup de pied, il ne le dénonce pas mais il se sert de ça comme prétexte pour aller ailleurs, pour fouiller dans les poches de tout le monde. Moi, je n'apprécie pas tellement ce procédé, surtout qu'il fait payer par des gens qui ne sont pas coupables, pas responsables. Ce n'est pas parce que vous avez eu un coup de poing sur la gueule de votre voisin que vous êtes obligé de vous revenger sur l'autre qui est à côté; mais il était plus proche, c'est aussi bien de frapper celui-là. Comme on sait que le gouvernement a la main haute sur les municipalités, c'est beaucoup plus facile de les écraser ou de les forcer à contribuer.

Ceci étant dit, je voudrais vous rappeler, d'abord, qu'il y a des éléments, tout de même, qui viennent de se passer encore, puis le gouvernement du Québec est encore la bouche cousue; motus et bouche cousue, ça, c'est leur «motto». Le gouvernement fédéral n'est pas contribuable à part entière au point de vue des taxes, ni le gouvernement du Québec; ils ne le sont pas, ni l'un ni l'autre. Mais, c'est encore plus grave, le gouvernement fédéral, juste avec un avertissement, il vient geler les comptes de taxes pour les municipalités pour les deux prochaines années. Avez-vous entendu quelqu'un, à Québec, parler? Chez nous, il y a une couple de maires qui ont parlé, ils ont dit: On le savait. Mais ce n'est pas parce qu'on sait qu'on a un cancer que ça guérit le cancer; on l'a pareil. C'est ça qu'on vient de subir, les municipalités. Je n'en entends pas parler beaucoup; ça se fait entre amis, entre nous autres.

Moi, je n'accepte pas ça. Il faudrait que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités et dise au fédéral: Arrêtez! Là, on ne pelleté pas juste dans la cour du gouvernement du Québec, le fédéral frappe les municipalités aussi. On est deux pour bâtonner. Je ne sais pas lequel va réussir à avoir la peau de l'autre, mais, actuellement, on est en frais de les étouffer. On les pleume; on est en frais de pleumer les municipalités. On n'entend pas grand-chose alentour de ça, il n'y a rien qui se passe.

Donc, ça, c'en est un, moyen, M. le ministre, que je vais vous donner, moi, au nom des municipalités: d'essayer de dégeler le gouvernement fédéral. Vous savez, dans les municipalités, si tous les contribuables agissaient comme l'exemple qui nous est donné par les gouvernements supérieurs, ça serait décourageant. On n'aura jamais assez de police pour réglementer sur le territoire du Québec si on continue comme on est parti là. Le fédéral donne de mauvais exemples, le gouvernement du Québec donne de mauvais exemples aux contribuables, parce qu'ils se font justice eux autres mêmes. Ils décident unilatéralement que c'est ça qu'on va faire dans le futur. Et c'est inacceptable, c'est inacceptable. Ce n'est pas de même qu'on...

On va perdre des partenaires. On aura beau parler et essayer de dire qu'on n'est pas si pire que ça, mais, dans les faits, il faut toujours constater ce qui se passe. C'est que, actuellement, le fédéral, c'est un mauvais payeur, c'est un mauvais coucheur. C'est vrai, et il faut le dire haut. Le Québec n'est pas mieux, il se conduit exactement pareil. C'est bien beau de dire: On vous aime bien gros; on vous aime tellement qu'on va vous étouffer. Ça, c'est de l'amour... Ce n'est pas de l'amour platonique; c'est dangereux, ça, et c'est ce qu'on a commencé. Et, si on continue comme ça, pour les municipalités, ne parlons plus d'autonomie. Ça va être de l'à-plat-ventrisme, des pèlerinages qui datent de 1940 ou de 1950.

Ce qu'on a voulu faire, ce que le gouvernement du Québec a voulu faire entre les années 1976 à 1985, on les a remises dans un état de responsabilité. Et on les a remises dans un état dépendant. Ça, c'est malheureux, mais c'est vraiment de la pédagogie à l'envers: au lieu de responsabiliser, on déresponsabilise. (10 h 50)

À l'intérieur de votre mémoire, M. le Président, on parle de commissaire aux plaintes. Moi, je me rappelle que l'Opposition s'était opposée fortement au commissaire aux plaintes. Ils ont essayé. Ça a été imposé dans une loi de l'agriculture. Ce commissaire aux plaintes doit coûter entre 400 000 $ et 500 000 $. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de couper ça au

plus sacrant? On n'a pas besoin de cours classique pour ça. Allez donc à l'intérieur du travail du commissaire aux plaintes et allez voir ce qu'il fait sur le territoire. On a tout dénoncé ça au départ, mais, comme ça vient de l'Opposition, ça ne peut pas être intelligent, ça ne peut pas avoir de bon sens.

Moi, depuis huit ans ou sept ans, je suis en contact avec les ministres, puis il y en a beaucoup qui ont cette fâcheuse habitude ou, je pourrais même dire plus loin que ça, je pourrais en charger un peu plus: c'est que les ministres, au lieu d'écouter ce qu'on dit, ils essayent de défendre ce qu'ils ont fait puis ce qu'ils n'ont pas fait. Et une des premières qualités d'un homme, d'une personne, en politique, c'est d'abord de savoir écouter.

Le commissaire aux plaintes, on l'a dénoncé. Environ 500 000 $, et ça fait déjà trois à quatre ans qu'on paie ça inutilement; 2 000 000 $. Vous le soulignez, je suis d'accord avec vous. Le gouvernement du Québec devrait l'écrire puis en faire rapidement un de ses... C'est 500 000 $, ce n'est pas rien! Ce n'est pas grand-chose dans tout le déficit qu'on a, mais on ne cherche pas, quand on a... Tu sais, il y a des chercheurs qui cherchent, puis il y a des chercheurs qui trouvent. Moi, je pense que j'aime mieux un chercheur qui trouve qu'un chercheur qui cherche. On vous l'a dit l'an dernier. Ça a été dénoncé, ça, à l'Assemblée nationale, le commissaire aux plaintes. Il n'a rien à foutre sur le territoire. Puis examinez ce qui se passe. Vous allez voir que ça ne prend pas un grand cours pour savoir le résultat. Étudiez-le. 400 000 $ à 500 000 $ absolument gaspillés! Ce n'est pas grave, ça! C'est ce gouvernement. Le gouvernement, il a droit de tout faire, lui. Il peut faire... C'est ça!

Le Code du travail, je suis surpris que vous en parliez. Je ne sais pas si vous en parlez, mais la loi, des décrets de la construction... Je sais que vous avez fait beaucoup de représentations pour obtenir des adoucissements qui ne seraient que justes et raisonnables, à mon point de vue. C'est évident qu'il y a probablement des difficultés à le faire, mais il y a eu des commissions parlementaires, puis c'est resté lettre morte.

Dans le fond, quand je regarde votre mémoire, ce que je constate, c'est que vous ne donnez pas des moyens, nécessairement, au gouvernement d'assainir ou d'améliorer ses finances; vous dites: Lâchez-nous la paix! Laissez-nous travailler! Le moins qu'on vous demande, c'est de nous permettre, a nous autres, de respirer. Puis, pour vos troubles, on va essayer de vous donner l'exemple. C'est un peu de même que je le prends. Peut-être que je vais rapidement dans les conclusions, mais, pour moi, votre mémoire est surtout de dire au gouvernement: Laissez-nous donc la paix! On est prêts à prendre des responsabilités, mais à condition qu'on respecte les règles du jeu. Si vous nous donnez une responsabilité, transférez-nous-la.

Et c'est là-dessus que, moi, je veux vous laisser réagir un peu sur ce que j'ai dit. Si ce n'est pas suffisant, je vais aller dans des questions plus précises.

M. Mercier: M. le Président, je pense qu'il est intéressant d'entendre M. le député sur ce qu'il vient de nous rendre comme contenu.

Il est vrai, M. le Président, qu'il y a des problèmes avec les gouvernements supérieurs puis avec le gouvernement fédéral. Et, sur le plan du gouvernement fédéral, là, on sait, M. le Président, que le gouvernement du Québec, lorsqu'il a pris la décision de transférer aux municipalités une charge additionnelle sur le plan fiscal, nous avait bien dit, comme le ministre des Finances aussi nous l'a indiqué ce matin, qu'il y aurait certaines mesures de compensation, entre autres une mesure, bien sûr, qui se voulait la surtaxe sur le non-résidentiel, la surtaxe foncière.

M. le Président, il faudrait se rendre à l'évidence que le gouvernement fédéral vient de prendre la décision de geler l'évaluation foncière sur les propriétés fédérales, ce qui nous privera, nous, les municipalités, de 90 000 000 $ de revenus. La question s'est posée tout récemment à la table Québec-municipalités et au gouvernement, à son représentant aux Affaires municipales, le ministre, M. Claude Ryan: Est-ce que le gouvernement du Québec va nous compenser pour ces 90 000 000 $ en pertes? La question se posait.

D'autre part, M. le Président, il faut aussi voir que, dans le mémoire, on n'a pas nécessairement apporté directement des solutions aux problèmes des finances publiques du Québec - dans le mémoire. Sauf que je dois vous rappeler qu'en 1990, au mois de juin, sur demande de l'Union des municipalités du Québec, le premier ministre, M. Robert Bourassa, s'était engagé à tenir des assises Québec-municipalités, les mêmes assises ou le même modèle que nous avions connu dans les années 1978-1979 et qui avait conduit, quand même, à une paix - je vous dirais bien, à une paix sociale - et à une façon de vivre aussi avec ses partenaires gouvernementaux qui était plus qu'intéressante.

M. le Président, l'objectif de ces assises était justement de s'asseoir avec notre gouvernement et de trouver des avenues possibles de solution, ce qui pourrait, bien sûr, comprendre des ajustements sur le plan des finances publiques par rapport à certains transferts qui pourraient se faire vers des municipalités. Mais, vraiment, dans ce cas-là, plutôt que de subir les décisions du gouvernement - comme, par exemple, au cours de la réforme Ryan - plutôt que de subir ces décisions, on peut s'asseoir, évidemment, avec notre partenaire, notre premier partenaire, celui qui devrait être notre premier partenaire, s'asseoir avec celui-ci et voir de quelle façon on pourrait, effectivement, être

plus efficient, plus efficace en gestion sur le plan de l'administration publique et, possiblement, nous, municipalités, puisque nous sommes plus près du citoyen, assumer certaines responsabilités, en autant que nous ayons des revenus correspondants, évidemment, à ces charges additionnelles.

M. le Président, je vous rappelle très rapidement que la réponse fut négative, malgré un engagement que, je trouve, à regret, un engagement écrit du premier ministre de nous laisser savoir que, effectivement, il y aurait des assises Québec-municipalités. M. le Président, l'Union des municipalités du Québec est toujours disposée - et c'est pour ça, d'ailleurs, que nous sommes ici ce matin - à s'asseoir avec le gouvernement, à regarder de façon pointue - près et pointue - des possibilités de transfert et à faire en sorte qu'on puisse rendre le système, la gestion publique plus efficace et, par le fait même, économiser de l'argent aux Québécois.

M. le Président, je le répète encore une fois, il faut voir aussi que le citoyen en a assez. La capacité de payer est à ses limites, et c'est pour ça qu'on est ici ce matin, pour tenter aussi, en quelque sorte, dans le fond, de sortir le gouvernement un peu du bourbier fiscal dans lequel il se retrouve. Les solutions ne sont peut-être pas faciles, c'est vrai. Les citoyens vont peut-être aussi, dans certains cas, devoir faire certains efforts additionnels. Et je pense qu'ils ont peut-être la volonté de le faire en autant qu'on ne continue pas d'abuser, de tenter de presser le citron, comme on pourrait le dire, sur le plan, quand même, de la taxation. Et sur le plan, évidemment, de la taxation qui est issue du secteur foncier, il est nettement à sa limite - celui, évidemment, qui appartient au municipal. Il est à sa limite, et il faut trouver d'autres solutions.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, je vous remercie, M. le Président.

Je remercie ces messieurs d'être venus ce matin témoigner de leur connaissance de la chose municipale et de la qualité des rapports Québec-municipalités, et également d'avoir été à l'écoute attentive de ce qui se passait ici à l'avant, de part et d'autre.

Je dirais simplement au député de Jonquière qu'il a oublié de mentionner, évidemment, dans sa longue diatribe sur les grandes et belles choses qui se sont passées de 1976 à 1985, d'une part, et sur les affres qui auraient été la marque de commerce des dernières années, qu'au titre des transferts vers les municipalités des responsabilités financières celles-ci se sont accompagnées de certains transferts de champs fiscaux. Ça a été mentionné par mon collègue tout à l'heure, mais je pense que c'est important de le rappeler, alors que les transferts entre le fédéral et les provinces ne sont pas ainsi accompagnés des champs fiscaux qui viennent quand même permettre de rétablir quelque peu - pas parfaitement, tout le monde sait ça - l'équilibre. Et les débats qu'on a eus sur la source du mal et l'emploi de cette solution-là ont été, à mon sens, parfaitement compris, sinon totalement acceptés par les autorités municipales qui connaissent la position concurrentielle du Québec, ce que nous sommes obligatoirement tenus de faire quand on fait notre devoir, avec les difficultés que ça a causé. Et ça, personne ne veut les minimiser. (11 heures)

Je ne peux pas m'empêcher de relever, par ailleurs, en passant, ce que le... Parce que ça se rapproche quand même de certaines des pistes de solution dans l'allégement que vous souhaitez de l'encadrement et du contrôle centralisateur qui pèserait sur les instances locales. Vous indiquez le poids additionnel que peut représenter l'appel au commissaire aux plaintes et les exigences législatives en matière d'aménagement, par exemple, que ça peut représenter. Ça a été repris à son propre compte par le député de Jonquière. Je veux juste faire, en 30 secondes, l'historique deçà.

Je ne peux pas m'empêcher de le dire parce que j'étais là, le député était là, c'est suite à des allégations qui ont été démontrées comme non fondées, du beurrage mur à mur de la part de l'Opposition, de certaines personnes du nord de Montréal qui nous ont amenés à dépenser des centaines de milliers de dollars pour faire des études de titres pour démontrer qu'il n'y avait rien là dans les allégations de magouillage dans les terrains, de faire appel à un avocat eminent, qui a préparé un rapport complet que le gouvernement a mis en vigueur absolument de a à z, y compris, évidemment, quand on met une bretelle, des ceintures, des verrous, des clés dans les portes, un tas de paliers de contrôle additionnels pour rien. La réalité, c'est qu'il n'y avait rien là tout ce temps-là, mais que la pression politique a fait en sorte que le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent pour démontrer son intégrité. Ce qui me fait dire, moi, que ce n'est pas la démocratie qui coûte cher, c'est la démagogie Et là, on en a eu un exemple absolument parfait.

Ce qui m'intéresse le plus, évidemment, pour revenir à la substance de votre mémoire, c'est ce qu'on retrouve à la page 13, l'évolution que vous notez dans les fonctions municipales, où on pourrait, je dirais, formuler ça dans le sens de s'éloigner des services publics ou compléter la gamme des services publics adressés à la propriété, ramasser les déchets, le feu et, évidemment, les services policiers, le transport, des choses comme ça, le déneigement et quoi que ce soit, pour prendre acte - et c'est vrai évidemment des grandes municipalités de plus en plus - de la situation sociale qu'elles traversent,

et de constater, elles aussi, qu'on n'a pas des •moyens flllmités. Parce que j'ai l'impression qu'on dit: Nous comblons un vide, nous, les municipalités. Il y a des itinérants, il y a désinstltution-nalisation, il y a de la violence faite aux femmes, aux enfants, et on s'en occupe, dites-vous, par défaut, sous-entendez-vous.

Je veux bien qu'on constate tout ça ensemble, là, mais est-ce que vous croyez qu'on devrait faire des transferts fiscaux vers les municipalités pour qu'elles s'occupent des programmes et des problèmes sociaux? Est-ce que c'est ça, la solution? Que, nous, on va se désengager des problèmes sociaux pour donner ça aux municipalités? J'aurais plutôt tendance à croire qu'au niveau local on s'occupe du cadre de vie, je vous donne tout de suite ma perspective là-dessus, et qu'on tente ensemble, par ailleurs, de régler les problèmes sociaux qui peuvent se dégager dans ce cadre de vie là. Il ne m'apparaîl pas que ce soit une solution fiscale qui tourne autour de la capacité des municipalités de s'occuper de ces problèmes-là. Ou, alors, on va tous constater qu'il y a un déficit qui va croissant, de toute façon, ce qui nous a amenés ici, évidemment, pour voir quel genre de priorités et quelle sorte de choix on devrait faire.

Parce que ça tient à ça. Est-ce que c'est un mauvais choix de laisser les municipalités s'occuper de programmes sociaux? Est-ce que c'est un mauvais choix d'avoir fait des subventions aux entreprises au lieu de faire du social? Est-ce que c'est un mauvais choix de s'occuper de l'assainissement des eaux plutôt que d'éducation? Dans le fond, tout le monde nous dit: Occupez-vous de tout, mais on ne veut pas que ça coûte plus cher! Et vous venez nous dire qu'il y a des pans de murs dont vous semblez hériter. En conséquence, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'argent quelque part, ou que l'argent n'est pas à la bonne place. Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner un petit peu votre perspective sur ce déséquilibre que vous voyez entre nos capacités relatives de niveaux de gouvernement de nous occuper des problèmes très réels?

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous écoutons relativement aux propos du président du Conseil du trésor.

M. Mercier: M. le Président, il est évident que ça amène des problèmes sociaux, ça amène des charges sociales additionnelles aux villes. Probablement en raison du fait qu'on est, bien sûr, les plus près du citoyen, on est très rapidement interpellés. Et je pense qu'un peu partout au Québec actuellement les municipalités ne veulent pas laisser les citoyens ou ceux qui sont en besoin nécessairement en désarroi. Donc, il y a évidemment, je pense, une contribution, qu'on le veuille ou pas, qui est assumée à l'intérieur des budgets municipaux et qui touche certains secteurs donnés. Mais il faut voir aussi que, lorsqu'on a des problèmes sociaux, ça a aussi des impacts, par exemple, sur le plan de l'augmentation de la criminalité. Si on parle d'augmentation de la criminalité, je n'ai pas besoin de vous faire de dessin ici ce matin pour vous dire que ça influence aussi les budgets sur le plan du secteur de la protection publique. Il y a aussi, dans d'autres villes d'Importance, toute la question, je pense, de l'intégration, bien sûr, des immigrants. Il y a aussi, de par la désinstitutionnalisation, des charges additionnelles qui se sont retrouvées à la charge des villes. Vous avez, bien sûr, le transport adapté qui est en partie assumé par le ministère des Transports, par le gouvernement, mais, encore une fois là-dessus, il y a une large partie qui est assumée aussi par la municipalité.

Je pense, M. le Président, qu'on se rend à l'évidence qu'on aurait intérêt, on aurait véritablement intérêt, tel que l'Union le souhaitait, à pouvoir se retrouver à table, possiblement dans une forme de forum, comme des assises, ce qui ferait en sorte qu'on puisse regarder ensemble, effectivement... On a . intérêt à regarder les avenues de solution possibles qui pourraient tantôt, possiblement, apporter une aide au gouvernement du Québec sur ce plan-là.

On est prêt, les municipalités sont prêtes à assumer des responsabilités, sauf que, lorsque la charge se retrouve dans notre cour sans que, nécessairement, les revenus qui proviennent du foncier doivent servir à ça, c'est là qu'on a un problème important pour nous. Mais, malgré tout ça, jusqu'à maintenant, je pense que les municipalités ont raisonnablement passé à travers. Mais on est à la limite, dans le moment, et l'élastique est étiré à son maximum et les citoyens n'ont plus les moyens. La capacité de payer est à ses limites. Il va falloir retrouver d'autres solutions qui vont pallier, évidemment, aux problèmes qui découlent effectivement d'une foule de mesures qui sont peut-être aussi appliquées sur le plan du gouvernement du Québec et qui, éventuellement, finalement, découlent dans notre cour.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Jonquière, il vous reste six minutes.

M. Dufour: Oui. Je voudrais juste reprendre un peu ce que le président du Conseil du trésor me donne comme réponse au commissaire aux plaintes, parce que je pense qu'il coupe court un peu. L'historique est un peu plus grand que ça. En fait, il y a eu une loi et, à l'intérieur de la loi, possiblement qu'il y a eu des plaintes et qu'elles étaient fondées.... Moi, je crois qu'elles étaient fondées en partie. Vous avez fait votre devoir. En tout cas, vous avez tenté de faire vos devoirs. À partir de ce constat-là, vous nous dites: On a mis en place un commissaire aux plaintes. Mais rappelons-nous une chose: l'Opposition s'est opposée parce que vous ne lui donniez pas de pouvoirs. Dans le fond, c'est un poste que vous vouliez créer. Je ne sais pas ce

que vous voulez protéger là-dedans, mais on vous l'a dénoncé. On vous l'a dit. Vous nommez un commissaire aux plaintes et vous ne lui donnez pas de pouvoirs. Vous le laissez se promener sur le territoire. Ça donne quoi, ça?

Moi, je vous félicite pour l'effort que vous faites pour défendre une position indéfendable, mais, encore là, moi, vous ne me vendrez pas ça, parce que ça manque de sérieux. Moi, je pense que ça, c'est couper court. Quand on n'a pas de réponse, on ne parle pas. On laisse couler l'eau et on dit: On va regarder et on va fouiller un peu plus. Je vous engage, je vous souhaite de fouiller un petit peu plus ce dossier-là, et vous allez probablement avoir les réponses. On n'aura pas la peine de vous les soumettre. (11 h 10)

Par rapport, M. le Président, à l'Union des municipalités... Moi, j'ai vu des résolutions de conseils municipaux adressées au gouvernement, qui disaient: Ayez des budgets équilibrés. On souhaite que vous ayez des budgets équilibrés. Bon! Là-dessus, ça s'adressait autant au gouvernement, je pense, qu'à l'Opposition. Moi, j'ai regardé de quelle façon on pouvait recevoir une résolution comme ça. J'ai répondu au moins une fois à une résolution semblable en disant: Est-ce que vous êtes d'accord que vous n'ayez pas, en retour... Si vous demandez que le gouvernement équilibre ses budgets, ça veut dire que vous acceptez, d'une certaine façon, de ne pas obtenir d'autres montants d'argent en retour. Parce qu'on ne peut pas avoir la poule et l'oeuf. On a à choisir.

Si les municipalités insistent pour que le gouvernement équilibre ses budgets, ça veut dire que les subventions vont être de plus en plus courtes. Mais il y a peut-être un pendant à ça, et c'est là-dessus que je voudrais qu'on s'enligne un peu. Est-ce que vous trouveriez que ce serait une façon pour les municipalités, versus les gouvernements, qu'il y ait une espèce de contrat social ou un contrat tout court, où les municipalités sauraient où elles s'en vont, pendant un certain nombre d'années, et qu'elles vous laisseraient la paix un peu pour travailler? Ça ne veut pas dire de ne pas améliorer et bonifier des lois, mais ça veut dire que vous savez exactement quels sont vos revenus, sur quelles sources vous pouvez compter et c'est quoi, vos responsabilités. Ça, il me semble qu'on pourrait essayer, tenter d'améliorer quelque chose, surtout pour vous autres. Le gouvernement, ici, il aura à faire ses devoirs et ses classes aussi.

M. Mercier: M. le Président, en réponse au député M. Dufour, je dois vous dire: Oui, on aurait intérêt, effectivement, à convenir d'un certain contrat social avec le gouvernement. Je pense, encore une fois, que si nous avions pu tenir, en tout cas jusqu'à maintenant, si nous avions pu tenir en 1990 les assises Québec-municipalités, on en serait peut-être venus, effectivement, à ce type de contrat social. Mais je pense que ça s'impose. Aujourd'hui, ça s'impose.

D'ailleurs, il faut aussi dire qu'on a demandé au gouvernement de reconnaître les municipalités comme légitimement des gouvernements locaux. Il y aurait peut-être lieu que cette forme de contrat social soit revêtu, dans le fond, d'une charte de collectivité locale, qu'on reconnaisse effectivement la légitimité des gouvernements locaux. Actuellement, nous sommes les créatures du gouvernement, et on sait que l'on subit également les décisions du même gouvernement. C'a été le cas sur le plan des transferts.

M. Dufour, d'autre part, encore une fois, vous reveniez au commissaire aux plaintes. C'est vrai, nos évaluations, à l'Union, ont fait voir qu'un commissaire aux plaintes, d'après nous, c'était une structure déjà, au moment de sa mise en place, qui pouvait assumer, sur le plan budgétaire, 750 000 000 $ qui, à notre avis aussi, étaient inutiles.

Il y a un autre domaine, lorsqu'on parle d'allégement des contrôles, qui est frappant. On est assujetti à des conventions collectives, à l'intérieur des municipalités, où on doit assumer évidemment une échelle de salaires qui convient aux différentes fonctions des employés. Saviez-vous que, en plus de ça, parlant de contrôles, on est assujetti également au décret de la construction? Qu'est-ce que le décret de la construction vient faire dans les municipalités alors qu'on est assujetti par nos propres conventions? Mais, à ce moment-là, c'est la convention qui va effectivement bonifier la rémunération. Si c'est celle de la construction qui bonifie la rémunération, c'est celle-là qu'on devra appliquer. Si c'est le sens contraire, bien, c'est évident que ça aussi, ça s'applique. Ce n'est pas sur le plan, évidemment, des services dits de professionnels reliés à la construction. On ne parie pas de la construction de nouveaux édifices, mais on parle en matière de rénovation. Donc, quand on parie d'un allégement des contrôles, c'en est un exemple. On contrôle à outrance.

Je vous indiquerais, même ici ce matin, qu'on aurait Intérêt, effectivement, dans une démarche qui pourrait se poursuivre à l'intérieur d'assises, de regarder aussi la composition de l'ensemble des ministères. La question s'est posée: Est-ce que c'est absolument nécessaire de retrouver un ministère qu'on connaît bien, qui est celui des Affaires municipales? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de décentraliser effectivement ce ministère, être capable de donner davantage de responsabilités aux municipalités et faire en sorte que, sur certains aspects peut-être plus pointus qui sont gérés par le ministère, ça puisse se faire ailleurs dans d'autres ministères?

Il y a des moyens, il y a des possibilités d'alléger la charge fiscale du gouvernement et de diminuer, en somme, dans les dépenses. Mais il faudrait s'asseoir à la table, je pense, avec les

municipalités, pour être capables de discuter largement sur la question.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire et j'inviterais immédiatement les membres du Parti vert du Québec à bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Nous suspendons nos travaux pour une durée maximale de deux minutes, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprisée 11 h 17)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration... S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre le Parti vert du Québec.

Alors, bienvenue à cette commission parlementaire. Je demanderai, dans un premier temps, au responsable de ce groupe de bien vouloir s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent. Nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un échange entre les deux formations politiques pour une durée maximale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à vous entendre immédiatement.

Parti vert du Québec

M. Ouimet (Jean): Bonjour, M. le Président et les membres de la commission. Je me présente. Mon nom est Jean Ouimet. Je suis le chef du Parti vert du Québec. À ma droite, Jean-François Labadie et, à ma gauche, Stéphane Boutin. Nous sommes ici, donc, pour vous présenter un peu notre vision sur comment envisager de vivre selon ses moyens.

Pour nous, vivre selon ses moyens, oui, c'est un bel objectif. Je pense que c'est une direction à prendre, mais, ce qu'il faut surveiller, c'est d'éviter que l'élimination prévue du déficit budgétaire en cinq ans ne se fasse au détriment de la dette écologique et de la dette sociale qui, elle, est liée à la contamination de notre environnement, à la diminution des ressources renouvelables, au décrochage scolaire et au nombre croissant des sans-emploi. Pour nous, le gouvernement du Québec doit souscrire au développement viable, un peu comme on peut le retrouver dans le dernier rapport de la Banque mondiale qui invite, justement, les gouvernements à réconcilier le développement et la protection de l'environnement.

Alors, on peut lire, dans le rapport de 1992 de la Banque mondiale, à la page 36... La citation commence comme suit: Faire passer dans les faits le concept de soutenabiiité n'est pas sans soulever des questions fondamentales quant à l'évaluation de la qualité de vie des générations actuelles et futures. Que devons-nous laisser à nos enfants et à nos petits-enfants pour qu'ils aient le maximum de chances de ne pas vivre plus mal que nous? La question se complique du fait que nos enfants n'héritent pas simplement de la pollution et d'un épuisement des ressources, mais qu'ils profitent aussi des fruits de notre travail par l'éducation, la formation, le savoir ainsi que les biens matériels. Ils peuvent également bénéficier de ce que nous investissons en ressources naturelles, bonifier des sois et reboiser, par exemple. Ainsi, pour évaluer convenablement ce que nous transmettons aux générations futures - toujours dans le rapport de la Banque mondiale - il nous faut prendre en compte l'ensemble du capital matériel, humain et naturel qui déterminera leurs conditions de vie et ce qu'ils légueront à leur tour aux générations qui suivront. (11 h 20)

Alors, vivre selon ses moyens, c'est donc de ne pas laisser une dette qui s'alourdit auprès des générations futures. Un peu plus loin, on peut même lire que la méconnaissance des problèmes d'environnement hypothéquera à long terme les chances de développement. Alors, c'est dans cette perspective-là, nous, qu'on veut s'incrire à ce que la Banque mondiale recommande, qu'on fasse un virage vers le développement viable, vers une prise en considération des coûts sociaux et des coûts écologiques. Pour nous, il faut s'engager collectivement à considérer ces trois types de capitaux dans nos choix de société et à intégrer les coûts sociaux et écologiques dans l'évaluation des coûts réels de nos gestes comme consommateurs et comme producteurs.

Le gouvernement doit encourager de tels gestes responsables. Le gouvernement doit transférer, selon nous, les coûts sociaux et les coûts écologiques vers les producteurs et les consommateurs irresponsables et soutenir les producteurs qui sont, eux, responsables. Actuellement, c'est le contraire. En permettant à une entreprise comme Tioxide de polluer, on lui accorde indirectement une subvention en plus des subventions directes. On encourage ainsi, selon nous, un comportement irresponsable. Alors, le gouvernement du Québec doit éliminer ce type de subventions. D'ailleurs, on retrouve dans le même rapport de la Banque mondiale, en 1992, une référence à ces subventions-là. On peut lire: Les subventions qui entraînent des dégradations de l'environnement en encourageant l'utilisation des ressources sont monnaie courante. Ce serait une bonne chose, tant du point de vue économique que du point de vue écologique, d'éliminer les subventions qui encouragent la consommation d'électricité, des pesticides et de l'eau d'irriga-

tion ainsi que l'expansion des pâturages et des coupes de bois dans les terrains domaniaux. Ces réformes exigeront une grande volonté politique, car les subventions profitent généralement à des gens politiquement influents.

D'ailleurs, même le GATT demande que les gouvernements cessent de subventionner directement ou indirectement les producteurs afin de permettre que les prix reflètent les coûts réels.

Alors, pour nous, pour que le gouvernement puisse effectuer un tel virage et qu'il supporte les comportements responsables, il est essentiel que toute la population participe à de tels choix de société et s'engage non seulement à défendre ses droits et ses libertés, mais aussi à être prête à assumer ses responsabilités, entre autres des responsabilités économiques.

On retrouve plusieurs pays de l'OCDE, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède où la population s'est engagée à être plus responsable au niveau des coûts sociaux et écologiques, et il y a plusieurs instruments économiques qui ont été mis en place depuis le début des années quatre-vingt pour, justement, réduire les subventions directes et indirectes à différents secteurs industriels et à différents types de produits de consommation.

Pour nous, l'implantation de tels instruments économiques, bien, ça fait suite, en fin de compte, à l'adoption du principe pollueur-payeur qui a été adopté par les pays de l'OCDE dans les années soixante-dix. Et on retrouve dans notre mémoire, à la page 56, un tableau où on peut justement voir comment le Canada est le pays qui utilise le moins ces instruments économiques la pour faire en sorte de transférer vers les consommateurs et les producteurs les coûts sociaux et les coûts écologiques liés à la consommation et à la production.

Si on a à envisager de réduire les dépenses du gouvernement, ce serait peut-être d'arrêter de subventionner directement et indirectement de cette façon-là des modes de production polluantes.

Depuis, plusieurs pays ont pris le virage écologique, qui sont attelés avec des instruments économiques de cette nature-là, et ont soutenu la recherche et le développement de technologies liées à la protection de l'environnement, comme celle du recyclage, à la décontamination, au transport électrique et de nombreuses autres technologies qu'on a besoin d'avoir pour être capable de pouvoir prendre le virage écologique. Alors, ça aura permis à ces pays-là de prendre un leadership dans ces nouvelles technologies. On peut penser même au Japon qui, au niveau de l'efficacité énergétique, a des longueurs d'avance là-dessus.

Pour nous, c'est dans cette perspective que nous recommandons de repenser l'économie en fonction d'une nouvelle vision globale et dans la direction du développement viable qui repose, en fin de compte, sur un entrepreneurship respon- sable. C'est ça qui nous intéresse d'avoir au Québec.

L'économie du Québec doit suivre les tendances mondiales pour demeurer compétitive, rentable et productive, sinon le fossé va continuer à s'élargir et notre endettement va continuer à grandir aussi.

Voici des recommandations que nous présentons à cette commission pour faire en sorte que le gouvernement du Québec ne soit pas trop en retard sur le développement de nouveaux secteurs industriels liés à la protection de l'environnement.

Les correctifs qui pourraient être apportés au régime fiscal actuel, entre autres, ce seraient l'élimination des Incitatifs fiscaux à l'exploration des ressources québécoises et le remplacement par une mesure fiscale d'incitation à la restauration des sols contaminés. Quand on regarde la quantité de terrains qui sont contaminés au Québec, c'est une urgence quand on parle de santé publique parce que ça va avoir des effets de plus en plus importants sur la population. Il est urgent qu'on fasse des investissements dans ce sens-là et qu'on encourage donc le développement de technologies pour pouvoir restaurer les sols contaminés.

Il conviendrait aussi d'étendre les catégories 24 et 27 concernant l'amortissement fiscal accéléré du matériel de lutte contre la pollution à tous les contribuables et aux produits recyclés. Actuellement, ces catégories ne couvrent que les biens neufs, ce qui crée une discrimination à l'égard des produits recyclés. Les entreprises qui recyclent les biens sont pénalisées. Or, le recyclage doit être encouragé, car il permet la conservation d'énergie et des ressources naturelles.

En ce qui concerne les taxes à la consommation, pour nous, il conviendrait d'envisager l'extension de la taxe sur les carburants en éliminant certaines exemptions comme celles relatives au mazout. On entendait encore hier M. Clinton qui semblait aller dans cette direction-là aussi.

Alors, pour nous, donc, la réduction de taxes aussi à l'égard du carburant diesel devrait être supprimée, et le taux général devrait être restauré. En ce qui concerne la taxe de vente du Québec, le non-remboursement de taxe sur les Intrants devrait être étendu à tout véhicule routier ainsi qu'à tous les carburants visés par la taxe sur les carburants. Le Parti vert du Québec estime que le double taux de la TVQ devrait être utilisé selon que les produits ou services respectent ou non l'environnement.

Dans cette optique, il conviendrait également d'envisager l'accroissement du différentiel entre les taux, qui pourraient s'établir, par exemple, à 4 % et 12 %. En effet, l'association d'un bas taux pour les produits et services propres et d'un taux élevé pour les produits non écologiques, les produits jetables, les polluants,

les pesticides, constituerait un incitatif pour accroître la durée de vie économique des produits et stimuler les activités bénéfiques au point de vue social et écologique, comme le recyclage et les économies d'énergie. Là, on peut faire un virage en utilisant des mesures de cette nature.

Sur les redevances sur les engrais et les pesticides, le Parti vert du Québec recommande l'adoption, à l'instar d'autres pays tels les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, d'une redevance sur les engrais pesticides qui aurait pour objectif l'incitation et le financement. Les recettes perçues à même cette mesure pourraient être versées à un fonds d'aide à l'agriculture, grâce auquel des programmes de formation et d'aide technique seraient établis pour permettre aux agriculteurs une transition vers une agriculture plus écologique. Les programmes permettraient de réduire les coûts liés à la pollution et d'abaisser les prix des aliments biologiques.

Maintenant, une taxe d'encouragement à l'économie de carburant. Le Parti vert du Québec recommande l'adoption d'une mesure fiscale semblable à la «Tax for fuel conservation» en vigueur dans la province de l'Ontario depuis le 1er juillet 1989. Cette mesure fiscale consiste en une taxe sur les automobiles à forte consommation de carburant, combinée à un crédit pour les véhicules dont le taux de consommation d'essence est inférieur à 6 litres aux 100 kilomètres.

La mesure qui est proposée ici intègre les recommandations faites par la Commission de l'équité fiscale à l'effet d'étendre la mesure fiscale aux camions et aux fourgonnettes ei d'augmenter progressivement, sur une période de trois ans, l'écart du différentiel entre les crédits et les taxes. Alors, on retrouve aux pages 25 ei 26 de notre mémoire, le tableau, justement, sui les paramètres de la mesure fiscale.

En terminant, une taxe sur le carbone. Le Parti vert du Québec recommande une analyse sur les impacts de l'adoption d'une taxe sur le carbone au Québec. Quatre pays d'Europe, déjà - la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège ei la Suède - ont récemment adopté une telle taxe. Par ailleurs, la Communauté économique européenne est à envisager l'introduction d'une taxe environnementale sur l'énergie et, éventuellement, d'une taxe sur les émissions de dioxide de carbone.

Plusieurs organismes mondiaux, tels que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'OCDE ont examiné la possibilité d'instaurer une taxe sur le carbone à l'échelle internationale, et même les Américains parleni d'une taxe sur l'énergie. Donc, il y a un contexte international où on se rend compte qu'il faut commencer à taxer la consommation d'énergie, taxer les émissions de carbone.

En guise de conclusion, je veux revenir sut l'importance de jumeler le développement viable à l'économie et considérer trois types de richesses, lorsqu'on parle d'endettement - il ne faul pas que ça rebondisse de l'un à l'autre - tout en permettant aux citoyens de participer aux prises de décisions économiques qui vont les toucher directement. C'est ensemble qu'on va pouvoir relever ce défi-là d'éliminer le déficit budgétaire, mais il ne faut pas que ce soit pour augmenter le déficit écologique. Il faut repenser l'économie dans un contexte de responsabilité et de mesures économiques compétitives et préventives. Mieux vaut prévenir que guérir. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. le président du Conseil du trésor. (11 h 30)

M. Johnson: Oui, je vous remercie, messieurs, de votre présentation.

C'est toujours un défi de lier l'écologie et l'environnement à la fiscalité et aux emplois dans un contexte nord-américain où la sensibilité à ces enjeux n'est peut-être pas aussi élevée qu'elle devrait être, ou qu'elle l'est, évidemment, dans des pays européens où la densité de la population et la politique tout simplement ont marqué des avances réelles dans la conscience des gens qu'il doit se passer des choses. On doit modifier notre façon de produire des biens et de les consommer si on est soucieux du développement durable.

Ça nous amène, à chaque fois, à considérer la vitesse et les moyens qu'on peut observer, je dirais, pour arriver aux objectifs que vous poursuivez. Jusqu'à quel point, autrement dit? C'est peut-être là-dessus qu'on pourrait échanger. Est-ce qu'on a les moyens d'être des précurseurs? Est-ce qu'on peut être des précurseurs, en Amérique du Nord, dans toutes les dimensions que vous suggérez? Si oui, à quel rythme est-ce qu'on peut le faire, parce qu'il y a toujours une question de réalisme d'application? Sinon - et c'est plutôt l'approche que je privilégie à chaque fois - comment déterminez-vous les priorités? Qu'est-ce qui est le plus important de faire?

Par exemple, une taxe sur le carbone. Généraliser l'application de ce concept-là, vérifier, là, assidûment, quels sont ces résultats pour qu'on puisse faire l'ajustement requis, etc., et qu'on atteigne la quasi-perfection dans une activité fiscale qui touche l'environnement, parce que ça touche... à cause des ramifications que le carbone peut avoir dans ses effets sur l'atmosphère et notre environnement, de façon générale, ça peut être celui qu'on va privilégier. Ou alors, est-ce que c'est l'exploitation des richesses naturelles, comme telles, dans notre forme d'économie à nous, au Québec, dans notre contexte nord-américain, qui devrait faire l'objet d'une attention particulière? Autrement dit, comment nous assurer que nos arbres, non seulement sont là pour toujours, mais pour beaucoup plus longtemps que ça - si je peux me permettre de faire de la poésie - dans le sens, qu'en fin d'année, dans une génération ou deux,

on en aura coupé moins que ce qui aura poussé pendant l'année. Donc, on va véritablement contribuer, de façon encore plus large, à régénérer l'environnement aérien de la planète. Est-ce que c'est de ce côté-là qu'on devrait aller? Sachant - parce que, là, je veux juste vous émettre un conseil de prudence - qu'on n'a pas tous les moyens, tout le temps, et tout l'argent pour faire toutes ces choses-là à la fois, aussi importantes soient-elles.

Alors, ce qu'on cherche à voir, les gens qui viennent nous faire des présentations, c'est dans quel ordre vous voyez une action fiscale - c'est essentiellement le but de votre propos - qui ait des incidences bénéfiques pour l'environnement? Par où on devrait commencer, sachant qu'on ne peut pas tout faire?

M. Ouimet: Je pense que le pas le plus important, c'est de mettre la population dans le coup. Je pense qu'on ne peut pas imposer - on l'a vu avec la taxe sur le tabac - des mesures pour taxer plus certains produits quand les gens décrochent et vont ailleurs. Je pense que ça doit être la même chose. Si, à un moment donné, on veut imposer à la population quelque chose qu'elle n'est pas prête à assumer, ça ne marche pas non plus.

Alors, je pense qu'une première étape c'est de faire une consultation vraiment large sur l'état de la situation, et jusqu'à quel point la population est prête à s'engager à assumer les coûts réels de ses gestes, comme consommateurs, et les producteurs des entreprises, comme producteurs. En Allemagne, c'est ce genre de démarche là qui est présent, qui est derrière toute la démarche de l'Allemagne et des pays qui ont fait le virage. C'est qu'il y a une volonté de la population à se retrousser les manches et à faire le virage. C'est ce qui fait que ça fait avancer aussi bien les entreprises que le gouvernement.

Alors, je pense que la première étape, c'est d'aller voir la population et de faire un topo de la situation, un peu comme on est en train de le faire sur l'état de la situation financière au Québec. À ce moment-là, de voir jusqu'où les gens sont prêts à s'engager, et à quel rythme ils vont le faire.

C'est sûr que le contexte nord-américain, il ne faut jamais le perdre de vue, et c'est intéressant d'avoir entendu, hier, le discours de M. Clinton, où on veut faire un virage dans le sens d'une taxe sur l'énergie. Je pense qu'on a notre plus gros partenaire économique qui veut aussi faire un virage. Alors, on pourrait probablement s'aligner pour que ce virage-la puisse se faire en harmonie avec ce que les Américains vont faire, comme je citais également l'Ontario, qui a mis en place des mesures depuis 1989, qui sont une base de référence aussi.

Alors, on n'est pas obligé d'aller plus vite que les autres. Sur certaines façons, on peut les accompagner, mais les accompagner de façon serrée, parce que, d'une certaine façon, sur certaines mesures en matière écologique - en sortant un peu du domaine de la fiscalité - les Américains sont un peu plus en avance. Si on regarde le papier recyclé aux États-Unis, ils ont pris des mesures, et on s'est fait prendre de court. Alors, on n'était pas en avance, là, on était en arrière. On a tellement traîné en arrière qu'on s'est fait surprendre au niveau de nos industries papetières, et, là, il y a des industries qui ferment parce qu'elles ne sont pas capables de produire du papier recyclé. Alors, il faut peut-être les suivre de plus près aussi. Il faut être juste...

M. Johnson: Oui.

M. Ouimet: ...de ce côté-là. Donc, pour moi, le premier point, c'est vraiment que la population soit dans le coup, et qu'on s'engage à être responsable.

Si on parle au niveau de la forêt, je pense que vous soulevez un point important aussi. Le taux d'actualisation ou bien le taux... à quel rythme on devrait récolter nos forêts pour faire en sorte de maintenir une productivité à long terme? Je pense que, quand on regarde les données de Statistique Canada qui sont parues en 1991, on voit que, sur l'ensemble du Canada, on coupe les arbres plus vite qu'ils ne repoussent. Alors, il va falloir qu'on s'ajuste de ce côté-là pour éviter le même problème qu'on a eu au niveau de l'industrie des pêcheries où, à un moment donné, c'était un effondrement du stock de poissons. Il y a beaucoup d'écologistes au Québec qui vont vous dire qu'actuellement, avec le genre de gestion qu'on fait de la forêt, on s'en va vers une situation de rupture de stocks. Alors, il va falloir...

Bien, ça dépend comment on évalue ça... il y a, en termes de surface qui est replantée, mais il y a aussi en termes de monoculture qui fragilise aussi les écosystèmes. Alors, les gens vont vous dire: Vous replantez peut-être beaucoup, mais vous fragilisez en même temps votre écosystème. Aussi, quand on veut avoir une vision à long terme, il faut maintenir la diversité des espèces au niveau de la forêt. C'est ce qui permet d'éviter des épidémies, et c'est ce qui permet de retrouver un équilibre plus intéressant.

Alors, je pense qu'il y a un rythme à évaluer. Nous, le Parti vert du Québec, on n'a pas les ressources actuellement pour faire toutes ces évaluations-là. Il y a plusieurs groupes, plusieurs chercheurs, qui ont mis de l'avant certains rythmes pour la gestion des ressources renouvelables, mais je pense qu'on pourrait s'inspirer de ces recherches-là pour se donner un rythme de production du bois qui permette de respecter le taux de renouvellement de la forêt. Je ne peux pas aller plus loin que ça parce que nous, on n'a pas toutes les ressources pour vous

donner un chiffre précis, mais je pense que c'est des éléments, là.

M. Johnson: Non, c'est correct. Je pense que le processus est important. Il est important, comme vous dites, que les gens soient dans le coup, pour des mesures précises, je penserais, parce que vous ne mesurez certainement pas beaucoup de résistance chez la population pour des gestes proenvironnementaux. Je pense bien que ça, c'est acquis dans la conscience populaire. Les gens n'ont peut-être pas encore fait le lien avec les coûts que ça peut représenter...

M. Ouimet: Oui, c'est sûr.

M. Johnson: ...de traîner ton emballage non recyclable au magasin, comme en Allemagne, ou d'acheter à prix plus élevé, évidemment, des biens dont on doit rapporter l'emballage au magasin, comme en Allemagne toujours. Alors, il y a des choses qui ont été imposées, évidemment, aux entreprises là-bas, mais la technologie leur permet de faire des gains de productivité quand même.

De la même façon, je ne peux pas m'empêcher de relever, évidemment, que l'aspect, je dirais, l'imposition par les Américains de la pâte à papier journal, du papier journal recyclé, comme source privilégiée pour les imprimeurs. Ça a l'avantage énorme pour eux de nous empêcher d'exporter de la pâte ou du papier journal à partir d'ici, parce que, pour faire du papier journal recyclé, ça prend du vieux papier journal, puis eux en ont, puis nous on n'en a pas. Faire venir des centaines de milliers de tonnes de journaux, tous les jours, du sud des États-Unis, pour installer ça quelque part à Port-Alfred, faire de la pâte, puis la retourner sur le marché américain, ce n'est pas parfaitement économique. Alors, je n'ai jamais été impressionné par l'altruisme des Américains, évidemment. S'ils étaient tous aussi sévères pour l'industrie automobile qu'ils le sont pour l'industrie forestière, là on commencerait à les croire un petit peu.

Mais je note de votre intervention que vous privilégiez un préalable que sont des campagnes de sensibilisation précises, pas simplement de dire: L'environnement c'est beau, mais voici ce que ça peut coûter; voici pourquoi ça vaut la peine, etc. Malgré tout, est-ce qu'il y a des champs d'intervention si on revient au carbone, aux ressources ou au consommateur de tous les jours? Est-ce qu'on devrait le frapper dans ce dont II s'aperçoit? Par exemple, l'emballage au magasin, le coût de son automobile ou le coût de l'essence?

M. Ouimet: Je pense qu'au niveau de l'industrie du recyclage il y a un coup de pouce à donner de ce côté-là pour que ça puisse décoller sérieusement au Québec, parce qu'il y a une déception de la population qui, à un moment donné, constate que la contribution qu'elle apporte en faisant un partage de ses déchets que, par la suite, c'est des fois enfoui à la même place. Puis, ça, c'est démobilisant.

Alors, je pense qu'il y a un soutien à accorder à l'industrie du recyclage, comme ça a été fait aux Pays-Bas, pour faire en sorte que l'industrie puisse décoller, en soutenant le prix des matières premières, des matières recyclées, et pour faire en sorte que ça puisse être rentable. Alors, c'est sûr qu'il y a un aspect rentabilité là-dedans, puis le gouvernement a une responsabilité de ce côté-là, de faire en sorte, de s'assurer que le décollage puisse se faire. Une fois que c'est mis en branle, la roue, bien là, à un moment donné, la quantité va pouvoir augmenter, puis la quantité augmentant, la rentabilité fait en sorte que le gouvernement ne serait pas obligé de toujours soutenir le décollage d'une telle industrie du recyclage. Je pense que c'est au niveau du quotidien, parce que si vous regardez à travers le Québec, tous les problèmes de la gestion des déchets domestiques, avec les incinérateurs, on n'est pas sortis du bois avec ça. Il y a plein d'endroits où les gens disent: Non, on ne veut pas avoir d'incinérateur. (11 h 40)

Alors, la façon, c'est de réduire la quantité de déchets qu'on produit, et le recyclage est une solution importante de ce côté-là. Alors, je pense que le recyclage, c'est un point important à mettre de l'avant au niveau des mesures fiscales pour encourager un virage, pour que ça décolle vraiment, l'industrie du recyclage au Québec. Je pense que, ça, c'est un point.

C'est sûr qu'au niveau de l'automobile aussi, au niveau de la consommation de pétrole, on est un pays, au Québec et au Canada, où le transport en commun est minime par rapport à d'autres pays. Il pourrait être beaucoup plus développé. Le transport ferroviaire pourrait être encouragé; le transport électrique pourrait faire en sorte de réduire ça. Mais on pourrait peut-être taxer un peu plus au niveau de la consommation. Une taxe sur le carbone permettrait d'augmenter les incitatifs à utiliser des transports moins polluants, comme des transports en commun électriques. Je pense que, de ce côté-là aussi, ça va être une direction Importante à prendre.

Je voulais peut-être aussi mentionner quelque chose. C'est important aussi, je pense, de... C'est des mesures qui ne sont pas faciles, peut-être, pour la population, à envisager, à assumer toujours ces coûts-là. Vous allez me dire qu'ils en ont déjà une grosse charge, c'est vrai, mais ils sont aussi conscients que la jeunesse est en train de désespérer par rapport à l'avenir, que les jeunes décrochent, que les jeunes se suicident parce qu'ils ne voient pas d'avenir, qu'ils n'ont pas de perspectives d'avenir. Je pense que les

adultes, si, à un moment donné, ils ont à donner un petit coup au niveau de leur portefeuille pour redonner de l'espoir aux jeunes - en disant: Oui, on se prend en main, et on commence à assumer nos actes et à être plus responsable - je pense que cela aurait un impact important quand on parle d'avenir. Parce que des jeunes qui ont perdu espoir dans l'avenir, c'est difficile de les amener à l'école après ça. C'est difficile de les amener à s'impliquer dans le marché du travail et à créer leurs propres emplois.

Alors, je pense qu'on a une responsabilité, d'une certaine façon, à faire ce virage-là, et je pense qu'il y a beaucoup d'adultes, beaucoup de parents, beaucoup de personnes qui sont en moyens et qui seraient prêts à donner un coup de main de ce côté-là, à payer un petit peu plus cher pour redonner de l'espoir aux jeunes.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Parti vert, à son président, M. Ouimet, pour l'excellent travail, bien sûr, que vous avez soumis à la commission et, également, les éléments de réflexion.

Vous touchez à la fiscalité, vous semblez vouloir, effectivement, intensifier davantage les mesures fiscales pour encourager les gens à dépolluer, encourager les gens à assainir l'environnement, je pense, qui est essentiel à la qualité de vie.

Vous soulevez, par contre, un point dans votre mémoire, et j'aimerais que vous m'en parliez un peu davantage. C'est au niveau des taxes. Vous dites que des taxes de non-conformité sont imposées lorsque les pollueurs ne respectent pas certaines réglementations. Le montant perçu dépend des gains découlant de la non-conformité. Avez-vous i'impression, actuellement, que la réglementation qui existe, la façon dont s'opère la taxation au niveau, justement, des pollueurs, c'est suffisant? Est-ce qu'on aurait des améliorations à apporter de ce côté-là? Est-ce que, vraiment, on fait respecter nos lois sur le territoire pour s'assurer, au moins, que ce qui est déjà acquis est bien respecté?

C'est parce que vous soulevez la non-conformité, et j'aimerais, les gens du milieu, si vous pouviez nous parler de ça un peu.

M. Ouimet: C'est sûr qu'on constate, lorsqu'on voit les procédures qui sont mises en branle pour essayer d'arrêter des industries de polluer, comment, pour elles, ça coûte moins cher de payer ce qu'ils auraient comme contravention, si on veut, comme pénalité à payer, que de se conformer à la réglementation. Alors, souvent, les pénalités ne sont pas suffisamment importantes, et les taxes donc de non-conformité ne sont pas suffisamment importantes. Alors, il faut relever ça pour créer une incitation, vraiment, à respecter les normes qui sont fixées en matière d'environnement.

Il faudrait aussi avoir un ministère de l'Environnement qui ait un peu plus les moyens d'assurer l'application, le respect de ces normes-là. De ce côté-là, on se rend compte que le ministère de l'Environnement est de plus en plus restreint dans ses moyens pour être capable d'assurer le respect des différentes normes environnementales pour les différents secteurs. Alors, je pense qu'il va falloir qu'il y ait plus de volonté politique pour doter le ministère de l'Environnement de meilleurs moyens, pour faire en sorte de s'assurer que les normes environnementales sont respectées, et d'avoir des taxes qui créent des incitations plus fortes. Parce que si on lit le document de l'OCDE sur les instruments économiques pour la protection de l'environnement, on se rend compte que les différents taux de redevance doivent être suffisamment élevés pour créer vraiment une incitation auprès du producteur à développer des technologies qui vont lui permettre de moins polluer, donc d'avoir à payer moins de redevances, alors que si les redevances sont toutes trop basses, c'est sûr qu'à ce moment-là l'incitation n'est pas suffisamment importante. Souvent, on va se laisser traîner les pieds jusqu'à temps qu'on ferme l'usine parce qu'à un moment donné il arrive une période où ce n'est plus rentable de la modifier.

Alors, je pense qu'il faut qu'il y ait une volonté claire, mais c'est pour ça que ça doit venir de la population. Ça ne peut pas venir juste du gouvernement. Il faut qu'il y ait vraiment une volonté collective de se prendre en main, de se lever debout, et de dire: On se retrousse les manches et on relève ces défis-là. Le gouvernement seul ne peut pas y arriver. Les entreprises sont capables de faire des pressions importantes - on le volt constamment dans différents dossiers - pour pouvoir contourner les lois et les règlements.

Alors, il faut que la population soit derrière le gouvernement, et les entreprises vont embarquer. À ce moment-là, on va se donner des taux de taxation suffisamment importants pour que ce soit une incitation à faire un virage suffisamment serré pour pouvoir restaurer la qualité de notre environnement, parce que si on regarde le rapport de la Commission Charbonneau sur la quantité de déchets qu'on produit annuellement au Québec, c'est des quantités épeurantes. Si on place ça par habitant, ça donne, en résidus miniers, 12 tonnes de résidus miniers par habitant par année, 3 tonnes de déchets agricoles par habitant par année. Imaginez ce qu'on produit actuellement, ce qu'on est en train de rejeter dans notre environnement.

Si on n'investit pas pour faire un virage, si on n'a pas des mesures en place, des incitations financières importantes pour réduire cette quantité de déchets qu'on produit annuellement, on va se ramasser dans un contexte très pollué, comme on l'a découvert dans des pays d'Europe de l'Est. Ça va nous prendre plus de temps, mais on va y arriver aussi.

Alors, je pense que, dans ce sens-là, il y a une urgence de donner un signal clair aux entreprises, et il faut que la population soit dans le coup pour que le signal passe bien.

M. Filion: Est-ce que vous avez une idée du mordant que pourrait avoir la taxe, comment on pourrait appliquer une taxe avec du mordant? Est-ce qu'il y a des philosophies auxquelles vous avez pensé vraiment pour décourager le pollueur, lui dire: Bien là, les pénalités vont être tellement importantes que ça va l'inciter, ça va vraiment l'inciter à agir en conformité avec l'environnement et la nature? Est-ce que vous avez une idée de grandeur qu'on peut penser? Avez-vous pensé à ce genre de...

M. Ouimet: C'est sûr que fixer un taux, c'est difficile. Comme M. le président du Conseil du trésor le mentionnait, il y a tout un contexte nord-américain qu'il faut aussi être capable de prendre en considération, parce qu'on ne veut pas non plus faire fermer les entreprises au Québec. Ce n'est pas ça qu'est notre objectif. Je pense qu'il faut créer des emplois tout en protégeant l'environnement.

Il faut être capable de voir, dans le contexte nord-américain, dans le contexte mondial, par rapport à ce qui existe ailleurs... puis comme on voit qu'en Europe il se développe différents types de taxes, au niveau du carbone ou sur l'énergie, qui se mettent en place avec des taux peut-être plus importants qu'ici en Amérique du Nord... Alors, c'est sûr que ce contexte-là va être un facteur déterminant pour élaborer le taux ici qui serait acceptable pour les entreprises, et aussi la volonté de la population à se tenir debout face à ça, puis à dire: On est prêt à accepter peut-être que certaines petites entreprises ferment, parce qu'elles sont trop des gros polluants, en échange de quoi on peut créer d'autres emplois qui sont liés à l'industrie du recyclage, à l'industrie de l'agriculture biologique. Alors, à ce moment-là, il y a un échange que la population peut saisir puis, à un moment donné, elle peut être prête à dire: Dans ce secteur-là...

Si je pense, mettons, à l'Abitibi. Des déchets et des déchets miniers en Abitibi, c'est quelque chose qui est assez particulier. À un moment donné, de voir jusqu'où les gens là-bas voient qu'il y a une alternative au niveau de i'emploi, puis qu'il y a une volonté de créer des emplois dans d'autres secteurs. Puis, en fonction de ça, ils vont dire: II faudrait mettre des normes en termes de déchets des résidus miniers pour que ça arrête de polluer l'environnement, certains taux puis...

Mais, ça, c'est en fonction de la volonté de la population, puis du contexte économique nord-américain et international. Alors, ça nous serait difficile, pour le moment, de présenter un chiffre. C'est une étude qui doit être faite. C'est un équilibre subtil, parce qu'il faut quand même respecter la notion de rentabilité pour une entreprise puis, les profits, il faut que ce soit présent aussi. Mais il faut, en même temps, qu'ils sentent qu'il y a une pression qui va dans ce sens-là.

Alors, c'est un virage qu'on ne peut pas faire tout seuls au Québec, mais on peut être parmi ceux qui sont à lavant-garde de ça, plutôt que de traîner de la patte, comme on le fait actuellement.

M. Filion: Dans votre mémoire, vous abordez également un autre sujet. En tout cas, je vous pose la question, parce que vous en partez un peu. Vous dites: Les consommateurs de cigarettes et d'alcool n'assument pas complètement les coûts sociaux engendrés par la consommation de ces deux drogues. J'aimerais avoir, en même temps, votre «feeling». Vous savez, c'est un sujet...

Bon, il est sûr, on est tous conscients que ça nuit à la santé, mais, en même temps, ça a d'autres répercussions sociales importantes au moment où on se parle. C'est un fléau qui a donné naissance à la contrebande de cigarettes. De votre point de vue, comment vous voyez... À quel genre de mesures on pourrait penser? Avez-vous une idée comment on pourrait travailler ce dossier-là, qui nuit énormément à la santé des gens? Avez-vous pensé à une façon dont on devrait approcher le problème, pour qu'on puisse essayer de trouver une solution collective où on va retrouver un équilibre intéressant pour tout le monde?

M. Ouimet: Je reviens à ce que je mentionnais tantôt. Je pense qu'il y a un débat fondamental à faire au Québec, à savoir que les gens veulent avoir le droit de fumer, le droit de boire une bière. Je suis tout à fait d'accord avec ça, la liberté de pouvoir le faire aussi, mais il y a aussi une responsabilité par rapport aux gestes qu'ils posent. Je pense que c'est un débat collectif qu'on doit avoir sur les droits, les libertés et les responsabilités qu'on est prêts à assumer et à partager entre les consommateurs, les citoyens, les entreprises et l'État. C'est ça, notre contrat social qu'on a à formuler clairement, puis à voir jusqu'où on est prêts à s'engager. Si les gens ne sont pas prêts à s'engager à être plus responsables, ils vont continuer à aller magasiner aux États-Unis, puis à faire de la contrebande de cigarettes. (11 h 50)

Si les gens se rendent compte que si on veut maintenir un niveau de qualité de services en santé et en éducation, et qu'on puisse même l'améliorer parce que, actuellement, ce n'est pas ce niveau-là qu'on voudrait maintenir, il faudrait même l'améliorer, alors, si les gens veulent s'engager là-dedans, ils vont se rendre compte qu'en étant peut-être plus responsables des coûts qui sont liés à leur consommation de cigarettes ou d'alcool, on pourrait les assurer d'avoir encore accès gratuitement à des services de santé quand ils sont malades et de ne pas être obligés d'attendre trois heures à l'urgence quand ils ont besoin de passer

Alors, je pense qu'il y a des choix de société à être faits, et il faut que ce soit clairement présenté à la population, à savoir quel est l'équilibre qu'on est prêt à assumer au niveau des droits, des libertés et des responsabilités - et quand je parle de responsabilité, à cette commission-ci, je parle de responsabilité économique à l'égard des coûts sociaux et des coûts écologiques - et présenter ça clairement à la population, quels sont les enjeux, et si on veut redonner de l'espoir aux jeunes, eh bien, qu'on soit capable de voir comment on est prêt à s'engager à être responsable. Et ça, c'est le premier débat, c'est le premier pas à faire.

On ne pourra pas embarquer la population dans des taxes plus élevées au niveau de l'alcool ou de la cigarette s'il n'y a pas un engagement à être plus responsable. Et ça, ça devrait se refléter, nous, on dit, même dans une charte québécoise. Ça ne devrait pas être juste une charte des droits et libertés, mais aussi une charte des droits, libertés et responsabilités. Et ça, c'est le point majeur. Je pense que même dans le principe pollueur-payeur de l'OCDE, on revient sur la nécessité d'articuler la notion de responsabilité. Elle est au coeur du principe pollueur-payeur. Si ce n'est pas de la responsabilité qui est à la base de ça, ce serait peut-être plus de la répression, et nous, ce n'est pas l'écolo-fascisme qui nous intéresse, c'est plutôt un écologisme où les gens sont responsables, se prennent en main et permettent à ce moment-là de faire un virage intéressant.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: M. le Président, j'aurais une autre petite question. J'aimerais entendre nos représentants. C'est au niveau...

Vous soulevez l'orientation en matière de taxation au niveau du carbone, le CO2. Vous amenez comme mesure de taxer davantage cette source d'énergie polluante, mais, en même temps, avez-vous regardé un peu le seuil de tolérance au niveau de l'économie, parce qu'on sait actuellement que... On regarde ici, là, on sait que le Québec est la province qui taxe le plus l'essence. On est à 0,19 $ le litre, et on est la province championne. On est les champions de la taxation au niveau de l'essence. Dans cette optique-là, ça crée quand même des conséquences économiques importantes parce que vous savez, c'est le transport qui écope. Les gens, aujourd'hui... bon, beaucoup ont accès à un transport en commun, mais plusieurs ne l'ont pas non plus, l'accès au transport en commun. Moi, je regarde les gens de IHe d'Orléans, ils n'en ont pas, de transport en commun. Ils voudraient bien en avoir un, là, et avoir la possibilité de s'en financer un, mais en tout cas, ce n'est pas possible, les études de faisabilité et d'impact ne donnent pas la rentabilité nécessaire. Alors, il y a des gens qui, à toutes fins pratiques, avec une politique comme celle-là, vont se retrouver taxés encore davantage au niveau du carburant.

Je voulais savoir, de votre part, si vous aviez regardé, dans une politique de taxer davantage, comment vous verriez une application comme ça sur notre territoire, pour qu'on crée quand même une équité à travers les usagers qui peuvent prendre le transport en commun et ceux qui ne peuvent pas le prendre, le transport en commun.

M. Ouimet: Je dirais qu'une des clefs des redevances qui sont mentionnées dans le rapport de l'OCDE, c'est d'avoir des taxes liées à des services qui sont donnés en échange. Lorsque quelqu'un paie pour une taxe, il a un service en échange. Alors, on pourrait avoir une taxe sur le carbone, qui pourrait servir à financer le transport en commun au Québec pour faire en sorte, à ce moment-là, que les gens paient pour réduire leur consommation de pétrole, en échange de quoi on leur donne des meilleurs services de transport en commun.

Alors, là, ça sert à quelque chose. Un peu comme tantôt on parlait d'une taxe sur tes engrais et pesticides, que ce soit une taxe liée à une formation des agriculteurs pour qu'ils sachent comment en utiliser moins. Et là, c'est intéressant, beaucoup plus intéressant pour le consommateur de savoir que cette taxe-là sert à lui donner un service, à financer un service qui l'aide à pouvoir réduire sa consommation, donc à pouvoir réduire les taxes qu'il a à payer. Je pense qu'il faut développer plus cette notion-là de taxe liée qui, pour le consommateur et le payeur de taxe, est beaucoup plus intéressante parce qu'on sait à quoi ça sert.

C'est un peu la même chose au niveau du tabac et de l'alcool, de dire avoir une taxe... La taxe sur la cigarette, ça ne devrait pas être vu comme une taxe pour payer le stade olympique. C'est une taxe pour soigner les gens quand ils sont malades de tabagisme. Là, à ce moment-là, c'est une autre orientation. Je pense que, là, on a le sentiment de payer pour quelque chose qui nous revient en retour. Lorsque je serai malade, je sais que ça va servir à ça. Dans ce sens-là, je pense que les citoyens seraient plus facilement

embarqués là-dedans, comme on l'a constaté dans les pays d'Europe où, avec les taxes liées, les gens disent plus facilement oui à un tel changement.

M. Filion: Effectivement, je partage cette façon de voir parce que les gens, actuellement, nous le reprochent beaucoup. Si je prends l'exemple de mon comté, quand la moitié de l'île paie une taxe parce qu'ils n'ont pas de transport en commun, et que l'autre moitié de l'île ne paie pas la taxe parce qu'elle n'a pas de transport en commun, essayez d'aller faire comprendre à des citoyens, qui vivent sur la même île, qu'il y en a qui payent une taxe et que d'autres ne la payent pas...

Une voix: C'est ça.

M. Filion:... pour financer un transport en commun dont, de toute façon, ni l'un ni l'autre ne bénéficient. Alors, c'est évident que ce genre de mesure-là, en matière de taxation, doit être revu. C'est ce qui, d'ailleurs, à mon point de vue, à moi, crée des tensions...

Une voix: Tout à fait.

M. Filion:... sociales, et les gens viennent qu'ils ne peuvent plus prendre rien en matière de taxation. Ils ont l'impression d'être traités inéquitablement. Il y a un principe d'utilisateur-payeur, et je pense que ça doit être effectivement considéré et revu dans notre système de taxation, pour que les gens se sentent un peu plus traités sur le même pied d'égalité que leur voisin Dans ce sens-là, effectivement, je partage votre opinion et, encore une fois, votre mémoire va nous aider grandement à réfléchir sur l'orientation fiscale des finances publiques au Québec.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie, M. le député de Montmorency.

Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire, et j'inviterais l'Association générale étudiante de l'Université du Québec à Montréal à bien vouloir prendre place.

Nous suspendons environ deux minutes seulement. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 12 heures)

Le Président (M. Després): Au nom des membres de la commission du budget et de l'administration, il me fait plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui.

Nous avons une période maximum d'une heure à notre disposition, dont 20 minutes pour votre présentation, après quoi on pourra partager le temps entre les députés ministériels et les députés de l'Opposition pour pouvoir s'interroger et discuter sur la présentation de votre mémoire. Donc, je demanderais au responsable de se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent. Vous pouvez débuter dès maintenant la présentation de votre mémoire.

Association générale étudiante

des secteurs sciences humaines,

arts, lettres et communication

de l'Université du Québec

à Montréal (AGEUQAM)

M. Rioux (Claude): Merci. Je vais commencer. On va se partager la parole tout au long de notre présentation. Je vais présenter Robert Dubois, étudiant en sciences politiques à l'UQAM et responsable à l'externe de l'exécutif de l'AGEUQAM, Association générale étudiante de l'UQAM. Il y a aussi Benoit Renaud, en histoire, maîtrise en histoire et ex-membre de l'exécutif de l'AGEUQAM; moi-même, Claude Rioux, étudiant en sciences politiques, membre de l'exécutif de l'AGEUQAM.

L'Association générale étudiante de l'UQAM représente 15 000 membres des secteurs sciences humaines, arts, lettres et communication de l'UQAM. Fondée en 1920, elle a été de toutes les luttes...

Une voix: II y a 20 ans.

M. Rioux: II y a 20 ans? Excusez-moi. Fondée il y a 20 ans - et non pas fondée en 1920 -on a été de toutes les luttes pour le droit à l'éducation, autant aussi pour les luttes des autres couches de la société pour plus d'égalité sociale. L'Association générale ne défend pas juste les intérêts et les droits de ses membres, mais aussi de tous et celles qui n'ont pas accès à l'université actuellement et de ceux et celles qui sont menacés par les coupures préconisées par le gouvernement dans l'éducation, au niveau de la réforme des cégeps aussi. Donc, on est solidaires ici... en tant qu'universitaires, on est aussi solidaires avec les personnes qui s'opposent à la réforme des collèges.

En 1990, on a été en grève pendant un mois contre le dégel des frais de scolarité parce qu'on pensait que ça réduirait l'accessibilité à l'éducation, et c'est effectivement ce qui s'est passé. Les données dont on dispose démontrent toutes l'impact négatif qu'a eu le dégel des frais de scolarité, et on entend lutter contre toute autre augmentation des frais de scolarité.

La raison pour laquelle on est ici, c'est qu'on réagit vivement au document qui a été présenté, «Vivre selon nos moyens». On trouve que, finalement, l'Association ne pourrait pas laisser passer comme ça un document dans lequel on disait qu'on allait poursuivre le rattrapage de la moyenne canadienne des frais de scolarité sans

dire un mot. On est toujours vigilants et vigilantes pour répondre aux attaques contre le droit à l'éducation. Avec ce document-là, tout semble décidé d'avance sur cette commission parlementaire-ci. Néanmoins, si on ne peut pas vous convaincre des orientations qu'on préconise, on veut essayer au moins de vous dissuader de prendre des mesures qui pourraient restreindre l'accessibilité à l'éducation. Nos membres ne se font pas prendre par le discours volontairement alarmiste du document «Vivre selon nos moyens» ni par les traités de dogmatisme libéraliste du gouvernement actuel. Notre optique à cette commission-ci, je pense qu'on est en solidarité avec les centrales syndicales qui ont dénoncé le fait qu'on se place sur le terrain comptable des finances publiques plutôt que de se placer sur le terrain de la fiscalité. Peut-être que le gouvernement a peur des conclusions qu'une enquête sur la fiscalité amènerait.

On n'est pas non plus venus vous dire comment couper dans l'éducation et dans les services sociaux. On est plutôt venus vous dire que ce serait incohérent de le faire. On est aussi venus vous dire que la vision purement comptable du gouvernement, ce n'est pas un projet de société. L'éducation, ce n'est pas seulement une question d'économie, c'est aussi une question de culture et de société et, pour nous autres, l'éducation, c'est d'abord et avant tout un droit.

Je vais passer la parole à Benoit Renaud qui va présenter le mémoire.

M. Renaud (Benoit): On ne fera pas la lecture intégrale du mémoire, ce qui serait un peu compliqué, un peu long. On s'excuse pour les petites erreurs qu'il peut y avoir dans le document, étant donné le délai assez court qu'on a eu pour le produire. En quatre jours, pour être franc avec vous autres, avec les moyens qu'on a, ça a été extrêmement difficile. Depuis qu on vous a envoyé le mémoire, il y a eu des discussions dans nos instances, notamment en assemblée générale, sur cette question-là, ce qui fait que les positions qu'on va vous présenter aujourd'hui sont peut-être à quelques nuances de différence par rapport à ce qu'est le contenu du mémoire. Donc, je vais plutôt résumer en gros l'argumentation qu'on présente.

Étant donné qu'on a décidé d'emblée de se placer dans l'optique des questions posées par la commission, c'est-à-dire la question des finances publiques, et d'essayer de faire un lien entre la question des finances publiques et l'éducation, qui est notre domaine de prédilection... En premier lieu, je pense que tout le monde peut sen tendre pour identifier les causes profondes du problème des finances publiques, c'est-à-dire le sous-emploi de la population dans le sens où il y a une trop faible proportion de la population qui travaille. Donc, il y a de plus en plus de difficultés à assumer les charges pour l'ensemble de la société. Ce sous emploi est dû, en bonne par- tie, à un chômage structurel très élevé, également au vieillissement de la population. Mais s'il n'y avait pas autant de chômage chez les jeunes, sûrement que le vieillissement de la population serait plus facile à assumer collectivement.

L'autre ensemble de causes, c'est les politiques du gouvernement fédéral, notamment une réduction drastique des paiements de transferts aux provinces qui, d'après le document du gouvernement, va se poursuivre dans les prochaines années. C'est une véritable dégringolade. Ce n'est pas simplement un gel ou un plafonnement, mais c'est une diminution radicale de ces paiements de transfert. Également, des politiques économiques qui sont faites beaucoup plus dans l'intérêt des centres métropolitains de Toronto et de Vancouver que du développement économique du Québec.

La question du chômage, c'est quelque chose qui nous concerne particulièrement parce qu'on est des jeunes. Les jeunes sont particulièrement frappés par le chômage. Les femmes aussi sont particulièrement frappées par le chômage. La majorité de nos membres sont des femmes. Malgré le portrait que présente notre délégation présentement, il ne faudrait pas penser qu'on est représentatifs tout à fait de cette réalité. D'ailleurs, les femmes ont tellement de misère à arriver que, quand elles essaient de faire des études, il n'y en a pas beaucoup qui ont du temps à mettre pour les activités syndicales étudiantes. C'est pas mal pour ça qu'on est trois gars, ce soir.

Ce qui frappe sur la question du chômage, c'est que, même dans sa prévision la plus optimiste, le gouvernement prévoit un taux de chômage de près de 10 % après plusieurs années de croissance. Donc, on se demande ce serait quoi, une prévision pessimiste. Quand l'optimisme est à 10 % de chômage, je pense qu'on devrait se poser de sérieuses questions sur nos méthodes d'analyse et sur notre vision de l'économie et de l'emploi. Je pense que ça pose un problème particulier.

Le lien entre ça et l'éducation est évident quand on regarde les statistiques, les derniers recensements. Le recensement de 1991 n'a pas pu être traité encore parce que les données viennent juste de sortir, mais, dans celui de 1986, on indiquait que le chômage moyen des personnes qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires était de 18 % alors que celui des personnes qui détiennent un baccalauréat était de 7,3 %. C'est presque du 3 pour 1. Je pense que le lien entre la sous-scolarisation de la population et le chômage structurel est assez évident. La conclusion de ça, c'est que l'accès à l'éducation devrait être un axe fondamental d'une politique de plein emploi. Si notre population est sous-scolarisée par rapport aux besoins de l'économie, aux besoins d'une société développée, ça va être impossible d'avoir une véritable politique de plein

emploi et, sans une véritable politique de plein emploi, on ne peut pas régler les problèmes de fond des finances publiques parce qu'il va toujours y avoir trop peu de gens qui travaillent en proportion dans l'ensemble de la population.

Un autre chiffre qui est très clair par rapport au lien entre le chômage et l'éducation... Il y a une enquête du ministère de la Main-d'oeuvre fédéral qui indiquait que 50 % des nouveaux emplois qui ont été créés au début des années quatre-vingt demandaient un diplôme universitaire. (12 h 10)

Donc, quand on sait que le taux de réussite du baccalauréat en ce moment, au Québec, est de 12 %, il y a immédiatement une inadéquation flagrante entre les besoins du marché du travail et le niveau de scolarisation de la population. Donc, suite à ça, on a constaté une convergence de vues évidente entre notre point de vue et celui du Conseil supérieur de l'éducation tel qu'il a été présenté dans son mémoire de septembre dernier, où le Conseil supérieur préconisait de doubler la proportion de diplômés du baccalauréat pour la prochaine génération, donc d'ici l'an 2000. doubler la proportion de bacheliers et de bachelières, c'est un objectif extrêmement ambitieux et qui demande des mesures vigoureuses. ce n'est certainement pas en augmentant encore une fois les frais de scolarité universitaire qu'on va pouvoir atteindre cet objectif-là qui est un élément important de tout projet social visant à régler le problème des finances publiques. pour expliquer pourquoi on a un taux de réussite du baccalauréat de seulement 12 % présentement, c'est qu'il y a 45 % des jeunes qui entrent à l'université qui abandonnent avant d'avoir terminé leur bac. 45 %! on parle souvent du décrochage au secondaire. là, on commence à parler un peu du décrochage au collégial. mais le dé-crochayo au niveau du bucculauréut. c'osl colui qui est, en proportion, le plus élevé. c'est là que les gens lâchent, à l'université. pourquoi? parce que ça coûte plus cher, parce que les conditions financières sont beaucoup plus difficiles qu'au niveau collégial.

Évidemment, pour régler le problème du décrochage et de l'abandon des études, ce n'est pas simplement des mesures économiques. On ne se fait pas d'illusions là-dessus. La question des frais de scolarité ou des prêts et bourses ne permettrait pas de régler l'ensemble du problème. Il y a aussi des mesures d'ordre pédagogique, des mesures d'ordre plutôt social. Le décrochage est un phénomène qui peut se prévenir, même en très bas âge, d'après, notamment, le document «Un Québec fou de ses enfants», qui a été édité il n'y a pas très longtemps, qui donnait plusieurs moyens de prévenir le décrochage. Sauf que pour notre part, étant donné qu'aujourd'hui on discute de la question des finances publiques, on a décidé d'aborder surtout la dimension économique de l'accès à l'éducation.

Récemment, le recteur de notre université, M. Claude Corbo. a fait une allocution devant la Chambre de commerce de Montréal sur la question de la combinaison travail-études. On sait que de plus en plus les étudiantes et les étudiants du collégial ou de l'université combinent travail et études de toutes sortes de façons: travailler à temps plein et étudier à temps partiel, étudier à temps plein et travailler à temps partiel, et il y a même du monde qui trouve le moyen d'étudier et de travailler à temps plein en même temps, ce qui n'est pas évident. Pour avoir des «A» dans ses cours, quand tu fais 35 heures par semaine en plus de 4 cours d'université... Je connais des gens qui tentent de le faire, mais c'est extrêmement difficile. Ce problème-là est très grave.

Il y a une enquête qui vient d'être faite par l'administration de l'UQAM qui démontre qu'au-delà de 15 heures de travail par semaine, le travail nuit considérablement à la réussite des études. On sait que c'est une proportion importante de nos membres qui travaillent en même temps qu'ils étudient.

Une autre chose qui est ressortie de cette recherche-là, c'est que plus les parents ont des revenus élevés, plus leurs enfants sont portés à travailler pendant qu'ils étudient. Ha, ha, ha! Ça peut sembler étrange, cette corrélation-là, mais ça ne l'est pas quand on connaît bien le régime de prêts et bourses qui donne effectivement moins d'argent aux gens... Plus leurs parents ont de l'argent, moins on leur donne d'aide financière. Donc, le fait que les gens travaillent plus quand leurs parents ont plus d'argent est un symptôme, on pourrait même dire une preuve du fait que le régime d'aide financière est encore inadéquat, malgré la réforme un peu timide qui a été introduite il y a quelques années.

L'autre chose qui avait été mentionnée par M Corbo, c'ost quo pour encourager les entre prises à financer l'éducation et à donner des bourses d'études, il leur a dit, et je cite, selon une source du journal La Presse: «Des bourses en dollars de 1993 coûtent moins cher que du chômage en dollars de 2003». Bon. Quand j'ai vu ça, je me suis dit: Effectivement, notre recteur est tout à fait sur la même longueur d'onde que nous sur cette question-là. C'est très évident que l'éducation, ce n'est pas une dépense, ce n'est pas de l'argent garroché par les fenêtres, c'est un investissement, et il faut avoir une vision à long terme de la question des finances publiques pour se rendre compte de ça et pour agir en conséquence. Je dirais que la principale lacune, d'après moi, dans la vision du document «Vivre selon nos moyens», c'est que d'emblée, dès le début, on dit... Le gouvernement annonce qu'il veut aborder cette question-là à court et moyen terme, et on ne voit pas plus loin que cinq ans en avant. On ne peut pas régler des problèmes aussi fondamentaux que le vieillissement de la population et le chômage structurel en ayant une

vision à cinq ans d'avance, puis une vision de comptabilité au niveau des finances publiques.

Maintenant, notre revendication principale présentement, c'est toujours ça, c'est une revendication qui est vieille comme le mouvement étudiant lui-même, c'est la gratuité scolaire à tous les niveaux. On nous dit toujours: Ah! ce n'est pas réaliste, la gratuité scolaire, on n'a pas les moyens de se payer ça, évidemment, comme le dit le titre du mémoire du gouvernement. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les moyens de s'en passer et qu'à long terme la société québécoise ne peut pas se permettre de sacrifier un grand nombre de ses jeunes en les excluant des études universitaires par toutes sortes de barrières économiques. C'est extrêmement difficile d'étudier et de réussir, comme je le disais tout à l'heure, quand on est obligé de combiner travail et études, quand on est dans une situation de pauvreté. D'ailleurs, ces problèmes-là, toutes les études démontrent qu'ils touchent particulièrement les femmes, particulièrement les jeunes des familles à revenus moyens ou modostos. Donc, c'est aussi une mesure d'équité sociale, la gratuité scolaire.

L'autre dimension du problème, c'est évident, c'est que l'augmentation des frais de 300 % qu'on a subie dans les dernières années, ce n'est pas accompagné d'une augmentation en conséquence des revenus de la population étudiante, ce qui fait que l'appauvrissement de la population étudiante est très grave; il se fait à un rythme accéléré. La seule chose qui a augmenté dans les revenus de la population étudiante depuis trois ou quatre ans, c'est l'endettement. Ça, c'est un piège parce que l'endettement, ça donne des revenus, mais aussi ça dissuade beaucoup de personnes de poursuivre de longues études. Quand tu envisages de t'endetter de 20 000 $ pour faire une maîtrise, ça décourage un peu, ça pousse les gens à écourter leurs études, à faire plutôt des certificats, des bacs, à faire plutôt un D.E.C. qu'un bac, à faire plutôt un bac qu'une maîtrise. Ça, c'est quelque chose qui coûte extrêmement cher, à long terme, à la société. En plus, l'augmentation récente des frais n'a pas du tout réglé le problème de sous-financement des universités parce que, selon les chiffres qu'elles nous donnent, l'administration de l'UQAM entre autres, les subventions du gouvernement ont diminué en proportion de l'augmentation des frais. Donc, les universités se retrouvent avec le même budget, se retrouvent obligées de continuer à couper dans leurs services; les bibliothèques sont dans un état lamentable. On est en train de rattraper des conditions tiers-mondistes, en matière d'éducation.

L'autre argument en faveur de la gratuité scolaire, je vais revenir à ce que j'énonçais tantôt sur la question du chômage, sur la question de la rentabilité de l'éducation du point de vue des finances publiques, c'est que les frais de scolarité constituent la principale barrière économique à l'accès à l'éducation, celle qui est la plus dissuasive. Si le gouvernement décidait d'allouer, disons, un budget de 50 000 $ ou 100 000 $, peu importe, si le gouvernement dégageait un certain budget en se donnant pour objectif: On va investir cet argent-là pour faciliter l'accès à l'éducation universitaire, la mesure qui serait la plus efficace, selon toutes les études économiques qui ont été faites sur la question, ce serait de diminuer les frais de scolarité, plus que des améliorations au régime d'aide financière, plus que n'importe quelle autre mesure. C'est la diminution des frais qui a l'impact psychologique, l'impact concret le plus visible et qui encourage le plus les gens à poursuivre leurs études.

Ensuite, quand on dit: La gratuité, ce n'est pas réaliste... On nous compare toujours avec les États-Unis, avec le Canada anglais, mais il faut se dire qu'il y a beaucoup de pays d'Amérique latine qui sont beaucoup moins riches que nous et qui ont la gratuité scolaire; il y a beaucoup de pays en Europe, dont l'Allemagne, la France, qui ont la gratuité scolaire et qui ne sont pas en train do s'appauvrir pour autant Au contraire, ce sont des pays qui sont très dynamiques du point de vue économique. Donc, tout, pour nous, toutes les lignes d'arguments qu'on peut élaborer nous amènent à la même conclusion, à savoir que la gratuité scolaire serait un très bon choix social pour le Québec, tel qu'il avait été prévu, d'ailleurs, par la commission Parent dans les années soixante. Mais cet objectif-là, on le sait, a été abandonné par la suite. (12 h 20)

Maintenant, revenons à la question de fonds, de la fiscalité. Il y a une enquête qui a été faite par un organisme rattaché au ministère de l'Éducation qui s'appelle «La rentabilité du diplôme», qui a été faite par un économiste, M. Marius Demers, et qui a été publiée l'automne dernier. Cette enquête-là démontre qu'une augmentation de la scolarisation de la population québécoise rapporte énormément plus aux finances publiques que ce que ça coûte. Ça rapporte plus parce que les gens qui sont plus éduqués ont de meilleurs emplois, donc paient plus d'impôts et, au bout du compte, le gouvernement récupère quelque chose comme, dépendant des niveaux de diplôme, entre 300 % et 500 % de profit, on pourrait dire, pour l'argent qu'il investit dans l'éducation. Mais ça, c'est à long terme, encore une fois; il faut avoir une vision à long terme de ça; c'est sur 10, 15 et 20 ans qu'on peut ressentir les effets de ce type de politique au niveau des finances publiques, mais l'effet est à la fois profond et à long terme.

L'autre aspect... Est-ce que c'est possible d'avoir cinq minutes? Parce qu'il y a mon ami ici, à côté, qui veut...

Le Président (M. Després): Oui, oui. Il n'y a pas de problème. On vient de me faire signe,

Mme la députée de...

M. Renaud: On a une houre, globalement

Le Président (M. Després): Oui, O.K. On me fait signe des deux côtés parce que, normalement, on avait déterminé 20 minutes...

M. Renaud: Oui.

Le Président (M. Després): ...mais on vient d'avoir consentement. Donc, vous pouvez continuer.

M. Renaud: Parce qu'on est trois, et je me suis étiré plus que je ne l'avais prévu.

Le Président (M. Després): Allez-y.

M. Renaud: Merci beaucoup. Il faut qu'on aborde la question de fond, la question immédiate de la commission qui est la fiscalité.

Donc, d'une part, l'augmentation de la scolarisation rapporte énormément plus que ce qu'elle ne coûte en matière de fiscalité, quand on regarde la question à long terme. D'autre part, quand les gens sont plus scolarisés, ils coûtent moins cher au gouvernement parce que, quand les gens sont plus scolarisés, comme je l'ai mentionné au début, ils sont moins portés à être au chômage, ils sont moins portés à être sur l'aide sociale; ils sont portés aussi à avoir de meilleures habitudes de vie, donc à consommer moins de services de santé. Donc, à tous les niveaux, l'éducation est quelque chose qui rapporte énormément au niveau des finances publiques, beaucoup plus que ce que ça ne coûte. Il suffit d'avoir une vision à long terme pour s'en rendre compte.

Maintenant, on parle d'une vision à long terme. C'est bien beau, mais vous allez me dire qu'il faut aussi gérer les choses au quotidien et qu'on ne peut pas complètement sacrifier la situation actuelle pour une perspective à long terme. On ne peut pas non plus s'endetter outre mesure parce que ça augmenterait les coûts en matière d'intérêt. Donc, on s'est penché sur: Comment financer, à court terme, les mesures qu'on propose? Là-dessus, notre proposition, depuis 1990, c'est d'augmenter la taxation des entreprises ou, encore, de diminuer les exemptions fiscales aux entreprises, qui est une façon d'augmenter la fiscalité, mais je pense que ce serait plus simple, plus efficace de simplement diminuer certaines exemptions fiscales qui sont présentes là-dessus. On est absolument en désaccord, évidemment, avec le constat qui est posé dès le départ par le gouvernement sur le fait que la fiscalité, il ne faut pas la changer, qu'elle est parfaitement compétitive comme ça et que, bon, tout est beau.

Là-dessus, je donnerais deux chiffres qui semblent parler par eux-mêmes. Je vais laisser à mon ami, à côté, un des deux chiffres en question. Mais sur la question des exemptions fiscales aux entreprises, il nous semble que la plus récente, l'exemption sur la taxe de vente, n'est pas vraiment efficace, en matière de création d'emplois à tout le moins, parce que le gouvernement lui-même dit que cette exemption fiscale, qui coûte au gouvernement 850 000 000 $ en entrées fiscales perdues, crée 17 000 emplois. Je ne sais pas si vous avez une calculatrice à la portée de la main, mais ça donne environ 50 000 $ par emploi. Il me semble que c'est un peu cher, en fait de création d'emplois, 50 000 $ par job. À ce rythme-là, il faudrait que le gouvernement accorde 2 000 000 000 $ d'exemptions fiscales aux entreprises pour faire baisser le taux de chômage de 1 %. Donc, pour nous, ça semble assez évidemment ne pas être une mesure efficace.

Je vais laisser la parole maintenant à Robert Dubois.

M. Dubois (Robert): Bon...

Le Président (M. Després): Oui, M. Dubois.

M. Dubois: ...je vais reprendre aussi le taux d'abandon dans les universités.

Des études de M. Simard, de Université de Montréal, en 1989, précisaient qu'il y avait 46 % des étudiants de l'UQAM qui abandonnaient durant la première année de baccalauréat, 30 % à l'UDEM et 25 % à McGill. Dans ce contexte-là, on considère qu'avec un taux d'abandon aussi élevé, on est loin d'arriver aux 24 % que le gouvernement aimerait voir dans le taux de diplomation. Si on considère que si on réduisait de 8 % seulement les abandons au baccalauréat, ça rapporterait en revenus, à long terme, au gouvernement 398 000 000 $ par année de plus de taxes à percevoir parce que, d'après l'étude que M. Renaud a mentionnée, «La rentabilité du diplôme», un universitaire paie 700 000 $ d'impôt en l'espace de 30 ans de travail, comparativement à quelqu'un qui va faire son secondaire, qui va payer à peu près 198 000 $ d'impôt. Donc, la différence de 500 000 $ sur toute une vie d'impôt multipliée par le nombre d'universitaires, ça fait des montants assez astronomiques. pour ce qui est du rattrapage que le gouvernement n'arrête pas de nous mentionner, ce qu'on répond à ça, nous, l'ageuqam, c'est qu'on se demande si le gouvernement est aussi préoccupé lorsqu'on parle de la fréquentation des universités, s'il veut faire le rattrapage au même niveau que la fréquentation des universités en ontario, si le gouvernement est aussi préoccupé par la charge fiscale des entreprises ou pour financer le système d'éducation. si on regarde les chiffres de l'ocde, de 1989, le canada a taxé les entreprises de 6 % pour financer les universités, entre autres, comparativement à 14 % pour la france, 9 % pour l'allemagne, 12 % pour

l'Italie. On est le plus bas. C'est comme un paradis fiscal pour nos entreprises au Québec. On a la formation, ça ne nous coûte rien, on peut la critiquer, on peut dire tout ce qu'on veut, puis augmenter les frais de scolarité, puis leur mettre des barrières de plus en plus contraignantes pour arriver au baccalauréat. On peut parler de toutes sortes de mesures tarifaires et non tarifaires. L'endettement aux prêts et bourses est une mesure qui réduit le plus l'accessibilité. Si on considère qu'en 1989, le prêt étudiant était de 2400 $, puis que les frais de scolarité étaient de 250 $ par session, donc 500 $ annuellement, l'étudiant est obligé d'injecter 20 % de son prêt dans le paiement de ses frais de scolarité.

Aujourd'hui, on est dans la situation qu'avec 1500 $ de frais de scolarité annuellement et 2900 $ de prêts, on met 50 % des prêts que le gouvernement nous accorde dans le paiement de nos frais de scolarité. Donc, on réduit considérablement nos revenus, puis on est loin de la bonification dont M. Ryan parlait en 1989, qui disait: Oui, oui, on va vous augmenter, mais considérant ce fait, on va bonifier le système des prêts et bourses. Effectivement, le système de prêts a été bonifié à notre désavantage, malheureusement. Mais le système de bourses est resté tel quel, il n'a pas été bonifié.

Lorsqu'on parle du rapport que vous avez produit, «Vivre selon nos moyens», nous autres, les étudiants, puis les Québécois, on se demande, nos moyens, c'est de qui vous parlez. Les moyens du gouvernement? Les moyens du peuple? Les moyens des entreprises? Ce n'est pas trop, trop évident, ça. C'est loin d'être évident, ça. On pnnso (|uo nos moyons. avoc

Une voix: Les frais de scolarité sont déjà au-dessus de nos moyens.

M. Dubois: Déjà, effectivement, les frais de scolarité sont au-dessus de nos moyens, qu'on verse à peu près 40 % de nos revenus, en tant que population, au gouvernement en impôt et en taxes diverses. Je pense que nos moyens, on les donne au gouvernement, puis ce qu'il nous reste, on en a besoin pour vivre. Le gouvernement devrait songer peut-être plus à aller chercher dans une autre poche, parce que notre poche à nous autres est vide. On n'a plus rien. Tout ce qu'on nous met pour la remplir, c'est des prêts qu'on va rembourser à la fin de nos études qui vont alourdir, en fin de compte, notre capacité de suivre des cours à l'université, puis de réussir, puis promouvoir la société québécoise au niveau économique.

Nous, de l'AGEUQAM, on considère que la gratuité scolaire est un objectif de société. Il ne coûte pas si cher que ça au gouvernement de fournir la gratuité scolaire quand on peut voir ce qu'elle peut rapporter à long terme. Nous autres, à l'AGEUQAM, on pense que le gouvernement devrait avoir des politiques non pas électoralis- tes, mais des politiques sociales à long terme de société, puis être responsable à ce niveau-là. On croit aussi que le gouvernement devrait tenir une consultation publique sur l'enseignement supérieur et ne pas déposer des rapports la veille de l'ouverture de la commission où, là, on n'a pas le temps d'étudier les dossiers, on n'a pas le temps de voir si les chiffres sont véridiques, on n'a pas le temps de faire de consultations. Je trouve, personnellement, que c'est une mascarade, cette commission-ci. (12 h 30)

M. Renaud: En conclusion, très brièvement, un des principaux arguments qui sont invoqués par le gouvernement, c'est la question de la dette publique et du poids qui pèse sur les générations futures. Bon, bien, les générations futures, la première de ces générations futures là, c'est nous, et je pense qu'il faudrait peut-être qu'on nous consulte avant de faire quelque chose supposément pour nous rendre service Je pense que nous, comme génération future, on est totalement contre le genre de politiques qui sont préconisées dans le document «Vivre selon nos moyens», parce qu'il ne s'agit probablement pas de nos moyens à nous, manifestement.

On terminerait par quelque chose de peut-être un peu poétique. Pour paraphraser une intervention, tout à l'heure, de M. Johnson, on nous a appelé la génération sacrifiée, à un moment donné, au début des années quatre-vingt. On est aussi la génération des suicides, la génération marginalisée parce que beaucoup moins nombreuse que d'autres.

Une voix: On ost aussi la génération du taux de chômage à 25 %, du bien-être social à 150 $ par mois. On a été la génération du dégel des frais de scolarité.

M. Rioux: Mais ce qu'il est important de vous dire aussi, c'est que, si vous continuez comme ça, on va aussi devenir une génération exaspérée, fâchée, révoltée et mobilisée. Je pense que, cette fois-ci, il n'y aura pas assez de matraques dans tout le Québec pour nous réprimer.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M. Renaud, pour cette présentation, M. Dubois et M. Rioux.

Je vais maintenant passer la parole au président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Je vous remercie, messieurs, y compris pour les finales toujours spectaculaires dont vous seuls avez le secret, même si ça ne fait pas avancer le dossier, là.

Vous disiez au début que vous ne pouviez pas laisser passer la commission sans relever certains énoncés que vous trouviez dans les documents qu'on a publiés Moi non plus, je ne peux pas laisser passer ce que vous dites, être la

génération sacrifiée, exaspérée ou quoi que ce soit. Vous n'êtes certainement pas la génération rigoureuse. Quand on vient ici, je comprends que vous avez juste quatre jours, mais encore il faut savoir lire les choses avant de les critiquer.

Quand vous dites qu'on parle d'un plan de redressement qui va faire en sorte que le chômage va être 9, 9 % quand la page à laquelle vous référez parle de 8, 4 %, qui est le taux de chômage le plus bas depuis 25 ans, à ce moment-là, il ne faut pas partir sur la mauvaise «track» Si on part tous sur la vraie voie, avec les vrais chiffres, on n'aura aucune difficulté à se comprendre. Il s'agira ensuite de décider à quelle vitesse on se rend et quels sont les moyens qu'on doit prendre pour emprunter la voie sur laquelle on s'est entendu. Mais la voie, telle qu'elle existe, c'est une voie où on est endettés, vous êtes endettés, je suis endetté, madame est endettée, ceux qui nous écoutent sont endettés, tout le monde est endetté en venant au monde. Et la situation ne s'améliore pas.

Ma question est de savoir comment rentabiliser les ressources qu'on a. Et là, dans le fond, on arrive dans le vif de votre propos. L'éducation, l'enseignement supérieur est un investissement et, comme n'importe quel investissement, on doit examiner sa rentabilité dont vous êtes et dont la société peut être les bénéficiaires. La question est de savoir qui bénéficie de quoi, de combien, donc qui doit investir. C'est essentiellement ça qui est en cause. Et, évidemment, vous vous référez à une étude de 1991 sur la rentabilité des études. Vous n'avez pas remarqué que, dans cette étude-là, il est dit, je cite:... qu'il serait tentant pour un lecteur non averti de comparer directement les bénéfices fiscaux et les coûts de formation. Mais vous ne vous êtes pas gênés pour le faire. Il y a des choses de base qu'il faut respecter. C'est là qu'on se démarque.

S'il y a, pour la société, un bénéfice réel de quelque ordre que ce soit que ses membres aient accès et complètent... Avoir accès, c'est une chose; compléter des études d'enseignement supérieur, c'en est une autre. S'il y a des bénéfices pour la société, personne ne va me faire croire qu'il n'y en a pas pour l'individu. Je dirais même que c'est infini. J'emploie le mot «infini» au sens arithmétique. C'est infini, les bénéfices pour l'individu de compléter des études supérieures comparativement aux bénéfices qui existent pour la société. Il y en a également pour la société, ça ne fait pas de doute. C'est quelqu'un qui va payer plus d'impôt. Puis, s'il paie plus d'impôt, est-ce qu'on peut penser que c'est parce qu'il a plus de revenus? Et avoir plus de revenus plutôt que ne pas en avoir du tout, c'est infini comme ratio. Ça ne se compare même pas, ça ne se compare même pas.

Je veux remettre en perspective que les données, l'accès à l'enseignement supérieur, toutes les données de tous les pays démontrent que, si ça tient à quelque chose, ce n'est certainement pas aux frais de scolarité. Vous parlez de quelque chose que vous brandissez absolument constamment comme un obstacle à l'enseignement supérieur. Vous me direz que ce n'était pas généralisé, il y a 25 ans, l'enseignement supérieur, que c'était élitiste, etc. C'est fort possible, mais je veux juste que vous sachiez que les gens de mon âge, si on voulait payer nos frais de scolarité lorsque j'étais à l'université, il fallait littéralement qu'on travaille à plein temps pendant 6 mois dans les jobs auxquels on avait accès pour payer les frais de scolarité.

Aujourd'hui, à ma connaissance personnelle, là, dans mon entourage, au maximum 3 semaines ou 4 semaines de travail permettent de payer les frais de scolarité, pas 6 mois, pas 6 semaines, 4 semaines, 3 semaines. C'est ça, l'ordre de grandeur. Le salaire minimum est à 5, 85 $, il était à 0, 65 $ à l'époque, et les frais de scolarité étaient les mêmes. Moi, je payais la même chose en 1963 à l'Université de Montréal que mon fils 23 ans plus tard, 28 ans plus tard. Alors, tu sais, les choses se sont améliorées considérablement au point de vue de l'accessibilité.

La question est de savoir comment, à partir du moment où nous sommes tous endettés, tous, comment rentabilisons-nous les ressources que nous avons. Un discours rigoureux vise à chercher, si vous parlez d'investissements, quelles sont les ressources disponibles et comment on les investit de la façon la plus rentable pour la société. Dans une cohorte d'étudiants qui représentent, une fois qu'ils ont complété leur diplôme d'études collégiales, une infime minorité de la population. Des gens dont toutes les statistiques disent qu'ils ont les meilleures chances de toute la population d'avoir un emploi lorsqu'ils vont compléter.

Ne venez pas me dire, là... moi, je ne peux pas accepter ça que ce sont les frais de scolarité les plus bas en Amérique du Nord qui font que vous êtes incapables de compléter un diplôme. Je ne le crois pas parce que c'est une partie infime des coûts d'aller à l'université que les frais de scolarité. C'est une partie infime. Ce n'est pas un obstacle. C'est un des coûts, qui n'est pas négligeable, mais c'est un des coûts. Et le coût d'opportunité est plus important, les choix personnels, la façon d'aménager son horaire pour, oui, gagner, emprunter, avoir une bourse et consacrer le temps qu'il faut, là, pour compléter avec succès, pas un séjour à l'université, mais des cours qui permettent d'apprendre quelque chose. Et ça, là, c'est les autres qui vous en doivent.

Vous vous êtes excusés au départ. Vous n'étiez pas obligés de le faire. Les difficultés que vous avez eues, du peu de temps, de la facture, enfin, de la qualité de la langue... Je crois comprendre que vous faites partie de l'association qui trouve que les tests de français, ce

n'est pas important. Ça se peut.

Une voix: Pas important, il faut nuancer, là.

M. Johnson: Ça se peut. On va en reparler dans deux minutes. Vous me corrigerez, là.

Une voix: II faut faire attention de ne pas déformer les propos.

M. Johnson: Mais vous n'êtes pas obligés, parce qu'on vous a formés... On vous a formés, vous êtes allés dans des institutions d'enseignement et, si vous êtes mal formés, ça n'a pas été de l'automalformation. Tout le monde doit faire sa job pour vous préparer pour l'avenir, mais vous aussi, je pense que vous devez investir. Si ça a une valeur, l'éducation, il faut que vous le sachiez. Il faut établir ce lien-là, comme n'importe quel service public, entre la valeur que représente . l'enseignement dont vous bénéficiez et l'effort qu'on a tous à consentir, parce qu'on n'a plus les moyens de tout donner, même si on voulait. Parce que s'il y a un endroit où on devrait le faire, ce serait à votre endroit, mais on n'a plus les moyens. C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Le Président (M. Després): M. Renaud. M. Renaud: Oui.

Le Président (M. Després): La parole est à vous. (12 h 40)

M. Renaud: Merci bien.

On parle que l'individu fasse sa part. La première chose, les comparaisons. On compare avec le passé. On compare avec le reste de l'Amérique du Nord. Pour nous, la première comparaison qu'on fait, c'est entre ce qu'on fait comme effort, présentement, collectivement, en matière d'éducation et ce qu'on pourrait potentiellement faire. Nous aussi, on constate, effectivement, que c'est une toute petite minorité qui a accès à l'université, et les gens qui, comme moi, se rendent jusqu'à la maîtrise sont encore une plus petite minorité, mais, justement, raison de plus pour faire des efforts importants, pas simplement en matière de conditions économiques d'études, mais aussi, comme je l'ai mentionné tantôt, en matière de prévention du décrochage à l'université, en matière d'encadrement pédagogique, de ressources à vos universités pour aider les gens à réussir leur programme, puis pas simplement, effectivement, de faire un séjour. On est parfaitement d'accord avec ça.

Maintenant, parlons de l'individu. L'individu, il fait sa part d'une façon très évidente. Bon, l'étude de M. Demers démontre assez clairement que le coût, pour la société, de nos études, on le rembourse amplement après la fin de nos études. Il y a d'autres associations étudiantes avec lesquelles on n'est pas d'accord, qui proposent un impôt postuniversitaire, mais il y a déjà un impôt postuniversitaire évident. Les gens qui font des études universitaires paient plus d'impôt. Donc, ils remboursent à la société le coût de leur formation. Le problème, c'est qu'on ne peut pas payer plus maintenant. On compare avec les États-Unis, tout ça, avec le reste du Canada, mais il faut faire attention de voir que les sociétés...

Notre société est distincte, on le sait très bien. On a des caractéristiques particulières. On a encore du rattrapage à faire en matière de scolarisation. On est sous-scolarisés par rapport à nos propres besoins. Je pense qu'il faut arrêter de se comparer toujours avec ailleurs et comparer plutôt ce qu'on fait avec ce qu'on pourrait faire, comparer ce qu'on réalise présentement avec ce qu'on pourrait réaliser si on regardait les choses sous un angle à plus long terme et sous un angle plus social que purement économique.

Parce que la question de la rentabilité de l'éducation, ça reste à évaluer. Ça peut être évalué de toutes sortes de façons, la rentabilité. Ce qui est rentable pour certaines personnes n'est peut-être pas rentable pour d'autres, et ce qui est rentable à court terme n'est pas nécessairement rentable à long terme. Je pense que, notamment, préconiser une formation générale plus polyvalente, tout ça, c'est plus rentable à long terme parce que ça donne aux personnes plus de mobilité, une capacité à s'adapter à révolution du marché du travail, tandis qu'une rentabilité à court terme commanderait plutôt de donner aux gens une formation très pointue, très spécialisée. C'est bon à court terme, mais à long terme, ça coûte plus cher parce que les gens sont obligés de revenir aux études quand leurs connaissances sont désuètes.

Donc, il faut voir que la rentabilité, ce n'est pas une notion univoque. Ça peut changer selon les catégories sociales. Ça peut changer selon que l'optique est à court ou à long terme, selon qu'on considère ou pas les aspects culturels et sociaux de l'éducation et qu'on regarde les choses non pas seulement d'un point de vue économique.

Une voix: Sûrement qu'il y en a d'autres qui ont des choses à répondre ici.

Le Président (M. Després): M. Rioux.

M. Rioux: Moi, je voudrais rajouter à propos du fait qu'on dit que les frais de scolarité ne sont pas un véritable obstacle à l'accessibilité à l'éducation.

Le ministère de l'Éducation du Québec a publié... bien, là, c'est-à-dire que c'est le Conseil supérieur de l'éducation qui, à partir des sources du ministère, a publié des chiffres qui nous ont semblé très intéressants et qui, je dois l'admet-

tre, à l'Université du Québec à Montréal, le petit graphique qu'on a fait avec ça est un instrument de mobilisation en soi. Les gens sont très fâchés quand ils voient ça.

C'est que, depuis la fin des années soixante, les effectifs universitaires, comme vous le savez sûrement, n'ont cessé d'augmenter, sauf que, depuis 1986-1987, là, ça a commencé un petit peu à augmenter moins rapidement, et le dégel des frais de scolarité, en 1989-1990, marque la fin de l'augmentation des effectifs universitaires au Québec. Depuis ce temps-là, ça a baissé seulement de 300. Sur 222 000 personnes, ça a baissé de 300 entre 1989-1990 et 1990-1991. On peut dire que ce n'est pas beaucoup comme baisse, c'est minime, sauf que si on remet ça dans la perspective d'une augmentation sur 30 ans, bien, c'est la première fois que ça descend, là. Donc, on peut se rendre compte par rapport à ça...

Là, nous autres, on n'a pas les chiffres ici, actuellement. On nous dit, semblerait-il, que ça ne baisse plus, que c'est encore stable, mais la stabilité, on n'a jamais vu ça dans les effectifs universitaires au Québec. Ça augmente habituellement, depuis la fin des années soixante. Là, on est dans une période de stabilité et, en plus, il faut ajouter à ça qu'il y a la crise économique, il y a le phénomène du «drop-in», qu'il y a des gens qui, faute d'emploi, retournent aux études. Les années 1990, 1991, 1992 ont été des années de récession. Donc, même par rapport à ça, les effectifs universitaires plafonnent et baissent. La corrélation est très claire avec le dégel des frais de scolarité, en 1990.

M. Johnson: C'est important. Oui, brièvement, pour les chiffres, j'aimerais avoir la source parce que vous venez d'affirmer le contraire de ce que nous, qui payons et comptons les élèves, là, découvrons depuis 1985. De 1985 à 1989, le taux de croissance annuel moyen a été de 2 % par année dans les universités, et c'est 2,5 % depuis ce temps-là.

M. Rioux: Le ministère de l'Éducation du Québec.

M. Johnson: Oui, oui. La source, la date, le numéro...

M. Rioux: «Statistiques de l'éducation 1990», page 45.

M. Johnson: Oui, oui. C'est correct. Vous viendrez me le porter tout à l'heure parce que ce n'est pas ça qui arrive. C'est pour ça que ça coûte plus cher, parce qu'il y a plus de monde. Ce n'est pas en moins.

M. Renaud: Les chiffres qu'on a démontrent que ça plafonne.

M. Johnson: Correct, correct. Les chiffres que vous avez et les chiffres qu'on a, on va les comparer. Ce que je vous dis, c'est que ça coûte plus cher à tous les ans. Vous le savez pourquoi? Parce qu'il y a plus de monde. Alors, vous m'annoncez qu'il y a moins de monde; on se fait voler. À un moment donné, les choses ou l'autre, là...

M. Renaud: II faut aussi regarder cette chose-là en comparaison avec les objectifs que le Conseil supérieur fixe en matière de diplomation. Si les objectifs continuent, disons, à augmenter très lentement ou à rester stagnants, on ne pourra jamais atteindre l'objectif de 25 % de bacheliers et de bachelières en l'an 2000. C'est impossible.

M. Dubois: Puis, pour ce qui est, bon, de l'individualisme, donc, vous taxez les étudiants au sens que vous dites: C'est l'individu qui y gagne. Moi, je crois que non, ce n'est pas seulement l'individu qui y gagne. C'est la société avant tout, parce que quand on permet à un étudiant d'aller au bac et d'aller à la maîtrise, qu'il paie plus d'impôts, bien, c'est un coût de moins en chômage et en aide sociale, et en soins de santé, et en soins divers qui coûtent de moins au gouvernement. Donc, en plus de recevoir de l'argent de cette personne-là en tant qu'impôts, taxes et taxes de consommation, on diminue les frais qu'elle peut encourir pour la société.

C'est un discours très, très libéraliste de dire «Ah, c'est l'individu, c'est lui qui profite, c'est lui qui paie» quand le premier qui profite de ça, c'est l'entreprise. Qu'est-ce qu'elle donne, l'entreprise, pour les étudiants? Rien du tout. C'est de la formation gratuite qu'elle reçoit. Il y a tant de responsabilités, puis prendre ses responsabilités en tant que gouvernement et dire aux entreprises: Bien, vous en bénéficiez, il est temps de payer. C'est un non-sens de dire aux étudiants: Vous allez profiter au gouvernement. Vous allez profiter aux entreprises. Puis, en plus, vous allez payer, vous allez vous endetter et, quand vous allez sortir de votre bac ou de votre maîtrise, vous allez devoir 30 000 $ à long terme. Donc, c'est quasiment un «cash down» de maison, ça. Ça n'a pas de sens.

Le Président (M. Després): Merci, M. Dubois, pour votre intervention.

Je vais maintenant passer la parole à la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.

Au nom de ma formation politique, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je vous remercie aussi pour le mémoire que vous avez présenté.

Vous y faisiez référence, tout à l'heure, quatre jours, ce n'est pas long pour faire un mémoire. On sait que le document gouvernemen-

tal est sorti très tard. Alors, avec les moyens dont vous disposez, je trouve ça très bien que vous ayez pu présenter un mémoire.

Bien sûr, votre mémoire est très critique, et vous portez un jugement très sévère sur le document du gouvernement. Je comprends l'attitude, si on veut, du président du Conseil du trésor. Ce n'est pas facile, des fois, de prendre certaines critiques, mais je veux vous dire que vous n'êtes pas les seuls à avoir critiqué de façon assez virulente le document gouvernemental. D'autres sont venus aussi et se sont exprimés sur le sujet dans le même sens que vous.

La différence, c'est que vous avez un style qui est assez clair, qui est assez précis. On n'a pas besoin de chercher entre les lignes pour comprendre ce que vous voulez nous dire. Contrairement à certains documents, des fois, qui nous viennent du gouvernement, dans votre mémoire, c'est très clair et c'est dit de façon très explicite. On n'a pas besoin de faire de gymnastique de l'esprit pour comprendre vos propos.

Vous avez fait allusion, vous avez soulevé des inquiétudes, bien sûr, dans plusieurs domaines, dans différents dossiers. Mais, bien sûr, ça porte surtout au niveau de l'éducation, et on comprend très bien votre position. Quand vous dites que l'éducation est un investissement et qu'il faudrait avoir une vision, voir un peu plus loin, d'ailleurs, on me faisait remarquer que le titre était très significatif. Là-dessus, II y en a d'autres aussi qui sont venus expliquer et qui sont venus donner à peu près le même genre de données que vous nous avez expliquées, tout à l'heure, concernant l'emploi versus la scolarisation, et des organismes très structurés comme la Fédération des commissions scolaires sont venus nous dire cela justement, cette semaine. (12 h 50)

Alors, là-dessus, je pense que vous avez des notions qui sont très précises et qui sont justes aussi. Vous avez été très clairs, vous avez été très sévères. J'ai été surprise, d'une part, de ne pas retrouver le mot «incohérence» parce que certains groupes sont venus nous dire qu'on manquait totalement de vision. Vous, vous nous dites de voir plus loin, mais certains groupes ont dit que le gouvernement n'avait aucune vision globale. Dans votre cas, vous n'avez pas soulevé cet aspect-là aussi clairement, si on veut. On pourrait parler même d'incohérence parce que, au fond, au niveau du discours, ici, on entend des discours sur la nécessaire formation, les besoins. On incite les jeunes à aller à la formation, tant professionnelle qu'universitaire.

J'ai assisté à l'automne à la commission sur l'enseignement supérieur concernant les collèges, les cégeps, et on a entendu beaucoup de beaux discours aussi, et de la part du gouvernement aussi.

Alors, on a un discours au niveau gouvernemental qui fait, d'une part, qu'on incite à la formation, on déplore le décrochage scolaire et on se demande quel genre de mesures on va mettre en place. Même que le gouvernement fédéral s'en mêle pour être sûr qu'on va réussir à contrer le décrochage scolaire. Remarquez bien que, quand le fédéral s'en mêle, je me pose toujours bien des questions sur combien ça va nous coûter en bout de ligne parce qu'on sait que, dans bien des domaines, et là comme ailleurs, il y a des chevauchements et des dédoublements qu'il faudrait peut-être regarder avant de penser à des coupures dans les services.

Puis ça, c'est au niveau du discours. On déplore et on incite les gens à aller se faire former, puis, en même temps, bien, quand on arrive au niveau des gestes, au niveau des propositions, à certains égards, on vient limiter l'accès à la formation. Dans ce sens-là, j'aimerais vous demander de vous exprimer là-dessus. Est-ce que vous trouvez aussi qu'il y a une certaine incohérence au niveau du discours et de l'action?

Le Président (M. Després): M. Rioux.

M. Rioux: Oui. Effectivement, on nous a fait savoir qu'on trouvait qu'on manquait de rigueur, mais je pense que cette accusation devrait être retournée au gouvernement parce que, finalement, on parle d'incohérence, effectivement. À la lecture du document, si on enlevait l'introduction et la conclusion, on pourrait dire que le document mène exactement... toute l'argumentation mène exactement au contraire des recommandations du document qui sont là. On ne voit pas vraiment... On voit les problèmes, puis là, les solutions qu'on nous amène, pour nous, c'est comme... ça ne règle rien de tout ça.

Donc, c'est ça. Et puis, donc, c'est ça aussi, pour la question de la rigueur, puis c'est encore... Je reviens aussi sur les conclusions versus le contenu du document.

C'est qu'on nous dit dans le document: Un des problèmes urgents, un des problèmes les plus flagrants, c'est les coupures du fédéral qu'on peut prévoir encore qui vont baisser. Mais là, entourloupettes, nous autres, on appelle ça des entourloupettes méthodologiques On manque de rigueur et on dit non... C'est vrai, notre programme dit: Nous autres, on est des fédéralistes.

Donc, il faut faire attention pour que nos conclusions ne reprennent pas les choses qu'on a relevées, les problèmes qu'on a relevés. Donc, il y a un problème là au niveau de la cohérence, effectivement, du gouvernement. Il fait des recherches. Ça devrait l'amener à telle conclusion. Mais là, il y a la politique qui rentre en jeu, il a son programme, puis là, bon bien, on fait des déviations pour arriver à d'autres recommandations. Ça, c'est ce qu'on appelle l'incohérence. Si ça prend l'indépendance du Québec pour résoudre certaines questions, bien, ça va prendre l'indépendance du Québec. Il ne

faut pas avoir peur de poser les gestes qui vont avec l'analyse qu'on a faite.

M. Renaud: L'autre chose, la question de l'incohérence. Je serais un peu... Je dirais que je critiquerais un peu la critique qu'on fait habituellement du gouvernement que je trouve un peu naïve, c'est-à-dire qu'on... Bon, certains groupes vont dire que ce que le gouvernement présente n'a pas de sens. Moi, je n'irai pas dans ce sens-là. Je pense qu'on n'a pas affaire à des gens totalement incompétents ou stupides. Non. Absolument pas.

Mme Carrier-Perreault: Ce n'est pas supposé.

M. Renaud: Je donne le bénéfice à M. Johnson et aux gens qui travaillent pour lui d'avoir une bonne formation et une bonne intelligence. Je pense que ce n'est pas ça qui est le problème. Ce n'est pas une absence de vision, mais c'est plus une vision qui est différente. Je pense que, quand on étudie à l'université, on sait qu'il n'y a pas juste une rationalité, qu'il n'y a pas juste un point de vue possible sur un sujet. Il peut y avoir plusieurs points de vue. C'est ce qu'on appelle le pluralisme. C'est ça qui rend la démocratie utile.

C'est normal que tout le monde ne soit pas d'accord. Le gouvernement a une vision, puis nous autres, on a une autre vision. Les deux sont cohérentes, mais les deux n'ont pas exactement la même logique. C'est ça qu'il faut voir.

Moi, je pense que c'est un... Il ne faut pas caricaturer les gens avec qui on n'est pas d'accord, parce que ça ne permet pas de faire avancer les choses non plus. La chose, cependant, que je trouve la plus tragique, je dirais, dans... Quand j'ai lu le document du gouvernement, je l'ai lu au complet, du début à la fin, et la chose la plus tragique, qui m'a frappé le plus, c'est que j'ai eu le sentiment, là, de... bon, je n'ai pas eu le temps de le lire cinq fois, là, dans le temps qu'on a eu pour faire le mémoire, mais ce qui se dégageait, c'est une espèce de spirale descendante, c'est-à-dire: plus on coupe, moins on a d'argent; moins on a d'argent, plus il faut qu'on coupe, parce qu'on a moins d'argent, puis, finalement, ça n'a pas de fin, ça n'a pas de fin.

C'est qu'on a nettement l'impression qu'on a abandonné une idée, tu sais, qui est née avec la révolution industrielle - moi, j'étudie en histoire, c'est une déformation professionnelle - qui est l'idée du progrès. Ça fait 200 ans qu'on a toujours l'Idée qu'on progresse, tu sais, que, comme... Aux Etats-Unis, le débat s'est fait beaucoup là-dessus aux élections présidentielles. Là, on va tous avoir pour la première fois une génération qui va vivre moins bien que ses parents. Je pense qu'il faut se poser des questions de fond face à un phénomène comme celui-là, parce qu'on a une vision de la richesse, on a une vision de la prospérité, du côté du gouvernement, d'après moi, qui est très contestable, parce que les services publics aussi, c'est une richesse. Ce n'est pas parce qu'un service public est gratuit-Un service public qui est gratuit, il faut considérer ça comme un revenu pour les gens qui en bénéficient. C'est comme un revenu, tu leur donnes quelque chose. Ça fait partie de leur richesse, même s'ils ne paient pas pour l'avoir. Si on coupe dans les services publics, on appauvrit les gens; on n'appauvrit pas tout le monde, parce qu'il y a toujours des gens qui vont pouvoir se les payer, ces services gratuits là qu'on abolit. Mais on appauvrit les gens en abolissant des services gratuits, et on réduit la...

Comme on a montré, il y a une corrélation très étroite entre la sous-scolarisation et le chômage élevé. Si on continue à couper dans l'éducation, il va y avoir encore plus de chômage structurel, on va être encore... l'inadéquation entre la formation des gens et les besoins du marché du travail va aller en s'accentuant, puis, à long terme, on va s'appauvrir collectivement. C'est sûr que ce n'est pas nécessairement tout le monde qui va s'appauvrir. Mais je dirais que la grande majorité de la population va s'appauvrir, et c'est ça qui fait qu'il y a peut-être des visions différentes.

M. Dubois: Moi, ce que je pourrais noter sur l'incohérence, oui, il y a une Incohérence au niveau social, au niveau des services sociaux, au niveau du progrès social; mais il y a une grande cohérence au sens de la vision du gouvernement. Soit, il y a une cohérence que le patronat a dit, bon, que les jeunes ne sont pas assez formés, que ça coûte trop cher, il faut couper. Donc, le gouvernement a décidé de répondre à ces demandes-là en augmentant les frais de scolarité, en chargeant, en facturant un secteur, soit les étudiants, pour leur formation, pour plaire aux entreprises privées, qu'eux autres vont bénéficier deçà.

Donc, il y a une cohérence dans le rapport, sauf que la cohérence, elle ne se fait pas dans notre sens à nous. Elle se fait au sens de la vision du gouvernement, très près, qui a une idéologie de privatisation, là, à l'extrême. Peu importe l'individu, peu importe la société, ce qu'on veut, c'est des entreprises qui sont productives et qui peuvent aller dans la globalisation des marchés, puis on se fout de l'individu. Mais l'individu, il faudrait que le gouvernement se rappelle que c'est lui qui le met au pouvoir, et le gouvernement est juste représentant des individus; et ça, quand il oublie ça, à un moment donné, bien, il arrive que l'incohérence, la population, elle va la dénoter et elle va prendre les mesures qui s'imposent pour répondre au gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Par rapport aux en-

treprises, justement, puisque vous êtes en train d'en discuter, vous avez apporté certains éléments et tout ça. Tantôt, vous avez mentionné des bourses d'études. Mais ça serait quoi, le biais, parce que ça aussi, c'a été longuement discuté, lors de la dernière commission sur l'éducation?

M. Renaud: ...par quel moyen les entreprises devraient contribuer...

Mme Carrier-Perreault: Oui, quel moyen vous privilégieriez, par exemple?

M. Renaud: Bon. Pour nous, ça pourrait prendre l'objet... l'aspect, comme j'ai mentionné tantôt, d'une réduction de certaines déductions fiscales qui sont déjà en place, pas nécessairement d'imposer des nouveaux impôts, mais de réduire les subventions, réduire les exemptions fiscales. C'est rendu, depuis quelques années, que, globalement, les entreprises reçoivent plus de paiements de transfert qu'elles ne paient d'impôts, là. Donc, je pense que ça, c'est une première chose.

Tu sais, on n'a pas nécessairement besoin d'inventer une nouvelle taxe, mais plutôt de réduire certains abris fiscaux qui sont présents, notamment l'exemption de la taxe de vente qui coûte, comme j'ai dit tantôt, 850 000 000 $, ce qui est une somme astronomique, beaucoup plus élevée que le coût de toutes nos revendications. Donc, ce serait une première avenue. (13 heures)

Éventuellement, peut-être... on calculait, à un moment donné, qu'une taxe sur la masse salariale de 0,25 % serait suffisante pour nous donner la gratuité scolaire. Bon, ce n'est pas une augmentation astronomique du fardeau fiscal des entreprises, surtout quand on compare, effectivement, avec les statistiques qu'on a de l'OCDE de 1990 qui montrent que le Canada fait porter... La proportion du fardeau fiscal qui est portée par les entreprises est plus faible au Canada que dans tous les autres pays du Groupe des Sept. Donc, je pense que ça ne serait pas trop demander, une légère diminution des abris fiscaux ou une légère augmentation des Impôts aux entreprises.

Il y a une chose qu'il faut qu'on dise clairement, qu'on n'a pas eu le temps d'expliquer tantôt, c'est que - je vais vous le mentionner un petit peu - pour nous, c'est important de maintenir un système public d'éducation. On est totalement contre les élans vers la privatisation de l'enseignement supérieur et tout ça, puis, bon, de refiler de la formation professionnelle dans les entreprises. La ministre Robillard a annoncé dernièrement qu'elle prônait des certificats d'enseignement technique maison dans chaque collège. À un moment donné, c'est, comme je disais... ça peut être rationnel à court terme, du point de vue des entreprises, de former des gens à avoir une formation très pointue pour faire la job x dans l'entreprise y, mais pour la personne qui reçoit cette formation-là, elle est complètement démunie si jamais son entreprise ferme ou si elle se fait congédier. Elle n'a aucune compétence ailleurs si sa formation est trop ultraspécialisée. Ça, c'est quelque chose qu'on condamne. C'est pour ça qu'on s'opposerait à ce que les entreprises puissent décider: On va financer le programme x du cégep machin chose et on ne financera pas le reste du système d'éducation. Ça, on est totalement contre parce que ça amènerait à privilégier les intérêts à court terme des entreprises plutôt que les intérêts à long terme de l'ensemble de la société.

Mme Carrier-Perreault: Autrement dit, une formation générale de base importante pour tout le monde, et ça, il faut préserver ça. La formation pointue, la spécialisation appartient toujours...

M. Renaud: Puis, même au niveau de l'enseignement technique, c'est important que les gens qui ont un enseignement technique aient un minimum de polyvalence, un minimum de mobilité, puis ça, ça demande plus qu'un an d'études. Ça n'a pas de bon sens.

Mme Carrier-Perreault: Vous avez aussi parlé du dossier des femmes. Écoutez, là, je sais qu'il me reste très peu de temps. Vous avez parlé des problèmes que les femmes et les filles connaissent au niveau du marché, les iniquités, les inégalités. Vous avez aussi parlé des problèmes au niveau de la possibilité d'atteindre la formation, d'avoir des prêts et bourses, entre autres. C'est ce dossier-là surtout. J'aimerais ça que vous expliquiez ça davantage parce que, hier justement, les groupes de femmes sont venus. Il y en a plusieurs qui ont expliqué que, justement, la formation devrait être la priorité aussi chez les femmes, était une des priorités.

Le Président (M. Després): Juste une courte réponse puisque, avant même de poser votre question, Mme la députée...

Mme Carrier-Perreault: Je navals pas fini, M. le Président.

Le Président (M. Després): ...le temps était terminé. Donc, vous étiez dans la dernière minute. On m'avait déjà fait signe, avant que vous commenciez à parler. Vous étiez... Donc, une courte réponse, le temps étant déjà...

Mme Carrier-Perreault: Bien, je pense que ça serait peut-être intéressant d'entendre...

M. Renaud: Est-ce qu'on peut avoir un petit deux minutes, étant donné l'importance de cette question-là? Vu que 60 % de nos membres sont

des femmes, on aimerait pouvoir répondre deux minutes.

Le Président (M. Després): Non, non. Je ne vous ai pas empêché de répondre. Je vous ai dit tout simplement de...

M. Renaud: Ah, O.K. C'est correct. Je voulais juste être sûr.

Le Président (M. Després): ...d'être bref.

M. Renaud: Merci bien. Je dirais qu'il y a plusieurs éléments qui font que la situation des étudiantes n'est pas la même que celle des étudiants. Entre autres, il y a beaucoup de mères monoparentales qui étudient à l'université. Ces personnes-là vivent des situations de pauvreté extrême, ont des problèmes de service de garde. Je connais des cas, par exemple, de femmes qui ont une subvention pour la garderie jusqu'à 17 heures, mais que leur cours est de 18 heures à 21 heures. Donc, elles n'ont pas de garderie pendant leur cours, puis, bon, il y a des problèmes comme ça.

Les services de garderie en institution dans les universités sont nettement inadéquats, tout ça. Puis les universités n'ont pas les ressources pour en assumer de meilleurs parce qu'elles sont systématiquement sous-financées. Elles ont de la misère à acheter des livres dans les bibliothèques, tout ça. Ça, ça fait partie des services de petites choses simples. De donner des services de garderie aux étudiantes qui ont des enfants pour leur permettre d'aller à leurs cours, c'est des choses très simples comme ça.

Et aussi, une autre différence Importante, c'est la situation des femmes après les études, c'est-à-dire que les femmes sont encore confinées, pour une bonne part, dans des ghettos d'emploi, tout ça, sous-rémunérés et tout. Puis il y avait une statistique assez... qui m'a jeté en bas de ma chaise quand je l'ai vue, du recensement de 1986, que le revenu moyen des femmes qui ont un bac était inférieur à celui des hommes qui ont un diplôme d'études secondaires. Donc, c'est tout un ensemble de problèmes. Ce n'est pas juste à l'université qu'on peut régler ce problème-là. Entre autres, pour l'accès à l'éducation, la question des congés de maternité, des garderies, tout ça, est extrêmement importante pour les étudiantes, pour leur permettre d'avoir un accès équitable à l'éducation. Il y a la question de l'autonomie financière versus le conjoint, aussi, qui est assez importante.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Després): Merci, M. Renaud. Juste une courte intervention pour remercier, que le ministre...

M. Johnson: Je remercie M. Renaud et ses deux collègues d'avoir mis, surtout à la fin, quelques points sur les «i». Je pense que c'était important de voir qu'il y a une différence de vision, là, comparer la situation d'aujourd'hui avec ce qu'on pourrait faire. C'est parfaitement valable, sauf que nous, on est obligés d'ajouter, compte tenu de ce qu'on a les moyens de faire et de ce que les autres font autour de nous. C'est ça, la dimension qui vient rendre l'exercice plus complexe, et on est à la recherche d'une solution, évidemment, pour ne pas vous endetter davantage. C'est ça, notre objectif; on ne veut pas vous endetter davantage que vous ne l'êtes actuellement.

Le Président (M. Després): M. Renaud, M. Dubois, M. Rioux, on vous... au nom des membres de cette commission, je vous remercie de votre présence sur la consultation sur les finances publiques.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures...

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Després): ...pour recevoir l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président (M. Lemieux): Nous attendons les membres de l'Opposition. Des circonstances vraiment particulières empêchent les membres de l'Opposition d'être présents. C'est des circonstances d'ordre professionnel et technique, à ce qu'on me dit. On m'a demandé d'attendre encore deux minutes. Je vais attendre encore deux minutes, là - ce sont des choses sur lesquelles je n'ai pas de contrôle - et nous allons commencer. (14 h 17 - 14 h 18)

S'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec.

Je demanderais au porte-parole de l'organisme de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Le débat sera d'une durée totale d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange avec les deux formations politiques, d'une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à vous écouter.

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ)

M. Beaudoin-Rousseau (Orner): Merci, M. le

Président.

M. Levesque, M. Johnson, membres de ladite commission, mon nom est Orner Rousseau. Je suis vice-président exécutif de l'Association provinciale. Je vais me permettre de vous présenter, évidemment, la table. Donc, à ma gauche, c'est M. Marc-André Régnier, conseiller en santé et sécurité; à mon extrême droite, M. François Bernier, directeur du service économique, qui aura aussi la tâche de faire la présentation du document - en tout cas, quant à son contenu - et aussi le président de l'Association provinciale, M. Gaétan Rouillard, qui est un entrepreneur en construction.

Alors, sur ce, je veux simplement vous dire que mon intervention se limite à ceci, pour l'instant, et j'aurai peut-être à intervenir dans le cadre des questions. Je demanderais simplement au président d'en faire la présentation.

M. Rouillard (Gaétan): M. le Président, MM. les ministres, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, l'APCHQ, est un organisme à but non lucratif qui regroupe plus de 10 000 entreprises oeuvrant principalement dans l'industrie de l'habitation. Ensemble, les membres de l'Association réalisent plus de 80 % des travaux de construction résidentielle au Québec. Depuis 30 ans, l'APCHQ est le principal porte-parole de l'industrie de l'habitation. En 1976, nous avons institué le programme de Garantie des maisons neuves, qui couvre et qui a couvert, à partir du début, plus de 250 000 unités résidentielles. En 1985, nous avons institué aussi le programme de Garantie rénovation en vue d'encourager et de structurer le monde de la rénovation. Aussi, i'APCHQ tient à travers la province une dizaine d'Expo-Habitat en vue de promouvoir, toujours, les produits et les achats à faire au niveau de l'habitation.

De façon générale, les constructeurs d'habitations du Québec, l'Association APCHQ, ont largement contribué à élever les normes de qualité en usage au sein de l'industrie et à Informer adéquatement les consommateurs québécois. C'est donc à titre d'experts en habitation et de représentants d'une part importante du patronat, agissant dans tous les secteurs de la construction, que nous vous soumettons notre position sur le présent dossier. Je vais céder la parole à M. François Bernier, qui est économiste à l'APCHQ, pour vous présenter le dossier. Merci.

M. Bernier (François): Merci. Alors, à mon tour, j'aimerais peut-être signaler que notre mémoire, évidemment, a touché un certain nombre de points et, autant que possible, j'essaierai de revenir et de commenter chacun de ces points-là. Mais je pense qu'en ouverture c'est important d'essayer de donner aussi clairement que possible le message qu'on tente de laisser Ici, à la commission.

Alors, je pense qu'en prenier lieu le message est simple, dans le sens qu'il s'agit pour le gouvernement de réduire la taille de ses activités. Autant qu'on peut en juger par les documents qui nous ont été présentés, les positions qui ont été émises, alors, je pense qu'on est devant un constat qui est là, pour le gouvernement, de réduire tout simplement la taille de l'appareil. Et, parallèlement à ça, notre position est qu'il est important d'engager un processus de déréglementation dans certaines industries. À mesure que le gouvernement pourra se retirer du fonctionnement de la mécanique dans plusieurs industries, dont la nôtre, alors, on va atteindre parallèlement, je pense, deux objectifs importants: la réduction de la taille de l'État va de pair avec la santé économique générale. (14 h 20)

C'est une question d'équilibre fiscal pour le gouvernement; c'est une question de compétitivité pour les entreprises que de voir le gouvernement se désengager. Il est temps de donner de l'air à l'industrie de l'habitation en particulier, en réduisant au niveau fiscal toutes les charges qui sont indirectement liées à la main-d'oeuvre elle-même, qui touchent à la main-d'oeuvre, et particulièrement, dans ce domaine-là, ce qui touche à la CSST. Or, on verra tout à l'heure dans quelle mesure les frais liés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail ont un poids considérable pour la performance des entreprises de construction. Alors, il faut modifier, je pense, pour donner de l'air, encore une fois, à l'industrie.

Il est important de jeter un regard sur les règles de fonctionnement de la taxe de vente du Québec et sur d'autres règles qui sont bien particulières au fonctionnement de notre industrie, quand on pense à notre matière première, entre autres, qui est le terrain. Alors, sur ces points-là, on essaiera de revenir. Il est important également, comme orientation générale, d'éviter l'accroissement des taxes. Qu'on parle de taxation des entreprises ou de taxation des particuliers, je pense que c'est une avenue à éviter autant que possible et à conserver à l'esprit. Et la dernière grande ligne de pensée, c'est qu'il est important d'éviter de solutionner un problème de déficit en référant le problème à d'autres instances de gouvernement, notamment les instances locales. En tout cas, certainement pas avant qu'il y ait consensus avec ces instances-là, et pas sans compensation financière appropriée.

Alors, pour revenir sur ces points, le premier: Sur la fiscalité des entreprises en particulier, je pense que certaines études qui vous ont été présentées ont démontré, à toutes fins pratiques, que le... Si on prenait, par exemple, le secteur manufacturier, le poids de la fiscalité dans son ensemble était suffisant et était comparable à ce qu'on retrouve dans d'autres juridictions, notamment en Ontario. Alors, il a été identifié que la source, ce qui

faisait qu'on avait une taxation assez élevée et suffisante dans le secteur manufacturier, était essentiellement la taxe liée à la masse salariale. C'est ça qui faisait qu'on était pas mal taxé, finalement, au Québec, au niveau des entreprises manufacturières.

On a dit, à cette occasion-là, que cette structure de taxation, qui se fie beaucoup sur la masse salariale, avait des désavantages pour les petites entreprises et, évidemment, posait problème lorsqu'il y avait des retournements de la conjoncture économique. Alors, il y avait tout un danger de dérapage et de voir les entreprises ne pas survivre à une mauvaise conjoncture économique. Or, le secteur résidentiel, par rapport à tout ça, est certainement un secteur où on retrouve de petites firmes, des firmes pour qui la main-d'oeuvre a une très grande importance et des firmes, donc, qui vont subir le plein fouet d'un régime de taxation qui mise beaucoup sur la main-d'oeuvre. D'ailleurs, à cet effet-là, on a voulu présenter un tableau - je crois que c'est celui de la page 22 - et peut-être signaler... J'espère que ce n'est pas le cas pour vous, mais il semble que, dans le tableau 7 de la page 22, il manque, dans certaines des copies, dans un des petits carreaux, la référence; alors, sous Régie de l'assurance-maladie du Québec, RAMQ, évidemment, c'est le titre CSST qui doit figurer là. J'espère que vos copies sont complètes; certaines ne l'étaient pas.

Alors, ce tableau-là vise à faire un résumé de la situation, justement, de ce qui se passe relativement à la masse salariale dans notre industrie. Globalement, on peut constater que, dans le secteur de la construction, pour un entrepreneur général ou spécialisé, nos deux grandes catégories d'intervenants, les taux, une fois cumulés et en tenant compte, encore une fois, de la CSST, sont facilement de moitié plus élevés, sinon deux tiers plus élevés que ce qui peut être Identifié dans Ie secteur manufacturier. Cette réallté-là nous frappe d'autant plus que, en partant, les salaires, la rémunération elle-même dans le secteur de l'habitation est de l'ordre de 38 % plus élevée que la moyenne des salaires dans le secteur manufacturier. Alors, on a deux facteurs qui se combinent, et ce n'est pas long qu'on peut voir toute l'importance que prend la taxation sur la masse salariale.

Peut-être pour mettre ça en relief, en dernier lieu, c'est le tableau de la page suivante, qui montre la progression des items, des divers items qui touchent à la masse salariale. C'est assez frappant de voir, si on regarde complètement à droite, l'indice des prix à la consommation, comment tous les autres éléments de notre structure de coûts liés à la main-d'oeuvre sont partis en flèche depuis 10 ans. Alors, c'est considérable, et je pense qu'il est important de prendre note de cette tendance-là. Donc, s'il y a un message, peut-être, à retenir au niveau de la fiscalité des entreprises québécoises dans le secteur de l'habitation, c'est évidemment de porter une attention particulière au poids des charges liées à la main-d'oeuvre et, autant que possible, de mettre en place les mesures qui vont permettre d'alléger le poids de cette taxation-là.

L'autre facteur qui est intimement lié au fonctionnement de notre industrie, c'est la réglementation même de notre industrie qui va amplifier... On le mentionnait tout à l'heure au niveau des salaires, nos salaires sont réglementés, et ce n'est pas, évidemment, le seul item qui est réglementé dans notre industrie. Il faut prendre conscience que la réglementation de notre Industrie, combinée à la fiscalité elle-même, crée une situation tout à fait étouffante pour les industries du secteur de l'habitation. On a compté très facilement des lois qui, directement ou indirectement - 20 ou 25 lois - viennent régimenter notre industrie, mais principalement une loi au niveau des relations de travail, qui nous cause un grave problème.

Alors, si on peut reprendre, dans l'ensemble, la situation, il y a deux recommandations qu'on tient à laisser. Alors, en même temps que le gouvernement se désengage, qu'il fasse sauter, évidemment, les règles administratives inutiles et qu'il déréglemente le secteur de l'habitation. C'est une question de compétitivité pour nous. Et plus particulièrement par rapport à la taxation de la masse salariale, je pense que l'item CSST saute tellement au visage qu'il est temps qu'on entreprenne des mesures correctrices à ce niveau-là. Notamment, il est temps qu'on examine la privatisation du système. Mais peut-être, en tout premier lieu, qu'il est temps qu'on réexamine la couverture elle-même du système. C'est un régime beaucoup trop généreux, qui devient insupportable.

En deuxième lieu, sur le plan local, encore une fois, on a souvent utilisé le mot «pelletage», mais parions de partage de responsabilités entre le niveau provincial et le niveau local. C'est une opération qui a été commentée lorsqu'elle a eu lieu et qui avait, pour nous, une incidence bien particulière pour le secteur de l'habitation. L'introduction de taux différenciés de taxation entre le secteur de l'habitation et les autres secteurs, dans notre optique, ressemblait beaucoup à ce qui était le modèle ontarien, et pouvait mener a une situation où le secteur de l'habitation serait l'enfant pauvre du financement des municipalités. Et, tôt ou tard, il faudra rééquilibrer le système et, comme par magie, c'est évidemment le secteur de la construction neuve qui va ramasser cette facture-là, puis c'est le cas en Ontario.

Alors, il est important d'éviter de répéter une expérience selon le cadre qu'on a devant nous et, à ce niveau... Si, par contre, il doit y avoir un nouveau partage de responsabilités, je pense qu'une des avenues quand même intéressante c'est de voir à ce que les instances locales aient accès à autre chose que le foncier, parce

qu'on sait tous... Je veux dire que c'est quand même la principale, sinon l'unique source de financement des instances locales. Alors, il serait intéressant, éventuellement, de se pencher sur les autres formes de financement qui pourraient s'offrir au niveau local.

Finalement, un commentaire au niveau de la taxe de vente du Québec. Je pense qu'il y a lieu de signaler, en tout cas, que pour ce qui concerne le secteur de l'habitation, face à nos clients et à l'intérieur de nos entreprises, la taxe de vente du Québec, quand même, cause problème. Il s'agit d'un régime qui effraie un peu les consommateurs; la visibilité n'aide pas, mais on comprend cette réalité-là. Ce qui est, par contre, le principal enjeu pour nous, c'est que l'harmonisation demeure boiteuse avec le régime de la TPS. C'est vraiment au niveau des crédits et des modalités de déclaration que se situe le coeur du problème de l'application de la TVQ à l'heure actuelle. C'est une taxe qui passerait 10 fols mieux dans cette industrie-là si on avait une bonne harmonisation des crédits à la base et, évidemment, des périodes de déclaration. Toute la lourdeur administrative est liée à ça.

Face aux clients, c'est un autre enjeu et, évidemment, je pense qu'il est très Important de rappeler que c'est une taxe qui a définitivement porté l'industrie à s'interroger sur quel serait l'impact de ça à long terme et pour la clientèle, pour l'accession à la propriété. En tout cas, toute autre mesure qui viendrait toucher la taxe de vente du Québec devra, à notre avis, garder en lumière un principe de neutralité de la taxe de vente du Québec dans le secteur de l'habitation. Alors, au départ, une harmonisation des crédits et, pour la suite, un principe de neutralité doit faire partie de la réflexion.

Je pense que je dois presque terminer. C'est tout? Alors, je vous remercie. Ah! Est-ce que j'ai un petit peu de temps? Je croyais que je devais abréger.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, oui, si vous avez quelque chose à ajouter. Est-ce que vous avez terminé?

(14 h 30)

M. Bernier: Ah! Il y a un point. Je m'excuse, je croyais avoir vraiment écoulé mon temps. Sur la question des terrains, on a voulu commenter la situation bien particulière des terrains qui sont pour nous, évidemment, un intrant. Du point de vue de la taxe de vente du Québec ou de la TPS on ne questionne pas le fait que c'est un intrant. Si on a de la taxe à payer - et encore - évidemment, cette taxe-là sera reconnue, déductible; pas de problème, on va en prendre crédit.

Par contre, il y a un autre aspect de la fiscalité des entreprises de construction qui fait en sorte que, bon, au-delà d'un certain montant de terrain, les intérêts que l'on verse sur les emprunts contractés pour financer ces terrains-là ne sont pas déductibles. Il nous semble que cette mesure-là n'a pas lieu. Peut-être qu'à une époque elle a eu lieu parce qu'on était venu à juger que l'achat de terrains, c'était de la spéculation et il fallait, à toutes fins pratiques, peut-être un peu pénaliser les gens qui faisaient de la spéculation. Mais, pour nous, il est très clair, dans le marché actuel, que ce n'est qu'un intrant et que, comme tout intrant d'entreprise, comme tout inventaire de matières premières dans une entreprise, les intérêts qu'on paye sur ces terrains-là, sur nos matières premières, devraient être déductibles. Alors, par esprit d'équité, c'était le dernier point qu'on voulait soulever.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Alors, M. le Président, permettez-moi de souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et à leurs représentants, qui ont présenté un mémoire fort bien étoffé, fort intéressant, touchant les points évidemment qui nous concernent dans ce forum sur le financement des services publics.

Évidemment, ça concerne... Comme vous l'avez dit dans votre présentation, vous voulez plutôt parler de votre affaire que de toutes les affaires en général, et c'est pour ça peut-être que vous avez oublié nos préoccupations, c'est-à-dire comment faire face à l'endettement accumulé. Je ne m'imagine pas que vous voulez l'augmenter, malgré que vous dites que d'autres se prononceront au sujet de la dette publique ou du financement des services sociaux. Alors, enfin, je m'imagine bien que vous êtes de l'avis de plusieurs qui sont venus ici nous dire que l'endettement était suffisamment élevé, car si ce n'était pas le cas, j'aimerais vous l'entendre dire. Vous dites, cependant: «Que le gouvernement renonce à taxer davantage les travailleurs et les entreprises. Qu'il songe plutôt à réduire la taille de l'État, car le déséquilibre des finances publiques semble structurel.» Alors, vous répondez là, évidemment, partiellement à la question.

Vous avez abordé, par la suite, des sujets qui portent surtout sur votre propre fonctionnement comme constructeurs d'habitations. Vous me permettrez simplement de toucher trois points qui semblent être très importants dans votre approche. D'abord, lorsque vous parlez de la CSST... C'est là évidemment que, lorsqu'on regarde vos tableaux, on s'aperçoit que le différentiel qui peut exister avec d'autres secteurs de l'industrie ou le secteur manufacturier vient surtout du fait de la CSST. Si on regarde un tableau du secteur construction, on s'aperçoit que, dans la promotion, construction ou rénovation de bâtiments, installation de maisons préfabriquées, le taux serait de 8,74 %, taux général; travaux de démolition, 21,94 %; travaux de ciment, 12,38 %; montage de charpen-

tes métalliques, 17,58 %, alors que la moyenne du secteur construction, taux moyen, est de 2,75 %. Alors, c'est les chiffres qu'on m'a remis, il y a quelques instants. Si ce n'est pas exact, je vous prierais de m'en informer et je ferai parvenir à ceux qui m'ont fourni ces chiffres les correctifs que vous voudrez bien y apporter. Mais soyez sûrs de votre affaire, parce que, d'habitude, les chiffres sont assez exacts, de ce côté-ci.

La CSST, je comprends que ça peut créer un problème, mais vous savez que nous avons apporté des modifications législatives, il y a moins d'un an, par exemple, par la possibilité pour la CSST d'avoir recours à une contre-expertise médicale et de ne plus être liée au bout d'un délai de 30 jours par la décision du médecin traitant du travailleur; par l'assouplissement et la simplification du processus d'arbitrage médical; par la restriction du droit d'appel aux causes impliquant un montant d'au moins 1000 $; par l'application immédiate des décisions des bureaux de révision, même en cas d'appel. Alors, peut-être il faudrait voir comment ces choses-là vont se traduire dans le déficit de la CSST, comment, autrement dit, vous pourriez être soulagés par les effets de cette...

Il faut attendre un peu pour voir les effets, mais ça ne change pas le fait que, d'après les chiffres que vous avancez, c'est un problème chez vous. C'est clair. Mais est-ce que c'est le risque qui est plus élevé chez vous, pour justifier des taux comme ça? La CSST ne relève pas d'un ministère du gouvernement comme tel. Comme vous le savez vous-même, c'est un organisme qui est autonome et où on trouve, au conseil d'administration, une situation où c'est la parité qui règne entre l'entreprise, le patronat et le syndicat. Alors, vous avez évidemment des représentations à faire là, en premier lieu. Vous avez sans doute fait ça. J'en suis convaincu.

Vous parlez ensuite de la TVQ. Ça, ça relève plus directement de celui qui vous parie. Vous parlez d'une nécessité d'harmonisation. Or, soyez sûrs que c'est exactement ce que nous voulons. Et nous avons, justement, pris des dispositions, il y a déjà deux ou trois ans, pour être sûrs que nous puissions arriver à une harmonisation parfaite. Elle est imparfaite pour le moment, mais nous avons franchi des étapes extrêmement importantes lorsque nous avons réussi, et ça, c'a été, à mon sens, un plus qu'on ne voit pas souvent, de voir que le tout soit sous une seule administration. La TPS fédérale et la TVQ sous une seule administration, et l'administration, c'est le Québec. Ça, c'est une chose qui n'était pas facile à réaliser. C'est réalisé maintenant.

Deuxièmement, il est vrai que, sur le côté des remboursements des taxes sur les intrants, le remboursement se faisait mensuellement et, ailleurs, ça se faisait trimestriellement. Il y avait donc une non-harmonisation entre le Québec et le gouvernement fédéral. Nous avons, tout der- nièrement, réussi à faire disparaître une grande partie de cela, alors que, sur les 400 000 mandataires, il y en a 265 000 qui peuvent maintenant faire une déclaration trimestrielle.

Sur la question de la façon que ça procède, il y a encore une harmonisation nécessaire, et vous avez raison de le souligner. Mais, là il y a une question constitutionnelle qui nous barre la route pour ne pas avoir le même processus par étapes par lequel s'exerce la TPS. On voudrait bien que ça se passe en même temps et de la môme façon à la TVQ, mais il y a là des doutes au point de vue constitutionnel. Nous avons pris des dispositions afin que nous puissions, dans un avenir pas trop éloigné, voir à ce que cet empêchement-là soit enlevé, soit par une décision de la Cour suprême, qui réglerait la question, dans un avis que la Cour suprême pourrait nous donner, ou encore, par un amendement constitutionnel. Mais je pense qu'il est désirable de pouvoir avoir une harmonisation complète de ce côté-là. (14 h 40)

Donc, ce que vous suggérez, d'avoir une harmonisation complète, c'est ça que nous désirons. Nous avons fait beaucoup de chemin de ce côté-là, il en reste encore à faire, mais n'oubliez pas que ce n'est que depuis le 1er juillet dernier que nous avons entrepris toute cette administration unique. Le ministre du Revenu ici, lui, II est bien fier d'avoir pu faire autant de choses dans si peu de temps. Vous autres, vous êtes encore plus pressés, je vous comprends, mais soyez sûrs que c'est notre objectif de pouvoir réaliser pleinement cette harmonisation.

Quant à la structure d'attaque... Vous parlez de la masse salariale. C'est entendu que c'est une structure dont nous avons hérité de nos prédécesseurs, qui, en 1981, si ma mémoire est fidèle, ont changé cette structure. Mais il faut être juste aussi. En changeant la structure, autrement dit en mettant un accent sur la masse salariale, le financement des services de santé, d'une part, la taxe sur le capital, d'autre part, il y a eu, en même temps, une diminution des taux d'impôt des revenus des corporations. Autrement dit, une corporation qui fait des profits, qui est réellement en train de bien réussir, elle va sûrement être plus heureuse, à moins qu'elle ait une masse salariale tellement forte par rapport aux autres éléments que ça puisse peut-être avoir des effets sur l'équilibre. Mais, en général, le fait est que, au lieu d'avoir, comme dans les autres provinces, un taux d'impôt plus élevé, nous avons ici un taux d'impôt, et pour les petites entreprises et pour les grandes, beaucoup moindre qu'ailleurs. Alors, ça, il faut en tenir compte quand on parle du fardeau du financement des services de santé ainsi que la taxe sur le capital.

Je voulais simplement rappeler ça parce que c'est un fait historique. Ça dure depuis 12 ans

comme ça au Québec. Ça ne veut pas dire que c'est éternel. Peut-être qu'à un moment donné on jugera à propos de changer cette structure, mais la structure a été apportée à un moment... Vous vous rappelez, c'était l'autre récession, avant, alors que les bénéfices de société étaient un peu comme aujourd'hui, ils avaient tombé d'une façon assez drastique, de sorte qu'on a pensé pouvoir avoir des revenus en allant du côté de la masse salariale et du côté de la taxe sur le capital, tout en diminuant l'impôt sur le revenu des corporations, qui était devenu moins intéressant pour l'État. Bon. Alors, nous avons continué dans ce sens-là, mais je pense qu'en toute justice il fallait rappeler qu'il y a eu là des modifications qui ont été apportées pour, un peu, équilibrer les choses.

Alors, je vous laisse avec ça. Cependant, si vous aviez des commentaires à faire sur ce que je viens de dire, des correctifs à apporter, soyez bien à l'aise.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Beaudoin-Rousseau: II y aurait peut-être lieu, justement, de revenir sur votre premier point qui concerne la CSST. Si tu veux...

M. Régnier (Marc-André): Oui.

M. Beaudoin-Rousseau:... Marc-André, tu pourrais peut-être faire le point là-dessus. Je comprends, par exemple, préalablement, que, au niveau de la CSST, c'est un organisme à part qui s'administre à part, donc qui ne fait pas partie, évidemment, du gouvernement. Néanmoins, ils ont à administrer des lois que les gouvernements passent, et lorsque, évidemment, c'est-à-dire... Les lois exigent quand même des façons de compenser; alors, évidemment, on est aux prises avec, peut-être, le problème de le financer, comme le gouvernement le mentionne. Néanmoins, je pense qu'on pourrait peut-être faire quelques commentaires. Marc-André.

M. Régnier: Simplement, rapidement. Les taux que vous nous avez donnés, M. Levesque, reflètent...

M. Levesque: Si vous permettez, c'était le taux moyen général, hein...

M. Régnier: Général.

M. Levesque:... pas seulement sur la construction.

M. Régnier: Exactement. De plus, les taux que vous nous avez cités pour le secteur construction étaient les taux effectifs en 1992. Or, depuis le 1er janvier 1993, vous pouvez majorer ces taux de moyenne de 20 %. Je prends un exemple rapidement.

Travaux de démolition, on est passés de 21, 94 $ à 27, 74 $ depuis le 1er janvier. Par tranche de 100 $ de masse salariale, une hausse effective de 26 % et un peu plus. C'est le taux...

M. Levesque: Alors, ça ne fait que confirmer votre thèse à l'effet que la CSST est pour vous un problème.

M. Régnier: Est un fardeau...

M. Levesque: À moins que vous soyez un problème pour la CSST, je ne le sais pas.

M. Régnier:... important. M. Levesque: Ha ha, ha!

M. Régnier: Justement, vous nous avez posé la question très justement, à savoir: Est-ce que, entre le manufacturier et la construction, c'est simplement l'indice de risque qui faisait varier? Il est évident que l'indice de risque est supérieur. Toutefois, on est aux prises avec certains problèmes au niveau de la gestion même de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Rapidement, le fait que les travailleurs de la construction ne soient pas reconnus comme travailleurs saisonniers aux (Ins de calculer l'indemnisation des travailleurs pose un sérieux problème. On voit des gens qui, normalement, établissent des revenus de 20 000 $, 25 000 $, 30 000 $, 35 000 $ se voir compenser à pleine mesure par la CSST jusqu'au maximum assurable que l'on connaît, de 46 500 $. Ça, c'est un problème fondamental au niveau de la construction.

L'autre problème est celui qui touche également et notamment le Conseil du trésor. C'est le fait que 90 % du salaire, qui était la volonté du législateur au niveau de l'indemnisation, se traduit, dans les faits, par des montants qui peuvent aller jusqu'à 115 % du revenu du travailleur, dépendamment des périodes de prestations et du jeu d'équilibre qui se fait entre les périodes de travail et les périodes de prestations. Alors, ça, ce n'est pas caractéristique aux problèmes de la construction, mais vient ajouter au poids que l'on donne.

Pour revenir rapidement également sur le projet de loi 35, on est d'accord sur le fait qu'il n'a pas été encore mis à l'épreuve, si on veut, mais, pour les raisons que Je viens de vous citer, on pense que, de toute façon, II faut travailler au niveau des bénéfices de la CSST, de la façon dont les calculs sont faits au niveau de l'indemnisation, essentiellement.

Un problème également que l'on trouve dans la construction, c'est celui du col blanc. Je vous laisse simplement sur les taux qu'on a donnés tout à l'heure, qui s'adressent également aux travailleurs de bureaux dans l'industrie de la construction, sans parler ou sans égard à l'indice de

risque. Si je suis un entrepreneur en démolition et que j'ai une secrétaire à temps plein dans le bureau, je vais payer, par tranche de 100 $ de masse salariale de cette secrétaire, le taux de 27,74 $, soit 28 % presque de la masse salariale de ma secrétaire. Ça pose un problème certain, d'autant plus que les masses salariales sont assez importantes ou, en tout cas, de beaucoup plus importantes que celles du manufacturier.

Le Président (M. Lemleux): Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de contester ces taux à la CSST?

M. Régnier: De façon régulière, nous avons affaire avec la CSST. Nous leur présentons un mémoire année après année. En fait, même au niveau du projet de loi 35, on a envoyé un mémoire assez éloquent au ministre où on faisait état de ces problèmes, pour les libeller, à ce moment-là.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Marais: Merci, M. le Président.

Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Je trouve votre mémoire fort intéressant, et je vais venir avec des questions assez précises. Mais, cependant, j'aimerais peut-être, à ce moment-ci de nos travaux, faire remarquer au ministre des Finances qu'il s'est assez bien adapté, finalement, à la taxe sur la masse salariale, puisqu'il a continué de la hausser sans la modifier. Alors, donc, ça ne devait pas lui déplaire tant que ça, et cela fait au moins sept ans qu'il est ministre des Finances.

Cela étant dit, il a fait état aussi de problèmes constitutionnels relativement à l'imposition de certaines formes de taxes qui ne sont pas de l'autorité des provinces et, donc, avec lesquelles le Québec a certaines difficultés. Vous nous faites remarquer, dans votre mémoire, que les gouvernements devraient payer leur «en lieu» de taxes promis aux municipalités. C'est une des recommandations, d'ailleurs, de votre mémoire. Je vous ferai remarquer qu'un autre gouvernement que celui qui est ici à Ottawa a décidé, justement, dans ses dernières mesures budgétaires et fiscales, de geler les paiements d'«en lieu» de taxes et dans les hausses qui étaient prévues en termes de paiements d'«en lieu» de taxes. Ce que ça veut dire, c'est qu'on pelletera sans doute encore un peu plus de déficit de notre côté, et ça viendra alourdir d'autant plus le fardeau des Québécois et des Québécoises. Bon. (14 h 50)

Je veux maintenant venir à des questions précises. Vous suggérez, dans votre mémoire, qu'il y ait des discussions avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'application de l'assurance-chômage dans le secteur de la construction. Et vous dites: «D'un régime de soutien au revenu, ce régime doit retrouver sa vocation d'assurance. Il doit également favoriser la présence au travail plutôt que l'inverse.» À quoi pensez-vous quand vous suggérez qu'il y ait des négociations entre Québec et Ottawa sur ces questions?

Vous savez que le ministre a, à toutes fins pratiques, reçu une fin de non-recevoir pour ce qui a trait à l'intégration de toutes les mesures de formation professionnelle et de soutien à l'emploi dans le sens d'une réinsertion par la formation. Ce dossier-là est aussi un dossier, évidemment, très Important pour tout ce qui concerne le soutien au revenu.

Alors, j'aimerais un peu vous entendre sur les attentes que vous avez à cet égard-là d'une façon un peu plus précise.

M. Bernier: Je pense qu'il est important de signaler quand même la problématique de notre industrie, dans un premier lieu. C'est connu, c'est connu de tout le monde. Le chômage, dans notre Industrie, c'est quelque chose qui est non seulement courant, ça atteint presque un mode de vie. D'ailleurs, si on veut voir le problème à l'envers, on en a discuté récemment, il n'y a pas d'intérêt pour un travailleur de la construction sur le chômage à quitter sa situation et revenir travailler. On a regardé au moins deux scénarios faciles, je veux dire, deux types de travailleurs, selon leur situation familiale. Le résultat net de se représenter sur le marché du travail, ça lui rapporte 3,50 $ ou 5,00 $ dans ses poches. Les gens ne sont pas sans connaître la réalité du chômage et la désincitation que le chômage... Et le reste de nos programmes sociaux rajouté à tout ça vient créer une désincitation au travail. Alors, il va falloir qu'on trouve moyen de redonner, tout simplement, un intérêt pécuniaire aux individus à revenir au travail. Il s'agit peut-être de modifier la pénalité qu'on rencontre quand on revient sur le marché du travail. Il va falloir adoucir la transition. C'est trop élevé comme marche.

M. Beaudoin-Rousseau: Bref, ce qu'il voulait dire, c'est qu'il y a des travailleurs qui, évidemment, après un certain nombre d'heures x, mettons 800 heures, n'ont plus d'intérêt à travailler sur le taux du décret, ils ont un intérêt à s'en aller sur l'assurance-chômage. Et, parallèlement à l'assurance-chômage, ils peuvent effectivement travailler au noir. Donc, c'est pas mal plus payant et pas mal plus sécurisant, évidemment.

Mme Marais: Je sais qu'il y a eu des formules que vous avez présentées, les syndicats en ont présenté d'autres. Il y a sûrement un travail à faire de ce côté-là, c'est évident. Parce qu'il y a eu un temps où il y avait une certaine forme de connivence, dans le fond. Ça arrangeait tant l'industrie que les travailleurs. Je ne veux

as charrier, mais je pense que c'est un peu ça, hein. Il y a des habitudes qui se sont créées, malheureusement. Je suis bien consciente de ça aussi. Mais c'est plus que, Je dirais, des amendements mineurs ou des amendements de type coer-citif qu'il faudra amener au régime, parce que je pense que c'est une façon différente de voir le régime et de le... Il faudra le redéfinir, je crois.

M. Bernier: Si on pouvait le dire en un seul mot, ça doit s'appeler une assurance-chômage. Ça ne doit pas s'appeler un soutien au revenu pour le reste de l'année.

Mme Marois: C'est ça.

M. Bernier: II y a non seulement l'assuran-ce-chômage, mais il y a quand même d'autres modalités qu'on tente d'introduire dans notre propre industrie qui sont là comme des soutiens au revenu. De l'encouragement à rester au chômage et à travailler au noir en parallèle, franchement, il faut renverser cette tendance-là. Ça doit demeurer une assurance ou le redevenir, en tout cas.

Mme Marois: Oui. Je suis d'accord aussi que ce serait sans doute plus facile de faire cela si on avait l'ensemble de la gestion, justoment, des systèmes d'assurance et d'assistance. Parce que là, II faut bien le voir, Ottawa a la responsabilité de l'assurance et Québec a la responsabilité de l'assistance. C'est comme ça que ça se départage actuellement. Je pense que si on veut refaire un vrai brassage, réajuster et réenligner le tir, ce avec quoi je suis d'accord, je pense qu'il y a un rebrassage à faire, encore faut-il être capable de le faire dans un tout cohérent. Alors là, qu'on regarde juste les mesures qui vont s'appliquer, actuellement, à l'assurance-chômage, il va y avoir un coût sur nous que vous recasquerez par l'impôt, parce que si on prend davantage de bénéficiaires d'aide sociale parce que les gens doivent quitter l'assurance-chômage, on le paie autrement. Bon. Alors, je pense qu'il faut rebrasser ça complètement.

Mon deuxième champ d'intérêt, c'est justement ce que vous abordiez, c'est le travail au noir. On n'en a pas beaucoup parlé ici. Je sais que ça s'est discuté dans d'autres commissions auxquelles vous avez été invités à participer, comme association et comme groupe. Mais je pense que, compte tenu de l'Impact que ça a sur les finances publiques du Québec, on doit en parler ici. Vous en faites état dans votre mémoire. Vous parlez d'estimés qui pourraient atteindre 1 500 000 000 $ qui sont actuellement dépensés au noir dans votre industrie. Si on pense ce que cela peut représenter en termes de rentrées de fonds qui ne sont pas là, et on ajoute à cela ce qui se passe, actuellement, dans d'autres secteurs - on a largement discuté des questions du tabac, cette semaine - ce n'est pas un portrait très rose.

Mais j'aimerais que vous me parliez... Je sais que ça s'est débattu ailleurs, mais j'aimerais que vous m'identifiiez un peu quelles sont, à votre point de vue, les avenues qui devraient être explorées de ce côté-là pour faire une pression à la baisse sur le travail au noir.

M. Beaudoin-Rousseau: Je pense qu'une des premières solutions, évidemment, se retrouve toujours quand on est capable d'Identifier la cause. Et la cause, c'est très clair, s'il y a du travail au noir, c'est parce qu'effectivement il y a avantage pour les gens de faire affaire avec ces gens-là parce que le coût est moindre. C'est donc dire qu'on revient au système de négociations où la loi des relations de travail oblige l'industrie à négocier une convention collective qui s'applique à l'ensemble de toute l'industrie, que ce soit du secteur commercial, industriel ou de l'habitation. C'est donc dire qu'on ne se soucie pas à savoir quelle est la capacité de payer du consommateur par rapport à la capacité de payer d'un gouvernement. Aujourd'hui, peut-être que je pourrais dire que le consommateur est peut-être en meilleure position de payer que le gouvernement. Mais, ceci étant dit, je voudrais tout simplement dire qu'il est à peu près temps que le gouvernement accepte de regarder la loi des relations de travail et de permettre que, dans l'industrie de la construction, il y ait des possibilités pour qu'une convention collective soit à la mesure du consommateur et à la capacité de payer aussi du consommateur. Quelque 20 $ l'heure brut...

Quand on regarde ça, qu'il faut engager un salarié puis qu'il faut payer 40 $ ou 45 $ l'heure, c'est très évident, par rapport à un consommateur, que son choix est vite fait. Il s'en va là où il peut obtenir ce même travail pour 16 $ l'heure. Et le travail au noir se fait alentour de ça, c'est-à-dire 14 $ à 16 $ l'heure sur laquelle, d'ailleurs, il ne paie même pas d'impôt.

Alors, c'est toute la structure de la négociation. Et ce qu'on rencontre très souvent, c'est que, quand les parties sont en négociations et qu'elles arrivent à la fin du délai pour conclure une convention, elles sont de connivence pour ne pas s'entendre, elles viennent voir le gouvernement puis elles disent: Écoutez, s'il vous plaît, on ne s'entend pas. Voulez-vous intervenir? Et, là, le gouvernement impose. Est-ce qu'on voudrait laisser la chicane, dans le fond, prendre dans l'industrie de la construction? On va peut-être arriver à un résultat. À moins que le gouvernement accepte vraiment de changer les règles du jeu au départ et faire en sorte que l'habitation ne soit pas sujette aux mêmes règles que le reste, les autres secteurs.

Mme Marois: Le domiciliaire, là...

M. Beaudoin-Rousseau: Le domiciliaire est

un secteur à part. Il est à considérer. Mme Marois: Mais...

M. Bernier: C'est déjà le cas partiellement dans le domaine de la rénovation, il s'agit d'étendre ça, une fois pour toutes, à tout ce qui s'appelle construction résidentielle. Une fois qu'on a rendu la ligne là, l'industrie s'organise.

Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie.

M. Bernier: Merci.

Le Président (M. Lemieux): II reste deux minutes du côté ministériel.

Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, pour remercier nos visiteurs de leur présence moi aussi.

On s'est quand même attardés, tout à l'heure, sur la santé et sécurité et sur la complexité, c'est le moins qu'on puisse dire, des coûts du régime. On a deux minutes, apparemment, là. Qu'est-ce que vous suggéreriez, en deux minutes? Du côté du régime d'indemnisation ou alors du côté de l'administration? Parce que je pense que vous le savez, il faut toujours distinguer les deux. On a un régime qui, sur papier, à bien des égards, comme le 90 % du net... Je compare, finalement, avec le 70 % à 90 % du brut, mais taxable ailleurs. Mais du côté de l'administration, comme telle, est-ce qu'il y a des suggestions que vous apporteriez aujourd'hui?

M. Régnier: Dans le mémoire qui vous est présenté, il est parlé de privatisation globale au niveau de l'indemnisation. La raison est fort simple. C'est qu'après étude de divers pays qui, eux, ont adopté des systèmes comme ceux-là où ce n'est pas des monopoles d'État, on s'est aperçu que les coûts de la santé et sécurité sont souvent de beaucoup moindres. On parle jusqu'à 50 %, dans les cas extrêmes, pour des bénéfices à peu près comparables. C'est le cas, notamment, de la Belgique, c'est le cas du Portugal, c'est le cas de différents pays que nous avons eu l'occasion de vérifier.

Alors, la privatisation, pour nous, est-ce qu'elle est absolument nécessaire? Elle ne le serait pas dans la mesure où la CSST mettrait en place des systèmes de contrôle efficaces, des contrôles de deux façons. La CSST devrait émettre des contrôles au niveau de l'admissibilité et du suivi des dossiers. Ça serait déjà un premier pas comparativement au laxisme dont elle fait preuve actuellement. Dans un deuxième temps, une compagnie d'assurances privée serait contrôlée par le gouvernement, et je ne crois pas que quiconque permettrait une sous-capitalisation d'une compagnie d'assurances privée, comme c'est le cas actuellement, à la CSST. Il y a un suivi qui serait fait depuis longtemps. Je crois qu'on aurait cherché à redresser la situation depuis très longtemps. Alors, essentiellement, c'est au niveau du contrôle. (15 heures)

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire.

M. Filion: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Une rapide. Allez-y, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Rapidement. C'est simplement une question qu'on a reçue cette semaine en commission.

La Corporation des maîtres électriciens et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie ont soulevé le fait que l'harmonisation nuisait énormément à l'application de la construction. Pour eux, c'était rendu très lourd, etc. Est-ce que, pour vous, ça demeure toujours, l'harmonisation, un problème prioritaire, urgent, pour permettre un meilleur fonctionnement dans le monde de la construction?

M. Bernier: L'harmonisation, en tout cas... Le sens de nos commentaires par rapport à l'harmonisation, c'est véritablement... Il faut voir au niveau des crédits et des modalités de déclaration. L'harmonisation, dans ce sens-là, c'est un «must». Il faut la faire. Ce que les maîtres électriciens ont soulevé, je crois, ça référait beaucoup à la difficulté qu'ils ont à traiter des taux de 4 % et de 8 %, ces notions de meuble et d'immeuble, et je pense que, de façon assez complète, ils ont abordé le sujet. Nous, on est plus haut dans la chaîne, en quelque part, et je dirais, au niveau de l'administration, on n'a pas nécessairement de commentaires à formuler là-dessus. On ne voulait pas mettre ça en évidence, mais bien ce qui se passe au niveau des crédits.

Le Président (M. Lemieux): On vous remercie. Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire, et j'inviterais immédiatement la Société Makivik à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous suspendons une minute seulement.

(Suspension de la séance à 15 h 2) (Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. J'invite maintenant la Société Makivik à prendre place. Si vous voulez vous approcher, messieurs, s'il vous plaît. Les gens de la Société Makivik, si vous voulez vous avancer, s'il vous plaît, et prendre place.

Alors, je vous rappelle brièvement nos rè-

gles de procédure. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour nous exposer votre mémoire, et ensuite suivront des échanges pendant une quarantaine de minutes. Je vous inviterais, avant de procéder à votre présentation, à vous identifier, s'il vous plaît.

Une voix: M. le Président, est-ce qu'il y a un service de traduction?

Le Président (M. Audet): Vous pouvez y aller en anglais, il n'y a pas de problème.

Une voix: Très bien, merci. You were asked to introduce yourself, your colleagues.

Administration régionale Kativik (ARK) et Société Makivik

M. Watt (Charlie): My name is Charlie Watt, I am the President of Makivik Corporation. I leave up the other part... and the person at the end is the Treasurer to the Makivik Corporation, Willy Watt; Mark T. Gordon is the Second Vice-President of Makivik Corporation. Mark Malone, one of our resource persons, had to replace... One of our delegates just got sick and had to be taken to the hospital quickly, and I was hoping that he would be here to represent the Kativik Regional Government, but unfortunately he is not going to be able to be here, so Mark Malone is going to be speaking on his behalf.

Let me first start off saying that we are happy to be here, and I do believe this is your last day. And on top of that, I would like to acknowledge that... especially the two committee members. I am happy to see them around the table, that is the Treasury - excuse my language, Sir - the President of the Treasury Board and the Finance Minister.

As you all know, the North is the North and the South is the South. The difference between the two, implication of it, reflect in many different ways. That is to say that the cost in the North is very high compared to our counterpart, that is the South, and It has been an ongoing problem for us for quite a number of years. I guess, on one hand - you can put it this way - we have waited for this type of forum to address our issues. The opportunity came and we are grateful for that.

I do not want to come across to the comittee members... that what I have to say is negative. What we are trying to do here is to enlighten you, as a committee, to take the matters that we are going to put forward as serious matters. Once in the past, I have dealt with the GST, at the Senate level, and knowing the fact that how much impact that would have on the North, and I was not able to succeed what I was out to do, but mind you, though, when they took the vote on the issue, it was the closest tie that ever took place within the

Senate, dealing with the question of taxation. And if I were able to persuade maybe one or two members from the Opposition side, I probably would not be confronting the same problems that we are facing today. But, nevertheless, the problem was here even before that.

As you know, the Makivik and the Kativik regional governments, over the years, since 1975, have worked very closely together on the basis of a... more of a partnership, and those two organizations have been confronting with a number of different problems related to taxation. Our objective is to enlighten you as much as possible, to realize that there has to be fairness in terms of taxation. At this point, we do not feel there is fairness in recourse to taxation. Just to give you an example, on the GST plus Québec Sales Tax, in the South, It is 15 %. When you take into account the transportation aspects, only to Kuujjuaq, that same 15 % becomes 23 %. In one of our communities, which is the farthest North, it represents 30 %. As you can see, taking those into account, there is no purchasing power left in the hands of the individuals, and it also affects, it is affecting some of the small businesses that we are trying to create in the North. We view the small business as one of the most important elements for the purpose of establishing a tax basis. (15 h 10)

Just to give you an idea on our experience. If you are handling in one year 800 000 $, you will be lucky If you generate revenue, as a clear profit, within the ranks of 23 000 $ to 25 000 $. As you can see, the high cost of transportation is affecting us a great deal. As I mentioned, individuals that are living in the North have no purchasing power, practically. Today, if you go into any household, you find out that they are living in modern houses - for which we are grateful to the Government of Québec - but, nevertheless, the problem did not disappear. That is the house is practically empty, no furniture because they have no purchasing power. And the people who are earning some form of wages today have no choice but to share that one man wages properly spread into two or three additional households.

The factor is also related to a lot of opportunities for employment. So, if you are looking at the South of the planet, at these so-called third world countries, we are almost there basically. If I remember, back at the time when I was growing up, living in the isolated communities, before the bureaucracy moved into our territory, there were only basically the Hudson Bay Companies, at times, and at second, RCMP. And I remember that hard time, I was a product of that hard time, and I have lived through that. We are almost back to the same predicament that we were in, back in the early 1950s. That is how serious it is.

Therefore, committee members, honourable

Members, we have specific recommendations that we wanted to... sensitize you to a number of recommendations which are In the blue text that we have furnished you before the committee... before we came here. There are six Items.

What is suggested here are some recommendations that the commission dealing with the budget administration take into consideration the creation of a Nunavik-Québec Task Force, which would include the main provincial departments, such as Finance, Revenue and S. A. A., and the northern representatives in order, as of December 1993, to make a practical proposal with respect to the establishment of a specific Nunavik Territory tax regime, which would reflect northern economy realities, both in terms of philosophy and in terms of process. That is n° 1 recommendation. And also it goes on to develop and expand a genuine Nunavik tax basis.

Recommendation n° 2. That, in the course of a second phase, and in the recognition of a complex effect of the intergovernmental taxation trade-off, that the task force engage in talks with the federal Department of Finance and Revenue, with a view to consolidation of a Nunavik regional tax regime, with reference to proposals made by the provincial Nunavik group, as of December 1993, to develop and expand a Nunavik tax basis.

Recommendation n° 3. That négociations commence immediately between, for the first part, KRG, which is the Kativik Regional Government, and Makivik Corporation, and, for the second part, Québec departments of Finance and Transport, as well as S. A. A., as to how to subsidize air and sea service operators to Nunavik. In this respect, the North Shore and Magdalen Islands precedent would provide useful guidelines. The working group on northern transportation would, of course, invite federal representatives from the departments of Transport and Northern Affairs of Canada.

Recommendation n° 4. That the Québec Department of Revenue implement, in cooperation with KRG and the Makivik Corporation, a system to facilitate the filing of tax returns by the residents of Nunavik. As you know, most of our people, today, do not file income tax returns. Why they do not file income tax returns? First, they do not understand when it is written either in English or French. So, the majority of the... Basically, If you want to call it «being put into file 13», which is the garbage can. Unfortunately! And, therefore, we had no choice, but to provide some assistance to those individuals, as Makivik Corporation. We had no choice, recently, at the last executive meeting, but to establish a department within Makivik, to provide some assistance to individuals, in the sense that if they do not file their income tax, they are not even going to be able to receive their family allowances. So, how are they going to survive? We have to do whatever we can to provide some assistance in that area. Recommendation n° 4. That the Québec Department of Revenue Implement, in cooperation... I have already said that.

Recommendation n° 5. That Québec legislation and regulations be revised with regards to indirect taxation and taxation of consumption, in order to provide Inuit hunters with the same fiscal exemptions enjoyed by other food producers in the province, including farmers. I do not think that this has ever been taken into account, especially when people have to help themselves to provide for and to bring the bread and butter to their families, that they have to, first, equip themselves either by snowmachine, by boat or by canoe, including the hardware that they need in order to capture the wildlife in order to bring the country food back home. So, that is important.

Recommendation n° 6. That the provincial Department of Revenue repeal regulations respecting retroactive taxation of allowances, and benefits at the same time, in the corporations with Nunavik employees. It would formulate a stable and protective regime which would be made for public.

Those are the six items as a recommendation that we put forward to you. Before I conclude my remarks, I want to stress the fact that, as Inuit living in the far North, we are very different from the Indians. We are taxpayers just like you, and we are happy to be taxpayers, but it has to be fair. And some of the points that we highlighted are very important in order to advance ourselves and move in the direction to establish more tax basis.

As you know, the tax can also kill tax basis. We would like to find the solutions with you, and I think we can, because you are not dealing with a large number of populations. I think it is a good avenue that should be taken seriously by the Government of Québec. More of a test case, how can we advance ourselves, stepping aside of that and examining what we can do together? This is one of the reasons why we are here in front of you.

So I leave the questionning up to you.

Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Ça va?

Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances. (15 h 20)

M. Levesque: Well, I would like to extend our warmest welcome to you, Mr. Senator, and those who are with you. We are prlviledged to have you here today. We thank you for your interest in trying to find solutions to the financial difficulties of our times. I would not say only of the Québec government, but also of many governments. I imagine that you hear much of it wherever you are in the country or even outside.

I think that you have presented your case

very well. We shall certainly have time to look into this and analyse it. You mentioned, for instance, the creation of a task force with your group and Finance, Revenue and the Secrétariat aux Affaires autochtones. The latter is... The normal way to get to the government is through the Secrétariat aux Affaires autochtones. The Minister of Revenue knows much about it, as he was responsible for that Department not so long ago, and he will probably have a few words to say on this, as well as the Chairman of the Treasury Board.

But I would like simply to say that our Department of Finance is proceeding now with a certain work on fiscal matters applicable to Native people, and this brief that you are presenting today will help us in this work.

However, all this will have to be considered in a larger context. What kind of agreement can be reached concerning the responsibilities of a local nature or governmental nature, which could be achieved between the Native people and the Québec government? But I feel that this can be looked into after we are through and through the Secrétariat aux Affaires autochtones.

You also suggest that this same task force work with the federal Department of Finance and the federal Department of Revenue. I think that the federal Minister of Finance has already indicated his interest for this suggestion, but you might be more explicit on this, because you are closer, I Imagine, to what is going on at the federal level. I imagine that you will have some more information from that source.

You have mentioned also - I will just finish, giving others the chance to come across - something about the sales tax, the Québec sales tax. You gave an example which I have noted, that the goods, when they arrive at destination, are not at the same price as when they leave here. And, therefore, the sum of tax that has to be paid on is higher than if it were here. Therefore, you are asking for some consideration, there.

Well, those are some of the things that we will look into. I cannot give you any answer right now, you did not expect any either, I imagine, to be precise. However, I would like, before concluding this exchange, to have you say a few words on... Did you ask for the same thing from the federal government? I Imagine that when the GST comes there, it has the same effect as the Québec sales tax. So, sometimes, you know, harmonization happens. Did you get any indication that you would get a favorable answer from the federal government on this?

Le Président (M. Audet): Mr. Watt.

M. Watt (Charlie): O. K., Mr. Chairman.

First, let me, Mr. Levesque... I will go back to the first point that you have mentioned, that you are going to undertake and examine what can be done for the Native people. That is always troublesome for me and also for my colleagues when the word «Native» is used to lump everybody together. And the same thing, it is also of concern and troublesome for me when the people use «aboriginal» in brackets, because we are not treated the same way, neither do we want to be treated the same way, Mr. Minister.

M. Levesque: I was referring though to what is the name given to the Department, and I was trying to find a translation for what we call «le Secrétariat aux Affaires autochtones». How would you translate it?

M. Watt (Charlie): Well, I can only translate it to ourselves, that is that we are Inuit, we are not Indians!

M. Levesque: Yes. Well, I could not say that because it would not have been right. I understand the distinction...

M. Watt (Charlie): Yes.

M. Levesque:... I respect it. I would have liked to say that, but there was only one French word for it and I was trying to find a translation... I asked Mr. Savoie, the Minister of Revenue, if my translation, before I spoke to you, if that was good... We were still discussing when I had to say something!

M. Watt (Charlie): I guess the point that I would like to make, and that I have been making... Every opportunity that I get, i try to stress this point, the fact that we are not Indians, that we are taxpayers just like everybody else. You know, we are not living on a reserve concept, and when politicians are talking, in political terms, they have a tendency to lump everybody under one, so what I am basically saying to you is that you cannot, no longer, lump us into one, because we are not the same and, on one hand, we are taxpayers, and we are going to continue to be taxpayers. What we want to do, rather, Is to try to find some way of expanding the tax basis, otherwise, the scheme, the regime that is applied today is killing us. It is killing every opportunity that might exist. 80, we just want you to open the eyes to that concept.

Coming back to the point you made, the time that I made a presentation in the Senate, in recourse to GST, there was a willingness to listen. There was an interest that was there. But when it comes time to vote, the politics override the logic. A reality, if you want to put it that way. And, therefore, I was put to vote and I was missing two... If I would have had two more people, we probably would have made some mileage with that. But nevertheless... and I have been told by Inside sources from the Government

of Canada that they are still willing to sit down and try to work out some solution.

So, I think there is some positive in there that will be some beneficial to you as a minister of Finance. And being able to open the doors... and I think you and I probably have to... I might need your help also. That is basically what... I am trying to send the message to you that, I alone, I might succeed but, then again, I do not want to take any chances. I am going to need your help. Sometimes, as a senator, Sir, I look at that as a... very differently from the rest of the politicians, as you know. We are just barely surviving. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Audet): Mme la députée de Taillon. (15 h 30)

Mme Marois: Je vous souhaite la bienvenue, à mon tour, à notre commission - je vais parler lentement - au nom de ma formation politique. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Je pense que la discussion que vous aviez avec le ministre des Finances est très intéressante et éclairante quant au fait que vous voulez bien que votre peuple et que votre communauté soient connus et présentés, tel qu'ils sont dans leurs institutions, leurs façons de faire et d'être. Vous avez l'impression, parfois, si j'ai bien compris votre point de vue, d'être assimilés à des groupes qui sont davantage dépendants.

Par exemple, dans la Loi sur les Indiens, où on sait qu'il y a des commaunautés qui dépendent essentiellement de cette loi, dans le sens où elles ont un statut particulier, alors que, vous, je pense que ce que voulez nous dire - si j'ai bien compris, et c'est un peu le sens de la discussion que vous aviez avec le ministre des Finances - c'est qu'on ne se retrouve pas dans les mots que vous utilisez habituellement, votre Secrétariat, et on voudrait pouvoir apparaître aussi dans vos documents et dans le vocabulaire que vous utilisez. Je trouvais ça fort intéressant comme échange.

Alors, cela étant dit, je suis très sensible à ce que vous présentez... Remarquez que rien n'irait à rencontre, n'irait contre le fait que notre commission puisse recommander la création d'un comité comme celui que vous suggérez, pour se pencher sur les questions fiscales concernant votre communauté, parce que, si j'ai bien compris, ce que vous souhaiteriez que notre commission fasse, c'est qu'elle prenne en débat, en délibération des propositions que vous nous faites aujourd'hui et que ça ne soit pas seulement traité à l'intérieur du gouvernement, mais que ce soit discuté ici, à cette commission.

Alors, je voudrais d'abord m'assurer que cela est bien une de vos attentes. Ce que je peux vous dire, c'est que ça ne va pas à rencontre des possibilités qui nous sont offertes ou qui sont disponibles à la commission du budget et de l'administration. Nous pouvons débattre et étudier des problèmes comme ceux que vous nous apportez et nous pouvons aussi, comme membres de l'Assemblée nationale, faire des recommandations au gouvernement. Alors, rien ne nous empêcherait de pouvoir le retenir. Je voudrais bien comprendre si c'est ça, la demande que vous faites auprès de la commission aujourd'hui.

M. Watt (Charlie): First, Madam, I thank you for recognizing the importance and also the fact that we are different from the other colleagues of ours, If we want to call them that, the Natives or Aboriginals. Definitely, if you are highlighting the fact that not only the Government can make recommendations, I would have to say to you that I am in favour of whatever pressure group that could be created, because we are dealing with a big problem area.

And as you probably heard, it is happening also in our community, but I am not trying to undermine the other Aboriginal groups. If you take a look at Davis Inlet, for example, the condition of the community has generated a lot of social problems. When you have economic problems, you end up having social problems. And I am not looking for a way to answer our social decay, if you want to put it that way, I would rather look towards economic avenues to help out the social problems. I think this is the only way that we are going to be able to spearhead It and come up with the answers. If you examine it from the other side of the coin, from the social problem and then try to create, I think the outcome will be very different.

Keeping that in mind, I am all for any pressure group that could be generated, but what I see, the importance in this is that the governments today definitely have to take their responsibilities seriously, with all due respect. We need to establish a formal table so something will really take place, not just for the purpose of exchanging ideas back and forth. One of the reasons why we want to be involved in this is because we can contribute the knowledge that we have. When you are so far away from the sensitive area, it Is pretty hard, especially when you are being preoccupied with a bigger picture, to see the smaller picture. What we are trying to do here is to sensitize you to the smaller problem. Then the bigger problems that you have... And the outcome of that smaller problem, If we can find the solution, at least maybe a little, small percentage of that will help the bigger problems. So, that is the direction we wanted to take, and I think it Is feasible. I think it is the time, now, to genuinely examine that together.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous qu'il faut qu'il y ait, effectivement, un forum pour débattre et discuter de la réalité, parce que ce n'est pas qu'un problème - là, je veux faire la nuance - de la réalité que vous vivez, mais, à

cause de l'application de certaines lois, de certains règlements ou de façons de faire qui peuvent vous créer des problèmes ou vous empêcher de trouver des solutions qui vous permettraient de progresser et de vous développer.

Moi, je veux vous remercier de l'excellent mémoire que vous nous avez présenté. Quand on le lit, et quand je vous écoutais tout à l'heure le présenter, effectivement, vous faites état d'une réalité qui, souvent, nous échappe, nous du Sud - si vous me permettez cette expression, même si on n'a pas l'impression de l'être tout à fait parfois - et que seuls vous êtes en mesure de bien nous présenter si on veut tirer des conclusions et, surtout, apporter des solutions qui vous conviennent. Et là, on peut parler de choses plus précises.

Quand vous parlez du transport, je pense que c'est l'exemple que tout le monde peut très bien comprendre. Il y a des coûts énormes que vous avez à encourir, ce qui fait que, finalement, il y a des sommes absolument inimaginables que vous devez payer pour les mêmes services que, nous, on a à des coûts beaucoup moindres. Donc, ça crée une pression sur votre économie qui est évidemment difficile à accepter.

Alors, je vous dis que votre mémoire est fort intéressant et pertinent. Je suis prête à ce que l'on débatte ici de recommandations à faire au gouvernement pour qu'il y ait un forum, pour qu'il y ait un lieu de discussion des réalités auxquelles vous êtes confrontés pour que se dégagent, par la suite, des pistes d'action et de solutions. Je vous offre, à cet égard, notre pleine et entière collaboration.

M. Watt (Charlie): Thank you very much, Madam. This Is very encouraging, hearing you recognizing the importance. First, I would like to say that I would not like to put it in the form of our being ignored. I do not think that is the proper term for it. I think the real problem is that it is more of an oversight or lack of knowledge, a lack of understanding because of the distance between the two. (15 h 40)

I would like to go into the fact that you mentioned that transportation is an item that skyrockets the cost of merchandise or any items that needs to be absorbed by the consumer. As you know, we own two airline companies. One is Air Inuit that services around the coast. Recently, three years ago, we purchased another airline company that operates from Ottawa and Montréal to Kuujjuaq, on up to Frobisher Bay, and on up to Greenland. As you know, the aviation Industry today, it is not comfort, and we are the only regional airline left in Canada. We had to do whatever we could with that airline company to turn It around, because when we bought it, it was in bad shape. It was at the bankruptcy state when we purchased it. I am happy to say that we were able to turn it around, even during economic hard times. We are doing everything we can to reduce the price as much as possible, but at the same time that airline company has to survive.

So we are at the point where we are being pinched very hard, and both ways. As you know, the subsidies that we enjoyed before from the Government of Canada, postal subsidies, have been reduced. Not only by half, not only by 25 %, but by a lot less than that. So, we are struggling and, at the same time, we are sensitive to the consumer side. Our consumers are speaking very loud and they do not even have to speak any more. As I mentioned, all you have to do is to go Into one household. You will realize what is happening. When they do have a little bit of dollars to spend, they are very, very selective now to buy only essential needs. Essential needs, that could be flour, lard, baking powder, tea and things of that nature. Forget about something that they need to... what you call... My English gets rough too at times, so excuse me. They cannot even afford to buy meaningful food, let us put it that way. So that Is the problem.

Again, thank you very much for your intervention.

Mme Marois: Je ferai une dernière remarque, M. le Président.

Je pense que ce qui est intéressant aussi dans votre mémoire, c'est que vous faites référence à des façons qu'ont trouvées d'autres pays - vous mentionnez le Danemark, évidemment, et leur façon de faire - et je pense que ça pourrait être utile que l'on puisse regarder comment ça se passe ailleurs dans des conditions semblables à celles que vous vivez, confrontés à des réalités comparables, pour qu'on puisse peut-être s'en inspirer. Je pense que ça ne serait pas inutile comme démarche. En tout cas, on peut souhaiter qu'un travail soit fait dans ce sens-là.

Je vous remercie de votre intervention auprès de notre commission.

M. Watt (Charlie): Merci. Once again, Madam, I feel that I should say something, a comment, at least, in that area. I just came back very recently from an international organization's conference in Anchorage, Alaska. The participants of that group, who were dealing with economy In a global sense, were people from Groenland, people from the Northwest Territories, people from Alaska including Siberia. Siberia's input... That was the third time, now, that they have been involved in that area.

You are right. The individuals In Greenland do not pay taxes, sales taxes, that is, even though they are paying taxes to the Government of Canada and things of that nature. They are probably also paying taxes to Denmark, but no sales tax. I do agree with you, that is an area

that we should examine, because, as I mentioned earlier, if you overtax, it kills every possible opportunity to establish a tax basis.

So, I do agree, those are the areas, the models that we should be looking at and even, going further, to see whether we can improve them. For example, Greenland Is finally...

Minister Savoie, you and I were in Greenland at one time and I think both of us came back a little bit discouraged. I do not think that is a secret to anybody. Now, they are finally dealing with things that you and I were trying to talk about. They are restructuring their economy now, and they plan to rechannel their economy through Canada, some parts at least, rather than importing from Denmark, you know, all the way through.

So, the reason I am highlighting this is that, as the Inuit of Québec, regardless of how small we are, we are one of the major international players today. And that is something that Québec as a whole can benefit from.

I guess what I am trying to say, Madam, in that area, is: Do not look at us as a negative, look at us as more of a positive, because together we can go a hell of a lot further. And we need your help and your input in our deliberations dealing with some of the international events.

There are a lot of opportunities out there to be made, to make a dollar. We could be an arm for the Province of Québec, and this Is not being examined, it is being ignored. And again, It is not your fault. It Is a lack of knowledge again, lack of understanding.

Thank you.

Le Président (M. Audet): O. K. Je vais maintenant reconnaître le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Je vous remercie, M. le Président.

Very briefly, I welcome you in our former Senate here, right in this particular room. So I am sure you feel comfortable, as you should.

One of the points that you raised is, of course, the cost of travelling South from your land. My own inclination, if we are looking for equity, given the fact that I am President of the Treasury Board and having an expenditure problem, would be to restore equity by abolishing all grants for all forms of transportation to and from absolutely everywhere. Now, that is not practical. This is not what you had in mind, especially, and you do, indeed, and can make a case that your special situation might require some relief in transportation costs because of the fact that you already support a cost of living which cannot even begin to compare with the rest, certainly, of Québec.

How would you state that case - there is one - from your point of view, of asking the government, federal and/or provincial, to recognize that special situation in terms of air transport to and from your land going South?

M. Watt (Charlie): First, I would like to just make a remark that is totally unrelated to the issue that we are talking about, maybe because I am naïve about certain parts of politics.

When I saw you on the Liberal side and I saw your brother on the PQ side, I used to wonder: What is going on there?

Des voix: Ha, ha, hal

M. Johnson: And our father on neither, as you are well aware.

M. Watt (Charlie): Ha, ha, ha! Anyway, I always wanted to point that out to you, so... Anyway.

Nevertheless, I do not really have a clear answer to the questions that you are asking. Maybe Mark will be able to give you an answer in that area.

M. Johnson: Sure.

Le Président (M. Audet): Mr. Gordon?

M. Watt (Charlie): Mark T. Gordon.

M. Gordon (Mark T. ): Yes. Thank you. I would like to try to, maybe with the time that we have, briefly answer part of the question and expand a bit more on it. For us, we have 14 small communities - some people might be amazed that some of them are quite small, 100 people, the largest one being about 1500 - scattered over the coastal areas of Northern Québec. We do cover a very large region. The distances are very great. The fuel cost alone represents about 30 % of the operating cost of an aircraft in our area, basically because we have to store fuel or the seller has to store fuel for the full year and bring it in by ship three months of the year during the summertime. Not to mention the fact that we do not have any roads in the region. We did have a subsidy through the post for food from the federal government which was initiated for a very basic need: to help us survive. We were in danger of being malnourished because of the lack of food of certain types, and the Government saw that there was actual need for a subsidy to be given for food Items. But in the past few years, these subsidies have diminished to half of what they were three or four years ago - less than half - and the amount of food that could be shipped by mail is diminishing on a yearly basis. (15 h 50)

Does that mean that we are getting healthier and the danger is gone? Far from it.

We have seen our population expand quite tremendously. We have a lot of people on welfare, unemployment. Even though... Our food costs might be anywhere from 45 % to 65 % more than what you pay down here. The rates of welfare paid and unemployment paid are the same as what you get paid down here, even though our food costs are tremendously high. I feel that we Inuit, even though we live in a remote area, have the basic right to pay the same amount of money for food as you do, living in the South.

We still feel that it is very dangerous for our people to live in their conditions today, even though a lot of Improvement has been made with the help of the Government of Québec and also the Canadian government, but much needs to be done. We try to do as much as we can by ourselves, but it is very limited as to what we can do without the help of proper policies made by the Government of Québec, taking into account that some of these policies might have to span many years due to the fact that the region where we live is very isolated and quite different than what you see down here.

We identify ourselves more with the Northwest Territories Inuit. We live in the same conditions as the Inuit in NWT, taking into consideration the landscape, the water and our lifestyle. It is fortunate that we still live off the land, which is why we are able to survive living off the caribou and the fish. When you take policies into consideration, do not assume that we are going to survive like anybody else down here because we cannot. We have to be taken in context, differently, because the region where we live is much too different.

Thank you.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.

Well, I would like to salute our guests as well and note that we took pleasure in reading the mémoire which you presented and some of the remarks which resulted in that presentation.

I have noticed that, in your recommendation 4, you say that one of the problems is filling out an income tax report on an annual basis because of the language difficulty. As you do have to fill them out, as there is a legal obligation to that effect, we would certainly like to make sure that you comply as much as possible. And although we have 12 points of service throughout the Province of Québec to assist people, I realize that, finally, for your communities, there is no straight assistance from the Government of Québec, from the Ministry of Revenue.

And so, what I Intend to do Is approach Mr. Sirros and Mr. Maltais and try to work out with them the possibility of having somebody, perhaps in Kuujjuaq, to work with the com- munities, who could perhaps assist them in filling out the necessary tax forms. You also have businessmen up there who must have considerable difficulties in filling out all the various forms that have to be filled out by a local businessman. So, we will look into that, into that possibility, trying to set up somebody up there who we can form or who will receive the necessary formation to deal with these forms and to work with the local residents of the communities, of the Inuit communities. Perhaps that will give you satisfaction and perhaps it will also give us some money in return, seeing as how you people have denoted the wish to be able to execute your rights. So, we will.

M. Watt (Charlie): I am very glad that you have put an interest in this recommendation 4. We would like to see some changes in the wording within this recommendation. It should read: «That the Québec Ministry of Revenue implement, in cooperation with KRG and Makivik Corporation». And instead of «a system», it should read: «Put an office in the region and train local Inuit to facilitate the filing of income tax returns by residents of Nunavik.»

M. Savoie: While we are still interested even with that change, perhaps the officer responsible for that could also deal necessarily with the federal forms. Perhaps that in the next week we could sit down with Mr. Maltais or Mr. Sirros to see what we can do to get that ball rolling. And if we can come to some kind of working agreement, whereby an officer - I think a resident of Kuujjuaq is important - could be formed, trained to assist you in filling out those forms, getting the vocabulary down right in both languages, then perhaps we could get the federal government involved in that as well. Because If you fill out the provincial tax form, you also have to fill out the federal tax form. I am sure that will please Mr. Watt no end, and I think that it will be good for the community. I think that it will be a positive step, and it will be our pleasure to participate with you in this realization.

As for the other measures, well, I think that, perhaps in conclusion, the Minister of Finance has demonstrated that he is willing to look at some of the elements with the federal government on this, that he recognizes certainly that the Inuit government is doing everything In its power to participate fully with the Government of Québec, and as such, we appreciate that. I do not think we say that enough, that we appreciate Inuit participation in our activities such as this commission, that we frequently see you and that every time that you do come, it is appreciated. And whenever we can give you satisfaction, we will, because we realize that it is important to look after our Northern communities.

M. Watt (Charlie): Mr. Minister, we definitely will follow that up. As a matter of fact, as an example, this is almost a month ago now, one of our long-term board members, which you probably know very well, Tommy Kaukai from Payne Bay, came to me one time and said: Look, I am in trouble. And I asked: What kind of trouble are you in? He said: I received a bill from Revenue Canada. I have not worked for many years and they are asking me to make the payment of 7000 $. So, I looked at his case and gave it to some of our professional people to make an assessment of it because I know that Revenue Canada, when they do not have the correct information, they just come up with their own assessment, whether they are right or wrong. And fortunately, the 7000 $ payment that he had to make to Revenue Canada turned out to be 1500 $ payment that he had to make. Those are the types of things that are really troublesome. And I would not be a bit surprised at all if some of the people, without being properly assessed, I bet you that a lot of them have made a payment. Because it is not everybody who are not filing their returns. Some people are making a return on their income tax.

So, during that time - just to say the first thing that comes into my mind - I picked up the telephone and I was trying to call the Department of Indian Affairs here, in Québec City, for the same idea that you are suggesting. Definitely, we are going to follow that up. I think this aspect in relation to tax return and having somebody that understands, dealing with people, and educating and all that, this could be dealt with outside of this form we are talking about.

M. Savoie: O.K. Good. Glad to hear it. M. Watt (Charlie): Thank you.

Le Président (M. Lemieux): Thank you for your participation in this committee.

Maintenant nous allons entendre le Relais-Femmes. Nous allons suspendre pour environ deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre le groupe Relais-Femmes. Je demanderais, dans un premier temps, à la responsable de l'organisme, de bien vouloir s'identifier, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Et, dans un deuxième temps, la procédure est la suivante: nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un échange entre les deux formations politiques, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Nous sommes prêts à écouter immédiatement la responsable de ce groupe.

12 groupes provinciaux de femmes et L'Intersyndicale des femmes

Mme Signori (Céline): Bonjour. Mol, je vais spécifier tout de suite que l'organisme Relais-Femmes n'est pas l'organisme qui est ici en commission parlementaire. Nous représentons 20 groupes de femmes et, je vais les nommer: 12 pour les groupes de femmes et, la balance, pour L'Intersyndicale des femmes qui sont comme des comités de condition féminine de centrales syndicales.

Je suis très contente de voir M. Johnson revenir, j'étais un peu inquiète, je pensais qu'il était parti.

Le Président (M. Lemieux): M. Johnson est toujours là, madame.

Mme Signori: C'est bien, ça!

Le Président (M. Lemieux): Toujours, toujours!

Mme Signori: Merci. Alors, mon nom est Céline Signori, je suis présidente de la Fédération des femmes du Québec; mes collègues, en commençant par la droite, Danielle Falardeau du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec; à ma droite, Ruth Rose, qui est professeure d'économie à l'UQAM; Yvette Brunet, qui est Ici pour représenter les aînés, les femmes aînées et qui est aussi de l'Association québécoise de la défense des droits des retraités-es et préretraités-es.

Alors, nous représentons la Fédération des femmes du Québec, le Regroupement des centres de femmes du Québec, Naissance-Renaissance, Information-ressources Femmes et logement, le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale; le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel; la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec; le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail; l'Association des collaboratrices et partenaires en affaires; la Fédération du Québec pour le planning des naissances; et Relais-Femmes.

Du côté de L'Intersyndicale des femmes, l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du

Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la Fédération des infirmières et Infirmiers du Québec, le Syndicat des agents de la paix et services correctionnels du Québec, la Fédération autonome du collégial.

Je tenais à spécifier parce que c'est plus vaste et, en même temps, on vous donne un peu l'image des femmes qu'on représente ici.

Le Président (M. Lemieux): C'est très bien, madame. Alors, nous sommes prêts, maintenant, à vous écouter.

Mme Signori: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts à vous écouter relativement à l'exposé de votre mémoire.

Mme Signori: Nous sommes prêtes à parler aussi.

Le Président (M. Lemieux): Je n'en doute pas, madame.

Mme Signori: J'aimerais aussi, au tout début, mettre les choses claires - c'est ma politique en général et ça m'a bien servie jusqu'à maintenant - vous dire, M. Johnson, qu'on participe à...

Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez vous adresser au président, s'il vous plaît.

Mme Signori: Oh! Excusez-moi!

Le Président (M. Lemieux): De rien, de rien, ce n'est pas bien grave.

Une voix: C'est la règle.

Mme Signori: Peut-être que si vous vous étiez présenté, ça nous aurait aidées aussi. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas bien grave.

Mme Signori: Alors, l'exercice, on le fait en toute honnêteté, aujourd'hui, mais, en quelque part, on est un peu déçues parce que les groupes syndicaux et les groupes de femmes, et plusieurs groupes ici, au Québec, avaient demandé depuis longtemps une révision de la fiscalité, une commission parlementaire sur la fiscalité. Ça a bifurqué un peu en cours de route et, ce qui nous a aussi un peu déçues - on a fait l'exercice avec les moyens qu'on connaissait - c'est que le document «Vivre selon nos moyens» a été déposé au public la veille du dépôt des mémoires. Alors, comme groupes, nous, on se trouve un peu frustrées par ça.

Le mémoire sera en quatre parties. Pour commencer, on va prendre les grands principes qui nous ont fait nous présenter en commission parlementaire, et les autres, le plan du mémoire, c'est les principes de l'universalité, les femmes et le marché du travail, les moyens dont on a besoin pour réaliser le travail et s'y rendre, la fiscalité, et les recommandations qui sont à l'intérieur de notre mémoire.

On est aussi très conscientes qu'on est à contre-courant de tout ce qui s'est probablement dit ici, certainement de ce que le gouvernement nous présente aussi, mais notre présentation respecte beaucoup plus, d'après nous, les principes d'équité, de justice et d'efficacité.

L'État est l'instrument qui permet à la collectivité de choisir son projet de société et d'intervenir dans l'économie de façon à ce qu'elle réponde aux valeurs fondamentales qui sous-tendent ce projet de société. Parmi ces valeurs fondamentales, nous, les groupes de femmes signataires de ce mémoire, comptons pour toutes les personnes qui le veulent:

Le droit à un emploi stable avec des conditions de travail décentes et un salaire qui permet de vivre au même standard de vie que la majorité des citoyennes et citoyens;

Des services, des conditions de travail et des programmes de sécurité de revenu qui reconnaissent positivement le rôle particulier des femmes dans la reproduction et dans les soins et l'éducation des enfants et qui leur permettent, ainsi qu'aux hommes, d'exercer ce rôle sans sacrifier leur droit à un revenu décent et à l'autonomie financière;

Une réduction des écarts de revenus et une plus grande égalité sociale, en général;

Le droit à des services universels, gratuits et de bonne qualité dans les domaines que nous considérons essentiels pour l'épanouissement de l'être humain, notamment dans la santé, l'éducation, les services municipaux de base, les services de garde et d'autres services sociaux. Quoique certains de ces services peuvent être offerts avantageusement par des organismes communautaires plutôt que par le secteur public ou parapublic, ils ne devraient pas faire l'objet de profits qui ne peuvent que les détourner de leur objectif premier et nuire à la qualité;

Le droit à un environnement sain et non pollué.

Nous sommes conscientes que l'État québécois a actuellement un problème de déficit et de dette publique, mais vivre selon nos moyens veut dire utiliser pleinement tous nos moyens. Tant qu'il y a des ressources humaines inutilisées et des capacités de production oisives, incluant des usines toutes neuves comme la papeterie à Matane ou l'usine Hyundai à Bromont, on est en train de gaspiller nos ressources, nos moyens. (16 h 10)

II nous semble qu'un des rôles fondamentaux de l'État, c'est de s'assurer que la société est capable de mobiliser ses ressources pour répondre

à ses besoins.

Dans le domaine des services publics, la société québécoise a beaucoup de besoins. Tant qu'il y a des ressources humaines capables d'offrir ces services, il faut les développer, non pas les couper.

Maintenant, je vais laisser parler ma collègue qui va vous entretenir de l'universalité, fondement de la solidarité sociale.

Mme Brunet (Yvette): Je commencerai par vous faire état de la situation des femmes âgées dans notre société. J'ai un tout petit bout à vous lire là-dessus.

Beau temps mauvais temps, les femmes constituent au moins 59 % des personnes pauvres au Canada et au Québec. C'est évidemment leur rôle particulier auprès de la famille qui est la cause première de cette situation-là. Non seulement sont-elles les seules à pouvoir enfanter, mais ce sont elles qui assument la vaste majorité du travail domestique, le travail ménager, les soins et l'éducation des enfants, et les soins aux personnes handicapées ou invalides ou âgées.

Je vous dirais que les femmes de ma génération disent qu'elles sont punies pour être restées au foyer. Et quand on regarde la situation de ces femmes-là aujourd'hui, on pense que c'est vrai que ces femmes-là n'ont pas pu accumuler de rentes, n'ont pas pu accumuler de pensions, et on a toujours considéré que le travail que ces femmes faisaient et font encore n'est pas tellement important dans la société. Par ailleurs, si on était obligé de payer ces femmes-là aujourd'hui, parce que, pour la plupart, elles occupent leur temps à travers le bénévolat... Et j'entendais à la télé l'autre soir que c'est un milliard, million - j'ai bien de la misère à faire la différence entre les milliards et les millions - c'est énormément d'argent que... Oui, ça vous fait sourire, mais, si j'étais dans les finances, je n'aurais pas de misère, je pense, à faire la différence. Mais ces millions ou milliards - je pense que c'est «milliards» - ça fait que le gouvernement n'est pas obligé de payer ces personnes-là; et le bénévolat est principalement assuré par les femmes.

Alors, quelle reconnaissance qu'on a, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui pour ces femmes-là? Alors, on peut dire, quant aux soins et aux services qu'on accorde dans la société depuis 10 ans, qu'ils sont dégradés sensiblement, étant donnés par les CLSC. Vous savez comme moi - j'aimerais ça, M. Johnson, que vous m'écoutiez, parce que c'est important, ce que je dis.

M. Johnson: Madame, à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît...

M. Johnson: ...ça fait deux fois que je fais ça, là, avec toute la politesse dont je suis capable. Mme Brunet, vous ne m'empêcherez pas de me renseigner sur le déroulement des travaux pendant que vous pariez. On est obligés de faire ça ici.

Mme Brunet: O.K.

M. Johnson: Autrement, on va vous interrompre, et là, on va se parler, et on va recommencer...

Mme Brunet: Alors, je continue.

M. Johnson: Alors, j'entends tout ce que vous dites. Je l'ai lu à part ça, avant. Alors, tout va bien.

Mme Brunet: Tant mieux, j'en suis très heureuse.

Le Président (M. Lemieux): Et un autre mot d'ordre, s'il vous plaît. S'il vous plaît, adressez-vous au président.

Mme Brunet: Au président. O.K.

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, c'est ça, la fonction que j'ai, c'est qu'il y ait du décorum dans cette salle, et je pense que vous me comprenez très, très bien.

Mme Brunet: Ça va, j'ai bien compris.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Alors, merci.

Mme Brunet: Ça va. M. le Président.

Bon, je disais que les soins et les services qui étaient universels et gratuits ne sont plus universels et gratuits, dispensés par les CLSC. Je dirais que c'a été dans les premières coupures que le gouvernement a faites. Je dirais que c'est beaucoup de femmes qui sont à la maison, qui veulent rester à la maison, qui ont besoin des services. Alors, actuellement, les services qui étaient dispensés par des auxiliaires familiales... Les auxiliaires familiales recevaient une formation, c'est-à-dire une sorte de façon d'être avec les personnes, les bénéficiaires, qui faisait que c'était de la prévention. Et je pense que la prévention, au bout de la ligne, tout le monde s'accorde pour dire que ça coûte beaucoup moins cher. Maintenant, les auxiliaires familiales ne font que du ménage, et le gouvernement accorde une allocation directe. Est-ce que tout le monde sait ce que ça veut dire, une allocation directe? Je vais vous dire un petit mot là-dessus. L'allocation directe vient du gouvernement qui envoie un montant d'argent - 9 $ l'heure pour une grande ville, 6 $ pour des petites municipalités - à la personne pour qu'elle gère elle-même ses services. Ça veut dire que, d'une certaine

façon, le gouvernement encourage le travail au noir. Par ailleurs, on considère que cette personne-là reçoit un revenu et qu'elle doit faire un rapport d'impôt. Actuellement, les avocats sont en train de débattre de la question parce que cet argent-là, elle ne le garde pas.

Et, un autre aspect de ça, apparemment les CLSC sont supposés voir à ce que les allocations soient bien dépensées, mais ce n'est pas ça qui arrive dans les faits. Un très grand nombre de personnes qui ont exposé aux CLSC qu'elles avaient besoin de services, le prennent et le dépensent pour n'importe quoi d'autre. Alors, ce sur quoi je veux en venir, est-ce qu'on peut dire que le gouvernement gère bien les dépenses et l'argent qu'il renvoie dans le système de santé? Je pense qu'on peut dire: Non. Et, ce qu'on dit, et on le dit dans le mémoire que les femmes présentent, c'est: Revoyez. L'année passée, quand il y a eu une commission parlementaire, presque tout le monde, presque tous les groupes ont dit: Revoyez les dépenses. Le Vérificateur vous l'a dit: II y a des dépenses qui sont inutiles, absurdes et qui n'ont aucune affaire avec les dépenses du gouvernement.

Alors, je pense que ça serait important pour le bien-être de la population et des femmes âgées pour qu'elles demeurent le plus longtemps possible chez elles et ne se retrouvent pas découragées et font une demande pour entrer dans les centres d'accueil. On sait que, dans la région de Montréal, il y a 2000 personnes qui attendent pour entrer dans un centre d'accueil. Et construire un centre d'accueil, ça coûte très cher, et 90 % des personnes âgées, des femmes principalement, veulent rester chez elles.

Mme Signori: Je demanderais à ma collègue de parler de l'aspect des femmes sur le marché du travail.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons, madame.

Mme Rose (Ruth): Pour nous, la façon de régler le déficit, c'est une politique de plein emploi. Nous croyons que la raison pour laquelle on a des problèmes aujourd'hui, c'est parce que les gens sont en chômage. Il y a eu diverses estimations du coût de ce chômage-là. La dernière que j'ai vue, c'est que, au niveau du Canada, ça coûte 110 000 000 000 $. Ça veut dire qu'il y a 25 000 000 000 $ au Québec et, au niveau des finances publiques, si ces gens-là n'étaient pas en train de recevoir des prestations d'aide sociale et d'assurance chômage, s'ils étaient en train de payer les taxes, nous n'aurions pas de problèmes de déficit au Québec.

En tant que femmes, nous sommes souvent celles qui portent le plus grand fardeau du chômage et, quand ce n'est pas du chômage, c'est le sous-emplol, le temps partiel, les emplois sous-payés, les emplois instables. Ce sont aussi nos enfants qui en souffrent. Alors, si vous voulez faire de la prévention, si vous voulez avoir une main-d'oeuvre à l'avenir qui sera productive, si vous voulez avoir moins de violence et de délinquance et moins de dépenses de ce côté-là, il faut Investir dans l'emploi et, par ticulièrement, dans l'emploi des femmes. Une politique de plein emploi, c'est évidemment une politique multidimensionnelle, une politique qui est complexe. Nous croyons qu'il faut effectivement appuyer l'entreprise privée et surtout les petits entrepreneurs et les entrepreneures femmes, mais il faut aussi investir dans les services publics.

Globalement, dans l'économie, le secteur manufacturier et le secteur primaire, agriculture, mines, sont devenus trop productifs. Nous avons trop de capacité de production; c'est pour ça que les entreprises ferment et mettent des gens à pied. Là où nous avons des besoins, c'est dans les services et particulièrement dans les services sociaux: la santé, l'éducation, les soins à domicile pour les personnes âgées, les services de garde, les loisirs pour les jeunes. On a les besoins, on a les ressources; le rôle du gouvernement, c'est de mobiliser la société pour qu'on puisse répondre correctement à ces besoins-là. (16 h 20)

Alors, nous avons fait plusieurs suggestions, dont la réduction de temps de travail; aussi, le développement des services publics. Nous croyons aussi qu'il faudrait offrir un meilleur financement aux organismes communautaires. Comme vous le savez, ce sont surtout des groupes de femmes qui offrent, généralement à très faible salaire, des services aux autres membres de la communauté dans les maisons d'hébergement ou dans les services aux ex-psychiatrisés ou aux exprisonniers, les services de garde. Et, en donnant un meilleur financement à ces groupes-là, on offrirait de meilleurs services et on pourrait aussi mettre l'argent dans la poche des gens qui, eux, vont aussi acheter dans la société et créer des profits et d'autres emplois chez nos entrepreneurs et dans le secteur privé.

Évidemment, il y a des grands besoins de logements et, surtout, de logements sociaux abordables et d'infrastructures dans la communauté. Aussi, on parle beaucoup de programmes de formation. Nous avons aussi des revendications spécifiques pour les femmes, en particulier l'accès à temps partiel pour les gens qui sont à l'aide sociale parce que, souvent, ce sont des mères de famille. Elles ne sont, surtout quand leurs enfants sont jeunes, pas en mesure de faire ça à temps plein, mais à temps partiel. Ça prendrait un peu de temps, mais ça serait un excellent investissement. Nous plaidons aussi pour le maintien et le renforcement des services externes de main-d'oeuvre voués spécifiquement aux femmes. Les études que j'ai vues du ministère de la Maln-d'oeuvre montrent qu'ils sont parmi les plus rentables des services qui sont

offerts et II faut...

Souvent, il y a un problème de clientèle dans l'aide sociale, mais il y a plein de femmes qui ne sont pas sur l'aide sociale qui aimeraient avoir accès à ces programmes-là, et il faudrait les développer. Ça aussi, c'est un investissement dans l'avenir.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur la recommandation 12, qui est un petit élément qui serait très facile, c'est le programme APPORT. C'est un programme qui vise justement à aider l'aide sociale, qui est un piège de pauvreté. Si une famille monoparentale veut sortir de l'aide sociale, il faut qu'elle puisse gagner au moins 15 000 $ par année, et ça, c'est beaucoup plus qu'un temps plein au salaire minimum. Le programme APPORT vise à aider à faire la transition de l'aide sociale vers le marché du travail, mais il ne rejoint pas les gens. C'est un programme qui est compliqué, c'est des démarches compliquées pour une femme qui a aussi un enfant, des enfants et un emploi à temps plein. Alors, nous demandons que les gens qui y ont droit puissent réclamer, au moment où ils font leur rapport d'impôt, encore mieux que quand ils sont admissibles. Le gouvernement fait les calculs, puis il leur envole le chèque, comme on le fait de plus en plus avec d'autres programmes sélectifs qui sont aussi très compliqués.

Mme Signori: Alors, je reprends le flambeau pour défendre le dossier des pensions alimentaires.

Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute.

Mme Signori: II nous reste une minute? Le Président (M. Lemieux): Oui. Mme Signori: Ah, mon Dieu! Le Président (M. Lemieux): Ça va vite.

Mme Signori: Je ne suis pas sûre si on n'a pas des... On a commencé dépassé 16 heures un peu?

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, on pourra quand même... Écoutez, on va vous laisser quand même terminer, là, il n'y a pas de problème. Mais c'est simplement parce que le débat...

Mme Signori: Non, je vais faire ça le plus court possible.

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que le débat va être un petit peu plus court. Alors, on vous écoute, allez-y. Prenez votre temps.

Mme Signori: Je vais essayer d'y aller avec mes tripes. En général, ça va mieux.

Alors, je pense qu'ici, au Québec, on a un problème pour la perception et l'attribution des pensions alimentaires. Mais ce que je voudrais aussi laisser, le message, ici, à M. le Président et à tous ceux qui l'entourent, ceux et celles qui l'entourent, c'est qu'il y a un comité fédéral-provincial et territorial sur le droit de la famille qui discute dans le moment du dossier des fixations des pensions alimentaires. Et ce que je veux vous dire, c'est: N'écoutez pas ce qu'ils disent dans le document qu'ils vous ont présenté parce que c'est absolument farfelu, leurs hypothèses. Je vais vous donner une hypothèse. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi on le dénonce. On a passé trois jours à l'étudier fortement.

Une des hypothèses, c'est qu'on peut élever un enfant avec 1,10 $ par jour. Moi, je vous dis, M. le Président, que 1,10 $ par jour, l'enfant doit se promener nu jusqu'à sa majorité et être allaité. Je pense qu'on a un problème là en partant.

Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous, madame.

Mme Signori: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord avec vous.

Mme Signori: C'est pour ça que je vous dis: Faites vos propres études et voyez la façon la plus efficace possible. Évidemment, on réclame aussi un service de perception automatique des pensions alimentaires prélevées à la source. Ça se fait déjà dans quatre provinces ici au Canada. On avait l'habitude d'être avant-gardistes ici au Québec, on tire un peu de la patte. Mais on se met dans le cadre de l'Année Internationale de la famille. Ce serait peut-être intéressant d'y penser sérieusement. On voit, en Ontario, tout le bienfait que ça a donné déjà et toute l'amélioration que ça a apporté à la pauvreté des femmes et des enfants de ces familles monoparentales, et je pense que c'est important d'avoir toujours en tête que les enfants sont nos futurs citoyens du Québec.

Je vais être obligée de terminer là. Je trouve ça triste parce que j'aurais bien des choses à dire.

Le Président (M. Lemieux): Mais écoutez, si vous avez des choses primordiales, allez-y, et le débat... Écoutez, prenez... Oui, on va vous donner cinq minutes de plus. Allez-y, madame.

Mme Signori: Bien, c'est parce que je...

Le Président (M. Lemieux): On n'est pas à une minute près, là. Allez-y. C'est parce que, moi, je me dois de faire en sorte...

Mme Signori: C'est qu'il y en a d'autres... On avait comme divisé notre travail. Alors, je voudrais bien que ma collègue aussi puisse parler.

Le Président (M. Lemieux): Ah bien! alors, ça va. Ça va.

Mme Signori: On reprendra le débat ensuite. Le Président (M. Lemieux): Ça va. Allez-y.

Mme Signori: Vous nous poserez des questions, tiens.

Le Président (M. Lemieux): O.K. Ça va.

Mme Falardeau (Danielle): Sur la partie 6 qui s'intitule «Divers éléments de la fiscalité», M. le Président, dans cette partie, nous voulons attirer l'attention sur le fait que, lorsque le manque d'argent devient chronique, que ce soit dans une famille ou dans un gouvernement, il y a lieu de questionner les sources de revenus autant que les dépenses. Et, en ces temps où le discours est beaucoup à la tarification des services essentiels, on se dit que vivre selon ses moyens, c'est vivre selon les moyens de tous, c'est-à-dire questionner la capacité de payer non seulement du gagne-petit pour savoir quelle forme de tarification on va lui donner ou du gagne-moyen pour savoir combien il va pouvoir payer en plus, mais, également, la capacité de payer encore plus de la part des gagne-beaucoup et des entreprises. Vivre selon ses moyens, c'est questionner l'ensemble de ses revenus et aller chercher plus là où c'est possible.

Et, à la recommandation 23, il y a certaines suggestions qui sont faites, comme: rapatrier au Québec l'ensemble des pouvoirs de taxation, quitte à faire un transfert au gouvernement fédéral pour les services qu'il nous rend. On trouve passablement dangereux d'intégrer le discours fédéral de la coupure des transferts de taxation sans rebondir; rehausser les taux marginaux les plus élevés et mieux étaler les taux de la classe moyenne. On fait nôtres les suggestions qui ont été faites par certains groupes de rehausser les taux marginaux à compter de 60 000 $; rééquilibrer la contribution des entreprises aux finances de l'État en tenant compte, par exemple, de l'abolition de la taxe sur les achats des entreprises, en vigueur depuis juillet 1992; réduire les taxes à la consommation dont le taux actuel incite aux ententes hors taxes, au magasinage à l'étranger, au troc, etc.

En recommandation 24, instaurer un programme systématique de vérification des rapports d'impôt des entreprises et des contribuables à revenus élevés. Au fédéral, il a été prouvé que, pour chaque dollar investi là-dedans, ça rapporte 17 $; réexaminer soigneusement les divers abris fiscaux ainsi que les programmes de subventions aux entreprises de façon à ne retenir que ceux qui produisent les effets escomptés, qui sont réellement rentables pour la société dans son ensemble. En quelque sorte, instaurer un impôt minimum effectif.

Et, fort intéressante, la recommandation 26, revoir les règles de fonctionnement internes du gouvernement afin d'éliminer le type de gaspillage qu'a relevé le Vérificateur général. En cela, M. le Président, quand on parle de fonctionnement interne, c'est aussi étudier les dédoublements avec la fonction publique fédérale et le fait de fusionner tout ce qui se fait là-bas et ici ferait de fortes économies, finalement, pour le contribuable. C'est éliminer les dédoublements à l'intérieur même de la fonction publique québécoise et entre elle et les sociétés d'État. C'est miser sur des changements dans l'organisation même au lieu de seulement... enfin, d'aller beaucoup vers la sous-traitance.

En recommandation 27, c'est une vieille demande, enfin, qui revient régulièrement chez les femmes, soit de convertir les crédits non remboursables pour adultes en crédits remboursables, ce qui permettrait aux femmes au foyer de profiter elles-mêmes de l'avantage fiscal accordé à leur nom. Il pourrait permettre une révision intéressante des programmes d'aide sociale et rendre la fiscalité plus progressive.

Et, finalement, en recommandation 28, de revoir la définition de la famille monoparentale en fiscalité.

Alors, ça va, c'est le mot de la fin.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions.

M. le président du Conseil du trésor, avez-vous des commentaires?

M. Johnson: Oui, plusieurs, M. le Président, parce que c'est une commande phénoménale que vous venez de nous livrer. Au-delà des 4 600 000 000 $ de déficit qui existe cette année, probablement qu'il faudrait augmenter ça de, pas de millions, mais de milliards, en l'occurrence, Mme Brunet. C'est essentiellement une longue liste de demandes financières que vous logez au gouvernement du Québec alors que moi, je croyais, jusqu'à tout à l'heure, qu'il y avait un consensus autour des difficultés réelles que le monde industrialisé traverse en matière de finances publiques. Je n'en conclurai pas que vous n'êtes pas au courant, mais je vais en conclure que vous trouvez qu'il y a des choses qui sont tellement importantes qu'il faut s'endetter davantage afin de rencontrer les besoins réels que vous avez identifié, là.

Sauf que je cherche comment, avec vous, réallouer les ressources qu'on a parce que je n'ai pas saisi qu'il y avait une pensée magique pour créer des revenus fiscaux, ce n'est pas ça qui est en cause, mais, chose certaine vous parlez d'une politique de plein emploi.

Dans le fond, à force de se faire dire ça, les gouvernements manifestent beaucoup, beaucoup de patience en ne s'impatientant pas devant un discours comme celui-là, parce que si vous vous Imaginez qu'on est Ici, qu'on se fait élire, qu'on est dans nos comtés, tout le monde, les 125, pour une autre raison que de faire en sorte que la qualité de vie de nos concitoyens s'améliore, vous avez une mauvaise connaissance de la vie politique. Moi, je suis profondément convaincu que vous représentez vos membres pour améliorer leur sort. Je n'ai jamais pensé une seconde que les gestes que vous posez, y compris venir dans les galeries a l'Assemblée nationale, a quelque autre objectif que ce soit que d'améliorer le sort de vos membres. C'est la même chose pour nous autres, améliorer le sort des gens de notre comté où on observe nous aussi qu'il y a du sous-emploi, où on voit qu'il y a des difficultés réelles de certaines clientèles, que vous avez identifiées, et on cherche, avec de l'argent qu'on emprunte, à rencontrer, à trouver les solutions à ces problèmes-là. (16 h 30)

II y a un minimum de responsabilité qu'on doit exercer. On doit, par exemple, contrôler à qui on verse cet argent-là. Vous trouvez exhor-bitant, lorsqu'il est question d'aller contrôler le soutien financier qu'on peut donner à des clientèles, vous trouvez exorbitant, une invasion inacceptable de la vie privée et de l'intimité des gens, de nous assurer que quelqu'un qui est sur le bien-être social n'est pas un propriétaire, comme c'est arrivé dans la région de Québec récemment, de plusieurs blocs appartements, de plusieurs voitures de luxe, et qui reçoit toujours son chèque d'aide sociale. C'est inacceptable. C'est inacceptable de laisser des choses comme ça se dérouler. Il faut mettre sur pied des contrôles pour s'assurer que l'argent des contribuables ne serve pas à financer les dépenses luxueuses et exagérées de quelqu'un qui n'en a pas besoin. Alors, là, on essaie de faire ça, et on contrôle en même temps, évidemment, du côté de la perception. Et j'en sais quelque chose; on en sait tous quelque chose, comme députés, avec le genre de lettres qu'on reçoit de gens qui nous disent: Dites au ministère du Revenu de nous laisser la paix. J'en reçois, des lettres, moi, comme député. Alors, le ministère du Revenu s'occupe de son affaire, ça, je peux vous le dire. Alors, il n'y a pas beaucoup de potentiel de ce côté-là, il n'y a pas beaucoup de potentiel.

Vous voulez assurer l'universalité des programmes. Effectivement, si je suis votre raisonnement, on croit faire une économie en limitant aux gens qui gagnent moins de 55 000 $ par année l'accès à l'allocation PRALMA. Il y a 8000 personnes au Québec, là, qui vont être exclues de ce programme; ça fait presque 3 000 000 $. Est-ce que ça doit vraiment être universel, des prestations taxables, dans les mains de gens qui font 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $, 80 000 $ par année? 360 $, le délai de carence, c'est taxable. Est-ce qu'on doit maintenir ça? Et, si oui, pourquoi?

Moi, ça me renverse de voir que vous plaidez pour l'universalité des programmes additionnels. Vous savez qu'on a un problème financier; vous dites: Créez de l'emploi. C'est ça qu'on essaie de faire, avec beaucoup de difficultés, mais nos voisins ont le même problème. Et, évidemment, vous arrivez en bout de ligne avec la demande de hausser les impôts, sans dire à partir de quel niveau, quelle sorte d'impôt, quelle clientèle, de baisser les impôts des petites entreprises mais pas des grosses. Mais quand est-ce qu'on est petit et quand est-ce qu'on est gros, là? Allez dire ça dans un village qui vit de Cascades ou d'une autre entreprise qui embauche des centaines de personnes, qui a des dizaines, des centaines de millions d'investissements. Ce village-là ne mérite pas que l'entreprise qui crée des emplois soit soutenue, mais le village où on trouve 8 petites entreprises de 40 personnes mérite un soutien financier? Quel genre d'équité entre les Québécois est-ce qu'on est en train de créer lorsqu'on catégorise les gens comme ça?

Moi, je pensais que l'équité, c'était traiter tout le monde de la même façon, mais que c'est un principe qui est tempéré par, je dirais, une façon de mettre de l'ordre d'importance dans ce qu'on peut faire, mais pour tout le monde. Mais, à partir du moment où on a moins d'argent, si on croit que le soutien à la famille est important, il m'apparait qu'on doive le réserver à ces familles qui en ont vraiment besoin. Alors, là, l'universalité en prend un petit peu pour son rhume. On nous a même suggéré...

C'est Camille Bouchard, évidemment, de l'Université du Québec à Montréal, qui venait plaider pour les enfants, comme il l'a fait dans son rapport, avec raison. Il venait plaider pour la prévention et il reconnaissait qu'on n'a pas d'argent pour en mettre partout. Il faut donc en mettre là où ça fait le plus grand bien. C'est une autre brèche dans l'universalité, reconnaissant qu'on n'a pas des moyens illimités.

Alors, ce qui me prend toujours un petit peu de court dans les démonstrations de groupes de pression, c'est ce sentiment qu'il y a de l'argent illimité et qu'il y a des clientèles qu'on ne doit, mais alors là, jamais toucher, que l'universalité est un principe sacré, quels que soient nos moyens. Ce que je me demande, c'est si, dans les faits, une fois qu'on a regardé les chiffres, c'est si absolu que ça, la présence et le soutien de l'État à l'endroit de toutes les clientèles que vous avez mentionnées. J'espère que vous allez dire non, et j'espère surtout que vous allez me dire à partir desquelles on devrait travailler, parce qu'il y a des choses dont on doit s'occuper.

Est-ce que le soutien aux petites entreprises passe avant ou après les familles monoparentales? Poser la question, c'est y répondre, entre

nous, mais j'aimerais que vous me démontriez que ce n'est pas vrai qu'il y a 30 choses qu'on doit faire absolument. J'aimerais mieux que vous me démontriez que la première, c'est elle, la deuxième, c'est elle et la troisième, c'est elle, et quelles sont les limites raisonnables que notre société doit observer, si on veut être responsable avec l'argent des contribuables et faire le plus grand bien possible, hein. C'est une question d'investissement. Quel est le meilleur retour sur cet investissement-là en termes sociaux - pas seulement économiques, là, en termes sociaux. Si on a juste 1 000 000 $, juste 1 000 000 000 $ -peu importe, disons qu'on en a juste un - qu'est-ce qu'on fait avec? Qu'est-ce qu'on fait avec? Est-ce qu'on dit: On s'est trompé, les gens de 65 ans ne devraient pas payer 2 $, qui est le tarif le moins élevé, numérique, là, pour les médicaments? Ou est-ce qu'on devrait plutôt restaurer PRALMA pour les femmes qui gagnent plus que 55 000 $ pour leur donner 360 $ qui va servir à des fins qui ne sont pas des fins aussi nécessaires et de base que dans les familles où le revenu est peut-être autour de 25 000 $ ou 30 000 $?

Alors, si vous pouviez juste apporter des précisions là-dessus pour qu'on sache dans quelle direction on s'en va tous ensemble.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous des commentaires relativement aux propos du président du Conseil du trésor?

Mme Signori: Est-ce qu'on peut répliquer?

Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, oui, madame. Oui, oui.

Mme Signori: Ah bon! On ne parlait pas de s'endetter davantage. Nous, on parle d'une redistribution équitable de la richesse. Je vais vous donner juste un exemple qui est tout à fait à jour, l'histoire de M. Malenfant.

Le gouvernement a quand même aidé beaucoup M. Malenfant, et on voit ce que ça a donné aujourd'hui. Il y a d'autres exemples comme ça que je pourrais... Je me souviens d'une période où le gouvernement québécois a aidé aussi les chevaux de Blue Bonnets. Bon, bien, mon Dieu! Je pense que les gens qui sont les plus démunis auraient plus besoin de ça. Vous parlez du programme PRALMA, monsieur... Bien, là, je m'adresse toujours au président. Excusez-moi. Je voudrais répondre, mais, en tout cas... Pour le programme PRALMA, on parle du budget. Il faudrait reconnaître aussi que le budget qui est calculé, de 55 000 $, M. le Président, il est calculé sur le budget familial, et c'est la femme qui a un congé de maternité, à date. Je comprends que ce n'est pas encore rendu une fois à l'homme, une fols à la femme. Le congé de maternité reste encore un congé de maternité, de mère, et c'est calculé sur le budget familial. Et je pense que c'est illogique aussi, dans ce sens-là; c'est encore la femme qui sera pénalisée.

Il faudrait peut-être aussi aller voir, M. le Président, du côté de tous les abus qui ont été dénoncés par le Vérificateur. Je n'irai pas vous donner des exemples; vous les savez aussi bien que moi. Et je demanderai à ma collègue Ruth aussi, qui avait des exemples beaucoup plus scientifiques que les miens à vous donner.

Le Président (M. Lemieux): Pour compléter la réponse, madame. (16 h 40)

Mme Rose: Je pense que vous caricaturez notre mémoire, parce que ce qu'on vous dit, c'est: le critère pour décider les dépenses, c'est l'emploi. Tout comme M. Clinton, je pense, qui a fini par comprendre que la façon de régler le déficit, c'est de remettre les gens au travail.

J'aimerais attirer votre attention sur la page 59 des documents que, vous, vous avez préparés. C'est là où on voit, justement, l'évolution des dépenses et des recettes du gouvernement. Ce dont on se rend compte, c'est que les dépenses, d'abord, depuis 1985, sont inférieures aux recettes. Donc, ce n'est pas le problème des dépenses sociales qui est un problème. D'ailleurs, le niveau des dépenses, avant la récession en 1989, a été le même niveau qu'en 1973. Évidemment, c'est la récession qui les a fait remonter. Même en 1992, les dépenses pour les programmes sont encore inférieures aux recettes.

Alors, je ne peux pas croire que le problème, c'est qu'on a trop de dépenses sociales Ce qui est problème, c'est les intérêts. Et les taux d'intérêt sont excessivement élevés. Ils le sont à cause... C'est vrai qu'on ne contrôle pas la politique de la Banque du Canada ici, au Québec, mais quand les taux d'intérêt sont rendus à 14 % pour maintenir un dollar à 0,85 $ alors que toutes les entreprises sont d'accord que c'est ça qui mine notre compétitivité, c'est là où les déficits se sont accumulés, et ils sont devenus incontrôlables.

Nous autres, on contribue au problème quand, au lieu d'investir dans les emplois, d'investir dans les services publics... C'est là où on est en désaccord: c'est qu'on croit que l'investissement dans les services publics, non seulement répond aux besoins qui sont réels mais il met les gens au travail, il met l'argent dans les poches des gens, et ils sont capables de payer leur part de taxes. On économise l'impôt directement, parce qu'ils ne sont pas sur l'aide sociale. On économise aussi parce qu'ils paient des taxes. On économise parce que ces gens-là dépensent. Ils créent des demandes. On aurait moins de faillites dans les entreprises. Ces entreprises-là redeviendraient rentables et paieraient leur part de taxes aussi.

Alors, si, au lieu d'avoir des mégaprojots à la Baie James, qui soulèvent l'opposition des peuples autochtones dans ces régions-là - Hydro-

Québec serait moins obligée d'emprunter, et ce serait peut-être plus facile pour le gouvernement du Québec d'emprunter de son côté - si, à la place, on investissait dans la conservation d'énergie, peut-être qu'on créerait plus d'emplois avec le même argent. Même chose avec les alumineries. On a un surplus d'aluminium au niveau du monde, mais ça ne nous empêche pas de faire des grands prêts et d'investir là-dedans, dans un domaine qui est extrêmement polluant.

Alors, le critère, pour nous, M. Johnson, M. le Président, c'est la création d'emplois. Nous sommes convaincus que chaque dollar dépensé reviendra au Trésor multiplié.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie.

Mme la députée de Taillon, vous voulez intervenir?

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Je suis très heureuse de vous entendre aujourd'hui. Je pense que c'est très intéressant, ce que vous soulevez. Je voudrais revenir sur quelques propos du président du Conseil du trésor, parce qu'il y a des choses que je ne peux pas laisser passer.

D'abord, un, je suis d'accord avec lui; que ce soit de leur côté ou de notre côté, comme députés à l'Assemblée nationale, représentant des citoyens et des citoyennes, nous recherchons tous et toutes que la qualité de la vie de nos concitoyens et concitoyennes s'améliore. Mais, cependant, il y a des philosophies, des façons de faire qui peuvent se différencier d'un parti à l'autre. Et ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est: Nous voudrions que le gouvernement québécois s'oriente vers le choix de critère qui va être celui de l'emploi lorsqu'il y a des décisions à prendre, que ce soit en matière fiscale ou en matière de sécurité du revenu. Je trouve un peu dommage...

J'aimerais attirer l'attention du président du Conseil du trésor, M. le Président, si vous le permettez, sur un certain nombre de recommandations qui sont au document présenté par le groupe qui est devant nous aujourd'hui, parce qu'il y en a, des propositions qui sont faites, qui exigent un investissement minimal maintenant et qui permettent à des gens de devenir autonomes et, par la suite, de devenir des citoyens et des citoyennes qui vont contribuer d'abord à leur bien-être - parce que le fait d'aller se chercher un revenu, c'est d'abord cela que ça permet - mais qui vont être des citoyens et des citoyennes aussi qui contribuent aux services collectifs qu'on s'est donnés par les taxes qu'ils vont payer à l'État. Puis je vais venir sur des questions là-dessus, mais il m'apparaissait que cette remarque-là devait être faite.

Une autre aussi: on identifie toujours la personne, quelque part dans un système, qui fraude le système. Il y en a dans la sécurité du revenu, le ministre a raison. Il y en a aussi à l'impôt. Il y en a partout dans nos sociétés, sauf qu'on a toujours l'air de mettre le poids particulièrement sur les personnes qui sont à la sécurité du revenu. Et le problème que ça soulève, c'est que ça jette le discrédit sur les autres. Ce n'est pas l'intention du ministre, je n'en disconviens pas, sauf que l'impression que ça laisse, c'est quand même ça. Et c'est inacceptable, parce que ce n'est pas le cas. Il y a des extrêmes dans tous nos systèmes, que ce soit au niveau fiscal, que ce soit au niveau de la sécurité du revenu, des gens qui exploitent les systèmes. Ils sont l'exception, et tant mieux! Mais ne faisons pas peser le poids sur celles qui sont à la sécurité du revenu en disant que l'exception, c'est plutôt la règle, ou en le laissant entendre.

Ces remarques étant faites, je reviens à votre mémoire. Je suis d'accord avec vous quant aux outils qui nous ont été fournis pour faire le débat. Nous avons eu aussi les documents à la toute dernière minute, et il y a, d'autre part, des éléments d'information que nous n'avons pas. Et, justement, c'est là que votre mémoire devient intéressant.

Je regarde, entre autres, la recommandation 25, et j'attire l'attention du président du Conseil du trésor. La recommandation 25 dit ceci: «Réexaminer soigneusement les divers abris fiscaux ainsi que les programmes de subventions aux entreprises, de façon à ne retenir que ceux qui produisent les effets escomptés et qui sont réellement rentables pour la société dans son ensemble. Instaurer un impôt minimum effectif.» On ne dit pas ici: Éliminer tous les abris fiscaux. On dit: Chacun des abris fiscaux qui existe, quels sont ses impacts réels au plan économique? Et, ce qu'on nous dit, c'est que le critère qui devrait être utilisé pour évaluer leur impact, c'est l'emploi. Sauf qu'on n'a pas, dans le document qui est ici - à moins que vous n'ayez vu ça, vous, quelque part - l'effet réel des outils fiscaux utilisés, mais surtout à qui ils profitent. Qui en retire des avantages? Je ne crois pas que l'on ait ici, aux documents, les outils pour faire ça. Alors, je trouve ça intéressant, parce que c'est un bel exemple, justement, de ce que vous proposez et auquel le président du Conseil du trésor devrait être sensible.

Je vais revenir maintenant sur des propositions qui concernent particulièrement certains programmes ou certaines mesures qui pourraient - je suis d'accord avec vous - être utilisées différemment et être plus efficaces. J'ai toujours l'impression, quand je regarde certaines économies de bouts de chandelles qu'on fait, en rognant un programme par ci, en rendant un critère d'admissibilité par là plus compliqué, qu'on passe à côté des cibles. Je vais prendre votre recommandation 9.

Vous dites - et, ça, c'est un bel exemple; je pense que le président du Conseil du trésor va

être sensible à ça, et je veux que vous m'en parliez - «Mieux aménager les programmes de formation et de réinsertion au marché du travail pour les responsables de famille monoparentale. En particulier, il faudrait permettre des études à temps partiel pour des périodes beaucoup plus longues et permettre aux personnes catégorisées - quel jargon! mais, enfin, c'est celui-là - "aptes non disponibles" à l'aide sociale de suivre des programmes de formation - c'est là où on retrouve les monoparentales avec des enfants d'âge préscolaire.»

Qu'est-ce qu'elle dit, cette phrase-là? Et là je veux que vous me donniez des exemples, mais ce que je comprends, c'est qu'elle dit: Une chef de famille ou un chef de famille... Mais, généralement, c'est les femmes qui sont chef de famille, en tout cas, à 85 % encore. Les femmes chef de famille qui sont à l'aide sociale, si elles ont des enfants d'âge préscolaire, elles ne sont pas disponibles. Même si elles veulent se former, elles sont considérées comme pas disponibles. Donc, on ne met pas en place des mesures qui sont intéressantes pour les aider à se former et à se réinsérer dans le marché du travail. Alors, on a voulu rogner, on a voulu économiser, sauf que, dans les faits, on a l'effet pervers inverse: on fait en sorte que des gens restent plus longtemps à l'aide sociale et aient plus de difficultés à s'en sortir par la suite. C'est un bel exemple d'un tout petit investissement qui permettrait à des gens de mieux s'en sortir. (16 h 50)

Je veux que vous me parliez de ça, et je veux que vous me parliez de la formation et des fameux services externes de main-d'oeuvre, les CEMO. Dites-moi un petit peu, là, ce que vous souhaiteriez qui se fasse de plus ou de différent? Parce que je pense que ce n'est pas nécessairement l'ajout de ressources, mais c'est de faire différemment pour permettre que ce soit plus efficace en termes de support à l'emploi.

Ça va être mes questions, M. le Président, parce que ma collègue veut aussi intervenir plus tard.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous écoutons.

Mme Signori: Je ne sais pas s'il y a vraiment une réponse. Vous avez presque tout dit pour les programmes de réinsertion aux programmes de formation pour les femmes monoparentales. C'est vrai qu'elles sont «aptes non disponibles» quand le ou les enfants ont en bas de six ans. Et si on leur permettait le temps partiel, elles pourraient diminuer l'écart qui existe présentement quand les enfants ont passé l'âge, et retourner sur le marché du travail. C'est qu'en leur permettant maintenant un programme de formation à temps partiel ou un programme d'études à temps partiel, tranquillement, leur esprit serait comme préparé à retourner sur le marché de l'emploi.

Il faut avoir été assez impliqué dans le milieu des familles monoparentales pour voir concrètement comment ça se vit, la monoparen-talité, quand tu es complètement démunie et pour comprendre aussi à quel point notre estime de soi a beaucoup diminué, et que c'est très difficile ensuite de rattraper les autres. Alors, en permettant des programmes de formation ou des programmes d'étude à temps partiel, ça diminuerait l'écart et ça permettrait d'atteindre l'autonomie le plus tôt possible.

Pour les programmes CEMO, est-ce que vous pourriez me répéter la question?

Mme Marois: Je voudrais savoir ce qui fait recommander le fait que ça dépasse la clientèle seulement des personnes à l'aide sociale mais que ça puisse s'offrir à d'autres groupes que les gens qui sont à la sécurité du reveu.

Mme Signori: Les programmes CEMO, comme les services de main-d'oeuvre, ont été beaucoup pensés pour permettre aux femmes de retourner sur le marché du travail, sauf qu'avec la période difficile que l'on retrouve, ces services-là, maintenant, sont accessibles aux hommes et aux femmes et, par région, c'est parfois les femmes qui sont... Ce sont des hommes et des femmes, mais surtout des hommes qui vont profiter de ces services-là. Il reste parfois, selon les régions, des places de libres et, à ce moment-là, on dirait de donner l'avantage aux femmes qui sont...

Mme Marois: Qui ne sont pas nécessairement bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Signori: Oui. Qui pourraient ensuite profiter de ce service-là.

Mme Marois: D'accord. J'aurais beaucoup d'autres commentaires et de questions, mais ma collègue veut en poser. Oui, madame...

Mme Rose: Sur les CEMO, le CIAFT nous a dit qu'actuellement ils reçoivent leurs subventions si au moins les trois quarts de leur clientèle sont des gens sur l'aide sociale, alors que nous croyons que c'est une prévention de permettre aux femmes qui ne sont pas nécessairement assistées sociales d'accéder à ça, parce que toute femme est potentiellement une monoparentale. L'autre problème aussi, c'est qu'il y a beaucoup de pressions pour faire admettre des hommes dans les programmes qui sont conçus pour les femmes. Or, ces programmes-là fonctionnent parce qu'ils utilisent des méthodes d'animation qui sont spécifiquement dirigées vers les femmes, et ça ne peut pas se faire dans des groupes mixtes.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Je veux commencer par dire qu'il y a un point qu'on partage, du moins de ce côté-ci, c'est que l'importance de l'emploi reste probablement la question majeure sur laquelle on a à se pencher. Une fois que j'ai dit ça, je dois vous dire que les solutions que vous proposez m'ont l'air un peu simplistes, et j'imagine que vous avez probablement été un peu plus loin que ce que vous avez écrit dans votre réflexion. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans la crise qu'on traverse sur les questions d'emplois, il y a deux types de chômage: il y a un chômage qui est purement structurel, dû à la crise qu'on traverse, et il y a une partie qui est conjoncturelle. C'est-à-dire qu'il y a un changement, actuellement, de notre marché du travail, puis il y a le fait qu'on est à la fin d'un cycle économique, ou du moins, j'espère, au début d'une reprise.

Comme gouvernement, on est préoccupé aussi par cette question du chômage. On a, pour toucher à tout ce qui est conjoncturel, essayé d'accélérer les investissements publics. Vous en parlez en partie lorsque vous parlez d'accélérer la construction et la rénovation du logement social. Vous savez qu'on a augmenté les subventions à l'intérieur du programme PRIL, qu'on a voulu accélérer les investissements dans la construction des autoroutes, des écoles et des hôpitaux pour essayer d'accélérer la reprise.

On a, par contre, un autre problème qui n'est pas lié à la conjoncture mais qui est lié, j'imagine que vous êtes d'accord avec moi, à une mutation en profondeur de notre économie, et sur laquelle on essaie d'adapter la main-d'oeuvre à l'aide des programmes de formation. Et une des priorités de ce gouvernement, c'est d'améliorer tous les programmes de formation professionnelle et de les ouvrir aussi, parce que je comprends que vous êtes intéressées par cette question, dans les métiers non traditionnels aux femmes que vous représentez. Et j'imagine que vous êtes d'accord avec ce qu'on fait.

L'autre point où j'ai du mal à vous suivre, c'est lorsque vous dites strictement: pour créer de l'emploi aussi, il faut augmenter les investissements publics non productifs mais socialement productifs. Je pense que vous n'avez pas utilisé ce terme-là, mais j'imagine que c'est ce que vous avez derrière. Or, dans la crise des finances publiques qu'on traverse actuellement, du moins à court terme, c'est absolument et extrêmement difficile d'aller dans cette direction-là, c'est-à-dire d'investir dans des emplois qui sont des pseudo ou de faux emplois économiques comme tels.

Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur cette question-là. J'imagine qu'on a peu de temps pour débattre, parce que c'est un débat qui serait...

Le Président (M. Lemieux): Nous n'avons déjà plus de temps, M. le député de Verdun...

M. Gautrin: Alors, je vais vous laisser...

Le Président (M. Lemieux): ...mais nous allons vous écouter.

M. Gautrin: ...parce que c'est un débat majeur. Parce qu'elles vont répondre, et j'aurai après à «rerépondre» sur la réponse; mais j'imagine que votre réflexion n'est pas limitée à l'approche un peu simpliste que vous avez dite.

Le Président (M. Lemieux): Madame.

Mme Signori: Est-ce que vous pourriez me spécifier la recommandation?

M. Gautrin: Je parle essentiellement de la recommandations...

Mme Signori: 6!

M. Gautrin: ...dans laquelle vous parlez d'une politique de plein emploi. Et, de ce côté-ci, on est évidemment en faveur du plein emploi. Vous insistez sur ce que j'appellerai les investissements sociaux. Vous ne touchez pas les deux types de chômage. Entre le chômage qui est à la fin de la crise qu'on traverse... Mais il y a aussi quelque chose de plus profond actuellement, qui est réellement non pas lié à la conjoncture mais qui l'est à une structure de notre économie et sur lequel on essaie d'intervenir par le biais des programmes de formation professionnelle. On pourrait débattre là-dessus. J'aurai aussi, probablement, à redébattre...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, concluez, s'il vous plaît!

M. Gautrin: Bon! Alors, c'est ma question là-dessus, si vous voulez...

Mme Rose: C'est drôle comment, quand on a fait des guerres, on n'a pas eu de problème de chômage et on n'a pas eu de problème de déficit. Le niveau de déficit qu'on a accumulé pendant la Deuxième Guerre mondiale, on n'a pas eu de problème pour le résorber par la suite. Alors, je pense que nous avons compris que les coupures et les hausses d'impôt sur la classe moyenne n'ont pas fonctionné. J'espère que nous entrons dans une nouvelle époque où nos partenaires commerciaux, notamment les États-Unis et les Européens, vont commencer, eux, à investir dans l'emploi, ce qui va rendre beaucoup plus facile pour nous autres aussi d'investir dans l'emploi. Mais j'ai de la misère à comprendre comment, à mesure qu'on devient plus riche et plus produc-

tif, on ne peut plus se payer ce qu'on se payait avant.

Alors, au niveau de la formation aussi, évidemment, tout le monde est pour la formation, mais on ne réussit pas à former des gens pour les emplois qui n'existent pas. Alors, les programmes de formation vont devenir rentables quand on saura pourquoi on forme les gens, qu'on aura des débouchés. Alors, on peut créer des emplois quand on sait pourquoi on a des besoins.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.

Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, brièvement aussi, s'il vous plaît!

Mme Carrier-Perreault: II me reste six minutes, je pense, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): C'est ça, madame? Six minutes. Ah bon!

Mme Carrier-Perreault: Alors, je vais essayer d'être brève pour laisser le temps à nos invitées de pouvoir s'exprimer. Je trouve que c'est un mémoire qui est quand même très intéressant, qui met en lumière et qui met en évidence un ensemble de situations, un ensemble de problèmes auxquels il faudrait apporter des correctifs, peut-être à court, à moyen ou à long terme. Mais, en tout cas, je trouve que c'est très bien exprimé, très clair. Je pense que ça mérite d'être lu et réfléchi.

Bien sûr qu'il y a plusieurs recommandations, vous en avez 30. Ça dépend, évidemment... Comme ma collègue, moi, je pense que vous avez des recommandations qui, à moyen terme ou à long terme, pourraient amener aussi des retombées économiques. Le président du Conseil du trésor parle d'une commande phénoménale. Bien sûr, ça dépend du point de vue où on se place. Si on pense seulement au prochain budget, c'est peut-être phénoménal, mais je pense qu'on est ici pour discuter des orientations. Et je reprendrai les propos du gouvernement: on dit qu'il faut discuter des orientations fiscales et budgétaires souhaitables pour l'avenir. Alors, je trouve que c'est tout à fait dans le ton d'amener des propositions comme celles-là. (17 heures)

Moi, j'aimerais que vous expliquiez de façon peut-être plus claire comment il y a des retombées, sur deux points, entre autres, de votre mémoire. J'aimerais que vous expliquiez ça au président du Conseil du trésor, comment il peut aller récupérer des sous, sauver de l'argent par deux mesures que vous nous avez recommandées. Je pense à la recommandation 8 sur l'équité salariale et à la recommandation 15 sur le mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires. Vous avez tout à fait raison. On tire de la patte non seulement dans le dossier des pensions alimentaires, mais on tire aussi de la patte au Québec dans le dossier de l'équité salariale.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons, madame.

Mme Rose: L'équité salariale, c'est surtout une question de justice, mais c'est aussi vrai que les femmes sont les moins bien payées et celles qui ont le plus de besoins, surtout celles qui ont des enfants. Alors, mettre l'argent dans les poches des pauvres a toujours un effet multiplicateur beaucoup plus grand que les autres dépenses, et c'est un peu ça, la réponse. Mais l'équité salariale, c'est surtout, d'abord, un problème de justice.

Le Président (M. Lemieux): Vous voulez compléter, madame?

Mme Signori: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez compléter.

Mme Signori: Moi, je réponds à la deuxième question.

Le Président (M. Lemieux): Alors, répondez à la... Madame, voulez-vous compléter suite à l'intervention?

Mme Brunet: Pas directement là-dessus, mais sur la politique de plein emploi. Je trouve très, très important qu'on débatte le sujet parce que, à un moment donné, le travail cesse et c'est la retraite. Je reviens toujours à ça parce que c'est là-dedans que je travaille, et je dois défendre les intérêts de ces personnes-là. On sait que les conditions de vie à la retraite dépendent énormément des conditions de travail qui ont précédé. C'est automatique ou presque. On sait que seulement 40 % des travailleurs et travailleuses contribuent à un fonds de pension et que le reste doit se bâtir un fonds de pension quand il a la capacité financière de le faire.

Alors, je ne prendrai pas plus de temps, mais je veux surtout appuyer sur une politique de plein emploi, à savoir que si on réussit à la faire, en bout de ligne, ça va coûter bien moins cher, encore une fois, au gouvernement. Il n'aura pas les personnes à la retraite sur le dos, être obligé de leur donner un petit peu de ci, un petit peu de ça. Je pense que si les gens avaient un revenu convenable à la retraite, ils seraient toujours organisés, ils seraient encore capables de s'organiser.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme Signori.

Mme Signori: Oui. Je voudrais répondre

comment l'État pourrait sauver des sous.

Je pense que c'est tout à fait... c'est clair. Il y aura beaucoup moins de gens sur l'aide sociale si les pensions alimentaires sont adéquates et si elles sont versées régulièrement. Un service de perception - quand on veut aller trop vite, on bafouille - automatique des pensions alimentaires prélevées à la source, je ne crois pas que ce soit si onéreux que ça. Ça s'est fait ailleurs, et j'aimerais bien que M. le président du Conseil du trésor vérifie... Et j'ai appris! Il commence à être temps!

Le Président (M. Lemieux): C'est bien.

Mme Signori: Qu'il vérifie en Ontario les résultats qui ont été donnés dernièrement, comment l'État a économisé depuis le service de perception automatique des pensions alimentaires à la source en Ontario. Alors, il y a des millions qui ont été économisés là parce que ça a enlevé des gens de l'aide sociale et ça a permis aux gens d'atteindre une forme d'autonomie.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, madame. Malheureusement, je ne peux permettre à M. le président du Conseil du trésor de vous répondre, le temps étant épuisé. Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire.

Je suspens deux minutes, et j'invite immédiatement le Conseil de la famille à bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprisée 17 h 6)

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux. Je demanderais au responsable du Conseil de la famille de bien vouloir prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je demanderais au Conseil de la famille de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Alors, j'invite la ou le représentant du groupe à bien vouloir s'identifier et à présenter les personnes qui l'accompagnent, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, la forme procédurale est la suivante. Nous disposons globalement d'une heure; 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange d'une durée globale de 40 minutes entre les deux formations politiques: le parti ministériel, pour une période de 20 minutes, et l'Opposition officielle, pour une période de 20 minutes. Nous sommes donc prêts immédiatement à vous entendre.

Conseil de la famille (CF)

M. Fortin (Bernard): Merci, M. le Président.

Je suis Bernard Fortin, président du Conseil de la famille. M. le Président, MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, je voudrais remercier les membres de la commission de nous faire l'honneur de nous entendre. Mes remerciements s'adressent aussi, ensuite, aux responsables de la commission pour la flexibilité dont Ils ont fait preuve pour nous recevoir. Permettez-moi, en premier lieu, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui, avec moi et au nom des membres du Conseil, tenteront de vous sensibiliser, peut-être de vous convaincre non seulement de l'urgence mais de la nécessité de prendre en compte la réalité familiale, presque au terme de vos délibérations et dans les décisions qui vont en découler.

Je voudrais d'abord vous présenter Mme Céline Signori, vice-présidente du Conseil de la famille. À ma gauche, M. Jean-Pierre Lamoureux, secrétaire général du Conseil, et, à l'extrême droite, M. André Lareau, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval et qui, pour le bénéfice du Conseil, mène actuellement une recherche sur toute la question de la fiscalité et des familles.

Il nous est apparu utile de dire quelques mots sur notre Conseil. La loi 94 constituant le Conseil de la famille a été sanctionnée le 1er juin 1988 et est entrée en vigueur le 28 septembre de la même année. Les considérations du préambule incorporé à cette loi résument la philosophie et les principes qui ont guidé l'Assemblée nationale du Québec en présentant cette pièce législative. «La famille, y dit-on, est le premier milieu de vie, d'apprentissage et de socialisation. Le bien-être de la famille et des individus qui la composent est la base du bien-être de la société.» Deuxième préambule: «La contribution sociale des parents comme premiers responsables des familles et de la prise en charge d'enfants mérite d'être soutenue et encouragée par la volonté collective. Il y a lieu, nous dit-on enfin dans ce préambule, de favoriser l'expression des familles, de leurs représentants, des milieux et des institutions concernés par les questions d'intérêt familial.» (17 h 10)

Sur la base de la reconnaissance par l'État de l'importance de la famille et du rôle des parents, l'Assemblée nationale a confié au Conseil de la famille le mandat de veiller aux questions d'intérêt familial. Il est utile de rappeler également que le gouvernement a voulu préciser l'objectif général de sa politique familiale en ces termes: Reconnaître l'importance de la famille en tant qu'institution et milieu de vie, notamment par le soutien collectif aux parents qui sont les premiers responsables de la prise en charge d'enfants et du milieu familial, cela pour le bien des familles, des individus qui les corn-

posent et de la société tout entière, mais en particulier pour bien appuyer la relation parents-enfant qui est le noyau commun à toutes les formes de famille. Organisme d'étude, de recherche et de consultation, le Conseil de la famille, par son mandat, veut être attentif aux besoins des familles pour rendre compte au gouvernement de la réalité vécue par les familles du Québec au moment de la révision ou de l'adoption de politiques ou de programmes qui ont des incidences sur la famille. En venant devant vous aujourd'hui, les membres du Conseil sont d'abord inspirés par les voeux de M. Bourassa, à l'occasion de Noël 1992, où il nous disait: «Cette solidarité, c'est d'abord au sein de la famille, la pierre d'assise de notre société, qu'elle se manifeste avec le plus de force. Tout au long de notre histoire, elle a constitué une source de dynamisme et nourri notre volonté collective de marcher vers le progrès. Elle a assuré la sauvegarde de notre identité et renforcé de génération en génération notre sentiment d'appartenance. Aujourd'hui encore, l'évolution de notre peuple lui confère un rôle tout aussi vital puisqu'elle demeure le véhicule privilégié de ces valeurs qui font notre fierté.»

Nous sommes aussi rassurés par un extrait du communiqué de presse de M. Levesque, le communiqué de presse 2, où, parlant des orientations fiscales et budgétaires possibles, il soulignait que le gouvernement considère important de s'assurer de la compétitivité du régime fiscal tout en ciblant, à l'intérieur de ces moyens, les activités qu'il juge prioritaires, telles que la politique familiale, la recherche et développement, la formation de la main-d'oeuvre.

Nous sommes enfin, M. le Président, enthousiasmés par la préparation et la célébration de l'Année internationale de la famille qui adviendra en 1994, où nous réfléchirons ensemble sur les ressources et les responsabilités de la famille dans un monde en mutation. À l'instar des groupes familiaux et des groupes préoccupés par la situation des familles, nous voulons aujourd'hui vous parler au nom des familles et des parents du Québec, en particulier de ces PME originales dont la parole est si peu entendue, de ceux et celles dont la contribution au produit national brut n'est pas encore assez prise en compte, de leurs responsabilités sociales et économiques enfin. Sans faire de démagogie, nous voudrions que la famille, qui est un lieu de solidarité et d'entraide, d'affection, d'amour et de tendresse, de ténacité et d'ingéniosité, d'unité comme de fraternité, de projets mais aussi, surtout, de confiance en l'avenir serve d'inspiration et d'exemple pour que se développe au Québec une société à son image. Le fait que nous soyons ceux qui bouclerons la boucle ou presque - on n'aura pas le plaisir de vous envoyer en vacances parce qu'il y a d'autres personnes qui passent après nous - donc, puisque nous sommes ceux qui bouclerons probablement une partie de la boucle de vos délibérations, ce fait nous apparaît indicateur, évident du centrage qu'il nous faut tous ensemble effectuer.

M. Lamoureux (Jean-Pierre): La conjoncture économique inquète les familles du Québec tout autant que leur propre situation. Dans la plupart des cas, les familles subissent les effets multiples non seulement de la récession et de l'endettement public, mais aussi de toutes les décisions gouvernementales. Pour n'en nommer que quelques-unes, mentionnons l'avènement de la TPS et de la TVQ, du filet de sécurité sociale qui se resserre sur celles dont le revenu se situe aux limites d'accession aux programmes, les frais de scolarité à l'université, l'éventualité des frais au niveau collégial, des taxes et des déboursés qui concernent les fournitures scolaires, des transferts des services aux municipalités, on pense au transport public, à l'entretien des routes, qui entraînent forcément de nouvelles taxes récurrentes qui devront être payées par la majorité des familles. Pensons enfin à la réforme de la santé et des services sociaux et dans certaines restrictions qui s'annoncent concernant les soins destinés aux enfants.

Une tendance générale se dégage de tous ces mouvements. Elle consiste en une augmentation des taxes directes à la consommation courante, un accroissement des impôts fonciers municipaux et scolaires et une tarification des services là où la prise en charge des enfants ou encore là où le nombre d'enfants n'est pas considéré. En effet, dans les rapports d'impôt, les enfants et leur nombre sont pris en compte, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de dépenses de transport en commun, de taxes sur la consommation de l'eau, des loisirs pour les enfants, d'activités culturelles, des effets scolaires, de l'essence, des tarifs d'électricité, du prix du logement, des vêtements, des chaussures, des meubles, des couches pour les bébés ou encore pour les bouteilles de lait. Avec la très grande majorité des parents, créanciers privilégiés au Québec, le Conseil de la famille est d'accord avec l'intention du gouvernement d'atteindre l'équilibre budgétaire, et il vous appuie dans votre démarche. Les parents sont confrontés quotidiennement à ce défi de joindre les deux bouts. Ils font des choix, pour faire cela, en fonction de leurs valeurs et de leurs priorités. C'est ce qu'en leur nom nous vous demandons de faire.

Le problème qui se pose actuellement avec acuité pour les familles, c'est que les parents du Québec paient davantage de taxes directes et indirectes parce qu'ils ont des enfants. Il y a aussi le fait que les contribuables qui ont des enfants à charge sont démesurément taxés par rapport à ceux qui n'ont pas d'enfant. Il y a là matière à correction évidente pour instaurer un nouvel équilibre. La fiscalité doit être basée sur la capacité de payer des contribuables en fonction de leurs responsabilités et elle doit demeu-

rer l'instrument servant à la redistribution des ressources collectives pour favoriser l'égalité des chances.

Trois principes doivent alors être sauvegardés: les besoins essentiels des membres de la famille doivent être exemptés de l'imposition; tous les frais occasionnés par la prise en charge des enfants devraient bénéficier d'une compensation adéquate, indépendamment du revenu ou du statut familial; enfin, certaines familles démontrant des besoins particuliers devraient être aidées davantage. Nous pensons ici aux jeunes familles et aux familles monoparentales.

Bien sûr, il y a eu dans le système fiscal et dans le système de compensation quelques améliorations intéressantes pour les parents en vue d'une cohérence et d'une meilleure équité, mais la critique des parents envers le système fiscal demeure permanente. La plupart des familles sont incapables d'évaluer ou même de quantifier l'aide qu'elles obtiennent. Le Conseil de la famille attire ici l'attention sur deux situations fiscales qui tiennent de circonstances familiales et qui mériteraient d'être revues: celle, par exemple, du paiement des pensions alimentaires et celle des frais de garde.

Concernant les pensions alimentaires, il y a lieu de rappeler comment elles provoquent questionnement, inéquité et incompréhension. La déductibilité du paiement de la pension alimentaire et l'obligation de l'ajouter sur le revenu du parent gardien font problème au plan du bénéfice fiscal et de l'équité avec les autres familles. En outre, en plus de vivre des situations conflictuelles, trop de familles se retrouvent démunies financièrement et dépendantes de l'aide sociale, après la rupture d'union du couple parent, parce que les pensions alimentaires ne sont pas payées. Le gouvernement doit prendre les moyens pour civiliser cette démarche et pour faire en sorte que les responsabilités financières soient assumées par le parent non gardien des enfants.

Toute la fiscalité entourant la garde des enfants mérite aussi une révision en profondeur, car elle soulève plusieurs frustrations. La déductibilité des frais de garde reconnue seulement lorsque la dépense a été encourue dans le but de gagner un revenu fait en sorte que les parents dont l'un demeure au domicile familial afin d'élever les enfants ne peuvent profiter d'allégements fiscaux d'aucune sorte. Mentionnons, en outre, que les frais de garde ont été laissés de côté lorsqu'on a converti plusieurs déductions en crédits d'impôt. Il en résulte que, sous forme de déductions, les frais de garde profitent aux contribuables selon l'importance de leurs revenus, ce qui n'est certes pas approprié. Dans le domaine du gardiennage, il faut penser aussi au travail au noir important qui s'y développe à cause du coût et de l'accessibilité des services, bien sûr, mais aussi parce que le traitement fiscal et administratif de la garde des enfants est d'une complexité incroyable.

De toutes ces considérations économiques et fiscales, il résulte que les parents du Québec paient plus que leur part dans les revenus de l'État, que la solidarité de tous les citoyens envers les parents, qui est le sens même de la politique familiale, est tronquée et que le traitement fiscal des familles n'est pas cohérent, non plus juste. On taxe les enfants au Québec. Augmenter les taxes dans ces circonstances et les impôts ou maintenir certaines taxes liées à la présence d'enfants ou encore établir une taxe universelle sur la consommation, sans compensation pour les enfants, risque d'étouffer les parents qui consacrent toutes leurs ressources à remplir leur rôle et à répondre aux besoins des enfants. (17 h 20)

Mme Signori: En fait, M. le Président, les parents veulent que l'on tienne compte des dépenses supplémentaires qu'ils ont à assumer à cause de leurs enfants. Cela requiert des ressources financières, en premier lieu, puis des services comme une amélioration du système de service de garde ot du système scolaire, de meilleures structures d'intégration des jeunes au marché du travail et une meilleure conciliation du travail et des responsabilités familiales.

L'Année internationale de la famille, qui se profile pour 1994 et que nous préparons maintenant, peut donner au Québec l'opportunité rêvée de joindre au réflexe économique le réflexe familial pour qu'ils se complètent mutuellement. Développer le réflexe familial, cela veut dire vérifier, soupeser, évaluer toutes les décisions et se demander si elles encouragent et renforcent la stabilité des familles, si elles soutiennent et complètent l'effort des familles, si elles favorisent la solidarité familiale, si elles considèrent, dans les faits, les familles comme des partenaires économiques et sociaux respectables et compétents, si elles tiennent compte de toutes les familles et si elles apportent plus à celles qui sont dans le plus grand besoin. C'est là l'esprit même de la politique familiale dont nous parlions plus haut et qui interpelle tous les milieux en lien avec l'économie. C'est à travers le quotidien de la vie familiale que s'expriment nos forces, nos rêves, nos aspirations et nos craintes, en résumé notre avenir. C'est pour cela qu'il faut aller de l'avant avec les familles. Cette commission doit contribuer à jeter un meilleur éclairage sur le genre de société souhaitée et suggérée, et suggérer des pistes de solutions qui tiendront compte de la famille dans toutes ses dimensions et ses diversités, afin que le devenir de la société et celui de la famille se conjuguent naturellement.

En fait, dans la nécessaire rationalisation des dépenses publiques, il ne faut pas réduire les services destinés aux enfants. Au contraire. Ainsi n'y a-t-il pas lieu d'envisager avec volonté différents moyens propres à soutenir les efforts

des parents: développer des services de garde en plus grand nombre et plus accessibles financièrement afin de faciliter la tâche des parents et de créer de l'emploi pour les jeunes; investir dans le système scolaire et dans la formation professionnelle parce qu'elle constitue les prolongements directs de la famille pour amener les enfants à devenir des citoyens responsables; développer tout le secteur de l'emploi, particulièrement pour faire une meilleure place aux jeunes, comme nous y conduisent les travaux du Forum sur l'emploi; favoriser économiquement et fiscalement les jeunes parents, de manière à leur donner non seulement le goût d'avoir des enfants, mais aussi de les amener à décider d'en avoir; réviser la fiscalité à l'égard des familles pour éliminer toutes les discriminations liées au statut des parents et pour établir une meilleure équité entre les parents contribuables et les autres contribuables qui n'ont pas d'enfant, ainsi qu'entre les familles; régionaliser le développement économique et social pour que l'ensemble du territoire du Québec soit un milieu de vie favorable à la famille et aux enfants et moins tributaire de la fermeture de grands complexes; prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux parents de concilier leurs responsabilités familiales avec leurs responsabilités de travail; prévoir une analyse d'impact sur les familles de toutes les législations politiques ou programmes pour qu'ils facilitent les responsabilités des parents ou, à tout le moins, qu'ils ne leur nuisent pas.

M. Fortin: Le Conseil de la famille estime que les parents du Québec fournissent déjà suffisamment à l'effort collectif, social et économique. Un plus grand prélèvement de taxes ou d'impôts à partir des revenus des parents ne saurait sûrement pas se motiver honnêtement. La famille est pressurisée, mais tient bon, malgré tout, devant les exigences qui lui sont faites. Les parents réclament une société plus accueillante pour ceux qui ont charge d'enfants et pour les enfants qui représentent notre richesse la plus naturelle, la plus abondante, la plus importante et qui se trouve renouvelable, en plus. Une société qui croit aux enfants et en ceux qui en prennent la responsabilité est une société qui croit en son avenir. Il faut créer au Québec un climat de confiance, dégager une perspective de stabilité sociale et économique qui va donner le goût aux jeunes de fonder une famille et permettre aux parents d'accompagner leurs adolescents et leurs enfants avec la meilleure sérénité possible. Le gouvernement du Québec s'est donné une politique familiale en 1987. Depuis, il s'est engagé à deux reprises, dans des plans d'action, à mieux soutenir les parents qui ont la charge d'enfants. À l'occasion de cette discussion publique sur le développement de notre société et l'endettement public, il faut que le gouvernement renforce ses engagements et donne un signal positif aux jeunes et aux parents du Québec à l'effet qu'il soutient infailliblement les familles qui sont responsables, en très grande partie, du développement de notre capital humain et de notre société.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président du Conseil du trésor, avez-vous des commentaires?

M. Johnson: Oui. Bonsoir, monsieur, madame... messieurs. Vous avez évidemment touché le coeur même de l'action sociale du gouvernement. Les politiques dont vous avez fait état et que vous avez rappelées, celle de la fiscalité à l'endroit des familles, comme M. Levesque l'indiquait dans son communiqué en janvier, demeurent des dimensions essentielles, pour nous, à protéger, du soutien que le gouvernement peut et doit accorder à ses membres, aux membres de la société. Évidemment, il faut que ça s'articule autour de certaines valeurs, des valeurs de stabilité, que vous dites avec raison, que la famille représente, des valeurs de qualité, des valeurs d'espoir parce que, par définition, la famille est un lieu où couve l'avenir. Il faut savoir équiper nos familles ou ceux qui, comme parents, de toute façon ont la charge de préparer les enfants... Il faut savoir les équiper avec les bons outils, je dirais.

On en a mis sur pied. Les gouvernements, successivement, ont mis sur pied toute une panoplie, je dirais, d'aide aux familles soit par du soutien financier direct, par la fiscalité, ou alors par des programmes d'aide financière sous forme d'allocations diverses, ou alors sous forme de services. Essentiellement, on a fait le tour une fois qu'on a dit ça. Vous conviendrez qu'à l'examen nous avons, en grande partie, privilégié le soutien financier par le biais de la fiscalité, de telle sorte qu'aujourd'hui, c'est important de le répéter, une famille où on retrouve deux enfants à charge - une famille: deux parents, deux enfants - paie de l'impôt sur le revenu des particuliers au Québec à partir d'un peu plus de 26 000 $ alors que c'était, il y a sept ans, un peu plus de 10 000 $, ce seuil d'imposition nulle, et on pourrait penser que, depuis sept ans, l'indice des prix à la consommation n'a pas augmenté de 160 %. On a donc élargi énormément, agrandi le nombre de familles qui bénéficient d'un seuil d'imposition nul. Ajoutez à cela, évidemment, au titre - avant que vous ne nous le souligniez - des taxes à la consommation, nous avons introduit, évidemment, un système de crédits qui vise justement à compenser, jusqu'à un certain montant, les achats taxables qui sont effectués par les Québécois, ce qui tient compte de leur niveau de revenus. (17 h 30)

II y a donc des choses qu'on a accomplies, faisant passer de 800 000 000 $ à

2 300 000 000 $, en quelques années, le soutien fiscal à la famille comme telle. Il y a d'autres allocations, je ne m'étendrai pas sur toutes les mesures qui peuvent être décrites.

Il y a également, et c'est ce que vous soulevez, d'autres façons d'aider les familles par des allocations que je qualifierais d'extra-familiales, les frais de scolarité. Évidemment, c'est une charge que d'envoyer un enfant à l'école de quelque façon que ce soit. Il y a des fournitures à lui acheter, des livres, des frais divers de toutes natures. Vous dites qu'il faut avoir ça à l'esprit. À la limite, il faut avoir à l'esprit les frais de scolarité à l'enseignement supérieur comme un des éléments qui vient améliorer la capacité d'une famille de pousser le plus loin possible le développement de ses enfants. Il y a des services de garde, que ce soit en milieu privé, communautaire, sans but lucratif ou avec but lucratif, en milieu scolaire, qui permettent le répit aux parents, à tous deux, également de contribuer, dans la mesure de leur talent et de leurs intérêts, à l'activité économique du Québec. C'est un exemple parmi plusieurs.

Il y a donc ou bien du soutien financier direct, ou du soutien parafinancier, ou alors des services, purement et simplement, mais dans la mesure où ce n'est pas illimité, la capacité de l'État, je pense que vous le reconnaissez. À tout le moins pour les familles québécoises, il serait irresponsable de les endetter davantage. Sr on doit réallouer des ressources limitées, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est les choix que vous faites sur le genre de soutien, le genre d'intervention que vous souhatiez que, s'il y a une marge de manoeuvre, le gouvernement consacre davantage à la famille. Est-ce que c'est par la fiscalité qu'il laisse les gens libres de disposer de leurs moyens financiers comme ils le veulent, un régime de liberté, là? Ou est-ce que ce sont par des services qu'on met sur pied qui ne servent évidemment qu'à ceux qui en ont vraiment besoin, mais qui sont presque, je dirais, un empiétement sur la liberté de disposer du soutien qu'on peut accorder aux gens pris individuellement ou pris comme famille?

C'est simplement cette question qui m'appa-raît une question de fond, de savoir si l'État est là pour dispenser les services par des infrastructures ou alors pour faire en sorte que chaque citoyen ou chaque famille - c'est ce qui vous préoccupe, c'est ce qui nous préoccupe - puisse bénéficier davantage de moyens financiers, suite à des politiques fiscales ou des politiques d'allocations plus généreuses?

Le Président (M. Lemieux): ...à vous écouter.

M. Fortin: M. le Président, vous comprendrez très bien que je comprenne que M. le président du Conseil du trésor cherche des recettes. Je le comprends, et il cherche des moyens. Vous me permettrez de lui proposer une réponse familiale à sa question, puisqu'on pourra évidemment se compléter l'un l'autre sur cet aspect-là.

L'intuition de fond des propos que nous venons tenir aujourd'hui, j'ai vu le président du Conseil du trésor sourciller sur une des phrases que nous avons dites là-dedans, tout à l'heure, quand on a dit qu'on taxait les enfants. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a écrit comme ça. C'est parce qu'on voulait que quelqu'un sourcille des yeux. C'est en même temps pour dire qu'une des choses qui nous apparaissent importantes, nous, c'est qu'on ne soit pas comme parents surtaxés parce qu'on a des enfants et, dans son mot, tout à l'heure, il a bien relevé tous les éléments qui font que les taxes à la consommation, qu'on ait un, deux, trois ou quatre enfants, on paie deux, trois et quatre fois des taxes sur les choses que l'on achète. C'est parce que l'on est parents et qu'on a charge d'enfants qu'on est... C'est dans cet esprit-là qu'on a lancé cette phrase un peu lapidaire, et j'imagine qu'il comprend notre point de vue.

L'autre intuition de notre document - et Mme Signori le soulignait, tout à l'heure - c'est d'essayer de faire en sorte, et ça a été le premier avis majeur du Conseil, que se développe dans l'appareil gouvernemental un réflexe que nous, on appelle un réflexe familial, de faire en sorte qu'avant que les décisions soient prises, on évalue l'impact sur les familles. On sait qu'on le fait pour l'économie, je pense qu'il n'y a personne qui mette en doute cette parole-là qu'il n'y pas une décision qui se prend au niveau gouvernemental sans qu'on ait vérifié combien ça va coûter.

Nous, ce qu'on demande d'ajouter, c'est combien ça va coûter aux parents avant qu'on prenne une décision. C'est ça, le réflexe, dit de façon aussi lapidaire, et j'espère que vous le comprendrez. Alors, l'intuition est celle-là, le message est celui-là: Pas chez les enfants et, deuxièmement, s'il vous plaît, avant de prendre quelque décision que ce soit, combien ça va coûter aux familles, parce que ce sont des familles et non pas parce que ce sont des contribuables? Parce qu'il y a un impact particulier.

Moi, j'ai donné deux accents à notre document, puis j'invite mes collègues à compléter.

M. Lareau (André): Si vous permettez, M. le Président, la fiscalité a comme rôle, finalement, une redistribution de la richesse. Cette redistribution de la richesse veut que les gens qui sont plus fortunés, finalement, paient davantage que les gens qui en ont moins. Le gouvernement l'a compris, évidemment, dans sa politique, mais, à l'intérieur même du cadre législatif qui existe actuellement, il y a, je pense, des disparités qui mériteraient d'être corrigées, mais, bien entendu,

ceci étant indiqué uniquement dans la mesure où le gouvernement décidera de réviser en profondeur sa fiscalité familiale, à tout le moins.

Par exemple, au niveau des frais de garde d'enfants, les interrogations, évidemment, que je me pose, dans la recherche que je fais pour le compte du Conseil de la famille, indiquent que ces frais sont accessibles à une catégorie de gens qui, peut-être, n'en ont pas besoin. Si on prend un niveau de revenu, pour citer, finalement, le président Clinton, hier soir, qui mentionnait un niveau de revenus de 140 000 $ au-delà desquels les gens doivent payer un peu plus, or, ce revenu ou un autre doit être, je pense - en fait, c'est une question que je me pose - peut-être un plafond au-delà duquel la déduction de frais de garde d'enfants pourrait être questionnée. Est-ce qu'on doit quand même l'accorder aux gens qui n'en ont peut-être pas besoin?

Cet allégement fiscal accordé au titre de frais de garde d'enfants existe sous forme de déduction, actuellement, ce qui veut dire que les gens qui ont un revenu qui est imposé à 50 %, si on prend les deux niveaux de gouvernement, bénéficient d'un retour d'impôt généreux, très généreux, comparativement aux gens qui ont un taux d'imposition de 15 %, 20 % ou 25 %. On peut se demander, effectivement, pourquoi ne pas convertir cette déduction en crédit. Cette réallocation permettrait, évidemment, des rentrées de fonds pour le gouvernement qui pourraient être appréciables. Bien entendu, on ne veut pas dire au gouvernement de réallouer ces sommes-là à d'autres sources ou à d'autres fins. Nous prétendons... peut-être qu'il serait possible... enfin, du moins, je prétends ou, enfin, c'est ce que les recherches m'indiquent, qu'on pourrait peut-être réallouer ces ressources à des fins plus utiles.

Par exemple, si on prend une personne monoparentale qui reçoit une pension alimentaire, la pension alimentaire n'est pas considérée, pour les fins du revenu gagné, pour les fins des frais de garde d'enfants, ce qui veut dire que cette personne, qui est monoparentale, qui reçoit une pension alimentaire uniquement, qui désire aller aux études pour parfaire son éducation, ne peut même pas bénéficier de l'allégement fiscal causé ou occasionné par les frais de garde d'enfants, puisque la pension alimentaire ne constitue pas un revenu gagné et, finalement, les frais qui sont encourus de toute façon sont des frais qui proviennent d'un revenu, mais après impôt. Aucun allégement n'est accordé à cette personne-là. Donc, on peut se poser des questions, ici.

L'autre exemple, évidemment, c'est au niveau de la pension alimentaire. On a vu, récemment, des jugements des tribunaux qui nous indiquent que la pension alimentaire reçue par un conjoint, mais pour le bénéfice de son enfant, constitue - et la jurisprudence est claire à ce sujet-là - un revenu pour le bénéficiaire de cette pension-là, même si le montant a été reçu pour le soutien d'un enfant. On se demande, dans les questions qui sont posées dans le cadre d'une étude qu'on effectue actuellement, dans quelle mesure on ne pourrait pas rejoindre un système identique ou semblable à celui adopté aux États-Unis, qui prévoit que la fiscalité n'a peut-être pas besoin de se mêler de ce qui se passe dans la chambre à coucher, finalement, des invididus ou des problèmes familiaux. C'est-à-dire que la fiscalité pourrait, à ce moment-là, rester neutre, et les gens pourraient peut-être faire un choix, décider s'ils veulent que la fiscalité se mêle de leurs affaires ou décider s'ils veulent être exempts de la fiscalité.

Ce qui voudrait dire que, pour le payeur d'une pension alimentaire, il n'y aurait pas d'impact, aucune déduction; pour le bénéficiaire, donc créancier de la pension alimentaire, aucun impact, donc, aucune inclusion. Or, on minimise ainsi les débats qui pourraient être générés par cette question fiscale entre les parties, on minimise les frais que les parties vont avoir à encourir et, bien entendu, ceci constitue un allégement fiscal pour le gouvernement.

Pourquoi? Parce que le payeur de la pension alimentaire est une personne qui a des ressources plus importantes que le bénéficiaire de la pension. Ayant des ressources plus importantes, son taux d'imposition est plus élevé. Or, le taux étant plus élevé, effectivement, la déduction lui occasionne un retour d'impôt plus élevé que l'impôt qui est payé par le bénéficiaire de la pension. De là, effectivement, un gain substantiel pour le gouvernement. (17 h 40)

Or, c'étaient peut-être les deux exemples que je voulais vous citer, à l'heure actuelle, et peut-être que je passerai la parole à mes collègues.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Oui, vous pouvez ajouter un peu, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: ...je crois? M. Lareau: M. Lareau.

M. Johnson: M. Lareau, oui. À l'égard de la fiscalité des pensions alimentaires, évidemment, vous connaissez le principe. Vous avez soulevé un tas de lièvres. Évidemment, celui qui paie ou celle qui paie la pension alimentaire, n'ayant pas droit à la déduction, n'a plus de ressources pour payer l'impôt sur cette somme qui est disparue, là. Il faut avoir ça à l'esprit. C'est plus une question, à mon sens... et on m'a confirmé qu'il y a des conférences fédérales-provinciales-territoriales sur le sujet, sur le droit de la famille. Il s'agit de sensibiliser les magistrats carrément, les procureurs, aux effets avant et après impôt,

aux niveaux, aux utilisations de la pension alimentaire.

L'exemple que vous avez donné du revenu de pension alimentaire qui ne donne pas ouverture à la déductibilité des frais de garde m'appa-raît un problème de compréhension de la part des gens qui déterminent les niveaux et qui tiennent compte ou pas compte des effets fiscaux entre les mains de la récipiendaire, en l'occurrence, la bénéficiaire d'une pension alimentaire.

Et la question est de savoir: Est-ce qu'on règle ça par des règles fiscales universelles ou est-ce qu'on ne demande pas à la magistrature, en l'occurrence, de se rapprocher de la réalité fiscale pour tenir compte des effets que vous avez mentionnés? C'est sûr que changer les lois de l'impôt, ça a un effet immédiat. On pourrait s'en occuper comme ça, sauf que ça jette un petit peu de confusion chez ceux qui, de tout temps, ont tenu compte de ces effets-là et fixent les montants, compte tenu de la réalité fiscale que vous avez décrite.

Mais on est parfaitement conscients de ça. On a un comité interministériel, ici même au gouvernement du Québec, afin d'arrêter une position pour sensibiliser, justement, je dirais, les praticiens du droit de la famille sur les effets pervers que vous avez décrits, avec raison.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez un commentaire. Oui?

M. Fortin: C'est une courte phrase pour... Le Président (M. Lemieux): Ça va, allez-y.

M. Fortin: ...compléter la préoccupation de M. le président du Conseil du trésor, puis je vous la passerai tout de suite après. Je vais le dire comme ça, mais vous comprendrez que ça peut se faire dans un sens ou dans l'autre.

Le père de famille qui dépense pour ses enfants en union stable, donc, qui n'a pas de pension alimentaire à payer, lui aussi n'a pas de place de déduction fiscale pour entretenir ses enfants.

M. Johnson: Là, ça va être une question de niveau. Il lui reste, après impôt, moins qu'avant impôt, mais ce sera toujours vrai. Ce sera toujours vrai que le marché devrait... et c'est justement cette situation-là qui doit être reflétée dans les niveaux de pensions alimentaires qui sont octroyées et non pas, je dirais... Ça n'appelle pas, à mon sens, un changement du système, mais bien une compréhension du système pour fixer les niveaux de pensions à des niveaux comparables qui n'avantagent pas indûment la famille dite éclatée.

Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur, vous aviez...

M. Lareau: Oui, M. le Président, la Cour d'appel, depuis quelques années, a maintenu la position à l'effet qu'en matière de pensions alimentaires, il est clair, les parties doivent tenir compte des impacts fiscaux des pensions alimentaires, ce qui veut dire que le payeur de la pension alimentaire, forcément, paie plus parce qu'il peut déduire la pension. Si la pension n'était pas déductible, il paierait moins, à ce moment-là. Évidemment, le bénéficiaire de la pension recevrait moins aussi, mais il est important de voir combien va recevoir, après impôt, le bénéficiaire de la pension, d'une part.

D'autre part, quand vous dites que les magistrats doivent peut-être appliquer la loi différemment, ils doivent simplement appliquer la loi. Et la loi est claire. Il doit y avoir inclusion de la pension alimentaire, que le montant ait été payé pour le bénéfice d'un enfant ou pour le bénéfice du parent, bien que la Cour des petites créances de Trois-Rivières ait mentionné différemment... Bon, on a vu ça dans les journaux, récemment, avec respect... Mais c'est un peu la position du droit actuellement.

Le Président (M. Lemieux): Monsieur, vous avez un commentaire, un dernier commentaire?

M. Johnson: Oui, sinon que c'est encore évidemment plus compliqué que ça, à partir du moment où il y a l'exemption, le crédit d'impôt pour enfants à charge et la destination éventuelle de l'allocation, dans d'autres cas, au titre de l'enfant qui doit être également tenu en compte. Alors, dans la mesure où un payeur n'a pas d'enfants à charge, qu'ils sont à la charge du conjoint qui reçoit la pension, dans un cas, évidemment, il pourrait le déduire, étant donné que c'est au titre d'un enfant indirectement qu'il verse la pension, alors que, si, dans une famille stable, évidemment, et unie, il y a les crédits d'impôt qui viennent la compenser, la non-déductibilité, dites-vous, de ces sommes ainsi dépensées au titre et à l'endroit, au bénéfice des enfants...

Enfin, ce n'est pas simple, c'est ce qu'on démontre, et on a justement des gens qui tentent d'égaliser ces traitements qui, dans certains cas, sont si divergents que c'est pratiquement injuste, dans le fond, la situation, et vous avez raison.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Mme la députée de Taillon, vous vouliez intervenir.

Mme Marois: Oui, s'il vous plaît. Merci, M. le Président.

Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, au nom de ma formation politique. Je trouve votre mémoire très intéressant à bien des égards. Je pense même que la discussion que vous venez d'avoir avec le président du Conseil

du trésor est tout à fait intéressante pour imaginer des avenues un peu différentes dont on pourrait traiter... avec lesquelles on pourrait traiter la question des pensions alimentaires qui soulève des problèmes réels, particulièrement chez les femmes, évidemment.

Moi, je veux vous amener sur deux réflexions que vous faites dans votre document, une qui est assez significative de l'incohérence de certaines politiques. J'aimerais un peu vous entendre sur cela. Vous dites: Le présent système... à la page 8 de votre mémoire principal - je ne suis pas au résumé, là, j'ai lu le mémoire au complet: «Le présent système est complexe et très difficile à comprendre, même par des spécialistes. L'aide financière qui découle de la fiscalité n'arrive pas toujours au moment opportun. La plupart des familles sont également incapables d'évaluer, même de quantifier l'aide qu'elles obtiennent. Comme ce système montre de nombreuses iniquités ou incohérences, ne serait-ce qu'à cause des deux orientations divergentes, fédérale et provinciale, il ne joue pas son rôle de guide dans les décisions des familles. Ce système, se transformant constamment, n'est d'aucune utilité pour les parents dans la planification à moyen, à court ou à long terme de leurs actions familiales.»

J'aimerais ça que vous nous démontriez ici, à partir d'un principe que vous énoncez, à la page 7, à savoir que «tous les frais occasionnés par la prise en charge des enfants devraient bénéficier d'une compensation adéquate, indépendamment du revenu ou du statut familial». Vous faites référence à l'universalité de certaines mesures. Si c'est autre chose, j'aimerais vous entendre. J'aimerais que vous me disiez, à partir de cette affirmation, de ce principe que vous énoncez, à la page 7 de votre mémoire, le mettre en relation avec la lecture que je viens de faire du paragraphe qui concerne des choix différents auxquels a procédé le gouvernement fédéral par rapport au gouvernement québécois et que vous nous expliquiez l'impact que cela a sur les familles.

M. Fortin: Vous me permettrez une réponse encore familiale, M. le Président.

M. Lamoureux: Dans une espèce de préambule, je dirais que la décision, d'abord, de fonder une famille et, ensuite, d'avoir des enfants, relève d'une décision de confiance dans un certain avenir. Quand le Conseil de la famille, avec le Conseil permanent de la jeunesse, ont mené certaines consultations qui ont été colligées dans un avis qui s'appelle «Être jeune et parent», les jeunes ont dit: Fonder une famille, oui, je veux le faire, c'est dans mes projets. Les jeunes hommes et les jeunes femmes disent, par ailleurs: J'ai besoin de deux garanties pour pouvoir le faire et passer à l'action; d'abord, une garantie économique. Je n'ai pas l'impression qu'une fois que j'aurai un enfant, que le soutien économique ou que le soutien moral que l'État est en mesure de m'apporter va être stable. Donc, j'ai l'impression de faire un saut dans le vide et, tant que je n'aurai pas un emploi un peu stable, tant que je n'aurai pas des perspectives d'avenir avec mes études, je ne ferai pas le saut.

La deuxième garantie que les jeunes réclamaient, évidemment, c'est une garantie émotive, c'est-à-dire qu'on aimerait bien savoir que la famille qu'on va fonder avec le conjoint qu'on choisit sera là également encore dans quelques années. Donc, c'est un motif de confiance qui fonde forcément la fondation d'une famille. Or, la perception, comme je cherche à le montrer, des gens dans le soutien économique, c'est qu'il n'y a pas de stabilité. (17 h 50)

Pourtant, si on étudie la question, on sait qu'il y en a une certaine. Le gouvernement s'est engagé progressivement en aidant, par exemple, les familles nombreuses, les familles de trois enfants et plus au début, à partir de... du moins pendant deux ans; maintenant, c'est rendu à cinq ans Laide au troisième onfant eaî stable, mais la perception, c'est qu'il y a tellement de gens qui critiquent ça ou que la perception n'est pas claire, qu'ils se disent: Le gouvernement va-t-il sabrer là-dedans? Est-ce que je veux m'en-gager avec un bébé, un poupon et, dans six ans, me retrouver avec des frais de scolarité, avec le collégial qui est en train de changer et l'université, etc.?

Donc, il n'y a pas de perspectives stables. Le revenu qui me viendra avec mes études, sera-t-il stable, etc.? Donc, il y a le phénomène de ceci. Il s'introduit également une distorsion dans la façon de vivre cette situation-là, entre le soutien qui nous vient du gouvernement fédéral et le soutien qui nous vient du gouvernement provincial. Actuellement, les parents sentent l'effort du gouvernement québécois dans leur famille. Il y a un préjugé favorable. On n'entend pas suffisamment souvent le premier ministre parler de la famille, mais on sait qu'il y a quelque chose pour la famille.

Au gouvernement fédéral, ce qui est ressenti, c'est un désengagement. On n'en parle pas, de la famille, au Canada. Le gouvernement s'était engagé en promesse électorale pour un réseau national de services de garde. Il s'est retiré de ce projet-là, qui était un besoin essentiel, et le Québec était même allé à fonder sa propre politique de développement de services de garde sur cette promesse. Il a dû reculer. On recule par rapport au fédéral, et la récente grande réforme des prestations familiales fédérales qui, de façon très alléchante, dit qu'on regroupe dans un programme unique plusieurs formes d'aide, en fait est alléchante au premier abord, mais dans les faits, elle représente pour la majorité des familles du Québec un recul dans l'aide financière

Pourquoi? C'est que le gouvernement n'a pas réduit l'aide financière aux familles, mais il a pris aux familles plus aisées pour en donner davantage aux familles plus pauvres, si on peut dire. C'est bien comme intention, et c'est fort louable probablement, mais l'effet direct sur les familles, c'est que les parents ne savent pas ce qui les attend. Alors, en ce sens-là, la fiscalité québécoise et fédérale, que les parents font en même temps au printemps, amène des distorsions et ne permet pas, même aux parents, de savoir ce qui leur revient par rapport à un exercice financier passé, ce qui ne les renseigne pas non plus pour prendre une décision dans l'avenir. C'est ça qu'on dit dans ce paragraphe, dans cette considération-là.

Le Président (M. Lemieux): Quelqu'un veut compléter la réponse de M. Lamoureux? Ça va? Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Moi, j'aimerais vous entendre revenir sur... parce qu'on a eu la discussion, hier, avec le Conseil du statut de la femme, sur ce qui fonde l'universalité, parce que c'est ça que vous dites.

Dans le fond, quand on regarde ce qu'a fait le fédéral, il l'a enlevée; il a remodifié tous ses systèmes et a enlevé cette universalité. Vous dites, dans votre principe, ici, il faut qu'il y ait une compensation, s'il y a présence d'enfants, peu importe le revenu ou statut familial. Alors, qu'est-ce qui fonde cette nécessité d'être solidaires les uns des autres à l'égard des enfants?

M. Fortin: Je répondrais en deux phrases. C'est la reconnaissance sociale du rôle joué par ceux et celles qui donnent à notre pays des citoyens et des citoyennes, et c'est une solidarité avec ceux et celles qui en prennent cette responsabilité. Parce qu'il n'y a pas d'autre chose qui peut établir la solidarité qu'on doit garder avec ceux qui prennent ces responsabilités-là, au nom de l'ensemble de la collectivité, parce que c'est ça qui se passe. Parce que ça ne se passe peut-être pas consciemment dans la tête de chacun et de chacune, mais le geste qui est posé est un geste social. Je pense qu'on a pensé trop longtemps que c'est un geste privé. Il est au moins les deux, ce geste-là, de mettre au monde des enfants, et l'universalité vient reconnaître ce geste-là et vient rendre l'ensemble de la population solidaire des parents et de ceux qui en prennent la responsabilité.

Moi, c'est comme ça que j'y répondrais. Je ne sais pas si d'autres ont des compléments à donner.

M. Lamoureux: Concernant l'universalité, c'est que toute discussion là-dessus fait peur parce que, quand on sent des brèches dans l'universalité, les seuils sont tellement bas que ça pénalise l'ensemble des familles. Placer un plafond d universalité ou de mesures à 26 000 $, c'est toucher presque personne, c'est toucher les plus pauvres. Actuellement, le revenu familial moyen, il est à 47 000 $.

Mme Marois: 47 000 $, oui.

M. Lamoureux: Mais il faut voir que ce revenu familial là, c'est composé de deux revenus. Ça prend deux revenus au Québec, pour la majorité des familles, pour avoir un minimum décent. Mais 47 000 000 $, c'est 30 000 $ plus 17 000 $ ou c'est 23 000 $, 23 000 $. Écoutez, ce n'est pas 45 000 $, 2000 $. Ce n'est pas ça...

Mme Marois: C'est ça. Ce n'est pas faramineux.

M. Lamoureux: ...la réalité familiale. La réalité familiale, c'est que ça prend souvent deux revenus ou un bon revenu de 60 000 $ avec une personne à la maison pendant un, deux, trois quatre ans pour s'occuper des jeunes enfants. C'est ça que les jeunes, dans le fond, préfèrent le plus, mais ce n'est peut-être pas ce qui est le plus profitable à court terme, à moyen terme et à long terme quand on est jeune parent. C'est ça, la réalité.

Alors, fixer l'universalité à 60 000 $, revenu familial - je ne parle pas de revenu individuel, je veux dire - c'est déjà être très bas. L'universalité ou l'aide minimale que le gouvernement pourrait accorder en termes de reconnaissance sociale et de reconnaissance de la solidarité des autres envers ceux qui ont des enfants, elle pourrait être minimale, mais il faut, d'après le Conseil de la famille, la garder. Il faut que le Québec garde cette universalité.

Mme Marois: Je vous remercie, parce que je trouve que c'est important qu'on les... Ça l'air drôle que j'insiste en disant... Il me semble que c'est tellement à l'évidence, sauf que je pense que c'est important qu'on les aie, ces discussions-là et ces débats-là. Sans ça, rapidement, on peut tomber dans la démagogie très facile et dire: Bon, bien, tel petit montant, ça ne vaut pas la peine de l'envoyer. Donc, enlevons-le à tel type de famille. Telle autre chose, ça ne vaut pas la peine, alors qu'il y a quelque chose de beaucoup plus fondamental que ça qui fait qu'une société se sent responsable de ses enfants. Et que j'en aie ou que je n'en aie pas, mais je vais contribuer à cette responsabilité-là et je vais donc me sentir concerné. En tout cas, pour moi, c'est fondamental, dans nos sociétés développées, que l'on ait cette perspective de solidarité. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

M. le président du Conseil du trésor, vous avez quelques minutes, pas plus que ça, pour

conclure et, après, je vous demanderais de venir à Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui dispose de plus de cinq minutes, six minutes.

M. Johnson: Oui. Sur mon sourcillement d'un peu plus tôt, M. le Président, sur le fait qu'on taxerait les enfants, dans le discours sur le budget du printemps dernier, je suis obligé de vous dire que ce qu'on a démontré, c'est le fait qu'on soit obligé d'avoir deux rapports d'impôt au Québec, - donc, on a une autonomie fiscale - nous a permis de consacrer 467 000 000 $ de plus qu'autrement parce qu'à l'occasion de son budget fédéral - et les neuf autres provinces ont été obligées d'emboîter le pas - le fédéral a aboli, justement, la distinction que vous faites entre les familles qui ont des enfants, donc, qui ont des charges et celles qui n'en ont pas, donc, qui n'ont pas de charges.

C'est ainsi que nous, on a maintenu la reconnaissance, du fait que toutes les familles supportent des responsabilités financières, la nécessité d'accorder une attention spéciale aux familles à faibles revenus et l'importance de soutenir les familles les plus nombreuses. Et le ministre des Finances disait alors: C'est pourquoi j'annonce que, contrairement aux autres provinces et au fédéral, nous maintiendrons le plein montant des crédits d'impôt pour enfants. Les autres ne pouvaient pas dire ça, les autres provinces, en tout cas, une fois que le fédéral a décidé de faire ça. Alors, au Canada, on taxe les enfants, mais pas au Québec.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le président du Conseil du trésor?

Vous avez un commentaire? Un bref commentaire parce que, déjà, le temps de l'équipe ministérielle est maintenant épuisé, là, et...

M. Fortin: Je vous remercie de m'y autoriser, M. le Président.

C'était juste pour préciser notre point de vue. Quand on parle de taxer les enfants, c'est sur les achats et la consommation quotidienne, parce qu'ils sont des enfants, pas parce qu'ils sont des enfants, mais parce qu'ils sont des consommateurs par le biais de leurs parents. C'est ça qu'on veut dire, là. Quand on achète des couches, quand on achète toutes sortes de choses de cet ordre-là pour les enfants, des bottines, des bottes, etc., il y a des taxes. C'est ça. C'est ce qu'on veut dire, là.

Le Président (M. Lemieux): Brièvement, brièvement, oui. Ha, ha, ha!

M. Lareau: brièvement, m. le président, pour vous indiquer qu'à mon avis le gouvernement provincial est complice, de toute façon, avec le fédéral, lorsqu'on nous dit qu'au fédéral on laxe les enfants.. pardon? (18 heures)

Le Président (M. Lemieux): Bon, allez-y. Ça va.

M. Lareau: Oui, parce que je vous rappelle, donc, dans le discours, dans le budget à la page 18, on indique ici, évidemment... le fédéral, donc, il n'y aura plus d'allocations fédérales, donc, aucune inclusion au niveau de l'impôt provincial pour ce qui est de la portion d'allocations fédérales. On dit alors: «Ainsi, la majoration supplémentaire actuelle de la réduction d'impôt a l'égard des familles et de la déduction additionnelle ne sera plus nécessaire», ici, au Québec, «puisque la nouvelle prestation fédérale ne constituera pas un revenu aux fins fiscales.» On nous dit, à ce moment-là: La pension alimentaire fédérale n'étant plus imposée ici, au provincial, on va donc aller vous enlever l'ajout qu'on vous donnait pour les familles. On est donc complices, en quelque sorte, à mon avis, de ce... en fait, de la prestation fédérale qui vient taxer les enfants, à toutes fins pratiques.

Le Président (M. Lemieux):... M. Johnson: M. le Président, oui.

Le Président (M. Lemieux): Je sais que vous...

M. Johnson: Ça fait juste prouver qu'on fait le maximum de ce qu'on peut avec ce qu'on a.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: On fait le maximum possible.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Alors, je vous remercie, M. le Président.

Écoutez, je pense que le mémoire du Conseil de la famille est assez clair, assez explicite. Moi, disons que j'aurais une question maintenant, au moment où on en est de nos échanges, concernant la régionalisation.

Vous avez, à la page 15 de votre mémoire, une mesure, c'est très précis, mais j'aimerais que vous y apportiez des précisions: régionaliser le développement économique et social pour que l'ensemble du territoire du Québec soit un milieu de vie favorable à la famille et aux enfants. Il y a beaucoup de groupes qui sont favorables et qui nous disent que oui, ça nous aiderait à rationaliser, d'une part, et avoir vraiment une meilleure idée des besoins et combler de façon plus efficiente, si on veut.

Par ailleurs, on a des groupes qui sont venus nous dire, et je pense entre autres au Conseil du statut de la femme, hier, qui nous disait quo régionalisation, oui, mais attention, on risque aussi de créer des écarts par rapport aux ré-

gions. Il y en a qui sont mieux nanties que d'autres, etc. Alors, j'aimerais que vous précisiez votre position dans cette partie-là de votre mémoire.

M. Fortin: Je pense que l'intention qui se cache derrière cette réflexion-là n'est sûrement pas dans la perspective où il faudrait provoquer des différences notables entre les régions. Je pense que l'idée qui se cache derrière ça, c'est qu'en favorisant le développement régional on va éviter l'exode des régions. On va éviter le fait que les gens s'en viennent à Montréal ou s'en viennent à Québec. On va faire en sorte que les gens seront heureux là où ils sont, et on fera en sorte que les familles sont capables de survivre là où elles sont.

Ce que l'on vit actuellement, c'est un déplacement continuellement vers des milieux qui sont susceptibles d'offrir plus d'emplois. Mais l'idéal, et ce que les gens et ce que les familles souhaitent, dans la Gaspésie ou dans l'Outaouais, en Abitibi ou dans l'Estrie, c'est d'être capables de gagner leur vie, de vivre et d'être heureux là où elles sont, ces familles.

Notre perspective, dans cette recommandation-là, elle est foncièrement familiale. C'est de faire en sorte que les gens soient heureux où ils sont. Et favoriser le développement régional, c'est développer le sentiment d'appartenance parce que, quand on se déracine, des fois, on a de la misère à s'enraciner. Il vaut mieux rester là où on est, si on est capable de le faire. Je pense que c'est l'esprit qu'il y avait derrière cette perspective.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie. M. Fortin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Monsieur lisait de façon exceptionnelle, M. le président du Conseil du trésor, et je devrai permettre à Mme la députée de Taillon la même chose.

M. Johnson: Ah oui? Je vais faire comme M. Lareau. Je vais lire la même page que lui, mais je vais continuer deux lignes plus loin. La majoration supplémentaire actuelle, annexe A, page 18, du dernier budget. Ainsi, la majoration supplémentaire actuelle, la réduction d'impôt à l'égard des familles, la déduction additionnelle ne sera plus nécessaire, nous a dit M. Lareau. Je continue: «...puisque la nouvelle prestation fédérale ne constituera pas un revenu aux fins fiscales.» J'ajoute que ça fait en sorte que le seuil d'imposition nul va demeurer virtuellement au même endroit et même plus pour les familles - je continue à lire - ces modifications se traduisent par une hausse de leur revenu disponible de 70 000 000 $.

Le Président (M. Lemieux): ...conclure. En conclusion.

M. Johnson: En conclusion, l'échange est intéressant.

Le Président (M. Lemieux): ...les remerciements, oui, les remerciements, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Je remercie les gens qui sont venus nous parler de la famille, de la politique familiale. Moi, j'en ai retiré certains exemples extrêmement précis d'amélioration qu'on doit apporter. Et on va tenter de refléter ça, évidemment, dans nos décisions. C'est le moins qu'on puisse faire.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon, maintenant.

Mme Marois: À mon tour, je vais vous remercier pour cette réflexion très en profondeur sur toute la question qui concerne les familles, mais qui peut, je pense, s'étendre plus largement au débat qu'on a ici, qui est de souhaiter que l'on redonne espoir et confiance à nos concitoyens et à nos concitoyennes s'ils veulent investir dans les ressources plus précieuses qu'une société a, d'abord, ses enfants, qui seront ensuite ses citoyens et ses citoyennes. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire. Votre mémoire était des plus intéressants, et nous devons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses travaux relativement à la consultation générale et aux auditions publiques sur le financement des services publics au Québec. Nous allons maintenant entendre la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Je demanderais à ces personnes de bien vouloir prendre place ici, en face de moi, à la table des témoins, s'il vous plaît.

Dans un premier temps, je demanderais à la personne responsable de ce groupe de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. En ce qui concerne la procédure parlementaire, nous disposons d'une heure: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; suivra un échange avec les parlementaires, pour une durée totale de 40 minutes: 20 minutes avec le parti ministériel et 20 minutes avec le parti de l'Opposition officielle. Nous sommes prêts à entendre le porte-parole de cet organisme.

Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ)

M. Gervais (Michel): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, mon nom est Michel Gervais. Je suis le recteur de l'Université Laval et président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Je suis heureux de vous présenter ceux qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, M. Patrick Kenniff, recteur de l'Université Concordia, M. Claude Hamel, président de l'Université du Québec et, à ma droite, M. Jacques Bordeleau, directeur général de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

Les travaux de la commission du budget et de l'administration sur le financement des services publics constituent une occasion privilégiée de réfléchir collectivement sur le contrat social qui lie les diverses composantes de la société québécoise et de convenir des meilleures voies à emprunter pour assurer l'avenir du Québec. Car, fondamentalement, c'est de cela qu'il s'agit ici. La sévère récession que l'on a connue, avec la lente et longue reprise que l'on prédit, a permis, par son impact dramatique sur les finances publiques, de mettre en relief en les exacerbant certains des problèmes les plus importants auxquels notre société fait face en cette fin de siècle. Parmi ceux-ci, la nécessité de répondre aux impératifs de la concurrence internationale est primordiale, car en cette ère de circulation de plus en plus libre de l'information, des biens, des capitaux et des personnes, elle conditionne la capacité du Québec d'assurer le bien-être et la sécurité de ses citoyens. Or, de quoi s'agit-il lorsqu'on parle des impératifs de la concurrence internationale, sinon de formation de main-d'oeuvre hautement qualifiée, d'avancement des connaissances, de recherche et développement et de transferts technologiques qui sont à la base de la capacité de restructurer l'économie et d'attirer les capitaux nécessaires au développement du Québec?

Le document «Vivre selon nos moyens» le fait bien ressortir lorsqu'il affirme, d'une part, et je cite: «Au cours des prochaines années, les économies qui auront du succès seront celles qui investiront dans la formation de leur main-d'oeuvre». Et, d'autre part, et je cite encore: «Avec l'accélération des progrès technologiques, les pays qui veulent se hisser au rang des économies à forte valeur ajoutée doivent investir dans la '«cherche et l'innovation».

En mentionnant ces choses, on se rend compte que les universités sont un acteur incontournable dans cette entreprise. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé opportun de faire le point avec vous sur quelques aspects de la vie de nos établissements, choisis à la lumière de la problématique des finances publiques. Ces aspects touchent l'état de développement du système universitaire, sa situation financière, sa productivité et la question des droits de scolarité. Avant d'y venir, toutefois, laissez-moi vous dire un mot de l'esprit qui nous anime comme représentants des chefs d'établissements universitaires du Québec au moment où nous nous présentons aujourd'hui devant vous.

Nous avons une claire conscience de la situation difficile des finances publiques. Nous sommes entièrement solidaires du Québec dans le nécessaire effort de rationalisation des dépenses et d'augmentation de la productivité. Nous avons une volonté ferme de contribuer, de façon dynamique et efficace, à améliorer la capacité du Québec de créer la richesse collective dans un contexte de compétition internationale.

Avant de décider des orientations pour l'avenir, il importe d'abord de nous situer. Et, pour pouvoir porter un jugement sur le développement de notre système universitaire, il convient d'utiliser des points de référence externes et des indicateurs pertinents pour fins de comparaison. La référence à l'Ontario et au Canada nous paraît, à cet égard, significative.

Pour ce qui est des indicateurs, nous n'en avons choisi que quelques-uns parmi les plus éloquents et les plus significatifs. Entre 1971 et 1991, le nombre d'étudiantes à l'université passait de 33 300 à 141 334, et le nombre d'étudiants, de 60 280 à 107 714. En 1971, 52,5 % des professeurs détenaient un doctorat. Cette proportion atteint aujourd'hui, en moyenne, 73,2 %, ce qui se compare avantageusement à ce que l'on retrouve ailleurs au Canada

En 1992, la proportion de la population âgée de 15 ans et plus qui détenait un diplôme universitaire était de 11,5 % au Québec, alors qu'elle était de 13,9 % en Ontario et de 12,4 % au Canada. En 1990, le rapport entre le nombre de diplômés de maîtrise et de doctorat et le nombre total de diplômés est de 11,8 % au Québec, de 15 % en Ontario et de 13,3 % au Canada. En 1988, la dépense intérieure brute en recherche et développement, en proportion du PIB, s'établissait à 1,29 % au Québec, à 1,72 % en Ontario et à 1,34 % au Canada qui, lui-même, se situe dans le peloton de queue des pays de l'OCDE.

Dans le domaine de la recherche, il nous suffira de rappeler l'excellente performance de nos chercheurs, notamment auprès des conseils subventionnaires qui, pour octroyer leurs subventions, font appel à des jurys de pairs formés d'experts non seulement québécois mais aussi canadiens et étrangers. Il faut enfin souligner l'existence de partenariats de plus en plus nombreux entre les universités et les entreprises.

Sur ce thème de la recherche, s'il est vrai que le Québec comme le Canada connaissent une performance plutôt modeste pour ce qui est des sommes globales consacrées à la recherche et développement, la situation est tout autre en ce qui concerne la recherche universitaire. En effet,

lorsque l'on prend les sommes investies en recherche universitaire en pourcentage du produit intérieur brut, on constate qu'en 1989 le Québec, avec un pourcentage de 0,41 %, se classait au cinquième rang parmi les pays les plus industrialisés, sur un pied d'égalité avec l'Allemagne et derrière les États-Unis avec 0,43 %, les Pays-Bas 0,47 %, le Japon 0,55 % et la Suède 0,82 %. Le Canada et l'Ontario montraient pour leur part des pourcentages de 0,34 % et 0,31 % respectivement. Ajoutons qu'en 1990-1991 nos chercheurs universitaires ont obtenu 26,5 % des subventions octroyées par les organismes subventionnaires fédéraux, alors qu'ils représentaient 22,3 % des effectifs professoraux.

Étant donné la faiblesse relative de R & D effectuée par le secteur privé, on constate l'importance considérable du rôle joué par les universités dans le domaine de la recherche au Québec. On se rend compte que les efforts du gouvernement du Québec en faveur de la recherche, notamment par le financement qu'il accorde aux frais indirects, de même que la performance des chercheurs québécois auprès des conseils subventionnaires fédéraux, ont contribué à placer le Québec à l'avant-garde dans le domaine de la recherche universitaire. Par ailleurs, on constate que la synergie qui s'est développée avec le secteur privé et les nombreux partenariats qui en découlent et qui continuent de croître sont un atout majeur pour le développement économique du Québec. (20 h 10)

Les universités pourraient jouer un rôle encore plus important pour attirer des entreprises à fort contenu technologique et scientifique et, le cas échéant, participer elles-mêmes à leur création si on leur donnait les moyens de le faire. Les modalités que cette action pourrait emprunter restent à définir dans une large mesure, même s'il existe déjà des expériences fort intéressantes, mais les universités y voient un potentiel de retombées économiques très important pour le Québec.

Venons-en à la situation financière des établissements. En dépit des compressions et des sous-indexations qu'ont connues les subventions de fonctionnement au cours des dernières années, l'effet combiné de leur augmentation, même insuffisante, et des hausses de droits de scolarité a néanmoins permis aux établissements universitaires d'amorcer un redressement de leurs finances et, pour ceux qui en ont, de s'attaquer plus résolument à la résorption de leur déficit accumulé. Mais il ne faut pas s'imaginer que la question du sous-financement des universités est réglée pour autant, alors qu'il n'y a même pas la moitié du chemin de parcouru par rapport à l'objectif de rattrapage de 150 000 000 $ établi dans la foulée des travaux de la commission de l'éducation sur le financement des universités et présenté au premier ministre lors d'une rencontre tenue il y a quatre ans.

Il faut, par ailleurs, être conscient que le relatif équilibre budgétaire des universités est fragile et qu'il serait sérieusement compromis si la hausse marginale annoncée de 1,9 % des droits de scolarité pour 1993-1994 était accompagnée d'une diminution des subventions. Il importe en effet de réaliser que ce n'est pas en quelques années que l'on peut résoudre les problèmes structurels consécutifs à plusieurs années de sous-financement conjuguées à des hausses importantes de clientèle. C'est, de fait, seulement par un effort soutenu que l'on pourra résoudre les problèmes d'insuffisance et de vieillissement des effectifs, de pénurie et de dégradation des collections des bibliothèques, d'insuffisance et de désuétude des équipements scientifiques, de manque d'espace et de vétusté des immeubles. Et ce, d'autant plus que depuis que ces problèmes sont apparus la situation économique a évolué de façon telle que le prix des ressources, tant humaines que matérielles, qui entrent dans la fonction de production universitaire a augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que le taux d'inflation ou que le taux de croissance du PNB. Ainsi, le marché de la main-d'oeuvre hautement qualifiée dans lequel on recrute les professeurs-chercheurs est de plus en plus international et marqué par une vive concurrence. De la même façon, les prix des équipements scientifiques, comme ceux des abonnements aux revues et des monographies, ont augmenté à un rythme nettement supérieur au taux d'inflation. Sur la question des espaces et des immeubles, les universités tiennent à souligner les efforts faits par le gouvernement du Québec à l'occasion des plans d'accélération des investissements publics, qui représentent des pas importants dans la bonne direction.

Cet examen de la situation financière des établissements révèle donc que, si les universités contrôlent leurs dépenses, il n'en demeure pas moins que des problèmes importants subsistent, dont la solution serait d'autant plus coûteuse qu'on la reporterait dans le temps. Et ceci au moment où les étudiants continuent, heureusement pour le Québec, dans le fond, d'affluer aux portes de nos universités.

L'amélioration de la productivité est une autre piste fréquemment proposée par le gouvernement pour freiner la haussé des dépenses. C'est une voie que les universités connaissent bien, puisqu'elles y ont recours depuis fort longtemps. Quelques statistiques permettent, croyons-nous, d'illustrer éloquemment notre propos.

Mentionnons d'abord que la proportion des dépenses consacrées à l'enseignement universitaire sur l'ensemble des dépenses gouvernementales est demeurée stable, autour de 4 % depuis plusieurs années, et ce, en dépit des hausses soutenues des clientèles. Entre 1981 et 1991, le nombre d'étudiants s'est accru de 34 %, et les subventions et contrats de recherche, de 290 %,

pour atteindre quelque 460 000 000 $ en 1991-1992, alors que le nombre de professeurs augmentait de 15 % seulement. Le ratio étudiants-professeur passait de 16,1 en 1981 à 19,4 en 1991, alors qu'il est de 17,7 en Ontario. Enfin, le nombre de diplômés augmentait globalement de 45 % de 1980 à 1990, et cette augmentation atteignait 61 % pour les diplômes de maîtrise et 108 % pour les doctorats.

Nous ne voulons pas inonder de chiffres la commission, mais il nous est apparu utile de présenter ces quelques indicateurs fort révélateurs des gains de productivité réalisés au cours des dernières années. Nous croyons qu'à cet égard la performance des universités se compare à celle de n'importe quel autre organisme qui émarge au budget de l'État. Cela dit, les universités n'ont pas pour autant le réflexe de s'asseoir sur leurs lauriers, et c'est résolument qu'elles poursuivent leurs efforts de rationalisation, et ce, tant au niveau de chacun des établissements que de l'ensemble. Mais elles ne peuvent en même temps s'empêcher de constater qu'il y a des limites à ce qu'elles peuvent faire en cette matière sans risquer de compromettre la qualité de l'enseignement et de la recherche en n'offrant pas à leurs étudiants et étudiantes des ressources documentaires et un encadrement adéquat ou en les formant avec des équipements scientifiques insuffisants et souvent désuets.

Notre mémoire aborde la question de la tâche des professeurs. Je ne reprendrai pas le contenu de cette partie de notre texte, quitte à y revenir durant la période d'échange. Je me contenterai de mentionner que, sur la base des seules données comparatives dont nous disposons, il appert que la charge de travail des professeurs du Québec est comparable à celle de leurs collègues de l'Ontario et de l'ensemble canadien.

Venons-en à la question des droits de scolarité. Les trois voies qui sont les plus fréquemment proposées pour assurer le redressement des finances publiques sont lo contrôle des dépenses, l'augmentation de la productivité et la hausse des revenus. Nous avons déjà traité des deux premières. Qu'en est-il de la dernière?

Il faut d'abord souligner que les porte-parole gouvernementaux excluent d'entrée de jeu toute hausse des emprunts. Pour ce qui est des revenus de source fiscale, ils affirment la nécessité d'avoir une fiscalité concurrentielle et indiquent qu'en cette matière la limite semble avoir été atteinte, et ce, tant pour ce qui est des impôts des particuliers et des corporations que des taxes à la consommation. Ayant posé ces jalons et à l'instar de ce que l'on retrouve dans des sociétés comparables, on met plutôt de l'avant une philosophie de participation des citoyens au financement des services publics qui vise non seulement à les sensibiliser à la réalité des coûts mais aussi à leur faire assumer directement une part du fardeau. Les universités sont d'accord sur le principe sous-jacent à cette orientation générale qui, de toute façon, est déjà prise dans leur cas par l'intermédiaire des droits de scolarité. Il vaut d'ailleurs la peine de mentionner que ces droits représentent sans doute l'investissement le plus rentable qu'il soit donné à un individu de faire au cours de son existence.

Mentionnons au passage que c'est bien à tort qu'on a parlé dans le passé de gel des droits de scolarité puisque, en termes réels, ils n'ont cessé de décroître entre 1968 et 1989. S'ils avaient seulement été indexés à l'IPC, à l'indice des prix à la consommation, ils seraient aujourd'hui de 2500 $. Ils sont de 1511 $, ce qui équivaut, en dollars de 1968, à 331 $ alors qu'ils étaient à l'époque de 547 $.

On note aussi, à juste titre, les écarts importants qui subsistent entre les droits de scolarité universitaire qui sont payés au Québec et ceux qui sont payés ailleurs au Canada. Les écarts sont encore plus grands lorsqu'on les compare à ceux qui prévalent dans les universités publiques américaines, et ce, en dépit des hausses importantes des droits de scolarité que l'on a connus au cours des dernières années, après un prétendu gel de 20 ans. Or, non seulement nos étudiants paient-ils moins mais ils le font, pour la plupart, moins longtemps dans la mesure où, en Ontario, par exemple, le premier cycle universitaire est d'une durée de quatre ans et où les étudiants des collèges d'arts appliqués et de technologie, l'équivalent de notre collégial professionnel, acquittent eux aussi des droits de scolarité.

Nous ne voulons pas, en disant cela, proposer l'imposition de droits de scolarité au niveau collégial. Ce constat vise plutôt à situer le contexte dans lequel s'inscrit la problématique des droits de scolarité et à s'assurer que tous soient conscients des choix sociaux que nous avons faits. Cela dit, si l'on veut une fiscalité concurrentielle tout en offrant des services comparables, il faudra, pour être conséquents, sur une période plus ou moins longue et en tenant compte des efforts déjà consentis, viser à rattraper la moyenne canadienne des droits de scolarité universitaire.

Au terme de cet exposé, nous tenons d'abord à dire que nous sommes conscients de l'état précaire des finances publiques du Québec et du fardeau considérable que représente, dans ce contexte, le retrait du gouvernement fédéral du financement des programmes établis. Il y a cependant une conviction profonde que nous voulons partager avec les membres de la commission, et c'est celle de la rentabilité, tant sur le plan individuel que social, des sommes qui sont investies dans l'enseignement et la recherche universitaire. La performance des pays qui nous ont déjà devancés en cette matière est d'ailleurs là pour en témoigner. (20 h 20)

Les diplômés universitaires ont un taux

d'activité beaucoup plus élevé que les autres travailleurs. en 1992, il était, au québec, de 84,4 % contre 61,7 % pour la population en général; et, pour ce qui est des personnes ayant une scolarité se situant entre zéro et huit années, ce taux d'activité se situe à 34,4 %. leurs revenus sont deux fois supérieurs. ainsi, les détenteurs de grade universitaire en 1991, au québec, avaient un revenu moyen de 40 537 $, alors que ceux qui avaient fait seulement des études secondaires et postsecondaires, sans avoir un grade universitaire, avaient un salaire de 24 514 $ en moyenne et que ceux qui avaient une scolarité de zéro à huit années avaient un salaire de 18 138 $. le chômage les affecte trois fois moins. ainsi, en décembre 1992, on constate un taux de chômage de 5,8 % chez les détenteurs d'un grade universitaire au québec, comparativement à un taux de 13,7 % chez ceux qui n'ont complété que des études secondaires et postsecondaires, sans grade universitaire, et à un taux de 21 % chez ceux qui ont entre zéro et huit années de scolarité. et ces proportions sont relativement stables depuis quinze ans. les diplômés universitaires ont une espérance de gain, sur leur vie entière, qui dépasse largement celle des autres travailleurs. et ceci, en retour, se traduit par des revenus accrus pour l'état et pour la société en général. de fait, nous n'hésitons pas non plus à affirmer que la disponibilité d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée constitue présentement et constituera de plus en plus l'un des facteurs les plus importants de la localisation des entreprises.

Par ailleurs, il va sans dire que la recherche représente l'autre clé de voûte du développement économique. Nous avons vu précédemment qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, tant au Québec qu'au Canada. Nous ne saurions cependant laisser passer cette occasion de saluer de façon particulière les efforts importants du gouvernement du Québec par son soutien aux organismes subventionnaires québécois, par sa contribution aux frais indirects de la recherche par le programme SYNERGIE et par sa fiscalité pour promouvoir la recherche universitaire et favoriser la collaboration entre les universités et les entreprises. Ces mesures placent le Québec à l'avant-garde des provinces canadiennes en ce domaine, et il faut espérer qu'elles seront maintenues.

Au-delà du contrôle des dépenses et de l'amélioration de la productivité qui devront demeurer des préoccupations permanentes de tous, y compris, bien sûr, des universités et des universitaires, il est certain qu'à moyen et à long terme la solution aux difficultés financières du Québec et de ses citoyens est intimement liée à la santé de son économie. Celle-ci, en retour, est appelée à se développer dans un environnement de plus en plus concurrentiel dont le poids sera d'autant plus déterminant que le Québec a un secteur extérieur relativement important. Dans pareil environnement, il y a des choix de société qui s'imposent et qui touchent non seulement les arbitrages à faire entre les diverses composantes de la société mais aussi entre les générations actuelles et futures. Le pari en faveur d'une formation et d'une recherche de qualité représente, dans ces circonstances, la meilleure garantie que l'on puisse offrir aux Québécois et aux Québécoises pour l'avenir.

Je voudrais, en terminant, remercier les membres de la commission de leur attention et les assurer, au nom de mes collègues et en mon nom personnel, de la collaboration des universités dans leur important travail.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Merci, M. le Président.

Merci, messieurs, pour votre présentation. Vous êtes, selon les diverses expressions consacrées, le dessert, ou la cerise sur le sun-dae - ou, enfin, choisissez - vous êtes les derniers d'une longue liste de quelques douzaines d'organismes et de citoyens qui ont décidé de venir s'exprimer ici, devant cette commission parlementaire, pour nous faire partager leurs réflexions.

Vous êtes, évidemment, au coeur du développement économique du Québec, et le soutien que la société peut apporter à l'enseignement supérieur et aux institutions que vous représentez est également une priorité gouvernementale. On en profite - je suis sûr que ça va faire plaisir à mon collègue de gauche - pour remarquer au passage ou souligner - enfin, moi, je vais le faire aussi - ce que vous retenez de la fiscalité à l'égard de la recherche et du développement dans la mesure où on peut assurer la jonction entre université et entreprise dans nombre de programmes que vous décrivez ici et qui, ma foi, ne sont pas négligeables dans leur contribution au développement économique.

Autonomie oblige. Je ne penserais pas vous dire comment contribuer à rétablir l'équilibre des finances publiques. Mais est-ce par manque de temps? Je le crois, plutôt que par discrétion. Vous avez dû négliger la lecture de votre passage sur la tâche de professeur dans votre présentation il y a quelques instants. C'est par manque de temps, de toute évidence. C'est préférable qu'on échange là-dessus.

Vous avez évoqué une recherche de 1986 qui place les professeurs d'université du Québec dans la bonne moyenne canadienne. Finalement, c'est relativement comparable, le fardeau de nos profs d'université avec ce qui se fait ailleurs. Globalement, oui, c'est vrai, mais c'est la répartition qui, à mon sens, devrait peut-être faire l'objet d'une certaine attention, dans la mesure où, dans le coeur de l'action, les cours dispensés, le nombre d'heures consacrées à

l'échange avec les étudiants en classe ou autrement nous démontrent, selon les chiffres que vous avancez, un léger avantage en faveur des professeurs du Québec, avantage dans le sens qu'ils passent moins de temps que leurs collègues ontariens en présence des étudiants. Ils dispensent moins de cours par session, mais consacrent, ma foi, d'après les chiffres que j'avais mais que je ne retrouve pas instantanément, quelque peu plus de temps à des tâches administratives; 12 % à 15 % en heures ou en minutes, peu importe, à l'administration de plus que chez nos voisins ontariens.

Et si on rétablissait, par exemple, un équilibre où les professeurs du Québec auraient une charge d'un cours par année de plus et qu'on rognait un peu du côté des tâches administratives, il y aurait 40 000 000 $, là, qu'on pourrait aller chercher assez facilement.

Est-ce qu'on pourrait échanger rapidement là-dessus, sur le profil de la tâche, dans le fond, de nos professeurs et les explications de fond que vous mettez de l'avant sur cette situation et les coûts que ça peut engendrer?

M. Gervais: D'accord. Sur la question de la tâche des professeurs, comme nous l'indiquons dans le mémoire, les seuls chiffres comparatifs dont nous disposions montrent que les écarts sont légers. Effectivement, il y a un léger écart en faveur de la tâche d'enseignement des professeurs de l'Ontario et du reste du Canada. Par ailleurs, il y a une portion de temps plus importante consacrée à la recherche, et cela se reflète, d'ailleurs, dans les résultats dont je vous ai parlé tantôt auprès des organismes subventionnâmes puisque, en quelque sorte, les professeurs du Québec représentent 22 % des effectifs professoraux du Canada et qu'ils vont chercher quelque chose comme 27 % des subventions de recherche auprès des organismes fédéraux. Et, ma foi, je crois qu'il y a peut-être lieu de se réjouir de cet accent mis sur la recherche au Québec.

Un autre élément sur lequel je veux insister est qu'il y a quand même des différences de système importantes entre le Québec et les autres provinces au niveau de l'enseignement supérieur, et il y a, entre autres, le fait que nous avons, au Québec, un cours de trois ans, qu'ils ont un cours de quatre ans au premier cycle et que, notamment, c'est au niveau de la première année de l'«undergraduate», dans les provinces canadiennes, que se retrouvent les grands groupes, que se retrouvent aussi les cours à caractère répétitif, et tout cela.

Pour ce qui est des tâches administratives, je n'ai pas d'explication sur l'écart favorable au reste du Canada. Peut-être que les latins...

M. Johnson: Mais ça peut être à force de compléter des formulaires pour les organismes subventionnâmes, évidemment. (20 h 30)

M. Gervais: Ha, ha, ha! Mais il peut y avoir aussi le besoin, peut-être, des francophones de discuter davantage, en comité et autres. Je ne sais.

M. Johnson: Oui. Je reviendrai. Merci, M. Gervais.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Alors, bienvenue et merci de votre mémoire, au nom de l'Opposition officielle.

Je voudrais, s'il y a moyen, avoir copie des dernières statistiques que vous avez citées...

M. Gervais: D'accord.

M. Léonard: ...en particulier sur les taux de chômage quant aux diplômés, aux personnes qui viennent du secondaire et du postsecondaire, mais sans diplôme, et les autres. Ça me paraît très utile, parce que j'ai toujours trouvé que la publicité faite autour du fait qu'il y avait 25 % de diplômés d'université en chômage était une publicité très dommageable et inexacte, parce que ces 25 % se situaient sur un créneau très précis, et ce qu'il aurait fallu dire, c'est que tous les jeunes qui sortent des universités trouvent, pour 75 %, un travail dans leur formation dans la première année. Et, ça, c'est plus juste et ça rend compte pas mal plus de la situation. Je le dis, parce qu'il y a sûrement des jeunes qui nous écoutent. Je voudrais passer le message qu'il ne faut jamais se décourager; au contraire, c'est beaucoup plus prometteur d'aller à l'université qu'autrement.

Ceci étant dit, le président du Conseil du trésor cherche 40 000 000 $ dans l'administration. Moi, j'aimerais vous poser une question en rapport avec la situation des universités canadiennes, parce que je trouve qu'on se compare généralement, dans les universités québécoises, aux universités canadiennes. Les comparaisons sont faciles, et on sort assez difficilement de ces comparaisons. Or, le problème qu'il y a, c'est qu'au Canada les finances publiques sont très nettement détériorées, et il va se passer des choses dans les années qui viennent. Ne serait-ce que dans les FPE, il y a eu, depuis le début des années quatre-vingt, une coupure de 1 800 000 000 $. Et il y aura, dans les transferts fédéraux, tel que le prévoient ou que le prévoyaient les derniers discours sur le budget fédéral, des coupures de 2 000 000 000 $ à venir d'ici à cinq ans.

Encore là, on ne sait pas où ça va s'arrêter parce que les nouvelles qu'on a quant au déficit fédéral ne sont pas bonnes, par les temps qui courent. Dans les couloirs, il circule que le déficit serait cette année, au lieu des 27 000 000 000 $ prévus, de 38 000 000 000 $ à 40 000 000 000 $. Il va y avoir des décisions qui

vont se prendre. Donc, j'en suis à me poser la question que... Si, finalement, il y a des décisions difficiles, il y en a qui peuvent affecter les universités. Ma question, c'est: Qu'en est-il par rapport à d'autres systèmes universitaires aux États-Unis, au Japon et en Europe? Au fond, il me semble que, compte tenu qu'on est dans la queue du peloton des pays de l'OCDE, il va falloir regarder ce que les autres font là-dessus et comment rattraper les choses. Je n'aime pas ça être à la queue.

M. Gervais: D'accord. Si on se compare au système nord-américain et, en particulier, américain, ce qu'on peut dire, c'est que la comparaison que nous faisons avec les universités ontariennes, qui nous permettent d'établir un certain sous-financement, doit tenir compte du fait que les universités ontariennes elles-mêmes s'estiment, après étude, sous-financées de l'ordre de 25 % par rapport aux universités publiques américaines, sans rien dire des universités privées comme Harvard, Princeton ou ce type d'université là. Alors, si on veut rester concurrentiel, compétitif - et je crois qu'on doit réaliser que, dans l'enseignement et la recherche universitaires, on fonctionne de moins en moins à l'intérieur de limites restreintes, mais à un niveau international - je crois qu'il y a des questions à se poser, effectivement.

À mon avis, fondamentalement, la question est de savoir si l'on considère les sommes investies dans l'enseignement et la recherche universitaires comme de pures dépenses ou comme de l'investissement dans l'avenir.

M. Léonard: Oui, je comprends. Effectivement, quand on est à l'université, on investit dans l'avenir, ce sont les jeunes qui sont là, mais est-ce que... Vous comparez seulement le financement, mais dans les modes d'administration, les façons de procéder, les charges aux membres, est-ce qu'il y a une comparaison qui peut s'établir, à l'avantage ou au désavantage du Québec?

M. Gervais: Écoutez, c'est assez difficile de comparer les systèmes entre eux. On le voit lorsqu'on examine les travaux de l'OCDE, etc. Toutefois, moi, en tout cas, toutes les études que j'ai vues, par exemple, qui faisaient état des ratios professeur-étudiants montrent des différences importantes au désavantage du Québec par rapport à d'autres systèmes. Il faut tenir compte d'autres aspects, mais quand on parle du Japon, par exemple, le ratio professeur-étudiants est extrêmement avantageux comparé au système québécois. Il en va de même dans la plupart des pays que...

M. Léonard: Mais, M. le recteur, il n'en a pas toujours été comme ça parce que, quand même, les ressources...

Par exemple, prenons le Japon. Les ressources du Japon après la guerre, ça ne devait pas être beaucoup. Alors, qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné ia tendance s'est inversée? Au départ, la part du PIB consacrée aux dépenses universitaires, disons, immédiatement après la guerre, ça devait être à peu près zéro. Donc, il y a eu une évolution et, au fond, il y a eu des gains de productivité considérables durant cette période qui fait que, maintenant, le Japon est à la tête.

M. Gervais: Je n'ai pas de commentaire sur l'évolution de l'économie japonaise qui...

M. Léonard: Bien, j'imagine qu'au sortir... Lorsque les gouvernements auront pris la décision de rééquilibrer les finances publiques et de lancer tout cela dans la bonne direction, on sera un peu comme le Japon au sortir de la guerre; il va falloir qu'il y ait quelque chose qui se passe, et à tous les secteurs, à tous les niveaux de la société.

M. Gervais: Je crois que M. Kenntff a un commentaire à faire là-dessus.

M. Kenniff (Patrick): Écoutez, je ne peux pas prétendre, M. le Président, être un expert dans l'économie du Japon, mais il reste quand même que, dans tous les pays industrialisés, à l'heure actuelle, on constate un lien très direct entre la force du système universitaire, d'une part, et la force de l'économie, d'autre part. Il ne faut pas essayer de chercher la poule et l'oeuf là-dedans, il y a une influcence réciproque qui se fait. C'est sûr que le fait que l'économie du Japon ait progressé si rapidement après la guerre a permis, d'une part, de développer un réseau universitaire et, d'autre part, évidemment, le produit de ce système universitaire a permis de renforcer davantage l'économie japonaise. Je ne suis pas un spécialiste...

M. Léonard: O.K.

M. Kenniff: ...mais, si on regarde ça, c'est le même phénomène qui se produit également aux États-Unis.

M. Léonard: Si on revient, par exemple, aux États-Unis, il y a beaucoup de concurrence entre les universités américaines. Est-ce qu'ici, au Québec, ce serait une chose à favoriser, la concurrence entre les universités, pour qu'il y ait des choses qui se passent sur ce plan-là?

M. Kenniff: M. le Président, nous sommes assis ici ensemble ce soir, mais, lorsque nous quittons cette salle, il y a quand même une vive concurrence entre nos établissements universitaires. Ça existe, à l'heure actuelle, au Québec. C'est un phénomène qu'on constate au Québec et

dans l'ensemble du Canada par rapport aux États-Unis, c'est que le réseau universitaire au Canada et au Québec, c'est un réseau beaucoup plus homonège en termes de qualité que c'est le cas aux États-Unis, où il y a évidemment de très grandes universités, mais il y a aussi des universités dont la faiblesse est reconnue vis-à-vis de la moyenne au Canada. C'est des systèmes qui sont très difficiles à comparer.

On cherche ici à comprendre comment l'université peut contribuer à résoudre les problèmes auxquels on fait face à l'heure actuelle, notamment au plan des finances publiques. Les diminutions des paiements de transferts de la part du gouvernement fédéral, c'est un problème très sérieux qui a beaucoup affecté le Québec sur un plan négatif. Nous essayons de voir comment, à l'heure actuelle, nous pouvons, à partir des gains de productivité très importants qu'on a réalisés dans le réseau universitaire au Québec, on peut continuer à contribuer. On a évoqué un certain nombre de facteurs qui peuvent aider possiblement à résoudre la situation, sans pour autant prétendre que ces gains-là peuvent être très importants, compte tenu des gains déjà réalisés. M. le président du Conseil du trésor a mentionné, par exemple, qu'on parle de gains au plan d'une charge accrue d'enseignement des professeurs. Nous estimons que, dans l'ensemble du réseau universitaire québécois, ces gains seraient relativement faibles par rapport, je suis persuadé, à vos objectifs dans le domaine des finances publiques. Vous avez évoqué un chiffre de 40 000 000 $. Nous, tout simplement pour revenir à la situation en Ontario qui est un écart de 0,3, en fait, de charge d'enseignement par session, ça représenterait possiblement un gain d'à peu près 10 000 000 $.

M. Léonard: Juste sur un autre plan, on sait que, oui, il y a eu des programme de recherche et développement, il y a eu des choses qui ont été faites, mais nous sommes encore, au Québec, très loin derrière la barre, 1,5 % environ du PIB en recherche et développement, peut-être 1,56 %, là, les derniers chiffres, mais effectivement, depuis 7 ans, c'est passé de 1,47 % à 1,56 % à peu près. Il reste que les programmes qui sont annoncés, en réalité, ne sont pas dépensés. Je me suis toujours posé la question comment ça se fait qu'on ne dépensait pas. Dans le Fonds de développement technologique, par exemple, on a annoncé 350 000 000 $. Il y a 61 000 000 $ ou 68 000 000 $ au maximum de dépensés au moment où on se parle, 4 ans après la mise en route du programme.

Qu'est-ce qui fait que ceci ne se fait pas? Puisqu'on parle de sommes annoncées, de programmes existants, les fonds ne débloquent pas parce que ça ne marche pas, là. Qu'est-ce qui fait que ça ne marche pas?

M. Gervais: Je ne saurais pas dire, mais je sais que ce qui existe dans le cas du Fonds de développement technologique, c'est un processus d'évaluation rigoureuse. Il y a un certain nombre de projets qui ont été présentés, mais qui n'ont pas été retenus parce qu'on estimait que ce n'étaient pas des investissements valables. À l'heure où on cherche désespérément à résoudre le problème des finances publiques, je pense qu'il faut être prudent dans le choix des investissements qu'on fait. (20 h 40)

M. le Président, me permettez-vous de revenir à un point que vous avez mentionné tout à l'heure? Bien sûr, je vais mettre à votre disposition les chiffres que nous avons sur le taux de chômage relatif des diplômés universitaires et autres, mais dans ma présentation, tout à l'heure, j'ai fait une erreur en parlant du salaire moyen des diplômés universitaires comparativement aux autres. C'est que j'avais des colonnes et j'ai pris - Mme Marois va sûrement noter cela - le chiffre qui valait pour les femmes. SI on prend le salaire moyen des hommes et des femmes, II est plutôt, dans le cas des diplômés universitaires, des personnes détenant un grade universitaire, de 50 607 $, et j'ai mentionné tantôt 40 537 $; c'était pour les femmes, mais le salaire moyen, c'est 50 000 $. Pour ceux qui ont des études secondaires et postsecondaires, mais qui n'ont pas de diplôme universitaire, c'est 30 717 $ et pour ceux qui ont entre zéro et huit années, c'est 24 000 $.

M. Léonard: Oui. Je voudrais revenir au Fonds de développement technologique. Je comprends que les critères de sélection peuvent être très difficiles, et je pense qu'il faut qu'ils soient stricts, sévères, mais en même temps, est-ce que vous ne pouvez pas faire valoir, comme université, que votre apport, c'est en particulier la formation de chercheurs, donc des jeunes, et que, sur ce plan-là, un projet sérieux doit être évalué en fonction aussi de la formation des chercheurs? Est-ce que ce critère est retenu dans l'administration du Fonds de développement technologique?

M. Gervais: Écoutez, il y avait une partie du Fonds de développement technologique qui était accessible aux universités...

M. Léonard: Oui.

M. Gervais: ...mais la grosse partie du Fonds de développement technologique ne l'était pas directement. En tout cas, le projet devait être dirigé par une entreprise.

M. Léonard: Mais là, vous êtes rendu à 30 000 000 $ sur les 350 000 000 $, à peu près; 32 000 000 $, je pense.

M. Gervais: Oui, c'est possible. Je n'ai pas

les chiffres en mémoire. Je pense que, pour cette partie-là, les universités y ont eu accès et ont présenté des projets.

M. Léonard: Est-ce que vous pourriez en faire plus là-dessus?

M. Gervais: Dans le cas du Fonds de développement technologique, sans doute, mais il y a tout de même certaines limites aux possibilités que les universités ont de participer à des projets de recherche en relation avec l'industrie, compte tenu de leur mission fondamentale de formation et de recherche. Toutefois, on pense qu'on pourrait peut-être être plus inventif et aller plus loin dans le démarrage de nouvelles entreprises, par exemple.

Je l'ai mentionné tantôt, il y a une expérience que nous avons faite à Québec qui m'ap-parait très intéressante. J'en parle parce que je la connais mieux. C'est la création avec le cégep de Limoilou du CREDEQ, Centre de recherche et de développement d'entreprises de Québec. Pour ce centre-là, nous avons eu une subvention de 100 000 $ du ministère de l'Industrie et du Commerce et, l'an dernier, le chiffre d'affaires - j'étais heureux de le mentionner à M. Gérald Tremblay - des entreprises dans ce centre-là était de 5 400 000 $. Il y avait des entreprises qui avaient été créées par des diplômés de l'Université Laval et qui avaient progressé très rapidement. Je pense à l'entreprise Biogénie inc. qui, comme vous le savez, dépollue à l'aide de bactéries des sites pollués. Ce genre de choses, à mon avis, va devoir s'accroître. Il va falloir, entre autres choses, que, dans la formation universitaire, on insiste beaucoup plus sur l'esprit d'initiative, l'entrepreneuriat, car il est de moins en moins fréquent que des diplômés universitaires se trouvent immédiatement un emploi dans leur domaine de spécialité en sortant. Il y a quelques années, les diplômés en génie mécanique, par exemple, étaient tous engagés avant même d'avoir fini leurs études. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, surtout en période de récession. Il va falloir développer chez les étudiants et les étudiantes la mentalité que peut-être ils vont devoir se créer leur propre emploi, individuellement ou en groupe.

M. Léonard: Oui, mais cela nous conduit un peu à la taille des projets de recherche. Dans le Fonds de développement technologique - je vous en parle parce que c'est peut-être le fonds dont on a le plus parlé... L'autre, Innovatech, il commence. On verra. On a eu des discussions là-dessus. Mais sur le Fonds de développement technologique, c'était, à l'origine, destiné à des projets mobilisateurs à plusieurs millions.

Est-ce que vous ne pensez pas que, si on parle de recherche et développement au Québec et compte tenu de l'évolution, on doit, disons, porter beaucoup d'attention aux petits projets et pas nécessairement juste aux grands projets? Est-ce que, là, il n'y a pas une piste qu'il faudrait pousser vraiment beaucoup plus loin que maintenant?

M. Gervais: En tout cas, une chose est certaine. Si on regarde les nouveaux emplois créés au Québec dans les dix dernières années, on sait l'importance qu'a eue la petite et moyenne entreprise. Peut-être sommes-nous invités à penser plus petit et plus efficace. Maintenant, je ne saurais dire, là...

M. Léonard: Je comprends. On ne peut pas être contre les grands projets s'il y en a qui sont valables.

M. Gervais: Exact.

M. Léonard: Je suis tout à fait d'accord. Mais on en trouve un par année, de ces grands projets-là, tandis que les petits projets, on peut aller chercher beaucoup de choses et établir une collaboration avec de la PME. C'est ça. C'était mon point, là.

M. Gervais: Oui, parce que quand vous parlez...

M. Léonard: En termes d'orientation. Là, si on parle d'investissements, c'est cela. Je pense que, quant à moi, même en période de difficultés financières et budgétaires majeures, on doit conserver au moins deux créneaux dans lesquels investir: la recherche et développement et le marketing à l'exportation, les subventions à l'exportation.

M. Gervais: D'accord. En tout cas, pour revenir à un de vos propos antérieurs, je pense qu'une chose est certaine, c'est que, lorsqu'on investit dans la recherche universitaire, on fait d'une pierre deux coups. Il y a le développement des connaissances, certes, mais il y a la formation des chercheurs, et ça, c'est une dimension extrêmement importante d'une politique de recherche dans un pays.

M. Hamel, je crois que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Hamel (Claude): Simplement pour dire que c'est effectivement ce qui se passe dans les universités. Notre mémoire signale que le financement de la recherche dans les universités a augmenté de 290 % depuis les 10 dernières années. Si on regarde dans le détail comment ça se passe, je pense que c'est le même phénomène à peu près dans chaque établissement. L'accroissement le plus important est du côté de la recherche contractuelle plutôt que de la recherche subventionnée, qui est la recherche plus fondamentale. C'est la recherche contractuelle que l'on conduit avec des partenaires soit gou-

vernementaux, soit privés. Généralement, comme vous le dites, dans le cadre de projets plus modestes, il y en a un grand nombre dans chacun de nos établissements, et je dirais qu'en recherche, sans avoir fait une analyse détaillée de ça, c'est le secteur qui, depuis plusieurs années, est en croissance très rapide dans nos universités. Il y a une ouverture, de ce côté-là, de nos professeurs, de nos chercheurs qui va dans le sens que vous souhaitez, je pense.

M. Gervais: Quand on parle - si vous permettez - de la faiblesse de la recherche au Québec, ce n'est certainement pas... je crois qu'on l'a montré du côté de la recherche universitaire, mais c'est la faible présence de la recherche en entreprise dans le secteur privé, en particulier, qui explique qu'on soit à la queue du peloton de l'OCDE.

M. Léonard: Oui. Les PME ont de la difficulté à s'organiser pour en faire, et c'est là que la collaboration avec les universités est particulièrement importante.

M. Gervais: Aussi avec les cégeps, en passant.

M. Léonard: Oui. Je reviendrai pour le reste.

Le Président (M. Lemleux): Merci, M. le député de Labelle.

Permettez-moi de vous faire état que j'ai effectivement pris connaissance de votre mémoire. Je le dis sans méchanceté, sans mauvaise foi, j'ai été déçu, moi, comme tel. Je m'attendais des centres universitaires, qui sont un peu le foyer, je dirais, de notre cogitation intellectuelle, d'avoir des avenues de solutions plus pragmatiques au niveau du financement des finances publiques comme telles. Je me dis que c'est sans doute le temps. Vous n'avez peut-être pas eu assez de temps. Considérant que vous disposiez de toutes les ressources, je dirais, financières, matérielles et humaines pour le faire, mais, au-delà de tout ça, je me suis permis... Je vais être plus pragmatique, je vais vous poser la question suivante.

Je me suis permis de faire venir les organigrammes de vos différentes universités, de regarder la nature et le niveau de vos emplois, de regarder, dans l'ensemble de vos universités, le taux d'encadrement. Ma question est la suivante: Est-ce que vous êtes en mesure de me répondre si, effectivement, au cours des trois dernières années, votre taux d'encadrement a diminué ou s'il a augmenté et, subsldialrement, êtes-vous en mesure de nous dire ici, devant cette commission parlementaire, si vous êtes capables de faire en sorte qu'au cours des années à venir ce taux d'encadrement là pourrait diminuer à un taux qui serait similaire à ce que veut faire le gouvernement, soit 20 % sur une période de trois ans? Ma première question.

M. Gervais: Pour ce qui est de l'encadrement, par exemple, de la présence du personnel administratif, je vous avoue que, l'an dernier, nous avons eu, en lisant le discours du budget et lorsqu'on a parlé d'une coupure de 10 % sur cinq ans dans le personnel administratif, de 2 % par année, une certaine difficulté à voir comment on pourrait le faire, compte tenu des coupures qu'il y avait eu dans le personnel administratif dans les années précédentes. En tout cas, dans ma propre université, je pourrais vous montrer des chiffres qui montrent que, malgré des augmentations très importantes de clientèles étudiantes, malgré les augmentations d'activités de recherche très importantes, il y a eu diminution dans les cinq dernières années du personnel administratif, du personnel professionnel. La seule catégorie d'emploi où il y a eu augmentation, et légère, c'est le corps professoral. (20 h 50)

Le Président (M. Lemieux): Vous me permettrez seulement de vous informer. Ce qui est fatigant un peu lorsqu'on regarde ça, lorsqu'on regarde vos propres documents, c'est le niveau des emplois. Ça, je vous le dis, ça m'inquiète grandement, dans certaines de vos universités, le niveau des emplois.

M. Gervals: Qu'est-ce que vous voulez dlro. au juste?

Le Président (M. Lemieux): Lorsque je dis l'attribution... Lorsque vous évaluez un emploi, vous lui donnez certains niveaux. Je pense, entre autres, à l'Université du Québec où j'ai été un petit peu frappé, à certaines occasions, de voir les niveaux d'emploi qu'on avait donnés eu égard à certaines fonctions que les gens avaient à faire. C'est simplement pour vous sensibiliser. Mais ma question demeure la même: Est-ce que, quand même, pour l'avenir... Vous avez vu ce qui s'est passé aux États-Unis avec le président Clinton. Il a lui-même diminué le taux d'encadrement qui l'entoure. M. le président du Conseil du trésor en fait une priorité.

Ma question: Est-ce que, dans l'avenir, vous serez davantage sensibles au fait qu'on doit faire en sorte, eu égard à l'état des finances publiques - et je parle à la fois pour les corporations qui sont décentralisées - que vos taux d'encra-drement, vous puissiez fonctionner avec un maximum d'efficacité et d'efficience avec un taux d'encadrement qui soit moindre que celui qu'on connaît actuellement?

M. Hamel (Claude): Je crois comprendre que, quand vous parlez de taux d'encadrement, vous faites référence au personnel cadre dans nos établissements et non pas au personnel administratif ou au personnel de soutien

Le Président (M. Lemieux): Cadre.

M. Hamel (Claude): C'est une question de définition de statut.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Au moins, je veux attirer votre attention là-dessus. Ça me paraît excessivemenent important dans les mois qui s'en viennent.

Une autre question aussi. J'ai regardé la politique salariale des différentes universités. Est-ce que la politique salariale gouvernementale est suivie dans toutes les universités à peu près de la même manière qu'elle l'est... Est-ce que la politique salariale gouvernementale, justement, est suivie dans toutes les universités et pour toutes les catégories d'emploi?

Je regarde particulièrement la dernière convention collective qui a été signée à Laval versus les professeurs et les bénéfices marginaux. Est-ce que vous avez une certaine équité eu égard à vos politiques salariales?

M. Gervais: Oui, effectivement. D'ailleurs, pour la première fois dans cette convention avec le Syndicat des professeurs, il a été écrit que les salaires et les augmentations de salaire, etc., devaient suivre la politique gouvernementale. C'est comme ça maintenant dans l'ensemble des universités du Québec pour l'ensemble des catégories d'emploi.

Le Président (M. Lemieux): Sur l'ensemble des catégories d'emploi?

M. Gervais: Oui. Le personnel administratif, professionnel et autres.

Le Président (M. Lemieux): Une autre question: Est-ce que vous êtes en faveur des frais de scolarité au cégep?

M. Gervais: Nous ne nous sommes pas prononcés là-dessus. Nous avons parlé de cette question-là, mais dans un contexte bien précis où nous avons montré que les droits de scolarité payés au Québec l'étaient sur trois ans et que, donc, les étudiants universitaires québécois payaient moins de droits de scolarité que les étudiants des autres provinces canadiennes et qu'ils en payaient moins longtemps. C'est un choix de société qu'on a fait. Est-il bon? N'est-il pas bon? Nous n'avons pas assez étudié cette question-là. Je dirais qu'elle relève davantage de vous.

Le Président (M. Lemieux): Vous trouvez qu'elle relève davantage de nous?

M. Gervais: Du gouvernement.

Le Président (M. Lemieux): L'augmentation des frais de scolarité au cégep.

M. le président du Conseil du trésor, j'ai terminé. Comme l'Opposition a terminé sa période...

Oui, vous avez des commentaires? S'il vous plaît, oui.

M. Hamel (Claude): Pour revenir sur la question des frais de scolarité, en fait, ce que nous disons de façon significative, je pense, pour votre commission, c'est que nous sommes d'accord avec la stratégie de la tarification augmentée. La hausse des frais de scolarité nous apparaît une possibilité, si on tient compte de notre situation par rapport aux autres provinces canadiennes. Il y a une annexe au document de travail de la commission qui montre que la moyenne des frais de scolarité au Québec est de 1500 $; ailleurs au Canada, 2250 $. Mais si on tient compte des trois ans à quatre ans, ça veut dire qu'au Québec un étudiant paie 1500 $ trois fois pour obtenir un baccalauréat. Dans les autres provinces canadiennes, il va payer 2250 $ quatre fois pour obtenir un baccalauréat, donc 9000 $. Ce qui signifie que nos frais de scolarité sont la moitié de ce que sont les frais de scolarité, en moyenne, dans les autres provinces canadiennes. La raison de cela, c'est, bien sûr, le niveau collégial où il y a un choix politique qui a été fait de ne pas imposer de frais de scolarité. Mais si on calcule en fonction du coût aux étudiants, l'écart est considérable.

L'objectif qui a été proposé, il y a quelques années, d'un rattrapage progressif des frais de scolarité au Québec à la moyenne canadienne, c'est un objectif avec lequel nous sommes d'accord dans la mesure où on y va progressivement et où l'on se rappelle aussi d'où on vient, à savoir qu'on les a triplés depuis trois ans.

M. Léonard: Oui. Il paraît qu'il me reste deux minutes. Sur les droits de scolarité, j'aurais juste une remarque à faire. Je comprends votre attitude, c'est une suggestion d'aller piger un peu du côté du cégep, mais ça m'inquiète toujours que la loi des rendements décroissants ne s'applique, là aussi, comme cela s'est appliqué dans le domaine du tabac où on a vu que, là, il n'y a plus rien qui marche parce qu'on a exagéré. Sur ce plan-là, je crois qu'il faudrait faire attention, parce que le Québec n'a pas tout rattrapé encore. Donc, ce qui est important, à mon sens, c'est beaucoup plus de se poser la question de la productivité en général du système universitaire québécois, et là, je ne fais pas référence à la productivité des professeurs uniquement; je le prends dans son ensemble et je me pose la question: Comment aller plus vite, mieux, plus loin et avoir de plus en plus d'étudiants qui sortent du système bien formés, et qu'il en entre aussi, au Québec? Je suis d'accord avec vous que c'est la clé pour relancer l'économie.

Quand on parle de relancer l'économie où,

là, il y a des rentrées de fonds autrement plus importantes qu'en essayant de couper à droite et à gauche de façon parfois aveugle, parce que l'État n'est pas méchant, mais il est bête, c'est à peu près ça qu'on pourra en tirer... Je pense que c'est ça, l'attitude que j'aurais là-dessus. Mais je crains toujours d'aller taxer des étudiants qui finissent de plus en plus endettés et qui ont de plus en plus à se trouver, à la fin de leurs études, une bonne job et un bon boss, actuellement. Ça, ça en décourage beaucoup. J'avais cette remarque-là à faire. Je comprends que vous cherchez des fonds et qu'il faut en trouver, là.

M. Gervais: D'abord, je dirais que nous n'avons pas fait, pour être bien clair, la suggestion d'imposer des droits de scolarité au niveau collégial. Nous avons fait remarquer que, puisqu'on n'en impose pas, ça veut dire qu'actuellement le rapport entre les droits de scolarité de quelqu'un qui veut obtenir un bac, au Québec, c'est du simple au double par rapport à l'Ontario parce qu'il paie moins et il paie moins longtemps; donc, que l'objectif de la moyenne canadienne est à considérer et que, pour un individu, il faut se rendre compte que c'est un investissement, en général, extrêmement rentable que celui dans sa formation universitaire. Vous connaissez aussi les études qui ont été faites sur le caractère régressif de la gratuité scolaire au niveau universitaire.

Vous parliez de votre crainte du rendement décroissant. Ce que l'on constate, en tout cas dans les universités, c'est qu'il n'y a pas eu les décroissances appréhendées de clientèles étudiantes suite à l'augmentation des droits de scolarité, mais on a noté un phénomène intéressant d'accroissement de la proportion d'étudiants et d'étudiantes inscrits à temps complet. Je crois qu'il y a lieu de se réjouir de cela parce qu'il y a un lien étroit entre le phénomène de l'inscription à temps complet et la diplomation.

Du côté de la diplomation, on doit constater, au Québec, que le taux d'abandon, au premier cycle universitaire, n'est que de 25 % si ion tient compte, lorsqu'on regarde les chiffres, des passages d'une université à l'autre.

Par ailleurs, pour ce qui est... Je reviens, si vous le permettez, sur les propos de M. Leclerc. Je crois que les universités sont fières, et avec raison, des efforts qu'elles ont faits depuis quelques années pour améliorer leur situation. Elles ont augmenté leur productivité, on l'a montré tantôt; j'ai parlé des augmentations de clientèles étudiantes, des augmentations spectaculaires de diplomation, particulièrement au niveau des études de maîtrise et de doctorat; j'ai parlé également de l'augmentation spectaculaire des activités de recherche, avec une performance extraordinaire comparé au niveau canadien. Les universités ont diversifié leurs sources de financement. Pensez aux campagnes de souscription qui ont été lancées dans à peu près toutes les universités du Québec. Elles ont réduit leur déficit. Leur personnel a accepté volontairement des limitations de salaires, et je pense qu'elles ont aussi convaincu les étudiants et les étudiantes d'accepter des augmentations de droits de scolarité. Il n'y a pas eu de révolution au Québec suite à l'augmentation des droits de scolarité.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis faisait remarquer qu'il s'agit du député Lemieux, de Vanier. Alors, ça l'a amusé que vous m'appeliez Leclerc. Mais ce n'est pas bien grave. C'est un collègue...

M. Gervais: Excusez-moi.

Le Président (M. Lemieux): ...qui est vraiment sympathique...

M. Gervais: Excusez-moi.

Le Président (M. Lemieux): ...qui est le député de Taschereau. Je veux seulement vous faire remarquer... Essayez de comprendre mon inquiétude, tout à l'heure. Je vous ai dit que j'ai fait venir toutes sortes de documents, j'ai regardé ça. Vous savez, je l'ai sur une certaine période, je constate que - une période de 10 ans - les cadres ont augmenté dans nos universités de 100,3 %; pendant que le personnel enseignant augmentait de 117,1 %, les autres personnels, de 152,6 %, alors que le taux de fréquentation chez nos étudiants, lui, n'augmentait que de 94,6 %. Vous savez, ce sont des statistiques qui parlent. (21 heures)

Alors, vous comprendrez que moi, comme parlementaire, comme président de cette commission sur les finances publiques, je ne peux qu'éprouver certaines inquiétudes. Je vous dis: Si la rationnante doit se faire, elle ne doit pas se faire simplement du côté du gouvernement, mais du côté des corporations décentralisées telles que la vôtre. Je pense qu'on doit être collectivement solidaire de notre approche.

M. Gervais: Nous le sommes, M. le Président, mais je dois vous dire que je suis forcé, contraint de contester complètement les chiffres que vous me donnez là, à partir des chiffres dont nous disposons. On va échanger nos chiffres. Chez nous, en tout cas, à Laval, il n'y a pas eu augmentation d'un seul cadre dans les cinq dernières années. Alors, je me dis: La situation est probablement analogue dans les autres... On va regarder ça.

Le Président (M. Lemieux): Je vais en faire part à... On est prêt à s'échanger les...

M. Gervais: Très bien.

Le Président (M. Lemieux): Alors, si vous

êtes consentant...

M. Gervais: On en a ici, d'ailleurs.

Le Président (M. Lemieux): ...on va faire en sorte que les fonctionnaires concernés puissent vous rencontrer.

M. Gervais: Très bien.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a d'autres...

Oui, M. le député de Limoilou.

M. Després: Oui. Juste une courte réponse, parce que les chiffres, de toute façon, qu'on cite, viennent du Conseil du trésor. Donc, j'ai l'impression qu'il doit y avoir avantage à ce que le Conseil du trésor et les universités puissent comparer leurs chiffres. Juste une courte réponse, parce que je sais qu'il reste peu de temps.

J'ai bien compris, tout à l'heure, qu'en nombre d'heures les professeurs, au Québec, font plus de recherche, étant donné qu'on va chercher 27 % de la part des subventions en recherche. J'aimerais ça que vous m'expliquiez la tâche administrative au niveau d'un professeur parce que, en même temps qu'on fait plus de recherche, on fait un petit peu moins d'enseignement par rapport à l'Ontario et par rapport à la moyenne canadienne. Donc, on se trouve à faire plus d'administration. Mais justement, je comprends qu'il n'est pas question de vous demander de baisser la recherche, parce que je pense que c'est une chose qui est importante, mais ce qui nous intéressait, c'était la productivité au niveau de la charge de cours qui a un effet au niveau financier pour le gouvernement et pour les universités. Et je me demandais si c'était toujours au professeur à faire, justement, ces tâches administratives et c'est quoi, les tâches administratives d'un professeur? Moi, j'aimerais bien savoir.

M. Gervais: Très bien. Dans la mesure, incidemment, où l'on ne veut pas augmenter le personnel administratif dans les universités, il faut s'attendre à ce qu'une partie des tâches qui relèveraient normalement de personnel administratif soit accomplie par des professeurs. Au-delà de ça, il y a différents comités, par exemple, dont font partie les professeurs; il est normal que, par exemple, dans un programme de relations industrielles, il y ait quelques professeurs qui oeuvrent à l'admission des étudiants, qui oeuvrent à l'examen des dossiers, qui surveillent l'encadrement des étudiants aux deuxième et troisième cycles, le progrès des étudiants dans leurs études, qui revoient périodiquement le programme de baccalauréat en relations industrielles. Et il en va de même dans l'ensemble de l'université. Il est normal qu'il y ait des professeurs qui participent à un comité aviseur, un comité conseil de la bibliothèque, au centre de traitement de l'information. C'est normal, si on veut que la fonction service soit ajustée aux besoins des professeurs et des étudiants. Quand on parle de tâche administrative du professeur, c'est de ça qu'il est question.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Je m'excuse, M. le député de Limoilou, c'est terminé.

M. le député de Montmorency, de consentement, m'a demandé 30 secondes. Mais vraiment 30 secondes, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Ah oui, rapidement. C'est simplement une question de coût de formation et, en même temps, essayer de comprendre la problématique au niveau, entre autres, des étudiants en comptabilité.

On sait qu'il y a deux tiers de ces étudiants qui ont de la difficulté ou qui ne réussissent pas les examens nationaux des comptables agréés, et c'est quand même des coûts sociaux importants. Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut justifier ce genre de problématique ou de résultat?

M. Gervais: Puis-je vous expliquer ça en 10 secondes? Si vous avez 100 finissants en comptabilité, à Laval, et que vous permettez aux 100 étudiants de se présenter à l'examen des comptables agréés et qu'il y en a 50 ou 60 qui réussissent, vous avez un taux de succès peut-être plus bas qu'une autre université qui va en choisir 50 sur les 100 et qui va n'en présenter que 50; elle va avoir un taux meilleur, mais, en réalité, la performance qu'on a eue, cette année, à Laval, était tout à fait exceptionnelle. Si nous n'avions présenté que la crème, comme le font certaines universités, on aurait eu un taux de succès formidable. Mais nous pensons que, laissant se présenter tous les étudiants, nous permettons à des jeunes finissants et finissantes que l'on aurait exclu de l'examen de réussir malgré tout.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire.

Nous n'allons suspendre que deux minutes pour permettre, entre les deux groupes, les remarques finales qui auront lieu dans l'ordre suivant: le parti de l'Opposition suivi du ministre, suivi du parti de l'Opposition officielle suivi du parti ministériel, l'Opposition officielle et le parti ministériel.

(Suspension de la séance à 21 h 5)

(Reprise à 21 h 6)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il

vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour en arriver aux remarques finales suivant cette consultation particulière sur le financement des services publics au Québec.

Dépôt de documents

Avant de procéder aux remarques finales, j'aimerais déposer, afin de les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, les mémoires de personnes et organismes qui nous ont été transmis, mais dont les auteurs n'ont pas été entendus dans le cadre de cette consultation, à savoir: l'Association canadienne de l'industrie du médicament, l'Association des banquiers canadiens, l'Association des biochimistes cliniques du Québec, le Barreau du Québec, M. Yves Boulet, M. Jean Guevremont, M. Denis Héroux, M. Fernand Houde et M. Loui Sansfaçon.

Ces mémoires font dorénavant partie de cette commission comme ayant été entendus.

Remarques finales

Maintenant, nous passons aux remarques finales avec M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Alors, nous terminons cette consultation comme nous l'avons commencée, pratiquement. Et je dirai qu'il s'agit encore une fois, comme je l'ai dit au départ, d'une consultation tronquée, où les documents nous sont parvenus à la dernière minute, pas seulement à l'Opposition, mais à ceux qui sont venus ici, devant nous, nous le dire pratiquement à chaque mémoire, qu'ils avaient dû rédiger leur mémoire alors qu'ils n'étaient pas en possession des derniers renseignements qui ont été rendus publics par la suite. Et cela a faussé le débat.

Nous avons tenté, quant à nous, d'avoir deux ou trois jours additionnels pour discuter, par exemple, du document qui avait été rendu public le 19 janvier dernier, «Vivre selon nos moyens», parce qu'il y avait des questions à poser au gouvernement là-dessus. Et le gouvernement l'a refusé - l'a refusé - comme il a refusé aussi d'entendre d'autres personnes, d'autres experts qui auraient pu nous éclairer sur toutes les questions qui étaient du ressort de la commission.

Donc, c'est un premier point que je voulais souligner parce que nous aurons entendu des groupes, mais nous n'aurons pas conclu devant le public sur ce qu'ils nous ont dit. Et cela nous amène, finalement, au contexte dans lequel la commission siège, que j'avais mentionné au départ. Nous sommes à la veille d'un dépôt de crédits, d'un nouveau budget, probablement préélectoral. Nous sommes à la veille aussi de nouvelles négociations de conventions collectives et, au fond, c'était le contexte que s'était donné le gouvernement. Le 31 mars, il y aura un dépôt de crédits, et je crois que, pour lui, il était important de faire une opération de conditionnement politique, ce qu'il a tenté de faire - je ne dirai pas qu'il a réussi, mais ce qu'il a tenté de faire. Parce que de notre côté, nous disons, au fond, que, effectivement, la situation financière des gouvernements est très grave, qu'elle mérite des solutions urgentes, mais que, si l'on doit amener des solutions, il faut au moins qu'on en fasse une analyse correcte, qu'on pose un diagnostic qui prenne en compte toutes les dimensions de la question et pas seulement un échéancier de court terme parce que, au fond, il y a plusieurs dimensions qui n'ont pas été traitées au cours de cette commission, qu'on n'a pas voulu traiter, qu'on a escamotées en quelque sorte. (21 h 10)

Cela relève, évidemment, de problèmes de vision quant à l'avenir, d'une vision de la société québécoise et qui se reflète, effectivement, dans les finances, d'une philosophie politique, oui, et il faut le comprendre comme cela. Mais, quant à nous, les grandes dimensions de la question des finances publiques se retrouvent d'abord au fédéral, qui a accumulé des déficits, lesquels ont entraîné des taux d'intérêt réels de 7 % depuis au moins 10 ans, ce qui est considérablement au-dessus de ce qui se paie dans les pays de l'OCDE. Et cela piège gravement la relance économique. On voit très bien avec quelle difficulté le Canada, comme les États-Unis, mais le Canada en particulier depuis plus longtemps, a des difficultés à relancer son économie. Les recettes, donc, viennent à baisser.

Et je donnerai juste un indicateur. Dans le discours de M. Mazankowski, du 2 décembre dernier, il manquait 8 000 000 000 $ aux recettes fédérales. Ce n'est pas rien. C'est ça qui expliquait l'augmentation du déficit fédéral. Cela entraîne un freinage considérable des investissements, une surenchère à l'épargne que nous payons, nous, au Québec, premièrement par notre service de la dette, où le taux réel d'intérêt est de 7 % plutôt que de 3 % ou 4 %. Ça nous coûte au moins 2 000 000 000 $ là; par une diminution des transferts fédéraux depuis 10 ans à peu près, 3 600 000 000 $, et il y en aura encore 2 000 000 000 $ qui vont s'ajouter d'ici 5 ans. Tout cela sur une base annuelle. C'est considérable! Et pourtant, ces questions-là, on les a escamotées, on n'a pas voulu en traiter.

Et je ne parle pas, là, encore des dédoublements, des chevauchements, un autre 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $, entre 1 000 000 000 $ et 2 000 000 000 $ sûrement. Tout cela fait partie du problème. Il faut poser un diagnostic là-dessus et il faut prendre la question de front. Au fond, les 7 % de taux réel

d'intérêt au Canada qui font que le fédéral lui-même creuse ses déficits et que le Québec fait la même chose viennent de l'indécision. Très bien, mais on refuse d'envisager cela. Le seul point sur lequel on s'est attardé, c'est: où pourrait-on couper? Et c'est la seule question lancinante que le gouvernement a posée aux groupes qui venaient ici.

Certains ont manifesté que, peut-être, il faudrait regarder aussi du côté des revenus, combien coûtent les abris fiscaux, parce que le moindre petit programme de dépenses est listé à 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ près, et les abris fiscaux coûtent des dizaines de millions, peut-être des centaines de millions. on l'a vu l'an passé quand le gouvernement s'est fourvoyé dans les programmes, les crédits à la recherche et développement, il est disparu 250 000 000 $ comme rien. c'est ce qu'on a lu dans les journaux, chiffre qui n'a jamais été démenti pratiquement. considérable! au fédéral, ça a été 3 000 000 000 $ dont on a parlé. toutes des choses qu'il faudrait quantifier. si l'on veut quantifier les programmes de dépenses, il faut aussi quantifier les dépenses fiscales. je pense que la transparence l'exige. ce serait fondamental qu'on fasse l'étude sur tous ces aspects.

Qu'il y ait de la rationalisation des programmes à examiner, à consolider, à reprendre, peut-être à abolir, très bien, je pense qu'il faut aussi regarder dans les dépenses. Mais il faut aussi regarder ailleurs. Et là, à un moment donné, le bain arrêterait de se vider, parce qu'il y a le fédéral, il y a le Québec, je comprends qu'on ne veut pas traiter la question sous cet angle, mais la question nationale n'est pas réglée. On a mis de côté, parce que ça fait mal, la question constitutionnelle, mais les aspects économiques, financiers, budgétaires, administratifs de toutes les structures qui nous gouvernent n'ont pas été pris en compte de façon générale et globale. C'est le problème auquel on a à faire face.

Alors, je considère, M. le Président, que cette commission, à ce stade-ci, se termine en quelque sorte en queue de poisson, parce qu'il n'y a pas de conclusion, sauf ces quelques remarques que je tire. Il y en aura peut-être au dépôt des crédits, peut-être bien au discours sur le budget. Je comprends, mais, à ce moment-là, nous sommes retournés aux perspectives de court terme que j'avais déjà mentionnées, c'est-à-dire des perspectives vraiment de 31 mars prochain pour couper dans les dépenses et, après ça, de gratouiller dans le budget ultérieurement et de prévoir une convention collective où on veut clencher les fonctionnaires, la fonction publique et puis sans regarder ce qu'on fait parce que les dépenses de ce gouvernement ont augmenté beaucoup plus vite que les salaires.

Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire à ce stade-ci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

M. le ministre des Finances.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque: Alors, M. le Président, nous arrivons évidemment au terme de cette commission parlementaire qui a siégé - nous sommes déjà dans la troisième semaine de session - où nous avons eu l'occasion de recevoir près de 80 mémoires en même temps que plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes qui sont venus ici nous présenter leur point de vue sur le financement des services publics.

On se rappelle le mandat de la commission; c'était d'examiner les orientations de court et de moyen terme souhaitables en matière de dépenses gouvernementales, de fiscalité, de déficit et d'endettement. Nous avions comme objectif d'approfondir notre compréhension des problèmes, de dégager les options possibles, de comprendre les points de vue des divers groupes de la société, d'ailleurs, qui ont été fort bien représentés ici au cours de ces échanges, et convenir des choix les plus appropriés.

Nous avons eu l'occasion, évidemment, pour quelques-uns, de mettre l'accent sur l'emploi. C'est quelque chose qui nous a toujours tenu à coeur et qui continuera de nous inspirer comme objectif primordial. Notre parti, d'ailleurs, a comme article no 1 de son programme le développement économique, la création d'emplois. Nous n'avons pas changé de cap.

Nous avons reçu des suggestions fort valables au cours de cette commission. On a parlé évidemment que les déficits et l'endettement causaient un problème tel qu'on ne pouvait plus songer à poursuivre dans cette direction; lorsqu'on pense à un déficit, disons, des environs de 5 000 000 000 $, il ne faut pas faire ça trop souvent, parce qu'à chaque fois que ça arrive, ça veut dire que l'année suivante, on a un demi-milliard de plus d'intérêts à payer, donc un demi-milliard de moins de services à donner à la population.

Je pense que cette commission a eu au moins cet avantage et cette fin, de pouvoir sensibiliser l'opinion publique à la situation que décrivait le député de Labelle comme une situation grave. Et ceux qui sont venus dire que la situation n'était pas grave, que tout allait bien, je pense qu'ils pensaient plus à protéger leurs intérêts qu'à réellement traduire une réalité. D'ailleurs, ceux qui ont dit ça sont tellement peu nombreux parmi tous ceux qui sont venus ici qu'on peut dire que le consensus était d'arrêter l'endettement, les déficits.

Et on a ajouté également, quant à la fiscalité, que le fardeau fiscal était suffisamment élevé. Quant à la fiscalité, en plus du niveau dont il a été question, il a été question également de s'assurer d'une équité fiscale, et ça,

évidemment, nous avons pris plusieurs notes pour faire des vérifications afin de nous assurer de l'équité fiscale. Nous avons fait des efforts considérables depuis quelques années pour mettre l'accent sur la progressivité, mettre l'accent sur la protection des familles, le soutien à la famille québécoise. Nous avons augmenté considérablement les sommes versées dans cette direction. Nous avons également été préoccupés par le sort des régions. Nous allons continuer de l'être. Nous avons voulu avoir une équité fiscale réelle. Nous allons faire de nouvelles vérifications à la suite de ce que nous avons entendu pour être sûrs qu'il n'y ait pas d'injustice ou d'iniquité de ce côté-là. (21 h 20)

On a parlé, par exemple, des abris fiscaux. Bien, personne ne nous a dit de cesser les abris fiscaux en exploration minière, par exemple. Personne ne nous a dit de cesser les abris fiscaux ou les dépenses fiscales en matière de culture, dans les films, par exemple. On ne nous a pas donné, par exemple, de piste à suivre dans l'abolition des dépenses fiscales en matière de recherche et de développement, en matière de main-d'oeuvre. Les seuls endroits où c'a été précisé un petit peu plus, c'était du côté des gains de capital. Nous avons regardé tout ça, malgré qu'il y ait là une situation où il faut faire attention pour éviter la mobilité qui est très présente lorsqu'on a des conditions qui ne peuvent pas être concurrentielles dans l'environnement géographique.

Nous avons parlé, évidemment, une fois que nous avons mis de côté ensemble, il semble bien y avoir un consensus de ne pas augmenter, mais plutôt de faire disparaître le déficit, de ne pas augmenter le fardeau fiscal, mais de rester compétitifs. Il reste que les dépenses, qu'on le veuille ou non, ont toutes été pointées du doigt comme devant être contrôlées, réduites encore plus. On a parlé d'augmenter la productivité, soit. La seule chose que j'ai remarquée, c'est que chacun ou chacune qui a parlé de diminuer les dépenses n'a pas tellement été loquace dans la précision des dépenses qui devaient être coupées.

Plusieurs sont venus plutôt nous donner des bonnes pistes pour augmenter ces dépenses-là. Évidemment, ça se comprend. Les gens pensent à leur milieu, à leurs membres, s'il s'agit d'une association. Et à ce moment-là, évidemment, on n'est pas porté à demander une réduction des dépenses dans son propre cas. Là, évidemment, il va falloir que nous prenions nos responsabilités. Ce n'est pas toujours facile. Nous avons accepté de jouer le rôle que nous jouons et nous allons continuer de le faire ayant à l'esprit le bien commun. Il faut faire des arbitrages qui sont très difficiles, peu agréables. Et d'ailleurs, lorsqu'on a parlé de la fonction publique, tout à l'heure, ça n'a pas été agréable, j'imagine, pour nos gens d'en face, de faire certains gestes, de poser certains gestes dans le passé. Et, pour nous, ce n'est pas plus agréable aujourd'hui de poser certains gestes que nous devons poser, mais nous tâchons de le faire d'une façon la plus équitable possible pour ne pas que ce soit une personne ou un groupe, ou un secteur de la population qui soit appelé à avoir seul le fardeau. Nous allons essayer de le faire de la façon la plus équitable, la plus juste possible. Mais, aussi, il faut avoir l'oeil sur l'avenir et garder à l'esprit l'importance d'accompagner cette reprise, cette relance pour la création d'emplois.

Alors, il va falloir évidemment continuer d'assainir les finances publiques, mais ayant toujours à l'esprit qu'à côté de l'assainissement des finances publiques il y a tout cet avenir pour nos jeunes, pour les générations montantes, pour notre population. Il faut qu'on mette l'accent encore et toujours sur tout ce qui peut encadrer, tout ce qui peut faire en sorte de rendre les conditions propices à la création d'emplois. Le gouvernement ne peut pas créer des emplois, mais il peut favoriser la création d'emplois. Il peut créer un contexte tel qu'on peut avoir les investissements créateurs d'emplois.

Ceci étant dit, je veux remercier encore une fois les membres de la commission, d'un côté comme de l'autre de cette table, et vous, M. le Président, et tous ceux qui vous accompagnent dans l'exercice de vos fonctions, ainsi que tous ceux et celles qui sont venus ici nous faire des recommandations. Je pense que tout le monde a fait du bon boulot et j'espère que nous en sortirons enrichis de l'expérience commune que nous avons pu retenir de cette commission.

Je vous remercie beaucoup, M. le Président, et je vous souhaite à tous et a toutes une bonne soirée.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

La parole est maintenant à Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Je voudrais, à mon tour, remercier tous ceux et celles qui ont pris la peine de venir réfléchir avec nous, nous présenter leur point de vue et qui l'ont fait sûrement avec toute la sincérité dont on les sait capables.

En fait, les personnes prises individuellement ou collectivement, que ce soient les populations ou les peuples, ont besoin, pour se mobiliser, se concerter, entreprendre et réussir... En fait, les peuples ont besoin de défis, d'espoirs, de projets et de perspectives. Faire des sacrifices maintenant pour un avenir meilleur, bien sûr. Faire preuve d'audace, de courage, ça va de soi. Le président Clinton, d'ailleurs, l'a bien compris, lui qui a dit à ses concitoyens et

ses concitoyennes: J'ai besoin de vous, j'ai besoin de votre contribution à l'effort collectif parce que, si vous contribuez à cet effort collectif, nous en sortirons gagnants, grandis, parce que nos enfants vont être rassurés, parce que nous pourrons nous offrir une meilleure qualité de vie, des services de santé, d'éducation, un meilleur environnement, parce que l'Amérique va retrouver la confiance en elle-même.

Et je pense que, s'il y a un endroit où le gouvernement a failli, M. le Président, c'est bien là. En fait, le gouvernement a raté sa cible. Il a fait consensus, mais il a fait consensus contre sa courte vue, contre son absence de projet social, son absence de projet économique, son absence de projet de société un peu rassembleur et mobilisateur. En fait, il ne voulait pas faire le débat, ni le ministre des Finances, ni le président du Conseil du trésor. Et la meilleure preuve en est sûrement le fait que l'on nous a déposé un document gouvernemental après que tous les groupes, toutes les personnes qui ont souhaité témoigner aient présenté leur mémoire.

En fait, le président du Conseil du trésor n'avait qu'une idée en tête: son prochain budget de dépenses, où couper, quoi couper, où taxer par des tickets dits modérateurs. Il était tellement obnubilé par la solution à son problème de court terme qu'il a complètement oublié, M. le Président... Malgré des propositions faites par les gens de l'Opposition, il a mis de côté des pans entiers qui ont un impact sur les finances publiques et d'une façon significative dans une perspective de résoudre les problèmes auxquels on est confronté.

Le plus important de ceux-là, bien sûr, ce sont, entre autres, les chevauchements entre les gouvernements: celui d'Ottawa et celui de Québec. Et j'en ai pour preuve une étude faite par l'École nationale d'administration publique qui dit: 58 programmes fédéraux sur 100 sont en chevauchement par rapport à des programmes québécois; 61 programmes sur 100, des programmes québécois, sont en chevauchement par rapport aux programmes fédéraux. Mon collègue de Labelle disait: 1 500 000 000 $, 2 000 000 000 $ que l'on pourrait retrouver là. En plus du fait que nos concitoyens y trouveraient davantage leur compte, M. le Président, on a mis ça de côté. On a mis de côté une réflexion en profondeur sur le travail au noir, sur les fraudes fiscales, sur les abris fiscaux et leur impact réel sur l'économie. Nous avons la nomenclature des abris fiscaux, mais qu'est-ce que cela a comme effet sur la préoccupation que nous disait avoir le ministre des Finances sur l'emploi, entre autres? (21 h 30)

Oui, je pense que les gens sont prêts à faire leur effort, sont prêts à contribuer au redressement non seulement de leurs finances publiques mais de l'économie du Québec. Parce que, qu'on soit employeur, qu'on soit travailleur ou travailleuse, qu'on représente des groupes communautaires, des groupes de femmes, des groupes de jeunes, des corporations, des institutions, des groupes environnementaux, en fait, on est sensible à la situation présente, mais on voudrait que ça se situe dans une perspective globale, dans une vision de société, dans un projet. Si on ne fait pas cela, dans cinq ans, dans six ans, ce seront d'autres interlocuteurs que nous, mais nous serons confrontés exactement aux mêmes problèmes que nous avons abordés depuis trois semaines, M. le Président.

Bien- sûr que les solutions vont venir, non seulement de tous ces éléments que je mentionnais - chevauchements, meilleur enraiement du travail au noir, etc. - mais il viendra aussi d'efforts que l'on devra faire à l'interne, d'efforts propres à l'action gouvernementale, à son organisation. Et je pense qu'il y en a, des consensus qui se sont dégagés à partir des témoignages que nous ont faits les gens qui sont venus nous présenter leur point de vue, entre autres sur une amélioration du travail accompli par la fonction publique, mais à condition que cette fonction publique se sente responsable, qu'elle sente qu'elle peut agir, avoir un Impact, être associée aux décisions et aux projets pris par le gouvernement.

Je faisais référence à M. Clinton, au président des États-Unis; s'il peut, avec 13 secrétaires d'État, diriger un pays qui a plus de 250 millions d'habitants, sans doute qu'on peut réfléchir sur certaines réorganisations. Bien sûr, on peut faire ça. Il y a des avenues Intéressantes, mais à condition que les gens se sentent concernés, se sentent interpellés et se sentent associés au travail à accomplir.

Il y a aussi, bien sûr, d'autres avenues. La transparence. Qu'un citoyen puisse savoir ce qu'il lui en coûte, comme citoyen, de consulter un médecin, de séjourner dans un centre hospitalier, d'obtenir des services d'un centre local de services communautaires. Avant qu'on ne le taxe pour l'utiliser, peut-être que ce serait intéressant de lui dire combien ça lui coûte réellement. Combien aussi coûtent les abris fiscaux aux citoyens et aux citoyennes? Quel est le manque à gagner qu'a le gouvernement à ne pas imposer tel profit, à ne pas imposer telle mesure? Il y a un coût, il y a de l'argent qui n'entre pas, M. le Président. C'est combien? Je pense que nos concitoyens et nos concitoyennes demandent de la transparence. Ils demandent à être informés parce que, pour être responsable, il faut d'abord savoir, être informé, et bien informé. Il y a donc des avenues intéressantes à explorer, et plusieurs des groupes qui sont venus témoigner nous en ont mentionne une foule d'autres.

Mais je vais venir au fond de la question à laquelle on est confronté, parce que je crois que la véritable solution à moyen et à long terme passe par une augmentation de la richesse collective et, sans aucune espèce de réserve, par

l'emploi. Si on pense que c'est nécessaire d'améliorer le niveau d'emploi, il faudrait peut-être savoir ce que nous coûte le chômage. Une étude du Mouvement Desjardins, dans sa revue Bulletin en perspective, mettant à jour les données faites dans le cadre des écrits sur l'emploi, évaluait à 37 000 000 000 $ en coûts directs pour le Québec le niveau de chômage et de sous-emploi que nous connaissons maintenant. Cela ne comprend pas, M. le Président, les coûts reliés à la maladie, à la criminalité, au stress et aux difficultés que vivent les familles dû à cette situation-là.

Je crois que nous pouvons mettre le cap sur l'emploi. Il y a des mesures précises à prendre, il y a des gestes concrets à poser, mais il y a d'abord et surtout un engagement politique sans réserve par rapport à l'emploi, une participation des partenaires qui sont concernés, des décideurs, qu'ils soient employeurs, qu'ils soient financiers, qu'ils soient travailleurs ou travailleuses. Il faut que les régions du Québec participent à cet effort collectif, que nous décentralisions les décisions pour que les gens se sentent concernés, puissent agir sur l'emploi à leur niveau respectif. Cela demande des politiques actives en matière économique, en matière de marché du travail, en matière de développement économique régional.

Je termine, M. le Président, en vous disant que, ce qu'il faut, c'est resolidariser le Québec, le resolidariser autour d'un projet national, d'un projet social, d'un projet économique. En fait, il faut inviter le Québec à participer à une vaste corvée collective qui va faire qu'il va préserver des services de qualité en matière de santé et d'éducation, mais qu'il va retrouver aussi la fierté comme peuple autonome, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

M. le ministre du Revenu.

M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci, M. le Président.

Très rapidement, je voudrais à mon tour remercier l'ensemble des intervenants qui ont présenté des mémoires, qui ont voulu nous assister dans cette réflexion qui visait, évidemment, à déterminer davantage les mécanismes qui pourraient nous permettre de vivre selon nos moyens.

Bien sûr, nous avons eu droit de la part de l'Opposition à une certaine interrogation, non pas vis-à-vis du fond du dossier, crois-je, mais bien plutôt un index accusateur pointé comme ça, surtout vers Ottawa. Dans l'ensemble des interventions, on l'a constaté, c'était la faute d'Ottawa; ce n'était pas, évidemment, la faute d'un service généreux qu'offre le gouvernement du Québec depuis deux générations. On a cherché des solutions faciles. De la part, par exemple, du député de Montmorency, on disait: Un rapport d'impôt. Il est revenu avec insistance sur ce terme-là, d'une façon constante, une solution qui n'est guère acceptable à ce moment-ci.

On a cherché, finalement, à faire avec cette réflexion un peu de politique, beaucoup trop, peut-être même, selon plusieurs. J'ai entendu à quelques reprises des commentaires à cet effet-là, qu'effectivement l'orientation, le souhait qu'on avait formulé au début de cette réflexion qu'il y ait, finalement, une espèce de symbiose qui se développe au sein de la commission pour, justement, aller chercher le meilleur qu'on pouvait de la part des intervenants... Je ne crois pas que - enfin, du côté de l'Opposition - cet élément-là se soit vraiment produit. On n'a pas eu ce développement-là, et ça a nui un peu, en quelque sorte, je pense, à la qualité des présentations qu'on a eues lors des interrogations.

Au niveau des intervenants, il a été intéressant de constater que la majorité reconnaissent que la situation est difficile et que, évidemment, on doit intervenir d'une façon directe. Il y a eu très peu de mémoires, là, qui n'ont pas tenu compte du fait qu'il fallait procéder à des coupures, à des réductions. Il y a très peu de mémoires qui ont questionné le fait que la situation financière au Québec demandait une intervention rapide. Bien au contraire, on a pu constater le sérieux d'une bonne réflexion de la majorité des intervenants. On a pu constater qu'ils avaient, ici et là, des présentations très concrètes.

Pour ma part, je pense qu'on a retenu plusieurs éléments. Il va y avoir un suivi de donné au niveau de plusieurs dossiers; qu'on pense, justement, à Makivik qui nous a fait une présentation cet après-midi, ou bien, si on peut remonter à il y a trois semaines, lorsqu'on nous a demandé d'améliorer, par exemple, les services de renseignements. Ce genre d'interventions qui visent, finalement, à faciliter la tâche, ont été retenues et sont toujours des plus bienvenues.

Cette semaine a paru un article dans le Globe and Mail, le 16, mardi le 16, où on faisait un résumé du rapport qui a été déposé par l'Institut C. D. Howe, et on nous signale, évidemment, que la crise est à la porte. On ne peut plus attendre. On menace de voir une autre génération faire des interventions beaucoup plus brutales auprès de ceux qui les ont précédés - par la coupure de pensions, s'il le faut - pour redresser la situation, puisque les portes qui sont ouvertes pour régler la situation sont fort limitées. On parle également d'une difficulté de financer l'ensemble des déficits, que ce soit d'Ottawa ou des provinces, sur les marchés internationaux, avec une cote inférieure àAA.

Je pense que cette réalité-là est très concrète, et je pense que l'article qui, finalement, est là pour sensibiliser va le faire cer-

tainement pour une partie des Québécois et des Canadiens. Je pense que ce travail que nous faisons aussi aujourd'hui est encore un élément beaucoup plus important de sensibilisation. Par cette démarche, par, évidemment, l'utilisation de la télévision, je pense qu'il y a eu bon nombre de Québécois et de Québécoises qui ont pu prendre connaissance de la difficulté. Je pense qu'il y a eu bon nombre de Québécois et de Québécoises qui ont pu, effectivement, constater les difficultés, les difficultés qui doivent nécessairement être adressées par notre gouvernement, et qui seront adressées par notre gouvernement, comme ont pu le souligner quelques-uns, au cours des prochaines semaines. (21 h 40)

On doit, pour nos enfants, pour ceux qui vont nous suivre, laisser plus qu'un déficit. On doit, pour nos enfants, leur permettre d'avoir droit à un minimum de services sans obligatoirement présenter, par exemple, des montants importants au service d'une dette à laquelle ils n'ont pas participé, d'aucune façon. Toute autre solution est irresponsable. Toute autre solution qui ne vise pas à assumer nos responsabilités vis-à-vis d'un dépassement constant créé essentiellement par des services qui, finalement, dépassent nos capacités mérite certainement beaucoup plus que les travaux que va faire cette commission, mérite des interventions à très court terme. Et je suis certain que ceux et celles qui ont suivi cette démarche vont être pleinement d'accord que le gouvernement prenne en main une sensibilisation importante, une réduction importante au niveau des opérations du gouvernement en ce qui concerne le déficit.

On a cette prise de conscience qui existe maintenant tout partout en Amérique du Nord. On croyait, finalement, pendant longtemps, être les seuls à tenir un discours sur la réduction des dépenses. On a constaté, par exemple, que les États-Unis, tout dernièrement... Pas plus tard qu'hier soir, avec Bill Clinton, on a eu, je pense, une évocation très concrète de ce que pourrait être une situation aux États-Unis, qui pourrait peut-être dépasser les capacités de payer, finalement, du pays le plus riche, le plus fort au monde, lorsqu'il évoquait l'an 2000 avec un déficit de 627 000 000 000 $. Il a clairement indiqué qu'il fallait poser des choix, qu'il fallait poser des gestes. Et Je pense que c'est ce discours que nous tenons depuis déjà plusieurs années. Je pense que le moment est venu, que l'orientation donnée par le gouvernement de vivre selon nos moyens n'est plus «retardable», dans le sens qu'il faut agir dans les plus brefs délais. Sensibilisation importante de vivre selon nos moyens, un avertissement clair de réflexion sur la place publique devant cette commission qui va certainement donner les résultats qu'on escomptait.

Là-dessus, M. le Président, il ne reste qu'à vous remercier également pour votre travail, remercier les collègues qui ont participé et, encore une fois, tous les intervenants qui ont voulu présenter un mémoire à cette commission pour nous aider, justement, à déterminer, avec l'ensemble des autres membres de l'Assemblée nationale, des mesures pour assurer que nous puissions, pour l'avenir, vivre selon nos moyens. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du Revenu.

M. le député de Montmorency.

M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président.

Nous avons, bien sûr, eu une commission très intéressante, je pense. On a eu plusieurs intervenants qui sont venus expliquer à cette commission l'importance de rationaliser les dépenses publiques et, en même temps, l'importance de changer notre forme de taxation à deux volets. Et je pense qu'il y avait unanimité.

Les gens, dans un premier temps, disaient: Écoutez, nous, on a l'impression d'être traités injustement sur le plan de la fiscalité. Plusieurs ont apporté des exemples, des cas concrets où on se disait, par exemple: Écoutez, ça n'a pas de bon sens que l'on taxe tout le monde sans vraiment identifier qui a le service. Le service de l'utilisateur-payeur est revenu souvent. Les gens veulent sentir effectivement, quand ils paient un montant de taxes, qu'ils en ont pour leur argent. Et je pense que c'est un principe qui a été soulevé à maintes reprises, dans plusieurs mémoires.

D'autres personnes sont venues nous voir et nous ont effectivement parlé de simplifier l'appareil gouvernemental au niveau des services, mais aussi de simplifier au niveau de la possibilité de respecter nos lois en matière fiscale, entre autres. Je pense à l'Ordre des comptables agréés qui est venu nous dire - ce n'était pas, d'ailleurs, la première fois, M. le Président; ils avaient fait des demandes dans le passé - de voir à simplifier les déclarations d'impôt et de voir effectivement à ce qu'on puisse espérer, nous, les Québécois, un jour, être traités comme les autres provinces, c'est-à-dire une déclaration d'impôt, produite seulement, bien sûr, à la province de Québec qui peut, à toutes fins pratiques, administrer au nom du fédéral la perception des impôts sur notre territoire. Ça a été également corroboré par le Mouvement des caisses Desjardins, M. le Président, un mouvement important où tout le monde sent qu'on doit aller de l'avant et continuer, effectivement, à regarder les possibilités d'économiser des deniers publics au niveau de nos dépenses et simplifier la vie des gens.

Également, on a entendu plusieurs mémoires où les gens sont venus nous parler de marché au noir, où les gens sont venus nous dire jusqu'à

quel point ils étaient un peu découragés de voir que l'État avait perdu le contrôle de l'opération économique et qu'actuellement on se retrouvait dans un phénomène d'érosion qui nuisait considérablement à nos finances publiques, où on se rend compte qu'effectivement il y a un manque à gagner de, je dirais, presque plusieurs milliards de dollars si on regarde l'aspect de la construction, si on regarde l'aspect du vidéopoker, si on regarde l'aspect de la contrebande du tabac. Juste avec le tabac, fédéral, Québec, on parle de plus de 1 000 000 000 $ de manque à gagner. Des mémoires sont venus corroborer ces informations-là, plusieurs mémoires.

Toute cette problématique de manque à gagner déstabilise de façon marquée les finances publiques au Québec et, dans cette optique-là, les gens semblaient vouloir dire au gouvernement en place: Écoutez, contrôlez l'opération, contrôlez l'économie, faites en sorte que les gens soient incités à nouveau à comptabiliser leurs revenus dans un système économique où tout le monde paie ses impôts, non pas seulement une partie. Et les gens nous disaient aussi, en même temps: Écoutez, les gens ne déclarent plus leurs revenus parce qu'ils veulent eux-mêmes se faire leur propre justice fiscale. Et, ça, c'est malheureux, M. le Président. On doit prendre en considération ces mémoires-là, et les gens qui sont venus dire: Écoutez, faites quelque chose pour éliminer la contrebande du tabac, faites quelque chose pour qu'effectivement l'illégalité, l'opération de domaines comme le vidéopoker, puisse un jour opérer dans la légalité. Et je pense que, de ce côté-là, même si le gouvernement en place semble vouloir dire que ce qui compte, c'est de couper dans les dépenses, parce qu'il faut vivre selon nos moyens, moi, je pense, M. le Président, qu'il faut également mettre en place des mécanismes pour que les gens puissent payer leur impôt à juste titre et de façon équitable. Ça, c'est un son de cloche qui a été général, du début à la fin, et tout le monde y est allé de ses remarques dans ce sens-là.

Beaucoup de personnes ont également reproché la régressivité des taxes; les gens disent: Écoutez, les mieux nantis de notre société depuis sept, huit ans ont reçu des retours et des réductions de taxation beaucoup plus importants que les moins bien nantis de notre société. On a reproché beaucoup les abris fiscaux. On dit que les abris fiscaux actuellement n'atteignent plus les objectifs économiques et qu'à toutes fins pratiques ça sert uniquement à redonner un retour d'impôt aux mieux nantis. Les gens ont demandé de revoir la problématique des abris fiscaux. Même, il y avait un mémoire des HEC qui reconnaissait qu'on avait perdu, au fédéral, des milliards de dollars au niveau de l'application de certains abris fiscaux.

Alors, ce sont des manques majeurs que la commission a révélés au cours de son exercice, qui doivent porter, je pense, l'Assemblée natio- nale à réflexion. Je pense que ce serait un peu bête que de sortir d'une commission comme celle-là et de penser uniquement que, tout ce qui nous reste à faire, c'est de couper dans les dépenses publiques. Je pense qu'on a plus qu'à couper dans les dépenses publiques, comme réflexion de société. On doit revoir et remettre en place les mécanismes pour qu'à la fois on puisse percevoir ces revenus et traiter, bien sûr, nos citoyens et leur donner un service pour l'argent qu'ils paient sur le plan de la fiscalité. (21 h 50)

Également, les différents intervenants ont souligné souvent, et à maintes reprises - et ça a fait l'objet, d'ailleurs, d'une motion de la part de l'Opposition, M. le Président - les dédoublements que l'on vivait comme société au Québec, qui nous coûtaient très cher. D'ailleurs, suite à plusieurs remarques, entre autres au niveau de la main-d'oeuvre où, actuellement, on cherche des solutions pour arrêter de dépenser en double et aller chercher des économies de centaines de millions de dollars au niveau de la gestion de la main-d'oeuvre via un guichet unique, pour ne parler que de celui-là, et les gens étaient conscients qu'on devait arriver à trouver des solutions et qu'on devait continuer notre démarche et faire en sorte de faire comprendre à Ottawa l'importance d'économiser des fonds publics au niveau des dédoublements.

Et on doit continuer cet exercice-là d'une façon rigoureuse pour qu'on puisse enfin se retrouver dans une situation où on va aller chercher des économies de deniers publics importantes. Et, M. le Président, vous savez, si on économise les deniers publics, quelque part dans le temps, on va pouvoir penser alléger le fardeau fiscal, ça va de soi. Les dépenses, c'est le signe qui détermine le niveau de taxation. Alors, M. le Président, c'est évident qu'au niveau des dépenses il faut penser les réduire. Et, si on perçoit des revenus, on va pouvoir en même temps penser à alléger le fardeau fiscal des contribuables québécois.

Je pense que plusieurs intervenants ont été en même temps déçus d'avoir été convoqués très tard à une commission comme celle-là. Plusieurs nous ont dit: On trouve ça dommage de ne pas avoir eu assez de temps pour se préparer et présenter des mémoires encore plus détaillés et mieux soutenus. Et je pense qu'effectivement une commission comme celle-là, M. le Président, aurait dû, quant à moi, s'échelonner sur une plus grande période de temps pour la préparation et également pour la tenue de la commission, pour qu'on puisse aller vraiment à fond dans tous les thèmes et qu'on puisse, à toutes fins pratiques, se retrouver avec des solutions très concrètes et où on aurait pu penser à enligner nos finances publiques au Québec sur les deux plans: le plan revenus et le plan dépenses.

Alors, M. le Président, cette commission a été très constructive. On n'a pas eu assez de

temps pour en discuter. J'aurais préféré vraiment recevoir les études qui ont été faites par le gouvernement au niveau des dédoublements pour qu'on puisse mieux expliquer à la population où va son argent, à quoi servent les taxes, mais je pense que le gouvernement en a décidé autrement. Il a jugé que ce n'était pas important, que le but de la commission, au fond, c'était de dédouaner, à très court terme. On sait très bien que très bientôt ils auront à prendre des décisions de coupures, et je pense que le but de la commission, sur le plan médiatique, c'était de dire aux gens: Bien, écoutez, on va vous couper; attendez-nous, on s'en vient. Et on fait un petit exercice public pour vous dire qu'on va vous couper dans un mois. Et l'ensemble des finances publiques, dans ses grandes orientations, a été laissé pour compte. Je pense que c'est dommage, M. le Président. On aurait dû avoir plus de temps et aller plus loin dans tout ce débat des finances publiques au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Montmorency.

Maintenant, M. le Président du Conseil du trésor.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.

La commission parlementaire s'est déroulée en discutant d'un document qui s'appelle «Vivre selon nos moyens». Pas selon mes moyens, selon vos moyens, selon les moyens de qui que ce soit, Pierre, Jean, Jacques, selon nos moyens à tous. Il s'agissait d'étaler au grand jour la situation, sous toutes ses coutures. C'est ce qu'on a réussi à faire pour pouvoir prendre des décisions qui vont affecter, oui, le court terme, mais le moyen et le long terme également.

On a pris une chance lorsqu'on a fait un appel à la non-partisanerie. C'était de toute beauté de voir ça, cet après-midi, alors que l'Opposition demandait aux gens venus ici témoigner de bonne foi: Expliquez-nous donc l'incohérence du gouvernement. Moi, je veux bien. Ça embarrasse étrangement les témoins qui, dans les pires des cas, se sont rendus d'une façon ou d'une autre à des désirs un peu obscurs de l'Opposition en admettant que, peut-être, les priorités des gens qui venaient nous voir n'étaient pas les mêmes que les nôtres. Ça, on peut être d'accord, on peut même trouver ça légitime. Il s'agissait, si on n'a pas les mêmes priorités, au moins de s'entendre sur le diagnostic.

Le diagnostic, les gens en ont réalisé la synthèse. La grande constatation de cette commission, c'est que les gens ont réalisé la synthèse entre le fait que nous sommes endettés, que les taxes sont élevées et qu'en conséquence on ne peut ni emprunter ni lever des impots et que l'État ne peut plus être partout. D'autres diront que ça veut dire que l'État ne doit être nulle part. Non, ce n'est pas vrai. L'État peut être à la bonne place, et c'est ce qu'il s'agit de trouver ensemble. Il s'agit, à partir du constat que les gens ont fait qu'il y a un lien entre les finances publiques et leur santé, entre la protection des programmes sociaux et des conditions qui permettent de créer des emplois, de savoir que ce lien-là existe et qu'on doit le préserver. C'est d'abord et avant tout ça, la responsabilité du gouvernement.

Et les gens sont allés à l'essentiel. Ils ont décidé qu'on commence par améliorer ce qu'on a. Ils nous ont dit: Faites le ménage, mettez de l'ordre dans les programmes gouvernementaux, contrôlez davantage, faites des exercices de productivité. Les gens du privé nous ont dit qu'eux en ont fait, le gouvernement aussi peut en faire; se soucier de la qualité, se soucier de décentraliser ou de déréglementer, s'assurer, dans bien des cas, qu'on motive davantage - et, ça, c'est absolument essentiel - qu'on motive davantage nos employés.

Il n'y a pas de gens qui ont même pensé que contrôler les dépenses publiques, ça veut dire mettre les fonctionnaires dehors. S'il y en a qui pensent ça, ils se trompent, parce que le gouvernement agit par des ressources humaines. Il n'agit pas par des choses ou des machines, il agit par 400 000 personnes, le gouvernement du Québec. Ce sont ces gens-là qui sont en première ligne, et c'est à eux qu'on demande de faire des gains de productivité, d'assurer la qualité et d'alléger l'appareil bureaucratique. Ça prend des gens qui sont donc motivés.

On doit s'attarder à maintenir l'équilibre entre nos programmes et les besoins de nos concitoyens à partir de l'équilibre qu'on a réussi à trouver dans les relations entre l'État et ses employés.

On peut améliorer ce qu'on a, mais il va en manquer. Avec des déficits comme ceux dont le ministre des Finances nous parle, ce n'est pas en jouant un peu en productivité, 2 %, 4 %, 8 %, 10 % ici et la qu'on va trouver des sommes de cette ampleur-là. Les gens ont dit: Bien, il va falloir élaguer et alléger en plus les programmes gouvernementaux et la présence de l'État. Mais, là, c'est là qu'intervient le jugement sur les valeurs qu'on doit suivre, les priorités. C'est de ça que les gens nous ont parlé: leurs priorités. Et, moi, ce que j'en dégage, c'est que ce n'est pas dépenser à la bonne place que les gens souhaitent, c'est qu'on débourse, c'est-à-dire qu'on investisse à des endroits qui sont rentables pour notre société en termes de protection de nos programmes sociaux, de maintien et de soutien des emplois et de création d'emplois - si on peut dégager ces marges de manoeuvre là, parce que la dépense, c'est à court terme, et on a un problème de redressement à long terme. Et,

ça, on y voit en investissant aux bons endroits, mais encore faut-il avoir la marge de manoeuvre pour investir.

Les gens nous ont également dit: Dans les services publics, il faut qu'on sache ce que ça coûte. Ils réalisent que ça coûte cher; ils ne s'en rendent pas compte lorsqu'ils les consomment. Ce n'est pas universel de vouloir tarifer au lieu de donner, mais c'est certainement quelque chose qui est ressorti: la transparence dans les coûts des programmes gouvernementaux doit se traduire par un geste ou deux ou trois plus que symboliques pour que les gens s'aperçoivent de ce que ça coûte, les services publics, pour qu'il y ait une consommation rationnelle et non pas illimitée de ces ressources-là qui, elles, sont limitées. Alors, les gens disent: Investir au lieu de dépenser, dans la prévention au lieu du curatif, dans les jeunes, dans l'éducation, dans la formation plutôt que dans le correctif un peu plus tard. C'est ça, des priorités. Il faut s'en inspirer. Lorsqu'on élague, il faut garder l'essentiel.

Deuxième chose, ça doit se faire en toute équité, équité dans la protection qu'on doit donner à certaines clientèles. Ce n'est pas ces clientèles-là qui sont venues le demander nécessairement, c'est tout le monde qui a dit que les familles qui se sentent découragées ou les jeunes qui sont bons à être rescapés le plus rapidement possible, les personnes âgées qui se sentent abandonnées, les femmes qui sont désemparées, tout le monde a dit qu'il faut qu'on s'occupe de ces gens-là. C'est ça, l'équité. Mais il faut payer pour tous ces services-là, et l'équité consiste à s'assurer qu'on sait tous qu'on a contribué à cet effort-là. L'équité ne consiste pas à dire: On y a tous échappé, on a tous sauvé nos meubles, personne n'est venu jouer dans la cour de personne, ça ne nous a rien coûté, à personne. Ce n'est pas ça. La contribution, c'est d'avoir le sentiment qu'on a contribué et que les autres l'ont fait et qu'on doit donc tous sentir qu'on a contribué à préserver l'avenir. Les contribuables vont le sentir, les bénéficiaires de services publics le sentiront, les clientèles et nos employés aussi. Ça doit se faire avec tous nos partenaires, et il y a des pistes intéressantes de concertation qui ont été ouvertes, qui ont été mentionnées.

Je pense au Forum pour l'emploi. Il y a, dans notre société, des gens qui se préoccupent de ces choses-là et qui veulent en discuter pour qu'on arrête ensemble des priorités. Mais, la priorité des priorités pour dégager notre marge de manoeuvre, notre capacité de protéger les programmes sociaux, de soutenir les emplois et de créer éventuellement des emplois, c'est d'assainir les finances publiques. Ça, tout le monde s'en est rendu compte. (22 heures)

M. le Président, nous aurons des responsabilités à exercer, des gestes à poser dans les semaines qui viennent. Pour le court terme, c'est difficile de dire que tout ce qu'on a entendu ici va se traduire dans les crédits 1993-1994, mais il faut au moins annoncer - et on le fera - des gestes qui, sur une période de temps raisonnable, vont permettre de dire: Nous avons redressé les finances publiques; les gens ont compris le problème; ils comprennent quelles priorités on doit privilégier; Ils sont tous prêts à contribuer. C'est dans ce sens-là, il me semble, que la commission va avoir été utile. Plus qu'utile, elle va avoir permis de réaliser un consensus autour du diagnostic - au moins, tout le monde sait ce qui se passe - et autour des solutions.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Alors, je remercie les membres de cette commission, les personnes, les groupes et organismes qui ont participé à cette commission parlementaire et y ont apporté leur collaboration positive.

La commission du budget et de l'administration ayant rempli son mandat de consultation générale sur le financement des services publics au Québec, nous ajournons maintenant sine die.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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